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French Pages 709 [710] Year 2008
TEXTES VERNACULAIRES DU MOYEN ÂGE
Volume 3
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Vies médiévales de Marie-Madeleine
Introduction, édition du corpus, présentations, notes et annexes par
Olivier Collet et Sylviane Messerli
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© 2008, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher. ISBN 978-2-503-52821-2 D/2008/0095/147 Printed in the E.U. on acid-free paper
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Pour ma mère, Madeleine Sylviane Messerli
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Remerciements Nos travaux n’auraient jamais conduit aux présents résultats sans les décennies de patients efforts fournis par les collaborateurs de l’Institut de recherche et d’histoire des textes, qui ont enrichi les divers fonds documentaires dont cet organisme dispose. À la Section romane, en particulier, nous avons eu le bonheur de voir se développer tout au long de ce projet plus qu’une simple relation scientifique avec Mmes Anne-Françoise Leurquin-Labie et Marie-Laure Savoye. Nous les remercions de la disponibilité et de la générosité dont elles nous ont témoigné en nous accueillant dans leurs locaux et en répondant à nos demandes. Les services de documentation de l’IRHT ainsi que de très nombreuses bibliothèques ont pourvu avec beaucoup d’attention à nos besoins : tous les nommer pour en rendre compte équivaudrait presque à reproduire l’inventaire des manuscrits qui ont servi à nos recherches. Nous avons consulté la majorité des exemplaires que nous avons utilisés dans leur lieu de conservation, où nous avons toujours été reçus avec amabilité. Par ailleurs, plusieurs conservateurs ou conservatrices ont effectué pour nous des vérifications sur ces documents et nous leur savons gré de leur serviabilité qui a grandement facilité notre tâche. Parmi ces nombreuses personnes, nous souhaiterions surtout mentionner : les collaborateurs de la Bibliothèque royale de Belgique, à Bruxelles, de la British Library, à Londres, de la Bibliothèque de l’Arsenal et de la Bibliothèque nationale de France, à Paris; Mme Annie Fournier, à la Médiathèque municipale de Cambrai; Mme Stella Panayotova et M. Nicholas Robinson, au Fitzwilliam Museum de Cambridge; Mme Emmanuelle Toulet, à la Bibliothèque de l’Institut (Chantilly, Musée Condé); MM. Ivan Boserup et Erik Petersen, de la Kongelige Bibliotek à Copenhague; M. Andrzej Obrebski, de la Biblioteka Jagiellonska à Cracovie; Mme Évelyne Bass, à Bibliothèque municipale d’Épinal; M. Edward T. van der Vlist, de la Koninklijke Bibliotheek à La Haye; Mme Isabelle Westeel, à la Bibliothèque municipale de Lille; M. Pierre-Édouard Wagner, à la Bibliothèque municipale de Metz; M. Ernesto Milano, de la Biblioteca Estense Universitaria à Modène; Mme Marilyn Palmeri, de la Pierpont Morgan Library à New York; M. Martin Kauffman, à la Bodleian Library d’Oxford; Mme Amanda J. Saville, au Queen’s College d’Oxford; à Paris encore, Mme Sylvie Bleton, de la Bibliothèque de l’Arsenal, Mmes Mireille Pastoureau et Fabienne Queyroux, de la Bibliothèque de l’Institut, et M. Patrick Latour, de la Bibliothèque Mazarine; Mme Sarah Toulouse, de la Bibliothèque de Rennes Métropole; M. Jean-Claude Sosnowski, de la Bibliothèque municipale à Semur-en-Auxois; Mme Danielle de Smet et le personnel de la Bibliothèque locale et principale de la Ville de Tournai, de même que les responsables de la Bibliothèque du Séminaire de Tournai; Mme Michèle
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remerciements
Prévost, à la Bibliothèque municipale de Tours; M. Thierry Delcourt, à la Médiathèque de l’Agglomération troyenne; Mme Marie-Pierre Dion, à la Bibliothèque municipale de Valenciennes. Nos déplacements ont été facilités par l’aide financière que nous a procurée la Société académique de Genève (Fonds Charles Bally), à qui nous exprimons ici toute notre gratitude pour son soutien à notre entreprise. Bien qu’elle ait fait l’objet d’études parfois très sûres dès le XIXème siècle, l’iconographie de la tradition hagiographique médiévale n’a pas toujours bénéficié des progrès qui permettent aujourd’hui de mieux étudier la production de l’importante masse documentaire qu’elle constitue (origine et datation des manuscrits, en particulier). Dans ce domaine, nous sommes très redevables à Mme Patricia Stirnemann (Institut de recherche et d’histoire des textes, Paris) et à Mme Alison Stones (Université de Pittsburgh) pour les précisions qu’elles nous ont fournies sur de nombreux exemplaires. Nos pensées vont enfin à M. Laurent Brun (Stockholm), M. Mattia Cavagna (Paris), M. Yann Dahhaoui (Genève - Paris), Mme Barbara Fleith (Genève), M. Yan Greub (Neuchâtel), M. Bruno W. Häuptli (Bâle), M. Darko Jovanovic (Genève), Mme Vukica et M. Jovan Jovanovic (Genève), M. Peter Kidd (Londres), M. Giovanni Paolo Maggioni (Molise), M. Jacques T. Quentin (Genève), Mme Brigitte Roux (Genève), M. Jean-Yves Tilliette (Genève) et M. Piotr Tylus (Cracovie), qui nous ont d’une manière ou d’une autre prêté main forte lors de nos enquêtes et ont contribué à leurs progrès.
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Introduction La littérature hagiographique a connu ces dernières décennies un intérêt croissant et son approche a fait l’objet d’un renouvellement radical par la critique1. Si la portée purement religieuse de ces textes n’est guère prise en compte depuis plus d’un siècle déjà, ceux-ci ont été abondamment exploités par l’histoire et l’histoire des mentalités, la philologie ou l’étude des sources. Après de longs et profonds dénigrements2, leur dimension littéraire commence enfin à être reconnue, et sans doute est-il temps de dépasser les idées reçues à leur sujet, que ces légendes soient écrites en latin ou en langue vernaculaire. Le présent ouvrage réunit l’ensemble des vies médiévales de Marie-Madeleine rédigées en français, même s’il est probable que de nouvelles versions ou copies seront encore découvertes. Le choix de la compagne de Christ s’imposait à plus d’un titre. Ce personnage a de tout temps nourri l’imaginaire chrétien et connaît au moyen âge un important développement. Une récente monographie tente ainsi une analyse de sa réception, latine et française, dans différentes formes d’écriture attestant de sa présence riche et variée durant cette période : vies, prières, mystères, allusions dans la littérature profane, etc3. Toutefois, autant l’époque moderne révèle la fascination que cette figure continue d’exercer, autant, pour ce qui concerne la connaissance que nous avons de ses anciennes représentations, la réflexion tourne en quelque sorte à vide. Les témoignages latins sont en grande partie accessibles, mais par des publications souvent anciennes qui ne nous fournissent qu’un éclairage insuffisant sur leur diffusion et les variations qu’ils connaissent. Quant aux représentants français de la légende, ils ne sont que très partiellement édités4 et, à l’exception des rédactions versifiées de Guillaume le La revue Hagiographica, 4, 1999, pp. 1 - 168, dresse un état des études hagiographiques des trente dernières années du XXème siècle dans différents pays européens (F. Dolbeau pour la France, « Les travaux français sur l’hagiographie médiolatine (1968-1998) » pp. 23 - 68). Voir aussi la série Hagiographies. Histoire internationale de la littérature hagiographique latine et vernaculaire en Occident, des origines à 1550, sous la direction de G. Philippart, 3 vol., Turnhout, Brepols, 1994, 1996 et 2002. On consultera par ailleurs M. Goullet, Écriture et réécriture hagiographiques. Essai sur les réécritures de Vies de saints dans l’Occident latin médiéval (VIIIe - XIIIe s.), Turnhout, Brepols, 2005, qui, outre sa réflexion sur la dimension littéraire des textes consacrés aux saints, offre une importante bibliographie mise à jour (pp. 254 - 269), et G. Philippart, « L’hagiographie comme littérature : concept récent et nouveaux programmes ? », Revue des Sciences Humaines, 251, 1998, pp. 11 - 39. 2 Contentons-nous de citer le jugement péremptoire émis par P. Meyer, qui fut pourtant le fondateur de toute la recherche consacrée aux vies de saints françaises : « en elles-mêmes, elles sont d’une valeur médiocre » (« Notice du ms. 772 de la Bibliothèque Municipale de Lyon renfermant divers ouvrages en prose française », Bulletin de la Société des anciens textes français, 11, Paris, Firmin-Didot, 1885, pp. 40 80 (p. 42)). 3 É. Pinto-Mathieu, Marie-Madeleine dans la littérature du Moyen Age, Paris, Beauchesne Éditeur, 1997. 4 É. Pinto-Mathieu s’appuie sur les rares publications disponibles et résume parfois les versions non publiées, mais elle ne fait aucun travail éditorial. La documentation qu’elle fournit à leur sujet est en outre 1
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Clerc de Normandie et de Nicole Bozon, aucun des rares textes disponibles n’a été présenté dans sa tradition manuscrite complète. Le volet documentaire de sa diffusion souffre d’un net déficit. À partir de plus d’une centaine de manuscrits, nous avons ainsi préparé le texte de quelque 30 vies de Marie-Madeleine. Une telle volonté d’exhaustivité invite peut-être à la méfiance, d’autant que le propos narratif ne varie guère d’un état à l’autre et que bien souvent les différences, d’intérêt secondaire, ne résultent que des aléas divers de l’adaptation ou de la transmission. Cette uniformité, pour ne pas dire cette monotonie, n’imposait-elle pas une sélection initiale ? Néanmoins, notre entreprise ne vise pas seulement à rendre compte de l’abondance des versions existantes et à montrer ainsi la vitalité extraordinaire de cette littérature. Ses justifications sont nombreuses, et précieuses. Un dossier complet permet tout d’abord de mettre à jour les procédés d’écriture utilisés par les auteurs. Les mécanismes de traduction se révèlent dans le contraste des récits issus d’un même original. Dans un second temps, les techniques de réécriture peuvent être mises à plat, que ce soit dans l’adaptation directe d’une rédaction vernaculaire, dans les contaminations ponctuelles d’une vie sur une autre5 ou dans le fascinant travail de « feuilletage » opéré par tel compilateur usant jusqu’à six légendes distinctes. Même si de nombreuses questions restent sans réponse, l’observation de ces phénomènes lève le voile sur les conditions de création et de circulation de nos œuvres. La découverte de témoins inconnus ou l’évaluation des associations que l’on voit se produire à l’intérieur d’une telle constellation invitent à reconsidérer les relations qui existent au sein de cet ensemble. Elles permettent de remédier à certaines des erreurs inévitables qu’entraînent des tentatives d’évaluation partielle (d’après de courts extraits, ou sur la base d’un choix restreint de copies), qu’il s’agisse du rapport de ces pièces à leurs modèles ou de leur diffusion, dans le contexte particulièrement complexe de la production des légendiers médiévaux. Une lecture attentive atteste aussi que ces récits offrent d’innombrables ouvertures à l’interprétation littéraire. L’insertion d’un détail inédit ou encore l’amplification, l’abréviation ou l’omission d’un passage, la préférence pour une formule ou la répétition d’un terme sont autant de traits que la comparaison entre plusieurs très déficiente. Parmi les ouvrages parus, on peut relever la thèse de Fr.-K. Weiss, Der « Romanz de sainte Marie Magdaleine » von Guillaume, le Clerc de Normandie, und sein Quellenkreis, Inaugural-Dissertation zur Erlangung des Doktorgrades der Philosophischen Fakultät der Westfälischen Wilhelms-Universität zu Münster, 1968 (thèse dactylographiée); parfois citée en bibliographie, mais peu consultée semble-t-il, celle-ci, bien que lacunaire, a pourtant grandement contribué à la connaissance des textes français. Elle s’attache à l’étude du « miracle de Marseille » dans onze vies en prose et sept adaptations versifiées en différentes langues et, aux pp. 85 - 147, offre une édition synoptique du Post Dominus latin, de la version en prose Aprés ce que Nostre Sires (n° 6 du présent ouvrage) et du poème de Guillaume le Clerc de Normandie (n° 5). Les références des textes édités figurent dans les présentations des versions concernées. 5 Il est évident que les auteurs enrichissent aussi leurs récits par des matériaux externes; les Évangiles sont les textes qui offrent le plus de prise à des développements adventices, mais la pastorale et d’autres sources religieuses et profanes ont été mises à contribution.
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versions rend visibles et dont la prise en compte infléchit le regard que l’on porte sur les légendes6. Les recherches lexicales que nous avons menées montrent la richesse considérable du vocabulaire de ce corpus. Notre connaissance de la langue, que ce soit pour la date d’apparition ou la localisation de certains termes ou pour l’évolution de la syntaxe, en ressort enrichie. Ce constat invite à donner à ces textes, trop longtemps négligés, la place qu’ils méritent dans les travaux à venir. Souvent considérés comme mineurs, ils nous renseignent, au même titre que la poésie ou la prose des clercs reconnus par la postérité, mais par un autre biais, tout aussi instructif, sur l’évolution du français et nous permettent de vérifier à plus large échelle l’état des pratiques de la langue. L’intérêt général porté à Marie-Madeleine a entraîné la publication de nombreuses éditions de textes rédigés dans diverses langues. Les récits latins, extraits de leur contexte et publiés de façon morcelée par É.-M. Faillon7, sont peu à peu réédités, avec un soin plus ou moins attentif. La tradition provençale est accessible de longue date grâce à une longue série d’articles de C. Chabaneau8. La récente thèse de M. Boxler9 procure une version diplomatique de quelque 35 textes allemands relatifs à Marie-Madeleine, dont huit adaptations de la Légende dorée. Des vies écrites en anglais et en franco-provençal sont également disponibles10. Face à Ainsi, entre de très nombreux exemples au gré de celles-ci, quel sens donner à la confrontation entre l’effroi des marins que menace la tempête et l’absence de peur de Marie-Madeleine au tombeau ? À la mise en parallèle des apostrophes « Lève-toi ! » adressées à Lazare ou à Étienne de Flandres ? Au contraste qu’offre le visage rayonnant de colère ou d’extase de la sainte lors de son apparition aux époux de Marseille et à Maximin ? À la rencontre des propos choisis pour traduire le renoncement de Marie-Madeleine et des siens aux biens matériels et la situation du prisonnier endetté dans l’un des miracles qui concluent la vie ? 7 Monuments inédits sur l’apostolat de sainte Marie-Madeleine en Provence et sur les autres apôtres de cette contrée, saint Lazare, saint Maximin, sainte Marthe et les saintes Maries Jacobé et Salomé, 2 vol., Paris, Migne, 1848. Son travail est au reste peu accessible. Nous renvoyons à l’article de G. Lobrichon, qui résume à grands traits les écrits de V. Saxer et donne les références exactes des textes latins édités : « La Madeleine des Bourguignons aux XIe et XIIe siècles », Marie Madeleine dans la mystique, les arts et les lettres. Actes du colloque international Avignon 20 - 21 - 22 juillet 1988, publiés par È. Duperray, Beauchesne Éditeur, 1989, pp. 71 - 88. La poésie latine est bien étoffée; J. Szövérffy analyse quelque cent soixante poèmes liturgiques consacrés à Marie-Madeleine (« ‘Peccatrix quondam femina’ : A Survey of the Mary Magdalen Hymns », Traditio, 19, 1963, pp. 79 - 146). Dans un numéro consacré à la réécriture hagiographique, J.-Y. Tilliette fait un rapide commentaire de l’hymne, magnifique, en l’honneur de notre sainte, O Maria noli flere, vraisemblablement rédigé par Philippe le Chancelier (« Hymnes et séquences hagiographiques : Formes et fonctions de la réécriture lyrique des vies de saints », Hagiographica, 10, 2003, pp. 161 - 181 (p. 177)). Rappelons enfin l’existence du très précieux répertoire des Bollandistes (références complètes dans notre Bibliographie). 8 Revue des langues romanes de 1883 à 1886 (Troisième série, t. 9, pp. 105 - 115; t. 10, pp. 53 - 63; t. 11, pp. 105 - 132 et pp. 157 - 188; t. 12, pp. 105 - 133; t. 13, pp. 105 - 120 et pp. 261 - 268; t. 14, pp. 5 - 23 et pp. 53 - 71; t. 15, 261 - 283). Le travail éditorial de C. Chabaneau mériterait certes une révision. Voir aussi M. Tausend, Die altokzitanische Version B der ‘Legenda aurea’. Ms. Paris, Bibl. nat., n. acq. fr. 6504, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1995, pp. 210 - 220. 9 ‘ich bin ein predigerin und apostlorin’. Die deutschen Maria Magdalena-Legenden des Mittelalters (1300 - 1550). Untersuchungen und Texte, Berne, etc., Peter Lang, 1996. 10 C. Horstmann, Sammlung altenglischer Legenden, Heilbronn, Henninger, 1878, pp. 148 - 170; Altenglische Legenden: Kindheit Jesu, Geburt Jesu, Barlaam und Josaphat, St. Patrik’s Fegefeuer, aus den verschiedenen Mss. zum ersten Male hrsg. von C. Horstmann, Paderborn, F. Schöningh, 1875; An Old 6
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la richesse de ce matériau, on se prend à rêver qu’il sera un jour possible de dessiner les contours d’une histoire de la transmission culturelle en Europe grâce à l’étude des rapports entre ces rédactions et, plus largement, à la compréhension du fait de civilisation que constitue pour cette période la diffusion de la matière hagiographique11. L’analyse d’un ensemble complet de versions nous fait aussi mesurer l’importance relative des sources exploitées. Même si la recherche de « l’original » au principe de chacune de nos légendes se révèle vaine, il apparaît clairement que toutes nos vies, à l’exception de la plus ancienne (n° 1) et de la première partie du n° 4, découlent, directement ou par un intermédiaire, de textes latins. Le nombre de ceux-ci est du reste très limité. Ainsi, la matière ne change pas drastiquement au fil du temps, ce qui reflète la permanence de la tradition utilisée par les auteurs. Bientôt cependant, les adaptateurs français en viennent aussi à se servir de modèles vernaculaires qu’ils remanient, réécrivent, modernisent et comparent sans doute à leurs originaux, au lieu de procéder à de nouvelles traductions. La Légende dorée de Jacques de Voragine s’impose sans surprise comme le support de la plupart des adaptations de notre corpus12. Quatorze versions sont issues de cette compilation. L’Adbreviatio in gestis et miraculis sanctorum de Jean de Mailly, au même titre que le Speculum Historiale de Vincent de Beauvais, complète cette tradition nourrie par les milieux dominicains13 et atteste du rôle English Martyrology, re-edited from manuscripts in the libraries of the British Museum and of Corpus Christi College, Cambridge, with introduction and notes by G. Herzfeld, Londres, Kegan Paul, Trench, Trübner & Co Ltd, 1900 (EETS, 116), pp. 126 sq.; The Early South-English Legenderay or Lives of Saints. MS Laud 108, ed. by C. Horstmann, 1887 (Millwood, New York, Kraus Reprint Co. 1975), pp. 462 - 480 (EETS, 87); Gilte legende, ed. by R. Hamer with the assistance of V. Russell, Oxford, Oxford University Press, 2006, pp. 469 - 480 (traduite en 1438 d’après le texte de Jean de Vignay, 3 vol. prévus); H. Stimm, Altfrankoprovenzalische Übersetzungen hagiographischer lateinischer Texte aus der Handschrift der Pariser Nationalbibliothek fr. 818. I. Prosalegenden, Mainz, Akademie der Wissenschaften und der Literatur Wiesbaden, 1955 (texte édité, pp. 44 - 59; notes, pp. 157 - 165). 11 C’était l’un des buts poursuivis par l’équipe du Séminaire d’histoire des textes de l’École normale supérieure qui a travaillé au dossier sur sainte Pélagie (Pélagie la pénitente. Métamorphoses d’une légende. Tome I. Les textes et leur histoire : grec, latin, syriaque, arabe, arménien, géorgien, slavon. Tome II. La survie dans les littératures européennes, dossier rassemblé par P. Petitmengin et alii, 2 vol., Paris, Études augustiniennes, 1981 et 1984). Par ailleurs, les éditions critiques récentes qui donnent peu à peu accès à telle ou telle vie de saints permettent de mieux comprendre les rapports entre les légendes elles-mêmes et les légendiers dans leur ensemble. 12 En 1904, P. Meyer (« Notice du ms. Med.-Pal. 141 de la Laurentienne (vies de saints) », Romania, t. 33, 1904, pp. 3 - 5) avait dressé une première liste des traductions françaises de la Légende dorée de Jacques de Voragine; B. Dunn-Lardeau donne un tableau plus fourni de la branche française de la Legenda aurea dans son édition : La Légende dorée. Édition critique, dans la révision de 1476 par Jean Batallier, d’après la traduction de Jean de Vignay (1333-1348) de la Legenda aurea (c. 1261-1266), Paris, Honoré Champion, 1997, p. 41, voir aussi son article « Étude autour d’une Légende dorée (Lyon, 1476) », Travaux de linguistique et de littérature, 24, 1, 1986, pp. 257 - 294. Rappelons par ailleurs que Jacques a rédigé cinq sermons sur notre sainte, cf. Sermones Quadragesimales, ed. critica a cura di G. P. Maggioni, Florence, Sismel, Edizioni del Galluzzo, 2005, pp. 320 - 330 : résurrection de Lazare, Marthe et Marie (Jean 11), pp. 391 403 : femme pécheresse (Luc 7), pp. 512 - 517 : les trois Marie (Marc). 13 Dans son Liber epilogorum in gesta sanctorum (ed. critica a cura di E. Paoli, Florence, Sismel, Edizioni Galluzzo, 2001, pp. 187 sq.), Bartholomé de Trente raconte la vie évangélique de Marie-Madeleine; la venue à Marseille, puis à Aix avec saint Maximin et la vie contemplative en compagnie des anges sont très brièvement évoquées. Il n’est pas fait allusion au miracle de Marseille (voir aussi Passionale de
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fondamental joué par l’ordre des frères prêcheurs dans l’élaboration de la matière hagiographique. Les autres textes employés par les compilateurs médiévaux sont antérieurs à la Légende dorée : ceux dont sont tirées les adaptations n° 6 et 7 (ainsi que les versions rattachées à ces deux groupes) proviennent sans doute de légendiers latins constitués qui utilisent les mêmes sources que les recueils dominicains. On y distingue le Postquam Dominus, le Fuit igitur secundum saeculi fastum ou l’Interea beata Maria Magdalena. L’agencement de ces différents segments de la légende de Marie-Madeleine ainsi que de rares spécificités narratives distinguent ces rédactions les unes des autres. Seules deux versions se démarquent par la filière qu’elles exploitent : la seconde partie du n° 4, conservé dans un manuscrit d’origine italienne, traduit le Josephus narrat, et le n° 9, de provenance bourguignonne, se sert du Nunc ergo largiente Domino. Le recueil conservé à la Bibliothèque universitaire de Bologne (n° 24), compilation d’éléments divers, reprend lui aussi ce texte latin dans son récit de la translation des reliques à Vézelay. L’énumération de ces sources manifeste l’importance des légendiers à l’origine des vies médiévales de Marie-Madeleine. Le même constat peut être dressé en aval de leur transmission. L’analyse des manuscrits dans lesquels apparaissent les légendes vernaculaires de notre sainte montre que la très grande majorité des textes en prose sont intégrés dans des recueils de ce type, refonte complète ou partielle, homogène ou composite de volumes latins. Plus des deux-tiers de nos adaptations sont insérées dans de tels ouvrages. La vie de la pécheresse repentie y est ainsi présente au même titre que celles d’autres saints. Nos récits sont de la sorte autant, si ce n’est plus, un témoignage de la vitalité de ce genre hagiographique entre les XIIIème et XVème siècles que de la popularité de la seule Marie-Madeleine. Ainsi, étonnamment, la diffusion indépendante de nos textes est très restreinte. Des versions en prose, seules celles de Nantes (Musée Dobrée, 5; n° 1)14 et de la Bibliothèque du Vatican (n° 4), ainsi que l’adaptation de la Légende dorée du manuscrit Londres, British Library, Royal 20. B. II (n° 20) et la compilation de Bologne (Bibliothèque universitaire 893; n° 24) ne figurent pas dans des légendiers. Il est à noter toutefois que les vies sont parfois extraites de leur contexte primitif pour compléter des recueils hétérogènes, souvent des volumes personnels à visée pieuse. Les exemples conservés15 laissent penser que ce phénomène est limité et relativement tardif. sanctis, ed. D. Gobbi, dans Bartolomeo da Trento, domenicano e agiografo medievale, R. Grégoire et alii, Trente, Gruppo culturale Civis, Biblioteca Cappuccini, 1990). Nous ne connaissons pas de traduction française médiévale de cet ouvrage. 14 Cette caractéristique rend la plus ancienne rédaction française de nos vies d’autant plus remarquable. 15 Il s’agit pour la version n° 6 des manuscrits Copenhague, Det Kongelige Bibliotek, Thott 517-4°, du dernier quart du XIVème siècle, et Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 25532, des années 1260 1270 environ; pour la version n° 14, de La Haye, Koninklijke Bibliotheek, 73.E.6, écrit vers 1470; et pour
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Trois poèmes ont en outre été conservés, auxquels s’ajoutent un fragment de 78 vers tiré d’une reliure (Trèves, Stadtbibliothek/Stadtarchiv, Mappe VIII) et le début d’une vie en strophes d’alexandrins monorimes dont la fin est aujourd’hui perdue (York, Minster Library and Archives, ms. XVI. K. 13). Moins que leur nombre, c’est la date de leur rédaction supposée qui surprend. Le plus ancien remonte en effet aux années 1210 - 1240 tandis que le dernier appartient peut-être à la première moitié du XIVème siècle, ce qui souligne le caractère assez tardif de cette production par rapport aux traditions versifiées françaises d’autres figures hagiographiques.
Origine et destination des versions françaises Dès le premier article qu’il consacrait aux légendiers, P. Meyer s’interrogeait sur la destination des adaptations vernaculaires : « (...) il faudrait chercher quand ces versions ont été faites et à quelle classe de lecteurs elles étaient destinées. J’imagine qu’elles ont été faites, au moins en partie, pour être lues pendant les repas, dans les couvents de femmes. Mais, parmi les légendes traduites du latin, on en trouve quelques-unes qui sont certainement la mise en prose de légendes en vers français. Il y a là, comme on voit, toute une série de recherches à faire, de questions à résoudre »16. Malgré l’invitation que l’éminent chercheur adressait à la critique, force est de reconnaître qu’aujourd’hui encore les réponses apportées demeurent floues. À l’instar de toute la matière hagiographique, la légende de Marie-Madeleine nous confronte à une multiplicité théorique de destinataires qui donne une pertinence à sa variété, même si nous n’en saisissons souvent pas les causes. Elle semble répondre aux besoins de vulgarisation des récits pieux auprès de communautés religieuses, mais aussi de laïcs ou de riches particuliers. Son essor nous révèle les tentatives d’auteurs pour rendre cette tradition accessible à divers récepteurs, avec des capacités et des fortunes variables, que les entreprises résultent de commandes aristocratiques ou de nécessités plus populaires. Les indications fournies par les traducteurs eux-mêmes ou par les copistes sont rares et restent imprécises. Aux déclarations, déjà connues, de deux auteurs rédigeant pour l’aristocratie, Jean de Vignay17 et l’adaptateur de la Légende dorée la version n° 19, de Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 409, de la seconde moitié ou de la fin du XIVème siècle, voire peut-être du XVème siècle. 16 « Notice du ms. 772 de la Bibliothèque Municipale de Lyon », art. cit., p. 42. P. Meyer s’inspire sans doute du célèbre ex-libris, postérieur à l’exécution du manuscrit, qui figure dans le recueil Add. 70513 de la British Library, à Londres (« ce livre deviseie a la priorie de Kanperseie de lire a mangier »; cf. version n° 5). 17 Voir le prologue de l’auteur : « (...) et pource que il m’est avis que c’est souverain bien faire entendre aus gens qui ne sont pas lectrés la naissance, les vies, les passions et les mors des sains et aucuns autres fais nottoires des temps passés, me suy je mis a transalter en françois la legende des sains qui est dicte legende doree (...) » (Paris, Bibliothèque Mazarine, 1729, f° 1 r°).
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destinée à Béatrice de Bourgogne18, ne s’ajoutent dans notre corpus que l’argumentaire d’une traduction anonyme de la même source, destinée à des moines, et le colophon d’un manuscrit conservé à Leyde, compilé par une femme pour une abbaye de nonnes19. Partant du principe que l’écriture et le contenu d’un texte sont susceptibles de varier en fonction du public auquel il s’adresse, le nombre élevé de vies de MarieMadeleine disponibles aujourd’hui aurait permis d’espérer que leur comparaison aboutirait à mieux cerner leurs destinataires premiers. Mais, si de rares versions manifestent une origine courtoise ou monastique, la plupart ne donnent que peu de prise à des affirmations tranchées. Aussi n’avançons-nous nos remarques sur l’une ou l’autre de ces légendes qu’avec beaucoup de précautions, et nos spéculations devront être confirmées par l’étude de l’ensemble des pièces de même veine. On peut de plus observer que plusieurs de nos rédactions sont reproduites dans des recueils enluminés, alors que l’iconographie est presque absente des légendiers latins. Cette spécificité atteste du rôle nouveau joué par les textes rédigés en langue vulgaire. Une étude approfondie de ce phénomène, partant une analyse plus poussée de ces objets par les codicologues et les historiens de l’art, favoriserait sans nul doute une meilleure connaissance des milieux d’émergence et de destination de nos écrits. Pour une très grande partie des pièces que nous éditons et pour une proportion importante des copies qui nous les ont transmises, il est impossible d’exprimer un rattachement géographique convaincant; et celui-ci demeure presque toujours hypothétique lorsque nous y parvenons. La datation des unes et des autres, et surtout des rédactions primitives de nos poèmes ou récits, s’avère tout aussi problématique dans la plupart des cas. Le panorama qu’illustrent les vies de MarieMadeleine laisse néanmoins apparaître quelques caractéristiques intéressantes. En premier lieu, sur les cinq textes versifiés que nous possédons aujourd’hui, quatre ont à coup sûr une origine anglo-normande (no 5, 13, 26 et 27), ce qui vaut peut-être aussi pour le cinquième (n° 8). Le Nord constitue une région active, mais 18 Cette précision apparaît au f° 1 r° du manuscrit Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 23114 : « (...) Et aucuneffois pour le commun prouffit generalement si sont leurs biaux fais translaté en rommant et en commun langaige pour raison de ce que cil qui sont rude et ignorant les peuissent mieulx entendre et petit et grant bon exemple prendre (...) ». 19 « (...) Combien que le legende d’or ait esté translatee par pluseurs notables clers, des quels je ne soufis considerer le science et eloquence, che non obstant par command de obedience, car je n’ai point volu par arrogance deffendre mon ignorance, ai emprins cheste translation. (...) Item a le frequente supplication de aucuns bons freres qui, poeult estre, ne ont point grande connoissance de le langue latine et par carité, qui che volume et aultre me a fait emprendre. (...) » (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1054, f° 401 r°). « L’an .LXXVII. fut fait et acomplis par sour Johanne de Malone cest legent dore manant a sains Victor, dit por son ame Resquiescant in pace. Amen » (Leyde, Universiteitsbibliotheek, B.P.L., 46A, f° 188 c), colophon cité d’après M. Thiry-Stassin, « Johanne de Malone : une rédactrice atypique de vies de saints (Leyde, BPL 46A) », « Scribere sanctorum gesta ». Recueil d’études d’hagiographie médiévale offert à Guy Philippart, édité par É. Renard, M. Trigalet, X. Hermand et P. Bertrand, Turnhout, Brepols, 2005 (Hagiologia. Études sur la Sainteté en Occident, vol. 3), p. 507, note 3.
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surtout pour ce qui concerne la diffusion de notre corpus. Dix des manuscrits que nous avons employés dans nos éditions proviennent en effet de l’aire picarde, tandis que quatre se rattachent au Hainaut, à la Flandre ou à la Wallonie. La production septentrionale ou du Nord-Est est même susceptible de couvrir environ un tiers de nos représentants si l’on tient compte des exemplaires dont l’origine reste incertaine. En revanche, le n° 19 est le seul texte dont l’origine picarde, ou peut-être wallonne, ne semble pas faire de doute, même si quatre autres rédactions (no 1, 16, 17 et 22) ont peut-être à faire avec l’une ou l’autre de ces parties du domaine d’oïl. Enfin, peu de nos récits ont été composés ou recopiés ailleurs : une seule version (n° 9) plonge ses racines dans le sud-est de l’espace francophone, d’où sont clairement venus trois manuscrits. Aucune ne paraît avoir été élaborée en Lorraine, qui n’a produit qu’un de nos exemplaires de référence. Enfin, le n° 10 et les deux copies qui nous le font connaître seraient de provenance auvergnate. Ce constat appuie les informations que l’on peut tirer du survol des textes hagiographiques français réalisé par G. Brunel-Lobrichon, A.-F. Leurquin-Labie et M. Thiry-Stassin, même si la prédominance picarde n’est pas aussi nette dans notre ensemble20. Il rejoint aussi les observations générales sur la mise en circulation des textes littéraires aux XIIIème et XIVème siècles. Il faut néanmoins se demander dans quelle mesure cette situation résulte d’un plus haut niveau de production matérielle et de diffusion, ou d’une meilleure conservation dans les régions septentrionales du domaine d’oïl. Qu’en est-il par ailleurs de la chronologie des pièces elles-mêmes et de leur transmission ? L’absence de preuves concrètes (datations explicites) pour l’essentiel de nos rédactions nous livre presque à l’arbitraire de notre jugement, ou plutôt au type d’intuition dont un pionnier comme Paul Meyer a su faire usage avec une sûreté qui force le respect. Des indices occasionnels peuvent nous guider, mais dans la plupart des cas, ils ne nous servent qu’à ébaucher ou à affermir les contours de nos appréciations. Entre le début du XIIIème siècle, date du plus ancien spécimen de ce qui représente par ailleurs la première version française de notre corpus (Nantes, Musée Dobrée, 5; n° 1), et la fin du moyen âge où les manuscrits de grande valeur sont contrebalancés par de nombreuses copies de médiocre qualité, nous ne voyons donc émerger qu’une continuité sinon indistincte, du moins peu claire dans ses articulations, exception faite du jalon que nous offre la Legenda aurea. Il y a en effet clairement un avant et un après Jacques de Voragine. Toutefois, l’émulation suscitée par le recueil de l’auteur dominicain entraîne corollairement une grande difficulté à en distinguer les dérivés. En tout état de cause, nous ne pourrons donc nous servir de repères temporels qu’avec une extrême prudence,
20 « L’hagiographie de langue française sur le Continent, IXe - XVe siècle », Hagiographies. Histoire internationale de la littérature hagiographique latine et vernaculaire en Occident, des origines à 1550, sous la direction de G. Philippart, vol. II, Turnhout, Brepols, 1996, pp. 291 - 371 (voir en particulier la carte n° 8, p. 292).
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qu’il s’agisse pour nous d’un instrument d’analyse ou d’un simple moyen de classement (voir infra, nos observations sur la structure de cet ouvrage).
Marie-Madeleine Les tableaux de Georges de La Tour nous ont familiarisés avec l’image d’une Marie-Madeleine faite d’ombres et de lumières. Figure de la pécheresse illuminée par la grâce, la sainte offre un visage humain au chrétien repentant, elle incarne, au sens propre, donne corps à l’amour divin. Cette compagne si célèbre de Jésus n’existe pourtant pas dans les textes évangéliques. Marie-Madeleine est un personnage composite, réunissant les traits de différentes femmes de la Bible. Les Écritures parlent en effet d’une Marie de Magdala, que le Christ libère « de sept démons » avant qu’elle ne mette ses biens au service des apôtres21. Mathieu et Marc mentionnent la Magdaléenne au nombre des femmes venues de Galilée pour servir le Christ et qui assistent « de loin » au calvaire sur le Golgotha, puis à la mise au tombeau. Chez Jean, elle se tient « près de la croix », en compagnie de la Vierge Marie et de sa sœur22. Les Évangiles s’accordent pour la montrer devant la Sépulture vide, porteuse des aromates destinés au corps du crucifié23. Première à voir le Christ ressuscité24, première à croire en sa Résurrection, première à porter cette nouvelle aux apôtres, Marie de Magdala est un témoin essentiel de la foi chrétienne25. Très tôt, la tradition patristique latine a assimilé cette Marie de Magdala à plusieurs personnages des Évangiles26. La femme délivrée des sept démons, interprétés comme les sept péchés capitaux, fut identifiée à « la pécheresse » anonyme de Luc27, qui lave de ses larmes puis essuie de ses cheveux les pieds du Christ chez Simon le Pharisien et se voit accorder le pardon. L’homonyme de la Magdaléenne, Marie de Béthanie, qui oint la tête de Jésus chez Simon le Lépreux et annonce Luc 8, 2 et Marc 16, 9. Matthieu 27, 56 et Marc 15, 40; Jean 19, 25. Matthieu 28,1; Marc 16, 1; Luc 24, 10 et Jean 20, 1. 24 Matthieu 28, 1 -10; Luc 24, 1 - 12; Marc 16, 9 - 11; Jean 20, 11 - 18 (rencontre avec le Christ jardinier, Noli me tangere). 25 Parmi les nombreuses études qui analysent ce rôle, on peut citer : R. Bauckham, Gospel Women. Studies of the Named Women in the Gospels, Londres, New York, T&T Clarke, 2002; E. De Boer, The Gospel of Mary beyond a Gnostic and a Biblical Mary Magdalene, Londres, New York, T&T Clark, 2004; S. Haskins, Mary Magdalen, Myth and Metaphor, 1993, New York, Riverhead Book, 3ème éd., 1995; K. L. Jansen, The Making of the Magdalen. Preaching and Popular Devotion in the Later Middle Ages, Princeton, Princeton University Press, 2000; C. Setzer, « Excellent Women : Female Witness to the Resurrection », Journal of Biblical Literature, 116, 1997, pp. 259 - 272. 26 M. Join-Lambert, « Marie-Madeleine. Introduction exégétique », Marie Madeleine dans la mystique, les arts et les lettres. Actes du colloque international Avignon 20 - 21 - 22 juillet 1988, publiés par È. Duperray, Paris, Beauchesne Éditeur, 1989, pp. 15 - 19, fournit une présentation synthétique de la figure de la sainte dans les textes évangéliques. 27 Luc 7, 36 - 50. 21
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ainsi sa mort à venir28, a dès lors été confondue avec ce nouveau personnage. Marie de Magdala devenait la sœur de Marthe, hôtesse affairée à son office29, et de Lazare, ressuscité des morts30. Le moyen âge, après saint Grégoire qui accrédite définitivement l’identité des trois femmes31, transmet sans la mettre en question cette figure unifiée de la sainte. Il crée en outre, de toutes pièces, une vie légendaire à la pécheresse, lui invente une histoire fabuleuse après l’Ascension du Christ, prenant ainsi le relais des textes évangéliques. Les travaux magistraux de V. Saxer32 ont dévoilé le rôle décisif joué par l’abbaye de Vézelay dans le développement de ce récit. Sous l’impulsion de l’abbé Geoffroy, élu en 1037, un véritable dossier liturgique et hagiographique fut forgé en moins d’un demi-siècle. La tradition latine, riche et complexe, rend compte des étapes dans la constitution de cette légende. Les textes français héritent de la sorte d’une tradition déjà constituée, qui montre Marie-Madeleine fuir la Palestine en compagnie de Maximin pour prêcher à Marseille et à Aix avant de se retirer dans un lieu désert qu’elle ne quitte que pour mourir. Ses reliques seront alors transférées à Vézelay et plusieurs miracles accomplis en son nom.
Le « miracle de Marseille » À leur arrivée en Gaule, les chrétiens chassés de Judée ne trouvent personne pour les héberger, ils se réfugient sous le porche d’un temple, où Marie-Madeleine prêche la foi nouvelle. Après son apparition menaçante lors de visions nocturnes au couple des seigneurs de la ville, la sainte et ses compagnons sont enfin accueillis dignement. Le prince promet de croire en Dieu en échange d’un enfant. La prière exaucée, le couple se rend auprès de saint Pierre, mais la femme enceinte accouche Matthieu 26, 1 - 23; Marc 3 - 9; chez Jean, 12, 1 - 11, Marie oint les pieds du Christ à Béthanie. Marie, assise aux pieds du Christ « a choisi la meilleure part » (Luc 10, 42). 30 Jean 11, 1 - 44. 31 « Celle que Luc appelle la pécheresse, que Jean nomme Marie, c’est celle-là même, nous le croyons, de laquelle au témoignage de Marc, sept démons furent chassés » (Hom. XXXIII, P.L. LXXVI, col. 1238), cité par V. Saxer, Le culte de Marie-Madeleine en Occident des origines à la fin du moyen âge, préface de H. I. Marrou, 2 vol., Auxerre, Publications de la Société des Fouilles Archéologiques et des Monuments Historiques de l’Yonne, et Paris, Librairie Clavreuil, 1959, p. 3. Il faudra la querelle de Jacques Lefèvre d’Étaples au début du XVIème siècle pour mettre en cause cette conception. 32 À la fulgurante prospérité de Vézelay succédera dès le début du XIIIème siècle une décadence dont Sainte-Baume tirera profit. Sur l’émergence puis le déclin du culte de Marie-Madeleine à Vézelay, du milieu du XIème siècle au dernier sursaut que marque la vérification des reliques en 1265, on consultera l’ouvrage de V. Saxer, Le culte de Marie-Madeleine en Occident, op. cit., et Le dossier vézelien de Marie Madeleine. Invention et translation des reliques en 1265-1267. Contribution à l’histoire du culte de la sainte à Vézelay à l’apogée du Moyen âge, Bruxelles, Société des Bollandistes, 1975, ainsi que les nombreux articles de cet auteur. On peut faire remarquer que la plupart des adaptations vernaculaires sont postérieures à la grandeur de Vézelay; elles perpétuent néanmoins la légende de la translation des reliques en Bourgogne. 28 29
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d’un fils au cours d’une tempête, puis meurt. La défunte et le nouveau-né sont laissés sur une île, tandis que le mari éploré poursuit son voyage et visite les lieux saints en compagnie de Pierre. Lors de son retour au pays, il fait halte à l’endroit où il avait abandonné les siens, découvre son enfant jouant sur le rivage, puis s’approche du corps intact de son épouse qui s’éveille à la prière qu’il adresse à Dieu et à Marie-Madeleine. Le couple reconnaissant retourne à Marseille, se fait baptiser par Maximin et détruit tous les temples païens pour ériger des églises chrétiennes. Cet épisode, communément appelé le « miracle de Marseille » et raconté dans toutes les versions vernaculaires, est au cœur de la vie légendaire de Marie-Madeleine. Son canevas narratif s’enrichit au gré des récits latins et des adaptations françaises, mais il n’est pas possible de déterminer un enchaînement d’un texte à l’autre. De la trame sommaire des rédactions n° 1 ou de Jean de Mailly (n° 2) à Jacques de Voragine, les n° 4, 6 et 7 apparaissent comme des étapes dans la transmission. Comme nous l’avons déjà indiqué, le plus ancien témoin de ce miracle est, à notre connaissance, un manuscrit vernaculaire qui paraît remonter au début du XIIIème siècle (Nantes, Musée Dobrée, 5; n° 1). Or, les premiers exemplaires latins relatant l’histoire du couple de Marseille, le Postquam Dominus, semblent également dater du XIIIème siècle et, surtout, présentent une structure narrative plus élaborée. La discussion sur les sources de ce miracle s’avère peu substantielle, elle oscille entre l’affirmation que le texte français est tiré de la version latine ou qu’il en représente la mise par écrit originelle33. Même si, au regard de la production hagiographique contemporaine, l’antériorité d’une version latine semble plus probable, rien, en l’état de la recherche, ne permet d’asseoir la moindre conclusion à ce sujet. Quoi qu’il en soit, il est toutefois douteux, même si l’idée est séduisante, de considérer l’histoire d’Apollonius de Tyr comme l’« origine première » de ce récit34. La fertilité accordée à un couple stérile, la mort supposée en mer, la souveraine défunte retrouvée par un mari aimant, l’enfant élevé sans sa mère sont autant de
Voir la présentation de cette rédaction. L’idée est avancée par G. Huet, « Un Miracle de Marie-Madeleine et le Roman d’Apollonius de Tyr », Revue de l’histoire des religions, 74, 2, 1916, pp. 249 - 255, puis reprise telle quelle par J. Chocheyras, « Le ‘Miracle de Marseille’, ses sources et ses représentations », La Littérature d’inspiration religieuse : théâtre et vies de saints. Actes du colloque d’Amiens des 16, 17 et 18 janvier 1987, publiés par D. Buschinger, Göppingen, Kümmerle Verlag, 1988, pp. 41 - 48. Elle revient chez É. Pinto-Mathieu (Marie-Madeleine dans la littérature du Moyen Age, op. cit., p. 144). Il suffit pourtant de lire le résumé du passage relevé par ces critiques pour mettre en doute une telle hypothèse, malgré les « mutations » subies par l’histoire (plus connue pour sa mise en scène de l’inceste consommé par le roi Antiochus et pour l’énigme que celui-ci impose aux prétendants de sa fille). En effet, c’est d’un enfant de sexe féminin que l’épouse d’Apollonius accouche en mer, avant de paraître mourir. Son corps, placé dans un cercueil et abandonné aux flots, échoue à Éphèse, où il est ranimé. Le nouveau-né est confié à une nourrice. Après bien des péripéties, la famille est réunie.
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motifs qui suggèrent un apport de la tradition « folklorique »35. Il est cependant aisé de remarquer combien ce récit se nourrit aussi des parallèles avec la vie du Christ et avec la geste de la Marie-Madeleine évangélique. L’accueil hostile des habitants de Marseille répond à l’hospitalité refusée à Joseph et Marie par les gens de Bethléem et la résurrection de la parturiente rejoue celle de Lazare, prodiges qui ouvrent ceux qui y assistent à la foi. La conversion même des époux qui, de Marseille à Jérusalem, font le voyage inverse de Marie-Madeleine, résonne du repentir de la sainte. Celle qui veillait aux nécessités du Christ prodigue maintenant ses soins à l’enfant délaissé. La cupidité des navigateurs, qui n’acceptent d’accoster qu’en échange d’argent, se mesure quant à elle à la convoitise de Judas inquiet de voir lui échapper les trente deniers du parfum de l’onction. En parallèle, la dame de Marseille prend subrepticement les traits d’Ève : traitée de « serpente » par Marie-Madeleine, elle accouche dans la douleur. Cette femme, qui n’entend pas les ordres proférés par la sainte, évoque la faute commise dans le jardin d’Éden. Elle rappelle par ricochet que Marie-Madeleine, en passant de la luxure à l’extase spirituelle, est celle qui participe d’Ève et de Marie. Tout au long du récit, la sainte cumule les paradoxes. Le contraste est ainsi surprenant entre cette Marie-Madeleine tout affairée en chambrière et accoucheuse de la femme enceinte et celle qui encourt les reproches de sa sœur pour être restée à l’écoute du Christ tandis que Marthe s’activait. Dans les miracles, c’est une luxurieuse repentie sans descendance qu’appellera la parturiente dans la tempête.
Retraite et miracles Les autres épisodes de la vie de Marie-Madeleine se fondent eux aussi sur des réminiscences de la vie du Christ. Si la retraite érémitique de Marie-Madeleine bénéficie d’une influence évidente de la légende de Marie l’Égyptienne36, la rencontre avec l’ermite réactive le souvenir du Christ ressuscité et donne un sens nouveau à la scène. Les appels répétés à l’adresse de la sainte cachée dans sa grotte font écho aux recherches de Marie éplorée devant le Tombeau vide; l’impossibilité pour l’ermite de l’approcher résonne du « Noli me tangere »; et la demande d’aller annoncer sa fin à Maximin évoque les paroles du Christ à Marie (cf. Jean 20, 17). 35 É. Pinto-Mathieu a beaucoup parlé de « l’intrusion d’un merveilleux folklorique dans la légende vernaculaire » (Marie-Madeleine dans la littérature du Moyen Age, op. cit., titre de chapitre, p. 111). Mais l’influence des romans latins, indéniable pour la littérature hagiographique en général, est aussi pour beaucoup dans le traitement de ces motifs. 36 Rappelons que « L’homophonie entre la pécheresse d’Egypte et Marie de Magdala a engendré de nombreuses contaminations entre les deux hagiographies, alimentées par un même péché de luxure, et ce, surtout de la vie de l’Egyptienne vers celle de Marie-Madeleine », É. Pinto-Mathieu, « Trois vies de pécheresses repenties : les saintes Marie l’Egyptienne, Marie-Madeleine et Thaïs », Revue des Sciences Humaines, 251, 3, 1998, pp. 89 - 109 (p. 89). Voir nos remarques dans les présentations des versions no 4 et 13.
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Mais il est évident aussi que ce récit rejoue des éléments de la vie même de Marie-Madeleine. L’aridité du lieu de sa retraite, où ne poussent ni herbes ni arbres, rappelle l’île au sol si dur qu’il empêche l’ensevelissement de la femme morte en couches; le chant des anges qui sustente la sainte s’enrichit d’une signification nouvelle dans le rapprochement qu’il induit avec la nourriture apportée au nouveau-né, elle-même souvenir de l’allaitement du Christ par Marie célébré par Marcelle. De la même façon, le choix des miracles qui complètent la légende engage le texte entier. Ainsi, par exemple, la guérison à Vézelay du pèlerin aveugle rappellet-elle l’intervention du Christ en faveur de Cédonius. Il est en outre intéressant d’observer que ces récits font apparaître Marie-Madeleine comme la sainte des prisonniers, des endettés ou des débauchés. Ce portait reflète l’image de la pécheresse qui osa s’approcher du Christ malgré l’indignation des bien-pensants. Notre sainte occupe ainsi une place sociale aussi scandaleuse que celle du Christ choisissant la pauvreté. Concluons par une image. Lorsque le moine envoyé à la recherche des reliques de Marie-Madeleine découvre le tombeau dans une ville en ruines, il reconnaît le sépulcre grâce à des sculptures taillées dans le marbre. Celles-ci retracent l’histoire de la compagne du Christ, que le texte vient de raconter. Cette mise en abyme de la vie de Marie-Madeleine sur son lieu de mort prend un relief particulier dans les traductions en langue vernaculaire, elles-mêmes translatio d’un texte latin en français. Elle contraste avec la cédule posée sur l’autel de la sainte où tous les péchés du pèlerin repentant s’effacent et atteste par contrecoup de l’importance de la lettre du texte. Peut-on souhaiter plus belle invitation à la lecture ?
Corpus L’abondance du matériau disponible nous invitait à délimiter notre corpus avec précision et à exclure de nombreux textes dans lesquels notre sainte apparaît. Nous avons ainsi restreint notre choix aux « vies » à proprement parler de Marie-Madeleine, à l’exception de l’adaptation française de sa légende contenue dans le Speculum historiale de Vincent de Beauvais37, qui aurait dû en faire partie. Toutefois, nous avons préféré éviter un doublon inutile avec l’édition de sa traduction par 37 Le livre IX du Speculum Historiale retrace la vie évangélique de Marie-Madeleine (chap. 93), la dispersion des apôtres et le miracle de Marseille (chap. 94 à 98); la retraite érémitique, la mort de la sainte et son ensevelissement par Maximin (chap. 102 et 103); la vision par Marthe de l’âme de sa sœur défunte (chap. 103 et 104); les miracles de Paul de Saragosse, d’Étienne de Flandres et du Breton échappant à la tempête (chap. 108 à 110, tous trois traduits dans notre version n° 24). Le livre XXIII contient la translation des reliques par Badilon (chap. 152) ainsi que le récit de deux libérations de prisonniers, du sauvetage de la femme enceinte sur la Loire et de la guérison de l’aveugle (chap. 153). Enfin, un court exemplum montrant Marie-Madeleine en larmes aux pieds du Christ est inséré dans le florilège des textes de Bernard de Clairvaux (livre XXVIII, chap. 304).
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Jean de Vignay qu’annoncent L. Brun et M. Cavagna38. Par ailleurs, nous avons renoncé à éditer la Fleur des histoires de Jean Mansel, dont le troisième livre est consacré aux actes des saints. Manuel d’instruction chrétienne composé entre 1313 et 1330, le Ci nous dit relate dans sa dernière partie, réservée aux « Legende de plusieurs sains », le miracle du « conte de Prouvence » (§ 669) et la retraite de Marie-Madeleine (§ 670). La première section, qui rassemble des exemples moraux et des commentaires de l’Écriture sainte, rapporte en outre la venue des trois Marie au Tombeau (§ 106), l’apparition du Christ ressuscité (§ 107), les noces de Marie-Madeleine et de Jean l’Évangéliste (§ 244), l’onction de la tête du Messie (§ 393) et le séjour de Jésus chez Marthe et Marie (§ 457), ainsi que des allusions sporadiques. Ces récits, qu’il est difficile de rattacher à une tradition précise, sont déjà accessibles dans l’édition de G. Blangez39. Les Moralités des Marie offrent de leur côté une image mystique de l’amour de Marie-Madeleine pour Jésus. É. Pinto-Mathieu annonce l’édition critique de ce long traité de dévotion de près de 1900 octosyllabes à rimes plates, qui montre les saintes femmes venues oindre le corps crucifié puis la rencontre avec le Christ jardinier40. Pour des raisons évidentes, nous n’avons pas abordé les traductions ou adaptations des Évangiles, ni les drames liturgiques et les mystères. Les premières forment en effet un ensemble fort abondant et varié, mais distinct quant à sa diffusion41. Les écrits dramatiques qui réservent une place à Marie-Madeleine constituent de véritables sommes dont il aurait été délicat de détacher les passages, parfois nombreux, où elle intervient42. Enfin, un certain nombre de prières n’ont pas été éditées par P. Rézeau43 : elles pourraient faire l’objet d’une publication séparée. 38 Voir la présentation de cette vaste entreprise dans : L. Brun et M. Cavagna, « Pour une édition du Miroir Historial de Jean de Vignay », Romania, t. 124, 2006, 3 - 4, pp. 378 - 428. À notre connaissance, il n’existe pas d’autre traduction française médiévale de la compilation de Vincent de Beauvais. 39 Ci nous dit. Recueil d’exemples moraux, publié par G. Blangez, 2 vol., Paris, SATF, 1979 et 1986. 40 Marie-Madeleine dans la littérature du Moyen Age, op. cit., p. 30. Soulignons toutefois que ce texte est contenu dans le manuscrit BNF f. fr. 24429 (f° 83 c - 94 d), comme mentionné par la critique, mais aussi dans celui que la Biblioteca Apostolica Vaticana conserve sous la cote Reg. lat. 1682 (f° 69 b - 80 d), cf. E. Langlois, « Notices des manuscrits français et provençaux de Rome antérieurs au XVIe siècle », Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque royale, t. 33, 2, 1889, pp. 202 - 203. 41 Li Romanz de Dieu et de sa mere de Herman de Valenciennes est un spécimen particulièrement intéressant de cette tradition (voir éd. I. Spiele, Leyde, Presse Universitaire de Leyde, 1975, v. 4720 sq.). Plusieurs de ses autres représentants sont inédits. 42 Marie-Madeleine apparaît très tôt dans les drames liturgiques, elle est l’une des trois Marie du Quem quaeritis qui figure dans les tropaires dès le Xème siècle, cf. B.-D. Berger, Le drame liturgique de Pâques. Liturgie et théâtre, Paris, Beauchesne Éditeur, 1976, pp. 140 sq. Signalons néanmoins La Vie de Marie Magdaleine par personnages (Bibliothèque Nationale de Paris, Réserve Yf 2914), éditée avec une introduction et des notes par J. Chocheyeras et G. A. Runnalls, Genève, Droz, 1986. Imprimée à Lyon en 1605, elle aurait été jouée dans cette ville en 1500. 43 P. Rézeau, Les prières aux saints en français à la fin du moyen âge, 2 vol., Genève, Droz, 1982 et 1983; à compléter par Répertoire d’incipit des prières françaises à la fin du moyen âge. Addenda et corrigenda aux répertoires de Sonet et Sinclair. Nouveaux incipit, Genève, Droz, 1986. Nous rangeons dans cette catégorie le poème en quatrains retranscrit au f° 89 rº et vº du manuscrit 756 de la Bibliothèque de
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Il existe des textes dont les rapports avec notre légende sont trop contingents : une brève suite de maximes sans aucun lien avec notre sainte s’intitule de la sorte « Hic incipiunt proverbia Marie Magdalene », sans que l’on sache trop pourquoi44. En dernier lieu, il aurait été inconcevable de reproduire toutes les allusions, ponctuelles et sporadiques, parfois incompréhensibles, à notre figure, tant dans les œuvres littéraires que religieuses.
Organisation du corpus; présentation et principes éditoriaux Dans la mesure du possible, nous avons ordonné nos adaptations d’après leurs sources et la date de leur composition. Ce double critère reste cependant très fragile. La plupart de nos récits sont anonymes et aucun n’a été daté de manière explicite par son auteur. Ils ont en outre été copiés dans des manuscrits de nature diverse, dont la période de fabrication reste le plus souvent incertaine. Rares sont ceux qui possèdent un colophon ou qui ont fait l’objet d’une expertise détaillée, si l’on excepte les exemplaires de la traduction par Jean de Vignay de la Legenda aurea. Par ailleurs, l’analyse linguistique des pièces ne fournit au mieux qu’une approximation de la date de leur rédaction et de leur provenance. Plusieurs versions ont aussi subi des contaminations entre elles. De plus, la constitution des textes par accumulation de segments narratifs (vie évangélique, miracle de Marseille, retraite, translation des reliques, miracles) multiplie pour chacun le nombre de modèles potentiels et leur combinaison rend tout classement plus aléatoire encore. Nous avons finalement distingué trois groupes principaux : l’extraordinaire succès de la Légende dorée imposait pour cet ouvrage une section propre. Neuf versions sont écrites à partir de sources latines sans doute antérieures au recueil du dominicain. Nous avons enfin réuni les compilations qui mettent en œuvre plusieurs versions vernaculaires. Deux fragments, trop courts pour être rattachés à l’une ou l’autre branche de cette tradition, ont été placés à la fin de notre corpus. Chaque rédaction est précédée d’une introduction qui fait ressortir sa tradition manuscrite, son ou ses modèles, s’ils sont identifiables, les principaux caractères de sa composition et les observations qu’elle requiert au point de vue littéraire et philologique. L’analyse et la comparaison des textes n’ont pas été approfondies. Au point de vue linguistique, c’est avant tout leur vocabulaire qui a été étudié, l’Arsenal, à Paris, dont une bonne partie est d’ailleurs illisible. Adjonction à la mine de plomb sur un feuillet placé à la suite du dernier quaternion d’une copie latine de Vincent de Beauvais, le bref texte, qui relate la scène de l’onction chez Simon, se conclut en effet par une demande d’intercession. Il est publié par P. Meyer, « Poème en quatrains sur la pécheresse de l’Évangile », Romania, t. 31, 1902, pp. 379 381. 44 Ce texte, conservé dans le manuscrit B.14.19 du Trinity College à Cambridge (f° 80 c), est publié par P. Meyer, « Les manuscrits français de Cambridge. III. Trinity College », Romania, t. 32, 1903, pp. 39 - 40.
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mais seuls les termes qui étaient utiles à leur caractérisation (datation, localisation et niveau d’intérêt lexical) ont été mis à profit45. Si la description des légendiers vernaculaires a beaucoup progressé, après les travaux fondateurs de Paul Meyer, la majorité des recueils qui contiennent les vies de Marie-Madeleine n’ont pas été décrits pour eux-mêmes. La publication électronique des données de l’Institut de recherche et d’histoire des textes, annoncée pour 2008 (projet JONAS, dirigé par Mmes A.-F. Leurquin-Labie et M.-L. Savoye, de la Section romane), devrait grandement contribuer à une meilleure connaissance de ces matériaux, même si cette tradition nécessite encore de vastes explorations et ouvre toujours la voie à de passionnantes recherches. Pour tous les volumes conservant une vie de Marie-Madeleine, nous avons brièvement synthétisé le résultat de nos propres investigations en indiquant leurs principales caractéristiques46. Nos données ne sauraient toutefois être considérées comme définitives. Le nombre de manuscrits impliqués excluait la possibilité de notices très développées. En raison de l’intérêt des exemplaires concernés, afin de mieux documenter certaines copies, moins connues, ou en fonction des possibilités que nous avons eues de les étudier, nos descriptions sont parfois plus élaborées47. Dans toutes les rédactions que nous reproduisons, la disposition originale du manuscrit de référence est maintenue. Les lettrines sont indiquées par un changement de corps et les pieds-de-mouches, au moyen du signe « ¶ » (alterné avec « Γ », dans le n° 11, où ce signe représente sans doute une variante du précédent)48. Philologiquement parlant, notre objectif n’est pas la reconstitution d’un état idéal pour chaque texte. Sauf indication particulière, les interventions sont réduites au minimum dans les versions conservées par un exemplaire unique. Pour Les dictionnaires de la langue médiévale ont constitué notre principal support dans ces enquêtes. Il est cependant probable que l’état des dépouillements qu’ils reflètent nous ait parfois conduit à des choix contestables et aussi que nous ayons donné trop d’emphase à des termes dont il existe peut-être beaucoup plus d’exemples dans les textes du moyen âge que ceux qu’ils nous procurent. 46 Dans nos descriptions, nous parlons indifféremment de « pièces », « légendes » ou « vies » pour les différentes entrées d’un recueil, que celles-ci soient une vie à proprement parler ou une légende comme la Fête de tous les défunts, l’Annonciation ou l’Épiphanie, parmi d’autres. La délimitation de certaines pièces n’est pas toujours clairement établie (faut-il compter une ou plusieurs entrées pour la vie et la translation d’un saint, ou pour un texte que des rubriques subdivisent, par exemple ?). Aussi, les chiffres que nous avançons sont souvent plus un ordre de grandeur qu’une donnée exacte. 47 Dans la présentation matérielle de ces volumes, nous ne mentionnons pas le nombre de pages de garde qu’ils comportent, sauf si cette information peut avoir de l’importance pour la compréhension de leur facture. En règle générale, les indications relatives à leur mise en page (nombre de colonnes et de lignes par colonne) ne valent que pour les parties où les textes que nous éditons ont été retranscrits, même si elles peuvent convenir à l’ensemble des manuscrits dont nous les extrayons. Les colonnes de chaque feuillet sont désignées au moyen de lettres successives, de « a » à « d » pour les manuscrits sur deux colonnes (« a - f » / « a - h » pour les exemplaires, moins nombreux, sur trois ou quatre colonnes). 48 Les marqueurs de segmentation qui interviennent dans les exemplaires de comparaison sont signalés si leur structure diffère de celle du texte édité. Des articulations peuvent toutefois apparaître sous forme de majuscules rehaussées, indétectables la plupart du temps sur les reproductions dont nous nous sommes servis et qui, pour quelques manuscrits, ont été nos seuls supports. 45
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l’essentiel, elles concernent des termes isolés ou de brefs segments de récit dont il est clair que la retransmission a été altérée, mais qui peuvent être rétablis sans difficulté; les commentaires en bas de page permettent toujours d’en vérifier la teneur originale. Nous avons procédé de même lorsque plusieurs copies sont à notre disposition : le choix du manuscrit de référence est destiné à fournir le meilleur reflet possible du texte, mais il ne vise pas au rétablissement de son archétype théorique. Notre saisie lui reste donc fidèle aussi longtemps que son contenu narratif, sa syntaxe ou son lexique ne comportent pas d’omissions ou d’erreurs flagrantes, ou qui en affectent la teneur de manière notable. L’accord des exemplaires de comparaison contre le manuscrit de référence n’implique donc pas nécessairement une correction et l’adoption d’une variante de substitution ou une autre forme de retouche ne sont pas subordonnées aux contraintes d’un stemma. Le contenu des sources, si celles-ci ont pu être identifiées, ne justifie pas non plus en lui-même des modifications, mais sert à en guider le choix, s’il y a lieu. Enfin, nous n’avons pas développé au delà du nécessaire les observations que l’on peut inférer de la collation de nos témoins. En tout état de cause, nos apparats critiques en fournissent les moyens appropriés. Les caractéristiques du support et toutes les reprises du scribe (exponctuations, corrections, ajouts, etc.) sont signalées pour le manuscrit de base. Seules les plus significatives d’entre elles le sont en revanche dans les variantes49. En principe, la segmentation des mots est respectée, sauf si l’emplacement des espaces est à l’évidence problématique ou heurte de manière trop sensible les habitudes de lecture moderne. Les abréviations ont été résolues d’après l’éventail de formes disponibles dans chaque texte et en fonction de leur représentation. Toutefois, la brièveté de nos vies ôte parfois beaucoup de certitude à cette opération. À défaut, nous avons tenu compte des habitudes graphiques du scribe50. L’emploi de la prose pour l’essentiel du corpus et le caractère le plus souvent approximatif de sa datation nous ont conduits à renoncer au tréma pour indiquer la diérèse partout où l’absence de repères linguistiques sûrs aurait rendu son emploi aléatoire. Exception faite des trois rédactions versifiées et de la version n° 1, suffisamment précoce pour que l’existence de hiatus soit encore avérée, nous avons donc évité de recourir à ce signe diacritique, sauf dans les cas qui ne souffrent aucune hésitation et qui pouvaient occasionner une gêne pour le lecteur (aï, aü, eï dans des situations très restreintes et oï; de même pour y, dans tous les cas analogues – aÿ, etc. – où cette lettre ne fait que remplacer i). En revanche, l’accent aigu Pour les doublons et les bourdons (omission d’un mot dans des conditions qui ne laissent aucun doute sur son existence dans le modèle; oubli ou adjonction superflue d’une lettre dans un mot, etc.), en particulier, nous n’avons retenu que ceux qui offrent une certaine pertinence pour l’établissement de l’apparat critique. 50 En l’absence d’une base statistique suffisante, nous avons opté pour la prudence dans les exemplaires de comparaison. Toutes les abréviations sont développées mais celles dont la résolution reste indécise sont reportées en italiques dans l’apparat critique. 49
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est appliqué selon les règles courantes, mais pas sur la finale dialectale -et et de manière parcimonieuse sur les monosyllabes. qui est graphié de la même façon (sans apostrophe), que cette forme équivale au pronom relatif simple ou à une combinaison de la conjonction que avec le pronom personnel il. Pour les deux futurs d’avoir et de savoir, nous avons adopté partout le thème (s)avr-, au détriment éventuel de (s)aur-. La ponctuation est moderne et nous n’indiquons pas celle de nos originaux. La varia lectio ne retient pas les variantes de surface (dialectales ou graphophonétiques); les divergences morphologiques, lorsqu’elles affectent des formes que l’on peut associer à un même paradigme (par exemple pour les démonstratifs, les pronoms personnels, même si un changement tend à indiquer une autre valence pour le verbe dont ils dépendent, ou les formes verbales elles-mêmes) ou les sub stantifs dont le genre est instable; certaines alternances courantes, dès lors qu’elles ne présentent aucune ambiguïté (par exemple entre les relatifs qui et que, les particules de négation ne et ni, ou entre se et si, etc., sauf s’il peut en résulter des interprétations distinctes au point de vue syntaxique); les fautes bénignes des copistes si elles ne possèdent pas d’intérêt pour la compréhension de son modèle, des interprétations qui lui ont été données par le scribe ou de ses attitudes de travail (mots ou segments de texte bissés qui n’indiquent rien d’autre qu’une reprise erronée, par exemple). Les variantes des noms propres ne sont signalées que lorsqu’elles sont susceptibles de désigner un autre référent ou d’en modifier la perception, ou encore si elles possèdent quelque valeur pour l’édition elle-même ou pour l’analyse du texte. Les leçons des manuscrits de comparaison sont enregistrées dans un ordre aussi logique que possible. Afin de réduire les risques de confusion et de faciliter la collation entre le texte et ses variantes, nous avons parfois procédé à des reports à partir du premier, suivis d’un crochet droit orienté sur la gauche afin d’indiquer les limites du segment concerné. En règle générale, nous avons privilégié l’exemplaire – ou les exemplaires – de contrôle les plus fiables lorsque plusieurs manu scrits offraient une leçon équivalente. En revanche, dès lors qu’une variante ne figurait que dans des copies de second ordre, la proximité graphique par rapport au texte de base est notre critère de préférence (sauf entre deux manuscrits solidaires mais que démarquent un écart temporel ou une différence de qualité, auquel cas le meilleur des deux sert normalement de modèle au couple). Les parenthèses indiquent une divergence (graphique par exemple, ou pour un détail expressément signalé) entre deux leçons semblables pour le reste. De manière analogue, nous avons choisi de mettre entre parenthèses les sigles des exemplaires dont la variante contient une abréviation, si sa résolution n’est pas certaine. Cette précaution n’est donc pas employée si aucune hésitation n’est possible, ou si deux leçons concordent. Les majuscules sont réservées aux noms propres (ou, pour les reports d’après le texte de base, aux débuts de phrases, afin d’éviter toute
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ambiguïté) et, sauf nécessité particulière, nous avons omis toute ponctuation dans l’apparat critique.
Bibliographie Nous avons opéré une sélection dans l’abondante bibliographie consacrée à MarieMadeleine et nous nous sommes limités à indiquer les études portant sur la période médiévale. Par ailleurs, nous n’indiquons que les ouvrages de référence qui font l’objet d’une utilisation récurrente. Les autres travaux sont cités dans les notes de cette introduction ou de la présentation que nous donnons de chaque version. Les entrées précédées d’un astérisque (*) sont celles, souvent incomplètes, que nous n’avons pas pu vérifier. Marie-Madeleine Eva-Maria Adam, Maria Magdalena in geistlichen Spielen des Mittelalters, Zürich, Druckstelle der Studentenschaft der Universität Zürich, 1996 (Abhandlung zur Erlangung der Doktorwürde der Philosophischen Fakultät I der Universität Zürich). Richard Bauckham, Gospel Women. Studies of the Named Women in the Gospels, Grand Rapids, W. B. Eerdmans, 2002. Marie Bath, Untersuchungen des Johannesspiels, der Blindenheilungs- und der Maria-Magdalenscenen in den deutschen mittelalterlichen Passionsspielen mit besonderer Berücksichtigung ihrer Beziehungen zu den französischen Mysterien, Marburg, Dissertation Marburg, 1919. * Fernand Benoit, « Le culte de Marie-Madeleine », Annales du Midi, 71, 1959. * Fernand Benoit, « La Madeleine et les Dormants d’Éphèse », Provence historique, 12, 1962. Thomas Bernard et Jean-Luc Vesco, Marie de Magdala, évangiles et traditions, Fribourg, Éditions Saint-Paul, 1982. Esther A. de Boer, The Gospel of Mary beyond a Gnostic and a Biblical Mary Magdalene, Londres, New York, T&T Clark, 2004. Sofia Boesch Gajano, « Il culto di Maria Maddalena nell’occidente medioevale », Rivista di storia e letteratura religiosa, 15, 1979, pp. 436 - 444. * Jean-Yves Boriaud, « Les larmes de la Madeleine et le discours de la pénitence », Actes du colloque international Marie-Madeleine dans la littérature et les arts du XVe au XVIe siècle, Université de Fribourg (Suisse), 31 mai - 2 juin 1990, Fribourg.
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[Étienne-Michel Faillon] Monuments inédits sur l’apostolat de sainte MarieMadeleine en Provence et sur les autres apôtres de cette contrée, saint Lazare, saint Maximin, sainte Marthe et les saintes Maries Jacobé et Salomé, par l’auteur de la dernière Vie de M. Olier, 2 vol., Paris, Migne, 1848. Wiltrud aus der Fünten, Maria Magdalena in der Lyrik des Mittelalters, Düsseldorf, L. Schwann, 1966 (Wirkendes Wort, 3). Baudoin de Gaiffier « Hagiographie bourguignonne. A propos de la thèse de doctorat de M. René Louis sur Girart, comte de Vienne », Analecta Bollandiana, t. 69, 1951, pp. 131 - 147. Baudouin de Gaiffier, « Notes sur le culte de sainte Marie-Madeleine. A propos d’un livre récent », Analecta Bollandiana, t. 78, 1960, pp. 161 - 168. Helen M. Garth, Saint Mary Magdalene in Mediaeval Literature, Baltimore, Johns Hopkins Press, 1950. Joseph Gazay, « Études sur les légendes de sainte Marie-Madeleine et de Joseph d’Arimathie », Annales du Midi, 51, 1939, pp. 5 - 36, 113 - 167, 225 - 284 et 337 389. D. B. Gremont, Le culte de Marie-Madeleine à Fleury (Études ligériennes d’histoire et d’archéologie médiévales), Mémoires et exposés présentés à la semaine d’études médiévales de Saint-Benoît-sur-Loire du 3 au 10 juillet 1969, Publications de la Société archéologique de l’Yonne, Paris, 1975, pp. 203 - 226. Hans Hansel, Die Maria-Magdalena-Legende. Eine Quellenuntersuchung, Bottrop, Buch- und Kunstdruckerei Wilh. Postberg, 1937 (Inaugural-Dissertation zur Erlangung der Doktorwürde der Philosophischen Fakultät der Ernst-MoritzArndt-Universität zu Greifswald). * Hans Hansel, « Die Quelle der bayerischen Magdalenklage », Zeitschrift für deutsche Philologie, 62, 1937. Susan Haskins, Mary Magdalen, Myth and Metaphor, New York, Riverhead Book, 1993, 3ème éd., 1995. Ursula Hennig, « Die Klage der Maria Magdalena in den deutschen Osterspielen. Ein Beitrag zur Textgeschichte der Spiele », Mittelalterliches deutsches Drama (Zeitschrift für deutsche Philologie, 94, 1975, Sonderheft), pp. 108 - 138. Ernest Hoepffner, « Une prière à sainte Marie-Madeleine », Romania, t. 53, 1927, pp. 567 - 568. Maria N. Hoffman, Die Magdalenszenen im geistlichen Spiel des Mittelalters, Münster, Dissertation Münster, 1933. G. Huet, « Un Miracle de Marie-Madeleine et le Roman d’Apollonius de Tyr », Revue de l’histoire des religions, 74, 2, 1916, pp. 249 - 255.
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Dominique Iogna-Prat, « ’Bienheureuse polysémie’. La Madeleine du Sermo in ueneratione sanctae Mariae Magdalenae attribué à Odon de Cluny », Marie Madeleine dans la mystique, les arts et les lettres. Actes du colloque international Avignon 20 - 21 - 22 juillet 1988, publiés par Ève Duperray, Paris, Beauchesne Éditeur, 1989, pp. 21 - 31. Marga Janssen-Anstett, Maria Magdalena in der abendländischen Kunst. Ikonographie der Heiligen von den Anfängen bis ins 16. Jahrhundert (Diss. Freiburg/ Breisgau, 1961). Jean Gobi l’Ancien, Miracles de sainte Marie-Madeleine, édité et traduit par Jacqueline Sclafer, Paris, CNRS Editions, 1996. Omer Jodogne, « Marie-Madeleine pécheresse dans les Passions médiévales. Des sources de Jean Michel », Scrinium Lovaniense, 4e série, 24, 1961, pp. 272 284. Michel Join-Lambert, « Marie-Madeleine. Introduction exégétique », Marie Madeleine dans la mystique, les arts et les lettres. Actes du colloque international Avignon 20 - 21 - 22 juillet 1988, publiés par Ève Duperray, Paris, Beauchesne Éditeur, 1989, pp. 15 - 19. Ludwig Karl, « Die Episode aus der Vie de Madeleine », Zeitschrift für romanische Philologie, 34. Bd, 1910, pp. 362 - 367. * Max Keuffer, Festschrift zur Begrüßung der XXXIV. Versammlung deutscher Philologen und Schulmänner dargebracht von dem Königlichen Gymnasium und der Städtischen Realschule 1.0. zu Trier, Trier, Lintz, 1879. M. A. Klenke, Three Saints’ Lives by Nicholas Bozon, With the text and translations of « La Vie la Marie Magdalene », « La Vie sein Margaret » and « La Vie Seint Martha », Saint Bonaventure, Franciscan Institute, 1947. Friedrich O. Knoll, « Die Rolle der Maria Magdalena im geistlichen Spiel des Mittelalters », Germanische und deutsche Studien zur Sprache und Kultur, 8. Heft, Berlin et Leipzig, 1934, pp. 9 - 122. La Vie de Marie Magdaleine par personnages (Bibliothèque Nationale de Paris, Réserve Yf 2914), éditée avec une introduction et des notes par J. Chocheyeras et G.A. Runnalls, Genève, Droz, 1986. P. Lefèvre, « Les chants de l’office de sainte Marie-Madeleine d’après un bréviaire de l’abbaye de Prémontré du milieu du XIIIe siècle », Analecta Praemonstratensta, 39, 1963, pp. 55 - 69. Guy Lobrichon « La Madeleine des Bourguignons aux XIe et XIIe siècles », Marie Madeleine dans la mystique, les arts et les lettres. Actes du colloque international Avignon 20 - 21 - 22 juillet 1988, publiés par Ève Duperray, Paris, Beauchesne Éditeur, 1989, pp. 71 - 88.
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* Marie-Madeleine dans la littérature et les arts du XVe au XVIe siècle, Actes du colloque international, Université de Fribourg (Suisse), 31 mai - 2 juin 1990, Fribourg. Marie Madeleine dans la mystique, les arts et les lettres. Actes du colloque international Avignon 20 - 21 - 22 juillet 1988, publiés par Ève Duperray, préface de Georges Duby, postface de Charles Pietri, Paris, Beauchesne Éditeur, 1989. Marie-Madeleine. Figure mythique dans la littérature et les arts, sous la direction d’Alain Montandon, Centre de Recherches sur les Littératures Modernes et Contemporaines, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 1999. Paul Meyer, « Poème en quatrains sur la pécheresse de l’Évangile », Romania, t. 31, 1902, pp. 379 - 381. Paul Meyer, « La légende de Girart de Roussillon », Romania, t. 7, 1878, pp. 161 235. Jean Misrahi, « A Vita Mariae Magdalene (B.H.L. 5456) in an eleventh-century manuscript », Speculum, vol. 18, 3, 1943, pp. 335 - 339. Bernard Montagnes, « Saint-Maximin foyer de production hagiographique. Le Liber miraculorum beate Marie Magdalene (1315) », Marie Madeleine dans la mystique, les arts et les lettres. Actes du colloque international Avignon 20 - 21 - 22 juillet 1988, publiés par Ève Duperray, Paris, Beauchesne Éditeur, 1989, pp. 249 - 269. Bernard Montagnes, « La basilique de la Madeleine à Saint-Maximin », Congrès archéologique de France, 1985, 13ème session, Le Pays d’Aix, Paris, Société française d’archéologie, 1988, pp. 238 - 253. Bernard Montagnes, « La légende dominicaine de Marie-Madeleine à Saint-Maximin », Le peuple des Saints. Croyances et dévotions en Provence et Comtat Venaissin des origines à la fin du Moyen Age. Actes de la Table ronde organisée par l’Institut de recherches et d’études sur la Bas Moyen Age avignonnais du 5 au 7 octobre 1984, Avignon, Académie du Vaucluse, 1987, pp. 73 - 86. * David A. Mycoff, « A critical edition of the legend of Mary Magdalena from Craxton’s Golden Legend of 1483 », Studies in English Literature, Elizabethan & Renaissance Studies, 92, 1985. Wilhelm V. Oehl, Die Gestalt der sündigen Maria Magdalena in der Legende und dem Drama des deutschen Mittelalters, Wien, Dissertation Wien, 1905. Élisabeth Pinto-Mathieu, « Les miracles de Marie-Madeleine par Jean Gobi l’Ancien », Marie-Madeleine. Figure mythique dans la littérature et les arts, sous la direction d’Alain Montandon, Centre de Recherches sur les Littératures Modernes et Contemporaines, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 1999, pp. 53 - 62.
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Victor Saxer, « La relique de Saint-Maximin (Var) dite ‘La Sainte Ampoule’ », Revue d’histoire ecclésiastique, 79, 1984, pp. 87 - 96. * Victor Saxer, « Les ossements dits de sainte Marie-Madeleine conservés à SaintMaximin-la-Sainte-Baume », Provence historique, 27, 1982. Victor Saxer, Le dossier vézelien de Marie Madeleine. Invention et translation des reliques en 1265-1267. Contribution à l’histoire du culte de la sainte à Vézelay à l’apogée du Moyen âge, Bruxelles, Société des Bollandistes, 1975 (Subsidia hagiographica, 57). Victor Saxer, « Miracula beate Marie Magdalene Vizeliaci facta. Étude de la tradition manuscrite des Recueils de miracles de la Madeleine à Vézelay », Bulletin philologique et historique (jusqu’à 1610), du Comité des Travaux historiques et scientifiques. Année 1959, Paris, Imprimerie Nationale, 1960, pp. 69 82. Victor Saxer, Le culte de Marie-Madeleine en Occident des origines à la fin du moyen âge, préface d’Henri Irénée Marrou, 2 vol., Auxerre, Publications de la Société des Fouilles Archéologiques et des Monuments Historiques de l’Yonne, et Paris, Librairie Clavreuil, 1959. Victor Saxer, « La crypte et les sarcophages de Saint-Maximin dans la littérature latine du Moyen Age », Provence historique, 5, 1955, pp. 196 - 231. Victor Saxer, « L’origine des reliques de sainte Marie-Madeleine à Vézelay dans la tradition historiographique du Moyen Age », Revue des sciences religieuses, t. 29, 1955, pp. 1 - 18. Victor Saxer, « La ‘Vie de sainte Marie-Madeleine’ attribuée au Pseudo-RabanMaur, œuvre claravalienne du XIIe siècle », Mélanges saint Bernard. XXIVe congrès de l’Association bourguignonne des Sociétés savante, Dijon 1953, Dijon, chez M. l’abbé Marilier, Association des amis de saint Bernard, 1955, pp. 408 - 421. Jane Schaberg, The Resurrection of Mary Magdalene. Legends, Apocrypha, and the Christian Testament, New York, The Continuum International Publishing Group Inc, 2004. Adolf Schmidt, « Guillaume, le clerc de Normandie, insbesondere seine Magdalenenlegende », Romanische Studien, 4. Bd, 1879 - 1880, Bonn, E. Weber, 1880, pp. 493 - 542 (texte pp. 523 - 536). C. Setzer, « Excellent Women : Female Witness to the Resurrection », Journal of Biblical Literature, 116, 1997, pp. 259 - 272. Helmut Stimm, Altfrankoprovenzalische Übersetzungen hagiographischer lateinischer Texte aus der Handschrift der Pariser Nationalbibliothek fr. 818. I. Prosalegenden, Wiesbaden, Akademie der Wissenschaften und der Literatur in Mainz in Kommission bei Franz Steiner Verlag, 1955.
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Hermann Suchier, « Bruchstück einer anglonormannischen Magdalena », Zeitschrift für romanische Philologie, 4. Bd, 1880, pp. 362 - 364. Joseph Szövérffy, « Kultgeschichte und Politik. Die Anfänge des Magdalenenkultes in Vézelay, Burgunds Angliederung unter Konrad II. und die Sequenz Victimiae pascali », Archiv für Kulturgeschichte, 55. Bd, 2, 1973, pp. 305 - 311. Joseph Szövérffy, « ‘Peccatrix quondam femina’ : A Survey of the Mary Magdalen Hymns », Traditio, 19, 1963, pp. 79 - 146. Monika Tausend, Die altokzitanische Version B der ‘Legenda aurea’. Ms. Paris, Bibl. nat., n. acq. fr. 6504, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1995. Antoine Thomas, « La légende de Marie-Madeleine dans Girart de Roussillon », Annales du Midi, 6, 1894, pp. 360 - 363. Jean-Yves Tilliette, « Hymnes et séquences hagiographiques : Formes et fonctions de la réécriture lyrique des vies de saints », Hagiographica, 10, 2003, pp. 161 181. * H. A. Todd « An Unpublished Fourteenth Century Invocation to Mary Magdalen ‘Il est bien temps que je m’avise’ », Studies in Honour of A. M. Elliott, t. 1, 1911, pp. 109 - 128. * Martina Wehrli-Jones, « Maria und Martha in der religiösen Frauenbewegung », Abendländische Mystik im Mittelalter. Symposion Kloster Engelberg 1984, hrsg. K. Ruh, Stuttgart, 1986, pp. 354 - 367. Franz-Karl Weiss, Der « Romanz de sainte Marie Magdaleine » von Guillaume, le Clerc de Normandie, und sein Quellenkreis, Inaugural-Dissertation zur Erlangung des Doktorgrades der Philosophischen Fakultät der Westfälischen Wilhelms-Universität zu Münster, 1968 (thèse dactylographiée). Michel Zink, La Prédication en langue romane avant 1300, Paris, Champion, 1976. Ouvrages généraux Biblia sacra juxta vulgatam versionem, adjuvantibus B. Fischer, I. Gribomont, H. F. D. Sparks, W. Thiele, 4ème édition corrigée, Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft, 1994 (1ère édition 1969). G. Brunel-Lobrichon, A.-F. Leurquin-Labie et M. Thiry-Stassin, « L’hagiographie de langue française sur le Continent, IXe - XVe siècle », Hagiographies. Histoire internationale de la littérature hagiographique latine et vernaculaire en Occident, des origines à 1550, sous la direction de Guy Philippart, vol. II, Turnhout, Brepols, 1996, pp. 291 - 371. [Brenda Dunn-Lardeau] La Légende dorée. Édition critique, dans la révision de 1476 par Jean Batallier, d’après la traduction de Jean de Vignay (1333-1348)
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de la Legenda aurea (c. 1261-1266), édité par Brenda Dunn-Lardeau, Paris, Honoré Champion, 1997. Brenda Dunn-Lardeau, « Étude autour d’une Légende dorée (Lyon, 1476) », Travaux de Linguistique et de Littérature, 24, 1, 1986, pp. 257 - 294. De la sainteté à l’hagiographie. Genèse et usage de la Légende dorée, études réunies par B. Fleith et Fr. Morenzoni, Genève, Droz, 2001 (Publications romanes et françaises, CCXXIX). Richard Hamer et Vida Russell, « A Critical Edition of Four Chapters from the Légende Dorée », Mediaeval Studies, 51, 1989, pp. 130 - 204. Richard Hamer, « Jean Golein’s Festes Nouvelles : A Caxton Source », Medium Aevum, vol. 55, 2, 1986, pp. 254 - 260. Legenda aurea - la Légende dorée (XIIIe-XVe s.), Actes du Congrès international de Perpignan (séances « Nouvelles recherches sur la Legenda aurea »), publiés par B. Dunn-Lardeau, Montréal, Éditions CERES, 1993 (Le Moyen Français, 32). Legenda aurea : Sept siècles de diffusion. Actes du colloque international sur la Legenda aurea : texte latin et branches vernaculaires à l’Université du Québec à Montréal, 11 - 12 mai 1983, ouvrage publié sous la direction de Brenda DunnLardeau, Montréal, Bellarmin, Paris, J. Vrin, 1986. Paul Meyer, « Légendes hagiographiques en français », Histoire littéraire de la France, t. 33, 1906, pp. 328 - 458. Paul Meyer, « Notice du ms. 9225 de la Bibliothèque royale de Belgique (légendier français) », Romania, t. 34, 1905, pp. 24 - 43. Paul Meyer, « Notice du ms. Med.-Pal. 141 de la Laurentienne (vies de saints) », Romania, t. 33, 1904, pp. 1 - 49. Paul Meyer, « Notice sur trois légendiers français attribués à Jean Belet », Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque nationale et autres bibliothèques, t. 36, 2, Paris, Imprimerie nationale, Libraire Klincksieck, 1901, pp. 409 486. Paul Meyer, « Notice sur un légendier français du XIIIe siècle classé selon l’ordre de l’année liturgique », Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques, t. 36, 1, Paris, Imprimerie nationale, Libraire Klincksieck, 1899, pp. 1 - 69. Paul Meyer, « Notice d’un légendier français conservé à la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg », Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque nationale et autres bibliothèques, t. 36, 2, Paris, Imprimerie nationale, Libraire Klincksieck, 1899, pp. 677 - 721. Paul Meyer, « Notice du ms. Bibl. Nat. fr. 6447 (Traduction de divers livres de la Bible – Légendes de saints », Notices et extraits des manuscrits de la Biblio-
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thèque nationale et autres bibliothèques, t. 35, 2, Paris, Imprimerie nationale, Libraire Klincksieck, 1897, pp. 435 - 510. Paul Meyer, « Notices sur quelques manuscrits français de la bibliothèque Philipps, à Cheltenham », Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, t. 34, 1, Paris, Imprimerie nationale, Libraire Klincksieck, 1891, pp. 149 - 258. Paul Meyer, « Notice sur deux manuscrits français ayant appartenu au Marquis de la Clayette (Bibliothèque Nationale, Moreau 1715 - 1719) », Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques, t. 33, 1, Paris, Imprimerie nationale, Libraire Klincksieck, 1890, pp. 1 - 90. Paul Meyer, « Notice du ms. 772 de la Bibliothèque Municipale de Lyon renfermant divers ouvrages en prose française », Bulletin de la Société des anciens textes français, onzième année, Paris, Firmin-Didot, 1885, pp. 40 - 80. Pélagie la pénitente. Métamorphoses d’une légende. Tome I. Les textes et leur histoire : grec, latin, syriaque, arabe, arménien, géorgien, slavon. Tome II. La survie dans les littératures européennes, dossier rassemblé par Pierre Petitmengin et alii, 2 vol., Paris, Études augustiniennes, 1981 et 1984. Jean-Pierre Perrot, Le Passionnaire français au moyen âge, Genève, Droz, 1992. Richard H. Rouse et Mary A. Rouse, Illiterati et uxorati. Manuscripts and their Makers. Commercial Book Producers in Medieval Paris, 1200 - 1500, 2 vol., Turnhout, Harvey Miller Publishers, 2000. Vida Russell, « Evidence for a Stemma for the de Vignay Mss : St. Nicholas, st. George, st. Bartholomew, and All Saints », Legenda aurea : sept siècles de diffusion. Actes du colloque international sur la Legenda aurea, texte latin et branches vernaculaires, à l’Université du Québec à Montréal, 11 - 12 mai 1983, ouvrage publié sous la dir. de Brenda Dunn-Lardeau, Montréal, Bellarmin, Paris, Vrin, 1986, pp. 131 - 154. Jean Sonet, Le Roman de Barlaam et Josaphat. Tome I. Recherches sur la tradition manuscrite latine et française, Namur, Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres, Paris, Vrin, 1949. Textes divers L’Évangile de Nicodème. Les versions courtes en ancien français et en prose, éd. Alvin E. Ford, Genève, Librairie Droz, 1973. Iacopo da Varazze, Legenda Aurea, Edizione critica a cura di Giovanni Paolo Maggioni, seconda edizione rivista dall’autore, 2 vol., Sismel, Edizioni del Galluzzo, 1998.
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Jacques de Voragine, La légende dorée, édition publiée sous la direction d’Alain Boureau, avec Monique Goullet et la collaboration de Pascal Collomb, Laurence Moulinier et Stefano Mula, préface de Jacques Le Goff, Paris, Gallimard, 2004 (Bibliothèque de la Pléiade, 504). Jean de Mailly, Adbreviatio in gestis et miraculis sanctorum, est cité d’après l’édition en préparation de Giovanni Paolo Maggioni (à paraître aux Edizioni del Galluzzo). La Vie de Sainte Marie l’Égyptienne. Versions en ancien et moyen français, éditées par Peter F. Dembowski, Genève, Droz, 1977. [Vincent de Beauvais] Bibliotheca Mundi seu Speculum Maioris Vincentii Burgundi Praesulis Bellovacensis, Ordinis Praedicatorum, Theologi ac Doctoris Eximii, Tomus quartus, qui Speculum Historiale inscribitur, Opera & studio Theologorum Benedictinorum Collegii Vedastini in Alma Academia Duacensi, Duaci, Ex Officina Typographica Baltazaris Bellleri sub Circino aureo, M. DC. XXIV. Cette édition, souvent déficiente, peut être complétée avec profit par le texte du manu scrit Douai, Bibliothèque municipale, 797, transcrit sur le site des bases textuelles de l’Atelier Vincent de Beauvais (http://atilf.atilf.fr/bichard/). Ouvrages de références [BHL] Bibliotheca Hagiographica Latina antiquae et mediae aetatis, K - Z, Bruxelles, Société des Bollandistes, 1900 - 1901 (pp. 804 - 811 pour MarieMadeleine); complété par Bibliotheca Hagiographica Latina antiquae et mediae aetatis, Novum supplementum, éd. H. Fros, Bruxelles, Société des Bollandistes, 1986 (Subsidia Hagiographica, n° 70; pp. 605 - 609 pour Marie-Madeleine). Une recherche en ligne peut être effectuée sur le site http://bhlms.fltr.ucl.ac.be/, dérivé de la base de données « Légendiers » établie par Michel Trigalet et François de Vriendt, avec la collaboration de Paul Bertrand et de Bénédicte Legrain, sous la direction de Guy Philippart (adapté et augmenté par Robert Godding, Xavier Lequeux et Jean-Marie Delanghe). Charles-Moïse Briquet, Les filigranes : dictionnaire historique des marques du papier dès leur apparition vers 1282 jusqu’en 1600, Paris, A. Picard; Genève, A. Jullien, 1907. Colophons de manuscrits occidentaux des origines au XVIe siècle, [éd. par les] Bénédictins du Bouveret, Fribourg, 6 vol., Éd. universitaires, 1965 - 1982 (Spicilegii Friburgensis subsidia; vol. 2 - 7). [DEAF] Kurt Baldinger, avec la collaboration de Jean-Denis Gendron et Georges Straka, Dictionnaire étymologique de l’ancien français, 22 fascicules disponibles (lettres G à I et J, partiellement), Québec, Presses de l’Université Laval, Tübingen, Niemeyer, 1971 - 2007.
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[TLF] Trésor de la langue française : dictionnaire de la langue du XIXe et du XXe siècle (1789 - 1960), sous la direction de Bernard Quemada, 16 vol., Paris, Éditions du CNRS, Klincksieck et Gallimard, 1971 - 1994. [DLF] Dictionnaire des lettres françaises. Le Moyen Age, ouvrage préparé par R. Bossuat, L. Pichard et G. Raynaud de Lage. Édition entièrement revue et mise à jour sous la direction de G. Hasenohr et M. Zink, Paris, Fayard, 1992. [PL] Patrologiae cursus completus, seu Bibliotheca universalis, integra, uniformis, commoda, oeconomica, omnium ss. patrum, doctorum scriptorumque ecclesias ticor um ..., Series latina in qua prodeunt patres, doctores scriptores que ecclesiae latinae a Tertulliano ad Innocentium III, accurante J.-P. Migne, 221 t. en 222 vol., Lutetiae Parisiorum, J.-P. Migne, 1844 - 1865. Alison Stones, « Illustrated Miracles de Nostre Dame Manuscripts Listed by Stylistic Attribution and Attributable Manuscripts Whose MND Selection is Unillustrated », Gautier de Coinci, Miracles, Music, and Manuscripts, Edited by K.M. Krause and A. Stones, Turnhout, Brepols, 2006 (« Medieval Texts and Cultures of Northern Europe », vol. 13), pp. 373 - 396 (Appendice IV). Die Wasserzeichenkartei Piccard im Hauptstaatsarchiv Stuttgart, bearb. von Gerhard Piccard, Stuttgart, W. Kohlhammer, 1961 - (Veröffentlichungen der Staatlichen Archivverwaltung Baden-Württemberg. Sonderreihe). [FEW] Walther von Wartburg, Französisches Etymologisches Wörterbuch, 32 vol., Bonn, F. Klopp, Bâle, Centre du FEW, Nancy, Institut National de la Langue Française / ATILF, Paris, Champion, 1928 - 2003. Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, 10 t. en 9 vol., Paris, F. Vieweg, puis E. Bouillon, 1880 -1902. Adolf Tobler, Erhard Lommatzsch, Altfranzösisches Wörterbuch, 11 vol., Berlin, Weidmannsche Buchhandlung, puis Stuttgart, Fr. Steiner Verlag, 1925 2002.
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Inventaire du corpus et de sa tradition manuscrite I. Sources antérieures à Jacques de Voragine A. Source indéterminée 1. Anonyme, fin XIIème - début XIIIème siècle : Nantes, Musée Dobrée, 5, f° 198 a - 201 a Exemplaires de comparaison : A (Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3516, f° 57 b - 57 h) P1 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 422, f° 125 c - 127 c) P3 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19531, f° 169 d - 172 c) Versions remaniées : L (Leyde, Universiteitsbibliotheek, B.P.L., 46A, f° 13 a - 15 d, pour la partie correspondant à la version de A N P1 P3 ; f° 11 a - 16 b (ancienne numérotation : 208 a - 213 b), pour l’ensemble du texte consacré à Marie-Madeleine (l. 1 - 87, 140 - 152 et 215 - 230)) P2 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15212, f° 161 v° - 169 v° (l. 1 - 90)) B. Jean de Mailly 2. Anonyme, vers 1240 - 1250 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 988, f° 125 c - 128 c Exemplaires de comparaison : A (Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3706, f° 141 r° - 151 v°) E (Épinal, Bibliothèque municipale, 76 (9), f° 60 b - 61 d) Li (Lille, Bibliothèque municipale, Rig. 451 (202), 139 v° - 143 r°) Ly (Lyon, Bibliothèque municipale, 867 (772), f° 53 b / c - 56 b) P1 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 423, f° 32 a - 33 b) P3 (Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acqu. fr. 23686, f° 147 c - 149 b) SG (Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, 587, f° 85 c - 87 a) 3. Anonyme, XIVème siècle (?) : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10295 - 304, f° 113 v° - 116 r°
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C. Narrat Josephus (BHL 5456) 4. Anonyme, fin XIIIème - début XIVème siècle (?) : Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 11521, f° 88 d - 90 d D. Postquam Dominus (BHL 5457) 5. Par Guillaume le Clerc (ca 1210 - 1240) : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19525, f° 67 a - 72 c Exemplaire de comparaison : Londres, British Library, Add. 70513 (ex-Welbeck Abbey, duc de Portland, 1. C. I), f° 50 c - 55 c (L) 6. Anonyme, milieu du XIIIème siècle (?) : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10326, f° 251 c - 257 c Exemplaires de comparaison : C (Copenhague, Det Kongelige Bibliotek, Thott 517-4°, f° 22 v° - 38 r°) L1 (Londres, British Library, Add. 6524, f° 165 v° - 168 v°) P3 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 6447, f° 243 d - 247 a) P4 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 25532, f° 294 r° - 298 v°) P5 (Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. fr. 10128, f° 241 b - 246 d) Manuscrits hybrides : B1 (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9225, f° 60 f - 61 f) L2 (Londres, British Library, Add. 17275, f° 37 b - 38 a) P1 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 183, f° 63 a - 63 f) P2 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 185, f° 27 a - 27 e) E. Fuit igitur secundum saeculi fastum 7. Anonyme, milieu du XIIIème siècle : Paris, Bibliothèque Mazarine, 1716 (568), f° 259 a - 264 b Exemplaires de comparaison : C (Chantilly, Musée Condé, 734 (456), f° 275 a / b - 279 a) G (Genève, Bibliothèque de Genève, Comites latentes, 102 (ex-Cheltenham, Bibliothèque Phillipps, 3660), f° 302 c - 306 c) L2 (Londres, British Library, Add. 41179, f° 6 r° - 11 v°) O (Oxford, Queen’s College, 305, f° 259 a - 263 d) P3 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 413, f° 379 b - 383 c)
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P4 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 17229, f° 331 b - 336 d) P5 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 23117, f° 402 d - 406 c) P6 (Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. fr. 13521, f° 108 a - 113 c) Manuscrits hybrides : B (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9225, f° 58 d - 60 f) L1 (Londres, British Library, Add. 17275, f° 38 a - 40 d) P1 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 183, f° 60 c - 63 a) P2 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 185, f° 24 f - 27 a) 8. Anonyme, première moitié du XIVème siècle (?) : Pau, Archives départementales des Basses-Pyrénées, 20 (F), f° 101 r° - 124 v° Exemplaire de comparaison : Besançon, Bibliothèque municipale, 254, f° 165 v° 185 v° (B) F. Nunc ergo largiente (BHL 5491) 9. Anonyme, fin XIIIème - début XIVème siècle (?) : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 13496, f° 230 b - 233 b
II. Traductions de la Legenda aurea 10. Anonyme, avant 1275 environ : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 20330, f° 159 d - 164 a Exemplaire de comparaison : Le Puy-en-Velay, Grand Séminaire, f° 128 (137) b 131 (140) b (PV) 11. Anonyme, traduction pour Béatrice de Bourgogne, 1276 - 1329 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 23114, f° 184 r° - 188 v° 12. Anonyme, deuxième moitié du XIIIème siècle / première moitié du XIVème siècle (?) : Tours, Bibliothèque municipale, 1008, f° 195 c - 199 c Exemplaire de comparaison : Modène, Biblioteca Estense Universitaria, etr. 116 (d.T.4.14; olim XI.G.24; XVII.II.4), f° 176 d - 182 c (M)
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13. Par Nicole Bozon (avant 1350, peut-être dès la fin du XIIIème siècle) : Londres, British Library, Cotton Domitian, A. XI, f° 94 b - 97 b 14. Traduction par Jean de Vignay, ca 1330 - 1340 : Paris, Bibliothèque Mazarine, 1729, f° 159 c - 163 c (foliotation moderne) Exemplaires de comparaison : A (Arras, Bibliothèque municipale, 83 (630), f° 152 b - 158 a) Ars1 (Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3682, f° 294 d - 301 a) Ars2 (Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3705, f° 148 a - 151 d) B1 (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9226, f° 151 d - 155 c) B2 (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9227, f° 172 b - 176 a) B3 (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9228, f° 163 c - 167 b) B4 (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9282 - 9285, f° 152 c - 156 b) C (Cambridge, The Fitzwilliam Museum, Mc Lean 124, f° 121 a - 124 b) Ch (Chantilly, Musée Condé, 735 (1335), f° 186 a / b - 190 d) G (Genève, Bibliothèque de Genève, fr. 57, f° 192 a - 196 d) H (La Haye, Koninklijke Bibliotheek, 73.E.6, f° 59 v° - 67 r°) J (Jena, Thüringer Universitäts- und Landesbibliothek, El. f. 86, f° 149 a - 152 c) L1 (Londres, British Library, Add. 16907, f° 147 c - 151 b) L2 (Londres, British Library, Egerton 645, f° 199 d - 204 b) L3 (Londres, British Library, Loan 36, 2 (ex-Cheltenham, Bibliothèque Phillipps, 199), f° 250 b - 256 d) L4 (Londres, British Library, Royal 19. B. XVII, f° 170 c - 174 c) L5 (Londres, British Library, Stowe 50, f° 221 b - 226 b) L6 (Londres, British Library, Yates Thompson 49, 2, f° 112 d - 115 b) Ma (Paris, Bibliothèque Mazarine, 1729, f° 159 c - 163 c) Mu (Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Gall. 3, f° 118 b - 121 b) N (New York, Pierpont Morgan Library, 674, f° 49 r° - 58 r°) P1 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 184, f° 179 d - 184 b) P2 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 241, f° 162 d - 167 d) P3 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 242, f° 140 d - 144 b) P4 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 243, f° 176 b - 181 a) P5 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 244, f° 200 b - 206 c) P6 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 414, f° 203 a - 208 a) P7 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 415, f° 262 a - 268 b) P8 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1535, f° 356 v° - 365 r°) P9 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 6448, f° 182 a - 186 c) P10 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 17232, f° 159 c - 163 b) P11 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 23113, f° 4 a - 9 c) R (Rennes, Bibliothèque municipale, 266, f° 170 b - 174 d)
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15. Anonyme, milieu du XIVème siècle (?) : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1534, f° 50 c - 51 c 16. Anonyme, avant 1385 : Cambrai, Médiathèque municipale, 812 (719), f° 203 d - 207 b Exemplaires de comparaison : B (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10203, f° 104 b - 110 c) C1 (Cambrai, Médiathèque municipale, 210 (205), 2ème partie, f° 53 c - 56 b) P (Paris, Bibliothèque de l’Institut de France, 12, 2ème partie, f° 87 b - 91 d) T (Tournai, Bibliothèque du Séminaire, 43, f° 144 r° - 147 r°) Édition parallèle : L (Lille, Bibliothèque municipale, Rig. 452 (795), f° 399 b 406 c) 17. Anonyme, avant 1399 : Cracovie, Biblioteka Jagiellonska, Ms. Berol Gall. Fol. 156, f° 190 b - 194 d (anc. 187 b - 191 d) Exemplaires de comparaison : F (Florence, Biblioteca Medicea-Laurenziana, Med. Palat. 1412, f° 176 r° 179 r°) T (Tournai, Bibliothèque locale et principale de la Ville, 127, f° 189 c - 193 c) 18. Anonyme, XIVème siècle (?) : Tours, Bibliothèque municipale, 1012, f° 27 v° - 36 r° Exemplaires de comparaison : P1 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 409, f° 160 r° - 171 v°) P2 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15475, f° 197 a - 206 b) 19. Anonyme, avant 1450 (première moitié du XVème siècle (?)) : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1054, f° 198 r° - 207 r° 20. Anonyme, XVème siècle (?) : Londres, British Library, Royal 20. B. II, f° 57 r° - 80 v° 21. Anonyme, XVème siècle (?) : Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. fr. 4464, f° 149 r° - 154 r°
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Inventaire du corpus et de sa tradition manuscrite
22. Anonyme, XVème siècle (?) : Lille, Bibliothèque municipale, Rig. 454 (350), f° 85 v° - 89 r° (foliotation moderne) 23. Anonyme, XVème siècle (?) : Semur-en-Auxois, Bibliothèque municipale, 38 (39), f° 227 v° - 235 v°
III. Compilations 24. Anonyme, fin XIIIème - début XIVème siècle (?) : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 13496, f° 131 a - 146 c 25. Anonyme, rédaction interpolée, XVème siècle (?) : Bologne, Biblioteca universitaria, 893, f° 6 r° - 76 r° 26. Anonyme, XVème siècle (?) : Rouen, Bibliothèque municipale, 1430 (U 93), f° 58 v° - 61 v° Exemplaire de comparaison (lignes 117 - 210) : P (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15219, f° 93 v° - 95 v° (texte partiel))
IV. Autres versions 27. Trèves, Stadtbibliothek/Stadtarchiv, Mappe VIII (fragment; milieu ou seconde moitié du XIIIème siècle (ou postérieur) ?) 28. York, Minster Library and Archives, ms. XVI. K. 13, f° 135 r° / v° (numérotation moderne; fragment, datation incertaine – ca 1300)
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Vies médiévales de Marie-Madeleine
TEXTES ET PRÉSENTATIONS
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I. Sources antérieures à Jacques de Voragine
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Nantes, Musée Dobrée 5 (n° 1)
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1. Nantes, Musée Dobrée 5, f° 198 a - 201 a Le manuscrit 5 du Musée Dobrée à Nantes (N) est le témoignage le plus précoce dont nous disposons sur la diffusion de la légende de Marie-Madeleine en français. Produit dans les premières décennies du XIIIème siècle, selon Patricia Stirnemann, ou au plus tôt vers 12001, il est aussi l’une des premières attestations du miracle de Marseille, si ce n’est la plus ancienne que nous possédions. À ce récit, la version conservée dans ce volume joint l’apostolat de Marie-Madeleine en France ainsi que la vie érémitique et la mort de la sainte, qu’elle complète par la translation des reliques à Vézelay. Si sa retraite est inspirée d’un texte proche du Interea beata Maria Magdalana2, la source de la légende de Marseille n’est pas clairement identifiée. Le Postquam Dominus (BHL 5457), qui relate le miracle en latin, présente en effet de nombreuses divergences avec le texte vernaculaire et est beaucoup plus élaboré au point de vue narratif 3. Si toutes ces caractéristiques éveillent une curiosité naturelle, il est cependant impossible, en l’état de la recherche, de déterminer avec exactitude les conditions dans lesquelles cette composition a vu le jour, et affirmer, même avec quelque circonspection, que le texte vernaculaire serait la première mise par écrit du miracle de Provence est dénué de véritable fondement4. Cette vie de Marie-Madeleine commence là où les récits bibliques s’arrêtent. Le don du Saint-Esprit, qui chez Matthieu, Marc et Jean fait suite à l’apparition du Christ ressuscité à Marie de Magdala, clôt en effet les Évangiles et marque l’ouverture de la version de Nantes5 : « Quant li deciple Jhesu Crist eurent receut le Saint Esprit (...) ». De fait, les épisodes évangéliques sont absents de celle-ci : seule la citation latine de Luc 7, 47 (l. 21), qui rappelle le pardon de la femme 1 La datation proposée par G. Durville dans son Catalogue de la Bibliothèque du Musée Thomas Dobrée, I : Manuscrits, Nantes, Musée Thomas Dobrée, 1904, pp. 223 - 261, soit la fin du XIIème siècle, semble prématurée au regard des caractéristiques paléographiques du manuscrit. 2 Le rapprochement est effectué par C. Corcoran et alii (« De la Madelaine. Vie anonyme de MarieMadeleine en prose française de la fin du XIIe siècle : édition critique », Zeitschrift für romanische Philologie, Bd 98, 1/2, 1982, pp. 20 - 42) p. 23. Il est toutefois évident que les deux textes n’entretiennent pas de liens directs. La version latine est éditée par É.-M. Faillon, Monuments inédits, 1848, col. 445 - 452. 3 En outre, le plus ancien manuscrit conservant le Postquam Dominus (Bruxelles, Musée des Bollandistes, ms. 443, daté du XIIIème siècle dans le répertoire des Bollandistes) est au mieux contemporain, voire postérieur à celui de Nantes. 4 M. Zink, La Prédication en langue romane avant 1300, Paris, Champion, 1976, pp. 346 - 358, puis É. Pinto-Mathieu, Marie-Madeleine dans la littérature du Moyen Age, Paris, Beauchesne Éditeur, 1997, pp. 124 - 139, ont commenté cette version. Celle-ci parle, avec prudence il est vrai, d’un « épisode créé ex nihilo par la vie picarde », puis d’un « récit marin recueilli vers la mer Egée (...) colporté dans la région picarde ou flamande » qu’un « hagiographe de langue vernaculaire (...) mettrait pour la première fois par écrit, suivi de peu par Postquam Dominus, qui latinise mais surtout christianise le motif, lui assurant au XIIIe siècle une immense diffusion » (p. 139). Pour C. Corcoran et alii (« De la Madelaine », art. cit., p. 23) elle « dérive » du Postquam Dominus. 5 La structure de la compilation contenue dans le manuscrit Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15212 (voir infra), qui place au début du récit des extraits des Évangiles, met ce lien en lumière : l’apparition du Christ aux disciples et le don du Saint-Esprit relatés d’après Jean précèdent en effet immédiatement la version commune.
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pécheresse, évoque la fréquentation du Christ par notre sainte. Sa vie est pourtant construite sur le modèle de celle de Jésus. En témoignent deux remarques placées au début et à la fin de la légende, le narrateur soulignant que Marie-Madeleine abandonne ses richesses « por ce k’ele fuist povre et samblanz a Jhesu Crist » (l. 18), alors que Maximin oint son corps parce qu’elle-même a porté les onguents au Sépulcre (l. 130 sq.). De même, la sainte sera confiée à Maximin par Pierre comme Marie l’a été à Jean par le Christ (l. 9 sq.), et ses miracles comme sa prédication sont destinés à convertir les non croyants. Le reproche de cruauté que lui adresse le pèlerin lors du décès de sa femme (l. 42 sq.) renforce lui aussi ce parallélisme : il fait écho à la rigueur, dénoncée en particulier par saint Anselme6, du Christ jardinier qui tarde à se faire reconnaître de Marie de Magdala éplorée. Si la version de Nantes dessine les contours de la légende médiévale de MarieMadeleine, elle se pare néanmoins de nombreux éléments narratifs qui lui appartiennent. Ainsi, pour n’en énumérer que les plus importants, il n’est pas fait de reproches à Marie-Madeleine pour sa luxure et les persécutions des chrétiens par les juifs ne sont pas évoquées. Par ailleurs, seul Maximin accoste avec elle à Marseille, leurs éventuels compagnons de voyage ne sont pas mentionnés. Le « roi d’Aquilée » et sa femme ne sont pas confrontés aux apparitions nocturnes de la sainte, mais le premier, témoin de ses miracles, la prie d’intercéder en sa faveur, en échange de la conversion du pays tout entier. C’est elle-même qui demande alors au roi de se rendre à Jérusalem chez saint Pierre et le débat avec l’épouse n’a pas lieu. La mort de celle-ci intervient lors de son accouchement, sans qu’une tempête ne vienne précipiter les événements (il ne se produit donc pas d’altercation avec les marins au sujet du corps). Aucun détail n’est fourni sur l’ensevelissement. Saint Pierre accueille le pèlerin sans faire état de la femme. Au retour, le roi croit voir un singe sur l’île. La scène des retrouvailles est très dépouillée. La retraite érémitique est motivée par le rejet explicite de la vie active (et l’on notera la volonté précise de Marie-Madeleine de renoncer au règlement des affaires ecclésiastiques et à la prédication). L’élévation par les anges et la découverte par le moine-ermite ne font pas l’objet de longs développements. Le Christ en personne vient recueillir l’âme de la sainte. Les miracles qui concluent le récit n’apparaissent eux aussi que dans notre version : lors de la translation des reliques à Vézelay, les morts d’un cimetière se lèvent pour honorer le corps, puis les arbres s’inclinent devant le convoi. 6 Il ne s’agit donc pas seulement d’un « motif folklorique préchrétien » artificiellement et imparfaitement plaqué sur un élément de merveilleux hagiographique (cf. É. Pinto-Mathieu, Marie-Madeleine dans la littérature du Moyen Age, op. cit., pp. 127 sq.). Saint Anselme décrit le chagrin de Marie-Madeleine et la dureté du Christ jardinier dans son Oraison à Marie-Madeleine (Oratio LXXIV, « Ad sanctam Mariam Magdalenam » PL, CLVIII, col. 1010 - 1012) ; le manuscrit Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. lat. 592 contient une adaptation française de cette prière (f° 78 r° - 85 v°). En voici un extrait : « O Jhesu, singulers joies de ta sainte amie Marie, qui savoies sa grant doleur, que savoies l’ardant amour qu’ele havoit a toi, quar celi amour tu li havoies ambrasee en son cuer, et se tu ne la voloies conforter, porquoi li amovoies tu plus sa doleur en demandant qu’ele queroit et porquoi ele ploroit ? » (f° 82 r°).
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Nantes, Musée Dobrée 5 (n° 1)
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Description des manuscrits Le petit recueil de Nantes (Musée Dobrée 5, f° 198 a - 201 a ; 233 feuillets de parchemin de ca 210 sur 140 mm, rédigés sur 2 colonnes à 30 lignes) contient des écrits de nature religieuse : trois traductions d’œuvres de saint Bernard (44 Sermones in Cantica7 ; De diligendo Deo et De laudibus Virginis Mariae) précèdent un sermon sur le Psaume 150 (Sor Laudate), la vie de Marie-Madeleine, un autre sermon, sur sainte Agnès, et une pièce anonyme intitulée De le meditation. R.Taylor, qui s’en sert comme exemplaire de référence pour l’édition de l’avant-dernier texte8, y décèle un mélange, variable d’un écrit à l’autre, de traits wallons et picards. Sa date d’exécution le rend aussi précieux dans la mesure où elle fait de notre vie (et des autres copies qu’il renferme) l’un des plus anciens témoins de prose française conservés, à côté des traductions entreprises par Wauchier de Denain pour Philippe de Namur. Rédigée dans une belle écriture gothique livresque, régulière et soignée, la légende de Marie-Madeleine est introduite par une brève rubrique et une simple lettrine sans ornementation, alors que d’autres pièces (comme la suivante, par exemple, avec sa belle initiale historiée) offrent une illustration plus riche. Trois autres manuscrits reproduisent un texte similaire : A (Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3516, f° 57 b - 57 h) ; P1 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 422, f° 125 d - 127 c) ; P3 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19531, f° 169 d - 172 c). S’y ajoutent deux exemplaires dans lequels la vie de MarieMadeleine est une compilation qui intègre notre récit, mais avec des résultats distincts : L (Leyde, Universiteitsbibliotheek, B.P.L., 46A, f° 13 a - 15 d9) ; P2 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15212, f° 161 v° - 169 v°). Soigneusement analysé par C. Guggenbühl dans sa thèse de doctorat10, le manuscrit 3516 de la Bibliothèque de l’Arsenal (A) est daté de 1267 grâce à certains éléments de son contenu et localisé dans l’Artois par P. Meyer11. Cet imposant recueil de 356 feuillets sur parchemin (ca 330 sur 245 mm ; 4 colonnes à 52 lignes) regroupe 68 textes de nature hétérogène, retranscrits au moyen d’une petite écriture cursive gothique. 22 pièces, dispersées dans le volume, sont d’esprit religieux. 17 sont des vies de saints, tantôt en vers tantôt en prose, parfois attribuées (Nico7 Seule copie conservée (ces pièces ont été éditées par St. Gregory, La traduction en prose française du 12e siècle des ‘Sermones in Cantica’ de saint Bernard, Amsterdam et Atlanta, Rodopi, 1994). 8 R. Taylor, « Sermon anonyme sur sainte Agnès, texte du XIIIe siècle », Travaux de linguistique et de littérature, 7, 1, 1969, pp. 241 - 253. 9 Pour la partie du texte qui correspond à la vie du manuscrit de Nantes (le récit que le volume de Leyde consacre à Marie-Madeleine couvre au total les folios 11 a à 16 b). 10 Recherches sur la composition et la structure du ms. Arsenal 3516, Bâle, Tübingen, Francke, 1998 (Romanica Helvetica, vol. 118). 11 P. Meyer, « La vie et la translation de saint Jacques le Majeur. Mise en prose d’un poème perdu », Romania, t. 41, 1902, p. 253. Sa décoration permet de le rattacher plus précisément à un atelier de Thérouanne ou de Saint-Omer, voir, Gautier de Coinci, Miracles, Music, and Manuscripts, Edited by K.M. Krause and A. Stones, Turnhout, Brepols, 2006 (« Medieval Texts and Cultures of Northern Europe », vol. 13), Appendice IV, p. 374.
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las et Marguerite par Wace ; Julien par Rogier ; Brandan par Benedeit), le plus souvent anonymes. Celle de Marie-Madeleine inaugure une suite de 6 légendes en proses contenues entre les f° 57 et 6712, que précèdent la Conception Nostre Dame par Wace et une paraphrase de l’Eructavit en vers. Elle comportait une miniature sur une colonne et 12 lignes environ et une initiale ornée qui, comme la plupart des illustrations de ce codex, ont disparu. P1 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 422) est un volume de parchemin qui réunit 128 feuillets (ca 240 x 326 mm), mis en page sur 2 colonnes à 39 lignes. Son écriture, que l’on peut sans doute dater de la fin du XIIIème ou du début du XIVème siècle13, est de type gothique livresque. Plus de la première moitié du recueil est occupée par des extraits de la Vie des Pères, suivis, sur une cinquantaine de feuillets, de légendes en prose : Martin, Nicolas (vie et translation) ; Jean l’Évangéliste, les Lamentations de la Vierge, Marie-Madeleine, la Venue de l’Antéchrist (incomplet). La légende qui nous intéresse ici présente les caractéristiques du dialecte picard. Elle est introduite par une miniature à deux compartiments. Dans le volet de gauche, plus réduit, la sainte fait face à une figure masculine, auréolée comme elle. L’homme joint ses mains et les dirige vers le ciel, d’où émerge Dieu ou le Christ qui les bénit (Marie-Madeleine et Maximin ?). Dans celui de droite, l’artiste a représenté l’arrivée à Marseille : un bateau occupé par Maximin et Marie-Madeleine accoste au rivage ; debout à la proue, la sainte semble s’adresser à un roi couronné et à un homme dressé derrière lui ainsi qu’à un groupe de personnes qui l’écoutent, assises à leurs pieds. Une main perce la voûte céleste au-dessus de Marie-Madeleine en un geste de bénédiction. Dans l’initiale historiée qui suit la miniature, la sainte est à genoux devant le Christ qui lui dévoile ses stigmates. Un arbre sépare les deux personnages. Recueil factice de faible ampleur, P3 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19531) renferme 12 textes de tradition religieuse. Ses 172 feuillets de parchemin (ca 215 x 148 mm) composent une suite de cahiers ajoutés les uns aux autres. La légende de Marie-Madeleine semble faire partie de deux quaternions du XIVème siècle rédigés sur 2 colonnes à 28 lignes par un scribe dont l’origine ne se laisse pas déterminer de manière certaine (quelques traits discrets dont la tonalité pourrait être anglo-normande interfèrent dans le texte avec des picardismes sporadiques) et qui pratique une écriture gothique livresque. Placés à la fin du volume, ils reproduisent les Vers de la mort d’Hélinand de Froidmont, la vie de saint Augustin et notre texte, qui ne possède qu’une lettrine filigranée. Sa rubrique est sans doute d’une autre main. 12 Il s’agit des vies de Marie-Madeleine, Jean l’Évangéliste, Jacques le Majeur, Jean-Baptiste, Pierre et Paul. Onze légendes en vers figurent entre les folios 67 et 126, parmi d’autres pièces de nature religieuse, et un miracle versifié de saint Hippolyte se trouve au f° 136. 13 Au point de vue stylistique, A. Stones associe ce recueil au manuscrit Princeton, University Library, Garrett 125, qui remonte au dernier quart du XIIIème siècle (voir « The Illustrated Chrétien Manuscripts and their Artistic Context », Les manuscrits de Chrétien de Troyes, éd. par K. Busby et al., Amsterdam, Atlanta, Rodopi, 1993, 2 vol. (Faux titre, 71 - 72) ; vol. I, pp. 227 - 322 ; p. 251, n. 99).
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Daté et localisé par un colophon14, L (Leyde, Universiteitsbibliotheek, B.P.L., 46A) a été écrit pour la plus grande part par Johanne de Malone, religieuse au prieuré bénédictin Saint-Victor-de-Huy, en 1477. Sa scripta, très marquée, témoigne du reste de sa provenance wallonne. Ce légendier comporte 183 feuillets sur papier de 285 sur 210 mm, rédigés en écriture gothique livresque sur 2 colonnes de 36 lignes et encadrés de 10 et de 6 feuillets additionnels (dont 6 consacrés à un calendrier de la main de la copiste, parmi les 10 premiers). Il dispose d’une foliotation originale qui débute par le numéro 208. On peut ainsi admettre que les légendes retranscrites, de juillet à novembre, étaient au départ précédées par celles du début de l’année liturgique. La présentation de la vie de Marie-Madeleine paraît rudimentaire : titre à l’encre, suivi d’une petite initiale historiée qui dépeint la sainte portant une boîte d’onguent. Cette pièce est cependant la seule avec celle de sainte Catherine à être mise en évidence par une illustration15. Tandis que sa compilatrice le désigne comme une « legent dore », le recueil est plus précisément défini comme une traduction française de l’œuvre de Jacques de Voragine par J. P. Gumbert (1994), après G. I. Lieftinck16. Les travaux de M. ThiryStassin ont toutefois montré que d’autres sources ont été mises à contribution, en particulier le Myreur des Histors de Jean d’Outremeuse, pour les vies des saints locaux17. En revanche, l’affirmation qu’une « large majorité des textes conservés s’inspire d’une traduction de la Légende dorée dans la version donnée par Jean de Vignay pour Jeanne de Bourgogne »18 ne saurait être étendue à celle de MarieMadeleine (cf. p. 512). Une rapide comparaison suffit à montrer que seuls les trois paragraphes finaux (mariage avec Jean Baptiste19 ; miracles du chevalier ressuscité et des péchés effacés, l. 215 - 233) peuvent provenir directement de la Légende 14 « L’an .LXXVII. fut fait et acomplis par sour Johanne de Malone cest legent dore manant a sains Victor, dit por son ame Resquiescant in pace. Amen » (f° 188 c), cité d’après M. Thiry-Stassin, « Johanne de Malone : une rédactrice atypique de vies de saints (Leyde, BPL 46A) », ‘Scribere sanctorum gesta’. Recueil d’études d’hagiographie médiévale offert à Guy Philippart, édité par É. Renard, M. Trigalet, X. Hermand et P. Bertrand, Turnhout, Brepols, 2005 (Hagiologia. Études sur la Sainteté en Occident, vol. 3), pp. 507 - 521 (p. 507, n. 3). 15 Cf. J. P. Gumbert, « Medieval Manuscripts in French in the Leiden University Library : A Handlist », Medieval Codicology, Iconography, Literature, and Translation. Studies for Keith Val Sinclair, ed. by P. R. Monks and D. D. R Owen, Leiden, Bril ; Cologne, E. J. Brill, 1994, pp. 28 - 42 (p. 30). 16 J. P. Gumbert, ibid. ; G. I. Lieftinck, Manuscrits datés conservés dans les Pays-Bas. Catalogue paléographique des manuscrits en écriture latine portant des indications de date. Tome premier : Les manuscrits d’origine étrangère (816 - C. 1550). Texte, Amsterdam, North-Holland Publishing Compagny, 1964, p. 73, n° 167 (voir également tome II, planches 227 et 228). 17 Les vies de Jean l’Agneau, Monulphe, Gondulfe, Remacle, Thiar, Lambert, Euchaire de Trèves (envoyé dans le Nord en compagnie de Valère et de Materne), Euchaire (disciple de Trond), Severin, Hubert seraient extraites de l’œuvre du chroniqueur liégeois (cf. M. Thiry-Stassin, « Johanne de Malone », art. cit., pp. 512 sq.). 18 M. Thiry-Stassin, ibid., p. 511. 19 Le rapprochement des noces de Cana avec celles de Jean l’Évangéliste est fréquent ; voir, par exemple, le Commentaire de Pierre le Mangeur à Jean 2, 1 : « Qui était le marié de ces noces ? Certains estiment que ce furent les noces de Jean », cité dans le dossier préparé par L. Devillers, J.-N. Guinot, G. Dahan, D. Pierre et collaborateurs, Les Noces de Cana, Supplément au Cahier Évangile n° 117, Éd. du Cerf, octobre 2001, p. 52. Archedeclin est la francisation d’architriclinus, « le maître du repas », dans Jean 2, 1 - 12.
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dorée. Ceux-ci n’ont pourtant aucun lien avec le travail de Jean de Vignay : les deux derniers éléments reprennent en effet la version n° 16, dans laquelle le mariage de Jean n’apparaît pas cependant. La légende de Marie-Madeleine contenue dans L est une combinaison de matériaux de diverses provenances, maladroitement articulés entre eux. De longs extraits des Évangiles (l. 16 et 41), la version de Nantes ainsi qu’un choix restreint de miracles en forment la charpente. L’onction chez Simon se réfère ainsi à Luc 7, 36 - 50 (l. 16 - 37) et la résurrection de Lazare à Jean 11, 17 - 46 (l. 43 - 69 ; les lignes 41 - 42 résumant Jean 11, 1 - 16). Le récit de l’onction à Béthanie est restitué selon Jean 12, 1 - 6 (l. 69 - 79), et la réponse du Christ à la réaction de Judas est la traduction de Marc 14, 6 - 9 (et non Jean 12, 7, l. 79 - 83). Les passages d’origine biblique sont très proches de leur source et ne se retrouvent pas ailleurs dans notre corpus20. Quelques parties (l. 1 - 16, origine de Marie-Madeleine ; l. 37 - 40, défense de la sainte par le Christ ; l. 83 - 89, témoignage de son amour pour Marie-Madeleine ; l. 140 - 152, arrivée à Marseille) pourraient être rattachés à Jacques de Voragine, mais au prix de distorsions qui rendent leur filiation avec l’une ou l’autre des traductions conservées très incertaine. Dernier représentant de notre version, P2 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15212) est un volume de 250 feuillets de parchemin d’environ 175 x 110 mm, rédigé sans doute au XIVème siècle21. Le scribe qui l’a confectionné emploie une écriture gothique livresque. Sa tonalité est picarde. Les premières pages du manuscrit, non comprises dans la numérotation originelle de ses cahiers (qui débute avec le texte suivant), contiennent une chronique universelle abrégée. Les romans de Miserere et de Carité du Reclus de Moilliens occupent quelque 110 feuillets, rédigés sur une colonne à 28 lignes. Pour l’essentiel, l’autre moitié du recueil est formée de textes consacrés à la Vierge (une prière et deux séries de miracles en vers, ainsi qu’un sermon en prose sur son Assomption, attribué par le rubricateur à Guillaume d’Auvergne et au chancelier Philippe). Avec les Quinze signes du Jugement dernier, qui le précèdent, le texte sur MarieMadeleine présente donc un caractère quelque peu atypique, même si cette anthologie n’a pas une vocation strictement mariale. Des lettres historiées à l’encre, souvent au motif d’êtres hybrides, signalent l’emplacement des romans du Reclus, la prière à la Vierge et deux de ses miracles. Des initiales rouges de 2 lignes structurent par ailleurs les textes et de nombreuses lettres rehaussées de rouge appa20 À la différence de ce qui se produit chez Jean, la résurrection de Lazare nous montre Marie courant au devant du Christ alors que c’est Marthe qui reste à la maison (l. 45). Le texte supprime en conséquence la phrase annonçant que le Messie n’était pas encore entré dans le village (Jean 30). Par ailleurs, la mention d’une boîte d’albâtre à Béthanie (l. 72) résulte d’une contamination par l’onction chez Simon (Luc 7, 37) et l’indication que c’est la tête du Christ, et non les pieds, qui est ointe est introduite en un second temps (l. 73). 21 La présence de deux miracles de Gautier de Coinci dans ce volume a conduit A. Stones à étudier cet exemplaire atypique de notre tradition. Elle considère qu’il a été exécuté au XIVème siècle, mais ne peut en déterminer la provenance. Voir Gautier de Coinci, Miracles, Music, and Manuscripts, op. cit., Appendice IV, p. 378.
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raissent dans les pièces en prose. La vie de Marie-Madeleine ne comporte qu’une simple initiale, sur 3 lignes ; l’articulation des différentes parties qui la composent ne présente aucune marque de segmentation : le scribe reproduit l’ensemble d’une traite, si l’on excepte la lettrine placée au haut du f° 162 r°. Le récit consiste en une juxtaposition d’extraits des Évangiles, explicitement signalés, et de la légende de Marie-Madeleine à laquelle de brefs passages au ton édifiant ont été ajoutés, sans doute par le compilateur. L’architecture du récit est facile à percevoir : après un bref exorde sur les bienfaits que produit l’écoute des récits religieux22 et un appel de l’auteur à l’aide divine, celui-ci consacre quelques lignes à l’origine de Marie-Madeleine et à ses années de péché. Si l’on excepte un court préambule, celles qui s’attachent à la conversion de la sainte lors de l’onction du Christ constituent une adaptation presque littérale de l’Évangile de Luc (7, 36 - 50 ; l. 24 - 54). Le narrateur identifie toutefois la femme pécheresse, anonyme chez Luc, à Marie-Madeleine, conformément à la tradition. Le récit biblique est suivi d’une prière de la sainte lors de son repentir et de l’évocation de son amour pour le Christ (l. 54 - 77). Une transition permet de renouer avec les Évangiles et, sous forme de traduction littérale à nouveau, de relater l’onction des trois Marie selon Marc 16, 1 - 723 et la rencontre du Christ à partir de Jean 20, 11 - 18 (l. 77 114). La suite paraphrase l’apparition de Jésus aux disciples d’après Jean 20, 19 23, et l’on peut noter l’insistance de notre auteur à souligner la participation de Marie-Madeleine à cette scène, à l’inverse de la Bible qui n’évoque pas explicitement sa présence. Le don du Saint-Esprit permet de revenir à sa légende, conforme à la version transmise par A N P1 P3, jusqu’à la fin. Un bref épilogue conclut le récit. Le traitement qu’il réserve à la vie de Marie-Madeleine dévoile le ton du compilateur. La formulation qu’il adopte entraîne d’importantes modifications par rapport à la rédaction contenue dans les autres manuscrits, mais ces transformations n’affectent guère son contenu narratif 24. Si quelques détails résultent probablement d’une superposition avec d’autres états de la légende25, c’est surtout la propension à amplifier le récit par de longues prières et des échanges au discours
Ce type d’exorde n’est pas rare dans les légendiers, bien qu’aucune autre vie de Marie-Madeleine recensée n’en possède. Il est toutefois intéressant de remarquer que celui par lequel notre texte débute reprend terme à terme le prologue d’une légende de sainte Cécile, contenue dans près d’une vingtaine de manuscrits, dont en particulier la plupart de ceux qui contiennent la version n° 7 de notre corpus. 23 Le texte comporte toutefois une lacune, manifestement due à un saut du même au même ; « et respicientes vident revolutum lapidem erat quippe magnus valde et introeuntes in monumento viderunt iuvenem » (Marc 16, 4 - 5) est en effet traduit par « Et les Maries regarderent et virent un jovenencel » (l. 82). Par ailleurs, notre auteur ajoute la Vierge aux trois Marie mentionnées dans l’Évangile. 24 On notera toutefois que la tâche qui empêche Marie-Madeleine de se consacrer uniquement à l’existence contemplative est celle réservée à un auteur ou à un copiste (ecclésiastique, en l’occurrence) : écrire et faire des livres au service de la foi (l. 158) ! 25 Voir par exemple l’ajout du rédacteur au sujet de la prédication de Marie-Madeleine en France, au début de cette version : « Li douce Magdelaine comencha a preecier et sambloit a sen viaire qu’ele arsist toute de traire le pule a son douç ami Jhesucrist » (l. 128 sq.). 22
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direct entre les protagonistes qui caractérise ces interventions26. La même tendance se manifeste dans les parties indépendantes de notre texte. Son style, nourri de formules stéréotypées, sert un registre édifiant que traduisent prières ou invocations27. Choix du manuscrit de base et observations linguistiques La version autour de laquelle s’est produit cet écheveau complexe, mais essentiel dans la diffusion de la légende vernaculaire de Marie-Madeleine, a déjà été publiée deux fois28. Malgré ces antécédents, son importance, tout comme l’existence de deux témoins ignorés jusqu’ici (L et P2, même si en tant que remaniements d’une version préalable, ceux-ci ne sauraient s’imposer comme manuscrits de référence), pourraient suffire à justifier un nouvel examen. Ce sont pourtant les présupposés qui guident l’édition de C. Corcoran et al. qui nous y ont surtout conduits. D’une part, les observations sur lesquelles celle-ci se fonde manquent en général de rigueur et de discernement. D’autre part, la dissociation du texte et de son apparat critique, le système de renvois adopté, un certain degré d’imprécision dans le report des variantes et l’emploi abusif d’abréviations compliquent l’utilisation de ce travail. En outre, des informations significatives sont passées sous silence et celles qui sont fournies au lecteur comportent des fautes et sont interprétées à tort dans plusieurs cas. Ainsi, si l’entrée en matière propre à A, qui évoque la destination des apôtres après le don du Saint-Esprit, offre bien « un intérêt indépendant pour l’histoire culturelle » (p. 28), les transformations qu’elle entraîne au moment où cet exemplaire renoue avec le reste de la tradition invitent à le considérer comme un ajout probable29, et la phrase qui le démarque à la l. 127 (chiffre 72 de l’apparat critique ; cf. p. 27) exprime la propension du scribe ou du rédacteur de son modèle à amplifier le texte et à en « assouplir » le tissu narratif. 26 L’oraison que la sainte prononce devant le clergé au moment de sa dernière communion (l. 239 - 242), puis celle qui précède sa mort (l. 247 - 254) en offrent des exemples. L’invocation que Marie-Madeleine adresse au Christ en faveur du roi de Marseille se pare en outre de toute une mise en scène : la sainte s’agenouille et demande aux personnes qui l’entourent de prier avec elle (l. 149 - 151) ; et l’échange qui intervient juste avant, lorsque le roi lui réclame un fils (l. 142 - 148), l’annonce de la grossesse de sa femme (l. 159 sq.) ou encore les propos des anges puis ceux du Christ, venus chercher l’âme de la sainte (l. 255 258), font l’objet d’une nette amplification. 27 On remarquera aussi la comparaison de Jésus à une ruche et celle de la Marie-Madeleine à une abeille (l. 64). 28 Ch. Platz, « Édition d’un sermon anonyme de la Magdelaine », Bulletin des jeunes romanistes, 13, 1966, pp. 14 - 18, et 15, 1968, pp. 16 - 35. C. Corcoran et al., « De la Madelaine », art. cit. Les deux premiers travaux consistent en une retranscription du manuscrit de Nantes. Le troisième fournit une édition du manuscrit de l’Arsenal avec un choix de variantes de N, P1 et P3. 29 Outre le fait qu’un ajout isolé est plus probable que l’élimination ou la disparition de ces composantes dans tout le reste de la tradition manuscrite, l’intervention du narrateur quelques lignes plus bas, niant précisément la nécessité de mentionner la destination des apôtres dispersés (« U ke li autre alassent, il n’est mie mestiers ke je le die ci », l. 12), souligne le décalage que produit cette interpolation.
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Une collation à partir des premières dizaines de lignes du récit montre d’ailleurs que A se distingue assez souvent, et plus fortement que ne le prétendent ses éditeurs, dans des conditions où l’on ne saurait en outre lui accorder la préférence. Par exemple, il ne fait aucun doute que les leçons pere (l. 7) ou deciples (l. 8) de N P1 P3 sont supérieures à celles de A (proiere, cf. chiffre 11 ; deables, cf. chiffre 12), qui semble être victime d’une mélecture dans le premier cas et d’une confusion pour le moins étonnante dans le second (voir d’ailleurs la n. 43, p. 32, dont les éditeurs ne tirent aucun parti). Pour la variante et il meimes en priast, l’apparat critique, qui se contente de mentionner la différence de genre du pronom personnel dans N (sous le chiffre 24 ; l. 31 de notre édition), donne l’impression que l’opposition ne résulte que de cet écart. ele (qui figure aussi dans L) est pourtant la seule solution appropriée puisque le seigneur d’Aquilée ne s’est pas encore converti. En outre, le mode du verbe employé dans cette construction n’est pas non plus le même (A P1 P3 ont l’imparfait du subjonctif au lieu du parfait), ce qui est déterminant pour l’établissement de ce passage. L’argumentaire de la p. 27 ne tient aucun compte de cette divergence, tout en citant les deux variantes. Enfin, il est probable que des leçons comme griés (l. 33 ; cf. chiffre 25) ou sor l’agesir (l. 40 ; cf. chiffre 30) ne soient que des reformulations. Pour ce qui touche P1, dans les grandes lignes, et au sujet du partage entre P3 et N, l’opinion des éditeurs se confirme en revanche. Fortement remanié dans bien des cas, P1 ne saurait offrir une base satisfaisante pour une édition. Mais si P3 comporte quelques négligences ou mélectures de parties de texte dont N conserve le plus souvent le souvenir adéquat, il manifeste aussi une grande conformité avec ce dernier dans de longs passages, comme pour le début par exemple, et une fidélité bien meilleure que celle de A. N n’est pas toujours irréprochable, mais si l’on néglige quelques bévues et surtout un épisode où l’équivalent d’une demi-douzaine de lignes est malencontreusement omis (au moment de la découverte de MarieMadeleine par le moine ermite), son copiste se montre très attentif et soigneux. L’ancienneté de cet exemplaire est un élément qui mérite aussi une certaine considération : elle ne nous garantit certes pas un degré d’« authenticité » supérieur aux autres copies, mais elle représente un atout dès lors que tout porte par ailleurs à favoriser le témoin qui en bénéficie. Pour toutes ces raisons, l’option de N comme manuscrit de référence paraît s’imposer à l’intérieur du groupe A N P1 P3. Les recoupements que la tradition textuelle autorise entre ces exemplaires et L / P2 appuient eux aussi ce choix : les rapports qui s’établissent entre les trois avatars du récit confirment l’avantage donné à N (P1 P3), les solidarités avec L, à l’encontre de A, étant les plus claires. Toutefois, les caractéristiques propres à ces deux rédactions interdisent de les placer au même niveau que A P1 P3 et nous contraignent à adopter une solution éditoriale plus complexe. Seule la version de Leyde permet en effet une comparaison suivie, et ce n’est qu’au prix d’importan-
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tes difficultés qu’il serait possible d’intégrer P2 dans le même apparat critique que toutes les autres copies. Nous recourrons donc à la présentation suivante : 1° édition de la partie commune à A L N P1 P3 (d’après N, avec les variantes de A L P1 P3)30 ; 2° en regard, transcription synchronisée de la partie commune de P2, avec les quelques notes éditoriales que celle-ci requiert ; 3° édition pleine page des parties indépendantes de L (l. 1 - 87, 140 - 152 et 215 230) puis de P2 (l. 1 - 90)31. Comme nous l’avons vu plus haut, la scripta de N est picardo-wallonne, même si les caractéristiques qui en émergent suggèrent un rattachement au Nord-Est, plutôt qu’aux parties septentrionales du domaine d’oïl. Le texte que ce manuscrit reproduit est rédigé dans une langue qui ne se distingue guère de la production de son époque. Il offre une apparence très dépouillée et recourt à un lexique et à des formes d’expression simples. On relèvera toutefois le caractère sensuel du vocabulaire décrivant l’amour de Marie-Madeleine pour le Christ. Il ne nous procure aucun régionalisme. Le composé agesir (l. 40 ; cp. aguet, l. 41) est le seul terme qui puisse nous faire hésiter. Si le FEW le signale dès la fin du XIIème siècle au sens d’« être couché, alité », mais au XIIIème seulement pour celui qui convient dans notre texte (« accoucher » ; cf. adjacere, XXIV, col. 158 a)32, il semblerait surtout que la famille à laquelle il se rattache soit particulièrement bien implantée dans le Nord-Est. Ses exemples anciens, dans l’acception requise ici, sont peu nombreux cependant. La densité de traits grapho-phonétiques présents dans L est exceptionnelle33, mais le lexique de cette compilation est presque dénué de relief. Dans les parties indépendantes de cette rédaction, on ne relève ainsi que deux vocables peu courants, dont l’un possède peut-être quelque résonance dialectale. Si l’adjectif barni (« hardi, déterminé », l. 26) apparaît pour la première fois dans le Roman de Thèbes, il ne figure par ailleurs que dans un petit groupe de textes de la fin du XIIème siècle issus du Nord-Est et de l’Est34. Quant à murmureur (l. 50), ce dérivé est tout simplement rare. 30 L’entrée en matière de A est suffisamment brève pour être incluse elle aussi dans la varia lectio de N. 31 Nous avons tenté de respecter au mieux la segmentation du texte, même si la reproduction dont nous disposons pour L ne permet pas toujours d’établir clairement celle que Johanne de Malone pratique. 32 Le scribe de A, ou de son modèle, est le seul à lui imposer une reformulation (celle de L consistant en tout et pour tout à éviter la substantivation de l’infinitif, dans le premier cas, et à employer la construction réfléchie du verbe, dans le second). 33 En matière de graphie, Johanne de Malone a des habitudes très particulières et changeantes, et il est souvent difficile de fixer la limite entre les variantes de surface et celles auxquelles l’apparat critique devrait se restreindre, selon les principes que nous avons adoptés pour sa constitution. Ces fluctuations nous privent aussi de repères stables pour la résolution des abréviations, incertaine dans quelques cas. 34 Son utilisation ne manque pas non plus de surprendre. L’épithète qui intervient dans l’expression a chiere barnie semble en effet appartenir à un registre plus masculin (« énergique, puissant, viril, etc. ») que féminin.
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Tout autant que son style, le vocabulaire que le remanieur de P2 exploite s’avère banal dans l’ensemble. Les seuls faits qui méritent d’être signalés ne nous informent guère sur l’origine de cette version ou sur sa transmission, sauf dans un cas. endiué (l. 70), qui paraît signifier « qui est tout en Dieu », et croiseresse (l. 171), dont la valeur sémantique particulière relève plus ou moins de l’étymologie du substantif dont ce terme dérive (« qui donne la croix à porter »), sont des hapax, signalés tous deux par Godefroy et par le FEW35. Leur présence dans le récit n’indique pas pour autant une réelle tendance innovatrice de la part de l’auteur. catoire (l. 64), « ruche », est le terme le plus intéressant : ce substantif, peu attesté au moyen âge, tout comme les mots qui se rattachent à son étymon, a un caractère indéniablement régional et sa présence dans le texte confirme une origine septentrionale36. Plan de l’édition Exemplaire de référence : Nantes, Musée Dobrée, 5, f° 198 a - 201 a (N) Exemplaires de comparaison : A : Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3516, f° 57 b - 57 h P1 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 422, f° 125 c - 127 c P3 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19531, f° 169 d - 172 c Versions remaniées : L : Leyde, Universiteitsbibliotheek, B.P.L., 46A, f° 13 a - 15 d, pour la partie correspondant à la version de A N P1 P3 ; f° 11 a - 16 b (ancienne numérotation : 208 a - 213 b), pour l’ensemble du texte consacré à Marie-Madeleine ; l. 1 - 87, 140 - 152 et 215 - 230 P2 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15212, f° 161 v° - 169 v° (l. 1 90)
Voir Godefroy, III, col. 132 a ; FEW, deus, III, col. 57 b. endiué serait alors le seul exemple d’une telle formation à partir de dieu (endiablé reprend le même modèle mais est plus tardif). Godefroy interprète fautivement croiseresse au sens de « croisade » (cf. II, col. 378 b) ; le FEW (crux, II,2, col. 1375 a) se contente pour sa part de reproduire le mot, sans le commenter ni le traduire, mais en le datant du XIIIème siècle. 36 catoire lui-même est caractérisé comme picard et flamand par le FEW, cf. *captoria, II,1, col. 333 a, et la famille dont il provient s’est implantée dans le nord et le nord-est du domaine d’oïl. 35
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[198 a] Ce est de la Magdelaine
Quant li deciple Jhesu Crist eürent receüt le Saint Esperit, il se partirent doi et
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doi por aler preeschier la foi que lor bons maistres Jhesu Criz lor avoit ensegniet. Sains Pieres, qui plus fermement et plus tenrement amoit Jhesu Crist de haut cuer, se partoit a envis des amis au vrai Amant et meesmemeent [198 b] de la Magda- 5 leine por ce ke il savoit que ele plus ardanment L’amoit. Si pensa que de li ne se 6 partiroit il mie devant ke il li eüst donet pere esperituel ki eüst la cure de li. Si la 7 commanda a saint Maximien, ki estoit uns de .lxx. meneurs deciples, et se li dist : 8 « En cele douce, en cele sage, en cele amerose garde que nos bons Peres Jhesu 9 Cris commanda sa douce mere saint Jehan Euvangeliste te commanç je la Magde- 10 laine. » Aprés ce, il se deviserent et par mer et par terre. U ke li autre alassent, il 11 Exemplaire de référence : Nantes, Musée Dobrée, 5, f° 198 a - 201 a – Variantes : 1. Ore orés de la Madelaine A De le Magdelainne P3 omis dans P1. Comme nous l’avons indiqué dans notre présentation, un ample développement, édité aux pp. 80 - 83 et qui trouve peut-être son origine dans la Legenda aurea, précède le texte dans L. La rubrique qui figure dans ce manuscrit intervient donc au début de ce récit, le point où il rejoint A N P1 P3 étant signalé par une simple lettrine. – 2. A comporte une assez longue entrée en matière qui le distingue des autres exemplaires. La mutilation subie par la miniature qui l’accompagnait a rogné ou fait disparaître quelques mots de la première phrase (la formule traditionnelle ainsi dépareillée a été complétée par Paul Meyer dans sa retranscription du f° 57 r° du manuscrit de l’Arsenal, voir Histoire littéraire de la France, t. 30, 1906, p. 390) : Il est voirs et nos [devons tos croire] ke li dous parfais Jhesus Cris rechut mort et passion por son pulle rachater des mortels tenebres d’infer et resuscita de mort come voirs Dex, et comanda ses apostles a preechier et lor devisa les contrees ou il anonceroient la foi Jhesu Crist. Saint Piere et saint Pol converti la gent vers Romme. Sains Jakes ala vers Surie. Sains Johans converti les Grieus. Sains Andrieus ot Esclabonie. Sains Thomas converti la gent d’Ynde qui point de creance n’avoient; en l’autre Jude, la plus lonctaine, fu sains Bertelomeus. Sains Philipes conquist la terre vers Egypte. Sains Judes et sains Simons alerent en Arrabe et en Perse et conquistrent le païs jusqu’en Ynde. Sains Mars preecha le pople d’entor Alixandre. Sains Mathis conquist Moretaigne et la sainte Madelaine preecha la foi Jhesu Crist son maistre et fist molt grant pople servir [et] ahorer Jhesu Crist, si com vos orés chi aprés dire coment et en quel maniere ele converti le roi d’Aquilee et tot le pople de son regne. Ce prologue remplace le début de notre édition (2 - 3). Le retour à la version commune, avec la phrase suivante, n’est signalé par aucun indice particulier dans A (une marque, dont la nature et la fonction sont incompréhensibles, figure toutefois dans la marge). – 2. et quant ly disc. L. – 2. il s’en part. P1 il le part. P3. – 3. Jh. Criz] Jh. qui P3. – 4. S. P.] messire s. Pierres A a ses sains P1. – 4 - 6. qui (...) de la Magd.] (...) de plus verai cuer se partoit des amis (...) de la douce Madolaigne P3 qui plus ardamment et ferm. amoit nostre saingnour et de hault cuer si se partoit envis des amis a vraie amans et maiement de la glorieuse Magdalene L qui de tres grant amor amoit les amis nostre segnor et qui bien conut alcuns des amis al verrai amant et meesm. de la Madelaine A qui plus f. et plus t. l’amoient; issi se departirent li ami al vrai amant et Jhesu Cris meism. P1. – 6 - 7. por ce ke il savoit (...) la cure de li] por ce que il savoit bien que ele tres ardantm. l’amoit et que de li ne se departiroit il mie si li avroit donee une proiere esp. qui eust cure de li A. – 6. por ce ke il savoit (...) l’amoit] pour chou qu’il savoit que li douche Magdelaine l’amoit plus ardamm. que li autre disciple P1 por ço que il savoit que ele ert plus ardantment l’amoit P3. – 6. Si pensa] se pensa P1 si se pensa P3. – 7. il mie] omis dans L. – 7. devant ce qu’il L desci adont qu’il P1. – 7. li aroit quis pere espir. qui eust cure P1. – 8. ki estoit (...) dec.] qui astoit uns des .lxx. meneur disciple L qui estoit .j. des .lxx. milleurs disc. nostre signeur Jhesu Crist P1 et il geta de lui .lxx. meneurs deables A. – 8. et li dist P1. – 9. En cele douce (...) garde] (...) et en cele sage (...) P3 en cele doce garde A. – 9. bons] douls L (A). – 10. se douce mere com. P3 commanda se mere P1. – 10. saint J. euv.] s. J. l’euv. P3 a s. J. l’euv. P1 a sains Johans ewangelist L ce fu el douch ewangeliste A. – 10. la Magd.] doche sainte ancele dieu, doce amorouse Madelaine A. – 11 - 12. il se dev. (...) ci] il se dessevrerent que la u li uns ala n’ala mie li autres mais n’est mestiers de conter de tos a ceste fois P1. – 11. et par mer] par mere L. – 11. et par terres A P3. – 11 - 12. U ke (...) mestiers] u ce que ly autre all. il n’est mestire L que [que] li altre alaissent (...) A.
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(…) [164 vo] Et quant li apostle et li desciple Nostre Signeur eurent reçut le Saint Esprit, aprés çou que leur bons maistres Jhesu Cris lor avoit ensigniet, sains Pieres, qui plus amoit Nostre Signeur de tenre amour et de navré cuer, se partoit mout a envis des autres desciples au vrai amant et meisment de le douce glorieuse Magdelaine. Pour çou que il savoit bien qu’ele amoit Jhesucrist de plus fresque amour et de plus tenre et de plus nouvele et de plus ardant que li autre ne faisoient, si pensa que de li ne se partiroit mie devant que il eust donné pere espirituel qui eust le cuer de li, [165 r°] si le comanda a saint Maximiien le vesque et dist a le douce Magdelaine : « Douce ancele sage et argant et amoureuse, en l’amour ten douç ami Jhesucrist, en le warde que nos dous Peres Jhesucris comanda se douce mere glorieuse, te comanç jou. » Et ces paroles dist il a saint Maximiien a qui il [l’]avoit avoit
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Exemplaire de référence : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15212, fo 164 vo - 169 vo Le début du texte contenu dans P2 est édité aux pp. 85 - 86. – 124. Le pronom régime nécessaire dans cette construction est absent du manuscrit.
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n’est mie mestiers ke je le die ci, mais li Magdalaine et sains Maxemiens ariverent a Marseile et si prisent terre a preechier Marseile et tot le roialme d’Aquilee. La Magdalaine avoit non Magdelé por un castel ki siens astoit en le terre de Jerusalem. La meesmes avoit ele une contee ki soie astoit. Dedens Jerusalem avoit ele une rue. Tot ce astoit ses patrimoines ki escheüz li estoit et ce di je por ce ke on sache la nobilité et la richece de li, car ele astoit [198 c] de lignie de roi. Tot ce avoit ele laissiet por ce k’ele fuist povre et samblanz a Jhesu Crist, son bon ami, et por ce ke li richece ne la destorbast de penser a ses amors, et si savoit bien ke Nostre Sires li avoit pardoneit ses pechiez por ce ke ele mult L’amoit, et ce tesmoigne li Evangiles : « Dimissa sunt ei peccata multa quoniam dilexit multum. » Or revenons a no matere. La Magdelaine preeschoit si bien et si bel et si desiranment ke chascuns pooit veïr a son viaire la grant affection de cuer et la grant volenté ke ele avoit de traire lo pueble a la foi Jhesu Crist, et por ce ke ele en tele maniere preeschoit creoient mult de gent. Avoc tot ce faisoit Nostre Sires si grans miracles par li ke tot cil ki estoient a son sermon s’en esbaïssoient. Li rois d’Aquilee, quant il vit les grans miracles ke Nostre Sires faisoit por li, vient a li et si li dist : « Noble damoisele, je sui sires de tote ceste terre et si n’ai nul enfant. Se tu pooies tant faire a ton Deu k’Il me donaist un enfant, je kerroie [198 d] en Lui et s’i feroie croire tot cels
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13. La syntaxe de cette fin de phrase, et surtout la partie qui commence par et si prisent terre (...), est quelque peu insolite. Ni les manuscrits latins dont nous diposons pour le Postquam Dominus (BHL 5457) ni les exemplaires de comparaison de la version française ne nous permettent d’établir si ce passage a subi une altération dans N. Toute intervention nous paraîtrait donc arbitraire – P1 serait peut-être apte à fournir une solution. 12. ci] ore chi A. – 12. mais (...)] li Magdelaine (...) P1 mais la glorieuse M. Magdalene (...) L (...) et assains Maximin P3 mais je dirai de la Madelaine et ainsi com Maximiens A. – 13. et si pr. a preechier la tere de Marselle P1 et si comenchierent a preechier a Marseille P3 et pristrent terre et comencierent a preechier a Marseille A. – 13. et tote la terre d’Aqu. A. – 13 - 14. la glorieuse et noble dame saint Marie Magdalene L. – 14. avoit non Magd.] avoit non Magdelaine P1 avoit a nom Madelé A qui avoit nom Magdalene L avoit a non P3. – 14. qui astoit siens L. – 15. La meesmes] la meismement P3 et meesmement A. – 15. une contee] une contreie L une cité P3 une rue P1. – 15. et dedens Jh. A L dedens Jh. meismement P3. – 15. avoit ele une rue] omis dans P1. – 16. et tout ly astoit patrimoisne L et tot ce li venoit de son patremoine A. – 16. ki escheüz li estoit] qui en cels lieus estoient P3 omis dans A. – 16. por ce que ons sa (?) la nobiliteit L pour chou que sa nobilités soit coneue P1. – 17. richece] hauteche A. – 17. del lignage P1. – 17. de roys L. – 17 - 18. Tot ce avoit ele laissiet] et si avoit tot ce laissié A. – 18. por ce k’ele fuist p.] por ço que ele voloit estre pouvre P3 pour estre plus pure P1. – 18. son bon ami] son douch ami A omis dans P1. – 18 - 19. et si ne voloit mie que les richeses A. – 19. ne la dest. de p. a ses amors] ne le dest. a ses amours p. P1 le destorbassent a penser a ses amors A. – 19. et si savoit ele bien A P1. – 19. n. s.] diex P1. – 20. ses pechiés pardonés P1. – 20. ly ewangiel qui dist L. – 21. Omise dans A, la citation latine est réduite à sa première moitié dans P1 (dim. sunt ei pecc. m.). – 22. la tres glorieuse et doulce Marie Magdalene L. – 22. si belle L. – 22. et si desir.] si neccessairement P3. – 23. del cuer P3 de son cuer A P1. – 23. et la grant vol. ke ele avoit] et le grant talent qu’ele av. A omis dans P1. – 24. de tr.] pour tr. P1 d’atraire P3. – 24. a la foy de Jh. L. – 24. et por ce] por ce A. – 25. cr. mult de gent] le cr. molt de gens A faisoit croire en nostre Jhesu Crist mout de gent P1. – 25. et avoic tout ce L avoec ce A. – 25. n. s. Jhesu Cris P1. – 25. si grant miracle P3. – 25. par li] por ly L (A) pour sa proiere P1 omis dans P3. – 26. tot cil] cil P1. – 26. qui i est. P3. – 27. ces grans mir. A les grans mervelles P1 (P3). – 27. que dex faisoit A (P1). – 27. vient] vint A il vint P1 P3. – 27. et si li dist] si li dist P1. – 28. sires] rois A. – 28. et si n’ai] si n’ai A P1. – 28. a ton deu] envers ton dieu A. – 29 - 30. et feroie tous çaus de mon regne cr. P1, qui introduit une lettrine à la suite de cette réplique.
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comandé en garde. Aprés çou se departirent li apostle par mer et par terre. U que il allaissent n’est ore mie mestiers que je le vos die, mais li douce Magdalaine et sains Maximiiens et li douce Marthe se suer entrerent en nef et vinrent par mer dusques a Marseille. Li douce Magdelaine comencha a preecier et sambloit a sen viaire qu’ele arsist toute de traire le pule a son douç ami Jhesucrist, et anonchoit que Jhesucris avoit esté nés de le Vierge Marie par le vertu du Saint Esprit sans carnel atoucement et qu’Il avoit mort et passion souffert pour humaine lignie racater qui estoit perdue par le pechiet d’Adam; et disoit c’on ne devoit mie croire les fausses ydoles ne aourer, ains devoit on croire en Jhesu Crist qui fist le ciel et le terre et la mer et tout çou qu’il a ens; et Nostre Sires i faisoit si grans miracles a ses sermons que devant tout le pule parmi le non de Diu, ele faisoit sours oïr, muiaus parler, contrais redrecier, awules ralumer et mors ressuciter, et faisoit si grans mervelles qu’ele ne queroit Jhesucrist cose qu’ele n’eust, et baptisoit hommes et femmes [165 v°] et enfans, et crioit a haute vois : « Paradis pour amer. » Et ki veist sen douç viaire et sen dou sanlant, que ce sanloit qu’ele arsist toute. Ensi looit ele Jhesucrist, sen douç ami. Quant li rois d’Aquilee vit ces grans mervelles que Nostre Sires Jhesucris faisoit pour le douce Magdelaine, car ele ne queroit a Jhesucrist riens qu’ele n’eust, li rois vient a li et li dist : « Ha ! douce demisele, je vos pri que vos priés au douç Jhesucrist, vostre ami, qu’Il me face une cose. » Li douce Magdelaine dist : « Hé ! dous sires, or me dites que çou est. » Li rois li dist : « Jou ai une mout bele dame a femme, et lonc tans ai esté avoec li. Onques enfant n’en peuç avoir et se tu peusses tant faire a ton Diu que tu loes si que je peusse avoir un enfant, jou querroie en Lui et feroie croire tous ciaus de me terre et de
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137. Le premier t de baptisoit surcharge un s.
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de mon regne. » La Magdelaine, quant ele vit si grant gaaing, ele li respondi ke ele mult volentiers en prieroit a Jhesu Crist et ele meismes en pria. Ne mie lonc tans aprés ce revint li rois au sermon la Magdelaine mult joianz et mult liez, se li dist ke sa femme estoit griés. La Magdelaine en loa Nostre Sanior et si dist au roi k’il paiast ce k’il avoit promis a Jhesu Crist, et il si fist. Il se fist baptisier et tote sa mainie, et aprés la Magdelaine li enjoinst k’il alaist en pelerinage en Jerusalem et la troveroit saint Piere, le grant ami Nostre Sanior, ki le menroit la ou Nostre Sires avoit preeschiet, la ou Il avoit esteit batuz et crucefiez, et au sepulchre et en tos les bons lieus ou Il avoit esté; et puis se li dona se crois, dont on dit ke se fu la premeraine crois ki fu portee en pelerignage en Jherusalem. Quant li rois ot aparelie s’estoire por passer, il entra en mer o sa femme ki astoit sor l’agesir et autre gens assez, et [199 a] quant il orent grant piece erré par mer, la roïne aguet de son enfant et s’en morut. Li rois ot mult grant duel et se complaint a Nostre Sanior de la riens ke plus amoit, comment Il li avoit tolue, et se s’esmerveilhoit coment si granz crieltez estoit trovee en Lui – s’il dire l’osoit – en fontaine de dolçor et de debonaireté. Assés d’autres complaintes i fist et si se pensat k’il la dame vestiroit
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34. ce qu’il promist : le t de promist est exponctué, le participe avoit ajouté au-dessus de la ligne. 30. la glorieuse Magdalene (...) si grande gange L la Magdalene quant ele entendi si grant gaiaig P3 quant li Magd. entendi si grant gaaig P1. – 30. ele li resp.] li resp. A ele resp. P1. – 31. que mult volentier L que vol. P1. – 31. a Jh. Crist] omis dans A P1. – 31. et il meimes en priast A (P3) et il m. en proiast aussi P1. – 31 - 32. ne mie lonc tens aprés revint li rois P3 ne mi lonc tans aprés avint que li rois revint A ne demora mie lonc tans aprés que li rois revint P1. – 32. revient L. – 32. a sermon P3. – 32. la Magd.] de le Magdalene P3 la doulce Magdalene L omis dans P1. – 32. mult j. et mult liez] molt liés et molt joians A molt joians P3 omis dans P1. – 32. se li dist] si dist P1 et se li dist A. – 33. griés] enchient L (A) griés d’enfant P1. – 33 - 34. La Magd. (...) a Jh. Crist] et la glorieuse Magdalene (...) L (...) et dist au roi (...) P3 li Magd. en fu molt joians et en loa n. signeur et puis dist al roi qu’il p. a dieu çou qu’il li avoit voé et pr. P1 li Madelaine en fu molt liés et en rendi a deu graces et loenge et aprés dist al roi que il p. a nostre segnor ce que il li od en covenant A. – 34. Il se fist bapt.] lors fu baptisiés il P1 si fu bauptizés et il P3. – 34 - 35. et sa maisnie tote P3. – 35. et aprés la Magd.] aprés ce li Madelaine A aprés li Magd. P1 aprés la glorieuse Magdalene L. – 35. li enj. en peneanche P1. – 36. et la trouv. il P3 (P1). – 36. le bon ami A. – 36. ki le menroit la] qui le menroit P1. – 37. la ou il avoit esteit batuz] et la ou il avoit esté batus A et la u il avoit esté baptisiés P1. – 37. et cruc.] crucifiens (?) P3. – 37. et au sep.] et si le menra al sepulcre P1. – 37 - 38. (...) la ou il avoit esteit L et par tos les sains lieus ou que nostre sires avoit esté A et es lieus sains u dieus avoit esté mors et vis P1. – 38. et puis se li donna le crois P3 et puis li dona la crois P1 et la sainte Madelaine li dona meime la crois A. – 38. ke] omis dans A. – 39. la premiere crois A P1 (P3). – 39. qui fu p. en Jer. en pelerinage P3 (P1, qui introduit une lettrine au début de la phrase suivante) qui onques fust p. en Jh. A. – 39. aparelie] aprestee A. – 40. s’estoire] ses tours (ou s’estours ?) L s’oire P1. – 40. por passer (...) o sa femme] por passer lui et sa feme A. – 40. o sa f.] et avec lui sa feme P1. – 40. qui astoit sor le point d’agesire L qi estoit sor sa gesine A. – 40 - 41. et autre gens assez] et il i ot molt grant partie d’autres gens que il volt mener avoec lui, si se mistrent en mer A. – 41. orent] ot P1. – 41. par mer] en mer A. – 41. aguet] soy ajut L. – 42. et morut P1 et si morut a l’enfanter A. – 42. Li rois ot mult grant duel] quant li rois sot ce il fu molt a malaise et fist molt grant doel A. – 42. et si se compl. L et si se complainst molt A et se plainst P1. – 42. a n. s.] a dieu P1. – 43. de la riens (...) tolue] de la riens qu’il amoit plus (...) L de la riens en terre que il plus amoit que il avoit perdu en son service A pour coi il li avoit tolue la riens el monde qu’il mix amoit P1. – 43. et se esmerveilhoit] et si s’esmervilla P1 et se mervilhoit L et s’en esmerveilloit P3 et s’esmerveilloit molt A. – 43. coment] u P1. – 44. estoit trovee] pooit estre tr. A. – 44. en lui] omis dans P1 P3. – 44 - 45. s’il dire l’osoit (...) de dolçor et de deb.] (...) de dolçour et de misericorde et de deb. P1 omis dans A. – 45. et assés (...) P1 asseis d’autre complainte y fist L et fist molt de compl. A. – 45 - 47. et si se pensat (...) dont il estoit pres] adont estoit el païs costume quant feme moroit c’on li vestoit les millors dras qu’ele avoit et il si fist puis le mist en une ille dont il estoient pres P1. – 45. et se pensa P3 et si s’apensa A. – 45 - 46. qu’il vest. la dame des meilheur draps L que le dame vest.
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mon roiame. » Quant li douce Magdelaine entendi si grant gaaing, ele respondi au roy que il meismes em priast. Li douce Magdelaine se mist a terre a jenous et semonst le pule que il priassent ensanle a Jhesu Crist avoec li qu’Il emplisist le desir le roy et ele comencha s’orison a faire et dist ensi : « Adonay Jhesucris, Fix de le douce Virge Marie glorieuse, si voirement, dous amis jentius, que Vos souffristes mort et passion pour humaine lignie racater et que je Vos vi a propres eus et estoie avoec vo douce glorieuse mere, et si voirement, dous amis loiaus jentix, dous maistres, dous Sire, que Vos me pardonastes mes pechiés; si voirement, biaus dous Sire, que ce fu voirs, si woelliés Vos envoiier [166 r°] a cest roy hoyr de se femme si que vos nons en soit loés et glorefiiés es siecles des siecles sans finement. » Ne mie lonc tans aprés revint li rois au sermon le Magdelaine et li dist : « Hé ! tres douce damoisele, Dix a oïe te priere. On doit bien Jhesucrist servir et amer et loer, car [ma] femme est grosse. » Li douce Magdelaine et loa et gracia Jhesucrist et dist : « Hé ! dous amis jentix, je Vos beneis et glorefie de quanques mes cuers puet. » Et dont dist au roy que il paiast a Diu ce que il Li avoit promis et qu’il se fesist baptisier, et il si fist. Il se fist baptisier et sa dame de femme la roine et tous ciaus de son pooir, et comanda que tout cil qui estoient de son pooir et de son empire fuissent baptisiet, et qui ce ne vaurroit faire, qu’il eust la teste colpee; et puis dist la douce Magdelaine au roi qu’il alast en Jherusalem, la trouveroit saint Piere, le prince des apostles, qui li mousterroit u Nostres Sires avoit esté baptisiés et u Il avoit sis a le chainne et la u Il avoit mort et passion souffert pour humaine lignie racater, et tous les sains lius de le terre, et puis si li donna le crois, dont on dist – et voirs est – que ce fu li premiere crois qui onques fust portee en Jherusalem en pelerinage et li premiere croiseresse qui onques croisa. Quant ot aparelliet son oire, il entra en mer ou toute se femme qui estoit preste de l’agesir et autres vaillans gens assés; et quant li rois [166 v°] ot erré grant pieche par mer, la roine ajut de son enfant du quel ele morut. Li rois ot de çou mout grant duel et se complaint a Nostre Signeur de la riens que il plus ama, que Il li avoit tolue, et s’esmervilloit coment si grant crualtés pooit estre faite en fontaine de douceur et de deboinaireté. Si pensa que la dame meteroit en un ille de mer
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160. Le possessif qui devrait accompagner le mot femme manque dans le texte.
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de melhors draz ke ele avoit selons le constume de son païs et si la metreroit en une isle de mer dont il estoit pres, et por ce k’en la nef n’avoit femme ki l’enfant peüst norrir, il le lairoit avoec la mere, si le commanderoit a la Magdelaine par cui proiere il l’avoit eü; et ensi le fist com il l’avoit enpenset et puis si parfist son pelerinage. Si trova sain Piere ausi com la Magdelaine li ot dit. Quant sains Pierres oï noveles de la Magdelaine, n’est pas mervelhe s’il en fu liez, kar il l’amoit plus ke toz les autres deciples. Il menat le roi par toz les boens lieus [199 b] ou Nostre Sires avoit esté. Quant li rois ot demoré avoec sain Pierre tant com lui plot, il se mist el repaire et vint a l’isle u il avoit sa femme laissie, et regardat amont l’isle et vit ausi com un singe ki entroit desoz le mantel la dame et la roïne. Il alat veïr la grant merveilhe et hauça le mantel la dame et vit son enfant si bel et si riant ke se la mere l’eüst norrit ne fust il mie plus bials; et enaprés hauça le wimple la dame, si sambloit ke ele dormist. Il fu si esbahiz k’il ne savoit k’il peüst faire. Tote voies il la bota de sa main et la dame geta un grant sospir ausi com ele s’esvelhast. Adont
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57. norrot : le deuxième o est exponcté et corrigé en i. des ses meillors dras P3 que il la dame vest. des plus rices dras A. – 46. païs] regne A. – 47. dont ele estoit pres P3 dont il estoient asés pres A. – 47. et por ço que en sa nef P3 et por ce que la nave L. – 47. n’ot feme A. – 48. norir ne alaitier P1. – 48. il le lairoit] il le lairoit en l’isle P3 se pensa qu’il le lairoit en l’ille P1 si meteroit l’enfant A. – 48. si] et P1 et lors A. – 48. le commanda P1. – 48. a la doulce Magdalene L a la Madaglene a garder P3 a le warde le Magd. P1. – 48. par cuy priiier L. – 49. et ensi (...) enpenset] et ensi (...) pensé P3 et ensi le fist A lors mist hors de la nef le mere et l’enfant et les laist en cele ille P1. – 49 - 50. et puis (...) trova] si parfist son pel. si trouva P3 si parfist son pel. et trova P1 et puis s’en ala et parfist son pel. et quant il vint la il trova A. – 50. ensi com (...) P3 si com li Magd. li avoit dit P1, qui introduit une lettrine au début de la phrase suivante; asi come la noble dame ly ly avoit dit L si com la Madelaine li od dit; il parla a li et li conta coment il li estoit avenu A. – 50 - 51. out oï nov. (...) P3 oiit novelle de la doulce et amureuse Magdalene L. – 51. n’est mervelle P1 ne fu pas merveille A. – 51. se il fu liés A (P1) s’il en fu molt liés P3. – 51 - 52. kar (...) deciples] (...) plus que tos li autres des desciples (...) P3 (...) plus que nul des autres disc. A car il l’amoit mult tenrement L. – 52. Il menat (...) lieus] (...) par les sains lius P1 puis minat le roy en tos les bons liewe L il reconforta le roi et le mena par les sains lius de la tere A. – 52 - 53. ou n. s. avoit esté] ou n. sire avoit preechié et esté P3 u n. s. Jhesu Cris avoit esté P1 la ou nostre sires avoit esté et le conjoï molt A. – 53. Quant] et quant A. – 53. demoré] esté et demouré P3 esté P1. – 53. tant qu’il li plot P1. – 53 54. il se mist (...)] il se mist el repairer (...) P3 (...) en l’ille P1 si soy remist al repairier et tant fist qu’il vient a l’ile L il prist congié a lui et se mist el rep. et erra tant que il revint a l’isle A. – 54. ou il sa feme avoit l. P3 ou il avoit laisie la roine A. – 54 - 55. et reg. (...) et la roïne] (...) .j. signe qui entroit sos le m. se femme P3 il reg. ver la dame et vit une enfant que entroit desous le mantelle a la royne L et quant il i vint la ou il issi de son vaissel et monta en l’isle, si vit tot proprement .j. cistie qui entroit desos le mantel la roine A il dist qu’il voloit iscir hors; il fu mis en l’ille et regarda u il avoit se feme laischie et vit aussi c’un singe colvert dessos le mantel la roine P1. – 55 - 56. Il alat veïr la grant merv.] le roi ala (...) P3 il ala avant por veïr la mervelle P1 il passa avant A. – 56. et hauça le m. la dame] (...) de la dame P3 si haucha le m. la dame P1 et s’esleva le m. a la dame A et descouvrit le mantelle L. – 56. et vit] il i vit A. – 56. son enfant] enfant P3. – 56. si bel] si tres bias L. – 57. ke se la mere l’eust n.] come se la mere (...) L que s’il eust les .ij. millors norrices del regne P1. – 57. plus bials] plus beaus ne plus rians A si bias ne si riant L. – 57. et enaprés (...) la dame] et aprés si hauça le vinple de le dame P3 aprés haucha le guimple la roine P1 aprés il leva le guimple a la dame A et aprés descouvrit la dame L. – 58. si sambloit] si li sambla A P1 qui senbloit L. – 58. il fu tos esbahis que il ne sot A. – 58. k’il peüst f.] que f. P1 P3. – 59. le bouta il P1. – 59. grant] tres grans L omis dans P1. – 59. se ele s’esveillast A (une partie du mot semble avoir été grattée, ce qui en rend la lecture incertaine) P3 se ele villast P1. – 59. Adont] omis dans P1.
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dont il estoit pres, et pour çou qu’en la nef n’avoit femme qui peust l’enfant nourir, il lairoit l’enfant avoec se mere et le comanderoit en le garde de le douce Magdelaine, par quel priere il [l’]avoit eu; et puis se mist en mer et sigla tant qu’il vint en Jhrerusalem et trouva saint Piere, le prince des apostles, et li conta se besoigne. Quant sains Pieres oï noveles de le douce Madelaine, mout en loa Nostre Signeur, puis mena le roy par tous les sains lius de le terre. Quant li rois ot esté avoec saint Piere tant com lui plot, se se mist en retour vers sen regne et vint a l’isle u il avoit se femme la roine morte laissie, et regarda et vit un signe – ce li sambloit –, et entroit desous le mantel a le roine. Il ala veoir le grant mervelle et vit l’enfant si bel et si riant que se se mere meisme l’eust nouri ne fust il mie plus biaus. Aprés li rois leva le gimple a la dame, si sambloit qu’ele dormist, et li rois le bouta de se main et la dame jeta un grant souspir aussi com s’ele s’esvillast de dormir. Li rois
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180. Le pronom régime que cette construction nécessite est absent du manuscrit. – 187. Comme à la l. 99, avec le nom masculin correspondant (cf. p. 87), merre, que donnerait en principe la résolution de l’abréviation employée par le copiste, est peu vraisemblable.
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ne fu mie mervelhe si li rois ot mult grant joie, si dist : « Dame, puis ke je vos ai retroveie, je retornerai o vos au sepulcre et si ferez vostre perelinage. » La dame respondi k’ele l’avoit bien fait et se li noma tos les lieus de la terre ausi com s’ele i eüst esté presens avoec son baron, et se li dist ke la Magdelaine l’i avoit meneie. Or ne seroit [199 c] mie legiere chose a raconter la joie ke li rois et la roïne et tot cil de la nef fisent ensamble, et loerent mervelhousement la Magdelaine et creïrent plus fermement en Deu, et puis revinrent en lor païs et raconterent en plain sermon devant le Magdelaine et tot le pueple le grant miracle ke Nostre Sires lor avoit fait en cest voiage. Adont creï li plus grans partie [del roiame]. La Magdelaine, ki avoit eslite de dous vies la melhor partie, disoit chascun jor en complaingnant a Nostre Sanior : « Sire, com longement me sofferrez Vos en cest grant travail de cuer et de cors ? Ceste partie n’avoie je mie eslite. Sire, quant voz dolz plaisirs est, apelez moi a l’autre »; et sans failhe, ele avoit grant travailh, car il li covenoit ordiner tot l’estat de Sainte Eglise, chascun jor preeschier et faire les aultres oevres ki apartinent a vie active. Ançois ke Nostre Sires le volsist oïr eüt ele mult sovent faite ceste proiere; et cant Nostre Sires vit k’ele eüt conquis [199 d] a la foit tot le regne d’Aquiler et de Marselle, Il envoia sa graze el pueble et se le conferma en vraie
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68. li plus grans partie de Rome : mélecture probable de la leçon conservée par les manuscrits P3 (P1 / A), sur lesquels nous nous appuyons. 60. mie] pas A. – 60. mult] omis dans A P1 P3. – 60. si dist] il parla a la dame et si li dist A quant il vit sa feme vive il dist P1. – 61. trovee P1 P3. – 61. o vos] avoec vos A (P1). – 61. au sep.] omis dans A. – 61. et si f.] si ferés P1. – 61. vos pelerinages P3. – 62. ly respondit L (A). – 62. bien] omis dans P1 P3. – 62. et li noma P1 et se ly at noumeit L. – 62. tos les lieus] les lieus A. – 62. ausi com s’ele] ausi come il L alsi bien come se ele A. – 63. i eüst (...) son baron] i eust esté tote pr. (...) P3 eust esté avec lui P1. – 63. et se li dist] et li dist P3 et dist P1. – 63. la glorieuse Magdalene L. – 64 - 65. Or (...) la Magd.] (...) de dire la joie (...) P3 et or dist li rois qu’il n’ot onques mais si tres grant joie et tout cil de la nef loerent la Magd. P1. – 64. la grant joie A. – 65. ensamble] omis dans A. – 65. et loerent (...)] il loerent tot ensanble molt esforchiement la Magdelaine A. – 65. la glorieuse Magdalene L. – 66. et puis rev.] aprés vinrent P1. – 67. et devant tout le peule L. – 67. les grans miracles A le miracle P1. – 67. n. s.] dex A. – 68. en cel v. A P1 P3 a cel voyage L. Le manuscrit de Leyde substitue à la brève conclusion de la première partie de l’histoire (Adont creï li plus grans partie [del roiame]) un développement, introduit au moyen d’une lettrine, qui appartient en fait à une étape précédente du récit. Cet étrange rappel n’existe pas dans A N P1 P3, ni à l’endroit où l’on pourrait s’attendre à le trouver ni là où il intervient dans L (voir le deuxième des extraits que nous reproduisons p. 83). – 68. Adont] dont P1. – 68. li plus grant p. del roiame P3 (P1, qui introduit une lettrine au début de la phrase suivante); la plus grant p. del regne en deu A. – 68. aprés la glorieuse Magdalene L. – 68 - 69. ki avoit (...) vies] (...) des .ij. vies P3 (...) de .ij. vie L (les chiffres romains qui précèdent vie sont tracés) qui av. des .ij. parties eslite A. – 69. partie] omis dans A P1. – 69 - 70. disoit (...) a n. s.] en complaignant cascun jor disoit (...) P3 en complaignant disoit cascun jor (...) P1 disoit a n. saingnour Jhesucrist L. – 70. me soff. vos] souffereis vos moy L me laiserés vos P3. – 70. en teil grande travailhe L en cest torment P1. – 71. eslite] enluyt L. – 71. Sire] dous amis A. – 71. quant vos plaisirs P3 se vos pl. A. – 72. a autre P3 a l’autre vie L. – 72. ele avoit grant torment (...) P1 ele avoit grant droit qu’ele en pria dieu car ele avoit grant travail et si li cov. A. – 72. ordiner] tot ordener P3. – 72. tot l’estat] tout l’estant L tous les cans P1 le service A. – 73. ch. jor pr.] et chascuns jour prechier L et preechier A. – 73. les aultres] autres P1. – 73. qui partinent P3. – 74. a vie active] a la vie active L a matines P1. – 74. eut ele] ele ot P3 ot P1. – 74. fait molt sovent P1. – 75. cel priier L. – 75. et cant] quant P1. – 75. qu’ele avoit tout converti P1. – 75. a la foit] omis dans A et déplacé après et de Mars. dans P1. – 75. tout le royalmez L. – 76. il envoia sa graze el p.] omis dans A. – 76. et se le conf.] et le conf. P1 et les conf. P3 et si les confermat L il le conf. A.
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ot [167 r°] trop grant joie et dist : « Hé ! douce amie loiaus, puis que je vos ai trouvee vive, nous retornerons en Jherusalem et si ferés vo voiage. » La roine dist qu’ele l’avoit fait et li noma les lius de la terre de Jherusalem aussi com s’ele i eust esté presente. Or ne seroit mie legier de dire le grant joie que li rois et la roine et tout cil de la nef ont emsamble, et loerent mervilleusement la douce Magdelaine; et puis revinrent en leur païs et raconterent en plain sermon devant le pule et devant le Magdelaine le grant mervelle que Nostre Sires leur avoit fait en cel voiage. Adont crut tous li pules del regne en Diu. Li Magdelaine, qui avoit a soi eslieut le milleur partie, se complaignoit cascun jour a Nostre Signeur et disoit ensi : « Hé ! Sire Jhesucris, dous amis loiaus, com longuement me soufferrés Vos en cest travail u je sui ? » Sans faille ele avoit grant travail, car il convenoit ordener tout l’estast de Sainte Eglise pour escrire et pour faire livres qui apartenoient a Sainte Eglise; et quant Nostre Sires vit qu’ele ot aquis toute le regne d’Aquilee et de Marseille a
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foit ensi ke ses nons fu apelez par tot la u Mahons et autre ydele estoient cultivé. Kant la Magdelaine vit c’on servoit son Sanior par tot la ou ele avoit preeschiet, ele s’esvelha por orer et por rendre graces a Nostre Sanior des biens k’Il faisoit au pueple k’ele Li avoit aquis. Ensi com ele estoit en orisons, une multitudine d’angeles descendirent del ciel ki la ravirent en cors et en anrme. En une haulte montaigne fu ele .xx.vij. ans en un liu ke li angele entalierent de lor propres mains. Dedens ces .xx.vij. ans ne buit ele ne ne manja fors le pain des angeles et si estoit chascunt jor portee des mains des angeles en anrme et en cors si haut ke de la gostoit ele le pain dont ele vivoit. La montaigne estoit si loins de gent ke nuz n’i habitoit; s’estoit si roiste ke nus n’i pooit monter, s’estoit si vive roche ke oisiaus n’i eüst de ke vivre [200 a] ne vivans gens n’i pooient habiteir. Au terme de la fin de .xx.vij. ans avient a une quarantaine de l’an c’uns moines issi fors de s’abeïe por faire sa penitence en racines [et autres] crues viandes dont il pooit sostenir sa vie; et quant il ot pres la quarantaine tote faite et sa penitance, [un jor si com il estoit en orisons, si oï une grant melodie de vois, et li moines regarda des ex amont
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89. en racines cruels viandes. Il manque à l’évidence un coordonnant entre les deux compléments et, à notre connaissance, cruel n’alterne pas avec cru(e) et les deux adjectifs n’échangent pas non plus leur signification. Nous adoptons ici les modèles de P3 – dont P1 (A) sont très proches – pour la première intervention (voir également ci-contre la variante du manuscrit BNF, f. fr. 15212 : pour mangier racines et autres cruaus viandes) et de L, qui est bizarrement le seul exemplaire à adopter une leçon conforme aux attentes, pour la seconde. – 90 - 93. Le recueil de Nantes comporte ici une lacune correspondant à environ six unités de réglure. Correction d’après A, qui offre le meilleur texte pour ce passage, sous réserve d’un détail – une multitudene d’eys ne manque pas d’intérêt, pour autant que le dernier mot signifie bien « abeilles » 77. ensi ke] si que A L P1. – 77. estoit apelés A. – 77. par tot (...) cult.] partout ou Mahumés (...) L (...) avoient esté cult. P3 par tote la terre u Mahommet et autres ydles avoient esté cultivé A par tout u les ydles soloient estre P1. – 78. la glorieuse Magdalene L. – 78. c’on servoit son s.] c’oon servoit feeument nostre seignor P3 que on servoit son segnor et ahoroit A c’on servoit dieu P1. – 78. par tot la] omis dans P1. – 79. ele s’esvelha por orer] ele se leva por aorer A ele s’asoutiva por ourer et por proier P3 ele s’en embla pour orer P1. – 79. grasce L. – 79. a n. s.] a dieu P1. – 79. du bien P1. – 79. que il fait avoit L. – 80. que ele ot conquis A qu’ele avoit conquis P1. – 80. et ensi come el astoit en orison L. – 81. descendi P1 P3. – 81. ravirent] leverent P1. – 81. et en ame et le porterent en une haute mont. u ele fu .xvij. ans P1. – 82. fu ele] et la fu ele A et fut la bien L. – 82. ent. de lor pr. mains] establirent en le montaigne de lor mains P3 li establirent en la montaigne P1. – 83. et dedens A L. – 83. .xvij. ans P1. – 83. ne buit ele] ele ne but P3 ne but P1. – 83. fours que le pain L (A). – 83. le pain as angres P3. – 83. et si estoit ele A. – 84. des mains as angeles A (P3) de mains d’angle P1. – 84. en corps et en ame L (A). – 84. si haut] placé après angeles dans A; omis dans P1. – 84 - 85. ke de la (...) vivoit] (...) gostoit le pain (...) L et la goustoit ele chou dont ele vivoit P1. – 85. de gens L des gens P3. – 86. et si astoit si r. L (A). – 86. nus] beste P1 P3. – 86. n’i povoit entrer (entrer bissé) ne monter P3. – 86. et si astoit si vive r. L (A P1) si estoit si vielle r. P3. – 86 - 87. que ois. n’i pooit v. P1. – 87. ne vivans gens (...) hab.] ne ons vivans n’i povoit habiter P3 omis dans A P1. – 87 - 88. Au terme (...)] au termine (...) avint qu’a une quarantaine P3 a le fin de .xvij. ans avint (...) P1 al terme de .xxvij. ans avint en une quarent. A. – 88. c’uns m. (...)] essi fors de s’abeïe .j. m. P3. – 89. sa peneance P3. – 89. en rac. (...)] rac. et autres cruels v. dont il peust sost. sa vie P3 en rach. et en autres cruaus dont il sostenoit sa vie P1 en rachine cruewe et viande do[n]t il poroit sortenire sa vie L en rac. et en altres erbes dont il peust sost. son cors et sa vie A. – 90. et quant (...)] et qua[n]t il eut pres que tout fait la quar. et fait sa penitanche L et quant il ot pres que tote la quarent. faite sa pen. A et quant il l’ot pres que tote la quar. illeques faite se pen. P3 quant il ot pres toute la quarent. illuec fait sa peneance P1. – 91. en orison L P1. – 91. si oï] oï P1. – 91 - 92. et li moines (...) sor cele mont. et vit] si se leva ses iels amont et vit sus cele montaine P3 il se leva amont et vit desseure cele mont. P1 si ovrit ses oilhez amont et vit L.
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le foy Jhesu Crist a tenir, un jor si come ele estoit en orison en larmes et en plours, une grant multitude d’angles descendirent du ciel qui le ravirent en cor et en ame et le misent en une haute montaingne [167 v°] en un liu que li angle establirent de leur propres mains. La fu ele .xxx. .ij. ans c’onques ne but ne manga fors le pain des angles. A cascune heure du jour, ele estoit eslevee des angles dusques au ciel et en çou ele estoit repeue. Au cief des .xxx. .ij. ans avint en une quaraintaine c’uns sains moignes issi fors de s’abeïe pour mener sobrie vie, pour mangier racines et autres cruaus viandes dont il voloit son cors metre en escil, et se loga au pié de le
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sor cele montaigne et vit alsi com une multitudene d’[angles], et en cele multitudene vit .j. cors de feme eslevé en air. Il] s’esmervelhat mult et pria a Nostre Sanior c’ausi com Il li avoit donet veïr cele merveilhe par sa debonaireté, k’Il li laisaist conoistre ke c’estoit. Del grant desirrer qu’il avoit commença a monter amont en la montaigne par mult de fies, mais ne pooit mie mult haut monter. Un jor s’esforça mult de monter, mais cant il fu aukes montez, la vertus del cors li fali tote, et cant il vit ce, si s’escria a Nostre Sanior : « Sire, je croi ke ce soit de vos grans secrés cui il ne loit nient home charnel veïr. Sire, puis k’il ne le me loit veïr, donez le moi sentir par vo grace. » Ensi com il oroit en teil maniere, li angele en chantant merveilhousement esleverent le Magdelaine en haut. Li prodom esgarda cele [200 b] part et si dist : « Creature Deu, je te conjur par cestui ki ceste honor te fait ke tu me dies ki tu iés », et une vois d’amont li respondi : « C’est la gloriouse Magdelaine. » Aprés cant li angele l’orent remise en son lieu, ele dist au moinne : « Va a Maxemien l’eveske, mon pere, et se li di k’il soit en sa capele a cel jor » (se li noma le jor de son trespas) « et s’i soit mult matin, car je volrai la mult parler a li. » Li preudom fu liez de ce k’il fu messages a si gloriose dame [et] a si saint home. Il se repairat mult tost et si fist le message ki li fu enjoins. Kant sainz Maximiens oï
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(comparer avec les lignes 66 - 68 de la version du manuscrit BNF, f. fr. 15212), mais une grant multitude d’angles, comme dans P1, semble préférable en dépit du caractère isolé de cette variante. – 95. a monter a monter. Correction d’après A. – 107. a si gl. dame a si saint home. Correction d’après L (P3). 92 - 93. alsi com (...) et en cele mult. vit] omis dans L (saut du même au même). – 92. alsi com] omis dans P1. – 92. une mult. d’[angles]] une grant multitude d’angles P1 une multitude P3. – 92 - 93. et en cele mult. vit] en cele multitude vit P1 et cele vit P3. – 93. esl. en air] eslever en air P3 enleveir en hault L en air P1. – 93. si s’esmervilla P1 si s’en mervilhat L (P3, qui déplace l’intensif molt après et). – 93. et priat n. saingnour L (P1) et si pria a nostre segnor A. – 94. que il ausi com il P3 que aussi qu’il P1. – 94. donet] laisié A. – 94. cele merv.] cest merveilhe L omis dans A. – 94. par sa deb.] omis dans A P1. – 94. k’il li laisaist] que il li donast A que li dounast P3 il li donast P1. – 95. del grande desire L et el grant desirier A. – 95. qu’il en avoit P3. – 95 - 96. a monter amont en la mont. A a monteir en la montaingne L (P1 P3, qui comporte toutefois un a exponctué après monter). – 96. par montes fies P3 par mult de fois L. – 96. mais ne pooit mie] mais il ne poois pas A. – 96. mie haut m. P1. – 96. .j. jor entre les altres A. – 96. avint qu’il s’esforcha P1. – 96. s’enforchat L. – 97. mais] et P1. – 97. aukes] .j. poi A. – 97. de cors P3. – 97. defali A. – 97. et cant] quant P1. – 98. si cria P1. – 98. a n. s.] a n. saingnour disant L et dist a n. segnor A a n. signour merchi et dist P1. – 98. ke ce soit] que chu que soit L que c’est A. – 98. de vostre secrés A. – 99. nient] mie L P1 P3 omis dans A. – 99. home ch. veïr] charneil home veioir L veoir a aucun home P1 veïr, précédé d’un e bien détaché et exponctué P3. – 99. sire puis qu’il ne me list veïr P3 sire se nel me lois veoir A. – 100. Ensi] et ensi L. – 100. oroit] aoroit A. – 100. en chantant] cantant, déplacé après en haut dans P1. – 101. esl. le cors de le Madelaine A enleverent la glorieuse Magdalene L. – 101. esg. cele part] esgardat (suivi d’une lettre isolée, peut-être un s) en hault cel part L s’esmervilla P1. – 102. et dist A P1 P3. – 102. cr. de dieu P1 o cr. de dieu L. – 102. je toy ajurre L. – 102. par celi L (P1 P3) de par celui A. – 102. cele honour P1 tel honor A. – 102. me fait P3. – 103. et une vois] une vois P1. – 103. li resp. et dist P1. – 104 - 111. 14 lignes de A ont disparu en raison de la lacération que ce volume a subie (par rapport au texte du manuscrit de Nantes, la lacune s’étend de lieu, moins les quelques mots qui précèdent la réponse de Marie-Madeleine au moine, à ne l’avoit seüt). – 104. remise] mise P1 P3. – 104 - 105. va au vesque Maximien P1 (P3). – 105. mon pere esperitueil L. – 105. et se li di] si li di P1. – 105. a tel jour en sa cap. P1. – 106. de son trespassement P3. – 106. et que il i soit P3 et si li di qu’il i soit P1. – 106. car je voray mult parleir a ly L car jou volrai parler a lui P1. – 107. mult liez L (P1). – 107. de si glorieuse dame P1 P3. – 107. et a si sains home L et li saint home P3. – 108. Il se rep.] il s’en rep. L s’en repaira P3 aprés vint P1. – 108. et (...)] si fist son message P1. – 108. qui enj. li estoit P3.
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montaigne la u li Magdelaine estoit. Un jour, si come il estoit en orisons, il oï une grant melodie de vois, puis leva ses ex en haut et commença a monter en la montaigne, mais ne pot mie haut monter, car li vertus du cors li defali toute. Quant il vit çou, si s’escria a Nostre Signeur : « Sire », dist il, « je croi que ce soit uns de vos secrés lassus. Sire, puis qu’il ne le me loist veir, donnés moi assentir vo douce grasse. » Ensi com il oroit en tel maniere, li angle esleverent mervilleusement le cors le douce Magdelaine en haut. Li preudom esgarda cele part et dist : « Hé ! creature Diu, je te conjur par celui Diu qui ceste honneur t’a faite que tu me dies qui tu es. » Et une vois d’angles li respondi : « Hé ! amis », dist il, « ce est li douce Magdelaine. » Quant li angle orent mis le Magdelaine en son liu, ele dist au moigne : « Hé ! biaus fix, va, si di a Maximiien [168 r°] le vesque mon pere qu’il soit demain en se capele mout matin, car je vaurrai parler a lui de secrees coses et vaurai estre acommuniie du cors mon ami Jhesucrist, et puis m’en irai avoec men douç Espeus u ciel. » Li preudom fu mout liés de çou qu’il est mesages a si glorieuse
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noveles de sa filhe de cui il ne savoit penser k’ele astoit devenue, ne fu mie merveilhe s’il fu mult liez, car maintes foiz avoit priiet a Nostre Sanior k’Il l’avoiast o ele astoit, ne onkes ne l’avoit seüt. Au jor ke la Magdelaine li avoit mandé ala il mult matin a sa capele, mais cant il vint, il fu si esbahiz de la clarté des angeles ki estoient dedens avoec le Magdelaine k’il n’osa entrer ens, et ne porkant por le [200 c] grant desirier k’il avoit commença il a entrer dedens, mais li angele, ki ne conversent mie avoec les homes, s’en partirent tantost. La Magdelaine demorat en air enmi la chapele et salua son pere et fisent mult grant joie, et de ce k’il parlerent de Nostre Sanior tant desiranment plorerent il tant ke [des] larmes d’aus deus fu li pavemenz de la chapele ne mie solement arosez mais si plenierement molliez k’en mains lius flotoit li aiwe desore le pavement. Adont conta le Magdelaine la vie k’ele avoit meneie .xx.vij. ans en la montaigne, et cant ele ot assez parlé a lui priveement, ele dist k’il fesist venir toz les clers de la vile et si l’acommuniat devant toz. Li veskes ensi les fist venir. Kant il furent tot venut, ele dist sa coupe devant son pere et puis si s’engenolla en l’air[e] por recevoir le cors de Jhesu Crist et au
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117. ke les larmes d’aus deus. Correction d’après L (P3). – 123. en l’air. Correction d’après L. 109. novelle de sa filhe esperitueil L. – 109. de cui (...)] de le quele il ne savoit p. que ele fust dev. P3 qu’il ne savoit que il le estoit devonue (?) P1. – 110. mult liez] liés P1. – 110. m. fies avoit (av. bissé) il proié P3. – 110. a n. s.] n. seignor P3 a dieu P1. – 110. qu’il l’av.] qu’il li fesist savoir P1 omis dans P3. – 111. ne onkes ne l’avoit seüt] ne onque ne l’avoit sorvit (?) L omis dans P1. – 111. la glorieuse Magdalene L. – 111. il ala P1 P3. – 112. mult matin] molt tempre A; déplacé après en se capele dans P1. – 112. mais (et P1) quant il y vient L (i vint A P1 P3). – 112. il fu esb.] si fu molt esbahis P1. – 112. de la grande clarteit L (P1). – 113. ki est. dedens avoec le Magd.] (...) la dedens avoec la Madelaine A (...) dedens avoic la saint damme L qui avec le Magd. est. P1. – 113. qu’il n’osat ens entreir L si qu’il n’i osa entrer P1 que il n’osa entrer en sa chapele A. – 113. et ne porkant] nonporquant P1 mais nequedent A. – 114. par le grant des. A por le grande desire L. – 114. que il ot A. – 114. comenchat a entreir L (P1 P3) com. il alsi come a entrer A. – 115. tantost] omis dans P1. – 115. la glorieuse Magdalene L. – 116. en air enmi la ch.] en l’air (...) A (P3) en l’aire (...) L (le dernier mot n’est peut-être qu’une variante graphique de air) en le cap. en l’air P1. – 116. son pere esperitueils L. – 116. et fisent] dont fisent P1. – 116. mult grant joie] molt grant joie ensemble et (et omis dans P1) de le grant joie qu’il ourent P3 (P1). – 116 - 117. et de ce k’il p. de n. s. tant desir.] et qu’il p. (...) P3 de ce qu’il parloient de n. saingnour ensemble tant desiramment L et (...) de n. signor P1 et parloient de n. segnor amorousement et fondoient en lermes si abondament A. – 117. plor. il tant] pleurerent itant P1 omis dans A. – 117 - 118. ke [des] l. (...) de la chap.] que des larme d’ias .ij. fut (...) L (P3) que de lor lermes estoit (...) A que li pavemens P1. – 118 - 119. ne fu mie sans plus moilliés mais si plentenivement qu’en aucun lieu P1. – 118. tant seulement arosés A (P3). – 118. si plainement moulhiés L (P3). – 119. que en pluseur liewe L qu’en alcuns lieus A (P3). – 119. flotoit (...) pav.] (...) sour le pav. P1 estoit el deseure lieue del pav. P3. – 119. adont ly contat L (A) dont li conta P1. – 119. le Magd.] la noble dame L. – 120. .xvij. ans en le mont. (...) P1 en la mont. .xxvij. ans et si li conta les cortoisies et les debonairetés et les grans dolçors que ele avoit trové en son ami A. – 120. et cant (...) priv.] (...) parleit priveiement a ly L (P3) (...) parlé a son pere priv. A quant ele ot parlé assés a lui P1. – 121. ele li dist A et ele dist P3 ele li pria P1. – 121. et si l’acom. devant toz] si l’acommuniast P1. – 122. Li v. ensi] ly evesque L (P1) et il A. – 122. le fist v. P3. – 122. et quant A. – 122 - 124. ele dist sa coupe (...) et au veske] (...) et puis si s’agenoilla en bas por rech. li cors Jh. Crist (...) P3 (...) devant son pere esperitueil et puis si s’engenoilhat en aire (comme à la ligne 116, il est toutefois possible que le manuscrit de Leyde comporte ici une variante graphique du mot air) por rechivoir le sains corps Jh. et a l’evesque L li Madelaine s’agenoilla en l’air et rendi sa c. devant son pere et demanda son creator al vesque A ele rendi sa c. devant son pere puis s’ajenoilla en l’air pour rech. corpus domini P1.
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dame et a si haut homme come a Maximiien. Li moines vint au vesque et le salua de par le Magdelaine et li dist qu’il fust a l’endemain en se capele mout matin. Li sains vesques [fu] mout liés de çou que il oï nouveles de se fille, car il n’en avoit piecha oï noveles et mout en avoit priet Jhesu Crist. Il se leva au jour que cil li avoit dit et vint a se capele, mais il n’i osa entrer, car il sambloit que toute se capele arsist des angles et des arcangles qui erent avoec le Magdelaine, mais li grans desirs qu’il en ot l’i fist entrer et li angle, qui [n]e conversent mie avoec les hommes, s’en partirent tantost. Li douce Magdelaine demoura en air em mi le capele et salua sen pere en Diu et s’entrefisent mout grant joie, et del grant joie qu’il orent plourerent si durement et si tenrement que des larmes d’aus fu li pavemens arrousés. Adont conta li douce Magdelaine quel vie ele avoit menee en la montaigne et les secrés que Nostre Sires li avoit fait. Quant ot assés parlé priveement, ele li dist que il fesist venir le saint clergié de le vile et si l’acomuniieroit del [168 v°] cors precieus Diu. Li sains evesques les fist venir. Quant il furent venu, ele monta haut et comença a preechier et a [dire] : « Hé ! amés Diu de tout vo cuer et de toute vo ame, et puis priés le douç agniel et Il vos orra, car Il vos ama premiers quant ot son costé ouvert aussi com s’Il vausist dire : “ Douç ami, prendés men cuer ”. Ce fu li plus outrageuse amours qui onques fu faite. » Et quant ele ot assé parlé, li sains evesques aporta le cors Jhesucrist et ele s’agenoulla de liet cuer par
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227. Le texte ne comporte pas la forme verbale que la syntaxe de cette phrase requiert. – 231. Entre la forme fist et les mots qui la précèdent, le manuscrit comporte un espace vacant, équivalent à une douzaine de lettres, mais qui ne résulte pas d’un grattage. – 231. qui le conversent mie. – 239. a preechier et a diu, par anticipation probable de la suite du texte.
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veske devant tos a jointes mains, a vrai cuer, par grant reverence fundant en larmes receüt ele son Creator en tel ma- [200 d] -niere ke il sambloit ke si doi oelh [fussent] doi conduit d’une fontaine ki rendissent aigue corant. Un petit aprés ce k’ele L’ot reçut, ele prist congié a son pere et tantost se sevra li anrme del cors en tel maniere ke grans multitudene d’angeles reçurent l’anrme et la porterent en glore, en tel maniere, ki en present estoient et ki deservi l’avoient oïrent la melodie des angeles. Li veskes Maxemiens [prist] le cors et si dit : « Magdelainne, por ce ke tu portas al sepulcre les precious ungemenz por oindre le cors Jhesu Crist oinderai je le tien cors de precious bausme »; et ensi le fist mostrer lons tains. Aprés avient ke la Magdelaine fu aportee a Vergelai, et ensi com cil ki l’aportoit passa par mi un aitre, adont oï il une voiz ki dist : « Tot li mort ki ci gisiez, levez sus, car la Magde-
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124. confundant en l. Ce composé ne fournit pas une variante acceptable avec cette locution (non plus qu’enfondre d’ailleurs, cf. P3). Correction d’après A / P1. – 125 - 126. ke si doi oelh doi cond. d’une font. Correction d’après L (A P1 P3). – 127. ele prist congié a songie a son pere : mélecture ou confusion vraisemblable du copiste, dont l’œil a pu être abusé par certaines ressemblances entre les mots composant la leçon qu’il suivait. – 130. Li vekes Max. ot le cors. Correction d’après L. – 130. Le scribe a commencé par tracer la forme abrégée de Magdelainne puis a complété le mot en ménageant un espace après l’abréviation dont il s’est servi et en oubliant d’exponctuer celle-ci. 124. devant tos a mains j. A voiant tos a j. mais P3 et voiant tos j. mains P1. – 124. de vraie cuer L (A) (et P1) a lié cuer P3 (P1). – 124. par grant rev. enfondant en l. P3 par reverense fondant en lermes A a grant desirier fondant en l. P1. – 125. recut son criator P3 (P1). – 125. que il semble P3. – 125. ke si doi oelh] doi oeil A. – 125 - 126. fussent .ij. conduyte L (A P1 P3). – 126. de font. et qu’il rendiscent iaue corant si plentenivement P1. – 126. aigue] grant ruissel P3. – 126. Un petit aprés ce k’ele] aprés ço que ele P3 quant ele P1. – 126. l’ot reçut] out rechut le sains sacrament L. – 127. ele prist c.] si prent congiet P1. – 127. a son bons pere esperitueil L. – 127. se sevra] sevra P1 s’en ala A. – 127. sa saint amez de son corps L. – 128. rech. sa benoit ame L. – 128. et port. P3 et l’enporterent L (P1). – 128. en glore en chantant L. – 128 - 129. en tel man. (...)] en tel man. qui cil qui pr. est. P3 si que tous cias qui presens astoient L ensi que cil qui en pr. est. A si que cil pres est. P1. – 129. et ki des.] qui des. A et des. P3 (P1). – 130. Li v. Max.] sains Maximiens P1. – 130. prist le corps L rent (reut ?) li cors P3 rechut le cors P1. – 130. et dist P1. – 130. Magdelainne] o bien awireuse Magdalene L. – 131. al sep. (...)] le precieus onguement au sep. pour oindre le cors nostre signeur Jh. Crist P1 le precieus ongement por en oindre le precious cors Jh. Crist A. – 131. de Jh. Crist P3. – 131 132. oind. je (...)] en oindrai je (...) A sy oinderay (...) L jou vous oind. de bausme P1 et jo li tien cors conduirai as precieus basmes P3. – 132. et ensi (...)] ensi le fist molt lonc tans P1 et ensi le fist il et molt tres lonc tens P3 et ensi le fist lonc tans A. – 132. aprés che L. – 132. avint A P1 P3. – 133. la glorieuse et noble dame Marie Magdalene L, qui signale ce miracle avec l’abréviation Exm (pour Exemple) dans la marge, précédée d’un pied-de-mouche. – 133. fu portee A P3. – 133. et ensi com (...)] et (omis dans P3) ensi com cil qui le portoit A (P3) si com cil qui le portoit P1 et ensi come cias qui l’en portoient L. – 133. passont L. – 133. par un aitre P3. – 134. adont oï il] si oiirent il L il oï A P1. – 134. Tot li mort] vos tous ly mors L li mort P1. – 134. leveis vos sus L. – 134. car la glorieuse Magdalene L (A).
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reverense; enfundant larmes, ele reçut son douç Creat[eur] en tel maniere qui sambloit que si douç glorieus oel fuissent conduit d’une fontainne qui rendist iawue courant. Aprés un petit, ele fist s’orison a Nostre Signeur et dist en tel maniere : « Adonay Jhesucris, Fix de le Virge Marie glorieuse. Hé ! dous amis jentius. Hé ! dous amis loiaus. Hé ! dous amis amoureus, je Te pri que tous ceus et toutes celes qui me vie recorderont ne orront ne les bontés que Vos m’avés faites, dous maistres, ne fus ne tempestes ne meskeance ne li puist venir ne sour cors ne sour membres, ne sour enfans ne sour bestes, ne sour creature nule qu’il aient a warder ne lour aviegne; et encore Vos pri jou, dous amis, que mortalités ne anemis n’ait pooir ne en ame ne en cors, ne femme qui travaille d’enfant ne puist perir, ne ele ne ses fruis, ne pekieres ne pekeresse ne puist falir a le misericorde de Diu. » [169 r°] Quant ele ot finee s’orison, li angles descendi du ciel et dist : « Douce amie, Dix a oïe ta proiere, Il t’otroie quanques tu Li as proiiet. » Dont descendi Nostre Sires meismes du ciel et angle et archangle avoec Lui, et li dist : « Venés, m’amie ! Venés, venés avoec Moi es ciex et Je vos couronnerai. » Adont rendi la bonne euree Magdelaine son esprit es mains Nostre Signor Jhesucrist qui l’emporta es chieus. Li sains vesques Maximiiens rechut le cors et dist : « Hé ! douç Magdelaine, dous jentix joiaus, pour chou que vous portastes le precieus ungement pour oindre le cors Nostre Signeur, je oinderai vo cors de prescieus bosme »; et il ensi le fist et la fu enteree. Mout treslonc tans aprés, il avint qu’ele fu portee a Vergelai. Ensi com li saint homme l’emportoient parmi un atre la u on enfouoit tous ciaus du païs, une vois fu oïe du ciel qui dist : « Tout li mort qui onques
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244. son douç creature. – 250. ne sour cors] pour le second mot, le scribe a d’abord tracé son qu’il a corrigé en sour en ajoutant un r au-dessus de la ligne. – 262. le cors N. S.] le s de cors a été ajouté au-dessus de la ligne.
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laine passe par ci ! » Li cors mort se leverent et s’agenoilierent et joinsent lor mains 135 vers le cors c’om portoit la. Aprés avient la ou li cors passoit par mi une voie ki 136 estoit avironee [201 a] d’arbres d’une part et d’autre ke li arbre enclinerent le 137 cors.
– 135. Li cors mort] et tout li mort P1 et si tost com la vois ot ce dit tot li cors mort A. – 135. et s’agen.] et s’en genoilharent L omis dans A. – 135. les mains P1. – 136. vers le cors c’om portoit la] ver le sains corps que ons en portoit L vers le cors saint c’on portoit par la P1. – 136. aprés avint A P1 P3 encor avient aprés L (qui accompagne ce miracle de la mention Exemple). – 136. la ou] que la ou L que A (P1). – 136. li cors] ele P1. – 137. ke li arbre encl. le cors] que tous ly arbez encl. le sains corps L. Les lignes qui concluent cette rédaction dans le manuscrit de Leyde sont éditées pp. 83 - 84 (voir nos explications dans la présentation du texte); (...) le cors. Explicit P3 (suivi de De le Magdelainne. mop, d’une écriture plus ample que celle du texte mais dont il est difficile de dire s’il s’agit de celle du scribe ou non); et li arbre encl. le cors. Itels miracles fist Dex por la Madelaine. Or li prions tant que ele prie por nos al parfait pere Jhesu Crist qu’il nos otroit en son regne part. Amen. Explicit de la Madelaine A; li arbre l’encl. Or prions al dolc Jhesu Crist pour celui qui cest livre escrist et a la dolce Magdelaine qu’ele prit a l’amour sovraine, c’est Dieu, que toute humilité mete en nos cuers par sa pité. Amen. P1.
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fuissent chi enfoui, issiés hors de terre et proiiés a cest saint cors qu’il proie pour vous Jhesucrist qu’Il vous alege vos penanches, car li douce Magdelaine quanques Li requiert est fait en ciel et en terre. » Tantost issirent li cors de le terre a cens et a milliers et crioient : « Douce Magdelaine, aiwe ! ». Aprés avint si qu’il passoient par une voie aombree d’arbres et que li arbre de tout la forest enclinoient le saint cors dusk’en terre. Dont fu ele entree a Vergelay. Mil langues ne poroient mie dire les [169 v°] miracles qui avindrent au saint cors, c’estoit sours oïr, mesiaus garir, muiaus parler, contrais r[edrechier], awles ralumer et les mors rescusciter a l’honneur de Jhesucrist qui vit et regne par tout le siecle des siecles. Amen.
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273. Les substantifs contrais et awles sont séparés par la seule lettre r, qui doit sans doute appartenir au verbe dont le premier est le sujet. Nous en restituons la forme probable d’après la formule, presque identique à celle de cette conclusion, qui figure au début du deuxième paragraphe du texte, et une seconde fois plus loin, avec quelques différences mineures. Aucun signe d’intervention – grattage ou autre – n’est visible ici.
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De saint Marie Magdalene [11 a]
La fieste de la bien awireuse et noble dame saint Marie Magdalene si est a .xx[...]e. jour de julet. Cest dame si fut de grande parage. Ses pere eut nom Sirus et sa mere Eucharia, si que Marie et Marthe, sa [11 b] [serreur], et Lazarons le frere avoient grande terre et grande possessions, et Marie tenoit un castias qui avoit a nom Magdalon, et Lazaron tenoit en Jherusalem et Marthe tenoit en Bethanie. Et astoient ces .iij. enfant yssus de grande sanc si come de royale lignie, si que Marie avoit le sien par ly por faire sa bone volenteit, si que el astoit franke et ne dotoit nulluy, car elle n’avoit ne pere ne mere, et riche et puisant, et s’astoit tres belle et plaisant, si que ces .iij. choze le fisent tost traire a pecchiet et az delisce del monde, car en un corps ou est frankies et liberteit et jovente et bealteit et riceche et delisce, ce n’est nient merveilhe se uns teils corps forvoie; car il n’est nuls se il est en teil point, se il n’est dont gardeit par my la saint cremeur de Dieu et par sa saint et pure grasce, que ly monde et ly chare et ly diable nel mettent en teil point que de faire chu que Marie fist, car el soy mist a faire les delisce de son corps par tout la ou miez ly plaisoit. Et Lazaron son frere soy mist a chevalerie et Marthe soy mist a yas aidiere governeir, car el levoit tout leur rente et les porveioit de tout chu [11 c] et de cant qu’il leur faloit, et largement en donoit encor as povres; mais aprés l’Ascencions Nostre Saingnour vendirent il tout leur possessions et metirent tout l’argent az piés des apostele. Cest Marie, portant qu’el soy mist az delisce del monde, perdit son nom de Marie et le nommoit ons pecheresse. Or avient quant Nostre Sire prechient par tout le peule en generale, que Marie oiit dire qu’Il pardonoit les pechiés. Or avient que uns home qui astoit Phariseiin et avoit nom Symons priat Nostre Saingnour au mangier et Il y alat. Adont Marie avoit ouit les predicacions Nostre Saingnour, si astoit repentie; et par tant que el avoit honte de son pechiés, al n’osat venire a chiere barnie devant les gens, mais se muchat desos le tauble et soy cuchat a terre as piés de Jhesucrist, et prist une boiste de mult tres prescieus ongement et en oindoit Jhesus les piés de ses larme, et puis Ly resuoit de ses chevias et puis Li baisoit; et quant ly Pharisiens, qui avoit Jhesus appelleit a mangier, si veiit cest fait, si pensat dedens son cuer : « Se chis home fust vrais prophete, il seuwist bien queil cest feme est et que elle est mult peccheres. » Et Jhesus sout tantost bien sa penseie et ly dist : « Simons, Je t’ay aucune choze a dire. – Maistre », dist il, « or dit le moy. » Et Jhesus dist : « Il sont .ij. home [11 d]
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Exemplaire de référence : Leyde, Universiteitsbibliotheek, B.P.L. 46A, f° 11 a - 16 b 2. Une tache altère la lisibilité du ou des derniers chiffres qui situent la fête de Marie-Madeleine. – 4. Le changement de colonne a entraîné l’oubli du substantif nécessaire à compléter l’apposition dont le premier mot est retranscrit à la fin de la précédente. Nous le restituons d’après la forme qu’il revêt ailleurs dans le manuscrit. – 33. Maistre dist il or dist il or dit le moy (la partie qui n’a pas été reproduite dans le texte semble avoir été effacée). – 33 - 34. Il sont .ij. home si devoit ly uns qui devoient a uns autre home. En apparence, les mots qui n’ont pas été reproduits dans le texte sont en partie effacés, en partie tracés.
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qui devoient a uns autre home. Si devoit ly uns .vc. denier et ly autre en devoit chinquant, et tant qu’il n’avoient de coy paiier. Si les quitat ly sire a cuy il devoient leur dete. Por le quel de ces .ij. fist il plus ? » Et ly Pharisins respondit : « A cely a cuy il at plus pardoneit. – Tu as a droit jugiet », dist Nostre Sire; et puis Soy tournat ver cest feme peccheresse et dist : « Vois tu cest feme pescherese ? Je suy entreis en ta maison, tu ne M’as encor doneit del yauwe por mes piés a laveir, et cest le mes at molhiet de ses larme et torchiet de ses chevias. Tu ne Moy as encor baisiet, et cel n’at encor cesseit de mes piés baisier depuis que je entray chaiens. Tu n’as encor oins ma tieste d’ole, et el at oins mes piés de tres prescieus ongement. Et por ce, toy di Ge que mult de pecchiés ly sont pardoneit por ce qu’el at mult ameit, car a cuy ons pardone, plus doit ons mult ameir. » Et dist a la feme peccheresse : « Feme, ty pecchiés toy sont pardoneis. » Et cils qui mangiuent la avoic Ly disent : « Qui est cils qui pardone les pecchiés ? » Et si comenchont tos tantost a murmureir cont[r]e Nostre Saingnour; et dist a la feme peccheresse : [12 a] « Ta foy t’at fait saufe. Va t’en en pais. » Aprés ce ensiwoit todis Marie Nostre Saingnour par tout ou Il prechoit et escutoit todis sa noble doctrine, et todis soy aseioit a ses piés et del doctrine Jhesus vivoit; et encontre tous murmureur, Marie Jhesus escusoit, car el soy tenoit por si peccheresses que de choze que ons ly metoit sus poin ne soy escusoit, car Il atendoit bien que la veriteit si l’escusoit. Or avient que Lazaron, leur frere, fut malade et morit, et Jhesus dist a ses apostelle : « Lazarons est mors et Ju en suy liez por vos tos, car vos siereis et viereis mes ovres, si les creireis. » Adont dist Thumas : « Allons avoic Ly. » Et quant Jhesus vient la, si trovat que Lazaron avoit ja jut .iiij. jour en monument, et par tant que Bethannie astoit pres de Jheruzalem, si astoient la venus mult de juiis por les serreur a reconforteir; et quant Marie seut que Jhesus venoit, si corit contre Ly et sa serreur Marthe demorat en sa maison. Quant Jhesus fut la venus, se dist Marthe : « Aïe, Sire, se Tu fus cy, mes frere ne fust mie mors. » Et Jhesus ly dist : « Marthe, tes frere soy releverat. » Et Marthe Ly respont : « Voir, Sire, chu sa ge bien, a la Resurrexions, al Diarains Jour. » Et Jhesus [12 b] ly dist : « Je suy resurexions et vie. Qui croit en Moy, s’il astoit mors, si viverat il, et chascun qui croit en Moy ne morat pas parmanablement. Crois tu chu, Marthe ? – Oïl, Sire », fait el. « Je croy que Tu es Criste, ly Fils de Dieu, qui es venus en cel monde por nos salveir. » Et quant el eut ce dit, si apelat Marie et ly dist tout ensi en baset : « Ly maistre est chy et t’apelle. » Et tantost Marie s’en alat, et quant ly juiief qui la astoient en la maison venus por el a reconforteir veirent que Marie soy levat si en haste, si soy levont et l’en siwirent et disent entre yas : « Marie vat ploreir au monument son frere ». Et quant Marie vient la, si astoit ja Jhesus la, et tantost Marie Ly chaiit az piés et ploroit mult forte, et Ly dist : « Sire, se Tu fus cy, mes frere ne fust mie
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47. a murm. conte N. S. – 56. si trovat que L. avoit ja dit jut .iiij. jours (le mot qui n’a pas été reproduit dans le texte a été tracé). – 61. sire chu soit sa ge bien (le mot qui n’a pas été reproduit dans le texte a été tracé).
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mors. » Et quant Jhesus veiit que el ploroit et ly juiief ausi, si en eut piteit et en fut tous tourbleis, et demandat : « Ou l’aveis vos mis ? » Et Marie Ly dist : « Viens, sel vois. » Et quant Jhesus vient sor le tomble Lazaron, si plorat, et ly juiief disent adont : « Or vois coment Il l’amoit. » Et ly autre disoient : « Chis qui aovrit les oilhez de cely qui avoit esteit neis aveules, et ne powist Il bien avoir fait que cils ne fust pas mors ? » Puis aprepont le monument et ens avoit [12 c] mis sus une grande pire sor le tombe, et Jhesus dist : « Osteis cest pire. » Et Marthe Ly dist : « Sire, il puet ja tout, car il at ja .iiij. jour que il fut entereis – Et ne toy di Ge pas, Marthe, se tu creiois, tu vierois la glore de Dieu ? » Et ons ostat la pire, et Jhesus levat ses oilhe en haulte et dist : « Pere, Je rens grasce a Toy que Tu M’as todis oint. Mais, Pere, Jel dis por le peule que ychy est presens, por ce qu’il croient que Tu M’as envoiiet. » Et quant il out ce dit, si criat a haute vois : « Lazaron, vins four ! » Et Lazaron soy levat tantost a la parolle de Nostre Saingnour et vient four del fosse tout ensi qu’il avoit esteit loiiés ses mains et ses piés, et sa fache astoit loiie d’un suaire, et cils avoit esteit .iiij. jour en terre. Adont dist Jhesus a ses dissiple : « Desloiiés le, si le laisiés aleir. » Et yas pluseur qui la astoient creirent en Ly, et ly aucuns murmurerent sor Ly. Aprés ce, .vj. jour devant Paske, vient Jhesus en Bethannie, la ou Lazaron avoit esteit mors, et Jhesus si l’avoit resusciteit; et la Ly fisent uns grans mangiers, et Marthe siervoit, et Lazaron astoit uns de cias qui seioit a table. Adont prist Marie une livre d’ongement mult prescieus en une boiste [12 d] d’albaste, et cel ovrit la boiste et prist cest ongement et en oindit Jhesus son chief, la ou Il mangoit, et ses piés ausi en oindit il et Ly torchat de ses chevias, tant que ly maison fut tout plaine del bone odeur de cest ongement; et Judas, qui astoit uns des apostele, en eut despit et dist : « Por coy ne fut vendus cest ongement ? Ons en euwist oint .iiijc. denire et si les euwist om doneis as povre. » Et ce ne dist mie Judas por si grande ovrez de cariteit qui fust en ly, mais il portoit la bourse az deniers et de tout ce que ons leur donoit, il embloit la .xe. pars, car il astoit leir. Et ensi avoient ly juief envie sor Marie por tout ce qu’el faisoit entour Nostre Saingnour Jhesucrist; et Nostre Sire tous jour l’escusoit et disoit : « Por coy aveis vos envie sor cest feme ? Laisiel esteir, car el at bien fait de ce qu’el a fait at Moy, car vos areis tos jour des povres avoic vos et quant vos volreis, si les poreis vos bien faire, mais Moy n’areis vos mie todis. Elle devoit en oindre mon corps quant Je sieroie mors. Or est il avanchié et l’at fait a ma vie [12 c] et par tout le monde, cel Ewangiele sierat prononchié et dirat om qu’el l’at fait por Moy. » Sachiés dont que par mult de signe, Nostre Sire demostrat que Il l’amoit grandement, car Il ly jetat .vij. diable four del corps. Il l’enbrasat mult de son amour. Il le fist especiale a Ly et son hostesse et sa procurresse, et todis astoit por ly et todis Nostre Sire l’escusoit; et quant el plorat por son frere, Jhesus plorat avoic ley et son frere
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77. aprepont] forme insolite : on attendrait plutôt apreront, et il est d’ailleurs possible que le p qui précède la désinence ait subi une intervention. – 84. et L. soy la levat (le mot qui n’a pas été reproduit dans le texte a été tracé).
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ly resuscitat, et se curat Marthe, sa sour, d’une grief maladie qu’el avoit por l’amour 110 de ly; et se ly fist enliere la meilheur partie qui onsque ne ly fut osteie, et fut deleis 111 le crois quant Jhesus y pendit, et quant Il fut resusciteit, promire s’aparuit a Ly. (...) 112 Deuxième interpolation du manuscrit Leyde, Universiteitsbibliotheek, B.P.L. 46A 113 (cf. apparat critique de la version commune, l. 68) : 114 [14 b] (...) Or avient aprés la benoit passions de Nostre Saingnour Jhesucrist .xiiij. ans qu’il avoit sor les cristiens si grande persecussions que ly juiief en cachirent four tous les cristiens, et prisent Maximiens, a cuy sains Pire avoit comandeit la glorieuse Marie Magdalene en warde, et si prisent Marie Magdalene et Marthe et [14 c] Lazaron et leur chamberier, Marcelle, et sains Cedone, cely qui fut neis aveule, cuy Nostre Sire renluminat, et pluseur autre cristiens, et les misent en un batelle sor mere sens nulle governeur et sens nule vitalhe, et tout par ce qu’il voloient qu’il morissent d’afamure ou qu’il fussent noiiés en mere, mais Nostre Sire leur envoiiat uns vens qui les menat a port de Marseilhe; et par tant qu’il n’avoit la four que paiiens, il ne les vorent mie herbegiers. Si soy misent en une enclostrias qui stesoit devant le temple de leur ydolle; et ly prinche venoient la et tous ly peule por sacrifiier a leur ydollez, et Marie leur comenchat a prechier la foy de Jhesucrist si bien et si ardamment que tout ly peule s’esmervilhoit. Mais ons leur donoit si pau qu’il avoient messaise et default; adont soy apparuit Marie en songe au prinche del vilhe et ly dist qu’il pensassent des povrez qui avoient messaize et les envoiiast a vivres, ou il le comparoient chirement, et il le fist, car il ly envoiiat asseis de vithailhe. [Aprés, la glorieuse Magdalene, qui avoit esluyt de .ij. vie la meilheur partie, disoit a Nostre Saingnour Jhesucrist (...)
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[15 d] (...) Or dient ly aucuns de la Magdalene, c’est celle qui voult avoir a marit sains Johans Ewangeliste, la ou Nostre Sire fut az norche et y muat Nostre Sire l’yauwe en vin, la ou Archedeclins astoit maistre d’osteil et governeur des [16 a] norche; et por tant que Nostre Sire ly avoit rosteit son maris, soy mist ell a faire les delisce del sicle, si come cel qui avoi perdut son maris. Mains par tant que il n’astoit pas bon que la vocacion de sains Johans fust cause de la pierdicion Marie, si apellat Nostre Sire Marie a si grande grasce que en liewe des delisce mondains ly donat Il les delisce esperitueils; et de l’Ewangeliste dist il ausi que por ce qu’Il ostat sains Johans Ewangeliste del monde et de l’ordene de mariage, se ly donat Il familiariteit a ly devant tous les autre aposteles.
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112. Pour la partie qui suit, voir apparat critique de la version commune, pp. 60 - 79.
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Exemple. Uns chevalieres fut qui chascune ans visentoit en grande devocions de cuer le corps et le sepulcre de cel glorieuse dame Magdalene; mais il avient qu’il fut occhis en batailh, et quant son corps juis en la bire et ses parens le ploroient et disoient en plaindant coment et por coy la Madalene l’avoit laisiet morire sens confessions, qui tant devoltement avoit son sepulcre chascun an visenteit, et vechi tantost cils chevaliere qui mors astoit revient en vie et le priestre demandat, et devoltement soy confessat et prist le corps de Jhesucrist, et asseis tost aprés, [16 b] il rendit ame a Nostre Saingnour et bien morit.
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Exemple. Uns homes fut qui ses pecchiés mist en escript en une cedulle desous la mappe de l’auteil et ly priat devoltement qu’el ly enpetrast a Jhesucrist pardons de ses pechiés; et asseis tost aprés, ly home reprist sa cedulle et trovat que tous ses pechiés astoient hors planiés et escomengniés.
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142. et le sep. de cel gl. dame Magd.] lecture incertaine – la forme del est clairement reconnaissable, mais elle a peut-être été corrigée en de. – 149. L’abréviation pour Exemple a été ajoutée dans la marge.
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[161 v°] Chi commence la vie et la conversacions le Magdelaine, coment Jhesucris li pardonna tous ses pechiés, et coment ele converti tous le roi et le roine de Marseille, et coment ele fu .xxx. .ij. ans en le montaigne sans boire et sans mangier for de glore du ciel
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Haute cose est d’oïr et de retenir le foy saintisme et le sainte loy Nostre Signeur que li apostle tinrent et ensivirent aprés Diu, aprés les apostles, li martyr, li confés, les viergenes, les veves; a tretous chiaus aperent les oevres Nostre Signeur. A l’emprendre de raconter la vie le boine eureuse Magdelaine en apel jou la devine poissance sans qui nule cose qui a Diu apartiegne n’est faite ne acomplie. Au comencement de se vie vous dirons dont ele fu nee. Ele fu nee en un castel c’on apele Magdalon pres de Jherusalem et ot ses peres non Sytus et se mere Ancaria, et fu suer Marthe et saint Ladre que Dix ressucita, et estoit castelaine de Jherusalem, et estoit de le lignie des rois, et avoit un sien castel qui avoit a non Magdalon, et pour çou l’apeloit on Marie Magdelaine; mais ele estoit si abandonnee a pechié faire c’on ne l’apeloit fors « pekeresse », car si com dist li apostles, ele avoit .vij. anemis u corps que Dix jeta fors de li par se vertu, et puis eut ele les .vij. dons du Saint Esprit qui en li furent par le grasse de Diu.
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[162 r°] En cel tans que Nostre Sires Jhesucris preechoit et ensignoit les juis et faisoit les sours oïr, les muiaus parler, les contrais redrechier, les avules ralumer et les mors ressuciter, et ces miracles Li vit faire la Magdelaine, ele pensa que Il estoit plains de pité et de misericorde et k’Il estoit vrais Dix et vrais hom, et ele se pensa qu’ele estoit mout pekeresse, si pensa qu’ele crieroit a Jhesu Crist merchi. Adont acata un prescieus ongement d’alebastres pour oindre les piés Jhesu Crist. Or nous dist sains Luc li Evangelistes qu’en icele tempore estoit uns Pharisiiens en la terre de Jherusalem qui Simons avoit a non. Chius Pharisiiens pria Nostre Signeur que Il mengast avoec lui en se maison, et Jhesu Cris entra en le maison et si i manga; et une femme pekeresse qui estoit en la cité, qui avoit a non Marie Magdelainne, quant ele seut que Jhesu Cris mangoit en le maison Simon le Pharisiien, ele aporta un ongement prescieus d’alebastre et se mist as piés Nostre Signeur, et si les prist a arouser de ses larmes et sambloit vraiement que li cuers li deust partir du cors, si fort acoloit ele les piés Jhesu Crist et les lavoit des larmes
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Exemplaire de référence : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15212, f° 161 v° - 164 v° 2. ele converti tous ses pe le roi. Saut du même au même sur tous. Le premier des mots excédentaires a été exponctué et l’ensemble des éléments qui composent cet ajout est tracé. – 17. Le s d’esprit a été ajouté audessus de la ligne. – 21. hom a été ajouté au-dessus de la ligne. – 25. Compte tenu de la valeur habituelle de l’abréviation, ce mot devrait prendre la forme chiuus, peu vraisemblable.
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de le pure fontaine de son [cuer], et si tergoit les piés Nostre Signeur de ses kavex, et si les baisoit mout doucement et si les oingnoit d’un prescieus ongement. Quant Simons li Pharisiiens, qui Diu avoit apelé, [162 v°] vit le pekeresse qui estoit as piés Jhesu Crist, si dist en lui meisme : « Se cis estoit vrais prophetes, il saroit bien quele ceste femme est, car ele est pekeresse. » Et Jhesucris conut le cuer Simon, si li dist : « Symon, Je t’ai a dire une cose. Simon », dist Jhesucris, « dui deteur estoient qui devoient a un signeur deniers. Li uns devoit .iijc. deniers, et li autres .l. Il n’avoient de coi paiier. Quant li sires vit çou, si pardonna se depte a cascun. Symon », dist Jhesucris, « le quel ama il le plus ? » Symmons Li respondi et dist : « Sire, celui que il pardonna le plus. » Et Jhesus dist a Symon : « Tu as droit jugiet. » Et Jhesu Cris Se torna devers le Magdelaine et dist : « Vois tu ceste femme ? », dist Jhesucris a Symon. « Jou entrai », dist Il, « en ta maison, tu ne Me donnas mie iawe a mes piés laver. Ceste femme a arousé mes piés de ses larmes et les a ters de ses caveus. Symon », dist Nostre Sires, « tu ne Me donnas mie baisiers. Ceste femme ne cessa de baisier mes piés puis que J’entrai çaiens. Symon », dist Il, « tu ne Me oinsis mie le cief d’oile. Ceste M’a oint mes piés d’un prescieus oingnement; et pour çou te di Ge, Symon, que mout de pechiet li sont pardoné, car ele M’a mout amé. A qui », dist Jhesu Cris, « mains est pardonné, mains est amés. » Et Jhesucris se torna devers le douce Magdelaine et si li dist : « Douce amie, ti pechiet te [163 r°] sont tout pardonné. » Et cil qui mengoient essamble en le maison avoec Jhesucrist disent en leur cuer : « Hé ! qui est cis sires qui pardonne tous les peciés ? » Et Jhesucris dist a le douce Magdelaine : « Femme, te foys t’a sauvé, va en pais. » Quant li Magdelaine entendi si grant bonté que Jhesucris li faisoit, ele dist en son cuer: « Hé ! dous amis Jhesucris, qui porroit penser le grant douceur ne le grant bonté que Vous avés fait a ceste desloiaus pekeresse ? Certes, piet qui avés porté le cors a mal faire, jamais cauchiet ne serés, ne jamais, cors, de car ne mangerés, ne jamais a nul jour espargniés ne serés, ne jamais, bouce, de loer men tres douç ami Jhesucrist ne cesserés. » Qui veist come ele sivoit et amoit Jhesucrist et coment ele Le servoit de cuer et de cors et de bouce ! En quelconques liu que Jhesucris estoit, toudis estoit ele a ses piés et estoit endoctrinee de le parole Jhesucrist, sen douç maistre; et dist li sages qu’ele n’avoit mie son cuer, ains l’avoit Jhesucris, ses dous amis, dont li sages dist : li repos de sen cuer ert petis et estrois, ne pooit herbegier fors que Jhesu le Roy. De desirier dervés, ardans, boulans, destrois ert ses cuers si navrés, ne pooit estre cois. Jhesucris ert li catoire; ele estoit li sains és qui aloit pasturant par les sains lius secrés. Le douç miel en traioit par desirier dervés et par souspirs boulans, ardans [163 v°] et embrasés. Souvent li convenoit par grant desir plourer, doucement segloutir, par amour souspirer, et dist li sages qu’ele n’avoit mie son cuer, ains
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32. de le pure font. de son cors. – 46. ne cessa de baissier, premier s exponctué. – 69. La résolution de l’abréviation imposerait en principe la forme amouur, peu vraisemblable.
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l’avoit Jhesucris, et qu’ele estoit si de Diu endiuee qu’ele ne parloit ne faisoit oevres fors espiritueus. En quelconques liu Jhesucris estoit, li douce Magdelaine L’ensuioit, et quant nos dous maistres Jhesucris souffri mort et passion au jour du bon devenres et tout li desciple s’en fuirent, fors li douce Virge Marie grascieuse qui soustint no foy, et fu apparillie a le crois aussi com s’ele vausist dire : « Se mes dous Fix ne puet souffrir le mort, je Le rechevrai en le crois. » La fu li douce Magdelaine et menoit grant duel de Jhesucrist, son bon ami, qu’ele veoit si grief mal traire et endurer. Or nous raconte me sires sains Mars li Evangelistes que un jour de le semaine que Nostre Sires ressucita, que Marie Magdelaine et Marie Jacobee et Marie et Marie Salomee acaterent un prescieus ongnement arromastisté pour oindre le cors Jhesucrist et mout matin vinrent au monument au soleil levant, et disoient li une Marie a l’autre : « Hé ! qui nous retornera le piere de l’huis du monument ? » Et les Maries regarderent et virent un jovenencel seant a destre vestu de blances vestures et eles s’esbahirent, et li angles lour dist : « Ne vous voelliés mie espoenter. Vous querés Jhesu de Nazareth le crucefiiet : Il est ressuscités, Il n’est mie chi. Veés ichi le liu ou il [164 r°] Le misent; mais alés », dist li angles, « et dites a ses disciples et a Pieron que vous alés devant en Galilee. La Le verrés si come Il vos avoit dit devant. » Or nous raconte mesires sains Jhehans li Evangeelistes que Marie Magdelaine estut defors le monument mout fort plorant, et come ele plouroit, ele s’enclina et regarda u monument et vit deus angles saans vestus d’aubes blanques, l’un au cief et l’autre as piés du monument u li cors Jhesu Crist avoit esté mis, et li angle li disent : « Femme, pour coi pleures tu ? » Et ele leur dist : « Hé ! il ont emporté Men Signeur et si ne sai u il [l’]ont mis. » Et com ele disoit çou as angles, ele se retorna arriere et ele vit Jhesucrist estant et ne savoit mie que ce fust Jhesucris, et Jhesucris li dist : « Femme, que pleures tu ? Que quiers tu ? » Ele cuidoit qu’Il fust courtilliers et ele Li dist : « Sire, se vos L’ostastes, dites moi ou vos Le mesistes et je L’osterai. » Et Jhesucris li dist : « Marie ! » Ele se tourna devers Jhesucrist et dist : « Ha ! dous maistres ! », et Le vaut prendre as mains et aerdre. Adont li dist Jhesucris : « Ne Me voelliés mie atoucier. Je ne sui mie montés encore a mon Pere. » Et li dist : « Douce amie », dist Il, « va a mes freres et si leur di, Je monte a mon Pere et a vo Pere, a mon Diu et au vostre. » Et li douce Magdelaine vint as apostles et leur [conta] ces paroles et dist : « Je vi Nostre Signeur Jhesucrist », fist ele, « men douç ami glorieus et le vostre, et ces coses me dist Il. » Et quant [164 v°] Nostres Sires entra a portes closes avoec ses desciples et Il leur dist : « Pais soit a vos. Ce sui Je, ne vos doutés mie », la fu li douce Magdelaine glorieuse avoec les apostles; et quant Nostres Sires donna force et pooir ses apostles de curer les languereus et de curer les
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76. Le r de grief a été ajouté au-dessus de la ligne. – 92. Le pronom régime que cette construction nécessite est absent du manuscrit. – 99. Perre, qu’exigerait en principe la résolution de l’abréviation employée par le copiste, est peu vraisemblable. – 101. Le scribe a omis la forme verbale qui convient ici – sans doute un synonyme de dist (conta, par hypothèse). – 104. Le i de pais a été ajouté au-dessus de la ligne.
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malades et de kacier les dyables des cors as hommes, li douce Magdelaine en avoit aussi grant pooir que li apostle. Et quant li apostle furent apris de tous langages par le vertu du Saint Esprit, li douce Magdelaine en fu aussi aprise; et quant Nostre Sires assensa le monde et Il dist as apostle : « Alés par tout le monde et preechiés les Evangiles a toute creature. Qui querra et ert baptisiés saus sera; qui ne querra dampnés sera », la fu li douce Magdelaine. Et quant Nostre Sires envoia le Saint Esprit sur les apostles, la fu li douce Magdelaine et en reçut se partie aussi come li autre. (...)
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La suite du texte de P2 est éditée aux pp. 61 - 79.
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2. Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 988, f° 125 c - 128 c Dans un article écrit en 1899, P. Meyer a attiré l’attention sur un légendier latin classé selon l’ordre de l’année liturgique (calendrier d’Auxerre), l’Adbreviatio in gestis et miraculis sanctorum (ou Summa de vitis sanctorum)1. Ce recueil a depuis été attribué à Jean de Mailly dont on a mis en évidence l’importance décisive dans la constitution des écrits dominicains2. Rédigée entre 1225 et 1230, puis complétée entre 1234 et 1239 et reprise une troisième fois avant 1262, l’Adbrevatio est un des tout premiers légendiers liturgiques conservés. L’auteur y compile près de 180 vies de saints et fêtes religieuses importantes afin, affirme-t-il dans son prologue, de les mettre à la portée des prêtres pour éveiller la dévotion des fidèles, leur brièveté devant écarter toute lassitude3. A. Poncelet4 en a dressé une liste de 16 manuscrits, dont les plus anciens datent du XIIIème siècle ; des travaux plus récents ont révélé l’existence de quelques exemplaires supplémentaires et l’on recense aujourd’hui une vingtaine de témoins de cet ensemble. À plus d’un titre, le recueil de Jean de Mailly est un des ouvrages les plus remarquables dans la mise en place et dans le développement de la légende de Marie-Madeleine, dont le texte offre de nombreuses correspondances littérales avec les versions postérieures5. Déjà présente dans le légendier de 1225 - 1230, la version de l’Adbrevatio rapporte longuement la vie évangélique de Marie-Madeleine (plus de la moitié du 1 « Notice sur un légendier français du XIIIe siècle classé selon l’ordre de l’année liturgique », Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques, t. 36, 1, 1899, pp. 1 - 69. 2 Pour une présentation synthétique de l’œuvre de Jean de Mailly et une bibliographie récente, on se référera à l’article de B. W. Häuptli dans le Biographisch-bibliographische Kirchenlexikon, bearb. und hrsg. von F. W. Bautz, Herzberg, T. Bautz, Bd 23, 2004. Le légendier n’a jamais été publié. G. P. Maggioni, qui prépare son édition, en a toutefois rendu les trente premiers chapitres accessibles sur le site de l’Université del Molise (www.unimol.it). A. Dondaine a traduit le recueil en français sur la base de Paris, Bibliothèque nationale de France, lat. 10843, pour les textes de la première version, et de Paris, Mazarine, 1731 et Berne, Burgerbibliothek, 377, pour ceux de la seconde rédaction (Jean de Mailly. O.P., Abrégé des gestes et miracles des saints, traduit du latin par A. Dondaine, O.P., Paris, Éditions du Cerf, 1947 (Bibliothèque d’histoire dominicaine 1) ; texte sur Marie-Madeleine : pp. 244 - 249). Un extrait de la vie qui nous concerne ici est retranscrit par F.-K. Weiss, Der « Romanz de sainte Marie Magdaleine » von Guillaume, le Clerc de Normandie, und sein Quellenkreis, Inaugural-Dissertation zur Erlangung des Doktorgrades der Philosophischen Fakultät der Westfälischen Wilhelms-Universität zu Münster, 1968 (thèse dactylographiée), pp. 78 - 82, également d’après Paris, Bibliothèque Mazarine, 1731. 3 « Cum plurimi sacerdotes sanctorum passiones et uitas non habeant et ex officio suo eas scire et predicare debeant, ad excitandam fidelium deuotionem in sanctos eorum maxime uitas qui in kalendariis annotantur succincte perstringimus, ut et libelli breuitas fastidium non generet et parochiales presbiteros librorum inopia non excuset » (extrait du prologue cité d’après l’édition en ligne de G. P. Maggioni, voir n. précédente). 4 « Le légendier de Pierre Calo », Analecta Bollandiana, 29, 1910, pp. 20 - 24. 5 On sait que tant Bartholomé de Trente que Jacques de Voragine et Vincent de Beauvais reproduisent mot à mot des sections entières de l’Adbreviatio. Sans entrer dans les détails de la discussion, rappelons que B. Fleith émet l’hypothèse d’une source commune à laquelle recourraient les quatre auteurs, cf. « De Assumptione Beatae Virginis Marie. Quelques réflexions autour du compilateur Jacques de Voragine », De la sainteté à l’hagiographie. Genèse et usage de la Légende dorée, éd. par B. Fleith et F. Morenzoni, Genève, Droz, 2001, pp. 41 - 73 (Publications romanes et françaises, CCXXIX).
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texte) ; son départ pour Marseille puis Aix, où Maximin sera élu évêque, sa mort, la translation de ses reliques à Vézelay et les trois miracles de la femme ressuscitée (« miracle de Marseille » dans les autres versions), du chevalier dévot ramené à la vie et de la femme enceinte sauvée du naufrage complètent le récit. La légende se modifie considérablement dans la seconde rédaction6. Outre quelques ajouts et reformulations ponctuels, surtout concentrés dans le début du texte, celle-ci rapporte en effet la retraite érémitique de la sainte, sa découverte par un abbé et sa mort (§ 42 - 52 latins, l. 77 - 112 du texte français), originellement absentes7. Par ailleurs, le « miracle de Marseille », au cœur des vies vernaculaires, y occupe une place et y prend une teneur particulières. Situé dans la première version à la fin de la légende, il précède les deux autres miracles dans la seconde. Il n’est de la sorte pas encore intégré à la vie de la sainte et seul le développement qu’il reçoit le distingue des autres prodiges. De plus, si la geste évangélique de la sainte se conclut par le départ de Marie-Madeleine et de Maximin, seuls nommés, pour Marseille, puis pour Aix, le miracle n’intervient pas dans une de ces deux villes mais à « Barlete » (l. 133 ; « apud Ballatam ciuitatem », § 59)8. L’histoire même se démarque elle aussi fortement de celle des vies ultérieures. Ainsi, les chrétiens exilés ne subissent-ils pas un mauvais accueil à leur arrivée en France. Les apparitions nocturnes de la sainte n’ont donc pas raison d’être : le mari vient de lui-même à la rencontre de Marie-Madeleine à qui il promet de croire en Dieu en échange d’un enfant. Le départ en pèlerinage n’entraîne pas de discussion entre les époux, et aucune tempête ne vient précipiter l’accouchement de la mère. Quelques mots suffisent à décrire l’installation du corps de la dame sur le rocher. Au retour, l’époux, après avoir été baptisé par Pierre, trouve sa femme déjà éveillée. Dans ce récit, la sobriété du ton employé contraste avec l’accumulation de prières et de plaintes, la dramatisation par le discours direct, l’abondance de détails que l’on trouvera dans les adaptations plus tardives. La première partie repose sur les différentes mentions présentes dans les Évangiles : origine de Marie-Madeleine (Matthieu 27, 56, etc.) ; proximité géographique entre Magdala et Génésareth ; épisode de l’onction des pieds du Christ chez Simon le Pharisien et pardon des fautes (Luc 7, 36 - 50) ; précision quant au rôle La troisième rédaction ne diverge que sur la rencontre du couple sans enfant avec Marie-Madeleine (§ 59 - 62). La vie de Marie-Madeleine apparaît entre celles de Marguerite (13 - 20 juillet) et de Praxède (21 juillet), et celles de Marthe (28 juillet) et d’Apollinaire (23 juillet). 7 Nous remercions Giovanni Paolo Maggioni de nous avoir communiqué ces informations. Nous citons le texte latin en rapport avec Marie-Madeleine d’après le texte critique qu’il a généreusement mis à notre disposition. Il choisit le manuscrit 111 de la Bibliothèque municipale d’Auxerre comme témoin de la première rédaction, et le légendier latin 937 de la Bibliothèque de l’Arsenal, à Paris (que P. Meyer avait déjà mis en évidence), pour la seconde. L’analyse des variantes permet d’affirmer que la traduction française dérive de la seconde rédaction, répandue surtout dans la région parisienne. 8 F.-K Weiss (Der « Romanz de sainte Marie Magdaleine », op. cit., p. 18) rapproche ce nom de la ville de Baalath, construite par Salomon (1 Rois 9, 18). Son correspondant français est celui d’une cité portuaire de la Pouille. 6
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de la sainte, qui pourvoit aux besoins de Jésus (Luc 8, 3) ; évocation des séjours à Béthanie (Luc 10, 38, etc.) ; résurrection de Lazare et conversion des juifs à l’écoute de son récit des peines de l’enfer (Jean 11, 45)9 ; activité de Marthe (Luc 10, 40) ; onction à Béthanie et réaction de Judas (Jean 12, 1 - 6, puis 12, 7)10 ; présence de Marie-Madeleine à la Crucifixion (Matthieu 27, 56, etc.) ; découverte du Tombeau vide et annonce aux apôtres, venue de Pierre et de Jean, puis rencontre avec l’ange et le Christ que la sainte prend pour un jardinier, envoi aux apôtres (Jean 20, 1 - 18) et départ de Jérusalem (Matthieu 28, 18 - 19). Cette énumération suffit à le montrer : Jean de Mailly réunit dans sa légende les éléments attribués aux différentes Marie des Évangiles11. Il concentre en quelques lignes toute la tradition patristique liée à la figure de Marie-Madeleine. La question de savoir s’il effectue lui-même cette synthèse ou s’il se contente d’exploiter un substrat préexistant, en le concentrant sans doute, exigerait une enquête minutieuse des textes latins. Dans un récit caractérisé par sa concision, on relèvera la précision, absente des Évangiles, que la sainte n’a pas de mari, reflet possible de la légende de sa sœur Marthe dont la vie affirme le désir de chasteté, le célibat de Marie-Madeleine étant au contraire traditionnellement motivé par l’appel de la chair. On peut aussi remarquer l’attention que l’auteur prête à la figure de Judas, dont la réaction lors de l’onction de Béthanie est longuement rapportée. Il greffe ainsi sur les Évangiles l’explication apocryphe qui justifie la trahison du Christ et son prix (le dixième de la valeur du parfum utilisé à Béthanie). L’interprétation, qui repose sur l’indication par Jean 13, 29 que le traître tenait la bourse de la communauté, est courante. Chez Jean de Mailly, elle est encore renforcée par l’attribution à Judas d’une épouse et d’enfants. Ce trait permet de confronter ces compagnons du Christ. Tous deux sont des pécheurs, la foi de la Marie-Madeleine contrebalançant pourtant le désespoir du traître12. On notera aussi que c’est un mouvement de retour sur soi (« uitam suam recolligens », § 3 et « recorder sa vie », l. 8) qui motive la conversion de la sainte, soulignant l’importance de son repentir. Relatés en termes rapides, la retraite et la mort de Marie-Madeleine, la translation de ses reliques à Vézelay et deux des trois miracles qui concluent notre rédaction ne présentent pas de particularités narratives qui les distingueraient des versions ultérieures, si ce n’est la localisation sur la Loire (« in Ligere », § 75) du bateau naufragé13.
Dans l’Évangile, la conversion est motivée par la résurrection même de Lazare. La relation des peines de l’enfer est apocryphe. 10 Le texte ajoute cependant l’onction de la tête du Christ à celle de ses pieds (« le remenant Li geta sor le chief », l. 32), sans doute en raison d’un rapprochement avec Matthieu 26, 7, et Marc 14, 3. 11 Il manque toutefois à son récit la précision sur la guérison des sept démons (Luc 8, 2). 12 Voir le n° 22, qui réserve à Marie-Madeleine les activités propres à Judas. 13 Vincent de Beauvais situe lui aussi ce miracle « in Ligeris fluminibus » (Speculum Historiale, XXIII, cliii). 9
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Le récit français, structuré par des titres, offre une fluidité que masque son austérité. La comparaison avec la vie latine montre que l’adaptation vernaculaire ne développe que très peu d’éléments propres. Parmi ceux-ci, on relèvera simplement que l’adresse aux juifs, à qui les apôtres ont prêché douze ans durant la foi chrétienne, disparaît (§ 33 - 41)14. Description des manuscrits Lors de ses recherches il y a plus d’un siècle, P. Meyer a répertorié six manuscrits de l’adaptation de L’Adbreviatio en ancien français. Deux de ces exemplaires ne comportent pas la vie de Marie-Madeleine ; Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1782 est en effet un fragment de onze feuillets de parchemin en désordre contenant douze légendes situées entre l’Assomption de Notre Dame et la vie de saint Gilles (sans celles de Barthélemy et d’Augustin), alors que Londres, British Library, Add. 15231 comporte 73 légendes entre Nicolas (les trois premiers feuillets sont perdus) et Thibaut de Provin (30 juin). Les quatre volumes restant reproduisent l’histoire de notre sainte : A (Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3706, f° 141 r° - 151 v°) ; E (Épinal, Bibliothèque municipale, 76 (9), f° 60 b - 61 d ) ; Li (Lille, Bibliothèque municipale, 451 (202), f° 139 v° - 143 r°) et P2 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 988, f° 125 c - 128 c). Celle-ci figure en outre dans quatre recueils dont les légendes proviennent de plusieurs fonds : P. Meyer signalait déjà les manuscrits Lyon, Bibliothèque municipale, 867 (772), f° 53 c - 56 b (Ly) et Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 423, f° 32 a 33 b (P1), auxquels il a ajouté Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acqu. fr. 23686, f° 147 c - 149 b (P3) et Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, 587, f° 85 c - 87 a (SG) dans un article postérieur15. Sa tradition manuscrite comprend ainsi huit représentants. À cette liste, il faut peut-être ajouter un légendier endommagé de la fin du XIIIème ou du début du XIVème siècle, conservé à l’Académie des Sciences de SaintPétersbourg sous la cote F. 403 et partiellement remis en état par le Laboratoire pour la Conservation et la Restauration des Documents de l’Académie des Sciences de l’URSS, en 1963. M.-L. Auger16, qui a montré son appartenance aux bibliothèques de Charles V et de Philippe le Bon, en donne la description suivante : « Le volume se présente aujourd’hui sous la forme de 215 folios, contre 225 à l’origine, d’un parchemin très fin de 28,5 sur 20,5 cm. Chaque page, encadrée de bordures La version n° 3 conserve un souvenir maladroit de ce reproche (l. 75 - 81). « Notice d’un légendier français conservé à la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg », Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque nationale et autres bibliothèques, t. 36, 2, Paris, Imprimerie nationale, Libraire Klincksieck, 1899, pp. 677 - 721. 16 M.-L. Auger, « Un manuscrit de Charles V et de Philippe le Bon à Leningrad », Scriptorium, 22, 1968, pp. 276 - 279. L’article signale l’ouvrage consacré à la restauration du manuscrit : Neizvestnyi pamjatnik kniznogo iskusstva. Opyt vosstanovlenija francuzskogo legendarija XIII veka. Pod redakciej V. S. Ljublinzkogo, Moscou, Leningrad, Akademija Nauk SSSR, 1963. 14
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plus ou moins étirées et ornée de silhouettes amusantes, a deux colonnes hautes de 18 à 19 cm, larges de 5,8 à 6,2 cm. Les lettres majuscules étaient rehaussées d’un rouge vif, et les citations latines prises dans la Bible ainsi que les titres étaient rubriquées, mais rien ne put restituer leur fraîcheur aux miniatures et aux pages qui s’étaient décalquées les unes sur les autres, rendant le déchiffrement extrêmement malaisé ». « (...) on sait qu’il comprenait une table des matières au début, puis les vies de s. Jacques de Compostelle, des papes Étienne et Clément, des apôtres André, Thomas, Jean l’Évangéliste, du pape Sylvestre, de s. Agnès, de s. Vincent, de s. Julienne, des ss. Grégoire le Grand, Georges, Marc, Philippe, Jacques le Mineur, Pierre et Paul, Remi ; puis un récit étranger au genre hagiographique, Comment Salahedin prist Huon de Tabarie, remaniement abrégé de l’Ordene de Chevalerie ; enfin, les vies des ss. Marie-Madeleine et Catherine, de s. Julien et la Passion de Jésus-Christ. » (p. 276) Nous n’avons pu consulter ce manuscrit ni en obtenir de reproductions, mais la présence de l’Ordre de Chevalerie, comme dans Ly, incite à penser que l’on aurait affaire à des extraits de l’Adbreviatio. La brève présentation que L. Kisseleva et P. Stirnemann17 font de ce légendier met néanmoins ce rattachement en doute ; l’incipit de la vie de Jacques le Majeur qu’elles reproduisent ne correspond en effet pas au début du texte de Jean de Mailly, mais à celui des manuscrits hybrides de nos versions n° 6 et 718. Le très riche programme iconographique du volume (toutes les pièces sont illustrées de 6 à 27 scènes, 12 pour Marie-Madeleine) tendrait à corroborer le lien avec ces adaptations, elles aussi abondamment illustrées. La localisation (nord de la France) et la datation proposées par V. S. Lioublinskii (cité par L. Kisseleva et P. Stirnemann, p. 157) ne permettent toutefois guère de rapprocher notre exemplaire de ceux réalisés dans les ateliers parisiens (voir notre présentation du n° 6)19. Sur ses 266 feuillets en papier20, A (Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3706) rassemble une sélection de 57 légendes classées dans l’ordre de l’année liturgi-
17 Catalogue des manuscrits médiévaux en écriture latine de la bibliothèque de l’Académie des sciences de Russie de Saint-Pétersbourg, établi par L. Kisseleva et complété par P. Stirnemann, Paris, Éditions du CNRS, 2004 (Documents, études et répertoires publiés par l’Institut de recherche et d’histoire des textes, 73), pp. 156 sq.. 18 « [Apres] le jor de la sainte pentecoste ke li sains espirs fu descendus sor les aposteles et ke nostre lire [sic dans le Catalogue] (...) », soit la même phrase initiale que celle contenue dans les légendiers Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9225, f° 32 d ; Londres, British Library, Add. 17275, f° 56 c ; Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 183, f° 34 d et f. fr. 185, f° 47 b. C’est le seul extrait de texte dont nous avons pu disposer. Dans les manuscrits qui renferment les versions 6 ou 7, la vie de Jacques commence de façon très semblable, avec une simple phrase introductive (« Ce sachent tuit creant que (...) » ; Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10326). 19 Dans les renseignements personnels qu’elle a bien voulu nous communiquer sur notre corpus, Alison Stones suggère un rattachement plus spécifique avec certaines parties du recueil BNF, f. fr. 19531, dans lequel se trouve le texte de la version n° 1, et qu’elle associe à un groupe de manuscrits douaisiens. 20 Le volume n’est pas rédigé au delà du f° 263 v°, mais les 3 feuillets blancs qui suivent font sans doute partie du dernier cahier.
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que21, toutes conformes à celles que P2 reproduit. Daté de la seconde moitié du XVème siècle par P. Meyer, il mesure ca 270 x 196 mm et le nombre de lignes qui compose chaque page varie sensiblement (18, sur une colonne, rédigées en écriture bâtarde pour notre pièce). La diversité aussi bien matérielle que paléographique dont il témoigne n’en fait sans doute pas pour autant un recueil factice : l’accord de ses filigranes22 autour du même motif semble corroborer l’idée d’une réalisation homogène et le contraste qu’offre l’écriture de certaines parties résulte peut-être de simples changements de main. On y relève ici et là quelques picardismes légers ou traits de l’Est, peu prononcés. Le volume ne présente pas de miniatures. Les initiales y sont rubriquées et la première ligne de chaque texte est rédigée en grands caractères à l’encre rehaussés de rouge, de même que les titres intermédiaires, de plus petit format. Chaque nouvelle pièce est numérotée en gros chiffres romains dans la marge supérieure, mais de façon erronée à partir du f° 52, où une articulation secondaire dans la légende de Sébastien est prise pour un changement de texte. Trente-quatrième entrée du recueil, la vie de Marie-Madeleine est placée entre celles de Thibaut et de Jacques. Le légendier conservé à Épinal (Bibliothèque municipale, 76 (9)) est attribué au dernier quart du XIIIème siècle par P. Meyer. Il suit la composition de P2. La vie de saint Remi n’est toutefois pas déplacée à la date de ses reliques et il omet huit légendes, non consécutives, entre le 27 juillet et le 8 août23. Il comporte par ailleurs trois lacunes matérielles qui l’ont privé en tout ou en partie de 16 pièces (si l’on se réfère à P2, sans compter la vie de saint Remi) placées entre les légendes d’Adrien (8 septembre) et de Léger (2 octobre), des vies de Simon et Jude, Quentin et Eustache, et des dernières entrées du recueil, qui s’interrompt au début du récit sur sainte Catherine. P. Meyer y perçoit l’« œuvre d’un copiste peu soigneux et, probablement, peu intelligent » et indique que ses particularités linguistiques « permettent de l’attribuer à la partie méridionale de la Lorraine ou au nord de la 21 À la liste établie par P. Meyer (« Notice sur un légendier français du XIIIe siècle », art. cit., p. 12), il faut ajouter la Purification de la Vierge (f° 60 v°), l’Annonciation (f° 89 v°), l’Invention de la Sainte Croix (f° 101 v°), Pierre aux Liens (f° 187 r°), la Décollation de Jean Baptiste (f° 211 r°), la vie de saint Loup (f° 212 v°), l’Exaltation de la Sainte Croix (f° 216 v°) et la vie de saint Michel (f° 226 r°). Par ailleurs la légende placée au début du recueil qu’il intitule « Agathe » est la vie de saint Lucie (celle d’Agathe se trouve bien au f° 81 v°). Le récit consacré à Cécile (f° 248 v°) ne comprend que la deuxième partie, pourvue dans certains manuscrits d’une entrée indépendante. 22 A semble en posséder trois, qui représentent tous un bœuf de profil. Le premier se retrouve jusqu’au f° 68, mais il est difficile d’en obtenir un relevé précis. Sous réserve de quelques détails, on peut toutefois l’assimiler au n° 1093 de Piccard (vol. XV, 3). Au f° 60, on découvre une variante proche du motif suivant, assez fruste comme le premier filigrane. Elle est isolée dans le manuscrit et surtout très peu visible, mais on peut la comparer au n° 2782 de Briquet. L’espacement entre les pontuseaux est le même que pour les deux autres variétés de papier. Le troisième type intervient dans le reste du manuscrit. Sans lui correspondre en tout point, il se rapproche beaucoup du n° 1041 de Piccard, à un moindre degré du n° 1045. Les deux identifications les plus poussées ne permettent pas pour autant de rattacher notre volume à une région bien délimitée. Les dates des impressions concernées coïncident en revanche (milieu du XVème siècle, plus exactement 1447 pour le n° 1041, mis sous presse à Xanten, et 1450 pour le n° 1093, qui provient de Rott weil). 23 Pantaléon, Nazaire et Celse, Simplice et Faustin, Abdon et Sennen, Cassien d’Alexandrie, Sixte II, Donat, Cyriaque et ses compagnons.
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Franche-Comté. » E compte 101 feuillets de parchemin (ca 325 x 220 mm ; 2 colonnes à 52 lignes), couverts d’une écriture gothique livresque arrondie. Il ne possède pas d’illustrations. Des initiales ornées rouges et bleues de deux lignes marquent l’ouverture des vies et subdivisent certains textes. Celles qui introduisent la première pièce du recueil ainsi que les récits de l’Annonciation et de l’Assomption de la Vierge occupent 7 à 8 lignes, tandis qu’elles en couvrent 4 au début des vies de Gordien et d’Epimaque. Copié au XIVème ou au XVème siècle24 sur 264 feuillets de parchemin (ca 215 x 158 mm ; 33 lignes sur une colonne par page), Li (Lille, Bibliothèque municipale, 451 (202)) va lui aussi de pair avec P2, sauf pour la vie de saint Remi qui apparaît au 13 janvier et non à la date de sa translation (f° 42 v°). Par ailleurs, il crée des entrées distinctes pour les légendes de Jean l’Évangéliste, d’Adrien et de Cécile (Anne et Jean, f° 29 r° et 29 v° ; Adrien et Nathalie, f° 209 r° et 211 v° ; Cécile et Tiburce et Valérien, f° 258 r° et 258 v°), tandis que la vie et la translation de l’évêque Étienne sont pourvues d’une seule rubrique (f° 170 v°). La médiocre qualité de son support en rend l’écriture, de type cursive gothique et d’allure quelque peu maladroite aussi, pénible à déchiffrer. Sa scripta est marquée de traits dialectaux assez nets (est du domaine d’oïl, probablement Bourgogne). Le volume est démuni d’ornementation, mis à part une initiale ornée en tête du premier texte, de l’Assomption et de la Nativité de la Vierge, et des vies de saint Michel et de sainte Catherine. Des lettrines alternativement bleues et rouges introduisent chaque pièce et subdivisent certains textes. Ly (Lyon, Bibliothèque municipale, 867 (772)), qui compte 281 feuillets de parchemin mesurant ca 295 x 202 mm (2 colonnes à 30 lignes ; écriture gothique livresque), est incomplet de la fin. P. Meyer, qui l’a décrit dans le premier article qu’il a consacré aux légendiers français25, estime que sa fabrication remonte à la seconde moitié du XIIIème siècle. Toutefois, sa décoration le rapproche davantage des tendances esthétiques de la fin des années 1200 ou du début du XIVème siècle et l’on peut donc sans doute fixer sa réalisation autour de 1300. Toujours selon P. Meyer, sa langue serait « celle de la Picardie ou du Vermendois » (p. 40) et le style des miniatures tend lui aussi à indiquer une provenance septentrionale26.
24 Cf. Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départements, t. 26, Paris, Librairie Plon, 1897, pp. 303 - 307 ; P. Meyer, « Notice sur un légendier français du XIIIe siècle », art. cit., p. 9. 25 « Notice du ms. 772 de la Bibliothèque Municipale de Lyon renfermant divers ouvrages en prose française », Bulletin de la Société des anciens textes français, 11, Paris, Firmin-Didot, 1885, pp. 40 80. 26 Cet exemplaire appartient à un ensemble stylistique qu’A. Stones met en relation avec le manuscrit BNF, f. fr. 1588, voir « The manuscript, Paris BNF fr. 1588, and its illustrations », Philippe de Rémi, Le roman de la Manekine, ed. from Paris BNF fr. 1588 and transl. by B.N. Sargent-Baur, with contributions by A. Stones and R. Middleton, Amsterdam, Rodopi, 2000 (Faux titre, 159), pp. 2 - 39, part. p. 37 (cf. n. 134 pour une bibliographie sur le recueil de Lyon) et illustrations 65 - 67. La localisation qui en résulte est Arras et la date d’exécution probable 1300 environ.
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Grâce à la table placée au début recueil, P. Meyer a rétabli l’ordre des feuillets, reliés aujourd’hui de façon très aléatoire. L’usure plus importante du f° 19 (Annonciation de la Vierge) confirme la priorité de ce texte dans le classement original du manuscrit. Si la composition du volume ainsi reconstitué révèle un contenu hétérogène, l’écriture et la décoration paraissent néanmoins constantes. La première partie du recueil, de nature spirituelle et morale, est suivie de Marque de Rome, de l’Ordre de la Chevalerie, d’un traité de fauconnerie, d’une version en prose de Barlaam et Josaphat (version X : mise en prose de la version anonyme ; J, Sonet, 1949), puis d’exemples tirés de la Vie des Pères. La copie de Marque de Rome (f° 3 r° actuel) et l’Annonciation de la Vierge se distinguent par la présence d’une miniature sur 2 colonnes agrémentée d’antennes et suivie d’une initiale ornée. Les autres pièces sont signalées par une enluminure de taille plus réduite et par une initiale ornée ou, parfois, par une initiale ornée seulement. La vie de Marie-Madeleine comporte une miniature de 9 lignes qui représente la sainte agenouillée aux pieds du Christ ressuscité. Plusieurs pages conservent des espaces vacants, d’importance variable. Le « légendier » qui figure en tête du manuscrit révèle un usage intéressant de l’Adbreviatio. Le compilateur a en effet sélectionné des pièces adaptées de Jean de Mailly, mais au lieu de les reproduire en fonction du déroulement de l’année liturgique, il les agence d’après la vie du Messie et l’histoire de la communauté chrétienne. À la structure méthodique de l’Adbreviatio, cette organisation substitue donc un déroulement de type narratif, du moins pour commencer. Ainsi, l’Annonciation, la Nativité du Christ, la légende des Innocents et la vie de Jean Baptiste, toutes issues du répertoire fourni par Jean de Mailly, occupent les premières places dans le recueil. Les actes du Christ sont ensuite rapportés par l’Évangile de Nicodème (version courte, B ; A. F. Ford, 1973), puis viennent les « Regret Nostre Dame », un court texte sur les heures canoniques et une prière latine. Reprises pour la plupart de l’Adbreviatio, les légendes ajoutées à la suite complètent cette trame : Longin, Invention de la Croix, Étienne, Marie-Madeleine, Chaire de saint Pierre ; quatre vies d’apôtres (Barthélemy, Mathias, Barnabé, Marc) ; trois vies de martyrs (Vincent, Laurent, Nicaise) ; Jérôme. Les autres choix semblent plus personnels : Marie l’Égyptienne, Éloi, Grégoire, Julien l’Hospitalier, Eustache. La « vie de Susane », traduction des chapitres 13 et 14 du Livre de Daniel, inaugure une section de textes consacrés à des femmes (Pélagie, Marine, Euphrosyne, Marie nièce de l’ermite Abraham, Thaïs). Trois pièces édifiantes viennent clore cette série. Manuscrit de 144 feuillets de parchemin de ca 245 sur 330 mm, P1 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 423) date du XIVème siècle27 et est rédigé sur 2 colonnes de 52 lignes en écriture gothique livresque arrondie d’assez petit module. Il se signale avant tout par la langue de son copiste : parfois très proche Voir Gautier de Coinci, Miracles, Music, and Manuscripts, Edited by K. M. Krause and A. Stones, Turnhout, Brepols, 2006 (« Medieval Texts and Cultures of Northern Europe », vol. 13), Appendice IV, p. 378. A. Stones ne se prononce pas sur son lieu de fabrication.
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du français « standard », celle-ci se pare dans d’autres textes d’une tonalité méridionale28. Ce recueil d’écrits pieux n’entretient qu’un rapport distant avec l’adaptation vernaculaire de l’Adbreviatio. Des 18 textes hagiographiques qu’il contient, seules en effet les vies de Marie-Madeleine et de Marthe sont tirées de la compilation de Jean de Mailly. La majorité des autres29 coïncide avec la version qui figure dans P3. La présence d’extraits de la Vie des Pères rapproche du reste plus fortement encore P1 de ce manuscrit, avec lequel la légende de Marie-Madeleine partage aussi plusieurs variantes spécifiques, sans qu’il existe pourtant un lien direct entre les deux copies. L’ordre des pièces de P1 est aléatoire ; on peut toutefois penser que la collection initiale est aujourd’hui remaniée. Les débuts de l’histoire de Barlaam et Josaphat (f° 6 ; version X : mise en prose de la version anonyme ; J. Sonet, 1949) et de la vie de saint Barthélemy (f° 20) sont en tout cas des ajouts, réalisés sur des feuillets de parchemin de format inférieur et dont l’écriture est plus tardive. Le volume est complété par les Lamentations de Notre Dame, 19 Miracles de Gautier de Coincy, les Vers de la mort d’Hélinand de Froidmont et quelques textes moraux (des sermons, un poème en alexandrins invitant à l’amour de Dieu, ainsi qu’un commentaire sur les dix commandements), qui entrecoupent les dernières pièces hagiographiques. La vie d’André, première entrée du recueil, est introduite par une initiale ornée de 4 lignes. Les autres, précédées d’une rubrique, comportent une initiale de même type dont la taille varie entre 2 et 5 lignes. Des initiales de 2 lignes segmentent le texte. Le recueil ne possède pas d’illustrations. La vie de Marie-Madeleine est placée entre celles de Matthieu et de Marthe. Exécuté dans la première moitié du XIVème siècle, P2 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 988) est l’exemplaire le plus complet de l’Adbreviatio française. Les 172 vies de saints que contient ce volume de 261 feuillets en parchemin (ca 300 x 210 mm ; 2 colonnes à 34 lignes) suivent en effet pour l’essentiel la compilation de Jean de Mailly. Par rapport au texte traduit par A. Dondaine, seule référence actuelle dont l’accès soit aisé, le légendier vernaculaire omet 26 pièces, pour la plupart très courtes30. Il ajoute par ailleurs les vies de Fuscien et Victoric, Le DEAF lui attribue une origine lyonnaise et le fait remonter au début du XIVème siècle, sans indiquer la provenance de ces données. 29 Paul l’apôtre, Jean l’Évangéliste, Barlaam et Josaphat, Marine, Barthélemy, André, Eulalie, Matthieu, Marie-Madeleine, Marthe, Agnès, Patrice, Sébastien, Brendan, Jacques l’apôtre, Philippe, Georges, Agathe. La vie de sainte Eulalie est absente de P3 et, sous réserve de confirmation, les quatre dernières légendes ne semblent pas être les mêmes que celles contenues dans ce manuscrit. Ajoutons que la vie de saint Patrice est suivie par celle de Joseph d’Arimathie, dans laquelle le début du Merlin en prose de Robert de Boron a été interpolé (du début au chapitre 17, lignes 5 de l’édition d’A. Micha, Genève, Droz, 2000, soit la conception de Merlin puis l’emprisonnement de sa mère, jusqu’à l’ordre donné à Blaise d’écrire l’histoire du Graal et celle de sa propre naissance). 30 Ces textes concernent Eugénie, la Circoncision du Christ, l’Épiphanie, Marcel, Marius et Marthe, Timothée, Lin et Clet, Amatre, Athanase, Jean devant la Porte latine, Marie des Martyrs, Marc et Marcellin, Praxède, Tiburce, Hermès, Sabine et Savine, Prote et Hyacinthe, Nicodème, Andoche, Thyrse et Félix, Firmin, Savinien et Potentien, les Quatre couronnés, Théodore, Martin pape et Mennas. Pour le 28
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Nicaise, Marie l’Égyptienne, Restorée, Thibaut de Provin, Érasme, Alexis et François d’Assise. En outre, celle de Remi est placée à la date de la translation des reliques du saint et la légende de Tiburce et Valérien est décalée après celles de Mamertin et de Marien d’Auxerre. De plus, l’Exaltation de la Sainte Croix comporte deux parties que leur rubrique distingue (« De l’exaltation sainte croiz », f° 193 a, et « Dou crucefi don il issi aigue et sanc », f° 194 a). Rédigé par un seul copiste, sans doute originaire de Bourgogne (ou, moins vraisemblablement, de Lorraine), dans une écriture gothique livresque assez massive, ce volume renferme aussi un commentaire en français sur le Psaume 1 et le Roman de Barlaam et Josaphat (version I : dite « champenoise » ; J. Sonet, 1949). Vers le commencement du XVème siècle, une seconde main a ajouté sur les derniers feuillets quelques considérations sur la nature de Dieu et sur la légende d’Adam. Une table précise le contenu du recueil. Toutes les légendes sont introduites par une initiale ornée, de taille supérieure pour la première pièce. La vie de Marie-Madeleine est placée entre celles de Marguerite et de Marthe. P3 (Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acqu. fr. 23686), appelé « légendier de Saint-Pétersbourg » en raison de son précédent lieu de conservation, a été analysé par P. Meyer, qui le date de la seconde moitié du XIIIème siècle31. S’il remonte bien à 1250 environ, comme le pense D. Oltrogge32, nous avons affaire ici à un témoignage précieux pour la datation de notre traduction et pour ce qui touche sa diffusion, puisque la version de l’Adbreviatio à laquelle elle se réfère a été complétée entre 1234 et 1239, comme nous l’avons rappelé plus haut. P3 serait alors un exemplaire très précoce de son adaptation française, qu’il serait raisonnable de situer entre 1240 et 1250. La tonalité neutre de notre texte, dans lequel on ne relève que quelques traits wallons (ou picards-wallons) superficiels, est par ailleurs compatible avec la provenance soissonnaise que lui assigne D. Oltrogge. Contrairement à tous les autres manuscrits qui nous font connaître la traduction de Jean de Mailly, ce volume est richement décoré et des enluminures à quatre compartiments ou des initiales historiées, parfois les deux, en accompagnent les différentes entrées. L’illustration dont la légende de notre sainte est munie montre celle-ci portée par deux anges ; puis dressée, un livre dans la main, devant l’ermite ; agenouillée face à l’évêque dont elle reçoit une hostie ; enfin, couchée sur le sol, où elle est veillée par un prêtre à genoux près de sa tête, tandis que l’évêque se tient debout à ses pieds. Il totalise aujourd’hui 255 feuillets en parchemin (ca 335 x 235 mm ; 2 colonnes à 42 lignes), rédigés dans une écriture gothique livresque soignée. Les mutilations détail de la composition, nous renvoyons à l’article de P. Meyer (« Notice sur un légendier XIIIe siècle (...) ») déjà cité. 31 « Notice d’un légendier français conservé à la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg », art. cit., p. 677. 32 D. Oltrogge, Die Illustrationszyklen zur « Histoire ancienne jusqu’à César » (1250-1400), Francfort, P. Lang, 1989 (Europäische Hochschulschriften. Reihe 28, Kunstgeschichte, Bd. 94), pp. 15 - 19 et notes. Nous remercions A. Stones pour cette information bibliographique.
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qu’il a subies lui ont cependant fait perdre une quarantaine de feuillets, si l’on se réfère à la numérotation établie par une main sans doute contemporaine de celle du scribe, et plusieurs miniatures ou lettres historiées ont été découpées. Les deux tables des légendes placées de part et d’autre du volume33 permettent de vérifier la composition originale du recueil, qui ne renferme plus que 113 pièces, parfois incomplètes34. P. Meyer divise celles-ci en six sections de provenances différentes : une trentaine de vies de saints (apôtres, puis martyrs et confesseurs) issues d’un légendier méthodique ; une cinquantaine de textes extraits de l’adaptation française de l’Adbreviatio (f° 126 - 155), de Thomas de Cantorbéry (30 décembre) à Germain d’Auxerre (31 juillet), retranscrites dans l’ordre de l’année liturgique35 ; 14 légendes de figures masculines, de la même appartenance que celles de la première série ; des Vies des Pères auxquelles est jointe la traduction du Voyage de saint Antonin ; une version en prose du Barlaam et Josaphat (version X : mise en prose de la version anonyme ; J. Sonet, 1949), enfin, quatre vies de saintes (Agathe, Lucie, Agnès, Félicité). L’histoire de Marie-Madeleine appartient au deuxième sous-ensemble et trouve sa place entre les légendes de Victor et de Marthe. Recueil factice, SG (Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, 587) est formé d’un légendier rédigé sans doute aux alentours de 1300 (f° 2a - 137 c) auquel trois éléments hétérogènes ont été joints : une vie de saint Géraud d’Aurillac, dont l’écriture est sensiblement plus récente ; trois pièces morales suivies d’un sermon d’Eudes de Cluny sur la fête de Géraud ; la version en prose de l’Image du monde de Gossuin de Metz, dont il fournit l’une des huit copies utilisées par O. Prior36. Chacun de ces ajouts est dû à une seule main, distincte des autres, et présente une allure soignée. L’ensemble réunit 191 feuillets de parchemin de ca 370 x 265 mm, dont la mise en page varie37. Le légendier proprement dit est disposé sur 2 colonnes à 52 lignes et copié au moyen d’une écriture gothique livresque. Selon la partie considérée, il présente une légère tonalité septentrionale (de discrets picardismes émaillent ainsi la vie de Marie-Madeleine) ou quelques traits de l’Est. La rubrique de la première pièce est suivie d’une grande lettre historiée sur 12 lignes, qui couvre environ les deux tiers de la colonne et dont les antennes, agrémentées de rinceaux et de quelques Celle qui figure en tête date du XIVème siècle. La liste sur laquelle il se referme est un peu plus ancienne, mais sa fin est absente. 34 Pour le détail de la composition du manuscrit, nous renvoyons à l’article cité de P. Meyer, « Notice d’un légendier français conservé à la Bibliothèque impériale ». 35 Des feuillets manquent au début de cette partie. D’après les tables, elle commençait sans doute à saint Éloy. 36 L’image du monde de Maître Gossouin, rédaction en prose : texte du manuscrit de la Bibliothèque nationale, fonds français No 574, avec corrections d’après d’autres manuscrits, notes et introd. par O. H. Prior, Lausanne, Imprimeries Réunies, 1913. 37 De même que la taille des feuillets, dans la partie réservée aux trois écrits de résonance morale qui suivent la vie de saint Géraud d’Aurillac (365 x 250 mm, avec une certaine irrégularité dans la découpe). 33
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grotesques, se développent dans les marges. Pour les autres textes, une initiale ornée sur 4 lignes suit la rubrique38. Certaines nuances paléographiques et de type grapho-phonétique tendent à indiquer que deux, voire trois scribes se sont partagé la tâche39. P. Meyer, qui le décrit brièvement dans son article consacré à P3 (art. cit., Appendice, pp. 717 - 721), regroupe ses 171 entrées en deux ensembles d’origine distincte. Si son assertion que le premier est « un recueil de douze légendes qui présente (...) quelques rapports avec l’une des parties du manuscrit de Saint-Pétersbourg » mérite d’être nuancée40, les f° 32 a à 137 c renferment bien la copie complète du légendier classé selon l’ordre de l’année liturgique. Elle se distingue toutefois de P2 par la place qu’y occupe la vie de saint Remi (au 13 janvier, et non à la date de sa translation, f° 49 a) et par l’ordre de l’Annonciation de Notre Dame (66 b) et des récits consacrés à Ambroise (67 a) et à Marie l’Égyptienne (67 c). En outre, les vies d’Adrien et de Cécile sont pourvues de deux entrées distinctes (Adrien et Nathalie, f° 115 d et 116 c ; Cécile et Tiburce et Valérien, f° 134 d et 135 a). Douze légendes, dont six figurent dans la première section du volume, ne sont pas reprises dans l’adaptation de l’Adbreviatio41. La vie de Marie-Madeleine apparaît entre celles de Victor et de Jacques le Majeur. Choix du manuscrit de base et observations lexicales Philologiquement parlant, l’importance, même relative, de cette tradition manuscrite nous confronte à un choix plus circonstancié que pour beaucoup d’autres pièces de notre dossier. Certaines des huit copies que nous venons de décrire ne résistent toutefois pas longtemps à l’examen. Ly en représente l’élément le plus indépendant et le plus fortement remanié (il omet en particulier le miracle de Barlete et celui du chevalier ressuscité). Au point de vue textuel, cet exemplaire rejoint souvent le couple évident que forment P1 et P3, ou l’une de ces deux copies, ainsi par exemple lignes 12, 48, 55 ou 60 (P1 P3), ou 38 - 40 (P1), parmi bien d’autres cas. Par ailleurs, les variantes de Ly ou celles
Le style des ornementations dont la vie de saint Géraud est munie (initiale ornée pourvue d’antennes, puis miniature sur environ trois quarts de la colonne et 14 lignes) se distingue de celle du légendier. Il en va de même pour les deux autres sections qui complètent le volume (une initiale ornée marque chaque subdivision). 39 Les démarcations que l’on peut établir (folios 2 - 113 v° et 122 r° - 137 v° ; folios 114 r° - 121 v°) coïncident avec un changement de cahier et la présence d’une réclame. Avant la première transition, on relève plusieurs adjonctions marginales, en conséquence probable d’une révision, au moins partielle. L’encre qui a servi à ces annotations est de la même apparence que celle du texte, mais il est difficile de dire si elles ont été exécutées par le scribe lui-même ou par un autre intervenant. 40 Nativité du Christ, Épiphanie, Évangile de Nicodème (version courte, B, éd. A. F. Ford, 1973), ainsi que les vies de Marthe, Cucufat, Mammes, Agapite, Marguerite, Apollinaire, Gervais et Protais, Étienne pape et Georges. Cinq légendes figurent aussi dans P3. 41 Nativité du Christ, Purification de Notre Dame, ainsi que les vies de Georges, Gervais et Prothais, Érasme, Marguerite, Marthe, Apollinaire, Étienne pape, Agapite, Timothée et Euphémie. 38
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de P1 P3, ou encore celles que ces trois retranscriptions partagent ne se recommandent guère par leur qualité. A et E s’écartent aussi de la tradition dans un certain nombre de passages (E surtout), et la langue du premier présente certains signes de rajeunissement dus à l’époque tardive de sa transcription. Au nombre des trois exemplaires qui pourraient fournir le modèle de notre édition, SG est le moins susceptible de l’emporter. Il s’agit certes d’un assez bon témoin de notre légende, mais il résulte d’un archétype peu satisfaisant dans l’ensemble, ou son copiste manquait singulièrement de vigilance. Sur le plan linguistique, P2 se rapproche beaucoup de Li, qui paraît souvent aller de pair avec lui sans pour autant avoir toutes les qualités requises pour nous servir de support. Li comporte en effet beaucoup plus de variantes isolées et est par exemple le seul à se démarquer aussi fortement à la l. 19, ou à commettre les mélectures que l’on observe aux l. 43, 75 et 136, etc. Li a aussi l’inconvénient relatif d’être un manuscrit tardif par rapport aux autres spécimens de la tradition. P2 représente à coup sûr le meilleur choix que nous puissions faire pour rendre compte de notre adaptation. La copie qu’il nous en a fait parvenir est stable, elle ne comporte que très peu de lectiones singulares et de fautes, indépendantes ou partagées. Précise sur les noms propres, elle conserve en outre deux termes intéressants en tant que tels et, dans un cas au moins, au point de vue éditorial, même si leur analyse ne débouche sur aucune conclusion précise pour ce qui touche la provenance ou la date de notre traduction. Diminutif de pierre, pierrusoille (l. 152) a en effet des chances de remonter à la version primitive de notre légende. Toutefois, P2 ne partage cette leçon qu’avec Li et Ly, ce qui ne permet guère de faire la preuve de son originalité42. Ce substantif, qui ne semble pas figurer dans les dictionnaires, peut résulter d’un type de dérivation attesté en ancien français, bien qu’il demeure assez rare43. Il est plus difficile de savoir si l’adverbe qui intervient à la l. 20 est le même dans tous les manuscrits (sauf Li, dont nous venons de voir que la leçon est remaniée). En effet, prophetaublemant n’est peut-être qu’une forme de surface de profitablement44, mais il peut aussi constituer une variante autonome de celle qui réunit SG P3 (A E P1), sémantiquement intéressante et susceptible de se rattacher
Face au latin « et statim uidit puerum cum lapillis ludentem » (§ 68), les variantes de P1 (P3) / E (perretes, perrates) ou de A SG sont admissibles, mais elles sont lexicalement plus pauvres et pierres (A SG) est moins fidèle au texte original. Si elle en reste proche, il est cependant vrai que notre traduction ne témoigne pas d’une recherche particulière au point de vue stylistique et linguistique, comme nous l’avons fait observer. 43 Cf. par exemple coutisele, goupisele, pelosele, tignosele. 44 On connaît au moins une attestation, lorraine, de profeitaule, proche de la graphie présente dans notre version. 42
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à un thème lexical peu développé45. Les sources latines plaideraient davantage en faveur d’« avantageusement », même si le rapprochement n’est pas assuré46. Sinon, le texte manque singulièrement de reliefs linguistiques. Le lexique qu’il met à notre portée est anodin. Comme nous l’avons vu plus haut, sa diffusion est le seul élément qui nous permette de situer l’entreprise autour de 1240 - 1250, peu après la rédaction de la seconde version de l’Adbreviatio de Jean de Mailly. Plan de l’édition Exemplaire de référence : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 988, f° 125 c - 128 c (P2) Exemplaires de comparaison : A : Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3706, f° 141 r° - 151 v° E : Épinal, Bibliothèque municipale, 76 (9A), f° 60 b - 61 d Li : Lille, Bibliothèque municipale, Rig. 451 (202), 139 v° - 143 r° Ly : Lyon, Bibliothèque municipale, 867 (772), f° 53 c - 56 b P1 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 423, f° 32 a - 33 b P3 : Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acqu. fr. 23686, f° 147 c - 149 b SG : Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, 587, f° 85 c - 87 a
45 Celui-ci n’a guère produit que quelques dérivés anciens, notamment l’adjectif prophetal, « relatif aux prophéties bibliques », à la fin du XIIème ou au début du XIIIème siècle (attestation isolée pour le moyen âge, latin prophetalis ; cp. le moyen français prophecial, latin prophetialis, un peu plus courant et sans doute plus tardif). 46 Le traducteur coordonne ici deux termes dont le premier, debonnairemant, répond bien au latin benigne (« illum benigne redarguit », § 8). Les rapports avec le second sont moins évidents, surtout si l’on admet la variante de P2 (« généreusement », « de manière bénéfique », pour profitablement, conviendrait mieux sans pour autant être certain).
