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French Pages [164]
TEXTES VERNACULAIRES DU MOYEN ÂGE
Volume 2
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Manuel NICOLAON
VIE DE SAINT THIBAUT DE PROVINS
EDITION CRITIQUE D’après le Ms. Paris, BNF, fr. 17229, fol. 230d-233b (version française inédite, en prose)
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© 2007, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher. ISBN 978-2-503-52486-3 D/2007/0095/142 Printed in the E.U. on acid-free paper
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À la mémoire d’André Méténier à Jacques Montet à ma mère
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AVANT-PROPOS Bien que périlleuse, l’exploration d’une terra incognita en littérature n’en demeure pas moins une entreprise des plus exaltantes. A travers la forme littéraire extrêmement florissante au Moyen Age – en particulier à la fin du XIIIè et au début du XIVè siècles, pour le domaine français qui nous concerne ici – que fut l’hagiographie, c’est en effet un pan très riche de la culture littéraire occidentale qui s’est ouvert à nous, et si vaste que de nombreux textes restent encore à découvrir et à faire connaître. Le choix d’éditer une vie de saint particulière, quand on en recense plusieurs milliers, ne doit bien évidemment rien au hasard, mais résulte d’un travail d’enquête préalable. Pour notre part, c’est en recherchant l’expression la plus aboutie de la sainteté que la figure de l’ermite s’est rapidement imposée. Toutefois, des récits des « Pères du Désert », qui nous relatent les vies très austères des premiers ermites des IIIè-IVè siècles dans les déserts d’Egypte ou de Syrie, à ceux des saints de la fin du Moyen Age, retirés au milieu d’une forêt, l’érémitisme a évolué dans ses formes et ses pratiques, bien que la motivation profonde soit restée immuable, et caractérisée par le désir de servir Dieu dans une indépendance complète, libre de tous liens avec le monde. En optant pour un personnage du XIè siècle, en l’occurrence pour saint Thibaut, nous avons donc voulu nous pencher plus particulièrement sur les représentations de l’érémitisme propres à cette période marquée, entre autres événements, par un fort regain d’intérêt pour cette pratique religieuse qui avait connu un second essor au VIè siècle, mais aussi par une vision plus romancée, plus symbolique de l’ermite par rapport à celles des époques précédentes où l’exploit physique et le spectaculaire semblaient prévaloir, et qui, contrairement à la cléricature, au monachisme ou encore à la réclusion, semble être davantage le fait de personnes de haute naissance. Notons par ailleurs que c’est cette dernière image de l’ermite retiré au fond des forêts que la littérature retiendra davantage (deux des illustrations les plus fameuses étant la retraite de Il convient toutefois de distinguer, pour les légendes hagiographiques retraçant les vies des saints appartenant au nouvel essor religieux de l’an Mil, la période de rédaction, en latin, (production très active aux XIè et XIIè siècles), de la période de leurs traductions, en français (principalement aux XIIè et XIIIè siècles), ainsi que de la période de leurs copies en langue vernaculaire (très nombreuses à la fin du XIIIè et au XIVè siècles). A la différence du reclus, qui dépend d’autrui, et du cénobite, qui obéit à des règles communautaires, l’ermite est en effet libre de ses mouvements, sans attache d’aucune sorte, et autonome, indépendant dans son mode de vie. D’autre part, en fuyant le “monde”, l’ermite se détache davantage de la société et de ses biens matériels que des hommes. Cf, par exemple, les récits des vies de saint Antoine, saint Macaire, ou saint Paul de Thèbes, ermites des IIIè- IVè siècles, et ceux de saint Romuald, saint Pierre Damien ou saint Nil, ermites des Xè- XIè siècles.
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Lancelot, à la fin de la Mort le Roi Artu, et les visites de Tristan et Iseut à l’ermite Ogrin.). A la différence des religieux tels les moines, les évêques ou même des ermites ayant rejoint une communauté religieuse quelconque, les ermites stricto sensu n’ont, de par leurs principes de vie, laissé que très peu de témoignages écrits, ce qui peut expliquer le peu de travaux qui leur sont consacrés individuellement. Concernant saint Thibaut de Provins, outre quelques statues, un retable, un vitrail, un chapiteau historié, et plusieurs miniatures, notre connaissance de ce saint champenois repose presque exclusivement sur une Vita latine écrite à la fin du XIè siècle -et dont nous possédons une vingtaine de copies-, ainsi que sur trois versions en français -une en prose et deux en vers, dont étrangement seules les versions en vers ont été à ce jour éditées, par deux fois, alors que la version en prose, pourtant contenue dans 14 manuscrits, est demeurée ignorée. L’objet de l’édition que nous présentons ici est donc multiple, puisque cette dernière, outre de rendre accessible un texte jusqu’alors inédit, va s’efforcer d’apporter le plus de matériaux utiles à une éventuelle continuation de ce travail préliminaire. Dans cette perspective, nous avons donc accompagné notre édition de Voir La Mort le roi Artu, éd. Jean FRAPPIER, « Textes Littéraires Français », Droz, Genève, 1996, laisses 200-202, p. 258-262 ; et Tristan, de BEROUL, « Lettres gothiques », Le Livre de Poche, Paris, 1989, vv. 1362-1423, p. 84-88, et vv. 2289-2448, p. 128-134. Pour un aperçu non exhaustif mais très documenté de quelques travaux effectués sur les ermites en particulier, on se reportera aux bibliographies contenues dans les deux ouvrages collectifs suivants : Ermites de France et d’Italie (XIè- XVè s.), Collection de l’Ecole française de Rome, 313, Ecole française de Rome, 2003 ; et L’Eremitismo in Occidente nei secoli XI e XII, Miscellanea del Centro di Studi Medioevali, IV, Societa editrice vita e pensiero, Milano, 1965 ; ainsi qu’à la bibliographie de la thèse de Paul BRETEL, Les ermites et les moines dans la littérature française du Moyen Age (1150-1250), Champion, Paris, 1996. Voir le relevé détaillé établi par Louis REAU dans Iconographie de l’art chrétien, t. 3, 3ème partie (P-Z), « Iconographie des saints », PUF, Paris, 1959, (Kraus Reprint, 1988), p. 1264-5. Raymond Thompson HILL, Two old French poems on Saint Thibaut, edited with Introduction, Notes and glossary, Yale Romanic Studies, New Haven, London, 1936 ; Helen Eastman MANNING, La Vie de Saint Thibaut, an old French poem of the thirteenth century, Publications of the Institute of French Studies, New York, 1929. Notre inventaire des manuscrits (dont on trouvera une analyse détaillée dans la partie consacrée à la “Tradition manuscrite” de la légende de saint Thibaut, p. 17 et sq.) a été établi à partir des diverses informations recueillies à partir des fichiers de l’IRHT, de l’ensemble des catalogues des manuscrits et des imprimés des bibliothèques françaises, des catalogues des bibliothèques étrangères lorsque la présence de la Vie de saint Thibaut dans l’une d’entre elles nous a été signalée par une notice ou une simple note, et des nombreux volumes des Analecta Bollandiana, de la Romania, et de la Bibliothèque de l’Ecole des Chartes. La consultation de tous les catalogues des bibliothèques étrangères publiés à ce jour permettrait certainement de découvrir d’autres copies de la légende de saint Thibaut (en prose ou en vers), bien qu’une telle entreprise soit d’un intérêt limité pour l’établissement de notre texte (mais naturellement plus utile pour tenter d’en reconstituer la tradition manuscrite complète). A l’issue de ces recherches, il nous est apparu qu’un quinzième manuscrit -Leipzig, Bibliotheca Albertina, 1551- contiendrait très vraisemblablement la vie de saint Thibaut en prose. Cependant, faute de catalogue et de reproduction disponibles, il ne nous a malheureusement pas été possible d’en obtenir la confirmation. Par ailleurs, le manuscrit Paris, BNF, fr. 1782 dont nous ne conservons plus qu’un fragment de 11 folios pourrait théoriquement avoir contenu la légende de saint Thibaut (voir notre présentation des manuscrits en langue vernaculaire pour une analyse plus précise de ces deux manuscrits).
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la Vie de saint Thibaut de Provins d’une traduction, de notes et de variantes que nous avons jugées pertinentes, d’analyses historiques, linguistiques et littéraires qui mériteraient bien entendu d’être plus approfondies, ainsi que, situées en annexe, les reproductions des quatre versions connues (celles, françaises, en prose et en vers, et la version latine), rassemblées pour une intéressante vision comparative. L’élaboration de la présente édition critique ne s’est naturellement pas faite sans difficultés, de toutes natures. Aussi, je souhaite témoigner ici ma gratitude à ceux qui ont permis que ce mémoire parvienne à son terme, et dans son état actuel : tout d’abord à Madame Laurence Harf qui a accepté de diriger notre travail avec patience et bienveillance, et dont les conseils avant, pendant et après l’élaboration de ce dernier nous ont été des plus profitables. Je tiens également à remercier les membres de l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (C.N.R.S.) qui m’ont ouvert leurs archives et m’ont fait partager un peu de leur savoir, et plus particulièrement Madame Christine Ruby, Madame Anne-Françoise Leurquin, et Monsieur Fabio Zinelli, de la Section romane, dont les conseils et la grande disponibilité n’ont eu d’égal que leur gentillesse. Enfin, je sais gré à Madame Françoise Vielliard, de l’Ecole nationale des Chartes, de m’avoir autorisé à suivre son séminaire auquel notre modeste connaissance pratique de l’édition des textes médiévaux est tant redevable, et d’avoir offert à notre travail ses précieuses remarques et corrections.
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INTRODUCTION 1 / La légende de saint Thibaut de Provins a) Présentation des versions connues : auteurs et datations Au nombre de quatre, les versions connues de la Vie de saint Thibaut de Provins se répartissent entre celle rédigée en latin à la fin du XIè siècle, et celles en français, toutes du XIIIè siècle, dont l’une est en alexandrins, une autre en prose, et la dernière en octosyllabes (appelée également « Epître farcie », qui mêle texte en français et titres en latin, mais qui serait en fait une réécriture abrégée de la version latine ou de celle en alexandrins). Que l’on s’intéresse aux rédacteurs, aux traducteurs ou à l’un des nombreux copistes de la légende de saint Thibaut, nous nous heurtons rapidement au silence des textes. En effet, si la Vita sancti Tetbaldi, écrite en latin à la fin du XIè siècle (après la mort du saint en 1066), est certes attribuée à un certain Pierre de Vangadice, ce que nous savons de celui-ci se limite à peu près à ce qu’il dit de luimême dans son propre texte, à savoir qu’il est abbé, ami de saint Thibaut, et qu’il ordonna prêtre ce dernier. Nous pouvons ajouter que ce Pierre fut abbé du monastère camaldule de Vangadice, près de Vicence, dans l’actuelle Vénétie, où le corps de saint Thibaut sera inhumé avant d’être déplacé et dispersé ensuite, et qu’il est mort vers 1085. Mais c’est là malheureusement tout ce que nous pouvons en dire, sauf à s’interroger sur la part biographique réelle du texte, nécessairement très difficile à déterminer, dans la mesure où le seul témoin direct de la totalité de la vie érémitique du saint fut son ami Gautier, mort avant lui. En outre, nous pouvons recenser au moins trois récits latins (qui ne sont pas à proprement parler des versions singulières, les textes n’étant pas fondamentalement différents et manifestement tous issus d’un ancêtre commun) susceptibles d’avoir engendré chacun des traductions françaises -et par conséquent des familles de manuscrits- bien distinctes. Concernant les versions françaises, nous pouvons, grâce aux recherches de Paul Meyer pour sa « Notice sur un légendier français du XIIIè siècle, classé selon l’ordre de l’année liturgique », situer entre 1240 et 1280 ou 1290 la première Voir Annexe 4, lignes 222-224 : Accersito vero Petro abbate pre omnibus sibi familiariter in amicicia juncto, qui ei eodem anno monachicum schema sacraverat, (d’après Ms. Alençon, éd. HILL). Selon Pierre GILLET, dans Autour de trois saints de l’histoire et de la légende d’Epernay, Cahiers sparnaciens n° 3, Epernay, 1966, saint Thibaut aurait été ordonné prêtre en 1058 par l’évêque de Vicence, Syndecker, Pierre de Vangadice s’étant quant à lui contenté de lui donner l’habit de moine camaldule. Cf la Vita des éditions Mabillon, Surius, et Migne, dont les références sont données ci-après. Selon Paul MEYER, ce “Légendier français” est issu probablement d’une compilation latine identique que l’auteur du manuscrit français aurait traduite entre 1240 et 1280 ou 1290 (voir P. MEYER, Notices et
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traduction en prose de la version latine, mais sans information sur l’identité de son auteur. Exception faite de la Vie de saint Thibaut en alexandrins, dont l’auteur (Guillaume d’Oye) et la date de rédaction (1267) nous sont indiqués dans un colophon, les deux autres versions restent aussi anonymes que les traducteurs et copistes des nombreux manuscrits en latin, ou que les « auteurs » des différents témoins de la version française en prose (les deux versions en vers n’étant contenues, quant à elles, que dans le seul manuscrit Paris, BNF, fr. 24870). Faute de renseignements explicites sur les origines et les auteurs des versions et des copies de la Vie de saint Thibaut de Provins, nous ne pouvons donc que nous en remettre aux indications involontaires fournies à travers l’écriture et la langue de chaque manuscrit, et donc aux éléments codicologiques (lesquels seront donnés plus loin, à l’occasion de la présentation détaillée de la tradition manuscrite, de même que les périodes de rédaction des manuscrits en latin et en français). b) Autour du personnage de saint Thibaut Comme tout récit hagiographique, la légende de saint Thibaut est à la fois un texte historique et littéraire, c’est-à-dire qu’elle est constituée d’éléments biographiques réels et d’une narration édifiante plus ou moins réinventée mettant en scène un saint magnifié. Par nature méconnue, la vie d’un individu aussi marginal qu’un ermite, même rapportée par une personne qui se prétend proche de celui-ci, ne peut être par conséquent que sujette à caution, et nécessite donc, en préalable à son exposé, une brève mise en perspective à la fois littéraire, historique et culturelle des principaux éléments constitutifs de son récit. De par sa nature édifiante, un texte hagiographique ne saurait être que laudatif, aussi est-il important de considérer le récit de la vie de saint Thibaut à travers la mise en scène du personnage dont les actions, les paroles, et tout ce qui se rapporte à lui, doivent donner aux lecteurs et aux auditeurs de la légende une représentation exemplaire de la sainteté, autrement dit un modèle à méditer, voire à suivre ; ce choix narratif de ne montrer que les aspects avantageux du personnage est d’ailleurs aussi une raison pour laquelle la biographie du saint est aussi incomplète qu’incertaine, sans pour autant être nécessairement mensongère. En outre, alors que le texte latin originel relate la vie d’un ermite héroïque, capable d’abandonner tout ce qui le lie au monde matériel (biens et famille), et d’endurer les souffrances physiques les plus rudes pour le seul amour de Dieu, la version française en prose, quant à elle, semble davantage s’attacher à mettre en relief un symbole chrétien, extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques, t. 36, p. 5). Au milieu des 168 articles qu’il contient, ce légendier consacre le 79è à la vie de saint Thibaut en prose dont P. MEYER précise qu’il est commun sur le fond et sur la forme à celui du ms. BNF, fr. 17229 (qui est notre manuscrit de référence), laissant par conséquent une très forte présomption de copie du second sur le premier. On consultera avec profit, entre autres, les ouvrages de M. de CERTEAU, L’écriture de l’histoire, Gallimard, Paris, 2002, p. 274-288, et de P. MEYER, Histoire Littéraire de la France, t. XXXIII, 1906, p. 328-458, pour une approche globale de la problématique du récit hagiographique.
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c’est-à-dire témoignant de vertus religieuses et morales telles la charité, la bonté, ou encore l’humilité, que les fidèles peuvent alors s’efforcer de suivre (l’ascèse stricte suscitant certes l’admiration du peuple mais non son imitation) ; à noter enfin, l’omniprésence de la notion de pénitence. Pour en revenir à la mise en scène du récit, nous pouvons remarquer la tendance manifeste du texte à assimiler, d’abord de manière allusive puis sans aucune ambiguïté, la vie de saint Thibaut à celle du Christ, de son annonciation à sa résurrection, et de ses miracles à son Chemin de Croix. De plus, nous avons relevé dans le texte de notre manuscrit de base une réelle attention portée au choix de certains mots, que ce soit à travers la recherche de synonymes (cf « lit », « couche » et « huche ») ou au contraire par leur répétition délibérée (ainsi de « trespassement » qui, par sa connotation religieuse, désigne exclusivement la mort de saint Thibaut tandis que le terme « mort », plus prosaïque, s’applique aux autres hommes, en l’occurrence à Gautier), ou encore à travers des tournures syntaxiques balancées telles « Antre les joies, et les lermes et les sospirs que la mere fesoit pour son fill qu’ele avoit trouvé » et « ele veinqui la charnel amor de cest monde, et s’acorda a l’esperitel amor de Dieu », ou enfin avec des distinctions sémantiques comme « viez eglise » vs « anciennes genz ». Loin de nous naturellement l’idée de faire de cette Vie de saint Thibaut en prose une œuvre littéraire particulièrement remarquable -le récit n’étant bien souvent qu’une traduction assez servile voire erronée du texte latin, ainsi que le simple reflet d’un état de la langue à une époque donnée-, mais il faut cependant reconnaître que son auteur a parfois fait preuve d’une relative originalité. Sans pour autant nous attarder trop longuement sur l’histoire religieuse, sociale et culturelle de l’an mille (époque de saint Thibaut) et du XIIIè siècle (époque de rédaction des premiers manuscrits contenant la version française en prose, et donc du texte que nous éditons), certaines réalités historiques doivent cependant être en mémoire pour saisir les quelques subtilités de la légende de saint Thibaut (telle qu’elle a été écrite par Pierre de Vangadice, et telle qu’on la retrouve modifiée par l’auteur anonyme de notre texte.) Tout d’abord, rappelons qu’à partir du Xè siècle, la pratique érémitique va connaître un renouveau spectaculaire qui, à l’inverse des époques antérieures où elle s’était déjà manifestée (aux IIIè-IVè et VIIè-VIIIè siècles), se caractérise alors davantage par un rejet du « monde » que par la simple aspiration à une vie contemplative. En effet, à la suite du délabrement de l’empire carolingien et des invasions normandes (810-911), sarrasines (830-990), et hongroises (926-955), l’Europe se Nous ne développons pas ici le sujet, chacune de ces références christiques faisant l’objet d’une note sous le texte de notre traduction. Nous avons relevé, dans les notes, quelques exemples plus ou moins commentés d’effets de style intéressants. Pour un panorama synthétique de cette période, on se référera entre autre à l’ouvrage de DANIEL-ROPS, L’église des temps barbares, chap. X, « L’aube douloureuse de l’an Mille », Librairie Arthème Fayard, Paris, 1950, p. 633-724.
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retrouve confrontée à un climat de violence et de désordre social aggravé par un retour de la famine (1005 et 1041), par des guerres territoriales, des rivalités entre pouvoirs politiques et religieux (Schisme d’Orient en 1054), et par une société tournée davantage vers des valeurs profanes et matérielles que spirituelles. Située à la limite du Saint-Empire romain germanique, aux confins du domaine royal, des duchés de Bourgogne et de Lorraine, et du comté de Flandre, la Champagne, où naît saint Thibaut, est ainsi au carrefour d’une région politiquement très instable, et d’autant plus conflictuelle que le comte de Blois Eudes II -devenu comte de Champagne en 1023-, en belliqueux notoire, déclarera la guerre à tous ses voisins (comte, duc, roi et empereur). On comprend aisément que dans un tel contexte des esprits idéalistes aient pu chercher refuge dans une existence religieuse plus morale, dont l’érémitisme est la forme la plus extrême. Quoique austère et élitiste par nature (elle restera le fait d’un nombre restreint d’individus, parmi lesquels une majorité d’aristocrates), cette pratique religieuse va cependant essaimer, d’abord en Italie puis en France, et s’imposer comme la forme de spiritualité la plus haute reconnue sinon par l’Eglise du moins par les fidèles. Il n’y a dès lors rien d’étonnant à ce que nous retrouvions dans la version originale latine de la vie de saint Thibaut -et par voie de conséquence dans ses traductions françaises en prose et en vers- un récit fortement marqué par la violence et la souffrance, qui n’est en définitive rien d’autre qu’une façon expiatoire de refléter une époque redevenue barbare. Si la trame historique de la légende de saint Thibaut appartient sans conteste à la période que nous venons de décrire très brièvement, certains passages de sa traduction en français semblent en revanche bel et bien tributaires du XIIIè siècle. En effet, comment expliquer autrement que par une récupération politique de la légende de saint Thibaut par un seigneur champenois du XIIIè siècle (localisation et période approximatives de la 1ère traduction en français du récit) la suppression, par exemple, de la référence explicite aux rois de France Henri 1er et Philippe 1er, l’ajout d’un détail biographique comme la naissance de saint Thibaut « de l’éveschié de Troies », voire la modification ponctuelle du récit où, dans la partie consacrée aux miracles, l’auteur fait venir un aveugle de « la terre de Champagne », ou encore avec la substitution de qualificatifs comme dans « bon conte Odon » pour Pour preuves de la violence de ce siècle, l’Eglise sera contrainte d’instituer successivement la “Paix de Dieu” en 989 au Concile de Charroux (interdisant de faire la guerre aux clercs et aux pauvres), la “Trève du seigneur” en 1017 au Synode d’Elne (interdisant tout combat entre la 9ème heure du samedi et la 1ère heure du lundi, renforcée en 1041 au Concile de Nice (prolongeant alors l’interdiction du mercredi soir au lundi matin), ou encore la “Trève de Dieu” en 1027 (interdisant tout combat pendant le Carême et l’Avent). Il est utile de préciser dès à présent, même si nous y reviendrons ultérieurement, que le père de saint Thibaut est le vassal de ce comte Eudes II, et qu’à ce titre il ne peut qu’apporter son soutien militaire à ce dernier. De cette époque sont issus les célèbres ermitages de Camaldoli et Fonte Avellana (ca. 1015), Vallombrosa (1037), Grandmont (ca. 1077), la Grande-Chartreuse (1084) ou encore de Fontevraud (1099).
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« Odonis famosi comitis » (ce comte Eudes ayant été plus célèbre pour sa violence et son bellicisme que pour sa bonté), et qui sont autant d’éléments totalement absents de la version originale ? Bien entendu, il est courant que les traductions de textes latins soient plus ou moins abrégées (ce qui est d’ailleurs le cas de notre version en prose). Néanmoins, un très bref rappel du contexte historique de la seconde moitié du XIIIè siècle permet de comprendre qu’avec ces remaniements textuels nous avons aussi affaire à une motivation politique. Dans une atmosphère de religiosité retrouvée et exacerbée (la seule première moitié de ce siècle recense déjà quatre croisades, et l’on aperçoit celle, ultime, de Saint Louis, en 1270), le royaume de France, qui ne cesse de repousser ses frontières en absorbant les domaines limitrophes, occasionne de fait des tensions très perceptibles, et notamment, pour la partie qui nous concerne, entre le domaine royal de Saint-Louis puis de Philippe III le Hardi et le Duché de Bourgogne de Hughes IV puis de Robert III, au milieu desquels le Comté de Champagne et de Blois, délaissé depuis l’accession de son célèbre comte Thibaut IV (le « roi chansonnier ») au trône de Navarre en 1234, ainsi que le Comté de Flandre, auront des positions politiques très instables et géographiques très convoitées. La traduction en français de notre version en prose étant rédigée probablement en Champagne et la rédaction de notre manuscrit de base en Artois, à une époque où ces deux domaines sont déjà ou s’apprêtent à passer sous influence royale (la Champagne sera annexée au royaume de France par Philippe IV le Bel en 1285, tandis que l’Artois, incorporé au domaine royal en 1223, changera encore de nombreuses fois de possesseurs) on comprend aisément que, devant des conflits incessants, leurs prestigieux commanditaires aient ainsi voulu sauvegarder leur patrimoine culturel, en l’occurrence leurs bibliothèques, et n’aient pas hésité le cas échéant à faire embellir par les traducteurs et les copistes des récits qui mettaient déjà en valeur leurs ancêtres, et par voie de conséquence leurs maisons. Quoi de plus respectable en effet, en un temps très chrétien, que de pouvoir se prévaloir d’un ancêtre béatifié ? Hormis un prologue sans rapport direct avec la vie du saint, et dont la présence et le contenu varient d’un manuscrit à l’autre (totalement absent des versions françaises en prose et en octosyllabes, il est en revanche présent dans celle en alexandrins, et dans plusieurs manuscrits latins), la légende complète de saint Thibaut s’articule autour de la vie propre du saint, de ses miracles, et des deux principales translations de son corps. Voir l’étude de Paul MEYER sur un “Légendier français du XIIIè siècle”, in Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques, t. 36 (1), 1899, p. 1-69. L’origine de la rédaction de notre manuscrit de base (Paris, BNF, fr. 17229) pourrait être, comme nous le verrons plus loin, autant d’ordre politique que social. Voir les différentes réécritures de la vie de saint Thibaut, et plus particulièrement la Vie de saint Thibaut anonyme, Langres, 1875, p. 3-37, la Vie de saint Thibaut de J. RAYER, p. 17-42 (pour la généalogie de saint Thibaut) et 43-93 (pour la vie même), l’Histoire ecclésiastique et civile du Duché de Luxembourg et du Comté de Chiny de J. BERTHOLET, t. 3, p. 140-153, et Autour de trois saints de l’histoire et de la légende d’Epernay de P. GILET, p. 27-33.
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Laïc d’origine noble (issu d’une famille comtale de Champagne), saint Thibaut naît en 1017 à Provins. Après une enfance qu’il aurait vécue en marge de son milieu aristocratique, notamment en côtoyant l’abbé Bouchard, moine du monastère Saint-Pierre de Sens, saint Thibaut, néanmoins chevalier et fils de comte, fuit les honneurs auxquels son père Arnoul, vassal du comte Eudes II de Blois, le destinait en lui confiant le commandement d’une petite armée pour lutter contre les troupes de Conrad le Salique, empereur du Saint-Empire romain germanique. Accompagné d’un ami, Gautier, lui aussi de noble naissance, saint Thibaut débute une vie de pauvreté, d’errance, de labeur, et de solitude, qui le conduira à Reims, à Pétange (dans la forêt des Ardennes, au Luxembourg), à Trèves (en Allemagne), puis à Saint-Jacques-de-Compostelle, en traversant l’Auvergne ; revenu à Trèves, il repartira ensuite à Rome, pour enfin se diriger vers Venise (dans le but d’accomplir le dernier des trois grands pèlerinages chrétiens en se rendant à Jérusalem où une guerre entre Byzantins et Perses l’empêchera cependant de se rendre), et s’établir définitivement en Italie, en bâtissant un ermitage à Salanique, à proximité de Vangadice, dans l’actuelle province de Vénétie. Sa vie, faite de pénitences liées essentiellement à des privations (absence de nourriture, de confort, de sommeil), et de souffrances physiques volontaires ou non (conséquences des privations et de diverses maladies), sera ponctuée successivement par la mort de son compagnon Gautier, par son ordination à la prêtrise, en 1058, par l’évêque de Vicence Syndecker (« Viudikerio » dans le texte latin -l. 126-, et « Levichiers » dans celui en alexandrins -laisse XLVIII), puis par la visite de ses parents et la conversion de sa mère Gisèle, enfin par son entrée, l’année de sa mort, dans l’ordre monastique des camaldules, par l’intermédiaire de l’abbé Pierre, moine de Vangadice. Après une vie d’ascétisme et de solitude, saint Thibaut meurt à Salanique le 30 juin ou le 1er juillet 1066, et est enterré le 3 juillet dans la chapelle Saint Léonce et Saint Carpophore de l’église Notre-Dame de Vicence. Ces quelques éléments, issus principalement du récit lui-même, et que l’on retrouve plus ou moins d’une réécriture moderne à l’autre, sont les seuls auxquels on puisse accorder un certain crédit, dans la mesure où ils n’apportent au texte que des repères historiques objectifs, plus ou moins vérifiables, dont une personne ayant côtoyé le saint ou l’un de ses disciples, voire ayant confessé l’un d’eux, pourrait avoir eu connaissance sans les inventer. L’argument est naturellement loin d’être indiscutable, mais, comme nous l’avons déjà signalé, l’absence de témoignages écrits sur saint Thibaut autres que le récit légendaire de sa vie et quelques antiennes et prières, rend le départ entre la fiction et la réalité historique des plus incertains. Les liens familiaux, souvent confus, font quant à eux l’objet de notes que l’on trouvera au fil de la traduction. La suite de la légende se compose enfin, d’une part, des miracles accomplis par saint Thibaut de son vivant -récit dont l’aspect merveilleux peut difficilement être dissocié de sa valeur purement littéraire-, et d’autre part, des translations du corps du saint, ces dernières, de même que pour le prologue,
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ne se retrouvant que dans certains manuscrits latins ainsi que dans la version française en alexandrins. Rapidement, saint Thibaut fut célébré comme un saint ; l’importance de son culte, les nombreux miracles qui lui furent alors attribués et sa vie exemplaire, ayant par ailleurs contribués à sa canonisation par le pape Alexandre II, en 1073, soit à peine 7 ans après sa mort. Par crainte de vols, le corps de saint Thibaut fut, dans un premier temps, transféré, en 1074, dans l’abbaye de Vangadice, puis, vers 1078, plusieurs reliques furent rapportées en Champagne, à l’instigation d’un certain Arnoul, Abbé de Lagny et frère du saint, expliquant ainsi leur présence dans les églises de Sainte-Colombe-lès-Sens et de Lagny, toutes deux dépendantes dudit abbé, avant que celles-ci ne soient à nouveau transférées, dans la chapelle Saint-Thibaut-des-Bois, près d’Auxerre ; tandis que les autres parties du corps, plus ou moins fragmentaires -et plus ou moins authentiques-, ont été disséminées principalement dans l’est de la France, dans le nord de l’Italie, dans l’ouest de l’Allemagne et au Luxembourg. Le récit de cette seconde translation aurait été rédigée par un auteur anonyme différent de l’auteur du récit de la première translation, et qui, d’après P. Meyer, serait « un autre écrivain du même temps, moine de Lagny au diocèse de Paris, [qui aurait] laissé de sa façon l’histoire du transport d’une partie des reliques de saint Thibaut », sans se soucier de la Vita précédemment écrite.
2 / Tradition manuscrite Aujourd’hui tombée pratiquement dans l’oubli, la légende de saint Thibaut eut durant tout le Moyen Age une fortune tout autre, puisque sa diffusion, à en juger par les seuls témoins qui nous sont parvenus, fut à la fois importante, étendue et durable, et ce dès la mort du saint. Avec pas moins de 37 manuscrits subsistants (23 en latin, 14 en français), sans compter ceux perdus ou dont l’état de conservation fragmentaire ne les rend plus utilisables, ni les multiples réécritures en allemand, en français ou en italien, la Vie de saint Thibaut ne se trouve pourtant relatée, comme nous l’avons signalé plus haut, que dans quatre versions (une en latin, les trois autres en français). Notre édition portant sur la version française en prose, nous donnons ci-après les sources latines et les réécritures modernes de la Vie de saint Thibaut davantage dans un souci d’exhaustivité que dans l’optique d’une analyse qui déborderait le cadre de notre travail. Aussi, pour ces deux cas, Nous avons choisi d’écarter de notre édition le récit de ces translations dans la mesure où, en plus d’être absentes de notre manuscrit de base, ces dernières seraient non seulement l’œuvre d’auteurs ultérieurs, mais surtout sans objet dans le projet littéraire qui est le nôtre : l’étude de la mise en scène de la vie de l’ermite. P. MEYER, Histoire Littéraire de la France, t. VIII (1868), p. 79-80. Voir le relevé détaillé des manuscrits, fragments, épitomés, et réécritures de la légende de saint Thibaut, établi par Helen Eastman MANNING dans l’introduction de son édition de la version en alexandrins, La
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ne nous attarderons-nous que sur certains points jugés plus pertinents que d’autres. a) Les sources latines Connue à travers son unique version latine, la légende de saint Thibaut a cependant fait l’objet d’un nombre relativement important de réécritures latines entre les XIè et XVè siècles. Cependant, si le plus souvent les modifications portent sur le seul prologue, trois récits présentent des variantes notablement différentes de la Vita elle-même, et susceptibles donc d’avoir engendré autant de traductions françaises. Ils sont recensés dans les éditions suivantes : – Mabillon, Acta Sanctorum Ordinis Sancti Benedicti, Lutetiae Parisiorum, t. VI, 2, Lutetiae Parisiorum, 1685, p.163-189. (Vita incluant des additions tirées de plusieurs manuscrits, ainsi que les récits des translations du corps de saint Thibaut de Vicence à Vangadice et de Vangadice à Lagny.) – Surius, Historiae seu Vitae Sanctorum, t. VIII, Augustae Taurinorum, 1877, p. 5-12. – Migne, Patrologia Latina, t. CCIV, Parisii, 1844-1864, p. 69-80 ; réimpr. Brepols, Turnhout, 1979 (rééd. 1994). (Edition de l’adaptation du XIIè s. de Reiner, De Vita sancti Tiebaldi monachi et eremitae, d’après le ms. Liège, Cod. monasterii S. Laurentii.) A l’exception des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France et de celui de la Bibliothèque de l’Institut de France (ms. Mazarine 1710), nous n’avons procédé à aucune vérification des informations recueillies dans les catalogues des bibliothèques françaises, ce qui ne nous a toutefois pas empêché de noter certaines curiosités comme les manuscrits Châlons, 56 et Dijon, 641 (ces deux cotes correspondant très probablement à un seul et même manuscrit), ou encore Troyes, 755 (daté du Xè siècle). Nous avons pu ainsi constater que les variantes fondamentales des différents textes de la version latine se situent moins dans le récit même de la Vita (à peu près commun à toutes les réécritures) que dans la présence ou Vie de Saint Thibaut, an old French poem of the thirteenth century, Publication of the Institute of French Studies, NewYork, 1929, p. 3-20. Pour un relevé exhaustif de ces réécritures, voir les références 8031-8032, 8033-8034 et 8038 dans Bibliotheca Hagiographica Latina, t. II, ed. Socii Bollandiani, Bruxellis, 1898-1901, p. 1163-1164 ; Supplementum, t. I, 1911, p. 291 ; Novum Supplementum, 1986, p. 817. A noter l’édition Bollandus, Acta Sanctorum, tome V, Anvers, 1709, p. 588-606 qui renferme, outre la Vita la plus commune, une seconde Vita, faite d’additions, ainsi que la bulle de canonisation de saint Thibaut par le pape Alexandre II, une présentation critique et des commentaires préliminaires, autant d’éléments qui en font une édition aussi riche d’informations que pratique (c’est en outre aussi la plus facilement consultable). Les manuscrits provenant des bibliothèques étrangères sont ceux donnés par l’édition Manning déjà citée ; les autres sont le fruit de la consultation minutieuse de l’ensemble des catalogues des manuscrits et des imprimés des bibliothèques françaises.
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non du prologue ou/et des miracles (qui sont en outre plus ou moins divergents les uns des autres). Concernant le manuscrit Alençon, 10, Raymond T. Hill, suivant Baudouin de Gaiffier, estime qu’il contient la vie originale écrite par l’abbé Pierre de Vangadice au XIè siècle, et éditée par Mabillon, sous sa forme la plus complète et l’une des mieux conservées. Provenant du monastère de Saint-Evroult d’Ouche, il aurait été présent dans la Bibliothèque d’Alençon dès le XIIè siècle, où il se trouve toujours. Or, le manuscrit Mazarine 1710, datant de la fin du XIè siècle, serait lui aussi, d’après le catalogue de la Bibliothèque de l’Institut, la même vie écrite par Pierre de Vangadice et également éditée par Mabillon . Ce dernier témoin, peut-être inconnu alors de Hill et de Gaiffier (quoique présent dans l’édition de Manning sous le sigle E), pourrait ainsi après confrontation s’avérer être rien moins que le modèle du précédent. Quoiqu’il en soit, par leur nombre et leur étendue temporelle, les copies et réécritures de la version latine, fragmentaires ou complètes, nous offrent un aperçu de la richesse et de la complexité de la tradition manuscrite de la légende de saint Thibaut, et ce dès son origine, comme le suggère la recension suivante des 23 manuscrits du XIè au XVè siècle : – – – – – – – – – – – – – – –
Alençon, Bibliothèque municipale, Codex 10, fol. 110-119r, XIIè s. Angers, Bibliothèque municipale, ms. 803, fol. 130, XIIè –XIIIè s. Bruxelles, Bibliothèque Royale, ms. 3223, fol. 135-136, XIIè s. Bruxelles, Bibliothèque Royale, ms. 3229, fol. 2v-3, XIIè s. Bruxelles, Bibliothèque Royale, ms. 3243, fol. 21-23, XVè s. Cambrai, Bibliothèque municipale, ms. 846, fol. 51v, XIè s. Châlons-sur-Marne, Bibliothèque municipale, ms. 56, fol. 161v-169r, XIè s. Charleville, Bibliothèque municipale, ms. 229, XIIIè s. Dijon, Bibliothèque municipale, ms. 641, fol. 161v, XIè s. Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 278, XVè s. Paris, Bibliothèque Mazarine, ms. 1710, fol. 1v-, XIè s. Paris, BNF, fonds lat., ms. 5278, fol. 417-419r, XIIIè s. Paris, BNF, fonds lat., ms. 5290, fol. 133v-138, XIIè s. Paris, BNF, fonds lat., ms. 5333, fol. 183v-188, XIVè s. Paris, BNF, fonds lat., ms. 5361, fol. 28v-32r, XIVè s.
Voir R. T. HILL, Two old French poems on Saint Thibaut, edited with Introduction, Notes and Glossary, Yale Romanic Studies, New Haven, London, 1936, p. 46, et B. de GAIFFIER, in Analecta Bollandiana, t. XLIX, Paris, 1931, p. 205. Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, section Mazarine, t. 2, p. 178-179. En plus de la liste qui suit, il convient de signaler deux autres manuscrits : Catalogus Codicum Bernensium (du XIVè siècle) et Catalogus Codicum Mss. Bibliothecae Bernensis (du XIè siècle), relevés par H. E. Manning qui précise ne pas avoir pu les vérifier, et que nous ne reprenons donc évidemment pas, faute d’avoir pu nous-mêmes les consulter. L’édition Manning mentionne enfin comme « épitomés » les textes sur saint Thibaut contenus dans le ms. Rome, Biblioteca Apostolica, cod. Ottoboniani Latini 223, fol. 285v, ainsi que dans Vincent de Beauvais, Speculum historiale, XXVI, 28, et dans Pierre de Natalibus, Catalogus sanctorum, VI, 36.
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Paris, BNF, fonds lat., ms. 5678, fol. 3-26, XIVè s. Paris, BNF, fonds lat., ms. 11757, fol. 139v-141, XIIIè s. Reims, Bibliothèque municipale, ms. 1404, fol.126v, XIIIè s. Rome, Bibliothèque Vallicelliana, Cod. H. 18 (Gallonii V), fol. 560 Rome, Biblioteca Apostolica, ms. Reg. Suciae 541, fol.177r, XIIè s. Rome, Biblioteca Apostolica, ms. Reg. Suciae 571, fol. 21-29 Troyes, Bibliothèque municipale, ms. 1, fol. 64, XIIè s. Troyes, Bibliothèque municipale, ms. 755, Xè s.
b) Les manuscrits en langue vernaculaire La Vie de saint Thibaut en prose nous est parvenue, dans sa version française, par l’intermédiaire de 14 manuscrits rédigés entre le milieu du XIIIè siècle et la seconde moitié du XVè siècle. Il ne fait aucun doute que ce nombre de témoins subsistants est en deçà du nombre réel des manuscrits ayant contenu notre texte, soit que ces derniers aient été perdus ou appartiennent à des possesseurs -institutions ou personnes privées- ne les ayant pas encore révélés, soit qu’ils soient dans un état fragmentaire ne permettant plus leur utilisation, comme nous le verrons plus loin avec le manuscrit Paris, BNF, fr. 1782, et trois manuscrits de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, qui ne seront donc mentionnés ci-après qu’à titre indicatif . La classification qui suit présente, dans un premier temps, l’ensemble de la tradition, avec pour chaque témoin, d’abord, sa cote et, entre parenthèses et en italique, le sigle que nous lui avons attribué, lequel reprend, en majuscule, l’initiale (et, en cas de nécessité, soit les deux premières lettres -la seconde étant alors en minusculesoit en y adjoignant un chiffre en exposant) de son lieu de conservation : le nom de la ville, pour les manuscrits étrangers et « provinciaux », et, pour les manuscrits « parisiens », le nom de la bibliothèque où ils sont localisés, puis l’analyse des données codicologiques relatives à chacun. Dans un deuxième temps, nous dresserons, dans la mesure du possible et après une brève étude critique générale, la généalogie de cette tradition manuscrite de façon à mettre en évidence les groupes et filiations réels et supposés. Si la légende de saint Thibaut en prose n’a fait, de par son caractère inédit, l’objet d’aucun classement, c’est en revanche loin d’être le cas de certains des manuscrits qui la contiennent, et qui ont ainsi pu recevoir plusieurs sigles, au gré des légendes éditées ou des études qui leur ont été consacrées. Pour cette raison, après la présentation ordonnée des manuscrits, on trou La datation mentionnée dans le catalogue des manuscrits de la Bibliothèque municipale de Troyes est bien évidemment erronée, saint Thibaut étant né et mort au XIè siècle. Comme nous l’avons signalé dans l’Avant-propos, l’inventaire qui suit ne tient pas compte de la présence hypothétique de manuscrits dans les diverses bibliothèques étrangères. En plus de cette distinction, qui a pour finalité de permettre une identification pratique et rapide des nombreux témoins conservés dans les différentes bibliothèques parisiennes, nous avons choisi de classer les manuscrits de la BNF en fonction de leur cote croissante (critère plus pertinent que la date de rédaction, souvent très floue).
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vera un « tableau des correspondances » dans lequel sont synthétisées les classifications établies par Paul Meyer et Peter F. Dembowski -dont les recherches ont conduit à analyser un nombre significatif de manuscrits communs à notre propre étude-, accompagnées de la nôtre. Enfin, la mention « inconnu » signifie soit que les données concernant l’élément auquel elle se rapporte sont indisponibles (faute de notices ou d’études sur le sujet), soit que le temps nous a manqué pour approfondir davantage nos recherches (ceci valant essentiellement pour l’histoire des manuscrits dont nous nous sommes contenté le plus souvent de donner la ou les cotes antérieures ainsi que d’éventuelles mentions portées sur les folios). Présentation ordonnée (classement alphabétique et numérique) – Epinal, Bibliothèque municipale, 9 (E) Description : Manuscrit du dernier quart du XIIIè siècle, provenant de l’abbaye bénédictine de Moyenmoutier, en Lorraine, dans le diocèse de Dié (anc. diocèse de Toul), sur parchemin (vélin), d’une longueur de 101 feuillets (folios 60 et 61 mutilés) de 325 sur 218 mm, à 4 colonnes de 52 lignes. Décoration (texte) : 9 initiales ornées à antennes et filets, de couleur rouge et bleue. Contenu : Vies de saints (écriture en minuscules gothiques), dont saint Thibaut, ff. 53d-55a. Histoire : Inconnue. Ancien Epinal 76. En haut du premier feuillet, on lit : « Mediani Monasteri, congreg. S. Vit. et Hyd., catalogo inscriptus an. 1717. ARMre n° 9. » Une main plus récente a ajouté : « Légende dorée ». Références : Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, section Départements, t. 3, p. 399-400. – Notices et extraits, t. 36, p. 8-9. – Lille, Bibliothèque municipale, 451 (Li) Description : Manuscrit du XIVè siècle, provenant de l’abbaye cistercienne de Loos (fille de Clairvaux), dans le diocèse de Tournai (et fondée en 1149 par Thierry d’Alsace, comte de Flandres), sur parchemin, d’une longueur de 264 feuillets de 218 sur 150 mm, à longues lignes (37 lignes par page). Décoration (texte) : 9 lettrines. Contenu : Vies de saints (légendes classées suivant le calendrier de l’année liturgique), dont saint Thibaut, ff. 125r-128r. Histoire : Inconnue. Ancien Lille 202. Au folio 1, on lit : « Monasterii Beate Marie de Laude », et au folio 264 : « Explicit Vita aurea, que est J. Morel, can. », ainsi que « Iste liber est scriptus, qui scripxit sit benedictus. » Références : Catalogue général des manus Cf Paul MEYER, Histoire Littéraire de la France, t. XXXIII, 1906, p. 328-458 (désormais abrégé HLF, t. 33) et Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques, t. XXXVI (1), 1899, p. 1-69, et t. XXXVI (2), 1901, p. 677-716 (désormais abrégé Notices et extraits, t. 36) ; et Peter F. DEMBOWSKI, La Vie de Sainte Marie l’Egyptienne, Droz, Genève, 1977, p. 19-21, et p. 171-240.
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crits des bibliothèques publiques de France, section Départements, t. 26, p. 303307. – Notices et extraits, t. 36, p. 9. – P. F. Dembowski, La Vie de Sainte Marie l’Egyptienne, p. 240. – Londres, British Library, Additional, 15231 (Lo) Description : Manuscrit du dernier tiers du XIIIè siècle, provenant de Champagne (Troyes ?), sur parchemin (vélin), d’une longueur de 91 feuillets (incomplet) de 232 sur 160 mm, à longues lignes. Décoration (texte) : Sans, mais place prévue pour au moins une grande initiale ornée (« S » débutant le récit), et des rubriques (modèles en marge). Contenu : Vies de saints, dont saint Thibaut, ff. 89v-90v (mutilé). Histoire : A appartenu à divers habitants de Troyes entre les XVIIè et XVIIIè siècles. Références : Catalogue of Additions of the Manuscripts in the British Museum, t. 7, p. 116. – Notices et extraits, t. 36, p. 9-10. – Paris, Bibliothèque de l'Arsenal, 3684 (A1) Description : Manuscrit du XVè siècle, provenant de Lorraine, sur parchemin, d’une longueur de 173 feuillets (augmentée des feuillets A-E, 70bis et 89bis) de 343 sur 240 mm, à 2 colonnes de 41 lignes. Décoration (texte) : 1 miniature, 7 initiales ornées or et couleurs, titre rouge. (155 miniatures pour tout le manuscrit). Contenu : La Vie des sains (114 articles), dont saint Thibaut, ff. 70b-71c. – Euvangelia dominicalia transcripta de latino in gallium secundum omelias beati Gregorii pape (il s’agit des Sermons français de Maurice de Sully). – Hystoire de la conception et de la nativité de Nostre Dame. Histoire : Inconnue. Ancien 9190 de la Bibliothèque de M. de Paulmy. Au folio A, on lit : « Ce présent livre appartien à sr Androyn Roucel, l’eschevin [de Metz] », aux folios B et 1, on lit : « Ad usum PP. Birgittanorum Plessiacentium », au folio B, une longue note : « Messire Jehan de Housse, seigneur de Hung, gentilhome de l’ancienne chevalerie de Laureine, a donné ce livre aux religieux de l’ordre du Sauveur, dict de Ste Birgitte, deux des frères dudict ordre estant à la suite de son Excellence Monseigneur le conte d’Egmont, leur fondateur universel et protecteur dans les Païs-bas lequel sr de Hung l’a continuellement accompagné et suivy depuis sa sortie du susdict Paybas, comme estant et ayant tousjours esté très fidelle serviteur, amy et favorisé de sadicte Excellence, qui l’a tousjours estimé et honoré, comme en faisant beaucoup d’estat pour son meritte et sa valeur et comme ayant cy-devant esté capitaine de cavalerie, et depuis mestre de camp. – Que cecy soit à la mémoire et recongnoissance de sa charité, et que les frères prient pour sa prospérité et de sa famille. Faict à charleville, le XVè aoust 1634. ». Reliure en bois couvert de veau noir. Coins en cuivre. Traces de fermoir. Références : Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, section Arsenal, t. 3, p. 463-464. – HLF, t. 33, p. 42. – Romania, t. 28 (1899), p. 266-267.
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– Paris, Bibliothèque de l'Arsenal, 3706 (A2) Description : Manuscrit de la 2ème moitié du XVè siècle, de provenance inconnue, sur papier, d’une longueur de 263 feuillets de 270 sur 193 mm, à longues lignes (20 lignes par page). Décoration (texte) : 9 lettrines, initiales rouges. (La reliure est en maroquin rouge, à fil d’or, et les tranches sont dorées.) Contenu : Recueil des vies de saints, (48 articles classés selon le calendrier de l’année liturgique), dont saint Thibaut, ff. 132r-141r. Histoire : Inconnue. Ancien « Histoire » n° 1057 B de la Bibliothèque de M. de Paulmy, antérieurement n° 1478 de la Bibliothèque de Guyon de Sordière. Vient de la Bibliothèque du château d’Anet. Armoiries gravées (intérieur du 1er plat) de Louis de Brancas, duc de Laurageais. Références : Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, section Arsenal, t. 3, p. 473-474. – Notices et extraits, t. 36, p. 12. – P. F. Dembowski, La Vie de Sainte Marie l’Egyptienne, p. 240. – Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, 587 (G) Description : Manuscrit des dernières années du XIIIè ou des toutes premières du XIVè siècle, de provenance inconnue (la présence d’un saint local auvergnat suggérant néanmoins une origine liée au Centre de la France), sur parchemin, d’une longueur de 191 feuillets de 370 sur 265 mm, à 2 colonnes de 50 à 52 lignes. Décoration (texte) : 9 initiales ornées en couleur. Contenu : La vie des sains en romans, dont saint Thibaut, ff. 82c-83d. – Vie de Saint Géraud, patron de l’Auvergne, par l’abbé Eudes. –Li mireors d’Amistié. – Le livre de clergie qui en romans est apelés l’Image dou Monde, mise en prose du poème de Gautier de Metz Le Miroir du Monde. Histoire : Inconnue. Ancien Sainte-Geneviève 2. Au folio 1, on lit : « Fernault » (écriture du XVIIè- XVIIIè siècle), et « Ex libris S. Genovefae Paris, 1753 ». Références : Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, section Sainte-Geneviève, t. 1, p. 303-306. – Notices et extraits, t. 36, p. 717-721. – HLF, t. 33, p. 376. – Paris, Bibliothèque Mazarine, 1716 (M) Description : Manuscrit des premières années du XIVè siècle (parchemin du XIIIè siècle, écriture du XIVè siècle), de provenance inconnue, d’une longueur de 368 feuillets de 323 sur 214 mm, à 2 colonnes de 42 lignes. Décoration (texte) : 3 grandes initiales peintes (découpées). Les miniatures et les lettres de couleur de toutes les légendes ont été découpées avec quelques lignes de texte, avant 1704. Contenu : Recueil de vies de saints et de saintes (44 légendes), dont saint Thibaut, ff. 255d-258a (mutilé) ; tables aux folios 1v et 258v. Quelques cahiers et plusieurs feuillets au milieu du manuscrit sont manquants. Histoire : Ancien Mazarine 568. Une note de 1704, signée « Frère Léonard », Augustin Déchaussé qui a acheté le
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manuscrit, présume que le manuscrit appartenait à l’abbaye royale de Longchamp (fondée en 1252 par Isabelle de France -épouse de Thibaut de Navarre- qui y entra en 1260 et y mourut en 1270). Au verso du 1er plat, on lit les mentions suivantes, datant du tout début du XIVè siècle : « Ysabaus, fille le roy de France, est bonne dame » et « Marguerite escrit bien ». Il s’agit sans conteste pour la première de Isabelle de France (1292-1357), fille de Philippe IV le Bel, la seconde étant probablement Marguerite de Bourgogne (1290-1315), fille de Robert II, duc de Bourgogne. On notera que la mention concernant Isabelle de France (âgée de 8 ans en 1300) ne souligne aucun lien avec le roi d’Angleterre Edouard II (qu’elle épousera en 1308), donnant ainsi les possibles terminus a quo et terminus ad quem de la période de rédaction du manuscrit. Que ce manuscrit ait eu un commanditaire princier ou royal semble par conséquent indubitable. Références : Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, section Mazarine, t. 2, p. 193-194. – Notices et extraits, t. 36, p. 185. – HLF, t. 33, p. 422-423. – P. F. Dembowski, La Vie de Sainte Marie l’Egyptienne, p. 172. – Paris, Bibliothèque nationale de France (Richelieu), fonds fr., 413 (R1) Description : Manuscrit de la fin du XIVè ou du début du XVè siècle, provenant de Lorraine ou du Barrois, sur parchemin (vélin), d’une longueur de 453 feuillets de 325 sur 220 mm, à 2 colonnes de 44 lignes. Décoration (texte) : 4 initiales ornées (la 1ère ayant 9 lignes de haut). Le manuscrit renferme nombre de miniatures et de lettres historiées, parfois mutilées, ainsi que des initiales ornées inachevées. Contenu : La Vie des Sains, recueil en deux parties. 1) La Passion Nostre Seigneur Jhesu Crist. – L’offrande des III roys. – La Purification. – La Traïson Jhesu Crist devant Pilate. – Les III gran Euvangilles de la grant sepmaine de Karesme selon les III euvangelistes. – La Veronique et la vengance Nostre Seigneur Jhesu Crist. 2) 114 légendes classées suivant un ordre hiérarchique (avec successivement les légendes de la vie du Christ, puis celles des apôtres, des martyrs, des confesseurs, et enfin des saintes), dont saint Thibaut, ff. 201c-203c, et quelques morceaux de la Légende Dorée. Histoire : Ancien Royale 70195, antérieurement Colbert 2811. Au folio 453v, on lit : « A mon très cher et très […] frère jehan de loraine », et divers essais de plumes ainsi que des signatures. Adressée au duc Jean 1er de Lorraine (mort en 1390), la dédicace est due à un autre « Jean », duc, et marquis de Lorraine, qui est en réalité son demi-frère. Fils unique de Raoul, duc de Lorraine (mort en 1346) et de Marie de Châtillon (fille du comte Guy de Blois et de Marguerite de Valois), Jean 1er n’accédera au pouvoir qu’après le remariage de sa mère Marie de Châtillon avec Frédéric, comte de Linange, lesquels assureront la régence (Jean 1er est alors âgé de 7 ans), et auront un fils : Jean Voir ms. Paris, Archives Nationales, L. 1027, n° 8 (inventaire de 1328 de la bibliothèque du monastère).
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(l’auteur de la dédicace). Références : Catalogue des manuscrits français de la Bibliothèque nationale, t. 1, p. 39-40. – HLF, t. 33, p. 424. – P. F. Dembowski, La Vie de Sainte Marie l’Egyptienne, p. 206. – Paris, Bibliothèque nationale de France (Richelieu), fonds fr., 988 (R2) Description : Manuscrit de la 1ère moitié du XIVè siècle, de provenance inconnue (particularismes linguistiques du Nord), sur parchemin (vélin), d’une longueur de 261 feuillets de 300 sur 210 mm, à 2 colonnes de 34 lignes. Décoration (texte) : 1 initiale ornée et 8 lettrines. Titre en latin en tête de chaque page. Contenu : Les vies des saints, légendier classé selon le calendrier de l’année liturgique (168 articles), dont saint Thibaut, ff. 111b-114a – Paraphrase et commentaire du poème Miserere – Li livres de Balaam (version abrégée de la légende de Balaam et Josephat) – La légende d’Adam. Histoire : Inconnue. Ancien Royale 7306, antérieurement Colbert 3324. Références : Catalogue des manuscrits français de la Bibliothèque nationale, t. 1, p. 169-170. – Notices et extraits, t. 36, p. 10-12. – P. F. Dembowski, La Vie de Sainte Marie l’Egyptienne, p. 239-240. – Paris, Bibliothèque nationale de France (Richelieu), fonds fr., 17229 (R3) Description : Manuscrit de la 2ème moitié du XIIIè siècle (1280-1290 ?), provenant de l’Artois mais contenant peu de picardismes, rédigé d’une seule main, sur parchemin, d’une longueur de 367 feuillets (folio 366 mutilé) de 308 sur 218 mm, à 2 colonnes de 40 lignes. Décoration (texte) : 1 initiale historiée. Le manuscrit contient de nombreuses miniatures sur fond d’or, peintes en bleu, rouge, et orange, ainsi que des initiales ornées avec antennes (lettres d’or sur fond rouge et bleu en alternance), et des drôleries. A partir du folio 57r (inclus), les initiales ne sont plus que dessinées en rouge et bleu, en alternance, et sont inachevées, les miniatures étant quant à elles toujours complètes. Les légendes sont rubriquées en rouge. La foliotation du manuscrit est faite suivant une double numérotation, en chiffres arabes (à l’encre noire) dans le coin supérieur droit du recto de chaque folio, et en chiffres romains (à l’encre brune) au centre de la partie supérieure du recto de chaque folio. La reliure en est veau. Contenu : Recueil de légendes classées selon un ordre hiérarchique, dont saint Thibaut, ff. 230d-233b. Récits encadrant La Vie seint Thiebaut : La Venjance de Nostre Seingneur Jhesu Crist, f. 218v, La Vie S. Aymon, qui fu roi, et de son martire (légende de saint Edmond, roi d’Angleterre), f. 222r, La Vie S. Patrices, f. 233r, et De Balaam et Josaphat, f. 241. Histoire : Ancien Saint-Germain 905, antérieurement Séguier-Coislin (reliure aux armes de Séguier). En haut du folio 1r, on lit : « n. 1380 ». Au bas du folio 1r, se trouve l’exlibris suivant : « Ex Bibliotheca MSS COISLINIANA, olim Segueriana, quam illust Henricus du CAMBOUT, Dux de Coislin, Par Franciae, Episcopus Merensis, et Monasterio S. Germani a Pratis legavit. An. M. DCC. XXXII. ». Au folio
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301v, on lit : « Guillermus Monachy, canonicus Pulcry Loci, legit totum istud librum » (écriture du XIVè siècle). Au folio 367v, on lit les signatures : « Francoyse de Bretaigne » et « Ysabeau d’Alebret » (écritures du XVè siècle). L’histoire de ce manuscrit est alors assez simple à reconstituer, du moins dans ses grandes lignes : après sa rédaction en Artois (à Arras même, ou aux environs) à la fin du XIIIè siècle (ca. 1287 ?), notre manuscrit se retrouve, au cours de la 1ère moitié du XIVè siècle, dans la bibliothèque du monastère de Sept-Fonts, entre les mains d’un certain Guillaume Monachy, qui le lèguera par la suite. Si nous ne savons rien sur l’identité réelle du légataire de ce moine ni sur l’histoire du manuscrit jusqu’au siècle suivant, nous pouvons néanmoins supposer qu’elles sont toutes les deux très probablement liées à la noblesse auvergnate ou bourbonnaise. Datant du XVè siècle, les signatures apposées sur le manuscrit sont quant à elles celles de Françoise de Bretagne (comtesse de Périgord, vicomtesse de Limoges, Dame d’Avesnes, fille aînée et héritière de Guillaume de Châtillon, dit de Bretagne, vicomte de Limoges, et d’Isabelle de la Tour, fille de Bertrand Ier, comte d’Auvergne et de Boulogne), et d’Isabelle d’Albret (fille de Françoise de Bretagne et d’Alain d’Albret le Grand). Nous n’avons alors plus aucun renseignement sur notre manuscrit avant son acquisition, au XVIIè siècle, par le chancelier de France Pierre Séguier (15881672), qui le donna en héritage à Henri-Charles du Cambout de Coislin, évêque de Metz (1697) puis duc de Coislin (1711). Le manuscrit fut ensuite légué par ce dernier à l’abbaye Saint-Germain-des-Prés avant de rejoindre la Bibliothèque nationale où il se trouve désormais. Références : Catalogue des manuscrits français de la Bibliothèque nationale, t. 10, p. 45-46. – Notices et extraits, t. 35 (2), p. 468 et sq., et t. 36, p. 34. – HLF, t. 33, p. 416-420. – Henri Omont, Le cabinet des Nous pensons pouvoir localiser le lieu de rédaction du manuscrit soit dans l’abbaye de Saint-Waast, à Arras, soit dans l’abbaye Notre-Dame d’Avesnes-lès-Bapaume (abbaye de bénédictines fondée en 1128 par Clémence de Bourgogne, femme de Robert de Jérusalem, comte de Flandres, et dont la bibliothèque fut transférée à Arras en 1565, puis dans le château de Belmottet), un peu plus à l’écart, soit enfin dans l’abbaye de Corbie (quoique assez éloignée, et moins probable malgré son prestige). Concernant la date de rédaction du manuscrit, nos recherches historiques et généalogiques, ainsi que la richesse du manuscrit et le fait que l’Artois et Arras sont alors les propriétés conjointes de l’abbé de Saint-Waast et du comte de Flandres, nous laissent à penser que notre commanditaire serait Gui de Dampierre (comte de Flandres de 1280 à 1305, et sire de Bourbon), qui aurait fait exécuter ce manuscrit à l’occasion du mariage de sa fille Béatrix, en 1287, avec le comte de Blois Gui de Châtillon ; outre une datation plus précise -et réaliste- de la période de rédaction de notre manuscrit, nous avons ainsi une explication concordante d’une part avec sa langue de copie (en “pur” francien), d’autre part avec la présence de ce dernier d’abord dans le monastère de Sept-Fonts -fondé par un Bourbon-, et ensuite dans la bibliothèque de Françoise de Bretagne (au XVè siècle), fille aînée et héritière de Guillaume de Châtillon, descendant dudit Gui de Châtillon.). De ce Guillermus Monachy (Guillaume Lemoine) nous ne savons pratiquement rien si ce n’est qu’il fut moine au XIVè siècle dans l’abbaye de « Pulcry Loci », devenue successivement « Sanctus Locus », et « Septem Fontes ». Cette abbaye cistercienne, située près de Diou, dans l’Allier, dépendant anciennement du diocèse d’Autun, aujourd’hui de celui de Moulins, et fille de l’abbaye de Fontenay, fut fondée en 1132 par Guichard et Guillaume de Bourbon. Cependant, dans son Répertoire topo-bibliographique des abbayes et prieurés, Protat Frères, Mâcon, 1939, col. 500, Laurent-Henri COTTINEAU ne mentionne qu’un seul abbé Guillaume ayant exercé au XIVè siècle dans ce monastère : Guillaume III, en 1340, très probablement notre testateur. L’union du Bourbonnais et de l’Auvergne sera scellée avec le mariage, en 1371, d’Anne d’Auvergne, héritière du Dauphiné d’Auvergne, et de Louis II, duc de Bourbon.
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manuscrits de la Bibliothèque impériale, t. 2, p. 335. – P. F. Dembowski, La Vie de Sainte Marie l’Egyptienne, p. 171. – Paris, Bibliothèque nationale de France (Richelieu), fonds fr., 23117 (R4) Description : Manuscrit de la fin du XIIIè siècle (237 premiers feuillets) et du début du XIVè siècle (feuillets suivants), rédigé par deux copistes (2 écritures différentes), de provenance inconnue (particularismes linguistiques du Nord), sur parchemin, d’une longueur de 482 feuillets de 325 sur 220 mm, à 2 colonnes de 40 lignes. Décoration (texte) : 4 initiales ornées (inachevées). Contenu : Vies de saints, légendier classé selon un ordre hiérarchique (106 articles), dont saint Thibaut, ff. 262b-264d. Histoire : Inconnue. Ancien Saint-Victor 200. Références : Catalogue des manuscrits français de la Bibliothèque nationale, t. 13, p. 66-67. – HLF, t. 33, p. 424. – P. F. Dembowski, La Vie de Sainte Marie l’Egyptienne, p. 206. – Paris, Bibliothèque nationale de France (Richelieu), n.a.f. 23686 (R5) Description : Manuscrit de la 2ème moitié du XIIIè siècle, provenant du Centre ou de Champagne, sur parchemin, d’une longueur de 255 feuillets (295, selon une pagination du XVIIIè siècle, de nombreux feuillets étant manquants par suite de mutilations diverses) de 333 sur 234 mm, à 2 colonnes de 42 lignes. Décoration (texte) : 1 miniature « en carré », 1 initiale historiée peinte sur fond d’or, 8 initiales ornées en couleur, titre rouge. (Le manuscrit totalise 197 miniatures, dont plusieurs en carré, et 82 initiales historiées peintes sur fond d’or.) Contenu : Recueil de 6 recueils comprenant 1) un légendier d’articles classés selon un ordre hiérarchique (et sans vies de saintes), 2) un légendier de 68 articles classés selon l’ordre du calendrier liturgique (réduits à 49 par suite des mutilations), dont saint Thibaut, ff. 144d-146c, 3) un légendier de 14 articles, 4) les Vies des Pères du Désert, suivies de quelques morceaux pieux, 5) la mise en prose de Barlaam et Josaphat, 6) les vies des saintes Agathe, Luce, Agnès et Félicité. Histoire : Inconnue. Ancien Saint-Pétersbourg fr. 35. Acquis à Paris en 1777 par P. Dubrowsky (sur la première page on lit : « Ex Musaeo Petri Dubrowsky 1777, Parisiis emptum »). Références : Catalogue des manuscrits français de la Bibliothèque nationale, t. 26, p. 183. – Notices et extraits, t. 36, p. 677-716. – Romania, t. 66 (1940-1941), p. 558. – P. F. Dembowski, La Vie de Sainte Marie l’Egyptienne, p. 239. – Paris, Bibliothèque nationale de France (Richelieu), fonds fr., 25547 (R6) Description : Manuscrit du XVè siècle, de provenance inconnue, sur papier, d’une longueur de 341 feuillets de 215 sur 145 mm, à longues lignes (28 à 33 lignes par
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page). Décoration (texte) : 4 lettrines. Contenu : Recueil comprenant 1) le Doctrinal de Sauvage, 2) le Testament de J. de Meung, 3) Mélibée et Prudence de Christine de Pizan, 4) le Purgatoire de saint Patrice, 5) La vie monsieur Saint Thibaut (ff. 151r-155v), 6) le Déduit de chasse de Hardouin de Fontaine-Guérin, ainsi que de nombreux textes divers comme des sentences latines, des extraits d’ouvrages latins sur la pénitence, les enseignements de Saint Louis à son fils, des vers sur la Passion, des « exemples » moraux, et une Moralité faite au collège de Navarre à Paris le jour de la saint Anthoine, datée de 1426. Histoire : Inconnue. Ancien Saint-Victor 624. Nous avons toutefois relevé la présence du Testament de J. de Meung, du Mélibée de Ch. de Pizan, et d’une Légende des sains dans l’inventaire de 1420 de la Bibliothèque des ducs de Bourgogne (voir ms. BNF, Colbert 127, ff. 156r, 158r et 164v). La table située en fin du manuscrit mentionne par ailleurs le nom d’un certain André Hausselet (ou Mausselet), prieur en 1474. Références : Catalogue des manuscrits français de la Bibliothèque nationale, t. 13, p. 634-636. – Romania, t. 78 (1957), p. 158. – Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Palat. lat. 1959 (V) Description : Manuscrit de la 1ère moitié du XVè siècle, de provenance inconnue, de support inconnu, d’une longueur de 159 feuillets de dimensions inconnues, à longues lignes (28 lignes par page). Décoration (texte) : 1 lettrine. Contenu : Vies de plusieurs saints, dont saint Thibaut, ff. 126r-129r. Histoire : Inconnue. Ancienne collection Reine Christine de Suède. Références : W. Berschin, Die Palatina in der Vaticana. Eine deutsche Bibliothek in Rom, p. 134. – K. Christ, Altfranzösischen Handschriften der Palatina, p. 49-53. – Romania, t. 65 (1939), p. 119. Les témoins que nous venons de décrire possèdent tous le récit de la Vie de saint Thibaut. D’autres, parvenus jusqu’à nous dans des états qui varient de la perte de quelques feuillets à la sauvegarde de simples fragments de textes, ont pu contenir à un moment de leurs histoires notre légende, sans qu’il nous soit malheureusement plus possible aujourd’hui de l’affirmer. Pourtant, c’est bien de l’un de ces manuscrits fragmentaires dont nous devons signaler ici l’existence, à savoir le manuscrit Paris, BNF, fr. 1782, daté du milieu du XIVè siècle, qui est un fragment de 11 feuillets sur vélin et papier, sur 2 colonnes de 190 sur 145mm, rubriqué, et présente les caractéristiques linguistiques de l’Est (Lorraine). Bien qu’inutilisable pour notre édition, il peut cependant apporter un éclairage intéressant sur la généalogie des groupes de manuscrits dont il va être question ensuite. En effet, selon P. Meyer, les éléments contenus dans ce fragment (les folios 174c-180c et 183d-189c correspondent au calendrier liturgique allant du 15 août au 8 septembre) Voir Henri OMONT, Catalogue des manuscrits français de la Bibliothèque nationale, t. 1, p. 313 ; Paul MEYER, Notices et extraits, t. 36, p. 12. Voir Paul MEYER, ibid.
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suivent de près ceux du manuscrit R2, et présentent des leçons communes avec E, tous deux non seulement classés selon l’ordre du même calendrier, mais contenant également la légende de saint Thibaut. Sans tirer de conclusions hâtives quant à l’appartenance de ce manuscrit à notre tradition, et même si les arguments avancés semblent fragiles, nous pensons que l’hypothèse est à poser. Par ailleurs, H. E. Manning signale dans l’introduction de son édition trois manuscrits -inutilisables dans le cadre de notre édition- appartenant à la Bibliothèque Sainte-Geneviève, et qui contiennent des fragments de la vie de saint Thibaut (ms. 714, fol. 7, et ms. 1923, fol. 63 et 90) ou des antiennes (ms. 2722). Enfin, concernant le manuscrit Leipzig, Bibliotheca Albertina 1551 mentionné dans notre Avant-propos, un faisceau de présomptions issu des notes et remarques de P. Meyer et de P. F. Dembowski nous porte à croire que nous avons affaire à un témoin très probable que seule la consultation du manuscrit confirmera ou infirmera. A toutes fins utiles, nous donnons par conséquent ses caractéristiques : – Leipzig, Bibliotheca Albertina, 1551 (Le) Description : Manuscrit du XIVè siècle, provenant de Lorraine (Metz ?), sur parchemin, d’une longueur de 220 feuillets (251 selon l’ancienne pagination) de 320 sur 245 mm, à 2 colonnes (nombre de lignes inconnu). Décoration (texte) : Inconnue. Contenu : Divers morceaux pieux, dont des vies de saints du diocèse de Metz, classées suivant l’ordre du calendrier liturgique (saint Thibaut ?), et 127 articles de la Légende Dorée. Histoire : Inconnue. Références : Peter F. Dembowski, La Vie de Sainte Marie l’Egyptienne, p. 240. – Notices et extraits, t. 36, p. 692. – HLF, t. 33, p. 451.
Voir Helen Eastman MANNING, op. cit., p. 16. Voir les références données dans la présentation du manuscrit ci-dessous. A l’heure où nous rédigeons, une reproduction microfilmée du ms. Leipzig 1551 a été commandée par l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes auprès de l’Université de Leipzig (où il est donc conservé). Par ailleurs, la publication du catalogue des manuscrits de la Bibliothèque universitaire de Leipzig est en cours de réalisation : voir Rudolf HELSSIG, Katalog der Handschriften der Universitäts-Bibliothek zu Leipzig. Abteilung V : Die lateinischen und deutschen Handschriften. Band 2 : Die theologischen Handschriften, Harrassowitz Verlag, Wiesbaden (le tome contenant la notice du ms. Leipzig 1551 est à paraître).
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Tableau des correspondances Classification Nicolaon
Classification Meyer
Classification Dembowski
Ms. Epinal 9
Manuscrit E
―
―
Ms. Lille 451
Manuscrit Li
―
Version U Manuscrit D
Ms. Londres Add. 15231
Manuscrit Lo
―
―
Ms. Arsenal 3684
Manuscrit A1
―
―
Ms. Arsenal 3706
Manuscrit A2
―
Version U Manuscrit E
Ms. 587
Manuscrit G
―
―
Ms. Mazarine 1716
Manuscrit M
Groupe E1
Version O Manuscrit E
Ms. BNF fr. 413
Manuscrit R1
Groupe F
Rédaction O1 Manuscrit G
Ms. BNF fr. 988
Manuscrit R2
―
Version U Manuscrit C
Ms. BNF fr. 17229
Manuscrit R3
Groupe D
Version O Manuscrit A
Ms. BNF fr. 23117
Manuscrit R4
Groupe F
Rédaction O1 Manuscrit H
Ms. BNF n.a.f. 23686
Manuscrit R5
―
Version U Manuscrit B
Ms. BNF fr. 25547
Manuscrit R6
―
―
Ms. Vatican Palat. lat. 1959
Manuscrit V
―
―
Ms. Leipzig 1551 (sous réserve)
Manuscrit Le
―
Version U Manuscrit F
Ste-Geneviève
Les classifications Meyer et Dembowski ont été établies à partir des données recueillies respectivement dans HLF, t. 33, 1906, p. 328-458, Notices et extraits, t. 36 (1), 1899, p. 1-69, et t. XXXVI (2), 1901, p. 677-716, et dans La Vie de Sainte Marie l’Egyptienne, Droz, Genève, 1977, p. 19-21, et p. 171-240.