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[125 c] De sainte Marie Magdalene
Sainte Marie fui appellee Magdalene pour .j. chastel don ele fui qui avoit nom
Magdalés qui est a .ij. leues d’un flueve qui estoit appelez Genesareth. Ele fu molt gentis et molt riche et molt bele, ne n’ot pas mari; et pour la grant habundance des biens temporex qu’ele ot ou ele trop se delita et trop amprit, et pour sa biaté, ele mit [si] son corps a pechié qu’ele n’estoit plus apelee Marie mas poicherasse. Quant li Fiz Deu fui venuz an terre pour les siens delivrer des mains es annemis, celle qui sa vie ot recordee qui trop estoit deshoneste, cui Nostres Sires ot de son Saint Espir ambrasee, vint an la maison Symont le Pharisee ou Nostres Sires estoit a hostel; et pour ce qu’ele estoit pecheresse ne s’osa ambatre antre les justes. Ele s’abaissa humilemant de darriers Nostre Seignor a ses piez, et pour la tres grant angoisse qu’ele ot [125 d] an son cuer de la vie qu’ele ot menee, ele plora tant qu’ele Li lava ses piez des larmes de ses euz et les baisa sovantes fois, et les essua des chevox de son chief et les oint de molt precious oingemant; et an tel meniere il furent et oint et baingnié, car il usoient a ce temps et de bains et d’oignemans pour la grant chalor de la terre. Quant Symons li Pharisees vit que Nostres Sires soffroit
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Exemplaire de référence : 3. flueve : les deux dernières lettres du mot ont été ajoutées au-dessus de la ligne (l’encre diffère de celle employée par le scribe). – 6. ele mit son corps. Correction d’après SG (P1 (P3) / A / Ly). – 7. pour pour les siens del. – 13. qu’ele li lava ses piez : cette leçon résulte d’un ajout, dont l’encre diffère de celle utilisée par le copiste (le texte original est que lava ses piez). – 13. des larmes : la marque d’accord de l’article, omise en un premier temps, a été ajoutée au-dessus de la ligne. Variantes : 1. La vie (de Li) s. M. Magdalene SG (A Li P1 P3) Chi conmence la vie M. Magdalainne ensi con nostres sires s’aparut a li Ly. – 2. don ele fui] omis dans Ly. – 2 - 3. qui estoit Magdalas E ki estoit apelés M. Ly. – 3. a .ij. lieues pres Ly. – 3. dou fluve E Li (A P1). – 3. qui estoit app.] qui est ap. P1 P3 (Ly; dans E, une réparation du support entrave la lecture de ce passage) qui estoit Li. – 3 - 4. Ele fu (...) bele] elle fu moult gentilz et moult riche et moult noble SG ele fu molt gentis et molt bele E ele fu mout bele et mout rice Ly. – 4. et n’ot pas mari Li Ly P1 P3 et ne voult pas mari pour la grant hab. SG. – 5. de biens Li. – 5. temporaux P1. – 5. que elle avoit SG. – 5. delite P1. – 5. et sa biauté Ly. – 6. ele mit (...)] elle mist si son cors SG mit elle si son cors P1 (P3) elle mist ainsi son c. A et son cors mist ele si Ly. – 6. em pechié. E. – 6. qu’ele n’est. (...) poich.] qu’ele n’estoit puis app. (...) E (lecture incertaine) qu’elle n’estoit pas ap. (...) SG k’ele n’estoit mais ap. fors ke peceresse Ly. – 6. mas] ainz Li. – 7. as anemis Ly SG (A P3) a enemis P1. – 8. pecheresse et desh. E. – 8. dou s. esperit Li (esperit bissé dans P1). – 9. enbrassee A esbrasee P1. – 9. a la maison. E. – 10. a hostel] a l’ostel SG omis dans Ly. – 10. estoit] omis dans A. – 10. ne s’osa] ne ne s’osa A Li ne s’osa elle P1 (Ly P3). – 10. embatrai E. – 11. se baissa Li SG. – 11. et] omis dans E. – 11. la grant ang. SG. – 12. a son cuer Li Ly P1 P3. – 12. qu’elle avoit m. SG. – 13. qu’elle lava Li SG (A E Ly P1 P3). – 13. ses piez (...) et les essua] ses pechiez (...) P3 ses piez de ses l. et les b. (...) E (...) et baissa (baisa P3) sov. fois les piez nostre seignur (...) P1 (P3) les piés nostre signeur de ses lermes et puis les essuia Ly. – 14. de ses chevex SG (A P1). – 14. et les oint] omise dans Li, la forme verbale a été ajoutée au-dessus de la ligne et dans la marge (la graphie de celle qui a été incorporée dans le texte n’est pas sûre et l’apparence de cette correction ne permet pas non plus de l’attribuer avec certitude au copiste). – 14. oingnemens A. – 15. il f. oing et baignié Li il fu baingniés et oins Ly. – 15. il usoient] il li sorent P1. – 15. en cel t. SG a cel t. Li (E Ly P3) a cels tens P1 a cest t. A. – 15. et de bains] et de bains A Li Ly de baing E de bains SG. – 15. et d’oignement P1. – 16 - 17. soufroit çou ke la feme soit delés lui Ly.
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celle femme delez Lui, il dit an son cuer : « Se cist fust prophetes, il seust veraiemant quele femme ce est que a ses piez est. » Et Nostres Sires, qui plus aimme .j. pescheor ploin d’umilité c’un juste ploin d’orguil, reprit debonnairemant et prophetaublemant le Pharisee et a la femme pardonna touz ses pechiez, car ele Li demostra plus grant samblance d’amor, et ala aprés Lui et Li amenistroit ce que mestiers Li estoit; et cum Il fust par sovantes fois chiez sa serour Marthe a ostel, Il li demostra et fist si grant grace qu’Il resuscita son frere qui estoit appelez Lazeres. Et quant Nostres Sires vint am Bethanie la vigile de la Pasque florie, Il fu a ostel chiez Symont le Lieprouz ou li freres la Magdalene, qui [126 a] avoit esté resuscitez, estoit antre plusors juex qui assamblé i estoient, qui lour conta les lieus des poinnes d’enfer et ou cil estoient qui lai s’an aloient, et pour ces paroles, plusor creoient an Nostre Seignor. Et Marthe aministroit Nostre Seignor et servoit an la maison Symont ansint cum ele soloit faire an son ostel quant Il i estoit : la Magdalene, qui esprise fu de l’amor de Deu, prit une livre de molt precious oignemant et vint es piez Nostre Seignor, et Li lava de ses larmes et essua de ses chevox ansint cum ele avoit autre fois fait, et les oint de l’oignemant et le remenant Li geta sor le chief, et la maisons fu raamplie de l’odour de l’oignemant. Quant Judas li traitres vit ce, il [an ot] grant despit et prit a murmurier et les autres a esmovoir, qui dist : « Mieuz vassit que cist oignemenz, qui bien valoit .ccc. deniers, fust vanduz et
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25. ou li freres, bissé et tracé au moyen d’une encre distincte de celle employée par le scribe. – 34. il avoit grant despit. Le recours à l’imparfait, peu satisfaisant ici, résulte sans doute d’une mélecture de la leçon partagée par Ly SG P3 (E / P1 / A). 17. cielz Li sil SG. – 18. que femme A. – 18. ce est que a ses piez est] ce est qui est a ses piez P1 P3 c’est a ses piés Li. – 19. .j. p. (...)] pecheor E (Ly P3) pechaouros plains d’um. P1. – 19. que juste A que .iiij. justes P1. – 19. et proph.] et profitablement SG P3 (A E P1) pourfitaulement Ly et paisiblement Li. – 20. pardona debonairement ses p. E. – 21. mostra E (A Ly). – 21. plus grant] grant E. – 21. samblant E Li (SG). – 21. et li amenistra SG et il li amonnestoit Ly. – 21. tout ce que mest. Li. – 22. com il fu E P3. – 22. par sov. fois (...) a ostel] par (omis dans A) sov. foiz a otel chiez M. sa s. Li (A SG) a ostel par sov. foiz chiés M. sa seror E par soventes (souvente P3) foiz chiez Marte sa serur P1 (Ly P3). – 23. et il li demonstra Li et ly demonstra A. – 23. Lazdres Li (A Ly SG P1 P3). – 24. sires] omis et ajouté dans la marge, Li. – 24. de Pache Fl. P1 de Pasques Flouries Ly. – 25. a l’ostel Ly P1 P3. – 25. ciés la maison Simon Ly. – 25 - 26. la Magd. (...) juex] (...) qui avoit sucités (...) A la Magdeloinne avoit estez resuccitez entre pl. juis E la Magd. estoit qui avoit estoit estey res. entre plusours guys Li. – 26. qui ensembles est. A. – 26. les liens E (lecture rendue incertaine par une déchirure du support). – 27. s’an al.] estoient P1 P3. – 27. par ces parolles P1. – 28. crurent A E Li P1 P3. – 28. a n. signeur SG. – 28. amen. (amonnestoit Ly) et serv. n. seignour Li (A E Ly SG P1 P3). – 29. an la maison S.] omis dans Ly. – 29. ansint cum ele soloit f.] ensi qu’ele soloit f. Ly ensint com f. soloit A ainsi come elle soloit SG. – 29. il i estoit] il li estoit SG ele i estoit Ly P3 elle estoit P1. – 30. esprise estoit E enprise fut P1. – 30. de pr. oignement Li (A SG P1) de pr. oignemanz E (P3). – 31 - 32. et vint (...) et les oint de l’oign.] omis dans Ly. – 31. aus piez Li P1 P3 (A SG). – 31. et li lava les piez Li. – 31. et essua e ses chevoz E. – 31. aussi com P3 (P1). – 32. elle avoit (...) fait] (...) autres foiz (...) Li elle avoit fait autre fois P1 (P3) ele avoit acostumé E. – 32. le remanant jeta Ly. – 33. sus le chief SG sur le chief A desour son cief Ly. – 33. de odor E. Le parchemin semble avoir été gratté sous le deuxième mot (un signe placé dans la marge vis-à-vis de cette ligne suggère d’ailleurs une intervention). – 33. de l’oign.] omis dans SG. – 34. il ot grant d. Li il en ot grant d. Ly SG P3 (E) si en ot grant d. P1 il en ost d. A. – 34. a murer Ly. – 34. qui dit que Li (A SG) et dit que E P3 (Ly P1). – 35. myeulx vousist A miuz li vousist P1. – 35. cil oingnemenz E cilz oignemens Li cilz oignement A.
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donnez es povres que despanduz an tel meniere. » Ce ne dit il pas por volunté qu’il eust de faire aumosne, mas por ce qu’il estoit lerres et portoit la bourse ou les aumosnes estoient mises qui es povres estoient departies; [126 b] et por ce qu’il estoit chambellans Nostre Seignor (et la costume estoit tele que li chambellans avoit la disme partie de ce qu’il gardoit pour les povres), il li fu avis que des .ccc. deniers que li oignemanz valoit, qu’il an avoit .xxx. perduz qui li afferoient a sa partie, dont il prenoit le desaimme qu’il denoit a sa feme et a ses anfans, et por cele [perde] qu’il ot faite, il se pansa qu’il la recovreroit bien, car il vandroit Nostre Seignor .xxx. deniers et an tel meniere avroit sa perde recovree. Quant Nostres Sires vit que Judas estoit troblés pour les deniers de l’oingnemant qu’il n’avoit pas, Il le reprit molt doucemant et loa molt ce que la Magdalene avoit fait. Aprés ce que Nostres Sires fui mis an croiz, quant tut li deciple s’an fuirent, ele ne s’an fui pas ne departi de ci atant que Nostres Sires fu mis ou sepulchre; et quant ce vint la nuit, ele aperilla oingnemanz et vint le dyemoinche matin au sepulchre, et quant ele ne trova pas Nostre Seignor, ele cuida c’on L’eust osté et le nonça es apostres. Lors sainz Pierres et sainz Jehanz Euvangelistres correrent isnelemant au sepulchre ne ne [126 c] troverent pas Nostre Seignour, et crurent ce que la Magdalene lour ot dit et noncié et s’an departirent; et la dame demora qui molt duremant ploroit Nostre Seignour qu’ele ne trovoit pas. Quant ele ploroit an tel meniere, uns
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43. por cele partie. Correction d’après SG (A E Ly P3 / P1) et l. 44. 36. aus p. Li SG P3 (A Ly P1). – 36. pas] mie P1 P3. – 36. par vol. qu’il eust P1 por ce qu’il eust volonté E. – 37. de faire aum.] E d’aum. faire Li P3 (A E SG P1) d’aum. Ly. – 37 - 38. mas por ce (...) departies] et nekedent si estoit il cambrelens dieu et devisoit et faisoit faire les aumosnes ki estoient donees as p. Ly. – 37. et portoit] bissé dans P1. – 37. la bourse] la boise (pour la boiste ?) Li. – 37 - 38. ou les aum. (...) departies] (...) aus p. (...) Li P3 (A P1) ou les aum. est. mi parties E ou les aum. est. departies SG. – 38 - 40. et por ce (...) avoit la disme p.] (...) a n. seigneur (...) A (...) la diseime p. (...) Li (SG P3) et par ce qu’il estoit chambarlens avoit la dissime p. P1 et pour çou k’il estoit cambrelens avoit il la disme p. Ly. – 40. qu’il gardoit] qu’il avoit P3 quis avoit P1 qu’il avoient SG k’on li donnoit Ly. – 40. il li fu avis] si li fu avis P3 (Ly P1). – 40. que de .ccc. deniers P1 SG. – 41. que li oign. valoit (...) perduz] que de .ccc. d. perdus SG. – 41. qu’il] il A E Li. – 41. perdus .xxx. Ly. – 41. qui aferoient A E Li SG P1 P3 (Ly). – 42. la disme Ly SG le disme E. – 43. pour ceste partie Li pour celle perte SG (A E Ly P3) par celle perte P1. – 43. qu’il avoit f. SG. – 43. il s’apensa SG. – 43. qu’il racovreroit. E. – 43. moult bien Ly. – 44. raveroit Ly. – 44. sa partie recovreie Li (P1). Le scribe de Ly fait intervenir un nouveau paragraphe à la suite de cette phrase. – 45. sires] omis dans Li. – 45. fu troblez E. – 45. qu’il n’avoit pris E. – 46. loa molt la Magdeloine et ce qu’ele ot fait E. – 47. en la croiz Li. – 47. quant] que SG. – 47. tut li dec.] tuit si disiple P1 (P3) si desc. Ly. – 47. s’an fuirent] s’am furent alé E furent alei Li. – 48. ne ne se departit Li (SG) ne ne s’an dep. E (A Ly P3) ne n’en s’en parti pas P1. – 48. de ci atant] jusqu’a tant P1 P3 (Ly). – 48. au sepulcre A SG (E). – 48. n. sireres E. – 48. ou sep.] omis dans E. – 49. a la nuit E. – 49. oignemant E (SG) l’oignement P1 P3 de l’oingnement Ly. – 49. vient la P1 vint la Ly P3. – 49. au matin Ly. – 49. au sep.] a sepulcre E omis dans Ly. – 50. ele ne tr. n. s. E (Ly). – 50. que l’on l’eust osté A P1 (P3). – 50. l’anonça E. – 50. aus ap. Li P3 (A E Ly SG P1). Le scribe de Ly fait intervenir un nouveau paragraphe à la suite de cette phrase. – 51. l’euvangelistre SG ly evangeliste A (Ly P1 P3). – 52. ne ne trov.] et n’i trouv. SG ne troveront P1. – 52. le cors n. seignour Li (A E SG). – 53. lour ot nuncié Li (A E Ly SG P1 P3). – 53. et s’an dep.] et s’en partirent SG omis dans Ly. – 53. dame] Magdalainne Ly. – 54. plaignoit et ploroit P1. – 54. pour n. seignour Li (A E Ly SG P3). – 54. trouva A Ly (P1). – 54. queque elle pl. Li (E Ly SG P1 P3) que elle pl. A. – 54. an tel men.] omis dans Ly.
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anges s’aparut a li qui li dit que Nostres Sires estoit resuscitez, mas cele ne fui pas pour ce bien apaisie, car sa voluntez n’estoit se de veoir non celui cui ele amoit, et li avint si bien que pour le tres grant dessierrier qu’ele ot de Lui veoir, ele fu digne de Lui veoir et Le vit devant touz les autres. Andemantiers qu’ele estoit an tel ardour de veoir Nostre Seignour qu’ele ne vouloit nul confort recevoir, ja soit ce que dui ange s’assisent, li .j. es piez et li autres au chief lai ou li corps Jhesucriz avoit esté mis, qui li eussent dit qu’Il estoit resuscitez, ele se torna d’une part et vit Nostre Seignor, mas ele nou quenut pas, ainz cuda que ce fust .j. curtilier et dit a lui : « Sire, se tu L’es osté, di moi ou tu L’es mis et je L’am osterai. » Ele amoit de si grant amor Nostre Seignor qu’ele cudoit bien, s’ele poïst son corps trover, an cui oindre on avoit mis .c. livres de mirre et despandu, lever et porter toute soule; et Nostre Sires, [126 d] qui ot pidié de son traval, l’apela par son non pour ce qu’ele Le requeneut au parler, celui qu’ele ne pooit reconoistre au resgarder. Quant ele L’ot queneu, Il l’anvoia es apostres et li commanda qu’ele lour deist qu’Il estoit resuscitez. La Magdalene fui avec [la mere] Nostre Seignor et avec les apostres .xiij. anz aprés ce que Nostres Sires ot receue mort, ce fu de ci atant que li deciple issirent de Jherusalem et laisserent les juex, et alerent par le païs preesch[ier] et convertir les mescreans. Lors li Magdalene vint avec saint Maximien a Marsoille
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67. celui qu’ele qu’ele ne pooit rec., second qu’ele tracé. – 69. La Magd. fui avec n. s. Correction d’après SG (A P1 P3). – 70. .xiij. anz aprés aprés, premier des deux adverbes tracé. – 71. preeschant. Correction d’après E (A Ly SG P3). 55. uns anges nostron seignur P1 (P3). – 55. qui li dit : « Nostres sires est resucitez » P1 (P3) ki li dist : « Jhesu Cris est resuscités » Ly. – 55. cele] omis dans SG. – 56. n’estoit se de veoir celui P1 n’estoit que de veoir celui SG. – 57. et si luy avint si bien A et il li avint si tres bien E SG. – 57. que pour le tres grant dess.] que pour le tresgrant desir A (desseir Li) ke (omis dans E) pour le grant desirier Ly (E) que pour le grant desirrer SG que par (ajouté au-dessus de la ligne) tres grant dessirrer P1. – 57. qu’ele avoit E P1 P3 (A Ly). – 58. de lui veoir et le vit] de lui veoir elle fu si d. (...) SG pour ly veoir et le vit A de lui veoir ele le vaut veoir Ly. – 58. devant les autres SG. – 59. vouloit] pooit Ly. – 59. et ja SG. – 60. dui ange s’ass.] .ij. anges seissent Li (A Ly SG P1 P3) li ange fussent E. – 60. li uns aus piez (...) Li SG (li .j.] omis dans A) li uns au chief et li autres as piez P1 (Ly P3). – 60. Jh.] sains Ly. – 61. qu’il ly eussent dist A qui l’avoient dit SG. – 61. k’il eust esté resuscités Ly. – 61. torne P1. – 62. elle ne la cogneust pas A elle ne congnut pas et cuida SG ele ne le quida pas Ly. – 62. ungs cordellier (!) A. – 62. et li dit P3 (Ly) et sy dist P1. – 63. di le moy Li di le moi et di moi ou tu l’as mis E. – 64. ke se ele peust Ly s’ele pooit E P1. – 64 - 65. an cui oindre (...) soule] pour oindre ele i vaurroit bien metre cent livres de mire car ele avoit en l’amour de Lui despendu et cuer et cors et bien li sambloit se le trouvast qu’ele le peust porter toute seule Ly. – 64. a cui oindre SG. – 65. on avoit mis (...) et desp.] on avoit .c. livres de m. despanduy Li (SG) on avoit bien .c. livres de mire despendu P1 P3 elle avoit .c. livres de mirre despendu A ale avoit despendu .c. livres de mierre E. – 65. lever et porter toute s.] lever et porter et lever tote s. E lever toute seule SG. – 66. de son tr.] de son travail et qui savoit le desirier de li Ly. – 66. por son non P1. – 66 - 67. pour ce qu’elle requeneust Li (SG) por (par P1) ce qu’ele le coneust E (A Ly P1 P3). – 67. em parler E. – 67. porroit E. – 67. connoistre Ly (E). – 67. au regar E au parler A. – 68. queneu] veu E. – 68. aus ap. Li (A Ly SG P1 P3). – 68 - 69. et li comm. (...) avec les ap.] omis dans Ly. – 68. et comandai E. – 68. que lor deist P3. – 69. avecques la mere n. signeur SG (A P1 P3). – 70. .xxiij. anz P1. – 70. ce fu (...)] fu de ci atant (...) SG; (et Ly) ce fu jusqu’a (jusque P1) tant P3 (Ly P1) E, qui ajoute que li deu atant (tracé à l’encre rouge). – 71. les juex] le fui (lecture incertaine), exponctué et remplacé par les jues dans E les uns (?) P1. – 71. par le païs] par les païs A (corrigé en par le païs) P1 pour le païz Li omis dans SG. – 71. preeschier E (A Ly SG P3). – 72. convertirent E. – 72. lors vint la Magdalainne Ly. – 72. s. Max.] s. Maximin A (P1 P3) s. Maxiemin E s. Maxime SG Maximien Ly. – 72. en Mars. E en Amarseille Ly.
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(cil sainz estoit uns des .lxxij. deciples Nostre Seignor), et des lai vindrent an la 73 cité d’Aquense et convertirent plusors genz par lor predication et par [les] miracle[s] 74 qu’il façoient; et cil de la cité firent evesque saint Maximien. 75 Commant li ange l’amportoient an l’air
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Aprés ces choses, la Magdalene qui tot son cuer dessierroit a metre en amer, en servir et an proier Nostre Seignor, ala en une roiche qui pres est de Marsoille a .vj. leues ou ele mena sainte vie et honeste .xxxij. anz touz ploins qu’ele ne mainja ne n’i but riens se ce non que Nostres Sires li amenistroit, ne nuns hons mortelx ne l’i sot; et chacun jour [127 a] tant cum ele fui la, li ange Nostre Seinour la portoient an l’air por .vij. foïes, et quant ele avoit Nostre Seignour lo[é] avec les anges et ele estoit saolee de Deu loer, li ange la raportoient au leu ou il l’avoient prise.
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Commant la Magdalene morut
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Cum li crestien qui lors estoient eussent acostumé a faire .iij. quarantainnes qui
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l’an sunt, une qui est devant la Pasque, l’autre qui est aprés la Penthecoste et l’autre qui est devant Noël, uns abés qui estoit d’une abbaïe pres de la roiche ou la Magdalene demoroit a .xij. leues laissoit par ces .iij. quarantainnes ses moinnes et aloit toz sous par les bois d’antor s’abaïe, et fasoit la peneance en orisons et en jeunes.
74. et par lour miracle qu’il faç. Tous les autres manuscrits mettent ce complément au pluriel, ce qui est plus naturel, et E Li SG P1 P3 le déterminent au moyen d’un article défini, plus approprié lui aussi. – 78. a .vj. leues : le j est d’une encre beaucoup plus foncée; selon toute vraisemblance, il a été ajouté après coup. – 82. loa. Correction d’après E Li Ly SG P1 P3. – 86. qui l’an sunt : le l a été ajouté au-dessus de la ligne. 73. cist s. E cil sains Maximiens Ly. – 73. uns] li uns Li omis dans E. – 73. des desciples SG. – 73. de lai Li (A Ly SG P1). – 73. de la cité P1 P3. – 74. d’Aqu.] de Quense P1 omis dans SG. – 74. et conmencierent a convertir Ly. – 74. par lour miracles Ly (A) par les miracles E Li SG P1 P3. – 75. et] omis dans SG. – 75. firent ev.] furent avec Li. – 75. s. Maximin A Li P1 P3 s. Maxime SG. – 76. l’en porterent A la porterent E SG; rubrique omise dans Ly P1 P3. – 77. qui de tot son cuer E qui ot tout son cuer SG. – 77 - 78. en amer (...) n. s.] a amer (en amer P1 P3) n. signeur et en s. et en proier Ly P1 P3 (et en plorer P1); en amer n. signeur et prier SG et a amer n. s. E. – 78. ala] et la E. – 78. en une roche E SG. – 78. qui pres est de M.] qui est pres (...) SG qui pres de M. estoit P1 P3 (Ly). – 78. a .xiiij. lieues Li Ly (A E SG) a .xxiij. liues P1 P3. – 79. .xxv. anz P1 P3 (Ly). – 79. ne m. ne n’i but riens] n’i manja Li (A P1 P3) ne ne but riens nulle Li P1 (A E SG P3) ne but ne ne menga nule riens Ly. – 80. sires] omis et ajouté au-dessus de la ligne dans Li. – 80. amenistra Li (A E P1 P3) amonnestoit Ly. – 81. ne le sot SG. – 81 - 83. li ange n. s. (...) prise] ly ange seigneur la portoient au lieu ou il l’av. prise A. – 81. li anges seignor l’i aportoit E. – 82. en air Ly. – 82. par .vij. foiz E Li SG P1 P3 (Ly). – 82. loé E Li Ly SG P1 P3. – 82. avec les anges] omis dans E. – 83. et ele estoit (...) loer] elle estoit saolle de deu loer P1 et s’an estoit s. E. – 83. reportoient Ly P1 P3. – 83. u lieu la Ly. – 84. Comment elle moruit Li (E) Coment son cors fu portez a Verdelay SG (dont les trois titres suivants sont également décalés par rapport au récit); rubrique omise dans Ly P1 P3. – 85. Cum] tout Ly. – 85. lors] la P1. – 85. avoient ac. P1 P3 (Ly). – 86. qui en l’an sont A Li SG P1 P3 (E Ly). – 86. devant Pasques E. – 86. l’autre] autre E. – 86. et l’autre] l’autre E Ly. – 87. d’une abb.] pres d’une abeïe P3 d’une abeïe ki estoit Ly. – 87. ou] a E. – 88. demoroit] estoit SG estoit demouroit Ly. – 88. laissoit par ces .iij. qu.] laissoit par .iij. quarantenes E de ces .iij. qu. preechoit Ly. – 88. ses m.] semaines (?) P1. – 89. par le bois P1 pour le bois SG. – 89. l’abbeÿe A. – 89. sa peneance Ly P3 (E) la penetance Li sa penitance P1 a penitance A. – 89. ou en geunes P3.
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Antre ces choses, il se departi de s’abbaïe an la quarantainne aprés Penthecoste et vint en .j. bois lés une fontenele, et fit une cele a .xij. lieues de la roiche a la Magdalene. Queque il estoit lai et ce vint a lundi de la darrere semainne et il resgardoit celle part, atant ez vous les anges Nostre Seignor qui pristrent la Magdalene et l’amporterent an l’air, et quant il orent esté par l’espace d’une hore, il la reporterent an son leu; et cum il an fut loint ne n’i poït auler ne savoir que ce estoit, il fit s’orison a [127 b] Nostre Seignour, et maintenant qu’il ot faite s’orison, il aprochai tant de la roiche ou la sainte estoit que il la [con]jura par .iij. fois qu’ele li deist son non et la verité qui ele estoit. Lors la sainte qui dedanz la roiche estoit li dit : « Je sui Marie Magdalene que Lux Euvangelistres appella pecheresse an l’Avangile ». Et quant ele li ot dit commant ele ot lai demoré si longuemant, ele li dit et commanda, ja soit ce qu’il ne la veist pas, qu’il a saint Maximin l’evesque alest et li recontest ce qu’il avoit veu et oï, et qu’il li deit qu’il alest touz souz an s’eglise a hore de matines le primier dyemoinche qui vanroit aprés ce qu’ele parloit a lui, car il la troveroit lai antre les anges Nostre Seignor qui l’i avroient portee. Quant ele ot ce dit, li abbés s’an departi et vint isnelemant a l’evesque et li dit ce que la Magdalene li ot commandé. Li evesques s’an mervoilla molt et an ot grant joie, et atandi an grant devotion et an grant dessierrier le jour; et quant ce vint a l’ore qui mise i fu, il antra an l’eglise et vit la Magdalene an l’air .ij. coutes en haut antre .ij. anges, et
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90. Antre ces choses : le r du premier mot a été ajouté au-dessus de la ligne. – 94. reporterent : le t de la désinence, omis, a été ajouté au-dessus de la ligne. – 97. que il la jura par .iij. fois. la jura, que le copiste segmente clairement, n’est guère plausible et, bien que l’ajura corresponde au texte latin (et tertio adiurauit illam mulierem, cf. § 45 et manuscrit A), la date du texte et de notre exemplaire de référence rend cette leçon suspecte. Correction d’après SG P1 P3 (Ly). – 108. Le scribe ne semble pas avoir saisi le mot coutes, auquel il joint une abréviation incompréhensible (cout7es). Comparer Li (E Ly P1 P3 / A). 90. il se dep.] il se parti E avint qu’il se dep. SG. – 90. aprés la P. Li. – 91. en un bois pres d’une fontaine SG. – 91. a .ij. liues Ly. – 91. pres de la roche A SG P1 P3 (Ly). – 92. Queque] et que ke Ly que E. – 92. et ce vint] il s’en vint SG. – 92. au lundi A Li Ly SG P1 P3 a lundi matin E. – 92. darrere] derriene E. – 92. et il resg.] et omis dans SG. – 93. qu’il pr. Li. – 94. et la porterent A E Li SG. – 94. et quant il eurent (il l’orent Ly) porteie Li (Ly). – 94. d’une semaine, corrigé en d’une heure dans SG. – 94. il la porterent Ly SG. – 95. a son lieu A Li. – 95. fust A E Li SG . – 95. ne n’i poït auler] et n’i poïst aler E SG il n’i pot aller P1 (Ly P3). – 95. ne ne savoit Ly. – 95. ce que estoit E. – 96. et maint. (...) s’or.] et maint. qu’il l’ot f. s’oreison P1 et maintenant qu’il l’ot f. SG et tantost com il l’ot f. Ly. – 97. tant la roche A SG P1 P3 (Ly). – 97. la s. feme Ly. – 97. que il l’a ajura A qu’il li jura E que il la conjura SG P1 P3 (Ly, dans lequel il est possible que cette leçon ait fait l’objet d’une retouche). – 97. par .iij. fois] .iij. fois Ly. – 98. Lors (...) li dit] elle li dist SG. – 98. dedens la roce fu Ly. – 99. M. la Magdelaine P3. – 99. sainz Luz Li (A E Ly SG P1 P3). – 99. euv.] li euv. SG (A P1 P3) omis dans Ly. – 99. apele Ly SG P1 P3 (A E). – 99 - 100. Et quant (...) si long. ele] et quant celle (...) Li; omis dans A. – 100. commant] come P1. – 100. ele avoit la demoré E. – 101. pas] omis dans Ly. – 101. qu’il alest a s. Max. (Maximien Ly a Maximien E Maxime SG) l’ev. Li (A E Ly P1 P3 SG). – 101. et li rec.] et li racontast SG Ly P1 P3 que ly racontast A. – 102. et qu’il li deit (...) an s’eglise] et k’il i venist Ly. – 102. touz souz] omis dans E. – 102. en l’eglise P1 a s’eglise A E. – 102. a hore de mat.] a ores de mat. P1; déplacé dans E (voir variante à la l. 103). – 103. la premere diemenche P1. – 103. aprés çou k’ele parleroit a lui Ly aprés ce que il parloit a li a hore de matines E. – 104. lai] omis dans E. – 104. n. s.] omis dans E. – 104. avoient p. A. – 105. et vint (...) et li dit] et vint a l’ev. (...) E et dist a lui meismes k’il iroit a l’eveske et li diroit Ly. – 106. li avoit comandé E P1 (Ly P3). – 106. se merv. Li (P1). – 106. et atant E. – 107. a grant dev. Li SG. – 107. en grant desir A. – 107. a l’ore] au lever P1. – 107. i fu] omis dans A. – 108. entre P1. – 108. en l’air (...) en haut] en l’air .ij. cudes en haut Li (E Ly P1 P3) en l’air .ij. coudes hault A en l’air en haut SG. – 108. antre .ij. anges] entre les angles Ly entre les anges nostre seigneur A.
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cum li evesques vossit a li aproichier, ne ne poïst resgarder son viarre por la tres grant clar- [127 c] -té qui antor li estoit, ele li commanda qu’il feit venir les clers de l’eglise. Quant li cler furent venu, ele reçut le corps Nostre Seignour de la main l’evesque devant l’autel et morut an tel meniere devant touz ces qui lai estoient, et li evesques prit le corps et l’anseveli honoraublemant an l’an de grace .lxx. et se fist ansevelir aprés sa mort dejoste li li evesques Maximiens.
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Commant ses corps fu portez a Vezelay
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Au temps que Charlemainnes li rois de France regnoit, an l’an de grace .[vijc]. et
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.lxviij., Girars de Rosillon, qui dux fu de Borgoinne, departoit largemant es povres Nostre Seignor ce qu’il avoit, car il n’avoit nul anfant; et cum il antre les autres biens qu’il ot faiz eust edifiee une abaïe a Vezelai de son avoir ou il avoit et moinnes et abé, antre ces choses on fit savoir au duc de Borgoinne et a l’abé que li corps la Magdalene estoit an la cité d’Aquense, et il i anvoieront un moinne qui avoit non Badiloines et grant compaignie avec lui, et commanderent qu’il aportet le saint corps an l’abaïe. Li moinnes s’an ala et vint an la cité, et trova que li paien l’orent toute destru- [127 d] -te et an ot grant pidié; et cum il resgardest a la foïe çai et a la foïe lai, il vint par avanture a la tombe de mabre ou li sainz corps gesoit et l’ovri, et prist les reliques dou corps saint et les porta la nuit an son ostel. Cele nuit la Magdalene li apparut [qui li commanda] qu’il n’eust pas paor ainz [feist] seuremant
113. prit le corps et le corps, trois derniers mots tracés. – 113. l’anseveli ho (exponctué) honoraublement. – 116. .cc. Correction d’après A Ly P3. – 127. la Magdalene li apparut qu’il n’eust pas paor ainz fust s. Correction d’après Li (A E P1 P3 / Ly / SG), graphies conformes à la scripta de P2. 109. li ev. vossit (...)] li esvesque vost (...) P1 P3 li evesque n’osast a lui aprochier SG (A) li ev. vaut a li venir Ly. – 109. ne ne poïst] il no pooit P1 il ne pot Ly P3. – 109. esgarder E. – 110. que entour luy estoit A qui entor estoit E. – 110. qu’il] que E. – 110. la venir A Ly SG P1 P3. – 111. cler] au lieu de ce mot, SG comporte l’abréviation de chevalier, paléographiquement très proche de la forme qui conviendrait ici. – 112. de l’ev. A. – 112. et m. devant touz ces qui lai est. en teil men. Li. – 112. devant touz ceus SG P3 (A Ly P1). – 113. a l’an A. – 113. de grace] omis dans P1 P3. – 113 - 114. et se fist (...) dej. li] et il meismes se fit ens. (partiellement bissé dans P1) aprés sa mort dej. li P1 P3 et il meismes se fist aveuc li ens. aprés sa mort dejouste li Ly et se fist aprés la mort de li E. – 114. li ev. Max.] omis dans A Ly SG P1 P3. – 115. Coment une fame fu resuscitee SG; rubrique omise dans Ly P1 P3. – 116. de Fr. li rois P1. – 116. .vijc. Ly .ccc. SG P1 dcc. A P3. – 117. .xlviij. A Ly P3 SG .lx. .lviij. P1. – 117. qui fu dus SG P3 (Ly P1). – 117. aus p. Li P3 SG (A Ly P1). – 118. nulz enfans A. – 118. et cum il] et conme Ly. – 119. a Vez.] aveuques l’aide Ly. – 119. et moinnes] moines SG (E). – 120. et abbez E (Ly). – 120. l’en fist savoir SG P3 (P1). – 120. que cilz cors SG. – 121. de la Magd. SG a la Magdeloine E. – 121. de Quense A E d’Akiese Ly. – 121. et il i envoieroient P3 et il renvoroit A. – 121. moinne] home E omis dans A. – 122. Babiloines (!) Ly. – 122. avec li] avuec Li. – 122. et li com. SG P1 P3 (A Li (?) Ly E). – 122. qu’il aportassent SG. – 122. le s. c.] le cors s. E SG le saint A. – 123. an l’abaïe] en la bierre P1 (A). – 123. vient P1. – 124. pidié] paor E. – 124. il regardoit Ly P1 P3. – 124. a la fiee ça et la SG (A E Ly). – 125. d’avanture Li. – 125. li cors sainz E (SG). – 125. et l’aouvri Ly SG P3 (A P1). – 126. et prist des rel. P1. – 126. du sains cors Ly des cors s. P1. – 126. aporta Ly. – 126. a son ostel Li Ly (A P1 P3). – 126. et cele nuit Ly. – 127. qui li commanda qu’il n’eust pas poour (SG qu’il n’eust paor) ainz (bissé dans P1) feist seurement Li (A E SG P1 P3; Ly omet l’adverbe).
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ce qu’il avoit ancommancié; et quant il vint a demie lieue de Vezelai, il ne porent 128 les reliques movoir de ci atant que li abés de l’abaïe de Vezelai vint lai atout ses 129 moinnes qui les reçurent a grant honour [et] a grant procession. 130 Commant une femme fu resuscitee
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Antre les miraicles que la Magdalene fist, on trove qu’ele vint a une cité qui avoit non Barlete. Queque ele estoit lai, uns gentiz hons qui pas ne creoit Deu vint a li et li demanda se la fois qu’ele preeschoit estoit bonne et loiaus, et celle li dit qu’ele estoit et bonne et forme, et pour li fait Nostres Sires plusors miraicles, et nostres maitres sainz Pieres li apostres qui est evesques d’Anthioiche l’a conformee; et cil li promist qu’il croiroit an Deu et se feroit baptizier s’ele povoit faire par sa priere a Nostre Seignor qu’il eust .j. anfant, et la Magdalene dit que por ce ne demorroit il pas. [128 a] Li hons s’an departi et sa femme conçut et fu ancinte. Quant li hons le sot, il fu molt liez, et mist par le consoil la Magdalene lou signe de la croiz asses espaules et alerent il et sa femme a saint Pierre l’apostre. Queque il estoient an la mer et il s’an aloient, la femme au proudome just d’un anfant, et pour le grant traval qu’ele ot, elle morut; et cum li nateniers la vossit geter an la mer, il li [pria] qu’il la menast a une roiche qui pres d’aus estoit. Il la menerent lai, et quant li preudons ot sa femme qui morte estoit et l’anfant qui vivoit covert d’un mantel, il s’an departi et les laissa molt dolans; et vint ou sainz Pierres estoit et li dit an grant
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130. a grant honour a grant proc. Correction d’après A E Li P1 P3 SG (Ly). – 133. pas ne creoit deu : le dernier mot a été ajouté au-dessus de la ligne (l’encre diffère de celle qu’utilise le copiste). – 142. et just d’un anf. Correction d’après SG P1 (A P3 / Li). – 143. il li proie. Correction d’après A Li E P1 P3 SG, qui partagent la même forme verbale. 128. ce qu’il avoit comencié P1 (P3) çou k’ele veoit k’il avoit conmenchié Ly. – 128. pres de Vez. Ly. – 128 - 130. il ne pot (...) moinnes] li abés vint la atous ses moines Ly. – 129. de ci atant] jusqu’a tant P3 juque tant P1. – 129. de l’abaïe de Vez.] omis dans E. – 129. vient P1. – 129. lai] omis dans A. – 130. qui le receurent A qui la reç. SG ki les reçut Ly. – 130. et a grant proc. A E Li P1 P3 SG (Ly). – À la suite de ce récit, le rédacteur de E enchaîne avec quelques lignes du miracle suivant (Entre les autres miracles (...) qui pas ne creoit deu). Le début de ce nouveau chapitre, interrompu, est repris après la rubrique dans cet exemplaire. – 131. Coment ele converti un gentil home E Coment un chevalier fu resuscitez SG; rubrique omise dans P1 P3. Le récit complet de ce miracle (lignes 131 - 159) manque dans Ly. – 132. les autres miracles E. – 132. on trove (...)] ou trosne (?) quar elle vint SG. – 132. en une cité E (a une cité dans l’extrait ajouté à la fin du précédent chapitre) SG. – 132. qui avoit B. nom Li. – 133. ele] il P1 P3. – 133. creroit A. – 133. deu] en deu P1 (P3); omis dans A Li SG. – 134. se la fois] celle foiz P1. – 134. estoit leals Li. – 134. et ele dist E. – 135. et bonne] bonne SG (E). – 135. et forme] et loiaus SG. – 135. n. s. Jhesucrist SG P1 (A E Li P3). – 136. apostres] eveques Li. – 136. la conferme (?) P1 P3. – 137. pour sa proiere Li (P1). – 138. a n. s.] omis dans A. – 138. qu’elle eust enf. A. – 138. li dist SG P1. – 138. ne dem. il pas] ne demourroit pas P3 SG ne demorera ja E. – 139. s’em parti P1. – 140. il en fu SG. – 140. le cons. de la Magdeleine Li (E). – 141. sor s’espaule E sus ses esp. SG. – 141. Queque] que quant P1. – 142. la femme du proudomme A. – 142. et just] ajust (?) Li ajut A P3 jut SG P1 achoucha E. – 142. par les grant travaux P1. – 143. la vousissient getier Li (A E SG) la vostrent giter P3 (P1). – 143. en mer SG. – 143. il lour pria qu’il la menessent Li (A E SG P1 P3). – 144. en une roche SG. – 144. qui pres de lai estoit E qui pres estoit d’ilec SG. – 144. et il l’am. la SG. – 144. et quant] quant SG. – 145. ot] vit A. – 146. il se dep. P1 il s’am parti E. – 146. et le laissa P1. – 146. et vint lai E (P1 P3). – 146. a grant ang. A P1 P3.
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angoisse de cuer ce que avenu li estoit, et sainz Pierres li dit : « Ne soies pas destorbez, car Dex ne t’ai riens tolu qu’Il ne poïst legieremant randre. » Lors sainz Pierres le conforta et conforma an la foi, et fui baptiziez; et quant il ot .iij. anz ou paiiz demoré delez l’apostre, il ot volunté de reparrier an son paiiz et antra an mer, et vint a la roiche ou il avoit laissié sa feme et son anfant et vit l’anfant qui se juoit de pierrusoilles, et quant li anfes le vit, il ot grant paour et s’an fuit a sa mere. Quant li peres [128 b] vit ce, il fu molt liez et corrut a sa femme qui estoit bien aperoillie de ses dras et estoit ausi cum s’ele fust levee de dormir, et il li demanda commant il li avoit esté des l’ore qu’il avoit esté departis de li, et ele dit qu’il li avoit esté molt bien. « Je fu », dit ele, « avec vous et oï tout ce que sainz Pierres vous ansoigna. » Quant il orent reconté li uns a l’autre ce qu’il avoient veu et oï, il se mervoillerent molt de la debonnarreté Nostre Seignor et repairerent an lor paiis a grant joie.
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Commant .j. chevaliers fu resuscitez
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Uns chevaliers qui chacun an souloit venir an l’eglise la Magdalene an pelerinaige fu ocis en une bataille; et cum sui parant l’eussent mis am biere, et il le pluressent molt duremant et deissent antr’aus : « Sainte Marie Magdalene, commant es tu soffert que cil qui tes pelerins estoit et te requeroit chacun an an ton mostier est mors sans confession et sans penitence ? » Queque il se demantoient et ploroient an tel meniere, atant ez vous que li chevaliers qui lai gesoit antr’aus se leva touz
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– 147. de cuer] omis dans E. – 147. ce que venu P1. – 147. Ne] n’i E. – 147. soiez A Li. – 148. car] que Li P1 P3. – 148. qu’il ne te peusse E qu’il no te puisse P1 qu’il ne te puist P3 (A) qu’il ne repuisse SG bien legierement rendre A moult largement rendre SG. – 149. et le conferma A. – 149. et quant] quant E. – 149 - 150. .iij. ans demoré au païs SG ou païs .iij. anz dem. P1. – 150. delez] omis dans A. – 150. de retorner E. – 151. en la roche SG. – 151. sa famme laissie Li (A E SG P1 P3). – 151. et vit son enf. P1 P3. – 151. qui segeoit (?) P1. – 152. de perretes P1 (P3) es perrates E de pierres A SG. – 152. il ot grant paour] E omet il. – 154. einsinc com Li (A E). – 154. et si li dem. SG et ly dem. A (P1 P3) coment il avoit esté A. – 155. des lors A E Li P1 P3 des le jor SG qu’il estoit desparti de ly A qu’il estoit de li (deliz P1) departiz P3 (E P1) qu’il estoit de li partiz Li SG. – 155. et ele dit P3. – 156. estei bien Li. – 156. avec vous] a vos P1 et oï ce que P1 P3. – 157. reconté] omis dans Li raconté A SG P1 P3. – 158. il s’en merveillerent A. – 158. molt] omis dans P1. – 158. bonnaireté A (P1). – 158. an lor paiis] un accident matériel a sans doute causé la perte de la préposition dans SG. – 160. .j. chevaliers] li chevaliers E De la fame qui fu garie du peril de l’eve, tracé dans SG, dans lequel de petits caractères complètent ainsi la fin de la ligne qui précède : Du chevalier qui fu resucitez; rubrique omise dans P1 P3. Ce miracle manque également dans Ly (lignes 160 - 168). – 161. uns chevaliers estoit SG. – 161. chascun jour Li. – 161. a l’eglise A Li SG P1 (P3). – 161. a la Magdelenne Li de la Magd. SG (E). – 162. l’orent mis P1 P3. – 162. et il plorassent SG et il le plourerent P3 et il se ploroient P1. – 163. et d.] et il d. E il distrent P1 P3. – 163. commant] come P1. – 164. ço soffert P1. – 164. et est mors A. – 165. sans conf.] senz confort E, corrigé en senz confession; saint conf. P1. – 165. sans penance SG sainz penitance P1. – 165. Queque (...) plor.] queque il pl. et se dementoient E queque il se gaimentoit (...) P1 queque il se guermentoient (...) P3 (...) et il plor. A Li (...) et qu’il pl. SG. – 166. atant ez vous que] omis dans E. – 166. qui lai] omis dans SG.
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sainz et demanda le prestre, et se confessa et reçut le corps Nostre Seignor et 167 morust de rechief. 168 D’une femme qui fu getee dou peril de l’aigue
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[I]l avint .j. jor que une nef estoit [128 c] en une aigue c’un apeloit Loire, qui molt estoit chergie d’ommes et de femmes, et furent an tel peril que la nef ou il estoient effondrai. Andemantiers qu’il perilloient, une femme estoit antr’aus qui ancinte estoit. Quant ele vit qu’ele se moroit, ele prist a huchier et a reclamer la Magdalene et dist, se ele vouloit prier Nostre Seignor qu’Il la soffrit a anfanter, ele offreroit son anfant a s’aglise. Maintenant qu’ele ot ce dit, une femme li apparut ammi l’aigue de molt belle samblance et de molt bel ator qui la prit par le manton et la mena a la rive toute sainne, ja soit ce que li autre fussent tuit noié. Aprés ce, ele anfanta .j. fil et le dona a l’eglise la Magdalene ausi cum ele li ot promis.
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170. Aucune place n’a été ménagée pour l’exécution d’une lettrine. 168. de rechief sans fin la nuit SG. – 169. de la fame SG. – 169. qui fu g.] qui fuit garie Li (SG) qu’ele delivrai E; rubrique omise dans Ly P1 P3. – 170. un jor avint que (...) SG. – 170. nef] le scribe de Li a commencé par tracer les premières lettres du mot « femme » avant de corriger son erreur. – 170. quant on apeloit L. P1 cum apelle Loue Li (E) que on apele L. Ly SG (A P3). – 170. qui] omis dans SG. – 171. d’ommes et de f.] omis dans Ly. – 171. ou il est.] ou il estoit est P1. – 172. enfondra E afonda SG P1 (P3). – 172. et endementers P1. – 172. perissoient E Li Ly P1 P3. – 173. que ele moroit E. – 174. s’ele le voleit E. – 174. prier pour li a n. signeur Ly. – 174. qu’il la soff. a anf.] que ele enfantest E. – 175. a l’englise E. – 176. de molt belle s.] que molt belle sembl. P1. – 176 - 177. qui la prit (...) a rive] (...) a rive A E Ly P1 P3 (SG) qui la mena a rive Li. – 177. fussent noié Li. – 177. Aprés ce ele anf.] aprés cele enf. P1 aprés ele enf. Ly. – 178. a la Magd. SG de la Magdeloine E. – 178. ainsi come SG (A E Ly P1 P3) ensint com Li.
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3. Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10295 - 304, f° 113 v° - 116 v° Copié à Ath, dans le Hainaut, entre 1428 et 1429 par Jehan Wagis, inconnu par ailleurs1, le manuscrit dont nous extrayons ce récit est un recueil hétérogène sur papier2. Florilège didactique et moral, il renferme une compilation de vies de saints suivie de l’Isopet de Marie de France, de l’Image du monde de Gossuin de Metz, de la Consolation de la Philosophie de Boèce, traduite par le dominicain Renaut de Louhans, d’un poème didactique et moral de 4120 octosyllabes intitulé Le laie Bible et d’une légende de saint Denis en prose (f° 364 r°)3. Il est constitué de 394 feuillets de 295 sur 210 mm environ4, dont une table, au début, qui semble avoir été élaborée en deux temps. Les textes sont rédigés en littera gothica cursiva libraria sur une colonne de 33 lignes (quelques changements secondaires de mise en page résultent des différences de format des pièces reproduites) et présentent des caractéristiques dialectales marquées, conformes à la provenance du recueil. Ils ne comportent pas de miniatures : le premier est introduit par une initiale bleue filigranée de rouge, de taille quelque peu supérieure à celles des autres, et les suivants par de simples initiales ornées, alternativement bleues et rouges. Les titres sont à l’encre et de la main du scribe. Le légendier contient 41 pièces, présentées par P. Meyer dans l’article qu’il consacre au manuscrit5 : neuf légendes en vers rimés, réparties en deux groupes et sans doute copiées à partir de deux recueils différents ; douze courtes vies en prose, probablement empruntées à un corpus de sermons ; vingt en prose, dont la Le copiste signe ou date son travail à quatre endroits, parfois au jour près : f° 103 r°, 124 r°, 158 r° et 230 v°. Ni le travail des Bénédictins du Bouveret ni le catalogue des manuscrits datés ne donnent à penser que ce personnage a laissé d’autres traces de son activité de scribe, voir Colophons des manuscrits occidentaux des origines au XVIe siècle, t. III, Fribourg, Éditions universitaires, 1973 (Spicilegii Friburgensis subsidia, 4), n° 11824 ; Manuscrits datés conservés en Belgique, t. II, 1401 - 1440, Bruxelles, Gand, Éditions scientifiques Story-Scientia, 1972, n° 164. P. Meyer signale deux mains contemporaines pour ce volume (« Notice du ms. 10295-304 de la Bibliothèque royale de Belgique (légendes en prose et en vers) », Romania, t. 30 1901, pp. 295 - 316), celle de Jehan Wagis réapparaissant ici et là au delà du point où sa principale contribution s’achève (f° 206 r°). Pour la présentation et la bibliographie du recueil, voir le Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque royale de Belgique, t. 5, pp. 347 - 350, et M. Debae, La Bibliothèque de Marguerite d’Autriche. Essai de reconstitution d’après l’inventaire de 1523-1524, Louvain, Paris, Éditions Peters, 1995, pp. 324 - 329. 2 Nous n’en avons pas relevé les filigranes qui, selon le catalogue des Manuscrits datés conservés en Belgique, op. cit., corroborent les indications du scribe. 3 Dans une version très répandue, distincte de celle contenue dans la section réservée aux vies de saints, qui précède immédiatement la légende de Marie-Madeleine (f° 113 r°). 4 Mis à part l’ex libris qui figure au recto du f° 386, les 9 derniers feuillets sont vacants. 5 « Notice du ms. 10295-304 de la Bibliothèque royale de Belgique », art. cit. (quelques extraits de la vie de Marie-Madeleine sont reproduits aux pp. 307 sq.). Les légendes en vers sont celles de Basile, Alexis, Dieudonnée (la mère de Jean Bouche d’or) et Barbara (f° 29 v° - 63 r°), et de Marie l’Égyptienne, Julienne, Catherine, Élisabeth de Hongrie et Eustache (f° 128 r° - 175 r°). Les textes empruntés à un recueil de sermons concernent Mathieu, Agnès, Vincent, Étienne, Jean, Les Innocents, Pierre, Jean Baptiste, Denis (f° 104 v° - 113 r°), ainsi qu’André et Martin (f° 120 v° - 124 r°). Les récits en prose que l’on retrouve dans les principaux légendiers traitent de Christophe, Sébastien, des Onze mille vierges, des Sept Dormants, de Quentin (f° 1 r° - 29 v°), Marthe (f° 113 v° - 116 r°), Laurent (f° 124 r° - 128 r°) et Hippolyte, Lambert, Sixte, Longin, Cyriaque, Basile, Marius et Marthe, des Frères jumeaux, de Côme et de Damien (f° 175 r° 206 v°). 1
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plupart apparaissent dans d’autres exemplaires, apparentés en particulier au recueil f. fr. 6447 de la Bibliothèque nationale de France, mais dont quatre éléments (les vies de Georges, Euphrosyne, Antoine, f° 63 v° - 103 v°, et de Marie-Madeleine, placée entre celles de saint Denis et de Marthe) ne sont actuellement connues que par notre volume. La source de notre rédaction est manifestement la vie de Marie-Madeleine contenue dans le légendier de Jean de Mailly, l’Adbreviatio in gestis et miraculis sanctorum6. On y retrouve en effet les mêmes détails narratifs. Mentionnons, pour seuls exemples, la citation latine des Responsoria de Passione Domini7 (l. 35, cf. Jean de Mailly8, § 10), le repère temporel qui situe l’épisode de l’onction à Béthanie (« in uigilia pasche floridi » § 10 ; l. 36 et n° 2, l. 24) ou encore la référence à saint Augustin au moment d’évoquer la conversion de ceux qui écoutent le récit des peines de l’enfer par Lazare ressuscité (« quia ut dicit Augustinus in libro de uerbis domini cum uiuis interrogantibus loca penarum et sedes inferni diligenter enarrauit et propter hoc multi credebant in dominum. » § 11 ; l. 38 sq. et cf. n° 2, l. 25 sq.). La version de Bruxelles suit toutefois l’ordre chronologique de la vie de la sainte et, contrairement au texte latin et à sa précédente traduction française, place le miracle du « chevalier d’Aquitaine »9 avant la retraite de Marie-Madeleine. La translation des reliques à Vézelay clôt le récit, qui n’ajoute pas d’autres miracles mais en évoque l’existence (l. 156 sq.). Ainsi, le texte s’articule en quatre séquences, qu’aucune démarcation n’isole cependant l’une de l’autre : la figure de MarieMadeleine évangélique ; l’exil de Judée et le « miracle de Marseille » ; la retraite de la sainte et sa mort ; enfin, la translation de ses reliques. Il est sans doute hasardeux d’affirmer avec P. Meyer que notre version est une « mise en prose d’un poème perdu » (p. 307), mais sa relative prolixité permet d’imaginer qu’elle est l’adaptation d’un texte vernaculaire. En tous les cas, elle ne dérive pas du n° 2. En effet, si les deux rédactions prennent appui sur une base commune, chacune développe la matière à sa façon. Ainsi, l’onction chez Simon (l. 15 ss.), plus élaborée que dans le n° 2, est très proche de Luc 7, 36 - 50, alors que le repas en l’honneur de Lazare (l. 36 ss.), selon Jean 12, 1 - 6, est plus fourni dans la version antérieure. Il n’existe pas non plus de correspondances linguistiques (lexicales en particulier) propres à indiquer une filiation entre les deux textes. En outre, la rédaction de Bruxelles contient des éléments de Jean de Mailly négligés par le n° 2 : le renvoi à saint Augustin ou la citation du répons latin, par exemple, sont absents de ce dernier. 6 Nous renvoyons au n° 2, qui exploite la même source. Notre adaptateur travaille lui aussi à partir de la seconde rédaction de l’Adbreviatio. 7 « Isti sunt dies quos observare debetis », cf. Exode 12, 18, et Grégoire le Grand, Liber responsalis (PL, 78, col. 759). 8 Pour la légende de Jean de Mailly, nous nous référons au texte que Giovanni Paolo Maggioni, qui en prépare l’édition, a mis avec obligeance à notre disposition. 9 Voir infra à propos de cette localisation.
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Par rapport au légendier dominicain, l’amplification des allusions aux scènes tirées des Écritures renforce la place de la vie évangélique de notre sainte, qui couvre près de la moitié du texte. Pourtant, les premières lignes décrivent MarieMadeleine en fille du châtelain Magdaloc à l’aide d’adjectifs dignes de la plus courtoise des jeunes femmes. Par ailleurs, l’une des plus surprenantes particularités narratives de l’ensemble de notre corpus relève plus de la fable que de l’édification chrétienne : c’est une « singesse », et non Marie-Madeleine, qui nourrit l’enfant abandonné. L’auteur imagine une véritable histoire autour de l’animal. Il prend en effet soin d’annoncer que l’île sur laquelle le mari laisse sa femme est peuplée de singes et de bêtes sauvages (l. 97), assure que la guenon, qui avait ellemême une portée, a allaité le fils du chevalier (l. 107), puis montre la mère de substitution crier sur le rivage au départ de la famille, parce qu’elle aimait l’enfant comme son petit (l. 114 sq.). Ce détail inédit semble moins dû à une mécompréhension ou à une surinterprétation d’un élément dont d’autres rédactions nous offrent le reflet (par exemple le n° 1, où le père croit voir un singe en lieu et place de son fils lors de son retour sur l’île) qu’à une volonté, étonnante dans un recueil hagiographique, de gommer le caractère miraculeux de la mort apparente de l’épouse (cf. l. 106 sq.). D’autres détails retiennent l’attention, notamment les « larmes sanghines » (l. 11 ; voir plus bas pour l’adjectif) versées par Marie-Madeleine lorsqu’elle est éprise d’amour pour Dieu, ou la motivation de sa retraite (elle ne veut se pardonner elle-même ses péchés avant d’être sûre que Dieu l’a entièrement absoute). P. Meyer (p. 307) déjà s’étonnait que la ville dans laquelle le seigneur de Provence habite est Arles (l. 83)10 et non Ballata, comme dans le texte de Jean de Mailly (§ 59, « Barlete » dans la traduction française n° 2, l. 133), ou Marseille ou Aquilée, comme dans la plupart des versions latines et françaises, et estimait que l’auteur ou le copiste avait commis une confusion sur « Aquilée », qu’aurait porté l’original11. La désignation du seigneur converti par « chevalier d’Acquitaine » (l. 86) renforce du reste l’imprécision quant à l’ancrage géographique de notre texte. Le nom de cette région témoigne vraisemblablement d’une méprise avec celui la cité d’Aix12. Ces lieux, tout comme la présence de détails absents de la source mais qui réapparaissent dans d’autres versions de la vie de Marie-Madeleine (ainsi la mention que le chevalier porte la première croix au Sépulcre, par exemple, l. 86), peuvent faire penser que notre rédaction a subi l’une ou l’autre contamination. 10 « Arle le Blanche » est une désignation qui revient dans plusieurs textes du moyen âge, mais dont on ne connaît pas l’origine, cf. C. Chabaneau, Revue des langues romanes, 4ème série, 2, p. 524, cité par P. Meyer, « Notice du ms. 10295-304 de la Bibliothèque royale de Belgique », art. cit., p. 307. On peut aussi se demander si le nom de cette ville ne résulte pas d’une interférence avec la légende de Marthe. Traditionnellement en effet, la sœur de Marie-Madeleine s’oppose à un dragon qui séjourne dans un bois entre Arles et Avignon. 11 À moins que notre rédaction ait subi l’influence d’une autre version. Remarquons que le n° 26 parle également d’Arles (l. 101), bien qu’il ne semble pas exister de lien entre les deux rédactions. 12 Ainsi, par exemple, l’adaptateur du n° 17 traduit-il « ad Aquensem ciuitatem » de Jacques de Voragine (éd. G. P. Maggioni, 1998, § 168) par « en le cité en Aquitaine » (l. 201).
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Comme nous l’avons dit plus haut, on perçoit clairement l’origine hainuyère du recueil en surface (Jehan Wagis y a laissé la trace de nombreux picardismes), mais beaucoup moins dans le vocabulaire de ce récit, quand bien même il est probable que son auteur venait lui aussi du Nord. Si lieuchon (« couche », l. 131), dérivé picard et wallon qui semble apparaître au XIIème siècle, est trop fréquent pour le confirmer (et pourrait aussi provenir du scribe), le texte offre avec le syntagme repus (Dimence –, « dimanche de la Passion », l. 35) une désignation relative au calendrier liturgique beaucoup plus typique13. Au reste, son vocabulaire n’offre guère de prise à des observations fructueuses. Aucun des termes que nous relevons n’a de correspondant précis chez Jean de Mailly. apostolesse (l. 102, 154) est inconnu des dictionnaires, mais il figure dans d’autres versions de la légende. Très rare, l’augmentatif de bauber que l’on relève à la l. 115 (baubeter, « pousser des cris inarticulés », litt. « balbutier ») n’est signalé que par Godefroy (I, col. 601 c). Il intervient aussi dans la traduction de la Légende dorée par Jean de Vignay (n° 14), mais dans un contexte différent. delicieusement (l. 5) et luxurieusement (l. 6) sont des adverbes peu fréquents. Le premier est une création de la première moitié du XIIIème siècle mais dont nos outils ne fournissent que peu d’exemples. Il en existe plusieurs dans notre corpus. Quelques occurrences du second (également présent dans le n° 17) sont citées par Godefroy, mais leur nature en rend la datation sujette à caution (environ 1250, selon le FEW). ferveur (l. 6) est moyennement courant depuis son apparition, éloignée dans le temps, mais vaut peut-être une mention afin de compléter le nombre restreint d’exemples des dictionnaires (voir aussi le n° 8, v. 1153). Il en va de même pour sanghin (l. 11), adjectif ancien et usuel, qui ne retient l’attention qu’en raison de sa signification particulière (« larmes du cœur, profondes », litt. « mêlées de sang », comme dans l’exemple du Reclus de Moilliens cité par TL, IX, col. 153, l. 15). Seul dehaïr (l. 12) présente un réel intérêt lexicologique puisqu’il est absent de nos instruments, qui n’offrent d’ailleurs aucun composé de *hatjan formé au moyen du préfixe de-14. Que dire dès lors de la date de notre texte ? Rien de plus, sans doute, que ce qui a déjà été hasardé à ce propos : aucun élément n’interdit de penser que nous avons Courante en tant que telle, la forme du participe de repondre qui lui est associée n’intervient comme épithète de « dimanche » que dans trois exemples flamands que Godefroy cite (VII, col. 63 c) et qui sont compris entre 1224 et la fin du XIVème siècle (voir également FEW, reponere, X, col. 269 b et n. 5, pour ce cas et d’autres combinaisons du même type). En revanche, le syntagme Joedi absolut (« jeudi de la semaine sainte », l. 43) apparaît au moins dès le XIIème siècle dans cet emploi précis, d’usage fréquent. 14 Si ce n’est desahi, verbe issu du patois du Haut-Languedoc, cf. FEW, *hatjan, XVI, col. 179 a. Un mot encore au sujet d’embute (« imprégnée » (de grasce et de douçour), l. 13). Le TLF, qui ne fait pas le lien entre le moderne imbu et cette forme beaucoup plus ancienne (cf. Godefroy, III, col. 29 c et IX, col. 432 b, à compléter par l’exemple isolé du Vair palefroi, cf. Tobler-Lommatzsch, s.v. emboivre), date la première occurrence de ce participe du Commentaire de Copenhague de l’Ovide moralisé, où il revêt une signification abstraite (et religieuse, comme dans notre texte). Le manuscrit auquel le TLF fait référence datant de 1480 environ, il est vraisemblablement postérieur à une autre attestation documentaire et de sens concret (« rempli (de vin), ivre »), de 1438, que cet ouvrage reproduit aussi. Ce terme est assez répandu au moyen âge, mais dans la seconde acception surtout. 13
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affaire à une entreprise du XIVème siècle, comme le suggère P. Meyer, mais rien n’apporte non plus de confirmation décisive à cette hypothèse15.
15 Cf. P. Meyer, « Légendes hagiographiques en français. II. Légendes en prose », Histoire littéraire de la France, t. 33, 1906, pp. 379 - 458 (p. 439). On observera que Le laie Bible, qui est l’une des pièces spécifiques de notre recueil, est attribuée au deuxième quart du XIVème siècle (et possède des traits picards et wallons), ce qui, à des degrés divers, est aussi le cas pour quelques autres textes très peu diffusés, si l’on en croit le nombre de copies recensées aujourd’hui, par exemple la vie de sainte Dieudonnée (dont notre recueil conserve aussi la seule copie), hainuyère, du premier quart de ce siècle, celles en vers de sainte Barbara et de saint Eustache, de même provenance, des environs de 1300, et de saint Basile, des années 1300 - 1350). Voir Le laie Bible : a poem of the fourteenth century, with introd., notes and glossary by J. A. Clarke, New York, Columbia University Press, 1923 (Studies in romance philology and literature ; réimpr. New York, AMS Press, 1966) ; H. Dirickx-Van der Straeten, La Vie de Saint Jehan Bouche d’Or et la Vie de Sainte Dieudonnee, sa mere, textes français du Moyen-âge, Liège, Vaillant-Carmanne, 1931 ; A. J. Denomy, « An Old French Life of saint Barbara », Mediaeval Studies, 1, 1939, pp. 148 - 178 ; H. Petersen, « Trois versions inédites de la vie de saint Eustache en vers français. III : Version de Bruxelles », Romania, t. 52, 1926, pp. 37 - 74 ; A. J. Denomy, « An Old French Version of the Julian Episode in the Life of Saint Basil », Mediaeval Studies, 18, 1956, pp. 105 - 124.
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[113 v°] Le vie Marie Magdelaine
Gentieu damoisielle de boinaire, courtoise et largue, fille de rice castelain
Magdaloc, suer dou Ladre chevalier nobile et de Marte qui Dieu siervi, fu Marie Magdelaine, bielle et plaisans, cointe et de noble atour, jovene et ieullans souef et delicieusement nourie, si que a la vanitet dou monde et au delis de Satan s’abandonna toute en la ferveur de sa joveneche et luxurieusement se maintint, que son non et sa grasce et s’onneur perdi, car tant fu folle que a tous fu commune, si que communement l’apielloit on la peceresse, et son non li avoit ja son grant pekiet tolut. S’avint que preechier oÿ Jhesucrist si que durement fu si de s’amour inspiree que de ses pechiés amerement se repenti, si que par le grant contrision de sen coer li decoururent des yex larmes sanghines, et tant fu esprise de l’amour de Dieu que elle fui et dehaï et despist tout pechiet, toute joie mondaine et toute carnalitet, et fu embute de grasce et de douçour esperituelle que toute cose terriienne ne li pleut, car tout sen coer, sen desir et sen plaisir ot mis en Dieu amer, dont tous tamps puis L’ensieuwi. S’avint que li dous Jhesus au mengier sist en le maison Simon le Pharisiien et la vint la Magdelaine aprés Lui, et tant estoit confuse et honteuse de çou que pechiet et Dieu courciet a et s’anme et son corps ordoiiet avoit que d’entre les justes apparoir a Jhesucrist ne s’oza, ains s’estut au deriere mout humblement; et a ses dous piés s’enclina toute et la embraça par ardant amour, et les arousa et les lava des larmes de ses yeus, et de ses ceviaus les tierst et essua, et de se bouce les baisa doucement et de son douch ongnement les oinst humblement pour chou que l’ardeur dou soleil ne Li peuist grever; et quant Simons li Pharisiiens eult chou veut, si emprist a murmurer et dist : « Se cieus fust prophetes, il seuwist qui ceste feme est qui l’a toucé et quelle elle est, car c’est la peceresse. » Dont seut bien Dieus qu’[il] pensoit et l’en reprist, et li dist : « Simon, puis que Je vinch en ta maison, ne Me donnas aigue ne apparillas a mes piés a laver, mais n’a cesset de mes piés baisier, laver et radoucir de ses larmes, tierdre de ses ceviaus et enoindre [114 r°] de son precieus ongnement, et por çou que mout amet M’a li ai tout pardonnet, encores euwist elle mout peciet. » Tous tamps puis d’iluecq en avant fu la douche Magdelaine familiiere et amie a Jhesucrist, et Le ensieuwoit tout partout u Il precoit et sa parolle ooit en grant devotion, et avoecq Martain sa serour Ly donnoit souvent chou que a son cors apertenoit, dont tant les ama que a lor priiere Lazaron leur frere ressucita quant par .iiij. jours ot jut mors el monument si que li corps puoit ja. Ces miracles fist li dous Jhesucrist au jour dou venredi devant le Dimence repus quant on cante en Sainte Eglise : « Isti sunt dies quos observare debetis ». Et quant au jour de la vigille de Pausques flories fu venus en
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25. qu’elle pensoit. – 25. l’en reprist est précédé de lenRe (?), tracé (R constitue peut-être une retouche sur un autre caractère rendu illisible).
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Bethanie en le maison Simon le Liepreus, li Ladres qui ja avoit resucités sist au mengier avoecq ses desciples (dont dist sains Augustins el livre des parolles Nostre Signeur que des paines des ames et des tourmens d’infier racompta li Ladres diliganment a chiaus qui l’en enquirent adont, si que par chou crurent maint homme en Jhesucrist); et Marte Le siervi si comme en se maison acoustumet l’avoit. Mais Marie qui de s’amour ardoit Li lava ses piés de ses larmes et tierst et essua de ses cheviaus quant a le cene sist au Joedi absolut, et de sa bouce Li baisa et oinst de l’arabastre precieus si comme acoustumet l’avoit, et deseure son saint chief Li espandi si que de l’oudeur de l’ongnement precieus fu emplie la maison; dont desdaing ot Judas Scariot si qu’il en grouça et dist que pierdus estoit li ongnemens que cier peuwist on avoir vendut et donnet as povres, ne mies por çou que des povres euist pitet, mais par convoitise le dist et par avarise. Mout ama Jhesucrist le douce Magdelaine et avoecq les Maries s’estut en loing quant on crucefia le douç corps de Jhesucrist, et aprés s’estut si pries de le crois qu’elle peut, jusque a çou que despendut et jus de le crois L’eurent mis Josepch et Nicodemus, et de precieus aromas couciet et envolepet el net sidoine, et couchiet el sepucre u son douç amit vit mettre mort la douce Magdelaine. Et quant ou sepulcre L’ot on mis, si s’en parti avoecq Marie Jacob et Marie Salomé, et vinrent en Jherusalem et accaterent aromas dont cuidoient enoindre le saint corps Jhesu. Se atendirent que li samedi passa et songneusement s’en [114 v°] s’en vinrent diemence mout matin au sepulcre por chou que enoindre pensoient le saint corps de leur douç amit, mais bien cuida la Magdelaine que dou sepulcre L’euist on rostet et enportet, dont nonchier l’ala as desciples et lor dist : « Enportet ont Nostre Signeur, mais ne sai u L’ont mis. » Et quant chou oïrent sains Pieres et sains Jehans, si s’en courirent au sepulcre, et quant ne L’i trouverent, si cuidierent que rostet L’en euist on et s’en repairierent mout tristre; et Marie y remest mout tristre plorans et lamentans, et puis y vit l’angele qui ou sepulcre seoit et li dist : « Bien say que Jhesum de Nazareth querés qui crucefiiés est et resuscités est. N’est mie chi. Il est allés en Gallillee. » Mais tant estoit desconfortee de çou que son douç amit Jhesum ne veoit que toute esbahie, tristre et desconfie s’en parti. Mais adont s’aparut Diex a li et l’apiella : « Marie ! », quant tant esmarie le vit, si que ariere se retourna quant a li parler L’oÿ, et regarda entour li et Le vit, mais elle cuida que ce fust uns courtilliers et Li dist : « Se tu L’as ostet, dis le moy. » Nequident a le vois recongneut assés tost et embracier par les piés Le veult a genous flequiés, mais .j. pau Se traist ariere de li et li dist : « Ne me voelles mie atoukier. » Dont l’envoia Il as aposteles por anoncier que resucités estoit, et fu la premiere aprés l’angele qui la Resurection
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37. ja est suivi des lettres vo, tracées. – 51. Josepch] mot suivi d’un signe incertain (peut-être l’abréviation pour et), tracé. – 53. Magdelaine est séparé de l’adjectif qui précède par la lettre g, isolée et tracée. – 55. le saint corps Jh.] l’article est bissé dans le manuscrit. – 69. a le vois le reg recongneut (les mots que nous n’avons pas reproduits dans le texte ont été tracés). – 72. resucités] les deux dernières lettres ont été répétées à tort et tracées.
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anonça, et fu avoecq la mere Dieu tous tamps puis, jusque çou que avoecq les apposteles de Judee se parti quant li mescreans juifs les en cacierent et il s’epparsent pour prechier as paiiens le foi de Dieu; et ce fu en l’an .xiiij. aprés le mort de Jhesucrist quant par .xij. ans orent preciet en Judee, mais au .xiije. an ne le veurent plus oïr, si petit a petit commencierent adont a prechier as paiiens. Nequident lor avoit Diex commandet ançois que mort souffrist que as paiiens n’alaissent preechier, mais aprés sa sainte Passion lor dist et commanda que partout le monde preechier alaissent que qui en Lui creroit et baptisiés seroit, il seroit sauvés, et qui n’i creroit, il seroit dampnés. Adont se departi li Magdelaine des aposteles; avoecq l’un des .lxx. aposteles qui Maximins ot non entra en la mer, et vint a Marselle et d’illuecq a Arle le Blanche u par sa predication et par les miracles que Diex faisoit par se priiere convierti mout de peuple a la foy de Jhesucrist, si que cil que conviertis ot fisent saint Maximini vesque de la citet. [115 r°] Tant ardanment precha la Magdelaine que par sa predication convierti si .j. chevalier d’Acquitaine que la premiere crois qui oncques fu carcie por viseter le sepulcre li carca, car de sa damme de femme ne pooit enfant avoir. Se li requist que Dieu priast que .j. hoir malle leur donnast, et li promist et voa que il et la damme yroient en la Sainte Tiere viseter le sepulcre Jhesucrist comme pellerin, et mouveront tantost que la damme ara conçut et que piercevoir le poroient. Humblement en pria Dieu li Magdelaine et la damme conçut; et quant apierçut l’orent, mout en orent grant joie et congiet prisent a le Magdelaine, a lor amis et a lor voisins, et de leur païs meurent et entrerent en mer pour acomplir leur pelerinage; et tant nagierent par mer que la damme enfanta si comme Dieu pleut et eut .j. hoir masle, mais tantost morut la damme comme l’enfant ot eut. Dont ne seut li chevalier qu’en peuist faire et vit une isle en la mer u mout avoit de singes et de biestes sauvages; si pria les maroniers que la le menaissent et si fissent. Se i laissa la damme et l’enfant dalés li, car n’en seut el que faire, et a grant doleur se parti d’iaus et en la garde de Dieu et de la sainte Magdelaine les commanda; et rentra en mer dedens la neif, tristres et dollans, et fist naviier pour faire son pellerinage, car foy et creance ot es priieres de la sainte Magdelaine et ne peut croire que par la merite de la sainte apostolesse ne fust reconfortés et li enfes sauvés. Tant navia on qu’il vint a port et erra tant que au Saint Sepulcre vint et parfist son pelerinage, et puis rentrerent en mer lui et sa maisnie et les acuelli uns vens qui les remena droit a l’isle u l’enfant et la damme avoient laissiet. Si retrouverent l’enfant tout vif, car par le volentet de Nostre Signeur l’avoit nourit et alaitiet une singesse qui en l’isle avoit ses faons; et li chevaliers regarda la damme, bien li sambla bielle et vermelle et que elle dormesist. Si le baisa, et tantost fu resuscitee et se leva ensi comme s’elle euist dormit. Mener le veult au Saint Sepulcre et retourner ariere por faire sen pelerinage,
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74. s’epparsent] le r de ce mot a été ajouté au-dessus de la ligne. – 97. maroniers] le premier r de ce substantif est muni d’un caractère suscrit, de nature indéterminée.
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mais la dame li dist que avoecq lui avoit estet au Saint Sepulcre et li racomptoit comment maintenus s’i estoit en fait et en dit, con fais li païs estoit et li sepulcre et li sains lieus qu’il avoit viseteit. En la neif rentrerent et au repairier se misent en lor païs. Dont vint la singesse qui l’enfant avoit nourit et alaitiet sur la rive de la mer et prist a baubeter et a braire aprés l’enfant qu’avoit nourit, car comme son faon [115 v°] l’amoit; dont tout cil de la neif s’esmiervillierent et liement loerent Dieu dou miracle si que boin vent lor envoia, dont assés tost aprés repairierent au port de Marselle u de lor neif issirent. Si s’en revint li chevaliers a Arle la Blance avoecq se femme et son enfant et sa maisnie, et grascia la douce Magdelaine de la grant grasce que Diex lor a fait por s’onneur, et raconterent le miracle a tous communement si que tout cil qui le miracle virent et oÿrent et seurent en grasciierent Dieu devoltement et le Saint Sepulcre alerent veoir et viseter, et li pluiseurs qui dou miracle oÿrent parler; et y ala ou pelerinage tous tamps puis plus volentiers et plus acoustumeement. Et li douce Magdelaine, qui toute se pensee et s’entente veult mettre en l’amour de Jhesucrist par contemplation, s’en alla en une haute roce a .xiiij. milles de Marselle u par l’espasse de .xxxij. ans et plus demora toute seulle et nient congneute, n’oncques ne gouta ne ne menga de viande corporelle, ains vesqui seulement de la douçour que par sa sainte comtemplation prist comme toute ravie de l’amour de Dieu en savourant espirituelment et seulement les biens dou ciel, car el tamps des .vij. heures cannoniaus estoit cascun jour en l’air translatee des sains angeles et raportee sur la roce a sen lieuchon. De grasce corporelle, mondaine et terriienne n’avoit cure n’onques ne se veult pardonner ses peciés, ja seuist elle vraiement que Dieus li euist pardonnés tous entirement, et por çou l’amoit Dieux tant que de sa glore le repaissoit et soustenoit corporelment; et quant Li pleust [que] trespassast, s’avint qu’en .j. quaresme s’en alloit el desiert uns sains abbés tous seuls faisans se pennance comme hiermites en junes et en orisons, et vit les sains angeles qui la sainte Magdelaine souslevoient haut en l’air glorieusement, et pria li sains abbés devotement que demoustrer li daignast la veritet de sa vision. Dont s’apparut a lui la Magdelaine et li dist que au vesque Maximinin anonçast que le dimence aprés premerain l’enporteroient li saint angele en se eglise pour lui acumeniier et recevoir les sains sacremens ains que dou monde trespassast; et quant au vesque l’ot li abbés nonciet, au diemence li apporterent [116 r°] li saint angele soudainement et le acumenia et fist ses droitures, et tantost rendi ame a Dieu et l’en porterent el ciel si que pluiseurs le virent qui adont furent en l’eglises present; et le saint cors mist sains Maximins en le sepulture mout honnourablement en se eglise en l’an de grasce .lxx. et commanda que delés li le mesist on quant trespassés seroit. Mais au tamps le fort roy Carlemaine, en l’an de grasce .viic. xlviij., fu Geras de Rousellon dus de Bourgongne qui de Bierte sa femme ne peut
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135. et quant li pleust se tresp.
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oncques enfant avoir; si s’apenserent que de Dieu feroient leur hoir, dont large furent as povres, et entre les autres fonderent et si fisent faire une abbie par grant devoltion. S’oïrent parler des miracles le douce Magdelaine et envoierent .j. moine qui Badelo nommés estoit quere le saint corps. Si vint a Arle le Blance que destruite avoient li paiien et quist tant que le tombiel trouva sous le quel le cors saint la sainte Magdelaine gisoit comme apostolesse et reposoit, et estoit la. Dont atendi la nuit et le froissa, et prist le corps et l’en porta a Verselai ou entre lui et son abbet l’aporterent en l’abie avoecq la saint procession qui vint contre lui. Si ot adont mout grant miracles et mout en y a encores souvent; mais a l’escrire, a l’oïr, au retenir poroient tourner as fais, si doit bien souffire çou que chi en est escript.
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4. Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 11521, f° 88 d - 90 d Selon Patricia Stirnemann, il serait possible de faire remonter jusque vers 1300 le manuscrit latin 11521 conservé à la Bibliothèque du Vatican. Rédigés dans une écriture gothique livresque italienne, ses 109 feuillets de parchemin (ca 235 x 170 mm, 2 colonnes à 37 - 39 lignes) contiennent une traduction française de la Vie des Pères. Celle-ci est précédée d’un « Roman des autorités » (f° 1 r° - 8 r°) et est suivie de quatre légendes de saintes (Marie-Madeleine, Euphrosyne, Marine et Pélagie, f° 88 v° - 98 r°), puis de miracles, dont ceux attribués à la Vierge et à Nicolas, Ambroise, Barthélemy et André (f° 98 r° - 109 r°)1. D’après les réclames qu’il conserve, le recueil est constitué de quaternions réguliers, sauf pour le dernier cahier. Aucun feuillet ne semble avoir disparu et il est dépourvu de table (du moins n’en garde-t-on pas la trace et ses entrées ne sont pas numérotées). Il débute au f° 1 r° par une initiale ornée de type méridional, sur 4 lignes, bleue à fond doré et encadrée de vert, et par une rubrique. Pour le reste du volume, la décoration se réduit à de simples lettrines en alternance rouge sur fond filigrané bleu et bleue sur fond filigrané rouge, et aux titres rubriqués qui signalent le commencement de la plupart des pièces. À l’intérieur des chapitres, les articulations sont marquées par des lettres rehaussées de rouge. La vie de Marie-Madeleine, divisée en deux parties qui retracent le miracle de Marseille et la retraite érémitique, est doublement précieuse dans notre corpus : d’une part, elle exploite des sources latines que n’utilise aucune autre version française ; d’autre part, elle constitue une étape narrative intéressante dans la transmission du miracle de Marseille. Le titre et les termes liminaires de la seconde section dévoilent la source mise à contribution à partir de la ligne 99 : « Ci conte de Josephus » et « Josephus conte que (...) » signent en effet un emprunt littéral au Narrat Josephus. J. Ruysschaert (p. 227) rapproche cette partie du texte du BHL 54542, dont le rédacteur observe en effet le déroulement général. C’est toutefois le BHL 5456, dont les premiers
Le feuillet 109 v° est vacant. J. Ruysschaert fournit une description détaillée des nombreuses pièces contenues dans le manuscrit (Codices Vaticani latini. Codices 11414-11709, In Bibliotheca Vaticana, 1949, pp. 212 - 230). La vie de sainte Pélagie est éditée par J.-P. Bordier qui la présente comme le seul texte du corpus réuni dans ce manuscrit à avoir la Légende dorée pour source (« La vie de sainte Pélagie en ancien et en moyen français », Pélagie la pénitente. Métamorphoses d’une légende. Tome II. La survie dans les littératures européennes, dossier rassemblé par P. Petitmengin et alii, Paris, Études augustiniennes, 1984, p. 195 et pp. 205 - 207). 2 J. E. Cross retranscrit les textes BHL 5453, 5454 et 5455, très proches quant à leur contenu et à leur formulation, dans « Mary Magdalen in the Old English Martyrology : The earliest extant ‘Narrat Josephus’ variant of her legend », Speculum, vol. 53, 1978, pp. 16 - 25 (textes pp. 20 - 25). Jacques de Voragine ne fait que brièvement allusion à cette version dans son paragraphe « Hégésippe pour sa part, ou bien Josèphe selon certains livres (...) » (« Egesippus autem, uel secundum quosdam libros Iosephus (...) », éd. G. P. Maggioni, 1998, § 161). 1
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mots sont aussi « Josephus narrat »3, que notre compilateur suit pas à pas. Seules les lignes où Marie-Madeleine fait connaître son identité se distinguent quelque peu de l’original en omettant une réponse du prêtre. L’adaptation qu’elle offre du récit latin marque cependant quelque distance par rapport à celui-ci. On peut remarquer que son propos entre en contradiction avec le début de la vie de la sainte, puisqu’elle situe la retraite de Marie-Madeleine juste après l’Ascension du Christ (ce qui exclut dès lors un séjour à Marseille). Elle retient surtout l’attention par la contamination qu’elle révèle de la légende de notre sainte avec celle de Marie L’Égyptienne. La demande d’un vêtement pour couvrir le corps de la pénitente au moment de sa découverte rapproche en effet la rencontre avec le prêtre anonyme de celle avec Zosime4. Nous n’avons pas identifié de texte latin proche de la première partie de notre vie. Le renvoi du Catalogue au BHL 5443 (Post dominicae igitur resurrectionis gloriam)5 est en tout cas manifestement erroné. Son canevas est conforme à la tradition : vente des biens6 après l’Ascension du Christ ; exil de Jérusalem, hostilité à l’arrivée à Marseille ; rencontre avec le seigneur de la ville, grossesse accordée à l’épouse ; voyage chez Pierre, mort apparente de la femme en couches laissée sur l’île avec son enfant nouveau-né ; instruction de saint Pierre, retour sur l’île où le comte découvre son fils jouant sur le rivage puis le corps intact de sa femme, réveil de la morte qui affirme avoir accompagné son mari, arrivée à Marseille. Néanmoins, le traitement narratif de ces éléments se distingue des autres versions vernaculaires conservées. Ainsi, le départ forcé de Jérusalem est-il motivé par la diligence de Marie-Madeleine et de ses frère et sœur à héberger les pauvres, générosité qui irrite le seigneur de la ville. De même, la demande d’accorder un enfant à la femme, de qui le narrateur précise la stérilité, se justifie non par une vision nocturne, mais par une intervention directe de l’épouse, qui prie son mari de ne pas chasser les chrétiens auxquels elle s’est liée. En embarquant pour Antioche, le comte ne souhaite pas vérifier si les propos de Marie-Madeleine sont véridiques : il répond au refus de la sainte de le baptiser tant que l’apôtre Pierre est vivant. L’accouchement en mer n’est pas provoqué par une tempête, mais il est dû à la longue durée du voyage. Pierre ne montre pas à son visiteur les lieux saints fréquentés par Jésus, mais l’instruit de la foi chrétienne, puis le baptise. De retour 3 Le texte, dont le répertoire des Bollandistes dénombre huit témoins du XIème au XVIIème siècle, est édité par J. Misrahi d’après un manuscrit du Brooklyn Museum (non inventorié des Bollandistes) dans « A Vita Mariae Magdalene (B.H.L. 5456) in an eleventh-century manuscript », Speculum, vol. 18, 3, 1943, pp. 335 339 (texte p. 338 sq.). 4 Le poème de Nicole Bozon (n° 13) conserve lui aussi les traces de ces contacts. 5 J. Ruysschaert, op. cit., p. 127. Nous avons consulté le texte du manuscrit Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 8609 - 8620 (3206), f° 8 a - 11 d, pour cette version dont le répertoire des Bollandistes recense 69 témoins du XIème au XVIème siècle. 6 Un des trois « chaustiaus » appartenant aux frère et sœurs est appelé Bethphagué, village que Marc 11, 1 et Luc 19, 29 situent dans les environs de Béthanie et de Jérusalem (voir aussi Matthieu 21, 1). Ce nom n’apparaît pas ailleurs dans les vies de Marie-Madeleine.
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à Marseille, le mari prêche en compagnie de Marie-Madeleine, de Marthe et de Marcelle. Le récit joue de manière évidente des parallèles qu’il instaure avec la vie du Christ et la plainte du comte devant le corps de sa femme constitue l’exemple le plus évident de cette technique narrative. En affirmant que Marie-Madeleine aurait dû connaître cette mort si elle était telle qu’il l’avait imaginée, le mari reprend la réflexion du Pharisien qui met en doute l’autorité du Christ, son hôte7. Par ailleurs, si l’on compare notre version à la tradition des vies de notre sainte, on observe que l’auteur opère dans son récit des déplacements internes. On peut ainsi mentionner l’interdiction faite à Marie-Madeleine et à ses frère et sœur de donner asile aux chrétiens (l. 6 sq.), qui fait songer à l’attitude habituelle du « prince de Marseille » à leur encontre. Notre adaptation se révèle particulièrement intéressante dans le récit du miracle de Marseille, qui en occupe la première moitié. Elle contient en effet des éléments que l’on découvre dans les textes « primitifs » no 1 et 2, comme l’absence de tempête en mer ou de visions nocturnes par exemple, ou la localisation à Antioche de la résidence de saint Pierre (n° 2). Elle recèle en outre des données des no 6 et 7, telle la volonté du seigneur de Marseille de sacrifier aux idoles. La générosité de l’épouse à l’égard de Marie-Madeleine, justifiée ici par un contact direct entre les deux femmes, permet peut-être aussi de comprendre l’intervention de la sainte dans le n° 6, où elle apparaît dépourvue de fondements. Enfin, certaines des formulations de cette rédaction s’avèrent proches de celles que l’on relève dans ces rédactions. Par ce mélange d’autonomie et de dépendance vis-à-vis de plusieurs représentants de notre corpus, la version contenue dans le manuscrit du Vatican offre ainsi une étape narrative précieuse dans la constitution de cette légende, que l’absence d’une source latine déterminée rend d’autant plus intrigante. Comme le n° 12 (si l’on excepte peut-être un exemplaire tardif de cette pièce), la diffusion de notre vie a été assurée par un atelier italien. Rien ne permet cependant de lui assigner une origine méridionale : le manuscrit du Vatican reproduit selon toute vraisemblance un texte de provenance française, avec quelques altérations ponctuelles, mais de manière assez fidèle et compréhensible dans l’ensemble. Son passage dans la Péninsule a toutefois gommé les caractéristiques qui permettraient de préciser où elle a été élaborée en un premier temps. Du moins serait-il hasardeux d’inférer quelque conclusion que ce soit des graphies adoptées par le scribe. Les chances que son lexique soit demeuré à peu près intact sont plus grandes, mais les résultats d’un tel dépouillement demeurent précaires. Si l’enquête fait apparaître quelques mots peu courants8, elle met aussi en évidence les
Cf. l. 53 ss. ; Luc 7, 39. Comme nocler, « patron d’un navire », par exemple (l. 56 et 74), ou penti, « repentant » (l. 50), que les dictionnaires ne signalent pas pour la période médiévale (le verbe auquel ce participe-adjectif est lié est lui-même très rare). 7 8
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altérations que certains termes ont pu subir9 et pour le seul d’entre eux qui suggère peut-être une appartenance régionale, les indices sont trop ténus pour que nous puissions en inférer la localisation initiale de cette version10. Pour un écrit en langue d’oïl, la syntaxe n’est parfois guère naturelle (dans des phrases comme « Alierent et les mistrent sor une ysle (...) », l. 58, ou « Ala le comte avant (...) », l. 82, par exemple), mais ces particularités ne désignent pas non plus un auteur méridional.
À la l. 110 par exemple, il n’est pas dit qu’il faille prendre foreste « au pied de la lettre ». Cette variante morphologique existe, mais sa rareté est telle que la probabilité d’une altération lors de la reproduction du texte français paraît élevée. Plus haut (l. 101), illumineré semble franchement douteux. 10 amaistrer aucun en aucune rien, « instruire quelqu’un de quelque chose », dont le récit nous procure de même le participe amaistré, « instruit » (l. 44 et 70), n’est attesté que par Godefroy puis par le FEW (magister, VI, col. 38 b), d’après la légende de l’Antéchrist en vers qui figure dans la première partie d’un recueil à nouveau italien, de la fin du XIIIème siècle (Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3645). Or tout comme le second des principaux textes qui le composent (précédés, séparés et suivis par une simple prière), peutêtre du même auteur actif vers 1225 - 1250, ce poème laisse affleurer des traits picards et franc-comtois. La prédominance dans le Nord et le Nord-Est des exemples, un peu plus nombreux, d’un autre composé proche de maistre, amaistroier, est donc peut-être significative. 9
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[88 d] Ci comence la vie de la Magdalena
Aprés la Ascension de Nostre Seignor Jhesu Crist, Ladre et ses serors, Marie
Magdalene et Marthe, si vendirent trois chaustiaus que il avoient, ce fut Bethania l’un, l’autre Betphage, le tierz Magdalé, et s’en alerent demorer en Jerusalem, et la si herbergoient touz les povres pelerins et crestians qui voloient herbergier et que mestier en avoient; et quant le seignor de la ville oï ce, si [89 a] lors fist defendre que il laissassent ester a herbergier les crestians et que il tenissent autre maniere de vivre que il n’avoient fait jusque ci. Il ne demorerent por ce que il ne [feissent] le bien que il avoient encomencé et plus ancore. Quant le sire de la ville vit ce, si dist : « Je ne voil », fist il, « que il moirent de glaive, car je ne voil que les crestians les aorent por sains. » Et lors comanda que l’on lor deust lier les mains et les piés et que il deussent estre amoinés sor une barche en haut mer et la deussient estre laisiés sans voile et sans governal, et ne lor fust laisié rien que mangier ne que boivre, et ensi fu fait come il comanda. Mais mantenant que ceus qui les avoient amoinés en mer furent partiz d’eus vint par la vertu devine un merveillous vent et furent desliez lors mains et lors piés, et briefment se troverent ou port de Marseillie; et lors descendirent de la barche et demorerent plusors jors en la ville que il ne trovoient a mangier, car la gent de la ville estoient paiens, si ne lor faissoient nul bien. Lor regarda Marie un jor que li comte de la ville aloit aorer une ydle, ensi come lors costume estoit, et s’en ala devant lui et si li dist Maria Magdalena : « Certes, sire comte, molt est laide chose que devant un si grant seignor come vos estes moirent de fain .iij. estrangiers que sont ci en vostre terre. » Et quant li comtes oï Marie parler si apertement et la vit de si belles contenances, si en ot pitié. Si [89 b] lors fist mantenant doner hostel et toz ses estovoirs; et quant il furent demoré auquans jors en la ville, li comte les voloit doner congié de la ville, mais la feme au comte qui s’estoit acontee des .ij. suers et les avoit oïes parler de la foi Jhesu Crist, et molt les avoit en grant reverance, si dist a son baron : « O sires, ne les chacier pas de la ville, car il sont sainte gent et bone, et une d’eles qui a non Marie est ploine de vertu divine. » Et quant le comte oï ce, si se merveilla molt et manda quere Marie, et quant ele fu devant lui, si la demanda de la foi crestiene et coment li Saint Esperit estoit descendu sor lez apostres et par aventure de molt autres choses, et quant il ot bien entendu tout ce que Marie vost dire, si li dist en la fin : « Se tu pooies tant ferre avec ton Dieu que ma feme eust enfant, nos deverons tuit crestiens », car sa feme estoit brahagne et ne pooit concevoir enfans. Et Marie respondi : « Ceste chose si est molt legiere et je vos aseur que se vos creez en Jhesu Crist, et que Il vos donra ce que vos querez et que vostre feme sera
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9. por ce que il ne feis sicut le bien, dont le déchiffrage est à peu près certain, est sans doute la conséquence d’une mélecture pour la forme du verbe faire que nous avons substituée aux deux mots soulignés dans cette leçon.
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procheinement grosse. » Et lors pria le comte a Marie qu’ele priast por ceste chose et se partirent. Lors ala Marie et pria por eaus que Dieu lor donast enfant et les convertist a sa veraie foi, et aprés tantost fu la bone dame grosse d’enfant; et quant li comte vit ce, si crut veraiement en Jhesu Crist et dist que il estoit appareilliés de batoier soi et sa main[e]e, et Marie li dist : « Nostre pere qui a non Pieres qui laisa Nostre Seignor en son lieu est en Antioche, [89 c] et tant come il est en vie, je n’ouserois pas batoier, mais tu t’en iras avec tote ta mainee a lui et il te bataiera et t’amaistrerai en la foi et te fera gran consolacion; mais pense d’estre fort, car tu avras de grans tribulacions en ton chemin et quant tu seras en aucun peril ou en aucune tribulacions, et tu aoreras une cruis que je te donrai, si seras tantost delivré. » Lors s’apareilla cestui et monta sor la mer atoute sa feme grosse et sa mainee et s’en alerent; et selonc ce que la Magdalene li avoit dit soffrirent asés de dolors et de mesaises et demourerent grant tens sor mer avant que il venissent a Antioche, et asés de foiz fu pentis que il estoit montés sor mer a fere un si grant voiage par li dit d’une feme. Tant demorerent sor mer que sa feme dut enfanter et ot un mol[t] bel enfant, mais la dame morut de la gesine, et quant li comte vit sa feme morte, si ot grant dolor et se plangoit trop mervoilloussement et disoit : « Se ceste feme qui m’a ci mandé fust tele come je la cuidoie, ele eust seue la mort de ma feme, mais ele m’a deceu. Or ai perdue ma feme et mon enfant, car sanz lait ne poroit il vivre. » Et lors si dist au nocler que il se preist guarde d’aucune ysle ou il poïssent metre le cors a la dame atos l’enfant, car il ne le voloit pas veoir morir de si laide mort. Alierent et les mistrent sor une ysle, un tapiz de sous eus, et les covrirent d’un drap de soie et s’en aler- [89 d] -ent dolourous et pensis, et tant alerent que il vindrent a Antioche et a cele ore que il vindrent ou port, a cele meesme ore vint saint Pierre la par revelacion dou Saint Esperit; et quant le comte vit saint Pierre, le disciple Jhesu, et saint Pierre li respondi : « Pais a toi, sire. Je le sui et je sai bien qui tu iés et por quoi tu es ci venus et qui t’a mandez. » Et lors se merveilla molt [li] cuens et li dist : « Marie [m’a] mandé a toi entre moi et ma feme et ma mainee por aprendre la foi Jhesu Crist et la santé de nos armes et por nos batoier, et je ai soffert sor mer tant de tribulacions et d’angoisses, et sor tout ai perdue ma feme et mon enfant. Or ai tant de dolors que je ne sai que ferre. » Et saint Piere li respondi : « Ne doutes de rien, car l’arme de ta feme est ci endroit avec nos et ot toutes les paroles que nos disons. » Lors s’en entrerent en la ville et tant demora le comte avec saint Piere que il fu bien amaistré et afermez en la foi; et aprés ce que il fu batoiés, si prist congié de saint Piere et monta sor mer por retorner en son païs, et tant nagierent par mer que il vindrent en la contree la ou l’ysle estoit ou il avoient lasié le cors a la dame et l’enfant, et esteient ja demorés
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40. et deist, e exponctué. – 41. et sa maince (la graphie du mot se distingue nettement de celle de l’occurrence qui intervient au début de la colonne suivante, cf. l. 43). – 52. Le scribe a omis la lettre qui suit l’abréviation de molt. – 60. ai Antioche, i de la préposition exponctué. – 62. et s. Pierre li resp.] le deuxième r du nom propre a été ajouté au-dessus de la ligne. – 64. Omis dans le manuscrit. – 64. Omis dans le manuscrit. – 67. que ne je sai que ferre.
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d’entre aler et venir entor .iij. ans. Lors dist li comtes au nocler que il l’amoinast a l’ysle, car il voloit veoir le cors sa feme, et quant il furent pres de l’ysle, si virent un enfant petit qui aloit joiant par [90 a] le sablon, mais quant il vit la nef et les homes desus, si s’en fui la ou le cors de la dame estoit et se mucha de sout le drap dont le cors a la dame estoit covers et se coucha pres dou cors por la paor que il ot des homes, car il n’en avoit jamais nul veu. Le comte descendi en terre avec tel compaignie come a lui plot et s’en alierent la ou il avoient le cors laisié et le troverent en tel point ne moins ne plus come il l’avoient laisié, ausi come se il l’eussent la mis celui jor meesmes. Ala le comte avant et hauça les dras et trova le cors a la dame tout fres ausi come quant il fu mis, et l’enfant bel et vif et sain, et quant li comte vit ce, si ot grant joie et dist a sa mainee : « Je croi veraiement que se nos prions devotement celui qui a guardé ce cors si frez et si net et cest enfant tenus en vie, c’est li beneoiz Jhesu Crist, le Fil Dieu, que Il resuscitera ma feme. » Et lor se mistrent tuit en oroison, et quant il se leverent, si appella le comte sa feme et li dist : « Dame, je vos di de par Jhesu Crist que vos levés sus. Si nos en irons a nostre ostel. » Et matenant que il ot ce dit et la dame se leva ausi come se il l’eust esveillie de dormir, et le comte la demanda coment li estoit et la dame li respondi : « Bien, sire, la Dieu merci, et coment, sire ? N’ai je esté avec vos par tout la ou vos avez esté et n’ai je oïe la doctrine de l’apostre ? Car je estoie toz jors a- [90 b] -vec vos. » Et quant il oïrent ce, si se merveillierent tuit ceus qui la estoient et rendirent graces a Jhesu Crist de la gran bonté que Il lor avoit faite. Lors monterent touz ou vaisel et s’en retornerent a grant joie en lor païs, et dapuis comença li comtes a preechier la foi Jhesu Crist avec Marie et Marthe et Marchile, qu’estoit ancile Marthe, et Ladre, et ceste Marchille fu cele que dist a Jhesu Crist : « Beatus venter qui Te portavit, etc. » Pois aprés un tens s’en ala Marie ou desert.
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Ci conte de Josephus
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Josephus conte que aprés la Ascension de Jhesu Crist, Marie Magdalene ne vost jamais veoir home en pechié, mais illumineree de la grace del Saint Esperit s’en ala demorer ou desert et demora .xxx. ans hors de toutes gens qu’ele ne fu visitee ne veue d’ome ne de feme terriens, ne ne manja entor ces .xxx. ans autre viande que cele que li angles li aportoient; et dit ausi Josephus que les angles li chantoient totes les ores dou jor et de la nuit. Quant li .xxx. ans furent acomplis, un prestres qui estoit prior d’une petite parochie et qui estoit serf de Dieu et de molt grant devocion, si ala a l’entree de Quareme en ce desert ou la Magdalene estoit por estre solitaire hors de gens en abstinence et en oroisons; et quant vint une nuit que il fu travailliés dou veillier, si s’en dormi. Si li fu revellé en son dormant que une fe- [90
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85. se nos prisons, premier s exponctué. – 99. Les quatre mots qui forment le titre de la dernière partie du récit sont placés à la suite directe de la phrase précédente, mais sont rubriqués. – 105. totes les angles ores dou jor et de la nuit.
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c] -me serve de Dieu estoit en cele foreste enclose dedens une cave por ce qu’ele ne voloit veoir nul home, qui avoit esté plusors ans qu’ele n’avoit mangié de nulle viande corporel fors que la viande que li angles li aportoient qui la visotoient chascun jor; et quant li bons home fu esveillié, si se mist en oroisons et pria devotement Nostre Seignor que li demonstrast en veillant ce que il avoit en dormant. Aprés se leva le matin et s’en ala par ce desert sus et jus cherchant se il peust trover ceste feme, et il fu gran piece alés, si fu demonstré par l’angle la ou Marie estoit. Il ala la et trova la cave toute close entor sans nulle entree, et quant vit ce, si se mist a genoilz et dist : « Je te conjure par la sainte Ternité, tu qui es liens en cele cave, qui que tu soies, que tu me dies que tu es, ou home ou esperit. » Et cele li respondi : « Por quoi m’as tu si conjuree, saint prestre ? Je sui cele pecheresse dont tu as oï en l’Evangele, que jeta Jhesu Crist .vij. diables hors dou cors, et aprés sa Ascension je fui si enbraissie de son amor que je mesprisiai tout le monde et m’apensai de demorer en celle cave por ce que je peuse mielz doner mon cuer a Lui et apenser de Lui. Or a .xxx. ans que je ai ci demoré que je ne vi home ne feme ne loi, ne dapuis je n’eu onques ne faim ne soif, mais ai esté toz jors par la grace de Jhesu Crist ausi bien repeue et replenie come se je euse eues totes les viandes dou monde, et Il mande touz les jors ses angles qui me chantent les ores et me lievent en l’air et me raem- [90 d] -plissent de trop grant dolçor. Et por ce que te conois digne prestre et ami de Dieu, por ce t’ai je contee ceste chose. Or saces que je sui pres de ma fin et por ce je te pri que tu me baillies aucun vestimens que je te poisse veoir sans honte. » Lors prist li prestres un de ses vestimens et le mist devant la cave et se traist arriere, et cele se visti la robe et s’en ensi hors; et quant le prestre la vit, si comença a plorer de joie que il ot, car ele estoit si maigre que bien resembloit mielz esperit que cors, et en tel maniere la amoina a sa capelle et li dona li cors Jhesu Crist, et tantost qu’ele l’ot pris, si rendi l’arme a son maistre Jhesu Crist, et le cors laisa au prestre que il le deust enterer, et il si fist honoreement et a grant devocion; et dapuis si a demonstré Nostre Seignor de grans miracles a sa sepulture et demonstre toz jors.
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134. maniere] le r de ce mot a été ajouté au-dessus de la ligne.
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Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19525 (n° 5)
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5. Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19525, f° 67 a - 72 c Connu surtout pour son Bestiaire divin, écrit vers 1210 - 1211, Guillaume le Clerc de Normandie exerça son activité littéraire dans le premier tiers du XIIIème siècle1. La vie de Marie-Madeleine, poème de 710 vers octosyllabes à rimes plates, est signée dans son bref épilogue (v. 706). Elle est contenue dans deux manuscrits de provenance anglo-normande, l’un conservé à la Bibliothèque nationale de France, à Paris (P : f. fr. 19525, f° 67 a - 72 c), l’autre à la British Library de Londres (L : Add. 70513, anciennement Welbeck Abbey, duc de Portland, 1. C. I, f° 50 c 55 c). Deux éditions de ce texte, réalisées d’après P, datent de la fin du XIXème siècle2. En 1968, Franz-Karl Weiss3 a offert dans une disposition synoptique celle du Post Dominus latin, de la version en prose Aprés ce que Nostre Sires (voir infra version n° 6) et du poème de Guillaume. Il reproduit le manuscrit parisien et, pour la première fois, enregistre les variantes de L. P est un recueil à tonalité pieuse que ses caractéristiques permettent à F. Avril et à P. Stirnemann de dater du deuxième quart du XIIIème siècle4. Il est rédigé par plusieurs mains sur 204 feuillets de parchemin (ca 225 x 155 mm) en écriture gothique livresque. Les pièces en vers sont écrites sur deux colonnes à 32 lignes. Les 66 premiers feuillets renferment une dizaine de vies de saints en vers et en prose et l’Assomption de Marie par Herman de Valenciennes, ainsi qu’un poème en alexandrins sur le Jugement de Dieu, la version courte de l’Évangile de Nicodème en prose (A ; éd. A. F. Ford, 1973) et un extrait du sermon en laisses d’alexandrins de Guichart de Beaulieu. Le dernier tiers de la colonne 66 c et la colonne 66 d sont vacants. La légende de Marie-Madeleine, qui commence en haut du folio 67 a, inaugure une section rédigée dans une encre différente par un nouveau copiste5, Anglo-Normand, qui regroupe plusieurs œuvres de Guillaume le Clerc 1 L’introduction jointe par P. Ruelle à son édition (Le Besant de Dieu de Guillaume Le Clerc de Normandie, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1973) fait le point sur notre auteur. 2 R. Reinsch, « La vie de Madeleine. Gedicht des Guillaume le Clerc, nach der Pariser Hs. », Archiv für das Studium der Neueren Sprachen und Literaturen, 63. Bd, 1880, pp. 85 - 94. A. Schmidt, « Guillaume, le clerc de Normandie, insbesondere seine Magdalenenlegende », Romanische Studien, 4. Bd, 1879 - 1880, Bonn, E. Weber, 1880, pp. 493 - 542 (texte pp. 523 - 536). 3 F.-K. Weiss, Der « Romanz de sainte Marie Magdaleine » von Guillaume, le Clerc de Normandie, und sein Quellenkreis, Inaugural-Dissertation zur Erlangung des Doktorgrades der Philosophischen Fakultät der Westfälischen Wilhelms-Universität zu Münster, 1968 (thèse dactylographiée ; textes pp. 85 - 147). 4 Cf. F. Avril, P. Stirnemann, Manuscrits enluminés d’origine insulaire VIIe - XXe siècle, Bibliothèque nationale, Département des manuscrits, Centre de recherches sur les manuscrits enluminés, Paris, Bibliothèque Nationale, 1987 (Collection Manuscrits enluminés de la Bibliothèque nationale), n° 107, pp. 67 - 68 et pl. XXXIV. Les auteurs de ce catalogue attribuent la fabrication de ce volume à l’atelier de William de Brailes 5 Il est toutefois délicat d’affirmer, comme le fait F.-K. Weiss (op. cit., p. 76), que les deux parties du recueil n’ont été réunies que par un possesseur ultérieur, qui plus est de la fin du XVIème siècle. L’homogénéité de la matière traitée, l’écriture et la mise en page plaident en faveur d’un assemblage précoce, si ce n’est original. Une description de ce volume a été réalisée par E. Martin (Besant de Dieu von Guillaume le clerc de Normandie, Halle, Verlag der Buchhandlung des Waisenhauses, 1869, pp. I - VII), puis par P. Ruelle, Le Besant de Dieu, op. cit., pp. 12 - 13.
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(Joies de Nostre Dame, Besant de Dieu, Treis moz, Vie de Tobie), dont elle est toutefois séparée par deux textes en prose, l’un sur le Pater noster et l’autre sur la confession. Le reste du manuscrit est consacré à la vie de sainte Marguerite et au Roman des romans, en quatrains de décasyllabes monorimes, puis à cinq sermons en prose6 et au récit de la Passion extrait de la Bible d’Herman de Valenciennes. Une chanson notée a été ajoutée tardivement sur le dernier feuillet. Les légendes de Marie-Madeleine et de Marguerite sont mises en évidence par une initiale historiée peinte dans l’atelier de William de Brailes, confirmant ainsi l’origine anglaise (oxonienne ?) de notre volume, toujours selon le catalogue des Manuscrits enluminés d’origine insulaire. La première ne comporte pas de rubrique. Pour notre sainte, l’artiste a représenté sur fond bleu une femme debout, sans auréole, vêtue d’une robe verte, voile et tunique beiges. Elle tient une boîte d’onguent dans sa main droite, alors que de sa gauche sort un phylactère sur lequel son nom se déploie en lettres majuscules. Des initiales ornées, bleues sur fond rouge et rouges sur fond bleu, scandent le poème. L a fait l’objet d’une étude très détaillée par D. Russell7. Ce volume composite réunit au total 267 feuillets de parchemin (ca 250 x 175 mm). Chaque page contient 2 colonnes de 32 à 35 lignes, selon les cahiers (35, pour la partie dans laquelle notre texte figure). Il s’agirait du seul manuscrit connu à ne comporter que des vies de saints rédigées en vers. Sept des textes qu’il rassemble ne sont accessibles qu’à travers cette copie. Les trois premières pièces (Élisabeth de Hongrie, Panuce et Paul l’ermite) remplissent un quaternion du commencement du XIVème siècle. Les dix suivantes, dont l’écriture est de type gothique livresque, datent de la fin XIIIème siècle8. Elles retracent pour la majorité d’entre elles des légendes insulaires : Thomas Becket de Cantorbéry (par Guernes de Pont-Saint-Maxence), Édouard le Confesseur, Edmond, archevêque de Cantorbéry (attribuée à Matthieu Paris), Ethelreda, abbesse d’Ely, Osyth, Madwenne et Richard de Wych, évêque de Chichester. Celles de Marie-Madeleine, de sainte Foy et de Catherine d’Alexandrie complètent cette partie où l’on peut noter la prédominance de figures féminines. Un ex-libris ajouté à la fin du codex dans une écriture cursive du XIVème siècle permet de supposer que celui-ci a appartenu au couvent pour femmes de Campsey (Suffolk), où il était lu lors des repas9. Sa scripta est d’ailleurs anglo-normande et il provient sans doute d’un atelier insulaire. Toutes les pièces de la seconde partie du volume débutent par une initiale historiée, à l’exception de la vie de Thomas Becket (acéphale) et de celles de MarieMadeleine et de Foy, munies d’une initiale ornée. Ces pièces, qui commentent des citations latines, sont bien en français, contrairement à ce qu’affirme P. Ruelle, ibid., p.12. « The Campsey Collection of Old French Saints’ Lives : A re-examination of its structure and provenance », Scriptorium, 57, 1, 2003, pp. 51 - 83. 8 Toutefois, P. Stirnemann pense que le début du XIVème siècle représente une période d’exécution plus vraisemblable, même s’il s’avère difficile d’en être certain. 9 « Ce livre deviseie a la priorie de Kanpseie de lire a mangier ». 6 7
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Il suffit de lire le début du poème, abrupte entrée en matière sans prologue, pour mettre à jour la source d’inspiration de Guillaume : « Aprés ceo ke Nostre Seignur / Jesu Crist (...) » laisse entrevoir, mot pour mot, le Postquam Dominus Noster Jesus Christus. Le récit latin s’impose vers le commencement du XIIIème siècle comme la base du miracle de Marseille. Largement diffusé par Jacques de Voragine, qui l’intègre dans sa Legenda aurea, il apparaît en outre dans plusieurs des versions en proses vernaculaires indépendantes de l’œuvre du Dominicain (n° 6 à 8). Celles-ci présentent des particularités narratives propres. Le poème de Guillaume partage avec elles la caractérisation qu’il réserve au pèlerin de Provence (« un halt home del païs / A cui la province apendeit », sans plus de précision, cf. vv. 58 sq.) ; l’absence de critique à l’égard des femmes lors du départ pour Jérusalem (v. 187) ; l’insistance sur la cupidité des marins (vv. 358 - 367 et vv. 555 556) ou encore sur la fraîcheur des vêtements lors de la scène des retrouvailles (vv. 584 - 590), par exemple. L’attitude de l’épouse à l’égard des chrétiens récemment arrivés à Marseille permet toutefois de scinder ces rédactions en deux groupes : alors que chez Jacques de Voragine le couple marseillais intervient, effrayé, après la triple apparition de Marie-Madeleine, dans nos versions, la dame envoie secrètement de ses biens aux compagnons de la sainte. Chez Guillaume, comme dans le n° 6 (l. 27 ss.), elle accomplit ce geste avant la première vision nocturne10, tandis que les n° 7 (l. 86 ss.) et 8 (vv. 475 - 485) situent cette péripétie entre la première et la seconde manifestations de la sainte. Le poème et la version en prose n° 6 font plus que partager la même amorce narrative et ce détail de l’histoire. La lecture en parallèle des deux rédactions révèle en effet d’étroites coïncidences, même si Guillaume ne relate que le miracle de Marseille, de la séparation et de l’exil des disciples au baptême du couple à son retour de pèlerinage, l’adaptation en prose complétant cette trame par le récit de la vie érémitique et de la mort de Marie-Madeleine. On peut néanmoins affirmer avec certitude que le poète ne s’inspire pas de la rédaction en prose. D’une façon générale, il n’existe pas de nets recoupements lexicaux entre les deux textes. Par ailleurs, et surtout, Guillaume échappe à des erreurs de compréhension commises par le traducteur du n° 6 et il mentionne des éléments évoqués dans la source latine qui sont absents de l’adaptation en prose. C’est ainsi par exemple que le latin « in porticu, quae praeerat phano gentis illius »11 (§ 4) est correctement restitué par le manuscrit L de notre poème (« Mes en porche d’un faus hauter / D’un temple u la gent s’asemblerent » (vv. 30 sq. ; voir apparat critique pour P), mais interprété de Vincent de Beauvais, qui n’exploite pas les premières lignes du Postquam Dominus, place lui aussi l’intervention de la dame de Marseille avant l’apparition nocturne de Marie-Madeleine (cf. Speculum Historiale, livre IX, cap. xcv). 11 Le texte est édité par F.-K. Weiss, Der « Romanz de sainte Marie Magdaleine », op. cit., pp. 84 - 146 (d’où nous tirons nos citations), et dans le Catalogus codicum hagiographicorum latinorum antiquiorum saeculo XVI qui asservantur in Bibliotheca nationali Parisiensi, ed. hagiographi Bollandiani, Bruxelles, O. Schepens, Paris, A. Picard, 1889 - 1893 (Subsidia hagiographica, n° 2), texte, vol. 3, pp. 524 - 530. 10
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façon erronée par l’adaptateur du n° 6 (« et revindrent au port en la falaise », l. 10). De même, la précision que les marins jettent une petite embarcation sur la mer pour aller enterrer le corps de la défunte, explicite dans le texte latin « et educta scapha » (§ 51), n’apparaît pas dans la version en prose (cf. l. 95 ss.) alors qu’elle se lit chez Guillaume (« En mer lancerent le batel / Ke mult ert riche e bon e bel », vv. 369 sq.). Si la traduction servile du n° 6 exclut tout intermédiaire avec l’original latin, la forme versifiée choisie par Guillaume, nécessairement distante de sa source, rend l’évaluation plus délicate. Il n’est pas exclu que le poète se soit servi d’une légende française existante, même si l’hypothèse paraît incertaine. Les trois exemplaires latins recensés par le répertoire des Bollandistes pour le BHL 5457 offrent un contenu narratif équivalent à celui du poème12. Le récit vernaculaire se démarque pourtant sur un point : Guillaume le Clerc de Normandie spécifie que la croix apposée sur les épaules du couple de Marseille par MarieMadeleine fut la première jamais portée par un pèlerin (vv. 199 - 204), information réitérée lors de la rencontre avec Pierre (vv. 480 sq.) mais absente de la source latine aussi bien que de la Legenda aurea et du Speculum historiale. Bien que Guillaume n’introduise aucun détail narratif personnel dans son poème, certaines caractéristiques de sa composition méritent d’être signalées. Dans l’ensemble, l’auteur exprime un souci évident du détail matériel. Ainsi, pour ne mentionner que quelques exemples, l’ordre d’accueillir les chrétiens après l’apparition de Marie-Madeleine est véritablement mis en scène (vv. 137 - 146) ; une allusion au luxe dont la dame bénéficie à Marseille (« En vostre chambre [qu’est] depeinte / Vus frez servir e baigner », vv. 180 sq.) appuie la tentative du pèlerin de la dissuader de l’accompagner, et le texte va jusqu’à mentionner la douceur de la fourrure du manteau couvrant le corps de la défunte (v. 450). Tout au long du récit, on perçoit également la réceptivité de Guillaume à ce qui entoure la maternité de l’épouse. L’évocation de la conception de la femme puis de la découverte de son état est plus nourrie que dans les autres versions (vv. 152 160). Le commentaire inattendu du poète à propos des accouchements précoces sous l’effet de la peur, de la maladie ou de la volonté (vv. 250 - 263) ne manque pas non plus de surprendre. La plainte qui souligne la solitude de la femme en couches dénote elle aussi cette attention, tout en dramatisant le récit (vv. 272 - 277 ; voir encore les vv. 283 - 285), au même titre que les propos qui décrivent l’allaitement de l’enfant (vv. 442 - 447). On peut se demander s’il s’agit là d’un trait propre à l’écriture de Guillaume, loué par ses éditeurs pour son don d’observation13, ou s’il est révélateur du public à qui notre rédaction était destinée.
Voir notre discussion sur ces manuscrits dans notre présentation de la version n° 6. Si l’on accepte l’interprétation de E. Martin (Besant de Dieu, op. cit., p. 10), suivi en ceci par P. Ruelle (Le Besant de Dieu, op. cit., p. 12), dans Le Besant de Dieu, conservé par le seul manuscrit P, Guillaume aurait décrit une naissance avec un réalisme tel que les vers auraient été grattés par un lecteur choqué. 12 13
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L’épilogue, qui conclut sur la foi des « bons chrétiens » que sont devenus les pèlerins après leur retour à Marseille, dévoile une portée édifiante et moralisatrice du poème. Quelques vers insérés dans la trame de l’histoire ou placés dans la bouche des protagonistes rappellent d’ailleurs les devoirs du fidèle et les fondements de la religion chrétienne (le Christ est seul Dieu, vv. 596 - 600 ; Il est mort pour les hommes, v. 502 ; Dieu fit jaillir l’eau du rocher, vv. 436 - 43814 ; noms des lieux visités par le pèlerin, vv. 514 - 518, etc.). Le développement des prières renforce cette tendance, tout en consolidant l’usage du discours direct. L’auteur de cette version étant familier, et son texte déjà accessible depuis longtemps aux spécialistes de la langue médiévale, il ne semble pas nécessaire de procéder à une analyse linguistique détaillée. En revanche, l’état de ses témoins nécessite quelques observations, de nature éditoriale avant tout. Loin d’être irréprochable, P offre un texte qui a au moins le mérite d’être lisible et qui se rapproche beaucoup plus que L de la langue pratiquée au début du XIIIème siècle. À l’inverse L, résolument médiocre, accumule les bourdes et les mélectures, reproduit souvent des vers incompréhensibles, fausse la mesure ou la rime, et ainsi de suite. C’est donc l’exemplaire parisien que nous suivrons, tout en le contrôlant à partir du manuscrit de Londres. Comme dans beaucoup de documents rédigés en anglo-normand, les déséquilibres métriques sont fréquents, mais ils résultent surtout de la différence de traitement dans P des monosyllabes atones devant un mot à initiale vocalique. Dans un tel contexte, que (ke) a de la sorte une valeur syllabique la plupart du temps, mais pas aux vv. 79, 309, 345, 582, ce qui peut être mis sur le compte aussi bien de la pratique de l’auteur que de fluctuations lors de la copie de son poème15. Il en va sans doute de même pour beaucoup d’autres termes (adverbes et conjonctions, prépositions, pronoms personnels, etc.) et ces phénomènes sont trop courants et anodins pour mériter un inventaire complet, ou pour justifier des corrections16. Le problème peut être dû à l’apparition d’une forme dialectale « étendue » de futur ou de conditionnel. Aux vv. 136 et 324 par exemple, il faut probablement considérer averont et averiom comme de simples variantes de surface, dénuées de valeur spécifique, et non comme des occurrences avec insertion svarabhaktique d’une voyelle dans le thème de ce verbe, ce qui dispense de recourir à L (il n’en L’amplification des descriptions, en particulier lors de la tempête, va dans le même sens, les brèves incises qui soulignent le caractère poignant de la situation contribuant à accentuer le relief dramatique du récit, où la douleur des personnages est toujours intensifiée. 14 Deutéronome 8, 15 ; Ésaïe 48, 21. 15 Il est cependant rare que P comporte une forme élidée de monosyllabe valant pour une forme pleine (cf. vv. 85, 129, 445, 478, 547 et 612). Les hiatus sont en revanche courants, sauf avec un plurisyllabe (v. 172). 16 Pour ce qui touche la versification, on ne peut guère alléguer l’origine de l’œuvre pour privilégier les variantes de L. La langue que Guillaume le Clerc pratique est en effet conforme au français standard de son temps et donc respectueuse dans l’ensemble de la mesure.
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existe d’ailleurs pas d’illustration dans le texte pour des verbes comme avoir) ; de même pour remenderez, v. 175, overri, v. 622, et faudera, v. 71017. Lorsqu’une différence métrique peut être imputée avec certitude ou au moins avec une forte présomption à des particularités de ce type, ou à l’emploi du -s désinentiel, le texte de P n’est pas amendé en principe, à moins qu’une raison distincte nous y invite, et la variante de L n’est pas répertoriée, sauf si elle présente un autre intérêt. Plan de l’édition Exemplaire de référence : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19525, f° 67 a - 72 c (P) Exemplaire de comparaison : Londres, British Library, Add. 70513, anciennement Welbeck Abbey, duc de Portland, 1.C.1, f° 50 c - 55 c (L)
17 Aux vv. 181, 274 et 358, frez, fra et frai, formes anglo-normandes que le copiste de L adopte partiellement, ne coïncident pas avec celles, de type français, que l’auteur aurait dû employer s’il prenait garde à la mesure ( ferez, fera, ferai). Le statut de fra est toutefois incertain au v. 266 : si P en reflète bien l’état primitif, ore n’est peut-être qu’une graphie pour or.
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Aprés ceo ke Nostre Seignor Jesu Crist, le voir Sauveor, Fu relevez de mort a vie, E si fu de la cumpaignie Parti e la sus monté A destre de la magesté, Li apostre se departirent Qui plusors teres cumvertirent. La gloriouse Magdaleine, Ki de l’amur de Deu fu plaine, Marthe sa suer e Lazarus Que suscité avoit Jesus, E cil ke [ciu] out esté né Que Deus avoit enluminé, Dont maint jueu s’esmerveilla, E la curteise Marcilla Qui la bele parole dist Quant ele benei Jesu Crist E le ventre ki Le porta E la mamele k’Il tetta, E un deciple de grant pris Ki fu un des seisante dis Qui Maxi[min]us avoit nun – Cil fu lur siste cumpaignun –, Al cungié Pierres s’en alerent. La mer de Grece trespasserent E ariverent a Marceille. En la vile – ceo fu merveille –
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5. Vers hypomètre dans P et dans L, qui n’offre qu’un indice partiel pour une intervention (la desus ?). – 7. aprostre, premier r exponctué. – 13. E cil ke out esté né : vers déficient au point de vue métrique. La variante de L permet de réintroduire un élément de compréhension important (la tradition attribue à Cedonius une cécité qui remonte à sa naissance). – 23. Maxius. Correction d’après le v. 691 (forme de P). Rubrique : Ici comence le romanz de sainte Marie Magdalene. – 2. le verai salveur. – 3. en vie. – 4. Et fu de sa comp. – 5. et de sus. La suite de jambages qui composent l’essentiel du dernier mot pourrait équivaloir à mumté, mais cette lecture est peu probable. – 6. de sa maj. – 7. s’en dep. – 10. de l’amur Deu (vers hypomètre). – 12. Ki resuscité (vers hypermètre). – 13. Et celui ki ciu out esté nee (vers hypermètre). – 15. se merveillia. – 17. la bone p. – 22. Ki esteit dees s. dis. – 23. Ki Maximius (ou Maximins) aveit a nun. – 24. Cist fu lur sisme comp. À la suite de ce vers, L ajoute le couplet suivant : Ou autre genz qu’il aveient / Ki en Nostre Seignur creient, qu’il faut peut-être attribuer à l’archétype de nos deux manuscrits (les textes relatifs à Marie-Madeleine mentionnent en général d’autres chrétiens, anonymes, au nombre des exilés). – 25. Al cungé saint Pere s’en al. (vers hypermètre). – 26. trespasserunt. – 27. E] omis dans L (vers hypomètre).
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Ne purent trover nul ostel, Mes al [porche] d’un faus autel Del temple ou la gent s’asembloent Qui vaines ydles aoroent Les covint la nuit herbergier A poi beivre e a poi mangier. L’endemain quant le jur fu cler Veïssez venir e aler Al temple cele fole gent. La Magdaleine od le cors gent Lur comença a preechier Qu’il leissasent a pecchier E aorassent Jesu Crist. Bien lur enseigna e descrist Com Il en tere seit venuz E coment Il seit contenuz, E com Il ert resuscité E com Il ert al ciel monté, E coment al Derain Jur Il devendrat estre jugeur. Plusors ki la virent tant bele Entendirent a sa querele E l’escoterent ducement, Kar ele parlout mult noblement – E ceo n’esteit mie merveile [Se la] bele buche vermeile Ki les piez Dieu beisé aveit Curteisement parler saveit. Tant sermona, jol vus plevis,
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30. Mes al temple d’un faus autel. Correction pour le sens d’après L. – 40. Même vers, hypomètre, dans P et dans L. – 45. E coment (vers hypermètre). Correction d’après L. – 46. E coment (vers hypermètre). Correction d’après L. – 47. Même vers, hypomètre, dans les deux manuscrits, à moins d’admettre que l’adjectif derain compte trois syllabes, en dépit de la forme qu’il revêt ici. – 54. Sa bele b. v. Comme cette leçon, déficiente au point de vue métrique, la variante de L suppose qu’une nouvelle phrase débute ici. Il est cependant beaucoup plus naturel de recourir à une construction hypothétique, dont le premier mot de P garde peut-être la trace. 29. Ne poeient. – 30. Mes en porche d’un faus hauter. – 31. D’un t. u la gent s’asemblerent. – 32. Ke faus ymages adorerent. – 33. La les cuvint h. (vers hypomètre). – 34. A poy a beivere et a poi a manger (vers hypermètre). – 38. od] out. – 43. Come il ert en terre v. – 44. Et cum il s’esteit c. – 45. Et cum il est resuscitez. – 46. Et cum il est. – 48. Il vendreit (vers hypomètre). Ni L ni P n’offrent une leçon satisfaisante pour ce vers. – 49. L comporte ici une lettrine. – 50. a la qu. – 54. La buche est bele et vermeillie (vers hypomètre). – 57. jol] le.
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Que un halt home del païs A cui la province apendeit, Od sa femme, ke bele esteit, Vint al temple son Deu prier Que il li volsist otrier Que sa femme poüst conceivre E semence de lui receivre, Kar il n’avoit fille ne fiz, Dont il ert tristes e marriz E mult dolent e mult confus. La Magdaleine leva sus E preecha, ceo est la summe, Tant ke la femme a cel riche hume Entendi mult ducement, E si li fist priveement Par serganz ou mult se fiout Enveeir de ceo ke ele out A lui e a sa cumpaignie Si que sis sires n’en sout mie. Puis si li tarda si [poi] non Qu’il li vint en avision Que ele v[e]oit la Magdaleine Que li diseit od voiz certeine Qu’ele amonestast sun seignor Que il eüst pitié e tendror Des sainz Deu qui la hors estient, Ke ostel trover ne poeient,
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71. Même vers, hypomètre, dans P et dans L. – 72. mult priv. (vers hypermètre). Correction d’après L. – 77. si petit non (vers hypermètre). Au point de vue syntaxique, la présence d’une négation avant le verbe, comme dans L (au lieu de la particule si), semblerait plus adéquate, mais il n’est pas sûr pour autant qu’il faille adopter la variante complète de ce manuscrit. La graphie du mot que nous introduisons dans ce vers est conforme à la scripta de P. – 79. voit ou veit ne correspondent jamais à un imparfait dans P, mais il est vrai que nous ne disposons d’aucune occurrence du type de forme employé par le copiste de L, que nous adoptons donc à titre d’hypothèse. Celle-ci permet de rétablir la mesure du vers (l’emploi du présent, avec hiatus entre que et ele, est moins naturel ici). – 83. qui la dehors est. (vers hypermètre). Correction suggérée par L, dont la mesure est elle aussi déficiente. 58. de païs. – 60. Ou sa mullier que bele aveit. – 61. a temple. – 66. Dunt il esteit forment m. – 67. Et mut tristes. – 68. se levat sus (vers hypermètre). – 69. Et precha tant (vers peut-être régulier pour l’époque du scribe, mais excédentaire pour celle de l’auteur, si l’on admet que celui-ci pratiquait la diérèse dans le thème de ce verbe). – 70. Tant] omis dans L (vers hypomètre). – 76. nel saveit mye (vers hypermètre). – 77. Puis ne demora si poy nun. – 78. Ke lui vint. – 79. Ke ele veeyt. – 80. Que li dist a voiz c. (vers hypomètre). – 81. Ke ele deust dire a son seygnur (vers métriquement incorrect au regard de la langue des premières décennies du XIIIème siècle et donc issu d’un remaniement plus tardif). – 83. ky hors giseient (vers hypomètre).
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E qu’il lur feïst bien faire; Mes la dame n’osa retraire A son seignor le avision, K’ele le saveit a felon. ¶ A un autre nuit altresi Li apparut, com jeo vus di, E la tierce nuit ensement A ambedous communalment, Si k’il fu vis a ambedous Ke la dame veneit sur eus Pleine de si grant resplendor Ke cil avoient [grant] poür. « Dorz tu », fet ele, « mal tyrant, Que as mangié e beü tant Que tu es trestut engrotez, E les sainz Deu sont acorez La dehors, fameillus e nu ? Saches ke mal te est avenu E a ta femme, la serpent, Que te ne volt mon mandement Ne dire ne faire saveir. Si par tens ne lor faz aveir Sucurs, tu serras malbailli ! » A ces paroles s’envani, E cil meintenant s’esveillerent, Que durement se esmerveillerent, E si urent mult grant poür. Dont dist la dame a son seignor :
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96. Ke cil av. poür (vers hypomètre). Correction d’après L. – 102. La première lettre d’avenu comporte peut-être une abréviation dont il est difficile de percevoir la valeur. – 103. la serpente. La forme reproduite par L est préférable pour la rime. – 108. A cestes p. (vers hypermètre). Correction d’après L. 87. l’avisiun. – 88. Kar ele le sav. – 89. La secunde feiz tut autresi (vers hypermètre). L ne comporte pas de marqueur de segmentation au début de ce vers. – 91. nuit] tut. – 93. Si que vis fu. – 95. En furme de si grant resplendur (vers hypermètre). – 96. Que il aveient grant poür. – 97. feit ele a felun t. (vers hypermètre). – 98. Ky as bien beu et m. tant. Cette leçon n’est acceptable que si l’on compte une seule syllabe pour le participe beu, ce qui ne correspond pas à l’état de la langue pratiquée par l’auteur mais à celle du scribe. – 99. Qui es tr. (vers hypomètre). – 100. Et les feeuz Deu sunt acerez. Variante métriquement déficiente et dont le dernier mot ne fait guère sens. – 102. Sachiez. – 103. la serpent. – 104. Ki ne te vot mun comandement (vers hypermètre). – 105. feire a s. – 106. ne feis aveier (vers hypomètre, le dernier mot ne représente sans doute qu’une graphie insolite pour aveir). – 108. A ses p. s’esvani. – 110. Ki dormeient ses merveillierent (sic).
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« Sire, avez veü e oï Come ceste dame vint ci ? – Oïl », fait il, « seürement. Si m’esmerveil estrangement E si en sui en grant friçon. Que loez vus que nus feson ? – Sire », fet ele, « bien le sachez, Ceo est ore la tierce fez Ke ele est a moi apparue E que jeo l’ai issi veüe, Mais jeo dut[aie] tant vostre ire Que jeo nel vus osaie dire. Faimes lor bien, si m’en creez, E a la dame requerez Que ele prit a son Seignor, Dont ele sermone chescun jor, K’il nus doinst aucun enfant. Si la dame nus feseit tant Ke par lui pussun aveir Fiz ou fille que fust nostre eir, Jeo porraie legerement Sustenir sun preechement. – Par fei », fait il, « vus dites bien, E il averont par tens del mien. » L’endemain, quant jor apparut, Li riches home ne s’arestut. Tute la vile assembler fist E si lur comanda e dist Qu’il receüssent cele gent E qu’il les oïssent sovent. Bon ostel lur a fait trover
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113. avez vus veü e oï : vers hypermètre (à la différence de ce qui se produit dans L, le copiste ne pratique pas la synérèse dans de telles formes). Correction d’après L. – 123. dutai (vers hypomètre). Correction d’après L, graphie conforme à la scripta de P (-aie n’est pas la finale d’imparfait la plus commune dans cet exemplaire, mais le scribe l’emploie occasionnellement). – 131. Même vers, hypomètre, dans les deux manuscrits. 113. avez veü et oÿ. – 114. vint ici (vers hypermètre). – 116. Si me merveil mut durement. – 118. Qu’en loez que nus façun (vers hypomètre). – 121. Ke ele s’est. – 123. dotoye. – 124. Ke je ne vus osay dire (vers hypomètre). – 125. lor] ore (vers hypermètre). – 127. Ke ele requerge sun seignur. – 129 - 130. Omis dans L. – 133. Jeo] La. – 135. Dame feit il. – 136. Si averunt. – 137. quant le jur ap. (vers hypermètre). – 138. Li riches hom ne s’arescut (?). – 139. ensembler. – 142. Et les oÿssent sov. (vers hypomètre). – 143. Mut bon ostel lur fist tr.
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E si lur fist aministrer Trestut quanqe mestier lur fu Si qu’il n’unt [puis] mesaise eü, E la Magdaleine preierent, E devant lui s’agenoilerent Ke vers son Deu tant espleitast Ke fiz ou fille lur donast; E la Magdaleine si fist, E li pruddome qui la requist Jut od sa femme, si la hanta Si qu’en poi d’ore la enceinta. Quant ele senti l’enfant moveir, « Sire », fait ele, « ceo est veir Ke de vif enfant sui enceinte. Mult est la Magdaleine sainte E li suens Deu est glorius E sur tuz altres vertuus. – Dame », fet il, « vus dites voir; E jeo irrai par tens savoir Si de Jhesu avint issi Come la dame conte ici. – Sire », fet ele, « jo irrai od vus. Coment departirum nus ? Ceo ne serreit pas bone foi. Vus ne devez aler senz moi. Od vus dei aler e venir, Les biens e les mals sustenir, Od vus lever, od vus cuchier, Od vus beivre, od vus mangier, E od vus com od mon seignor Estre al travail e al suor.
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146. Si qu’il n’unt mes. eü (vers hypomètre). Correction d’après L. – 166. Vers hypomètre. Il est difficile de se prononcer sur l’authenticité du couplet qu’il forme avec le précédent. – 172. Même vers, hypomètre, dans les deux manuscrits (à moins d’admettre ici un hiatus, exceptionnel, avec un mot de plusieurs syllabes). 146. Si qu’il n’unt puis mesaise eü. – 152. ke l’en requist. – 153. si] et. – 156. ceo est tut veir (vers hypermètre). – 157. Ke d’un enfant (vers hypomètre). – 158. sainte] geinte (?). – 159. si suen deus. – 161. Dame] Certes. – 162. Et ceo voil jeo par tens saveirz. Après ce vers, L comporte l’ajout suivant : Ne voil jeo plus demorer / Ke jeo n’en auge a sepulcre orer / Desque en Jherusalem iray / Et par mei meimes enproveray. Le statut de cette variante reste incertain. – 163. vint (vers hypomètre). – 165 - 167. À ces trois vers correspond l’octosyllabe suivant : Sire feit la dame par fey. – 171 - 172. Vers intervertis dans L. – 173. E] Omis dans L (vers hypomètre). – 174. Le copiste de L a sans doute transcrit l’infinitif sivir au lieu du substantif qui termine ce vers.
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– Dame », fet il, « einz remenderez, Ceo ke nus avum garderez. Trop vus serreit gref le veage E la mer ke tant est salvage, E vus estes grosse e enceinte. En vostre chambre [qu’est] depeinte Vus frez servir e baigner, Ka[r] vus ne poez travailler. – Sire », fait ele, « ne puet estre. Ja ne voi[e] jeo l’enfant nestre Si jeo aprés vus i remaign Pur nul eise ou pur nul gaïn ! » Tant a pluré, tant a preié Ke li ad son [gré] otrié. ¶ A la Magdaleine est venu, Si li ad dit e coneü Com il volt al seplucre aler E sa muillier od lui mener. Quant k’il aveit a [ses] mesons En rentes, en possessions, Livre en sa guarde e en sa main, Puis s’est atorné l’endemain D’or e d’argent e de monee, Kar par tens volt faire sa voee; E la curteise Magdaleine Li done la croiz premereine Ke unkes portast pelerin. Sur l’espaule, ceo est la fin,
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180. En vostre ch. dep. (vers hypomètre). L, que nous suivons ici, ne marque pas l’élision du pronom relatif. – 182. Ka. Correction pour le sens (on pourrait aussi admettre la leçon de L). – 184. Ja ne voi jeo (vers hypomètre). La syntaxe invite à privilégier le mode subjonctif, comme dans L. – 188. son seignor otrié (vers hypermètre) Correction d’après L. – 190. e convenu. Correction d’après L. – 193. as mesons (vers hypomètre). L diverge beaucoup de P, mais nous suggère une correction plausible pour la dernière partie de ce vers. – 194. e en poss. (vers hypermètre). On pourrait tout aussi bien admettre : En r. e poss. – 196. Puis s’en est at. (vers hypermètre). Pour le sens, c’est à l’évidence s’est atorné, et non s’en est turné, comme dans L, qui convient. L’élimination de en permet de rétablir la mesure sans procéder à des remaniements de plus grande conséquence. 179. gr. enc. (vers hypomètre). – 180. En vostre ch. que est dep. – 182. Ke. – 184. Ja ne veie l’enfant n. (vers hypomètre). – 185. aprés vus remaigne (vers hypomètre). – 186. u pur nul baigne. – 187. pluree et priee (vers hypomètre). – 188. Ke cil ad sun gré otriee. – 189. L ne comporte pas de marqueur de segmentation au début de ce vers. – 190. et coneü. – 192. Et sa femme ovec lui m. – 193 - 194. Ses terres et ses possessiuns (vers hypermètre si l’on pratique la diérèse sur la finale du dernier mot, ce qui devrait être le cas en principe) / Et ses rentes et ses maisuns. – 196. Puis s’en est turné. – 200. dona. – 202. Sur s’esp.
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Lui mist une croiz a enseigne; A Deu l’i comanda, sil seigne. La dame por ceo le croiza Ke [li] malfé ne le pust ja Tempter ne faire repentir De son veage parfurnir. Quant il furent aparailé, A la dame prennent congié Que mult a Dieu por eus requis Ke les remaint en [lur] païs E les conduie a salveté. Lores sont en une nef entré Ke fu apparailé al port. Quant Dieus lor dona vent del nord Eskiperent li marinier E firent les veiles drescier, E quant il furent al palacre, Si s’en alerent dreit vers Acre Le plus droit chemin k’il purent. Solonc l’orage qu’il urent, Un jor e une nuit siglierent K’unqes nul ore ne finerent. A mult grant joie s’en aloent E a plaine veile sigloent, Quant aventure lor mult gerre, Ke a la mer e a la tere Se change e remue sovent. A poi d’ore venta un vent Ki fist la nef croistre e branler. La mer comenza a emfler
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206. Ke m. (vers hypomètre). Correction d’après L. – 212. en son païs. Correction d’après L (graphie conforme à la scripta de P). – 222. Vers hypomètre dans P et dans L (l’emploi de la forme pleine de l’article devant orage, comme dans ce dernier, ne représente pas une solution satisfaisante). 204. le comande et enseigne. – 205. Pur ceo la dame se croisa. – 206. Ke li m. ne peüst ja. – 209. L comporte ici une lettrine (la disparition de la lettre d’attente ne permet pas de savoir si c’est le décorateur qui s’est trompé en exécutant un A au lieu d’un Q – d’où la forme Avant – ou si cette faute remonte au scribe). – 210. De la dame pernut (?) cungié. – 212. K’il lur remaint a lur païs. – 213 - 214. Omis dans L. – 215. En une nief entrent au port. – 216. Quant il ourent le vent de north. – 217. Et ki perent li mar. (la segmentation introduite par le copiste montre que celui-ci n’a pas compris le début de ce vers). – 218. Puis f. les siegles dr. – 219. Quant il f. en pal. (vers hypomètre). – 221. que porent. – 224. Unkes. – 226. a plein veile (vers hypomètre). – 227. Même si l’avant-dernier mot comporte le nombre de jambages nécessaire à former la suite mut, il semble plutôt que le copiste ait écrit lur vint gerre. – 231. Qu’il fist (...) brander (?).
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E les gros venz a esforcier Com s’il volsist tut depescier Cordes e veil e trés e mast. N’i out nul que ne reclamast Tel aïe com il quidout Ki la mester aver li pout. La Magdaleine i fu nomee De cels ki l’aveient amee E reclamee ducement, Mes tut adés crut le torment Ke nuls ne se sout conseiller. La prist la dame a travailler Del son ventre en cele tempeste Si qu’ele ne pout lever la teste. Reïne de misericorde ! Ki est cil ki cest pas recorde Ki del quer ne suspire e plure ? Encore n’iert pas la dame a l’ore A son droit terme parvenue, Mes aventure est avenue A meinte femme meinte foiz Ke ele esteit en tel destroiz, Ke avoit bien devant son jor Par maladie ou par poür, Par talent ou par bleceüre Ou ja par aucun aventure Enfant ke longement vivreit, Si com Deus purveü aveit En qui tutes les vies sont
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237. quidouot. – 250. Exception faite du v. 590, où le mot figure à la rime, le scribe emploie toujours la forme encore, ou une de ses variantes, sans se soucier de l’exécédent métrique qu’entraîne parfois la présence du -e final. Nous n’intervenons pas dans de tels cas. 233. Et le grant vent a enforcier. – 234. Cum cil deüst tut dep. – 235. et veiles et trief (vers hypermètre). – 237. quidout. – 238. aver le pout. – 239. i fu n.] unt nomé (vers hypomètre, à moins d’admettre un hiatus avec le mot précédent). – 240. reclamé (vers hypomètre). – 243. nul ne saveit. – 245. De sun v. – 246. Ke ele ne pot l. sa t. – 247. Reïne] Veine. Comme au v. 209, la disparition de la lettre d’attente ne permet pas de savoir si c’est le décorateur qui s’est trompé en exécutant un V au lieu d’un R ou si cette faute remonte au scribe. – 248. Ky est qui (vers hypomètre). – 249. de quer. – 250. la da (?) a l’ure. – 251. A] De. – 254. Ke ele ert en si grant destreiz. – 255. Ke li vent bien devant sun jur. Le couplet formé par les vers 255 - 256 est interverti avec le suivant. – 257. Par t. a blesc. – 258. U par aukune autre av. – 259. viveit. – 260. l’aveit. – 261. les veies.
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De cels qui [vienent] e qui [v]ont Par mi cest siecle trespassable. Si com la mer est changable Change li mondes e trespasse, Mes Deus, ke fra ore la lasse Que est posee en si fort cas, Kar li venz ne s’abesse pas [Einz] esfor[ce] e la mer s’atruble, E la tormente crest a duble ? La mer croist e la femme crie : « Duze Magdaleine, Marie, Ke fra vostre pelerine Ki en bele chambre marbrine Peüst estre e aïe avoir De femmes ki [deivent] savoir De tel afaire e de tel chose ? » Se la dame une ore repose Ke ele ne sent la grant angoisse, Ele out le vent que la mer froisse E la wage que les sozlieve, Si que por poi ne fent ou crieve. Si cent femmes od lui eüst, Ja une sole ne peüst La main lever por li aider. Jeo ne puis ci entor plaider Ke jeo n’ai le quer esmeü, Kar tel mal ad la dame eü
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262. qui vivent e qui ont. Le dernier mot est à coup sûr fautif et même si le maintien de vivent ne soulève aucune difficulté, la variante de L est plus cohérente et mérite donc d’être considérée dans son ensemble. – 269. Ens esforz : leçon admissible mais à laquelle il semble préférable de substituer le texte de L (graphie conforme à la scripta de P, cf. v. 175). – 270. E la mer torm. Correction d’après L. – 276. ki deveient (vers hypermètre). Correction d’après L. – 281. E la wage que les nefs sozl. (vers hypermètre). La variante de L est peu satisfaisante, métriquement insuffisante, et n’offre aucun appui décisif. – 282. Avec des verbes tels que fendre ou crever, on attendrait plutôt un sujet comme quer (cp. L), mais cette leçon reste acceptable. 262. ki venent et ke vunt. – 263. Par cest s. (vers hypomètre). – 265. cist mund (vers hypomètre). – 266. Deus quei ferat ore ceste l. (vers hypermètre). Il est possible que l’auteur ait employé ici la forme dialectale du futur de faire, que P aurait conservée, même si l’on arrive très bien à reconstituer un archétype convaincant avec fera (Deus que fera ore la l.). – 268. n’a ab. pas. – 269. Ainz s’afforce et la mer truble. – 270. Et la turment cret a d. (vers hypomètre). – 271. La nief cr. – 274. En sa ch. m. (vers hypomètre). – 275. Poest estre (forme ambiguë). – 276. Des f. que deivent. – 277. e de tel ch.] de tele ch. (vers hypermètre). – 279. K’ele ne sente (vers hypermètre). – 281. La wage qui sur lieve (vers hypomètre). – 282. A poy ke li quers ne li cr. – 287. Que jeo n’eie le quer mu (le déficit métrique dans cette variante peut être comblé si l’on adopte la forme ancienne du participe, meü).
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Qu’ele morut e espira, E li emfes hors se tira De sa mere ke ainz fu morte, Ke il fust bien hors de la porte. Od sa buche[tte] vet querant Alcun solaz de la creant, Mes il ne trove ke li rende Sa dreiture ne sa merende. Lors comenza son lai de plor. Se li pierres en ad dolor, Ceo ne fet mie a demander, Kar il ne lui pot amender Nule chose de son afaire. Od lui estuet crier e braire. Se si bien confermé ne fust E Dampnedeu ne li eüst Aidé en cele mesestance, Chaï fust en desesperance, Mes la croiz grant mestier li ot E cele que por lui preiot Si ke il ne se desespera, Mes si grant dolor al quer a Ke nuls homme nel savreit retraire, Car que peüst tel homme faire En tel dolor e en tel peine ? La nef que la tormente maine Curt a grant force e a grant bruit Si ke li marinier sont tuit Esbaï e desesperé E de contenance esgaré. Alcon ke mielz aider se pot De la dame conuit e sot
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293. buche (vers hypomètre). Correction d’après L (graphie conforme à la scripta de P). – 294. À moins que creant ne signifie ici « croyante », nous ne voyons pas comment interpréter ce vers. Le remplacement de ce terme par traiant, d’après L, ne ferait que substituer un problème à un autre. 289. Que la mourust. – 290. hors se cira (?). – 291. ki fu ainz m. – 292. K’il fust (vers hypomètre). – 293. buchecte. – 294. D’akun solas de la traiant. – 295. trove] rende. – 297. Tost comence. – 299. Ceo n’est pas a dem. (vers hypomètre). – 300. poet. – 302. l’estuet. – 305. en cele mestance. – 306. en desperance (vers hypomètre). – 311. Que le (qu’ele ?) ne vus say r. – 312. Kar quei poest cel hom f. (vers hypomètre; poest est cependant une forme ambiguë, comme au v. 275). – 313. En cel dolur en cele p. – 314. maine] meinte. – 315. e] omis dans L (vers hypomètre).
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Ke l’alme ert parti[e] del cors. « Or n’i a fors de[l] getter fors », Fait il, « car ci n’ad nul estoi. Sauef tens averiom onckore oi Si hors esteit la femme morte Que nostre nef sustient e porte, Kar mer ne pot tel fés porter Qu’il ne li estece geter. Ceo est espruvé bien piece a. » Donc dist chescun : « Or ça, or ça ! Pernon cest cors, si l’i tolom E en cel ewe le lançom ! » Quant li pelerin ceo entent, Ne demandez s’il fu dolent ! Estes vus dolur sur dolor Qu’il n’ot en lui sanc ne color. « Seignors », fait il, « merci por Dé. Onckore n’a ge gaires gardé Cest cors [de ki] l’alme est partie, E si devient qu’el ne l’est mie. Ele est en transes, s’esdevient; Mainte tele aventure avient. Suffrez si ele [puet] respirer, E s’il ne vus plaist endurer Que unckore la tienge un petit, A l’enfant qui encore vit Esparniez, ne l’occiez mie. Ceo serreit trop grant felonie : Homicide en serriez Si en ewe vif le getiez. »
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321. parti (vers hypomètre). Correction d’après L. – 322. de g. le fors (vers hypermètre). Correction d’après L. – 323. car ci n’i ad nul estoi (vers hypermètre). Correction d’après L (on pourrait néanmoins préférer : car n’i ad nul estoi). – 339. dont l’alme est p. (vers hypomètre). Correction d’après L, dont la leçon est toutefois incomplète (graphie conforme à la scripta de P). – 343. si ele peust resp. La forme de pouvoir employée ici correspond toujours à un imparfait du subjonctif, bisyllabique. Correction d’après L (graphie conforme à la scripta de P). 321. partie. – 322. del geter hors. – 323. kar n’ad nul estu (vers hypomètre). – 324. Bel tens averums uncore veu (vers hypermètre). – 326. il sustient (vers hypermètre). – 327. Kar ne pot cel fés p. (vers hypomètre). – 328. K’il ne lui estot hors g. – 329. Ceo est bien espr. pieça. – 330. Ore ça ore ça (vers hypermètre). – 334. cil fut d. – 335. On lit : Estevus sur grant dolur, ce qui ne fait guère de sens et ne suffit pas pour un octosyllabe. – 338. Uncore n’avés guaires. – 339. Cest cors de ki est p. – 340. ke nun est mie. – 341. se devient. – 343. se ele poet. – 344. Et sevals ne poez end. (vers hypermètre). – 345. la guart un p. – 346. A l’enfance. – 347. ne occiez. – 348. Trop ferriez grant felunie. – 350. Si en l’ewe le g.
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En ceo qu’il parolent issi,
Par devant la nef ont choisi Un mont ke assez pres esteit, E quant li pelerins le veit, Le mestre esturmant apela. « Sire », fait il, « faites moi la Desi que a cest mont mener. Jeo vus frai del mien doner Tant com vus oserez prendre. Fetes vostre nef ci atendre Tant que jeo ai enterré mon cors. Jeo vus partirai mes tresors Dont tuz jurz mes serrez mananz. » Quant ceo oent les esturmanz, Por l’amur e por le delit Del guaïn, ke n’iert pas petit, Besserent maintenant le tref E si alerent plus suef. En mer lancerent le batel Ke mult ert riche e bon e bel, E ces dedenz receü ont [Si les nagierent desq’al] mont. Cil qui volt son cors enterrer Ne pout pas la terre entamer, Tant l’a trové tenante e dure, Mes il trove par aventure Une bele place celee Desuz une pierre cavee.
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358. Voir v. 181. – 369. En la mer lanc. le b. (vers hypermètre). L’écart entre P et L (également déficient au point de vue métrique) est trop important pour que l’on puisse recourir à leur comparaison. La suppression de l’article est la seule intervention qui permette d’éviter des remaniements plus conséquents. – 372. Por le nagier de cel mont. Cette leçon n’est pas intelligible, à la différence de celle de L, que nous adoptons ici, faute d’entrevoir une correction plus légère (Por les nagier desqu’a cel mont ? Voir aussi le v. 558). Graphies conformes à la scripta de P. 351. A ceo que p. L ne comporte pas de marqueur de segmentation au début de ce vers. – 354. E] omis dans L (vers hypomètre). – 355. On lit : Le maistresteresman apella. – 356. dist il. – 357. qu’a cel munt. – 358. del mien] demain. – 359. Tant cum oseriez (vers hypomètre). – 360. F. un poy la nief at. – 361. Tant que a tere ay cest cors (vers hypomètre, ou faut-il comprendre : Tant que ateré ay ?). – 362. porterai. – 363. Dune ad lur serrer m. (?). – 364. Kant ceo entent li esteremanz (?). – 365 - 366. Omis dans L. – 367. Maint. fet abeisser le trief (vers hypermètre). – 369. Tantost lanc. hors le b. (vers hypermètre). – 370. Que mut est seür et bel (vers hypomètre). – 371. Et tel ded. – 372. Si les nagierent desk’al munt. – 373. le cors. – 374. pas] omis dans L (vers hypomètre). – 375. Tant la trova fiere et dure (vers hypomètre, à moins d’admettre un hiatus). – 376. trova.
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La desoz ad sa femme mise En ses dras [e] en sa chemise. Juste son piz li met l’enfant Qui estoit oncore vivant. De son mantel covert les a, E sachez que mult lui pesa Quant il l’en covint departir E en ad geté maint suspir. « Ha ! », fait il, « duze Magdaleine, Por ma dolor e por ma peine Arivastes en mon païs ! Maleürus fu e chaitifs, Bele dame, quant jeo vus crui. A grant dolor torné en sui. Dame, trop grant pecchié feïstes Quant votre seignor requeïstes Ke ma muillere enfant eüst Par si ke de l’enfant morust ! Or est morte e il ert ja mort. Vis m’est ke vostre [en] est li tort. Jeo vus bail[a]i quanqe jeo avoie Quant jeo me mis en ceste voie, E al vostre Dieu e a vus, Que tenez si a vertuus, Comant jeo le cors e l’enfant, E a l’alme seiez aidant De la dame k[i] est finee
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380. En ses dras en sa ch. (vers hypomètre). Correction d’après L (graphie conforme à la scripta de P). – 398. ke v. est li tort (vers hypomètre). La variante de L s’éloigne trop de celle de P pour suggérer une intervention, à moins de l’adopter de part en part. Celle que nous proposons est donc de nature incertaine. – 399. baili. Cette forme correspond bien à la première personne du parfait de bailir, mais ce verbe n’a pas la signification requise ici, qui est celle de bailler (comme dans L). – 405. k’est f. (vers hypomètre). L concorde avec P pour cette partie du vers. La solution consistant à réintroduire la forme nominative du relatif, afin d’éviter l’élision, semble la plus appropriée (on peut cependant tout aussi bien envisager une solution telle que k’est si f.). 379. Ilockes ad la f. mise. – 380. et en sa ch. – 381 - 382. Omis dans L. – 383. cov. le a. – 384. que] omis dans L (vers hypomètre). – 385. il covint (vers hypomètre). – 386. E] omis dans L (vers hypomètre). – 387. Ahy fet il (l’interjection compte en principe pour deux syllabes, ce qui produit un excédent métrique). – 389. a mun paÿs. – 390. Maleurez fu ge. Cette leçon qui, à l’époque de l’auteur, suppose une diérèse dans le premier mot, ne peut donc résulter que d’un remaniement postérieur. – 392. turné sui (vers hypomètre). – 393. trop] omis dans L (vers hypomètre). – 394. notre seignur. – 397. et il est mort (vers hypomètre, à moins d’admettre un hiatus). – 398. Dame dun n’est v. li tort. – 399. Jeo vus baillai quant je aveie. – 401. al] a. – 402. Ke tant t. v. (vers hypomètre). – 403. Jeo comand. – 404. as almes. – 405. De ma femme (vers hypomètre).
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Par issi dure destinee. » Quant longement ot son dol fait, A ses cumpaignuns s’en revait Qui l’en remainent en la nef. Meintenant haucierent le trief Quant la tormente fu beissee. La nef s’en vait tut eslescee. Ici endreit ne voil jeo mie Trespasser que ne vus die De la tresduze pecchieresse Ke en tere ert preechieresse E ke el mont devint nurrice E qui en [mer] fist tel office Com l’en fait a enfant receivre. De la mer l’eüssent fait beivre Si cele n’en eüst prié Cui Deu pardona son pecchié. La gloriuse Magdaleine Esteit en tere e vive e saine, Mes sa merite e sa priere Ert devant Deu en tel maniere Ke li emfes qui vif estoit E que sis pierres li avoit Comandé od bone creance Trova par devine puissance Duz let en la mamele [m]orte Dont il se saole e conforte –
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414. que ne vus die. Vers hypomètre, comme dans L. que jeo ne vus die serait une correction acceptable, mais hypothétique. – 418. E qui en fist (vers hypomètre). Correction d’après L, qui permet aussi de réinstaurer la complémentarité voulue par le récit. – 431. porte. Cette leçon n’est viable qu’à condition de marquer ici le début d’une nouvelle phrase et de faire de Marie-Madeleine le sujet du verbe, ce qui n’est guère satisfaisant. La variante de L est nettement préférable. – 432. Dont il se s. e reconforte. Si l’on observe la diérèse dans le thème de saole – ce qui devrait être le cas pour un texte dont l’archétype remonte au début du XIIIème siècle –, ce vers comporte une syllabe excédentaire. Correction d’après L, dont la variante n’est suspecte que pour le premier verbe. 408. se traist (vers hypomètre). – 409. Qui l’en portent a la nief (vers hypomètre). – 411. fu abaissé (vers hypermètre). – 412. La nief curt tut en laissé (vers hypomètre). – 413. Mes ci endreit. L ne comporte pas de marqueur de segmentation au début de ce vers. – 414. ke nel vus die. – 416. K’en tere est pecheresce, ajouté à la suite directe du vers précédent. – 417. Et ki en munt. – 418. Et ki en la mer fist (vers hypermètre). – 421. n’eüst preié (vers hypomètre). – 422. Ke Deu p. – 423. L ne comporte pas de marqueur de segmentation au début de ce vers. – 424. e vive] vive (vers hypomètre, à moins d’admettre un hiatus). – 426. Est. – 427. en tele manere (vers hypermètre). – 428. E] omis dans L (vers hypomètre). – 429. par bone cr. – 430. Et trova (vers hypermètre). – 431. morte. – 432. Dunt il sasoule (?) et conforte.
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Ceo est mult grant merveille a dire; Mes jeo sai bien ke Nostre Sire Pot par tut faire son plaisir. Cil qui fist les ewes sailir De la dure pierre al desert Veant tut son poeple en apert Pot bien faire ceo que jeo cunt. Le cors garda que ert al mont Qu’il ne seccha ne ne porri, E si [fu] mielz l’enfant nurri Que s’il eüst plusors nurrices, Kar [il] ne quiert altres delices Fors la mamele k’il tette, Que n’iert trop grant ne petitette, Mes a mesure plaine e bele. Li emfes vit de la mamele E git adés suz le mantel Dont mult ert soe[ve] la pel. La dame ne fu adesee Ne de plue ne de rusee Ne de chalor ne de freidure, Ançois jut sur la pierre dure. Onckes beste n’i adesa; Onckes oisel n’i reposa; Onqes n’i atucha vermine. Ilokes jut mult long termine, E sachez ke li espiriz, Deske [il] fu del cors partiz,
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442. E si mielz l’enfant nurri. Vers hypomètre. Correction d’après le modèle indirect de L. – 444. Kar ne qu. Vers hypomètre. Corrrection d’après L. – 446. ne trop petitette. Vers hypermètre. Correction sur le modèle de L. – 447. planiez est une lecture sans doute préférable à plainez, mais qui nous laisse perplexes. La seconde éventualité se heurte quant à elle aux habitudes du scribe, qui n’emploie jamais -z comme marque morphologique avec des mots féminins (sauf à finale accentuée). – 450. soef (vers hypomètre et accord déficient). Correction d’après L. – 460. Deske fu (vers hypomètre). Correction d’après L. 433. Ceo est] Ci ad. – 434. bien] omis dans L (vers hypomètre). – 436. Cil fist ky l’ewe saillir (avec marques d’insertion destinées à rétablir le relatif devant le verbe; vers hypomètre). – 437. en desert. – 438. Veant sun puple (vers hypomètre). – 439. iceo. – 440. ki est en munt. – 441. Ke il ne secha ne purri. – 442. Et l’enfant fu mieuz nuri (vers hypomètre). – 443. Ke cil eust eu plusurs nurices. Cette leçon implique le recours aux formes monosyllabiques du subjonctif imparfait et du participe passé d’avoir, ce qui contredit leur aboutissement à l’époque de Guillaume le Clerc. – 444. Kar il ne quert. – 445. ke il teite. – 446. Ke n’est pas grant ne petite (vers hypomètre). – 447. pleine et bele. – 449. Et gist au desuz le m. – 450. Dunt mut est sueve. – 452. De pluvie (vers hypomètre). – 454. Ainz (vers hypomètre). – 458. Et s’i fu il mut lung t. – 460. Desque il fu.
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Alad [en] son pelerinage Ou la dame avoit en curage. Pres de son seignor se teneit, Mes nuls home veeir le poeit. Quant la tormente fu chaüe, Ke cil avoient grant eüe, E la mer fu ser[i]e e quoie, La nef s’en ala droite voie Desque la tere de Sulie, E Dampnedeus fu en aïe Al pelerin ki Lui querreit, Kar a bon port le mena droit; E quant il out paé son fret, Tantost a la voie se met, E n’ot mie granment erré Que il a sein Piere encontré Ke mult grant joie en son quier ot Quant vit la croiz k’il portout Sur la destre espaule cosue, [K’]unqes croiz mes n’avoit veüe A altre pelerin porter. Ore le voldra reconforter : « Ki estes vus », [fait il], « bial sire ? » E cil [li] comença a dire Dom il estoit e de quele terre E qu’il venoit iloqes querre, E qui li ot la croiz donee, E trestote la destinee
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461. Alad son pel. (vers hypomètre). Correction d’après L. – 464. home a été ajouté au-dessus de la ligne par le copiste. – 467. serre. Correction d’après L. – 468. s’en ala la dr. voie (vers hypermètre). Correction d’après L. – 480. Car unqes croiz (vers hypermètre). La variante de L n’est pas entièrement satisfaisante – on s’attend à ce que le complément de veüe soit exprimé, même si celui-ci peut être déterminé à partir du v. 478, et le maintien de croiz, au prix d’un remaniement superficiel, semble donc préférable. – 481. aporter (vers hypermètre). Correction d’après L. – 483. Ki estes vus bial sire (vers hypomètre). Correction d’après L (graphie conforme à la scripta de P). – 484. E cil com. a dire (vers hypomètre). Correction d’après L (graphie conforme à la scripta de P). 461. Ala en sun pel. – 462. out en cur. (vers hypomètre). – 464. nel poeit. – 466. Que cil ourent (vers hypomètre). – 467. serie. – 468. s’en ala dreite voie. – 469. Desques en la terre (vers hypermètre). – 470. Et dampnedeu en fit aÿe. – 472. a dreit (vers hypermètre). – 475. N’ast mie grant veie erré (vers hypomètre). – 476. K’il n’at. – 478. ke il portot. – 479. Sur sa d. esp. – 480. Ke unkes mes n’aveit v. – 481. porter. – 483. Ki estes vus fet il bel sire. – 484. Et cil lui començad a dire. – 486. Et quei il vint iloc quere (vers hypomètre, à moins qu’iloc ne représente qu’une forme de surface correspondant en fait à celle qui figure dans P). – 487. Et ki lui aveit la donee (la mesure du vers est correcte, mais celui-ci est manifestement incomplet). – 488. sa dest.
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Coment il li ert avenu Li ad dit e reconeü. « Ha ! », fait Pierres, « biau dolz amis, En bon conseil vus estes mis. Vus avez bon conseil creü E vus estes mult bien venu. Jeo serrai vostre compaignon, Vostre aïe e vostre guion. En Jerusalem vus merrai. Tut le païs vus musterai E vus enseignerai coment Deus vint por nostre salvement; E si vostre mullier se dort, Jhesu Crist qui por nus fu mort Porra bien vostre grant tritesce Torner a joie e a leesce En poi d’ore quant li plerra. » Al franc pelerin esclaira Le quor quant la parole oï E finement se resjoï Quant il out seü e pruvé Qu’il avoit sein Piere trové. Od lui ala joiusement E fist tot suen comandement, E seint Piere l’endoctrina. En Jerusalem le mena Al [sepucre] ou Deus ot geü E al temple Salomon fu, En Bethleem ou Deus nasqui, En mont Calvarie autresi.
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515. La leçon de P, E al temple ou Deus ot geü, est incompatible avec les Écritures et la légende de MarieMadeleine indique le Saint Sépulcre comme l’un des buts de pèlerinage du mari. temple représente donc sans doute une anticipation du vers suivant. La variante de L ne peut cependant convenir – elle impose de traiter le participe de gesir comme un monosyllabe, ce qui reflète la pratique du scribe et non celle de l’auteur. Le plus simple est ainsi de supprimer la conjonction par laquelle ce vers débute et d’aligner L sur la syntaxe de P. 489. Et coment il iert av. – 490. Tut lui dist et reconeü. – 491. A fet il Pieres beus amis. – 492. vus] omis dans L (vers hypomètre). – 493 - 494. Vous estes a mei mut bienvenu (vers hypermètre) / Et bon cons. avez creü. – 501. vostre femme. – 502. Jh. Cr.] Jhesus (vers hypomètre). – 503. vostre tr. (vers hypomètre). – 504. en joie et en l. – 506. enclara (?). – 507. ot oÿ (vers hypermètre). – 508. durement. – 509. Kant il out de veir esprové. – 510. Ke saint P. out tr. (vers hypomètre). – 511. haitiement. – 514. Et en Jh. (vers hypermètre). – 515. Et le sepucre u Deu out jeu. – 516. k’a Sal. fu (vers hypermètre). – 518. Et le munt C. (vers hypermètre).
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Le flum ou Il fu baptizié Li ad mustré e enseignié. Par tut [le païs] l’ad mené, E chescun jor l’ad confermé En bone foi e en creance, E il fist od lui demorance Plus de dous anz en cel païs, Tant que li ad congié requis E que seint Piere li otreie, E li comande que il creie Si com il li ad enseignié. Quant beneït l’ot e seignié, Congié ad pris, si s’en repaire. A la mer vient – ne targe gaire –; Od les mariners se conseile La quele nef irra a Marseile. Alcun li dist : « Biau sire, ceste Est aturné e tute preste E si ad charge a grant plenté. » Lores est [en] une nef entré Quant il out fait son covenant, E li marinier maintenant, Quant avoient bon vent del su, Sont suafet del port eissu E comencerent a sigler, Tant qu’il vindrent en halte mer. Tant cururent li marinier A bon vent e a dreiturer Qu’il costierent un mont. Si come li Salvere del mond
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521. Par tut li ad amené : vers hypomètre et peu satisfaisant par ailleurs. La variante de L impose le choix de mené au lieu d’amené, forme que les deux copies partagent néanmoins. – 522. li ad conf. (vers hypermètre). Correction d’après L. – 538. Lores estoit une nef entré. Pour compenser l’ajout d’une préposition, à l’évidence nécessaire ici, le recours au présent s’impose, comme dans L (le premier mot ne compte sans doute que pour une syllabe, cf. vv. 214 et 642). 521. Par tut le païs l’ad amené (vers hypermètre). – 522. l’ad conf. – 523. et en bone cr. (vers hypermètre). – 526. Tant k’il li ad. – 528. qu’il creie (vers hypomètre). – 529. ad] out. – 530. Quant bien l’out enseigné (doublon partiel et hypomètre du vers précédent). – 531. Li franc pelerin s’en repeire. L comporte ici une lettrine. – 532. A mer vait (vers hypomètre). – 533 - 534. Omis dans L. – 536. Et at. tute pr. (vers hypomètre). – 537. Et si ad targié (vers hypermètre). – 538. Lors est cil nief la entré, avec marques d’insertion destinées à rétablir l’article devant le substantif. – 539. Quant il fait (vers hypomètre). – 541. Kant il ourent le vent. – 542. suef (vers hypomètre). – 545. Tant unt siglé li mariner. – 546. et dr. (vers hypomètre). – 548. Si cum lui salveur.
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Out purveü par son pleisir, Por ses miracles esclarzir, Tant tost out le mont coneü Li prudhom com il out veü. Le mestre marinier apel[e], Le quor li estraint e [seële], Par grant don que li ad premis, Tant qu’il ont le batel hors mis E le sigle firent beisser. Desqe a haut mont le fist nagier, Si com cil preié li avoit Qui grant dun doner l’en devoit. Quant cil vindrent pres del rivage, Un enfantet de greinur eage Virent juer sor la gravele. Quant il trove pierrette bele, Si s’en jue, si s’en deduit. Quant il voit cels venir, si fuit Ariere el mont en son recet, Que plus demorance ne fet, Kar n’avoit riens apris
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552. On attendrait plutôt : com il l’out veü, mais l’omission du pronom régime ne représente pas à proprement parler une faute. – 553 - 554. apela / (...) li estraint e sigla. L’excédent métrique au v. 553 et la forme inattendue sigla, au v. 554, rendent ce couplet problématique. À propos du deuxième vers, on peut reprendre le commentaire de A. Schmidt qui suggère d’interpréter le dernier mot comme un avatar de seëler. L confirme à peu de choses près la validité de cette lecture (avec le présent au lieu du passé), qui convient aussi pour le sens (cf. Tobler-Lommatzsch, III, col. 1470 : « jem. (mit Bitten) bedrängen », ce qui peut en effet très bien coïncider avec les significations figurées de seëler, voir IX, col. 326 - 329, où cette citation n’est pas reprise). – 557. abeisser (vers hypermètre). Correction d’après L (fait abeisser serait une autre variante envisageable). – 562. Ce vers et le précédent prennent une forme très différente dans L. P n’a contre lui que l’excédent métrique qui le caractérise. On pourrait envisager de corriger enfantet en enfant, mais l’emploi d’un diminutif est à peu près le seul élément que corrobore la tradition manuscrite de ce couplet. Le remplacement de greinur par un autre adjectif, monosyllabique, serait arbitraire et nous préférons donc éviter une intervention aussi peu motivée. – 569. Il manque à ce vers deux syllabes, qu’il serait possible de compenser de diverses manières (mais aléatoirement, en l’absence de confirmation par L). 550. enclarcir. – 551 - 552. Kant lui pelerin l’ad veü / Demaintenant il ad conu. Le deuxième vers de ce couplet ne respecte la mesure que si l’on admet la forme participiale employée par le copiste (au lieu de coneü, que l’on attendrait de la part de l’auteur). – 553. ad apellé (vers hypermètre et rime défectueuse). – 554. l’estreint et feele (vers hypomètre). – 555. k’il li ad promis. – 556. Tant ke le b. l’ad hors mis. – 557. Et ad fait le s. beissier. – 558. Et desk’al munt l’ad fet n. – 560. d. li deveit. – 561. Kant il sunt pres del munt venu. L ne comporte pas de marqueur de segmentation au début de ce vers. – 562. Un enfantoné unt veü. – 563. Ky seeit sur la gr. (vers hypomètre). – 564. perete d’ele (?). – 565. Si s’enveise. – 566. Kant il veit ceus si s’en fuit (vers hypomètre). – 567. Ar. amunt a sun r. – 568. Tant tost cum il poet si s’en vet. – 569 570. Omis dans L.
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De v[e]oir genz en cel païs. Onqes homme n’avoit veü. Li pelerin s’en est eisseu, Desqe il se [puet] a tere prendre, E fait ses compaingnons atendre, E ad tut sul le mont monté Ou il out altre foiz esté. L’enfant trova soz le mantel, De son eage grant e bel, E se teneit a la tettine. Muscié se estoit soz la curtine Com il avoit acostumee. Sa mullier que il out tant amee Trova li prudhom tute entiere E frecche e rovente la chiere, E [tuz] li cors autel estoit Come quant la vie i habitoit, E les dras [freis e] bien olanz. S’il eüssent esté pendanz A une perche en bon essor – Si oleient il mielz encor. Entre ses bras prent l’enfançon Ke mult ert de bele façon. Od lermes de joie s’escrie : « Dolze Magdaleine, Marie, Benuree seies tu, E Jhesu Crist e sa vertu Seit [beneïz] e honurez,
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570. De voir genz. Même si le seul exemple d’infinitif dont nous disposions pour ce verbe intervient dans un vers irrégulier (v. 464), il est probable que l’auteur utilisait le type de forme que nous privilégions ici (voir également v. 79). – 573. D. il se poent (vers hypermètre). Correction d’après L (la forme correspondante dans P est toujours puet). – 585. Et li cors (vers hypomètre). Correction d’après L (en fonction du contexte grammatical, tuz est la forme la plus vraisemblable ici). – 587. E les dras bien ol. (vers hypomètre). Correction d’après L (graphies conformes à la scripta de P). – 589. A alcune p. (vers hypermètre). Correction d’après L. – 597. Seit benurez. En tenant compte de la diérèse qu’il y a lieu de pratiquer dans le premier adjectif, comme au v. 595, ce vers compte une syllabe excédentaire. Correction d’après L. 571. Kar unkes n’aveit home veu (cette variante suppose l’emploi d’une forme monosyllabique du participe veu, ce qui s’oppose à la pratique de l’auteur, ou celle d’hom au lieu d’home). – 573. Deskes il se poet (vers hypermètre). – 575. Puis ad tant tost le munt munté. – 576. Après ce vers, L ajoute le couplet suivant : Il vit bien u l’enfant ala / Delivrement est venu la, sur lequel il est difficile de se prononcer. – 577. Si l’ad trové sut le m. – 580. sut cele c. (vers hypermètre). – 582. Sa femme k’il out tant amé – 583. Veit la pelerine tut enterrine (leçon incohérente et déficiente au point de vue de la mesure et de la rime). – 584. Freche et riante la ch. (vers hypomètre). – 585. Et tut le cors. – 586. i bateit (vers hypomètre). – 587. freis et bien ol. – 588. Cil eüsent. – 589. A une perke et bon et seur. – 590. Si olerent mieuz entur (vers hypomètre). – 592. Ky esteit de bele façun. – 593. Ou l. – 595. Dame honuree seies tu. – 596. Et lui tuen deu et sa v. – 597. Seit beneïz.
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Kar Il suls doit estre ao[r]ez, E Il sols est digne de glorie E de loenge e de victorie ! Par ta preiere m’ad gari Mon enfant qui est mielz nurri Que [si] femme nurri l’eüst Qui assez mangast e beüst. Duce dame, bien sai e voi Que tut ceo m’at Deus fait por toi, E quant cest enfant me donas E desqe ci gardé le m’as, Rent moi sa mere que ci gist. Jeo sai de voir que Jhesu Crist Est si duz e si [debonaire] E si puissant qu’Il puet faire, Dame, si tu en vels requerre. Donc n’avroit homme en nule tere Plus riches que jeo serreie, E tuz jorz mes te serviroie Si ensemble nus ralaissom Tant ke nus te revoïssom. » Si tost cum il out ceo dit, Sa femme regarda e vit Que ducement se resperi E parla e les oilz overi. En sa parole premeraine Load Dieu e [la] Magdaleine. ¶ Quant li prudhom[e] l’ot parler,
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598. aoez. – 603. Que f. nurri le eüst. L’absence d’élision du pronom le n’est sans doute destinée qu’à compenser – avec une certaine maladresse d’ailleurs – l’insuffisance métrique résultant de la perte de la conjonction, nécessaire dans cette construction hypothétique. Correction d’après L. – 611. e si beneüree. Le second adjectif ne convient ni pour la mesure ni pour la rime. Correction d’après L (graphie conforme à la scripta de P). – 615. Leçon métriquement déficiente, analogue dans L. – 617. Si ens. od nus en ral. La préposition od est superflue et l’emploi du pronom-adverbe en entraîne un excédent métrique. Correction d’après L. – 618. La forme qu’il donne au dernier mot de ce vers invite à se demander si le scribe a bien compris qu’il s’agissait du subjonctif imparfait de reveoir. – 619. Leçon métriquement déficiente, analogue dans L. – 622. Voir v. 136 (ici, L concorde avec P sur le type de forme verbale employé). – 624. e Magd. (vers hypomètre). Correction d’après L. – 625. li prudhom (vers hypomètre). Correction d’après L. 598. aürez. – 601. Kar ta pr. – 603. Ke si f. nuri l’eüst. – 607. Kant tu l’enfant (vers hypomètre). – 611. Et si duz et si deboneire. – 613. Dame si l’en voilliez requere. – 616. Et tut dis mes vus servireie. – 617. Si ens. nus ralisum. – 620. reguarde (vers hypomètre). – 623. Et sa p. – 624. et la Magd. – 625. Quant li prodome l’oït p. L ne comporte pas de marqueur de segmentation au début de ce vers, hypermètre.
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Si la comenc[e] a apeler : « Ma amie », fait il, « vivez vus ? – Oïl », fait ele. « Ço estes vus ? – Jeo sui trestute e vive e saine, Merci Deu e la Magdaleine Ki en la mer mon fiz reçut A l’ore que si mal estut. Tute[s] voi[e]s m’ad puis gardé E m’a ensenble od vus mené. Oncqes puis de vus ne parti; Quanqe [vus veïstes], ge vi. Quant seint Piere vus condueit, La Magdaleine me [m]eneit Qui me feseit trestut veïr E tut oïr e tut savoir, E jeo vus sai tut reciter. » Lores si comenc[e] a reconter Quanqu’il aveit e dit e fait, E tut par ordre l’a retrait. « Hé ! », fait il, « bele duce amie, Tel Seignor ne devum nus mie Deshore en avant oblier. Mult se fet en Li bien fier, E si la duce Magdaleine En nostre païs nus remaingne, Tuz jurz mes la devum servir E honurer et obeïr, E nus e tute nostre gent. A un batel ke nus atent Ci desoz nus en davalom –
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626. comença (vers hypermètre). Correction d’après L. – 633. Tute vois (vers hypomètre). Correction d’après L. – 636. Qanqe avez veü (vers hypomètre, à moins d’admettre un hiatus, incertain dans un tel cas). Correction d’après L. – 638. me teneit. Cette leçon a beau recevoir l’appui de L, elle ne convient guère ici, où l’on attend à l’évidence un synonyme de conduire (v. 637). – 642. Lores si comença (vers hypermètre). Comme au v. 626, l’emploi du présent permet de rétablir la mesure (toutefois, L comporte aussi le passé). 626. Si la comence apeller (vers hypomètre). – 627. Ma amie] Amie. – 628. Oïl veir fait l’autre a estrus. – 629. tute vive et seine (vers hypomètre). – 632. cil mal m’estut. – 633. Tutes veies puis m’ad g. – 634. Et m’ad puis ou vus menee (vers hypomètre). – 635. Unkes de vus puis ne departi (vers hypermètre). – 636. Kantque vus veïstes le vi. – 639. Ke me faisez. – 641. trestut recunter (vers hypermètre). – 642. Lores lui comença a reciter (vers hypermètre). – 643. Kantque il aveit dist. – 644. Tut par ordre lui ad r. – 645. Hé] O. – 648. Mut se fet bon en li fier (se ajouté au-dessus de la ligne). – 655. Ci desut en devalum (vers hypomètre).
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Bial tens e bone nef avom – Ou nus serrom en poi de ore. Fols est que Jhesu Crist ne aüre, Kar altre Deu ne puet valer Ne a sa gent aveir mestier. » Quant il urent issi parlé, A un batel sont devalé As mariniers qui les atendent. Tantost as avirons entendent, Si les ont a lor nef conduit. Tantost li demanderent tuit E de la femme e de l’enfant, E il lur conte meintenant E mustre tute sa aventure, [E] puis ad paé sa veiture Qu’il [teneit] a bien empleié. Cil ont lur veile despleié. Le vent s’i fiert, la nef s’en torne; Desqe Marsille ne sejorne. ¶ Tost fu la novele seüe E par mi la vile espandue Ke li halz homme venuz estoit, Qui un fiz de sa femme avoit, Mult bel enfant de son eage. Onc li prudhom ne fist estage : Jesqe a la Magdaleine vint, Qui unc conte de gent ne tint. Devant ses piez s’est estendu; Grez e merciz li ad rendu. Oiant trestute la contree Ad sa aventure recontee,
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670. Puis (vers hypomètre). Correction d’après L. – 671. Qu’il tient (vers hypomètre). Correction d’après L. 656. Bon tens (...) avrum. – 657. a petite hure. – 659. ne pot v. – 662. Au b. sunt jus dev. – 663. atendunt (?). – 664. as viruns entendunt (?). – 665. desques a la nief (vers hypermètre). – 666. Et dunc li demandent tuit (vers hypomètre). – 667. de sa f. – 669. Sun estre et sa av. (vers hypomètre). – 670. Et puis ad paé sa vesture. – 671. K’il teneit bien (vers hypomètre). – 673. s’en fiert. – 674. A Marsillie (vers hypomètre). – 675. Tute fu (vers hypermètre, à moins de ne compter qu’une syllabe pour le participe seue, ce que le copiste a vraisemblablement fait ici). L ne comporte pas de marqueur de segmentation au début de ce vers. – 680. Einz k’il feïst lung estage (vers hypomètre). – 681. Devant la Magd. – 682. Ki unt mut grant contredit tint. Après ce vers, L ajoute le couplet suivant, sur l’originalité duquel il est malaisé de se prononcer : De gent a ki ele sermonout (vers hypermètre) / Cil vint a lui al ainz k’il pout. – 684. merci.
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Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19525 (n° 5)
E tantost baptesme requist, E la Magdaleine le fist Iloeqes maintenant baptizier, Lui e son fiz e sa mullier. Maximinus les baptiza, E mul[t] de cels qui erent la, Por le miracle qu’il oïrent, Maintenant baptizier se firent, E li halz hom fist trebuchier Le temple qu’il tint avant chier E funda iluec une iglise. Tere i dona e rente assise E eshauza crestienté. Bon crestien ad puis esté E sa femme [mult] bone e sainte. De Deu amer ne s’est pas feinte E li [fiz] crut e ama Dieu, E tint a crestiens bon lieu. En tele maniere e en tele guise Come Willialme vus devise Ont la contree desrenee La Magdaleine e sa mesnee, A Dieu qui regne e regnera – Jamés son regne ne faudera. Amen.
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687. Le s de baptesme a été ajouté par le scribe au-dessus de la ligne. – 692. E mulz de cels. Le deuxième mot de ce vers est sans doute une erreur de copie pour mult, qui s’en rapproche le plus, ou mil. – 701. E sa f. e bone e s. (vers hypomètre, à moins d’admettre un hiatus, incertain dans un tel cas). La variante de L ne convainc qu’à moitié, mais nous l’adoptons faute de meilleure solution. – 703. E li crut. Il manque sans doute dans ce vers le mot fiz, que nous suggère la variante de L. – 706. Le nom de l’auteur est abrégé dans les deux manuscrits. Willialme est un développement plausible mais non certain. 691. Maximius lui baptizat. – 692. Et plusurs ki esteient la. – 693 - 694. Vers intervertis dans L. – 696. k’il out tenu chier. – 697. Et si i funda une eglise. – 699. Et enhauça. – 701. Et sa f. mut bone et s. – 702. n’est fainte (vers hypomètre). – 703. Li fiz crust (vers hypomètre). – 706. Cum wilt nus dev. (leçon manifestement altérée et déficiente au point de vue métrique). – 707. la cuntre deraisné (vers hypomètre). – 708. et sa mainé (?). – 710. Après ce vers, L ajoute : A lui puisum communaument / Aprés la mort senz targement / Aler et vivre en glorie (vers hypomètre) / Et loer le rei de victorie.
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Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10326 (n° 6)
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6. Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10326, f° 251 c - 257 c Six exemplaires au total, dont les plus anciens légendiers méthodiques français, conservent dans son intégralité le texte que nous éditons d’après le manuscrit 10326 de la Bibliothèque royale de Belgique (B2 ; f° 251 c - 257 c) : Copenhague, Det Kongelige Bibliotek, Thott 517-4°, f° 22 v° - 38 r° (C) ; Londres, British Library, Add. 6524, f° 165 c - 168 d (L1) ; Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 6447, f° 244 d - 247 a (P3) ; f. fr. 25532, f° 294 a - 298 d (P4) ; nouv. acq. fr. 10128, f° 241 b - 246 d (P5). Quatre autres copies, issues des ateliers parisiens du début de XIVème siècle, commencent par la version n° 7 et terminent par le n° 6 : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9225, f° 58 d - 61 f (60 f - 61 f ; B1) ; Londres, British Library, Add. 17275, f° 37 b - 40 d (38 a - 40 d ; L2) ; Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 183, f° 60 c - 63 f (63 a - f ; P1) et f. fr. 185, f° 24 a - 27 e (27 a - e ; P2)1. Il est possible que l’on doive ajouter à cette liste le légendier F. 403 conservé à la Bibliothèque de l’Académie des sciences à SaintPétersbourg. Nous n’avons toutefois pas pu consulter ce recueil, très fortement endommagé (voir présentation du n° 2). Notre légende offre ainsi une des plus intrigantes particularités de la tradition manuscrite vernaculaire des vies de Marie-Madeleine. L’intervention que reflètent les quatre représentants du second groupe est en effet surprenante à plus d’un titre : elle touche des parties dont aussi bien les sources que le contenu sont proches ; par ailleurs, elle n’a pas lieu à l’une des articulations majeures du récit et, surtout, elle se réalise à deux endroits distincts. Dans L2 le raccord se produit au milieu de la phrase affirmant que Marie-Madeleine prêche la foi chrétienne au seigneur de Marseille et l’éloigne ainsi du sacrifice aux idoles (soit : n° 7, l. 1 - 78, puis n° 6, l. 20 - 340), alors que B1, P1 et P2 relient les deux versions après la description du lieu de retraite du prêtre qui découvre la sainte (soit n° 7, l. 1 - 259, puis n° 6, l. 233 - 340) Ce changement peut s’expliquer par des contingences matérielles (nouveau copiste ; substitution due à un simple échange de modèle, par exemple entre deux journées de travail du compilateur), mais le fait qu’il intervient à différents moments du texte semble trahir un choix délibéré de la part des adaptateurs qui se sont livrés à ces transformations. La syntaxe particulièrement tortueuse pratiquée dans la version n° 6, reflet servile du texte latin, ne permet guère de penser que ces derniers auraient préféré cette rédaction pour son style. Comment dès lors comprendre cette manipulation ? Se justifie-t-elle simplement par le désir d’ajouter au récit du miracle de Marseille la vie évangélique de la sainte qui le précède dans la version n° 7, ce que l’enchaînement précoce dans L2 pourrait signifier ? Voir le n° 7. La première des indications de foliotation vaut pour l’ensemble du texte que ces exemplaires reproduisent, celle entre parenthèses pour la partie que chacun a en commun avec le n° 6.
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La question est d’autant plus pressante que les deux textes entrent manifestement en concurrence dans la composition générale des légendiers français2. On peut ainsi remarquer que le manuscrit f. fr. 17229 de la Bibliothèque nationale de France et P3 contiennent exactement les mêmes légendes (voir plus bas notre description et la présentation du n° 7), à l’exception des vies de Marie-Madeleine, de Marie l’Égyptienne et d’Anastasie, qui apparaissent dans des versions distinctes, à savoir précisément les rédactions n° 6 et 7, pour notre sainte. À moins d’admettre, cas peu probable, que leur modèle ne contenait pas la légende de Marie-Madeleine, cette situation paraît montrer qu’ici aussi, le choix d’une adaptation plutôt qu’une autre résulte d’une intention délibérée. Le croisement de ces textes suggère bien la complexité de la diffusion des vies de saints médiévales. Il invite par ailleurs à examiner les rapports qui unissent les deux rédactions vernaculaires de la légende de Marie-Madeleine les plus diffusées après la traduction de la Legenda aurea par Jean de Vignay. Comme nous le verrons ci-dessous, l’analyse lexicale ne permet pas de les situer l’une par rapport à l’autre. On pourrait arguer que le n° 6 offre des traits narratifs légèrement archaïsants. L’intervention de la dame de Marseille en faveur des chrétiens a lieu avant la triple apparition nocturne de la sainte et la mort de MarieMadeleine est datée du 11 des calendes d’août (l. 317)3. Mais le fait que notre adaptation exploite une source plus ancienne que le n° 7 ne préjuge en rien de la date de sa réalisation française. La chronologie de leur diffusion ne nous fournit guère plus d’indices. Une analyse codicologique et iconographique approfondie serait nécessaire afin de clarifier les conditions de fabrication de nos quelque 17 manuscrits, mais pour autant que les indications dont nous disposons aujourd’hui se confirment, nous pouvons constater que les plus anciennes copies disponibles aujourd’hui datent pour l’une comme pour l’autre version de la fin du XIIIème siècle (années 1260 1280 pour B2, P3 et P4 du n° 6 ; seconde moitié ou fin du XIIIème siècle pour P4 et P6 du n° 7). Nous ne conservons toutefois que peu de traces du n° 6 après la fin du XIIIème siècle (un manuscrit, L1, daté sans doute de la seconde moitié du XIVème siècle). En revanche, le n° 7 rencontre un succès plus durable : il est recopié pour la première fois dans un volume de la seconde moitié du XIIIème siècle et circule tout au long du XIVème puis du XVème siècle.
Les motifs iconographiques rapprochent eux aussi les deux rédactions (voir présentation du n° 7). L’édition de Douai du Speculum historiale de Vincent de Beauvais indique le 9 des calendes d’août (dans une phrase au sens peu clair par ailleurs) : « Alibi vero legitur transisse 9. kal. Augusti, quod ideo forte dicitur, quia tunc eiusdem transitus memoria celebratur, vel fortasse dies resurrectionis, siue paschae potest hic accipi generaliter pro dominica die » (Speculum Historiale, livre IX, cap. ciii). Le texte du manuscrit Douai, Bibliothèque municipale, 797, retranscrit sur le site de l’Atelier Vincent de Beauvais (http://atilf.atilf.fr/bichard/) comporte bien le 11 des calendes d’août, soit le 22 juillet. Le manuel d’O. Guyotjeannin, J. Pycke et B.-M. Tock, Diplomatique médiévale, Turnhout, Brepols, 1993, pp. 50 - 52, offre une présentation synthétique des systèmes médiévaux de datation. 2 3
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On peut en outre remarquer que les premières attestations des deux rédactions ne figurent pas dans des légendiers, mais dans des anthologies : P4, des années 1260 - 1270, pour le n° 6 ; P6, du dernier quart du XIIIème siècle environ, pour le n° 7. Cette observation nous pousse à nous interroger sur l’origine des textes insérés dans des légendiers vernaculaires Sources et contenu La vie réunit deux séquences latines. Elle débute en effet par la traduction du Postquam Dominus (l. 1 - 188 ; BHL 5457), récit du miracle de Marseille, de l’arrivée en France de la sainte et de ses compagnons jusqu’au retour de pèlerinage du couple converti. La fin de cette partie est marquée par un « Amen »4. Sans autre transition, le texte enchaîne par la traduction du Post dominicae igitur resurrectionis gloriam (l. 189 - 340 ; BHL 5448) et se clôt elle aussi par « Amen ». Cette section comprend le récit en quelques phrases de la dispersion des apôtres après la mort du Christ, de l’activité apostolique de Marie-Madeleine à Marseille et de l’élection de Maximin comme évêque. La vie érémitique de la sainte nourrie du chant des anges, sa découverte par un prêtre, sa dernière rencontre avec Maximin puis son ensevelissement prennent plus d’ampleur. Ni la translation des reliques à Vézelay ni les miracles de la sainte n’y sont relatés5. Le traducteur a pu réunir lui-même ces divers éléments, mais leur juxtaposition dans une source latine est plus probable. Les trois copies recensées par le répertoire des Bollandistes sous le numéro 5457 offrent en effet une composition très proche de la version vernaculaire. Le manuscrit 443 du Musée de Bollandistes à Bruxelles, plus ancien témoin du BHL 54576, contient bien le Postquam Dominus suivi du Post dominicae igitur resurrectionis gloriam (f° 140 v° - 146 v°). Le texte que renferme le volume 644 (A 564), conservé à la Bibliothèque municipale de
4 Cette portion est publiée par F.-K Weiss à partir des manuscrits P3, P4 et P5 (voir présentation du n° 5, n. 11). 5 La légende rédigée en franco-provençal et contenue dans le manuscrit f. fr. 818 de la Bibliothèque nationale de France débute elle aussi par une traduction prolixe du Postquam Dominus et place de même l’intervention de l’épouse avant l’apparition nocturne de Marie-Madeleine. La retraite érémitique et la mort de la sainte sont toutefois relatées d’après une source différente de celle de notre version (Interea beata Maria Magdalene, soit le texte sur lequel repose le n° 7). La vie se conclut du reste par le récit de la translation des reliques à Vézelay ordonnée par Girart, datée de l’an 749, et des miracles du chevalier dévot ressuscité et de la femme enceinte sauvée du naufrage, cf. H. Stimm, Altfrankoprovenzalische Übersetzungen hagiographischer lateinischer Texte aus der Handschrift der Pariser Nationalbibliothek fr. 818. I. Prosalegenden, Wiesbaden, Akademie der Wissenschaften und der Literatur in Mainz in Kommission bei Franz Steiner Verlag, 1955 (texte pp. 44 - 59 ; notes pp. 157 - 165). 6 Mais nous avons souligné dans notre Introduction combien la datation des manuscrits et la segmentation des vies mêmes restent approximatives. Remarquons toutefois que dans cet exemplaire, la séquence Fuit secundum saeculi fastum précède le texte que notre version traduit (f° 140 r° - 140 v°), soit précisément le segment que le n° 7 place avant le Postquam Dominus. L’intervention de la dame de Marseille a cependant bien lieu avant l’apparition nocturne de Marie-Madeleine.
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Rouen7, coïncide lui aussi avec notre rédaction (f° 256 c - 262 c). En une quinzaine de lignes placées à la fin de la légende, il évoque toutefois la translation des reliques à Vézelay, et la dispersion des disciples ainsi que l’arrivée à Marseille ne correspondent pas au texte français. Quant au manuscrit latin 803 de la Bibliothèque nationale de France, dont le Catalogue établi par les Bollandistes8 a publié la version du Postquam Dominus (f° 225 r° - 227 v°), il suit lui aussi le fil de notre rédaction. Toutefois, il ne spécifie pas que Marie-Madeleine meurt le 11 des calendes d’août, et la fin du récit, qui décrit son tombeau, raconte la mort de Maximin et détaille les vertus de l’abbaye Saint-Maximin, est omise. En revanche, la translation des reliques à Vézelay par le moine Badilo est longuement relatée9. Si le montage qui caractérise cette tradition occasionne une redite maladroite (l’arrivée en Provence est ainsi contée une première fois au début du texte, puis à nouveau aux lignes 199 ss.), la structure même du récit, qui débute par le miracle de Marseille, accorde à celui-ci une importance prépondérante. La comparaison entre le texte vernaculaire et les copies latines auxquelles il peut être rattaché10 révèle une traduction fidèle de sa source, qui met en lumière les particularités propres à notre rédaction. Sa syntaxe alambiquée est un autre élément qui dénonce la dépendance du traducteur face à son modèle. Souvent coordonnées entre elles par une simple conjonction, au prix de détours sinueux qui compliquent la lecture, ses phrases à rallonges ne représentent qu’un placage laborieux. Ceci se confirme jusque dans la tendance à insérer dans le récit de brèves incises rappelant les fondements de la foi chrétienne, trait constitutif du texte latin (voir par exemple le détail de la prédication de Marie-Madeleine au seigneur de la province, l. 20 ss. ; le véritable credo placé dans la bouche des pèlerins lors de leur retour à Marseille, l. 181 ss. ; la reprise par Pierre du propos biblique affirmant que Dieu a le pouvoir de donner et de reprendre, l. 141 sq., cf. Job 1, 21 ; ou encore l’éloge de Dieu par Maximin, l. 284 ss.). Les interventions méta-discursives du narrateur qui parsèment le texte sont elles aussi héritées de la source latine (l. 123, 130 et 176, par exemple), tout comme l’explication circonstanciée qu’il fournit au sujet de l’incapacité de la mer à recevoir un corps mort (l. 82 sq.). Le bref élan
7 Ce manuscrit de très petite taille (ca 160 x 110 mm) est daté du XIIIème siècle par le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques de France, t. 1, Rouen, H. Omont, Paris, Libraire Plon, 1886, pp. 164 sq. Pour le détail de son contenu, voir « Catalogus codicum hagiographicorum latinorum. Bibliothecae Publicae Rotomagensis », Analecta Bollandiana, 23, 1904, pp. 147 - 149. 8 Catalogus codicum hagiographicorum latinorum antiquiorum saeculo XVI qui asservantur in Bibliotheca nationali Parisiensi, ed. Hagiographi Bollandiani, Bruxelles, O. Schepens, Paris, A. Picard, 1889 1893 (Subsidia hagiographica, n° 2), texte, vol. 3, pp. 524 - 530. Paris, Bibliothèque nationale de France, lat. 803 réunit des éléments de nature hétérogène. Les quelques feuillets épars qui contiennent des vies de saints sont datés du XIVème siècle par le BHL. 9 Compertum jam a multis olim, f° 230 v° - 232 r°, édité par É.-M. Faillon, II, col. 747 - 752, puis Sanitates etenim universarum, f° 232 r° - 234 r°, édité par É.-M. Faillon, II, col. 737 - 742. 10 Le manuscrit 443 du Musée des Bollandistes nous servira ici de référence.
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poétique qui souligne l’invincibilité que le signe de la croix confère au navire des pèlerins n’est pas davantage l’invention du traducteur. Dans sa fidélité même à l’égard de sa source, notre texte offre un récit étoffé du miracle de Marseille que les vies vernaculaires postérieures ne modifieront que très peu. Quelques particularités narratives surgissent néanmoins au fil du texte : le départ de Marie-Madeleine et des siens à Marseille n’est pas motivé par la persécution des juifs ; l’aveugle qui les accompagne n’est pas nommé, mais il est présenté comme l’infirme que le Christ guérit par sa salive (cf. Marc 8, 23 ou Jean 9, 6) ; le seigneur de la province est désigné comme « un grant gentill ome » ; l’intervention de son épouse en faveur des chrétiens a lieu avant la triple apparition nocturne de la sainte ; c’est elle qui a l’idée de demander à Marie-Madeleine d’intercéder en faveur du couple, en échange d’une aide apportée aux chrétiens démunis ; la joie des habitants est explicitement formulée lors de l’annonce de la grossesse ; la requête de la femme d’accompagner son mari en pèlerinage ne donne lieu à aucun propos misogyne ; il n’est pas spécifié que le signe de la croix placé sur leurs épaules est le premier du genre ; la cupidité des marins est exacerbée (l. 96 : « lucri odore velud piscis hamo inescate », f° 142 r°) et l’ubiquité de MarieMadeleine expressément relevée. La précision que l’enfant apeuré découvert au retour de pèlerinage s’enfuit à quatre pattes comme un chien est elle aussi reprise du texte latin (l. 156 : « expavit et more catulino palmulis officio pedum fungentibus », f° 142 v°), même si l’on peut relever que le terme original désigne le petit d’un animal quelconque et non spécifiquement un chiot ; de même celle qui concerne la fraîcheur des étoffes et du corps de la mère (l. 159 sq. : « adeo flagrantes adeo recentes, ac si in pertica vel in archa ab illa die in qua ibi positi fuerant diligenter fuissent collocati », f° 142 v° - 143 r°). Soulignons enfin que la nomination de Lazare et de Maximin en tant qu’évêques n’est pas mentionnée. La seconde partie du récit, qui retrace la retraite et la mort de la sainte, ne contient que peu d’éléments singuliers. Rappelons tout d’abord la date assignée à la mort de Marie-Madeleine. Par ailleurs, la description des gravures ornant le tombeau de marbre dans lequel son corps est placé permet de retracer la vie évangélique de la sainte, absente de notre version. Enfin l’interdiction de pénétrer dans l’église de Saint-Maximin, où sont enterrés Marie-Madeleine et son compagnon, est étendue ici aux porteurs d’armes (l. 333), trait présent dans le modèle latin, alors que la version n° 7 (l. 366) l’applique aux femmes uniquement. Tradition manuscrite (vie intégrale) Copié aux environs de 1270 - 1275, peut-être dans le Soissonnais, d’après P. Stirnemann11, B2 (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10326) est sans Pour sa part, A. Stones met cet exemplaire en relation avec le psautier-heures M. 440 de la Pierpont Morgan Library à New York, confectionné à Liège en 1261. Nos remerciements vont à l’une et à l’autre
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doute le plus ancien légendier français méthodique qui nous soit parvenu. Il est constitué du petit passionnaire, le « Passionnaire français primitif » selon l’appellation de J.-P. Perrot12 – douze évangélistes et apôtres (la vie de Luc est toutefois déplacée à la fin du volume), cinq martyrs, cinq vierges, soit un total de 22, comme les 22 versets du Psaume du Péril, construit à partir des 22 lettres de l’alphabet hébraïque (Psaume 25 (24)) –, précédé de la Dispute de Pierre et de Paul et suivi de l’Invention de la Croix, puis d’une seconde série de 13 martyrs, entrecoupée du Purgatoire de saint Patrice, de la vie de saint Brendan, des récits de la Venue de l’Antéchrist et du Jugement Dernier, de l’Assomption de la Vierge et des légendes regroupées de Marie-Madeleine et de Marie l’Égyptienne. Ces 42 pièces, rédigées dans une écriture gothique livresque, couvrent 266 feuillets en parchemin de ca 275 x 185 mm (2 colonnes à 36 lignes). On y relève quelques traits picards sporadiques, peut-être contingents. Deux peintures en pleine page sont placées au début du recueil (f° 4 v° et 5 r°). Chaque pièce est introduite par une rubrique, une miniature sur une colonne et une lettrine, légèrement plus grande, plus ornée et munie d’antennes très décorées pour le premier texte, mais sans différence significative d’exécution par rapport aux autres. MarieMadeleine est représentée sur 10 lignes, en train d’essuyer de ses cheveux les pieds du Christ, attablé avec trois autres personnages. C (Copenhague, Det Kongelige Bibliotek, Thott 517-4°) est un petit volume de 38 feuillets en vélin, de la fin du XIVème siècle. Il mesure ca 175 sur 130 mm (une colonne à 20 lignes). La gothique textura quadratus soignée que pratique son copiste et, dans une mesure plus relative, la langue de ce dernier dénotent son origine anglo-normande : il aurait été réalisé en Angleterre vers 1370 pour Mary de Bohun, épouse d’Henri IV et mère de Filippa (1394 - 1430), et celle-ci, mariée à Éric de Poméranie en 1406, aurait emporté le volume au Danemark13. Il regroupe les légendes en prose de la Vierge (même version que B1, B2, L1 et P5, par exemple), de sainte Marguerite (inspirée de la Légende dorée) et de Marie-Madeleine. Les pages sont encadrées de filets d’or et d’entrelacements de feuilles dorées et en pour ces informations et pour toutes celles qui nous ont permis de compléter nos analyses sur la tradition manuscrite de cette rédaction. 12 Le Passionnaire français au moyen âge, Genève, Droz, 1992. J.-P. Perrot y détaille les liens entre les différents exemplaires de notre version. C. Gaspar et Fr. Lyna, Les Principaux Manuscrits à peintures de la Bibliothèque royale de Belgique, Première partie, Paris, Société française de reproduction de manuscrits à peintures, 1937, n° 50, pp. 131 - 134, ont décrit B2. P. Meyer a par ailleurs inclus ce manuscrit dans une comparaison de six légendiers avec le recueil f. fr. 6447 de la Bibliothèque nationale de France, voir infra, n. 15. 13 Cf. N.C.L. Abrahams, Description des manuscrits français du moyen âge de la Bibliothèque Royale de Copenhague, 1844, pp. 9 - 11. Cet ouvrage est accessible sur le site de la Bibliothèque royale, qui offre aussi une reproduction digitalisée de l’ensemble du manuscrit (http://base.kb.dk/). L. F. Sandler émet quant à elle l’hypothèse qu’il aurait initialement fait partie des Heures de Mary de Bohun (Copenhague, Det Kongelige Bibliotek, Thott 547-4°), confectionnées entre 1380, date du mariage de sa détentrice avec Henry de Bolinbroke (futur Henry IV), et 1394, année où Mary décède. En conséquence, elle date notre volume de 1380 - 1400. Voir Gothic manuscripts, 1285 - 1385, London, H. Miller, Oxford, Oxford University Press, cop. 1986 (A survey of manuscripts illuminated in the British Isles, 5), n° 141, pp. 162 - 163 et illustrations 372 - 374 (Thott 547-4° : n° 140).
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couleurs. Chaque vie comporte une lettre historiée et de belles initiales en couleurs sur fond d’or. Au f° 22 v°, on y découvre Marie-Madeleine portée par quatre anges au-dessus d’une grotte sous le regard de l’ermite ; son corps est recouvert de ses longs cheveux. Comme C, avec lequel il partage de nombreuses caractéristiques textuelles14, 1 L (Londres, British Library, Add. 6524), semble d’origine anglo-normande. Selon P. Stirnemann, la fabrication de ce légendier de 173 feuillets en parchemin (ca 305 x 205 mm ; 2 colonnes à 46 lignes), remonte sans doute à la seconde moitié du XIVème siècle15. Si son écriture (gothique livresque) est très différente de celle du précédent exemplaire, sa scripta offre les mêmes traits. Il contient, dans un ordre analogue, toutes les pièces de B2. Seule la légende de saint Georges est omise parmi les cinq premiers martyrs, alors que Luc est intégré aux douze évangélistes et apôtres, les vies de Hernoul et d’André apparaissant, inversées, en fin de volume. Deux groupes de textes ont par ailleurs été insérés entre les vies de Cyriaque et de Denis (f° 82 b - 87 a : Pétronille, Fénicule, Basile, Marius, Félix, Les trois frères jumeaux) et entre celles de Côme et Damien et de Sixte (f° 94 c - 106 c : Anastasie, Arsène, Cécile). Le titre des pièces est rubriqué. Chaque vie comporte une initiale ornée rouge et bleue de 6 à 8 lignes (10 lignes pour le premier texte). P3 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 6447) est un volumineux manuscrit (376 feuillets de parchemin de ca 370 x 270 mm, rédigés sur 2 colonnes à 47 lignes en écriture gothique livresque) dont P. Meyer a longuement détaillé le contenu16. Une analyse minutieuse de sa décoration permet de confirmer et de préciser la date émise par ce dernier (dernier quart du XIIIème siècle) : exemplaire de provenance flamande, bien que ses initiales adoptent le style parisien, il aurait été confectionné vers 1275 - 1280, d’après P. Stirnemann17, et serait donc contemporain de B2. Il aurait fait partie au XVème siècle de la Bibliothèque des ducs de Bourgogne. Sa scripta, de type septentrional, est nette mais peu accusée, ce qui s’accorde avec son origine flamande. Outre des annales, rédigées par des mains distinctes et placées en tête et à la fin du volume, il contient des pièces de nature religieuse. Une adaptation en prose française des livres de la Genèse, des Juges, des Rois et des Maccabées précède un légendier en prose (f° 115 - 308), puis la vie de saint Quentin en octosyllabes Toutefois, ces deux volumes n’ont pas été recopiés l’un sur l’autre, ni à partir d’un modèle qui provenait de l’un d’entre eux. Le Catalogue en ligne de la British Library le date du XIVème siècle, ce qui rejoint l’estimation d’A. Stones (l’indication fournie par le DEAF, soit le troisième tiers du XIIIème siècle, d’après l’une des éditions consultées par ses auteurs, semble donc trop précoce). 16 « Notice du ms. Bibl. Nat. fr. 6447 (Traduction de divers livres de la Bible – Légendes de saints », Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques, t. 35, 2, Paris, Imprimerie nationale, Libraire Klincksieck, 1897, pp. 435 - 510 (sur le légendier : pp. 467 - 510). P. Meyer prend P3 comme base d’une collation entre plusieurs recueils hagiographiques. 17 A. Stones estime qu’il s’agit d’un exemplaire lié au groupe de manuscrits liégeois de la deuxième moitié du XIIIème siècle qu’étudie J. H. Oliver dans son ouvrage : Gothic Manuscript Illumination in the Diocese of Liege (c. 1250 - 1330), 2 vol., Louvain, Uitgeverij Peeters, 1988. 14
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par Huon de Cambrai et divers sermons, dont certains de Maurice de Sully. Regroupant 68 articles, le légendier débute par trois pièces consacrées à la naissance et à la vie du Christ jusqu’à la présentation au Temple, suivies de l’Évangile de Nicodème (version courte, B ; éd. A. F. Ford, 1973), puis de la Chaire de Pierre et de la Conversion de Paul, soit les pièces par lesquelles les manuscrits C, G ou P2 de la version n° 7 commencent. Avec la dispute contre Simon, il rejoint le légendier méthodique qui forme le cœur de B2, L1, P5. Il en classe toutefois les entrées selon un ordre propre, non systématique, dans lequel on distingue des séries consacrées aux apôtres, aux martyrs et aux femmes. Quelques récits, que l’on retrouve pour la plupart aussi dans les manuscrits C, G ou P2 de la version n° 7, complètent le recueil. Marie-Madeleine est la première femme de ce corpus. Sa vie est insérée entre celles de Remi et de Marie l’Égyptienne. La miniature qui l’introduit couvre une hauteur de 12 lignes et occupe les deux tiers de la colonne environ. Sur un fond or, elle représente la rencontre avec le Christ ressuscité. La sainte est agenouillée aux pieds de Jésus dont on voit les stigmates sanglants. Un arbre au tronc séparé en deux branches s’élève à leur gauche. Une arche encadrée par deux tourelles recouvre les deux personnages auréolés. Anthologie d’œuvres à forte tonalité mariale, P4 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 25532) est un manuscrit qu’A. Stones date des années 1260 - 1270 et dont elle situe l’origine dans la province de Reims18. Il a été rédigé d’une seule main par un copiste dont les picardismes sont peu nombreux mais bien marqués et qui pratique une écriture gothique livresque de petit module. Il se compose de 336 feuillets de parchemin, de qualité grossière (2 colonnes à 40 lignes). Il reproduit en premier des chansons notées et, pour l’essentiel, les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci, complétés au moyen de quelques pièces consacrées à la Vierge, dont certaines pourraient être du même auteur. La Conception de Nostre Dame de Wace et deux courts poèmes en octosyllabes sur le paradis concluent le volume. Une groupe de sept légendes en prose occupe les feuillets 281 c à 320 b : les vies de Julien, Marie-Madeleine et Gilles, l’Invention de la Croix, la vie de Marthe, le Purgatoire de saint Patrick, ainsi que la Nativité et la légende de l’Antéchrist. Elles correspondent toutes à la version de B2, à l’exception des vies de Gilles et de Marthe, absentes de ce légendier mais présentes dans les manuscrits contenant le n° 7 de la vie de Marie-Madeleine, ce qui renforce à nouveau les liens entre les deux traditions19. Les textes sont introduits par une rubrique et une petite initiale ornée de 3 lignes. 18 Voir Gautier de Coinci, Miracles, Music, and Manuscripts, edited by K.M. Krause and A. Stones, Turnhout, Brepols, 2006 (« Medieval Texts and Cultures of Northern Europe », vol. 13), Appendice IV, p. 373. 19 Pour la vie de saint Gilles : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9225 ; Chantilly, Musée Condé, 734 (456) ; Londres, British Library, Add. 17275 ; Oxford, Queen’s College, 305 ; Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 183, f. fr. 185, f. fr. 23117 (même début mais fin distincte), nouv. acqu. fr. 23686 (même début mais légende incomplète) ; Paris, Bibliothèque Mazarine, 1716 (568) (même fin mais
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Chronologiquement proche de B2 et de P3, produit dans une région située au nord de la Loire20, P5 (Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. fr. 10128) renferme les mêmes légendes que B2, classées dans un ordre correspondant. Il a du reste ses dimensions (ca 270 x 180 mm) et est également réglé à 36 lignes sur 2 colonnes, mais son écriture, de type gothique livresque, est très différente et il n’offre aucune tonalité dialectale particulière (quelques traits isolés et sans doute dénués de signification particulière font surface ici et là). Seule l’absence des récits sur la Venue de l’Antéchrist et sur le Jugement Dernier le distingue du manuscrit de la Bibliothèque royale de Belgique21. La Vie des Pères et une rédaction du Barlaam et Josaphat ont été ajoutées plus tardivement à cet ensemble. Le volume, de 327 feuillets de parchemin, présente toute d’abord une miniature de 9 lignes sur une colonne qui illustre la dispute de Pierre et de Paul contre Simon. Toutes les autres pièces hagiographiques sont introduites par une initiale ornée bleue et rouge de 6 à 7 lignes. Rédaction hybride Sans s’apercevoir de la particularité que la vie de Marie-Madeleine offre dans ces exemplaires, P. Meyer avait réuni trois de nos manuscrits (Londres, British Library, Add. 17275 ; Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 183 et f. fr. 185, soit L2, P1 et P2) dans un article de 1889. Ceux-ci se signalent en effet par leur attribution, dans leur incipit ou leur explicit, à un traducteur français qui se nomme Jean Beleth22. Leur exécution matérielle révèle en outre une étroite parenté : ils sont acéphale). Pour celle de Marthe : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9225 ; Chantilly, Musée Condé, 734 (456) ; Londres, British Library, Add. 17275 et Add. 41179 ; Oxford, Queen’s College, 305 ; Paris, Bibliothèque Mazarine, 1716 (568) ; Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, 587. En outre, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10295 - 304, Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 183 et f. fr. 23117 ont un début similaire mais une autre fin. La nativité et vie de l’Antéchrist de P4 correspondent à la vie de l’Antéchrist et au Jugement dernier de B2. 20 À Paris, selon A. Stones. P. Stirnemann l’attribue à la seconde moitié du XIIIème siècle. 21 L’Assomption de la Vierge est en partie contenue dans P5. Les dernières lignes de cette légende apparaissent en effet au f° 221 b, alors que le contenu des feuillets 220 d et 221 a a été entièrement – et consciencieusement ! – gratté. L’ensemble du récit occupe 13 colonnes dans B2. 22 « Ci conmencent les rebriches de la vie des sains laquele maistre Jehan Beleth translata de latin en rommans » (L2, f° 3a) ; « Ci conmence la legende des sains doree et les martires qu’il souffrirent pour l’amour de Nostre Seingneur Jhesucrist, la quele a translatee de latin en françois mestre Jehan Belet et a l’onneur et a la loenge de Nostre Seingneur et de la benoite Vierge Marie » (P1, f° 1 a) ; « Ci endroit parle de l’avenement Nostre Seingneur Jhesucrist et du definement du monde et du jugement selonc ce que la Sainte Escripture devise et que mestre Jehan Belet translata de latin en françois » (P2, f° 3 f ) et « Explicit la legende des sainz que maistre Jehan Belet tramlata de latin en françois » (P2, f° 274 a). Voir P. Meyer, « Notice sur trois légendiers français attribués à Jean Belet », Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque nationale et autres bibliothèques, t. 36, 2, Paris, Imprimerie nationale, Libraire Klincksieck, 1901, pp. 409 - 486. Ce traducteur, par ailleurs inconnu de P. Meyer, ne semble pas avoir été identifié depuis. Le savant, perplexe (« L’attribution de trois recueils différents à un même auteur ou traducteur est certainement un curieux problème d’histoire littéraire », p. 410), émettra l’hypothèse que la traduction de la Légende dorée dont plusieurs pièces figurent dans nos recueils aurait été attribuée à Jean Beleth dans une copie non conservée qui aurait transmis ce nom à L2, P1 et P2 (« Notice du ms. 9225 de la Bibliothèque royale de Belgique (légendier français) », Romania, t. 34, 1905, p. 28). Il faut
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tous trois rédigés sur 3 colonnes à 48 lignes sur des feuillets de parchemin de grande dimension (ca 400 x 300 mm pour L2, 430 x 310 mm pour P1 et 390 x 295 mm pour P2, dont les marges ont été rognées), durant la première moitié du XIVème siècle, et leur programme iconographique est luxueux. Leur composition les unit aussi : bien que distincts les uns des autres, ces trois recueils possèdent un important fonds commun de légendes, présentées toutefois dans un ordre propre, qu’ils complètent par des pièces indépendantes. Leur écriture les rapproche enfin, surtout L2 et P1, dont la graphie est très similaire (gothique livresque, comme pour B1 et P2, par ailleurs), et aucune des trois copies de la légende de Marie-Madeleine qu’ils mettent à notre disposition ne peut être localisée grâce à sa langue, faute de caractéristiques dialectales. Notant la présence de doublons dans chacun de ces volumes, P. Meyer a décrit pour leur réalisation d’ensemble le procédé mis en œuvre dans la vie de MarieMadeleine elle-même et dont seule une étude approfondie déterminerait s’il a été appliqué à d’autres textes : « évidemment les écrivains à qui sont dus ces trois recueils ont eu chacun sous les yeux deux ou trois légendiers français contenant en partie les mêmes légendes, et, puisant tantôt dans l’un, tantôt dans l’autre, ils n’ont pas su éviter les doubles emplois » (p. 411). Il n’est dès lors pas étonnant qu’il renvoie aux anthologies du type de celles utilisées par les compilateurs de P3 du n° 6 et de G du n° 7 comme source principale des auteurs de nos recueils. L2, P1 et P2 contiennent par ailleurs des pièces traduites de la Legenda aurea23, que P. Meyer a par la suite identifiées avec celles des manuscrits Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 20330 et Le Puy-en-Velay, Grand Séminaire24. Plusieurs légendes ne se trouvent toutefois dans aucun de ces modèles ; on retiendra entre
convenir que cette explication est contournée. Rien n’exclut que la réputation du théologien du XIIème siècle Jean Beleth, dont la Summa de ecclesiasticis officiis (éd. H. Douteil, 2 vol., Turnhout, Brepols, 1976 (Corpus Christianorum, Continuatio Mediaevalis, XLI et XLIA)) compte au nombre des sources les plus employées de la production hagiographique (Jacques de Voragine cite expressément son nom 24 fois dans la Légende dorée, par exemple), ait servi de caution. On peut en tout cas remarquer que nos manuscrits désignent l’auteur de la Summa par la même formule ; ainsi, dans P2, la légende des sept frères Maccabées, traduite à partir de Jacques de Voragine, se conclut-elle par : « car .iij. derrenieres resons asainne mestre Jehan Beleth en la Somme de l’office » (f° 239 a). On observera en particulier l’emploi du terme mestre qui, dans les recueils vernaculaires, sert toujours à qualifier le théologien. Pour n’en prendre qu’un exemple, dans le manuscrit Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 20330, la traduction de la Légende dorée d’où sont extraites certaines pièces jointes à nos collections, le début de la vie de Laurent fait de nouveau appel à son autorité : « car si com dist maistres Jehan Belethz (...) », f° 194 d. D’autres légendiers convoquent aussi son nom, même en l’absence d’une mention dans la Legenda aurea. C’est notamment le cas dans Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1534 (dont les rapports avec la compilation dominicaine sont toutefois distants, voir n° 15), qui indique son nom à la fin de la vie de l’apôtre Philippe, alors que Jacques de Voragine renvoie à l’Historia scolastica : « Mestre Johan Bellet nous raconte qu’il avoit .iiij. filles dont les .ij. furent prophetes en Bethaïda ou il mourut » (f° 41 b). 23 De l’avis de P. Meyer, 62 pour L2 et 60 pour P2, P1 n’en restituant que le prologue et le premier chapitre, sur l’Avent. 24 P. Meyer, « Notice du ms. Med.-Pal. 141 de la Laurentienne (vies de saints) », Romania, t. 33, 1904, pp. 4 - 5) ; voir notre présentation à la version n° 10.
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autres la vie de saint Oswald25, ou celle de Léonard, traduite par Rogier de Longastre, désigné par le terme de « prestre » (P1, f°191 b ; P2, f° 81 b). Quelques années plus tard, l’analyse du manuscrit de B1 (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9225) permettait à P. Meyer d’affiner ses conclusions. Dépourvu de référence à Jean Beleth, ce légendier rassemble en effet des pièces dont la réapparition dans l’un ou l’autre des trois recueils qui complètent notre sous-groupe serait systématique, ce qui en ferait le représentant du type primitif à partir duquel auraient été élaborés L2, P1 et P2. Toutefois, la structure même de la vie de Marie-Madeleine rend cette hypothèse caduque, au moins pour L2, et impose l’idée d’un compilateur travaillant simultanément avec plusieurs manuscrits. Les liens entre les quatre recueils restent néanmoins évidents, en particulier entre P1 et B1. Tous deux ont en effet le même contenu, transcrit dans un ordre identique, à la seule différence que P1 comporte au début deux pièces extraites de la Légende dorée et prend fin sur les vies de Félix, Grégoire, Patrick et Éloy, tout en omettant celle de saint Christophe, présente dans B1. Les travaux menés par R. H. Rouse et M. A. Rouse26 ont maintenant révélé une parenté plus étroite encore entre ces deux exemplaires. P. Meyer avait déjà découvert qu’à l’origine B1 formait un tout avec le manuscrit 9229 - 30 de la Bibliothèque royale de Belgique, réunissant ainsi au légendier qu’il renferme des Miracles de Nostre Dame, la plupart de Gautier de Coinci, et des extraits de la Vie des Pères27. De son côté, K. A. Duys a montré que P1 était joint au départ au manuscrit 71.A.24 de la Bibliothèque royale de La Haye, qui contient les mêmes textes que Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9229 - 3028. Un troisième exemplaire (Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 5204) nous transmet quant à lui la seconde partie de ces ensembles, sans le légendier, vraisemblablement perdu. Tous trois ont été réalisés par le libraire parisien Thomas de Maubeuge29. En outre, B1 et P1 ont été enluminés par le Maître de Fauvel30. P1, qui fait partie de l’inventaire de la Librairie royale de 1373, aurait été confectionné en 1327 pour le roi Charles IV31. B1, Le saint est nommé Ossuart dans P2, Odoart dans P1 et Edoard roy d’Engleterre dans L2. Illiterati et uxorati. Manuscripts and their Makers. Commercial Book Producers in Medieval Paris, 1200 - 1500, Turnhout, Harvey Miller Publishers, 2000, 2 vol., I, pp. 187 - 202. 27 « Notice du ms. 9225 de la Bibliothèque royale de Belgique (légendier français) », Romania, t. 34, 1905, pp. 24 - 43. Comme cela a été établi depuis, B1 ne se confond toutefois pas avec l’exemplaire qui faisait partie de la bibliothèque des ducs de Bourgogne, ce que P. Meyer affirmait pour son compte (cf. p. 24). 28 Cette découverte a été faite par K. A. Duys dans le cadre des recherches qu’elle mène pour sa dissertation, « Books Shaped by Song », cité par R. H. Rouse et M. A. Rouse, Illiterati et uxorati, op. cit., vol. I, pp. 189 sq. et p. 374, n. 125. 29 Toujours d’après R. H. Rouse et M. A. Rouse, Illiterati et uxorati, op. cit., vol. I, pp. 196 - 198, le volume conservé à la Bibliothèque de l’Arsenal pourrait être le légendier que Mahaut d’Artois s’était procuré à l’atelier de Thomas en 1327 - 1328. Voir également A. Stones, Gautier de Coinci, Miracles, Music, and Manuscripts, op. cit., n. 42, p. 388. 30 Les miniatures de P1 et de P2 sont accessibles sur le site le la Bibliothèque nationale de France. Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 5204 a été copié par Jean de Senlis, comme P1, et illustré par le Maître de Maubeuge, comme L2, réalisé quant à lui par le copiste dit « au long nez » (R. H. Rouse et M. A. Rouse, ibid., p. 193). 31 R. H. Rouse et M. A. Rouse, ibid., p. 194. 25
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dont les ex libris indiquent qu’il a appartenu à la Chartreuse de Zeilhem, près de Diest (Brabant, arrondissement de Louvain), aurait été commandé à Thomas de Maubeuge par les fondateurs de la Chartreuse, Jeanne de Flandre, parente de Charles IV, et son mari Gérard de Diest, pour en célébrer la création32. D’après les liens textuels relevés par P. Meyer et l’apparence physique des manuscrits, R. H. et M. A. Rouse avancent en outre l’hypothèse que L2 et P2 ont aussi été produits par le libraire Thomas de Maubeuge. En ce qui concerne le premier point, l’analyse des variantes de la vie de Marie-Madeleine confirme les relations qui existent entre B1, P1 et P2, ces trois volumes partageant nombre de leçons propres. Néanmoins, aucune filiation directe ne peut être établie entre eux, dans quelque sens que ce soit33. Dans nos brèves descriptions, nous renvoyons aux importants mémoires de P. Meyer, nous contentant de relever les points significatifs pour chaque copie. B1 (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9225) est rédigé d’une seule main sur 233 feuillets de parchemin réglés à 3 colonnes de 50 lignes (ca 415 x 315 mm). Il est daté de la première moitié du XIVème siècle par C. Gaspar et F. Lyna34 et, nous venons de le voir, d’après une fondation qui nous reporte à l’année 1328 par R. H. et M. A. Rouse. Comme L2, P1 et P2, il est démuni de caractéristiques dialectales. P. Meyer a tenté de comprendre la structure de cette compilation de légendes de provenances diverses35 qu’il répartit en cinq groupes, dont la pertinence n’est cependant pas toujours évidente. Le recueil débute par le récit de la naissance du Christ jusqu’à la présentation au Temple, complété par l’Évangile de Nicodème (version courte, B ; éd. A. F. Ford, 1973, f° 1 a - 9 f), puis viennent 69 vies de saints distribuées selon un ordre mal défini. On remarque une séquence de sept légendes reprises de la traduction par Wauchier de Denain de la Vie des Pères. Marie-Madeleine intervient au commencement du recueil, à la suite des apôtres, et sa légende précède celles de Marthe et de Mathias. Un frontispice à 8 compartiments sur 3 colonnes figure en tête du f° 2 r°, suivi de la rubrique du premier texte, de 3 grandes initiales ornées à antennes. En règle générale, chacune des autres légendes comporte une miniature sur 2 colonnes, quelquefois à plusieurs compartiments, et une grande initiale ornée (ou, exceptionnellement, historiée) munies d’antennes. De petites initiales ornées segmentent 32 Son établissement remonte à 1328 et est attesté par une charte du 1er février 1329 (R. H. Rouse et M. A. Rouse, ibid., p. 195). 33 La vie de sainte Pélagie de L2 et P2 est celle conservée dans les manuscrits où figure notre version n° 10, cf. J.-P. Bordier, « La vie de sainte Pélagie en ancien et en moyen français », Pélagie la pénitente. Métamorphoses d’une légende. Tome II. La survie dans les littératures européennes, dossier rassemblé par Pierre Petitmengin et alii, Paris, Études augustiniennes, 1984, pp. 199 - 200. 34 C. Gaspard et F. Lyna, Les principaux manuscrits à peintures de la Bibliothèque Royale de Belgique, op. cit., n° 109, pp. 259 - 266, qui rattache toutefois ses enluminures au Brabant. Voir aussi M. Smeyers et B. Cardon, « Brabant or Parijs ? Aantekeningen bij een handschrift met vrome legenden, afkomstig uit het kartuizerklooster te Zelem, bij Diest », Handschriften uit diestse kerken en kloosters. Diestsche Cronycke, 6, pp. 31 - 99. 35 Nous renvoyons à son article pour le détail de la composition.
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les textes. Certaines colonnes sont festonnées. Les majuscules sont parfois rehaussées de rouge. L’enluminure sur 20 lignes qui accompagne la vie de Marie-Madeleine dépeint la mort de la femme de Marseille, en deux tableaux. Dans une barque conduite par deux hommes, le mari pleure son épouse, sur laquelle repose le nouveau-né emmailloté ; parvenu à l’île, il se penche sur le corps allongé, l’enfant étant placé au sein de sa mère. Des figures de poissons et d’animaux marins apparaissent dans l’eau. Avec ses 352 feuillets de parchemin, L2 (Londres, British Library, Add. 17275) est le plus volumineux de nos quatre recueils. L’explicit de la vie de saint Teliau, rédigée par un certain Guillaume des Nés, permet d’en situer le terminus post quem à 132536. La table des matières qui précède les textes est ornée d’une enluminure de 23 lignes sur 2 colonnes, les miniatures qui accompagnent ceux-ci occupant elles aussi 2 colonnes et de 13 à 19 lignes. Chacune est précédée d’une rubrique et d’une initiale ornée rouge, bleue et or. Les premiers feuillets sont composés des légendes relatives à la naissance et à la vie du Christ, à la présentation des Fêtes du temps de la déviation, à l’Évangile de Nicodème (version courte, B ; éd. A. F. Ford, 1973), aux Litanies, à l’Ascension et à la Pentecôte, puis de pièces consacrées à la Vierge (Nativité, Miracles, Purification et Assomption), entrecoupées par l’Invention de la Sainte Croix (f° 7 a 37 b). Les articulations des quelque 141 vies qui suivent se dégagent aisément : apôtres et évangélistes ; martyrs ; confesseurs ; saintes. Marie-Madeleine occupe toutefois une place privilégiée dans cet ensemble : sa vie est située immédiatement après la partie réservée au Christ et à la Vierge. Cette position autant que l’éloignement de la section dévolue aux femmes contribue à mettre sa figure en évidence. La miniature qui inaugure sa vie la montre à genoux devant le Christ qui tient une croix dans sa main gauche. Celui-ci porte les stigmates de la Crucifixion. Un arbre dont le tronc se divise en deux branches sépare les personnages. Parmi les particularités de ce manuscrit, on peut relever la légende de saint Teliau (évêque de Llandaff, Pays de Galles), mentionnée plus haut, et celle de saint David de Galles, à la suite du Purgatoire de saint Patrice (f° 195 c et 199 e). De plus, la vie en octosyllabe de saint Mathurin de Larchant, composée par un certain Maître Jean, prestre dans cette ville (f° 281 b)37 clôt le cycle réservé aux hommes.
36 « Ci fenist la vie de saint Thelyan translee de latin en françois que mestre Guillaume des Nés translate l’an mil .iiic. et .xxv., le jour de saint Michiel archange » (f° 199 c). P. Meyer (p. 445) associe le traducteur, qui semble inconnu par ailleurs, à Geoffroi des Nés, auteur de deux écrits hagiographiques (vie en vers de saint Magloire ; vie en prose de saint Guillaume d’Aquitaine). 37 La vie a été éditée par M. Rösler, « Die Legende vom heiligen Mathelin », Zeitschrift für Romanische Philiologie, 39. Bd, 1919, pp. 18 - 61.
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La présence de ces textes pourrait sans doute contribuer à mieux cerner la destination du recueil. Notons enfin que L2 mériterait un examen plus poussé. Il est en effet probable que le projet initial ait subi quelques modifications. Les feuillets 46 à 101 (du milieu de la vie de Matthieu à celle de Vincent) sont rédigés par un autre copiste (la réglure change dans ces pages ; la numérotation des cahiers disparaît ; celle des pièces fait l’objet d’interventions ; des graphies distinctes y apparaissent, etc.). Le programme iconographique du recueil se révélerait par ailleurs riche en interprétations : le motif du livre, par exemple, est souvent représenté de façon intéressante. P1 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 183) est rédigé sur 249 feuillets en vélin. Il commence par des pièces relatant la naissance du Christ jusqu’à la présentation au Temple, suivies de l’Évangile de Nicodème (version courte, B ; éd. A. F. Ford, 1973). 70 vies de saints, ordonnées selon un plan mal défini, complètent le recueil. L’Assomption de la Vierge est insérée à la suite de huit légendes d’évangélistes et d’apôtres ; elle précède les vies de Marie-Madeleine, de Marthe et de Matthias. Outre une grande miniature au début de la table, ajoutée en tête du volume mais de la main du scribe, P1 comporte au f° 1 r° un imposant frontispice à huit compartiments accompagné de trois initiales ornées et d’antennes à médaillons. Toutes les autres pièces possèdent une miniature et une initiale ornée. Celle qui accompagne la vie de Marie-Madeleine couvre 18 lignes sur 2 colonnes. Elle montre la rencontre de la sainte avec le Christ ressuscité. Marie-Madeleine est agenouillée, mains jointes en direction du Messie qui se dresse devant elle. Le corps de celui-ci, sur lequel se découvrent les stigmates, est couvert d’un drap. Un arbre sépare les deux personnages. Les titres des textes sont rubriqués et des initiales bleues et rouges en structurent le contenu. Réunissant 288 feuillets en parchemin, P2 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 185) comporte en ouverture trois pièces consacrées à la vie du Christ et l’Évangile de Nicodème (version courte, B ; éd. A. F. Ford, 1973), suivies de divers textes (Quinquagésime, Quadragésime, Litanies, Ascension, Pentecôte, Nativité et Assomption de la Vierge), puis de 121 vies de saints respectant pour l’essentiel un classement méthodique. La légende de Marie-Madeleine est toutefois située au début du recueil, entre l’Assomption et la dispute de Pierre et de Paul contre Simon. Les miniatures du recueil ont été réalisées par Richard de Montbaston et ses collaborateurs. Cinq ou six enlumineurs ont travaillé à l’illustration de P2, nombre qui indiquerait que la vitesse d’exécution a été plus importante que les impératifs d’uniformité, selon R. H. et M. A. Rouse (p. 193). Jeanne de Montbaston, qui s’est chargée de 26 cahiers, dont celui qui contient la vie de Marie-Madeleine, serait la principale artiste de cette entreprise (R. H. Rouse et M. A. Rouse, ibid.).
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Un grand frontispice à six compartiments encadré d’antennes à médaillons (de l’Annonciation à la Résurrection du Christ) nous fait pénétrer dans le recueil. Des miniatures sur une ou deux colonnes, exceptionnellement trois, accompagnées d’initiales ornées, inaugurent la majorité des vies. La légende de Marie-Madeleine bénéficie d’une peinture à deux compartiments, de 12 lignes sur 2 colonnes. Le volet de gauche représente l’onction du Christ. Celui-ci est attablé et entouré de six disciples, tous pourvus d’une auréole. Couchée devant la table, Marie-Madeleine essuie de ses cheveux les pieds du Messie. Le vase de parfums est absent. La partie droite de la miniature montre les trois Marie. Munies chacune d’une boîte d’onguent, elles s’adressent à un ange qui désigne de sa main le drap posé sur le Tombeau. La juxtaposition des deux scènes, renforcée par la mise en perspective de la table du repas et du Sépulcre vide, exprime par l’image la parole du Christ à Béthanie : « Ce qu’elle pouvait faire, elle l’a fait : d’avance elle a parfumé mon corps pour l’ensevelissement (Marc 14, 8, cf. Matthieu 26, 12 et Jean 12, 7). Établissement du texte et analyse lexicale Le choix du manuscrit de base ne s’impose pas clairement dans l’établissement de notre édition. Aucune des copies disponibles n’est en effet exempte de fautes et l’on en est réduit à procéder par élimination dans une tradition assez médiocre, ce que le nombre d’interventions auquel nous avons dû procéder illustre à sa manière. B1, L2, P1 et P2, qui joignent la fin de notre rédaction au début de la version n° 7, ne peuvent bien sûr pas être pris en considération. Les quatre manuscrits sont issus d’un modèle commun déjà altéré et n’expriment pas de filiation directe l’un avec l’autre. Parmi les six exemplaires complets, C, L1, P3 et P4 ne laissent guère non plus subsister de doutes. Ceux-ci partagent en effet plusieurs variantes et erreurs communes, dont les traces peuvent se retrouver dans d’autres copies. C, qui reproduit souvent les mêmes leçons que L1, contient des fautes grossières (mots ou segments de texte bissés, sauts du même au même, confusions de termes aboutissant à une perte de sens, etc.) qui le disqualifient plus que la date tardive de son exécution. P4 se révèle tout aussi négligent : les omissions y sont courantes et il accumule les phrases dénuées de signification. Ici et là, il va même jusqu’à offrir une véritable réécriture du texte. P3 comporte pour sa part de nombreuses leçons indépendantes qui, à plusieurs reprises, appauvrissent le vocabulaire. Enfin, si L1 figure au nombre des trois exemplaires les moins dégradés, ses lacunes répétées (dues souvent à des sauts du même au même), conjuguées avec de fréquentes erreurs ponctuelles, le prétéritent par rapport à B2 et P5. Ceux-ci ont en commun des fautes révélatrices qui confirment sur un plan textuel leur solidarité face à la composition générale de nos recueils. L’analyse des
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variantes exclut cependant toute filiation directe de l’un à l’autre. Le copiste de B2 est distrait, pour ne pas dire négligent ; à plusieurs reprises, il confond des lettres à l’intérieur d’un mot, retranscrit un terme pour un autre, bisse des segments de phrases sans jamais revenir sur ses erreurs. Toutefois, celles-ci portent souvent sur des portions de texte restreintes, alors que des modifications de plus grande conséquence (cf. l. 41 - 42) interviennent aussi dans P5, qui comporte aussi des omissions, dont une de plusieurs lignes (l. 218 - 221). Tout en exigeant des retouches assez nombreuses, le choix de P5 aurait donc nécessité des corrections d’une certaine ampleur, à la différence de B2. Le texte ne contient aucun régionalisme38. Nous nous contenterons donc de signaler les vocables dont la représentation dans les dictionnaires laisse supposer la rareté, même relative. antoine, l. 73, correspond au mot utilisé dans le modèle de notre traduction. Il s’agit d’un terme technique qui désigne une longue vergue inclinée servant à soutenir une voile latine (triangulaire), pour lequel le FEW nous procure les renvois les plus complets39. congregation, l. 228, est lui aussi une transposition directe (du latin congregatio). Son introduction en français est précoce, mais dans une acception (« rassemblement, assemblée ») qui paraît trop générale ici, tandis que le sens de « communauté religieuse », plus approprié mais considéré comme moderne, n’est daté que de 162240. contemplation (l. 211 ; contemplatio, dans le modèle suivi par le traducteur) est rare avant le moyen français, où il ne semble pas pour autant devenir courant. Toutefois, le nombre d’exemples qui figure dans notre corpus tend plutôt à indiquer qu’il est mal représenté dans les dictionnaires. destruiement, l. 102 (texte latin : ad perditionis et miserie mee cumulum), est un dérivé attesté dans la seconde moitié du XIIème ou au début du XIIIème siècle, mais il n’est pas fréquent, si l’on en croit nos instruments. engroissier (« grossir, enfler » ; texte latin : intumescere), l. 75, est souvent employé dès le XIIème siècle de manière intransitive, mais très peu en rapport avec des éléments naturels (cf. Tobler-Lommatzsch, III, 414, 7 - 14, et DEAF, col. 1493). fremissement, l. 36, est assez rare (en outre, la date d’apparition de ce substantif est peut-être sujette à caution). La formule à laquelle l’adaptateur recourt correspond à l’adjectif fremens dans son modèle latin. generation est ancien, mais la signification que ce substantif revêt aux l. 11 et 12 (« descendance, postérité, 38 Concernant la scripta de B2, on peut toutefois mentionner les formes ciaule, l. 232, connue par un unique exemple (cf. Tobler-Lommatzsch, d’après le conte pieux de l’« ermite qui s’enivra », publié dans le Nouveau recueil de Méon, II, pp. 173 - 186), et soloit, l. 312. solot est signalé comme un hapax par le FEW, sol, XII, col. 25 a, sans autres précisions – provient-il du manuscrit bourguignon du début du XIVème siècle dont P. Meyer tire divers extraits pour son article « Notice sur un ms. bourguignon (Musée britannique Addit. 15606) suivie de pièces inédites » de la Romania, t. 6, 1877, pp. 1 - 46 (voir le poème anonyme du f° 81, p. 12, v. 18) ? – et Tobler-Lommatzsch, IX, col. 794, l. 3, relève une forme proche (soleit) dans la Chanson de Guillaume, ainsi que solaut dans Floovant (idem, l. 29). 39 Cf. antemna, XXIV, col. 644 a. Il apparaît pour la première fois chez Robert de Clari et ses occur rences sont sporadiques. 40 Les citations, moyennement nombreuses, des dictionnaires montrent cependant que pour d’autres exemples plus anciens, le partage entre ces deux acceptions n’est pas facile à établir.
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lignée »), en accord avec le texte latin (generacio prava), n’est guère représentée41. lechierece, l. 113, est répandu comme qualificatif et substantif (« femme débauchée », dès le XIIème siècle), mais le sens abstrait qui convient dans ce passage (« débauche, turpitude » ; texte latin : nil levitatis habens) n’est confirmé que par un seul exemple (cf. Reclus de Moilliens, Miserere, XIV, 9, d’après Godefroy, IV, 750 c). Enfin recouvreor, l. 250 (« racheteur » ; verum recuperatorem mundi), n’est connu qu’à travers quelques citations de Godefroy, VI, 688 a, la plus ancienne provenant du Psautier d’Arundel (milieu du XIIème siècle)42.
Deux exemples dans Godefroy IV, col. 256 c, dont l’un seulement a été retenu par le FEW (qui ne mentionne cette acception que pour l’ancien provençal, à côté d’autres qui s’en rapprochent néanmoins, cf. generatio, IV, col. 98 b), auxquels il faut peut-être joindre la dernière citation de Tobler-Lommatzsch, IV, col. 242, l. 14. DEAF, col. 478 - 479. 42 L’indication chronologique qui figure dans Tobler-Lommatzsch, VIII, col. 482, est donc erronée. 41
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Plan de l’édition Exemplaire de référence : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10326, f° 251 c - 257 c (B2) Exemplaires de comparaison : C : Copenhague, Det Kongelige Bibliotek, Thott 517-4°, f° 22 v° - 38 r° L1 : Londres, British Library, Add. 6524, f° 165 c - 168 d P3 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 6447, f° 243 d - 247 a P4 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 25532, f° 294 a - 298 d P5 : Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. fr. 10128, f° 241 b - 246 d Versions hybrides : B1 : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9225, f° 60 f - 61 f (pour la partie concernée ici) L2 : Londres, British Library, Add. 17275, f° 38 a - 40 d (pour la partie concernée ici) P1 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 183, f° 63 a - f (pour la partie concernée ici) P2 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 185, f° 27 a - e (pour la partie concernée ici)
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[251 c] Ci conmence la vie ma dame seinte Marie Magdalaine
Aprés ce que Nostre Sires Jhesucriz, qui est moiens de Dieu et des homes, par sa Passion et par sa Resurrection ot veincue la mort, quant s’umanitez fu [251 d] glorifiee et Il monta es cieus, la beneoite Madeleinne et Mauximianus, a qui seint Pere l’avoit conmendee, et avec sa suer [Marte] et avec son frere Ladre, et avec celui avugle que Nostre Sires avoit gueri par sa salive et Marcille, qui dist de Jhesucrist : « Beneoiz soit li ventres qui Te porta », et pluseurs autres deciples vindrent a la mer et se mistrent en une nef, et orent bon vant et vindrent a Marseille, et issirent de la nef et entrerent en la vile, et ne troverent qui les heberjast et revindrent au port en la falaise et es pierres, et si se coucherent et furent en oroisons et en geunes toute nuit; et au matin, la generation mauvese revindrent ensemble por sacrefier aus idoles. Quant cele generation venoit, la beneoite Madeleinne se leva encontre, et estoit plesanz de visage et de face clere et de langue sage et de cors viguereuse, et lors conmença a preeschier les paroles de Dieu et de salu et si que tuit se merveillerent de sa biauté, et fu de sa parole si sage que ce ne fu se merveille non, et de la douceur de sa loquence pessoit ele mout de genz. A l’autre jor, si vint ilec un grant gentill home et sa fame por sacrefier aus ydoles, [252 a] et il estoit sires de toute la province et mout avoit grant doleur porce qu’il ne pooit avoir emfant de sa fame, ja soit ce qu’il le vousist volentiers; et lors endroit la beneoite Madeleinne leur conmença a preeschier de Jhesucrist, conment Il estoit nez de la Virge et conment li juif Le crucefierent, et conment Il avoit esté morz et
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Exemplaire de référence : 5. Marie. Correction d’après P5 (C L1 P3 P4). – 6. et par sa sal. Correction d’après C L1 (P3 / P4). – 13. estoient. Correction d’après C L1 P3 P4 P5. Variantes : 1. Ci comence la vie ma dame seinte Marie le Magdeleyne L1 Ci conmence la vie et la passion la beneoite Madelaine. .lviij. P3 Ci conmence la vie Marie Magdeleinne P5 C’est la vie la benoite Magdelainne et saint Maxemin l’evesque P4 (C ne comporte pas de rubrique). – 2. por sa passion L1. – 4. il monta] monta P4. – 4. a qui] qui L1 P5. – 5. avec sa suer Marte P5 (C L1 P3 P4). – 5. et a son fr. C L1 P3 P5 et son fr. P4. – 5. le ladre P4. – 6. avugle] avueglee L1 (C), omis dans P4. – 6. avoit gueri (...)] gueri par sa sal. C L1 (P3) gari par sa sal. qui avoit esté avugles nez P4. – 6. Murcille P5. – 6. qui dist qui Jh. C L1. – 7. ventres] mestres P5. – 7. autres dec. vindrent] bissé dans C. – 9. et puis entrerent P4. – 9. vile] nile (sic) P5 veille C. – 10. de la faloise P3. – 10. es pierres] es pier L1 es prés P4. – 10. et si se c.] se c. L1 si se couchierent C et se couchierent (bissé, avec une légère différence graphique) P4. – 11. toute la nuit P5. – 12. et quant C L1. P4 introduit une lettrine à cet emplacement. – 12. cele malvaise gen. L1 (C P3 P4). – 12. s’en leva C. – 13. encontre eus P5. – 13. estoit C L1 P3 P4 P5. – 13. de vis. pleisanz L1 (C P3) de vis. molt plaisanz P4. – 14. lors] lor P3. – 14. la parole P3. – 14. et si que] si que C P3 P4. – 15. s’esmerveillerent C L1. – 15. et fu de sa p. si sage] et de sa p. si sage P3 et de sa p. et fu si sage C. – 16. loquence] loenge P5 loy qu’en ce L1 (C). – 16. gent C L1 P5. – 17. a (P3 et) l’autre jor aprés L1 P4 P5 (C P3). – 17. .j. molt gentius hom P4. – 18. Prouvence P3. – 18. porce] de çou P3. – 19. enfanz P4 nul emfant P5 (P3). – 19. mout vol. C P5 (L1 P3 P4). – 19. lors endroit] lors P4. – 20. conment il estoit nez] conm. il fu nez P3 conment il avoit esté nés L2, dont le texte coïncide avec la présente rédaction à partir de ce point. – 21. l’avoient crucefié L2 P4 P5 (C L1 P3).
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enseveliz et conment Il avoit esté resoucitez au tierz jor, et par ce leur desamonesta [ele] les sacrefices. Il venoient tuit a lui quant il avoient oïe sa parole et aprés l’escoutoient il plus volentiers, bien autant por sa biauté conme por la saveur de sa [parole], et ce ne fet mie a merveillier se la bouche de la beneoite Madeleinne parloit bien et sagement, quar ele avoit mout doucement besiez les douz piez Nostre Seingneur; et avint que la fame a ce gentill home enveoit par ses sergenz qu’ele cuidoit ses feables et ses amis en repost a mengier a ces seintes genz, quar ele doutoit la cruauté de son mari et la desleauté des autres entour. Et aprés un pou de terme avint qu’ele se dormoit une nuit avec son seingneur, si li aparut la beneoite Madeleinne en dormant et li demenda por quoi ele, qui [252 b] tant avoit de richesces, lessoit les seintes genz morir de fein et de soif et de froit, et le menaça s’ele ne disoit son mari qu’il en brief tens aidast aus seintes genz, et la dame s’esveilla et n’osa pas dire son seingneur cele avision. L’autre [nuit] [a]prés li avint aussi conme devant et ele ne l’osa dire a son mari. A la tierce nuit, Marie la Madeleinne leur aparut a enbedeus a grant fremissement et si sembloit de son viaire que ce fust feu embrasez aussi conme se la meson arsist, et lors dist ele : « Tiranz, dorz tu avec la guivre, ta fame, qui tant a demoré qu’ele ne t’a pas dites
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23. leur desam. il. Correction d’après P5 (C L1). – 25. por la saveur de sa biauté. Correction d’après C L1 (P4 P5 / P3 / L2). – 34. L’autre emprés est une leçon acceptable mais qu’on ne saurait pour autant qualifier de naturelle. Correction d’après C L1 L2 P3 P4 P5. – 36. leur aparut a ennui a enbedeus. Corrrection d’après P3 P5 / L1 (C L2 P4). 22. il estoit (avoit L2 P4) au tiers jor resuscitee L1 (C L2 P3 P4). – 22. et por ce C (L2 P4). – 22 - 23. leur desam. (...) sacr.] leur desam. ele (...) P5 (C L1; les sacrifiees C) lor desam. il lor sacrefises P3 desam. il les sacr. P4 leur desamonnesta les sacr. L2. – 23. venoient] ne voient C. – 23. quant avoient P4 quant qe avoient C. – 23. aprés] a pris C. – 24. l’esc. il plus vol.] l’esc. il molt vol. P4 plus vol. l’esc. L2. – 24. bien atant C L1. – 24. por la beautee de li L1 (C L2 P4). – 24. la savor de sa parole C L1 la saveur de la parole P4 P5 la douceur de sa parole P3 la biauté de la parole L2. – 25. mie] omis dans P4. – 25. se la bouche] de la bouche C L1. – 25. a la benoite Magdalene L1 (C) a la benoite Marie Magdalainne L2. – 26. si bien P5. – 26. ele av. besié mout douc. besiez P5 (première occurrence du participe peut-être grattée) ele (il C) avoit beisiez douc. L1 (C L2 P3) ele avoit baisié humbement P4. – 26. les piez P5. – 26. n. s.] Jhesucrist C L1 L2 P3 P4. – 27. envoit C. – 28. qu’ele cuidoit (...) amis] q’ele quidoit par ses f. (...) L1 cui ele cuidoit fiables (...) P3 qu’ele cuidoit a ses f. et a ses amis P5 a ses f. amis L2. – 28. en repost] omis dans L2. – 28. a ces seintes genz] omis dans L2. – 29. de son seingneur de mari L2 de son baron P5 a son mari P4. – 29 - 30. et la desl. (...) avec son seingneur] omis dans L2. – 29. et la desleautee de cez entor L1 (P3) et la desl. de ceux enter C et de ceus d’entor la desloiauté P4. – 29. Et aprés] en aprés P4 et aprés ce P3. – 30. termine C P3. – 30. seingneur] baron P5 mari C L1 P3 P4. – 30. si li aparut] et li apparut L2. – 31. en son dormant L2. – 31. e la demanda C L1. – 31. avoit tant C L1 L2 P3 P4. – 32. les seintes genz] le seintz gens C les gens L2. – 32. de fin et de soif C de soif et de fain P4. – 32. et de froit] omis dans L2. – 32 - 33. la meneçoit se ele ne disoit em brief temps a son mari que il em brief temps L2. – 33. eaidaust (?) C. – 33. et la dame] la dame L2. – 34. pas] mie L2. – 34. son s.] a son s. L2 (L1), omis dans P3. – 34. cele av.] l’av. C L1 P3 P4 P5. – 34. l’autre nuit aprés C L1 L2 P3 (qui introduit une lettrine au début de cette phrase) P4 P5. – 34. li avint] si vint P4. – 35. aussi] ensi P3, omis dans C. – 35. a son mari] son baron P5. – 35. et a la tierce nuit L2. – 35 - 36. Marie (...) enbedeus] (...) leur ap. a enb. P5 Marie la beneoite Madelaine lor ap. a ambes .ij. P3 la benoite Marie Magdelainne leur app. a euls .ij. toutes prestes L2 Marie li ap. la benoite Magdelainne a aus .ij. P4 Marie lor aparut le benoite Magdaleine a amedeuz (a an .ij. C) L1 (C). – 36. et sembloit L2 (L1). – 37. feu] fez C uns feus P3 – 37. embrasez] omis dans C L1 L2 P3 P4 P5. – 38. dorz] droiz L1. – 38. demoré] lessié L2. – 38. pas] omis dans L2.
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mes paroles ? Reposes tu, qui es anemis de la croiz Jhesucrist, tu qui ton ventre norris de divers mengiers et des divers boivres et lesses les seintes genz morir de fein et de soif et d’autres angoisses ? [Gis tu en ton paleis envolupez de dras de soie et il gisent en error et en angoisses ?] Tu voiz qu’il sont descomfortez et n’ont point d’ostel, et tu les trespasses ! Ha ! desleaus, einssi n’en eschaperas tu pas, einz comparras ce que tu leur as tant tardé a bien fere. » Einssi parla et lors s’esvanoï. Dont s’esveilla la fame a ce riche home et conmença a soupirer de parfont cuer, et dist a son mari qui soupiroit porce meismes : « Avez vos ce veu qui m’est apa- [252 c] -r[u] ? » Et il dist : « Oïl, voirement l’ai ge veu et si m’en merveill mout. Qu’en ferons nos ? » Lors dist la dame qu’ele looit mieuz ce que la beneoite Madeleinne leur avoit dit qu’il eussent l’ire del Dieu qu’ele preeschoit, quar sanz reson ne leur estoit demostree tele avision. « Fesons leur bien et disons a [Marie] Madeleinne qu’ele prit por nos que ge puisse concevoir. » Li sires s’acorda au bon consseill de sa fame et conmenda que la seinte gent fussent hebergie et qu’en leur donast ce que mestier leur seroit, et en le fist; et avint .j. pou aprés que li sires conçut en sa fame par la priere de la beneoite Madeleinne et de ce s’esjoïrent mout de genz. Meintenant aprés, li sires apareilla son oirre por aler veoir se ce estoit voirs que
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41 - 42. Phrase omise dans B2 (saut du même au même, remontant à l’un des maillons précédents de la transmission assurée par le copiste). Restitution d’après L1 (C L2 P3 P4). – 44. tardié est une forme beaucoup trop exceptionnelle pour être prise en compte ici – un croisement entre tardé et targié est plus vraisemblable. – 46. qui m’est apareilliez. Correction d’après C L1 P4 P5 (L2 P3). – 50. a Madeleinne. Correction d’après P5 (C L1 P3 P4). 39. reposez tu tu qui L1 (P3 P4) repose toi tu qui L2. – 39. es] omis dans C. – 39. de la croiz Jh.] de la mort Jh. P3 de la foy de Jh. L2. – 39. tu qui] et qui P4. – 40. de div. m. et de div. b. L2 P5 de div. m. (mergiers L1) et de divers viandes et de div. b. C (L1 P3) de div. morsiaus et de diverses viandes et de div. b. P4. – 40. lessiez C L1. – 40. morir] perir C L1 L2 P4. – 41. fein] fin C. – 41. de soif] de froit P4. – 41 - 42. gis tu en ton paleis envolupez de dras de soie et il gisent en error et en angoisses (angoisse P4) L1 (C L2 P3 P4). – 43. n’esch. tu pas L1 L2 (C P3) n’esch. tu mie P4. – 44. leur] omis dans L2. – 44. de bien a fere L1 (C). – 44. lors] puis si L2. – 44. s’envanoï L1. – 45. Dont (...)] lors aprés la fame a ce r. homme s’esv. L2. – 45. a cel home P3 au riche homme P4. – 45. de cuer parfont L2. – 46. qui soup. porce m.] ki por ce m. sousp. P3 qui soup. de ce m. P4 qui soup. par ce m. qu’il avoit oÿ L2. – 46. avez vous veü ce L2 avez ce veu P5 avez vos oï P4. – 46. qui m’est aparu C L1 P4 P5 (L2 P3). – 47. dist] respondi L2. – 47. oïl] omis dans L2 P3. – 47. voir. l’ai ge veu] je l’ai veu L2. – 47. me merveil P4. – 47. mout] moult durement L2. – 47. que ferons nous L2. – 48. Lors dist la dame] P4 introduit une lettrine à cet endroit. – 48. mieuz] omis dans P4. – 49. leur avoit dit] li avoit loé P3 avoit a euls .ij. dit L2. – 49. qu’il eussent l’ire del dieu] que il eussent del dieu P4 que il aidassent a la gent du dieu L2. – 50. mie dem. P3. – 50. le bien P3. – 50. a Marie Mad. P5 (C L1 P3 P4) a la benoite Marie Magdalainne L2 (car sanz raison ne leur estoit demoustré tele avision bissé à la suite). – 51. prit] deprit L2. – 52. de sa fame] sa fame P5. – 52. fust L1 P3 P4 (C L2). – 52. qu’en] que l’en L2. – 53. et on si fist P3 et l’en le fist L2. – 53. et avint (...)] or avint P4. C introduit ici une lettrine. – 53. aprés ce P3. – 53 - 54. que li sires (...)] que li sires jut a sa fame et conçut (la dame C L1 L2) par la priere de (a C L1 L2) la ben. Mad. P5 (C L1 L2) que li sires jut a sa fame et conçut la dame par la proiere la Magdelainne P4 ke li sires jut avoec sa feme et ele conçut .j. biau fil par la priiere de la ben. Madelaine P3. – 54. s’esjouissoient P3 P4. – 54. mout de genz] omis dans L2 (la ponctuation indique toutefois que c’est le mot suivant, maintenant, qui se substitue à ce syntagme et clôt la phrase). – 55. Meint. aprés] maint. aprés ce P3, qui introduit une lettrine à cet endroit aprés ce meint. C L1. – 55. ap. li sires P5 (L2). – 55. oirre] harnois L2. – 55. se ce estoit] que ce s’estoit L2.
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la Madeleinne preeschoit de Nostre Seingneur Jhesucrist. Quant la dame l’ot aparceu, si vint a son seingneur et si li dist : « Qu’est ce, sire, cuidiez vos aler sanz moi ? Ja n’avendra, se Diex plest ! Se vos vos en alez, ge m’en irai, se vos venez, ge vendrai, se vos reposez, ge reposerai. » Lors dist li sires temtost : « Einssint n’iert il pas, einz demorroiz en meson et vivroiz aisiement, et garderoiz noz possessions que quant ge m’en serai alez, que nus ne veil- [252 d] -le sesir mauvesement les noz choses ou fere aucune chose qui fust encontre nostre juridicion; et les voies sont trop greveuses et trop a de perill en mer, et vos estes foible et enceinte, si porriez tost perillier. » Encontre ce la dame s’arestoit et ne voloit pas refreindre son courage, einz se lessa cheoir aus piez son baron et plora tant que ses sires li otroia qu’ele iroit avec lui; et lors si vindrent a la Madeleinne et mistrent leur terres et leur possessions et tous leur biens en sa garde, et la Madeleinne leur mist le singne de la croiz en leur espaules, et por ceste porveance que li soudiuanz anemis ne leur destorbast leur bon proposement leur enseingna ele mout bien que par mon seingneur seint Pere, le prince des apostres, porroient savoir de Jhesucrist ce qu’ele leur avoit dit. Aprés ce qu’il furent einssint enseingniez et amonesté, il pristrent or et argent et meintes robes diversses et firent marchié au notonnier et entrerent en la nef, et li notonnier atornerent les antoines et les autres aornemenz de la nef et se mistrent en la nef en mer; et quant il orent alé par mer .j. jor et une nuit a voile estandue, li venz conmença a en- [253 a] -groissier et la mer a emfler, et lors vint a brief tens une tempeste et tuit cil qui la estoient,
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70. le prince des apostres bissé – 70 - 71. porroient savoir des apostres de Jhesucrist. Correction d’après C L1 P3 P4 P5 (L2). 56. Quant] e quant L1. P4 introduit ici une lettrine. – 56 - 57. l’ot aparceu] lor aperceu P4 le parçut P5 aperçut ce que son seigneur vouloit faire L2. – 57. si vint a son s.] omis dans L2. – 57. et si li dist] et li dist C L1 P3 P4 si li dist L2. – 57. u quidiés vos P3 en cuidiez vos P4. – 58. se vos en alez P5 (C L1 P3 P4). – 59. et lors L2. – 59. temtost] omis dans L2. – 60. n’iert pas C. – 60. pas] mie P5. – 60. aisiement] plus ais. P4 aais. P3 aaise L2. – 60. vos poss. P3. – 61. ge serai alez P5. – 61. que nus ne v.] que nus n’en v. P5 qe nos v. C nul ne vueille L2 que aucuns ne vuelle P4. – 61. mauvement sesir P5. – 62. les noz ch.] l’en nos ch. C nos coses P3 (L2 P4) les noz genz P5. – 62. enc. nostre jur.] contre jur. L2. – 63. greveuses] griés C L1 P3 P4 (L2). – 63. trop peril a en mer P3. – 64. enceinte] ceinte L1. – 64. tost] tot C. – 64. perillier] perir L2 P4. – 65. ne voloit pas refr. son cour.] ne muoit pas (pas omis dans L2) son cor. C L1 P3 (P4 L2) ne vouloit pas son cor. P5. – 65. einz] ele L2. – 65. se lessa] ses lessa L1. – 65. aus piez] aus pres C. – 65. baron] mari C L1 L2 P3 P4. – 66. li sires C. – 66. qu’ele iroit avec lui] omis dans L2. – 66. si v.] il v. C L1 L2 v. P3 (P4). – 67. et mistrent (...)] et leurs t. et leurs pos. mistrent en sa g. L2. – 68. lor signe L1. – 68. a leurs esp. L2. – 68. et por] pour L2. – 68. porv.] souduiance P3. – 69. ne les dest. P5. – 69. par aucun engin ne dest. (destornast P4 (L2)) lor bon porp. L1 P3 (C L2 P4). – 69. leur ens.] les ens. P5 lors enseigna C L1 et lor ensegna P3 (L2) lor ensaigne P4. – 70. ele] omis dans L2 P3. – 70. par] omis dans P5. – 70. mon seingneur] omis dans L1 L2. – 70 - 71. porroient savoir (i avoir L2) de Jh. C L1 P3 P4 P5 (L2). – 71. ele avoit dit P4 P5 (C L1) ele en avoit dit P3. – 71. enseingniez] seingnié L2. – 72. et argent et maintes choses diverses et firent robes diverses L2. – 73. as notonniers L2. – 73. nef] mer P5. – 73. et li not.] li not. L2. – 73. atorn.] si atourn. L2, omis dans P5. – 73. les antoines] lor voiles P3 leur ancres L2. – 74. en la nef] omis dans C L1 L2 P3 P4 P5. – 75. a voile est.] par voille L2. – 75. se conmença L2. – 75. engrossir C groissier P5. – 76. et lors vint] et lor vint P4 et avint L2. – 76. en brief tans P4 (L2). – 76. une grant temp. C L1 L2 P4 P5 une molt grans temp. P3. – 76. et tuit cil] tuit cil L2.
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quant il virent ce et les ondes des floz en tele maniere aler, en furent tuit espoenté et avoient mout grant angoisses. Et la dame qui estoit enceinte et foible fu si tormentee qu’il couvenoit qu’ele enfantast, et a la doleur qu’ele ot de l’emfanter couvint qu’ele moreust, et li enfes qui nez estoit queroit la mamele criant; et la tempeste fu si grant que li notonnier crioient : « Gitez fors le cors de la nef, quar tant conme il i sera, la tempeste ne cessera. » Et sachiez qu’il est verité et bien provee chose par mout d’espairemenz que la mer ne reçoit nule chose morte. Et quant li sergent de la nef voudrent prendre le cors et giter en la mer, li pelerins leur dist : « Biau seingneur, souffrez, et se vos ne volez souffrir por moi ne por la mere qui est encore tiede et chaude, soufrez por l’emfant qui pleure et quiert la mamele sa mere, ne n’est mie humeinne chose d’un cors demi mort giter en la mer ne ne fu onques que l’en si petit enfant oceist en tele maniere; mes souffrez .j. pou por veoir se la dame revendroit, qui est traveilliee de l’enfant. » Et quant il [253 b] ot ce dit, ne demora guieres qu’il vit une monteingne qui estoit pres de la nef. Quant il la vit, il se penssa qu’il voloit mieuz que li emfes et la mere fussent mis en cele monteingne que ce que l’en les gitast en la mer por devorer aus poissons, et lors dist aus notonniers de la nef : « Tenez vos .j. pou et prenez ce que vos voudroiz de mes deniers, et metez le cors de ceste dame et l’enfant en cele
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77. L’unanimité presque complète des manuscrits ne rend pas pour autant la variante qu’il en furent tuit esp. satisfaisante au point de vue syntaxique – elle le serait davantage si l’on avait par exemple que tuit cil qui la estoient au lieu de et tuit cil qui la estoient, ce qui n’est jamais le cas. Aucun exemplaire ne fournit cependant le reflet exact de notre intervention. – 84. prendre le cors bissé. 77. quant il virent ce] quant il ce virent P4 P5 quant il virent L2 P3 quant il oïrent (orrent C) L1 (C). – 77. et] omis dans C L1 L2 P3. – 77. les ondes et les flos P3. – 77. en tele man. aler] omis dans L2. – 77. en f.] si en f. P4 f. L2. – 78. angoisse P3. – 79. si fu tourm. L1. – 79. qu’il couvint L1 (L2 P3) que il li couvint P4 q’il li covient C. – 79. et a la doleur (...) emfanter] a la douleur (...) L2 (...) d’emfanter P5 (...) de l’enfant L1 a l’enfanter que ele fist pour la douleur P4. – 80. en criant C L1 P3 P4 en riant L2. – 80 - 81. et la temp. (...) crioient] et veoit la temp. si grant et li not. qui cr. L2. – 81. gitez] metez P5. – 81. fors] hors C L1 L2 P5, omis dans P3. – 81. de la nef] en la mer P3. – 81. quar] qe C L1, omis dans P3. – 82. il i sera] il serra L1 il sera dedenz L2 sera en la nef P3 il si sera P4. – 82. ja la tempeste P3. – 82. ne cessera] cessera C. – 82. et bien sachiez L2. – 82. que c’est verité P5. – 83. esprovee C. – 83. d’espair.] de experimens L2 esperemenz C. – 84. Et quant] et conme L2. – 84. vousissent L2. – 84. en la mer qui estoit encore teve et chaude P4. – 85. leur dist] lors dist C li dist P4. – 85. Biau s.] ha s. P5 ha seignor por deu P3 ha pour dieu seignor P4 ha por dieu seignors L1 (C) ha seingneurs pour dieu merci L2. – 85. souffrez vous, souffrez L2. – 85 - 86. et por la mere (...) P3 ne pour la mere qui est encore toute chaude P4. – 86. souffrez au meins L1 (C P3 P4) souffrez vous au mains L2. – 86. pour l’amour de l’enfant L2. – 87. sa mere] la mere C L1 P4 a la mere L2 de la mere P3. – 87. ne n’est] et n’est L1. – 87. chose humainne du cors P4. – 87. en mer L2. – 88. n’il ne fu onques P4 ne ne fu onques oï L2. – 88. que l’en (...) en tele man.] que on (...) P4 que l’en occ. si petit enfant L2. – 88. mes] me P4 or L2. – 89. por veoir] por savoir L1 (C L2) savoir P5 veoir P3. – 89. qui est trav. de l’enfant] qui est traveillie de l’angoisse de l’emfant (de l’enfanter P4) P5 (C L1 P3 P4); omis dans L2. – 89. Et quant] quant L2. P4 introduit une lettrine à cet endroit. – 90. puis gaires P4. – 90. qu’il vit] qu’il virent P3 que ont vit P4. – 90. pres de la mer P5. – 91. Quant il la vit] et quant il vit ce L2 quant li pelerins la vit P3. P3 introduit une lettrine au début de cette phrase. – 91. il pensa C L1 P4 il s’apenssa L2. – 91. qu’il voloit] qu’il valoit L1 P5 (C L2 P4) ke valoit P3. – 91 - 92. que il emfes (...)] (...) en cele mont. mis P5 que il meist la mere et l’enfant en cele montaingne L2. – 92. qe ce ce qe L1. – 92. que l’en] que il L2 c’on P3 que on P4. – 93. au notonier P3. – 93. Tenez vos] tenez vos vous C arestés vos P3. – 93. prenez] tenez P5. – 94. voudroiz] volés P3. – 94. de la dame L2. – 94. de l’enfant L2 P3.
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monteingne si que l’en les puisse illec emfouir ». Quant li notonnier oïrent la promesse de l’argent et por le gaaing qu’il desirroient aussi conme li poissons la charoinne, si li otroierent sa volenté et mistrent le cors de la dame et l’emfant sus la monteingne, et estoit si dure qu’onques n’i pot en fouir en nule maniere. Si pristrent le cors de la dame et le mist[rent] en .j. secree partie, la mamele de la mere en la bouche a l’enfant, et la couvrirent de son mantel; et lors dist li barons a la dame tout en plorant : « Ho ! Marie Madeleinne, porquoi venis tu au port de Marsseille pour mon destruiement et por mon essill ? Et ge, chetis, por quoi par ton amonestement ai ge entrepris tele oevre ? Prias tu porce ton Dieu que ma fame con- [253 c] -ceust porce que ce qui conceu estoit perisist ? Or perist ce qui estoit conceu et ce qui le conçut : la mere por les angoisses et por les granz doleurs qu’ele a eues en est morte et li enfes qui est nez por [morir], quar il n’est qui le norrice; et ce que j’ai eu par ta priere, a qui ge ai conmendees toutes mes choses, ge conment a ton Dieu que se Il est puissanz, qu’Il ait pitié de la mere et merci, et par ta priere ait merci de l’enfant qu’il ne perisse. » Quant il ot ce dit, il couvri le cors de la dame de son mantel et retorna a la nef a une barge, et quant il fu receu en la nef, li notonnier firent leur oirre qu’il avoient
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99. et le mist. Correction d’après P5 (C L1 (P3 P4). – 101. Marie bissé. – 106. por norriz. Correction d’après C L1 P3 P5 (L2 P4). – 107. et ce que j’ai eu bissé (avec la variante ge ai eu). 95. si c’on la p. P3 si que on le p. P4. – 95. illec] enqui P4. – 95. et quant P3. – 96. et por] pour L2 P4. – 96. desirrent L1 P4 P5 desirrerent L2 (C). – 96. aussi conme li p. la char.] omis dans L2 P4. – 97. si (omis dans L2) l’otroierent et (et si L2) firent sa (la C) volentee L1 (C L2 P3 P4). – 97 - 98. et mistrent (...) la mont.] mistrent (...) P5 (...) et l’enfant seur la montaingne P4 (...) et de l’enfant sor la montaigne P3; omis dans L2. – 98. et estoit si dure] mes li lius estoit si durs L1 (C P3 P4) et com li lieus fust si durs L2. – 98 - 99. qu’onques (...) en .j. secree partie] que l’en n’i peust fouir en nule secree partie de la montaingne L2. – 98. n’i pot enf.] nes pot enfoïr L1 ne li pot on enf. P3 n’i pot on fouir P4 nes i porent emf. P5. – 99. le cors de la dame et l’enf. C P4 le cors de la dame et de l’enf. P3 le cors de l’enf. et la dame L1. – 99. et le mistrent P5 et les mistrent C L1 (P3 P4). – 99 - 100. la mamele (...) a l’enfant] omis dans L2. – 100. de la mere] a la mere C la mere L1. – 100. a la b. C L1. – 100. a l’enf.] l’enf. C L1 de l’enf. P4 en l’emf. P5. – 100. et la couvr. de son m.] et le couvr. de son m. P4 la covri de son m. meismes P3 il couvr. le cors de la dame de son m. et l’enfant mist as mamelles de sa mere L2. – 100. li barons] li homs L2. – 101. a la dame] a dame P5, omis dans L2. – 101. tout en pl.] em pl. L2, omis dans P5. – 101. ha C L1 L2 P3 P4 P5. – 102. por mon destruisement (...) P3. pour mon destruisement et pour ma miserere et pour mon essil L2. Un rapiéçage a partiellement altéré la lisibilité des cinq dernières lignes de la colonne 295 b de P4. Il est impossible de déterminer si le copiste suit plutôt la leçon du manuscrit de base ou de P3 (mais il s’agit assurément de l’une ou l’autre). – 102. por quoi] omis dans L2. – 103. tiele oire C (P3 P4). – 103. porce que ce] que ce P4. – 103. conceu estoit] estoit conceu C L2 P3 P5 (L1) seroit conceut P4. – 104. estoit conceu] est conceu C L1 L2 P3. – 104. et cele qui le c. L2 P4 (l’a conchut P3). – 105. por les ang. (...)] par les ang. (...) C L1 (...) e por les dolors L1 (L2) por les granz dol. et por les ang. P5 por les grans dolors et les grans ang. P3. – 106. qu’ele a eues en est morte] qu’ele en a eues en est morte P3 P5 (P4) qui ja estoit morte L2. – 106. qui ja est nés L2. – 106. por morir C L1 P3 P5 (L2 P4). – 107. est ce ce que je ai eu L2. – 107. a qui ge conm. P5. – 108. je conmant et pri a ton deu P3. – 108. que se il est] s’il L2 qe cil est L1. – 108. pitié] merchi P3. – 108. de l’ame de la mere C P3 P4 de l’ame la mere L1. – 108. et merci] omis dans P3. – 109. priere] pitié L2. – 109. ait merci (...)] ait pitié (...) P3 ait merci de l’enfant que il ait merci de l’enfant P4. – 110. L1 L2 P5 ne comportent pas de lettrine au début de ce paragraphe – 110. quant il ot einssi dit P5 (C L1 P3 P4). – 110. le cors de la dame] le cors de la dame et l’enfant C P3 P4 le cors et l’enfant L2 le cors L1. – 111. a une barge] en une barge L2 a une nef P5. – 111. et quant il fu r.] quant il fu retournez L2. – 111. firent leur oirre] firent leur oevre L1 pristrent leur voie L2.
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conmencie. O tout grant misericorde de Dieu ! O tout grant deserte de la Madeleinne ! O tu, fame de grant deserte qui n’as en toi nule lechierece ! O tu beneoite qui es preeschanz en terre, et ele dona comfort meintenant au pelerin qu’il pour son descomfort ne desesperast et le comforta que il ne defaussist por son plorer a fere ce qu’il avoit empris. Ele fu a l’emfanter de la mere et fu en son baill et fist tout l’ofice, et [entre] ces doleurs li dona grant com- [253 d] -fort. Ele fu avec l’emfant plorant et fesoit l’ofice de norrice et le norrissoit. Qui onques mes oï ce ? Ele enseingn[e] et preesche et edefie en terre, et en mer est baaisse et norrice. Ele conseille le pelerin que il ne laist mie ce qu’il a conmencié. Ele aide a cele qui a enfanté par le servise et par la bone volenté qu’ele avoit vers lui ele norrist l’emfant, et quant il est saoulez de lait, li emfes en lait son plorer, et li cors de la mere gist sanz ame et alete l’emfant a sa memele. Or orroiz merveilles a dire ! L’ame de la dame ala en pelerinage porce qu’ele acomplisist ce que li cors avoit conmencié. En ne la voit pas et ele voit les autres. Li cors de lui gist aussi conme uns vessiaus vuiz et li emfes l’aleta, et li vessiaus estoit seingnié del singne de la croiz, et estoit si seurs cil vessiaus que rosee ne pluie ne vent ne le pooit grever,
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117. estre ces doleurs. La signification d’estre n’exclut pas entièrement l’emploi de cette préposition, mais entre, qui reçoit l’accord de P5 (C L1 P3 P4 / L2) et du texte latin – inter dolores; cf. BNF, lat. 803, f° 226 d –, convient mieux ici. – 119. enseingnoit. Correction d’après L2 P5 (C L1 P3). – 119. et est b. Correction d’après L1. 112. enconmenciee L2. – 112. O tout] a tout C o com L2. – 112. de dieu] de Jhesucrist L1 L2 P3 P4 Jhesucrist C. – 112. O tout] a tot C o com L2. – 113. O tu fame] oz tu feme P3 (P4) o com fame L2.– 113. qui n’avoit nule legiereté en soi L2. – 113. lechierece] lecerie P3 legeretee L1 (C P4) deserte P5. – 113. O tu ben.] oz tu ben. P3 (P4) o com ben. partie ele prist L2. – 114. qui es] qui aloit L2. – 114. et ele dona] ensi prioit cil et ele donna P4. – 114. comfort meint.] maint. confort P3 confort L2. – 115. par son desc. P5. – 115. ne des.] ne se des. C P3 P5 ele ne se des. L2 ne s’espoentast P4 ne se desespoenteast L1. – 115. le comf. que il ne def.] omis dans P4. – 115. defaillist P3. – 116. por son plorer (...) empris] pour son plorer L2 de son erre fere por son plorer P5. – 116. l’emfanter] l’emfant P5 l’enterrer P3. – 116. de la mere] en leu de la mere P5 de l’enfant L2. – 116. et fu] ele fu L2. – 116. en son baill] a son bail C L1 sa chamberiere L2 en son liu P3. – 117. tout l’ofice] l’ofice de chamberiere L2. – 117. et entre cez dolors P5 (C L1 P3 P4) et entre ses douleurs L2. – 117. la dona L1. – 118. tout l’ofice P3. – 118. et le norissoit de let L1 (C P3 P4) et le nourri de lait L2. – 119. enseingne L2 P5 (C L1 P3; un rapiéçage a partiellement altéré la lisibilité des cinq dernières lignes de la colonne 295 c de P4). – 119. et en terre P3. – 119. est b. et norrice] est baiasse et norice L1 elle conseille, elle nourrist l’enfant L2. – 120. mie] omis dans L2 P3. – 120. a conmencié] a enconmencié P3 (P4) avoit conmencié P5 a enconmencié a faire L2. – 120. et ele aide P3. – 121. qui enfante L2. – 121. et par la bone vol. (...) vers lui] omis dans L2. – 121. volenté] pensee C L1 P3 P4. – 121. ke il avoit P3. – 122. l’enfant plorant L2. – 122. et quant (...) son plorer] quant (...) P3 (...) dou lait (...) P4; pour ce que il saoulez lesse son plorer L2. P4 introduit une lettrine au début de cette proposition. – 122. et li cors] le cors L2. – 123. a sa memele] de sa mamele C, omis dans L2. – 123. Or orroiz merv.] ce qui est merveille L2. – 123 - 124. aemplisist ce que ele avoit enconmencié quant ele estoit en cors et en ame L2. – 125. En ne la voit pas (...) les autres] et oun ne la veoit pas (...) L1 en (l’en L2) ne la (le P3) veoit pas et ele veoit (...) P5 (L2 P3); (...) bien les autres L2 P3. Omis dans C. – 125. autresi conme L2. – 126. come vessiax wides L1. – 126. l’aleta] alaite L2. – 126. et li vessiaus] li vessiaus P3. – 126. si estoit seignee L1 (C P4). – 127. cil vessiaus si seurs L2. – 127. cil vessiaus] li vaissiaus P3 si vessiax L1 vessiaux C; omis dans P4 P5. – 127. ne rousee ne pluie L2 pluie ne rosee P5. – 127. ne le pooit gr.] ne le poit gr. L1 nel pout gr. C ne leur nuit L2.