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Présentation critique L’état de notre tradition manuscrite ne permet pas d’établir une représentation stemmatique sûre, du moins en partie. Cependant, à l’aide des données qui précèdent (et plus encore au vu des textes eux-mêmes, de leur mise en page et de leur contenu), nos témoins se divisent très nettement en trois “familles” (que nous appellerons A, B, et C, et qui seront décrites un peu plus loin) dont quelques manuscrits sont sinon inclassables du moins très problématiques. Parmi les critères les plus probants, nous avons d’abord la composition du récit (titres incluant le qualificatif de « confesseur », rubrication des miracles, présence de l’épilogue), puis le degré de contamination des textes (leçons variantes et fautes communes d’un témoin à l’autre), et enfin la richesse des manuscrits (nombre et valeur des décorations), ce dernier critère confirmant presque toujours les deux autres. Concernant la composition du récit, les manuscrits Lo, E, R2, Li, et A2 sont les seuls à qualifier, dans le titre, Thibaut de « confesseur », les autres ne mentionnant rien. Les 8 rubriques attachées aux miracles, mises en exergue par des paragraphes ou insérées dans le corps du texte, ne sont données intégralement que par E, G, R2, Li, V et A2. A noter que Lo (pour le titre) et R5 (pour les miracles), dont les intitulés ne sont pas apparents, ont cependant ménagé une place pour les rubriques. Quant à l’épilogue (en fait une simple formule ecclésiastique), il ne figure, indépendamment de ses variantes, que dans M, R4, R6, R1, A1 et V, et donc absent dans les autres (avec une incertitude pour Lo, liée à son état de conservation). La décoration montre, quant à elle, d’un côté des manuscrits richement décorés de miniatures ou de lettres historiées (R3, M, R1, R5, A1), et de l’autre ceux qui se contentent au mieux de lettres ornées, le plus souvent de simples lettrines (R4, R6, E, G, R2, Li, V, A2), Lo restant, pour la raison déjà évoquée, inclassable ici. Enfin, l’étude des fautes communes et des variantes reste bien évidemment le critère le plus fiable et le plus rigoureux pour l’établissement de la généalogie des manuscrits. Afin d’éviter toute redondance, nous ne reprenons pas ici les éléments déjà fournis dans l’apparat critique, et que nous estimons par ailleurs suffisants à la justification des filiations qui vont suivre, mais nous donnons néanmoins quelques exemples de fautes ou lacunes communes qui mettent en évidence les rapports indubitables de certains manuscrits entre eux (les variantes graphiques n’apparaissent que si elles sont significatives, le reste du texte reprenant celui du manuscrit de base) :
Dans un souci de clarté, nous proposerons néanmoins un peu plus loin une esquisse de stemma codicum.
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– ligne 23-24 : la volenté du monde, ainz escouta diligenment [et retint], R3MR4R6R1 la volenté du monde, ainz escouta diligenment et retint, LoR5 la vanité du monde, ainz escouta diligenment et retint, EGR2LiVA2A1 – lignes 26-27 (R5 lacunaire) : et desirroit a ensuivre seint Helye et seint Jehan Baptiste, R3MA1LoGVA2 et dessieroit a ensugre saint helye et seint Jehan Baptiste, ER2Li et desirroit a ensuivre [seint Helye et] seint Jehan Baptiste, R4R6R1 – lignes 128-130 (Lo manquant) : Un jor avint, quant il ploroit ses pechiez, une voiz descendi du ciel qui li dist, R3R5EGR2 A2 Un jor avint quant il ploroit ses pechiez [une voiz descendi du ciel qui li dist], M Un jour avint que il plueroit ses pechiez [une voiz descendi du ciel qui li dist], R4R6R1 Un jour avint que il ploroit ses peichiés une voiz descendit [dou ciel] qui li dist, Li Ung jour advint que il plouroit ses pechés une voiz descendi du ciel qui lui dist, V Ung jour advint que saint Thiebaut ploroit ses pechiez une voiz [descendi du ciel qui] lui dist, A1 – lignes 186-187 (Lo manquant) : en l’eglise Nostre Dame a cui tide [il avoit esté ordenez] a provoire, R3 en l’eglise de Nostre Dame a cui [titre il avoit esté ordenez] a provoire, M en une eglise de Nostre Dame en ce lieu, R4R6R1 en l’eglise Nostre Dame a cui titre il avoit esté ordenez a provoire, R5LiA2A1 en l’eglise Nostre Dame a cutiebe ( ?) ou il avoit esté ordenez a prevoire, R2 en l’eglise Nostre Dame ou il avoit esté ordenez a prouvoire, G en l’eglise Nostre Dame a laquel englise il avoit esté ordenez a provoire, E en l’eglise Nostre Dame [a cui titre il avoit esté ordenez a provoire], V La synthèse des éléments d’analyse que nous venons de présenter et de ceux que l’on retrouvera en apparat nous permet de dégager une famille A, issue de R3, une famille B, issue de Lo, et une famille C, issue de E. Si nous ne pouvons en aucune façon relier avec certitude entre eux ces trois manuscrits du XIIIè siècle (que ce soit par copie directe ou par contamination), il est cependant certain que R3 et Lo (et par conséquent leurs descendants) sont issus d’un seul et même archétype (que nous pensons être le « Légendier français » étudié par P. Meyer, à par-
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tir duquel nos deux manuscrits ont même pu avoir été directement copiés), E étant en revanche de trop mauvaise qualité pour que nous puissions nous prononcer davantage ; il pourrait en effet tout aussi bien provenir de la traduction d’un texte latin différent de celui dont sont issus R3 et Lo, voire être lui-même une traduction directe de l’un de ces textes latins. Afin de mieux percevoir toute la complexité de la tradition manuscrite que nous venons d’évoquer, et dont nous allons ensuite nous efforcer de montrer les filiations, nous proposons ci-dessous une esquisse de stemma, en insistant cependant fortement sur l’aspect partiel et hypothétique de ce dernier, en raison notamment des nombreuses contaminations que nous ne sommes pas en mesure pour l’instant d’identifier avec certitude et que nous ne faisons par conséquent pas apparaître (sauf dans les cas de forte présomption) :
XIIIè s.
O ? 3
R
Lo
?
G
E
5
R
R2
M Le*
α 4
R
XIVè s. ?
Li
? ? R1 6
R
A1
V
XVè s.
A2
* Sous réserve de contenir effectivement la Vie de saint Thibaut en prose, Le se rattacherait alors à la famille C, et plus particulièrement à R2, Li et A2 (voir les références citées plus haut dans la présentation du manuscrit Leipzig 1551). Famille A : R3, M, α, R4, R6, R1, A1( ?) : Comme nous l’avons déjà constaté, exception faite de A1 qui est très abrégé, très contaminé, et qui présente de nombreuses similitudes avec la famille C, nous sommes ici en présence d’une famille dont la filiation est à la fois saine et simple. Comme nous l’avons signalé dans la présentation des sources latines de la légende de saint Thibaut, trois récits latins (recensés dans les éditions de Mabillon, de Surius et de Migne déjà citées) proposent en effet des variantes suffisamment notables par rapport à la Vita commune pour être à l’origine d’une éventuelle traduction française légèrement distincte de l’archétype (ces trois récits provenant néanmoins de la seule version latine connue).
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Nous faisons apparaître un manuscrit α, intermédiaire entre M et R4, dans la mesure où la filiation entre ces deux derniers est certaine mais non directe. De plus, leurs périodes de rédaction, très proches, rendent peu crédible l’existence d’un second intermédiaire. Ce manuscrit α semblerait enfin se caractériser par une nette tendance à abréger son modèle (donc M), du moins à en juger par l’évolution du texte entre M et R4. Le fait que le reste de la branche soit ininterrompue et que les manuscrits qui la composent (et qui nous sont tous parvenus) semblent avoir été écrits pour de riches et nobles commanditaires nous porte à croire que α n’est pas perdu, mais seulement entre les mains d’un particulier. Ainsi, compte tenu de la date d’écriture des manuscrits et au vu des fautes communes et de l’évolution de ces dernières, nous pouvons dire que : M est la copie de R3, qu’il corrige ponctuellement, α est la copie de M, R4 est la copie de α, R6 est la copie de R4, dont il rajeunit la langue, R1 est la copie soit de R4 soit de α. Bien que très similaires, R1 et R4 montrent en effet quelques variantes autres que purement graphiques (R1, qui est postérieur à R4, rajeunit naturellement la langue) dont on ne peut objectivement pas affirmer qu’elles sont soit des innovations heureuses soit des reproductions fidèles d’un modèle hypothétique, – A1 serait le dernier descendant connu de cette branche (bien que de nombreux éléments le rattachent tout autant à la famille C). A défaut d’avoir pu établir son modèle, nous pouvons toutefois affirmer qu’il a été contaminé par au moins deux manuscrits de la famille C (très probablement par R2, ainsi que par E ou V).
– – – – –
Famille B : Lo, R5 : A la différence de A et C, la famille B est peu marquée par des caractéristiques intrinsèques, et se définit donc davantage par opposition aux deux autres, auxquelles elle se rattache pourtant. Concernant Lo, nous avons en effet dit plus haut qu’il partageait avec R3 le modèle ancestral commun, expliquant ainsi aisément leurs similitudes graphiques et lexicales. A l’inverse, R5, n’était la richesse de sa facture, semblerait résolument appartenir à C avec laquelle il possède souvent des variantes communes. Pourtant, il suffit de considérer les dates de rédaction, même approximatives, des manuscrits ainsi que leurs qualités matérielles et littéraires (passages lacunaires, leçons isolées ou dénuées de sens) pour se rendre compte que R5 n’a nullement pu parvenir à un texte d’aussi bonne qualité avec pour modèle E, G ou même n’importe quel représentant de la famille C, subsistant ou perdu. En revanche, s’il utilise Lo comme manuscrit de base, R5 a également été contaminé par au moins un membre de cette famille C, sans que celui-ci puisse être
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identifié avec certitude (bien que G soit le plus probable en raison de sa date de rédaction, de sa proximité géographique et d’une meilleure qualité d’exécution par rapport aux manuscrits potentiellement contemporains de cette même branche), sans que l’on puisse non plus savoir exactement dans quelle mesure R5 a à son tour contaminé C. La famille B se caractériserait donc en définitive plutôt par son aspect bâtard. Famille C : E, G( ?), R2, Li, V, A2 : Cette branche de la tradition manuscrite est à la fois la plus copiée et la plus contaminée, et donc la plus altérée aussi, avec pour conséquence de rendre hasardeuse toute tentative de classement. Néanmoins, nous avons pu assez facilement dissocier deux groupes bien distincts dans cette famille, avec d’un côté E, R2 et Li, qui forment une filiation stable (sans qu’il soit pour autant possible de déterminer ni s’ils se copient ou se contaminent les uns les autres, ni comment), et de l’autre G, V et A2 sur lesquels on ne peut guère donner plus d’éléments fiables. c) La postérité de la version française en prose Avec l’imprimerie, la copie manuscrite de la Vie de saint Thibaut, devenue inutilement plus coûteuse et plus longue à réaliser que sa nouvelle forme imprimée, surtout dans le cadre d’un usage religieux -le plus fréquent, et peut-être même le seul à avoir perduré-, semble totalement disparaître, aucun autre exemplaire n’ayant plus en effet été recensé, ni même supposé, après la fin du XVè siècle. Pour autant, le culte du saint est non seulement resté vivace à travers les époques qui ont suivi -certainement davantage par le truchement des éditions en latin, liées une fois encore à son utilisation essentiellement ecclésiastique-, mais s’est également très développé en Europe, et principalement dans l’Est et le Centre de la France, ainsi que dans le Nord de l’Italie, en Allemagne, en Autriche et au Luxembourg, comme en témoignent les quelques réécritures et éditions en allemand, en français, et en italien, que nous avons recueillies çà et là, dont on trouvera une liste non exhaustive à la fin du présent mémoire, dans la bibliographie. Naturellement, un culte vivace et dispersé n’induit en rien qu’il soit important par le nombre de ses fidèles ou de ses récits ; et de fait, la Vie de saint Thibaut, qualifiée cependant un peu vite de « légende locale », paraît finalement avoir eu une postérité littéraire relativement limitée, sur laquelle, faute de recherches approfondies existantes, nous ne pourrons donc que rester évasifs. Le relevé de ces publications, qui sont des copies imprimées de manuscrits, des réécritures d’une Vita latine, voire des biographies romancées, a été établi à partir des recherches effectuées par H. E. MANNING dans son édition de la Vie de saint Thibaut, op. cit., p. 16-17, et des éléments bibliographiques fournies par les différents dictionnaires et encyclopédies théologiques que nous avons été amenés à consulter.
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3 / Etablissement du texte a) Choix du manuscrit de base Si le choix d’un manuscrit de base dans une tradition touffue est toujours discutable, la version en prose de la Vie de saint Thibaut, malgré ses 14 manuscrits, semble relativement épargnée par ce nœud gordien. En effet, après lecture et analyse des différents témoins, seul R3 nous a semblé réellement viable dans le cadre de notre édition critique, et ce, pour les raisons que nous allons voir à présent avec la synthèse qui suit : Lo, quoique de bonne qualité - par la correction de la langue et la quasi absence de lacunes (il est par ailleurs l’un des trois plus anciens témoins connus)-, ne peut malheureusement que servir de manuscrit de contrôle dans la mesure où il nous est parvenu amputé des deux tiers, seul restant le début du récit jusqu’à « Quant il ot einsit » (correspondant à la ligne 99 de notre édition). M, copie directe et assez fidèle de R3 qu’il corrige ponctuellement, ne possède pas d’intérêt particulier par rapport à son modèle, mais en revanche présente des mutilations suffisamment importantes autour de ses trois illustrations, découpées avec plusieurs lignes de texte, pour l’empêcher d’être un manuscrit de base crédible, à tout le moins en comparaison de R3. R4, R6 et R1, issus tous les trois de M par l’intermédiaire de α, sont donc des descendants plus tardifs de R3 et à ce titre sont des témoins a priori de moindre valeur ; ce qui est d’autant plus vrai qu’ils sont en définitive non seulement lacunaires en plusieurs lieux variants mais également abrégés en d’autres (ces passages abrégés et ces lacunes, communs aux trois manuscrits de ce groupe, sont dûs très vraisemblablement à α). Ces trois manuscrits, d’une similitude entre eux des plus étonnantes, n’ont par conséquent pour seul intérêt pour nous que d’appartenir à la famille de R3, et donc de servir de manuscrits de contrôle. A1, A2 et V sont les trois manuscrits les plus tardifs. Outre qu’ils contiennent de nombreuses leçons isolées liées à leur position en fin de tradition (aucun des trois n’a de successeur connu), ils sont de surcroît parmi les témoins les plus abrégés et les plus contaminés (A2 l’étant toutefois un peu moins que les deux autres). Il va de soi que dans de telles conditions aucun d’entre eux n’est envisageable en tant que manuscrit de base. E est, selon Paul Meyer, « l’œuvre d’un copiste peu soigneux et peu intelligent. Les passages mal copiés, dénués de sens y abondent ». Il est assurément le plus
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Paul MEYER, Notices et extraits, t. 36, p. 9.
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mauvais de notre tradition, multipliant incorrections, non-sens, et leçons improbables, et ce, en dépit de son statut de plus ancien manuscrit, avec R3. Totalement inutilisable comme manuscrit de base (sa qualité est si mauvaise qu’il nous a même été impossible d’établir avec certitude des liens évidents entre lui et les manuscrits qui l’ont pourtant nécessairement eu comme modèle), nous n’avons d’ailleurs fait que très occasionnellement appel dans notre apparat aux variantes qu’il propose, et le plus souvent pour justifier des fautes communes ancestrales propres à toute cette branche. G, quant à lui, a la particularité d’être difficilement classable, compte tenu de son degré élevé et unique de contamination (ses 12 légendes étant « empruntées à différents légendiers »), alors même qu’il fait partie des plus anciennes copies. De plus, il renferme un nombre relativement important de leçons fautives, uniques, voire parfois quelques passages réécrits lorsque son auteur ne les a pas compris sur son ou ses modèles. R2 et Li sont indissociables l’un de l’autre, partageant plusieurs fautes communes et leçons singulières, R2 se démarquant de Li et de bon nombre des manuscrits que nous venons d’évoquer en l’emportant sur les autres, selon P. Meyer, « par sa correction et sa complétude ». Ce qui est sans doute vrai à l’échelle du manuscrit l’est cependant moins en ce qui concerne la Vie de saint Thibaut, les deux présentant une proportion non négligeable d’incorrections et de variantes plus ou moins heureuses. Bien qu’on ne puisse affirmer qu’il ait été copié sur R2, Li lui ressemble très fortement par son contenu (ordre des légendes, erreurs et structures textuelles communes). S’il ne fait donc aucun doute que R2 est sans conteste le meilleur témoin de la famille de E, il présente toutefois l’inconvénient de faire partie, comme Li, de la branche fortement contaminée -issue de E- de la tradition manuscrite, et par conséquent d’être un témoin unique dont le texte n’est déjà plus celui d’origine et dont aucun ne sera par la suite sa copie exacte en raison des multiples contaminations ultérieures qui le transformeront encore. R5, en dépit de sa grande qualité d’exécution et de la richesse de ses illustrations (il est sans aucun doute le plus soigné et le plus décoré des manuscrits de notre tradition, y compris lorsqu’il est corrigé à deux reprises), n’est rien d’autre qu’une excellente compilation d’au moins trois manuscrits, et qui plus est sans descendance directe. En effet, la comparaison mot à mot de R5 avec les différents manuscrits qui lui étaient potentiellement contemporains (R3, Lo, E et G) nous a permis de constater qu’il suivait de très près Lo, qui a de toute évidence été son modèle, mais qu’il possédait aussi des leçons propres à la famille de E et absentes de Lo
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Voir Paul MEYER, HLF, t. 33, p. 376. Paul MEYER, Notices et extraits, t. 36, p. 10.
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comme de toute la famille de R3 (voir l. 90, et se couvroit bien), ainsi que, par endroits, des leçons particulières là où d’autres ont soit une lacune soit une leçon commune à l’ensemble de la tradition, induisant alors une contamination par un manuscrit perdu, antérieur à R3, Lo, E et G, et qui pourrait fort bien être l’ancêtre commun (voir l. 43, viseter l’eglyse). En outre, si rien ne permet d’affirmer qu’il a lui-même contaminé ou pas l’un ou l’autre des témoins ultérieurs, de quelque groupe que ce soit (il semble toutefois lié à G avec lequel il partage outre la période de rédaction et certaines fautes communes -voir par exemple l. 153, si sorpris- une proximité géographique qui n’est sans doute pas à négliger -tous deux probablement du Centre de la France), R5 renferme cependant deux « bourdons » importants que l’on ne retrouve nulle part ailleurs (voir l. 26-28 : [et desirroit a ensuivre seint Jehan Baptiste et seint Helye, qui furent li premier hermite] et l. 133-136 : [Sa maladie li agreva moult. Li seinz ot pitié de lui ; il le fit porter a l’eglise, et chanta messe, et pria Nostre Seignor por lui]). Si donc il donne l’impression de prime abord d’être un excellent manuscrit de base, R5 semble bien en définitive n’être qu’une « fausse bonne copie », c’est-à-dire un manuscrit certes très beau, mais nullement représentatif de la tradition, car n’ayant existé en l’état ni avant ni après lui. Si nous pouvons ainsi conclure assez aisément à la supériorité de R3 sur l’ensemble des autres témoins ce n’est pourtant pas uniquement par opposition au reste de la tradition, mais aussi en raison de ses qualités propres. Malgré une datation approximative de certains de nos manuscrits qui nous interdit tout classement chronologique péremptoire, nous pouvons néanmoins penser que R3 a une forte probabilité d’être le plus ancien témoin subsistant et, a priori, le plus proche de la version initiale commune. De plus, il est à l’origine de la branche la mieux conservée et la plus saine (dont seul le dernier avatar est en effet visiblement contaminé, encore que l’appartenance de celui-ci à cette branche soit assez discutable), ce qui le rend à la fois fiable et facilement contrôlable. Par ailleurs, un des faits remarquables de notre tradition est qu’elle se scinde très clairement entre, d’un côté la famille issue de E, très contaminée et sans aucune possibilité objective d’établir un stemma sûr, et de l’autre, celle de R3, dont la filiation est aussi évidente que certaine. Enfin, si la qualité de ses leçons est loin d’être exceptionnelle, il n’en demeure pas moins que le copiste de R3 commet peu de fautes grossières, peu de Voir l’étude approfondie que lui consacre Paul MEYER dans Notices et extraits, t. 36, p. 677 et sq. A partir des données codicologiques des différents manuscrits, il est possible d’avancer que l’une des raisons d’une telle scission factuelle soit à rechercher dans l’usage religieux ou privé desdits manuscrits : la branche très contaminée de la tradition montre en effet non seulement des manuscrits peu ou pas décorés, sans soin particulier (mis à part R2) -et dont l’intérêt serait donc a priori plus utilitaire qu’esthétique-, et dont les lieux de rédaction semblent peu ou prou circonscrits pour la plupart dans les régions de l’Est de la France actuelle (principalement en Lorraine) ; à l’inverse, la branche apparemment sans contaminations se caractérise par des manuscrits de facture assez soignée voire très riche, dont les aires de rédactions sont davantage liées à des foyers culturels renommés (Champagne, Nord, Centre ou Paris), et dont on peut constater que les commanditaires et possesseurs successifs se rattachent presque tous,
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lacunes importantes, et semble très peu enclin à abréger. Autant d’éléments favorables à un manuscrit dont on peut encore signaler qu’il se distingue par la présence discrète mais réelle de traits dialectaux picards. b) Mise en forme du texte et présentation de l’apparat critique Présentation du texte Dans notre manuscrit de base (R3), la Vie de saint Thibaut, qui s’étend des feuillets 230 verso à 233 recto (foliotation moderne en chiffres arabes à l’encre noire inscrite dans le coin supérieur droit de chaque recto), est rédigée sur deux colonnes d’environ 60 mm de large et de 40 lignes chacune (informations fournies à partir de la réglure apparente, et non du texte qui la déborde parfois), et structurée simplement en deux parties, toutes les deux précédées d’une rubrique à l’encre rouge annonçant, pour la première, la vie de saint Thibaut (Ci 9mence la vie sei’t thiebaut), et pour la seconde, le premier de ses miracles (Des .iij. fames qui furent raluminees). Enfin, concernant ses éléments de décoration, le texte se limite à l’initiale du premier mot débutant chacune des parties mentionnées ci-dessus, et à des « bouts-de-ligne » d’une longueur moyenne de 2 à 3 mm. A l’inverse de la seconde, qui est une lettre « A » filigranée, bleue et sur 2 lignes de hauteur, la première initiale – un « S » – est une très belle lettre historiée de 12 lignes de hauteur et d’une largeur occupant presque toute celle de la colonne (environ 50 mm), bordée sur la gauche d’un motif végétal bleu veiné de rouge d’une hauteur de 18 lignes (26 en comptant la partie incluse dans le cadre de la lettre historiée). Cette dernière initiale, légèrement détériorée, se compose des deux éléments suivants : tout d’abord, un « S » bleu rempli d’or, sur fond rouge ; ensuite, un personnage identifiable à la fois comme un saint et comme un évêque par ses différents attributs (auréole, crosse, mitre, et la main droite levée donnant la bénédiction), en position assise sur une espèce de banc. Ce qui est remarquable dans cette lettre historiée c’est non seulement la richesse et la variété des couleurs utilisées (or pour l’intérieur du « S », bleu pour le « S » ainsi que pour l’habit du saint et une partie du banc, rouge pour le fond de l’initiale et une autre partie du banc, et surtout la présence de l’orange pour l’auréole du saint dont la peau est blanche), mais aussi bien entendu la personne même du saint, qu’il semble légitime d’identifier comme étant saint Thibaut, et que nous retrouvons dans les 5 seuls manuscrits illustrés de notre tradition (BNF fr. 17229, BNF fr. 23686, Arsenal 3684, Mazarine 1716 directement ou par alliance, aux maisons de Blois-Châtillon, de Bourbon et de Navarre, et par conséquent à l’ancestrale lignée des comtes de Champagne. D’après les recensions faites par Louis REAU dans Iconographie de l’art chrétien, t. 3, « Iconographie des saints », vol. 3, (P-Z), PUF, Paris, 1959, p. 1264-1265 (rééd. Kraus Reprint, 1988), saint Thibaut est en effet figuré soit en jeune seigneur à cheval, un faucon sur le poing, soit en prêtre ou en évêque, comme c’est le cas ici.
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et Londres 15231, ces deux derniers ne possédant pas de représentation de saint Thibaut par suite de mutilations pour le premier, et faute d’avoir été achevé pour le second). Compte tenu des éléments matériels du manuscrit que nous venons d’énumérer, et afin de rendre notre édition la plus pratique possible, nous avons choisi de présenter notre texte en prenant largement nos distances avec la mise en page du manuscrit dont nous n’avons gardé que les repères structurels (récit en deux parties, chacune annoncée par sa rubrique, et paragraphes en fonction des unités de sens majeures comme un changement de lieu ou de situation, et pour les miracles, en fonction du passage de l’un à l’autre). Pour le reste, nous avons choisi d’éditer le texte sur une seule colonne et d’en numéroter de façon continue les lignes de 5 en 5 sur le côté gauche pour un repérage simplifié dans le glossaire, l’index et les notes, et d’insérer, dans le corps même du texte, entre crochets carrés la foliotation récente du manuscrit (celle en chiffres arabes) en suivant l’usage propre aux manuscrits à deux colonnes, à savoir en accolant aux numéros des folios les lettres « a » et « b » pour le recto et « c » et « d » pour le verso (ex. : [fol. 230d] pour la deuxième colonne du verso du folio 230 ; [fol. 233b] pour la deuxième colonne du recto du folio 233). Afin de ne pas alourdir inutilement la mise en page de notre édition, nous nous sommes contenté de mettre les rubriques en italique (en rouge dans le manuscrit), et les deux initiales en caractère gras. Enfin, les différents signes de ponctuation (points, virgules, points-virgules, deux points, ou guillemets pour les six passages au style direct), ainsi que les majuscules, suivent les règles éditoriales modernes. Présentation de l’apparat critique En raison du caractère inédit de notre texte, nous avons à dessein opté pour un apparat critique mixte et sélectif qui semblera parfois lourd, mais qui nous a néanmoins paru préférable à tout autre pour un aperçu certes global mais significatif de la tradition manuscrite. Construit sur deux étages, cet apparat, placé sous la transcription, distingue, dans sa partie supérieure, les leçons du manuscrit de base qui n’ont pas été conservées, et en-dessous, après une ligne blanche, les variantes données par l’ensemble de la tradition manuscrite. Dans un cas comme dans l’autre, tout ce qui n’est pas issu du texte même apparaît en caractère italique. Leçons rejetées Signalée par le numéro, en caractère gras, de la ligne où elle a été prélevée, la leçon non retenue du texte de base est suivie immédiatement par le sigle du ou des manuscrits présentant la même leçon fautive (en donnant systématiquement celui du manuscrit de base), puis, après un crochet carré fermant, le sigle du ou des
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manuscrits présentant la leçon commune ayant servi à corriger le manuscrit de base, mettant ainsi en évidence certaines fautes communes, et par conséquent les liens possibles qui unissent les manuscrits entre eux (copies directes ou contaminations). Toutefois, lorsque la correction est évidente et mineure (ex. : lignagnage pour lignage, l. 3, ou Crit pour Crist, l. 25), nous allégeons l’apparat en ne signalant pas, après le crochet carré, les sigles des « manuscrits de contrôle ». Lorsque la correction est due à une omission -restituée alors, dans le texte, entre crochets carrés-, une redondance ou une modification importante du texte, nous l’avons précisé dans la première partie de l’unité critique. Variantes Ayant fait le choix d’un apparat sélectif pour des raisons de pertinence autant que de commodité, nous n’avons qu’exceptionnellement tenu compte des variantes graphiques, de même que nous avons porté notre attention, pour le relevé des occurrences, prioritairement sur les manuscrits de la même famille que le manuscrit de base (et occasionnellement sur les autres). Pour chacune des leçons variantes données, nous aurons donc successivement, en gras, sa localisation dans le texte, puis, en romain, la leçon du manuscrit de base suivie, en italique, du sigle des manuscrits qui la proposent, et ensuite, isolées les unes des autres par un point-virgule et en caractère romain, les différentes variantes contenues dans les manuscrits du reste de la tradition, suivies chacune, à nouveau en italique, par le sigle des manuscrits qui les contiennent. Ainsi, l’absence d’un sigle dans une variante implique l’absence d’une leçon dans le manuscrit correspondant, quelque en soit la raison (« bourdon », lacune, abrégé, réécriture, ou autre). Les unités critiques sont en outre séparées les unes des autres par un tiret. Afin de mettre en relief leur rapport qualitatif, dans les leçons rejetées comme dans les variantes, les manuscrits sont présentés dans un ordre immuable fondé sur les deux critères suivants : leur « famille » (en commençant par le manuscrit de base suivi de ceux du même groupe, puis les autres groupes en fonction du degré de proximité décroissant avec le manuscrit de base), et leur ancienneté (du plus ancien au plus récent, de façon à voir l’évolution et la dégradation du texte au sein de chaque famille), soit : R3MR4R6R1A1, puis LoR5, et enfin EGR2LiVA2. “Lacunes” Les lacunes dont les restitutions sont indispensables à la compréhension ou à la correction syntaxique d’un passage, qu’elles soient évidentes ou non, sont signalées dans le texte par des crochets carrés, et les manuscrits ayant servi à leur rétablissement sont précisés dans l’apparat critique, dans l’étage des leçons rejetées (ne ne but, l. 81 ; de, l. 103 ; l’, l. 145 ; il avoit esté ordenez, l. 186-187 ; hons, l. 220). En revanche, les lacunes qui n’altèrent pas le sens du texte, mais qui sont cependant présen-
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tes dans les autres manuscrits de la même famille, sont, quant à elles, proposées dans l’étage des variantes, et sont également suivies du sigle des manuscrits les contenant. (et retint, l. 24 ; et herbes, l. 82 ; et se covroit bien, l. 90 ; bons, l. 170 ; la, l. 181 ; entierement, l. 197 ; durement et moult, l. 239 ; et touz haitiez, l. 242) c) Principes d’édition D’une façon générale, et suivant de préférence les méthodes d’édition de l’Ecole des Chartes, nous avons donné la priorité au respect du texte choisi comme base de travail en adoptant les conventions modernes de lecture qui suivent. Graphies Le copiste, qui distingue « i » de « j », emploie parfois « j », soit , en position initiale, pour marquer le « i » majuscule, indépendamment de sa valeur phonétique (ex. : Jehan, l. 27 ; Jl, l. 53 ; Jaque, l. 58), soit, en position finale, pour distinguer le dernier jambage d’un chiffre romain en minuscule (ex. : iij, l. 162, 191, 194), bien que, par exception, on trouve aussi « j » pour le numéral ou l’article « un » (ex. : .j. fust, l. 102 ; .j. hons, l. 205). Dans tous les autres cas, le copiste utilise « i », quelque soit sa valeur phonétique et sa place dans le mot (ex. : ioie, l. 9 ; mania, l. 81 ; serianz, l. 131). Nous ne tenons pas compte de cette distinction, et rétablissons bien entendu l’usage moderne du « i » vocalique et du « j » consonantique. Surmonté d’un point, le « y », d’emploi peu fréquent, vaut toujours « i », (ex. : ayole, l. 6 ; helye, l. 27 ; ylle, l. 33 ; yave, l. 120 ; ydropisie, l. 238), bien que l’on rencontre aussi iave, l. 122 , et surtout aussi bien Tiebaut, l. 200, que Tybaut, l. 222, ou Tyebaut, l. 224. Nous avons conservé la graphie « y » dans tous les cas. L’utilisation de « u » et de « v » par le copiste est des plus curieuses mais semble avoir une certaine logique, à défaut d’être systématique. En effet, indépendamment de leurs valeurs phonétiques, « u » et « v », placés en tête de ligne – qu’ils soient ou non à l’initiale d’un mot -, sont marqués « v » majuscule (ex. : Vindrent, l. 42 ; tra-Vaulz, l. 53 ; ses-Venoï, l. 65 ; Vne, l. 74 ; a-Voit, l. 97 ; Vns, l. 111), à deux exceptions près (a-uoit, l. 153 ; Vi-uoit, l. 223). D’une façon moins régulière, « u » et « v » à l’initiale d’un mot, quelle que soit la place du mot dans la phrase, sont également marqués par un « v » majuscule (ex. : Vne, l. 78 ; Vertu, l. 84 ; Viles, l. 180), avec encore quelques exceptions telles uies, l. 53 ; uesti, l. 83 ; uolente, l. 153. Plus rarement enfin, on rencontre « v » majuscule pour le chiffre romain V (voir l. 167), voire à l’intérieur d’un mot (ex. : reVint, l. 210 ; aVint, l. 212), parfois Conseils pour l’édition des textes médiévaux, 3 fascicules, Ecole nationale des Chartes, Paris, 20012002.
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même, en minuscule, en fin de mot (ex. : ihv, l. 25 ; perdv, l. 207 ; relev’, l. 216). En dehors de ces cas qui semblent dépendre davantage d’une esthétique visuelle que d’un système graphique signifiant, « u » et « v » sont indifférenciés à l’intérieur comme en début de mots (ex. : uueue, l. 13 ; ensuiure, l. 27 ; treuue, l. 68). Nous rétablissons la distinction entre « u » vocalique et « v »consonantique, à l’exception du futur du verbe « avoir » (avra, l. 9 et 16). A noter enfin le cas problématique de eue (l. 81) et yaue (l. 120 et 122) dont la valeur phonétique, variable d’une aire linguistique à l’autre, nous a contraint à un choix plus ou moins arbitraire, en l’occurrence eve et yave. La distinction des consonnes « c » et « t » devant « i » posant peu de difficulté de lecture, et compte tenu de l’usage exclusif que fait le copiste de la forme finale en « -cion » (ex. : annonciacion, l. 11 ; temptacions, l. 108, 125, 152 ; tribulacion, l. 156), nous conservons par conséquent les graphies « c » et « t » telles qu’elles se présentent dans le manuscrit, même lorsque ces dernières ne sont pas les plus courantes (ex. : donc, l. 190 et 204). L’emploi de « x » à valeur « us », n’est représenté dans notre texte que par cinq occurrences (chevax, l. 36 ; cox, l. 54 ; Diex, l. 86 ; les quiex, l. 88 ; esperitiex, l. 165). Dans la mesure où le copiste emploie également la forme développée de « x » (chastiaus, l. 18 ; chevaux, l. 44) sans pour autant la généraliser (voir, par exemple travaulz, l. 53 ; euls, l. 60), nous conservons donc telles quelles toutes ces formes. Nous avons conservé tous les chiffres romains présents dans le manuscrit, mais en les éditant en lettres majuscules, et sans les points encadrant, inutiles en français moderne. Nous avons choisi de ne pas résoudre littéralement « I » à valeur d’article dans la mesure où le copiste lui-même fait des formes « I » et « un » un usage dont il nous a paru pertinent de montrer l’originalité et la diversité -renvoyant, dans les deux cas, tantôt au chiffre tantôt à l’article indéfini (ex. : une charrete, l. 119 mais .i. yave, l. 119 ; .i. abe, l. 163 mais uns hons, l. 212 ; un de ses braz, l. 207 mais .i. de ses piez, l. 208)-, et d’autre part en raison de l’ambivalence grammaticale de certaines occurrences. Abréviations Peu nombreuses, les abréviations sont de trois types : par signes, par lettres suscrites et par contraction. Nous donnons ci-après les mots concernés par le phénomène de l’abréviation, suivis de leurs localisations et, lorsqu’ils existent, d’un ou plusieurs exemples de leurs formes développées ; dans le cas de formes uniques Selon Wartburg (FEW, I, 114b), yave [yav] est une transcription champenoise, tandis que iaue [yọ] appartient aux domaines picard et du Centre. Or, notre manuscrit, rédigé dans le Nord, quoique contenant peu de traits picards, est une copie d’une traduction dont l’origine champenoise ou du Centre n’est ellemême pas tranchée.
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non développées ailleurs dans le texte, la restitution est établie à partir d’un mot de la même famille ou de structure analogue (ex. : conmandas, l. 230, restitué d’après conmença, l. 161). Toutefois, dans les abréviations par contraction -marquées dans le manuscrit par un « tilde » (¬) ou par une sorte d’apostrophe (’), le premier signe paraissant être employé pour abréger un phonème nasal-, les exemples développés ne seront pas systématiquement donnés lorsque leurs restitutions sont évidentes. – Abréviations par signes "7 » vaut et dans tout le texte. « 9 », en position isolée, vaut con (seul cas : si con nos, l. 105, développé, dans ce même contexte grammatical, l. 86, 118, 227 ; on trouve par ailleurs com, l. 116, 123, 189, 209, 215 et come, l. 75). « 9 », en position initiale, est développé con- devant m, et com- devant p (conmence, titre, développé l. 161 ; conmandemenz, l. 25, non développé ; conmanda, l. 164, non développé ; conmandas, l. 230, non développé ; compainz, l. 104, développé l. 35, mais conpaignon, l. 107 ; compaignie, l. 140, 148, non développé). « 9 », en position finale, est développé cun (seul cas : aucun, l. 171, développé l. 167). « 9 », en exposant, est développé -us (leus, l. 19, développé l. 191 ; plusors, l. 210, développé l. 108, 127, 202, 243). « p » barré est développé par (parage, l. 21, non développé ; par, l. 78, 109, développé l. 34 et passim ; paralesie, l. 208, non développé), ou per (seul cas : pere, l. 67, développé l. 2, 39, 139). « p » surmonté d’un tilde (qui pourrait être en fait la lettre grecque « τ » suscrite au « p » -nous n’avons pas su trancher de façon certaine) est développé por (seul cas : por, l. 94, développé l. 38 et passim). A noter que por et pour sont en concurrence ; cependant, si pour est statistiquement plus fréquent, por est pratiquement toujours préféré dans la locution por ce que, d’où est extraite notre occurrence. « q » surmonté d’un tilde droit est développé qui (seul cas : qui, l. 115, développé l. 8 et passim). – Abréviations par lettres suscrites "e", sur "p", est développé re (seul cas : aprés, l. 75, développé l. 34 et passim). « π », sur « n », est développé ra (ex. : grant, l. 10 et passim, développé l. 16 et passim). « π », sur « q », est développé ua (ex. : quar, l. 9 et passim, développé l. 15 et passim). « ω », sur « m », est développé or (seul cas : mort, l. 107, non développé).
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– Abréviations par contraction Suppression de "er" ou "ier" (mere, l. 2, développé l. 7 ; hermites, l. 26, développé l. 32 ; Gautiers, l. 35, développé l. 105 ; vertu, l. 84, développé l. 85 ; aler, l. 120, développé l. 57 ; legierement, l. 123, non développé ; terre, l. 166, développé l. 198, 205, 212 ; aidier, l. 196, non développé ; relever, l. 216, non développé ; fer, l. 221, développé l. 213 et 216) Suppression de « en » (escharnissement, l. 113, non développé ; legierement, l. 123, non développé) Suppression de « n » ou « m » (seint, titre ; furent, l. 2 ; annunciacion, l. 11 ; con, l. 19, voir la justification donnée plus haut sur la résolution de « 9 » ; diligenment, l. 24 ; son, l. 67 ; en, l. 41 ; Alemaingne, l. 50 ; tans, l. 51 ; volanté, l. 52 ; porterent, l. 54 ; charbon, l. 55 ; gaangnoient, l. 56 ; gardoient, l. 56 ; manja, l. 81 ; montast, l. 85 ; quant, l. 92 ; peneance, l. 100 ; creons, l. 106 ; devant, l. 116 ; fussent, l. 116 ; copassent, l. 117 ; preschant, l. 119 ; semblances, l. 128 ; descendi, l. 129 ; maintenant, l. 136 ; oïrent, l. 139 ; veinqui, l. 144 ; monde, l. 145 ; mesoncele, l. 147 ; painnes, l. 150 ; estoient, l. 182 ; orent, l. 188 ; donc, l. 190 ; main, l. 198 ; Lombardie, l. 213, développé l. 71 ; manche, l. 234 ; laidement, l. 239 ; monseignor, l. 244) Suppression de « ue » (evesques, l. 12, développé l. 5 ; que, l. 111, développé l. 11 et passim ; quele, l. 143, non développé) Suppressions diverses et singulières : « e » : angeles, l. 126, non développé. « evalie » : chevaliers, l. 35, non développé. « es » : jhesu, l. 25, non développé. « ou » : moult, l. 3 et passim, développé l. 236 (unique résolution) « os » : nostre, l. 135 et passim, développé l. 70 et passim « r » : preschant, l. 119, non développé. « on » : sont, l. 130, développé l. 243 (unique résolution) « eint » / »einz » : seint ou seinz, l. 21 et passim, développé l. 1 et passim. (Il s’agit en effet ici d’une abréviation par contraction -et non par suspension- dans la mesure où son aspect formel est semblable à celui de ce type d’abréviation : lettre « apostrophée », de surcroît encadrée par deux points) – Séparation des mots D'une manière générale, le manuscrit présente un relatif confort de lecture, sans réelles difficultés d'interprétation liées à la séparation des mots. L'espace entre deux unités lexicales étant très fluctuant au fil du texte, certains mots seront, ou sembleront, toutefois agglutinés ou séparés de façon aléatoire, parfois même agglutinés en un lieu et séparés ailleurs (ex. : par mi, l. 63 ; par fin, l. 55 et 81 ; a par ceussent, l. 95 ; es lut, l. 147 ; en fanz, l. 144 et anfes, l. 207). Pour aléatoires
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que certaines de ces séparations de mots puissent paraître, nous pouvons néanmoins relever une relative régularité dans la tendance du copiste à agglutiner le plus souvent avec le mot qui suit - quelle que soit la nature de celui-ci - les articles définis (ex. : lesautres, l. 181-182 ; laterre, l. 205 ; lamerite, l. 206) et possessifs (ex. : soncuer, l. 26 ; sesfreres, l. 39 ; sonnon, l. 109 ; samaladie, l. 159), les prépositions (ex. : arains, l. 42 ; apié, l. 46 ; antel, l. 37), les conjonctions (ex. : com, l. 137 ; qua, l. 150), et les « personnels » (ex. : sasembla, l. 60 ; iabita, l. 78 ; levisita, l. 125 ; ille, l. 134, 141 / illes, l. 155 ; empelerinage, l. 214), voire en en combinant certains d’entre eux (ex. : alacité, l. 37 ; sende partirent, l. 171-172 ; asameson, l. 210). Notons enfin la singularité du mot « église » dont la variante graphique semble liée à la présence de l’article défini « le » (forme picarde du féminin aux cas sujet et régime, qui est donc conservée) : cf viez eglise, l. 75 et sainte Eglise, l. 92 vs le glise, l. 135, 137, 186, 215. Dans tous les cas, nous rétablissons la coupure des mots selon les usages modernes. – Elision Sans excès, l'auteur a élidé certains monosyllabes dont la voyelle finale atone aurait produit un hiatus disgracieux avec la voyelle initiale du mot suivant. Il est toutefois intéressant de noter que le copiste n'a pas systématisé le phénomène de l'élision, alors même qu'il aurait pu le faire (principalement avec la conjonction "que", voir les nombreux que il et que uns que nous avons naturellement conservés ; mais aussi li evesques, l. 5 ; que onques, l. 176 ; que je alasse, l. 231 ; de ydropisie, l. 238). Sauf mention particulière, les éléments grammaticaux élidés qui suivent sont relevés de façon exhaustive : articles définis « le », « la » et « li » : l’aage, l. 23 ; l’ermite, l. 34 ; l’amor, l. 52 ; l’an (couplé avec le pronom indéfini « on »), l. 71, 77 ; l’ore, l. 93 ; l’escharnissement, l. 113 ; l’anemi, l. 108, 115 ; l’iave, l. 122 ; l’empereor, l. 178 ; l’autre, l. 234 ; l’anfleüre, l. 241. article possessif « sa » : s’ayole, l. 6 ; s’enfance, l. 23 ; s’amor, l. 38 ; s’oroison, l. 240. pronoms personnels « te », « se », « soi » ; « le », « la », « li » : s’acorda, l. 23, 145 ; s’en, l. 41, passim ; s’asembla, l. 60 ; s’esvenoï, l. 65 ; l’avoit, l. 86 ; s’oï, l. 110 ; l’apelast, l. 111 ; l’eüst, l. 137 ; va t’en, l. 225 ; je ne t’ai, l. 232 ; l’oïrent, l. 236. pronom relatif « que » : ce qu’il, l. 57 ; qu’il, l. 98 ; qu’ele, l. 143, 144 ; c’om, l. 184. prépositions « de » et « jusqu’à » : d’ome, l. 61, 127 ; d’une, l. 75, 96 ; d’orge, l. 81 ; d’un, l. 97, 226 ; d’autres, l. 127 ; d’ilec, l. 171 ; jusqu’a, l. 85, 183, 229. conjonction « que » : q’il, qu’i ou qu’il, l. 45, passim ; c’om, l. 137 ; qu’a painnes, l. 150.
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conjonction « se » : s’i te plest, l. 233 (seul cas). négation « ne » : n’avoit, l. 152 (seul cas). – enclise D'emploi limité par notre copiste, l'enclise ne se produit dans notre texte qu'entre les prépositions "a", "de", "en" et l'article "le" ou "les" : au (« a » + « le »), l. 20, 181, 225, 240. aus (« a » + « les »), l. 170 (seul cas). du (« de » + « le »), l. 24, 40, 64, 77, 113, 129, 179, 188. des (« de » + « les »), l. 26, 121, 180 (deux cas), rubrique. el (« en » + « le »), l. 177 (seul cas). – Signes diacritiques Les deux seuls signes relevés dans notre texte se rapportent au phonème [i], avec, d'une part, un "i" souvent accentué lorsque celui-ci se trouve au contact d'une ou de plusieurs lettres à jambages, de façon à lever une éventuelle ambiguïté de lecture (ex. : ensuívre, l. 27 ; nuít, l. 110 ; amís, l. 155) -cette remarque est aussi valable pour le graphème « i » à valeur consonantique [ž] (voir : íusqu’a, l. 183)-, et d’autre part, avec un « y » systématiquement pointé (ex. : ayole, l. 6 ; ylle, l. 33 ; yave, l. 120 ; Tybaut, l. 157, passim ; ydropisie, l. 238). Seul l’usage moderne du point sur les « i » et « j » sera repris et généralisé. En ce qui concerne la cédille, nous rétablissons celle-ci sous le « c » lorsque ce dernier possède la valeur phonétique [s], conformément aux pratiques éditoriales modernes (ça, l. 20 ; chaça, l. 115 ; nonça, l. 160 ; esforça, l. 159 ; conmença, l. 161 ; dreça, l. 210). L’utilisation du tréma est, quant à elle, des plus restreintes puisque nous n’y avons fait appel que pour distinguer, en premier lieu, les quelques homographes ou presque homographes recensés dans le texte que sont païs, l. 144, 162, 179, 188 ; anfleüre, l. 241, et certaines formes de cheoir (cheüe l. 217 ; chaï / cheï, l. 63, 235), en second lieu pour marquer la présence d’un hiatus (s’esvenoï, l. 65 ; oï, l. 110, 227 ; oïrent, l. 139 ; geünast, l. 158), et enfin pour les formes des verbes à parfait fort au subjonctif imparfait (aparceüssent, l. 95 ; deüst, l. 132 ; feïst, l. 100 ; eüst, l. 137, 209), et au participe passé (porveü, l. 86 ; veües, l. 192 ; seüe, l. 203). Le cas de l’accent est légèrement plus complexe. En effet, si nous appliquons la règle traditionnelle de l’accent aigu porté sur la lettre « e » ayant valeur de [e]
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tonique dans la syllabe finale des mots terminés par « -e » ou « -es », que ces derniers soient polysyllabiques (eveschié, l. 1 ; passé, l. 23 ; volenté, l. 24, 52, 73, 153, 159, 213 ; aprés, l. 34, passim ; cité, l. 37, 220 ; herbergié, l. 42 ; povreté, l. 52 ; anprés, l. 83 ; adés, l. 83, 158 ; digneté, l. 85 ; couchié, l. 90 ; fermé, l. 113 ; Trinité, l. 114 ; pechié, l. 130 ; pardonné, l. 130 ; aporté, l. 137 ; trouvé, l. 143, 232 ; laissié, l. 144 ; palés, l. 147 ; abé, l. 163 ; pitié, l. 173, 233 ; sané, l. 197 ; clarté, l. 205) ou monosyllabiques chargés sémantiquement (pié, l. 45, 46, 120 ; lié, l. 141, 213, 216), le choix de porter ou non un accent aigu aussi sur le « e » de la dernière syllabe des mots terminés par « -ez » ayant la valeur tonique [e] (en rapport soit à un archaïsme soit à un trait linguistique du Nord), nous a paru en revanche plus périlleux. Faute de certitudes, nous nous limiterons à signaler ici les mots concernés que nous éditerons donc sans accent (néz, l. 1, 22, 204 ; apeléz, l. 6, 36 ; piéz, l. 49, 196, 208 ; préz, l. 54 ; montéz, l. 119 ; grevéz, l. 120 ; pechiéz, l. 128 ; tormentéz, l. 131 ; comeniéz, l. 172 ; trespasséz, l. 180, 228 ; citéz, l. 180 ; ordenéz, l. 187 ; amenéz, l. 208 ; desliéz, l. 218, 226 ; curéz, l. 239 ; anfléz, l. 239 ; touchiéz, l. 244). – Majuscules Comme nous l'avons noté plus haut à propos des graphies "u" et "v", le copiste ne paraît pas faire un usage totalement aléatoire de la majuscule. En effet, si l'on peut raisonnablement penser que le copiste utilise la majuscule dans un souci d'esthétique visuelle dans le cas des lettres "v" (voir les exemples fournis plus haut), "s" (voir les nombreux Seint thiebaut) et "g" (voir Gile, l. 2, 7, 13 et Gautiers, l. 35, 105), on ne peut cependant pas douter du caractère signifiant de la majuscule, cette dernière marquant très fréquemment le début d’une phrase lorsqu’elle est soit en tête de ligne – à l’exception des cas cités précédemment, avec lesquels elle peut néanmoins se combiner – (ex. : Andemantiers qu’il, l. 46 ; Aprés ce que, l. 124 ; Seint tybaut ne mua, l. 156 ; Jl trespassa, l. 176 ; Va t’en outremer, l. 224), soit, au milieu d’une ligne, lorsqu’elle est précédée d’un point (ex. : Aprés ce, l. 34 ; Vn pou aprés, l. 68 ; Sa maladie li agreva, l. 134 ; Qant il ot ce dit, l. 174 ; Autre foiz avint, l. 212). Notons toutefois que l’inverse n’est pas nécessairement vrai, de même que cette pratique n’a, là encore, rien de systématique. Notre édition, ne tenant compte de la logique du copiste que dans la mesure où elle aide à l’établissement de paragraphes, rétablira les majuscules en début de phrases, aux noms propres de lieux et de personnes, et à certains noms religieux ou d’institutions pris dans une acception universelle (ex. : la sainte Trinité, l. 114 ; sainte Eglise, l. 92 ; Nostre Seignor, l. 38, passim).
Voir plus loin la partie consacrée aux particularités linguistiques du texte, dans laquelle on trouvera un relevé des rares traits picards rencontrés dans notre manuscrit de base.
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– Ponctuation Nous ne nous étendrons pas sur la présence du seul signe de ponctuation employé par notre copiste, à savoir le point, dans la mesure où nous en avons déjà évoqué, dans les paragraphes précédents, deux des trois aspects : d'abord, encadrer par deux points les chiffres romains et le "s" majuscule pour la contraction du mot "saint" (ex. : .iij., l. 167, 188, 191 ; .S’., l. 20, passim), ensuite marquer la fin d’une phrase lorsqu’il est suivi d’une majuscule (voir ci-dessus). La troisième utilisation du point faite par le copiste semble tout aussi réfléchie, qui met en évidence un système, certes assez flottant mais néanmoins régulier, correspondant à notre emploi moderne de la virgule, voire du point-virgule (Il est probable que ce soit là une alternative au « pied de mouche », totalement absent de notre texte). Plutôt que de donner ici des morceaux de phrases sortis de leurs contextes, nous renvoyons le lecteur au fac-similé du texte (voir Annexe 1). Comme pour les majuscules, nous sommes restés attentifs à l’emploi de la ponctuation du copiste pour établir notre segmentation du texte, mais en donnant avant tout la priorité à la compréhension du texte pour un lecteur contemporain.
4 / Eléments d’analyse linguistique L’intérêt linguistique de la Vie de saint Thibaut, sans pour autant être d’une richesse exceptionnelle, n’en demeure pas moins réel à plusieurs titres. Tout d’abord, par sa date de rédaction (XIIIè siècle), notre manuscrit de base se situe à un moment important de l’évolution d’une langue française caractérisée par une constante mutation où les formes graphiques et grammaticales, plus ou moins aléatoires et variées, présentent des traits déjà archaïques ainsi que les prémices d’un état de langue à venir. La seconde originalité de ce même manuscrit vient de son lieu de rédaction (Artois). Bien que traduit auparavant du latin en « francien », c’est-à-dire dans un français de Champagne ou du Centre et dénué de particularismes dialectaux, le texte de la Vie de saint Thibaut, copié dans l’aire linguistique picarde, ne révèle cependant que très peu de « picardismes ». Aussi, l’hypothèse qui nous paraît la plus probable est-elle celle d’un commanditaire dont l’une des exigences à l’égard du copiste aurait été de reproduire avec la plus grande fidélité le manuscrit ayant servi de modèle, jusque et surtout dans ses détails linguistiques, et par conséquent sans aucune marque dialectale. Enfin, malgré la fluctuation des formes linguistiques évoquées et des traits picards qui ont échappé à la vigilance du copiste, notre texte présente comme troisième originalité de mettre en évidence, dans quelques cas, des emplois systématisés. Ainsi, parce que la langue de notre Sur les origines historiques, géographiques et, partant, sur les particularismes linguistiques de notre manuscrit de base (R3), voir l’analyse donnée p. 25-27.
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texte suit presque toujours les formes courantes du « francien » et leurs flottements, nous avons choisi de n’en relever que les particularités linguistiques remarquables, sans non plus viser à l’exhaustivité. a) formes graphiques et phonétiques Les formes qui suivent montrent les équivalences et variantes combinatoires recensées dans le texte (les numéros de lignes correspondent à celle de la transcription). – Consonnes "h" muet : "hermite", l. 32 et "ermite", l. 34 ; "homes", l. 11 et "ome", l. 61 ; "hostel", l. 45 et "ostel", l. 138 ; "huis", l. 113 mais "ore", l. 93 ; "habitacle", l. 163 mais "abita", l. 78 (à l'initiale du mot, le "h" tombe systématiquement derrière une voyelle, sauf pour "ostel", l. 138). [k] : "qant", l. 23 et "quant", l. 90 ; "qil", l. 89 et "quil", l. 69 ; "car", l. 155 et "quar", l. 9 ; "cui", l. 198 et "qui", l. 205. [m] : "noma", l. 109 et "nonmer", l. 111. [n] : "anemi", l. 108 et "annemi", l. 115 ; "matines", l. 110 et "matinnes", l. 93 ; "paine", l. 137 et "painnes", l. 150. [s] : "richeses", l. 40 ; "chaça", l. 115 ; "penssees", l. 31. [ž] : "que je alasse", l. 231 et "que ferai ge", l. 232 ; "manja", l. 81 ; "angeles", l. 126. – Voyelles [ẹ] ou [ę] : "palais", l. 39 et "palés", l. 147 ; "faite", l. 240 et "fete", l. 209 ; "mes", l. 122 pour "mais". [έ] : "sainz", l. 181 et "seinz", l. 124. [ã] : "samblance", l. 126 et "semblance", l. 127 ; "anfes", l. 207 et "enfanz", l. 144 ; "volanté", l. 52 et "volenté", l. 24. [у] : "iave", l. 122 et "yave", l. 120 ; "Thiebaut", l. 238, "Tyebaut", l. 228 et "Tybaut", l. 215. "cheï", l. 235 et "chaï", l. 63. "Deu", l. 153 et "Dieu", l. 146. "lor", l. 195 et "leur", l. 195. "Tot", l. 200 et "tout", l. 140 ; "por", l. 147 et "pour", l. 147. "e" muet : "com", l. 123 et "come", l. 75.
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– Variantes combinatoires issues de l'adjonction d'un "s" de flexion Graphie "-s" valant "-ps" : "dras", l. 101. Graphie "-s" valant "-ls" : "nus", l. 150. Graphie "-z" valant "-s" : "anz", l. 162 ; "citez", l. 180 ; "travaulz", l. 53. Graphie "-z" valant "-ts" : "genz", l. 20 ; "liz", l. 95 ; "sainz", l. 113. Graphie "-z" valant "-ls" : "filz", l. 149 ; "genouz", l. 91. Graphie "-z" valant "-gs" : "compainz", l. 35. Graphie "-x" valant "-us" : "cox", l. 54 ; "Diex", l. 86 ; "les quiex", l. 88 ; "chevax", l. 36 ; "esperitiex", l. 165. Graphie "-x" valant "-s" : "gentilx", l. 141. b) formes grammaticales Les formes grammaticales ci-dessous relèvent les éléments du texte que nous avons estimé remarquables par rapport à l'usage courant du français de l'époque (forme ou emploi inattendu, archaïsme, trait dialectal picard, système apparent). – Groupe verbal Emploi très large de la conjugaison, avec recours fréquent aux temps composés (modes et temps donnés selon leurs appellations modernes) : indicatif présent (« portes », l. 15 ; « avons », l. 19 ; « est », l. 19 ; « creons », l. 106 ; « fet », l. 155 ; « velt », l. 155), imparfait (« desirroit », l. 28 ; « fauchoient », l. 54 ; « montoit », l. 84 ; « fesoit », l. 89 ; demoroit », l. 112 ; « pooit », l. 154), passé simple (« issirent », l. 45 ; « manja », l. 81 ; « quenut », l. 113 ; « descendi », l. 129 ; « s’esvenoï », l. 65 ; « vindrent », l. 180 ; « se reposerent », l. 184), futur (« avras », l. 9 ; « sera », l. 10 ; « seras », l. 225 ; « ferai », l. 232), passé composé (« suis revenuz », l. 232 ; « ai trouvé », l. 232), plus-que-parfait (« avoit porté », l. 98 ; « avoit trouvé », l. 143 ; « avoit laissié », l. 144 ; « estoit trespassez », l. 179-180 ; « estoient remeses », l. 182 ; « avoient perdues », l. 192), passé antérieur (« ot passé », l. 23 ; « ot traveillié », l. 75-76 ; « fust montez », l. 119 ; « ot dit », l. 174 ; « ot faite », l. 240) ; impératif présent (« conforte », l. 14 ; « soies », l. 15 ; « plore », l. 129 ; « va », l. 224 ; « aies », l. 233 « deslie », l. 233) ; subjonctif imparfait (« montast », l. 85 ; « aparceüssent », l. 95 ; « feïst », l. 100 ; « alast », l. 110 ; « fussent », l. 116 ; « copassent », l. 117 ; « priast », l. 133 ; se departissent, l. 171) ; conditionnel présent (« trespasseroit », l. 160). Participes passés masculins faibles en « -ez », « -iz » et « -uz » (portant un « –t » final aux cas régime singulier et cas sujet pluriel) : « nez », l. 1 ; « apelez », l. 6 ; « estanduz », l. 62 ; « montez », l. 119 ; « grevez », l. 120 ; « tormentez », l. 131 ; « comeniez », l. 172 ; « trespassez », l. 180 ; « enseveliz », l. 186 ; « ame-
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nez », l. 208 ; « desliez », l. 218 ; « revenuz », l. 232 ; « curez », l. 239 ; « anflez », l. 239 ; « touchiez », l. 244. Forme singulière « avet », (indicatif imparfait), l. 198, pour « avoit » (probablement due au manque de place en bout de ligne qui a contraint le copiste d’« écraser » le mot, faute de disposer d’une abréviation connue). Forme inhabituelle « velt », (indicatif présent), l. 155, pour « veut ». – Groupe nominal "le", article défini féminin singulier non enclitique (picardisme) : "le glise", l. 135, 137, 186, 215. "li", pronom personnel, semble opposer systématiquement l'emploi du cas régime atone "li" (voir lignes 8, 33, 77, 129, 134, 223, 227, 230) et du cas régime tonique "lui" (voir lignes 6, 62, 63, 112, 134, 136, 140, 219), à trois exceptions près (dans "pour li", ligne 210, où "li", cas régime singulier, est la forme tonique féminine, et lignes 92 et 133, où "li", également cas régime singulier, est plus problématique, qui peut être soit la forme atone masculine soit la forme tonique féminine). A noter la présence du cas régime atone neutre "le" (lignes 121, 125, 134, 141, 236), et du caractère invariable de "lor"/"leur" (voir lignes 43-48, 52, 53, 195). L'emploi du démonstratif (désignant une personne) "cil"/"cist", au masculin, montre là encore une réelle rigueur de l'auteur qui distingue nettement "cil" à valeur cataphorique (voir par ex. lignes 168, 175, 179, 180), de "cist" à valeur anaphorique (voir "cest", l. 145, unique forme masculine), "cestui" étant utilisé une seule fois comme élément de rappel d'un sujet très proche (voir ligne 8). Par ailleurs, nous pouvons également relever l'emploi du neutre "ces" (voir ligne 90). Certains substantifs à finale étymologique en "-d" et "-t" conservent cette graphie après un [e] final tonique, et commutent, au pluriel et au cas sujet, en "-z" (picardisme ou archaïsme) : "piez", l. 49, 196, 208 ; "prez", l. 54 ; "pechiez", l. 128 ; "citez", l. 180. On remarquera la forme "le douzieme », l. 161, du numéral ordinal. – Autres éléments "se" introduit l'hypothèse et le subjonctif imparfait (voir "com se ce fussent", l. 116). "si" adverbial peut être ambigu et valoir soit "ainsi" (expliquant ce qui suit dans l'énoncé) lorsqu'il débute une phrase jussive ou optative, soit "tant"/"tellement" si elle introduit une proposition consécutive (cf. « si grand noise demena », l. 115, « si humblement » , l. 150 et « si pourpris », l. 153 vs « si de vertu en vertu », l. 84, « si con Dieu », l. 86, et « si le nonça », l. 160). "tel" est toujours invariable (voir par ex. lignes 37, 82, 173, 214, 234).
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5 / Tableau synoptique de l’analyse comparée du récit Afin de fournir un aperçu non seulement synthétique mais surtout pertinent de la Vie de saint Thibaut, nous avons choisi de présenter un tableau synoptique et comparatif des trois états de conservation de ce récit, autrement dit des versions françaises en prose et en vers, et de la version latine. (La version française en octosyllabes est délibérément écartée de ce tableau dans la mesure où, étant, comme nous l’avons déjà signalé, une réécriture très abrégée de la version en alexandrins, elle suit globalement le récit de cette dernière ; elle sera en revanche indispensable dans le cadre d’une analyse littéraire et linguistique approfondie.) En raison de certaines habitudes médiévales en matière de “mise en roman“ ou de mise en vers de textes latins, on ne sera pas surpris de constater que le texte original latin se trouve plus développé dans la version en vers alors qu’il est très abrégé dans la version en prose -parfois même de façon excessive, lorsqu’un épisode du récit ne se réduit plus qu’à 2 ou 3 lignes, donnant au texte une structure relativement éclatée. Cet inconvénient esthétique étant largement compensé par son intérêt pratique pour une analyse comparative approfondie des différentes versions de la légende de saint Thibaut, on trouvera donc les textes concernés aux annexes 2 et 4 situées à la fin de la présente étude, et auxquelles se réfèrent les indications de lignes et de laisses du tableau ci-après. Texte en prose : Ms. BNF, fr. 17229, voir notre édition Texte en alexandrins : Ms. BNF, fr. 24870, édition Hill (voir Annexe 2) Texte latin : Ms. Alençon 10, édition Hill (voir Annexe 4) Texte en prose* ( avec indication du n° des lignes )
Texte en alexandrins Texte latin ( avec indication du ( avec indication du n° des laisses ) n° des lignes )
[omis]
I à XIV
1 à 29
Origines de Thibaut
1à4
XV à XVI
30 à 34
Annonciation de sa naissance
5 à 17
XVII à XXV
35 à 53
1ère intervention du narrateur
[omis]
XXVI
54 à 59
Naissance et enfance de Thibaut
18 à 22
XXVII à XXVIII
60 à 67
XXIX à XXX
68 à 72
Prologue Vie
Aspirations 23 à 30 religieuses de Thibaut
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Fuite chez un ermite
31 à 33
XXXI
73 à 77
Abandon de la vie aristocratique et départ, avec Gautier, pour Reims
34 à 41
XXXII à XXXIV
78 à 83
Séjour à Reims et départ pour l’Allemagne
42 à 50
XXXV à XXXVI
84 à 92
Travaux laborieux et pèlerinage à SaintJacques
51 à 59
XXXVII à XXXIX
93 à 100
1ère tentation du diable au retour à Trèves
60 à 65
XL à XLIII
101 à 106
Pèlerinage à Rome 66 à 72 puis route vers Venise pour Jérusalem
XLIV à XLV
107 à 110
Arrêt et installation à 73 à 79 Salanique
XLVI
111 à 118
Solitude et privations 80 à 83 alimentaires
XLVII
119 à 122
Consécration à la prêtrise
84 à 86
XLVIII
123 à 127
Pénitences diverses
87 à 103
XLIX à LII
128 à 143
Mort de Gautier
104 à 106
LIII
144 à 147
2 tentation du diable
107 à 117
LIV à LVIII
148 à 160
3ème tentation du diable
118 à 123
LIX à LXII
161 à 167
2ème intervention du narrateur
[omis]
LXIII
168 à 170
Visitations divines et voix céleste
124 à 130
LXIV à LXV
171 à 177
Apparitions de saint Hermagoras et saint Fortunez et paroles de réconfort
[omis]
LXVI à LXVII
178 à 182
ème
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introduction
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introduction
Miracle de la guérison par Thibaut d’un de ses disciples
131 à 138
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LXVIII à LXXII
183 à 192
Venue des parents de 139 à 151 Thibaut suite à l’écho (abrégé) du miracle
LXXIII à LXXIV
193 à 198
Conversion de la mère de Thibaut à la vie érémitique
LXXV à LXXVIII
199 à 208
Fin des tentations de Thibaut et infirmité physique totale
152 à 158
LXXIX à LXXXI
209 à 217
Annonce de sa mort prochaine et ses recommandations
159 à 165
LXXXII à LXXXIII
218 à 225
Passion et mort de Thibaut
166 à 178
LXXXIV à LXXXIX 226 à 244
Enterrement de Thibaut
179 à 187
XC à XCVI
245 à 260
188 à 193 (abrégé)
XCVII à XCVIII
261 à 263
D’une 2ème femme aveugle
XCVIX
264 à 267
D’une 3ème femme aveugle
C
268 à 270
CI
271 à 273
CII
274 à 278
Miracles D’une femme aveugle
D’un homme aux pieds et aux mains difformes
194 à 197 (abrégé)
D’un homme aux membres sans vie
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D’une religieuse à la main desséchée
198 à 201
CIII à CIV
279 à 282
D’un enfant aveugle
202 à 206 (substitué)
CV
283 à 285
3ème intervention du narrateur
[omis]
CVI
286 à 292
D’un enfant paralytique
207 à 211
CVII à CVIII
293 à 297
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D’un homme au bras enferré
introduction
212 à 219
CIX à CX
298 à 303
D’un Martin de Tours 220 à 236 aux bras enferrés
CXI à CXXII
304 à 321
De 3 hommes et une femme aveugles
[omis]
CXXIII à CXXVI
322 à 329
D’un enfant aveugle
[omis]
CXXVII
330 à 333
De 2 autres aveugles
[omis]
CXXVIII
334 à 336
D’un homme hydropique
237 à 242
CXXIX
337 à 339
De 2 hommes aux membres difformes
[omis]
CXXX
340 à 343
Epilogue
243 à 244
CXXXI à CXXXIV
344 à 350
* Les mentions « omis », « abrégé » et « substitué » précisent la nature des modifications majeures effectuées dans la version française en prose par rapport à la version latine (On trouvera dans l’apparat critique, au fil du texte, les explications détaillées de ces divergences).
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VIE DE SAINT THIBAUT DE PROVINS
TEXTE (accompagné des variantes et leçons rejetées)
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Ci conmence la vie seint Thiebaut.
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[fol. 230d] Seint Thiebaut fu nez de l’eveschié de Troies. Ses peres ot non Arnous et sa mere Gile, et furent françois et moult noble gent et de grant lignage. Il fu norriz a Provins. Seint Thiebauz, li evesques de Vianne, fu oncles s’ayole, et pour lui fu il apelez Thiebaut. Cil seinz Thiebauz de Vianne parloit souvant a la mere dame Gile, qui mere fu cestui Tiebaut, et aucune foiz li dist : « Aies joie et leesce en ton cuer, quar tu avras une fille qui avra un fill qui sera de moult grant merite devant Dieu, et de grant los entre les homes. » De ceste annunciacion que li seinz evesques fist de seint Thiebaut porta tesmoingnage une povre preude fame vueve qui vint a dame Gile, qui ja estoit enceinte de seint Thiebaut, et li dist : « Conforte toi
3 lignagnage R3] nous pensons avoir affaire ici à une faute volontaire du copiste qui étire ainsi le texte jusqu’en bout de ligne de façon à conserver dans la colonne un alignement régulier (voir sur le fac-similé, en Annexe 1, l’écartement plus fort des lettres terminant le mot). Titre confessor ajouté LoER 2LiA2 – 1 n. en l’e. R5EGR 2LiA2VA1 – 1 d. Tors G – 3 e. furent m. omis R3MR4R6R1LoG – 5 T. Li empereres d. E ; Thiebauz fu evesques d. A2 – 5-6 f. oncles s’ayole e. R3MLoR5LiA2 ; f. oncle a son aieul GA1 ; f. ses oncles e. EV ; f. son parrin R4R6R1 – 6-7 C. seinz Thiebauz de Vianne parloit s. R3MLoR5EGA2A1 ; C. seint Thibaut son parrin parloit s. R4R6R1 ; Sainz Thiebaus li evesques de Vianne parloit s. R2 ; C. sainz Thiebaus parloit sovent de Vianne Li ; C. Thibaut qui evesque estoit de Vianne parloit s. V – 7 a Ma dame Gile mere Lo ; a dame gile a la mere E – 8 qui mere fu cestui T. R3MLoR5GR2LiA2 ; laquelle Gille fut mere de celui T. R4R6R1 ; qui estoit mere saint T. V – 8 e. aucuns lui disoient a. V ; e. lui disoit souvent a. A1 – 10 g. meniere d. E – 12 T. porta en t. R5 ; T. porterent t. V
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et soies liee quar tu portes en ton ventre un fill qui son leu avra devant Dieu et qui grant honnor fera a touz ses paranz . » Li chastiaus de Provins ou seint Thiebauz fu norriz si con [fol. 231a] nos avons ci devant dit, est I leus ou il a moult de genz, et fu ça en arrieres au bon conte Odon qui fu sires de Champaingne, de cui parage seinz Thiebauz fu nez. Qant il ot passé l’aage de s’enfance, il ne s’acorda pas a la volenté du monde, ainz escouta diligenment les conmandemenz Jhesu Crist, et penssoit moult souvent en son cuer a la solitaire vie des hermites, et desirroit a ensuivre seint Helye et seint Jehan Baptistre, qui furent li premier hermite, et les autres qui en furent, et desirroit a vestir aspres robes et user de petites viandes en un leu solitaire. I jor avint entre ces penssees que il se departi celeement de ses genz, et ala a I hermite qui estoit en I ylle de Seinne, et li descovri tout son cuer. Aprés ce, par le conseill de l’ermite, il et I chevaliers qui ses compainz estoit, qui Gautiers estoit apelez, monterent seur lor chevax, et dui escuier, et alerent a la cité de Rains. An tel maniere, seint Thiebauz, qui estoit chevaliers Nostre Seignor, lessa por s’amor touz
15 entor toi R3M] LoR5EGLiA2V – 25 Crit R3] 15 t. portes entor toi u. R3M ; t. portes en ton ventre u. LoR5GLiA2 ; t. porteras en ton vantre u. E ; t. portes u. R4R6R1A1 ; t. portes an toi u. R2 ; t. as ung filz en ton ventre V – 15-16 q. son leu avra devant Dieu e. R3MA1LoR5A2 ; q. son leu avra devant Jhesu Crist e. ER2Li ; q. sera amés de Dieu e. R4R6R1 – 20 f. jadis au b. R4R6R1 ; f. fait au temps du b. A1 ; f. ça arrieres a b. A2 – 20 Odon R3MR4R6R1Lo ; Huedon R5ER2LiA2A1 ; de don G ; Henry V – 24 l. volenté d. R3MR4R6R1LoR5 ; l. vanité d. EGR2LiVA1 ; l. vayneté d. A2 – 24 d. et retint l. omis R3MR4R6R1 – 26 l. salutaire v. E – 27 a ensugre s. ER2Li – 28 q. en f. R3M ; q. aprés aus f. LoR5EGR2LiA2 – 28-29 e. voloit vestir a. R4R6R1 ; e. vestit d’a. E – 30 salutaire E – 31 e. ses p. GR2LiA2V – 31 s. parti celeement d. R4R6R1A1 ; s. departi cele nuit d. G – 32 I hermitage q. M3EGV – 34 d. cel e. R5EGR2LiA2 ; d. cest e. V – 36 s. deux c. EVA1 – 36 A1 ajoute avec après dui escuier
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ses palais et son pere et sa mere et ses freres et ses paranz et sa mesniee et toutes ses richeses et tout le boban du monde, et s’en ala en tel maniere avec son conpaignon. Qant il vindrent a Rains, et il furent herbergié delez Seint Remi, il quistrent achoison de visiter lor amis, et lessierent leur escuiers et [fol. 231b] leur chevaux, et issirent tuit a pié de lor hostel, et proposerent qu’il iroient a pié fere lor penitance. Andemantiers qu’il s’en aloient, il encontrerent II pelerins et leur donnerent leur riches robes et se vestirent de leur povres ; et puis se departirent tuit nuz piez, et alerent de jor en jor tant qu’il vindrent en Alemaingne. La demorerent il moult lonc tans et soffrirent de leur propre volanté grant povreté pour l’amor de Jhesu Crist, et soffrirent granz travaulz pour leur vies. Il porterent pierres a leur cox, il fauchoient les prez, il curoient les estables. A la parfin, il firent le charbon, et en tel maniere gaangnoient povrement lor vies, et gardoient ce qu’il pooient gaangnier por aler en pelerinage a Seint Jaque en Galice. Un pou de tans aprés, il firent leur pelerinages tuit deschauz. Qant il revenoient, li deables s’asembla a euls en semblance d’ome, et ala coste a coste de seint Thiebaut, et se lessa cheoir devant lui touz estanduz ; et en tel maniere, li sainz chaï parmi lui, et reclama le non Jhesu Crist et se garni du signe de la croiz ; et maintenant li deables s’esvenoï.