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sources antérieures à jacques de voragine
ne iver ne estés ne li nuisoit. Il n’a soif ne n’a fein ne ne put ne ne perist, et saciez ke aussint sont gardees les choses que l’en conmende a la Madeleinne. O[r] reperons a nostre pelerin et ne vos soit pas poinne d’oïr quel comfort ele li dona de son descomfort par ses prieres et conment sa moleste est [254 a] convertie en joie. Il ot bon vent qui menoit la nef a force et vint au port qu’il avoit desirré, et quant il ot pris port, si issi fors; et aprés .j. pou de terme, seinz Peres li apostres l’encontra, et quant il vit le singne de la croiz que li pelerins avoit en l’espaule, il li conmença a demender par qui amonestement et por quele chose il estoit la venuz, et connut bien seint Pere que la dont cist venoit preeschoit on la parole de Dieu, et li pelerins li conta tout ce qu’il li estoit avenu en terre [et] en mer en cele voie et par qui amonestement il estoit la venuz, par l’amonestement a la douce Madeleinne. Quant seint Pere oï ce, si dist : « Biau sire, Diex te doint pes, bien soies tu venuz. Tu as creu bon conseill et tu avras bien, ne ne t’ennuie se ta fame est sauve et ele se dort et se li enfes se repose avec, quar Nostre Sires est puissanz de doner et de tolir ce que Il a doné et de restorer ce qu’Il tost. Ge sui Pierres : ge te serai d’ui cest jor en avant tres bons compainz. » Lors en mena seint Pere le pelerin en Jhe[r]usalem, ou Jhesucrist fu morz et souffri Passion et la ou Il fu enseveliz, et en
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130. O reperons. Correction d’après L1 (C L2 P3 P4 / P5). – 131. est est convertie. – 132. qui le menoit. Correction d’après C L1 L2 P4 P5 (P3). – 137. en terre en mer. Correction d’après L1 L2 P3 (C). – 140. morte et sauve. Correction d’après C L2 P3 P4 P5 (L1), conformes au texte latin (si salva facta sit mulier tua; cf. BNF, lat. 803, f° 227 b). – 144. Jhesusalem. 128. n’en yveer n’en esteez C. – 128. ne li nuisoit] ne leur nuist L2 ne li grevoit P4. – 128. Il n’a] ne n’a P4. – 128. soif] ne soif L2. – 128. ne n’a fein] ne il n’a faim P3 ne fain L2. – 128. put] poirist P4. – 129. que les ch. sont ainsi g. L2. – 129. aussint] ensi P3. – 129. que l’en conm.] qe l’en comanda L1 que on comande P4 (qui bisse aussi partiellement les trois mots suivants); omis dans P5. – 130. P3 P4 P5 ne comportent pas de lettrine au début de ce paragraphe. – 130. ore repeirons L1 (C L2 P3 P4) or repererons P5. – 130. ne nos soit P4 P5 ne li soit L2. – 130. pas] mie L2. – 130. poinne] ennui P5 (C L1 L2 P3 P4). – 131. par ses priers C. – 131. moleste] dolour C L1 (P3 P4) . – 131. est conv.] fu conv. L2 P5 (C) fu confortie L1 converti P3 P4. – 132. et ot bon vent P3. – 132. qui menoit C L1 L2 P4 P5 (P3). – 132. sa nef P3. – 132. tant desirré L2 P3 P4 P5 (C L1). – 133. fors] hors C L1 L2. – 133. aprés] aprés çou P3. – 133. termine C L2 P3 P4. – 133. li apostres] omis dans L2. – 134. si l’encontra P3. – 134. il vit] li vit C vit P4. – 134. li pel.] si pelerin C il L2. – 134. sus l’espaule L2. – 135. il comença C L1. – 135. par quel amonn. L2. – 135. par quel chose P4 (C P3) pour quel cause L2. – 136. seint Pere] omis dans P4. – 136. cist venoit] cil venoit P3 cil estoit venus L2 il estoit venuz P4. – 136. on preeschoit L2. – 136. la parole dieu P5 (P3). – 137. ce qui li estoit L2 P4 P5 (P3) ce qe li estoit L1. – 137 138. en terre (...) la venuz] omis dans P4 (saut du même au même). – 137. et en mer L1 L2 P3 (C). – 137. en cele voie] omis dans L2. – 138. par quel amonn. et pour coi il i estoit venus L2. – 138. par l’amon. a la douce Mad.] (...) a la Mad. P5 (...) de la douce Magdaleine L1 et ke ce ert par la douce Madelaine P3; omis dans L2. – 139. Quant] omis dans C. P3 P4 introduisent une lettrine à cet endroit. – 139. beax freres L1 (C L2 P3 P4). – 140. creu] receu P3. – 140. et tu avras bien] persevere en bien, tu auras bien L2. – 140. ne ne t’ennuie] ne ne t’ennuie pas P5 ne t’anuie pas L1 P3 (C P4) ne ne te nuise pas L2 . – 140. est sauve C L2 P3 P4 P5 (L1). – 141. et ele se dort] et ele dort C L1 P3 P4 P5, omis dans L2. – 141. et se li enfes] et li angres C L1. – 141. avec lui C L1 L2 P5 (P3 P4). – 142. ce q’il donne (...) C (L2 P3 P4) et ce qu’il done tolir et restorer L1. – 142. il a tolu P5. – 142. ge sui cil Pierres P5. – 143. d’ui cest jor en avant] des hui en avant P3 (P4) desore en avant C L1 omis dans L2. – 143. tres bons compainz] bons compains P3 docteur et compaingnon L2. – 144. ou Jh.] la ou Jh. C L1 L2 P4 P5 (P3). – 144. fu morz et souffri passion] souffri mort et passion L2.
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pluseurs autres leus, et li mostroit les vertuz et les singnes que Jhesucriz avoit fez de- [254 b] -vant ses deciples, les quiex nos qui avons pou d’escience ne savons pas conter; et enquist tant toutes ces choses que .ij. anz ou plus furent passé. Aprés ices .ij. anz passez, il s’en repera et prist congié a seint Pere por revenir en son païs et vint a la mer, et fist marchié au notonnier et entra en mer. Il alerent et orent bon vant, et avint par la grasce de Dieu que il vindrent par delez la monteingne ou li pelerins avoit lessiee sa fame et son enfant. Quant il vit la monteingne, il promist au notonnier argent qu’il le menassent a la [m]onteingne, et il si firent; et quant il vint ilec, il vit l’enfant qui s’estoit venuz es[batre] sus le rivage, si conme il soloit. Il estoit en la rive [et plonjoit] ces pierres en la mer, et il s’en conmença a merveillier et sailli fors de la barge. Quant li enfes le vit, qui n’avoit onques mes home veu, s’ot poor et s’en foui aussint conme uns chiennez aus piez et au paumes au mamesles sa mere, et si se coucha desouz son mantel. Li pelerins ala avant por veoir plus apertement que ce estoit et vit l’emfant qui trop estoit biaus et alectoit la mamele sa mere, et vit les dras qu’il avoit mis desus le cors aussint soef flerenz et aussi noviaus [254 c] conme s’il eussent esté a une perche ou en une huche, et regarda le cors a la dame aussi fres et aussi coloré conme il estoit quant ele estoit en vie. Quant il vit ce, il s’esjoï mout et il se mist a terre et rendi grasces a Jhesucrist et a
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152. fonteingne. Correction d’après C (L2 / L1 / P5), graphie conforme à la scripta de B2. – 153. escouter. Correction d’après C L1 P4 P5 (L2 P3). – 154. Les deux mots entre crochets sont omis dans B2. Correction d’après P5 (C L2 P3 P4 (L1)). 146. devant ses dec.] a ses dec. et devant touz L2. – 146. savons] poons C L1 L2 P3 P4 P5. – 147. .ij. ans f. passez ainz qu’il revenist L2. – 148. Aprés ices .ij. anz p.] aprés ices .ij. ans L1 P3 (C) aprés .ij. ans p. L2, omis dans P5. – 148. de seint Pere C L1 P5 (P4). – 148. de revenir P3. – 149. aus nontoniers C L1 (P4). – 149. Il alerent] il errerent P3, omis dans L2. – 150. et avint] il avint P3. – 150. revindrent C L2. – 150. par doloer (?) C. – 151 - 153. Quant il vit (...) il vit l’enfant] omis dans P4 (saut du même au même). – 151. Quant (...)] et quant L1 (C) quant li pelerins vit la montaigne et il en fu pres P3, qui introduit ici une lettrine. – 152. au noutoniers L1. – 152. qu’il le men. (...)] qu’il le men. a la montaigne et il si f. (et il f. L1) C (L1 L2) qu’il l’i men. a la monteingne et il si f. P5 et il l’i menast et il fi fist P3. – 152. et quant] quant L1 et com L2. – 153. ilec] la L2. – 153. qui estoit C P4 qui iluec estoit L2. – 153. venuz esbatre C L1 P4 P5 (L2 P3). – 153. seur le riv. P4 P5 (P3) sus la riviere L2. – 153. soloit] estoit acoustumez L2. – 154. Il estoit] et estoit L1. – 154. en la rive (...)] a la rive L2 en la greve P4 en la gravele C L1 P3 P5 et plunjoit cez p. (les p. C L2 P3 P4 (L1)) P5 (C L2 P3 P4 (L1)). – 154. a la mer L2. – 154. il se comença C (L2). – 154. esmerveiller C L1. – 155. fors] hors C L1 L2. – 155. Quant li enfes les vit P4, qui introduit ici une lettrine. – 155. qui onques mais n’avoit P4 (P3) qu’onques mes n’avoit L1 (C L2) qui n’avoit onques mes onques n’avoit P5. – 155. homes veu P5 veu homme L2. – 156. aussint] et ausi L2. – 156. unes chiens C uns chinez nez L1. – 156. au paumes et aus piez P5 (C L1 P3 P4) a pié et a paumes L2. – 156. et as mameles P3 s’enfoui as mamelles L2. – 157. et si se c.] et se c. L1 et si se muça L2. – 158. et vit (...) trop estoit] omis dans C (saut du même au même). – 158. l’emf. (...) et alectoit] l’enf. qui aletoit L2. – 159. sor le cors P3. – 160. conme s’il eussent esté gardé P3 P5 (C L1 P4) conme se il eust esté gardez L2. – 160. a la perche P3. – 160. en une huche des le jour qu’il i furent mis L2. – 160. regarda] omis dans C. – 161. de la dame C L1 L2 P3 P4. – 161. fres] flerant soef L2. – 161. coloré] novel P5. – 161. conme ele estoit P3. – 161. quant il estoit P4 quant il iert L2. – 161. en vie] vive P3 P5. – 162. Quant il vit ce] L2 introduit ici une lettrine. – 162. il s’esjoï] si s’esjoï C L1. – 162. moult durement L2. – 162. et si se mist C L1 P5 et se mist L2 P4. – 162. a terre] a genouz P4. – 162. a nostre seingneur Jh. L2.
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la beneoite Madeleinne par qui si granz miracles sont avenues. Il prist l’emfant et si dist : « O beneoite Madeleinne, com fuse o[re] beneurez, com fussent ore toutes choses bien avenues se ma fame fust en vie, qu’ele s’en poïst reperier avec moi. Ge sai bien et si croi certeinnement que l’emfant tu me donas, et l’avoie perdu par .ij. anz, et sai bien que la mere porroit avoir santé par ta priere. » A ces paroles, la dame soupira aussi conme s’ele s’esveillast et dist : « O beneoite Madeleinne, conme tu iés de grant deserte, qui en mon emfanter fus baaisse et en toutes mes necessitez tu as fet l’ofice de ba[a]isse ! » Quant li pelerins oï ce, si se merveilla mout et dist : « Es tu vive, douce amie ? » Et ele respondi : « Ge vif voirement, et orendroit premierement vieng ge dou pelerinage dont tu viens, et aussi conme tu eus seint Pere a mestre et a compaingnon en touz leus, aussint oi ge avec moi la Madeleinne et fui avec vos par- [254 d] -tout, et chascune chose regardai ge mout bien et reting. » Et li conmença a raconter les miracles qu’il avoit veues et les pelerinages qu’il avoit fez, si c’onques de riens nule n’i failli. Que vos diraie ge plus ? Li pelerins reçut sa fame seinne et halegre et son enfant et entra en la nef, et au notonnier et a touz ceus qui la estoient conmença a raconter ce qu’il li estoit
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164 - 165. O beneoite Mad. com fuse o beneuree com fussent ore toutes ch. bien av. Passage confus dans l’ensemble des témoins sauf P4 et P5, par le biais desquels il faut sans doute rechercher la leçon en amont de la tradition. – 170. baisse. Correction d’après P5 (C L1 L2 P4), graphie conforme à la scripta de B2 (cf. lignes 119 et 169). – 178. au touz ceus. 163. Marie Magdelainne L2. – 163. par qui] pour cui P4. – 163. si granz mir. estoient avenuz L1 (C) si granz mir. li estoient avenues P5 (L2) si granz mir. li estoit avenuz P4 (P3). – 163 - 165. Il prist l’emfant (...) fust en vie] et dist si ma fame fust en vie L1 et dist si ma fame fust vive C se ma feme dist il fust vive P3 (saut du même au même). – 163. Il prist l’emf.] il prist lors l’emf. P5 (L2 P4). – 164 - 165. O ben. Mad. (...) bien avenues] o benoite Marie come fusse ore beneurez L2 (...) com fusse ore bonseurez (...) P4 (...) com fusse beneurez (...) P5. – 165. en vie] vive P5 ore vive L2. – 165. qe ele se poït C q’ele se pooit L1 que ele peust P4. – 165. ore reperier L2. – 166. et si croi] si croi L1 et croi L2. – 166. tu m’as donee C L1. – 166 - 167. et l’avoie perdu par .ij. anz] et l’avoie perdu .ij. anz P5 et l’as nori par .ij. anz L1 (C L2 P4) et le m’as par .ij. ans norri P3. – 167. et sai bien] et sai L2 et si sai bien P4. – 167. bien avoir santé L2 P3 bien santé avoir L1 (C). – 167. par tes prieres P4. – 167. A ces paroles] a ses parolles L2 a cest mot P4. L1 P3 P4 introduisent une lettrine au début de cette phrase. – 168. soupira] s’esperi L2. – 168. s’ele s’esv.] cele s’esv. L1 se ele s’esvellast de dormir P3. – 168. O] ha P4. – 169. conme tu iés] come iés C (L2 P3 P4) iés L1. – 169. qui en mon emf.] qu’en mon enf. L1 ki a mon enfanter P3 qui en mon enfant P4 qui a mon enfant L2. – 169. baaisse] baille L2. – 169 - 170. et en toutes mes nec. (...) ba[a]isse] omis dans P3 (saut du même au même). – 170. tu as fet] en as fet P5. – 170. baaisse P5 baiasse C L1 L2 P4. – 170. si se merv. mout] si s’esmerveilla mult L1 (C P3) il se merv. L2. – 171. Es tu vive (...)] es tu viee (...) C douce amie vis tu encore L2. – 171. li respondi P4. – 171. Ge vif] je sui vive P3. – 172. tout prem. L2. – 172. ving ge L1 je vieng L2. – 172. de pel. P3 P5. – 172. dont] de la u P3. – 172 - 173. come tu veis saint Pierre et tu l’eus a maistre P4. – 173. mestre] conduiteur L2. – 173. oi ge] avoi ge L1 ai je eu L2. – 173. avec moi la Mad.] avec moi la benoite Magdelainne L2 la Magdelainne avec moi P4 la Made P5. – 174. regardai ge] regardeli (?) ge C regardai L2. – 175. mout bien et reting] et moult bien reting L2. – 175. començai L2 (P4). – 176. a rac.] a conter P3 a dire et a rac. P4. – 175. les miracles] omis dans P4. – 175. qu’ile avoit v. L1. – 176. les pel.] les miracles L2. – 176. si c’onques] qu’onques L1 si que P3. – 176. nule] omis dans C. – 176. ne failli C L1. – 176. Que vos d.] P3 introduit une lettrine à cet emplacement. – 177. et halegre] et haitie P3 et en bon point L2 et alegie P4. – 177. et son enfant aussi L2. – 177 - 178. en sa nef et conmença au notonier et a tous cels ki la estoient a rac. P3. – 178. et au not.] omis dans P4. – 178. a touz ceus P5 (C L1 P4) a ceus L2. – 178. ce qu’il li estoit] ce qe li estoit C L1 ce qui li estoit L2 P5 ce ki lor estoit P3.
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avenu. Aprés ce .j. pou, il vindrent au port de Marseille et issirent fors de la nef, et troverent la Madeleinne a touz ses deciples qui preeschoit a grant multitude de gent, et il se lesserent chaoir a ses piez et si distrent : « O ! beneoite Madeleinne, ton Dieu que tu as aoré et que tu preesches est mout granz, et nos le savons bien et le creons et le regeïsson que il n’est autre Dieu que Lui, et nos et toutes noz choses metons en ta mein et en soit fet si conme tu voudras de toutes choses. » Et eus recontererent a ceus qui i estoient ce qu’il leur estoit avenu et qu’il avoient veu, et se firent baptisier de seint Mauximin et lesserent les ydoles, et firent eglises el non de Jhesucrist, a cui enneurs et gloire est par toz les siecles des siecles. Amen. Aprés la Resurrection Jhesucrist et aprés ce qu’Il monta [255 a] es cieus et Il ot envoié le Seint Esperit qui raempli les cuers des deciples, qui encore se doutoient, et leur dona l’escience de touz languages, cil qui creoient estoient avec la mere Jhesucrist et semoient la parole de Dieu, et mout acroissoit li nombres des creanz en tele maniere que par la predication des apostres meinz millier de gent obeïssoient a la parole de Dieu et despisoient les leur choses. Li provoire des juis et li mestre qui furent embrasé par envie, si esmurent une persecution a une eglise et firent ocirre seint Estien, le premier martir, et firent chacier fors de leur contree touz ceus qui preeschoient le non Jhesucrist. Endementieres que ceste persecution estoit, cil qui creoient en Dieu le tout puissant se departirent et alerent en divers reaumes, si conme il estoit devisé, et preeschoient la loi Jhesucrist; et lors si estoit avec les apostres seint Mauximins qui estoit .j. des .lx. et .xij. deciples, qui estoient
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195. a une eglise est sans doute une traduction maladroite – on lit dans le passage correspondant du manuscrit 443 du Musée des Bollandistes à Bruxelles in ecclesia –, mais C est le seul exemplaire qui exprime une réaction devant le manque de pertinence de cette leçon. 179. avenu iluec L2. – 179. Aprés ce .j. pou] aprés .j. pou P5 un pou aprés C L1 P4 (P3) .j. petit aprés L2. – 179. il vindrent] vinrent P4 arriverent P3. – 179. fors] hors C L1 L2. – 180. trovent P4. – 180. et touz ses deciples L2. – 180. preschoient P4. – 180. a molt grant mult. P3 a tout grant mult. L2 P4. – 181. et li distrent L2 et si li distrent P5 et disent P3 (P4). – 181. Marie Magdelainne L2. – 182. tu aeures P5 (L2 P3 P4). – 182. et que tu pr.] omis dans L2. – 182. et (...)] nous le savons bien (...) L2 quar nos le savons bien et creons P5. – 183. et regeïssons P5 (C L1 L2 P3 P4). – 183. que lui et] omis dans L2. – 184. en sa mein L1 (C). – 185. eus] si P3 ensi P4. – 185. raconterent C L1 L2 P3 P4. – 185. qui la est. C L1 L2 P4 P5 (P3). – 185. ce qu’il] ce qui C L2 P5 (P3). – 185. et ce qu’il avoient veu L2. – 186. et si se f. C L1. – 187. el non] omis dans P5. – 187. est honneur et gloire L2. – 187. par toz les s.] en tous s. P3 par touz les tans P4. – 187. des s. sans fin L1 P3 (C P4). – 189. la sainte resurrection nostre seigneur Jh. P4. – 189. et aprés (...) es cieus] (...) el ciel C et que il fu monté es cieus et il ot aempli ce qu’il avoit dit L2. – 190. qui raempli] qui en empli C por raempli P5. – 190. de ses disiples P3. – 190. qu’encore L1. – 191. et leur dona] lor donna P4. – 191. la science C L1 L2 P4. – 191. de toutes langues C P3 P4 P5 (L1) de toutes les langues L2. – 191. avec la mere] devers la mere L2. – 192. et sem. la parole de dieu] et sem. la parole dieu P5, omis dans L2. – 192. et acr. des creanz P4. – 193. obeïssent L2. – 195. qui furent embracé L1 ki estoient enbrasé P3. – 195. par envie si esm.] si esm. par envie P4. – 195. a une eglise] a seinte eglise C, omis dans L2. – 196. fors] hors C L1 L2 P3. – 197. le non de Jh. L1 P3 la foy Jh. L2. – 197. endementres L2. – 197. cele persecutions P3. – 198. estoit] duroit P5. – 198. dieu le tout p.] dieu le pere tot p. P5 Jhesucrist L2. – 198. s’en dep. P3. – 198. es divers roiames C L1. – 199. et si come L1. – 199. il estoient dev. L2. – 199. preeschierent P4. – 199. et lors estoit L2. – 200. estoient] estoit C L2 P3.
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mout preudom, et fesoient granz miracles et par doctrine et par vertuz. A la seinteé de cestui si s’acompaingna la beneoite Madeleinne, aussi conme la [Virge] a seint Johan l’Evengelistre, a qui Nostre Sires l’avoit conmen[dee], et porce il s’en vindrent ensem- [255 b] -ble a la mer et orent bon vent, et vindrent a Marseille et d’ilec en la contree d’Ais, et illec preescherent la loi Jhesucrist, et jor et nuit entendoient a predication et en [vegiles] et en geunes et en oroisons porce que li pueples ne creoit pas ne qu’il n’estoit mie baptisiez, et qu’il les amenassent a la foi Jhesucrist; et seinz Mauximins qui fu evesques et comfessors, si fu en l’eglise d’Ais lonc tens et gouverna l’eglise a son pooir, et preescha et rendi a ceus qui ne veoient la lumiere et au contrez l’aler, et curoit toutes les emfermetez. Endementieres la beneoite Madeleinne, qui entendoit a contemplation et qui voloit avoir la tres bone partie qu’ele avoit esleue par l’amonestement Nostre Seingneur et se mist en un hermitage et en .j. leu que li angre li avoient apareillié, demora .xxx. anz que nus hom ne la connut, et vivoit tant seulement de la viande du ciel, et illec demora en loant et en priant Nostre Seingneur. La cave ou la beneoite Madeleine demoroit fu seur une monteingne, si conme li angre li avoient apareilliee, et ilec n’avoit point d’eve ne herbe ne arbre nul, porce que Nostre Sires mostrast que cele
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202. aussi conme la vigne : erreur probable pour vigene (virgene), comme dans P5 (vingne). Correction d’après C L1 P3 P4 (L2). – 203. conmen. Le scribe a vraisemblablement oublié de reproduire la dernière syllabe du mot en changeant de ligne dans sa copie. Correction d’après P5 (C L2 P3 P4 / L1). – 206. et en evengiles. Correction d’après P5 (L1 P3 P4 / L2). 201. faisoit C L1 P3 P4 (L2). – 201. molt grans miracles P3. – 201. et par vertu C L1 L2 P3 P4 P5. – 201. A la seinteé] et la sainteé P4. – 202. si s’ac.] s’acompaigna L1 (L2 C). – 202. Marie Magdelainne L2. – 202. aussi conme] come P4. – 202. la virge C L1 P3 P4 la vierge Marie L2. – 202. avec saint Jehan L2. – 203. a qui] et qui L1. – 203. comandé L1 conmendee P5 (C L2 P3 P4). – 203. il se vindrent C. – 204. ensemble] omis dans L2. – 205. d’iluec avalerent a la conté d’Ais L2. – 205. illec] omis dans P4. – 205. preesch.] pristrent P5. – 205. de Jh. L2. – 206. entendirent P3. – 206. a predications P3 a la predic. L2. – 206. et (omis dans L2) en vegiles P5 (L1 L2 P3 P4) et en jugesses (?) C. – 206. et en geunes] en jeunes L2, omis dans P4. – 206. en oroison L1. – 207. qui ne creoit pas L2 ne creoit pas en Jhesucrist P3. – 207. ne qu’il n’estoit] ne qui n’estoit C L2 ne n’estoient P3. – 207. mie] pas L2 P5. – 207. qu’il les am.] qu’il (qui C L1) les ramenaissent (rem. C) P3 (C L1) qu’il le ram. P4 ram. L2. – 208. conf. et ev. L1 P3 P4 (C L2). – 209. d’Ais (...) l’eglise] omis dans P4 (saut du même au même). – 209. lonc tens] longuement C par moult de temps L2. – 209. et gouv. l’eglise] et gouv. glise P5 et la gouv. P3. – 209. a son pooir] omis dans L2. – 210. aus contrers C. – 210. l’aleure P3. – 210. et curoit toutes les emf.] et curoit toutes enf. P4 et curoit totes les maladies P3 et rendoit aus malades santé et curoit les enf. L2. – 210. endementres L2 entrementres P3. P4 introduit ici une lettrine. – 211. et qe voloit avoir L1 (C). – 212. que avoit esl. P4. – 212 - 213. par l’amon. de n. signor (...) P3 (et L2) par l’amon. de n. seignur se mist en .j. herm. en .j. leu L1 (C L2 P4). – 213. et demora] demora C (L2) et demora la L1 et i demora P3 et demora iqui P4. – 214. que nul ne la conneust L2. – 214. tant seul.] soul. L1 (C L2 P3 P4). – 214. viande] magne L2. – 214. du ciel] de ciel L1 douce P3. – 215. demora] demourant L2. – 215. nostre seingnor Jhesucrist L2. – 215. La cave (...)] P3 introduit une lettrine à cet endroit. – 215. Mad.] Marie L2. – 216. demoroit] estoit P5. – 216. seur] sus L2. – 216. li avoient] l’avoient L1 L2 l’i orent P3. – 216. et ilec] illec P5. – 217. point d’eve] ne yaue L2. – 217. ne herbes C P5 (P3) ne d’erbes L1; omis dans L2. – 217. ne arbre nul] n’arbres nuls L1 (P5 C) ne arbre L2. – 217. monstroit C mostraist L1. – 217 - 218. que cele (celui L2 celi P3 P4) que (qui L2 P4 (P3)) tant l’avoit amé P5 (L2 P4; amee L1 P3) ce cele qe tant l’avoit amee C.
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qui L’avoit [255 c] amé ne voloit pas [saouler] de viandes terriennes mes des esperitiex; et en cele cave ou ele estoit, a .vij. eures del jor estoit portee es cieus par les anges et ooit le chant des anges qui looient Nostre Seingneur, et ele qui chascun jor estoit saoulee de si douces viandes soufisanment, qui avoit esté amenee en cel leu par les angres, qui touz jorz demoroit en loer Nostre Seingneur, onques n’ot mestier de viande corporel. Et quan[t] la beneoite Madeleinne dut morir et rendre l’ame por esgarder la biauté de son Createur et le tens et l’eure fu de sa mort, Nostre Sires le fist savoir a seint Mauximin l’arcevesque, qui encore vivoit, en tele maniere. Il estoit uns prestres qui estoit mout religieus et mout doutoit Dieu, qui estoit mestres d’une petite congregation, ilec pres de la Madeleinne, et menoit vie d’angre et nus ne la connoissoit; et l’ome avoit pres de .c. anz et es queresmes, il se departoit de ses compaingnons et aloit touz seus en un hermitage, et illec entendoit a oroisons et a chanter de Dieu a grant estinance, et cist ne savoit pas le miracle que Jhesucrist fesoit de sa douce amie. Icil si fist une [255 d] petite ciaule delez le leu ou la beneoite Madeleinne estoit, delez une petite fonteinne, et ileques fesoit estinance tout le queresme; et avint que le lundi devant Pasques, Nostre Sires aparut a ce provoire et regarda li provoires ou leu ou la Madeleinne demoroit, et vit conme li
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218. ne voloit pas estre celee de viandes terr. Si saoler son cuer est la variante la mieux représentée au sein de la tradition manuscrite, il semble plus normal de faire de Marie-Madeleine le complément de cette relative, comme dans L2 – ce qui exclut du même coup la construction passive de B2 et P5. Graphie conforme à la scripta de B2. – 223. quan. 218 - 221. ne voloit pas (...) de si douces v.] ne voloit pas estre saolee de v. si douces P5 (saut du même au même) ne voloit pas saouler de terr. v. (...) L2 ne voloit pas saoleer son cuer de (des P4) terrienes v. (...) (demandes C; choses, exponctué et corrigé en viandes P4) L1 (C P3 P4). – 218. mes des esp.] mes d’espirituex L1 (L2). – 219. et en cele cave] en cele cave L1 (C). – 219. as .vij. eures P3. – 219. de jour L2. – 219. estoit ele portee C L1 P3 P4. – 219. de angles es ciaus P4. – 219. ou ciel L2. – 220. et ooit le chant des anges] omis dans L1 (saut du même au même). – 220. looient] ooient L2. – 220 - 221. et ele qui (...)] ele qui s. estoit chascun jor de si douce viande L2. – 221. soufis.] souffri saument L1. – 221 - 222. qui avoit amenee en ce lieu L2. – 222. demoroient P5 L2 demorroient L1 demorront C. – 222. a loer L2. – 222. qu’onques L1 qui onques C. – 223. n’ot] n’oi L2. – 223. de corp. viande C L1 L2 P3 P4 P5. – 223. Madeleinne] dame P4. – 224. de son cr.] son creatour P4. – 224. et le tens] le temps L2. – 224. fu de sa mort] de sa mort fu C L1 P3 P4 P5 de la mort L2. – 225. le fist savoir] le demostra P5 (L1 L2 P3) demoustra C P4. – 225. au seint Maximin C. – 225. l’arc.] l’evesque C L2, omis dans P3. – 226. en tele man.] omis dans L2. – 227. C L1 P3 P4 P5 ne comportent pas de lettrine au début de ce paragraphe. – 227. qui moult estoit rel. L2. – 227. et mout dout.] et dout. C qui moult dout. L2. – 227. qui estoit m.] et estoit maistre P4 (L2). – 228. d’une moult petite congr. pres du lieu ou la Magdelainne menoit L2. – 229. et l’ome (...) .c. anz] cil hom (...) P3 (...) plus de .c. anz P5 et estoit pres a cent estades d’ommes L2. – 229. es quer.] el quaresme C L1 chascun an par .iij. ans en la quaresme L2. – 230. touz seus] touz cevos (?) L1, omis dans L2. – 230. atendoit P4. – 230. a or.] aus oreisons C et or. L1. – 231. a dieu L2. – 231. en grant abstinence P3 P4. – 231. et cist] et si L2 cil P4. – 231. pas] mie L2. – 231. le mir.] le grant mir. P5. – 231. Jhesucrist] diex P4 P5. – 232. por sa douce amie P5 (L2 P4). – 232. icil se f. P4 e cil si f. L1 icelui f. L2. – 232. mesoncele L2. – 232 - 233. le leu (...) estoit] le leu a la Mad. P5. – 233. delez une petite font.] et une petite font. P5, omis dans C L1. – 233 - 234. et il. fesoit est. tout le qu.] et illuec estoit et faisoit (...) P3. B1 P1 P2 rejoignent cette version à partir d’ici, avec une leçon quelque peu différente : et ainssi faisoit le quaresme (graphie de B1; P2 : et ainsi faisoit la quarantainne). – 234. devant P.] par quoi B1 (P1 P2). – 234. n. s. s’aparut P3 s’aparut n. s. L2. – 235. a ce pr.] a lui P3. – 235. li prov.] omis dans L2. – 235. ou leu] le liu P3 (L2). – 235. la Mad.] la beneoite Madelaine P3 Marie L2. – 235. conme] coment C L1 (B1 L2 P1 P2 P3 P4).
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ange la portoient en haut et aprés l’espace d’une eure l’i raportoient chantant, et il qui estoit .j. pou loing ne pooit savoir que li ange portoient et raportoient; et quant il ot veue ceste merveille en avision, il ne fu onques troblez, einz se mist a oroison et pria Nostre Seingneur en plorant que [de] cele avision li enseingnast la verité. Au matin l’andemein, li jorz fu clers et il se conmenda a Nostre Seingneur et aloit au leu ou il avoit veu les anges descendre .vij. foiz le jor devant par grant devotion, et quant il fu pres du leu au giet d’une pierre, les jambes et les piez li conmencerent a mal fere et de poor conmença a trembler; et quant il voloit retorner, les jambes ne li pié ne li fesoient nul mal, et quant il voloit aler avant tout droit au leu, toute la langueur de cors le prenoit, si qu’il ne pooit aler n’avant n’arrie- [256 a] -res; et lors entendi bien li preudoms que sanz doute c’estoit sacrement du ciel a qui nus esperimenz humeins ne pooit aprochier. Il se tint ileques dusqu’a tant que Nostre Sires souffri qu’il aprochast au leu, et quant il fu au leu, il apela le non Nostre Seingneur et dist : « Ge te conjur par Dieu le tout puissant, c’est Jhesucrist, le Recouvrierres du monde, que se tu iés hom ou resonnable chose qui en cele fosse hantes, que tu me respondes et me di la verité de ton estat ». Il disoit ce et prioit Nostre Seingneur en plorant que Il li aidast, et quant il ot ce dit .iij. foiz, la beneoite
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239. que cele avision. Correction d’après B1 C P1 P2 P4 P5 (L1 / L2). – 249. dieu le tout le puissant. Correction d’après P4 P5 (C L1 P3). 236. l’enportoient P4 (L2). – 236. la rap. B1 L2 P1 P2 P4 P5 (P3) la rep. C L1. – 236. en chantant B1 C L1 P1 P2 P4 (P3). – 236. il] cil C L1 P3. – 237. estoit] estoient B1 (de même dans P1, où le scribe a toutefois exponctué en). – 237. que li ange p.] a qui il p. P1. – 237. et rap.] ne rap. P5, omis dans P4. – 237. et quant] quant B1 L2 P1 P2. L2 introduit ici une lettrine. – 238. ceste merveilleuse av. B1 P1 P2 ceste merveilleuse aventure L2. – 238. il n’en fu B1 L2 P1 P2 P3. – 238. troblez] esfreez L2. – 238. einz (...) et pria] ainz pria P2. – 238. a oroisons L1 (C P3) en oroison B1 L2 P1. – 239. tout en plorant P3. – 239. que de cele av. (...) B1 C P1 P2 P4 P5 (L1) que de cele vision L2 ke il ceste av. li demoustrast et l’en enseignast la verité P3. – 240. B1 C L1 L2 P1 P2 P5 ne comportent pas de lettrine au début de ce paragraphe. – 240. Au matin l’and.] a l’end. matin L1 (C) l’endemain au matin L2 au matin P3. – 240. biaus et clers P5 clers et biaus P2. – 241. .vij. foiz devant le jour B1 (P1 P2) par .vij. fois le jour devant L2 .vij. jorz le jor devant P5. – 242 - 248. pres du leu (...) qu’il apr. au leu] omis dans L2 (saut du même au même). – 242. pres du leu au giet d’une pierre] pres B1 P1 P2. – 242. comence P4. – 243. mal a faire P3. – 243 - 244. et quant il vol. ret. (...) nul mal] et come il retornast (...) B1 (P1 P2), omis dans C L1 (saut du même au même). – 244. nul mal] mal P2 P4. – 244. et quant] et conme P1 (P2). – 244. aler avant tout droit] retorner ancor arriere B1 retourner P1 P2. – 245. tote langor L1 (B1 C P1 P2 P3 P4). – 245. si qu’il ne p.] se ne p. B1. – 245. aler n’avant n’arr.] aler avant n’arierres L1 (P4) avant aler B1 P1 P2. – 246. c’estoit] s’estoit L1 ke ce estoit P3 (P1). – 246. dou saint ciel P4. – 246. a qui] a quei C (B1 P3) a que P2 et que P1 P4. – 247. espiremens L1 (C) esperis P1. – 247. n’i pooit P4 ne puet B1 P1 P2. – 247. ileques] ainssi B1 (P1). – 247. dusqu’a tant] jusque a tant L1 (C P3 P4) tant B1 P1 P2. – 248. s’aprochast P3 prouchast C. – 248. au leu] dou liu P3. – 248. et quant il fu au leu] omis dans C (saut du même au même). – 248. apela] apeleu P5. – 248. le non nostre seignur L1 (non a été ajouté au-dessus de la ligne, sans doute par le copiste) le non n. seignor Jhesucrist B1 (P1 P2). – 249. et si dist P4. – 249. par] de par B1 L2 P1 P2 P4. – 249. dieu le tout puissant P4 P5 (C L1 P3) dieu le vif B1 L2 P1 P2. – 249. c’est Jh.] et (et de P2) par nostre seigneur Jh. B1 (L2 P1 P2). – 250. recouvrier P3 recoures (?) L1 (le tracé de la première lettre n’est pas clair) le sauveeur P2. – 250. du monde] dou mont P3 de tout le monde L2. – 250. ou] omis dans P4. – 250. tu resonable chose P5 resonable creature L1 (C P3 P4) aucune raisonnable creature B1 (L2 P1 P2). – 250. fossee L1. – 251. hantes] abites P5 (B1 C L1 L2 P1 P2 P3 P4). – 251. et me di] et me dis P2 et me dies L2 et dies P1. – 251. Il disoit ce] il disoit P4 il dist ce B1 L2 P1. – 251. et prioit] si prioit P4 et pria L2. – 252. n. seigneur Jhesucrist B1. – 252. en plorant] omis dans L2 P4 P5. – 252. aidast] donnast, exponctué et corrigé en aidast, P4. – 252. il li ot ce dit P4.
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amie Jhesucrist, Marie Madeleinne, qui ert en la fosse meintenant li respondi : « Porce que tu m’as si conjuree, vien plus pres de moi, si savras la verité de ces choses que tu requierz. » Quant li prestres se fu aprouchiez dou leu, qui avoit mout grant poor, lors li dist la Madeleinne : « Remembre toi de l’Evangile, de cele Marie Magdeleinne qui fu apelee pecherresse, qui aus piez de son Criator ala hardiement et Li lava de ses lermes les piez et Li terdi de ses chevex, et ilec ot pardon de ses pechiez par la fonteinne de pitié ? » Li prestres respondi qui bien l’en remem- [256 b] -broit, et .xxx. anz avoit a cele eure que ce avoit esté, si conme Seinte Eglise le creoit, et ele li dist : « Ge sui cele qui ardant desirrier a de charité et de son Sauveor et ai foï l’ennui des choses dou monde, et par l’amonestement Jhesucrist Mon Seingneur et ses angres qui devant moi vindrent, ge me mis en cest essill, et par tant de termine conme tu as dit ai ge ci esté que nului ne m’i sot, ne onques n’i oi fein ne soif, ne n’i menjai de terrienne viande, mes de la douce viande do ciel sui ge saoulee, quar aussi con tu veis ier par la grace de Dieu, aussi chascun jor puis que ge ving en ce leu m’est il avenu; et de ce soies tu certeins que de ce leu ci sui ge portee en haut en l’air si que ge oi les douz chanz des beneoiz esperiz et la douce
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256. de l’evangile de cele evangile Marie Magd. (même bourdon dans P5). Correction d’après L1 (P4 / L2 / P3). – 268. des beneoiz esperitiex. Correction d’après C (L2). 253. qui ert en la f.] qui estoit en la f. P3 qui irt en la fossee L1 de la f. B1 P1 P2 des la f. L2. – 253. meintenant] omis dans B1 L2 P1 P2. – 253. li resp. et dist P5 (P1). – 254. tu m’as] m’as B1. – 254. si conj.] conj. P1. – 254. de moi] omis dans B1 L2 P2. – 254. si savras] et si savras L2 et si verras B1 P1 P2. – 254. de ses ch. P1. – 255. Quant li pr. (...)] P3 P1 P2 P4 introduisent une lettrine à cet emplacement. – 255. se fu] fu L2. – 255. dou leu] omis dans B1 L2 P1 P2. – 255. mout grant] grant B1 L2 P1 P2 (bissé dans P4). – 256. lors dist P3. – 256. rem. toi] te rem. il B1 P1 P2 dites vous remembreroit il point L2. – 256. de l’ev. (...) Magd.] de l’evengile de cele Marie L1 (P4) de l’evangille de ceste Marie L2 de l’ewangile et de cele Marie P3 de l’evangelie del Marie C de la vigille de cele Marie B1 (P1) de cele Marie P2. – 257. qui fu apelé pech. P5 qui fu nomé pecherice L1 (P3) qui si (ci P1) fu nommee pecherris P4 (B1 L2 P1 P2) qui a fin nomee pecherice C. – 257. qe au piez L1 qui au pié P4. – 257. de son cr.] son cr. C L1 (L2 P1 P2 P3 P4). – 258. et les i lava P2. – 258. les piez de ses l. L2 ses piez de ses l. P1. – 258. les piez] ses piez P4, omis dans B1 P2. – 258. li terdi] li terde (?) C terdi P2 essuia L2. – 259. et li prestres P1. – 259. li resp. P5. – 259. qui] que B1 L2 P1 P2 P4 (C L1 P3). – 259. menbroit P3 (P4). – 260. et .xxx. anz avoit (...) esté] .xxx. ans avoit (...) P3 et .xxx. anz a que ce fu B1 (L2 P1 P2). – 261. croit B1 C L1 P1 P2 P3 P4 P5. – 261. et ele li dist] elle li dist C et ele dist L2 P2 P4 (B1). – 261. d’ardant des. B1 L2 P1 P2. – 261. a de charité] et de charitee L1 (L2) et de la charité B1 P1 P2 a de chartre P5. – 261 - 262. et de son sauveor (...)] de son sauveour ai foui B1 (L2 P1 P2). – 262. et ai foï (...)] et n’ai cure de chose del monde P4 (...) de cest mont P3. – 262. et par l’amon.] par l’amonn. B1 P2 de par l’amonn. P1. – 262. de Jh. mon s. L2 de mon signor Jh. P3. – 263. et ces anges P1. – 263. devant me v. C L1 P4 P5 devant v. B1 L2 P1 (P2) me v. devant P3. – 263. en cest essil] en essil P2 a essil L2. – 263. et de par tant P1. – 264. de termine] de terme L1 d’ans L2. – 264. ai ge] ai L2 P1 P2. – 264. ci] ici L2. – 264. que nului ne m’i sot] qui nulli ne me sot C que nus hom ne m’i sot B1 P1 (P2) ne m’i sot onques nul L2. – 264. n’i oi fein] n’oi feim C L1 n’i oi ne fain L2. – 265. ne ne menjai L1 L2 P1 P4 P5 (B1 C). – 265. douce viande] douce manne B1 P2 (P1). – 266. sui saoulee P1 sui saoulee chascun jour P2. – 266. aussi] ainsi P1. – 266. veis] vo (?) C. – 266. ier] iert L1. – 266. de dieu] du saint esperit L2. – 266. aussi] ainsint P1. – 267. puis que ving P4. – 267. en cel leu L1 (C P3) en cest lieu B1. – 267. m’est il avenu (...) de ce leu] m’est avenu (...) L2, omis dans L1 (saut du même au même). – 267. soies toz certains P4 (P2; soiez t9 certains L2). – 267. que] car L2 et B1. – 267. de ce leu ci] de ce leu P5 (L2) de cest liu ci P3. – 268. je sui portee B1 P1 P2 sui portee P3. – 268. oi] ai oï P4. – 268. les douz chanz (...)] les chans (...) P3 (...) des benois esperiz C (L2) les douz (bons P2) chanz des ben. anges esperitiex B1 (P2) les douz chanz des angres P5 les bons anges du ciel qui chantant si doucement P1. – 268 - 269. et la douce loenge de la chev.] et de la douce l. de la chev. L2 et la douce chev. B1 P1 P2.
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loenge de la chevalerie do ciel qui chantoient la loenge Nostre Seingneur par .vij. foiz le jor, et einssi sui ge saoulee de tiex delices et me raportent li angre en ce leu. Et porce que Nostre Sires m’a denoncié que ge doi partir dou cors, entent ma voiz et va sanz demeure a Mauximin et li racontes tout ce que tu as veu, et li di que le seint diemenche de la Resurrecxion Nostre Seingneur Jhesucrist, qu’il [256 c] se seut lever a eure de matines tout droit au moustier qu’il a fet feire et qu’il soit tout seus, il m’i trouvera priant Nostre Seingneur et ilec seré ge portee par les angres. » Li prestres ne veoit nului et ooit la voiz qui a li parloit, et li sembloit mielz que ce fust angres que hom, quant il parloit encore a lui, et mout volentiers li demendast encor mout de choses, mes ele ne li respondi pas. Il touz espoentez et joianz grant oirre s’en ala a seint Maximin et li raconta tout par ordre tout ce qu’il avoit veu et oï, et li beneoiz hom, quant il oï ce, si fu touz raempliz de grant joie et tendi ses meins au ciel et tout em plorant dist : « Biax Sire Jhesucriz, [Filz de Dieu le vif],
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273 - 274. qu’il se seut lever (...) qu’il a fet feire. La syntaxe de ce passage est quelque peu déroutante, mais sa varia lectio ne fournit qu’une base fragile pour une intervention – cf. B1 L2 P1 P2, parmi lesquels L2 est le seul dont la leçon soit pleinement satisfaisante. – 276 - 277. Le premier jet du copiste est et ne li sembloit mie que ce fust angres que hom. ne a été exponctué avant que le responsable de cette intervention n’ajoute lz au-dessus du mot mie, pour former mielz. – 281 - 282. biax sire diex Jhesucriz le tout puissant ge te rent granz gr. Altération probable d’une leçon que B1 L2 P1 P2 semblent perpétuer, si le texte latin peut être allégué ici (Domine mi Jhesu Christe, fili vivi Dei; cf. BNF, lat. 803, f° 229 c). Nous suivrons donc la variante commune à ces quatre exemplaires. 269. du ciel avec euls P1. – 269. chantent P4. – 269. n. seigneur Jhesucrist B1. – 269 - 270. par .vij. foiz le jor] et iluecques serai je portee par les angels L2. – 270. sui saoulee B1 L2 P1 P2. – 270. raportoient P1. – 270. en ciel leu L1 en cest liu P3 P4 (B1) en ce lieu arriere P2. – 271. denoncié] ranoncié L1 renuncié C (P3) revelé L2 rové B1 (P1) conmandé et mandé P2. – 271. departir B1 L2 P1 P2 P3 P4. – 271. dou cors] del siecle C L1 (B1 L2 P1 P2 P3) de cest siecle P4. – 271 - 272. entent (...) sanz dem.] oi (...) B1 L2 P1 (...) sanz demoree B1 (P1 P2); en tant manois iras P3. – 272. a seint Maximin C L1 P5 (B1 L2 P1 P2 P3 P4). – 272. veu] veu et oï B1 P2 oï et veu L2 P1. – 272. et li di] et li dis P1 P2 entend et li di C L1 entent et se li di P4. – 273. seint] omis dans L2. – 273. surrexion B1. – 273. n. s.] omis dans B1 C L1 L2 P1 P2 P3 P4. – 273. qu’il se seut] se il se sieut P4 lors que il se seult B1 (L2 P1 P2). – 274. a l’eure C L1 P3 P4. – 274. des matines L1 P4. – 274. tout droit] entroit B1 P1 il entroit P2 entre L2. – 274. el mostier L1 (B1 C L2 P1 P2 P3 P4). – 274. ke je ai fait faire P3. – 274. et qu’il soit] et li di qu’il i soit P3, omis dans B1 L2 P1 P2. – 275. il me trovera C L1 P4 il m’i trouveroit P1 il me trouva P2. – 275. men seigneur P4. – 275. ilec] ainssi B1 (P1 P2). – 275. serai portee B1 L2 P1 P2. – 275. par mes angeles L1 (C). – 276. et ooit] et si ooit L2 ainz ooit P2 mes il ooit bien P1. – 276. parloit a lui P5. – 276 - 277. et li sembloit (...) que hom] et li sambloit miux angeles ke hom P3 et li sembloit que ce fust voiz d’angres P5 et li sembloit miex que ce feust angels que vois de personne P2. – 277. quant il parloit encore a lui] et come il parlast (...) B1 (L2 P1 P2); omis dans P4. – 277 - 278. et mout vol. (...) choses] (...) li demandast molt de coses P3 (P4) li demandast mult des choses L1 (C) et (et que P2) molt de choses li demandast B1 P1 (P2) et moult de choses li demandoit L2. – 278. mes ele] et elle B1 P1 P2 (L2). – 278. respondist P1. – 278. pas] plus B1 C L1 L2 P1 P2 P3 P4 P5. – 279. grant oirre s’en ala] a grant oirre s’en ala C L1 P4 P5 s’en ala grant oirre P3 grant erre s’en vint L2 s’en vint grant erre P1. – 279. reconta C conta P4. – 279. tout par ordre] toute la besongne par ordre P1. – 279. tout ce qu’il] ce qu’il C L1 P4 (B1 L2 P2) quan ke il P3 si conme il P1. – 279. l’avoit oï et veu P1. – 280. fu] omis dans L1. – 280. touz raempliz] mout raempliz P5. – 280. de joie P3. – 281. vers le ciel L2 P1. – 281. et dist tout en pl. P3 et dist tout pl. P4 et dit en pl. P2 et en pl. dist B1 P1 (L2). – 281. beax sire Jhesucrist filz de dieu li tot puissant L1 (C P3) biax sire diex Jhesucris fieus de dieu le tout puissant P4 biau sire Jhesucrist filz de dieu le vif B1 L2 P1 P2.
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ge Te rent granz graces et merciz de ce que ma [viellesce] s’esjoïst d’esperitel joie et de Marie Magdeleinne, la teue tres beneoite amie, as acompli mon desirrier. Tu, Sires Diex, Rois de Israël, qui raeinssis le monde de touz perilz de ton precieus sanc et reçoi[s] ceus qui font penitance et doucement leur pardonnes leurs pechiez, qui me meinnes en l’avision de clarté, Tu soies beneoiz et essauciez et mangnifiez et gloirefiez par touz les siecles des siecles sanz fin. Amen. » [256 d] Quant il ot ce dit, il touz hestiez a tout grant leesce de cuer enconmença a acroistre ses vegiles et ses geunes et ses oroisons, et de l’avision qui li estoit pramise a veoir disoit : « Le tens est trop granz ! », et en apeloit la misericorde Jhesucrist; ne nus ne se doit merveillier de ceste merveille, quar de la beneoite amie Jhesucrist doit chascuns leax hom ce croire sanz doutance, quar com plus Nostre Sires Jhesucriz connut la perfection de l’amor qu’ele ot en Lui, tant plus vost Il qu’ele seust le mistere des cieus, et com plus granz servises d’umanité Nostre Sires prist de lui devant sa Surrection et aprés, de tant doit on plus croire que Nostre Sires l’amoit plus que les autres et porce en voloit Il fere plus granz
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282. de ce que ma mesaise s’esj. n’est pas une leçon absurde à proprement parler, mais la variante sur laquelle s’accordent L2 P2 (B1 C L1 P3 P4) est à l’évidence la bonne – le manuscrit 443 du Musée des Bollandistes à Bruxelles comporte à cet endroit senectutem meam, dont elle est issue. La graphie de L2 P2 est celle qui paraît le mieux convenir aux habitudes du scribe de B2. – 285. reçoif. – 290. et disoit. Correction d’après B1 P1 P2 P4. 282. je renç P3. – 282. granz graces] grasces P4 P5 (B1 C L1 L2 P1). – 282. ma viellesce L2 P2 (B1 C L1 P3 P4) tu m’as veillié P1. – 282. s’esjoïst] esjoïs B1 L2 (P2) resjouir P1. – 283. Marie] omis dans P5. – 283. la toie ben. amie P3 la benoite amie P4. – 283 - 284. as acompli de mon des.] as aempli mon des. L2 (P2) as empli mon des. B1 (P1) a l’aconplissement de mon des. P4. – 284. tu sires rois diex d’Ysraël P5 tu sires roiz des roiz dieu d’Israël L1 (B1 C L2 P2 P3) tu sire rois des rois rois d’Israël P4 toi sire rois des rois deux des deux P1. – 284. raeinssis] reinsas (?) P5. – 284 - 285. de touz perilz de ton pr. sanc] omis dans B1 L2 P1 P2. – 285. par ton pr. sanc P5. – 285. et reçoi[s]] reçoif C L1 reçois P1 et raensis L2. – 285. ki sont en pen. P3. – 285. doucement] omis dans B1 P1 P2. – 285. pardonnas P4. – 286. qui me meinnes en l’av.] qui me mainne a la vision L2 qui m’amainnes a l’avision P2 qui mainnes a l’avision P1 qui mainnes la vision B1 qui m’enluminas de l’av. P4. – 286. de ta clarté B1 L2 P1 P2 P3. – 287. et gloir.] omis dans L2. – 287. par les siecles B1 L2 P1 par le siecle P2. – 287. sanz fin] omis dans B1 C L2 P1 P2 P4. – 287. amen] omis dans P4. – 288. C L1 ne comportent pas de lettrine au début de ce paragraphe. – 288. quant il ce dit C. – 288. il touz hestiez] omis dans P4. – 288. a tout grant l. de cuer] a grant l. (leesté ? C) du cuer L1 (C) a grant joie P5 s’en ala a tout grant lieece de cuer B1 (P1 P2). – 288. il encomença P4 et comença B1 P1 (P2). – 289. a croistre L2 P1 P4. – 289. et ses geunes] ses jeunes B1 L2 (P1) ces geunes L1, omis dans P2. – 289. estoit] est P3. – 290. a veoir] omis dans L2. – 290. a veoir disoit B1 P1 P2 P4. – 290. Le tens est trop granz] le temps trop grant B1 P2 trop grant temps L2. – 290. la mis.] a mis. P1. – 291. de Jh. C L1 P2. – 292. ce croire] croire B1 L2 P1 P2. – 292. com plus] quant plus C L1 P3 P4 conme plus que L2. – 293. n. s.. Jh. connut] conut n. s. P4. – 293. la perf.] l’afection B1 L2 P1 (P2). – 293. de l’amor qu’ele ot en lui] de l’amor q’ele avoit en lui L1 (C P3) de l’amor que cele avoit en lui P4 d’amour que elle avoit en lui B1 P1 P2 (L2) de lui P5. – 293. tant volt il plus L2 et tant plus volt il P1. – 294. seust] veist L2. – 294. sa mistere P3 le ministere B1. Précédé dans P5 de le p (le scribe a peut-être gardé en mémoire connut la perfection, qui figure juste avant dans le texte, et n’est retourné à son modèle qu’après avoir écrit le début de cette leçon, sans l’exponctuer ?). – 294. de cieus P1. – 294. et quant plus P3. – 294. granz servises] grant servise L2 P1 P2 (P3) servises B1. – 294 - 295. d’umanité (...) de lui] nostre sires prist de lui en hum. L2. – 294. d’umanité] omis dans P3. – 295. prist n. s. P4. – 295 - 296. de lui (...) que nostre sires l’amoit] et l’amoit B1 P1 et si l’amoit P2. – 295. de lui] omis dans P4. – 295. resurrexion C L1 (L2 P3). – 295. de tant] tant C L1 L2 P3 P4. – 295. plus croire] miex croire L2 croire P4. – 296. l’amoit] l’avoit C. – 296. en vouloit il fere] vouloit faire B1 L2 (P1 P2). – 296. plus granz mir.] plus que les autres P5.
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miracles. Et fet bien a ramentevoir que li leaus crestiens font .iij. quarenteinnes : aprés la premiere vient le jor de Pasques, et la seconde si termine le jor de la Madeleinne, et aprés si vient le jor de la Nativité Jhesucrist; et toutes ces .iij. quarenteinnes li prestres gardoit et lors vit il l’avision. Aprés quant vint au dimenche a l’aube levant, seinz Mauximins, si conme il soloit, entra touz seus en son moutier et el leu ou il soloit orer regarda et vit la beneoite Madeleinne qui estoit [257 a] entor les anges qui illec l’avoient aportee, et vit qu’ele estoit avironnee de si grant clarté plus assez que jorz ne pooit estre; et quant li seint hom fu dedenz la porte, il vit que li ange se departirent, et vit la Madeleinne toute seule qui prioit Nostre Seingneur a mains estandues et li sembloit que ses cors fust eslevez de la terre en l’air bien une aune, ne il n’osoit aler avant. La benoite amie Nostre Seingneur se torna vers lui mout doucement et li dist : « Aproche toi, biau pere, ne foïr pas ta fille, einz regardes quel clarté Nostre Sires fet entor moi. » Quant il s’aprocha de lui, einssint conme seint Mauximins le raconta, ses viaires resplandissoit aussi de la compaingnie des anges qu’ele avoit veue que plus legierement regardast on contre le soloit que contre sa face, et lors pria seint Maximin qu’il feist venir les provoires et le clergié, et il vindrent devant eus, et ele reçut le cors Nostre Seingneur a granz pleurs et a granz pitiez par seint Mauximin, et leur pria qu’il priassent tuit por lui; et aprés ele se mist devant l’autel
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– 297. et si fet C L1 L2 P1 P2 (B1 P3 P4). – 297. bien a ram.] a rement. L1 bien a honorer B1 (P1 P2) bon aourer L2. – 297. que] car P4. – 297. leaus] bon B1 P1 P2. – 297. quar.] quaresmes C. – 298. la premiere] omis dans C. – 298. vient] si vient C P3 sivi (?) P4 finiement (?) L1. – 298. si (se L2 P4) termine au jor C P3 P5 (L1 P4) si se termine ou jour B1 P1 se determine au jour L2 P2. – 299. et aprés la tierce B1 L2 P1 P2. – 299. si vient] si vint L1 li vient P4. – 299. le jor] au jour L2 ou jour P1 devant P2. – 299. de la nat. Jh.] de (omis dans P2) la nat. nostre seigneur Jh. B1 (P1 P2) de nostre seingneur dieu Jh. L2. – 300. quar.] quarentesmes C. – 300. cil prestres g. B1 P2 (P1) g. ce prestre L2. – 300. Aprés quant] quant B1 aprés et quant P1. L2 introduit ici une lettrine. – 301. a l’aube levant] de l’aube levant P3 a l’aube crevant L2. – 301 - 302. entra (...) ou il soloit] omis dans C (saut du même au même). – 302. el leu la ou L1 au liu la ou P4. – 303. entor] entre P3 en mi B1 P1 P2. – 303. qui iluec estoient et l’avoient ap. P2. – 304. plus assez (...) estre] que uns biaus jours n’en peust pas plus rendre L2. – 304. plus de assez C. – 304. jorz] ielz P5. – 304. pooit] peust P3 P4 P5 (C) peut L1. – 304. estre] rendre B1 C L1 P1 P2 P3 P4. – 304. et quant] et com B1 P2 (P1). – 304. hom] omis dans P4. – 305. il vit] et il vit P1 et vit L2. – 305. que li ange] les sains angels L2. – 305. se departoient P3 qui se dep. L2. – 305. et vit] et L2 et il vit B1 P1 P2. – 305. toute seule] omis dans L2. – 306. nostre s.] omis dans P4. – 306. a mains jointes P3. – 306. et il sembloit P1 P2. – 306. li cors P3. – 306. fust] omis dans L1. – 307. a une aune L1 une aune ou plus L2. – 307. ne il n’osoit aler avant] et com il n’osast aler avant L2 et come il volt aler avant B1 P1 P2. – 307. la benoite Magdelainne amie n. s. L2. – 308. se torna vers lui mout douc.] douc. se torna devers (vers L2) lui B1 (L2 P1 P2). – 308. mout douc.] omis dans P4. – 308. et li dist] et dist L2 et si li dist P5 si li dist P4. – 308. aprochiez moi L1. – 309. ne foïz L1 (B1 C L2 P1 P2). – 309. einz] et B1 P2, omis dans L2 P1. – 309. de quel clarté P4. – 309. encontre moi P3 entour toi L2. – 309. com il s’aprocha P1 quant il aprocha P4. P3 P4 introduisent ici une lettrine. – 310. de lui] ainsi de lui P1 del leu L1. – 310. einssint conme] si conme P3 P5 conme P1. – 310. raconte L2 P1 P2. – 311. aussi] omis dans P4. – 311. veue] eue B1 L2 P1 P2. – 312. reg. on encontre C L2 P4 reg. encontre L1 P2 P3. – 312. que contre sa face] k’encontre sa face P3 (P4) que en sa face L2 qu’il ne se feist sa face P2 qui sa face i meist B1. – 312. priai P5 proia elle B1 (L2 P1 P2). – 313. ses prouvoirs C le prouvoire L2. – 313. et tout le clergié P3. – 313. et il v. devant eus] et il v. devant ele P3 devant lui et il i v. L2. – 314. et ele reçut] elle reçut P1. – 314. le cors n. s.] le cors Jhesucrist B1 P1 P2. – 314 - 315. le cors (...) Mauximin] (...) de seint Maximin P5 le cors Jhesucrist par seint Maximin a granz plors et a granz pitiez L1 (C P3 P4) le cors Jhesucrist par la main de saint Maximien a grans pleurs L2. – 314 - 316. a granz pleurs (...) l’ame a Jh.] omis dans B1 P1 P2 (saut du même au même). – 315. ele ses mist (?) L1 ele mist C. – 315. l’ostel C P5.
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en croiz et illec rendi l’ame a Jhesucrist, au matin au dimenche a eure de prime qu’il fu en l’onziesme kalende d’aoust. Avint ce aprés ce qu’ele fu trespassee, si grant odeur de la soatume [257 b] de lui fu en ce moutier qu[e] .vij. jorz aprés la sentoient cil qui entroient ou moutier, et misires seinz Mauximins prist le cors et l’enbasma et le mist en .j. autre leu, et seur le cors a la beneoite Magdeleinne fist .j. biau moutier; et encore voit en le sepucre de lui qui est de blanc marbre et s’i est entaillié merveilleusement bien conment ele ala en la meson Symon et l’office de l’umanité qu’ele fist, [et l’oingnement qu’ele en plorant bailla entre ceus qui mengoient], et conment ele vint au sepucre Jhesucrist et conment Nostre Sire s’apparut a li premiers, et conment Il [l’]emvoia aus [apostres] et conment ele leur avoit ce dit qui li avoit enjoint. Et quant misires seinz Maximins sot par la reve[l]ation dou Seint Esperit que il devoit trespasser de ce siecle et recevoir le loier de son travaill, il fist apareillier le leu de son sepucre en cele eglise et fist mettre son sarqueu delez la beneoite Magdeleinne, et en ce saqueu fu il mis ennorablement quant il fu trespassez; et en cel leu font il mout de vertuz andui et donnent santé
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318. qui .vij. jorz aprés. Correction d’après P4 P5 (C L1 L2 P3). – 323 - 324. et l’office de l’umanité qu’ele fist et conment ele vint au sep. Sauf pour le dernier mot de la partie encadrée, où nous suivons la variante de L1, rétablissement d’après P5 (B1 C L1 P1 P2 P3). – 325. il emvoia. Correction d’après B1 P3. – 325. aus portes. Correction d’après B1 P1 (L2 P2 P4), graphie conforme à la scripta de B2. – 326. reveration. Correction d’après B1 C L1 P1 P2 P3 P4 (L2). 316. a Jh.] Jh. C. – 316. au matin] L2 introduit une lettrine à cet endroit. – 316. a dimenche C. – 316. et a eure L1. – 317. qu’il fu] qui fu B1 L2 C P1 P2 P4 (P3) qui fu en qe fu L1. – 317. en l’onz.] a l’onzieme B1 L2 P1 l’onzieme C. – 317. jor des kalendes P5. – 317. Avint ce aprés] avint de aprés ce C avint aprés ce P3 P5 et aprés B1 L2 P1 P2. – 318. si tres grant oudeur B1. – 318. de souatume B1 (L2 P1 P2) de la douceur P4. – 318. de lui] omis dans B1 L2 P1 P2. – 318. en cel moustier P3 entour le moustier P1. – 318. que .vij. jorz aprés P4 P5 (C L1 L2 P3) que .j. poi aprés B1 (P1 P2). – 319. sentoient plainement P4. – 319. cil] il L1. – 319. entroient] estoient P2 P3 P4. – 319. ou moutier] en cel moustier P3 au dehors du moustier P2 en l’eglise L2 laienz P4. – 319 - 321. et misires (...) .j. biau moutier] omis dans P1. – 320. et l’enb.] si l’enbausema P3. – 320. et si le mist L2. – 320. en .j. autre leu] en .j. ennoré leu P5 en un mult ennoree leu L1 (C P3 P4) an mult honoré lieu B1 (P2) en moult honorable lieu L2. – 320. sus le cors L2 P2. – 320. fist fere P2 P5. – 321. un molt beal mostier L1 (B1 P2). – 321. voit l’en C L1 P5 voit on bien P3. – 321. bien] omis dans P4. – 322. et est entaillié a cysel si merveilleusement que bien i est conment L2. – 322. ele ala] ele fu P3. – 322. en la meson] a l’ostel L2. – 323. de humanité L2 P1 P2. – 323 - 324. q’ele fist et l’ongnement q’ele em plorant baila entre ceuz qe menjoient (qui menoient C P5 qui mengoient a la table B1) e coment L1 (B1 C P1 P2 P3 P5) que ele fist longuement et que en plorant bailla entre ciaus qui menoient dieu et coment P4 que ele fist et li oingnemens que elle bailla en plorant et conment L2. – 324. Jh.] de Jh. B1 Crist L1. – 324. n. s.] il L2. – 325. premierement B1 L2 P1. – 325. il l’envoia B1 P3. – 325. aus apostres B1 P1 (L2 P2 P4). – 325. conment] come B1. – 325 - 326. ele leur avoit ce dit (...)] elle leur dist ce que il li avoit enj. B1 (P1 P2) ele leur avoit dit ce qu’il li avoit enj. (en joient P4) L2 P5 (C L1 P3 P4). – 326. Et quant (...)] P3 P4 introduisent une lettrine au début de cette phrase. – 326. le sot L2. – 326. revelation B1 C L1 P1 P2 P3 P4 (L2). – 327. qu’il i devoit C qu’il dut P5. – 327. de cest siecle B1 L1 P3 P4 P5 (C). – 327 - 328. le loier de son tr.] le jour de la mort B1 P1 P2. – 328. le leu de son sep.] le leu de sa sepoulture L1 (B1 C L2 P2 P3 P4) sa sepulture P1. – 329 - 330. delez (...) trespassez] de celui a la Magdelainne ou il fu mis molt honnorablement le jour que il fu trespassez P2. – 329. beneoite] omis dans B1 P1. – 329. en cel sarqueu L1 (C P3). – 329. fust il mis (...) C fu mis (...) B1 P1 fu mis quant il fu tr. moult honorablement L2. – 330. en ce lieu L2 P2 (P1) en icelui liu P3 en icele leu C. – 330. font il mout de vertuz andui] il font moult entr’eus .ij. de biaus miracles L2. – 330. font il] font B1 C L1 P1 P2 P5. – 330. mult des v. C v. mout mout de vertu P5. – 330. andui] en deu P3.
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de cors et d’ame a ceus qui de bon cuer les requierent, et cil [leus] a puis esté de si grant religion que nus princes ne autres sires de quelconques dingneté qu’il fust, [257 c] que il en cele eglise n’osoit entrer jusqu’a tant qu’il avoit mis jus ses armes et toutes [cruautez], et quant il humblement i entroit et il prioit doucement le bon ami Dieu et la bone amie, il avoit selonc sa foi santé dou cors et de l’ame; et en ce moustier n’osa onques entrer fame qui que ele fust. Et ce moustier apele l’on l’abeïe seint Maximin, et est mout riche d’ennor et de possessions, et si est en la contree d’Ais; et seint Maximin trespassa la .vjiesme. ydre de jungnet et fu beneoitement coronnez de Nostre Seingneur Jhesucrist, a qui ennors et gloire est par touz les siecles des siecles sanz fin. Amen.
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331. et cil lor a puis esté. Correction d’après P5 (P3 P4 / L1 / P2 / B1 (L2 P1)), graphie conforme à la scripta de B2. – 334. et toutes creatures. Correction d’après L1 (B1 L2 P2). 331. et de cors P5. – 331. a ceus qui les requ. de bon cuer L2. – 331. et cil (cis P4) leus a puis esté P5 (P3 P4) et cel leu lor a puis estee L1 et cil lors a puis estee C et cil leus aprés a puis esté P2 et cil liex a puis aprés esté B1 (L2 P1). – 332. de grant rel. P3. – 332. de quelc. dingn.] quelconques dignetez P1 P2. – 332. qu’il fust] il fust C L1 P3 P4 que il soient B1 qu’il aient P1; omis dans P2. – 333. que il en cele eglise n’osoit entrer] (...) s’en osoit entrer C en celle eglyse n’osent entrer B1 en cele eglise n’osoit entrer pour prier L2 P1 P2. – 333. avoit] avoient B1. – 333. jus mis L2. – 333 - 334. ses armes (...)] leur armes (...) B1 ses armes et quant il doucement i entroit et prioit douc. P4 ses armes et quant il i venoit humbl. il li entroit et prioit douc. P1. – 334. et totes cruautez L1 (truantes (?) C) et toute cruauté B1 L2 P2. – 334. et quant humbl. i entroit] et quant il venoit humbl. aucun chevalier il y entroit B1 et quant il venoit (i venoit L2) humbl. il i entroit P2 (L2). – 334. et il prioit] et prioit B1 L2 P2. – 335. le bon ami dieu et la bone amie] omis dans B1 L2 P1 P2. – 335. sa foi] s’entention P3 sa foi et sa creance P4. – 335. de cors et d’ame B1 L2 P1 P2 P3 P4. – 335. et en ce m.] et en cel m. P3 en ce m. P4 (P2). – 336. qui que ele fust] qele (ques P4) qe ele fust L1 (C L2 P3 P4) qui c’onques elle feust P1 P2 de qui c’onques digneté elle fust B1. – 336. et cel moustier B1 P3. – 336. apele on C P4 P5 (P1 P2) apelon L1. – 336. l’abeïe] le moustier L2, omis dans P4. – 337. monseingneur saint Maximien L2. – 337. d’ennor] et d’onneur B1 et d’onneurs L2 P2 d’avoir C L1 P5. – 337. et si est en la contree d’Ais] omis dans P1 – 337. si est] siet C L1 L2 P3 P4. – 337. en la contree] en la conté P4 a la counté (?) C en l’encontre L2; omis dans B1 P2. – 338. d’Ais] d’Ais en Provence P4 de Ays la Chapele en Alemaingne L2 en Rodays B1 P2. – 338 - 340. et fu ben. (...) Amen] a l’onneur et a la gloire Jhesucrist amen P1. – 338. ben.] beneureusement L2 molt dignement P2. – 339. a qui ennors et gloire est] a qui est ennor et gloire L1 (C L2 P3) a qui honeur et gloire soit B1 a cui est honors, gloire et puissance P4 a qui honneur et gloire P2. – 339. par tout le siecle L2 par tout le siecles P2. – 340. des siecles] omis dans P2. – 340. sanz fin] omis dans B1 L1 L2 P2. – 340. Amen. Ci fenist la vie Marie Magdelainne L2.
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7. Paris, Bibliothèque Mazarine, 1716 (568), f° 259 a - 264 b La vie de Marie-Madeleine que nous éditons sur la base du manuscrit 1716 (568) de la Bibliothèque Mazarine, à Paris, reproduit l’un des états de la légende de MarieMadeleine les plus diffusés au moyen âge. Elle est en effet conservée intégralement par huit autres manuscrits : Chantilly, Musée Condé, 734 (456), f° 275 a / b - 279 a (C) ; Genève, Bibliothèque de Genève, Comites latentes, 102, f° 302 c - 306 c (G ; ex-Cheltenham, Bibliothèque Phillipps, 3660) ; Londres, British Library, Add. 41179, f° 6 r° - 11 v° (L2) ; Oxford, Queen’s College, 305, f° 259 a - 263 d (O) ; Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 413, f° 379 b - 383 c (P3) ; f. fr. 17229, f° 331 b - 336 d (P4) ; f. fr. 23117, f° 402 d - 406 c, numérotation moderne (P5) ; nouv. acq. fr. 13521, f° 108 a - 113 c (P6). Quatre copies supplémentaires transmettent le début de son récit qu’elles complètent par la fin de la version n° 6 : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9225, f° 58 d - 60 f (B) ; Londres, British Library, Add. 17275, f° 37 b - 38 a (L1) ; Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 183, f° 60 c - 63 a (P1) et f. fr. 185, f° 24 f - 27 a (P2)1. La plupart des recueils du premier groupe sont des légendiers organisés selon un ordre hiérarchique / méthodique (légendes relatives au Christ et à la Vierge, vies des apôtres, des martyrs, des confesseurs, puis des saintes). Les travaux pionniers de P. Meyer ont esquissé les liens complexes qui les unissent les uns aux autres. Ils partagent en effet un fonds commun de légendes, que l’on retrouve dans les volumes contenant la version n° 6, qu’ils complètent à leur gré2. Bien que courants dans l’iconographie réservée à Marie-Madeleine, les thèmes de leurs illustrations rapprochent aussi ces manuscrits, dont la majorité est enluminée. Deux motifs reviennent en effet, exécutés par des artistes différents, aux talents inégaux : l’onction des pieds et l’apparition du Christ ressuscité. C et G combinent les deux épisodes dans la miniature et la lettre historiée qui accompagnent le texte, alors que O (miniature), P4 (lettre historiée) reprennent celui de l’apparition et P6 celui de l’onction (l’enluminure de M, fortement mutilé, a été découpée)3. La version qu’ils nous font connaître retrace l’histoire de Marie-Madeleine dans un déroulement chronologique : son origine et sa jeunesse luxurieuse à Magdalon ; sa vie en compagnie du Christ ; l’arrivée à Marseille et le miracle de l’île ; la conversion d’Aix avec l’aide de saint Maximin ; sa retraite érémitique en présence des anges et sa découverte par un prêtre ; sa rencontre avec Maximin ; sa mort et La foliotation que nous indiquons ici est celle de la partie commune avec les exemplaires complets du texte. Comme nous l’avons rappelé dans notre présentation du n° 6, il faut peut-être joindre à cette liste de manuscrits le recueil F. 403 de la Bibliothèque de l’Académie des sciences à Saint-Pétersbourg. 2 Pour les références détaillées aux articles de P. Meyer, voir notre présentation de la version n° 6. 3 Par ailleurs, les miniatures de Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10326 (n° 6) et de P2 représentent l’épisode de l’onction, celles de Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 6447 (n° 6), de L1 et de P1, la rencontre avec le Christ ressuscité. 1
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sa mise au tombeau ; l’ensevelissement de l’évêque à ses côtés au « moustier saint Maxime ». Aucun miracle précis n’est ajouté à ce texte et la translation des reliques à Vézelay n’est pas rapportée. La légende suit les séquences latines Fuit igitur secundum saeculi fastum, originellement extraites du sermon attribué à Odon de Cluny (l. 1 - 62)4, un texte proche du Postquam Dominus (l. 63 - 233 ; BHL 5457)5, auquel est joint l’Interea beata Maria Magdalena (l. 234 - 370)6. Il n’est pas impossible que l’auteur vernaculaire ait réalisé l’assemblage de ces épisodes ; il est toutefois plus probable d’admettre qu’il s’est inspiré d’un récit déjà constitué dans un légendier latin. Le manuscrit 9291 (3224) de la Bibliothèque Royale de Belgique (f° 151 a - 156 b), par exemple, présente le même enchaînement. La comparaison avec la source révèle la fidélité de l’auteur vernaculaire. Les rares particularités narratives de cette version se trouvent en effet déjà dans le texte latin. La sainte n’est pas de lignée royale et le seigneur de Marseille est présenté comme un « noble » ou une « riches » homme ; l’épouse offre secrètement de ses biens aux chrétiens après la première apparition nocturne de Marie-Madeleine ; l’insistance sur la cupidité des marins (l. 141) et les marques d’étonnement devant l’ubiquité de la sainte, nourrissant l’enfant et réconfortant le père en mer tout en prêchant sur terre, caractérisent également notre vie. En repassant par l’île où il a laissé sa femme deux ans plus tôt, le pèlerin remarque l’état de fraîcheur et la bonne odeur des étoffes et du corps de la défunte. Il n’est pas dit que Lazare est élu évêque. Le prêtre qui découvre le lieu d’ermitage de Marie-Madeleine ne parvient à s’approcher que de « la moitié de l’espace qui estoit entre eus .ij. ». Enfin, les manifestations du narrateur aux articulations du récit (l. 154, 159, 163, 168 et 319) figurent aussi dans la version latine, qui contient également l’explication des quarantaines. Par contre, on peut noter que c’est précisément aux femmes et non à toute personne armée qu’est interdite l’entrée de l’église de Saint-Maximin (l. 366), détail absent de la source (qui a bien armis) ; mais il est possible que cette spécification existe dans certains manuscrits latins de cette composition. Le contraste qui oppose la première et la dernière rencontre avec Marie-Madeleine, de la femme pécheresse selon Luc à la messagère de la Résurrection selon Marc (l. 11 - 15), résume la vie en compagnie du Christ. Cette allusion, riche de sens, figure déjà dans le sermon d’Odon de Cluny. Notre texte la complète avec le récit détaillé de l’onction chez Simon et de la parabole des deux débiteurs d’après Le Fuit igitur secundum saeculi fastum est classé sous les cotes 5449 (b et c), 5450 5451 (b et d) du répertoire des Bollandistes. La vie publiée par É.-M. Faillon, Monuments inédits, 1848, II, col. 437 - 446, à partir des « manuscrits de la Bibliothèque royale à Paris 5281, 5360, etc. » à laquelle renvoie P. Meyer dans son article consacré à P4, est un texte du Sermo dépourvu de ses explications allégoriques et mystiques, très éloigné de notre rédaction. 5 Pour les éditions de ce texte, voir la présentation de la version n° 5, n. 11. 6 É.-M. Faillon, Monuments inédits, 1848, II, col. 445 - 452. 4
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Luc 7, 36 - 50, sur lequel se greffent des allusions au repas chez Matthieu / Lévi (« je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs », Matthieu 9, 13 ; Marc 2, 17 ; Luc 5, 32) et à Béthanie (odeur du parfum remplissant la maison, Jean 12, 4), ainsi qu’une brève allusion à la résurrection de Lazare selon Jean (11), expressément nommé. Au moyen de quelques mots, il résume enfin la présence de MarieMadeleine à la Passion du Christ, la volonté de celle-ci d’oindre le corps crucifié et son annonce aux disciples. Le choix de ces éléments et leur juxtaposition éclaire le parcours de la sainte. Par leur mise en relation, le retour à la vie de Lazare préfigure la Résurrection du Christ, tandis que l’onction par la pécheresse annonce l’impossibilité pour celle-ci d’honorer le corps délivré du Tombeau. Les paroles prononcées par le Messie sont ainsi avérées. Description des manuscrits Dans notre corpus, trois sous-groupes se distinguent par leur composition autant que par leurs variantes textuelles : C et G ; O et L2 ; P3 et P5. 1. Chantilly, Musée Condé, 734 (456) et Genève, Bibliothèque de Genève, Comites latentes, 102 Au nombre des manuscrits qui reproduisent la version intégrale, C et G (Chantilly, Musée Condé, 734 (456) ; Genève, Bibliothèque de Genève, Comites latentes, 102, f° 302 c - 306 c (ex-Cheltenham, Bibliothèque Phillipps, 3660)) forment un couple dont les similitudes textuelles et structurelles sont évidentes. P. Meyer a très brièvement analysé leur contenu7. C peut être daté de 1312 grâce aux renseignements que nous procure son colophon8. Rédigé sur parchemin9 (ca 350 x 260 mm ; 2 colonnes à 42 lignes) en écriture gothique livresque arrondie, il n’offre aucun relief linguistique particulier, si ce n’est quelques picardismes courants. Les nombreuses bévues et erreurs de transcriptions qu’on y relève, les incessants rattrapages auxquels le copiste se livre « Légendes hagiographiques en français. II. Légendes en prose », Histoire littéraire de la France, t. 33, 1906, pp. 378 - 458 (part. pp. 421 sq.). 8 Celui-ci atteste en outre que nous avons affaire à un manuscrit complet : « ¶ Explicit le livre de la vie de pluseurs saints. ¶ Cest livre fu fait en l’an de l’Incarnacion Nostee (sic) Seigneur mil trois cens et douze, et .viij. jours devant la feste Nostre Dame en mars fu cest livre assouvis. ¶ Et contient ledit livre par tout du commensement jusqu’a la fin .iij.c .lviij. foilletz escrips » (f° 356 a). Selon A. Stones, C pourrait être apparenté stylistiquement au groupe dans lequel se range le manuscrit 867 (772) de la Bibliothèque municipale de Lyon (voir présentation du n° 2 et la référence bibliographique fournie pour cet exemplaire, à la p. 38) et, concernant sa provenance, elle hésite entre Arras et Paris. La numérotation moderne de ce volume compte 356 feuillets écrits. D’après la dernière réclame (47ème cahier, f° 354 v°), les f° 355 - 356 (ce dernier est réglé recto / verso, mais il est en grande partie blanc) doivent constituer un bifeuillet rajouté afin de compléter le recueil. Un autre feuillet, sans doute indépendant et qui ne contient que des annotations, vient à la suite. 9 Un feuillet, sans doute indépendant et qui ne contient que des annotations, vient à la suite du f° 256. Le f° 41, où débutait la vie de Jean Baptiste, a disparu anciennement du volume. 7
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montrent que celui-ci ne devait disposer que d’un support passablement altéré, à quoi s’ajoute peut-être un manque d’aptitude ou d’attention de sa part. G, copié sur 367 feuillets de parchemin de qualité supérieure (ca 350 x 260 mm) sur 2 colonnes à 42 lignes, adopte des dimensions et une réglure identiques à celles de C. Le type d’écriture et la langue de cette copie sont également semblables à ceux pratiqués dans le manuscrit de Chantilly. Il est daté des années 1320 d’après son enluminure, qui pourrait être attribuée à l’artiste parisien connu sous le nom de Maître de Papeleu10. Le scribe, que désigne le colophon joint au dernier texte du volume (« Galterus de Virduno me scripcit », f° 367 b), permet à R. H. Rouse et à M. A. Rouse de rattacher cet exemplaire au cercle du libraire Richard de Verdun, également établi à Paris11. Les deux légendiers contiennent les mêmes pièces12, réparties d’après les cinq subdivisions que leur table liminaire indique : la naissance et la vie du Christ jusqu’à la présentation au Temple sont complétées par l’Évangile de Nicodème (version courte, B ; éd. A. F. Ford, 1973)13 ; les 84 (respectivement 82) vies de saints répondent à un ordre hiérarchique (apôtres, martyrs, confesseurs et saintes). Les deux recueils complètent la légende de saint Gilles, à la fin de la partie réservée aux hommes, par l’adaptation en prose du Pastorale de Saint Grégoire14 et par une longue vie de Bernard de Clairvaux15. Marie-Madeleine est la première des 19 (respectivement 17) saintes dont l’histoire est relatée. Sa vie précède celle de Hidden Friends. A Loan Exhibition of the Comites Latentes Collection of Illuminated Manuscripts from the Bibliothèque Publique et Universitaire, Geneva. On view at Sotheby’s on the occasion of the Colloque International de Paléographie, Londres, Sotheby’s, 1985, (Exhibition catalogue), n° 19 and pl. (cité par R. H. Rouse et M. A. Rouse, Illiterati et uxorati. Manuscripts and their Makers. Commercial Book Producers in Medieval Paris, 1200 - 1500, Turnhout, Harvey Miller Publishers, 2000, 2 vol., vol. I, p. 362, n. 86). 11 Ibid., I, pp. 137 - 138, 141, 362 n. 86 ; II, p. 31. 12 C et G partagent un fonds commun important avec P4 qui, pour l’essentiel, reprend lui-même des pièces d’un légendier du type que reproduit le manuscrit Bibliothèque nationale de France, f. fr. 6447. P. Meyer a brièvement décrit l’exemplaire déposé à Genève : « Notices sur quelques manuscrits français de la bibliothèque Philipps, à Cheltenham », Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, t. 34, 1, Paris, Imprimerie Nationale, 1891, pp. 149 - 258 (sur G : pp. 183 - 197). Précisons toutefois que ces deux légendiers ne contiennent pas le Barlaam et Josaphat, contrairement à ce qu’affirme J. Sonet (cf. Le roman de Barlaam et Josaphat : recherches sur la tradition manuscrite latine et française, Louvain, Bibliothèque de l’Université, 1949 (Recueil de travaux d’histoire et de philologie. Série 3, fasc. 33), pp. 138 - 139), qui a sans doute mal compris les indications de P. Meyer (« Légendes hagiographiques en français », art. cit., pp. 422 sq.) ; erreur que perpétue L. R. Mills dans son édition, L’Histoire de Barlaam et Josaphat. Version champenoise d’après le ms. Reg. lat. 660 de la Bibliothèque Apostolique Vaticane, Genève, Droz, 1973. 13 On peut ainsi ajouter le manuscrit de Genève à la liste dressée par A. F. Ford dans l’édition de ce texte. 14 M. Pagan a consacré sa thèse, sous la direction de G. Hasenhor, à l’édition de cet ouvrage, conservé par sept copies ; voir le compte-rendu de son travail : « Étude et édition critique de la traduction médiévale française de la Regula Pastoralis de Saint Grégoire le Grand », Perspectives médiévales, 28, décembre 2002, pp. 112 - 116, et Grégoire le Grand, Le pastoralet : traduction médiévale française de la « Regula pastoralis », éd. critique du manuscrit 868 de la Bibliothèque municipale de Lyon, éd. en vis-à-vis du manuscrit Cotton Vitellius F VII de la British Library de Londres, publ. par M. Pagan, Paris, Champion, Genève, Slatkine, 2007. 15 Également contenue dans le manuscrit Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 13496. 10
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Marie l’Égyptienne. Par rapport à C, G omet les pièces consacrées à Anastasie et à Cécile, et déplace la légende d’Élisabeth de Hongrie à la fin du volume, après celle de Péronnelle. Leur programme iconographique est un autre point de convergence important. C est orné d’un frontispice à huit médaillons prolongés par des antennes supportant une série de grotesques. L’Évangile de Nicodème et le début du récit de la Passion ainsi que six légendes de saints16 comportent une miniature exécutée sur un fond d’or ou de couleurs accompagnée de lettres ornées ou historiées. Les autres légendes sont introduites par une lettre historiée17. La vie de sainte Marthe bénéficie d’une attention exceptionnelle18 : douze lettres historiées, toutes munies d’antennes et accompagnées de rubriques, scandent en effet les épisodes de ce récit, ces peintures comptant aussi parmi les plus fines du recueil. Les différences d’exécution que l’on perçoit dans l’ensemble donnent à penser que plusieurs artistes ont dû collaborer à l’enrichissement du volume. À de rares exceptions près, G présente le même dispositif iconographique. Au frontispice de C fait toutefois pendant une scène unique, peinte sur 2 colonnes. La vie de Longin n’a pas non plus de miniature et celle de sainte Marthe n’est pourvue que d’une seule lettre historiée au début. L’enluminure a été réalisée par un artiste au talent beaucoup plus affirmé. C accompagne la vie de Marie-Madeleine d’une miniature de 14 lignes sur une colonne représentant l’onction du Christ, debout, entouré de quatre hommes derrière une table chargée de divers objets. Au premier plan, Marie-Madeleine est prosternée devant le Seigneur dont elle essuie les pieds au moyen de ses cheveux. Une initiale historiée montre la sainte voilée agenouillée devant le Christ ressuscité qui porte une croix. Un arbre sépare les deux personnages. G concorde avec cette mise en scène. Dans celle de l’onction, le Christ n’est pourtant entouré que de deux hommes dont un, à sa gauche (Simon sans doute), ne porte pas d’auréole. Dans la lettre historiée, l’arbre est placé derrière la sainte. Au point de vue textuel, les fautes que partagent les deux manuscrits confirment le rapprochement que l’on peut établir par ailleurs. Leurs variantes ponctuelles permettent néanmoins d’exclure une filiation directe de l’un à l’autre. De toute évidence, ils proviennent d’un modèle commun, déjà pourvu des erreurs qu’ils reproduisent l’un et l’autre.
16 Étienne (premier de la section des martyrs), Longin, Thomas de Cantorbéry, Julien l’Hospitalier, Silvestre (qui inaugure la section des confesseurs) et Marie-Madeleine (première légende dans la section réservée aux femmes). 17 Les vies de Jean l’Évangéliste, Jacques, Martin et Benoît possèdent une seconde lettre historiée. En raison de la perte ancienne d’un feuillet, celle de Jean Baptiste est acéphale dans C. 18 La fin de cette légende est par ailleurs la seule du volume qui ne concorde pas non plus avec G. Relevons par ailleurs que la vie de Marthe est aussi richement illustrée dans le manuscrit 1716 de la Bibliothèque Mazarine à Paris (M).
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2. Londres, British Library, Add. 41179 et Oxford, Queen’s College, 305 Petit recueil de la seconde moitié du XVème siècle, L2 (Londres, British Library, Add. 41179) est composé de 161 feuillets de ca 275 x 215 mm, majoritairement en papier19 avec quelques inserts de parchemin. Les 28 légendes de saintes qu’il renferme correspondent à la section finale du manuscrit O. Elles sont mises en page sur une colonne de 32 à 39 lignes (36 pour la vie de Marie-Madeleine) et retranscrites au moyen d’une écriture cursive gothique. Une place importante (13 à 16 lignes) a été ménagée pour les enluminures ainsi que pour les initiales et les rubriques, qui n’ont pas été peintes. Si le texte relatif à Marie-Madeleine confirme bien l’existence de communautés entre les deux exemplaires, ceux-ci ne sont toutefois pas des copies l’un de l’autre. L2 ne présente aucune caractéristique dialectale précise. O (Oxford, Queen’s College, 305) est un légendier rédigé par deux copistes sur un ensemble de 376 feuillets en parchemin de ca 385 sur 285 mm (2 colonnes à 41 lignes ; écriture bâtarde). Dans la partie transcrite par le premier scribe (jusqu’au f° 150), les vies sont, à de rares exceptions près, introduites par une miniature ou une initiale ornée. Leur titre est en général écrit à l’encre rouge, parfois en lettres brunes soulignées en rouge. Des initiales de 2 lignes alternativement bleues et rouges structurent le texte, parsemé de lettres rehaussées de jaune. La seconde section ne diffère que peu de la précédente : les titres sont rubriqués ; le style des enluminures est identique à celui de la première partie, même si la plupart des légendes ne comportent qu’une initiale de facture rudimentaire, de 4 à 7 lignes ; les textes, dont les premiers mots ainsi que ceux de leurs paragraphes sont écrits en grands caractères, sont munis de lettres rehaussées à l’encre jaune-brun. Un troisième scribe, contemporain, a rédigé la table placée en tête du recueil (f° V r° v°). D’après R. Middleton, qui a établi la notice détaillée du Catalogue en ligne de la bibliothèque du Queen’s College, l’enluminure de O a sans doute été exécutée dans les années 1460 à Avignon ou à Carpentras20. Comme L2, O se distingue ainsi par sa date tardive en comparaison de nos autres représentants. P. Meyer en attribue la rédaction à un copiste originaire de l’Est, mais la vie de Marie-Madeleine n’offre aucun trait de scripta remarquable. Il pense en outre qu’il reproduit un recueil perdu du XIVème siècle21. La présence des vies de sainte Bertille, pre Le Catalogue de la British Library identifie son filigrane avec le numéro 449 de Briquet. Son style est très proche, voire identique, à celui du manuscrit Philadelphia Museum of Art, The Philip S. Collins Collection, 1945-65-8. Pour de plus amples précisions, voir le site http://www.queens.ox. ac uk/. 21 « Notice du ms. 305 de Queen’s College, Oxford (Légendier français)», Romania, t. 34, 1905, pp. 215 236 (p. 215). À la liste dressée par P. Meyer, il faut ajouter les légendes de la Chaire de saint Pierre (f° 8 b - c) et de saint Pierre-aux-liens (f° 48 r°), introduites par une initiale ornée et non par une enluminure. Par ailleurs, une pièce consacrée à Marie et que ne signalent ni rubrique ni illustration (f° 51 b - 53 a) suit la venue de l’Antéchrist et le Jugement dernier. Enfin, la vie de saint Longin, dont P. Meyer déplorait l’absence, est bien présente entre les légendes de Thomas de Cantorbéry et de Georges (f° 110 a - 111 b). 19
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mière abbesse de Chelles, et de sainte Bathilde, reine des Francs, présentée par la rubrique comme fondatrice de cette abbaye, étaye son hypothèse et permet de penser que le corpus primitif de O a été réuni en Champagne. Les quelque 121 pièces du recueil, compilées d’après divers légendiers, sont classées dans un ordre hiérarchique. La Nativité du Christ, l’Évangile de Nicodème (version courte, A ; éd. A. F. Ford, 1973) et la Vengeance Notre Seigneur précèdent les vies des apôtres et des évangélistes, des martyrs, des confesseurs et des saintes. Les 28 légendes de femmes sont introduites par l’Assomption de la Vierge, immédiatement suivie de la vie de Marie-Madeleine, puis de celle de Marie l’Égyptienne. Dans la miniature qui accompagne son histoire, Marie-Madeleine est représentée debout au moment de l’apparition du Christ ressuscité, comme dans l’initiale ornée de C. 3. Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 413 et 23117 P3 et P5 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 413 et 23117) ont été partiellement analysés par P. Meyer, qui a établi le lien unissant ces deux exemplaires22. P3 est un recueil de 453 feuillets23 en parchemin rédigés sur 2 colonnes à 43 lignes (ca 335 x 250 mm) que l’on peut dater de 1400 environ. Exécuté par un seul scribe, dont il n’est guère possible d’établir l’origine, dans une écriture cursive gothique, il joint souvent à l’explicit des textes un bref résumé narratif de la pièce (tendance que l’on retrouve, mais moins fréquemment, dans une section de P5). Au début du volume, chaque entrée possède une rubrique et une lettre historiée ou une miniature, mais dès la vie de Sixte (f° 157 r°), le programme iconographique se réduit et une initiale ornée remplace les peintures de la partie précédente, ce qui vaut aussi pour la légende de Marie Madeleine. 1300 représente la date d’exécution la plus précoce que l’on puisse imaginer pour P5, qui offre les caractéristiques de production de la première moitié du XIVème siècle. Il réunit 3 feuillets pour une table (du XIVème siècle et placée aujourd’hui au début du volume, après une page de garde) et 482 feuillets rédigés sur 2 colonnes à 41 lignes (parchemin, ca 325 x 220 mm). En dépit d’irrégularités manifestes et de quelques incertitudes sur la cohérence de son organisation matérielle, on peut supposer qu’il s’agit d’une composition originale et que les différences de mise en page, d’écriture ou d’ornementation qu’il présente ne résultent 22 « Légendes hagiographiques en français », art. cit., pp. 424 sq.. Pour attester de leur étroite parenté, ajoutons que les deux manuscrits, et eux seuls, transmettent la version O1 de la vie de Marie l’Égyptienne (cf. éd. P. F. Dembowski, Genève, Droz, 1977, pp. 206 - 220). 23 Le manuscrit d’origine a toutefois subi au moins un accident matériel : on déplore la perte de l’équivalent d’un cahier presque entier entre les feuillets 74 et 75 actuels (fin des miracles de saint Jacques et début de la vie de Luc).
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pas d’un assemblage fortuit. Le cas échéant, celles-ci postulent donc l’intervention d’un atelier disposant de nombreux scribes24 et de différents intervenants pour la décoration. On y distingue ainsi plusieurs entités textuelles, qu’une analyse plus détaillée du manuscrit devrait encore affiner. Les folios 1 à 35 (suite de pièces relatives à la vie du Christ) et 42 à 227 r° (vie de saints, de la Conversion de saint Paul à la légende d’Edmond d’Angleterre) sont rédigés par un copiste. L’exécution du programme iconographique, miniatures et initiales ornées, confirme l’unité de cette section, dont les textes sont dépourvus de rubrique25. Le premier texte du cycle hagiographique (f ° 36 - 41, vie de Jean Baptiste) est reproduit par un autre scribe. Précédé d’une rubrique à l’encre, il est introduit par une initiale ornée de très grande taille d’un style différent de celles qui l’entourent. La vie de saint Quentin (f° 228 r° - 237 r°) forme une nouvelle unité matérielle. Le texte, rédigé par un troisième scribe, est disposé sur une colonne et son ornementation est d’un type différent encore. Enfin, la dernière partie du manuscrit enchaîne directement sur le verso du f° 237. Le style des initiales est celui qui apparaît entre les feuillets 36 et 41. Un premier copiste transcrit le verso du premier feuillet, soit moins de 100 lignes de la légende de saint Sébastien. L’écriture change avec le cahier qui débute au f° 238 r° et la même main poursuit le travail jusqu’au f° 282 v°, quelques colonnes après le commencement de la vie de saint Patrice. Il est probable que l’on a affaire à un nouveau changement dans ce texte, au f° 283 r°, et à un autre encore au f° 358 r° (soit l’amorce de deux cahiers ; transition qui, dans le second cas, sépare les légendes de Gilles et de Firmin), sans que ceux-ci n’affectent par ailleurs l’ornementation. Seule une partie de la dernière colonne (f° 481) est remplie. La légende de Marie-Madeleine, insérée dans cette dernière section, a été retranscrite au moyen d’une écriture gothique livresque quelque peu maniérée par un scribe sans doute rompu à la production universitaire (voir en particulier l’abondance et la variété tout à fait exceptionnelles des abréviations) et dont la langue ne révèle pas de traits marquants. Elle est précédée par une initiale ornée de 9 lignes. La fin du recueil n’est marquée par aucun dispositif particulier (le verso ainsi que le début du recto du f° 482 contiennent un rajout du XIVème ou XVème siècle). Ces deux compilations offrent de nettes similitudes textuelles et structurelles. Dans la vie de Marie-Madeleine, P3 et P5 partagent d’ailleurs un grand nombre de variantes propres. Leur composition d’ensemble reflète un archétype dont les éléments sont semblables jusque dans leur organisation interne, très proche de C, G Pour P. F. Dembowski (op. cit., p. 206), le manuscrit révélerait deux mains distinctes, l’une de la fin du XIIIème siècle, jusqu’au f° 237, l’autre, pour le reste du volume, du commencement du XIVème siècle. Faute d’arguments précis de sa part, en premier lieu sur les datations proposées, nous ne pensons pas devoir renoncer à l’idée que nous avons affaire à un recueil organique. 25 Seule la vie de saint Sébastien est introduite par une brève rubrique (166 c). 24
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et plus encore de M. On y retrouve ainsi l’Évangile de Nicodème (version courte, B ; éd. A. F. Ford, 1973)26, le récit de la Passion selon les quatre Évangiles (Matthieu 16 sq. ; Luc, 22 sq. ; Marc 14 sq. ; Jean 18 sq.) et la Vengeance Nostre Seigneur ; 96 vies de saints classées dans un ordre hiérarchique complètent le recueil27. P3 ne redouble toutefois pas les légendes de Jean Baptiste et de Sébastien, ni la Venue de l’Antéchrist, reproduites deux fois dans P5. Il conclut par ailleurs différemment l’Assomption de Notre Dame et ajoute à ce corpus 18 pièces dont P. Meyer dit qu’elles sont extraites de la Légende dorée28. Les vies de Marie-Madeleine puis de Marie l’Égyptienne occupent les premières places de la section réservée aux femmes, après quatre pièces sur la Vierge (Conception, Annonciation, Purification et Assomption). 4. Autres manuscrits Les trois volumes qu’il nous reste à décrire n’entrent pas dans des combinaisons aussi stables que ceux que nous avons décrits jusqu’ici. Fortement mutilé, M (Paris, Bibliothèque Mazarine, 1716 (568)) n’est plus composé aujourd’hui que de 367 feuillets de parchemin (ca 320 x 215 mm ; 2 colonnes à 42 lignes), confiés à un unique copiste qui pratiquait une écriture gothique livresque. Les premiers cahiers ont disparu (la vie, acéphale, de saint Silvestre est la première pièce actuelle du volume) et les enluminures de 6 à 10 lignes qui marquaient le début des légendes ont été découpées avant 1704. Des lettrines rouges et bleues et des pieds-de-mouches rouges ou bleus signalent les articulations secondaires des textes. Daté de la fin du XIIIème ou du début du XIVème siècle, il ne manifeste que quelques traits picards et wallons, mais sur un fond neutre qui ne laisse pas déterminer jusqu’à quel point ceux-ci sont révélateurs de son origine29. Il ne contient plus que 45 éléments d’un légendier qui semble avoir été classé dans un ordre hiérarchique, très proche de C et G30. 22 vies de confesseurs en précèdent 20 consacrées à des femmes, Marie-Madeleine et Marie l’Égyptienne en tête. Les pièces qu’il reproduit sont les mêmes que celles qui figurent dans C, y compris l’adaptation en prose du Pastorale de Saint Grégoire, et elles sont classées dans un ordre correspondant, sauf les légendes d’Éloy et d’Hilaire, déplacées P3 n’est cependant pas répertorié dans cette édition. Toutes deux contiennent la même version du Barlaam et Jospahat (version II : épitome de la version champenoise », cf. J. Sonet, op. cit., pp. 149 - 150). 28 Il s’agit des vies d’Eustache (f° 199 a) et d’Augustin (f° 204 d), auxquelles s’ajoutent la Fête de tous les saints, la Commémoration de tous les fidèles, les Litanies, la Septuagésime, la Sexagésime, la Quinquagésime, la Quadragésime et le Jeûne des quatre temps, l’Ascension, la Circoncision du Seigneur, l’Épiphanie, la vie de Gervais et Protais, la Conception Notre Dame, l’Annonciation et la Purification (f° 335 c 370 b) ; enfin, dernière pièce du recueil, la Dédicace de l’Église (f° 447 c). 29 A. Stones estime qu’il pourrait se rattacher à un groupe de manuscrits réalisés à Cambrai, dont l’un est daté de 1299. 30 P. Meyer a brièvement analysé ce manuscrit dans « Légendes hagiographiques en français », art. cit., pp. 422 sq.. 26 27
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après celle de Martial de Limoges. Les vies des deux Félix ainsi que celles d’Arsène et de Bernard manquent cependant. Comme dans C, la vie de sainte Marthe comportait au départ un programme iconographique très développé : pas moins de dix enluminures illustraient en effet ce texte. Le légendier contient par ailleurs le Barlaam et Josaphat (version I, dite « champenoise » ; J. Sonet, 1949) et les vies de Thibaut et de Fénicule, qui attestent sa parenté avec le modèle sous-jacent de P3 et P4. L’unique témoin de la légende de saint Godric de Finchale occupe plus d’un sixième de la partie subsistante du recueil (f° 191 c - 255 d)31. Daté de la seconde moitié du XIIIème siècle par P. Meyer32, P4 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 17229) nous procure avec P6 la plus ancienne copie de la légende de Marie-Madeleine éditée ici. La présence au folio 352 d d’une pièce intitulée « De la chandele d’Arraz » a incité ce dernier à localiser son exécution en Artois. Cependant, la scripta de notre récit ne fournit pas de confirmation évidente d’une telle provenance33. Constitué de 367 feuillets en parchemin (ca 308 x 218 mm ; 2 colonnes à 40 lignes rédigées en écriture gothique livresque), le volume reproduit un légendier classé pour l’essentiel selon un ordre hiérarchique. Trois pièces au sujet du Christ et de la Vierge, puis l’Évangile de Nicodème (version courte, B ; éd. A. F. Ford, 1973)34 précèdent 17 légendes des apôtres et des évangélistes, 24 vies de martyrs et de confesseurs, dont Edmond et Thibaut, enfin 12 qui concernent des femmes, le poème sur les « Huit Beatitudes »35 complétant cet ensemble hagiographique. La Vengeance Nostre Seigneur, le Barlaam et Josaphat (version I, dite « champenoise » ; J. Sonet, 1949) ainsi que « De la chandele d’Arraz », déjà mentionné, prennent aussi place parmi ces textes. P. Meyer36 a déjà montré que la plupart des légendes issues de P4 sont identiques à celles que renferme le manuscrit Bibliothèque nationale de France, f. fr. 6447 (version n° 6). Seules en effet les vies de Nicolas, Jean-Baptiste, Edmond, Thibaut et Catherine ne figurent pas dans cette collection et celles de Marie-Madeleine, Marie l’Égyptienne et d’Anastasie appartiennent à une autre rédaction. Ce détail renforce l’hypothèse que les exemplaires contenant les nos 6 ou 7 circulaient dans un même milieu37. Pour ce qui touche Marie-Madeleine, tout comme les pièces M. Thiry-Stassin en a annoncé l’édition. Histoire littéraire de la France, art. cit., pp. 416 - 420. 33 Pour A. Stones, la provenance de ce volume reste incertaine, mais il serait bien lié à la production arrageoise de la fin du XIIIème siècle, cf. « The Illustrated Chrétien Manuscripts and their Artistic Context », Les manuscrits de Chrétien de Troyes, éd. par K. Busby et al., Amsterdam, Atlanta, Rodopi, 1993, 2 vol. (Faux titre, 71 - 72) ; vol. I, pp. 227 - 322 ; pp. 241 sq. et figure 26. 34 P4 n’est toutefois pas recensé dans cette édition. 35 Éd. R. Vermette, Manuscripta, 18, 1974, pp. 105 - 110. 36 « Notice du ms. Bibl. Nat. fr. 6447 (Traduction de divers livres de la Bible. – Légendes des saints) », Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques, t. 35, 2, Paris, Imprimerie nationale, 1896, pp. 435 - 510, part. pp. 468 - 471. La vie de saint Brendan est omise dans la description de P. Meyer, mais elle figure bien dans le manuscrit (f° 182 b - 194 d). 37 Voir notre présentation du texte n° 6. 31
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relatives aux deux autres saintes, il permet également d’admettre un choix délibéré en faveur d’un état de la légende plutôt qu’un autre. La majorité des textes sont introduits par une lettre historiée. Seule la Nativité du Christ comporte une miniature et une initiale ornée accompagnée d’antennes supportant des grotesques, le même dispositif intervenant sous une forme moins élaborée pour l’Épiphanie, l’Évangile de Nicodème et la Conversion de Paul, première pièce hagiographique. La lettre historiée dont la vie de notre sainte est pourvue reprend la scène de l’apparition du Christ ressuscité, sur le même modèle que celle de C. Des lettrines et des pieds-de-mouches alternativement bleus et rouges structurent le texte. Longtemps considéré comme perdu, le manuscrit que possédait le marquis Claude-Alexis de Noblet dans son château de la Clayette n’était connu que par la copie que La Curne de Sainte-Palaye en avait fait réaliser en 1773 et que P. Meyer avait longuement décrite en 189038. Le « grand recueil La Clayette » (P6) n’a été acquis qu’en 1952 par la Bibliothèque nationale de France où il porte désormais la cote nouv. acq. fr. 13521. La richesse de ce volume, dans lequel figurent de nombreuses œuvres de Pierre de Beauvais, mais aussi la traduction de l’Hystoria Albigensis par Pierre des Vaux-de-Cernay, des chansons notées, la Chastelaine de Vergi ou des Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coincy par exemple, a contribué à sa célébrité39. Il s’agit d’un recueil factice de 419 feuillets rédigé sur parchemin et dont les caractéristiques paléographiques et de mise en page varient d’une séquence à l’autre. La vie de Marie-Madeleine fait partie d’une unité codicologique (f° 71 311) qui mesure ca 265 x 185 mm et comporte 2 colonnes de 32 à 44 lignes (33 pour la vie de Marie-Madeleine), couvertes d’une écriture gothique livresque. P. Stirnemann estime qu’elle a pu être confectionnée au même moment que P4 ou peu après, soit dans le dernier quart du XIIIème siècle. Plusieurs scribes ont été actifs sur les cahiers dont elle est formée. La langue de celui qui a retranscrit la légende de Marie-Madeleine est neutre. Au point de vue iconographique, cette section s’avère moins riche que la septantaine de feuillets qui la précède, dont l’illustration est très élaborée, mais elle possède elle aussi une ornementation et sa variété ne contredit pas l’idée qu’elle forme un tout. Elle se compose pour l’essentiel de textes pieux (Conception de Nostre Dame par Wace ; une prière versifiée ; vies de sainte Catherine d’Alexandrie par Gui, de Marie-Madeleine et de « Notice sur deux manuscrits français ayant appartenu au Marquis de la Clayette (Bibliothèque Nationale, Moreau 1715 - 1719) », Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques, t. 33, 1, Paris, Imprimerie nationale, 1890, pp. 1 - 90. 39 Pour une brève description, nous renvoyons à S. Solente, « Le grand recueil La Clayette à la Bibliothèque Nationale », Scriptorium, 7, 1953, pp. 226 - 234, puis Nouvelles acquisitions latines et françaises du Département des manuscrits [de la Bibliothèque Nationale]. Inventaire sommaire, Paris, 1960 (Bibliothèque de l’École des chartes 117, 1959), qui a été affinée depuis par les différentes éditions des textes contenus dans cet exemplaire. 38
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Marie l’Égyptienne40 ; extraits de la Vie des Pères ; Abrégé d’histoire sainte de Roger d’Argenteuil, traduction du Lucidaire d’Honorius et l’une des rédactions du Roman des Sept Sages de Rome). La légende de Marie-Madeleine, première pièce en prose de cette suite de textes majoritairement versifiés, est précédée d’une miniature qui montre l’onction des pieds du Christ chez Simon le Lépreux. Choix du manuscrit de base et observations lexicales et linguistiques Au point de vue éditorial, B, L1, P1 et P2 ne sauraient bien sûr rendre compte de l’état original de notre légende41. L’adéquation de la majorité des représentants du texte français avec une trame narrative latine déjà constituée nous invite en effet à rechercher le support de notre édition parmi les neuf exemplaires de son adaptation vernaculaire, et non dans le plus petit groupe des rédactions hybrides. B est à coup sûr le meilleur représentant de ce groupe, alors que P1 et P2 ne sont que des exemplaires de second ordre. L1 s’éloigne de la « vulgate » au cinquième du récit déjà, ses rapports avec les trois autres copies ne sont pas constants. Parmi les témoins de la version complète de notre texte, les plus fiables sont assurément M et P6. Très proches l’un de l’autre, ils s’avèrent soignés et ne révèlent qu’un petit nombre d’erreurs et de leçons isolées, faciles à corriger. M comporte quelques omissions plus conséquentes tandis que les bourdons y sont rares, à la différence de P6, dont l’adoption se traduirait par de plus fréquentes interventions, mais restreintes (un mot la plupart du temps). En dehors de cette observation, les mutilations subies par le premier constituent un motif qui aurait pu faire pencher la balance, mais les vestiges qui subsistent dans M garantissent un contrôle suffisant sur l’état de ses parties manquantes. Enfin, le scribe de P6 tend à rajeunir le texte qu’il reproduit. Comme les regroupements que nous avons effectués en présentant nos manuscrits le suggèrent, à ces deux copies, on peut rattacher les textes de C et de G, qui forment une sous-classe, d’une tenue nettement moins satisfaisante ; de P3 et de P5, deuxième sous-classe, très inférieure et assez profondément remaniée, surtout dans le dernier tiers du texte (P5, plus ancien comme nous l’avons vu, sera préféré à P3 pour l’enregistrement des variantes propres à cette paire) ; de P4 ; enfin, de L2 et de O, exécutés l’un et l’autre au XVème siècle, dans une langue modernisée, et qui offrent beaucoup de communautés, O étant le plus fortement retravaillé (son copiste ou celui de son modèle introduit en particulier de nombreux redoublements lexicaux et réécrit des passages entiers).
40 La vie de Marie l’Égyptienne est celle que retransmettent C, G, L2, M, O, P4, P6, enfin Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acqu. fr. 13496 (version O de l’éd. P. F. Dembowski, Genève, Droz, 1977, pp. 171 - 205). 41 L’époque de la copie exécutée d’après le grand recueil La Clayette et les déviances dont elle témoigne face à son modèle permettent aussi de l’exclure de l’édition et de son apparat critique.
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Le texte ne comporte pas de relief linguistique. Pour la vie de Marie-Madeleine, une étude de ce type ne mène donc à aucune conclusion sur sa datation et sur sa localisation42. Chronologiquement parlant, la date de fabrication de P4 et P6 nous fournit la seule indication susceptible de faire remonter la composition de notre légende avant la fin du XIIIème siècle. Plan de l’édition Exemplaire de référence : Paris, Bibliothèque Mazarine, 1716 (568), f° 259 a 264 b (M) Exemplaires de comparaison : C : Chantilly, Musée Condé, 734 (456), f° 275 a / b - 279 a G : Genève, Bibliothèque de Genève, Comites latentes, 102 (ex-Cheltenham, Bibliothèque Phillipps, 3660), f° 302 c - 306 c L2 : Londres, British Library, Add. 41179, f° 6 r° - 11 v° O : Oxford, Queen’s College, 305, f° 259 a - 263 d P3 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 413, f° 379 b - 383 c P4 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 17229, f° 331 b - 336 d P5 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 23117, f° 402 d - 406 c (numérotation moderne) P6 : Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. fr. 13521, f° 108 a - 113 c Exemplaires hybrides : B : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9225, f° 58 d - 60 f (pour la partie concernée ici) L1 : Londres, British Library, Add. 17275, f° 37 b - 38 a (pour la partie concernée ici) P1 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 183, f° 60 c - 63 a (pour la partie concernée ici) P2 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 185, f° 24 f - 27 a (pour la partie concernée ici) Au point de vue lexical, l’adverbe misericordement, l. 29, est le seul terme dont la rareté, en l’occurrence, justifie qu’on s’y intéresse (Tobler-Lommatzsch renvoie à Godefroy qui n’en signale qu’un exemple dans la légende de saint Magloire – apparemment celle datée de 1319, citée d’après le manuscrit 5122 de la Bibliothèque de l’Arsenal, f° 20 v°). Il n’est d’ailleurs pas certain que cette leçon, qui n’existe que dans une partie des manuscrits, remonte à l’état le plus ancien du texte. congregation (l. 256) à déjà été évoqué à propos du n° 6.
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[La] tres [d]ouce [M]arie [Magda]lai[ne sel]onc [l’orgu]eil [du sie]cle [si fu n]ee 1 du [lign]age [d’un grant noblois d’un chastel qui] est a[pelez Magdalon], don ele 2 fu dite Magdalainne, et avec la grant nobleice du lingnage et des grans patremoinnes 3 fu de grant renonmee de beauté en cele contree, car li nons des riches genz sont 4 plus renonmez que des povres; ¶ mes por ce que grant deuls est d’estre en granz 5 richesces, usa ele grant partie du tens de sa jovente en lecherie et en autre maleurtez, 6 car de tant come elle estoit plus belle et plus riche, de tant furent plus esmeu li 7 pluseur ou pechié de sa luxure. Mes Nostre Sires Jhesus Criz, en qui toutes pitiez 8 et toutes misericordes sont et qui pas ne desirre la mort au pecheor, mes que il 9 deguerpisse son pechié et face penitance, la retorna par sa misericorde de ceste 10 Exemplaire de référence : Titre courant du f° 259 : De la Magdalainne (répété en haut de toutes les pages). Des quelques vestiges de rubriques qui subsistent ici et là dans le volume, nous pouvons déduire que le texte était introduit par un titre au format « classique » – Ci conmance la vie (...) –, dont les trois dernières lettres (du nom de Magdalainne, sans doute) sont encore visibles. Il comportait peut-être aussi une formule de conclusion de la même nature – Ci fenist la vie (...) – dont il ne reste cependant aucune trace. – 1 - 2. Les parties entre crochets ont disparu en raison des mutilations subies par le volume. Restitution d’après P6, graphies conformes à la scripta de M. Variantes : 1. La plupart des exemplaires de comparaison possèdent une rubrique : Ci comence la glorieuse vie Marie Magdaleine la beneuree (suivi du numéro d’ordre de la pièce) B Ci commance la vie a la beneoite Magdalaine C (G P4) (dans C, indication accompagnée d’une autre mention, jointe à l’explicit du texte précédent : Explicit la vie saint Bernart et commence la vie Marie Magdalaine, en écriture de forme et de plus gros module, d’une main peut-être différente de celle du copiste). Ci aprés conmence la vie a la benoite Marie Magdelainne, amie nostre sire Jhesucrist, et les miracles que dieu fist pour li .xxxv. L1 Cy commence la vie de saincte Marie Magdelaine O Ci conmence la vie Marie Magdelainne P1 Ci conmence la vie a la benoite Marie Magdelainne et devise premierement conment ele oint le cors nostre seingneur en la meson Symon le liepreus et li lava ses piez de ses lermes et les i essuia de ses cheveus; et aprés devise conment saint Pere la bailla a garder a saint Maximien et conment elle ala preeschier la foy nostre seingneur Jhesucrist, et aprés devise le biaus miracles que nostre sires fist pour lui si com vous orrez ci aprés, qui moult sont bons a oïr et a retenir P2 De Marie Magdelaine P3 Ci commence la vie de la Magdelainne P5 De la Magdelaine P6. – 1. la tres beneoite M. Magdelaine P6 (L2) la benoiste M. Magdelaine O la beneoite Magdeleine P4. – 1. du s. et monde O. – 1 - 2. si fu nee du l. d’un grant n.] si fu nee d’un l. de grant n. B P2 (L1) si fu nee d’un lingnage molt noble P4 si fut nee d’une lignee de grant noblesse L2 si fut nee de lignee de moult grant noblesse O fu nee de tres grant gent P1. – 2. dont ele fu apelee Madalain G. – 3. et des grans patr.] des grans patremoines G et des patremoines B et des grans patr. dont elle estoit P1 et des grans patrim. qu’elle avoit O et avec les granz avoirs que ele avoit et le grant patremoine P4. – 4. fu (...) des r. genz] omis dans P2. – 4. fu] et fu L1 fu ele (...) P4 (O). – 4. de grant ren.] grant ren. C G de molt grant renomee P4 moult grant renonmee P1. – 4. de la grant biauté qui en lui estoit par toute la contree P1. – 4. grant contree P6. – 4 - 5. car li renons des r. gens si est plus renonmez que celui des p. P1. – 5. granz deuelz (?) G granz deliz P4 (L2 O). – 6. grant partie] grant piece L2 O en grant piece P6. – 6. du tens] de temps L2 O le tens P6 omis dans P4. – 6. de sa jov.] en sa jouv. P1 de sa joennece G (L1 P2) sa jeunesse L2 O de sa volenté B. – 6. en lecheries L1 P1 P2. – 6. et en autre mal.] et en (les O) autres mal. B C L1 P1 P2 P3 P5 (O) en autres maleurtés G et an autre maleurté P4 et en folie L2. – 7. plus bele et r. P6 (P3 P5). – 7. de tant f. esmeu G de tant f. plusieurs plus esmeuz O de tant estoient esmeu li pl. envers P1. – 8. au pechié L2 P4 P6 em pechié B (P2 P3 P5); em pechiez de l. C (G) par pechié de l. P1 en pechié sus lui de l. L1 au peichié et a la concupiscence de sa l. O. – 8 - 9. mes n. s. Jh. (...) et qui pas ne des.] (...) toute misericorde (...) P4 (...) toute pitié et toute misericorde maint (...) L1 P1 (...) auquel est toute pitié et toute misericorde et qui point ne desire L2 mez dex plains de mis. (misericorde P3) qui pas ne desire P5 (P3). – 9. la mort aus pecheeurs P1 la mort du pecheor P4 (L2 O). – 9 - 10. mais qu’il deg. le p. (...) L2 mais qu’il delaisse le peichié (...) O mes que il deguerpissent leurs pechiez et facent pen. P1. – 10. peneance P6. – 10. par la mis. P1.
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erreur et en fist puis s’amie. ¶ Ceste Marie Madelainne est cele de qui saint Luch li Euvangelistres escrit que une fame pecherresse estoit en la cité, mes por ce que ele ama mout Nostre Sires, li furent si pechiez pardonnez; et de ceste dame dist saint March que quant Nostre Sires resuscita au samedi a matin, s’aparut Il premieremant a Marie Magdalaine. Mes tant come Nostre Sires est misericors [259 b] vers les pecheeurs est provez en la parfection de ceste fame qui ne deservi mie tant seulemant absolucion de ses pechiez, mes fu compaingne aus apostres et leur fu mesage de la sainte Resurrection Nostre Seingneur. Ceste dame raemplie du Saint Esperit regardant en soi meismes ne pot soustenir les domages ne oublier de la vie qu’ele avoit devant menee, einçois quant elle aperçut le Seingneur de l’umaingne lingniee venir en la meson Simon, qui pas ne venoit pour les justes mes por les pecheors atrere a penitence, ne se desespera pas de la pitié de son Creator por l’ordure de ses felonnies, ainz prist .j. precieus oingnement et ala hastivement a la fontainne de misericorde en amertume de cuer et en planté de lermes. Maintenant conmença les piez de son Creator a laver de ses lermes et a terdre ses piez de ses cheveuz par devoction et par humilité veraie, et oindre de tres net oingnement de sainte dilection, ne ne fu pas refusee du service de cele devocion, mes misericordement receue et par grant fiance de familiarité, et neis seur le
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– 11. puis] depuis O P3 P5. – 11. M. Mad.] Marie P3 P5. – 11. de qui] qui L2 dont O. – 12. li euv.] omis dans L1. – 12. escrit] descrist L2 parle P1. – 12 - 13. mes (...) pard.] (...) i furent (...) C (...) li pechié (...) P6 (...) cist pechié (...) L1 (...) ces p. (...) P1 mes pour ce que molt ama (l’ama L2 O) si pechié li f. pardonné P4 (L2 O). – 13. dame] fenme P1. – 14. sainct Marc l’euvangeliste O. – 14. au sam.] omis dans P1. – 14. a matin] matin L1 L2 O P3 P4 P5 P6 au matin, B G P1 P2 (déplacé dans B après s’aparut il). – 14. s’ap. il] qu’il s’ap. L2. – 15. prem.] premier ? P5. La fin du mot comporte une abréviation insolite (le scribe l’a peut-être ajoutée après avoir pris conscience de son erreur). – 15. tant come] de tant come B (L1 P1 P2) combien L2. – 16. vers le pecheeur P6. – 16. est il pr. P6 (P4); est esprouvez P1 est il esprouvés L2 (O). – 16. qui ne dess. pas P5 (P3) qu’el ne des. mie P2. – 17. aus ap.] des app. O omis dans B. – 18. sainte] omis dans L2 P3 P5. – 18. n. s.] de n. seigneur L2 n. s. Jhesucrist L1 de n. seigneur Jhesucrist O. – 18. Ceste dame] iceste dame P4. L2 et O introduisent ici une segmentation (pour tout le texte, les lettrines n’ont toutefois pas été peintes dans L2 et leurs emplacements sont restés vacants). – 18. raempli C G P5 fu raemplie P1. – 19. regarda L2 O. – 19 - 20. ne pot (...) de la vie] et ne pot (...) de sa vie P1 (...) ne oublier la vie P4 et si ne put soust. ne oublier les dommaiges de la vie L2 qu’elle ne povoit soust. ne supporter les dommaiges qu’elle avoit faiz ne aussi oblyer les delices et plaisirs de la vie O. – 20. devant] avant P3 P5. – 20. menee] maintenue P4. – 20. ençois qu’elle aparçust P6. – 21. venir en la meson] et le pot tenir en la maison P3 P5. – 21. Simon] de S. L2 (O) Symon le Liepreus P1 omis dans L1. – 21 - 22. qui pas ne v. (...) a pen.] qui ne v. pas (...) O qui pas ne v. sol pour les j. (...) P4 omis dans P1. – 22. mes pour les justes pech. P4. – 22. ele ne se des. pas P1 (O) ne se despera pas P3. – 23. .j. moult pr. ongn. P1. – 24. hastiv.] tost P3 P5 omis dans P1. – 24. a la montaingne a la fonteine de mis. P4. – 24. en amertumes B en grant am. P3 P5. – 26. Le texte ne comporte pas de lettrine dans L1 L2 O. – 26. et a t.] et a torcher et essuer O. – 26. ses piez] les piez L1 les P4 omis dans P1 P3 P5. – 27. hum. veraie] vraie hum. L1 (O) hum. P3 P4. – 27. et oindre] et a oindre les P4 et oint P1. – 27. de tres net oingn.] de tresnez oingnemens L2 (O) de tres precieus oingn. P2 P4 (L1) de l’oignement P3 P5. – 28 - 29] ne ne fu pas ref. (...) famil.] ne fut pas reff. (...) L2 (O) sachiez que ele ne fu pas ref. (...) P1 omis dans P4. – 28. de cele dev.] de cele onction L1 de cele devote onction P1. – 29. misericordelment B L1 P1 P2 misericordamment C (G) misericordablement L2 misericordieusement O. – 29. fu receue P1. – 29 - 30. et neis seur (...) n. s.] et neis sus (...) P1 P2 et neis seur le chief s. (...) C et mesmement sur le s. chief de n. seigneur L2 et encores plus sur le sainctisme chief de n. seigneur Jhesucrist O et sur le chef n. seigneur P5 (P3) neis sus son s. chief L1.
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saintisme chief Nostre Seingneur [espandi ele le precieus oingnement] si que toute la meson raempli de bonne oudeur, ne riens ne dist de sa bouche, mes par les benefices de son service demoustra bien la flambe de sa compomcion et la chaleur de sa dilection. Mes Symons en ot desdaing et dist : « Se cist seust les misteres de la divinité, il ne lessast pas atouchier a soi ceste fame pecher- [259 c] -resse. » Jhesu li respondi : « Simon, dui home estoient deteur a .j. usurier. Li uns li devoit .c. marz et li autres .l., et quant il leur demanda, ceuls n’orent de quoi il li rendissent. Li creancier en ot merci et leur pardonna a l’un et a l’autre. Li quiex de ces .ij. le doit plus amer ? » Simon Li respondi : « Celui a qui il pardonna plus. » Et Nostre Sires li dist : « Je entrai en ta meson, tu n’oinsis mie mon chief d’uile, ne mes piez ne lavas d’eve, ¶ mes ceste quant G’i entrai arrousa mon chief de precieuz oingnemant, et mes piez lava de ses lermes et les tert de ses cheveux et essuia. » Lors se torna Nostre Sires vers la fame et li dist : « Va t’en, tes pechiez te sont pardonnez. » Et por ce qu’ele fu si amiable et si obeïssant vers son Creator, por sa devocion parole saint Jehan li Ewangelistres de la surrection Lazarons son frere, la ou il descrist que Jhesu plora quant Il la vit lermant. Ceste sainte dame ensivi Nostre Seingneur quant elle Le vit pris et lié et flaellé, et quant si deciple s’en
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30. Segment de texte omis par le copiste. Restitution d’après P6 (L2 P4), graphies conformes à la scripta de M. – 45. la ou il la descrist. Correction d’après B L1 (P2). 30. espandi elle le precieus ongnement P6 (L2 O P4); omis dans B C G L1 P1 P2 P3 P5. – 31. an raempli P4 fu raemplie P1 fut toute remplye O. – 31 - 32. mez par son servise P5 (P3). – 32 - 33. dem. bien (...) dilection] monstra bien (...) L2 dem. ele bien la fl. de sa conpassion P4. – 32. de sa comp.] de sa compunction et contriction O. – 33. sa dil.] la dil. C O sa devocion P3 P5. – 33. desd.] grant desd. P1 desd. et mespris O. – 33. et dist de nostre seigneur O. – 33. sceust bien le m. O. – 34. de la div. Jhesucrist P1. – 34. lessa P5 lessoit G. – 34. at. ceste fame pech. B at. ceste fame pech. a soi P1 (P2) ceste fame pecherresce at. a lui L1 soy at. a ceste femme peich. O. – 35. Jhesucrist C G P4. – 35. li resp.] resp. P2. – 35. Simon] omis dans P3 P5. – 35. debiteurs O. – 35. li uns devoit B. – 36. .c. livres (...) .l. livres P4 P6 cent solz (...) L2 O. – 36. et comme il leur demandast cellui debte (...) L2 et quant il dem. a ung chascun son debte ilz n’eurent O et come il leur demandast il n’orent P4. – 36. de coi il leur rend. P1 de quoi li rendre P5 (P3) de quoy le lui randre L2 de quoy payer ne de quoy ilz lui rend. ce qu’ilz devoient O. – 37. et pard. P3 P5. – 37. or me di le quel des .ij. P1. – 38. il donna L2. – 38. le plus B L1 P1 P2. – 38. Symon resp. P3 P5. – 38 - 39. lors li dist n. s. P1. – 39. Je entrai] se entrai P6 tu as respondu a droit; je entray L2 O. – 39 - 40. tu n’oinsis (...) d’eve] tu ne me baisas mie et ceste feme des qu’elle y entra ne cessa de baiser mes piez; tu n’as pas oint mon chief ne n’as pas lavez mes piez d’eaue L2. – 39. et tu ne m’oinzis P1. – 39. mie] pas P1 P3 P5. – 39. d’uile] de precieus oingnement ne d’uille B omis dans O. – 39 - 40. ne mes piez ne l. d’eve] ne mes piez ne l. mie P2 ne ne l. pas mes piez d’eaue O ne si ne me l. mie mes piez ne ne essuias P1. – 40. quant je entrai P5 (L2 O P3). – 40. tres preciex P6 (L1). – 41. et mes piez lava] et lava mes piez L2 O et mes piez et lava G. – 41. de ses l. (...) et essuia] (...) et les essuia P1 de ses l. et essuia de ses cheveus P2 de ses l. et les tert de ses chevelz P4 de ses l. et les a essuiez de ses ch. L2 et les essua et torcha de ses ch. O. – 42. devers la fame L1 par devers la fame P1 vers la Magdalaine L2. – 42. car tes p. L2. – 42 - 43. te seront pardonné et sont des ici endroit L1. – 43. por sa dev.] par devoction L2. – 44. parole] omis dans P6. – 44. saint J. evangeliste L2. – 44. resurrection G L1 L2 O P6 P1 P4 P2 surrection, corrigé en resurrection au moyen de très petites lettres suscrites, C. – 44. de Lazaron son fr. B du Lazaron son fr. L1 du Ladre son fr. L2 O Lazaron frere Marie Magdelainne P1. – 45. la ou il le descript P1 la ou il a des. C G la ou il des. B L1 (P2). – 45. Jhesucrist C G. – 45. lermoiant P2 P4 (O) plorant L2. – 46. quant ele vit L1 P1 P2. – 46. et flaellé] deflaellé C G et batu P1 et batu et feru P2 omis dans P4. – 46. li dec. P6.
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foïrent remest ele avoec Lui. Neis a la mort n’en pot ele estre departie, mes tant i fu qu’ele oint son cors de precieux oingnement ou sepucre. D’iluec s’en ala plorant et esprise de grant douleur, notant en son cuer le leu de son rachatement, si acheta oingnement et la nuit traveilla tant come ele pot a apareillier les oingnemenz. Au samedi vint a touz ses oingnemenz devant le sepulcre desirrant d’oindre le saintis- [259 d] -me [cors Nostre Seingneur, mes si come li Euvan]gel[es raconte, ele trova l’ange] qu[i li dist qu’Il vivoit, et ele hastive]m[ent l’anonça aus deciples. Aprés] la [gloire de la Resurrection et aprés] la [sainte Ascencion, li prestre des] jui[s espris d’envie escomurent] par[secution en Sainte Eglise en] occ[iant le premier martir saint] Est[ienne et dechacierent toz les te]mo[inz Jhesucrist de leur contrees]; et por les tampestes de ceste parsecution s’espandirent par divers resgnes, car demoustré leur fu par Nostre Seingneur entre les autres miracles la vertu Nostre Seingneur qui resplandissoit et loing et pres par les merites de la glorieuse Magdalaine, qui mout ama Jhesucrist. [Un] en i a tres bel et tres cler qui bien est dignes de mestre en memoire que uns sainz homs relygieus raconta, que nous voulons mestre en escrit si conme nous l’avons de lui retenu.
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52 - 57. Hormis quelques vestiges, les parties entre crochets ont disparu en raison des mutilations subies par le manuscrit. Restitution d’après P6, graphies conformes à la scripta de M. – 60. .vij. en i a. Correction d’après P6 (B C G O P1 P2 P4 / L1). 47. remest] demoura P1 P2 P3 remas et demoura O. – 47. Neis a la mort (...)] (...) ne pot (...) G mesmement a la mort ne put (...) L2 et mesmement jusques a la mort ne peut (...) O jusques a la mort ne n’en pot estre dep. P3. – 47 - 48. mes (...) de pr. oingn.] ainçois oint de precieus oingn. son cors P4. – 47. mes tant il fu P6 mais tant fut O mais tant fit L2. – 48. que ele son cors de precieus oing. oint L1 (P1 P2) qu’ele oint son cors de son precieus oingn. P5 (P3). – 48. et d’ilec P2. – 49. notant] nonçant L1. – 49. de son rachateeur P6 (L2) de son redempteur et rachapteur O. – 50. se trav. P1. – 50. tant comme peut O. – 50. a ap.] pour app. L1 P2 (O) ap. P5 (L2 P3). – 50. les oingn.] ongnemens L1. – 51. Le texte ne comporte pas de lettrine dans P3 (simple pied-de-mouche dans P5). – 51. au sam. matin O P3 P4 P5 P6 [a]u matin d’un sam. L2. – 51. o tout ses ongnemenz P6 o tout les oingnemens O avec les oingnemens L2. – 51. devant le sep.] au sepucre P6 (L2 O P4). – 51. des. a oindre P6 P4 (L2). – 52 - 57. le saintisme cors Nostre Segneur, mes si come li Evangiles raconte, elle trova l’ange que li dist qu’Il vivoit, et elle hastivement l’anonça au deciples. Aprés la gloire de la Resurrection et aprés la saint Assencion, li prestres des juis espris d’envie escomurent persecucion en Sainte Yglise en ociant le premier martir saint Estiene et dechacierent toz les tesmoinz Jhesucrist de leur contrees P6. – 52. le s. cors n. s.] le saintisme cors Jhesucrist C G P2 (B L1 P4; P1 de Jh.) le sainctisme corps de n. seigneur Jhesucrit O le saint corps Jh. L2 le cors Jh. P5 (P3). – 52. mais ainsi comme O. – 52. li euv.] li euvangelistres C G (B L2 P3 P5) ele P2. – 52. raconte] tesmoigne B (L1 P1 P2) dit et rac. O. – 53. hastiv.] tost P3 P5. – 53. l’anonça] l’ala noncier L2 P4 l’ala noncier et dire O. – 53. a ses dec. L1. – 54. la gloire de la res.] la gloire de sa res. P2 sa gloire de la res. B sa gloire de sa res. P1 sa glorieuse res. L1. En raison probable d’un accident matériel, L2 s’interrompt après la gloire et ne reprend qu’à la ligne 108 (appareilha son euvre), lacune équivalente à un feuillet. – 54. et aprés la s. asc.] et aprés la s. asomption P4 omis dans B. – 55. escommeurent et encommencerent O persecucions G P2 P3 P5 (C P1). – 55. en occ. et tuant O. – 56. le premerein m. P4. – 56. et dechaçant P4. – 56. de Jh. L1 O P2. – 56. de leur c.] omis dans P4. – 58. par div. regne et parties O. – 58 - 60. par n. s. (...) Jh.] par n. seigneur Jhesucrist qui resplandi et loing et pres et entre les autres miracles par les merites de la gl. Magdelaine laquelle moult ama nostre seigneur Jh. O. – 58. de par n. s. L1 P1 P2 (G P3 P5). – 58. miracles] omis dans P4. – 59. la v. de n. seigneur B la v. Jhesucrist P4. – 59. replendissent (la première lettre surcharge un p) P6. – 60. un en i a P6 (B C G O P1 P2 P4) et en y a P3 P5 .j. miracle i a L1. – 60. tres bel et tres cler] bel et tres cler B tres bel P4 tres biau miracle P1. – 61. de mestre] d’estre mis O P1. – 61. reconta P6 raconte P1 redouta P5 (P3). – 62. metre es escriz P4 mectre en memoire et en escript ainsi comme O. – 62. retenu de li P4.
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Aprés la Passion et la Resurrection et la glorieuse Ascension Nostre Seingneur Jhesucrist, saint Peres li apostres dona a garder a saint Maxime, qui fu .j. des deciples Nostre Seingneur, la beneoite Marie Madalainne et Marthe sa sereur et saint Ladre son frere, que Nostre Sires resuscita, et pluseurs autres. Tuit cil ensemble s’en vindrent a la mer et entrerent en une nef et vindrent a Marseille. ¶ Quant il furent arrivez, il ne troverent qui les herbergast, si s’en entrerent en .j. porche du temple aus diex de la cité, et furent toute la nuit en proieres et en oroisons. Quant vint au matin, [260 a] si s’asemblerent tuit cil de la cité et vindrent la sacrefier a leurs diex si come il souloient. ¶ Quant la beneoite Marie Magdalaine les vit, ele se leva contre euls et doucement les salua et leur comença a preeschier la doctrine de verité. Trestuit cil qui la virent se merveillierent de sa beauté et de la douceur de ses paroles et de la hautesce de sa sapience. ¶ L’endemain vint la .j. nobles homs entre lui et sa fame, qui sires estoit de la cité, por sacrefier aus diex einsi come il souloient. Cil riches homs estoit mout dolanz de ce qu’il ne pooit avoir point de lingniee. La beneoite Magdalaine li comença a preeschier de Jhesucrist et touz les articles de la foi, et en tel maniere le retrest de son sacrefice. Tuit cil de la cité i acorurent por lui veoir, une partie [por sa beauté, autre partie]
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74. de sa pa sap., pa tracé. – 79. Segment de texte omis par le copiste. Restitution d’après P6 (C G P2), graphies conformes à la scripta de M. 63. P3 P5 introduisent ici la rubrique : Si comme (Comment P3) la Magdelaine vint a Marseille. – 63. et la res. et la gl. asc.] et la res. (...) et aprés la res. (...) L1 et la res. et l’asc. P2 et la glor. res. et asc. P1. – 63. n. s.] de n. seigneur O omis dans P4. – 64. Jh.] omis dans P3 P5. – 64. dona] bailla P2. – 64. a garder] garder G. – 64. a Max. saint B a s. Maximien P2. – 64. d’un des desc. B. – 65. de n. seigneur Jhesucrist O. – 65. la ben.] omis dans C G P1. – 65. Marie] omis dans P3 P4 P5. – 66. s. Ladre] le ladre P2. – 66. n. s. Jhesucrist L1. – 66 - 67. et plusieurs autres. Tous ceulx la ens. (...) O et pl. autre s’en v. a la mer L1 (P1 P2) et pl. autres tous seulz ensemble s’en v. a la mer P3. – 67. ens en une nef et v. a la cité de M. O. – 68. et quant P2 il i f. arivé P4. – 68. qui les herb.] oncques personne qui les herberjast ne voulsist herberjer O. – 68. si s’entr. G P5. – 68. ou porche P2. – 69. du t.] ou t. L1 (P4) omis dans C G. – 69. aus diex] omis dans P1. – 69 - 70. et furent (...) de la cité] omis dans O qui enchaîne : et quant ilz y vindrent la sacriffier (...). – 70. et quant ce vint au m. P1. – 70. si s’as.] si ass. P2 il s’as. L1. – 71. et v. pour sacr. P2. – 71. a lor dieu P5 a leurs dieux ainssi comme ilz s. et avoient accoustumé O. – 71. Quant (...)] et quant (...) P1 adoncques la benoiste M. Magdelaine quant elle les vit O. – 71. Marie] omis dans P3 P4 P5. – 72. ele se leva] si se leva P1. – 72. encontre els P6 (B C G L1 O P1 P2 P3 P4 P5). – 72. et leur preescha P3 P5. – 73. doctr.] voie P4. – 73. Trestuit cil] et trestuit cil P2 lors ceulx. – 73. s’en merveillerent C G (P1) s’esmerveillerent O. – 73. de sa grant biauté L1 (O). – 74. de ces parolles P2. – 75 - 76. qui sires estoit (...) il soul.] pour sacriffier a leurs dieux et estoit icellui noble homme seigneur de la cité O. – 76. si come P5 (P3). – 76. il soloit P6 (P3 P4 P5). – 76. Cil r. homs (...)] ce r. homme P3 P5 lequel estoit moult doulant et courroucié O. – 77. avoir point de l.] point avoir de ligniee L1 (O) avoir ligniee P3 P5. – 77 - 78. La ben. Magd. (...) de la foi] la ben. Magdeleinne com. (...) P4 (O) (...) a pr. de touz les art. de la foy Jh. P2 la Magdelaine li preescha de n. seigneur les art. de la foi P5 (P3). – 78. de la foi] Au delà de ce point, la version contenue dans L1 rejoint celle que nous éditons d’après le manuscrit Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10326 (n° 6). Nous renvoyons à son apparat critique pour les variantes de cet exemplaire. – 78. et en tel man. (...) de son sacr.] en celle man. (...) O et par ce (...) P3 P5 (...) ele le retret de fere sacr. P1 en tele man. que le retrait de son sacr. P2. – 79. i ac. por lui veoir] s’ac. pour lui veoir B l’acour. veoir P3 P5. – 79 - 80. une p. por sa biauté, autre partie por la d. P6 (C G P2) une p. pour sa grant b., l’autre p. pour la doulceur O une p. et pour sa biauté et d’autre partie pour la d. B p. pour sa biauté p. pour la d. P5 (P3) pour la biauté qui en li estoit une p., l’autre p. pour la d. P1 une p. et l’autre p. pour la douçor P4.
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por la douceur de ses paroles, et ce n’est pas merveilles se douces paroles issoient de la bouche a cele qui avoit bessiez les piez Jhesucrist. ¶ Aprés ce, la beneoite Marie Magdalaine s’aparut a la fame a cel riche honme en dormant, et si li dist : « Por quoi as tu tantes richesces et li povres Damedieu muerent de fain et de soif et de froit et d’autres mesesses ? » Avesques ce la conmança a menacier et a amonester qu’elle deist a son seingneur qu’il eust pitié de la moienne gent et des meseises aus sainz. ¶ La fame, quant ele s’esveilla, ne l’osa dire a son seingneur, et neporquant ele ot grant pitié de la povreté a la beneoite Magdalaine et de ses compaingnons, et li conmança a envoier reposte- [260 b] -ment de ses viandes par ses privez serjans, car ele cremoit la cruauté son seingneur et la desloialté du peuple. ¶ La seconde nuit li apparut de rechief la beneoite Magdalaine ausi come ele avoit fet la nuit devant, neporquant ele ne l’osa dire a son seingneur. ¶ La tierce nuit, ele s’aparut a son seingneur et a la dame mout iriee, ausi come se la meson ardist. Si li dist : « Dors tu, pesmes tirant, fiuz de deable, avoec ceste serpant ta fame, que ce que je li avoie dist ne te vost onques descovrir ? Ha ! dorz tu ci, anemis de la foi Jhesucrist, qui manjues les bonnes viandes et boiz les bons vins et lesses les sainz Damedieu morir de fain et de soif et d’autres mesesses ? Certes, chestis, tu n’eschaperas pas einsint sanz painne de ce que tu as tant demoré a euls bien fere. »
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– 80. de ces parolles oïr et entendre P1. – 80. et ce n’iert pas P6 et ce n’estoit pas O P2 P4 et pas n’estoit P3 P5. – 80. de merv. O merveille C G P3 P5. – 81. de sa b. et mesmement ce ne feust mais que pour ce qu’elle avoit baisé si tresdoulcement les precieux piez de nostre sauveur et redempteur Jh. O. – 81. de sa b. P2 P3. – 81. a cele qui] conme cele qui P2. – 81. les piez de Jh. P3 P5. – 81 - 82. la ben. M. Magd.] la ben. Magdeleine P4 la Magdelaine P5 (P3). – 82. a la dame qui fame estoit P4 a ce r. home B P6 (P1 P2) de cellui r. homme O. – 82. en son dormant P2. – 82. et li dit P5 (P3 P4). – 83. tant de rich. B C G P1 (O P3). – 83. li p. dieu P5 (P3) les pouvres de nostre seigneur O. – 83 - 84. de fain (...) mes.] de soif et de fain et de froit (...) C de fain et de soif et d’autres meseses G de fain et de froit et d’autres mesaises O P6 de fain et de froit P4 de fain et de mesaise P3 P5. – 84 - 85. Av. ce (...) et a am.] et avecques ce (...) P1 et avec tout ce (...) P4 (...) et amon. P6 (...) et a moustrer B (...) et a demoustrer P1; et aprés la menaça et amonnesta P5 (P3). – 85. qu’elle d.] qui le d. P4 que ele moustrast P2. – 85 - 86. qu’il eust p. (...) aus s.] qu’il eust p. de la menue gent et des mes. aus sains C (P1) qu’il eust p. de la menue gent et de la mesese aus sains G qu’il eust p. de la menue gent et de lor mesaises P5 (P3) qu’il eust p. de la menue gent et des mesages aus s. P2 qu’il eust p. de la menue gent et des mes. aus genz B qu’il eust p. de la mesaise (du mesaise O) aus s. P6 (O) de la mesese aus seinz P4. – 86. La fame (...)] quant la fame (dame P4) s’esv. elle ne l’osa dire P1 (P4) quant celle s’esv. si ne l’osa dire P3 P5. – 87. non pourquant P1 (P2 P3) non pourtant O. – 87. elle en ot P1. – 87. de la poverte (poverté ?) G. – 87. a la ben. Magd.] a (de O) la benoite Marie Magdelainne P1 (O) a la Madalaine G (P3 P5). – 88. et li com. a env.] et leur comença a env. P6 (O P4) et lor envoia P5 (P3). – 88. rep.] secretement O. – 89. par ses pr. s.] par ses pr. P4 P6 par sa privee mesniee P2 par ses pr. messaiges et serviteurs O. – 89. car ele cr.] car elle craignoit et doubtoit moult grandement O por P5 (P3). – 89. la cr. de son s. P1 P2 (C G O P3 P5) la cruiauté son baron P4. – 90 - 91. de rech. li app. la Magdelaine come devant, nep. ne l’osa dire P5 (P3). – 90. ainsi comme P1 (O). – 91. non pourquant P1 P2 (P3) non pourtant O. – 91 - 92. La t. nuit ele s’ap. a son s.] la t. nuit elle app. (...) O la t. nuit s’ap. (...) P5 (P3 P4) nepourquant ele s’ap. (...) C (...) au seigneur P3 P5; omis dans G. – 92. et a sa fame P2. – 92. moult irieement P2 moult yree et courroucee O. – 92. ausi come la m. ard. G. – 93. si leur dist O P4 P6. – 93. dorz tu ores P6 (P4) dors tu maintenant O. – 93. pesmes t.] tres mauvais t. P3 tresmauvais et faulx tyrant O. – 93. ta fame] omis dans B P4. – 94. ne se volt P6 ne t’a voulu O. – 94. ci] omis dans P2 P6. – 95. Jh.] de Jh. O omis dans P4. – 96. et tu l. P1 et lessiez C G les sainz dieu P5 (P3) les sains de nostre seigneur O les serjans d. P1 P2 (B) les filz d. C G. – 96. de fain et de mesaise P3 P5. – 97. pas] omis dans O P6. – 97. einsint] si P5. – 97. dem. tant P4 P6. – 97 - 98. de leur bien faire O.
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Quant ele ot ce dist, si s’en parti tantost. ¶ La dame s’esveilla et conmença a
giendre et a soupirer et dist a son seingneur : « Sire, avez vous veue l’avision que j’ai veue ? Certes, par .iij. nuiz m’est ja apareue. » Li sires respondi : « Oïl, voiremant l’é je veue. Que pourrons nous fere ? » La dame dist : « Il me samble que miex vaut que nous facions la volenté a la Magdalaine que nous aions le mautalent de Dieu dont ele presche. Fesons bien aus sainz Damedieu et prions la Magdalaine qu’ele prist son Dieu que je puisse concevoir. » ¶ Maintenant alerent a la beneoite Magdalaine et li prierent qu’ele depriast Nostre Seingneur qu’il peussent [260 c] avoir lingniee. Aprés mout pou de tens, la dame consut et toutes les gens en orent mout grant joie. ¶ Aprés ses sires apareilla son oirre, car il vouloit esprover se ce estoit voirs que la beneoite Magdalaine leur avoit preeschié de Nostre Seingneur. Quant la dame s’en aperçut, si li dist : « Que est ce, sire, voulez vous aler en pelerinage sanz moi ? Ce ne puet estre, car quel que part que vous iroiz, je irai avoec vous. » Li sires li respondi : « Einsint ne sera il pas, ainçois remaindroiz ci et garderoiz la terre que nus ne nous forface, car mout est longue la voie et li peril de la mer sont grant, et tu es grosse, si i porroit avoir grant peril. » ¶ La dame fu engoisseuse et li chaï aus piez, et li sires li otroia sa volenté por la pitié qu’il ot de lui. Lors vindrent ambedui a la beneoite Magdalaine et mistrent quanqu’il avoient en sa garde. La beneoite Magdalaine leur mist la croiz seur les
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– 99. P5 introduit ici la rubrique : Si comme la Magdelaine donna la premiere croiz d’outremer. – 99. et la dame P1. – 99 - 100. et comm. a sousp. O et se com. a plaindre et a sousp. P3. – 100. Sire] frere G. – 101. Certes] et certes B qui P4. – 101. nuiz] foiz O. – 101. m’est aparue de route sanz faillir C G. – 101. li resp. P4 (O). – 101 - 102. Oïl voir. l’é je veue] voirement (...) C G certes voirement l’ai je oïe et veue P1 oÿ voir. P5 oÿ vraiement P3. – 102. qu’an por. nos fere P4. – 102. la dame li dist P1 P4 (O). – 103. vaut] valt, correction sur velt, P6. – 103. de la Magdelaine O P5 (P3). – 104. du dieu C G P3 P4 P5 P6. – 104. que elle preesche P1 P6 (B C G O P3 P4 P5) que ele nous preesche P2. – 104. as sainz dieu P5 (P3) aux sains de Jhesucrist O. – 104. a la Magdelainne P2 (O). – 105. prist] pris G deprit B (P1 P2). – 105 - 106. Maint. al. (...)] maint. i al. (...) C maint. il al. (...) P6 (O) lors al. (...) P3 P5 maint. i al. et li pr. P4. – 106. a la ben. Magd.] a la Magdelaine P3 P5 a la benoiste Marie Magdelaine O. – 106. priast G O P3 P5. – 106. a n. s. P1 (G). – 107. aprés .j. poi de tempz G (P1). – 107 - 108. et t. les gens (...)] et les gens (...) P1 et en eurent les gens (...) O. – 108 - 109. Aprés (...) voirs] appareilha son euvre (...) L2, qui reprend ici; aprés son seingneur esprouva se c’est. voirs P1 aprés le sire app. son fait et ce qui lui estoit neccessaire pour faire et acomplir ce que la benoiste Marie Magdelaine lui avoit presché, dit et enchargié, car il vouloit esprouver si ce estoit veoir O. – 108. volt B P2. – 109. la ben. Magd.] la Magdelaine P5 (P3). – 110. de n. seigneur Jhesucrist O. – 110. quant la dame s’ap. P2 quant la dame l’ap. P1. – 110. si dist C G P2 si dist a son seigneur de mary O. – 110. Que est ce sire] qu’est ce a dire O sire P1 omis dans L2. – 110. v. vous aler] ou est ce que vous v. aler L2 (les premiers mots de cette variante sont sans doute issus d’une confusion avec la question qui précède dans le texte; volez est bissé dans P6). – 111. car] que B P2 P6 omis dans P1. – 111. quel part P2. – 111. que vous iroiz] que vous ailliez P1 P2 que je irai P4. – 112. je irai av. vous] que je ne voise avec vous P2. – 112. Li sires] si sires P6 (L2 P4) son seigneur et mary O. – 112. li resp.] resp. C G (L2). – 112. ainssi n’ira il pas B (P1) ainsi n’ira il mie P2 il ne se fera pas ainsi O. – 112. ainçois] mais O. – 113. rem. ci] remaindrez ycy L2 demourrez P3 vous demourrez O. – 113. ne vos forf. P6 (P3). – 113. car trop est l. la voie P1. – 114. et vous estes gr. L2 P1 P2. – 114. si i p. (...)] si il p. (...) P6 (...) avoir p. B P2 (...) avoir trop grant p. P1 si y aroit grant p. P5 si y aroit plus grant p. P3 et pour ce il y porroit avoir grant p. O pourquoy seroit encorez plus grant perilh L2. – 115. la dame si fu ang. P1 la dame fut triste, marrye et ang. O engroisseuse P6 (!). – 115. et li chaï] et si li cheï P1 si li cheï P4. – 115. et li sires li otroia] li sires si li otroia P1. – 116. par la p. (...) P4 por la p. de li P5 (P3). – 116. lors v. il amb. C G lors vinrent toz .ij. P5 (L2 O P3). – 116. a la Magdelaine P3 P5. – 117. et m. tout ce qu’il av. P3 P5 et m. tout quant qu’ilz av. O. – 117. La ben. Magd.] et la benoite Magdelainne P2 la Magdelaine P5 (P3). – 117. la croiz] les croiz P6 omis dans P4. – 117. sus les esp. P1 P2 P6 (B) en leurs esp. L2 (O).
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espaules por ce que li deables ne peust leur oevres enpeeschier en aucune maniere, et leur conmanda qu’il deissent a saint Pere que il leur enseingnast ce qu’ele avoit preeschié de Nostre Seingneur Jhesucrist. Cil appareillierent leur erre et pristrent or et argent et ce que mestier leur fu, si entrerent en mer. ¶ Quant il orent erré par mer une jornee, li tens se conmença a troubler et les ondes a lever et mout grant tempeste a fere. Tuit cil de la nef estoient en mout grant engoisse, meesmement [260 d] la dame qui estoit foible et grosse, qui por la poor et por la douleur de son ventre fu morte en enfantant. Li enfes fu nez et aloit querant la mamelle, et quant il ne la pooit trover, si ploroit. Ha ! quel douleur que li enfes est nez et a sa mere occise, et morir le covient, qu’il n’a qu’il le norrisse. Que fera ore [cist] pelerins qui veoit sa fame morte et l’enfant plorant et querant la mamelle, et veoit les notonniers qui vouloient le cors giter en la mer por le peril, car la tempeste ne pooit cesser de la mer tant com li cors fust en la nef ? ¶ Li notonnier pristrent le cors et le vouldrent en la mer geter. Li pelerins leur dist : « Soufrez vous, biax seingneurs, et se vous ne le voulez fere ne por moi ne por la mere, si le faites por l’enfant, car trop seroit grant cruiauté de geter en la mer .j. cors qui est encore demi vif et d’ocirre .j. petit enfant. Soufrez vous .j. petit,
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128. se pel. Correction d’après P6. 118. por ce que] a celle fin que O. – 118. leur oevres (...)] leur oeuvre (...) P1 (L2 O P3 P5) leur oirre (...) P4 leur voie empeechier ne leur oevres B. – 118. ce que il leur avoit preechié B ce que il avoit pr. P1 (L2 O P2). – 120. de n. s. Jh.] de Jh. P1 P2 P4. – 121. Le texte ne comporte pas de lettrine dans P3 (simple pied-de-mouche dans P5). – 121. lors appareillerent leur oirre et chemin O. – 121. ce que m. leur estoit L2. – 121. si] puis L2 omis dans P6. – 122. en mer L2 dedans la mer O. – 122. et quant L2. – 122. par mer erré P2 esté par mer P1 cheminé par mer L2 erré, cheminé et alé par my la mer O. – 122 - 123. li tens (...) a fere] li tens com. (...) B P6 (C G L2 P1 P2 P4) (...) et les ondes de mer (...) P1 le temps se troubla et les ondes leverent et fist moult grant t. P3 P5. – 124. en moult grant ang. est. P3 P5 est. a molt grant ang. G est. en moult grant ang. et peine O. – 124. et meisment P1 (L2). – 125. qui par la paour et par la d. (...) L2 qui por la poor et la d. (...) P5 (P3) qui pour la paour de son v. et por la d. fu m. en enf. C (G) qui por la poour et por l’angoisse de son vantre (...) P4 qui pour la paour et pour la d. fu m. en enf. P2 qui pour la d. et pour la paour que elle avoit fu m. en enf. P1 qui por la paour et pour la d. de la mer fu m. d’enfant B. – 125 - 126. Li enfes (...) la mam.] et li anfes (...) P4 et quant li enfes fu nez il aloit qu. la mam. B li enfant conmença a querre la mam. P1. – 126. il ne la p. tr.] il ne la pot trouver P1 il ne la trouva P3 P5. – 126. si pl.] il pl. B P2 (L2) si ploura P5 (P3) il conmença a plorer P1. – 126. a quel d. P1 ha quel d. est P3 P5. – 127. quant li anfes est nez P4 que li anfes ait nest P6. – 127. et a sa mere occise] et a sa mere occise et tué O et sa mere ocise C G et la mere occise B et la mere morte P1 P2. – 127. covint P6. – 127. qu’il n’a] et n’a P2 car il n’a O P3 P4 P5 pour ce qu’il n’a L2. – 128. qui le norrice G P6 (B C O P1 P2 P3 P4) qui le norrissent P5 point de norrice L2. – 128. que fera maintenant O et que fera ore P1. – 128. cist pel. P6 cestui pelerin O cil pel. B C G P4 P5 cilz pel. P1 P2 ce pelerin L2 P3. – 128. voit B L2 P1 P2 P6. – 129. et qu. la mam.] qu. mam. P1. – 129. voit B P1 P2. – 129. g. le cors L2 P1 P2. – 130. por le peril] omis dans P4. – 130. car la t. ne povoit c. ne tayser en la mer O car la t. de la mer ne povoit apaiser L2. – 130. de la mer] omis dans P3 P5. – 131. et le vouloient L2 O giter en la mer B P1 P2 (O P3 P5). – 131. mais le pelerin L2. – 132. biax s.] seigneurs P3 P5. – 132. ne volez f. P6 ne ne voulés f. G. – 132 - 133. ne por moi (...)] pour moi (...) C G P1 ne pour l’amour de moy ne pour l’amour de la mere O. – 133. si le f. (...)] non fetes (...) P6 si le fetes tant seulement (...) P4 au moins faictes (...) L2 au mains si le f. pour l’amour de l’enfant P2 a tout le moins f. le pour l’amour de l’enffant O. – 133. trop seroit granz cruiautez P4 trop grant cr. seroit C G (P3 P5). – 133 - 134. de g. en la mer .j. cors] de giter uns cors an la mer P4 de giter .j. cors P1. – 134. et de occ. et tuer O. – 134. S. vous .j. p.] or vous souffrez .j. p. P2 souffrez .j. p. B P1.
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car espoir la fame por la douleur de l’enfanter s’est paumee. » ¶ Quant il ot ce dist, si vit pres d’euls une montaingne et li sambla que miex valoit que il meist en cele montaingne et le cors et l’enfant qu’il fust getez en la mer. Si dist aus notonniers : « Atandez .j. pou, seingneurs, et prenez de mon avoir tant com vous voudroiz et portez le cors et l’enfant en cele montaingne que l’en le puisse illuesques enfouir. » Quant li notonnier oïrent parler de l’argent, il furent autresi pris com li poissons a l’ameçon, et mistrent en une nacele le cors et l’enfant et les emporterent en la [261 a] montaingne. La terre estoit si dure que l’en n’i pooit fere fosse, et por ce li sires mist le cors en une partie secree et mist l’enfant a la mamele de sa mere. Si conmença a plorer et dist : « Ha ! Magdalaine, m’as tu envoié en essil por ma misere et por ma perdiction ? Je, chetis, por quoi enpri ge ceste oe[v]re par ton amonestement ? Requeis tu donc ton Dieu que ma fame conceust et enfantast por ce qu’ele moreust et li enfes avec lui ? ¶ La mere qui le consut est morte de doleur et d’angoisse. Li enfes qui conceuz estoit e[s]t nez par tel eur qu’il covient qu’il perisse, car il n’a qu’il le norrice. Itant ai je gaaingnié par ta proiere ! ¶ Or te comant
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146. La forme employée par le scribe, oerre, ne saurait passer pour une variante d’erre, que l’on aurait pu admettre ici. La leçon qui figure dans C G O P1 P4 P6 (B L2 P2 P3 P5) nous en procure le modèle vraisemblable. – 149. qui c. estoit et nez. Correction d’après B C L2 P3 P4 P5 (G O P1 / P2). 135. car (...) paumee] car par avanture la femme pour la d. de l’enffant (...) L2 O car espoir la fame est pasmee por la d. de l’enf. P5 (P3) car espoir pour la d. de l’enfant qu’elle ce soit pasmee P1. – 135. la dame P6 la mere P4. – 135. por la douleur] por la mere por la poour P4. – 135. de l’enfentement P6 de l’enfant B P2 P4. – 135. ot] omis dans P6. – 136. si vit] il vit L2. – 136. d’euls] omis dans P2. – 136. et li s. (...) que il meist] si li sanbla (...) P4 et bien li sembla (...) P2 (...) que miex li venist que il m. P1 et miex li sembla c’on m. P3 P5. – 137. en cele mont. (...)] en cele montaigne le cors (...) G (L2 O P4) le cors et l’enfant en celle montaigne P5 (P3) en cele mont. le cors de la mere et l’enfant decoste li P2. – 137. que qu’ilz fussent gettez L2 (O). – 137. an mer P4 (L2). – 138. atendez .j. poi et pr. P5 (P3) segneurs atendez .j. po, prenez P6 (L2 O P4). – 138. et p.] si p. P4. – 139. le cors de la mere P2. – 139. (affin L2) que l’en les p. B C G L2 O P1 P2 P6 (P4) que en les p. P5 que tu les puisses P3. – 140. enf.] ensevelir L2 enfouyr, ensevelir et enterrer et mectre en sepulture O. – 141. Conme li not. P1. Le texte ne comporte pas de lettrine dans P3 (simple pied-de-mouche dans P5). – 141. lui oÿrent L2 (O). – 141. p. de l’argent O. – 141. il f. (...) li p.] si f. autresi (aussi P3) comme li poisson P5 (P3) ilz f. tous resjouyz et aussi pris comme le poysson O. – 141. il f. aussi pris P6 (L2 P1 P4). – 141. conme est li p. P1. – 142. a l’am.] a l’ain L2 en la nasse et fillé car humaine nature d’elle mesmes est encline a toute avarice et n’est chose que aucuns ne facent pour argent O. – 142. et m. (...) et l’enfant] et tantost m. le corps en une nacelle et l’enffant L2 et pour ce tantost ilz m. O si pristrent le cors de la mere et l’enfant et les m. en une petite nacelle P2. – 142. et l’emporterent P3 P5 et les porterent L2. – 143. si estoit P2 y estoit si tresdure O. – 143. l’en] en P3 P5. – 143. ne povoit L2 O. – 144. li sires mist le cors (...) de sa mere] (...) en une p. secrette (...) L2 (O) (...) a la mamelle sa mere G P6 (C) li sires mist en une p. s. l’enfant et la mamelle sa mere a sa bouche P1. – 144. Si] et C G puis L2 P4. – 145. Ha Marie Magdelaine P6 (B C G L2 O P1 P2 P3 P4 P5). – 146. Je chetis] je las chietis P2 omis dans P4. – 146. pourquoy ay je entrepris O. – 146. ceste oeuvre C G O P1 P4 P6 (B L2 P2 P3 P5). – 147. et aussi pourquoy requis tu oncques ton dieu que ma femme c. O. – 147. donc] omis dans B. – 147 - 148. et enf. por ce qu’ele m.] et en enfantant qu’elle morust L2 et qu’elle enf. et puis aprés que a cause de l’enfantement elle mourust ainsi O. – 148. la mere qui conçut P1 P2 la mere qui l’a consceu L2 (O). – 148 - 149. de douleur de peine et d’ang. O. – 149. est nez B C L2 P3 P4 P5 (G O P1) si est nés P2; est omis dans P6. – 149. par tele heure G (O) par tel euvre (?) L2 par tel couvent B. – 150. quant il a L2. – 150. qui le norrisse C G L2 P5 P6 (B O P2 P3 P4). – 150. Itant (...)] et tant (...) P3 y ay je tant gaigné L2 et ce ay je gaingné O. – 150 - 151. or te recommande benoiste Marie Magdelaine toutes les miennes ch. O or te recommans je t. mes ch. L2.
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je toutes les moies choses et te pri que tu pries ton Dieu por l’ame de la mere et que Il gart l’enfant que il ne perisse. » Quant il ot ce dit, si covri le cors et l’enfant de son mantel, puis retorna a la nef. Quant il fu dedans, li notonnier leverent leur voille et se mistrent a la voie. ¶ Or oez come est grant la misericorde Dieu, conme est merveilleux li loiers a la beneoite Magdalaine et haute sa merite, car ja soit ce que ele preeschast en terre, ele conduisoit le pelerin et reconfortoit qu’il ne se desesperast, et confermoit qu’il ne se defaillist de son duel, et a la dame gardoit quanque ele enfantoit et donnoit confort et aide, et estoit avec l’enfant por lui garder et emploit les mamelles de let por lui norrir. Qui onques mes tiex merveilles oï, car ele estoit en terre et preeschoit et ensaingnoit et edefioit les nons sachanz; [261 b] en la mer, ele conseilloit et servoit et alestoit l’enfant. Elle conseilloit le pelerin que il ne lessast pas l’erre qu’il avoit enconmenciee; ele servoit la dame en son enfantement; ele alestoit l’enfant de la mamelle a la mere morte. ¶ Or escoutez encore gregneur merveilles, car le cors de la mere gisoit morz, neporquant li enfes
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155. a la ben. la Mag. Correction d’après P6 (B C G L2 P1 P2 P3 P4 P5). 151 - 152. et te pri (...) que il ne per.] et toi prie (...) P1 (la première voyelle de toi est mal formée et pourrait être un a, mais et t’ai prié paraît douteux) (...) que tu depries (...) P1 P6 et te pri que tu les me gardes et si prie ton dieu que li anfes ne perisse P4. – 151. et que il gart] que il gart P1. – 152. et quant P4. – 152. le cors et l’enfant] l’enfant et le cors C G P2 la mere et l’enfant P1. – 153. puis s’en retourna a sa nef O. – 153. et quant P1. – 153. fu] omis dans B. – 153. leur voilles B P4 (C G P1 P2). – 154. a voie P1. – 154. coment est grant P6 comme huy est grant L2. – 154. la mis. de dieu B L2 P2 P3 P5 la mis. damedieu P4 P6 la mis. de nostre seigneur O. – 154. et come B (L2 O). – 155. merv.] granz C (G). – 155. a la ben. Madelaine P6 (B C G L2 P1 P2 P3 P4 P5) de la benoiste Marie Magdelaine O. – 155. et h. sa merite] omis dans P4. – 155. ja soit que B. – 156. et confortoit P3 P5 et le confortoit B L2 O P1 P2 P4 P6. – 157. desperast P6. – 157 - 158. et confermoit (...) enfantoit] et si gardoit la dame quant ele enfantoit P4. – 157. conf.] omis dans P1. – 157. qu’il ne se defaisist P1 (?) que il ne def. B (L2). – 157. pour son duel B. – 157 - 158. et a la dame (...) confort] et a la fame (...) G et la dame (...) conseil et confort P1 et la dame g. qant elle enfentoit (...) P6 elle g. la dame qu. elle enffentoit et lui donnoit conf. L2 et aussi la dame et l’enfant g. et donnoit conf. B et la dame g. et donnoit conf. P2 et la dame quant elle enf. donnoit conf. P3 P5 et le confermoit en lui conseillant qu’il ne defaillist et qu’il n’eust le cueur lasche et vain, et quelque chose qui lui feust avenue, que pour riens ne laissast qu’il ne feist et acomplist son vueil et desir de achaver, acomplir et parfaire son pellerinaige et vouieaige qu’il avoit encommencié c’est assaveir de aler a Rome pour veoir mon seigneur sainct Pierre; et aussi la benoiste Marie Magdelaine la dame g. quant elle enff. et lui donnoit conf. O. – 158. et estoit] et si estoit L2 et aussi estoit O ele estoit P4. – 159. les mam.] ses mameles C G les mam. de sa mere O. – 159 162. Qui onques mes (...) l’erre] qui onques mes tieux novelles n’oï (...) C (G) qui oÿ oncques mais telle marveille (...) L2 qui ouy dire oncques mais telz merv. en terre avenir ? Elle preschoit et enseignoit le peuple a Marceilhe, elle exaussoit, ediffioit et multiplioit les noms d’icellui seigneur de Marceilhe et de sa femme en la mer; elle le cons. que il ne laissast pour riens qu’il n’acomplist le voyage O. – 160. en t. ou elle preschoit L2. – 160. et edef.] omis dans L2 P4. – 160. les nons s.] le peuple L2. – 161. en la mer] et estoit en la mer L2 omis dans P4. – 161 - 162. ele cons. (...) que il ne lessast pas] et le cons. (...) B et cons. (...) G elle cons. le pel. que il ne lessast pas P6 ele contenoit (concevoit ?) et servoit et aleitoit; ele cons. (...) P4 ou elle gardoit la dame et norrissoit l’enffant et si conseilhoit (...) L2. – 161. l’enfant] omis dans P1. – 162. l’erre] l’uevre B (L2 P1 P2 P4). – 162. qu’il avoit enc.] que il avoit commenciee P5 que il avoit commenciee et emprise P3 que il avoit amprise P4 qu’il avoit entreprise P2. – 162 - 163. ele servoit (...) a la mere m.] omis dans P1. – 162. a son enfant. O. – 163. l’enfant] omis dans P6 (le passage a subi plusieurs grattages et corrections qui tendent à indiquer que c’est au détriment de cette leçon que le copiste a tenté de reconstituer aletoit, omis en un premier temps). – 163. de la mam. de la mere qui estoit m. O. – 163. Le scribe de P1 introduit une lettrine à l’emplacement du pied-de-mouche. – 163. or escoutés seigneur G. – 164. gr. merveille P2 (L2 P3) plus grant merv. O. – 164. gisoit morz] gisoit toz mors B qui gisoit et estoit mort O. – 164. neporquant] non pourquant P1 P2 non pourtant L2 neantmoins P3 ce non obstant O.
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trovoit en sa mamelle le let a son norrissement ! Et encore gregneur merveille, que li esperiz de la mere morte parfist le pelerinnaje que li cors devoit fere, se il vesquist ! Nus ne veoit cel esperit, neporquant il veoit quanque autre povoit veoir. ¶ Or oez de la beneoite Magdalaine, car li cors de la dame gesoit illuec touz morz ausi come .j. vessiax touz [wiz], neporquant les mamelles rendoient grant planté de let au norrissement de l’enfant. Cil vessiax estoit seellez du seel de salu. Cil cors est .j. vessiax tout seurs, car goute de rosee ne habundance de pluie ne force de vent ne froidure d’iver ne chaleur d’esté ne li povoit nuire, car il est tiex qu’il n’avoit fain ne soif ne mauveise oudor, ne ne povoit deperir. En tel maniere sont gardé cil qui se comandent en la garde et es proieres de la beneoite Magdalainne. Or lerons de la dame, si retornerons au pelerin et dirons quel confort la beneoite Magdaleine li donna par sa proiere et coment ele li mua son corrouz en joie grant. Quant li pelerins ot sa fame [261 c] lessiee et il fu entrez en la nef, il orent bon vent et tost vindrent au port. ¶ Aprés il issi de la nef, ne demora gaires que saint Peres li vint a l’encontre qui li demanda par quel achoison et par quel amonestement il estoit venuz la et qui l’avoit croisié, car par la croiz aparçut il bien que li nons
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169. .j. v. touz nuz. Correction d’après P6 (B L2 O P1 P4). – 171. ne habundance ne habondemant de pluie. Correction d’après P6 (B C G L2 O P1 P2 P3 P5). 165. en la mam. le let P3 P5 (P4) le let en sa mam. P2 en sa mam. de lait pour son nourr. O. – 165. gr. merv.] gr. mervelles P6 (P4) aussi grant merv. et plus O. – 165. que] car L2 O P1 P4 P6. – 166. de la mere qui estoit m. parf. et acomply O. – 166. deust faire B P2 P3 P5 (C G P1; deus fere P6). – 167. Nus] P5 introduit ici un pied-de-mouche. – 167. ne verroit B son esperist P6. – 167. non pourquant P1 P2 (P3) non pourtant L2 O. – 167. il veoit] il i ooit P2 il ooit et veoit P1. – 167. qu. autre] tout ce que autre O. – 167. peust veoir L2 O P3 P4 P5 P6 pooit oïr B P2 pooit oïr et sentir P1. – 168. de la Magdelaine P3 P5 de la benoiste Marie Magdelaine O. – 168. gisoit et estoit illecques O. – 169. si come P5 (P3) .j. v. toz wiz P6 (B L2 O P1 P4) uns vessiaus tout .j. P2 (?). – 169. neporquant] non pourquant P1 P2 non pourtant L2 O nequedant P4 neantmoins P3. – 169. les mam. d’elle O. – 170. de l’enfant] omis dans L2. – 170 - 171. Cil vessiax (...) hab. de pluie] cil cors estoit si seurs que habondance de pluie P4. – 170. est seellé L2 estoit saoulé et soustenu du seel et nourrissement de salut O. – 170. seel] vessel P3 P5. – 171. cist cors est (...) P6 cellui corps estoit (...) O cilz cors estoit touz seurs P1 cil cors est .j. vessiaus de salu tous s. P2. – 171. g. de rousee ne habundance de pluie P6 (B C G L2 O P1 P2 P3 P5). – 172. froidure de froit P2 froidure de gelee d’iver P4. – 172. ne lui povoient nuyre L2 ne li porent n. P6 ne lui peuvent nuyre O ne li pot n. B P2. – 172. il iert tiex P4 P6 il estoit tel L2 O P3. – 173. ne fain ne soif P6. – 173. ne soif ne mal P1 ne nule mauvesse odeur P1 (P4). – 173. ne ne p. dep.] ne le pooit dep. P5 (P3) ne ne pooit perir P1 ne ne pooit departir C G ne n’ai pooir de perir P6 ne ne p. d. ne soy gaster O ne ne puoit de pueur B n’issoit de li P4. – 173. En tel man.] ainsi P3 P5. – 174. qui te (ou ce ?) comendent P6 qui se recommandent O. – 174. et es pr.] omis dans P4. – 174. de la Magdelaine P5 (P3) de la benoiste Marie Magdelaine O. – 175. or lesserons P4 (L2 O). – 175. cy a parler de la dame O de la dame ester P2. – 175. si ret. au pel.] et ret. (...) L2 P4 si ret. aus maronniers et au pel. C (G) et retourn. parler du pel. son seigneur et mary O. – 175. la Magdelaine P3 P5 la benoiste Marie Magdelaine O. – 176. par sa pr.] par la priere L2 par son confort et par sa priere B. – 176. et come elle li mua B P5 (P1 P2 P3) et comment elle lui mua et changea O. – 176. en grant joie B P1 P2 (L2 O). – 178. P3 P5 introduisent ici la rubrique : Comme (comment P3) le pelerin lessa sa fame et l’enfant sur la roche. – 178. et il fu antrez en sa nef P4 et il ot entré en la nef G et ilz furent en la nef L2 O et il furent entrez en la mer P2. – 179. et tantost vint O et vint tantost P2. – 179. Aprés il issi de la nef] quant il fu hors de la nef P4. – 179. et ne demoura P2. – 180. pour quelle ach. O pour och. et pour quel amonn. L2. – 181. il estoit la venu et qui l’avoit courroussié et aussi qui l’avoit croysié et baillé celle croix que sur l’espaulle il portoit car par la croix O. – 181. ap. il bien] cognoissoit il bien et ap. L2. – 181. li nons d.] le nom dieu P5 li nons de dieu P1 (L2 P3) le nom de nostre seigneur Jhesucrist O.
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Damedieu estoit preeschiez en la terre dont il estoit venuz. Li pelerins li raconta quanqu’i li estoit avenuz et en terre et en mer, et par cui amonestement et par quele achoison il estoit [la] venuz. ¶ Quant saint Peres ot ce oï, si li dist : « Bien soies tu venuz, beau frere. Tu as eu profitable conseil. Se tu veuls demourer en bien et parmenoir, bien te vendra. Ne soies pas troblez se ta fame est toute sauve et ele dort et se li enfes se repose, car Nostre Sires est assez puissanz de donner ses dons a qui que Il veut et de tolir ce qu’Il a donné et de randre ce qu’Il a tolu, et bien puet muer ton corrouz en joie. ¶ Je sui Pierres : je serai tes compains et te conduirai. » Lors le mena saint Pere en Jerusalem la ou Nostre Sires avoit esté et morz et vis et li enseingna les vertuz et les miracles que Nostre Sires avoit fet devant ses deciples. ¶ Li pelerins rettint mout bien ce que saint Pere li enseingna et demoura en la terre avecques lui .ij. anz. Aprés li vint en volenté de repairier en son païs par le congié saint Pere. Si s’en vint en [261 d] la mer et entra en la nef. Il orent bon vent et bien portant, si vindrent a l’aide de Dieu pres de la montaingne en petit de tens la ou cil avoit lessiee sa fame morte o tout son petit enfant.
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184. il estoit v. Correction d’après L2 P4 P6 (O). – 191. et les mir. que nostre sires avoit esté et morz et vis et li enseingna les vertuz et les mir. que nostre sires avoit fet (saut du même au même). 182. en la terre] en leur contree P1. – 182. de la ont il estoit venu O. – 182. reconta P6 dist et racompta O. – 183. qu.] tot quanque P2 tout ce qui O P3 P4 P5. – 183. il li estoit avenu P2 li estoit venu P5 avenu li estoit P4. – 183. et en t. (...)] en t. (...) P3 P5 et en la t. O. – 183. et en la mer et aussi lui compta et dist O. – 183. et par cui am. et par quele ach.] et par quel amonn. (...) P5 (P3) pour quelle achoyson et par quel amonn. O et pour quelle och. et pour quel amonn. L2 et par qui amonn. P4. – 184. il estoit la v. L2 P4 P6 (O) il y estoit v. B (P2). – 184. et quant B. – 184. si li dist] il li dist P4 (L2). – 185. beau fr.] omis dans P3 P5. – 185. biau fr. bien soiez tu v. C (G). – 185. car tu as heu L2. – 185. prof.] bon P3 P5. – 185. car se tu vieuls P4. – 185. dem. en bien et p.] demorer et permaner en bien L2 demorer en bien P4 bien faire P3 P5. – 186. bien t’en viendra O tout bien te viendra L2. – 186. se ta fame] que ta fame P2 ta fame P5 (P3). – 186. est sauve O est toute saine G (P1 P2). – 186. et ele dort] et dort P2 ele dort P5 (P3) car elle dort L2 P1 et si elle dort O. – 187. et l’enfes se repose P3 P5 (L2). – 187. est tot puissant P2. – 187. ses dons] omis dans P3 P5. – 188. a qui que il veut] la ou il veult L2 O. – 188. et de tollir et oster O. – 188. ce qu’il donne B (P1) ce qu’il la donne P6 (ou ce qu’illa donné, avec redoublement graphique du l par attraction ?). – 188. et aussi de rendre et restituer ce que il a tollu et osté O. – 188. bien pués muer P2. – 189. ton corrouz] tous courroux P3. – 189. P. (...) tes comp.] P. qui s. tes compainz P4 Peres et sui tes c. P1 Pierre ton compaignon L2 O. – 189. et te cond.] qui te conduira L2 et te cond. a fere ton pelerinage P1. – 190. la ou] ou P3 P5. – 190. avoit esté morz et vis P4 P6 (L2 O) fu morz et vis P5 (P3). – 191. ens.] raconta P4. – 191. les v. et les mir.] les mir. C G P3 P5. – 191. n. seigneur Jhesucrist O. – 192 - 193. rettint mout bien (...) av. lui] retint bien (...) P3 P5 (...) et demoustra et fu en la t. (...) C G retint moult bien (B omet bien) ce que s. P. li ens. et les vertus et les miracles que nostre sires avoit fet devant (B ses apostres et) ses deciples et demoura avecques lui en la t. (en la t. avoeques lui B) P1 (B) retint moult bien et moult diligaument ce que mon seingneur s. P. li ens. et demora avec saint Pere en la sainte terre P2. – 193. aprés ce P4 aprés ot vol. P3 P5. – 193. de rep.] de retourner P2 de repairer et retourner O. – 194. par le c. s. P.] par le c. de s. Pierre O (L2) si demanda c. a s. P. P2. – 194. Si s’en vint (...)] si se mist en la mer et entra en une nef P3 P5. – 194. Si s’en vint] et s’en vint P2. – 194. en la mer] a la mer C G O P2 P4 P6 en la nef (?) L2 (premier jet apparent du copiste, qui a peut-être essayé de modifier cette leçon en ajoutant un r au dernier mot avant de tracer celui-ci, mais l’ordre de ces interventions n’est pas certain). – 195. et bien p.] omis dans P3 P4 P5. – 195. a l’aide de dieu] en l’aide de dieu G omis dans P3 P5. – 195. pres de la m. en p. de tens] en p. de temps pres de la montaigne L2 O an p. de t. a la mont. P4 emprés la montaigne P5 (P3). – 196. la ou cil (...)] ou cil avoit lessié (...) P5 (P3) ou il avoit laissé (...) L2 la ou cil avoient l. (...) P6 la ou il avoient l. (...) P4 la ou icellui pellerin avoit laissié (...) O la ou avoit sa femme l. m. P2. – 196. a tout son p. enfant B P1 P2 et son p. enfant P3 P5 o tout son enfant C G P6 avec son p. enfant L2 avecques son p. enffant tout vif. O.
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Quant li pelerins vit la montaingne, si fist tant vers les marinniers qu’il le menerent jusques la; et quant il vint a terre, si vit l’enfant qui se jooit aus petites pierres de la rive. ¶ Quant il vit ce, si se merveilla de l’enfant que ce povoit estre. Li enfes, qui onques mes home n’avoit veu, si ot paor et s’enfoï et se repost desouz le mantel sa mere et se prist a ses mamelles por alestier; et li pelerins se hasta por veoir apartement que ce povoit estre, et trova l’enfant de mout bele estature qui alestoit les mamelles sa mere, et trova les dras dont il avoit le cors envelopé ausi fres et ausi noviax et ausi souef oulant conme s’il eus[sen]t touz jorz esté en huche ou penduz a la perche. ¶ Li cors, qui est merveilles a oïr, estoit de tres bone hodeur et d’ausi belle couleur come il estoit quant il fu en vie. Quant il vit ce, si ot mout grant joie. Lors s’agenoilla et rendi graces a Nostre Seingneur et a la beneoite Magdalaine par cui proieres et par cui merites si glorieus miracles li estoit avenuz. ¶ Aprés, il prist l’enfant et dist : « Douce Marie Magdalaine, mout fusse ore beneurez et tuit bien me venissent se ma fame peust revivre et venir en mon païs avesques moi. Je sai certainnement [262 a] et croi sanz doutance que ausi come tu as l’enfant norri par .ij. anz me puez tu rendre sa mere en vie et en santé. »
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204. conme s’il eust. Correction d’après B G P6 (C L2 O P1 P2 P3 P4 / P5). 197. P5 (P3) introduisent ici la rubrique : Si comme il revient a la roche. – 197. vers les nautonniers et mariniers O. – 197. qui le men. P2 P6 qui l’amenerent P1. – 198. j. la] la C G. – 198. si vit] il vit P4. – 198. aus p. p.] des p. p. P1 aus perretes P4. – 199. de la rive] de la rive de la mer O P1 de la mer et de la rive B de la marinne P4. – 199. et quant il vit ce C G. – 199. si se merv. (...) estre] si s’esmerveilla (...) P1 si se merv. molt (...) C G (L2) si se merv. moult durement de l’enfant (...) P2 si s’esmerveilla moult grandement de l’enffant (...) O il s’anmerveilla que ce pooit estre P4. – 200. onques mes] onques P4. – 200. home n’avoit veu] n’avoit home veu B (P1 P2) n’avoit veu homme O h. veu G. – 200. si ot paor] si ot moult grant paour P2 ot poour P4. – 200. et s’enfoï] si s’enfoÿ P5 (P3 P4). – 200. et se r.] et se repont P2 en repos L2 et se r., mussa, cacha et escondy O omis dans P3 P5. – 201. de sa mere L2 O. – 201. et se prist (...) por al.] (...) pour soy alayter et teter O et se prist ses mam. a alaitier P2. – 201. et le pelerin qui estoit son pere se hasta bien appertement et hastiv. pour veoir O. – 201. se hasta molt P4. – 202. apart.] omis dans P3 P5. – 202. que ce povoit estre] conment ce pooit estre P1 que ce estoit L2 (O). – 202 - 203. de moult belle figure et stature selon son aaige et vit comment il se alaytoit et tetoit les mamelles de sa mere O. – 203. les mam.] omis dans P3 P5. – 203. de sa mere C G L2 P2 P4 P6. – 203. dont il avoient G. – 203. le cuer env. P2 le corps env. et affublé O. – 203 - 204. ausi fres (...) oulant] (...) et aussi souefz et odorans et sentans bon odeur O ausi fres et soés P5. – 204. noviax] secs P3. – 204. et ausi souef oulant] omis dans P3. – 204. oulant] flerant P1 odoranz G omis dans P2. – 204. come s’il eussent B G P6 (C L2 O P1 P2 P3 P4) come cil eussent P5. – 204. t. j. esté (...) a la p.] esté t. jours en h. P1 torjous pendu a p. P5 (P3) tousjours esté en une husche, arche ou coffre ou p. a la p. O tousjours esté en arche ou en estain ou p. a la p. L2. – 205. Li cors (...)] (...) merveilleus a oïr G (...) une grant merveilhe a oïr (...) L2 le cors de la mere est merv. a oïr P1 le cors de sa fame dont s’est merv. a oïr P2 le corps de la femme morte qui est merv. a oÿr O. – 205. qui estoit P1. – 205. de si tres bonne odeur P2 de trop bonne odour L2. – 206. et d’ainsi bele c. P4 et d’aussi bone c. C (G) et de si soeve et d’aussi b. c. P2. Le scribe de P6 a manifestement amalgamé le dernier mot avec la conjonction qui aurait dû le suivre, d’où la leçon d’aussi belle coleur il estoit. – 206. quant il estoit en vie L2 comme il fu en vie C (G) com il fust en vie P2 quant il fut et estoit en vie O. – 206. quant le pelerin vit ce O. – 207. Lors s’ag. et rendi gr.] lors rendi gr. P3 P5. – 208. Marie Magdelainne P2 (O). – 208. par cui pr. et par cui mer.] par qui prieres P5 par la quele priere P3 par (pour O) les prieres et mer. de laquelle L2 (O) pour les mer. et prieres de laquelle O. – 208. si bel et si glorieux miracle O. – 209. et aprés ce O. – 209. doce Magdelaine P5 (P3). – 210. en mon païs] omis dans P3 P5. – 211. Je sai (...) sans dout.] je croi sanz doute P5 (P3). – 211. que ausi come] que si come P5 (P3) come ausi G. – 212. l’enfant] omis dans P1. – 212. par l’espace de deux ans O. – 212. me puez (...)] aussi me pués (...) P2 aussi bien me pués (...) O me peuz sa mere en vie et en s. mettre P6 tu me pués bien r. la mere en s. P3 P5. Après et en santé, P2 ajoute : se il te vient a volenté et a plesir que tu en vueilles deprier nostre seingneur Jhesucrist.
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Quant il ot ce dist, la mere revesqui et ausi conme se ele se levast de dormir, et dist : « Glorieuse Marie Magdelainne, mout es de grant merite qui a mon enfanter fus [et] a touz mes besoinz m’as tout jors servie come chanberiere. » ¶ Quant li sires oï ce, si se merveilla mout et dist : « Vis tu donques, ma tres douce amie ? » Cele li respondi : « Sire, oïl, je vif voirement et vieng orendroit du pelerinage dont vous estes venuz; et ausi com vous avez eu saint Pere en conduiseor et a compaingnon, ausint ai je eu la beneoite Marie Magdalainne a compaingne qui m’a conduite et menee par tout et m’a tout moustré, et je l’ai bien retenu. » Lors li conmança a reconter touz les liex et touz les miracles et toutes les aventures ou il avoit esté si que onques n’i failli de riens. Aprés, li pelerins prist sa fame toute sainne et l’enfant et s’en revint a la nef, et conmença a reconter aus notonniers les merveilles qui li estoient avenues. Cil s’en merveillierent mout et louerent Nostre Seingneur, et em pou de tens vindrent au port a Merseilles. ¶ Quant il issirent de la nef, il troverent la beneoite Magdalainne qui preeschoit a grant multitude de
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214. mout est de grant m. Correction d’après P1 P2 P6 (B C G L2 P3 P4 P5 / O). Graphie conforme à la scripta de M. – 215. et] omis dans M. Correction d’après P4 P6 (B C G L2 O P1 P2 P3 P5). 213. P2 introduit ici la rubrique : Ci devise conment la mere a l’enfant qui estoit fenme au pelerin revesqui par les prieres et merites a la benoite Magdalainne, dont il orent moult grant joie, et devise conment il s’en alerent en son paÿs. P5 ne comporte qu’un simple pied-de-mouche et le texte est démuni de lettrine dans L2 O P3. – 213. quant il ot dite ceste parolle P2. – 213. la dame B C G L2 O P1 P2 P3 P4 P5 P6. – 213. rev.] retourna en vie L2 ressuscita et rev. et lui fut rendue et restituee la vie et santé ou corps O. – 213. et ausi c.] tout ainsi comme L2 O come P5 (P3). – 213. et dist] si dist P2. – 214. gl. M. Magd.] gl. vierge M. Magd. P2 sainte Magdelaine P5 (P3). – 214. moult iés de grant mer. P1 P2 P6 (B C G L2 P3 P4 P5) moult es de grant mer. plaine O. – 215. feustes P1 feus presente O. – 215. et a touz mes bes. P4 P6 (B C G L2 O P1 P2 P3 P5). – 215. m’as t. j. s.] m’as toz jorz deservie P4 m’as s. P3 P5 avez touz jours esté P1. – 216. quant le sire pelerin son mary O. – 216. si s’esmerveilla O P1. – 216. moult durement P2. – 216. vis tu d.] vivez vous donc P2 es tu vive doncques O as tu doncques veue L2. – 216. ma d. amie P2 ma tres d. dame P1 m’amie P3 P5. – 217. cele resp. P1 (P3 P5). Le premier mot est couvert par une tache dans P2, mais il semble que le copiste ait écrit ele resp. – 217. Sire oïl] oïl sire P1 P4 P6 (L2 O) oïl P5 (P3). – 217. je vif voir. et vieng] je vif vraiement et vieng P1 je vieig P5 (P3) je la vy vraiement et vien L2. – 217. ores endroit tout maintenant O. – 217. de pel. C G P1. – 218. et ainsi conme P1 et tout aussi com P2. – 218 - 219. en cond. et a comp. (...) M. Magd. a comp.] en conduiseur ausi ai je eue la Magdelaine P5 (P3). – 218. a cond. B (O P1 P4) pour conduiseur L2. – 219. et compaignon L2 et en compaignie C (G). – 219. ausint ai je eu] et ele li dist que aussi avoit ele eue P1. – 219. la benoite Magd. pour compaigne L2 a comp. la ben. M. Magd. P2 a compaingne M. Magdelainne P1. – 220. et m’a tot tout montré P6. – 220 - 221. Lors (...) a rec.] lors li recommença (...) C (G) lors li raconta P5 (P3). – 221. a rec.] a raconter B P1 P2 P6 a aconter C G a conter L2 a compter et dire O . – 221. et les av. P3 P5. – 222. si que onques] en telle maniere qu’elle O. – 222. n’il f. P6 ne failly L2 n’en failly O. – 222. aprés tout ce L2. – 223. et son enfant B. – 223. et s’en revint] si s’en revint P3 P5 et revint L2 et revient O. – 223. a la nef] a sa nef P5 arriere a la nef P1 a sa nef moult joyeux P3. – 223. et conm. a rec.] et comença a raconter B G P6 (C P1 P2) et commança a conter L2 et comm. a racompter et dire O et raconta P5 (P3). – 223. aux naut. et mariniers O. – 224. les merv. (...)] ce qui li estoit avenu P3 P5. – 224. Cil (...)] cil se merv. moult (...) P5 (L2 P3) si s’en merv. moult durement P2 et iceulx nautonniers et mariniers s’en esmerveillerent moult O. – 224. et en loerent B C G L2 P1 P2 P4 P5 P6 (O). – 225. n. s. Jhesucrist P2. – 225. et em pou de tens (...)] en poi de temps (...) B (...) au port de Marselle C (G); et aprés ce en trespetit de temps v. au port de Marceilhe O et en pou de temps aprés v. a Marseilhe L2 et puis vinrent a Marseille P5 (P3). – 225. et quant B P2. – 226. il trov.] si trov. P1 (P2). – 226. la benoite Marie Magdelainne P1 (O P2) la Magdelaine P3 P5. – 226. a grant mult. de p.] a mout grant m. de p. B (P1 P2) a grant plenté de p. C (G) au peuple P3 P5.
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pueple. Maintenant il li chaïrent aus piez et distrent : « Glorieuse Marie Magdalaine, mout est granz li Diex que tu aheures et pries. Nous savons bien [262 b] et creons et rejeïssions devant touz qu’il n’est nus Diex fors Lui, dame, et nous et noz choses toutes sont vostres, et nous ferons tout ce qu’il vous plaira. » Aprés ce recorderent a touz ceuls qui iluecques estoient quanqu’il leur estoit avenu, et tantost saint Maximes les baptiza; et aprés ce il comencierent a destruire les temples des fax diex et edefierent les eglises ou non Nostre Seingneur Jhesucrist. Aprés ce saint Maximes et la beneoite Marie Magdalaine s’en alerent en [A]quensse en cele contree por preeschier le non Nostre Seingneur Jhesucrist, car encore n’i estoit pas oïe la doctrine Nostre Seingneur, ne n’estoi[en]t pas baptizié. Saint Maximes governa l’eglyse d’Aquense et longuement i preescha le non Nostre Seingneur et i fist grant planté de miracles. Entre ces choses, la beneoite Marie
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229. et nous devant et noz ch. t. Correction d’après P6 (B / P1 P2 / C G / P3 / L2). – 235. Quensse. Correction d’après les lignes 237 et 368, et B P3 P5 (C G L2 P1 P2 / P4 / P6). – 236. ne n’estoit pas b. Correction d’après B C P1 P2 P4 P5 (G L2 O P3). 227. Maint. (...) et d.] maint. il i chieïrent (...) P2 si li ch. (...) P5 et lui ch. (...) P3 (L2) (...) et li d. P1 P5 (P3) et tantost qu’ilz furent pres d’elle ilz se laisserent cheoir a ses piez en disant O. – 227. gl. M. Magd.] M. Magdelainne P1 doce Magdelaine P5 (P3). – 228. grant et puissant L2 O. – 228. et pries] et preesches P1 P2 P4 P6 (B L2 O). – 228. nous s. et cr. C G. – 229. et rej. dev. touz] et aussi recognoissons cy dev. tous O omis dans P3 P5. – 229. nus diex fors lui] nus diex fors celui, premières lettres du pronom exponctuées afin de le convertir en lui C nul dieu fors lui tout seul P2 nul autre dieu fors que lui O autre dieu que lui L2. – 229 - 230. dame (...) vostres] dame nos et noz ch. toutes sont v. P6 (B) dame nous et nos ch. sont toutes v. P1 P2 dame et nous et nos ch. sont v. toutes C G dame nous et noz ch. sont v. et tout ce que nous avons P3 dame nous et toutes nos ch. sommes v. L2 dame noz corps et toutes noz autres quelles qu’elles soient O. – 230. et nous f.] et f. P3 et si f. L2 et doresenavant nous f. O. – 230. tout ce qui vous plera B P2 tout ce que vos plera P4 P6 tout ce qu’il vous pl. a nous commander O. – 230 - 231. Aprés ce (...) avenu] aprés se record. (...) P1 aprés ce reconterent (...) P4 aprés ce raconterent (...) L2 P6 (...) qui la estoient (...) B; puiz distrent a tous ce qui leur estoit avenu P5 (P3) et aprés ce racompterent et dirent a tous ceulx qui illecques est. tout ce qui leur estoit avenu O. – 231 - 232. et t. s. Max. les bapt.] et conment les prieres a la benoite Magdalainne leur avoient aidié et tantost saint Maximien bapt. touz ceus qui estoient creant en la foy Jhesucrist P2. – 232. et aprés ce (...)] aprés ce (...) B C L2 P1 P2 P4 P6 aprés ce cil com. (...) G puis destruirent les t. P3 P5 puis aprés ilz commencerent a destr. tous les t. de faulx dieux O. – 233. et edef. egl. P5 (P3) et edef. et les yglises P4. – 233. ou non n. s. Jh.] ou non de n. s. Jh. P2 (L2) ou nom n. seigneur P3 P5 ou nom de n. seigneur Jh. comme dieu tout puissant O. – 234. P2 introduit ici la rubrique : Ci devise conment la benoite Marie Magdelainne aprés ce que ele ot preeschié la foy nostre seingneur Jhesucrist s’en ala en .j. desert ou ele fu moult longuement par l’espace de .xxx. ans que onques n’i menga ne ne but fors ce que deux li amenistroit par ses angels. P3 ne comporte pas de segmentation et P5 offre un simple pied-de-mouche. – 234. et la ben. Magd. G et la Magdelaine P5 (P3). – 234 - 235. s’en al. en une cité qui lors se nommoit Aquense et maintenant se appelle Ays et est en la conté de Prouvence et y alerent pour prescher O. – 235. Aquensse B P3 P5 (C G L2 P1 P2) Aqueuse P4 Aquesse P6. – 235. en cele c.] omis dans P4. – 235. le non n. s. Jh.] le non de n. s. Jh. P2 (L2 O) le non de n. s. P1 le nom n. seigneur P3 P5. – 236. oïe] omis dans B P1 P2. – 236. n. s.] de n. seigneur L2 de n. seigneur Jhesucrist O omis dans P1. – 236. ne n’estoient pas bapt. B C P1 P2 P4 P5 (G L2 O P3); sainz Max. i gouv. P4 (L2 O); ne n’estoit pas bapt. sainz Max. Il gov. P6. – 237. Aqueuse P4 Ays O. – 237. et long. i pr.] et long. il pr. P1 P6 (B) moult long. et il pr. P2. – 237. le nom de n. seigneur L2 O le nom n. seigneur Jhesucrist P3. – 238. et i fist (...)] et fist (...) G et il fist (...) B P1 P6 et y fist grant nombre et pl. de m. O et fist grant pl. de beaulx mir. L2 qui moult i fist de biaus mir. P2 et y fist granz mir. P5 (P3). – 238. entre ces ch. la ben. M. Magd.] entre ses ch. (...) C (G) entre ces ch. la beneuree vierge M. Magdelainne P1 lors la Magdelaine P3 P5.
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Magdalaine se vost oster de toutes terriennes euvres et entendre tant seul[em]ent a oroison, et par l’amonestemant de Nostre Seingneur s’en ala en .j. desert et se mist en .j. leu mout horrible que li anges li avoient apareillié. ¶ En celui leu, ele demoura l’espace de .xxx. anz, que onques homs ne l’i sot, ne onques n’i menja fors ce que li anges li aportoient, mes touz jorz looit Damedieu et entendoit a ses oroisons. Ele demouroit en une bove : cele bove estoit en une aspre montaingne en tel leu qu’il n’i avoit ruissel ne fontainne, ne soulaz ne confort [262 c] d’erbes ne d’arbres; et par ce demostroit Nostre Sires apertement que Il norrissoit la glorieuse Magdalaine non mie des terriennes viandes mes des celestieux. Ele estoit acoustumeement en cele croute et chascun jor par .vij. heures, li anges la levoient en chantant en haust en l’air. Ele ooit ilueques a ses oreilles les angres chanter qui looient Nostre Seingneur. Ele n’usoit autres viandes – ce estoit toute sa soustenance –, et d’iluec la raportoient li anges en sa croute, et tant se delitoit en oroisons que ele n’avoit cure de nule autre viande. Quant li tens aprocha que Nostre Sires en vost porter l’ame de la beneoite Magdalaine de ceste mortel vie en sa gloire pardurable, il demoustra a saint Maximes son trespassement en tel maniere. ¶ Uns prestres mout religieus, qui
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239. tant seulent. Correction d’après B C G L2 O P1 P2 P4 P6. 239. de tote terrienne euvre P4 (L2) de toute oeuvre terrienne O de t. terrienes choses B des choses terr. P3 P5. – 239. tant seulement B C G L2 O P1 P2 P4 P6 omis dans P3 P5. – 240. a oroisons B as oroisons de dieu P5 (P3). – 240. et par l’am. de n. s. s’en ala] et par l’amonestement nostre segneur P6 si s’en ala P3 P5. – 241. en celui leu ele dem.] en icelui leu (...) C (G) en cel lieu (...) B en cel lieu dem. P5 (P3) elle dem. en icellui lieu O. – 242. ne lui sceut O. – 242. ne onques] ni onques B ne G. – 242. ne menja O n’il menga P6. – 243. mes] viz (?) P5. – 243. looit dieu P5 (L2 P3) looit et regracioit nostre seigneur Jhesucrist O. – 243. et ent. a ses or.] en ses or. P5 (P3). – 244. Ele dem.] et dem. P3. – 244. en une bove (...) estoit] en une celle bonne qui estoit L2 (O). – 244. ceste bove est P3 P5. P5 introduit ici un pied-de-mouche. – 245. en tel leu qu’il n’i avoit] en cellui lieu il n’y avoit O. – 245 - 246. ruissel (...) ne d’arbres] ne ruissel (...) B O (L2) ruissel ne soulaz de font. (ne font. P3) ne de arbres P5 (P3). – 246. et pour ce L2 O. – 246. moustroit B P1 (P2). – 246. app. et clerement O. – 247. glorieuse] omis dans P2 P3 P5. – 247. Marie Magdelaine O. – 247. des terr. v.] de terr. v. B L2 G P1 de v. terr. O de (des P3) terr. choses P5 (P3). – 247. mais de celestielles L2 (O) mez des celestiaus (celestiennes P3) v. P5 (P3). – 248. acoust.] par coustume P3 P5. – 248. en celle roche B en cele bove en une crocte L2 P1 P2 en une croute O. – 248. et ch. jor (...) li anges] et ch. par .vij. h. (...) G par .vij. eures ch. jour angles P5 (P3). – 249. en ch.] omis dans B C G L2 O P1 P2 P3 P4 P5 P6. – 249. en h. en l’air] en haut en l’air B C G P4 P6 (L2 O) en l’air en haut P1 P2 en l’air P3 P5. – 249. de ses oreilhes L2 (O). – 250. ele n’usoit (...) ce estoit] elle n’avoit P3 P5 autre viande B P1 P3 (autres v. P5) d’autre viande P2; ne d’autres v. n’usoit ains estoit L2. – 250. t. sa soust.] sa soust. P3 P5 t. sa soustance C t. sa sentence P2. – 251. en sa bove P2. – 251. et ele tant se del. C G. – 251 - 252. que (...) autre v.] (...) de nule autre viandes P6 (...) d’autre viande B P1 (...) d’autres viandes C G P2 que d’autre chose n’avoit cure P3 P5 qu’elle n’avoit cure ne ne vouloit point avoir autre v. quelzconques O. – 253. P5 introduit ici un simple pied-de-mouche. – 253. Quant (...) de la ben. Magd.] quant n. seigneur en voult p. l’ame du cors (de P3) la Magdelaine P5 (P3). – 253. tens] tant P6. – 253. tres ben. P4 (L2 O). – 254. Marie Magdelainne P2 (O). – 254. de ceste m. vie tout droit C G. – 254. en sa gloire pard.] en la gloire pard. B C G P1 P2 en gloire par. P3 P5 omis dans P6. – 254 - 255. il dem. a s. Max. son tr.] omis dans P2. – 255. en tel man.] omis dans P2 P3 P5. – 255 - 256. car .j. pr. moult religiex estoit maistre P5 (P3).
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estoit mestres d’une congregation en .j. leu qui estoit pres du lieu ou la beneoite Magdalaine habitoit, avoit acostumé a jeuner .iij. quarentaines [en l’an] en cel desert. Cil si ne savoit riens des miracles que Nostre Sires fesoit pour la beneoite Magdalaine, et si avoit il faite sa meson pres du leu dejouste une petite fontaine. ¶ Il avint le lundi de la semaine peneuse que Nostre Sires enlumina les eulz de ce provoire et vit apertemant a ses eulz corporex conmant li angres descendoient des ciex seur la croute ou la beneoite Magdalaine demouroit, et d’iluec la levoient en l’air, [262 d] aprés l’espace d’une heure la raportoient en son leu, loant Nostre Seingneur. Cil prestres por ce qu’il estoit trop loing ne pooit pas veoir apertement qu’il levoient et raportoient; il ne se troubla mie por ceste avision, ainz conmensa a proier Nostre Sires plus forment qu’Il li demostrat certainnement la verité de ceste chose. A l’endemain par matin conmença mout durement a horer et se hastoit par grant devocion d’aprochier le lieu ou il avoit hier les anges veu descendre par .vij. heures. ¶ Quant il fu pres le giet d’une pierre, si li comencierent les jambes et les piez a faillir por la grant paor qu’il avoit; et neporquant il retornoit arrieres et les jambes et les piez li enforç[oi]ent, et quant il vouloit aler droite voie a cel leu,
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257. .iij. qu. ou leu en cel d. Correction d’après B (P4 / P5 (P3) / C / G / P6 (P1 P2)), graphies conformes à la scripta de M. – 271. li enforcent. Correction d’après C G (L2 O / P4 / P5 P6 (P3)). 256 - 257. qui estoit pres (...) hab.] qui estoit pres du lieu a la benoite Magdelainne ou ele hab. P2 pres ou la Magdelaine hab. P5 (P3). – 256. du lieu] omis dans L2 O. – 257. Marie Magdelaine O. – 257. estoit et hab. P6. – 257. qui avoit acoust. P3 P5. – 257. a jeuner] geuner P4 de jeuner L2 O. – 257. .iij. quar. en l’an en cel d. B (P4) .iiij. quarantaines en l’an en cel d. P5 (P3) trois quarenteinnes en cel d. en l’an C .iiij. quar. en cel d. en l’an G .iij. qaranteines en l’en en ce d. P6 (P1 P2) troys quarantaines en cellui d. L2 (O). – 258. cil ne s. r. B G P1 P3 (P5) icellui prestre si ne sc. r. O. – 258. pour la benoite Marie Magdelainne P2 (O) por la Magdelaine P5 (P3). – 259. pres du leu decoste une fontainne P2 pres du lieu jouxte une p. f. L2 pres de son lieu jouste une p. f. P3 P5 pres du lieu dejouxte et au plus pres d’une p. f. O pres du leu d’une p. f. P6. À partir de ce point, B, P1 et P2 suivent la version que nous éditons d’après le manuscrit Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10326 (n° 6). Nous renvoyons à son apparat critique pour les variantes de ces trois exemplaires. – 260. Il avint] omis dans P3 P5. – 260. de la sepm. saincte L2 de la sepm. pen. c’est a dire saincte et est icelle sepmaine la plus prouchaine devant Pasque O. – 260. de cel prov. C G de cellui prestre L2 O. – 261. et vit (...) li angres] et vit a ses yex come li angre P5 (P3). – 261. apert.] proprement L2. – 261. de ses yeulx corporelz O. – 262. du ciel L2 O P3 P5 P6 (P4). – 262. sus la cr. C G P5 P6 (O). – 262. ou la benoiste Marie Magdelaine dem. O ou la Magdelaine dem. P3 P5. – 263. reportoient C G. – 263. en .j. leu P6. – 264 - 265. Cil pr. (...) qu’il lev.] (...) qui lev. P6 (...) qu’il veoient G ce prestre ne pooit pas veoir qu’il lev. P5 (P3). – 265 - 267. il ne se tr. mie (...) ceste ch.] (...) a pr. a n. seigneur (...) C (G) (...) a prier plus f. n. segneur (...) P6 (P4); il ne s’emtroublya mie (...) a pryer f. n. seigneur qu’il lui demoustrast cert. la ver. de ceste ch. O (L2, qui omet la verité et dans lequel cette leçon a manifestement subi une retouche, difficile à interpréter); por ceste av. ne fu pas troblé mez plus pria n. seigneur qu’il li demostrast la ver. P5 (P3). – 267. A l’end. (...) horer] a l’end. au m. (...) L2 a l’end. com. (...) P6 (...) moult devotement et longuement a orer et pryer O l’end. par m. oroit P3 P5. – 268. par tresgrant dev. O. – 268. d’apr. au leu P4 P6 (L2) de approucher du lieu O. – 268. hier] omis dans P3 P5. – 268. veuz les angles desc. C G (P3 P5). – 269. pres du giet d’une p. P3. – 269 - 270. si (...) a faillir] (...) a defaillir C G si li faillirent les piez et les gambes P5 (P3). – 270. par la grant poor P6 pour la poour P5 (L2 P3). – 270. qu’il avoient C. – 270. et nep. il ret.] et non pourtant il ret. L2 (O) et retornoit P5 (P3). – 271. li enforcierent li enforçoient P4 (sic) li enforçoient C G (L2 O) li renforçoient P5 P6 (P3). – 271. a icellui lieu O.
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la foiblesce de tout son cors estoit si grant qu’il ne povoit avant aler, [et por ce entendi bien li sainz hom que c’estoit chose de par Dieu qant il por chose que il pooit fere n’i pooit aprochier. Qant il vit qu’il ne porroit aler avent], si s’arestut et fist ses oroisons et dist : « Je te conjur de par Nostre Seingneur Jhesucrist qui le monde a renovelé, que se tu es hom ou aucune resnable chose qui habites en ceste croste, que tu me respoingnes isnelment et me dies la verité de ton estat. » Quant il avoit ce dist, si se remetoit a oroisons et requeroit l’aide Damedieu. Aprés, il la comença a conjurer .ij. foiz ausi come il avoit fet devant. Quant la beneoite Marie Magdalaine oï par .iij. fois cel conjurement, si li respondi de la croute ou ele estoit : « Tu qui m’as si conjuree, aproche toi de ci plus [263 a] pres, si porras savoir de ce que tes cuers desirre la verité. » ¶ Aprés ces paroles, li prestres tramblanz et paoureus aprocha de lui la moitié de l’espace qui estoit entre eus .ij. ¶ Lors li dist la beneoite Magdaleine : « Je croi qu’il te souvient bien de ce que li Euvangiles dist de la pecherresse qui s’aprocha hardiement aus piez son Sauveor et Li lava les piez de ses lermes et les tert de ses cheveux, et ainsi deservi pardon de ses pechiez toz a la fontainne de misericorde. » Li prestres li respondi : « Bien m’en souvient et bien a .xxx. anz passez que ceste chose fu faite, si conme Sainte Escripture le retret et regeïst. » La beneoite Marie Magdalaine li respondi : « Je sui cele qui par le desirrier et par la charité de mon Sauveor ai foïz les anuiz de ceste vie mortel par l’amonestement de Mon Seingneur Jhesucrist; et par le
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272 - 274. si grant qu’il ne povoit avant aler si s’arestut (même enchaînement dans C G). Texte de P6, sauf pour la fin de la première phrase (n’il pooit apr.), corrigée d’après P4 (P3 P5 / L2 / O). 272. la foibl. (...) si grant] il estoit si foible P3 P5. – 272. la foibleté L2 P6 (O). – 272. de son corps L2. – 272. aler avant O. – 273 - 274. quant il pour ch. qu’il peust fere n’i pooit aprouchier P4 (P3 P5) quant pour riens qu’il peust faire n’y povoit approuchier L2 quant il vit que pour ch. qu’il peust faire il n’y povoit approucher O. – 274. qu’il ne pooit avant aler P5 (P3). – 274 - 275. si s’ar. (...) et dist] si s’arestoit (...) C G si s’aresta (...) P6 (L2 O) si s’arresta et dist en priant P3 P5. – 275. de par Jh. L2 O P3 P4 P5 P6. – 276. que] car P3 P5. – 276. qui habites] qui habite P6 omis dans P3 P5. – 277. en ceste contree P3 P5. – 277. isnel.] tantost L2 P3 P5 ysn. et prestement O. – 277. verité] merite G. – 278. a oroison P4 en oroison L2 (O). – 278. l’aide de dieu L2 P3 P5 l’ayde de nostre seigneur O. – 278. aprés ce L2 O P4 P6. – 279. il la conjura encores par deux fois L2. – 279. ausi come] ainsi comme C O (G) come P5 (P3). – 279. devant] par avant L2. – 280. P5 (P3) introduisent ici la rubrique : Comme (comment P3) li prestre trouva la Magdelaine en la croute (suivie d’un simple pied-de-mouche dans P5). Le texte ne comporte pas de lettrine dans L2 O. – 280. quant la Magdelaine P5 (P3). – 280. ce conj. P6. – 280. si li resp.] el li resp. P5 (P3). – 281. tu m’as ainsi conj. L2. – 281. aprouche toi plus pres de moi P5 (P3). – 282. de ce que (...) le verité] la verité de ce que ton cueur desire L2 O de ce que tu quiers et que tu desirres a veoir C G. – 282. aprés ses parolles L2. – 283. espaoureus C G. – 283. s’aproucha P4 (L2 O). 284. entre eus .ij.] entr’eus P5 (P3). – 284. la benoiste Marie Magdelaine O la Magdelaine P3 P5. – 284. qui ne te souv. de ce que P5 (de que P3). – 285. l’evangeliste L2. – 285. as piez de son sauveur P5 (L2 O P3). – 286. et les tert] et les torcha O et les essuya L2. – 286. et par ainsi O. – 287. de ses p. toz] de toz ses p. P6 (L2 O P4) de ses p. G P3 (P5). – 288. il m’en souv. bien L2. – 288 - 289. si conme (...) regeïst] si come s. escriture le croit et (le C G) regehist P6 (C G L2 P4) si comme saincte esc. l’escript et recognoist O si come l’escriture dit P5 (P3). – 289. la ben. Magdelaine P6 (L2 P4) la Magdelaine P3 P5. – 290. qui (...) de mon sauv.] qui par le desir (...) L2 O (...) et la cherité (...) G qui par l’amor de mon sauveur P5 (P3). – 290. anuiz] envies O (?) anemis G (L2). – 291. de ceste m. vie P3 P5. – 291. par l’am. (...) Jh.] de par dieu P3 P5.
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conduit des angres me sui mise en cest desert ou j’ai demoré l’espace de .xxx. anz, que onques mes nus hom ne m’i sot, ne onques n’i oi ne fain ne soif, ne n’i fui sostenue de chose terreane, mes tant seulemant des viandes du ciel j’ai esté soustenue et norrie. Et ce saches tu, des ce que je començai cel leu a abiter m’est avenu par la grace de Jhesucrist ce que Il te deingna hier de moi a demostrer, car de cel leu ou je sui me levoient chascun jor [li anges] en la hautesce de l’air. Illec ai je oï les douz chans des anges et des beneoiz esperiz qui chantent la loenge de Nostre Seingneur par .vij. foiz le jor. Quant je [263 b] sui saoulee de ces hautes devices, li anges me raportent en cest mien leu. Et por ce que Nostre Sires m’a demoustré que je ne puis pas longuement vivre, ainz m’en irai prochainement a Lui, entent ma parole et va sanz demorance a saint Maxime et toutes les choses que tu as veues et oïes de moi li recordes en ordre; et si li di que le jor de Pasques qui pres est, que il voist a son mostier a heures de matines que il seut aler et que il i soit touz seuls, et il me troverra illuecques en oroisons, car li anges m’i porteront. » Endementres que la beneoite Marie Magdalaine disoit ces choses, il ooit tant seulement la voiz, mes il ne veoit home ne fame, et miex cuidoit que ce fussent paroles d’anges que d’ome ne de fame. ¶ Li prestres parloit encore, mes cele ne li
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297. me lev. ch. jor en la h. Correction d’après P6 (O P3 P4 P5), graphie conforme à la scripta de M. 292. et par le c.] par le c. P5. – 292. de ses angles P4 (L2 O). – 292. en ce desert L2 P6. – 292. ou j’ai demoré (...)] et i ai demoré (...) P4 (L2 O) ou j’ai esté .xxx. anz P5 (P3). – 293. que onques mes nus hom] ne oncques mais nulz homs L2 ne oncques nul homme O onques mes nus hom P6 (P4) que onques mes hom P5 que oncques homme P3. – 293. ne m’i sot] ne nul sot P6. – 293 - 294. n’i oi (...) n’i fui sost.] (...) ne onques n’i fui soust. C G n’y ay heu fain ne soif ne n’ay esté soubst. L2 n’y eu fain ni soif ne ne fu soust. O n’i usai P5 (P3). – 294. de nule ch. P6 (O). – 294. tant seul.] omis dans P3 P5. – 294. de v. du ciel desquelles O. – 295. j’ai esté soust. et n.] je ai esté n. P6 (L2 O P4) ai esté soust. P5 (P3). – 295. Et ce s. tu] et s. tu P6 et saiches bien L2 omis dans P3 P5. – 295 - 297. des ce que (...) de cel leu ou je sui] que des que je commençay hab. en cestui lieu (...) O des lors que je habitai en ce lieu par la grace de dieu car si come il te moustra hier de ci P5 (P3). – 295. des que P6 (L2 P4). – 295. cest lieu C G P4 (cestui lieu O) ce leu P6 (L2). – 295. a abiter] hab. G L2. – 296. de moi a dem.] de moi dem. C (G O) montrer de moy L2. – 297. car de cest lieu ou je sui G (O P4; car cest lieu L2) car de ce leu ou je sui P6. – 297. me lievent C G me lev. ch. j. li anges P6 (L2 O P3 P4 P5). – 297. en la h. de l’air] en l’air P3 P5. – 298. oï] omis dans P3 P5. – 298. des angres qui ch. les loenges n. seigneur P3 P5. – 299. par .viij. foiz G. – 299 - 300. de ces h. dev. (...) me rap.] de ces h. delices (...) P4 (O) de ses dev. (...) P5 de ses vanités (...) P3; omis dans L2. – 300. en ce mien leu P6 de ce mien lieu L2. – 301. pas long.] long. L2. – 301 - 302. que je ne vivrai pas long. ainz irai a lui entent moi et va a s. Max. P5 (P3). – 302 - 303. et (...) de moi] (...) oïes et veues de moi P4 P6 (L2 O) et tout ce que tu as veu de moi P5 (P3). – 303 - 304. li rec. (...) que il voist] li recorde par ordre et que il voist le jor de P. P5 (P3) lui dy et recorde en ordre et si lui dy que le jour de P. qui est bien prouchain que il voyse et aylle O. – 304. en son m. P6 (L2 O P4) a heure de mat. C G L2 O P3 P4 P5 P6. – 304. que il seut aler] comme il a acoustumé L2 ainsi comme il a accoustumé de aler O omis dans P3 P5. – 305. que il issoit P4 P6 (pour que il i soit, avec redoublement du s par attraction ?) et que il soit C G O P3 P5 (L2). – 305. et il me tr. ill. en or.] et la me trouvera P3 P5. – 305. en or.] en oroyson O omis dans L2. – 305. li angle du ciel C G. – 307. Le texte ne comporte pas de lettrine dans P3 P5. – 307. End.] tant come P5 (P3). – 307. la ben. M. Magd.] la beneoiste Magdelaine P6 (L2 P4) elle P3 P5. – 307. disoit] ooit P3 P5. – 307. sez choses C (G). – 307 - 308. il oï (...) P6 il n’ooit que la voiz P5 (P3). – 308. mes (...)] mais il ne voit (...) L2 il ne veoit (...) G mez homme ne fame ne veoit ainz cuidoit P5 (P3). – 308. que d’ome ne de fame] omis dans P3 P5. – 309. cele] la benoiste Marie Magdelaine O.
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respondi riens, dont il avint que o grant peor et o grant joie ala isnellement a saint Maxime et li reconta tout en ordre quanque il avoit oï et veu. Quant saint Maximes oï ces paroles, si ot mout grant joie et leva ses mains vers le ciel et dist : « Beau Sire Jhesucrist, a Vous rent je graces et merciz qui m’avez acompli mon desirrier de la glorieuse Magdalaine, qui tant Vous a amé. Tu es veraiement li Rois [des rois], li Sauvierres du monde, qui les repantanz reçoiz et les asoulz de touz leurs pechiez et les parmaines a la clarté de la gloire. » Aprés ces paroles comença le preudom mout lieement a croistre ses ve- [263 c] -giles et ses oroisons et ses jeunes, et atendoit en tel maniere l’eure et le terme de l’avision qui li estoit pramise. Or avez oï des granz merveilles : encore en vient il de gregneurs aprés et les doit on bien croire, car eles sont de la beneoite Magdalaine qui seur toutes riens ama Jhesucrist, car de tant come Nostre Sires plus l’amoit, de tant vouloit Il plus demoustrer l’amor que Il avoit en lui, et de tant come ele L’avoit plus servi devant sa Resurrection et aprés, de tant vouloit Il fere gregneurs miracles por lui. ¶ L’en set bien qu’il a .iij. karentainnes en l’an, la prumiere si est li Karesmes, la seconde si dure jusque vers la Magdalaine, la tierce si est devant Noël. Cez .iij. quarantainnes avoit acostumé a fere li prestres dont nous avons devant parlé et ou mileu de la seconde fu moustree ceste avision. Il avint el diemanche aprés, qui est le jor de la Resurrection Nostre Seingneur Jhesucrist, .j. pou devant l’aube aparant, saint Maximes s’en entra en son moustier
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315. li rois, li sauv. du m. Correction d’après C G P4 P6 (L2 O / P5 (P3)). 310. respondoit P3 P5. – 310. dont (...) s. Max.] dont il advint qu’il eust grant peur (...) L2 (O) si en ot grant poour (...) P5 (P3) et a grant j. ala a s. Max. P5 (L2 P3) et o grant joye s’en ala par devers sainct M O. – 311. et li rec. (...) oï et veu] et li recontoit (...) G et li raconta (...) P6 et lui conta (...) L2 et lui compta et dist tout par ordre (...) O et li compta par ordre ce qu’il avoit veu P5 (P3). – 312. Le texte ne comporte pas de lettrine dans C G L2 O P3 P4 P5 P6. – 312. oï ce si ot (si en ot P3) grant joie P5 (P3). – 313. et dist] en disant O. – 313. Beau sire Jh. (...) merciz] beau sire dieu Jh. (...) O Jh. je vous rent gr. P5 (P3) Jh. a vous rans gr. L2. – 313. qui avez ac. P3 P5. – 314. mon desir O mon delit L2. – 314. de la gl. Marie Magdelaine O de la Magdelaine P5 (P3). – 315. veraiement] omis dans P3 P5. – 315. li rois des rois C G P4 P6 (L2 O) roi des roiz P5 (P3). – 315. li sauv. du m.] le sauveur de tout le m. L2 O omis dans P3 P5. – 315. reçoit C G. – 316. et absolz L2. – 316. de leur p. P6 (P3 P5). – 316. et les maines P3 P5. – 316. a la cl. de la gloire] a la cl. de ta gloire L2 O P4 P6 a la c. de gloire C G a ta gloire P3 P5. – 316 - 318. Aprés ces p. (...) ses jeunes] aprés ce (...) L2 aprés ces choses (...) O lors acroissy li preudons ses vegilles et ses jeunes P5 (P3). – 318. en tel man.] ainsi P3 P5. – 319. or avez oï de granz (grant O P4) mervelles P6 (O P4) si avez oï merv. P5 (P3). – 319 - 322. encore en v. il (...) en lui] (...) de greigneurs et plus grans aprés et l’en doit l’en bien croyre (...) O encore en orrez de greigneurs de la Magdelaine qui tant ama Jh. et por ce li volt il dem. l’amor que il avoit a lui P5 (P3). – 320. on] l’en C G L2 P4 P6. – 320 - 321. de la benoiste Marie Magdelaine laquelle sur t. r. du monde O. – 321. plus l’amoit] l’amoit L2. – 323. voloit fere P6. – 323. plus granz mir. P5 (O P3). – 324. L’en set bien] en scet bien P5 (O) et scet bien P3. – 324. qu’il y a L2 (O). – 325. li kar.] karesme P3 P5. – 326. ces troys caresmes L2 O. – 326. avoit ac. a fere li pr.] avoit ac. li pr. a fere C G avoit accoust. de faire li prestre O fesoit li prestre P5 (P3). – 327. devant] avant P4 omis dans P3 P5. – 327. et ou mileu] el mileu P4. – 327. demontree P6 (O P4). – 327. ceste av. en la maniere que dicte est O. – 328. Le texte ne comporte pas de lettrine dans P3 P6 (simple piedde-mouche dans P5). – 328 - 331. Il avint (...) la ben. Magd.] il avint le jour aprés el dyemenche qui est le jour (...) C (G) il avint le dymenche qui est aprés le jour de la res. de n. seigneur Jh. (...) O il advint au dimanche aprés la res. de n. seigneur Jh. (...) L2 le dymenche aprés la resurrexion n. seigneur Jh. devant l’aube ap. entra sainz Max. en son m. touz s. si vit la Magdelaine P5 (P3). – 329. .j. pou] ung petit O. – 329. aparissant P4 (L2 O).
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tout seulz ou lieu ou il souloit orer et vit soudainnement illuecques la beneoite Magdalaine qui encore estoit ou mileu des anges qui l’avoient amenee. Il avoit si grant clarté entor lui que touz li mostiers en estoit touz enluminez. ¶ Quant li preudom fu entrez .j. pou dedens l’uis du moustier, si s’aresta et vit tantost monter les angres ou ciel. ¶ La glorieuse Magdalaine remest [263 d] toute seule en oroisons, ses mains estandues. Endementres que ele horoit, ses cors se leva de terre bien l’espace de demie toise. Quant saint Maxime vit ce, si ot grant paor ne n’osoit avant aler. Quant la beneoite Magdalaine vit qu’il avoit paor d’aler avant, si se torna vers lui doucement et li dist : « Beau douz peres, aprochiez vous plus pres, ne fuiez pas vostre fille. Esgardez com grant clarté Nostre Sires a moustree seur moi. » Aprés ces paroles, li saint homs aprocha de lui. Einsint come saint Maxime meesmes le dist en ses escriz, la clarté estoit si grant seur la dame que l’en peust plus legierement regarder la clarté du souleil que la seue clarté. ¶ Lors pria ele saint Maxime qu’il apelast touz ses provoires et son clergié, car ele vouloit recevoir par devant euls le cors Jhesucrist de la main au saint evesque. Tantost come ele ot receu a grant plainté de lermes ce que ele avoit demandé, ele pria ceuls qui entor lui estoient qu’il fussent ententif a oroisons. Aprés, ele se coucha devant l’autel toute estendue. Endementres que ele fesoit ses oroisons et ploroit, la sainte ame s’en issoit de son cors et monta es ciex le disenuefviesme jor de juingnet. Aprés ce qu’ele fu trespassee, une si soueve odeur vint iluec que aprés .vij. jors entiers la sentoient
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– 330. ou il s. et avoit accoustumé de orer et pryer O. – 330. la benoiste Marie Magdelaine O. – 331. au milieu L2. – 331. Il avoit] il y avoit O et avoient P3 P5. – 332. si tresgrant cl. O. – 332. en estoit enl. C G L2 P3 P4 P5 P6 (O). – 333. .j. po entrez P6 (P3 P5) entré ung petit O. – 333. du moustier] omis dans P3 P5. – 334. au ciel O. – 334. la gl. Marie Magdelaine O et la benoite Magdelaine P3 P5 remas et demoura t. s. O demoura t. s. P3. – 334. en oroison L2 (O). – 335. ses mains est.] ses mains joinctes et est. L2 omis dans P3 P5. – 335. End. que] tant come P3 P5 et ce pendant qu’elle O. – 335. oroyt et pryoit O. – 336. l’espace de] omis dans L2 O. – 336. demie toie P6. – 336. ne n’osoit] tant qu’il n’osoit L2. – 336. aler avant P3 P5 avant venir L2 P4 venir avant O. – 337 - 338. Quant la ben. Magd. (...) douc.] quant la benoiste Marie Magdelaine (...) O quant ce vit la Magdelaine si se torna vers li P5 (P3). – 338. Beau douz p. apr. vous plus pres] (...) approuchez plus pres O (...) plus pres de moy L2 pere venez plus pres P3 P5. – 339. regardez O P3 mez regardez L2. – 339. demostree C (G). – 339 - 342. Aprés ces p. (...) la seue cl.] lors s’aproucha li sainz hons de lui et dist que en regardoit plus leger. la cl. du soleil que celle qui estoit sur la dame P5 (P3). – 340. le sainct s’approucha d’elle O. – 340. lui m. O. – 341. en son escrist P6 (O). – 341. que l’en eust adoncques mieulx peu et plus leg. reg. O. – 342 - 343. Lors (...) son clergié] lors elle pria (...) tous ses prestres et ses clers L2 lors la benoiste Marie Magdelaine prya (...) tous ses prestres (...) O dont pria elle s. Max. que il ap. son clergié P5 (P3). – 343. et le clergié C G. – 343. ele v. par devant euls rec. C (G) ele v. devant eulz rec. P5 (P3). – 344. le corps de Jh. L2 O. – 344. de sa main au s. ev. P6 de la main du sainct ev. O par la main du s. ev. L2. – 344. t. comme elle l’eust receu L2 tentost com elle le reçut P6 (P4) t. come ele reçut P5 (P3). – 345. o grant planté (...) O P4 P6 avec grant planté de l. ainsi comme elle avoit dem. L2. – 345 - 346. ele pria (...) ele se c.] si se c. P3 P5. – 346. aus or. P4 (O) en or. L2. – 346. aprés ce elle se c. L2 O P6. – 347. End. (...) de son cors] et lors s’en issi la s. ame de son cors P5 (P3). – 347. End.] et ce pendant O. – 347. ses or. en plorant L2. – 347. s’en issi de son cors P6 (L2 P4) s’en yssi et party de son corps O. – 348. au ciel L2. – 348. le .xxije. jour de juillet L2 (O). – 348 - 349. Aprés (...) une si s. od.] (...) une si grant oud. et si s. C (G) aprés son trespassement une soeve oudeur P5 (P3). – 349. que six jours ent. aprés la sent. L2 que .vj. jours aprés tous ent. la sent. O.
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Paris, Bibliothèque Mazarine, 1716 (568) (n° 7)
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tuit cil qui entroient ou moustier. Saint Maximes prist le cors et l’oint d’[oin]gnement chier et souef flairant. Quant il ot mout honestement enseveli le cors, si le mist en .j. riche [264 a] serqueu et edefia seur lui une iglise mout bele. Encore hui e[s]t le jorz peut l’en sa sepoulture v[e]oir merveilleusemant enta[il]liee, coment ele vint a la meso[n Si]mon et coment ele lava les p[iez] Nostre Seingneur, et coment ele Li [of]fri l’ongnemant en plorant ent[re] ceuls qui manjoient avoec L[ui], et conment ele vint prumiere[ment] au sepulcre Nostre Seingneur, [et] comant Nostre Sires s’aparut a l[ui] et comanda que ele fust mes[sa]giere aus apostres de sa Surrection. Aprés toutes ces choses, saint Maximes li glorieus confessor sot par le Saint Esperit que sa mort aprochoit, si comanda que l’en apareillast en l’eglise qu’il avoit fet le lieu de sa sepoulture et qu’il fust mis delez la sepoulture a la beneoite Magdalaine. ¶ Quant il fu trespassez, si compaingnon le mistrent honoreement ou lieu ou il avoit comandé. En celui lieu fist Nostre Sires maint miracles por lui. Aprés ce crut tant religion en celui leu que mout de gens du siecle lessoient leurs richesces et leur dignetez por vivre iluec relegieusemant et por le salut de leurs cors et de leur ames. En celui saint moustier, nule fame n’entre, de quele ordre ne
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350. tuit cil qui la entr. Correction d’après P6. – 350. et l’oint dignement chier. Correction d’après C G P5 (P3) / P6 (P4) / O), graphie conforme à la scripta de M. – 352 - 357. Les parties entre crochets ont disparu en raison des mutilations subies par le volume. Restitution d’après P6, graphies conformes à la scripta de M. 350. tuit cil qui entr. P6. – 350. au moustier L2. – 350. et l’oint (...)] et l’oint d’oign. chier C G P5 (P3) et l’enoing d’ognement chier P6 (P4) et l’oingnit de precieulx oing. L2 et le oingt de oingnemens chiers O. – 351. et s. fl.] et soefz et bien flerans et bons sentans O omis dans P3 P5. – 351. quant il ot ens. le cors P5 (P3). – 352. riche] molt riche C G omis dans P3 P5. – 352. serqueu] tombel L2. – 352. seur lui] sur elle L2 sor C sus G. – 352. une moult belle eglise P3 P5 (O). – 352 - 353. Encore (...) ent.] encores aujourd’uy puet on veoir son sepulcre merveilheusement entaillié L2 et encores aujourd’uy et a present y puet on veoir merveilleusement son sepulcre entaillé O encore puet en veoir sa sep. (la sepulture P3) entaillee P5 (P3). – 352. encore hui est li jors P6 (C G P4). – 352. la sepouture veoir C G son sepucre veoir P4. – 353 - 355. coment (...) l’ongn.] (...) en la meson Simon (...) P6 (P3) (...) et come elle lava (...) P5 ainsi come elle lava les piez de n. seigneur et comment elle vint en la maison de Symon et comme elle lui offrit l’oingnement L2 comment elle lava les precieux piez de nostre sauveur et redempteur Jhesucrist et comment elle vint en la maison Symon et aussi comment elle lui offry l’oingnement precieux en plourant O. – 355. av. lui] avecques nostre seigneur O. – 355. et come elle vint P5 (P3) et aussi comment elle vint O. – 356. premierement C G L2 O P6 (P3 P4 P5). – 356. au sep. de n. seigneur L2 O. – 356. et come P5 n. seigneur Jhesucrist O. – 358. resurrection C G L2 O P3 P4 P6 (P5). – 359. P3 P5 introduisent ici la rubrique : Le trespassement a la Magdelaine. – 359. t. ses ch. L2. – 359. s. Max. li gl. conf.] sainz Max. P5 que saint Maxime P3. – 359. par la vertu du s. esp. L2. – 360. s’approuchoit O. – 360. si com.] et comm. L2. – 360. l’en] en P5 (P3). – 361. le lieu de sa sep.] sa sepouture P5 (P3). – 361. mis delez et au plus pres de la sepulture O. – 361. de la ben. Magdeleinne P4 (L2) de la benoiste Marie Magdelaine O a la Magdelaine P5 (P3). – 362. trespassé de ceste mortelle vie O. – 362 - 363. le m. hon. (...)] le m. honnestement (...) P4 le m. moult honnourablement (...) O le m. ou lieu que il ot comm. P5 (P3). – 363. en icelui leu C (G O). – 363. fist et depuis a fait nostre seigneur Jhesucrist O. – 363. maint miracle C G L2 P6 maint bel miracle P5 (P3) mainctz beaux mir. pour l’amour de lui O. – 364. Aprés ce] aprés L2. – 364. la rel. O. – 364. en icelui leu C (G). – 364. de gent L2 des genz C (G) du s. et du monde si laiss. leurs avoirs et richeces O. – 365. et leur dign.] omis dans P3 P5. – 365. religieusement et devotement O. – 366. de leurs cors et de leur ames] de leur cors et de lor ames P4 de lor ames P5 (L2 O P3) de lor cors et de lor menbres et aprés de lor ames C (G). – 366. en celui m. L2 P3. – 366 - 367. de quele ordre ne de quele dignité] de quelque ordre ne de quelque dignité L2 (...) ne de quel dignité ne de quelle condition O de quel (quelque P3) estat P5 (P3).
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de quele dignité qu’ele soit. Icil moustiers a non le moustier saint Maxime, riches et habondanz de touz biens, et si est en la contree d’Aquense. Me sire saint Maximes trespassa ou disiesme jor de juing et s’en ala en la gloire de paradis ou Nostre Sires [264 b] nous doint parvenir par sa douceur et par sa misericorde. Amen.
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– 367. Icil m. a non] icist moutiers a non P6 cestui m. a nom L2 et est nonmé P5 (P3). – 367. qui est riche L2. – 368. de touz biens] omis dans P3 P5. – 368. et est P3 P5 et si est en la c. et dyocese d’une cité dont dessus est faicte mencion qui a nom Aquense c’est a dire d’Ays et est en la conté de Provence O. – 368. Aqueesse P6 Aquesse P3. – 368. Me sire] omis dans P3 P5. – 369. tr. de ceste mortelle vie O. – 369. le dixyesme jour du moys de juing O el dousieme jour G. – 369. et ala P3 P5. – 369. en gloire de p. P6. – 369. ou n. s.] ou n. seigneur Jhesucrist L2 en laquelle O. – 370. nous doint parv. par sa d. et par sa mis.] nous doint parv. par sa d. P4 (L2) nous doint venir par sa mis. P3 P5 nous d. parv. le pere, le filz et le sainct esperit une deité et puissance avecques tous les saincts et sainctes de paradis par sa benoiste et piteuse misericorde et par sa grant bonté et doulceur O. – 370. Amen] omis dans P3. – 370. Explicit la vie Marie Magdelaine qui de ses lermes lava les piez nostre seigneur Jhesucrist P3 Ci fine la Magdeleinne [et anprés comence Marie l’Egipcienne] P4.
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Pau, Archives dép. des Basses-Pyrénées, manuscrit 20 (F) (n° 8)
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8. Pau, Archives départementales des Basses-Pyrénées, manuscrit 20 (F), f° 101 r° - 124 v° Toujours inédite, la rédaction versifiée de la légende de Marie-Madeleine contenue dans les manuscrits de Besançon et de Pau est pourtant l’une des rares pièces de notre corpus à exprimer une véritable sensibilité littéraire. Elle adopte aussi une forme poétique plus élaborée que celles développées par Guillaume le Clerc de Normandie ou par Nicole Bozon. Ses deux témoins sont très différents l’un de l’autre. B (Besançon, Bibliothèque municipale, 254, f° 165 v° - 185 v°), peut être daté du milieu du XVème siècle1. Petit recueil de 185 feuillets de papier rédigé sur une colonne (ca 260 x 180 mm), il contient diverses pièces édifiantes. Plus des deux tiers du volume sont occupés par la traduction française du Doctrinal de sapience, que son prologue présente comme l’œuvre de Guy le Roy2, archevêque de Sens, amplifiée par l’intervention d’un religieux de Cluny (f° 1 - 121 r°). Elle est suivie du Jardin de amoureuse devocion, dans lequel une « chanson amoureuse », pièce lyrique de 9 strophes, est émise par l’âme en l’honneur de Dieu (f° 121 r° - 131 r°), et d’une courte prière adressée au corps de Jésus (f° 131 v°). Une signature du copiste placée à cet endroit3 semble marquer la fin d’une section, dont les feuillets sont munis d’une numérotation originale en chiffre romains et les cahiers pourvus de réclames. Le texte articulé à cette partie (f° 132 r° - 137 r°), récit puis exposition des amours de David pour Bethsabée, est en effet rédigé par une main différente. Mais c’est le précédent scribe qui, selon toute vraisemblance, reprend la plume pour la traduction des Sept Psaumes en français, sur un papier muni des mêmes filigranes qu’au début du recueil (f° 138 r° - 158 v°)4. Le martyre des dix mille crucifiés du Mont Ararat, en 404 octosyllabes, conclu par une brève prière à ces saints (f° 159 r° 165 v°), puis la vie de Marie-Madeleine sont les dernières pièces du volume. Le copiste actif notamment sur les pages où figure l’histoire de notre sainte pratique une écriture bâtarde d’apparence soignée. Les textes sont ornés d’initiales de 2 lignes (mais l’espace réservé pour celle de notre poème est vacant, et il ne comporte pas d’autre décoration), de sous-titres et de pieds-de-mouches rouges.
Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Département, t. 32, Paris, Librairie Plon, 1897, pp. 174 - 176. Rappelons que cette attribution est qualifiée d’« invérifiable » et de « peu probable » par le Dictionnaire des lettres française. 3 « Escript par humble devocion / Ayant de vous la contemplacion » (f° 131 v°). La pagination originale, à l’encre rouge, tracée dans la marge supérieure droite, correspond à celle donnée dans la table du Doctrinal (f° 1 v° - 3 v°). 4 Deux types de filigranes ornent les feuillets 1 à 138, puis 138 à 158 : à tête de bœuf et à tête de cerf. Les feuillets 132 à 137 en sont démunis. La dernière partie du volume présente un autre motif, que l’emplacement rend difficile à identifier. Un feuillet au moins a été perdu, entre les f° 59 et 60 actuels, où la numérotation ancienne passe directement à 61 ; la lacune correspond à la fin de la cinquième, à la sixième et au début de la septième pétition du Pater Noster. 1 2
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La lettrine du prologue du Doctrinal montre deux visages face à face dessinés à l’encre brune (f° 1 r° ; 6 lignes). Faute d’indices iconographiques ou linguistiques, la provenance de B reste incertaine. P (Pau, Archives départementales des Basses-Pyrénées, manuscrit 20 (F)) est un exemplaire dont, jusqu’à de récents travaux, des raisons mystérieuses ont parfois contribué à nier l’existence, quand bien même il a été répertorié il y a plus d’un siècle, à la fois par le Catalogue des manuscrits conservés dans les dépôts d’archives départementales, communales et hospitalières (Paris, Plon, 1886, p. 258), même si celui-ci signale à peine le texte sur Marie-Madeleine, et par l’Histoire littéraire de la France5. Il renferme une transcription du XIVème siècle de notre poème, ajoutée à une copie partielle de la Chronique de Baudouin de Flandre (f° 1 - 100). Quelques bribes non littéraires complètent ce recueil. La brève notice du Catalogue ne fournit aucun historique sur ce volume. Pourtant, il serait intéressant d’apprendre comment la retranscription de notre poème, qu’on doit peut-être à un scribe de l’Est du domaine d’oïl (lorrain ou bourguignon), a pu parvenir dans son lieu de conservation actuel6. Comme le reste du manuscrit, les 24 feuillets utilisés pour sa rédaction (101 r° - 124 v°) sont en papier (ca 298 x 200 mm). Ils ne comportent pas de filigranes dans les cahiers occupés par la vie de Marie-Madeleine (ni, semble-t-il, dans la Chronique). Le texte a subi deux accidents matériels, entre les f° 117 et 118, où un feuillet a vraisemblablement disparu, et après le f° 124 (deux feuillets perdus). L’action probable de l’humidité a atténué la lisibilité de nombreux passages et le dernier feuillet du manuscrit a été partiellement endommagé par l’usure. Le texte est rédigé au moyen d’une encre brunie sur une colonne (26 à 28 lignes par page) et son support n’est pas réglé (des bouts-de-lignes assurent un semblant de justification). L’écriture est à nouveau de type bâtard. Une lettrine rubriquée sur 2 lignes figure à l’emplacement de la première initiale ; les autres initiales sont rehaussées de rouge. Composé de 346 quatrains 4 a 10 a 10 a 10 a, césurés en principe à la manière « épique », mais avec beaucoup d’irrégularités, le texte retrace la vie évangélique de la sainte, la dispersion des disciples après la lapidation de saint Étienne (v. 396), le miracle de Marseille, jusqu’au retour des pèlerins et au baptême des habitants du royaume (v. 1042), puis la retraite de Marie-Madeleine, sa découverte par un prêtre, enfin sa mort auprès de saint Maximin qui assure son ensevelissement (v. 1352). L’auteur, qui présente son œuvre comme une traduction du latin (v. 15), en consacre près de la moitié au miracle de Marseille et réserve des traitements distincts aux différentes parties de son poème. P. Meyer, « Légendes hagiographiques en français. I. Légendes en vers », Histoire littéraire de la France, t. 33, 1906, pp. 328 - 376 (p. 368). 6 Les Archives départementales des Basses-Pyrénées ne disposent d’aucun renseignement sur ce volume. Quant à sa provenance, le texte de la Chronique n’offre pas de coloration dialectale précise. 5
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La vie évangélique de Marie-Madeleine se compose de passages très proches des Évangiles. L’auteur s’approprie cependant la matière biblique qu’il redessine à son gré et fond les données traditionnelles en un récit original. Ainsi, la scène de l’onction, située chez Simon le Lépreux, suit dans un premier temps Luc 7, 36 - 50 (vv. 81 - 159), où l’on découvre Marie-Madeleine, nommée explicitement, en train de baigner les pieds du Christ qui répond à l’indignation de son hôte par la parabole des usuriers. Toutefois, dès le pardon accordé, la pécheresse se relève et verse le contenu d’une boîte d’albâtre sur la tête de Jésus, comme chez Matthieu 26, 7 (vv. 160 - 166 ; cf. aussi Marc 14, 3) ; puis le texte enchaîne sur le reproche de Judas et sur l’annonce par le Christ de sa mort, suivant en cela Jean 12, 1 - 11 (vv. 167 - 184), et il renoue avec les autres Évangiles pour dénoncer la trahison de Judas (Matthieu 26, 14 - 15 et Marc 14, 10 - 11 ; vv. 184 - 188). L’intervention du narrateur, qui exprime son impuissance à raconter la Passion, met fin au récit. Cette trame composite intègre parfois d’autres données bibliques. Aux vv. 89 91, le texte précise par exemple que lorsque Marie-Madeleine apprend que Jésus mange chez Simon, elle se dépêche d’acquérir un parfum précieux. Absent des épisodes chez le pharisien et à Béthanie, ce détail anodin est sans doute un souvenir de l’achat des aromates par les femmes se rendant au tombeau (Marc 16, 1). Un traitement analogue intervient dans la rencontre avec le Christ jardinier (vv. 277 - 332), écrite principalement à partir du récit de Jean (20, 11 - 18), mais qui interfère avec Marc 16, 9 - 11 : il n’y a qu’un seul ange pour accueillir la sainte7 et le Christ demande à Marie de dire aux apôtres de se rendre en Galilée et non de leur prédire son Ascension. Retravaillées par le poète, ces deux scènes, ainsi que la résurrection de Lazare (vv. 212 - 258, d’après Jean 11, 1 - 43)8 forment l’essentiel du récit de la vie évangélique de Marie-Madeleine. De brèves allusions à la guérison de Marthe (vv. 205 211), à la présence de la sainte lors de la Crucifixion tandis que les apôtres ont fui (vv. 266 - 272) et au don des langues (vv. 333 - 341) le complètent, des commentaires du narrateur reliant les épisodes entre eux. La partie réservée à la vie légendaire de Marie-Madeleine obéit à d’autres critères : si la tonalité du récit du miracle de Marseille et de la retraite de la sainte est propre à son auteur, celui-ci en respecte toutefois la structure habituelle et n’introduit que peu de changements narratifs. Le traitement poétique qu’il lui réserve ne facilite pas la recherche de ses sources. Il convient pourtant d’observer que l’intervention de la femme de Marseille en faveur des chrétiens débarqués dans la ville se produit après la première apparition nocturne de Marie-Madeleine (vv. 479 - 485), rapprochant ainsi notre texte de la version en prose n° 7. D’autres indices confirment cette solidarité. Ainsi, l’épouse agit en secret car « paour avoit de la mauvaise gent » (v. 484), la crainte de la cruauté de son mari et de « la des7 Gabriel (v. 283), qui avait annoncé la naissance du Christ à Marie (cf. Luc 1, 26), est ici celui qui apprend la Résurrection à Marie-Madeleine. 8 Paradoxalement, le doute de Marthe y est rapporté, mais pas la rencontre avec Marie.
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loialté du peuple » (l. 89 sq.) l’incitant à la même prudence dans l’adaptation n° 7. Dans les deux rédactions, la femme lie son acceptation des exigences de MarieMadeleine à l’intercession de la sainte envers Dieu (vv. 567 - 571 et l. 104 sq.) ; l’une et l’autre relèvent la joie des habitants à l’annonce de la grossesse (vv. 605 606 et l. 108), ou encore font état de la réflexion de saint Pierre à la vue du signe apposé sur le pèlerin (vv. 798 - 800 et l. 181 sq.), par exemple9. La vie érémitique et la mort de Marie-Madeleine offrent elles aussi de nombreuses convergences, bien que chaque rédaction présente des détails absents de l’autre. Ainsi, l’explication relative aux trois quarantaines, la mention du livre dans lequel saint Maximin relate sa dernière rencontre avec sa protégée, l’évocation des sculptures ornant le tombeau de la sainte ou la demande de Maximin d’être enseveli à ses côtés n’apparaissent pas dans le poème, qui parle quant à lui de la présence de Jésus à la mort de la sainte, par exemple. Comme pour l’ensemble des textes conservés, où peu de détails entrent dans des oppositions claires, il est donc difficile de déterminer si nous avons affaire ici à deux originaux distincts ou si le même modèle a été influencé par des sources complémentaires. Ainsi, pour n’évoquer que quelques éléments, le titre de roi accordé au seigneur de Marseille (nommé ici Marcille) ; l’atténuation des reproches adressés aux marins pour leur convoitise ; l’absence d’allusion au détail réaliste de la « perche » pour signifier la fraîcheur des vêtements de la défunte sont des données bien attestées dans d’autres versions. Il est aussi concevable que le projet littéraire auquel les deux entreprises répondent explique leurs divergences. L’adaptateur du n° 7 suit de près un archétype latin relativement austère. Pour son compte, le poème offre plutôt une ample mise en scène de la vie de Marie-Madeleine. Plus qu’aucun autre, son auteur donne une existence et une consistance aux personnages qui animent l’histoire de la sainte, de Simon le Lépreux, qu’il présente en « bourgeois » (v. 83), à Maximin, que saint Pierre interpelle avec le mélange d’élégance et de familiarité ou d’affection qu’emploierait un ami (« mon beau voisin », v. 360) au moment de lui confier MarieMadeleine et les siens. La multiplication et l’amplification des échanges au discours direct sont eux aussi révélateurs des intentions du poète10. Si l’on doit probablement renoncer à trancher de façon définitive sur la question des sources11, on peut Certaines interventions du narrateur, semblables dans leur formulation, ne sont cependant pas placées aux mêmes endroits du texte (cf. vv. 849 - 851 et l. 175 ss., par exemple). Il est aussi intéressant de constater que les rares images poétiques présentes dans le texte latin et le récit en prose n’apparaissent pas sous sa plume, bien qu’il use ailleurs de métaphores. Voir en particulier « Et m’a voulu soubz l’ombre de son ayelle / Faire umbrer » (vv. 956 sq.), sans doute d’après le Psaume 16 (17), 8 : « in umbra alarum tuarum protege me ». On notera aussi la référence à l’Ecclésiaste 11, 3 : « ubi te invenero, ibi te judicabo » dans les derniers vers du poème (v. 1380). 11 Fr.-K. Weiss, Der « Romanz de sainte Marie Magdaleine » von Guillaume, le Clerc de Normandie, und sein Quellenkreis, Inaugural-Dissertation zur Erlangung des Doktorgrades der Philosophischen Fakultät der Westfälischen Wilhelms-Universität zu Münster, 1968 (thèse dactylographiée), p. 34, affirme que le poème rédigé en langue d’oc et édité par C. Chabaneau dans la Revue des Langues romanes, 25, 1884, pp. 103 - 132 et 154 - 188, ou un texte latin au contenu similaire serait la source principale de notre rédac9
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néanmoins rendre hommage à la sensibilité littéraire dont l’auteur fait preuve, à défaut de réel talent. Au fil du texte, Marie-Madeleine apparaît comme un exemplum, miroir tendu au pécheur qui, dans sa contemplation, reconnaîtra ses fautes et s’ouvrira à la pénitence12. En insistant sur cette lecture du poème, l’épilogue ne fait que reprendre les propos adressés par le Christ à Simon (cf. vv. 133 - 139). À cette enseigne, la vie de la sainte telle que ces vers la racontent joue le même rôle que la parabole des usuriers (« l’argument moult gracieulx », v. 107) retracée par Jésus : elle permet au lecteur de comprendre par l’histoire un principe de la foi chrétienne. Dans cette optique, on peut aussi relever la construction singulière du prologue, émaillé de topoï. Ceux-ci résonnent en effet dans l’histoire même de Marie-Madeleine : les lecteurs sont invités à découvrir un « exemple » (v. 3) en la personne du poète (cf. v. 4, mais non en l’œuvre elle-même, comme on pourrait s’y attendre). Comme la sainte pénitente, l’auteur invoque le pardon (cf. v. 7) ; il insiste également sur son activité de traducteur tout en rappelant que les disciples du Christ ont reçu le don des langues (cf. v. 338 sq.). D’où venait cet auteur et à quelle époque vivait-il ? Il est difficile de le préciser, tant l’abondance apparente d’indices que le texte nous procure est contredite par les résultats de leur analyse. En particulier, les rimes les plus typiques auxquelles nous avons affaire dans cette composition résultent en grande partie de licences ou d’impropriétés et elles ne nous révèlent pas l’origine du poète ni la période de son existence. Certains passages, comme par exemple les vers 557 - 560 ou 781 784, montrent d’ailleurs que l’on est parfois plus proche d’assonances que de rimes proprement dites. Au nombre des traitements les plus spécifiques, on peut noter la monophtongaison sur laquelle repose l’équivalence i(s) : ui(s) (cf. vv. 121 - 124, 349 - 352, 437 - 440, etc.). Cette évolution existe en anglo-normand, mais aussi dans le NordEst et à l’Est (wallon, lorrain, bourguignon), et il n’est pas certain que l’on conserve ici la trace d’un fait dialectal13. Au v. 534, feu intervient dans une rime qui postule une variante plus typiquement septentrionale (anglo-normande, picarde et wallonne) pour ce substantif, et le poète recourt aux vv. 932 et 1088 aux pronoms my et sy pour moi et soi, mais ces aboutissements ne sont pas contenus dans les limition, et que le texte de Guillaume le Clerc de Normandie peut être considéré comme une source secondaire. Cette double observation est pourtant dénuée de fondement. 12 Le poète utilise les mêmes expressions que celles qui figurent dans les prières adressées à la sainte. Voir par exemple l’invocation de Cambridge, Fitzwilliam Museum, 9, 1951 : « mirour resplendissant / onquel mirer se doient tous pecchours penitans » (v. 57 sq., cités d’après P. Rézeau, Les prières aux saints en français à la fin du moyen âge. Prières à un saint particulier et aux anges. Glossaire et Tables, Genève, Droz, 1983, p. 343) ou la prière des matines contenue dans Poitiers, Médiathèque François Mitterrand, 95 (350), f° 72 v° / 73 r° : « (...) Vous, dame bieneureuse, Marie Magdalayne, nous estes le bel mirouer et digne exemplaire de penitence par vertu, de la quelle penitence les pechés sont racordez a Dieu ». 13 apparut : nuyt, vv. 459 - 460, repose peut-être sur une réfection implicite du premier de ces termes en *apparuit ou constitue une graphie inverse, susceptible d’être rattachée aux mêmes régions.
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tes de leur aire primitive (picarde). L’auteur connaît aussi la monophtongaison /je/ > /i/ (lignee : boronnie, vv. 33 - 34), que l’on observe au départ en Picardie, Wallonie et Lorraine, mais elle aussi susceptible d’une plus large distribution, et les dialectes de ces contrées admettraient encore une rime comme celle des vv. 489 - 492, si ce n’est qu’elle est peut-être approximative. D’assez nombreuses strophes nous indiquent par ailleurs une correspondance phonique entre les digrammes ai et oi (/ε/), notamment dans les terminaisons d’imparfaits (cf. vv. 101 - 104, 577 - 580, 649 - 652, etc.), que révèle aussi la graphie adoptée pour povait, v. 115. Rapidement adoptée, la monophtongaison /we/ > /ε/ semble débuter dans la seconde moitié du XIIIème siècle et se poursuivre au XIVème tandis que pour les finales de ce temps, P. Fouché considère que « L’amuïssement de w commencé à l’Ouest, peut-être dès le XIVe siècle, ne s’est (...) étendu que plus tard à la région parisienne », et que cette diffusion ne s’est pas produite sans quelque résistance14. L’auteur fait aussi rimer les infinitifs et participes passés (ou substantifs) que la consonne finale de leur thème distingue jusqu’au XIIIème siècle au moins (strophe 1, notamment), mais un rapprochement comme pitié : gré, vv. 69 - 70, ou piez : arrosez, vv. 105 - 142, parmi bien d’autres exemples, nous montre qu’il s’agit peut-être d’une licence poétique. Ce fait est d’ailleurs plus surprenant (et éventuellement caractéristique des libertés de la rime) dans les vv. 1229 - 1232. Aux vv. 233 - 236 ou 745 - 748, il alterne les formes en diérèse et en synérèse d’imparfaits du subjonctif, ce qu’autorise une évolution dont les premières traces remontent toutefois au début du XIIIème siècle déjà, même si les finales bisyllabiques résistent jusqu’à la fin du moyen âge. Les autres faits qui retiennent l’attention ne sont pas moins ambigus ou revêtent un caractère approximatif qui s’explique peut-être par les facilités que le versificateur s’accorde. La rime qui unit saint, v. 100, à des formes nasalisées en /ã/, ne correspond par exemple à aucune aire linguistique (de même sans doute pour ame, indic. prés. 1 de amer, que les vv. 153 - 156 alignent sur une finale -ame). dieux, v. 428, ne semble pas non plus connaître de traitement dialectal compatible avec la rime des vv. 425 - 427. Celle du v. 863 sous-entend une forme de l’adverbe aussi attestée mais considérée par P. Fouché comme le simple résultat d’une nasalisation progressive15. Et si l’on peut trouver une explication au rapprochement eure : dessure (desseure ?), il est impossible de justifier celui des autres mots placés à la finale des vv. 1021 - 1024 ou 1197 - 1200. Quant à tous : mot, vv. 1309 - 1312, il s’agit sans doute d’un à peu près.
Le verbe français. Étude morphologique, Paris, Les Belles Lettres, 1931 (Publications de la Faculté des Lettres de l’Université de Strasbourg, fasc. 56 ; Nouvelle édition entièrement refondue et augmentée, Paris, Klincksieck, 1967 (Tradition de l’humanisme, IV), p. 243. 15 Idem, p. 362, rem. III. 14
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La récolte est tout aussi aléatoire dans le domaine lexical16. Le mot le plus singulier du texte est assurément le substantif marin, qui fait partie de la liste de vents donnée au v. 886. Ni Godefroy ni Tobler-Lommatzsch ne mentionnent ce vocable que, pour la période ancienne, le FEW (marinus, VI, col. 346 b) rattache aux parties méridionales de la France. Le TLF est plus précis : il considère ce mot comme un emprunt à l’ancien provençal marin, « vent du sud, ou sud », et rappelle que le latin marinus est lui-même attesté à la fin du Vème siècle dans un emploi substantivé désignant le vent de la mer sur la côte africaine. Néanmoins, ces données ne nous indiquent pas par quel cheminement il est pavenu en français. Godefroy nous fournit par ailleurs un grand nombre d’occurrences du mot bistens, « conflit » (seule leçon admissible pour le v. 87, cf. variante de B), surtout à partir de documents historiques du XIIIème siècle. Est-ce en raison des matériaux qu’il a compulsés que la majorité des occurrences localisables se situent en Lorraine ? Les exemples littéraires de cet ouvrage et du Tobler-Lommatzsch nous renvoient également vers l’Est mais aussi au Nord et au Nord-Est, et concernent avant tout la même période, mais nous ne saurions en tirer de conclusion. Les autres vocables dignes d’une mention particulière ne nous aident pas non plus à localiser le texte ou à le situer dans le temps : c’est leur rareté ou la période de leur apparition qui les rendent intéressants, à moins encore qu’ils ne prêtent à débat. Au sens de « grotte, caverne », baulme (v. 1071 et passim) se retrouve dans d’autres textes de notre corpus, dont l’un est sans doute antérieur. bont (v. 752) est un déverbal de bondir très rare lui aussi et surtout assez tardif puisque le TLF n’en mentionne pas d’exemple avant 1430 environ, toujours d’après les relevés de Godefroy (de premier bond, « tout d’abord » ; Christine de Pizan, n° 91 des Cent Ballades, v. 12)17. braser, « brûler, détruire par le feu » (v. 1020, omis dans B) est un verbe peu courant dont le premier exemple (picard) semble remonter au deuxième tiers du XIIIème siècle. Le dérivé corrumpement, « altération, dommage » (v. 19), est peu fréquent mais apparaît assez tôt, de même que la signification particulière qu’il offre ici. exorter, vv. 767, 1215 (P seulement), est exceptionnel au moyen âge et sa datation peu certaine18. Les dénominations de vents qui complètent le v. 886, déjà signalé, à savoir grec et siroc, n’existeraient, dans un cas, que dans le Livre du Trésor19, Brunet Latin utilisant aussi la seconde (sous la forme siloc, dans le 16 Le seul autre trait morphologique qui éveille la curiosité n’est pas dialectal : mouri, v. 686, est en effet une forme secondaire que P. Fouché pense pouvoir attribuer à l’influence de l’infinitif (idem, p. 327). 17 La leçon propre à B trahit sans doute une reformulation banale et maladroite du vers. 18 Vu sa provenance (texte et édition), la première attestation mentionnée par le TLF (Chevalier au cygne, ca 1200 ; d’après Godefroy) est probablement ambiguë. Pour autant que C. Hippeau ait bien reproduit le vers concerné, elle provient d’un manuscrit du milieu du XIIIème siècle et elle n’est pas corroborée par l’édition Nelson, ni par les variantes signalées dans son apparat critique (cf. The Old French Crusade Cycle, vol. I, version dite « Beatrix », v. 1545). Le FEW, exhortari, III, col. 294 b, l’anticipe encore en datant une occurrence, non spécifiée, de 1150. 19 La mention par le FEW, graecus, IV, col. 210 a, du Livre des merveilles de Marco Polo est erronée, selon le DEAF (cf. col. 1307), qui signale que de terme est « assez répandu dans la Méditerranée », ce qui n’est pas sans rappeler l’origine de marin, que nous venons de commenter.
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manuscrit suivi par F. J. Carmody), alors que la plus ancienne citation du TLF pour siroc est datée de 1441. Ces variantes et quelques autres que l’on relève pour ce mot sont toutes rares. taisier (v. 344 ; cp. taisa, v. 1237 de P) est une réfection isolée, d’après le FEW (cf. tacere, XIII, 1, col. 27 b). Enfin, c’est encore Brunet Latin qui nous fait connaître la première des deux seules occurrences médiévales répertoriées de thrones (plus précoce en tant que tel) dans l’acception précise qu’il revêt au v. 1336. Terminons sur un cas plus épineux. Au v. 481, nous avons en effet choisi d’éditer l’adverbe resconsement sous cette graphie, au lieu de rescousement, comme dans le manuscrit P. Aucun de ces deux mots n’est pour autant attesté. resconsement est cependant facile à rattacher à resconser et plus particulièrement à une expression (isolée, il est vrai) comme en rescons, « en secret », tandis qu’il s’avère plus problématique d’établir une relation entre rescousement et un quelconque thème lexical. Avons-nous donc bien affaire à une entreprise d’origine anglo-normande, du Nord-Est ou de l’Est, et du XIVème siècle, comme on l’a dit jusqu’ici ?20 Peut-être, mais rien ne l’indique avec certitude. Nous l’avons plusieurs fois souligné : son revêtement linguistique n’offre pas la cohérence nécessaire à une enquête géographique. Quant au moment de sa composition, le style de notre poème, plus que les faits de langue, pousse à envisager une date comprise sans doute entre le début du XIVème siècle et la réalisation du manuscrit de Pau, qui nous fournit le seul repère sûr à ce sujet. Reste à dire un mot sur notre édition. Aucun des exemplaires dont nous disposons aujourd’hui ne fournit un texte irréprochable, bien au contraire, mais ceci résulte peut-être en partie de la facture originale du poème, et entre les manuscrits de Pau et de Besançon, la supériorité du premier ne fait aucun doute. Les altérations qui se produisent dans le second, l’insuffisance de son modèle ou les bourdes de son copiste s’avèrent dès le quatrain initial, que cette copie restitue sous forme de tercet, moyennant une cheville calquée sur le début de la strophe suivante. C’est donc P que nous utiliserons comme de texte de référence, sous le contrôle de B qui nous servira aussi à combler les lacunes du premier. En revanche, nous n’interviendrons qu’avec beaucoup de prudence sur les vers qui présentent une difficulté métrique. La pratique de l’auteur semble en effet beaucoup trop fluctuante pour permettre de distinguer à coup sûr les irrégularités qui lui sont dues de celles qui résultent de la transmission de son poème. Quand bien même nous y parviendrions, il s’avérerait souvent problématique d’opter pour une correction fondée. Devant un mot à initiale vocalique, en particulier, le traitement des monosyllabes atones est assez irrégulier. Le e est marqué ou au 20 L’estimation de P. Meyer (« Légendes hagiographiques en français », art. cit., p. 368) a été reprise dans les quelques cas où il est fait allusion à notre poème.
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contraire omis, que le terme auquel il appartient ait une valeur syllabique ou non. Nous avons donc choisi de ne pas modifier les occurrences de n(e) et de qu(e) lorsqu’un écart métrique ne résultait que de ce flottement. Il nous a toutefois semblé que le cas, plus atypique et exceptionnel, de le et de son méritait un traitement distinct et nous intervenons aux vv. 116 et 135, dans lesquels l’aspect qu’un de ces termes revêt contredit l’équilibre du vers, tout en indiquant s’il y a lieu la variante de B. Au v. 538, nous corrigeons également qui, l’excédent résultant ici d’un simple échange avec que. Plan de l’édition Exemplaire de référence : Pau, Archives départementales des Basses-Pyrénées, manuscrit 20 (F), f° 101 r° - 124 v° (P) Exemplaire de comparaison : Besançon, Bibliothèque municipale, 254, f° 165 v° 185 v° (B)
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Desesperer
Ne vous devez, vous qui souliez pecher, Quar vous povez bon exemple trouver En moy pour vous envers Dieu reparer.
Or entendés, Seigneurs et dammes qui cest livre lirés, Je vous suppli que vous me pardonnés [Se nulle chose en escript y trouvez]
101 r° 4
8
Qui ne sceit bien, Car je n’ey pas le sens de Galien, De Socratés ou de Valerian, Mes bon vouloir me fait sur toute rien
12
Mectre en chemin Et travailler au soir et au matin Pour departir le franczois du latin, Dont j’ay esté las de trouver la fin
16
Bien proprement. Ou nom de Dieu le pere tout puissant Et de la Vierge qui sans corrumpement Porta neuff moys le precieux enffant
20
Qui nous a trait Du puyz d’enffer ou par noustre meffait Le deable nous enprinsonna de fait Pour le peché que Adam avoit fait,
24
Dont tresgrant paine En ha souffert – c’est bien chouse certaine – Dieu Jhesucrist, qui nature humaine A delivré et bouté hors de paine
28
Pour sa bonté. En celui temps, selon que on m’a comté, Jherusalem estoit bonne cité, Si y avoit ung noble parenté
101 v° 32
P ne comporte pas de rubrique. – 8. Vers omis par le copiste. Texte de B. – 32. Si avoit y avoit, premier avoit exponctué et tracé à l’encre brune et rouge. 1 - 2. Or escoutés vous qui solés pechier. – 3. Car cy povez. – 8. Se nulle chose en escript y trouvez. – 10. le sens Valerien. – 11. De S. ne aussi de Galien. – 27. que. – 29. Par sa b. – 32. Si y avoit ung n. p.
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De grant lignee, De grant haultesse et de grant boronnie; Princes estoint de grant chevallerie. Ung chevallier y eut de bonne vie
36
Qui fut nommés Ladre – par tout fut ainxin appellés. Proudons fut, bien y apparut aprés; Se il fut riche, [demander le povez],
40
Car il tenoit Grans heritages et grant povair avoit. La quarte part de la cité estoit A luy et a deux seurs qu’il avoit,
44
Qui avoint nom La premiere Marthe pour son droit nom – Et celle famme fut de grant renom –, Et l’aultre fut damme de Magdalon;
48
Si fut nommee Magdalene par toute la contree. Sa grant beaulté fut par tout renommee, Mais sa bonté fut si mal gouvernee
52
Qu’en verité Elle avoit du tout habandonné Son bien, son sens, son corps et sa beaulté, Et si rompit le frain de chasteté,
56
Ne luy chaloit De nulle rien si son plaisir n’estoit. Frere ne seur ne homme ne cregnoit; Sa grant beaulté par tout moustrer vouloit.
102 r° 60
39. Au point de vue métrique, la variante de B est plus équilibrée (bien y parut est en outre plus naturel que bien y apparut). – 40. Se il fut riche, si amoit il les pouvres. Correction d’après B. – 54. Même vers hypomètre dans les deux exemplaires de notre poème (à moins d’amettre un hiatus entre le e final de Elle et la voyelle initiale du mot suivant). 39. Preudons y fut, bien y parut aprez. – 40. Se y fut riches, demander le povez. – 44. que il avoit. – 46. par son droit non. – 47. Et celle fut femme de grant renon. – 51. Sa grant biaulté par toute renommee. – 55. Son bien son c. son sens. – 59. ne seur ne honte.
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Mais pour fournir Cest ystoire de quoy j’ay grant desir, Dont pry a Dieu qui la me doint complir – Pourtant convient que ce soit au plaisir
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Et a l’onneur De la Vierge, maire Noustre Seigneur, Qu’Il Lui plaise de nous garder tout jour De mal, d’ennuy et de toute doulour
68
Pour sa pitié. Or entendés, si [il] vous vient a gré, Coment le mal que j’ay dessus compté En poay de temps tourna a grant bonté,
72
Quar repentence Eut des grans maulx qu’avoit [fait] en s’enffance Pour son orgueil et pour son ignorance, Et en porta aprés tel penitance
76
Conme vous orrés En cest livre quant tout leü l’arés, Quar je pance que vous y trouverés Beaucop de chouses que oncques ouy n’avés.
80
Or vueil compter Comment Jhesus s’ala ung jour disner Chieulx ung bourgeois qui se faisoit nommer Symon Lepreux, qui moult souloit amer
84
Devotes gens. Pour ce Jhesus avec toutes ses gens S’ala disner chieux luy sans nul bistens. La Magdalene sceut qu’Il estoit leans;
102 v° 88
62. Cest ystoire deg (?) de quoy, deg exponctué et tracé à l’encre brune et rouge, et rendu peu lisible. – 66. De la v. m. de n. s. Ce vers, hypermètre dans P, est lacunaire dans B, qui permet cependant de rectifier l’hémistiche problématique dans notre exemplaire de base. – 70. si vous vient a gré (vers hypomètre). Correction d’après B. – 74. qu’avoit en son enffance. La syntaxe exige ici l’emploi d’un participe, comme dans B. – 76. telle pen. (vers hypermètre). Correction d’après B. 61. Mais f. – 62. Cest yst. dont j’ay ung grant d. – 63. que le me doint. – 64. Par tel couvent que. – 66. De la mere nostre s. – 67. Qui luy pl. (...) tousjours. – 69. Par sa p. – 70. si il vous v. – 72. en grant b. – 74. Et de grant m. qu’avoit fait en s’enfance. – 75. Par (...) par. – 76. Si en p. aprés tel pen. – 78. quant leü vous l’avrés. – 80. qu’onques. – 82. Jhesus] omis par le scribe. – 86. avec tous ses gens. – 87. chieux luy sans arrester.
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Tou[s]t et courant Va acheter d’un moult cher oignement, Puis s’en entre lians tout bellement. Soubz la table se mist tout en plourant
92
Et print les piés De Jhesucrist et si les ha lavés De ses larmes pour dueil de ses pechés. De ses chevelx les ha bien essuyés
96
Devotement. Adont Symon a dit en murmurant : « Or voy je bien », fait il, « certainement, Que ce n’est pas le bon prophete saint,
100
Car je ne croy Que ceste femme lessast toucher a soy. Deffamee par tout clamer la voy, Grant pecheresse est elle, bien le scay. »
104
Mes Jhesucrist Se retourna vers Symon, si luy dist, Ung argument moult gracieulx luy fist; En la maniere que vous orrez luy dist :
108
« Ung usurier Avoit long temps tenu en son dangier Deux pouvres hommes qui maille ne denier N’avoit nul d’eulx de quoy peussent payer,
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Et l’un debvoit Cinq cens deniers, dont tresgrant dueil avoit, L’autre cinquante, paier ne le povait; Et l’usurier, qui sa paie vouloit, Va adviser Leur pouvreté, si les ala quiter. Lequel d’eulx deux le doibt plus mercier Ne qui le doibt par raison plus amer ?
103 r° 116
120
89. Tout et courant. Correction d’après B, graphie conforme à la scripta de P (voir aussi le v. 752, qui incite à privilégier cette leçon sur tout en courant). – 96. les a ha bien ess., a tracé. – 116. le usurier (vers hypermètre). Correction d’après B. – 120. le d. plus par r. plus amer, premier plus tracé. 89. Tost et courant. – 91. s’en entra. – 95. par d. – 96. les a bien essués. – 106. ver S. et luy dist. – 107. luy dist. Vers interverti avec le suivant. – 111. que m. – 116. l’usurier. – 119. L. d’eulx le doit mieulx m. – 120. Vers omis par le copiste.
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Or le me dy. » « Sire », fist il, « en verité vous dy Que cil qui plus a prins argent de luy L’amera plus, quar mieulx a desservi. »
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« Certes, Simon », Fist Jhesucrist, « tu dis comme proudom, Mes tu sceis bien si je dy voir ou nom, Quar quant j’entray dedans ceste maison,
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Ung seul baisier Par bonne amour ne m’as voulu donner, Ne mes piés d’eaue ne m’as voulu laver Ne mon chieff d’uille oindre ne arrouser;
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Mais sans doubtance, Ceste femme ha si grant repentance Des grans pechez qu’elle fist en s’enffance Que en plourant en fait sa penitance,
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Car sans doubter, Qui vouldroit de son fait bien regarder, Bien y pouroit grant exemple trouver, Quar oncques puis ne fina de baisier
140
Elle mes piez, De ses larmes lavez et arrosez, De ses cheveulx [bonnement] essuyez, Pourquoy [je] veul [que li soient] pardonnez
103 v° 144
135. Des grans p. qu’elle fist en son enff. Le remplacement probable de la forme élidée de sa, peut-être obsolète aux yeux du scribe, par la forme analogique masculine correspondante entraîne un excédent d’une syllabe. Correction d’après B (dont la variante est elle aussi déficiente au point de vue métrique, mais pas pour cette partie du vers). – 142. De ses l. a l. : vers hypermètre et construction moins naturelle qu’avec l’infinitif, comme dans B, cette syntaxe ayant toutefois pour conséquence de fausser la rime. – 143. Et de ses ch. diligement ess. (vers hypermètre). L’adverbe diligement est peut-être surmonté d’une abréviation. Correction d’après B. – 144. P. luy veult ses pechez pardonnez; lecture incertaine pour la dernière lettre de veult; ses pechez tracé et remplacé par : de bon cuer. Cette intervention du copiste ne rend pas pour autant la leçon de P satisfaisante. Correction d’après B. 124. car m. l’a dess. – 127. bien se je te dis vray ou non. – 135. Des pechiez qu’elle a fait en s’enfance. – 136. en pl. a fait. – 138. Qui v. bien a son fait r. – 142. De ses l. laver (ou lavez ?) et arrouser (ou arrousez ?). – 143. De ses cheveux bonnement essuer (ou essuez ?). – 144. P. je veul que li soient pardonnés.
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Tous ses pechez. » De ce se sont trop fort esmerveillez Ceulx qui [se] sont [a sa table] disne[z]. Dedens leurs cueurs furent tous courroucez,
148
Mais non pourtant, Quant Jhesus vist leur foible entendement, Si leur a dit a tous communement : « Pour quoy mectez vous nul empeschement
152
A ceste femme ? Elle fait bien et vous luy donnez blasme, Car grant amour art son cueur et enflame. Bien a ouvré en moy, pour quoy je l’ame,
156
Et pardonnez Sans nul debat luy ay tous ses pechiés. Or t’en va, femme, je te donne ma paix. » La Magdalene s’est levee en piez;
160
Tout maintenant Qu’elle se fut levee en estant Print une boeste d’alebastre luysant Qui estoit plaine d’un riche ongnement.
164
Versee l’a Sur ses cheveulx – de ce plus Il l’ayma. Quant Judas vist ce fait, grant dueil en a; Por poy que de yre le cueur ne luy creva,
104 r°
Si prist a dire Comme chetif couvoiteux et plain d’ire : « C’est si mal fait que ne pourroit pas dire – Or escoutez », fit il, « que je vueil dire –
172
D’avoir perdu Cest ongnement qu’on a cy respandu, Car se je l’eusse trois cens deniers vendu, Si les eussions aux pouvres despendu,
176
147. Ceulx qui sont ensemble a disner. Vers hypomètre et rime déficiente. Correction d’après B. – 169 - 170. Si prist a dire comme ch. couv. / Et plain d’ire. Correction d’après B. 146. De ce sont trop fort. – 147. Ceulx qui se sont a sa table disnez. – 150. voit leur fol ent. – 166. Sur les ch. – 167. voit cest fait. – 169 - 170. Si prist a dire / Comme chaitif convoiteux et plain d’ire. – 171 - 172. Vers omis par le scribe. – 174. despendu. – 175. Car je l’eüsse.
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Si fut mieulx fait. » Mais touteffoiz, ce n’estoit pas son fait, Car des pouvres gueres ne luy challoit, Mais son disme que perdu y avoit
180
Le fit gemir. Adonc Jhesus commanda a cueillir Cest oingnement, car a son sevellir Le vouloit il avoir pour son plaisir.
184
Aprés cela Le traïstre Judas partit de la, Droit aux prestres de la loy s’en ala Et son seigneur pour argent vendu a.
188
Mais la matiere De la passion Jhesucrist Noustre Sire Ne vous vueil pas quant a present vous dire, Car ma science ne pourroit pas souffire
192
A si grant chose. Le text est grant, si est plus grant la glose : Pource ne doit nul entreprendre chose Que il n’en sache la fin et la parclose,
104 v° 196
Car a grant peine Ay je compris – c’est bien chose certaine – Comment vesquit la sainte Magdalene Ne comment vint a la noble fontaine
200
D’umilité – C’est Jhesucrist, qui pour sa cherité Depuis le jour qu’Il luy eust pardonné Luy a tous jours si grant amour porté.
204
Pour l’amour d’elle A Il gary sainte Marthe la belle Du mauvais mal qui « flux de sang » s’appelle. Sept ans l’avoit porté la damoyselle,
208
– 177. Si fust. – 179. de povrez. – 184. par son pl. – 186. se departi. – 187. Droit aux prouvoires. – 191. a pr. escripre. – 194. grant et greigneur est la glosa. – 195. Vers omis par le copiste. – 203. qu’il y ot p. – 207. flour de sang.
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Mais delivree Fut de ce mal quant Jhesus l’eut signee, Du tout en tout guerie et sanee. D’ores en avant – ne vous en fais cellee –
212
Que pour moustrer L’amour tresgrant qu’Il leur vouloit porter, Pour en apprendre et mieulx endoctriner, S’est Il voulu en leur maison logier;
216
Mais moult grant mal Vint a leur frere qui gouvernoit l’ostal. Bon chevalier et preudons et loyal Avoit esté et sans faire nul mal.
220
La mort le prist, Dont chascune des seurs grant deuil en fit, Mais Jhesucrist vint et si leur a dit : « Je vous commande de par le Saint Esperit
105 r° 224
Que vous laissez Ceste douleur et plus vous ne plourez, Mais en la tombe ou il est me menez, Car je vueil bien que certaines soiez
228
Qu’il revivra. » Et sainte Marthe maintenant dit Luy a : « Mon tresdoulx Sire, je croy bien qu’il put ja, Car il a bien quatre jours qu’il est la,
232
Mais se tu fusses Esté ceans, tousjours gardé l’eüsses Et a ce mal tuer laissé ne l’eusses; Sain et guery rendu le nous eüsses. »
236
212. La forme ores, identique dans B, n’implique pas que la seconde syllabe de ce mot compte dans la mesure du vers. – 224. Le vers est régulier à condition d’admettre qu’esperit soit bisyllabique. – 232. Car il y a bien (vers hypermètre). Correction d’après B. – 233. Mais se tu f. esté ceans, deux derniers mots tracés. 210. seignee. – 211. Du tout garie et s. – 219. Bon ch. estoit et pr. – 220. Avoit esté sans f. nul mal fel. – 224. de par saint esperit. – 227. a la t. – 231. Moult tr. sire je croy que il put ja. – 232. Car il a bien. – 235. Et a la mort laissier tuer ne l’eusses, mort ajouté au-dessus de la ligne. – 236. Sain et gari tu r.
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Et maintenant, Jhesucrist leur a dit tout en plourant, Car de leur dueil Luy print pitié moult grant : « Ressusciter le fault certainement.
240
– Je le say bien », Fit sainte Marthe qui moult savoit de bien, « Et de cela ne doubte je de rien Qu’au jugement ressuscitera bien.
244
– Ne croys tu don Que je suis vie et resurrection, Verité, paix [et] vray Dieu et [vif hom] ? Je vueil savoir se tu le crois ou non. »
105 v° 248
Et maintenant Dist sainte Marthe : « Je croy bien fermement Que tu es Crist, [filz] de Dieu tout puissant Qui est venu pour noustre saulvement. »
252
Et lors Jhesus S’en est tout droit au monument venus, La pierre fist ouster qu’estoit dessus, Si luy a dit : « Ladre, lieve toy sus ! »
256
Et orendroit C’est il levé davant Jhesus tout droit; Mes de ce[cy] lesserons orendroit, Et parlerons des chouses que faisoit
260
La Magdalaine, Coment porta pour Jhesucrist grant paine, Comment lessa toute chouse mondaine, Comment se tint tousjours la plus prochaine
264
244. Que au jug. ress. il bien (vers hypermètre). Correction d’après B (voir la variante au v. 243). – 247. paix, vray dieu et vivon. Leçon manifestement altérée. B ne fournit qu’une ébauche pour la correction susceptible de convenir à la fin du vers (graphie du dernier mot conforme à la scripta de P). – 251. tu est Cr. fist de dieu. Correction d’après B (graphies conformes à la scripta de P). – 252. Qui est venu pour n. s. Et lors Jhesus, tracé. – 255. qui estoit d. Correction d’après B. – 259. Mes de ce (vers hypomètre). Correction d’après B (graphie conforme à la scripta de P). – 264. se tint tous tousjours, tous tracé. 238. leur a dit en pl. – 243 - 244. Q’au jugement ressuscitera bien / Lor dist Jhesus : Et ne crois tu pas bien. – 246. Que suis vie. – 247. pais et vray dieu et homs. – 250. je croy certainement. – 251. tu es Cr. filz de dieu. – 252. Vers omis par le scribe. – 254. S’en n’est. – 255. qu’estoit d. – 257. Si luy a dit : Leve toy dessus. Vers interverti avec le suivant. – 258. Il s’est levé devant Jhesucrit. – 259. Mais de cecy. – 260. Et] omis par le copiste.
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De Noustre Sire. Quant Il fut prins et mené au martire, Elle ouyt tout ce que on luy va dire Et sy sceut bien puis aprés le redire
268
Quant qu’elle vyt, Quar oncques point de rien ne se esbaÿt, Mes les appoustres s’en sont tretouz fouyz; De grant paours trembloit le plus hardis.
272
Pour ce Jhesu Luy ha apprés [bon] guerredon rendu : Le jour de Pasques, quant ressuscité fut, A Magdalaine c’est premier apparu –
106 r° 276
Savez comment ? Elle souffroit grant paine et grant torment Et le sepulcre revisetoit souvent Matin [y] fut alle[e] vray[e]ment.