52 popre R3MG] 42 Qant il vindrent a Rains, et il furent herbergié R3LoR5GR2LiA2 ; Quant il furent a Rains, il se vindrent herbergier M ; a Rains, et herbergierent R4R6R1 ; a Rains, et furent herbergiez V ; a Rains. Quant ilz furent herbergiez A1 – 43 v. l’eglyse e. R5 ; ilz alerent veoir leurs amis a pied ce dirent ilz a leurs mesgnies A1 – 47 l. bones r. EVA1 – 48 p. s’en departirent t. LoR5EGR 2A2 ; p. se partirent t. M – 60 d. s’acompaigna a R4R6R1A1 ; d. s’aparut a R5 ; d. s’asemblerent a EG
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Aprés ces choses, saint Thiebauz revint a Trieves, en Alemaigne, et trouva son pere, jasoit ce qui ne li fu pas bel de la treuve. Un pou aprés, seint Thiebaut se departi de la et vint a Rome, et por ce qu’il avoit [fol. 231c] desirrier de veoir le sepulcre Nostre Seignor, il s’en ala en Venice, et puis en Lombardie, et trouva la entour I leu que l’an apeloit Salins. Il regarda moult le leu et trouva par la volenté de Dieu une grant place, et en cele place les murs ausint come d’une viez eglise, et la demora. Aprés ce qu’il ot son cors traveillié en meinz pelerinages, et fist tant envers les seignors du leu que l’an li donna la place ; et lors i fist une petite mesonnete, et i abita, et i mena sainte vie par lonc tens. Premierement, il fist penitance de chair ; aprés, il ne manja [ne ne but] fors pain d’orge et eve ; a la parfin, il ne manja fors fruits et racines. En tel maniere, il vesqui lonc tens, et tout adés il vesti la haire anprés sa char. Qant Nostre Sires vit qu’i montoit si de vertu en vertu, il vost qu’il montast jusqu’a la digneté de prouvoire ; et il si fist si con Diex l’avoit porveü. Aprés ce, il fist moult de diversses peneances, entre les quiex il ne dormi onques en gisant mes en seant ; et ceste chose fesoit il si soutiment q’il se couchoit en son lit devant ces qui le servoient ; et quant il estoient couchié, il
66 choses ces choses R3] le copiste corrige la répétition par deux tirets souscrits sous le premier choses – 81 ne ne but omis R3MR4R6R1Lo] R5ELiA2 – 82 fruit R3] – 87 peneance R3] 66 T. vint arriere a Tret e. R4R6R1 ; T. revint arriers et antra e. E ; T. revint arriers a Trieves e. R2Li ; T. revint arriere a Trefuez ( ?) e. V ; T. revint arrieres e. G ; Il retourna a Treves e. A1 – 68 d. cele t. LoR5EGR2LiA2V – 69 e. s’en revint a M ; e. s’en ala a R4R6R1A1 ; e. ala a LoR5LiA2V ; e. revint a E – 78 e. la a. R5EGR2LiA2V – 80 f. abstinence d. tous sauf M – 82 f. et herbes e. omis R3MR4R6R1A1 – 90 s. et se covroit bien e. omis R3MR4R6R1A1Lo ; s. et s’escoutoit bien et quant il s’escoutoit bien il se l. E
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se levoit isnelement et se metoit en oroisons a genouz et a mains jointes, pour li et pour toute sainte Eglise ; et quant venoit a l’ore de lever a matinnes, il [fol. 231d] s’en aloit couchier en son lit, por ce qu’il ne vouloit pas que sa mesniee s’en aparceüssent. Ses liz estoit une grant huche, large en semblance d’une grant couche, et estoit couverz d’un drap de lin ; et a son chevet avoit un tronc et I chapel de laine qu’il avoit porté en ses voiages pour la chalor. Qant il ot einsi son cors traveillié longuement seur cele huche, por ce qu’il feïst plus de peneance, il mist une haire de deseur ses dras de lin, et en leu de ce qu’il soloit gesir seur cele huche, il jut des lors en avant seur I fust [de] chene. Qant II anz ot faite ceste peneance, ses compainz Gautiers randi son esperit a Nostre Seignor, si con nos creons. Seint Thiebauz, aprés la mort son compaignon, soffri plusors temptacions de l’anemi, quar entre les autres temptacions, li deables le noma par son non, et li dist une nuit qu’il s’en alast por dire matines. Qant li sainz s’oï nonmer, il cuida que uns siens amis l’apelast, qui pres de lui demoroit ; si ala a sa ceile et trouva qu’i dormoit et son huis bien fermé. Li sainz quenut bien l’escharnissement du deable. Il reclama la sainte Trinité et fist seur soi le signe de la croiz, et chaça l’annemi qui si grant noise demena devant lui en fuiant, com se ce fussent charpentier qui bois copassent.[fol. 232a]
98 vaages R3] – 103 de omis R3R4R6R1A1R5EGR2LiA2] MV 92 t. s’eglise R5 – 95 m. le trovast E ; m. s’aparceüssent A2 – 97 c. de dras d. R5GR2LiA2 – 102 c. huge i. R2A1 – 102-103 a. seur un fust de chesne M ; a. seur ung fust R4R6R1 ; il fit chaner ung tronc A1 ; a. en un tronc chene R5 ; a. sor un fust chane E ; a. en un feu chané G (accent porté dans le ms.) ; a. en un fust cheney Li ; a. en un fust chane R2A2 ; a. en ung fust de chayere ( ?)V– 110 il se levast p. tous sauf M et A1 ; il s’eveilla p. A1
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Un autre tens avint que, con seint Thiebaut alast preschant, et il fust montez sus une charrete pour passer I yave, et por ce qu’il estoit grevez d’aler a pié, li deables osta une des roes de la charrete por ce qu’il le voloit fere cheoir en l’iave ; mes il ne pot quar la charrete ala aussi legierement outre com se ce fust une plume. Aprés ce que seinz Tyebauz ot soffertes meintes temptacions, Nostre Sires le visita aucune foiz par ses angeles, aucune foiz en samblance de coulon, aucune foiz en semblance d’ome et plusors foiz en moult d’autres semblances. Un jor avint, quant il ploroit ses pechiez, une voiz descendi du ciel qui li dist : « Thiebaut, ne plore pas, quar ti pechié te sont pardonné. » Aprés, avint que I siens serjanz fu tormentez de trop fort fievre et de filz, si qu’il sambloit qu’il deüst morir. Li malades pria seint Thiebaut qu’il priast pour li. Sa maladie li agreva moult. Li seinz ot pitié de lui ; il le fist porter a le glise, et chanta messe, et pria Nostre Seignor por lui ; et maintenant li malades, qui a grant paine avoit soffert c’om l’eüst aporté a le glise, s’en rala toz sainz en son ostel. Qant li peres et la mere seint Thiebaut oïrent la nouvele de lui, il vindrent a lui a tout grant compaignie de gentilx genz, et furent moult lié quant il le trouverent. An[fol. 232b]-tre les joies et les lermes et les soupirs que la mere fesoit pour son fill qu’ele avoit trouvé, et pour son païs, et ses autres enfanz qu’ele avoit lessié, ele veinqui la charnel amor de cest monde, et s’acorda a [l’] esperitel
145 l’ omis R3MV] R4R6R1A1R5EGR2LiA2 132 d. filz s. R3V ; d. fi s. MR4R6E ; d. fil s. R1 ; d. fis s. R5R2LiA2 ; d. fix s. G
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amor de Dieu, car ele demora avec seint Thiebaut son fill, et eslut por ses granz palés une petite mesoncele, et pour ses granz compaignies un leu solitaire pour peneance fere et por Dieu servir avec son fill. Seint Thiebaut ses filz la servi si humblement qu’a painnes le porroit nus savoir devant ce que seint Thiebaut trespassast. Il dist qu’il n’avoit santi temptacions grant piece avoit, et lors, par la volenté de Deu, ses cors fu si pourpris de plaies qu’i ne pooit aler ne porter sa main a sa bouche ; et ceste chose fet souvant Diex a ses amis, car il les velt ainsint purgier par tribulacion de cuer et de cors. Seint Tybaut ne mua onques ne ne brisa son propos pour maladie qui son cors traveillast, qui adés ne geünast. Sa maladie esforça. Il sot par la volenté Nostre Seignor qu’il trespasseroit en brief tans, et si le nonça. Il conmença a defaillir de cors le douzieme an aprés ce qu’il ot lessié son païs, et il fu III anz en pelerinage et IX anz en son habitacle. Qant il dut trespasser, il manda I abé qui moult estoit ses fameliers, a cui il conmanda sa mere [fol. 232c] et touz ses amis esperitiex. Le tierz jor devant son trespassement, la terre crolla moult durement par V foiz ; aucun qui defors estoient, et tuit cil qui estoient en la ceile seint Thiebaut le sentirent bien. Seint Tiebaut traveilloit moult corporelment en sa maladie. Uns de ses amis dist aus genz
148 solitaires R3M] – 167-169 tuit cil qui estoient en la ceile seint Thiebaut le sentirent bien, et aucun qui defors estoient inversion des propositions commune à l’ensemble de la tradition française ; seule la version latine propose la structure correcte (ici, restitution d’après Alençon). 149 f. servi sa mere s. R5 – 150 p. le porroit nus dire d. R5EGR2LiA2 ; p. se pourrot on dire d. V ; que nus ne le pourroit raconter A1 – 152 g. tens a. R5EGR2LiA2A1 ; pieca a. V – 153 s. sorpris d. R5GV ; s. propis d. A2 – 157 T. ne mua onques ne ne chanja s. R5 ; ne brisai onques ne ne mua s. EGR2A2 ; ne se mua onques de s. A1 – 167 m. fort p. R4R6R1A1 ; m. forment p. R5EGR2LiA2V – 170 m. corporement e. R2 ; m. forment e. A2 ; T. fu mout malade R4R6R1 – 170 s. bons a. omis R3MR4R6R1A1GV – 170 a. dist a ceus q. R5 ; a. de gens q. G
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qui la estoient qu’i se departissent d’ilec, et aucun s’en departirent. Qant il fu comeniez, il pria Nostre Seignor plusors foiz en tel maniere : « Biau sire Dex, aies pitié de ton pueple ! » Qant il ot ce dit, il randi a Nostre Seignor son esperit, et cil qui furent a son trespassement tesmoingnent que onques li cors ne mua couleur. Il trespassa le darrenier jor de juing, el tens que Henriz, li fuilz l’empereor Henriz, reignoit. Qant cil du païs sorent que li seinz estoit trespassez, cil des viles et des citez, clerc et lai, vindrent au servise, et antrerent par force ou li sainz cors gisoit. Les autres genz qui estoient remeses, anciennes genz, enfanz et puceles, vindrent II liues encontre le seint cors jusqu’a I leu c’om dit a la Court au Chemin, et la se reposerent cil qui le seint cors portoient. Le tierz jor aprés, fu li cors enseveliz et en le glise Nostre Dame a cui titre [il avoit esté ordenez] a provoire.
Des III fames qui furent raluminees
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Aprés ce que les genz du païs orent randu a seint Thiebaut tel sepousture com il durent, Diex vost moustrer par divers miracles de quel merite ses serjanz estoit ; donc [fol. 232d] il avint que III fames de divers leus, qui leur veües avoient perdues, les recouvrerent a la tombe seint Thiebaut.
186 tide R3] LiA2A1 – 186-187 il avoit este ordenez omis R3MR4R6R1V] R5EGR2LiA2A1 173 a. mercy d. M3R4R6R1V – 181 f. la o. omis R3A1GR2LiV – 184 l. croix du C. V – 186 D. a cui tide R3 ; D. a cui M ; D. en ce lieu R4R6R1 ; D. a cui title R5 ; D. a cui titre LiA2A1 ; D. a cutiebe ( ?) o. R2 ; D. en laquel englise E ; D. o. G – Rubrique ci commencent les [miracles seint] Thiebaut M
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Autre foiz avint que III autres personnes qui mehaigniees estoient par maladie de leur mains et de lor piez, si que il ne s’en pooient aidier, vindrent a la tombe seint Thiebaut ; et par la merite du seint furent sané. An la terre de Venice, avet une fame a cui la main estoit seche et contrete. Ele vint a la sepousture seint Tiebaut, et fu sanee de sa maladie devant tot le pueple qui la estoit. Entre plusors miracles que Dex fesoit pour seint Tybaut, il vost que la merite de son serjant fust seüe et nonciee en la terre donc il avoit esté nez, et por ce vint la I hons de la terre de Champaingne qui avoit perdu la clarté de ses eulz, et la recouvra par la merite du seint. Aprés, avint que uns anfes qui avoit perdu un de ses braz et I de ses piez de paralesie fu amenez a la tombe seint Tybaut ; et com il eüst fete s’oroison, et plusors autres avec li, il se dreça toz sainz et revint a sa meson a grant joie, et randirent graces a Nostre Seignor. Autre foiz avint que uns hons de la terre de Lombardie portoit de sa propre volanté son braz lié de fer, et en tel maniere fesoit peneance, et vint en pelerinage a la tombe seint Tybaut ; et com il veillast en le glise, il tandi le braz lié de fer por relever [fol. 233a]une chandeile qui cheüe estoit du chandelier, a quoi on les atachoit devant le saint, et maintenant ses braz fu desliez du fer, et sailli li liens loinz de lui et fist grant son.
195 meschine R3M] R4R6R1R5EGLiA2 – 202 Autres R3MR2A2V] R5EGLiA1 – 205 Champangne R3] – 210 plusor autre R3R5R2 – 213 popre R3] – 214 v. em p. R3R5R2] cette erreur graphique résulte en fait de l’agglutination opérée par le copiste entre la préposition en et le substantif pelerinage (normalement dissociés à la ligne 162), qui transforme n en m devant p. 195 q. meschines e. M ; q. mehaignie e. R5GLiA2 ; q. mehaigniez e. R4R6R1 ; q. maagniez e. E ; q. mesannie e. R2 ; q. malmenez e. V ; non puissans A1 – 197 p. le martyre d. E ; p. la priere d. A1 – 197 s. entierement omis R3MR4R6R1A1 – 198-199 f. a cui la main estoit sechiee R4R6R1 ; f. qui la main avoit sechiee R5GA1 ; f. qui avoit la main seche ER2LiA2V – 202 Autres miracles plusors q. R4R6R1 ; Entre plusors miracles q. R5GLi ; Entre plusors autres miracles q. EA1 – 202 p. samie i. Li (qui se corrige en ajoutant dans la marge Thiebaut) – 204 Li ajoute (par anticipation) de Champaigne après terre – 210 e. revint en s. MR5EA2G ; e. vint en s. V ; e. ala en s. A1 – 212 Uns autres hons d. R5ER2LiA2V – 215 v. a l’e. R5 – 216 t. son braz p. R4R6R1ER2LiV ; t. ses mains p. G
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Autre foiz avint que uns [hons] de la cité de Torz, qui Martins avoit non et qui portoit manches de fer estroites en ses II braz par peneance, vint a seint Tybaut quant il vivoit, et li dist que cele peneance soffroit il por ce qu’il avoit son frere ocis. Et seint Tyebaut li dist : « Va t’en outremer au sepulcre Nostre Seignor, et tu seras la desliez d’un de tes braz ! » Cil i ala et fu desliez d’un de ses braz, si con li sainz li ot dit. Qant il s’en repairoit, il oï dire que seint Tyebauz estoit trespassez ; si en mena moult grant duel, et vint a granz plors jusqu’a la tombe du seint, et li dist en tel maniere : « Biau sire, tu me conmandas que je alasse au sepulcre Nostre Seignor et revenisse a toi. Je sui revenuz ne je ne t’ai pas trouvé. Las ! que ferai ge ? Sire, aies pitié de moi ! Conforte ton pelerin , et deslie, s’i te plest . » Quanque il disoit tel paroles, l’autre manche cheï de son braz et fist grant son, si que moult de genz l’oïrent et le virent, et en firent moult grant joie. Autre foiz ravint que uns hons qui estoit malades de ydropisie vint a la tombe seint Thiebaut pour estre curez de sa maladie, quar il estoit moult laidement anflez ; et maintenant qu’il ot faite s’oroison au saint, toute [fol. 233b] l’anfleüre se departi de son cors, et demora touz sainz. Ces miracles, et plusors autres qui ci ne sont pas touchiez, fist Nostre Sires pour monseignor seint Thiebaut.
220 hons omis R3MR4R6R1] R5EGR2LiA2VA1 – 221 mamches R3R2] le « s » a été ajouté après coup par le copiste sur le « e » – 237 homs R3GLiA2] cette forme grammaticalement redondante n’est pas coutumière chez notre copiste qui distingue systématiquement hons (cas sujet) de (h)ome (cas régime). Bien que cette forme soit attestée, nous pensons plutôt avoir affaire à une simple erreur de jambage -au même titre que pour mamches -, le nombre anormalement élevé de fautes commises par le copiste sur la fin du récit suggérant en effet davantage une baisse de vigilance de la part de ce dernier qu’un réel choix graphique. 220 c. de Toul q. A1 ; omis MR4R6R1 – 228 e. morz s. EV – 233 a. mercy d. EV ; a de moy pitié A1 – 234 tiex M ; tieulx A2 ; ces R4R6R1A1R5EGR2 – 238 d. ytropice v. MR4R6R1V ; d. ytropisie v. GLi – 239 m. durement et moult l. omis R3MR4R6R1A1 ; m. durement e. V – 242 s. et touz haitiez omis R3MR4R6R1 ; il fut gary A1 – 244 Les manuscrits MR4R6R1A1 ajoutent, après le dernier mot du texte : anvec cui nous puissions regner es siecles des siecles. Amen M ; avec cui puissons regner. Amen R4R6 ; avecques le quel nous puissions regner pardurablement. Amen R1 ; lesquelz seroient longs a raconter A1
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Début de la vie de saint Thibaut Saint Thibaut naquit sur les terres de l’évêché de Troyes. Son père, nommé Arnoul, et sa mère Gisèle furent des français de grande noblesse et de haute lignée. Il fut élevé à Provins. Saint Thibaut, l’évêque de Vienne, fut l’oncle de sa grand-mère, et c’est en mémoire de lui qu’il fut appelé Thibaut. Ce Thibaut de Vienne parlait souvent à la mère de dame Gisèle, la mère de notre Thibaut, lui disant quelquefois : « Réjouistoi, et que ton cœur soit rempli d’allégresse, car tu auras une fille dont naîtra un fils d’un très grand mérite au regard de Dieu, et qui sera très honoré parmi les hommes. » De cette annonce que le saint évêque fit de la naissance de saint Thibaut se porta garante une pauvre femme, veuve et pleine de sagesse, qui vint trouver dame Gisèle alors enceinte de saint Thibaut, et lui dit : « Rassure-toi, et
Au risque de certaines lourdeurs de style, nous avons choisi de suivre au plus près le texte du copiste médiéval, en raison des nombreux traits littéraires intéressants qu’il recèle (et que nous signalerons au fil de la traduction). Toutefois, pour les besoins de la compréhension, nous n’avons pas hésité, le cas échéant, à modifier la syntaxe du texte, ni à identifier clairement le pronom personnel “il” (en position sujet ou complément) en cas d’ambiguïté. Dès la première ligne du texte, nous pouvons noter comment l’auteur détourne l’aspect historique de la vie de saint Thibaut, le texte latin ne faisant aucune référence à l’évêché de Troyes : Igitur Tetbaldus, […],oriundus territorio Senonense, castro autem Pruvino natus et educatus […] erupit. (Alençon, l. 3033) ; ce qui explique la fin abrupte du simili-prologue, dans lequel l’éducation de saint Thibaut à Provins a dû être ajoutée après coup. Si l’origine noble de saint Thibaut est avérée (et liée au comté de Champagne), la généalogie de ce dernier est en revanche des plus embrouillées, qui est le plus souvent rattachée au comte de Champagne Thibaut de Blois par l’intermédiaire de son frère, l’évêque de Vienne Thibaut (grand-oncle de la mère de notre ermite). Dans sa Vie de saint Thibaut, Provins, 1679, p. 19-20, J. Rayer insère même saint Thibaut dans la lignée du roi Henri Ier, tandis que l’auteur anonyme de la Vie de saint Thibaud, Langres, 1875, chap. I, fait du père de saint Thibaut un comte de Champagne. Au milieu d’un tel imbroglio peut-être voulu de longue date, nous avons pu dégager les réalités suivantes : 1) La mère de saint Thibaut est la fille du comte de Sens Raynard II ; 2) La mère de saint Thibaut est la petite-nièce de l’évêque de Vienne saint Thibaut ; 3) L’évêque de Vienne précédemment nommé n’est pas le frère du comte Thibaut II ou Thibaut III de Blois, mais un homonyme (les comtes Thibaut II –980-1004– et Thibaut III –1019-1089– n’ayant eu respectivement d’autre frères que le comte Eudes II, et Etienne-Henri qui épousera la fille aînée de Guillaume le Conquérant) ; 4) Le père de saint Thibaut serait issu d’un comte de la Champagne (sauf à penser que la mère de saint Thibaut ait contracté un mariage morganatique). Comme le montrent les variantes, l’expression “oncles s’ayole” a été totalement incomprise par plusieurs copistes qui, en réécrivant le passage, ont pu être à l’origine d’une aberration autant généalogique qu’historique plus ou moins reprise ensuite. Première allusion biblique de notre texte -dans lequel la vie de saint Thibaut va être mise en scène (au sens théâtral), comparée, et même assimilée à celle de Jésus-, cette (première) annonce de la naissance de saint Thibaut, ici par un évêque, renvoie à l’annonce de la naissance de Marie, faite à sa mère Anne par l’Ange du Seigneur : « Anne, Anne, le Seigneur Dieu a entendu ta prière. Tu concevras, tu enfanteras et l’on parlera de ta postérité dans la terre entière. », in Protévangile de Jacques, 4 1, évangile apocryphe du IIè siècle. Voir aussi Le Livre de la Nativité de Marie, 4 2-3, qui mentionne à la fois les annonces à Anne et à Marie. On notera enfin que cette annonce à Anne n’est relatée que dans des textes apocryphes. La notion de veuvage, reprise dans la plupart des manuscrits français (notons que E est lacunaire, mais pas sa descendance), n’apparaît pas dans le texte latin d’Alençon ([…] testimonium perhibuit quedam bone voluntatis paupercula, l. 44-45).
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sois heureuse, car tu portes dans ton ventre un fils qui aura sa place auprès de Dieu et qui fera honneur à tous ses parents. » Le château de Provins où, comme nous l’avons dit précédemment, fut élevé saint Thibaut, est une place très fréquentée ayant appartenu autrefois au bon comte Eudes, seigneur de Champagne, dont saint Thibaut est un descendant. Quand il eut passé l’âge de l’enfance, il ne voulut pas rester dans le monde, et préféra écouter avec attention les préceptes de Jésus-Christ. Il pensait très souvent au fond de son cœur à la vie de solitude des ermites dont il désirait suivre l’exemple des premiers d’entre eux, saint Elie et saint Jean-Baptiste, et de tous les autres, souhaitant revêtir des habits grossiers, et se nourrir de chairs simples en un lieu retiré. Un jour qu’il était dans ces pensées, il s’enfuit à l’insu de ses gens de maison, et se rendit chez un ermite qui vivait sur une île de la Seine, et auquel il révéla ses aspirations. Cette seconde annonce de la naissance de saint Thibaut, prononcée à présent par une femme du peuple, pauvre, renvoie cette fois-ci au récit de l’annonce à Marie de la naissance de Jésus, relaté dans Lc 1 3032. L’identité de ce Eudes est incertaine, puisqu’il peut s’agir soit de Eudes Ier (mort en 996), comte de Champagne ayant épousé d’abord la fille du duc de Normandie Richard Ier, puis la fille du roi de Bourgogne Conrad III Le Pacifique, soit de son fils Eudes II (983-1037) qui épousa d’abord la fille du duc de Normandie Richard II, puis la fille du comte Robert d’Auvergne. Cependant, la vie de saint Thibaut ayant été rédigée en latin à la fin du XIè siècle, l’expression ça en arrieres, que l’on retrouve dans le texte latin sous la forme de l’infinitif parfait fuisse, renverrait plutôt au plus lointain des deux, en l’occurrence à Eudes Ier ; mais la Champagne n’est devenue possession des comtes de Blois qu’avec Eudes II. L’auteur, là encore, cultive l’ambiguïté historique du récit en jouant cette fois-ci sur le mot parage qui semble inscrire saint Thibaut dans la généalogie du comte Eudes, alors que les versions latine et en vers se bornent aux termes propinquum et pruchains, plus flous. Résultant d’une volonté sans doute plus politique que littéraire, cette tendance à arranger l’histoire se manifeste avec encore plus de pertinence, dans notre version en prose, à travers la suppression pure et simple de la phrase datant le récit grâce aux mentions des rois de France Henri Ier et Philippe Ier (Viguit autem temporibus Henrici Augusti, et Henrici regis Francorum et filii ejus Philippi., Alençon, l. 63-64). Rappelons en effet qu’au XIè siècle, au plus fort de leur puissance, et en guerre, entre autres, contre Henri Ier, les comtes de Blois, également comtes de Champagne, de Troyes, de Meaux, de Chartres, de Sancerre, et vicomtes de Châteaudun, étaient les seuls grands feudataires à rivaliser en puissance et en prestige avec les rois de France dont ils encerclaient presque tout le domaine. Le monde dont saint Thibaut fuit la magnificence s’entend ici dans son sens religieux de « vie terrestre », en référence donc aux biens matériels, et plus particulièrement à ceux du milieu aristocratique dans lequel vit saint Thibaut, milieu caractérisé par des charges héréditaires et un destin arrêté dès la naissance. Comme la plupart des nobles, saint Thibaut reçut un enseignement oral, n’ayant appris ni à lire ni à écrire ; ce détail, gommé dans le texte en prose, apparaît dans les deux autres versions (voir Alençon, l. 93-94, et BNF 24870, laisse XXXVII). Seule la version française en prose omet les noms de Saint Paul et saint Antoine, abrégés en tous les autres, induisant une lacune ancestrale issue de la traduction du texte latin utilisé comme modèle (qui n’est donc probablement pas Alençon). Le choix du démonstratif ces plutôt que du possessif ses est discutable (il divise d’ailleurs la tradition manuscrite), mais les deux formes étant syntaxiquement et sémantiquement possibles, nous soulignons simplement cette particularité. Très bien décrit dans les autres versions, cet ermite se nomme Bouchard, et est présenté comme moine du monastère Saint-Pierre de Sens, situé sur une île de la Seine –Vivi dans le texte latin. (Voir Alençon, l. 74-76 et BNF 24870, laisse XXXI). Notons que c’est aussi un Bouchard qui succéda, au siège épiscopal de Vienne, à l’évêque saint Thibaut, mort en 1001.
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Après quoi, sur le conseil de l’ermite, il partit pour la cité de Reims avec un chevalier du nom de Gautier, qui était son compagnon, chacun sur son cheval et accompagné d’un écuyer. Ce faisant, saint Thibaut, chevalier de Notre Seigneur, abandonna pour l’amour de ce dernier toutes ses riches demeures, son père, sa mère, ses frères, sa famille, ses domestiques, ainsi que tous ses biens et toutes les pompes du monde, et partit ainsi avec son compagnon. Une fois arrivés à Reims, ils furent hébergés près de Saint-Rémi, et cherchèrent l’occasion de rendre visite à leurs amis ; alors ils se séparèrent de leurs écuyers et de leurs chevaux, et quittèrent ainsi leur lieu d’accueil à pied, se proposant de faire leur pénitence à pied. Tandis qu’ils cheminaient, ils rencontrèrent deux pèlerins auxquels ils donnèrent leurs riches vêtements et se vêtir des pauvres vêtements de ces derniers ; ils repartirent ensuite les pieds entièrement nus, marchant jour après jour tant et si bien qu’ils parvinrent en Allemagne. Ils y demeurèrent longtemps, endurant volontairement, pour l’amour de Jésus Christ, les souffrances de la grande pauvreté et des efforts pénibles nécessaires à leur survie : ils portèrent des pierres attachées à leur cou, ils fauchaient les prés, ils curaient les étables ; enfin, ils se firent charbonniers. Ainsi gagnaient-ils modestement leur vie, mettant de côté ce qu’ils pouvaient gagner pour aller en pèlerinage à Saint-Jacques, en Galice. Peu de temps après, ils partirent faire leur pèlerinage, sans aucune chaussure. Sur le chemin du retour, le diable se joignit à eux sous l’apparence d’un homme ; il marchait au côté de saint Thibaut devant lequel il se laissa alors choir en s’étendant de tout son long, de sorte que le saint, lui tombant dessus, invoqua le nom de
Complexe, la construction de la phrase met bien en relief le statut social de Gautier et saint Thibaut, tous deux chevaliers (le texte latin donne milite), et par conséquent dotés chacun d’une monture, par opposition à leurs écuyers qui les suivent à pied. Notons le jeu de mots sur chevalier, et sa polysémie, qui renvoie à la fois à la chevalerie terrestre qu’abandonne saint Thibaut et à la chevalerie céleste dans laquelle il s’engage. Cf Gn 12 1, où Yahvé s’adresse à Abraham : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. » On notera le choix hiérarchique des biens et des personnes que saint Thibaut abandonne, et particulièrement la présence des palais avant les différents membres de la famille. Le texte ne faisant ici aucune allusion à un quelconque pèlerinage, Saint-Rémi désigne plus vraisemblablement l’église que le tombeau du saint éponyme ; de fait, Reims n’est qu’une étape -certes symbolique- sur le chemin qui conduit saint Thibaut et Gautier en Allemagne. […]pervenerunt ad locum qui dicitur Pitingo, in Theutonicorum videlicet regno, Alençon, l. 89-90. Effet spectaculaire, les pierres portées autour du cou ne figurent que dans la version française en prose. De là vient que saint Thibaut est le patron des charbonniers, ainsi que des Compagnons du Tour de France, et de la société des carbonari italiens. Si, dans le contexte d’un pèlerinage, le nom de Saint-Jacques peut désigner à la fois le tombeau du saint, la cathédrale et la ville du même nom, la précision donnée par l’auteur (en Galice) laisse supposer que le texte fait davantage référence à la ville, bien que l’allusion au tombeau soit implicite, lequel tombeau, situé dans la cathédrale de Saint-Jacques de Compostelle en cours de construction (commencée au début du XIè, achevée au début du XIIès.), est alors, par sa fréquentation, le 1er lieu de pèlerinage du monde chrétien, et le second (après Jérusalem) par sa valeur religieuse. Précisons enfin que le pèlerinage était pour l’époque la façon la plus authentique et la plus courante de faire pénitence.
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Jésus Christ et se protégea en faisant le signe de la croix. Aussitôt, le diable disparut. Après ces événements, saint Thibaut revint à Trèves, en Allemagne, où il rencontra son père, quoique les retrouvailles ne lui furent pas agréables. Peu de temps après, saint Thibaut quitta cet endroit, et partit pour Rome ; puis, ayant fait le vœu de voir le tombeau de Notre Seigneur, il se rendit en Vénétie, et enfin en Lombardie où il découvrit un lieu appelé Salins. Il observa longuement le site, et Dieu lui accorda de trouver une vaste place dans laquelle se dressaient des murs pareils à ceux d’une église en ruines ; c’est là qu’il s’installa. Après avoir épuisé son corps en de nombreux pèlerinages, il se démena tant pour les seigneurs du lieu que ceux-ci le lui donnèrent ; et dès lors, il construisit une modeste habitation qu’il occupa durablement en y menant une vie religieuse exemplaire. D’abord, il fit pénitence en s’abstenant de tout aliment carné, puis il ne mangea plus que du pain d’orge et ne but que de l’eau ; enfin, il ne se nourrit plus que de fruits et de racines. Il vécut longtemps ainsi, et toujours revêtu d’une haire contre sa peau.
Ni la version latine ni celles en français ne précisent à cet endroit si le saint se protège en faisant le signe de croix sur lui-même ou devant lui, en direction du diable, contrairement à un épisode similaire situé plus loin dans le récit (voir l. 114-115). Cette tentation du diable n’est évidemment pas sans rappeler celles de Jésus marchant dans le désert. Le texte en prose, abrégeant ici un peu trop la version latine, rend le sens de cette phrase assez obscure. Si la vue de son père lui est désagréable, c’est que saint Thibaut, qui avait envoyé chez ses parents un clerc chargé de lui rapporter un missel (pour apprendre à lire et à écrire), avait demandé à ce dernier de ne pas leur révéler l’endroit où il se trouvait. Si la version en vers de la légende de saint Thibaut est explicite sur le nom de la cité de Venise, la version en prose semble plutôt faire allusion à la région de la Vénétie, du moins si l’on considère que la tournure grammaticale de en Venise, et en Lombardie fait écho à l’expression en la terre de, appliquée également à Venise, à la Champagne, et à la Lombardie, que l’on retrouve plus loin dans les miracles, utilisée pour désigner une région et non une ville. Rien ne prouve par ailleurs que saint Thibaut se soit rendu jusqu’à Venise, point d’embarquement des voyages maritimes vers l’Orient et donc vers Jérusalem, mais dont les relations avec la Palestine ont cessé par suite du conflit entre Byzantins et Perses. De plus, c’est bien en traversant la Lombardie avec l’intention d’aller à Venise que saint Thibaut est guidé par Dieu vers Salins, ce que confirme le texte latin : Venetiam, quasi mare transiturus, expetiit, Alençon, l. 109110. Loin d’être arbitraire, le choix fait par notre auteur d’écrire Salins plutôt que Salanique (BNF 24870) ou Salanica (Alençon), témoigne là encore d’une réelle démarche littéraire, voire historique. En effet, soit, pour magnifier toujours plus saint Thibaut, l’auteur ajoute au désert symbolique que représente l’isolement en forêt la stérilité absolue du sol sur lequel s’installe le saint, aridité symbolisée ici par le nom du lieu (le texte latin mentionnant au contraire un lieu de pâture : […] repperit saltum adeo spatiosum […], Alençon, l. 114), soit nous avons affaire à une récupération d’un récit replacé subrepticement en Champagne (voir la commune de Salins, dépt. Seine-et-Marne, arr. Provins, c. Montereau-FaultYonne). Cette “église en ruines” est en fait deux petites chapelles abandonnées, dédiées à saint Hermagoras et à saint Fortunat, localisées entre Vicence et La Badia. (Voir éd. HILL, p. 132-133). Racines s’entend ici dans son acception élargie, désignant l’ensemble des végétaux poussant dans la terre.