280
Si va trouver Sur le sepulcre – et saichez sans doubter – Saint Gabriel qui luy va [a]nuncier Que Jhesucrist qu’elle aloit serchier
284
N’estoit point la, Quar Il estoit ressuscité desja. La Magdalaine tantoust s’agenoilla Devant l’ange, doulcement luy pria
288
De luy moustrer Comment elle se devoit gouverner Et en quel part [doit] son seigneur trouver, Quar en son cueur ne povoit desirer
292
274. Luy ha apprés guerredon r. (vers hypomètre). Correction d’après B (dans cette leçon cependant, le déficit métrique de même que la coupe peu satisfaisante entre les deux hémistiches plaident pour le maintien du premier dans P et de la forme guerredon dans le second, au lieu de la variante tres bon guerdon). – 280. M. et fut allé vraye allé vrayment, allé vraye tracé. Cette leçon, déficiente au point de vue métrique, n’est guère satisfaisante. Correction d’après B. – 283. nuncier (vers hypomètre). Correction d’après B. – 291. en quel part pouroit (vers hypermètre). Correction d’après B. 266. a m. – 267. tout quanque on luy va dire. – 268. puis aprés tout r. – 269. Quanque elle vit. – 270. ne s’esbahi. – 274. Luy en a tres bon guerdon r. – 278. grief tourm. – 279. visitoit moult s. – 280. M. y fut alee vrayement. – 281. S’ala tr. – 283. anuncer. – 284. que elle aloit cerchier. – 285. N’estoit plus la. – 291. en quelle par doit. – 292. ne] omis par le scribe.
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sources antérieures à jacques de voragine
Nulle rien tant Comme de veoir son maistre par qui tant Avoit plouré et souppiré souvent; Mes Jhesucrist entra tout bellement
296
En cest vergier. La Magdalaine Le print a regarder Si se pensa que fust le jard[ini]er, Tout en present Lui print a demander
300
Si il savoit Nulles nouvelles de ce qu’elle queroit, De ce seigneur qu’ensevely avoit, [Dans] le sepulcre qui estoit la endroit.
106 v° 304
Lors lui parla Son bon maistre et la reconforta En luy disant : « Magdalaine, vien cza ! » Et maintenant elle s’en courut la,
308
Et bien sachez Qu’elle vouloit aller baiser ses piés, Mes Jhesucrist c’est arriere tirés, Si luy a dit : « Ne vueill estre touchés
312
Quant a present, Mes dresse toy en piés hardi[e]ment; Si t’en [iras] aux appoustres courant Et leur diras [la] maniere comment
316
Je t’ay trouvee Et se leur dy que droit en Galilee S’en viengnent touz faire leur assemblee. » Et maintenant s’en part et l’a laissee
320
297. En ce vergier cest vergier, ce vergier exponctué et tracé. – 299. jardonner (forme douteuse). – 304. Dont le sep. Correction d’après B (Dedens, qui entraîne un excédent métrique, doit cependant être remplacé par une forme monosyllabique de signification analogue). – 314. hardiment (vers hypomètre). Correction d’après B. – 315. Si t’en va (vers hypomètre). Correction d’après B. – 316. Et leur d. man. c. (vers hypomètre). Intervention de nature conjecturale. 294. Comment. – 299. que fut le jardinier. – 300. Dont en pr. – 303. qu’enseveli estoit. – 304. Dedens le sep. – 309. Mais bien sachiés. – 314. hardiement. – 315. Si t’en iras aux apostres comment. – 316. Vers omis par le copiste.
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En grant plaisir, Car elle voit acomplir son desir. A son aller ne mist pas grant laisir Qu’aler vouloit son message fournir. Courant s’en va Aux appoustres et si les salua, Et [si] leur dist : « Mes freres, venez cza ! » Et maintenant elle leur raconta
257
324
107 r°
Comment Jhesus Son bon maistre luy estoit apparuz En la maniere qu’avez ouy la sus, Quar a present n’en parlerons ja plus.
332
Puis demoura La Magdalaine en ce pays de la Jucques a tant que Dieu transmis leur ha Le Sainct [Esperit] qui les reconforta
336
En pacience. Des Escriptures leur ouvrit la santance, De touz langaiges leur a donné loquence Et auxi bien leur a donné science
340
De [bien] preschier; Mes les juiffs prindrent touz a crier : « Nous n’avons cure de oÿr ja plus parler De Jhesucrist, si vous en fault taisier. »
344
Et maintenant Ont il happé sainct Estienne a tant, Lapidé l’ont – chascun sceit bien comment. C’est le premier qui ha souffert tourment
348
327. Et leur dist (vers hypomètre). Correction d’après B. – 336. Le saint sainct qui les reconforta, saint peut-être tracé à l’encre brune. Correction d’après B (pour la forme du mot esperit, cf. v. 224). – 341. Dans trois des vers où le verbe preschier est employé (ici et aux vv. 354 et 418), la métrique semble imposer un thème bisyllabique. Toutefois, dans cinq autres cas (vv. 430, 600, 800, 872 et 1031), il est traité comme un monosyllabe. Nous préférons donc nous abstenir ici d’une intervention. – 342. Vers hypomètre dans les deux manuscrits (à moins de faire compter le mot juiffs pour deux syllabes, ce qui paraît douteux). – 346. Le h de happé a été ajouté à l’encre rouge. 322. elle vit. – 323. A s’en aler. – 327. Et si leur dit. – 331. qu’avés oÿ dessus. – 332. n’en pal. nous plus. – 335. tramis. – 336. Le s. esperit qui les rec. – 339. d. science. – 340. Vers omis par le scribe. – 343. d’oÿr. – 344. nous en f. – 346. Ilz ont hapé saint Est. (a tant omis).
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Pour Noustre Sire; C’est le premier qui a souffert martire. Et maintenant, saint Pierre print a dire : « En verité, il nous en convient fuyre. Or en alons Par le monde et si prescherons La foy de Crist avant que nous mourons. Si nous partons en pluseurs regions
352
107 v° 356
Et en chemin Nous metons tous demain au [beau] matin. » Mes sainct Pierre dist a saint Maximin : « Or vien avant », dit il, « mon beau voisin.
360
Tu garderas Cestes gens [cy] le mieulx que tu pourras. Le Ladre et Marthe avecques toy avras Et Magdalaine, qui moult chiere tiendras,
364
Quar tu sceis bien Que noustre maistre leur vouloit grant bien. Pour ce te pry que tu la gardes bien, Sa voulenté feras sur toute rien,
368
Quar je t’en pri Que tu lui soyes leal et bon amy, Quar tu sceis bien qu’elle [l’a] desservi. » Saint Maximin maintenant respondit :
372
« Je le feray, En verité, le myeulx que je pourray; A mon povoir tous jour la serviray, De tresbon cueur son plaisir [je] feray. »
376
350. qui a s. ma martire, ma tracé. – 354. Voir la note au v. 341. – 355. La foy de Jhesucrist. Même leçon, hypermètre, dans les deux manuscrits. Intervention de nature conjecturale (voir toutefois les vv. 417 et 847). – 358. tous demain au m. (vers hypomètre). Correction d’après B (graphie conforme à la scripta de P). – 362. C. gens le m. (vers hypomètre). Correction d’après B (graphie conforme à la scripta de P). – 371. qu’elle dess. (vers hypomètre). Correction d’après B. – 375. A mon p. toust tousjour la s., toust tracé (lecture conjecturale). – 376. son pl. f. (vers hypomètre). Dernier mot précédé d’une suite de caractères tracés et illisibles. Correction d’après B.
352. il nous c. fuire. – 358. – tous devant au biau m. – 359. Vers omis par le copiste. – 360. fait il. – 362. C. gens cy le m. – 363. avec toy. – 366. luy v. moult grant bien. – 370. Que luy soies loyal. – 371. qu’elle l’a dess. – 376. son pl. je f.
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Et maintenant, Saint Maximin a dit courtoisement : « Magdalaine, il me seroit semblant, Selon mon sens et mon advisement Deussions aller Jucques au port a rive de la mer Et si trouvons vesseau en quoy monter. La pourons nous mieulx nos vies saulver
259
380
108 r° 384
Que aultre part. » La Magdalaine respont : « Si Dieu me gart, En ceste chouse avez moult bon regart; Myeulx nous vauldroit y aller toust que tart. »
388
Or sont venus A la marine et si sont montez sus En ung vesseau tout vieulx et [de]rompus. Qui les veoit les tenoit pour perdus,
392
Quar sans doubter, Sans point de voille ont passee la mer – Grant mervoille est a ouyr compter. Droit a Marseille sont venuz ariver.
396
Quant il [y] furent Arrivés la, toute celle nuyt jeurent En ung porche, et point d’aultre oustel n’eurent. En oroison toute celle nuyt furent,
400
Quar a manger Ne leur avoit nully voulu donner Ne point d’oustel pour leurs corps herberger, Mais d’oraisons les convint saouler;
404
391. et rompus. (vers hypomètre). Correction d’après B. – 397. Quant il f. (vers hypomètre). Correction d’après B. 379. il m’est en mon samblant. – 382. au port et rive. – 383. sur quoy m. – 388. Mieulx nous v. en aler. – 389. Or sont ilz tous a la marine venus. – 390. Et tantost s’en sont montez sus. – 391. et desrompu. – 394. Sans point de vele si ont prinse la mer. – 395. est que de l’oÿr c. – 397. Quant il y f. – 399. et] car. – 400. En oroisons. – 402. Ne leur avoit volu nulluy d. – 403. leur c. – 404. a s.
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Mais au davant De ce porche avoit ung temple grant Que le peuple acoustumeement Venoit ourer une ydolle [d’argent] Qu’il y avoit. Au lendemain s’en est venu [tout] droyt Tout le peuple, ainxin comme souloit, Sacrifier au dieu qui la estoit.
408
108 v° 412
Lors se leva La Magadalaine et saluez les ha Courtoisement et les amonesta. En son sermon tant racompté leur ha
416
La foy de Crist, Et en preschant quant qu’Il fist leur dist, Comment nasquit, comment pour nous mort prist Et tout les aultres miracles qu’Il fist.
420
Si l’escoutoient Moult voulentiers et si se mervoilloient De la tresgrant beaulté que en elle veoyent; Quar oncques si sage femme veu n’avoyent.
424
Le jour aprés S’en est venu – bien vieulx que le sachez – Le roy Marcille et sa femme aprés En ce temp[le] sacriffier ses dieux,
428
Et la endroit La Magdalaine au peuple si preschoit. Le roy la vit, si s’en ala tout droit Pour escouter tout quant qu’elle disoit,
432
408. V. aourer une yd. aornee grandement. Vers hypermètre, même compte tenu de la possibilité que le thème d’aourer et d’aornee soit monosyllabique, en dépit de leur graphie. Correction d’après B pour le second hémistiche. – 409. Qu’il luy avoit. Correction d’après B. – 410. s’en est venu droyt (vers hypomètre). Correction d’après B. – 418. Voir la note au v. 341. – 428. En ce temps. Correction d’après B. 408. V. adourer une ydole d’argent. – 409. Qu’il y avoit. – 410. A l. s’en n’est venu tout droit. – 411. c. il s. – 412. qu’il la estoit. – 416. En son s. raconté si leur a. – 417. de Jhesucrist. – 418. Et en pr. toute sa vie leur dit. – 420. tous (...) que il fist. – 422. s’esmerveilloient. – 423. De la grant biauté. – 428. En ce temple.
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[Et] grant plaisir Prenoit chescun a son sermon ouyr. Lors dist le roy : « J’ay tresgrant desir A savoir mon que sont venuz querir Cestes gens cy, Quar oncques mes [t]elles gens [je] ne vy, Ne nulle femme si bien parler n’oÿ; Mes d’une chouse suys iré contre luy,
261
436
109 r° 440
Car elle dit En son sermon sans point de contredit [Que] elle tient touz noz dieux en despit, Dont je voy [bien] que de noustre prouffit
444
Petit luy chault, Mais son parler, sachés que rien ne vault Puis qu’elle met touz nos dieux en deffault; Mes touteffois, dorenavant [il] fault
448
Qu’elle se tiengne De son parler et au temple ne viengne. » Lors dist le roy : « Lessons ceste bargiergne. Alons nous en, qui vouldra venir vienne. »
452
Alez s’en sont En leur oustel ou tresbien aisé sont, Mes d’une chouse en tre[s]grant desir sont D’avoir enffant, que oncques eu n’en ont;
456
Mais celle nuyt, Quant ilz se furent bien endormy [tretuit], A la roÿne en dorment apparut La Magdalaine au plus fort de la nuyt
460
433. En grant pl. Correction d’après B. – 435. Même vers, hypomètre, dans les deux manuscrits. – 437. Cestes gens cy, quar oncques mes. Correction d’après B. – 438. Delles gens ne vy. Correction d’après B. – 443. Quar elle tient. Correction d’après B. – 444. Dont je voy que (vers hypomètre). Correction d’après B. – 448. dor. f. (vers hypomètre). Correction d’après B. – 455. entregrant d. sont (la préposition est accolée à ce qui la suit). – 458. tretouz bien end. La rime plaide en faveur de l’ordre adopté dans B (tretuit ne se rencontre pas par ailleurs, mais dans ce type de formes, le scribe omet plus souvent le s préconsonantique qu’il ne l’emploie). 433. Et grant pl. – 437. Ces gens ycy. – 438. Car onques mais telles gens je ne vis. – 443. Que elle tient. – 444. Dont je voy bien que. – 447. Mettant nos dieux tresque tous en deffault. – 448. doresenavant il f. – 455. Vers omis par le copiste. – 456. qu’onques eü. – 458. bien endormi trestuit.
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sources antérieures à jacques de voragine
En luy disant : « Pour quoy n’as tu pitié aulcunement Quant tu nous vois aller de froit tremblant, Mourir de fain et de mesaise grant ?
109 v° 464
Grant peché fas, Mais touteffoiz tu t’en repentiras; De noustre Dieu bonne [paie en] avras, Ne te vauldront touz les biens que tu as.
468
Si bien veulx faire, A ton seigneur pouras cecy retraire Et prier luy que [il] nous veul[le] faire Donner oustel ou nous puissons retraire. »
472
Si s’en ala La Magdalaine et puys ne luy parla; Mes bien sachés que la dame n’osa Oncques parler ung seul mot de cela,
476
Quar grant paour Avoit de faire couroucer son seignour. Mes non pourtant, en celuy mesme jour Envoya elle par ung sien serviteur
480
Resconsement De ses viandes et moult couvertement, Quar ne l’ousoit faire apertement. Paour avoit de la mauvaise gent
484
De la cité. Au soir aprés, quant chescun fut couchié Ainsi qu’elle avoit acoustumé, La Magdalaine arrier luy a parlé
110 r° 488
467. De n. sire dieu bonne avras. Vers à l’évidence corrompu. Correction d’après B. – 471. que se ne nous veult f. Correction d’après B. – 482. et m. re couv., re tracé. – 483. Vers hypomètre, à moins d’admettre un hiatus dans le second hémistiche. La césure est meilleure que dans B, qui présente d’ailleurs aussi une difficulté métrique et n’offre aucune prise satisfaitante pour une intervention. – 488. arriere luy a p. Même vers, hypermètre, dans les deux manuscrits. 467. De nostre dieu bonne paie en avras. – 469. veul. – 470. Au s. – 471. que il nous veulle f. – 474. et plus ne luy p. – 481. Repaistement. – 483. – Car elle ne l’osoit. – 486. quant il furent c. – 487. Ainsi comme avoit ac.
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En la maniere Que luy avoit parlé la nuyt premiere Et de rechief luy encharja arriere Que a son seigneur deust compter et dire
492
La vision Qu’avoit veü deux foiz en la maison. Yre[e]ment leur a dit sa raison, Puys s’en saillit hors de celle maison,
496
Mes la roÿne De ceste chouse se tenoit pour mesquine. Paour luy fist couroux et [a]taÿne Que son seigneur ne l’en print en haÿne.
500
Ne luy ousa Riens decouvrir de celle chouse la. La Magdalaine arriere s’en tourna, Touz deux ensemble dorment trouvez les ha
504
Et si leur dit : « Te dors tu hores, ennemy Jhesucrist, Et le serpent qui avecques toy gist, Que oncques pour moy nulle chouse fist ? »
508
Le roy s’esveille, De celle chose eut moult grant merveille, Quar il n’avoit oncques veu sa pareille. La Magdalaine lui sembloit si vermoille Comme charbon Qui deüst ardre toute la maison. Si lui a dit : « Tirant, pasme et felon, En toy n’a riens que mal et peché non,
110 v°
516
492. La rime montre que ce vers a subi une altération. La variante de B lui correspond en apparence et ne fournit donc aucun indice utile (on pourrait toutefois songer à une correction du type : deust c. et retraire). – 495. Yrement (vers hypomètre). Correction d’après B. – 499. couroux et tayne. La variante de B indique la piste à suivre pour le dernier mot. – 509. s’esveille apparemment bissé et tracé. 492. Qu’a son seg[...] conter et di[...], ajouté en marge sur deux lignes et partiellement rogné. – 495. Ireement luy a dit. – 496. hors d’icelle m. – 499. Pour luy fut courous et atyne. – 500. Que son s. si l’en prist. – 503. arrier s’en t. la. – 506. enn. de Jh., préposition de ajoutée au-dessus de la ligne. – 507. avec toy. – 508. C’onques pour moy nulle choze ne fist. – 510. De ceste chose avoit mont grant m. – 514. tretoute la m. – 515. pame f. – 516. se mal pechié non.
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sources antérieures à jacques de voragine
Quar tu ne fas Conte des pouvres de Dieu que tu as En ton poair, et si ne t’en chault pas. Moult dure paine encore en porteras,
520
Je te dy bien, Quar tu as tropt tardé de faire bien Aux gens qui cy sont venuz pour ton bien. » Lors s’en partit et ne leur dist plus rien,
524
Et maintenant, La royne se tourna soudainement Devers le roy et soupp[ir]a fo[r]ment, Si lui a dit : « Je vous pry chier[e]ment
528
Que vous [diés] Si en ceste chambre chouse veu avez Dont voustre cueur soit [si] espouantés. » « Certes », fait il, « bien vueil que vous saichés
532
Que j’ay veü En ceste chambre une flamme de feu Dont je cuydoie estre ars aussi perdu, Et celle femme que vous avés veü
536
Qui demouroit Ens au meillieu de la flamme qu’ardoit, Yreement sa raison me disoit : ‹ Cruel tirant › et ‹ pasme › me clamoit,
111 r° 540
520. encore est précédé d’un mot illisible, exponctué et tracé. – 521. Je dy te dy bien, premier dy tracé. – 526. Le thème de royne n’est jamais monosyllabique sauf ici et au v. 626, qui ne confirme pas vraiment l’existence d’un flottement dans ce mot. Ici, le scribe a peut-être ressenti soudement comme un archaïsme qu’il a préféré éviter, ou il a recouru au synonyme qu’il emploie sans se rendre compte de l’excédent métrique qu’il entraînait ? – 527. et souppa fomment. Correction d’après B. – 528. chierment (vers hypomètre). Correction d’après B. – 529. Que vous me dictes. Correction pour la rime d’après B. – 531. Dont v. cueur soit esp. (vers hypomètre). Correction inspirée par la variante de B. – 535. Vers peu satisfaisant, dont le décompte implique une césure après la sixième syllabe. B n’indique toutefois pas dans quelle autre direction aller. – 538. de la fl. qui ardoit (vers hypermètre). Correction d’après B. 518. que tu en as. – 519. Et le povoir. – 522. Car tu te tarde trop a eux f. bien. – 526. soudement. – 527. et souspira forment. – 528. je vous prie chierement. – 529. Que me diés. – 530. En ceste ch. – 531. – Dont vostre cuer est si fort espoantés. – 352. veul bien. – 533. Que j’ay en ceste chambre cy veü. – 534. Vers omis par le scribe. – 535. estre ars et p. – 538. de la flame qu’ardoit.
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Et ensement Vous a elle appellee ‹ serpent ›, Quar ne m’avés par son commandement Dit ce qu’elle vous a[voit] dit souvent;
544
Mais je ne scay Que nous devons faire, a dire vray. » Lors dist la damme : « Et je le vous diray : Il nous vault [mieulx], a vous dire le vray,
548
Que l’en leur face Donner ostel qu’avoir la malle grace De son seigneur, quar il nous tient en chasse. Il nous batr[a] sans baston et sans masse,
552
Quar le povoir En a il bien, je le vous faiz savoir, Et si vueil bien que vous sachez de veoir Quar il a deux [nuys] qu’elle me vint veoir,
556
Si m’ala dire Comment elle n’avoit riens de quo[y] vivre Et m’encharja que le vous deusse dire, Mes grant paour me faisoit l’escondire,
560
Et le couroux; Pour ce n’en ay ousé parler a vous. » Lors dist le roy : « Et dont que ferons nous ? » Dist la roÿne : « Que nous nous mectons tous
111 v° 564
544. Dit ce qu’elle vous a dit s. (vers hypomètre). Correction d’après B. – 548. mieulx omis par le copiste. Correction d’après B (graphie conforme à la scripta de P). – 552. batre. Correction d’après B. – 554. assavoir (vers hypermètre). Correction d’après B. – 556. il a deux moys. Le dernier mot résulte peut-être d’une mauvaise lecture de noys, variante dialectale du mot transmis par B, sur lequel nous prenons appui (graphie conforme à la scripta de P). – 558. de quo v. Correction d’après B. – 559. que je le vous d. dire (vers hypermètre). Correction d’après B. 542. Elle vous a. – 543. ne m’avés pas fait son comm. – 544. De ce qu’elle vous avoit dit. – 548. Il nous v. mieulx. – 549. Que on leur faice. – 551. car il nous prent et chace. – 552. batra. – 554. je le vous fais bien savoir. – 556. Qu’il a deux nuys. – 558. de quoy v. – 559. Et me charga que le vous d. dire. – 560. Mais trop grant p.
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A son vouloir, Que a mon advis, son dieu a grant [povoir], Mes une chouse lui ferons a savoir : Que c’elle me peult faire concevoir
568
Par tel couvant Que je puisse de vous avoir enffant, Aprés ferons tout son commendement. » Le roy lui a respondu maintenant :
572
« Nous le ferons. Au bien matin, vous et moy en yrons, Noustre vouloir tout luy descouvrerons; De ceste chouse moult fort la pri[e]rons. »
576
Ainsi fut fait. Au lendemain s’en sont allés tout droit La ou ilz sceurent que Magdalaine estoit. Si lui ont dit et compté tout leur fait
580
En luy disant : « Magdalaine, je vous pry chierement Que vous priés [au] dieu qui est si grant Qu’Il me doint cest an avoir enffant,
584
Car si je l’ay, Certenement baptiser me feray. » La Magdalaine respont : « Sachés de vray Qu’en ceste chouse tout mon povoir feray, Et mon Seigneur En requeray et de nuyt et de jour, Qui m’a moustré tousjours [si] grant amour Que je panse qu’Il orra ma clamour;
112 r° 588
592
566. La forme paur qui occupe la fin de ce vers est insolite. Elle ne correspond en tout cas pas à l’une de celles que le copiste emploie pour le substantif « pouvoir », qui est le terme attendu ici (cf. B; « peur » ne ferait guère de sens et le scribe n’utilise d’ailleurs pas une telle graphie pour ce mot). – 576. prirons (vers hypomètre). Correction d’après B. – 583. Que vous priés voustre dieu (...) (vers hypermètre). Correction d’après B. – 591. t. grant am. (vers hypomètre). Correction d’après B. 566. Qu’a mon advis son dieu a grant povoir. – 567. luy f. assavoir. – 575. tout luy desclererons. – 576. prierons. – 578. A l’endemaint. – 583. Que vous priés au dieu (...). – 584. Que il me doint. – 588. Que ceste choze a mon p. f. – 590. En requerray de nuyt. – 591. t. si grant am.
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Et de cecy Ne soyés ja en esmoy ne en sousy Qu’avant qu’il soit passé an et demy Touz deux arez voz desirs acomply
596
Entierement. » Le roy se part d’ilecques tout en present, En leur palais s’en vont tout bellement. La Magdalaine demoura en preschant,
600
Mes bien saichés Qu’avant qu’ilz fussent troys moys aprés, La roÿ[ne] conceupt, bien le saichés, Et fut grosse, dont le roy fu liés.
604
En la cité En ont tretouz grant joye demené. Adont le roy a son fait ordonné De tout en tout [et] ha determiné
608
D’aler veoir La saincte place ou Jhesucrist pour voir Pourta pour nous – je vous fays a savoir – Mainte griefve paine pour nous faire avoir
112 v°
Durable vie; Mes touteffois ce roy avoit envie D’aler veoir la verité complie, Quar aultrement il ne se vouloit mye
616
Cristiener Jucques atant qu’il eust veü au cler Toutes les chouses qu’avoit ouy compter A Magdalaine pour lui endoctriner.
620
602. Vers hypomètre. B, également déficient, n’indique pas de quelle façon intervenir. – 603. La roy c. Correction d’après B. – 604. Même vers, hypomètre, dans les deux manuscrits (à moins que liés ne soit bisyllabique, ce qui paraît douteux). – 608. De tout en tout ha det. (vers hypomètre). Correction d’après B. 594. n’en soussi. – 595. an ne d. – 596. vo souhet. – 598. d’ileuc en pr. – 602. Qu’avant trois mois fussent passés. – 603. La roÿne conceu. – 605. Et en la cité. – 606. Si ont grant joye dem. – 608. et a det. – 611. je le vous fais savoir. – 612. M. grief p.
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sources antérieures à jacques de voragine
Et pour cela, Tout bellement son fait appareilla; En une belle nave qui estoit la Vouloit monter pour s’en aler dela,
624
Et maintenant, La royne vint vers luy hastivement. « Sire », fist elle, « je vous pry chierement Que m’en menez avec vous, quar aultrement,
628
Brief je mouray. » Le roy respont : « Certes, rien n’en feray, Quar tous mes biens en garde vous leray, Quar le voiage est long, a dire vray,
632
Et si vous dis, Que en la mer ha de trop grant perilz; Et vous estes grosse, ce m’est advis, Si arriez trop engoisses et ennuyt. »
636
Lors c’est lessee Cheoir comme femme desconfortee. Le roy la print et si l’a relevee, Si luy [a] dit : « Ne soiés courossee,
113 r° 640
Quar vous yrés Avecques moy, puys que alle[r] y voulés; Mes je panse que avant que vous soiés En my chemin, vous en repentirez. »
644
Si font venir La Magdalaine et luy vont requerir Qu’elle deüst la cité maintenir Et de leurs biens faire tout son plaisir.
648
626. Cette leçon n’est viable qu’à condition de ne pas pratiquer la diérèse dans le mot royne, ce qui s’oppose aux autres occurrences du mot dans le texte (sauf au v. 526, pour lequel B est à nouveau préférable). – 627. fist f elle, f tracé. – 628. Vers hypermètre. B ne permet pas de le rétablir (la suppression du pronom personnel ou de la conjonction qui introduit la causale, dans le second hémistiche, aboutirait à des résultats peu naturels et contradictoires par rapport à la variante de cet exemplaire). – 640. Si luy dist (vers hypomètre). Correction d’après B. – 642. puys que allés. Correction d’après B. 624. s’en aler la. – 626. La roÿne s’en vint hat. – 628. Que me menés avec vous briefment. – 629. Car autrement brief je morray. – 631. Car mes biens. – 634. Car en la mer. – 636. Vers omis par le copiste. – 640. Si luy a dit. – 642. Avec moy puis qu’aler. – 643. qu’avant que y soiés. – 646. A Magdalene. – 647. Que elle deust.
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Lors dist le roy, Comme saige [et] vaillant et courtoys : « Magdalaine, saichés que je vous fays Dame et maistresse et en dictz et en fays
652
De la cité Et de mon corps et de tout quant que j’é. » La Magdalaine l’en a fort mercié, Si leur a dit : « Ne soyés esmayé,
656
Quar je feray Voz besoingnes le myeulx que [je] pouray, Et le seignal Jhesucrist vous donray : Sur voz espaules la saincte croiz feray
660
A celle fin Que le deable avec son faulx engin Ne vous empesche de rien voustre chemin. » Et maintenant a dit le pelerin
113 v°
Tout bellement : « Magdalaine, a vous me recomment; Gouvernez bien tretoute ceste gent. » En leur nave entrerent maintenant
668
A moult grant jouye. Tout en present se sont mys en la voye; Bon vent eurent, myeulx en firent leur voye, Mes courte fut pour certain celle joye,
672
Quar vent contraire Ce fut levé, qui ne leur lessa faire Leur droit chemin, ains les tourna arriere; Si ne savoient les mariniers que faire,
676
650. C. saige v. (vers hypomètre). B n’offre pas une leçon très satisfaisante. Notre intervention ne trouve donc pas un appui solide sur cet exemplaire. – 658. que p. (vers hypomètre). Correction d’après B. – 668. En leurs nave. 650. C. saiges et volentiers courtois. – 652. m. en dis et en tous faiz. – 658. que je pourray. – 662. avec] a tout. – 668. En leur nave. – 670. a la voye. – 671. Vers omis par le scribe. – 674. leur] les. – 675. mais les tournoit arr.
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Et si saichés Que la dame avoit du mal assez, Quar elle estoit grosse comme savez, [Et] si la print [aigre mal] et maulvais
680
Pour le tourment Qui en la mer estoit tousjours si grant. La pouvre dame qui est grosse d’enffant Ne repousoit jour ne nuyt [tant ne quant],
684
Mais bien vous dy Que la dame faisant l’enffant mouri; Oncques [nul] homs si grant pitié n’ouy. Le roy, pour poy que de dueil ne fondy,
688
Quant il veoit Le pouvre enffant qui fut ney la endroit Et la mamelle a la mere queroit Qui estoit morte; si tresgrant dueil avoit
114 r° 692
Qu’en verité, Il en estoit du tout desconforté; Mes bien povés savoir en verité Que Jhesucrist lui a toust envoyé
696
Bon reconfort. Lors dist le roy : « Voez cy tresmaulvais sort ! La mere est morte et l’enffant nei est mort. » Lors sont venus les mariniers d’acort
700
Davant le roy. « Sire », font ilz, « vouz savez bien de vray Et cognoissés le peril et l’esmay, Et pour ce vous disons nous sans delay
704
680. Si la print mal aigre et maulvais (vers hypomètre). Correction d’après B pour le premier hémistiche. La rime, fautive, ne permet pas de tenir compte de cette variante pour le reste du vers, et l’existence d’un hiatus entre l’adjectif aigre et la conjonction qui l’articule au suivant dans P est peu probante. – 684. – jour ne nuyt aulcunement (vers hypermètre). La variante de B comporte elle aussi un excédent métrique que l’élimination de la négation qui introduit chaque paire (comme dans P, pour le premier couple de mots) permet de résorber. – 687. Oncques homs (vers hypomètre). Correction d’après B, graphie conforme à la scripta de P (voir en particulier le v. 764). 678. la dame si eut du mal. – 680. Et si la print maulvais mal et amer. – 683. qu’estoit gr. – 684. Ne repose ne jour ne nuyt ne tant ne quant. – 686. Que la femme faisoit l’enfant morir. – 687. Onques nulx homs si grant p. ne vit. – 688. Le roy que de deul ne fut aussi. – 690. qui estoit la endroit. – 694. Il estoit. – 695. Mais povez bien s. – 703. et l’ennoy. – 704. Et pour tant vous d. sans d.
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Que la roÿne, Puis que morte est [convient] par force fine Que nous getons son corps en la marine; Mes pour cela ne nous portés haÿne,
708
Car en la mer Avons veü tousjours acoustume[r] Que la tempeste ne se peult point cesser. » Et maintenant, le roy leur va prier
712
Courtoisement : « Seigneurs », fait il, « je vous pry chierement Que vous lessés le corps jucques atant Que nous puissons cognoistre clerement
716
Si elle est morte, Quar aultrement [vous] av[r]iez tropt grant tort, Quar l’angoisse et le grant desconfort Et le grant mal qu’elle ha souffert si fort
114 v° 720
Povez panser Qu’il la pouroit avoir faicte pasmer; Et pource la ne nous devons haster Si chaudement de la gecter en mer,
724
Mes lessons la Ung petit plus, si se repousera. Si elle est morte, si se refredira; Si elle est vive, si se recognoistra. »
728
Mais orendroit Ont regardé par davant eulx tout droit, Qu’a celle part une montaigne avoit Qu’assés pres d’eulx a leurs advis estoit.
732
706. Puis que m. est comment par f. fine. Correction d’après B. – 710. acoustumé. Correction d’après B, pour la rime. – 718. Quar aultr. aviez : vers hypomètre (la finale de cinquième personne -iés / -iez n’est jamais bisyllabique dans le texte). Correction d’après B. 706. Puys que m. convient par f. fine. – 707. Que gettons son c. – 710. acoustumer. – 711. ne peut jamais c. – 714. fist il je vous prie. – 716. certainement. – 718. Car autr. vous avriés en grant tort. (en ajouté au-dessus de la ligne par le copiste). – 722. Qui la pouvoit avoir fait p. – 723. Et pour ce ne nous d. ainsi hater. – 728. si se rec.] elle se revenra. – 730. Ont regardé devant. – 731. Et en celle part une m. y avoit.
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« Or entendés », Ce dist le roy, « de mon argent prenés Si largement comme vous en vouldrez, Mes que le corps de ma femme mectez
736
Honnestement En ceste ysle que nous est cy devant, Et si mectrons avecques lui l’enffant. » Les mariniers, sachés certenement,
740
Furent espris De couvoitise qu’en ses las les tient pris, Quar chescun ayme argent, a mon advis. Pource ont ilz plus toust la paine pris
744
Que ilz n’eüssent Si de l’argent ouy parler n’eüssent, Quar aultrement, nulle chouse qu’i deussent N’eussent ilz faicte si bien paiez ne feussent;
115 r° 748
Mes mise l’ont En la montagne qu’avés ouy amont. Quant ilz y furent, du bastel sailli sont, Toust et cour[ant] et du fin premier bont.
752
Si vont porter Le corps qu’i vouloient enterrer, Mes la terre ne se povoit caver, Quar elle estoit aussi dure que fer.
756
Pour ce la midrent Au pié d’un roc qui pres d’ilecques virent; Le pouvre enffant entre ses bras luy midrent Et d’un mantel moult riche le couvrirent,
760
751. saillir. Correction d’après B. – 752. La fin du troisième mot est illisible. Restitution de nature conjecturale (voir cependant le v. 89). – 754. Même vers, hypomètre, dans les deux manuscrits. 738. En celle isle que est ycy devant. – 739. avec luy. – 742. qu’en cecy les a prins. – 744. Pour tant ilz ont plus tost prins. – 746. oÿr p. ilz n’eussent. – 747. nulle (...)] quelle chose ilz deüssent. – 748. N’eüssent fait. – 751. Quant ilz la furrent du batel sally sont. – 752. Le corps de la royne et l’enfant prins ilz ont. – 753. Si le vont p. – 755. si ne se puet c. – 756. elle estoit dure comme le fer. – 757. Pour tant. – 758. Auprés d’un roc d’iluec que ilz v.
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Et maintenant, Le roy se print a gemir tendrement Et regretoit sa femme et son enffant. Oncques nul hom ne vit douleur si grant
764
Que celle estoit, Et bien saichés que souvent reprouchoit La Magdalaine qui exorté l’avoit D’aler en ce voiage ou il aloit.
768
« Helas ! », fait il, « Chetif, dolent, je suis mis en exil ! Je pers ma femme et ay perdu mon fil, Et mon corps est en si tresgrant peril,
115 v°
Que par grant dueil Me fault mourir du mal dont je me dueil; Mes touteffoiz, recommande[r] me vueil A Magdalaine et supplier lui vueil
776
Devotement Qu’elle vueille garder de mal l’enfant, L’ame [a] la mere mener a saulvement Et moy garder de plus d’empeschement. »
780
Lors se parti De sa femme, douloureux et pansif; Pour pou que de ire le cueur ne lui partit. Dedans sa nef plourant se recueillit.
784
Alez s’en sont Leur droit chemin, car moult bon temps en ont. En peu de temps, saichés que arrivez sont A tresbon port ou ilz descenduz sont.
788
762. se print g a gemir mourir tendr., g tracé. – 775. recommandés. Correction d’après B. – 779. L’ame de la mere. Même vers, hypermètre, dans les deux manuscrits. Correction d’après B qui procure une solution pertinente pour le premier hémistiche. 762. Le roy se laissa choir tendr. en plourant. – 763. En regretant sa f. et aussi son enfant. – 764. a nulz homs ne vis. – 767. qui encoragé l’avoit. – 768. D’aler au voyage qu’il aloit. – 771. J’ay perdu ma f. et autressi mon filz. – 772. E le mien c. est en tr. p. – 775. recommander. – 776. A la Magdalene recommander luy veul. – 779. Et l’arme a la mere m. a sauv. – 780. g. d’autre empech. – 782. De la f. – 783. que d’ire. – 784. s’est recueilly. – 786. car bon t. – 787. qu’arivez sont. – 788. ou ilz] au quel.
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sources antérieures à jacques de voragine
Si ont trouvé Sainct Pierre qui l’a bien reconforté, Maiz quant saint Pierre le vit si couroucé, Grant pitié eut, saichez en verité.
792
Si s’en ala Tout droit a eulx et si les salua De par Jhesus, et demandé leur ha Qu’ilz sont ny dont, ny qu’ilz vont querir la,
796
Quar bien veoit Pour le seignal de la croix qu’il portoit Que aucun disciple de Jhesucrist avoit Desja presché ou lieu dont il venoit;
116 r° 800
Mes son salu Luy ha le roy courtoisement rendu, Et aprés a son nom savoir voulu : « Or me dictes, si Dieu vous dont salu,
804
[Mon] beau preudons, Voustre droit nom par quoy vous appelle hom. – Sire », fait il, « Pierre est mon droit nom, Appoustre suis de Jhesucrist le bon,
808
Qui a grant tort Sus en la croix fut villainement mort Et en mourant nous delivra de mort, Et sur sa robbe fut getee la sort;
812
Mes je vous pry, [Et] humblement vous requier par mercy Que voustre nom me dictes sans nul sy Avant que vous ne moy partons d’icy. »
816
792. Grant p. en eut : vers hypermètre. Intervention de nature conjecturale en l’absence d’une leçon fiable dans B. – 805. Beau pr. (vers hypomètre). Correction d’après B. – 814. H. vous r. (vers hypomètre). Correction d’après B. 790. qui les a confortez. – 791. quant il voit qui sont tous couroucez. – 792. Grant joye en eust de les voir en v. – 796. Qui ilz sont ne dont ne que vont qu. la. – 798. Pour le signe (...) qui p. – 800. Ja preschié. – 803. Et en aprés son non. – 804. Or si me dittes. – 805. Mon biaulx pr. – 806. Le vostre non et comment vous appelon. – 807. Vers interverti avec le suivant. – 811. Et sus en mor. – 812. sus sa robe. – 814. Et vous r. h. par m. – 816. vous et moy.
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Lors dist le roy : « J’ay nom Marcille, de Marcille suys roy. La Magdalaine si m’envoye a toy Que tu m’aprengnes de Jhesucrist la foy. – Bien viengnés vous », Ce dit sainct Pierre, « et les aultres trestouz. » Le roy lui compte [motz a mot son fait tout], Ses avantures et ses domaiges tous,
275
820
116 v° 824
En la maniere Qu’avés ouy ou livre la derriere, Mes sainct Pierre luy dist a lye chiere : « La puissance Jhesus est si pleniere
828
Que Il peult bien Voustre grant mal tourner en greigneur bien, Mes soullement que vous [le] croyez bien. Voustre besoigne se portera moult bien,
832
Quar vray[e]ment, Voustre femme se dort certainement Et aussi bien [se] repouse l’enfant. » Le roy respont : « Dieu est bien si puissant
836
Qu’Il peult garder L’enffant de mort, ce sai ge bien tout cler, Et ma femme faire ressusciter. » Et lors sainct Pierre luy est alé moustrer,
840
A vous vray dire, Toutes les places ou Jhesus Noustre Sire Avoit porté [pour nous] paine et martire, Et mains miracles grans et beaulx lui va dire,
844
823. tout son fait motz a mot. Rime peu satisfaisante. Correction d’après B. – 828. La p. Jhesucrist (vers hypermètre). – 831. que vous cr. bien (vers hypomètre). Correction d’après B. – 833. vrayment (vers hypomètre). Correction d’après B. – 835. aussi bien rep. (vers hypomètre). Correction d’après B. Le scribe ajoute à la suite : Le roy est bien si puissant, respont dieu, tracé. – 842. ou Jhesucrist (vers hypermètre). Correction d’après B. – 843. Avoit p. p. et m. (vers hypomètre). Correction inspirée par la variante de B, elle aussi déficiente au point de vue métrique. 818. suis je roy. – 822. les autres aussi tous. – 823. mot mot son fait tout. – 824. Les aventures et les dommages. – 828. La p. de Dieu. – 830. Vostre greigneur mal en gr. bien. – 831. que vous le creés bien. Vers interverti avec le suivant. – 833. vrayement. – 835. aussi bien se repose. – 836. Si dist le roy dieu est il si p. – 838. ce (...)] le savés vous si cler. – 842. ou Jhesus. – 843. A p. paine pour nous et grant m. – 844. Et mont de ses mir. si luy va dire.
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sources antérieures à jacques de voragine
Tant que il ha Bien demouré deux ans de par de la. La foy de Crist, moult bien aprinse l’a, Quar sainct Pierre de bon cueur luy moustra.
117 r° 848
Or laisserons Le fait du roy et plus n’en parlerons, Quar de sa femme raconter vous voulons. Tresgrant merveilles vous en raconterons,
852
Quar vous savez Que mort[e] estoit comme ouy avés, Mes ung tresgrant miracle en orrés En ce livre, si bien y attendés,
856
Qu’en verité, La Magdalaine a norry et gardé Tousjours l’enffant et tresbien gouverné, Et la roÿne a conduit et mené
860
Soir et matin Par touz les lieux ou le bon pelerin Estoit allé [et] sainct Pierre aussi. Du premier jour jusques a la parfin,
864
Ne l’a laissee, Mes en ses maulx tousjours l’a confortee. Oncques roÿne qui fut de mere nee N’eust chambriere de telle renommee,
868
Quar elle estoit Avecques lui et partout la menoit, Et en l’isle son enffant aletoit, Et a Marseille au peuple si preschoit.
117 v°
854. mort. Correction d’après B. – 855. en oyrés orrés, oyrés exponctué et tracé. – 863. a s. P. Correction d’après B. 845. Tant qu’il y a. – 847. de Jhesucrist si bien aprise a. – 848. Quar] Et. – 852. vous en rac.] dire nous vous volons. – 854. Qu’elle estoit morte. – 856. En cest l. se bien y entendés. – 857. Car en ver. – 860. a] omis par le copiste. – 863. et saint P. – 864. Du jour pr. – 865. Ne laissee. – 870. Avec luy.
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Oncques n’ouy De mes oreilles ny de mes yeulx ne vey Ung miracle greigneur que cestuy cy, Quar en troys pars estoit, la Dieu mercy.
876
Dorenavant Retournerons au roy et a sa gent, Quar tourner fist sa nef tout en present; Si print congié de sainct Pierre atant,
880
Quar retourner S’en vouloit il – ce saichés bien tout cler – En son païs pour sa terre garder. Pour ce firent leurs voilles hault lever
884
A celle fin Que prinssent mieulx siroc, grec et marin, Quar ses trois vens viennent leur droit chemin. A tant se part du port le pelerin.
888
Si ont heü Bon vent et doulz, [tant] qu[e] ilz sont venu En poy de temps si pres qu’ilz ont veü La montaigne ou la roÿne fu.
892
Le roy pria Aux mariniers qui le portassent la. Quant il y fut, davant soy regarda Et vit l’enffant qui couroit sa et la
896
Et se jouoit [Aux petites pierres qu’il [la] trouvoit; Mais bien sachiés, quant le roy avis[oit], De grant paour s’en est fuy [tout droit],
900
874. ne vy vey, vy exponctué et tracé. – 890. Bon vent et d. qu’ilz sont venu (vers hypomètre). Correction d’après B. – 898 - 945. Lacune de 48 vers, sans doute due à la perte d’un feuillet. Restitution d’après B, interventions de nature conjecturale. – 898. B qu’il tr. (vers hypomètre). – 899. B que quant le roy avisa (?). Leçon déficiente au point de vue métrique et incompatible avec la rime. Celle-ci n’autorise pas une correction du type Mais bien s. quant avisa le roy. – 900. B De grant p. courant s’en est fuy (rime fautive). 875. que cest ycy. – 877. Mais doresenavant. – 880. a saint Pierre. – 882. S’en v. ce sachiés tout cler. – 884. Pour tant f. leur velle. – 886. Qui peussent m. – 888. Dont a tant se p. – 890. Bon vent et doux tant que ilz sont venus. – 891. si pres qu’ilz ont veü] que ilz ont veü.
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sources antérieures à jacques de voragine
Car onques mais N’avoit veü homme de mere nez, Pour tant s’est il soubz le mantel mucié. Le pelerin s’en est couru aprés
904
Hativement Pour adviser la maniere comment Povoit avoir sa vie cest enfant. Si le trouva la mamele tenant,
908
Qu’il aletoit Les mamelles dont sa vie avoit De la dame, que demouré avoit Morte deux ans et onques perdu n’avoit
912
Point de couleur, Ansois estoit d’aussi bonne oudeur Come s’elle eust esté vive tousjours. Onques miracle ne fut adont gregneur
916
De cestuy cy, Mais aussi tost que le pelerin si vit Cest miracle, mon fort se resjouyt. Mercy et graces a Jhesucrist rendit
920
De la bonté Que Il a[voit] a son enfant monstré, Et aussi bien, certes, a mercyé La Magdalene qui a pour luy prié.
924
Or dist le roy : « Magdalene, or sai ge bien et voy Que Jhesucrist est le plus puissant roy Qui onques fut ne sera ja, je croy.
928
Pour tant je pri Et requiers humblement par [ta] mercy A jointes mains, crians ‹ helas, emy ›, Qui te plaise a prier Dieu pour my
932
912. Vers hypermètre dans B (et pourrait être supprimé sans aucune difficulté ou remplacé par que (qu’onques)). – 915. Rime et métrique peu satisfaisantes dans B. – 916. B adont a été ajouté au-dessus de la ligne. – 918. Vers hypermètre dans B (on pourrait corriger ainsi : que le pel. vit). – 922. B Que il a a son enffant (vers hypomètre). – 930. B par m. (vers hypomètre). –
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De bon talent Que tout ainsi que as gardé l’enfant, Par sa vertu et par son povoir grant Pouroit Il bien, comme croy fermement,
936
Ressusciter Ceste femme, se tu Le veulx prier. Tres bien est heure que je la puis clamer [Et] avec moy je la pourray mener
940
En mon païs; Lors seront tous mes desirs acomplis. » Mais quant le roy eust ses sermons finis, Il regarda sa femme en my le vis,
944
Mais tant y a] Que la damme tendrement soupira Et puys aprés en estant se leva Ainsi comme si elle eust dormy la
118 r° 948
Se prynt a dire : « Loué soit Dieu, Jhesucrist, Noustre Sire ! » Le roy lui print tout a present a dire : « Vifz tu, m’amye, ou que veult cecy dire ?
952
– Ouy » dist elle, « Je suys vive, la mercy Dieu et celle Qui m’a conduit et mené avec elle Et m’a voulu soubz l’ombre de son ayelle
956
Faire umbrer, Et m’a voulu secourir et garder En touz mes maulx [et] bon confort donner, Et m’a voulu conduyre et mener
960
939. B la a été ajouté au-dessus de la ligne. – 940. B Elle avec moy. – 948. Ainsi comme si elle eust tousjours d. la (vers hypermètre). Correction sur le modèle de B. – 957. À moins d’admettre un hiatus entre ces deux infinitifs, il manque une syllabe dans ce vers. umbrer correspond peut-être ici à la forme ancienne aumbrer (pour le cas de figure inverse, voir le v. 408). – 959. et omis par le scribe. Correction d’après B. 947. aprés droite si se leva. – 948. Ainsi comme se elle eust dormir la. – 949. Et print. – 951. luy print tantost et prest a dire. – 952. ou (...)] çou que cecy v. dire. – 953. fist elle. – 956. s. umbre. – 959. et bon c. d. – 960. Si m’a v.
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sources antérieures à jacques de voragine
Tout le voiage Que vous fistes en cest pellerinaige, Et tout ainsi que sainct Pierre le saige Vous a par tout conduyt sans point d’oubtraige,
964
Tout aussi bien La Madalaine – que vous entendés bien – M’a tout moustré, que oncques n’y lessa rien A moy moustre[r] qui fust chouse de bien. »
968
Le roy partit De la montaigne, que plus n’y actendit, Si print sa femme et son enffant aussi. En la nave la mist avecques lui,
118 v° 972
Si raconta Aux mariniers ce grant miracle la, Dont chescun d’eulx le vray Dieu en loua. A tresgrant joye se partirent de la,
976
Si ont erré Par my la mer et si bien esploité, Quar moult bon vent avoint a leur gré, Tant que a Marceille sont arivés;
980
Mais [bien] saichés Que aussi toust qu’ilz furent arivés, Hastivement tout droit s’en sont allés A Magdalaine qui les avoit gardés
984
De tout peril. Le roy portoit entre ses braz son fil, Si print a dire comme saige et subtil : « [Je pry a Dieu le Pere et le Fil]
988
968. A moy moustrés. Correction d’après B. – 971. Une suite de lettres tracées et illisibles sépare les deux derniers mots de ce vers. – 981. Mais saichés (vers hypomètre). Correction d’après B. – 988. Vers omis par le copiste (une abréviation qui ne semble pas résulter d’une correction, destinée sans doute à signaler cette lacune, figure dans la marge en regard du précédent). Restitution d’après B (graphies conformes à la scripta de P). 962. Que avez fait. – 963. Et tout comme saint P. – 964. sans oultrage. – 966. qui l’entendit bien. – 967. ne laissa. – 968. A moy monstrer que fut. – 972. Et en la nef le mist avec luy. – 975. le vray Dieu en l.] son seigneur mercya. – 976. s’en son partis de la. – 980. Tant qu’a Marcille au port sont arrivez. – 981. Mais bien sachiés. – 982. qu’i f. – 986. en ses bras son biaulx filz. – 988. Je prie a dieu le pere et le filz.
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Et aussi bien Saint Esperit qui te rende le bien, Ce qu’Il fait mes et fera aussi bien. » Si racomta sans en oblier rien
992
La grant merveille Par davant tout le peuple de Marseille, Dont chescun d’eulx le tint a grant merveille. La joye en fut grant par toute Marseille,
996
Mes vrayement, Le roy estoit agenoillé davant La Magdalaine, si dist courtoisement : « Dame, je vueil voustre commendement
119 r° 1000
Du tout complir De moy [parer] faire voustre plaisir, Quar vray[e]ment, [c’est] le greigneur desir Que mon cueur sceit – [c’est] que de vous servir. »
1004
Lors a parlé La Magdalaine, si l’en a mercié : « Sire, », fait elle, « selon ma voulenté, Vous vous ferez maintenant baptizier.
1008
– Ce me plaist bien », Ce dist le roy et la femme auxi bien. « En ceste ville n’y restera ja rien, Homme ne femme, jeune ne anxien,
1012
A baptizer. » Au lendemain, si saichés bien tout cler, Saint Maximin a fait appareiller Toutes les chouses dont il avoit mestier;
1016
990. Les deux premiers mots sont séparés par un s long, tracé. – 1001. Du tout acomplir (vers hypermètre). Correction d’après B. – 1002. De moy f. (vers hypomètre). Correction d’après B. – 1003. Quar vrayment le gr. d. (vers hypomètre). Correction d’après B. – 1004. Que mon c. sceit que de vous s. (vers hypomètre). Correction d’après B. – 1008. La rime de ce vers est déficiente. Aucune correction n’est envisageable à partir de la variante de B, qui permettrait de résoudre cette difficulté mais compte deux syllabes excédentaires. – 1012. jeune et a ne anxien, et a exponctué et tracé. 991. Et enlumine de sa grace ensement. – 999. A la Magdalene. – 1001. Du tout complir. – 1002. De moy parer a f., a ajouté au-dessus de la ligne. – 1003. Car vrayement c’est le gregneur d. – 1004. Que mon cuer ayt c’est que de vous s. – 1006. si les a mercyés. – 1007. fist elle. – 1008. Vous serés en present sans delay baptisé. – 1010. et sa f. – 1011. ne r. – 1014. A l’end. ce sachiés. – 1016. Toutes choses.
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sources antérieures à jacques de voragine
Mes puys aprés Que cestes gens furent touz baptizés, Tous leurs ymaiges ont rompus et cassés Et tout leur temple ont rompu et brasez, Et pour monstrer Que il vouloi[en]t Jhesucrist bien amer, Craindre, che[r]ir, louer et honnourer, Belles eglises firent ediffier
1020
119 v° 1024
A grant planté, Dont Jhesucrist fut servi et loué. Grant croissement print la crestianté; Mes puis aprés n’a guieres demouré
1028
Saint Maximin, Au compté d’Aix a tenu son chemin, Et tant prescha au soir et au matin Que ce compté convertit a la fin;
1032
Mes vray[e]ment, La Magdalaine avoit desir moult grant De laisser tout terrien pansement Et mettre cueur, sens et entendement
1036
A Dieu servir. En oraisons se vouloit maintenir, En penitence vouloit ses jours finir. De nulle riens n’avoit si grant desir,
1040
Et pour cela Noustre Seigneur – ne vous en doubter ja – En son desir moult grant plaisir p[ri]ns ha Et du complir amonestee l’a;
1044
1020. tout leur tem temple, tem tracé. – 1022. Que il vouloit. Correction d’après B. – 1023. chezir. Correction d’après B. – 1032. ce c. se conv. (vers hypermètre). Correction d’après B. – 1033. vrayment (vers hypomètre). Correction d’après B. – 1043. L’abréviation que le copiste utilise dans l’avant-dernier mot correspond à presens, et non à la forme usuelle du participe de prendre. Correction d’après B. 1017. Mais en aprés. – 1020. Vers omis par le scribe. – 1022. Qui vouloyent. – 1023. cherir hounorer et l. – 1032. le conte converti en la fin. – 1033. vrayement. – 1035. tout et dernier pans. – 1042. doubtez. – 1043. prins a.
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Pau, Archives dép. des Basses-Pyrénées, manuscrit 20 (F) (n° 8)
Mes pour moustrer Qu’Il la vouloit nourir et gouverner, En ung desert – ce saichez bien tout cler – A fait aux anges moult bien appareiller
283
120 r° 1048
Une maison En ung grant roc hault sur toute raison, [Loing de gens et de toute mansion, Et si saichés qu’entour celle maison]
1052
Ne croist [nul] bien De quoy peult vivre corps d’omme crestien. La vaillant damme complie de tout bien Se mist leans sans que nul en sceust rien
1056
Fors seullement Dieu, Jhesucrist, le Pere tout puissant, Lequel elle amoit et creignoit tant. Trante ans et plus fut elle vrayement,
1060
Ce est tout cler, Que homme ne femme ne vint a luy parler, Ne n’eut oncques a boire ne a manger Nulle viande de terre ne de mer;
1064
Mais sa vitaille Venoit tout droyt de paradis, sans faille, Si n’y failloit ne table ne touaille, Car les anges sans denier ne sans maille
1068
La visitoient Et touz ensemble [en chantant] le prenoient, De par dehors la baulme la portoient, Si treshault sus et en l’air la levoyent
120 v°
1051 - 1053. Et si saichés qu’entour celle maison / Ne croist fruit troys lieux environ / Ne aultre bien. Le déficit métrique que l’on constate dans le deuxième vers est l’un des indices qui tendent à indiquer un rattrapage dans P. Plutôt que d’intervenir de manière aléatoire (Ne croist [nul] fruit troys lieu[es] environ ?), nous préférons rétablir tout ce passage d’après B, dont la leçon est beaucoup plus satisfaisante dans l’ensemble. – 1059. L. elle avoit amoit et cr. tant, avoit tracé. Ce vers est hypomètre dans P et hypermètre dans B. L’absence de formes renforcées du type tresque, trestant ou autres variantes analogues dans le manuscrit de Pau nous incite à renoncer à une correction mal étayée (par exemple : L. am. et cr. [tresque] tant, ou L. elle am. et cr. [tres]tant). – 1070. Et touz ens. le pr. Correction d’après B. 1046. Qui. – 1050. En ung roc h. – 1051. Loing de gens et de toute mansion. – 1052. Et si sachiez qu’entour celle m. – 1053. Ne croit nul bien. – 1059. L. elle amoit et craignoit tresque tant. – 1063. Ne n’y eust onques a b. n’a mengier. – 1064. Nulles viandes. – 1066. V. tout droit sans f. – 1067. Si ne luy f. table. – 1068. ne] et. – 1070. Et tous ens. en chantant la tenoient. – 1071. Et par d. – 1072. Et si tresh. en l’ayr ilz la levoyent.
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sources antérieures à jacques de voragine
Qu’elle ouayt En paradis les chans que on y faisoit, Et de ceulx chans tresbien se saouloit Sept foys le jour tant comme elle vouloit;
1076
Et puis aprés La rapportoient – que bien vous le saichés – En celle baume que amont ouy avés, Si s’en montoient ou ciel trestouz aprés
1080
Et ramenoit La bonne dame sans compaignie qu’il soit; De prier Dieu [durement] se penoit. Trente ans et plus demoura la endroit
1084
Ou je vous dy, Mais quant le temps fut passé et comply Que Noustre Sire de ceste vie cy La voulut ouster pour mectre avec sy
1088
En paradis. Mais touteffoiz, en ce temps que vous dis, Avoit ung prestre devot en ce païs Qui sa coustume avoit esté touz dis
1092
Que tous les ans, Quant il estoit confés et repentans, Il s’en aloit et lessoit toutes gens En ung grant boys pour acomplir son temps
1096
Devotement; Et cil avoit esté moult longuement Que troys caresmes trestout entierement Venoit tenir acoustumeement
121 r° 1100
1082. Vers hypermètre dans les deux manuscrits. – 1083. devotement se p. (vers hypermètre). Correction d’après B. 1074. c’on y f. – 1075. Et d’iceulx chans tresbien elle se s. – 1079. que devant. – 1080. Les angez au ciel s’en aloyent touz aprés. – 1081. Si demouroit. – 1082. qui soit. – 1083. durement se p. – 1084. Tr. et deux ans dem. – 1087. Que nostre seigneur de ceste vie ycy. – 1088. La vouloit oster et m. avec luy. – 1090. En celuy temps la comme je vous dys. – 1092. Qui c’estoit acoustumé toudis. – 1095. S’en aloit. – 1096. pour employer. – 1098. Et si avoit la esté mout long temps. – 1099. Car trois karesmes toutes ent. – 1100. Avoit tenu tousjours acoustumement.
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En ce desert; Mes une chouse vous diray en apert Que ce prestre quidoit bien estre sert Que en tout ce boys ny en tout ce desert
1104
N’y eust que luy. Mes Jhesucrist pour certain luy ouvrist Ses yeulx obscurs si clerement qu’il vit Une tresgrant clarté par dessus luy;
1108
Si cogneut bien Que ce devoit estre chouse de bien, Quar il veoyt et si cognoissoit bien Les anges tous, mes il ne savoit rien
1112
Que ilz faisoient, Car par sept foiz chascun jour descendoient Du ciel trestouz et mectre se venoient Dans celle baulme et ensemble prenoient
1116
Tout en chantant Aulcune chouse qui sembloit assés grant Et la levoient en l’air tousjours [louant] Noustre Seigneur, et la tenoient [tant
1120
Que je vous jure Qu’en cest estat la tenoient] une heure, Puys la descendoient chantans par mesure Pour la mectre en celle [baume] obscure
121 v°
Que ouy avés. Mes ce prestre, que bien vous le saichés, Heut tresgrant paine a ce tirer plus pres, Quar en son cueur mectoit tant pesant fes,
1128
1106. pour c. luy anpurit ouvrist, avant-dernier mot exponctué et tracé (lecture incertaine). – 1119. t. levant. Leçon suspecte. Correction d’après B. – 1120. et la ten. une heure. La fin du vers, incompatible avec la rime, provient à l’évidence du v. 1122, omis par le scribe. Il devait donc figurer dans son modèle. Correction d’après B. – 1121 - 1122. Vers omis par le copiste. Texte de B (sauf pour la fin du v. 1122, cf. v. 1120). – 1124. en celle pame (?) obsc. pame est manifestement un mot altéré. Correction d’après B (la forme que nous lui donnons est celle adoptée le plus souvent par le scribe de P). 1102. vous dy je en apert (je ajouté au-dessus de la ligne). – 1103. estre seur. – 1104. Que ou boys ne aussy au d. – 1112. Mais il n’en s. riens (premier hémistiche omis par le copiste). – 1115. Du ciel et tous m. – 1116. En celle balme. – 1119. t. louant. – 1120. et la ten. tant. – 1121. Que je vous jure. – 1122. Qu’en cest estat la tenoient ung heure. – 1123. Puis des. ch. bien par m. – 1124. Pour la remettre en celle balme obscure. – 1127. Grant paine mist a s’aprocher de lés. – 1128. Car en son cuer ne povoit porter tel faiz.
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sources antérieures à jacques de voragine
Qu’[il] ne savoit Quelque avanture ce estre povoit. En oraisons ce mist il orendroyt, Si pria Dieu humblement et a droit,
1132
Et si vous dy Qu’il prya tant [que] Dieu [si l’]entendit. Si s’aprocha du roc que je vous dy [Et vint si pres qu’en verité vous dy]
1136
Qu’il povoi[t] veoir De plain en plain la baume a son vouloir, Mes touteffoiz, il perdit le povoir Quant il aloit avant, saichés de veoir;
1140
Mes au retour, Il ne sentoit mye si grant douleur. Si trambloit tout, tant avoit grant paour, Et de rechief pria Noustre Seignour
1144
Et si se mist Au pié du roc [agenoillé] et dist Sa requeste a Noustre Seigneur; [il] fist : « Je te supply, puissant roy Jhesucrist,
1148
Par ta bonté, Que je puisse savoir la verité De ceste chouse que aujourd’uy m’a[s] moustré. » Et puis aprés, c’est [en] estant levé En grant fervour, Si print a dire tramblant de grant paour : « Tu qui habites en ce roc nuyt et jour, Je te conjure de par Noustre Saulveur –
122 r° 1152
1156
1129. Qu’elle ne s. – 1134. Qu’il prya tant dieu qu’il ent. (vers hypomètre). Correction d’après B. – 1136. Vers omis par le scribe. Texte de B. – 1137. povoir. – 1145. Et si se mist au pié, deux derniers mots tracés. – 1146. a genoilz (vers hypomètre). Correction d’après B, graphie conforme à la scripta de P, cf. vv. 287, 998 et 1273. – 1147. a n. s. fist (vers hypomètre). Correction d’après B, hypermètre quant à lui. – 1151. m’a m. Correction d’après B. – 1152. c’est estant levé. 1129. Tant que ne s. – 1130. Quelle aventure celle estre si p. – 1134. Qu’il pria tant que dieu si l’ent. – 1135. Et lors s’apr. du roc que vous ay dit. – 1137. Qu’il povoit voir. – 1138. De plain la balme a tout son bon voloir. – 1139. il perdoit. – 1142. pas si tres grant dolour. – 1143. Mais tout tr. et avoit. – 1146. agenoullé. – 1147. Ceste requ. a nostre s. il fist. – 1151. qu’au jour d’uy m’as m. – 1152. si s’est en piez levé. – 1153. En grant freour. – 1156. nostre seignour.
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Qui a grant tort Ont les juifz crucifié et mis a mort Et en mourant rachata noustre mort – Que, si tu es chouse de bon ressort
1160
Que leans es, Que tu me [dies] en present qui tu es, Ne par quel chouse t’es leans habités. » Point de response ne fist, bien le saichés,
1164
A celle foiz. En oraison se mist une aultre foiz Et puys aprés la conjura deux foys, Maiz quant ce vint a la derniere foiz,
1168
Luy respondy Et si luy dist qu’il s’aprochat de luy, Si luy di[r]oit le voir tretout comply De ce dont il estoit tout esbaÿ.
1172
Il s’aprocha; La Magdalaine maintenant dit luy a : « Dy moy », dist elle, « ne te souvient il ja D’une Euvangile que Saincte Eglise ha
122 v° 1176
En quoy l’en lyt De celle femme pecheresse que fist, Que de ses larmes lava a Jhesucrist Ses piés tresdoulx et pardon Luy requist
1180
Tout en plourant ? » Le prestre dist : « Je l’ay [leü] souvent, Mes touteffoiz, je croy certainement Que, selon ce que Saincte Eglise antant,
1184
1162. Que tu me deys. Forme peu plausible pour le subjonctif de dire. Correction d’après B. – 1163. Ne par j quelle ch., j tracé. Vers hypermètre. Correction d’après B. – 1168. dereniere (vers hypermètre). Correction d’après B. – 1169. Lui r resp. – 1171. disoit. Correction d’après B. – 1179. a est ajouté au-dessus de la ligne. – 1182. Le pr. luy dist je l’ay lavé s. Leçon métriquement déficiente et, comme celle de B, à l’évidence erronée. Pour le second hémistiche, notre intervention se fonde sur le contexte de cette réplique. – 1184. s. ce que s. egl. s’antant, ce que ajouté au-dessus de la ligne (le second mot est abrégé). Correction pour le mètre et la syntaxe d’après B. 1158. cruciffié a mort. – 1162. Que tu me dies de pr. – 1163. Ne pour quel chose tu la habitee es. – 1166. En oroisons se remist autre foys. – 1168. derniere. – 1169. Respondy a luy. – 1170. que s’aprochast. – 1171. Si luy diroit le voir tout acomply. – 1172. De cela de quoy estoit si esbahi. – 1177. En quoy on list. – 1178. D’une f. pech. qu’elle fist. – 1179. Qui. – 1182. Le pr. dist je le lieve s. – 1184. s. que s. eglize entent.
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sources antérieures à jacques de voragine
Il ha long temps Qu’elle morut, selon ce que j’entens, Car il ha bien passé plus de .xxx. ans Qu’elle ne fut point veüe par gens.
1188
– Certes », fist elle, « Mon beau proudons, saiches que je suis elle, Que pour servir le Filz a la pucelle Me suys mise en ceste roche belle,
1192
Et pour fouyr L’orgueil du monde qui m’a cuydé trahir Et que je puisse mieulx mon Seigneur servir; Mais une chouse vous diray sans mantir,
1196
Que de puys l’eure Que je m’en vins habiter sa dessure, Je n’ay porté humaine vestiture, Ne fain ne soif n’ay en jour ny en heure,
123 r°
Mes non pourtant, Les viandes et le soustenement De quoy je vy te diray en present : C’est que les anges par le commandement
1204
Noustre Seigneur Me viennent prandre ycy sept foiz le jour, Si hault me lievent et par si grant vigour Que je puys bien ouyr chanter tousjours
1208
En paradis Tous les anges et les bons esperis Qui louent Dieu et sa mere touz dis. Quant saoulee suys de ses haulx deduys,
1212
Si me rapportent En ceste baume et si me reconfortent; De prier Dieu et louer me exortent, Et par sept foys chascun jour me raportent
1216
– 1185. Qu’il a. – 1187. Car il y a p. – 1188. ne fut veue par nulles gens. – 1196. te d. – 1198. De la quelle je vins demourer ça deseure. – 1199. Onques je n’y portay hum. vesture. – 1200. n’ay eu ne jour ny h. – 1201. Et non p. – 1207. Et h. – 1210. Les angez. – 1212. Quant je s. suis (...) delis. – 1213. Cy. – 1215. et le loer m’enhortent.
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En tel lumiere Que tu as veu et en telle maniere; Mais maintenant retourneras arriere, Si t’en yras racompter la maniere
1220
A mon parrin, Ce bon proudons qui ha non Maximin, Si luy diras du bout jusques a la fin Se c’as veü ersoir et huy matin,
1224
Et qu’il soit Apareillé tout soul, comment qu’il soit, Le jour de Pasques ou moustier la endroit, Quar les anges m’y porteront tout droyt
123 v° 1228
En ce moustier, Et si orray la messe tout entier Et recepvray le corps sacré et cler De Jhesucrist, que on doit tenir moult cher;
1232
Et maintenant Que j’aray receu le sainct sacrement Rendroy mon ame a Dieu tout en present, Qu’en paradis la meneront vrayment.
1236
Lors se taisa La Madalaine, plus parlé ne luy ha, Et l’ermitain si se partit de la Et son messaige tout droit complir ala;
1240
Et quant il fut En la ville ou saint Maximin fut, Salué l’a de par le roy Jhesu. Saint Maximin son salu a rendu,
1244
1223. Comme au v. 212, dans l’adverbe ores, la forme jusques, identique dans B, n’implique pas nécessairement que la seconde syllabe de ce mot compte dans la mesure du vers. – 1235. tout en present le tout puissant. Correction d’après B. – 1238. que plus p. (vers hypermètre). L’écart avec B rend notre correction incertaine. – 1240. tout droit acomplir ala (vers hypermètre, cp. vv. 1001 et 1252). – 1244. son salu luy a rendu. Vers hypermètre dans les deux manuscrits (B offrirait toutefois une variante plausible pour le second hémistiche). 1217. En telle maniere. – 1218. Come tu as veu. – 1219. tu torneras. – 1224. Se que as veu. – 1225. Et que il soit. – 1229. En celuy moustier. – 1230. le service tout entier. – 1232. qu’on doit t. – 1234. Que je avray ouy le sacr. – 1235. a dieu tout en pr. – 1236. Et en par. la menera vrayement. – 1237. Lors ne parla. – 1238. La Magdalene et plus mot ne forma. – 1240. tout droit fournir ala. – 1243. Le salua. – 1244. Et s. M. si luy rent son salut.
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sources antérieures à jacques de voragine
Et l’ermitain Luy ha compté tretout de plain en plain, Ce qu’a veü et ouy de certain. Saint Maximin fut de joye si plain Quant il ouyt Que sa filleulle devoit venir a luy, Mercy et graces a Jhesucrist rendit, Car il y a tout son desir comply.
1248
124 r° 1252
Sans plus tarder, Saint Maximin a fait apareiller [Son eg]lise, ses clers et son aulter. [Le jour de] Pasques, avant qu’il fust jour cler,
1256
[Est il alé] [En ce mousti]er que avant ouy avés; [De prier] Dieu c’est bien appareillés. [Quant] il y fut, certainement saichés
1260
Que venuz sont Les angelz qui [ap]porte[e] [si] ont La Magdalaine, dont tresgrant joye font. Si grant clarté par tout le moustier font
1264
Qu’en verité On eust plus aise le soulail regardé Qu’on ne feïst des angelz la clarté; Mes quant il eust ung peu [la] demouré,
1268
Saichés de vray Qu’il veit partir les anges sans delay, Qu’ilz s’en montoyent ou ciel chantant ung lay. La Magdalaine demoura, bien le scay,
1272
1252. acomply (vers hypermètre, cp. vv. 1001 et 1240). Correction d’après B. – 1255 - 1260. Une déchirure a fait disparaître le début de ces six lignes. Les parties entre crochets, qui correspondent aux segments manquants, ont été restituées d’après B (graphies conformes à la scripta de P). – 1262. qui porté y ont (vers hypomètre). Correction d’après B (graphie conforme à la scripta de P). – 1264. Si tresgrant clarté (vers hypermètre). – 1268. ung peu dem. (vers hypomètre). Correction d’après B. 1246. Si luy conta. – 1247. Tout ce qu’il vit. – 1248. Lequel si fut de toute joye plain. – 1252. Car il avoit tout son d. comply. – 1255. Son esglize. – 1256. Le jour de P. avant qu’i fut. – 1257. Est il alés. – 1258. En ce moutier que devant. – 1259. De prier dieu mon bien appareilliés. – 1260. Quant il y fut. – 1262. qui apportee si ont. – 1264. Vers omis par le copiste. – 1267. Qu’on ne faisoit. – 1268. Et quant il eut ung pau la dem. – 1271. Vers omis par le scribe.
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Agenoillee, Devant l’autel d’oraysons atournee, Si se tenoit en air si hault levee, Par la vertu que Dieu luy heut donnee,
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124 v° 1276
Qu’a mon advis Il y avoit de cinq paus jusque a seix. Saint Maximin en fut [si esb]aÿs Que par ung poy [qu’]il ne s’en [est] fouy[s]
1280
De grant paour, Mais la vaillante dame [plaine d’onneur] Si luy a dit : « Beau pere, pour [amour] De Jhesucrist, n’ayés point de paour,
1284
Car vray[e]ment Je suys celle que vous desirés tant, Qui suys venue ycy par grant talant De vous voir que j’avoye chierement,
1288
Car le plaisir De Noustre Sire est que doye mourir, Dont en veulx bien sa voulenté complir. » Puys luy a dit tout son fait a loisir,
1292
Si va prier Saint Maximin qu’il deüst chanter Une messe pour la reconforter, Quar ce monde vouloit aprés lesser.
1296
1279. Les lettres entre crochets, devenues illisibles, ont été restituées d’après B. – 1280. Que par ung poy il ne s’en fouyt. Vers hypomètre et rime peu satisfaisante. Correction partiellement inspirée par B (l’adjonction de est se justifie dès lors que la forme verbale à la rime n’est plus un parfait mais un participe passé). – 1282 - 1283. Une déchirure a fait disparaître la fin de ces deux lignes. Les parties entre crochets, qui correspondent aux segments manquants, ont été restituées d’après B (graphies conformes à la scripta de P). – 1285. vrayment (vers hypomètre). Correction d’après B. – 1290. est que je doye m. Vers métriquement déficient dans les deux manuscrits (la difficulté porte dans chaque cas sur le second hémistiche). 1275. Et se t. – 1278. jusques a seix. – 1279. en fut si esbahis. – 1280. Que pour ung pau qui ne se ne fuis (sic). – 1282. plaine d’onnour. – 1283. par amour. – 1284. n’aiés vous p. p. – 1285. vrayement. – 1288. Pour vous voir que j’aime cherement. – 1290. Nostre seigneur que je m’en voye m. – 1291. Dont je veul bien. – 1292. Et puis luy dist. – 1294. que y deusist ch. – 1296. Car aprés v. ce munde cy laisser.
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sources antérieures à jacques de voragine
Ainsi le fist; Le bon preudomme une messe luy dist, Puy luy donna le saint corps Jhesucrist. [Devotement le receupt et le print
1300
Et en tel point Que ses larmes ne plaingnoit elle point, Ançois plouroit si fort et si a point Que son visage estoit moullié et oing,
1304
Si fort plouroit Pour les pechiés que jadis fait avoit Et pour l’amour tresgrant qu’elle portoit A Jhesucrist, que pardonné avoit
1308
Ses pechiés tous. Si print congiet tout bellement de tous Et se coucha en presence de tous Devant l’autel plourant sans dire mot,
1312
Et maintenant Print a dire : « Jhesucrist tout puissant Qu’as souffert mort pour nous honteusement, Mon esperit en tes mains recommans,
1316
Et si te pri Qui te plaise avoir de moy mercy. » Si clot les yeux et la bouche [a]ouvrit, Et la sainte ame du corps se departi,
1320
Mais sans doubter, Le puissant prince qui fist terre et mer Clerement a a touz volu monstrer Qui Il amoit d[e] bon cueur, bien sachiez,
1324
Car descendu Est Il pour vray de paradis ça jus; A tous ses anges est a terre venus, Si luy a dit qu’Il ne tarde ja plus :
1328
1297. Ainsi fist il le fist, fist il exponctué et tracé. – 1300 - 1385. La perte vraisemblable de deux feuillets interrompt ici le manuscrit de Pau. Texte de B. – 1308. B que pard. luy avoit (vers hypermètre). – 1319. B ouvrit (vers hypomètre). – 1324. B du bon c. 1298. Le bon homme. – 1299. Et luy d. le c. de Jh.
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« Vien t’en, m’amye, Avec moy et la mienne compagnie, Si t’en menray en pardurable vie Ou tu seras amee et bien cherie
1332
Tousjours sans fin. » A ses paroles se mirent en chemin; Chantant s’en vont li ange cherubin, Les puissances, thrones et cheraphin.
1336
Or laisserons La saincte ame et du corps parlerons, Comment la fist enterrer le preudons Saint Maximin et tous ses compagnons.
1340
Le corps ont prins Et d’un drap linge bien delié et lis L’ont afeublé tresbien a leur advis. En une tombe de marbe blanc l’ont mys,
1344
Mais vrayement, De celle tombe saillit tout en present Ung odour si tres bonne et odourant, Si bonne et si doulce et si souef fleirant
1348
Que onques odour De fines roses ne aussi d’autre flour Ne fut si bonne ne de si grant doulçour, Et si dura mainte nuyt et maint jour.
1352
Or est complie De rimoyer la glorieuse vie De celle dame que vous avez ouye, Qui en plourant devint de Dieu amye.
1356
1336. B Les p. et thr. et aussi ch. (vers hypermètre). – 1337. B Mais or l. (vers hypermètre). – 1339. B le bon pr. (vers hypermètre). On pourrait aussi corriger le dernier mot (le bon [hons]). – 1342. Le dernier mot du vers est incompréhensible dans B, mais il ne semble pas exister d’adjectif susceptible de convenir à la rime, au mètre et au contexte (sauf peut-être fins, si l’on admet la coexistence au sein de la même strophe de finales nasalisées et non nasalisées, bien établie dans le poème). – 1344. B Et en une t. (vers hypermètre). – 1347. B et forment od. (vers hypermètre). – 1349. Ce vers ne comporte pas obligatoirement un excédent métrique dans B (que correspond peut-être à la forme élidée de la conjonction, ou onques ne compte que pour une syllabe, cf. v. 1223). –
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sources antérieures à jacques de voragine
Par grant amour Nous a volu donne[r] Nostre Seignour Cest examplaire et ce biau mireo[u]r Pour nous mirer et remirer tousjour.
1360
Or nous mirons En ce miroir luysant que nous avons, Car en mirant tous nos pechiés verrons, Et les voiant nous les congnoistrons,
1364
Car qui vouldra Soy mirer, bien se congnoistra Et penitance de ses pechiés fera; Tres bien amé tousjours dame sera.
1368
Or metons paine D’avoir tantost de la clere fontaine, Ainsi que fist la saincte Magdalene Qui pour l’avoir laissa l’amour mondaine,
1372
Car autrement, Qui le monde n’avra en despitement, L’amour de Dieu n’avra ja nullement; Dont qui vouldra avoir son sauvement
1376
Soit advisé Comment chemine, en quoy sera trouvé, Car l’Escripture raconte, bien le say : « Comme te trouveray, ainsy te jugeray ».
1380
Par son plaisir Nous doint si bien le nostre temps finir Que celle gloire puissons tous acquerir Ou Magdalene vit tous jours sans morir.
Amen]
1358. B donne. – 1359. B mireoir (correction pour la rime). – 1363. B en nous m. (vers hypermètre). – 1364. Vers hypomètre dans B. – 1366. Il manque dans B une syllabe pour chaque hémistiche de ce vers (Soy y mirer serait une possibilité pour le premier). – 1368. Vers incompréhensible dans B. Nous ne voyons pas comment intervenir pour lui donner un sens. – 1370. B la est ajouté au-dessus de la ligne. – 1378. B et en quoy (vers hypermètre). – 1380. Vers hypermètre dans B. – 1381. B Dieu par son pl. (vers hypermètre). – 1384. B Ou la Magd. (vers hypermètre). –
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9. Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 13496, 230 b - 233 b Exécuté entre la seconde moitié du XIIIème et le début du XIVème siècle, Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 13496 est le seul recueil hagiographique aussi ancien a avoir un fort ancrage local1. Outre sa scripta, sa composition marque en effet des liens étroits avec la Bourgogne : parmi les 20 vies de saints qu’il contient2, on relève la très longue légende de Bernard de Clairvaux3 (f° 42 a 122 d) et celles de Marie-Madeleine (f° 131 a - 146 c) et de Lazare, honoré à Autun4 (197 b - 212 b). De plus, ce corpus hagiographie est complété par une vie en prose de Girart de Roussillon suivie du récit de la translation des reliques de notre sainte, entreprise à l’instigation du comte (f° 217 a - 233 b). Cette relation avec la Bourgogne à une époque relativement précoce fait des deux textes consacrés à Marie-Madeleine des relais précieux dans la transmission de sa légende. De plus, nous le verrons, la vie elle-même est une réélaboration de la translation, ces récits offrant ainsi, à l’intérieur d’un unique manuscrit, un témoignage privilégié de réécriture. Compte tenu de leur dissociation au sein de notre recueil ainsi que des distinctions qu’il y a lieu d’établir entre leurs sources et leur 1 A.-F. Leurquin-Labie a montré que les saints locaux ne bénéficient d’une mise en valeur, dans les légendiers, qu’à partir du XVème siècle, cf. « La promotion de l’hagiographie régionale au XVe siècle : l’exemple du Hainaut et du Cambrésis », Richesses médiévales du Nord et du Hainaut, études réunies par J.-Ch. Herbin, CAMELIA, Presses universitaires de Valenciennes, 2002, pp. 253 - 267, part. pp. 253 sq. Nous hésiterions toutefois davantage à affirmer que notre manuscrit « témoigne d’un attachement particulier à Vézelay » (cf. note 2). Les vies de Lazare ou de Bernard n’ont en effet qu’un rapport lointain avec l’abbaye. Par ailleurs, P. Meyer (« La légende de Girart de Roussillon », Romania, t. 7, 1878, pp. 161 - 235 ; p. 166) a rappelé que la légende de Girart est écrite à l’honneur de Pothières, qui se glorifiait de posséder le tombeau de son fondateur, Vézelay n’y étant que très brièvement évoqué. 2 Les 17 pièces restantes sont une sélection de vies classées sans ordre apparent, qui se retrouvent toutes dans d’autres légendiers, en particulier ceux où figure la rédaction n° 7 de la vie de Marie-Madeleine, soit précisément la version exploitée dans l’adaptation que l’on rencontre aux folios 131 a - 146 c de notre volume (voir notre présentation du n° 24). Le manuscrit se compose ainsi des légendes de Julien, Cucufat, Catherine, Eufrasie, Julienne, Lucie, Bernard, Marie-Madeleine, Marthe, Marie l’Égyptienne (éd. P. F. Dembowsky, 1977, version O, pp. 171 - 205), Élisabeth, Paul et Denis, Lazare, Girart de Roussillon, Grégoire, Jérôme, Brendan, Fursy, Benoît et Silvestre. La vie de saint Benoît (f° 264 a - 280 b) est transcrite à partir de notre manuscrit par A. Vidier, L’Historiographie à Saint-Benoît-sur-Loire et les miracles de saint Benoît. Ouvrage posthume revu et annoté par les soins des moines de l’abbaye de Saint-Benoît de Fleury (Saint-Benoit-sur-Loire), Paris, A. et J. Picard et Cie, 1965, pp. 221 - 226. Elle est rédigée d’après le livre II des Dialogues de saint Grégoire et est suivie du récit de la translation des reliques d’après l’Historia Translationis, de leur illation selon Thierry d’Amorbach, puis de leur revendication par les moines du Mont-Cassin. Le manuscrit 734 (456) du Musée Condée à Chantilly sépare la translation des reliques (f° 198 a - 200 b) de la vie elle-même (f° 186 d - 195 c) par la légende de l’ermite Paul. 3 Les manuscrits 734 (456) du Musée Condée à Chantilly et Comites latentes 102 de la Bibliothèque de Genève reproduisent le même texte. 4 On peut aussi émettre l’hypothèse, avec A. Vidier, L’Historiographie à Saint-Benoît-sur-Loire, op. cit., 1965, p. 221, que la présence de cette œuvre, dont le protagoniste est considéré comme le protecteur des malades, relierait notre corpus à l’Hôpital du Saint-Esprit à Dijon, dont des armoiries peintes au XVème siècle apparaissent au f° 212 v° et au f° 213 r° avec celles de son fondateur, Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Pour P. Meyer, « Légendes hagiographiques en français. II. Légendes en prose », Histoire littéraire de la France, t. 33, 1906, pp. 437 sq., il ne s’agit pas à proprement parler de la vie de Lazare, mais de l’adaptation française du chapitre 11 de l’Évangile de Jean.
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contenu, nous les commenterons et les éditerons de manière séparée. La vie, compilation de divers matériaux, est présentée au n° 24. Formé de 306 feuillets en parchemin (2 colonnes à 41 / 42 lignes, de manière régulière en apparence, quand bien même leur espacement diffère sensiblement d’une partie à l’autre du volume), le légendier développe une structure complexe. Son homogénéité semble néanmoins assurée par la taille de ses feuillets (environ 260 x 175 mm) et, dans une mesure relative, par leur mise en page. De nombreux copistes ont prêté leur concours à sa réalisation, ces ruptures paléographiques (et parfois aussi linguistiques) étant souvent confirmées par la présence de colonnes ou de pages blanches5. Certaines parties du volume ont fait l’objet d’importantes révisions. Des titres ont été ajoutés, à époque contemporaine de la fabrication du manuscrit ou un peu plus tard, lorsque les rubriques, pour lesquelles des espaces sont parfois disponibles et des annotations provisoires visibles, n’ont pas été écrites. À l’évidence, plusieurs enlumineurs ont aussi contribué en alternance au programme iconographique de cet ensemble, certaines similitudes permettant d’établir des relations d’une partie à l’autre. La majorité des pièces est introduite par une miniature. Seules les légendes de Cucufat et de Marthe comportent une lettrine et celles de Marie l’Égyptienne et de Denis une initiale historiée6. La vie et la translation de Marie-Madeleine, rédigées toutes deux en écriture gothique livresque, ont selon toute vraisemblance été partiellement transcrites par le même copiste (voir note 6). La légende de la sainte est précédée d’une enluminure de 15 lignes qui représente la scène de l’onction. Jésus est assis derrière une table recouverte d’une nappe sur laquelle reposent divers ustensiles. Il est encadré par deux groupes de cinq hommes auréolés. La pécheresse, couchée devant la table, essuie les pieds du Christ de ses cheveux. La présence d’un petit personnage auréolé sur le sein du Messie, sans doute Jean l’Évangéliste (?)7, tête posée sur 5 Si l’on s’en tient par exemple à la vie de Marie-Madeleine qui figure aux f° 131 a - 146 c, celle-ci marque le début d’une nouvelle unité matérielle, celle qui précède finissant à la colonne 122 d, dont 18 lignes seulement sont remplies. Le reste, ainsi que le f° 123 a / b, sont réglés mais vacants et les f° 123 v° à 130 v° sont blancs (seul le f° 125 v° comporte une réglure). Les f° 131 - 132 appartiennent à un bifeuillet indépendant. Le f° 133 introduit un quaternion, avec changement de copiste, de même pour le cahier suivant, et ces deux subdivisions comportent une réclame. À la différence du scribe des f° 131 - 132, celui qui a rédigé les f° 133 sq. rehausse les majuscules de rouge. Le premier copiste prend le relais à la 14ème ligne du f° 134 a, mais suit cette fois les habitudes du précédent pour le traitement des capitales. Il est possible qu’au moins une particularité graphique que l’on observe au f° 133 b coïncide avec celle qui intervient dans les dernières lignes de la légende de sainte Lucie, f° 40 b, et les écritures offrent d’ailleurs une certaine ressemblance. En outre, les folios 131 - 132 et 134 a sq. ainsi que 230 b - 233 b ont de fortes chances d’avoir été rédigés par le même scribe. 6 La vie de saint Lazare est introduite par une enluminure et ses miracles bénéficient d’une initiale ornée supplémentaire. 7 Voir par exemple l’initiale de l’antiphonaire dominicain peint aux environs de 1300 dans le diocèse de Constance (Paris, Musée Marmottan Monet, Wildenstein Collection), reproduite par J. F. Hamburger, St John the Divine. The Deified Evangelist in Medieval Art and Theology, Berkeley, Los Angeles, Londres, University of California Press, 2002, fig. 148, commentaire pp. 162 - 164. Nous remercions Mme Brigitte Roux qui a orienté nos recherches.
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l’épaule droite de celui-ci, confère une certaine singularité à ce motif, courant par ailleurs. À l’arrière-plan, deux tours, reliées entre elles par un arc, délimitent l’espace. Le récit de la translation des reliques, qui n’est pas matériellement séparé de la vie de Girart qu’il complète, est signalé quant à lui au moyen d’une simple lettrine8. Dans l’article qu’il consacre à la légende de Girart de Roussillon, P. Meyer détermine la source de la vie du seigneur bourguignon, dont il publie côte à côte le texte latin, peu diffusé9, et sa transposition vernaculaire, qui n’existe que dans notre recueil. Sans en retranscrire l’adaptation française, il fournit également le début du récit de la translation des reliques de Marie-Madeleine, Nunc ergo largiente Domino, d’après le manuscrit de Paris, Bibliothèque nationale de France, lat. 12602 (pp. 231 - 233). Recensé sous les références BHL 5489 à 5491 dans le répertoire des Bollandistes10, ce texte a été composé dès le milieu du XIème siècle. Il offre une relation détaillée de l’arrivée des reliques de Marie-Madeleine en Bourgogne, datée de l’an 749, sous le règne du roi Louis le Pieux et de son fils Charles11. La traduction de notre manuscrit repose sur le BHL 5491 (35 témoins mentionnés par les Bollandistes, dont les plus anciens datent du XIIème siècle). La technique de traduction mise en œuvre et, nous le constaterons plus loin, le style et le vocabulaire révèlent de fortes convergences entre ces deux récits, au point que l’on peut admettre que leur adaptation française a été réalisée par un même auteur, dont le dialecte bourguignon résonne de manière évidente.
La vie de Girart est introduite par une miniature qui montre le miracle de la construction de l’abbaye de Pothières (cf. § 92 sq de l’éd. P. Meyer). Par piété, Berthe se rend de nuit sur le chantier où elle effectue de lourdes tâches en compagnie d’un serviteur. Lorsqu’elle trébuche, un ange apparaît pour retenir son fardeau. La scène est représentée sur fond d’or : un homme (bonnet et tunique rouges avec ceinture de corde) porte sur l’épaule une perche à laquelle est suspendu un seau volumineux. L’extrémité du bâton est tenue par un ange dont le buste sort de la nuée dans l’angle supérieur droit de l’image. L’épouse de Girart, voilée et vêtue d’une robe vert olive, a un genou posé à terre. Sa main droite est dirigée vers le sol, la gauche dressée à hauteur du visage. Nous remercions Anne-Françoise Leurquin-Labie et Marie-Laure Savoye (IRHT, Section romane), qui ont fourni cette description. 9 P. Meyer (« La légende de Girart de Roussillon », art. cit., textes pp. 178 - 225) n’en connaît qu’un seul exemplaire (Paris, Bibliothèque nationale de France, lat. 13090) ; aucun autre témoin n’est recensé dans les catalogues publiés par les Bollandistes (BHL 3550). 10 G. Lobrichon, « La Madeleine des Bourguignons aux XIe et XIIe siècles », Marie Madeleine dans la mystique, les arts et les lettres. Actes du colloque international, Avignon, juillet 1988, publié par E. Duperray, Paris, Beauchesne, 1989, pp. 71 - 88, signale (note 15, p. 86) l’édition « commode, mais très fautive » d’A. Pissier, Le culte de sainte Marie-Madeleine à Vézelay, Saint-Père, Au Presbytère, 1923, pp. 201 - 207, que nous n’avons pas pu consulter et qu’il convient de compléter par Analecta Bollandiana, 2, 1883, p. 321. Faute d’un meilleur texte, nous recourrons à celui publié par É.-M. Faillon, Monuments inédits sur l’apostolat de sainte Marie-Madeleine, op. cit, col. 745 - 752, qui transmet l’ensemble du BHL 5489 (explicit : « (...) quatro decimo calendas aprilis reposuerunt »), soit jusqu’à la l. 145 de la rédaction vernaculaire. 11 L’inscription du récit dans un semblant de contexte historique doit bien sûr attester de sa véracité. Rappelons toutefois que Louis le Pieux règne de 816 à 840. 8
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La comparaison avec l’original latin révèle un calque fidèle, pour ne pas dire servile, de son modèle12, au point que plusieurs passages sont incompréhensibles sans le recours à la source (l’explication étymologique du nom de Vézelay, l. 35 37, en est un exemple révélateur). Pour inélégant qu’il soit, le récit de la translation se révèle néanmoins important par la précision de son propos. Il narre l’édification par Girart de Roussillon d’une église dédiée à la Vierge Marie et aux apôtres Pierre et Paul, consacrée par le Pape Jean, détruite puis reconstruite sur le site de Vézelay ; l’invasion de l’Espagne et du sud de la France par les sarrasins, destinée à punir les habitants de leurs péchés ; l’envoi de Badilo par Girart et Odon (Heudo) ; les recherches dans la cité dévastée ; la découverte du tombeau sculpté et son déblayement ; l’effraction du monument et l’apparition de Marie-Madeleine ; le retour en passant par Nîmes, où le moine et ses compagnons démembrent le corps ; l’accueil à Vézelay et l’introduction des reliques dans l’église. Enfin, il évoque en quelques lignes les vertus et les nombreux miracles de la sainte et propose une étymologie de son nom. La libération du chevalier prisonnier le conclut : enfermé dans une geôle à Arnice13, celui-ci invoque Marie-Madeleine et voit un bâton de fer ardant surgir et trancher ses liens. Une fois libre, il porte ses chaînes au tombeau de la sainte. Ce miracle14 fait suite dans plusieurs manuscrits latins à la translation des reliques, de sorte que l’on peut penser que le traducteur français l’a tiré de son original. Mis à part l’existence de traits bourguignons prononcés, déjà signalée par P. Meyer, le vocabulaire du texte en est l’aspect le plus remarquable. Certains mots ont un intérêt propre, d’autres sont intéressants pour le rattachement géographique de l’entreprise, même si aucun ne nous fournit de repère chronologique sûr. Au mieux peut-on situer la rédaction à un moment sans doute peu éloigné de la fabrication du recueil qui nous le fait connaître, soit aux alentours de 1300. Les folios 230 b - 233 b sont ceux où apparaissent les vocables les plus typiques et singuliers. affinité (« parenté par alliance », l. 10) intervient dans une formule, signalée par Tobler-Lommatzsch, présente aussi dans la légende de Girart de Roussillon (cf. § 141 : « et havoit avec lui les rois d’Espaingne qui li estoient pruchain par afinité », traduction du latin « ac predictorum regum affinitate proximus »15). 12 À propos de la vie de Girart, P. Meyer disait lui-même : « Cette traduction est extrêmement littérale, et partout le style en est lourd et pénible » (art. cit., p. 164). Elle comporte néanmoins une différence notoire : dans la version française, le moine Badilo découvre les reliques de la sainte à Marseille, alors que le texte latin ne parle jamais que d’Aix. 13 « apud Avernensem urbem » chez Vincent de Beauvais qui relate le miracle (Speculum historiale, XXIII, cap. cliii), que Jean de Vignay traduit par « en la cité d’Auvergne » (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 309, f° 350 a, par exemple). Notre adaptateur croit-il que cette expression désigne la ville auvergnate du Puy-en-Velay qui, en latin, se dit « Anicium » ? Ce lieu n’est toutefois pas connu pour son culte à Marie-Madeleine. Nous remercions M. Jean-Yves Tilliette de ses éclaircissements. 14 BHL 5462 (33 manuscrits répertoriés par les Bollandistes, dont les plus anciens remontent à la fin du XIème siècle). Vincent de Beauvais ne précise pas que les liens ne semblent pas peser au pénitent ; il néglige aussi de dire que le chevalier fait le récit de sa libération. 15 Nous citons la vie de Girart d’après les textes édités par P. Meyer, « La légende de Girart de Roussillon », art. cit.
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Le FEW (s.v. affinis, XXIV, col. 251 a) et le TLF s’accordent à faire remonter ce terme savant à la Chronique des ducs de Normandie de Benoît de Sainte-Maure, 1260 paraissant correspondre au premier exemple de cette signification particulière. Il n’en existe que peu dans l’ensemble et pour ce sens précis. antaillement (« gravure, sculpture », l. 69 ; sculptura, col. 748) est très rare (3 occurrences en tout dans Godefroy et Tobler-Lommatzsch) et le FEW (s.v. taliare, XIII, 1, col. 48 b) délimite sa période d’utilisation entre le XIIIème et la fin du XIVème siècle (Gui de Cambrai semble être le plus ancien auteur à faire usage de ce substantif, vers 1215). apparissance (« vestige », litt. « partie visible » ; l. 70 ; cp. « Erat enim per totam superficiem ipsius », col. 748) est antérieur et courant dans l’ensemble, même si une importante proportion des citations (dont l’essentiel figure chez Godefroy) provient de textes tardifs, mais il est lui aussi très rare dans cette acception. L’une des deux occurrences que cite Tobler-Lommatzsch se rattache de nouveau à la vie de Girart éditée par P. Meyer, au sens beaucoup plus clair encore de « vestiges » (vestigia, cf. § 107 : « Les aparissances des murs et des tranchies demonstrent anquor apertement le grant et le fort habitement des hommes qui fu enqui »)16. La valeur sémantique qui convient à appelement (« appel, intercession », ou « rappel », l. 168 ; sans correspondance avec le texte latin, dans la version dont nous disposons), soit « appel » ou « intercession », fait plutôt songer à l’acception la plus ancienne de ce dérivé (« action de faire connaître sa volonté (de Dieu) », cf. FEW, appellare, XXV, 1, col. 30 a), que l’on rencontre dans des textes des XIIème et XIIIème siècles, surtout issus des domaines wallons et lorrains (mais pas exclusivement). Au demeurant, ce substantif est inhabituel. Absent de Tobler-Lommatzsch, ateïnemant (« ravage », l. 6) correspond au latin infestatio (col. 745). Les relevés, très peu nombreux, de ce dérivé proviennent de Godefroy, I, col. 461 c, qui traduit celui dont le sens est le plus proche par « vexation »17. charrot (« charriot », l. 115), qui est conservé dans la réécriture du n° 24 (l. 881), n’est connu qu’à travers deux exemples (et ne semble pas répertorié par le FEW). Celui de Godefroy (II, col. 77 c) appartient à un document qui ne comporte ni date ni localisation précise. Tobler-Lommatzsch relève le second dans le Girart de Roussillon de notre manuscrit (§ 206). emplement (l. 36), daté de 1190, est assez rare (« orizonta (...) per amplissima », § 12). fortefier (l. 108) l’est plus encore et son intérêt est double. D’une part, son introduction daterait de la première décennie du XIVème siècle seulement18. D’autre part, la signification subjective voulue ici (« conforter », 16 Un troisième exemple, beaucoup plus éloigné dans le temps, figure chez Godefroy. On notera aussi que l’article *apparescere du FEW (XXV, col. 25 a) donne l’impression que le terme est bien moins fréquent en général. Il se contente aussi de fournir la date de ca 1330 pour cette signification, sans doute d’après la citation de Tobler-Lommatzsch. 17 Daté du XIIIème siècle par le FEW (cf. taheins, XVII, col. 292 a), il figure dans un texte anglo-normand de 1270 environ, mais avec une autre valeur sémantique. D’après les indications de Godefroy, et pour autant qu’elles s’avèrent correctes, on pourrait anticiper celle qui nous intéresse ici d’une vingtaine d’années. 18 Il est utilisé dans une acception concrète par l’anonyme qui a réalisé la traduction de l’Histoire des Normands d’Aimé du Mont-Cassin, dans un français empreint d’italianismes. La nature de cette entreprise
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comme dans le texte latin, cf. col. 750, confortatus) n’est signalée que pour la langue moderne (dans les écrits de Montaigne, d’après le FEW, une occurrence légèrement plus précoce figurant toutefois chez Godefroy). Dans ce passage, le récit des f° 131 a - 146 c (n° 24) est proche au point de reproduire la même phrase (voir l. 874 pour le verbe). longueté (l. 118 ; proceritas, col. 750) et peroindre (l. 74 ; même type de préfixation dans le modèle latin, col. 748) ne sont pas courants non plus. Pour le premier, Tobler-Lommatzsch renvoie aux trois citations de Godefroy, V, 28 c, qui permettent de remonter au début du troisième quart du XIIIème siècle, les quelques emplois, « techniques », du verbe se concentrant dans le dernier tiers de la même période. nombrable est un adjectif ancien mais plutôt isolé. Ses emplois négatifs, comme dans nos deux traductions, l. 40 et n° 24, l. 814 (neant –, « innombrable »), sont majoritaires et plus précoces. Dans le premier cas, il rend le latin innumerabilis (« innumerabilibus signis », col. 747). representacion (l. 66) n’est guère répandu non plus au moyen âge, et surtout pas à date précoce19. Sa signification dans notre texte n’est pas tout à fait claire non plus (« accomplissement », « réalisation » (soit l’action de rendre visible, comme le latin repraesentatio) ?)20. Attesté dès la fin du XIIème siècle, senglotement (l. 64) n’est pas abondamment représenté dans les dictionnaires et ce dérivé figure aussi dans la légende de Girart de Roussillon (§ 158 ; « les tormenz de ses sanglotemenz, les fluves de ses larmes habondanz », qui traduit ici le latin « lacrimarum inundantium flumina frequentia »)21. Quatre mots méritent une discussion à part, tout d’abord esluier (« accueillir », l. 144), forme rendue mystérieuse par son préfixe, inconnu dans les aboutissements d’allocare et d’ailleurs contradictoire avec le sens de ce verbe22. Difficile à comprendre sans le texte latin, où l’on a affaire par trois fois à la même leçon, gleba ou gleba corporis (sui) (col. 745, 748 et 752), blete (« dépouille », l. 2, 69 et 137) est sans aucun doute un avatar du mot inhabituel qui figure dans Tobler- Lommatzsch sous l’entrée blestre et veut littéralement dire ici « motte (de terre) »23. (connue grâce à une copie méridionale du XIVème siècle) ne permet donc pas de savoir quel degré de familiarité les usagers de notre langue ressentaient devant ce verbe au moment où notre compilateur vivait. 19 Son premier exemple, des environs de 1250 d’après les dictionnaires, est par ailleurs extrait d’un manuscrit du XIVème siècle seulement. 20 Le texte latin édité par É.-M. Faillon, Monuments inédits, 1848 (col. 748) donne ici : « si quempiam reperiret ad indaginem desideratae rei perduceret ». Le traducteur n’a-t-il pas compris ? A-t-il confondu avec « imaginem » ou son support comportait-il une autre leçon ? 21 Pour les adverbes despeeschiement et ententiblement, que le récit partage avec celui des folios f° 131 a 146 c, voir le n° 24. 22 Certains patois connaissent certes des aboutissements analogues au point de vue vocalique (cf. FEW, allocare, XXIV, col. 335 b - 338 b), mais compte tenu de la signification du mot (« installer, placer ») un changement de a(d)- pour ex- serait peu probable ici. Dans le récit de translation qui accompagne le n° 24, on a d’ailleurs la forme attendue, aluerent. Le texte latin ne nous aide que pour la compréhension générale de ce vocable (« atque ibidem, ut decebat, honorifice (...) reposuerunt », col. 752). 23 Les deux plus anciens exemples de la forme en -e- pourvue du même sens sont contemporains (début du deuxième tiers du XIIIème siècle) et nous viennent de textes anglo-normands. Isolément ou sous forme de syntagme nominal, le substantif gleba paraît usuel en médio-latin afin de désigner la terre qui recouvre
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fraschun (« éclat, résidu de bois », l. 82 ; « arreptisque scopis tam ipse, quam sui comites, fragmenta carbonum et cineres ab eodem loco projecerunt », col. 748 749) est un terme à coup sûr régional qui se rattache à une racine (*fraxicare, FEW, III, col. 770 b) dont le seul aboutissement nominal attesté pour le moyen âge paraît être fraische (« menues branches », cf. Godefroy, IV, col. 122 c). Le franc-comtois connaît en particulier ce mot pour désigner du « bois cassant dont on allume le feu », et il survit à Minot et à Bourberain (Côte-d’Or) ainsi qu’à Lyon et à Beaurepaire (Isère) dans des acceptions qui nous ramènent presque toutes au sens général de « petit bois ». Un autre substantif confirme l’origine de notre texte : ramece (« balais », l. 81 ; scopæ, voir précédente citation). Il est en effet vraisemblable que nous ayons affaire ici à un nouveau régionalisme, dont les quelques occurrences médiévales (bourguignonnes), certainement postérieures à notre texte, et les survivances sont réunies dans l’article ramus du FEW, X, col. 43 a24.
une tombe ou les restes qu’elle contient, en particulier s’il s’agit de vestiges sacrés (voir notamment le Dictionary of Medieval Latin from British Sources, prepared by R. E. Latham et alii, fasc. 4, Londres, Oxford University Press, 1989, s.v. gleba, col. 1081 c - 1082 a). 24 À titre secondaire, on pourrait encore mentionner l’adjectif florissable (l. 159), dont les quelques exemples sont concentrés dans Godefroy. Notre texte paraît devancer les plus anciens, issus de la Bible de Macé de la Charité (qui l’emploie au moins trois fois) et de l’Ovide moralisé, qui convergent peut-être aussi en direction du domaine bourguignon.
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[230 b] Ici comance la venue ou la translacions de Marie Magdelene
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Frere tres chier, a l’aide de Deu nous començons esponre en quel maniere la blete
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En cel meismes temps, Jehanz, apostoles de Rome, vint en France appelez auxi
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dou cors de la tres beneureuse Marie Magdelene fu translatee au leu ou quel ele est hui honoree. En l’an de la Passion ou de la Resurrection Nostre Seignour .vij. cenz .xlix., que Looys, tres piteux rois, regnoit et Challes ses filz auxi paiz voilla et li profilz de l’eglise Jhesucrit par tout lou monde, fuer les ateïne- [230 c] -manz des sarrazins qui estoient especialment des premerains d’Espaingne; en cel meismes tans, Girarz tenoit tres grant partie de Burgoingne par noblesce de contes et estoit mont tres puisanz par l’abondance d’armes et de richesces, et estoit t[r]es pruchains par affinité des devant diz rois et tenoit la dite terre par droit heritaige. Il havoit femme qui estoit bien igaux a lui de lignaige et estoit mont noble en bones meurs. Quant lour anfant furent mort, c’est asavoir filz et fille, il donoient lour propres choses par large main a ces qui doutoient Deu et a ses povres. Aprés ce, il donerent tout lor patrimoine de lor possessions por les maisons des eglises de Deu le tout puissant en tres grant devocion. A la fin, il userent de meillor consoil qu’il alisassent Deu lor hoir en leu de lignie de char. Il edifierent plusors eglises et plusors abbaïes en lour larges terres as quex il n’avoient onques esté. Il establisserent en celes plusors por servir Deu et les firent riches de lor propres choses por ce qu’il tenissent lor riegle sanz aucune chetiveté. dou roy de France come de cel meismes conte Girart. Entre les autres [230 d] oevres qu’il fist en celebrant, il fist sacrer les abbaïes que ciz meismes cuens Girarz havoit edifiees par sa priere en l’onor de Deu et de Marie, sa beneoite mere, et des sainz apostres saint Pere et saint Pol. Quant il fu repairiez a Rome, il envoia as leus qu’il havoit sacrez reliques de plusors sainz pour l’amor dou devant dit conte. Aprés aucuns trespassemenz de temps que li rois de France defailloit par melaidie, unes genz estranges qui vint des parties d’outremer comença faire tres granz pestilances par toutes les provinces de France auxi en occirre hommes come en preer lour choses et lor maisons ardoir. Auxi les eglises et les abbaïes li feux gasta et destruit. Adonc a la fin entre les autres choses, li abbaïe de Vezelai, qui li devant diz cuens Girarz havoit faite entre les autres selonc lou fluve de Core, auxi com nous l’avons ja pieça devant dit, fu destruite jusques a la terre, mas aprés ce par la garde de deffenssion, ele fu reedifiee tres noblement de celui meismes Girart en .j. tres haut mont qui estoit desus la dite abbaïe, qui affiert tres honoreement au
1. Texte d’attente du titre, placé au bas de la colonne – comme dans beaucoup de cas à l’intérieur du volume, la rubrique n’a pas été exécutée. – 5 - 7. et Challes (...) d’Espaingne] ce passage est certainement altéré, mais il offre peu de prise pour une intervention. – 9. tes pruchains.
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non de cel meismes leu, quar « Vezelay » est diz auxi come se cil qui regardent entour voient des anqui tres emplement la mitié dou ciel, ou [231 a] il est diz « Vezelay » et puet estre entenduz que l’o[n] voi[t] des enqui tres ample partie dou ciel; ou quel leu quant ele fu reedifiee auxi come ele estoit devant en l’onor de la beneoite Vierge Marie, la mere Deu, et des apostres saint Pere et saint Pol, ele resplendit a l’aide de Deu de signes neant nombrables et de vertuz.
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En cel meismes temps a bien pres avint que unes genz de sarrazins issi fuer et degasta des les parties d’Espaingne et mist a fin a bien pres Aquitaine et tres grant partie de Provance. Entre ces choses, ele anvaïst la cité de Marseille qui estoit mere d’autres citez et la prirent et touz les aornemenz d’iceli, et en menerent grant multitude de prisons et les autres choses destruerent par glaive et par feu, et escourcherent plusors homes et plusors femmes touz vis, auxi come la costume des sarrazins est faite as hommes de nostre gent et auxi come nous l’avons entendu aprés ce de cels qui l’ont veu. Quant li ocisions de cele pestilance fu faite qui lour avint, si come nos creons, pour les pechiez des habitanz en cele terre, il s’en ralerent en lour paiis. Il estoit dit jadis de plusors et estoit espandu longuement et largement que la beneureuse Marie Magdelene avoit esté ensepelie ou territoire de la cité de Marseille de Maxime, lou saint evesque, [231 b] et que les tres saintes osses d’iceli estoient enqui gardees.
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A la fin auxi, li cuens Girarz come Huedes de la devant dite abbaïe de Verzelay
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furent esmeu pour ceste renommee et anvoierent assez cusancenousement a la cité de Marseille .j. frere qui avoit non Badilo, c’est asavoir par cele devocion que se il par l’outroi et la volenté de Nostre Seignor peust trover en ces parties aucunes reliques dou cors de la beneureuse Marie Magdelene, qu’il repairast et lour aportast. Iciz emprist la voie et fu garniz de honeste compaingnie de sergenz, et parvint a la cité de Marseille auxi proprement come devotement; en la quele quant il i entra, il li sembla qu’il ne li appareust en celi nule chose dou tot ou tout ne mas que la semblance de la darreniere mescheance et de mort. Quant li devant diz Badilo vit si cruel justice dou pueple des crestiens, il comença metre fuer tres griés senglotemenz de larmes pour la pitié. Aprés ce, il li sovint de la devocion de sa voie et aloit a grant cure et encerchoit en touz les leus s’il em porroit aucun trover qui le menast parfectement a la representacion de la chose desiree.
35 - 38. quar Vez. (...) tres ample p. dou ciel] passage peu clair. que lou voie des enqui ne fait guère de sens, mais notre intervention reste hypothétique. Le texte latin correspondant est ici : Dicitur enim Vicelaicum quasi inde videatur orizonta caeli circumtuentibus per amplissima, seu etiam Vicelaicus, quod exinde videatur amplissimum caeli latus, potest intelligi (d’après P. Meyer, art. cit., p. 232). – 43. Marseille] a a été ajouté au-dessus de la ligne. – 52. Marseille] forme abrégée dans le manuscrit, avec la même caractéristique paléographique que pour la précédente occurrence.
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L’est venuz adonc a .j. leu ou il havoit une tombe qui estoit faite mont tres honoreement, de la quele il apa- [231 c] -roit bien qu’ele gardast celestiel guerredon. Li antaillemenz de cel meismes tomblel demonstroit qui estoit la blete dou cors qui estoit dedanz gardee, quar par toute la dessus apparissance d’icelui estoit semblance de oevre dessus escripte, comant icele Marie, tres agreable amie de Nostre Seignor Jhesucrist, lava jadis les piez d’icelui de ses larmes et les tersist de ses cheveux en la maison Symon, et comant ele oingna lou chief d’icelui, qui est plus tres chiers de totes choses, et peroingna doucement par ses mains, et i estoit auxi l’ymaige d’iceli meismes Marie auxi come ou leu ou ele cuidoit Nostre Seignour estre courtiliers et Li demandoit : « Se tu L’as osté, di lou moy »; et havoit en la dextre partie ensint come ele vint au sepulcre Nostre Seignour et portoit les oingnemenz precieux et parla li anges a li par sa desserte, et d’anqui aprés vint as apostres et lor nunça ce qu’ele havoit veu.
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Quant li diz Badilo vit toutes ces choses, qui les encerchoit ententiblement, il fu liez outre ce qu’il meismes ne peust dire. Il prirent rameces et il et si compaingnon et degeterent les fraschuns des charbons et les cendres de cel leu et firent ce meismes leu tres [231 d] net de toute ordure au plus qu’il porent. Entre ces choses, li bons homs devoz a Deu se douta mont et comança a pansser en son cuer que la longue demoree de cel paiis ne li fust pas profitable qu’il ne fust repris par aventure por la grant envie de cels dou paiis, ensint come il est de costume par tout de tel chose, ou qu’il ne fust contrainz par l’agaitement des sarrazins; et veraiement il estoit contrainz plus formant de ce que miez li covenoit, c’est asavoir que il repairast a cels qui l’avoient envoié. Derechief il ne pooit trover temps covenable de panre si tres saintes reliques, les queles il desiroit de tout son efforcement; et quant il estoit en l’efforcement de ceste panssee, il s’abandona plus efforciement au secors de oroison et apeloit l’aide de Deu le tot puissant, et cele meismes Marie qui tant ama Jhesucrist et fu amee de Lui par tres grant misericorde, que li feissent faire tout ce que miez lour sara agreable et qui lui sara plus salvable. Aprés ce, il geunoit mont sovant et estoit plus acostumez a oroisons et atendoit l’aide dou ciel. A la fin, il fu plains dou Saint Esperit et trova temps covenable. Li piteux roberres ala par une nuit au tomblel qu’il [232 a] conoissoit tres bien. Il lou brisa devers les piez et regarda ce qui estoit dedanz. Il vit le cors mis dessus .j. kuir tres antier. Il gisoit estanduz les mains mises sus lou piz, auxi come il est de costume. Adonc issi d’anqui odors de si tres grant flairor que nuns homs mortex ne le porroit dire, la quel chose li avenoit assez a bon droit et n’est pas mervoille, quar li cors d’iceli qui desservi oindre duit estre tres plus odoranz de touz, et certes li beneurez evesques Maximes qui l’ensepeli entendi ceste chose quant il oingna le cors d’iceli
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67. La lettrine qui figure au début de ce paragraphe n’a ni le format ni le style habituels et la syntaxe de cette proposition est boiteuse. Peut-être faudrait-il lire Si est venuz adonc ?
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de plusors oingnemenz precieux. Entre ces choses, la nuit ensigant, il li sembla qu’il veist une femme tres religieuse vestue de tres blainches robes et ses chiés estoit mont tres bien coverz tout entour. Ele dit a icelui Badilo en tel maniere : « Ne te douter pas », dit ele, « quar nos en devons aler ensemble avec toi au leu que Dex m’a porveu. » Quant ce vint au matin, il fu fortefiez de cele maniere de responsse. Il apela ses compaingnons secreement et lour comanda qu’il fussent apparoillié en l’ansigant nuit comant il peussent ampanre la voie de repairier en lour paiis. Quant cil oïrent ces choses, il furent mont lié. Quant il furent [232 b] ou plus secret de la pruchene nuit, il apparoilla ses aaisemenz et ala au sepulchre et traist fuer d’anqui lou cors ensint come il estoit. Si come nous havons dessus dit, il estoit tres antiers de toutes parz. Il l’envelopa de tres blans dras avec l’autre chose de quoi il estoit couverz qu’il s’efforçoit de porter et le mist sus lou charrot. Aprés ce, il comença sa voie avec ses compaingnons et desirroient mont repairier coiteusement en lour paiis. Quant il se coitoient en tel maniere par igal cours, il vindrent a Nimmes la cité. Tres grant cause de paour estoit a icels, quar la longuetez dou cors estandu, li quex auxi come nous avons dit odoroit si fort por la confection des aromaz qui sont de tel maniere, et por ce il ne pooit estre quaichiez en petite biere ne en estroit leu. Il esgarderent par comun consoil qu’il alassent a l’eglyse en une nuit por demorer por raison de orer et dessevrerent enqui les plus lons os dou cors, et quant il fu ordenez en tel maniere en maindre leu, il parfirent plus despeeschiement la voie qu’il havoient comencie. Quant il furent venu tuit sain et a enterin nombre jusques a une lieue de l’abbaïe de Vezelay de qu’il estoient parti, c’est asavoir au leu qui est [232 c] diz jusques orendroit li Orilez Badilo, ou quel leu li tres sainz cors comença estre pesanz par si grant charge que je sai ce que plusor i venissent, il ne le pooient movoir d’anqui en nule maniere, por la quel chose il se mervoillerent mont et envoierent a l’abbaïe messaige qui nunçast a l’abbé et as autres freres lor venue et l’empeeschement de lor voie qui lor estoit avenuz soudainement. Quant il l’oïrent, il furent mont lié et lor corrurent maintenant a l’encontre vestu de blainches vesteures a tout encensiers donanz granz odours de mire et d’ancens, et cierges ardanz et croiz que l’on portoit devant lour, et les troverent anquor ou dit leu ou il demoroient maugré lour. Quant il vindrent lai, il se geterent tuit a la terre et prioient la puissance de la divine majesté et cele meismes Marie, la tresamee de Nostre Seignor Jhesucrist, depriant mont ententiblement que ele laissast la blete de son cors estre portee de cel leu en l’abbaïee. Quant il se leverent d’oroison, errament qu’il s’essaierent issir fuer, il alerent par si grant legierté qu’il ne sentoient a bien pres nule charge et lor sembloit miez qu’il meismes fussent porté que ce qu’il portassent au- [232 d] -cune chose. Il s’en aloient en tel maniere a grant joie por les demostremenz des signes. Li moine chantoient melodies et hauz sons et i havoit plusors luminaires embrasez. Il mistrent le cors dedanz en l’eglise qui estoit sacree des le comancement en l’onor de la mere Deu et des apostres saint Pere et saint Pol, et l’esluierent enqui honoreement ensint come il covenoit lou quatorzaimme jour des kalandes d’avril,
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ou quel leu aprés ce ele resplendist par l’aide de Deu de diverses vertuz de signes sanz nombre; mas se aucuns des homes de quelque gré que il soit a fait folement aucune violance as choses partenanz a cel leu, Dex meismes en a esté vaingerres. Il furent aucun auxi qui se mistrent avant et voudrent havoir par lour arrogance la prelacion de cel meismes leu, les quex la vainjance de Deu contraint en brief temps, et certes ciz meismes leu a si habominables les larrecins et les ordures de luxure que se aucuns les i fait, il sont vaingié tantost par tres manifest jugement de Deu.
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Plusor homes et plusors femmes hont recouvré mont tres sovant en cel leu lour santé de toutes melaidies, et certes aucune foiz cil qui santoient lor pansees [233 a] estre agrevees par la charge de pechiez et des tormanz et confessoient enqui ce qu’il havoient fait mauvaisement, et i hont trové tres salvable assoaigement, quar enqui est li honorables et tres aperz exemples a enformer a ce tout le monde, c’est asavoir Marie qui est dite Magdelene, qui est a dire « florissable » ou puet estre entendue « enlumineresse », c’est asavoir cele de quoi la Sainte Evangile fait tres piteuse mencion, en tel maniere que maintenant que aucuns la oie, se ses cuers n’en est amoliz et n’an ha compunction, il l’a plus dur de pierre. Ele done pardon a certaine esperance et mostre le gueaing de parfecte foy a empetrer pardon des meffaiz par la sapience tres fiable de li meismes, par la quele ele ala a Nostre Seignor Jhesucrist et Li dona servise de tres pure humanité et ot por ceste chose pardon de touz ses pechiez; et certes l’on doit croire sanz aucune demore que ele empetrera sanz grant paine por cels qu’ele voudra prier Jhesucrist pardon de lor pechiez. De ce fait foy li aide de Deu qui est presente as besoinz par l’appelement d’iceli.
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A Arnice la cité estoit uns chevaliers pris en bataille, le quel ciz qui l’avoit pris
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havoit estroit en tel maniere en buies qu’il i es- [233 b] -toit jusques as cuisses et ne se pooit torner dou tout en tot ne mener en aucun leu. Adonc vint la sollempnitez de la Nativité Nostre Seignor, et come il ne trovast qui soffisemment donast pleige por lui, il li vint em panssee qu’il depriast ententiblement le securrement de Marie Magdelene, c’est asavoir que auxi come Jhesucriz l’absolu de la taiche de ses pechiez, en tel maniere la pitiez Nostre Seignour par sa priere lou desliast des liens de fer as quex il estoit tenuz estroit. Quant il faisoit cele chose sovant, il avint .j. jour dementres qu’il retornoit en recordant en sa bouche le non de Marie Magdelene, il sailli auxi come une verge de fer roige ardant et traincha le fer des buies et l’amena jusques au talon. Quant ciz qui l’avoit pris le sout, il l’an laissa aler tout quicte, mas ciz se mist errament a la voie et vint nuz piez a l’abbaïe de Vezelai por rendre graces de sa delivrance, et porta avec lui les buies qui riens ne li nuisoient et les pendi devant la tombe de la beneuree Marie, et il meismes fist savoir a touz comant la misericorde de Deu l’avoit deslié par les prieres de la beneuree Marie Magdelene, la disciple Nostre Seignor Jhesucrist. Explicit, explicit.
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II. Traductions de la Legenda aurea
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10. Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 20330, f° 159 d - 164 a La solidarité dont les deux exemplaires répertoriés de cette version font preuve est le fait le plus remarquable de la tradition manuscrite qu’ils constituent. Comme on le constatera dans l’apparat critique de notre édition, ils offrent en effet des similitudes étroites au point de ne laisser subsister que de rares variantes et seule la présence de quelques bourdes dans le légendier du Puy-en-Velay, Grand Seminaire (PV) invite à choisir celui de Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 20330 (P) comme témoin principal de cette rédaction. On a donc sans aucun doute affaire à des copies, extrêmement précises et soignées, issues du même modèle (ou l’une de l’autre ?)1. L’analyse de leur décoration tend à renforcer ce constat : si la provenance de ces volumes ne peut être établie d’après leur scripta, neutre en dehors de quelques picardismes sporadiques et discrets, il est possible que leurs illustrations aient été réalisées en Auvergne et à la même époque (dernier quart du XIIIème siècle)2. La composition d’ensemble de ces volumes les unit elle aussi de manière étroite. Tous deux se démarquent de la structure traditionnelle de la Legenda aurea par la substitution, au début de recueil, des vies d’André, Nicolas, Lucie et Thomas apôtre par celle de sainte Eulalie ; par le remplacement de la légende de Silvestre par celle de sainte Colombe de Sens ; enfin, par l’ajout de la vie de Julien d’Antioche et de Basile après l’Épiphanie. À partir de celle-ci, le recueil suit la disposition de Jacques de Voragine, en omettant toutefois, dans la dernière partie du volume,
1 La comparaison que l’on peut induire des légendes de Marie l’Égyptienne (La vie de Sainte Marie l’égyptienne : versions en ancien et moyen français, éditée par P. F. Dembowski, Genève, Droz, 1977) et de Pélagie (J.-P. Bordier, « La vie de sainte Pélagie en ancien et en moyen français », Pélagie la pénitente. Métamorphoses d’une légende. Tome II. La survie dans les littératures européennes, dossier rassemblé par Pierre Petitmengin et alii, Paris, Études augustiniennes, 1984, pp. 199 sq.) confirme cette proximité. Dans ces pièces comme dans le nôtre, les ressemblances sont telles que, sous réserve de divergences sporadiques, les textes correspondent au pied de la lettre, jusque dans certaines graphies insolites. À noter par ailleurs que la vie de Pélagie est également conservée dans les manuscrits L2 et P2 de la rédaction hybride qui combine les versions n° 6 et 7 de la légende de Marie-Madeleine. 2 P. Meyer (« Notice du ms. Med.-Pal. 141 de la Laurentienne (vies de saints) », Romania, t. 33, 1904, pp. 1 - 49 ; pp. 4 sq.) commente longuement le couple que forment ces deux témoins, surtout dans la perspective des rapports que cette traduction de Jacques de Voragine (qu’il date de la fin du XIIIème ou du commencement du XIVème siècle) entretient avec celle qu’il attribue à Jean Beleth (voir la note 16 dans notre présentation du n° 6). Nous sommes particulièrement redevables de l’aide que nous ont apportée Patricia Stirnemann et Alison Stones pour l’analyse de cette tradition. Plusieurs points plaident en faveur d’une provenance auvergnate, suggérée par la première, ou peut-être lyonnaise : tout d’abord la mention du nom de « Mathieu de Fuer » au sein de la collection de vies (voir infra note 5). Par ailleurs, même si l’argument n’est guère fiable, le lieu de conservation de PV est peut-être révélateur de son origine. Enfin, les deux pendants stylistiques que A. Stones propose à ces volumes, avec quelque hésitation puisque qu’ils ne possèdent que des initiales historiées dans leur état actuel, se situeraient en Auvergne et dans le Lyonnais : le missel d’Hugues Aycelin (Clermont-Ferrand, Bibliothèque municipale, 62) et le pontifical à l’usage de Lyon (Carpentras, Bibliothèque Inguimbertine, 96). L’iconographie du manuscrit de Clermont-Ferrand est en outre fortement influencée par le milieu dominicain, auquel son commanditaire est rattaché et dont les membres ont dû être parmi les premiers à disposer du texte de Jacques de Voragine.
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Traductions de la Legenda aurea
les textes relatifs à Léger, Jean Chrysostome et Élisabeth3. L’histoire de MarieMadeleine apparaît ainsi normalement entre celles de Praxède et d’Apollinaire. La Légende dorée est complétée par une trentaine de pièces hagiographiques, manifestement extraites de légendiers vernaculaires, dont en particulier la traduction de l’Adbreviatio de Jean de Mailly4. Le compilateur de P semble signer le caractère étranger de cette partie en introduisant la vie de Jean par la rubrique « Ci commencent li saint qui sont pris ou livre sire Mathieu de Fuer. De saint Jehan Evangeliste et l’apostre. » (f° 357 c). Un seul point différencie les deux manuscrits : dans la partie qui s’accorde avec le texte de Jacques de Voragine, l’exemplaire parisien omet la légende de Jean, qu’il ajoute toutefois, de même qu’une très longue vie de saint André (f° 363 b - 381 b), à la fin. Le recueil du Puy insère quant à lui celle de l’Évangéliste dans la partie occupée par la Légende dorée, soit à sa juste place dans l’année liturgique, et ne contient pas celle d’André5. P est un manuscrit sur parchemin, de 416 feuillets6, mesurant environ 350 x 230 mm. Il est réglé sur 2 colonnes à 36 lignes couvertes d’une écriture gothique livresque, plus haute et plus brisée que celle de PV. Les six premières pièces sont introduites par une enluminure de 8 à 9 lignes, toutes les autres légendes par une lettre historiée de 4 à 6 lignes. Dans celle de la vie de Marie-Madeleine, la sainte est représentée à genoux devant le Christ qui tient une croix dans sa main gauche. Elle tend la main droite dans sa direction. Les deux personnages sont auréolés. Entre eux se dresse un arbre dont le tronc se sépare en deux branches. Comme pour l’ensemble du recueil, une rubrique précède le texte, dont certaines lettres sont rehaussées de rouge.
3 Signalons encore l’ordre particulier (qu’on retrouve par exemple dans le recueil Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 23114 (n° 11)) pour Félix et Audacte, Savinien et Savine, Loup, Mamertin, et Gilles. En outre, la vie de Pierre le Martyr n’a pas de rubrique propre dans P, où elle n’est pas dissociée de la légende de la vierge d’Antioche. 4 Martial de Limoges, Saturnin de Toulouse, Julien renoié, Léger, Jean l’Évangéliste, André, Cucufat, Agapite, Éloi, Fuscien et Victoric, Nicaise, Prix, Vigile, Tiburtien et Valérien, Vital, Pérégrin, Prisce, Albin, Gallican, Thibaut, Victor, Pantaléon, Loup, Basile (?), Marius et Marthe, les Trois Frères jumeaux, Brendan et Lucie. Les 17 pièces comprises entre Cucufat et Loup figurent dans les manuscrits de la tradition liée à l’exemplaire de base du n° 2 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 988, traduction de Jean de Mailly). Les trois légendes suivantes (Basile, Marius et sa femme, et les Trois Frères jumeaux) sont conservées dans le volume dont nous tirons le n° 3 (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10295 304), également lié à l’Adbreviatio. 5 Les deux textes ne sont pas des traductions de la même veine que le reste de la Légende dorée. La vie de Jean existe dans le légendier de Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9225, par exemple. Le geste du scribe du manuscrit du Puy paraît donc secondaire. La référence à Mathieu de Fuer apparaît également au début de cette vie, dans une formulation en tous points identiques à celle de P (f° 13 d). Selon A.-F. Leurquin-Labie et M.-L. Savoye (IRHT, Section romane), il s’agit sans doute d’un possesseur dont le nom correspond à celui d’un ancien évêché du Massif Central. 6 Cinq feuillets ajoutés, portant les lettres « A » à « E », précèdent le recueil. Le prologue de l’ouvrage est retranscrit sur le f° « F ». L’Avent commence la partie numérotée en chiffres romains, qui se poursuit jusqu’au f° 415 ; deux feuillets portent le numéro 31, alors que le 200 n’a pas été pris en compte.
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D’après la numérotation dont il a été muni à une époque récente, PV compte 410 feuillets7 en vélin d’environ 345 x 235 mm et est rédigé sur 2 colonnes à 44 lignes. Le volume ne semble pas être formé de cahiers réguliers, mais sa composition matérielle n’est pas assurée et il est difficile de déterminer avec précision ce qu’il manque à la fin8. La littera textualis dans laquelle il est rédigé est plus ronde et serrée que celle de P. Au fil des pages, l’écriture offre d’importantes différences d’aspect, mais on ne relève pas de signes évidents de changements de main, sauf au f° 241 (250) a, où le scribe qui paraît avoir assumé l’essentiel de la tâche cède la place après quatre lignes à un autre intervenant, peut-être le même qui a complété la deuxième moitié de la colonne 321 (330) a. Leur travail a dû faire l’objet d’une révision soignée : on constate en particulier un certain nombre d’adjonctions marginales de la même main, dont le premier jet subsiste parfois côte à côte, dans une petite écriture cursive9. Comprise entre les folios 128 (137) b et 131 (140) b, la vie de Marie-Madeleine est introduite par une rubrique et par une initiale ornée, ce qui est le cas pour toutes les pièces dès la légende de saint Étienne (f° 11 b), à quelques exceptions près10, tandis que les précédentes sont accompagnées de miniatures. Une comparaison systématique entre les programmes iconographiques de P et de PV préciserait peut-être encore les liens qui unissent nos deux manuscrits. L’emplacement de leurs miniatures et de leurs initiales (ornées dans PV, presque toutes historiées dans P) est en tout cas pareil. L’accent mis sur l’enluminure des folios 140 (149) v° et 141 (150) r° de PV constitue la différence la plus évidente entre eux. Dans l’exemplaire du Puy, le module des initiales (de 4 à 5 lignes, dès Sans compter les deux feuillets initiaux, qui portent les désignations modernes « A / B » et contiennent la table du recueil (son écriture est différente et semble plus tardive). La numérotation ancienne, sans doute originale ou contemporaine de cet ajout, mais fautive à partir du f° 90 (numéroté « .iiijxx. »), va jusqu’à 401. La marge supérieure du f° A r° conserve une inscription à l’encre, biffée, dont il ne subsiste que l’indication « 1592 ». D’après celle, à l’encre, dont on perçoit les vestiges, dans la marge inférieure, il pourrait s’agir d’une date : le premier mot se lit clairement « Dono » ; suit une brève portion de texte sans doute abrégé mais très altéré, puis la plus grande partie de cet ex-libris (?), tracée à l’encre ; enfin « mense decemb. (?) 1592 ». La marge inférieure du f° 2 r° comporte un long ex-libris (4 lignes) qui a été très soigneusement poncé. Seuls les premiers mots sont encore lisibles : « Iste liber est (...) » (écriture cursive du XIVème siècle (?)). 8 Le dernier feuillet s’arrête ex abrupto au bas de la colonne 401 d. Dans la mesure où le texte concerné, soit la vie de sainte Lucie, est le dernier mentionné par la table, il ne doit cependant s’agir que d’une lacune limitée (1 bifeuillet probablement, si l’on compare avec P). Par ailleurs, la pagination originale passe du f° 105 (115) au f° 107 (116) et du f° 147 (157) au f° 149 (158) ; les entrées répertoriées dans la table, tout comme le rapprochement avec P permettent d’avancer qu’avec la perte de ces deux feuillets, l’essentiel de la légende de saint Urbain et celles de Pétronille, de Marcellin et Pierre et de Prime et Félicien ont disparu, sauf l’équivalent d’une colonne environ pour la dernière pièce, ainsi que la fin de la vie de Pierreaux-Liens, celle du pape Étienne et le début du récit consacré à l’invention des reliques de saint Étienne, premier martyr. 9 La notice de L. Deslile annoncée (notamment) dans un article de P. Meyer ne semble pas voir été publiée. Voir cependant Bulletin historique et philologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1897, pp. 800 - 801, et Romania, t. 29, 1900, pp. 472 - 473. 10 La Résurrection (f° 82 d) et l’Envoi du Saint-Esprit f° 101 (111) a) présentent une petite lettre historiée. L’initiale ornée du f° 143 (152) a (saint Germain) est d’un style très différent de toutes les autres illustrations. 7
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la légende de sainte Paule (f° 45 c), de taille variable au début du recueil) tend en effet à croître à l’approche de ces deux pages, où figurent trois miniatures à rinceaux supportant des grotesques, pour les vies de Félix, de Simplice, Faustin et Béatrice, et de Marthe, la première ayant subi d’importants dégâts d’eau tandis que la dernière a été arrachée. En revanche, ces textes ne sont pas mis en évidence dans la copie parisienne. La segmentation interne des textes reproduits dans PV semble enfin beaucoup plus marquée (lettrines et pieds-de-mouches, alternativement bleus et rouges, tandis que les caractères – majuscules, la plupart du temps – qui suivent une ponctuation sont rehaussés de jaune). Si l’on néglige l’exposition du nom de la sainte, dont elle est privée comme tous les autres textes de cette collection, la vie de Marie-Madeleine suit de part en part le texte de la Legenda aurea. L’adaptation qu’elle en offre s’impose avant tout par sa servilité et par sa maladresse. L’auteur calque en effet au plus près le texte sur son modèle. À peu de chose près, la structure de la phrase romane épouse de la sorte celle du latin. L’abondance de phrases participiales renforce encore le caractère artificiel de cette traduction pataude. Sa principale caractéristique narrative s’explique du reste aussi par le recours au texte original. Marie-Madeleine n’apparaît en vision que deux fois à la dame de Marseille, au lieu de trois chez Jacques de Voragine. On peut penser que cette légère modification par rapport à la version commune de la Légende dorée est due à un saut du même au même sur le verbe apparuit, dont le responsable est soit l’auteur vernaculaire, soit le copiste du manuscrit latin dont celui-ci s’est servi (cf. § 46 et 47). Sans surprise, peu de traits propres émergent de cette entreprise. Un élément retient néanmoins l’attention : septem horis canonicis (§ 132 et 163) est rendu par « a les .vij. hores regulers » (l. 179 et 239). Peut-on voir dans ce détail un indice fragile permettant de penser que le public à qui le texte vernaculaire était destiné appartenait au milieu monastique ? Cette mise en roman a-t-elle été réalisée pour des frères qui n’entendaient pas le latin ? La glose au sujet des « choses aromatiques, ce est bon flairanz » (l. 233 ss.), absente de l’original, ainsi que la conversion de duodecim stadia (§ 134) en unité courante (« une mille et demie », l. 184) participeraient alors du même geste de vulgarisation. Parfois complexe, la syntaxe du traducteur laisse apparaître plusieurs tournures insolites qui résultent sans doute de la fidélité extrême avec laquelle il suit son modèle. Pour l’époque à laquelle il appartient, on est ainsi frappé par le nombre de participiales dont il se sert. Certains faits isolés sont eux aussi inhabituels : ainsi l’emploi de li comme pronom sujet et régime direct (voir par exemple aux l. 28 sq. : « li de tout embrasa, et li establi sa tres familiere (...) et li doucement excusa ») ; ou de la combinaison estre eu, pour « avoir été », l. 271. De la même manière, l’analyse du lexique indique une forte dépendance vis-àvis du texte de Jacques de Voragine. Les mots qui sortent de l’ordinaire sont
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souvent calqués sur le latin, quoique très approximativement dans certains cas, et leur apparence savante n’est donc que superficielle. En témoigne par exemple la solution adoptée pour le substantif procuratrix, procureriz (« administratrice, intendante » ; § 27, l. 29), et dans une moindre mesure meneriz (« conductrice, guide », l. 164, qui postule un latin *minatrix, au lieu du terme employé dans la Legenda aurea, dux, § 123), le premier de ces deux hapax révélant une imitation directe (comparer les variantes admenistresse, apareileresse ou procureresse qu’offrent les rédactions qui lui fournissent un équivalent). Quelques vocables retiennent néanmoins l’attention, mais ils ne sont pas nombreux et peu le font pour des raisons d’ordre chronologique ou géographique. appellation (l. 274) n’est guère répandu au moyen âge et, surtout, les dictionnaires n’en relèvent pas d’exemple compatible avec la signification du latin vocatio, comme dans notre traduction (le plus proche, au sens d’« action d’appeler quelqu’un pour le faire venir », date du milieu du XVIème siècle, cf. FEW, appellatio, XXV, 1, col. 32 b). La syntaxe des l. 232 - 234 est un peu plus libre puisqu’aromatique n’a pas un adjectif pour modèle, mais le substantif aromata. Le terme est lui aussi rare dans la période médiévale – d’ailleurs, nous avons déjà noté que l’auteur a pris un soin tout à fait inhabituel chez lui de le gloser (« ce est bon flairanz »). Au moins deux des trois occurrences de delectation (l. 275 et 279, § 185 et 186) correspondent au delectatio de la Legenda aurea. Si la situation est moins claire pour celle de la l. 276 (§ 185)11, une telle fréquence est remarquable compte tenu de la faible représentation de ce mot dans les outils de la langue médiévale. Il en va de même pour enundacion (l. 229) et cette forme mi-savante pour le latin inundatio n’est pas répertoriée. lamentable (l. 108) est tiré de lamentabilis (§ 28), mais s’avère exceptionnel et, surtout, la première attestation des dictionnaires provient d’une traduction achevée par Evrard de Conty vers 138012. Les exemples de matrone, que le traducteur emploie au sens de « mère de famille » (l. 66, 77 et 91), relèvent de la valeur antique, que peu d’auteurs expriment. Devançant de quelques dizaines d’années les travaux de Pierre Bersuire, ils seraient à la fois les plus anciens de notre corpus et de ceux que l’on connaît par ailleurs13. prostrer soi (l. 229) est l’un des vocables les plus intéressants. Si le traducteur reprend sans surprise le terme utilisé par Jacques de Voragine (prostrata, § 158), le FEW considère le verbe comme moderne (XIXème siècle sans doute pour l’emploi transitif, le réfléchi n’étant pas attesté, cf. prosternere, IX, col. 468 b), tandis que le participe, au sens Elle rend le substantif dilectio, mais les exemplaires des familles M g du texte latin portent aussi delectatio. 12 Le TLF relève en outre cette attestation dans une copie du XVème siècle (Bibliothèque nationale de France, f. fr. 210, d’après la citation de Godefroy) et nous n’avons pas les moyens de vérifier si cette occurrence peut être attribuée à l’auteur ou à la tradition manuscrite de son ouvrage. 13 Signalons au passage l’intéressante glose que P et PV offrent dans les premières lignes de la vie de sainte Paule : « Sainte Paule fu tresnoble matrone des Romains, ce est prodefeme qui est en eaige que ele puet avoir enfanz ou les a ja ; la vie de la quele sainz Jheronimes composa en ces paroles (...) » (texte du manuscrit du Puy, f° 45 c, plus fiable dans ce passage). 11
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de « prosterné », comme ici, remonterait au plus tôt au le milieu ou au deuxième tiers du XIIIème siècle. refaiseour (l. 196) est l’une des exceptions qui ne trouvent pas de répondant direct dans le modèle latin. Dans les trois exemples médiévaux dont nos instruments rendent compte (le plus ancien datant du premier tiers du XIIIème siècle, pour autant qu’il appartienne bien au texte dont il est extrait, cf. Godefroy, VI, col. 711 c), il prend toutefois le sens concret de « réparateur ». resconduement (« en cachette », l. 149 ; latin occulte, § 114) est employé avec une nette prédilection par Girart d’Amiens, dont le roman d’Escanor totalise trois des six occurrences dont les dictionnaires disposent. Pour la France, tous sont compris entre 1280 et 1306 (deux exemples fribourgeois datent des années 1360). servente (l. 36 et 50 ; famulam § 31 et pedisequa § 35) est notable à la fois en raison de l’écart avec les termes latins qui lui correspondent dans la Legenda aurea, de l’époque à laquelle on fixe son introduction en français (première moitié du XIVème siècle, peut-être vers 1330, cf. FEW, servire, XI, col. 538 b, et TLF) et de sa grande rareté, si l’on en croit du moins le nombre de renvois accessibles14. Plus haut dans le texte, partant également de la désignation latine famulam (§ 30), l’auteur caractérise le personnage de Marcelle au moyen d’un dérivé plus remarquable encore. servicial (l. 34) est en effet un mot rare dont le FEW situe l’emploi entre les années 1256 et 1371, d’après les citations de Godefroy (VII, col. 402 b ; cf. servitium, XI, col. 546 a). Par ailleurs, sa diffusion est essentiellement méridionale ; dans les occurrences médiévales relevées par ces instruments, il est le plus souvent masculin et désigne une fonction plus haute que celle d’un simple serviteur. Les exemples anciens d’une acception moins éminente et ceux du féminin sont à nouveau issus du domaine d’oc (survisial existe à Montauban vers le milieu du XIVème siècle, servisial à Avignon, en 1373, et sirvisial à Albi, au XVIème siècle). Sans être exceptionnels, quelques autres vocables sont peu représentés au moyen âge : baume (l. 198, « grotte, caverne »), équivalent du latin spelunca (§ 141)15 ; contemplacion (l. 175 ; contemplatio, § 130), que nous ne signalerons qu’en raison de l’antériorité probable du texte sur les autres traductions de Jacques de Voragine ; l’adjectif continu (l. 224), calque du continuus de la version originale (§ 156) et dont les premières occurrences nous réfèrent au début du XIVème siècle ; dispersion (l. 51 ; dispersio, § 35), qui apparaît dans un certain nombre de témoins vernaculaires de la Legenda aurea ou dans d’autres pièces de notre corpus, mais peu répandu par ailleurs ; engroissier (« grossir, enfler », l. 104 ; intumescere, § 77), déjà relevé dans un contexte analogue, pour la rareté de cet usage particulier (en rapport avec des éléments naturels, cf. n° 6) ; expirer (l. 107 ; expirare, § 77) ; 14 P et PV en fournissent d’autres occurrences, par exemple dans l’explicit des légendes de Cyr et Julitte et de Marthe, ou dans l’incipit de la vie de sainte Christine. 15 Ce substantif est très rare : seuls trois exemples, dont deux du même auteur, en sont reproduits dans le Complément de Godefroy et il manque dans Tobler-Lommatzsch. Le TLF en date la première attestation du XIIIème siècle, mais la provenance de la citation dont cette indication résulte rend celle-ci sujette à caution.
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pardonance (l. 203 et 285), qui adapte deux termes différents (venia, § 145, et indulgentia, § 191), assez courant mais dont les exemples restent sporadiques au XIIIème siècle ; restuit (l. 155), forme probablement altérée de restituer (restituere chez Jacques de Voragine, § 118), verbe assez rare dans les siècles qui suivent son introduction, en 1261 d’après le FEW16. Un petit nombre de particularités de scripta (ensigre, l. 14, ensiguant, l. 69 ; servige, l. 158 ; ligue, l. 255 ; siegle, l. 300) seraient aussi susceptibles de faciliter la localisation du texte original (ou du modèle employé par les deux copistes), mais ces formes sont assez mal documentées pour la plupart17. L’analyse du lexique ou d’autres faits de langue nous laisse ainsi sur notre faim. L’obédience du traducteur à son modèle ne suggère pas une grande capacité d’innovation dans ce domaine et l’on peut supposer qu’il s’est servi au plus près du latin de mots qui étaient déjà en vigueur, ou dont certains commençaient peut-être à rentrer dans l’usage, mais nous n’avons pas les moyens réels de le vérifier, et il ne s’agit peut-être que d’une impression. Au bout du compte, seule l’époque de nos manuscrits permet de situer le texte dans le temps et sa provenance reste difficile à établir. Pour autant que nos deux copies datent bien des années 1275 1300, leur fabrication suivrait de très peu la seconde rédaction18 de Legenda aurea (1275). Nous aurions donc affaire à une entreprise précoce par rapport à la diffusion du texte latin, ce qui en confirme le rapide essor, si besoin était. Plan de l’édition Exemplaire de référence : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 20330, f° 159 d - 164 a (P) Exemplaire de comparaison : Le-Puy-en-Velay, Grand Séminaire, f° 128 (137) b 131 (140) b (PV) 16 Il est presque certain que cette mélecture résulte du mot qui figurait dans la Legenda aurea. restituere a abouti à deux variantes en français, restituer et restituir, peu employées l’une et l’autre et dont les exemples se rattachent plutôt au XIVème siècle, ou au delà. En raison de sa signification, restruire, « reconstruire », est un candidat beaucoup moins plausible, et restuer, « réparer », qui ne paraît exister que dans un texte lorrain du début du XVème siècle, est considéré par Godefroy comme un terme douteux, cf. VII, col. 132 b. 17 deserrance (l. 206), qui ne trouve pas d’assise dans la Legenda aurea, est sans doute une variante formelle (inconnue des dictionnaires) du dérivé usuel desirrance. À la l. 296 par ailleurs, la nature pour le moins laborieuse et confuse de la traduction montre que son auteur n’a pas compris le sens du passage latin. L’acception particulière du verbe rependere, littéralement « contrepeser, contrebalancer » (ou « aller à l’encontre de » : « Stéphane, pourquoi réponds-tu à mes bienfaits par de mauvaises actions ? »), était bien propre à l’égarer. Il est difficile d’apporter une amélioration au texte à moins de le remanier en profondeur et d’introduire dans cette question un aboutissement qui n’est attesté nulle part ailleurs – un emploi du verbe reprendre n’est guère envisageable ici sauf à partir de significations très marginales, et dans des conditions que la syntaxe n’autorise pas. 18 P et PV contiennent en effet la vie de Pierre le Martyr, absente de la première mais que Jacques de Voragine a introduite dans la version suivante de son ouvrage. Compte tenu de ce repère, le dernier quart du XIIIème siècle offre une datation raisonnable.
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[159 d] De sainte Marie Magdalene
Sainte Marie Magdalene, nomee d’un chastel li quels avoit a nom Magdalo, de
noble lignie nee si com de lignie de roy descendanz, li peres de la quele eut a nom Syrus et sa mere, Eubaria; ceste avoec son frere le Ladre et sa serour Marthe, Magdalo, un chastel, li quels est au secont millier de Genesareth et de Bethanie, la quele est delez Jherosolime, tenoient et grant partie de Jherosolime, les queles choses partirent entre aus, et Marie eut Magdalo, pour le quel est appelee Magdalene, et li Ladrez une partie de Jherosolime, et Marthe eut Bethanie. Mais com Marie Magdalene se donast toute as delices dou cors et li Ladres se entendist plus en chevalerie, Marthe, saige, les parties de sa serour et de son frere et la soue viguerousement gouverna, et as chevaliers et a sa maisnie et as povres aministroit les choses necessaires. Nepourquant toutes ces choses aprés la Ascension de Nostre Seignor il vendirent et le pris as piez des apostres mistrent. Com donques la Magdalene habundast en richeces, et la habundance des richeces la fist ensigre les deliz si que tant com ele plus resplendi de richeces et de biauté, tant ele plus habundona son cors a delit, dont ja [avoit] perdu son propre nom et l’apeloit l’on pecheresse. Mais [160 a] com Jhesucris iluec et autre part preschast, ele inspiree par la volenté de Dieu en la maison Symon le Leprous, ou si com ele avoit oÿ dire Il devoit maingier, hastivement ala et non osanz aparoistre ausi com pecheresse entre les bons, par derrier delez les piez de Nostre Seignor demoura ou ele par larmes lava les piez de Lui et de ses chaveus les terst et de oignement precious les oigni, car li habiteour de cele region contre la grant ardour dou soleil usoient d’oignemenz et de bains; et com Symons dedenz son cuer pensast : « Car se cis fust prophete, il ne se laissast mie touchier de la pecheresse », Nostre Sires de la justice orguelleuse le reprist et a la feme touz ses pechiez pardona. Ceste est donques cele Marie Magdalene a la quele Nostre Sires dona si granz benefices et si granz signes de dilection moustra, car de li .vij. diables dechaça et en s’amour li de tout embrasa, et li establi sa tres familiere et la fist s’ostesse et la vaut avoir sa procureriz ou chemin, et li doucement excusa, car Il l’escusa envers le Pharisé qui la disoit non nete et envers Judas qui la disoit fole large. Li larmoiant vit, les larmes ne peut tenir; pour l’amor de la quele son frere ja mort de .iiij. jors resuscita; pour l’amour de la quele Marthe, sa serour, dou decourement de sanc, le quel ele avoit souffert ja par .vij. anz, delivra; pour la desserte de la quele Marcille, serviciaus de sa serour Marthe, fist digne que ele deist criant cele parole tant sainte et douce : « Boneurous [160 b] le ventre qui Te porta, etc. », car selon saint
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Exemplaire de référence : 16. dont ja perdu son pr. nom (même omission dans PV). Variantes : –
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Ambroise, cele fu Marte et ceste sa servente. Et [ce] est cele qui lava les piez de Nostre Seignour par larmes, par chaveus les tersi et les oingni par oignemenz; la quele ou tans de grace penitance fist sollempne; la quele eslut la tres bone partie; qui s’asist as piez de Nostre Seignor et oÿ les paroles de Lui; la quele oingni le chief de Nostre Seignor; la quele fu dalez la crois Nostre Seignor en la Passion; la quele appareillanz les oignemenz, le cors de Lui vaut oindre; la quele ne se parti dou monument com li deciple s’en partissent; a la quele Jhesucris resuscitanz premierement apparut et la fist apostola avoec les apostres. Aprés la Ascension de Nostre Seignor, ce est a savoir l’an .xiiijme. aprés sa Passion, com li juif eussent ja mort saint Estiene et les autres deciples de les fins de Judee eussent degetez, li deciple entrant en diverses regions de genz semanz en celes la parole de Nostre Seignor; en cel tans estoit avoec les apostres sainz Maximins, uns des .lxxij. deciples de Nostre Seignour, au quel sainz Pierres avoit recommandee Marie Magdalene. En ceste dispersion, sainz Maximiens, Marie Magdalene, le Ladre son frere, Marthe sa serour et Marcilla, servente de Marthe, et sainz Sedoines qui des sa nativité avoit esté avugles, mais Nostre Sires l’avoit delivré, tuit cist ensamble et pluiseurs autres crestiens, qui des non feables estoient tenu pour mauvais, furent mis en la mer sanz nul gouverneour pour ce que [160 c] il noiaissent tuit ensamble. A la parfin, par la volenté de Dieu, il vindrent a Marseille ou com il ne trouvaissent qui les vausist herbergier, desouz un lieu le quel les genz de cele terre avoient fait pour sacrefier as ydoles, il i demourerent entendant en jeunes et en oroisons. Mais com sainte Marie Magdalene veist le pueple descourre a cel lieu pour sacrefier, ele soi levant en estant par visaige plaisant, par face clere, par lengue bien parlant, par son propre cors cels retraioit de aourer as ydoles et Jhesu Crist fermement preschoit, et tuit eurent merveilles de sa beauté, de son beau parler, de la douçour de sa parole, ne n’estoit merveille se la bouche la quele si bons et si beaux baisiers avoit donez as piez Nostre Seignor sentist plus des autres la odour de la parole de Dieu. Aprés ces choses vint li princes de cele provence o sa feme pour sacrefier as ydoles, pour ce que il eussent enfant, au quel la Magdalene, la quele preschoit Jhesu Crist, desloa cest sacrefice. Entre ces choses, passez aucuns jours, la Magdalene apparut en vision a cele matrone disanz : « Pourquoi com vos aiez tant de richeces laissiez vos les sainz de Dieu morir de faim et de froit ? » Et la commença a manecier se ele n’amonestoit son baron que la poverté des sainz
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36. La leçon originale du manuscrit est et ceste sa serv. et est cele qui lava. Le second et recouvre un grattage – peut-être ce, comme dans PV – et le nom de la sainte apparaît dans la marge avec un signe de renvoi dans le texte (écriture distincte mais probablement contemporaine de celle du copiste). Plutôt que de tenir compte de ces interventions dans l’établissement du texte (et ceste sa serv. et Marie Magdaleine est cele qui lava), nous préférons ici nous reposer sur PV, dont l’étroite correspondance avec P permet sans doute de reconstituer l’état primitif. – 51. de sa nat., corrigé en des sa nat. par adjonction d’un s au-dessus du premier mot (main du scribe ?). 36. et ceste sa serv. Ce est cele qui lava (...). – 45. les autres deciples les fins de Judee.
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relevast. Cele douta dire a son baron la vision. La nuit ensiguant li apparut disanz samblanz choses, fremissanz a l’un et a l’autre, et courroucie fu ausi com se ele eust visaige de feu, et estoit samblanz [160 d] que toute la maisons ardist, et lors dist : « Tyranz, dors tu avoec la vivre, ta feme, la quele ne t’a volu demoustrer mes paroles, qui emplis ton ventre de diverses manieres de viandes et les sainz de Dieu laisses perir de faim et de soi ? Tu gis en palais envolepez de dras de soie et li povre, les quels tu voiz deconfortez et sanz ostel, souffres ensi aler ? Non en tele maniere, mauvais, non en tele maniere eschaperas n[e] n’avras sanz paine ce que tu as tant delaié d’aus faire bien. » Ensi parla et s’en ala, et com la matrone esveillanz souspirast et tramblast, ele dist a son baron, par icele meismes cause souspirant : « Sire, as tu veu le songe que je ai veu – Je l’ai veu », ce dist, « dont je ai merveille et paour. Que en ferons nos ? » Au quel la feme dist : « Plus pourfitable chose est de faire sa volenté que avoir la malvoellance de son Dieu le quel ele presche. » Pour la quele chose il reçurent les sainz en leur hostel et leur amenistrerent ce que mestiers leur fu. Com un jour sainte Marie Magdalene preschast, li diz princes li dist : « Croiz tu que tu peusses deffendre la foi la quele tu presches ? » Au quel ele dist : « Oïl, vraiement, et je sui appareillie de deffendre la ausi com efforcie par les miracles cotidiains et par la predication de saint Pierre, mon maistre, li quels est a Rome devant touz les autres. » A la quele li princes et sa feme distrent : « Saichez que nos somes appareillié de faire tout ce que tu diz se tu nos empetres de ton Dieu un fil. – Pour ce [161 a] ne remaindra mie », la Magdalene respont. Lors ele pria Nostre Seignor pour aus que leur deignast otroier fil. Les prieres Nostre Sires oÿ et conçut cele matrone. Lors ses barons commença avoir volenté d’aler a saint Pierre pour ce que il seust se vertez estoit ce que Marie Magdalene preschoit de Jhesu Crist, au quel dist sa feme : « Cuides tu dont, sire, aler sanz moi ? Ne soit que tu ailles sanz moi ! Quant tu iras et je, et quant tu venras, je venrai, et quant tu te reposeras, je me reposerai. » A la quele li barons dist : « Ne sera mie ensi, dame, car com tu soies grosse d’enfant et en mer soient tant de peril, legierement tu porroies perir, pourquoi tu demourras et te prendras garde de noz choses. » Encontre ce cele disoit ausi com feme la quele veut touz dis vaincre, et o larmes as piez de lui se getoit, tant que a la parfin eut ce que ele demandoit, et Marie Magdalene leur mist le signe de la crois es espaulles que li anemi ancien ne les peussent grever ou chemin. Adonques il chargierent la nef de toutes choses qui besoigne leur fu, toutes leur autres choses laissierent en la garde Marie Magdalene et s’en commencierent a aler; et fait le cours d’un jour et d’une nuit, la mers commença a engroissier et li vent a efforcier si que tuit pour les granz undes de la mer troublé estoient et contraint par tres granz dolours, et meismement
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76. na n’avras sanz paine. na est sans doute une mélecture pour ne ou une anticipation de la première syllabe de n’avras (même erreur dans PV). – 89. se tu mos empetres, premier jambage du m exponctué. 72. dors] omis dans PV.
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cele qui grosse estoit, en tant que pour la tres grant angoisse que ele eut [161 b] et pour le tourment dou tans, ele enfanta un fil et tout maintenant ele expira. Li enfes nez cerchoit les mameles de sa mere pour avoir soustenance et lamentables criz faisoit. Las ! quel dolour que uns enfes est nés qui a tué sa mere et lui covient a morir, com nuls ne soit qui li doinst norrissement de vie. Que fera li pelerins qui voit sa feme morte et l’enfant braiant desirrant les mameles de sa mere ? Il se lamentoit mout disanz : « Las, moi, chaiti, que ferai je ? Fil ai desirré et la mere o le fil ai perdu. » Et li maronier crioient et disoient : « Soit getez en mer cist cors avant que nos perissons tuit ensamble, car tant com il sera o nos, ceste tempeste ne finera. » Et quant il pristrent le cors pour geter en mer, li pelerins dist : « Pardonez, pardonez, et se vos ne volez pardoner a la mere, aiez merci et pitié de l’enfant braiant. Attendez un pau, attendez, se par aventure la feme pasmee porroit encores respirer. » Et saichiez que tantost apparut uns mons de terre petiz, le quel il vit et pensa que mielz estoit que la mere et li enfez fussent mis iluec que ce que il fussent devouré des poissons de la mer, et a paines peut faire tant et par monoie et par prieres as maronniers que il la preissent port; et com iluec ne peussent faire fosse pour la grant durté de la terre, il mist le cors ou plus secré lieu que il trouva et prist l’enfant tout em plorant et le mist dalez les mameles de sa mere, et les couvri par desus d’un mantel et dist ensamble larmes : « O Marie Mag- [161 c] -dalene, pourquoi arrivas tu a Marseille a la perdicion de moi ? Pourquoi je, maleurous, ai empris cest chemin par ta amonition ? Demandas tu a ton Seignor que ma feme conceust pour ce que ele perist ? Veez que ele conçut et en enfantant est morte, et pour ce que ce que estoit conceu perist com il ne soit qui le norrisse. Regarde ce que je ai eu par ta priere ! A toi, a qui je ai recommandé toutes mes choses, et a ton Dieu, se Il est poissanz, je recommant la mere de cest enfant, que Il ait merci de s’ame, et par ta priere ait merci de l’enfant que il ne perisse. » Lors couvri le cors de son mantel et puis monta en la nef; et com il venist a saint Pierre, il li fu a l’encontre, liquels veu le signe de la crois en l’espaule de lui mis, qui il estoit et dont il venoit li demanda, li quels li raconta toutes choses par ordre, au quel sainz Pierres dist : « Pais soit faite o toi. Bien soies tu venuz ne ne te soit grief se ta feme dort et se li enfes o li se repose, car Nostre Sires est poissanz de doner a qui Il veut et ce que Il done tolir et ton plour changier en joie. » Lors le mena sainz Pierres en Jherosolime et touz les lieus es quels Jhesu Cris avoit preschié et fait miracles li moustra, et le lieu ou Il souffri Passion et dou quel Il monta en ciel; et com il fust bien entroduis de saint Pierre en la foi l’espace de .ij. anz et plus ja trespassé, il monta en la nef et eut cure de repairier en son païs; et com il najaissent, par la volenté Nostre Seignor il vindrent ou lieu ou li cors de sa feme [161 d] et ses enfes estoient mis, et fist tant as maronniers par prieres et par monoie que iluec arriverent. Et li enfes sainz et haitiez estoit et aloit souvent par le rivaige de la mer et avoit a coustume de jouer as pierretes, et l’avoit gardé sainte Marie Magdalene;
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et com il venissent pres de la terre et il veist l’enfant jouer si com il avoi[t] a coustume, et il eust grant merveille que ce pooit estre, il sailli de la nef en terre, et quant li enfez le vit, qui onques tel chose n’avoit veue, eut paour et s’en fui a les acoustumees mameles de sa mere et se mist resconduement desouz le mantel. Mais li pelerins vint avant pour ce que il veist plus clerement que ce estoit et trouva l’enfant tres bel qui alaitoit les mameles de sa mere, et prenant l’enfant dist : « O, sainte Marie Magdalene, com je seroie bieneurous et com toutes choses me vendroient bien a point se ma feme respiroit et avoec moi s’en retournoit. Je sai et croi sanz faille que tu, qui cest enfant as peu en ceste roche par .ij. anz, que tu porras par ta priere la mere rest[ituer] a la premiere santé. » A ces paroles, la feme respira et ausi com se ele esveillast de dormir dist : « De grant merite es, sainte Marie Magdalene, et glorieuse, qui en la dolour de mon enfantement l’office de norrice as acompli et en toutes necessitez a ta serve as fait servige. » La quele chose cil oianz, merveillanz soi dist : « Vis tu donques, ma tres amee moullier ? » Au quel cele dist : « Je vif voirement et orendroit [162 a] premierement je vien dou pelerinaige dont tu es venuz; et si com sainz Pierres te mena en Jherosolime et te moustra touz les lieus ou Nostre Sires souffri Passion et morut et fu seveliz, et autres pluisours lieus, ensi et je avoec sainte Marie Magdalene, la quele m’estoit meneriz et compaigne, fui o vos et touz les lieus regardai et de tout me souvient. » Et lors commença a espondre touz les lieus et les merveilles que ses barons avoit veues si que en nule riens ne failli. Lors prise sa feme et son enfant monta liez et joianz en la nef et aprés pau de tans, il arriverent en les parties de Marseille; et a l’issir de la nef, il trouverent sainte Marie Magdalene preschant o ses deciples, as piez de la quele il se geterent et raconterent li tout ce que avenu leur estoit, et de saint Maxime reçurent baptisme. Lors en la cité de Marseille toz les temples des ydoles destruirent et les eglyses de Jhesucrist firent, et saint Ladre esleurent tuit d’une volenté evesque de la cité. A la parfin, par la volenté de Dieu il vindrent en la cité d’Ais et le pueple amenerent a la foi de Jhesucrist par mout de miracles, ou quel lieu sainz Maximes est ordenez en evesque. Entre ces choses, sainte Marie Magdalene, coitouse de la souveraine contemplacion, ele ala en tres aspre desert et en cel lieu appareillié par mains d’angeles par .xxx. anz demoura non cogneue, ou quel lieu n’avoit aigues ne herbes ne solaz d’arbres, pourquoi ele fust manifestee, car Nostres [162 b] Rachaterres avoit disposé de li saouler des viandes celestieus ne mie de refections terrienes; et chascun jour a les .vij. hores regulers, ele estoit eslevee des angeles en l’air et ooit les chanz de la compaignie de ciel a ses oreilles
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146. il avoir. Dans PV, on peut hésiter entre l’infinitif et l’imparfait, requis ici. – 155. Bien qu’elle soit partagée par P et par PV, restuit est une forme très improbable. Nous lui substituons celle qui paraît la plus adéquate ici (voir notre présentation). 154. tu qui est enfant, est exponctué et remplacé par cest.
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corporeus, dont ele chascun jour saoulee de ces soues viandes et de la par ces meismes angeles retournee en son propre lieu, de corporeil norrissement n’avoit besoing en nule maniere. Et avint que uns prestres desirranz de mener vie solitaire fist sa celle pres de li a une mille et demie, et avint un jour que Nostre Sires ouvri les iex de cel prestre et a ses iex corporeus vit apertement comment li angele descendoient ou devant dit lieu ou quel sainte Marie Magdalene demouroit et la souzlevoient en l’air, et aprés l’espace d’une hore, ensamble los de Dieu la retournoient a celui lieu. Voellanz li prestres savoir la verité de si merveilleuse vision, par prieres a Nostre Seignor soi recommandanz au devant dit lieu par hardie devotion aloit hardiement; et com il aprochast au lieu dou get d’une pierre, les cuisses li commencierent a faillir et li cuers a trambler par grant paour, et com il retournast arrieres, il aloit et de piez et de cuisses si com il avoit usé, mais se il alast cele part, il par grant languor de tout le cors et de paour il ne peust aler. Adonques entendi li hons de Dieu cele chose estre sanz faille sacrement celestiel au quel [162 c] ne pooit aprochier humains esperiz. Nommé donques le nom dou Salveour, il escria : « Je te conjure par Dieu vif et verai Refaiseour dou monde, Nostre Seignor Jhesu Crist, que se tu es hons ou aucune creature raisonable qui habites en cele baume, que tu me respondes et me dies la verté de toi. » Et com il eust ce dit .iij. foiz, sainte Marie Magdalene li respondi : « Vien plus pres et tu porras savoir de tout ce que tu desirres. » Et com il tramblanz aprochast a li tant que au terme de l’espace moien, ele li dist : « Te remembre il de l’Evangele qui parle de Marie, cele tres nommee pecheresse, la quele arousa les piez dou Salveour par larmes et de ses chaveus les essua, et deservi pardonance de ses pechiez ? » A la quele li prestres dist : « Bien m’en remembre et sont plus de .xxx. an passé que la Sainte Eglyse croit et confesse ce estre fait. – Je sui cele », ce dist, « la quele par ardant deserrance et por la chierté de mon Salveour ai esté fuianz de tout en tout l’anui de la presente vie, non aianz ne faim ne soi ne par nul norrissement terrien ne sui soustenue, ainz sui saoulee continuelment de viandes celestiels tres soues; et si comme hier te fu otrié de regarder, ensi touz les jours par les mains des angeles en l’air soullevee de la celestiel compaignie, le douz chant par .vij. foiz chascun jour a mes oreilles corporels ai deservi oïr. Mais car il m’a esté revelé de Nostre Seignor que je doi trespasser de cest monde, va t’ent a saint Maximi- [162 d] -en et se li di que le prochain jour de la Resurrection de Nostre Seignor, a cele hore que il a acoustumé de lever as matines, touz sels entroit en l’oratoire et iluec par le mestier des angeles me trouvera. » Li prestres la voiz de li ooit ausi com voiz d’angele et nul ne veoit, et s’en ala a saint Maximien et lui conta toutes ces choses par ordre, et sainz Maximiains empliz de grant joie rendi au Salveour granz
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– 205. ce estre fait] la lecture du dernier mot n’est pas assurée dans PV.
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graces; et a celui jour, a cele hore que bone li sambla, touz souz entra en l’oratoire [et] vit sainte Marie Magdalene encores estant en la compaignie des angeles qui l’avoient amenee. Ele estoit eslevee de terre par le espace de .ij. coutes estanz en mi lieu des angeles, et les mains estendues, Nostre Seignor oroit; et com sainz Maximens doutast d’aprochier soi de li, ele se tourna vers lui et li dist : « Vien ça, peres, plus pres et [ne] fui ta fille. » Et cil s’aprocha de li. Si com es livres de celui Maximien est contenu, en tele maniere le visaige de la dame de continue et longue visions des angeles resplendoit que plus legierement peust l’on regarder les rais dou soleil que sa face. Adonques ele pria saint Maximien que il apelast les prestres et touz ses clers. Appelé donques ensamble tuit li clerc et li devant dit prestre, le cors et le sanc de Nostre Seignor sainte Marie Magdalene reçut de la main de l’evesque ensamble grant enundacion de larmes. Aprés ele se prostra devant l’autel et entre larmes et oroisons, ele [163 a] trespassa a Nostre Seignor. Aprés le decés de la quele, il demoura iluec oudour de si grant suaveté que par .vij. jours aprés, cil qui en l’oratoire entroient sentoient la bone odour. Le cors de la quele tres sainte, sainz Maximiens honerablement le seveli, confit de choses aromatiques, ce est bon flairanz, et commanda que aprés sa mort fu seveliz dalez li. Egippus, ou selon ce que aucun dient Josephus, acorde assez avoec la hystoire devant dite. Il dist en .j. sien traictié que Marie Magdalene, aprés l’Asension de Nostre Seignor, pour la ardour de la chierté de Jhesu Crist et par l’anui que ele avoit ne voloit veoir home, mais puis que ele vint a Ais, ele s’en ala ou desert et .xxx. anz i demoura qu’ele ne fu cogneue, ou quel lieu, si com il dist, chascun jour a les .vij. hores regulers, ele estoit levee en l’air des angeles; et dist encores que com li prestres venist a li, il la trouva enclose en une celle et a la peticion de li, il li tendi vestiment le quel ele vesti et ala a l’eglyse avoec lui, et receue la communion, levees en oroison ses mains dalez l’autel, en pais reposa. Ou tans de Charllemaine, ce est a savoir l’an de Nostre Seignor .ccc.xlix., Giraldes, dux de Bourgoigne, com il ne peust avoir enfant de sa feme, largement donoit as povres ses choses et faisoit mout d’eglyses et d’abaïes; et com il eust faite l’abaïe de Verzelai, il et l’abbés de cele abbaïe un moine o compaignie convenable envoierent a la cité d’Ays pour aporter en les reliques de sainte Marie Magdalene, [163 b] se il pooit. Venanz donques li diz moines a la dite cité, la quele com il trouvast destruite des paiens, il trouva par aventure un sepulchre de marbre et demoustroit que li cors sainte Marie Magdalene estoit dedenz, et en cel sepulchre, la hystoire de li par merveilleuse oevre estoit entaillie. Adonques cil moines de nuiz cel sepulchre brisa et les reliques prist et a son hostel les porta. En cele nuit meismes, sainte Marie Magdalene apparut au moine disanz que il ne doutast mais parfeist ce que il avoit encommencié.
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218 - 219. touz souz entra en l’or. vit sainte Marie Magd. (même omission dans PV). – 223. et fui ta fille (la particule de négation fait également défaut dans PV). 247. en la cité d’Ays.
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Retournanz li moines o les reliques et com il venist pres de s’abaïe a demie ligue, en nule maniere il ne peut d’iluec les reliques mouvoir tant que li abbés et touz li couvenz i furent venu a procession honereement, et ensi la reçurent. Uns chevaliers qui touz les anz avoit a coustume de venir au cors sainte Marie Magdalene fu ocis en une bataille, et ensi que il estoit plourez de ses parenz, li quel deboinairement se complaignoient de sainte Marie Magdalene disant pourquoi ele avoit laissié son devot morir sanz confession et sanz penitance, lors soudenement cil qui estoit morz [devant] euz se leva, dont cil qui la estoient furent durement esbahi, et demanda que l’on li feist venir le prestre; et com il devotement fust confessés et eust receu le cors de Nostre Seignor, tantost il reposa en pais. Une nef chargie d’omes et de femes peri, et com une feme, la quele estoit grosse d’enfant, regardast que ele pe- [163 c] -rissoit, sainte Marie Magdalene reclamoit tant com ele pooit prometanz que se ele la eschapoit de cel peril et ele faisoit fil, que ele le donroit a son mostier; et tout maintenant, une feme par beauté et par habit honerable li apparut, la quele la prist par le menton et la mena au port, et li autre furent peri. Ele aprés eut fil et son veu feablement acompli. Aucun dient sainte Marie Magdalene estre eue espouse de saint Jehan Euvangeliste, la quele il avoit espousee quant Jhesucris des noces l’apela, et de cele desdeignie que son espous li avoit tolu, ele s’en ala et a tout delit se dona. Mais car il n’estoit convenable chose que la appellations de Jehan fust faite a li ochoisons de dampnation, Nostre Sires la converti a pacience et car Il l’osta de la souveraine delectation charnel, et pour ce cele par souverene delectation esperituel, la quele est en l’amour de Dieu, devant touz les autres Il empli; la quele chose et de saint Jehan aucun dient que pour ce, par la douçour de sa familiarité Nostre Sires devant les autres la honera, car Il l’osta de la dite delectation. Ces choses sont d’aucuns pour vaines racontees. Uns hons qui avoit perdu le veoir, com il a l’abbeïe de Verzelai venist pour visiter le cors de sainte Marie Magdalene et ses menerres li deist que il veoit ja l’eglyse, cil reclama la Magdalene : « O sainte Marie Magdalene, otroie moi que je deserve veoir ta eglyse en aucun tans. » Et tout [163 d] maintenant, si oel furent ouvert. Com aucuns eust escrit ses pechiez en une cedule et la eust mise desouz la touaille de l’autel sainte Marie Magdalene, priant li que li empetrast pardonance, li quels aprés, cele cedule prenanz trouva ses pechiez effaciez. Com aucuns fust detenuz en fers pour monoie que l’on li demandoit, il appeloit touz dis la Magdalene en sa aide et une nuit, une bele feme li apparut la quele le desloia et desferma et li commanda que il s’en alast, et tantost qu’il se vit delivré, il s’en fui maintenant. Uns clers de Flandres, Estienes par nom, estoit cheuz en tant de felonnies et de
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261 - 262. Il est difficile d’établir si le manuscrit comporte cil qui estoit morz enz se leva, leçon peu plausible au point de vue sémantique, ou euz se leva, clairement indiqué par PV mais qui exige une correction du type de celle que nous avons tentée ici. 260. se compl. en s. M. Magd.
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pechiez que il toute mauvaistié faisanz ne les choses qui estoient de salu ne faisoit, ne seul oïr ne les voloit. Nepourquant il avoit grant devotion en sainte Marie Magdalene et la vegile de li jeunoit et sa feste gardoit; et com il fust venuz a sa tombe, la Magdalene apparut a lui ne de tout veillanz ne de tout dormanz en samblance de tres bele feme o .ij. angeles, l’un a destre et l’un a senestre, et li dist : « Pourquoi, Estiene, reprenz tu les faiz non dignes par mes merites ? Pourquoi ne te muez tu a repentance quant je me traveille pour toi, car saiches que despuis que tu eus en moi devotion, je ai prié Dieu touz dis pour toi. Lieve toi donques ! Repent toi, et je ne te laisserai tant que tu seras reconciliez a Dieu. » Cil adont senti en lui si grant grace que tout maintenant il laissa le siegle et en- [164 a] -tra en religion, et fu de tres sainte vie. En la mort dou quel la Magdalene fu veue dalez la biere ensamble angeles estre presente et l’ame de lui o los virent porter en ciel.
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11. Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 23114, f° 184 r° - 188 v° Le prologue de cette traduction anonyme de la Légende dorée, conservée dans un manuscrit du XVème siècle, permet de cerner la motivation de l’auteur vernaculaire : « (...) et a l’instance de tresnoble dame madame Beatris de Bourgongne, comtesse de la Marche et d’Angoulesme, la legende des sains qui legende d’or est appellee1 et qui fu coppiie et en latin ordonnee d’un frere prescheur, qui frere Jacques de Gennes avoit nom, sy fu translatee de latin en rommant en commun langaige que tous puissent entendre simplement sans y adjouster et sans y amenrir en la maniere qu’il vient cy aprés (...) » (f° 1 r°). P. Meyer a rappelé la date de rédaction que l’on peut induire de cette dédicace, soit 1276 - 13292. L’étude du vocabulaire qui figure dans la seule copie qui survit du texte n’exclut pas toutefois que cette rédaction ait subi des remaniements au cours de sa transmission. Rédigée sur 405 feuillets de ca 285 x 210 mm, par un scribe pratiquant une écriture bâtarde3, et sur une colonne à 38 lignes, cette copie tardive intègre des marques de segmentation de différentes tailles, mais elle ne comporte aucune miniature. Quatre papiers de type distinct ont été employés pour sa fabrication. Le filigrane de loin le plus fréquent dans le volume est une variante probable du motif du dauphin4. Le second, qui combine en apparence une crosse et une tiare dont les détails du décor intérieur restent incertains, ne semble apparaître qu’entre les feuillets 220 et 230 environ. Enfin, deux spécimens différents de la lettre « P » sont localisés dans la dernière partie du manuscrit, le premier mieux représenté que le second5. L’origine du copiste lui-même ne peut être établie qu’à partir de traits linguistiques disséminés mais clairement picards. Le volume reflète, à quelques exceptions près, la composition de la Legenda aurea6. L’ajout de la vie de saint Eutrope, entre celles de Pierre Martyr et de 1 Voir également le titre qui introduit la table du recueil : « Table de ce present livre intitulé legende d’or » (en apparence, même main que pour les textes qui suivent). 2 « Notice du ms. Med.-Pal. 141 de la Laurentienne (vies de saints) », Romania, t. 33, 1904, pp. 1 - 49 (p. 4). Mariée en 1276 à Hugues XIII de Lusignan, Béatrice de Bourgogne mourut en 1329. P. Meyer rattache le volume qui nous concerne au XVème siècle, sans plus de précisions. 3 Il n’est pas aisé de déterminer combien de mains ont participé à la réalisation de cet ensemble. Un changement, au troisième quart du premier feuillet d’un cahier (f° 242 r°), paraît flagrant de prime abord, mais reste pourtant fortement sujet à caution. On ne peut fonder aucune certitude sur les autres disparités que l’on observe. Seule la dernière pièce est d’une écriture clairement distincte de celle qui la précède. 4 Ou s’agirait-il d’un autre poisson enroulé sur lui-même, d’un crustacé (une écrevisse ?), voire d’une tête prolongée d’une couronne ou d’une fleur (de lys ?) ? Dans la première éventualité, les correspondances avec les modèles édités par Briquet s’avèrent insuffisantes et le volume de Piccard relatif à ce thème n’est pas encore disponible. 5 L’une des variantes est proche de Piccard, t. IV, 3, section IX, n° 893 (ou, éventuellement, du n° 894). Celle qui figure sur l’avant-dernier folio peut être rapportée à Piccard, t. IV, 2, section III, n° 69 et 70. Les trois imprimés concernés ont été confectionnés entre 1473 et 1476 et ce lien chronologique permet peutêtre de fixer l’exécution de notre manuscrit à la charnière des troisième et dernier quarts du XVème siècle. 6 Manquent les vies de Paule, Vaast, de la vierge d’Antioche, de Gordien et Épimaque, Nérée et Achillée, Pancrace, Marcellin et Pierre, Prime et Félicien, Gervais et Protais, Syr. La place de celles d’Alexis et de Marguerite est inversée. La légende de Gilles suit celle de Mamerin. La fin de la vie de Jacques le Mineur
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l’apôtre Philippe, permet de mieux cerner la datation et, dans une moindre mesure, la localisation de notre exemplaire. L’explicit de la légende précise en effet que le dernier miracle raconté a eu lieu en 14837, ce qui constitue le terminus post quem de notre manuscrit. La présence de ce récit, peu répandu mais qu’on retrouve dans des exemplaires produits à Cambrai et à Tournai8, paraît en outre conforme aux indices fournis par la scripta du texte, en dépit de leur faible nombre et de leur banalité. La légende de Marie-Madeleine ne comporte pas l’exposition de son nom (alors que plusieurs pièces du recueil contiennent celle-ci, mais souvent sous une forme partielle). Au demeurant, elle suit la trame de Jacques de Voragine. Le miracle du prisonnier libéré est toutefois omis. La traduction est assez fidèle et n’offre que peu de particularités narratives. Outre quelques divergences dues à des erreurs manifestes9, on peut relever que la sainte n’apparaît que deux fois à la dame de Marseille10 et que la mort du clerc Étienne n’est pas évoquée. Par rapport au modèle latin, le texte se caractérise surtout par la suppression de phrases, en tout ou en partie, ce qui a pour effet d’estomper des éléments souvent redondants ou des détails superflus pour la compréhension de l’histoire. Si les rares amplifications semblent être parfois de simples bourdes, quelques-unes ont une visée explicative. Ainsi l’usage des bains est-il justifié par la précision « pour refroidier » (l. 30)11. L’articulation marquant la fin du préambule, « Mais orendroit il convient dire comment Marie Magdalaine se converty a Jhesucrist. Nous trouvons que la Magdalaine fu une femme moult belle (...) » (l. 17 ss.), relève de la même intention. D’autres ajouts, plus nombreux, servent à dramatiser le récit, ainsi le reproche au prince de laisser mourir les chrétiens sans lieux d’hébergement à Marseille alors qu’ils sont « au vent et a la pleuve » (l. 84 sq.), ou les adieux au corps de la femme et à l’enfant en pleurs, que son père embrasse plus de cent fois (l. 139 sq.). L’usage du discours direct à la place du discours indirect accentue ce trait. Toutefois, l’impression générale qui se dégage à la lecture est celle d’une traduction concentrée, dénuée de véritable relief, parfois même laborieuse. Celle-ci laisse néanmoins apparaître la volonté exprimée dans est introduite par une rubrique indépendante (« De le vengance Jhesucrist », f° 132 v°). La pièce relative à saint Éloi qui clôt le recueil a été ajoutée (f° 401 v° - 403 r°). 7 « Ce advint en l’an de l’Incarnacion Nostre Seigneur Jhesucrist mil .iiijc. .iiijxx. et .iij., et pluseurs autres miracles fist monseigneur saint Eutrope qui ne sont point ycy escrips » (f° 129 v°). La vie de saint Eutrope est donc étrangère au projet initial du traducteur. 8 Dans notre corpus, on trouve une vie de saint Eutrope, mais dans une version différente de celle de notre manuscrit, dans Cambrai, Médiathèque municipale, 812 (719), où elle figure aussi entre les légendes de Pierre Martyr et de l’apôtre Philippe, et dans Lille, Bibliothèque municipale, Rig. 452 (795), soit précisément les volumes qui contiennent les rédactions du n° 16, dont les textes entretiennent des liens manifestes avec notre vie, voir infra. 9 Ainsi par exemple l’indication que Marie-Madeleine se retire dans son ermitage « par l’espace de .xxx. jours » (l. 185) ou que le chevalier tué en bataille visite le corps de la sainte « chascun jour » (l. 260). 10 Pour une tentative d’explication de cette particularité, voir la présentation du n° 10. 11 Mais cette précision apparaît dans d’autres versions.
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le prologue du recueil : proposer des vies de saint en roman à l’usage de « cil qui sont rude et ignorant » (f° 1 r°), afin qu’ils puissent mieux les comprendre et en suivre l’exemple. La comparaison avec les versions que nous éditions sous le n° 16 révèle un lien évident avec notre traduction, que la reprise littérale de phrases ou de segments de texte met en lumière. Il n’est toutefois pas possible de déterminer la nature exacte des rapports, directs ou par intermédiaire, qui unissent ces deux rédactions. Peu d’éléments retiennent l’attention au point de vue stylistique et formel. La distance qui sépare l’époque présumée du traducteur de celle de notre copie et l’absence d’un exemplaire de comparaison rendent d’ailleurs toute évaluation délicate, de même sur le plan lexical. À ce point de vue, on peut noter l’existence du latinisme cubites (l. 222) que le FEW (II, 2, col. 1450 a) distingue des autres aboutissements du substantif cubitus, employé dans la Legenda aurea (§ 153). Ses deux attestations remontent vraisemblablement à Godefroy (II, col. 390 b), qui est le seul à enregistrer des exemples de ce mot savant (dans la même acception, soit « coude », comme unité de mesure), mais la date la plus précoce que le FEW stipule (1351) ne semble pas correspondre au premier. Notre adaptateur a-t-il forgé luimême ce terme, sensiblement plus tôt, en se contentant d’un simple placage ? Sa présence dans notre texte peut aussi résulter d’un avatar de sa transmission. On y retrouve aussi la particularité signalée dans le n° 10, à savoir que deux occurrences sur trois du vocable rare delectation (l. 285, 286 et 291) répondent au latin delectatio, tandis que Jacques de Voragine parle de dilectio dans un cas, mais les variantes de certains manuscrits peuvent justifier le choix du traducteur (§ 185 et 186). Pour autant qu’il ne s’agisse pas d’une réfection ultérieure, delicieusement, que nous avons commenté à propos du n° 3, pourrait être à la l. 12 l’exemple le plus précoce de notre corpus pour cet adverbe. Sur les trois occurrences que le FEW fournit pour le verbe desacuser (l. 36 ; accusare, XXIV, col. 94 a), la plus ancienne date de 1345 (les deux autres, du XVème siècle, proviennent sans doute de Godefroy, II, col. 531 a, qui tire d’ailleurs l’une d’elle d’une édition du XVIème siècle). dispersion (l. 57) est bien représenté dans notre ensemble de textes (voir en premier lieu le n° 10, à nouveau). En revanche, l’adverbe incontinent (« aussitôt », l. 181) n’est pas très courant et le TLF date sa première attestation de 1332, sans doute d’après les relevés du FEW. Réplique d’indignata (§ 183), le participe-adjectif indigné (l. 227) est rare dans les premiers temps qui suivent son introduction (début du XIVème siècle selon le DEAF, col. 212) et, somme toute, il reste peu courant. pareillement (l. 86) ne l’est guère plus et semble faire son apparition (à la suite de paraument) dans le troisième quart du XIVème siècle, mais les dictionnaires ne permettent pas de se faire une idée tout à fait claire de celle-ci ni de la représentation de cet adverbe. Cinq de nos adaptateurs ont eu recours au dérivé procureresse pour rendre le procuratrix de la Legenda aurea (§ 27 ; l. 35).
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Sans être exceptionnel, ce dérivé savant n’est pas souvent employé au moyen âge et notre exemple coïncide sans doute avec la période où il apparaît en français, mais avec une signification (« celle qui s’occupe, prend soin de ») qui s’adapte plutôt à ses emplois du XIVème siècle. À date ancienne, le composé de tirer (l. 200) dont l’auteur (ou le scribe, selon toute vraisemblance) fait usage dans l’expression retirer soi arriere, « reculer », n’est guère répandu, et il reste peu fréquent à la fin du moyen âge. C’est à cette époque que, d’après le TLF (dont la notice est la plus précise), ses emplois pronominaux se développent, l’acception qu’il revêt dans notre texte étant attestée vers 1485 seulement. Enfin, le féminin sarpente (l. 81 ; § 48) est assez rare. Les estimations les plus hautes de nos instruments de recherche coïncident donc à peu près avec le terme de la période suggérée par P. Meyer. Pour un texte qui ne se signale pas particulièrement par sa créativité lexicale, on imagine plus volontiers que le rédacteur se sera servi de matériaux déjà employés par ses devanciers ou par ses contemporains, quelques interférences dans la diffusion du texte n’étant pas impossibles, comme nous l’avons suggéré plus haut12.
12 Dans l’édition de ce texte, nous avons respecté la distinction que marque le copiste entre les pieds-demouches, restitués au moyen du signe « ¶ », et leur variante d’exécution, « Γ ».
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[184 r°] De Marie Magdalaine
Marie Magdalaine prist son sournom d’un castel qui estoit appellez Magdalon,
et si fu extraite de noble lignie de roy. Son pere estoit apellez Sirus et sa mere Eucarie. Ceste glorieuse dame avoit et tenoit le castel de Magdalon aprés le mort de ses parens avec le Ladre, son frere, et Marthe, sa soeur, qui est assis a .ij. mil de Genazareth, et le castel de Bethanie, qui est emprés la cité de Jherosolimme; et si avoient grant partie de Jherosolimme et de la cité meisme de Jherosolimme, ¶ mais ilz avoient ainsi parti entre eulx toutes ces choses que Marie tenoit le castel de Magdalon, parquoy elle estoit appellee Magdalaine, et le Ladre tenoit celle partie qu’il avoit en Jherosolimme, et Marthe avoit le castel de Bethanie. Et pour ce que Marie Magdalaine estoit occuppee a lui tenir tout aise selon le corps en vivant delicieusement, car elle s’y estoit habandonnee, et le Ladre estoit occupez en fais d’armes, et ne pooient bien gouverner leurs terres, Marthe, qui saige estoit, la part de son frere et de sa soeur gouvernoit et dispenssoit aux chevaliers, aux escuiers, aux sergens, ce qu’il leur estoit mestier; mais quant vint aprés l’Ascencion de Jhesucrist, tout ce qu’il avoient vendirent et le pris aporterent aux appostles et a leurs piés tout offrirent. ¶ Mais orendroit il convient dire comment Marie Magdalaine se converty a Jhesucrist. Nous trouvons que la Magdalaine fu une femme moult belle et sy avoit des richesses de ce monde a grant plenté; et pour ce que trop de fois il advient que pour occasion des richesses et de trop grant aise, la char s’encline plus tost a pechié, Γ de tant qu’elle ot plus de richesses et de grant biaulté, de tant s’abandonna elle plus a toute carnalité et a pechié, et avoit ainsi que son nom perdu et l’appelloit on la pecheresse. ¶ Mais Jhesucrist, qui preschoit par tout le paÿs, fu ung jour en la maison Simon le Lepreux. Lors la Magdalaine, qui fu aspiree de la grace du Saint Esperit, en celui lieu s’en ala ou Jhesucrist estoit a la table, car elle n’osoit devant les autres aparoir comme pecheresse, Γ se mist par derriere aux piés de Jhesucrist et de ses larmes les lava et de ses cheveux les essua, puis les oindy de precieux ongnemens et les baisa humblement, car la maniere d’icellui paÿs estoit telle que pour la grant ardeur du soleil, les gens sy usent de bains et de precieulx ongnemens [184 v°] pour refroidier; et quant Simon ot en lui meismes pensé que se Jhesucrist fuist vray prophete, Il ne se laissast ja ainsi touchier d’une femme pecheresse, Nostre Sire le reprist tantost et si pardonna a la Magdalaine tous ses pechiés entierement, car de lui .vij. diables jeta et de tous poins en s’amour le conferma. Il lui moustra tresgrant familiarité, car Il fist d’elle son hostesse, et si le volt en son chemin aver a procu[re]resse, et tousjours le desacusoit doucement, car Il [le] desacusa a l’encontre du Pharisien qui disoit
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35. procuresse. La variante féminine de ce type de dérivés (noms d’agent suffixés en -eor au masculin, ou -eur, pour l’époque de notre manuscrit) devrait être procureresse. Comme celui du texte n° 20, le copiste à simplement dû oublier une syllabe dans ce mot. – 36. car il des.
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qu’elle estoit femme ville et pecheresse, et a sa soeur qui disoit qu’elle estoit trop huiseuse. ¶ Quant Jhesucrist le vid plourer, Il ne Se polt tenir de plourer. Γ Aprés, pour l’amour d’elle, le Ladre son frere resuxita, qui estoit mors de .iiij. jours. ¶ Encorre pour l’amour d’elle, Marthe sa soeur garist de flux de sang qu’elle avoit porté par .vij. ans. ¶ Encorres par ses merites, Jhesucrist fist digne miracle [de] Marchelle, la chamberiere de Marthe sa soeur, de dire ceste saincte parole quant elle oÿ Jhesucrist preschier : « Beatus venter qui Te portavit », selon ce que dist saint Ambrose. ¶ Ce fu Marie Magdalaine qui fu tant amee de Jhesucrist, et Marchelle fu chamberiere de Marthe sa soeur. Chou est doncques celle Magdalaine devant dite. Ce est celle qui en temps de grace tout premiers penitance fist et qui a la passion Nostre Seigneur fu emprés la croix, et precieux ongnemens appareilla pour oindre le precieux corps de Jhesucrist. ¶ Ce est celle qui, combien que les disciples de Jhesucrist se departissent, ne se volt oncques departir du saint monument. Ce est celle a qui Jhesucrist premierement aparut quant Il fu resuxitez, et sur tous les appostles maistresse et apostle le fist. ¶ Aprés quant Jhesucrist S’en fu montez ou ciel et li juis orent saint Estienne lapidé, et trestous les disciples orent de Judee cachiet et jectet, ¶ adont les disciples s’espandirent partout le monde en divers paÿs pour preschier la foy de Jhesucrist a diverses gens. En celui temps avoit en la compaignie des appostles ung homme qui estoit appellez Maxenius, qui estoit ung des .lxxij. disciples, Γ a cui saint Pierre avoit baillié en garde Marie Magdalaine, et [en] celle dispersion qui fu lors des disciples, Γ Saint Maxinus, Marie Magdalaine et le Ladre, son frere, et Marthe, sa seur, Γ et Marchelle, camberiere de Marthe, et saint Cedoines qui tous aveugles estoit nés, mais de Jhesucrist avoit esté renluminez, tout cil et pluseurs autres furent prins emsamble des paiens et mis en mer et les habandonnerent a tous perilz sans nul gouverneur, parquoy il peuissent perir et noyer, mais par le volenté de Dieu, sans nul mal au port de Marcelle arriverent; Γ et quant ilz furent arrivez, nul ne les voloit herbegier et demourerent par desoubz ung portal qui estoit devant le temple des gens de celle cité. Et quant la glorieuse Magdalaine vid et regarda ces gens qui aloient a leur temple pour aourer ces ydoles, tantost elle se leva et les faisoit retourner a son pooir de celle erreur [185 r°] et la foy de Jhesucrist leur preschoit hardiement. Lors tous se commencerent a esmerveilier forment pour la raison de sa grant biaulté et de sa loquence, et ce n’estoit mie merveilles se la bouche qui tant doubz baisiers et debonnaires avoit fais et baisiet les piés de Nostre Seigneur Jhesucrist plus que nul aultre parloit doucement. Aprés advint que le prince de celle contree et de celle terre, avec sa femme, fist sacriffice aux ydoles pour avoir d’elle lignie, mais la Magdalainne lui prescha la foy de Jhesucrist et lui fist laissier les ydoles et le sacriffier. Puis aprés ung peu de temps, Marie Magdalaine s’aparut a la femme de
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41. Jh. fist digne mir. Marchelle. – 55. Maxenius] la graphie de ce nom est incertaine – le dernier jambage avant le s comporte un point qui pourrait être une abréviation, mais pour quelle forme ? – 57. et celle disp. – 57. qui fu lors des des disc.
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ce prince en songant par nuit et lui dist : « Pourquoy laissiez vous morir les sains de fain et de froit, qui tant grant richesses avez ? » Puis le commença a manechier s’elle ne faisoit tant a son mary qu’il veussist aidier ces sains de Dieu, mais elle ne l’osa dire a son mary. Et la tierce nuit aprés, a eulx deux, forment yree et courchie, si forment qu’il leur sambloit que son viaire fuist tout enflammé et que sa maison ardeist, leur dist : « Dors tu, tirant, qui es membre du diable, ton pere, et le cruelle sarpente, ta femme, qui mes paroles ne te volt oncques dire et reveler ? Respons, anemy de la croix, qui as le ventre enflé de tant de diverses viandes et les sains de Dieu laisse perir devant toy de fain et de soif ? ¶ Tu giz en ton biau palais tous envelopez de draps de soye et les sains de Dieu laisses morir sans hostel au vent et a la pleuve ! » En telle maniere leur parla et puis de la tantost s’en ala; et quant la femme s’esvilla, de grant peur souspira et son mary pareillement, et dist : « Monseigneur, avez vous veu ce que j’ay oÿ et veu ? » Adont il respondy : « Je l’ay veu et oÿ, dont j’en ay grant peur en mon coeur. Que ferons nous ? Dis le moy. » Dont elle respondy : « Il vault mieulx que nous faisons le volenté d’elle que nous courchons le Dieu qu’elle presche. » Et pour ce, dela en avant ilz rechuprent les sains et les sainctes de Dieu en leur hostel et leur administrerent leur neccessité. Aprés advint une fois que la Magdalaine preschoit au peupple et le prince, qui la estoit presens, dist ainsi : « Porroies tu soustenir celle foy que tu nos presches ? » ¶ Adont Marie respondy : « Je suis toute preste de soustenir ce que je dis comme par apers miracles et par le saincte predication de no bon maistre saint Pierre, qui nostre foy conferme tousjours par bons enseignemens. » ¶ Adont le prince et sa femme dirent a la Magdalaine : « Vechy : nous sommes tout prest d’obeïr a tes paroles se tu nous peulx impetrer vers ton Dieu que nous aions ung enffant masle. » La Magdalaine respondi : « Pour ce ne demoura il mie. » Et quant elle ot Dieu priié, celle dame conchupt ung fil. ¶ Aprés ce prince ot tresgrant desir d’aler veoir saint Pierre pour savoir et esprouver se la verité [185 v°] estoit telle de Jhesucrist que la Magdalaine leur avoit dit et preschiet, mais sa femme lui dist : « Cuidiez vous y aller sans moy ? Γ Sachiés bien que se vous y alez, je iray et compaignie vous tenray. » Γ Son mary lui respondi : « Dame, il ne sera point ainsi, Γ car vous estes enchainte d’un enffant et le peril de la mer est trop grant, et pourtant vous demourez et toutes nos terres gouvernerez. » Mais ce fu bien pour neant, car il ne le polt oncques faire demourer, dont c’est bien la coustume de femme que tout ce qu’elle veult fault acomplir. ¶ « Instar femineum nec mutans femina mutat. » Adont celle s’agenoulla par devant son mary et tant lui pria en plorant qu’il lui octroia. ¶ Aprés Marie Magdalaine le signe de la croix leur bailla et leur mist es espaulles pour le raison de ce que les anemis ne leur peuissent faire nul dommaige en la voie. ¶ Lors chargierent la [nef] de grant habondance de biens qui leur besongnoit pour passer la mer, Γ et tout ce qu’ilz avoient de possessions et de richesses
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112. Lors ch. la mer.
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laisserent en la garde a la Magdalaine, et puis se mirent a la voie; mais puis qu’ilz orent nagié par le mer par l’espasse d’un jour et une nuit, la mer se commencha a enfler et tresgrans vens a lever en telle manieres que tous estoient sy espoentez qu’ilz ne sçavoient qu’ilz devoient fere, especialement la dame qui estoit enchainte et foible, et par le grant doleur qu’elle ot, ung bel fil enffanta, mais de cest enfantement, ung pau aprés trespassa; et si tost que l’enffant fu netz, il commença a querir la manmelle de sa mere e[n] criant. La veist on grant deul du prince qui veoit sa femme morte et son fil vif, dont il disoit ainsi : « Las, chetif, que feras tu ? ¶ Tu desiroies a avoir ung enffant et au jour d’ui la mere et l’enffant as perdu ! » ¶ Aprés les maronniers crioient et disoient : « Jectons ce corps en la mer, car tant qu’il sera en la nef, ja ce tempeste ne cessera. » Et quant il orent prins ce corps pour jetter en la mer, ¶ le prince leur dist : « Ha ! seigneurs, ayez merchy de moy et de l’enffant, et laissiez ung pau de temps la mere, car par aventure n’est elle point morte et est ainsi de doleur qu’elle a heu. » Lors le prince vid une montaigne ¶ assez pres d’iaulx qui estoit dessus haute de la mer moult haulte, et penssa qu’il vaulroit mieulx que le corps fuist en celle montaigne mis et l’enffant, qu’il fuist en la mer jectez, et a grandes prieres fist le maronnier aller celle part; et quant il cuida fere une fosse, il ne polt pour la grant duresse de la roche. Se prist le corps mort et l’enffant, se le mist au plus secret lieu de la montaigne. ¶ Aprés mist l’enffant la manmelle a la bouche [186 r°] tout en plourant, puis le couvry de son mantel et dist ainsy : « O Marie Magdalaine, pourquoy vins tu oncques a Marcelles ? Pourquoy te vis oncques ? Pourquoy te crus oncques ? Pourquoy entreprins oncques ce voiaige par ton enhortement ? Pourquoy priastes vous oncques a vostre Dieu que ma femme euist enffant ? Or ay je tous mes biens en ta garde laissiet, et a toy et a ton Dieu me recommanch, ma femme et mon fil, que s’Il n’a nul pooir, qu’Il daigne sauver de mort la mere et l’enffant. » ¶ Aprés baisoit sa femme qui estoit morte plus de cent fois et l’acola, puis l’enffant, qui piteusement crioit en plourant, la manmelle en sa bouche lui metoit. Aprés le couvry d’un mantel, puis s’en ala et en la nef tantost entra. Lors quant ilz vinrent en Jherosolimme, saint Pierre lui vint a l’encontre, car il portoit la croix sur son espaulle, puis lui demanda qui yl estoit et dont il venoit. Adont il lui racompta toute son adventure, et saint Pierre lui dist : « Dieu te doinst sa paix et tu soies le bien venu, car tu as [cru] bon conseil et prouffitable. Ne soies point a mesaise de ce qu’il t’est advenu, ¶ car se ta femme [dort] et ton petit enffant avec lui, ¶ Nostre Sire est puissans a cui il Lui plaist donner ses dons et oster ce qu’Il a donnet, et ton pleur et ta doleur en tresgrant joie tourner. » ¶ Lors saint Pierre le mena entour la cité de Jherosolimme et trestous les lieux lui moustra ou Jhesucrist ala et prescha, et ou Il fu cruciffiiez, et le lieu ou Il fu ensevelis et ou Il monta es sains cieulx. ¶ Et quant saint Pierre
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120. et criant. – 128. qui estoit dessus haute de la mer moult haulte] leçon manifestement erronée, mais qui ne permet aucune intervention aisée (le texte latin a ici : Et ecce, non procul a navi quidam collis apparuit, quo viso utilius esse credidit (...), cf. § 92). – 145. car tu as bon conseil. – 147. Mot omis par le scribe.
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l’ot bien apris en la foy de Dieu, aprés l’espace de .ij. ans, il entra en la mer pour retourner en son paÿs. Lors par le volenté de Dieu, les maronniers vinrent au lieu ou le corps de la dame avoient laissié et l’enffant vif, et quant il l’aprochierent, il virent l’enffant qu’il se juoit a la rive de la mer de pierrectes ainsi qu’il l’avoit acoustumé. ¶ Adont le pere se mist hors de la nef pour mieulx aviser la chose, et quant l’enffant le vid venir vers lui, qui oncques n’avoit veu homme, sy en ot peur et s’en fuy vers sa mere et se prist [a] la manmelle ainsi qu’il avoit d’usaige, et le pere ala aprés et regarda la chose et la maniere. Γ Aprés, il trouva l’enffant sain et haittié, lequel estoit bel et gracieulx, et le prist entre ses bras et dist : « O Marie Magdalaine, que je fuisse orendroit bien eureux se j’euisse ma femme vive et s’en peuist venir avec my en mon païs joieusement. Je croy certainement que tu as nourry cel enffant l’espace de .ij. ans en celle roche : par ta priere, tu polras [a] la mere rendre la vie. » ¶ A ces mos, sa femme ravesqui et se leva, et parla ainsi que de dormir et dist : « O tresbonne euree Magdalaine, tu es de trop grant merite et grant pooir as de Dieu. ¶ Tu es celle qui en ma grant doleur de mon enfantement [186 v°] m’as conforté, secouru et aidié, et m’as soustenu, nourri et a tous mes besoings secouru et visité. » Quant le pelerin oÿ sa femme ainsi parler, si fu moult esbahis et dist : « Es tu en vie, ma treschiere et bonne amie ? – Oÿ », dist elle, « certainement, je suy en vie vraiement et ay esté en tous les pelerinaiges que tu as fais et es tous les sains lieux; et tout ainsi comme saint Pierre t’a mené par tous les lieux ou Dieu fu vif et mors, ¶ tout ainsi ay je esté et visité avec vous, et sy les ay trestous veus et en mon coeur retenus, car Marie Magdalaine m’a tousjours menee, nourrie et gardee. » Et raconta a son mary les sains lieux que son mary avoit veu et visité telement qu’elle n’y failli ung tout seul. ¶ Aprés le pelerin prist sa femme et l’enffant et entrerent en la nef, et en brief temps revinrent a Marcelles; et quant il furent entrez en la cité, ilz trouverent la Magdalaine avec ses disciples qui preschoit, et tantost se laissierent cheoir a ses piés en plorant moult humblement et toute leur aventure lui racompterent piteusement, et de saint Maxemien le saint baptesme rechuprent devotement. Adont en la cité de Marcelles furent tous les temples des ydoles destruis incontinent et en firent eglises et y mist on l’ymaige de Jhesucrist, ¶ et en fu evesques saint Ladre, crestien. Γ Aprés, par la grace de Dieu s’en vinrent en la cité d’Aquensse et par les miracles qu’il faisoient, tout le peuple convertirent a la foy de Jhesucrist, et fu la saint Maximien fais evesques. Aprés la Marie Magdalaine en moult aspres desers s’en ala par l’espace de .xxx. jours et y demoura .xxx. ans toute seulle sans estre veue ne congneue de nulle personne vivant, en ung lieu que les angles lui avoient apparillié de leurs propres mains noblement. Γ En ce lieu, elle n’avoit nul conffort d’erbes, d’yauwe, a demoustrer et a entendre que Dieu ne le voloit mie nourrir la de viandes corporelles ains de viandes espirituelles de paradis tant seullement, car par .vij. heures le jour,
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158. et se prist la manm. – 163. tu polras la mere rendre la vie.
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Traductions de la Legenda aurea
elle estoit eslevee des angles haultement et lors elle ooit les chans des cieulx et de ce vivoit elle tant seullement sans avoir autre viande. Aprés advint que ung saint prestre qui moult desiroit a mener vie de hermitte se loga pres du lieu ou la Magdalaine estoit. ¶ Lors advint que Dieu revela a cestui saint prestre et lui moustra comment les angles le levoient chascun jour en hault et puis le remetoient en son lieu en chantant, et quant il ot ce regard[é], sy en volt savoir la verité. Aprez a Dieu se commanda et s’aprocha cestui lieu en grant devotion de coeur, Γ et quant il fu aprochié au jet d’une pierre pres, les gambes lui commencerent a faillir et a trambler et une tresgrant peur lui vint au coeur soubdainement, et quant il se retiroit arriere, sa force lui revenoit. ¶ Adont se pourpensa ce saint [187 r°] homme que c’estoient choses celestiennes qui ne devoient estre veues d’homme mortel. A celle heure, il s’escria ou nom du Sauveur Jhesucrist et en ceste maniere dist ainsy : « Je te conjure par le vertu Nostre Seigneur se que tu qui habites en celle fosse yés creature raisonnable, que tu me dies qui tu es ne que tu fais la. » ¶ Et quant il ot ce .iij. fois dit, Marie lui dist : « Aproche toy plus pres de moy et je te diray la verité de ce que tu m’as demandé. » Et quant il se fu aprochiés tout en tramblant jusques au lieu ou elle estoit, elle lui dist en telle maniere : « Te souvient il de l’Euvangile qui parle de celle Marie, femme commune et pecheresse, qui les piés du Sauveur arousa de ses larmes et les essua de ses cheviaulx, et a cui ses pechiés furent tous pardonnez ? » Adont le saint prestre lui respondi : « Il m’en souvient bien, et s’y a plus de .xxx. ans. – Je suis », dist elle, « celle femme qui par l’espace de .xxx. ans ay cy esté sans estre veue ne congnue de personne du monde, Γ et saches que par .vij. fois le jour, je suis eslevee des angles en l’air et oy de mes aureilles les chans des cieulx; et sache que Dieu m’a revelé que je doy trespasser de ce sciecle, et pour tant Il t’a transmis a moy. Sy t’en yras a saint Maximen et lui diras de par moy que a ce jour de Pasques qu’il vient, que dedens l’eglise il entre, et il m’y trouvera, que les angles m’aront porté. » ¶ Le prestre la voix ooyt, mais nulle cose ne veoit. Aprés de la se departi et a Maximien s’en ala, Γ et tout ce qu’il avoit oÿ de point en point lui racompta, dont Maximen rendit graces a Jhesucrist. Aprez quant vint a la Pasque, a l’eure qu’il lui avoit dit, tout seul en l’eglise entra et la Marie Magdalaine trouva entre les angles qui la l’avoient aporté, et estoit en hault eslevee bien plus de .ij. cubites ou millieu des angles, les mains joinctes priant a Dieu vers le ciel. Maximien redoubtoit de lui aprochier, mais elle se tourna vers celui et lui dist : « Vieng cha, biau pere, plus pres de moy. Ne fuy point ta fille. » Γ Et quant il fu pres de lui, selon ce que lui meismes dist en ses livres, il vid sa face entre les angles plus resplendissant que le soleil; et fist Maximen venir tous les prestres et tous les clers, et meismes celui prestre qui avoit veu celle sainte vision, et saincte Marie Magdalaine, present eulx, rechupt le precieux corps de Jhesucrist en grant devotion de larmes. Aprez elle se laissa
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196. regarda. – 217. et il y m’y trouvera.
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cheoir devant l’autel et rendi a Jhesucrist son esperit, et quant elle fu trespassee de ce sciecle, tant bonne oudeur vint la que par .vij. jours, tous ceulx qui en l’eglise entroient le sentoient. ¶ Saint Maximien prist le corps de la Magdalaine et de precieux ongnement l’oindi, et l’ensevely a grant honneur devotement; et commanda que aprés sa mort, il fuist emprés elle ensevelis. ¶ A ceste histoire s’acorde Egisipus et Josephus. ¶ Encorre racompte Egisipus en ung livre, aprés l’Asscencion de Jhesucrist, Marie Magdalaine pour ce qu’elle avoit si grant amour a Dieu nul homme du monde ne voloit [187 v°] veoir, et pource tantost qu’elle vint en la cité de Acquensse, tantost es desers s’en ala reponre; ¶ mais il dist que quant le saint prestre vint a lui, elle lui demanda une robe pour elle couvrir et s’en ala avec lui en l’eglise, et s’acumenia et les mains jointes vers le ciel devant l’autel rendi l’esperit a Dieu. Ou temps de Charlemaigne, en l’an de l’Incarnacion, quant on disoit .vijc. et .xlix., Gerard de Bourgongne ne pooit avoir de sa femme nulz enffans, et pour ce il donnoit de ses biens aux povres larguement et faisoit eglises et maintes abbaÿes en divers lieux; Γ et quant il ot fait le moustier de Berselay, lui et l’abbé de ce lieu transmirent ung moisne avec bonne compaignie de gent en la cité d’Aquensse pour prendre le saint corps de Marie Magdalaine et faire tout son pooir de l’aporter a son moustier. Et quant celui moisne fu a celle cité venus, sy le trouva toute destruite des payens et des mescreans, Γ et trouva d’aventure ung tombel fait moult richement et tresnoblement qui demoustroit apertement que les os et le corps de la Magdalaine estoient la ensevelis, car toute la vie d’elle estoit noblement entretaillie en la pierre d’icelui tombel. ¶ Adont le moisne de nuit ouvry celui sepulcre et prist les sainctes relicques et les porta en son hostel ou il estoit herbegiez. Celle nuit meismes, la Magdalaine s’aparut a cellui religieux et lui dist qu’il ne doubtast nul homme et fesist tout ce qu’il avoit encommenchié; et quant le moisnes fu retournez et qu’il vint a demi lieuve pres de l’abbaÿe, nullement du monde il ne pooit plus avant aler jusques atant que l’abbé vint et grant foison de freres et de bonnes gens en belle pourcession au devant des sainctes relicques tres devotement et honnourablement.
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Exemple
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Ung chevalier fu qui chascun jour visetoit le corps a la Magdalaine, mais il advint qu’il fu occis en bataille; et quant il fu en la biere et ses parens ploroient et en eulx complaindant de la grant devotion qu’il avoit heu a la Magdalaine, et disoient ainsi : « Pourquoy as tu souffert que celui qui te servoit et amoit soit mors sans confession ? » Lors soubdainement ravesquy et soy releva le chevalier et le prestre demanda, et devotement se confessa et prist le precieulx corps de Jhesucrist, puis aprés il rendi a Dieu son esperit.
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Traductions de la Legenda aurea
Exemple
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Une fois il advint c’unne nef chergie d’hommes et de femmes en la mer se perist,
et entre ceulx avoit une femme qui estoit forment enchainte et pres de son enfantement; et quant elle regarda le grant peril, la Magdalaine appela devotement et fist tel veu que s’elle pooit escaper [188 r°] de ce peril par les sainctes merites de lui, qu’elle lui donroit l’enffant que elle devoit enfanter pour servir Dieu en son moustier. Γ A ceste parolle lui aparut une femme tresbelle qui le prist par la main et par le menton et le mena a la rive, et tous les autres furent perilz. Aprés elle enfanta ung fil et le veu qu’elle avoit fait acompli a la Magdalagne.
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Exemple
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Aucuns maistres dient que Marie Magdalaine fu espeuse a saint Jehan Euvangeliste, et si l’avoit prise nouvellement a femme quant Nostre Sire l’apella premierement a sa compaignie, et que Nostre Sire l’appella des nopces dont il estoit espeux a la Magdalaine; et pour la raison de ce, la Magdalaine fu tant indignee qu’elle fu comme desesperee de son espoux qui lui avoit ainsi osté. Dont de la s’en ala et son corps habandonna a toute carnalité, mais il n’estoit point chose advenans que le sauvement et la vocation de saint Jehan feuist l’ocquison de la Magdalaine dampnacion, car pource que Nostre Sire lui avoit soustenu et hosté le souveraine delectation de la char en ce qu’Il lui osta son tresgracieux espoux, pour ce Il le raemplist aprés de la souveraine delectation d’esperit, Γ c’est assavoir de la tresgrant ardeur de l’amour de Dieu, de quoy elle fu toute ardans, et de la saincte orison et comtemplation en quoy elle fu toute ravie; et celle raison meismes assignent aucuns maistres de saint Jehan l’Euvangeliste, car Jhesucrist remplist saint Jehan de la doulceur de s’amour sur tous les autres apostles pour raison de ce qu’Il l’avoit osté de la delectacion souveraine du monde.
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Exemple
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Ung homme qui la lumiere des yeulx avoit perdue vint une fois au moustier de Verselay comme pelerin pour visiter la Magdalaine; et quant cil qui le menoit vid le moustier, il dist a cellui : « Je voy le moustier ! » Et cil s’escria : « O Marie Magdalaine, pleusist a Dieu que je puisse encorre une fois veir vostre eglise. » Mais il n’ot mie si tost ce dit que tresclerement le vid.
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297. mais il ot n’ot mie si tost ce dit, première occurrence de ot tracée.
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Ung homme fu qui ses pechiés mist en escript en une cedulle, puis aprés s’en ala au moustier de la Magdalaine et prist cel escript et le mist sour le touaille de l’autel, et puis pria devotement qu’elle lui impetrast pardon a Jhesucrist de ses pechiés. Lors aprés l’orison, il reprist l’escript et trouva tous ses pechiés planés et de la cedule ostez.
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Exemple
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Ung clerc fu qui ot nom Estienne, et sy estoit nez de Flandres, lequel estoit plains de pechiez et ne voloit faire quelque chose pour son sauvement, fors que chascun an junoit le nuit de la Magdalaine et wardoit le jour. Advint que la Magdalaine s’aparut a lui en son lit tout esplouree et lui dist : « Estienne, [188 v°] saches que depuis que tu m’as servy, j’ay tousjours priié Dieu pour toy. Lieve toy, car tant que t’avray acordé envers Dieu ne te laisseray. » A ces parolles, le clerc senty grant grace de Dieu en lui et relenqui le sciecle et entra en religion ou il fu de tressaincte vie et de grant perfection.
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Tours, Bibliothèque municipale, 1008 (n° 12)
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12. Tours, Bibliothèque municipale, 1008, f° 195 c - 199 c Exemplaires d’origine italienne rédigés au début du XIVème siècle, Modène, Biblioteca Estense Universitaria, etr. 116 (M) et Tours, Bibliothèque municipale, 1008 (T) contiennent une vie de Marie-Madeleine traduite de la Legenda aurea que, sans commenter cette datation, P. Meyer fait remonter à la seconde moitié du XIIIème siècle1. Cette rédaction est sans doute aussi retransmise par une troisième copie plus tardive, d’origine française et isolée, réapparue il y a quelques années. En 1994, le Bulletin codicologique de la revue Scriptorium (t. XLVIII, n° 662) signalait en effet la mise aux enchères à l’Hôtel Drouot d’un manuscrit associé aux volumes de Tours et de Modène2. Les courts extraits disponibles dans le Catalogue de cette vente3 donnent tout lieu de penser que cet exemplaire contient la même version. Ils révèlent toutefois un certain degré de remaniement et un net rajeunissement de la langue par rapport à M et T. L’exécution de ce manuscrit peut être datée du dernier quart du XVème siècle (vers 1470 - 1480). Le texte est transcrit à longues lignes sur parchemin réglé à l’encre rouge, au moyen d’une grosse écriture gothique livresque, d’aspect brunâtre. Sa décoration consiste en initiales peintes à l’or filigranées en bleu ou bleues filigranées en rouge, sur 2 ou 3 lignes, et ses titres sont rubriqués. Les quelques lignes que nous avons pu recueillir dans sa présentation dénotent une scripta française, 1 Elle est avancée dans « Notice du ms. Med.-Pal. 141 de la Laurentienne (vies de saints) », Romania, t. 33, 1904, pp. 1 - 49 ; pp. 3 - 4. Les deux volumes sont décrits dans « Notice du ms. 1008 de la bibliothèque de Tours (Légendes des saints en français et en italien) », Bulletin de la Société des anciens textes français, 23, Paris, Firmin-Didot, 1897, pp. 39 - 74 ; et « Notice d’un ms. de la Bibliothèque d’Este à Modène (Légendes des saints en français) », Bulletin de la Société des anciens textes français, 27, Paris, Firmin-Didot, 1902, pp. 68 - 96. Nous renvoyons à ces articles pour le détail de leur composition, même si le second pèche par son manque de précision. 2 Emmanuel de Vregille, Christian Bizoüard, 44, rue de Gray, 21000 Dijon, Précieux livres anciens. Manuscrits - incunables, Vente à Paris, Hôtel Drouot - salle N° 15, le vendredi 16 décembre 1994 à 15 heures. Expert M. Dominique Courvoisier, Expert de la Bibliothèque nationale de France, 22, rue Guynemer, 75006 Paris ; lot n° 2. La notice consacrée à cet objet le rapproche en outre du légendier de Lille, Bibliothèque municipale 454, qui renferme toutefois un texte distinct de la vie de Marie-Madeleine (voir notre n° 22). Nous remercions les services de documentation de l’Hôtel Drouot pour leur accueil et leur assistance. Malgré nos tentatives, nous n’avons pu prendre contact ni avec le nouveau propriétaire du manuscrit ni avec le libraire qui a négocié son acquisition. 3 « C’est la vie de Marie Magdalene. “ Prologus ”. Marie sy est interpretee mer amere ou enlumineresse ou enluminee. « “ Texte ”. Marie Magdalene si print son surnom d’ung chastel qui avait a nom Magdalam » ; « et sy emporta son ame au ciel en espere d’une colombe blanche tous chantans et louans grace a Nostre Seigneur Jhesus Crist. ». À ces courts incipit et explicit, retranscrits dans la notice, nous pouvons ajouter les passages qui figurent sur la reproduction de deux miniatures (tous deux commencent par une lettrine) : « Et quant il nagoit par devant la montaigne la ou il avoit mis le corps de sa femme avec l’enfant, Nostre Seigneur (...) » (p. 33) ; « Une nef plainne d’ommes et de femmes fust perillee, maiz une femme qui estoit ensaincte, quant elle se vit perir en la mer, sy crioit tant comme elle povoit et appelloit la Magdalene et fist veu que se elle povoit eschapper par ses desertes de ce peril (...) » (p. 52). Ces extraits sont trop brefs pour autoriser des rapprochements définitifs, mais notre rédaction fournit les parallélismes les plus probants, surtout pour le second segment que nous avons souligné.
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ce que confirme l’analyse des 14 miniatures ornant le récit, d’origine parisienne4. Ces peintures occupent entre la moitié et les deux tiers de chaque page. Elles sont assez banales et répétitives (les images des pages 33 et 52, qui représentent le moment où le pèlerin approche l’îlot sur lequel il a laissé son épouse et son fils, et le miracle de la femme enceinte sauvée de la noyade, possèdent par exemple le même décor, à peu de choses près). Un bandeau de couleur brun rouge les encadre. L’importance du programme iconographique, de même que la mise en page, sur 46 petits feuillets (ca 169 x 125 mm) réunis en deux quaternions et un quinion aux marges généreuses, tendent à indiquer que la vie de Marie-Madeleine était destinée à former une entité autonome. Des notes, échelonnées entre les premières années du XVIème siècle et 1779, et qui évoquent les principaux événements vécus par une famille du Nivernais, ont été jointes en tête et en queue du volume. La reliure paraît être de l’époque des plus anciens ajouts. Les descriptions qui existent déjà pour les deux autres copies de notre traduction nous dispensent d’une longue analyse. M, daté de la première moitié du XIVème siècle par P. Meyer, est un légendier de 187 folios de parchemin assez grossier mesurant ca 375 x 270 mm. Rédigé sur 2 colonnes à 40 lignes, il offre une variante typiquement italienne5 d’écriture gothique livresque. À plusieurs reprises, le copiste a sauté un feuillet de son modèle, sans toutefois signaler son erreur. Plusieurs cahiers ont aussi perdu une part de leur contenu. Le f° 197 r°, d’une main plus tardive, fournit une liste des pièces du recueil. Cette table compte 65 entrées, qui correspondent aux numérotations romaines, sans doute contemporaines, portées en marge dans l’ensemble du volume. En général, les vies sont introduites par une initiale ornée de 10 lignes environ suivie de quelques lignes de texte puis d’une enluminure de 15 lignes environ, de la largeur de la colonne. Dans la miniature qui accompagne sa légende, Marie-Madeleine est agenouillée à l’entrée d’une grotte, enveloppée de ses cheveux, tandis que Maximin, debout devant elle, tient une hostie qu’il bénit de sa main gauche. La tête des deux personnages est ceinte d’une auréole dorée. Le Catalogue les commente de la manière suivante : « Marie-Madeleine (p. 9) ; Marie-Madeleine et ses compagnons exilés de Judée (p. 18) ; l’apparition de Marie-Madeleine (p. 22) ; l’abandon de la femme morte en couches (p. 27) ; la vision du pèlerin (p. 33) ; le pèlerin, sa femme et l’enfant aux pieds de MarieMadeleine qui prêche à Marseille (p. 37) ; l’apparition de Marie-Madeleine (p. 40) ; l’arrivée des reliques de Marie-Madeleine à Vézelay (p. 48). Et, pour les six miracles illustrés : le chevalier sans confession (p. 50) ; la femme enceinte sauvée de la noyade (p. 52) ; l’aveugle recouvre la vue (p. 54) ; l’absolution donnée au prêtre (p. 55) ; la délivrance du prisonnier (p. 56) ; l’absolution du pécheur (p. 57) ». La p. 33 semble correspondre à la découverte par le pèlerin de l’île sur laquelle sa femme repose. 5 Proviendrait-il du sud de la France, peut-être de Narbonne ? C’est l’hypothèse dont nous a fait part A. Stones, pour qui il se pourrait aussi qu’il soit bien plus précoce. L’élément de comparaison sur lequel elle s’appuie est le psautier-livre d’images Francfort, Kunstgewerbemuseum, Linel Collection, MS L.M.20 (cf. G. Swarzenski and R. Schilling, Die illuminierten Handschriften und Einzelminiaturen des Mittelalters und der Renaissance in Frankfurter Besitz, Francfort, J. Baer, 1929, pp. 44 - 48, n° 45 et pl. XXI (f° 28 v°, 29, 216 v° et 337) - XXII (f° 74) ; Die Stiftung der Gebrüder Linel in der Buchkunst- und Graphiksammlung des Museums für Kunsthandwerk, éd. S. Soltek et R. Neugebauer, Francfort, Museum für Kunsthandwerk, 1991, pp. 34 - 35, n° 2 et illustrations (f° 16 v° - 17). 4
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T a lui aussi été confectionné au début du XIVème siècle, ou peu avant6. Il est d’une taille quelque peu inférieure (ca 318 x 238 mm) et a été exécuté sur 2 colonnes à 36 lignes par un scribe pratiquant une écriture gothique livresque soignée de style méridional, sur 228 feuillets d’un vélin de meilleure qualité. Avec le manuscrit 1012, il est aujourd’hui le seul rescapé des légendiers français que possédait la Bibliothèque de Tours7. La collection qu’il renferme est précédée d’une table des matières (f° 1 r° / v°), de la main du scribe. Les pièces ont été numérotées à l’encre brune dans la marge, aussi bien sur ces deux pages que dans le volume lui-même, à une date plus tardive sans doute. Elles sont introduites par une initiale ornée ou par une lettrine. Jusqu’au f° 207 (au milieu de la vie de sainte Catherine), le recueil est formé de quaternions réguliers portant réclames mais sans signatures apparentes. Le dernier cahier du légendier à proprement parler paraît être constitué de 6 feuillets réunis, la vie de saint Brendan en italien qui clôt le corpus inaugurant un nouveau quaternion suivi d’un ensemble de 7 feuillets, de composition incertaine. Les f° 213 v° et 227 v° sont vacants et ne comportent pas de réglure. La structure presque identique de ces deux légendiers atteste leur étroite parenté. Leurs 68, respectivement 73 pièces sont reprises dans le même ordre8 : 3, respectivement 4 légendes consacrées à Marie (et à la Nativité du Christ dans M) sont suivies d’une cinquantaine de vies de saints puis d’une dizaine de vies de saintes. P. Meyer a divisé ces pièces en trois groupes selon leur provenance (traductions de la Legenda aurea de deux sources différentes, ainsi qu’un assemblage de 17 pièces étrangères à celle-ci, qui auraient circulé en Italie du Nord au début du XIVème siècle). T contient toutefois les Innocents (f° 106 a) et les Sept dormants (f° 95 b), omis par M, et deux copies de la vie de saint Denis (f° 85 c et f° 121 a). Les manuscrits se distinguent avant tout par leurs pièces liminaires. Dans T, celles-ci sont en langue italienne alors qu’elles sont en français dans M, et la vie de saint Brendan de T est absente de M9. La légende de Marie-Madeleine est placée entre celles de Dominique et de Marthe, et elle est la première de la section réservée aux femmes. La provenance de nos copies se reflète de manière tout aussi évidente dans leurs graphies. Toutes deux présentent un caractère italien très prononcé. Elles sont également proches au point de reproduire presque toujours et jusque dans leurs Le f° 228 r° porte un ex-libris daté de 1395, mais plusieurs autres annotations de la même main réfèrent aux années 1420, 1421, 1426 et 1427 (bas de la col. 227 b et r° du f° 229). 7 Rappelons que celle-ci fut anéantie lors des bombardements qui s’abattirent sur la ville durant la Seconde Guerre mondiale et que de nombreux manuscrits ne purent être mis en lieu sûr. 8 Seules les places des vies de Chrysanthe (que P. Meyer omet dans sa description de T (f° 97 d), « Notice du ms. 1008 de la bibliothèque de Tours », art. cit., p. 53), de Longin, de Denis et de Côme et Damien diffèrent quelque peu d’un exemplaire à l’autre. 9 P. Meyer est d’avis que cette vie est d’une autre main que celle des textes précédents (cf. « Notice du ms. 1008 de la bibliothèque de Tours », art. cit., p. 42). Le manuscrit présente en effet quelques différences d’aspect sur lesquelles il est difficile de se prononcer. Le scribe que l’on identifie pour la dernière pièce est en tout cas celui qui s’est chargé des quatre premières, italiennes elles aussi, et du début de la partie française ; certaines constantes laissent penser qu’il pourrait s’agir d’une transcription homogène, le copiste ayant aussi réalisé les rubriques. 6
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moindres détails les irrégularités, fautes et bévues et les altérations que présentait le modèle qu’elles reproduisent, directement ou non (mais de manière indépendante). Le scribe de T est toutefois un peu plus attentif que celui de M, qui laisse assez souvent passer un mot et commet plusieurs sauts du même au même (par exemple dans la scène de la tempête, où l’on relève diverses omissions de quelque conséquence). Ses choix graphiques montrent peut-être aussi plus de familiarité avec la langue française et, l’un dans l’autre, une meilleure compréhension implicite du texte, malgré une évidente difficulté à suivre le modèle qu’il détenait. La préférence que nous accorderons à T est donc toute relative10. Le canevas établi par Jacques de Voragine est scrupuleusement respecté dans la vie de Marie-Madeleine. L’auteur n’écarte aucune partie du récit et en déroule le fil sans accrocs. Il compose néanmoins un texte fluide et le support latin ne semble peser ni sur sa structure grammaticale ni sur le choix de son vocabulaire. Cette autonomie relative signale-t-elle une adaptation à partir d’une autre traduction française ? On relève en tout cas une très forte ressemblance entre notre rédaction et la traduction de la légende par Jean de Vignay (n° 14), en particulier dans l’exposition du nom de Marie-Madeleine. Tout au long du récit, on observe toutefois des correspondances lexicales très nettes avec texte latin, ce qui plaide plutôt en faveur d’une entreprise originale11. Peut-on dès lors affirmer que l’auteur suivait parallèlement la Legenda aurea et la rédaction de Jean de Vignay ? De nombreuses particularités, mineures, de cette version peuvent résulter de la négligence d’un scribe ou d’une compréhension insuffisante de sa part. Ainsi, pour n’en prendre qu’un exemple, si le pèlerin quitte Pierre quand « il fu bien passé la Pasque de deus ans » (l. 173), la précision est sans doute due à l’altération de « l’espace de deux ans » (bienii spatio, § 109)12. Il est plus singulier de lire plus haut dans le récit (l. 34) que c’est la maladie, et non la militia (et Lazarus militie plus vacaret, § 20) qui empêche Lazare de s’occuper de ses affaires. Le traducteur inattentif a-t-il laissé interférer ici le souvenir de la lèpre dont souffre tradition10 Comme nous l’avons indiqué plus haut, nous n’avons pu accéder au troisième exemplaire de cette traduction et avons donc dû renoncer à l’intégrer à notre édition. 11 On relèvera entre autres : l. 17 et 20 (menans coupable ; § 9 et 11 : manens rea) ; l. 166 (au participe fichié, pour indiquer l’apposition de la croix sur les épaules du pèlerin, répond le latin affixo, cf. § 103, même s’il est vrai que fichier est l’un des termes français qui viennent naturellement à l’esprit dans un tel contexte) ; l. 192 (Marie-Madeleine aide la femme de Marseille lors des presures de son accouchement, cp. § 120 : pressuris) ; l. 245 ( jubilassion, cf. § 147 : jubilationem), etc. Notons par ailleurs que les chrétiens exilés de Jérusalem s’installent sous un portique qui se dresse « devant le faner » (l. 84 ; sub quadam porticu que fano gentis illius terre preerat, § 36) et que le lendemain, les habitants viennent « au fain » (l. 85 ; ad fanum, § 37). La reprise presque littérale dans le texte vernaculaire du mot qui désigne le lieu consacré, le temple non chrétien, a quelque chose d’étonnant. Ce vocable est d’ailleurs très rare (son unique attestation figure au v. 47 de la Chanson de sainte Foy d’Agen, sous une forme proche de la seconde occurrence de notre texte, fan, même s’il est susceptible de réapparaître dans des toponymes variés, cf. FEW, fanum, III, col. 412 b), faner étant plus difficile à expliquer au point de vue formel. 12 Outre les modifications déjà reportées dans l’apparat, on notera encore, entre autres : belement pour celement (l. 184 ; occulte, § 114), fu venus pour fu veue (l. 342 ; visa est, § 205), etc. De même pour Il (...) l’antendi toute en son amor (l. 52 ; accendit, § 27).
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nellement le frère de Marie-Madeleine, ou aurait-il choisi d’ignorer le statut de chevalier du frère de Marie-Madeleine ? L’effacement des militibus (§ 20) parmi ceux dont Marthe satisfait les besoins (cf. l. 35) serait-il alors la conséquence d’une omission volontaire ? Dans notre version, en effet, seuls ses serviteurs et les pauvres bénéficient de ses largesses. Mais cette variante peut aussi s’expliquer par la distraction d’un copiste, surtout si l’on tient compte de la délocalisation que le texte a dû subir13. Que dire pourtant sur l’origine première de notre texte ? Il ne comporte pas de véritables italianismes, mais certaines déviances par rapport aux habitudes de la langue des années 1275 - 1300 sont difficiles à concevoir sous la plume d’un auteur français écrivant à ce moment, sauf au prix d’une transmission très altérée14. A-t-il été rédigé dans le domaine d’oïl, ou dans la partie méridionale de la France, avant de passer en Italie pour y être reproduit ? Si les attestations de ce mot sont trop rares pour nous permettre de les localiser avec certitude, une équivalence comme celle que le récit procure au latin fanum pourrait le suggérer15. L’existence d’une copie parisienne tardive peut cependant donner à penser que l’auteur venait du nord plutôt que du sud de la France16. La provenance commune des manuscrits de Modène et de Tours rend toute évaluation linguistique délicate, en particulier sur le plan lexical. En fonction de sa localisation primitive et de son degré d’ancienneté, le texte autoriserait certes d’intéressantes observations17, mais il ne contient aucun indice qui permette de le situer précisément dans le temps. 13 On comprend en effet mieux cette bévue sous la plume d’un scribe méridional, le latin militia étant plus proche du terme qui, en italien par exemple, correspond à maladie que le mot français lui-même ; mais le « court-circuit » peut s’être produit dans notre langue, en aval du passage du texte dans le Sud. 14 Il s’agit surtout de faits de syntaxe qui n’ont rien d’incontestable ni d’inexplicable, dans une certaine mesure, mais qui n’en restent pas moins surprenants : par exemple, les trois parties tres bones, l. 3 ; Donc come entant ele esluit la tres bone partie de penitance, l. 9 ; et Lazares entendist plus maladie, l. 34 ; enporce que le delis charniel ensuit aconpaignant les choses d’abondance, l. 38 ; et por la soe amor delivre Il Marthe dou sanc qu’ele giete devant bien por .vij. ans, l. 57 - 58 ; ele se leve por passible viaire, por face resplendisant, por langue clere, l. 85 ; se la boche que avoit baissiés si biaus les piés dou Sauveor, l. 89 ; etc. 15 Voir ci-dessus, note 11. Le faible nombre de textes publiés à partir de M et de T ne permet guère d’établir de comparaisons éclairantes. La seule édition qui exploite les deux manuscrits (une vie de saint Denis) ne leur est pas spécifique et se retrouve dans des exemplaires qui n’ont rien à voir avec l’Italie. Voici ce que B. S. Merrilees dit au sujet du deuxième : « on peut penser que T pourrait être simplement l’œuvre d’un copiste italien qui habitait la France » (« La Passio Septem Dormientium en français », Romania, t. 93, 1972, pp. 547 - 563 ; p. 549). 16 Notons par exemple la graphie qui apparaît à la l. 248 (entrece), reflet possible d’un picardisme typique. 17 Au fil du texte, mais sans prétention de faire le tour de ce vocabulaire ni d’avoir poussé très loin les recherches à son sujet, notons en particulier les mots prendement, l. 7 (consecutio, § 5) ; contumacie, l. 8, étrange traduction pour le latin continuitas, § 5, auquel correspond aussi continuassion, l. 8 (tandis que la signification de continué a, l. 8, reste incertaine) ; abondantement, l. 13 (avide, § 7) ; magnifique, l. 18 et 24 (magnifica, § 10 et 15) ; obrigassion, l. 20 (obligatio, § 12) ; aspirassion, l. 43 (« inspiration » ; illa (...) inspirata, § 23) ; apareileresse, l. 54 (« administratrice, intendante » ; procuratrix, § 27) ; dispersion, l. 77 (dispersio, § 35) ; portique, l. 84 (porticus, § 36) ; espirer, l. 90 (« exhaler » ; spirare, § 39) ; a bon-
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L’édition laisse subsister un nombre élevé de problèmes auxquels nous avons choisi de ne pas apporter de solution, nécessairement aléatoire en l’absence de matériaux suffisants dans la tradition de ce texte18. L’apparat critique ne tient pas compte de certaines fluctuations graphiques dès lors qu’elles ne dénotent pas avec certitude l’existence d’une variante (des alternances du type la / le ou le / les, pour l’article défini, il / elle pour le pronom personnel, ou -a / -e pour la finale des verbes du premier groupe à la troisième personne du passé, parmi d’autres, n’entrent pas nécessairement dans un système d’opposition de genre, de nombre ou de temps, comme en français « standard » d’alors). Plan de l’édition Exemplaire de référence : Tours, Bibliothèque municipale, 1008, f° 195 c - 199 c (T) Exemplaire de comparaison : Modène, Biblioteca Estense Universitaria, etr. 116 (d.T.4.14 ; olim XI.G.24 ; XVII.II.4), f° 176 d - 182 c (M)
dance, l. 131 (copiosissime, § 76 ; restitution sans doute approximative de d’abondance, ou en abondance) ; papiner, l. 138 (palpitare, § 78), forme douteuse – l’acception requise ici, soit sans doute « faire du bruit avec sa bouche, produire des sons inarticulés » ou « babiller », si l’on admet le genre de distorsion observée dans les récits qui suivent de près le modèle latin (voir nos remarques au sujet du n° 14), n’est pas inconcevable, mais papin et la famille qui s’est constituée à partir de ce thème lexical présentent une forte cohésion sémantique autour du sens général de « bouillie » (cf. FEW, pappare, VII, col. 583 a) ; ostretris, l. 192 (« sage-femme, accoucheuse » ; obstetrix, § 120) ; canonique, l. 217 et 273 (horis canonicis, § 132 et 163) ; estagie, l. 221 (stadium, § 134) ; jubilassion, l. 245 ( jubilatio, § 147) ; apelement, l. 308 (vocatio, § 184) ; delectassion, l. 310 et 311 (delectatio, § 185 - 186) ; concupission, l. 337 (compunctio, § 200). 18 En particulier, nous n’avons pas cherché à corriger les nombreuses approximations dont ses graphies rendent compte. Bien des formes insolites permettent de deviner le modèle français sous-jacent et nous les avons conservées, sauf en cas d’erreur manifeste. La segmentation des mots est difficile à restituer de manière exacte dans ce texte et nous avons souvent dû y renoncer. Enfin, la résolution de quelques abréviations est incertaine : pour la conjonction « et », la graphie et semble réservée aux débuts de paragraphes, cf. l. 165 et 175 et 312, mais en dehors de ce cas de figure, les exemples développés ne sont qu’au nombre de trois. L’absence de régularité dans l’emploi du s désinentiel invite en outre à adopter en toute situation la forme « saint ».
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[195 c] Ce est la vie de sante Marie Magdalene
Marie si est entrepetree « mers amere » ou « enlumineresse » ou « enluminee ».
Por ces trois choses sont entendue les trois parties tres bones les queles eles esluit, sil est asavoir la partie de la penitense, la partie de la contenplassion dedens et la partie de la celestine gloire, de la quele trebe partie est entendue ce que dist Nostre Sire : « Marie esluit tres bone partie, la quele ne li sera mie toullue »; por la raison de la fin, laquele est prendement de la bea[ti]tude, la segonde por la raison de la contumacie, car la continuassions de la vie est continuee avec la continuassion de la partie, la tierce por la raison de sa trinité. Donc come entant ele esluit la tres bone partie de penitance, ele est dite « mere amere », car ele eut mult d’amartume en [195 d] sa penitanse, qui apert, car ele espandi tant de lermes qu’ele en lava les piés de Nostre Seignor. En tant come elle esluit la bone partie de la contenplassion dedens est ele dite « enlumineresse », car ele prist iluec abondantement rusement. Iluec prist ele lumiere de laquele ele enlumina plus les autres. En tant com ele esluit la tres bone partie de la celestine gloire est ele dit enluminee de tres parfaite conoissanse en sa pensee et si estoit ele enluminee de lumiere de charité en son cors. Ele est dit Madaleine ausi come « menans coupable », ou Madaleine si est enterpetré « garnie » ou « magnifique », por les quels chose il est mostrés quelle fu devant sa conversassion et que elle fu en la conversassion et quele aprés, car devant la conversassions fu ele manans coupable por l’obrigassion a la poine pardurable. En la conversassions fu elle garnie por l’armeure de la penitence, car ele se garni tres bien de toutes armes de penitance, car tant come ele eut deletement en soi, autant de sacrefices trova ele de soi. Aprés la conversassions fu ele magnifiques por la sourabondance de grace, car la ou li pechiés abonde et la sourabondanse de grace.
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Exemplaire de référence : 7. beatude. – 7 - 8. por la raison de la contumacie car la raison de la contumacie car la cont. Le segment de texte que nous avons supprimé a manifestement été bissé par erreur (même cas de figure dans M). – 10 - 11. car ele eut mult d’amartume en sa penitence, qui apert, car ele eut mult d’amertume en [f° 195 d] sa penitanse, qui apert, car ele espandi. Le segment de texte que nous avons supprimé a manifestement été bissé par erreur (situation analogue dans M). – 13. Le texte latin ne permet pas de déterminer à quoi équivaut la forme rusement, incompréhensible (M partage cette leçon avec T, sous réserve d’une différence mineure de graphie). – 24 - 25. La syntaxe de cette causale est clairement déficiente – le verbe abonder devrait être répété dans la dernière partie de la phrase. Variantes : 1. C’est e la vie e la passio ma dame sante Marie Madaleine. – 4. et la p. de la contenplation. – 7. beatitude. – 11. qu’ele] omis dans M. – 18. enterperpetré.
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Marie Madalene si prist [son sornom] d’un chastel qui avoit nom Magdalo et fu nee de tres noble lignee si come de lignee roial. Ses peres ot nom Sistes, sa mere ot nom Euchaire. Marie Madelene et ses freres Laçares et Marte sa soror avoient un chastel qui avoit nom Magdalé, qui estoit pres a Nazareth a deus lieues, et avoient Betanie, qui est delés Jerusalem, e avoient grant partie de Jerusalem, et avoient entr’ieus parties toutes choses en tel maniere que Marie eut Mangdalon le cha- [196 a] -stel, don ele avoit [son sornom], et Lazarum eut la partie de Jerusalem et Marte si eut Betanie; et come Marie Magdalene s’eust misse tous as delis dou cors et Lazares entendist plus [a] maladie[s], Marte, qui ert sagie, governoit bien la partie de son frere et de sa soror et la soe, et ministroit a ses serjant et as povres ce que lor estoit besoing, mes aprés l’Ascension de Nostre Seignor vendirent il tout et mistrent le pris as piés des apostres. Donc come la Magdalene abondoit de richesse, enporce que le delis charniel ensuit aconpaignant les choses d’abondance, et de tans com ele abondoit plus de richesses et de beauté, de tant s[o]mist ele plus son cors as delis charnel, por quoi ele avoit ja perdu son propre nom et estoit por costume apelee pecheresse. Mes quant Jhesu Crist preichoit iluec et aillors, ele por l’aspirassion devine ala a la maison de Simon le Mesel, la ou ele entendi que Crist manjoit. Si se hasta et i vient et n’ose mie come pecheresse aprochier des justes, si demore deriere entre les piés de Nostre Seignor. La lava ele les piés de Nostre Seignor de ses lermes et les estua de ses chevel et les oinst de presieus [ongiement], car la jent dou païs por le grant chaut usoient d’ongiement et de bains; et come Simon li Farisees pensoit dedens soi que ce Crist fust profetes, qu’Il ne se laisseroit mie tochier a une pecheresse, Dieus le reprist de sa soveraine justice et pardone a la fenme tous ses pechiés. Cest est donc cele Marie Magdalene a cui Nostre Sire done si tres grant benefice et li mostre si grant signe d’amor, car Il chassa de li .vij. diables e l’antendi toute en son amor et si la fist a soi tres familiere. Si la fist [196 b] ses ostes[se], si la vost avoir ses apareileresse dou voiagie et l’escusa doucement de tous jors, car Ele l’escusa au Farees qui dissoit qu’ele n’estoit mie monde, et a sa seror qui dissoit qu’ele estoit osseuse, et a Jude qui dissoit qu’ele estoit fous large. Quant Il la vit
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26. si prist sor son nom (même leçon, erronée, dans M). – 32. don ele avoit sor sor nom. M présente aussi une leçon altérée, quoique légèrement différente de celle de T. – 34. ent. plus maladie. L’absence de préposition n’est pas naturelle et le pluriel que le copiste de M utilise plus conforme au texte latin (cf. § 20). Sur la forme maladie, voir notre présentation. – 35. la p. de son cors frere (même faute dans M). – 40. de tant se mist ele plus son cors. Correction d’après M. – 46. de pr. canement. Correction d’après M (graphie conforme à la scripta de T). – 52. ses ostes. Correction d’après M. – 54. qu’ele n’estoit mie m. : la particule de négation a été ajoutée au-dessus de la ligne (main du scribe ?). 27. si come de lignee] omis dans M (saut du même au même). – 32. dont elle avoit sor sorion (sorjon ?). – 33. se fust misse tous as des dou cors (ou as des douçors ?). – 34. plus a maladies. – 35. asses chevaliers et asses s. – 40. de tant somist elle plus son cors. – 46. de pr. oinement. – 46. por le grant haut. – 49. tous les pechiés. – 52. ses hostesse. – 54. elle s’escusa au F.
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plorer, si ne se puet tenir de plorer, por le cui amor Il resuscita son frere Lazaron qui avoit esté mors .iiij. jors avoit passés, et por la soe amor delivre Il Marthe dou sanc qu’ele giete devant bien por .vij. ans; et por le deserte gari Ele Marcillan, la chanberiere de sa soror, et la fist digne qu’ele dessist ceste si beneuree et si douse parole, et s’escriast : « Beatus venter qui Te portavit et ubera que [suxisti] », c’est a dire : « Beneurés est li ventre que Te porte et le manmeles que Tu latais », car selonc sant Ambroises, cele, dist ele, fu Marte et ceste fu sa chanberiere, et ceste autre fu cele qui lava de se[s] lermes les piés de Nostre Seignor et les trest de ses cheveus et les enoist des ongiemens; la quele ou tans de grasse premierement [fist] penitanse solenne; laquele esluit tres bone partie; laquele seant as piés de Nostre Seignor oï ses paroles; laquele oinst les chief de Nostre Seignor, laquele fu delas la crois a sa Passion, [la quele] apareile les ongiemens et voust oindre le cors de Nostre Seignor; laquele ne se parti del muniment quant li desciple s’en partirent; a laquele Crist aparuit premierement quant Il resuscita et le fist apostle avec les autres apostles. Aprés l’Esciension de Nostre Seignor .xiiij. ans de sa Passion, come li juif avoi[ent] ocis piece sant Estevenes et eussent jetés les autres desciple for de la contree de Judee, li desciple alerent por devers [regions] de gens semant por tout la parole de Nostre Seignor. [196 c] Adonc en celui tempoire, avec les apostles estoit sant Maximins que estoit uns des .lxxij. desciples de Nostre Seignor, au quel sant Pierre avoit comandee Magdalene. Donc en ceste dispersion, sant Maximin, Marie Magdalene, Lazaron ses freres, Marthe sa seur et Marcelle, la chanberiere de Marthe, et sant Zetoines qui avoit estés avougles de sa nativités, mas il avoit esté delivrés de Nostre Seignor, tuit cist ensenble et plusors autres crestiens furent mis des mescreans en une nef et mandés en haut mer sans aucun governeor a ce qu’il fussent tout noiés. A la porfin, por la volonté de Dieu pervindrent il a Marseillie et il ne troverent iluec nului qui les vousist recevoir en son ostel. Il s’en alerent manoir desous un portique qui estoit devant le faner de cele terre, et quant Marie Magdalene vit que grans pouples venoient au fain por sacrefier as ydles, ele se leve por passible viaire, por face resplendisant, por langue clere, si les retornoit dou
56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85
60. susist. Correction d’après M et selon Luc, 11, 27. – 63. des se lermes. Correction d’après M. – 64. la quele ou tans de gr. (...) : comme dans M, il manque le verbe de cette proposition. La fidélité du traducteur au texte latin permet de restituer ici la forme voulue. – 67. a sa passion apa. les ong. Correction d’après M. – 71. avoioit ocis. Correction d’après M. – 73. por devers lerions de gens (même leçon insolite dans M). 60. sussisti. – 63. de ses lermes. – 67. laquele aporta les ongemens. – 68. quant li desc. s’en p.] omis dans M. – 71. de passion. – 71. avoient occis. – 72 - 73. for de la c. (...) li desc.] omis dans M (saut du même au même). – 73. por toute. – 74. et adonc. – 76. avoit acomandé Marie Madaleine.
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sacrefice des ydles et preichoit Crist tres fermement; et tuit en eurent grant mervoilie por sa beauté et por son biau parler et por la douçor de sa parole, et se n’estoit mie mervoile se la boche que avoit baissiés si biaus les piés dou Sauveor, s’ele en espiroit l’odour de la parole de Dieu devant les autres. Aprés ce, li princes de la provence avec sa feme vindrent sacrefier as ydles por avoir enfant, auquel la Magdalene preiche Crist et li defendi qu’il ne sacrefiast. Endementiers aprés aucuns jors aparuit la Magdalene en vision a la princesse et li dist : « Por quoi laissiés vos morir de faim et de froit les sains [196 d] de Dieu ? Vos abondés de tant de richesses ! » Et si le menace s’ele n’enortoit a son mari qu’il feist bien a la poverte des sains de Dieu, mes ele s’en doute de dire l’avision a son mari. Donc la nuit aprés li aparuit la Magdalene encore et li dist ce meimes, mes encore n’en dist ele riens a son mari; mes tiercement en la premiere silense de la nuit aparuit ele a l’un et a l’autre, corroissant et enbrasiés ausi come se toute la maison arsist, et lor dist : « Durs tu, tyrans, menbres de Satanas, avec ta feme, le serpent, qui ne te voust mie anoncier ma parole ? Reposes tu, enemis de la cruis de Crist, qui as raenpli ton ventre de diverses manieres de viandes et laissies morir de fain les sans de Dieu ? Tu gis en ton palais envolopés en bons dras de soie et tu les voi desconsoiliés sans hostel ! Tu n’eschaperais mie ensi, felon, et ne passeras pas sans poine que tu as mis tant a eus bien fere. » Ele parle ensi et puis s’en ala; et quant la dame s’esveilia, si sospira et trenbloit, et dist a son mari qui sospiroit por cele meimes ochaisons : « Sire, avés vos veu le soigne que je ai veu ? – Je l’ai veu », dist il, « et ne me lais de mervoilier et d’avoir poor. Que ferons nous de ce ? » La dame li dist : « Il est mieus que nous li obeïssons que nos encorrons l’ire de son Dieu qu’ele preiche ». Por la quel chose il les reçuirent en lor ostel et lor menestrerent quanque beisoing lor estoit. Un jor que sante Marie preichoit, li princes li dist : « Cuides tu que tu puissies defendre ta foi que tu preiches ? » Et ele dist : « Oïl, bien. Je en sui toute apareilies si com cele qui est confermee por les miracles que avienent chascun jor et por la predichassion de nostre maistre sant Pierres [197 a] qui a Rome est. » Et li princes et sa fenme li distrent : « Veés [n]os tous apareliés d’obeïr a toutes choses a tes Dieus se tu nos enpetres uns fils d’a Dieu que tu preiches. » Et la Magdalene dist : « Il ne remandra mie porce. » Adonc sante Marie Magdalene pria por eus Nostre Seignor qu’Il lor deignast doner uns fils, les prieres de laquele Nostre Sire ensausa et cele danme conçuit adonc de son mari. Ses maris comence de voloir aler a Rome por prover s’il estoit voirs ce que sante Marie Magdalene avoit preiché de Crist et
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98. a l’un et allautre. Seul exemple dans le texte de ce qui représente peut-être un simple italianisme. – 115. veés vos tous ap. Cette leçon reflète probablement le texte latin : Ecce, dictis tuis per omnia obtemperare parati sumus, si a deo (...). M accroît encore l’écart avec celui-ci. – 117. il ne rendra, corrigé en il ne remandra moyennant l’ajout des lettres manquantes au-dessus de la ligne. 88. qui l’avoit baissiés. – 89. si les en espiroit. – 94. et vos abondés. – 94. et si les menace. – 98. et a l’autre. – 115. li d. : nos tous apareilliés de bien a toutes ch.
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sa fenme li dist : « Qu’est ce, sire ? Cuides tu aler sans moi ? Ja Deus ne place, car quant tu t’en irais, je m’en irai, quant tu verrais, je m’en verrai, quant tu reposeras, je reposerai. » Si maris li dist : « Il ne sera mie fait ensi, dame, car come tu soies enchante et en mer sont mult des perils, tu porroies de legier perir. Tu te reposeras donc en ma maison et metras cure a nos possessions. » Et cele dissoit a l’encontre et parmanoit en ce, et la feme ne movoit mie la costume des femes et plorant se gittoit a ses piés. A la parfin, il li otroioit ce qu’ele voloit. Mes sante Marie Magdalene lor mist as espaules de chascun le siegne de la cruis porce que li ancien enemis ne les enpechast d’aucune chose en lor voiagie. Donc chargierent il a bondance la nef de toutes choses necessaires et toutes les autres choses qu’il avoient laisserent il en la garde de sante Marie Magdalene, et comencierent lor voie. Quant il ourent nagié une nuit et un jor, si comence la [mer] mult a enfler et uns vens se leva grant que tuit furent mult torblés, et maiement la dame qui estoit enchainte et foble fu tormentee de la mer, en tant [197 b] qu’il li vient soudainement [le] dolour de l’enfanter. Entre le doulor de l’enfanter et la poine de la mer enfante un fils et moruit. Adonc li enfant qui estoit nés papinoit et demandoit le soulas des mameles de sa mere, si crioit et ploroit fort. Hé las, que grans dolor ! Li enfes fu nés et fu omecide de sa mere. Or le convient morir, car il n’a nul qui le norisse. Et que fera li pelerins qui voit sa feme morte et ses fils plorer qui queroit a ses plors les mameles de sa mere ? Li pelerins se plaignoit mult et dissoit : « Hé las, cheitif ! Je desirai avoir fils et je ai perdu la mere avec le fils. » Mais li maronier dissoient [et] crioient : « Sist cors soit gités en la mer devant ce que tuit nous ensenble perissons, car tant com ceste cors sera avec nous, la tenpeste ne cessera mie. » Et quant il prisent le cors por giter en la mer, li pelerins dist : « Pardonés, pardonés, et se vos ne volés espargnier ne por moi ne por la mere, au mains espargniés le por ceste petit enfant. Laissiés un poi et atendés se por aventure la dame est pasmee por la grant dolour et puisse encore revenir. » Et veés, une montaigne aparuit ne mie mult loing de la nef, et quant ele le vit, si cuide que mieus sera de metre le cors et l’enfant en la montaigne que de doner le a mangier as bestes marines, et a poine le puet il enpetrer des maroniers por prieres et por pris qu’il i alassent; et quant il furent la venus et il ne puet fere la fosse por la durté des pierres, si mist le cors de sa feme ou plus pr[i]vé leu de la montaigne et li mist desous le mantel. L’enfant mist a ses mameles et puis dist en plorant : « O Marie Magdalene, por
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122. je m’en verrai : il est difficile de savoir si le copiste a bel et bien écrit le signe qui, chez lui, semble correspondre à un r suscrit ou s’il a ajouté un n au-dessus du e. – 133. la nef (même leçon dans M). – 136. de dolour. Correction d’après M. – 142 - 143. dissoient crioient et dissoient. Correction d’après M. – 153. Dans T comme dans M, il manque un jambage pour faire le mot privé. 122. quant tu v. je m’en v.] omis dans M. – 126. et la feme ne muoit mie. – 135 - 136. soud. le dolor. – 140. plors] omis dans M. – 142 - 143. diss. et cr. – 145. et quant (...) en la mer] omis dans M. – 146 - 147. au mains (...) laissiés] omis dans M. – 149. ne mie] bissé dans M. – 153. les cors.
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quoi venis tu a Marseilie por l’acreissement de ma destrussion [197 c] et de ma chaitivité ? Por quoi je, cheitif, por ton amonestement ai enpris ceste voie ? Requisi tu Nostre Seignor porce que ma feme conceust et en fust perie ? Veés qu’ele conçuit et enfantant moruit, et il conçus est nés a ce que il perisse, car il n’est qui le norisses. Et veés que je ai eu por ta p[r]iere ! Je le comant a toi ausi com je t’ai acomandé mon autre chose et a ton Dieu, et s’Il est puissant, si ait remenbrance de l’arme de [l]a mere et por ta priere ait merci que l’enfant ne perisse. » Adonc covri il le cors avec l’enfant de son mantel de toutes pars tout entor et puis monte [en] la nef. Et quant il vient a sant Pierre, [il] li vient au devant, et quant il vit le siegne de la cruis fichié a ses espaules, si li demande qui il estoit et dont il venoit, et il li conte tout por ordre; et sant Pierres li dist : « Pais soit faite a toi. Tu iés bien venus et tu as cruit a bon consoil, et ne soies mie tristes se ta feme dort et se li enfens se repose avec li, car Nostre Sire est puissans de doner don a cui Il veut et de recoilir ce qu’Il a doné et de rendre ce qu’Il a toilu, et de muer ta tristesse en joie. » Et sant Pierre le mene en Jerusalem et li mostre tous les lieus ous qués Nostre Sire avoit preichés et fait miracles et li leu ausi de sa Passions et ou quel Il monta ou ciel; et quant il fu diligement enseignés por sant Piere de la foi et il fu bien passé la Pasque de deus ans, si monta en une nef et s’en voust venir en son païs. Et quant il nagoient por coste la montaigne la ou il avoit mis le cors de sa feme avec l’enfant, Nostre Sire les amena, et li pelerins done tans as mariniers et tant lor pria qu’il descendirent a la montaigne; et li enfens, qui estoit gardés de la Magdalene iluec tous [197 d] sains et haitiés, si aloit soventes fois au rivagie de la mer et si come il est costume des enfans, il estoit costumés de joer iluec as pieres et a la gravelle; et quant il vindrent, si vit l’enfant qui se joiot au rivagie ou les pieres ou la gravelle de la mer, si come il soloit, et se mervoiloit mult que ce estoit. Si oissi dou batel, et quant li enfens le vit, qui onques n’avoit veu tel choses, si eut poor et s’en coruit as manmeles de sa mere si come il estoit acostumés et si se remusoit tout belement desous le mantel; et li pelerins i vient por veoir plus a plain et trove l’enfant tres bel que suçoit les manmeles de sa mere, si prist l’enfant et dist : « O sante Marie Magdalene, com je seroie beneurés et come toutes choses me seroient venues prospres se ma feme revesquist et peust revenir avec moi en mon païs. Certes, je sai et sans doutance je croi que tu, que donas l’enfant et qui l’as nori por .ij. ans en ceste montaigne, porras bien por ta proiere rendre la mere a la premiere santé. » A ceste parole, la mere revient en vie et ausi com s’ele s’esveilast de dormir, il dist : « Sante Marie Magdalene, tu iés de grant merite et
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159. por ta piere (correction d’après M). – 161. de ma mere. – 163. ne la nef (correction d’après M). – 164. et quant il v. a sant P. li v. (même omission dans M). 156. requiris tu. – 159. por ta proiere. – 163. en la nef. – 166. tu soies le tres bien venus. – 173. monte. – 175. les i mena. – 178. il est costume de l’enfans. – 189. la mere de l’enfant. – 190. il dist] si li dist.
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glorieuse qui es presures de mon enfantement enplesis l’office d’ostretris et conplis l’[office] de t’ancelle en toutes necessités. » Et quant li pelerins l’oï, si s’en mervoilia et dist : « Vis tu, ma molier amee ? » Et ele respondi : « Je vif voirement et je vieng ore premierement dou voiagie don tu es venus, et si come sant Pierre te mene en Jerusalem et te mostra tous les leus ou Nostre Sire soffri Passions et fu mort et ensevelis, et te mostre plusors autres leus, et je i fui ausi avec sante Marie Magdalene qui moi i aconpaigna et moi i mene avec vous, et vi bien tous le leus et quant je l’oi veu, si le mis [198 a] bien en ma remenb[r]anse. » Et comence a nomer tous les miracles que ses maris avoit veu si plenierement qu’ele ne i fali onques e[n] nul article. Adonc li pelerins, quant il out reçuite sa feme et son enfant, si monte en la nef a grant joie. Un poi aprés vindrent es parties de Marceilie et oissirent fors de la nef et troverent sante Marie Magdalene avec ses desciples qui preichoient. Si cheirent a ses piés en plorant, si li conterent ce qui lor estoit avenu et pristrent batisme de sant Maximins et destruirent en la cité de Marseilie tous les temples des ydles, et tuit d’une volonté esleurent sant Lazaron evesques de Marseilie. A la parfin vindrent il por la volonté de Dieu a la cité d’Acoirre et por multes de miracles convertirent il cele pule a la foi de Crist, et la fu ausi sant Maximins fet evesques de celle cité. E ntre ises choses, sainte Marie Magdalene, volentive de la soverane contenplassions, ala en un ermitagie tres aspre et ou leu ou li angles li avoit apareiliés demore ele por .xxx. ans c’om ne savoit ou ele estoit, ens ou quel leu il n’avoit nule eive ni nul arbre ne nule herbe de quoi hom peut avoir aucun solas, a ce que homs seust que Nostre Rachatiers avoit ordené qu’Il le saoleroit des viandes celestines et ne mie des viandes de se mo[n]de, mes en chascun jors es .vij. eures canoniques estoit ele levee en l’air des angles et ooit des oreilies de son cors ausi le glorieus chans de la conpaignie celestiel, por quoi ele estoit saalee chascun jor de ces tres soef viandes, et puis la raportoit li angles de l’air a son [198 b] leu et ele n’avoit nul besoing des viandes corporeus. Mais un prestre qui desiroit de fere vie solitarie si se fist une celle a .xij. estagies pres de cel sant leu. Donc un jor, Nostre Sire ovri les iels de celui prestre et de ses corporieus iels vit il apertement coment li angles descendi a leu la u sante Marie Magdalene demoroit et la leveoient en l’air, et puis e[n] l’espase d’une eure le
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191 - 192. et c. l’osue de t’ancelle. Correction d’après M. – 198. remenblanse (correction d’après M). – 200. enul article (correction d’après M). – 208. cele pulcelle (même faute dans M). – 215. Le scribe a omis un des deux jambages du n (correction d’après M). – 223. e l’espase (correction d’après M). 191 - 192. et complis l’office de t’anc. – 192. si se mervoille. – 198. et quant je l’ot biem veu je le mist bien en ma remenbrance. 197 - 198. tous le lieus et tous les mir. que ses m. ot veu le le mist bien en ma remenbrance. – 200. en nul article. – 202. as parties. – 204. ce qu’il lor estoit. – 207. Acairre. – 213. il n’avoit nule erbem (la troisième lettre de ce mot n’est pas tracée de manière claire), nul arbre ne nulle de quoi om peust avoir. – 215. de ce monde. – 223. en l’espase.
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raportoient a [lieu] en loant Dieu, et li prestre voust conoistre la verité de ceste merveileuse avision. Si se comande por orassion a son Creator. Si se astoit par [hardie] devossion d’aler al leu, et quant il i vient pres au giet d’une pierre, si comencierent ses janbes a re[cr]aire et ses entrailies comencierent a tegier por la grant poor qu’il avoit, et quant il retornoit ariere, les janbes avec les piés li rendoient l’usagie d’aler, mais s’il retornoit s’aleure et s’esforsoit d’aler a cel sans leu, l’angoisse li defendoient en toutes manieres. Donc entendi li om de Dieu que sans doute ce estoit sacremens celestiel auquel ne pooit aler esperimens humains. Donc apelle il le nom dou Sauveor et s’escria et dist : « Je te conjur de par Nostre Seignor que se tu es hom ou aucune creature resnable qui abite en cele croute, que tu me respondes et dies la verité de toi. » Et quant il eut ce dit trois fois, sante Marie Magdalene li respondi et dist : « Vien plus pres et tu savras tout ce que ta arme desire savoir. » Et quant il come trenblant fu ausi come voie aprochiés, ele li dist : « Recorde toi en l’Avangile de cele tres renomee Marie, pechieres, qui de ses lermes baignie les piés dou Sauveor et les trest de ses cheveus et deservi le pardon de ses pechiés ? » Et li prestes li respondi : « Il m’en [198 c] sovient bien et .xxx. ans sont passés que ce fu fet, si come la Sante Vangile le confesse et le croit. » Et ele dist : « Je sui cele qui por tout cel tens que tu recorde ai ici demoree, qui ne sui conuite de nul home, et ausi com il te fu laissiés veoir ier, ensi sui je levee en l’air chascun jor por les mains des angles et si ai deservi oïr des oreilies de mon cors .vij. fois le jors la tres douce jubilassions des conpaignes celestiene. Donc porce qu’il m’est revelee de Nostre Seignor que je doie passer de ceste siecle, va t’en a sant Maximins et si li nonseras que la premiere demenche qui est a venir, el tens qu’il est acostumés de lever as matines, entrece tous seus en l’yglise et il me trovera iluec, que je i serai portee por les mestire des angles. » Mais li prestre ooit sa vois ausi come la vois d’un angle et ne veoit nului. Donc s’en ala il maintenant a sant Maximins et li conta tout por ordre. Sant Maximins fu plains de grant joie et rendi tres grant grace au Sauveor. En cel jor en cele eure com li avoit mandé, il entre en l’oratoire tous seus, si vit sante Marie Magdaleine encore estant ou cuer entre les angles qui l’avoient amenee et estoit levee de la terre en haut por l’espace de .ij. [coutes] et oroit Nostre Seignors, mains estandues; et come sant Maximins eust
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224. a leiu (même erreur dans M). – 226. par ordre dev. Correction d’après M. – 227. a retaire. Correction d’après M. retraire serait une autre possibilité, mais la seule signification qui conviendrait ici (« se contracter ») n’est guère courante, et elle est aussi plus éloignée de ce que dit le texte latin (ceperunt eius crura resolui, § 137). – 227. tegier est incompréhensible, mais les deux copies dont nous disposons partagent cette leçon (le texte latin comporte ici : et timore valido ipsius precordia medullitus anhelare, § 137). – 236. La construction ausi come voie aprochiés est problématique et sans doute lacunaire, mais nous ne voyons pas comment intervenir sur ce passage. – 254. de .ij. touces. Correction d’après M. 226. por hardie dev. – 227. a recraire. – 229. s’il retornoient s’al. et s’esforsoient. – 230. l’angoisse de tout son cors et la peresse li def. – 237. pechieres] pecheresses. – 239. il me sovient. – 241. que recorde – 241. qui ne soit connuite. – 247. a l’yglyse ? Le premier mot n’est pas clair. – 248. por les mestre des angles. – 250. tou ce por ordre. – 251. et en celle eure. – 254. de .ij. coutes (ou toutes ?).
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poor d’aler a lui, elle se torne et li dist : « Vien avant, pere, plus pres ! Ne fui mie ta fille ! » Mas quant il aproche, si com hom list es livres sant Maximins, li viaires de madame sante Marie Magdaleine por la continuel [vision] de chascun jor des angles resplendissoit come les rais dou soliels que sa face. Donc fu apelés la c[l]ergié et li prestes devant dis, et sante Marie Magdalene, a mult de lermes et a grant [198 d] devossions, prist de l’evesques sant Maximins le cors [et] le samc de Nostre Seignor, et puis s’estendi de tout son cors devant l’autel et a l’aube del jors, cele tres sante Marie trespassa a Nostre Seignor; et aprés son trespassement demore iluec une si grant souatume de ciaus qui entroient en l’iglise, et sant Maximins enseveli le sans cors enbaumé et enoint de presieus oignemens mult onorablement, et comande que hom l’ensevelist delés li aprés sa mort. Mais Egisippius, ou selonc aucun livres Josepus, se concorde asés a l’estoire devant dite, car il dist en un suen trai[t]et que aprés l’Ascension de Nostre Seignor, sante Marie Magdaleine, por l’ardor de la charité de Crist et por l’anui qu’ele avoit, ele ne voloit onques veoir nul home, mais puis qu’el vient ou terroit d’Aquoirre, ele s’en ala au desert et demore iluec por .xxx. ans qu’ele ne fu conuite et la, si come il dist, ele estoit levee en l’air por les angles chascun jor as .vij. heures canoniques; et nequedenques il ajoste et dist que quant li prestre i vient a lui, si le trove en u[n]e cele cluise, liquels preste li done un vestement qu’ele li dimande et il le [vesti] et puis s’en ala avec li a l’iglise, et quant ele iluec fu comuniee devant l’autel, en orassions se reposa en pais. Mais ou ten de Karle le Grant, sil est assavoir en l’an Nostre Seignor .vijcxlvij. ans, Girars li duc de Borgoigne, qui ne pooit avoir fils de sa feme, donoit largiement ses choses as povres et faissoit plusors yglises et abaïes. Quant il eut fet l’abaïe de Verdelai, li abés de cele abaïe envoia un moigne bien aconpaigniés a la cité d’Aquiirre [199 a] qu’il aportast de la, s’il peust, les reliques de sante Marie Magdalene. Li mongies vient a la cité et la trove destruite des paiens. Si trova por aventure un sarcuel de marbre dedens ou quel estoit repons le cors de sante Marie
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257. À l’évidence, l’adjectif continuel devrait se combiner avec un substantif, mais son absence dans M comme dans T empêche de savoir si c’est bien le mot vision qu’il faut ajouter ici, conformément au texte latin. La syntaxe de cette phrase n’est d’ailleurs pas claire. Si l’on se réfère toujours à la Legenda aurea, on peut penser qu’il s’est produit un saut du même au même sur rais dou soliels. – 259. la crergié : même forme insolite dans M où cependant, et à la différence de T, on trouve des formes comme crers pour équivalent du français clers (voir toutefois T, obrigassion, l. 20). – 260. le cors le samc de n. s. Correction d’après M. – 267. taiet (forme analogue dans M). – 273. Il manque aux lettres qui précèdent le mot cele un jambage pour produire la suite en une (même particularité dans M). – 274. et il le vist (sans doute mélecture de vesti, cp. M) – 274. et puis s’en ala la avec li. 255. plus] bissé dans M. – 258. le rais. – 260. le cors et le sanc. – 270. pour .xxx. ans] por .xxx. – 272. il joste. – 274. il le vesti. – 278 - 279. Quant il eut fet (...) li abés] omis dans M. – 281. en la cité. – 281. toute destr. – 281. trove.
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Traductions de la Legenda aurea
Magdalene, et en selui sarquel estoit entailié s’estoire de merveileuse evre. Il brisa le sarquel de nuit et prist les reliques et les aporta en son hostel, et en cele nuit, sante Marie aparuit a ce mongie et li dist qu’il n’eust mie poor, ançois parfesist cele evre qu’il avoit comencie. Donc quant il se repaire ve[r]s s’abaiie et estoit venus pres as deus lieues de l’abaiie, si ne puerent d’iluec movoir les reliques e[n] nule maniere tressi adonc que li abés et li monges i vindrent a grant processions et qu’il les reçuirent honarablement. Uns chevalier qui estoit acostumés de venir cascun ans au cors de sante Marie Magdaleine fu mors en une batalie, et quant il estoit portés en la biere et si parent le ploroient et se conplainoient por debonaires conplaintes de sante Marie Magdalene, por quoi ele avoit soffert son devot morir sans confessions et sans penitence, adonc soudainement cil qui avoit estés mors se leva sus, et tous s’en esbaïrent, et comande que hom li fesist venir le prestre; et quant il fu confesés devotement et eut reçuite l’assolissions, si repose maintenant en pais. Une nef d’omes et de femes chargiés fu perilliés, mais une feme qui estoit encente, quant ele se vit perir en la mer, si crioit tant quant ele pooit et apeloit la Magdalene, et fist veu que s’ele eschapast por ses desertes de ce peril et ele fesist fils, qu’ele le donroit a l’abaïe de la Magdalene; et maintenant, une feme [199 b] henorable por biauté et por abit li aparuit que le prist por le menton et le mena au rivagies, et tuit li autre periliere[nt] et ele toute seule por l’aide de la Magdalene eschappe, et ele enfanta puis [uns] fils et enpli loiaument son veu. Aucuns dient que sante Marie Magdalene fu moilier de sant Johan l’Avangeliste qui l’avoit adonc esposee, quant Crist l’apele des noses, et ele fu de ce corocciés porce que hom li avoit toilui son mari et s’en ala et s’en donna a tous delis; mais porce qu’il n’estoit mie chose convenable que li apelemens de Johans fust fet a li ochaison de damnassions, Nostre Sires por sa misericorde le converti a penitence, et porce qu’Il l’avoit hostee de la sovraine delectassions de char, porce l’enpli Il de la soveraine delictassions esperitel, qui est en l’amor de Dieu, devant tous les autres. Et meimes dient aucun de sant Johan que Il le onora porce devant tous les autres de la douceor de sa familiarité porce que Il les hoste de cele douceor. Ces choses sont flables et mensoignes. Uns hom qui avoit perdue la lumiere de ses els, quant il vient a l’abaïe de Verdelai por visiter le cors de sante Marie Magdaleine et cil que le menoit li dist : « Je vois
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286. ves s’ab. Correction d’après M. – 287. enule man. Correction d’après M. – 302. et tuit li autre perilieure (même forme insolite dans M). – 303. et ele enf. puis ains fils. Correction d’après M. – 313. por ce que il les hostes. Correction d’après M, même si notre exemplaire de contrôle n’est pas entièrement convaincant. 286 - 287. quant elle se rep. vers s’abeiie estoit v. pres. – 287. en nulle man. – 288. i vindrent] vindrent. – 289. le reçuirent. – 296. reposa. – 297. mais une f. estoit enc. – 300. honorablement por la b. – 303. puis uns fils. – 313. il les hoste.
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la le mostiers de la Magdaleine ! », il s’escrie a aute vois : « O, sante Marie Magdalene, Dieus me laist deservir que je puisse veoir en aucun tans ton mostiers », et si els furent maintenant overt. Un clers avoit escrit ses pechiés en un poi de parchemin. Si le mist sous la touailie de l’autel de sante Marie Magdaleine et li pria que li enpetrast perdom, liquels prist puis son parche- [199 c] -mins et trova que si pechiés estoient plainé de cel parcemin del tout en tout. Uns hom estoit en prison por deniers qu’il devoit ne ne les pooit mie paier. Si re[c]lamoit fors la Magdaleine et li prioit sovent adie, et vés ici cele nuit, une bele feme li aparuit, laquele prist les fers et les brisa, et desferma les portes et li comande qu’il s’en foïst, et quant il se vit desliés, si s’en fui [m]aintenant. Uns clers de Frandles qui avoit Estevenes nom estoit cheus en si tres grant pechiés qu’il faissoit tous pechiés, e ne mie tant seulement ne voloit il mie fere chose qui li tornast a salut, mes il ne le voloit mie oïr; et nequedenques il avoit grant devossions en sante Marie Magdaleine, si jeunoit sa vegile c’onoroist sa feste. Donc quant il eut visité sa tombe et quant il ne dormoit mie bien ne ne veilioit, la Madaleine li aparuit et dui angles, li uns a destre et l’autre a senestre la sostenoient, et estoit ausi come une bele fenme qui eust ses iels tous plains de lermes et dist : « Estevenes, je te pri que tu me dies por quoi tu me rendes sans ne mie deignes a mes desertes et por quoi n’es tu mie mus de nule concupissions por l’astinance de mes lermes, car puis que tu començast a avoir devossions en moi, je ai prié por toi tous dis a Dieu. Leve toi donc et si te repent, car je ne te laisserai mie tressi que je t’erai raconciliés a Dieu. » Il senti adonc enfondre si grant grace qu’il renonse le siec[l]e et entre en une religion, et fu de tres parfaite vie; et quant il fu mors, la Magdaleine fu venus delés la biere avec les angles et porta sa arme qui paroit un [colom] blanc au ciel, tuit chantant et loant de graces a Crist.
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325. si relamoit (cette erreur devait aussi figurer dans le modèle suivi par le copiste de M qui a réagi en ajoutant la lettre manquante au-dessus de la ligne). – 327. si s’en fui faintenant. Correction d’après M. – 340. le sieche. M ne diffère de T que dans la mesure où le scribe segmente cette chaîne de caractères (les ieche), ininterrompue dans le manuscrit de Tours. – 341 - 342. On lit quelque chose comme : qui paroit un edom blanc. Au témoignage de M, la leçon originale devait être colom, ou une forme proche de ce substantif. 317. il s’escrie haaute vois. – 317. o sainte Magdaleine. – 320. si les mist. – 321. qu’il enpetrast p. – 327. si s’en foï maintenant. – 331. c’onoroist] et honoroit. – 336. n’es tu mie amis de nule conc. – 341 - 342. qui portoit un celon blanc.
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13. Londres, British Library, Cotton Domitian, A. XI, f° 94 b - 97 b Frère mineur de l’ordre des franciscains dans la région de Nottingham, Nicole Bozon rédigea une œuvre considérable entre la fin du XIIIème et le début ou le milieu du XIVème siècle1. Connu surtout pour ses Contes moralisés, recueil de récits édifiants élaboré entre 1320 - 1350, il a en outre composé une Passion, des pièces consacrées à Marie, des sermons et des prières, des traités moraux ou encore des poèmes allégoriques. Dans cette abondante production à caractère essentiellement religieux, on relève onze vies de saints en vers, dont les protagonistes sont surtout féminins. La légende de Marie-Madeleine, signée dans l’épilogue, ne subsiste que dans un seul manuscrit. Londres, British Library, Cotton Domitian, A. XI, volume hétérogène en parchemin (ca 210 x 150 mm), est formé de deux sections indépendantes. Les f° 109 à 181 reproduisent deux textes latins ; d’après le Catalogue de la British Library, il s’agirait d’une part des règles à l’usage du monastère de Sainte Marie d’Herluin (f° 109 r° - 155 v°), d’autre part, du récit des obsèques du onzième abbé du monastère de Sainte Marie du Bec (f° 157 r° - 181 v°)2. Le verso du feuillet 182, à l’origine vacant, contient une cédule datée de 1410. Précédée de deux feuillets, dont le second renferme une table des matières, la première partie est datée du début ou de la première moitié du XIVème siècle ; sa scripta est anglo-normande. Elle réunit des poèmes à portée pieuse rédigés en ancien français : l’unique copie que nous possédions de la vie du roi Edmond par Denis Piramus, dont la fin manque, puis celle de Thomas de Cantorbéry par Guernes de Pont-Sainte-Maxence, acéphale, et trois pièces consacrées à la Vierge (Nativité, Annonciation et Assomption). Les dix textes restants ont tous été attribués à Nicole Bozon. Il s’agit d’un poème inspiré des Évangiles3 et de neuf vies de saints en vers4, L’introduction de l’ouvrage le plus récent sur Nicole Bozon (B. J. Levy, Nine Verse Sermons by Nicholas Bozon. The Art of an Anglo-Norman Poet and Preacher, Oxford, The Society for the Study of Mediaeval Languages and Literature, 1981 (Medium Ævum Monographs, NS XI)) reprend pour l’essentiel les références et le contenu du Dictionnaire des lettres françaises. Nous n’avons pas pu consulter la thèse de L. J. Postlewate, Moral and Spiritual Instruction in the Works of Nicole Bozon, signalée dans Dissertation Abstracts International, 57, 1996 - 1997, 3930 A. 2 Les deux textes semblent bien se référer au même monastère, la célèbre abbaye bénédictine de Normandie, fondée en 1034 par Herluin (aujourd’hui : Le Bec-Hellouin). 3 P. Meyer l’édite dans « Notice du ms. Rawlinson Poetry 241 (Oxford) », Romania, t. 29, 1900, pp. 1 - 84 (texte pp. 5 - 21 et 83 - 84). M. A. Klenke en discute l’attribution dans « An Anglo-Norman Gospel Poem, by Nicholas Bozon (?) », Studies in Philology, 48, 2, avril 1951, pp. 250 - 266, et reprend ailleurs l’édition à partir du recueil Cotton Domitian, A. XI (Seven More Poems by Nicolas Bozon, Saint Bonaventure, Franciscan Institute ; Louvain, Nauwelaerts, 1951 (Franciscan Institute Publications. History Series, 2). 4 Lucie, Marie-Madeleine, Marguerite, Marthe, Élisabeth de Hongrie, Christine, Julienne, Agnès, Agathe. Deux légendes du manuscrit Londres, British Library, Add. 70513 (anc. Welbeck Abbey, duc of Portland, 1.C.1), sur Panuce et Paul l’ermite (la deuxième signée « Boioun »), sont aussi considérées comme des œuvres de Nicole Bozon. Ce corpus a été publié par A. T. Baker (« An Anglo-French Life of Saint Paul the Hermit », The Modern Language Review, 4, 1908 - 1909, pp. 491 - 504 ; « Vie de Saint Panuce », Romania, t. 38, 1909, pp. 418 424) et par M. A. Klenke (Three Saints’ Lives by Nicholas Bozon, With the text and translations of « La Vie la Marie Magdalene », « La Vie Sein Margaret » and « La Vie Seint Martha », Saint Bonaventure, 1
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dont deux portent le nom de l’auteur5. Cette section, réglée à l’encre et rédigée au moyen d’une écriture cursive livresque anglaise sur 1 ou 2 colonnes selon les textes transcrits (42 lignes pour l’histoire de Marie-Madeleine) est constituée de sénions, sauf pour les folios 63 à 72. Une rubrique tracée à l’encre rouge et une initiale ornée bleue et rouge de 3 à 5 lignes précèdent les œuvres qu’elle contient. Des pieds-de-mouches alternativement rouges et bleus, ainsi que des rehauts de peinture rouge au début de chaque vers, rythment leur contenu. Le volume ne comporte pas d’illustrations. Il faut sans doute faire remonter à M. A. Klenke l’idée, reprise dans la littérature critique, que les poèmes hagiographiques écrits par Nicole Bozon représentent des adaptations assez fidèles de la Legenda aurea. Celle de Marie-Madeleine, dont le poète tient à souligner les rapports avec une source latine (cf. vv. 466, 486, 498), suit en effet dans ses grandes lignes le canevas élaboré par Jacques de Voragine : origine familiale ; vie évangélique, exil en France et miracle de Marseille ; retraite érémitique puis mort et translation des reliques ; miracles du chevalier dévot ressuscité et de la femme enceinte sauvée du naufrage. L’exposition du nom de la sainte, tout comme l’allusion au mariage avec Jean l’Évangéliste et les autres prodiges placés à la fin de la Légende dorée (guérison du pèlerin aveugle, péchés effacés, prisonnier libéré, conversion d’Étienne de Flandre) échappent à cette trame. L’auteur évoque certes l’existence d’autres miracles que ceux qu’il raconte, mais ajoute qu’il préfère ne pas allonger son récit pour maintenir le plaisir de ses lecteurs plutôt que de les ennuyer et de les écarter ainsi de leurs devoirs chrétiens (vv. 483 - 494). L’ensemble de cette composition est d’ailleurs marqué par une nette volonté d’abréger. La vie compilée par Jacques de Voragine est en effet concentrée en quelque 505 vers, le poème n’en conservant que l’ossature. Le traitement réservé aux diverses parties de l’histoire varie néanmoins. En comparaison de la Legenda aurea latine, par exemple (et plus encore de certaines versions vernaculaires qui dramatisent leur propos en amplifiant précisément cet épisode), le miracle de Marseille occupe une place très réduite. La tempête n’est pas décrite, les pleurs du nouveau-né ne sont pas évoqués, les échanges entre le pèlerin et l’équipage du navire sont écourtés, les plaintes fortement atténuées ou passées sous silence, l’ensevelissement de la dame ramené à sa plus simple expression, etc. Dans le récit de la vie évangélique de la sainte au contraire, Nicole Bozon amplifie sa source. Les précisions dont il émaille la scène de l’onction l’illustrent bien : alors que Jacques de Voragine se contente de dire que le Seigneur réprime Simon et qu’Il remet à la femme tous ses péchés (§ 25), le poème rapporte les Franciscan Institute, 1947 ; Seven More Poems by Nicolas Bozon, op. cit. (Évangile, vies de Lucie, Élisabeth, Christine, Julienne, Agnès et Agathe). 5 Outre la légende de Marie-Madeleine (v. 497), celle d’Agnès est également signée : « Jeo pri Angneis de Dieu cherie / K’ele nus seit en aÿe / E k’ele pur Bozun / Ki ad descrit sa passum. Amen » (f° 107 c - d).
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propos du Christ au discours direct, d’après Luc 7, 44 - 50 (vv. 53 - 64). De la même façon, la Légende dorée ne fait que mentionner le soutien que Marie-Madeleine reçoit du Christ contre les accusations de sa sœur, tandis que Nicole Bozon évoque la scène même où Marthe s’indigne de l’oisiveté de celle qui reste assise à écouter les propos du Messie, toujours selon saint Luc (10, 38 - 42 ; vv. 73 - 81 ; § 28). La brève mention de la résurrection de Lazare, mort depuis quatre jours, se pare elle aussi de détails qui nous éloignent de Jacques de Voragine, le poète soulignant notamment l’état de décomposition du cadavre et les « merveyles » rapportées de l’autre monde par le frère de Marie-Madeleine (vv. 87 - 90 ; § 30). Le récit de Nicole Bozon ne renferme que peu d’autres particularités narratives. On peut retenir l’assertion que Lazare n’est pas lépreux (vv. 13 - 16)6 ; l’affirmation que la Vierge a vu son fils ressuscité avant Marie-Madeleine ; l’association des idoles païennes à Mahomet, « trounc sourd e mort » (v. 157) ; la précision que la femme accouche avant terme et que c’est « le mestre » du navire, et non tous les marins, qui demande de se débarrasser du corps, etc. Ces divergences tenues ne trahissent pas pour autant le texte de Jacques de Voragine. Quelques singularités éveillent pourtant l’attention. Ainsi, les chrétiens fraîchement débarqués à Marseille ne dorment pas devant le temple païen, en accord avec la tradition, mais « en une mesone povre e nue » (v. 131). Est-ce là une façon de renforcer la comparaison avec le Christ, contraint de naître dans une crèche parce qu’il n’y avait pas de place pour lui dans l’hôtellerie (cf. Luc 2, 7), ou une discrète allusion au vœu de pauvreté de certains ordres médiévaux ? Un autre détail pourrait aussi se rapporter à ceux-ci : avant sa retraite érémitique, MarieMadeleine fait ordonner des chrétiens, « les uns ki saveint sermoner, / k’il entendisent a cel mester » (vv. 319 sq.). Cependant, la moralisation discrète qui recommande d’« aler a sermon » pour assurer son salut (vv. 31 sq.) est trop générale pour étayer une telle lecture. Les changements que l’auteur apporte au récit de la mort de Marie-Madeleine sont plus significatifs. Nicole Bozon raconte en effet comment celle-ci ordonne au « chapeleyn » qui a découvert sa retraite de faire venir Maximin auprès d’elle pour lui donner la communion, l’évêque assistera ainsi à sa mort sur le lieu même de l’ermitage puis emportera son corps pour l’ensevelir. La demande d’un vêtement pour couvrir sa nudité permet d’imaginer que l’auteur se fonde sur la tradition attribuée à Hégésippe ou à Josèphe par Jacques de Voragine7, qu’il combine avec la version commune (découverte de Marie-Madeleine portée par les anges, clarté de son corps, peur de Maximin et encouragement de la sainte). Les transformations Cette précision se retrouve dans la version n° 21. « Addidit tamen quod sacerdos dum ad eam uenisset reperit eam in cella clausam. Quid ad eius petitionem uestem sibi perrexit ; quam induens ad ecclesiam secum iuit et ibi communione percepta eleuatis in oratione manibus iuxta altare in pace quieuit » (§ 164 - 166) (Il ajoute toutefois qu’un prêtre qui était venu la voir la trouva enfermée dans sa cellule ; à la demande qu’elle lui fit, il lui tendit un vêtement, alors, s’étant revêtue, elle alla avec le prêtre à l’église où, après avoir reçu la communion, les mains tendues dans la prière, elle mourut en paix à côté de l’autel). 6 7
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que le récit subit face à la brève allusion de la Légende dorée laissent néanmoins supposer une contamination plus large, notamment par la rencontre de Marie l’Égyptienne et de Zosime8. Faut-il en revanche s’appesantir sur le fait que la translation des reliques de la sainte a lieu 200 ans après sa mort, situation unique dans notre corpus ? Ou sur l’absence de précision au sujet de l’initiateur de cette entreprise, Girart de Bourgogne n’étant pas nommé mais présenté comme « un grant segnour » (v. 417) ? Il serait hasardeux d’interpréter cette spécificité comme une volonté de s’opposer à la tradition bourguignonne, d’autant plus que le récit prend fin sur l’évocation de Vézelay comme lieu de pèlerinage (v. 441). Le sens général que Nicole Bozon entend donner à sa fable est sans doute plus important pour lui que la fidélité à son histoire. Le vocabulaire auquel le poète recourt pour présenter son œuvre semble du moins révélateur : l’histoire de MarieMadeleine n’est pas un miroir, la sainte n’est pas un personnage exemplaire que le lecteur est invité à imiter. L’évocation du souvenir de cette femme tant aimée du Christ est destinée au « confort » du pécheur (v. 1). L’emploi de ce terme, répété dans le prologue (v. 6), révèle une intention bienveillante, sous l’austérité indéniable du récit. Comme la sainte elle-même trouva du réconfort dans les paroles prophétiques de Jésus-Christ après la Crucifixion (cf. v. 106), les vers de Nicole de Bozon préservent un espoir, ou plutôt, s’opposent au désespoir. Figure de la femme repentie, Marie-Madeleine, dont l’œuvre associe le nom au souvenir de la faute9, illustre la possibilité du pardon. Pour un texte d’une telle origine, on ne s’étonnera pas que la métrique soit très irrégulière et les rimes souvent approximatives. Les signes diacritiques usuels (accents) n’ont donc été utilisés qu’afin de préciser la qualité de certaines voyelles dans des contextes ambivalents et lorsque cette valeur paraissait certaine. En général, seules les interventions éditoriales les plus évidentes ont été tolérées. Au point de vue paléographique, la distinction entre c et t, souvent difficile, est respectée dans la mesure du possible.
Sur la contamination entre les deux légendes, voir notre présentation de la version n° 4. « Magdeleyne » rime avec « folie veyne » (v. 22), « si vileyne » (v. 232), « la vileyne » (v. 278), et « enfernal peyne » (v. 504). Faut-il faire remarquer que le choix opéré dans l’amplification de la vie évangélique met précisément l’accent sur le repentir puis le pardon lors de l’onction chez Simon ?
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La vie la Marie Magdalene
Confort est al pecheur De la Magdalene ke Nostre Segnur Tant ama remembrer E de sa vie bien penser. Pur ce le ay mis en romance Pur conforter repentanz Par cele ke fut pecheresse, Ke desperance nul quer ne blesce. La Magdalene fut apelee De Magdala, la sue cité, Dunt dame fut par heritage. Si esteit de grant lingage. Ele out un frer chivaler Ke Lazer avez oÿ nomer, Ne mye ki fut leperous, Meis son noun fut Lazarous. Il ne entendi a autre rien Fors chivalerie garder bien, E l’une sure, dame Martha, Tute la meyné governa; E l’autre seure, Magdaleyne, Entendit tut a folie veyne. Ele out assez a despendre : Ne pechea pas pur loer prendre, Meis sovent aveynt ke alme blesce Grant bealté e grant richesce. Par richesce e grant bealté Se dona le plus a peché. Jeo ne ay pas trové en escrit Cum bien durra cel foul delit, Meis bon est de aler a sermon Dunt vent a plusurs salvation. ¶ Avint ke Jhesus un jour precha, Dunt ele conceut tel dulceur la E tele repentance en quer li munt K’ele ne lessa pur nule hunt Ke ele ne vynt veanz tuz A l’ostel Simon le Leprous. A tere en genuz la se mist A les pez dulce Jhesu Crist.
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Ses pez beysa mult dulcement E la plurut si tendrement Ke des lermes ses pez lava E des chevus les sua. Simon pensa sanz rien dire : « Si cesti fut un tel sire Cum l’em Le teent, ne sufiert mye Une femme de fole vie Ses pez tocher cum ceste fet. Il m’est avis ke ceo est mesfet. » Jhesu ki sout bien sa pensee Si l’ad issi areysoné : « De l’oure ke entray vostre mesun Jeo ne trovay ci nul homme Ki Me donast a mes peez Euwe freide ne eschaufez, E ceste femme Me ad lavé De chaudes lermes a plenté; Dunt Jeo vus di, ky plus ayme, Plus de lower par reson cleyme. » Lors se turna Jhesu Crist A la femme e li dist : « Pardonez vus sunt vos pechez. Vostre fey vus ad sauvé. » Ele s’en ala joyusement, Bien chaungé sudeynement. De tut changea cele vie Ke avant out mené en folie E se dona de quer parfit De suer e servir Jhesu Crist, E pur l’amur k’ele out a Li, De Jhesu Crist out bon amy. ¶ Avynt un jour, cum il avint Plusurs fez, ke Jhesus vint Od les deus sures herberger, E Martha comencea a blamer Sa sure Marie pur ceo ke siit Oyer les paroles Jhesu Crist,
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Par entente ke out desir Ke ele ust eyde de servir, Meis Jhesu pur li dunt parla, E aliurs sovent plus ke la, E vers Simon le Leprus E vers Judas malicius. Par tut pur li allegea E de blame la sauva. Son frer mort e ja purri Resuscita de mort par li, Ki plusurs merveyles a genz cunta De l’autre secle quant releva. Tant en amur Marie crut Vers Jhesu Crist ke ele ne fut Jamés a ese si ele ne ust Sa dulce presence ke tant li plust, Pur ceo ke suit de liu en liu, De sa presence pur estre pu, E meynte fez ele purvit A les desciples Jhesu Crist E a li meymes e a les soens Sustenance de ses biens. Kant Jhesu mené fut a la mort, Ele Li suyt en tristur fort. Ha ! la dolur ke ele mena Kant vit morir ke tant ama; Meis de ceo ke ele aveit oÿ Qu’Il relevereit prist confort a ly E se mist a l’aube del jour Al sepulcre le tierce jour, Par unt ele out tele grace Ke ele fut la primere ki vit sa face – Jeo voile excepter sa dulce mere, Ke Li fust de assez plus chere. ¶ La Magdalene dunc diseit A les desciples ki veu Le aveit. Aprés la Ascensiun Nostre Sire, Tuz les seintes unt grant martire Par jues e paens ki turmenterent Kanque Jhesu Crist amerent. Marie e Martha unt vendu Lur heritage pur Jhesu,
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Pur sustenir les cristiens. De ceo se greverent les paens, Dunt il les mistrent en exil [...] E une neif sanz vitail, Sanz sigle e governayl. A la cité de Marsil Sunt arivez sanz peril Ou il ne troverent homme tel Ki lur prestat un hostel. En une mesone povre e nue La compa[n]ye fut resceue Ki o Marie e od Martha De cristiens sunt venuz la. ¶ Un jour aparceut la Magdaleyne Une mesone pres tute pleyne Des genz mescreanz ki feseient Honur a Maümez en ki creayent. La Magdaleyne se mist la E noblement les precha De nostre fay la verité, Dunt plusurs sunt enmerveylé Ke nule femme sout si parler Ke ses paroles percerent lur quer, Dunt plusurs resceurent devotiun E de lur trespas contritiun. Ne fu pas mervaile si bien parleit Cele bouche, ke avant tocheit Les pez celi qui est funteyne De grace e sen tut pleyne. ¶ Lors vynt un prince de la tere Od sa femme pur grace quere De lur Maümez par grant priere, Si pussent par els enfant aver. La Magdaleyne les ad repris, Ke lur esperance aveient mis En un trounc sourd e mort Ki fere ne put a nul confort; Pus aprés une nute, La Magdaleyne aparute
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En avisiun a cele dame, Si l’ad dit : « Dame, dame, Les sergeanz Dieu sunt en destresce E vus avez trop de richesce. A vostre baron par mey dirrez Ke il nus ayde. Ne obliez. » Par ubliance point ne lessa, Meis a son baron dire ne osa. L’autre nute aprés suant Vint Magdaleyne cum fit avant E autre fez la comanda, Meis ele de pour uncore lessa; Pus aprés la tierce nute A l’un e l’autre aparute Od si lusant e ardant vout Ke a l’un e l’autre avis fut Ke la mesun fut alumee Del regard ke ad gardé. « Coment », dit ele, « vus malurez, De famine perir nus suffrez ? Jeo ay en ma companye Hommes e femmes de bone vie Ki unt defaute de manger E de mesun ou herberger, E vus ki servez a Sathanas Sanz mal ne eschaperez pas Si vus ne aydez as bosingnous, Ki avez de biens asez e plus. » ¶ Le prince dunt e sa compaygne, Ki vers les autres aveient haygne, De fin pour se leverent E de lur biens les donerent, Les purvirent ou herberger E les sustindrent en mester; Pus vynt le prince en un liu Ou Marie precha de Jhesu E prist tesmoyne de seint Pere, Ke la resone fut bone e clere. Le prince dunc a Marie dit : « Si par vostre Jhesu Crist
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E par vus e vostre fey A ma compaygne e a mey Pusset fere de grace tant Ke nus ussum un enfant, Jeo crerey bien vostre dit E me durrey a Jhesu Crist. – Pur ceo », dit ele, « n’ert pas lessé E vus le averez en verité. » La dame conceust tost aprés E engrossit par tel fes, Dunt volt le prince a Rome aler A seint Pere od li parler. Sa femme dit ke of li irreyt E il dit ke noun freyt. Pur ceo ke fut en tel estat Ne voleyt pas ke travaylat Pur les cheances de la mer, Meis pur rien ne volt demorer. Dieu le voleit sanz nule fayle; Ceo mustra bien par mervayle. ¶ Le prince dunc se purvit De une neif e leÿnz se mist. En cele mer sourd tempeste Si trefort ke tuz areste. Bien quiderent tuz la mort, E la dame par descomfort Avant son tens enfanta E sanz ayde morut la. Son baron si grant dol prist Ke de li memes force ne fist. « Allas », dit il, « Magdaleyne, Pur quey me estes si vileyne ? A quey venistes en nostre tere Pur cele grevance a mey fere ? Jeo quidey bien ke bon fut Vostre consayl que me desceut. » ¶ Le mestre dunc de cele neif Tele pleynt prist a gref. « Deliverez », dit il, « la neif del cors !
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231. Lecture incertaine pour le premier mot (alas ou allas ?).
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Ja sumes par li touz morz. » Son baron dunc par prier E par larges dons doner Fist le mestre aprocher A un montaygne enclos en mer. En une cave le cors cocha, De son mantel le coverit la. Entre ses braces mist l’enfant E s’en ala od dolur grant. A Rome vynt e la trova Le apostle Peres, e li cunta De cheif en autre tut le cas, E Peres le mist en tel solasce. « Vus troverez », dit il, « la Magdaleyne En sa parole mult certeyne. A bone oure fustes nee Ke vus avez od li parlé. Ne vus dotez de nule rien : Il vus avendra par li mult bien. » Seint Pere le fit demorer Deus anz od li enteer. En plusurs l[i]us le amena Ou Jhesu Crist en tere ala [...] E la ou Jhesu al ciel munta, E muz de merveyles li cunta E en la fey bien le afferma. ¶ A chief de deus anz son congé prist, Vers son paÿs par mer se mist. Aprocher voult la montaygne Ou jut le cors sa compaygne. Un enfant vit juer Od petites peres de la mer. Kan l’enfant vit cele gent, Vers mount s’en ala sanz atent. Desuz la mantele sa mere se mist Ou son pere le trove e dit : « Ha ! la dulce Magdaleyne
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261. Quatre jambages séparent les consonnes initiale et finale du troisième mot. liuis, forme adoptée par M. A. Klenke, paraît très improbable. En outre, il manque au moins un vers dans la suite de couplets monorimes qui débute ici, mais l’emplacement et l’extension de cette lacune ne sont pas certains.
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Ke avant apellay la vileyne, Vus avez nurri mon enfant ! Ore vus pri me facez tant Ke ma compaygne puse aver De qui le cors git ci enteer. » La dame getta un suspir E se leva cum de dormir. « Ou est ore la Magdaleyne Ke par montayne e par pleyne En chescun liu me ad mené Par tut ou vus avez esté ? Meme le jour en chescun liu Ou vus esteiez, jeo i fu, E ceo ke Peres vus ad cunté, La Magdaleyne me ad mustré. » E celes enseignes li ad dit Ke estre ne put cuntredit. ¶ Le prince dunc meyntenant Od sa femme e son enfant Par mer se mistrent vers Marsil. A mesone vindrent sanz peril. Troverent Marie en prechant, A tere se mistrent en genuilant, La mercierent de la bonté E a tut le puple le unt cunté. Par tant les genz sunt convertuz, Les uns de jours, les autres de nuz, E cels ne lesserent pur nuls mises Par tut le paÿs de fere eglises. La fut Lazer esvesque eslu De tut le puple, e si le fu. ¶ Pus out Marie les somons Ke ele alast od ses compaynons A une vile ke est apellé Aquense la grant cité, Pur convertir la gent la, E l’unt fet cum Dieu comanda, E la fut evesque ordiné Maximiun, ki fut apellé.
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296. e son enfeant. – 305. Le dernier mot de ce vers représente à coup sûr le substantif guise, mais sa graphie est étonnante (m tient peut-être lieu ici de substitut à w ?).
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¶ La Magdaleyne aprés cel tens Fist ordiner des cristiens, Les uns ki saveint sermoner, K’il entendisent a cel mester, E tute soule se mist avant Ou nul homme fut habitant. Mult loinz de gent en un desert, A grant penance la se aerd En une roche dure e halte Ou ele suffrit grant defaute De chescun solace corporel, Meis Dieus la enveia solace del ciel. Chescun jour deske sa mort, Dieu le enveia tel confort Ke les angles la leverent En cors, en alme e porterent Si hault en l’eyr ke ele ad oÿe Del ciel la dulce melodye. Chescun jour fut si portee Par les angles e reportee. De ceo resceust ele si grant dulceur Ke autre viande n’out nute ne jour. Trent anz demora en tele vie, Tut sustenu par melodie. ¶ Avynt issi que un chapeleyn Qui out la grace Dieu a mayn, A douze karanteynes de li Prist son recet, e Dieus a li Un jour mustra la verité Coment Marie fut ci levee. Ou ele descendit bien aparceut, Meis il ne saveit ke ele fut. L’andreit se mist, e quant aprocheit Le get de une pere ou ele maneit, Pur nule rien n’out poer Plus avant de aprocher. Lors se mist a genulz E tendrement plurut des eouz, E en plorant dit issi : « Vus, creature ke manez ci, De ki ay veu la bele veue, Ne despisez ma venue.
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Tele veue jeo ne use veu Si a Dieu ust desplu. » ¶ Dunt li dist la Magdaleyne En halte voyce de dulceur pleyne : « Homme Dieu, ore aprochez E sanz veue od mey parlez. Oÿtes unkes de cele Marie Ke jadis mena si fole vie ? – Hoy », fet l’autre, « en Seint Evangele Ay jeo oÿ bien de cele. – Jeo la su », ceo dit ele, « Vers Dieu primes mult delele. Ore ay demoré ci trent anz De fere amendes par penance Ou me ad mustré tel amour K’Il me ad pu chescun jour De melodye celestien. Ore ne lessez pur nule rien Ke vus ne alez a la cité Ke Aquens est apellé E dites a Maximiun, ki est en vie, L’evesque, ke Dieu le benye, Ke a mey vengne sanz targer Od le cors Dieu ke tant ay cher E ke il me aporte un drap of li Pur moy coverir, jeo le pri. » Quant la novele a li vynt, Il le fit tut issint. Od prestres e clers est la venu. Entre les angles il soul l’ad veu Un poy de tere elevee. Plus pres aprocher ne fut osee Pur la beauté ke vit en li Cler cum soleil entur midi. Lors se turne Marie a li, Si li dist tut dreit issi : « Beal duce pere, aprochez. De vus estey jeo baptizez. Le cors Dieu me donez Ke jeo ay tant desirez. » Lors a tere descendi En genuillant devant li.
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En plurant mult tendrement Resceut dunc le sacrement. Al ciel s’en va l’espirit E del cors ki la remist, Si dulce odur est issu Ke unkes tel n’unt sentu, E durra bien cel odours A cels qui vyndrent par set jours. Kant l’evesque s’en ala, Le cors od li amena A la cité qu’est dite Aquense E l’entera od grant reverence, E pres de cele Magdaleyne Ordena son cors demeyne Aprés sa morte de gisir, E li proudomme out son desir. ¶ Pus avynt ke un grant segnour, Deus cent anz aprés cel jour, En autre païs une abeye fist A l’honur de Jhesu Crist. Par celi sire e par le abé, Un moygne de lenz fu mandé A la cité ou ele jut D’enporter les os s’il put. Le moigne e sa companie Troverent ke la payenerie Aveint dest[r]ut la cité Ou ele fut enteré. Il aveient pour de aprocher, Le seintim cors d’enporter. La Magdaleyne une nute En avisiun le aparute E li dit qu’il aprochast E son cors d’elluc portast. Le cors unt pris e returnez Sont vers mesone mult heytez. A demy lue de lur mesun, Encontre els vynt processiun. Od grant honur l’unt resceu
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413. Pour l’initiale de ce vers, le scribe a commencé par tracer un a qu’il a exponctué et remplacé par un e suscrit. – 421. Lecture incertaine pour le dernier mot. – 427. destut.
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E enterré en noble liu En Ciliacense, en cele abeye, Vers ou plusurs funt lur veye Pur aver ayde par cele seinte, E Dieu l’ad fet a meynt e meynte. ¶ Entre les autres, un chivaler En pelrinage soleit aler Chescun an de custoume. Avynt issi ke cel homme Sanz confessiun sodeynement Fut occis de male gent. Ses parenz e ses amis La Magdeleyne unt repris K’ele suffrit son pelerin Sanz confessiun prendre fin. Sur la bere ou fut coché, Devant els tuz ad prié Ke il ut tantost confessiun. Les autres unt merveyle de ceo soun. Loere[nt] Dieu e la Marie Ke fit al mort tel aÿe. Il fut confés e acomuné E repentant de son peché, E sanz plus en vie demorer, A Dieu passa sanz retourner. ¶ Un autre miracle vus dirray Ke en latin trové ay. Une neif tut pleyn de genz Furent periz par grant venz, Meis une femme ke fut enceynte E de les undes ja tute ateynte Fist tel vou al Magdaleyne, Si a tere put venir seyne, Ke son enfant li durreit Pur li servir e dunt veneit. Une dame meyntenant Mult tres bele e avenant Par le menton si l’ad pris E salvement a tere mis.
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La femme pus tynt covenant A la dame de son enfant. Moygne le fist en cele abeÿe Pur li servir tute sa vye. ¶ Ne my soul a li, mes a plusurs La Magdaleyne ad fet sucours. Si jeo meÿse en cest escrit Chescun miracle ke le latin dit Par long demure en lisant, Les perceouses serreint trop pesant, Kar les perceouses bien se avisent Cum bien dure avant ke lisent. S’il est court, il unt delit, S’il est long l’unt en despit E lisent tut par fin enu E perdent louer de grant vertu, Meis jeo pri Marie la dulce Ke sa bonté point me grouce De ayder Bozun en son mester, Ki sa vie voult translater Ke gent la pussent plus amer E del lire merit aver. Pur cels qui de quer oyerunt Ceste vie ou la lirrunt, Jeo pri la dulce Magdeleyne Ke salvez seient de enfernal peyne E a la joye pussent venir Ou les seintes unt lur desir. Amen
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Paris, Bibliothèque Mazarine, 1729 (n° 14)
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14. Paris, Bibliothèque Mazarine, 1729, f° 159 c - 163 c Avec plus de 30 copies conservées, la traduction de la Legenda aurea par Jean de Vignay, destinée « aus gens qui ne sont pas lectrés » (prologue du translateur, d’après Paris, Bibliothèque Mazarine, 1729), est la plus diffusée des adaptations médiévales françaises de la vie de Marie-Madeleine. D’après le préambule qui accompagne son ouvrage, le prolifique traducteur1 aurait entrepris celui-ci après avoir achevé la version française du monumental Speculum historiale de Vincent de Beauvais, présenté en 1333 à la reine Jeanne de Bourgogne. Le plus ancien manuscrit daté que nous connaissons de sa Légende dorée (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 241, confectionné en 1348) permet d’en fixer le terminus ante quem. Jean de Vignay a ainsi repris en l’espace d’une dizaine ou d’une quinzaine d’années les quelque 900 chapitres hagiographiques de la compilation de Vincent puis ceux de Jacques de Voragine. La comparaison des vies et des miracles de Marie-Madeleine, pour lesquels les deux dominicains puisent partiellement aux mêmes sources, laisse admettre que les deux entreprises de traduction sont indépendantes l’une de l’autre. Notre liste de manuscrits correspond à celle établie par V. Russell2. Les nos 22 du Musée Fitzwilliam à Cambridge3 et 9549 de la Bibliothèque royale de Belgique, mentionnés dans cet inventaire, sont bien des copies de Jean de Vignay, mais ils ne comprennent pas la vie de Marie-Madeleine. Quatre volumes nécessitent une précision. Celui dont V. Russell fait état (p. 137) selon le catalogue de la vente par Sotheby du 25 mai 1921 (n° 1470) est aujourd’hui déposé à la British Library (Yates Thompson, 49). Seul exemplaire sur trois colonnes de la traduction par Jean de Vignay, ce manuscrit en écriture gothique livresque a été produit vers 1470. Sa décoration, inachevée, a été réalisée à Paris (dans
Jean de Vignay a traduit onze œuvres latines, dont quatre au moins pour Jeanne de Bourgogne. Son répertoire embrasse tant le De re militari de Végèce ou les Otia imperialia de Gervais de Tilbury que les Épîtres et Évangiles selon l’usage de Paris ou la Chronique de Primat. L’étude de C. Knowles, « Jean de Vignay. Un traducteur du XIVe siècle », Romania, t. 75, 1954, pp. 353 - 383, fait encore référence, même si la liste des manuscrit répertoriés a été affinée depuis. Le Moyen Français, qui consacre un numéro à la Légende dorée, en réserve une des sections à la traduction par Jean de Vignay : Legenda aurea - la Légende dorée (XIIIe-XVe s.), Actes du Congrès international de Perpignan (séances « Nouvelles recherches sur la Legenda aurea »), publiés par B. Dunn-Lardeau, Montréal, Éditions CERES, 1993. Rappelons que nous avons renoncé à éditer la vie et les miracles de Marie-Madeleine contenus dans le Speculum de Vincent de Beauvais : l’ensemble de cet ouvrage devrait bientôt être publié par Laurent Brun et Mattia Cavagna (voir supra, Introduction, pp. 21 sq.). 2 « Evidence for a Stemma for the de Vignay Mss : St. Nicholas, st. George, st. Bartholomew, and All Saints », Legenda aurea : sept siècles de diffusion. Actes du colloque international sur la Legenda aurea, texte latin et branches vernaculaires, à l’Université du Québec à Montréal, 11 - 12 mai 1983, ouvrage publié sous la direction de B. Dunn-Lardeau, Montréal, Bellarmin, Paris, Vrin, 1986, pp. 131 - 154 ; complété par R. Hamer et V. Russell, « A Critical Edition of Four Chapters from the Légende Dorée », Mediaeval Studies, 51, 1989, pp. 130 - 204. 3 Nous remercions M. Yann Dahaoui d’avoir effectué cette vérification. 1
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le style du Maître de Coëtivy), et à Rouen4. La vie de Marie-Madeleine qu’il contient omet la plupart des développements qui concluent le récit (soit l’appel à l’autorité d’Hégésippe, la translation des reliques à Vézelay et les cinq miracles qui figurent dans la Légende dorée). Par ailleurs, le légendier décrit dans le catalogue de B. Quaritch5 (V. Russell, p. 137) n’a pu être localisé. Exécuté à Montpensier pour Louis le Bâtard de Bourbon en 1480, par un copiste du nom de Johannes, il aurait été copié à partir de l’édition de Buyer. Nous ajoutons enfin deux manuscrits à l’inventaire de V. Russell. Un volume que nous a signalé M. Laurent Brun, que nous remercions pour cette précieuse information : le n° 9 du catalogue de la bibliothèque du Dr. Jörn Günther à Hambourg6. Très belle exécution complète que l’on peut faire remonter aux années 1360 à 1370, mais qui pourrait être plus précoce encore, cet exemplaire couvre 270 feuillets sur vélin (ca 310 x 230 mm ; 2 colonnes à 48 lignes). Il ressemble beaucoup aux plus anciennes retranscriptions de la Légende dorée. Son frontispice, placé dans un médaillon quadrilobé, est l’œuvre de l’atelier du Maître aux boqueteaux, même enlumineur que pour le manuscrit 1729 de la Bibliothèque Mazarine (Ma), et il comporte 86 lettres historiées pourvues d’antennes et de rinceaux. Si sa destination première reste inconnue, le volume porte les armes de Jeanne de Laval et, pour le XVIIIème siècle, les marques de possession d’un grand seigneur bibliophile, Louis de Gand - de Merode - de Montmorency, prince d’Isenghien et de Masmines. Cet objet est aujourd’hui la propriété d’un collectionneur que nous n’avons pu approcher. Quant au manuscrit 73.E.6 conservé à la Bibliothèque royale de La Haye7, il contient une Passion du Christ en dix-sept chapitres ainsi que la vie de MarieMadeleine dans sa traduction par Jean de Vignay. D’après l’incipit du premier texte8, il a été écrit en 1470, ou peu après si la mention est relative à la composition Voir la description détaillée du Digital Catalogue of Illuminated Manuscripts de la British Library. Bernard Quaritch, Ltd., A Catalogue of Illuminated and Other Manuscripts with Some Works on Paleo graphy, Londres, 1931 (n° 94). 6 Mittelalterliche Handschriften und Miniaturen, Katalog 3, 1995, pp. 51 - 61. Nos remerciements vont aussi à la Librairie Quentin, à Genève, qui, à défaut de contact direct avec l’actuel propriétaire de ce manuscrit, a bien voulu nous communiquer la notice du catalogue établi pour sa vente, Manuscrit enluminé du XIVe siècle. La Légende dorée de la reine Jeanne de Laval, et trente livres anciens, Genève, Librairie Quentin, 1996, n° 1. 7 Ce petit volume de 67 feuillets de papier (ca 190 x 130 mm ; filigrane apparenté à Briquet 9747 pour le f° 1 et à la série Briquet 9916 - 9918 pour la suite) est décrit par E. Brayer et A. S. Korteweg, Catalogue of French-Language Medieval Manuscripts in the Koninklijke Bibliotheek (Royal Library) and Meermanno-Westreenianum Museum The Hague, édition sur microfiche, Paris, IRHT, La Haye, Koninklijke Bibliotheek, Amsterdam, Moran Micropublications, 2002, pp. 735 - 737. Voir aussi G. I. Lieftinck, Manuscrits datés conservés dans les Pays-Bas. Catalogue paléographique des manuscrits en écriture latine portant des indications de dates. Tome premier : Les manuscrits d’origine étrangère (816 - c. 1550), Amsterdam, North-Holland Publishing Company, 1964, p. 32. Nous exprimons toute notre reconnaissance à M. Edward T. van der Vlist pour ses vérifications et pour les renseignements qu’il nous a fournis au sujet de cet exemplaire. 8 « A la loange de Dieu et de la Vierge souveraine et de tous sains et saintes de paradis, et noble dame Madame Marguerite de Prie, prieuse de la Ferté, a fait escripre ceste passion de Jhesus nostre Sauveur en 4 5
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Paris, Bibliothèque Mazarine, 1729 (n° 14)
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du texte et non à l’exécution de la copie, à la demande de Marguerite de Prie, prieure des Bénédictines de La Ferté-aux-Nonnains (aujourd’hui La Fermeté, dans la Nièvre). H. E. Maddocks a réalisé une description précise des 28 légendiers enluminés (données codicologiques, présentation et analyse des programmes iconographiques, commentaire et bibliographie). Ses articles et surtout sa thèse9, non publiée, peuvent servir de référence et nous nous contentons de dresser la liste des exemplaires qui contiennent notre traduction avec les sigles que nous leur avons affectés ainsi que ceux choisis par R. Hamer et V. Russell10, leur lieu de conservation actuel, la foliotation de la vie de Marie-Madeleine, leur origine et la date présumée de leur fabrication, ainsi qu’une brève description de l’iconographie liée à notre sainte11. A : Arras, Bibliothèque municipale, 83 (630), f° 152 b - 158 a ; R. Hamer et V. Russell : W (réd. « a ») ; France, ca 1400 (H. E. Maddocks, p. 105) / entre 1395 et 1403 (F. Avril, p. 282) ; miniature : Marie Madeleine tenant une boîte d’onguent, agenouillée aux pieds du Christ ressuscité ; un arbre sépare les deux personnages. Ars1 : Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 368212, f° 294 d - 301 a ; R. Hamer et V. Russell : Nc (réd. « c ») ; Pays-Bas, milieu ou fin du XVème siècle / sud des Pays-Bas, probablement Bruges, ca 1480 - 1485 (H. E. Maddocks, p. 160) ; pas d’illustration pour la vie de Marie-Madeleine.
françoys, sans y adjouster mouralités, histoires, exemples ou figures, l’an mil .cccc.lxx. », cité d’après É. Brayer et A. S. Korteweg, Catalogue of French-Language Medieval Manuscripts, op. cit., p. 736. 9 The Illuminated Manuscripts of the Légende Dorée. Jean de Vignay’s Translation of Jacobus de Voragine’s Legenda Aurea, University of Melbourne, sans date. Du même auteur, voir également « Illumination in Jean de Vignay’s Légende dorée », Legenda aurea : sept siècles de diffusion, op. cit., pp. 155 - 169 et « Manuscripts of the Légende dorée », Medieval Texts and Images, ed. M. M. Manion and B. J. Muir, Coire, Harwood Academic Publishers-Craftsman House, 1991, pp. 1 - 23. Nous compléterons le travail de H. E. Maddocks par la publication de F. Avril, « Le parcours exemplaire d’un enlumineur parisien à la fin du XIVe siècle. La carrière et l’œuvre du Maître du Policratique de Charles V », De la sainteté à l’hagiographie. Genèse et usage de la Légende dorée, études réunies par B. Fleith et F. Morenzoni, Genève, Droz, 2001, pp. 265 - 282. B. Dunn-Lardeau, « Étude autour d’une Légende dorée (Lyon, 1476) », Travaux de Linguistique et de Littérature, 24, 1, 1986, pp. 257 - 294, traite rapidement de la composition particulière de certains manuscrits qui renferment la traduction de Jean de Vignay. 10 R. Hamer et V. Russell distinguent dans leurs recherches trois groupes issus des états successifs de la transmission de l’œuvre. Ils reflètent donc la composition d’ensemble des recueils qui la diffusent : types « a » (Légende dorée seule) ; « b » (Légende dorée suivie des Festes nouvelles) ; « c » (Légende dorée remaniée accompagnée des Festes nouvelles et de vies relatives aux saints du Nord). Au point de vue philologique, chacun d’entre eux ne forme pas pour autant une unité indépendante et cohérente. Au risque de complications avec les études disponibles sur Jean de Vignay, nous choisirons donc, d’une façon qui semblera peut-être velléitaire, de classer les manuscrits dans l’ordre strict de leur provenance et de leurs cotes, sans les différencier d’après quelque autre critère. 11 Nous ne décrivons en détails que les miniatures dont le thème est développé. 12 Le texte de la Légende dorée se poursuit dans le manuscrit 3683. En l’état actuel, les folios 295 et suivants sont séparés du f° 294 et de ceux qui précèdent par les folios 256 - 270, qui semblent former un cahier.
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Ars2 : Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3705, f° 148 a - 151 d ; R. Hamer et V. Russell : N (réd. « a ») ; Paris, début du XVème siècle / ca 1499 (H. E. Maddocks, p. 73) ; pas d’illustration pour la vie de Marie-Madeleine, mais un espace vacant au début de la partie narrative du texte. B1 : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9226, f° 151 d - 155 c ; R. Hamer et V. Russell : B1 (réd. « a ») ; Paris, début du XVème siècle / ca 1405 (H. E. Maddocks, p. 57) ; miniature : Marie-Madeleine en pied, cheveux cachés par un voile, porte une boîte d’onguent. B2 : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9227, f° 172 b - 176 a ; R. Hamer et V. Russell : B2 (réd. « a ») ; Paris, début du XVème siècle / ca 1400 (H. E. Maddocks, p. 62) ; pas d’illustration pour la vie de Marie-Madeleine. B3 : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9228, f° 163 c - 167 b ; R. Hamer et V. Russell : Ab (réd. « b ») ; Paris, début du XVème siècle / ca 1420 (H. E. Maddocks, p. 110) ; miniature : Marie-Madeleine en pied, cheveux libres, porte une boîte d’onguent. B4 : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9282 - 9285, f° 152 c - 156 b ; R. Hamer et V. Russell : Bb (réd. « b ») ; Paris, milieu du XVème siècle / ca 1460 (H. E. Maddocks, p. 115 ; B. Dunn-Lardeau, « Étude autour d’une Légende dorée (Lyon, 1476) », 1986, pp. 274 - 275, discute la datation de cet exemplaire) ; miniature : Marie-Madeleine en pied dans un décor architectural, cheveux libres, porte une boîte d’onguent. C : Cambridge, The Fitzwilliam Museum, Mc Lean 124, f° 121 a - 124 b ; R. Hamer et V. Russell : F (réd. « a ») ; Paris, milieu du XIVème siècle / ca 1360 (H. E. Maddocks, p. 67) ; miniature : Marie-Madeleine en pied, cheveux cachés par un voile, porte une boîte d’onguent. Ch : Chantilly, Musée Condé, 735 (1335), f° 186 a / b - 190 d ; R. Hamer et V. Russell : C (réd. « a ») ; Paris, milieu du XIVème siècle / ca 1365 (H. E. Maddocks, p. 64) ; initiale historiée : Marie-Madeleine agenouillée, mains jointes tendues vers le Christ debout devant elle dans un geste de bénédiction. G : Genève, Bibliothèque de Genève, fr. 57, f° 192 a - 196 d ; R. Hamer et V. Russell : Gb (réd. « b ») ; Paris, après 1400 et avant 1403, date de la fin de l’activité du Maître du Policrate de Charles V (F. Avril, p. 279) / ca 1400 (H. E. Maddocks, p. 134) ; miniature : Marie-Madeleine en pied, cheveux cachés par un voile, porte une boîte d’onguent. H : La Haye, Koninklijke Bibliotheek, 73.E.6, f° 59 v° - 67 r° ; 1470 (Lieftinck, p. 32) ; pas d’illustration pour la vie de Marie-Madeleine. J : Jena, Thüringer Universitäts- und Landesbibliothek, Ms. El. f. 8613, f° 149 a 152 c ; R. Hamer et V. Russell : Jb (réd. « b ») ; Paris, début du XVème siècle / ca 1420 (H. E. Maddocks, p. 145) ; miniature : Marie-Madeleine en pied dans un décor extérieur, cheveux cachés par un voile, porte une boîte d’onguent. La cote Universitätsbibliothek, Gall. f. 86, qui apparaît dans certains articles, est erronée.
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L1 : Londres, British Library, Add. 16907, f° 147 c - 151 b ; R. Hamer et V. Russell : Q (réd. « a ») ; Paris, daté de 1375 ; initiale historiée : Marie-Madeleine en pied, cheveux cachés par un voile, porte une boîte d’onguent. L2 : Londres, British Library, Egerton 645, f° 199 d - 204 b ; R. Hamer et V. Russell : Z (réd. « a ») ; France, milieu du XVème siècle ; pas d’illustration pour la vie de Marie-Madeleine (un espace a été ménagé entre les textes, peut-être afin de recevoir une miniature). L3 : Londres, British Library, Loan 36, 2 (ex-Cheltenham, Bibliothèque Phillipps, 199)14, f° 250 b - 256 d ; R. Hamer et V. Russell : Y (réd. « a ») ; Paris, début du XVème siècle / ca 1410 (H. E. Maddocks, p. 108) ; pas d’illustration pour la vie de Marie-Madeleine. L4 : Londres, British Library, Royal 19. B. xvii, f° 170 c - 174 c ; R. Hamer et V. Russell : R (réd. « a ») ; Paris, daté de 1382 ; miniature : Marie-Madeleine en pied, cheveux cachés par un voile, porte une boîte d’onguent. L5 : Londres, British Library, Stowe 5015, f° 221 b - 226 b ; R. Hamer et V. Russell : Sc (réd. « c ») ; Pays-Bas, fin du XVème siècle / probablement sud des Pays-Bas, ca 1470 - 1480 (H. E. Maddocks, p. 164) ; pas d’illustration pour la vie de Marie-Madeleine. L6 : Londres, British Library, Yates Thompson 49, 2, f° 112 d - 115 b16 ; Paris et Rouen, ca 1470 (Digital Catalogue of Illuminated Manuscripts de la British Library) ; miniature : Marie-Madeleine enveloppée de ses cheveux reçoit la communion de Maximin ; l’évêque auréolé, qui tient une croix dans sa main gauche, tend une hostie à la sainte. Revêtu des habits épiscopaux et de la mitre, il est encadré par deux hommes agenouillés, habillés de bleu, qui tendent un drap blanc entre la sainte et lui. Ma : Paris, Bibliothèque Mazarine, 1729, f° 159 c - 163 c ; R. Hamer et V. Russell : M (réd. « a ») ; Paris, fin du XIVème siècle / ca 1375 (H. E. Maddocks, p. 70) ; pas d’illustration pour la vie de Marie-Madeleine. Mu : Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Gall. 3, f° 118 b - 121 b ; R. Hamer et V. Russell : Hb (réd. « b ») ; Paris, milieu du XVème siècle / ca 1430 (H. E. Maddocks, p. 139) ; miniature : Marie-Madeleine, portant une boîte d’onguent, s’adresse au couple de Marseille debout devant elle ; le seigneur est coiffé d’une couronne. N : New York, Pierpont Morgan Library, 67417, f° 49 r° - 58 r° ; R. Hamer et V. Russell : Mb (réd. « b ») ; Pays-Bas, milieu du XVème siècle / sud des Pays-Bas, Cet exemplaire en deux volumes (36, 1 et 36, 2) a été vendu aux enchères par Christie’s le 7 juin 2006. Son propriétaire actuel n’est pas identifié. Nous remercions M. Justin Clegg pour ces renseignements. 15 Le texte de la Légende dorée se poursuit dans le manuscrit 51. 16 Cette copie est aujourd’hui divisée en deux volumes (49, 1 et 49, 2). La foliotation que nous indiquons est celle d’origine. Dans la numérotation moderne, la vie de Marie-Madeleine couvre les folios 17 d à 20 b du second volume. 17 Le texte de la Légende dorée est divisé en 5 volumes, soit les manuscrits 672 à 675 de la Pierpont Morgan Library, complétés par le n° 3 de la Bibliothèque municipale de Mâcon. 14
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probablement Bruges, ca 1470 (H. E. Maddocks, p. 148) ; entre 1445 et 1460 (catalogue en ligne de la PML) ; la miniature concentre les deux épisodes de l’onction des pieds et de la retraite érémitique de Marie-Madeleine. À gauche de l’image, la sainte à genoux essuie de ses cheveux les pieds du Christ attablé en compagnie de trois hommes à l’intérieur d’une maison ; à droite, la sainte nue est dans une forêt où l’on distingue des animaux entre les arbres et les rochers (contrairement à ce que dit la Légende dorée) ; de part et d’autre de la scène, le prêtre ermite est agenouillé et deux anges chantent en tenant un livre. Un château garni de quatre tours se dresse à l’arrière-plan. P1 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 184, f° 179 d - 184 b ; R. Hamer et V. Russell : Cb (réd. « b ») ; Paris, début du XVème siècle / ca 1402 (H. E. Maddocks, p. 121) ; miniature : Marie-Madeleine en pied, cheveux cachés par un voile, porte une boîte d’onguent et un livre ; elle est encadrée par deux arbres18. P2 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 241, f° 162 d - 167 b ; R. Hamer et V. Russell : P1 (réd. « a ») ; Paris, daté de 1348 ; miniature : Marie-Madeleine en pied, cheveux cachés par un voile, porte une boîte d’onguent, entourée de sa sœur Marthe et de son frère Lazare, qui tient une cliquette. P3 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 242, f° 140 d - 144 b ; R. Hamer et V. Russell : Db (réd. « b ») ; Paris, début du XVème siècle / ca 1402 (H. E. Maddocks, p. 123) ; miniature : Marie-Madeleine agenouillée essuie de ses cheveux les pieds du Messie ; une boîte est posée sur le sol. Le Christ, debout derrière une table chargée de mets et d’ustensiles, est entouré par deux hommes. P4 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 243, f° 176 b - 181 a ; R. Hamer et V. Russell : Eb (réd. « b ») ; Paris, début du XVème siècle / ca 1415 (H. E. Maddocks, p. 129) ; pas d’illustration pour la vie de Marie-Madeleine. P5 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 24419, f° 200 b - 206 c ; R. Hamer et V. Russell : P2 (réd. « a ») ; Paris, fin du XVème siècle / ca 1480 (H. E. Maddocks, p. 77) ; miniature : onction des pieds du Christ et retraite érémitique de Marie-Madeleine. Jésus est représenté de profil sur la gauche de l’image, derrière une table posée légèrement de biais. Un phylactère, sur lequel on peut lire : « Symon habeo tibi aliquid dicere », sort de sa bouche. À sa gauche, également face à la table recouverte d’une nappe blanche et chargée de victuailles et d’ustensiles, se tient un disciple ; deux hommes tonsurés semblent se parler au bout de la table. Derrière, on distingue un groupe de sept visages auréolés. Simon, dépourvu d’auréole, tête recouverte d’un bonnet, est assis sur un banc de bois devant la table et paraît s’adresser au Christ. Deux hommes auréolés se dressent derrière lui. Marie-Madeleine porte une robe verte recouverte d’un large manteau rouge. Elle est représentée agenouillée, de profil. De ses cheveux, elle essuie les pieds du Messie. Deux boîtes d’onguent ouvertes et un couvercle sont posés à terre. 18
Les enluminures de ce volume sont accessibles sur le site de la Bibliothèque nationale de France. Le texte de la Légende dorée se poursuit dans le manuscrit 245.
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A l’arrière-plan de la miniature, dans un paysage extérieur, on voit la sainte dans une robe de la même couleur, toujours agenouillée, mais corps dressé, devant une grotte entourée de végétation. Sur une colline se dressent deux tours (peut-être en référence à l’étymologie du nom de Madeleine ?). P6 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 414, f° 203 a - 208 a ; R. Hamer et V. Russell : P3 (réd. « a ») ; Paris, daté de 1404 ; miniature : Marie-Madeleine en pied, cheveux cachés par un voile, porte une boîte d’onguent. P7 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 41520, f° 262 a - 268 b ; R. Hamer et V. Russell : Fb (réd. « b ») ; Paris, début du XVème siècle / ca 1415 (H. E. Maddocks, p. 131) ; pas d’illustration pour la vie de Marie-Madeleine. P8 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1535, f° 356 v° - 365 r° ; R. Hamer et V. Russell : P4 (réd. « a ») ; France, fin du XVème siècle ; pas d’illustration pour la vie de Marie-Madeleine, mais un espace vacant de 5 à 6 lignes entre celles d’Alexis et de la sainte ; l’initiale n’a pas été peinte. P9 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 6448, f° 182 a - 186 c ; R. Hamer et V. Russell : P5 (réd. « a ») ; Paris, fin du XVème siècle / ca 1480 (H. E. Maddocks, p. 89) ; miniature : élévation de Marie-Madeleine. La sainte est tout entière recouverte de ses cheveux. Seuls apparaissent son visage, ses mains jointes sur sa poitrine et ses pieds nus. Elle est portée par quatre anges au-dessus d’une grotte entourée d’arbres et de végétation (contrairement à ce que dit la Légende dorée). À droite de l’image, l’ermite habillé d’une tunique brune, mains jointes, lève les yeux vers Marie-Madeleine. On distingue à sa droite le toit triangulaire d’une cabane, en bois sans doute. À l’arrière-plan, un bateau à voile et une barque avec des rameurs glissent sur un fleuve ou un lac. Sur la rive se dressent de part et d’autre deux collines au sommet desquelles s’élèvent des tours (allusion à l’étymologie du nom de Madeleine ?). P10 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 17232, f° 159 c - 163 b ; R. Hamer et V. Russell : P6 (réd. « a ») ; France, milieu ou fin du XVème siècle ; pas d’illustration pour la vie de Marie-Madeleine. P11 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 23113, f° 4 a - 9 c ; R. Hamer et V. Russell : P7 (réd. « a ») ; France, début ou milieu du XVème siècle ; pas d’illustration pour la vie de Marie-Madeleine (texte acéphale)21. R : Rennes, Bibliothèque municipale, 266, f° 170 b - 174 d ; R. Hamer et V. Russell : S (réd. « a ») ; France, ca 1400 (H. E. Maddocks, p. 102) / fin des années 1390, voire autour de 1400 (F. Avril, p. 274) ; miniature : Marie-Madeleine à genoux essuie les pieds du Christ attablé avec quatre hommes auréolés qui semblent s’adresser à lui. Le texte de la Légende dorée se poursuit dans le manuscrit 416. Ce manuscrit commence par la vie de saint Alexis et porte à cet endroit la numérotation « .ijc xxxiij. ». Le volume qui le précédait sans doute aura disparu. Plusieurs des feuillets de la partie conservée sont perdus ; V. Russell, « Evidence for a stemma », art. cit., en dresse la liste p. 139. Ce fait explique la lacune au début de la vie de Marie-Madeleine.
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Comme on le constate, la grande majorité de ces exemplaires est d’origine parisienne. Quelques textes tardifs ont été copiés dans le nord de la France et dans les Flandres, en relation probable avec la cour de Bourgogne22. La plupart de ces volumes d’apparat est enluminée ; seuls quatre d’entre eux ne possèdent aucune illustration23. L’exécution a été confiée à certains des artistes les plus prestigieux des écoles parisiennes et, dans une moindre mesure, du flamand tardif du milieu du XIVème à la fin du XVème siècle. B. Dunn-Lardeau24 remarque avec pertinence que le texte didactique de vulgarisation de l’enseignement de l’Église qu’est la Legenda aurea de Jacques de Voragine devient ainsi, dans l’adaptation par Jean de Vignay, un symbole de luxe. Choix éditorial Devant cette abondance exceptionnelle, le choix éditorial auquel nous aurons à souscrire mérite une discussion attentive. Les recherches déjà mentionnées de V. Russell et de R. Hamer (1986 et 1989) ont en effet mis en lumière les limites d’une classification par stemmata codicum. Si de telles représentations ont le mérite de révéler certains des liens qui unissent nos manuscrits, l’analyse de quatre chapitres de la Légende dorée montre qu’aucun des regroupements auxquels ceux-ci conduisent n’est stable. Cette labilité pourrait s’expliquer par le fait que le recueil se compose d’éléments séparables, ce qui peut entraîner des interférences complexes, un modèle différent par chapitre ou par section étant tout à fait envisageable. Sans doute faut-il dès lors saluer la décision de W. F. Manning qui renonçait à établir un stemma en arguant que tous les exemplaires sont des copies comportant des erreurs et des omissions25. Par ailleurs, les rares éditions partielles de la traduction par Jean de Vignay ont jusqu’à présent privilégié le manuscrit f. fr. 241 de Bibliothèque nationale de France (P2, dans notre nomenclature)26, réalisé dans l’atelier du libraire parisien Richard de Montbaston ; son ancienneté – rappelons qu’il est le premier volume 22 Cf. R. Hamer, « From Vignay’s Légende dorée to the Earliest Printed Editions », Legenda aurea - la Légende dorée (XIIIe - XVe s.), op. cit., 1993, p. 71. 23 L2 a cependant des espaces vides destinés à accueillir des miniatures, et P11 contenait quelques peintures qui ont été découpées ; ainsi, seuls P8 et P10 ne sont pas du tout illustrés. 24 La Légende dorée. Édition critique, dans la révision de 1476 par Jean Batallier, d’après la traduction de Jean de Vignay (1333-1348) de la Legenda aurea (c. 1261-1266), publ. par B. Dunn-Lardeau, Paris, Honoré Champion, 1997, p. 11. 25 W. F. Manning, « The Jean de Vignay Version of the Life of Saint Dominic », Archivum Fratrum Praedicatorum, vol. 40, 1970, pp. 29 - 46 (p. 37). 26 W. F. Manning, ibid. ; R. Hamer et V. Russell, « A Critical Edition », art. cit., qui éditent les vies de saint Nicolas, saint Georges, saint Barthélemy, et la Fête de tous les saints ; ainsi que J.-P. Bordier, « La vie de sainte Pélagie en ancien et en moyen français », Pélagie la pénitente. Métamorphoses d’une légende. Tome II. La survie dans les littératures européennes, dossier rassemblé par P. Petitmengin et alii, Paris, Études augustiniennes, 1984, pp. 175 - 218 (texte de Jean de Vignay pp. 203 - 205). Dans son édition de la traduction imprimée de Jean de Vignay, B. Dunn-Lardeau choisit elle aussi cet exemplaire pour établir les variantes de son texte, La Légende dorée. Édition critique, dans la révision de 1476 par Jean Batallier, op. cit.
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daté que l’on en conserve –, alliée aux qualités d’exécution qu’on lui prête d’ordinaire, plaidant en sa faveur. Trois arguments nous ont toutefois poussés à reconsidérer ce choix. En premier lieu, négliger une copie de qualité supérieure au seul motif de sa postériorité ne nous semble guère pertinent, surtout si l’écart chronologique est faible ; à quoi s’ajoute que, pour la Légende dorée, plusieurs manuscrits ont été fabriqués au milieu ou dans le troisième quart du XIVème siècle, enfin que des expertises codicologiques précises font encore défaut dans certains cas27. Par ailleurs, les critères qui gouvernent la recherche d’un exemplaire de référence peuvent varier selon que l’on envisage l’édition d’un texte complet ou celle d’une de ses parties, surtout lorsqu’une œuvre est elle-même composite. Si l’on entre maintenant dans le détail de notre traduction, une rapide collation suffit à montrer que P2 est loin de mériter une préférence incontestable : outre les variantes secondaires qu’on y découvre, il comporte de brèves lacunes, qui représentent à coup sûr des omissions (par exemple l. 22, 60, 235), ainsi que des ajouts ou des remaniements d’une certaine importance, par exemple, dans la série de doublons « Il voult que ele fust avec Lui en son repaire et en son voiage » (l. 53) ; « et tu les vois sans maison et sanz hostel desconfortez » (l. 101) ; « et son meneur li dist que il veoit ja le moustier et l’eglise de la Magdalaine » (l. 305). En outre, l’erreur de déchiffrement probable sur le nom ou l’abréviation de Jésus Christ entraîne à la l. 89 une étrange leçon que le scribe ne s’est pas soucié de rectifier (« et Marie Magdalaine li preescha jusques au vif de Jhesucrist »). La présence régulière de mélectures (« glorieusement », pour « gloutement », l. 14 ; « fist compaigne », pour « fu compaigne », l. 68 ; « seur », pour « seul », l. 242, etc.) et de pures maladresses (segments de texte bissés, l. 16 ; rattrapage confus, l. 58 ; redoublement inintelligible, l. 34 et 81 ; propos dénué de sens, l. 100, par exemple) achève de ternir la réputation du copiste. P2, sans doute issu d’un très bon modèle, est un exemplaire que l’on peut qualifier sans exagération de négligent. S’il faut se garder de généraliser, les tares dont il souffre nous semblent révélatrices de l’activité de l’atelier de Richard de Monbaston, dont la technique de production en série n’est pas exempte de critiques. Dernier élément de discussion : on a aussi allégué en faveur de P2 le fait qu’il serait le seul avec L3 (qui ne partage aucune faute avec lui) à descendre de manière indépendante de l’original de la traduction, tandis que toutes les autres copies permettraient de remonter à un archétype commun 28. Or l’édition de la vie de Si l’on excepte P2, les manuscrits qui se rattachent à cette période sont C, Ch, L1 et Ma, ainsi que l’exemplaire ayant fait partie de la bibliothèque Günther. 28 Voir en particulier R. Hamer et V. Russell, « A Critical Edition », art. cit., pp. 153 - 154. Ceci n’est affirmé que pour la vie de saint Nicolas : L3 est absent de deux des quatre autres stemmata proposés dans cet article, et dans le dernier, il n’est pas directement relié à l’archétype, mais la synthèse de la p. 154 le met sur un plan comparable à P2. C’est du moins ce que l’on peut inférer de la conclusion des auteurs : « P1 [P2] and Y [L3] have no shared variants to suggest they are not independently descended from the original ». 27
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Marie-Madeleine aboutit à des conclusions distinctes. Il est par exemple aisé de constater que diverses leçons, et notamment certaines erreurs qui ne s’avèrent peut-être pas les plus spectaculaires mais dont la rencontre ne saurait être considérée comme fortuite, rapprochent P2 d’autres spécimens, en particulier du sousgroupe Ars2, B1, L4, P6, P9, alors qu’une filiation immédiate et singulière, dans un sens ou dans l’autre, semble exclue, de même que tout autre rattachement direct de P2. Ainsi, ni les qualités propres ni le rang ni la stabilité de P2 dans les regroupements ne sont indiscutables29. Son adoption nécessiterait une encombrante reconstitution, peu conforme aux visées de notre travail, alors qu’il existe de meilleurs représentants de la vie de Marie-Madeleine. Au risque d’accroître l’écart avec les travaux philologiques qui existent déjà sur la traduction de Jean de Vignay, nous accorderons donc une prévalence à ces exemplaires, même si celle-ci n’est que relative. Parmi les témoins les plus intéressants, et sans rentrer dans tous les détails d’une analyse comparative, l’avantage revient sans conteste à Paris, Bibliothèque Mazarine, 1729 (Ma)30. Le choix que nous en ferons n’équivaut pas à affirmer que ce manuscrit, rédigé 20 à 30 ans environ après P2, l’emporte pour l’ensemble de la Légende dorée : les stemmata confectionnés d’après d’autres parties ne vont en tout cas pas dans ce sens et nous ne saurions nous prononcer sur celles qui n’ont pas encore été étudiées, mais pour l’histoire de notre sainte, c’est celui dont la fidélité et la régularité, ainsi que le nombre et l’extension des divergences ou des fautes justifient la préférence31. L’établissement d’une édition au moyen d’un ensemble complet, et non sur une base réduite, laisse apparaître la richesse de la tradition textuelle. Si nous ne pouvons évoquer ici tous les détails nécessairement complexes du vaste apparat qui en résulte, contentons-nous de remarquer la place particulière occupée par N. Cet exemplaire, copié pour Jean d’Auxi, chambellan de Philippe le Bon, duc de Bour-
« ce ms. de 1348 est le plus ancien qui soit daté, mais aussi (...) il est parmi les manuscrits conservés, le plus près de l’archétype dans le stemma des manuscrits et (...) sa position reste stable parmi les quatre chapitres qui ont servi à établir le stemma. », B. Dunn-Lardeau, La Légende dorée. Édition critique, dans la révision de 1476 par Jean Batallier, op. cit., p. 37. 30 Constitué de 330 feuillets de parchemin de 300 x 215 mm environ, Ma est rédigé sur deux colonnes de 46 lignes en écriture gothique livresque et est orné d’un frontispice et de 14 miniatures réalisés dans le style du Maître aux boqueteaux, cf. P. M. de Winter, « Les Grandes Heures of Philip the Bold, Duke of Burgundy : The Copist Jean L’Avenant and his Patrons at the French Court », Speculum, 57, 4, 1982, pp. 786 - 842, part. p. 797. 31 Ars2 ou P8, recommandés par R. Hamer comme exemplaires de contrôle (cf. B. Dunn-Lardeau, La Légende dorée. Édition critique, dans la révision de 1476 par Jean Batallier, op. cit., p. 37, note 4), ne sont pas très satisfaisants ici. Quant à L3, dont nous avons déjà évoqué la place dans les schémas produits par R. Hamer et V. Russell, il contient nombre de variantes isolées, qu’il s’agisse de fautes ou de transformations propres à ce manuscrit, et présente des traces sporadiques mais assez nettes de rajeunissement linguistique (lexique, morphologie, syntaxe). Concernant le scribe de Ma, notons juste que celui-ci n’emploie sire que comme vocatif et que la forme seigneur ne correspond jamais au nominatif. Nous avons donc traité l’abréviation de ce couple de mots en fonction du cas grammatical. 29
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gogne32, qui partage avec B3 des fautes grossières (l. 65 et 152, par exemple, ainsi que de nombreuses omissions propres à ces deux copies), offre en effet une véritable réécriture de la version commune. Vie de Marie-Madeleine On l’a dit souvent33, mais avec une insistance disproportionnée, Jean de Vignay n’est pas un brillant traducteur. L’adaptation de la vie de Marie-Madeleine confirme sa réputation : il respecte avec une fidélité extrême la Legenda aurea pour aboutir à l’une des versions les plus proches et complètes du texte de Jacques de Voragine. Le dérivé français suit le latin pas à pas, moyennant un certain nombre de distorsions et de maladresses syntaxiques. Toutefois, si son style est assurément dépourvu d’élégance et dénué de recherche, mais aussi d’affectation, le récit de Jean de Vignay est bien rythmé et se lit aisément ; et si l’exposition du nom de MarieMadeleine est confuse, c’est au même titre que pour toutes les autres rédactions qui ont maintenu ce préambule. Son travail donne l’impression d’une élaboration rapide, « au fil de la plume ». Ça et là interviennent des oublis que Jean de Vignay rectifie souvent dans un second temps. Ainsi pourraient s’expliquer, par exemple, la place où est rapportée l’allusion à la menace adressée par la sainte à la dame de Provence, suite à la deuxième et non à la première apparition nocturne (l. 92 - 95 ; § 44 - 45), ou la réaction qu’il attribue au mari, alors que dans le texte latin, c’est l’épouse qui est saisie de tremblements (l. 104 ; § 53). Des termes mal traduits sont redoublés afin d’en corriger le sens : par exemple, lingua diserta (§ 37), rendu par « a langue discrete et bien parlant » (l. 83), ou per angelorum ministerium (§ 149), qui donne « par le mistere et service des angels » (l. 242)34. La demande de Marie-Madeleine à saint Maximin de s’approcher d’elle (Accede huc, pater, proprius, § 155, traduit à tort par « vien ça, mon propre pere », l. 250) témoigne elle aussi de cette élaboration parfois maladroite ou hâtive. Sans surprise, la fidélité de l’auteur à son modèle le conduit presque toujours à en respecter les particularités narratives. On peut toutefois relever que « apostolorum apostolam » (§ 32) est traduit par « compaigne des apostres » (l. 68), enlevant ainsi à la sainte son titre d’apôtre. Il est par ailleurs intéressant de remarquer que le nom de Girart, responsable du transfert des reliques de Marie-Madeleine,
32 Cf. R. Hamer, « From Vignay’s Légende dorée », art. cit., p. 72. B3 a quant à lui appartenu à Philippe le Bon. 33 On rappellera, entre autres, le jugement sévère de P. Meyer à propos des traductions de la Légende dorée : « Celle de Jean de Vignay, qui a obtenu le plus de succès, est peut-être la plus mauvaise ; c’est un mot-à-mot, inintelligent et dépourvu de style » (« Notice du ms. Med.-Pal. 141 de la Laurentienne (Vies de saints) », Romania, t. 33, 1904, pp. 5 - 6). C. Knowles parle d’un « traducteur d’une fidélité pénible » (« Jean de Vignay », art. cit., p. 356 ; expression reprise par le Dictionnaire des Lettres françaises). 34 Le scribe de Mu est le seul à intervenir, sans s’éloigner pour autant de la leçon primitive.
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n’est pas spécifié dans cette traduction pourtant rattachée à la maison bourguignonne35. Observations lexicales et syntaxiques Compte tenu de la date assignée à son entreprise, quelques éléments de vocabulaire peuvent être mis en perspective. appellement (l. 298), qui a été commenté dans la présentation du n° 9, prend un sens quelque peu différent ici puisqu’il correspond au latin vocatio (§ 184), comme dans le n° 12. appliquier, « aborder, arriver » (l. 149, 172) est un terme d’introduction assez récente au moment où Jean de Vignay traduit Jacques de Voragine (il apparaît à la fin du XIIIème siècle et n’est employé que depuis Henri de Mondeville au sens général qui convient ici), ce qui explique sa fréquence moyenne dans nos instruments. Notre vie de Marie-Madeleine fournit à Godefroy (I, col. 601 c) l’un de ses deux exemples de baubeter (« pousser des cris inarticulés », litt. « balbutier », l. 134), qu’il est d’ailleurs le seul à mentionner. Les variantes sont nombreuses dans la tradition manuscrite de ce passage, mais elles ne remettent pas en cause la validité de cette leçon. Comme dans les deux autres rédactions qui serrent au plus près la Legenda aurea pour cette péripétie (n° 12, papiner, et 18, papeter), notons toutefois qu’il n’existe pas de correspondance sémantique entre ce verbe et le latin palpitare du § 78 (« s’agiter, se débattre »), la structure de ce passage montrant que c’est bien à celui-ci qu’il faut le rattacher, et non aux derniers mots de la phrase (« lamentabiles dabat vagitus »). Deux termes apparentés, continuance, « continuité », et continué (avec), « lié à » (l. 8 ; latin continuitas et continuatur, suivi de cum, § 5), nous renvoient à un segment complexe de l’exposition dont il résulte une traduction pour le moins embrouillée. Le premier ne mérite pas de long commentaire : ce substantif semble entrer dans l’usage au début du XIVème siècle, mais n’est pas très fréquent. Le participe-adjectif est plus précoce puisqu’il est attesté dès la fin du XIIème ou le début du XIIIème siècle. Toutefois, l’unique relevé des dictionnaires à partir d’une construction prépositionnelle comme celle qui figure ici est d’une valeur tout à fait distincte. Peut-être faut-il prendre en compte l’acception que le FEW (continuus, II, 2, col. 1110 a) rattache à une occurrence qu’il date de 1347, sans autres précisions (« suivant, subséquent », d’où ici « consécutif » ?). Le seul autre emploi médiéval de degasterresse (« dilapidatrice », l. 56 ; prodiga, § 28) est flamand et précède le nôtre, également cité par Godefroy (II, col. 471 a), d’une centaine d’années environ. En dehors de cet ouvrage, auquel renvoie Tobler-Lommatzsch, nous ne possédons aucune mention de la forme familiaire (l. 53, pour le superlatif familiarissima, § 27). Les siens sont au nombre de quatre, mais ils proviennent de 35 « Les deux tiers des manuscrits enluminés qui conservent la traduction de Jean de Vignay ont appartenu à la royauté ou à l’aristocratie bourguignonne », B. Dunn-Lardeau, La Légende dorée. Édition critique, dans la révision de 1476 par Jean Batallier, op. cit., p. 10, qui renvoie à H. E. Maddocks, « Illumination in Jean de Vignay’s Légende dorée », art. cit.
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documents qui ne permettent guère d’en déterminer l’âge36. Curieusement, l’introduction en français de menerresse (« conductrice, guide », l. 193 ; dux, § 123), féminin peu usité, est datée par le FEW (minare, VI, 2, col. 103 b) de 1380 alors que ce dernier connaît cet exemple, par l’intermédiaire de Godefroy, chez qui figure aussi (de même que dans Tobler-Lommatzsch) un extrait de Guillaume de Digulleville, à peu près contemporain, et la variante du Roman de la Rose reproduite par le premier est notée par E. Langlois dans deux manuscrits, dont il attribue le plus ancien (Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1573) à la fin du XIIIème siècle. procureresse (« administratrice, intendante ») intervient à la l. 53 dans des conditions analogues à celles que nous avons observées pour les autres occurrences de ce mot (cf. n° 11). Dans le miracle du clerc Étienne, Jean de Vignay a recouru à un verbe encore peu usuel, reputer, « considérer comme, estimer » (l. 319), pour rendre le latin rependere, bien propre à embarrasser nos traducteurs (voir en particulier le n° 10 et nos commentaires dans la note concernée). L’unique attestation de seurondement (« débordement », l. 131 ; inundatio fluctuum, § 77) provient encore de Godefroy (VII, col. 536 b ; cf. FEW, unda, XIV, col. 31 a) qui la tire de l’exemplaire de référence de notre édition, et donc de la traduction par Jean de Vignay, mais d’un autre épisode de la Légende dorée. Enfin, les deux termes sushabondance et sushabonder (l. 24 et 25) n’existent pas dans nos outils, mais les copies qui possèdent les deux paragraphes introductifs de la légende de MarieMadeleine sont loin d’être homogènes et leur originalité est donc sujette à caution, par rapport à seurhabondance et à seurhabonder. Un tel bilan confirme l’impression de sobriété qui se dégage de ce récit. Plan de l’édition Exemplaire de référence : Paris, Bibliothèque Mazarine, 1729, f° 159 c - 163 c (Ma ; foliotation moderne) Exemplaires de comparaison : A : Arras, Bibliothèque municipale, 83 (630), f° 152 b - 158 a Ars1 : Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3682, f° 294 d - 301 a Ars2 : Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3705, f° 148 a - 151 d B1 : Bruxelles, Bibliothèque royale, 9226, f° 151 d - 155 c
Dans le passage auquel cet emploi nous renvoie, de nombreuses versions (traduites à partir de la Legenda aurea ou d’une autre source) recourent à la variante familiere, que Tobler-Lommatzsch distingue (en tant que féminin de familier) de celle que nous commentons ici. Une démarcation claire n’est toutefois possible qu’au masculin, condition à laquelle échappent toutes les occurrences de notre corpus (n° 3, 30 ; n° 10, 28 ; n° 12, 52 ; n° 19, 28 ; n° 20, 61 ; n° 23, 29). Il se pourrait donc très bien que certaines ne représentent qu’une variante graphique du terme qui figure chez Jean de Vignay (et dans le n° 17). 36
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B2 : Bruxelles, Bibliothèque royale, 9227, f° 172 b - 176 a B3 : Bruxelles, Bibliothèque royale, 9228, f° 163 c - 167 b B4 : Bruxelles, Bibliothèque royale, 9282 - 9285, f° 152 c - 156 b C : Cambridge, The Fitzwilliam Museum, Mc Lean 124, f° 121 a - 124 b Ch : Chantilly, Musée Condé, 735 (1335), f° 186 a / b - 190 d G : Genève, Bibliothèque de Genève, fr. 57, f° 192 a - 196 d H : La Haye, Koninklijke Bibliotheek, 73.E.6, f° 59 v° - 67 r° J : Jena, Thüringer Universitäts- und Landesbibliothek, Ms. El. f. 86, f° 149 a 152 c L1 : Londres, British Library, Add. 16907, f° 147 c - 151 b L2 : Londres, British Library, Egerton 645, f° 199 d - 204 b L3 : Londres, British Library, Loan 36, 2 (ex-Cheltenham, Bibliothèque Phillipps, 199), f° 250 b - 256 d L4 : Londres, British Library, Royal 19. B. XVII, f° 170 c - 174 c L5 : Londres, British Library, Stowe 50, f° 221 b - 226 b L6 : Londres, British Library, Yates Thompson 49, 2, f° 112 d - 115 b Mu : Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Gall. 3, f° 118 b - 121 b N : New York, Pierpont Morgan Library, 674, f° 49 r° - 58 r° P1 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 184, f° 179 d - 184 b P2 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 241, f° 162 d - 167 d P3 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 242, f° 140 d - 144 b P4 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 243, f° 176 b - 181 a P5 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 244, f° 200 b - 206 c P6 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 414, f° 203 a - 208 a P7 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 415, f° 262 a - 268 b P8 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1535, f° 356 v° - 365 r° P9 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 6448, f° 182 a - 186 c P10 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 17232, f° 159 c - 163 b P11 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 23113, f° 4 a - 9 c R : Rennes, Bibliothèque municipale, 266, f° 170 b - 174 d
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[159 c] De sainte Marie Magdalene
Marie vault autant a dire come « mer amere » ou « enluminerresse » ou
« enluminee », et par ces .iij. choses sont entendues .iij. bonnes parties que elle eslut, c’est assavoir partie de penitance, partie de contemplacion par dedens et partie de gloire celestiel; et de ceste treible partie est entendu ce que Nostre Sire dist : « Marie a esleu la meilleur partie qui ne li sera point ostee ». La premiere partie ne li est point ostee – c’est fin qui est ensuiant [159 d] de beatitude; la seconde, par raison de continuance, car la contemplacion de sa voie est continuee avec la contemplacion de son paÿs; la tierce, par la raison de sa pardurableté. Et en tant come elle eslut la meilleur partie de penitance est elle ditte « mer amere », car en ce ot elle mout d’amertume, car il appert en ce que elle espandi tant de lermes que elle en lava les piés Nostre Seigneur. En tant come elle eslut la partie de contemplacion par dedens fu elle dicte « enluminerresse », car la elle prist
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Exemplaire de référence : – Variantes : 1. De Marie Magdalaine B3 N (P5) Marie Magdalaine L6 (P8, indication pour le rubricateur, de la main du copiste, en marge et à l’encre) Magdelaine B2 La legende de sainte Marie Magdelaine A Le prologue sainte Marie Magdalaine P2 Cy aprés s’ensuit le prologue de Marie Magdalene J Exposicion du nom de sainte Marie Magdalaine L3 Interpretacion de Marie Magdelaine Mu Thymologie (sic) du nom Marie Magdelene P9 De ce nom P6 (le même intitulé précède l’exposition des autres vies reproduites dans cet exemplaire) De nostre damme R (peut-être exponctué; en marge, d’une écriture cursive différente de celle du texte : De Marie Magdalaine) De saint Praest G. Omise dans C Ch L1 L2 L4 P3. – 2 - 17. Exposition absente de H P8. P11 est acéphale (plusieurs feuillets manquent et le début du texte jusqu’à la l. 27 n’a pas été conservé). – 2. v. a dire L2. – 2. ou enl.] L6 introduit une marque de segmentation avant la conjonction. – 3 - 5. .iij. b. p. (...) de gloire cel.] .iij. b. p. de gloire cel. A. – 3 - 5. que elle eslut (...) et partie] omis dans A (saut du même au même). – 3. et] omis dans P6. – 3. lesquelles elle esleut N. L6 introduit une marque de segmentation à la suite du verbe. – 4. par dedens] omis dans B4 N et ajouté au-dessus de la ligne dans L6. – 5. et p. celestiel L3. – 5. et de ces trois parties est ent. L2. L6 P7 introduisent une marque de segmentation au début de cette proposition. – 5. est entendu (entendue Ars1) que L5 (Ars1). – 6. dist quant il dist N. – 6. Marie] L6 introduit ici une marque de segmentation. – 6. la m. partie etc. Ars2. – 6. qui ne li sera point ostee etc. Ars2 qui ne luy sera mie oustee L6. – 6 - 7. la pr. p. (...) de beat.] omis dans N. – 7. la pr. p. ne li est point ostee] omis dans P1 P4. J L3 L6 P10 introduisent ici une marque de segmentation. – 7. ne lui sera Ars1 L5 L6 (P6) pas ostee Ars1 G L3 L4 P9 (L6). – 7. qui est] qui P9. – 7. ensuivant beat. P10 ensuivante beat. Ars2 ensuiante de beat. P2 (de même dans A L2 ?) ensuiance de beat. A G L4 (L6) P1 P9 (Ars1 L3 L5 P4) ensuivant la beat. P5. – 8. la sec.] J L3 P10 introduisent ici un pied-de-mouche. – 8. par raison] raison L2 R omis dans L3. – 8. de cont.] de continance Mu (B4 L6 P5 P10) de coustumance A d’acoustumance Ars2. – 8. car la cont. (…) continuee] omis dans L3 P1 P4. – 8 - 9. car la cont. (...) de son paÿs] car la cont. de sa vie (...) P6 car la cont. est continuee (...) Ars2 car la continuacion de sa voie (...) C (...) avec cont. de son paÿs B2 B4 quar la cont. de son païs L4 avecques la cont. de son paÿs L3 (P4). – 9. la tierce] Ars2 J L3 P10 introduisent ici un pied-de-mouche. – 9. par raison Ars1 L3 L5 L6 Mu P10 R. – 9. de la pard. A de pard. L3 L6 N. – 10. Et (...)] est en tant (...) P10 et en tant comme esleut L2 R (P1) et en tant comme elle a esleu Ars2 et pour ce qu’elle esleut N. L6 introduit ici une marque de segmentation. – 10. de pen.] par pen. B2 (B4) c’est penitence L6. – 10. elle est dicte L6 P4 P9 (G) est dicte P10. – 11. car en celle ot elle P7 car elle eut en ce L6 (N). – 11. car il appert] comme il appert N car il apparut P2. P7 introduit ici un pied-de-mouche. – 11. espardit Ars1. – 12. que elle lava L6. – 12. lez piez de n. s. P3 (Ars1 L5 L6 P6). – 12. En tant come] et en tant come L6 et tant come P10. L6 N introduisent ici une marque de segmentation. – 12 - 13. la p. de la cont. A B2 B3 B4 C Ch G L1 L2 L3 L4 Mu N P2 P3 P6 P7 P9 R (J) la p. contemplative P1 P4. – 13. et par dedens A. – 13. elle fut dicte L6 est elle dite C. – 13 - 15. car la elle prist (...) les autres aprés] car elle prist (...) B3 N P1 P4 car elle prist la lum. dont elle enl. les autres L6 (suivi d’une marque de segmentation).
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gloutement ce que elle espandi aprés habondanment. Elle prist la lumiere de quoy elle enlumina les autres aprés. En tant come elle eslut la meilleur partie de la gloire celestiel est elle dicte enluminee, [car adonc fu elle enluminee] de lumiere de parfecte congnoissance en pensee et sera enluminee de lumiere de clarté ou corps. Elle fu dicte Magdalene, qui est a dire autant come « demorant coupable », ou « garnie » ou « loee », par quoy il est demoustré quelle fu avant sa conversion et quelle aprés, car avant sa conversion elle fu demorant coupable, car elle estoit obligiee a painne pardurable; et en la conversion elle fu garnie par armeure de penitance. Elle se garni tres bien de toutes armeures de penitance, car autant come elle ot en soy de delis, autant fist elle en soy de sacrefices, et aprés la conversion, elle fu loee par sushabondance de grace, car la ou le pechié estoit habondé, grace sushabonda.
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16. est elle dicte enl. de lum. de p. congn. Correction d’après P2 (A Ars1 Ars2 G L4 L5 P4 P6 P9 (L6)). 14. glout.] glorieusement P2. – 14. espandi] print Mu. – 14. la lum.] la banniere P5. – 15. aprés] omis dans L2. – 15. en tant qu’elle eslut L5. – 15. de gloire cel. A Ars1 G L3 L4 L5 P1 P2 P4 P6 P9 (L6). – 16 - 17. elle est dicte (...) L3 L6 (N) elle est dicte enl. de la lum. de parfaicte cogn. en p. P10 est elle dicte enl. de parfaicte congn. en p. L2 R est ele dicte enl. (elle est dicte enl. P6 et elle est dicte enl. P9) car adonc fu ele (elle fut L6) enluminee de lum. (la lum. L6) de parfaite c. en p. P2 (de parfaite bissé) (A Ars1 Ars2 G L4 L5 P4 P6 P9 (L6)). L6 introduit une marque de segmentation avant la conjonction car. – 17. et sera enl. (...) ou corps] (...) en corps (...) J (...) en son corps (...) P3 (...) de la lum. de cl. en char P10 (...) de lum. ou corps P5 et si sera enl. ou corps de lum. de cl. N et sera enl. de cl. ou corps G. Omis dans L6. – 18 - 25. Développement absent de H P8. – 18. A Ars1 B4 L2 L5 P1 P4 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit. – 18. qui est autant a dire comme A L2 P3 qui est a dire comme Mu qui est aut. comme P1 qui est aussi comme P4 qui vault a dire autant comme B2 qui vault autant a dire come L6 (N; lecture incertaine pour le dernier mot, couvert d’une tache). – 18. dem. coup.] demour. L2 coup. N. – 19. ou garnie] garnie N. – 19. par quoy] pourquoy B4. L6 introduit ici une marque de segmentation. – 19 - 20. quelle fu (...) coupable] que elle demoura coupable avant sa conversacion L6 (suivi d’une marque de segmentation). – 19. quelle fu] quelle elle fu Ars2 J L3 P4 P6 (B4 C L4 N P9) que ele fu P2 omis dans P5. – 19. avant sa conv. (...) car] avant la conv. (...) N avant sa conversation (...) L4 (R; corrigé par exponctuation en sa conversion, P2); omis dans P9 (saut du même au même). – 20. et quelle fut aprez Ars1 L5. – 20. elle fu dem. coup.] fut demourant coup. Ars1 L5 elle demoura coulp. P10 elle fu demourant coup. ou garnie ou louee A. – 20. car elle estoit] Ars2 introduit ici un pied-de-mouche. – 21 - 22. et en la conv. (...) tres bien] et en la conv. elle fu g. tres bien P10 (saut du même au même). – 21. et en la conv.] en la conv. Ars1 L5 et en sa conv. L6 (qui introduit ici une marque de segmentation) mais en sa conv. N. – 21. par arm.] des armeures B4 omis dans L6. – 22. Elle se g. (...) de pen.] elle se garny moult bien de t. manieres de pen. N omis dans B2 B4 L6 P2 P3 P5 (saut du même au même). P7 introduit ici un pied-de-mouche. – 22. car tant comme Ars1 Ars2 B1 B2 B3 Ch G J L1 L2 L3 L4 L5 Mu P1 P3 P4 P5 P6 P7 P9 (A B4 C P2 P10 R). L6 introduit une marque de segmentation avant la conjonction car. – 23. il ot P6. – 23. en elle N. – 23. tant fist elle en soy de sacr. Ars2 B1 tant fist elle en soy sacr. J tant (autant L6) fist elle de soi sacr. P2 P3 (A Ars1 B2 B4 Ch G L1 L2 L3 L4 L5 L6 Mu P1 P4 P5 P6 P7 P9 P10 R) tant fist de soy elle sacr. B3 autant fist elle d’elle meismes sacr. N tant fist elle en soy de penitance sacreficez C (le début de penitance est peut-être exponctué). – 23. la conv.] sa conv. B1 N omis dans A. – 24. seurhabondance P2 (A Ars1 B2 B4 Ch L2 L3 N P1 P4 P7) subhabondance P3 R. – 24. car ou le p. A car la ou p. L6 N. – 24. estoit habandonné Ars1 L5. – 25. sush.] seurhabonda C Ch L1 L4 L6 Mu P2 P3 P6 (A Ars1 Ars2 B1 B2 B3 B4 J L2 N P1 P4 P5 P7 P9 P10 R) seurhabonde G si habonda L3 leur habonda L5.
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Marie Magdalene fut sornonmee de Magdalon le chastel et fu nee de tres nobles
parens qui estoient descendus de royal lignie, et son pere ot nom Syrus et sa mere Eucharie; et ceste et le Ladre son frere et Marthe sa [160 a] seur pourseoient Magdalon le chastel, qui est a .ij. lieues de Genezareth, et Bethanie, qui est pres de Jherusalem, et grant partie de Jherusalem, et deviserent toutes ces choses entr’eulz en telle maniere que Marie ot Magdalon, dont elle fu seurnonmee, et le Ladre ot la partie de la cité de Jherusalem, et Marthe poursist Bethanie. Et quant la Magdalene se fu mise a toutes les delices du corps, et le Ladre entendoit plus a la chevalerie, Marthe, qui estoit sage, si gouvernoit noblement la partie du frere et de la seur et aministroit aux chevaliers, aus serjans et aux povres leurs neccessaires; et il vendirent toutes ces choses aprés l’Ascencion Nostre Seigneur et en mistrent la peccune aux piés des apostres. Et la Magdalene habondoit en mout de richesces, et pour ce que delit est compaignon a habondance de choses,
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– 26. Certains manuscrits introduisent ici une rubrique : Marie Magalaine B2 De Marie Magdelene C (N P6) De sainte Marie Magdalaine G Ci commence la vie de la benoite Marie Magdalene qui aus piez Dieu ploura Ch S’ensuivent les miracles et la vie de saincte Marie Magdalaine H L’ystoire de la Magdalene J De la vie et miracles sainte Marie Magdalaine L3 Legende de la benoite Marie Magdelaine Mu Ci comence la glorieuse vie sainte Marie Magdalaine P2 De Marie Magdalene non vierge P3. – 26. de Magdalen le ch. L1 P3 (Mu). – 26. en tres n. p. P2 de tres n. lignaige et p. Ars1 (L5). – 27. desc.] nez C omis dans Ch. – 27. de lignee r. L3 (L6) de tres r. lignee H. La partie conservée de P11 ne débute qu’ici. – 27. et son pere] son pere H L5 L6 N. L6 introduit ici une marque de segmentation. – 27. fu nommé S. N. – 28. et ceste] et ceste li Ars2 B1 L4 P2 P6 (P9) ceste L2 L5 R et ceste Magdalaine L6 celle Magdalaine N. L6 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 28. son frere] omis dans L6. – 28. sa seur] omis dans B3 N. – 28. poursivoient Ch P5 possedoient Ars1 L2 L3 L5 (H) possessoient R penseoient (?) L4 pensoient P9 tenoient L6 heritoient N. – 29. Magdalen le ch. Mu P3 le ch. de M. P6. – 29. Nazareth Ars1 L5 L6. – 29. et B.] et de B. P11 B. N. – 29 - 30. qui est pres de Jh.] pres de Jh. L6 qui est pres de Jh. a .ij. liues Ars2 (B1). – 30. et grant p. de Jh.] et tenoient grant p. de Jh. L6 (suivi d’une marque de segmentation) et une grant p. meismes de Jh. N omis dans Ars1 B2 B4 L2 L5 P8 R. – 30. et dev. (...)] et dev. t. ch. (...) B3 ilz div. entre eulx leurs heritages N. P7 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 31. en celle man. Ch Mu. – 31. M. Magdalaine L6 N. – 31. Magdalen Mu P3. L6 introduit une marque de segmentation à la suite de ce nom. – 31. dont elle fu seurnommee Magdelaine P7. – 32. et le L. (...)] (...) la p. de Jh. Ars2 B1 P2 et le L. ot p. de la cité de Jh. P8 le L. ot une p. de la cité de Jh. N. – 32. et M. poursivoit B. Ch et M. poursuit B. P5 (P6) et M. posseda B. Ars1 L3 L5 et M. prist B. Ars2 B1 J N (H) et M. eust B. L2 (L6) et M. partie poursuy B. (...) A (en raison d’un saut du même au même, le scribe poursuit après ce nom comme à la l. 29 : qui est pres de Jh. (...) jusqu’à en telle man., avec la variante despartirent au lieu de deviserent). – 32 - 33. Et quant (...)] quant (...) L5 N et quant Marie se fu mis C (P6) et la Magd. se fu mise J et quant Magd. se fust mise L2. A Ars1 Ars2 B1 B3 B4 C Ch H J L1 L2 L4 L5 Mu P1 P2 P3 P4 P5 P6 P7 P8 P9 P10 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit. – 33. a toutez ses del. H. – 33. de corps H. – 33 - 34. et le L. (...)] le L. (...) H P2 et que le L. ent. a la chev. N et le L. a la chev. L6, suivi d’une marque de segmentation. – 34. sage] noble femme et sage Ars2 (B1). – 34. si gouv.] gouv. Ars2 B1 H L5 L6 N. – 34. nobl.] sagement et nobl. L5 saigement, tracé et remplacé en marge par nobl., P8; omis dans Ars2 B1. – 34 - 35. la p. de (de omis dans B1) son fr. et de sa seur Ars2 (B1) la partie du fr. et de la partie de la seur B4. – 35. en admenistrant N. – 35. aux chev.] a ses chev. P6 omis dans B3 N. – 36. aus serjans] et aus serjans Ars2 (B1 B4) et a ses sergens P6 P9 a ses serjans L4 P2 (A Ars1 G L3 L5 P1 P4 P11) aux serviteurs N. – 36. leurs neccessitez Ars1 H J L2 L5 N P3 P5 P11 R (B3 B4 P10). – 36. et il v.] et puis ilz v. L3 ilz v. L5 N et il vindrent R. L6 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 36. de noustre s. L6. – 37. et mirent N. – 37. es piez des app. L6, suivi d’une marque de segmentation as piés des povres, dernier mot tracé et remplacé par apostres Ars2. – 37. mais la Magdalaine N.– 37. habondoit] habondant P3. – 38. en grans rich. P5 en richesses Ars1 L5. – 38. et pour ce que (...)] L3 L6 P7 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 38. a grant hab. N a habundances H et hab. P7. – 38. des ch. P6 P8 P10 de chose P11 de pluseurs ch. N.
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Traductions de la Legenda aurea
de tant come elle resplendissoit plus en biauté et en richesces, de tant sousmetoit elle plus son corps a delices, et pour ce perdi elle son propre nom et fu acoustumee a estre appelee « pecherresse ». Et quant Nostre Sire preeschoit ylluec et ailleurs, elle fu inspiree de la grace de Dieu et s’en ala a la meson Symon le Liepreux, et Nostre Sire y disnoit; dont elle ne se osa pas come pecherresse apparoir entre les justes mais remaint derriere aux piés Nostre Seigneur, et la li lava ses piés de ses lermes et li essuia de ses cheveux et li oint d’un precieux oingnement, car les habitans de celle region usoient de bains et d’oingnemens pour la tres grant ardeur du soleil. Et pource que Symon pensa en soy meismes que se Nostre Sire fust vray prophete, Il ne se fust pas lessié atouchier a une pecherresse, et donc Nostre Sire le reprist de droiture orgueilleuse et delessa a la femme tous ses pechiés. Et ceste est ceste Marie Magdalene a la quelle Nostre Sire don- [160 b] -na si tres grans dons et demonstra a ycelle si grant signe d’amour que Il osta a ycelle .vij. dyables.
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– 39. et en rich.] omis dans C. – 39 - 40. de tant mectoit elle plus son corps P6 de tant se soubzm. elle plus son corps Ch de tant sousmettoit elle son corps Mu de tant soustenoit elle son corps L6 de tant subm. plus son corps N de tant soubmetoit elle plus son corps bissé avec une variante graphique isolée dans C. L6 introduit ici une marque de segmentation. – 40. aux del. P8 a delice P9 a delit Ars1 Ars2 B1 G L3 L4 L5 L6 P1 P2 P4 P6 P11. – 40. et pour ce] pour ce G et par ce B2 B4 et pour L4. L6 introduit ici une marque de segmentation. – 40. perdi elle] elle perdit L6 perdi B3. – 40. son non Ars2 (B1). – 40 - 41. et fu ac. (...)] et fu acoustumé (...) P2 (...) d’estre appellee p. B4 car elle fu pour lors de coustume app. pecheresse N et fu ap. pecheresse C (P10). – 41. Et quant] quant L5 N. A Ars1 B1 B4 H L2 L5 P1 P4 P8 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit. – 41. n. seigneur Jhesucrist A Ars1 Ars2 B1 L4 L6 P1 P2 P6 P9 (G L3). – 41. prescha N. – 41. ylluec et ailleurs] illec ou ailleurs P1 (P4) la entour L6. – 42. elle fu insp. de dieu P3 elle fut insp. du saint esperit Ars1 L5. L6 introduit une marque de segmentation après le participe insp. – 42. si s’en ala N. – 42. a la m. S. le L.] en la maison (...) A H L3 P1 P3 P4 P5 P6 a l’ostel (...) N (...) de S. le Lepreux H P5; maison S. lepreux (le preux ?) L2 a la maison son frere le l. Ars2 B1. – 43. et n. sire y d.] et n. s. il d. P8 ou n. s. d. P10 (L6) ou nostre seigneur estoit N et nostre seigneur y desiroit B3. – 43. dont] adont L3 et P10 et lors L2 mais N. L6 introduit ici une marque de segmentation. – 43. elle ne l’ossa B4 elle n’osa Mu P10. – 43. pas] omis dans N. – 43. approuchier ne app. L6. – 43. entre] devant Ars1 L5 avec P10. – 43. les j.] les autres j. P3 les appostres et entre les j. P8. – 44. mais remest P2 mais remains B4 mais (ains L6 N) demoura L5 Mu P5 P10 (L6 N). – 44. derriere] omis dans L6. – 44. aux piés B1 (L6) a piés B4 entre les piez L2 (P6). – 44. de n. s. B1 P6 L5 (B4 L6) de Jhesucrist P10. – 44. et la li lava ses piés] lesquelz elle lava N. – 44. et la li lava] et lui lava P11 (C H) et les lava L6. – 44. les piés Ars2 C B1 (H L3). – 45. et essua N et les essuya L3 L6 P5 (P11) et les lui essua Ars1 (P8; eschiva (?) L5). – 45. et les oingny L3 (P3 P10) et les lui oingny Ars1 (L5) puis les oindy N et l’oignit L6. – 45. du precieus ongn. L4 (A G P6 P9) de pr. oingn. Ars2 B1 de pr. oignemens L6, suivi d’une marque de segmentation. – 45. car] et P10. – 46. usent C. – 47. de baing Ars1 Ars2 B1 G L4 L5 L6 P1 P4 P11. – 46. et de oingnement Ars1. – 47. Et pource que] L6 P7 introduisent ici une marque de segmentation. – 47. a soy mesmes P10. – 47. n. s. fust] n. s. fust esté H nostre seigneur eust esté N n. s. estoit Ars2 B1 n’re fut L4. – 48. il ne se fust mie lessié at. L6 il ne se feust pas laissé touchier B4 (P6) il ne se fust l. at. L1 (G) il ne s’eust pas laissié at. N que il ne se lesseroit point at. Ars2 B1. – 48. d’une pecheresse N. – 48. et donc] adonc L6 P8 et pour ce P7 et lors L2 lors L3 omis dans L5 N. L3 L6 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 48. n. s.] il N. – 49. de dr. org.] qui congneust sa pensee H. – 49. et del.] et pardonna L6 et delaissa et pardonna a celle f. L3. – 49 - 50. Et ceste est ceste M. Magd.] et (omis dans L5) ceste est cele M. Magdalaine P2 (A Ars1 Ars2 B1 G L3 L4 L5 L6 P1 P4 P6 P11) et ceste M. Magdelaine est celle P10 et (omis dans N) ceste est M. Magdaleine B3 (B4 H J Mu P9 R (N)) et ceste est la M. Magd. L2 et ceste M. Magdelene P8. A Ars1 B3 B4 H L2 L5 Mu P1 P2 P4 P7 P8 P11 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit. – 50. a la quelle] a qui Ars2 B1 P2 P10. – 50. n. s.] omis dans P8. – 50. donna] fist L2 omis dans R. – 50. si grans dons Ars2 B1 H L5 P10. – 51. et lui dem. N et monstra P10. – 51. a ycelle] ycelle L1 omis dans A Ars1 Ars2 B1 L3 L4 L6 N P1 P2 P4 P6 P9 P10 P11. – 51. si tres grant s. d’amour Mu si tresgrans signes d’amour L6 si grans signes d’amour A Ars1 Ars2 B1 G L5 P1 P2 P4 P6 P9 (L4). – 51. que il osta (...)] car il ousta sept deables d’elle L6, qui introduit une marque de segmentation au début de cette proposition. – 51. que il osta d’icele L4 P2 (A Ars1 Ars2 B1 G H L3 L5 P1 P4 P6 P9 P10 P11) que il li osta Ch (N). – 51. .vij. deablies L4 P2 P6 (A B3 C G J P1 P7) un diable P8.
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Paris, Bibliothèque Mazarine, 1729 (n° 14)
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Il l’embrasa du tout en son amour; Il la fist tres familiaire de Luy; Il volt que elle fust son hostesse et sa procureresse; Il volt que elle fust avec Luy en son voiage. Il l’excusa tous jours doucement, car Il l’excusa contre le Pharisien qui disoit que elle n’estoit pas nette, et contre sa seur qui disoit que elle estoit oyseuse, et vers Judas qui disoit que elle estoit degasterresse de biens. Et quant Il la vit plourer, Il ne pot tenir ses lermes, et pour l’amour de elle, Il suscita son frere le Ladre, qui avoit ja esté .iiij. jours mort, et si gari sa seur du flus de sanc qui l’avoit tenue .vij. ans; et par les merites de elle, Il fist estre digne Marcelle, chamberiere de Marthe, la quelle dist ce tres doux et beneoit mot : « Beneoit soit le ventre qui Te porta et les mamelles que Tu aletas » – mes, selonc Ambroise, ce fu Marthe qui le dist, et ceste fu sa chamberie[re]. Ceste Marie, ce dist il, est celle qui lava les piés de Nostre Seigneur et les torcha de ses cheveus et les oint d’un precieux oingnement, et fist sollempnel penitance ou temps de grace toute la premiere; qui eslut la tres
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62. sa chamberie. Correction d’après A Ars2 B1 B2 B3 B4 C Ch J L1 L2 L3 L4 Mu P2 P3 P4 P5 P6 P7 P10 P11 (Ars1 G H L5 P8 / P9 / L1 R). 52. Il l’embrasa (...)] il l’embrassa (...) P6 car il l’embrasa (...) N et l’embrasa L3 (il l’embrasa P10 il l’embra C) du tout a son amour L3 (C P10). P10 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 52. il la fist] et la fist P8. – 54. tres fam. de luy] de lui tres fam. N tres familiere a lui P3. – 52 - 53. il volt (...) et sa proc.] omis dans L3 P9 (saut du même au même). – 53. son host.] son abbeesse B3 (N). – 53. et sa proc.] omis dans Ars2 B1. – 53. que elle alast avec lui P1 (P4). – 53. en son v.] son v. L4 en son repaire et en son v. P2. – 54. Il l’excusa (...) car] et l’escusa (...) P7 omis dans B1. – 54. car il l’excusa] car l’excusa L2 R il l’excusa P1 P4. – 54. contre ung ph. L6. – 54. qui dist B4 qui li d. P2. – 55. estoit] omis dans R. – 55. et vers sa suer L6, qui introduit ici une marque de segmentation. – 55. et vers J.] et aussi vers J. N et J. H. L6 introduit ici une nouvelle marque de segmentation. – 56. qui dist P6. – 56. gateresse de (des B1) biens Ars2 (B1) deg. des biens L6 deg. de tous biens P1 P4 d’esta (?) deg. de biens B3 de son estat deg. de biens N. – 56. Et quant] et P3 quant L5. – 56 - 57. il la vit (...) de elle] (...) il ne peut il meismes t. ses larmes N il la vit il ne poit t. ses l. et pour amour d’elle H. – 57. Aprés t. ses l., L3 introduit un pied-de-mouche et B1 interpole la portion de texte omise à la l. 54, sous une forme quelque peu remaniée : et ainsi il l’excusa tousjours doucement. – 57. et pour l’amour de elle] pour amour d’elle L6. – 57. il suscita] il ressuscita L6 si resuscita pour l’amour d’elle N. – 57. son fr.] omis dans B2 B4. – 58. qui avoit esté ja B2 B3 C Ch H J L1 L2 P5 P7 R qui avoit esté la Ars1 L5 qui avoit ja jeu P6 qui avoit jeu P10. – 58. mort .iiij. j. Ars2 B1 trois j. mort N. – 58. et gary Ars1 L5 et si le garist N. L6 introduit ici une marque de segmentation. – 58. sa seur] omis dans B3 N. – 58. du flus de sanc] du flux du sanc B2 (B4 P9) de flus de sang R du flus du ventre de sanc P2 (après le mot ventre, le copiste a apposé un signe dont la nature et la fonction ne sont pas claires – peut-être est-il destiné à signaler une interversion ?) du flux du ventre H. – 58. qu’il (?) avoit tenu P3. – 59. bien .vij. ans le quel par les mer. d’elle N. – 59. et par les mer. d’icelle P4 (P1). L6 introduit une marque de segmentation au début de cette proposition. – 59. il fist (...) ch. de M.] li fist (...) L6 il fist estre d. l’ancelle de M. Ch il fist estre d. bien celle ch. de M. Mu fist Marc. ch. de M. estre d. de salvacion N. – 60. la quelle dist] laz que dist (?) P8. – 60. ce tres doux et ben. mot] ce tres doulx benoit mot P4 ce benoist et tres doulx mot P10 ces tresdoulz et benoiz motz H omis dans L6. – 60. qui te p.] qui si (si tracé) t’aporta L4 omis dans P2. – 61. selon saint Ambr. P6 selon ce que dist Ambrose N. – 61. qui les dist H. – 62. et ceste fu sa ch.] omis dans L6 N. – 62. sa chamberiere A Ars2 B1 B2 B3 B4 C Ch J L1 L2 L3 L4 Mu P2 P3 P4 P5 P6 P7 P10 P11 R (Ars1 G H L5 P8) la chamberiere P9 chamberiere L1 R. – 62 - 64. Ceste Marie (...) et fist] Ceste Marie Magdalaine fit L6. Ars1 B4 H L2 L5 P8 P11 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit (un espace a été réservé dans A pour une lettrine ou un pied-de-mouche qui n’a pas été peint). – 62. ce dist il] se dist il H dist il Ars1 B4 P6. – 62. lez piez a n. s. P3 les piez n. seigneur A P2. – 63. et les t. de ses ch.] et le torcha (...) B3 Ch G L1 L4 P2 P5 P9 R et li torcha (...) C et le toucha (...) B2 les essua de ses cheveux N. – 63. et le oint B3 Ch L1 R (B2 B4 J L2 P3 P5 P8) et li oint C (H P7) et si le oindy N. – 63. du pr. oingn. B4 P6. – 64. et fist] et P3 en faisant N. – 64. et fut toute la pr. Ars1 L5. – 64 - 65. la tres b. p.] tres b. p. L1 la b. p. J la tres benoite p. B2 B4.
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bonne partie; qui sist aux piés de Nostre Seigneur et oÿ ses paroles; qui Li oint le chief; qui a sa Passion fu delez sa crois; qui appareilla les oingnemens et volt oindre son corps, et ne se parti du monument, et les desciples s’en partirent; a la quelle Jhesucrist apparut le premier quant Il surrexi, et fu compaigne des apostres. Adonc aprés l’Ascencion Nostre Seigneur, en l’an .xiiije. de sa Passion, que les juys avoient, pieça avoit, occis saint Estienne et avoient geté hors les autrez desciples des contrees de Judee, les desciples alerent en diverses contrees de gent et la semoient la parole de Dieu; et donc saint Maxime estoit avec les [160 c] apostres l’un des .lxxij. desciples de Nostre Seigneur, au quel Marie Magdalene avoit esté reconmandee du beneoit Pierres. Et adonc quant les desciples se departirent, saint Maxime, Marie Magdalene, le Ladre son frere, Marthe sa seur et Marcelle, chamberiere de Marthe, et saint Cedouin, qui avoit esté aveugle des sa nativité, mes Nostre Sire l’avoit enluminé, tous ceulz ci ensemble et pluseurs autres crestiens furent pris des mescreans et mis en une nef en mer sanz gouvernail
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– 65. qui siet P6 qu’il fist P8. – 65. et oÿ (...) le chief] qui li oint le chief et oÿ ses p. C (...) qui li oint de rechief (?) Ch (...) qui li oint le chastel (!) B3 N (...) qui li oint L1. – 65. ces paroles B4 P8 sa parolle L6. – 66. qui a sa p. fu] qui a la p. fu C qui en sa p. fu B1 qui fu a sa p. N et a sa pasion fu P6. – 66. d. la croix H L6 P9 (P6) d’emprés sa croix Ars1 L2 (L5). – 66. ses oingn. B1 Ch. – 67. et ne se p. du mon.] et ne se p. pas du mon. A Ars2 B1 G L3 L4 L5 P1 P2 P6 P9 P11 (Ars1 P4) et ne partit pas du mon. L6 qui ne se p. du mon. C. L6 introduit ici une marque de segmentation. – 67. et les desc.] come les disc. L6 mais les disc. N. – 67. s’en part.] omis dans L6. – 67. a la quelle (...)] L6 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 68. Jh.] nostre seigneur B2 (B4 P6). – 68. app. le pr.] s’app. le pr. L6 N P6 pr. B4. – 68. quant il fu surrexi Ars2 B1 P2 quant il resurrexi B2 quant il resuscita L2 L3 L5 N P5 (Ars1 H) quant il fut ressuscité L6. – 68. et fu compaignie J et fist comp. P2 (L1 P9) et fist compaignie P6 et la fit compaigne L6 (Ars2 B1) et fut acompaigné (?) H et si compaigna N. – 68. les ap. N. – 69. Adonc] dont P5 (L6); interverti avec le mot suivant dans P7; omis dans N. Ars1 H L2 L5 P1 P4 P8 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit (un espace a été réservé dans A pour une lettrine ou un pied-de-mouche qui n’a pas été peint). – 69. aprés l’asc. n. s.] aprés l’asc. de n. s. Ars1 L4 L6 P1 P2 P4 P6 P9 (A G L5 P3 P11) emprés l’asc. n. s. H aprés l’asc. Jesucrist P10 omis dans Mu. – 69. en l’an (...)] en la (...) Ars1 en l’an .xiiije. an C. – 69. .xiiij. Ars2 B1 B3 G L3 L4 N P2 P9 .xiije. P3 P11. – 69. de sa p.] omis dans P3. – 69. que juifz J. – 70. av. p. avoit occis] av. piece avoit occis P6 av. occis piece avoit Ars2 B1 av. pieça occis B2 B4 J L2 L5 L6 Mu N P5 (Ars1 H P8) av. ja piece avoit occis C av. ja pieça occis P10 av. pieça mort occis R. – 70. geté hors] jeté A chacié C. – 71. les autres apostres B4 les disciplez des aultres contreez H. – 71. les disc. aloient B4 H iceulx disc. s’en alerent N. – 71. en div. parties et contrees B4. – 71. de gent] de gens A Ars1 Ars2 B1 G L3 L4 L5 P1 P2 P3 P4 P6 P8 P9 P11 des gens Ch omis dans L6 N P10. – 72. et la sem. il P2 ou ilz sem. N et la sermonnoient P10. – 72. les paroles Ars1. – 72. et donc (...)] et adont (...) L2 (H) adont (...) L3 P8 et lors (...) Ars1 L5 L6; (...) s. Maximien (...) H (P1) (...) s. Maximin P9; (...) si estoit (...) L3 (...) estut P8; et estoit lors saint Maxeme N. L3 L6 P10 introduisent ici une marque de segmentation. – 72. avec les autres ap. L4 avec l’un des ap. Ars1 L5. – 73. l’un des .lxxij. desc.] un des .lxxij. disc. P6 l’un des .lxxije. disc. P8 des .lxxij. disc. Ars1 L5. – 73. ou quel (...) R au quel la benoite Magdeleine Ars2 B1. L6 introduit ici une marque de segmentation. – 74. commendee B4 conmandé P8. – 74. par le benoit Pierrez B4 de saint Pierre Ars2 B1. – 74. et adonc quant] adont quant L5 P8 et donc quant B1 et dont que C et alors quant N et quant L2 L6. L3 L6 P7 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 75. se dep.] dep. B4 se partirent A Ars1 Ars2 B1 L2 R. – 75. s. Maximin P9 s. Maximien H (P1) s. Maxeme N. L6 introduit ici une nouvelle marque de segmentation. – 75. M. Magd.] Marie Ars2 B1. – 75. le L. son fr.] le L. P1 P4 omis dans C. – 75. Marthe sa seur] sa suer B2 (B4). – 76. et Marc. ch. de M.] Marc. (...) N et (omis dans Ars2 B1) Marcele ch. M. Ars2 B1 G L4 P2 (A Ars1 P9) et Marc. la ch. de M. P5 et Marc. sa ch. L6. – 77. de sa nat. B1 B4 G L3 L4 L6 P3 P6 P9 P11 de sa nature P8. – 77. tous ceulz ci ens.] touz ceulz ens. G P2 P3 (A Ars1 Ars2 B1 B2 B3 B4 Ch H J L1 L2 L3 L4 L5 L6 Mu P1 P4 P5 P6 P7 P9 P10 P11 R) iceulx tous ensamble N en tous ens. P8. J L6 P6 introduisent ici une marque de segmentation. – 77. et plus.] avec plus. N. – 78. f. partiz des mescr. H. – 78. dedens une nef P10. – 78. en mer] en la mer B1 L6 sans en mer B3 (anticipation probable de la préposition qui, juste après, s’unit au mot gouvernail, que le scribe a omis d’exponctuer); omis dans L2.
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ad fin qu’il fussent tous noiés; mais par la volenté de Dieu, il vindrent a Marseille, et la ne porent trouver qui les vousist recevoir en son hostel. Il demourerent soux un porche qui estoit devant un temple de la gent de celle terre; et quant la beneoite Marie Magdalene vit la gent assembler a ce temple pour sacrefier aux ydoles, elle se leva paisiblement a liee face et a langue discrete et bien parlant, et prist a preeschier Jhesucrist et a retraire les du cultivement des ydoles; et donc furent touz merveilliés de la biauté, de la reson et du biau parler d’ycelle, et ce n’estoit pas merveille se la bouche qui si debonnerement et si bonnement avoit besié les piés Nostre Seigneur espiroit de la parole Dieu plus que ces autres. Et aprés ce advint que le prince de Prouvence sacrefioit aus ydoles, luy et sa femme, pour avoir ligniee, et Marie Magdalene li preescha Jhesucrist et li contredist les sacrefices; et aprés un po de temps, Marie Magdalene s’apparut a celle dame en vision disant : « Pour quoy, quant tu as tant de richesces, lesses tu les povrez de Nostre Seigneur
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– 79. ad fin] pour ce L6. – 79. qu’il fust fussent touz n. P2 qu’ilz f. noyez H (L6). – 79. la voul. de dieu P1. – 79. ilz v. tous a M. Ars1 (L5) il v. a mer Marceille B1 ilz arriverent a Marceilles P10. – 80. et la ne p.] et la pourent P8 ou ilz ne peurent N. – 80. trouver] omis dans L2. – 80. en leur h. P11 a leur h. N. – 80. Il dem.] et dem. Ars2 B1 N P3 il demoroient P2 (L3 P1 P4) ilz demeurent P8. – 80. sans un p. B3 en un p. C. – 81. qui est L5. – 81. devant le t. Ars2 B1 H. – 81. de la gent de celle t.] de la gent d’icelle t. L2 R omis dans L6 N. – 81. et quant] L3 L6 P1 P10 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 81. la ben.] omis dans G L6. – 82. M. Magd.] Marie P8 Magdeleine Ars2 B1 (B2 B4 L6). – 82. les gens Ars1 N. – 82. assembler] assemblee L3 (C). – 82. en ce t. B4 P1 P4 devant ce t. C a celui t. N. – 83 - 84. elle se leva (...) Jh.] elle se leva et comança a preschier de Jh. L6. – 83. a liee face] a joyeuse face Mu a chiere lie N omis dans P8. – 83. et a l. d.] a l. d. B4 et l. d. H la quelle a l. d. N. – 83 - 84. et prist a pr. Jh.] et se prist a pr. Jh. Ch (P1 P4) se prist a preschier de Jh. N et commença a prescher Jh. L2. – 84. et a les retr. Ars1 B1 B4 L2 L3 L5 Mu P3 P5 P8 P10 et a retr. iceulx N et a retrayre H (L6). – 84. le cult. L6 les cultivemens H de l’aourement N. – 84. et donc] dont L5 adont Ars1 (L6 P8) et adont L3 et lors L2 lesquelz N. L6 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 85. f. touz] f. ilz Ars1 L5. – 85. esmerveilliez B4 P2 (N). – 85. de sa beauté L6. – 85. et du biau p.] du biau p. P9. – 85. d’ycelle] d’elle H N. – 85. et se n’estoit pas P8 (toutefois, les échanges entre ce et se sont fréquents dans ce manuscrit) est se n’estoit pas L3 P7. L6 P7 introduisent ici une marque de segmentation. – 85. merveilles B1 N P10 P11 (Ars2). – 86. que la b. Ars1 L5 P10. – 86. si deb. et si bonn.] si bonn. et si debonnairement P11 si bonne debonnairement et si bonn. B3 (anticipation probable du second adverbe, que le copiste a oublié d’exponctuer après avoir corrigé son erreur) si doulcement et si debonnairement A si debonnairement L5 L6 P9. – 87. les piés de n. s. C (Ch L6 P1 P4 P8). – 87. esp. (aspiroit L6 conspiroit (?) H) de la p. de dieu Ars1 B4 L3 (H L5 L6 N P5) esp. plus de la p. dieu P3. – 87. ses aultres H les autres Ars2 B1 B4 L3 L6 P11 (N). – 87. Et aprés ce advint] et aprés avint C et aprés si avint H aprés ce advint L5 (L6) il advint aprés ce N. A Ars1 B1 B4 H L2 L5 P2 P4 P7 P8 P11 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit. – 88. de la Prov. B1 de province P6 de jouvence Mu. – 88. sacr. (...) et sa f.] et sa f. sacrifoient aux yd. L2 (R) (...) et li et sa f. C. – 89. ligniee] lignie et generacion N omis dans P3. – 89. et M. Magd.] pour la quelle cause la benoite Magdalaine N. – 89. li pr. Jh.] luy prescha de Jh. L6 (N) leur prescha Jh. L2 li pr. jusques au vif de Jh. P2 si preschoit H. – 89. et leur contredit L2. – 90. et aprés un po de t.] et aprés ce (...) Ars1 P1 P4 P11 et aprés pou de temps L6 et aprés un pou de temps aprés Ars2 (B1) et ung pour de t. P8 ung peu de t. aprez L5 ung peu aprés N. L6 introduit ici une marque de segmentation. – 90. M. Magd.] Marie P10 la Magdalaine L6. – 90. s’app. en vision a cele dame disant G P2 (Ars1 L3 L5 L6 P6 P9) s’app. u vision a cele dame disant L4 s’app. en vision disant P11 s’app. a celle dame disant A s’app. a sa femme disant Ars2 (s’app. suivi d’un espace vacant résultant d’un grattage) B1 s’aparu M. Magdelaine disant a celle dame P1 (P4, qui introduit ici un pied-de-mouche). – 91. quant tu as] quant vous avez Ars2 B1 tu qui as L6. – 91. tant] omis dans L2 R. – 91. lessiez vous Ars2 B1. – 91. de n. s.] n. s. B4 de Jhesucrist L6 omis dans Ars2 B1.
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Traductions de la Legenda aurea
morir de fain et de froit ? » Et elle doubta a demoustrer a son seigeur celle vision; et la seconde nuit, elle s’apparut a ycelle et li dist ainsi, et adjousta avec menaces se elle ne l’a- [160 d] -monnestoit a son mari si que elle confortast la mesaise des povres, mes encore ne le volt elle dire a son mari. Et donc s’apparut tierce fois par nuit obscure a ycelle et a son mari, fronçant et yree et a visage de feu [aussi come se toute la maison ardist], et dist : « Dors tu, tyrant et membre de ton pere le dyable, avec ta femme, la serpent, qui ne t’a voulu dire mes paroles ? Reposes tu, anemi de la Croix, qui as la gloutonnie de ton ventre plaine de diverses viandes et si lessez perir de fain les sains de Dieu ? Te gis tu en ton palés envelopés de draps de soie, et tu les vois sans hostel desconfortés et passes outre ? Tu n’eschaperas pas ainsi, felon, ne tu ne t’en partiras pas sans estre punis de ce que tu as tant attendu. » Et
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96 - 97. et a visage de feu et dist. Correction d’après A G L3 P2 P9 P11 (Ars1 Ars2 B1 L4 L6 P1 P4 P6 / L5). 92. Et elle d. (...) celle vision] elle doubte (...) R et elle d. dem. (...) B4 et elle d. demonstré (?) celle vision a son s. H et elle d. celle vision demonstrer a son s. B1 (Ars2) et elle de monstrer d. celle vision a son s. P10 lors elle d. a dire a son mari celle vision L6 la quelle dame d. de dire celle vision a son mary N. L6 introduit une marque de segmentation à cet endroit. – 92. celle vision a son s. L5 a son mari celle vision C. – 93 - 95. et la sec. nuit (...) des p.] pour quoy la Magdalaine s’app. a elle la sec. fois et lui dist qu’elle admonnestast son mary de reconforter les p. N. – 93. et donc la sec. nuit Ars2 B1 G L4 P2 (A P1 P4 P6 P9 P11) et adont la sec. nuit Ars1 L5 adont la sec. nuyt L3 qui, avec B2, introduit ici un pied-de-mouche. – 93. elle s’app. a ycelle] s’app. a icelle Ars1 ele s’app. a icele meismes P2 elle s’app. a icelle de recief L5 elle s’apparust a elle H. – 93. et li dist ainsi] et li dist aussi Ars2 B3 C G J L1 P2 P7 (A Ars1 B1 B2 L4 Mu P3 P8 P9 R) et lui dit L5 et lui dist pareillement L2 disant ainsi P1 P4. L6 introduit une marque de segmentation juste avant le verbe qui régit cette proposition. – 93. et adj. avec men.] et l’adj. avec men. A et adj. avec ce men. C P10 (L2) et y adj. men. B4 et adj. men. L6 adjousté avec men. P6. – 94. se elle ne l’am.] se elle ne adm. L3 s’elle ne le disoit H. – 94. a son mari] son mary L3. – 94 - 95. si que elle conf. (...) a son mari] omis dans P10 (saut du même au même). – 94. si que elle conf.] si qu’il conf. A Ars1 G L3 L4 L5 L6 P1 P2 P4 P6 P9 P11 (Ars2 B1). – 94. la mes. des p.] la mes. des p. gens L3 les p. et leur mes. des povres C la messaige des pouvres P8. – 95. ne le volt elle dire] elle ne le voulut dire L6 ne le dist elle pas N. – 95. Et donc] et adont Ars1 L5 adonc P8 et lors L2 N atant L6 et puis aprés L3. L3 L6 P10 introduisent ici une marque de segmentation. – 95. Magdalaine s’app. L6. – 95. la t. foiz P2 P3 (N). – 96. par une nuit obscure a celle dame N. – 96. et a son mari] y a son mari P2. L6 introduit une marque de segmentation avant le premier mot de cette leçon. – 96 - 97. fronçant et yree (...) et dist] moult iree (...) L6 (...) et lui dist L2 fort aÿree et a visage enflambé disant N. – 96. et yree] yree L2 et yré P4. – 96 - 97. et a visage de feu (...)] et au visaige de feu P8 a visage (le visage P1 (P4)) de feu aussi (ainsi Ars1) comme se toute la maison ardist A G L3 P2 P9 P11 (Ars1 Ars2 B1 L4 L6 P1 P4 P6) a visage enflambé ainsi comme se toute la maison ardist L5. – 97. Dors tu (...)] L6 introduit ici une marque de segmentation. – 97. et membre] membre L6. – 98. la serpente L5 Mu N la serpentine Ars1. – 98. voulu] onc volu L6 osé N omis dans B3. – 98. Rep.] omis dans L5. – 99. le gloutonnerie (?) P8 (la fin du mot est mal formée et invite plutôt à lire gloutonnenre). – 99. plaine de v. div. P8 plaine de div. manieres de v. A Ars1 G L3 L5 L6 P1 P2 P4 P9 P11 (Ars2 B1 L4) plain de toutez v. H. – 99. et tu laisses P1 P4 P6. – 100. p. de fain les s. de dieu] peril de fain (...) H morir de fain (...) N p. les s. de dieu de fain B4 P6 P11 les s. de dieu p. de fain P1 P4 p. de fain (de f. bissé) les povres et les s. de dieu B1 p. de fain les s. de nostre seigneur L5 (Ars1). – 100. Te gis tu] tu te gis L2 tu gis P9. L6 P6 introduisent ici une marque de segmentation. – 100. en tes pallaiz H. – 100. en draps A Ars2 B1 H L3 L6 P1 P9 P11 (G L4 P2). – 101. et tu les vois] et tu voiz les saints L6 et tu vois iceulx povres N. – 101. sans h.] sans maison et sanz h. P2 en ton h. C. – 101. et passes] passes Ars1 (L5). – 101. tu ne m’eschapperas pas L2 (R). L6 P6 P7 introduisent ici une marque de segmentation. – 102. felonne Ars1 G mauvais felon N. – 102. ne tu ne t’en p.] ne tu ne te p. C et ne t’en p. L6 tu ne t’en p. Ars1 P4. – 102. pas sans estre p.] pas sans punir B3 G L1 L2 L6 P2 P5 P7 P11 (A B2 B4 C Ch H J L3 L4 P1 P3 P4 P6 P8 P9 P10 R) ja sans estre pugni Ars1 (L5) pas sans punicion N pas sans paine Mu omis dans Ars2 B1. – 102. tu as tant att.] tu as at. tant C tu as att. B3 tu as tant att. a les reconforter N as act. L6 (as rajouté par le scribe dans la marge).
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ainsi parla et s’en parti. Et dont la dame s’esveilla et souspiroit, et le mari souspiroit aussi pour celle meismes cause et trambloit, et elle dist : « Sire, as tu veu le songe que j’ay veu ? – Je l’a[y] veu », dist il, « et m’en suy merveillié et en ay poour. Qu’en ferons nous ? » Et la femme dist : « C’est plus profitable chose de li obeïr que encourre en l’yre de son dieu que elle preesche. » Pour la quelle chose il les reçurent en leur hostel et leur aministrerent leurs neccessaires. Si conme la beneoite Marie Magdalene preeschoit une fois, le dit prince li dist : « Cuides tu que tu puisses deffendre la loy que tu preesches ? » Et elle dist : « Certes, je sui preste de deffendre la conme celle qui est confremee chascun jour par miracles et par la predication de nostre maistre saint Pierre qui siet ou siege de Romme. » A
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105. je l’a veu. La faible tonalité de l’encre rend le dernier mot presque illisible et il est suivi d’un signe indéterminé – un simple jambage ? –, isolé. – 110. que tu que tu puisses def. 103. Et ainsi p. et s’en p.] (...) puis s’en p. L5 ainsi p. la benoite Magdalaine et puis se party N; et puis s’esvanoÿ P10 et atant s’en ala L6. – 103. Et dont] et adonc H (Ars1 L5) adont L3 (P8) et lors L2 L6 alors N. L3 L5 L6 P10 introduisent ici une marque de segmentation. – 103 - 104. la dame (...) cause] la dame esv. (...) P8 (...) aussi forment de celle meisme c. Ars1 (cp. L5); la dame s’esv. et sousp. aussi le mari sousp. pour celle meisme c. Mu la dame s’esvilla et sousp. aussi pour celle meisme c. C P7 (Ars2 B1) la dame s’esv. et sousp. durement et le mary sousp. aussi forment de celle mesmes c. L5 (cp. Ars1) la dame s’esv. en souspirant, le mary pareillement sousp. pour celle meisme c. N; la dame s’esv. en souspirant P10. – 103. et son mary P6. – 104. auxi sousp. forment L6. – 104. cause] omis dans L1. – 104. et tr.] et tremblant Ars2 B1 et en tremblant P10 moult fort tramblant N et trembloit de paour L6. – 104. et elle dist] ele dist L4 (Ars2 B1 P6 P9) et selle (?) (s’elle ?) luy dist H lors lui dit la dame L5 pour quoy elle parla et dist N elle dist a son seigneur P10 et lors elle demanda a son mari L6. L6 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 104. tu as veu P9 as tu pas veu N. – 104 - 105. le s. que j’ay veu] le s. que je veu L4 P9 le s. comme j’ay veu H le s. que j’ay veu et la vision N ce que j’ay veu et luy conta tout par ordre P10. – 105 - 106. Je l’a[y] veu (...) Qu’en ferons nous ?] et il respondit que oïl et qu’il en estoit tout espaonté L6, qui introduit une marque de segmentation au début et à la fin de cette variante. – 105. je l’ai veu C G L1 L4 (A Ars1 Ars2 B1 B2 B3 Ch H J L2 L3 L5 Mu P1 P3 P4 P5 P6 P7 P9 P11 R; je l’a veu P2 (comme dans Ma), corrigé par le copiste en je l’ai veu grâce à l’ajout d’un i suscrit) l’ay je veu P8 je l’ay veu vraiement N et il dist je l’ay veu P10; omis dans B4. – 105. dist il] déplacé et introduit par une conjonction dans P10 (voir précédente variante); omis dans H P1 P4. – 105 - 106. et m’en suy merv. (...)] et me suis merveillé H et m’en suis esmerveillié B1 et en suis moult merv. P10; et m’en suy merv. Qu’en f. nous ? Je en ay paour P6 car j’en ay eu et ay encore si grant paour que je ne sçay que nous en ferons N. – 105. et ay paour B4 et en ay eu paour H j’en ay grant paour P10. – 106. que f. nous Ars1 L5. – 106. Et la f. dist] et (omis dans L5) la dame dist P10 (L5) sa f. parla lors et dist N omis dans L3. Suivi d’une marque de segmentation dans L6.– 106. c’est le meilleur et le plus proff. de luy obaïr P10 il vault mieulx et nous est plus prouf. de obeÿr a elle N. – 106. chose] omis dans P8. – 107. que encorre l’ire L4 (Ars2 B1 B4 L3 P9 P11) que de enc. en l’ire P6 (C P10) que encores est l’ire P1 P4 que encoure l’indignacion L6. – 107. de dieu B2 B4 de dieu son dieu B3. – 107. du quel elle presche N qu’elle presche grant P1 P4. – 107. Pour la quelle ch.] la quelle ch. Mu pour la quelle vision N. L6 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 107. ilz la receurent P10. – 108. en leur h.] en son h. N omis dans Mu. – 108. et leur aministroient P1 (B4 P4) et lui et sa femme leur adm. N. – 108. leurs neccessités Ch P10 (Ars1 B4 H J L2 L3 L5 N P3 P5 P7 R). – 108 - 109. Si conme (...)] ainsi comme (...) N; si come la benoiste Magdelaine P10 si comme M. Magdalaine L4 L5 P2 (A Ars1 Ars2 B1 G L3 L6 P1 P4 P6 P9 P11). Ars1 B1 B4 H L2 P4 P8 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit (un espace a été réservé dans A pour une lettrine ou un pied-de-mouche qui n’a pas été peint). – 109. pr. un jour B1 P2 P6 (Ars2 L4 L6 P4 P9) pr. un jour une fois A L3 (G P1 P11). – 109. le dit pr. dist P10 le pr. lui dist L3 (Ch) les dist pr. li dist L4 davant le dit pr. il luy dist L6. – 109 - 113. Cuides tu (...) le pr. dist] omis dans L6 (raccourci narratif ou saut du même au même ?). – 110. que tu p.] omis dans C P10. – 110. Et elle dist] et ele li dist L4 P2 (A G L3 P1 P4) elle dist Ch et elle respondit B4 (Ars1 L5) elle respondy lors et dist N. P11 introduit ici un pied-de-mouche. – 110. Certes] omis dans P8. – 111. prestes P3. – 111. de la def. B4 L5 P3 (Ars1 H L2 L3 Mu N P4 P5 P8 P9). – 111. qui est ch. jour confr. C Mu (N) qui est confermee tous les jours H. – 111. de mir. Mu. – 112. de nostre seigneur et de nostre m. Ars2 B1. – 112. A la qu. (...)] P11 introduit ici un pied-de-mouche.
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Traductions de la Legenda aurea
la quelle le prince dist : « Moy et ma femme sommes prest d’obeïr a toy en toutes choses se tu nous empetres .j. filz avoir de par ton Dieu que tu preesches ». Et donc dist la Magdelene : « Pour ce ne remaindra pas. » Et donc la beneoite Marie Magdalene deproia [161 a] Nostre Seigneur pour eulz que Il leur deingnast donner un filz, et Nostre Sire oÿ ses prieres et celle dame conçut. Et donc son mari volt aler a saint Pierre pour esprouver se la merite estoit telle de Jhesucrist conme Marie preeschoit; et donc sa femme lui dist : « Qu’est ce, sire ? Cuides tu aler y sanz moy ? Nenin ! Quant tu partiras, je partirai, et quant tu revendras, je revendrai, et quant tu reposeras, je reposerai. » A la quelle son mari dist : « Dame, ainsi ne sera il pas, car tu es grosse, et les perilz sont en mer sans nombre. Tu porroies perir de legier. Tu reposeras a l’ostel et prendras garde de nos possessions. » Et celle dame estrivoit conme femme, ne ne muoit pas ses meurs feminins, et s’agenoilla
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– 113. moi et ma fame s. pres L4 P2 (Ars2 B1 B3 Ch L1 L6 P7 P9 P10 G R) moy et ma femmes (concaténation probable de femme et de sommes) prestz Mu moy je suis et ma f. prez P8. – 113. en t. ch.] omis dans P10. – 114. se tu nous emp.] mais que tu nous voeulles impetrer N. – 114. .j. filz avoir] avoir .j. filz G L4 L6 P2 (A Ars1 L5 P1 P3 P4 P6 P8 P9 P10 P11) a avoir un filz C d’avoir un filz L3 ung filz N avoir un enfant Ars2 B1. – 114. de part ton dieu (...) P8 devers le dieu dont tu presches N par tes prieres par devers ton dieu que tu presches P10. – 114 - 115. Et donc dist la Magd.] et donc li dist (...) P2 et adonc dist (...) H L2 (Ars1) adont dist (...) L3 L5 (P8) et lors dist (...) N lors dist (...) B4 et adont (adont L5) dist Magdalaine Ars1 (L5) et Magdalaine dist L6 et la Magdelaine dist P10. L3 L6 P7 P10 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 115. Pour ce] ad ce N. – 115. ne rem.] ne te rem. P8 ne demorra Ch (L3 N P5) ne demeurra il L6 (Mu). – 115. Et donc] et adonc H L2 (Ars1) adonc L6 P8 et lors L3 lors N, déplacé avant n. s. omis dans L5. B2 P1 P4 introduisent ici un pied-de-mouche. – 115 - 116. la ben. M. Magd. deproia] la benoite Magdeleine depria Ars2 B1 (pria L5) elle depria L3 depria elle P10 elle pria L6. – 116 - 117. pour eulz (...) et n. s.] omis dans P8 (saut du même au même). – 116 - 117. pour eulz (...) conçut] pour eulx et tantoust la dame conceut .j. filz L6, suivi d’une marque de segmentation. – 116. qui leur vousist donner .j. filz P10 adfin qu’il leur voulsist envoier et donner grace d’avoir ung filz le quel oÿ et exauça les prieres de la Magdalaine N. – 117. ces pr. Ars1 P8 P10 ses paroles P6. – 117. et la dame c. P6 et celle dame tantost c. P10 car celle dame conchut L5 (conceupt tantost aprés N). – 117. Et donc] et adonc H adont Ars1 L3 L5 (P8) et lors L2 L6 pour la quelle cause N. L3 L6 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 118. veoir s. P. (...) P10 devers s. P. et aussi pour espr. N. – 118. se la merite (...) de Jh.] se la verité estoit tele (celle L4 ?) de Jh. Ars1 G L4 L5 P2 (A Ars2 B1 P6 P9) si la verité de Jh. estoit telle L6 se la mer. de Jh. estoit telle Ch. – 119. M. Magdalaine Ars1 L5 (P5). – 119. et donc] adont Ars1 L3 L5 (P8) et lors L2 N et L6 Mu pour la quelle cause N. L6 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 119. la f. dist L6 lui dist sa f. N. – 119. comment sire B4 quesse sire P9 qu’est ce frere Ch qu’est ce que tu dis sire N. – 119. c. tu y aler B1 L3 Mu P4 (P5) y c. tu aler Ars1 B4 H L2 L5 N P6 P10 R c. tu aler P8 (L6). – 120. nenin] nenny certes L6 nenin seurement N omis dans A. – 120. car quant tu p. L6 N. L6 introduit ici une marque de segmentation. – 120. je y partiray P3 saches que je partiray A. – 120. et quant tu rev. je rev.] omis dans B3 N. – 121. et quant tu rep. je rep.] L6 introduit une marque de segmentation au début et à la fin de cette partie de texte. – 121. tu te rep. P6. – 121. Dame ainsi] ainsi dame B1. – 122. ne sera il pas fait A B1 L3 L4 L6 P1 P2 P4 P9 P11 (Ars1 Ars2) ne sera il mie fait G ne se tu pas (?) P6. L6 introduit une marque de segmentation après le début de cette réplique. – 122. et les p. sont grans L3. – 122. en la mer A Ars2 B1 G L3 L4 L6 P1 P2 P4 P6 P9 P11. – 122. sans n.] et sanz nombre L3 souz nombre L4. – 122. Tu porr. p.] et tu porr. p. P2 et si pourr. p. A si pourr. p. L3 tu pourras p. B1 tu pourroyes peril H ou pourr. peril P8. – 123. de legier] legierement Ars2 B1. – 123. Tu rep. a l’ostel et pr. g.] tu te rep. (...) L3 L6 P6 et rep. en l’ostel (...) P8 et tu pr. g. H. – 123 - 125. Et celle dame (...) li ottroia il] finablement le mari lui octroia L6. – 123. Et celle dame (...) conme f.] celle dame estriv. (...) N et celle estriv. (...) B4 et celle femme estriv. (...) H P1 P4 (P5) (escrivoit P5) et celle femme estriv. A. P11 introduit ici un pied-de-mouche. – 124. ne ne m.] et ne m. Ars1 B4 L3 L5 P2 P11 et si ne m. N ne m. P1 ne menoit L2 ne m’envioit (?) R (rattrapage sur un premier jet issu du verbe mouvoir ?). – 124. pas ses m. fem.] pas m. fem. G par ses m. seurenins (?) P8 (la fin du dernier mot n’est pas claire). – 124. et s’agenoulla la Ars1 L5 ains s’agenoulla N.
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plorant a ses piés, et en la parfin li ottroia il ce que elle requeroit. Et donc Marie leur mist le signe de la crois sur leur espaules si que le felon anemi ne les peust empeeschier de leur erre, et donc chargierent mout habondanment une nef de toutes leurs neccessaires et delessierent toutes ces autres choses en la garde Marie Magdalene et s’en alerent. Et tantost come il orent fait le cours d’un jour et d’une nuit, la mer s’enfla trop et le vent crut si que tous, et meismement la dame qui estoit grosse et fieble, orent mout d’angoisse de si grant seurondement de mer, et tant qu’il prist a la dame doleur d’enfanter soudement, et entre les grans angoisses de son ventre et la force du temps, elle enfanta un filz et se morut; et quant l’enfant fu nez, il baubetoit pour avoir le confort des mamelles de sa mere et donnoit
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– 125. pl. a ses piés] a ses piés pl. C a ses piés en plourant P10 en pleurant a ses piez P2 a ses piés N. – 125. par quoy il lui accorda ce qu’elle requ. N. – 125. et a la p. L3 (H) tant que en la fin L5. P11 introduit ici un pied-de-mouche. – 125. li ottroia il] li otroia P2 (Ars2 B1 B2 B3 B4 C Ch H J L1 L2 L4 Mu P3 P5 P6 P7 P8 P9 R) il luy octroia P10. – 125. requ.] requist B4 queroit P9. – 125. et adonc H L2 adont Ars1 L3 L5 (P8) et atant L6 et lors N. L3 L6 P7 introduisent ici une marque de segmentation. – 125. M. Magdelaine A L3 (L6) la benoiste Magdalaine P10. – 126. li mist P6 leur dist mist B3. – 126. en leur esp. L4 P2 P9 (A Ars2 B1 G L3 L6 P1 P4 P11) sur les esp. L5 sus ses esp. P6. – 126. si que] affin que P10 (N). – 126. le felon anemi] l’ennemy L6. – 126. ne leur p. empeschier A ne les povoit empeschier P1 P4 ne le puist empeschier H. – 127. de leur erreur P8 de errer N de leur chemin L2 L5. – 127. et donc] et adonc H adont Ars1 L3 L5 (P8) et lors L2 L6 N lors B4. L3 L6 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 127. ch. mout hab. une nef] chargerent ilz (...) Ars1 L5 il chargerent habondamment une nef L2 ch. une nef hab. N ch. une nef L6 P10. – 128. de touz leur necc. P2 (A Ars2 B1 G L4 L6 P1 P4 P6 P8 P9 P11) de leur neccessitez B4 de toutez leurs neccessitez H L2 P3 (Ars1 B2 J L3 L5 N P5 R) des choses qui leur estoient neccessaires P10. – 128. et del.] et lessierent Ars2 B1 L6 (P10) puis laisserent N. – 128. toutez ses aultres ch. H (P9) toutez les autrez ch. L2 (L6 R) t. leur autres ch. P2 (A Ars2 B1 B2 B4 C L3 N P3) t. leurs ch. P8 P10 t. autres ch. Ars1 (L5). – 128. en la g. de M. Magdelene C (Ars2 B1 B2 B4 H L2 L6 N P4) en la g. de la benoicte Magdelaine P10. – 129. Et t. (...)] t. (...) L5 et t. conme ilz orent ce fait P8 et t. que ilz orent fait P1 P4 (H) et si tost comme (...) P6 et quant ilz orent fait L3 et si toust qu’ilz orent erré .j. jour et une nuyt L6 mais t. comme ilz orent erré ung j. et une nuit N. L3 L5 L6 introduisent ici une marque de segmentation. – 129. le cours] leur cours Ars2 (B1). – 129. d’une journee B4 de sept jours H. – 130. la mer s’enfla trop] la mer enfla trop A la mer s’enfla forment L3 la mer s’enfla H N. – 130. et le vent crut (...)] et le jour crut (...) B2 et le vent aussi crut tellement que tous ceulx qui estoient en la nef N. – 130 - 131. et meism. la dame (...) fieble] (...) fieble et gr. Ch; déplacé dans B4 (voir l. 131). – 131. orent] eut Ars1 L5. – 131. mout d’ang.] mout d’angoisses P2 (A Ars1 Ars2 B1 G L3 L4 L5 L6 P1 P4 P6 P9 P11) moult grant ang. N grant ang. B4, qui intercale à la suite de cette variante et mesm. celle dame qui estoit gr. et foyble (cf. l. 130). – 131. de si grant s. de mer] et de si grant s. de mer L1 L6 (H) de si grant sourdement de mer L2 R (sourdement : lecture incertaine dans Mu); omis dans N. – 132. et tant qu’il prist (...) soud.] et tant que prist (...) A B3 C G J L1 L4 P8 P9 P10 R (Ars1 L2) tant que prist (...) H (...) talent d’enf. L3 (...) voulenté d’enf. P10 (...) soudainement A Ars1 B1 B2 B3 B4 Ch G J L2 L3 Mu P1 P3 P4 P5 P8 P9 P10 P11 (H P7 R); et tant que le mal d’enf. print a la dame soudainement L5; et tant qu’il prist a la dame soudainement d. d’enf. N print a la dame doul. d’anf. L6. – 132 - 133. et pour les grans ang. qu’elle souffroit et pour la tempeste du t. elle enf. et puis morut N. P7 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 132. les grans ang.] les grans angoisse P2 les ang. P6. – 133. et elle se mourut R (H) dont elle mourut P10 et m. Ars1 L5 (P1, qui rajoute au-dessus de la ligne, en petite écriture cursive : la mere; P4). – 133 - 135. et quant l’enfant (...) pl. vois] mais quant l’enfant fu nez il faisoit maniere d’alaitier sa mere en plorant tendrement et piteusement N. – 133. et quant l’enfant] quant l’enfant C. L6 introduit ici une marque de segmentation. – 134. il bauboutoit (...) P6 il baubaioit (...) P7 (il bauboioit P10) il barbetoit (...) A Ars1 B2 B4 L5 P1 P4 il haletoit (...) L3 il labetoit (...) P8; pour avoir les mam. de sa mere B2 B4 C pour avoir le confort de ses mam. Ars1 (L5) et pour avoir le confort des mam. de sa mere L4 P11 (P1 P4); il baub. et queroit avoir le confort des mameles sa mere P2. – 134 - 135. et donnoit (...) hom. de sa mere] il donnoit (...) P1 P4 P11 omis dans P8 (saut du même au même).
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ploreuses vois. Quel doleur ! L’enfant fu nez et fu homicidez de sa mere, et si le couvenoit morir, car il n’avoit qui le norrisist. Hee ! Que fera le pelerin qui veoit sa femme morte et l’enfant braiant [161 b] a vois ploureuse et querant les mamelles de sa mere ? Et le pelerin ploroit forment et disoit : « Las ! Chetif, que feras tu ? Tu avoies desirré a avoir .j. filz : tu as perdu la mere et le filz. » Et les maronniers crioient disans : « Ce corps ci soit gettés en la mer avant que nous perissons tous ensemble, car tant come il soit avec nous, ceste tempeste ne cessera. » Et quant il orent pris le corps pour getter en la mer, le pelerin dist : « Souffrez vous, souffrez, et se vous ne voulés espargnier a moy ne a ma femme, espargniés au moins au petit enfant qui brait. Attendés un petit pour savoir se la femme est pasmee de la doulour et se elle porra estre respiree. » Et donc une montaigne apparut non pas mout loing de la nef, et quant il la vit, il cuida bien que ce fust la plus proffitable
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– 135. voix pleureuses L3 pleureuse voix L6 P2 P11 (Ars1) pluseurs voix H L2 R (L5). – 135. ce fu une grant doleur car l’enfant qui estoit né estoit homicide N. – 135. Quel doleur l’enfant fu nez] a quel doleur (...) Ch (...) en quel douleur (...) P5 (...) et l’enfant fu né A G L4 P1 P2 P11 (P4 P9) quel douleur quant l’enfant fut nez L3 quel douleur fu de l’enfant né B2 (B4). L6 introduit ici une marque de segmentation. – 135. et fu hom.] qui fu homicide B2 (B4) il fut homicide L3. – 136. et si conv. qu’il mourust L6. – 136. car il n’avoit pas L3 P11. – 136. qui le nourrist P3 R (H). – 136. Hee] et Ars2 B1 L4 L6 P2 P6 P9 helas N. H L6 P3 P7 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 136. que faisoit N qui sera B4. – 136. le pel. qui voit Ars1 B4 J L5 P4 (H). – 137. femme] mere, tracé et remplacé par femme A. – 137. braiant] criant P1 P4 (L6) plourant Ars2 B1 (N). – 137. a voix pluseurs H a voix piteuse N omis dans L6. – 137. et querant] et queroit P8 (B2). – 138. Et le pel. (...) et disoit] le pel. (...) L5 et le pel. plorent (...) H (...) et crioit P4; et le pel. pl. moult fort en disant N et le pel. pl. moult f. (...) L3; et le pere (...) Ars2 et le pere queroit plour. f. (...) B1; et le pel. disoit en plourant P10. L6 P1 introduisent ici une marque de segmentation. – 138. las ch. las A Ars1 G L4 L5 P2 P9 P11 (Ars2 B1 L3). – 139. a avoir .j. filz] d’avoir ung filz N avoir un filz C (H L6 N P1 P4) .j. filz a avoir G L4 P2 (A L3 P9 P11) un filz avoir Ars2 B1. – 139. et tu as p. A Ars1 Ars2 B1 C Ch G L3 L4 L5 L6 N P1 P2 P4 P6 P9 P11. – 139. et la mere N. – 139. Et les mar.] et les marineaus G L4 (L6) les mariniers N. B2 L6 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 140. et disoient : il fault getter ce corps icy en la mer ad fin que nous ne p. tous ensamble N. – 140. Ce corps ci] cest corps ci P2 ce corps si L5 cecy L6. – 140. avant que perissions H tous ens. en la mer B3. – 141. tant comme il sera avec nous A Ars1 Ars2 B1 G L3 L4 L5 P1 P2 P3 P4 P6 P9 P11 (H P8 P10) tant que ce corps sera avec nous L6. – 141. celle temp ne cess. G ceste temp. cess. B3 ne cess. ceste temp. P6. – 141. Et quant] quant L5 mais quant N. L6 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 142. pris] reprins Ars1. – 142. le pel. (...)] souffrez souffrez dit le pel. P8. – 142. le pel. leur dit L5. – 142. S. vous s.] souffrés, souffrés P2 P6 P9 (L4 L6) s. vous B4 P1 P4 (P10) mes bons amis s. encore ung petit N. – 143. se ne voulez esp. Ars1 se vous ne le voulez espargner H et ne se vous ne voulez esp. L4. – 143. a moy ne a ma f.] a moi ne a la fame L4 P2 (Ars2 B1 L6 P6 P9) a moy et a ma femme L2 P5 (B2 R) moy et ma femme Ars1 B4 ne moy ne ma femme N a moy A a la mere C. – 143. au m. espargniez A. – 144. le p. enfant qui brait Ars1 au p. qui bret B3 Ch H L1 Mu P3 P5 (A Ars2 B1 B2 B4 C J L2 L4 P6 P7 P8 P10 R) le p. qui pleure N. – 144. Att. un p. pour s.] at. encore .j. petit s. P2 attendez un p. Mu act. un pou pour s. P6 (L6) et attendez ung peu pour s. N. L6 introduit ici une marque de segmentation. – 144. se la dame B4 se la mere N. – 144. est p. morte Ars2 (p. rajouté en marge) n’est pas p. G. – 144. de la douleur] omis dans B3 N. – 145. et se elle pourra estre respitee R et se elle porroit estre resp. C et se elle p. encore estre resp. G L3 (A Ars1 L5 P11) et se ele p. encore respirer P2 (Ars2 B1 L6 P6 P9) et se elle pourra respirer L2 et se ele pourra encore respiter L4. – 145. et adonc Ch (Ars1) adont L3 L5 (P8) et lors L2 L6 et lors s’app. N. L3 L6 P10 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 145. mont.] fontaine B3 N. – 145. apparut] omis dans B1. – 145. non pas moult loing] non point moult loing Ars1 non pas loing L3 P1 P4 P8 P11 assez pres N pres L6. – 146. de la nef] de la mer L5 d’illec P6 la nef L6. – 146 - 148. et quant il la vit (...) par prieres] et fit tant par ses prieres L6. – 146. et quant il la virent Ars2 B1 B3 B4 C L1 L4 P2 P3 P6 R (Ars1 B2 Ch G H J L2 L3 Mu P1 P4 P5 P7 P10 P11) et il la virent P9 mais quant ilz la veyrent N. – 146. il c. bien] ilz cuiderent bien B4 L2 P10 il cuidoient bien R il s’appensa N. – 146. que ce fust plus prouff. ch. P6 (P10) que fust plus prouf. ch. H que ce fust la plus propre ch. A; que c’estoit le milleur et plus proff. que de p. N.
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chose de porter le corps et l’enfant la que a getter le en la mer pour estre devouré des belues de mer; et toutefois fist il tant par prieres et par dons aux maronniers qu’il appliquierent la et porterent le corps. Et quant il virent qu’il ne povoient fouir la terre pour la durté de la roche, il mistrent le corps ou plus secret lieu de la montaigne couvert d’un mantel, et donc mist le pere l’enfant a la mamelle de la mere et dist en plorant : « Marie Magdalene, come tu venis a Marseille a ma grant male aventure ! Las ! Maleuré, pour quoy empris je ceste erre par ton amonnestement ? Requeris tu a Dieu que ma femme enfantast pour perir ? Elle conçut et fu morte en enfantant, et si couvient que ce que elle conçut, qui est nez, perisse, car il n’est nul qui le nourrisse. C’est ce que j’ay eu par ta priere ! Je le comande a toy, a qui j’ay comandé toutes mes choses, et le comande [161 c] a ton
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– 147. le corps de la femme et de l’enfant Ars2 B1 le corps mort et l’enfant P10. – 147. la] a la ditte fontaine N omis dans H. – 147. que a getter la B2 B4 que a le getter B1 Mu P5 (Ars2 L3 P10) que a la getter P3 que de getter le P1 P4 (P6) que getter le R que le gecter L2 que a geter les P2 que de les gecter N que a gecter H P8 (Ars1 L5); que estre gettez en la mer et pour estre devorez C. – 148. des belues] de b. L2 des bobues (?) B4 des bestes B1 P8 des poissons Ars1 L5 P10. – 148. de mer] de la mer H omis dans N P10. – 148. et tout. (...)] et pour ce fist il tant L3 et pour ce il fist tant N et touteffois le pelerin fist tant B4 et fist tant L5 P10. – 148. aux mariniers par dons et (aussi N) par pr. P10 (N). – 148. et par dons] omis dans A. – 149. qu’il appl. (...) le corps] qu’ilz furent contens de porter le corps a la dicte fontaine N. – 149. qu’ilz l’apl. la B2 B4 (Ars1 H R; notation ambiguë dans P10) qu’il apl. la nef la P2. – 149. et appourterent le corps H et y p. le corps L5 P6 et y mistrent le corps C. – 149 - 150. Et quant il v. (...) le corps] omis dans L6 (saut du même au même ou raccourci narratif ?). – 149. Et quant] quant L5 mais quant N. L3 P7 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 149. que il ne le p. f. la t. L4 qu’ilz ne peurent f. la t. H qu’ilz ne pourient (?) fouir la t. L5 qu’ilz ne povoyent fouyr la roche L3. – 150. pour la d. de la r. il m.] la d. de la r. ilz le mirent illec, déplacé dans Ars1 après la mont. – 150. pour la d. d’elle L3 pour enterrer le corps pour la d. de la r. L5. – 150 - 151. il m. le corps (...) d’un m.] ilz m. les corps (...) couvers d’un m. B2 ilz le m. ou plus s. lieu de la m. le corps de la dame couv. d’un m. B4 ilz couvrirent le corps d’un m. L5. – 150. secret lieu] bas P1 P4; G omet secret. – 151. couvert] et le couvrirent L6. – 151. et donc] et adonc H adonc P8 (L3) et lors L2 N lors Ars1 L5. B2 L6 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 151. le pere] interverti avec mist dans L6 omis dans J. – 151. l’enfant] le petit enfant J omis dans P8. – 151. a la mam. de sa mere B4 a la memm. de la femme Ars2 B1. – 152. puis dist N et dist en pleurant et dist P8. – 152. ha M. Magdalaine N. L3 P10 introduisent ici un pied-de-mouche. – 152. come v. B4 comment tu v. Ars1 L5 quant tu v. Ch que tu v. N tu veniz L6. – 152. a moy a Marsailles P8. – 152 - 153. a ma male av. A a ma grant avanture H a ma tresgrant adv. mavaise P8. – 153. Las] omis dans B2 B4. – 153. Maleuré] maleureux H L2 (N) omis dans P6. Suivi d’une marque de segmentation dans L6. – 153 - 154. pour quoy (...) a dieu] pour quoy pris je ce chemin pour ton amonicion requerir a dieu L6. – 153. empris ceste erre P4 empris je ceste euvre Ch (P8) emprins je ceste voie L5 empris je cest voyage L3 emprins je ce voyage N emprins je a faire ce chemin L2. – 154. par ton am.] par ton amonicion A Ars2 B1 B3 C G H J L2 L3 L4 Mu P1 P2 P4 P6 P7 P9 P10 P11 R (B2 B4 Ch P3 P5 P8) pour ton amonicion L1 par ton avision Ars1 L5 omis dans N. – 154. Requ. tu] requ. P3 et requ. P7 pour quoy feis tu requeste N. – 154. que la femme H. – 154. pour peril Ars1 P8. – 155. Elle conçut (...) en enf.] celle conçut (...) B1 et conceust (...) L5 (Ars1 H L6) (...) en enfantast B3 elle conceust et morust en l’enfantement P5; omis dans N. – 155. et si conv. que ce qu’elle conçust p. P1 (P4) et si couv. que ce qui est né p. C et si couv. que ce que elle conçut (a conceu B4) p. P3 (B4) et si conv. que l’enfant qu’elle a conceupt et qui est né p. comme la mere N et conv. que son filz p. L6. – 156. car il n’a qui le n. N. – 156. C’est (...) par ta pr.] c’est que j’ay eu (...) P5 omis dans N. L6 introduit une marque de segmentation au début de cette phrase. – 156 - 157. et je le comm. a toi L4 L5 (A Ars1 Ars2 B1 G L3 P1 P2 P4 P9 P11) et je le conmanday a toy P6 je le comm. toutes a toy B3 je le recomm. a toy L2 (P10 R) et pour tant je te les recomm. a toy N. – 157. a qui ay comm. H a qui j’ay recomm. L2 N (P10 R). – 157. et le com. a ton dieu] et le commandes a ton dieu Ars2 et si le comm. a ton dieu C et le comm. aussi a ton dieu L3 et si recomm. a ton dieu P10 (a ton d. la mere N) et a ton dieu H.
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Traductions de la Legenda aurea
Dieu, s’Il est poissant, que il Li remembre de l’ame de la mere et que par ta proiere, Il ait pitié de l’enfant que il ne perisse. » Et donc couvri tout entour le corps et l’enfant de son mantel et se mist en la nef. Et quant il fu venu a saint Pierre, saint Pierre li vint a l’encontre, et quant il vit le signe de la croix sus ses espaules, il li demanda qui il estoit et dont il venoit, et il li dist tout par ordre; et Pierre li dist : « Pais soit avec toy. Tu es bien venu et as creu bon conseil, et ne soies pas tristres se ta femme se dort et se le petit né se repose avec elle, car Nostre Sire est tout poissant de donner a qui qu[e] Il veult et de oster ce que Il a donné et de restablir ce qu’Il a osté, et de tourner ton pleur en joie. » Et donc Pierres le mena en Jherusalem et li demoustra tous les lieux ou Jhesucrist preescha et les lieux ou Il souffri mort et ou Il monta es ciex; et quant il fu bien entroduit de Pierres en la foy et que .ij. ans furent ja passez, il monta en une nef pour retourner en son paÿs,
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165. a qui qui il veult. 158. s’il est p.] que s’il est puissant P11 que s’il a puissance N filz est p. L1. – 158. que il li rem. (...) par ta pr.] qu’il ait pitié de l’ame de la mere et que par ta pitié C. – 158. que il li rem. de l’ame de la mere] qu’il lui ramembre (...) Ars1 que il se rem. (...) Ars2 B1 que il li rem. de la me (?) de la mere L1 (la séparation introduite par le scribe donne à penser que celui-ci a partiellement bissé de la mere, au lieu de transcrire de l’ame; d’un point de vue paléographique, la vie est en revanche improbable) que il luy rem. de la mere H l’ame de la mere P10 qu’il voeulle avoir memoire d’elle N. – 158. et que par ta pr.] que par ta priere B3 et que par ta pitié et priere B2 et que par ta pitié P9 et par ta pitié et priere B4. – 159. il ait p. et mercy P3 il voeulle avoir p. N. – 159. et qu’il ne p. L5 ad fin qu’il ne p. N. – 159. Et donc (...) le corps] et adonc (...) H adonc (...) P8 et lors (...) L2 lors (...) Ars1 L5 adont il couvri (...) L3 aprés ces paroles par lui dictes il corps la mere N. – 159. tout entour] omis dans A P10. – 159. le corps] la mere P10. – 159. et l’enfant] de l’enfant L6 a l’enfant P4 l’enfant P1 omis dans H. – 160. et puis se mist A Ars1 Ars2 B1 G L3 L4 L5 P1 P2 P4 P6 P9 P10 P11 (L6) puis rentra N. P11 introduit ici un pied-de-mouche. – 160. Et quant] quant L5, qui introduit ici un pied-de-mouche (de même que L3, L6 et P7). – 160. il fu venu] il vint N il en yssi P10. – 160. a s. P.] a l’encontre A omis dans P10. – 160. s. P.] le bon saint N omis dans B4. – 161. lui vint en l’enc. P3 li fu a l’enc. Ars2 L4 (li fu a l’enc. de li, deux derniers mots tracés) P2 (B1 P9) luy fut au davant L6. – 161. et il vit P9 et quant il le vit H le quel quant il vey N. P11 introduit ici un pied-de-mouche. – 161. sur ses esp. A Ars1 B1 B2 B3 Ch J L2 L3 L5 L6 Mu N P1 P4 P7 P8 P10 P11 R (Ars2 H P3) sur les esp. B4 sor ses esp. C soux (?) ses esp. L1. – 162. et dont il v.] adont il v. Ars1 (P8). – 162. et il li dist tout par ordre] et lui dist (...) P3 et il li conta (...) C (P10) celui pelerin lui repondy lors et dist l’adventure qui lui estoit advenue N. – 162. et saint P. luy dist H et lors lui dist saint P. N. L6 introduit une marque de segmentation au début de cette proposition. – 163. Pais] Pierre P8. – 163. le bien venu N. – 163. et as bon c. creu P8 et as receu bon c. L4 car tu as creu bon c. N. – 163. et ne soies tr. L1 et pour tant ne soies pas tr. N. – 164. se ta f.] se tu as creu bon conseil et se ta f. P10. – 164. et se le p. enfant se repose Ars1 L3 P1 P4 P11 (L6) et se le p. enfant né se repose A J et se le p. se repose Ars2 B1 P2 N P10. – 164. avec elle] avecques toy Mu omis dans A. – 164. n. s.] dieu A . – 165. de donner] a donner P3. – 165. a qui il v. B3 B4 L1 L2 L6 R a qui qu’il lui plaist N. – 165 - 166. et de oster (...) osté] et d’oster a qui l’a d. (...) L2 et d’oster a qui il a d. (...) R (...) ce qu’il t’a osté C; et de oster ce qu’il donne (...) ce qu’il oste L3 et donner et rest. ce qu’il a osté B4. – 166. et pareillement de t. N. – 166. ton pleur] tout pleur Ars1 P6. – 166. a joye P8. – 166. Et donc] et adont H adont Ars1 L3 L5 (P8) et lors L2 atant L6. L3 L6 P7 introduisent ici une marque de segmentation. – 166. saint Pierre H N. – 166. le mena lors N. – 167. et lui monstra C L2 P1 P4 (L6 N P10 R). – 167 - 168. tous les lieux (...) mort] (...) et tous les lieux ou il souffry mort B2 (B4) (...) et le lieu ou il s. mort Ars2 B1 (Ars1 L5 L6); touz les lieux ou Jh. pr. et ou il s. mort C touz les lieux ou il s. mort P3. – 168. et ou il m. es ciex] et le lieu ou il m. es cielz C. – 168 - 169. et quant (...) ja passez] et quant il fu bien enfourmé (...) P6 et quant il fu bien entr. en la foy (...) B4 (...) en la foy de P. (...) A P10 (L6); quant celui pelerin eut esté avec saint Pierre l’espace de deux ans et qu’il fu de lui bien intr. en la foy N. P1 P4 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 168. a la foy P1 P4. – 169. et que .ij. ans] que .ij. ans P5 et que les deux ans Ars1 L5. – 169. passez ja B1. – 169. il monta] et monta B4, qui introduit ici un pied-de-mouche; il entra P6. – 169. a son paÿs Ars1 L5 P8 (a en son païs R).
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Paris, Bibliothèque Mazarine, 1729 (n° 14)
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et si conme il nagoient, il vindrent par l’ordenance de Dieu par delez la roche ou le corps de sa femme et l’enfant avoient esté mis, et donc fist tant par dons et par prieres que il apliquierent la. Et l’enfantel avoit esté tous jours gardez ylluec de la beneoite Marie Magdalene et aloit souvent a la rive de la mer et si come enfans font, il se jouoit des pierres et des cailloues sur la rive; et quant il vindrent la, il vit l’enfant jouant aux pierres sur la rive de la mer si come il avoit acoustumé, et donc se merveilla mout qui il estoit, et dont issi de la nef. Et quant l’enfant le vit, qui n’avoit onques veu telle chose, si ot paour et courut secretement aux acoustumees mamelles de sa mere et s’atapissoit [161 d] soux le mantel; et donc le pelerin ala la pour veoir plus appertement la chose et vit l’enfantel qui estoit tres bel sussant
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171. ou le corps de sa f. et de l’enfant av. esté mis. Correction d’après Ars1 L5. 170. et si conme] mais ainsi comme N. L3 L6 Mu P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 170. ilz n’avoient (?) G. – 170. par d. la r.] delés la r. P6 (L6) par devers la roiche H par emprés la r. L2 L3. – 171. ou le corps (...) av. esté mis] ou le corps de sa f. av. esté mis et l’enfant Ars1 L5 ou le corps de sa f. estoit P10. – 171. de la f. Ch N (L6) et de l’enfant B2 B3 B4 Ch J L1 L2 Mu N P5 P7 R (H P6 P8) et de son enfant P3 et de son filz Ars2 B1 C. – 171 - 172. et donc (...)] et fit tant qu’ilz vindrent la L6, suivi d’une marque de segmentation. – 171. et adonc H L2 adont Ars1 (P8) et lors L3 N alors L5. P7 P11 introduit ici un pied-demouche. – 171. il fist tant L2. – 171. par pr. et par dons Ars2 B1 par veux et par pr. B4. – 172. que ilz l’aplicquerent la H que il apl. la nef pour aler la P2 qu’ilz arriverent d’emprés celle roche N. – 172 - 175. Et l’enf. (...) acoustumé] ou ilz veyrent l’enfant que la benoite Magdalaine avoit tous j. g. le quel ainsi comme jeunes enfans font de coustume se j. de pierrettes sur la rive de la mer N. – 172. Et l’enf. (...) ylluec] et l’enf. avoit tous j. esté. g. illec Ars1 B2 (P1 P4) et l’enfançon avoit tous j. esté g. illec L5 (illec g. A) et l’enfançonnet avoit tous j. esté g. ilec L3 et l’enfant (...) J et l’enffant avoit esté gardé tous j. illec P8 et l’enfant avoit tous j. esté g. illec P5 P11 (L6 P10 omettent le dernier mot) et l’enf. avoit esté g. yleuc Ars2 (B1) et l’anff. (l’enffentet H) avoit esté tous j. gardés P6 (H) et l’enfancel avoit tous j. la esté nourriz B4. – 173. M. Magd.] Magdelaine P10. – 173. en la rive P3 de mer B4. – 173 - 174. et si come (...) et des c. sur la rive] omis dans L6. – 173. et si come] si comme Ars1 L5 ainsi come H P9. – 174. il j. L5 il se j. souvant P8. – 174. de p. Ars1 P9 aux p. B4 de pierrettes P10 des p. de la mer Ars2 B1. – 174. et des c. sur la rive] et de cailloux (...) P3 P10 (Ars1 P9) et aux cailloux (...) B4; (...) sus la rive G L4 P2 P6 P9 P11 (...) sur la rive de la mer L5; omis dans Ars2 B1. – 174 - 175. et des c. (...) de la mer] sus la rive de la mer P5 (saut du même au même). – 174. et quant il v. la] quant ilz v. la L5 et quant ilz v. H et quant ilz v. a la rive B4 et quant il vint la P6. L3 P7 P11 introduisent ici un piedde-mouche. – 175. il virent l’enfant Ars2 B1 (P10) il vint l’enfant L2 et le prince vit l’enfant L5. – 175. aux p.] de pierrez B4 omis dans P10. – 175. sur la rive] sus la rive G L4 P2 P6 P9 P11 omis dans B4 L6 P10. – 175. de la mer] omis dans B4 L6 P10. – 175. si come il avoit ac.] ainsi come (...) P10 et si comme (...) Ch omis dans P11. – 176. et donc (...)] et adonc se merv. (...) H et adont s’esmerv. (...) Ars1 et dont s’en merv. (...) B4 adont se merv. (...) L3 (P8) et se merv. (...) Ars2 B1 L4 L6 P2 P6 P9 et il s’esmerv. (...) L2 il s’esmerv. (...) L5; (...) qu’il y estoit P8 (...) que c’estoit P10; dont ilz s’esbahirent grandement qui il povoit estre N. – 176. et dont issi] et issi B4 C (P10) et dont il yssi A et adont yssi L2 adont yssi Ars1 (L5 P8) et adonc issi hors Ch et lors issi L3 et yssit hors H pour quoy celui pelerin pere du dit enfant issi N. L6 introduit ici une marque de segmentation. – 176. mais quant l’enfant L5 N. – 177. qui n’avoit (...) telle ch.] (...) tel ch. veu Ars1 L5 (...) veu telle voye L2 qui oncques n’avoit veu telle ch. P10 qui oncques telle ch. n’avoit veu N omis dans L6. – 177. il eut paour (...) L6 il ot si grant p. qu’il s’en c. N. – 177 - 178. et courut (...)] et comme secr. aux ac. mam. de sa mere courust L2. – 177. secret.] omis dans P3. – 177. aux coustumeez mam. B4 (P8) aux mam. ac. Mu aux ac. nouvelles mam. B3. – 178. de sa mere] omis dans L6. – 178. et se tapissoit Ars1 B2 B4 L2 Mu P5 R et s’i tapissoit P3 et s’atapi L4 P2 P9 (P6) ou il s’at. N et se tapit L6. – 178. soubz son m. P10 soubz le m. de sa mere L6. – 178 - 179. et donc (...) sussant] celui pelerin sieux lors l’enfant pour sçavoir qui il estoit le quel il trouva alaitant N. – 178. et adonc H L2 (Ars1 L5) adont L3 (P8). B2 L3 L6 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 178. ala] vint L6. – 179. pour v. app. L1. – 179. la ch.] omis dans P11. – 179 - 180. et vit l’enf. (...)] et vit l’enfant (...) A Ars2 B1 L5 P4 P10 P11 (L2 P5 P8) si vit l’enfançonnet (...) L3 et vit l’enfant tres bel (...) L6; (...) suçant les males mam. (...) P1 sachant les mam. (...) P11 et vit l’enf. suçant les mam. de sa mere qui estoit tresbelle P6.
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Traductions de la Legenda aurea
les mamelles de sa mere, et dont prist l’enfant et dist : « O beneoite Marie Magdalene, come je fuisse beneuré et toutes choses me venissent a bien se ma moillier respirast et s’en peust venir avec moy au paÿs. Je sai certainement et croy sans doubte que tu, qui m’as donné l’enfant et l’as peu par .ij. ans en ceste roche, porras bien la mere par ta proiere restablir a sa premiere santé. » Et a ces paroles, la femme respira et dist tout aussi come se elle s’esveillast de dormir : « Beneoite Marie Magdalene, tu es de grant merite et es glorieuse, car entre les dolours de mon enfantement, tu me fus ventriere, et en toutes mes neccessitez, tu m’as acompli service de chamberiere. » Et quant le pelerin oÿ ce, il se merveilla et dist : « Vifs tu, ma tres chiere et amee femme ? » Au quel elle dist : « Certes, je vif, et sui venue tout premierement du pelerinage dont tu viens; et tout aussi come le beneoit Pierres te mena en Jherusalem et te demonstra tous les lieux ou Nostre Sire souffri et fu mort et enseveli, et autres pluseurs lieux, je fui avec vous et fu la Magdalene ma compaigne et ma menerresse, et vi tous les lieux et mis en mon memoire. » Et
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188. le pelerin oÿ ceste, trois dernières lettres de ceste exponctuées. 180. et dont prist l’enfant] et adonc (...) H adonc (...) Ch P8 (Ars1 L5) et lors (...) L2 L3 L6 si (...) N omis dans P6. – 180. O ben. M. Magd.] o benoiste Magdalaine L6. B2 L3 L5 L6 introduisent ici une marque de segmentation. – 181. come] comment Ars2 B1 P3 que N. – 181. je fuisse] omis dans B4. – 181. bien euré Ars1 bien eureux H (N). – 181. et toutez mes chosez C et que t. ch. N. – 181. me ven. bien P1 P4 me ven. bien a point Ars1 L2 L5 N. – 182. se ma femme Ars1 Ars2 L2 L3 L5 Mu P5 P10 (L6). – 182. s’espirast P8 respitat B4 resuscitast N. – 182. et s’en p. v.] pour s’en v. N. – 182. o moy P6. – 182. Je sai] P7 introduit ici un piedde-mouche. – 182. et croy sans d.] et trop sans d. P7 sans d. P4 omis dans N. – 183. qui m’as gardé l’enfant et repeu l’espace de deux ans N. – 183. en ceste roiche garder H. – 184. la mere (...) santé] la mere par tes prieres rest. (...) Ars1 L3 L5 la mere rest. par ta priere (...) Ars2 B1 par ta pr. rest. la mere (...) C par ta priere la mere rest. (...) N la mere rest. a vie par tes prieres P10. – 184 - 185. et a ses paroles (...) B4 H P8 (J P5) et a ceste parole la dame resp. C. L3 L6 P10 introduisent ici une marque de segmentation. – 185. resp.] resuscita N. – 185. et dist tout aussi come (...)] et dist tout ainsi comme (...) Ars1 B2 et dist aussi comme (...) P3 (...) se elle esv. de d. B3 P8 et dist tout ainsi comme se elle se feust esveilliee de d. N et tout ainsi comme se elle s’esv. de d. dist en tel maniere L5. – 185 - 186. Ben. (...) glorieuse] benoiste Magdalaine tu es de grant mer. (...) L6 (...) comme tu es de grant m. (...) P6 o benoite M. Magdalaine que tu es vertueuse et de grant mer. plaine N. L5 L6 introduisent ici une marque de segmentation. – 186. car en toutes les d. C car entre les dormeurs H. – 187. ventr.] secours et ayde N. – 187. et en t. mes necc.] en t. mes necc. Mu P9. – 187. tu m’as fait et acomply N. – 188. Et quant] et P8 quant L5. B2 L3 P10 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 188. le pel. son mary N. – 188. oï ceste chose L4 P2 (A Ars1 Ars2 B1 B2 B3 B4 Ch G J L1 L2 L3 L5 L6 Mu P1 P3 P4 P5 P6 P7 P8 P9 P10 P11 R) oÿ ces paroles N. – 188. il s’esmerv. A il s’en merv. B4 L2 R il se merv. moult Ars1 L5 il s’esmerv. moult fort N. – 188. Vifs tu] veis tu P7 tu L1 es tu encore vivant N. P2 introduit ici un pied-de-mouche. – 189. Au quel (...)] L6 P10 introduisent ici une marque de segmentation. – 189 - 190. elle respondy et dist je suis vivant voirement et si suis revenue devant toy du pel. N. – 189. je vif voirement P1 P4. – 189. et sui v.] et viens C. – 190. tout prem.] tost prem. P6 prem. P5 P10 la premiere L6. – 190. du pel.] du voiage L6. – 190. et tout ainsi comme Ars1 L5 (P5 P8) car ainsi comme N et sicome L6. P11 introduit ici un pied-de-mouche. – 190. le benoit saint Pierre N. – 191. t’amena (?) L4 (le copiste introduit un espace à la suite des deux premières lettres, comme il le fait cependant aussi par exemple à la ligne 251 (sa procha)). – 191. et demoustra Ars1 L5 et te monstra L2 N P5 P10. – 191. ou n. s. souffry et fu mort et ensevely P11 (L5) ou n. s. souffry mort et ou il fu ensevely P1 P4 ou nostreseigneur soufrit mort et fut ens. L6 ou n. s. s. mort et ensevely L2. – 192. et autres lieux pl. B4. – 192. et je fui P2. – 192. et la Magdalaine fut L6 et fut la benoiste Marie Magdalaine H. – 193. ma comp. et ma men.] ma comp. et ma meresse Ars1 ma compaingne et ma nourrisse L3 ma comp. et celle qui me conduisy N ma men. Ars2 B1. – 193. et la vey tous les lieux dessusdis N. – 193. et mis en mon mem.] et mis en mem. H L6 et mis en ma mem. N P8 (dans P8, ma a été ajouté par le scribe au-dessus de la ligne) et les ay mis en ma mem. L3 en mon sens et mem. Ars1 L5.
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donc raconta plenement les lieux et les miracles que son mari avoit veus et ne forvoia onques en nul article. Et donc le pelerin reçut sa femme et son enfant et monta tous joieux en la nef, et un pou aprés, il vindrent au port de Marseille et trouverent la beneoite Marie Magdalene preeschant avec ses desciples; et donc s’agenoillierent aus piés d’ycelle et raconterent tout ce qui leur estoit avenu, et reçurent baptesme de saint Maximin; et donc destruirent il touz [162 a] les temples des ydoles en la cité de Marseille et firent eglises de Jhesucrist, et eslurent d’un accort le beneoit Ladre pour estre evesque de celle cité. Et en la parfin, il vindrent par la volenté de Dieu a la cité d’Ays et par mout de miracles amenerent le pueple a la foy de Dieu, et la fu saint Maxime ordené en evesque. Entretant la beneoite Marie Magdalene si fu couvoiteuse de l’amour souverainne et quist un tres aspre desert, et fu en un lieu qui li fu ordené par la main des angelz, et la demoura .xxx. ans sans congnoissance de nul, ou quel lieu il n’avoit ne cours d’yauves ne confort
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– 194 - 195. Et donc (...) en nul art.] omis dans L6 (saut du même au même ?). – 194. adont racompta Ars1 (L5 P8) et lors rac. L2 L3 elle racompta lors N. L3 L5 P7 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 194. plen.] premierement plain. L5 plain. et parfaictement N omis dans P10. – 194. touz les lieux C (P10). – 194. que son mari avoit veus] qu’elle avoit veue P10. – 195. et ne f. (...) art.] (...) en nul miracle P6 tout par ordre sans y riens oublier N. – 195. et adonc H (Ars1) adont L3 L5 (P8) et lors L2 N. Ch L3 L5 introduisent ici un pied-demouche. – 195. celui pel. N. – 196. et monterent L3 P1 P4 P11 puis monta N. – 196. tous j.] moult joieux L5 tout joieusement B4 a grant joye L6 moult fort reconforté et j. N. – 196. et un pou aprés il v.] et peu aprez v. L5 et tantost aprés v. et arriverent N et arriverent tantoust L6. – 197. ou il tr. N. – 197. ben.] omis dans L6. – 197. M. Magd.] Magdaleine B1 G (Ars2 L6) – 197. et donc] et adonc H adont Ars1 L5 (P8) et lors L3 et la N et L2 P10. L3 L6 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 198. aus piés d’ycelle] a ses piés C. – 198. et li rac. G L4 P2 P6 (A Ars1 L3 L5 L6 P1 P4 P9 P11). – 198. tout ce qui estoit avenu Ars2 B2 B3 B4 C L1 L4 L6 Mu P2 P7 R (Ch J L2 P5 P9). – 199. s. Maximien L3 P1 P4 P11 (H) s. Maxime L6. – 199. et donc destr. il] et adonc (...) Ch H (Ars1) adont (...) L5 (P8) aprés ce (...) L3 et dont destruistrent A (P9) et puis destr. N et lors ilz destr. L2 et lors destr. L6 et destr. B4. L3 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 199. touz les t. des yd.] touz leurs t. des yd. C les t. des yd. A touz lez yd. P3. – 200. qui estoient en la cité de M. L6. – 200. et f. egl. de Jh.] et f. egl. a Jh. P7 et furent esgl. de Jh. B1 et furent amis de Jh. H ou ilz ediffierent egl. en l’onneur de Jh. N. – 201. d’un acc.] d’un commun accord Ars1 tout d’un acort N omis dans H L6. – 201. le ben. L.] le benoit saint L. Ars1 L5 et ben. L. L1. – 201. pour estre ev.] a estre ev. A (déplacé après d’un acort) Ars2 B1 G L4 P1 P2 P4 P9 estre ev. L3 Mu P11 ev. L6. – 201. de celle cité] d’icelle cité Ch L2 P5 R omis dans A. – 201 - 202. Et en la p. (...)] en la p. (...) Ars2 B1 L5 et a la p. (...) L3 P11; (...) par la grace de dieu P10; (...) par la vol. de dieu il v. Ars2 B1 L4 P2 (A G L3 L6 P1 P4 P6 P9 P11); puis v. en la p. par la voul. de dieu N. L3 L5 L6 P10 P11 introduisent une marque de segmentation au début de cette phrase. – 202. en la cité A B4 L2 L3 L5 N P1 P2 P3 P4 P5 P8 P10 R. – 202. et par mout de mir.] par moult de mir. Ars2 B1 ou ilz par pluseurs mir. N. – 202. amen.] il amen. Ars2 B1 convertirent N. – 202. le pueple] le temple H. – 203. et sainct Max. y fut ordrenné en ev. L6. – 203. et fut H. – 203. s. Max] le beneoit Maximin C s. Maximin P5 P9 s. Maximen P6 s. Maximien L3 P4 (H) Maxime L5 Maximien P3. – 203. ordené] esleu C. – 203. en ev.] a ev. B2 B4 ev. Ars1 H L5 N. – 203 - 204. Entr. (...) quist] et la Magdalaine quist L6. A Ars1 Ars2 B1 B2 B3 B4 C G H L1 L2 L4 Mu P2 P3 P4 P5 P6 P7 P8 P9 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit. – 203. Entr.] et entr. P3 P8 P10 omis dans L5 N. – 203. la ben. Magdalaine P2 P10 (A Ars2 B1 B2 B4 G L3 L4 P1 P4 P6 P9 P11). – 204. si fu conv.] fu couv. Ars2 B1 P4 P10 (Ars1 L3) qui fut couv. L5 fu lors conv. N couvoitoit B4. – 204. en l’amour souv. P5 l’amour souveraine B4. – 204. et quist] si quist A Ars2 B1 C G L3 L4 P1 P2 P4 P6 P9 P11 quist L5 pour la quelle cause elle quist N. – 205. et fu (...) ordené] et en ung lieu (...) H et fut en lieu (...) Ars1 L5 (...) qui fu ordonné P7 (L6) ou elle fu et demoura par l’ordonnance N. – 205. par la main] par les mains A Ars2 B1 G H L3 L4 L6 P1 P2 P4 P9 P11 omis dans N. – 205. et la dem.] et dem. la Ars2 B1 omis dans N. P7 introduit ici un pied-de-mouche. – 205. .xxx. ans] l’espace de .xxx. ans N omis dans Ars2 B1. – 206. de nul] de personne du monde N. – 206. ou quel lieu il n’avoit] ou quel il (il omis dans L5) n’avoit Ars1 P6 (L5) ou quel lieu n’y avoit L2 et n’avoit ou lieu ou elle demouroit N. L6 P5 introduisent ici une marque de segmentation. – 206. ne cours (...) d’arbres] ne c. d’eaue (...) Ars2 B1 P8 quelque c. d’eaues (...) N; ne c. de eaues de confort d’arbres P9 confort d’iaues d’arbres P10.
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Traductions de la Legenda aurea
d’arbres ne d’erbes, et fu pource que il fust magnifesté clerement que Nostre Redempteur l’avoit ordenee a la refection des celestieux viandes et non pas terriennes. Et chascun jour a chascune heure canonial, elle estoit levee en haut des anglez et ooit les glorieux chans des celestieux compaingnies a oreilles corporeux, dont elle estoit chascun jour saoulee de ces tres soueves viandes; et dont estoit raportee de ses angelz a son propre lieu si que elle n’avoit mestier de corporelz nourrissemens. Si advint que un prestre qui desirroit mener vie solitaire, si prist une celle pour lui aussi come a .xij. toises pres de son lieu; et un jour, Nostre Sire aouvri les yex d’yceluy prestre et vit de ses yex corporelz en quelle maniere les angelz descendoient au dit lieu ou la beneoite Marie Magdalene demouroit et coment il la levoient en l’air, et puis aprés par l’espasse d’une heure, il la ramenoient avec louanges divines a celuy lieu. Et donc le prestre voult congnoistre la verité
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– 207. ne d’erbes] ne de bestes P6. – 207. et fu pour ce que il fust] et pour ce que il fust B3 P6 (...) qu’il ly fut H et ad fin qu’il feust N. – 207. cler.] omis dans L1 L6 N. – 208. redempt.] seigneur Ars2 B1 N. – 208. l’avoit ordené B2 B3 C Ch L1 Mu P3 R (A Ars1 B4 H L2 L6 N P5 P7 P8). – 208. a la reff. de cel. v. H a ref. des celestielz v. L3 P5 a ref. de celestiex v. L4 P2 (A Ars2 B1 B2 B3 B4 C Ch G J L1 L2 L5 L6 Mu N P3 P6 P8 P9 P10 P11 R) a ref. de v. celestieulz P1 (P4) a ref. de celestiel viande P7 a ref. celestieux v. Ars1. – 208. et non mie terr. L2. – 209. Et ch. jour (...)] ch. jour (...) L5; (...) et a ch. h. can. (...) P10; elle estoit tous les jours a ch. h. canoniale l. des angeles en hault N. A Ars1 B1 B4 H L2 L5 Mu N P1 P4 P8 P11 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit. – 209. estoit elle l. en hault des angres P7 ele estoit l. en l’air des angres L4 P2 (Ars1 Ars2 B1 G L3 L5 L6 P1 P4 P9 P11) elle estoit l. des angres en l’air A. – 210. et ooit] ou elle oioit N et avoit H. – 210 - 211. les gl. chans (...) corp.] (...) des compaignies celestielles (...) L6 les gl. chans celestielz N. – 210. a or.] aux orailles P8 et or. B2. – 210. oreilles] omis dans G. – 211 - 212. dont (...)] dont elle ch. jour saoullee de ces tressouefves v. estoit rap. L5. – 211. de ses tres s. v. B3 Ch J L1 Mu (B2 B4 C L2 P3 P5 P10 R) de tres s. v. N de ces tresdoulces v. L6 de tressavoreux v. H de ses souveraines v. P8. – 212. et dont estoit] et adont estoit Ars1 dont elle estoit P2 adoncques estoit L3 (P8) et lors estoit L2 N et puis estoit. L6. L3 introduit ici un pied-de-mouche. – 212. rap.] apportee Ars1 rapparee B4. – 212. de ces angres A L4 P2 (Ars1 B2 G H P1 P4 P6 P9 P11) des anges B3 B4 P10 (Ars2 B1 L3 L5 L6 N). – 212. a ses lieux H. – 212. si que n’avoit B1 si n’avoit P10 tellement qu’elle n’avoit N. – 212. pas mestier L3. – 213. de corporel nourrissement P8 de quelque corporel norrissement N. – 213. Si advint] advint L5 et il avint P10 il advint en celui temps N. B1 B4 L2 P4 P8 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit (un espace a été réservé dans A pour une lettrine ou un pied-de-mouche qui n’a pas été peint). – 213. qui desiroit a m. L5 P2 desirant de m. N qui desiroit mener vie sol. mener B3. – 214. si prist une c. pour lui] prist (...) L3 (Ars1 L6) pour luy prist une c. H si prist une c. A print et eslut une c. pour lui L5 prist une maisoncelle N. – 214. ainsi comme Ars1 L5 N (H). – 214. a .ij. t. P11 (L3 P1 P4) a .iij. t. G a douze tarses (?) P8. – 214. pres de son lieu] pres de ce lieu P10 de celi lieu C. – 214 - 215. et un jour (...)] et dont ung jour (...) H le quel prestre par l’ordonnance de nostre seigneur vey comment et en quelle man. N. – 215. ouvri Ars2 B1 Ch L3 (A Ars1 H L5 L6 Mu P1 P4 P5 P8 P11). – 215. d’yceluy pr.] de celui pr. Ch J P2 (Ars2 B2 B3 B4 G H L1 L4 L5 P6 P7 P8 P9) de cellui B1 de ce pr. P10. – 215. de ses yex corp.] des iex corp. L4 omis dans L6. – 215 - 216. en quelle man. les angelz] en quelle man. que les angles B4 coment les angres L6. – 216. au dit lieu] ou dit lieu H au lieu Ch. – 216. la ben.] omis dans L6. – 216. M. Magd.] Magdaleine B4 (P4). – 216. dem.] estoit ou elle dem. B1. – 217. et coment] et conme P8 omis dans P2. – 217. ilz la leverent H. – 217 - 218. et puis aprés (...) a celuy lieu] et puis par l’esp. (...) C et puis le ram. dedens une h. aprés a grant loenges a son propre lieu acoustumé N. – 217. de demie h. H. – 217 - 218. il la ram. (...) a celuy lieu] la ram. (...) Ars1 Ars2 B1 G L3 L4 L5 L6 P1 P2 P4 P6 P11 ilz la rem. (...) H ilz la removoient (...) L2 la rem. avec les loanges div. (...) P9; (...) avec loenges a celi lieu Ars2 (B1); (...) en celuy lieu H a ce lieu P10; la rem. en son lieu avec loenges A. – 218. Et donc] et adonc H (Ars1 L5) adont L3 (P8) et lors N et L2 L6 P10. L3 L6 P7 introduisent ici une marque de segmentation. – 218. celui pr. N. – 218. v. congn.] si v. congn. A B1 B2 L2 L5 Mu P1 P2 P4 P7 P8 P11 (Ars2 B3 C Ch G H J L1 L4 P3 P5 P9 R) congn. B4 si v. savoir P6 qui grant desir avoit de congn. et sçavoir N.
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de celle merveilleuse vision, si se comanda par ses proieres [162 b] a son Createur et s’en ala seurement a grant devocion au devant dit lieu; et quant il en aprocha au giet d’une pierre, les cuisses li comencierent a estre engordies come s’il fuissent liees et ses entrailles comencierent dedens luy a haleter de poour, et si tost come il retournoit, il avoit les cuisses et les piés tous prest d’aler, mes quant il s’efforçoit d’aler au dit lieu, tout son corps estoit enlangoré et ne se pooit mouvoir. Et donc entendi il sanz dobte que c’estoit un secret lieu celestiel au quel nul homme humain ne pooit aler, et donc appela le nom Jhesucrist et s’escria : « Je te conjure par Nostre Seigneur que se tu es homme ou autre creature raisonnable qui habites en celle
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224. tout son c corps, c exponctué.
218 - 219. la verité de celle merv. vision] la verité de ceste merv. vision Ars2 B1 la verité de celle merveille vision H la verité et l’exposicion de celle merv. vision N l’avenir de celle merv. vision P8 celle merv. vision Ch le mistere de celle benoiste vision et merv. P10. – 219. si se com. (...)] sy ce reconm. (...) P8 et se recomm. (...) P10; si (se Mu N) comm. (recomm. N) par ses prieres a son cr. A Ars1 B1 B2 L2 L5 P3 (B3 Ch G J L4 Mu P5 P6 P9 P7 R; P1 P4 omettent a son cr.) si com. a son cr. par ses prieres P2 si com. par ses pr. son cr. L1 si comença sa proiere envers son cr. C si commença a dire ses prieres a son cr. H. – 220. seur.] omis dans H L6 N. P11 introduit ici un pied-de-mouche. – 220. a grant dev. au devant dit lieu] a grant devotion au devant du lieu L2 a grant dev. au dit lieu L6 au dit lieu a grant dev. Mu a grant devocion deus au devant dit lieu P3 par grant dev. au dit lieu devotement H. – 220. au dit lieu B4 C ou devant dit lieu Ars1 L5 P4. – 220. et quant il apr. Ars2 B1 (Ars1 L2 L5 L6 R) mais quant il appr. N; et si come il app. du lieu P10. L6 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 221. au giet d’une p.] du giet d’une p. A Ars2 B1 P1 P4 P11 (Ars1 G L4 L5 P9) d’un giet d’une p. P2 le giet d’une p. B4 (P6) du ject d’une p. du lieu L6 omis dans N P10. – 221. les c. ly en conm. P6 les c. luy devindrent P10. B4 introduit ici un pied-de-mouche. – 221. a estre] estre A Ars1 Ars2 B1 L4 L5 L6 P1 P4 P9 P11 omis dans P10. – 221. eng.] toutes encordees N. – 221. si comme s’ilz feussent l. P3 aussi come s’ilz fussent l. P10 comme si fussent l. L2 comme s’elles fussent liiees L5 (L6) comme se elles eussent esté l. N come s’ellez fussent lassez H. – 222. et ses entr. (...) de p.] et les antr. (...) B4 (...) dedans luy hal. de paour L6 et ses entr. et comm. dedens li (...) L4 et ses entr. dedens comm. ded. li (...) L1 (...) a aleter dedans lui de paour P8 (...) a habiter de paour B3 et ses entr. lui comm. a hal. de paour A (...) a hateler aussi comme de paour P6; omis dans N. L6 introduit une marque de segmentation au début de cette proposition. – 222. si tost come] si comme Mu P6 P11, qui introduit ici un pied-de-mouche. – 223. il ret.] omis dans L6. – 223. les piés et les c. B4. – 223. tous pr.] touz pres Ch P2 P6 R (B3 B4 G J L1 L4 P7 P9 P10) prests Ars2 (P5) prestes B1 las A. – 223. d’aler mes quant il s’eff.] omis dans N. – 223 - 224. d’aler (...) au dit lieu] d’aler au dit lieu B3 (saut du même au même). – 223. mes quant il s’eff.] et si tost come il retournoit et s’eff. B4. – 224. d’aler au dit lieu] d’aler ou dit lieu L5 (Ars1) omis dans G. – 224. tout son corps estoit enl.] tout son corps et estoit enlangouré G L4 son corps estoit tout enlangorez H il estoit tout pres et tout estoit son corps alegouré (sans doute pour alengouré) A et estoit tout son corps en langueur N tout son corps estoit tout impotent L5. Omis dans L6. – 224. et ne se p. mouv.] et ne povoit m. Ars2 B1 P2 P9 (H L4) il ne povoit mouv. L6. – 224. Et donc] et adonc H L2 (Ars1 L5) adonc P8 donc Ars2 B1 P2 L4 (P6 P9) et lors L3 L6 par quoy N. P1 P4 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 225. entendit il que c’estoit (...) L5 entendoit il que c’estoit (...) Ars1 il entendy que c’estoit (...) N ent. il que sans doubte c’estoit un s. lieu cel. A G P1 P11 (L3 P4) ent. (actendi P9) il que sans doute (sanz d. que B1 P6) c’estoit (cessoit L4) .j. s. cel. P2 (Ars2 B1 L4 P6 P9) il entendit que c’estoit .j. cel. s. L6. – 225. humain] mondain, tracé et remplacé par humain P8. – 226. et adont appella Ars1 et dont appela il C et donc il appella L6 adonc appella P8 adont il appella L3 et lors appella L2 N si apella L5. L3 L6 introduisent ici une marque de segmentation. – 226. le nom de Jh. Ars1 B2 B4 H L2 L5 N le nom nostre seigneur P6 (A) le nom (de P4) nostre seigneur Jh. P1 (P4). – 226. et s’escria] s’escria L1 et dist L6 en son ayde et s’escria disant N. – 226. par n. s.] de par n. seigneur P1 P2 P4 (H L6 P8 P11); (de A) par Jhesucrist P10 (A); de par le nom de n. s. L2; de par dieu Ars2 B1. – 227. en ceste f. L2 R en icelle f. P8.
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Traductions de la Legenda aurea
fosse, que tu me respondes et me di la verité de toy. » Et quant il ot ce dit .iij. fois, la beneoite Marie Magdalene respondi : « Vien plus pres et ton ame sara la verité que elle desire. » Et dont celuy vint tramblant jusques a la moitié de la voie et elle luy dist : « Te souvient il de l’Euvangile, de Marie Magdalene, celle tres renonmee pecherresse, qui arrousa et lava les piés du Sauveur de ses lermes et torcha de ses cheveux, et desservi pardon de ses pechiez ? » Et le prestre dist : « Je m’en recorde bien, et il a ja plus de .xxx. ans passez que Sainte Eglise croit et confesse que ce a esté fait. » Et donc dist elle : « Ce suy je qui par l’espasse de .xxx. ans ay esté sanz congnoissance de nul; et si conme il te fu hier souffert a veoir, ainsi suy je chascun jour eslevee par la main des angels en l’air, et ay desservi a oïr de mes oreilles corporelz chascun jour .vij. fois le tres souef chant des compaignies celestieux. Et pource que il m’est revelé de Nostre Seigneur que je doy trespasser de ce siecle, va t’en a saint Maximin et li di que le plus prochain jour de la [162 c] Resurrection Nostre Seigneur, au temps que il a acoustumé a lever a matines, que
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– 228. que me resp. (...)] que me dyez la verité de toy L6. – 228. que me resp. B2 B3 J L1 L2 Mu P3 P5 P7 P8 P10 R (B4 C L4) que tu resp. Ars1 L5. – 228. et diz B4 et dies N P6 P10 et me dies Ars1 L3 L5 P3 P7. – 228. la verité de toy] qui tu es N. – 228. Et quant] L6 P7 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 228. ce dit] ainsi dit N. – 229. M. Magd.] Magdaleine B4 (L6 P4). – 229. lui respondy et dist N. – 229. Vien (...)] L6 introduit ici une marque de segmentation. – 229 - 230. et ton ame sara (...)] a ton ame sara (...) L4 et ton ame sera (...) Ch (...) de ce que elle d. L6 (...) que elle d. savoir P6 si savras ce que tu desires Ars1 (L5) si sçavras la verité de ce que tu demandes N. – 230. et adonc H (Ars1 L5) adont L3 (P8) et lors L2 N. L3 introduit ici un pied-de-mouche. – 230. celui s’approcha tout tr. N. – 230. et elle dist H P8 et la oÿ la benoite Magdalaine qui lui dist N. P11 introduit ici un pied-de-mouche. – 231. Te souv. il] se souv. il L4 te souv. P8. L6 P2 introduisent ici une marque de segmentation. – 231. de l’euv.] omis dans C H L3 P1 P4 P11. – 231. de M. Magd.] de Marie Ars2 B1 B2 B3 C Ch H J L1 L2 L4 L6 Mu N P2 P3 P5 P6 P7 P9 P10 R Marie B4 omis dans P8. – 231. celle tres ren. pech.] celle ren. pech. Ars2 B1 tres ren. pech. H de celle tres renonmee pech. Marie P8 – 232. qui arr. et lava] qui lava P1 P4. – 232. les piés de nostre seigneur de ses l. B4 de ses larmes les piés du sauveur N. – 232. et torcha] et les torcha L6 P10 et essuya L3 (N) et les essuia B1 Ars2. – 232. de ses ch.] Le dernier mot a manifestement fait l’objet d’un remaniement dans L1 (thone (?), corrigé en choveus). – 233. et dess.] la quelle des. N. – 233. et le pr. li dist G L4 P2 (Ars1 L3 L5 P9 P11) et le pr. respondi A (L6) et lors parla le pr. et dist N. L6 P7 introduisent ici une marque de segmentation. – 233. je m’en rec. de bien G je m’en rec. tres bien N je me rec. bien H P3 P6. – 234. et il a ja] et ja il a B1 et il y a ja P3 et il y a L6 il y a H mais il a ja L3 car il y a ja N. – 234. eglise croit] omis dans P6. – 234 - 236. que ce a esté fait (...) de nul] que ce a esté sans cogn. de nul G (saut du même au même). – 235. Et donc dist elle] et adont dist elle Ars1 L5 adont dist elle L3 (L6 P8) et lors elle dist L2 et elle dist P6 la benoite Magdalaine lui respondy lors et dist N; omis dans P2. L3 L6 introduisent une marque de segmentation à cet endroit et L6 à nouveau au moment de la prise de parole par Marie-Madeleine. – 235. ay cy esté P4 ay esté cy L2 ay icy esté N. – 236. sans compaingnie ne congn. de personne du monde N. – 236. et si (...) a veoir] et ainsi come (...) P6 elle ce fut hier s. a veoir Mu et ainsi tu veys hier par la voulenté de dieu N. – 236. il te fu hier] il se fu hier Ch P7 il fust hier L2 elle ce fut hier Mu. – 236. ainsi] aussi A B2 B3 B4 G J L1 L2 Mu P2 P3 P7 P9 R (L4 P5). – 237. esl. (...)] eslee (?) (...) G L4 levee (...) C (...) par les mains (...) A Ars1 Ars2 B1 G L3 L4 L5 L6 P1 P2 P4 P9 P11; esl. en l’aer par la main des angeles N. – 237. et ay dess. a oïr] et ay desservir a ouÿ (?) P8 et oy N. – 238. de mes or. corp.] des mes or. corp. P9 de mes propres or. corp. B1 de mes or. L6 N. – 238. .vij. fois] une fois Ars1 L5 omis dans A L6. – 238. le tres doulz s. chant P3 les tres souefs chans B4 lectres souefz chans H les souefz chans P8 le tres doulx chans L6. – 238. des comp. cel.] celestiel N. – 239. il m’est revelé] m’est revelé P2 il n’est revelé R. L3 P7 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 240. de ce s.] de cest s. H omis dans P11. – 240. a s. Maxime B3 (L6 N) P1 P4 a s. Maximien B4 H L3 a s. Maximi R a Maximin L5 a Maximien Ars1. Forme du nom incertaine dans P3 (un jambage manquant). – 240. que plus prouchain jour Mu que je le plus prouchain jour B4 que le pr. jour N. – 240. aprés la res. N. – 241. de n. s. Ars1 L5. – 241. ou temps C L5 P10 a l’eure N. – 241. de soy lever N. – 241. aux mat. L5. – 241. et qu’il entre N.
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il entre tout seul en son oratoire, et que par le mistere et service des angels, il me trouvera la. » Et le prestre ooit la vois d’ycelle aussi conme la vois d’un ange, mes il ne veoit ame; et dont ala tantost a saint Maximin et li conta tout par ordre, et donc saint Maximin fu replanis de grant joie et rendi tres grans graces a Dieu. Et au jour et a l’eure que il li fu dit, il entra en l’oratoire et vit la beneoite Marie Magdalene qui s’estoit encore ou cuer en la compaignie des angels qui l’i avoient amenee, et estoit eslevee de terre par l’espasse de deux coutees et oroit a Nostre Seigneur, les mains estendues. Et si come saint Maximin doubtoit aler a elle, elle se retourna vers luy et li dist : « Vien ça, mon prop[r]e pere, et ne fuy pas ta fille. » Et donc quant il s’approcha, si come l’en list es livrez de celuy Maximin, il vit que
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250. prope. 242. tout seur Ars2 B1 L4 L6 P2 P6 (P9). – 242. et que la N (et que le B3). – 242. pour le mistere L3 par le ministere Mu. Le début du troisième mot, partagé entre la fin d’une colonne et le haut de la suivante, est absent de P5, dont la leçon est ainsi rendue incertaine. – 242. et le service P8 (Ars2 B1) et servi R. – 243. il me tr. la] me tr. la A B2 B3 C Ch J L1 L2 L4 Mu P2 P3 P5 P6 P7 P8 P9 P10 R (B4) il me tr. N. – 243. et le pr.] le pr. L5 celui pr. N. – 243. d’ycelle] d’elle H L6. – 243. aussi conme] ainsi comme Ars1 L5 (P8) si come P10 comme B1 (Ars2). – 243. la vois] omis dans L5 P4 P10. – 243. d’un ange] d’ange L6. – 244. mais il ne v. home B4 mes il ne le v. mie C. – 244. et dont ala t.] et adont ala t. Ars1 adont ala t. L3 (P8) et donc il ala L6 et ala t. P3 et il ala t. L2 et t. s’en ala B4 le quel s’en ala t. N. L3 P7 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 244. a s. Maxime P4 a s. Maximien H L3 P8 a s. Maximi R a Max. P6 devers s. Maxeme N. Forme du nom incertaine dans P3 (un jambage manquant). – 244. au quel il compta tout par ordre ce que la Magdalaine lui avoit dit N. – 245. et donc s. Max fu] adont s. Max fut Ars1 L5 et (omis dans P8) adonc s. Maximien fut H (L3 P8) et dont s. Maxime fu P4 et s. Maxime (Maximi R) fust L2 (R) et lors saint Maxime fut L6 et lors fu s. Maxime N. Forme du nom incertaine dans P3 (un jambage manquant). P11 introduit ici un pied-demouche. – 245. rempliz B4 (Ars1 B2 H L2 L3 L5 L6 N P5 P9) plain P8. – 245. de trez grant joie C de joye L6. – 245. et rendi graces Ars2 B1 (L6) et rendi tres graces P8 dont il rendy gr. et loenges N. – 245. dieu] nostre seigneur P2 dieu de paradis N. – 246. Et au jour et a l’eure] et au jour a l’eure L6 et a l’eure et au jour P2 et au dit jour (...) Ars1 L5 le quel saint au jour (...) N. P1 introduit ici un pied-de-mouche. – 246. qui lui fu dit B1 (Ars2 H L5 P10) que il fu dit B2 Ch P7 (B4) que le prestre lui avoit dit N. – 246. en son or. L1 N. – 246. M. Magd.] Magdeleine Ars2 B1 (L6). – 247 - 248. qui s’estoit (...) am.] qui estoit (...) B2 L2 R qui seoit (...) Ars1 la quelle estoit (...) N qui s’estoit ou cuer (...) P10 qui estoit ou cuer (...) L3 (...) encore en la comp. des anges (...) P8 (...) avec la compaignie des angres (...) Ch que les angeles av. am. L5. – 247. qui lui av. am. A Ars1 B1 B2 L2 P1 P3 P4 P11 (L3 P5 P7) qui l’av. am. L6 P9 P10 (B4) qui la l’av. am. N qui l’i avoit am. B3 qui lui avoit am. Mu qu’il lui avoit adm. P8. – 248. et estoit esl. de terre par l’esp.] et s’estoit esl. (...) B4 (...) de terre la haulteur N et estoit esl. de ceulx par l’espace H et par eulz estoit esl. de terre la haulter L5. – 248. de terre par deux coutees L6, précédé d’une marque de segmentation. – 248. de deux coutes Ars1 B2 L1 L3 L5 Mu N P1 P3 P5 P6 P7 P8 P9 P11 (A Ars2 B1 B3 C Ch G J L2 L4 P4 P10 R) de deux foiz H. – 248. et aoroit a n. s. Ch (B1 P3 P10) et oroit n. s. J P8 et ora a n. s. P6 en aourant n. s. N. – 249. les mains jointes N. – 249. et si comme s. Maxime P4 (L6) et si come s. Maximien H (P8) ainsi comme celui s. Maxeme N. L3 P10 introduisent ici un pied-de-mouche. – 249. aler a elle] a aler a elle C L1 L3 L6 P6 P9 d’aler vers elle N aler vers elle B2 B4. – 250. elle se ret. (...) et li dist] elle luy dist L6. – 250. elle se retournoit P4 P8 ele se torna P2 (Ars2 B1 G P10). – 250. vers luy] devers li P2 a lui J (P6) vers N. – 250. et dist A. – 250. mon propre pere C mon fre (tracé) pere propre L4 mon pere N. – 250. et ne fuy pas] et ne fuit pas L1 ne fui pas N et ne fuiz je pas L2 et ne sui je pas R (H). – 250. ta propre fille Ars2 B1. – 251. Et donc] et adonc H (Ars1) adont L3 L5 (P8) et Ars2 B1 Ch P11 et lors L2 (N). – 251. quant] si come B4. – 251. il approucha P1 L3 P4 (P11) il l’apr. Ch. – 251. si come (...) Max.] (...) d’icellui Max. (Maximi R) B1 L2 Mu P1 P11 (G R) (...) d’icellui Maxime P4 (...) de celuy Maximien H (P8) (...) de celui Maxeme N (...) de saint Max. B4 comme on list es l. de cellui Maxeme N si comme on lit ou livre d’icellui Max. L3 sicome on list en ses livres L6 si come il dist ou devant dit livre d’iceluy Max. P10 si come es livres d’icellui Max. est contenu A (deux premiers mots ajoutés audessus de la ligne). – 251 - 253. il vit (...) de soleil] il vit sa face resplandissant come les rays du soulail L6.
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pour la continuee vision des angelz chascun jour, le voult de la dame resplendissoit aussi come se ce fus[se]nt rais de soleil. Et donc tous les [clers] furent appelez et le prestre, et Marie Magdalene reçut le corps et le sanc Nostre Seigneur de l’evesque a grant habondance de lermes, et aprés elle estendi tout son corps devant l’autel et sa tres sainte ame trespassa a Nostre Seigneur; et aprés son issue, si grant oudeur de soueveté remaint yllec que elle fu sentue par l’espasse de .vij. jours de[s] entrans la, et le beneoit Maximin oint le corps d’ycelle de divers oingnemens et l’enseveli honnourablement, et puis comanda estre enseveli delés elle aprés sa mort. Egisipe, selonc aucuns livres, et Josephus s’acordent assez avec la dicte hystoire, et Josephus dist en un sien tretié que Marie [162 d] Magdalene, aprés l’ascencion Nostre
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253. aussi come se ce fust nt rais de s. (aucune trace visible d’intervention du scribe). – 253. et donc tous les prestres furent app. et le pr. Correction d’après P2 (A Ars1 Ars2 B1 B4 G H L1 L3 L4 L5 L6 P1 P4 P6 P9 P11). – 257. de entrans la. Correction d’après A Ars2 B1 B2 B3 B4 C Ch G H L1 L3 L4 L5 Mu P1 P2 P3 P4 P5 P7 P8 P9 P10 P11 R (Ars1 L2).
252. pour la cont. vision] la cont. vision L2 R pour (par H) la continuelle vision N (H) pour la continue vision P8 pour l’acoustumee vision Ars1 L5 pour la cont. vie B4. – 252. le voult] le visage L3 la face L2 L5 N le corps Ars1. – 252. de la dame] d’elle L2 de la glorieuse Magdalaine N omis dans P3. – 253. aussi come] ainsi comme Ars1 L5 comme N. – 253. se ce f. rais de s.] se ce fussent rais de s. Ars2 B1 Ch G L4 L5 P2 P11 (A Ars1 B2 B3 C H J L1 L2 L3 Mu P1 P3 P4 P5 P6 P7 P8 P9 P10 R) se ce feust la ray du soul. B4 rais de s. N. – 253. Et donc] et adonc H (Ars1 L2 L5) adont L3 (L6 P8) lors B4 pour la quelle N. L3 P7 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 253. touz les clers f. app. P2 (A Ars1 Ars2 B1 B4 G H L1 L3 L4 L5 L6 P1 P4 P6 P9 P11) tous les apostres f. appellez P5. – 254. et le pr.] et les prestres A Ars1 G L3 L5 P1 P4 P11 omis dans C L6 N. – 254. et M. Magd. (...) de l’ev.] et la benoiste Magdalaine receut le saint corps (...) L6 car elle vault illec recepvoir par les mains de l’ev. le corps et le sang n. s. N. – 254. receurent H Mu P5 P10. – 254. et le sanc] omis dans H P10. – 254. de n. s. Ars1 B2 L1 L5 P1 P4 (L3). – 254. de l’ev.] d’ev. P8 et l’ev. Ars1 des mains de l’ev. L6 par la main de l’ev. L5. – 255. en grant hab. P7 (N). – 255. et aprés] aprez L5 et aprés ce P10 et adonc H quant elle eut receu le vray et digne corps de nostre doulz sauveur Jhesucrist N. L6 P11 introduisent ici une marque de segmentation. – 255. tout son corps] son corps A Ars1 L5 L6 N P5 P6 P10. – 256. et (...) a n. s.] et illec rendy son ame a dieu devotement N. – 256. sa tres s. ame] sa sainte ame Ars2 sa sainte B1 son tressaint corps P10 omis dans L6. – 256. tr. a n. s.] tr. en n. s. P5 P6 P8 P10 (L6) tr. en H. L3 L5 P1 P10 P11 introduisent un pied-de-mouche avant la proposition suivante. – 256 - 258. et aprés (...) le ben. Max.] et saint Maxime L6. – 256 - 257. et aprés (...) rem. yllec] (...) revint illec P1 (P4) (...) demoura ylec Mu; (...) si grant s. d’oudour rem. yleuc Ars2 (B1) si tres grant souefté d’oud. rem. yleuc P10; et aprés son yssue fist grant oud. de souefveté et rem. illec P5; et aprés fu (fust L2) si grant oud. illec R (L2); et (omis dans L5) aprez son yssue une oud. de souefveté rem. illec Ars1 (demoura illec si odorant L5); et aprés son yssue fut grant oud. de soueveur illec et telle et si grant P8; et aprés la quelle ame ainsi a dieu rendue si grant et soueve oud. demoura illec N. – 257. par l’espace de sept lieux H. – 257. des entrans la A Ars2 B1 B2 B3 B4 C Ch G H L1 L3 L4 L5 Mu P1 P2 P3 P4 P5 P7 P8 P9 P10 P11 R des entrans Ars1 L2 des entre eulx la P6 de tous ceulx qui entroient en la ditte eglise N. – 258. et le ben. Max.] et le benoit Maximi R et le benoit saint Max. Ars1 et le benoist Maximien H (P8); (et P4) le benoit Maxeme N (P4). P7 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 258. le corps d’elle L2 R. – 258. de dignes oingn. B4. – 258. l’ens.] l’evesque li R. – 259. et puis (...)] et comm. (...) P10 et puis se comm. (...) Ars1 L5; et puis com. a estre ens. (...) G (P6) et puis com. que on l’ensevelesist (...) C; puis comm. qu’il feust aprés sa mort delez elle ensevely N. – 259. devers elle H d’emprés elle Ars1 L2 (L5) enprés elle P10. – 259. B2 H L2 P1 P4 P8 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit (un espace a été réservé dans A pour une lettrine ou un pied-de-mouche qui n’a pas été peint). – 259 - 294. Omis dans L6 qui enchaîne directement sur les propos consacrés au mariage de saint Jean et de Marie-Madeleine. – 259 - 260. Eg. (...) hyst.] Eg. et Jos. selon aulcuns l. (...) N (...) s’acorde il assez (...) P9; Egis. selon auc. l. de Jos. s’accorderent assez (...) Ars1; omis dans L5. – 260. et Jos.] Jos. B3 L5 car celui Jos. N. Ch L3 P10 introduisent ici un pied-de-mouche. – 261. dist] omis dans P5. – 261. en ung traictié P10 en une sienne hystoire P6. – 261. la benoite M. Magdalaine Ars1 L5.
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Seigneur, pour l’ardeur de la charité Jhesucrist, pour l’ennuy et le desconfort que elle avoit, ne vouloit veoir nul homme, mais puis que elle vint en la terre d’Ays, elle s’en ala ou desert et maint la .xxx. ans sans congnoissance de nul; et dist que chascun jour aus .vij. heures canoniaux, elle estoit eslevee en l’air des angelz. Mais il dist que quant le prestre vint a elle, il la trouva enclose en sa celle et li requist un vestement, et [il] li bailla et elle le vesti, et s’en ala avec luy a l’eglise et la reçut comunion, et donc se mist en oroisons les mains jointes et reposa en pais. Es temps de Charles le Grant, en l’an de Nostre Seigneur .lxxj., si come le duc de Bourgoigne ne povoit avoir nul enfant de sa femme, si donnoit largement de ses biens aux povres et fondoit mout d’eglises et mout de monstiers; et quant il ot fait l’abeÿe de Zeliazeuse, luy et l’abbé de ce monstier envoierent a Ais pour aporter
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267. et elle li bailla. Correction d’après Ars2 C G L1 L4 P2 (Ars1 B1 H L3 L5 P1 P4 P6 P9 P10 P11). – 268. Le marqueur qui signale cette articulation du récit n’a pas été peint, mais la mise en page du texte montre qu’une segmentation était prévue à cet endroit. 262. nostre seignor Jh. P2. – 262. par l’ardeur P3. – 262. de charité R. – 262. et pour l’ennuy P10. – 262. et le desc.] et desc. P1 P4 P11 L3 le desc. et la grant repentance N. – 263. qu’elle avoit de ses pechiés N. – 263. ne vouloit ele v. P2 elle ne vouloit v. N ne (bissé dans P1) voult v. P1 P4 P11 (L3) ne povoit v. H. – 263. maiz puis que vint P3 mais puis qu’elle vit G car puis qu’elle vinc N. – 263. en t. d’Ays B4. – 264. elle s’en ala (...)] elle ne cessa oncques tant qu’elle fu en ung d. N. – 264. en desert B3 Ch. – 264. et maint la] et remaint la L2 et demora la H (L3 L5 Mu P5) et la demoura P10 ou quel elle demoura N. – 264. .xxx. ans] trente et un an Mu omis dans P3. – 264. sans avoir compaingnie ne cogn. a personne du monde N. – 264. de nul] d’homme ne de femme L5 (Ars1). – 264 - 265. et dist que ch. jour] et dit que a ch. jour Mu et dit que A. L3 P11 introduit ici un pied-de-mouche. – 265. canonielles P9. – 265. esl. (...)] des angres esl. en l’air Ars2 (B1 P5) esl. en l’aer des angeles de paradis N. – 266. quant le pere pr. B1. – 266. que il la tr. A Ars2 B1 G L4 P1 P2 P4 P9 (L3). – 266. enclose] déplacé après en sa selle dans H; omis dans A P1 P4. – 266. en sa celle] en la selle P8 en sa chartre celle P6 omis dans A. – 266 - 267. et li requist (...) bailla] omis dans A. – 266. et elle luy requist P10. – 267. et il li b. Ars2 C G L1 L4 P2 (Ars1 B1 H L3 L5 P1 P4 P6 P9 P10 P11) et elle li b. R et lui b. L2 P8 omis dans B3 N. – 267. et elle le v.] et le vesti B2 B4 elle le v. L5 et il le v. P5 et elle la v. B3 Ch P3 P7 R (Mu) la quelle le vesty N. – 267. puis s’en ala N et ala A Ars2 B1 L1 L4 P2 P6 P9. – 267. en l’eglise A L3. – 267. et la reçut] ou elle receupt N. – 268. et adonc se mist H (Ars1 L5) adont se mist L3 (P8) et dont elle se mist A et lors se mist L2 N. P1 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 268. en oroison A Ars1 Ars2 B2 B3 C Ch G H J L1 L2 L3 L4 L5 Mu P1 P2 P3 P4 P5 P6 P7 P8 P9 P11 P10 R (B4). – 268. a mains j. B4 L2 R et les mains joinctes H. – 268. et reposa en pais] en rendant son ame a dieu nostre seigneur N. – 268. Es temps (...)] au t. P2 ou t. Ars1 B2 C H L5 N P7 P8. H L2 P1 P5 P8 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit. Un pied-de-mouche a été ajouté dans P4; dans A, un espace réservé pour une lettrine ou pour un pied-de-mouche n’a pas été complété. Enfin, il est difficile d’interpréter les signes qui figurent dans P1 et de déterminer s’ils sont dus au copiste ou s’ils résultent d’une intervention a posteriori. – 269. de Ch.] Ch. P6. – 269. en l’an (...) .lxxj.] en l’an n. s. .lxxj. P3 en l’an .lxxj. B4 (...) .viijc. .lxxj. L1 (...) .lxx. H; omis dans L5. – 269. ainsi comme N. – 270. avoir enfant nul L3 avoir enfant Ars1 L4 L5 P2 P9 (P6) avoir nulz enfans B2 N (B4) avoir enfanz Ars2 (B1). – 270. si d.] et si d. N il d. L3 L5 R. – 270. de ses biens larg. N P10 l’argent de ses biens J P8 (au départ, même leçon dans R, corrigée de manière approximative afin d’obtenir l’adverbe largement). – 271. es povrez H. – 271. et faisoit fonder pluseurs egl. N. – 271. et mout de m.] et de m. Ars2 H P10 (B1) et de monasteres L5 omis dans N. – 271. et quant] quant L5 et que H le quel quant N. P11 introduit ici un pied-de-mouche. – 271. fait] suivi du début d’un mot dont on ne devine pas la partie manquante dans B1 et omis dans L2. – 272. Vezelay H. – 272. et lui et l’abbé B1 (Ars2). – 272. de celle abbaÿe N. – 272 - 273. env. ung m. souffisamment acompaingnié a Ais pour avoir et ap. s’il povoit des rel. de la Magdalaine N. – 272. an Ays P8. – 272. pour aporter en] pour en app. Ars1 P11 (L5 Mu P9) et pour appourter en H pour ap. Ars2 B1 L2 P10 R (A L3 P1 P4 P5) pour emporter en B2 B4 pour pourter en P8.
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Traductions de la Legenda aurea
en, s’il pooit, des reliques de la Magdalene un moine avec souffissant compaignie. Et quant ce moine vint a la dicte cité, il la trouva toute destruite de paiens; et donc d’aventure il trouva le sepulcre, car la sepulture de marbre demonstroit que le corps de la beneoite Marie Magdalene reposoit ylluec, et l’ystoire estoit entailliee merveilleusement d’ycelle en celuy sepulcre. Et donc ce moine l’ouvri par nuit et prist les reliques et les aporta a son hostel; et en celle nuit, Marie Magdalene apparut a ce moine disant : « Ne te doubte, mes parfai ton oeuvre. » Et donc s’en vint jusques a demie lieue de son monstier, mes il ne pot en nulle maniere mouvoir les reliques d’ylluec tant que l’abbé [163 a] et les moines y vindrent a procession et les reçurent honnestement. Un chevalier qui chascun an avoit acoustumé a aler au corps de la beneoite Marie Magdalene fu occis en bataille; et si come ses amis le plouroient en la biere, il disoient par douces complaintez a la Magdalene :
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– 273. s’il p. des rel.] s’il povoient des rel. Ars2 B1 P2 (Ars1 C L2 L5) si povoyent des rel. H se l’en povoit des rel. A si povoit les rel. P9 s’il povoit de rel. P3 des rel. s’il (s’ilz L2) povoient R (L2) s’ilz peussent des rel. P10 des rel. P5. – 273. ung m. de ce moustier P8. – 273. avec souffisanment a comp. (ou acompaignié ?) R. – 274. Et quant] quant L5 mais quant N et si comme Ars2 B1. P7 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 274. ce m.] le m. B2 Ch (B4) il N. – 274. en la ditte cité L2 (P4). – 274. des payens B4 L5 N P4 (H P1; leçon confuse dans P8). – 275 - 276. et donc d’av. (...)] adont d’av. (...) Ars1 (L3 L5 P8) et d’av. (...) L2 neantmoins il tr. d’av. le sep. de m. sur le quel estoit demoustré que le corps de la benoite Magdalaine rep. illec N. L3 introduit ici un pied-de-mouche. – 275. il trouva] Étrangement, le décorateur de B1 a introduit un pied-demouche entre ces deux mots (la première lettre du pronom est en outre ornée de dessins à la plume qui se prolongent dans la marge supérieure de la page). – 275. le sepulcre] la sepulture H. – 275. car la sep. de m.] car sa sep. de mabre Ars2 B1 car la (le Ars1 L2 L5 P5 P10) sepulcre de mabre P3 (Ars1 L2 L5 P5 P10) quar la sep. L1 (P1 P4). – 275 - 276. dem. bien que la benoite dame M. Magdalaine Ars1 (L5). – 276. la ben.] benoite Ch. – 276. M. Magd.] Marie A Magdeleine Ars2 B1. – 276 - 277. et l’yst. de cele (d’icelle A B1 Ars2 C G L1 L3 L4 L5 P1 P4 P6 P9 P10 P11 (Ars1)) estoit entaillie merv. (merv. ent. C P10) en celi sep. P2 (Ars2 B1 C G L1 L3 L4 L5 P1 P4 P6 P9 P11; A modifie les trois derniers mots de cette leçon, voir variante suivante); et l’ist. estoit ent. d’icelle en cellui sep. Mu; et l’yst. estoit entaillee (entablee H) merv. en cellui sepulchre P5 (H) et estoit l’yst. d’icelle merv. bien entaillie dessus celui sep. N. – 277. en celuy sep.] ou sep. B4 illec A. – 277. Et donc] et adont Ars1 adonc H (L3 L5 P8) le quel sepulcre N. L3 P1 P11 introduisent ici un pied-demouche. – 277. celui moine N (Ars1 L5). – 277. l’ouvri] ouvry N. – 277. par nuit] omis dans N. – 278. les rel. qui estoient dedens N. – 278. et les porta L2 et les enporta P2 P10 (L5) et les osta et app. P4 les quelles il porta N. – 278. en son h. Ars1 B2 B4 H L5 N P1 P3 P4 P7 P8 a son homme G. – 278. et en celle nuit] en celle nuit P7 et dont celle nuit C. B2 P7 P10 introduisent ici un pied-de-mouche. – 278. M. Magd.] la Magdalaine N. – 279. s’app. Ars2 B1 C N P6 P8 (P10). – 279. a cellui moyne B4 L5 a ycelui moyne P10 au dit m. N. – 279. disant] en disant N et lui dit L5. – 279. ne te d. de riens N P2. – 279. mes parfai] et parfay N et maiz parfay B1. – 279. ton oeuvre comme tu as encommencié N. – 280. Et donc s’en vint] et adonc s’en vint H adonc s’en vint P8 et donc s’en revint A Ars2 B1 G L1 L4 P2 (P1 P4 P9 P11) adont s’en revint Ars1 L5 (L3) et lors s’en vint L2 et dont seurement vint P6 celui moine s’en vint lors N. P11 introduit ici un pied-de-mouche. – 280. de son abbaÿe le quel quant il vint la ne peut N. – 281. les dittes rel. N. – 281. d’ylluec] omis dans N. – 281. l’abbé] omis dans P3. – 281. y v.] v. P6 ilz v. P8 (P9) y venissent Mu. – 281. a processions P5 P8 a grant proc. Ars2 B1 en proc. L2. – 282. et les reç. honn.] et les receurent honnorablement H le quel les receupt h. en grant reverence N. – 282 - 283. Un chev. (...) au corps] ung chev. qui avoit ac. chascun an (...) B4 il advint lors que ung chev. ac. d’aler tous les ans veoir et visiter le corps N. P4 P8 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit (un espace a été réservé dans A Ars1 pour une lettrine ou un pied-de-mouche qui n’a pas été peint). – 282. ch. an] ch. jour A P2 P8 ch. avoit Ch. – 282. a aler] aler Ars2 B1 L3 L4 L5 P2 P9 P10 P11 (Ars1) d’aler A B2 B4 G P1 P4 P6. – 283. ou corps (...) L5 au corps M. Magdelaine L1 au corps de la benoite Magdalaine B2 (B4 P10). – 283. en la bat. Ars1 P9 en une bat. L5. – 283 - 284. et si come (...) en la b.] (...) les amis (...) P5 P6 et si conme ses amis le pl. P8 pour le quel ses amis plor. lui estant en la b. N. P11 introduit ici un pied-de-mouche. – 284. il dis. (...)] et dis. (...) Ars2 B1 P8 P10 il distrent (...) P2 (P1 P4) et dis. en eulx complaingnant doulcement a la Magdalaine N. – 284. a la Magd.] omis dans L1 P8.
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Paris, Bibliothèque Mazarine, 1729 (n° 14)
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« Dame, pour quoy as tu lessié le tien devot morir sanz confession et sans penitance ? » Et donc cilz qui avoit esté mort surrexi devant tous soudement et fist appeler le prestre a soy et se confessa a grant devocion et reçut son sacrement, et tantost reposa en pais. Une nef si estoit chargiee de hommes et de femmes qui estoient au noier en la mer, et la estoit une femme grosse qui estoit au noier et reclamoit la Magdalene tant conme elle pooit en vouant que se par ses merites, elle eschapoit [de ce peril] et elle avoit filz, elle le donroit a son moustier; et tantost come elle l’ot voué, une femme d’abit et de biauté honnourable apparut a elle et la prist par le menton et la mena a rive toute sainne, et les autres perirent. Et aprés, elle enfanta un filz et acompli son veu bonnement. Aucuns dient que Marie Magdalene fu espousee de saint Jehan l’Euvangeliste, que il [l’]avoit espousee
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291. elle esch. et elle avoit filz. Correction d’après B1 L4 P2 (A Ars1 Ars2 G L1 L3 L5 P1 P4 P6 P9 P11). – 295. que il avoit esp. Correction d’après A L2 P2 P9 R (Ars1 Ars2 B1 L5 P1 P4 P8 P10 / B2 B4 / N). 285. lessié] omis dans Ch; laissié morir ton d. serviteur N. – 285. et penitence B4 et sans repentance P6. – 286. et adonc H (Ars1 L5) adont L3 (P8) et lors L2 et lors celui chevalier qui avoit ja esté grant piece mort N. L3 P11 introduisent ici un pied-de-mouche. – 286. surrexi devant tous soud.] surrexi soud. devant tous Ars2 devant tous surrexi soudainement P8 soud. surrexi devant touz P2 (G L4 P6) surrexi devant touz soudainement Ch P3 R (B3 H J Mu P7 P10) surrexi soudainement devant tous B1 B4 L1 soudainement surrexi devant tous (eulx tous P11) A P1 P9 (P11) surrexi soubdainement B2 (mais le rédacteur de ce manuscrit bisse immédiatement après le texte depuis et dont cil qui avoit esté mort, en adoptant cette fois la variante de Ch P3 R (B3 H J Mu P7 P10) pour ce passage précis) resuscita devant tous soudainement L2 resuscita soudainement devant tous P5 soudainement resuscita devant tous L3 L5 (Ars1) soudainement revesqui devant tous P4 resuscita soudainement devant tous ceulx qui la estoient N. – 287. et fit appeller a soy ung pr. H. – 287. a soy] omis dans N. – 287. et se conf.] et conf. Ars1 au quel il se conf. N omis dans P8. – 287. par grant dev. L1 N (L5). – 287. et reçut son sacr.] omis dans P11. – 288. et t. reposa en pais] et reposa en paix t. H et t. se reposa en pais P2 et reposa en paix P11 puis rendy son ame a dieu de paradis N. – 288 - 294. N omet l’ensemble de ce miracle. – 288. Ars1 P8 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit (un espace a été réservé dans A Ars1 pour une lettrine ou un pied-de-mouche qui n’a pas été peint). – 288. nef] omis dans Ch. – 288. si estoit] qui estoit P10 est. B4 L3. – 288. et de f.] omis dans P1 P4. – 289. qui est. au noier] qui estoit (...) B4 P1 P4 P6 P8 qui estoioit (...) B1 et estoit (...) H (...) au najer (ou au naier, cf. au nayer P1 ?) Ars2 B1 Ch G L1 L4 P9 (P1) (...) a noier P8 (...) jusques au noyer H (...) presques au noyer L3. – 289. en la mer] omis dans B2 B4. – 289. qui estoit au noier] omis dans Ars2 B1 B4. – 289. au noier] a noier L2 au najer (ou au naier, cf. au nayer A ?) Ch G L4 P2 P9 P10 (A) anoiez P8. – 290. et recl.] si recl. Ars1 Ars2 B1 G L3 L5 P1 P4 P11 qui recl. B4 recl. A si reclama L1 L4 P2 P6 P9 et requeroit P10. – 290. la benoite Magdalaine B2 (B4 P10). – 290. tant conme elle p.] tant comme elle pot L1 tant que elle povoit Ars1 (L5) omis dans P8. – 290. en voiant P3. – 290. se par ses mer.] par ses mer. B3 Mu. – 291. elle esch. [...] et elle avoit filz] ele esch. de ce peril (...) B1 L4 P2 (A Ars1 Ars2 G L1 L3 L5 P1 P4 P6 P9 P11) elle avoit filz et elle eschappoit C. – 291. et si elle avoit filz B4 et elle avoit .j. filz L2 (P4 P8 P10). – 291. elle d. Ch (Ars1) elle si le donneroit P1 (si représente peut-être un rattrapage du scribe) elles le d. B3 que elle le d. B2 B4 (Ars2 B1). – 291. a son eglise Ars2 B1. – 292. et t. comme ele ot voué L4 P2 (A Ars1 G H L1 L3 L5 P6 P9 P11) et si tost comme elle ot voué P1 P4 et tant comme elle eust fait le veu L2. P11 introduit ici un pied-de-mouche. – 292. une f.] femme P3. – 292. de b. et d’abit honnorable B1. – 292. s’app. a elle B4 L1 P5 P6 et app. a elle P3 app. a la dicte femme A. – 293. par le mouton (!) L1. – 293. et la mena a la rive (...) P6 et la mena arriere hors de l’eaue t. seine P5. – 293. et tous les aultres p. P10. – 294. elle enf.] enf. B4 (H). – 294. un filz] son filz P11. – 294. bon.] honnorablement B4 devotement H. – 294. A H P5 P8 R ne comportent pas de marque de segmentation ici (un espace a été réservé dans B1 pour un pied-de-mouche qui n’a pas été peint). – 294. dient] cuident H. – 294. la benoite M. Magdaleine B4. – 295. espouse A B2 B4 G H L1 L3 L4 N P1 P2 P3 P4 P6 P9 P10 P11 (Ars1 Ars2 B1 L5 L6). – 295. l’euv.] euv. A G L3 P1 P4 P11 (L4). – 295. et qu’il avoit esp. L3; (et Ars1 Ars2 B1 L5 P1 P4 P8 P10) que il l’avoit esp. A L2 P2 P9 R (Ars1 Ars2 B1 L5 P1 P4 P8 P10) qui l’avoit esp. B2 B4 que il avoit espousé P6 qu’elle avoit espousé H le quel l’avoit esp. N.
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Traductions de la Legenda aurea
adont quant Nostre Sire le rapella des noces, et elle ot desdaing que Il li avoit osté son espoux, et donc s’en ala et se donna a tout delit; mes pour ce que il n’estoit pas chose couvenable que l’appellement de Jehan fust occasion de la dampnation d’ycelle, Nostre Sire la converti piteusement a penitance, et pour ce que Il l’avoit ostee de souverain delit charnel, Il la raemplit de souverain delit esperituel devant ces autres, c’est de l’amour de Dieu. Et de Jehan dient il que Il l’ennobli devant ces autres de la douçour de sa familiarité pour ce que Il l’a- [163 b] -voit osté du devant dit delit. Un homme qui estoit aveugle des yex, si se fist amener au moustier de la beneoite Marie Magdalene pour cause de visiter son corps. Son meneur li dist que il veoit ja l’eglise, et cilz s’escria a haute vois : « Haa ! Beneoite Marie Magdalene, que desserve je une fois veoir ton eglise ! » Et tantost ses yex li sont
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302. La fin de douçour comporte à la fois l’abréviation qui correspond en principe à ur et le r par lequel le mot se termine. 296. adont quant] quant L6 N. – 296. la rappella P8. – 296. de ses noces Ars2 B1. – 296. et il ot d. Mu et [...] elle ot si grant despit N; un mot illisible suit le début de cette variante (et n’est pas clair non plus). – 296. que il li avoit] de ce que il lui avoit P4 (L6 P6) qui luy avoit P10 que il avoit (avoit bissé dans B3) B3 P5. – 296. osté] esté L4 P9 (B4 incertain, mais plus vraisemblable que osté). – 297. et donc s’en ala] adont s’en ala L3 (P4 P8) et adont s’en ala Ars1 L5 et donc elle s’en ala P10 si s’en ala B4 et lors s’en ala L2 qu’elle s’en ala N. – 297. et s’abandonna P10. – 297. a ton d. (?) P8. – 297. mes pour ce] pour ce P6. L6 introduit ici une marque de segmentation. – 297. il n’estoit pas] il n’estoit mie L2 ce n’estoit pas N. – 298. le rappel N. – 298. fust cause de la dampnacion d’icelle L6 feust occ. de sa d. d’ycelle P3 fust occ. du (de la P6) dampnement d’icelle Ars2 B1 (P6) fust occ. de la condempnacion d’icelle P11 ne fust comdampnacion d’icelle H. – 299. piteus.] presentement B1. – 299. et pour ce que] P1 introduit ici un pied-de-mouche. – 299. il l’avoit ostee] il l’avoit osté N il avoit ostee L1 P5 l’avoit ostee R. – 300. du souv. d. ch. L2 N R. – 300. il la r. de souv. d. esp.] il la raemply du souv. d. esp. L2 (P10 R) omis dans H. – 300. delit] omis dans P3. – 300. devant ses autres P8 devant les autres L2 L3 (H N) devant autres L5. – 301 - 302. c’est (...) devant ces autres] ce fu (...) N ce est l’amour de dieu (...) L6; omis dans P6 P7 (saut du même au même). – 301. Et de J. (...)] et de (de omis dans L2) J. dist il (...) R (L2) et dient de J. (...) L6 (...) que il enn. P1 (P4) (...) que ennoblist Ars1 ilz d. aussi qu’il ennobly J. N. L3 L6 P10 introduisent ici une marque de segmentation. – 301. devant ces autres] devant ses autres P8 devant les autres Ars2 B1 B4 L2 L3 (H L5 L6 N P10) ces autres G. – 302. de la d. de sa fam.] de la doulceur de la fam. P3 de la doulceur de fam. P6 de sa fam. P4. – 302. il l’avoit osté] il l’avoit ostee B3 C Ch J L2 Mu P3 P7 P8 R il avoit ostee P5 il avoit osté H. – 302. de devant dit d. H du d. devant dit Ars1 L5 du devant dit delice P9. L6 s’achève ici. – 303. B3 P8 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit et enchaînent : et un honme (...). Un espace a été réservé dans A pour une lettrine ou un pied-demouche qui n’a pas été peint. – 303. ung h. estant av. N. – 303. des yex] omis dans Ars1 C N. – 303. si se fist] se fist Ars1 L5 N. – 303. mener C L1 N. – 304. M. Magd.] Magdeleine Ars2 B1 (N P10). – 304. pour c. de vis. son corps] pour c. de vis. l’eglise A P1 P4 pour vis. son corps P8 par grant devocion N. – 304. et son meneur P1 P2 P4 P8 P10 cellui qui le menoit L2 et ainsi comme on le menoit celui qui la conduisoit N. – 305. lui dist qu’il v. l’eglise B1 (Ars2 H) lui dit que il v. son moustier P8 lui d. quant ilz furent assez prez qu’il v. l’eglise N. – 305. le moustier et l’eglise de la Magdalaine P2. – 305. et cilz s’escria] et si s’escria P8 et il s’escria Ars2 B1 B2 B4 il s’escria B1 pour quoy celui aveugle s’escria N. – 305. a haulte voix disant N. – 305. haa ben. M. Magd.] ha sainte M. Magdalaine P2 (L1) a sainte M. Magdelaine L4 (Ars2 B1 G P9) a sainte benoite M. Magdelaine P6 sainte M. Magdelaine A haa M. Magdelaine P1 P11 (P4). – 306. que dess. je] que je des. A Ars1 B2 B4 L5 que je des. je P3 que des. P9 je te prie que je dess. L2 (N) que desire je P10 que je desire H. – 306. une fois v.] une voiz voeir L4 une foys a v. C (P5) une fois de v. N v. une foiz L3 P4 veulz une foiz v. P3 encore v. P10. – 306. et tantost (...) aouvers] et lors les yeulx de celui s’ouvrirent et vey toutes choses comme ung aultre N omis dans C. – 306. tantost] tant P3. – 306. ses iex sont aouvers L1 L4 (B2 B3 J R P7 P9) ses yeux sont ouvers P3 ses iex furent aouvers P2 (Ars2 B1 P6) ses iex furent ouvers Ch (A B4 H L2 L3 Mu P1 P4 P8 P10 P11) ses yeulz lui furent ouvers L5 les yeulx sont ouvers P5 les yeulx lui sont ouvers Ars1.
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aouvers. Un homme escript ses pechiez en une cedule et les mist soux la couverture de l’autel de la Magdalene depriant la que elle li empetrast pardon; et donc un po aprés, il prist la cedule et trouva tous ses pechiés effaciés. Un homme estoit tenu en fers pour peccune et appeloit en son ayde la beneoite Marie Magdalene mout souvent. Une nuit s’apparut une belle femme a luy qui rompi les fers et deffrema l’uys et li comanda qu’il s’en alast, et quant il se vit deslié, il s’en fouy tantost. Un clerc de Flandres, Estienne par nom, estoit montez en si grant desordenance de felonnie que il hantoit tous pechiez et ce qui appartenoit a salu ne vouloit il pas oïr. Toutefois, il avoit grant devocion en la Magdalene et jeunoit sa vigile et honnouroit sa feste. Et si conme il visitoit une fois son tombel, que il ne dormoit du tout ne ne veilloit, Marie Magdalene s’apparut a luy come mout belle femme soustenue de .ij. angelz a destre et a senestre, et li dist en regardant luy orgueilleusement : « Estienne, pour quoy reputes tu les fais de mes merites
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310. et et appeloit.
307. P8 R n’introduit pas de segmentation à cet endroit (un espace a été réservé dans A pour une lettrine ou un pied-de-mouche qui n’a pas été peint). – 307. ung aultre h. N. – 307. ces pechiés P6 les pechiés qu’il avoit fait N. – 307. en une cedule] omis dans P1 P4. – 307. et la mist L1 L3 P1 P10 P11 la quelle il mist N. – 307. soux] sur P8 omis dans B4 P2. – 308. a la Magdalaine H de la benoite Magdalaine N. – 308. depr. la] la depr. Ars1 B1 Mu depr. L2 en la depr. L3 N en lui depr. L5 depr. laquelle P9 le ne depr. la (?) R. – 308. p. d’iceulx pechiés N. – 309. et donc (...)] et adonc (...) H adonc (...) P8 et lors (...) L2 et (...) Ars1 L5 adont vint un pou aprés et prist la cedule L3 le quel ung peu aprés reprist sa cedule N. P1 P11 introduisent ici un piedde-mouche. – 309. et trouva] trouva L1. – 309 - 313. N omet l’ensemble de ce miracle. – 309 - 310. Un h. (...) pour peccune] ung h. tenu en fers pour peccune L2 un h. est. tenu pour peccune en fers et en prison P2 (en fers en prison A Ars1 Ars2 B1 G L4 L1 L5 P1 P6 P9 P11 en prison en fers L3) ung h. est. tenu pour peccune P4. P1 P8 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit (un espace a été réservé dans A pour une lettrine ou un pied-de-mouche qui n’a pas été peint). – 310. et app.] appelloit R. – 310. la ben. Magdalaine P2 (A Ars2 B1 G L1 L3 L4 L5 P1 P4 P9 P10 P11). – 311. mout souv.] forment L1. – 311. et une nuit B4 Ch L3. – 311. s’app. a lui une belle f. P4. – 311. une f. belle P6 une belle dame A la benoiste Magdelaine P10. – 311. qui r.] et r. P3 (H) qui derompi B2 qui lui desrompit B4. – 311. ses fers B4. – 311. et deff.] defferma L4 P9. – 312. et si comm. Ars1 et comm. Ars2 L2 L4 Mu P3 P10 (B1 B2 B4 Ch H J L1 P2 P5 P6 P7 P8 P9 R). – 312. et quant (...)] P11 introduit ici un pied-de-mouche. – 312. il s’en fouy] il s’en ala B4. – 313. tantost] incontinent P5. – 313. ung clerc en Fl. L2 il y avoit en celui temps ung clerc de Fl. N. P1 P4 P8 P11 R ne comportent pas de marque de segmentation à cet endroit (un espace a été réservé dans A pour une lettrine ou un pied-de-mouche qui n’a pas été peint). – 313. Est. par nom] nommé Est. L5 N P5 (Ars1). – 313. estoit m.] estoit L2 R monté Ars1 monta L5 le quel vivoit N. – 313 - 314. en si grant des. de fel.] en si tresgrant desord. de fel. L3 P11 (P1 P4) en si grant et desordonnee fel. Ars1 en si grant et si deshordonnee vie de pechié L5 en si grant desordonnance N. – 314. tout pechié C. – 314. et ce qui app.] et ce qu’il app. P3 P8 et de ce qui app. N et ce qui appartient Ars2 B1 B4 ne ce qui app. L1. – 314. a salu] au salut L3 P8 (P3) a devocion H omis dans R. – 315. ne v. il pas oïr] il ne v. pas oïr P1 P11 (L3 P4) ne v. il pas oÿr N ne vol. il pas obeïr C oïr R. – 315. Tout.] L5 introduit ici un pied-de-mouche. – 315. avoit il H N. – 315. grant dileccion Ars2 B1. – 315. a la Magdalaine H N P4 P7 (P1 P8 P10) en la benoite Marie Magdalaine Ars1 L5 a la vierge (tracé) benoite Marie Magdeleine A. – 315. et il j. P3 et si j. B4 car il j. N. – 316. sa feste] sa fame L2. – 316. et si conme il vis.] le quel vis. N. – 316. qu’il ne d.] ne il ne d. L1 et ne d. N que il d. P8. – 317. du tout] omis dans N P1 P4 P11. – 317. ne ne v.] ne v. L2 N ne ne voloit H. – 317 - 318. et alors s’app. la benoite Magdalaine a lui comme une moult belle f. N. – 318. come une belle f. P10. – 318. et soust. P6. – 318. l’un a d. et l’autre a sen. N. – 318. et li dist] si li dist J et il dist B2 B4. – 318. en reg. luy] en li reg. G L1 L4 P2 (A L5 P1 P4 P9 P11) en le reg. Ars1 Ars2 B1 L3 N en reg. B2 B3 B4 C Ch J L2 Mu P3 P5 P6 P7 P8 P10 (H R). – 319. org.] moult org. C (H) par grant despit N. – 319. Estienne] P7 introduit ici un pied-de-mouche. – 319. rep. tu] reputez H. – 319. non d.] nous d. L1. – 319. a l’inst. de mes merites G.
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non dignes ? Pour quoy a l’instance de mes proieres ne pués tu estre esmeu a nulle repentance ? Des que tu començas a avoir devocion en moy, j’ai tous jours prié Dieu pour toy fermement. Lieve sus et si te repens, et je ne te lesserai pas devant que [163 c] tu seras reconsilliez a Dieu. » Et donc il senti si grant grace estre espandue en luy que il renonça au siecle et entra en religion, et fu de tres parfecte vie; et a la mort de luy, la Magdalene fu veue ester emprés sa biere avec les angelz et emporter es ciex a loenges l’ame de luy aussi come coulombe blanche.
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325. fu veuee ester. 320. ne pués tu toy esmouvoir N. – 320. esmeu] meu L1 (P6) mené C reduit H. – 320. en nulle rep. A B1 Ars2 L3 L4 P9 (en nulle maniere (exponctué) rep. G) a aulcune rep. N a (en Ars1 L5) nulle penitance H (Ars1 L5). – 321. des ce que L3 car des que N. P6 introduit ici un pied-de-mouche. – 321. a avoir] avoir A Ars2 L4 P2 P9 P10. – 321. en moy] a moy Ars2 B1 B2 B4 P3. – 321. j’ai tous j.] tous j. j’ay P9 et j’ay tous j. Ars2. – 321. dieu prié pour toy B1 P6 prié pour toy de dieu A. – 322. ferm.] forment P8 omis dans L5 N. – 322. et si te repens] si te repens Ch et te repent P6. – 322. car je ne te laisseray L3 N et je ne leisseray H. – 323. devant que tu soyes Ars2 B4 L3 (B1 Mu). – 323. a dieu] a moy Mu. – 323 - 324. Et donc (...) en luy] adonc (...) H P8 (L3) et adont (...) Ars1 L5 et lors (...) L2 et lors celui fu de si grant gr. remply N. L3 P11 introduit ici un pied-de-mouche. – 324. estre esp. en luy] a estre esp. en li G estre en lui espendue P11 (L3 P1 P4) esp. en lui Mu. – 324. au s.] le s. Ars1 L5. – 324. et entra] et se mist B4. – 324. et fu (...)] fu (...) J qu’il fu (...) P4 ou il fu de tres sainte et parfaite vie N. – 325. et fu la Magdalaine veue a sa mort droit d’emprez la b. N. – 325. mort] omis dans L4. – 325. me fut veue P8. – 325. ester] estre B4 L2 L4 L5 aprés estre Ars1 oster B3. – 325. emprés la b. A aprés sa b. B4 G L1 L4 P2 P6 P9 delés sa b. C. – 326. et emp. (...) de luy] et emporterent (...) Ars1 L5 et empourter le (...) P8 qui emporterent son ame es cieulx N. – 326. ou ciel L1. – 326. a l.] avec l. Ars2 J (B1) omis dans H. – 326. l’ame de luy] l’ame d’icellui L2 et l’ame de lui estoit P8 omis dans A. – 326. aussi come] ainsi comme Ars1 L5 N comme H. – 326. une coul. bl. A B2 B3 J L2 L3 Mu P1 P2 P4 P5 P6 P7 P11 (Ars1 Ars2 B1 B4 C Ch G H L1 L4 L5 P3 P8 P9 P10 R) ung blanc colomb N. – 326. Deo gracias, amen. Explicit vita beate Marie Magdalenes. Amen H Explicit la vie de Marie Magdalaine P2.
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Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1534 (n° 15)
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15. Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1534, f° 50 c - 51 c Daté de la seconde moitié du XIVème ou du XVème siècle, selon le DEAF, à la suite probable d’une ancienne édition1, ce volume de textes pieux est composé d’une Passion Nostre Seigneur Jhesucrist en octosyllabes, d’un légendier, de deux longs poèmes en octosyllabes consacrés aux sept péchés capitaux et aux vertus cardinales (« Speculum mondialle de septem viciis cappitalibus quod quidem via infernalis nuncuppatur » ; « Speculum mondiale de septem virtutibus quod quidem via in paradisi nuncuppatur »)2, prolongés par une brève série de quatrains d’alexandrins monorimes sur le même thème et d’un texte, dont la fin manque, sur les dix commandements. Muni de 139 feuillets en parchemin d’environ 285 sur 210 mm, il a été rédigé sur 2 colonnes à 34 lignes par un scribe pratiquant une écriture cursive courante et dont le dialecte n’est pas identifiable. Il ne développe pas de programme iconographique particulier : la première pièce du recueil offre une initiale ornée rouge et bleue de quatre lignes. Les titres des vies de saints sont rubriqués et une lettrine de deux lignes, rouge ou bleue, marque le début de chacun des textes, structurés par quelques pieds-de-mouches rouges. La partie consacrée à l’hagiographie occupe les folios 19 a à 85 d. Sa rédaction est datée sans certitude de la première moitié des années 1300 par le DEAF, qui reprend sans doute l’indication de P. Meyer3. La rubrique initiale, « Cy commence la legende doree. Saint Andrieu », atteste peut-être un lien avec Jacques de Voragine. Les 80 pièces, retranscrites selon l’ordre du compilateur dominicain4, font cependant l’objet de remaniements profonds. N’était son insertion dans le recueil, il serait même possible d’imaginer une origine différente de la Legenda aurea à la vie de Marie-Madeleine qu’il reproduit, tant les libertés sont grandes dans l’adaptation que cette unique copie nous offre du texte de ce modèle. Le traducteur se cantonne en effet à deux extraits fortement condensés, allant pour le premier du début (sans l’exposition) jusqu’au retour du prince de Provence à Marseille, tandis que la retraite et la mort de la sainte sont relatées en une brève phrase. Pour la fin, le miracle du chevalier ressuscité est le seul à avoir été conservé, avec l’allusion au mariage de saint Jean. Le ton est celui d’un résumé narratif qui gomme presque entièrement les éléments dramatiques de la légende. La concision du narrateur ne l’empêche pas pour autant d’ajouter ici 1 G. C. Keidel, An Old French Prose Version of La vie de St. Alexis, Baltimore, Friedenwald & Co., 1896. 2 Le Catalogue des manuscrits français, t. 1, Ancien fonds, Paris, Firmin Didot, 1878, p. 242, assimile, faussement, ces deux textes au Mystère de la voie d’enfer et au Mystère de la voie de paradis de Rutebeuf. 3 « Notice du ms. Med.-Pal. 141 de la Laurentienne (vies de saints) », Romania, t. 33, 1904, pp. 1 - 49 ; p. 5. P. Meyer considère cette partie hagiographique comme un peu plus ancienne que sa copie. 4 Seule la vie de saint Léonard occupe une place différente ; elle figure entre la Commémoration de tous les fidèles défunts et la légende de saint Martin (f° 74 a - 74 c). Par ailleurs, celle de Cyriaque, évêque de Jérusalem qui participe à la découverte de la Sainte Croix, est introduite par une rubrique indépendante (« Saint Quirace », f° 43 d).
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et là quelques éléments ou détails absents de sa source. On relève par exemple l’indication que Jésus est venu pour sauver les pécheurs et non les justes (l. 8) ou le commentaire du Christ à Simon (l. 14 - 16). La présence de ces deux développements5 suggère une contamination avec d’autres textes, en particulier ceux rattachés à la version n° 7, qui les mentionnent aussi. Par ailleurs, l’auteur affectionne les précisions chronologiques : Marie-Madeleine vit 22 ans dans le péché et meurt 49 ans après l’Ascension. Enfin, il modifie parfois la teneur de l’histoire ; ainsi Marie-Madeleine n’apparaît-elle que deux fois à la femme du prince de Marseille6 et son propos laisse entendre que son époux se serait rendu coupable d’exactions contre les chrétiens après leur arrivée en Provence ; de plus, dans le miracle final, le chevalier ressuscité continue de vivre après sa confession. La tonalité générale de ce remaniement rend difficile, pour ne pas dire impossible, toute tentative de rattachement, et s’il est fort probable que son auteur ait travaillé d’après une rédaction française, en la résumant et en la transformant, rien n’exclut qu’il se soit servi directement, ni seulement, de la Legenda aurea. Cette version ne présente aucune caractéristique qui permettrait en outre de la dater ou d’en localiser la provenance7. Sa copie n’offre que très peu d’indices. Comme aboutissement de la forme théorique latine *illæi, lié peut être rattaché à l’anglo-normand, ce qui convient aussi à certains traits moins spécifiques, peu représentés dans le texte et qui ont pu bénéficier d’une certaine extension à l’époque du scribe ou être reproduits mécaniquement, comme par exemple l’évolution phonétique que partagent les formes cha, chiés, commencha, conchust et courouchié, l’absence du -s final dans la désinence de la 4ème personne du présent (avon), les parfaits vinc (l’élargissement, de type analogique, qui les caractérise appartenant en principe au picard et au wallon, mais pas aux dialectes du Nord-Ouest) et vesqui8. Mais ces faits restent peu nombreux et n’ont peut-être qu’une portée relative.
5 Ces précisions trouvent leur origine dans les Évangiles : Luc 5, 32 (repas chez Lévi ; voir aussi Matthieu 9, 13 et Marc 2, 17) et Luc 7, 44 sq. 6 Cette modification intervient dans certaines versions de la Légende dorée. Elle s’explique sans doute par un saut du même au même dans le texte latin (cf. notre présentation du n° 10). 7 Au point de vue lexical, assorbir soi (l. 43), « se couvrir » (à propos du temps) est le seul terme véritablement intéressant. Il provient sans doute de *exorbare dont, pour le groupe verbal auquel la forme de notre texte appartient, le FEW (III, col. 301 a) n’enregistre que la variante essorbir, en la qualifiant de rare. Godefroy n’en a qu’un exemple, incertain, mais n’en mentionne aucun d’assorbir dans l’acception requise ici, et Tobler-Lommatzsch relie deux occurrences de ce dernier à orbus, mais sa citation de Guillaume Guiart nous semble plutôt relever des développements du latin absorbere. Celle de Philippe Mousket (« aveugler », transitif) est donc seule en lice, même si l’on pourrait lui attribuer le sens de « boucher », ce qui nous renverrait au même étymon que pour l’exemple de la Branche des royaus lignages, voir celui que le FEW, XXIV, col. 55 b, procure pour la variante en -er (assorbeir le vue, 1260). 8 Le traitement que l’on observe dans la première syllabe de enssencion (l. 71) est particulièrement bien représenté en anglo-normand, mais il n’est de loin pas restreint à ce dialecte.
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[f° 50 c] La benoicte Magdaleine
La benoite Magdaleine fu de moult noble lignage. Son pere ot nom Syrus et sa
mere Eucharia, et [fu] seur au Ladre et seur Marthe, et fu de Magdalon jouste Bethanie, et pourseoit mout grant partie de Jerusalem; et estoit sy belle que de tous elle estoit couvetee, et tant qu’elle se abandonna au pechié de son corps, tant qu’elle perdy son propre nom et qu’elle fu appellee de tous pecheresse, et fust en cest pechié .xxij. ans c’onques ne failly du delist de son corps. Nostre Sire qui pour les pecheurs sauver vint en terre, nonmie pour lez justes, sy la voult a Ly convertir. Il vint chiés Symon le Leproux o ses decipples. La vint la Magdaleine par entre lez aultrez que nul ne la vit soubz la table la ou Il mengoit a la cene, et la Lui lava ses piés de ses lermes qu’elle avoit plourees sus ses piés et Ly terdy de ses cheveulx et lez ongni de precieux ongnement. Lors commencha Symon a pensser, sy sceut quelle elle est, Il ne la consentist a Lui toucher; et Nostre Seignour qui soit lez pensees, sy ly dist : « Symon, puis que Je vinç en ta maison, tu ne M’as mie lavé mes piés ne [ne] Me ongnis come ceste; et pour ce ly sont tous ses pechiés pardonnees. » Puis osta d’ele tous lez .vij. pechiés mortieux; et suy Nostre Seignour jusques a la Passion, et fu au sepulcre et ne s’en voult partir quant lez aultrez s’en partirent. ¶ Il [f° 50 d] s’apparust a lié et la nomma appostre. Adont elle fu o lez appostres ou elle vit et ouy tous les miracles que Dieu leur monstra et jusquez atant qu’ilz furent departis. Aprez l’Encencion .xiiij. ans ocis mont de sains hommes, et la Magdaleine et Marthe sa seur et Maximien et Marcella, et mont d’aultres, et Cedonius qu’[Il] enlumina vindrent en Marcille, et illeucques elle leur preschoit et convertisset mont de gent qu’ilz n’alassent aux faulx ymaiges; et quant elle preschoit, sa beauté plus cressoit. ¶ Aprez le prince de Marcille vint aourer lez faulx dieux et la Magdaleine l’en reprenoit et ly prescha tant que le prince dist que il ne crerroit ne le ne son Dieu se il n’avoit ung enffant, de quoy il n’avoit nul. Aprez la Magdaleine s’apparust a la femme a ce prince et ly dist : « Dy a ton mary que il ne nous face plus de persecucion ne de mal », et elle ne luy oza dire ne retraire. Puis revint la Magdaleine et ly dist : « Pour quoy ne dis tu a ton mary ce que je t’avoie dit ? » Dont ly dist la dame : « Sire, je [ai] veu avision que vous lessiés em pés lez gens a celle qui presche cy. » Dont vint le prince a la Magdaleine et ly dist : « Cuide tu desfendre ma loy pour la tienne qui rien ne vault ? » Lors commencha a dire ly : « Je tieng la loy que mon mestre saint Pierre tient et en son nom je presche. » Puis dit le prince : « Nous sommes apparilliés de croirre en ton Dieu se tu nous donnes enffans »; [51 a] et la Magdaleine pria Nostre Seignour
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1. Ce texte présente d’importants remaniements et a été reproduit de façon négligente par le scribe. Seules les corrections qui paraissaient évidentes ont été intégrées dans l’édition que nous en proposons. – 3. Omis par le copiste. – 15. Omis par le scribe. – 20. Aprez l’Enc. .xiiij. ans] le texte comporte une lacune, sans doute réduite, après le début de ce paragraphe. – 22. qu’elle enlumina. – 30. Omis par le copiste (graphie incertaine).
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tant que la fame conchust. Lors voult le prince aler a Romme a saint Pierre savoir se le preschement a la Magdaleine estoit vray de Dieu, puis s’en voult mectre en la voie et sa fame ly dist : « Tu n’iras mie sans moy. Se tu y vas, je yré. Se ça demeures, je demourré. » Et il ly dist : « Non ferés, quar vous estes grosse et moult a de perilz en la mer. Demourés : gardés ce que nous avon. » Et elle dist qu’elle yroit et il luy ottrya. La Magdaleine leur fist la crois sus l’espaule a chacun que ennemy ne leur neust. Lors baillerent ce qu’ilz avoient en garde a la Magdaleine; et quant vindrent en la mer garnis de grans richesses, le temps se assorbist et se leva sy grant tourment qu’ilz cuidoient tous estre perilz; et de la paour du grief [tourment], la dame enffanta et mourust, et l’enffant ne mourust mie. Dont commencha le prince a plourer et affaire sy grant deul que nul plus et a dire : « Helas ! quel douleur que l’enffant est vif et la mere est morte. Qu’en feré je ? Qui le nourrira ? » Et lez notonniers disoient : « Soit gecté cest corps en la mer ains que nous soions tous perdus, quar tant comme il sera o nous puis qu’il est mort, le tourment ne nous cessera. » Lors virent une roche et la porterent le corps mort et l’enffant qui ne povoit estre nourry, et le prince mist l’enffant aux mamelles sa mere et lez couvry de son mantel; puis revint a la nef courouchié et dollent, et dist : « Marie [51 b] Magdaleine, pour quoy m’envoyas tu cha pour fere ma femme perir et l’enffant qui ne peult estre nourry ? Pries pour l’ame de la fame et par ta priere, l’enffant ne soit pery. » ¶ Aprez long temps, ilz vindrent en Jerusalem et ilz encontrerent saint Pierre, et quant saint Pierre le vit que il avoit la crois sus l’espaule, sy ly demanda dont il estoit et d’ou il venoit, et le prince ly conta donc il estoit et d’ou il estoit venu en la voie et en la mer, et saint Pierres ly dist : « Tu es bien venu et creus bon conseil. » Puis ly prescha saint Pierre et ly monstra moult de miracles que Dieu fist la ou Il fu né et cruxifié et ensevelly, et ou Il monta es cieulx, et quant il fust bien apris de la foy, il revint a sa nef; et comme il vint o sa compaignie la ou sa femme gesoit, il la descouvry du mantel et vit [l’enffant] jouer as mamelles sa mere et la tenoit; puis print l’enffant et dist : « Benoitte Magdaleine qui as gardé l’enffant, aies pitié de la mere. » Dont se leva la fame et ly dist : « La Magdaleine m’a gardee et menee en Jerusalem, et m’a monstré tous lez lieux ou saint Pierre t’a mené. » Quant il ouy ce, sy eust moult grant joye et vindrent a la nef; puis vindrent en leur païs et trouverent la Magdaleine preschant et ly conterent ce qui leur estoit avenu en leur voiage, et elle en rendy graces a Dieu. Aprez elle fu ou desert .xxx. ans qu’elle ne fu oncques congneue, et illeuc estoit de Nostre Seignour et de ses angelz soustenue et souvent visetee; et trespassa .xlix. ans aprés l’Enssencion. ¶ Ung chevalier qui la Magdaleine requeroit tous lez ans fu occis en [51 c] une bataille. Ses parens le plourerent moult et distrent : « Marie Magdaleine, pour quoy avés vous vostre pellerin lessié mourir sans confession ? » A cest mot se leva le chevalier mort et demanda le prestre et se confessa devotement, puis vesqui tant comme a Dieu pleust. Aucuns dient qu’elle fu espouse saint Johan l’Euvangeliste.
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45. Omis par le scribe. – 62. et vit la fame jouer.
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16. Cambrai, Médiathèque municipale, 812 (719), f° 203 d - 207 b La légende de Marie-Madeleine éditée ici témoigne plus qu’aucune autre de la richesse de la diffusion des vies de saints médiévales. Elle apparaît en effet dans des recueils de nature différente : un légendier (C2) et quatre copies du Miroir des curés (B, C1, P, T) ; par ailleurs, elle est conservée dans une rédaction distincte, un sixième exemplaire (L) nous la transmettant sous une forme particulière dont les rapports avec les autres représentants sont évidents ; enfin, des extraits de cette version sont insérés dans une traduction de la Légende dorée (n° 11) et dans un récit compilant plusieurs vies de notre sainte (n° 24). Une comparaison des rédactions de C2 et de L révèle les solidarités qui les unissent. Dépourvues toutes deux de l’exposition du nom de Marie-Madeleine, elles omettent la plupart des développements qui concluent la légende chez Jacques de Voragine, soit l’appel à l’autorité d’Hégésippe et de Joseph, le récit de la translation des reliques, le miracle de la femme sauvée du naufrage, l’évocation du mariage avec saint Jean, la guérison de l’aveugle, la libération du prisonnier et, pour C2, la conversion du clerc Étienne. Elles suivent ainsi le fil narratif de la Legenda aurea jusqu’à la mort de la sainte, puis enchaînent sur le miracle du chevalier ressuscité, celui des péchés effacés (et la conversion d’Étienne, pour L). Liées par leur structure d’ensemble, les deux rédactions se caractérisent aussi par leur éloignement du tronc commun de la tradition. Outre ceux que nous avons mentionnés, de nombreux passages sont laissés pour compte ou fortement condensés. Parmi de multiples exemples, le texte n’indique pas que Lazare se consacre à ses activités militaires alors que Marthe administre ses biens et fournit le nécessaire aux pauvres, ni que le frère et les sœurs vendent leur héritage après l’Ascension (§ 20 et 21). Il ne souligne pas la prédilection du Christ pour Marie-Madeleine (§ 27) ou la justification qu’Il lui fournit auprès de Judas (§ 28). Le résumé de la vie de la sainte selon Ambroise (§ 31 et 32) n’est pas non plus cité ; la longue prière adressée à Marie-Madeleine par le pèlerin est simplement évoquée par le narrateur (§ 94 - 101 ; « et fist au departir une tres piteuse complainte sur le corpz de se femme », C2, l. 122), etc. Si ces remaniements évitent parfois de répéter des éléments déjà évoqués, ils tendent surtout à raccourcir le texte. Comme la concentration décelée au niveau de la composition générale de l’œuvre, ils répondent sans doute à la nécessité d’obtenir un récit d’une longueur adaptée à l’office et à la durée d’une lecture1. Les prières, différentes d’une version à l’autre, confirment du reste Dans son analyse des légendes picardes contenues dans ces deux recueils (p. 263), A.-F. Leurquin-Labie attire l’attention sur le fait que les vies des lectionnaires sont très souvent abrégées de la fin ou tronquées afin de pouvoir être lues dans le temps imparti à l’office. Celle de Marie-Madeleine présente elle aussi cette caractéristique propre aux manuscrits liturgiques, cf. « La promotion de l’hagiographie régionale au XVe siècle : l’exemple du Hainaut et du Cambrésis », Richesses médiévales du Nord et du Hainaut, études réunies par J.-C. Herbin, Camelia, Presses universitaires de Valenciennes, 2002, pp. 253 - 267.
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un usage liturgique (C2, l. 215 sq., après la mort de la sainte, et à la fin l. 228 - 230 ; L, l. 260 - 271, en français puis en latin, en conclusion de nouveau). Comme les omissions qu’elles comportent, les transformations et ajouts soulignent la parenté des deux versions : la mention de la mort du père (C2, l. 6 ; L, l. 6) ; la précision que la rencontre avec Simon a lieu à Béthanie (C2, l. 16 ; L, l. 16) ; la référence à Marc dans l’évocation des sept diables chassés hors du corps de Marie-Madeleine (C2, l. 28 ; L, l. 28) ; l’apostrophe adressée à la femme dans l’invective contre le mari (C2, l. 67 ; L, l. 72) ; la réflexion de l’épouse sur les raisons de la vision (C2, l. 77 ; L, l. 83) ; l’anticipation de la demande d’intercession auprès de Dieu (C2, l. 79 sq. ; L, l. 85 sq.) ; la précision sur les conditions imposées à l’ensevelissement du corps sur l’île (l’équipage ne dispose pas d’outil pour creuser la fosse, C2, l. 119 ; L, l. 128) ; la durée de l’ermitage que la sainte s’impose (32 ans, C2, l. 172 ; L, l. 185), etc. en sont l’illustration. Malgré leur proximité évidente, les deux états de la légende présentent une certaine indépendance. En effet, chacune transmet des éléments proches du texte latin absents dans l’autre rédaction. C2 signale par exemple que Lazare a été élu évêque de Marseille (l. 161 sq. ; § 128), alors que L mentionne la crainte du prince que sa femme ne soit dévorée par les animaux marins (L, l. 125 sq. ; § 92), précise que l’enfant est placé au sein de sa mère (L, l. 131 ; § 93) ou rapporte les commentaires de Maximin sur le rayonnement du visage de Marie-Madeleine (L, l. 228 sq. ; § 156). Par ailleurs, la confrontation des variantes montre que L est parfois plus proche de C2 (C2, l. 109 / L, l. 115 : même omission, par exemple), parfois de B, C1, P, T ou de certains de ces exemplaires (C2, l. 13 / L, l. 12 : delis ; C2, l. 103 / L, l. 109 : durée du voyage en mer jusqu’à la tempête ; C2, l. 141 sq. / L, l. 158 : précision sur l’état de la mère au moment des retrouvailles ; C2, l. 146 / L, l. 164 : pouvoir attribué à la prière de Marie-Madeleine ; C2, l. 206 / L, l. 229 : allusion au livre de saint Maximin). Il apparaît ainsi clairement que les deux compositions remontent à un même archétype. On connaît la tendance des copistes à s’approprier les textes qu’ils retranscrivent : l’usage d’un vocabulaire différent, la reformulation d’une idée, la justification d’un élément du récit ou encore l’ajout d’une précision transforment peu à peu leur modèle. Ce travail illustre de façon exemplaire la mouvance des écrits médiévaux. Il est d’autant plus remarquable que certains détails plaident en faveur de « contaminations » occasionnelles du récit de la Légende dorée par une autre version. Ainsi l’allusion à la fraîcheur des vêtements de l’épouse lors des retrouvailles sur l’île (C2, l. 142) n’est fournie par aucune des adaptations connues de Jacques de Voragine, mais se retrouve dans les nos 6 et 7 (et les versions qui leur sont attachées). Il n’est toutefois pas possible de déterminer si cette imbrication est le fait d’un des auteurs vernaculaires ou si elle existait déjà dans les modèles latins qu’ils ont employés.
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Description des manuscrits Rédigé en écriture de transition sur deux colonnes de 38 à 42 lignes, C2 (Cambrai, Médiathèque municipale, 812 (719)) est un vaste légendier de 412 feuillets de ca 295 x 300 mm, un bifolio contenant sa table ayant été placé en tête du volume2. Le catalogue des Manuscrits datés3 assimile le filigrane du papier qui a servi pour sa fabrication au n° 8594 de Briquet, attesté avec ses variantes de 1460 à 1467 ; il date la copie du troisième quart du XVème siècle et la met en relation avec l’abbaye bénédictine du Saint-Sépulcre de Cambrai. Au regard de sa scripta, bien marquée, le texte peut être rattaché au nord du domaine d’oïl, même si l’on peut hésiter sur sa provenance exacte. Le recueil ne comporte pas d’illustrations : les vies sont séparées les unes des autres par quatre à cinq lignes blanches ; elles sont introduites par une rubrique, précédée d’un pied-de-mouche, et par une petite lettrine. Le légendier suit la composition de la Legenda aurea, d’André à Catherine, mais omet, outre les derniers chapitres, toutes les pièces qui concernent la vie du Christ (Avent, Nativité, Épiphanie, Passion, Résurrection, Ascension, Envoi du Saint-Esprit). La série consacrée au jeûne de Carême et à la préparation de Pâques (de la Septuagésime au Jeûne des quatre-temps), ainsi que la Fête de tous les saints et la Commémoration de tous les fidèles font aussi défaut. Par ailleurs une trentaine de récits hagiographiques, souvent de moindre importance et placés normalement dans la seconde partie de l’année liturgique, a été écartée4. Le recueil se distingue surtout par l’ajout de nombreuses vies de saints5, dont plusieurs sont honorés dans le nord de la France, et plus particulièrement à Cambrai ; on y découvre ainsi les histoires de Macaire (f° 40 d), Audegonde (f° 90 b), Waudru de Mons (f° 110 a), Gertrude de Nivelles (f° 124 b), Landelin (f° 184 c), Vincent de Soignies (f° 198 d) et Géry (f° 232 d). En outre, les vies de Macaire, Vaast, Amand, Lambert ou Fursy, intégrées traditionnellement dans la Légende dorée, trouvent un développement plus important que chez Jacques de Voragine. Le corpus de l’année liturgique est complété à la fin du volume par 25 pièces6, introduites par la mention « S’ensieuent 2 47 feuillets de taille sensiblement plus petite et dont l’écriture diffère ont été ajoutés à la fin. Ils contiennent La vie de saint Grégoire (éditée par H. B. Sol, Amsterdam, Rodopi N. V., 1977), La Vision de saint Philibert en alexandrins, des poèmes religieux, une Vie de Griselidis, ainsi que la traduction d’un fragment de l’Évangile de Matthieu et un Lai de Notre Dame. 3 Manuscrits datés des bibliothèques de France, 1. Cambrai, par D. Muzerelle, avec la collaboration de G. Grand, G. Lanoë, M. Peyrafort-Huin, Paris, Éditions du CNRS, 2000, p. 92. 4 Une vierge d’Antioche, Jean à la Porte latine, Pancrace, Pétronille, Prime et Félicien, Vit et Modeste, Cyr et Julitte, Marine, Syr, Théodora, Apollinaire, Nazaire et Celse, Félix, Simplice, Marthe, Eusèbe, Dominique, Symphorien, Mamertin, Gorgon et Dorothée, Prote et Hyacinthe, Euphémie, Pélagie, Marguerite dite Pélagie, Léonard, Chrysanthe. Par ailleurs, la vie de Marie l’Égyptienne bénéficie de deux entrées, encadrant ainsi la légende de saint Second. 5 En plus des vies de saints régionaux, on peut signaler les légendes de Maur, Prisce, Marius et Marthe, Babille, Policarpe, Apollonie, Valentin, Aubin, Valéry, Théodose, Florien, Eutrope, Hélène (entrée indépendante à la suite de l’Invention de la sainte Croix), Alexandre pape, Pantaléon, Corneille, Cassien, Claire d’Assise, Hermès et Paulin. 6 Aubert, Maxellende, Landelin, Marcial de Limoges, Hildegarde de Bingen, Alexandre, Martine, Antoine, Firmin, Sauve, Foy, Prote et Martinien, Ernoul, Cucufat, Paulin, Paul le Simple, Marcellin,
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aultrez vies de sains pour adiction a ledite legende » (f° 358 c), parmi lesquelles se distinguent à nouveau les saints locaux : Aubert, Maxellende, Landelin, Firmin, Sauve de Valenciennes, Hubert, Servais et Achard. L’ensemble ainsi constitué est très proche de Cambrai, Médiathèque municipale, 811 (719), exact contemporain, qui transmet la plupart des textes de C1. Légendier organisé per circulum anni, celui-ci ne contient toutefois que la partie hivernale de l’année liturgique. Marie-Madeleine en est ainsi absente. Les autres manuscrits qui reproduisent le texte appartiennent au type de recueil que l’on désigne sous l’appellation de Miroir des curés. Manuel destiné aux responsables de paroisses, le Miroir est une compilation anonyme du XIVème siècle de sermons pour les dimanches et pour les fêtes importantes, d’exempla et de vies de saints classées selon le calendrier liturgique. Il est divisé en deux parties. La première présente les lectures de l’Avent à la Pentecôte. Elle commence par une instruction générale à l’usage des curés, composée d’extraits de la Somme le Roi de frère Laurent du Bois et de divers textes didactiques, et est suivie par des sermons qu’entrecoupent quelques enseignements ; puis viennent le sanctoral (de la vie d’André à celle de Servais) et des récits exemplaires. La seconde partie contient les lectures de la Sainte Trinité à la fin de l’année liturgique ; elle renferme des sermons suivis d’un sanctoral (de la vie de Jean Baptiste à celle de Marie d’Oignies) et d’exempla7. Les 58 et 54 pièces hagiographiques de ce compendium moral et spirituel proviennent pour la plupart de la Légende dorée. Les vies de Barbara, Eugénie et Servais (I), Hildegarde, Feuillien, Hubert, Léonard de Corbigny, Bède le Vénérable, Origène et Fursy, ainsi qu’une longue vie de Marie d’Oignies (II) ont été insérées dans le corpus traditionnel, les saints de Picardie et de Flandre étant ainsi bien représentés. Elles sont, à de rares exceptions près, identiques à celles conteHubert, Servais, Achard, Geneviève, Lucien de Beauvais, Poncien, Valère, Ascle et Aname. 7 Outre les trois exemplaires complets que nous décrivons, M. Debae (La Bibliothèque de Marguerite d’Autriche. Essai de reconstitution d’après l’inventaire de 1523 - 1524, Louvain, Paris, Peters, 1995, p. 294) recense cinq manuscrits qui reproduisent des extraits du Miroir. Cambrai, Médiathèque municipale, 574 (532) (cf. É. Brayer, « Notice du manuscrit 574 de la Bibliothèque municipale de Cambrai », Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, t. 43, 1968, pp. 145 - 342), Copenhague, Det Kongelige Bibliotek, Ny kgl. S. 1838 2°, Troyes, Médiathèque de l’Agglomération troyenne, 1041 (Catalogue général des manuscrits des bibliothèques des départements, t. 2, 1855) et Valenciennes, Bibliothèque municipale, 26 (Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départements, t. 25, 1894) ne retiennent pas de vies de saints. Nous remercions Mme Marie-Pierre Dion ainsi que MM. Erik Petersen et Thierry Delcourt d’avoir complété notre information sur trois de ces volumes. Tournai, Bibliothèque du Séminaire, 43, est analysé plus loin dans cette présentation. Après F. Mazel (Doctrine et morale dans le Miroir des curés (1385). Recherches sur la pastorale en France du Nord à la fin du Moyen Âge, Mémoire de maîtrise sous la direction d’A. Vauchez, Paris, 1993, p. 22), A.-F. Leurquin-Labie pense que le milieu d’origine du Miroir des curés est « un chapitre de chanoines réguliers de saint Augustin », cf. « La diffusion de la biographie française de la bienheureuse Marie d’Oignies », Première journée Valenciennoise de Médiévistique, Journée d’Étude du 3 avril 1998, Actes réunis et publiés par J.-C. Herbin, Valenciennes, Presses Universitaires, 1999 (Lez Valenciennes, n° 25), pp. 73 - 96 (p. 93).
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nues dans C2, et classées dans le même ordre. La légende de Marie-Madeleine, placée entre celles d’Alexis et de Christine, figure dans la deuxième partie. Une autre particularité unit ces exemplaires : les copies de notre texte qu’ils nous transmettent permettent d’affirmer sans grand risque d’erreur que l’ensemble auquel il appartient a bénéficié d’une diffusion essentiellement, voire exclusivement régionale. Il est donc probable qu’il a été composé dans le Nord-Est, partie du domaine d’oïl dont des reflets subsistent dans le revêtement linguistique de tous nos témoins. M. Debae8 fournit une description détaillée de B (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10203), acquis par Marguerite d’Autriche en 1511. Daté de l’an 1385 et localisé à Le Nouvion-en-Thiérache (département de l’Aisne) par le colophon du premier volume9, il s’agit du plus ancien représentant connu du Miroir des curés. Ses deux parties, de la même main, sont reliées de manière indépendante. Elles comportent 350 et 300 feuillets de parchemin à deux colonnes et 30 lignes, d’un format légèrement différent (entre ca 310 x 220 et 325 x 225 mm). Cet exemplaire, en écriture gothique livresque, possède des traits dialectaux accentués. Il ne comporte pas d’illustrations. Selon les Manuscrits datés10, C1 (Cambrai, Médiathèque municipale, 210 (205)) a été copié dans la seconde moitié du XVème siècle. Le même volume réunit les deux sections du Miroir, mises en page de manière identique, mais numérotées de façon indépendante. Ses 180 et 150 feuillets de papier11, d’une seule main, mesurent environ 285 x 200 mm. Il est rédigé en écriture cursive courante sur deux colonnes de 43 lignes. Les feuillets 173 r° à 175 r° et 179 r° à 180 r° de la première partie contiennent les tables des deux sections, de la main du scribe. S’il présente un certain nombre de traits régionaux, à la différence du précédent manuscrit, ceux-ci sont disséminés et leurs contours sont moins nets. Il n’offre pas non plus de miniatures ; une simple rubrique accompagnée d’une lettrine marque le début de chaque pièce. P (Paris, Bibliothèque de l’Institut de France, 12, daté du XVème siècle12, comportait 282 et 248 feuillets de papier (ca 280 x 205 mm) réunis en octonions, dont la numérotation originale en chiffres romains est placée au milieu de la marge supérieure. Les feuillets 129 à 192 de la première section sont aujourd’hui manquants. Le texte, en écriture cursive gothique, est disposé sur deux colonnes de 32 lignes. Les tables des matières, de même main, ont été ajoutées à la fin de M. Debae, La Bibliothèque de Marguerite d’Autriche,op. cit., pp. 293 - 298. « L’an mille .iij. cens .lxxxv. fut cis presens livres escris en le foreis dou Nouvion. Priiés pour celui qui l’escrist, que Diex li fache mercit. Amen. » (f° 345 b). 10 Manuscrits datés des bibliothèques de France, 1. Cambrai, op. cit., p. 45. 11 Les Manuscrits datés identifient les filigranes aux n° 7546 - 7547 (1451 - 1471), 10019 (1459 - 1464) et 7631 (1471 - 1477) de Briquet. 12 Catalogue général des manuscrits des Bibliothèques publiques de France, Paris, Bibliothèque de l’Institut, par M. Bouteron et J. Tremblot, Paris, Plon, 1928, p. 4. Le filigrane du papier se rapproche de l’ancre n° 257 de Briquet. 8 9
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chaque section (I : f° 278 c - 282 b, II : f° 247 a - 248 d). Le volume ne contient pas d’illustrations et son ornementation consiste en titres de chapitres, initiales de 3 lignes (4 pour le prologue et 5 pour la première entrée), pieds-de-mouches et lettres rehaussées à l’encre rouge. Les citations latines sont elles aussi soulignées en rouge. Quelques formes dialectales peu marquées, peut-être contingentes d’ailleurs, sont disséminées dans la vie de Marie-Madeleine. T (Tournai, Bibliothèque du Séminaire, 43) est un recueil factice. Il regroupe trois unités matérielles et textuelles, les deux premières en latin et la troisième en français, munies chacune d’une miniature sur parchemin. La première pièce de cet assemblage (« Vita sancte Raineldis ») et la partie qui s’inspire du Miroir résultent sans doute d’une même campagne de production : le papier et l’écriture sont en tout cas identiques13. D’après le Catalogue des manuscrits de Tournai14, cet exemplaire du XVème siècle aurait été confectionné à l’abbaye de Lobbes15. On lit au f° 1 r° le colophon suivant : « Jehan Ansiel, anchien abbet, me fist faire ». La partie française occupe 4 feuillets pour la table, 1 pour la miniature, et 218 feuillets plus 3 feuillets blancs, qui semblent appartenir au dernier cahier, de ca 280 x 210 mm. Elle est transcrite sur une colonne à 38 lignes, a conservé sa numérotation originale et semble complète. Le scribe pratique une écriture cursive gothique soignée et utilise un nombre élevé d’abréviations. Sa langue porte à nouveau les inflexions du Nord. Certains titres sont clairement détachés des textes et rubriqués, mais d’autres pièces, comme la légende de Marie-Madeleine, ne comportent qu’une mention à l’encre, suivie d’une lettrine, de couleur rouge. T fournit des extraits du Miroir des curés présentés dans un ordre propre. Il débute par une suite de sermons, du premier dimanche de l’Avent au vingt-quatrième après la Sainte Trinité. Une vingtaine de pièces hagiographiques16, introduite par une initiale ornée, la prolonge. Classées sans logique apparente, elles proviennent des deux parties du Miroir. Une troisième subdivision, pourvue elle aussi d’une initiale ornée, regroupe des textes traitant tant de la vie de la Vierge On relève trois filigranes sur ce support. Le type de « P » qui figure sur les pages employées pour le texte inaugural et pour la table des matières des pièces françaises ne semble pas avoir été répertorié par Piccard. La marque qui agrémente la deuxième unité matérielle (soit la translation des reliques de sainte Renelle, folios 8 à 13 de la numérotation moderne du volume) diffère (un vase (?) à deux anses surmonté d’une double croix). Enfin, le motif de la tête de bœuf qui orne la partie vernaculaire se rapproche beaucoup (mais avec quelques légers écarts dans les mensurations et le tracé) du n° 186 de la section IX de Piccard, et on le retrouve dans les pages utilisées pour la vie latine de Renelle. La densité de l’écriture ne permet cependant pas de vérifier s’il existe un autre filigrane dans les cahiers rédigés par le principal copiste de l’ensemble. 14 Catalogue général des manuscrits des bibliothèques de Belgique, vol. 6, Catalogue des manuscrits conservés à Tournai (Bibliothèques de la ville et du séminaire), par P. Faider et l’abbé P. van Sint Jan, Gembloux, Duculot, 1950, pp. 236 - 238. 15 Le Guide en ligne des manuscrits médiévaux Wallonie-Bruxelles (http://www.cicweb.be/) situe plus précisément sa date de fabrication entre 1447 et 1472. 16 Hubert, Dédicace de l’Église, Catherine, Barbe, Nicolas, Paul apôtre, Marie l’Égyptienne, Invention de la Sainte Croix, Nativité de Jean-Baptiste, Pierre et Paul, Marie-Madeleine, Saint Pierre-aux-liens, Laurent, Barthélemy, Décollation de Jean, Exaltation de la Sainte Croix, Lambert, Michel, Jean l’Évangéliste, Patrick, Bède le Vénérable et Hildegarde de Bingen. 13
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Marie que des vertus de chasteté et de virginité, du mariage et du veuvage, des articles de la foi, des péchés mortels ou des œuvres de miséricorde, etc. Enfin, L (Lille, Bibliothèque municipale, Rig. 452 (795)), daté du XVème siècle17, rassemble 161 légendes de saints18, suivies de prières en latin (avec quelques différences occasionnelles dans le nombre, la langue et la nature de ces invocations finales), classées sans ordre apparent. Douze courtes pièces religieuses à portée didactique, qui semblent provenir surtout de la première partie du Miroir des curés, complètent ce corpus hagiographique. Exemplaire acéphale sur papier19 de 589 pages, mesurant environ 390 x 290 mm, le volume est rédigé en littera cursiva sur deux colonnes de 30 ou 31 lignes. Les vies sont introduites par une miniature grossière sur une colonne et environ 10 à 15 lignes, une initiale ornée et une rubrique, parfois exécutée au moyen de peinture bleue. Les pieds-de-mouches et les éventuelles lettrines sont alternativement bleus et rouges. La légende de MarieMadeleine est placée entre celles de Victor et de Claire. Elle possède d’assez nombreux traits de scripta, d’origine picarde, ou du Nord-Est peut-être. Sa miniature représente la sainte élevée dans les airs par cinq anges dans un décor d’arbres (contrairement à ce que précise le texte) et de rochers. Remarquant que plusieurs des illustrations contiennent les armes de Lille et de Tournai et que la vie de saint Éleuthère, évêque de la deuxième de ces villes, est très étendue, A.-F. Leurquin-Labie20 suggère une provenance tournaisienne pour ce manuscrit, sans pouvoir toutefois en préciser l’origine. Comme C2, il aurait été copié dans un milieu monastique. La présence de vingt-trois légendes de saints21 honorés en Hainaut-Cambrésis et en Flandre française corrobore cette localisation. La critique a relevé que le choix de figures locales répond à une volonté de pro-
17 Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départements, t. 26, Paris, Libraire Plon, 1897, pp. 307 - 310. 18 V. Russell, « Evidence for a Stemma for the de Vignay Mss : St. Nicholas, st. George, st. Bartholomew, and All Saints », Legenda aurea : sept siècles de diffusion. Actes du colloque international sur la Legenda aurea, texte latin et branches vernaculaires, à l’Université du Québec à Montréal, 11 - 12 mai 1983, ouvrage publié sous la dir. de B. Dunn-Lardeau, Montréal, Bellarmin, Paris, Vrin, 1986, pp. 131 - 154, précise qu’une partie des vies de saints du manuscrit de Lille est extraite de la Légende dorée dans la traduction par Jean de Vignay, que le compilateur complète avec des textes de sources distinctes (p. 133). Cette indication est reprise par A.-F. Leurquin-Labie (« La promotion de l’hagiographie régionale », art. cit., p. 255). La légende de Marie-Madeleine n’entretient pourtant que des rapports diffus avec cette version et se rapproche clairement de celle contenue dans C2. L’origine des textes reproduits dans L paraît très contrastée. Certains proviennent à coup sûr de Jacques de Voragine. D’autres présentent des écarts, ne suivent la Legenda aura que dans les grandes lignes, ou s’en éloignent même au point de n’exprimer que des ressemblances superficielles. Pour une partie d’entre eux enfin, les relations avec la Légende dorée sont pour le moins douteuses (voir aussi la présentation du n° 22). 19 Le filigrane, très peu visible, qui le pare a une hauteur de 84 mm et présente de chaque côté un espace d’environ 1,5 à 2 mm par rapport aux pontuseaux (largeur : 41 - 42 mm). L’aspect général de son dessin et la forme du « T » rattaché à la base de l’écu se rapprochent le plus du n° 1591 de Piccard, t. XIII. Cette identification nécessiterait cependant une confirmation. 20 « La promotion de l’hagiographie régionale », art. cit., pp. 256 et 263. 21 Il faut ajouter celles de Druon de Sebourg (f° 176 a - 178 d) et d’Hubert (f° 286 a - 289 a) à la liste établie par A.-F. Leurquin-Labie (« La promotion de l’hagiographie régionale », art. cit., p. 257).