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Voyant qu’il augmentait toujours davantage le nombre de ses vertus, Notre Seigneur voulut qu’il fût élevé à la prêtrise ; ce qui fut fait, ainsi que Dieu l’avait arrêté. Après quoi, il fit de nombreuses pénitences différentes. Entre autres, il dormit en position assise, et non allongé, et faisait cela avec ingéniosité, s’étendant sur son lit devant ceux qui le servaient, et se relevant promptement, dès que ces derniers s’étaient couchés, pour se mettre à genoux, les mains jointes, et prier pour eux et pour toute la sainte Eglise ; puis, lorsque approchait l’heure du lever et des matines, il retournait dans son lit se coucher, car il ne voulait pas que ceux qui vivaient avec lui s’aperçussent de ses agissements. Son lit consistait en un grand coffre de bois, d’une surface semblable à celle d’une couche de grande taille, et était recouvert d’un drap de lin ; à sa tête se trouvaient une bûche, et un chapeau de laine qu’il avait porté lors de ses pèlerinages pour se protéger de la chaleur. Après avoir ainsi durablement éprouvé son corps sur ce grand coffre, et afin de faire davantage pénitence, il posa une haire par dessus son drap de lin ; puis, au lieu de s’étendre sur ce coffre comme il en avait l’habitude il reposa dès lors à côté de celui-ci, sur un fût de chêne. L’expression monter de vertu en vertu employée par notre auteur est intéressante en ce qu’elle renvoie aux hiérarchies célestes propres à la conception chrétienne du royaume de Dieu (et dont font parties les Vertus), et donc à une sorte d’échelle de sainteté dont saint Thibaut gravirait les marches une à une. Cependant, nous avons plus certainement affaire ici à l’une des « vertus morales » (dont les principales sont la justice, la prudence, la force, et la tempérance), complémentaires des trois « vertus théologales » que sont la foi, l’espérance, et la charité. Cette phrase, très abrégée par rapport au texte latin (cf Alençon, l. 123-127), est pourtant la seule permettant de comprendre le passage défectueux qui clôt le récit de la vie de saint Thibaut, puisque c’est dans l’église Notre-Dame de Vicence, mentionnée plus loin dans le récit, que saint Thibaut est ordonné prêtre, en 1058, et qu’il sera enterré, en 1066. L’interprétation de pour li est problématique, qui peut renvoyer au saint lui-même ou à sa mesniee, selon que li (CRS) est considéré comme une forme atone masculine ou une forme tonique féminine (cf l. 133 et l. 210). Première prière de l’office divin, récitée la nuit, juste avant l’aube. Variable d’une version à l’autre, ce qui sert de lit à saint Thibaut à la suite du coffre en bois est décrit soit comme une lato et dolatili ligno, soit comme une large ais bien dolee, soit comme un fust [de] chene. Dans ce dernier cas (celui de notre version en prose), nous avons une fois encore affaire à la mise en scène d’une véritable prouesse physique de saint Thibaut que l’on peut difficilement ignorer (notons que dès la l. 88, saint Thibaut dort en seant), et quoique invraisemblable, l’usage d’un tronc d’arbre en guise de lit doit être évidemment signifié (l’auteur, qui n’hésite pas à répéter un même mot au cours d’une phrase, emploie ici, manifestement à dessein, des nuances telles que lit, couche, et huche, bien différentes de fust [de] chene). Le groupe fust [de] chene est, quant à lui, plus problématique qu’il n’y paraît. En postulant l’omission de la préposition « de » (commune à presque toute la tradition manuscrite, exceptés M et V qui corrigent, A1 qui reformule le passage, et G qui porte un accent aigu sur le « e » final, créant ainsi le verbe « chaner », que l’on retrouve dans A1), nous avons opté pour la correction la plus vraisemblable, sans doute pas la plus juste. En effet, quelque soit la version, le contexte de la pénitence de saint Thibaut reste le même : accroître sa souffrance physique en diminuant le confort matériel. Dans la mesure où le saint était déjà étendu sur une planche de bois, le fait que ce nouveau « lit » ( fust ou ais) soit en chêne n’apporte rien de plus, à peine un vague symbolisme inutile. Nous pensons par conséquent avoir affaire ici à une mauvaise lecture du copiste (du traducteur ?) qui aurait transformé en chane (du latin cassanus) ce qui était originellement chani, de chanir, pourrir (du latin canus) ; saint Thibaut abandonnant alors une « planche de bois » au profit d’une « planche pourrie ». De la même façon, l’expression des lors en avant -commune à tous les manuscrits sauf R6R4R1 qui abrègent en après, mais absente des versions latine et en vers-, bien
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Après deux ans passés à faire cette pénitence, son compagnon Gautier rendit son esprit à Notre Seigneur, ainsi que nous le croyons. Après la mort de son compagnon, saint Thibaut endura plusieurs assauts de l’« ennemi » ; ainsi, parmi d’autres, le diable l’appela par son nom et lui demanda une nuit d’aller dire les matines. Le saint, s’entendant nommé, se crut appelé par l’un de ses disciples qui logeait près de lui ; il se rendit donc à la cellule de ce celui-ci, et vit qu’il dormait, sa porte bien close. Le saint reconnut bien la raillerie du diable. Invoquant la sainte Trinité et se signant d’une croix, il chassa l’« ennemi » qui s’enfuit devant lui en faisant autant de bruit que des charpentiers coupant du bois. Une autre fois, tandis que saint Thibaut, s’en allant prêcher, était monté sur une charrette pour franchir un cours d’eau et aussi parce qu’il était épuisé de marcher, le diable retira l’une des roues de la charrette de façon à précipiter le saint dans la rivière ; mais il échoua, car la charrette traversa aussi légèrement qu’une plume. Quand saint Thibaut eut souffert nombre de tentations, Notre Seigneur le visita quelquefois auprès de lui par l’intermédiaire de ses anges, parfois sous l’apparence d’une colombe, parfois sous les traits d’un homme, et plusieurs fois sous diverses autres formes. Un jour qu’il pleurait sur ses péchés, une voix descendit du ciel et lui dit : « Thibaut, ne pleure pas, car tes péchés te sont pardonnés. »
que porteuse de sens, nous semble résulter d’une mauvaise lecture ancienne de « de la en avant », c’està-dire « dorénavant ». L’expression si con nos creons doit ici être comprise dans son sens religieux fort (celui que l’on retrouve dans le Credo de la Liturgie chrétienne), et dont la fonction n’est donc pas de renforcer ce qui a été précédemment énoncé, mais de l’expliquer. Ce en quoi le narrateur « croit » ici (et qui apparaît dans la version en latin : Walterius […] debitum solvit, et ut credimus, conjunctus est numero fidelium, Alençon, l. 145146, mais non dans celle en vers), c’est en effet en la montée des âmes auprès de Dieu, et donc en la transmigration. Quant à l’expression « rendre, ou remettre son esprit » (que l’on trouve dans Mt 27 50, Mc 15 37, Lc 23 46, Jn 19 30, et qui est une reprise de Ps 31 6), elle renvoie à la représentation de l’âme humaine comme don de Dieu, et à ce titre, place l’homme dans une position de « débiteur ». Terme fréquemment employé pour désigner le diable, les deux appellations étant, dans notre passage, en concurrence. Les versions latine et en vers précisent que saint Thibaut est appelé au château de “Leonnicus” ou “Leion”, le texte latin étant en revanche le seul à nommer le fleuve traversé : Novus. L’auteur anonyme de la Vie de saint Thibaut, Langres, 1875, chap. IV, signale quant à lui que l’évêque de Modène sollicita saint Thibaut au sujet d’une querelle dans son diocèse. Si la situation narrative peut surprendre (saint Thibaut, adepte de la souffrance physique, montant sur une charrette parce qu’il est épuisé –aussi fort que puisse être le sens de grever), c’est bien entendu une fois encore en raison d’une réduction du texte latin d’origine (cf Alençon, l. 163 : nam prae defectione pedum non valebat longius progredi, et BNF 24870, laisse LX : Que les plantes des piés totes onfles avoit. / Quant il vit que a pié aller nen i porroit, plus explicites sur la raison qui contraint saint Thibaut à se résigner à monter dans ladite charrette). Sur ces “visitations” de Dieu, cf , entre autres, Mt 1 20, et l’annonce de la naissance de Jésus à Joseph par l’Ange du Seigneur, Mt 28 1-2, où ce même ange annonce aux deux Marie la résurrection du Christ, et Mt 3 16, où Dieu se manifeste sous l’apparence d’une colombe, lors du baptême de Jésus par saint Jean. On notera que les visitations de Dieu sont une image fréquente autant dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau.
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Par la suite, un de ses disciples fut assailli par une violente fièvre et des ulcères, au point qu’il paraissait devoir en mourir. Le malade implora saint Thibaut de prier pour lui. Sa maladie le torturait énormément. Le saint eut pitié de lui, et l’ayant fait porter à l’église, il chanta une messe et pria Notre Seigneur pour lui ; aussitôt, le malade, qui avait enduré avec beaucoup de difficulté son transport dans l’église, s’en retourna totalement guéri dans sa cellule. Lorsque le père et la mère de saint Thibaut entendirent parler de ce dernier, ils vinrent à lui, accompagnés d’un grand nombre de seigneurs, et furent remplis de joie en le trouvant. Au milieu des manifestations de bonheur, des larmes, et des soupirs que prodiguait la mère en pensant à son fils, qu’elle venait de retrouver, à son pays, et à ses autres enfants, qui étaient restés, elle rejeta l’amour charnel de ce monde pour se tourner vers l’amour spirituel de Dieu ; ainsi resta-t-elle avec son fils saint Thibaut, choisissant pour grande et riche demeure une modeste petite habitation, et pour toute compagnie un lieu inhabité, pour faire pénitence et, auprès de son fils, servir Dieu. Saint Thibaut, son fils, s’occupa d’elle avec tant de discrétion que personne n’aurait pu le découvrir sans difficulté avant qu’il ne trépasse. Il disait ne plus être sujet à des tentations depuis longtemps, et dès lors, suivant la volonté de Dieu, son corps fut si couvert de plaies qu’il ne pouvait plus se déplacer ni porter sa main à sa bouche -Dieu fait souvent cela à ses disciples, car ainsi il veut les purifier, en éprouvant leur cœur et leur corps. Malgré la maladie qui faisait souffrir son corps, saint Thibaut ne modifia ni ne rompit ses vœux, et observa toujours le jeûne. Sa maladie empira. Notre Seigneur lui fit savoir qu’il trépasserait bientôt, ce que saint Thibaut annonça alors à son tour. Ses forces commencèrent à l’abandonner, douze ans après qu’il eut quitté son pays, après avoir fait trois années de […] ejus minister nomine Rodo (Odo), Alençon, l. 183. De son vivant, saint Thibaut aurait aussi rendu la vue à un prêtre et guéri un enfant (voir Vie de saint Thibaut, Langres, 1875, chap. III). Sur ce miracle et ceux qui suivront (que saint Thibaut accomplira de son vivant ou après sa mort), il est intéressant de comparer le texte de chacune des trois versions avec les passages bibliques correspondants, présents notamment dans Mt 8 et 9 et Lc 4 et 5. Pour les mêmes raisons qu’énoncées plus haut (voir note 3, page 75), pour li peut ici renvoyer soit à li malades soit à fievre. Quoique solennelle, la tournure vinrent à lui nous semble mettre doublement en relief la figure de saint Thibaut, d’une part en contrastant avec le début du récit où l’on voit le saint fuir une famille qui, en venant finalement vers lui, donne l’impression d’abandonner à son tour richesses et faste aristocratiques, et d’autre part en renvoyant à l’image de Jésus prêchant près du lac de Tibériade, et vers lequel les fidèles affluent (cf Mt 4 24-25 et 5 1 ou Lc 6 17-18). Le choix du vocabulaire traduit, comme nous l’avons relevé dans plusieurs notes, à tout le moins dans la version en prose, un réel souci littéraire de la part du copiste qui, en l’occurrence, n’emploie jamais le terme « mort » mais « trespassement » lorsqu’il s’applique à saint Thibaut (ce qui n’est pas le cas pour Gautier : aprés la mort son compaignon, l. 107). A l’instar du terme latin migratio, le sens du verbe « trespasser » est donc lié au « passage », à la notion chrétienne de transmigration des âmes, et non de fin. A l’image du Christ qui ne meurt pas, saint Thibaut renaît, quittant un corps humain malade pour entrer dans un « seint cors ». Nous avons donc conservé cette conception particulière de la mort en systématisant l’emploi aujourd’hui un peu archaïque du verbe « trépasser » et de son substantif « trépas », au prix de répétitions parfois inélégantes.
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pèlerinages et passé neuf ans dans son ermitage. A l’heure de son trépas, il fit chercher un abbé dont il était très proche, et aux soins duquel il confia sa mère ainsi que l’ensemble de ses disciples. Le troisième jour précédant le trépas de saint Thibaut, la terre trembla avec force à cinq reprises ; quelques-uns de ceux qui étaient à l’extérieur, et tout ceux qui se trouvaient à l’intérieur de la cellule de saint Thibaut, le ressentirent nettement. Saint Thibaut endurait d’énormes souffrances physiques à cause de sa maladie. Un de ses disciples demanda aux personnes qui se tenaient là de partir, et certaines s’en allèrent. Après avoir reçu la communion, saint Thibaut pria plusieurs fois Notre Seigneur en ces termes : « Doux Seigneur Dieu, prends pitié de ton peuple ! ». Ayant dit cela, il remit son esprit entre les mains de Notre Seigneur, et ceux qui furent présents à son trépas sont témoins que le corps ne changea pas de couleur. Il trépassa le dernier jour de juin, sous le règne d’Henri, fils de l’empereur Henri. Lorsque les habitants de la région apprirent que le saint venait de trépasser, les villageois et les citadins, les clercs et les laïcs, tous vinrent assister à la cérémonie d’enterrement, entrant en grand nombre là où gisait le saint corps. Les autres, ceux qui étaient restés chez eux -les vieillards, les enfants et les jeunes filles-, firent deux lieues pour aller à la rencontre du saint corps, jusqu’au lieu-dit A la Croix du Chemin, où ceux qui portaient le saint corps se reposèrent. Le corps fut ense Cf Jn 19 26-27, où Jésus, sur la croix, confie sa mère à un disciple. Par ailleurs, cet abbé, dont la présence ici est très minimisée par rapport à la version en vers, et plus encore par rapport à celle en latin, est l’auteur présumé du texte original latin de la Vie de saint Thibaut, Pierre de Vangadice, dans lequel il est plus précis et plus louangeur sur son identité : Petro abbate pre omnibus sibi familiariter in amicicia juncto, qui ei eodem anno monachicum schema sacraverat. (Alençon, l. 222-224). Bien qu’aucun texte ne donne davantage de précisions sur ses relations avec saint Thibaut, cet abbé Pierre reste cependant l’une des rares personnes à avoir cotoyé le saint, à lui avoir survécu, et à avoir laissé un témoignage écrit, laissant supposer une réelle amitié entre les deux hommes, et donc une très relative fiabilité du texte. De l’annonce de la mort de saint Thibaut, l. 159, jusqu’à son enterrement, l. 187, le récit ne fait plus seulement allusion aux textes bibliques, mais devient une véritable transposition de la Passion du Christ, comme ici avec la scène du tremblement de terre précédant la mort du Christ et que l’on retrouve dans Mt 27 51, mais aussi, plus loin, l. 172-174, avec le cri lancé sur la croix à Dieu, ou, l. 176, le prodige de la non putréfaction du corps, ou encore, l. 184-185, le chemin de croix, et l. 188-189, l’ensevelissement du corps, et même, l. 185-186, l’allusion à peine voilée à la Résurrection. Dans Mt 27 50 et Mc 15 37, Jésus expire en poussant un grand cri, sans prononcer un mot, contrairement à Jn 19 30, où sans un cri, Jésus dit : « c’est achevé », et surtout à la différence de Lc 23 46, où, en jetant un grand cri, Jésus dit : « Père, en tes mains je remets mon esprit », reprenant ainsi Ps 31 6. Ce détail est d’importance dans la mesure où les derniers mots de saint Thibaut, pleins de pitié, renvoient ainsi à Lc 23 34 : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », et non à Mt 27 46 et Mc 15 34 : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », qui reprennent, eux, Ps 22 2. La Lombardie dépendant du « Saint Empire », il s’agit bien entendu ici de l’empereur Henri III le Noir (1017-1056) et de son fils Henri IV (1050-1106), et non, comme le propose la version latine, du roi de France Henri 1er (1008-1060) et de son fils Henri, renommé Philippe 1er (1052-1108), erreur corrigée dans notre version, mais reprise dans celle en alexandrins. La confusion vient de ce que la version latine, faisant référence à ces mêmes rois de France au début de son récit, dont le repère historique est alors exact (le récit se déroulant effectivement en Champagne), semble ignorer (ou feindre d’ignorer) que la Lombardie où s’achève le récit n’est pas une possession du royaume de France. Nous avons là un contresens évident repris unanimement par les trois différentes versions, dont seul le manuscrit V donne la leçon correcte a la croix du chemin, et que ni MANNING ni HILL n’ont, semblet-il, davantage repéré (voir éd. MANNING, op. cit., p. 69 et 96, et éd. HILL, op. cit., p. 135). L’allusion
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veli trois jours plus tard dans l’église Notre-Dame, où saint Thibaut avait été ordonné prêtre. Des trois femmes qui recouvrèrent la vue. Après que les gens de la région eurent mis saint Thibaut au tombeau conformément à la tradition, Dieu voulut rendre visible, à travers plusieurs miracles, le mérite de son serviteur ; c’est ainsi que, venant de lieux différents, trois femmes recouvrèrent, auprès de la tombe de saint Thibaut, la vue qu’elles avaient perdue. Une autre fois, trois autres personnes dont les mains et les pieds étaient blessés par une maladie, au point de ne plus pouvoir s’en servir, vinrent sur la tombe de saint Thibaut où ils furent guéris par la grâce du saint. Il y avait dans la région de Venise une femme dont la main était desséchée et difforme. Venue sur la tombe de saint Thibaut, elle fut guérie de son infirmité sous les yeux de toute la population qui se trouvait là. Parmi différents miracles qu’il accordait à saint Thibaut, Dieu voulut faire connaître et propager la gloire de son serviteur sur les terres de sa naissance ; aussi, un homme de Champagne vint-il à lui, qui, ayant perdu la vue, la recouvra par la grâce du saint. au chemin de croix de la Passion du Christ est pourtant indubitable dans le contexte qui est le nôtre. L’erreur, très ancienne puisque déjà reproduite dans Alençon qui date du XIIè siècle, provient en effet de la mauvaise lecture du manuscrit latin source, qui transforme crucis (croix) en curtis (court). Très compréhensible en raison des ressemblances graphiques du « c » et du « t » et de la succession des jambages formée par « r » et « u », la conséquence n’en est pas moins préjudiciable puisqu’elle anéantit le jeu de mots de ad Crucem Camini (et son allusion au chemin de croix, évoqué ici à travers la « station » de ceux qui portent le corps de saint Thibaut comme le Christ sa croix), en devenant ad Curtem Camini (traduit, selon les versions, par un imaginaire Court au Chemin ou Cor Chimin, qui peut être cependant à l’origine de Courchamp, en Champagne, dépt. Seine-et-Marne, arr. Provins, c. Villiers-Saint-Georges). Passage problématique pour tous les manuscrits, mais dont le sens général est néanmoins aisé à comprendre, qui fait écho à l’ordination du saint décrite plus haut (voir note 2, p. 75), et qui est ici un simple rappel. (voir Alençon, l. 240-242). R3 est le seul à donner la rubrique du 1er miracle uniquement, M faisant une rubrique générale, faute d’avoir les suivantes, le reste de la tradition se partageant entre les manuscrits qui les mentionnent toutes et ceux dont elles sont totalement absentes. Sur les origines de ces trois femmes, voir Alençon, l. 261-270 et éd. HILL, op. cit., p. 135-136. Alençon et BNF 24870 désignent sans ambiguïté la cité de Venise. La tournure “en la terre de” utilisée dans la version en prose semble en revanche toujours appeler un nom de région (cf de la terre de Champaingne, l. 205, de la terre de Lombardie, l. 212-213, an la terre de Venice, l. 198). Il s’agit en fait d’une religieuse (Voir Alençon, l. 280 : quaedam sub specie religionis, mutato habitu velata). L’hésitation des manuscrits de la version en prose sur le choix entre “autres plusors miracles” et “entre plusors miracles” est liée à l’interprétation fluctuante du passage latin : Multa quidem et alia signa fecit Jhesus, Alençon, l. 289. La version en vers contourne la difficulté en se limitant à : Car por amor de lui ses miracles doblet, laisse CV. Nous avons opté pour « Entre plusors miracles » qui, dans notre contexte, est la seule tournure permettant de rendre cohérent le sens de la phrase. Ce miracle est une substitution au texte original. En effet, les versions en vers et en latin relatent, en lieu et place du miracle d’un aveugle champenois, celui d’un 1er enfant aveugle, sans préciser son origine. Profitant sans doute de cette absence de localisation dans le texte source, le copiste a substitué au miracle
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Par la suite, un enfant qui avait perdu l’usage d’un de ses bras et d’un de ses pieds à cause d’une paralysie fut conduit sur la tombe de saint Thibaut ; dès qu’il eut terminé sa prière au saint, ainsi que plusieurs autres prières, il se releva entièrement guéri et retourna chez lui rempli de joie ; et tous rendirent grâce à Notre Seigneur. Une autre fois, un homme de Lombardie qui s’était volontairement fait attacher le bras dans des liens de fer, faisant ainsi pénitence, accomplit un pèlerinage sur la tombe de saint Thibaut. Tandis qu’il veillait dans l’église, comme il tendait le bras enferré afin de redresser une chandelle qui était tombée du chandelier -ce sur quoi on les fixe devant le saint-, son bras fut aussitôt libéré des fers, et les liens sautèrent loin de lui dans un grand bruit. Une autre fois encore, un homme, originaire de la cité de Tours et nommé Martin, portait pour faire pénitence d’étroites manches en fer à ses deux bras, et vint trouver saint Thibaut quand celui-ci était en vie, lui racontant qu’il faisait cette pénitence à cause du meurtre de son propre frère. Saint Thibaut lui répondit alors : « Va-t’en en Orient, au tombeau de Notre Seigneur, et tu auras là-bas l’un de tes bras libéré ! » Ce dernier s’y rendit, et fut libéré d’un de ses bras, comme le lui avait prédit le saint. Sur le chemin du retour, il entendit dire que saint Thibaut avait trépassé ; il en ressentit un très profond chagrin, et c’est ruisselant de larmes qu’il parvint jusque sur la tombe du saint auquel il s’adressa en ces termes : « Mon doux seigneur ! Tu m’ordonnas d’aller au sépulcre de Notre Seigneur et de revenir vers toi. Je suis de retour, mais je ne t’ai pas retrouvé. Las ! Que vais-je faire ? Mon seigneur, prends pitié de moi ! Rassure ton pèlerin, et libère-moi, si telle est ta volonté. » Tandis qu’il prononçait ces mots, l’autre manche se détacha de son bras dans un si grand bruit que de nombreuses personnes entendirent et virent l’événement, qu’ils célébrèrent alors vivement. Une autre fois, un homme qui souffrait d’hydropisie vint sur la tombe de saint Thibaut pour être guéri de sa maladie ; il était en effet très affreusement bour-
du 1er enfant aveugle, qui faisait doublon avec le miracle suivant, celui d’un homme aveugle venu de Champagne. Puer de Villa Nova, nomine Venerius, Alençon, l. 293. Nous avons là une intéressante ambiguïté sur le sexe de la personne : cf Alençon, l. 298 : Quidam de Novaria, civitate Italie, et BNF 24870, laisse CIX : Voirs est que en Lumbardie une dame avoit. Il ne s’agit bien entendu pas de saint Martin de Tours (316-397), quoique le texte y fasse ainsi évidemment allusion, comme pour apporter au récit une sorte de caution morale, avec pour conséquence finale de rendre encore plus inextricable la réalité historique et la fiction littéraire (mais n’est-ce pas là un élément essentiel de tout récit légendaire ?). “Aller Outremer” ou “aller en Orient” équivaut, pour le chrétien du Moyen Age, à se rendre à Jérusalem, en pèlerinage sur le tombeau du Christ. Nous avons estimé opportun de différencier l’adresse au saint de celle à Dieu (« Biau sire » vs « Biau sire Dex ») à l’aide d’un jeu sur la majuscule de « seigneur » et l’ajout de l’adjectif possessif « mon », trait de familiarité plus courant de la part d’un fidèle à l’égard d’un saint protecteur qu’envers Dieu. Cf Lc 14 1-6, qui est le seul à relater ce miracle.
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souflé. Aussitôt qu’il eut adressé sa prière au saint, toute la boursouflure disparut de son corps, et il se retrouva totalement guéri. Tels sont les miracles que fit Notre Seigneur pour monseigneur saint Thibaut, et bien d’autres qui ne sont pas mentionnés ici.
Cf Jn 20 30 : « Jésus a fait sous les yeux de ses disciples encore beaucoup d’autres signes qui ne sont pas écrits dans ce livre. » De même qu’elle en avait supprimé le prologue, la version en prose ne reprend pas non plus l’épilogue de la Vie de saint Thibaut -qui occupe tout de même 20 vers sur 4 laisses dans la version en alexandrins (cf Alençon, l. 344-350, et BNF 24870, laisses CXXXI à CXXXIV)-, se bornant à une conclusion inspirée du premier verset de la conclusion de l’évangile de Jean. En outre, la version en vers, comme celle en latin dont elle est le modèle, se poursuit par le récit des différentes translations du corps de saint Thibaut, après l’enterrement de ce dernier dans la chapelle des saints Carpophore et Léonce, dans l’église Notre-Dame, à Vicence. Il est aussi possible que la conclusion de notre version en prose ne fasse qu’annoncer les miracles accomplis par saint Thibaut après sa mort lors des translations de son corps, et délibérément tronqués car indépendants de la Vie en elle-même -translations que Pierre de Vangadice n’a sans doute jamais écrites (voir dans notre Introduction, la partie intitulée « La légende de saint Thibaut »).
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INDEX DES NOMS PROPRES Compte tenu de la faible présence de noms propres dans notre texte, cet index établit le relevé exhaustif des formes et des occurrences des personnes et des lieux géographiques. (Nous avons choisi de faire figurer ici, et non dans le glossaire, le nom « Dieu », dans la mesure où son emploi textuel renvoie exclusivement à l’Etre suprême, mis en scène comme une personne physique.) Pour chaque entrée, la présentation des noms propres se fait de la façon et dans l’ordre suivants : – en lettres capitales, la forme telle qu’elle se présente dans le texte avec, le cas échéant, entre parenthèses et en lettres minuscules, un qualificatif, – en chiffres arabes, les numéros de lignes de toutes les occurrences référencées à partir de la transcription, – en italique, l’identification plus ou moins détaillée du nom, selon que le contexte nous a semblé le nécessiter ou pas. Lorsqu’un nom possède plusieurs formes, ces dernières sont entrées de la même manière (en lettres capitales, suivies de leurs localisations en chiffres arabes), mais sont classées dans l’ordre alphabétique, l’identification (en italique) étant alors rejetée après la dernière occurrence de la dernière forme. Enfin, la présence d’un astérisque devant un nom signale que ce dernier fait l’objet d’une note, localisée sous la traduction. A * Alemaingne, 50 ; Alemaigne, 67, Allemagne. Arnous, 2, Arnoul, père de l’ermite saint Thibaut, et proche parent du comte Thibaut III de Blois. C Champaingne, 21, 205, Champagne. * A la court au chemin, 184, Lieu-dit mal défini, localisé à environ 3 kms au sud de Vicence, en Italie, sur la route de Salanique.
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D Dieu, 10, 16, 74, 146, 149 ; Deu, 153 ; Dex, 173, 202 ; Diex, 86, 155, 189, Dieu. G Galice, 58, Galice. Région du nord-ouest de l’Espagne. * Gautiers, 35, 105, Gautier, compagnon de l’ermite saint Thibaut. Gile, 2, 7, 13, Gisèle, mère de l’ermite saint Thibaut, fille du comte de Sens Raynard II, et petite-nièce de l’archevêque de Vienne saint Thibaut. H Helye, (seint), 27, saint Elie. Henriz, 177, Henri IV, empereur de l’Empire romain germanique (1050-1106), et fils de Henri III. * Henriz, 178, Henri III le Noir, empereur de l’Empire romain germanique (10171056). J * Jaque, (Seint), 58, Saint-Jacques-de-Compostelle, en Galice. Jehan Baptistre, (seint) , 27, saint Jean-Baptiste. Jhesu Crist, 25, 52-53, 63, Jésus-Christ. L Lombardie, 71, 213, Lombardie. M * Martins, 221, Martin, pénitent fratricide. N Nostre Dame, 186, abbaye Notre-Dame, à Vicence, où fut inhumé le corps de saint Thibaut. O * Odon, 20, Eudes Ier, comte de Blois (mort en 996) ou son fils Eudes II, comte de Blois, de Champagne et de Brie ( 983-1037).
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index des noms propres
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P Provins, 4, 18, Provins (Seine-et-Marne, ch.-l. arr.) R R ains, 37, 42, Reims (Marne, ch.-l. arr.) * R emi, (Seint), 43, abbaye Saint-Rémi, à Reims (ancien prieuré bénédictin). Rome, 69, Rome. Siège de la papauté. S * Salins, 72, Salanique, localité italienne, située à 30 kms au sud de Vicence et à 20 kms au nord de la Badia. Aujourd’hui appelée « Saianega ». Seinne, 33, Seine. T Thiebaut, 1, 5, 12, 14, 61, 68, 118, 129, 133, 139, 146, 149, 151, 168, 189, 193, 197, 238, 244, Thiebauz, 18, 21, 37, 66, 107, Tiebaut, 169, 200, Tybaut, 157, 203, 209, 215, 222, Tyebaut, 224, Tyebauz, 124, 228, saint Thibaut, ermite puis prêtre camaldule (1017-1066). Thiebauz, 5, 7, Tiebaut, 8, saint Thibaut, archevêque de Vienne (9 ? ? –1001), et oncle de la grand-mère maternelle de l’ermite saint Thibaut. Torz, 220, Tours, (Indre-et-Loire, ch.-l. dép.) Trieves, 66, Trèves, en Allemagne. Trinite, (sainte), 114, la Sainte Trinité. * Troies, 1, Troyes (Aube, ch.-l. dép.) V * Venice, 70, 198, Vénétie. Vianne, 5, 5, Vienne (Isère, ch.-l. arr.) Siège d’archevêché jusqu’en 1790.
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GLOSSAIRE Le choix, très subjectif, de faire figurer tel ou tel mot dans le glossaire qui suit n’a pas été sans difficultés, et nous en mesurons évidemment les limites. Toutefois, si dans son élaboration nous nous sommes efforcés de suivre les Conseils pour l’édition des textes médiévaux de l’Ecole des Chartes, par son contenu, ce glossaire se borne au relevé de mots et expressions qui pourraient arrêter, par leurs formes -parfois-, par leurs sens et emplois particuliers -souvent-, un lecteur ne maîtrisant pas les subtilités de l’ancien français. Dans la mesure où le texte de référence est assez bref, il nous a paru judicieux de viser à l’exhaustivité dans la recension à la fois des formes, telles qu’elles apparaissent dans le texte, et de l’ensemble de leurs occurrences. Voici à présent, accompagnés d’un tableau des abréviations utilisées, les éléments qui aideront à la lecture de ce glossaire. Pour chaque entrée, nous avons successivement : – – – –
en gras, l’unité sémantique, en italique, la description grammaticale, en chiffres arabes, la localisation dans la transcription, en italique, à nouveau, la glose.
Lorsqu’un verbe présente des formes conjuguées, celles-ci sont données, après la description grammaticale, avec leurs identifications complètes (mode, temps, personne) suivies de leurs localisations, et sont alors séparées les unes des autres par un point-virgule. En outre, lorsque la forme infinitive d’un verbe n’est pas attestée dans le texte, celle-ci est donnée entre crochets carrés. Les adjectifs et les substantifs sont entrés au cas régime singulier, sauf lorsque leurs formes dans le texte en sont éloignées ; ils sont alors repris tels quels, et font l’objet soit d’une analyse isolée, soit d’un renvoi à une forme qui sert de lemme (exemples : « eulz » ou « anfés »). Enfin, les mots d’une même famille sont regroupés sous le plus fréquent d’entre eux, chacun faisant néanmoins l’objet d’un renvoi depuis sa forme propre (sauf dans les cas où les deux formes se suivraient immédiatement ; exemple : « lié » et « lien ») ; ils sont alors enregistrés en caractères gras (comme autant d’unités sémantiques différentes), et séparés les uns des autres par un tiret.
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Remarques : – Les variantes graphiques d’un même mot (sans variante sémantique, même légère), sont séparées les unes des autres par un point-virgule, et sont chacune suivies immédiatement de leurs localisations (cf « fill » vs « gent »). – Les verbes employés exclusivement sous une forme participe -présent ou passé- (exemple : « sané »), ainsi que ceux dont la graphie est à la fois éloignée de celle de leurs infinitifs et sans autre occurrence dans le texte (exemple : « quenut »), sont entrés tels quels ; ils font alors l’objet d’une analyse isolée dont la présentation est ordonnée de façon légèrement différente. – L’astérisque renvoie, comme dans l’Index, à une note située sous la traduction. Tableau des abréviations utilisées pour les éléments grammaticaux d’identification : adj. : adjectif. adv. : adverbe. antér. : antérieur. cond. : conditionnel. conj. : conjonction. c. r. p. : cas régime pluriel. c. r. s. : cas régime singulier. c. s. p. : cas sujet pluriel. c. s. s. : cas sujet singulier. f. : féminin. fig. : figuré.
imparf. : imparfait. impér. : impératif. ind. : indicatif. indéf. : indéfini. loc. : locution. m. : masculin par ext. : par extension. parf. : parfait. part. : participe. pers. : personnel. pl. : pluriel.
plus parf. : plus-que-parfait. prép. : préposition. prés. : présent. pron. : pronom. s. : substantif. sg. : singulier. subj. : subjonctif. v. imp. : verbe impersonnel. v. intr. : verbe intransitif. v. pr. : verbe pronominal. v. tr. : verbe transitif.
A
aage, s. m., 23, âge. achoison, s. f., 43, occasion. [acorder (s’- a)], v. pr., être d’accord avec, se conformer à - parf. 3 s’acorda 23, 145. adés, adv., 83, 158, sans cesse, toujours. [agrever], voir grever. aidier (s’), v. pr., 196, se servir, faire usage. ainsint, adv., 156 ; ainz, 24 ; einsi, 99, de cette manière, ainsi. ami, s. m., 43, 111, 165, 170, celui que l’on aime, et qui nous aime ; 155, par extension, désigne ici un serviteur de Dieu (par opposition à anemi, qui désigne le diable). ancienne, adj., 182, vieille, âgée. andemantiers (que), loc. conj., 46, pendant que. anfes, voir enfant.
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anflez, part. passé de anfler, v. tr., 239, boursoufler – anfleüre, s. f., 241, boursouflure. angele, s. m., 126, ange. anprés, adv., 83, auprès de, contre. [aperçoivre (s’)], v. pr., s’apercevoir - subj. imparf. 6 s’aparceüssent 95. *arrieres (ça en -), loc. adv., 20, naguère, auparavant [asembler (s’)], v. pr., se joindre, rejoindre - parf. 3 s’asembla 60. aspre, adj., 29, d’une rudesse désagréable, grossière (en parlant d’une étoffe). aucun, pron. indéf., 167, 171, quelques-uns, plusieurs – aucune, adj., 8, 125, 126, quelque. ausint (come), loc. adv., 74, ainsi que, tel que. avant (en -), loc. adv., 102, à côté, devant. [avenir], v. intr., arriver, se produire - parf. 3 avint 31, 118, 128, 131, 191, 194, 207, 212, 220 – [ravenir], v. intr., même sens que avenir, avec l’idée de répétition - parf. 3 ravint 237. *ayole, s. f., 6, grand-mère. B *boban, s. m., 40, pompes (sens religieux), faste. [briser], v. tr., enfreindre, mettre fin à - parf. 3 brisa 157. C ceile, s. f., 112, 168, cellule d’ermite. celeement, adv., 32, en cachette, secrètement. chapel, s. m., 98, chapeau. chastiaus, s. m., c. s. s. de chastel, 18, demeure féodale fortifiée, habitation d’un seigneur. cheoir, v. intr., 62, 122 ; parf. 3 chaï 63, cheï 235 ; part. passé cheüe 217, tomber. *chevalier, s. m., 35, celui qui a reçu l’ordre de la chevalerie ; 38, au fig., serviteur de Dieu. chevet, s. m., 97, tête de lit. comeniez, part. passé de comenier, v. intr., 172, recevoir la communion. [conmander], v. tr.- parf. 3 conmanda 164, confier aux soins de quelqu’un – [conmander], v. tr. - parf. 2 conmandas 230, ordonner – conmandement, s. m., 25, précepte, règle à suivre. compaignon, s. m., 107 ; conpaignon, 41 ; compainz, c. s. s., 35, 104, ami intime, compagnon (dans le sens étymologique de celui avec qui on partage le pain) – compaignie, s. f., 140, 148, assemblée de personnes qui accompagnent. [conforter], v. tr., rassurer, réconforter - impér. 2 conforte 14, 233. contrete, adj., 199, difforme, contrefaite. couche, s. f., 96, lit.