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motion d’une hagiographie royale, centrée autour de la famille des Pippinides, qui régna sur le Brabant avant d’accéder au trône de France (p. 261). Choix du manuscrit de base et observations lexicales et linguistiques D’après l’apparat critique du texte, il est aisé de constater les solidarités que sa tradition manuscrite exprime22. B, C1, P, T forment à l’évidence un sous-groupe, au sein duquel on peut observer des relations plus précises. C1, T sont très proches l’un de l’autre, si ce n’est qu’avec les fautes et les omissions qui la caractérisent, la copie de Tournai manifeste une certaine dégradation par rapport à celle de Cambrai, mais certaines variantes contredisent l’hypothèse d’une parenté directe entre elles. B va de pair avec elles, en suivant parfois l’une parfois l’autre, ou les leçons qu’elles partagent, mais plus souvent C1 (la lacune des lignes 175 - 178 excluant toutefois une descendance du type C1 - B). Quant à P, s’il se conforme lui aussi à C1, T, il se rapproche plus particulièrement de B dans quelques cas. De prime abord, il n’est pas facile d’opter entre cette famille et C2. Les deux branches présentent en effet des écarts significatifs dans divers passages, sans que ceux-ci plaident toujours en faveur de la même. On pourrait alléguer que les représentants du Miroir conservent un exemplaire dont la date de fabrication (1385) précède d’environ un siècle celle de C2. À ce titre, B mérite une certaine attention, mais plusieurs erreurs ou leçons insatisfaisantes le disqualifient par rapport à C1, P et T. Son ancienneté ne semble donc pas devoir constituer un critère déterminant pour le choix du manuscrit de référence. D’ailleurs, la qualité de transmission qu’il assure avec C1, P et T est dans l’ensemble inférieure à celle de C2. On relève dans ce groupe un nombre plus élevé d’omissions et de fautes par négligence, et les variantes qu’il transmet portent davantage préjudice à l’économie du récit qu’elles ne l’améliorent en comparaison de C2. C2 offre certes une apparence assez négligée, mais donne l’impression d’une plus grande homogénéité, ce qui n’en confirme pas pour autant l’« originalité » par rapport à B, C1, P et T, dont le modèle a pu subir des remaniements ; d’où la disparition dans C2 de quelques détails pertinents, surtout dans le récit de la tempête, jusqu’aux retrouvailles avec la mère et l’enfant. À l’inverse, des souvenirs de la légende ont peut-être entraîné certains changements dans le texte suivi par les copistes du groupe le mieux représenté. Les conditions d’emploi de la légende de Marie-Madeleine dans C2, véritable légendier, et dans B, C1, P, T, qui se réapproprient des extraits dans le but de composer un recueil à vocation différente, plaident aussi en faveur du premier, même si cet argument n’est pas non plus péremptoire. Mais surtout son choix permet de réduire le nombre d’interventions. Pour l’essentiel, en effet, le copiste de C2 ou le 22 Pour les raisons que nous avons évoquées plus haut, il faut mettre à part de cette discussion le manuscrit L, que nous retranscrirons en parallèle de C2.
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modèle qu’il suivait n’est prétérité que par quelques mélectures ou petites bévues et trois brèves lacunes (l. 113, 172 et, probablement, 214). Comme nous l’avons déjà souligné, tous nos exemplaires proviennent de scriptoria ou d’ateliers septentrionaux. B se rattache à la Thiérache, C2 est cambraisien, L a sans doute une origine tournaisienne, même si certaines particularités font plutôt songer à une scripta orientale, et T viendrait de Lobbes. Des traits caractéristiques du nord-est (ou du nord) du domaine d’oïl sont d’ailleurs perceptibles dans chacune de ces copies, sauf peut-être P. En revanche, la langue de l’auteur n’offre presque aucune particularité remarquable. Il est donc difficile d’en inférer quoi que ce soit en faveur d’une localisation ou d’une datation de son entreprise. Le verbe trachier (l. 228) représente la seule exception notable, mais le sens qu’il faut lui accorder ici (« biffer, annuler en traçant » ; latin delere, § 192) n’est pas bien documenté. Il se pourrait néanmoins que cette acception, dont les exemples sont très peu nombreux et, pour la période ancienne, se limitent aux XVème et XVIème siècles (1439 pour la première attestation certaine), possède au départ et dans quelques développements de cette famille lexicale, une attache régionale (cf. FEW, tractiare, XIII, 2, col. 145 b). Les substantifs apostolesse (l. 39), balme (l. 166) et dispersion (l. 43) ont déjà été signalés, le premier, en raison de son absence des dictionnaires (cf. n° 3). nappe (l. 225), que deux autres traducteurs plus tardifs utilisent aussi avec la signification de « revêtement d’autel » (palla altaris, chez Jacques de Voragine, cf. § 191), les adverbes delicieusement (l. 68), incontinent (« aussitôt, l. 160), plentureusement (l. 69) et peut-être precieusement (l. 68), enfin tecter et tecte (« sein, téton »), l. 141 peuvent compléter utilement nos outils de recherche, qui n’en citent guère d’occurrences, mais ces termes ne nous aident pas à préciser l’origine ou l’époque de notre texte et une partie d’entre eux se retrouvent dans d’autres versions. Plan de l’édition Exemplaire de référence : Cambrai, Médiathèque municipale, 812 (719), f° 203 d 207 b (C2) Exemplaires de comparaison : B : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10203, f° 104 b - 110 c C1 : Cambrai, Médiathèque municipale, 210 (205), 2ème partie, f° 53 c - 56 b P : Paris, Bibliothèque de l’Institut de France, 12, 2ème partie, f° 87 b - 91 d (numérotation originale) T : Tournai, Bibliothèque du Séminaire, 43, f° 144 r° - 147 r° (numérotation originale) Exemplaire associé : L : Lille, Bibliothèque municipale, Rig. 452 (795), f° 399 b - 406 c
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[203 d] ¶ S’ensieut le vie de le benoicte Marie Magdelaine
Marie, seur a Lazaron et a Marthe, prist son sournom d’un castel qui estoit
appellez Magdalon et fu si estraicte de noble lignie. Son pere estoit appellés Syrus [204 a] et sa mere Eucharie, qui tenoient le chastel et le ville de Bethanie et une partie de le cité de Jherusalem, si comme le Legende d’or raconte; et dist que aprez le mort de leur pere, Marie, Lazaron et Marthe avoient entre eulx parti leur patremonne en tel maniere que Marie tenoit le castel de Magdalon aprez lequel elle eult son sournom, comme dit est, Lazaron tenoit celle partie qu’il avoient en Jherusalem et Marthe tenoit Bethanie. Marie estoit une femme tresbelle et moult riche, mais si comme nous veons que grande richesse est mainteffois cause et occasion de faire les delitemens du corpz, ainsi Marie, tant qu’elle eult plus de richesses et plus grande beauté, de tant habandonna elle plus son corpz a pechiet carnel en faisant les desirs de son corpz, et pour ce advint qu’elle avoit si come son sournom perdut et le appelloit on le pecheresse. Mais quant Jhesucrist la endroit preschoit, Marie, qui se predicacion volentiers ooyt et d’icelle inspiree estoit, oÿ dire qu’Il estoit en le mayson de Simon le Mesel en Bethanie et seoit au mengier. Tantost par grant desir d’avoir merchy de ses pechiez vint sur le mengier et pour tant qu’elle n’osoit par devant les apostles come pecheresse apparoir, elle se mist [204 b] par denriere aux piez de Nostre Seigneur, et iceulx lava de ses larmes en plourant et puis les essuoit de ses cheveux et les oindoit de precieux onghement et les baisoit humblement, car le maniere de ce paÿs estoit telle que pour le tresgrant ardeur du soleil, les gens usoient de bains et de precieux onghemens pour refroidier. Quant Simon, en cui mayson ce advint, vit comment Jhesucrist souffroit ce que Marie faisoit entour ses piez, tantost pensa en luy
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Exemplaire de référence : Cambrai, Médiathèque municipale, 812 (719) 11. les del. du monde, dernier mot tracé et remplacé par corpz. – 19. elle se mist par par d., première occurrence de par tracée. – 23. Simon est ajouté dans la marge (l’encre diffère de celle employée par le copiste). Variantes : 1. De sainte Marie Magdalaine C1 T (P; la Magdalaine B). – 2. suere au Ladre P. – 3. et elle fut estraite B C1 P T. – 4. et partie B C1 P T. – 6. et Laz. B C1 T et le Ladre P. – 6 - 7. av. entre eulx ainsi p. leur patremoine (leurs patrimoinnes P) que Marie tenoit C1 (B P) av. ainsi entre yaulx p. leur patrimosne, Marie tenoit T. – 7. aprez lequel] aprés quoi T. – 8. et Laz. B C1 et le Ladre P. – 10. grande] omis dans T. – 12. plus de richesse T. – 12. et plus de grant beaulté C1. – 12. de tant ab. plus son corpz B (P) de tant plus ab. son corps C1 de tant habandonnat de plus son corps T. – 13. desirs] delis C1. – 13 - 14. et pour advint qu’elle avoit son s. p. T. – 15. la endroit et ailleurs pr. C1 T (B P). – 15. Marie (...) insp. estoit] Marie de sa pred. insp. estoit C1 T (B P). – 16. et oÿ dire C1 elle oÿt dire T. – 16. Mesel] Ladre P. – 17. sour le m. B. – 19. es piés P. – 19. n. s. Jhesucrist T. – 19. et les lava B C1 T (P). – 20. et les ess. C1 (P) et les suoit B (T). – 20. oindit B P. – 21. de cellui paÿs C1 T (B). – 23. en la quelle maison P. – 24. souffri C1 (B P). – 24. pensoit B P T. – 24. de li meismes B (P).
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[399 b] Marie Magdelaine
Marie Magdelaine fut soer au Ladre que Jhesus resuscita et a Marte, et prist son
sournom d’un castel qui estoit sien, nommés Magdalon. Elle fut extraicte de noble lignie [399 c] et fut son pere nommé Sirus et sa mere Eucaria, qui tenoient ledit castiel et la ville de Bethanie et une partie de la cité de Jherusalem; et aprés le trespas de leur pere, le Ladre, Marie Madelaine et Marte partirent leur patrimonne et tellement que Marie tint le castiel de Magdelon et le Ladre tint celle part qu’ils avoient en Jherusalem, et Marte tenoit Bethanie. Marie estoit une tresbelle fame et mont riche, mais si comme nous voions souvent que les grans ricesses sont causes des delectations corporeles qui sont contraires a l’ame, ainssin Marie, en tant qu’elle avoit plus de ricesses et plus grande biaultet, de tant abandonna elle plus tost son corps a pechiet carnel en faisant les delis de son corps; et pour ce advint [139 d] que elle avoit ainssin que son sournon perdut et l’apelloit on Marie le peceresse. Mais par la predication de Jhesus et pour ses grans miracles, elle fut si inspiree que tantost qu’elle oït dire que Nostre Segneur estoit en la maison de Simon le Mesiel en Bethanie, et seoit la au mengier, hastivement, pour le grant desir que elle hout, pour avoir merchit de ses pechiés, s’en ala sur le mengier; et pour ce que elle ne ausoit apparoir devant les apostles, pour ce qu’elle estoit peceresse, se mist elle par deriere auls piés de Nostre Segneur, et de ses larmes en plorant ses piés Li lava et aprés de ses cheveux les essua, et puis les oingni d’un ongnement mont precieuls, et aprés les baisa mont humblement. La coustume de celui païs estoit [400 a] de user d’ongnemens et de baings contre l’ardeur du soleil. ¶ Quant Simon le Meziel vit que Nostre Segneur souffroit ce que Marie Li faisoit entour ses piés, tantost s’apensa en lui mesmes que se Jhesu Crist fust vraix
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Exemplaire de référence : Lille, Bibliothèque municipale, Rig. 452 (795) 7. et tellement] les deux mots sont séparés par un q, isolé et tracé (anticipation probable de la conjonction qui les suit). – 11 - 12. de tant abandonna elle son corps plus tost son corps; la première occurrence des deux mots qui ont été indûment bissés est tracée. – 16. Sisemon, troisième et quatrième lettres tracées.
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meismes : « Se chieux estoit vrais prouphetes, bien sçaroit que ceste femme est une pecheresse ne ne se laisseroit ja d’elle ainsy atouchier », mais Nostre Seigneur le reprist tantost de se justice orguilleuse et si pardonna a Marie tous ses pechiés; de lequelle saint Marq l’Euvangeliste dist, Nostre Seigneur getta sept dyables – ce sont les .vij. pechiés mortelz – pour le grant amour qu’elle avoit en Luy, et pour ce moustra Il a Marie grande familliarité, car tousjours Il le excusoit douchement encontre Simon et encontre Marthe, se seur, qui disoit qu’elle estoit trop huiseuse. Apprez, pour l’amour d’elle, Il gary Marthe se seur [du flux] de sang qu’elle avoit eu .vij. ans et ressuscita Lazaron qui quatre jours avoit esté mors et ensevelis, et fist Marchelle, le mesquine Marthe, digne de dire celle sainte parolle : « Eureux est chieux ventres, o Jhesucrist, qui Te porta et eureuses sont les mamelles qui Te alaictierent ! » Et pour l’amour grande [204 c] que celle glorieuse Marie eult a Nostre Seigneur, Il se apparut aprez se Resurection premierement a elle et se fu celle qui anuncha le Resurection aux apostles premierement, pour le quelle cause elle est appellee apostolesse et maistresse des apostles. Quant les apostles, aprez le Assencion de Nostre Seigneur, furent encore en Jherusalem et que les juyfz avoient decachié moult de crestiens et les disciples de Dieu hors de Jherusalem, advint que Maximius, l’un des .lxxij. disciples, estoit avecq les apostles, a cui saint Piere commist le Magdelaine en garde. En ycelle [dispersion] que les juifz faisoient as disciples, comme dit est, Maximus et Marie Magdelaine, Lazaron, Marthe et Marcelle, se mequine, et Cedoinez qui fu nez aveules, mais il estoit de Jhesucrist renluminez, et pluiseurs autrez crestiens furent de ces mescreans juyfz decachiés
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29. mortelz est suivi d’un q, tracé. – 32 - 33. il gary Marthe se seur de fleuve de sang qu’elle avoit eu en .vij. ans. Il est pour le moins improbable que fleuve fournisse un équivalent à flus. Correction d’après C1 (B P T). – 43. Le terme desperacion que le scribe utilise n’est pas dénué de sens ici. Néanmoins, il est probable que cette variante résulte d’une confusion, dispersion étant appuyé par C1 (B T) et par le texte latin de la Legenda aurea (cf. § 35). 25. Se chieux estoit] cis se il estoit B se Jhesucrist estoit T que se chils estoit C1 cest homme ci s’il estoit P. – 26. ne ne se laiss. ja] et ne se laiss. C1 ne il ne se laiss. ja T ne ne laiss. ja P. – 26. ainsi d’elle at. T ensi de li at. B. – 27. et pard. a (a omis dans B T) Marie C1 P (B T). – 28. en getta C1. – 28 - 29. .vij. dyaubles d’elle che sont .vij. pechiez m. T. – 29. qu’elle avoit a li B P (T). Le copiste de C1 a écrit : quellil avoit a luy, leçon dont la première partie reste incompréhensible. – 30. moustra il] il moustra B C1 P T. – 30 - 31. t. l’esc. il doulcement enc. Symon devant dit C1 (B P T). – 32. pour l’amour de lui T. – 32 - 33. du flux (de fluis B P) de sang qu’elle avoit eu .vij. ans C1 (B P T). – 33. le Ladre P. – 33. qui avoit estet .iiij. j. mors (qui avoit bissé) T. – 34. le mesqu. a Marthe C1 (B P T). – 34 - 35. eureus est cils (ce P) v. qui toy Jh. (o Jh. B P T) p. C1 (B P T). – 36. et pour la gr. amour B C1 T (P). – 36. que celle Marie gl. T. – 37 - 38. et se fu celle (...) prem.] et elle anoncha la res. prem. aux aposteles C1 (B P T). – 38. pour] par C1. – 39. et quant B C1 P T. – 40. et les juys C1 T (B P). – 41. dieu] Jhesucrist B C1 P T. – 42. Maximin C1 (B P T). – 42. .lxx. T. – 42. a cui] au quel P. – 43 - 44. comm. le Magd. (...) et Marie Magd.] comm. la Magdalaine P (saut du même au même). – 43. en ycelle dispersion C1 (B T). – 44. aux crestiens C1. – 44. Maximinus C1 Maximins B T. – 44. et Marie Magd.] et Marie la Magdalaine B Marie Magdalaine T. – 44. et Laz. (et le Ladre P) et Marthe B C1 (P). – 44. et Marcelle] Marcelle T. – 45 - 46. se mequine (...) renluminez] omis dans T. – 45. Celidones C1. – 45 - 46. mais (...)] et estoit de Jh. enluminnés C1 (B P). – 46. et pluseurs autres desciples B, dernier mot tracé et remplacé par crestiens. – 46. des mescr. juys C1 T (B P).
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prophetes, bien sceust et congneust que celle femme estoit peceresse et de Lui ja ne Se laissast ainssin atouchier; mais Nostre Segneur, qui bien seut sa pensee, tantost le reprist de sa justice orguilleuse et pardonna a Marie tous ses pechiés. De se saint Marc l’Evangelist dist que Nostre Segneur getta .vij. diables, ce sont les .vij. pechiés mortels, lesquels Il jetta hors de Marie pour la grant amour dont elle L’ama, et pour ce monstra Il a Marie grant amour et grant familiarité, car tousjours l’excusoit Il doulcement encontre Simon le Meziel et encontre Marthe, [400 b] sa soer, qui l’acusoit de ce que trop huiseuse estoit de labeur des mains; et aprés, pour l’amour de la Madelaine, Nostre Segneur gari Marthe sa soer de la maladie du cours de sanc, laquelle maladie elle avoit porté .vij. ans, et aprés aussi resuscita Il le Ladre, son frere, qui par .iiij. jours avoit estet ensepvelis et enterret tout mort, et fist a Marcelle, la mesquine de Marthe, dire celle noble parole : « Beatus venter qui Te portavit et ubera que suxisti », c’est a dire : « O Jhesus, benoit soit le ventre qui T’a porté et les mamelles que Tu as suchiet ». Et pour la tresgrant amour que ceste glorieuse Magdelaine eubt a Nostre Segneur, S’aparut Nostre Segneur premierement a elle aprés sa Resurection et l’ala nonchier auls apostles, pour laquelle cause elle fut appellee apostolesse. Et [400 c] quant les apostles, aprés la Resurection Nostre Segneur, estoient encorres en Jherusalem et les juifs cachoient les crestiens et les disciples hors de la cité et de leur païs, saint Piere l’apostre commist saint Maximien, ung des .lxxij. disciples, a garder la Magdelaine, et en celle persecution faisant, les juis prinrent le Ladre, Maximien, Marte, Marie et Marcelle, leur mesquine, et Celidonius qui avoit estet illuminet par Jhesucrist et pluiseurs aultres crestiens, et furent menet jusques a la mer et
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33. et aprés pour l’amour d’elle gari. Les trois derniers mots ont été tracés et remplacés par ceux qui figurent dans le texte (de la Madelaine). – 33. gari] ajouté au-dessus de la ligne (voir note précédente). – 33. Marthe sa soer] correction sur Marthe sa soer, deuxième mot tracé et remplacé par la, à nouveau tracé et corrigé en sa. – 46 - 47. Marie et Marcelle leur mesquine et Celidonius qui avoit estet illuminet par Jhesucrist et pluiseurs aultres cr. Bien que les mots soulignés dans cette variante soient tracés, leur présence se justifie dans le texte. En outre, l’encre noire utilisée pour cette intervention diffère de celle du copiste, qui n’en est sans doute pas responsable.
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jusquez a le mer et mis en une nave sans gouverneur pour noyer, mais par le volenté de Dieu, il arriverent sauvement a port de salut a Marselle; et quant il furent en le cité entrés et que nulz ne les voloit herbegier, il demourerent dessoubz le portal du temple, et quant le Magdelaine vit les payens venir a leur temple pour orer les ydolles, elle leur moustra tantost ung gracieux et plaisant visage et douchement les reprist de ce qu’il fasoient et leur prescha le [204 d] foy de Jhesucrist, de quoy tous se esmerveillerent pour le rayson de se grande beauté et de sa douche loquence, et ce n’estoit mie merveilles se le bouche qui tant de doulx baisiers avoit donnez as piez de Jhesucrist estoit enseigniez de le sainte parolle de son Seigneur et vray Redempter. Apprez y vint l’endemain le prince de le prouvince et se femme pour faire sacrefice as ydolles, principalment sur intencion de pooir avoir enfant de se lignie, mais Marie ly prescha le foy de Jhesucrist et leur destourna de faire leur sacrefice a son pooir. Puis aprez ung peu de tempz, le Magdelaine se apparut a le femme de ce prince par nuyt en vision et luy dist : « Pourquoy laissiez vous morir les sains de fain et de froit, qui si grande ricquesse avez ? » Puis le commencha a manechier s’elle ne fasoit tant a son mary que il fuissent aidié de se ricquesse, mais elle ne osoit ce reveler a son mary. Pourquoy le nuyt aprez le Magdelaine de rechief revint a elle et luy dist ces meismez parlers, mais encore ne l’osa elle dire a son mary. Le thierche nuyt, elle se apparut a eulx deux et leur moustra ung crueux regart en disant : « Dors tu, thirant, anemis a le croix de Jhesucrist et menbres au dyable ? Et tu, femme crueuse qui mes parlers n’as volu reveler ne moustrer, tu reposes orendroit en ton palais [205 a] precieusement et es nourris delicieusement et plentureusement, et si vois les sains de Dieu morir de fain et de froit ? Tu n’en escapperas mie ainsi, mauvais thirans et crueux, sans paine a souffrir pour ce que tant as attendu a eulx aidier ! » En telle maniere leur dist le Magdelaine et de la
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52. reprist est précédé d’une lettre indéchiffrable, tracée. 47. jusquez] dusquez C1 (B P). – 47. en la mer P. – 48. dieu] nostre seigneur C1 P T (B). – 48. au port de Marseille P. – 49. et nuls B C1 T (P). – 49. il dem.] si dem. C1 P (B T). – 50. la Magd.] Magdalaine T. – 50. vid venir les p. C1. – 50 - 51. pour aourer leurs (les B P T) ydoles t. leur m. C1 (B P T). – 52. le foy de Jh.] omis dans T. – 52. de quoy] et B C1 P T. – 53. s’enmervillerent T. – 53. tresgrande biaulté T. – 53. eloquence C1. – 55 - 56. estoit ens. (...) redempter] et qui estoit ensignie de le p. de nostre seigneur (de Jhesucrist P) C1 (B P T). – 56. Apprez y vint l’end.] aprés l’end. y vint B P T aprés y vint C1. – 56. le prince] le premier C1. – 56. avec sa femme C1 P (B T). – 57. princ. (...) enfant] pour avoir enfant (enfans P) B C1 (P T). – 57. et de sa lignie P et de soi lingnie B. – 58. leur pr. C1 (T). – 58. leur sacr.] le sacr. B C1 (P) sacrefisce T. – 59. de son pooir P. – 60. de chest pr. C1 d’ycest pr. B. – 60. en une vision B C1 P T. – 61. qui avés si gr. richece P. – 63. ce dire ne rev. C1 (T) chou reveleir ne dire B (P). – 63. par coi B (P T). – 64. revint a elle] se apparut C1 li aparut B (P T). – 64. ses meismez parolles P. – 64. ne les osoit dire B C1 P T. – 65. elle se app.] s’app. C1 P (B) s’aparut la Magdalaine T. – 66. a dyauble T. – 67. mes parolles P. – 68. pallis C1 (B P). – 68 - 69. et es n. del. et plent.] dans B, ajouté au bas de la colonne (encre distincte; écriture peut-être identique à celle du scribe mais de plus petit module). – 69. et plent.] et plentiveusement B P omis dans T. – 69. et si vois] et regardes C1 (P T) et regardeis B. – 69. et de froit] omis dans C1. – 70. mie] omis dans C1. – 70. paines C1. – 70. a souffrir] souffrir P. – 70. pour ce que] pour tant que P. – 71. tant as agardé de eauls aidier C1 (B T) tu as tant agardés a eulx aidier P. – 71. leur dist le Magd.] la Magd. leur parla C1 (B P T).
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mis en ung vaissiel sans point de gouvernal affin que ils fussent plus tost noiés, mais par la volenté de Nostre Segneur, ils arriverent a port de salut droit a Marcelle en Prouvence; et quant ils furent entret en la cité, nuls ne les volt herbegier, car tous gens de celle cité esto- [400 d] -ient paiens et ceuls chi creoient en Dieu, et pour tant demorerent ils toute la nuit dessoubs le portal du temple. ¶ Et quant la Madelaine vit venir les paiens pour adourer les ydoles, tantost leur moustra ung gracieuls et plaisant viaire, et doulcement les reprint de che qu’ils faisoient leurs dieus et leur prescha et dist la foy de Jhesucrist, dont tous s’esmerveillerent de che qu’elle disoit, et aussi de la grant biaultet et de la belle eloquenche qu’elle avoit, et ce n’estoit point merveilles se sa bouche qui tant avoit donné de douls baisiers auls piés de Jhesu Crist et qui estoit ensegnie de la parolle de Dieu estoit bien enparlee et aprise. L’endemain aprés y vint le prinche de la province et sa femme avoec lui [401 a] pour faire sacrefice aus ydoles affin qu’ils peussent avoir lignie l’un de l’autre, car ils ne pooient avoir nuls enfans, mais Marie leur prescha et demonstra la foy de Jhesu Crist. ¶ Aprés ung peu de tamps, la Magdelaine s’apparut par nuit en vision a la femme du prince en dormant et leur dist : « Pour quoy laissiés vous morir de fain et de froit les saintes personnes, vous qui avés les grandes ricesses de ce monde ? » Et commencha a manechier la femme du prinche, disant se elle ne faisoit tant a son mari que ils fussent aidiés et confortés de leurs ricesses, que ils s’en repentiroient, mais la dame ne ausoit che dire ne reveler a son mari. Pour quoy la nuit aprés, la Magdelaine de rechief s’apparut en vision a elle et lui dist ces mesmes parolles, mais encorre ne l’osa elle dire a son mari. La tier- [401 b] -ce nuit s’apparut la Madelaine a euls deus et leur monstra ung creus regart et dist au prince : « Dors tu, tirant, ennemi de la croix de Jhesu Crist et membre du diable, et toy, fame creuse, qui mes parolles n’as volut reveler ne demonstrer a ton mari ? Tu reposes orendroit en ton palais precieusement et plantureusement a ton plaisir, et tu vois les sains de Nostre Segneur de fain morir et de froit ! Tu n’escaperas pas ainssin, mauvais creuls tirant, sans paine souffrir pour ce que tu as tant targiet a euls aidier. » En telle maniere leur sermonna la Magdelaine par nuit en vision, et
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50. entret] lecture incertaine pour la fin de ce mot. – 62 - 63. Cette leçon résulte d’une suite complexe de remaniements. Le scribe a tout d’abord écrit : la Magd. s’apparut par nuit en vision a euls et leur dist. Les deux mots que nous soulignons ont été tracés et remplacés dans la marge par au prince [tracé] et a sa [tracé et remplacé par la] femme en dormant [second mot incertain, le tout tracé] du prince en dormant. – 65. manechier] correction, insolite, sur menachier.
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tantost se departi. Quant le femme s’esvilla, de grant paour souspira et dist a son mary, qui grant paour ossy avoit pour celle meisme cause : « Monseigneur, avez vous veu ce que j’ay veu orendroit ? » Son mary respondy : « Oÿl, bien l’a[y] veu et en ay grant merveille. Que[lle] chose en porrons nous faire ? » Et le femme luy dist : « Il nous vault mieulx que nous faisons se volenté que ce que nous encourons le couroux de son Dieu qu’elle presche, car ceste vision ne nous est mie apparrue sans bien. Nous prenderons ces saintes gens en nostre hostel et leur aministerons leurs neccessitez, et prierons a le Magdelaine qu’elle prie a son Dieu que par son aide puissons avoir enfant. » Ainsi par ung meismez accord herbegerent il les sains et leur administrerent leurs neccessitez. Apprez advint que le Magdelaine preschoit une fois au peuple et le prince qui la estoit presens luy demanda et dist : « Poroyes tu soustenir et deffendre ceste foy que tu nous presches ? » Et Marie luy respondy que le soustenroit tant par miracles comme par la sainte predicacion de saint Piere, son bon maistre, qui icelle foy [205 b] avoit tousjours confermee par bons enseignemens. Ad ce respondy le prince et se femme en disant : « Vechy, nous obeÿrons a ta foy se tu au Dieu que tu presches peulx impetrer que nous deux puissons avoir .j. enfant marle. » La bonne sainte dame ad ce respondy que pour ce point ne demourroit et quant elle eult sur ce Dieu priet, sa priere fu oÿe et conchupt celle femme ung enfant. Adont en fu le prince si liez que il vault aler veoir saint Pierre et le sainte terre pour esprouver se le verité estoit telle de Jhesucrist que le Magdelaine l’avoit dit et preschiet, mais quant sa femme l’entendy, elle dist a son mary : « Que [est] che, dist elle, « monseigneur, vous en cuidiez
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74. bien l’a veu. Correction d’après C1 (B P T) pour le verbe lui-même (l’ajout du pronom n’est pas indispensable). – 75. Que chose. Correction d’après T (C1; graphie conforme à la scripta de C2). – 79. Les lettres se ont été ajoutées à la fin du mot prie, au-dessus de la ligne (intervention du copiste). – 81. administrent, re ajoutés au-dessus de la ligne par le scribe. – 84. comme est suivi de la, tracé. – 93. Les paroles de la femme du prince débutent par que che, faute à laquelle il semblerait que le copiste ait tenté de remédier en ajoutant une ou deux lettres, indéchiffrables, avant le second mot, sans doute afin de restituer le verbe manquant. Correction d’après C1 (B (P)). 72. se parti C1 (B P). – 72. et quant B C1 P T. – 73. que grant p. avoit oussi eu C1 le quel aussi grant p. avoit P. – 74. et ses maris B C1 (P T). – 74. bien l’ai je veu C1 (B P T). – 75. mais quel cose T (C1) mais coi B (mais que P). – 75. Et le f. luy dist] et le f. dist B C1 P omis dans T. – 76. que nous f.] ajout marginal dans B (même écriture que pour la correction des lignes 68 - 69). – 76. que que ce que nous enc. C1. – 77 - 78. car (...) sans bien] sans cause ne nous apparut mie yceste vis. C1 (B P T). – 78. cestes s. gens C1 ses sainctez gens P. – 78. et leurs aministrons P et aministrerons T. – 79. leur necessité C1 (B). – 80. ung enfant T enfans P. – 80. par un accort C1 (B P T). – 81. leur necessité C1 (B). – 83. et deff.] omis dans C1. – 83. Marie] Magdalaine T. – 83. luy] omis dans B C1 P T. – 84. que bien le soust. B C1 T (P). – 84. par la predication P. – 85. avoit t. conf.] t. conferme B C1 P T. – 87. a ton dieux T. – 87. deux] omis dans B C1 P T. – 88. marle] assaver ung fil T. – 88. La b. s. dame] et le Magdelaine C1 (B P T). – 88. ad ce resp.] respondi T. – 88 - 89. que point pour che ne dem. C1 (B P T). – 89. sur ce] omis dans B C1 P T. – 90. et (...) ung enfant] et celle f. conchut C1 (B P T). – 90 - 91. que saint Pierres vouloit aler veoir C1 (B P T). – 91. la verité] la merite T. – 92. comme la Magdalaine leur avoit dit C1 (B P T). – 92. l’entendy] che oÿ C1 (B P T). – 93 - 94. si dist ainsi a son mari : que est che, monseigneur, dist elle, cuidiés vous aler ent sans moy C1 si (elle P) dist ensi a son marit : que eschou, dist elle, monsigneur, cuidiés vous en aleir sans moi B (P) si at dit a son mari : mons. en cuidiez vous aller sans moy T.
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puis d’eus se parti; et quant la dame s’esveilla, elle souspira du grant paour qu’elle ot et dist a son marit, que grant paour avoit, et dist : « Monseigneur, avés vous point veu [401 c] orendroit ce que j’ay veu ? » Et son mari respondi que : « Oïl, bien ay veut et oït aucune chose. Si ay grant mervoilles que ce poet estre et quelle chose nous en porrons faire. » Et la dame respondi : « Il vault mieuls que nous fachons sa volenté que ce que nous aions la fureur de son Dieu qu’elle presce et anunche. Elle ne nous est point apparue sans cause en ceste vision. Nous prenrons ces saintes gens en nostre hostel et leur administrerons leurs necessités, et prierons a la Magdelaine que elle prie a son Dieu que par son aide puissons lignie et enfans avoir. » Ainssin par ung acort herbegerent ils les sains et leur administrerent leur neccessités. ¶ Aprés advint que la Magdelaine preschoit ung jour au peuple de Mar- [401 d] -celles, et le prince qui la estoit li demanda ainssin : « Porroies tu deffendre et soustenir ceste foy que tu presches ? » Et Marie lui respondi que bien la soustenroit s’il plaisoit a Dieu, tant par miracles comme par la sainte predication et doctrine de son bon maistre et segneur Jhesu Crist. ¶ Ad ce respondirent le prince et sa femme en disant : « Vechi : nous obeïrons volentiers a ta foy se tu poés impetre et obtenir de ton Dieu que tu presces que nous puissons avoir ung enfant marle. » Et la Magdelaine leur respondi que ja pour tant ne demorroit; et quant elle en heubt a Dieu priiet, sa parolle fut oïe tant que celle bonne dame conchupt en son ventre ung enfant. ¶ Adon fut le prince si liés et si joieuls que [402 a] il voloit aler veoir saint Piere et la Sainte Terre pour veoir se la verité estoit telle de Jhesucrist comme la Magdelaine avoit dit et preschiet; mais quant sa femme oït che, si dist ainsi a son mari : « Que esse chi », ce dist la dame, « monsegneur ? Aqui me lairés vous ? Certes, je ne vous laisseray pas. » Et il li
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77. elle ses souspira; les trois lettres que nous n’avons pas fait figurer dans le texte ont été tracées. – 81. vault remplace fault, qui a été tracé. – 99 - 100. que ceste est ce dist elle monsegneur. Le deuxième mot n’est pas certain et, avec le suivant, il a été tracé et remplacé par esse chi; de même pour le pronom elle, auquel on a substitué la dame.
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vous aler sans moy ? Certainement avecq vous m’en yray, ne vous tant que je vive ne laisseray » Et le prince luy dist : « Dame, il ne serra mie ainsy, car vous estes enchainte d’un enfant et les perilz de le mer sont trop grans. Si demourrez doncquez en nostre mayson et garderez et gouvernerés toutes nos choses. » Mais ce dist il pour neant, car la dame ne voloit demourer et en plourant a son seigneur impetra qu’elle s’en ala avecq luy. Apprez ce, le Magdelaine le signe de le croix leur donna et a leur espaule l’atacqua adfin que l’anemy ne leur pausist faire dommage ne nul anoy en leur voyage, mais ainchois qu’il montassent sur mer, quanquez ilz avoient de possessions et de richesses laisserent en la garde de Marie Magdelaine, et ainsi s’en alerent. Advint une foys, que par [205 c] une nuyt qu’il furent en le mer bien parfont alé, tantost une tempeste se leva si grande que le dame en fu si griefment espoentee que en celle heure luy vint le doleur d’enfantement et tantost .j. fil enfanta, dont icelle dame de doleur de ce siecle trespassa. Ly enfes plouroit et crioit et le mamelle de se mere queroit. Las ! que c’estoit grant doleur a veoyr que ly enfes fu tous vifz qui se mere avoit ochis. « Elas ! », dist le pere, « il le convient morir, [car il n’a nullui qui le peuist nourrir]. » Moult plouroit le mort de se femme et disoit : « Quetifz, que feras tu ? Ung hoir desiroyez a avoir et le mere et l’enfant as tu perdut. » Adont crierent les maronniers en disant : « Gettons ce corpz mort en le mer ainchois qu’il nous fache en peril entrer, car tant que en le nave sera, ce [tempés] ne cessera. » Adont prirent il le corpz de le dame pour le getter en le mer, mais son mary commencha a crier et a dire : « Seigneur, je vous prie merchy et que vous ayés pité au mains de ce petit enfant et attendés encore ung peu. Vechy
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109. Le segment de texte ajouté entre crochets a été omis par le scribe ou manquait dans son modèle. Correction d’après C1 (B P T), graphies conformes à la scripta de C2. – 113. tempz, leçon de C2, est un terme trop vague ici et résulte sans doute d’une mélecture. Correction d’après C1 (B P T). 94 - 95. ne vous tant come je viverai ne laisserai (ne vous laisserai C1 (T)) B (C1 P T). – 95. le prince] le sire C1 P (B). – 95. luy dist] dist a la dame B C1 P (T). – 96. trop] tres C1. – 96 - 97. Si (...) choses] a nostre maison donques demoreis et t. nos chose (vos choses P) govrenerés B (P) pour quoy (si que T) a nostre maison demourrés et t. nos choses gouv. C1 (T). – 97 - 98. mais che fut bien pour n. C1 (B P T). – 98. point demorer T. – 99. que avec luy s’en ala C1 (B P T). – 99. Apprez ce le Magd.] aprés Marie B C1 P aprés Marie Magdalaine T. – 100. et a leurs espaules C1 P (B). – 100. leur atacha C1. – 100. adfin que (...) faire domm.] pour la raison de ce que l’ennemi (...) C1 (B P) pour la raison de chou que les annemis ne leur peuissent fere damage T. – 101. que sour la mer montaissent de qu. ilz (de quanques qu’ilz P) av. C1 (B P T). – 103 - 104. Advint (...) bien parfont alé] mais quant par .j. jour et une nuit (par .j. jour en une nuit B P) f. en la mer allés parfont C1 (B P) mais quant par l’espasse d’ung jour f. (...) T. – 104. uns tempeis B (ung tempest P). – 104. en fut esp. si gr. C1 (B P; si tresgriefment T). – 105. la dolleur d’enfanter T. – 106. dont (...) tresp.] et la dame de ceste vie tresp. C1 P (B T). – 106. et l’enfe T. – 106. crioit et pl. C1 T. – 107. las (la T) grant doleur a veoir en estoit B C1 P (T). – 108 - 109. il le conv. m. car il n’a nullui (car il n’y at personne T) qui le peuist nourir C1 (B P T). – 110. helas chaitis B (P T; C1 : lecture incertaine pour le dernier mot, qui a subi un remaniement du copiste). – 111. adont crioient les navieurs et disoient C1 T (B P). – 112. qu’il ne nous face en plus grant p. entrer C1. – 112. tant que] tant come C1. – 113. chis tempés C1 (B P; chilz tempiest T). – 113 - 114. Adont (...) son mary] et quant ilz eurent ja pris le corps de la dame pour le g. (pour getteir B (P T)) en la mer le mari C1 (B P; T, qui substitue le mot prinche à mari). – 114. et dire T. – 115. et (...) enfant] et pité aiiés au moins du p. enfant C1 (B P T). – 115. et ratendeis .j. pau de tamps B (P T).
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dist : « Dame, ainsi ne sera pas, car vous estes enchaintes d’enfant et les perils de la mer sont trop grans. A l’ostel demorés et toutes nos choses gouvernerés. » Mais tout che fut dit pour nient, car onques la dame ne volt demorer, et tant fist par force de parler et de plorer que avoec son mari s’en ala oultre mer. ¶ Aprés che, la Magdelaine leur donna le signe de la croix et a leurs espaulles l’atacha affin que l’ennemi ne leur fesist encombrier ne mal en faisant leur voiage, [402 b] mais ainchois qu’ils montaissent sur mer, de toutes leurs ricesses et possessions que ils avoient laisserent la garde et le gouvernement a Marie Magdelaine, et puis s’en alerent leur chemin. Mais quant par ung jour et une nuit furent bien avant alés en la mer et parfont, tantost une tempeste se leva si grande et si hideuse que la dame en fut toute espantee, et si griefment s’effrea qu’en celle mesme heure lui vint le mal d’enfanter, si ques tantost ung bel fils enfanta, mais a l’enfanter, la dame de ceste vie trespassa. L’enfant ploroit et crioit et les mamelles de sa mere queroit. ¶ Helas ! con grant doleur et pité c’estoit, car l’enfant estoit vif qui sa mere avoit ochie et morte. « Helas ! » dist le pere. « Il couvient mon enfant morir », et mont tendrement plo- [402 c] -roit pour la mort de sa femme en disant : « Helas ! Moy, quetif, que ferai ge ? Tu desiroies a avoir ung hoir et tu en as perdu .ij., c’est la mere et l’enfant. » Adont dirent les maronniers : « Gettons le corps de ceste femme morte en la mer ainchois qu’il nous face entrer en peril, car tant qu’il sera dedens la nef, ceste tempeste ne cessera. » Et comme ils eussent ja prins la corps de la dame pour getter en la mer, le prince leur commanda et pria en disant : « Segneurs, je vous crie merchit a jointes mains. Aiiés pité du petit enfant et si attendés. Je voy
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assés pres une montaigne : se vous prie que la veuilliez le nef tourner, car mieulx vault le dame et l’enfant laissier sur terre que les getter en le mer. » A grant priere vinrent il a terre et la fist on la dame et l’enfant hors de le nef porter, mais il n’avoient riens dont il peuissent faire une fosse pour le corpz de le dame ensevelir. Adont fu mise la dame en ung lieu privet et l’enfant entre ses bras, et tous deux les couvry le prince et les commist en le garde de le Magdelaine, [205 d] et fist au departir une tres piteuse complainte sur le corpz de se femme; et puis s’en retourna a le nef et fist tant qu’il vint au lieu la ou saint Pierre demouroit, et tantost saint Pierre vint a l’encontre de luy, qui pour tant que le signe de le croix portoit luy demanda dont il venoit, et chieux luy raconta toute son aventure et son affaire, et saint Pierre luy respondy qu’il fust le tresbien venus et que bon conseil et prouffitable il avoit crut, et luy dist qu’il ne fust mie a mesaise de ce que a se femme estoit advenu, car elle dormoit et ly enfes nul mal ne avoit, mais estoient en le garde de Dieu, poissant de tolir et rendre le vie a son plaisir. Lors le mena saint Piere veoir Jherusalem et luy moustra les sains lieux ens esquelz Jhesucrist avoit preschiet et fait miracles et ou Il fu crucefiez, et ossi le sepulture du quel Il se releva de mort a vie et la ou Il monta au chiel, et grandement le conforta de son dueil et en le foy plainement le conferma, et ainsi demoura ce prince avecq saint Pierre par l’espace de deux ans et puis remonta sur le mer; et quant il vint pres de le montaigne sur lequelle il avoit mise se femme, il pria moult douchement as maronniers et du sien largement leur donna adfin qu’il vaulsissent arriver a celle montaigne, et il le firent. Dont yssy le prince de le nef et [206 a] bien pres de le
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116 - 117. car m. vault de lan le dame et l’enfant l., de lan tracé à l’encre rouge. – 126. respondy est précédé d’une lettre indéchiffrable, tracée. – 131. et fait maint bel mir., maint bel tracé à l’encre rouge. 116 - 117. une mont. (...) en le mer] une mont. que je voy (que je voy omis dans T; seule la forme voy est présente dans P (B)), et aux maronniers piteusement prioit que a la montaigne la nave voulsisent t. (volzissent la nave t. T) car mieuls vaulroit la dame et l’enfant mettre sour la terre (sur la terre P sur terre T) que en la mer g. et des bestes estre (y estre T) devourés C1 (B P T). – 117. a grandes priieres B C1 T (P). – 118 - 120. et la fist on (...) Adont fu mise la dame] et la dame et l’enfant fist hors de la nave p. mais riens n’avoit par quoy il puist (pour quoy il peuist P (T)) f. une f. pour le corps ens. par quoy la dame mist (peusist mettre T) C1 (B P T). – 120 - 123. entre les bras de le dame coucha et d’un mantel tous les deux couvri (tous .ij. les covrit B (P T)) et en la garde de la Magd. les c. et au dep. une tres pit. (tresgrande et pit. T) plainte sour (sur P) le corps de sa f. fist; aprés il revint a la nave et quant il fut venus au lieu C1 (B P T). – 123 - 125. et tantost (...)] tantost sains Pierres a l’enc. de lui venoit qui (qui omis dans T) pour tant que sour lui le s. de le croix veoit (pour tant que le s. delle crois sour (sur P) lui veoit B (P)) tantost lui dem. C1 (B P T). – 125. et chieux (...) et son aff.] et li sires (et le prinche T) rac. par ordenance (par ordene B T; et le sire par ordre raconta P) toute sen av. C1 (B P T). – 126 - 127. que a bien fust il v. car bon conseil et prouff. avoit creu C1 (B P T). – 127 - 128. de ce que de sa f. lui estoit avenu C1 (B P T). – 128. nulz maulx T. – 128 - 129. mais (...) a son plaisir] car dieux bien puissans estoit (estoit bien p. T) de tollir et de r. la vie quant il vouloit C1 (B P T). – 129 - 130. Lors (...) les s. lieux] aprés s. Pieres le mena (l’emmena C1) veoir Jh. et les s. lius li m. B (C1 P T). – 131. et fut crucefiiés B C1 (P T). – 131. le sepulcre B C1 P T. – 132. ou ciel C1 P T. – 133 - 134. et ainsi dem. (...) sur le mer] et li pelerins dem. bien deux ans avec s. P. et aprés pour revenir sour (sur P) la mer monta C1 (B P T). – 135. sour laqueile B. – 135. sa f. et son enfant T. – 135 - 137. il pria (...)] moult as mar. (au maronnier P) pria et du sien leur d. pour quoy (par quoy T) il voulsissent delez celle mont. arr. C1 (B P T). – 137. et il le f.] omis dans B C1 P T. – 137 - 138. Dont (...)] le pr. de la nave (remplace mer, tracé P) issi et pres de le mer un enfant vey C1 (B P T).
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pres de nous une montaigne : si vous prie de coer tant comme je puis que a celle montaigne voellés tourner vostre nef, car mieuls vaulroit le corps de la dame et l’enfant mettre sur la terre [402 d] que les jetter en la mer et la estre devorés des bestes et des poissons. » A grandes priieres pot il finer de venir et ariver a terre, et quant ils y furent venus, ils firent le corps de la dame et l’enfant mettre hors de leur nef, mais n’avoit dont il peuist faire ensevelir sa femme ne mettre en terre. Si prist le corps de la dame et le mist tout bellement en ung lieu privé et en ung angelet de la montaigne, et aprés prist son enfant et le coulcha entre les bras de sa mere et puis li mist la mamelle de sa mere en la bouche, ja soit ce qu’elle fust mort; et aprés les couvri tous deus d’un mantel et puis les commanda en la garde de Dieu et de Marie Magdelaine, et au departir, le prince une tres pi- [403 a] -teuse complainte sur le corps de sa femme et de son enfant fist et puis se parti mont tendrement plorant de la pité que d’eus avoit. Aprés revint en la nef; et quant il fut venus au lieu ou saint Piere habitoit, tantost que saint Piere le vit, il ala a l’encontre de lui pour ce que il veoit sur lui le signe de la croix, et incontinent li demanda dont il venoit et le prince li racompta tout par ordene tout son adventure que il avoit soufferte ou voiage. Et saint Piere li respondi que bien fust il venus et que bon conseil avoit crut, et aprés lui dist que il ne fust point a mesaise de l’aventure que de sa femme et de son enfant lui estoit advenue, car elle dormoit, ne point morte n’estoit ne l’enfant aussi, car Dieux estoit tout poissant sur toutes choses, et sur mort et sur vie. [403 b] ¶ Aprés le mena saint Piere en Jherusalem et li monstra les sains lieus esquels Jhesu Crist avoit preschiet et fait miracles et ou Il avoit esté crucefiiés, et aussi samblablement lui monstra le saint sepulcre du quel Nostre Segneur resuscita de mort a vie et le lieu du quel Il monta au chiel, et grandement le conforta de son doel et en la sainte foy le conferma. Si demoura avoec saint Piere par l’espace de .ij. ans et aprés se mist sur mer pour revenir en son païs; et quant il vint pres de la montaigne en laquelle il avoit laissiet sa femme morte et son enfant, il pria mont auls maronniers et leur donna gramment du sien affin que ils volsissent arriver a la montaigne, pour ce que il convoitoit mont de [403 c] sçavoir et veir en quel point sa femme et son enfant estoient. Si descendi de la nef et monta sur la montaigne, et tantost qu’il fu montés sus, il vit la ung enfant tout
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133. le prince] ajouté au-dessus de la ligne. – 141. que de sa femme et de son enfant lui estoit advenue] ajouté dans la marge.
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mer vit .j. enfant qui de pierrectes juoyt, et quant ly enfes le vit, tantost vers se mere courut et entre ses bras se mist. Dont li sires moult se esmervilla, car il ne sçavoit que ce pooit estre, si ala avant pour sçavoir comment le chose aloit, et quant il vint pres de la ou se femme gisoit, il trouva l’enfant qui tectoit le tecte de se mere; et quant il vit le fache de se femme de belle couleur et vive et que ses drapz n’estoient de riens empiriez et le tresgrant beauté de l’emfant, il le prist entre ses bras et dist : « O tressainte Marie Magdelaine, bien eureux seroye se je pooye ravoir ma femme vive pour revenir avecq moy. Je croy fermement, dame, que tu qui as nourry par deux ans l’enfant bien porras a ma femme rendre le vie. » A ces parollez, le femme s’esvilla et si comme de dormir se leva et tantost parla en telle maniere : « O tressainte Marie Magdelaine, tu es de tresgrant merite qui mon enfant as nourry et tousjours avecq moy as partout esté. » Quant le prince oÿ parler se femme, si luy dist : « O tresdouche compaigne, es tu dont en vie ? – Oÿl », dist elle, « et tout en l’eure suy revenue du pelerinage dont tu viens, et ay veuz tous les lieux ens esquelz de saint Pierre tu as esté menez, la ou Nostre Seigneur fu mors et vifz et crucefiez et ensevelis et ressuscitez et la ou Il monta ou chiel. En tous ces lieux ay je esté avecq le Magdelaine et ceulx veuz et retenus [206 b] en me memoire. » Quant le prince oÿ que de tous les lieux disoit veoir, tost le creÿ, et se femme et son enfant prist et les mena dedens le nef et moult joyeusement revinrent en leur paÿs a Marselle, et trouverent le Magdelaine avecq ses disciples qui preschoit, et tantost se mirent as piez d’icelle sainte Marie Magdelaine et la raconterent toute leur aventure, et puis furent de saint Maximin baptisiés. Si f[i]rent incontinent tous les temples des ydolles en le cité destruire et firent eglises ou nom de Nostre Seigneur Jhesucrist, et Lazaron, le frere de Marie Magdelaine, devint evesquez d’icelle cité. Apprez, par le volenté de Dieu, en vinrent il en le cité d’Acquense, et par les miracles qu’il fasoient moult de gens a le foy convertirent,
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159. si furent inc. Correction d’après C1 (B P T). 138. pierreselles C1 (T; piereselle B) pierres P. – 138. se juoit P. – 138. le voit B C1 P. – 139. Dont] et B C P T1. – 139. li sires] le prinche T. – 139. s’esm. (soi merveilla B) de ce qu’il veoit C1 (B P T). – 140. que chou estre pooit (ne pooit C1) B (C1 P). – 141 - 142. qui tettoit la mamelle de sa mere qui dormir (endormie T) sambloit C1 (B P T). – 142. sa face C1. – 142. et vive] vivant B C1 P T. – 142. et les draps (ses draps T) de riens empiriés B C1 (P T). – 143. il le prist] adont le prist B C1 P T. – 144. seroye je P. – 145. pour raler C1 (B P T). – 146. qui as nourri l’enfant par ches .ij. ans T. – 146. bien pourras (polra bien T) par ta priiere C1 (B P T). – 146. rendre la vie a ma f. T. – 146. a ses parolles P. – 147. si comme] come T. – 149. par tout as esté C1 (B T) par tout estés (ou estes ?) P. – 149. prince] marris C1 (B P). – 150. si dist a elle C1 P (B T). – 151. et tantost suys (sui je P) rev. C1 (B P T). – 152. de s. Piere ay esté menee T. – 152. n. s.] nostre sires Jhesucrist C1 (B) Jhesucrist P. – 153. et ens.] ensepvelis T. – 154. en tous ses lieux P. – 154. avec la Magd. ay je esté C1 (B P). – 154. et ceulx veuz] et eauls veus C1 (B P) et ay veut T. – 155. prince] baron C1 P (B). – 155. tout (tanto, tracé et remplacé par tout B; tot, surmonté d’un tilde P) le creoit C1 (creyt B P). – 156. dedens la nave C1 P T devens la nave B. – 156. et joyeus. rev. C1 (B P T). – 157. ou païs P. – 157. avec les disc. C1 (B P T). – 158 - 160. aux piés de la Magd. et rac. leur av. et furent de Maximin bapt. et firent tous les t. C1 (B P T). – 160. de la cité T. – 160 - 161. et faire eglises ou nom de Jh. B C1 (P T). – 161. et le Ladre P. – 162. de la cité T. – 162. en vinrent (...)] vinrent il en (de C1) la citeit d’Aqu. B (C1). – 163. a le foy] omis dans T. – 163. convertissoient B C1 P se convertissoient T.
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seul qui se juoit de pierettes, et quant l’enfant le vit, tost s’en tourna a sa mere et se mist entre ses bras. Si s’esmerveilla mont le prince de che qu’il veoit, car il ne sçavoit que ce pooit estre. Si ala ung peu avant et quant il vint pres du lieu ou sa femme gisoit, il trouva l’enfant qui alaitoit et tenoit la mamelle de sa mere, laquelle sambloit estre endormie et non point morte; et quant il vit la face de sa femme estre de belle couleur et vermeille, et qu’elle sambloit estre vive et que ses vestemens n’estoient de riens enpiriés, et aussi la tresgrant biaulté de l’en- [403 d] -fant qu’elle avoit et qu’elle tenoit entre ses bras, si dist : ¶ « O Marie Magdelaine, tres sainte femme, je seroie bien eureuls se je pooie ravoir ma femme vive pour raler avoec moy en mon païs. Je croy fermement, dame, que toy qui as nourri par .ij. ans l’enfant porras bien par tes priieres rendre la vie a ma femme. » Et a ces parolles, la dame s’esveilla et ainssi comme se elle eust dormi s’en leva, et tantost parla en ceste maniere : « O sainte Marie Magdelaine, comme tu es de grant merite qui mon enfant as nourri et as tousjours esté avoecques moy par tout. » ¶ Quant le prince oït sa femme parler, si lui dist : « O tres doucle compaignie et amie, es tu dont en vie ? – Oïl », dist elle, « et tout maintenant [404 a] sui revenue du pelerinage dont tu viens et ay veu tous les lieus ens esquels tu as esté menés par saint Piere l’apostre, et premier le lieu ou Nostre Segneur Jhesucrist fu mort et vif, crucefiiet, ensepvelit et resuscité, et le lieu ou Il monta au chiel; et en tous les lieus ens es quels tu as esté menés par saint Piere ay esté avoecques la Magdelaine qui me [m]enoit et les ay tous retenus en memore. » ¶ Quant son mari oït che et qu’elle disoit verité de tous ces lieus, si rendi graces a Nostre Segneur. Si prist le prince sa femme et son enfant et les mena dedens la nef, et tous joieusement ensamble ariverent droit au port de Marcelles, leur païs, sur le mer; et quant il fut revenus, si trouverent la Magdelaine avoec ses disci- [404 b] -ples qui preschoient, et tantost a ses piés se jetterent et lui racompterent leur adventure, et tantost saint Maximien les baptisa. Si firent sans arester destruire tous les ydoles des temples de la cité de Marcelles, et aprés vinrent a la cité d’Aquense et par les miracles qu’ils faisoient,
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168. oït] remplace vit, tracé. – 174. Le copiste a oublié un jambage à la première lettre de ce mot. – 177. leur païs] ajouté au-dessus de la ligne.
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et fu la endroit saint Maximins evesquez ordonnez. Apprez ce, Marie Magdelaine, qui moult desiroit estre en oroysons et en comtemplacion, s’en ala en ung moult aspre desert nommé « Le Balme » et entra dedens le trau [d’une roche], ou quel trau elle demoura par l’espace de .xxx. ans toute seule sans estre congneue ne veue de nulle personne, et si n’avoit en ce lieu nulle substance d’erbes, mais fu la endroit nourrie par les angles de viande esperituelle, car par .vij. heures en chascun jour, elle estoit en l’air eslevee par les mains des angles et ooit corporelment les chans des compaigniez celestes et fu nourrie de le doucheur de ce chant, et puis le raportoient en ce lieu de se roche. Ainsi [206 c] fu elle .xxx. ans gouvernee si que d’autre viande avoir n’avoit elle point de besoing. Advint aprez que ung prestre qui moult desiroit a mener vie de hermicte fist une maysoncelle assés pres de le dicte roche en lequelle le Magdelaine estoit. Nostre Seigneur ouvry les yeulx d’ycelluy prestre si que il vit comment les angles venoient querre le Magdelaine et le portoient en l’air et que apprez chascune heure il le reportoient corporoellement et joyeusement, et quant le prestre eult ce veu, moult desiroit a estre acertenez de ceste vision et a Dieu se recommanda et vers le roche s’en ala; et quant il vint assés pres, ses gambes li commencherent a falir et ne pooit pour le grant paour aler avant, et entendy le saint homme que c’estoit une chose divine. Si fist a Dieu sa priere et puis dist ainsy : « Je te conjure de par Dieu que se tu es homs ou creature raysonnable qui es en ycelle roche, se respong a moy et dis qui tu es. » Et quant il eult ce dit par trois foys, Marie luy dist : « Approuche toy plus pres de moy et je te diray le verité de ce que tu demandes. » Et quant il en fu pres approuchiés, elle dist : « Ne te souvient il point de l’Euvangille qui parolle de celle Marie Magdelaine,
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166. dedens le trau ou quel trau. Correction d’après C1 (B P T). – 167. .xxxij. ans. Correction d’après B C1 P T et conformément au texte latin (cf. § 130). – 169. par .vij. h. du jour en chascun jour, du jour tracé à l’encre rouge. – 172. Ainsi fu elle de precieux. Les deux derniers mots ont été tracés et remplacés par le chiffre .xxxij., qu’il convient de corriger d’après C1 T (B P), et en accord avec la ligne 167 – le texte latin ne répète pas cette précision, du moins pas dans les manuscrits employés par l’éditeur, cf. § 133. – 184. Approuche est suivi d’une lettre incertaine – peut-être un a. 164. Apprez ce] aprés B C1 P T. B C1 P introduisent ici un pied-de-mouche. – 165. des. et vouloit C1 (B P T). – 165. en orison T. – 166. nommé Le B.] omis dans B C1 P T. – 166. dedens] devens B. – 166. le trau d’unne roche C1 (B P T). – 167. .xxx. ans B C1 P T. – 167. veuwe ne c. T (P; de même dans B, où les deux premiers mots, omis par le scribe, ont été ajoutés dans la marge, en caractères de plus petit module et au moyen d’une encre dont la couleur diffère) veue et cogneue C1. – 168. de personne T. – 168. en cellui lieu C1 (B P). – 168. substance] viande, tracé et remplacé par sustance B, mêmes encre et main que pour la précédente intervention. – 168. d’erbes ne de arbres C1 (B P T). – 169. par les angeles de v. esp. nourrie C1 (B P T). – 169 - 171. car (...) et fu nourrie] omis dans C1 (saut du même au même). – 170. levee en l’air B P (T). – 170. oÿt B P. – 171. de leur chant C1. – 171 - 172. et aprés le rep. (rap. P) en la roche en son lieu C1 T (B P). – 172. .xxx. ans C1 T (par .xxx. ans B P). – 172. gouv.] paissue B C1 P T. – 173. avoir] a avoir B P (T) omis dans C1. – 173. point de besoingne B P point bes. T. – 173. uns sains prestres B C1 (P T). – 175. en lequelle] ou T. – 176. de celi prestre B de ce prestre P. – 177. l’enportoient T. – 178. le pr.] omis dans C1. – 178. acertenez] certefiiés B C1 (P) crucefiiet (!) T. – 179. d’icelle v. P d’yceste v. B . – 180. defallir C1 (B P T). – 180. et ne pooit (...)] ne (il T) ne pooit pour grant peur B (P T). – 180. avant aller C1 P T (B). – 181 - 182. si fist sa pr. a dieu et aprés dist ainsi C1 (B P T). – 182. aulcune cr. C1 T (B P). – 183. et se dis C1. – 185. et quant appr. fut pres d’elle elle lui dist (elle dist B P T) C1 (B P T). – 186. de celle euvangile T. – 186. Marie le Magdalaine B (T).
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mont de gens se convertirent a la foy de Dieu, et la endroit fut saint Maximien fait et ordonné evesque. ¶ Aprés ce, Marie Magdelaine, qui mont desirans estoit d’estre en orisons et en priieres continuelles, si s’en ala en ung mont aspre desert et entra dedens le crut de une roche, ou quel creus elle demora par l’espace de .xxxij. ans toute seule sans ce qu’elle veist ne congneust quelque personne, et si n’avoit en celui lieu nulle substance d’erbes ne de rachines, [404 c] mais fut la endroit nourie par les angeles de paradis de viande esperituelle, car cascun jour, elle estoit eslevee en l’air par l’espace de sept heures par les mains des angeles de paradis et ooit corporellement le chant de la compaignie celestienne qui estoit mont melodieus a escouter, par si que elle estoit paissue de la doulceur du chant, et aprés ce le reportoient ils dedens la roche en son lieu. Ainssi fut elle par l’espace de .xxxij. ans paissue et nourie de viande esperituelle si ques d’aultre viande avoir n’avoit elle nulle necessité. ¶ Si advint aprés que ung saint prestre qui mont desiroit a mener vie de moult haulte contemplation et vie solitaire fist une maisoncelle assés pres de ladite roche en la quelle [404 d] la Magdelaine estoit. Nostre Segneur ouvri les yeus d’icelui prestre, si vit comment les angeles venoient querir la Magdelaine et l’en portoient en ayr et aprés qu’ils le raportoient corporellement et joiieusement; et quant le prestre ot ce veu, il desiroit mont a estre certefiiet de ceste vision et que il peust sçavoir que ce pooit estre. Si ce recommanda a Dieu et vers la roche s’en ala, et quant il vint pres de la roche, ses gambes li commencherent a defaillir et ne pooit aler avant pour la grant paour qu’il avoit. Si entendi bien que c’estoit chose divine. Si fist sa priiere a Dieu et puis dist ainssi : « Je te conjure de par Dieu que se tu yés homme ou aultre creature raisonnable, toy qui es en celle roche, si respons et parle [405 a] a moy et me di qui tu es. » Et quant il ot che dit par .iij. fois, Marie lui dist : « Aproche toy de moy plus pres et je te diray la verité de ce que tu demandes. » Et quant il fut aprochiés plus pres, elle lui dist : « Ne te souvient il point de l’Euvangille qui parle de celle Marie Magdelaine, qui les piés de Jhesucrist
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femme commune et pecheresse, qui les piez du Sauveur lava de ses larmes et les ressua de ses cheveux, et a qui ses pechiez furent du tout quittez et pardonnez ? » Le prestre respondy : « Il m’en souvient bien et si a plus de .xxx. ans que ce advint selon ce que Sainte Eglise croit. – Je suy », dist elle, « celle femme qui par l’espace de .xxx. ans ay cy demouré sans veoir nulle personne [206 d] humaine, et si comme Dieu te donna hier grace a veoir de moy, ainsi suy je par sept fois le jour hault eslevee en l’air par les angles la ou je oy de mes proupres oreilles les glorieux chans du chiel. Et pour tant que Dieux m’a revelé que bien tost doy trespasser de ce mortel siecle, tu iras a saint Maximin et luy feras asçavoir en luy disant de par moy que a cestui prouchain jour de Pasquez voist a l’eglise tous seuls bien matin et il me trouvera la endroit apportee des angles. » Le prestre oÿ bien la voix parler si comme d’un angle, mais nulle chose ne veoit. Si se departi de la et vint a saint Maximin et luy raconta tout par ordre ce qu’il avoit oÿ, dont saint Maximin eult grant joye et en rendy graces a Dieu; et a l’eure que le prestre luy avoit dit, il entra tous seulx en l’eglise et la trouva le Magdelaine qui entre les angles dedens l’eglise estoit, et ses oroysons disoit et avoit les mains tendues devers le chiel, et lors se doubta Maximins d’elle approuchier, mais elle luy dist : « Vieng cha, beaux peres, tu ne dois mie fuyr ensus de ta fille. » Et quant il vint pres d’elle, plus aise et mieulx peuist il regarder dedens les rays du soleil que en son viaire, tant estoit resplendissans de la compaignie des angles. Apprez ce que il eult illecq ung peu esté, il fist venir les clers et les prestres, et entrre les autrez ce saint prestre [207 a] qui avoit veu le vision cy devant dicte, et en le presence de tous, sainte Marie Magdelaine rechut de le main de saint Maximin le precieux corpz et le sang de Nostre Seigneur Jhesucrist en grand devocion de larmes, et tantost se mist devant l’autel et rendy se precieuse ame a Dieu. Lors en ycelle heure vint la endroit si trez grande oudeur
187 188 189 190 191 192 193 194 195 196 197 198 199 200 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210 211
211. Lors est suivi de lettres qui semblent former le mot se, tracé par le copiste. 187. larmes] omis dans C1. – 188. et a qui (...)] a qui (a la quelle P) ses pechiés f. trestous pardonnés C1 (B P T). – 189. et li prestres respondit B (P) et le prestre respont C1. – 189. et se y a C1. – 189. plus de .xxx. ans passet T. – 190. ceste f. T. – 191 - 192. et sicomme hier dieu te d. P. – 192. grace] omis dans B C1 P T. – 192. le jour] omis dans B P T. – 194. doy je tresp. P. – 194. de cest m. s. C1 (B). – 195. sçaver T. – 195. en luy disant] et lui diras C1 P T (B). – 196. a chelui pr. jour T. – 196. en l’eglise C1 T (B P). – 196. et bien matin T. – 197. des angeles ap. C1 T (B P). – 198. mais] et B C1 P T. – 198. Si se dep. de la] et de la soy dep. C1 (B P T). – 199. chou que oÿt avoit B T tout ce que oÿ avoit C1. – 199 - 200. dont (...) a dieu] sains Maximins en eut grant joye et a dieu (a dieu omis dans P) en rendi gr. C1 (B P T). – 201 - 202. et tr. la (la omis dans B P) le Magd. (...) C1 (B P) et tr. le Magdalaine en l’eglise qui estoit entre les angeles estoit en ses orisons disoit T. – 202. vers le ciel B C1 P (T). – 202 - 203. et quant sains Max. se doubtoit de appr. vers li elle disoit C1 (B P) et quant saint Maximins le vid se doubtoit d’apr. viers elle elle disoit T. – 204. et quant pres d’elle vint C1 P (B) et quant pres de la Magdalaine vint T. – 205. dedens] devens B encontre T omis dans C1. – 205. le rais du s. T. – 205 - 206. en son visaige qui resplendissoit moult de la comp. des angeles scelon ce que il meismes (chou qu’elle meismes T) dist en ses livres C1 (B P T). – 206 - 208. Apprez (...)] aprés fist il (elle T) v. les clers et les prestres et cellui (ce P) s. prestre qui avoit veu celle sainte v. et en le pr. de tous C1 (B P T). – 208. Marie li Magdalaine B (P T). – 209. s. Max. le prestre le pr. corps et le sang de nostre seigneur dieu (dieu omis dans P) Jh. C1 (B P). – 210. de larmes qu’elle ploroit T. – 211. Lors (...)] et en celle h. B C1 P T. – 211. si grande oudeur T.
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lava de ses larmes et les ressua de ses cheveus, a laquelle ses pechiés furent tous pardonnés pour ce qu’elle avoit Dieu mont amé ? » Et le prestre lui dist : « Il m’en souvient bien. Il y a plus de .xxx. ans passés que che advint, comme Sainte Eglise le croit et tesmongne. – Je suis », dist elle, « celle femme qui par l’espace de .xxxij. ans ay ychi esté sans veoir nulle personne humaine, et ainsi comme Dieu te donna hier veoir le maniere de moy sui je [405 b] par .vij. fois le jour hault eslevee en l’air par les angeles ou je och de mes propres aureilles les douls et glorieuls chans du chiel; et pour ce que Dieu m’a revelé et signifiiet que dedens brief tamps je trespasseray de ceste mortel vie, tu yras a Maximien et li lairas sçavoir, et de par moy li diras que a cel prochain jour de Pasques voist a l’eglise bien matin tout seul, et il me trouvera la endroit, portee par les angeles. » Le prestre oit bien parler comme la vois d’un angele, mais riens ne veoit; et de la se parti et vint a saint Maximien et lui racompta tout par ordre ce que oït avoit de la Magdelaine. Saint Maximien en heut grant joie et en rendi graces a Nostre Segneur, et a l’heure que le prestre lui avoit dit, il entra tout [405 c] seul en l’eglise, si trouva la Magdelaine qui dedens l’eglise estoit entre les angles et ses orisons disoit et avoit les mains tendues vers le chiel; et quant Maximien le vit, il heut doubte d’aprochier a elle et elle li dist : « Vieng cha, biaus peres. Tu ne doibs point fuir arriere de ta fille ne avoir paour d’elle. » Et quant il vint pres, il eust plus aise regardé contre le ray du soleil que contre son viaire, tant fort resplendissoit pour la compaignie dez angeles, selonc che que lui mesmes dist en l’un de ses livres. Aprés fist elle venir les clers et les prestres et ycelui saint prestre qui avoit veut la vision, et en la presence de tous ceus qui la estoient, sainte Marie Magdelaine rechupt de la main de saint Maximien le precieus cors et sanc de Nostre Segneur Jhesucrist [405 d] en grant devotion, pleurs et souspirs; et tantost qu’elle fut acummeniie, elle se mist devant l’autel a genouls et la rendi sa precieuse ame a Dieu, et a celle heure vint la endroit
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220. la vois d’un angele] le s final dont le second substantif était muni au départ a été tracé. – 222. Une lettre isolée et dont l’exécution n’est pas claire – peut-être un r – figure entre rendi et le mot précédent.
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que par .vij. jours aprez, tous ceulx le sentoient qui entroient en l’eglise. Apprez saint Maximins prist le saint corpz de le sainte Marie Magdelaine et iycelluy oindy de precieux onghement et si le ensevely honnerablement, et commanda que aprez se mort il fust emprés elle ensevelis. Le pardon que Dieux donna a ycelle benoicte Magdelaine nous voeille octroyer le Pere, le Fil et le Saint Esperit. Amen. ¶ Ung chevalier fu qui chascun an visettoit en grant devocion le corpz et le sepulcre de le sainte Magdelaine. Or advint qu’il fu ochis en une bataille, et quant son corpz fu mis en biere, ses parens le plouroient et disoient en plaignant pourquoy le sainte Magdelaine l’avoit laissié morir sans confession, veu que tant devotement avoit son sepulcre chascun an visetté; et en celle heure, chieulx chevaliers qui mors estoit revint a vie et le prestre demanda devotement, et se confessa et prist le corpz [207 b] Jhesucrist, et assez tost apprés il rendi son esperit a Dieu. ¶ Ung homme fu qui ses pechiez mist par escript en une cedulle, et puis s’en alla a l’eglise de le benoicte Magdelaine et mist le cedulle de ses pechiez dessoubz le nappe de l’autel, et pria a le sainte devotement qu’elle luy impetrast a Jhesucrist pardon de ses pechiez. Assez tost aprez, ly homs reprist se cedulle et trouva que tous ses pechiez estoient hors planez et trachiés. Prions dont a celle sainte dame qu’elle veuille impetrer a Jhesucrist pardon de nos pechiés en telle maniere que aprez celle mortel vie puissons parvenir a le glore de paradis. Amen.
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212. sentoit, corrigé par le scribe en sentoient. – 214. si le oindy ensevely honn., oindy tracé. – 217. chascun jour, jour tracé et remplacé par an. – 217. Le mot sepulcre est suivi, à la ligne, des lettres ture, tracées. 212. qui en l’eglise entr. C1 T (B P). – 213 - 214. prinst le corps de la s. Magd. et l’oingnoit (l’oindit B P) de precieus ongenemens et l’enseveli C1 (B P) le corps de la s. Magdalaine prist et se l’oindi de precieux ongemens et l’ensepvelit T. – 215. se mort] omis dans T. – 215. il fust (...)] delez elle fust ens. C1 (B P T). – 215 - 216. Le p. (...) Amen] omis dans B C1 P T. – 216. Les deux miracles qui concluent cette version sont introduits dans B C1 P par le terme Exemple et, comme dans T, par une lettrine (ou un pied-de-mouche, dans P). – 218. Or advint] mais il avint B C1 P (T). – 218. en bat. P. – 219. en la b. et ses p. le pl. B C1 T (P). – 219. comment et pour quoy C1 P (B T). – 220. veu que] qui B C1 P T. – 221. ch. an avoit son sep. visitet T. – 221. et en celle h.] et vecy tantost C1 (B P T). – 221. ce chevalier P. – 222. et dev. se conf. C1 P (B T). – 222. le corps de Jh. C1 P T (B). – 223. a dieu] et (en T) bien morut B C1 P (T). – 223. Comme à la ligne 216, le miracle des péchés effacés est introduit dans B P par le terme Exemple et au moyen d’une lettrine (ou d’un pied-de-mouche, dans P). – 224. en escript B C1 P T. – 224. et puis] puis aprés B C1 P (T). – 224 - 226. a l’eglise de le sainte Marie Magd. et mist celle ced. des. la n. de l’autel et lui pria dev. C1 (B P T). – 226. vers Jh. C1. – 227. que ses pechiez T. – 228. y est. B P. – 228. et trachiés] et escoingniés (?) B et estoi gniés (?) P. Selon toute vraisemblance, cette leçon a la même origine que celle qui figure dans B, mais on dirait que le rédacteur de P a cherché à la modifier en ajoutant une sorte de signe abréviatif sur le premier mot, peut-être pour en faire la forme estoient, sans pour autant intervenir sur le second, qui reste incompréhensible. et effachiez C1 et rabatus T. – 228 - 230. pr. a madame sainte Marie Magdelaine qu’elle nous voelle envers Jh. empetrer (empetreir envers Jhesucris B (P), verbe omis dans T) p. de nos p. et aprés ceste mortelle vie C1 (B P T). – 230. en la glore B (P). – 230. Amen] omis dans C1.
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si tres grande oudeur que par .vij. jours aprés, tous seuls la sentoient qui en l’eglise entroient. Aprés saint Maximien prist le saint corps d’icelle et le lava bien, et puis l’oindi de precieus ongnemens et l’ensevely honnourablement, et si commanda que quant il seroit mort, que il fust mis et ensevelis delés elle, et ainsi fut fait. ¶ Il fut jadis ung chevalier qui cascun an visetoit en grant devotion le corps et sepulture de la Magdelaine. Si advint qu’il fut tués en bataille; et quant son corps fut mis en biere et que ses parens le portoient, si disoient en eus complaing- [406 a] -nant : « Pour quoy ne comment l’a laissiet la sainte Magdelaine morir sanz confession, qui tant devotement visetoit cascun an son sepulture ? » Et vechi grant merveilles, car ycelui chevalier qui mors estoit revint tantost en vie par les merites de la glorieuse Magdelaine, lequel manda tantost aprés le prestre et devotement se confessa et rechupt devotement le corps de Nostre Segneur Jhesu Crist, et assés tost aprés il rendi a Dieu son esperit. ¶ Ung homme mist en escript ses pechiés en une sedulle et puis aprés, il s’en ala a l’eglise et mist la cedulle soubs la nappe de l’autel Marie Magdelaine, et puis devotement li pria que elle lui volsist impetrer pardon et absolution de tous ses pechiés. Assés tost aprés, chils hons reprist sa cedulle et trouva que tous ses peciés lui estoient deffachiés et planés. [406 b] ¶ Ung clerc de Flandres nommé Estevene estoit en si grant desordonnance que il hantoit tous peciés. Toutefois il avoit grant devotion a la Magdelaine et junoit sa vigille et honnouroit sa feste; et si comme il visetoit une fois son tombel, la Magdelaine s’apparut a lui soustenue de .ij. angeles et li dist en regardant orguilleusement : « Estevenes, a l’instance de mes prieres ne poés tu estre esmeu a nulle repentance ? Des que tu commenchas a avoir devotion en moy, j’ay tous jours prié Dieu pour toy. Lieve sus et si te repens, et je ne te laiseray pas. » Et tantost il renoncha au monde et entra en religion et fut de parfaite vie; et a sa mort, la Magdelaine fut veue estre a sa biere avoecques les angeles. ¶ Si prions a la glorieuse Marie Magdelaine que elle nous [406 c] voelle impetrer envers Nostre Segneur Jhesucrist pardon et vraie absolution de tous nos peciés. Amen.
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¶ O mundi lampas et margarita prefulgida que Resurectionem Christi nunciando apostolorum apostola fieri meruisti, Maria Magdalena, semper pia exoratrix, pro nobis assis ad Deum qui te elegit. Dimissa sunt ei peccata multa quoniam dilexit multum.
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Largire nobis, clementissime Pater, quod sicut beata Maria Magdalena Dominum
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super omnia diligendo suorum veniam obtinuit peccaminum, ita nobis aput tuam 269 misericordiam sempiternam impetret beatitudinem. Per Christum Dominum 270 Nostrum. Amen. O sancta Maria Magdalena, ora pro nobis. Amen. 271 272 273
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Cracovie, Biblioteka Jagiellonska, Ms. Berol Gall. Fol. 156 (n° 17)
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17. Cracovie, Biblioteka Jagiellonska, Ms. Berol Gall. Fol. 156, f° 190 b - 194 d Identifiée de façon distincte par P. Meyer1 dans F et par B. Dunn-Lardeau dans C2, cette traduction de la Legenda aurea de Jacques de Voragine est également transmise dans un manuscrit peu connu qui complètera nos exemplaires de comparaison. Relié en deux tomes depuis le XVIIIème siècle, mais formé d’un seul volume à l’origine, F (Florence, Biblioteca Medicea-Laurenziana, Med. Palat. 1412) est rédigé en écriture gothique livresque et couvre 330 feuillets de parchemin de ca 340 x 250 mm, sur deux colonnes à 48 lignes. Il est daté de 1399 et localisé à Arras par son colophon ; sa scripta va de pair avec cette origine3. Dans le long article qu’il a consacré à ce légendier de 203 vies de saints, classées pour la plupart dans l’ordre de l’année liturgique, P. Meyer a souligné la particularité de sa composition : si la grande majorité des pièces sont des traductions de la Légende dorée4 – dans une version identique à celles de C et de T –, un nombre considérable d’entre elles ont toutefois une autre origine. Parmi celles-ci, on remarque en particulier les vies de saints régionaux5. Par ailleurs, la légende de saint Vaast, évêque d’Arras et de Cambrai, n’est pas celle de la Legenda aurea, mais une version indépendante fortement développée. Notons enfin que le recueil contient l’histoire de saint Nicaise, comme C et T, celle de Marius et Marthe, comme T, et celle de Tyburce et Valérien, indiquée dans la table de C mais absente de ce volume. Il comprend aussi les légendes du pape incestueux Grégoire6 et de Jean Paulus, parmi d’autres. P. Meyer estime que les emprunts à Jacques de Voragine remontent à la fin du XIIIème ou au début du XIVème siècle (donc avant l’entreprise de Jean de Vignay) et pense que les pièces extraites de la Legenda ont été traduites par un compatriote du scribe (cf. p. 9). Chaque texte est introduit par une initiale ornée. Les miniatures mettent l’accent sur les récits qui se rapportent au Christ et à Marie (Nativité de Jésus, Purification de Marie, Annonciation, Passion, Résurrection,
« Notice du ms. Med.-Pal. 141 de la Laurentienne (vies de saints) », Romania, t. 33, 1904, pp. 1 - 49. Le recueil a été signalé pour la première fois, mais sous une fausse cote, dans « Étude autour d’une Légende dorée (Lyon, 1476) », Travaux de linguistique et de littérature, 24, 1, 1986, pp. 257 - 294 (p. 266). 3 « Sachent tout cil qui ceste legende liront qu’ele fu parescripte le .xiiije. jour du mois d’auoust, nuit de le Assomption le benoite Virge Marie, l’an de grasce mil .iijc. .iiijxx. et .xix., et l’escripsi Jehans li Escohiers, demourans [a] Arras en le rue de l’abeye, entre l’ospital saint Juliien et le rue du pré » (f° 330 b). Cette indication paraît manquer dans le recueil des Bénédictins du Bouveret. P. Meyer, « Notice du ms. Med.Pal. 141 », art. cit., p. 8, observait déjà que « Les caractères linguistiques sont ceux de l’Artois, avec une faible proportion de formes proprement françaises ». 4 F est le seul à ignorer systématiquement les expositions qui précèdent les vies. 5 Éloy, évêque de Noyon ; Vigor de Bayeux, moine de l’abbaye de Saint-Vaast ; Barbe ; Maur ; Servais, évêque de Tongres et de Maestricht ; Richier. 6 Cette légende, distincte de celle de Grégoire le Grand, a été publiée par P. Meyer aux pages pp. 42 - 44 de son article, puis par H. B. Sol, dans La Vie du Pape saint Grégoire. Huit versions françaises médiévales de la légende du bon pécheur, Amsterdam, Rodopi N. V., pp. 400 - 402. 1 2
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Ascension, Envoi du Saint Esprit, Assomption), sur la Nativité et la Décollation de Jean Baptiste ainsi que sur les vies de Jean l’Évangéliste, Gilles, Maurice, Michel et la Fête de tous les saints. C (Cracovie, Biblioteka Jagiellonska, Ms. Berol Gall. Fol. 156) est un exemplaire sur papier. D’après ses filigranes, Piotr Tylus, qui a eu l’amabilité de nous en communiquer la notice détaillée qu’il a établie pour le catalogue de la Bibliothèque Jagellonne, le date de 1440 environ7. Il croit pouvoir le rattacher au diocèse de Reims8. Son dialecte est de type septentrional, sans doute picard. Formé de 411 feuillets (275 x 205 mm, les f° 407 v° à 411 étant vierges), ce recueil est écrit en littera cursiva libraria sur deux colonnes dont la longueur varie entre 27 et 40 lignes (31 à 34 lignes pour Marie-Madeleine). On y dénombre 178 entrées (y compris le prologue général et la table qui le suit) qui se succèdent conformément à la Légende dorée de Jacques de Voragine. Comme F et T, il insère toutefois la vie de saint Nicaise (f° 22 a - 22 d) entre celles de Lucie et de Thomas et place Gilles après Mamertin (la table contient toutefois l’ordre canonique) ; les Litanies majeure et mineure, signalées par une entrée indépendantes dans la table du volume, apparaissent à la suite immédiate de la légende de Jean à la Porte latine9. La vie de Marie-Madeleine précède de peu un changement de main (f° 199 c). Comme les autres légendes, elle ne comporte pas de miniature. Des initiales à motifs divers et d’autres filigranées à l’encre rouge ornent le début de certains chapitres ; les pieds-de-mouche et bouts-de-lignes sont tracés en rouge. Volumineux légendier en écriture gothique livresque régulière et soignée, sur deux colonnes à 36 lignes, T (Tournai, Bibliothèque locale et principale de la Ville, 127) se compose de 352 feuillets de parchemin mesurant environ 340 x 250 mm. Il est rédigé par un seul copiste à coup sûr originaire du Nord, peut-être Flamand. À défaut d’être remarquable, son programme iconographique est abondant puisque les 181 éléments qu’il renferme sont presque tous introduits par une miniature de 10 à 15 lignes environ et par une initiale ornée. À partir de celles-ci, P. Stirnemann en date l’exécution du troisième quart du XVème siècle10. La table qui détaille son contenu ne comporte pas d’illustration (un espace a été prévu pour une simple lettrine en apparence). Le prologue est muni d’une initiale ornée de mêmes type et format que celles qui accompagnent les illustrations.
Les manuscrits médiévaux français et occitans de la Preussische Staatsbibliothek et de la Staatsbibliothek zu Berlin. Preussischer Kulturbesitz, décrits par D. Stutzmann et P. Tylus, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2007 (Staatsbibliothek zu Berlin. Preussischer Kulturbesitz. Kataloge der Handschriftenabteilung Erste Reihe : Handschriften, Band 5), pp. 75 - 77. 8 Toutefois, le fait qu’il reproduit la vie de saint Nicaise, sur lequel cette localisation s’appuie, ne constitue pas un indice très solide. Cette légende apparaît en effet dans d’autres copies de la Légende dorée, tant latine que française. T possède la même rédaction que C et F une version apparemment distincte. 9 Dans T, les deux pièces ne sont séparées que par une rubrique et par une lettrine, et non par une enluminure, comme les autres textes du recueil. 10 L’estimation du Guide en ligne des manuscrits médiévaux Wallonie-Bruxelles est un peu plus précoce (1426 - 1450). 7
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Dans la miniature qui figure en tête de l’exposition de son nom, Marie-Madeleine est représentée debout dans un cadre ornemental, mi-végétal mi-géométrique ; couverte d’une guimpe et d’un voile, elle tient entre ses mains une boîte où elle transporte les essences destinées à l’onction du Christ. Cette peinture est complétée, comme celles des autres légendes, par une rubrique et par une lettrine ; une seconde rubrique et une initiale ornée de plus grande taille marquent le début de la vie proprement dite. Comme C, T suit la composition de la Légende dorée augmentée de la vie de saint Nicaise, mais ne contient pas les vies des abbés Arsène et Agathon. Six pièces ont par ailleurs été intégrées au canevas fourni par de l’auteur latin (Gudule de Brabant, Maur des Fossés, Marcel et Marius, Brigitte et Éleuthère, comte de Tournai), ainsi qu’un texte relatant la Conception de Marie. La présence de légendes régionales ancre décidément l’origine de cette copie dans les parties septentrionales du domaine d’oïl. Les expositions de noms sont traduites dans leur majorité ; 38 de ces préambules ont cependant été omis, et ces absences sont plus fréquentes dans la dernière partie du recueil. Ce légendier offre enfin une particularité surprenante. Sous réserve de quelques variantes, le prologue attribué au translateur (f° 4 a - 5 b) reprend en effet le texte complet que Jean de Vignay rédigea pour prendre place à la suite du préambule de Jacques de Voragine11. Si l’adresse à la reine de France Jeanne de Bourgogne est maintenue dans cet exorde, le nom de Jean est néanmoins passé sous silence. La présence de cette entrée en matière, inexistante dans F et C (qui comporte la traduction des seuls propos liminaires de Jacques de Voragine)12, est pour le moins étonnante dans une adaptation qui manifeste d’aussi nettes divergences de contenu avec la Legenda aurea et, surtout, avec sa version française la plus diffusée13. Le 11 Sans doute est-ce à partir de ce texte que l’inventaire de la Bibliothèque de Tournai rattache ce légendier à la version de Jean (Catalogue général des manuscrits des bibliothèques de Belgique, vol. 6, Catalogue des manuscrits conservés à Tournai (Bibliothèques de la ville et du séminaire), par P. Faider et l’abbé P. Van Sint Jan, Gembloux, Duculot, 1950, pp. 143 - 145). 12 T, comme F, ne possède toutefois pas de rubrique inaugurale, alors que C débute par : « Cy commenche ly prologuez sur le legende des sains, et ceste euvre et ordonnanche fist et compila frere Jacque de Gennenez de l’orde des freres preicheurs », f° 3 a. 13 Nous n’avons pu effectuer que quelques sondages sur l’ensemble du recueil, mais il en ressort par exemple que les vies de Marcel (f° 58 a), d’Antoine (f° 59 d), de Prime (f° 162 c) ou de Timothée (f° 242 a) ne sont ni celles de F ni celles par Jean de Vignay (dans le dernier cas, l’exposition du nom est tout à fait différente aussi), et la Nativité du Christ (f° 27 a) est fort éloignée des deux. La légende de Chrysogone (f° 332 c) est plus proche de la Légende dorée que celle contenue dans F, mais bien distincte de la version de Jean. En revanche, la Nativité de la Vierge (f° 260 a), qui est identique à celle reproduite dans F, présente quelques ressemblances avec sa traduction. Les premières lignes de l’Invention de la Sainte Croix (f° 147 d) concordent presque exactement avec celles de F, de même pour Pétronille (f° 161 d), François (f° 290 d, mais avec une exposition du nom dans T) ou Denis (f° 297 c, du moins s’il s’agit bien d’une rédaction abrégée et quelque peu remaniée vis-à-vis de F), mais ce n’est pas le cas pour Anastasie (f° 30 c) et, sans doute, pour les Innocents (f° 37 a), Thomas de Cantorbery (f° 38 d), l’Épiphanie (f° 48 a) et pour de nombreuses autres entrées. Le texte de Pierre Martyr (f° 136 a) ou de Dominique (f° 212 c) correspond à celui de C. L’Avent (f° 5 b) ou les vies d’André (10 a) et de Nicolas (f° 14 c) vont aussi de pair avec C mais ont d’importantes variantes par rapport à F, tout en étant beaucoup plus conformes à ce dernier qu’à la traduction par Jean de Vignay, etc.
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maintien d’une dédicace pouvait-il contribuer à valoriser l’objet, d’une exécution coûteuse ? L’adoption de ce préambule constituerait ainsi une sorte de « plusvalue », l’occultation du nom du traducteur signalant une appropriation délibérée de la part de son fabricant, dans un but de « promotion ». B. Dunn-Lardeau14 classe C parmi les manuscrits de l’adaptation par Jean de Vignay, tout en reconnaissant l’impossibilité de le ranger parmi les trois types qu’elle distingue. Aux exemples que nous avons indirectement fournis en analysant T, on peut ajouter que non seulement le nom de Jean n’apparaît pas à la fin de la vie de saint Dominique, comme dans les autres exemplaires de sa traduction, mais que surtout les divergences textuelles entre les deux versions sont si considérables qu’il paraît manifestement erroné de placer C sous une telle égide. La lecture détaillée de la légende de Marie-Madeleine montre du reste clairement que l’original latin sur lequel se fonde notre rédaction, directement ou par un intermédiaire français, n’est pas l’adaptation de Jean de Vignay15. Notre vie offre le récit complet de la Légende dorée. Le passage au français s’est néanmoins soldé par un léger resserrement qui permet notamment à son auteur d’éviter les redites. Le recours dans la plupart des dialogues et des prières au style indirect est un des traits les plus saillants de cette adaptation, qui ne présente pas de particularités narratives propres. Sur la date effective de l’entreprise, il est difficile de s’exprimer, même compte tenu des informations supplémentaires que nous procurent les deux représentants inconnus ou inexploités auparavant, puisque ceux-ci sont plus tardifs que F. En revanche, la tonalité dialectale, marquée à des degrés divers, des deux autres témoins, et surtout les régionalismes que nous révèle la tradition manuscrite à laquelle ils appartiennent, suggèrent une appartenance à la production littéraire du Nord ou du Nord-Est. Pour en venir à l’établissement du texte lui-même, son plus ancien représentant ne nous le retransmet pas de la manière la plus satisfaisante. Très similaires (ils partagent entre autres la même erreur à la l. 155), C et T suivent dans l’ensemble la Légende dorée de plus près que F. Les interversions, omissions et surtout les ajouts par rapport au modèle latin sont beaucoup plus marqués dans la copie florentine. Cependant, bien que le scribe de celle-ci omette une assez grande quantité « Étude autour d’une Légende dorée », art. cit., p. 266, note 21 et p. 293, note 48. De nombreux exemples le montrent. Ainsi (en citant d’abord Jacques de Voragine d’après l’édition G. P. Maggioni, puis notre texte et celui de Jean de Vignay (n° 14), pour des leçons confirmées par toutes les copies de sa traduction) : ydolis immolaret (§ 37) : immoloit aux ydolles, l. 63 ; sacrefioit aus ydoles, l. 88 ; domino disponente (§ 110) : par le disposition de Dieu, l. 125 ; par l’ordenance de Dieu, l. 170 ; stadia (§ 134) : stades, l. 156 ; toises, l. 214 ; et ille die ac hora ut sibi jussum (§ 152) : le jour ordonné, l. 179 ; au jour et a l’eure que il li fu dit, l. 246 ; concordat (§ 161) : se concorde, l. 190 ; s’acordent, l. 260 ; ad Aquensem ciuitatem (§ 168) : en le cité en Aquitaine, l. 201 ; a Ais, l. 272 ; ceptum opus perficeret (§ 172) : qu’il parfesist ce qu’il avoit commenchiet, l. 207 ; mes parfai ton oeuvre, l. 279 ; rediens (§ 173) : en retournant, l. 208 ; donc s’en vint, l. 279 ; ipsa indignata (§ 183) : elle fu indignee, l. 227 ; elle ot desdaing, l. 296.
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de détails significatifs, elle retient parfois des éléments qui la rapprochent davantage de Jacques de Voragine. Il est pourtant difficile de savoir quel état s’accorde le mieux avec la version primitive du récit. S’il s’agit de F, force est d’admettre que les deux autres exemplaires ont subi des modifications d’après la Legenda aurea ou l’une de ses traductions. Au départ, cependant, le texte était peut-être plus conforme à C et T : F en offrirait alors une version retravaillée et quelque peu réduite, hypothèse que l’absence des expositions semble favoriser. Mais C et T (ou leur archétype) ne sont pas pour autant restés à l’abri de « mises à jour » ou de l’influence de la vulgate latine ou de ses avatars français. Au prix des inévitables conflits que soulève leur éloignement temporel face à F, il semble donc préférable de donner l’avantage à C et T. Il n’est pas pour autant aisé de départir le couple que nous privilégierons : les deux copies ne présentent en effet que des divergences mineures qui invitent à choisir tantôt l’une tantôt l’autre. C, d’une ancienneté toute relative, montre peut-être une plus grande régularité, ce qui nous conduit à l’adopter comme exemplaire de référence16. Les trois copies sont en elles-mêmes attentives et, à l’échelle de notre corpus, font partie de celles qui offrent le plus d’intérêt lexical. Certains vocables permettent notamment de confirmer la localisation du texte original et de ses retranscriptions. brouette et broutier, « meneur de brouette », n’intervient que dans F (l. 235). L’écart par rapport à la version latine du miracle dans lequel figurent ces mots apparentés tend à indiquer un remaniement propre à ce manuscrit ou à la famille dont il dérive. Ils justifient cependant notre attention dans la mesure où le réseau lexico-sémantique auquel ils appartiennent est sans doute lié (au moins primitivement) au domaine flamand et wallon. Par ailleurs, si le premier est attesté au début du XIIIème siècle déjà, son dérivé ne l’est que dans la seconde moitié du XIVème siècle (sous la forme brououtier, mais dans cette acception précise). caurre, « chaleur » (l. 34), n’existe que dans C et T. Selon le FEW (cf. calorare, II, 1, col. 102 b), il s’agit d’un aboutissement picard et wallon propre aux XIIIème et XIVème siècles, mais ses exemples ne sont pas tous aussi spécifiques. Il a de fortes chances de remonter à l’archétype de notre récit. Il est cependant vrai que l’adoption de caleur surprendrait alors de la part du scribe artésien de F, et l’on peut aussi imaginer que le modèle sur lequel C et T reposent a adapté le mot français en lui substituant une variante plus typique des régions septentrionales du domaine d’oïl17. Le cas le plus intéressant nous confronte encore une fois à une divergence entre nos manuscrits : saigedamme (l. 137, C) est la plus caractéristique des deux variantes qui correspondent au mot obstetrix, employé par Jacques de Voragine (§ 120). Il n’en existe en effet pas d’attestation ancienne dans les ouvrages lexico16 Sans aller plus loin dans l’analyse des variantes, la lacune des lignes 67 - 70 rend peu crédible l’hypothèse que T soit le descendant direct de C. 17 Le terme prend donc peut-être appui sur un exemplaire conforme à la version « g » de la Legenda aurea, qui comporte ici calorem (cf. § 24).
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graphiques qui ne mentionnent ce composé que d’après les patois de la Wallonnie et du Pas-de-Calais (cf. FEW, domina, III, col. 124 b). mer(e)aleresse, qui lui équivaut dans F et T, est utilisé depuis 1267 au moins, mais ce mot n’est guère courant. Ses occurrences localisables sont picardes (cf. FEW, allitrix, XXIV, col. 324 a). op(p)rimes (l. 139), « tout juste » (primo dans le texte latin, § 123), est également picard. L’exemple le plus précoce de cette variante rare de la locution adverbiale or prime(s) remonte à 1225 environ (cf. FEW, primus, IX, col. 382 b, Godefroy, V, col. 644 c, Tobler-Lommatzsch, VII, col. 1854, lignes 5 - 8). puissedi, « depuis » (l. 39), est en revanche fréquent dès le premier tiers du XIIIème siècle environ, mais cet adverbe, que C et T introduisent librement dans le récit, semble aussi posséder des attaches régionales, qui resteraient à préciser (Nord / Nord-Est ?). Plusieurs vocables méritent encore d’être signalés pour la valeur des témoignages qu’ils fournissent à l’histoire du lexique français. Le verbe anticiper (l. 95), qui ne restitue pas un équivalent latin précis, n’est signalé par les dictionnaires qu’à partir du milieu du XIVème siècle environ. En outre, ces instruments ne citent qu’un seul exemple d’emploi réfléchi, dans une acception conforme à celle de notre traduction, beaucoup plus tardif encore (1558, cf. Godefroy, Complément, col. 131 c). Nous avons déjà vu avec les n° 3 et 16 que le féminin apostolesse (l. 49) leur est inconnu. assecution, « action d’acquérir, obtention » (l. 6, C et T), se substitue au latin consecutio (§ 5). Pas davantage que pour la plupart des vocables intéressants auxquels l’auteur recourt, il ne s’agit donc d’un simple placage. Il est en outre remarquable que celui-ci se soit servi de ce terme de droit ecclésiastique, dont les exemples médiévaux sont peu nombreux et couvrent les années 1464 1465 à 1530 seulement, hormis une occurrence de signification différente chez Jean des Prés (cf. FEW, assecutio, XXV,1, col. 518, et Godefroy, I, col. 426 c). cantité (l. 281) est une variante de F qui ne se rattache pas spécifiquement au texte latin, mais ce mot est peu employé depuis son introduction, à la fin du XIIème siècle. Le FEW se contente de délimiter l’utilisation de congruité (l. 228), qui traduit ici l’adjectif congruus (§ 184), entre le XIVème et le XVIIème siècle. Godefroy et Tobler-Lommatzsch n’en donnent que trois exemples, chronologiquement proches, le plus ancien datant de 1330 - 1332. contemplatif (l. 156) est commenté à propos d’une occurrence plus précoce de notre corpus, mais sans rapport avec celle-ci (texte n° 24). Il est cependant intéressant d’observer qu’ici, sa traduction offre une sorte de glose de son correspondant dans la Legenda aurea (solitarius, cf. § 134). continuation, « continuité », et continué (a), « lié à » (l. 7 et 8) apparaissent dans des conditions qui rappellent beaucoup les termes au moyen desquels Jean de Vignay traduit l’exposition du nom de Marie-Madeleine et nous exposent donc aux mêmes difficultés d’interprétation. Peu courant, le substantif n’est guère aisé à concilier avec l’une ou l’autre des acceptions offertes par les dictionnaires : le rapprochement le plus probant nous mène à Guillaume de Digulleville, qui procure le premier des exemples que ces ouvrages répertorient. Quant au participe-adjectif, nous avons tenté d’en expliquer l’emploi à partir du n° 14. Comme
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souvent pour les locutions, nous sommes mal renseignés sur l’histoire de au contraire (l. 89, propre au texte français), que les outils lexicologiques datent des traductions de Nicole Oresme et, pour le sens requis ici, des ouvrages de Philippe de Commynes. À la ligne 147, le récit est trop éloigné de son modèle latin pour que celui-ci puisse nous aider et l’on ne voit guère ce que peut signifier converse sauf en admettant la correction que nous suggérons. L’interprétation sur laquelle débouche son unique attestation (qu’il est de surcroît malaisé de dater)18, soit celle de « lieu où l’on séjourne », conviendrait tout à fait dans notre texte. delicieusement (l. 27), déjà commenté à propos d’autres pièces de notre corpus, est sans correspondance littérale ici. desolation (l. 121 ; meror, § 107) est inhabituel et le sens d’« affliction » que ce substantif revêt dans cette traduction n’est attesté que depuis 1330 environ, date à laquelle on peut aussi faire remonter le premier exemple de desolé, au sens de « plongé dans l’affliction » (l. 98), le participe-adjectif s’avérant lui aussi peu répandu en général, et surtout dans cette acception19. La première occurrence de desplaner n’existe que dans C et T (l. 16), dans une partie de l’exposition très librement adaptée, mais nos trois manuscrits reproduisent la seconde (l. 242), qui répond au latin delere (§ 192) Cette valeur sémantique, que l’une et l’autre expriment (« effacer »), est surprenante dans la mesure où elle ne s’accorde pas avec celles que possède ce verbe, rare par ailleurs20. par le disposition de Dieu équivaut dans C et T à domino disponente (l. 125 ; § 110), mais la formule française fait intervenir un substantif peu fréquent, surtout à date ancienne. selonc leur faculté (« selon leur capacité », l. 25) est une adjonction au texte latin, propre elle aussi à C et T. Peu usuel, le dernier mot prend ici un sens dont les dictionnaires fixent l’apparition vers 1370. Nous avons déjà signalé l’adjectif familiaire (l. 38 et 231) à partir de la version de Jean de Vignay, sauf que ce dernier ne l’utilise qu’une fois. Le second emploi distingue le texte dont il est question ici et il ne correspond d’ailleurs pas à un adjectif mais à un substantif ( familiaritas, § 186). gravé (l. 205) traduit le participe sculpta (§ 170), qu’on ne rencontre guère dans ce sens, même s’il est ancien (quatrième quart du XIIIème siècle, cf. DEAF, col. 1268, qui met à jour les données beaucoup moins complètes des autres dictionnaires). Ceux-ci datent par ailleurs l’introduction d’immoler (l. 63 ; immolare, § 37) de la seconde moitié du XVème siècle21. indigné (l. 227) a été commenté à partir d’une traduction sans doute plus précoce (voir n° 11). internel, « intérieur » (l. 4 ; latin interne, § 2) est inconnu de Tobler-Lommatzsch et, pour le moyen âge, Godefroy ne mentionne
Le FEW, conversari, II, 2, col. 1132 b, propose le XIIIème siècle. À noter que, toutes significations confondues, les exemples de Tobler-Lommatzsch (sauf celui de Guillaume de Digulleville) proviennent du Nord et du Nord-Est. Godefroy n’en a que deux, moins spécifiques sur le plan géolinguistique. 20 Ne s’en approche peut-être que l’exemple, tardif, de Godefroy, II, col. 632 a (« enlever l’écorce » (d’un arbre)). 21 À une exception près, l’extension d’immoler est tardive (XVème - XVIIème siècles), semble-t-il. Le DEAF ne répertorie même pas ce verbe, contrairement à immolation (col. 112). 18
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que le titre de l’ouvrage célèbre attribué à Jean Gerson, l’Internele consolation22. Le FEW, sans plus de précision, indique la date de 1460. luxurieusement (l. 27) n’a pas d’équivalent strict dans le récit latin (voir n° 3 pour plus de détails sur ce mot). D’après le FEW (cf. velle, XIV, col. 218 b), la première attestation de malivolense (« hostilité, ressentiment », l. 77), qui vaut ici pour le latin ira (§ 56), interviendrait entre 1334 et 1350. Quelques-uns des exemples, peu nombreux, de ce substantif ne peuvent toutefois être situés commodément dans le temps. Dans l’expression viande materielle (l. 152 ; terrenis refectionibus, § 131), l’opposition implicite à « spirituelle » (celestibus epulis chez Jacques de Voragine, ibid.) pointe vers la signification dont le TLF date l’apparition à partir de l’Ars d’amour du pseudo Jean d’Arkel23 (le sens de « formé de matière », que l’on relève dans l’Ovide moralisé et qui pourrait aussi convenir, est donc à peu près contemporain). matrone, que C et T partagent (l. 84, 95 et 96), à l’encontre du terme plus neutre de femme dans F, a déjà été signalé à propos du n° 10. Il est peut-être aussi intéressant de noter que dans le récit français, matrone n’intervient que dès le moment où la femme du prince est enceinte (ce qui n’est toutefois pas le cas chez Jacques de Voragine ni dans les autres traductions qui utilisent ce vocable savant). Enfin la forme stade (l. 156), que l’auteur a reprise de son modèle latin (§ 134)24, ne succéderait à estade, connu dès le dernier quart du XIIIème siècle, qu’au XVIème siècle : du moins les dictionnaires ne la relèvent-ils pour la première fois qu’en 153025. Reste à nous demander si nous avons affaire à une véritable traduction ou à la réutilisation d’un texte vernaculaire préexistant. Il est difficile de fonder une appréciation nette sur les impressions que cette rédaction suscite. L’effort de l’adaptateur paraît flagrant, au moins sur le plan lexical. S’il s’est servi de la Legenda aurea, il devait être un bon connaisseur de la langue de ses sources, habitué aux techniques de conversion du répertoire latin dans l’idiome de son public français et capable de produire un équivalent de bonne facture, ni servile 22 Soit en fait celui que la tradition médiévale donne à l’une des deux lignées de la traduction de l’Imitation de Jésus Christ de Thomas a Kempis – dans le cas particulier, celle dont la première mise en français remonte à 1447. 23 Les travaux de J. F. van der Meulen fournissent la première mise au point récente sur ce texte, dont nos propres recherches, non publiées, avaient aussi conduit à mettre en doute l’attribution et la date. Il faut désormais en fixer la rédaction autour de 1300 (voir « Avesnes en Dampierre of ‘ De kunst der liefde ’. Over boeken, bisschoppen en Henegouwse ambities », 1299 : één graaf, drie graafschappen. De vereniging van Holland, Zeeland en Henegouwen, red. D. E. H. de Boer, E. H. P. Cordfunke, H. Sarfatij, Hilversum, Verloren, 2000, pp. 47 - 72). 24 F comporte ici un raccourci d’une certaine ampleur. 25 À la l. 80, revengier, pour le latin defendere (§ 60), est quelque peu insolite. Si ce verbe est en effet ancien et courant, c’est au sens de « venger ». Il semblerait donc qu’ici le traducteur ait interprété les propos du prince (qui d’ailleurs, contrairement au texte latin, est le sujet du verbe) comme une menace à l’encontre de Marie-Madeleine (« il lui demanda si elle ne le croyait pas capable de condamner la foi qu’elle prêchait »). La variante reputer du manuscrit F ne va pas non plus de soi. Si elle ne résulte pas d’une confusion avec refuter (« repousser, contester », voir l’exemple de Guillaume de Digulleville dans Tobler-Lommatzsch), elle impose de prendre en compte une acception rare du verbe auquel le scribe recourt (« blâmer » ; cf. Tobler-Lommatzsch et FEW, reputare, X, col. 281 a).
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ni trop distant. On notera aussi que plusieurs des mots savants qu’il emploie prennent leur ancrage dans le vocabulaire français et dans la pratique des écrivains qui s’activent dans le registre didactique au tournant des XIIIème - XIVème siècles, sans que pour autant, on puisse en inférer une date plus précise pour ce qui concerne cette entreprise. Toutefois, il ne pas doit s’agir d’un clerc au service des milieux les plus cosmopolites. Au XIIIème siècle déjà et de plus en plus au fil du temps, l’appartenance à ce groupe tend en effet à neutraliser les influences régionales, alors qu’on en décèle très clairement dans la pratique de notre auteur26. Néanmoins, l’effort de remaniement et les transformations que l’on observe par rapport à la Legenda aurea pourraient aussi signifier que nous nous trouvons en face d’une réécriture, habile, de quelque traduction antérieure et non d’une nouvelle transposition à partir du latin, mais il n’est pas possible de l’associer à une rédaction française conservée. Plan de l’édition Exemplaire de référence : Cracovie, Biblioteka Jagiellonska, Ms. Berol Gall. Fol. 156, f° 190 b - 194 d (anc. 187 b - 191 d) (C) Exemplaires de comparaison : F : Florence, Biblioteca Medicea-Laurenziana, Med. Palat. 1412, f° 176 r° - 179 r° T : Tournai, Bibliothèque locale et principale de la Ville, 127, f° 189 c - 193 c
26 La suppression du commentaire affirmant au début du récit que la volupté est la compagne de l’abondance des biens donne peut-être une information sur le public auquel était destiné le légendier. Certains détails sont susceptibles de corroborer cette impression. À la l. 200, on notera ainsi la traduction fournie à propos des fondations réalisées par Girart de Bourgogne (et funda moult d’eglise[s] ; ecclesias et monastria construebat, § 167) ; ou celle de la l. 184 : le peuple appelle et le clergiet (conuocato igitur uniuerso clero et sacerdote predicto, § 157), mais ces indices sont ténus.
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[190 b] Cy commenche l’exposition de Marie Magdalaine
Marie vault [autant] que « mers amere » ou « enlumineresse » ou « enluminee ».
1 2
Par ces .iij. coses, on entent .iij. bonnez parties que elle eslut : partie de penance, partie de contemplation internelle et partie de le glore celeste. De [190 c] chou est entendu che que Dieu li dist qu’elle avoit eslut une bonne partie qui ne li seroit point ostee. Ly premiere partie ne li sera point ostee, c’est li fins li assecution de le glore, ne li seconde ossi pour le raison de le continuation, car li contemplacion de chi est continuee a le contemplation de paradis; ne li tierche ossi pour le raison de le Trinité. Tant comme a la premiere elle est dite « mers amere », car elle eubt en penanche moult d’amertume. Tant comme a le seconde elle est dicte « enlumineresse », car elle prist la le lumiere de le quelle aprés elle enlumina les autres. Tant comme a le tierche partie elle est dite « enluminee », car maintenant elle est enluminee tant comme a l’ame et elle sera enluminee tant comme au corps aprés le jour du Jugement; et vault autant comme « muee », car elle fu bien muee de pecquiet en penanche, car o tant qu’elle eubt en li de occasion trayans a pecquiet, o tant elle eubt de penitanches et de remedes desplanans le pecquiet.
3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16
Cy commence le vie Marie Magdalaine
17
Marie Magdalaine fu moult noble estraite de [190 d] lignie royal, et fu appellee
ensi pour sen castel que on appelloit Magdalon, et fu ses peres nommés Sirus et se mere Eucharia. Ceste cy demouroit en ce castel avoec le Ladre son frere et se suer Marthe, et avoient le p[o]ssession d’une grant partie du païs entour Jherusalem et entour Bethanie; et avoient party en telle maniere que Marie avoit le castel ou quel elle demouroit, et la vivoit selonc tous les delis de le char, et li Ladres entendoit a sievir le chevalerie et Marthe saigement gardoit leur .iij. parties et ministroit as chevaliers et aux povres et a cascun selonc leur faculté. Aprés le Ascention de Dieu, ellez vendirent tout et donnerent tout et se mirent as piés des apostles. Ainsi que Marie estoit en ce castel, elle vivoit delicieusement et luxurieusement et estoit
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Exemplaire de référence : 2. vault que. Correction d’après T (graphie conforme à la scripta de C). – 21. On lit plutôt : passession (en un premier temps, l’œil du copiste a-t-il capté le mot passion ?). Variantes : 1 - 16. Omis dans F. – 1. De l’exposition de le Magdalaine T. – 2. vault otant que T. – 3. penitanche T. – 10. penitanche T. – 15. penitanche T. – 15. ocasions T. – 17. De le Magdalaine T Chi aprés s’ensiut le vie sainte Marie Magdelainne F. – 18. M. Magdelaine si fu estr. de noble lignie et de sang roial et fu ensi app. F. – 20. cy dem.] chi si dem. F. – 21. et M. se seur F. – 21. d’entour Jh. F. – 23. ou quel elle demoura une espasse de tamps selonc le delit de le char F. – 23. et la vivoit] et vivoit T. – 23. et li L. sen frere T. – 24. a sivir chev. F. – 24 - 25. et M. (...) faculté] et M. s’ordenoit mout sag. F. – 25 - 26. Aprés (...) des apostles] omis dans F. – 26. T introduit un pied-de-mouche entre les deux phrases. – 26 - 28. Ainsi (...) si quemune] ensi que M. vivoit en ce c. mout delisc. et estoit si commune F.
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si quemune qu’elle avoit perdu sen propre nom et l’apelloit on pequeresse; de quoy il avint que ainsi que Dieu preichoit la ou païs, elle fu inspiree du Saint Esperit et vint a le maison Symon le Ladre pour chou qu’elle oÿ dire que Dieu [191 a] y dignoit, et pour chou, comme pequeresse qu’elle estoit, qu’elle n’osoit mie apparoir devant, elle estoit deriere le tauble d’encoste lez piés de Dieu et commencha a plourer sy habondanment qu’elle en lava les piés de Dieu et li torqua de ses chaveux et li oinst d’un ungement moult precieux, car li homme du païs pour le caurre usoient de bains et de ongemens. Et ainsi que Symon pensoit que se Dieu fust prophetes, Il seust quelle celle fust qui La touquoit, Il le reprist et pardonna a Marie tous ses pequiés, et osta de li tous les .vij. pequiés morteux et l’embrasa en s’amour et le fist moult familiaire de Li, et puis fu se hostesse; et douchement toudis Il le excusa puissedi, car Il l’ama moult, comme il apparut que pour le dilection que Il eubt a li, Il resuscita le Ladre sen frere, et quant Dieu le vit pour sen frere plourer, Il meismez ne se paut tenir de plourer, et pour l’amour de li ossi, Dieu cura Marthe du flus de sanc qu’elle avoit eu .vij. ans et par les merites de li, le mesquine Marthe que on apelloit Marcelle fu digne de dire ches parlers de l’Euvangille : « Beatus venter : ly ventre est benis qui t’a porté », [191 b] car saint Ambrose dist que ce fu elle qui le dist. Et fu celle qui fist premiers ou tamps de grace penitance sollempnelle et eslut le milleur partie, et fu digne d’oÿr la parolle de Dieu et d’estre d’encoste le crois au crucefiement, et qui vault oindre le corps de Li et qui du monement, quant li autre se departirent, ne se vault mie departir, et a qui Dieux premiers apparut et celle qui fu seule apostolesse, car .xiij. ans aprés le Ascention de Dieu, puis que sains Estevene eubt esté lapidé et que li desciple eurent esté bouté hors de Judee, divers desciples et apostles s’en alerent en divers païs pour preichier le parolle de Dieu; et en ce tamps, sains Maximes, qui estoit li uns de .lxxij. desciples, estoit avoec les apostles, et a celluy saint Piere especianment avoit commandé
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37. et li osta de li. Correction d’après F. 29. il avint ensi que diex F. – 29. la en che paiis F. – 31 - 32. qu’elle n’osoit (...)] elle n’osoit (...) T et qu’ele n’osoit mie app. par devant le table F. – 32 - 33. et comm. moult fort a pl. et habundamment T. – 33 - 34. les piés de Jhesucris et puis les ressua de ses chaviaux et aprés les oingst F. – 34. moult pr.] tres presc. F. – 34 - 35. car li homme (...) usoient] car on usoit ou paiis pour le caleur du tamps F. – 35. Et ainsi] enssy T (F). – 35. pensoit en li meismes F. – 36. qui celle fust qui l’atouchoit pour le quele cose diex l’en reprist F. – 37. et osta de li F. – 37. de s’amour F. – 38 - 39. et puis (...) puissedi] aprés fu s’ost. et t. l’escusa mout douch. F. – 41. ossi] omis dans F. – 41. M. se seur F. – 42. flus] flun F. – 42. bien .vij. ans F. – 42 - 43. et par les mer. de Marie Marseille li meschinne de M. fu digne F. – 43 - 44. ches parlers (...) benis] ces parlers qui sont contenu en disant en l’evangile : b. v. qui te portavit, beno[...] est li ventres F. – 45. elle] celle F. – 45. et fu celle qui prumiers T, qui introduit ici un pied-de-mouche; et fu celle benoite Marie qui fist prumierement F. – 46. d’encoste] encoste T. – 47. au cruch. de dieu F. – 47 - 49. et qui du mon. (...) apostolesse] et qui point ne se v. dep. du monument quant li aultre se partirent et fu celle a qui diex app. prumiers et si fu celle qui prumiers fu apostelesse F. – 49. se apparut T. – 49. car] omis dans F. – 50. puis que] que F. – 50. li desc. de dieu furent b. F. – 51. pluseur des dess. et des apostles de nostre signeur Jhesucris s’en al. en pluseurs paiis F. – 52. et en ce t.] en ce t. d’adont F, qui introduit ici une lettrine. – 53. li uns des .lxxij. desc. de Jhesucris F. – 53 - 54. a icelui especialment fu livree a garder M. Magdel. F.
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Traductions de la Legenda aurea
Marie Magdalaine. Chieux Maximes cy, Marie Magdalaine, le Ladre, se suer et Marcelle, se mesquine, et Cedomius qui avoit esté nés avule de nativité, li quels Dieu avoit enluminé, tout furent mis en mer des juys sans gouverneur pour eulx faire perir, mais de le volenté de Dieu, il arriverent a Marseille, et quant il ne trouverent [191 c] qui les vaulsist herbegier, il se mirent pour demourer desoubz ung porge d’un temple; et ainsi que Marie Magdalaine vit venir le peuple au temple pour les ydolles aourer, elle se leva et commencha a preichier et a eulx ammonester pour eulx convertir et a demoustrer le foy de Jhesucrist, de quoy cascuns s’esmerveilloit de le loquense et de le facunde qu’elle avoit. Or avint aprés que le prince de le terre immoloit aux ydolles pour empetrer ung fil, car il n’en avoit nient, a qui Marie vint et li preicha Jhesucrist et ly enorta qu’il laissast les ydolles. Ung peu de jours passés, Marie s’apparut en vision a le femme de celi et li dist que puis qu’il avoient tant d’avoir, il ne devoient mie les povres laissier morir de fain et de froit, et manecha sen mary se il ne secouroit les povres de Jhesucrist; et pour ce qu’elle n’osa dire a sen mary se vision, le seconde fois elle li apparut [en tel maniere; et quant elle ne li osa dire le seconde fois, elle apparut] le tierche fois a l’un et a l’autre enluminee comme fus et leur dist : « Tu, tirans, membre de l’anemi ten pere, dors tu avoec te vipere de femme qui ne t’a mie volu dire me vision ? Comment es tu si hardis de ty emplir de diverses manieres de viandes et li saint meurent de fain ? Tu es en ten lit [191 d] couvers de soye et de [g]ris et li saint sont tout nud et sans hostel ! Saches que tu n’escaperas mie ensi et que tu en seras punis. » Et adont elle s’esvanuy. Quant li femme fu levee et esveillie de sen somme, se commencha a souspirer de peur et sen mary ossi, et dirent l’un a l’autre ce qu’il avoient veu et dist le femme qu’il valoit mieux faire se volenté qu’en le malivolense de sen Dieu entrer, pour le quelle cose il le rechurent et li et se compaingnie en
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68 - 69. le sec. fois elle li app. le t. fois. Correction d’après T (graphies conformes à la scripta de C). – 73. et de cris. Correction d’après F T. 54. T introduit un pied-de-mouche entre les deux phrases. – 54. Marthe se seur, Marseille F. – 55. qui avoit (...) de nat.] qui avoit esté avules des dont qu’il fu nés F. – 56 - 57. f. tout mis en une nef sans gouvrenal pour eulx f. noiier et p. F. – 57. par le vol. F. – 57. au port de Marseilles F. – 57 - 58. et pour ce qu’il ne tr. F. – 58. herbegier] hosteler F. – 58 - 59. il se herbegerent desous l’un des porges du t. F. – 59. et ainsi que] avint ensi que F. – 60. elle se leva et comm.] elle comm. F. – 61. conv. (...) de Jh.] conv. a le foy de dieu F. – 62 - 63. Or avint (...) de le t.] or avint que li princes du paiis F. – 63. pour avoir .j. fil F. – 63. nient] nul F. – 64. a qui (...) Jh.] au quel M. ala et li prescha le foy de dieu F. – 65. Ung peu de j. p.] un pau de tamps aprés F. T introduit ici une lettrine. – 65. de celi] de cheli chy T de ce prinche F. – 66. lassier les povres F. – 67. et de froit] de froit et de mesaise F. – 67. sen mary (...) de Jh.] sen mari en disant qu’il seroit griefment pugnis s’il ne sec. les p. membres de dieu F. – 67 - 70. et pour ce (...) comme fus] et pour chou qu’elle n’osa dire a sen mari le vision le sec. foys elle ly app. en tel maniere et quant elle ne ly osa dire le sec. fois elle app. le tierche fois a l’un et a l’autre enl. comme fus T et pour ce que celle n’osa a sen mari dire le vision sec. fois Marie s’app. a li mais celle ne li osa dire; Marie tierche fois s’app. a l’un et a l’autre enluminé de grant clarté F. – 70. et leur dist (...)] en disant : o tu tirans et membres F. – 71. qui point ne t’a volu dire F. – 73. et de gris T F. – 74. et que tu en seras punis] ains seras griefment pugnis se tu ne t’amendes F. – 75. et tantost qu’ele ot ce dit s’esvanui F. – 75 - 76. quant li f. fu esvillie si comm. F, qui introduit ici une lettrine. – 76. l’un] omis dans T. – 77. et dist] adont dist F. – 77. qu’il venoit miex a f. F. – 78. il rech. Marie et toute se compaignie F.
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son hostel. Ensi qu’elle preichoit une fois, li princes li demanda s’elle cuidoit qu’il ne peust mie revengier le foy qu’elle preichoit. Celle respondi qu’elle estoit toute preste de deffendre et demoustrer le foy qu’elle preichoit par certaines miracles et confremee de saint Piere, sen maistre. Adont il dist que du tout il obeÿroit a li, mais que a son Dieu qu’elle preichoit [elle] fesist tant qu’il peust avoir ung fil, et quant Marie eubt fait sen orison a Dieu, li matrone conchut; et quant elle eubt conchut, li princes dist qu’il voloit aler a Romme pour oÿr de saint Piere se c’estoit verité ce que Marie li avoit dit de Jhesucrist, et se femme li dist qu’il n’iroit mie sans li. Cieulx respondi qui ne seroit mie ainsi et que pour ce qu’elle estoit enchainte, elle [192 a] porroit perir, car il y avoit moult de perilz en le mer. A Marselle demouroit et garderoit l’ostel. Au contraire elle disoit et dist qu’il ne se departiroit point sans li et eubt grasce de aler avoec li. Adont Marie leur mist le signe de le crois sur leurs espaulles affin que li anemi ne leur fesist nul grief, et prises nef et kerquies des coses necessaires, il se departirent et laisserent a Marie leur hostel a garder; et quant il eurent esté une nuit et ung jour en mer, il leva si grans tourmens que il cuidierent tout perir et noyer, et eubt li matrone si grant hide que le tamps se anticipa et enfanta en le nef et morut le matrone a l’enfanter, et quant li enfes fut nés, il querroit les mamellez de se mere et plouroit moult fort. Quant li pere vit ce, si mena grant duel et disoit qu’il convenoit l’enfant perir puis qu’il n’avoit qui le peust nourir, et disoit qu’il devoit estre bien desolés quant il desiroit a avoir un[g] enfant par le quel il avoit perdu le mere et se li convenoit l’enfant perdre. Adont li maronnier commencherent a crier que on getast le corps mort en le mer ou autrement li tempés ne cesseroit point, et quant il eurent le corps pris pour getter en le mer, li princes dist que il se [192 b] vaulsissent ung peu souffrir. « Et se vous ne volés », dist il, « n’a mi n’a me femme espargnier, je vous prie que vous aiiés pité de l’enfant. Attendés », dist il, « ung petit pour vir se li
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83. il fesist tant. Correction d’après T (F). – 99. une enfant. Correction d’après T. 79. en son hostel] omis dans F. – 79. ensi que Marie preschoit F. – 80. revengier] reputer F. – 80. Celle resp.] adont Marie resp. F. – 81 - 82. par certains mir. confrumés F. – 82. il li dist F. – 83. mais (...) qu’il peust] (...) elle fesist tant (...) T mais qu’ele feist tant a sen dieu qu’il peuist F. – 84. et quant (...)] adont par les priieres et orisons de M. li femme conchut F. – 84. et quant] quant F. – 85. oÿr] savoir F. – 87 - 90. Cieulx resp. (...) et eubt grasce] li princes li dist qu’ele estoit mout enchainte et qu’il y avoit trop de prieux en mer, si porroit bien morir, et pour ce elle demourroit et warderoit l’ostel; et celle toudis au contraire respondoit tant qu’il li donna grasce F. – 89. A Mars. dem.] mais elle demourroit T. – 90 - 92. Adont (...) il se departirent] quant il furent apresté pour aler M. fist le signe de le crois sur eulx ad ce que li anemis ne leur peuist faire nul grief et puis prisent nés ordenees de ce que neccessaire leur estoit et se partirent F, qui introduit une lettrine au début de cette phrase. – 91. sur leur espaule T. – 92. et prises (...)] adont ly nef prise et qu. de leurs cose nec. T. – 93. .j. jour et une nuit F. – 93 - 94. il leva .j. t. si grans F. – 94. et noyer] omis dans F. – 94. et eubt li matrone] la ot li femme F. – 95. que ses termes antic. F. – 95. et morut le matrone a l’enf.] et tantost li femme morut F. – 96. et quant (...)] quant li enfes fu nés si queroit F. – 96. de le mere T. – 97. Quant (...) grant duel] quant li peres le vit (...) T pour le quele cose li peres menoit grant dueil F. – 97. puis qu’il n’avoit] quant n’avoit F. – 98. et puis disoit F. – 98 - 99. quant il des. a avoir ung enfant T quant il avoit desiré d’avoir enfant F. – 100. perdre l’enfant F. – 101. pris le c. F. – 102. ly princes dist qui vauls. T li princes leur priia qu’il vaus. F. – 103. dist il] omis dans F. – 103 - 104. n’a mi (...)] avoir pité de mi et de me femme si aiiés pité de l’enfant F. – 104. dist il] omis dans F. – 104. ung petit] .j. pau F.
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Traductions de la Legenda aurea
cuers li est falis et s’elle raviveroit point. » Ainsi qu’il disoit ces parolles, il regarda ung peu loins de le nef et vit ainsi comme une roche, et appaines ne par argent ne par priere, il peut empetrer qu’il vaulsissent la applicquier, et pensa qu’il venoit mieux qu’il mesist la le mere que on le getast en mer pour estre des pissons devouree; et ainsi qu’il arriverent la, pour ce qu’il ne pooient faire fosse pour le durté du lieu, il mirent le corps en le plus secree partie et le couvrirent d’une partie du mantel du prince, et mirent l’enfant d’encoste li delés ses mamelles. Adont li princes en regretant demanda a Marie si l’avoit pour ce en se maison herbegie et s’elle avoit priet a Dieu qu’il eust ung fil affin que se femme fust perie. « Vechi », dist il, « que je t’ay tout laissiet a garder, et pour ce je me commande a ten Dieu et Li prie qu’Il ait merchi de l’ame de le mere et qu’Il vuelle l’enfant garder qu’il ne perisse. » Adont il couvry l’enfant et entra en le nef, et quant il vint a Romme, Piere li fu a l’encontre, et pour [192 c] ce qu’il vit le signe de le crois a ses espaulles, il li demanda dont il estoit et qu’il querroit; et quant il li eubt tout rechité, Piere li dist : « Pais soit a ty. Tu soies li bien venus, car tu as crut boin conseil, et ne te desplaise se te femme repose avoec sen enfant, car Dieu est tous puissans de tollir et oster et de donner et de te desolation tourner en consolation. » Adont Piere le mena en Jherusalem et li moustra les lieux ou Dieu avoit preichiet, ou Il avoit esté crucefiez, ou Il avoit esté ensevelis, dont Il estoit montés es cieux, et quant il eubt esté de saint Piere introduis en le foy et qu’il eubt .ij. ans demourés, il s’en vault raler; et ainsi qu’il navioient, par le disposition de Dieu il passerent delés le lieu ou il avoit se femme mise avoec sen enfant qui avoit esté nouris et gardés de Marie Magdalaine, et qu’il venoit aucune fois ossi que li enfant ju[er] as pieres et as autres coses du rivaige; et quant li nef fu applicquie et qu’elle vint au lieu, li pere descendi qui vit l’enfant juant sur celle roche, et quant li enfes, qui n’avoit mie acoustumé de veyr telles choses, le vit, il s’en fuy a se mere. Adont li pere approcha plus pres
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127. juoit. Correction d’après T. 105. et s’elle rav. point] omis dans F. – 105. ces parlers F. – 105 - 108. il reg. (...) le mere] si reswarda devant li si vit une roche li quelz a grant paine paut empetrer qu’il y vausissent appliquier leur nel (sic) et s’appensa qu’il valoit miex que se femme fust la mise F. – 106. ainsi comme] osyy comme T. – 108. en le mer T F. – 109. et ainsi (...)] ensi qu’il furent la arrivé F. – 109. peurent F. – 109 - 110. pour le terre du liu si mirent F. – 110. et puis le couv. F. – 111. et mirent sen enfant dalés li d’encoste ses mam. F. – 113. affin que (...)] ad ce que se femme en fust perie F. – 114. dist il] omis dans F. – 116. et puis entra F. – 116. vinrrent T. – 117. sains Pierres li vint a l’enc. F. – 117. sur ses espaules F. – 118. et qu’il qu.] omis dans F. – 118. et quant li princes li ot tout recité sains Pieres F. – 120. si est tous poissans F. – 121. et de oster et puis donner et te des. t. en grant cons. F. – 121. Adont (...)] aprés ce sains Pierres l’emmena F, qui introduit ici une lettrine. – 123. et dont il avoit monté F. – 123. es cieux] omis dans T. – 124. en le foy (...) dem.] en le foy de dieu et qu’il ot demouré .ij. ans avoec saint Pierre F. – 125. raler] aler T raler a Romme F. – 125. et ainsi (...) de dieu] enssy T et ensi qu’il estoient en mer et qu’il n’avoient mie vent, au contraire, par le volenté de dieu F. – 126. u il avoit laissiet se f. F. – 126. wardés et nourris F. – 127. et qu’il venoit (...) as pieres] (...) juer as piere T li quelz enfes venoit aucune fois aussi que font li enfant as pierres F. – 128. du rivage de le mer F. – 128. applicquie] aprochie F. – 128 - 129. li pere (...) sur celle r.] (...) l’enfant vivant sur celle r. (...) T li princes qui vit l’enfant juer issi hors de le nef F. – 129 - 130. qui n’avoit (...) le vit] qui n’avoit ac. de veïr nullui vit le prince venir vers lui F. – 130. tout droit a se mere F. – 130. s’aprocha F.
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pour savoir que c’estoit et trouva l’enfant [192 d] qui alaitoit les mamellez se mere. Se le prist et dist : « Hé ! », dist il, « Marie, que je seroye eureux se li mere voloit respirer pour retourner en no païs, car tout me seroit venu a volenté, et croy que tu, qui as cest enfant en ceste roche noury et gardé .ij. ans, porras se tu veulz me femme par tes prieres resusciter. » A ces parlers, elle ala respirer et ossi que s’elle se levast d’un somme, elle ala dire : « A ! », dist elle, « Marie Magdalaine, que tu es de grant merite qui as esté en men pril d’enfanter saigedamme et qui m’a secourut en toutez mes necessités. » Quant li pelerins l’oÿ, il li demanda s’elle vivoit et celle respondi et dist qu’elle vivoit voirement et qu’elle venoit opprimes de pellerinaige ensi comme il. « Et tout ainsi que saint Piere t’a en Jherusalem tout par tout mené, tout ainsi Marie Magdalaine si m’a mené »; et li commencha tous les lieus a nommer sans riens fallir. Adont li pelerin prist se femme et sen enfant et s’en revint a grant leeche en sen païs, et trouverent Marie preichant a ses desciples. Adont il se getterent a ses piés et li dirent en plourant moult devotement tout ce qu’il leur estoit avenu, et les baptisa Maximinus. Adont il destruirent toutes les ydolles de le cité et funderent [193 a] eglise[s] et firent le Ladre evesque du lieu. De puis il revi[n]rent a converse [dans] une autre cité et convertirent le peuple, et fu la Maximinus evesquez ordonnés. Aprés chou, Marie Magdalaine, qui avoit grant desirier d’estre en parfaite contemplation hors du monde, s’en ala en ung aspre desert en ung lieu qui li estoit appareilliés des angles de paradis, et y fu .xxx. ans sans vir nulle personne. En ce lieu la n’avoit ne yaue ne herbe ne cose de quoy
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137. Le scribe a utilisé l’abréviation qui correspond à er sans prendre garde au fait que la première syllabe du mot comportait déjà un e. – 146. eglise. Correction d’après F. – 147. De puis il revirent a conv. une autre cité. La première correction repose sur la variante de T – C ne s’opposant à elle que par l’oubli vraisemblable d’une abréviation –; en revanche, aucun de nos trois témoins ne retransmet la préposition qui semble nécessaire dans cette partie de phrase (pour le terme converse, voir nos explications dans la présentation du texte). 131. le mameles T. – 131. de se mere T F. – 132. Si le prist] omis dans F. – 132. et puis dist F. – 132. dist il] omis dans F. – 132. voloit] pooit F. – 133. car tout seroit venu a me vol. et je croi F. – 134. que tu qui as] que tu as T. – 134. en ceste r.] omis dans F. – 134. noury (...) se tu v.] peut et wardé .ij. ans et pour chou se tu veus porras T. – 135. par tes pr. ress. me f. F. – 135. a ces paroles F. – 135. elle] omis dans F. – 136. se elle s’esvillast F. – 136. A] hé F. – 136. dist elle] omis dans F. – 137. de grant merite T F. – 137. as esté] fus F. – 137. saigedamme] merealeresse T (F). – 138. sec.] aidiet F. – 138 - 140. Quant (...) ensi comme il] quant li princes l’oÿ si li dem. comment il li estoit et se elle avoit vie et celle resp. qu’ele vivoit voir. et que oprimes venoit elle de pelerinage aussi qu’il faisoit F, qui introduit une lettrine au début de cette phrase. – 140. ensi comme] ossy comme T. – 140 - 141. Et tout ainsi (…) mené] et tout ossy T (F) que sains Pierres t’a mené en Jh. et en pluseurs aultres lius F. – 141. si m’a mené] m’y a aussi mené F. – 141 - 142. et li nomma tous les lius F. – 142. li pel.] li princes F. – 143. en sen paÿs en grant leesche F. – 143. M. Magdelaine F. – 144. a ses desc.] omis dans F. – 144. il se gett.] se gett. T il s’agenoullerent F. – 145. et tantost Maximianus les baptiza F. – 145 - 146. Adont (...)] tantost qu’il furent baptiziet si destr. tous les ydoles F. T introduit un pied-de-mouche au début de cette phrase. – 146. et y fonderent pluseurs beles eglizes F. – 146. et f. Lazarum le frere Marie Magdelainne ev. du lieu T et ordenerent le L. ev. de le cité. – 147. depuis il revinrent a conv. T et puis alerent a conv. F. – 147. et conv. le p.] omis dans F. – 148. Maximes ordenés evesques F. – 148. Aprés chou] ces coses faites F, qui introduit ici une lettrine (pied-de-mouche dans T). – 149. en .j. grant des. F. – 150 - 151. et la fu sans veïr pers. .xxx. ans F. – 151. n’avoit herbe ne yauwe ne cose nulle F.
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Traductions de la Legenda aurea
elle peust vivre en demoustrant que Dieu ne le voloit mie de viande materielle gouverner, car cascun jour .vij. fois a cascune heure canoniaux, li angele l’eslevoient en l’air et ooit le melodie du ciel et estoit repeute de viande esperituelle, et puis le rasseoient en [sen] lieu. Or avient que uns prestres qui desiroit moult a mener vie contemplative se mist en ce desert en une celle a .xij. stades pres du lieu ou Marie si habitoit, et vault Dieu ouvrir les yeux du prestre une fie et vit lez angeles comment il l’eslevoient en l’air et quel melodie il faisoient. Adont li prestre, qui vault savoir que c’estoit plus plainement, se commenda a Dieu et commencha a aler pour approchier au lieu, et ainsi qu’il estoit ainsi que d’un get d’une piere pres, les gambes li commencherent a fallir et [193 b] avoit si grant peur qu’il ne savoit que devenir, et quant il cuidoit passer avant, il reculoit. Adont il entendi que c’estoit mistere et sacremens de Dieu et dist en hault : « Je te conjure que se tu es hons ou creature raisonnable qui la habite en celle fosse, que tu me die verité. » Et .iij. fois dist ches parlers, et quant il eubt dit, Marie li dist qu’il s’approchast plus pres et de tout quanquez il desiroit il saroit le verité. Quant il fu passés ainsi que enmy voye, elle commencha a demander se il avoit oÿ point parler de celle commune pecheresse de le quelle parolle li Euvangille, qui lava les piés de Dieu de ses larmes et torqua de ses cheviaux. « Et pour che », dist elle, « Dieu ses pequiez li pardonna. » Ly prestre respondy qu’il en avoit bien oÿ parler mais il y avoit plus de .xxx. ans que che la estoit avenu. Celle respondi que c’estoit elle qui bien avoit esté .xxx. ans en ce desert sans vir nulle personne et tout ainsi que li angele l’avoient eslevee celle journee qu’il avoit veu, tout ainsi .vij. fois le jour il l’avoient toudis eslevee. « Et pour ce qu’il m’est revelé de Dieu que je doy morir, tu t’en yras a Maximinus et li diras que ou prochain jour a venir de le Resurection de Jhesucrist, a l’eure de matines, il entre tous seul en sen oratoire et la [193 c] il me trouvera et m’y porteront li angele. » Li prestre ooit se vois comme le vois d’un angele et si ne
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155. en leur lieu. Correction d’après F. 153. as heures can. li angle de paradis F. – 155. et le rass. en sen liu F. – 155. F n’introduit pas de segmentation à cet endroit (T comporte ici un pied-de-mouche). – 155. avint T F. – 155. des. a mener T qui mout des. a mener F. – 156 - 157. en ce desert (…) une fie] en ce desert assés pres du liu u M. hab. et vault une fie diex ouvrir les iex du pr. F. – 157 - 158. les angles qui esl. M. en l’air et le mel. qu’il fais. F. – 160. au lieu] le liu F. – 160. ossy que d’un get de p. T aussi que a .j. giet d’une pierre F. – 162. passer avant] aler avant F. – 163. et sacr.] omis dans F. – 163. et puis si dist F. – 163. je te conjure u nom de dieu F. – 164. habites T F. – 165. et quant il eubt dit] adont F. – 165 - 166. plus pres de li et de tout ce qu’il des. il en saroit le verité F. – 166 - 167. Quant (...) demander] quant il fu passés ossy qu’emmi voiies (...) T quant il fu aussi que en mi voies Marie li demanda F. – 167. se il n’avoit nient oÿ p. T(F). – 167. de chelle pequ. T. – 168. qui lava] le quelle lava T. – 169. et torqua] et essua F. – 169. et pour ce faire F. – 169. dist elle] omis dans T F. – 169. diex li pard. ses pekiés F. – 170. respondi qu’il avoit bien .xxx. ans passés que c’estoit avenu qu’ele disoit F. – 171. Celle] Marie F. – 171. qui] et que F. – 172. tout ossy T (F). – 173. en celle j. F. – 173. il l’av. t. esl.] l’av. esl. F. – 174. Et pour ce] et pour dist elle T. – 174. Maxime F. – 176. tous seul] seus T. – 176. et la il me tr.] et la me verra F. – 176. et me port. T. – 177. Li pr. ooit (...)] et ooit li prestres le vois Maris (sic) ensi que le vois F.
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veoit nulluy. Adont il s’en ala a saint Maximin et li compta ce qu’il avoit trouvé, de quoy il eubt grant joye et rendi a Dieu grace; et le jour ordonné, il entra en sen oratoire et vit en my le cuer Marie Magdalaine ou milieu des angeles aourant et priant. Ensi que Maximinus desiroit a venir a li, et si n’osoit, elle estendi se main et dist qu’il venist hardiement et qu’il ne fu[i]st mie se fille; et ainsi qu’il se fu approchiés, il vit le viaire Marie Magdalaine resplendissant comme viaire d’angele et ne le peut regarder nient plus que le rais du solel, et le peuple appelle et le clergiet. Le corps Jhesucrist il li donna et le prist en grant habondance de larmes, et puis se mist a terre devant l’autel et li sainte ame de li se departy. En l’eure de sen trespas, si grans oudeur si fu sentue que .v. jours aprés, cil qui entroient ou temple le sentoient. Ly corps de li enfouy saint Maximes en grant multitude de peuple qui looient Dieu et moult honnorablement, et pria que aprés se mort, il fust enfouis delés ly. Egisippus ou Josephus, ce dient ly autre, se concorde assés a ceste histoire, qui dist en ung traitiet que aprés l’Ascention de Dieu, Marie Magdalaine, [193 d] pour l’ardeur de carité qu’elle avoit en li et pour l’anuit qu’elle avoit, elle ne voloit vir nul homme si qu’elle entra ou desert et y demoura .xxx. ans et la, .vij. fois le jour, ly angele le visentoient. Aprés ce, ung prestre ala pour li vir, li quelz li getta ung mantel pour li couvrir. Ainsi il le mena en l’eglise pour li accumminiier et la d’encoste l’autel, elle rendi a Dieu sen esperit.
178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188 189 190 191 192 193 194 195 196
Example
197
Du tamps le grant Charle, l’an de grasce .lxxj., Gerars, dux de Bourgoingne, pour 198 ce qu’il ne pooit avoir nul enfant de se femme, donna ses propres vestures et fist 199 182. et qu’il ne fust mie se fille. Correction d’après F. – 197. La mention qui précède ce miracle est illisible, mais elle correspond sans aucun doute à celle qui intervient aux lignes 211, etc. Nous adoptons la forme qu’elle prend dans cette série d’occurrences. 178. et si le ne veoit mie F. – 178. a Maxime F. – 179. il en ot grant goie F. – 179. et r. a dieu grasces T et en r. grasces a dieu F. – 179 - 181. et le jour (...) priant] en celle journee il entra ensi que dit li estoit en s’oratore et vit Marie (exponctué) u miliu du cuer M. Magdelaine aourant ou milieu de grant cantité d’angles et prians a dieu F, qui introduit une lettrine au début de cette phrase. – 181. Maximins T sains Maximes F. – 181. elle] Marie F. – 182. et li dist F. – 182. et qu’il ne fuist mie se fille F. – 182 - 183. qu’il fu aprochiés de li il vit sen v. respl. aussi que le v. d’un angle F. – 184. nient plus resw. qu’il heuist fait les rais F. – 184 - 185. et appella le pule et le cl. et puis le c. Jh. li d. et Marie Magdelaine le prist F. – 186. et puis se mist a t.] et puis le mist a tere T et sen viaire bassa vers t. F. – 186. et tantost F. – 187. si fu s.] y fu s. T y fu rendue F. – 187. tout cil qui estoient u t. F. – 188 - 190. le c. enfoui (...) T, qui introduit ici un pied-de-mouche; le c. de li avoec grant mult. de pule enfouy sains M. dieu loant et mout humblement priia qu’il fust enfouys dalés li F. – 190. T introduit un pied-de-mouche entre les deux phrases. – 190. et J. F. – 190. se concordent F. – 191. qui dient F. – 192. de le carité F. – 195. Ainsi (...)] et enssy il le mena T et puis si l’emmena F. – 195. pour li acc.] omis dans F. – 196. et la bien pres de l’autel. – 198. Aucun des récits qui suivent n’est introduit par la mention « Example », qui les précède dans C. Dans F, la relation de la découverte et de la translation des reliques de Marie-Madeleine ainsi que l’allusion à son mariage avec saint Jean débutent par une lettrine. Les autres subdivisions sont indiquées par un pied-de-mouche, ce qui vaut pour chaque transition dans T, sauf l’avant-dernière. – 198. du t. le grant Charlemaine G. li dus de Bourgongne F. – 199. vestimens F.
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moult largues aumosmez et funda moult d’eglise[s]; et ainsi qu’il eubt fundé l’abbye de Vezeliacensis, il et li abbé envoyerent ung moine en le cité en Aquitaine ou Marie si estoit enterree ad chou que s’il peust, qu’il aportast des relicques de li; et quant il fu la venus, il trouva que li cité estoit touttes destruite des paiens et trouva d’aventure ung sepulcre de mabre qui demoustroit que li corps Marie Magdalaine estoit dedens, car li histoire de li y estoit bien gravee, et brisa par nuit le sepulture et les relicques il prist et les porta a sen hostel. Celle meisme nuit, Marie Magdalaine apparut a li qui li dist qu’il n’eust [194 a] point de peur et qu’il parfesist ce qu’il avoit commenchiet; et quant en retournant il vient a demie lieue de l’abbie, il ne peut oncquez remouvoir les relicques jusquez atant que li abbé et tous li couvens vinrent a l’encontre a pourcession moult honnoraublement.
200 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210
Example
211
Il avint que uns chevalier qui visentoit tous les ans le sepulcre Marie Magdalaine fu tués en bataille, et ensi qu’il estoit ou linsel et que li amy le plouroient et qu’il disoient que Marie, qui visentoit, ne le deust mie avoir laissiet morir ensi sans penanche et sans confession, adont tantost tout soudainement, de quoy cascuns s’esmerveilla, cieulx qui estoit mors se leva et commanda que on alast querre le prestre, si comme on fist; et quant il fu confessé et accomminiiés, il rendi a Dieu l’esperit.
212 213 214 215 216 217 218
Example
219
Ainsi que une nef estoit en peril, en le quelle il y avoit grant fuison de peuple, une
220
femme enchainte qui estoit ou point d’enfanter si y estoit, li quelle si commanda 221 a Marie Magdalaine et dist que s’elle enfantoit et du peril elle le gettoit, qu’elle le 222
200. et f. moult d’eglise. Correction d’après F. – 201. Il n’est pas possible d’affirmer à partir de la reproduction que c’est bien la préposition de qui précède l’équivalent donné au nom de Vézelay. C’est toutefois le cas dans T, qui confirme dans une certaine mesure la leçon que nous présumons dans C. – 207. n’eust est bissé au début de la colonne 194 a. 200. et fonda pluseurs eglizes en l’onneur de Marie Magdelaine F. – 200 - 201. qu’il avoit fondé l’abbeÿe de Vernon F. – 201 - 202. en le cité d’Acqu. u M. Magdelaine estoit enteree F. – 202. que s’il peust] omis dans F. – 202. qu’il en rap. F. – 203. et quant li moines fu la venus F. – 203 - 204. il tr. la cité toute destr. des paiie[n]s et d’av. il tr. F. – 204 - 205. que M. Magdelaine estoit dedens enfouye F. – 205 - 206. et brisa (...) il prist] et par nuit depicha celle sepulture et prist les reliques F. – 207. s’app. F. – 208. et quant il retourna et qu’il vint a demi liue pres de l’abbeÿe F. – 209. mouvoir F. – 209. j. atant] dessi adont T F. – 210. vint a l’enc. a grant proc. – 212. qui] omis dans F. – 213. si fu tués en une bat. F. – 213. si ami F. – 213. et dis. F. – 214. que M. qui vis.] que M. Magdelaine qu’il visitoit si souvent et si songneuzement F. – 214 - 215. ensi laissiet morir sans conf. et sans penance F. – 215. tantost] omis dans F. – 216. li chevaliers qui estoit mors respira et com. F. – 217. et] et aprés F. – 217. si r. a dieu sen esperit. – 220. une nef fu une fois enfondre en le mer en le quel avoit F. – 221. une f. (...) si y estoit] la avoit une f. ench. sur le point d’enf. F. – 222 - 223. et dist que s’ele le gettoit de cest p. qu’ele renderoit l’enfant en s’abbeÿe F.
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meteroit en sen abbie. Elle n’eut mie le parler finé [194 b] quant une femme moult 223 honnourable vint qui le prist sur les undes et, les autres noiiés, elle le mist sur le 224 rivaige. Adont aprés, elle enfanta et sen veu loyaument elle acompli. 225
Ly aucun dient que Marie Magdalaine fu femme saint Jehan l’Euvangeliste, le
quel Dieu appella des neuches, et pour chou elle fu indignee et se mist a pecquiet; et pour che que ce n’estoit mie congruités que li vocation d’un fust perdition de l’autre, Dieu par sa misericorde le retraist et amena a penitanche, et pour chou qu’elle fu remplie de grant carnalité, Dieu le rempli de grant espiritualité, ce fu d’amour, et ce treuvon ossi de saint Jehan, car il fu le plus familiaires et li mieux amés de Dieu. Li aucun dient que ces coses cy sont frivolles.
226 227 228 229 230 231 232
Example
233
Uns hons qui ne veoit goutte se mist a voye pour visenter le sepulcre Marie
Magdalaine et se faisoit mener, et quant li meneres s’approcha de l’abbie ou elle repose, il commencha a criier qu’il veoit l’abbie. Adont li avugles dist par grant devotion : « O », dist il, « Marie, verra je ja t’eglise ? » Et tantost il vit et fu enluminés.
234 235 236 237 238
Autre example
239
Une fois uns hons mist ses pequiés en escript et les mist desoubz [194 c] le 240 couvreture de l’autel Marie Magdalaine, et pria qu’elle li empetrast pardon. Un 241 peu aprés, il prist chou qu’il y avoit mis et trouva que tout estoit desplané. 242 Example
243
Ainsi que uns hons estoit mis en prison pour deffaulte de paiement et qu’il prioit
244
songneusement que Marie Magdalaine le vaulsist aidier, une nuit une moult belle 245 femme apparut a li qui brisa tout et les huys ouvry et li commanda qu’il s’en alast, 246 si comme il fist. 247
– 223. Elle] le femme T. – 223. se parole finee F. – 224. vint a li F. – 224. et les aultres qui furent noiiet elle mist F. – 225. Adont (...)] et tantost li femme enf. F. – 225. loialm. ac. F. – 226. a s. J. T. – 227. le quele diex app. de ses noeces F. – 227. a pequier F. – 228. de l’un F. – 229. par se douce mis. F. – 229. amena] F. – 230. le rempli] si le raempli F. – 231. de s’amour F. – 231. et ce est trouvé ossi F. – 231. li plus fam. de dieu et li mielx amés F. – 232. dient de ces paroles chi que ce sont. – 234. qui ne veoit g.] awles F. – 235 - 237. mener en une brouette; quant li broutiers se reposa chis homs comm. a crier et dist qu’il s’esploitast et qu’il veoit l’abbeÿe et puis si dist en grant dev. F. – 237. dist il] omis dans F. – 237 - 238. Et t. il vit et fu enl.] et t. fu enl. F. – 240. uns homs mist une fois en escript ses pekiés et puis les mist F. – 241 - 242. et puis li priia qu’ele li vausist empetrer p. de ses pekiés par devers dieu et aprés quant il rala veïr a l’escript si tr. tout despl. F. – 242. qu’il avoit mis T. – 242. plané T. – 244 - 245. mis une fois pour debte en pr. et si n’avoit de quoi paiier si pr. songn. M. Magdelaine qu’ele li vausist aidier F. – 246. femme] dame F. – 246. qui le prison brisa et ouvri tous les huis et comm. a celui F.
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Example
248
Il eubt ung clerc en Flandre que on appelloit Estevene qui estoit si parvers et si
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mavais que ne mie seulement il faisoit ce qui li estoit contraire a l’ame, mais de nul bien il ne voloit oÿr parler, et toutesvoiez il avoit grant devotion a Marie Magdalaine et jenoit se vigille et gardoit se feste; et avint que ainsy qu’il visentoit se sepulcre et qu’il estoit couquiés delés ne dormans ne veillans plainement, elle s’apparut a li et li dist qu’il n’estoit mie digne de visenter sen sepulcre ne de demander sen ayde, qui avoit fait tant de maulz et se parseveroit, ne il ne se voloit amender. « Et toutesvoies », dist elle, « puis que tu as eu devotion a my, j’ay toudis priet pour ty. Lieve sus », dist elle, « et se [194 d] te repench, car je ne te lairay jusques adont que tu seras reconciliet a Dieu. » Adont il senty si grant grasce descendre en li qu’il renoncha au monde et entra en religion, et fu de moult parfaite vie; et fu veue a se mort Marie Magdalaine tout plaine d’angles avoec li qui emporterent l’ame de la, blancque comme uns coulons blans, en paradis.
249. il y eut (...) T il fu .j. clers de Flandres nommés Estevenes F. – 250. non mie seul. faisoit F. – 251. il ne voloit] ne voloit F. – 252. se feste mout songneusement F. – 252 - 253. et avint (...)] or advint (...) T avint une fois ensi qu’il visitoit le sep. Marie Magdelaine F. – 253. delés] d’emprés T. – 253. elle] Marie Magdelaine F. – 255. qui (...) amender] qui tant avoit fait de m. n’il ne se voloit am. ains pers. toudis en mal F. – 255. ne s’en voloit am. T. – 255 - 256. Et tout. (...) pour ty] et toudis je ay priiet pour ti puis l’eure que tu euls dev. a mi F. – 256. dist elle] omis dans F. – 258. j. adont] dessi adont T F. – 258. adont chis senti F. – 258. grant] omis dans T. – 259. et fu tous jours depuis de sainte vie F. – 260. a se mort] a sen trespas F. – 260. tout pl. d’angles avoec li] avoeuch tout plain d’angles T avoec grant cantité d’angles F. – 261. l’ame de la (...) en par.] l’ame de li en par. F. – 261. l’ame de la] l’ame de ly T.
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18. Tours, Bibliothèque Municipale, 1012, f° 27 v° - 36 r° La version reproduite ici nous a été transmise par trois manuscrits (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 409, f° 160 r° - 171 v°, et f. fr. 15475, f° 197 a 206 b ; Tours, Bibliothèque municipale, 1012, f° 27 v° - 36 r°), que nous désignerons au moyen des sigles P1, P2 et T. P1 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 409) est un petit recueil (ca 225 x 330 mm) de textes moraux et pieux que l’on peut faire remonter à la deuxième moitié ou à la fin du XIVème siècle, dans le meilleur des cas1. Ses 178 feuillets de vélin ont été transcrits sur deux colonnes à 33 lignes en écriture gothique livresque. Outre Le Mariage de Notre Dame en octosyllabes, par lequel le volume débute, il contient la vie du Christ en prose, (Nativité, Épiphanie, Purification de la Vierge, Évangile de Nicodème (version courte, B ; éd. A. F. Ford, 1973)) telle qu’on la rencontre dans certains légendiers, suivie de la Conversion de Paul et de la Chaire de Pierre2. Une rédaction originale, connue de ce seul témoin, et inachevée, de la Somme le roi du Frère Laurent, occupe la plus grande partie du recueil3. Elle précède la vie de Marie-Madeleine et les « Lamentations de Notre Dame ». Le manuscrit se signale par un programme iconographique abondant et de belle facture. Pour notre récit, douze lettres historiées permettent de suivre l’histoire de la sainte, en particulier la partie consacrée au prince de Provence et à sa femme4. Il présente quelques traits dialectaux isolés dont certains pourraient provenir de l’Ouest, mais le bilan qu’on peut en tirer n’est pas assuré. Les deux autres exemplaires sont des légendiers dont les relations entre eux sont évidentes. S’ils suivent en effet dans les grandes lignes la composition de la Legenda aurea, ils s’en démarquent conjointement. On notera ainsi les mêmes 1 Cf. Catalogue des manuscrits français, t. 1, Ancien fonds, Paris, Firmin Didot, 1878, p. 38. Une étude plus précise de la structure de ce volume et des intervenants qui ont contribué à sa réalisation (scribes, enlumineurs et décorateurs) s’avérerait nécessaire, notamment afin de déterminer s’il s’agit ou non d’un assemblage factice. 2 Le manuscrit Bibliothèque nationale de France, f. fr. 17229, par exemple, commence par les quatre pièces de la vie du Christ, également suivies de la Conversion de Paul et de la Chaire de Pierre. 3 Nous remercions pour ces précisions A.-F. Leurquin-Labie, qui collabore à l’édition de la Somme le Roi préparée par Édith Brayer (à paraître dans la collection de la SATF). 4 A. Stones trouve leur style très « provincial », sans pour autant réussir à fixer leur provenance (Est ou Angleterre ?). La première, qui marque le commencement du récit, représente Marie-Madeleine agenouillée aux pieds du Christ ressuscité. Ses stigmates sont apparents et Il porte une croix. Une deuxième illustration intervient à la l. 98 ; de toute évidence, l’espace qu’elle occupe était réservé à une lettre historiée, mais l’artiste a exécuté une miniature qui prive le mot saint de son initiale. Elle montre Marie-Madeleine dans une barque, entourée de ses quatre compagnons de navigation. Celles des l. 106 et 116 nous font découvrir la sainte prêchant au peuple de Marseille devant une idole, puis au prince de Provence et à sa femme agenouillés devant elle. À la l. 136, on voit Marie-Madeleine au chevet du couple. La lettre historiée de la l. 181 dépeint le prince et sa femme devant la sainte qui les signe tout en tenant un livre de sa main gauche, et celle de la l. 231 l’ensevelissement de la femme et de l’enfant. L’enluminure de la l. 294 montre le prince et son fils, main dans la main, debout devant la dame endormie. Aux l. 316 et 320, l’artiste a illustré le retour des époux et de leur fils dans la nef, puis le couple princier aux pieds de Marie-Madeleine. Plus loin, l. 416, elle est agenouillée devant saint Maximin qui la bénit ; sa mise au tombeau constitue la dernière scène de ce riche programme iconographique (l. 438).
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omissions5 et les mêmes agencements caractéristiques6. Tous deux placent aussi en fin de volume la section Septuagésime, Sexagésime, Quinquagésime et Jeûne des quatre-temps, à laquelle succèdent des pièces relatives au Christ : Passion, Résurrection, Ascension, Envoi du Saint-Esprit. T déplace en outre dans cette partie l’Assomption et la Nativité de la Vierge ainsi que la légende de saint Michel. Aucune vie étrangère au choix de Jacques de Voragine n’a été ajoutée. En de rares occasions, la disposition de leurs pièces les distingue et les éloigne de façon indépendante de la structure traditionnelle. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, alors que le compilateur dominicain suit l’ordre Marguerite, Alexis, Praxède (pièce omise dans les deux recueils), Marie-Madeleine Apollinaire, Christine, P2 a Marguerite, Alexis, Apollinaire, Christine, Marie-Madeleine, et T Marguerite, MarieMadeleine, Alexis, Apollinaire, Christine. P2 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15475), qui remonte sans doute à la seconde moitié du XVème siècle7, est riche de 154 entrées. Il est rédigé en écriture cursive gothique sur deux colonnes à 37 lignes. Sans la partie qui contient la table du recueil, il couvre 387 feuillets de parchemin d’environ 360 x 260 mm et ne comporte pas d’enluminure, bien que des espaces vides en tête de chaque pièce révèlent l’existence d’un projet iconographique. Les titres sont rubriqués ; les vies comportent une initiale ornée de trois lignes environ, ou une simple lettrine. Celle de Marie-Madeleine n’offre aucune caractéristique dialectale perceptible. T (Tours, Bibliothèque municipale, 1012) est du XVème siècle8 et sa scripta est neutre9. Il se présente aujourd’hui en deux volumes, dénués de table, respectivement de 179 et de 216 feuillets de parchemin10, de qualité inégale (ca 350 x 260 mm). Pour l’essentiel, il est mis en page sur une colonne à 34 ou 35 lignes. Le scribe auquel on doit le volume I (55 textes) ainsi que les 34 premières pièces de la suite (dont la vie de Marie-Madeleine) pratique une écriture cursive gothique Marcel, Conversion de Paul, Vaast, une vierge d’Antioche, Litanies majeure et mineure ; Jean et Paul, Léon, Syr, Praxède, Chrysanthe, Eustache, Théodore, ainsi que les dix dernières pièces de la Légende dorée, de Saturnin à la Dédicace de l’Église. 6 Anastasie - Nativité du Seigneur ; Purification de la Vierge - Ignace ; Patrick - Longin - Benoît ; Second - Annonciation ; Catherine - Paule. 7 Le Catalogue général des manuscrits français, Ancien Saint-Germain français, t. 1, nos 15370 - 17058 du fonds français, par L. Auvray, Paris, Ernest Leroux, 1898, p. 21, date, de façon manifestement erronée, le manuscrit des XVIème et XVIIème siècles ; le DEAF (à partir de la vie de Marguerite éditée par I. Orywall, Die alt- und mittelfranzösischen Prosafassungen der Margaretenlegende, thèse Cologne, 1968, pp. 157 160) de la fin du XVème siècle. 8 Cf. Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, Départements, t. 37 (Tours), Paris, Plon, 1905, pp. 724 - 725. 9 Les rares traits que l’on découvre dans le texte sont isolés, peu réguliers et parfois contradictoires. Si certains comme auxi, qui est l’un des plus stables (l. 25, 130, 301, etc.), sont plus spécifiques et donnent l’impression de provenir de l’est du domaine d’oïl (Lorraine ?), ils peuvent avoir atteint d’autres régions ou avoir fait l’objet d’une reproduction inconsciente. D’autres sont très répandus, au point d’être adoptés par l’usage courant. Ni dans un cas ni dans l’autre, ils n’appuient donc une véritable localisation. 10 La composition du manuscrit 1011 - 1012 tend à montrer que sa structure actuelle ne répond pas à un choix original. Certains indices signalent néanmoins que son découpage en deux parties est ancien. 5
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et n’utilise presque aucune abréviation, du moins dans les pages qui nous concernent. Certaines caractéristiques paléographiques et grapho-phonétiques indiquent toutefois un changement probable au f° 69 r° du volume II, dans lequel on dénombre 102 textes au total. Cette nouvelle main, qui a dû prendre en charge la retranscription jusqu’au f° 188 v°, pratique une écriture plus cursive qui se dégrade sérieusement dans certains passages. Les feuillets 190 à 216 semblent avoir été exécutés par un troisième copiste. Même si elle est peu spectaculaire, l’ornementation de l’initiale réservée à la légende de Marie-Madeleine dépasse celle de la plupart des autres pièces, mettant ainsi la sainte en évidence. En effet, seuls les textes relatant la vie du Christ sont munis d’initiales ornées de la même facture11, les autres pièces étant pourvues de marqueurs plus simples. Les rubriques sont exécutées dans une couleur rose violet identique à celle des lettrines. Les regroupements que suggère la composition de ces deux manuscrits se confirment au point de vue philologique. Bien qu’une descendance directe de l’un à l’autre paraisse exclue, P2 et T concordent en effet le plus souvent jusque dans leurs moindres détails. Pour la vie de Marie-Madeleine, la seule divergence importante qu’ils manifestent concerne la structuration du texte, beaucoup plus systématique dans l’exemplaire parisien, grâce à l’utilisation de pieds-de-mouches. P1 offre un nombre important de variantes vis-à-vis des deux autres copies. Il conserve parfois des leçons intéressantes, meilleures que celles de P2 et de T (par exemple l. 57, fole large, qui garde un souvenir plus précis de l’accusation de prodigalité adressée à Marie-Madeleine ; ou lorsqu’il qualifie les compagnons d’exil de sains, plutôt que de servans, à la l. 122). Beaucoup sont pourtant loin de plaider en faveur de ce manuscrit, souvent maladroit et déficient. Son ancienneté vis-à-vis de P2 et de T est beaucoup trop sujette à caution pour exclure ces derniers, même si le choix de l’un ou l’autre entraîne passablement d’interventions. Entre ces deux témoins, la proportion d’écarts individuels et la plus grande régularité du texte dans T font en définitive pencher la balance en faveur de ce dernier, au détriment de P2. Par rapport à Jacques de Voragine, le récit de la vie de Marie-Madeleine omet l’exposition du nom et du surnom de la sainte, le paragraphe placé sous l’autorité d’Hégésippe et de Joseph ainsi que l’allusion au mariage avec Jean l’Évangéliste. Malgré ces suppressions, il est presque deux fois plus long que le texte latin. L’évidente prolixité qui le caractérise résulte souvent de l’ajout de détails de faible portée, de rapides gloses ou de reprises. Les interpolations d’une certaine ampleur sont elles aussi fréquentes, tant dans l’histoire du « prince de Provence » que dans les miracles, la conversion d’Étienne de Flandre étant la partie soumise à la plus forte amplification. Elles révèlent un désir de vulgarisation et, surtout, de drama Pour le volume I : Avent (pièce inaugurale du recueil, f° 1 r°), Nativité du Christ (f° 28 v°), Jean l’Évangéliste (f° 37 r°), Circoncision (f° 61 v°), Épiphanie (f° 64 v°) et Purification de Marie (f° 110 r°). Dans le volume II (f° 190 r°), il s’agit de la section qui concentre les pièces liées à Jésus.
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tisation de l’action ; ainsi, par exemple, l’éclaircissement sur la signification de la pénitence solennelle (l. 77 - 80), les commentaires qui renforcent l’invective de Marie-Madeleine lors de son apparition au couple princier (l. 133), l’échange entre les conjoints (l. 177 - 180), ou encore l’intensité que revêtent les scènes de tempête en mer (l. 190 - 196 et 502 - 504). Par ces développements, l’auteur donne une plus grande consistance aux personnages-types de Jacques de Voragine : il leur invente une origine (l. 548 sq.), des états d’âme – angoisse (l. 196), fatigue (l. 471), désespoir (l. 504) –, des intentions (le vœu de l’aveugle, l. 516) ou des souvenirs (l. 522, 531). Plutôt qu’offrir une traduction précise, il nous livre une histoire. En témoignent encore les apostrophes à son auditoire (l. 19 et 338), l’inscription de l’action dans un cadre temporel (l. 128 et 190, par exemple), la mise en place d’un décor (l. 518, 559) ou l’usage de superlatifs propres aux contes (le fils des époux princiers est le plus bel enfant de toute la région de Provence, l. 292 sq. ; Étienne est le plus vil pécheur de tout le monde, l. 551). Si la glose de la pénitence solennelle ou de la vie contemplative (« c’est a dire vie espirituelle », l. 340) semble exclure un public ecclésiastique, le texte vise néanmoins à l’édification religieuse de ses lecteurs, ne serait-ce, bien sûr, que par le projet même d’adapter une vie de saint. L’accusation de Judas contre MarieMadeleine est ainsi complétée par le récit inspiré des Évangiles (l. 59 - 62 ; Jean 12, 1 - 8, onction à Béthanie) et le retour du prince à l’île sur laquelle reposent sa femme et son enfant est occasion de rappeler que Dieu n’oublie pas ceux qui Lui font confiance (cf. Esaïe 49, 15). On peut sans grands risques admettre que cette version a été écrite pour un public laïc de haute naissance. La prière qui suit le récit (l. 580 - 586) confirme cette hypothèse en établissant implicitement un parallèle entre ses destinataires et Étienne de Flandre, dont l’auteur a inventé l’origine (« un clerc moult noble et moult riche et de moult noble lingnaige estoit extrait », l. 548 sq.). De cette façon s’explique peut-être la forte atténuation de la dénonciation, explicite dans le texte latin, du lien entre richesse et luxure (l. 24 - 26). Quelques très fragiles indices tendent à suggérer un auditoire féminin ; ainsi l’attention particulière portée aux jeux de l’enfant sur le rivage (l. 276 - 282) ou le détail spécifiant que la dame du vaisseau naufragé ne connaissait pas le terme de sa grossesse (l. 501). De même, le traducteur souligne-t-il le fait que Marie-Madeleine est la seule à avoir jamais endossé le rôle d’un apôtre (l. 87 - 90), et l’on perçoit plus loin son souci d’amoindrir l’affirmation qu’il n’est pas facile de détourner une femme de ce qu’elle désire (l. 177 - 180 ; « femineum nec mutans femina morem », § 74). Mais ces éléments n’ont aucun caractère d’évidence. L’indépendance dont l’auteur fait preuve permet de supposer que cette version est l’adaptation ou la réécriture d’un texte français, plutôt qu’une véritable transposition du latin. On ne voit pas pour autant dans notre corpus quel modèle vernaculaire il aurait adopté. À défaut de révéler ses sources, le remanieur ne manque pas de souligner sa dépendance vis-à-vis de la tradition : deux références à « la vie Marie Magdelaine » (l. 275) et à « la legende de la vie a la Magdelaine » (l. 292)
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apparaissent dans l’épisode des retrouvailles du couple princier, et trois autres interviennent dans les miracles qui concluent le récit (« la legende de la Magdelaine », l. 447 et 466 ; « la legende », l. 550). Le texte s’achève enfin par « Ci fenist la legende Marie Magdelaine » (l. 580), avant que ne débute la prière à la sainte. Il est difficile de dater l’époque à laquelle cette rédaction a été composée ou d’en définir la provenance. Quelques vocables méritent d’être signalés pour leur rareté, mais sauf dans un cas peut-être, ils ne nous fournissent pas d’indications chronologiques ou géographiques exploitables. Le manuscrit arrageois BNF, f. fr. 375, des années 1300, fournit aux dictionnaires l’unique exemple de l’adverbe avoiement (« visiblement », l. 371 ; cf. Godefroy, I, col. 537 b). Les variantes disponibles pour ce passage montrent que ce terme est propre au manuscrit de Tours, mais elles ne remettent pas en cause la validité de cette leçon (anoient, P1, tend plutôt à l’appuyer, même si cette forme est à l’évidence erronée, tandis qu’amerement, P2, a l’allure d’une reformulation banale à partir d’un mot que le scribe, ou celui de son archétype, ne comprenait peut-être pas). barjecte (« petite embarcation », l. 285) ne paraît être employé que par Ambroise dans son Estoire de la guerre sainte et dans la Branche des royaus lignages de Guillaume Guiart. Selon le FEW (qui n’enregistre pas cette graphie, cf. tumb, XVII, 383 b), le verbe entonir (« devenir gourd », l. 369) appartiendrait surtout au picard et au lorrain, mais ses exemples ne rentrent pas dans une limite temporelle précise. À nouveau, le copiste de P2 ou de son modèle altère ce mot. Godefroy est le seul à répertorier esmerveillablement (l. 460), dont il signale quatre occurrences, et Tobler-Lommatzsch n’en cite qu’une de redoubtaument (l. 34 ; dans le roman de Fergus), que le FEW attribue sans plus de précisions au moyen français, sans doute à partir de l’unique emploi reproduit par Godefroy (Jean Molinet). P1 offre une version délayée, dans le premier cas, et clairement remaniée, dans le second, et lexicalement appauvrie des segments de phrase dans lesquels interviennent ces deux adverbes. papeter (« faire du bruit avec sa bouche, produire des sons inarticulés », l. 210) est dans le même rapport particulier au latin palpitare (§ 78) que la forme qui lui correspond dans le n° 12 (sur ce passage, voir aussi l’explication dans la présentation du n° 14). suranné (l. 278) est peu courant et dans cette acception (« qui a plus d’un an »), le FEW (annus, XXIV, col. 624 b) restreint la période d’utilisation de ce vocable entre 1180 et le XIVème siècle environ12. ventrerie (l. 303) n’existe pas dans les dictionnaires. La variante, assez commune, que comportent les deux manuscrits parisiens (ventriere, « accoucheuse, sage-femme ») invite à se demander si la copie de Tours ne renferme pas une erreur à cet endroit, où un nom d’agent trouverait d’ailleurs une place plus naturelle qu’un terme concret (« accouchement » ?). Enfin, l’adjectif contemplatif (l. 340) intervient dans des conditions analogues à celles où le traducteur du n° 17 l’exploite ; destruiement (l. 237) apparaît comme dans le n° 6, bien que la source de ce récit diffère, de même pour engrosser, que l’on trouve à 12
Voir aussi nos remarques dans l’apparat critique.
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la fois dans cette adaptation et dans le passage correspondant d’une autre version française de la Legenda aurea (n° 10). Les formes Mauxe ou Me(i)smin pour le nom de Maximin ne nous renseignent pas davantage sur l’origine du texte13. À cet égard, un mot pourrait cependant constituer un indicateur intéressant. En dehors de notre adaptation, entranssé ne figure en effet que dans la Queste del saint Graal, où ce participe-adjectif prend une signification peu compatible avec l’occurrence de la l. 562 (« entre la vie et la mort », cf. FEW, transire, XIII, col. 206 b), et si l’on excepte la variante de P2, entransi, il ne semble pas exister de forme ancienne ni moderne préfixée de la sorte. Ici toutefois, la valeur qu’il faut accorder à ce terme est celle qui s’attache à une locution adverbiale du patois de la vallée d’Aoste, in trancho (« ni endormi ni bien éveillé », cf. FEW, idem, col. 207 a et Legenda aurea, § 197 : « nec ex toto dormienti nec ex toto vigilanti »), dont la structure n’est d’ailleurs pas sans quelque rapport avec notre composé, et elle s’adapte aussi à un autre exemple méridional, du parler de Castres (s’attransi, « s’assoupir »). Au reste, le vocabulaire et le style de l’œuvre ne donnent prise à aucun commentaire spécial. On dénote un certain degré de conservatisme dans la morphologie et la syntaxe, ce qui atteste peut-être l’existence d’un état plus ancien, retransmis avec une assez grande stabilité formelle. Mais, le cas échéant, rien n’indique qu’il soit antérieur au XIVème siècle. Seules les articulations que P1 marque au moyen de lettres historiées sont mentionnées de façon explicite dans l’apparat critique (les autres, qui correspondent à celles du manuscrit de Tours, se composent de simples lettrines, ce qui est la règle dans P2). Plan de l’édition Exemplaire de référence : Tours, Bibliothèque Municipale, 1012, f° 27 v° - 36 r° (T) Exemplaires de comparaison : P1 : Paris, BNF, f. fr. 409, f° 160 r° - 171 v° P2 : Paris, BNF, f. fr. 15475, f° 197 a - 206 b
Il est difficile d’interpréter la seconde. Elle pourrait en effet résulter d’une confusion avec l’un des saints qui portent ce nom, et elle survit dans des appellations de lieux épars, même si une très relative majorité d’entre eux appartiennent à l’Aube et à la Côte-d’Or. L’autre variante à laquelle le scribe recourt reflète peut-être aussi un amalgame (avec saint Mauxe, martyrisé en compagnie de Vénérand à Acquigny, dans l’Eure).
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[27 v°] Ci commance la vie a la Magdelaine glorieuse que Nostre Seigneur ama moult. Son droit nom estoit Marie et son seurnom estoit Magdelaine, car elle fut nee en un chastel qui jadiz avoit nom Magdalé. Marie Magdelaine fut nee de moult noble lignaige, car ses parens estoient extraiz de lignaige royal. Son pere eust nom Sir et sa mere eust nom Euchaire. Marie Magdalaine ot un frere moult bon chevalier qui ot nom Ladre et si ot une seur qui ot nom Marthe. A ces trois appendoient moult grant heritaige, c’estassavoir Magdalé le chastel, qui est a deux lieues de Genezaret le chastel, et Bethanie, qui est assez pres de Jherusalem, et moult grant partie de la cité de Jherusalem, tant qu’ilz partirent leur heritaige en .iij. parties et Marie retint a sa part Magdalé le chastel dont elle portoit le seurnom, et le Ladre retint a soy la partie de Jherusalem et Marthe eust la cité de Bethanie. Ainsi partirent leur heritaiges en .iij. parties; et Marie s’estudia de tout son povoir aux delicez de la char et a l’aise de son corps, et tout son cuer mist et abandonna a la voulenté charnelle acomplir, et le Ladre s’estudia a chevalerie mener, car il fut moult courtois chevalier. [28 r°] Marthe estoit moult saige menagiere et s’entremectoit des besoignes de l’ostel moult curieusement et conduisoit avec la soue la partie son frere et la partie sa suer, et admenistroit aux chevaliers et a leur servans et a sa suer ce que mestier leur estoit, avec tout ce elle faisoit moult des biens aux povres. Toutes ces possessions que vous avez oïez vendirent ilz aprés l’Ascencion Nostre Seigneur et donnerent tout pour Dieu et se mistrent en la voulenté aux appostres. Doncques comme Marie habundast en largesces de r[i]chesces et de delicez corporelz, elle se regarda que nulle chose ne lui failloit pour avoir acompli toutes ses volentés, fors seulement le delit charnel, car c’est une chose qui voulentiers se nourrist en l’aise du corps que voulenté couvoiteuse en folie de char auxi comme sa compaigne; et Marie fut tresbelle et son corps flotoit tout en honneurs et en delices, et de tant qu’elle estoit plus belle et de tant comme elle avoit plus des biens
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Exemplaire de référence : 22. rchesces. Variantes : 1. Ci commance la vie de la Magdelene P1 De saincte Marie Magdalene P2. – 1. a la gl. Magd. P2 (P1). – 3. a .j. chatel qui jadis fut nommé Magdalon P1. – 3. M. Magd.] Marie P1. – 4. furent estraiz P1. – 6. qui non L. P1. – 6. appendoit P2 (P1). – 7. Magdalon P1. – 8. du chastel de Genezareth P1. – 10. et Marie (...) le seurnom] Marie Magdalene retint le ch. dont el avoit le seurnon P1. – 11. a soy] omis dans P1. – 12. leur heritaige P2 (P1). – 14. a mener chev. P1. – 16. et cond. avec la soue] et s’entremetoit ovec la soe besoigne P1. – 17. la partie son fr.] de la partie son fr. P1 la partie de son fr. P2. – 17. de sa seur P2. – 17. au chevalier P2. – 17. a ses servans P2 a leur serjans P1. – 18. ce que] tout ce que P1. – 18. avec tout ce] et avec ce P1. – 18. de biens P1 P2. – 19. aus povres genz P1 aux povres pour l’amour de dieu P2. – 19. oïes par davant P1. – 20. se mistrent] vindrent P1. – 21. a la voulenté des appostres P2. – 22. habondoit P2. – 22. en larjece P1. – 22. et delices corp. P2. – 23. garda P2. – 24. ses voulentez toutes P2. – 24. du delit ch. P1. – 24. voulentiers] forment P1. – 25. en delices et en l’ese du c. P1. – 26. tres durement belle P1. – 27. qu’elle estoit plus b.] elle ert plus b. P1. – 27. plus] assez P1. – 27. de biens P2.
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du monde, de tant abandonna elle plus tost son corps a la voulenté charnelle si que elle en perdi son droit nom qu’elle avoit et ne l’appelloit on fors « la pecheresse ». Adonc si avint que Nostre Seigneur aloit par le monde preschant et enseignant la foy de crestienté, si oÿ dire que Nostre Seigneur estoit a l’ostel chés Symon le Liepreux, si vint Marie a moult grant devocion par la grace du Saint Esprit que Nostre Seigneur lui avoit ja mis en son cuer. Si comme Marie fut venue moult redoubtaument, si n’osa mie se mectre avant en la compaignie des bons comme pecheresse qu’elle estoit, ainçois se tint au derriere par moult grant humilité et s’ala mucier aux piez Nostre Seigneur dessoubz une table ou elle ploura mainte lerme de la fontaine de son cuer. Illec ploura elle si habundaument que de l’eaue qui par ses beaux yeulx decouroit lava les piez Nostre Seigneur Jhesucrist et de ses cheveulx le[s] terst et essuia et puis si les oinsist d’un precieux oignement qu’elle avoit apporté avec soy, car les gens de celle contree se oignoient en esté d’oignemens qui refroidoient leurs corps, pource qu’il y avoit si desveement grant chaleur de soleil que autrement fussent ilz touz eschaudez; et ceulx qui oignement ne povoient avoir se baignoient en eaues froides. Moult s’esmerveillerent ceulx qui en la compaignie Nostre Seigneur estoient de ce qu’Il souffroit celle pecheresse atouchier a Lui, et mesmement Symon le Liepreux, ou quel hostel Il estoit, et pensoit en [son] cuer que se Il feust vray prophette qu’Il ne se souffrit mie atoucher de une si horrible pescheresse comme Marie; mais Nostre Seigneur, qui cognoit et voit toutes les pensees du cuer, reprist Symon de la folle pensee et mesmement Il le reprist d’orgueil, et adonc pardonna Il a la femme touz ses pechiez. Puis si lui monstra Nostre Seigneur Jhesucrist moult de signez d’amour et moult de ses secrez lui revela, car Nostre Seigneur osta dedans lui [28 v°] sept deables, et puis l’embrasa si Notre Seigneur en l’amour de Lui qu’elle fut puis tresprivee de Lui comme sa chiere amie, et si la fist son hostesse et voult qu’elle feust son admenistre[re]sse sur chemin quant Il erroit; et si l’excusoit moult doulcement, car Il l’excusoit a Symon qui disoit qu’elle estoit orde a venir
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39. le terst. Correction d’après P1 (P2). – 46. en cuer. Correction d’après P1 P2. – 54. admenistresse n’est pas enregistré par les dictionnaires, qui ne connaissent que la forme admenistreresse (cf. P2 (P1)). Sans doute s’agit-il d’une erreur, comme dans le cas de procuresse (voir n° 11 et 20). 28. plus tost] plus P1. – 28. a voulenté P2 (P1). – 29. ne l’appelloit on] ne l’appelloit l’en P2 ne la apeloient P1. – 30. dont il avint P1. – 30. si aloit P2. – 31. si oït Marie dire P1. – 31. de chez Symon P2. – 32. si y vint M. P2. – 32. a grant dev. P1. – 33. que (...)] car n. s. l’avoit ja mis P2. – 33 - 34. moult red. (...) avant] si se doubta ne ne se ousa metre avant P1. – 35. par grant hum. P1. – 37. si abondonneement P1. – 38. lava elle P1. – 39. les tersit P1 les torcha P2. – 39. et les essuia P1. – 40. en esté omis dans P1. – 41. refroidissoient P1 (P2). – 41. leur corps P1. – 41. desveement] durement P1. – 42. du soleil P1. – 42. touz] omis dans P1. – 44. s’esmerveilloient P2 se merveilloient P1. – 44. ceus qui estoient en la compeignie nostre seigneur P1. – 45. Symon Lepreux P2. – 46. en quel ostel P1. – 46. en son cueur P2 (P1). – 47. qu’il ne souffrist mie actoucher a soy P2. – 48 - 49. et voit les p. des cors reprint S. de sa fole p. P1. – 49 - 50. et donc p. a la fame P1. – 50. si] omis dans P1. – 50. Jhesucrist] omis dans P2. – 52. de dedans luy P2 (P1). – 52 - 53. et puis l’embrasa (...) tresprivee] et si la fist tres privee P1. – 54. son administreresse P2 sa menistreresse P1. – 55. il l’excusa P2 (P1).
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contre Lui, et si l’excusa envers sa suer Marthe qui disoit qu’elle estoit oyseuse, et si l’excusa quant Judas la tint pour folle pour ce qu’il lui estoit avis qu’elle gastoit l’oignement qu’elle mectoit sur les piez Nostre Seigneur, et quant il dit a Nostre Seigneur : « Et pourquoy souffres Tu ceste perte de cest oignement qui puet estre vendu mains deniers et si les donnast [l’on] aux povres ? » Et Nostre Seigneur respondi : « Elle n’a mie perdu ce qu’elle a mis en Moy, et vous avrez assez povres et vous ne M’avrez mie tousjours. » Et ainsi parut bien que Nostr[e] Seigneur l’ama moult et quant Il la vit plourer, Il meismes ploura des yeulx de son chief. Pour l’amour d’elle resuscita Nostre Seigneur le Ladre son frere qui avoit esté ja .iiij. jours enfoui et pour l’amour d’elle gari Nostre Seigneur sa suer Marthe d’une maladie qu’elle avoit soufferte .vij. ans, car sang lui decouroit sans lachier par les plus repostez parties de lui, et Nostre Seigneur la delivra; et pour s’amour fist Nostre Seigneur grace a Marcelle, qui estoit ancelle de sa suer, car Il la fist digne de dire une saincte parole qui est en l’Euva[n]gille [par] le Saint Esprit qui parla en sa bouche, quant elle dit a Nostre Seigneur qui preschoit : « Sire, le ventre qui Te porta est benoit et les mamelles que Tu allectas sont benoictes », tout oiant le peuple a haulte voiz. Saint Ambroise loa moult ceste parole, car il dit : « De bonne heure fut nee Marie Magdaleine que elle fut digne de laver de ses lermes les piez du doulz Jhesucrist, et puis les terst de ses cheveulx et si les oinsit d’oignement. » Et dit que autant vault a dire Marie Magdelaine comme « solempnel grace », [car elle fist premierement solempnel penitance]. Solempnel penitance font ceulx qui font leur penitance veans touz, comme font ceulx qui on met hors de l’eglise le jour de la Cendre, et n’entrent pas ou moustier devant le Jeudi absolut que l’evesque ou cil qui a le povoir les y remest par la main. Et dit saint Ambroise que ce fut celle qui eslut la tresbonne partie et qui seist jouxte les piez Nostre Seigneur, et ces paroles
56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81
60. et si les donnast aux p. La désinence indique que le verbe requiert un sujet distinct de celui de la principale. Correction d’après P1 (l’on est toutefois légèrement plus fréquent que l’en dans T). – 62. nostr seigneur. – 69. en l’euvagille. – 69. que le saint esprit. Correction d’après P1. – 76 - 77. La partie entre crochets est omise dans T, sans doute en raison d’un saut du même au même. Correction d’après P2 (P1) et le texte latin (cf. § 32); graphies conformes à la scripta du manuscrit. 56. contre lui] entor lui P1. – 57. folle] fole large P1. – 57. por ce il li fut avis P1. – 58. et quant] quant P1. – 59. seuffres tu sire P1. – 59. celle perte P2. – 60. mains d.] granz d. P1. – 60. et si les donast l’en P1. – 61. en moy] sur moy P1. – 62. mes vous ne m’aurez pas touz jours P1. – 62. Et ainsi] et si P1. – 63. et quant] quar quant P1. – 64 - 65. esté ja .iiij. j. enfoui] ja esté enfouy quatre j. P2 ja esté .iiij. j. ou monument P1. – 65. gari (...) Marthe] delivra Marthe sa seur P1. – 66. .vij. jours P2. – 66. sans lachier] sans cesser P1. – 67. repostez] reboutes (?) P1. – 67. et pour l’amour d’ele P1. – 68. qui estoit chamberiere sa seur P1. – 69. par le saint esperit P1. – 71. benoit] beneurez P1. – 71. et les mam. (...) sont ben.] omis dans P1. – 73. parole] saincte P1. – 74. que elle fut d. (...)] qui fu d. de l. les douz piez Jh. de ses lermes P1. – 75. terst] essuya P2. – 76 - 77. comme sol. grace (...) Sol. pen.] comme solempnelle grace car elle fist premierement solempnelle penitence. Solempnelle penitence font P2 come soll. grace car ele fist penitance sollempnele premierement. Soll. penitence font P1. – 78. qui on met hors] que l’en mect hors P2 qui sont mis hors P1. – 79. et n’entreront plus en l’eglise P1. – 80. qui a poair P2. – 80. remest] mect P2 (P1). – 80. et saint Ambrois dit P1. – 81. et qui seist] et se sist P1. – 81. decouste les piez de n. s. P2.
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oÿ et son chief oint glorieusement, et qui fut jouste la croix quant Nostre Seigneur y souffri mort; et si fut celle qui avoit apparaillé les oignemens a oindre le corps Nostre Seigneur, et quant touz les disciplez deguerpirent Nostre Seigneur pour la paour des juifs felons, oncques la benoicte Magdelaine ne Le laissa ne mort ne vif. A laquelle Nostre Seigneur apparut quant Il fut [29 r°] resuscité tout premierement, et si la fist Nostre Seigneur appostre entre les appostres, car Il lui donna si grant dignité qu’elle prescha comme appostre le nom Nostre Seigneur entre le peuple et ne trouve on mie que nulle femme preschat oncques par terre comme appostre fors Marie Magdelaine. Il avint aprés l’Ascencion Nostre Seigneur, .xiiij. ans aprés qu’Il avoit esté crucifiez et les juifs avoient pieça martiré saint Estienne, et avoient les traictres juifs touz les disciples Nostre Seigneur chachiez et estrangiez des contrees de Judee, si s’en alerent les disciples en diverses regions preschant et essauçant la foy de crestienté. En ce temps estoit saint Mauxe avec les appostres et estoit un des .lxxij. disciples Nostre Seigneur. Saint Pierre avoit baillé a saint Mauxe la Magdelaine en garde. Adoncques quant les disciples furent ainsi despartiz par les felons juifs, saint Mauxe et la Magdelaine et le Ladre son frere et Marthe sa suer et Marcelle sa chambriere et saint Cedoyne, qui estoit aveugle des sa nativité, a qui Nostre Seigneur enlumina sa veue, furent dedans une nef mis sans gouverneur et moult d’autres crestiens que les traictres juifs y firent mectre pour noier. Mais Nostre Seigneur, qui en sa garde les print, les garenti et arriverent a un port de mer que on appelle Marceille; et adonc quant ilz furent arrivez, si ne trouverent en la ville qui les voulsist herbergier, car ilz estoient en la ville sarrazins et mescreans, si s’en alerent ou porche du temple aux faulx ymaiges a ceulx de la ville, illec se herbergerent en couvert. Si comme ilz furent hostelez, la Magdelaine, qui vit les gens venir a ce temple pour faire sacrefice aux dieux, si se dreça en piez
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107. si se dreça Marie Magdelaine en piez. Même redondance, syntaxiquement inutile, dans P2 – on pourrait aussi corriger d’après P1, qui omet le relatif qui dans la partie précédente de la phrase. 82. decouste la croix P2. – 83. y souffri] souffrit P1 souffroit P2. – 83. et fut ceule P1. – 84 - 85. et quant (...) felons] quant toz les desciples s’enfuirent pour la paour des faus juifs P1. – 85. ne le laissa] ne lessa nostre seigneur P1. – 86. s’aparut tout prem. quant il fut res. P1. – 86. tout prem.] prem. P2. – 87. et si] si P1. – 88. entor le peuple P1. – 89. et ne trove l’en mie P1 et ne trouva l’en oncques P2. – 89. oncques] omis dans P2. – 89. en terre P1. – 91. P1 ne comporte ici qu’une petite majuscule, et non une lettrine ou une lettre historiée comme c’est en général le cas pour les articulations du texte. – 91. ascencion] passion P1. – 91. de n. s. P2. – 91. aprés] aprés ce P1. – 92. avoient piece avoit martiré P1. – 92. les tr. juifs] omis dans P1. – 94. Judee] Jug (?) P2. – 94. et si s’en al. P1. – 94. pr. et enseignant P1. – 95. a celui temps P1. – 96. de n. s. P2. – 97. en garde] a garder P1. – 97 - 98. quant il furent departi pour les faus juis P1. – 98. saint Mauxe] P1 introduit ici une miniature. – 98. et la Magd. et le L.] la Magdalene le L. P1. – 98. et Marthe sa suer] omis dans P1. – 99. qui avoit esté av. P1. – 99. de sa nativité P2. – 100. furent mis en une nef sanz gouvernail P1. – 102. qui en saga les print P1. – 103. que l’en apele P1. – 103. adonc] omis dans P1. – 103 - 104. il ne trov. qui les vousist herb. en la vile P1. – 104. en la ville] omis dans P1. – 105. si s’en al. touz ensemble en .j. porche d’un temple ou estoient les faus ymages P1. – 106. a couvert P2. – 106. Si comme (...)] P1 comporte une lettre historiée à cette articulation du récit. – 106. ilec ostelez P1. – 106 - 107. la Magdalene vit venir les gens a ce temple pour sacrifier a leur dieux P1.
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et commença moult tresbel et moult en paix a reprandre le peuple de leur folie, et moult saigement les rappelloit et retraioit a voie de verité, et moult durement leur blasma ces faulx ymaiges et leur commença a preschier la foy Nostre Seigneur que tout le peuple s’esmerveilla de la grant doulceur de ses paroles et du grant scens d’elle, et moult s’esmerveillerent de sa tresgrant beauté, mais ce n’estoit mie merveille se la bouche qui avoit donné si debonnairez et si beaux besiers aux piez Jhesucrist estoit enluminé de plus doulces paroles et plus vertueuses que autres bouches. Aprés si avint que le prince de Provence vint sacrefier aux dieux de ce temple, avec lui sa femme, pour ce qu’ilz empectrassent aux dieux qu’ilz peussent avoir aucun enffant, car ilz n’en avoient nul, mais Marie si les en reprist et destourna et leur blasma les ydoles et devea les sacrefices, si leur prescha le nom de Jhesucrist. Puis avint assez tost aprés que Marie Magdelaine apparut en avision de nuit a la femme au prince en son lit et lui dit : « Pourquoy laissez vous morir de fain et de froit [29 v°] les servans Nostre Seigneur comme vous aiez si grant habondance de biens temporelz et de richesses ? » Et la commença a menacier se elle ne disoit et amonnestoit son mari qu’il allegast la souffrette au servans Nostre Seigneur, qui si grant mesaise souffroient emprés eulx, et la dame n’osa pas demonstrer a son mari l’avision. L’autre nuit ensuivant revint Marie en avision a la dame et lui dist ice meismes qu’elle lui avoit dit au devant, et encores n’osa la dame dire l’avision a son seigneur. La journee passa tant que ce vint au vespre de la tierce nuit. Marie vint au premier somme de la nuit devant le lit ou le prince et sa femme se gisoient, auxi comme aïree, si que il estoit avis au prince et a sa femme que elle deust tout fondre avant lui, et amena si grant clarté avec soy qu’il paressoit que toute la maison feust esprise de feu, et commença adonc a dire en ceste maniere : « Mauvaiz tirant, menbre de ton pere le deable, heritier d’enfer, dors tu avec ta femme, serpent
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109. retraioit : le mot est mal formé, mais il est vraisemblable que c’est bien un imparfait que le copiste a voulu retranscrire. – 126. L’autre : le mot a fait l’objet d’un rattrapage de la part du scribe. – 129. Marie, qui vint au premier s. La présence du relatif donne à ce segment de phrase le statut de proposition dépendante, alors qu’il s’agit de la principale. Correction d’après P1. 108. m. tresbellement emprés a reprendre P1. – 109. durement] malement P1. – 111. que tout le p. s’esm.] si sagement que tout le p. se mervoilla P1. – 111. et dou sens d’ele P1. – 112. et moult (...)] moult se merv. de sa grant b. P1. – 113. si debonnairez (...)] de si debonaires et de si beaus b. P1 si de bontés et si de beaulx baisiers P2. – 114. de Jhesucrist P2. – 114. et de plus vertuouses que nules autres boches P1. – 116. Une lettre historiée marque cette articulation dans P1. – 116 - 117. vint et sa fame pour sacrifier a celui temple pour empetrer envers leur diex P1. – 118. ilz n’en avoient nul] il n’en poent point avoir P1. – 118. mes M. Magdalene si les en torna P1. – 119. leur sacrifice P1. – 119. si leur pr.] et leur pr. P1. – 120. aprés] omis dans P1. – 120. en vision P1. – 121. du prince P2. – 122. servans] sains P1. – 122. de n. s. P2. – 123. temporelz] terriens P1. – 123 - 124. et commença Marie Magdalene a la men. se el n’en amonestoit P1. – 124. a son mary P2. – 124. au servans n. s.] aus crestiens P1. – 125. monstrer P1. – 126. ensuivant] omis dans P1. – 126. M. Magdalene P1. – 127. ice meismes (...)] ce mesmes (...) P2 ce que elle avoit dist P1. – 127. au devant] devant P2 autre foiz P1. – 127. et encores] encores P2. – 127. l’avision] omis dans P1. – 128. seigneur] mari P1. – 128. et la jornee P1. – 128. adonc M. vint P1. – 129. ou pr. somme P2. – 129. se gisoient] gisoient P2 (P1). – 130. tout] tantost P1. – 131. mena P1. – 131. avec soy] avant soi P1. – 131. paressoit] paroit P2 semblet P1. – 132. adonc] donc P1. – 133. membre toi P1.
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envenimee ? Dors tu, reposes tu ? Et tu, femme plaine de venin, as tu en despit les paroles que je t’avoie dictes que tu deusses avoir dictes a ton mari ? Dors tu ensement ? Dors tu donc ? » Si redist au prince de rechief : « O tu, annemi de la croix Nostre Seigneur Jhesucrist qui as ton ventre plain de diverses manieres de viandes, et tu laisses les servans Jhesucrist morir et perir de fain et de soif ! Te gis tu en ton palais envolopez et couvers de tresriches draps de soye et autres riches couvertures et tu vois les sains amis de Dieu nuz et desconfortez et sans hostel, et bien les vois et si n’en fais force ? Certes ainsi n’en eschapperas tu mie, felon desloyal, ne tu n’es pas quicte de ce que tu as tant actendu a faire leur bien. » En ceste maniere parla Marie au prince et a sa femme en dormant, et donc si s’en departi. Atant s’esveilla la dame et commença moult durement a souspirer et a avoir moult grant paour de l’avision, et oÿ son seigneur souspirer tout pour celle chose meismes, donc si lui dit : « Sire, as tu veu le songe que j’ay veu ? » Et cil respondi : « Vraiement, je l’ay veu, si [en] ay trop durement grant merveille et grant paour. Et de ce que ferons nous ? » Et la dame respondi au prince : « Vraiement, sire, il vient mieulx que nous obeïssons aux commandemens Marie que nous encourons l’ire de Dieu qu’elle presche. » Et adonc si s’accorda le prince a ce que la dame dit. Si receurent adonc en leur maison les sains amis Nostre Seigneur et touz les povres qui avec eulx estoient, et leur trouverent tout ce que mestier leur fu. Un jour si avint que Marie Magdalaine preschoit et que le prince et sa femme y estoient qui [oi]oient ce qu’elle disoit. Donc si vint le prince et la dame a Marie et dist le prince : « Pourroies tu deffendre et soustenir la foy de Dieu que tu nous presches ? » Et Marie respondi : « Vrayement, je suis preste et apparaillee [30 r°] de la deffendre par les miracles qui tous jours aviennent appertement et par la predicacion saint Pierre, nostre maistre, qui est appostole de Romme, qui bien l’a confermee. » Adonc lui dit le prince et sa femme qu’ilz seroient touz prestz et apparaillez d’obeïr
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148. si ay. Correction d’après P1. – 155. qui oient. L’imparfait, comme dans P2, convient mieux ici au point de vue de la concordance des temps. Sa valeur durative nous le fait en outre préférer au parfait employé dans P1. 134. as tu en d.] qui as eu en d. P1. – 136. ensement] ainsi P2. – 136. donc] omis dans P2. – 136. O tu (...)] P1 introduit une lettre historiée au début de cette réplique. – 137. Jh.] omis dans P1 P2. – 138. les servans Jh.] les sains nostre seigneur P1. – 139. en son palais P2. – 139 - 140. de tes riches dras de soie et d’autres riches couv. P1. – 140. amis] omis dans P1. – 141. et n’en faiz P1. – 142. quite] omis dans P1. – 142. a leur faire bien P1. – 143. M. Magdalene P1. – 143. et sa femme P2. – 143. et dont s’en desparty P2 (P1). – 145. et a avoir] et avoir P2. – 148. si en ai P1. – 150. il vient m.] y vault m. P2. – 150. que nous entron en l’ire P1. – 151. et donc P1. – 151. a ce que sa fame li dist P1. – 152. adonc] donc P1. – 152. amis] omis dans P1. – 153. trouverent] donnerent P1. – 153. si avint] avint P1. – 154. si preschoit P1. – 154. et le prince P1. – 155. qui oioient P2 qui oïrent P1. – 156. et soust.] soust. P1. – 156. la foi du dieu P1. – 156. que tu voys preschant P2 que tu presches P1. – 157. sui ge pr. P1. – 157. de la deff.] de deff. les paroles P1. – 158. tous les jours P2 (P1). – 159. le conferme P1. – 160. donc si li dist P1. – 160. touz temps prez P1.
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a ses commandemens et a ce qu’elle diroit si elle povoit tant faire envers Dieu qu’elle leur empectrat un enffant masle donc ilz n’avoient point, et Marie respondi : « Pour tant ne remaindra mie que vous ne croiez. » Adonc pria Marie Nostre Seigneur pour eulx, qu’il Lui pleust a leur donner un filz, et Nostre Seigneur oÿ la priere Marie et enceinta la femme au prince. Adonc si avint aprés ce que la dame fut enceintes qu’il vint en talent au prince qu’il yroit oultre mer a saint Pierre qui y estoit [pour savoir et enquerre se ce estoit voir] ce que Marie disoit de Jhesucrist, et vint le prince prandre congié a sa femme. Quant la dame vit que son seigneur vouloit aler oultre mer a saint Pierre, si dit : « Comment, sire, cuidez tu aler sans moy ? Ja n’avendra, car se tu de cy te despars, avec toy despartiray, et quant tu revendras, avec toy je revendray, et si tu demoures, je demouray. » Le prince respondi : « Ha ! dame, ainsi ne sera il mie, car vous estez griefment enceinte et en la mer si a moult de peril, et si seroit moult grant peril que vous ne [v]ous meïssez en l’aventure de periller et vous et la creature qui dedans vous est, et pour ce loe je que vous demourez et si prandrez garde de [n]oz besoignes et de [n]oz possessions, qui ne demouroient mie seurement sans vous. » Ainsi vouloit le prince que sa femme demourast, mais pour chose qu’il deist, elle ne se vouloit accorder; et l’en trouve en l’Escripture que femme n’est mie de legier ostee, pour tant qu’elle vueille, d’aucune chose quant elle a grant desirier. Donc si commença la bonne dame a plourer et s’agenoilla devant les piez son seigneur, si que touteffoiz le prince lui octroia qu’elle iroit avec lui. Donc si vindrent a Marie et lui descouvrirent la chose et prindrent congié a lui, et Marie si les croisa et a chascun mist une croiz sur l’espaule et les seigna pour ce que l’encien annemi ne les empeschat en leur chemin d’aucune chose. Adoncques si firent apparailler une nef et la firent garnir moult plainerement de tout ce que mestier leur fut et laisserent en la garde Marie toutes leurs choses qui demouroient, et puis se mistrent a la voie.
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167. a saint P. qui y estoit veoir ce que M. disoit de Jh. Correction d’après P1 et le texte latin (cf. § 67). – 174. que vous ne nous meïssez : leçon commune à T et à P2 – dont les copistes distinguent en principe clairement le v du n initial –, intéressante compte tenu de la suite du récit, mais peu probante (voir d’ailleurs la variante de P1). – 176. de voz bes. et de voz poss. Correction secondaire d’après P1, plus logique et conforme au texte latin. 161. envers son dieu P1. – 163. remaindra] demorra P1. – 165. un filz] omis dans P2. – 165. enceinta] enfanta P2. – 165. donc P1. – 166. en talent] entalente P2. – 167 - 168. a s. P. qui i estoit pour savoir et enquerre se ce estoit voir ce que M. disoit P1. – 168. le prince] omis dans P1. – 169. sire comment P1. – 170. car si deci P1. – 171. avec toy je rev.] je revendrai P1. – 173. si a (...)] a m. de perilz et seroit P1. – 174. que vous meïssez P1. – 174. en av. P1 (P2). – 174. de peril P1. – 175. qui est dedenz vous P1. – 175. demourez] demergiez P1 (?) – 175 - 176. et vous prendrez garde de noz bes. et de noz poss. P1. – 176. mie] pas P1. – 178. s’i vouloit P2. – 179 - 180. osté d’une pensee quant elle en a grant des. P1. – 180. si] omis dans P1. – 181. li otria le prince qu’elle aleit o lui P1. Une lettre historiée intervient à l’articulation de cette phrase et de la suivante. – 182. et lui desc.] si li descovrirent P1. – 183. sur les espaules P1. – 184. donques P1, qui introduit ici une lettrine. – 185. moult pl.] plainierement P2 m. plenteïvement P1. – 186. M. Magdalene touz leurs biens et leur choses P1. – 186. demourerent P2. – 187. et puis] puis P2.
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Or s’en va le prince et sa femme moult liement, mais ne demoura mie longuement
que [ou] prince n’[eust] que courroucier, car si come ilz eurent siglé par mi la mer l’espace d’un jour et d’une nuit, [et] ce vint au matin, une si grant tempeste leur sourt que ce fut merveille, et le vent commance a engrosser et la mer a enfler et ondes a lever et l’air a obscurcir si que [30 v°] a paine veoient l’un l’autre, et fut la nef si menee et dehurtee des ondes si que il n’en failloit mie moult qu’elle ne fust cassee, et furent cilz qui estoient dedans si debatuz et dehurtez de la noise et des ondes que l’un ne savoit conseillier l’autre, et furent touz a si grant destraice que pour un poy qu’ilz noioient; et mesmement la dame fut si demenee de paour et d’angoisse que son mal la prist illec soudainement et commença a travailler, et en celle desmesuree tempeste, la bonne dame enfanta un filz. Entre ses grans angoisses d’enfantement et entre la paour de la grifve tempeste, la bonne dame morut. Helas, comme grant pitié ! L’enfançonnet qui en l’eure estoit né commença, comme Nature le requiert, a papeter et a requerre le confort naturel des mamelez sa mere et a plourer moult piteusement. Helas, dolent, com grant pesante aventure que l’enfant fut né tout vif et en l’eure fut omicide de sa mere, et morir le convient quant il n’a mie qui lui truisse nourrissement de sa vie. Helas ! Et que fera le pere quant il devant ses yeulx voit [sa femme morte et il veoit son enfant tout vif qu’il couvenoit mourir pour ce que la nourriture de sa mere lui failloit, et veoit] l’enffant plourant et querant les mamelles de sa mere pour alecter ? Ce n’estoit pas merveille si le pere, que ce veoit devant soy, avoit grant destraisce en son cuer, car il ne feust si dur cuer d’omme et de femme qui ce veist qui n’en eust grant pitié au cuer. Il ne savoit qu’il peust faire fors tant seulement qu’il commença a complaindre soy et a
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189. que un prince n’aura que courroucier : leçon manifestement erronée. Correction d’après P1, graphies conformes à la scripta de T. – 190. l’espace d’un jour et d’une nuit, ce vint au matin. Correction d’après P1. – 193. si que ilz n’en failloit mie m. Correction d’après P1 (P2). – 194. la noise : l’article a été ajouté au-dessus de la ligne. – 200. granct. – 205 - 206. La partie entre crochets est omise dans T (saut du même au même). Correction d’après P2 (P1) et le texte latin (cf. § 80 ; graphie conforme à la scripta de T). 188. or s’en vont P2. – 189. que ou prince n’ot que corrocier P1 que le prince fut courroucié P2. – 190. d’une nuit] demie nuit P1. – 190. et ce vint P1. – 191. grant mervoille P1. – 191. engrosser] engoissier P1. – 192. obscurcir] esturdir P1. – 193. et si hurtee P1. – 193. si que] que P1. – 193. il n’en faillet P1 (P2). – 193. que ne fust P1. – 194. tuit cil P1. – 194. et si dehurtez de la noise des ondes P1. – 196. que par .j. poi que il ne neirent P1 si que a peu il ne perissoient P2. – 198. celle] telle P2. – 198. Entre] et entre P1. – 199. entre la paour] omis dans P1. – 199. tempeste] omis dans P2. – 200. commant grant p. P2. – 200. l’enfançonnet] l’enfant fesoit P1. – 200. estoit né] qu’il estoit né P1. – 201. le requeret P1. – 201. a paper P1. – 201. naturel] de nature P1. – 202. pietousement P1. – 202. aventure pensante P1. – 203. ens en l’eure P1. – 205 - 206. quant il devant ses yeulx veoit (quant il voit davant ses yeux P1) sa femme morte et il veoit son enfant tout vif qu’il couvenoit (covient P1) mourir pource que la nourriture de sa mere (de la fame P1) luy failloit (defaut P1) et veoit P2 (P1). – 206. l’enffant plourant] son enfant suçant P1. – 207. les mam. sa mere P2. – 207. Ce n’estoit] et n’estoit P1. – 208. devant soy] devant ses yeulx P2. – 208. grant mervoille a son cueur P1. – 209. ne de femme P2 (P1). – 209. qui le veist P1. – 209. qui n’eust P1. – 209. grant pitié] grant dueil et pitié P2 grant pitié et grant doleur P1. – 209. au cuer] omis dans P1. – 210. que il deust f. P1. – 210. a soi complaindre P1.
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plourer, et disoit a soy meismes : « Helas ! chetif, que feras tu ? Tu desiroies a avoir un filz, or as le filz et si as perdu la mere avec le filz. » Quant les mariniers virent ce et ilz virent que la tempeste ne deffailloit mie, si commancerent a crier et a dire les uns aux autres : « [Gettons ce corps] en la mer ainçois que nous tous perissons ensemble avec, car tant comme il sera avec nous, ceste tempeste ne nous fauldra. » Adonc si vindrent avant et prindrent le corps et le voulirent gietter en la mer. Adonc si s’escria le pelerin et dist : « Ha ! seigneurs mariniers, je vous prie que vous aiez pitié de moy et que vous seuffrez encore, et se vous ne voulez espergnier ne moy ne la mere, toutesvoiez aiez pitié de cest petit enffant qui cy ploure. Actendez encore se la mere est en paumaison pour la douleur de l’enffantement et pour la paour de l’oraige, asavoir mon s’elle revenist de paumaison. » Et entretant qu’il eust les mariniers appaisez par ses prieres, et il regarde devant soy assez pres de la nef un tertre qui estoit de toutes pars enclos en la mer. Quant il le vit, si se [31 r°] pensa qu’il vauldroit mieulx que le corps de sa femme et l’enffant fussent enfouiz en terre dedans celle montaigne que on les gettast dedans la mer a devourer aux monstres et aux [b]eluez de la mer. Donc si fit tant aux mariniers et par ses prieres et par louier que leur promist qu’ilz l’amenerent a la roche, et quant ilz furent arrivez, si voulirent faire une fosse pour enterrer le corps de la femme et son enffançonnet aprés lui, maiz ilz ne peurent entamer la roche pour la duresce de la pierre. Adonc si regarda le prince a un costé de la roche en la plus couverte partie une pierre creuse dessoubz laquelle un homme se reponseist bien, si prindrent le corps mort et l’enffançonnet tout vif et les porterent dessoubz celle pierre. Adonc si print le prince un mantel et envolopa
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213. et si comm. a crier. Correction d’après P2 (P1). – 214. mettons cest enffant. Correction d’après P2 (P1) pour le verbe et P1 pour son complément (voir également Legenda aurea, § 86). Graphies conformes à la scripta de T. – 223. un trertre. – 226. aux deluez. La tradition textuelle est à l’évidence corrompue – sous réserve d’une différence secondaire de graphie, P2 rejoint la variante de T. Correction d’après le modèle latin (cf. § 92) et la forme usuelle du mot en français. – 232. La lecture de reponseist n’est pas assurée, mais il semble bien que le scribe ait interprété cet mot comme un imparfait du subjonctif de repondre, et non en tant que forme du verbe reposer, comme dans P2. 212. et si a perdu P1. – 213 - 214. ne deff. (deffaille P1) mie si comm. P2 (P1). – 214. gectons cest enfant P2 jetons ce corps P1. – 215. ensemblement P1. – 215. avec] omis dans P2. – 215 - 216. car tant comme (...) fauldra] omis dans P1. – 216. donc si v. avant touz ensemble si pr. P1. – 217. adonc s’escria le prince P1. – 218. et vous souffrez P1. – 219. ne a moy ne a la mere P2. – 219. de ce petit enfant P1 P2. – 220. qui plore ci P1. – 221. venist P1. – 221. de la paulmaison P2. – 221. et entant come il ot apaisé les mariniers P1. – 222. par ses pr.] par les pr. et par le grant deul que il fesoit P1. – 223. .j. tertre P1 (P2). – 224. en la mer] dedens la mer P1. – 224. que il vendret mieux P1. – 225. de la mere et de l’enfant P1. – 226. en la mer P2. – 226. et aus deluges de la mer P1. – 226. si fit] fist P1. – 227. et par ses pr.] par ses pr. P1 P2. – 227. louier] promesses P2. – 227. que il leur pr. P1. – 228. que il menerent P1. – 228. voulirent] vindrent P1. – 229. de sa femme P2. – 229. et de son enf. P1. – 229. emprés luy P2 (P1). – 230. durté P2. – 230. de la pierre] d’ele P1. – 230 - 231. Adonc (...) la roche] omis dans P1. – 231. eut une pierre creusee P1. La lettre historiée qui a été prévue à cet endroit coïncide avec le u de l’article indéfini et intervient donc au milieu de la proposition qui assure la relance après la brève lacune du copiste ou de son modèle. – 231. soulz la quelle P1. – 232. reponseist] rebonsist P1 (?) reposast P2. – 232. qui estoit tout vif P1. – 233. et porterent P1. – 233. dessoubz] soubz P1 P2. – 233. si print] print P1.
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Traductions de la Legenda aurea
le corps de la dame dedans, et puis print l’enffançonnet et le coucha tout souef entre les mamelles sa mere et commença tendrement a plourer et a dire : « O, Marie, Marie, pourquoy arrivas tu oncques es parties de Marceille ? Certes, ce fut a mon grant destruiement et a ma tresgrant mesaventure. Helas ! Pourquoy te cru je tant que [par] ton amonnestement je prins a faire cest pelerinaige. Ha ! Beausire Dieu, as Tu fait de ta voulenté que ma femme ait enffanté pour morir ? Or est ainsi que elle a enffanté et en travaillant la mort la m’a tollue, et l’enffant qui est né convient qu’il mure aprés sa mere quant il est de si povre heure né que il n’a qui lui tenist le soustenement de sa vie. O Marie, voiz cy ce que j’ay eu par ta priere ! Et toutes mes choses ay je laissees en ta garde, et encores les recommande je en la garde de ton Dieu, et se Il a tel puissance comme tu dis, qu’Il ait mercy de l’ame de la mere et par ta priere, Il ait mercy et pitié de l’enffant qu’il ne perisse. » Et quant il eust ce dit, si envolopa de son mantel le corps et l’enffant au mieulx qu’il put, et puis les commanda en plourant en la garde de Dieu et s’en revint a sa nef pour son voyage faire. O r s’en va le prince qui a laissé la femme et son enffant dedans la roche et exploicta tant parmi la haulte mer qu’il vint oultre mer a seiche terre, et fist tant qu’il vint en Jherusalem ou saint Pierre estoit; et comme il fut venu au lieu ou saint Pierre estoit et comme saint Pierre l’eust veu, si ala contre lui, et quant il vit le signe de la croix sur ses espaules, si lui demanda dont il estoit et qui il estoit et dont il venoit, et le prince si lui raconta tout par ordre si comme il lui estoit avenu. Quant saint Pierre oÿ ce dire, si le salua et lui dit : « Paix soit a toy, car tu es moult bien venu et as receu moult [31 v°] prouffitable conseil, et si ne t’esmaie mie de ta femme, car elle dort, et se elle se repose orendroit, et du petit enffant qui est avec sa mere ne te desconfortes mie, car Nostre Seigneur est puissant de donner quant Il veult et a qui Il veult et de retollir ce qu’Il a donné, et si est puissant de rendre ce qu’Il a tolu et de muer quant Il vouldra ta tristesse en grant joye. » Quant saint
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236. de Marceille : la préposition a été ajoutée au-dessus de la ligne. – 238. que ton amonnestement. Correction d’après P1. 234. l’enfant P1. – 235. moult tendrement P1. – 235. et a plorer P1. – 236. Marie Marie] Marie Magdelaine P2 (P1). – 237. a ma grant destrucion P2 a moult grant destruiment pour moy P1. – 237. tresgrant] grant P1. – 237. te cru je] cru ge P1. – 238. que par ton am. P1 que a ton adm. P2. – 238. j’emprins a faire P1 j’ay entrepris a faire P2. – 239. as tu fait] moult as fait P1. – 241. aprés la mere tant il est de povre heure né P1. – 242. tenist] trouve P2 puisse donner P1. – 242. M. Magdalene P1. – 242. voys cy que j’ay eu P2. – 244. qu’il ait m.] il ait merci P1. – 245. priere] pitié P1. – 245. et pitié] omis dans P1 P2. – 246. il envelopa P2. – 246. et l’enfant come il peut P1. – 247. le commenda P1. – 247. en pl. a dieu et en sa garde P2. – 248. faire] accomplir P2. – 249. sa fame P1. – 250. oultre mer] omis dans P1. – 250. et fist tant qu’il vint] et puis s’en ala P1. – 251. ou] la ou P1. – 251 - 252. et comme (...) estoit] omis dans P1. – 252. et quant s. Pere le vit P1. – 252. encontre lui P1. – 254. si lui rac.] luy rac. P2 li conta P1. – 254. ainsi come P1. – 255. oÿ ce dire] a oï ce P1. – 255. a toy] o toi P1 avec toy P2. – 256. receu] creu P1. – 256. mie] omis dans P2. – 256 - 257. de ta f. (...)] si ta fame se dort P1. – 257. et elle se repose P2. – 258. de te donner P2. – 259. et il est p. P2. – 260. muer] torner P1.
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Pierre eust ce dit, si le mena en Jherusalem et lui monstra tous les lieux ou Nostre Seigneur avoit presché et ou Il avoit fait miracles, et si lui monstra ou Nostre Seigneur souffri mort et Passion et le lieu par lequel Il monta ou ciel. Puis si l’enseigna moult diligentement en la foy Nostre Seigneur et lui aprist moult de bien, et demoura le prince par deux ans oultre mer avec saint Pierre; et puis a la fin des .ij. ans, si print le prince congié a saint Pierre et s’en revint a sa nef pour retourner arriere en son païs, et saint Pierre s’en retourna en Jherusalem. Or s’est mis le prince a la voie pour revenir en sa terre et erra tant parmi la haulte mer qu’il vint assez pres de la roche ou sa femme estoit et son enffant, si comme Nostre Seigneur le voult qui point n’omblie ceulx qui se fient en Lui de bon cuer; et quant le prince regarda celle part, si ravisa bien que ce fu le lieu ou il avoit laissé sa femme et son enffant. Adonc si fit tant envers les mariniers et par ses prieres et par louier qu’il leur donna qu’ilz arriverent la nef au pié de la roche et leur dit qu’il vouloit aler dire ses oraisons sur le lieu ou il avoit laissee sa femme et son enffant. Or oiez moult beau miracle, car si comme la vie Marie Magdelaine nous raconte, Marie avoit gardé l’enffant sain et sauf par l’espace de deux ans dedans la roche que oncques mal n’y avoit eu, et estoit l’enffant acoustumé puis qu’il fut sur[anné] de venir jouer [sur] la rive de l’eaue aux pierrectes qu’il gittoit en l’eaue, comme enffans font moult voulentiers; et puis s’en aloit a sa mere que la Magdelaine avoit gardee toute autelle comme le prince l’avoit laissee et se boutoit soubz le mantel, et prenoit es mamelles sa mere sa soustenance bien et souffisaument, et puis si s’en raloit jouer sus la rive. Et adoncques quant le prince fut arrivé et il regarde devant soy, il voit un petit enffant qui se jouoit aux pierrettes qu’il gettoit en la mer et commença moult a merveiller soy quelle chose ce povoit estre; et il vient adonc, si yssi de la nef et s’en entre dedans une barjecte pour mieulx arriver
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278. puis qu’il fut sur eaue. P2 est le seul à nous transmettre la leçon que l’on peut sans doute faire remonter à l’archétype de la tradition manuscrite. Le copiste de P1 a pourtant dû comprendre le terme inhabituel suranné puisqu’à défaut de le conserver, il en restitue le sens – « qui a plus d’un an » –, tandis que T nous livre une tentative d’interprétation maladroite. – 278. de venir jouer la rive. Correction d’après P1 P2 – sus est utilisé dans la même construction à la l. 282, mais il s’agit du seul exemple dans T de cette préposition, tandis que sur est fréquent. 261. li ot ce dit P1. – 262 - 263. et li m. le lieu ou il avoit soufert P1. – 263. par lequel] ou P1. – 264. dilligemment P2 (P1). – 267. arriere] omis dans P1. – 268. or est mis P2. – 268. venir P1. – 270. qui n’oblie point P1. – 271. se reg. bien cele part si se ravisa que ce fut P1. – 272 - 273. si fit (...)] fist envers les mar. par sa priere et pour loier P1. – 273 - 274. et lors dist que il voleit dire sa priere et ses oreisons P1. – 275. beau] bon P1, qui introduit une lettrine au début de cette phrase. – 275. la vie Magd. P2. – 276. Marie avoit en garde l’enfant par l’espace de deux ans sain et sauf P2. – 277. que] qui P2. – 277. n’i avoit mal eu P1. – 277 - 278. puis qu’il feut suranné de venir jouer sur la rive P2 puis que eut .j. an passé de s’en venir joer sur la rive P1. – 278. aus galés et aus perretes P1. – 279. et puis si raloit P1. – 280. toute autretele P1. – 281. aus mam. P1. – 282. si se ralet P1. – 282. sur la rive P2 sur l’eve P1. – 282. et donques P1. – 283. et il regarda davant soi un petit et il voit l’enfant qui se joet o les pierres P1. – 284. et comm. (...)] et commance moult a soy merv. P2 si se commença m. a mervoillier quelle chose ce estoit ne poet estre P1. – 285. et il vient adonc si yssi] et le prince s’en ist P1. – 285. de la nef] omis dans P2. – 285. dedans une b.] en une petite bargete P1.
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a la terre seiche et s’en va celle part, et quant l’enffançonnet le vit venir, si eust moult grant paour, car il n’avoit oncques mes veue telle chose, et s’en commance a fouir droit a sa mere et se boute dessoubz le mantel et se [32 r°] repost dessoubz et commance a alaicter. Le prince, qui moult se merveilla que ce povoit estre, s’avança au plus qu’il peut de courre aprés pour la merveille veoir et vint au lieu ou l’enffant estoit et le trouva alaictant es mamellez sa mere, mucié dessoubz le mantel, et dit la legende de la vie a la Magdelaine que c’estoit tout le plus bel enffant que on trouvast a cellui jour en toute la contree de Provenche. Quant le prince vit ainsi appertement son enffant, si eust en son cuer moult grant joye et print adonc son enffant et dist : « Ha ! benoicte Marie Magdelaine, comme je fusse ore de bonne heure né et comment toutes les choses qui me sont avenues me fussent tournees a grant bien se ma femme revesquist et s’en peust revenir avec moy en mon païs, car je sçay certainement et si le croy fermement que tu, qui me donnas cest enffant et qui l’as nourri par deux ans en ceste roche, me pourras bien rendre la mere et restablir en sa premiere santé. » Ainsi comme il eust dit ces paroles, et la dame commance a souspirer et auxi comme se elle s’esveillat de dormir, elle se drescha et dit : « Ha ! benoicte Marie Magdelaine, comme tu es de grant merite et comme tu es glorieuse qui me donnas aide et service de ventr[iere] es grans angoisses de mon enfantement et m’as servie, qui ton ancelle suis, a touz les besoings que j’ay euz. » Quant le prince oÿ ainsi sa femme parler, si eust grant merveille et dit : « Ha ! ma tresdoulce suer, es tu en vie ? » Et la dame respondi : « Vraiement suis je en vie, et saiches que je suis venue orendroit du pelerinaige donc tu viens. Si comme saint Pierre te mena en Jherusalem et si comme il te monstra touz les lieux et icellui lieu ou Nostre Seigneur fut crucifié et ou Il fu mis ou monument, et les autres lieux desquelx il y a moult, ainsi ay je esté et les ay touz veuz en la compaignie Marie Magdelaine qui m’a menee par tout avec vous, et quantque saint Pierre t’a monstré, la Magdelaine m’a monstré, car j’ay esté tousjours presente avec vous deux en la compaignie Marie. » Et la bonne dame commença trestout a recorder ce que son seigneur avoit veu, que oncques d’un seul point ne desvoya.
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303. ventrerie. Correction d’après P1 P2. 286. seiche] omis dans P1. – 286. l’enfant P1. – 286. si en ot P1. – 287. commença P1. – 288. se bouta P1. – 288. son mantel P1. – 288 - 289. et se repost (...)] et se repose dess. et commança a alaitier P2 et commença a soi reboudre (?) et aleitier P1. – 289. s’esmerveilla P2. – 290. si s’avança P1. – 291. son enfant P1. – 291. aux mamelles P2 (P1). – 293. que l’en troast P1. – 294. Quant (...)] P1 introduit ici une lettre historiée. – 294. son enffant] omis dans P1. – 294. au cueur P1. – 295. donc P1. – 296. comment] come P1. – 297. venir P1. – 298. en mi mon païs P1. – 298. bien certainement P1. – 299. porrois P1. – 300. restablir] faire revenir P1. – 300. il] le prince P1. – 300. ses paroles P2. – 301. si commença P1. – 301. et auxi] aussi P1 P2. – 301. s’esveillat] levast P1. – 302. elle se dr.] et se deça P1. – 302. comme] commant P2. – 303. comme] commant P2. – 303. ventriere P1 P2. – 304. es] en P1. – 304. qui ton anc. suis] comme chamberiere P1. – 305. sa fame ainsi p. P1. – 306. moult grant mervoille et moult grant joie P1. – 307. sachiez P1. – 307. or. venue P1. – 307. d’un pel. P1. – 308. et si come s. Pere t’a mené P1. – 308 - 310. il t’a monstré touz les lieus ou nostre sires Jhesucrist fut mis et cr. et le mon. P1. – 310. aussi y a ge esté P1. – 312 - 313. car (...) vous deux] car j’ay tousjours esté (...) P2 car je estoye touz jours oveques vous P1. – 314. commence a rec. tout ce que P1. – 314. que oncques] ne onques P1. – 315. ne se desvoya P2 n’i desvoya P1.
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Adonc receut le prince sa femme a grant joye et son bel enffant et s’en entra atout dedans sa nef, et puis se mistrent en la haulte mer moult joyeusement et singlerent tant qu’ilz vindrent assez tost aprés au port de Marceille, et arriverent en leur ville; et adonc issirent hors de la nef et s’en alerent a grant joye droit a leur manoir et trouverent Marie qui preschoit avecques ses disciples. Adonc vint le prince [32 v°] et sa femme et s’agenoillerent en plourant devant Marie Magdelaine et lui compterent toutes [les] choses qui leur estoi[en]t avenuz; et puis si se firent baptizer a saint Mesmin qui estoit en la compaignie Marie. Puis destruirent tous les faulx ymaiges de toute la cité de Marceille et en lieu des faulx temples ediffierent eglises ou nom de Jhesucrist et de Nostre Dame et des sains de paradis; et aprés ce ilz eslurent saint Ladre, le frere Marie Magdelaine, par commun accord a estre evesque de la cité et receurent toutes les [gens] de la cité et du païs environ le saint baptezme de crestienté pour l’amour du prince et de sa femme, et delaisserent leur mauvaise foy et furent moult bons crestiens. Puis si avint assez tost aprés que Marie Magdalaine eust ainsi le peuple converti a la foy Nostre Seigneur qu’elle et sa compaignie se despartirent de Marceille et s’en vint par la voulenté de Dieu qui ainsi le vouloit a une cité que l’on appelle Ays, dont les gens estoient sarrazins et mauvaisement creans. Donc si y commença Marie a preschier et moult de beaux miracles y fist Nostre Seigneur veant le peuple pour l’amour de Marie, pourquoy le peuple fut tout amené a la foy de crestienté et furent bons crestiens, et eslurent saint Mesmin a estre evesque d’Ays la cité. Quant Marie Magdelaine eust ainsi converties ces deux citez a la foy de crestienté, comme vous avez oÿ, si voult acomplir son desirer dont elle estoit de long temps entalentee et desirant. Adonc print congié au peuple et s’en ala en un desert fort et divers pour mener vie contemplative, c’est a dire vie espirituelle, et s’en ala en un lieu que les angelz Nostre Seigneur avoient apparaillé, ou quel elle fut par l’espace de .xxx. ans toute seule fors seulement de la compaignie aux angelz de paradis, et oncques homme terrien ne femme ne sceut ou elle fut devant a sa fin; et en cellui liu ou elle ala, eaue n’y couroit ne herbes n’y croissoient ne oncques
316 317 318 319 320 321 322 323 324 325 326 327 328 329 330 331 332 333 334 335 336 337 338 339 340 341 342 343 344
322. toutes choses qui leur estoit av. Correction d’après P2 (P1). – 327. toutes les de la cité. Correction d’après P2 (P1). 316. P1 comporte ici une lettre historiée. – 316. a moult grant joie P1. – 317. otout dedenz la nef P1. – 317. en haute mer P1. – 317. et sillerent tant P1. – 318. aprés] omis dans P1. – 318. en la ville P2. – 319. donc P1. – 319. de leur nef et alerent P1. – 320. donc vindrent P1, qui introduit ici une lettre historiée. – 322. toutes les choses qui leur estoient advenues P2 (P1). – 322. et puis adonc P1. – 323. M. Magdalene P1. – 323 - 324. et puis furent destruz touz les faux dieux qui estoient en la cité P1. – 325. en non de n. d. et de Jh. P1. – 326. ilz eslurent] si eslu P1. – 327. de la cité de Marseille P1. – 327. toutes les gens de la cité P2 (P1). – 329. foy] loy P2 (P1). – 330. Magdalaine] omis dans P1. – 330. ot converti le p. P1 – 332. s’en vindrent P2. – 332. par la vol. dieu qui le voleit a une cité P1. – 333. si commencza P1. – 335. pourquoy tout le peuple fut admené P2 par quoy le peuple fut amené P1. – 338. de long t.] et de lonc t. avoit P1. – 339. au peuple] omis dans P1. – 340. vie esp.] esperituelle P2. – 341. n. s.] omis dans P2. – 341. apareillé li av. P1. – 341 - 342. elle fut par .xxx. anz P1. – 343. ne onques P1. – 343. ne femme terrienne P2. – 343. devant] jusques P2. – 343 - 344. a sa fin (...)] la fin P1 ne en celui lieu P1. – 344. nule aive P1. – 344. ne herbe n’i croissoit P2 (P1).
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arbre feulles n’y porta, car il n’y en crust oncques nul, ne chose nulle de quoy corps d’omme mortel ne de femme peust estre il n’y croissoit, et pource voult Nostre Seigneur appertement desmonstrer qu’Il la voult soustenir en cellui lieu des viandes tant seulement celestielles et nonmie terriennes. En cellui lieu les angelz de paradis la servoient et touz les jours la prenoient les angelz .vij. foiz le jour et l’emportoient la sus en l’air chantans haultement et glorieusement, si qu’elle a ses oreilles corporelz oioit le doulz chant des angelz, et puis quant il l’avoient tenue en l’air par l’espace d’une heure, si la rapportoient et la remectoient en son habitacle. Donc si estoit Marie saoule et remplie si que son cuer ne [33 r°] desiroit nulle viande terrienne, car mestier ne lui estoit et tous les jours menoit celle vie. Aprés si avint que un proudomme prestre qui estoit en celle contree, qui avoit desir de mener vie d’ermitaige, laissa toutes ses choses qu’il avoit au siecle et s’en ala en hermitaige tout seul en un desert a .xij. leues pres de la ou Marie estoit, et establi un habitacle pour user sa vie. Ung jour avint qu’il avoit ja esté longuement en son hermitaige et avoit mené moult saincte vie, Nostre Seigneur Jhesucrist ouvri les yeulx de cest hermite si que il vit appertement de la ou il estoit comme les angelz descendirent ou lieu ou Marie demouroit et comment ilz l’emportoient en l’air, et comment ilz la rapportoient arriere chantans melodieusement a grant gloire. Quant ilz l’eurent lassus tenue par l’espace [d’une heure], moult s’esmerveilla le saint homme quelle chose se povoit estre et dit en son cuer qu’il savroit, s’il povoit, la verité de celle merveilleuse vision. Donc si se recommanda par ses prieres du tout en la garde de Jhesucrist et se mist a la voie d’aler au lieu ou il veoit celle merveille par grant devocion. Le proudomme erra tant qu’il vint pres du lieu ou Marie estoit auxi comme au giet d’une pierre, et quant il vouloit approucher pres, les membres lui commancerent a apeser et a entonir si tresdurement qu’il ne povoit en nulle maniere aler avant, et trestout son corps commance a trembler si avoiement qu’il sembloit, qui le veit, qu’il deust illec mourir de paour; et il vient
345 346 347 348 349 350 351 352 353 354 355 356 357 358 359 360 361 362 363 364 365 366 367 368 369 370 371
363. La partie entre crochets est omise dans T. Correction d’après P2 (P1). 345. feulles (fuille P1) ne fruit P2 (P1). – 345 - 346. de quoy home m. ne fame P1. – 346. peust estre] y peust estre P2 peust estre soustenu P1. – 347. monstrer P1. – 347. voult] vouloit P2. – 348. et nonmie des viandes terr. P1. – 348. et en celui lieu P1. – 349. le jour] de jornee P1. – 350. la portoient P2 (P1). – 350 - 351. si que ses or. oyent les douz chans des anges de paradis P1. – 353. adonc estoit M. P1. – 353. saoulee P2 si saoulee P1. – 353. et si replenie de la grace nostre seigneur que son cuer P1. – 354. ne li en estoit P1. – 354. celle vie .vij. hores ou jour P1. – 355. il advint P2. – 355. qui avoit d.] avoit envie P1. – 356. t. les ch. P2. – 357. en .j. hermitage P1. – 358. habitacle] lieu P1. – 358 - 359. ja long. esté en herm. P2 esté ja en son hermitage long. P1. – 360. a ce saint hermite P1. – 360. de la] la P2. – 361. comme (...) dem.] commant (...) ou lieu la ou M. estoit P2 comment les anges dieu chantoient ou lieu ou M. Magdalene demoret P1. – 362. chantant gloriousement a grant melodie P1. – 363. eurent] avoient P1. – 363. ainsi tenue lasus P2. – 363. par l’espace d’une heure P2 (P1). – 363. se merveilla P1. – 364. que il le sauret P1. – 365. la verité] et cognoestret la verité P1. – 365. avision P1. – 366. en la voye P1. – 366. veoit] avoit veu P1. – 368. a .j. giet d’une pierre pres P1. – 368. vouloit] voult P2 voust P1. – 369. pres] omis dans P1. – 369. entonir] endormir P1. – 369. si tres doucement P1. – 370. commança P2. – 371. si avoiement] si amerement P2 et si anoient P1. – 371. qu’il s. qu’il le veit P2 que qui le veit il li semblast P1. – 371. et qu’il deust P2. – 371. vient P1 P2.
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adoncques, si se mect de tout son povoir a retourner arriere, et ainsi trestost qu’il se mectoit arriere pour retourner, toute sa force et sa vigueur lui revenoit arriere entierement, et s’il se meist arriere a revenir et il s’en efforçoit ne tant ne quant, celle douleur le preist comme devant, si que en nulle maniere il n’en povoit aproucher. Quant le proudomme vit ce, si sceut bien et entendi que en ce lieu avoit aucune divine chose, laquelle euil d’omme mortel ne devoit mie veoir, et vit bien qu’il n’estoit mie digne de y aproucher, car Dieu ne le vouloit mie. Adonc si vint l’ermite et commença moult a prier Nostre Seigneur Jhesucrist et commença a conjurer a haulte voiz celle chose qui estoit en cellui lieu et disoit : « Je te conjur par icellui Seigneur qui fist toutes choses que se tu es homme ou aucune creature ou il ait sens et raison, qui en celle fosse habites, que tu parles a moy et que tu me dies la verité de toy. » Et dist l’ermitte ces paroles .iij. foiz, et comme il eust ainsi conjuré [33 v°] Marie par .iij. foiz, elle respondi et dit : « Vien plus pres, et de tout ce que tu as desiré de savoir, tu pourras bien savoir la verité. » Adonc revint l’ermitte plus pres, et comme il fut venu auxi comme mi voie de la ou il estoit quant il la conjura et de la fosse ou Marie estoit, a moult grant paour, si lui dit Marie : « Te remembres tu en l’Euvangile de Marie Magdelaine qui renommee avoit d’estre pecheresse, qui lava les piez au Sauveur des lermes de ses yeulx et qui les terst de ses cheveulx, a qui Nostre Seigneur pardonna tous ses pechiez en la maison Symon le Liepreux ? » Et l’ermitte respondi : « Je me remembre bien, mais il a passé plus de .xxx. ans que ce fut fait scelong ce que la divine Escripture de Saincte Eglise tesmoigne et recorde. – Vraiement, » ce dit Marie, « ce suis je et ay demouré par l’espace de .xxx. ans en cest lieu que oncques ne fu veue ne cogneue d’omme terrien ne de femme jusques a ore, et si comme tu me veis hier emporter en l’air entre les angelz de paradis par la grace de Dieu qu’Il t’en donna de me veoir, ainsi ay je esté portee par l’espace de .xxx. ans touz les jours par .vij. heures et ay oÿ touz les jours a mes oreilles corporelz le doulz chant des angelz; et pource t’est il ainsi demonstré de Nostre Seigneur pource qu’il me convient trespasser de cest sciecle. Or t’en va tout
372 373 374 375 376 377 378 379 380 381 382 383 384 385 386 387 388 389 390 391 392 393 394 395 396 397 398 399 400
– 372. donques P1. – 372. de tout] segont P1. – 372. retourner] reculler P2. – 372 - 373. et ainsi (...) retourner] et aussi (...) P2; omis dans P1. – 373. li revenet ent. P1. – 374. et il s’en efforczast P1 et il s’efforçast P2. – 375. le reprinst arriere comme devant P2 le reprenet come davant P1. – 375. il ne pouvoit P2 (P1). – 377. P1 P2 ne comportent pas de marque de segmentation ici. – 377. sceut] sentit P1. – 377. en cel lieu P1. – 378. mortel] morte P1. – 378. veoir] voirs P1. – 379. n’en estoit P1. – 379. aproucher] aprechier P1. – 379. adonc vint P1, qui introduit ici une lettrine. – 380. m. devotement a prier le non Jh. nostre sauveours P1. – 383. sen ne raison P1. – 383. o moy et me di P1. – 384. Et dist (...)] ainsi dist les paroles P1. – 384. comme il eust ainsi] comme il l’eut ainsi P2 quant il ot P1. – 385. par .iij. foiz] .iij. foiz P1. – 385. elle li respondit et li dit P1. – 386. tu as desirer P1. – 386. tu sauras et pourras bien cognoistre la v. P1. – 386. donc P1. – 387. comme] quant P1. – 388. moult] omis dans P1. – 389. qui fut nommee la tresgrant pecheresse P1. – 390. terst] essuya P2. – 392. Je me rem.] je m’en rem. P2 je membre P1. – 393. selon que P2 segont que P1. – 394. ce dit] dist P1. – 395. en cest lieu] en ce desert P2 en cest P1. – 395. n’i fui veue P1. – 396. jusques a ore] de ça ores P1. – 397. par la grace de dieu qu’il te donna P2 par la grace que dieu t’en donna P1. – 398. .xxx. ans mais P2. – 398. par .vij. hores du jour P1. – 398. et si ai oï P1. – 399. a mes or. corp[o]relz tous les jours P2. – 399. les douz chans P1. – 399. t’est il ainsi dem.] est il ainsi dem. P1.
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droit a saint Meismin et si lui raconte ce que tu as veu et trouvé, et lui diras que le dimenche du Resuscitement Nostre Seigneur, il voit tout droit seul a l’eglise et lui diras qu’il entre ou chanssel, et que ce soit a icelle heure ou il a acoustumé a lever a matines, le jour de Pasques, et il me trouvera illec si comme les angelz m’i avront portee. » L’ermitte escouta moult bien ce que Marie lui disoit, et oioit ainsi la voiz d’un ange, ce lui estoit avis, mais il ne sceut oncques tant regarder entour soy qu’il la peut veoir. Adonc si se remist l’ermitte arriere a sa voie et s’en ala a saint Meismin et lui compta tout par ordre ce qu’il avoit veu et oÿ. Quant saint Mesmin oÿ les nouvelles de Marie, si eust tresgrant joye en son cuer et [en] rendi moult grans graces a Nostre Seigneur, et avoit moult grant desirer que le jour et l’eure venist qu’il devoit veoir la Magdalaine, tant que le jour vint. Saint Meismin n’omblia mie ce que l’ermitte lui avoit dit et se leva a l’eure que Marie lui avoit mandé, et entra en l’eglise tout seul et s’en ala tout droit en l’oratoire, et il regarde, si voit Marie dedans le maistre chancel du moustier ou milieu d’une compaignie d’angelz qui l’[y] avoient apportee, et estoit levee hault de terre aussi comme .ij. coutees, et joignoit ses mains vers le ciel a Nostre Seigneur et moult durement prioit Jhesucrist. Saint Mesmin, quant la vit, commença moult durement a trembler de paour et n’osa mie aprouchier celle part, [34 r°] et Marie adonc se retourna vers lui et lui dit : « Beau doulz pere, aprouche hardiement plus pres. Ne me fuie mie, qui suis ta fille. » Adonc aproucha saint Mesmin vers elle et, si comme l’on trouve escript es livres saint Mesmin, la face a la benoicte Magdalaine resplandissoit si clere pour la clarté des angelz avec qui elle avoit esté tousjours ou desert que on regar[da]st plus de legier la roe du soleil quant il luist en esté en droit l’eure de midy que on ne feist la face a la benoicte Magdelaine. Et adonc commanda Marie a saint
401 402 403 404 405 406 407 408 409 410 411 412 413 414 415 416 417 418 419 420 421 422 423 424 425
410. et lui rendi. Correction de nature hypothétique – syntaxiquement parlant, on attendrait ici et en rendi, comme peut-être dans P1, ou et rendi. – 416. qui lui av. app. Cette variante, peu satisfaisante au point de vue syntaxique, découle sans doute du genre d’ambiguïté qui entoure la leçon de P1, mais on pourrait aussi admettre celle de P2. Graphie conforme à la scripta de T. – 421. est escript. Correction d’après P2 (mais P1 pourrait faire office de modèle). – 423. regarst. Correction d’après P1 P2. 401. et li rac. tout ce que P1. – 402. resuscitement] surrection P1. – 402. que il auge tout soul a l’eglise P1. – 403. a ceule hore a laquelle il ac. P1. – 404. m’auront p. P2. – 406. ainsi] aussi P omis dans P1. – 406. come d’un ange P1. – 407. le peust veoir P2. – 408. donc se r. P1. – 408. arr. l’ermite a la la voye P2. – 410. de Marie] omis dans P1. – 410. si en ot moult tres grant joie P1. – 410. et e rendit P1. Le scribe a laissé subsister un espace après le e isolé entre la conjonction et le verbe. Peut-être a-t-il omis le n du pronom-adverbe en, que l’on attendrait ici ? – 411. pour n. s. P2. – 411. moult grant desir que l’ore et le jour v. P1. – 413. l’avoit m. P2. – 413. s’en entra P1. – 414. a l’or. P1. – 414. si voit] se il veist P1. – 415. maistre] omis dans P1. – 415. ou milieu] et il la vit ou milieu P1. – 416. qui l’i (ou li ?) av. ap. P1 qui l’av. app. P2. – 416. haute P1. – 416. et joignoit] ci joignet P1, qui introduit ici une lettre historiée. – 417. durement] doucement P1. – 418. quant il la vist P2 (P1). – 419. et M. se torne P1. – 420. aprochez (?) P1. – 420. ne me fuie mie] ne fuies mie de moi P1. – 421. donc s’aproscha P1. – 421. si comme l’en treuve escript P2 si come l’en trove en escript P1. – 422. la face (...) si clere] la benoite Magdalene avoit si clere si resplendissant la face P1. – 423. avec qui] o qui P1. – 423. que on regardast P2 car l’en regardast P1. – 424. la roye du s. P2. – 424. endroit hore P1. – 425. on] l’ne P1. – 425. Et adonc] adonc P1.
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Meismin qu’il lui apportast le corps Nostre Seigneur a user, et saint Mesmin appella adonc tout le clergié et l’ermitte qui les nouvelles lui avoit contees, puis apporta saint Mesmin a la benoicte Magdelaine le corps Nostre Seigneur et elle le receut si devotement qu’il sembloit que tout le corps de lui fondeist en lermes; et puis adonc quant Marie eust receu le corps Nostre Seigneur, si se fist mectre aux angelz devant les degrez du maistre autel de l’eglise, et en cellui lieu se partit l’ame du corps a la benoicte Magdalaine et les angelz de paradis l’emporterent chantant devant Dieu Jhesucrist, et si tresgrant oudeur et si flerant souef demoura ou moustier aprés ce que elle en fut partie qu’il n’est corps d’omme ne de femme qui vinc qui ne feust de bonne heure né s’il eust senti l’odeur [si que toute l’eglise en senti si souef odeur] par .vij. jours entiers aprés, si que touz [ceulx] qui dedans entroient le povoient bien sentir. Quant la benoicte Magdelaine fut ainsi alee a Nostre Seigneur, saint Mesmin fit ensevelir le corps moult honnorablement et l’oinsit de moult precieux oignemens et l’enterra dedans l’eglise, et commanda saint Mesmin que quant il mourroit, que on le meist delez le corps a la benoicte Magdelaine, et si fist on quant il mourut. Long temps aprés le trespassement Marie, avint au temps a l’empareur de France Charles le Grant que un chevalier estoit moult proudomme, qui avoit nom Girard et estoit duc de Bourgoigne, et moult large et abandonné estoit et lui et sa femme a faire [bien] pour Dieu aux povres gens et fit moult de belles eglises en la terre de Bourgoigne, mais moult estoit dolent que sa femme ne povoit avoir enffans de lui. Si trouvons en la legende de la Magdelaine que quant Girard de Bourgoigne eust ediffié l’eglise de Verdelay, en la quelle il eust establi moines a servir l’eglise, qu’il print conseil a l’abbé et au convent qu’il envoyeroit a Ays la cité querre les reliques du corps a Marie Magdelaine. Si eslurent par commun accord l’un des moines moult proudomme pour y aler et Girard lui bailla en sa compaignie grant [34 v°] foison de gens pour aler avec lui, et se midrent a la voye; et quant ilz furent a Ays la cité, si la trouverent toute deserte et essillee de Sarrazins et ne sçut
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435 - 436. s’il eust senti l’odeur par .vij. jours entiers aprés : texte manifestement erroné, comme dans P2. Le groupe de mots répété juste après tend à indiquer qu’il ne s’agit pas d’une faute de compréhension ou de traduction mais que le scribe a commis un saut du même au même. Correction d’après P1, graphies conformes à la scripta de T. – 436. si que touz qui dedans entr., si que touz bissé. Correction d’après P1, graphie conforme à la scripta de T. – 445. a faire pour dieu aux povres gens. Correction d’après P1. 426. user] recevoir P1. – 427. qui li avoit les novelles P1. – 427. contees] apportees P2. – 428. n. s.] Jhesucrist P1. – 431. du m. autel] du grant autier P1. – 431. en icelui lieu se departit P1. – 432. dieu Jh.] omis dans P1. – 432. et (...)] si tr. odor et si souef fleirant P1. – 434. en fut] fut P1. – 435. vinc] vive P1 P2 (?). – 435 - 437. se il en eust s. l’odor si que toute l’eglise en sentit si souef odour par .vij. jours emprés que touz ceus qui dedens entr. P1. – 438. P1 introduit ici une lettre historiée. – 439. et l’en oint P1. – 439. oignement P1. – 441. l’en le meist P1. – 441. si fist l’en P1. – 442. Long t. (...)] P2 comporte un pied-de-mouche à cette articulation du récit. – 443. estoit] omis dans P2. – 444. et moult large] m. large P1. – 444. estoit] omis dans P1. – 445. a faire bien aus p. gens pour dieu P1. – 446. enfant P1. – 448. eust] omis dans P2. – 449. qu’il print] il print P1. – 450. les reliques] omis dans P1. – 450. a Marie Magd.] Marie Magdalene P1. – 450. l’un] .j. P1. – 451 - 452. li b. grant compeignie de gent a aler P1. – 452. furent] vindrent P1.
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oncques le moyne qu’il peust faire. Non pourtant il commença a querre par toutes les places de la cité, assavoir mon se Dieu lui voulsist aucune chose demonstrer. Ainsi comme il l’aloit querant et par la voulenté Nostre Seigneur, si s’adonna en une moult belle place et bien sembloit qu’il y eust eu jadiz eglise, et regarde devant soy et vit un tombel moult bien entaillé de marbre ou il avoit escripture qui demonstroit que le corps a la benoicte Magdelaine reposoit soubz ce tombel. Dedans ce tombel estoit l’istoire Marie painte trop esmerveillablement, si que le moyne cognut bien a l’escripture et a l’istoire qu’il trouva entaillie que c’estoit le tombel a la Magdelaine. Adonc eust le moine grant joye et s’en ala herbergier avecques ses gens et n’osa pas oster le corps ne froisser la tombe de jour, ainçoys s’en desparti jusques a la nuit obscure qu’il y revint, et adoncques il le froissa et apporta les reliques a son hostel moult paoureusement. En icelle nuit meismes, si comme l’on trouve en escript en la legende de la Magdelaine, elle apparut en avision au moine en son lit et lui dit qu’il n’eust mie paour de faire ce qu’il avoit emprins, ainçois le feist seurement; et quant ce vint l’endemain au matin, le moine s’en tourna et sa gent aussi, et se midrent a la voie pour revenir atout les reliques a moult grant joye et errerent tant qu’ilz vindrent auxi comme a demie lieue de Verdelay. Illecques se reposerent par la voulenté Nostre Seigneur et midrent jus les reliques, et quant ilz furent reposez, si s’en vouldrent aler et vindrent aux reliques pour trousser les et pour aler otout en l’eglise de Verdelay, mais ilz ne les peurent oncques mouvoir neant plus qu’ilz eussent une grant montaigne pour paine qu’ilz y meissent. Adonc si s’en alerent les nouvelles a Verdelay que en telle maniere estoient les reliques venues et qu’on ne les povoit mouvoir de la place ou l’en les avoit mises reposer. Adonc si ala l’abbé et tous les moines a grant foison de gent a belle procession encontre et a moult grant devocion, et adoncques quant ilz furent venuz atoute la belle procession, si print l’en les reliques auxi legierement comme devant et les apporterent a grant joye et a grant loenge de Dieu a l’eglise de Verdelay. Aprés ce si avint que il fut un chevalier en celle contree et avoit moult grant devocion en la Magdelaine et venoit touz les ans [35 r°] en pelerinaige a l’eglise de Verdelay au corps a la benoicte Magdelaine, le jour de sa feste. Si avint que
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– 454. oncques] adonques P1. – 456. il aloit qu. P1. – 456. de n. s. P2. – 456. si s’adonna] il s’aresta P1. – 457. regarda P1. – 458. voit P1. – 458. d’escripture P2. – 459. soubz] dedenz P1. – 460. estoit painte l’istoire Marie Magdalene trop merveilleusement bien et bel P1. – 462. moult grant joye P1. – 463. sa gent P1. – 463. le tombel P1. – 464. que il revint et adonc froessa P1. – 465. emporta P2. – 465. moult paour.] a grant paour P1. – 465. En] et P2. – 466. en escript] omis dans P1. – 467. au moyne en avision a son lit P1. – 468. a l’end. P1. – 468. a matin P2. – 469. et sa gent aussi] et lui et sa gent P1. – 469. pour revenir] a retorner P1. – 473. pour les trousser P1 P2. – 473. et pour aler (...)] et les porter a l’eglise P1. – 473. il ne porent P1. – 474. mouvoir (...)] trouver P2 le movoir quel il feissent une grant mont. P1. – 475. donc alerent P1. – 475 - 476. que les rel. estoient venues en telle m. P1. – 476. on] l’en P1. – 477. et adonc P2. – 477. si ala] y ala P2 vint P1. – 477. les moynes de l’abaïe et grant foueson P1. – 478. de gens P2. – 478. encontre] entr’eus P1. – 478. et donc P1. – 480. en l’eglise P1. – 482. et avoit] qui avoit P1. – 483. a la Magd. P2. – 484. de la feste P1.
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cellui chevalier fut occis en une bataille ou il estoit. Adonc vindrent ses amis, son pere et sa mere et autres, si l’ensevelirent moult dolens et commancerent a plourer entour sa biere et a regarder la Magdalaine en leurs complainctes et disoient : « Ha ! doulce benoicte Magdelaine, pour quoy avez vous souffert que vostre pelerin qui si grant fiance avoit en vous et si grant devocion soit mort sans confession et sans penitance ainsi soudainement ? » Ainsi comme les parens au chevalier faisoient leurs regrez en ceste maniere, le chevalier qui occis estoit et que l’on portoit en la biere se leva veans touz de la biere ainsi comme s’il n’eust eu mal ne douleur et parla a ceulx qui entour lui estoient, qui moult furent esbahiz de la merveille, et demanda qu’on lui feist venir un prestre a soy confesser, et l’on lui fist tantost venir. Adonc si se confessa le chevalier tout a leisir et reçut son Sauveour, et puis adonc si commanda touz ses amis a Dieu Jhesucrist, et il clot ses yeulx et rendi son ame a Dieu auxi en paix comme s’il s’endormist. Aprés avint un autre miracle de la Magdalaine. Il avint que une nef chargie d’ommes et de femmes erroit par mi la mer, et tant que une moult horrible tempeste se leva en la mer, si grant qu’il convint celle nef periller. Entre les gens qui estoient en celle nef avoit une femme grosse et ne savoit pas bien son terme d’enffanter. La tempeste demena si celle nef qu’il la convint par force du hurtement des undes qu’elle feust cassee, si que l’eaue de la mer entroit de toutes pars dedans, et n’actendoient ceulx qui estoient dedans nul remede fors de morir; et comme celle femme qui grose estoit vit qu’elle fut au neer, si commença moult devotement a grant destraisce de cuer a reclamer la Magdalaine et voua que si Marie Magdelaine lui estoit en aide envers Nostre Seigneur par ses meritez, qu’elle peust eschapper de nayer et lui et la creature qui dedans son ventre estoit, que se c’estoit un filz, qu’elle le porteroit a son eglise et le donroit a la Magdalaine. En l’eure qu’elle eust voué et dictes ces paroles, une moult belle dame de grant beauté et moult honnorable et de bel habit apparut devant lui et la print par le menton. Ainsi comme elle et tous les autres enfondroient au fons de l’eaue, elle la soustint qu’elle n’eust oncques
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– 485. donc P1. – 487. regarder] regreter P1. – 488. doulce] omis dans P2. – 489. qui avoit si grant f. en vous P1. – 491. estoit] avoit esté P1. – 492. de la biere] omis dans P1. – 492. ainsi] aussi P1. – 493. nul mal P1. – 493. qui estoient m. esb. P1. – 494. qu’on] que l’en P1 P2. – 495. venir tantost P2. – 495. donc P1. – 495. tout] omis dans P2. – 496. et puis commanda P1. – 496. amis] biens P2. – 497. son ame (...)] aussi a dieu son ame en paix (...) P2 s’arme au sauveurs aussi come se il se dormist P1. – 498. Aprés ravint .j. miracle de la Magdalene P1. – 499. erroient P1. – 499. moult] omis dans P1. – 500. se leva] leva P1 P2. – 500. entre les gieuz P1. – 501. si avoit P1. – 502. demena] derriva P1. – 502. par la force P1. – 502. de heurtemens P2 dou deheurtement P1. – 502. de hondes P2 (P1). – 503. qu’elle feust cassee] omis dans P1. – 503. dedans de toutes pars P2. – 504. icelle fame P1. – 505. a noyer P2 (P1). – 505. devotement] doucement P1. – 506. a grant d. de cuer] omis dans P1. – 508. qui en son corps estoit P1. – 509. eglise] moustier P1. – 510. dictes et vouees P2. – 510. cestes paroles P1. – 510. moult belle] omis dans P1. – 511. et de bel h.] de bel h. P1. – 511. Ainsi] aussi P1. – 512. affondroient P1. – 512. elle la s.] et la s. P1.
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ma[l] et l’emmena saine et sauve a la rive, et touz les autres furent perillez. Assez tost aprés, la femme se delivra du filz et acquita moult loyaument son veu. Un autre miracle avint d’un homme qui la veue de ses yeulx avoit perdue, qui voua qu’il yroit a l’eglise de [35 v°] Verdelay en pelerinaige en l’onneur du corps a la Magdalaine; et comme il se fut mis a la voie, et lui et son meneur qui le menoit, et ilz furent venuz assez pres de Verdelay en tel lieu qu’on povoit bien veoir de la ou il estoit le moustier, si dit adoncques le meneur a son maistre : « Je voy », dist il, « l’eglise a la benoicte Magdalaine. » Quant le proudomme, qui goute ne veoit, oÿ ce que son meneur lui dist qu’il veoit l’eglise Marie Magdalaine, si grant pitié et remenbrance [lui print de ce que il] lui souvint de ce [qu’il ne pouvoit pas veoir ce ou] il avoit grant devocion, si grant qu’il s’escria a haulte voiz par grant destresce de cuer et dit ces paroles : « Ha ! saincte Marie Magdalaine, que a vous pleust ores a m’empectrer envers Nostre Seigneur que je peusse encores veoir vostre eglise. » En l’eure qu’il eust dit ces paroles, il recouvra la veue de ses yeulx et vit [auxi cler] ou mieulx qu’il n’avoit oncques veu. Aprés avint que un homme pescheur qui moult avoit fait en sa vie d’orriblez pechiez, si vint a l’eglise de Verdelay en grant devocion et en grant repentance de ses pechiez, et escript cellui pescheur touz les pechiez desquelx il lui peust oncques souvenir de puis qu’il fut né en une piece de parchemin et mist la piece de parchemin dessoubz la paille de l’autel a la Magdalaine, et puis se retraist ensus de l’autel et commença moult devotement a requerre la benoicte Magdalaine qu’elle lui empectrast pardon enver Nostre Seigneur de ses pechiez; et puis adonc quant il eust faicte sa priere, si s’en vint arriere a l’autel et descouvri la paille et prist l’escripture de parchemin et regarda dedans, et vit ses pechiez touz effaciez ainsi comme se on n’y eust oncques riens escript.
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513. ma. – 521 - 523. si grant pitié et rem. lui souvint de ce qu’il avoit grant dev. La variante de P1 et dont P2 conserve le témoignage partiel n’est pas d’une grande limpidité, mais il est certain que le manuscrit de Tours comporte ici une série de lacunes qui achève d’embrouiller le texte. Graphies conformes à la scripta de T. – 526. et vit bien cler auxi bien ou mieulx. Correction d’après P1, graphie conforme à la scripta de T. – 528. prescheur. Correction d’après P2 (P1). 513. mal P1 P2. – 513. l’admena P2 (P1). – 513. sauve et saine P1. – 513. perillez] noiez P1. – 514. d’un filz P1. – 514. doulcement et loyaulment P2. – 515. autre] omis dans P1. – 515. qui les yeulx et sa veue P2. – 516. de Verdelay] de la Magdalene P1. – 517. et lui] luy P2. – 518. venuz pres du Verdelay P1. – 518. que il poaint P1. – 519. de la ou il estoit] omis dans P1. – 519. donc P1. – 521. oït que son vallet dist P1. – 521. a la benoiste Magdelaine P2. – 522. et remembr. li print de ce que il li souvint P1. – 522 - 523. pour ce (de ce P2) que il ne povet pas voirs ce ou il (ce qu’il P1) avoit grant dev. P2 (P1). – 524 - 525. que a vous pleust (...)] car te pleust ore empetrer vers n. s. Jhesucrist P1. – 526. la veue de ses yeulx] sa veue P1. – 526 - 527. et vit aussi cler ou mieuz come il avoit onques fait P1. – 528. il advint P2. – 528. pecheur P2 (P1). – 528. de pechiez orribles en sa vie P2. – 530. et escript touz ses pechiez P1. – 530. oncques] omis dans P2. – 531. de puis] des puis P2 puis P1. – 531 - 532. en une piece (...) la paille] en une piece de p. dess. la paille P2 et les mist en une piece de p. desoubz la pale P1. – 532. se retraist] se trahy P2 se treist P1. – 532. ensurs P1. – 533. benoicte] omis dans P2. – 534. envers n. s. pardon P1. – 534. adonc] omis dans P1. – 535 - 536. et desc. (...) de parch.] et print sa cedule P1. – 536 - 537. ses pechiez (...)] tous ses pechez effaciez (...) P2 que ses p. que il avoit escripz furent touz effacez ainsi come se il n’i eust riens escript P1.
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Aprés avint que un homme estoit tenu en prison par les piez et par les mains moult a destroit pour debte d’argent qu’il devoit, lequel argent il ne povoit pas paier. En la prison ou il estoit, il regretoit et appelloit tousjours l’aide a la Magdalaine. En ce qu’il appelloit une nuit moult durement la Magdelaine en son aide, et une dame moult belle et moult noble s’apparut devant lui si clere et si resplandissant que toute la chartre en estoit enluminee, et froissa d’entour ses piez et ses mains les liens de quoy il estoit lié et puis ouvri les huis de la chartre tout arriere et lui commanda qu’il s’en fouist; et cil qui deslié se voit et tout delivre s’en fouy erraument du païs et hors de la contree. En telle maniere le delivra la benoicte Magdalaine. En Flandres eust un clerc moult noble et moult riche et de moult noble lingnaige estoit extrait, qui avoit nom Estienne par son droit nom, car du sournom se taist la legende. Icestui Estienne abandonna si son cuer et sa pensee a toutes manieres de pechiez faire que apaine en son temps trouvast on en tout le monde un plus horrible pecheur; et tant seulement il ne haioit pas a faire chose [36 r°] qui lui tournast au salut de s’ame, ainçois avec ce qu’il ne le vouloit faire ne vouloit il en nulle maniere en oïr parler, ains le fuioit sur toutes riens, fors tant seulement tout le bien qu’il faisoit, c’estoit qu’il avoit trop grant devocion a Marie Magdalaine et jeunoit touz les ans sa vigille, et moult devotement festeoit sa feste et aidoit a fere son service a l’eglise tant seulement a sa journee. Tant qu’il avint un jour qu’il eust esté en pelerinaige a la tombe a la Magdalaine a son eglise, et comme il s’en fut venu herbergier en son hostel et il se fut couchié [pour] dormir en son lit, et la benoicte Magdelaine apparut devant lui en fourme d’une moult tresbelle femme, et cil qui en son lit estoit ne dormoit du tout ne ne veilloit du tout, ains estoit auxi comme entranssez, en moult belle fourme apparut devant lui la Magdelaine fors que tant y avoit qu’il sembloit qu’elle plourast et faisoit chiere moult triste, et estoit soustenue a destre et a senestre de deux angelz a ses costez, et vint au chief de son lit et lui dit : « Estienne, Estienne, pourquoy rens tu contre le bien le mal a moy
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541. En ce qu’il l’app. – 559. et il se fut couchié dormir en son lit. Correction d’après P2. 538 - 539. qui estoit tenu en prinson en liens et en aneaus m. a d. P1. – 539. pas paier] paier P1 P2. – 540. ou il estoit] omis dans P2. – 540. il regr. t. et app. P2. – 540. l’aide] aide P1. – 540. a Marie Magdalene P1. – 541. moult dur. (...)] dur. (...) P1 moult dur. en son aide la Magdelaine et une dame P2. – 542. s’apparurent P2. – 542. par davant lui P1. – 543. en estoit] estoit P2. – 543. touz les liens P1. – 544. et puis] et P1. – 545. s’en fouist] s’en alast P1. – 545. tout deslié P2. – 545. se vit P1. – 546. en celle man. P1. – 546. benoicte] omis dans P1. – 548 - 549. et m. de noble lignage estoit estroit P1. – 549. en son droit non P1. – 549. se taist] se taise P2 ne parle point P1. – 550. icelluy P2. – 550. si son cuer] son cueur P1. – 551. trovast l’en P1. – 553. ne voloit f. P1. – 554. en oïr p.] ouyr p. P2 en p. P1. – 554. toute rien P1. – 555. tresgrant dev. en M. Magdalene P1. – 556. touz les ans sa vig.] chascun an sa veille P1. – 556. festeoit] fesoit P2. – 557. eust] avoit P1. – 558. en son eglise P2 a son moustier P1. – 559. a son osteil P1. – 559. pour dormir P2. – 560. et (...)] veez vous la benoite Magdalene qui s’aparut par davant lui P1. – 560. moult] omis dans P1. – 561. ne d. mie du tout P2. – 561. ne ne v. du tout] ne v. du tout P2 ne ne v. P1. – 561. auxi] omis dans P2. – 562. entranssez] entransiz P2 entreveillé P1. – 562 - 563. en moult belle f. (...) qu’il sembloit] et il sembloit P1. – 564. a ses deux coustez P2 (P1). – 564. chief] chevet P1. – 565. et dist P1.
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qui t’ay tousjours deffendu et soustenu ? Pourquoy ne laissez tu a faire les maulx et les [douloureux] pechiez pour l’amour de moy qui ay tousjours prié pour toy a Nostre Seigneur jour et nuit ? Mais puis que tu commenças a avoir devocion en moy, j’ay tousjours sans targier prié Nostre Seigneur pour toy. Or te lieve donc et te repens de tes pechiez, et saiches certainement que je ne te deguerpiray de cy atant que tu seras reconcilié a Nostre Seigneur et que ta paix sera bien faicte. » Quant cil eust entendu ces paroles, si se leva de son lit moult esbahi en grant contriction de cuer et commença adonc moult amerement a plourer et a se repentir de ses pechiez et de sa mauvaise vie, et senti entrer dedans son cuer si grant grace de Dieu par les merites a la benoicte Magdalaine qu’il deguerpi le siecle du tout et entra en religion, et fut puis de tressaincte vie et celestiel en la religion; et quant il trespassa de cest mortel vie, la benoicte Magdelaine fut veue devant sa biere a moult belle compaignie d’angelz appertement devant tout le peuple et vit l’en appertement l’ame de lui que les angelz emportoient en paradis a grant loenge de Dieu chantans glorieusement en semblance d’un coulon blanc. Ci fenist la legende Marie Magdelaine qui a ceulx et a celles qui de bon cuer la servent et deprient est bonne advocate envers Nostre Seigneur. Or lui plaise il par sa grace et par ses meritez qu’elle vueille pour touz, nous qui mestier avons de ses prieres, prier Dieu qui ses pechiez lui pardonna qu’Il nous pardoint les nostres et nous doint grace de bien faire en cest remennant de nostre vie, pourquoy nous puissons venir en paradis ou elle mena Estienne, le pecheour de Flandres.
566 567 568 569 570 571 572 573 574 575 576 577 578 579 580 581 582 583 584 585 586
567. et les doleurs pechiez. Correction d’après P2. 566. soust. et deff. P1. – 566. pour quoi n’es tu meu a lessier a fere touz maus P1. – 567. et les douloureux p. P2 et ce doloreus p. P1. – 568. a mon s. et nuit et jour et riens n’en as fait P1. – 570. et si te repens P2 (P1). – 570. de tes pechiez] debonairement P1. – 570. guerpirai P1. – 571. atant] la P1. – 571. n. s. Jhesucrist P1. – 572. esbahi] esjoïement P1. – 573. adonc] omis dans P1. – 573. amerement] engoessousement P1. – 574. en son cueur P1. – 576. et se mist en une religion P1. – 576. de moult tres durement bonne vie P1. – 579. que les anges de paradis enportoient a grant joie et a grant loenge P1. – 580. d’un blanc colon P1. – 581. de M. Magdalene P1. – 581. et celles P2. – 581. servent et deprient] servent et prient P2 prient P1. – 581. est] el est P1. – 582. plaise il] plaise P1. – 583. pour touz nous prier car meitier avon de ses pr. P1. – 586. P2 conclut par Amen, P1 par Amen. Explicit vita beate Marie Magdalene.
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19. Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1054, f° 198 r° - 207 r° Seul représentant de cette vie de Marie-Madeleine traduite de la Legenda aurea, le manuscrit f. fr. 1054 de la Bibliothèque nationale de France commence par le prologue de Jacques de Voragine et par les pièces initiales de l’ouvrage compilé par l’auteur dominicain. La Légende doré est du reste la source principale de cette collection de 96 vies, classées pour la plupart dans l’ordre de l’année liturgique. En témoigne l’argumentaire qui nous renseigne sur les intentions du translateur, curieusement placé à la suite de la vie de saint Félix, soit une trentaine de feuillets avant la fin du volume : « Combien que le legende d’or ait esté translatee par pluseurs notables clers, des quels je ne soufis considerer le science et eloquence, che non obstant par command de obedience, car je n’ai point volu par arrogance deffendre mon ignorance, ai emprins cheste translation. Item a cause de eviter huiseuse, de le quelle n’est chose plus nuisable a cheus de le cloistral maison. Item a cause de rudesse et pesandeur d’entendement qui forment sont causees a cause de huiseuse et negligence. Item a le frequente supplication de aucuns bons freres qui, poeult estre, ne ont point grande connoissance de le langue latine et par carité, qui che volume et aultre me a fait emprendre. Item pour le pourfit de tous cheus qui cheste escripture veront veoir et pour le reverence et honneur que je ai ou doibs avoir as sains en che traitié nommés. Se prie au liseur qu’il tourne sur soi les ieulxs de se consideration a ensievir le voie vertueuse par le quelle les glorieus sains ont cheminé et que pour l’ame des trespassés1 il die ‘requiescat in pace, amen.’ » (f° 401 r°). Les pièces inspirées de la Legenda aurea sont cependant entrecoupées par la traduction du début du Speculum ecclesiae d’Honorius2, dont on lit de façon suivie l’introduction générale (adresse des frères à Honorius et réponse de l’auteur), la Nativité du Christ, la légende d’Anastasie et d’Eugénie, l’exposition du Pater Noster, un Credo et une confession ainsi que les vies d’Étienne et de Jean l’Évangéliste (f° 43 r° - 62 r°). La réunion de ces sources distinctes occasionne un redoublement de la légende d’Anastasie (f° 48 v° et 395 v°). Deux versions différentes, mais toutes adaptées de la Légende dorée, existent aussi pour les vies consécutives de Fabien (f° 74 v° et 405 v°) et de Sébastien (f° 75 r° et 406 r°). Ces dernières font partie d’une suite
1 En un premier temps, le copiste a écrit « pour l’ame de moi », et il a tracé et remplacé les deux derniers mots par ceux que nous reproduisons. 2 PL 172, col. 807 a - 1107 (traduction, partielle, des col. 813 a à 840 c). Le compilateur fait explicitement référence à sa source : la table des matières, de la main du copiste principal, indique en effet : « Le nativité de Jhesucrist extrait du miroir », et le texte comporte la rubrique (dont le troisième mot a été gratté) « Le miroir de l’Eglise. Supplication d[...]e a chelui qui composa che livre ». Notons que le texte « De le nativité de Jhesucrist », dont le titre apparaît au f° 43 v°, ne débute qu’au f° 44 r°, après plusieurs lignes blanches en tête de celui-ci, et s’arrête au bas du f° 47 r° (le v° et le r° du f° 48 sont restés vierges). La vie de sainte Anastasie reprend normalement au haut du f° 48 v°.
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de huit textes3 (f° 395 v° - 412 r°), dont l’ordre se démarque de l’enchaînement du calendrier, placés entre la légende de sainte Catherine et l’histoire de Barlaam et Josaphat, dernière pièce du volume. En outre, une très courte vie de sainte Fénicule (f° 166 r°) bénéficie d’une entrée indépendante à la suite de celle de Pétronille, dans laquelle elle est insérée chez Jacques de Voragine. Le volume a par ailleurs subi un remaniement entre les folios 32 et 42 actuels, qui semblent former un cahier indépendant, sans réclame, et dont le papier comporte un filigrane différent du reste du manuscrit. L’écriture et la mise en page changent aussi dans cette section, qui contient un Purgatoire de saint Patrice en prose4. Ce corpus a été reproduit sur 428 feuillets en papier (ca 288 x 205 mm), munis d’un filigrane peu visible et apparemment endommagé (selon le feuillet pris en compte, il présente d’ailleurs d’assez nettes différences d’aspect) mais dont le motif, très courant, se rapproche beaucoup du type de « P » illustré par Piccard, t. IV, 3, section IX, n° 17305. Si le colophon6 qui précède les explications du compilateur permet de dater le manuscrit de 1450 et de le rattacher à l’abbaye de Saint-Nicolas des Prés de Tournai, ce que sa scripta septentrionale confirme, ni l’une ni l’autre de ces mentions ne nous informent sur la nature du texte qui y est consigné – traduction originale ou remaniement ? Copie ou exemplaire unique rédigé par l’auteur lui-même, hypothèse que le nombre d’erreurs de transcription rend sujette à caution ? Dépourvu d’illustrations, le volume est rédigé sur une colonne (de 24 lignes pour la légende de Marie-Madeleine, mais la réglure n’est pas uniforme), dans une écriture cursive gothique parfois difficile à déchiffrer. En particulier, il n’est pas toujours aisé de distinguer les variantes graphiques auxquelles le scribe recourt (pour un adjectif comme grand / grans / grant, par exemple, ou dans la séquence ct / tt) et celui-ci lie les e et les r d’une manière telle qu’on ne sait pas toujours s’il redouble ou non la consonne qui intervient dans cette combinaison. Chaque texte ou subdivision principale est introduit par une lettrine rouge sur deux lignes suivie Outre l’histoire d’Anastasie, extraite de la Légende dorée, et celles de Fabien et Sébastien, cette suite rassemble cinq pièces omises dans la première partie du recueil : Hilaire, Félix, Marcel, Antoine et la vie de saint Remi (la translation de celui-ci apparaît néanmoins à sa place habituelle). 4 La vie de sainte Lucie qui le précède, réduite à moins d’un feuillet, est incomplète, et le titre de la pièce qui devait figurer à la suite (« De saint (...) ») a été gratté dans la table des matières pour être remplacé par « (De saint Patrice ». Le papier sur lequel le Purgatoire a été retranscrit révèle un motif très usé lui aussi (tête de bœuf) et qui paraît correspondre à Piccard, t. II, 2, section IX, n° 211. Le lien chronologique entre ces deux marques de fabrique, et avec les imprimés dans lesquels il est susceptible d’avoir été employé, permet de confirmer l’époque de notre recueil, soit le milieu du XVème siècle. 5 Il est cependant plus haut de 2 à 3 mm. Le n° 1736 offrirait un autre recoupement possible, mais décalé sur la gauche et avec des pontuseaux plus resserrés. 6 « Escript et complet el monastere de Saint Nicholai des Prés lés Tournai en l’an de grace mil .iiijcc. et chinquante le jour saint Loïs et Eleuthere, glorieus confessors de Jhesucrist. Translaté par ung povre pecheur et petit clerc du quel Dieu par les merites des sains nommés en cheste legende d’or et de tous aultres voeulle connoistre le nom et le resjoïr de le douche vois de vie. Venés, benois, el rengne a vous preparé de Dieu. Amen. » (f° 400 v°). 3
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de deux lignes en grandes majuscules à l’encre. Des marqueurs de plus petit format apparaissent aux articulations secondaires. Les rubriques qui émaillent la première partie du volume sont souvent placées à la suite immédiate du paragraphe qui précède ; elles sont systématiquement omises à partir du f° 195. Des titres courants, d’apparence et de fonction assez diverses, en français et en latin, permettent de suivre la progression du contenu. La ponctuation est particulièrement abondante, mais le copiste n’emploie pas d’autres moyens de segmentation, si l’on excepte des lettres rehaussées de rouge. La vie de Marie-Madeleine, qui porte le n° 55 dans la numérotation originale du recueil, n’omet aucune des séquences narratives de la Légende dorée. Toutefois, l’interprétation du nom de la sainte, les propos d’Hégésippe et l’allusion aux noces avec saint Jean sont chacun résumés en une brève proposition. Les autres parties du récit respectent fidèlement le modèle latin et seuls de courts segments de phrases ont été éliminés ici et là. Dans son détail, cette rédaction demeure aussi très attachée à Jacques de Voragine. On y relève ainsi un grand nombre de vocables directement hérités de la source latine, caractéristique qui tend à confirmer l’originalité de la traduction. Si les similitudes lexicales occasionnelles avec d’autres versions peuvent résulter du caractère à l’évidence tardif de l’entreprise et de la diffusion de certains termes à l’époque de sa réalisation, on ne peut cependant exclure un recours à l’une ou l’autre de ces adaptations dont l’auteur, nous l’avons vu, revendique la connaissance en présentant son projet. Parmi les termes les plus intéressants en eux-mêmes, on note les adjectifs angelique, exceptionnel au moyen âge et qui correspond au substantif apparenté dans le texte latin (l. 171 et 197 ; § 130 et 147)7, et aromatique (l. 217), que nous avons déjà évoqué à propos du n° 10. cognomination (« dénomination »), pour le participe cognominata (l. 5 ; cf. § 16), n’apparaît pas dans les instruments de consultation. Il vaut aussi la peine de signaler que mis à part un exemple de Godefroy de 1452, dont le FEW ne semble pas tenir compte, les faibles développements de cognomen appartiennent pour l’essentiel au XVIème siècle. Très rare au moyen âge, convoquer trouve son équivalent direct chez Jacques de Voragine (l. 212 ; § 157). L’adverbe decentement traduit l’adjectif decens (l. 223 ; § 168), mais il est inconnu des dictionnaires8. desolation (l. 121), dispersion (l. 49) et disposition (l. 138) nous renvoient à d’autres témoignages de notre corpus9. Le TLF attribue une date encore Sauf erreur, les dictionnaires ne mentionnent que deux occurrences médiévales de cet adjectif (la plus ancienne, chez Brunet Latin, figure dans les deux éditions Chabaille et Carmody), cf. FEW, angelicus, XXIV, col. 560 a / b (première attestation d’après la récolte de Tobler-Lommatzsch). Voir aussi le n° 20 ; les deux emplois ne sont toutefois pas liés au même contexte. 8 La forme que nous utilisons aujourd’hui est datée par le TLF de 1523 et decent n’aurait été lui-même introduit en français que vers 1450, tout en restant exceptionnel. 9 Le premier de ces substantifs renvoie cependant à un paragraphe distinct de la Legenda aurea, où lui correspond le latin miseria (cf. § 94). Les deux autres interviennent dans des segments de texte ou des 7
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une fois tardive à la première attestation de l’adverbe facillement (l. 211 ; facilius, § 156), à peine mieux représenté. glare, « gravier », ne retiendrait pas l’attention par rapport au latin glarea (l. 142 ; § 112) si cet aboutissement ne se réduisait pas au moyen âge à quelques exemples et si la diffusion géographique de ceux-ci n’était pas restreinte (le Nord semble faire partie des régions où ce substantif s’est perpétué, cf. DEAF, col. 796 - 797). Les dictionnaires fournissent peu de citations pour habille (– a, « propre à »), qui ne se rattache à rien de précis dans la Legenda aurea. imvoquier (l. 169 ; invocare, § 140) ne remonte guère qu’au milieu du XVème siècle et s’avère exceptionnel10. inster (« insister », l. 95 ; instare, § 74) n’est enregistré que par le FEW (IV, col. 721 a) qui, pour la période médiévale, date son unique citation de 1406, sa référence donnant toutefois à penser qu’il s’agit plutôt d’une traduction du milieu du XVème siècle (1447), copiée à Valenciennes en 1462, par David Aubert. instituer n’est de loin pas si rare, mais l’adaptateur marque une certaine distance avec le texte de Jacques de Voragine (cf. § 22, « tanto corpus suum voluptati substravit ») ; par ailleurs, nous ne connaissons aucun autre exemple d’une construction comparable à celle de la l. 17 ni de signification analogue (« imposer à soi-même » (ici, un état de privation matérielle et d’abstinence physique). L’adverbe patentement est une transposition sémantique du latin manifestius (l. 146 ; § 115) et n’est signalé que par le FEW, à nouveau (cf. patens, VIII, col. 7 b), pour la décade comprise entre 1520 et 1530. revocquer (– de, « dissuader de », l. 57 ; revocare, § 37) est moyennement courant, mais pas à date ancienne et la signification que ce verbe revêt ici est fournie par le FEW (revocare, X, col. 363 b - 364 a) à partir de deux occurrences du XVIème siècle, dont la plus tardive au moins (1594) adopte la même construction que celle de notre texte. sepulturer (l. 158) trouve son ancrage dans le « passus est, mortuus et sepultus » du texte latin, § 123. Les quelques mentions dont on dispose pour ce verbe sont tardives11. Peu fréquent lui aussi et employé surtout dans les dernières années du XIVème et au XVème siècle, le substantif serviteresse (l. 34, 37 et 154 ; famula dans les deux premiers exemples et ancilla dans le troisième, § 30 - 31 et 120) semble posséder une assez bonne assise dans le Nord, à commencer par sa plus ancienne attestation, cf. FEW, servitor, XI, col. 547 b, et Godefroy, VII, col. 402 c - 403 a (ainsi que Tobler-Lommatzsch). développements comparables ; de même pour contraire (au –, l. 95), inmoler (l. 56 et 62), innondation (l. 213), internel (« intérieur », l. 3), matrone (l. 64, 76, 89 et 102), nape (l. 252), procureresse (l. 29) et restituer (l. 151). En revanche, generation (l. 62 ; proles, § 40), une autre occurrence de restituer (l. 134 ; restituere, § 107, comme dans le n° 26) et transporter (l. 224 ; transportare, § 168) sont à mettre en rapport avec des passages différents de ceux où apparaissent les autres exemples que nous avons relevés pour ces termes (voir notre index lexical). 10 Cf. DEAF, col. 397 - 398, qui réfute la datation, erronée, du FEW. 11 Le FEW (sepultura, XI, col. 486 a) en date la première attestation de ca 1185, mais sans fournir de référence. Hormis une citation d’époque incertaine, issue du manuscrit 5072 de la Bibliothèque de l’Arsenal qui contient l’une des rédactions en prose de Renaut de Montauban, copiée en tout ou en partie par David Aubert vers 1463 - 1465, tous les exemples médiévaux, qui proviennent de Godefroy (VII, col. 386 a b), sont pourtant du XVème siècle.
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Sans en développer l’analyse, notons aussi quelques mots dont les exemples médiévaux ne sont guère nombreux (certains sont commentés dans la présentation d’autres versions, où ils apparaissent déjà) : adjurer12 (l. 187) ; canonicque (l. 173 et 198, heure –), qui n’a qu’une fois un répondant strict dans la Legenda aurea (horis canonicis, § 132 ; cp. § 147 : septenis uicibus per singulos dies) ; conduitte (l. 53, divine – ; § 37, diuino nutu) ; constamment (l. 58 ; § 57, constantissime), exceptionnel et assez tardif 13, ou le verbe constituer, ici au sens d’« élire », qui traduit le latin eligere (l. 166 ; § 128). convenir et convertir soi (l. 56 et 208) sont en revanche fréquents mais ne signifient pas en principe « affluer (vers) », « s’assembler, se réunir », pour le premier (confluere, § 37), ni « se tourner (vers) » (conversa, § 154), pour le deuxième. Le TLF considère la forme diviser (l. 10 ; dividere, § 19), qui prolonge l’ancien français deviser, comme rare entre sa première attestation, vers 1370, et le XVIème siècle. Il situe en outre l’apparition d’exauchier (l. 88) au milieu du XVIème siècle (dans son acception « écouter favorablement (une demande) » ; exaudire chez Jacques de Voragine, § 66), mais l’histoire de ce verbe est complexe14. excerser (transitif et réfléchi, l. 12 et 260 ; vacare et exercere dans le texte latin, § 20 et 196) ne semble pas très courant. exposer soi n’est pas non plus habituel au sens où le traducteur l’utilise (l. 12, « se livrer (à) » ; exponere, au réfléchi, chez Jacques de Voragine, § 20). incongnu (l. 170 et 196 ; incognita, § 130 ; ignota, § 147) est très rare ; indigence, dans la formule avoir – d’aucune rien qui adapte le verbe indigere (l. 176 ; § 133), ne l’est guère moins15, non plus qu’induire, semble-t-il (« amener, pousser (quelqu’un à faire quelque chose) », l. 140, équivalent du latin inducere, § 111). Les dictionnaires n’offrent que très peu d’exemples d’infidele, ici au sens de « qui ne professe pas la religion considérée comme vraie » (l. 52 ; infidelis, § 35)16, et ceux de l’adverbe instamment (l. 267 ; instanter, § 201) ne sont pas beaucoup plus nombreux. À l’opposé de la forme ancienne enstruire (ou estruire), instruire (l. 137 ; instruere, § 109) n’est que peu représenté ; jubilation, qui reprend le latin jubilatio (l. 198 ; § 147), l’adjectif negligent, qui entre ici dans une construction dont la signification correspond au verbe neglegere (l. 68 ; § 46), obtemperer (l. 80 ; obtemperare, § 57), prodige (l. 31 ; prodiga, § 28), ou le verbe roborer (dans la Adjurare chez Jacques de Voragine (§ 141). Ce terme apparaît au XIIIème siècle, mais les exemples mentionnés par le FEW (adjurare, XXIV, col. 160 b), qui remet notamment en cause l’une des attestations anciennes reprise de Godefroy par le TLF, montrent que l’on a affaire à un verbe dont les développements sont tardifs en français (il n’en existe d’ailleurs guère avant le XVème siècle). 13 Deuxième moitié du XIVème siècle selon le FEW, qui ne fournit aucun moyen de vérifier cette indication. 1414 (TLF) correspond à la date de la traduction du Decameron signalée dans cet ouvrage, tandis que Godefroy, sur lequel il s’appuie, cite le texte d’après le manuscrit Bibliothèque nationale de France, f. fr. 129 (du troisième quart du XVème siècle, selon C. Bozzolo, cf. Manuscrits des traductions françaises d’œuvres de Boccace : XVe siècle, Padoue, Editrice Antenore, 1973, pp. 102 sq.). 14 Trois exemples plus anciens de Tobler-Lommatzsch (cf. II, col. 1295, l. 27 - 29), le premier d’une forme hesalcier, chez Guernes de Pont-Sainte-Maxence, évoquent en effet une signification proche de celle requise ici, et c’est peut-être aussi celle qui convient à une citation que Godefroy emprunte à Wace. 15 DEAF, col. 205. Il n’existe pas de traces de ce substantif avant Nicole Oresme. 16 Employé dès ca 1310 comme adjectif et ca 1342 en tant que nom (DEAF, col. 241 - 242). 12
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construction estre roboré d’aucune rien, « être conforté par quelque chose », l. 85 ; roborata, § 61), l’expression estre en transes au sens d’« agoniser » (l. 113 ; in extasi posita, § 91), qui figure aussi dans le poème sur Marie-Madeleine composé par Guillaume le Clerc (version n° 5, v. 341), enfin l’adjectif venerable (l. 244 ; specie et habitu ueneranda, § 180) sont aussi d’une fréquence très basse dans nos instruments, ou pour le moins modeste. Les picardismes que le copiste pratique sont nombreux et certains sont particulièrement accusés pour son époque. Les preuves manquent cependant pour affirmer qu’on aurait affaire dès le départ à une entreprise septentrionale. En plus des substantifs glare et de serviteresse, que nous venons de relever, remarquons quand même l’existence dans le récit du verbe abrachier (« embrasser », l. 148), sans équivalent exact dans le texte latin (accipiens, § 116, est traduit par « et le print »). Pour autant qu’il remonte bien lui aussi à son archétype, ses attestations sont en général peu nombreuses : les dictionnaires en comprennent six, à cheval sur le moyen âge et sur la période moderne, et parmi les trois exemples qui peuvent être datés, deux (de la fin du XIIIème siècle) proviennent du Nord et du Nord-Est, tandis que le troisième appartient à une copie picarde du milieu du XVème siècle d’un texte écrit peut-être une centaine d’années plus tôt.
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[198 r°] Magdalene
1
Marie est interpretee « amere mer », « enlumineresse » ou « enluminee », et par che on entent .iij. parties que Marie eslut, le part de penitance, le part de internelle contemplation et le part de celeste glore.
2 3 4
Marie Magdalaine par cognomination de ung castel nommé Magdalum descendi de tresnobles parens descendans de lignie roiale, de la quelle le pere estoit Sirus et sa mere estoit apelee Eucharia. Ichelle avec son frere et sa soeur Marthe possessoit le castel Magdalum qui est a .ij. miles de Genezareth et Bethanie, qui est delés Jherusalem, et grand partie de Jherusalem, les quelles terres il advoient divisé entre euls, car Marie tenoit et possessoit Magdalum, dont on le sournommoit Magdalaine, et Lazarus grant partie de Jherusalem et Marthe Bethanie. Le Magdalaine se exposoit du tout as delices du corps et le Ladre se excersoit en chevalerie, mais Marthe, prudente, mont sagement gouvernoit les pars de son frere et soeur en administrant les neccessités a sa famille, [a] ses chevaliers et as povres. Aprés le Ascention, il vendirent touttes ches terres et geterrent le pris as piés [198 v°] des apostles; et de tant que le Magdalaine habunda en pluiseur grant ricesses et biaulté, de tant institua son corps a povretés et fu delaissié son propre nom et estoit apelee « pecheresse ». Mais en tant que Jhesucrist [preschoit] la, elle fu inspiree divinement et ala a le maison de Simon le Lepreus, car elle avoit oÿ que la prendoit sa refection; et elle non osant comme pecheresse aparoir entre les justes se tint au deriere delés les piés de Jhesucrist et les lava de ses larmes et torcha de ses cheveus, et les oindi de precieus unguement, car les habiteurs du païs pour le grandeur du soleil usent de unguemens et de bains. Et en tant que Simon pensoit en soi, se chest homme estoit prophete, il ne soufreroit point estre touchiet de chelle pecheresse, Dieu le redargua de son orgueleuse justice et pardonna a le femme tous ses pechiés. Ch’est chelle Marie Magdalaine a le quelle Dieu donna tant grans benefices et monstra tant grans signes de dillection, car Il bouta hors d’ichelle .vij. diables, et le embrasa en son amour et le fist sa tresfamilliere, et le volu avoir el chemin sen hostesse et procureresse, et le excusa toudis douchement, car Il le excusa au Pharisien disant que elle estoit orde [199 r°] et par devers sa soeur disant que elle estoit huiseuse et a Judas disant qu’elle estoit prodige ou folle large; et le veant pleurer ne poeult contenir larmes, pour l’amour de le quel Il suscita le frere mort des .iiij. jours et delivra Marthe, se soeur, du fluis de sanc que par .vij. ans avoit souffert. Par les merites d’ichelle, saincte Marcella, serviteresse
5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34
1. Titre courant de la page (à l’encre, souligné en rouge; remplace Marguerite, tracé). – 2. La première ligne de ce préambule et celle par laquelle le texte débute sont rubriquées. – 14. Omis par le scribe. – 18. Omis par le copiste (forme compatible avec la scripta du texte). – 22. torcha de ses ch. : de a été ajouté au-dessus de la ligne. – 34. par les meriretes d’ichelle.
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de sa soeur, fu digne prononchier le benoitte parolle : « Benoit soit le ventre qui Te a porté », car selonc saint Ambrose, chelle fu soeur de Marthe et l’autre sa serviteresse. Ch’est chelle qui de ses larmes lava les piés de Jhesucrist et les torcha de ses cheveus et oindi, qui en son tamps fist premiere solemnelle penitance, qui eslut tresbonne partie; qui seans as piés de Jhesucrist ooit ses parolles, qui oindi le chief de Jhesucrist; qui en le Passion de Jhesucrist fu delés le crois, le quelle para les unguemens pour oindre le corps de Jhesucrist, le quelle demoura au monument aprés le departement des disciples, a la quelle Jhesucrist resuscité apparu premierement et le fist apostle des apostles. Aprés le Ascention de Jhesucrist cent et .xiiij. ans de sa Passion, aprés lonc tamps que les juis avoient ochis [199 v°] saint Estiene et bouté les aultres disciples hors des regions de Judee, les disciples furent espars en diverses regions des paiens ou il espandoient et semoient le parolle de Dieu. En che tamps estoit avec les apostles saint Maximus, l’un des .lxxij. des disciples de Jhesucrist, au quel saint Pierre avoit recommendé le benoitte Magdalaine. En chelle dispersion, saint Maximus, Marie Magdalaine, Lazarus, frere d’ichelle, Marthe, sa soeur, et Marcelle, chambriere de Marthe, et saint Cedonius qui des sa nativité avoit esté avugle, mais Jhesucrist le avoit enluminé; tous cheus et pluseurs aultres crestiens furent mis des infideles en le mer en une nef sans gouvernail adfin que tous fussent peris, mais par divine conduitte il ariverrent en Marsille en le quelle nul ne les voloit rechevoir, et pour tant demourerrent el porge de ung anchien temple de paiens. Mais quant le Magdalaine vit le poeuple convenir a chelui temple pour inmoler as ydoles, elles se leva de faiche joieuse et viaire plaisant, et par sa douche faconde les revocquoit de ichelui ort sacrefice et mont constamment preschoit Jhesucrist, et se esmerveloient tous de sa tresgrand biaulté, de sa faconde et de le [200 r°] grand doucheur de son eloquence, et n’est point merveilles se chelle qui tant piteusement avoit baisié les piés de Jhesucrist as aultres administroit tant grant doucheur de parolles. Aprés che advint que le prinche de le provinche avec sa femme vint inmoler pour avoir generation, au quel Magdalaine prescha Jhesucrist et lui blasma le sacrefice as ydoles. Une espasse de jours aprés, le Magdalaine apparu en vision a ichelle matrone en disant : « Pour quoi vous qui habundés en tant de richesses soufrés vous les serviteurs de Dieu mourir de fain ? » en le maneschant se elle ne disoit a son mari qu’il relevast le povreté des sains, mais elle doubta enseignier le vision a son mari. Le .ije. nuit, elle de rechief lui apparu et lui dit pareilles parolles. Le dame fu negligente de dire a son mari le vision. Le .iije. nuit, elle apparu a tous .ij. fremissant et courchie de viaire et ardant comme fu, comme se toute le maison debvoit ardoir, et dist : « Tirant, membre de Sathanas ton pere, dors tu avec ta femme, male vipere, qui point ne te a dit mes parolles ? Anemi de le crois qui as le panche plaine de diver-
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52. des infideles a été ajouté au-dessus de la ligne. – 53. peris a été ajouté dans la marge (à l’encre rouge; main sans doute distincte de celle du scribe).
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ses manieres de viandes et soeufres [200 v°] perir de fain les serviteurs de Dieu, tu gis en ton palais en drais de soie et tu vois icheus sans hostel et n’en as pité ! Malvais, malvais, tu n’en escapras point : ainssi tu en seras pugnis que tant tu as differé de leur bien faire. » Et che dit, elle se parti. Quant le matrone se esveilla, en soupirant et tramblant elle dit a son mari pour chelle cause soupirant : « Monseigneur, avés point veu mon songe ? » Le quel dit : « Je l’ai veu et ne m’en puis assés esmervelier. Quel chose en ferons nous ? » Au quel se fame dit : « Il vault mielxs obtemperer a lui que encourir le ire de son Dieu Le quel elle presche. » Et pour chelle cause, il les rechurent en leur hostel et leur administrerrent leur necces sité.
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Miracle. Ung jour que le Magdalaine preschoit, le prince lui dit : « Crois tu que tu soies poissant [de] deffendre le foi que tu presches ? » Au quel elle dit : « Je en suis toutte preste comme roboree des miracles et predication de nostre maistre saint Pierre qui presche a Romme. » A lequelle le prince et se femme dirrent : « Nous sommes aparliés pour obeïr a tous tes commans se tu nous poeuls impetrer ung fil au Dieu que tu presches ». Adont le Magdalaine pria pour euls, fu exauchie, et le matrone conchut. [201 r°] Adoncq le seigneur eult desir de viseter saint Pierre pour savoir se ch’estoit toutte verité que le Magdalaine preschoit, auquel se femme dit : « Quel chose pensés, monseigneur ? Cuidiés aler sans mi ? Ja ne adviegne, car quant vous partirés, je partirai, et se vous demourés, je demourai. » A le quelle le seigneur respondi : « Dame, point ne se fera ainssi, car vous estes enchainte et en la mer son plueurs perils par quoi vous poriés estre perie. Vous demourés a l’ostel et penserés de nos affaires. » La dame instoit au contraire et ne muoit point les moeurs femenins, et en larmes se geta as piés de son mari et obtint che que elle requeroit. Le Magdalaine leur mist sur les espaules le signe de le crois adfin que l’anchien anemi ne les empeschast sur le chemin. Il garnirent treslargement le nef des choses neccessaires et laisserrent leurs biens en le main de le Magdalaine et se partirent. Ja avoient navié ung jour et une nuit que le mer tresgrandement se print a enfler et les vens a venter tellement que tous estoient cassés, et principalment le matrone enchainte par [201 v°] les griefs angouches et tourmens de le mer soudainement entra es doleurs de enfanter et entre ichelles doleurs elle enfanta et prestement trespassa. Le fil plouroit et queroit les mamelles de le mere morte, ne advoient de quoi le nourir, par quoi nulle esperance on n’avoit de sa vie. Le seigneur pelerin de grant doleur et pité ne savoit quel chose faire par desconfort quant il la vit le dame mere morte et l’enfant en pril de mort par faulte de noureture, et en lamentant piteusement disoit : « Helas, helas ! que feras tu ? Tu as desiré d’avoir ung fil et tu as perdu le mere et le fil. » Les maronniers d’aultre [part] l’escrioient : « On gette che corps mort en le mer adfin que tous ne soions peris, car tant qu’il
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83. Comme pour toutes les occurrences suivantes, le terme qui introduit les miracles de Marie-Madeleine est écrit en minuscules rouges. – 84. Omis par le copiste. – 109. Omis par le scribe.
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sera avec nous, cheste tourmente durera. » Et prinrent le corps pour le geter en le mer, quant le pelerin dit : « Mes seigneurs, souffrés ung petit, car poeult estre que point n’est encores morte et que elle est en transes, et se le pité de le mere ne vous moeult, prendés compassion de l’enfant. » Et tost aprés apparu en le mer une roche eslevee a maniere de une montagne, le quelle quant il le vit, il lui sambla meleur de porter [202 r°] en ichelle le corps de le mere que de le geter en le mer pour estre devorer des monstres marins, et a grant difficulté obtint des maronniers que il vausichent la applicquier, car il en donna grans dons; et quant il fu la, il ne pooit fouir pour le grand durté, par quoi du lés de le roche il mist le mere et le couvri de son mantel et mist le petit fil as mamelles de ichelle en disant : « O Marie Magdalaine, pour quoi a ma perdition et comble de desolation applicas tu es parties de Marsille ? Pour quoi, moi maleureus, par ton admonition ai je empris che chemin ? As tu fait ta requeste a Dieu que me femme enfantast pour perir ? Ma femme a enfanté et est morte d’enfant et est neccesité que l’enfant soit peris, car il ne a qui le nourisse. Che que par ta priere je ai obtenu et touttes mes choses je recommande a toi et a ton Dieu, s’Il est poissant, qu’Il ait merchi de l’ame de le mere et que par ta priere, Il ait pité de l’enfant qu’il ne perisse. » Adont de son mantel avironna le mere et l’enfant et monta en le nef; et quant il aprochoit de saint Pierre, saint Pierre lui vint a l’encontre, le quel veant le signe de le crois atachié sur les espaules [202 v°] le interroga qui il estoit, dont il venoit et pour quel cause, le quel par ordre lui recita tout, au quel saint Pierre dit : « Pais soit a toi. Tu es bien venus et as cru bon conseil, et ne soies tristre se ta femme dort et se l’enfant repose d’emprés lui. Dieu est poissant de donner a qui Lui plest et de roster che qu’Il a donné et de le restituer, et de muer ta tritresse en joie et liesse. » Saint Pierre le mena en Jherusalem et lui monstra les lieus es quels Jhesucrist prescha et fit miracles et lui monstra le lieu de le Passion et le lieu de l’Ascention; et quant il fu plainement instruit par saint Piere en le foi le espasse de .ij. ans acomplis, il monta en le nef et revint. Ainssi qu’il najoient, par disposition divine il passerrent delés le roche ou le corps de le femme et l’enfant avoient esté laissiés, le quel par pris et priere induit les maronniers de la applicquier. L’enfant, le quel le Magdalaine avoit conservé sain et haitié, mont souvent aloit a la rive de le mer et a maniere des petis enfans se juoit des pierrettes et glare de le mer; et quant il fu pres, il vit l’enfant juant a maniere acoustumee et en grant admiration que che pooit estre descendi de le nef, le quel l’enfant [203 r°] veant, qui oncques tel chose n’avoit veu, doubta et a maniere acoustumee se couru muchier desoubs le mantel entre les mamelles de se mere. Le pelerin pour plus patentement le vir se aprocha et trouva ung tresbel enfanchonnet suchant les mamelles de le mere, et le print et le baisa en abrachant et disant : « O benoitte Magdalaine, que je seroie heuré se le mere resuscitoit et retournoit avec moi. Je sai et crois seurement que tu me as
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114. aprés] bissé.
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donné l’enfant et que l’as nouri par .ij. ans en chelle roche, et que par ta priere tu es poissant restituer le mere en sancté. » A ches parolles le mere respira et comme se esvelant de parfont dormir dit : « Benoitte Marie Magdalaine, tu es de grant merite et glorieuse qui en mon enfantement as tenu lieu de sage femme et as acompli le serviche en touttes les neccessités de ta serviteresse. » Le quel chose oÿe, le pelerin en admiration dit : « Mon amee femme, vis tu ? » Au quel elle dit : « Certainement je vis et viens tout prestement du pelerinage dont tu viens, et come saint Pierre te a mené en Jherusalem et te a monstré les lieus ou Jhesucrist soufri mort, fu sepulturés et monta au chiel, ainssi le benoitte Magdalaine me a conduit [203 v°] et ai esté avec vous et ai veu tous les lieus et les ai mis en memore. » Et lui declara tous les lieus qu’il avoit [veu] et ne fali de une parolle. Adoncq le pelerin print sa femme et son fil, monterrent en la nef et en brief appliquerrent es parties de Marsille, et trouverrent le Magdalaine preschant avec ses disciples et se geterrent as piés d’ichelle et lui reciterrent par ordre che qui estoit advenu et furent baptisiés de saint Maximus. Adont en le cité de Marsille furent destruis tous les temples des ydoles et construirent une eglise et dedierrent, de le quel il constituerrent saint Lazarus evesque. En aprés par divine inspiration, il vinrent a le cité Aquensis et amenerrent le poeuple a le foi de Jhesucrist par mont de miracles, en le quelle saint Maximus fu ordonné evesque. En chelui tamps, saincte Marie Magdalaine, desirant estre en lieu habille a contemplation, par inspiration divine entra en ung tresaspre desert et demoura par .xxx. ans incongnue en lieu preparé par oeuvre angelique, el quel lieu n’avoit soulas de herbes, arbres ne yaues, adfin que par che fust noté que Jhesucrist le voloit repaistre non de viande terreste mais celeste. Chascun jour [204 r°] par .vij. heures canoniques, les angeles le eslevoient et ooit chascun jour des oreilles corporelles les glorieus chans des angeles, par quoi elle ainssi assasiie de chelle glorieuse noureture ne avoit quelque indigence de viande corporelle.
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Miracle. Ung prestre voeullant mener vie solitaire construit sa celle a .xij. estades pres du lieu. Ung jour, Dieu ouvri les ieulxs du prestre et vit des ieulxs corporels comment chascun jour [les] angeles descendoient audit lieu et comment il le eslevoient en l’air et aprés l’espasse d’une heure il le remetoient en son propre lieu. Le prestre voeullant savoir le verité de le vision soi recommandant a son Createur par orisons, par piteuse devotion aprochoit au lieu. En tant qu’il aprochoit au lieu au get de une pierre, ses cuisses prinrent a defalir et toutte le vertu de son coeur, et quant il retournoit, il recouvroit le usage de aler, et quant il contendoit aler vers le lieu, il estoit fali et impotent; et entendi ichelui prestre que che estoit divin sacrement au quel nul humain experiment ne pooit aprochier. Le quel aprés qu’il eult
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158. monta résulte d’une correction du copiste sur la forme abrégée de monseigneur, selon toute vraisemblance. – 160. Omis par le scribe. – 179. Le copiste a utilisé l’abréviation de lesdis puis a exponctué et tracé celle-ci, sans conserver ou réintroduire l’article.
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imvoquié le nom de Dieu se escria : « Je te adjure el nom du Sauveur que se tu es homme ou aucune raisonnable creature [204 v°] qui habites en chelle fosse, que tu me respondes et me dies de toi la verité. » Quant il eult che dit par .iij. fois, le Magdalaine lui respondi : « Aproche plus pres et tu poras savoir le verité de tout che que tu desires. » Et lui en tramblant aprocha a moitié, et elle lui dist : « As tu point memore de l’Euvangille, de chelle Marie pecheresse tant renommee qui lava les piés de Jhesucrist de ses larmes et torcha de ses cheveus et deservi pardon de ses pechiés ? » A le quelle le prestre dit : « Je en ai bien memore et a bien .xxx. ans que l’Eglise croit et tient che avoir esté fait. » Et elle lui dit : « Je suis chelle qui par .xxx. ans ai esté incongnue as hommes et comme hier il te fu permis de veoir, ainssi chascun jour par les mains angeliques je ai esté eslevee et des oreilles corporelles ai oï le douche jubilation des angeles par les vij. heures canonicques; et pour tant qu’il me est revelé de Dieu que je doibs partir de che monde, tu t’en iras a saint Maximus et che lui diras : le prochain jour devant le Resurection, a l’heure qu’il seult aler as matines, tu lui diras que seullet il entre son oratore et la par le ministere des angles, il me trouvera estant. » [205 r°] Le prestre ooit sa vois comme le vois d’un angele et ne veoit personne, et s’en vint hastivement a saint Maximus et lui raconta tout. Saint Maximus rempli de souveraine joie rendi graces au Sauveur. Ichelui jour et heure qui lui avoit esté nunchié, tout seul entra son oratore et vit le Magdalaine estant entre les angles qui l’avoient amené, et estoit eslevee de terre de l’espasse de .ij. coutes el moien des angeles, les mains estendues en orison. Quant saint Maximus doubtoit aprochier a elle, elle se converti vers lui en lui disant : « Pere, venés pres et ne fuiés vostre fille. » Et comme on lit es livres de saint Maximus, lui venus pres, le viaire de le saincte de le continuelle et longue vision des angeles tant grandement resplendissoit que plus facillement on poroit regarder les rais du soleil que le fache d’ichelle. Saint Maximus convoca les clers et Marie Magdalaine en grant innondation de larmes rechut de le main du saint « corpus Domini ». Aprés che Marie se enclina devant l’autel et sa saincte ame ala a Dieu, aprés le trespas de le quelle il demoura la tant grant oudeur que par .vij. jours les entrans en l’oratore sentoient ichelle oudeur; de le quelle [205 v°] saint Maximus enseveli le corps honnorablement condit d’espesses aromatiques et commanda que aprés sa mort on le ensevelist delés ychelle. Egisipus et Josephus assés se acordent a cheste histore.
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El tamps de Charle le Grand, l’an de Nostre Seigneur .vijc. et .xlix., Girard ducq de Bourgongne non poissant avoir enfans de sa femme mont larguement amonsnoit as povres et construisoit pluseurs monasteres et eglises. Aprés qu’il eult construit le monastere Verzeliacense, lui et le abbé envoierrent ung moisne mont decente-
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213. innondation : lecture incertaine – mais inbudation, qui semble devoir être préféré au point de vue paléographique, est un terme fort douteux.
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ment acompagnié a le cité Aquensis adfin que s’il pooit, que de la il transportast les reliques de Marie Magdalaine. Le moisne venu a le cité le trouva destruitte des paiens de si o fondement et de aventure trouva ung sepulcre du quel le escripture monstroit que la estoit contenus le corps de le Magdalaine, et estoit le histore de ichelle merveleusement entaillie el sepulcre. De nuit, il rompi le tombe et aporta a son hostel les reliques. En ichelle nuit, le Magdalaine apparu au moisne en disant que point ne doubtast et qu’il parfist che qu’il avoit commenchié. En retournant, quant il fu venus a demie lieue de son monastere, il ne se poeult [206 r°] de la mouvoir desi a che que le abbé et le[s] moisnes devotement en procession lui vinrent a l’encontre et furent rechuttes honnorablement.
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Ung chevalier qui tous les ans devotement soloit venir au corps saincte Marie Magdalaine fu ochis en une bataille. En tant que on le metoit en le biere, les parens en plourant opposoient a le Magdalaine pour quoi son devot chevalier elle avoit permis de mourir sans confession. Adoncq cheli qui avoit esté mort se leva, dont tous furent mont esmerveliés, et commanda que on lui fist venir le prestre; le quel aprés que devotement il fu confessé et qu’il eult rechut « corpus Domini » reposa en pais.
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Miracle. Une nef chargie de hommes et femmes fu periie. Une femme enchainte se veans perir clamoit tant con elle pooit le Magdalaine, et voua que se par ses merites elle escapoit du pril et elle avoit ung fil, que elle le donroit au serviche de son monastere. Adont une femme venerable lui apparu, le quelle le prinst par le menton et le mena sauve de si a le rive; et en aprés elle eult ung fil et acompli son veu. Aucuns dient que le Magdalaine fu espeuse de saint Jehan Euvangeliste.
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Miracle. [206 v°] Ung homme privé de le lumiere des ieulxs venoit au monastere Verziliacensi pour viseter le corps de le Magdalaine. Quant son meneur lui dist : « Je vois l’eglise de le Magdalaine », ce awgle se escria mont haultement : « O glorieuse Magdalaine, a mon voloir il fust que une fois peuisse veoir ton eglise », et prestement ses ieulxs furent ouvers. Miracle.
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Ung home escripst ses pechiés en une cedulle et les mit soubs le nape de l’autel 252 de le Magdalaine et lui priant que elle lui impetrast pardon, le quel ung petit [aprés] 253 print sa cedulle et trouva le escripture toutte rostee. Miracle. 254 Ung home pour exaction de pecune estoit tenus en ung cep et souvent en son ayde 255 apeloit le Magdalaine, et vechi de nuit, une tresbelle dame lui apparu le quelle 256
232. Le s de l’article a été omis. – 237. Les deux dernières lettres de cheli ont été ajoutées en rouge au-dessus de la ligne. – 253. Omis par le scribe.
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rompi les fers, ouvri l’uis et lui commanda qu’il s’en fuist, le quel se veant desloié 257 se mist au fuir. 258 Miracle. Ung clercq de Flandres nommé Estiene estoit encheus en tant grant horreur de pechiés que il excersoit tous pechiés et avec che ne pooit oïr c’on lui parlast de son salut, mais il avoit le benoitte Magdalaine en tres grant devotion et junoit sa veille en gardant le feste. Aprés qu’il eult viseté le tombe de ichelle, [207 r°] le Magdalaine lui apparu moitié dormant et moitié veillant, le quelle avoit les ieulxs ardans estant apoiie de .ij. costés sur .ij. angeles, et lui dit : « Estiene, pour quoi rens tu choses et fais indignes a mes merites ? Pour quoy ne es tu mu par le instance de mes oevres, car depuis que tu as commenchié avoir devotion en moi je ai toudis prié instamment Dieu pour ton salut. Lieve toi et fai penitance. Je ne te laisserai de si atant que tu seras reconcilié a Dieu. » Et il se converti, fit penitance et vesqui parfaittement; a le mort du quel on vit le Magdalaine estre presente avec les angles au pres de le fiertre et eslever en loenges l’ame d’ichelui au chiel blanche comme ung tresblanc coulon.
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266. La première lettre du mot oevres est mal formée, ce qui en rend la lecture incertaine.
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Londres, British Library, Royal 20. B. II (n° 20)
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20. Londres, British Library, Royal 20. B. II, f° 57 r° - 80 v° Luxueux manuscrit d’origine flamande composé à la fin du XVème siècle, Londres, British Library, Royal 20. B. II, porte les armes de John Donne, au service du roi d’Angleterre Edouard IV depuis son accession au trône, en 1461, et mort en 1503. Selon Janet Backhouse1, sa décoration aurait été réalisée par le Maître anonyme du Livre de prières de Dresde, dont la production la plus aboutie date du milieu des années 1490. Notre témoin serait ainsi une œuvre précoce. Rédigé par un seul copiste dans une littera gothica hybrida anguleuse et très stylisée sur 10 quaternions en parchemin de ca 260 x 170 mm (15 lignes par page), ce recueil de dévotion personnelle contient trois pièces : l’Assomption de la Vierge, la vie de Jean l’Évangéliste2 et celle de Marie-Madeleine. Chacune est précédée d’une enluminure. Le miracle d’Edmond d’Angleterre3, qui complète la vie à proprement parler de Jean, est introduit par une rubrique et par une petite initiale ornée. La miniature qui accompagne la légende de Marie-Madeleine montre la sainte portant une boîte d’onguent. Elle apparaît dans un espace extérieur et est habillée richement d’une robe bleue dont elle relève un pan ; ses cheveux sont recouverts d’un long voile rouge qui descend jusqu’à ses pieds. Une arche de pierre la surplombe. Si les rubriques attribuent la rédaction des deux premières pièces du recueil à Isidore4, celle de la vie de Marie-Madeleine donne saint Maximin pour auteur. C’est néanmoins la Légende dorée, à laquelle « l’escripture presente » (l. 239) fait allusion, qui sert de base à cette rédaction, dans un remaniement qui est sans doute l’un des plus singuliers de la tradition. Néanmoins, on ne saurait dire si l’adaptateur a travaillé à partir du texte latin ou s’il a utilisé une traduction vernaculaire existante. L’exposition du nom de Marie-Madeleine est omise. Le texte débute avec la vie de la sainte : son origine et sa rencontre avec le Christ ; la référence à Ambroise ; le départ des apôtres ; le miracle de Marseille ; la retraite puis la mort de la sainte. L’appel à l’autorité d’Hégésippe, la translation des reliques à Vézelay, le mariage 1 « Sir John Donne’s Flemish Manuscripts », Medieval Codicology, Iconography, Literature, and Translation, Studies for Keith Val Sinclair, ed. P. R. Monks and D. D. R. Owen, Leyde, New York, Cologne, Brill, 1994, pp. 48 - 53. Si les illustrations permettent de localiser la provenance du volume, le texte ne possède pas de traits dialectaux révélateurs. 2 Deux autres exemplaires des collections de la British Library portent les armes de John Donne : Royal 15. D (Faitz du grant Alexandre) et Royal 16. F (Sydrac en français suivi d’une adaptation de La Somme le Roi). On remarquera que le texte de Frère Laurent est pourvu d’une miniature qui représente saint Jean. Ce choix éclaire peut-être la composition de notre anthologie : il révèle une attention du destinataire à la figure du saint dont il porte le prénom. 3 C’est bien « saint Edouard roy d’Engleterre » (f° 51 v°) qui accomplit ici le miracle de l’anneau, attribué dans la Légende dorée à Edmond d’Angleterre. Le récit comporte une légère modification : il montre Edouard envoyer lui-même un de ses chevaliers à la recherche de l’anneau offert au pauvre. L’homophonie entre le souverain de la légende et le protecteur de John Donne n’est sans doute pas fortuite. 4 L’attribution de la vie de Jean à Isidore de Séville ne surprend guère : le compilateur espagnol rapporte en effet la légende du saint dans son De ortu et obitu patrum (72, 3). Jacques de Voragine conclut d’ailleurs ses propos sur l’Évangéliste par une citation de cet ouvrage en se référant explicitement à son auteur. Le récit de l’Assomption est quant à lui communément attribué à Jean l’Évangéliste.
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avec Jean ainsi que les miracles qui concluent la légende chez Jacques de Voragine ne sont pas relatés. Le récit de la résurrection du chevalier mort au combat est donc le seul à être conservé, mais il est fort altéré, peut-être en raison d’une superposition avec celui de la conversion du clerc Étienne. Dans ce canevas fourni par la Légende dorée s’insèrent deux passages extraits des Évangiles. La brève présentation de la scène de l’onction chez Simon est complétée par la traduction de Jean 12, 3 - 8 (l. 38 - 43), qui relate la réaction de Judas à la dépense occasionnée par l’achat du parfum de Béthanie et la réponse du Christ affirmant que les apôtres auront toujours des pauvres avec eux, mais que Luimême sera bientôt absent. La parabole de l’usurier, adaptée de Luc 7, 39 - 46 (l. 50 - 59), est elle aussi longuement développée. Nombre de détails distinguent notre version, qui se démarque surtout lors du miracle de Marseille. Ainsi, par exemple, rien ne suggère un accueil hostile à l’égard des chrétiens lors de leur arrivée en Provence. Au contraire, c’est en devisant tranquillement dans leur lit des mérites de la sainte que le prince et son épouse décident de s’en remettre à elle, l’apparition bienveillante de Marie-Madeleine n’étant destinée qu’à les conforter dans leur projet. Celle-ci anticipe en outre la mort de la future mère en disant aux voyageurs de ne pas perdre confiance en chemin et leur remet une missive de (ou pour ?) saint Pierre (l. 118 - 121). Le décès apparent de la parturiente précède la tempête, ailleurs responsable de la venue au monde de l’enfant, qui n’est d’ailleurs que très brièvement évoqué (l. 129 - 132), etc5. Par delà ces écarts narratifs, le traitement des noms propres suggère une véritable réappropriation de la légende, à commencer par le lieu de résidence assigné au couple princier, « en Avignon ou pallais » (l. 97). Lors du voyage à Rome, le récit indique en outre une étape tout à fait inattendue à « Aigremorte » (l. 128). Il serait peu vraisemblable d’imputer ces transformations, uniques dans les textes vernaculaires conservés, à une simple altération du nom de la ville d’Aquilée / Aquense. La précision que Lazare change le sien après son élection comme évêque de Marseille et est dès lors appelé Julien du Mans (l. 94) se comprend plus aisément. Elle résulte d’une confusion – sur une assimilation de Ladre, Lazare, avec le ladre, le lépreux – du frère de Marie-Madeleine avec Simon le Lépreux, la tradition considérant en effet Julien et Simon comme un seul personnage6. Les premières rédactions de cet épisode (n° 1 à 4) contiennent plusieurs des caractéristiques qui reviennent ici (absence d’hostilité envers les chrétiens exilés ; anticipation de la mort de l’épouse ; naissance de l’enfant sans relation explicite avec la tempête). 6 Voici par exemple ce que la Legenda aurea dit à ce sujet (on relèvera toutefois la nuance qu’apporte Jacques de Voragine) : « Iulianus Cenomanensis episcopus fuit. Hic Symon ille leprosus fuisse dicitur quem dominus a lepra sanauit et qui dominum ad conuiuium inuitauit (...) » (éd. G. P. Maggioni, 1998, XXX, § 5 - 6 ; « Julien fut évêque du Mans. C’était lui, dit-on, ce Simon, le lépreux que le Seigneur guérit de sa lèpre, qui invita le Seigneur à dîner (...) »). Le manuscrit de la Bibliothèque municipale de Semur-en-Auxois (38 (39)), qui adapte lui aussi la Légende dorée, va jusqu’à insérer dans la vie de saint Julien un paragraphe qui rapporte l’onction du Christ par Marie-Madeleine : « Saint Julien fut evesque du Mans. Cestui Julien si avoit nom par devant Symon le mesel et le gari Nostre Sire de sa meselerie. Et 5
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Ça et là, on observe aussi quelques anachronismes propres à cette rédaction. Ainsi, Lazare, tout occupé aux plaisirs des armes, est-il suivi de plusieurs chevaliers du pays (l. 18 - 20)7. Au moment de quitter sa femme sur l’île, le prince recouvre celle-ci d’un manteau d’hermine « comme a son estat appartenoit » (l. 143). Certains détails laissent également affleurer des souvenirs de topoï littéraires. Le teint de l’épouse à son réveil est « vermeille comme une rose » (l. 155) et le prince s’évanouit de joie en la voyant revenir à la vie (l. 160). Un peu plus loin, Marie-Madeleine dit vouloir se retirer en raison de « l’honneur et reverence que on lui faisoit » (l. 172), puis elle se rend chez un ermite qui séjourne sur une haute montagne (l. 175), et c’est dans un second temps seulement que les anges viennent la chercher, etc. Notons enfin l’énumération des cinq raisons qui expliquent l’apparition préalable du Christ à Marie-Madeleine, après sa Résurrection (l. 80 - 90). Cette justification sous forme de liste n’existe pas dans les autres adaptations françaises. Elle réunit trois éléments que l’on retrouve, de façon disséminée, dans les vies de la sainte (son amour pour le Messie ; la venue de Jésus pour les pécheurs ; la compensation de la perte des joies du corps par une abondance de grâce) à deux arguments plus surprenants : la convocation de Matthieu 21, 31, où le Christ déclare que les prostituées, comme les collecteurs d’impôts, précéderont au royaume des cieux les grands prêtres et les anciens du peuple, et le propos, normalement destiné à la Vierge Marie, qui rachète la faute d’une femme, Ève, par l’intervention d’une autre. Linguistiquement parlant, nous avons affaire ici à un texte remarquable surtout par l’originalité de son lexique, sans que pour autant les quelques vocables inhabituels dont son auteur se sert permettent d’en préciser l’origine ni la période de composition. Ainsi dans le cas des deux adjectifs angelique (l. 174 et 203) et apostolique (l. 90), au sens de « relatif aux apôtres », très peu utilisés8. boursier (l. 42) est assez rare dans les différentes acceptions que ce substantif revêt anciennement, et surtout pour celle qui convient ici (« trésorier », employé comme tel dès le milieu du XIIIème siècle environ). Les dictionnaires de la langue médiévale ne possèdent qu’un seul exemple (dans Tobler-Lommatzsch) de la locution a cause de (l. 4 et 172), peut-être susceptible de remonter au dernier quart du XIIIème sièraconte l’Euvangile que l’en lit le jour de la Magdelaine que aprez ce qu’il fut gueri il convia Nostre Seigneur a mengier en sa meson et illecques vint sicomme ilz seoient au disner la Magdelene et lui aux piez [sic] et lui lava de ses larmes et les essua de ses cheveux et lui oignit d’un precieux oignement qu’elle apporta, et pour ce Nostre Sire ses pechiés lui pardonna. Aprez l’Ascencion que Nostre Sire fut monté es cieulx les apostres baptizerent le devant dit Symon et lui mistrent nom Julien (...) » (f° 111 r°). 7 Cette donnée permet de mettre le frère de Marie-Madeleine et de Marthe en parallèle avec le Christ, qui, dans notre version, est accompagné d’un grand nombre de personnes lors du repas chez Simon, précision absente des autres récits (l. 28). 8 Pour le premier de ces termes, voir le n° 19 (le lien avec la Legenda aurea est toutefois plus lâche). Le second est daté par le FEW (apostolicus, XXV,1, col. 19 a - b) du XIIIème siècle, peut-être sur la base d’une citation de Godefroy extraite d’un manuscrit de la seconde moitié du XIIIème siècle (le TLF retient pour sa part la traduction d’Aimé du Mont-Cassin, qui reste problématique au vu de son origine italienne).
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cle9. Leurs citations sont peu nombreuses aussi pour colliege (l. 213). La plus ancienne (dans Tobler-Lommatzsch, à nouveau) provient d’Étienne Boileau, dont le Livre des métiers précède la traduction de l’Histoire des Normands (cf. TLF). constamment (l. 68) a déjà été signalé pour son caractère exceptionnel et pour l’incertitude qui entoure sa date d’apparition10. distribuer (l. 24) et entretenir (l. 21 ; Legenda aurea : ministrare, § 20) sont connus bien avant notre adaptation mais restent peu courants11. extreme (l. 15), qui apparaît dans la traduction des Éthiques d’Aristote par Nicole Oresme, incessamment (l. 95 et 239 ; TLF : 1358, d’après une source documentaire) et indigent (l. 52) peuvent être considérés comme très rares, voire davantage en ce qui concerne le dernier, du moins en tant que substantif 12. La locution incontinent (que –, « dès que »), l. 245, est difficile à dater en raison de l’écart chronologique qui sépare ses plus anciennes attestations des documents qui nous les retransmettent, mais la liste de ses exemples est réduite13. Nous ne disposons pas non plus de beaucoup d’occurrences de jubilacion (l. 211 et 232), qui est pourtant ancien et revient plusieurs fois dans notre corpus. Pour sa part, mondanité (l. 14) est sans doute resté très peu usuel depuis l’époque où Eustache Deschamps l’a inséré dans son Miroir de mariage, avec la même signification de « vanité mondaine ». preceder (l. 85), dont un petit nombre d’exemples a été relevé, trouve sa plus ancienne attestation dans un document de 1353 et Nicole Oresme, encore une fois, serait son premier utilisateur au sens qui convient ici14. procureresse (l. 62) a été mentionné dans de précédentes analyses et nous nous contenterons ici d’en signaler la réapparition. prodigue (l. 66) n’a en revanche qu’un seul correspondant dans les traductions de Jacques de Voragine dont nous disposons ; dans ce cas aussi, il s’agit en outre d’une des plus tardives (n° 19). Comme dans le texte n° 10, Marcelle est désignée au moyen du terme de servante (l. 72). Enfin, les trois adverbes reveramment, subitement et veritablement (l. 230, 176 et 57) semblent peu répandus, bien que les deux derniers remontent à la fin du XIIème siècle déjà15. On le constatera par la proportion de nos renvois : presque aucun de ces vocables ne prend son ancrage direct dans la Legenda aurea, même lorsque le récit coïncide avec celle-ci. L’absence de relations avec le texte de Jacques de Voragine pour la Le TLF la date pour son compte de 1348 (le FEW ne la signale qu’à la Renaissance). Cette occurrence ne recoupe cependant pas celle du n° 19. 11 Un document de 1248 répertorié par Godefroy marque l’introduction du premier et la signification requise ici pour l’emploi transitif du second (« pourvoir aux besoins de quelqu’un »), beaucoup plus précoce par ailleurs, n’est attestée qu’au milieu du XVème siècle environ, sans doute à nouveau d’après les citations de Godefroy. 12 Ce type de dérivation n’est avéré que dans l’un des Miracles de Notre Dame par personnages, l’adjectif le précédant d’une centaine d’années (Roman de la Rose), cf. DEAF, col. 206. 13 Cf. DEAF, col. 181. 14 Cf. TLF. Compte tenu de la nature imprécise de la citation chez Godefroy, l’exemple des Éthiques est peut-être sujet à caution (le FEW attribue d’ailleurs cette signification à la fin du XVème siècle, d’après le premier exemple clairement daté de Godefroy). 15 La plus ancienne occurrence de reveramment paraît être fournie par Tobler-Lommatzsch et date du deuxième quart du XIVème siècle (entre 1328 et ca 1342). 9
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plupart de ces termes est une manière parmi d’autres de nous faire prendre conscience de l’éloignement de cette version par rapport à son modèle narratif. Elle donne peut-être davantage de consistance à l’idée que nous nous trouvons en face d’une réécriture à partir de sources vernaculaires ou, en tout cas, d’une transposition établie avec la plus grande liberté.
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[57 r°] S’ensuit la vye de Marie Magdalene selon saint Maximin, l’un des .lxxij. disciples de Nostre Seigneur Jhesucrist.
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Marie Magdalene fut de noble sanc comme de princes extrais de royalle lignie, et fut surnommee Magdalene a cause d’un chasteau ou elle fut [57 v°] nee qui se nommoit Magdaler, et avoit a nom le pere d’elle Syrus et sa mere avoit a nom Eukarie. Icelle Marie Magdalaine avoit ung frere qui se nommoit le Laser et une suer qui se appelloit Marie Marthe. Son frere estoit moult bon chevalier et occupoit la plus part de son temps en chevalerie; et avoient eulx trois grans rentes et heritages, et les avoient partis en telle maniere que leur frere [58 r°] avoit tout l’eritage qui leur appartenoit dedens la cité de Jherusalem, qui estoit moult grant, et Marie Marthe avoit Bethanie, qui estoit heritage moult noble. ¶ Et Marie Magdalene avoit le chasteau de Magdaler dont elle portoit le nom et l’avoit en possession, et ainsy elle vivoit en tous delices corporelz et tout son plaisir estoit a la mondanité, et avec ce elle habondoit en richesses, lesquelles sont aucunes foys [58 v°] cause de tout mal; et tant par richesses que par l’extreme beauté qu’elle avoit, car elle estoit l’une des belles femmes que on povoit regarder, elle se adonna du tout a son plaisir mondain, et tellement se habandonna aux delices que elle perdy son nom, et ne l’appelloit on fors que la pecheresse. ¶ Son frere le Lazer avoit son occupacion et son plaisir en chevaleries et le suivoient pluseurs chevaliers du pays, et [59 r°] hantoit a la maison de Marie Marthe, laquelle gouvernoit son frere et sa suer Marie Magdalene et tout leur heritage, dont elle entretenoit eulx et leur maignie et tous estrangiers qui les venoient veoir. Mais aprés l’Ascension de Nostre Seigneur Jhesucrist, ilz vendirent tout leur heritage et mirent les deniers aux piez des apostres pour distribuer aux povres, ainsy que l’Escripture le tesmoigne. ¶ Et ainsy que Nostre Seigneur devant sa [59 v°] Passion preschoit par le pays et hantoit en diverses places, Marie Magdalene, inspiree de la grace de Dieu, elle oÿ dire que Nostre Seigneur devoit disner a la maison de Simon le Lepreux, et ce jour la avoit grant multitude de peuple qui suyvoient Nostre Seigneur; et quant elle sceut que Nostre Seigneur fut au disner avec tous ses apostres et disciples, elle fut en grant doubte et en grant paour, et ne osoit entrer en la compaignie du saint prophete et de [60 r°] sy saintes gens comme ses apostres estoient et ses disciples, et ne osa entrer en la maison dudit Simon par devant, mais y entra par derriere, et se mist soubz la table ou Nostre Seigneur se seoit, et illec Luy lava ses piez ez larmes que elle ploura de ses beaux yeulx par sy grant habondance que elle les lava comme on les eust lavez en ung bacin d’eaue, et aprés les nettoya de ses cheveulx dont elle avoit grant habondance. Et quant elle [60 v°] les eut nettoyez, elle avoit apporté une grant boete de precieux unguement qui s’appelle basme et en oigny ses piés en telle maniere que toute la maison en sentoit bon de la douce oudeur qui en yssoit; et fut a icelle heure que Judas eut envye du precieux onguement qui estoit respandu sus les piez Nostre Seigneur, et dist que mieulx eust vallu le vendre pour donner l’argent aux povres, combien que ce
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n’estoit pas [61 r°] son intencion, car il estoit boursier des apostres et larron des aumosnes que on leur faisoit, et Nostre Seigneur luy respondy que ilz avroient assez de povres et que Il ne seroit pas tousjours avec eulx. Et ainsy Simon le Lepreux qui estoit maistre de la maison, congnoissant que la maniere du pays estoit, pour la tres grant ardeur du solail qui habonde en Jherusalem, que on usoit de bame et de baingz, non [61 v°] obstant ce, il fut fort esbahy que Nostre Seigneur, qui estoit saint prophete congneu par my le peuple, souffroit que telle pecheresse comme estoit la Magdalene Lui touchast; et Dieu, qui congnoissoit la pensee de Simon le Lepreux, lui dist en ceste maniere : « Symon, Je te veul dire aucuns examples affin que tu en soyez toy meismes juge. Comme ainsy feust que Je eusse presté a deux indigens certaine somme de deniers, [62 r°] c’est assavoir a l’un cent besans ou livres et a l’autre cinquante, et Je congnois q° l’un ne l’autre ne ont le pouvoir de les Moy rendre, et Je donne ladicte somme a l’un et a l’autre, lequel des deux est plus tenu a Moy ? » Adonc Simon Lui dist : « Il me semble que cellui a qui on a presté la plus grant somme est le plus tenu. » Et Nostre Seigneur lui respondy : « Simon, tu as veritablement jugié; et pour ce Je te dy, Simon, que ceste pecheresse [62 v°] M’a donné de ses larmes a mes piés et tu ne M’en as point donné. » C’est ceste Magdalene a qui Dieu pardonna ses pechiés et a qui Dieu donna tant de grace et tant de amour que sept deables i gecta hors de son corps. C’est celle a qui Dieu donna familiere dilection et amour. Il en fist son hostesse et sa procu[re]resse en son chemin. Il l’excusa en trois manieres : premierement, Il l’excusa contre le Pharisien qui disoit qu’elle [63 r°] n’estoit pas nette, mais disoit qu’elle estoit soulliee de pechié; secondement, Il l’excusa contre sa suer Marie Marthe qui disoit qu’elle estoit oyzeuse et que elle ne vouloit rien faire; tiercement, Il le excusa contre Judas qui disoit qu’elle estoit prodigue des biens de ce monde, c’est assavoir du precieux onguement que elle respandy sus Nostre Seigneur Jhesucrist. Et quant elle plouroit sy constamment, Nostre Seigneur plain de misericorde [63 v°] lui pardonna ses pechiés; et pour la grande amour que Il avoit a elle resuscita son frere le Lazer et garist sa suer Marie Marthe du flux de ventre qu’elle avoit eu par l’espace de .vij. ans, et par les merites d’elle, Dieu, par la bouche du Saint Esperit, fist prophetizier sa servante, qui avoit nom Marcille, qui dist : « Beatus venter qui Te portavit, etc. », c’est a dire : « Benoit soit le ventre qui Te porta, etc. » Le benoit et doulx mot fu dit [64 r°] a la loenge de la glorieuse Vierge Marie. Et selon le dit de Ambrosius, ceste glorieuse Magdalene fut celle qui lava les piez de Nostre Seigneur de ses precieuses larmes et les nettoya de ses cheveulx et les oyndy de precieux onguement, et en temps de grace fist solennelle penitance de ses pechiés et aux piez de Dieu se seoit voulentiers pour oÿr ses parolles, et fut pres de la croix a sa Passion et enbasma son corps precieux dedens sa sepulture,
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62. procuresse (voir le texte n° 11).
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[64 v°] et ne se party point de Luy quant les apostres Le lesserent et a sa glorieuse Resurrection premier Lui aparut selon la Sainte Escripture pour cincq raisons. La premiere fut pour la grant amour et dilection qu’elle avoit a Nostre Seigneur, et Lui a elle; secondement, affin qui montrast qu’Il estoit venu souffrir mort pour les pecheurs; tiercement, car ou royaume des cieulx, selon le dit de saint Mathieu, .xxjo., legieres femmes qui retour- [65 r°] -nent a grace par penitance precedent en paradis les sages; quartement, ainsy comme femme fut annuncement de mort, ainsy femme fut anuncement de vye et de la Resurrection Nostre Seigneur; quintement, la ou Nostre Seigneur congnoissoit que en la benoite Magdalaine avoit habondance de delictz, Il lui donna habondance de grace, car entre les apostres Il lui donna apostolique auctorité. Et aprés l’Ascension Nostre Seigneur, saint [65 v°] Pierre la recommanda a saint Maxime, lequel le amena en Prouvence par inspiracion divine, et sa suer Marie Marthe et son frere le Lazer, qui fut puis evesque de Marcelles, et pluseurs docteurs tiennent en opinion que son nom luy fut changié et que il fut appellé Julien, lequel repose au Mans moult saintement et fait incessamment miracles. ¶ En aprés, la benoite Magdalene, inspiree du Saint [66 r°] Esperit, preschoit le nom de Dieu ou temple devant le prince et la princesse du païs qui se tenoient en Avignon ou pallais, et le oÿrent voulentiers preschier et aussy fist tout le peuple du paÿs, et se esmerveilloient fort de la grande clergie qu’elle scavoit. ¶ Et ainsy comme le prince et la princesse estoient une nuyt en leur lit devisans ensemble de la Magdalene et de son grant sens et de sa grant beauté, la [66 v°] princesse dist a son mary en ceste maniere : « Sire, longtemps a que sommes mariez et ne povons avoir nulz enffans. Prions icelle belle femme la Magdalaine qu’elle prie Dieu pour nous et le cuer me dist que nous en avrons. » Adonc le prince s’y accorda et proposa de parler le matin, lui et sa femme, a la Magdalene, et ainsy ilz s’endormirent; et quant ilz furent endormis, la Magdalaine leur apparut tant belle et tant reluisant [67 r°] que c’estoit merveille a veoir, et leur dist : « Mes amys, il n’y a pas long temps que vous croyés au saint prophete Jhesucrist, et se vous voulés aller visiter son saint sepulcre et les sains lieux de sa Passion, et vous le voulez ainsy promettre, vous arés des enffans. » Et ainsy elle se departy; et quant iceulx furent esveilliez, ilz dirent leur vision l’un a l’autre, et furent tres joyeux et loerent et mercierent Nostre Seigneur, [67 v°] et firent leur veu ainsy que il leur estoit commandé de la Magdalene. Et ainsy la dame fut grosse et conceut ung beau filz, et le matin, le prince vint au temple la ou il trouva la Magdalene et l’honnoura grandement, et le prya de aler au pallays pour veoir la princesse sa femme, lesquelz avoient a parler a elle de certains veux qu’ilz avoient fait; et elle, qui entendoit tout le fait, lui accorda et alla avec luy, [68 r°] et la princesse receut la Magdalene tresbenignement, et lui conterent leur vision et leur veu; et adonc la Magdalene leur dist : « Acomplissiés vostre veu et Dieu vous aidera, et ne vous desconfortés en chemin de chose qu’il vous advienne; et je vous bailleray lettres de saint Pierre, pour lors Pape de Romme, lequel vous adreschera et acompaignera et aidera en tous vos affaires; et je garderay vostre païs tant que
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vous serez retournés. » [68 v°] Et adonc le prince et la princesse le mercierent humblement et ordonnerent leur voyage, et firent faire une forte gallee et bonne et la firent garnir de tout ce que a ung prince appartenoit; et la princesse devint fort grosse, de quoy tout le pays fut fort resjoÿs, et a leur departement recommanderent tout leur affaire a la Magdalene, laquelle les convoya jusques a leur gallee et leur donna sa benediction. Et adonc se par- [69 r°] -tirent de Marcelle et vindrent a Aigremorte, et sejourna le prince ung pou, et puis se mirent sur la mer et eurent bon vent; et comme ilz s’en aloient nagant, la dolleur d’enffanter print la princesse et tellement que Dieu par les merites de la Magdalene lui ayda et eut ung beau filz, et se pauma la dame en la pame, tellement qu’elle sembloit ainsy que morte. Adonc le prince commença a faire sy grant duel que c’estoit pitié a le veoir, [69 v°] et en se complaignant a Dieu faisoit moult de piteux regretz a la Magdalene en disant que mieulx eust aimé que sa femme n’eust jamais eu enffant que elle feust ainsy morte, et que il convenoit que l’enffant morust de fain, car il n’y avoit femme avec la princesse qui eust let; et lors la tempeste de la mer se leva fort grande, et alors les mariniers dirent au prince qu’il failloit gecter en la mer le corps de la dame [70 r°] ou que la tempeste ne cesseroit point, ce qui lui tourna a grant dolleur. Et comme il faisoit ces piteux regretz, il regarda en la mer et vey une petite ylle ou il y avoit une grant roche, et dist aux mariniers qu’ilz tirassent celle part et qu’il metteroit illec le corps de sa femme, et ainsy le firent et vindrent vers la roche; et le prince descendy et cercha la roche la ou il trouva une place a couvert, et print le corps de la [70 v°] dame envolopé comme a son estat appartenoit d’un manteau d’ermines et le porta en icelle place couverte, et mist l’enffant soubz le manteau ez bras de la dame et le commanda a Dieu et a la Magdalene, et rentra dedens sa gallee. Et vint a saint Pierre qui estoit Pape de Romme et print sa benediction, lequel le resconforta grandement et le fist convoyer jusques en Jherusalem; et quant il eut acomply son veu, il se mist au retour et [71 r°] avoit grant espoir en la Magdalene qu’elle le conforteroit de sa grande adversité, et en passant au pres de la roche ou il avoit lessié sa femme, il dist au marinier qu’il vouloit aller veoir icelle place, car il avoit bien esté .x. moys en son voyage. Sy tirerent la nef vers la roche et comme ilz approchoient pres, le prince vey son enffant tout nu qui se jouoit sus le bort de la mer, et quant l’enffant les apperceut, il s’en fouy musser soubz le manteau [71 v°] de sa mere. Adonc le prince descendy a terre et le suivy et trouva la dame ainsy comme il l’avoit lessie aussy vermeille comme une rose, et se tenoit comme endormie, et leva le manteau d’elle pour veoir l’enffant qu’il trouva tetant sa mere, le plus bel enffant qu’il vey onques; et lors la dame commença a souspirer comme s’elle venist de dormir et se leva toute droite, et quant le prince la vey saine et en bon point, il se escrya de [72 r°] joye et se pauma sus la dame, et tous ceulx de la gallee coururent celle part plourans tous de joye qu’ilz avoient de veoir leur dame sy belle. Et quant le prince fut revenu de paumoison, il ne se povoit saouller de baisier sa femme et son enffant, et lui dist : « Or est temps de retourner en Jherusalem pour acomplir le veu que nous avons
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promis de faire ensemble, car je voy bien que Dieu et la Magdalene ont oÿ mes prieres. » [72 v°] Et lors la dame lui dist : « Mon amy, saches que quant le mal d’enffant me prinst, la Magdalene fut au prez de moy et me ayda a delivrer, et me mena avec vous et me monstra tous les lieux et places ou vous avés esté. » Adonc loerent Nostre Seigneur tous ensemble et rentrerent en la gallee et firent tant qu’ilz revindrent en leur pays, et illec avec tout le peuple rendirent graces a la Magdalene de la grant grace et miracle [73 r°] que elle leur avoit fait, et la benoite Magdalene les resconforta et amonnesta doucement de bien faire. ¶ Ung temps aprés, la Magdalene par inspiracion divine se party secretement du paÿs a cause de l’honneur et reverence que on lui faisoit, et aussy que Dieu vouloit qu’elle eust dorenavant la vye angelique plus que humaine. Elle oÿt parler d’un hermite qui demouroit en une haulte montaigne et [73 v°] vint celle part et trouva l’hermitage, et illec se mist en devocion vers Nostre Seigneur, et subitement vindrent les angeles qui le esleverent au hault d’icelle montaigne sus une roche ou il n’y croissoit ne arbre ne herbe ne nulle liqueur d’eaue ne autre substance pour soustenir la vye humaine, et la demoura par l’espace de .xxx. ans; et illec Nostre Seigneur le faisoit eslever ou ciel par les angeles sept fois le jour aux sept heures canoniaux, [74 r°] et quant elle avoit prins sa refection divine, les angeles le rapportoient a son propre lieu ouquel elle n’avoit nul appetit des biens corporelz. ¶ Quant le temps de .xxx. ans fut prez acomply, il y avoit ou pays ung saint prestre desirant mener vye solitaire et lessier le monde, et vint en icelle montaigne en l’hermitage qui estoit soubz la haute roche .xij. stadies, et illec servoit Dieu devotement, non sachant avoir [74 v°] par dessus lui une sy sainte voisine, mais souvent oyoit douce melodie d’angeles et prioit Dieu souvent qui Lui pleust de sa grace lui denoncer quelle melodie c’estoit. Adonc Nostre Seigneur, vuellant monstrer la gloire de la benoite Magdalene, souffry que le saint homme veist les angeles qui eslevoient la glorieuse Magdalaine aux cieulx et dedens une heure le rapportoient, et aprés ceste vision glorieuse s’en ala devers la roche; [75 r°] et quant il fut pres de la roche, le corps, les membres et les jambes lui faillirent, et pensa que Dieu ne vouloit point qu’il montast plus haut et s’en retourna, et s’en retournant il sentoit ses jambes et ses cuisses fortes, mais en montant lui dolloient. Et aprés ce qu’il y eust allé par deux ou trois foys en telle maniere, il pensa que il y avoit sus la roche aucune chose divine et que ce ne estoit pas le plaisir de Nostre Seigneur [75 v°] que nul homme humain y allast; et lors le saint hermite en appellant le nom de Dieu se escrya a haute voix et dist : « Je te conjure de par Dieu que se tu es chose de par Dieu qui habites en celle haulte roche, que tu parles a moy. » Et fist sa conjuracion par trois fois, et a la troizime, la benoite Magdalene lui respondy : « Mon amy, approche plus pres, et ce que ton ame desire, tu en savras la verité. » Et lors en grant de[76 r°] -vocion et freeur, il approcha jusques a my voye du gect d’une pierre, et lui sembloit que la voix qui parloit a lui estoit plus angelique que humaine, et ne veoit rien sy non lumiere; et la Magdalene lui dist : « Mon amy, as tu point de souvenance de l’Euvangille qui fait mencion de la renommee pecheresse qui lava les piés de
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Nostre Seigneur de ses larmes et nettoya de ses cheveux, et eut remission de ses pechiés ? » Adonc le saint [76 v°] hermite [dist] : « J’ay bien souvenance de tout ce que tu me dis, et aussy l’Eglise en fait mencion passé a plus de trente ans. » Lors dist la Magdalene : « Je suis celle que je te dys et ay esté ycy trente ans, et ay esté eslevee des angles aux cieulx chascun jour par sept foys aux .vij. heures canonialles en grant melodie et jubilacion; et maintenant, il m’est revelé de Dieu que je departe de ce siecle, et pour ce va a saint Maxime et tu le trouv- [77 r°] -ve ras au colliege que le prince de la terre fist ediffier en mon nom quant sa femme eut enffant, et lui dy que dimence a l’heure de matines, je seray portee en l’eglise par les angeles et seray en son oratoire, et qu’il vienne vers moy seurement, car illec je receveray le precieux corps de Nostre Seigneur. » Adonc l’hermite se party et alla vers saint Maxime, et lui conta tout ce que la benoite Magdalene lui avoit commandé, [77 v°] et adonc saint Maxime, remply de joye, rendy graces a Nostre Seigneur; et le dimence aprés ensuivant alla en son oratoire ainsy qui lui estoit commandé, et cellui dimence, les angeles apporterent la benoite Magdalene en l’oratoire de saint Maxime, laquelle estoit entre les angeles eslevee en l’air par l’espace de deux coutees de hault. Et quant saint Maxime perceut la Magdalaine entre les angeles, il fu tout ravy de joye, [78 r°] et la Magdalene lui dist : « Approche toy, frere et amy, et prens congié de ta fille. » Et ainsy que il est contenu en la vie saint Maxime, il dit que la face de la glorieuse Magdalene reluisoit comme le solail de la continuelle et journelle vision de Dieu et des angeles. Et lors saint Maxime assembla tout le clergé et tous les prestres de l’eglise en grant solemnité, et se revestirent des ornemens d’eglise et aporterent [78 v°] a grant reverence le precieux corps Nostre Seigneur a saint Maxime, lequel le bailla a la Magdalene, laquelle le receut en larmes sy saintement et sy reveramment que nul ne le sçaroit raconter, et fut le corps d’elle couvert de lumiere par l’espace d’une demy heure et sa precieuse ame s’en alla ez cieulx en tres grant jubilacion; et adonc tant bon odeur party de son corps que toute l’oratoire en senty bon par l’espace de [79 r°] sept jours, et tous ceulx qui venoient visiter le saint corps, qui avoient aucune maladie, estoient garis de celle douce odeur. ¶ Aprés, saint Maxime fist enbamer son saint corps en icelle place honnourablement, et en yssit sy douce huille de sa byere que a tousjours en sera memoire; et quant saint Maxime morut, il se fist mettre en sepulture au prez d’elle, ainsy qu’elle lui avoit commandé en vision, [79 v°] et fist pluseurs miracles et fait incessamment. Et entre les autres, l’escripture presente fait mencion d’un chevalier qui tous les ans visitoit la sepulture de la benoite Magdalene en grant devocion, mais il estoit plain de vices et amoit guerres et batailles. Advint qu’il se trouva en une bataille ou il fut occys, et aprés la bataille finee, ses parens le trouverent mort, lesquelz firent grant duel pour ce qu’il estoit mort sans confession, [80 r°] et par grant devocion le recommanderent a la benoite
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207. Omis par le scribe (restitution de nature hypothétique).
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Magdalene; et incontinent qu’ilz l’eurent recommandé, le chevalier se leva soudainement devant eulx tous et leur dist : « Mes amis, envoyés querir ung prestre, car j’ay esté devant Dieu le grant juge, et estoye damné perpetuelement se ne fust la glorieuse Magdalene qui prya Dieu pour moy que il Lui pleust rappeller sa sentence; et Nostre Seigneur lui dist que moy et [80 v°] tous ceulx qui le serviroient aroient confession a leur fin et la joye pardurable. » Et quant le prestre fut venu, le chevalier se confessa moult devotement, et puis rendy l’esperit aussy doucement comme s’il dormist et s’en ala en la gloire de paradis, en laquelle Dieu vyt et regne per eterna secula. Amen.
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Cy fine la vye de Marie Magdalene
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21. Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. fr. 4464, f° 149 r° - 154 r° Le manuscrit nouv. acq. fr. 4464 de Bibliothèque nationale de France à Paris reproduit une version de la légende de Marie-Madeleine qui ne se retrouve dans aucun autre exemplaire répertorié. Il s’agit d’une entreprise du XVème siècle, période de fabrication du volume lui-même, rédigé sur 237 feuillets en papier de ca 205 x 140 mm (une colonne de 36 lignes par page), en écriture cursive gothique1. Le recueil, acéphale et privé de sa fin, commence par divers récits traitant surtout de l’enfer et du purgatoire (dont le Purgatoire de saint Patrice), suivis d’un légendier, puis de textes de nature essentiellement spirituelle et morale (entre autres, les Méditations de saint Bernard et une pièce intitulée « Jean de Clari »). Le début des textes est signalé par une rubrique et par une initiale de couleur rouge. Les articulations sont marquées par des pieds-de-mouches et des lettres rehaussées. Dans la partie hagiographique du manuscrit, de nombreuses citations latines sont soulignées en rouge. Le copiste, apparemment unique, pratique quelques picardismes, mais le manque général de relief de la scripta ne permet pas d’élever ces traits, isolés et souvent superficiels, au rang de véritables indices2. La composition du légendier tend toutefois à renforcer l’idée d’une provenance septentrionale. Les folios 25 r° à 218 r° du volume contiennent en effet une septantaine de vies de saints, toutes classées dans l’ordre du calendrier liturgique3 ; 60 d’entre elles semblent tirées de la Légende dorée4 et neuf sont étrangères au fonds commun. Outre la longue vie de Barbe placée au début de la section hagiographique entre André et Nicolas (f° 19 r° - 55 r°), la Conception de la Vierge, la légende de Maur et la Fête du Sacrement (qui suit la Pentecôte), on y découvre des Peu visibles et distants de 37 - 38 mm, les pontuseaux sont disposés de manière longitudinale, ce qui donne à penser qu’on a plié chaque feuille, mise en position horizontale, par le milieu. Ce support comporte un filigrane, mais la densité et l’épaisseur de l’écriture, l’étroitesse des marges de même que l’emplacement où se situe la marque de fabrique (dans la gouttière) ne permettent pas d’identifier celui-ci et il n’est pas impossible qu’on ait affaire à plusieurs motifs. 2 Le Catalogue des manuscrits français, Nouvelles Acquisitions Françaises II, Nos 3061 - 6500, par H. Omont, Paris, Ernest Leroux, 1900, pp. 193 sq., le considère pour sa part comme une compilation picarde ou flamande. 3 Seule l’histoire d’Alexis a été déplacée (elle figure à la fin de la partie hagiographique, après la Dédicace de l’Église). 4 André, Barbe, Nicolas, (Conception Marie, Fuscien et Victoric), Thomas, Nativité du Christ, Étienne, Jean l’Évangéliste, Les Innocents, Thomas de Cantorbéry, Circoncision du Seigneur, Épiphanie, (Invention de Firmin), Antoine, (Maur), Vincent, Conversion de Paul, Julien, Purification de la Vierge, Chaire de Pierre, Mathias, Grégoire, Patrick, Benoît, Annonciation, Passion, Résurrection, Georges, Marc, Jacques le Mineur, Invention de la Sainte Croix, Jean devant la Porte Latine, Litanies majeure et mineure, Ascension, Envoi du Saint-Esprit, (Fête du Sacrement, Honoré), Barnabé, Jean-Baptiste, Pierre, Paul, Marguerite, Marie-Madeleine, Jacques le Majeur, Christophe, Pierre-aux-Liens, Invention du corps d’Étienne, Laurent, Assomption de la Vierge, Barthélemy, Décollation de Jean-Baptiste, (Firmin le confesseur), Gilles, Nativité de la Vierge, Exaltation de la Sainte Croix, Matthieu, (Firmin, martyr), Michel, Denis, Luc, Simon et Jude, Quentin, Fête de tous les saints, Commémoration de tous les fidèles, Martin, Clément, Catherine, Dédicace de l’Église, Alexis (les entrées placées entre parenthèses sont celles qui ne figurent traditionnellement pas dans la Légende dorée). 1
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saints particulièrement honorés dans la région amiénoise : les martyrs de la ville Fuscien et Victoric, l’évêque Honoré et les saints Firmin, auquel le légendier réserve trois entrées (« Le invencion saint Fremin [martyr] », f° 81 r° ; « Saint Fremin le confesseur », f° 174 v° ; « Saint Fremin le martir », f° 185 r°). La présence de ces pièces dans un recueil par ailleurs fortement élagué en place sans doute l’élaboration dans le Nord5. La vie de Marie-Madeleine se trouve entre celles de Marguerite et de Jacques le Majeur. Elle nous offre une version raccourcie du récit de Jacques de Voragine. Font en effet défaut l’exposition du nom de la sainte, les propos attribués à Hégésippe, l’histoire de la découverte et de la translation des reliques à Vézelay, le miracle du naufrage, l’allusion au mariage avec Jean l’Évangéliste et le miracle du prisonnier libéré. Le récit concentre le propos de la Legenda aurea. Dans une volonté manifeste de synthèse, l’auteur évite toute répétition. Ce choix motive la suppression du paragraphe sur Hégésippe, mais aussi celle des paroles de saint Ambroise qui raconte à nouveau l’onction du Christ. De même, le narrateur abrège l’apostrophe de Marie-Madeleine lors de sa troisième apparition nocturne, qui répète celle de la première nuit6 (« etc., come devant », l. 56, cf. § 49 - 52) ou suspend le rappel de sa vie par la sainte à l’ermite (l. 150, « etc. », cf. § 145). Bien d’autres procédés dénotent ce souci d’économie par rapport à la version latine, sans qu’on puisse déterminer si un projet précis motive ces interventions. L’auteur resserre ainsi systématiquement la relation des événements ou écourte les propos des personnages grâce à l’utilisation du discours indirect. S’il conserve la structure de l’histoire, il omet souvent de brefs passages, supprimant tantôt des segments de peu d’importance dans le déroulement du récit, tantôt des éléments hérités de la tradition biblique7 ou rattachés au monde religieux8. Cette tendance est contrebalancée par quelques ajouts dans lesquels on sent parfois le désir d’expliquer ou de justifier. Le narrateur tient ainsi à préciser que Lazare, le Ladre, n’était pas lépreux9 ou que l’aveugle se rend en pèlerinage pour recouvrer la santé, par exemple. On notera encore l’importance accordée aux pauvres dans cette version : elle se traduit par la précision que Marie-Madeleine, Marthe et Lazare donnent leur argent aux apô5 Un des textes moraux placés à la fin du recueil révèle quant à lui un lien avec l’évêché de Cambrai : « Comment Nostre Seigneur herbega ung homme qui volentiers herbegoit povrez gens come de digne audience. Nous lisons qu’il y eust en l’evesquiet de Cambray ung preudomme lay qui avoit a nom Jehan (...) » (f° 228 r°). 6 La première adresse à la dame de Marseille anticipe du reste certains éléments contenus dans le propos que la sainte adresse au mari lors de la troisième vision, au contraire de la version latine. 7 Ainsi, par exemple, l’évocation des sept démons chassés de Marie-Madeleine par le Christ, les reproches successifs du pharisien, de Marthe et de Judas à l’égard de la sainte, les pleurs de Jésus, etc. 8 On pense notamment à la précision concernant la mission des apôtres de répandre le message chrétien après qu’ils se sont séparés. Au « prince de Marseille », Marie-Madeleine n’allègue pas le soutien qu’elle trouve dans les miracles accomplis par Dieu et dans la prédication de saint Pierre ; à son départ, le pèlerin ne reçoit pas le signe de la croix sur son épaule et lorsque Pierre l’accueille, il ne lui rappelle pas que Dieu donne et reprend selon sa volonté, etc. 9 Voir aussi le n° 13.
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tres « pour distribuer aux povres » (l. 12, cf. § 21), par la désignation des chrétiens débarqués à Marseille au moyen de l’expression, héritée de la Lettre aux Corinthiens (I, 6, 15), « les povres membres de Dieu » (l. 46 sq., cf. § 43), ou par l’évocation de la menace au « prince de Marseille » de mourir « en dampnacion » (l. 48, cf. § 51) s’il n’héberge pas ces derniers et ne se convertit pas10. Les remaniements qui infléchissent le texte, la liberté de certaines tournures en comparaison du modèle auquel il se réfère donnent tout lieu de penser que nous n’avons pas affaire à une traduction directe de la Legenda aurea mais, comme dans d’autres rédactions de cette période, à l’adaptation d’une version déjà traduite. La comparaison avec les autres récits français dont nous disposons ne laisse toutefois pas apparaître de récurrences significatives. L’auteur recourt dès lors à un lexique et à des formulations ou tours de langage représentatifs de l’usage contemporain (peut-être innovateurs, dans certains cas, mais à l’abri des influences qu’un support latin aurait pu exercer sur lui). L’écart éventuel avec son archétype, en raison par exemple de son effort de condensation, ne peut toutefois être mesuré. De fait, si certains vocables méritent d’être signalés, c’est en raison seulement de leur faible représentation dans les dictionnaires de la langue médiévale : contemplativement (l. 130 ; cf. § 130) ; decepcion (l. 43), « tromperie » ; deffier soi d’aucune rien (l. 196, rare au réfléchi, même si le verbe est courant en tant que tel ; cf. § 199, rependis ?)11 ; delitez (l. 10 ; deliciæ, § 20), dont ils ne mentionnent que trois exemples12 ; distribuer (l. 12 ; même formule que dans le n° 20) ; informer (estre informé d’aucune rien, l. 68 ; cf. § 67) ; necessairement (l. 72 ; omnibus necessariis, § 76) ; notablement (l. 39 et 170), dépourvu À une autre échelle, notons aussi l’insistance dont le recueil fait preuve à leur sujet. Ainsi, la deuxième pièce du volume (f° 3 r°, « De trois povrez que ung preudhome herbega qui puis le delivrerent des dyablez et des tour [coupé] deser [coupé] ») ou les miracles (f° 228 r° à 230 v° et 233 r°, « Comment Nostre Seigneur herbega ung homme qui volentiers herbegoit povrez gens come de digne audience », « Comment Nostre Seigneur s’apparut tout crucefiet a ung chevalier. Une noble dame fust qui moult avoit grant pité des povres (... ) », « D’ung hermitte qui fust devouré de bestes et d’ung usurier qui ot grant honneur a sa mort », « D’ung riche homme dur et avers qui puis donna quanques il avoit pour l’amour de Dieu dinge de audience ») et l’« Exemple sur avarice » (f° 231 v°) placés à la suite du légendier thématisent chacun à sa façon le motif de la pauvreté et l’idée de charité ou d’avarice (à travers la figure de l’usurier, notamment). La présentation des parents de saint Alexis et la conclusion de cette légende en fournissent un autre exemple : « Nous lisons en la vie des sains d’ung saint qui fust filz au plus hault prince de la court a l’empereur de Romme, qui avoit a nom Euffemien, et avoit trois millez jouvenceaulx devant lui chains de chainctures d’or et vestus de robes de soyes qui le servoient. Cest Euffemien estoit de moult sainte vie et avoit tous les jours en sa maison trois tablees de povrez orphelins, de pelerins et de povres vesves qu’il servoit moult doulcement et devotement, et de autelle vie estoit aussy sa femme qui avoit a nom Agalais (...) » (f° 215 v°) ; « Or poés veoir comme glorieuse chose que povreté et pacience et comme l’ame est honoree en paradis dont le corps fust sy honoré. En terre il fait bon souffrir pour mieulx avoir. Amen » (f° 218 r°). 11 Sur ce passage à l’évidence problématique pour nos traducteurs, voir les commentaires dont nous avons assorti leurs tentatives, en particulier pour les n° 10, 14 et 17. La citation des Miracles de Nostre Dame de Chartres, qui fournit au TLF la date de la première occurrence de cette construction (ca 1262), est en fait la seule dans Tobler-Lommatzsch (Godefroy reproduit un autre exemple, ambigu, qu’il attribue au réfléchi mais qui relève plutôt de l’usage intransitif). 12 Celui de Godefroy pourrait être le plus ancien, mais il semble propre à l’un des manuscrits du Roman d’Alexandre. Les deux citations de Tobler-Lommatzsch appartiennent au XIVème siècle. 10
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de correspondant dans le premier cas (le texte latin donne dans le second honorifice, cf. § 160) ; reveramment (l. 193 ; cf. § 197), variante datée par le FEW (revereri, X, col. 355 a) entre 1376 et 154413 ; serpente (l. 45 et 55 ; § 48) ; solitairement, dont nos instruments ne livrent qu’une seule occurrence (l. 136 ; solitariam vitam, § 134)14 ; temporel (l. 10), qui n’est guère employé comme substantif et l’est peutêtre ici dans une acception proche de celle que le TLF et le FEW relèvent, l’un en date de 1330, l’autre de 1497 (« revenu qu’un ecclésiastique tire de son bénéfice » ; ici, moins spécifiquement, « revenu ») ; visiblement (l. 139 ; evidenter, § 135) ; enfin, la locution estre en estat d’aucune rien faire (l. 74)15. Aucun de ces termes ou de ces tournures ne nous met toutefois sur la moindre piste susceptible de révéler l’origine de l’adaptateur. Un mot reste quelque peu énigmatique : ez, dans la locution prépositionnelle a ez (l. 158 ; concitus, § 151), « en hâte », nous semble provenir du latin ipse et se rattacher à deux autres expressions mentionnées dans nos outils, estre a es d’aucun et venir a esse de16. Enfin, on peut noter la prédilection que le texte indique pour la périphrase infinitive dont le verbe aller fournit le support (« il alla mouvoir sy grant tempeste », l. 78 ; « il va apperchevoir ung tertre en maniere d’ung isle et va considerer », l. 85 ; « le prince va rendre graces a Jhesucrist et a Marie Magdalene et va dire », l. 107 ; « Et lui va racompter tous les lieux ou ilz avoient estés », l. 117, etc.), particularité qui se retrouve dans le n° 26.
13 Mais que l’on peut anticiper quelque peu, si l’on en croit l’exemple – unique – cité par Tobler-Lommatzsch (toujours selon le FEW, reveremment apparaîtrait à peu près au même moment, tandis que reveraument serait plus tardif). 14 Dans la Bible de Herman de Valenciennes. Il est toutefois difficile d’établir s’il provient du texte « original » ou s’il ne représente qu’un avatar du manuscrit (picard, de la fin du XIIIème siècle) employé par Godefroy, cas de figure le plus plausible (cet adverbe ne semble en tout cas pas figurer dans l’édition I. Spiele, mais celle-ci n’est pas assez riche pour permettre une collation aisée ; cf. Li romanz de Dieu et de sa mere d’Herman de Valenciennes, chanoine et prêtre (XIIe siècle), Leyde, Presse universitaire de Leyde, 1975. 15 Cette expression n’est pas datée par le TLF et les attestations compatibles avec elle que le FEW nous procure sont tardives (cf. status, XII, col. 249 a - b). 16 Cf. Tobler-Lommatzsch, III, col. 786, et FEW, ipse, IV, col. 807 a (ainsi que la note à la col. 810 a).
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[149 r°] Marie Magdalene
Marie Magdalene fust de noble lignie et descendist de lignie royal. Son pere ot
nom Sycus et sa mere Eucharia. Marie Magdalene ot ung castel qui ot nom Magdalon et de ce lui vint le nom de Magdalene; et elle ot ung frere qui ot nom le Ladre, et non [149 v°] point qu’il fust ladre, sy ot une soeur qui ot nom Marthe. Aprez le mort de leur pere et de leur mere, ilz partirent leurs biens et heritages, et ot le Ladre a se part une partie de le cité de Jherusalem, et Marthe ot Bethanie, et Marie Magdalene ot le castel de Magdalon pour le quel elle fust Magdalene. Le Ladre sy poursievit l’estat de chevalerie et Marthe leur gouvernoit tout leur temporel, et Marie Magdalene mist tout son tamps et jonesse es delitez mondaines, maiz quant ce vint aprez l’Ascencion, ilz vendirent tout et porterent l’argent aux apostles pour distribuer aux povres. Le conversion Marie Magdalene fust par grace divine, car une fois elle oÿt parler que Nostre Seigneur Jhesucrist disnoit en l’hostel de Symon le Lepreux, et lors elle alla achetter ung precieux ongnement et puis s’en alla en l’hostel de Symon le Lepreux; et adonc elle considera qu’elle estoit sy pecheresse qu’elle n’estoit point digne de seoir avec les aultrez, mais elle s’en alla seoir derriere Jhesucrist a ses piés et commencha a plourer et gemir ses pechiés et a requerir merchy a Jhesucrist, et sy tenrement ploura et a sy grant habondance qu’elle lavoit les piés de Nostre Seigneur de ses larmes, et puis les essuoit de ses cheveux, et puis aprez elle les oindit d’ung precieulx ongnement; et adonc Jhesucrist veant se grant amour et se grant contricion, sy lui pardonna tous ses pechiés, et depuis la en avant elle L’ensievit, et tant que pour l’amour d’elle, Il ressuscita le Ladre son frere, et sy garit Marthe se soeur du flux de sang de quoy elle avoit esté malade sept ans, et Marcelle le chambriere Marthe qui pour l’amour de le Magdalene fust sy inspiree qu’elle dist : « Beatus venter qui Te portavit, etc. ». ¶ Aprez l’Ascencion de Nostre Seigneur Jhesucrist, au .xiiij. an aprez, lez juiz bouterent hors de Jherusalem et de Judee tous les crestiens [150 r°] et par especial les apostles et disciples de Jhesucrist, entre lesquelz estoit saint Maxime qui estoit ung des .lxxij. disciples de Jhesucrist, au quel saint Pierre quant il se partit de Jherusalem avoit recommandé Marie Magdalene. Adonc en celle persecucion, Maxime, le Magdalene, le Ladre, Marthe et se bonne chambriere Marcelle et Cedoine, qui avoit esté avugle des se nativité, lequel Nostre Seigneur enlumina, tous les dessus nommés et pluseur aultrez crestiens furrent mis en ung vaissel en le mer sans gouvernement pour les noyer, mais par le grace de Dieu, ilz arriverrent au port de Marcelle; et quant ilz furrent descendus en le cité, ilz ne trouverrent
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2. La première ligne du texte est écrite à l’encre rouge. – 11. maiz quant ce vint aprez l’Asc.] lecture incertaine pour le troisième mot. – 21. contricion] terme bissé (la première occurrence a été tracée à l’encre rouge).
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oncques qui les vaulsist logier et s’en alerrent logier au portail du temple de le cité le mieulx qu’ilz porrent. Et quant ce vint l’endemain que le peuple vint au temple pour faire sacrefice aux ydolles, Marie Magdalene leur commencha a preschier le loy de Jhesucrist, et s’esbahissoient de ce qu’elle preschoit sy notablement et sy fermement come se ce fust ung homme. ¶ Il advint que le prince de Marcelle et du paÿs vint au temple pour aourer les dieux et pour leur requerir que sa femme peust concepvoir lignie. Marie Magdalene sy leur prescha le loy de Jhesucrist et le decepcion de leurs ydolles, mais c’estoit neant, car ilz ne voloient point aultre loy que le leur. Quant Marie Magdalene vid qu’ilz ne voloient croire en Jhesucrist, adonc elle s’apparut en vision a le femme du prince et lui dist : « O tu serpente qui dors entre draps de soye avec ton mari et vis en grans delices et se laisses les povres membres de Dieu morir de fain et de froit, diz, diz a ton mari qui leur faiche aulcun bien et qu’il se convertisse, ou sy non il morra en dampnacio[n] ! » Et tantost le Magdalene si se departist, maiz la dame ne l’oza dire a son mari. Aprez le Magdalene sy s’apparut de requief le nuyt ensievant a la dame et lui dist [150 v°] comme dessus qu’elle deist a son mari aussy come elle lui avoit dist, mais elle ne lui oza dire. Aprez le Magdalene sy s’apparut le nuyt ensievant a tous deux ensamble et leur dist ainsy comme s’elle fust courchie, et sambloit que ce fust de son viaire feu ardant, et leur dist : « O tu tirant, membre de Sathan, dors tu avec te serpente, ta femme, qui ne t’a volu dire et remonstrer mes parolles ? O tu qui dors entre draps de soye », etc., come devant. Adonc le prince et sa femme furrent moult esbahis de celle vision. Adonc pour le paour de l’ire de Jhesucrist, de quoy Magdalene preschoit, ce prince et sa femme logerrent Marie Magdalene et ceulx qui estoient avec elle en leur palais, leur administrerent leurs necessités, et Marie Magdalene leur preschoit le loy de Jhesucrist; et tant que une fois, le prince demanda a Marie Magdalene s’elle volloit bien deffendre le loy qu’elle preschoit, et adonc elle lui respondit qu’elle le soubstenroit jusques au morir. Adonc le prince lui va dire que s’elle pooit tant faire que sa femme conchupt ung filz, qu’il se feroit baptisier et sa femme aussy et cresroient en Jhesucrist. Adonc Marie Magdalene dist que pour tant ne demourroit mye. Adonc Marie Magdalene fist se priere a Jhesucrist que la dame peust concepvoir ung filz, et lors dedens bien peu de tamps, la dame conchupt ung filz; et quant elle fust grosse, le prince vid bien que le priere Marie Magdalene estoit essauchie, et pour estre plus fermement informé de le loy de Jhesucrist, il vault aler a Romme ou saint Pierre estoit, car le Magdalene lui avoit dist qu’il estoit pape de Romme et qu’il preschoit le loy de Jhesucrist. Adonc le prince fist appareillier une nef et y fist mettre tout ce qu’il lui falloit ne- [151 r°] -ces-
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40. come ce se ce fust ung homme (lecture incertaine pour le deuxième mot, constitué de deux lettres, tracées). – 46. et se laisses] le deuxième mot est formé de deux ou trois lettres dont la dernière pourrait être un e – au point de vue syntaxique et sémantique, on admettrait sans difficulté tu, mais cette suite de caractères revêt une apparence trop éloignée, et un terme grammatical comme ne ne s’intégrerait pas dans cette partie de la phrase. – 48. Le scribe a oublié l’abréviation sur la dernière syllabe de ce mot.
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sairement. Adonc quant le dame vid que son mari voloit aler a Romme, elle dist que vraiement elle yroit avec lui. Adonc son mari lui dist qu’elle n’estoit mye en estat de soy mettre en mer et qu’elle estoit trop grosse, et les perilz sont trop grans en mer, et elle dist que sans faulte, elle iroit avec lui ou qu’il allast. Quant le prince vid qu’il n’y pooit mettre remede, il s’y acorda. Adonc ilz baillerrent a Marie Magdalene tout leur hostel en gouvernement jusques ad ce qu’ilz revenroient, et adonc ilz se mirrent au vaissel; et quant ilz furrent bien avant en mer, il alla mouvoir sy grant tempeste qu’ilz cuiderrent tous estre noyez. Lors le femme, qui estoit moult grosse, sy se effrea de paour et tant qu’elle enfanta ung filz et puis elle morut. Adonc le prince fust moult courouchiet et commencha a dire : « O Magdalene, pour quoy te crus je oncques, ne que me vault te priere se ma femme a eu ung enffant ? Puis que la mere est morte, il convient que muyre l’enfant, car il n’est mye en lieu ou puist avoir nourrice. » Et ainsy que le prince disoit ces parolles en moult grant doeul, il va apperchevoir ung tertre en maniere d’ung isle et va considerer qu’il valoit mieulx que le corps de se femme y fust porté qu’il fust jettés en le mer et l’enffant aussy. Adonc il fist tant aux maronniers qu’ilz arriverrent en celle ysle. Adonc ilz mirrent le corps mort hors de le nef, mais ilz n’y porrent oncques faire fosse pour ce que c’estoit toute roche. Adonc ilz mirrent le corps au plus secret lieu qu’ilz porrent et puis mirrent l’enfant entre ses mamelles, et s’il pooit vivre, qu’il vesquit, et puis le prince mist son mantel sur le femme et sur l’enfant et les commanda en le garde de Marie [151 v°] Magdalene; et puis se mirrent en le nef et s’en alerrent a Romme, et quant ilz furrent descendus a terre, le prince s’en ala tantost par devers saint Pierre et lui dist tout son fait et toute se fortune. Adonc saint Pierre le reconforta moult doulcement et lui dist qu’il eust bonne esperance en Dieu et que ainçoire lui feroit Il grace. Adonc saint Pierre le mena en Jherusalem et lui monstra le lieu ou Jhesucrist fust crucefiet et le sepulchre ou Il fust mis et le lieu dont Il monta es cieulx, et tous les sains lieux d’oultremer, et puis s’en retournerrent a Romme; et quant saint Pierre l’ot bien introduit en le loy de Jhesucrist par l’espace de deux ans et qu’il fust baptisiet, adonc il print congiet de saint Pierre et s’en revint a Marcelles, et d’aventure ainsy que Dieu le voloit, ilz arriverrent en le ysle ou ilz avoient laissiet le dame, et ainsy qu’ilz approchoient de celle isle, ilz vont veoir ung enffant qui estoit sur le rivage de le mer, et quant il les vid approchier, il s’en fuyt muchier soubz le mantel entre les bras de se mere; et adonc quant ilz furrent descendus, ilz alerrent tout droit au lieu ou ilz avoient mis la dame, et adonc ilz vont veoir l’enfant qui alaittoit les mammelles de se mere. Adonc le prince va rendre graces a Jhesucrist et a Marie Magdalene et va dire : « O tu, Marie Magdalene, je croy fermement que Jhesucrist par tes merites sy a gardé cest enffant par l’espace de deux ans. Aussy je croy ferment qu’Il peust ressusciter la mere, et pour ce, doulce Marie Magdalene, je te
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110. et pour doi ce (les trois lettres que nous n’avons pas reproduites dans le texte ont été tracées à l’encre brune).
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supplie que tu voeullez prier Jhesucrist qu’Il ressuscite la mere. » Et tantost qu’il ot dist ces parollez, le dame commencha a respirer aussy come s’elle se esveillast de dormir, et va dire : « O tu, glorieuse Marie [152 r°] Magdalene, moult es de grant meritte qui a mon enfantement m’a secourue et aidye ! » Et adonc le prince lui demanda s’elle estoit vive. « Oÿ », dist elle. « Ainsy que saint Pierre vous a mené par tous les sains lieux d’oultremer, aussy Marie Magdalene sy m’a mené par tout les sains lieux ou vous avés esté. » Et lui va racompter tous les lieux ou ilz avoient estés, et puis il crust bien qu’elle y avoit esté. Adonc ilz loerrent et merchierrent Jhesucrist et Marie Magdalene, et puis se mirrent en le nef et en brief tamps ilz arriverrent a Marcelles, et quant ilz furrent descendus, ilz trouverrent le Magdalene qui preschoit. Adonc ilz se laisserrent queir a ses piés et lui racompterrent tout leur fait. Adonc ilz crurent fermement en Jhesucrist et se firrent baptisier a saint Maxime, et firrent tantost destruire tous les ydolles de le cité et edefierrent esglises en l’onneur de Jhesucrist, et ordonnerrent le Ladre evesque de Marcelles, lequel Nostre Seigneur avoit ressuscité. ¶ Aprez Marie Magdalene sy s’en ala en le cité de Aez en Prouvence et y convertit le peuple de le cité, et ordonnerrent tous par accord Maxime evesque de le cité, le quel estoit venus avec Marie Magdalene d’oultremer et fust ung des .lxxij. disciples de Jhesucrist. ¶ Puis Marie Magdalene sy ot devocion de laissier le monde pour vivre plus contemplativement et s’en alla en ung desert ou elle fust .xxx. ans et estoit en une fosse ou elle faisoit se penitance, et en ce desert n’avoit ne arbres ne herbes ne yaues, mais elle y vivoit de le grace de Dieu, car chascun jour, les angles le visetoient sept fois de jour et de nuyt, et le portoient hault en l’air et y estoit bien une heure chascune fois, et puis ilz le raportoient en [152 v°] son lieu, et ainsy elle vivoit par l’aministracion des angles sans aultre pourveance. ¶ Aprez il advint que ung prestre ot devocion de vivre solitairement et s’en ala en ung desert et fist son habitacion environ ung trait d’abalestre loingz du lieu ou estoit Marie Magdalene, et une fois, il advint que Dieu lui vault reveller le lieu ou estoit se bonne amye Marie Magdalene, et tant qu’il vid visiblement les angles descendans du ciel et montans, et Marie Magdalene entre eulx; et adonc il lui fust adviz que en ce lieu avoit aulcunn saint preudomme et pour ce, il s’en approcha et ala jusques au pres de la fosse aussy comme a ung jet de pierre, et quant il fust ainsy pres, il ot paour et n’osa approchier pres de le fosse, et adonc il va dire a haulte voix : « Tu qui habitez en ce lieu, je te conjure ou nom de Dieu tout puissant, se tu es homme ou femme ou creature raisonnable, que tu le me diez. » Et quant il ot ce dist par trois fois, Marie Magdalene sy l’appella et lui dist qu’il approchast hardiment plus pres et elle lui diroit la verité de ce qu’il demandoit. Et quant il fust bien pres de le fosse, Marie Magdalene lui va demander : « As tu point souvenance de l’Euvangille qui fait mencion d’unne femme qui s’appelloit Marie le pescheresse, qui vint a
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130. en ung desert] ung est bissé (la première occurrence, qui prend la forme un, a été tracée à l’encre rouge).
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Jhesucrist par grant contricion et Lui lava ses piez de ses larmes, etc. – Oÿ », dist le prestre, « j’en ay bien souvenance. – Je suys », dist elle, « celle qui lez lava et ay esté trente ans en ce desert sans veir homme ne femme, maiz par chascun jour j’ay esté visetee .vij. fois des angles ainsy que veis hier; et pour ce que je doy bien brief transsir de ce monde cy [153 r°] en l’aultre, car Jhesucrist sy m’a revellé, pour ce je te prie que tu voises a saint Maxime et que tu luy dies qu’il voist demain au matin tout seul en son oratore a heure qu’il a acoustumé a aler as matines, et la il me trouvera affin que je soye administree du precieulx corps de Jhesucrist. » Adonc le prestre s’en alla a saint Maxime a ez et lui dist tout le mistere et le vision, et adonc le saint preudomme saint Maxime rendit graces a Dieu en moult grant consolacion. Et l’endemain au matin, il s’en alla en son oratore et la, il trouva Marie Magdalene entre les angles eslevees bien deux braches en hault, lez mains joinctes et levees en hault; et quant saint Maxime vid ce mistere, il se trayt arriere et n’osoit mye bonnement approchier, et adonc Marie Magdalene lui dist : « Beau pere, approchiés hardiment, vous ne devés mye avoir paour de vostre fille. » Lors il approcha et adonc elle lui requist qu’il le vaulsist administrer du precieulx corps de Jhesucrist. Adonc le bon preudomme appella le prestre qui lui avoit anonchiet et pluseurs de ses clers et chapellains qui virrent le mistere et le administra du corps de Jhesucrist, et le rechupt en moult grant devocion et en tres grant habondance de larmes, et puis elle rendit son esprit a Dieu. Adonc saint Maxime fist son corps ensepvelir moult notablement en son esglise et quant il morut, il se fist enterer emprés elle. ¶ Il fust ung chevalier qui especialement amoit Marie Magdalene. Il advint qu’il morut en bataille et sans confession. Adonc ses amis en furrent moult dolens, et ainsy que on le portoit enterer, il y ot ung de ses amis qui disoit par moult grant devocion [153 v°] et affection : « Glorieuse Magdalene, comment as tu ainsy laissiet morir ton bon ami sans confession ? » Adonc le mort se leva et requist le prestre pour lui confesser, et quant il fust confessé, tantost il morut, et ainsy il fust sauvé par les merites de le glorieuse Marie Magdalene. ¶ Il fust ung avugle qui pour recouvrer se sancté aloit en l’esglise Marie Magdalene, et cellui qui le menoit, quant il approcha de l’esglise, il dist a l’avugle qu’ilz seroient tantost en l’esglise et qu’il le veoit bien. Adonc l’avugle si s’escria a haulte voix en disant : « Glorieuse Magdalene, je te prie que je puisse tant vivre que je voye ton esglise ! » Et tantost qu’il ot ce dist, il fust enluminé et ala en l’esglise sans mener. ¶ Il y ot ung aultre qui avoit moult grant devocion a le glorieuse Magdalene. Il mist ses pechiés en une cedulle et le mist soubz le touaille de l’autel Marie Magdalene, et puis il s’en alla mettre en orison en requerant a Marie Magdalene qu’elle lui vaulsist impetrer graces et pardons de leurs pechiez; et quant il ot fait son orison, il alla querir se cedulle et adonc, il trouva que tout estoit effachiet, par
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178. Il fust ung avugle (...)] le début de cette phrase est précédé d’un mot dont la lecture reste incertaine – peut-être Item, abrégé; cette suite de caractères a sans doute fait l’objet d’une reprise par le copiste qui, en définitive, l’a tracée.
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quoy il crut fermement que le glorieuse Magdalene lui avoit impetré remission de ses pechiés. ¶ Il fust ung clerc, le quel ot nom Estene, qui fust nés de Flandres, lequel s’estoit habandonné a tous vices et lui sambloit que Dieu n’aroit point merchy de luy pour ce qu’il ne faisoit nul bien et sy n’en voloit oïr parler. Touteffois il avoit coustume de jeuner tousjours le veille de le Magdalene et de sollempnisier se feste moult reveramment. Il advint une fois qu’il alla viseter l’esglise Marie Magdalene, et ainsy qu’il estoit devant l’autel en faisant son orison, la glorieuse Magdalene [154 r°] s’apparut a lui en vision acompaignie de deux angles, qui lui dist : « O Estiene, pour quoy te deffies tu de la misericorde de Nostre Seigneur Jhesucrist ? Lieve toy ! » dist elle, « et te confesse et te repens de tes pechiés, car de puis que tu as eu secours et devocion a moy, j’ay tousjours priet Dieu pour toy et point ne te laisseray. » Adonc le jone clerc clerc se confessa et amenda sa vie et s’en ala en religion et vesquit saintement, et quant il morut, Marie Magdalene fust veue a son trespas qui conduit son ame en le glore de paradis.
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22. Lille, Bibliothèque Municipale, Rig. 454 (350), f° 85 v° - 89 r° (foliotation moderne) Daté du XVème siècle par le Catalogue1, le manuscrit Rig. 454 (350) de la Bibliothèque municipale de Lille contient 91 pièces, classées pour la plupart dans l’ordre de l’année liturgique2. Il reproduit un choix de vies de saints extraites en partie de la Legenda aurea, qu’il mentionne explicitement à plusieurs reprises3. Celle de Véronique (f° 55 v°) et une Vengeance de Notre Seigneur (f° 66 v°) bénéficient chacune d’une entrée indépendante alors qu’elles sont d’habitude intégrées à la Passion du Christ et à la vie de saint Jacques, qui les précèdent. Trois légendes qui concernent Louis, Albin et Barbara, traditionnellement absentes du corpus de la Légende dorée mais incluses dans les Festes Nouvelles, apparaissent à la fin de volume4. Il est intéressant de remarquer les correspondances avec le manuscrit Rig. 452 (795) de la Bibliothèque municipale de Lille, sous réserve de variantes notables parfois (ainsi, par exemple, dans les vies de Vaast, Mathias, Philippe, Barnabé, Luc, ou pour la Fête de tous les saints). En général, lorsque les légendes présentent des similitudes certaines, le recueil 454 contient un état plus développé du texte. Les rapports entre ces deux exemplaires et avec Jacques de Voragine sont cependant très irréguliers5. Le volume comprend 180 feuillets en papier de ca 290 x 210 mm (les 5 derniers sont blancs à l’exception de 6 lignes conclusives, au f° 176 r°), munis d’un filigrane qu’il faut sans doute renoncer à dater et à localiser de manière précise6. Sa scripta, très nette pour son époque, suggère toutefois une provenance septentrionale (Hainaut ?). Il a été rédigé dans une écriture cursive courante, assez soignée mais très Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départements, t. 26, Paris, Librairie Plon, 1897, pp. 315 - 317. 2 Les vies de Blaise, Agathe, Vaast et Armand sont déplacées après celle de Mathias ; la Dédicace de l’Église figure avant les légendes de Martin, Brice, Cécile, Élisabeth, Clément et Catherine. Les critères qui ont présidé au choix des pièces restent peu clairs. 3 On trouve par exemple des renvois à « la legende d’or » ou à « la legende doree » dans les explicit des Innocents (f° 24 v°), de la Conversion de saint Paul (f° 28 v°), de l’Envoi du Saint-Esprit (f° 77 r°), ou des vies de Blaise (f° 46 v°), Vaast (f° 48 v°), Grégoire (f° 51 v°), Marie l’Égyptienne (f° 60 r°), Ambroise (f° 62 v°), Marc (f° 64 v°), Jacques (f° 66 v°), Paul (f° 85 v°), Marie-Madeleine (f° 89 r°) ; de même dans les incipit des vies d’Adrien (f° 107 r°) et de Barbara (f° 170 r°). 4 Une version identique des vie de Louis et de Barbara se retrouve aussi dans le manuscrit 452 de la Bibliothèque municipale de Lille (f° 413 c et 193 a), mais celle d’Albin (f° 535 c) diffère du tout au tout. 5 Ainsi, les entrées mentionnées paraissent au mieux suivre la Légende dorée ou n’expriment que des ressemblances superficielles, lorsqu’elles ne s’en démarquent pas. Par contre, la vie de Barthélemy est clairement issue de la traduction par Jean de Vignay, même si le manuscrit 454 en offre une rédaction plus distante de la Legenda aurea. Pour la Décollation de Jean Baptiste, le recueil 452 emprunte le même modèle, mais si le texte du 454 provient peut-être de Jacques de Voragine, sa structure en est très éloignée et son contenu évoque davantage un sermon qu’un récit. La proximité est encore moins nette pour saint Antoine, dont le légendier 452 ne relate la vie que dans les grandes lignes, avec d’importants écarts (le modèle est plus incertain pour l’autre volume dont à nouveau, le contenu et la structure diffèrent beaucoup). Voir notre présentation du n° 22. 6 Peu visible, il représente un motif très courant, assez proche de Briquet, n° 8591, cf. Piccard, IV, section IX. 1
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rapide et dont la lecture exige beaucoup d’attention, sur une colonne à 37 lignes. Si l’on excepte les rubriques et les simples petites lettrines rouges qui figurent en tête de chaque texte, il ne possède aucune ornementation. La première lettre d’assez nombreux mots est rehaussée de rouge sans que pour autant cet attribut ne semble avoir de fonction définie ; les citations latines sont soulignées à l’encre rouge. On y découvre une vie de Marie-Madeleine qui tient plus d’une adaptation condensée que d’une traduction. Si le propos général de Jacques de Voragine est respecté, la dernière partie présente toutefois les miracles de la sainte dans un ordre propre : alors que l’appel à l’autorité d’Hégésippe et de Joseph manque, l’évocation du mariage de Marie-Madeleine avec saint Jean est déplacée à la suite de la conversion du clerc Étienne, et le miracle des péchés effacés après celui du prisonnier libéré. Le récit est divisé en onze parties, numérotées expressément et introduites par une sorte de titre qui en résume le contenu. Le sujet ainsi présenté est ensuite reformulé, de façon écourtée par rapport au modèle latin, et nombre de détails narratifs sont passés sous silence. La pratique de l’auteur ne demeure pas moins contradictoire. L’effort manifeste de resserrement du texte est en effet compensé par le maintien de la longue exposition du nom de la sainte et par des explications ponctuelles qui l’amplifient. La conservation de nombreuses répliques au discours direct renforce cette hybridité et rend délicate toute évaluation sur la destination de l’ouvrage. La liberté de ton qu’il adopte suggère que l’auteur pourrait avoir travaillé à partir d’une rédaction française, malgré l’apparition de citations latines, la présence de courts extraits dans une traduction presque littérale ou son insistance à fournir les significations « seloncq no(stre) langage » (l. 1 et 14). Néanmoins, cette opération ne semble reposer sur aucune de nos adaptations vernaculaires de la Légende dorée. Outre de nombreuses omissions, quelques particularités narratives sont à prendre en compte. L’auteur ajoute par exemple de nouvelles fonctions à celle d’hôtesse que le texte latin réserve à Marie-Madeleine. La sainte est en effet décrite comme l’aumônière du Christ (l. 43) ; on peut ainsi remarquer qu’elle assume de la sorte la tâche qui d’ordinaire permet à Judas de subtiliser de l’argent, situation qui permet précisément au traître de compenser la dépense occasionnée par l’onction du Messie. Marie-Madeleine est aussi « escolliere » de Jésus (l. 44), et à ce titre détentrice de ses secrets. La langue qu’emploie l’adaptateur confirme si nécessaire que nous avons affaire à une rédaction tardive. Sa syntaxe est complexe ; son lexique comprend quelques termes intéressants, en raison soit de leur faible représentation dans les dictionnaires, comme tels ou pour le sens qu’ils prennent dans le texte, soit encore de leur ancrage dialectal7. Dans le premier groupe de mots, nous trouvons par 7 Dans un cas seulement, à vrai dire : amoustrer soi (« se montrer, apparaître », l. 67). Ce composé n’est pas récent et le réfléchi l’emporte sur ses autres emplois, mais la majorité de ses occurrences ont à voir avec la Picardie et la Wallonie (voir surtout FEW, monstrare, VI, 2, col. 98 b).
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exemple le verbe accepter (l. 165)8, le substantif dissolution, que Guillaume de Lorris utilise déjà au sens de « dépravation », peu courant sans être vraiment rare (l. 35 et 209 ; abiit et omni voluptati se dedit, § 184, pour la deuxième occurrence), ou les féminins escolliere et hosteliere (l. 44 et 45 ; hospita, § 27), qui le sont beaucoup plus9. fruition (« jouissance », l. 12) est un dérivé tardif que seul Godefroy enregistre (IV, col. 168 a - c), mais à travers quelques exemples seulement pour le moyen âge (à moins qu’il n’existe déjà dans les manuscrits de la Politique d’Aristote traduite par Nicole Oresme, le plus précoce paraît être celui qu’il reproduit d’après un exemplaire du XVème siècle de la version française de 1389 de l’Orloge de Sapience, par Henri Suso). inpugni (l. 80 ; impune, § 51) serait entré dans l’usage au début du XIVème siècle (1320), si l’on en croit les traces pour le moins exceptionnelles de ce participe-adjectif. octavement (« huitièmement », l. 118) n’est cité que deux fois et pour le moyen âge tardif (cf. FEW, octavus, VII, col. 304 a, qui reprend la plus ancienne occurrence, de ca 1488, à Godefroy), temporellement (l. 24) quatre fois10. prerogative (l. 213) est peu fréquent depuis son apparition, vers le premier tiers du XIIIème siècle, et prodigalité (l. 58 ; eam prodigam, § 28), que Brunet Latin étrenne peut-être dans son Livre du trésor, est rare. Malgré son ancienneté, reclinner soi (« se recoucher », l. 174) est peu répandu dans l’ensemble, et au réfléchi notamment (trois exemples, dans Godefroy, complétés par un renvoi du FEW à l’œuvre de Jean Molinet). teriien (l. 26) est un terme ordinaire comme adjectif mais beaucoup moins en tant que substantif (l’acception requise ici, soit « propriétaire », qui remonte au premier quart du XIIIème siècle, est toutefois la mieux connue sans être usuelle pour autant, cf. FEW, terra, XIII, 1, col. 251 b).
Le manuscrit de la Bible de Paris auquel Godefroy emprunte l’une de ses quelques citations anciennes permet d’en situer l’apparition en français vers 1250, mais, outre les incertitudes qui règnent sur cette date, ce verbe est très mal attesté par les dictionnaires et semble rare au moyen âge, même si le TLF le caractérise comme « extrêmement vivant dep. cette époque [premier quart du XIVème siècle] comme terme jur. ». 9 Nos instruments ne mentionnent que deux occurrences médiévales d’escolliere, d’après le Pèlerinage de vie humaine de Guillaume de Digulleville, avec la signification qu’il a conservée (cf. Tobler-Lommatzsch, III, col. 947), et chez François Villon, dans une acception particulière (voir le renvoi fourni par le TLF). hosteliere y est attesté par trois citations qui nous font remonter jusqu’au premier tiers du XIIIème siècle. Toutefois, l’exemple du Chevalier aux deux épées ne peut être contrôlé que par l’unique manuscrit subsistant de ce roman, copié vers 1300 environ. À noter aussi que tous trois nous ramènent au nord ou au nord-est du domaine d’oïl, mais pour un vocable de ce type, il s’agit peut-être d’un hasard. Les deux mots sont absents du FEW. 10 Deux des exemples de Godefroy sont à peu près contemporains (fin du XIIème siècle) ; le troisième figure chez Philippe de Beaumanoir (cf. FEW), le dernier étant sans doute beaucoup plus tardif. Cependant, le Catalogue de la Bibliothèque de Lyon ne comporte qu’une entrée susceptible de correspondre à ces indications (Istoire de Troye la Grant, Lyon, Bibliothèque municipale, 823, f° 107 c ; cf. X, col. 749 b), pour un volume du XVème siècle dont la cote n’est pas la même (878 (782) ; cf. Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départements, t. 30, Paris, Librairie Plon, 1897, p. 239). 8
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Deux raisons indépendantes nous poussent enfin à réserver une discussion à part au substantif entavelure (« représentation », « gravure, sculpture », l. 161 ; cf. § 170)11. En premier lieu, ce dérivé est au centre d’une petite énigme que nous n’avons pu débrouiller jusqu’au bout. Une citation presque conforme au passage correspondant de notre texte figure en effet dans Godefroy, III, col. 246 a - b, s.v. entableure, avec la désignation suivante : « Prones d’ung curé de Cisoing, XVe s., ms. Lille 102 », et elle est la seule des dictionnaires à relever de la signification qui paraît se justifier ici (Godefroy choisissant pour sa part « tableau, image »). Vérification faite, il existe bien à la Bibliothèque municipale de Lille un recueil sur papier du XVIème siècle que son contenu permet d’identifier avec la mention de Godefroy12. Il mesure environ 205 x 145 mm et l’écriture rapide et souvent très abrégée dont il est couvert est en apparence due à un seul intervenant13, même si elle présente des différences d’aspect notables. Élaboré à l’abbaye de Cysoing, peut-être par Matthieu du Crocquet qui exerça plusieurs fonctions dans cet établissement jusqu’à sa mort, en août 1533, il s’agit d’une sorte de répertoire, écrit par lui-même ou simplement compilé d’après d’autres œuvres, pour des sermons. Ce manuscrit entremêle une suite d’exhortations et de recommandations avec des extraits de citations des Évangiles, des éléments hagiographiques, des prières, mais aussi des observations médicales, etc., en français et en latin. Les thèmes abordés tendent à indiquer un usage pastoral, ou moral. Ceux du mariage et du pèlerinage reviennent souvent. Les vies de saints qu’il renferme ne sont pas en ordre liturgique14. Les 8 premiers feuillets (A à G), de la même main sans doute, comportent plusieurs index thématiques destinés à favoriser l’utilisation du volume. Le nom de Marie-Madeleine apparaît dans cette table parmi une trentaine d’autres saints et saintes, mais sans renvoi, et aucun des titres courants du recueil ne le mentionne à nouveau. L’absence d’historique sur ce codex ne nous a pas permis d’aller plus loin dans nos recherches. Sa numérotation actuelle (de 215 à 413) pourrait indiquer que la partie de la compilation où figurait la légende de notre sainte, en tout ou en partie et dans une version qui reproduisait peut-être le même texte que le manuscrit 454, 11 Pour les termes delectation, l. 211 et 212 (§ 185 - 186) ; desolé, l. 93 et 98, qui évoque dans une certaine mesure le n° 17 ; distribuer, l. 31 et 44, sans ancrage littéral dans le texte de Jacques de Voragine ; exaucier, l. 85 (exaudire, § 66), que le traducteur du n° 19 utilise dans les mêmes conditions ; indigné, l. 208, motivé par le latin indignata, § 183, comme dans deux autres versions ; informer (« endoctriner », l. 71), lui aussi éloigné de la Legenda aurea ; nappe, l. 191 (palla altaris, § 191) ; reveramment, l. 151 (honorifice, § 160), et pour l’emploi substantivé de temporel, l. 31, proche en ceci du n° 21, nous renvoyons à notre index lexical et aux autres pièces du corpus où ils apparaissent. 12 Sa cote exacte est Lille, Bibliothèque municipale, 105 (148). Voir la notice du Catalogue général, op. cit., p. 78. 13 Sauf le folio 238 v°, qui reproduit une lettre en latin, datée de 1526, et le verso du f° 413, qui comporte un ajout (plusieurs espaces sont demeurés vacants lors de la constitution originale du recueil). 14 Nous remercions Mme A.-F. Labie-Leurquin (IRHT, Section romane) d’avoir bien voulu compléter par un nouvel examen les vérifications que nous avons accomplies sur cet exemplaire.
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a disparu depuis l’époque où Godefroy l’a consulté ou l’a fait dépouiller par un de ses correspondants15. Au point de vue lexical enfin, il est certain qu’il faut distinguer, à la différence de Godefroy, les termes qui se rattachent au latin tabula (> entableure, « assemblage de planches », ou « corniche », ou autres significations analogues) de cet aboutissement, que ses deux emplois (celui qui apparaît dans notre texte et « ourlet, bordure » (d’un tissu), à partir de deux exemples étroitement associés) permettent de relier au latin tabella.
15 Sur les feuillets E à G de la table, une ligne de séparation isole les références susceptibles d’appartenir à un premier volume et celles qui concernent le manuscrit 105. L’inexistence de renvois pour MarieMadeleine (comme pour d’autres entrées, d’ailleurs) pourrait aussi signifier que le scribe a créé son index in abstracto, ou qu’il n’a pas achevé le dépouillement du corpus.
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[85 v°] De Marie Magdelainne
Marie, seloncq no langage, vault autant a dire premiers come « mers d’amert[u]mme
emplie », quasi interpretatur mare amarum; secondement come « enluminans non obscurcie », quasi dicitur illuminata; tierchement come « de clarté remplie », quasi dicitur illuminatrix vel illuminans; et proprement, ces .iij. interpretations sont dictes de la sainte Magdelainne, premiers pour l’estat de penitance seloncq lequel tant habondamment plora pour le amertumme de ses pechiés, que de ses larmez les piés de Jhesus lava; secondement pour l’estat de contemplation qu’elle eslut [doit] proprement estre dicte illuminans, pour tant que de lumiere de divine poissance ou congnoissance, que en Jhesus par le vertu de contemplation par se saincte doctrine pluiseurs enlumina et a Dieu converti; tiercement pour l’estat de divine fruition lequel tint et eslut est proprement dicte « illuminee », car en glore ou ciel aveucq les sains par grasce et amour [86 r°] divinne est resplendisans et luisans. Magdelainne, seloncq nostre langage, vault autant a dire come celle premiers « qui demeure en couppe », quasi dicitur manens culpa, pour tant que devant se conversion estoit obligie pour ses pechiés et se coulpe viers Dieu a painne eternelle; secondement « qui est warnie et armee », que intelligitur munita, et c’est raisons, car puis se convertion, de l’estat de penitance si fort s’arma que autant que de pechiés fist, autant de remede eult; tierchement « qui grandement est dowee », que dicit magnificata, et c’est raisons, car en grace fu dowee et frummee si come par devant en pechiet ot habondet, enssi depuis se convertion en doms de grace habonda de Dieu que de tout son coer volt amer. Seloncq dont l’Escripture, de Marie Magdelainne poons considerer et vei[r] premiers de quel estat et de quel lignie elle fu temporellement. En list qu’elle descendi de lignie roial et fu soer au Ladre et a Marthe, lequel Ladre fu de Jhesus resuscitez, et tout .iij. moult grand teriien estoiient, car li Ladrez le plus grand partie de Jherusalem tenoit et Marthe tenoit Bethanie, et Magdelainne tenoit ung castel a deux lieuez pres de Jherusalem nommé Magdalum, dont d’icellui castiel fu Magdelainne nommee; mais pour tant que Marie Magdelainne se occupa a vivre seloncq le monde et li Ladrez ses freres se occupoit a sievir l’estat de chevalerie, et Marthe l’ostel gouvernoit, les rentes recepvoit et distribuoit, et le soing du temporel du tout avoit, mais apprés l’asscention de Jhesus Nostre Signeur tout vendirent et relenquirent, et pour Dieu donnerent et as appostles l’argent donnerent. Secondement de quel estat fu convertie et a Dieu traite devotement. En list que li habondance des ricessez qu’elle ot aveucq biauté de corps en dissolution vivre
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2. Le scribe a oublié un jambage dans ce mot. – 9. Omis par le copiste (correction de nature hypothétique). – 23. La dernière lettre manque.
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le faisoit tant que ja, si come perdu son propre nom, de tous estoit peceresse nommee; et de cel estat, quant le vot inspirer, si ardamment se retrest en ensievant Jhesus que par tout ou Il alloit Le sievoit, si come en le maison du Pharisiien qui avoit Jhesus semons au disner entra, oussi non semomsse mais come honteuse de ses pechiés ne vint mie devant mais deriere bas aux piés, et la plora tant que de ses larmez les piés Jhesus lava, torqua et essua de ses ceveux. Tierchement coment que puis que fu a Dieu unie, Jhesus l’ama parfaitement. En list que Jhesus, par grand amour, fist de Marie Magdelainne son aumonniere, car les aumonsnez de Nostre Signeur distribuoit; secondement se escolliere, car souvent de ses secrés le endoctrinoit et lisoit; tierchement se hosteliere, car souvent en son hostel le recepvoit et [86 v°] hosteloit; quartement se messagiere, si come il apparu en se Resurection, quant a ses desciplez Jhesus l’envoia nonchier sa Resurection et que resuscités estoit. Encor peult apparoir que Jhesus Marie Magdelainne vraiement ama quant pour l’amour que a lui ot premiers son frere mort resuscita qui ja .iiij. jours avoit jut ou monument; secondement quant de lui touchier Se laissa et servir, si come apparu en pluiseurs cas; tierchement quant ses pechiés lui pardonna, car entre vraix amans ne doibt estre hainne; quartement quant doucement l’escusa (certain est que creature ne puet oïr mesdire de ce qu’elle aimme), et pour tant lisons nous que en signe d’amour, Jhesus le Magdelainne .iij. foiz escusa, c’estassavoir premiers devant le Pharisiien qui murmuroit de se humilité quant ses piés Lui lava, secondement devant Marthe, sa soer, qui l’acusa de huiseuseté pour tant que point ne l’aidoit en l’ostel a preparer quelque cose, tiercement devant Judaz qui l’acusa de prodigalité quant l’onghement ot respandu. Par ces .iij. poins appert l’amour que Jhesus ot a le Magdelainne. Quartement tresbien acompaignie hors de son païs s’en alla. En list que le .xiiij. an apprés le Passion de Jhesus, depuis que li juis saint Estene orent lapidé et pluiseurs aultres de ses desciplez mis a mort sur le partie de ciaux que Jhesus amoient, li persecutions fu si grande que du païs de Jherusalem tous les convint partir. Pour tant, Marie Magdelainne, li Ladrez et Marthe leur soer, et moult d’aultres sainctez personnez se mirent en mer et par le plaisir de Dieu arriverent a Marselle, et la preschierent et la pluiseurs par leur predication a le foy de Jhesus attrairent et convertirent. Q uintement coment esmute et courouchie en dormant elle se amoustra. En list que enssi que li Magdelainne et sa compaignie povrement estoient hostelet en le cité de Marselle, avint que li princez d’icelui province pour empetrer fruit et lignie vint pour sacrefiier aux idollez, de quoi Marie Magdelainne durement le reprist et de Jhesus puis doucement le informa, combien que cieux moult peu i acontast, pour ce que une fois et aultre li Magdelainne a lui se apparu par vision et par especial a le femme de cellui prince, disant : « Va et di a ton mari que mal fet quant aultrement
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48. Encor] reprise apparente du scribe sur encop (anticipation vraisemblable du p initial du mot suivant). – 66. Quintement] le nombre de jambages qui suivent l’initiale de cet adverbe n’est pas certain.
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les amis de Dieu ne conforte »; mais celle ne lui osa dire. Si avint que le tierche nuyt, li Magdelainne a eux deux s’apparu come couroicchie et si enflembee qu’il sambloit proprement a iceux que leur maison arsist et fust plainne de feu, disans en tel maniere : « Serpens envenimmez, anemis de Dieu, membre du diable, tu gis cy en ton lit paré aveucq ceste vipere, te femme, et li povre amit [87 r°] de Dieu ne ont ou estre hostelet ne herbiegiet ! Tu as le ventre plain et li povre amit de Dieu meurent de fain ! Sacez que ce ne sera point inpugni. » Et ce dit, tantos se parti. Lors li femme de cest prince s’esveilla si fort souspirant que a merveillez et a son marit demanda se auchune vision avoit veut; respondi que ouyl, car veu et oï avoit ce que dessus est dit. Dont demanda quel cose feroient. Celle dist : « Mieux vault que nous nous assentons a le Magdelainne que ce que encourons l’ire de Dieu qu’elle preche »; et par enssi furent hostelet. Sixtement coment de Dieu fu exaucie son orison quant pour le prince pria. En list que enssi que li Magdelainne le foy de Nostre Signeur prechoit, li princes dessusdiz lui dist : « Poroies tu soustenir et deffendre le foy que tu preches ? ». Respondi li Magdelainne que preste estoit de ce faire par l’aide de son maistre Piere, qui a Romme estoit. Dist li princez : « Nous sommez tout prest de ton plaisir faire se viers ton Dieu nous poés empetrer fruyt. » Respondi li Magdelainne : « Par ce ne demora mie. » Lors fist li Magdelainne pour eux priere et tantos elle conçupt et fu enchainte. Septimmement coment le prince conforta de mort desolet durement. On list que quant cieux princes vit que se femme avoit conçupt, devotion lui prist d’aller a Romme pour veir saint Piere, dont prist congiet a se femme, maix celle lui pria tant de aller aveucq lui que escuser ne se pooit et que finnablement lui ottria entrer dedens le batiel. Mais quant naghiet orent l’espasse d’un jour et d’une nuyt, celle commencha a travillier d’enfant et en enfantant moru, dont li princez moult desolez l’enfant regardoit qui les mamiellez de se mere, qui morte estoit, en plorant queroit; mais li maronnier lui dirent que cel corps mort convenoit jetter en le mer ou aultrement tout periroit. Cieux regarda et assez pres de leur nef parçupt une isle, dont pria tant que illecq ariverent et la endroit mist le corps de se femme envolepet d’un mantelet et l’enfant delez li; et enssi, lui commandant a le Magdelainne, en son vaisiel rentra et son pelerinnage fist et vint a Romme, et tantos saint Piere encontra qui par esperite veut avoit tout ce que au prince advenut fu, dont douchement le conforta et en Jherusalem le mena et tous les lieux ou Jhesus avoit esté lui moustra, mais apprés deux ans au retour se mist. Si avint que enssi que par mer nagoient, celle meisme isle ou avoit leissiet se femme morte vit et parçupt, dont tant fist que li maronnier leur nef i adrecierent; [87 v°] mais en approchant virent ung petit enfant qui de le gravelle de le mer se juoit, liquelx enfes si tos qu’il les vit, a se mere s’en fui et desoubz le mantelet se mucha, dont si tos que cieux vaisiaux fu arivez, cieulx princez viers se femme alla
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78. amit] bissé au début de la page suivante. – 80. ne passera point (emploi improbable avec le participeadjectif inpugni).
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et la tout enssi que laissiet l’avoit le retrouva, et l’enfant que le mamielle de se mere sucçoit. Lors veans tous, cieux princez ung peu se femme bouta disant : « Soer, dors tu ? » Adont celle les ieux ouvri come se de soingne fust esveillie et dist illecq que li Magdelainne en esperite menet l’avoit tout par tout ou il avoit esté et de chou assez vraies enseignez l’en disoit. Lors en grand joie, Dieu regraciant et le Magdelainne, au retour se mirent et le fait conterent a le Magdelainne quant a li furent revenu. Octavement come dure vie mena en ung desiert moult longhement. En list que apprés ce que le Magdelainne ot a le foi converti tout le païs de Marselle, elle se mist en ung desert ou quel .xxx. ans demoura que oncques de creature mortelle raisonnable ne fu confortee, mais la estoit .vij. foiz le jour viers le ciel des anglez eslevee et tant douchement en Dieu consolee estoit que chou li souffissoit pour peuture et noureture. Noefvimmement coment elle se revela quant pleut a Dieu divinnement. En list que uns hons sains prestres fu qui pour Dieu desiroit a mener vie solitaire. Pour tant a .xij. lieues priés du lieu ou li Magdelainne habitoit en cel desert une celle fet avoit. Si avint que une fois parçupt les anglez descendre au lieu ou li Magdelainne estoit et vit coment en hault le eslevoient, dont s’apensa que veir iroit que ce pooit estre. A voie se mist, mes quant vint si pres du lieu que du giet a une piere, de peur commença a pres que fallir. Neant mains coer prist en Dieu, et quant vint au millieu de celle espasse, en hault dist : « Se creature de Dieu en celle fosse la habite, je lui commande en le vertu de Dieu qu’elle parolle. » Adont dist le Magdelainne : « As tu pas memore de celle peceresse nommee Marie dont l’Euvangile fait mention, laquelle de ses larmez les piés de Jhesus lava ? » Chieus respondi : « Sy ai. J’en ai bien memore. Grand temps a passet. » Dont dist le Magdelainne : « Me vecy, et saciez que icy ai fait ma manssion l’espasse de .xxx. ans que oncquez de creature nulle ne fui visetee fors des sains anglez que tu veis avant hier. Mais pour tant que li fins de me vie approche, tu t’en iras a l’evesque Maximiien et lui diras que le jour de Pasques [88 r°] prochain venant, a son oratore m’atende a celle heure, car a lui iray. » Enssi se parti cieux et vint ce nonchier a l’evesque tout enssi que li Magdelainne lui avoit kierquiet. Disimmement coment on l’acommenia. En list que quant vint au definnement que au jour de Pasquez, come dessus est dit, et que ordenet avoit li Magdelainne, estant Maximiien en son oratore a l’eure que mandet lui avoit le Magdelainne, devant lui vit en estant le Magdelainne en l’air noblement acompaignie de anglez de paradix, liquelx evesquex quant le vit, come esbahis ariere se trest, car si grand clarté de se face vit issir que soustenir ne le pot; jusqu’a tant qu’elle dist : « N’aiiés doubte, peres, mais vostre fille approchiés. Je sui Marie a cui Dieux a pardonnet ses pechiés. » Adont l’evesque Maximiien tous ceux appiella que avoir pooit et lors veans tous, le corps de Jhesucris a le Magdelainne bailla, lequel reçupt devotement en moult grand habondance de larmez; et quant l’ot pris, jus a terre descendi, et tantos l’ame du corps se parti, et le corps reveramment devant l’autel fu ensevely. Mais ce lieu si grand odeur rendi, lequelle odeur estoit du ciel descendue, que par l’espasse de .v. jours apprés ce on le scentoit moult grandement. Ensimmement coment Jhesus
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par lui monstra maint miracle evidamment. En list que Gerars, dux de Bourgongne, de se femme ne pooit avoir enfant, pour tan tout le sien pour Dieu donnoit, eglises, abeÿes edefioit. Or avint que une entre les aultres en fonda, Verzelai, et quant l’ot fondee, il envoia a Ays .j. moisne pour empetrer auchunes relicques du corps de madame Marie Magdelainne se avoir le pooit, car la gisoit; mains quant la vint, il trouva le cyté toute destruite par les paiiens. Non obstant ce, au lieu s’en vint ou li eglise avoit esté, et tant alla qu’il trouva le place ou le Magdelainne avoit esté ensevelie, come bien congnu par escripture et oussi pour l’entavelure que de lui il trouva en une piere de marbre, dont se appensa que le corps embleroit. Pour tant il et se compaignie commenchierent a fouir en grand cremeur jusqu’a tant que une voix leur dist : « Hardiement parfettes, car Dieux et le Magdelainne vostre fet acceptent. » Dont le corps prirent et emporterent; maix quant il vinrent a une demie lieue priés de celle abeÿe de Verzelay, le corps ne porent nullement mouvoir jusquez a tant que tout le couvent vint a l’encontre. En list que uns cevaliers fu qui avoit moult grand devotion a le Magdelainne, et pour tant en pelerinnage [88 v°] tous les ans a sen sepulcre venoit. Si avint que en une bataille fu occis; dont si ami, qui le corps portoient a le sepulcre en plorant, disoient que pités estoit que enssi le Magdelainne [avoit] sen leal pelerin enssi [laissiet] morir sans confession; maix soudainnement cieux qui mors estoit veans tous se leva et se assis, demanda le prestre, devotement se confiessa et Nostre Signeur reçupt, et ce fait en son linseul propre se reclinna et mist come devant. En list que en le mer, uns vaisiaux plains de gens peri, entre lesquelx ot une femme enchainte que veans le peril de noier, a haulte voix tant que pot le Magdelainne reclama, disans que se de ce peril delivrer le volloit, se fil avoit, a son abeÿe le renderoit. Si avint que ce dit et penset, tous les aultres peris, li Magdelainne a lui se apparu qui par le menton le prist et sauvement a terre le mena; et quant a sauveté se vit, se promesse tint et accompli. En list que ung hons fu que le veue perdut avoit, mais par devotion au lieu se faisoit mener ou li Magdelainne gisoit. Si avint que en approchant Verzelay, cilx qui cest aveule menoit dist : « L’eglise de la Magdelainne voy ! ». Lors cieux qui goute ne veoit a genoux se mist et dist : « O Marie Magdelainne, grand joie me seroit se vostre eglise veoir pooie. » Avint que a painnez ot son dit finnet quant les ieux ouvri et clerement veut a. En list que uns hons pour une somme de monnoie, lequelle paiier ne pooit, durement fu emprisonnez, pour quoy en son confort et aide souvent devotement appielloit le Magdelainne; et tant que une foiz, le Magdelainne a lui se apparu qui des fiers l’osta, le prison deffrumma, et que de la se partesist lui commanda, come fist. En list que une creature fu qui de honte ses pechiés confiesser n’osoit, mes en escript les mist et puis sur l’autel de le
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163. cremeur] lecture incertaine pour la fin du mot, abrégée. – 171. À la place d’avoit, le copiste a reproduit mort qu’il a ensuite tracé et corrigé au-dessus de la ligne, mais de manière peu claire (avoirir ?). Si notre interprétation est correcte, il manque donc aussi le participe que nous rétablissons juste après, en adoptant une forme compatible avec la scripta du manuscrit.
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Magdelainne desoubz le nappe les bouta, devotement priant le Magdelainne que vers Dieu grace de remission lui empetrast. Lors celle creature vit celle cedule en l’air hault lever et tantos requeir; dont le prist et dedens regarda, et toute planee le trouva, et enssi entendi que grace de Dieu lui estoit fete. En list que en Flandrez ot une foiz ung grand clercq qui de tous visces estoit plains, tant que bien faire ne dire ne oïr ne pooit, mains nient mains en le Magdelainne si grand devotion avoit que tousjours se vegille junnoit et se feste devotement wardoit. Si avint que une foiz, enssi que l’eglise de le Magdelainne visetet avoit, en son dormant a lui se apparu le Magdelainne qui lui dist : [89 r°] « Estienes, combien que de grace avoir ne soies mie dignes, neant mains pourtant que devotion as en moy, saces que toudiz te ay esté aidans; et pour tant lieve sus et preng estat de penitance. Point ne te lairai jusquez a tant que a Dieu je t’aray reconciliiet. » Lors se leva et si tresgrand grace en lui descendre scenti que tantos en religion entra ou depuis moult sainctement vesqui, et tant que a se mort, ly Magdelainne presente fu accompaingnie de deux anglez qui l’ame de celui en figure d’un blancq coullon ou ciel conduirent, come pluiseurs moult clerement perchurent et veirent. Aucun dient que ly Magdelainne fu espousee a monsigneur saint Jehan l’Euvangelist, et pour tant que dez noecez de monsigneur saint Jehan Jhesus avoit appiellé, elle indignee se abandonna a toute dissolution; mains pour tant que le vocation de saint Jehan ne devoit mie estre cause de aultrui dampnation, pour tant, si comme lui et l’aultre Jhesus avoit de deliz soustret et de grand delectation carnelle, pour tant le vot appieller a parfaite delectation esperituelle, qui est en Dieu amer parfaitement, car entre tretous sains et sainctez, saint Jehan l’Euvangliste et li Magdelainne orent le prerogative de l’amour divine. Et ainssi fin de Marie Magdelainne seloncq le legende contenue en la legende d’or, qui d’icelle fait mention.
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23. Semur-en-Auxois, Bibliothèque municipale, 38 (39), f° 227 v° - 235 v° Petit volume du XVème siècle1, le légendier conservé à la Bibliothèque municipale de Semur-en-Auxois est constitué de 288 feuillets de parchemin (ca 215 x 145 mm). Il est rédigé sur une colonne de 21 lignes dans une élégante littera cursiva libraria. Des antennes munies de rinceaux prolongent l’initiale ornée de la première page (f° 4 r°), à la peinture rouge, bleue et blanche, rehaussée d’or, et encadrent ce feuillet. Une lettrine filigranée de plus petite taille, rouge ou bleue, figure en tête des autres textes, un second marqueur de ce type permettant souvent de distinguer l’exposition du nom du saint de sa vie proprement dite (pas dans le cas de notre pièce cependant). Des pieds-de-mouches structurent les textes, particulièrement au début du volume. Aucune légende ne possède de rubrique. Les 68 premiers feuillets portent un titre courant d’une époque postérieure, écrit en rouge. Le copiste a laissé vides, à l’intérieur de leur cahier respectif, les folios 208 r° et v° (à la fin des Litanies) et 242 r° (à la suite de l’Invention du corps de saint Étienne). La table des matières (2 r° - 3 r°) qui détaille le contenu du volume est un ajout. Elle comprend 80 entrées, suivies du renvoi en chiffres romains à la page concernée, et permet de repérer trois accidents dans le manuscrit tel qu’il nous est parvenu, tous situés à l’articulation de deux cahiers2. Ainsi manquent la fin de la vie d’Agathe, la Chaire de saint Pierre et le début de la légende de Mathias (entre les feuillets 131 et 132 actuels), la fin de la vie de Jean Baptiste, les textes relatifs à Éloi, Pierre et Paul et le début de la légende de Marguerite (f° 226 - 227) ; enfin, les derniers développements de l’histoire de Denis, celles de Luc et de Simon et Jude, la Fête de tous les saints, la Commémoration de tous les fidèles, la légende de saint Eustache et le début de celle de Léonard (f° 272 - 273). À l’origine, le recueil offrait de la sorte une sélection de 83 textes hagiographiques3 classés pour la plupart dans l’ordre de l’année liturgique, de l’Avent du Seigneur à la Dédicace de l’Église. Seules la vie de Catherine, placée entre celles d’André et de Nicolas, les légendes de Marthe et de Germain, qui figurent entre celles de Marie-Madeleine et de Jacques le Majeur, et les vies d’Eustache et de Léonard (entre la Commémoration des défunts et la légende de saint Martin), se démarquent de la chronologie liturgique ordinaire. 1 Datation d’après le Catalogue général des manuscrits des Bibliothèques publiques de France, Départements, t. 6, Paris, Librairie Plon, 1887, p. 312. 2 Jusqu’au f° 15 r°, les pages sont numérotées en chiffres romains. La pagination moderne, qui va jusqu’à 290, ne correspond pas à celle de la table des matières (elle inclut les trois premiers feuillets, comporte deux oublis, et les lacunes qui affectaient le manuscrit au moment où elle a été apposée accentuent le décalage). 3 Les Innocents (f° 58 v° - 60 v°), les Litanies majeure et mineure (f° 204 r° - 208 r°) et l’Assomption de Marie (f° 245 r° - 248 v°) ne sont pas mentionnés dans la table des matières. Les introductions au Temps de la Réconciliation et de la Pérégrination (f° 36 v° - 37 r°), et aux Fêtes de la Réconciliation (f° 129 v° 130 r°) y sont également omises.
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Exception faite de la vie de saint Éloi4, toutes les pièces se retrouvent dans la Légende dorée, qui semble être la source principale du recueil5. Jacques de Voragine est du reste nommé à propos de saint Marc ; le miracle de Pavie y est en effet présenté comme un témoignage personnel du dominicain : « À son réveil, ce frère envoya aussitôt chercher le prieur de la maison, de qui j’ai entendu ce récit »6 est traduit par « et cest miracle raconta le prieur de Papie a frere Jaque de Jamez qui fut archevesque de Viane, qui complia la legende des sains » (f° 203 v°). L’histoire de Marie-Madeleine est intercalée entre celles de Marguerite et de sa sœur Marthe7. Le récit qui lui est consacré offre une allure compacte, sans alinéa ni pieds-de-mouches. Si le légendier où il est transcrit renferme une rédaction isolée, plusieurs indices permettent d’admettre que nous avons affaire à une copie, et non à l’original du texte. L’absence de question du prince de Provence à la sainte sur sa capacité à défendre la foi chrétienne paraît en effet incompréhensible au regard de la réponse de Marie-Madeleine (l. 76, cf. § 59 et 60). Dans une certaine mesure, la répétition d’un segment de phrase au passage de 231 v° à 232 r° (l. 18 sq.) confirme cette hypothèse8. Le récit suit la trame de la Légende dorée. Le paragraphe introduit par l’appel à l’autorité d’Hégésippe ainsi que les quatre miracles finaux, à savoir la guérison de l’aveugle, l’effacement des péchés sur la cédule, la libération du prisonnier et la conversion d’Étienne de Flandre, ont toutefois été délaissés. Cette tendance à la concentration, qu’exprime l’ensemble du corpus9, se reflète dans le texte luimême. Si, dans son ensemble, l’adaptation suit de près le tronc commun de la tradition, elle supprime parfois des détails10 et de courtes séquences narratives. 4 Cette pièce, perdue aujourd’hui, est mentionnée dans la table des matières entre les histoires de Jean Baptiste et de Pierre apôtre. Elle est ainsi positionnée au jour de la translation des reliques du saint (25 juin) et non de sa mort (1er décembre). Fondateur de l’abbaye de Solignac puis évêque de Noyon-Tournai, Éloi évangélisa le nord de la France et la Flandre. En l’absence d’autres saints locaux, l’existence d’une pièce consacrée à cette figure ne suffit toutefois pas à donner un ancrage régional au légendier, d’autant qu’Éloi fait partie des saints des Festes Nouvelles et que la diffusion de sa vie dans les compilations vernaculaires de la Légende dorée n’est dès lors pas rare (cf. R. Hamer, « Jean Golein’s Festes Nouvelles : A Caxton Source », Medium Ævum vol. 55, n° 2, 1986, pp. 254 - 260). 5 On retrouve d’ailleurs quelques brèves citations latines littérales de son modèle disséminées dans le recueil. La vie de saint François ne repose toutefois pas sur le texte de Jacques de Voragine. 6 « Euigilans autem predictus frater pro priore domus, a quo ego ista audiui » (§ 140), traduction française de la Pléiade, p. 326 sq. 7 La figure de Marie-Madeleine apparaît à plusieurs reprises dans le légendier de Semur-en-Auxois. Ainsi, le nom de la sainte est explicitement cité dans la vie de Mathias, qui rappelle la scène motivant la trahison de Judas (f° 133 r°). De plus, l’épisode de l’onction du Christ est brièvement repris dans la légende de saint Julien du Mans, confondu avec Simon le Lépreux (f° 111 r°) (cf. notre présentation de la version n° 20, n. 6). 8 Voir apparat critique de l’édition. 9 On y observe souvent ce penchant ; certaines vies sont même fortement raccourcies, en particulier celle de saint Bernard, réduite à quelques lignes. 10 Par exemple, les précisions sur le rang d’« apôtre des apôtres » que le Christ confère à Marie-Madeleine (cf. l. 41, § 32) ou sur le fait que le bateau qui conduit les chrétiens chassés de Judée est dépourvu de gouvernail (cf. l. 48 et § 35) ; la comparaison du visage de la sainte avec une maison en flammes lors de sa troisième apparition nocturne (cf. l. 64, § 47) ; l’indication, lors des retrouvailles sur l’île, que c’est avec des cailloux et du sable que joue l’enfant, cf. l. 125, § 112) ; l’indication que Maximin entre seul dans l’oratoire (cf. l. 179, § 152) ou encore, la date de la translation des reliques (cf. l. 187, § 167).
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Ainsi, sans surprise, l’exposition du nom de Marie-Madeleine se limite aux paragraphes 6 à 8 du modèle latin. Par ailleurs, en éliminant l’éloge de la servante Marcelle (cf. l. 34, § 30) ou la mention de Cédonius lors de l’exil de Judée (cf. l. 48, § 35), l’auteur centre son propos sur les personnages principaux. Enfin, la suppression de la première plainte du pèlerin à la mort de son épouse (cf. l. 95, § 79 82) ou de l’adresse aux marins qui s’apprêtent à jeter le corps à la mer (cf. l. 99, § 89 - 91) diminue la portée dramatique de la scène. Le passage du discours direct au style indirect11 lorsque le mari demande à sa femme de ne pas l’accompagner en mer (l. 85 - 88, § 71 - 73) ou la concentration de l’échange avec l’ermite (l. 166 ss., § 145 - 149), par exemple, sont du même ressort. L’usage de la métaphore de « la fontaine de tout bien » dans l’exposition du nom (l. 4), l’assertion, placée dans la bouche de saint Pierre, que Dieu prend pitié de ceux qui gardent espoir en Lui (l. 117)12, de même que l’insistance sur la dévotion et l’amour pour Dieu de Girart de Roussillon (l. 187) dévoilent une familiarité de l’auteur avec le monde ecclésiastique. On peut aussi se demander, comme nous l’avons fait pour certaines traductions de la Légende dorée, si l’absence de la précision que l’épouse se comporte « selon l’habitude des femmes » et qu’elle se jette aux pieds de son mari pour obtenir ce qu’elle veut (cf. l. 87, § 74) répond à la sensibilité d’un public féminin avant tout. Aucun autre élément du texte ne semble toutefois corroborer cette hypothèse. Quelques ressemblances avec la traduction Jean de Vignay (n° 14), dont le récit diffère beaucoup par ailleurs, peuvent être mises en avant. Marie-Madeleine est ainsi qualifiée de la même façon lorsque le narrateur rapporte les accusations que Simon, Marthe et Judas portent à son encontre (pas nette, oisive et degasteresse) et la réaction apeurée du fils au moment du retour de son père inconnu est racontée en des termes très proches13. Ces éléments n’ont cependant pas assez de consistance pour nous permettre d’affirmer que l’auteur suivait en parallèle le texte latin (ou l’une de ses adaptations) et la rédaction de Jean14, d’autant qu’on relève dans notre légende des détails narratifs présents dans d’autres traductions15. Un remaniement spécifique à cette version surprend néanmoins : sans l’effacer complètement, l’auteur tend à minimiser le rôle joué par les anges, que ce soit lors Dans le miracle du chevalier ressuscité, le discours indirect du texte latin est donné au style direct, comme dans la traduction par Jean de Vignay. 12 Cf. Lamentations de Jérémie 3, 25. 13 Dans le passage correspondant au § 28 de la Legenda aurea, ces deux témoins sont en particulier les seuls à faire correspondre le dérivé très rare que nous relevons ici à l’adjectif prodiga. 14 On peut en tout cas observer que plusieurs des fautes commises par Jean de Vignay ne reviennent pas dans le texte du légendier de Semur-en-Auxois. L’apostrophe adressée à Maximin (« Aprochiez plus prez, beau pere, ne fuiez pas vostre fille. », l. 181 ; n° 14, l. 250 ; § 155), l’attribution à l’épouse, et non au mari, du tremblement après la troisième vision nocturne, (l. 72 ; n° 14, l. 104 ; § 53) ou encore la place réservée aux menaces de la sainte lors de ses apparitions à la dame de Provence (l. 61 sq., n° 14, l. 92 - 95 ; § 44 45) sont les exemples les plus probants. 15 Le décès des parents de la sainte (l. 10) est mentionné dans les traductions no 11, 21, 25 et 16 (mort du père) de la Légende dorée, alors que la glose qui assimile les sept diables chassés du corps de MarieMadeleine aux péchés capitaux (l. 28) se retrouve dans les versions no 17 et 19, par exemple. 11
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de la retraite de Marie-Madeleine (il n’est pas dit que le lieu a été préparé par leurs mains et qu’ils élèvent la sainte dans les airs, cf. l. 150 - 155 et § 131 - 133), lors de sa rencontre avec l’ermite (sa voix n’est pas comparée à la leur, § 150, cf. l. 176), ou quand elle s’offre à la vue de Maximin qui explique le rayonnement de son visage par leur continuelle fréquentation (l. 182, § 156). La langue du texte ne possède aucun relief particulier, non plus que les graphies que son copiste utilise : les picardismes épars que l’on y relève sont sans doute contingents. Comme nous l’avons vu avec le n° 17, pour la période médiévale, seuls trois exemples des dictionnaires attestent la forme savante congruité (l. 217). Comme participe-adjectif, desolé (l. 69), au sens de « plongé dans l’affliction », ne semble pas très courant non plus. Cette occurrence est en outre la seule de notre corpus qui possède un correspondant littéral dans le texte latin (desolatus, cf. § 50). La locution au contraire (l. 87) ainsi que les substantifs dispersion (l. 47), procureresse (l. 29) et serpente (l. 66) sont simplement à mettre au nombre des termes ou constructions mal représentés dans nos instruments. À moins de nouvelles découvertes sur cette pièce, ou à partir du recueil qui la contient, il s’avère donc impossible de préciser la date ou l’origine de cette vie de Marie-Madeleine.
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[227 v°] Marie vault autant comme « mer amere », car elle ot habundance d’amertume et de repentance en sa conversion quant elle lava les piés au doulz Jhesucrist de ses propres larmes; ou « enlumineresse », car elle rechupt en la fontaine de tout bien la vive lumiere de foy, de quoy elle enlumi[n]a le peuple, ou « enluminee », car elle fut droitement enluminee en pensee de la lumiere de vraye congnoissance quant elle eslut la tresbonne partie qui jamez ostee ne lui sera. Ceste Marie est appellee Magdalaine pour j. chastel qui avoit nom Magdalon, dont elle fut dame. La sainte Magdelaine fut nee de tresnoble lignee royal et out nom son pere Sirus et sa mere Eukaria, et ot j. frere qui ot nom Lazarus et je. suer qui ot nom Marthe; et aprez le decez de leurs parens, ilz deviserent leur heritage en telle maniere que [228 r°] Marie ot le chastel de Magdalon, de quoy elle fut dicte Magdelaine, et Lazarus ot .je. partie de la cité de Jherusalem, et Marthe ot Bethanie. Or avint il que la Magdelaine se abandonna aux delices de son corps et Lazarus a la chevalerie, et Marthe la saige gouverna saintement sa part, son frere et la sienne, et amenistroit aux chevaliers, aux sergens, aux povres gens, a chascun sa neccessité; et toutes ces choses vendirent aprez l’Ascencion Nostre Seigneur et en aporterent le priz aux apostres. Sicomme la Magdelaine habunda en richesses et en beauté, elle habandonna son corps a faire sa volenté, de quoy elle perdi son propre nom et fut appellee Marie la pecheresse. Sicomme Jhesus prechoit ylecques et ailleurs, elle oït dire qu’il dout disner ciex Symon le Lepreux, si vint la hastivement menee de sainte inspiracion, et pour ce qu’elle estoit pecheresse, elle ne s’osa pas bouter avant entre les justes, ains demoura aux piés Nostre Seigneur et les lava de ses larmes et essuia de ses cheveux et oingny de son oingnement moult precieux. Sicomme Symon pensoit en [228 v°] son cuer : « Se cestui fust prophete, il ne souffrist pas que une femme pecheresse touchast a lui en tele maniere », Il l’en reprint et l’excusa et tous ses pechiés lui pardonna. Il lui donna tant de benefices et de signes d’amour qu’Il lui mist hors du corps .vij. dyables, parquoy sont entenduz les .vij. pechiés mortiex, et l’embras[a] en son amour et l’establi sa tres familiere, et la fist son hostesse et en la voult avoir sa procureresse; et plusieurs foiz l’excusa doucement, car Il l’excusa envers le Pharisee qui disoit qu’elle n’estoit pas nette pour Lui manier, envers Marthe sa suer qui disoit qu’elle estoit oisive et envers Judas qui disoit qu’elle estoit degasteresse. Quant Jhesus le vit plourer, Il ploura, Il resuscita son frere qui estoit mort de .iiij. jours; Il gari sa suer de fluz de sanc que avoit souffert par .vij. ans, de quoy saint Ambroise dist : « C’est », dist il, « celle Marie qui les piés Nostre Seigneur lava de ses lermes et terdit de ses cheveux et oingnit de son oingnement; qui ou temps de grace fist premiere penitance solennel, qui eslut la tres [229 r°] bonne partie; qui aux piés
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4. Le copiste a oublié la lettre éditée entre crochets. – 16. Le i de vendirent a été ajouté au-dessus de la ligne. – 28. et l’embrasement en son amour.
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Dieu sist et oït ses paroles, qui oignit le chief de Jhesucrist; qui jouste la croix Nostre Seigneur fut en la Passion; qui apparilla les oingnemens et voult oindre son precieux corps, qui demora au tombel quant les disciples se partirent; a qui Jhesucrist aprez sa Resurrection apparut premierement. Aprez la Passion Nostre Seigneur et aprés l’Ascencion, en l’an .xiiij. de celle Passion, sicomme les juiz orent lapidé saint Estienne et chassez les apostres hors de Judee, les disciples s’espandirent en diverses regions des payens et aloyent semant la parole Nostre Seigneur. En ce temps estoit o les apostres .j. des .lxxij. disciples qui avoit nom Maxime, a qui saint Pierre avoit baillee et recommendee la Magdelaine. En ceste dispersion fut saint Maxime et Marie Magdelaine, et Lazarus, son fre[re], et Marthe et Marcelle, la damoiselle Marthe, et plusieurs aultres qui furent mis des mescreans en la mer pour noyer. Si vindrent de la volenté et de l’ayde Nostre Seigneur a Marceille la ou ilz ne trouverent qui les vausist recepvoir en son hostel, si demourerent soubz .j. porche qui estoit devant le temple a la gent du paÿz. Sicomme la [229 v°] Magdelaine vit le pueple venir a ce temple pour sacrefier aux faulx ydoles, elle se leva o voult simple, beau visaige, langue saige, et les rappelloit de leur erreur et leur preschoit Jhesucrist viguereusement, et tous furent merveilliez pour sa beauté, pour sa saigesce et pour sa debonaireté. En ce n’estoit pas merveille se de la bouche qui besa les benois piés de Jhesucrist yssoyent paroles plaines d’odeur et de grace. Aprez vint le prince de celle province sacrefier o sa feme pour avoir lignee, a qui la Magdelaine prescha qu’il creust en Jhesucrist et lui blasma son sacrefice. Aucuns jours passés aprez apparut la Magdelaine en vision a la femme de ce prince et lui dist : « Pour quoy lessiez vous les sains povres Dieu morir de fain et de froit, qui tant avez de richesses ? » Et la menaça que mal lui vendroit s’elle ne disoit a son mary qu’il eust pitié de eulx. Elle doubta a lui dire la vision. La nuit ensivant, elle lui apparut et lui dist come devant, et encore ne le dist elle point a son mary. La tierce nuit, elle apparut a eulx deulx aussi come courroucee, [230 r°] le vout rouge comme feu, et dist : « Tirant, membre de l’anemi qui est ton pere, te dors tu o ta serpente qui ne te veult avoir dit mes paroles ? Tu te reposes, anemi de Jhesucrist, plain le ventre de diverses manieres de viandes, et lesses les sains de Dieu morir de fain et de soif ! Tu te giz en ton paleiz envelopé de dras de soye et tu les voiz desolés et sans hostel, et n’en faiz force ? Et tu n’eschaperas pas sans paine que tu as tant attendu a avoir d’eulx pitié. » Ces choses dittes, elle se parti. Comme la femme s’esveilla en souspirant, elle dist a son mari toute tramblant, qui ausi soupiroit pour celle meisme cause : « Sire, avez veu le songe que j’ay veu ? – Oïl, » dist il, « je me merveil et en ay grant peour. Qu’en feron nous ? – Mieulx lui vient obeïr, » dist la femme, « que encourre l’ire de Dieu qu’elle presche. » Et pour ce ilz les receurent a l’ostel et leur amenistrerent leurs
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41. aprez sa res.] aprez sa passion, dernier mot souligné et remplacé à la suite par resurrection. – 47. et Lazarus et Marthe son fre et Marcelle. La syllabe oubliée par le scribe est placée en fin de ligne.
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neccessités. .j. jour, sicomme la Magdelaine preschoit, elle lui dist : « Je sui preste de deffendre la, car elle est affermee par predicacion et par les miracles que fait Dieu chascun jour pour Pierre, nostre maistre, qui est pape de Romme ». Adonc li distrent [230 v°] le prince et sa feme : « Nous sommes prez d’obeïr a tous tes diz se tu nous empetres j. filz du Dieu que tu preches. – Pourtant ne demourra pas, » dist elle. Adonc elle pria Dieu pour eulx qu’Il leur voulsist donner j. filz, et Dieux essauça sa priere et conçut la feme du prince. Adonc l’ome voult aler a saint Pierre pour savoir se la verité de la foy estoit sicomme la Magdelaine la preschoit, a qui sa feme dist : « Ja n’aviengne, sire, que vous alez sans moy. Se tu y vas, je yrai, se tu demeures, je demourray. » Son mari voult qu’elle demourast et lui moustra qu’elle estoit grosse et les perilz qui sont en la mer, et que a elle appartenoit la cure de leur hostel. Elle respondi tous jours au contraire, et tant fist qu’il lui ottria. La Magdelaine leur mist le signe de la croix sus les espaules, que l’anemi ne meist empeschement en leur voyage. Ilz cercerent la nef des choses qui leur furent neccessaires, et tout ce qu’ilz avoient ilz lessierent en la garde de la Magdelaine et se mistrent a la voye. Sicomme ilz orent erré .j. jour et .je. nuit, la mer se commença a enfler et le vent a souffler [231 r°] ainsi que tous furent en peril, et meismement la feme qui fut grosse et fleibe et pooureuse, et tant que soudainement elle enfanta .j. filz et en enfantant, elle morut. L’enfant commença a querre les mamelles et a plourer et le pere a soi desconforter, et disoit. « Halas ! Halas ! J’ay tant desiré a avoir .j. filz, or m’a il tué la mere et si escouvient qu’il muire. » Et les notonniers crioyent : « Jeton ce corps en la mer ains que nous perisson tous ensamble, car tant comme il soit o nous, la tempeste ne cessera. » Sicome ilz voloyent le corps jetter en la mer, ilz virent un tertre qui leur apparut. Adonc le pelerin pensa que mieulx y vendroit mettre le corps de sa femme et son enfant en ce tertre que les baill[e]r a devourer aux poissons de la mer, et tant fist par prieres, dons et promesses qu’ilz les menerent en ce tertre; et pour la duresce de la terre, ilz n’i pourent fere fosse, si mist ou plus segret lieu qu’il pout le corps de la mere et l’enfant jouste ses mamelles, et le couvri de son mantel et dist en souspirant : « O Marie Magdelaine ! Pour quoy vensis tu a Marceille ? Pour combler [231 v°] ma perdicion et ma misere ? Pour quoy fui ge si mescheant que je te cru de ceste voye entreprendre ? Pourquoy priaz tu que ma feme conceust enfant pour morir ? Elle est morte, or couvient que l’enfant muire, car je n’ai qui la puisse nourrir; et neant moins ce que j’ai eu, c’est par ta priere et mes biens que j’ay mis en ta garde, je recomand a toy et a ton Dieu, s’Il est si puissant comme tu diz, qu’Il ait merci de l’ame de la mere et gart l’enfant qu’il ne muire. » Puis entra en la nef et ala a saint Pierre. Sicomme il entra a Romme, saint Pierre lui fut a l’encontre. Quant il vit le signe de la croix que la Magdelaine lui ot fait sus les
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76. elle lui dist] il manque avant cette reprise la question du prince qui entraîne la réponse de MarieMadeleine. – 101. La lettre éditée entre crochets a été omise par le copiste.
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espaules, il lui demanda qui il estoit et dont il venoit, et il lui dist tout par ordre comme il lui estoit avenu, et saint Pierre l’asseure et lui dist : « Tu es venu et si as bon conseil creu, et ne soyez pas marri se ta feme est morte et se ton enfant se repose, car Dieu est tout puissant et fait sa misericorde a ceulx qui ont vraye esperance en Lui. Il ne t’a rien osté qu’Il ne te puisse bien rendre. » Adonc le mena saint [232 r°] Pierre en Jherusalem et lui monstra les lieux la ou Dieu prescha et fist miracles et la ou Il souffrit mort et dont Il monta es ciex. Quant saint Pierre l’ot bien introduit en la foy par l’espasse de deux ans, si entra en .je. nef et se mist a la voye de s’en revenir. Sicomme ilz najoyent, Nostre Sire ordonna qu’ilz vindrent jouste le tertre la ou il avoit lessié le corps de sa feme o son enfant, lequel fist tant aux notonniers qu’ilz lui menerent. Sicomme ilz aprocherent de ce lieu, il vit l’enfant, que saincte Marie Magdelaine avoit gardé tout sain, qui se jouoit sicome il avoit acoustumé sus le rivage de la mer, et s’en merveilla moult et yssi de la nef; et quant l’enfant le vit, qui onque maiz homme n’avoit veu, il ot paour et recourut aux mamelles sa mere et se tapi soubz le mantel. Le pere s’aprocha pour veoir plus clerement que c’estoit, si trouva l’enfançon qui sucçoit les mamelles sa mere. Adonc il prinst l’enfant et dist : « Ha ! Benoite Marie Magdeleine, combien feusse je eureux, combien me feust avenu en ceste voye se ma feme s’en peust venir o moy. [232 v°] Hé ! Marie Magdelaine, je croy que tu me porras bien rendre la mere, qui par deux ans az en ce tertre l’enfant nourri et gardé. » A ces paroles, la feme respira et aussi comme d’un dormir elle se esveilla et dist : « Tu es de grant merite, benoite Marie Magdelaine, qui es angoisses de mon enfantement me servis et en toutes mes necessités m’as secourue et maintenant la vie rendue. » Ce oÿ, le pelerin lui dist : « Vis tu, ma feme chiere et amie ? » Elle lui respond : « Oÿl, je vif et vieng du pelerinage ou tu az esté, et ainsi come saint Pierre t’a mené en Jherusalem et t’a moustré les lieux ou Nostre Sire souffri mort et fut enseveli et prescha et fist miracles, ainsi m’y a Marie Magdelaine menee et les ay veus ovec vous ». Et lui comença a raconter tous les lieux et les miracles que saint Pierre lui avoit monstré, sique onque n’i failli en .j. seul point. Adonc le pelerin prinst sa femme et son enfant et entrerent en la nef o grant joye, et assez tost ilz vindrent a Marcelle et trouverent Marie Magdelaine o ses disciple preschant, et s’agenouillerent devant elle o plours et o lermes et leur raconterent comme il leur estoit avenu, et saint Maxime [233 r°] les baptiza. Adonc ilz destruirent en la cité de Marceille tous les temples des ydoles et edefierent eglises de Jhesucrist, et eslurent Lazarum tout d’un accord a estre evesque de la cité. Aprez, ilz vindrent en la cité de Aés en Provence et y convertirent moult de pueple et firent moult de miracles, et y fut saint Maxime ordonné evesque. Aprez la benoite Marie Magdelaine s’abandonna du tout a contemplacion souveraine et s’en ala en j. desert en j. hermitage, la ou
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118. adonc le mena saint] bissé au début de la page suivante. – 120. miracles est placé en fin de ligne; l’abréviation dont ce terme est muni ne permet pas de déterminer si le scribe voulait en exprimer le singulier ou le pluriel, qui semble toutefois plus naturel. – 149. Le c de miracles a été ajouté au-dessus de la ligne.
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elle fut par l’espace de .xxx. ans que onque ne vit homme ne femme, et en ce desert n’avoit ne cours de eaue ne umbre de arbre ne verdeur d’erbe; et ylecques chascun jour, les angles le venoyent viseter et reconforter, et vivoit de la grace de Dieu sans nulle viande corporel. Or avint que j. prestre devot vout mener vie solitaire, si fist .je. celle aussi comme au trois pars d’une lieue de l’ermitaige Marie Magdelaine. Une foiz, Nostre Sire par sa grace lui ouvri les yeulx qu’il vit apertement comme les angles descendoient au lieu ou demouroit la Magdelaine et le portoyent en l’air et puis le reportoyent en son [233 v°] propre lieu en Dieu loant. Le prestre se commanda a Dieu et voult aprochier par grant devocion plus prez pour mielx congnoistre la verité de celle vision. Sicomme il vint aussi comme au giet d’une pierre, les cuisses lui commencerent a faillir et les entrailles a hericer et ne peuet plus avant aler, et plusieurs fois s’i efforça. Adonc il appella le nom de Jhesucrist et cria a lui : « De par Nostre Seigneur, se tu es home ou aultre creature raisonnable qui habites en celle fosse, respons moy et me di verité. » Quant il ot ainsi dit, la Magdelaine lui respondi : « Aproce plus prez », dist elle, « et de quanque tu desires, tu porraz savoir la verité. » Sicome il vint a mie voye de ce lieu tout tramblant, elle lui dist : « Je sui la Magdelaine qui est appellee en l’Evangile pecheresse, qui lavai les piés Nostre Seigneur Jhesucrist de mes lermes et terdi de mes cheveux et empetray pardon de mes pechiés, et ay icy demouré par l’espace de .xxx. ans que onque homme ne feme ne me vit, et aussi m’ont reconfortee les angles chascun jour comme tu veiz hier; et pour ce qu’il [234 r°] m’a esté revelé de Nostre Seigneur que je doy trespasser de ce siecle, va t’en a Maxime, l’evesque de Aés, et lui dy que le prochain jour de la Resurreccion Nostre Seigneur, ou temps qu’il seut lever a matines, il entre tout seul en son oratoire et il m’i trouvera par le service des angles qui m’i menront. » Et ooit le prestre la voix, mais riens ne veoit. Il s’en ala a l’evesque et lui raconta toutes ces choses par ordre. Adonc saint Maxime en ot grant joye et rendi graces a Dieu, et a ce jour et en celle heure qu’il lui fut mandé, il entra en son oratoire et vit la Magdelaine eslevee deux coutes de terre entre les angles qui l’avoient amenee. Sicomme saint Maxime douta aprochier a elle, elle se tourna vers lui et lui dist : « Aprochiez plus prez, beau pere, ne fuiez pas vostre fille. » Adonc le clergié fut appellé et le prestre dessusdit, en la presence des quelz elle rechupt par la main de l’evesque le corps Nostre Seigneur o grant habundance de lermes, et ainsi comme elle fut aprez en devocion devant l’autel, la sainte ame lui yssy du corps et illec il ot si grant odeur par .vij. jours que l’en la senti; [234 v°] et illec saint Maxime, evesque d’Aés, enseveli son corps hounourablement et se fist jouste elle ensevelir aprez sa mort. Ou temps de Chalemaine le Grant, Guerart, duc de Bourgoingne, par sa devocion et pour ce qu’il ne pooit avoir nul filz de sa feme, si donnoit ses biens a large main aux povres pour l’amour de Dieu
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186 - 187. enseveli son corps houn. et se fist jouste elle honnourablement ens. (l’adverbe reproduit fautivement a été souligné).
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et fesoit moult d’eglises et de moustiers. Sicomme il ot fet le moustier de Verdelay, lui et l’abbé de ce moustier envoyerent j. moyne o compaignie convenable d’Aés pour aporter en les reliques de la benoite Magdelaine, s’il pooyent. Quant il vint en la cité et il la trouva destruitte des payens, si trouva aussi comme d’aventure .j. sepulcre couvert d’une pierre de marbre ou il avoit escript que yllec estoit le corps de la benoite Magdelaine. En ce sepulcre estoit l’istoire d’elle en merveilleuze oeuvre bien entaillee. Celle nuit, lui et sa gent froisserent ce tombel et porterent les reliques en leur hostel, et en celle nuit, la benoite Magdelaine lui apparut et lui dist qu’il ne doubtast rien et qu’il parfeist ce qu’il avoit [235 r°] encommencié. Sicomme ilz s’en revenoyent et ilz furent a demie lieue du moustier de Verdelay, ilz ne pourent les sainctes reliques remuer ne avant porter en nulle maniere devant que l’abbé o ses moignes y vindrent a procession hounourablement. Un chevalier qui chascun an avoit acoustumé de venir au corps de la Magdelaine par devocion fut ociz en bataille, si morut sans confession. Sicomme l’en le portoit en biere, ses parens en plourant requeroyent la Magdelaine : « Ha ! Benoite Magdelaine, pour quoy as tu lessié morir ton devot chevalier sans confession ? » Et en l’eure soudainement, cellui qui mort estoit se leva et fist venir le prestre et se confessa, et puis reçupt son sauveur et tantost il morut tressaintement. Une nef chargee d’ommes et de femes fut depecee en la mer, si y avoit je. femme enchainte. Sicomme elle se vit en peril de la mer, elle cria mercy a la benoite Magdelaine et voua a Dieu que, se elle povoit eschapper de ce peril et elle avoit j. filz, qu’elle le donroit a la Magdelaine a servir Dieu en son moustier; et tantost le voult fet, une belle feme lui apparut qui la prinst par la main [235 v°] et la mena toute saine au rivage de la mer, et les aultres furent noyez. Aprez elle ot j. filz et acomplist devotement son voult. Aucuns dient que Marie Magdelaine fut espouse de saint Jehan l’Euvangeliste qui l’avoit espousee, quant Nostre Sire le rappella des noces, et pour ce qu’Il lui avoit osté son mary, elle fut desdaignee et s’abandonna a faire tout son delit; et pour ce que ce n’estoit pas congruité ne raison que la vocacion de saint Jehan fust occasion de dampnement a aultre, pour ce Nostre Sire la converti par sa misericorde a penitence, et pour ce qu’Il l’avoit ostee de tresgrant delit, Il l’empli de souveraine delectacion qui est en Dieu amer parfaitement. Et ce meisme puet l’en dire de saint Jehan que pour ce qu’Il l’osta de sa delectacion charnelle, Il le mist en souverainne delectation espirituele quant Il lui revela son secret et sa familiarité.
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202. de la Magd.] l’article a été ajouté au-dessus de la ligne. – 215. quant saint Jehan nostre sire le rapp. des noces. Les deux mots que nous n’avons pas reproduits sont soulignés dans le manuscrit.
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24. Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 13496, f° 131 a - 146 c Nous avons déjà introduit avec le récit de translation n° 9 le manuscrit Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 13496. Nous ne reviendrons donc pas ici sur sa description et nous concentrerons sur la vie de Marie-Madeleine qui intervient une centaine de feuillets avant dans ce recueil. Sa longueur – elle est la plus développée du corpus vernaculaire – témoigne à elle seule de son importance. Cette pièce relate amplement la vie évangélique de la sainte (f° 131 a - 136 a), puis l’exil et le miracle de Marseille (f° 136 a - 140 a), la retraite érémitique et la mort (f° 140 a - 142 c), la translation des reliques à Vézelay (f° 142 d - 145 a), et poursuit par les miracles du prisonnier libéré, du chevalier ressuscité et de la femme enceinte sauvée du naufrage. Une prolixe intervention du narrateur, mêlant éloge de la sainte et appel au repentir, lui fournit sa conclusion. Sa composition est en elle-même des plus intéressantes. Le texte est en effet une véritable réécriture élaborée à partir de versions françaises existantes : il superpose des extraits des rédactions n° 2 et 7, des traductions des Évangiles ainsi que des matériaux de diverses provenances, qu’il entrecoupe de commentaires propres. Plus surprenant encore, le récit de translation qu’il intègre provient de la traduction du Nunc ergo largiente Domino, complétée par la vie de Girart de Roussillon, contenues l’une et l’autre dans le même manuscrit ! Le récit du n° 71 sous-tend l’ensemble de cette compilation jusqu’à la mort de saint Maximin. Des passages de cette version sont en effet repris de façon presque littérale dans notre vie2. Présents de façon diffuse dès les premières lignes, ces emprunts prennent une ampleur significative à partir du miracle de Marseille. Les extraits mis bout à bout reproduisent alors le n° 7 presque sans interruption. Néanmoins, la rencontre du pèlerin avec Pierre est déplacée avant la louange de MarieMadeleine. Sur cet arrière-fond, le narrateur greffe des éléments narratifs que l’on peut rattacher à l’Adbreviatio in gestis et miraculis sanctorum de Jean de Mailly. Ainsi, pour le début du texte, les précisions que Marie-Madeleine perd son nom et qu’elle n’a pas de mari ; que le Christ est venu sur terre pour délivrer les siens des mains des ennemis ; que la pécheresse se remémore sa vie avant de L’approcher et qu’elle se prosterne devant Lui embrasée par le Saint-Esprit ; que les habitants de Marseille font usage de bains en raison de la chaleur ; ou encore que la sainte répand le reste de l’onguent sur la tête de Jésus sont toutes présentes chez l’auteur latin. La brièveté de ces mentions, jointe à la liberté que le compilateur s’accorde, ne Rappelons que la grande majorité des vies retranscrites dans le manuscrit se retrouve dans les légendiers qui conservent la rédaction n° 7. L’histoire de Marthe coïncide pourtant avec la version traduite de l’Adbreviatio de Jean de Mailly, deuxième source vernaculaire mise à contribution par le compilateur. 2 À partir d’une copie qui, sur des éléments précis, coïncide parfois avec l’un ou l’autre des exemplaires qui en subsistent aujourd’hui mais ne concorde pleinement avec aucun d’entre eux. 1
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permet pas d’affirmer d’emblée que celui-ci s’est servi de l’adaptation vernaculaire existante (n° 2). ça et là apparaissent toutefois des reprises ponctuelles qui rendent cette hypothèse plausible. Longue de 30 ans dans la rédaction n° 7, la retraite érémitique de la sainte couvre par exemple deux années supplémentaires dans le texte bourguignon et dans le n° 2 et est présentée en des termes proches (cp. « et lai ele mena sainte vie et honeste ; et en celui demora ele par l’espace de .xxxij. anz touz pleins et acompliz », l. 615 sq. ; « ou ele mena sainte vie et honeste .xxxij. anz touz ploins », n° 2, l. 79). Il en va de même lors de la découverte de la sainte (cp. « et aloit touz seuls par les bois, et ensint fazoit sa penitence en jeugnes, en vigiles et en oroisons », l. 638 sq. ; « et aloit toz sous par les bois d’antor s’abaïe, et fasoit la peneance en orisons et en jeunes », n° 2, l. 88 sq.). La reprise littérale des miracles du chevalier ressuscité et de la femme enceinte sauvée du naufrage (l. 934 - 951 ; cf. n° 2, l. 161 - 178) achève de convaincre et permet de supposer que l’auteur a eu recours à la traduction française de Jean de Mailly tout au long de son travail. L’insertion d’éléments tirés de l’Adbreviatio éclaire les modifications introduites dans les segments qui suivent la version n° 7. Par exemple, alors que celle-ci situe la dernière rencontre de Marie-Madeleine et de Maximin « le jor de Pasques » (n° 7, l. 303), notre rédaction la place « le premier diemenge qui vanra », (l. 692 ; cf. n° 2, l. 103). La présence de deux anges aux côtés de la sainte (l. 721 ; cf. n° 2, l. 108) ou la datation de la mort de l’évêque « l’an de grace .lxx. » (l. 740 ; cf. n° 2, l. 113) s’expliquent aussi par ce rapprochement. Le n° 7 intervient également, mais de manière discrète, au début du récit de la vie évangélique de Marie-Madeleine. Le repas du Christ chez Simon conserve en effet le souvenir de cette rédaction. Celle-ci ne sert pourtant que d’amorce au compilateur qui, débordant de son cadre, interpole la traduction quasi littérale d’extraits des Évangiles qu’il complète par des commentaires. Les citations bibliques se succèdent ainsi, souvent avec leurs références explicites : parabole des usuriers (l. 79 - 90 ; Luc 7, 41 - 47, puis 7, 50, sans la réaction des convives) ; résurrection de Lazare3 (l. 120 - 160 ; d’après Jean 11, particulièrement 11, 17 - 45) ; hébergement chez Marthe et Marie, qui écoute les paroles du Christ alors que sa sœur s’active (l. 181 - 187 ; Luc 10, 38 - 42) ; rencontre des femmes désireuses d’oindre le corps avec le jeune homme vêtu d’une robe blanche (l. 260 - 271 ; Marc 16, 1 - 7) ; venue de Jean et de Pierre au Tombeau qu’ils découvrent vide avant de
Contrairement aux indications de la Bible et des récits traditionnels, l’épisode commence par mentionner que le Christ est présent à Béthanie durant les deux premiers jours de la maladie de Lazare. Le texte réduit son échange avec Marthe (Jean 11, 24 - 27) en affirmant qu’Il a alors prononcé « ces paroles et autres plusors » (l. 136). Il passe enfin sous silence la précision que Jésus n’est pas entré dans le village (Jean 11, 30) et l’expression de doute de l’assemblée, qui murmure qu’Il a été incapable d’empêcher la mort de Lazare (Jean 11, 36 - 37). 3
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repartir4 (l. 275 - 281 ; Jean 20, 1 - 10 ) ; apparition à Marie-Madeleine des deux anges dans le Sépulcre (l. 281 - 291 ; Jean 20, 11 - 13) ; échange avec le Christ jardinier (l. 311 - 315 et 323 - 333 ; Jean 20, 14 - 18). Le compilateur prend en outre garde de souligner la présence de Marie-Madeleine lors de la Passion en citant les passages de différents Évangiles : en compagnie de Marie, mère de Jacques et de Joseph, et de la mère des fils de Zébédée, (l. 224 sq. ; Matthieu 27, 56), de Marie femme de Clopas (l. 226 sq. ; Jean 19, 25), et de l’autre Marie, au tombeau (l. 246 ; Matthieu 28,1). Cependant, le caractère commun des extraits choisis ne permet guère de savoir si notre auteur recourt directement à la Bible ou s’il s’appuie sur un texte déjà inscrit dans la tradition liée à Marie-Madeleine. Les citations bibliques servent à ancrer de longs commentaires. Ceux-ci exposent parfois le contenu de l’Écriture dans une perspective édifiante5. Plus souvent, ils paraphrasent les Évangiles, dont ils répètent les propos, ou relatent les événements que ces derniers n’explicitent pas. Le récit de la Crucifixion (l. 210 - 352) est remarquable à cet égard : guidé par le regard de Marie-Madeleine, il est nourri par les interventions d’un narrateur compatissant qui en renforce le pathos. La plainte de la sainte, qui ne trouve pas de réconfort dans les paroles des anges à la mort du Christ, participe aussi d’une telle intention (l. 294 - 298). Il ne serait pas surprenant que ces développements proviennent d’une (ou de plusieurs ?) œuvre existante, latine ou française, mais leur source nous reste inconnue. L’effort de réécriture se poursuit dans le récit de la translation des reliques. C’est en effet par un bref rappel d’éléments disponibles dans la vie de Girart de Roussillon, contenue dans le même manuscrit, nous l’avons vu, que débute cette partie du texte (les versions n° 2 et 7 ne relatent pas cet épisode). En quelques lignes, le remanieur résume le conflit entre le comte de Bourgogne et le roi de France (non nommé), époux de deux sœurs, puis l’édification de douze abbayes à la suite de la mort des enfants du comte. Au contraire de la légende de Girart, il n’évoque cependant pas le soupçon d’adultère à l’égard de Berthe qui se rend de nuit sur le chantier de Vézelay, mais situe dans cette abbaye le miracle de l’ange soutenant le fardeau de la pieuse épouse lorsqu’elle trébuche, rapporté dans la source lors de la construction de Pothières (l. 796 - 803 ; vie de Girart, f° 221 d, § 92 ss. de l’édition P. Meyer6). À partir de la visite du pape en France (l. 807), la vie prend appui sur la traduction du Nunc ergo largiente Domino, qu’elle cite parfois mot L’adaptation vernaculaire modifie le texte biblique en montrant les deux disciples pénétrer en même temps dans le monument, alors que chez Jean (20, 5 et 8), Jean, arrivé le premier, attend que Pierre entre seul dans le Tombeau et ne le suit qu’après. 5 Ainsi, la comparaison explicite entre l’onction chez Simon et la tentative d’embaumement du corps crucifié (l. 255) ; l’exemple du retour à la vie de Lazare comme confirmation de la foi en la Résurrection (l. 175) ; ou encore l’interprétation de l’inactivité de Marie-Madeleine (cependant, si l’exposition parle bien ici de la vie contemplative élue par la sainte (l. 195), elle fait moins l’éloge de celle-ci que de l’amour pour le Christ). L’auteur fait aussi référence à la parabole du bon berger (l. 39 sq. ; Luc 15, 3 - 7, cf. Matthieu 18, 10 - 14). 6 P. Meyer, « La légende de Girart de Roussillon », Romania, t. 7, 1878, pp. 161 - 235. 4
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pour mot. Peu substantiels au départ, les rapprochements s’intensifient au fur et à mesure, et le récit de la libération du prisonnier est reproduit sans autres différences que de rares variantes ; et si les deux miracles repris du n° 2 s’insèrent à la suite, le texte renoue, après un commentaire du narrateur, avec l’adaptation française du Nunc ergo, qu’il traite toutefois de manière distante. Pour cette partie de la vie, l’auteur tend à élaguer sa source et à atténuer la dépendance qu’elle nourrit vis-à-vis du modèle latin. Il veille aussi à établir des liens intra-diégétiques en rappelant par exemple au moyen de l’incise « si com vous havez devant oï » (l. 841) que saint Maximin a fait sculpter un tombeau pour Marie-Madeleine. Le résultat n’offre pas de particularités narratives nouvelles par rapport à l’adaptation du Nunc ergo largiente Domino. Toutefois, le personnage de Girart est mis en relief lors de l’envoi du moine à la recherche des reliques. En comparaison de la vie du comte et de la translation des reliques de MarieMadeleine (n° 9), la réécriture de son histoire témoigne d’une imprégnation dialectale plus superficielle. Les régionalismes sont beaucoup moins marqués dans ce texte. Par ailleurs, lorsqu’un terme spécifique apparaît dans cette rédaction, il se distingue le plus souvent de celui que la translation emploie, même si sa signification est analogue et qu’il reste parfois proche (les couples de substantifs antaillemenz et antailleure, balais et rameces, longuesce ou longour et longuetez, etc. illustrent cette caractéristique7). On remarquera toutefois l’emploi réfléchi du verbe acostumer (l. 12) dont sauf erreur, les dictionnaires ne procurent qu’un seul exemple (dans un texte du manuscrit BNF, f. fr. 19152, cf. Tobler-Lommatzsch), le roman de Claris et Laris fournissant pour sa part une occurrence isolée, elle aussi, d’annubler intransitif (« se couvrir (du ciel) » ; cf. Tobler-Lommatzsch ; l. 446). assigner n’est pas rare en tant que tel, mais sa valeur sémantique à la ligne 495 est atypique8. Comme nous l’avons déjà signalé à propos du substantif, contemplacion et contemplatif (l. 189 et 195) ne sont guère fréquents dans la langue médiévale. Attesté pour la première fois chez Chrétien de Troyes, dessevelir (l. 890) n’est pas très employé. entreprise (l. 316 et 869) est un autre de ces termes qui passent facilement inaperçus, mais il n’en existe que très peu d’exemples pour la période qui suit son apparition (vers 1220 - 1230, dans un sens très différent d’ici) et surtout, pour la signification qui lui convient dans notre texte, nous n’en avons trouvé aucun qui les devance. esteure (l. 524), qui exprime plutôt le port ou le maintien, en principe, mais que « forme, apparence » peuvent aussi traduire, est un dérivé peu usuel. Les quelques citations dont nous pouvons disposer à travers Godefroy permettent de le faire remonter n° 24 : l. 843 et n° 9 : l. 69 ; l. 847 et l. 79 ; l. 885 ou l. 887 et l. 118. En effet, l’acception la plus ancienne du mot et celles qui se développent au XIIIème siècle ne correspondent pas à la signification requise ici, ce verbe redoublant explicitement anvoier. On peut donc se demander si l’on n’a pas affaire à un croisement avec le sens d’assener, comme pour les formes de l’ancien et surtout du moyen français assiner, cf. FEW, assignare, XXV,1, col. 539 b, et note 5. 7 8
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aux années 1200 environ9. Répandu durant toute la période médiévale dans l’acception de « frais, dépense », mission reçoit à la ligne 804 une interprétation beaucoup plus remarquable (« envoi »), issue d’un rapprochement avec le latin que pratique aussi Gilles li Muisis (cf. Tobler-Lommatzsch). receler (l. 648) est un verbe ancien mais assez isolé. Quant à la forme féminine de sergent, sergente (l. 281 et 952), elle est exceptionnelle10. De sormontement (« débordement, excès », l. 329), que l’on peut ramener à la seconde moitié du XIIIème siècle, nous possédons un certain nombre de témoignages dans les dictionnaires, dans un registre sémantique varié, mais avant la dernière partie du moyen âge ses attestations demeurent peu certaines ; et si la datation du premier emploi de transporter (l. 771) s’avère délicate, ce verbe n’est guère fréquent11. Notre adaptateur manifeste en outre une certaine prédilection pour les adverbes en -ment : on relève ainsi dans la vie (comme dans la translation cf. l. 892 et n° 9, l. 124) despeeschiement (« rapidement »), forme très rare12 ; effronteement (l. 969), absent du FEW et dont les deux seules autres occurrences viennent de Godefroy (la première date de la fin du XIIème siècle et la seconde, extraite du manuscrit 3142 de la Bibliothèque de l’Arsenal, représente sans doute une variante du Livre de philosophie et de moralité d’Alart de Cambrai) ; ensuigammant (« ultérieurement », l. 110), plus courant mais dont la citation la plus ancienne (chez Godefroy, à nouveau) date de 1341 ; ententiblement (« attentivement, diligemment »), dans le récit de la découverte des reliques (l. 906 et n° 9, l. 137) et dans les deux états
Il est cependant reproduit d’après la copie d’un manuscrit de 1330 (Londres, British Library, Add. 16441) réalisée pour Lacurne de Sainte-Palaye (Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3312), et l’indication de Godefroy est confuse puisque le folio qu’il mentionne renvoie à la partie de cette retranscription qui concerne Anseïs de Carthage, tandis que le passage cité semble bien provenir d’Athis et Prophilias, seconde œuvre reprise dans le recueil du XVIIIème siècle. L’absence d’index et de glossaire dans l’édition A. Hilka d’Athis et Prophilias rend la recherche trop incertaine pour que nous l’ayons entreprise. Le texte dont l’adaptateur se sert ici (n° 7, l. 202) comporte dans le même passage « et trova l’enfant de mout bele estature », où l’on devine le modèle du substantif qu’il emploie et, avec une forte vraisemblance, la leçon originale d’Athis et Prophilias, voire celle qui figure dans l’exemplaire de la British Library. 10 En outre, la situation est confuse pour ce qui concerne la première attestation retenue par le FEW (serviens, XI, col. 533 a), qui se retrouve dans Tobler-Lommatzsch. La forme sergante enregistrée par ces deux instruments n’est en tout cas pas directement extraite du manuscrit 3472 de la Bibliothèque de l’Arsenal, dont elle est censée venir (dans le passage concerné, l’édition M. S. La Du comporte serchante, cf. The Medieval French « Roman d’Alexandre », vol. 1, Text of the Arsenal and Venice versions, Princeton, Princeton University Press, Paris, PUF, 1937 (Elliott Monographs in the Romance Languages and Literatures, 36) ; v. 2785), et elle ne semble pas non plus résulter de la version d’Alexandre de Paris (chamberiere, cf. v. 3336), l’apparat critique de l’édition E. C. Armstrong et alii s’avérant toutefois bien trop réduit pour vérifier les nombreuses copies susceptibles de contenir une telle variante. 11 Pour charrot, l. 881, fortefier, l. 874, et nombrable, l. 814, voir le n° 9. expressé (« animé », « mu, tourmenté », l. 250 et 283) est commenté dans l’apparat critique, à la première apparition de ce participeadjectif. 12 Repris par le FEW. Godefroy est le seul à mentionner celle-ci. Il en enregistre quatre exemples (II, 623 c - 624 a), les deux plus anciens à partir des Miracles de Saint Louis par Guillaume de Saint-Pathus (soit dans les dernières années du XIIIème ou les premières du XIVème siècle), qui semble d’ailleurs l’avoir en affection (celui qu’il reproduit correspond au chapitre XVII, 82, de l’édition P. B. Fay, Les miracles de Saint Louis, Paris, Champion, 1931. 9
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du miracle du chevalier libéré de ses fers (l. 921 et n° 9, l. 174)13, plus une fois de manière isolée dans la translation (l. 80), et dont il existe aussi deux occurrences dans la légende de Girart de Roussillon éditée par P. Meyer (§ 87 et 240 ; latin « sedule » et « aure intenta »)14 ; gracieusement et manifestement (l. 347 et 128), dont les attestations sont sporadiques dès le tournant des XIIème et XIIIème siècles pour le second et vers 1225 pour le premier ; ainsi que misericordiousemant (l. 71 ; deux occurrences en tout et pour tout, éloignées l’une de l’autre, la plus précoce dans la Chronique des ducs de Normandie de Benoît de Sainte-Maure). Deux faits de syntaxe ou de morpho-syntaxe méritent enfin d’être signalés. On rencontre parfois le verbe estre accompagné du participe passé d’avoir dans des conditions où l’on attendrait plutôt l’inverse, par exemple aux lignes 413 « quar devant estoient heu mont dolent » ou 279 sq. « et le suaire qui estoit heuz mis sus son chief desseure dites ». Par ailleurs, lour est assez souvent employé au lieu d’eus comme régime prépositionnel : « ele se leva ancontre lour » (l. 369) ; « et disoient entre lor » (l. 451) ; « il virent pres de lour une montaingne » (l. 463), etc.
13 Y aurait-il une correspondance avec le latin attentius, employé par Vincent de Beauvais qui nous livre pour cet épisode une version très proche du texte français (Speculum historiale, XXIII, cap. cliii) ? 14 Au contraire d’entendiblement, on ne rencontre que peu d’exemples de ce mot entre son apparition, dans les dernières décennies du XIIème siècle (l’une des quatre mentions des dictionnaires est en outre issue du Girart de Roussillon), et 1319 qui, d’après le FEW, marquerait le terme de son utilisation.
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[131 a] La vie Marie Magdelaine
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celui tans que Nostres Sires Jhesucriz aloit par terre corporelmant estoit en celes parties une noble femme nee dou chastel qui est nommez Magdalum, la quex estoit nommee Marie; et por le non dou chastel estoit apelee communemant Magdelaine. Ceste fui atraite et nee de tres noble lignaige de toz costez. Ele fui de tres grant noblois selonc l’orgueil dou siecle, quar ele tint plusors granz patrimoines et possist plusors granz richesces; et avec toutes ces chouses fu rennomee de grant beauté par tote cele contree, quar si com chascuns doit savoir que les richesces des granz genz sont plus renommees que les povres, ou de bien ou de mal. Mas por ce que granz deliz est de demorer entre granz richesces, ele out grant delit en iceles et prist mout d’aises et de repoux, en tel [131 b] meniere que por ces chouses s’acostuma a totes males huevres et a toz pechiez mortels abandona son cors, especialment au vilain pechié de luxure; et par ce pourchaça tant et fist que ele perdi son droit nom, et ne fut pas appelee « Marie », mas « pecheresse ». Ele n’out point de mari et pour ce abandona son cors au commun des homes. En tel meniere livra son cors au pechié de char et a grant honte, et sa vie apperoilla a dampnation et a feu pardurauble; et ansint grant piece de temps usa sa vie et [s]a bele jouvante am loicheries et en autres mauleurtez, quar de tant comme ele estoit plus bele et plus riche, de tant furent plusor plus esmeu de pechier en li. Mas quant Nostre Sires Jhesucriz fui venuz an terre por les suens delivrer de[s] mains de lour anemis, comme cilz en cui toute pitiez et misericorde maint et come cilz qui pas ne desire la mort des pecheours, mas que il degurpissent lour pechiez et que il facent penitance, por ce out pitié de ceste pecheresse et la vout retourner de son errour et getier de son pechié, et anquor pour ce que uns chascuns veraiz repantanz peust havoir esperance en sa debonaire misericorde d’avoir pardon de ses pechiez; et pour ce li anvoia an son cuer lumiere de cognoissance si que ele pout par ce cognoistre honte et pechié.
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Aprés ce que Nostres Sires out ceste pecheresse enluminee de grace, ele recourda a li [131 c] meismes la vité de sa vie, et comment ele havoit laidemant et vilainnemant ouvré et lou temps usé a grant honte et a grant vergoinne sa jouvante demenee; et quant ele out toute sa vie regardee et recourdee en son cuer, qui tant estoit mauvaise et deshoneste, si s’aparçut a li meismes et se repanti de grant cuer de ce que ele
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1. Rédigé en petite écriture cursive, ce titre, qui semble plutôt constituer une indication pour le miniaturiste ou pour le rubricateur, est placé entre l’enluminure et l’initiale ornée qui l’accompagne. Au bas du feuillet précédent – 130 d, entièrement blanc par ailleurs –, on lit, dans une écriture courante de grand format et d’une main sans doute distincte : Cy commance la vie Magdelaine Marie. – 13. pourchaça] les quatre premières lettres de ce mot ont été ajoutées au-dessus de la ligne dans une petite écriture cursive (en apparence, la même qui a consigné le titre de la pièce). – 17. et a bele jouvante. Le dernier mot est précédé d’un espace, qui conserve des traces de grattage (correction de nature indéterminée). – 20. de mains.
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avoit mesfait, et ordena en son cuer que jamais vilain pechié ne feist et se commança a porpanser comme ele porroit restorer ses granz domaiges. Et adont ele ne se desapara pas por l’ordure de ses pechiez ne por les viltez de ses felonies, ainçois aparçut Jhesucrist, le Soingnor de l’umain lignaige, et pansa diligemment la parole que Il havoit dit au commun dou peuple, que Il n’estoit pas venuz au monde por les justes, mas por les pecheors; et ancor li sovint de ce que Il havoit dist autre part que plus grant joie font li ange dou ciel d’un pecheor, quant il se repant et vient a amandemant et il fait penitence, que de nonante et .ix. justes qui n’ont mestier de penitence. Quant Marie la pecheresse out [conçu]es ces bones pansees en son cuer, ele out esperance de la misericorde de son creatour; et adont, ele aparçut Jhesucrist, le Soignor de l’umaigne lignie, venir en la maison Symon lou Pharisien, et totes ces choses devant dites notees et confites en son cuer, ele par l’aide de Deu prist cuer, force et ardemant an li et mit toute honte soz piez, et out esperance an son Sauveour de verai par- [131 d] -don et de son mauvais nom changier au bon. Et por ce, en grant repantance et en grant contriciom de cuer et en veraie foi, ceste qui ja estoit raemplie et ambrasee dou Saint Esperist prist un precioux oingnement, et en grant amertume et en grant planté de lermes ala hastivemant a l’ostel ou Jhesucriz estoit, desirranz d’apruchier son Creator; et tote voie, por ce que ele estoit pecheresse, ne s’osa exaucier entre les justes, mas tote voie ele s’abaisa humblemant et se laissa cheoir as piez Nostre Soingnour comme cele qui desirroit boivre de la douçor de la fontainne de misericorde. Et adont, par tres grant angoisse de veraie repantance, li habunderent lermes et conceurent en son cuer, les quex par force de contriction il [covint] hastivemant monter a ses heauz et respandre habundammant sus les beneurez piez qu’ele tenoit de celui qui havoit poissance de li ses pechiez pardoner et de li doner sauvemant et vie pardurable; et adonc, ele commança a laver les piez de son Creator de l’aigue de la fontaigne de son cuer, et aprés les essua de ses chevoux que ele havoit toz jourz amez devant ses autres beautez; et aprés les oingni de precioux oignemant que ele havoit apourtey avec soy, qui estoit confiz des plus preciouses chouses qu’ele pouist havoir, car a celui temps vivoient an celui paiis de beins et d’oingnemenz, par la grant chalour dou paiis. Et por ce que ele peust parfaire le servise en tel meniere [132 a] que il poïst plaire Nostre Soignor, ele prist le remenant dou devant dit oingnemantz et l’espandi sus le saintisme chief de Nostre Soingnor Jhesucrist si que toute la maisons fu raamplie de bone oudour; ne ele ne dit mot de sa boiche, mas par lou benefice de son servise demonstra bien la grant flambe de son cuer et l’ardure de sa compunction et la chaulour de sa dilection.
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41. out [conçu]es] le premier mot paraît avoir subi une retouche – l’initiale de out se rapproche plutôt d’un C ou d’un O majuscules – et le second commence par une abréviation suivie de deux caractères exponctués et des lettres es. Un dégât d’eau s’est produit sur la partie de la ligne où ces éléments figurent, ce qui rend le texte difficile à interpréter. Notre reconstitution est donc hypothétique. – 52. desirroit] correction sur desirrioit (second i exponctué). – 55. il cognut hast.
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An tel meniere, ceste qui estoit appelee pecheresse acompli par grant humilitey et sainté cest noble servise et par veraie repantance de cuer, et par ce ne fui ele pas refusee dou servise de sa grant devocion, mas misericordiousemant receue. Mas toute voie, pour ce que touz malices de pansees et de diz sont plus acostumé au monde, es cuers et es boiches des persones, que les bones pansees et li bien a dire, de cest bien que ceste famme havoit fait an bone antancion murmurerent li plusor, et noïs Symons, qui Nostre Soingnor havoit herbergié, en out desdoing et dist dedenz lui : « Se cist fust veraiz prophetes et il saüst les misteres de la divinitey, il seust veraiemant quex femme ceste est, ne il ne la laissast pas apruchier a soy, quar ele est pecheresse. » Et adont Nostre Sires, qui plus aime un humble pecheor que un juste plain d’orguil, lou prist debonnairemant et dist : « Symon, dui detour devoient a un usurier. Li uns li devoit .vc. deniers et li autres .l.; et quant li creancier lor demanda sa dote, [132 b] il ne l’orent de quoy paier, et li creanciers ot marci de lour et perdona sa dete a l’un et a l’autre. Li quex aime plus celui ? » Et Symons respondi et dist : « Je haame que cilz a cui il ha plus doné. » Et Jhesucriz li dist : Tu as droitemant respondu. » Adont Il Se torna devers la famme et dist a Symon : « Voiz tu ceste famme ? Je antrai an ta maison, tu n’as doné point d’aigue a mes piez et acertes, ceste ha arousez mes piez de larmes et les ha ters de ses chevoux. Tu ne M’as doné baisier, et ceste, des que ele i antra, n’a cessé de baisier mes piez. Tu ne as oint mon chief d’oille, et certes ceste a oint mes piez et mon chief de precioux oingnemant : por quoi Je te di, maint pechié li sont delaissié. » Et lors dist a la femme : « Ta fois t’a fait sauve. Va t’an en pais. » Et d’ois enqui en avant monstra Nostres Sires a celui tres grant familiaritey et tres grant amor, et ele L’amoit devant toutes chouses et Lou suigoit par tout lai ou Il aloit, et Lou tenoit por son soingnour et pour son maistre; et tant estoit de s’amour esprise que tout jor Le vousist veoir et oiir, et pour ce se voloit adés seoir a ses piez que a ses piez adés poïst entandre sa voiz et sa paroule don ele ne se povoit saouler, quar trop li estoit plaisanz et delitauble et douce a son amoroux cuer, quar bien estoit de raison et d’avenant.
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En tel meniere com vous havez oï fui saintefiez li noms [132 c] de cele qui estoit dite pecheresse, quar des adont que Nostre Sires Jhesucriz qui tout puet li ot pardonez ses pechiez et l’an ot envoïe en pais, ele dut bien estre en pais et delaissier touz pechiez et toutes choses terrienes pour l’amor de celui qui tant li havoit fait de biens; et si fist ele si que d’ois adont dut ele bien estre nomee en leu de pecheresse
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81. lor demanda] une tache recouvre le premier mot et le début du second. Le scribe avait-il tout d’abord écrit a lor ? – 87. de b. mas piez, mas – forme habituelle de « mais » dans le texte – a été corrigé dans la marge en mes, dans une petite écriture cursive (encre de la même couleur que celle du texte). – 88. tu ne m’as oint, m tracé à l’encre (même apparence que celle employée par le copiste). – 88. d’oille (...) et mon chief] cette suite de mots a été ajoutée dans la marge (petite écriture cursive; encre de la même couleur que celle du texte). – 93. tout lou jor, deuxième mot exponctué. – 95. que adés poïst ent. – 96. a] remplace de, tracé (petite écriture cursive).
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sainte, quar de la propre boiche Jhesucrist veritable qui onques ne manti fui delivree et assoute de ses meffaiz et mise corporelmant ou nombre de ses amis. Li fait ne la dilections de ceste bienaüree dame ne li grant pardon que Nostre Sires li otroia por nous doner esperance de sa grant misericorde ne nous sont pas sanz plus plublié par la boiche des hommes communs, mas par les veraies escriptures des sainz Euvangelistres, veraiz tesmoing nous est tesmoingniez en verité; et cist en parlerent plusors foiz et an plusors leus, si comme l’en porra veoir en ceste escripture devant dite et ensuigammant aprés, quar veraiement puet l’an dire que ce fui ceste don sainz Luz li Euvangelistres parla en la Sainte Escripture, lai ou il dist que une famme pecheresse estoit en la cité, mas pour ce que mont ama, sui pechié li furent pardoné.
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Ceste bienaüree dame a cui Nostre Sires fist si grant bonté, si out une serour qui
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fui nommee Marthe, la quex demora virge tot son temps pour l’amour de Jhesu[132 d] -crist. Ceste si estoit de tres nete vie et des tres sainte. Ele se travailloit es besoingnes temporex et maintenoit hospitalitez, et sovant habergoit Nostre Soingnor et ses amis en lour hostel. Ces doues nobles dames si havoient un frere qui estoit apelez li Ladres. Ces devant dites serours et le Ladre auxi ama mout Nostre Sires. Si com l’Euvangile saint Jehan le tesmoingne, a celui temps que Nostre Sires estoit en Bethanie, le chastel qui es devant dit estoit, grief maladie prist le Ladre, et adont ses serours qui de ce furent troublees le firent savoir a Nostre Soingnour; et pour ce que Il amoit lou Ladre, quant Il oii que il estoit melaides, Il demoura en cest leu doux jourz, et adont avint que quant Il S’an fui partiz, li Ladres morut. Et aprés, quant Nostre Sires soult que il estoit trespassez, Il dist a ses apostres : « Li Ladres, nostre amis, dort, et Je i vois por ce que Je l’esvoilloie de dormir. » Et adont, ciz a cui Il parloit cudoient droitement que Il deist droitement dou droit dormir, et adont Il lor dit : « Manifestement, li Ladres est morz, et Je m’esjoï por vous, por ce que vous creez que Je n’estoie pas anqui. » Et aprés ces paroles et plusors autres que Nostre Sires lor dist adont et cil a Lui, Il ala an Bethanie le chastel qui estoit ansint comme a .xv. lees de Jherusalem, lai ou plusor juif estoient essambley por conforter les serors au Ladre. Entre ces choses, Marthe oï que Nostre Sires venoit, si Li ala a l’ancontre et Li dist : « Sire, se Tu euses esté ci, mes freres ne fu est mie morz, mas ces chouses sa je ores que quelconque chouse Tu havras requise de [133 a] Deu, Deux Te donra. » Et Nostre Sires li dist : « Tes freres resordra. » Ces paroles et autres plusors dist Marthe a Nostre Signor et Il a li, si con l’on puet veoir ou tesmoignaige de l’Euvangile qui
111. que de ce fui ceste, de ajouté au-dessus de la ligne, dans une petite écriture cursive. – 134. sire es tu euses esté te ci, es exponctué et corrigé en se; te exponctué. – 135. Un changement de main intervient au début de cette colonne, où l’on passe aussi à un nouveau cahier. L’écriture présente des similitudes avec celle du scribe qui a rédigé plus loin le récit de la translation des reliques de Marie-Madeleine (f° 230 b 233 b), mais on note aussi de nettes divergences de graphie entre ces deux parties.
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fu escripte selonc saint Jehan; et adont quant Nostre Sires et Marthe orent longuemant perlé, ele s’an ala en la maison ou Marie sa suers seoit et l’apela en bas, disant : « Li maistres est venuz qui t’apelle. » Et Marie, quant elle l’oï, se leva mout tost et vint a Nostre Signor; et adont li juif qui ancor la confortoient, quant il l’en virent aler ensint la suiguirent, que il cudoient que elle deut auler au monument por plorer anqui; et come Marie fust venue lai ou Nostre Sires Jhesucriz estoit, ele se laissa cheoir a ses piez plourant et Li dist cele meismes parole que Marthe Li avoit dite premiers : « Sires, se Tu eusses esté ci, mes freres ne fust pas morz. » Et adont, quant Jhesucriz Nostre Sires vit plorer Marie, Il fremist par esperit et trobla Li meismes et plora, et dist as juis qui lai estoient presant : « Ou l’avez vos mis ? » Et il deirent : « Sire, vien et si le voi. » Et Nostre Sires vint adont au monumant, et fremissant et plorant derechief lor comanda a lever la pierre, et anqui estoient Marie et Marthe, les serors au mort; et adont, Marthe dit a Nostre Signor : « Sire, il put ja toz, que il est de .iiij. jorz. » Et Jhesus li dist : « Don ne t’ai Je dist que se tu as creu, tu verras la gloire Deu ? » Et adont, quant la pierre fu levee, Jhesus leva ses yeuz [133 b] en haut et dist : « Peres, je Te ram graces quant Tu M’as oï – et certes Je savoie bien, quar Tu M’oz adés –, mas Je l’ai dit por le pueple qui est ci antor por ce que il croient, quar Tu M’as envoié. » Et quant Nostre Sires ot dites ces paroles, Il cria par grant voiz : « Ladre, vien fuers. » Et il maintenant issi fors, et havoit les mains et les piez loiez de loiens et sa face estoit loïe dou suaire, et Nostre Sires dit as autres : « Desloiez le et l’an laissiez aler »; et quant il fu desliez, il fu maintenant delivres et sains. Et por cest miracle, maint des juis qui lai estoient present et estoient venu avec Marie crurent en Nostre Signor Jhesucrist.
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Ensint gloriousement com vos havez oï fit Nostre Sires ses beles vertuz et resuccita
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le Ladre por l’amor de ses serors especialment, quar marevoilleusemant ama sainte Marie Madelainne et bien i parut en cest fait; quar si com vos havez oï devant, Il soul, bien que li Ladres ses amis estoit morz, tot ne fust Il pas presanz au leu et si ne plora pas por sa mort, nes adonc quant Il le recontoit a ses apostres; et aprés, quant Marthe s’amie parla a Lui si longuemant, qui autant devoit estre dolante par
142. que elle deut auler] que il allast. Les deux derniers mots ont été tracés – celui qui précède la forme verbale n’est cependant pas clair – et corrigés de la manière que nous reproduisons. Dans toutes les corrections de cette page et du verso, on retrouve la même main, dont le style diffère de la petite écriture cursive que l’on identifie jusqu’ici dans les interventions, et l’encre est de la même tonalité brune que celle employée par le nouveau copiste (celle des folios 131 - 132 est beaucoup plus noire). – 144. plourant] ajouté au-dessus de la ligne. – 146. Marie] ajouté au-dessus de la ligne. – 146. On a de fait : il fremissant per esperit. La finale du verbe semble avoir été ajoutée – le scribe avait-il commencé par reproduire fremist ? – et le e de per a été exponctué et remplacé par a. – 148. et si le voi] si est ajouté au-dessus de la ligne. – 149. et lor comanda, et tracé et exponctué. – 157. Le copiste a tout d’abord écrit : et havoit les piez et les mains loiez de l., en ajoutant sans doute le s du premier article, puis il a tracé les deux mots qui suivent et a joint dans la marge et les piez, que nous éditons donc à l’endroit voulu. – 160. et estoient venu] estoient est ajouté au-dessus de la ligne. – 166. adonc] ajouté au-dessus de la ligne.
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raison come Marie, que li Ladres estoit ausimant ses freres, ne Nostre Sires por chose que ele Li deist ne por duel que ele feist ne se mut onques de plorer; et maintenant que Il vit Marie plorer, Il en fremissant d’esperit plourai. Certes mout [133 c] avoit ses larmes chieres, et puet estre que il Li estoit grief quant ele les espandoit autres part que sus ses piez et quant eles li pertoient dou cuer por nule autre persone que por la soie. Certes, mout furent ces deus nobles dames bien aürees et lour saintez de grant merite, per la quel priere et amor, li Ladres fu resuscitez, quar par sa resurrection est confermé la nostre sainte foiz en la resurrection a venir ou darien jor dou monde que Deux vanra jugier les vis et les morz et le siegle par feu, que li cors releveront de terre et lour armes et que tuit recevront selonc lour dessertes ou bien ou mal, li ame et li cors ensemble, ne ja ne panront fin.
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Autre foiz avint que Marthe havoit herbergié Nostre Signor et aministroit et
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servoit a son oste. Si com l’Euvangile le tesmoigne qui est dite selonc saint Luz, Marie seant selonc les piez Nostre Signor escoutoit sa parole et Ma[r]the si s’esforçoit anviron l’espos mestier; et adont, Marthe s’estuit devant Nostre Signor et Li dist : « Sire, ne T’est il a cure ce que ma suers me laisse suele menistrer ? Di li donques que ele m’aidoit. » Et Nostre Sires dist : « Ancelle Marte, Marthe, tu es cusancenouse et es troblee anviron plusors choses, mas une chose est necessaire. Marie a esleu la tres bone pertie, la quex ne li sera pas tolue. » En tel meniere [133 d] com vos avez oï prist Nostre Sires en gré les faiz de ceste bienaüree dame sainte Marie Madalene et demostra le plaisir que Il avoit en tote contemplacion, quant a Marthe, que Il amoit mont et qui tant metoit de cuer et de poigne en Lui servir et honorer et que tant sainte fame estoit, Il ne vout pas assentir une seule hore que cele Li deust aidier por Lui meismes servir et por ses amis, ne ancor ne li vout Il dire que ele feist bone huevre, mas li dist : « Une chose est necessaire »; et de Marie, qui neant ne travailloit ne penoit son cors a cele hore, dist que ele havoit esleue la tres bone pertie. Certes, mout loa anqui Nostre Sires la vie contemplative,
168. ne n. s.] omise, la voyelle de la négation a été ajoutée au-dessus de la ligne. – 170. plourai] ajouté au-dessus de la ligne. – 171. avoit] bissé (la première occurrence a été tracée et exponctuée). – 176. resurrection est directement suivi d’un caractère indéchiffrable. La présence en face de cette ligne d’une annotation marginale – [a] venir; première lettre rognée – laisse supposer qu’il s’agit d’un signe de renvoi dont la fonction est de marquer l’emplacement des trois mots supprimés à la ligne suivante. – 176. ou darien jor et a venir dou monde, et a venir tracé et exponctué. – 177. que li cors rel. de terre et les ames i rantreront et que tuit rec. Les termes que nous avons soulignés ont été tracés et on lit au-dessus : lour arme, tracé à son tour. La marge comporte un ajout de la même main : et lour armes et, suivi d’un mot dont le début a été rogné et que ses vestiges ne permettent pas d’interpréter. Nous avons conservé de ce passage les éléments qui nous semblaient pertinents. – 182. Mathe. – 183. Nous ne comprenons pas ce qu’il faut entendre par si s’esforçoit anviron l’espos mestier et ne voyons pas davantage quelles améliorations donner à ce passage obscur. – 185. Marte] ajouté au-dessus de la ligne. – 189. M. Mad. que il amoit mont. Les quatre mots qui ne figurent pas dans l’édition ont été tracés (voir note suivante). – 190. Marthe qui tant metoit de cuer. Les mots qui figurent en plus dans l’édition ont été ajoutés au-dessus de la ligne (voir note précédente).
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et bien fist semblent enqui que cil qui a Lui se tienent praingnent le melor et bien le fist parcevoir par sa parole que Il dit : « Marie ha esleue la tres bone pertie »; car per la bone pertie entandoit Il Lui meismes, qui est la melors pertie que nuns puisse eslire ne havoir, et Marie l’avoit eslit devant totes autres choses et por Lui havoit laissies totes ses richesces et delices corporex, et totes choses terrienes et mondaines, et tote s’estoit donee a Lui et cors et ame; et por ce dist Nostre Sires en li essegurant qui ne li sera pas tolue. Certes, mout li fist Nostre Sire mervoillouse premesse et Il l’an tint bien verité, car tant com Il ala par terre, ceste pertie ne li fu pas tolue ne a la vie [134 a] ne a la mort, quar adés Marie fu de Nostre Signor pruchaine et adés le persuigoit, si com nos deimes dedevant, et metoit an Li tote sa cure et sa pansee, si que per ce desservi sa grace et s’amor en ceste vie et an l’autre; et por ce que chascuns puisse savoir comant et par quex voies ele Le suigui an plusors leus en perle l’Escripture ansuiguammant por ce que a son exemple, li autre puissent desservir la grace et l’amor de Deu.
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Ceste beneuree dame sainte Marie Magdelene, si com nous avons devant dit,
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ansegui Nostre Seignor nes adonc quant ele Le vit pris et lié et coronné d’espines et flaelé, et quant Il portoit la pesant croiz, et quant Il vint ou mont d’Escalvaire ou Il fu crucefiez et clouxfichiez en fust; et lai, ele fu tres dolante et tres marrie quant ele vit les siens precieux membres trespercier de cloux. Ele Le vit abevrer d’amer bevraige et sostenir d’estroites angoisses de mort, et L’oii crier a son Pere des ceaux par grant destresce et Li vit rendre son saint esperit, le chief enclin. Ele Li vit le precieux costé trespecier de la lance et son saint sanc espandre a grant habondance par .v. parfondes plaies de son precieux cors; et de celes dures destresces que ses doulz maistres tres amez sostint sanz cause fu ses cuers estreinz et agrevez plus que l’on ne porroit pansser ne savoir. Ceste soue amie ne pout estre departie de Nostre Seignor a la vie ne [134 b] a la mort, et nes adonc quant li pueples et li apostre lou laisserent pendant en la croiz i remest ele. Ce tesmoingne l’escripture des Euvangiles qui parolent de la Passion Nostre Seignor Jhesucrit, qui dit : « Maintes estoient anqui en loing, entre les queles estoit Marie Magdelene et Marie, la mere Jaque et Joseph et la mere as enfanz Zebedee », et derechief en cele partie de la Passion qui devise, la mere Jhesucrit et la suers sa mere, Marie Cleophé, et Marie Magdele estoient joste la croiz; et pour ce que en cele Escripture parole aprés commant Nostres Sires commanda sa douce mere a mon seignor saint Jehan, croi je que Marie Magdele[ne] estoit adonc presente et que ele vit la beneoite
208. perler. – 208. ansuig.] cet adverbe, écrit dans la marge, remplace en son avenemant, tracé (mêmes encre et apparence que pour les interventions du précédent feuillet). – 210. Le rédacteur actif jusqu’au f° 132 d reprend au début de ce paragraphe (même encre noire que pour le premier bifeuillet qu’il a retranscrit). – 216. li vit a été ajouté au-dessus de la ligne (mêmes encre et main que pour les corrections réalisées depuis le f° 133 a, et comme partout dans la suite jusqu’à l’intervention du f° 136 d). – 220. amie] correction sur mie. – 229. Magdele[ne]] la dernière syllabe de ce nom est omise (aucune abréviation ne la remplace).
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Vierge, mere de celui beneoit Fil, demener ses granz doulours et sostenir ses dures angoisses. Ele l’oii formant demanter et si la vit habondamment plorer toute celle cruel jornee, et sovantefoiz ceste piteuse dame trembler et aprés suer, et sa gracieuse face palir et couleur muer, et soventefoiz le cuer failir et li pasmer et longuement gesir contre la terre comme morte; et de toutes ces choses a la beneoite Marie Magdelene acroissoient ses doulors et ses angoisses, quar mont amoit et lou Fil et la mere, mas je ne sai se ele pout anqui doner a la sainte mere Deu nul confort ne faire nule aide ne nul secours de paroles ne de fait, quar trop estoit tormantee et marrie, et pour ce que ele veoit [134 c] et ooit estoit li siens cuers sairez et loiez en li. Et aprés, ele vit Nostre Seignor despandre de la croiz et son cors recevoir ou blanc drap et enveloper ou sidoyne, et poser ou sepulcre et saeler la pierre sus, et metre gardes au monument. Aprés ce que li beneoiz cors de son amé seignor Jhesucrit fu en tel maniere mis ou sepulcre et que la beneoite mere de celui Fil Deu en fu menee an la maison saint Jehan, a qui Dex l’avoit mise en garde, et que li autre furent departi dou monument, Marie s’essit enqui, si comme en la fin de l’Escripture le recorde li Euvangelistes en la Passion Nostre Seignor, lai ou il dit : « Marie Magdelene et li autre Marie se seoient enqui contre le sepulcre. »
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En tel maniere com vous havez oii, la beneoite Marie Magdelene demora
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longuement selonc le sepulcre, quar mont li estoit grief chose de partir dou cors de son bon Seignour qui tant l’avoit amee; et toute voie, quant ele out enqui demoré une partie dou temps, ele se parti dou leu expressee de grant doulour, et ala en la cité et acheta oingnement, et toute la nuit travailla tant comme ele pout en celui appareillier. Et l’andemain, si nous raconte sainz Jehanz l’Euvangelistes, ele vint au sepulcre le samedi matin com tenebres fussent anquor et aporta ses oingnemenz, quar mont estoit desirranz que le cors de Jhesucrist, son maistre, peust servir mort si comme ele l’avoit servi vif a la ta- [134 d] -ble chiés Symon ou temps passé : c’est que des larmes de son cuer Le peust arouser et de ses richesces oindre; et pour ce vint au monument ou ele trova .j. ange qui li dit que Jhesucriz n’i estoit pas et que Il estoit resuscitez et que Il vivoit. Et bien puet estre que ces femmes L’ensiguoient adonc et que eles furent adonc avec Li, des queles li Euvangelistes parole disant : « Maria Magdalene et Maria Jacobi et Salomei acheterent oingnemenz pour ce que eles oingnassent le cors Jhesucrist ». Et vindrent les dites Maries un matin au soloil levant au monument et disoient entr’eles : « Qui sara ciz qui nous ostera la pierre de l’antree dou monument ? » Et quant eles orent ce dit, eles regarderent et virent la pierre qui fu ostee, qui mont estoit granz; et adonc, eles entrant ou monument, eles virent .j. jovencel seant a la destre partie couvert de vesteure blainche, et adonc, eles furent mont esbaïes, et li jovenceaux dist a iceles : « N’aiez pas paour. Je sai que vous querez Jhesum de Nazareth qui est crucefiez; et saichiez que Il est resuscitez et si n’est mie ci. Veez ci lou leu ou Il fu mis; mas alez vous an et dites a ses disciples, especialment a saint Pere, qui vous
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condue en Galilee, et enqui vous verrez Jhesucrist ensint comme Il le dit a 270 vous. » 271
En tel maniere, sainte Marie Magdelene, ceste premiere nomee en la devant dite Escripture, [135 a] fu parceniere de ceste mervoilleuse joie que li anges lour anonça, mas ce ne li soffit pas anquor, ne por ce ne fu sa volantez apaisie, quar sa volantez n’estoit que de veoir celui cui ele amoit de tout son cuer; et toute voie, ele s’en torna avec les autres et denoncerent as apostres ce que li anges lor havoit dit, et lors, sainz Peres et sainz Jehanz Euvangelistes alerent isnelement au leu. Sainz Jehanz, qui aloit plus tost, vint premierement au monument, et com sainz Peres fust venuz, il antrerent ou monument et virent les linceus jus mis et le suaire qui estoit heuz mis sus son chief desseure dites et envelopez d’une part; et comme il ne trovassent pas le cors Jhesucrist, il s’en departirent. Et adonc, la veraie sergente Nostre Seignor, Marie Magdelene, qui aprés lour i estoit revenue, i demora expressee de tres grant flamme de sainte amour veraie et desirranz de veoir celui que ses cuers amoit devant toutes choses; et por ce que il li sembloit que li escomplissemenz de son desir li estoit trop retardez por ce que ele ne pouhoit trover Jhesucrit a son voloir, ele ploroit adés et plaingnoit, ne ele ne se pouhoit conforter, ja soit ce que adonc veist .ij. anges qui s’asistrent sus le monument ou li precieux cors de Nostre Seignour havoit esté mis, l’un a dextre et l’autre a senestre, li quel li distrent ensint com se il la vousisent conforter : « Femme, pour quoy [135 b] plores tu ? Que quierz tu et que demandes tu ? » Mas pour ce ele ne lour respondi mot, mas que tant lour dist : « Que il en hont porté Mon Seignor, ne je ne sai ou il L’ont mis. » Et ja soit ce que il li deissent que Jhesucriz estoit resuscitez, ele ne les voloit entendre ne lour respondre mot de sa boiche, mas panssoit dedanz soi meismes et disoit : « Hé ! lasse, quex est ciz conforz ? Tuit li conforteour me sont charjable, il me grievent plus que il ne me confortent. Je demande le Creatour, mas a certes, toute creature m’est grief a veoir. Je n’ai cure de veoir les anges ne de demorer avec les anges, quar je ne quier pas les anges, mas quier le Seignor de moi et des anges et qui ha fait moi et les anges. » Et ces panssees li esteingnoient le cuer si qu’ele ne pouhoit parler ne mot dire, mas adés ploroit, et aloit et venoit adonc ça et adonc la, ne ne savoit que faire ne que devenir, quar mont estoit esbaïe et esperdue, ne ne finoit de plaindre ne de larmer.
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278. i vint prem., i exponctué. – 283. expressee] ce mot a été tracé à l’encre brune et la forme esprisse lui a été substituée au-dessus de la ligne (lecture incertaine). L’intérêt de ce remaniement est qu’il exprime l’incompréhension du correcteur devant un terme qui sans être rare n’est guère courant au sens moral, mais dont une précédente occurrence dans le texte (l. 250) confirme la validité. C’est la raison pour laquelle nous le maintenons. – 290. Mas pour ce] ajouté au-dessus de la ligne. – 293. mas panssoit] et panssoit, premier mot exponctué et remplacé par mas.
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Quant la beneoite Marie Magdelene ot en tel maniere longuement travaillié et
quis Nostre Seignour par tel desir, Nostres Sires ot pitié de son traval et resgarda l’ardure de son cuer; et ciz qui nul bien ne puet oblier fu remembranz de la parole que Il havoit dit au pueple, lai ou Il dit : « Cil qui matin voilleront a Moi Me troveront. » Et pour ce que cele out travaillié et voillié et L’ot longue- [135 c] -mant quis, la trova Il digne de Lui trover et de Lui veoir premierement devant touz autres, et Se vout premierement demonstrer a li en sa Resurrection, si com raconte la Sainte Escripture qui dit que endemantiers que ele estoit en tele ardour de cuer, comme cele qui plus ne savoit ou aler ne ou torner ne que dire ne que faire, quar trop havoit por Nostre Seignor sostenu et anduré grant traval, et adonc, ele se torna d’une part et vit Nostre Seignor estant, mas ele ne Le conuit pas, mas cuida que ce fust uns orteliers; et adonc, Nostres Sires li dit : « Femme, pour quoi plores tu ? Que quierz tu ne que demandes tu ? » Et adonc, elle Li dit : « Sire, se tu L’as ostey, di moy ou tu L’as mis et je L’amporterai. » Certes, ci out mervoilloux cuer de femme et de grant antreprise, qui aprés les .ij. amis de Jhesucrist qui de paour des juys s’en estoient alé, osa demorer seule au monument, estanz en veraie foi, et qui par la vigour de son amouroux cuer havoit proposé a lever seule le cors de Jhesucrist, son mestre, ou quel oindre l’on havoit amploié et mis .c. livres de myerre, et celui havoit proposé oster et porter an voie. Et adonc, Nostres Sires, qui les panssees conuit, la conuit jusques au cuer, et por ce ne Li plot plus soffrir sa mesaise ne son traval, mas li vout doner joie et repoux; et por ce que ele Le cogneust, la no- [135 d] -ma Il par son non si comme Il la souloit nommer, et l’apela et li dist : « Marie ! », et adonc, ele conuit au parler celui qu’ele ne pouhoit devant cognoistre au regarder. Et adonc quant ele L’out oii, ele senti en li une singuler et propre douceur de celui qui estoit de li apelez ses maistres, et adonc revesqui ses esperiz et retorna en li ses sens; et quant Jhesus duit enquor dire autres paroles avant, ele ne pout onques de fine liesce pacienment atendre, mas par trop grant sormontement de joie respondi : « Maistres ! ». Et Jhesus li dist : « Ne m’atoichier pas, quar anquor ne sui Je pas montez a mon Pere. Va a mes freres et di a ices, Je monte a mon Pere et au vostre, a mon Deu et au vostre. » Et adonc, Marie la beneoite Magdelene vint et anunça aus disciples et dist : « J’ai veu Nostre Seignor et m’a dit ces chouses. » Et adonc, li apostre s’espendirent par divers leus, et auxi li deciple as quex Nostres Sires aprés sa Resurrection S’aparut en plusors leus, si comme Il fist aus .ij. de ses deciples qui aloient an Emaüx, si comme a saint Pere et a saint Thomas, et as enfanz Zebedee et a plusors autres a la mer de Tyberiene, si comme adonc que l’on trueve que Nostres Sires S’estuit ou mileu de ses deciples et dist a ices : « Paiz soit a vous. Je sui, non haiez pas paour »; et adonc que Il S’aparut a saint Thomas et que Il li fist metre son doi en ses plaies por [136 a] ce que il Le creust, et a plusors autres persones as quex Nostres Sires S’aparut plusors foiz aprés sa Resurrection. Et croi que an plusors de ces leus Le vit Marie Magdelene, quar adés a son pooir suigoit cels qu’ele savoit qui estoient ami Nostre Seignour et de sa maisnie; et croi que ele estoit presente quant Nostres Sires monta
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ou ciel et que ele reçut anqui sa beneïçon ensemble les apostres et les deciples, et auxi reçut le Saint Esperit le jour de Penthecouste; et croi que ele fu adonc reamplie dou saint feu et que ele reçut les langaiges et les paroles qui furent doné as apostres, si comme il firent, quar trop preescha gracieusement et feablement et converti grant pueple, et fist plusors granz miracles a sa vie et aprés son trespassement, dont nous traiterons aprés aucuns et non pas touz, quar trop havriens a faire et ne les avons pas touz en memoire, quar an plusors leus sont avenu et avienent chascun jour novel et freç, quar mont est ceste haute dame de grant merite envers Nostre Seignour.
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Ceste beneuree dame demora entre les apostres et les deciples jusques il issirent
de Jherusalem por l’anvie des juys et des prevoires de la loy qui adonc, par grant ardure de cuer et comme cil qui estoient espris d’anvie, [136 b] esmurent persecucion en Sainte Eglyse en ociant le premier martir, saint Estiene, et en dechaçent touz les tesmoinz Nostre Seignour Jhesucrit de lour contrees et touz ses amis; et adonc, par la tempeste de ceste persecucion s’espendirent par diverses regions et par divers regnes por preeschier nostre sainte foi, quar demostré lour fu de par Nostre Seignour. Et adonc, sainz Maximes, li uns des deciples Nostre Seignour, se parti de la compaingnie des apostres par le congié de saint Pere, li quex li bailla en garde la beneoite Marie Magdelene, dont nous havons parlé devant, et sainte Marthe sa serour, et saint Ladre son frere, que Nostres Sires havoit resuscitey, et plusors autres; et tuit cil ensemble s’en vindrent a la mer et entrerent en une nef et ariverent a Marsele; et quant il furent arivé, il ne troverent qui les aberjast, et adonc, il s’en entrerent en .j. porche dou temple as dex que cil de la cité cultivoient, et toute la nuit furent illec en prieres et en oroisons. Et quant vint au matin, tuit cil de la cité s’asemblerent lai por sacrefier a lour deux si comme il soloient, et quant la beneoite Magdelene les vit, ele se leva ancontre lour et les salua mont doucement, et lour commença a preeschier la doctrine de verité, et trestuit cil qui la virent se mer- [136 c] -voilloient de sa grant biauté et auxi de la douceur de ses paroles et de la hautesce de sa sapience; et adonc, tuit cil de la cité acorroient au leu com pour li veoir, li une des parties pour sa biauté et li autre partie pour la douceur de ses paroles, et ce n’estoit pas mervoille se douces paroles issoient de cele sainte boiche qui havoit baisiez les piez dou tres douz Jhesucrist, qui par sa douceur vout tant doucement soffrir et andurer pour noz pechiez, et par sa douceur havoit si largement pardoné les pechiez de cele meymes persone dont la parole yssoit.
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Aprés ces chouses, uns riches homs et sa femme qui mont estoient noble, a qui la citez estoit, vindrent pour sacrefier a lour dex ensint comme il soloient; et adonc, la beneoite Marie Magdelene commença a preeschier le non Nostre Seignor Jhesucrit et touz les articles de la foy, et en tel maniere les retrait de lor sacrefices, et ensint s’en retornerent a lour hostel. Et toute voie avint aprés que sainz Maximes et li sergent Nostre Seignor sostindrent de granz disetes et de granz mesaises au
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leu, quar il estoient estrange ne n’i havoient parent ne ami, et por ce, quar il n’estoient pas de la loi as habitanz, ne lour fazoient point d’aide; et adonc avint que la beneoite Marie Magdelene s’aparut a la femme a cel riche homme en dormant et si li dit : [136 d] « Pour quoy as tu tantes richesces et li povre Damedeu muerent de faim et de froit et d’autre mesaise ? »; et avec ce la commença a menacier et amonester qu’ele deist a son seignor qu’il heust pitié de la mesaise as sainz. La femme, quant ele s’esvoilla, ne l’osa dire a son seignor, et neporquant ot ele grant pitié de la povreté a la beneuree Magdelene et de ses compaingnons, et lors lor commença a envoier repostement de ses viandes par ses privez, quar ele cremoit la cruauté son seignor et la desloiauté dou pueple. La seconde nuit li apparut de rechief la beneoite Magdele[ne] ensint comme ele havoit fait la nuit devant; neporquant, ele ne l’osa dire a son seignor. La tierce nuit, ele s’apparut a son seignor et a la dame mont iree, ensint comme se la maisons ardist; si lor dist : « Oiz tu ores, pesmes tyranz, filz de deable, avec ceste sarpent ta femme, que ce que je li havoie dit ne te vout onques descovrir ? Ha ! dorz tu, ennemis Jhesucrit ? Tu manjues les bones viandes et laisses les sainz Damedeu morir de faim et de soif et d’autres mesaises. Certes, chaitis, tu n’eschaperas ja sanz paine de ce que tu as demoré tant a aux bien faire. »
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Quant ele ot ce dist, si s’en parti tantost. Adonc la dame s’esvoilla et commença a plaindre et a sopirer, et dist a son seignor : « Sire, havez vous veue l’avision [137 a] que je hai veue ? Certes, par .iij. nuiz s’est ja Marie Magdelene appareue a moi. » Li sires respondi : « Oïl, voirement hai je l’avision veue. » Adonc dist li sires : « Que porrons nous faire ? » La dame li respondi : « Il me semble que miez vaut que nous fazons la volanté a la Magdelene que nous haiens le mautalent dou Deu qu’ele preesche. Fazons bien as sainz Damedeu et prions la Magdelene qu’ele prit son Deu que je puisse concevoir. » Maintenant il alerent a la beneoite Magdelene et li prierent qu’ele depriast Nostre Seignor qu’il peussent havoir lignie. Aprés mont pou de temps, la dame conçut et toutes les genz dou paiis en orent mont grant joie, especialment la dame qui conceu havoit et ses mariz, li sires de la cité, quar devant estoient heu mont dolent por ce que longuement havoient ensemble demoré, et si ne pouhoient havoir lignie. Ce fu li premiers miracles que Nostres Sires fist por l’amour et por le merite de la beneoite Marie Magdelene.
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Adonc quant li riches homs vit la bonté que Nostres Sires li havoit faite, si se
416 panssa quel chose il peust faire qui peust a Nostre Seignor plaire, et adonc li prist 417 volanté de passer la mer et d’aler en Jherusalem, quar il estoit desirranz de visiter 418 ces sainz leus ou il havoit entendu que Nostres Sires havoit esté et vis et morz; et 419
391. et lors lor comm.] lor a été ajouté dans la marge (l’encre diffère de celle employée par le copiste, mais l’écriture semble être la sienne). – 394. Magdele[ne]] la dernière syllabe de ce nom est omise (aucune abréviation ne la remplace).
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por ce appareilla son orre, [137 b] quar il voloit esprover se ce estoit voirs que la beneoite Magdelene lor havoit preeschié de Nostre Seignor. Quant la dame s’aparçut de ce que il s’apparoilloit, si li dit : « Qu’est ce, sire ? Que volez vous faire ? Volez vous aler en pelerinaige sanz moi ? Certes, ce ne puet estre, quar quelque part que vous irez, je irai avec vos. » Ses sires li respondi : « Ensint ne sera il pas, ainz remaindrez ci et garderez la terre que nuns ne nous forface. Vous nou porriez endurer, quar mont est longue la voie et li peril de la mer sont grant, et vous estes grosse d’anfant : si i porroit havoir grant peril. » La dame fu angoisseuse, si li chaï as piez, et li sires li outroia sa volanté por la pitié qu’il out de li. Lors vindrent embedui a la beneoite Magdelene et mistrent quant que il havoient en sa garde. La beneoite Magdelene lor mist la croiz seur les espaulles por ce que li deables ne poïst lor oevre empeeschier en aucune maniere, et ce fut la premiere croiz qui onques heust esté donee ne receue d’autrui; et lors lour commanda la beneoite Marie Magdelene que il deissent a saint Pere qu’il lor enseingnast ce a trover qu’ele lour havoit preeschié et lour mostrast les leus ou Nostres Sires havoit conversé ou paiis.
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Adonc cil appareillerent lour orre et pristrent or et argent et ce que mestiers lor fu, [137 c] si entrerent en la mer, et quant il orent une piece de temps erré par la mer, si avint que a la dame prist li maux de son enfant mont forz, li quex li dura longuement, tant que ele fu mont foible; et toute voie a quelque meschief qu’ele heust enfanta, mas adonc, ele morut de l’angoisse. Et aprés, li enfes, qui nez estoit et qui naturelment havoit mestier de sostenance, requeroit la memele, et quant il ne la pooit trover, si brahoit et menoit mont dure vie, si que tuit cil qui le veoient havoient auxi grant pitié de lui com de sa mere. Deux ! com devoit havoir li pelerins mervoilleuse doulour a son cuer, quar il ne pooit riens tant amer comme la mere et comme l’anfant, et il veoit ja la mere morte et l’enfant en peril de mort. Et adonc, li temp commença a annubler, si leva .j. granz venz qui les ondes de la mer commença a demener et a lever en haut, et commança a espartir et a tempester, si que tuit cil qui lai estoient havoient tres mervoilleuse paour; et adonc, li natonier distrent que le cors de cele dame covenoit geter en la mer por le peril, quar la tempeste de la mer ne pooit cesser ne espaisier autrement, tant li cors fust en la nef; et cil qui enqui estoient ploroient de [137 d] pitié et disoient entre lor : « Hé ! las, et que fera ores ciz las pelerins qui devant lui voit sa femme morte, qui tant estoit bele et soffisanz ? Ha ! quel doulour que il voit l’enfant né et la mere occise, et bien set que son enfant, que plus n’am ha, covient morir pour defaute, que il n’a qui le norrisse. » Et adonc, li natonier voloient panre le cors por geter en la mer, mas li pelerins lour commença mont doucement a prier et lour dist : « Hé ! biau
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425. garderez] a, omis, a été ajouté au-dessus de la ligne. – 430. garde] comme ci-dessus, a a été omis puis ajouté au-dessus de la ligne.
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seignour, je vous pri que vous vous soffrez por l’amour de moi, et se vous por moi ne por la mere ne vous volez soffrir, au moins vous vuilliez soffrir pour sauver la vie de cest enfant, quar trop seroit granz cruautez de geter en la mer le cors de la mere qui est anquores demi vis, et d’occirre .j. petit enfant qui morroit sanz sa mere. Je vos pri que vous vous soffrez anquor .j. petit, que espoir, la femme de la doulour de l’anfantement s’est pasmee. » Et endementiers que il estoient en ces paroles, il virent pres de lour une montaingne, dont li pelerins fu mont liez, quar il li sembla que il valoit miez que il laissast en la montaingne le cors de sa femme et le petit enfant que ce que il fussent geté en la mer; et adonc dist as mariniers : « Je vous pri, mi chier [138 a] ami, que vous prenez ce que il vous plaira de mon avoir et vuilliez que li cors de la mere et de l’enfant puissent estre anfoii en cele montaingne que je voi lai, et lai nous vuoilloiz ariver por vous delivrer dou cors. »
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Quant li natonier oïrent parler de l’argent, il furent auxi pris comme li poissons
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Adonc quant li pelerins out sa femme laissie et son enfant, il fu trop a mesaise
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a l’ameçon, et mistrent en une nazele le cors et l’enfant, et les porterent en la montaingne; et la terre estoit si dure que l’on n’i povoit faire fosse, et por ce li sires mit le cors en une partie secrete et mit l’enfant a la memele, et commença a plorer et dist : « O, Marie Magdelene, m’as tu anvoié en exil por ma misere et por ma perdicion ? Hé ! las, moi chaitis, por quoi ampris je ceste oevre par ton amonestement ? Requeris tu donc ton Deu que ma femme conceust et enfantast por qu’ele morust et li enfes avec li ? La mere qui lou conçut est morte de doulour et d’angoisse. Li enfes qui conceuz estoit est nez par tel heur qu’il covient qu’il perisse, quar il n’a qui lou norrisse. Tant ai je gaaingnié par ta priere ! Ore toute voie, je ne me vuoil pas desesperer de t’aide, mas te commant toutes mes choses et te pri que tu pries ton Deu qu’Il hait l’ame de la mere et que Il gart l’enfant qu’il ne perisse. » Quant il ot ce dit, si covri le cors et l’enfant de son mantel, puis retorna a sa nef. Quant il fu dedanz, li natonier leverent [138 b] lour voile et se mistrent a la voie. de cuer et toute voie il ne se desespera pas, et sovantefoiz li remembra de la beneoite Magdelene et adés recommendoit a li lui et ses biens, mas se panssa que il parferoit sa voie si com la Magdelene li havoit commandé et parleroit a saint Pere si comme li havoit dit. Et quant il fu entrez en ces bones panssees, il orent bon vent et tost vindrent a port; et adonc il issi de la nef et ne demora gaires que il trova saint Pere qui li vint a l’encontre, qui li demanda par quel achoison ne par quel amonestement il estoit lai venuz et qui l’avoit croisié, quar par la croiz aparçut
473. li sires mit l’enfant a la mem., saut du même au même auquel le scribe a réagi en ajoutant la partie de texte omise dans la marge (l’encre diffère de celle du texte, mais l’écriture est du même type et est sans doute la sienne).
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il bien que li nons de Nostre Seignor estoit preeschiez en la terre dont il estoit venuz. Et adonc, li pelerins li raconta mont doulanz quanque li estoit avenu et en terre et en mer, et tout ce que il savoit de son covine ne qui l’avoit a lui assigné et anvoié; et quant sainz Peres ot tout oii, il li dit : « Bien soies tu venuz, biau frere. Soies certains que tu has heu profitable consoil, et se tu vués demorer en bon estat », dist sainz Peres, « et parmenoir, biens te vanra, quar Deux n’a riens pris ne amprunté de toi que Il ne soit bien puissanz de toi rendre; et saiches, quar Il puet bien muer ton [138 c] corrouz en joie. Je sui ciz Pierres que Marie Magdelene te nomma et je serai tes compainz et te condurai. » Et adonc l’emmena sainz Peres an Jherusalem et par la contree et li mostra les leus ou Nostres Sires havoit esté et morz et vis, et li raconta les vertuz et les miracles que Nostres Sires havoit faites devant plusors et les commandemenz que Il havoit donez au pueple. Et li pelerins retint mont bien toutes ces choses que sainz Peres li enseingna et demora en la terre avec saint Pere par .iij. anz, et aprés li vint volantez de retorner en son paiis, et par le congié de saint Pere s’en vint a la mer et entra en une nef; et par la volanté de Deu, il orent bon vent et soef et bien portant, si vint a l’aide Deu en petit de temps pres de la montaingne lai ou il havoit laissie sa feme morte atot son petit enfant. Quant li pelerins vit la montaingne, si fist tant as mariniers que il le menerent jusques la.
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Or entendez comme est granz la misericorde de Deu et comme est mervoilloux
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li loiers a la beneoite Magdelene et haute sa merite, et com grant amour li mostra Nostres Sires et com grant honor Il li vout faire quant au pelerin, qui par son consoil estoit antrez en la mer, quar quant il fu arivez et il vint a la terre por aler cele part la ou il havoit la mere et l’enfant laissiez, que [138 d] il cuidoit que les bestes sauvaiges heussent mangiez, ou au moins que il fussent porri et la poudre de la char vantee au vent, adonques il vit l’enfant qui se jouhoit as petites pierres de la rive. Quant il vit ce, si se mervoilla mont de l’enfant que ce povoit estre; et adonc, li enfes l’esparçut, qui onques mais homme n’avoit veu, si ot paour et s’en foï et se repost dessoz le mantel sa mere, et se prist a ses memeles pour alaitier. Et li pelerins se hasta tant comme il pout por veoir apertement que ce pooit estre, et quant il aproicha dou cors, il vit l’enfant et vit que il alaitoit les mameles de sa mere et le trova de mont bele esteure, et trova les dras dont il havoit le cors couvert envelopé ensint fres et ensint noveaux et auxi soef olanz comme s’il heussent toz jourz esté en huche ou penduz a la perche; et li cors, qui tant longuement havoit anqui esté, estoit de si bone odour et d’auxi bele colour comme il havoit esté quant il fu en vie, la quel chose estoit mont mervoillable as veanz et anquor maintenant a ces qui l’oient et entendent. Quant li pelerins vit ce, si ot mont grant joie. Lors s’agenoilla et rendi graces a Nostre Seignor et a la beneoite Magdelene par qui prieres et par qui merites si gloirieux miracles li estoit avenuz. Aprés il prit [139 a] l’enfant entre ses braz et dist : « Douce Marie Magdelene, mont fusse ores beneurez et tuit bien me venissent se ma femme peusse ravoir en vie si que je l’en
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peusse ramener en mon paiis avec moy, et je sai certainement et croi sanz dotance 534 que auxi comme tu as l’enfant norri par .ij. anz me puez tu rendre sa mere en vie 535 et en santé. » 536
Quant il ot ce dit, la dame se dreça en son seant ensint comme se ele se levast de dormir et dist : « Gloirieuse Marie Magdelene, mont as de grant merite qui a mon enfanter fus et a touz mes besoinz m’as touz jourz servie comme chamberiere. » Quant li mariz oï ce, si se mervoilla mont et dist : « Viz tu donques, ma tres douce amie ? » Cele li respondi : « Oïl, sire, je vif voirement et vieing orendroit dou pelerinaige dont vous venez, et ensint com vous havez heu saint Pere a conduiseour et a compaingnon, ausint ai je heue la beneoite Magdelene a compaingnie qui m’a conduite et menee par tout, et m’a tout mostré ce que vous havez veu et je l’ai bien retenu. » Lors commença a raconter tout les leus ou ses sires havoit esté et touz les miracles que sainz Peres li havoit comp[t]ez de Nostre Seignor, et toutes les aventures et les perilz ou il havoit esté si que onques n’i failli de riens, et adonc, [139 b] li pelerins li dit que ce estoit veritez. Aprés li pelerins prit sa femme toute sainne et l’enfant et s’en revint a la nef et commença a raconter as natoniers les mervoilles qui li estoient avenues. Cil s’en mervoillerent mont et en loerent Nostre Seignor, et en pou de temps vindrent au port a Marseille. Quant il issirent de la nef, il troverent la beneoite Magdelene qui preeschoit a grant multitude de pueple, et maintenant que il l’aprucherent, il li chaïrent as piez et li dirent devant touz : « O, gloirieuse Magdelene, mont est granz li Dex que tu aores et preesches ! Nous savons bien et creons et regehissons devant touz que il n’est nuns Dex fors Lui. Dame, commandez de nous et de touz noz biens selonc vostre bone volanté que nous ensemble noz biens sumes vostre, et dou tout nous volons ordener selonc vostre consoil et ovrer a vostre volanté. » Et quant il orent parlé en tel maniere, il raconterent a toz cels qui la estoient presant et qui la estoient assemblé tout ce qui lour estoit avenu; et tantost se firent baptizier a saint Maxime et aprés ce, il commancerent a estefier les eglyses ou non Nostre Seignor Jhesucrit et firent deffaire les ydoles en lour contree et destruerent les tem- [139 c] -ples des faux deux.
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En tel maniere comme vous havez oï mua Nostres Sires la tribulacion au pelerin en joie et son corrouz en liesce por l’amour de sainte Marie Magdelene, sa loial amie. Or pansez diligemment com tres granz fu ciz miracles et entre touz les miracles des autres sainz mervoilleusement resplendissanz, que ja soit ce que elle fust a Marseille, si garda ele son cors de cele dame de giter en la mer et fist les mariniers assentir as prieres dou pelerin; commant li cors fu portez en la montaingne et enqui lou servoit et le gardoit de blemir et d’ampirier et de malmetre.
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546. comp[t]ez] le t a été omis par le copiste.
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Ele garda l’enfant au naistre et si le garda en la montaingne; ele estoit norrice de lui et li administroit soffisemment sa soustenance que nes les mameles dou cors mort faisoit ele habonder de lait dont eles rendoient grant planté. Or oez grant mervoille que li cors qui estoit enqui comme vaisseaux touz vuiz et gisoit morz contre la terre peust doner sostenance de vie a autre persone; et cele qui sostenir ne se pouhoit ne li meismes aidier, commant governast ele son enfant ? Certes pour ce couvenoit que la beneoite Magdelene l’alaitast et meist a la memele de la mere morte, et que [139 d] ele le levast et couchast et tenist et parmenast, et que ele fust preste a toutes ses necessitez. Ele gardoit la mere et si gardoit l’enfant si que onques chalour d’esté ne pluie ne froiz d’yver ne mal temps ne beste sauvaige ne les pout domaigier ne quasser. Il n’eurent faing ne soif ne mauvaise odour ne chose qui lor deust grever ne nuire, mas cil .ij. cors furent saelé dou seel de sauvement que il ne porent empirer ne estre malmis, quar nes les vestemenz de la dame garda ele fres et noveaux et antiers, si comme il est dit devant. Et anquor fist greignor mervoille ceste beneuree Magdelene en cest miracle que tout fust ce que ele vivoit et preeschoit et enseingnoit les nonsaichanz a Marseille, ses esperiz conduisoit l’esperit ou cors de la dame qui gisoit morz en la roiche et li fist en esperit parfaire le voiaige si comme li cors se il vesquit deust havoir parfait, si comme ses sires havoit, ne nuns ne veoit cest esperit ne ooit, et neporquant il veoit et ooit tout ce que li autre povoient veoir et oïre et tout sout quanque li autre sourent et virent. Ele confortoit lou pelerin et si le gardoit de desesperer, et que il ne defaillit de doulour de cuer en la voie [140 a] et que il ne delaissast la bone voie que il havoit emprise a eschever. Or panssez donques, si verrez granz mervoilles de Nostre Seignour et la mervoilleuse poisance que Il vout doner adonc a l’esperit de la beneoite Magdelene, que ses esperiz estoit dedanz son cors a Marseille et si estoit en la montaingne avec la dame et avec l’enfant et sus la mer avec le pelerin, et tant le conduit et tint pres que sa femme et son enfant li rendi sains et aitiez, et le ramena en son paiis a grant joie en tel maniere comme vous havez oii. Bien sont gardé cil qui se commandent en la garde de la beneoite Marie Magdelene. Cest gloirieux miracle qui tant fait bien a metre en remembrance et en memoire fist ceste beneoite dame a sa vie si com vous havez oii, et por ce est il traitié en sa vie avant ce que riens soit traitié de sa gloirieuse fin qui mont est digne d’estre seue et loee de touz homes humains.
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Aprés ce que li sires de Marseille et cil de son paiis se furent converti, sainz
604 Maximes et la beneoite Magdelene s’en alerent a Estanse, quar mont desirroient 605 589 - 591. il veoit et ooit tout ce que tout sont quanque li autre en savoient et virent et tout ce que il pouhoient veoir et oiir. Hormis les deux mots qui n’ont pas été soulignés, ce segment de texte a été tracé et remplacé dans la marge par celui que nous éditons. Il est en partie couvert de taches et l’on dirait que deux ou trois lettres consécutives, occultées par une bavure, séparent la forme sout du terme qui la précède. L’intervention porte la marque du correcteur des folios 133 a sq. – 591. et si le g. de desesperance, dernier mot corrigé en desesperer (main et encre du correcteur des folios 133 a sq.).
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le non Nostre Seignor a essaucier et a escroitre, quar anquor n’estoit il preeschiez en celui leu; et lai preescha souvant sainz Maximes et fist grant [140 b] planté de miracles, et lai converti mont de pueple a la foy Nostre Seignour Jhesucrit et fu faiz evesques de la cité et i governa l’Eglyse par lonc temps. Entre ces choses avint que la beneoite Marie Magdelene, qui en sa compaingnie havoit demoré desques il estoient departi des apostres et des deciples par l’enortement de son saige maistre Jhesucrit, se vout hoster de tote oevre terriene et entendre tant solement a oroisons et en loanges dire de Nostre Seignour, et adonc, par le congié de saint Maxime s’en ala en un desert et se mist en .j. leu solitaire pres de Marseille a .xiiij. lieues, et lai ele mena sainte vie et honeste; et en celui demora ele par l’espace de .xxxij. anz touz pleins et acompliz que onques creature ne l’i sout, ne que ele n’i manja ne n’i buit fors que ce que li ange li aportoient, mas touz jourz looit Nostre Seignor et antendoit a ses oroisons. En la fosse ou ele demoroit n’avoit ne lumiere ne clarté. Cele crote si estoit en une mont aspre montaingne dessouz une roiche. La montaingne estoit mont seche ne n’i havoit ne fontainne ne ruissel, ne nul solaz de arbres ne d’erbes, ne nuns autres desduiz ne nul confort; et par ce demonstroit Nostres Sires apertement que Il norrissoit la [140 c] gloirieuse Magdelene non mie des terrienes viandes mas des celestiex, et il estoit veritez, quar acostumeement par les .vij. hores dou jour, li ange la levoient en haut en l’air, et lai ele ooit les anges et les bons esperiz chanter a ses oreilles, qui looient Nostre Seignour; et quant ele havoit enqui une piece dou temps demoré, ele estoit auxi saoule et reemplie de touz biens comme s’ele eust esté peue de toutes les viandes que nuns cuers d’omme porroit panser ne soaidier, et adonc, li ange la remetoient ou leu ou il l’avoi devant prise et ele demoroit enqui en oroisons et en loanges de Nostre Seignor, et ce estoit touz ses delices et touz ses conforz, ne d’autre solaz n’en havoit cure ne volanté que de pansser an celui qui ele amoit devant toutes choses.
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En tel maniere comme vous havez oii demora .xxxij. anz ceste beneoite amie Nostre Seignour en cel desert que onques n’i ot compaingnie ne confort que des anges de paradis, mas quant li temps aproicha que Dex en vout porter sa beneuree ame de ceste mortel vie an sa gloire pardurable, Il vout devant demostrer a saint Maxime son trespassement; quar adonques il avint que .j. preudons qui mont estoit religieux havoit acostumé a geuner les .iij. quarantainnes que aucunes geunent en l’an, et en ce- [140 d] -lui temps, il laissoit sa compaingnie et aloit touz seuls par les bois, et ensint fazoit sa penitence en jeugnes, en vigiles et en oroisons. Et en celui temps avenoit il aucune foiz que il venoit pres de cele montaingne ou la Magdelene demoroit, quar il n’i havoit que .xij. lieues des le leu ou ses demoines estoit l’autre temps; et quant il venoit a celes parties, aucune foiz demoroit pres dou leu selonc une petite fontainne, mas il ne savoit riens de l’estaige de la beneoite Marie Magdelene ne des miracles que Nostres Sires havoit faiz et fazoit chascun jour pour li, s’amie. Et toute voie comme il feist la quarantainne et il fust venuz a celui leu, si avint un lundi queque il aloit par la montaingne, que par la volanté de
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Deu torna ses eulz de cele part ou la crote estoit, et adonc, Nostres Sires anlumina les eulz de cel preudomme qui plus ne voloit si haut tresor receler, et adonc, il vit apertement a ses eulz commant li ange descendoient desour la crote ou la beneoite Magdelene demoroit, et commant il la levoient d’ilec et la portoient l’espace d’une hore en l’air, aprés l’espace d’une hore la raportoient en son leu loant Deu, Nostre Seignour. Cil preudons por ce que il estoit trop loing ne pooit pas veoir apertement qu’il levoient et aportoient, mas por ce ne se trobla il mie pour ceste avision, ainz commença a proier [141 a] Nostre Seignour formant qu’Il li demonstrast certainnement la verité de ceste chouse; et quant vint l’andemain au matin, il commença mont formant a orer et se hastoit par grant devocion d’aproichier au leu ou il havoit veuz les anges descendre par .vij. hores. Quant il fu pres le giet d’une pierre, si li commencerent li pié et les jambes a faillir pour la grant paour que il havoit; et neporquant quant il retornoit arriere, et les jambes et li pié li anforçoient, et derechief quant il voloit aler droite voie a cel leu, la foiblece de tout son cors estoit si granz qu’il ne povoit aler avant; et por ce entendi li sainz homs que c’estoit chose de par Deu quant il pour chose qu’il peust faire n’i povoit aproichier. Quant il vit qu’il ne porroit aler avant, si s’arestut et fist ses oroisons et dist : « Je te conjur de par Jhesucrit qui le monde ha renovelé que se tu es homs ou aucune raignable chose qui habites en ceste crote, que tu me respondes isnelement et me di la verité de ton estat. » Quant il havoit ce dit, si se remetoit a oroisons et requeroit l’aide Damedeu. Aprés ce, il la conjura .ij. foiz ensint comme il havoit fait devant.
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Quant la beneoite Marie Magdelene ot oï .iij. foiz ce conjurement et ele ot oï adés nommer le non de son maistre [141 b] qu’ele tant amoit, si li respondi des la crote ou ele estoit : « Tu, qui m’as conjuree, aproiche toi de moi plus pres, si porras savoir de ce que tes cuers desirre la verité. » Aprés ces paroles, li sainz homs tremblanz et paoroux s’aproicha de li la mitié de l’espace qui estoit entr’aux .ij. Lors li dit la beneoite Magdelene : « Je croi qu’il te sovient bien de ce que li Euvangile dit de la pecheresse qui s’aproicha hardiement as piez de son Sauveor et Li lava les piez de ses larmes et les terst de ses chevox, et ensint desservi pardon de touz ses pechiez a la fontaine de misericorde. » Li prestres li respondi : « Bien m’an sovient il, et bien ha .xxxij. anz passez que ceste chose fu faite, si comme Sainte Escripture le croit et regehist. » La beneoite Magdelene respondi : « Je sui cele a qui ce avint et qui par le grant desirrier et par l’amor de Mon Seignor Jhesucrit hai foï les anuiz de ceste mortel vie, et par l’amonestement de celi meismes et par le conduit de ses anges me sui mise en ce desert et i hai ja demoré l’espace de .xxxij. anz que onques mais nuns homs ne m’i sout, ne onques n’i oi ne fain ne soif, ne n’i fu sostenue de chose terriene, mas tant solement des viandes dou ciel ai ci esté norrie; et ce saiches tu, des que je commançai cest leu a habiter m’est avenu par la grace de Jhesu- [141 c] -crist ce que Il te deingna ier demonstrer de moi, quar de cest leu ou je sui me
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647. l’anlumina, premier l exponctué. – 669. si respondi, li ajouté au-dessus de la ligne. – 679. par le des., grant ajouté dans la marge (encre brune; main incertaine, mais il s’agit probablement de celle du scribe).
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levoient chascun jour li ange en la hautesce de l’air. Illec ai je oï les doulz chanz des anges et des beneoiz esperiz qui chantent la loenge de Mon Seignour par .vij. foiz le jour, et quant je sui saole de ces hautes delices, li ange me raportent en ce mien leu. Et pour ce que Nostres Sires m’a demonstré que je ne puis pas longuement vivre, ainz m’an irai pruchainnement a Lui, entan et retien mes paroles et va sanz demorance a saint Maxime, et toutes les choses que tu as veues et oïes de moy li recorde en ordre; et si li di que le premier diemenge qui vanra, que il voit en son mostier devant hores de matines si comme il seut aler et que il soit touz seuls, et qu’il me trovera illecques en oroisons antre les anges qui m’i havront portee. »
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Endemantres que la beneoite Marie Magdelene disoit ces choses, il ooit tant
solement la voiz, mas il ne veoit ne homme ne femme qui a lui parlast, et mielz cuidoit que ce fussent paroles d’ange que d’omme ne de femme; et au darreain, li sainz homs parloit enquores, mas cele ne li respondi riens, dont il avint que il ensemble grant paor et grant joie ala isnelement a saint Maxime et li raconta [141 d] tout en ordre quenque il havoit oï et veu. Quant sainz Maximes oï ces paroles, si out mont grant joie et leva ses eulz et ses mains vers le ciel et dist : « Biau Sire Jhesucrit, a Toi ren je graces et merciz qui m’as acompli mon desirrier de la gloirieuse Magdelene, qui tant t’a amé. Tu es veraiement li Rois et li Sauverres dou monde, qui les repentanz reçois et les absoulz de touz lour pechiez et les parmainnes a la clarté de ta gloire. » Aprés ces paroles commença sainz Maximes a croistre mont diligemment ses vigiles et ses oroisons et ses jeugnes, et atendoit en tel maniere en grant devocion lou jour et l’ore de l’avision qui li estoit promise a avenir.
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En mervoilleuses pansees et en saintes fu sainz Maximes par celui termine. Totes les hores dou jour et de la nuit estoit petiz ses repox tant comme il atendi ceste venue; mas quant li samedis a soir li aprucha, li quex devoit estre la nuit de celui diemenge, lors li doublerent ses pansees et ses dormirs vint a neant, quar ses desirs ne pooit havoir paiz ne ses cuers repox, mas celui samedi a soir devant dit, a l’ore que mise li fu, sainz Maximes s’en entra en son mostier toz sous et se mist en cel leu ou il avoit acostumé a estre en oroisons; et comme il ot s’oroison finee, [142 a] il leva ses eulz en haut et vit sodainnement devant l’auter la beneoite Magdelene entre les anges qui la l’avoient amenee, et en son environement havoit si grant clarté que touz li mostiers en estoit enluminez. Et com sainz Mauximes voussit avant aler, toute voie il se resta et vit que la gloirieuse Marie Magdelene estoit lai en oroisons, ses mains estendues si comme li ange l’i havoient laissie, qui estoient monté ou ciel, mas il vit .ij. anges qui li estoient remés pour li garder, dont li uns estoit a sa destre et li autres a sa senestre. Et adonques il fu mont liez et regarda
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diligemment cele part, et endementiers que ele commança s’oroison, ses cors leva de terre petit a petit et remest en l’air bien lou haut de .ij. coutes; et quant sainz Maximes vit ce, il ot grant paour et n’osa avant aler ne aproichier, ne il n’osoit regarder son visaige, tant estoit clers et resplendissanz, et quant la beneoite Magdele vit qu’il havoit paour d’aler avant, si se torna vers lui doucement et li dist : « Biaux doulz peres, aproichiez vous plus pres. Ne fuez pas vostre fille. Esgardez com grant clarté Nostres Sires a mostree seur moi, s’ancele. » Aprés ces paroles, li sainz homs s’aprucha plus pres de li. Ensint comme sainz Maximes meismes le dit en ses escriz, la clartez estoit si granz sor [142 b] la dame que l’on peust plus legierement esgarder la clarté dou souloil que la soie clarté. Lors pria ele saint Maxime qu’il apelast touz ses prevoires et touz ses clergiez, quar ele voloit par devant aux reçoivre le cors Jhesucrist de la main au saint evesque; et adonc, sainz Maximes les fit venir et par devant lour li presenta « corpus Domini ». Tantost ele le reçut o grant planté de larmes, quar mont l’avoit desirré, et quant ele l’ot receu, ele pria ces qui entour li estoient qu’il fussent antantif en oroisons. Aprés ce, ele se coucha devant l’auté tote estendue devant touz cels qui lai estoient. Endemantres qu’ele fazoit ses oroisons et ploroit par devocion, la sainte ame s’en issi de son cors et monta as ceauls, le disanovisme jour de juingnot, l’an de grace .lxx.; et aprés ce qu’ele fu trespassee, une si soee douceurs vint entr’aux que aprés .vij. jourz la sentoient tuit cil qui entroient ou mostier, et adonc, sainz Maximes prist lou cors et l’enoint d’oingnement chier et soef flairant. Quant il ot mont honestement enseveli le cors, si le mist en .j. riche sarquel et edifia seur li une eglyse mont bele, et ancore hui est li jourz puet l’on son sepulcre veoir mervoillosement entaillié de l’estoire de sa vie, commant ele vint en la maison Symon et commant ele lava les piez [142 c] Nostre Seignour de ses larmes et les essua de ses cheveux, et commant ele Li offri l’oingnement em plorant entre cels qui manjoient avec Lui; et commant ele vint au sepulcre Nostre Seignor et commant Il S’aparut a li et commanda qu’ele fust messaigiere as apostres de sa Resurrection. Aprés toutes ces chouses, sainz Maximes sout par le Saint Esperit que sa morz aproichoit, si commanda que l’on appareillast en l’eglise qu’il havoit faite le leu de sa sepulture et qu’il fust mis delez la sepulture a la beneoite Magdelene, et quant il fu trespassez, si compaingnon le mistrent honoreement ou leu ou il havoit commandé. En celui leu fist Nostres Sires maintes miracles por lui. Aprés ce crut tant religions en celui leu que mont de genz dou siecle laissoient lor richesces et lour dignitez por vivre illec religieusement et por le salut de lour ames. En celui saint mostier, nule femme n’entre de quel ordre ne quele dignité qu’ele soit. Iciz mostiers a non li mostiers Saint Maxime, riches et habondanz de touz biens, et si est en la contree. Sainz Maximes trespassa le
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729. sires] ajouté dans la marge par le copiste. – 735. Avant d’être confié au scribe, ce feuillet a subi deux réparations dans la partie supérieure. En outre, le copiste paraît avoir interverti certains des termes qu’il transcrivait. L’ordre que nous proposons pour et par devant lour li presenta « corpus domini » repose sur une tentative d’interprétation des signes qu’il a apposés à cet endroit afin de corriger son erreur. – 759. en la contree] il manque sans doute ici le nom dont on attend la précision.
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disime jour de juing et Nostres Sires le reçut en sa gloire, laquele Nostres Sires 760 nos doint desservir, et par les prieres de la beneuree Magdelene et de saint Maxime 761 nous outroit repox et vie pardurable. Amen. 762 [142 d] Puis que vous havez oï commant la beneoite Marie Magdelene fu convertie et commant Nostres Sires li pardona ses pechiez, et la vie que ele mena aprés, et les graces que Nostres Sires li faisoit quant ele estoit reposte en la roiche dou desert, et la gloire ou Nostres Sires la demostra a plusors ou mostier Saint Maxime an son trespassement quant Il duit l’ame de li recevoir et conduire en sa gloire, et com saintement ele trespassa de cest siecle et l’onour que sainz Mauximes fist a son beneoit cors au metre en la sepulture en son mostier; or me semble que il seroit bien temps desormais que l’escriture nos devisast commant et en quel maniere ne par quex genz li beneoiz cors devant diz fu dou mostier Saint Maxime transportez ou mont de Vezelay, lai ou la beneoite Marie Magdelene est honoree et servie et ses beneoiz cors requis au jour d’hui en l’abbaïee des moinnes que li cuens Girarz de Rossillon et Berthe sa femme fonderent.
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Aprés la Resurrection Nostre Seignour Jhesucrit .vijc. et .xlix. anz avint que li
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rois de France et li cuens Girarz de Rossillon havoient a femmes .ij. serors. En celui temps, li diz Girarz tenoit grant partie de Borgoingne, et si estoit nobles de lignaige et prisiez d’armes et habondanz de richesces. Berthe sa femme estoit bien a lui igaux de lignaige et de valour, et mont estoit aornee de bones mours; mas a la par- [143 a] -fin, comme la renommee de lour poissance et de lour nobles faiz fust venue jusques as oreilles de son serorge lou roy, Envie qui est costumiere de departir les charnex amis esmuit le roy contre le dit Girart, tant que li rois le vout giter fors de sa terre, et par plusors foiz le cuida grever et entra dedanz sa terre et l’asua en son chastel. Et avint que il se combatirent en champ meslé par .xij. foiz, et par .xij. foiz li diz Girarz enporta la victoire contre lou roy de France, et a la parfin, il furent ensemble acordé; et quant li nobles cuens et la noble contesse furent acordé au devant dit roy, il qui pas n’avoient obliees les honors et les bontez que Nostres Sires lour havoit faites, si s’amenderent de jor en jour et donerent largement a cels qui Deu doutoient et amoient, et estoient en vigiles et jeunes et en oroisons et en bones oevres selonc lour pooir. Il orent des hoirs de lour cors, filz et filles, mas il trespasserent de cest siecle en brief temps; et adonc, il firent de Nostre Seignor lor hoir et departirent en .xij. parties lou plus de lour patrimoinnes, et fonderent sus celui .xij. abbaïes et en chascune mirent .xij. genz de religion por faire lou servise Nostre Seignor par ces devant diz leus, et lour establirent largement de lor biens et de lour rentes rentes por ce que il peussent vivre soffisemment et 784. asua] cette forme, qui paraît représenter un parfait d’assaillir, remplace le sigui, tracé à l’encre brune (main du correcteur des folios 133 a sq.). – 787. honors] ce mot remplace amors, tracé (main et encre du correcteur des folios 133 a sq.).
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havoir lour necessitez [143 b] sanz havoir nul deffaut. Entre les autres religions, il fonderent une abbaïe ou mont de Vezelai ou la dame sostint de granz travaux pour Nostre Seignour, quar ele portoit en requoi de nuit a ses espaules l’aigue et la terre de que l’on façoit lou mostier; dont li cronique de lour estoire raconte que li anges li aidoit le fais a sostenir et que une foiz s’acepa et li anges li sostint la perche jusques ele fu relevee an son estant. Et quant Girarz ses sires s’aparçut des saintes oevres que ele faisoit, il meismes li aida plusors foiz a porter, dont la dame portoit devant et il darriés des la valee jusques ou mont; et ensint en grant traval de lor cors et par granz missions de lor avoir fu parfaite et menee a bone fin lour bone volanté et l’abbaïe de Vezelai qui pour l’amour de Nostre Seignour et en l’onour de son gloirieux non fu commencie par le bon conte Girart et Berthe sa femme. Et a celui temps, l’apostoles de Romme s’en vint en France a la requeste dou roy de France et dou devant dit Girart de Rossillon, et entre les autres oevres qu’il i fist, il fist sacrer par la priere dou dit Girart toutes les abbaïees que li diz Girarz havoit edifiees en l’onour de Deu et de sainte Marie, sa mere, et de saint Pierre et de saint Poul. Quant il fu repairiez a Romme, il anvoia as leus qu’il havoit sacrez reliques [143 c] de plusors sainz pour amor dou devant dit conte, aus quex leus par l’aide de Deu et de Nostre Dame et des sainz apostres et de reliques saintes resplendissoient de jor en jour vertuz neant nombrables si com Nostres Sires siaut faire pour ses amis, especialment a celle que il havoient fondee ou mont de Vezelai, et de ce furent mont li[é] li noble compaingnon, Girarz et Berthe.
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Adonques quant li .ij. noble compaingnon sorent et virent que lour oevres plaisoient a Nostre Seingnor par les hautes miracles que il veoient sovant avenir au leu, il en furent mont lié. Et comme il heussent entendu commant li cors de la beneoite Marie Magdelene, les qui faiz il havoient heuz touz jourz en remembrance, estoit enseveliz ou temps trespassé ou mostier Saint Maxime et que les tres saintes osses d’iceli devoient estre en celui leu gardees, et adonc, il entendirent que li sarrazin gastoient lou paiis d’Aquiteinne et ja l’avoient destruite et auxi la Provance, et que plusors crestiens havoient destruiz par plaie et plusors escourchiez vis et les autres ars en feu et les plusors menez a chaitivoison, adonc il par grant devocion orent grant paour et grant mesaise dou cors de la beneoite Magdelaine qui en celui paiis reposoit, por [143 d] ce que il doutoient que li sarrazin n’eussent icelui malmis ou porté pour destruire. Et a la fin, li devant dit compaingnon, par lou consoil de l’abbé Odom de Vezelai, envoierent cusancenousement au leu un frere qui estoit appelez Badilo pour savoir la certainneté de ceste chose, et li commanderent, se il povoit havoir aucunes des saintes reliques dou beneoit cors devant dit, que il les aportast a Vezelai, quar mont en estoient desirrant. Il li baillerent compaingnie
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816. et de ce f. mont li li noble comp.
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soffisant et ce que mestiers li fu pour lui et pour sa maisnie, et emprist la voie liemant comme ciz qui en l’aide Deu havoit tout s’esperance et s’entendue de cest fait; et erra tant en mont grant devocion que il vint en la vile lai ou li sainz cors reposoit. Lai trova il mont grant pestilance de crestiens et ot mont grant pitié des crestiens morz, et tote voie, il aloit a grant cure et encerchoit en touz les leus se il porroit trover qui le meist en voie de ce que il querroit; et quant il ot longuement quis et reverchié, il vint au mostier Saint Maxime et lai trova le tombel ou li cors de la beneoite Magdelene reposoit, li quex estoit faiz et entailliez mont tres noblement, si com vous havez devant oï que sainz Maximes i havoit fait antaillier [144 a] par ymaiges toute l’ystoire de sa vie quant il mist le beneoit cors de li en cele sepulture, por ce que li antailleure peust aprés demostrer la verité qui estoit li sainz cors; et bien sembloit que lai dedanz fust gardez celestiex tresors, quar mont estoit richement et honorablement ovrez.
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Quant li diz Badilo vit totes ces choses, qui les encerchoit diligemment, il fu liez outre ce qu’il meismes ne pot dire. Et adont, il et si compaingnon pristrent balais et nestoierent lou leu, et bien lour sembla que la longue demoree dou paiis ne lour estoit pas profitable, et doutoient que cil dou paiis ne les parceussent ou que li sarrazin ne les gaitassent; et veraiement anquor havoient il ausin grant envie de retorner en lour paiis por ce que cil qui les havoient anvoiez desirroient lour revenue, mas il ne povoient pas bien trover temps covenable, pour quoi il furent destorbé pour acomplir lour volanté entre lour par lonc tans. Mas adonc, quant Badilo senti ceste oevre plus redotable, il s’abandona plus esforciement au secours d’oroison, et adonc depria Nostre Seignour et la beneoite Vierge Marie, sa mere, et les apostres saint Pere et saint Pol en qui non l’eglyse de Vezelai estoit fondee, et especialment cele meismes Marie [144 b] Magdelene qui tant ama Jhesu Crit et qui tant fu amee de Lui, que par lour tres grant misericorde li donassent faire ce que miez lour seroit agreable et qui seroit plus a son salut. Aprés ces choses, il venoit mout sovant au leu et lai faisoit ses oroisons et atendoit l’aide dou ciel. A la fin, il a l’aide dou Saint Esperit trova temps covenable et adonc ala une nuit au tomblel que il cognoissoit mont bien. Il lou brisa devers les piez et regarda dedanz et vit lou cors mis sus blans dras sus .j. cuir tres antier. Il gisoit estenduz, les mains mises sus le piz auxi comme il est de costume. Adonc quant il ot overt lou tomblel, il issi d’anqui si tres grand odour que nuns homs mortex ne le porroit dire.
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Adonc fu mont liez Badilo et sa compaingnie, mas il demora de ce en granz panssees que il ne savoit commant il deust si grant fait entrepanre sanz plus grant prelat de lui; et queque il estoit en ces panssees et a mont grant doutance de ceste haute entreprise, la quele Nostres Sires li havoit destinee et non pas a autre plus grant, il avint que la nuit ensigant il s’endormi et li sembla que il veist une femme tres religieuse vestue de tres blanches robes, et ses chiefz estoit mont tres bien couverz tout entour. Ele li dist : « Badilo, ne te douter pas, quar nous en devons
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aler ensemble moy [144 c] et toi au leu que Dex m’a destiné et porveu. » Quant vint au matin, il fu fortefiez de cele maniere de respons. Il appela ses compaingnons secretement et lour commanda que il fussent appareillié en l’ansigant nuit commant il peussent ampanre la voie de repairier en lour paiis. Quant il oïrent ces choses, il furent mont lié. Adonc il appareilla ce que mestiers li fu, et quant il fu ou plus secré de la pruchaine nuit, il ala au sepulcre en grant devocion plorant et traist hors d’anqui le cors a l’aide de sa compaingnie, ensint comme il estoit trestouz entiers de toutes parz, et l’envelopa en blans dras avec les autres de quoy il estoit couverz, et si l’apareilla dou miez qu’il pout pour le porter et le mist sus .j. charrot, puis se mist a la voie mont liez avec ses compaingnons qui mont faisoient grant joie, quar mont desirroient qu’il alassent en lour paiis co[i]teusement. Et en tel maniere vindrent a Ningmes la cité, et lai orent tres grant paour dou beneoit cors saint que il portoient que il ne lour fust toluz ou raviz par la longuesce dou cors estendu qui ne pooit estre quaichiez en petit leu ne en estroit, quar enquor estoit si com nous avons dit devant de tel longour comme il l’avoient trové couchié ou sepulcre; et avec ce, il par odoroit si fort que l’on lou sentoit de mont loing, et por ce Badilo et sa compaingnie regarderent par commun consoil qu’il a- [144 d] -lassent a l’eglise la nuit por cause de orer et dessevelissassent enqui le cors, et preissent anqui des plus lons os dou cors et les ajostassent a l’autre cors, et ansint le firent. Et quant il fu aluiez en tel maniere en moindre leu, il parfirent plus despeeschiement lour voie et vindrent tuit sain et haitié jusques a une lieue de l’abbaïe de Vezelai; et adonc, li tres sainz cors commença a estre si tres pesanz que ja soit ce que plusour i venissent, il ne le povoient movoir d’anqui en nule maniere, pour la quel chouse il se mervoillerent mont et anvoierent a l’abbaïe messaige qui anonçast au conte et a l’abbé et autres freres la venue des saintes reliques et l’empeeschement de lour voie qui lour estoit avenuz soudainement.
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Quant li cuens Girarz et li frere oïrent lor venue et la venue des saintes reliques que il havoient tant desirré, il en furent mont lié, et lors li moine corrurent a l’encontre vestu de blainches vesteures atout ancenssiers donanz granz odors de myrre et d’ancens et a cierge ardanz, et faisoient porter les croiz devant lour. Li cuens et plusor autre i acorrurent ensemble lour, et quant il vindrent au leu, il troverent anquor cels au dit leu ou il demoroient maugré lor; et quant il vindrent lai, il se geterent tuit a la terre et prierent la [145 a] poissance de la divine majesté mont ententiblement et cele meismes Marie, la tres amee de Nostre Seignour
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883. corteusement est peu susceptible de représenter une variante de courtoisement ou de se rattacher à l’adjectif court. De toute évidence, il s’agit d’une mauvaise restitution de la forme que le récit de la translation des reliques de Marie-Madeleine reproduit de manière adéquate (coiteusement, cf. n° 9, l. 117), le sens que cet adverbe revêt (« rapidement ») étant d’ailleurs confirmé dans le même texte par la reprise de la phrase suivante. – 884. et lai orent grant paour, tres ajouté au-dessus de la ligne (l’encre diffère de celle employée par le scribe, mais l’écriture paraît être la sienne). – 889. regarderent] a ajouté au-dessus de la ligne. – 899. frere] correction sur frerent (les deux dernières lettres ont été grattées). – 903. ensemble] bissé (la deuxième occurrence a été tracée à l’encre).
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Jhesucrist, que ele lessast son cors estre porté de cel leu en l’abbaïe. Quant il leverent d’oroison, errament il s’asaierent de issir dou dit leu et alerent a si grant legiereté qu’il ne sentoient nule charge, et miez lour sembloit que il meismes fussent porté que ce que il portassent aucune chose. Ensint s’en alerent a mont grant joie et li moinne chantant melodies a hauz sons, et a plusors luminaires embrasez mistrent le cors en l’eglyse. Enqui aluerent les saintes reliques honorablement ensint comme il couvenoit a tel tresor au quatorzaimme jor des kalandes d’avril, au quel leu li sainz cors resplendi adonc et fait anquores par l’aide de Deu de diverses vertuz et de signes sanz nombre dont nous dirons ci aprés aucuns des quex nous sumes certaing fiablement.
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A Arnice la cité estoit uns chevaliers pris en bataille, lou quel ciz qui l’avoit pris havoit estroit en tel maniere en buies qu’il i estoit jusques as cuisses et ne se pouhoit torner ne remuer ne mener en aucun leu. Adonc vint la sollempnitez de la nativité Nostre Seignour, et quant il ne trovast qui soffisemment donast ploiges pour lui, il li vint an panssee qu’il depriast ententiblement le secorrement de sainte Marie Magdelene, c’est asavoir [145 b] que auxi comme Jhesucriz l’assoilli de la taiche de ses pechiez, en tele maniere la pitiez Nostre Seignour par la priere d’iceli lou desliast des liens de fer as quex il estoit tenuz estoit. Et ensint il faisoit cele ouroison sovant, dont il avint .j. jour dementres qu’il recordoit ceste oroison que en recordant lou non de Marie Magdelene, il sailli de sa boiche auxi comme une vorge de fer roige ardant et traincha lou fer des buies et l’amena jusques au talon. Quant cilz qui l’avoit pris le sout, il l’en laissa aler tout quite, mas ciz se mit errament en la voie et vint nuz piez en l’abbaïe de Vezelai pour rendre graces de sa delivrance, et porta avec lui les buies qui riens ne li pesoient, ce li sembloit, et les pendi devant la tombe de la beneuree Marie Magdelene; et il meismes fist asavoir a touz commant la misericorde de Deu l’avoit deslié par la priere de la beneuree Marie Magdelene, la deciple Nostre Seignour Jhesucrit.
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Uns chevaliers qui chascun an soloit venir a l’eglyse de la Magdelene en pelerinage fu ocis en une bataille, et comme si parant l’eussent mis en biere et il lou plorassent mont durement et disoient entr’aux : « Sainte Marie Magdelene, commant as tu soffert que ciz, qui tes pelerins estoit et te requeroit chascun an en ton mostier, est morz sanz confession et sanz penitance ? »; quel que il se dementoient et il ploroient [145 c] en tel maniere, li chevaliers qui lai gisoit entr’aux se leva touz vis, et demanda lou prestre et se confessa, et reçut le cors Nostre Seignour et morust derechief.
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Il avint un jour que une nef estoit en une aigue que l’on appele Loire, qui mont estoit chargie d’ommes et de femmes, et furent en tel peril que la nef ou il estoient esfondra. Endementiers qu’il perissoient, une femme iere entre aux qui enceinte estoit. Quant ele vit qu’ele se moroit, ele prist a huchier et a reclamer la Magdelene
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et dist se ele voloit prier Nostre Seignour qu’Il la soffrit a enfanter, ele offreroit son enfant a s’iglyse. Maintenant qu’ele ot ce dit, une femme li apparut en mi l’aigue de bele semblance et de mont bel atour qui la prist par lou menton et la mena a rive toute sainne, ja soit ce que li autre fussent tuit noié. Aprés ce ele enfanta un fil et le dona a l’eglyse de la Magdelaine ensint comme ele li out promis.
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Ci fenissent aucun des miracles que Nostres Sires vout faire pour sa loial sergente Marie Magdelene aprés son trespassement, et pour ce sont il mis aprés la vie que il avindrent aprés sa mort, et cil qui avindrent a sa vie sont par devant devisé. Mas por ce que tant ot en li de biens et tant li fist Nostres Sires de granz graces a la vie et a la mort, a couvenu en sa vie plusors longues paroles que moins [145 d] n’am i ha peu havoir par raison, et pour ce avons ses miracles briement passez que il ne tornassent a charge a aucun des lisanz ou des escoutanz; et por ce que je n’ai pas la poissance de touz ses miracles prononcier soffisemment si com je dis dedevant m’am voudrai atant tenir, quar tant en i ha et de si granz, et par tant de parties dou monde sont espandu que je ne porroie ataindre a metre ensemble ne a l’euner. Et pour ce je en lais a touz cels et a toutes celes qui Deu vorront amer et croire le remanant de mon defaut, et lour pri et pour lour grant preu que ceste beneuree dame haient sovant en remembrance et ses faiz et ses miracles vuoillent havoir en lour memoire, et granz biens lour en vanra as ames et as cors, quar veraiement je di que plusour homme et femmes dont nous n’avons riens devisé hont recovrees lour santez as leus ou ele est aoree et servie et i sont curé et gari de toutes diverses melaidies de cors; et nes li grant pecheour et pecherresses qui devant estoient sanz honte et qui effronteement hont pechié et corroucié Nostre Seignour hont plusors foiz en ces leus trové savable consoil et grant assoaigement de lour ames quant il venoient as leus ou ele est aoree. Et nes en lor maisons, li plusour qui l’ont reclamee humblement de bon cuer en devocion por la necessi- [146 a] -té de lor cors ou de lor ames hont trouvé en li verai secours et profitable consoil se la requeste fu raignable, quar nuns n’an va escondiz ne refusez, que por ce qu’ele ot besoing d’aide remembre plus legierement les besoingnoux, et l’on doit bien croire sanz nule doute qu’ele doit anpetrer legierement et trover grace a Nostre Seignour por celui cui il li plaira requerre, especialment por le pardon de lour pechiez, quar ce est li droiz exemples tres honorables a touz ces qui sont ou monde et la veraie forme commant il puissent havoir remission de lor pechiez. C’est li clers mireors de bone esperance. Ceste nos mostra premiers la voie de la fontaine de misericorde.
952 953 954 955 956 957 958 959 960 961 962 963 964 965 966 967 968 969 970 971 972 973 974 975 976 977 978 979 980
969. hont pl. foiz] hont a été ajouté au-dessus de la ligne (main et encre du correcteur des folios 133 a sq.). – 975 - 976. remembre plus leg. les bes. a nostre seignour. Le segment de texte qui s’insère ici a été ajouté dans la marge (main et encre du correcteur des folios 133 a sq.). – 978. droiz] remplace doulz, tracé (main et encre du correcteur des folios 133 a sq.).
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Ele but de cest doulz ruissel et fu reamplie de parfecte foy, et por ce fu mondee 981 de toutes malaidies de pechiez. Sa sapience la mena a bone fin. 982
A ceste beneoite dame sont mont abhominable tuit li mauvais et tuit vilain pechié
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de luxure et tuit larrecin, et se il avient que aucuns les face au leu ou ses cors 984 repose, il sont tantost vaingié par tres manifeste vainjance de Deu; et aucune foiz 985 avons entendu que se aucuns havoient fait aucune violance folement de choses qui 986 apartenoient a l’eglyse, que Dex meismes en ha esté vaingerres et que ou temps 987 trespassé, aucun par lour arrogance se mistrent avant et voudrent havoir la seignorie 988 de cest leu, les quex par la volanté de Deu il en covint a soffrir quelque gré qu’il 989 en heus- [146 b] -sent par la contreinte de celui meismes qui la beneoite Marie 990 Magdelene ensemble ses droitures et ses biens ha en sa garde. Certes, bien doit 991 estre ceste beneuree dame amee de touz cels qui Nostre Seignour vuelent amer et 992 servir, et bien doit estre la voie regardee de lour eulz et remembree de lor boiches 993 et escrite dedanz touz feaux cuers de cele qui en ses eulz pout l’aigue trover dont 994 ele lava les piez Nostre Seignor et la qui boiche pout estre digne de baisier icés, et 995 qui en son cuer pout touz jourz havoir escrit et portrait sanz nule foiz entroblier 996 Jhesucrit, cele qui touz jourz L’ama devant toutes choses. Or l’ait donc chascuns 997 en memoire et requiere s’aide et pranne a li bon exemple; n’ait pas honte de li 998 amander, aut as piez Nostre Seignor par devocion repentanz de ses meffaiz, crit 999 merci de bon cuer, plourt sus [s]es piez par contriction, terde les par penitence et 1000 l’ajut devant toutes choses si com fist la Magdelaine, et veraiement il ne faura pas 1001 a pardon puis que la Magdelene l’out en tel maniere, quar anquor est Nostres Sires 1002 auxi debonaires comme Il seaut. Il ne s’est de rien muez : Il nous atent debonerement 1003 et nous appele doucement, et nous pardonra largement et nous recevra liement et 1004 nous donra joie et repoux et [146 c] vie pardurable se en nous ne demore, si comme 1005 Il fist a ceste beneoite Marie Magdelene et ses autres amis, la quele ciz nos outroit1006 par sa grace qui vit et regne avec le Pere et le Saint Esperit. Amen. 1007
999 - 1001. crioit merci de bon cuer, plouroit sus les piez (...). Il semble nécessaire d’aligner le mode de ces deux verbes sur la syntaxe des précédents et du suivant, même si ce passage reste obscur. Par ailleurs l’encre qui a servi a transcrire l’ajut, qui s’intègre mal ici, est plus claire et l’écriture diffère peut-être de celle du copiste.