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coulon, s. m., 126, colombe. [croller], v. intr., trembler - parf. 3 crolla 167. [cuider], v. tr., croire, penser - parf. 3 cuida 111. [curer], v. tr., curer, nettoyer, en enlevant les immondices déposées par un liquide - ind. imparf. 6 curoient 55. curez, part. passé de curer, v. tr., 239, guéri, soigné. D darrenier, adj., 177, dernier. deable, s. m., 60, 64, 109, 114, 120, diable. defaillir, v. intr., 161, faire défaut. defors, adv., 167, dehors. delez, adv., 42, près de. [demener], v. tr., faire - parf. 3 demena 115. [departir (se)], v. pr., se séparer de, s’en aller - parf. 3 se departi 31, 68, 241 ; parf. 6 se departirent 48, 172 ; subj. imparf. 6 se departissent 171. deschaut, adj., 59, sans chaussure. [descovrir], v. tr., sens fig., dévoiler, ouvrir (en parlant de sentiments) - parf. 3 descovri 33. deseur, voir seur. desirrier, v. tr., 69, souhaiter, désirer. [deslier], v. tr., libérer d’un lien - impér. 2 deslie 233 ; part. passé desliez 218, 226. devant, prép., 10, 16, 62, 90, 116, 200, 218, devant, en face de – devant (- ce que), loc. adv., 151, avant que – devant, adv.,166 ; devant (ci -), loc. adv., 19, avant, auparavant. digneté, s. f., 85, rang élevé, titre prestigieux. diligenment, adv., 24, avec soin, avec attention. donc, adv., 190, 204, alors, d’où. [drecer (se)], v. pr., se lever – parf. 3 se dreça 210. duel, s. m., 229, profond chagrin. durement, adv., 167, avec force. E encontre, adv., 183, vers, à la rencontre de. [encontrer], v. tr., rencontrer - parf. 6 encontrerent 47. enfant, s. m., 144, 182, enfant, dans un lien de parenté – anfes, s. m., c. s. s., 207, fille ou garçon en bas âge – enfance, s. f., 23, première période de la vie. ensuivre, v. tr., 27, imiter, suivre l’exemple de. entour, adv., 71, aux environs. escharnissement, s. m. 113, raillerie, outrage. [esforcer], v. tr., empirer, augmenter - parf. 3 esforça 159.
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[eslire], v. tr., choisir - parf. 3 eslut 147. *esperit, s. m., 105, 175, âme, esprit – esperitel, adj., 145, 165, spirituel, en esprit. [esvenoïr (s’)], v. pr., disparaître - parf. 3 s’esvenoï 65. euls, pron. pers. m. pl. 6 de lui, 60, eux. eulz, s. m., c. r. p. de oil, 206, yeux. eve, s. f., 81, eau – iave, s. f., 120 ; yave, 122, cours d’eau, rivière. eveschié, s. m., 1, évéché – evesque, s. m., 5, 12, évêque. F famelier, s. m., 164, qui est considéré comme un membre de la famille. fill, s. m., 10, 15, 143, 146, 149 ; filz, 149 ; fuilz, 178, fils. fil, s. m., 132, de fi (ficus, i, en latin) , tumeur, verrue, ulcère. force (par), loc., 181, en grand nombre. fors, adv., 81, 82, excepté, si ce n’est. G gaangnier, v. tr., 57 ; ind. imparf. 6 gaangnoient 56, gagner, faire du profit. *[garnir (se)], v. pr., se protéger, se défendre - parf. 3 se garni 64. gent, s. f., 3, extraction, race – genz, s. f. et m. pl., 20, 141, 170, 182, 188, 235, personnes en nombre indéterminé (aujourd’hui, employé seulement au pluriel) – genz, s. f. et m. pl., 32, désigne ceux qui sont sous les ordres d’autrui. – gentil, adj., 141, noble. gesir, v. intr., 102 ; part. prés. gisant 88 ; ind. imparf. 3 gisoit 181 ; parf. 3 jut 102, être couché, se coucher, être étendu. [geüner], v. intr., jeûner, observer le jeûne - subj. imparf. 3 geünast 158. [grever], v. tr., fatiguer - ind. plus. parf. 3 estoit grevez 120 – [agrever], v. tr., blesser physiquement, faire souffrir - parf. 3 agreva 134. H habitacle, s. m., 163, lieu d’habitation (ici, désigne une cellule d’ermite). haire, s. f., 83, 101, petite chemise faite de crin que l’on porte par mortification. herbergié, part. passé de herbergier, v. tr., 42, logé, reçu l’hospitalité. home, s. m., 11 ; ome, 61, 127 ; hons, c. s. s., 205, 212, 220, 237, homme. hostel, s. m., 45, lieu d’hébergement (ici, l’abbaye Saint-Rémy de Reims) – ostel, s. m., 138, lieu d’habitation (ici, désigne une cellule d’ermite). huche, s. f., 95, 100, 102, coffre de bois. huis, s. m., 113, petite porte. humblement, adv., 150, discrètement.
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I iave, voir eve. ilec, adv., 171, celui-là. isnelement, adv., 91, vivement, promptement. [issir], v. intr., sortir - parf. 6 issirent 45. ja, adv., 13, maintenant, déjà. jasoit ce que, loc. conj., 67, quoique. jut, voir gesir.
J
L
lai, s. m., 180, laïc. leesce, voir lié. leu, s. m., 19, 29, 71, 73, 77, 148, 184, 191, lieu – leu, s. m., 15, rang, condition – lieu (en – de), loc., 101, à la place de. lié, adj., 141 ; liee 15, content(e), gai(e) – leesce, s. f., 9, gaieté, réjouissance. lié, part. passé de lier, v. tr., 213, 216, garrotté, attaché – lien, s. m., 219, lien. lignage, s. m., 3, ensemble des personnes qui appartiennent à la même lignée, la parenté. liue, s. f., 183, lieue (mesure de distance équivalant à environ 4 kms). los, s. m., 11, honneur, réputation. M maintenant, adv., 64, 136, 218, 240, aussitôt. [mander], v. tr., demander - parf. 3 manda 163. meint, adj., 76 ; meinte, 124, nombreux(se). [mener], v. tr., éprouver, ressentir - parf. 3 mena 228. merite, s. f., 10, 190, 197, 203, 206, mérite, valeur, gloire. mes, conj., 88, 122, mais. mehaigniee, part. passé de mehaignier, v. tr., 195, blessée, estropiée. mesniee, s. f., 40, gens de maison, domestiques – mesniee, s. f., 95, désigne ceux qui habitent ensemble, d’une manière générale. *monde, s. m., 24, 41, 145, milieu social déterminé (ici, désigne la société aristocratique). [muer], v. tr., changer, modifier - parf. 3 mua 157, 176. N noble, adj., 3, qui appartient à une classe dite supérieure, bénéficiant de privilèges et de distinctions héréditaires. noise, s. f., 115, bruit.
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[noncer], v. tr., nommer, appeler - parf. 3 nonça 160 ; racontée, part. passé nonciee 204. norriz, part. passé de norrir, v. tr., 3, 18, élevé, éduqué. nus, pron. indéf., c.s.s. de nul, 150, personne, quiconque. O [ocire], v. tr., tuer - plus. parf. 3 avoit ocis 224. [oïr], v. tr., entendre - parf. 6 oïrent 139, 236 – [oïr] (- dire), loc., entendre parler de - parf. 3 oï dire 227-228 – [oïr (soi)], v. pr., s’entendre - parf. 3 s’oï 110. ome, voir home. onques, adv., 88, 157, 176, jamais. ordenez, part. passé de ordener, v. tr., 187, reçu l’ordination (ici, de la prêtrise). ore, s. f., 93, heure. oroison, s. f., 209, 240, prière à Dieu, oraison – oroisons (se metre en -), 91, prier. ostel, voir hostel. outre (aler -), loc. prép., 123, franchir. *outremer (aler -), loc. adv., 225, aller en Orient, en pèlerinage à Jérusalem. P paine (a -), loc. adv., 137 ; painnes (a -), 150, difficilement, avec difficulté. palais, s. m., 39, palés, 147, riche habitation. parant, s. m., 17, 39, parent, membre de la famille – *parage, s. m., 21, famille, parenté. parfin, s. f., 55, 81, fin. parmi, adv., 63, au milieu, au travers (exprime ici l’idée de corps tombant l’un sur l’autre) . pechié, s. m., 128, 130, péché. peneance, s. f., 87, 100, 104, 148, 214, 222, 223 ; penitance, 46, 80, pénitence, expiation. piece (grant - avoit), loc., 152-153, depuis longtemps. [pooir], v. tr., pouvoir – ind. imparf. 6 pooient 57, 196. [porveoir], v. tr., prévoir, arrêter une décision - plus. parf. 3 avoit porveü 86. pourpris, part. passé de porprendre, v. tr., 153, couvert, recouvert. preschant, part. prés. de prescher, v. tr., 119, prêchant. preude, adj., 13, sage. prouvoire, s. m., 86 ; provoire, 187, prêtre. pucele, s. f., 183, jeune fille non mariée. purgier, v. tr., 156, purifier, expier.
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Q quistrent, parfait 6 de querre, v. tr., 43, cherchèrent. quenut, parfait 3 de conoistre, v. tr., 113, reconnut. R *racine, s. f., 82, partie inférieure d’un végétal, située dans la terre ; par extension, désigne une plante dont on mange la partie enterrée (carotte, betterave, …). [ravenir], voir avenir. [reclamer], v. tr., invoquer - parf. 3 reclama 63, 114. remeses, part. passé m. pl. de remanoir, 182, restés. [repairer (se)], v. pr., s’en retourner d’où l’on vient - ind. imparf. 3 s’en repairoit 227. robe, s. f., 47, habit, vêtement en général. roe, s. f., 121, roue. S [saillir], v. intr., sauter, jaillir - parf. 3 sailli 219. sané, part. passé de saner, guérir, v. tr., 197, 200, guéri. seant (en -), de seoir, 88, en position assise. semblance (en - de), 61, 96, 127, 128 ; samblance (en - de), 126, sous l’apparence extérieure de – [sambler], v. imp., paraître, avoir l’impression - ind. imparf. 3 sambloit 132. [sentir], v. tr., ressentir, éprouver - plus. parf. 3 avoit santi 152 ; parf. 6 sentirent 169. serjant, s. m., 131, 190, 203, disciple, serviteur. sepousture, s. f., 189, 199, tombeau en général. sepulcre, s. m., 70, 225, 231, tombeau où Jésus-Christ fut déposé. servir, v. tr., 149 ; ind. imparf. 6 servoient 90 ; parf. 3 servi 150, servir – servise, s. m., 181, célébration de l’office divin à l’occasion d’un décès ou de l’annonce d’un décès. seur, prép., 36, 99, 102 – deseur, 101 – sus, 119, sur, au-dessus de. [soloir], v. intr., avoir coutume de - ind. imparf. 3 soloit 101. son (faire -), 219, 235, produire du son, du bruit. soutiment, adv., 89, avec ingéniosité, habilement. sus, voir seur. T [tesmoingner], v. intr., témoigner, se porter garant - ind. prés. 6 tesmoingnent 176 – tesmoingnage (porter), 12, même sens. [tormenter], v. tr., faire souffrir - ind. passé antér. 3 fu tormentez 131.
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touchiez, part. passé de touchier, v. tr., 244, traiter, mentionner. travail, s. m., travaulz 53, effort pénible. [traveillier], v. tr., souffrir, être accablé - ind. passé antér. 3 ot traveillié 75-76, 99 ; subj. imparf. 3 traveillast 158 ; ind. imparf. 3 traveilloit 169. *trespasser, v. intr., 163 ; parf. 3 trespassa 177 ; ind. plus. parf. 3 estoit trespassez 179-180, 228 ; subj. imparf. 3 trespassast 151 ; cond. prés. 3 trespasseroit 160, trépasser, mourir – trespassement, s. m., 166, 175, trépas, décès. treuve, s. f., 68, action de rencontrer. tribulacion, s. f., 156, tourment, souffrance physique. user, v. tr., 29, sens fig., se nourrir.
U
V veinqui, parfait 3 de veintre, v. tr., 144, vainquit. vesqui, parfait 3 de vivre, v. intr., 82, vécut. vestir, v. tr., 29 ; parf. 3 vesti 83, revêtir – vestir (soi ), v. pr., parf. 6 se vestirent 48, se vêtir. viande, s. f., 29, ensemble des aliments entrant dans la vie, en particulier ceux carnés. viez, adj., 75, vieille, avec l’idée de délabrement. voiage, s. m., 98, pèlerinage. volanté, s. f., 52, 213, volonté, avec l’idée d’une action choisie – volenté, s. f., 24, 73, 153, 159, volonté, avec l’idée d’une action subie. *vueve, adj., 13, veuve. yave, voir eve. ydropisie, s. f., 238, hydropisie.
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ANNEXE 1
VIE DE SAINT THIBAUT DE PROVINS Version française en prose, anonyme, du XIIIè siècle Ms. Bibliothèque nationale de France, fonds français 17229, fol. 230d-233b (Fac- similé )
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ANNEXE 2
VIE DE SAINT THIBAUT DE PROVINS Version française en vers -alexandrins-, de Guillaume d’Oye, juillet 1267 Ms. Bibliothèque nationale de France, fonds français 24870, fol. 68-88 (d’après l’édition de R. T. Hill, p. 75- 10 )
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INCIPIT PROLOGUS DE VITA BEATI Theobaldi Confessoris I Les seignors anciains qui ont batailleor Çai en arriers esté et de genz venqueor, Et les noms des poëtes qui furent jangleor, Oons tan qu’as estoiles eslever hui tot jor ;
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II Et cil qui orandroit sont en presente vie Lisent en lue d’ystoire iceste trupherie Ou n’a honor ni prou ni de bien maalie. Granz partie des genz a ice s’estudie. III Si les los des faus des si aornés trovons O de lors chevaliers, co ci nos devisons, Les dons que Des as siens done, que ne contons, Se il lo nos otroie, a miaus que nos poons ? IV Li Saverres do monde, li peres soverains, Cil qui cinc mile homes saola de cinc pains Aviau les deus poissons, dit, toz en sui certains, A ceaus qui roi voloient establir de lor mains : V « Ovrez non pas viande, li quels soit trepassable, Mas cele qui sera toz jors mais pordurable, Si quite volés estre de la main au diable. » Iço commande Des. No tenez mie a fable. VI « Mes peres, » ço dit Des, « ne refine d’ovrer, Ni senz sa guarentie, qui mout fait a doter, Ne laisse nigun ordre, que qu’il soit, trespasser. » Por ço se doit chacuns de bien fere pener.
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VII Jhesus es patriarches, es prophetes comance L’enor de sainte yglise , ço creons senz dotance, Et per les seinz apostres i met ferme creance, Per les martirs, corones, per virges, aornance. VIII Jhesus d’ovrer ne cesse, mas mout est s’ovre bone. Il revist sainte yglise de lis, quant pais li done ; Quant il li soffre guerre, de roses l’environe. Ce fait il qui les siens em paradis corone. IX De ce dist sainte iglise –n’ est pas chose celee- Qui est a Dé espose, et de lui mout amee, Qui est dedanz lo cors do darz d’amors nafree, As seinz praacheors, bien est chose provee :
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X « De maus m’anvironez ! Apuiés moi de flor ! Demandez vos por quoi ? Quar je languis d’amor. » Por flor sunt entendu de bien comenceor Et por maus ferme ovre des parfaiz par labor. XI Sainte yglise requier de flor apuiement, Quar cil qui bien comancent sunt foible durement ; Par ço ont miaus mestier de bon enseignemant, Quar en parler de Deu a grant confortement. XII De maus anvironee viaut estre, senz mentir, Quar qui voudra ou reigne des seinz parvenir, Maus, poines et engoisses li covindra soffrir ; Ne lo puet autrement niguns honz deservir. XIII Si Des le nos otroie, dis or mais desclairons Per quoi icest prologue ici retrait avons Feiaument, simplement ; que nos ne corroçons Nul de vos, janglerie dire ne vos volons.
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XIV A l’enor Jhesu Crist, lo fil sainte Marie, Do baron sen Tibaut vos vuil conter la vie. Deus m’otroit par sa grace que je la traie a chie, Et ceaus qui l’entendront preigne a sa partie ! Que il lo nos otroit, chascuns amen en die. EXPLICIT PROLOGUS
INCIPIT VITA IPSIUS XV Mout fu sen Tibauz sages ; point n’i avoit d’enfance ; Et fu fiz ço sachoiz, a bone genz de France. Arnous ot non ses peres. Sa mere senz dotance Avoit par droit non Guille ; ço sot sa conuichance. XVI A Provins fu norris ci seinz qui tant fu sages. Il fu come la flors qui naist es espinages. Ne fu pas seulement nobles ses parentages, Einz fu clers et tres riches, ço saichoiz, ses lignages.
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XVII A Vïene ot avesque, pleins fu de sapiance, Qui avoit non Tibauz, ço savons senz dotance, Qui ot de Jhesu Crist en soi tel conuichance. Que, einz que ciz nasquisse, annunça sa naschance. XVIII Iciz sire d’avesques, de quoi nos vos parlon, Fui oncles a la mere sa mere, ço sot l’un ; Quar il out non Tibauz ;Tibaut rapele l’un Cestui ; par autre chose nen ot il Tibaut non. XIX Iciz sires d’avesques, qui de Vianne estoit, Come bone persone o munde se tenoit ; Et quant il o la mere donne Guille parloit, Meintes foiz tels paroles, com vos orrois, disoit :
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XX « O planterose mere, » dit il, « esjoïs toi Et soies tote alegre ; mout i a bien par quoi. De toi naitra tels mere, qui porterai en soi Un fil qui grant deserte avra ves Dé lo roi. XXI Li fiz qui de ta fille, » dit l’avesques, « naistra, Trestot nostre lignage en sens sormontera. Devant Dé, devant genz, granz apelez sera . Mout ert amés li arbres qui tel fruit portera. » XXII A iceste parole que l’avesques disoit Une povrete famme garantie portoit ; La mere donne Guille grosse apecevoit ; D’amoroses paroles issi la confortoit. XXIII « Dame ! », disoit la famme, « quar vos esjoïssez ! Je di que en vostre ventre une fille portez, De quoi naitra un fil, qui granz ert apelez. A honor ert par lui toz vostre parentez. »
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XXIV Ce dit de sen Tibaut, ençois que il naquist, L’avesques de Vianne ; de rien nen i mesprist. Ausi li povre famme ço meïmes en dist, Que l’on saiche qu’il est membres de Jhesu Crist, XXV Qui fu par les prophetes avant prophecïez, Aprés par lo seint ange as pators annonciez, De la chivalerie de l’ost do ciel loëz, Qui fui par la novele estoile desclariez, Et qui fu en aprés des trois rois aorez, Es braiz sein Symeon, qui viauz estoit, portez, Ou temple de seinte Anne coneus et avisez. De celui est ciz seinz membres, que vos oëz.
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XXVI A mon proposement dis or mais tornerai ; Lo leu ou il nasquist miaus vos desclarerai ; Des rois qui en son tens furent les nons dirai ; A ceaus qui ne sont né conuchance en lairai ; De quel genelogie al issit conterai ; Coment guerpit richece par adés escrivrai ; Et coment prist povrece clerement espondrai. Ici est ma pansee ; ci m’estudïerai. XXVII Provins est uns chatiaus ou sein Tibauz fu nez. Ce est lues qui de puple est mout bien puplïez. Uns contes de Champaigne, Odes estoit clamez, Estoit pruchains de lui, qui mout fu renomez. XXVIII Ce fu au tens Henri , qui rois de France estoit , Et de son fil Phelippe qui adonques vivoit. Sein Thibauz qui la borne de jovrece tochoit, La joie de cest monde po ni prou ne segoit. Lo coman Jhesu Crist , quant oïr lo pouoit, A grant humilité a ovre lo metoit ; Si co li saige moiche sa rusche omple ,omploit Sein Thibauz son fin cuer des biens qu’il aprenoit.
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XXIX Que il fust harmitains avoit il grant talent. Helyas fu premiers, ço trovons nos lisant, Et sein Johanz Baptistes qui mout fu de grant gent, Et Paules et Antoines, ce set l’on voirement. XXX Lors teneve viande envie li fasoit ; L’aspreté de lors robes plus que rien desirroit ; Lo regart des seinz anges jor et nuit covoitoit ; Ou reigne des seinz ciels chambre achater voloit.
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XXXI Senz Thibauz, de ces choses et d’autres embrasez , S’en est tot a celee a un hermite alez Qui mout estoit prodonz (Burcars fu apelez ; Qui fu moignes a Sens ço est la veritez. Ou mostier de sein Pere qui fu jadis fundez,) En une yle de Saine ou Des estoit dotez. XXXII Consoil quist a l’ermite et cil lou conseillet. Li ermites remest ; senz Tibauz s’en alet. Gautier un chivalier o soi acompenet. Mout furent bon ensamble ; li uns mout l’autre amet. XXXIII Sen Tibauz et Gautiers issi s’acompeignerent ; Senz plus fere demore , sus lor chevaus monterent ; Lors escuiers senz plus avec aus en menerent ; A la cité de Roins droitement en alerent. XXXIV Sen Tibauz chivaliers de la chivalerie Jhesu au roi puissant a sa maison laissie ; Son pere et sa mere, ses freres entroblie , Ses parenz, ses serjanz , et des genz compeignie ; Conme s’il vosist ceindre de la chivalerie L’espee , a la Pasque aviau Gautier s’avie.
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XXXV A la cité de Roins , qui mout est seignoris, S’en sunt venu ensemble, si con je vos devis, Comme s’ils vossissant parler a lor amis ; Ne sot lor entendue, fors que Des, ço saichis. XXXVI Oiez que firent puis et coment il ovrerent ! Escuiers et chevaus a lor otel laisserent, Et de nuit tot a pié coiement s’en alerent, Et nule rien qui soit fors que aus n’em porterent. Que vos diroie jé ? Deus pelerins troverent ; De lors tres bones robes endui se despoillerent. A çaus deus pelerins maintenant les livrerent Et de les lor povretes povrement s’ahornerent.
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Senz seüe, nus piés, Des ou set, s’en alerent ; A un leu qu’on apele Pitingo se paisserent Ou reigne d’Alemaigne, ou lon tens demorerent. Iqui por l’amor Dé grant povreté soffrerent. A grant travail aquistrent lou pein don il visquerent. XXXVII Ço que on lit de Joseph, ço sai certeinement, Ou saume dou sautier, qui lo sens bien entent, Pot l’un de ces deus lire tot universelment Lors mains em plusors ovres servirent voirement. XXXVIII A ovres de vilains lor blanches mains metoient ; Les pierres po murs faire a ces maçons portoient ; Les erbes ou les fauz, quant poinz estoit, trenchoient ; Lo fiens fors des estables a civeres portoient, Si con sen Tibauz dit ; ausi charbon façoient. De cel petit argent lors vïes sostenoient. XXXIX De cetui laboraige, que il tant comparerent, De ço que a lors vïes sostraitrent et colerent, A grant poine, a po d’aise, po et po estrangerent Argent si qu’a sein Jaque en Galice en alerent ; A grant devocion lou seint leu viseterent.
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XL Quant lors oroison orent fenïes bel et bin, Et fait lors offerendes come bon pelerin, Et il s’en retornoient porpensant de lor fin, Un diauble troverent traversé ou chemin. XLI Il avoit forme d’omme, lo cors ot grant et fier, Ne sembloit pas si home, con sembloit aversier ; Il entendoit en faire sein Thibaut trabuchier ; Iqui, se il peüsse, lou cuida perilier.
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XLII Mes sire sein Tibauz onques ne s’esmaiet. La croiz ou Des fu mis autement reclamet Et de la Trinité autement se seignet ; A tant come fumee diables s’en alet. XLIII Si au serjant de Dé trabuche porchaçoit Diables, niguns honz mervelier ne se doit, Quar Jhesu Crist meïmes trabuchier jus cudoit D’un pignacle dou temple, quant il lon lui estoit. XLIV A Trive la cité est sein Tibauz venuis Et Gautiers ses compeinz, nus piés et mal vestus. Iqui trova son pere, dont mout fu irascus ; Mas a jor de sa vie ne fu issi confus. XLV De Trives vint a Rome, tant a il espletie ; De veoir lou sepulcre do fi Deu ot envie. Si s’en vient a Venice, la cité seignorie, Comme se il vossit passer mer en galie. XLVI Sen Thibauz, que Jhesu li peres tant amet, Les fins de Lonbardie aprés ço trespasset ; Un leu qui mout li plot iqui endroit trovet. Vesinetés çal leu Salanique apelezt. Sein Tibauz iceal leu entor anvironet Et par la volente de Dé forment l’amet. Un grant bois i avoit qui mout lo confortet. D’une anciaine iglise la muraille i trovet. Il, lassez de son oirre, iqui se reposet Et as seignors dou leu maison i demandet. Si comme il la quist, l’un la li otreiet. A tenir vie d’anges en terre comencet.
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XLVII De char, de tote graisse s’asteint premerement ; Pains d’orge fu sa vie et aigue solement ; Puis se soffrit dou pain et d’aigue ausement. Fruiz, herbes et racines usoit, ni plus noient ; Et si portoit la aire qui lo grevoit forment. XLVIII Jhesu cui il servoit en ice lo porvut, Que tan que il fu prestres toz ses ordres reçut Ou mostier de Vincence ; Levichiers lo conut, Qui en estoit evesques ; ci viaust que issi fust. XLIX Ou est cils qui conter porroit or dignement Que li diables fit a son cors de torment ? Sa croiz portoit toz jors ; Deu prioit docement ; Chacun jor de corgïes se bastoit asprement. L Li glorious cors seinz issi se tormentoit Por l’amor Jhesu Crist que il tant covetoit. De cinc anz ne dormit en gisanz, ço disoit Sa maignie privee, mas en seanz dormoit. Lo los ni lo bobant de la gent ne voloit. Por ce que l’un cuidast qu’il dormit, se fasoit Covrir dedanz son lit et do lun se cochoit Et aprés s’aseoit et en seanz dormoit. LI Puis avint que Gautiers ses compainz trespasset ; Lou treü de nature, si co Deus viaut, rendet. Einz que mie nuiz fusse, sen Tibauz sus levet, Quant li autre dormoient, et il Deu aoret. Les mains teint estendues ; de prier ne cesset.
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LII Aprés, quant estoit hore que l’an lever devoit Por aler a matines, en son lit se tornoit. Il ne voloit pas los des biens que il faisoit ; Qui niguns les seüsses fors Deus ne voloit. Lo guiardon de lui senz plus en atendoit.
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Une arche fu avant li liz ou il gisoit, La quele par dessus tote igués estoit. Un linçuel fait de laine sus çal fust estendoit Que de jors en sa teste contre lo chaut portoit Je sai ce, que ses menbres de aire armés avoit. Soz lo linçuel de lainne autre aire estendoit Et en leu de cele arche ou il gisir soloit, Sus une large ais bien dolee gisoit. LIII Dui an compli estoient, ce savons voirement, Que venus iqui ere ci seinz premirement, Quant ses compeinz Gautiers veint a son finement Et , si co nos creons, ajostés dignement Au nombre des feiaus devant Dé qui ne ment. LIV Tentement de diable ne li faillirent mie, De ce que dit sein Jaques, qu’il eüst sa partie Amont en paradis en la grant compaignie Des anges, des archanges que Deus a en baillie. LV Il reconte, sein Jaque, ce est la veritez : « Bien aventurez est li honz qui est tentez, Quar, quant il sera bien finement esprovez, De la sainte corone de vie est coronez Que Deus promist a çaus de cui il est amez. »
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LVI Ja avient une nuit que sein Tibauz estoit Acostez en son list, mas pas ne se dormoit. Un diable d’enfer decoste lui avoit, Qui la paroi par force de sa maison crosloit. Qu’il alast a matines par son non l’apeloit Et que tost levast sus sovent l’amonestoit. A cel apel se leve seinz Tibaut qui cuidoit Que fust uns de ses freres qui ansi lo hatoit. Tost s’en vait a la celle ou cil freres gisoit : En son list lo trova, ou il enquor dormoit.
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LVII Lors sot bien sein Tibauz de fine verité Que ce estoit diables toz pleins d’iniquité. Autement reclama la sainte Trinité. De la croiz se seigna ; lors chaça cel maufé. LVIII Il l’en oït aler durement fremissant. Se il eüst cent homes qui lo bois tranchessant A coignïes, tel noise, ce croi ne feïssant. Mais tel bruit ne menerent Sarrazin ne Persant. LIX En autre tens aveint que il fu apelez A Leion lou chatel ou contenz estoit nez Et il qui a bien faire estoit toz abrivez, Por cele pais refaire tant tost i est alez ; LX Mas de l’aler nus piés si atiriez estoit Que les plantes des piés totes onfles avoit. Quant il vit que a pié aler nen i porroit, Si monta sus un char qui prestez li estoit. LXI Une aigue li coveint passer ; dedanz entret. Or orroiz dou diable quel berat porpenset : Une roe de char en l’aigue li emblet. Lo glorious cors seint issi noier cuidet.
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LXII Bien lo cuida iqui noier se il poïst, Mas mout li valut po ; onques riens n’i conquist, Car ausi comme plume ligere fors salist Senz roe, toz essuiz ; onques ne s’esbaïst. Ceste grace et autres Jhesu sen Tibaut fi. LXIII A conter ses travauz et ses tentacions, Tant que ci bon chimin et droit tenu avons ; A reconter les choses hostement aluns, Qui sont pleines de joie ; a ce nos escorçons.
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LXIV Li angile dou ciel sovent lo visetoient, Si come si serjant par termoin afermoient ; En samblant de columbe aucune fois venoient, Et en samblance d’ome autre fois se mostroient, Et, dun il estoit dignes, autres choses disoient. De par Dé, son seignor, sovent lo confortoient. La poine qu’il soffroit issi li alijoient. LXV Il avint a un jor que ses pechiés ploroit Et ensamble lo plor durement sospiroit. Lors oït une voiz que li dit que voloit : Que de toz ses pechiés Jhesus quitié l’avoit. LXVI Et seinz Hermagoras ausi sen Fortunez, En cui ses oratoires honor estoit fundez, Aparurent a lui et portint granz clartez, Qui tel chose li distrent, con ja dire m’orrez : LXVII « Graces, beneïçon de Dé omnipotent Aies tu, quar tu siers si entendüement Ci en nostre memoire qui somes en present ; Guiardon en avras ; n’atendras pas grantment. » LXVIII Il avoit un serjant que Odon apeloit, Qui tant estoit cassez de fevre qu’il avoit ; Tant asprement lo jor et la nuit lou tenoit , A par po que li arme dou cors ne li partoit.
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LXIX Que il priast por lui sein Tibaut mout prïet. Por lui premerement a proier refuset. Al, simples con columbe, gaires ne demoret ; Tot en ceste meniere a Odon respondet :
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LXX « Je redote d’aler contre la volenté De Dé par cui guinier tu as l’enfermeté. Je sa ce, que la fevre t’ait forment tormenté ; Tost t’avra Des donee, quant lui plaira, santé. » LXXI Quant vit son bon serjant qui dou tot enpiroit, Qui par la maladie de la mort pres estoit, Dolanz de sa presence si issi lou perdoit, Lors dist : « Tost a l’iglise maintenant portés soit. » LXXII Sein Tibauz, lui present, la messe celebret Et en ses oroisons dou vaslet li membret. Jhesus par sa prïere sanité li donet Itel que senz aïe de ses piés s’en tornet. LXXIII Li peres et li mere qui oient la renomee De lor beneoit filz bruiant par la contree, Cele part sont venu endui a grant jornee. Quant son fil vit la mere, sachoiz, mout par fu lee, Que ele cuidoit avoir perdu senz recovree. Bien puet savoir qui a en Jhesu Crist pensee Que ne fu pas senz larmes cele doce asamblee. LXXIV Entre sospirs et plors en pansee estoit La mere de deus choses la quel ele faroit : Son païs, son mari, ses enfanz ne voloit Guerpir, ni son chier fil delaissier ne pooit.
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LXXV L’amors do fil, mas cele de Jhesu Crist, venquit ; Por l’amor de son fil tot le monde guerpit ; Toz les liains qui loient dessiret et rumpit ; A Dé s’aer, cui ele aviau son fil servit. Ale ne fu pas fole ; au choisir lo miaus prist.
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LXXVI Mout fu sa remenance sein Tibaut granz confors, Mout en fu plus a aise et de cuer et de cors. Si com dit Salemonz, mout par est amors fors, I n’est riens qui s’i preigne fors solement li mors. LXXVII Par l’amor do fil veint a la Dé charité ; Ale qui avoit aü a toz jors largité, D’aleus et de richeces, et de toz biens planté, Se tient or a païe de grant estreceté ; Hiqui remest li dame a grant humilité Por servir lo grant roi qui maint en trinité. LXXVIII I nen est honz, ce croi, qui reconter poïst Tant docement li fiz a la mere obeïst ; Ni par froit ni par chaut que il onques feïst Ne trovet en lui faute de rien qu’ale vossist. LXXIX Deus anz avoit esté ciz seinz bien aorez Devant que il fenisse, ce est la veritez, Que de nigun diable n’avoit esté tentez, Ni de pollution charnel contaminez ; Ce dit il a ses freres, issi co vos oiez. LXXX La dolor, lo mesaise que il adon soffroit, Les plaies dun ses cors anvironez estoit, Nuls honz, sen mout grant panse, conter ne vos porroit. Ni pou ni prou des piés il ne se sosteroit, Ne sa main a sa boiche conduire ne pooit. Li Peres soverains, ou il son cuer avoit, Tot en ceste meniere li sires o voloit ; Par tribulations son seint cors espurjoit, Que il fust senz ruville la ou il lo metroit Amont en paradis ou il habiteroit.
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LXXXI Sus totes autres choses se doit l’on merveillier D’une rien que de lui m’orrois ici noncier : Onques tant maladie ne lo put jostisier Que il lo jeüner vossist entrelaissier. LXXXII Bien conut li seinz honz que guaires ne vivroit, A ço que maladie tant fort sus li corroit. De la grace de Deu si raümplis estoit Que il ne voloit riens fors ce que Des voloit. L’an douzein que partis de son païs estoit, Conuit bien que la force de son cors lou laissoit. L’abé qui ot non Pierres apeler conmandoit, Qui jainz sus toz les autres a lui d’amor estoit. LXXXIII Cel an estoit de lui en icel lue sacrés Li seinz ordres des moignes ou Des est tant amés. A guarder li commande, ce est la verités, Sa mere et ensamble ses fiz esperités. LXXXIV Trois jors devant sa fin et son trespassement Crosla cinc fois li terre mout merveleusement. Cil de la celle o sorent, voirs fu communement ; De çaus defors aucun, ce trovons nos lisent. LXXXV Aus ovres Jhesu Crist qui bien vodroit panser, Il ne vodroit gemais de lui son cuer oster. Ice fit la presence de celui, senz dotez, Qui regarde la terre et qui la fait trembler. LXXXVI Si con cil qui hi furent em portent garantie, Mout fu de l’arme dure et do cors la partie. A celui s’aherjoit qui por nostre pechie Ot ou costé la lance lo grant vendres fichie.