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25. Bologne, Biblioteca universitaria, 893, f° 6 r° - 76 r° (transcription partielle) Copié à une époque qui doit se situer entre la fin du XVème et le commencement du XVIème siècle, le manuscrit de Bologne paraît être composé de quaternions de papier (ca 150 x 100 mm ; 139 feuillets numérotés)1, munis de signatures mais sans réclames. La partie rédigée de ce volume débute au f° 6, qui est le premier d’un cahier (les folios 1 à 5 et 139 sont blancs, mais partiellement réglés). Chaque page ne comporte qu’une seule colonne, à 20 lignes, remplies de la même grosse écriture gothique livresque. On devine à partir de sa reproduction des rehauts sur les majuscules qui interviennent aux articulations narratives du récit. Le recueil est presque tout entier dédié à la figure de Marie-Madeleine. Il réunit en effet la légende de notre sainte, principalement issue du texte de Jacques de Voragine (f° 6 r° - 41 r°), la fondation du couvent des dominicains à Sainte-Baume où repose le crâne de Marie-Madeleine (f° 41 r° - 45 r°), la translation des reliques à Vézelay et le miracle de la cité de « Veneres » (Arverens) (f° 45 r° - 64 r°), trois miracles tirés du Speculum Historiale de Vincent de Beauvais (f° 62 r° - 84 r°), une collation pour le jour de Pâques en l’honneur de la sainte (f° 84 r° - 116 r°), un panégyrique de son amour pour le Christ (f° 116 r° - 121 r°), la légende de sa sœur Marthe (f° 121 r° - 132 v°), le récit de la visite des trois Marie au Tombeau (f° 132 v° - 136 r°), une prière à Marie-Madeleine (f° 136 r° - v°), et l’indication de sa fête et de celles de Lazare et de Marthe (f° 136 v°). Trois brefs miracles indépendants2 (f° 137 r° - 138 v°) s’ajoutent à cet ensemble que, par souci de cohérence, nous ne publions pas intégralement. Nous commenterons ici les textes retenus selon leur ordre d’apparition dans le recueil. Vie de Marie-Madeleine (f° 6 r° - 41 r°) Ce récit témoigne d’un extraordinaire travail de compilation. Animé par le même souci de complétude que reflète l’ensemble du recueil, l’auteur puise à plusieurs sources vernaculaires dont il cite le plus souvent de larges extraits, de manière littérale. Il passe sans transition de l’une à l’autre, souvent à l’intérieur d’une même
Trois pages sont exclues de la numérotation moderne. Il s’agit des feuillets placés entre les f° 19 - 20, 64 - 65 et 65 - 66 actuels. Le manuscrit de Bologne est l’un des seuls que nous n’ayons pas consultés sur place. Les données que nous avançons sur sa facture sont donc sujettes à de plus amples vérifications. 2 Le premier fait intervenir Thomas de Canterbury ; le second raconte comment « ung sainctz home » voit un diable se réjouir des péchés d’une femme en pleurs devant un autel et la sauve en la persuadant de se confesser ; le troisième, la façon dont un roi est consolé de la mort de son fils par un jongleur qui lui raconte une parabole (de la même manière que les arbres ne donnent pas tous leurs fruits au même moment et qu’il y a donc un temps approprié pour chaque récolte, l’enfant a été « cueilli » par Dieu « come une pomme rendant bone oudeur, et se longement fuiste demoureit, il fuiste tourneis a pouriture et a corruption »). 1
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phrase. Parfois, il intègre dans la version qu’il exploite un seul terme3 ou un bref segment qui lui sont étrangers. Il en résulte un véritable « feuilletage » dans lequel l’adaptateur juxtapose plus qu’il ne réécrit les données dont il dispose. Si cet agencement tend à regrouper des informations sur Marie-Madeleine, son auteur veille cependant à ne pas répéter des éléments qu’il a déjà mentionnés. Au terme de la vie évangélique de la sainte, composée de traductions de la Légende dorée, il omet par exemple l’épisode placé sous l’autorité d’Ambroise, dont le contenu est redondant. Un détail pourrait laisser penser que notre rédaction a été réalisée telle quelle pour l’exemplaire qui la transmet. Au bas du f° 39 r°, où figure un passage tiré de la version n° 22, le copiste se reprend et biffe sa dernière phrase pour enchaîner avec la précision, absente du n° 22, que Marie-Madeleine est soutenue par deux anges ; puis, juste après (en haut du f° 39 v°), il poursuit en retranscrivant à nouveau la phrase qu’il avait tracée4. Nous l’avons dit plus haut, l’œuvre de Jacques de Voragine sert de base à cette composition. Elle est toutefois dépourvue de l’exposition du nom de la sainte, du paragraphe qui débute par la référence à Hégésippe, de la translation des reliques sous le règne de Charlemagne et de l’allusion au mariage avec Jean Baptiste. Elle retrace ainsi la vie évangélique de Marie-Madeleine, l’épisode de Marseille, la retraite érémitique de la sainte, sa mort et ses miracles, ces derniers étant classés dans un ordre spécifique. L’adaptateur utilise trois traductions vernaculaires du texte, qui se complètent naturellement. Celle de Jean de Vignay5 (n° 14), qui lui procure le début de la légende, structure l’ensemble de son travail. Régulièrement citée, dans des passages de quelque ampleur, elle s’impose jusque dans le miracle de la femme sauvée du naufrage, repris d’un bout à l’autre, et dans ceux du chevalier dévot ressuscité et de la conversion du clerc Étienne, élaborés en partie d’après cette version. Par ailleurs, des citations littérales de l’adaptation n° 16 de la Légende dorée sont insérées dans la compilation, surtout dans la vie évangélique de Marie-Madeleine. Si les traces d’emprunt à cette traduction s’atténuent peu à peu, elles réapparaissent ça et là sous forme de reprises ponctuelles, et le miracle des péchés effacés en provient. On peut aussi remarquer que le récit du chevalier ressuscité
On peut du reste observer que plusieurs des nombreuses dittologies qui parsèment le texte sont précisément le fruit de la rencontre entre deux modèles. 4 On lit ainsi dans le texte du n° 22, ici en italiques, entrecoupé par un extrait d’une version étrangère, ici en caractères romains (le passage souligné est tracé dans le manuscrit) : « (...) que l’englise de la Magdaleine visettoit, en son dormant a luy s’apparu la Magdaleine qui luy dist : ‘Estienne combien que de grace ne soiies mie dignes, nient mains’ comme en la fourme d’une tresreverente damme, les yeulx flambians et estincellans, la quelle au dextre et senestre le soustenoiient deulx angles, la quelle dist ainsy a [39 v°] luy : « Estienne, combien que de grace ne soiies mye digne (...) ». 5 La leçon « Vien ça, mon pere, et ne suis je pas ta fille » permet d’établir un rapprochement avec les copies H et R de cette traduction (ou avec L2, qui offre peut-être un reflet de la même variante). 3
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débute par les mêmes termes que ceux contenus dans le manuscrit Lille, Bibliothèque Municipale, 452, étroitement lié au n° 166. L’auteur fait usage d’un troisième représentant français de la Legenda aurea, dont nous ne connaissons qu’une copie (Lille, Bibliothèque Municipale, 454 ; n° 22). Les miracles de la guérison de l’aveugle et de la libération du prisonnier endetté sont en effet extraits de ce texte, de même pour le début du miracle qui clôt en principe le récit chez Jacques de Voragine (conversion du clerc Étienne de Flandre). Quelques emprunts ponctuels se laissent deviner ailleurs. Ce « montage » est complété par des ajouts à partir de récits indépendants de la Légende dorée, qui, d’un point de vue narratif, entrent parfois en concurrence avec le canevas fourni par celle-ci. Ainsi, la vie de Marie-Madeleine dont on a conservé le plus grand nombre d’exemplaires après la traduction par Jean de Vignay (version n° 7) est elle aussi mise à contribution, et notre compilateur en prélève de longues citations, mot pour mot, dans le récit du miracle de Marseille et de la retraite puis de la mort de la sainte7. Il est enfin intéressant d’observer que plusieurs passages adoptent une formulation très proche de celle du n° 6, sans pour autant fournir des citations littérales. Au vu de la technique qu’il utilise dans le reste du texte, on peut sans doute admettre que le compilateur s’est servi ici d’une réécriture de la version que nous en possédons. Fondation du couvent des dominicains à Sainte-Baume (f° 41 r° - 45 r°) Si le miracle de Charles II de Sicile est situé en l’an 1279, date traditionnelle de l’invention des reliques à Saint-Maximin (le 9 décembre)8, ce n’est pourtant pas le célèbre récit des fouilles dirigées par ce roi dans la crypte de cette église9 que retrace notre texte, mais la fondation du couvent qui recueillera le crâne de MarieMadeleine ainsi qu’une ampoule contenant de la terre imprégnée du sang de Jésus crucifié. Rédigé (à l’origine) par un auteur qui se prétend membre du couvent Sainte-Avoye à Blois, ce texte est suffisamment atypique dans notre corpus pour que nous en fassions un rapide résumé : prisonnier du roi d’Aragon, Charles désespère de retrouver la liberté quand, sur les conseils de son confesseur, le dominicain Guillaume de Tonnenx (« Guillaume de Tonngis »), il en appelle à l’aide de MarieMadeleine. La nuit de la vigile de sa fête, la sainte lui apparaît, le délivre puis le « transporte » de Barcelone (« Barchinonne ») à Narbonne. À la demande de Marie-Madeleine et avec l’aide de saint Maximin, le roi exprime sa reconnaissance en fondant un couvent dominicain à Sainte-Baume, sur les lieux qui furent ceux Voir l’édition parallèle que nous en fournissons. Rappelons que cette rédaction ne rapporte ni la vie évangélique ni les miracles de Marie-Madeleine. 8 Cf. V. Saxer, Le culte de Marie Madeleine en Occident, 1959, pp. 228 - 247. 9 La diffusion de ce récit est assurée par Ptolémée de Lucques, Bernard Gui (Flores chronicorum et Speculum sanctorale) et Philippe de Cabassole, entre autres. 6 7
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de la retraite et de la mort de la pénitente. Il y placera le crâne de la sainte, jusqu’alors caché sous une vigne en raison des guerres10. Quant au reste du corps, l’auteur indique que les chanoines de Vézelay affirment le détenir dans une châsse d’une exceptionnelle richesse. Il conclut en ajoutant que son couvent possède deux doigts de Marie-Madeleine, dont il précise même qu’ils ont conservé leurs ongles. Nous n’avons pas trouvé de texte latin relatant cet épisode, mais il est probable que le compilateur de notre manuscrit reprend là une histoire diffusée ailleurs. Translation des reliques de Marie-Madeleine à Vézelay et miracle de « Veneres » (f° 45 r° - 64 r° ) Le récit de la translation du corps de Marie-Madeleine à Vézelay prend appui sur le Nunc ergo largiente Domino11, source qu’exploite aussi le n° 9. Les deux adaptations vernaculaires n’entretiennent toutefois pas de rapports. En outre, notre compilateur s’inspire ici d’un texte légèrement plus long (le n° 9 se termine à la mention du 14 des calendes d’avril). Il ne lui procure aucun relief narratif particulier12. L’auteur manifeste juste une légère tendance à amplifier les scènes de destruction. Son style est néanmoins distant de l’original latin. Comme dans le manuscrit f. fr. 13496 de la Bibliothèque nationale de France, la conclusion du récit est assurée par l’évocation des nombreux miracles qui ont lieu à proximité du corps de Marie-Madeleine (les gestes violents, les vols ou les actes de luxure sont immédiatement sanctionnés, alors que ceux qui se repentent sont guéris de leur maladie). Le miracle du chevalier prisonnier, plus développé (f° 62 r° - 64 r°) et qui exploite lui aussi le texte latin BHL 5462, clôt la partie commune aux deux adaptations vernaculaires. Si la cité est appelée ici « Veneres » (« Arverensem urbem »), il n’existe pas de différences notables avec la version latine. Miracles (f° 64 r° - 76 r°) Trois miracles indépendants complètent le corpus réuni par le compilateur. Il s’agit d’épisodes que l’on retrouve dans trois chapitres suivis du Speculum Historiale de Vincent de Beauvais (IX, cap. 108 à 110). Le texte ne coïncide pas ici avec leur traduction par Jean de Vignay, seule version médiévale française dont nous ayons 10 Notons la précision qui entoure cette relique : la tête est « toute nue » (décharnée (?)), sauf la partie que toucha le Christ lorsque Marie-Madeleine voulut embrasser ses pieds. 11 P. Meyer, « La légende de Girart de Roussillon », Romania, t. 7, 1878, pp. 231 - 233, publie le début de ce texte ; É.-M. Faillon le retranscrit jusqu’à la mention du 14 des calendes d’avril (Monuments inédits, 1848, col. 745 - 752). Voir notre présentation du n° 9 pour une description plus précise du texte latin et de son contenu. 12 Notre adaptation ne comporte cependant pas les lignes 16 - 34, col. 759, du texte édité par É.-M. Faillon, interruption délimitée par deux noms de villes (per Salum et ad Nemausiam).
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aujourd’hui connaissance (exception faite d’un remaniement du Speculum). Le premier montre comment Paul, évêque de Saragosse, hostile à Marie-Madeleine, est entraîné dans une course effrénée par son cheval endiablé, mais son repentir et l’intercession de la sainte font retrouver sa docilité première à l’animal (le narrateur prétend avoir été le témoin de ce fait). Le second offre une réécriture atypique, beaucoup plus détaillée et prolixe, du miracle du clerc Étienne (65 v° - 71 r°) et le dernier relate l’histoire d’un vertueux « preudhomme » vivant en Bretagne, rescapé d’une tempête lors d’une traversée vers l’Angleterre. Remarques linguistiques et lexicales Cet assemblage nous retransmet de nombreuses formes insolites qui évoquent la langue d’un de nos autres manuscrits tardifs13, et l’on observe dans notre compilation assez de traits caractéristiques du Nord-Est pour l’associer elle aussi à une scripta wallonne. Il semblerait toutefois que le copiste ait reproduit un exemplaire portant les marques du français standard. Ceci transparaît notamment sur le plan lexical : d’une part, sa retranscription abonde en termes et en tournures typiques de la langue littéraire tardive ; d’autre part, elle ne recèle pas de régionalismes, en dépit de la forte imprégnation dialectale du texte14. À cet égard, et quand bien même nous ne saurions émettre un avis définitif sur leur provenance, il est intéressant d’observer que deux des adaptations vernaculaires utilisées par notre adaptateur (n° 16 et 22) peuvent être rattachées à la même aire linguistique ou au nord du domaine d’oïl. Pour un ouvrage de cette nature et, dans une moindre mesure, pour une entreprise aussi tardive, il ne faut guère s’attendre à tirer du vocabulaire de notre texte les indices qui permettraient d’en préciser l’origine. Du moins n’avons-nous pas trouvé de régionalimes dans cette rédaction. Comme nous l’avons souligné plus haut, l’adaptateur de cette ensemble reproduit souvent les sources qu’il exploite de manière littérale, ou peu s’en faut, ce qui explique l’impression de décalage que l’on ressent entre la langue qu’il emploie et l’époque de la copie que nous en possédons. Une étude lexicale nous révélerait donc sans doute un partage entre formes héritées des modèles dont il se sert et de termes dépendant d’un répertoire situé aux confins de la période médiévale, ou au delà. Le premier aspect ne serait intéressant que pour une mise en perspective de la sensibilité du compilateur, autrement dit de son attitude face à un vocabulaire ancien, peut-être désuet parfois, et des techniques de renouvellement auxquelles il recourt. Le second, qui relèverait plutôt de l’histoire moderne de notre langue, ne nous aiderait guère à dater le texte. C’est pourquoi nous ne proposerons pas ici d’analyse de ce type. Leyde, Universiteitsbibliotheek, B.P.L., 46A (voir notre présentation du n° 1). À noter aussi que les graphies employées dans cette copie sont assez irrégulières et que la morphologie donne l’impression d’être fort aléatoire. Il n’est pas toujours facile de distinguer la finale de certains mots.
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[6 r°] Cy commenche la vie et legende de madame saincte Marie Magdaleine
Marie Magdaleine fut surnommee de Magdalon le chasteau et fut exstraite de
tresnobles parens qui estoiient descendus de royalle lignee. Son pere eult nom Syrus et sa mere Eucharie, qui tenoiient le ditte chasteau et la ville de Bethanie et partiie de la citeit de Jherusalem; et dist que aprés le trespassement de leur pere et mere qui laisserent trois enfant, a savoir Lazare, Marie et Marthe, il diviserent [6 v°] ainsy leur patrimoine entre eulx en telle maniere que Marie eut Magdalon, dont elle fut surnommee, le quelle chasteau estoit ainsy que a une petite liewe pres de Genezareth, et le Lazare eut la partie de Jherusalem et Marthe possedoit Bethanie. Et la Magdaleine se fut mise a tous les delices du corps et le Lazare entendoit a la chevalerie. Marthe qui estoit sage gouverna noblement la partie de son frere et la partie de sa seur et administroit aux chevaliers, aux ser- [7 r°] -viteurs et aux povres leurs necessités. Il vendirent toutes choses aprés l’Ascention de Nostre Siegneur et en mirent la pecune aux piedz des apostres; et la benoite Magdaleine abondoit en richesses, et pource que le delict est compaingne a abondance de biens, de tant comme elle replendissoit plus en beaulté, en richesses et en jolivetez, tant submettoit elle plus son corps a delices, et pour ce perdit elle son propre nom et fut acoustumee de estre appellee pecheresse. Et quant Nostre Siegneur preschoit illecques et ailleurs, et elle fut [7 v°] inspiree de la grace de Dieu et s’en alla a la maison de Symon le Lepreux en Bethanie, le quelle Nostre Siegneur avoit aultre fois guery de sa lepre, ou Nostre Siegneur disnoit, et en grande contriction et repentance juga en son cueur qu’elle n’estoit mie digne et ne osoit comme pecheresse apparoir entre les justes, mais par grande vergoingne elle par deriere les tables baissant et muchant aux piedz Jesucrist Nostre Sainct Saulveur se coulcha en plorant et gemissant en grande repentance de [8 r°] cueur et si habundament larmiant de cueur et des yeulx ploura, et si grant fuison de larmes illuecques respandi que de ses larmes les pied de Jesucrist lava et de ses cheveulx les ressua, et puis de tresprecieulx oingnement les oingnit et embalsoma en les baisant humblement; et ainsy le digne chief de Nostre doulx Saulveur Jesucrist en grande reverence oingnit, car les habitans d’icelle region usoient de baings et de plusieurs oignemens pour refroidier encontre la tresgrande ardeur de soleil. Quant Symon, en [8 v°] qui maison ce avient, vit coment Jesucrist souffroit ce que Marie faisoit entour ses piedz, tantost pensat en soy mesmes que se Nostre Siegneur fust vray prophete, bien saroit que cest femme est une pecheresse et ne se laisseroit pas de elle ainsy attoucher, et lors Nostre Siegneur reprint Symon de sa justice orgueilleuse et pardonnat a Marie tous ses pechiés; de la quelle, si comme saint Marcqz le Ewangeliste dist, Nostre Siegneur jettat hors d’elle .vij. diables, ce sont les sept pechiés morteilles, par le tresgrande amour qu’Il avoit a elle. [9 r°] Il luy demonstra si tresgrande signe d’amour qu’Il le fist sa tresfamilliere. Il voulut qu’elle fust son hostesse et sa procureresse. Il voulut qu’elle fust avecques Luy en son voiage. Il l’excusoit tous jour doulcement, encontre Symon devant
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dittes et encontre Marthe, sa seur, qui disoit qu’elle estoit oyseuse, et quant Il le vidt pleurer, Il ne sceust tenir ses larmes; et pour l’amour d’elle Il resuscita le Lazare qui avoit esté quatre jours mort et si guerit sa seur de flux de sang qui la l’avoit tenue sept ans, et par les merittes d’elle, Il fist [9 v°] estre digne Marcelle, chamberiere de Marthe, la quelle dist ce tresdoulx et benoist mot : « Benoist soit le ventre qui Toy, Jesucrist, porta, et benoite soient les mamelles que Te alaitas. » Elle fut la premiere qui esleut la tresbenoiste partie, qui se seist aux piedz de Nostre Siegneur et ouyt ses saincte et dignes parolles; qui Luy oingnit le chief, qui a sa Passion fut delez la croix, qui appareilla les oingemens et voulut oingdre son corps et ne se partit de monument, et les disciples s’en partirent; a laquelle Nostre Siegneur s’ap- [10 r°] -parut premierement quant Il resuscita de mort a vie, et elle eut singuleire previlege en ce que ce fut la premiere qui anonchat la saincte et triumphante Resurrection aux apostres, pour la quelle chose est appellee apostre et maistresse des apostres. Adonc aprés l’Ascension de Nostre Siegneur Jesucrist, en l’an quatorziesme de sa Passion que les juifz avoient pieça occis sainct Estienne et avoient ja gecté hors les apostres des contrees de Judee, les disciples s’en alloient en diverses parties et contrees de gens [10 v°] et la semoient la parolle de Dieu, et lors sainct Maximien estoit avec les apostres l’ung des septante et deulx disciples de Nostre Siegneur Jesucrist, auquelle Marie Magdaleine avoit esté recommandee par le benoist sainct Pierre; et lors quant les disciples se departirent, sainct Maximien, Marie Magdaleine, le Lazare son frere et sa seur Marthe, Marcelle, chamberiere de Marthe, et sainct Cedomien qui avoit esté aveugle des sa nativité, mais Nostre Siegneur l’avoit enluminé, tous ceulx ensemble et plusi- [11 r°] -eurs autres chrestiens furent captifz et prins des mescreans et mis dedens une nef en mer sains gouvernal affin qu’ilz fussent tous noyez, mais par la volenté de Dieu, il vindrent a Marcelle et la ne peurent trouver qui les voulsist recevoir en son hostel. Si demourerent desoubs ung portalle qui estoit devant ung temple des gens de celle citeit et furent toute la nuict en junes et en oraison. Quant ce vient a l’endemain, si s’asemblerent tous ceulx de la citeit et vindrent sacrifier [11 v°] a leurs dieux si comme estoit leur coustume. Quant la bonne Magdaleine les veit venire, si se leva encontre eulx et les saluat, et lors les comenchat a prechieer si doulcement et si raissonnablement la saincte et vray foy et leur desconseilloit de sacrifiier aux ydolles que cascun d’elle soy esmerveilloit tant par sa grande biaulté, tant par son sens et son beaul parler que pour la discrete et sage maniere qu’elle tenoit, et avoit en gracieusement monstrant et raisonnablement, suffissamment et vivement demoustrant et [12 r°] approvant ce que a la foid de Jesucrist appartenoit, et n’estoit pas de merveille se la bouche qui si debonnairement avoit baisé les piedz
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43. vidt] ajouté dans la marge (écriture et encre distinctes de celles du manuscrit). – 72. a prechieer] ajouté dans la marge (même apparence que dans le cas précédent).
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de Nostre Siegneur espiroit de la parolle de Dieu plus que nulle autre. Et aprés ce advint que le prince de Provence sacrifioit aux ydolles, luy et son espeuse, pour avoir lignee legitisme, le quelle adont madame saincte Marie Magdaleine precha et enhorta que plus avant n’alast et qu’il retournast ne jamais a ces ydoles vaines ne sacrifiast, et mult [12 v°] de Jesucrist et de la foy les prechat. Et aprés ung peu de taimps, Marie Magdaleine s’apparut a celle damme en vision de nuict en disant : « Pour quoy as tant de richesses et se laisse tu les povres de Nostre Siegneur mourir de fain et de froit et d’autre mesaise ? » Et le commenchat a manchier et dire que a son mary elle enhortaist que leur neccessitez administraist, mais la contesse n’en oza parler a son siegneur. Non pour quant si eut elle piteit de la bone Magdaleine et de toute sa compaing- [13 r°] -nie et leure commenchat a envoier de ses viande secretement par ses mesagier, car elle cremoit le crualteit de son siegneur et le desloiaulté des peule. La seconde nuict se apparut de rechief la bienheureuse Magdaleine a celle noble damme en le redarguant que a son mary n’avoit ditte ce qu’elle luy avoit comandé, mais encore riens n’en fist. Si s’apparut la tierce fois au siegneur et a la damme a l’heure de mienuict, la face et le viaire comme feu, et sembloit que la maison ardesist embra- [13 v°] -see toute la chambre et illuminans, courouchie mult forment et yree, disant ainsy : « Dors tu, tyrans crudelle, membre de ton pere Sathan, avec ta femme la serpe[n]tine qui mes parlers ne toy a vouleu ne odzet dire ? Repose tu, ennemis de la croix de Jesucrist, envoleppez en tes draps de soye et d’or batus en ton grant et eslevet palais, et te laisses les sains amis de Dieu sans hostel et tous desnuez ? As tu de vins et de viandes delicieuses ton ventre rempli et ta gloutonnie rasaisie, et neque- [14 r°] -dent, tu n’acomptes que a toy et laisse les bons amis de Dieu perire et morir de fain et d’aultres mesaises ? Certainnement, ainsy n’en escapperez vous mie non non sans pugnicion cruele, qui tant les avez laissiet affamer. » Et lors quant de eulx fut departie, le contes en suspirant s’esveilla et la contesse ainsy en souspirant luy demanda : « Sire, as tu veu le songe ou vision que j’ay veu ? Par trois jour est a moy apparue. – Je l’ay veu », dist il, « et m’en suis esmerveillé et ay paour. [14 v°] Que en ferons nous ? » Et la damme luy dist : « S’est plus prouffitable chose de obeïr a la bonne Magdaleine que de encourir l’ire de Dieu qu’elle presche. » Pour laquelle chose il les receurent en leur hostel et leur administrerent leurs necessitez. Si comme la benoiste Marie Magdaleine preschoit ung jour, le dit prince luy dist et demanda s’elle porroit soustenir et defendre la foy qu’elle preschoit. « Je suis », dist elle, « prest et appareillie de deffendre et de soustenir par myracles faisant et par [15 r°] raisonnablement demoustrant en l’aide de mon Dieu toute puissant, et par my le confort de mon maistre sainct Pierre qui est a Romme. » A laquelle le prince dist :
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84. a celle damme] a est ajouté au-dessus d’une ou deux lettres qui formaient peut-être le début du mot suivant. – 88. oza] bissé (sous la forme osa). – 91. Les deux premières lettres de peule ont été bissées puis tracées. – 95. et illuminans] et a été ajouté au-dessus de la ligne. – 97. serpertine. – 105. Les deux premières lettres de sire sont bissées mais semblent avoir été tracées.
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« Moy et mon espeuse sommes prest de obeïr a toy en toutes choses se tu nous impetres de avoir ung filz de par ton Dieu que tu presches. » Et lors dist la benoiste Marie Magdaleine : « Pour ce ne demores pas et j’ay esperance que vostre desire serat acomplis. » Adonques saincte Marie Magdaleine pria Nostre Siegneur pour eulx qu’Il [15 v°] leur daignast donner ung filz. Et Nostre Siegneur ouyt ses prieres et celle damme conceupt ung filz, et de ce furent les gens de païs et de la contree grandement resjoïs. Puisse le prince tantost aprés fist appareillier et pourveoir les nef et gallees pour aller a Romme a sainct Pierre l’apostle, pour a luy savoir se la foid et la loy estoit telle que Marie Magdaleine leur avoit preschiet, ditte et demoustreit. Quant la contesse entendit ce, si requist a son mary bien instamment que son plaisire fust de [16 r°] le enminere avec luy, a laquelle le conte respondit et dist : « Damme, ainsy ne serat il pas, car tu es enchainte et les perilz sont en mer sans nombre. Tu pourroyes perir de legier. Si vault beaucoup mieulx que te demeures a l’hostel et que tu prennes garde a nous possessions adfin que nulz ne nous fourfaiche. » Quant ce ouit la damme, angouisseuse et par grant desire si s’agenoilla a ses piedz en pleurant, tant que en la pardefin il luy ottroya sa requeste pour la grande piteit qu’il eult d’elle. Lors vindrent [16 v°] le prince avec son espeuse a la bonne Magdaleine en luy recomandant toute leur bien, et lors madamme saincte Marie Magdaleine mist le signe de la croix sur leurs espaules si que le felon ennemis ne les empeschast en leurs voiage, et leur commanda qu’il disissent a sainct Pierre que il leurs enseignast ce qu’elle les avoit prechiet de Nostre Siegneur Jesucrist. Adoncques il prindrent or et argent a grande planté et chargerent une nef de toute ce qui leure fut mestier. Si entrerent en leure nef et [17 r°] tantost comme ilz eurent faicte environ le cours d’une journee et d’une nuyt, le taimps se comenchat a tourbleire et les onde de la mer a eslevere et mult grande tempeste faire tellement qu’il eurent tous tresgrande angoisse, et miesment la damme qui mut estoit floible et enchainte, qui en tresgrant tourmens et douleur enfantat ung beau filz et si trespassat; et quant l’enfant fut né, il crioit pour avoir les mamelles de sa mere et ne les trovoit, dont en pleurant [17 v°] il jetoit piteulx cris. Ce veant le contes mult douloureusement plouroit et gemissoit pour la mort de la contesse, son espeuse, et de l’enfant qui la mamelles queroit et riens de doulcheur n’y prendoit ne trouvoit. Adonques dist le contes : « Las, que feray je, meschant chetifz ? Je desiroie avoir ung filz, ore ai je je perdu la mere et le filz, car il covient l’enfant mourir pour ce qu’il ne treuve qui le puist nourir, soustenire ne gouverneire. » Et ainsy comme il se lamentoit piteusement, la mere qui tempestee es- [18 r°] -toit s’eslevoit et s’enforchoit de la nefz effondrer et les maronniers vouloient le corps de la damme morte en la mer ruer, car ilz disoyent
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130. ouit] ajouté dans la marge (même apparence que pour les lignes 43 et 72).
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et affermoyent que cest tempeste ne se cesseroit tant que le corps de la damme en leur nefz seroit et qu’il en pouroient tous affondrer et perire s’il ne le jettoient en la mer. Sur ce respondit le prinche : « Je vous prie que vous souffrez aincor ung petit par aventure que la mere de l’enfant d’angoisses et de douleur est pasmee, et se vous ne voulez avoir mercy d’elle, aulmains aiiez [18 v°] compassion de petite enfant que vous ouez si piteusement gemir. » Et entre ses parlers, voyci que une montaingne petite apparut assés pres de la nefz, et en grant difficulté par priier et par dons et promesses d’or et d’argent a leur plaisiers, il fist tant aux maronniers qu’ilz furent contens de tourneire celle part ou la montaingne estoit et de ariver illuecque. Puisse le prince osta sa damme et espeuse defuncte et son enfant et les mist sur terre, et pour ce que ilz trouva que c’estoit pierre [19 r°] et que on n’y povoit faire fosse, il mist sa femme a l’ung des costez de la roche, puisse revient a l’enfant et le mist par d’encoste la mamelle de sa mere, et de son mantiaulx foulret tous deulx les couvrit et envoleppa en larmiant et trestendrement plourant, et piteusement complaindant ainsy disoit : « O Marie Magdaleine, pour quoy viens tu oncques a Marcelle quant par toy j’aiie tant de griefves aventures et de mesaises ? Helas je, chetifz, me as tu envoiet en exille pour ma [19 v°] misere et perdition ? Pour quoy te creydz je oncques ne pour quoy entrepris je ce voyage ? As tu dont pour ce priiet ne impetreit a ton Dieu que ma femme conceuist a la fin qu’elle perisist et morust ? A tant ai je je gaingniet par ta priiere. Que proufite a elle ne a moy qu’elle ayest conceupt puisse que en enfantant elle at la mort receupt ? Las, ore convient ilz par necessiteit que li enfes ainsy perisse, car il n’est nulz qui le nourisse. Et Marie, par qui priiere [19 bis r°] j’aiie celle enfant et a qui j’aiie recommandé toutes mes besoingnes, je te prie et requiers que te pries a ton Dieu qu’Ilz aist mercy et piteit de l’arme de mon espeuse et que, s’Il est tous puissant, qu’Il soit garde, defendeur et gouverneur de l’enfant qu’ilz ne perisse ne ne soit devorez de bestes saulvaige, ne l’enfant ne la mere. » Et comme en tous ses piteulx et doulereus regrez et complaintes, il eusist l’enfant et la mere envoleppé en son ditte mantiaulx de mieulx qu’ilz peult [19 bis v°] et sceut, puisse se remonta en sa nefz, et quant ilz fut dedens rentreis, les maronniers leverent leur voilles et se misent a nagier. Or oiiés comme est grande la misericorde de Dieu et mervielleux le louuiers de la bonne Magdaleine et haulte ses merittes, car jasoit ce qu’elle prechaste en terre, toute fois elle conduisoit le pellerin et le confortoit qu’il ne se devoiiaste et confermoit affin qu’ilz ne defausiste en son deulle, et la damme gardoit quant elle enfantoit et luy don- [20 r°] -noit confort. Tous jours estoit avec l’enfant pour luy gardeire et luy emplissoit les mamelles de sa mere de lait pour luy nourire. Qui oncques ouit telle merveille, car elle estoit en terre et prechoit en enseignoit et edifioit les non sachant, et en la mer elle conseilloit et servoit et alaitoit. Elle consilloit le pellerin qu’il ne delaisast pas l’euvre qu’il avoit encomenchiet. Aincor oiieis plus grant miracles, car le corps de la damme qui gisoit morte rendoit planté de [20 v°] lait ens es mamelles de sa mere a son nourissiment. Et aincor chose plus esmervillable, car l’esperit de la damme morte
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parfist le pellerinaige que le corps depvoit faire se il vesquiste, et nulz ne veoit cest esperit, non pour quant elle veoit ce que les aultres ne povoiient veoir. Or oiiés de la bonne Magdaleine, car le corps de la damme gisant mors ainsy comme ung vaissiaus tous wuide et les mamelles rendoient grande planté de lait au nourissement de l’enfant. Cestuy vaissiaus [21 r°] estoit sailees de seialle de salut. Cestuy vaissiaulx est le vaissiaulx tous seurs, car gouttes de rosee ne habondance de pleaive ne forche de vent ne froidure d’yver ne caleur d’esté ne luy povoient nuire, car elle estoit telle qu’elle n’avoit ne fain ne soif ne mavaises oudeur, ne ne povoit perire. En telle maniere garde Nostre Siengneur ceulx qui se recommandent en la garde et priers de la bonne Magdaleine. Icy laisserons a parleire de la damme et retournerons au pellerin qui est ariveis a Rom- [21 v°] -me et demandat et enquist de sainct Pierre. Ore peult on apparcevoir maintenant quelle confort la bonne Magdaleine luy donna par sa priiere et coment elle luy mua son courouche en grande joiie, et comme sainct Pierre estoit a cest porte de mer, vid le siegneur venire et la nefz ariveir, et qu’il avoit le signe de la croix sur l’espaulle, la quelle luy avoit mis la bone Magdaleine, et pour l’amour de ce signe, sainct Pierre s’approcha de ditte contes et le saluat, et quant ilz luy eult demandeit [22 r°] quelle homme il estoit et dont il venoit ne qu’il queroit, le prinche respondit que ilz demandoit aprés sainct Pierre l’apostle de Jesucrist et que une damme qui s’apelloit Marie Magdaleine a luy l’envoioit; et sainct Pierre adoncques luy dist que c’estoit ilz miesmes. De ce fut le contes tres liez qu’il l’eut trouveit se delivrement et a ses piedz se jecta en grande humilité et toute son aventure luy compta mot a mot en grande larmes et pleurs, et de Marie Magdaleine la venue [22 v°] a Marcelle, et coment par son enhortement il estoit montez sur mer, et de la damme son espeuse et de l’enfant, coment ilz en estoit advenu. Adoncques le conforta sainct Pierre et luy dist doulcement : « Paix soit a toy, mon filz, tu as creud bon conseille et je te dis que joiie, paix et salu t’en venra et gloire sans fin. Ore te priie je et requiers que te ne porte mye griefz se ta femme dort et l’enfant se repose, car Nostre Siengneur est tous puissans de donnere ce qu’ilz Luy plaiste et ainsy de retollire, et de la chose tollue et ostee rendre et [23 r°] restitueire, et de toute tristresse en joiie chambgiere et mueire. » Et de ce pas en allerent sainct Pierre et le ditte contes siengneur de Marselle en Jherusalem, et luy moustra sainct Pierre tous les lieux ou Jesucrist avoit preschiet et faicte ses miracles present ses disciples, et le propre lieux ens ou quelle la croix avoit esté plantee et drechie en la quelle Il avoit esté crucifiiez, et puisse le mena sur le Mont d’Olivette ou quelle mont Nostre Siengneur estoit au cieulx monteis a Dieu son pere toute puissant, qui fut le jour
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208. siegneur est précédé de la forme sor, incompréhensible. – 218. par son enh.] en changeant de ligne, le copiste a bissé la préposition, sans la tracer. – 218. mer est suivi d’une quatrième lettre dont la lecture reste incertaine. – 224. et de toute tristr.] il semblerait que le scribe ait uni le premier mot et la préposition qui le suit au moyen d’une lettre que la reproduction ne permet pas d’identifier; peut-être ne s’agit-il toutefois que d’une rature ou d’une tache. – 226. en Jeru Jherusalem; les quatre lettres excédentaires ont été tracées.
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[23 v°] de son Ascention. Et quant le ditte contes eubt par sainct Pierre bien esté infourmeis de la foy Jesucrist et que le temps de deulx ans estoit ja passez, il s’en revient en la nefz et s’en retourna en son paiis ou veirs son paiis; et ainsy que par mer ilz navioit, par la volenté et grace de Dieu, ilz vindrent et rescheÿrent par d’encoste le lieu la ou il avoit laissiet la mere et l’enfant. Puisse par priiere et par dons comme par avant, ilz fist la nefz illuecques arriveire, et l’enfant qui par celle espase avoit esté gardeis de saincte Marie Magda- [24 r°] -leine par merveilleux miracle de Dieu le tout puissant, ainsy que maniere d’enfant est de jueire, chils estoit accoustumez d’aleire a la rive de la mer et s’esbanioit a la greve d’icelle et aux ondes et buillons qu’il veoit en la mer, et les pierret de la greve jectoit en l’eauue. Et ainsy que le prinches vid l’enfant qui la juoit et s’esbanioit ainsy a la mer, tous esmerveilliez de la nefz descendi pour le ditte enfant regardeir, et quant le petite enfant le vey, pour ce qu’il n’avoit oncques nulluy veu, ilz [24 v°] tous espoventez se renfuyt envers sa mere et si se remucha ainsy qu’ilz estoit accoustumez a la mamelle sa mere par desoubs le mantiaulx; et ainsy que le contes le sieuvy, il revient droit ou sa femme avoit mise et ilz le mantiaulx sousleva et l’enfant tresbeaulx et tresavenant qui sa mere alaitoit, ilz trouva toute en vie et sain et saulf delez sa mere, riant et juwant. Et adont le contes entre ses braches le prist et doulcement le baisat, et trouva les drap de quoy il avoit le corps envoleppez ainsy [25 r°] fresche, ainsy novieaulx et suef flairans comme s’il eussent esté tous jour en ung escrin. Le corps miesmes estoit de tresbonne odeur et de ainsy belle couleur comme elle fust en vie. Quant il vid ce, il eut joiie incomparable et s’agenoilla en louuant et rendant grace a Dieu et a la bonne Magdaleine en disant : « O Marie Magdaleine, que tu es de grant meritte et que le Dieu que tu presches est puissans, vertueulx et plains de bonteit. O que je seroie bienheureulx se la mere ainsy povoit respireire et vivre de la quelle l’enfant at pris [25 v°] sa noureture, et je voy qu’il semble qu’elle dorme et qu’elle soit toute vive, haitie et saine, qui n’a pueur ne corruption en elle – c’est de ta vertu, o Sire Dieu tout puissant. O Marie Magdaleine, que je seroiie bienheureux se la mere ravoit sentement, forche et cognissance et qu’elle peusist respirer de ce sompne et retourneire a veoir, ouyr et parleir et a tous ses .v. sens et mouvemens comme elle soloit en toy louuant et graciant. Et non pour quant je sceis certainement et croy fermement que tu, O Dieu [26 r°] de gloire, qui par le bonteit de Toy et les merittes de ton amie, Marie Magdaleine, as yci mon enfant nouri et en santé maintenu bien par l’espace de .ij. ans acomplis miraculeusement, gardé et deffendu, que Tu puisse ainsy bien la mere faire respireire et en vie, forche et plaine santé comme devant restituer. » Et a ses parlers, la damme souspira et ouvri ses yeulx mut doulcement toute ainsy que d’ung sompne s’esveillast, et quant le contes ce vey et ouy, mult liez et joiieeux ainsy parla : « Coment, [26 v°], ma doulce seure et mon espeuse, es tu doncques
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235. le lieu] l’article a été ajouté au-dessus de la ligne. – 237. Le deuxième e de merveilleux a été ajouté.
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en vie ? – Owil, sire », dist elle, « et ore primes suis je toute nouvellement revenue de ce propre pelerinage dont vous venez, et ainsy que sainct Pierre vous a menet en Jherusalem et au sainct sepulchre et aux lieux des miracles de Nostre Siegneur, et a tous les lieux ou vous avez esté j’aiie ainsy esté avec vous et aveucqz Marie Magdaleine qui m’a par toute menet et conduit, et tous les lieus j’aiie regardet et considereit et bien mis en memoire. » Et [27 r°] adont elle luy comenchat a racompteir tous les lieux et deviseire le lieu de Sainct Sepulchre, des miracles, de la Passion, de l’Ascention et de tous les aultres si parfaictement que onques n’en failly d’ung seulle motte, en disant : « O glorieuse Marie Magdaleine, mus esteis de grande merittes. Tu fust a mon enfanteire et a toute mes besoingne moy aveis tous jours servy et conforteit comme chamberiere. » Puisse le prinches prist sa damme et espeuse avec son enfant et s’en revient joyeux en sa nefz et comencha [27 v°] a recordeire as maronniers le incomprehensibles miracles qui luy estoit advenu, et il s’en esmervillerent mult et loerent Nostre Siengneur; et tant nagerent qu’il vindrent au port de Marseille, et quant ilz furent entrez en la citeit, il trouverent la benoiste Marie Magdaleine preschant avec ses amis les disciples de Dieu, et tantost se agenoillerent a ses piedz en larmiant et en grande devotion, il racompterent ce que avenu leur estoit en disant : « Hé ! glorieuse Magdaleine, mut es grant le dieu que tu adores ! Nous savons [28 r°] bien et creons et regehissons devant tous qu’il n’est nuls Dieu fors Luy. Damme, nous et nous bien sont vostre et ferons tot ce qu’il vous plairat. » Aprés ce, sainct Maximien les baptisat, et tantost sans plus attendre, toute les temple des ydolles et les ydolles ainsy destruirent et englise a Dieu belle et grandes en edifiarent, et chilz de la citeit se convertirent tous a Jesucrist et sainct Maximiens tous les baptisat, et esleurent d’ung accordt le benoist Lazare pour estre leur evesque. En la pardefin ilz vindrent [28 v°] par la voulenté de Dieu en la citeit d’Ays et par mut de miracles amenerent le peuple a la foy de Dieu, et la fut sainct Maximien ordonné evesquez et gouverna l’englise de Aquisse et long taimps y preschat le nom de Nostre Siegneur et fist grant planteit de miracles. Entre ses chose, la bonne Magdaleine soy veult osteire de toute terrinnes curres, qui tous jours desiroit estre en contemplation seule avec Dieu et en meditation divine sans empeschemens de nulle chose et hors de [29 r°] la conversation mondaine appetoit et queroit lieux solitaires pour vaqueir et penseire a l’amour souveraine, si quist ung tresaspre desert et fust en ung lieu qui luy fut ordonné par la main des angles, et la demoura sans le congnoissance de nulle creature morteille, auquel lieu il n’y avoit ne cours d’eaue ne confort de arbres ne de herbes, et fut pour ce qu’il fut demonstré clerement que Nostre Redempteur luy avoit ordonné refection de celestes viandes et non pas terriennes, qui chascun
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281. joyeux] ajouté dans la marge inférieure (écriture du copiste). – 293. et sainct tous les bapt Max. tous les bapt. Les trois mots bissés ont été tracés. – 294. voulenté est bissé (sous la forme volenté). Une des deux occurrences semble avoir été tracée. – 300. enpeschemens, troisième jambage du premier m ajouté au-dessus de la ligne.
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[29 v°] jour a chascune heure canonialle, c’est a savoir sept fois le jour, elle estoit eslevee en hault des sains angles et oyoit les glorieux chans des celestielles compaingnyes de oreilles corporelles, dont elle estoit chascun jour saoulee de cest tressouefves viandes, et adoncqu[e]s estoit rapportee des benoiste angles en son propre lieu si qu’elle n’avoit mestier de corporelz nourrissement. Quant le tamps approucha que Nostre Siegneur veult transporteire sa benoite arme de cest morteille vie en [30 r°] sa gloire pardurable, Il demonstra a sainct Maximien son trespassement en teille maniere que ung privost qui mult estoit religieulx et estoit maistre d’une congregation print une selle pour luy ainsy comme a douze toises pres de lieu ou la bonne Magdaleine habitoit d’emprés une petite fontaine, et avoit accoustumeit de juneir toute les ans trois quarantaine en ce desert, mais riens ne savoit des miracles que Nostre Siegneur faisoit par la bonne Magdaleine. Ore advient le lundy de la Peneuse Sap- [30 v°] -maine que Nostre Siegneur ouvrit les yeulx d’icelluy privost et veyt de ses yeulx corporelz en quelle maniere les sainct angles descendoiient audit lieu ou la benoiste Marie Magdaleine demouroit et comment ilz le levoiient en l’air, et puisse aprés par l’espace d’une heure, ilz le ramenoiient avec loenge divines a icelluy lieu; et adonc le prestre voulut cognoistre la veriteit de celle merveilleuse vision, si se recommanda par ses priieres a son Createur et s’en alla seurement et en grant devotion audit lieu, et quant il approucha le lieu d’ung ject d’une pierre, quant ilz cuidoit avant aleir, toute [31 r°] son corps et ses forces li defalloyent et ses genouls et ses jambes li flechoiient tant que il luy covenoit aresteire et a terre cheoir, et quant ilz se retournoit pour revenire a son lieu, il estoit ainsy sain, fors et haitiez comme par avant, mais ainsy tost qu’ilz se remettoit au chemin pour cest part tourneire, en telle defaulte et importunité toute son corps defalloit. Et comme il se fuist ainsy par plusieurs fois assaiiet, il cognut qu’il covenoit que ce fuist ung lieu tressainct et sacrez auquelle il ne devoit ne povoit aleire, par quoy il s’aresta en faisant orayson, en appellant le nom de Jesucrist [31 v°] et s’escria disant : « O creature de Dieu saincte, je te conjure, prie et requiers ou nom de Nostre Siegneur Jesucrist qui le monde a renouvelez que se tu es homme ou aultre creature raisonnable qui habites en celle fosse, que tu me respondes et dies la veriteit de ton estat. » Et quant il eut ce dit, si se remist en orayson en requerant a Jesucrist d’avoir son aiide. Aprés ce, il le recomencha a conjureire par deulx fois ainsy comme ilz avoit faicte par devant. Quant la glorieuse Marie Magdaleine ouit par trois fois cest conjuremens, se luy res- [32 r°] -pondit de la fosse ou elle estoit : « Tu qui moy as aconjureit, aprouche toy de moy plus pres, se poras savoir de quanque tes cueur desire la veriteit. » Aprés ses parolles dittes, tremblant et paoureux s’aproucha jusques a la moytié de la voye et elle luy dist : « Je croy qu’il te souvient bien de l’Evangile qui parolles de Marie Magdaleine,
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310. L’avant-dernière lettre d’adoncques a été omise par le scribe. – 316. une petite fons fontaine] fons a été tracé. – 332. il ne devoit] il a été ajouté au-dessus de la ligne.
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celle tresresnommee pecheresse qui a la maison de Symon le Ladre en Bethanie s’aproucha hardiement as piedz de Jesucrist son Salvueur et les lava et arousa de ses larmes et essuat de ses cheveulx, et ainsy desservit [32 v°] pardon de ses pechez a la fontaine de misericorde ? » Adonques le prevost respondi : « Je me recorde bien de toute ce et il y a ja plus de tente ans passez que Saincte Englise croit et confesse que ce at esté faicte. » Et lors elle dist : « Je suis celle qui par le desire et le chariteit de Nostre Siegneur aiie esté en cest morteille vie et par l’amonestement de la grace de Dieu et le conduicte de ses sains angles me suis mise en cestuy desert et y aiie demoureit l’espace de trente ans sans le cognoissance de nulle creature mortelle, et n’y aiie eult ne fain ne soif ne ne aiie esteit sourtenue de nulle viandes [33 r°] terriennes, mais seulement de pain des benois angles aiie je esteit nourie et consolee. Des que je comenchaiie en cestui lieu habiteire, il moy est advenu par la grace de Jesucrist ce qu’Ilz toy daingne au jourd’hui de moy demonstreire. Quant de cestuy lieu chascun jour les sainct angles moy ont portee en la haultesse des cieulx la ou j’aiie ouit les doulx chans des anglles et des bonns esperit qui chantoiient les loenges de Nostre Siegneur et quant je suis rasasie de cest haulte delices, les angles moy raportent en cestuy lieu, et ce moy advient sept fois le jour. Mais pour ce qu’ilz m’est reveleit de Nostre [33 v°] Seigneur que je dois trespasser de ce siecle, va t’en a sainct Maximien et luy dis que le plus prouchain jour de la Resurrection de Nostre Siegneur, a l’eure qu’il a acoustumé de soy lever a matines, qu’il entre tout seul en son oratoire et que par le mistere et service des angles, illuecques il me trouvea. » Et ainsy qu’elle de ce parloit, il sambloit ad ce sainct preudhomme droitement qu’ilz owist la voix d’ung angle parler. Le prevost parloit, mais nulz ne luy respondoit. De ce avient qu’il eult grande peur. Tantost bien liés et joyeulx et Dieu graciant grandement s’en alla envers sainct Maximien et [34 r°] luy compta tout par ordre ce que veut et owi avoit, et lors sainct Maximien fut remply de grant joye et rendit tresgrande graces a Dieu en levant ses main envers le cieulx, en disant ainsy : « Beaus Sire Dieu Jesucrist, je Vous rendz graces et merchis, qui aveis acompli mon desire de la glourieuse Magdaleine qui tant Vous amoit. Tu es vrayement le Roys des roys et le Salvueur de toute le monde. » Et au jour et a l’heure qu’il luy fut ditte, il entra en l’oratoire et veit la benoiste Marie Magdaleine qui estoit encores au cueur en la compaingnie des sains angles [34 v°] qui l’avoiient amenee, et estoit esleuvee de terre par l’espace de deulx couldees et adoroit Nostre Siegneur les mains estendues; et si comme sains Maximien doubtoit alleir vers elle, elle se retourna vers luy et luy dist : « Vien ça, mon pere, et ne suis je pas ta fille ? » Et ainsy comme il s’aproucha, si comme on liyt es livres de sainct Maximien, il veit que pour la continuelle vision ou visitacion des sains angles et de leur presence, si fort son
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372. en disant levant ses main, premier gérondif tracé. – 381. si comme] bissé; en apparence, la seconde occurrence a été tracée. – 381 - 382. pour la cont. vision] le premier mot a été ajouté dans la marge, sous forme abrégée (écriture du copiste).
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doulx viare resplendissoit que on posisit mieulx ou autretant regardeir le soleil en ses [35 r°] raix que la clarté et resplendeur de la glorieuse face de la ditte saincte Marie Magdaleine, tant estoit elle radians et resplendissante. Puisse aprés fist elle venire toute le clergiet et cilz sainct prevost qui avoit veut celle saincte vision, et en la presence de tous, saincte Marie Magdaleine de la main deditte evesque sainct Maximien en grant infusion de larmes le sainct corps de Nostre Siegneur et son precieulx sang sacramentellement rechupt, et puisse tantost aprés celle saincte communion faicte, toute son corps par devant [35 v°] l’autel estendi et en Dieu grace donnant et louuant, celle saincte et benoicte arme qui en son sainct corps habitoit, pure et nette, resplendissante par sept fois plus que le soleil, plus blanche que ne soit neige, de son corps issit, les sains angles chantans et grant joie demenans; au quelle trespas fut son doulx amis Jesucrist qui en sa tressaincte gloire l’arme de sa saincte espeuse conduisist, mais aprés son benois trespas, alle hissue de celle saincte arme delaissa elle si tresbonne oudeur et si tresgrant doulceur que bien par sept jours aprés, tous ceulx qui [36 r°] en l’oratoire entroyent doulce et grant consolation et repous y avoiient et prendoyent, le quelle sainct corps, sainctz Maximien, evesque, de diviers basmes et precieulx oignemens embalsomat et tresdignement ensepveli, et aprés ce faicte, il commanda que aprés son trespas, il fust ensepveli par d’encoste elle.
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Plusieurs beaulx exempele de madamme saint Marie le Magdeleine
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Ilz fut jadis ung chevalier qui a saincte Marie Magdaleine grant devotion avoit et son sainct sepulchre chascune ans soingneusement vi- [36 v°] -sitoit. Si advient qu’il fut occhis en une bataille, et si comme ses amys le pleuroient en le portant en la biere et mettant ou lincheulle, il disoient par doulces complaintes a la Magdalaine : « Damme, pour quoy as tu laissé le tien devot mourir sans confession et penitence ? » Et lors celluy qui estoit mort resuscita soubdainement devant tous et fist appeller le prestre a soy et se confessa en grant devotion et receupt le digne corps de Nostre Siegn[eu]r. Aprés ce, il trespassa et l’ame a Dieu s’en alla. Amen. Exemple.
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[37 r°] Unne homme fut qui ses pechiés mist en escript en une cedulle et puisse aprés, il s’en alla a l’englise de saincte Marie Magdaleine et mist cest cedulle desoubs la mappe de l’autel, et puisse priat a la ditte saincte devottement que elle luy empetrast envers Nostre Siegneur pardon de tous ses pechiés. Assés tost aprés, ly homme reprist sa cedulle et trouva que ses pechiés estoiient tous hors planeit. Si priierons a Marie Magdaleine que elle nous veulle envers Jesucrist impetrer
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402. Lecture incertaine pour la fin de cette rubrique (à partir du mot saint). – 410. L’abréviation que siegneur devrait comporter a été omise.
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pardon de nous pechiés et que nous puissons faire si bonnes oevres que aprés cest 418 mortelle vie, nous [37 v°] puissons avoir la gloire, laquelle gloire nous veulle 419 ottriier le Pere, le Filz et le Sainct Esperit. Amen. Exemple. 420
Une nef estoit chargee de hommes et de femmes qui estoiient pres de noyer, et
la estoit une femme enchainte qui requeroit la benoiste Marie Magdaleine tant comme elle povoit en vouant que ce par ses priieres et merittes, elle escapoit, que s’elle avoit ung filz, elle le donneroit a son monastere; et tantost comme elle eut ce voué, une damme de habit et de beaulté honnorable en la presence de tous s’apparut a elle et le print [38 r°] par le menton et la mena a rive toute saine, et les aultres perirent. Et aprés ce, elle enfanta ung filz et accomplit son veu bonnement. Exemple
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On list que une homme avoit perdu sa veue, mais par devotion se faisoit mener ou lieu u la Magdaleine gisoit. Si advient que en approuchant Verselay, cilz qui celuy aveugle menoit dist : « Je voy l’englise de la Magdaleine ! » Lors celuy qui goutte ne veoit a genoulx se mist en disant : « O Marie Magdaleine, grant joiie me seroit se vostre englise veoir povoie. » Adoncques advient que a paines eut ilz sa parolles fi- [38 v°] -nee quant les yeuls ouvryi et vit clerement. Exemple
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On list que une homme pour une somme d’argent lequelle paiier ne povoit durement fut emprisonneis, par quoy en son confort et ayde souvent devotement appelloit la Magdaleine, et tant que une fois, la Magdelaine a luy s’apparu qui des fiers l’osta et le prison deferma et luy commanda que de la il se departesist. Exemple.
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On list que en Flandres eut une fois ung grant clercq, conchié et goié de tous visces
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fust plains tant que de bien faire ne [39 r°] ouir parleire ne povoit. Nient mains en la Magdaleine grant devotion avoit que toudis sa vigille junoit et sa feste gardoit. Si advient que une fois ainsy que l’englise de la Magdaleine visettoit, en son dormant a luy s’apparu la Magdaleine comme en la fourme d’une tresreverente damme, les yeulx flambians et estincellans, la quelle au dextre et senestre le soustenoiient deulx angles, la quelle dist ainsy a [39 v°] luy : « Estienne, combien que de grace ne soiies mye digne, pour quoy par amours me requiers tu de riens ne pour quoy me dis tu tes necessitez ? Pour quoy en tes malices as tu devotion a
422. une femme en l enchainte; les lettres qui précèdent le participe ont été tracées. – 428. Lecture incertaine. – 433. englise est précédé d’une forme, peu lisibile et tracée, qui semble redoubler ce substantif. – 438. et le pris prison def.; les lettres bissées ont été tracées. – 440. Face au début de ce chapitre, on lit dans la marge : vacat. – 440. goié] lecture incertaine pour ce mot et pour la conjonction qui le précède. – 441. Une lettre a peut-être été ajoutée au-dessus du premier o de povoit. – 442. toudis] bissé (sous la forme todis). – 444. a luy s’app. la Magd. qui luy dist Estienne combien que de grace ne soiies mie dignes, nient mains comme en la fourme d’une tresrev. damme. La partie que nous soulignons a été tracée.
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moy toudis ? Et puisse que tu as comenchiet d’avoir devotion et affection a moy, veretablement sachies que j’aiie a Dieu grandement priiet et oreit pour toy, et non pour quant tu ne te veulx ne as voullu convertire comme te debvois a Jesucrist ameire et servire, qui est chose a tous necessaire. [40 r°] Ore te lieve de cy toute erramment, si aiies repentance et contricion de tes meffais, car sachies que je ne te aray plus pour recommandeis a moy ne en grace pour les mauls et dissolutions en quoy tu continues et as useit ton temps jusques adont, que tu seras de toy meismes a ceste semonce que je toy fais icy envers Dieu reconsiliiez. » Et ce ditte et ouuy, tantost cils clerq luy d’iceste vision repassut et enveilliez sentit en luy si grant grace de Dieu et si grant contricion de ses mauls et [40 v°] et telle volenté de amendeire sa vie, de confesseire et de bien faire par le meritte de saincte Marie Magdaleine que tantost par le infusion de Sainct Esperit qui l’inspirat et qu’il sentit en luy entreire que incontinent se leva et au monde de toute renoncha et entra en religion; et depuisse si parfaicte vie mena et tellement parsevera que a son trespas on vey la benoicte Marie Magdaleine venire acompaingnie d’angles et d’archangles qui la sienne arme recheuprent ainsy que [41 r°] ung beaulx blan coulombe, pur et nette, et en grant armonies et chans en paradis l’emporterent. Bons faicte doncques avoir sa devotion a la dicte saincte Marie Magdaleine, car comme dient aulcuns docteur, ja de la seconde mort ne mora qui devotement le servira. Amen. Ung tresbeaulx exemple.
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Charles, second roy de Sicille et conte de Provence, environ l’an mille deulx cens septante neuf, en la bataille qu’il eut sus la mer contre le roy de Aragon, vaincu et surmonté de son adversaire, fust prins pri- [41 v°] -sonnier et mis en la ville de Barchinonne en estroicte garde et closture; auquelle lieu, aprés avoir quelque temps demouré destitué de toute ayde humaine, aiant perdu toute esperance de povoir vuyder de dit lieu, fut conseillé par son confesseur nommé maistre Guillaume de Tonngis, de l’ordre des freres prescheurs, qu’il appellast en son ayde bien devotement la benoiste Magdaleine, laquelle avoit presché longement en ses terres et y estoit decedee aprés une vie penitente longuement menee. Lequel suivant le conseil de son [42 r°] pere confesseur, comme bon et utille, en contrition de cueur et profonde humilité avec grosses larmes se recommande a Dieu et a sa bonne amie Marie Magdaleine, y continuant en jeusne et confession de ses pechez, conçoipt esperance par les merites, suffrages et intercession de sa servante et saincte que luy ayderoit. Ce faict, une nuict en la vigille de la feste et sollennité de la Magdelaine se apparut audit roy Charles une matrone tresexcellente, luy appelante par son propre nom : « Charles, Charles, tes prieres sont [42 v°] exaulsees
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450. priiet] terme bissé, sous la forme priet, qui semble avoir été tracée. – 470. septante] le e final de cet adjectif a été ajouté au-dessus de la ligne. – 475. en son ayde] son a été ajouté dans la marge. – 480. jeusne est précédé de deux lettres – probablement iu –, tracées. – 482. Un des deux l de sollennité a été ajouté au-dessus de la ligne.
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de Dieu, Viens aprés moy et me suys. » Et comme il prioit que sa famille captive fust ainsy delivree avec luy, respondist la dame : « Viens aprés moy et les tiens te suivront aprés. » Laquelle chose a esté faicte. Et aprés que partis de ce lieu eussent quelque espace de temps procedé oultre, lors se declare au roy la damme qui le menoit estre la benoiste Magdelaine, laquelle avoit invocquee en disant : « O roy, scez tu le lieu ou tu es a present ? – Je cuide », dict il encore, « que sommes dedans la closture des murailles de Barchinonne. – Tu [43 r°] es deceu en jugement », dit elle, « car a present es dedans les limittes de ta seigneurie pres de Marbonne seulement une lieue. » Or y a il entre Barchinonne et Marbonne trois grandes journees, c’est a savoir trente cinq lieues du paÿs et davantaige. Lors le roy se prosterna a terre devant la benoiste Magdelaine tout resolu en larmes disant : « O benoiste damme, je loue Dieu de tout mon couraige qui par vous m’a preservé de mort. Mais helas, que pourrois je faire pour aucune recongnoissance de ung tel benefice dont Dieu fust de moy content ? » La benoiste Marie Magdelaine luy respond : « En memoire [43 v°] du benefice que Dieu t’a faict, tu exigeras convent a mes freres qui sont les freres prescheurs au lieu de ma mort et penitence que j’ay faicte trente ans, car de pecheresse m’a faict Dieu prescheresse et apostole. En ce lieu mettras mes reliques que pour les guerres en tel lieu qu’elle assigne estoiient en terres mussees, dont au dessus sort une vigne. La est mon chief tout nud fors la partie de ma chair que touscha mon maistre Jesus quand je voulois tenir ses piedz pour les baiser. La est une ampoulle pleine de terre arrousee de digne sang de mon [44 r°] Saulveur que je recueilliz soubz la croix et gardé a tout ma vie en memoire de mon Saulveur. Tu metteras au convent que edifieras a mes freres lesdictes reliques et leur assigneras pension pour cent religieux. » Aprés ce dict se disparut la vision. Le bon roy le jour venu apperçut Marbonne, le quel au lieu que la benoiste Magdelaine se disparut de avec luy feit ficher et eriger une croix, laquelle jusques aujourdhuy est nommee « la Croix de la lieue »; et s’adressant a sainct Maximin luy recita ce qui estoit advenu, lequel aprés edifia a La Bausme convent de nos- [44 v°] -tre religion ou la Magdelaine avoit demouré jusques a la mort, et est le lieu de devotion singuliere, ou plusieurs pelerins vont par grande affection servir Dieu et se recommander aux intercessions de la bonne damme, incitez a bien par le regard de la situation merveilleuse du lieu ou la benoiste Magdelaine deservant a Dieu menoit une vie angelique. Le corps de icelle disent avoir les chanoines, peu de temps a qu’il estoient moynes, a Vezelé en Bourgongne, ou ay veu une chasse de si tresgrande magnificence que n’ay memoire de une plus grande ne plus belle avoir veue. En nostre con- [45 r°] -vent a Bloys que on appelle de Saincte Avoye, nous avons deulx doigdz de la main de la Magdaleine en chair
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487. te siu suivront; les trois lettres bissées ont été tracées. – 495. disant] ajouté dans la marge. – 497. aucune rec.] le premier u d’aucune a été ajouté au-dessus de la ligne. – 501 - 503. La syntaxe de cette phrase n’est pas claire et il est fort possible qu’elle comporte des erreurs ou des lacunes. – 506. Le second e de recueilliz a été ajouté au-dessus de la ligne. – 506. a tout ma vie] a est ajouté au-dessus de la ligne. – 510. et eriger] ajouté dans la marge par le scribe. – 514. par grandes aff., s tracé.
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et en oz et autres fois les ay veu nudz avec les ongles des doigds, qui est une chose singuliere. La bonteit divine par l’intercession et prier de la benoiste Vierge Marie et de ma damme saincte Marie Magdelaine, la bonne amie de Jesucrist, nous soiient tous jour consolation, confort et defence en toute nostre angoisses, necessiteit et perilz d’arme ou de corps en nostre vie et a nostre mort. Amen (…)
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[45 r°] Icy aprés s’ensieut [45 v°] la translation de sainct corps de madamme saincte 527 Marie Magdelaine 528
En l’an de la Resurrextion Nostre Siegneur sept cens et quarante neuf ou environ,
regante en Franche le roy Louys, le tresdebonnaire des debonnaires et de son filz, qui Charles eut nom, au quelle tamps Saincte Englise fut en mut grande paix et proufitoit mut parmy le monde crestien, hors mis les grans assaulx que les sarazins faisoient mayement es parties d’Espaingne; en celuy temps, la plus grande partie de Bourgoingne et presque toute si tenoit [46 r°] par droit de son hiretaige li contes Girard de Bourgoingne qui tous autres princes sourmontoit de gentillesse, de bonteit, de prouesste et d’armes, et de terres et de signouries estoit l’un des plus puissant que on seusiste a celuy jour en nulle terre. Il eut une damme a espeuse qui mut estoit de noble lignee extraicte, et aincor estoit elle assés plus gentiue de cueur, de meures et de maniere qu’elle ne fust de extraction. Cilz deulx tresnobles assemblez, pour ce que nulle hoirs n’avoient, le leur ilz donnoient largement as amis [46 v°] et as pouvres Nostre Siegneur Jesucrist. En aprés tout leur patrimoine et leur possesion ilz assennerent par escript as englise fonder en l’honneur de Jesucrist par tresgrandes devotion en ce usant del meilleur conseille, que pour ce que nulle hoirs n’avoient de leur chair, que il fesissent de Dieu leure hoirs. En celle bon pourpoisement aemplissant, il edifiierent plusieurs englise, abies et maison de Dieu en leure terres, entre lesquelle abbeÿes, ilz edifiierent l’abbeÿe de Vergelay, et fut edifiie en ung lieu ou encore nulle eve oncques [47 r°] n’avoit, et y establirent moynes et autres gens pour Dieu servire aux quelles ilz donnerent tant de leurs possessions et hiretaige que pour bien avoir toute ce que bien necessaire leure estoit pour viuvre ordonneement. En celuy temps, miesmes el apostolle Jehan a la requeste du roy de Franche et de contes Gerard de Bourgoingne s’en vient en Franche, et entre les autres nobles euvre qu’il fist, a la priier de dit conte Girard, toute les englise et abbeÿes que ilz avoit dedens sa terre edifiies et fondees li apos[47 v°] -tole les consacra en l’honneur de Dieu et de sa treschiere Vierge Mere et des benois apostres sainctz Pierre et sainctz Pol; et quant li apostole fut retourneis a Romme, aprés ce luy envoya plusieurs corps sainctz et mut d’autres precieuse
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527 - 528. Cette rubrique est peut-être précédée d’un ou deux mots, ou d’un chiffre, illisibles, à moins qu’il ne s’agisse d’un simple bout-de-ligne. – 531. et prouf. mut] et remplace un mot illisible – peut-être cet ? – 550. el apostolle] lecture incertaine pour le premier mot.
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relicques au dit contes Girard pour l’amour qu’il avoit a luy, pour mettre es englises 557 que ilz avoit faicte consacreire. 558
Aprés ce aucun temps, le roy Louis ce trespassa de ce siecle, et comme les
sarazins le sceurent, si commencherent a passeir la mer et s’en vinrent en [48 r°] Franche ou ilz firent mut grande destruction de robeire et d’ardoir et de essillier citeit, bonnes villes et chasteaulx, englises et abbeÿe, que oncques nulle sainctz lieu ilz n’y eut deporteis, et hommes, femmes et enfans, religieux et autres, tous occire et mettre a l’espee; et entre les autres abbye qui furent destruicte, si fut destruicte l’abbeÿe de Vergelay, laquelle le contes Girard avoit fondee, si comme vous aveis ouuy, et si en eut mut d’autres destruicte sur la riviere que on dist Loire. Gerard redifia l’abbeÿe de Vergelay mut no- [48 v°] -blement non mye ens ou lieu ou elle eut esté fondee premierement, mais estoit pres de celuy lieu, et ce fist il pour ce que le lieu estoit plus seurs et plus defensables, et le nom de celuy lieu si est mut covenables au lieu, car qui de la montaingne regarde, ilz peult veoir mut grande partie de cieulx et de la terre. Li abbeÿe fut redifiie et restablie comme devant en l’honneur de Nostre Siegneur Jesucrist et de sa tres doulce mere et des benois apostles sainctz Pierre et sainctz Pol, et Dieu ennobly et glourifia le lieu de tant de glourieulx miracles [49 r°] que nuls ne les poroit nombreire.
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En celuy temps miesme si avient que sarazins isserent d’Espaingne et firent si grande damaige a la christienneteit, que il essillierent presque que toute Aquitaine et le plus grant partye de Prouvenche et tot le païs entre deulx, et entre les autres citeit dont par brievfté je ne fais nulle mention, il assiegerent la citeit d’Ais en Prouvenche et le prindrent par forche et prindrent toute l’avoir, et puisse exillerent la ville et mirent en feu et en flamme. Hommes, femmes et enfans, il mirent tous a l’espee hors mis au- [49 v°] -cuns que il enmenerent en captivison, et plusieurs ilz escourcherent tous vifz si comme il ont acoustumet a faire des chreistiens, et miesmes alle fois li uns de l’autres, si comme cilles le racontent qui l’ont veu. Quant ilz eurent leur voulenté et la grant destruction de peuple chriestiens acomplit, le quelle nous creons que Nostre Siegneur l’envoya pour les pechiés de peuple purgier, il s’en retournerent en leur païs. Certainement on savoit en mut de païs loing et pres que la benoiste saincte Marie Magdelaine avoit [50 r°] esteit ensepvelye par sainct Maximin l’evesque d’Ays en Provenche, elle terroire de celle citeit, et tant que la renommee de celle chose si en envient au conte Gerart de Bourgoingne devant nommeis et a l’abbeit Eodom de Vergelay, lesquelles furent mut lyé, mais esmut par grande desire en coraige et en penseire coment ne par quelle maniere ilz puissent esploitier que ilz cest precieulx tresore puissent avoir, si atournerent
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557. Le c de relicques a été ajouté au-dessus de la ligne. – 567. redifia] terme bissé, mais sous la forme edifia, tracée. – 576. a la christ.] les deux premiers mots ont été ajoutés en fin de ligne (écriture et encre distinctes de celles du copiste). – 592. puissent] bissé, mais sous la forme peusent, tracée.
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toute leur affaire mut noblement si comme mielleur leur sembloit pour cest chose meneire a fin, et toute [50 v°] premierement il envoiierent ung moyne en cest contree de Prouvenche, ly quelle avoit nom Balidous, pour encerchier et enquerire subtillement et deligemment du lieu ou la sepulture de la benoiste damme estoit et ou ses sainct corps gisoit et reposoit, et luy comanderent que se Dieu luy ouctrioit a trouveire, que il avisaste bien le lieu, puisse reveniste ariere pour eulx renonchiere ce qu’ilz aroit trouveit. Le quelle moyne si entreprest la voie et vient avec honneste compaingnye comme cilz qui estoit de tresbonne, nette et [51 r°] saincte vie, et erratte tant par ses journee que ilz parvient a Ays en Prouvenche ainsy bien heureusement comme ilz y alloit devottement; et quant ilz fust illucques parvenus, si ne trouvat en toute celuy païs ne hosteille ne mayson ne nulle habitation se non tant seullement les enseigne de la tresgrandes destruction que les sarazins avoient faicte. Si comme le preudhomme vit la crueille destruction apparante, miesmement d’humaine lignee, il esmut de pieté en souspiroit et plouroit mut forment, et tant que ilz soy [51 v°] ramembrat de la grandes devotion en la quelle ilz estoit venus a entreprendre cestuy voiage, et alloit mut diligemment cerchante par tot cist contree, savoir mon se jamais ilz trouveroit home ne femme ne nulle autres riens qui le peusiste mettre en voie de trouveire ce que ses cueur tant desiroit; et quant ilz vid que nulluy il ne poroit trouveire qui de ce le peusiste enseingnier, ilz fut mut tourbleis en son cueur et priat a Nostre Siegneur et a sa treschiere mere et a la benoiste Magdelaine que ce c’estoit leur plaisier que ses sainct corps fust [52 r°] trouveis, que il vousissent adreschier la voie au lieu ou elle repousoit. Aprés cest orayson, le preudhomme errat tant querant a mont et a vallé que en la fin il parvient en ung lieu ou ilz trouva plusieurs sepulchres, entre lesquelles il en y eut ung qui par dessus les autres estoit esleveit et mut noblement atourneit, et de la quelle on ne pouvoit mie doupteir que on ne gardast en soy aucuns grant tresore celestes. Cestuy sepulchre si estoit par dehors entretailliés mut noblement d’ymaiges eslevees elle marbre blan- [52 v°] -che qui bien donnoient a connoistre qui le corps estoit qui dedens repousoit, car en cest marbre estoit entretailliés coment la benoicte Magdaleine, la chier amye de Nostre Siegneur, qu’elle Luy avoit les piedz laveis de ses larmes et resueis de ses cheveulx et espars sur son digne chief tresprecieulx oingnement, et si estoit la saincte ymaige d’elle entretaillie si comme Jesucrist luy apparut et coment elle cuida que ce fust ung gardinier, elle Luy demanda et Luy dist : « Sire, se tu L’as emporteit, dicte moy ou tu L’as mis et je Le pren- [53 r°] -deray et emporteray ». Et puisse comment Nostre Siegneur s’apparut a elle et elle Luy chaiit as piedz et L’adora; et en la dextre partie estoit entretailliés comment quant elle vient au sepulchre et aportoit les precieulx oingnemens, et les sains angles parlerent a elle, et comment aprés ce elle revient
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625. Le scribe a reproduit une deuxième fois le mot gardinier après s’être rendu compte qu’il manquait une lettre dans la première occurrence, qu’il a tracée.
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aux apostres et leur noncha ce qu’elle avoit veu et ouuy de la Resurrection de 631 Nostre Siegneur. 632
Et quant Balidoulx le moyne, qui mut estoit soingneulx d’encerchiere et de
enquerire de cest chose, eut trouveit cestuy sepulchres, ilz fut remplis de si tresgrandes joiie que nulz ne le pou- [53 v°] -roit dire ne reconteire, car il pensoit bien certainement que ce estoit le ditte monument que tant ilz avoit quis et desiré. Il miesmes erramment prist ung ramon et tous ses compaingnon ainsy et osterent les charbons, les cendre et ramasilles de l’arsure et nettoyerent le lieu de tot ordures tant comme ilz faire en peurent; et endementrieus, le preudhomme qui a Dieu estoit de toute habondonneis commencha a avoir douptance en pensant en luy miesmes que a grant nuysanche ne luy peusist tourneire si loingement en ce païs demoureire pour les agays [54 r°] des sarazins ou miesmes pour les païssans du païs, mais sur toute ce que deseure toute riens le destraindoit, si estoit le retournement a ceulx qui l’avoient envoiés, desirante de povoir meneire a fin l’afaire pour quoy ilz estoit venus; et de rechief mut luy faisoit mal de ce que il n’avoit mie temps a sa voulenté pour prendre ne avoir les saincte relicques au quelles toute son desire contendoit. Si comme son cueur estoit en cest luitte, ilz se mist alors mut devotement en orayson et reclamat la grant puissance de Nostre [54 v°] Siegneur et mut affectuesement a la benoicte amie de Dieu, madamme saincte Marie Magdelaine, que si vrayement comme Ilz luy avoit tous ses pechiés pardonneis, si doulcement il Luy prioit que ce que mieulx Luy plaisoit leur ouctriaste et fesist que tost fust parfaicte. Aprés ce, cestuy preudhomme commenchat junnes a multiplier et a estre en oraison mut plus curieusement que devant ce ilz n’avoit esteit, et en teille maniere ilz attendoit l’ayde de Nostre Siegneur mut desiramment; et tant que en la fin, le preudhomme inspireis de la grace divines trovat tamps et lieu [55 r°] a son plaisiers pour son desire acomplir. Si vient une nuict au sainct monument que il ja bien congnissoit et le froissa comme parvers robeur en la partie devers les piedz, et comme ilz eust ouvert le sepulchre, ilz vid le sainctz corps de la benoicte amie de Jesucrist, saincte Marie Magdelaine, par dedens gisante toute estendue et toute couvert le cuire ayant tresentiere, ses mains croisiees sur son pis; et incontinent que le sepulchre fut ouvert, si tresgrande oudeur et si grande suaviteis s’espandit hors que nulz homme [55 v°] morteilles raconteir ne le pouroit, et certes ce fut bien droite que le corps de celle qui Dieu en corps eut deservi a vouloir oindre ses precieulx pied fust bien doulcement oudourans, et ce entendit bien mesire sainctz Maximin, le archevesque d’Ays, le quelle l’ensepvelit et qui de ses precieulx oingnement l’embausoma et enoingdit.
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638. les charbons] l’article a été ajouté dans la marge (écriture du copiste). – 642. Le changement de feuillet a conduit le scribe à bisser le terme agays, sous la forme agais. – 661. ses mains cr.] mains est suivi d’un mot, tracé, dont on n’identifie que les trois dernières lettres (sre).
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Aprés cestuy commenchement, la nuict ensieuvant, le preudhome vidz en vision que une dame religieuse luy apparoit vestue d’unne robe tresblanche et estoit honnestement achemee de son chief toute [56 r°] entour, et parlat a luy en teille maniere : « N’aiies », dist elle, « paour ne criente, car alleir nous debvons ensamble au lieu que Dieu nous at ordonneis. » Et comme ce vient a l’endemain, le preudhommes, qui ja estoit mut enforchiés et confermeis par la vision qu’ilz avoit veu et par la parolle que ditte luy fut, si appellat secretement sa compaingnye et leur demoustrat tout ce qu’ilz avoit veut en la vision, et commanda a tous au soir qu’ilz fuissent appareilliés comme pour retourneire en leur païs. Celuy soir, quant tout fut appaisiet et ilz eurent [56 v°] toute leur euvre apointiet, le preudhomme vient au sepulchre et en traist hors le precieulx corps entiere ainsy comme ilz estoit premierement et le envollepa en drap tres nette et mut riche, et toute ce ensement qu’il desiroit a emporteire, puisse mist toute sur ung chaire et se misent a la voiie et commencherent a erreir mut enforchiement, ainsy comme cills qui en mut grande desire estoient de retourneire en leur contree, et tant que ilz viendrent a une citeit que ons appelle Nemaustin. Or estoit le preudhome en grande doupte pour ce que le corps estoit loing, drois, fermes [57 r°] et entiere pour l’embasement que ditte avons. Si ne le povoit absconseire en lieu court ne petit. Se prindrent conseille ensamble toute de commun que la nuict, il se tourneroient en une englise et illuecques demeuroient pour estre en oraison, et ensement il le firent; et quant ilz furent alle englise venut illuecques, il deseuvrerent les plus long os et les appoierent a l’autre cousteit de sainctz corps qui demouroit entiere, et puisse le mirent en ung vaissaiulx mendre et plus court pour le mieulx absconseire. Et ainsy errerent tant par le plaisiere de Nostre Siegneur qu’ilz vindrent sainnement en leur païs toute [57 v°] ensamble, et comme ilz furent parvenus jusques a une ville qui asseis estoit pres de Vergelay, la quelle ons appelle ore endroit le [...]acouvroit Balidoulx, adoncques le tressainctismes corps commencha si tresmerveilleusement a peseire que nuls ne le pouvoit remouvoir pour le porteire jusques a l’abbye, combien que ilz fuissent de gens pour paine que il y mettissent. De cest chose ilz eurent mut grande merveille. Si envoya Balidoulx erramment mesaiges a l’abbye et au covent de Vergelay et leur nonchat co- [58 r°] -ment ilz estoiient jusques en cestuy lieu et l’empeschement qui les retenoit, par quoy il ne parvenoient avant. Si comme le abbeit et le covent ouyrent cest novelles, ilz furent de mut grandes lyesse raemplis et ysserent tous honorablement et a mut devote pourcession, revestus de blanche viestures, a croix et a confanon et grans chierge et tortis ardans et encensoire jettant grant fumee de bausme et d’enchens, et firent toute leure
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684. le corps] l’article a été ajouté au-dessus de la ligne. – 684. loing drois et ent fermes et entiere. La suite de lettres que nous soulignons a été tracée. – 693 - 694. Balidoulx] terme bissé (première occurrence tracée). Le substantif qui précède ce nom semble comporter deux lettres supplémentaires au début, mais la reproduction ne permet pas de les identifier ni de déterminer si elles ont été tracées, ou simplement mal formées. Dans ces conditions, il nous paraît difficile d’interpréter ce mot. – 702. La première syllabe de viestures est bissée – sous la forme vest – et tracée.
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cloucque sonneire mut solempnellement. En teille maniere chantant a haulte voix [58 v°] loenge a Nostre Siegneur, il vindrent encontre ceulx qui le benoiste corps sainctz apportoiient, lesquelles estoient aincore arestant au ditte lieu oultre leure greit, et quant ilz furent illuecques parvenus, ilz s’estenderent tous a la terre en oraison priant a la tresgrandes puissance de Nostre Siegneur Jesucrist et a sa tres glourieuse Vierge Mere marie et a sa chiere amye la tresbenoiste Marie Magdelaine, le quelle sainctz corps on avoit illuecques apporteis, que par sa grande misericorde elle soy laissaste aporteire jusques a l’abbie; et quant ilz eurent leure [59 r°] oraison finees, si se drescherent et puisse s’en allerent assaiiere se le sainctz corps ilz pouroient leveire ne a leur abbye porteire, et comme ilz y mirent les mains, si le trouverent ainsy legiere comme ilz oncques avoit esteit. Si l’emporterent si legierement que a peines sentoient ilz point de fausse, mais leur sembloit mieulx que on les portaste. Ainsy en teille maniere emporterent ilz le sainctz corps a mut grant joiie en chantant a haulte voix « Te Deum laudamus » et tout le peuple esmut de tres grande liesse glourifiierent Nostre Siegneur. En teille maniere [59 v°] ilz l’emporterent alle englise de la benoicte Vierge Marie mere de Dieu et des benois apostles sainctz Pierre et sainct Pol, et illuecques le mirent mut reveremment en le .xiiije. kalende d’avrile, en quelle lieu des adoncques et depuisse toudis, la tresbenoicte damme, madamme saincte Marie Magdelaine, avec l’ayde de Nostre Siegneur et de sa treschiere mere, s’est moustree amie en tant de grant miracles que nulz ne les saroit nombreire, a tous ceulx qui devottement et de nette cueur le ont reclameit a leure besoingne; et s’il avenoit depuisse que nuls homme, com- [60 r°] -me puissant que il fuissent, presiste ou tolist ou eust entrepris indeument ou eust faicte aucune violence a celuy lieu ou a nuls des cousteit au lieu apartenans, Nostre Siegneur miesmes en est vengeurs mut loialle. Il furent aucuns qui par la prelation du lieu convoitant ourguilleusement veurent par leure beubans et grandeur estre de cestuy lieu souverain, mais en brieuffe taimps, Nostre Sire en prist vengance par la quelle Ilz les retrahiste de ce faire. Cills lieu ainsy heite si mervilleusement tous larcins, toute rapines, toute [60 v°] soullure de luxure que se on en y faisoit, incontinent Nostre Siegneur en prendroit aperte vengance par publicque punition. Toute hommes et toute femme y rechevoient santeit de toute maladies par le meritte de la tresbenoiste amye de Nostre doulx Sauveur Jesucrist, madamme saincte Marie Magdelaine, qui de purre cueur le requiers, et miesmes ainsy, tous cills en qui conscienche estoit de pechiés et de desloyaulteit appressee, en celuy lieu luy confessant ce qu’il avoient meffaicte en toutes euvre et voulenteit mavaises, rechepvoient salubre alianche.
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721. d’avrile] bissé sous la forme d’auprille, qui semble avoir été tracée. – 732. Avant de passer au verso du feuillet, le copiste a écrit sous une forme légèrement différente les premières lettres du mot qu’il a reproduit de part en part au début de la page suivante, au lieu d’en compléter la fin.
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A ce infourmeire et certi- [61 r°] -fiier a toute le monde nous est venus ung tres
honorables, tres parfaict et tres enluminant exemplaires la tres benoicte et doulce Marie qui est surnommee Magdelaine, qui vault autant a diere comme « flourie et enluminee », c’este celle de qui l’Evangille faicte tres pitieuse mention en teille maniere que quiconques en ot le racompte que on peult bien diere de vraye qu’il at le cueur plus durre que piere se il n’est erramment amoulis a pieté. Certe, cest saincte damme donne avec Dieu le don de parfaicte foy a impetreire pardon de tous pechez [61 v°] en avoir fianche en sa prudence en la quelle on se doit fiier, car par celle, elle aproucha a Jesucrist Nostre doulx Salveur et selon l’humaniteit elle tres vrayement et tresplaisamment Le servy, par quoy elle conquesta le pardon de ses pechiés, car pour quiconques elle voudra priier, Nostre Siegneur Jesucrist luy at ottroiiet qu’elle les empetrerat vray pardon. Si prions tous a la tresglourieuse dame qu’elle luy plaise de priier pour nous tous pouvres pecheur et pecheresse a son vray amis Jesucrist qu’Il nous doinst sa saincte grace et aiide en teille maniere passeire cest vie morteille que nous [62 r°] puissons parvenire a l’espirituelle. Ce nous veulle ouctriier la grace de Pere, de Filz et de benoict Sainct Esperit. Amen.
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S’ensieut ung devot miracle
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En la citeit de Veneres fut jadis ung chevaliers pris de gerres en bataille. Cilz qui pris l’avoit si le loiia et enserra de vives et d’aniaulx et de tous aultres loyens de ferre si destraindamment qu’ilz ne se povoit mouvoir ne tourneire. Ainsy comme il estoit en celle prison, si vient le jour de la solempniteit de Noelle que Dieu nasqui de la tresdoulce Vierge Marie, et comme ilz querust aucuns qui le replougaste et ne le [62 v°] peussiste souffisamment trouveire, se luy vient en couraige qu’ilz atournaste son cueur a reclameire les priers et la saincte aiide de madamme saincte Marie Magdelaine par quoy par elle, qui a tous est au besoingne vraye amye, elle empetraste a Nostre Siegneur que ensement come Ilz l’absoulut de tous ses pechez, ainsy par sa saincte priiere, Il le delivraste des loyens dont ilz estoit si estrains; et comme le chevaliers souvent fesiste cest oraison, se luy advient ung jour que elle miesmes heure qu’il [63 r°] reclamoit la benoicte Magdelaine, que ses vives et tous ses loyens de ferre dont ilz estoit emprisonneis se ouvrerent et cheurent a terre, et quant cils qui le gardoient le virent deferreis, si le reserrerent. Mais si tost comme ilz reclamoit le nom de la tres benoicte amie de Nostre Siegneur, toute ses ferrs se ouvroient et luy cheoient, et quant cils virent coment plusieurs fois ilz en estoit advenut, si le dirent a leur siegneur qui mut s’en esmervilla et vient au chevaliere, se luy demanda par quelle engien ilz faisoit ce, et cils luy conta toute la veriteit;
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753. En changeant de ligne, le scribe a bissé les deux dernières lettres du mot aiide, sans les tracer. – 758. gerres] bissé (sous la forme ghuerres). – 759. de vives] le copiste n’a manifestement pas compris la forme buies, ou celle-ci était peut-être déjà altérée dans le modèle qu’il reproduisait.
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[63 v°] et quant le siegneur vit ce miracles, si ne l’oza plus tenire ains l’en laissat alleire quitte et delivre. Et le chevaliers si tost come ilz fut delivreis s’en alla pellerins a nus piedz et en lingne portant ses vives a son col, tant qu’ilz parvient a l’abbye de Vergelay, et rendy grace a la benoiste damme, madamme saincte Marie Magdelaine, pour sa delivranche et pendi ses ferrs devant le sainctz sepulchre, et cils miesmes chevaliers raconta alle abbeit et au couvent de ditte lieu coment la misericorde de Nostre Siegneur par les priier de sa tresbenoicte disciple et amie Marie Magdelaine l’avoit en teile maniere sau- [64 r°] -veit et delivreit de si grant perille come de mort.
Ma dame saincte Marie Magdaleine, aprés son trespassement moustra par mut
de glourieulx miracles la grace qu’elle avoit a Nostre Siegneur Jesucrist impetreit pour les pouvres pecheur et pecheresse aydier, de quoy nous miesmes veismes ung qui estoit evesques de la citeit de Seragonche et estoit nommeit Pol, lequelle n’avoit point de creanche en la benoicte Magdelaine, ains y estoit si endurcis encontre elle et obstineis que nulle fianche en elle n’avoit ne en [64 v°] ses prieres, ne que elle en riens luy peusiste aydier, et plus aincor, car a toute ce que on disoit de la benoicte dame racontoit par l’ennemys qui a ce l’enhortoit, il contredisoit ne croire ne le vouloit. Et tant que ung jour, ilz advient qu’ilz chevauchoit a ses besoingnes sur son chevalle que ilz avoit asseis debonnaires. Ainsy comme ilz alloit son chemin, soudainnement son chevalle a maniere de beste enragie se commencha troupe merveilleusement a dejecteire, saillire et courire de cha et de la parmy roche et mons et vauls, parmy [65 r°] haiies et buissons ou que il les veoit plus durre et plus espineulx, et couroit comme tous enragiés parmy fosseis et rivieres, ja tant grande ne les trouvaste, que oncques ilz ne querut voiie ne sentiers, ne cils par nulle voiie ne le povoit raseneir ne ravoir, ains s’en couroit tout ainsy come se tous les diables le portassent. Si comme l’evesques en teille angoisses et en teille perilz estoit, si comencha mut forment a tournoier et a penseire en son cueur que faire ilz pouroit, ou luy de son chevalle laissiere cheoir ou que il soy teniste adés par dessus fermement a son po- [65 v°] -voir, mais lequelle des deulx qu’ilz fesiste ne povoit estre que ce ne fust en grant perilz de sa vie. Si come il estoit en teille perilz et en teille douptanche que ilz avoit ja toute perdu l’esperance d’escapeire en vie, si comenchat a penseire que ce ne luy estoit mye advenut sans les merittes de la doulce misericorde de la benoicte Marie Magdelaine, qui ses miracles oncques n’avoit creut ne voulentiers ouuit, ains y avoit par mut de fois par blastenges et par mut de mavaises parolles esteit mut contraire, que Nostre Siegneur si longement l’avoit garandy de morte. [66 r°] Si retournat lors en soy miesmes et comenchat a ploureire de cueur tendrement et battoit sa coulpe en disant : « Merchi, merchi,
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787. nous miesmes v.] nous est suivi des trois premières lettres de veismes, tracées. – 796 - 797. parmy ronches (tracé) roche et mons.
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tres bienheureuse damme, saincte Marie Magdelaine, mere de misericorde, de ce que je n’aiie creut tes sainctz miracles et que par tant de fois au contraire j’aiie esteit; mais, ma treschiere dame, se par tes saincte priieres de cest si grant perilz, moy qui point ne suis digne d’estre appelleis tes sergans, delivvreis sainnement, moy miesmes seraye raconteurs louuans ces grans miracles et me renderay par devotion et par especialle veu et me chargeraye [66 v°] et me recommanderay de toute en ta saincte protection. » A peines eut le evesques ces mot parditte, quant le chevalle laissat l’escumeire et se commenchat a aquoisier et a laissier son grant desroy, et fut erramment si douls que ses sire en faisoit toute sa voulenteit comme il oncques mieulx devant avoit faicte. Aprés cestuy evesques rendant grace a Nostre Siegneur et a la benoicte Marie Magdelaine revient a son chemin qu’ilz avoit laissiet, mais a peines peult ilz raleire en ung des long jour d’esteit la voiie dont son chevalle en ses matinee devant l’heure de tier- [67 r°] -che l’avoit desvoiet par sa grande foursennerie et par la puissance de diables qui ainsy le conduisoit; et s’en vient de plus tost qu’ilz peult au sainct sepulchre de la tresbenoicte amie de Jesucrist, et illuecques devant tous, ilz raconta toutes sest chose devant dittes en pleurs et en larmes, et amendat sa vie et fist penitanche en tres grant amertummes et compunction de cueur et de toute ce que ilz povoit penseire dont il peust avoir envers la saincte damme mespris. Ung notable exemple.
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[67 v°] Il fut ung clercque qui eut nom Estienes, le quelle fut nés en la marche de Flandres, et fut de mut noble lignie et mut riche de son patrimoine. Ilz estoit mut soutieuffe et mut saiges de la scienche temporeille et estoit apostate de son ordre par l’enhortement delle ennemis, par lequelle ilz estoit si effondreis en tous pechiés et en tous vissce qu’ilz n’estoit nulle desloiaulteit ne nuls criemes que nulle homme peusiste faire que ilz par consentement ou par euvre treshabondament n’eust faicte et fesiste. Cills clercque par la grande innumerables multitude des [68 r°] pechiés qu’ilz eult faictes, ilz cheyt en la fosse de desesperance et avoit abhomination de toutes euvrres vertueuse, religieuses et honestes, et de toutes ce qui au salut de l’arme estoit utille, ainsy come se ilz luy semblassent a estre grant desloyaulteit; ne le faicte sans plus ne luy estoient mye abhominables, mais ainsy le veoir et owire et en parleir toute delices de chair et desire deshonnestes ilz ensieuvoit et trescurieusement pourchassoit, et bien disoit et afermoit que aprés sa mort ilz seroit en tous les plus crueille tourmens qui sont [68 v°] en enfer, et pour ce ilz disoit qu’ilz ne vouloit mye perdre les delices de cestuy monde quant ilz avoit perdut les bien de gloire. Et entre tous les vissce dont ilz si plains estoit et orribles pechiés dont ilz si plains esoit et continuellement faisoit, il avoit cest bonne coustumme en luy que la vigille saincte Marie Magdelaine chascunne ans ilz junoit et sa feste devottement ilz gardoit en abstinence de tous pechiés. Si
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821. ses sire] ses a été ajouté dans la marge (écriture du scribe). – 836. Le premier e de criemes a été ajouté au-dessus de la ligne. – 838. clercque] bissé (sous la forme clerque).
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advient une fois qu’ilz luy prist devotion d’alleire en pellerinaige a Vergelay pour y estre et faire la son orayson et priiers le jour de la solempniteit de [69 r°] la tresbenoicte damme qui mut prouchaine estoit. Ainsy comme avec les autres en teille maniere il alloit, si comenchat en son cueur a penseire mut forment et disoit souvent fois a soy miesmes : « Je sceis de voire que Marie Magdelaine fut une tresgrande pecheresse, et non pour quant pour sa vraye repentance elle eut vraye pardon de tous ses pechiés, et fut puisse et est de tresgrande sanctiteit et de tresgrande merittes; et quant je congnois et le sçay, dont aroiie je bien le cueur failly se je laissoie mon arme perire [69 v°] par desesperance. Mais las, je suis tant grant pecheur que ce n’est mie comparison de mes orribles pechiés au sienne, et non pour quant je iray au sepulchre de la tresglourieuse amie de Jesucrist qui a tous pecheur est en ayde qui a leure besoingne le reclament, et luy prieraye merchy de vraye cueur; et se par ses merittes je puisse avoir aucunne revelation par laquelle je puisse avoir aucune esperance d’avoir pardon de mes pechiés par sa saincte impetration, voulentier le rechepveray et ma vie amendray, et s’il en advient autrement, je moy retourneray [70 r°] a la vie que je aiie laissiet d’ensievir tous delices charneille. » Et quant il fut parvenus alle englise ou le corps de la benoicte Magdelaine repousoit, si y demourat en mut grande devotion et en mut ameire compunction bien par l’espase de trois sapmeine, en mut affliante son corps par junnes, par veilles et par orayson, que oncques en cest espace ilz ne trouvat revelation ne confort de ce que ilz queroit et que ses cueur desiroit. Quant ilz vid ce, si s’apensa qu’il perdoit sa peines et que tant il estoit pecheur que ses priere ne povoient estre o- [70 v°] -owie ne rechue. Si atournat son euvre pour retourneire en son païs et pensa qu’ilz moveroit l’endemain matin, comme cilz qui ja estoit ainsy que tous noeiiez ou pusce de desesperanche.
Adont la tresdoulce Magdelaine ne veult plus attendre qu’elle ne le surcouriste,
car point ne vouloit qu’ilz fust perdus. Elle s’apparut a luy en celle nuict en teille point que de toute ilz ne dormoit ne ne veilloit, en la semblance d’unne tresbelle damme. Les cheveulx mut avenans vid espandus sus ses espaulles, as yeulx plains de larmes, et estoit au dextre et sous- [71 r°] -tenue d’une part des sains angles de Nostre Siegneur; et quant elle vient devant luy, si l’esgarda en disant : « Estienne, je te prie, dy moy pour quoy tu me rends si pouvre deserte de ce que j’aiie faicte pour toy ? Pour quoy ne recongnois tu le traveille que je aiie eult en priiante Nostre Siegneur pour ton salut ? Reconfort toy et le rechois a ton proufitte. Sachies de vraye que des ce que tu premierement venis envers moy a la solempniteit de mon trespassement et que te euls aucunnes devotion a moy, pour ce te renvoiat Dieu a la vraiie voiie de congnoissance et te pardonnat tes pechiés, je n’aiie [71 v°] cesseit de priere sans entrelais. Lieve toy et te confesse humblement de toute tes pechiés,
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857. de tresgrande sanct.] les deux premiers mots sont bissés et n’ont été que partiellement tracés. – 868. et en mut ameire comp.] mut est suivi d’une lettre isolée (s ?), tracée.
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et soies tout seure que se tu me crois, la saincte misericorde de Dieu te sourcourra et viendra pour toy delivreire des mains de l’ennemis, ne jamais jour ne tu laisseraye jusqu’atant que je aray la tienne arme a son Createur restablie et delivree des grandes ordures et des pechiés que tu as faicte. » Et comme elle eut ce dicte, si s’esvanuyt mut soudainement; et quant il eut celle vision veuue, si se leva erramment en ainsy grande contrition [72 r°] et repentance de cueur que erramment ilz s’en allat alle englise de la benoicte moyenresse, madamme saincte Marie Magdelaine, et appellat l’abbeit et les freres de dicte lieu, et mut confus devant tous manifesta en mut grande amertume la confession de tous ses ennormes pechiés et leur contat la saincte ayde que la tresbenoicte Magdelaine luy avoit faicte envers Nostre Siegneur. Adoncques recheupt penitanche pour ses meffaictes teille comme l’abbeit par le conseille de ses freres luy veult enjoindre. L’endemain ensieuvante, par le consentement de l’ab- [72 v°] -beit et du covent, il rechut l’ordre et les drappe de moyne en icelle abbye et renoncha au siecle et a toutes ses dechevantes delices, et si se employa a vivre religieusement et menat depuisse mut saincte vie entre les aultres freres tant comme ilz conversat en cest morteille vie par la grace de Nostre Siengeur; et se sceit on certainement par le recort de plusieurs preudhommes religieulx et cremans Dieu que en la miesmes heure qu’ilz rendit son esperit a Dieu son Createur, on vid la benoicte Magdelaine esteire d’encoste luy et les sains angles avec elle, et vit ons que elle rechut l’arme [73 r°] de luy en le semblanche d’ung blancque coulon, puisse l’emporta en la saincte gloire des dieulx. Ung [...] miracle.
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Ilz fut ung homme neis de Bretaingne qui mut estoit riches de terres et de possessions, et estoit extrais de noble ligniee. Cilz homme avoit tresgrandes devotion a la benoicte damme, madamme saincte Marie Magdelaine, si que ilz, sa femme et ses enfans mut le honoroient et souverainement amoient, et chascun jour le preudhommes mut soingneusement le reclamoit et pour son arme devottement luy prioit; et par especialle la vigille de sa feste ilz junoit et le jour [73 v°] de sa feste, ilz faisoit appareilliere grant convives et les povres et les pelerins pour l’amour d’elle ilz repassoit, et a ses pouvres detpveurs, ilz relaissoit leurs debtes, et cilz qui courouchiet l’avoit, son irre ilz pardonnoit. Et desus toute les soulempniteit des autres sainctz, de cestuy tresgrande feste et souveraine memoire ilz faisoit; et entre toute ses orayson et prieres que ilz a la glourieuse dame faisoit, de ce especiallement luy prioit que elle ne le laissast ja partire de cestuy siecle sans avoir vraye repentanche et vraye confes- [74 r°] -sion de ses pechiés. Ore advient ung jour par adventure que ilz entrat en mer pour besoingne
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909 - 910. Cette rubrique, rédigée sur l’espace demeuré vacant à la fin du paragraphe, comporte sans doute deux mots supplémentaires que la reproduction ne permet pas de lire.
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qu’ilz avoit a faire, et vouloit alleire en Engleterre; et comme ilz furent ung peu parfont en mer, si s’esmut ung tempeste si horrible et si fort que leur nefz covient perire, et comme les flos des ondes tous ses compaingnons eust noiiés, luy miesmes les ondes portoient de cha et de la desoubs l’eauue ou deseure si que ilz n’attendoit que la mort. Et en cest douleur et perilz, tous jour en son cueur disoit : [74 v°] « O bienheureuse damme, madame saincte Marie Magdelaine, et ne aiie je pas tous jours priiet a ta sanctiteit que ja tu ne me laissas de cestuy siecle trespasseire sans confession et repentanche avoir vraye de mes pechiés ? Doulce damme, que tous jour at esteit mon esperance en toy, tu vois coment je me meure en cest mer que je ne puisse avoir confession de mes pechiés. » Iteille gemissemens en son cueur n’estoit mye aincor acomply que il luy apparut une dame de mut grande beaulteit, et estoit escourchie ainsy comme pour chemineire, la quelle le prist [75 r°] par le main et le soustiient par dessus les ondes; et ja soies ce que les ondes fuissent mult horribles a desmesure, nequedent si l’amenat elle treslegierement jusqu’a la rive ou ilz estoit entreis en mer toute sains et haitiet. De quelle lieu ou elle l’avoit pris jusques a celuy rive, ilz y avoit bien soizante estade de mer; et se luy dist : « Je te aiie faicte ce que tu me as tous jour requis pour la grande foy et devotion que te as en moy. Si ordonne de toy miesmes comme pour le salut de ton arme, car je te dis que dedens dix jour trespasseras de [75 v°] cest morteille vie. » Et comme elle eut ce dicte, si s’esvanuit, et racontoit le preudhommes que oncques en sa vie, ilz ne seult noiier; et comme ilz fust repairiés en son lieu, ilz anoncha a toute le peuple les grande miracles que la benoiste Magdelaine avoit en luy faitte. Ilz ne vesqui qe le dix jour aprés cestuy miracles, si come la saincte delivresses luy avoit anonchiet. Ilz soy confessat tresdevotement et receupt vraye penanche et se hasta mut de son testament faire et ordonneire et de son avoir aumonneire, et puisse au terme dicte, ilz trespassat mut devotement de cest [76 r°] siecle au plaisier de Nostre Siegneur Jesucrist qui avec le Pere et le Filz et le Sainctz Esperit vit et regne es siecles des siecles. Amen.
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940. jusques a celuy lieu rive, lieu tracé.
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Rouen, Bibliothèque municipale, 1430 (U 93) (n° 26)
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26. Rouen, Bibliothèque municipale, 1430 (U 93), f° 58 v° - 61 v° La vie de Marie-Madeleine contenue dans le manuscrit de la Bibliothèque municipale de Rouen (R) présente une structure particulière : elle est divisée en trois paragraphes marqués chacun par un ton distinct. Le premier (l. 2 - 45) rapporte longuement l’onction chez Simon après avoir évoqué l’origine de la sainte. Suivent des extraits des Évangiles, qui dessinent au fil des emprunts les contours de la figure de Marie-Madeleine telle qu’elle a été constituée à partir des textes bibliques (l. 46 - 116). Le troisième, qui est aussi le plus long, évoque en quelques mots l’exil de Judée pour se concentrer sur le miracle de Marseille (l. 117 - 205). Cette composition tripartite, qui ne respecte pas le déroulement chronologique de la vie de la sainte et dont les séquences répètent chacune des données rapportées dans les deux autres, intrigue d’autant plus qu’un second volume (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15219 ; P) ne comporte que la dernière. On peut dès lors se demander si la version de R a été composée par un seul auteur ou si elle juxtapose des éléments d’origines différentes, déjà rédigées. S’il reste difficile de répondre de façon définitive à cette interrogation, on peut du moins affirmer que plusieurs sources sont mises à contribution dans ce texte. En effet, bien que le légendier de Rouen s’ouvre par une référence explicite à la Légende dorée, la vie de Marie-Madeleine qu’il conserve ne prend pas appui sur la seule compilation de Jacques de Voragine, mais développe certaines particularités des récits proches du Postquam Dominus et, surtout, du Fuit igitur secundum saeculi fastum1. Même si la concentration qui caractérise ce texte fragilise l’identification précise des emprunts, l’expression « selon la dignité du secle » (l. 1, secundum saeculi fastum) signe le rapprochement avec le récit que traduisent nos versions n° 7 et 8. L’évocation de la femme pécheresse (l. 50 - 54) ou le récit de la parabole de l’usurier (l. 63 - 72), parmi d’autres exemples, étayent ce rapprochement. Par ailleurs, certains détails laissent apparaître une contamination par le Postquam Dominus : ainsi la précision que Marie-Madeleine a été confiée à Maximin, comme Marie le fut à Jean l’Évangéliste (l. 96 - 98), ou l’interdiction prononcée contre ceux qui entreraient avec des armes au lieu où la sainte est enterrée (l. 113 sq.). Mais le miracle de Marseille, avec l’allusion à l’exil forcé de Judée (l. 117) ou l’intervention des époux après la troisième apparition nocturne de Marie-Madeleine (l. 148 sq.)2, nous font songer à la Légende dorée. On relève toutefois dans ce passage que saint Pierre déduit de la croix dont l’épaule du pèlerin s’orne que celui-ci vient d’une région chrétienne (l. 167 - 172) ; ou encore la présentation de l’apôtre au duc (l. 178 sq.), détails absent du texte du dominicain, mais qui figurent dans le Fuit igitur. Les quelques indices que nous signalons quant aux sources de notre vie Voir notre présentation des n° 5 et 7 pour une description détaillée de ces textes et leurs références bibliographiques. 2 Nous avons vu que ce trait démarque les diverses rédactions du miracle de Marseille. 1
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restent néanmoins ténus ; l’analyse des autres légendes du recueil donnerait peutêtre prise à des conclusions plus fermes. Cette rédaction offre quelques spécificités qui retiennent l’attention. La première partie force le trait dans l’évocation de la figure de la pécheresse. MarieMadeleine devient une prostituée qui « a louyer ou a sans louyer » se donne à tous (l. 10). L’accentuation marquée du péché, la complaisance même à en décrire la nature est renforcée par l’utilisation d’images : la femme a sept diables « ou ventre » (l. 12), elle est liée par des chaînes infernales (l. 13). Ces éléments, ajoutés au fait que le repentir de Marie-Madeleine est le seul thème développé dans cet exorde, enfin, l’abondant usage du « nous » aux lignes 34 - 45 révèlent la portée de ce texte, peut-être destiné à la prédication : la sainte est, de manière explicite, « un exemple », proposé aux « pechours et pecheresces de cest monde » (l. 16). Comme Jésus a pardonné à la repentante. Il absoudra ceux-ci s’ils s’amendent (l. 34). La seconde séquence est introduite par une formule (« Oncore diron de ceste feste selon aulcuns usages », l. 46) qui apparaît dans d’autres vies du recueil. Après avoir rappelé l’origine de la sainte, elle offre un ensemble d’extraits des Évangiles, dont le début est cité en latin puis traduit en français3. Marie-Madeleine, femme pécheresse, permet à Jésus de dire qu’Il n’est pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs. Elle oint les pieds du Seigneur lors du repas chez Simon où le Christ énonce la parabole des débiteurs pour faire comprendre le pardon. Sa présence lors de la Crucifixion en compagnie de la Vierge Marie et de Marie femme de Clopas contraste avec la fuite des apôtres, en raison de quoi le Christ lui apparaît et lui demande d’annoncer la Résurrection. Ce portrait évangélique débouche enfin sur une brève allusion au personnage de la tradition hagiographique : MarieMadeleine, confiée à Maximin (appelé ici Mesmin)4, arrive à Arles5 où le saint réalise des miracles ; elle meurt et Maximin fait sculpter son tombeau (l. 95 - 116). La citation latine d’un extrait de l’Homélie 25 de Grégoire le Grand à Jean 20, 11 - 186 (l. 88, « Discipulis a sepulchro recedentibus non recedebat »), suggère que ce discours n’est pas d’origine laïque. La troisième, retransmise de façon indépendante dans l’exemplaire parisien, est essentiellement narrative et se démarque ainsi du ton des deux premières. Seule l’invocation finale, propre au manuscrit de Rouen, renoue avec l’esprit prédicatif qui règne dans le début du texte. Le récit qu’elle propose du miracle de Marseille est très concentré, ainsi par exemple, les propos de Marie-Madeleine lors de la première apparition nocturne (l. 128 - 130) ou les plaintes du mari à la mort de Les citations latines sont, dans l’ordre de leur apparition dans le texte, Luc 7, 37 ; Luc 5, 32 (cf. Matthieu 9, 13 et Marc 2, 17) ; Luc 5, 47 ; Jean 19, 25 ; Jean 20, 18. Comme nous l’avons déjà souligné à propos du n° 18, qui désigne de la même manière le compagnon de Marie-Madeleine, il est difficile de se prononcer sur cette variante. 5 « Alle le Blanc » (l. 101) ; le n° 3 situe également le miracle dans cette ville (voir notre commentaire dans la présentation de ce texte). Les deux récits ne semblent cependant pas avoir de liens directs. 6 PL 100, col. 989 c ; la formule de Grégoire le Grand est reprise par plusieurs commentateurs. 3 4
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son épouse7 (l. 166 sq.). On y observe quelques caractétistiques : lors de sa première prédication à Marseille, Marie-Madeleine s’assied au milieu des sacrifiants (l. 125). Son apparition à la dame de Provence a lieu le jour de la rencontre avec le couple princier (l. 126), et c’est la sainte elle-même qui parle de Pierre et des apôtres (l. 152). Le signe de la croix est placé sur l’épaule droite des pèlerins (l. 169). On notera encore la motivation singulière que ceux-ci expriment à la l. 155 (« et disoint par entr’eulx que mieulx creroint l’informacion de homme que de fame »). Si ces particularités sont de moindre importance, elles dénotent au moins la liberté que l’auteur s’arroge. Description des manuscrits R (Rouen, Bibliothèque municipale, 1430 (U 93)), daté du XVème siècle par H. Omont8, réunit deux ensembles rédigés par des mains distinctes. La signature d’un copiste clôt les 128 premiers feuillets, occupés par un légendier9. Le reste du codex est dû à un autre scribe dont l’écriture est plus anguleuse. Une Passion du Christ, dont le prologue précise qu’elle a été traduite pour la reine de France Isabelle de Bavière en l’an 1398, puis deux textes sur la Résurrection et sur l’Ascension forment le contenu de cette section. L’acte de fondation d’un cimetière, daté d’octobre 1513, a été ajouté au f° 185 v°, originellement vacant. Un fragment sur Vespasien, incomplet de la fin, occupe les dernières pages (186 r° - 191 v°)10. Rédigé en écriture cursive gothique (ca 270 x 195 mm ; une colonne à 40 lignes), le légendier proprement dit offre une sélection de 90 vies, assez brèves le plus souvent, introduites par un titre et une première ligne en gros caractères. On note une rupture au f° 76, où se termine la légende de sainte Anne : les feuillets 76 r° - 77 v° contiennent en effet un texte en octosyllabes, écrit sur deux colonnes11, la vie de Pantaléon, dépourvue de rubrique, débutant au f° 78 r°. La rubrique qui accompagne la vie de saint André au début du volume, « Ci commence la legende doree » (f° 1 r°), se réfère explicitement à la compilation de 7 P résume en une brève phrase : « De la douleur que le duc eut de sa femme ne convient il pas parler » (l. 161 ss.). 8 Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, Départements, t. 1, Rouen, Paris, Librairie Plon, 1886, p. 429. 9 « Hoc scripsi totum, pro pena da michi potum. J. Covennier » (f° 128 r°). Ce nom n’est par répertorié par les Bénédictins du Bouveret, Colophons de manuscrits occidentaux des origines au XVIe siècle. 10 L’existence de deux variétés de papier dans ce volume confirme le caractère factice de sa composition. Le premier porte un filigrane que la qualité du matériau et la densité de l’écriture sur la plupart des feuillets de cette partie rendent difficile à percevoir. Il s’apparente au motif qui figure dans Piccard, t. XI, n° 64 et 65, mais est placé entre des pontuseaux distants de 38,5 à 39 mm, compte environ 5 mm de plus en hauteur, et les extrémités de la plus importante des deux croix qui le forment sont beaucoup moins épatées. À partir du f° 129, il est encore plus malaisé de déterminer la marque de fabrique que l’on perçoit ici et là – il est possible qu’on ait affaire à une variante du motif très courant de l’arbalète (l’espace entre les pontuseaux est de 36 mm environ). 11 Incipit : « L’en doibt bien priser et amer / L’arbre qui bon frut vieult porter. (...) » ; explicit : « Si que nous le puisson servir / Et sa grant amour desservir, / Sa pardurable joie avec. / Dictes ‘Amen’, que Dieu l’ottroit. / Amen ».
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Jacques de Voragine. Toutefois, si les 77 premières pièces sont bien classées dans l’ordre de l’année liturgique, plusieurs d’entre elles ne font pas partie du corpus traditionnel de la Legenda aurea12. On retient en particulier la présence de saints honorés dans la région d’Angers : Lezin (f° 35 r°), Maurille (f° 90 r°) et René (f° 107 r°), et de Chartres : Laumer (f° 20 v°), Chéron (f° 48 r°) et Lubin (f° 89 v°) ; choix qui ne concorde guère avec les quelques traits de scripta isolés que l’on relève dans la légende de Marie-Madeleine (ceux-ci nous orienteraient plutôt vers l’Est, peut-être la Lorraine). Les treize dernières vies13 ne répondent pas à un ordre clair. Elles se réfèrent à des sujets particulièrement riches en développements narratifs : Julien, meurtrier de son père et de sa mère ; Eustache et son cerf ; saint Alexis ; Théodora, adultère repentie déguisée en homme et accusée d’avoir abusé d’une femme ; Marie l’Égyptienne, prostituée convertie ; Georges, tueur de dragon ; Judas, parricide incestueux ; Pilate, fratricide, etc. Le ton de ces récits, qui commencent tous par la formule bien connue « Il fut une foiz (...) »14, se distingue de celui des textes précédents ; il témoigne d’une volonté de « raconter une histoire ». P (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15219) est un petit recueil hybride du XVème siècle en papier encarté de parchemin, dont les 212 feuillets mesurent environ 240 x 180 mm. Il semble possible de distinguer deux mains dans les pages de ce curieux florilège aux allures d’« anthologie personnelle », qui réunit des pièces de nature éclectique : l’une pour les entrées qui composent les folios 1 r° à 19 r°, soit une carte du ciel en latin, un texte de type astrologique (présenté par son épilogue comme une traduction) et les « Trente et un jours périlleux »15 ; une autre, pratiquant une écriture cursive peu soignée, à partir du f° 25 r°, où figurent successivement une compilation d’exemples composée d’extraits des Fables d’Esope, de passages bibliques et hagiographiques, de La Lettre d’Abgaire à Nostre Seigneur et des Vies des nobles hommes et des nobles femmes de Boccace ; puis une copie de la Châtelaine de Vergy, notre récit, le Roman de Ponthus et Sidoine, enfin, la Belle Dame sans mercy d’Alain Chartier16. La vie de Marie12 Par rapport à la composition de la Légende dorée, on peut remarquer la présence de la Conception de Marie (f° 6 r°) ; la translation des reliques de saint Martin (f° 54 r°), introduite à sa place dans le calendrier (4 juillet) alors que la vie elle-même apparaît, comme il se doit, en fin de recueil ; l’histoire de sainte Anne (f° 75 r°), à la suite de celle de Jacques le Majeur ; et celles de Maur, Arnoul et Pantaléon (f° 20 r°, 56 r° et 78 r°). Placée entre celles de Marguerite et de Jacques le Majeur, la vie de Marie-Madeleine y intervient en quarante-quatrième position. 13 Julien, Eustache, Sévère, Alexis, les Sept Dormants, Christophe, Théodora, Julienne, Marie l’Égyptienne, Georges, Christine, Judas et Pilate. 14 Seule celle de saint Georges se distingue par un « si avint une foiz que (...) ». 15 Ce texte (f° 18 v° sq.) fait partie d’une assez vaste tradition en médecine astrologique des jours considérés comme néfastes, ou « jours périlleux ». Toutefois, cette version particulière serait isolée. Un calendrier, d’une écriture différente et dont le thème paraît commun avec les quelques lignes latines et françaises qu’un autre scribe a ajoutées à sa suite, complète cette section. Elle est entièrement faite de parchemin (de même pour la fin de cette unité matérielle, laissée vacante), ce qui pourrait indiquer un ajout à la seconde. 16 Rappelons que ce texte a été composé en 1424.
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Madeleine qu’il conserve se limite au miracle de Marseille, soit une partie seulement du texte que l’on trouve dans le manuscrit de Rouen. Par sa tonalité et sa longueur, cet abrégé rejoint les légendes et les récits pieux qui le précèdent. Isolé de ces derniers, il acquiert toutefois un statut indépendant qui le met en relief. Selon la nature des textes retranscrits, la mise en page change de manière très sensible (elle comporte une seule colonne à 28 lignes pour notre texte). Les folios 204 à 212 sont blancs, toutes les parties vacantes du recueil étant chargées d’annotations diverses (dont peut-être un ex-libris au f° 1 r° : « Jehan Guyard mestre de la rose » ; écriture du XVème siècle). Dans celle où alternent parchemin et papier, on relève au moins quatre filigranes différents, mais dont les motifs sont très répandus17. Une initiale ornée bleue, or et rouge a été peinte en tête du premier texte (f° 1 v°) et au commencement du f° 25. Les autres pièces copiées à partir de ce folio ne possèdent que des marqueurs rudimentaires (lettrines et pieds-demouches), alternativement bleus et rouges. La légende de Marie-Madeleine ne comporte aucune caractéristique dialectale. Observations lexicales et linguistiques La langue du texte donne l’impression d’être conforme à l’époque de nos témoins. Elle n’offre guère de prises pour une datation plus précise et le lexique de notre adaptateur est singulièrement banal. aideresce (l. 43 et 207) et la locution non obstant que (« bien que », l. 157) sont assez mal représentés dans les dictionnaires. trees l’un trees l’autre (« sur-le-champ, en hâte », l. 19), dont l’ancrage dans le passage correspondant de la Legenda aurea semble être fourni par le verbe properare (§ 23), n’est attestée qu’à travers quelques citations de la dernière partie du XIIème ou du début du XIIIème siècle, dans Tobler-Lommatzsch. Enfin, la ligne 205 (et vesquirent en boens eupvres) atteste l’existence d’une variante masculine d’« œuvre », plausible pour la période durant laquelle R a dû être écrit, mais qui demeure exceptionnelle (cf. FEW, opera, VII, col. 358 b et 360 a). 17 Seuls des relevés très précis pourraient donc nous éclairer sur leur provenance et sur la date de fabrication de leur support. Voici les indications que nous pouvons fournir à leur sujet : 1° fleur de lys – motif de loin le plus fréquent, très irrégulier et parfois baveux (sur plusieurs portions de ses contours, la pâte de papier ne semble pas toujours avoir adhéré) ; l’éditrice du Roman de Ponthus et Sidoine, M.-Cl. de Crécy (Genève, Droz, 1997), qui ne relève que ce seul filigrane, l’associe à Briquet n° 6909 (Paris, milieu du XVème siècle ; cf. pp. XXII - XXIV) ; il offre aussi une ressemblance avec Piccard, t. XIII, section I, n° 73, mais avec des pontuseaux plus espacés de 3 à 4 mm, un dessin plus ample pour le corps de la fleur et un élément central plus arrondi ; 2° arbalète, isolé dans la partie du volume à laquelle appartiennent les feuillets 40 à 48 ; il semble aller de pair avec les variantes présentées par Piccard, t. IX, 2, section XI, n° 2168 à 2180, à l’exclusion des n° 2173, 2176 et 2179, qui nous renvoient approximativement au milieu du XVème siècle ; 3° globe terrestre (?) – second motif le plus fréquent ; le papier qui en est muni est disposé de manière longitudinale ; le filigrane étant niché dans le pli, la présence à l’intérieur du motif en « T » n’est pas assurée ; seule la croix qui en forme la partie supérieure est assez visible pour la reproduire avec une certaine exactitude ; 4° licorne (f° 89, 198, 199 seulement ; les deux derniers exemples comportent de nombreuses bavures).
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La langue de l’extrait copié dans P est neutre, elle aussi, et suit les habitudes du moment où celui-ci a été reproduit. L’emploi de la périphrase infinitive supportée par aler (l. 159 - 161), comme dans le n° 21 et, au point de vue lexical, la tournure non contrestant que, « bien que », sont les seuls traits remarquables qu’elle présente18. Plan de l’édition Exemplaire de référence : Rouen, Bibliothèque municipale, 1430 (U 93), f° 58 v° 61 v° (R) Exemplaire de comparaison : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15219 (texte partiel) (P)
Le participe présent de contrester est utilisé en tant qu’adverbe ou préposition dès la seconde moitié du XIIIème siècle, mais les dictionnaires ne recensent qu’un seul exemple, tardif, de la locution conjonctive employée par l’adaptateur à la ligne 157 (édition de 1489 de la traduction par Nicole Oresme de la Politique d’Aristote, d’après Godefroy). 18
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[58 v°] De saincte Marie Magdelaine
Saincte Marie Magdelaine fut de moult hault parage selon la dignité du secle, et
pour ce est elle sournommee Magdelaine qu’el fut nee d’un chastel qui avoit nom Magdelon, qui estoit a son lignage et a ses ancessours, duquel chastel el estoit chastelaine. Ceste dame fut seur a saincte Marie Marthe et a saint Ladre, que Noustre Signour ressuscita de mort a vie quant il eut jeu quatre jours en terre. El fut de si grant beauté que touz ceulx qui la veoint en avoint envie. Or lui print congié et voulenté de aller par terre et de mener vie de meschine legiere. Adonc la dame alla par terre et abandonna son corps a tout homme qui vouloit pechier o elle, o louyer ou o sans louyer. El ne se garda de pechez du pere ne du filz, des oncles ne des nepvouz, des freres ne des cousins germains. El fut plaine de tant grant horribleté qu’el eut sept deaibles ou ventre. Mallement estoit prains et encombree de douloureuse portee [59 r°] quant el estoit liee des chaignes infernaulx. Telle vie mena ceste dame come vous povez oïr, tant comme Noustre Signour le voulst souffrir, mes Noustre Signour eut pitié d’elle pour sa gentillesce et voulst que les pechours et pecheresces de cest monde prenissent exemple en elle de lour repentir. Il lui donna cuer et voulenté de amender sa vie et de plourer ses horribles pechiez. Il avint que la benoiste Marie Magdelaine sceut que Noustre Signour mengeoit en la meson de Symon le Leproux. El se alla tapissant trees l’un trees l’autre tant que el se lessa choirs aux piez de Noustre Signour Jhesucrist, et quant el fut a ses piez, el commencza a plourer moult ongouesssousement de ses yeulx et du cuer moult tendrement, tant que de ses lermes el lava et arousa les piez de Noustre Signour Jhesucrist. Aprés el les essua o ses chevoulx et les besoit moult souvent, es puis les oingnit de moult precieux ongnement qu’el avoit apporté o soy, qui remplit toute la meson de bonne oudour. Quant Symon le Leproux vit ce, si dist bellement en soy mesmes que si Jhesucrist fust vroy prouphete, qu’Il ne souffrist pas que telle fame pecheresce touchast a Lui. Noustre Signour sceut bien que Symon pensa et lui dist : « Symon, voiz tu bien ceste fame ? Quant Ge vins en ta meson, tu ne Me lavas pas les piez ne ne les oingnis pas de precieux ongnemens. Ceste pecheresce M’a les piez lavez o ses lermes et essuez o ses chevoulx et baisez o sa bouche et oings de moult precieux ongnemens; et pour ce Ge di que ses pechiez lui sont pardonnez et que Ge la ame cherement. » Ainxin pardonna Jhesucrist a Marie Magdelaine ses pechiez par son plour et par l’engouesse de ses lermes : si fera Il a nous les noustres si nous avons bon repentement vers Lui. Ainxin approucha la saincte Magdelaine par ses lermes et par l’amarture de son cuer a la fontaine de vie dont el beut, par laquelle fontaine toute coulpe est
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lavee, et ainxin s’en alla pure et neite; es puis la ama tant Noustre Signour qu’Il S’apparut a elle emprés sa resurrection enczois que a saint Pere l’appoustre et lui commanda que nunciast la joie de sa Resurrecion a saint Pere et a ses aultres amis. Ceste dame desservit pardon vers Noustre Signour par plourer les horribletez du deaible qui tourjours essaye nous tollir les joies de paradis. Pour ce est il droit et raison que nous aions ceste dame en memoire et que nous efforczoncz en terre de honnourer sa feste et faire eupvre parquoy el nous soit aideresce vers Dieu qui si beau pardon lui fist par son bon repentement et par la contricion de ses pechiez et par les lermes de son plour. Oncore diron de ceste feste selon aulcuns usages. Nous lison que saincte Marie Magdelaine fut d’un chastel qui eut nom Magdelon, et pour Magdelon el fut appellee Magdelaine. El fut de moult hault lignage et eut moult grant avoir et grans richesces, et par les grans deliz qu’el eut, el se abandonna a pechié [59 v°] et fut a mervoilles grant pecheresce, si comme nous lison en l’Euvangille : « Erat mulier in civitate peccatrix » – « une fame pecheresce estoit en la cité ». Et Noustre Signour dist : « Non veni vocare justos sed peccatores ad penitentiam » – « je ne vins pas au monde pour les justes, mes pour appeller les pechours a penitance ». Noustre Signour envoia graice a ceste Magdelaine de soy repentir. Il avint que Noustre Signour mengea en la meson d’un homme qui avoit nom Symon le Leproux. Cest Symon avoit esté mesel, mes Noustre Signour le guerit. En la meson de cestui Symon vint la benoiste Marie Magdelaine et se mist soubz la table, et ploura tant et si engouesseusement que de ses lermes el lava les piez de Noustre Signour et les essua o ses chevoulx et les baisa o sa bouche et les oingnit de moult precieux oingnement. Celui Symon eut despit de ce que telle fame si pecheresce atouchoit a Jhesucrist, et dist en soy mesmes que si Jhesucrist fust vroy prouphete, qu’Il cogneust bien que celle fame fust pecheresce et qu’Il ne deubst pas souffrir qu’el atouchast a Lui. Noustre Signour appella Symon et lui dist une exemple : « Symon, deux hommes debvoint deniers a un aultre homme, l’un cinq soubx et l’autre cinquante. Ilz ne les povoint paier a celui a qui ilz les debvoint et lui prierent qu’il les quittast, et il les quicta. Lequel des debtours doibt plus amer celui qui les quicta ? » Symon respondit que celui debvoit plus amer auquel l’en avoit plus pardonné. « Tu diz vroy », dist Noustre Signour. « Auxi te di Ge de ceste fame. Je suy venu a ta meson, tu ne M’as pas les piez lavez ne essuez ne baisez ne oings, et tout ce M’a fait ceste fame. Et pour ce te di Ge : ‘ Dimictuntur ei peccata multa quoniam dilexit multum ’ – ‘ Pour la grant amour ’ », dist Noustre Signour, « ‘ qu’el ha en Moy, touz ses pechiez lui sont pardonnez ’ ». Auxi ceste pecheresce ama plus Noustre Signour que les aultres pechours, quar Il lui pardonna plus de pechiez. Ceste amour de ceste dame fut bien demoustree en la Passion Noustre Signour et aprés, quar si comme nous lison, les appoustres s’en fuyrent
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70. m’a fait] m’a a été ajouté au-dessus de la ligne. –
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pour pours de la Passion Noustre Signour Jhesucrist, et ceste dame fut a son cruxifiement comme saint Jehan l’Euvangeliste, si comme dit saint Jehan en l’Euvangille : « Stabant autem juxta crucem Jhesu mater eius et soror matris eius Maria Cleophe et Maria Magdalene » – « Jouste la crouez de Jhesucrist estoit sa mere et sa seur Marie Cleophe aveques Marie Magdelaine ». Noustre Dame estoit pres son Filz pour la grant amour qu’el avoit o Lui et pour la pitié de son martire, et Marie Cleophe Le amoit comme son nepvou, et Marie Magdelaine, combien qu’Il ne lui fust rien de lignage, Le amoit pour cause qu’Il lui avoit pardonné ses pechiez et creoit qu’Il estoit Sauvours du monde, ne onques pour pours de mort ne se departit de la compaignie Noustre Signour ou temps de sa Passion. Aprés qu’Il fut mis en sepulture, onques ne se departit d’illec fors qu’el alla appareiller precieux ongnements pour oingdre le corps de Noustre Signour Jhesucrist, si comme nous lisons en l’Euvangille : « Discipulis a sepulchro recedentibus non recedebat » – « Saincte Marie Magdelaine [60 r°] ne se departit point du sepulchre, combien que les appoustres s’en departissent ». Noustre Signour s’apparut premierement a elle emprés sa Resurrection et desservit premierement a estre messagiere et porter la nouvelle de la Resurrection Noustre Signour Jhesucrist, si comme saint Jehan dit en l’Euvangille : « Venit Maria nunctians discipulis quia vidi Dominum » – « Marie Magdelaine, qui eut veu Noustre Signour, vint aux appoustres et lour noncia la nouvelle de sa Resurrection ». Emprés que Noustre Signour monta es cieulx et qu’Il envoia le Saint Esperit aux appoustres, ceste dame fut baillee en garde a un homme qui avoit nom saint Mesmin, auxi comme Noustre Dame fut baillee en garde a saint Jehan l’Euvangeliste, qui estoit son nepvou, filz d’une de ses seurs. Les appoustres et les aultres amis de Jhesucrist se departirent par païs pour preschier son nom. Saint Mesmin et la Magdelaine passerent la mer et vindrent a Marsaille et vindrent a une cité qui a nom Alle le Blanc. En celle contree prescha saint Mesmin le nom de Jhesucrist et convertit le peuple a la loy de Jhesucrist et fasoit moult de miracles, quar il enluminoit les avugles, il guerissoit les meseaulx, il ressuscitoit les mors et guerissoit de toutes maladies. Ilz estoint, lui et la Magdelaine, en jeunes et en oraisons et servoint Noustre Signour jour et nuit, et vesquirent longuement en son service. Noustre Signour S’apparut a la Magdelaine avant qu’el trepassast et la appella a la joie pardurable et lui rendit le guerredon du service qu’el Lui avoit fait en terre. Saint Mesmin mist son corps en un moult riche tombel et fist escripre et entailler dessus comment el vint en la meson de Symon le Leproux et comment el lava et essua et besa les piez de Noustre Signour Jhesucrist. Saint Mesmin en preschant voulst trepasser et ordena estre enterré pres la Magdelaine. Noustre Signour fist moult de miracles en celui lieu par les merites d’eulx deux, et nulle personne, soit roy ou duc ou conte, ne ouse entrer en celui lieu tant qu’il ait ousté ses armemens, ains convient que chevalier y entre o grant humilité; et quiconques requiert l’aide de ceste dame et de cest bon confessour, il la trouve.
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Quant la benoiste Marie Magdelaine fut dechachee de Judee avecques sa seur Marthe et saint Mesmin, au quel la recommanderent les appoustres, ilz furent mis en une nef sans gouvernour, et ainxin comme Dieu le voulst, ilz arriverent a Marsoille. Si comme Marie Magdelaine fut arivee a Marsaille, elle et sa compaigne se misdrent a la porte du temple aux ydolles et se misdrent en prieres et en oraisons, et ne trouverent qui les voulsist herberger et eurent assez de pouvreté et de malaise; et si comme el vit la gent mescreant sacrifier aux ydolles, el vit un homme de hault parage aveques sa fame, qui estoint venuz au temple pour impetrer enfant des faulx dieux. Adonc la Magdelainne [60 v°] s’assist ou milieu des sacrifians et lour commencza a preschier moult clerement comment ilz estoint decepuz. Or avint la nuit aprés que la fame et son mary, lesquelx debvoint impetrer enfant, dormoint en lour lit, et comme celle dame fut endormie, Marie Madelaine lui apparut en se complaignant que comme ilz habundassent en richesces, pourquoy ilz souffroint les gens de Dieu mourir de fain, de froit et d’aultres mesaises, et lui amonnesta fort affin qu’el le deist a son signour et qu’el feist tant o lui que les amis de Dieu fussent illec recpuz et soustenuz; mes comme la dame fut esvoillee, el ne l’ousa dire a son signour. L’autre nuit aprés lui apparut derechief Marie Magdelaine, mes auxi poy en fist comme davant. La tierce nuit, Marie apparut a l’[un] et a l’autre si courrocee qu’il sembloit que son visage fust esprins de feu auxi comme si la meson ardist, et dist en ceste maniere : « Tirant, dors tu aveques ta vipere de fame, laquelle ne t’a voulu dire ce que ge lui avoye dit des pouvres repestre et recoupvrir ? Ennemy de Jhesucrist qui as le ventre plain de vin et de viandes et souffres que les sains de Dieu mourent de fain et de soif, tu es couché en ton palais coupvert de draps de saye et tu voiz les pouvres de Noustre Signour touz nuz et
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134. a luy et a l’autre. Correction d’après P. – 136. ta vituperee de fame. Correction d’après P. – 139. tu es cho couché en ton p.; les trois lettres qui séparent l’auxiliaire du participe qui lui est associé ont été tracées. 117. Texte précédé de la rubrique : De la Magdalene. – 117 - 119. Ou temps que saint Pere tenoit le siege de Romme, la ben. pecheresse Marie Magdalene fut dechacee de Judee et av. elle Marthe sa sueur et saint Maxemine auquel la congnurent les appostres et furent mis sans gouverneur en la mer ainsi conme dieu voult. La lettrine qui marque le début de cet extrait est curieusement rattachée au premier mot de la deuxième ligne (soit l’article qui précède ben. pecheresse). – 120. Si comme] et ainsi come. – 120. au port de Marceille. – 121. des ydoles en prieres. – 122. et eurent (...)] si avoient assés de povreté et de mesaise. – 123. et comme elle vist. – 123 - 125. sacrifier (...) des faulx dieux] sacr. et aourer les ydoles et comme ung grant homme avec sa femme y feust venuz pour imp. des faulx dieux enfant. – 125. adonc Marie se fery. – 126. et commença a preschier et a monstrer cler. – 126. Or (...)] P introduit un pied-de-mouche à cette articulation du récit. – 127 - 128. la nuit aprés (...) endormie] la nuit ensuivant ainsi come celle dame dormoit avec son seigneur, comme elle fut end. – 128. Mad.] omis dans P. – 129. en compl. – 130. perir de fain et de froit. – 131 - 133. et lui am. fort (...) el ne l’ousa dire a son signour] et la menaça forment ou elle diroit a son seigneur. – 133. L’autre nuit aprés (...) M. Magd.] la nuit aprés celle mesme vision app. a la matrosne. – 134. La tierce nuit] précédé d’un pied-de-mouche dans P. – 134. a l’un et a l’autre. – 136. en telle man. – 136 137. ta vispere de femme laquelle ne t’a valu dire. – 138. et couvrir. – 138. de diverses viandes et de vins. – 139. de dieu] omis dans P. – 140. les povres n. seigneur.
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sans housteil, et n’as pas pitié et compassion d’eulx ! Certes, tu ne eschaperas pas ainxin que Dieu ne prenge vengeance de toy de ce que tu as tant attendu a faire bien aux pouvres. » Cestes chouses dictes, Marie Magdelaine se remua, et la dame s’esvoilla et commencza moult fort a gemir et supirer, et son mary d’aultre part. « Sire », dist el, « avez vous veu ce que g’ey veu ? – Oïl », dist il, « ge l’ay veu vroyment. Je suy moult pensif que nous ferons. Il me semble », dist il, « qu’il vault mieulx obeïr adce qu’el a dit affin que nous ne encourons en l’ire du Dieu qu’el presche. » Adont il ordena du consail sa fame que les pouvres fussent illeques herbergez et qu’il lour fust pourveu ce que lour seroit neccessaire; e[t] puis aprés se recommandent aux oraisons de la Magdelaine et assez toust la dame conceput enfant, dont ilz eurent moult grant joie. Aprés [ce que] la Magdelaine les [eut] conferm[é] a la loy de Dieu et lour eut fait mencion de saint Pere et des appoustres, adonc le duc se pourpensa qu’il iroit a saint Pere qui estoit a Romme pour savoir mon s’il estoit ainxin comme la Magdelaine lour avoit nuncié de Jhesucrist, et disoint par entr’eulx que mieulx creroint l’informacion de homme que de fame; et si comme il eut dit son proupoux a sa fame, el respondit que en toutes manieres qu’il vouldroit, qu’[e]l vouloit aller o lui, nonobstant qu’el fust ensainte. Si come il vit qu’il ne povoit destourner sa fame qu’el ne feist o lui le veage, il lessa a garder a la Magdelaine tout ce qu’il avoit e[t] entrerent, lui et sa fame, sus mer. Or avint quant ilz furent bien avant en la mer qu’il sourdit une grant tempeste par laquelle la dame enfanta, et en enfantant el mourit et toutevoies l’enfant fut vif, et le duc eut moult grant doulour, quar les mariniers [61 r°] vouloint geter en la mer le corps de la dame pour pours de peril. Adonc ilz virent en la mer une roche saiche et y misdrent le corps de la dame a la requeste du duc son espoux et le lesserent dessus
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146. Il me semble] correction du scribe sur il nous semble. – 149. es puis aprés. – 151 - 152. Aprés la Magdelaine les conferma. Correction d’après P (graphies conformes à la scripta de R). – 157. qu’il vouloit aller o lui. Correction d’après P (graphie conforme à la scripta de R). – 159. en entrerent. Correction d’après P. 141. et n’as nulle comp. ne pitié d’eulx, suivi d’un pied-de-mouche. – 142. de toy vengence. – 143 - 144. M. Magd. (...) et supirer] elle s’esvanoÿ et la matrosne s’esveille et commence souvant a souspirer et a gemir. – 144. de l’autre part. – 145. ja veu. – 145. fist il. – 146. Je suy] et suis. – 146. fist il. – 146 - 147. qu’il nous vault mieux fere et obeïr a ce qu’elle nous a dit que nous enc. – 147. de dieu lequel elle prescha. – 148. de sa femme. – 148. feussent herbergier. – 149 - 151. ce que lour seroit nec. (...) moult grant joie] de ce qui leur serat mestier et puis que ilz se furent recommandez aux oroisons Marie, assés tost aprés la dame apparut qu’elle avoit conceu, si en ot grant joye. P introduit un nouveau paragraphe à la suite de cette phrase. – 151 - 152. Aprés (...) de dieu] aprés ce que Marie ot informez et introduiz le duc et sa femme en la foy Jhesucrist. – 153. le duc proposa d’aler a saint Pere saver mon. – 154. la Magd.] Marie. – 155. et disoint (...)] et mieulx croiroient l’inf. des hommes que d’une femme. – 156. et si comme] et comme. – 156 - 157. que en toutes manieres elle vouloit aler avec lui non contrestant qu’elle feust ens. – 157 - 159. Si come (...)] et comme il vist qu’il ne pourroit dest. sa femme qu’elle ne feist son pelerinage avec lui, il laissa tout ce qu’il avoit en la garde de la Magdalene et entr. tous deux en la mer. – 159 - 161. Or avint (...) enfanta] or advint que comme ilz furent bien avant une temp. sourdi par la force de laquelle la dame va enfanter. – 161. elle va mourir. – 161. et toutevoies] toutevoyes. – 161 - 163. et le duc (...) une roche saiche] de la douleur que le duc eut de sa femme ne convient il pas parler et comme les mar. voulsissent le corps gecter en la mer pour eschever le peril, ilz virent une roche seche (précédé d’un pied-de-mouche). – 164. et y misdrent (...) son espoux] si y misdrent le corps a la priere du duc.
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celle roche, quar ilz n’y peussent faire point de fousse, mes ilz coupvrirent le corps d’un mantel et lesserent l’enfant dessoubz le mantel. Le duc recommanda le corps de sa fame et son enfant a Marie Magdelaine et alla son chemin. Si comme il eut cheminé par terre par aulcuns jours, il encontra saint Pere l’appoustre, et comme saint Pere le vit, il vit le signe de la crouez dessus son espaulle destre, que Marie Magdelaine lui avoit baillé. Saint Pere eut moult grant joie, quar il pensa bien que la loy de Jhesucrist estoit preschee ou païs dont il venoit, et lui demanda dont il estoit et de quel païs. Le duc lui racompta tout ce que lui estoit avenu en terre et en mer, laquelle chouse oÿe, saint Pere le resconforta et lui dist ainxin : « Frere, tu soies le bien venu. Tu as creu bon consail, mes persevere en bien et bien te vendra. Aies pacience en toy si ta fame dort et l’enfant se repouse aveques elle, quar Dieu est tout puissant de donner et de ouster ce qu’Il a donné sans faire tort, et de restituer ce qu’Il a ousté. Il puet convertir plour et tristesce en grant joie et grant liesce. Je suy », dist il, « Pierres, servant de Jhesucrist. Ge te meneré par tout ou tu as desir d’aller. » Adont saint Pere le mena en Jherusalem et aultres [lieux devots] ou le Sauvours avoit esté et lui compta les faiz de Jhesucrist, comment Il estoit nasqui et ou Il fut crucifié et mis en sepulture. Aprés qu’il eut esté aveques saint Pere deux ans et plus, il print congié d[e] lui et se mist en la mer pour retourner a son païs. Or avint, ainxin comme Dieu le voulst, que la nef ou il estoit s’en retourna par la roche ou il avoit lessé le corps de sa fame et son enfant. Si comme ilz s’approucherent de la roche, le duc vit l’enfant qui se esbatoit a la rive de la mer. Si comme l’enfant le vit, il s’en fuit et se mist dessoubz le mantel sa mere et commencza a allaicter sa mamelle; et ainxin qu’il eut descouvert [le corps], il le vit ainxi bel et ainxi coulouré comme si la mere vesquist, et estoit ainxi grant de son aage comme un aultre enfant peust estre. Le duc se mervoilla moult
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180. et aultres veuz ou le sauvours avoit esté. Correction d’après P, dont nous conservons la graphie. – 182. do lui. – 187 - 188. et ainxin qu’il eut desc. il le vit ainxi bel. Correction d’après P. 165. celle roche] omis dans P. – 165. point fere. – 165 - 166. mais couvr. le corps et laissierent l’enfant avec dess. le mantel. – 166 - 167. Le duc (...)] et le duc commanda a Marie le corps et l’enfant et se mist en son ch. – 167 - 168. Si comme (...) il encontra] et comme ilz furent arrivez au port le pellerin se mist hors de la mer et puis qu’il ot alé par terre ne sçay quans jours, il eut en son encontre. – 168 - 173. et comme (...) et en mer] et comme saint Pere vist le signe de la croix il eut grant joye car il pensa que la foy Jh. estoit preschie dont il venoit et de quel païs et le duc lui raconta tout ce que advenu lui estet (suivi d’un pied-de-mouche). – 173. le conforta et lui dist en telle maniere. – 174. mes persevere] aies perseverance. – 175. et aies pacience se ta femme dort et se l’enfant se rep. – 176. tout puissant] puissant. – 177 - 178. Il puet conv. (...) et grant liesce] et puet pleur convertir en joye. – 178. fist il. – 178. sergent. – 178. et je te meneray. – 179 - 180. le conduist en Jh. et es autres lieux devots ou le sauveur avoit esté. – 180. raconta. – 181. comment il nasqui. – 181. et mis en sep.] et ou il fut mis ou sepulcre, etc. – 181 - 182. Aprés (...)] et aprés ce qu’il eut esté avec saint Pere par l’espace de deux ans il print congié de saint Pere. – 183. Or avint] précédé d’un pied-de-mouche. – 183. le voulst] voult. – 183 - 184. que la nef vint a la roche. – 185 - 186. Si comme (...) l’enfant le vit] et vist l’enfant qui se jouoit a la rive de la mer lequel tantost comme il l’ot veu. – 186. dessoubz] soubz. – 187. a teter sa mam. (suivi d’un pied-de-mouche). – 187 - 189. et ainxin (...)] le duc se merveilla moult de ce que il vist et ainsi comme il eut desc. le corps il le vist aussi coul. et aussi fraiz comme se elle vesquist et l’enfant grant de son aage et aussi bel comme enfant peut estre. – 189 - 190. Le duc (...)] adonc le duc se laissa cheoir.
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de ce qu’il vit et se lessa choirs a terre et rendit graices a Dieu et a Marie Magdelaine, et disoit ainxin : « Dieux, tant ge fusse joieux si ma fame s’en peust retourner aveques moy en mon païs, quar ainxi comme tu as gardé l’enfant et nourri deux ans en ceste roche, je ne doubt pas que auxi puez tu faire que la mere me soit rendue. » Et tantoust, celle qui estoit morte commencza a supirer et gemir comme si el se esvoillast de dormir, et dist en ceste maniere : « Glorieuse et beneuree Marie Magdelaine, tant [es tu] de grant merite plaine ! Tu m’as servie a l’enfantement de mon enfant et a touz mes besoings m’as secouree. » Adont le duc se escria en ceste maniere et dist : « Ma treschiere compaigne et amie, vivez vous ? – Oïl vroyment », dist el, « ge vif et viens de pelerinage d’aveques vous. » Adont el commencza a racompter [61 v°] touz les lieux et les veages ou saint Pere les avoit menez et comment il avoit esté o eulx, et nommoit touz les lieux si bien que nul ne peust mieulx et racomptoit les parolles que saint Pere et son mary avoint dictes ensemble. Le duc et sa fame s’en vindrent a Marsaille et compterent a Marie Magdelaine tout ce que lour estoit avenu et rendirent graices a Dieu et a elle, et furent moult bons crestiens et vesquirent en boens eupvres. Nous debvon ceste saincte Magdelaine aver en memoire et garder et honnourer sa feste comme celle d’un appoustre et faire eupvre parquoy el nous soit aideresce envers Dieu, qui si beau pardon lui fist par son beau repentement et par la contriction de ses pechiez. Le beau pardon que Noustre Signour donna a Marie Magdelaine nous veille donner a touz et a toutes par sa misericorde. Amen.
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196. tant tu es de grant merite pl. Syntaxe peu convaincante (toutefois, on aurait aussi pu adopter la variante de P). 191. et disoit ainxin] omis dans P, qui introduit les paroles du duc au moyen d’un pied-de-mouche. – 191 - 192. Dieux (...)] comme je feusse liez et mon desir seroit acomply, dist il, et toutes choses me seroient venuz a souhait se ma femme s’en povoit ret. en men païs avec moy et je sçay bien car aussi comme tu as g. l’enfant en vie et l’as nourry. – 193. je ne doubte mie car aussi bien puez tu fere parmi tes prieres que la mere me soit r. – 194. et ce dit tantost. – 194 - 195. a souppirer aussi comme se elle se feust esveillee de dormir et dist en telle man. – 196. tant (...) plaine] comme tu es de grant mer. – 197. et en tous mes bes. tu m’as secourue. – 197 - 198. Adont (...)] comme le duc ot ce oÿ et veu si s’escria en telle man. – 198. ma chiere comp. vivez vous. – 199. je vifs dist elle. – 199. d’aveques vous] avecques vous. – 199 - 200. Adont (...) et les veages] si commença a raconter comment elle avoit esté en tous les lieux. – 201 - 204. et comment (...)] et comme elle avoit esté par tout et descrivoit si bien les lieux comme nulz homs peut faire. Ainsi retourna le duc a Marceille a grant joye et raconta a Marie tout ce qui leur estoit advenu. – 205. moult bons] bons. – 205. et vesqu. en bonnes euvres. Explicit de Marie Magdalene (les lignes de conclusion qui suivent dans R n’apparaissent pas dans P).
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IV. autres versions
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Trèves, Stadtbibliothek/Stadtarchiv, Mappe VIII (n° 27)
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27. Trèves, Stadtbibliothek/Stadtarchiv (Mappe VIII ; fragment) Le petit feuillet de parchemin extrait d’une reliure (ca 145 x 100 mm) et conservé à la Stadtbibliothek/Stadtarchiv de Trèves (Mappe VIII) contient au recto et au verso 78 vers d’un gracieux poème relatant la légende de Marie-Madeleine. Composé de strophes dites « couées » (8 a 8 a 4 b 8 a 8 a 4b), il présente de nombreuses irrégularités métriques, ce qui donne à penser que son auteur était Anglo-Normand, comme le scribe qui a retranscrit ces deux pages, dans une écriture cursive livresque de type anglais. Celles-ci rendent compte de la structure du texte par la disposition qu’elles adoptent : pour chaque demi-strophe, le copiste aligne les vers longs sur la gauche du feuillet et les relie par un trait ondulé rouge au vers court placé sur la droite, entre les deux octosyllabes auxquels il se rattache1. Par l’analyse des rimes, A. Schmidt2 date le poème du milieu du XIIIème siècle au plus tôt. Contrairement aux arguments qu’il énonce, et que G. Doncieux (p. 269) reprend, aucune des données linguistiques présentes dans le texte ne permet toutefois de dater celui-ci. Qu’elles concernent la langue de l’auteur ou la scripta du manuscrit, les particularités mentionnées dans ces articles sont en effet toutes de nature dialectale et leur délimitation temporelle n’est guère possible. Le fragment débute par les derniers mots de la prière adressée à Marie-Madeleine par le pèlerin avant son départ de Marseille, puis relate le voyage en mer, l’arrivée chez Pierre à Rome, les paroles de réconfort de l’apôtre au mari endeuillé, la visite des lieux saints et le retour au pays après deux ans. Il se termine par la rapide évocation de la découverte de l’enfant jouant sur le rivage qui court se cacher auprès de sa mère. La brièveté du passage, qui ne présente aucun détail narratif propre, ne permet pas de rattacher le poème avec certitude à l’une ou l’autre des autres versions latines ou françaises que nous connaissons. Publié une première fois avec fac-similé par M. Keuffer, mais dans une retranscription truffée d’erreurs qu’ont relevées A. Schmidt et W. Förster3, il a été reproduit sans modifications par Hermann Suchier4, puis dans une version « restituée »
1 Le procédé est familier aux copistes anglo-normands, cf. G. Doncieux : « Fragment d’un miracle de sainte Madeleine. Texte restitué », Romania, t. 23, 1893, pp. 265 - 270 (p. 265), mais il est loin de se restreindre à leur production (voir par exemple Album de manuscrits français du XIIIe siècle : mise en page et mise en texte, par M. Careri et al., Rome, Viella, 2001, n° 7, et Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, sous la dir. de H.-J. Martin et J. Vezin, [Paris], Éd. du Cercle de la Librairie-Promodis, 1990, planches n° 104 et 105, qui donnent plutôt à penser qu’il prolonge certaines techniques auxquelles recourt la tradition manuscrite latine). 2 A. Schmidt, « Guillaume, le clerc de Normandie, insbesondere seine Magdalenenlegende », Romanische Studien, 4. Bd, 1879 - 1880, pp. 493 - 542. 3 M. Keuffer, Festschrift zur Begrüßung der XXXIV. Versammlung deutscher Philologen und Schulmänner dargebracht von dem Königlichen Gymnasium und der Städtischen Realschule 1.0. zu Trier, Trier, Lintz, 1879 ; W. Förster, Literatur Centralblatt, 21, 1880. 4 « Bruchstück einer anglonormannischen Magdalena », Zeitschrift für romanische Philologie, 4. Bd, 1880, pp. 362 - 364.
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par G. Doncieux, qui en corrige, parfois abusivement, les « fautes grossières » (p. 266). Nous choisissons quant à nous de donner accès au texte sans intervention autre que la restitution, entre crochets carrés, des lettres disparues suite à la rognure de la marge latérale (fin des vers à quatre syllabes pour le recto ; initiale des octosyllabes pour le verso).
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[…] Oncore vostre Deu priez Ke l’enfant ore nez Seit gari. De l’ame la mere eit pitez, Si la meine a sauvetez Par sa merc[i]. » ¶ Aprés ceo est il eschipé, En haute mer tant ad siglé Ke a terre Venuz est e arivé, Moun seint Pere ad encuntré Ke sun afe[re] Enquist e pur quei fust venu, Kar la croiz ad aparceü K’il porta E par tant l’i ad coneü. Il dist ke conseil ad eü, De peça, Seint Pere a Roume querre, De lui oïr e enquerre Dreite crea[nce], Mes einz k’il le poüt parfere, En mer soffri meint contrere E mescha[ance]. Ses enuis touz li conta E seint Pere lui conforta Boneme[nt] : « Cil », dist il, « ki te flaela Totes tes pertes te restora Ne dute [...]; Mes ke ta feme seit endormie, Tost te purra il aïe Enveer [...] Par la requeste de Marie Ke porra toen fiz en sauve vie Bien g[arder]. »
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11. Le scribe a-t-il voulu écrire Monseigneur, avant de s’aviser que cette forme entraînerait un excédent métrique, ou l’adverbe Mes, sans prendre conscience de son erreur ou la rectifier ? – 19. Les deux dernières lettres de ce vers sont effacées, mais on devine néanmoins la forme qu’elles revêtent. – 30. G. Doncieux propose ici Ne dute nent, mais si la lecture du dernier mot demeure incertaine, il ne s’agit en tout cas pas de celle qu’il suggère.
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Puis li ad la foi preché E a la seinte terre mené Si lui [...] [L]es lius ou Jhesus out esté [E] meint miracle out moustré, Ou il precha, [O]u aveit esté pené, [O]u de mort fu relevé, Ou apparut, [P]ar ou il fuit au ciel mounté, [O]u le Seint Espir ad enveié Par ki encrut [L]a foy e la dreite creance [K]i les bons crestiens avance A la douçour [D]e seinteté e de penance [K’] entre hom e Deu fet aliance De fin amour. [T]ant ad seint Pere enseigné [C]eo pelerin e amené A seint lius [K]e deus anz sunt ja passé [K’] il ad of lui iloekes esté E aukes pluis. [D]esore s’en voudra retorner [A] sa terre, e a la mer Est ja venuz. [V]ent a bon e plener, [L]a mer comence a trespasser, Se ad aparceuz [L]a roche ou sa feme lessa. [C]il illoekes aler voudra Por querre [no]vele. [Q]uant a la terre aprocha, [U]n enfant vit ki se jua
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39. G. Doncieux complète ce vers au moyen du parfait moustra. – 55. Le manuscrit comporte asseigné, participe dont le copiste a exponctué à l’encre brune les deux premières lettres, remplacées par en. Un point rouge dans la marge laisse penser qu’un pied-de-mouche figurait à cet endroit. – 56. Dans le meilleur des cas, la correction de G. Doncieux, Cel pelerin e l’a mené, se justifie pour le démonstratif par lequel ce vers commence. – 69. Le début du dernier mot est couvert d’une tache d’encre.
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Trèves, Stadtbibliothek/Stadtarchiv, Mappe VIII (n° 27)
Of la gravele. [Q]uant il prendre le voleit, [L’]enfant fuï, si se musceit Delez sa mere, [E] quant il i vint, une dame troveit [B]ien colouree, si appareit K’endormi ere [...]
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77. apparieit, premier i exponctué à l’encre rouge.
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York, Minster Library and Archives, ms. XVI.K.13 (n° 28)
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28. York, Minster Library and Archives, ms. XVI.K.13, f° 135 r° / v° (numérotation moderne ; fragment) Ce fragment, dont il n’existe à ce jour qu’une seule édition, peu accessible1, a été copié au dernier folio d’un manuscrit d’origine insulaire, mutilé en deux endroits, et daté entre la fin du XIIIème (H. Petersen) et le début du XIVème siècle (É. J. Fr. Arnould, F. Spencer)2. Composé de 128 feuillets de parchemin (sans les pages de garde ; ca 205 x 130 mm) rédigés sur une colonne de 28 lignes en moyenne, en écriture cursive livresque anglaise, il contient pour l’essentiel les 6700 premiers vers du Manuel des Péchés, qui présentent souvent des variantes uniques. Ce texte est suivi de la vie de saint Eustache en vers décasyllabiques par Guillaume de Ferrières et d’un poème anonyme sur sainte Marguerite en sizains d’alexandrins monorimes qui précède directement la vie de Marie-Madeleine. Celle-ci ne présente aucune décoration, si l’on excepte l’emplacement prévu au début pour une initiale ornée qui n’a pas été peinte. Le premier vers de chaque strophe comporte une lettrine. Unis cinq par cinq, les alexandrins monorimes comportent de très nombreuses irrégularités métriques, renforcées par une scripta (anglo-normande) qui modifie sans doute encore le décompte de certains vers. Comme pour la majorité des autres rédactions versifiées des vies de Marie-Madeleine, nous avons donc affaire à une composition originaire de l’Ouest, et copiée dans un manuscrit insulaire. Le poème commence par relater la rencontre du Christ avec (Simon-)Pierre et André. Le récit est calqué sur celui de Matthieu 4, 18 - 19 (cf. aussi Marc 1, 16 - 17 et Luc 5, 1 - 2) pour la strophe 2. La suite de cet épisode (pêche et abondance des poissons) s’inspire de Luc 5, 1-11. On comprend peut-être le surprenant rapprochement des deux disciples avec Marie-Madeleine par la réaction de Pierre, dans Luc 5, 8 (qui n’apparaît toutefois pas dans le poème), puisqu’à la vue de la profusion de poissons, celui-ci serait tombé aux genoux de Jésus et lui aurait dit : « Seigneur éloigne-toi de moi, car je suis un pécheur. » Mais c’est surtout la bonne creance réclamée par le poète qui lie les premiers apôtres à Marie-Madeleine, comme aux seigneurs contemporains (cf. vers 5, 17, 18 et 24). Il est reproduit dans l’ouvrage de M. A. Klenke, Three Saint’s Lives by Nicholas Bozon, Saint Bonaventure, Franciscan Institute, 1947 (Franciscan Institute Publications. History Series, 1), pp. XX - XXII (voir présentation du n° 13). 2 Il serait « un peu antérieur au dernier quart du XIIIème siècle », d’après H. Petersen, « Trois versions inédites de la légende de saint Eustache en vers français. II. Version de Guillaume de Ferrières (York, Bibliothèque du Chapitre, XVI. K. 13) », Romania, t. 51, 1925, pp. 363 - 396 (p. 365), qui le décrit et édite le poème sur saint Eustache. Voir aussi É. J. Fr. Arnould, Le Manuel des Péchés: étude de littérature religieuse anglo-normande (XIIIeme siècle), Paris, É. Droz, 1940, p. 392, et F. Spencer, « The Old French Manuscripts of York Minster Library », Modern Language Notes, vol. 3, 1888, col. 488 - 495, part. 494 495. Pour ce manuscrit que nous n’avons pas consulté, nous tirons l’essentiel de nos informations de ces articles. Nous renvoyons également à C. G. Laird, « Mss. of the Manuel des Pechiez », Stanford University Studies in Language and Literature, 1941, pp. 99 - 123, que nous n’avons pas pu nous procurer non plus. 1
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Notre sainte n’apparaît qu’à la cinquième strophe. Le texte tronqué ne parle que brièvement d’elle et nous apprend sa haute origine, puis mentionne l’héritage reçu au décès de ses parents. Dans de telles conditions, aucun rapprochement n’est donc envisageable avec le reste de notre corpus.
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La vie seinte Marie Magdalene [S]eignurs ke Deu amez, en lui aiez fiance. Si jeo parol a vus, ne vus seit en pesance : Verité vus en dirai par grant signefiance. Ki ben creit en Deu, gariz est sanz dotance; Li plusurs sunt salvé par veroy creance.
Qi de ceo est en doute, par ensample voil mustrer Com ce fu chose ke Jhesu le doz ber Ala vers Galilee de joste cele mer. Dous freres vit q’aloient a lur reis pur pescher; Li uns out Peres a non, li altre Andreu li ber. Si ren en pusent prendre, Jhesu a demandé. Peres li respondi : «Nus eimes travaillé; Ne poüm prendre vaillant un dener meneé ». Ke a destre espandent lur reis, ce lur ad rové, E il issi le firent, si unt asez trové. Tant i pristrent pesson, ne pout estre nombrez; Pur lur verei creance unt issi espleitez. Pur ceo vus di, seignors, creance bone aiez, E si vus avendra tuz jurs de mielz en mielz, Car s’il n’eusent creance, donc fusent perilez.
Si vus plest entendre, ja porrez oïr D’une pituse dame dunt ai en desir De mustrer sa vie, come ele sout Deu pleisir Par sa bone creance e par son bon repentir; Pernez i ensample cum devez Deu servir.
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Seignurs, pur Deu amur, escutez un petit,
Dirai vus d’une dame ceo q’en trovai escrit, Ceo est seinte Marie Magdalene, ke dit Ke fu nee e nurie en Magdala la cit; Ki de bon quor l’esculte, a bon ore la vit.
La dame dunt l’estorie ai ici comencee
Fu nee en Magdala, de mult haut lignee,
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19. en a été ajouté par le copiste au-dessus de la ligne.
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Corteise e afeité, e ben ert enseignee; De sa beuté parolent par tote la contree. Ore est par sa seinteé en tere honoree.
De ceste chere dame dunt jeo fas ceste treité, Ke fu nee en Magdala de riche parenté, Si parent furent riche e de grant largeté, Terres urent asez, chastel, burcs a plenté. Aprés lur mort reçut la dame l’erité.
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De ceo fist ke fole, ke pur nul home né ne lessa ele a fere ren de sa volenté [...]
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Iconographie L’adaptation en français des légendes latines sur sainte Marie-Madeleine s’est doublée dans une grande partie de nos manuscrits d’un programme iconographique. Ainsi, plus de la moitié des versions de la Légende dorée sont illustrées. Cette caractéristique est sans doute un des traits les plus marquants du passage d’une langue à l’autre, elle révèle à elle seule la destination des rédactions vulgaires, manifestement exécutées pour certaines à l’attention d’un public aristocratique nanti1. Les luxueux volumes qui conservent la traduction par Jean de Vignay sont les témoins les plus connus de ce phénomène2. Mais celle de l’Adbreviatio de Jean de Mailly et, plus encore, les légendiers contenant les versions no 6 et 7, comportent des illustrations que seule une analyse globale permettrait d’apprécier à leur juste valeur. Il est évident qu’une enquête approfondie mettrait en lumière de nouveaux liens entre certaines copies. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, dans la traduction par Jean de Vignay, seuls P5 et N réunissent dans la même miniature les deux scènes de l’onction des pieds du Christ et de la retraite érémitique, dans un dispositif très proche. Cette superposition exprime des rapports étroits que ne dévoilent pas les variantes textuelles. Nous nous sommes limités pour notre part à inventorier les sujets des illustrations des vies de Marie-Madeleine. Nous proposons deux tableaux récapitulatifs, classés l’un par versions, l’autre par motifs représentés. Comme les notices des manuscrits contiennent des descriptions précises, nous ne désignons ici que par un terme général les scènes concernées. Quelques observations s’imposent. Les motifs des enluminures qui inaugurent la légende de Marie-Madeleine sont variés. Les thèmes liés à la vie évangélique sont les plus fréquents : Marie-Madeleine portant une boîte d’onguent, l’onction des pieds, la rencontre avec le Christ ressuscité et les trois Marie au Tombeau. La retraite érémitique apparaît aussi sous des représentations diverses (découverte par l’ermite, la sainte devant une grotte, l’élévation par les anges), alors que le miracle de Marseille, pourtant abondamment illustré dans les deux manuscrits « cycliques » (voir infra), n’est guère au nombre des sujets choisis. 1 Précisons toutefois que l’iconographie ne prouve bien sûr pas toujours une destination profane. À témoin, l’initiale historiée par laquelle débute la vie de Marie-Madeleine dans le manuscrit de Leyde, Universiteitsbibliotheek, B.P.L., 46A (n° 1), dont le colophon situe la production dans un prieuré bénédictin. Pour les exemplaires de ce type, la rareté même des éléments picturaux, aussi frustres soient-ils, en rend la présence significative et atteste la mise en valeur de certains saints. 2 L’étude iconographique de cette tradition a été menée par H. E. Maddocks, The Illuminated Manuscripts of the Légende Dorée. Jean de Vignay’s Translation of Jacobus de Voragine’s Legenda Aurea, University of Melbourne, sans date. Pour d’autres références bibliographiques, voir notre présentation du n° 14.
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Dans la traduction par Jean de Vignay, le premier (« boîte d’onguent ») est le plus courant, et il apparaît dans des exemplaires qui développent des variantes textuelles communes. Il figure cependant aussi dans d’autres rédactions. Comme dans les suffrages de livres liturgiques ou dévotionnels par exemple, la sainte est représentée en pied, elle est parfois placée dans un décor et peut être accompagnée de personnages. Le traitement de cette image est intéressant : le corps de MarieMadeleine est recouvert d’une robe et, à de rares exceptions près3, ses cheveux sont cachés par un voile. L’ancienne prostituée est ainsi dépeinte en pénitente. Ce portrait iconique, situé hors de contexte narratif, où le pot à onguent fonctionne comme attribut, fait aussi référence à l’onction du Christ mort et efface radicalement la sensualité de la scène de Béthanie. Si la sainte porte d’ailleurs le voile sur la plupart des enluminures figurant d’autres sujets, dans les scènes de l’élévation par les anges des manuscrits C (n° 7) et P9 (n° 14) et de la mort de Marie-Madeleine de L6 (n° 14), les longs cheveux de la femme couvrent le corps jusqu’aux pieds, traitement qui rappelle les images de Marie l’Égyptienne. Dans la miniature de N (n° 14), en revanche, la nudité de la sainte est exposée au regard. L’ « onction des pieds »4 montre le Christ derrière une table couverte d’ustensiles et de mets. Jésus s’adresse à ses disciples situés de part et d’autre. Marie-Madeleine, agenouillée ou étendue au premier plan, essuie les pieds de ses cheveux. La mise en scène rappelle fortement tant les évocations de la Cène que celles du Lavement des pieds des disciples. La contamination des épisodes révèle ainsi, par l’image, la signification de la première rencontre de Marie-Madeleine avec le Christ, où l’onction est présentée par Jésus comme l’annonce de sa mort5. On remarque que les enlumineurs font aussi allusion à l’étymologie, très furtivement évoquée chez Jacques de Voragine mais absente des textes français6, qui associe le nom de Madeleine aux tours. Ainsi, dans le manuscrit P5 de la traduction par Jean de Vignay (n° 14), un tel édifice se dresse ostensiblement sur une colline ; dans N, P9 de cette même version, ce sont des châteaux garnis de tours qui s’y distinguent7. Dans les scènes où la sainte est seule avec Jésus (rencontre avec le Christ ressuscité, bénédiction de Marie-Madeleine), on peut observer que les personnages Marie-Madeleine a les cheveux libres dans les seules enluminures des n° 1 (L) et n° 14 (B3, B4, Mu). L’expression, qui reste maladroite, est à entendre dans son sens littéral. Il est à relever que l’onction de la tête de Jésus n’est jamais représentée. 5 La mise en parallèle des scènes de l’onction et des trois Marie dans la miniature à deux compartiments de Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 185, exprime la même idée (manuscrit hybride des versions no 6 et 7). 6 « uel Magdalena interpretatur turrita uel magnifica » (§ 10) (« ou bien encore, ‘Madeleine’ se comprends comme ‘munie de tours’ ou ‘magnifique’ »), que Jean de Vignay traduit cependant par « ou ’garnie’ ou ‘loee’ » (l. 19). L’étymologie est déjà évoquée chez Isidore de Séville, Etymologies, VIII, 10, 3, et apparaît chez plusieurs auteurs. 7 Pour Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 13496 (n° 9) et P3 de la version n° 6, les tours qui bordent la scène peinte sont toutefois un cadre architectural courant dans les miniatures. 3 4
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sont souvent séparés par un arbre8. La fréquence de ce motif, dans des versions indépendantes les unes des autres, invite à tenter une interprétation ; la croix que Jésus porte dans certaines de ces mêmes images nous en suggère peut-être une9 : l’arbre est autant le souvenir de la faute originelle en Éden que l’annonce de la crucifixion du Christ, qui rachète cette faute. Or, Marie-Madeleine est la figure qui concentre en son parcours humain ces deux moments du devenir chrétien. De femme pécheresse, elle devient porteuse de l’espoir du pardon. Enfin, il existe des cycles d’images retraçant les étapes de la vie de MarieMadeleine (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 409 (n° 18) et Vente Drouot (n° 12 (?)). Ces deux séries, indépendantes l’une de l’autre, apparaissent dans des exemplaires tardifs qui sont des recueils de dévotion personnelle.
Classement par version N° 1 A : Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3516, 1267 ; miniature découpée. L : Leyde, Universiteitsbibliotheek, B.P.L., 46A ; initiale historiée : Marie-Madeleine portant une boîte d’onguent. P1 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 422 ; miniature à deux compartiments : Marie-Madeleine confiée à saint Maximin (?) ; arrivée en bateau à Marseille. Initiale historiée : rencontre de la sainte avec le Christ ressuscité. N° 2 Ly : Lyon, Bibliothèque municipale, 867 (772) ; miniature : rencontre de la sainte avec le Christ ressuscité. P3 : Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acqu. fr. 23686 ; miniature quadripartite : élévation de Marie-Madeleine par les anges ; rencontre avec l’ermite ; communion par Maximin ; mort de Marie-Madeleine. Le manuscrit conservé à Saint-Pétersbourg (Bibliothèque de l’Académie des sciences de Russie, F. 403), contient des enluminures, mais il n’est pas précisé si la vie de Marie-Madeleine en possède une. N° 5 P : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19525 ; initiale historié : MarieMadeleine portant une boîte d’onguent (phylactère sur lequel son nom se déploie). 8 Il s’agit des enluminures de : P1 (n° 1), C, G, O, P4 (n° 6), P3 (n° 6), Londres, British Library, Add. 17275 et Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 183 (manuscrits hybrides des versions n° 6 et 7), P (n° 10) et Ch (n° 14). L’arbre est placé derrière Marie-Madeleine dans P1 (n° 1), Ly (n° 5) et G (n° 7). 9 N° 7 : C, G, O ; manuscrits hybrides des versions no 6 et 7 : Londres, British Library, Add. 17275 ; n° 10 : P.
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N° 6 B2 : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10326 ; miniature : onction des pieds du Christ. C : Copenhague, Det Kongelige Bibliotek, Thott 517-4° ; lettre historiée : élévation de Marie-Madeleine. P3 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 6447 ; miniature : rencontre avec le Christ ressuscité. N° 7 M : Paris, Bibliothèque Mazarine, 1716 (568) ; miniature découpée. C : Chantilly, Musée Condé, 734 (456) ; miniature : onction des pieds du Christ ; initiale historiée : rencontre avec le Christ ressuscité. G : Genève, Bibliothèque de Genève, Comites latentes 102 ; miniature : onction des pieds du Christ ; initiale historiée : rencontre avec le Christ ressuscité. O : Oxford, Queen’s College, 305 ; miniature : rencontre avec le Christ ressuscité. P4 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 17229 ; lettre historiée : rencontre avec le Christ ressuscité. P6 : Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. fr. 13521 ; miniature : onction des pieds du Christ. Manuscrits hybrides des versions no 6 et 7 (cotes de la version n° 6) B1 (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9225 ; miniature en deux scènes : mort de la femme de Marseille (déploration sur le bateau et ensevelissement sur l’île). L1 (Londres, British Library, Add. 17275 ; miniature : rencontre avec le Christ ressuscité. P1 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 183 ; miniature : rencontre avec le Christ ressuscité. P2 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 185 ; miniature à deux compartiments : onction des pieds du Christ ; les trois Marie devant l’ange du Tombeau. N° 9 P : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 13496 ; miniature : onction des pieds du Christ. N° 10 P : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 20330 ; initiale historiée : rencontre avec le Christ ressuscité.
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N° 12 M : Modène, Biblioteca Estense Universitaria, etr. 116 (d.T.4.14) ; miniature : Marie-Madeleine devant une grotte reçoit une hostie de Maximin. (D) : Manuscrit vendu à l’Hôtel Drouot (16 décembre 1994) ; 14 miniatures : Marie-Madeleine, la sainte avec ses compagnons d’exil ; apparition de MarieMadeleine, abandon de la femme morte en couches, vision du pèlerin (?), le couple et l’enfant aux pieds de la sainte à Marseille ; apparition de Marie-Madeleine à l’ermite ; arrivée des reliques à Vézelay ; six miracles : chevalier mort sans confession, la femme enceinte sauvée de la noyade, l’aveugle, pécheur repenti, libération du prisonnier, absolution du clerc Étienne. N° 14 A : Arras, Bibliothèque municipale, 83 (630) ; miniature : Marie Madeleine tenant une boîte d’onguent, agenouillée aux pieds du Christ ressuscité. B1 : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9226 ; miniature : Marie-Madeleine portant une boîte d’onguent. B3 : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9228 ; miniature : Marie-Madeleine portant une boîte d’onguent. B4 : Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9282 - 9285 ; miniature : MarieMadeleine portant une boîte d’onguent. C : Cambridge, The Fitzwilliam Museum, Mc Lean 124 ; miniature : Marie-Madeleine portant une boîte d’onguent. Ch : Chantilly, Musée Condé, 735 (1335) ; initiale historiée : Marie-Madeleine agenouillée, mains jointes tendues vers le Christ bénissant debout devant elle. G : Genève, Bibliothèque de Genève, fr. 57 ; miniature : Marie-Madeleine portant une boîte d’onguent. J : Jena, Thüringer Universitäts- und Landesbibliothek, Ms. El. f. 86 ; miniature : Marie-Madeleine portant une boîte d’onguent. L1 : Londres, British Library, Add. 16907 ; initiale historiée : Marie-Madeleine portant une boîte d’onguent. L4 : Londres, British Library, Royal 19. B. XVII ; miniature : Marie-Madeleine portant une boîte d’onguent. L6 : Londres, British Library, Yates Thompson 49, 2 ; miniature : Marie-Madeleine enveloppée de ses cheveux reçoit la communion de Maximin. Mu : Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Gall. 3 ; miniature : Marie-Madeleine portant une boîte d’onguent s’adresse au couple de Marseille. N : New York, Pierpont Morgan Library, 674 ; miniature : onction des pieds du Christ et Marie-Madeleine devant une grotte.
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P1 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 184 ; miniature : Marie-Madeleine portant une boîte d’onguent et un livre. P2 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 241 ; miniature : Marie-Madeleine portant une boîte d’onguent, entourée de Marthe et de Lazare. P3 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 242 ; miniature : onction des pieds du Christ. P5 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 244 ; miniature : onction des pieds du Christ et Marie-Madeleine devant une grotte. P6 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 414 ; miniature : Marie-Madeleine portant une boîte d’onguent. P9 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 6448 ; miniature : élévation de Marie-Madeleine. R : Rennes, Bibliothèque municipale, 266 ; miniature : onction des pieds du Christ. Manuscrit ayant appartenu à la bibliothèque J. Günther à Hambourg ; lettre historiée probable, mais contenu indéterminé. N° 16 L : Lille, Bibliothèque municipale, Rig. 452 (795) ; miniature : élévation de MarieMadeleine par les anges. N° 17 T : Tournai, Bibliothèque locale et principale de la Ville, 127 ; miniature : MarieMadeleine portant une boîte d’onguent. N° 18 P1 : Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 409 ; douze lettres historiées : Marie-Madeleine agenouillée aux pieds du Christ ressuscité ; voyage de la sainte et de ses compagnons ; prédication au peuple de Marseille ; prédication au couple ; apparition de Marie-Madeleine ; départ du couple en pèlerinage ; ensevelissement de la femme et de l’enfant ; le prince et son fils devant la dame endormie ; retour des époux et de leur fils dans la nef ; le couple princier aux pieds de Marie-Madeleine ; la sainte agenouillée devant saint Maximin qui la bénit ; mise au tombeau. N° 20 L : Londres, British Library, Royal 20. B. II ; miniature : Marie-Madeleine portant une boîte d’onguent.
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Classement par motif Nous enregistrons les motifs par ordre de fréquence, puis, pour ceux qui n’apparaissent qu’une fois, en suivant la chronologie du récit. Les deux manuscrits contenant un cycle d’enluminures (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 409 (n° 18) et Vente Drouot (n° 12 (?)) n’ont été intégrés dans cet index que pour les motifs apparaissant dans d’autres vies de Marie-Madeleine. Marie-Madeleine portant une boîte d’onguent : N° 1 : L N° 5 : P (phylactère) N° 14 : A (agenouillée aux pieds du Christ ressuscité), B1, B3, B4 (intérieur) C, G, J (paysage extérieur), L1, L4, Mu (s’adresse au couple de Marseille), P1 (livre), P2 (entourée de Marthe et de Lazare), P6 N° 17 : T N° 20 : L (couvent ?) Rencontre avec le Christ ressuscité : N° 1 : P1 N° 2 : Ly N° 6 : P3 N° 7 : C, G, O, P4 Manuscrits hybrides des versions no 6 et 7 : L1, P1 N° 10 : P N° 14 : A, Ch N° 18 : P1 Onction des pieds du Christ : N° 6 : B2 N° 7 : C, G, P6 Manuscrits hybrides des versions no 6 et 7 : P2 N° 9 : P N° 14 : N, P3, P5, R Élévation de Marie-Madeleine par les anges : N° 2 : P3
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N° 6 : C N° 14 : P9 N° 16 : L Marie-Madeleine devant une grotte : N° 12 : M N° 14 : N, P5 Marie-Madeleine reçoit la communion de Maximin : N° 2 : P3 N° 12 : M N° 14 : L6 Mort de la femme de Marseille : Manuscrits hybrides des versions no 6 et 7 : B1 N° 12 : (D) N° 18 : P1 Rencontre avec l’ermite : N° 2 : P3 N° 12 : (D) Les trois Marie devant l’ange du Tombeau : Manuscrits hybrides des versions no 6 et 7 : P2 Marie-Madeleine confiée à saint Maximin (?) : N° 1 : L Arrivée en bateau à Marseille : N° 1 : L Ensevelissement de Marie-Madeleine : N° 2 : P3
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Liste alphabétique des manuscrits employés dans les éditions
Arras, Bibliothèque municipale, 83 (630), f° 152 b - 158 a (n° 14) Besançon, Bibliothèque municipale, 254, f° 165 v° - 185 v° (n° 8) Bologne, Biblioteca universitaria, 893, f° 6 r° - 76 r° (n° 25) Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9225, f° 58 d - 61 f (n° 6 / 7) Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9226, f° 151 d - 155 c (n° 14) Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9227, f° 172 b - 176 b (n° 14) Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9228, f° 163 c - 167 b (n° 14) Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9282 - 9285, f° 152 c - 156 b (n° 14) Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10203, f° 104 b - 110 c (n° 16) Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10295 - 304, f° 113 v° - 116 r° (n° 3) Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10326, f° 251 c - 257 c (n° 6) Cambrai, Médiathèque municipale, 210 (205), 2ème partie, f° 53 c - 56 b (n° 16) Cambrai, Médiathèque municipale, 812 (719), f° 203 d - 207 b (n° 16) Cambridge, The Fitzwilliam Museum, Mc Lean 124, f° 121 a - 124 b (n° 14) Chantilly, Musée Condé, 734 (456), f° 275 a / b - 279 a (n° 7) Chantilly, Musée Condé, 735 (1335), f° 186 a / b - 190 d (n° 14) Copenhague, Det Kongelige Bibliotek, Thott 517-4°, f° 22 v° - 38 r° (n° 6) Cracovie, Biblioteka Jagiellonska, Ms. Berol Gall. Fol. 156, f° 190 b - 194 d (anc. 187 b - 191 d) (n° 17) Épinal, Bibliothèque municipale, 76 (9), f° 60 b - 61 d (n° 2) Florence, Biblioteca Medicea-Laurenziana, Med. Palat. 1412, f° 176 r° - 179 r° (n° 17) Genève, Bibliothèque de Genève, Comites latentes, 102 (ex-Cheltenham, Bibliothèque Phillipps, 3660), f° 302 c - 306 c (n° 7) Genève, Bibliothèque de Genève, fr. 57, f° 192 a - 196 d (n° 14) La Haye, Koninklijke Bibliotheek, 73.E.6, f° 59 v° - 67 r° (n° 14) Jena, Thüringer Universitäts- und Landesbibliothek, El. f. 86, f° 149 a - 152 c (n° 14) Leyde, Universiteitsbibliotheek, B.P.L., 46A, f° 11 a - 16 b (n° 1) Le Puy-en-Velay, Grand Séminaire, f° 128 (137) b - 131 (140) b (n° 10) Lille, Bibliothèque municipale, Rig. 451 (202), 139 v° - 143 r° (n° 2) Lille, Bibliothèque municipale, Rig. 452 (795), f° 399 b - 406 c (n° 16) Lille, Bibliothèque municipale, Rig. 454 (350), f° 85 v° - 89 r° (foliotation moderne) (n° 22) Londres, British Library, Add. 6524, f° 165 v° - 168 v° (n° 6) Londres, British Library, Add. 16907, f° 147 c - 151 b (n° 14)
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Liste alphabétique des manuscrits
Londres, British Library, Add. 17275, f° 37 b - 40 d (n° 6 / 7) Londres, British Library, Add. 41179, f° 6 r° - 11 v° (n° 7) Londres, British Library, Add. 70513 (ex-Welbeck Abbey, duc de Portland, 1. C. I), f° 50 c - 55 c (n° 5) Londres, British Library, Cotton Domitian, A. XI, f° 94 b - 97 (n° 13) Londres, British Library, Egerton 645, f° 199 d - 204 b (n° 14) Londres, British Library, Loan 36, 2 (ex-Cheltenham, Bibliothèque Phillipps, 199), f° 250 b - 256 d (n° 14) Londres, British Library, Royal 19. B. XVII, f° 170 c - 174 c (n° 14) Londres, British Library, Royal 20. B. II, f° 57 r° - 80 v° (n° 20) Londres, British Library, Stowe 50, f° 221 b - 226 b (n° 14) Londres, British Library, Yates Thompson 49, 2, f° 112 d - 115 b (n° 14) Lyon, Bibliothèque municipale, 867(772), f° 53 b / c - 56 b (n° 2) Modène, Biblioteca Estense Universitaria, etr. 116 (d.T.4.14; olim XI.G.24; XVII. II.4), f° 176 d - 182 c (n° 12) Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Gall. 3, f° 118 b - 121 b (n° 14) Nantes, Musée Dobrée, 5, f° 198 a - 201 a (n° 1) New York, Pierpont Morgan Library, 674, f° 49 r° - 58 r° (n° 14) Oxford, Queen’s College, 305, f° 259 a - 263 d (n° 7) Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3516, f° 57 b - 57 h (n° 1) Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3682, f° 294 d - 301 a (n° 14) Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3705, f° 148 a - 151 d (n° 14) Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3706, f° 141 r° - 151 v° (n° 2) Paris, Bibliothèque de l’Institut de France, 12, 2ème partie, f° 87 b - 91 d (n° 16) Paris, Bibliothèque Mazarine, 1716 (568), f° 259 a - 264 b (n° 7) Paris, Bibliothèque Mazarine, 1729, f° 159 c - 163 c (foliotation moderne) (n° 14) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 183, f° 60 c - 63 f (n° 6 / 7) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 184, f° 179 d - 184 b (n° 14) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 185, f° 24 f - 27 e (n° 6 / 7) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 241, f° 162 d - 167 d (n° 14) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 242, f° 140 d - 144 b (n° 14) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 243, f° 176 b - 181 a (n° 14) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 244, f° 200 b - 206 c (n° 14) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 409, f° 160 r° - 171 v° (n° 18) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 413, f° 379 b - 383 c (n° 7) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 414, f° 203 a - 208 a (n° 14) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 415, f° 262 a - 268 b (n° 14) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 422, f° 125 d - 127 c (n° 1) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 423, f° 32 a - 33 b (n° 2) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 988, f° 125 c - 128 c (n° 2) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1054, f° 198 r° - 207 r° (n° 19) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1534, f° 50 c - 51 c (n° 15)
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Liste alphabétique des manuscrits
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Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1535, f° 356 v° - 365 r° (n° 14) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 6447, f° 243 d - 247 a (n° 6) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 6448, f° 182 a - 186 c (n° 14) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 13496, f° 131 a - 146 c et 230 b - 233 b (n° 9 / 24) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15212, f° 161 v° - 169 v° (n° 1) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15219, f° 93 v° - 95 v° (n° 26) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15475, f° 197 a - 206 b (n° 18) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 17229, f° 331 b - 336 d (n° 7) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 17232, f° 159 c - 163 b (n° 14) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19525, f° 67 a - 72 c (n° 5) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19531, f° 169 d - 172 c (n° 1) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 20330, f° 159 d - 164 a (n° 10) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 23113, f° 4 a - 9 c (n° 14) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 23114, f° 184 r° - 188 v° (n° 11) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 23117, f° 402 d - 406 c (n° 7) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 25532, f° 294 r° - 298 v° (n° 6) Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. fr. 4464, f° 149 r° - 154 r° (n° 21) Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. fr. 10128, f° 241 b - 246 d (n° 6) Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. fr. 13521, f° 108 a - 113 c (n° 7) Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acqu. fr. 23686, f° 147 c - 149 b (n° 2) Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, 587, f° 85 c - 87 a (n° 2) Pau, Archives départementales des Basses-Pyrénées, 20 (F), f° 101 r° - 124 v° (n° 8) Rennes, Bibliothèque municipale, 266, f° 170 b - 174 d (n° 14) Rouen, Bibliothèque municipale, 1430 (U 93), f° 58 v° - 61 v° (n° 26) Semur-en-Auxois, Bibliothèque municipale, 38 (39), f° 227 v° - 235 v° (n° 23) Tournai, Bibliothèque locale et principale de la Ville, 127, f° 189 c - 193 c (n° 17) Tournai, Bibliothèque du Séminaire, 43, f° 144 r° - 147 r° (n° 16) Tours, Bibliothèque municipale, 1008, f° 195 c - 199 c (n° 12) Tours, Bibliothèque municipale, 1012, f° 27 v° - 36 r° (n° 18) Trèves, Stadtbibliothek/Stadtarchiv, Mappe VIII (fragment) (n° 27) Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 11521, f° 88 d - 90 d (n° 4) York, Minster Library and Archives, ms. XVI. K. 13, f° 135 r° / v° (fragment) (n° 28)
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Liste alphabétique des manuscrits mentionnés dans l’introduction et les présentations
a. Exemplaires contenant une légende ou une autre pièce relative à Marie-Madeleine Cambridge, Fitzwilliam Museum, 9, 1951 (n° 8, n. 12) Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Reg. lat. 1682 (Introduction) Lille, Bibliothèque municipale, 105 (148) (?) (n° 22) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 309 (n° 9, n. 14) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 818 (n° 6, n. 6) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 24429 (Introduction) Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. lat. 592 (n° 1, n. 6) Poitiers, Médiathèque François Mitterrand, 95 (350) (n° 8, n. 12) Saint-Petersbourg, Bibliothèque de l’Académie des sciences de Russie, F. 403 (n° 2, 6, 7, n. 1) Légendier décrit dans Bernard Quaritch, Ltd., A Catalogue of Illuminated and Other Manuscripts with Some Works on Paleography, Londres, 1931 (n° 94) (n° 14) Légendier décrit dans Mittelalterliche Handschriften und Miniaturen, de la bibliothèque du Dr. Jörn Günther à Hambourg, n° 9, pp. 51 - 61 du Katalog 3 (1995), et dans Manuscrit enluminé du XIVe siècle. La Légende dorée de la reine Jeanne de Laval, et trente livres anciens, Genève, Librairie Quentin, 1996, n° 1 (n° 14) Vie de Marie-Madeleine décrite dans Emmanuel de Vregille, Christian Bizoüard, 44, rue de Gray, 21000 Dijon, Précieux livres anciens. Manuscrits - incunables, Vente à Paris, Hôtel Drouot - salle N° 15, le vendredi 16 décembre 1994 à 15 heures. Expert M. Dominique Courvoisier, Expert de la Bibliothèque nationale de France, 22, rue Guynemer, 75006 Paris (lot n° 2) (n° 12) b. Sources latines Bibliothèque municipale d’Auxerre, 111 (n° 2, n. 7) Berne, Burgerbibliothek, 377 (n° 2, n. 2) Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, 8609 - 8620 (3206) (n° 4, n. 5) Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, 9291 (3224) (n° 7) Bruxelles, Musée de Bollandistes, 443 (n° 1, n.3; n° 6, n. 10) Douai, Bibliothèque municipale, 797 (Introduction et n° 6, n. 4) Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 937 (n° 2, n. 7)
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Paris, Bibliothèque Mazarine, 1731 (n° 2, n. 2) Paris, Bibliothèque nationale de France, lat. 803 (n° 6, n. 9) Paris, Bibliothèque nationale de France, lat. 10843 (n° 2, n° 2) Paris, Bibliothèque nationale de France, lat. 12602 (n° 9) Paris, Bibliothèque nationale de France, lat. 13090 (n° 9, n. 10) Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. lat. 592 (n° 1) Rouen, Bibliothèque municipale, 644 (A 564) (n° 6, n. 8) c. Manuscrits signalés dans les commentaires lexicologiques Londres, British Library, Add. 16441 (n° 24) Lyon, Bibliothèque municipale, 823 (n° 22) Lyon, Bibliothèque municipale, 878 (782) (n° 22) Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3142 (n° 24) Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3312 (n° 24) Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3472 (n° 24) Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3645 (n° 4, n. 10) Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 5072 (n° 19) Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 5122 (n° 7, n. 42) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 129 (n° 19) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 210 (n° 10) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 375 (n° 18) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1573 (n° 14) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19152 (n° 24) d. Éléments de comparaison pour la caractérisation, la localisation ou la datation des copies Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9229 - 30 (n° 6) Carpentras, Bibliothèque Inguimbertine, 96 (pontifical à l’usage de Lyon; n° 10, n. 2) Clermont-Ferrand, Bibliothèque municipale, 62 (missel d’Hugues Aycelin; n° 10, n. 2) Copenhaguen, Det Kongelige Bibliotek, Thott 547-4° (n° 6, n. 13) Francfort, Kunstgewerbemuseum, Linel Collection, MS L.M.20 (n° 12, n. 5) La Haye, Koninklijke Bibliotheek, 71.A.24 (n° 6) New York, Pierpont Morgan Library, M. 440 (n° 6, n. 11) Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 5204 (n° 6) Philadelphie, Philadelphia Museum of Art, The Philip S. Collins Collection, 1945-65-8 (n° 7, n. 20) Princeton, University Library, Garrett 125 (n° 1, n. 13)
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Liste alphabétique des manuscrits
e. Autres exemplaires Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9549 (n° 14) Cambrai, Médiathèque municipale, 574 (532) (n° 16, n. 7) Cambrai, Médiathèque municipale, 811 (719) (n° 16) Cambridge, Fitzwilliam Museum, 22 (n° 14) Copenhague, Det Kongelige Bibliotek, Ny kgl. S. 1838 2° (n° 16) Lille, Bibliothèque municipale, 105 (148) (n° 22) Londres, British Library, Add. 15231 (n° 2) Londres, British Library, Add. 70513 (ex-Welbeck Abbey, duc de Portland, 1. C. I; n° 13, n. 4) Londres, British Library, Royal 15. D (n° 20) Londres, British Library, Royal 16. F (n° 20) Lyon, Bibliothèque municipale, 878 (782) (n° 22) Mâcon, Bibliothèque municipale, 3 (n° 14, n. 17) Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 5072 (n° 19) Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1782 (n° 2) Paris, Musée Marmottan Monet, Wildenstein Collection (n° 9, n. 8) Troyes, Médiathèque de l’Agglomération troyenne, 1041 (n° 16) Valenciennes, Bibliothèque municipale, 26 (n° 16)
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Provenance et datation de la version Remaniement du texte édité d’après N. La version contenue dans ce volume provient peutêtre de la même partie du domaine d’oïl; sa date est inconnue Texte anonyme, vraisemblablement issu du Nord-Est; fin du XIIème ou début du XIIIème siècle N
L
S
Nantes, Musée Dobrée, 5, Provenance indéterminée; premier Écriture gothique livresque. f° 198 a - 201 a quart du XIIIème siècle, ou vers 1200 Mélange de traits picards et wall ons
Provenance et datation des exemÉcriture; scripta plaires; illustration et décoration Leyde, Universiteitsbibliotheek, Écrit pour la plus grande part en 1477 Écriture gothique livresque. B.P.L., 46A, f° 11 a - 16 b par Johanne de Malone, religieuse au Scripta wallonne prieuré bénédictin Saint-Victor-deHuy (Wallonie)
Références des manuscrits
1
Dans les nombreux cas où nous ne pouvions disposer de l’éclairage que la codicologie ou l’étude de l’iconographie et de la décoration sont à même de jeter sur les manuscrits, l’estimation de la date et de la provenance des quelque 108 volumes ou fragments que nous avons mis à contribution se réduit sauf exception à la pièce éditée ou collationnée à partir de ceux-ci. De telles évaluations sont toutefois délicates, voire impossibles à réaliser sur une base aussi restreinte, surtout pour des extraits de faible ampleur (à raison d’autant plus forte pour la fin du moyen âge). La même remarque vaut pour nos indications de scripta : la plupart du temps, celles-ci reposent en effet sur le texte pris en compte et non sur la totalité des recueils concernés. Les renseignements que nous fournissons dans cet ouvrage et que le présent tableau rassemble – sauf pour la traduction de la Légende dorée par Jean de Vignay, dont nous ne reproduisons pas ici le détail des analyses iconographiques existantes – reflètent donc l’appréciation la plus plausible que nous puissions fournir en l’état actuel de nos connaissances. Nos recherches nécessiteraient assurément plus d’une mise au point, en particulier pour ce qui touche les exemplaires enluminés de notre corpus, auxquels bien d’autres travaux que ceux que nous avons recensés et exploités ont dû être consacrés. Les sigles (« S », col. 3 / 2) sont ceux de nos éditions. Nous n’en avons pas attribué aux rédactions indépendantes, qui n’en requièrent pas expressément.
1
N°
1. Classement par version
Tableaux récapitulatifs du corpus et de sa tradition manuscrite1
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2
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Traduction anonyme de l’Adbreviatio in gestis et miraculis sanctorum de Jean de Mailly. Provenance indéterminée; vers 1240 - 1250
Remaniement du texte édité d’après N. La version contenue dans ce volume est sans doute d’origine septentrionale, mais sa date est inconnue
Ly
Li
E
P3
P2
P1
A
Écriture gothique livresque. Tonalité picarde
Écriture cursive gothique. Quelques picardismes courants Écriture gothique livresque. Dialecte picard
Paris, Bibliothèque nationale Provenance incertaine; XIVème siè- Écriture gothique livresque. de France, f. fr. 19531, f° 169 d - cle (?) Quelques traits dialectaux pi172 c cards et, peut-être, anglo-normands Épinal, Bibliothèque munici- Provenance indéterminée; dernier Écriture gothique livresque pale, 76 (9), f° 60 b - 61 d quart du XIIIème siècle arrondie; copie réalisée dans la partie méridionale de la Lorraine ou au nord de la FrancheComté (P. Meyer) ème Lille, Bibliothèque municipale, Provenance indéterminée; XIV Écriture cursive gothique. Rig. 451 (202), 139 v° - 143 r° ou XVème siècle Traits dialectaux assez pro noncés (est du domaine d’oïl, Bourgogne, probablement) Lyon, Bibliothèque municipale, Arras (?); vers 1300 Écriture gothique livresque. 867 (772), f° 53 b / c - 56 b Provenance septentrionale (Picardie ou Vermandois, selon P. Meyer)
Artois (Thérouanne ou Saint-Omer); 1267 Provenance indéterminée; dernier quart du XIIIème siècle (ou début du XIVème siècle). Au point de vue stylistique, associé au manuscrit Princeton, University Library, Garrett 125 Paris, Bibliothèque nationale de Provenance indéterminée; XIVème France, f. fr. 15212, f° 161 v° - siècle 169 v°
Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3516, f° 57 b - 57 h Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 422, f° 125 d 127 c
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Paris, Bibliothèque de l’Arse- Provenance indéterminée; milieu ou Écriture bâtarde. Quelques nal, 3706, f° 141 r° - 151 v° seconde moitié du XVème siècle traits de l’Est, peu prononcés, accompagnés de picardismes superficiels P1 Paris, Bibliothèque nationale de Provenance incertaine (DEAF : Écriture gothique livresque arFrance, f. fr. 423, f° 32 a - 33 b Lyon); XIVème siècle rondie. Tonalité méridionale 2 P Paris, Bibliothèque nationale Provenance incertaine; première Écriture gothique livresque. de France, f. fr. 988, f° 125 c - moitié du XIVème siècle Texte copié dans l’Est, sans 128 c doute en Bourgogne (ou peutêtre en Lorraine) Écriture gothique livresque. P3 Paris, Bibliothèque nationale Soissons; vers 1250 de France, nouv. acqu. fr. Scripta neutre, avec quelques 23686, f° 147 c - 149 b traits wallons (ou picards-wallons) superficiels SG Paris, Bibliothèque Sainte- Provenance indéterminée; vers Écriture gothique livresque. Geneviève, 587, f° 85 c - 87 a 1300 Légère tonalité septentrionale ou quelques traits de l’Est, selon la partie du légendier prise en compte (pour la vie de Marie-Madeleine, très discrets picardismes) ? Saint-Pétersbourg, Bibliothèque Nord de la France (peut-être lié plus Écriture gothique livresque de l’Académie des sciences de spécifiquement au groupe douaisien Russie, F. 403 dont provient le recueil Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19531); fin du XIIIème ou début du XIVème siècle
A
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6
5
4
3
Traduction anonyme du Postquam Dominus. Provenance indéterminée; milieu du XIIIème siècle (?)
Traduction anonyme de l’Adbreviatio in gestis et miraculis sanctorum de Jean de Mailly. Provenance indéterminée; XIVème siècle (seconde moitié ?) Traduction du BHL 5456, de provenance indéterminée (mais d’origine française); fin du XIIIème ou XIVème siècle (?) Adaptation du Postquam Dominus en octosyllabes à rimes plates par Guillaume le Clerc de Normandie. Ouest (Normandie ou Angleterre); vers 1210 1240
L1
C
B2
Écriture gothique livresque. Scripta anglo-normande
Gothique textura quadratus. Quelques traits linguistiques isolés et peu prononcés vont dans le sens d’une localisation anglo-normande
Écriture gothique livresque. Quelques traits picards sporadiques, peut-être contingents
Écriture gothique livresque. Scripta anglo-normande
Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19525, f° 67 a 72 c Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10326, f° 251 c 257 c
P
Angleterre (Oxford ?), issu de l’atelier de William de Brailes; deuxième quart du XIIIème siècle Aisne (Soissonnais ?), ou rattaché au psautier-heures M. 440 de la Pierpont Morgan Library (New York), confectionné à Liège en 1261 (?); vers 1270 - 1275 Copenhague, Det Kongelige Angleterre; vers 1370, ou entre 1380 Bibliotek, Thott 517-4°, et 1400 (peut-être apparenté aux f° 22 v° - 38 r° heures de Mary de Bohun, Copenhague, Det Kongelige Bibliotek, Thott 547-4°, confectionnées entre 1380 et 1394) Londres, British Library, Add. Angleterre (?); seconde moitié du 6524, f° 165 v° - 168 v° XIVème siècle
Londres, British Library, Add. Angleterre ; fin du XIIIème ou premier Écriture gothique livresque. 70513 (ex-Welbeck Abbey, duc quart du XIVème siècle Scripta anglo-normande de Portland, 1. C. I), f° 50 c 55 c
L
Cité du Vatican, Biblioteca Provenance exacte incertaine (copie Écriture gothique livresque Apostolica Vaticana, Vat. lat. méridionale); vers 1300 italienne 11521, f° 88 d - 90 d
Bruxelles, Bibliothèque royale Ath (Hainaut); copié entre 1428 et Écriture cursive courante. de Belgique, 10295 - 304, 1429 par Jehan Wagis Scripta prononcée, conforme à f° 113 v° - 116 v° l’origine du manuscrit
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Traduction anonyme du Fuit igitur. Provenance indéterminée; milieu du XIIIème siècle (?)
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Paris, Bibliothèque nationale Origine flamande (ce volume apparde France, f. fr. 6447, f° 243 d - tient peut-être à un ensemble de ma247 a nuscrits liégeois de la seconde moitié du XIIIème siècle); 1275 - 1280 Paris, Bibliothèque nationale de Province de Reims; vers 1260 France, f. fr. 25532, f° 294 r° - 1270 298 v° Paris, Bibliothèque nationale Nord de la Loire (Paris ?); seconde de France, nouv. acq. fr. 10128, moitié du XIIIème siècle f° 241 b - 246 d Saint-Pétersbourg, Biblio Nord de la France (peut-être lié plus thèque de l’Académie des spécifiquement au groupe douaisien sciences de Russie, F. 403 dont provient le recueil Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19531); fin du XIIIème ou début du XIVème siècle Chantilly, Musée Condé, 734 Arras / Paris ? 1312. (456), f° 275 a / b - 279 a Le style des peintures peut être mis en relation avec une série comprenant le manuscrit 867 (772) de la Bibliothèque municipale de Lyon (voir n° 2) Genève, Bibliothèque de Ge- Milieu parisien (écrit par Gautier de nève, Comites latentes, 102 Verdun et peut-être enluminé par (ex-Cheltenham, Bibliothèque l’artiste connu sous le nom de Maître Phillipps, 3660), f° 302 c - 306 c de Papeleu); vers 1320 Londres, British Library, Add. Provenance indéterminée; seconde 41179, f° 6 r° - 11 v° moitié du XVème siècle Écriture gothique livresque arrondie. Aucun trait de scripta révélateur (quelques picardismes courants) Écriture cursive gothique. Aucun trait de scripta révélateur
Écriture gothique livresque arrondie. Aucun trait de scripta révélateur (quelques picardismes courants)
Écriture gothique livresque. Picardismes isolés mais assez prononcés Écriture gothique livresque. Aucun trait de scripta révélateur Écriture gothique livresque
Écriture gothique livresque. Scripta septentrionale
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M
O
Oxford, Queen’s College, 305, Enluminé à Avignon ou à Carpen- Écriture bâtarde. Aucun trait f° 259 a - 263 d tras, vers 1460 de scripta révélateur (P. Meyer en attribue cependant la rédaction à un copiste originaire de l’Est) ème Paris, Bibliothèque Mazarine, Picardie ? Fin du XIII ou début du Écriture gothique livresque. 1716 (568), f° 259 a - 264 b XIVème siècle (exemplaire susceptible Quelques traits superficiels pid’appartenir à un ensemble de ma- cards et wallons nuscrits réalisés à Cambrai, dont l’un est daté de 1299) Paris, Bibliothèque nationale Provenance indéterminée; vers Écriture cursive gothique. de France, f. fr. 413, f° 379 b - 1400 Aucun trait de scripta révéla383 c teur Paris, Bibliothèque nationale de Exemplaire rattaché à la production Écriture gothique livresque. France, f. fr. 17229, f° 331 b - arrageoise de la fin du XIIIème siècle, Les formes présentes dans le 336 d mais dont la provenance exacte est texte ne confirment pas de maincertaine (Artois ?); fin du XIIIème nière indubitable une origine siècle picarde Paris, Bibliothèque nationale de Provenance indéterminée; début du Écriture gothique livresque. France, f. fr. 23117, f° 402 d - XIVème siècle (vers 1300) Aucun trait de scripta révéla406 c teur Paris, Bibliothèque nationale Provenance indéterminée; dernier Écriture gothique livresque. de France, nouv. acq. fr. 13521, quart du XIIIème siècle Aucun trait de scripta révélaf° 108 a - 113 c teur Saint-Pétersbourg, Bibliothè- Nord de la France (peut-être lié plus Écriture gothique livresque que de l’Académie des sciences spécifiquement au groupe douaisien de Russie, F. 403 dont provient le recueil Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19531); fin du XIIIème ou début du XIVème siècle
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6 / Version hybride du texte édité B / Bruxelles, Bibliothèque royale Ce recueil, au départ solidaire de 7 d’après M de la version n° 7 et B1 de Belgique, 9225, f° 58 d - l’actuel manuscrit 9229 - 30 de la 60 f et f° 60 f - 61 f Bibliothèque royale de Belgique, a B2 de la version n° 6 été confectionné par Thomas de Maubeuge et enluminé par le Maître de Fauvel; première moitié du XIVème siècle (vers 1328) 1 L / Londres, British Library, Add. Peut-être réalisé par Thomas de L2 17275, f° 38 a - 40 d et f° 37 b - Maubeuge; transcrit par le copiste 38 a dit « au long nez » et illustré par le Maître de Maubeuge. Après 1325 1 P Paris, Bibliothèque nationale Ce volume, initialement réuni avec de France, f. fr. 183, f° 60 c - le manuscrit 71.A.24 de la Biblio63 a et f° 63 a - 63 f thèque royale de La Haye, aurait été confectionné par Thomas de Maubeuge pour Charles IV et enluminé par le Maître de Fauvel. 1327 (?) P2 Paris, Bibliothèque nationale Peut-être réalisé par Thomas de de France, f. fr. 185, f° 24 f - Maubeuge; enluminé par Richard de 27 a et f° 27 a - 27 e Monbaston et plusieurs de ses collaborateurs. Vers 1325 8 Composition anonyme (346 B Besançon, Bibliothèque muni- Provenance indéterminée; milieu du quatrains 4 a 10 a 10 a 10 a). cipale, 254, f° 165 v° - 185 v° XVème siècle Origine incertaine (Ouest, Nord-Est ou Est ?); première moitié du XIVème siècle (?) P Pau, Archives départementales Provenance indéterminée; XIVème des Basses-Pyrénées, 20 (F), siècle f° 101 r° - 124 v°
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Écriture bâtarde. Est du domaine d’oïl (Lorraine ou Bourgogne)
Écriture bâtarde. Aucun trait de scripta révélateur
Écriture gothique livresque. Aucun trait de scripta révélateur
Écriture gothique livresque. Aucun trait de scripta révélateur
Écriture gothique livresque. Aucun trait de scripta révélateur
Écriture gothique livresque. Aucun trait de scripta révélateur
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11 Traduction anonyme de la Legenda aurea dédiée à Béatrice de Bourgogne (remaniement possible). Provenance indéterminée; entre 1276 et 1329
P
Paris, Bibliothèque nationale de Provenance indéterminée; XVème France, f. fr. 23114, f° 184 r° - siècle 188 v°
Provenance incertaine (Bourgogne ?); seconde moitié du XIIIème ou début du XIVème siècle Auvergne; dernier quart du XIIIème siècle. Deux exemplaires, de provenance auvergnate et lyonnaise, peuvent être mis en rapport avec ce légendier : Clermont-Ferrand, Biblio thèque municipale, 62 (missel d’Hugues Aycelin) et Carpentras, Bibliothèque Inguimbertine, 96 (pontifical à l’usage de Lyon). Il est peut-être aussi lié au manuscrit Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. fr. 13521 (soit l’un des représentants de la version n° 7) Paris, Bibliothèque nationale de Auvergne; dernier quart du XIIIème France, f. fr. 20330, f° 159 d - siècle 164 a
Traduction anonyme du BHL Paris, Bibliothèque nationale de 5491. Bourgogne; fin du XIIIème France, f. fr. 13496, f° 230 b ou début du XIVème siècle (?) 233 b 10 Traduction anonyme de la PV Le Puy-en-Velay, Grand SémiLegenda aurea. Provenance naire, f° 128 (137) b - 131 incertaine (Auvergne ?); avant (140) b 1275 environ
9
Écriture gothique livresque. Quelques picardismes (mêmes caractéristiques que pour le légendier Le Puy-en-Velay, Grand Séminaire) Écriture bâtarde. Scripta picarde (traits disséminés)
Écriture gothique livresque. Quelques picardismes (mêmes caractéristiques que pour le légendier Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 20330)
Écriture gothique livresque. Dialecte bourguignon
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13 Adaptation de la Legenda aurea en octosyllabes à rimes plates par Nicole Bozon. Angleterre; avant 1350 (peutêtre dès la fin du XIII ème siècle) 14 Traduction de la Legenda aurea par Jean de Vignay; entre 1333 et 1348
12 Traduction anonyme de la Legenda aurea, peut-être rédigée dans la partie méridionale de la France, avant sa transmission en Italie; seconde moitié du XIIIème ou première moitié du XIVème siècle ?
B3
B2
B1
A
T
Paris, vente Drouot (voir pré- Paris; vers 1470 - 1480 sentation de l’édition)
–
Arras, Bibliothèque municipale, 83 (630), f° 152 b 158 a Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9226, f° 151 d 155 c Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9227, f° 172 b 176 a Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9228, f° 163 c 167 b
Paris; début du XVème siècle (vers 1420 ?)
Paris; début du XVème siècle (vers 1400 ?)
Paris; début du XVème siècle (vers 1405 ?)
Origine française; entre 1395 et 1403
Écriture gothique livresque. Aucun trait de scripta révélateur Tours Bibliothèque municipale, Italie; XIIIème / XIVème siècle Écriture gothique livresque 1008, f° 195 c - 199 c italienne Londres, British Library, Cot- Angleterre (?); début ou première Écriture cursive livresque anton Domitian, A. XI, f° 94 b - moitié du XIVème siècle glaise. Scripta anglo-nor 97 b mande
Modène, Biblioteca Estense Sud de la France ? (Narbonne ?); Écriture gothique livresque Universitaria, etr. 116 (d.T.4.14; première moitié du XIVème siècle ? italienne olim XI.G.24; XVII.II.4), f° 176 d - 182 c
M
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L3
L2
L1
H
J
–
G
Ch
C
B4 Paris; milieu du XIVème siècle (vers 1360 ?)
Paris; milieu du XVème siècle (vers 1460 ?)
Paris; milieu du XIVème siècle (vers 1365 ?) Paris, œuvre du Maître du Policrate de Charles V; entre 1400 et 1403 Œuvre de l’atelier du Maître aux boqueteaux; 1360 - 1370 (même enlumineur que pour le manuscrit 1729 de la Bibliothèque Mazarine) Jena, Thüringer Universitäts- Paris; début du XVème siècle (vers und Landesbibliothek, El. f. 1420 ?) 86, f° 149 a - 152 c La Haye, Koninklijke Biblio- Provenance indéterminée (écrit à la theek, 73.E.6, f° 59 v° - 67 r° demande de Marguerite de Prie, prieure des Bénédictines de La Fertéaux-Nonnains, aujourd’hui La Fermeté, dans la Nièvre); vers 1470 Londres, British Library, Add. Paris; 1375 16907, f° 147 c - 151 b Londres, British Library, Eger- France; milieu du XVème siècle ton 645, f° 199 d - 204 b Londres, British Library, Loan Paris; début du XVème siècle (vers 36, 2 (ex-Cheltenham, Biblio 1410 ?) thèque Phillipps, 199), f° 250 b 256 d
Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9282 - 9285, f° 152 c - 156 b Cambridge, The Fitzwilliam Museum, Mc Lean 124, f° 121 a - 124 b Chantilly, Musée Condé, 735 (1335), f° 186 a / b - 190 d Genève, Bibliothèque de Genève, fr. 57, f° 192 a - 196 d Hambourg, Bibliothèque du Dr. Jörn Günther (voir présentation de l’édition)
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Londres, British Library, Paris; 1382 Royal 19. B. XVII, f° 170 c 174 c 5 L Londres, British Library, Stowe Pays-Bas (partie méridionale ?); fin 50, f° 221 b - 226 b du XV ème siècle (vers 1470 1480 ?) L6 Londres, British Library, Yates Décoration réalisée à Paris (dans le Thompson 49, 2, f° 112 d - style du Maître de Coëtivy) et à 115 b Rouen; vers 1470 – Londres, Catalogue de B. Qua- Montpensier; 1480. Exécuté pour ritch (voir présentation de Louis le Bâtard de Bourbon, par un l’édition) copiste du nom de Johannes. Le texte aurait été copié à partir de l’édition de Buyer Mu Munich, Bayerische Staats- Paris; milieu du XVème siècle (vers bibliothek, Gall. 3, f° 118 b - 1430 ?) 121 b N New York, Pierpont Morgan Pays-Bas (partie méridionale (BruLibrary, 674, f° 49 r° - 58 r° ges ?)); milieu du XVème siècle (entre 1445 et 1460, ou vers 1470 ?) Ars1 Paris, Bibliothèque de l’Arse- Pays-Bas (partie méridionale (Brunal, 3682, f° 294 d - 301 a ges ?)); milieu ou fin du XVème siècle (vers 1480 - 1485 ?) Ars2 Paris, Bibliothèque de l’Arse- Paris; fin du XIVème ou début du nal, 3705, f° 148 a - 151 d XVème siècle
L4
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Ma Paris, Bibliothèque Mazarine, Paris, œuvre de l’atelier du Maître 1729, f° 159 c - 163 c) aux boqueteaux; fin du XIVème siècle (vers 1375 ? Même enlumineur que pour le manuscrit présenté dans le Catalogue de la bibliothèque du Dr. Jörn Günther à Hambourg) P1 Paris, Bibliothèque nationale Paris; début du XVème siècle (vers de France, f. fr. 184, f° 179 d - 1402 ?) 184 b 2 P Paris, Bibliothèque nationale Paris; 1348 de France, f. fr. 241, f° 162 d 167 d P3 Paris, Bibliothèque nationale Paris; début du XVème siècle (vers de France, f. fr. 242, f° 140 d - 1402 ?) 144 b P4 Paris, Bibliothèque nationale Paris; début du XVème siècle (vers de France, f. fr. 243, f° 176 b - 1415 ?) 181 a 5 P Paris, Bibliothèque nationale Paris, œuvre de Jacques de Besande France, f. fr. 244, f° 200 b - çon; fin du XV ème siècle (vers 206 c 1480 ?) P6 Paris, Bibliothèque nationale Paris; 1404 de France, f. fr. 414, f° 203 a 208 a P7 Paris, Bibliothèque nationale Paris; début du XVème siècle (vers de France, f. fr. 415, f° 262 a - 1415 ?) 268 b 8 P Paris, Bibliothèque nationale France; fin du XVème siècle de France, f. fr. 1535, f° 356 v° 365 r°
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C2
Le Nouvion-en-Thiérache (Aisne); Écriture gothique livresque. 1385 Scripta prononcée, sans doute hainuyère
France; début ou milieu du XVème siècle France; fin des années 1390 ou vers 1400 Seconde moitié du XIVème ou XVème Écriture cursive courante. siècle; provenance indéterminée Aucun trait de scripta révé- lateur
France; milieu ou fin du XVème siècle
Paris; fin du XVème siècle (vers 1480 ?)
Provenance indéterminée; seconde Écriture cursive courante. moitié du XVème siècle Traits dialectaux de type septentrional, disséminés et peu prononcés Cambrai, Médiathèque muni- Abbaye bénédictine du Saint-Sépul- Écriture de transition. Scripta cipale, 812 (719), f° 203 d - cre de Cambrai (?); troisième quart septentrionale prononcée 207 b du XVème siècle (peut-être hainuyère ?)
Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 6448, f° 182 a 186 c 10 Paris, Bibliothèque nationale P de France, f. fr. 17232, f° 159 c 163 b P11 Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 23113, f° 4 a - 9 c R Rennes, Bibliothèque municipale, 266, f° 170 b - 174 d 15 Traduction ou adaptation anoParis, Bibliothèque nationale nyme de la Legenda aurea (?). de France, f. fr. 1534, f° 50 c Provenance indéterminée; mi51 c lieu du XIVème siècle ? 16 Traduction anonyme de la B Bruxelles, Bibliothèque royale Legenda aurea. Provenance de Belgique, 10203, f° 104 b incertaine (peut-être analogue 110 c à l’aire de diffusion du texte); avant 1385 C1 Cambrai, Médiathèque municipale, 210 (205), 2ème partie, f° 53 c - 56 b
P9
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18 Adaptation anonyme de la Legenda aurea. Provenance indéterminée; XIVème siècle ?
17 Traduction ou adaptation anonyme de la Legenda aurea, vraisemblablement picarde ou wallonne; antérieure à 1399
P2
P1
T
F
C
T
P
L
Lille, Bibliothèque municipale, Provenance incertaine (Tournai ?); Écriture cursive courante. Rig. 452 (795), f° 399 b - 406 c XVème siècle Traits dialectaux relativement nombreux (Picardie, ou NordEst peut-être) Paris, Bibliothèque de l’Insti- Provenance indéterminée; XVème Écriture cursive gothique. Quelques traits dialectaux distut de France, 12, 2ème partie, siècle séminés, susceptibles d’apparf° 87 b - 91 d tenir au Nord-Est, ou contingents Tournai, Bibliothèque du Sé- Confectionné par un certain Jehan Écriture cursive gothique. minaire, 43, f° 144 r° - 147 r° Ansiel, à l’Abbaye de Lobbes (?); Scripta septentrionale, haiXVème siècle (1447 - 1472 ?) nuyère ou picarde Cracovie, Biblioteka Jagiel- Provenance incertaine; XVème siècle Écriture cursive gothique. Scripta septentrionale, sans lonska, Ms. Berol Gall. Fol. (vers 1440 ?) doute picarde 156, f° 190 b - 194 d (anc. 187 b - 191 d) Florence, Biblioteca Medicea- Arras; 1399 Écriture gothique livresque. Laurenziana, Med. Palat. 1412, Scripta septentrionale, sans f° 176 r° - 179 r° doute picarde Tournai, Bibliothèque locale et Provenance indéterminée; deuxième Écriture gothique livresque. principale de la Ville, 127, ou troisième quart du XVème siècle Scripta septentrionale, sans doute picarde (peut-être flaf° 189 c - 193 c mande) Paris, Bibliothèque nationale Est / Angleterre ? Seconde moitié ou Écriture gothique livresque. de France, f. fr. 409, f° 160 r° - fin du XIVème siècle (XVème siècle ?) Quelques traits dialectaux iso171 v° lés dont certains pourraient provenir de l’Ouest Paris, Bibliothèque nationale Provenance indéterminée; seconde Écriture cursive gothique. de France, f. fr. 15475, f° 197 a - moitié du XVème siècle Aucun trait de scripta révé 206 b lateur
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24 Compilation anonyme. Bourgogne; fin du XIIIème ou début du XIVème siècle (?) 25 Compilation anonyme. Provenance indéterminée; XVème siècle (?)
21 Adaptation anonyme de la Legenda aurea. Provenance indéterminée; XVème siècle (?) 22 Adaptation anonyme de la Legenda aurea. Provenance incertaine (picarde ?); XVème siècle (?) 23 Adaptation anonyme de la Legenda aurea. Provenance indéterminée; XVème siècle (?)
19 Traduction ou remaniement anonyme de la Legenda aurea. Provenance indéterminée (même origine que le manu scrit ?); avant 1450 20 Adaptation anonyme de la Legenda aurea. Provenance indéterminée; XVème siècle (?)
T
Écriture gothique livresque. Aucun trait de scripta révélateur
Londres, British Library, Royal Flandre, décoration peut-être due au 20. B. II, f° 57 r° - 80 v° Maître anonyme du Livre de prières de Dresde (vers 1490); fin du XVème siècle Paris, Bibliothèque nationale Provenance indéterminée; XVème de France, nouv. acq. fr. 4464, siècle f° 149 r° - 154 r° Lille, Bibliothèque municipale, Provenance indéterminée; XVème Rig. 454 (350), f° 85 v° - 89 r° siècle
Semur-en-Auxois, Bibliothè- Provenance indéterminée; XVème Écriture cursive gothique. Aucun trait de scripta révélaque municipale, 38 (39), siècle teur (quelques picardismes, f° 227 v° - 235 v° sans doute contingents) Paris, Bibliothèque nationale de Provenance incertaine (Bourgo- Écriture gothique livresque. France, f. fr. 13496, f° 131 a - gne ?); seconde moitié du XIIIème ou Dialecte bourguignon début du XIVème siècle 146 c Bologne, Biblioteca universi- Provenance indéterminée; fin du Écriture gothique livresque. taria, 893, f° 6 r° - 76 r° XVème ou début du XVIème siècle Scripta wallonne
Écriture cursive gothique. Quelques picardismes, peu significatifs Écriture cursive courante. Scripta septentrionale (hainuyère ?)
Écriture cursive gothique. Scripta neutre Écriture cursive gothique. Scripta septentrionale, sans doute picarde
Provenance indéterminée; XVème siècle Abbaye de Saint-Nicolas des Prés de Tournai; 1450
Tours, Bibliothèque municipale, 1012, f° 27 v° - 36 r° Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1054, f° 198 r° 207 r°
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R
Compilation anonyme. Provenance indéterminée; XV ème siècle (?)
N°/S
Provenance et datation de la Provenance et datation des exemplaiversion res; illustration et décoration Arras, Bibliothèque municipale, 14 (A) Traduction de la Legenda Origine française; entre 1395 et 1403 83 (630), f° 152 b - 158 a aurea par Jean de Vignay; entre 1333 et 1348
Références des manuscrits
Écriture; scripta
York, Minster Library and Ar- Provenance indéterminée (copie in- Écriture cursive livresque anchives, ms. XVI. K. 13, f° 135 sulaire); vers 1300 (?) glaise. Scripta anglo-nor r° / v° mande
Provenance indéterminée; XVème Écriture cursive courante. siècle Aucun trait de scripta révélateur Provenance incertaine (certaines Écriture cursive gothique. pièces atypiques du légendier pour- Quelques traits isolés de l’Est raient être rattachées aux régions (dialecte lorrain ?) d’Angers et de Chartres); XVème siècle Trèves, Stadtbibliothek/Stadt Provenance indéterminée; seconde Écriture cursive livresque anarchiv, Mappe VIII moitié du XIIIème siècle (XIVème siè- glaise. Scripta anglo-nor cle ?) mande
Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 15219, f° 93 v° 95 v° Rouen, Bibliothèque municipale, 1430 (U 93), f° 58 v° 61 v°
2. Classement par ordre alphabétique des exemplaires (textes n° 1 - 28)
27 Fragment d’une composition anonyme en strophes couées par un auteur anglo-normand; milieu ou seconde moitié du XIII ème siècle (ou postérieur) ? 28 Fragment d’une composition anonyme en strophes de 5 alexandrins monorimes par un auteur originaire de l’Ouest; datation incertaine
P
26 Reproduction partielle du texte contenu dans R
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Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9226, f° 151 d 155 c Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9227, f° 172 b 176 b Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9228, f° 163 c 167 b Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9282 - 9285, f° 152 c - 156 b Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10203, f° 104 b 110 c
Provenance indéterminée; fin du XVème Écriture gothique livresque. ou début du XVIème siècle Scripta wallonne
Provenance indéterminée; milieu du Écriture bâtarde. Aucun trait de scripta révélateur XVème siècle
Ce recueil, au départ solidaire de l’actuel Écriture gothique livresque. manuscrit 9229 - 30 de la Bibliothèque Aucun trait de scripta révélaroyale de Belgique, a été confectionné teur par Thomas de Maubeuge et enluminé par le Maître de Fauvel; première moitié du XIVème siècle (vers 1328) 14 Traduction de la Legenda Paris; début du XVème siècle (vers (B1) aurea par Jean de Vignay; 1405 ?) entre 1333 et 1348 14 Traduction de la Legenda Paris; début du XVème siècle (vers (B2) aurea par Jean de Vignay; 1400 ?) entre 1333 et 1348 14 Traduction de la Legenda Paris; début du XVème siècle (vers (B3) aurea par Jean de Vignay; 1420 ?) entre 1333 et 1348 14 Traduction de la Legenda Paris; milieu du XVème siècle (vers (B4) aurea par Jean de Vignay; 1460 ?) entre 1333 et 1348 16 (B) Traduction anonyme de la Le Nouvion-en-Thiérache (Aisne); Écriture gothique livresque. Legenda aurea. Provenance 1385 Scripta prononcée, sans doute incertaine (peut-être analohainuyère gue à l’aire de diffusion du texte); avant 1385
Besançon, Bibliothèque muni- 8 (B) Composition anonyme (346 cipale, 254, f° 165 v° - 185 v° quatrains 4 a 10 a 10 a 10 a). Origine incertaine (Ouest, Nord-Est ou Est ?); première moitié du XIVème siècle (?) Bologne, Biblioteca universita- 25 Compilation anonyme. Proria, 893, f° 6 r° - 76 r° venance indéterminée; XVème siècle (?) Bruxelles, Bibliothèque royale 6 (B1) Version hybride de traducde Belgique, 9225, f° 58 d - / 7 tions d’origine incertaine; (B) milieu du XIIIème siècle (?) 61 f
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Cambridge, The Fitzwilliam Museum, Mc Lean 124, f° 121 a 124 b Chantilly, Musée Condé, 734 (456), f° 275 a / b - 279 a
Cambrai, Médiathèque municipale, 812 (719), f° 203 d - 207 b
Cambrai, Médiathèque municipale, 210 (205), 2ème partie, f° 53 c - 56 b
Écriture gothique livresque arrondie. Aucun trait de scripta révélateur (quelques picardismes courants)
Écriture de transition. Scripta septentrionale prononcée (peutêtre hainuyère ?)
Écriture cursive courante. Traits dialectaux de type septentrional, disséminés et peu prononcés
Écriture gothique livresque. Quelques traits picards sporadiques, peut-être contingents
Ath (Hainaut); copié entre 1428 et 1429 Écriture cursive courante. par Jehan Wagis Scripta prononcée, conforme à l’origine du manuscrit
Aisne (Soissonnais ?), ou rattaché au psautier-heures M. 440 de la Pierpont Morgan Library (New York), confectionné à Liège en 1261 ?; vers 1270 1275 16 Traduction anonyme de la Provenance indéterminée; seconde moi(C1) Legenda aurea. Provenance tié du XVème siècle incertaine (peut-être analogue à l’aire de diffusion du texte); avant 1385 16 Traduction anonyme de la Abbaye bénédictine du Saint-Sépul (C2) Legenda aurea. Provenance cre de Cambrai (?); troisième quart du incertaine (peut-être analo- XVème siècle gue à l’aire de diffusion du texte); avant 1385 14 (C) Traduction de la Legenda Paris; milieu du XIVème siècle (vers aurea par Jean de Vignay; 1360 ?) entre 1333 et 1348 7 (C) Traduction anonyme du Fuit Arras / Paris ? 1312 igitur. Provenance indéter- Le style des peintures peut être mis en minée; milieu du XIIIème relation avec une série comprenant le manuscrit 867 (772) de la Bibliothèque siècle (?) municipale de Lyon (voir n° 2)
3
Traduction anonyme de l’Adbreviatio in gestis et miraculis sanctorum de Jean de Mailly. Provenance indéterminée; XIVème siècle (seconde moitié ?) Bruxelles, Bibliothèque royale 6 (B2) Traduction anonyme du Post de Belgique, 10326, f° 251 c quam Dominus. Provenance 257 c indéterminée; milieu du XIIIème siècle (?)
Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10295 - 304, f° 113 v° - 116 v°
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Genève, Bibliothèque de Genève, 7 (G) Comites latentes, 102 (ex-Cheltenham, Bibliothèque Phillipps, 3660), f° 302 c - 306 c Genève, Bibliothèque de Genève, 14 (G) fr. 57, f° 192 a - 196 d
Florence, Biblioteca Medicea- 17 (F) Laurenziana, Med. Palat. 1412, f° 176 r° - 179 r°
Épinal, Bibliothèque munici- 2 (E) pale, 76 (9), f° 60 b - 61 d
Cracovie, Biblioteka Jagiel- 17 (C) lonska, Ms. Berol Gall. Fol. 156, f° 190 b - 194 d (anc. 187 b - 191 d)
14 (Ch)
Paris; milieu du XIVème siècle (vers 1365 ?)
Angleterre; vers 1370, ou entre 1380 et 1400 (peut-être apparenté aux heures de Mary de Bohun, Copenhague, Det Kongelige Bibliotek, Thott 547-4°, confectionnées entre 1380 et 1394) Traduction ou adaptation Provenance incertaine; XVème siècle anonyme de la Legenda (vers 1440 ?) aurea, vraisemblablement picarde ou wallonne; antérieure à 1399 Traduction anonyme de Provenance indéterminée; dernier quart l’Adbreviatio in gestis et mi- du XIIIème siècle raculis sanctorum de Jean de Mailly. Provenance indéterminée; vers 1240 - 1250 Traduction ou adaptation Arras; 1399 anonyme de la Legenda aurea, vraisemblablement picarde ou wallonne; antérieure à 1399 Traduction anonyme du Fuit Milieu parisien (écrit par Gautier de igitur. Provenance indéter- Verdun et peut-être enluminé par l’arminée; milieu du XIIIème tiste connu sous le nom de Maître de Papeleu); vers 1320 siècle (?) Traduction de la Legenda Paris, œuvre du Maître du Policrate de aurea par Jean de Vignay; Charles V; entre 1400 et 1403 entre 1333 et 1348
Traduction de la Legenda aurea par Jean de Vignay; entre 1333 et 1348 Copenhague, Det Kongelige 6 (C) Traduction anonyme du Post Bibliotek, Thott 517-4°, quam Dominus. Provenance f° 22 v° - 38 r° indéterminée; milieu du XIIIème siècle (?)
Chantilly, Musée Condé, 735 (1335), f° 186 a / b - 190 d
Écriture gothique livresque arrondie. Aucun trait de scripta révélateur (quelques picardismes courants)
Écriture gothique livresque arrondie; copie réalisée dans la partie méridionale de la Lorraine ou au nord de la FrancheComté (P. Meyer) Écriture gothique livresque. Scripta septentrionale, sans doute picarde
Gothique textura quadratus. Quelques traits linguistiques isolés et peu prononcés vont dans le sens d’une localisation anglo-normande Écriture cursive gothique. Scripta septentrionale, sans doute picarde
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14
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Leyde, Universiteitsbibliotheek, 1 (L) B.P.L., 46A, f° 11 a - 16 b
Le Puy-en-Velay, Grand Sémi- 10 naire, f° 128 (137) b - 131 (PV) (140) b
Jena, Thüringer Universitäts- 14 (J) und Landesbibliothek, El. f. 86, f° 149 a - 152 c La Haye, Koninklijke Biblio- 14 (H) theek, 73.E.6, f° 59 v° - 67 r°
Hambourg, Bibliothèque du Dr. Jörn Günther (voir présentation de l’édition)
Traduction de la Legenda Œuvre de l’atelier du Maître aux boaurea par Jean de Vignay; queteaux; 1360 - 1370 (même enlumineur que pour le manuscrit 1729 de la entre 1333 et 1348 Bibliothèque Mazarine) Traduction de la Legenda Paris; début du XVème siècle (vers aurea par Jean de Vignay; 1420 ?) entre 1333 et 1348 Traduction de la Legenda Provenance indéterminée (écrit à la deaurea par Jean de Vignay; mande de Marguerite de Prie, prieure des Bénédictines de La Ferté-aux-Nonentre 1333 et 1348 nains, aujourd’hui La Fermeté, dans la Nièvre); vers 1470 Traduction anonyme de la Auvergne; dernier quart du XIIIème siècle. Legenda aurea. Provenance Deux exemplaires, de provenance auverincertaine (Auvergne ?); gnate et lyonnaise, peuvent être mis en avant 1275 environ rapport avec ce légendier : ClermontFerrand, Bibliothèque municipale, 62 (missel d’Hugues Aycelin) et Carpentras, Bibliothèque Inguimbertine, 96 (pontifical à l’usage de Lyon). Il est peut-être aussi lié au manuscrit Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. fr. 13521 (soit l’un des représentants de la version n° 7) Remaniement d’un texte ano- Écrit pour la plus grande part en 1477 nyme, vraisemblablement issu par Johanne de Malone, religieuse au du Nord-Est (fin du XIIème prieuré bénédictin Saint-Victor-de-Huy ou début du XIIIème siècle). (Wallonie) La version contenue dans ce volume provient peut-être de la même partie du domaine d’oïl; sa date est inconnue Écriture gothique livresque. Scripta wallonne
Écriture gothique livresque. Quelques picardismes (mêmes caractéristiques que pour le légendier Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 20330)
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Paris; 1375
Écriture cursive gothique. Aucun trait de scripta révélateur
Écriture gothique livresque. Aucun trait de scripta révélateur
Angleterre (?); seconde moitié du XIVème Écriture gothique livresque. siècle Scripta anglo-normande
Provenance indéterminée; XVème siècle Écriture cursive courante. Scripta septentrionale (hainuyère ?)
Provenance incertaine (Tournai ?); Écriture cursive courante. XVème siècle Traits dialectaux relativement nombreux (Picardie, ou NordEst peut-être)
Provenance indéterminée; XIVème ou Écriture cursive gothique. XVème siècle Traits dialectaux assez prononcés (est du domaine d’oïl, Bourgogne, probablement)
Peut-être réalisé par Thomas de Maubeuge; transcrit par le copiste dit « au long nez » et illustré par le Maître de Maubeuge. Après 1325 Londres, British Library, Add. 7 (L2) Traduction anonyme du Fuit Provenance indéterminée; seconde 41179, f° 6 r° - 11 v° igitur. Provenance indéter- moitié du XVème siècle minée; milieu du XIIIème siècle (?)
Lille, Bibliothèque municipale, 2 (Li) Traduction anonyme de Rig. 451 (202), 139 v° - 143 r° l’Adbreviatio in gestis et miraculis sanctorum de Jean de Mailly. Provenance indéterminée; vers 1240 - 1250 Lille, Bibliothèque municipale, 16 (L) Traduction anonyme de la Rig. 452 (795), f° 399 b - 406 c Legenda aurea. Provenance incertaine (peut-être analogue à l’aire de diffusion du texte); avant 1385 Lille, Bibliothèque municipale, 22 Adaptation anonyme de la Rig. 454 (350), f° 85 v° - 89 r° Legenda aurea. Provenance incertaine (picarde ?); XVème siècle (?) Londres, British Library, Add. 6 (L1) Traduction anonyme du Post 6524, f° 165 v° - 168 v° quam Dominus. Provenance indéterminée; milieu du XIIIème siècle (?) Londres, British Library, Add. 14 Traduction de la Legenda 16907, f° 147 c - 151 b (L1) aurea par Jean de Vignay; entre 1333 et 1348 Londres, British Library, Add. 6 (L2) Version hybride de traduc/ 7 tions d’origine incertaine; 17275, f° 37 b - 40 d (L1) milieu du XIIIème siècle (?)
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20
14 (L5)
Londres, British Library, Royal 20. B. II, f° 57 r° - 80 v°
Londres, British Library, Stowe 50, f° 221 b - 226 b
14 (L3)
Londres, British Library, Loan 36, 2 (ex-Cheltenham, Biblio thèque Phillipps, 199), f° 250 b 256 d Londres, British Library, Royal 19. B. XVII, f° 170 c - 174 c Paris; 1382
Paris; début du XVème siècle (vers 1410 ?)
France; milieu du XVème siècle
Angleterre (?); début ou première moi- Écriture cursive livresque antié du XIVème siècle glaise. Scripta anglo-normande
Angleterre (?); fin du XIIIème ou premier Écriture gothique livresque. quart du XIVème siècle Scripta anglo-normande
Flandre, décoration peut-être due au Écriture gothique livresque. Maître anonyme du Livre de prières Aucun trait de scripta révélade Dresde (vers 1490); fin du XVème teur siècle Traduction de la Legenda Pays-Bas (partie méridionale ?); fin du aurea par Jean de Vignay; XVème siècle (vers 1470 - 1480 ?) entre 1333 et 1348
Traduction de la Legenda aurea par Jean de Vignay; entre 1333 et 1348 Adaptation anonyme de la Legenda aurea. Provenance indéterminée; XVème siècle (?)
14 (L2)
Londres, British Library, Egerton 645, f° 199 d - 204 b
14 (L4)
13
Londres, British Library, Cotton Domitian, A. XI, f° 94 b 97 b
Adaptation du Postquam Dominus en octosyllabes à rimes plates par Guillaume le Clerc de Normandie. Ouest (Normandie ou Angleterre); vers 1210 - 1240 Adaptation de la Legenda aurea en octosyllabes à rimes plates par Nicole Bozon. Angleterre; avant 1350 (peut-être dès la fin du XIIIème siècle) Traduction de la Legenda aurea par Jean de Vignay; entre 1333 et 1348 Traduction de la Legenda aurea par Jean de Vignay; entre 1333 et 1348
Londres, British Library, Add. 5 (L) 70513 (ex-Welbeck Abbey, duc de Portland, 1. C. I), f° 50 c 55 c
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14
14 (L6)
12 (M)
New York, Pierpont Morgan 14 (N) Library, 674, f° 49 r° - 58 r°
Munich, Bayerische Staats- 14 bibliothek, Gall. 3, f° 118 b - (Mu) 121 b Nantes, Musée Dobrée, 5, 1 (N) f° 198 a - 201 a
Modène, Biblioteca Estense Universitaria, etr. 116 (d.T.4.14; olim XI.G.24; XVII.II.4), f° 176 d - 182 c
Lyon, Bibliothèque municipale, 2 (Ly) 867 (772), f° 53 b / c - 56 b
Londres, British Library, Yates Thompson 49, 2, f° 112 d 115 b Londres, Catalogue de B. Quaritch (voir présentation de l’édition) Décoration réalisée à Paris (dans le style du Maître de Coëtivy) et à Rouen; vers 1470 Montpensier; 1480. Exécuté pour Louis le Bâtard de Bourbon, par un copiste du nom de Johannes. Le texte aurait été copié à partir de l’édition de Buyer Traduction anonyme de Arras (?); vers 1300 Écriture gothique livresque. l’Adbreviatio in gestis et miProvenance septentrionale (Piraculis sanctorum de Jean de cardie ou Vermandois, selon Mailly. Provenance indéterP. Meyer) minée; vers 1240 - 1250 Traduction anonyme de la Sud de la France ? (Narbonne ?); pre- Écriture gothique livresque itaLegenda aurea, peut-être ré mière moitié du XIVème siècle ? lienne digée dans la partie méridionale de la France, avant sa transmission en Italie; seconde moitié du XIIIème ou première moitié du XIVème siècle ? Traduction de la Legenda Paris; milieu du XVème siècle (vers aurea par Jean de Vignay; 1430 ?) entre 1333 et 1348 Texte anonyme, vraisembla- Provenance indéterminée; premier Écriture gothique livresque. blement issu du Nord-Est; quart du XIIIème siècle, ou vers 1200 Mélange de traits picards et fin du XIIème ou début du wallons XIIIème siècle Traduction de la Legenda Pays-Bas (partie méridionale (Bruaurea par Jean de Vignay; ges ?)); milieu du XVème siècle (entre 1445 et 1460, ou vers 1470 ?) entre 1333 et 1348
Traduction de la Legenda aurea par Jean de Vignay; entre 1333 et 1348 Traduction de la Legenda aurea par Jean de Vignay; entre 1333 et 1348
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Oxford, Queen’s College, 305, 7 (O) Traduction anonyme du Fuit Enluminé à Avignon ou à Carpentras, Écriture bâtarde. Aucun trait f° 259 a - 263 d de scripta révélateur (P. Meyer igitur. Provenance indéter- vers 1460 en attribue cependant la rédacminée; milieu du XIIIème tion à un copiste originaire de siècle (?) l’Est) Paris, Bibliothèque de l’Arse- 1 (A) Texte anonyme, vraisembla- Artois (Thérouanne ou Saint-Omer); Écriture cursive gothique. nal, 3516, f° 57 b - 57 h blement issu du Nord-Est; 1267 Quelques picardismes courants fin du XIIème ou début du XIIIème siècle Paris, Bibliothèque de l’Arse- 14 Traduction de la Legenda Pays-Bas (partie méridionale (Brunal, 3682, f° 294 d - 301 a (Ars1) aurea par Jean de Vignay; ges ?)); milieu ou fin du XVème siècle (vers 1480 - 1485 ?) entre 1333 et 1348 Paris, Bibliothèque de l’Arse- 14 Traduction de la Legenda Paris; fin du XIVème ou début du XVème nal, 3705, f° 148 a - 151 d (Ars2) aurea par Jean de Vignay; siècle entre 1333 et 1348 Paris, Bibliothèque de l’Arse- 2 (A) Traduction anonyme de Provenance indéterminée; milieu ou se- Écriture bâtarde. Quelques nal, 3706, f° 141 r° - 151 v° l’Adbreviatio in gestis et mi- conde moitié du XVème siècle traits de l’Est, peu prononcés, raculis sanctorum de Jean de accompagnés de picardismes Mailly. Provenance indétersuperficiels minée; vers 1240 - 1250 Paris, Bibliothèque de l’Institut 16 (P) Traduction anonyme de la Provenance indéterminée; XVème siècle Écriture cursive gothique. de France, 12, 2ème partie, f° 87 b Quelques traits dialectaux disLegenda aurea. Provenance séminés, susceptibles d’appar91 d incertaine (peut-être analotenir au Nord-Est, ou contingue à l’aire de diffusion du gents texte); avant 1385 Paris, Bibliothèque Mazarine, 7 (M) Traduction anonyme du Fuit Picardie ? Fin du XIIIème ou début du Écriture gothique livresque. 1716 (568), f° 259 a - 264 b igitur. Provenance indéter- XIVème siècle (exemplaire susceptible Quelques traits superficiels piminée; milieu du XIIIème d’appartenir à un ensemble de manus- cards et wallons crits réalisés à Cambrai, dont l’un est siècle (?) daté de 1299)
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Paris, Bibliothèque Mazarine, 14 Traduction de la Legenda Paris, œuvre de l’atelier du Maître aux 1729, f° 159 c - 163 c) (Ma) aurea par Jean de Vignay; boqueteaux; fin du XIVème siècle (vers 1375 ? Même enlumineur que pour le entre 1333 et 1348 manuscrit présenté dans le Catalogue de la bibliothèque du Dr. Jörn Günther à Hambourg) Paris, Bibliothèque nationale 6 (P1) Version hybride de traduc- Ce volume, initialement réuni avec le de France, f. fr. 183, f° 60 c - / 7 tions d’origine incertaine; manuscrit 71.A.24 de la Bibliothèque 63 f (P1) milieu du XIIIème siècle (?) royale de La Haye, aurait été confectionné par Thomas de Maubeuge pour Charles IV et enluminé par le Maître de Fauvel. 1327 (?) Paris, Bibliothèque nationale 14 Traduction de la Legenda Paris; début du XVème siècle (vers de France, f. fr. 184, f° 179 d - (P1) aurea par Jean de Vignay; 1402 ?) 184 b entre 1333 et 1348 Paris, Bibliothèque nationale 6 (P2) Version hybride de traduc- Peut-être réalisé par Thomas de de France, f. fr. 185, f° 24 f - / 7 tions d’origine incertaine; Maubeuge; enluminé par Richard de (P2) milieu du XIIIème siècle (?) Monbaston et plusieurs de ses collabo27 e rateurs. Vers 1325 Paris, Bibliothèque nationale 14 Traduction de la Legenda Paris; 1348 de France, f. fr. 241, f° 162 d - (P2) aurea par Jean de Vignay; 167 d entre 1333 et 1348 Paris, Bibliothèque nationale 14 Traduction de la Legenda Paris; début du XVème siècle (vers de France, f. fr. 242, f° 140 d - (P3) aurea par Jean de Vignay; 1402 ?) 144 b entre 1333 et 1348 Paris, Bibliothèque nationale 14 Traduction de la Legenda Paris; début du XVème siècle (vers de France, f. fr. 243, f° 176 b - (P4) aurea par Jean de Vignay; 1415 ?) 181 a entre 1333 et 1348 Paris, Bibliothèque nationale 14 Traduction de la Legenda Paris, œuvre de Jacques de Besançon; de France, f. fr. 244, f° 200 b - (P5) aurea par Jean de Vignay; fin du XVème siècle (vers 1480 ?) 206 c entre 1333 et 1348
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Écriture gothique livresque. Aucun trait de scripta révélateur
Écriture gothique livresque. Aucun trait de scripta révélateur
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18 (P1)
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Paris, Bibliothèque nationale 2 (P2) de France, f. fr. 988, f° 125 c 128 c
Paris, Bibliothèque nationale 2 (P1) de France, f. fr. 423, f° 32 a 33 b
Paris, Bibliothèque nationale 14 de France, f. fr. 414, f° 203 a - (P6) 208 a Paris, Bibliothèque nationale 14 de France, f. fr. 415, f° 262 a - (P7) 268 b Paris, Bibliothèque nationale 1 (P1) de France, f. fr. 422, f° 125 d 127 c
Paris, Bibliothèque nationale 7 (P3) de France, f. fr. 413, f° 379 b 383 c
Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 409, f° 160 r° 171 v° Adaptation anonyme. Prove- Est / Angleterre ? Seconde moitié ou fin Écriture gothique livresque. nance indéterminée; XIVème du XIVème siècle (XVème siècle ?) Quelques traits dialectaux isosiècle ? lés dont certains pourraient provenir de l’Ouest Écriture cursive gothique. Traduction anonyme du Fuit Provenance indéterminée; vers 1400 Aucun trait de scripta révélaigitur. Provenance indéterteur minée; milieu du XIIIème siècle (?) Traduction de la Legenda Paris; 1404 aurea par Jean de Vignay; entre 1333 et 1348 Traduction de la Legenda Paris; début du XVème siècle (vers aurea par Jean de Vignay; 1415 ?) entre 1333 et 1348 Texte anonyme, vraisembla- Provenance indéterminée; dernier quart Écriture gothique livresque. blement issu du Nord-Est; du XIIIème siècle (ou début du XIVème). Dialecte picard fin du XIIème ou début du Au point de vue stylistique, associé au manuscrit Princeton, University LibraXIIIème siècle ry, Garrett 125 Traduction anonyme de Provenance incertaine (DEAF : Lyon); Écriture gothique livresque arl’Adbreviatio in gestis et mi- XIVème siècle rondie. Tonalité méridionale raculis sanctorum de Jean de Mailly. Provenance indéterminée; vers 1240 - 1250 Traduction anonyme de Provenance incertaine; première moitié Écriture gothique livresque. l’Adbreviatio in gestis et mi- du XIVème siècle Texte copié dans l’Est, sans raculis sanctorum de Jean de doute en Bourgogne (ou peutMailly. Provenance indéterêtre en Lorraine) minée; vers 1240 - 1250
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Traduction ou remaniement anonyme de la Legenda aurea. Provenance indéterminée (même origine que le manuscrit ?); avant 1450 Paris, Bibliothèque nationale 15 Traduction ou adaptation de France, f. fr. 1534, f° 50 c anonyme de la Legenda 51 c aurea (?). Provenance indéterminée; milieu du XIVème siècle ? Paris, Bibliothèque nationale de 14 Traduction de la Legenda France, f. fr. 1535, f° 356 v° - (P8) aurea par Jean de Vignay; 365 r° entre 1333 et 1348 Paris, Bibliothèque nationale 6 (P3) Traduction anonyme du Post de France, f. fr. 6447, f° 243 d quam Dominus. Provenance 247 a indéterminée; milieu du XIIIème siècle (?) Paris, Bibliothèque nationale 14 Traduction de la Legenda de France, f. fr. 6448, f° 182 a - (P9) aurea par Jean de Vignay; 186 c entre 1333 et 1348 Paris, Bibliothèque nationale de 9 et Compilation et traduction France, f. fr. 13496, f° 131 a - 24 du BHL 5491, anonymes. 146 c et 230 b - 233 b Bourgogne; fin du XIIIème ou début du XIVème siècle (?) Paris, Bibliothèque nationale de 1 (P2) Remaniement d’un texte a nonyme, vraisemblableFrance, f. fr. 15212, f° 161 v° ment issu du Nord-Est (fin 169 v° du XIIème ou début du XIIIème siècle). La version contenue dans ce volume est sans doute d’origne septentrionale, mais sa date est inconnue
Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1054, f° 198 r° 207 r°
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Provenance indéterminée; XIVème siècle Écriture gothique livresque. Tonalité picarde
Provenance incertaine (Bourgogne ?); Écriture gothique livresque. seconde moitié du XIIIème ou début du Dialecte bourguignon XIVème siècle
Origine flamande (ce volume appartient Écriture gothique livresque. peut-être à un ensemble de manuscrits Scripta septentrionale liégeois de la seconde moitié du XIIIème siècle); 1275 - 1280 Paris; fin du XVème siècle (vers 1480 ?)
France; fin du XVème siècle
Seconde moitié du XIVème ou XVème Écriture cursive courante. siècle; provenance indéterminée Aucun trait de scripta révélateur
Abbaye de Saint-Nicolas des Prés de Écriture cursive gothique. Tournai; 1450 Scripta septentrionale, sans doute picarde
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Provenance indéterminée; XVème siècle Écriture cursive courante. Aucun trait de scripta révélateur
Provenance indéterminée; seconde moi- Écriture cursive gothique. tié du XVème siècle Aucun trait de scripta révélateur Exemplaire rattaché à la production ar- Écriture gothique livresque. rageoise de la fin du XIIIème siècle, mais Les formes présentes dans le dont la provenance exacte est incertaine texte ne confirment pas de ma(Artois ?); fin du XIIIème siècle nière indubitable une origine picarde Paris, Bibliothèque nationale de 14 Traduction de la Legenda France; milieu ou fin du XVème siècle France, f. fr. 17232, f° 159 c - (P10) aurea par Jean de Vignay; 163 b entre 1333 et 1348 Paris, Bibliothèque nationale de 5 (P) Adaptation du Postquam Angleterre (Oxford ?), issu de l’atelier Écriture gothique livresque. France, f. fr. 19525, f° 67 a Dominus en octosyllabes à de William de Brailes; deuxième quart Scripta anglo-normande 72 c rimes plates par Guillaume le du XIIIème siècle Clerc de Normandie. Ouest (Normandie ou Angleterre); vers 1210 - 1240 3 Paris, Bibliothèque nationale de 1 (P ) Texte anonyme, vraisembla- Provenance incertaine; XIVème siè- Écriture gothique livresque. France, f. fr. 19531, f° 169 d blement issu du Nord-Est; cle (?) Quelques traits dialectaux pi172 c fin du XIIème ou début du cards et, peut-être, anglo-normands XIIIème siècle Paris, Bibliothèque nationale de 10 (P) Traduction anonyme de la Auvergne; dernier quart du XIIIème Écriture gothique livresque. France, f. fr. 20330, f° 159 d Legenda aurea. Provenance siècle Quelques picardismes (mê164 a incertaine (Auvergne ?); mes caractéristiques que pour avant 1275 environ le légendier Le Puy-en-Velay, Grand Séminaire)
Paris, Bibliothèque nationale de 26 (P) Reproduction partielle du France, f. fr. 15219, f° 93 v° texte contenu dans le ma95 v° nuscrit Rouen, Bibliothèque municipale, 1430 (U 93) voir présentation Paris, Bibliothèque nationale de 18 Adaptation anonyme. ProveFrance, f. fr. 15475, f° 197 a - (P2) nance indéterminée; XIVème 206 b siècle ? Paris, Bibliothèque nationale de 7 (P4) Traduction anonyme du Fuit France, f. fr. 17229, f° 331 b igitur. Provenance indéter336 d minée; milieu du XIIIème siècle (?)
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Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 23114, f° 184 r° 188 v°
Paris, Bibliothèque nationale 7 (P6) de France, nouv. acq. fr. 13521, f° 108 a - 113 c
Paris, Bibliothèque nationale 21 de France, nouv. acq. fr. 4464, f° 149 r° - 154 r° Paris, Bibliothèque nationale 6 (P5) de France, nouv. acq. fr. 10128, f° 241 b - 246 d
Paris, Bibliothèque nationale de 6 (P4) France, f. fr. 25532, f° 294 r° 298 v°
Paris, Bibliothèque nationale de 7 (P5) France, f. fr. 23117, f° 402 d 406 c
14 (P11)
Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 23113, f° 4 a - 9 c
Traduction de la Legenda aurea par Jean de Vignay; entre 1333 et 1348 Traduction anonyme de la Legenda aurea dédiée à Béatrice de Bourgogne (remaniement possible). Provenance indéterminée; entre 1276 et 1329 Traduction anonyme du Fuit igitur. Provenance indéterminée; milieu du XIIIème siècle (?) Traduction anonyme du Post quam Dominus. Provenance indéterminée; milieu du XIIIème siècle (?) Adaptation anonyme de la Legenda aurea. Provenance indéterminée; XVème siècle (?) Traduction anonyme du Post quam Dominus. Provenance indéterminée; milieu du XIIIème siècle (?) Traduction anonyme du Fuit igitur. Provenance indéterminée; milieu du XIIIème siècle (?) Écriture gothique livresque. Picardismes isolés mais assez prononcés
Provenance indéterminée; dernier quart Écriture gothique livresque. Aucun trait de scripta révélateur du XIIIème siècle
Provenance indéterminée; XVème siècle Écriture cursive gothique. Quelques picardismes, peu significatifs Nord de la Loire (Paris ?); seconde Écriture gothique livresque. Aucun trait de scripta révélamoitié du XIIIème siècle teur
Province de Reims; vers 1260 - 1270
Provenance indéterminée; début du Écriture gothique livresque. Aucun trait de scripta révélaXIVème siècle (vers 1300) teur
Provenance indéterminée; XVème siècle Écriture bâtarde. Scripta picarde (traits disséminés)
France; début ou milieu du XVème siècle
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Traduction anonyme, peutêtre rédigée dans la partie méridionale de la France, avant sa transmission en Italie; seconde moitié du XIIIème ou première moitié du XIVème siècle ? Pau, Archives départementales 8 (P) Composition anonyme (346 des Basses-Pyrénées, 20 (F), quatrains 4 a 10 a 10 a 10 a). f° 101 r° - 124 v° Origine incertaine (Ouest, Nord-Est ou Est ?); première moitié du XIVème siècle (?) Rennes, Bibliothèque munici- 14 (R) Traduction de la Legenda pale, 266, f° 170 b - 174 d aurea par Jean de Vignay; entre 1333 et 1348 Rouen, Bibliothèque munici 26 (R) Compilation anonyme. Pro pale, 1430 (U 93), f° 58 v° venance indéterminée; XVème 61 v° siècle (?)
Paris, vente Drouot (voir présentation de l’édition)
Écriture gothique livresque. Légère tonalité septentrionale ou quelques traits de l’Est, selon la partie du légendier prise en compte (pour la vie de Marie-Madeleine, très discrets picardismes) Écriture gothique livresque. Aucun trait de scripta révélateur
Écriture gothique livresque. Scripta neutre, avec quelques traits wallons (ou picards-wallons) superficiels
Provenance incertaine (certaines piè- Écriture cursive gothique. ces atypiques du légendier peuvent être Quelques traits isolés de l’Est rattachées aux régions d’Angers et de (dialecte lorrain ?) Chartres); XVème siècle
France; fin des années 1390 ou vers 1400
Provenance indéterminée; XIVème siècle Écriture bâtarde. Est du domaine d’oïl (Lorraine ou Bourgogne)
Paris; vers 1470 - 1480
Paris, Bibliothèque nationale de 2 (P3) Traduction anonyme de Soissons; vers 1250 France, nouv. acqu. fr. 23686, l’Adbreviatio in gestis et mif° 147 c - 149 b raculis sanctorum de Jean de Mailly. Provenance indéterminée; vers 1240 - 1250 Paris, Bibliothèque Sainte2 Traduction anonyme de Provenance indéterminée; vers 1300 Geneviève, 587, f° 85 c - 87 a (SG) l’Adbreviatio in gestis et miraculis sanctorum de Jean de Mailly. Provenance indéterminée; vers 1240 - 1250
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Tours, Bibliothèque municipa- 18 (T) le, 1012, f° 27 v° - 36 r°
Tours Bibliothèque municipale, 12 (T) 1008, f° 195 c - 199 c
Tournai, Bibliothèque du Sémi- 16 (T) naire, 43, f° 144 r° - 147 r°
Tournai, Bibliothèque locale et 17 (T) principale de la Ville, 127, f° 189 c - 193 c
Semur-en-Auxois, Bibliothèque municipale, 38 (39), f° 227 v° 235 v°
Saint-Pétersbourg, Bibliothè- 2 / 6 / que de l’Académie des sciences 7 (?) de Russie, F. 403
Nord de la France (peut-être lié plus spé- Écriture gothique livresque cifiquement au groupe douaisien dont provient le recueil Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19531); fin du XIIIème ou début du XIVème siècle Adaptation anonyme de la Provenance indéterminée; XVème siècle Écriture cursive gothique. Aucun trait de scripta révélaLegenda aurea. Provenance teur (quelques picardismes, indéterminée; XVème siècle (?) sans doute contingents) Traduction ou adaptation Provenance indéterminée; deuxième ou Écriture gothique livresque. anonyme de la Legenda troisième quart du XVème siècle Scripta septentrionale, sans aurea, vraisemblablement doute picarde (peut-être flapicarde ou wallonne; antémande) rieure à 1399 Traduction anonyme de la Confectionné par un certain Jehan Écriture cursive gothique. Legenda aurea. Provenance Ansiel, à l’Abbaye de Lobbes (?); Scripta septentrionale, haiincertaine (peut-être analo- XVème siècle (1447 - 1472 ?) nuyère ou picarde gue à l’aire de diffusion du texte); avant 1385 Écriture gothique livresque itaTraduction anonyme de la Italie; XIIIème / XIVème siècle lienne Legenda aurea, peut-être rédigée dans la partie méridionale de la France, avant sa transmission en Italie; seconde moitié du XIIIème ou première moitié du XIVème siècle ? Adaptation anonyme. Prove- Provenance indéterminée; XVème siècle Écriture cursive gothique. nance indéterminée; XIVème Scripta neutre siècle ?
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Trèves, Stadtbibliothek/Stadt archiv, Mappe VIII
Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 11521, f° 88 d - 90 d
York, Minster Library and Archives, ms. XVI. K. 13, f° 135 r° / v°
Fragment d’une composition anonyme en strophes couées par un auteur anglonormand; milieu ou seconde moitié du XIIIème siècle (ou postérieur) ? Traduction du BHL 5456, de provenance indéterminée (mais d’origine française); fin du XIIIème ou XIVème siècle (?) Fragment d’une composition anonyme en strophes de 5 alexandrins monorimes par un auteur originaire de l’Ouest; datation incertaine
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Provenance indéterminée (copie insu- Écriture cursive livresque anlaire); vers 1300 (?) glaise. Scripta anglo-normande
Provenance exacte incertaine (copie Écriture gothique livresque itaméridionale); vers 1300 lienne
Provenance indéterminée; seconde moi- Écriture cursive livresque antié du XIIIème siècle (XIVème siècle ?) glaise. Scripta anglo-normande
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Index lexical1 A abondantement, n° 12, 13 (n) abrachier (« embrasser »), n° 19, 148 absolut (Joedi –, « jeudi de la semaine sainte »), n° 3, 43 (n); n° 18, 79 accepter, n° 22, 165 acostumer (– soi), n° 24, 12 adjurer, n° 19, 187 affinité (« parenté par alliance »), n° 9, 10 agesir (« accoucher »), n° 1, 40, 41 aideresce, n° 26, 43, 207 amaistrer (– aucun en aucune rien, « instruire quelqu’un de quelque chose »), n° 4, 44, 70 (n) angelique, n° 19, 171, 197; n° 20, 174, 203 annubler (« se couvrir (du ciel) »), n° 24, 446 antaillement (« gravure, sculpture »), n° 9, 69 anticiper (– soi), n° 17, 95 antoine (« longue vergue inclinée servant à soutenir une voile latine (triangulaire) »), n° 6, 73 apareileresse (« administratrice, intendante »), n° 12, 54 (n) apostolesse, n° 3, 102, 154; n° 16, 39; n° 17, 49 apostolique (« relatif aux apôtres »), n° 20, 90 apparissance (« vestige »), n° 9, 70 appellation (« vocation »), n° 10, 274 appellement (1° « appel, intercession », ou « rappel »; 2° « vocation »), 1° n° 9, 168; 2° n° 12, 308 (n); n° 14, 298
applicquier (« aborder, arriver »), n° 14, 149, 172; n° 17, 107, 128; n° 19, 118, 121, 140, 161 aromatique, n° 10, 233; n° 19, 217 aspirassion (« inspiration »), n° 12, 43 (n) assecution (« action d’acquérir, obtention »), n° 17, 6 assigner, n° 24, 495 assorbir (– soi, « se couvrir (du ciel) »), n° 15, 43 ateïnemant (« ravage »), n° 9, 6 avoiement (« visiblement »), n° 18, 371 B barjecte (« petite embarcation »), n° 18, 285 barni (a chiere –, « avec une expression résolue »), n° 1, var. ms. Leyde, Bibliothèque de l’Université, B.P.L., 46A, 26 baubeter (« pousser des cris inarticulés », litt. « balbutier »), n° 3, 115; n° 14, 134 baume (« grotte, caverne »), n° 8, 1071, 1079, 1116, 1124, 1138, 1214; n° 10, 198; n° 16, 166 blete (« dépouille »), n° 9, 2, 69, 137 bondance (a –), n° 12, 131 (n) bont, n° 8, 752 boursier (« trésorier »), n° 20, 42 braser (« brûler, détruire par le feu »), n° 8, 1020 brouette, n° 17, 235 var. broutier (« meneur de brouette »), n° 17, 235 var.
Cet index répertorie les mots pourvus d’un commentaire dans les notices qui introduisent les 28 textes de notre corpus. Toutefois, seuls ceux dont les références sont reproduites en caractères gras ont fait l’objet d’une analyse ou d’une mention explicite (les autres renvoient aux occurrences qui figurent ailleurs dans nos éditions). En guise de vedette, nous avons choisi la forme la mieux représentée, au cas régime et au masculin pour les substantifs et les adjectifs variables. (n) signale une note; var. une variante et dirige donc vers l’apparat critique de la version concernée.
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index lexical
C canonique, n° 12, 217, 273 (n); n° 19, 173, 198 cantité, n° 17, 281 var. catoire (« ruche »), n° 1, var. ms. BNF, f. fr. 15212, 66 caurre (« chaleur »), n° 17, 34 cause (a – de), n° 20, 4, 172 charrot (« chariot »), n° 9, 115; n° 24, 881 (n) ciaule (« cellule, petite habitation isolée »), n° 6, 232 (n) cognomination (« dénomination »), n° 19, 5 colliege, n° 20, 213 concupission, n° 12, 337 (n) conduitte, n° 19, 53 congregation, n° 6, 228; n° 7, 256 (n) congruité, n° 17, 228; n° 23, 217 constamment, n° 19, 58; n° 20, 68 constituer (« élire »), n° 19, 166 contemplation, n° 3, 128; n° 6, 211; n° 10, 175; n° 12, 4, 12, 211; n° 14, 4, 8, 9, 13; n° 17, 4, 7, 8, 149; n° 19, 4, 170; n° 22, 9, 11; n° 23, 152; n° 24, 189 contemplatif, n° 17, 156; n° 18, 340; n° 24, 195 contemplativement, n° 21, 130 continu, n° 10, 224 continuance (« continuité »), n° 14, 8 continuation (« continuité »), n° 12, 8 (n); n° 17, 7 continué, (– a / avec, « consécutif, lié à » (?)), n° 12, 8 (n); n° 14, 8; n° 17, 8 contraire (au –), n° 17, 89; n° 19, 95 (n); n° 23, 87 contrestant (non – que, « bien que »), n° 26, 157 var. contumacie, n° 12, 8 (n) converse (« lieu de séjour »), n° 17, 147 convenir (« s’assembler, se réunir »), n° 19, 56 convertir (– soi vers aucun, « se tourner vers quelqu’un »), n° 19, 208 convoquer, n° 19, 212
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corrumpement (« altération, dommage »), n° 8, 19 croiseresse, n° 1, var. ms. BNF, f. fr. 15.212, 171 cubite (« coude (unité de mesure) »), n° 11, 222 D decentement, n° 19, 223 decepcion (« tromperie »), n° 21, 43 deffier (– soi d’aucune rien), n° 21, 196 degasterresse (« dilapidatrice »), n° 14, 56; n° 23, 32 dehaïr, n° 3, 12 delectation, n° 10, 275, 276, 279; n° 11, 285, 286, 291; n° 12, 310, 311 (n); n° 22, 211, 212 (n); n° 23, 220, 221, 222 delicieusement, n° 3, 5; n° 11, 12; n° 16, 68; n° 17, 27 delitez (ou pluriel de delice ?), n° 21, 10 desacuser, n° 11, 36 deserrance (« désir »), n° 10, 206 (n) desolation, n° 17, 121; n° 19, 121 desolé, n° 17, 98; n° 22, 93, 98 (n); n° 23, 69 despeeschiement (« rapidement »), n° 9, 124 (n); n° 24, 892 desplaner (« effacer »), n° 17, 16, 242 dessevelir, n° 24, 890 destruiement, n° 6, 102; n° 18, 237 dispersion, n° 10, 49; n° 11, 57; n° 12, 77 (n); n° 16, 43; n° 19, 49; n° 23, 47 disposition, n° 17, 125; n° 19, 138 dissolution, n° 22, 35, 209 distribuer, n° 20, 24; n° 21, 12; n° 22, 31, 44 (n) diviser, n° 19, 10 E effronteement, n° 24, 969 emboivre (« imprégner »), n° 3, 13 (n) emplement, n° 9, 36 endiué (« qui est tout en Dieu »), n° 1, var. ms. BNF, f. fr. 15212, 70 engroissier (« grossir, enfler (du vent ou de
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la mer) »), n° 6, 75; n° 10, 104; n° 18, 191 ensuigammant (« ultérieurement »), n° 24, 110 entavelure (« représentation », « gravure, sculpture »), n° 22, 161 ententiblement (« attentivement, diligemment »), n° 9, 80, 137, 174 (n); n° 24, 906, 921 entonir (« devenir gourd »), n° 18, 369 entranssé (« ni endormi ni bien éveillé »), n° 18, 562 entretenir, n° 20, 21 entreprise, n° 24, 316, 869 enundacion, voir innondation escolliere, n° 22, 44 esluier (« accueillir »), n° 9, 144 esmerveillablement, n° 18, 460 espirer (« exhaler »), n° 12, 90 (n) estagie, voir stade estat (estre en – d’aucune rien faire), n° 21, 74 esteure (« maintien, port », ou « apparence »), n° 24, 524 eupvre (s.m.), n° 19, 205 exauchier, n° 19, 88; n° 22, 85 (n) excerser (et – soi en aucune rien), n° 19, 12, 260 exorter, n° 8, 767, 1215 expirer (« mourir »), n° 5, 289; n° 10, 107 exposer (– soi à aucune rien, « se livrer à quelque chose »), n° 19, 12 expressé (– d’aucune rien, « animé de », « mu, tourmenté par »), n° 24, 250, 283 (n) extreme, n° 20, 15 ez (a –, « en hâte »), n° 21, 158 F facillement, n° 19, 211 faculté (« capacité »), n° 17, 25 fain, faner (« temple »), n° 12, 84, 85 familiaire, n° 14, 53; n° 17, 38, 231 ferveur, n° 3, 6; n° 8, 1153 florissable, n° 9, 159 (n)
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foreste, n° 4, 110 (n) fortefier (« conforter »), n° 9, 108; n° 24, 874 (n) fraschun (« éclat, résidu de bois »), n° 9, 82 fremissement, n° 6, 36 fruition (« jouissance), n° 22, 12 G generation (« descendance, postérité, lignée »), n° 6, 11, 12; n° 19, 62 (n) glare (« gravier »), n° 19, 142 gracieusement, n° 24, 347 graver, n° 17, 205 grec (nom d’un vent), n° 8, 886 H habille (– a, « propre à »), n° 19, 169 hosteliere, n° 22, 45 I illumineré, n° 4, 101 (n) immoler, n° 17, 63; n° 19, 56, 62 (n) imvoquier, n° 19, 187 incessamment, n° 20, 95, 239 incongnu, n° 19, 170, 196 incontinent (« aussitôt »), n° 11, 181; n° 16, 160; n° 20, 245 (– que, « dès que ») indigence (avoir – d’aucune rien, « manquer de quelque chose »), n° 19, 176 indigent, n° 20, 52 indigner, n° 11, 280; n° 17, 227; n° 22, 208 (n) induire (– aucun d’aucune rien, « amener, pousser quelqu’un à faire quelque chose »), n° 19, 140 infidele (s.m.), n° 19, 52 informer, n° 21, 68; n° 22, 71 (n) innondation, n° 10, 229; n° 19, 213 (n) inpugni, n° 22, 80 instamment, n° 19, 267 inster (« insister »), n° 19, 95 instituer (– son corps a aucune rien, « imposer quelque chose à soi-même » (ici, un état de privation matérielle et d’abstinence physique)), n° 19, 17
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instruire, n° 19, 137 internel (« intérieur »), n° 17, 4; n° 19, 3 (n) J jubilacion, n° 12, 245 (n); n° 19, 198; n° 20, 211, 232 L lamentable, n° 10, 108 lechierece (« débauche, turpitude »), n° 6, 113 lieuchon (« couche »), n° 3, 131 longueté, n° 9, 118 luxurieusement, n° 3, 6; n° 17, 27 M magnifique, n° 12, 18, 24 (n) malivolense (« hostilité, ressentiment »), n° 17, 77 manifestement, n° 24, 128 marin (s.m., « vent du sud »), n° 8, 886 materiel (adj.), n° 17, 152 matrone (« mère de famille »), n° 10, 66, 77, 91; n° 17, 84, 94, 95; n° 19, 64, 76, 89, 102 (n); n° 26, 133, var., 143, var. meneriz (« conductrice, guide »), n° 10, 164 menerresse (« conductrice, guide »), n° 14, 193 mer(e)aleresse (« sage-femme, accoucheuse »), n° 17, 137 var. misericordement, n° 7, 29 misericordiousemant, n° 24, 71 mission (« envoi »), n° 24, 804 mondanité (« vanité mondaine »), n° 20, 14 murmureur, n° 1, var. ms. Leyde, Bibliothèque de l’Université, B.P.L., 46A, 50 N nappe (« revêtement d’autel »), n° 16, 225; n° 19, 252 (n); n° 22, 191 (n) necessairement, n° 21, 72 negligent, n° 19, 68 nocler (« patron d’un navire »), n° 4, 56, 74 (n)
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nombrable (neant –, « innombrable ») n° 9, 40; n° 24, 814 (n) nonobstant (– ce, « malgré cela »; – que (...), « bien que (...) »), n° 22, 159; n° 26, 157 notablement, n° 21, 39, 170 O obrigassion, n° 12, 20 (n) obtemperer, n° 19, 80 octavement (« huitièmement »), n° 22, 118 opprimes (« tout juste »), n° 17, 139 ostretris (« sage-femme, accoucheuse »), n° 12, 192 (n) P papeter (« faire du bruit avec sa bouche, produire des sons inarticulés », « babiller »), n° 18, 201 papiner (comme le précédent (?)), n° 12, 138 (n) pardonance, n° 10, 203, 285 pareillement, n° 11, 86 patentement (« clairement »), n° 19, 146 penti (« repentant »), n° 4, 50 (n) peroindre (intensif de oindre), n° 9, 74 pierrusoille (diminutif de pierre), n° 2, 152 plentureusement, n° 16, 69 portique, n° 12, 84 (n) preceder, n° 20, 85 precieusement, n° 16, 68 prendement, n° 12, 7 (n) prerogative, n° 22, 213 procureresse (« administratrice, intendante »), n° 11, 35; n° 14, 53; n° 19, 29 (n); n° 20, 62; n° 23, 29 procureriz (« administratrice, intendante »), n° 10, 29 prodigalité, n° 22, 58 prodigue, n° 19, 31; n° 20, 66 prophetaublemant, n° 2, 20 prostrer (– soi), n° 10, 229 puissedi (« depuis »), n° 17, 39 R ramece (« balai »), n° 9, 81
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receler, n° 24, 648 reclinner (– soi, « se recoucher »), n° 22, 174 recouvreor (« racheteur »), n° 6, 250 redoubtaument, n° 18, 34 refaiseour, n° 10, 196 reprendre, n° 10, 296 (n) representacion, n° 9, 66 repus (Dimence –, « dimanche de la Passion »), n° 3, 35 reputer (1° « considérer comme, estimer »; 2° « blâmer » ?), 1° n° 14, 319; 2° n° 17, 80 var. (n) resconduement (« en cachette »), n° 10, 149 resconsement (« en cachette »), n° 8, 481 restituer, n° 10, 155; n° 19, 134, 151 (n); n° 26, 177 retirer (– soi arriere, « reculer »), n° 11, 200 revengier, n° 17, 80 (n) reveramment, n° 20, 230; n° 21, 193; n° 22, 151 (n) revocquer (– aucun d’aucune rien, « dissuader quelqu’un de quelque chose »), n° 19, 57 roborer (estre roboré d’aucune rien, « être conforté par quelque chose »), n° 19, 85 S saigedamme (« sage-femme, accoucheuse »), n° 17, 137 sanghin, n° 3, 11 senglotement, n° 9, 64 sepulturer, n° 19, 158 sergente, n° 24, 281, 952 serpente, n° 11, 81; n° 21, 45, 55; n° 23, 66 servente, n° 10, 36, 50; n° 20, 72 servicial (« servante »), n° 10, 34 serviteresse, n° 19, 34, 37, 154 seurondement (« débordement »), n° 14, 131 siroc (nom d’un vent), n° 8, 886 solitairement, n° 21, 136 soloit (« soleil »), n° 6, 312 (n)
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sormontement (« débordement, excès »), n° 24, 329 stade, n° 12, 221 (n); n° 17, 156 subitement, n° 20, 176 suranné (« qui a plus d’un an »), n° 18, 278 sushabondance, n° 14, 24 sushabonder, n° 14, 25 T taisier, n° 8, 344 tecte (« sein, téton »), n° 16, 141 tecter, n° 16, 141 temporel (s.m.), n° 21, 10; n° 22, 31 temporellement, n° 22, 24 teriien (s.m., « propriétaire foncier »), n° 22, 26 throne, n° 8, 1336 trachier (« biffer, annuler en traçant »), n° 16, 228 transe (estre en transes, « agoniser »), n° 5, 341; n° 19, 113 transporter, n° 19, 224 (n); n° 24, 771 trees (– l’un – l’autre, « sur-le-champ, en hâte »), n° 26, 19 V venerable, n° 19, 244 ventrerie (« accouchement », ou forme erronée de ventriere, « accoucheuse, sage-femme » ?), n° 18, 303 veritablement, n° 20, 57 visiblement, n° 21, 139
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Index des citations bibliques La vie évangélique de Marie-Madeleine est écrite à partir d’allusions aux différentes Marie des Évangiles. Les auteurs opèrent une synthèse des éléments attribués à notre sainte par la tradition patristique. Rappelons les principaux textes mis à contribution : Matthieu Marc
26, 1 - 23 Onction à Béthanie (chez Simon le Lépreux, onction de la tête, annonce de la mort du Christ) 27, 54 - 61 Femmes à la Croix et au Sépulcre 28, 1 - 10 Femmes au Sépulcre et annonce pascale
14, 3 - 9 Onction à Béthanie (chez Simon le Lépreux, onction de la tête, annonce de la mort du Christ) 15, 40 - 41 Femmes à la Croix 15, 47 Femmes au Sépulcre 16, 1 - 8 Femmes au Sépulcre et annonce pascale 16, 9 - 11 Apparition du Christ à Marie de Magdala
Luc
7, 36 - 50
8, 1 - 3 10, 38 - 42 23, 55 - 56 24, 1 - 11
Jean
11, 2 - 43 Femmes de Béthanie et résurrection de Lazare 12, 1 - 11 Onction à Béthanie (onction des pieds, intervention de Judas) 19, 25 Femmes à la Croix 20, 1 - 18 Apparition du Christ jardinier
Jésus et la femme pécheresse (chez Simon le Pharisien, onction des pieds, parabole de l’usurier, pardon accordé) Les compagnes de Jésus (les sept démons) Marthe et Marie Femmes au Sépulcre Femmes au Sépulcre et annonce pascale
La combinaison des sources varie d’une version à l’autre. Celles-ci font parfois explicitement référence aux Évangélistes (Luc et Marc, version n° 7, par exemple). À plusieurs reprises, des citations latines apparaissent dans les textes vernaculaires (n° 1, 9, 26, par exemple). Certains extraits des textes évangéliques sont traduits de façon presque littérale dans les vies médiévales; nous n’indiquons ici que les passages d’une certaine ampleur : Marc 14, 6 - 9 (réponse du Christ à ceux qui s’irritent de la dépense de l’onction à Béthanie) : n° 1 (manuscrit L) Marc 16, 1 - 7 (onction des trois Marie) : n° 1 (manuscrit P2), 24
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index des citAtions bibliques
Marc 20, 1 - 10 (Jean et Pierre au Tombeau) : n° 24 Luc 7, 36 - 50 (onction par la femme pécheresse, parabole des deux débiteurs, pardon accordé) : n° 1 (manuscrits L et P2), 3, 26 Luc 7, 39 - 55 (parabole des deux débiteurs) : n° 13, 20, 24 Luc 10, 38 - 42 (Marthe s’indigne de l’oisiveté de sa sœur) : n° 13, 24 Jean 11, 17 - 46 (résurrection de Lazare) : n° 1 (manuscrit L), 24 Jean 12, 1 - 6 (onction à Béthanie, repas en l’honneur de Lazare, réaction de Judas) : n° 1 (manuscrit L), 3, 18, 20 Jean 20, 1 - 10 (venue de Jean et de Pierre au tombeau) : n° 24 Jean 20, 11 -15 (rencontre avec le Christ jardinier) : n° 1 (manuscrit P2), 24, 25. D’autres citations bibliques apparaissent dans les vies de Marie-Madeleine : Deutéronome 8, 15 ou Esaïe 48, 21, par exemple (Dieu a le pouvoir de faire jaillir l’eau du rocher) : n° 5 Esaïe 49, 15 (Dieu n’oublie pas ceux qui Lui font confiance) : n° 18 Lamentations de Jérémie 3, 25 (Dieu prend pitié de ceux qui gardent espoir en Lui) : n° 23 Matthieu 4, 18 - 19 (rencontre du Christ avec (Simon-)Pierre et André) : n° 28 Matthieu 21, 31 (les prostituées et les collecteurs d’impôts précéderont les grands prêtres et les anciens du peuple au royaume des cieux) : n° 20 Luc 5, 1 - 11 (pêche miraculeuse et abondance des poissons) : n° 28 Luc 15, 3 - 7 (parabole du bon berger) : n° 24 Lettre aux Corinthiens I, 6, 15 (les membres de Dieu) : n° 21.
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TABLE DES MATIERES Remerciements.......................................................................................
7
Introduction............................................................................................
9
Inventaire du corpus et de sa tradition manuscrite............................
39
Textes et présentations...........................................................................
45
I. Sources antérieures à Jacques de Voragine A. Source indéterminée 1. Anonyme, fin XIIème - début XIIIème siècle (Nantes, Musée Dobrée, 5) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. B. Jean de Mailly 2. Anonyme, vers 1240 - 1250 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 988) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 3. Anonyme, XIVème siècle (?) (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10295 - 304) Présentation..................................................................................... Édition.............................................................................................
49 60
89 103 113 118
C. Narrat Josephus (BHL 5456) 4. Anonyme, fin XIIIème - début XIVème siècle (?) (Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 11521) Présentation..................................................................................... Édition.............................................................................................
123 127
D. Postquam Dominus (BHL 5457) 5. Par Guillaume le Clerc (ca 1210 - 1240) (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 19525) Présentation..................................................................................... Édition.............................................................................................
131 137
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6. Anonyme, milieu du XIIIème siècle (?) (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 10326) Présentation..................................................................................... Édition.............................................................................................
163 181
E. Fuit igitur secundum saeculi fastum 7. Anonyme, milieu du XIIIème siècle (Paris, Bibliothèque Mazarine, 1716 (568)) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 8. Anonyme, première moitié du XIVème siècle (?) (Pau, Archives départementales des Basses-Pyrénées, 20 (F)) Présentation..................................................................................... Édition.............................................................................................
237 246
F. Nunc ergo largiente (BHL 5491) 9. Anonyme, fin XIIIème - début XIVème siècle (?) (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 13496) Présentation..................................................................................... Édition.............................................................................................
295 302
201 214
II. Traductions de la Legenda aurea 10. Anonyme, avant 1275 environ (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 20330) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 11. Anonyme, traduction pour Béatrice de Bourgogne, 1276 - 1329 (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 23114) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 12. Anonyme, deuxième moitié du XIIIème siècle / première moitié du XIVème siècle (?) (Tours Bibliothèque municipale 1008) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 13. Nicole Bozon (entre 1300 et 1350 environ) (Londres, British Library, Cotton Domitian, A. XI) Présentation..................................................................................... Édition.............................................................................................
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309 316 325 329 339 345 357 361
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14. Jean de Vignay, ca 1330 - 1340 (Paris, Bibliothèque Mazarine, 1729) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 15. Anonyme, milieu du XIVème siècle ? (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1534) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 16. Anonyme, avant 1385 (Cambrai, Médiathèque municipale, 812 (719)) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 17. Anonyme, avant 1399 (Cracovie, Biblioteka Jagiellonska, Ms. Berol Gall. Fol. 156) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 18. Anonyme, XIVème siècle (?) (Tours, Bibliothèque municipale, 1012) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 19. Anonyme, avant 1450 (première moitié du XVème siècle (?)) (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 1054) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 20. Anonyme, XVème siècle (?) (Londres, British Library, Royal 20. B. II) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 21. Anonyme, XVème siècle (?) (Paris, Bibliothèque nationale de France, nouv. acq. fr. 4464) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 22. Anonyme, XVème siècle (?) (Lille, Bibliothèque municipale, Rig. 454 (350)) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 23. Anonyme, XVème siècle (?) (Semur-en-Auxois, Bibliothèque municipale, 38 (39)) Présentation.............................................................................................. Édition......................................................................................................
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375 389 417 419 421 430 451 460 471 477 499 505 513 518 525 529 535 540 547 551
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III. Compilations 24. Anonyme, fin XIIIème - début XIVème siècle (?) : (Paris, Bibliothèque nationale de France, f. fr. 13496) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 25. Anonyme, rédaction interpolée, XVème siècle (?) (Bologne, Biblioteca universitaria, 893) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 26. Anonyme, XVème siècle (?) (Rouen, Bibliothèque municipale, 1430 (U 93)) Présentation..................................................................................... Édition.............................................................................................
559 565 593 598 625 631
IV. Autres versions 27. Trèves, Stadtbibliothek/Stadtarchiv, Mappe VIII,2 (fragment; milieu ou seconde moitié du XIIIème siècle, ou postérieur ?) Présentation..................................................................................... Édition............................................................................................. 28. York, Minster Library and Archives, ms. XVI. K. 13, f° 135 r° / v° (fragment; ca 1300) Présentation..................................................................................... Édition.............................................................................................
647 649
Iconographie...........................................................................................
651
Liste alphabétique des manuscrits employés dans les éditions..........
659
Liste alphabétique des manuscrits mentionnés dans l’introduction et les présentations a. Exemplaires contenant une légende ou une autre pièce relative à Marie-Madeleine............................................................................... b. Sources latines..................................................................................... c. Manuscrits signalés dans les commentaires lexicologiques................ d. Éléments de comparaison pour la caractérisation, la localisation ou la datation des copies...................................................................... e. Autres exemplaires..............................................................................
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Tableaux récapitulatifs du corpus et de sa tradition manuscrite......
665
Index lexical............................................................................................
697
Index des citations bibliques.................................................................
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