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LXXXVII Demandres que lonc tens en engoine suët, Uns serjanz de laianz, cui Jhesus aspiret, Que il se saillessant toz et totes prïet, Et il se sont issu, si con il commandet. LXXXVIII Quant furent tuit et totes de la celle sailli, Son Sauveor reçut, ce sachois vos de fi. Meintes fois commença : « Doz Des, aies merci De ton puple. » A tant a Dé l’arme rendi. Or sunt li sien em plor, triste et esbaï, Li ange, li archange aliegre et esjoï. LXXXIX Li puples nos tesmoigne, qui pres do cors estoit A l’ore que li arme do seinz Dé s’empartoit, Que tache quels que fusse lo cors n’embloïssoit, Mas comme s’il fust vis, ses vis resplendissoit. Nus honz signe mortel ou vis n’apercevoit. Li jors einz la calande de juillet lors estoit, Li quarte inditions, qui bien s’en aperçoit, Et adonques Henris, li fiz Henri, regnoit, Qui la grant seignorie do roiaume tenoit. XC Quant les genz de Vincence oient son finement, Cele part sont venu, ce fu astivement, Clerc, chivalier, borjois et fammes et enfant, Armé et desarmé, veil et jovre aussement. XCI N’i sont pas de Vincence tant solement venu ; Cil des veisins chataus hi vont, grant et menu. Tuit vinent au seint cors, et jene et chanu ; Por entrer en la celle ont lou mur corrumpu.
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XCII Li autres qui remés a Vincence estoient, Fammes, villes, enfant, qui aler ne pooient, Cele part vers lou cors, Dé proiant, s’apruchoient ; Deus liues fors la vile a l’encontre venoient.
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XCIII De l’aler vers lou cors tant forment se haterent Que ces qui lou portoient a Cor Chimin troverent Ou il se reposoient, et il se reposerent Et a grant reverence en aprés l’emporterent. XCIV De lui porter estoit chacuns amenevis ; A grant gent, a grant joie fu li cors sevelis. Lou tiers jor de juillet fuit il en terre mis Ou mostier Nostre Dame, si con je vos devis, A cui titre fu prestes ciz cors seinz Deu amis. XCV Quant il fu sevelis a l’onor de clergie, Plut il a Jhesu Crist, a la virge Marie, Et as seinz qui avoient esté martiriieLeücin, Carpunforte, en cui, nem dotez mie, XCVI Iglise il repose- que fust la renomee De lui adés seüe par tote la contree ; Par vertus, par miracles viaust que fust essaucee Li vie sein Tibaut et sa fins anoncee. XCVII A cinc miles d’iqui droit un chatel avoit Que li vesinetés Autevile clamoit ; Ou chatel une femme nonveianz demoroit. Par nul home mortel garison n’en trovoit. XCVIII Tant tost con de cest seint a novele seüe, D’un bastum apuiant est cele part venue ; Sus la tumbe a cest seint ou avoit s’entendue Par la grace de Deu reçuit clere veüe.
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XCIX Droit en ceste cité de Vincence avoit Ausi une autre famme qui ren nen i veoit. Ele quist consoil Deu ou ele se fioit Et au seinz, ce tantost veüe arriers reçoit.
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C Uns autre leus aprés est coneüs assez Qui est Chatiaus Drixins por son non apelez. Une famme i avoit qui i a recovrez Les iauz de quoi ses chiés estoit toz avuglez. CI Aprés cestes trois fammes i est uns clos venus ; Contraiz estoit des piés et des mains devenus. Por l’amor do seint cors hi fit Deus tels vertus Que il s’en est alez de ses piés sains et drus. CII Uns autres ausement a malaise estoit ; La vigor de ses membres do tot perdue avoit ; Ni de mains ni de piés adier ne se pooit ; Saineté sus la fosse recovre et reçoit.
CIII Li cités de Venice qui tant par est loëe A mout bien la vertu de cest seinz esprovee. Une famme i avoit qui estoit Come religiose ; preuz estoit et senee.
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CIV Après, si co soffrit li peres soverains, Aveint que soiches ot do tot les doës mains, Cele part est venue, mout estoit ses cuers vains, Sanité i recovre ; chacuns en soit certains.
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CV Bien pert que Jhesu Crist sein Tibaut mout amet ; A l’entrer a Vincence enseignes en mostret, Car por amor de lui ses miracles doblet ; A un vaslet et tose la veüe rendet ; Mil homes i avoit quant Des issi ovret. CVI A l’entree do cors, do quel Deus l’arme guist, Comença ceste antene li clergie et dist ; Devant toz ses deciples Jhesus meinz seignes fist Li quel ne sunt pas tuit en cest livre esscrist.
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CVII Veneriains uns enfes de Vile Nuve estoit ; D’un pié paralitiques et d’une main gisoit ; Tirier ni l’un ni l’autre enver soi ne pooit. Granz estoit li angoisse et li maus qu’il soffroit. CVIII L’uitave jor de Paques fu au seinz amenez, Ou li covenz des fiz estoit toz asenblez, Et de main et de pié li revient sanitez, Si que sains et alegres s’en est arriers tornez. CIX Voirs est que en Lumbardie une dame avoit Qui en son braiz un cercle de fer mout grant portoit, Non por nigun mesfait, mas quar ele voloit ; Or s’en vient au sepulcre ou cil cors seinz gisoit. CX Or oïez quel miracle Jhesu Cris par lié fit ! Li chandoile aroanz dou chandelier cheïst ; Por drecier la chandoile lo braiz li estendist Et li cercles vait freindre et do braiz loin sailist. CXI Uns qui ot non Martins et qui fu de Tors nez De lioires de fer ot les deus braiz lïez. Les lues de plusors seinz avoit environez. Enquor vivoit ciz seinz dun vos parler m’oïez.
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CXII Quant il vit que trover nul consoil ne pooit Vers nul de toz ces seinz ou il esté avoit, Au barun sein Tibaut s’en est alez tot droit En un leu solitaire ou quel il demoroit. CXIII Confession li quist et il le confesset Por quoi portoit les fers es braiz tot li contet ; En ploranz rejoït que son frere tüet ; Bien fu confés a droit ; onques rien n’i celet. CXIV Il avoit proposé qu’il alast outre mer Au sepulcre ou Deus lassa sun cors poser, Et sein Tibaut li dist que pensast de l’aler Et son cors travalasse, s’il se voloit saver.
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CXV « Va tost » dit sein Tibaut, « ne faire demorance ; Jhesu Crist te fara de l’um braiz desleiance Par adés, se tu as en lui ferme creance ; Toz jors done as siens de lors maus alijance. » CXVI A iceste parole s’en est Martins alez Au precieus sepulcre, lai ou Deu fu posez Quant fu des faus Juïs ses cors crucifïez ; Iqui li est li uns des deus braiz deslïez ; Al i fit s’oroison et puis s’en est tornez. Il en i ala tristes ; or re s’en torne liez. CXVII Mas fu mout tost changiés en tristor ses confors, Par ce qu’il oït dire que sein Tibaut fu mors ; En ploranz, en criant, al qui ot lo cuer gros Est venuz a la fosse, la ou gisoit li cors.
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CXVIII Bien fit iqui senblant que sein Tibaut amasse ; Por rien ne se tenisse que des iauz ne plorasse. « Tu me commandas, sire », fait il, « que je i alasse Outre mer et que puis enver toi retornasse. CXIX Sire, g’i ai esté et or suis revenus. Par quoi n’estes vos, sire, amis Deu, sains et drus ? Mout sui de vostre mort dolanz et irascuz ; Doz sire, fai en moi miracles et vertus ! CXX Seinz Dé, aies de moi et merci et pitié ! De cest liain de fer moi colpalble deslie ! Tun pelerin conforte, amis de Dé, et guie, Qui ai par ton conseil tante terre tracie ! » CXXI A iceste parole Des tel miracle fit Par l’amor do cors seint que li cercles rumpit De fer, et au derompre mout loin do braiz saillit, Don toz ceaus qu’i estoient, de joie raümplit.
[p. 86]
CXXII Saichois que cil meïmes ice nos recontet Cui de ces deus liains Jhesu Crist deslïet, Quant de la sainte terre d’otre mer retornet ; Por amors do cors seinz Jhesus issi ovret. CXXIII Ausi de quatre avugles trovons generalment Que il i recovrerent de lors iauz voiement ; De la cité Novaire fu li uns voirement Et li autres senz faille fu nez de Valevent. CXXIV Li tiers fu senz dotance de contré de Taurin, Li quars une pucele qui fu, ce sot l’un bin, Venue de un chatel que on apele Colmin. Cist quatre quant il vindrent ne veïnt po ni bin.
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CXXV L’enfant de Valevent viaust Des qu’il recovrasse Les iauz sus les degrez, einz qu’en l’iglise entrasse Et einz que lo sepulcre do seint cors seinz tochasse. Ci ne doit nuns doter que Des nen i ovrasse. CXXVI Li Tauriains meïmes, quant les iauz ot covrés, Tot souz et tot a pié s’en est adés alez Au sepulcre sein Marc ou il s’estoit voiez ; Issi est en s’estoire escrit, com vos oiez. CXXVII Li puples Jhesu Crist autres foiz celebroit La sainte Ascension ou mout de gent avoit , Qui de la sainte feste les vegiles gardoit. Uns enfes qui avugles amenés i estoit, Par la grace de Dé la veüe reçoit Au glorious cors seint en cui tant se fioit. CXXVIII De deus autres avugles est bien chose seüe, Que sus lo cors seinz ont recovree veüe. Qui sein Tibaut requier n’a pas poine perdue. Bien li erst au besoin dou puissant roi rendue.
[p.87]
CXXIX Ausi uns ydropiques fu iqui amenez, Cui li ventres dedenz estoit toz botanflez ; Au glorious cors seinz est gariz et senez. Sains s’en est et alegres en son païs tornez. CXXX Dui autre dunt li uns genous contrait avoit, Li autres qui de rien adier ne se pooit, De cele maladie qui tant nuit lor avoit, Garirent au seint cors et s’en alerent droit.
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CXXXI Cil qui les biens de lui toz reconter vodront, Ençois que a miracles, a paroles faudront. Se il font come saige a meins s’en passeront, Que plus croitra lor poine, co plus i entendront. CXXXII Por ce a nos paroles covient borne poser, Quar n’est honz qui peüsse, tant saiges soit, nombrer Quant avulgles, quanz foibles, quanz malades covrer Deus i fist la veüe, la force et l’aller Por l’amor sein Tibaut qui tant fait a doter, A la tumbe ou il son cors laissa poser, Ou Jhesu Crist ne fine ne jor ne nuit d’ovrer. CXXXIII A tant vuil faire fin de cest recontement ; N’est hons qui conter puisse ni nombrer solement Quant malade, quant foible, quant avugle ausement Et queint demoniaque et quant febricitant Ont trové sus la fosse de toz maus senement. CXXXIV A garant vos en trai lou fi sainte Marie Qui dedanz lui habite, que je ai grant partie Laissié de ses miracles, que diz ne vos ai mie ; Petiz rains de grant silve ai ci endroit trechie.
[p. 88]
Colophon au folio 102 : Guillermus de Oye dictus Belions, tunc temporis vicarius ecclesie beate Marie de Tremblins, scripxit et divino dictante flamine de latino in romanum transtulit, ob honorem et reverenciam beat Theobaldi, cuius precibus adeptus est sanitatem de cartana .anno. gratie. MCCLX septimo, mense julio.
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ANNEXE 3
VIE DE SAINT THIBAUT DE PROVINS Version française en vers -octosyllabes-, anonyme, du XIIIè siècle Ms. Bibliothèque nationale de France, fonds français 24870, fol. 46-52 (d’après l’édition de R. T. HILL, p. 52-63)
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INCIPIT VITA BEATI THEOBALDI Or antandez, tres douce gent, Un dit qui est et bel et gent, Et fetes feste et joie tuit De seint Thibaut, et grant deduit. Seinz Thibauz de tres bone anfance Fuit engendrez de gent de France El terrouel de Troiesins, Mes il fui norri a Provins ; Et Arnoul avoit non ses pere, Et Guieline fu sa mere, Et paranz es quens de Champaigne Et a l’avesque de Vianne Qui Thibaut estoit apelez, Avant que seinz Thibauz fut nez.
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LECTIO LIBRI SAPIENTIE Ce fuit au tans Herri li rois Qui tint le regne des François Et au tans Phelippe son filz Roi de France, ce dit l’escriz, Que li seinz vout en sa jauvrece An son cors metre grant destrece, Geüner et vestir la here, Por ce que il vout a Deu plere. Mist si an Deu tote sa cure Que de richece n’avoit cure. Cis seinz Thibauz que vos oiez Fuit chevalier por veritez, Mas pou maintin chevalerie, Car meuz amoit plus povre vie. Seinz Thibauz, li Deu chevalier, Contre Pasques vout tot laissier : Terre et paranz et maisons Et totes ses possessions. O soi menai un chevalier Qui estoit apelez Gautier, Deus escuiers ne plus ne mains ; Soi quart an ola droit a Roins Ausint com pour querre hernois
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Con chevalier de lor androis. Mes quant il furent ostelé A seint Remi an la cité, Li dui chevalier seulemant Le soir pristrent lor parlemant ; Apuis s’en vont a lor somiers Lessent harnois et escuiers, Que dou lor n’amporterent plus Feur les robes qu’orent vestus. IUSTUM DEDUXIT DOMINUS PER VIAS RECTAS ET CHRISTUS Or oiez tres bele avanture Qu’avint si con dit l’escriture, Car a l’issir de la cité Ont deus pelerins ancontré Vestuiz d’esclavigne et de here ; Et cil qui voloient bien fere Ont demandé, sanz plus atandre Lors deus esclavignes a vandre. Lor robes et lor chauceüres, Lor chemises por heres dures, Ont tot doné es pelerins Por avoir senz plus lor tapins, Et maintenant s’en sunt torné. Quant il se furent atorné, Nuz piez ont tant tenu lor herre Qu’i vindrent an tioche terre. La quistrent il dou menu pain Por Deu et au soir et au main Et si firent plusors mestiers ; Corboilons firent et paniers Pierres porter, maçons servir, Bois coper, et herbes cuilir An yver portoient charbon Quant la galee est en saison. Mes quant li seinz se porpansa Que longuemant demoroit la, A Gautier dit, son compaignon : « Frere , ci plus ne remainron, Mes a seint Jaque de Galice Alons, et laissons la malice
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De ceste terre ou sejorné Avons et yver et esté. S’i façons nos pelerinege ; S’i por façons nostre vïege. » HONESTAVIT ILLIUM IN LABORIBUS Si con je truis en la liçon, Seinz Thibauz et ses compainon, Nuz piez ,s’en vont com pelerin Droit a Seint Jaque lor chemin ; Et quant furent au retorner, Seinz Thibauz ot a l’ancontrer, En semblance d’un crestïen, Un deauble , un Egicïen, Qui estoit ou chemin couchiez Ausi con s’i fuist trabuichiez. Seinz Thibaut lou chemin venoit Qui nul garde ne s’an prenoit ; A cel deauble s’açopa, Si qu’il a terre trabucha. Onc n’an fist chiere ne samblant, Ainz se leva tout maintenant ; Et li maufez ,li anemiz, Tantost s’en est esvanaÿz, Qu’il ne parut ne ça ne la, Mas con fumee s’en ala. De ce ne fu pas grant mervoile Se cil qui tot mal aperoile Por anginier et bas et haut, Si vout decevoir seint Thibaut Quant le fil Deu nommeemant, Qui sus toz est omnipotanz, Tanta li felons Sathanas, Quant li dist qu’il descendit bas, S’il estoit fiz de Deu antier, Del pignon de ce grant mostier.
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IN FRAUDE CIRCUMVENIENTIUM Si con aloient lor chemin Seinz Thibauz et du pelerin,
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Et il urent deus jorz herré Antre aus trois lor chemin ferré, Dou jorz sanz boire et senz mangier, Ne onques n’am firent dangier. Avernes passerent tuit trois. Onc n’i maingerent nule foiz, Mas seinz Thibauz et nuit et jor Por aus prioit nostre seignour Tant com pain trova li seinz hons. Onc nou surent si compainons. Deu en loa et prist le pain. Tantost le botai an son sein Et puis dist a sa compainie : « Seignor ! ne vos esmaez mie, Mas alons a cele aigue la , Et si mainjons quant vos plera. » De ce vont antre aus consoilant, Car mont an furent mervoilant Si distrent antre aus balemant : « Que maingerons nos an presant ? Car il n’a vile ci antour, Ne cité ne chastel ne bourg Don puiseins avoir que maingier. » Et li seinz les fist arangier ; Si lor dona dou pain trové Tant qu’il furent tuit saoulé, Et s’an firent grant remenant, Qu’il donerent a povre gent, Qui garissoient de toz maus, De fi, de fievre,sain et saus. De ce randerent grant honour A Jhesu Crist, nostre seignour.
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CUSTODIVIT EUM AB INIMICIS Aprés avint , si com trevon, Que Seinz Thibaut son compainon Deproia tant qu’il li queïst Un povre clerc qui l’apreïst Des lettres tant qu’il antandist Ce que la lettre li deïst ; Et tantost il li amena
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Un mestre qui tant l’anseigna Sept seaumes et la kyrïele Qui li sembloit et bone et bele. Aprés out besoing dou sautier ; Dist a son compain , dam Gautier, Priast le metre por amour Que ves France feïst son tour, Et ou premier chatel queïst Sire Arnoul et qu’i li deïst Que un sautier a Thibaut donast Son fil ,et qu’i li anvoiast ; Li maitre, avant qu’i s’en tornast, A seint Thibaut s’en retornast. Puis li anquist et demandoit , Quel chose a son pere mandoit, Et a sa mere autresi ; Et seinz Thibauz tantost li dist : « Vez ci cest petit pain antier Que je ous por Deu a un mostier ; Ce porterez vos a mon pere, Et me salüerez ma mere. De riens plus ne puis fere don, Mas de un sautier me facent don. » ET CERTAMEN FORTE DEDIT ILLI UT VINCERET [p. 49a] Quant li maitres a Provins vint, Or oiez commant li avint ! Le pere seint Thibaut trova, Et sa mere li demanda Quel vie Thibauz demenoit Et comment il se contenoit ; Et li metres lor devisa Tote la vie qu’il mena, Et puis si lor baila le pain Que il aportoit an son sein. Le pain reçurent prestement Et loënt Deu de lor present. Quiconques de cel pain manjoit, De totes fievres garissoit. Li pere et la mere ausiment De lu veïr hurent talant .
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Dehors Treviers un orme avoit Ou seinz Thebauz sovant aloit. Un jor i trova voirement Son pere don il fut dolent ; Et por ce qu’il l’i a trové, Se tint dou tot por fol prové, Se an cele terre sejornoit ; Mas a Rome an iroit tot droit, Car il panse aler outre mer Por le sepucre viseter. Si vint an cele Lonbardie Que l’on apele Ytalie, Une contree male et dure, Car qui la va de lu n’a cure Gautiers fuit travailiez et las Qu’il ne pot fere avant un pas, Ne pout le travaul sofrir plus ; Ainz se randi et fut reclus. La morut , si com nos trovons, Vras confers an religion.
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HEC VENDITUM IUSTUM NON DERELIQUIT Quant seinz Thebauz son compainon Ot mis an la religion, Si se remist an son viage Pormi cele terre sauvaige. Un divers leu an un roichier Trova li seinz por soi couchier. Cel leu estoit mont ancïen, Car des le tans Salustïen, Qui fut ampereres de Rome ; N’i avoit abité nul home ; Et si con li seinz ce leu vit, Qui mont estoit ort et despit , For por ceu qu’i li fu avis Que mostier i avoit jadis, Ce leu divers por Deu requerre Ala li seinz es seignors querre. Mont velontiers l’ont otroié Au seint quant il les out proié. Cel leu que Seinz Thebauz trova,
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Qu’es seignors terrïens rova, Salanica estoit nommez, Et or est Gobes apelez. Tote sa vie y demora ; Deu y servi et anora ; Ne onques a droit ne a tort N’i mainja riens qui gostat mort ; Pain d’orge et egue soulemant Usa li seinz mont longuemant. Ancor an manjoit mont petit, Si com nous trovons an l’escrit ; Et quant il avoit jeüné, Si se batoit a grant planté.
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DESCENDITQUE CUM ILLO IN FOVEAM Tot yssint com je truis escrit Vos conterai je de son lit. Mervoilous est, si com me samble, Qu’il est de une huche de tramble ; Estrein ne mouse n’avoit point, Mas un tronchet trestot a point Qui au chevet estoit assis, Et por dessus un linceul mis. An s’esclavigne et an sa here Dormoit por penitance fere ; N’onques n’i dormi an gisent, Mes an son lit tot an seant. L’on ainme par tot la contree De seint Thebaut la renommee. De totes parz venëent gent Por oïr son anseignemant Et li seinz hons les aberjoit, Et de ses biens amenistroit. Un clerc qui avoit non Denis, Diacre estoit, ce m’est avis, Aveques seint Thebaut manoit. Abauivre li amenistroit Es hotes que li seinz avoit, Et de pain et de vin servoit. Le soir devant estoit baü Li vins qui an lor baril fu ;
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Si fut tot vuit , n’i avoit rien ; Li diacres le savoit bien ; Et pelerin furent venu Qui mont grant chau hurent aü. Li diacres amenistra ; Dou pain es pelerins dona, Et li seinz demanda le vin Por doner a un pelerin. Deus foiz ou trois le demanda, Et au diacre commanda, Et dist : « Denis, vin aportez ! A ces pelerins an donez ! » Li diacres ne sot que dire. Au baril vint et se le tire Tout contre amont a grant esforz. Li vins qui serondoit dehors A grant ondes,tant estoit plain Qu’il li sailoit de ci qu’o sein. Li ostes an furent mont lié Et dou miracle mervoilié, Don il randirent tuit loanges Et chanterent le chant es anges. DONEC AFFERRET ILLI SCEPTRUM REGNI Mont fu tenuz li seinz a ssaige ; Por ce fu transmis an messaige. Quant il out passé Lionel, Un chatel qui est bon et bel, Trova un gué grant et porfunt ; Demee lee avoit de lonc. Travaliez fuit, dota lou gué Qui bien deus tanz avoit de lé. Sus une charrete monta Por lou gué que forment dota. Quant l’enemiz vit bien son leu, Qui vit la charrete ou milieu Dou gué , si trait a ssoi sa peue, Si an arrecha une reue Et la charrete s’achanta, Et li guez maintenant secha. Li charretiers sa roue prist,
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Et an son leu arriere mist. Onc li seinz hons ne s’i soila, N’onques sa robe n’i moila. Un acointe avoit li seinz hon, Qui Odenin avoit a non. Tant forment estoit deshetiez, De fievre quartene antechiez, Sovant sambloit que il fust morz. Por un fi qu’il avoit ou cors Seint Thebaut sovant deprioit, Et seinz Thebauz lou refusoit, Et disoit : « amis, je sa bien Que Deux le te fet por ton bien. » Et tant out cel hons egregié, Que seinz Thibaut en out pitié. Si commanda de maintenant Que au mostier fut portez corrant, Et li seinz sa messe chanta, Et por l’anfert Deu depria, Tant qu’il s’an ala sains et saus, Ne onques puis ne santi nuns maus
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ET MANDACES OSTENDIT QUI MACULAVERUNT ILLUM A un chatel un jor avint Que ausit uns preste avugle vint, Et mont lou requist doucemant Qu’eüst aucun esligemant, Et qu’i deproiast Jhesu Crist Que la lumiere li randit. Mas li seinz dit que ne faroit, Que li tel chose ne faroit, Car c’est ovre de Jhesu Crit Et es auz seinz de paradis. Et quant li prestes antandi La raison que li seinz randi, Quant autre merci n’i trova, Au sergent seint Thebaut reva Que l’eve don li seinz lavast Ses mains, que il li aportast, Et li sergenz li aporta. Li prestes ses eulz an lava,
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Et tantot vist apertemant ; S’an loa Deu omnipotant. Uns chevaliers avoit un filz Qui tan que a mort est egrotiz Tantost lou randit li seinz hon Et sain et sauf por s’oroison. Et puis avint, si com trovons An la lettre de la liçon, Que de Rome li seinz venoit, Pere et mere lessié avoit Qui s’an vouloient retorner An France a Provins sejorner. Il lor anonça maintenant Que morz estoit un lor anfant ; An bataile a esté tüez, Quar chevaliers est esprovez. Tant an ont esté corrocié Que sept jorz ont le cors velié.
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ET DEDIT ILLI CLARITATEM ETERNAM DOMINUS DEUS NOSTER Quant seint Thebaut vint vers la fin, Et vist qu’i torna a declin, Et pain et egue tou laissa, Que onques le col n’am passa ; Et de ce fist grant atinence, Que herbes mainjoit an pacïence, Pomes et racines san plus ; De ce vesquist cinc anz et plus ; Ne onques ne s’an vout retrere, Que touz jorz ne vestit la here. Si que onze anz fut en ermitaige, Et quatre anz an pelerinaige. A la fin fut si afoibli De cors, de mambres autresi, Qu’il avint demostrance grant De son trespas trois jorz devant ; Cinc foiz se ovri la terre an haut Contre la mort de seint Thebaut, Et quant l’espoir dou cors ysi, Deux lou reçut qu’il out servi. An Junet tot le premier jor
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Fina seinz Thibaut son labour. Si deprions au finemant Sire seinz Thebauz doucemant Que il deprist lou roi celestre Qu’il nos menoit touz a sa destre Au haut regne de paradis, Ou nos soiens trestuit assis. Dites amen an cherité, Quant sarons a la fin mené. Ci faut la vie seint Thebaut . Prions li qu’i nos guarrt de maul. Amen an dites touz et tuit ! Dex nos conduie ensamble o lui
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ANNEXE 4
VITA SANCTI TETBALDI Version latine en prose, anonyme, du XIIè siècle Ms. Bibliothèque municipale d’Alençon, Codex 10, fol. 110-119r (d’après l’édition de R. T. Hill, p. 75-108)
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Prologue
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Antiquos dominos et bellicosos gentium victores, vel civitatum conditores novimus, loquacium poetarum preconniis ut ita dicam, ad sidera tolli, et longissimis annalium sive historiarium ambagibus ad memoriam presentium verbis crepitantibus audivimus frequenter vanissimo studio lectitando laudari. Quod si laudes falsorum deorum, seu suorum satellitum, tanta efficatia verborum adornantur, cur non potius ad edificationem audientium dei omnipotentis dona gratuita, quae suis fidelibus cotidie prestare non desinit, omni elegantia sermonis, prout ipse annuerit, debemus enarrare ? Verus enim propheta et salvator mundi, dum de quinque panibus et duobus piscibus quinque milia hominum saciasset, turbis querentibus se constiture regem ait : Operamini non cibum qui perit, sed qui permanet in vitam aeternam. Et post pauca : Pater, inquit, meus usque modo operatur ; qui sine testimonio bonitatis (110v) sue, nullum ordinem seculorum preterire patitur, qui ecclesie decus in patriarchis inchoat et prophetis, in apostolica firmitate solidat, in martirum victoria coronat, in confessorum mundicia decorat, in virginum floribus exornat. Vere inquam, usque modo operatur, qui aecclesiam suam in pace liliis vestit, et in bello rosis ambit. Unde ipsa sponsa dei scilicet aecclesia, amoris telo vulnerata, sanctis praedicatoribus ait : Fulcite me floribus, stipate me malis, quia amore langueo : per florem quippe tenera virtus inchoantium, per malum vero solida operatio perfectorum designatur. Aecclesia ergo fuciri se floribus postulat ; quia infirmis quibusque inchoantium virtutem praedicare imperat : stipari malis appetit ; quia perfectorum mira facta fidelibus imitanda proponit. Igitur ne studiosas audientium aures, verborum circumlocutionibus, offendamus ; simpliciter ac fideliter, prout deus concesserit, cur ista praelibavimus, apperiamus.
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annexe 4
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Sanctus Tetbaldus 30
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Igitur Tetbaldus, bone indolis vir, gente Francorum, patre Arnulfo, matre vero Guilla, oriundus territorio Senonense, castro autem Pruvino natus et (111r) educatus, flos, ut ita dicam, e spinis erupit : parentibus vero, non solum nobilibus, verum etiam clarissimis atque ditissimis enituit. Cuius nativitatem a Sancto Tetbaldo Viennensi episcopo, procul dubio veracium familiarium eius relatione, et, quod firmius est, matris eiusdem beati assertione, praenuntiatam comperimus. Is etenim praesul avunculus avie sancti Tetbaldi extitit, et ab eodem equivoci nominis vocabulum sortitus est. Qui dum aliquando colloquium haberet cum matre donne Guille, huius beati genetrice, inter cetera ait : O generosa parens, gaude et letare, quia ex te prodiet mater, que paritura est magni meriti filium ; qui omnibus nostrae affinitatis hominibus praeminebit, et ante deum et homines magnus vocabitur, et erit. Huic praesagio testimonium perhibuit quedam bone voluntatis paupercula ; que iam gravidam matrem beati viri conveniens, verbis sic solatur amicis : Gaude, domina, inquiens, que in utero gestas filium, qui apud deum praecipuum optinebit locum, et suorum erit gloria parentium. O decus, o dulcedo nectar ! Beatus Teobaldus a praesule sancto praedicitur ; a paupercula, illi evangelice vidue equiperanda, praenuntiatur : ut vera-(111v)-citer credatur illius esse membrum, qui a prophetis est vaticinatus, ab angelo adnunciatius, a milicia celestis exercitus collaudatus, a stella declaratus, a magis adoratus, brachiis senis Simeoniis bajulatus, et ab Anna vidua in templo est deus agnitus. Redeamus ad proposita, et videamus de loco, unde tantum decus manavit. Demum vero ponamus nomina regum et principum, quorum temporibus vir iste floruit ; ut et cronice scientiam posteris relinquamus, et ad laudem huius beati viri, ex quanta genealogia prodierit, et quali ambitione seculi ad voluntariam paupertatem conversus fuerit, clarius enucleare satagamus. (Lect. II) Pruvinum castrum, ubi sanctum praediximus ortum, populosus est locus, juris quondam Odonis famosi comitis Campaniensis, cuius propinquum virum beatum fuisse clarum est. Viguit autem temporibus Henrici Augusti, et Henrici regis Francorum, et filii eius Philippi. Qui ut adolescentie attigit metam, non lasciviam sectatus est mundi, sed potius quicquid praeceptorum dei auditu poterat percipere, velut apis prudentissima, in alveari memoriae studebat convehere. Movebat animum (112r) adolescentis maxime heremitarum solitudo, quorum initium extitit Helias, et Johannes Baptista et post
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eos Paulus et Antonius. Emulabatur victus eorum tenuitatem, vestium asperitatem, contemplationem angelorum et in solitudine contubernium. His igitur et hujuscemodi facibus accensus, clandestina discessione adiit quendam heremitam, nomine Burchardum, qui postea 75 effectus est monachus in monasterio sancti Petri Senonensis, quod dicitur Vivi, in quadam insula Sequanae latitantem ; cui cordis sui aperuit ardorem, non comburentem, sed illuminantem. Cum quo consilio inito, assumptoque Walterio quodam milite, ascensis uterque equis, cum singulis armigeris Remis civitatem 80 pervenerunt. Miles ergo domini Tetbaldus, relicta domo, patre, matre, fratribus, parentibus, mancipiis, amplissimisque praediis, cum omnibus seculi pompis, quasi proximo Pascha accincturus miliciae cingulum, cum iam dicto socio iter arripuit. Cumque apud Sanctorum Remigium in praedicta urbe hospitati 85 fuissent, occasione alloquendorum amicorum, armigeris atque equis hospitio relictis, pedestri itinere noctu ad anteriora temptaverunt progredi. Inventis (112v) vero duobus peregrinis, exuti suis optimis ac militaribus indumentis, illorumque induti resarcitis, ut ita dixerim, tapinis, nudis pedibus pervenerunt ad locum, qui dicitur Pitingo, in 90 Theutonicorum videlicet regno : ibique multo tempore voluntariam paupertatem pro Christi amore sustinentes, cum multo labore victus sibi queritabant. Nam sicut generaliter, non specialiter, de Joseph canitur in Psalmo, manus eorum in cophino servierunt ; usque ad vilissima ac 95 laboriosa rusticorum opera devoluti sunt : scilicet lapides ferendo, fenum e pratis secando, stabula curando, et maxime ( ut idem beatus simpliciter postera referebat ) carbones ad opera fabrilia faciendo, victum sibi cum parvo censu providebant. Tenuissimo igitur nummorum collecto questu, ad sepulchrum Sancti Jacobi in Galicia, 100 Hispaniae parte, nudis (ut jam diximus) pedibus perrexerunt. Cumque inde reverterentur, diabolus in itinere humana specie assumpta, per obliquum in via se prosternens, compulit virum dei ruere ; illo Christi nomine invocante, crucisque signo se muniente, malignus hostis velut fumus evanuit. Nec mirum, si viro dei 105 praeparavit casum, qui domino nostro Jhesu Christo ausus est suadere ruinam, dicens : Si filius dei es, mitte te deorsum. (113r) Treveris demum urbem cum collega repetens, reperto ibi patre, admodum contristatus est. Romam deinde regressus, desiderio videndi sepulchrum filli dei, Venetiam, quasi mare transiturus, 110 expetiit.
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Amabilis igitur domini Tetbaldus, hac intencione Italiae fines oberrans, tandem pervenit ad locum, cui vetustas, Salanica nomen indidit. Perlustrato vero loco, et divina, ut credimus, dispositione adamato, repperit saltum adeo spatiosum, et ruinas quasi veteris aecclesiae. Ibi post longinqui itineris fatigationem resedit, et a dominis loci, habitationis domum sibi poscens, libenter illis concedentibus, impetravit. Compacto vero parvo tugurio, confidenter ibidem habitare cepit, et angelicam vitam in terris actitare inchoavit. Primum ab omni carne et pinguedine se abstinuit ; demum vero pane ordeaceo et aqua tantumodo usus est ; ad postremum a pane et omni potu se abstinens, fructibus tantum et herbis, earumque radicibus aliquantis annis vixit, semper usus cilicio. Divina igitur dispositione actum est, ut proficientibus meritis, omnes aecclesiasticos gradus usque ad sacerdotium in Vincentina aecclesia adipisceretur, praesidente ejusdem aecclesiae cathedrae (113v) Viudikerio praesule, viro in ecclesiasticis et secularibus negotiis strenuissimo. Iam vero quis digne explicet, quas cruces corpori suo sevus persecutor induserit ? Cum cotidie crucem suam bajulabando Christum secutus fuerit, cum ex corio facto multifido flagello sepius seipsum flagellaverit ; quis digne valeat enarrare ? Quinquennio igitur, ut fideles ejus familiares contestantur, nequaquam jacendo, sed sedendo sompnum percepit ; et hoc tanta peregit cautela, ut, quasi tota nocte in sompno mansurus, diligenter pannis tegeretur ; post abscessum vero ministri sui, statim exsurgens, conticinii tempora in dei laudibus et precibus, extensis manibus continuabat ; hora vero surgendi ad matutinos hymnos, ut suos lateret, ad stratum propium regrediebatur. Illud autem stratum primo quidem quedam archa equalis superficiei extitit ; substrato quodam lineo linteolo, et capiti admoto durissimo trunco, superaddito laneo pilleo, suae peregrinationis ab aestu defensore ; demum vero, cum omnia corporis membra cilicio, ut ita fatear, armasset, supradicto lineo linteolo subposuit cilicium, et pro archa usus est quodam lato et dolatili ligno. (114r) Biennio autem expleto, ex quo vir dei jam dictum coeperat incolere locum ; socius eius Walterius, cum bona confessione naturae debitum solvit, et, ut credimus, conjunctus est numero fidelium. Beato igitur Tetbaldo non defuere temptamenta antiqui hostis, ne videretur expers illius beatitudinis, de qua Jacobus ait, apostolus : Beatus vir qui suffert temptationem, quoniam cum probatus fuerit, accipiet coronam vitae, quam repromisit deus diligentibus se. Nempe quodam nocte ipso in stratu recubante, nec tamen dormiente, malignus
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spiritus magna vi quatiens parietem, affuit ; et virum dei, ad nocturnales hymnos nominatim conpellans, surgere hortabatur. Cumque ille motus his clamoribus, quendam ex fratribus se vocantem putaret, ad cellam ejus properavit ; huncque quiescentem, obserato hostio, invenit. Diabolica igitur cognita illusione, trinitatem sanctam invocavit ; hostem muniendo se crucis signo, fugavit ; et eum, quasi rusticorum multitudinem, securibus silvam prosternentium, discedere audivit. Quodam tempore sancto legationem pacis agente, dum in plaustro sedens, apud Leonnicum castrum, flumen Novum transiret, nam prae defectione pedum non valebat longius progredi, diabolus eum (114v) in flumine conatus est praecipitare ; una enim ex rotis subito nusquam comparuit. Tamen non praevaluit inimicus, ut virum sanctum aliquatenus humectaret ; sed ita a voragine fluminis, acsi levis pluma, sine birota, inhumectatus exilivit. Hactenus in nocte laborum vel temptationum narrationis iter direximus ; nunc ad ea que plena sunt gaudiis, sicut in die honeste ambulemus, succingamur. Sepe et frequentius, ut veraces et cauti ejus familiares, Christo teste, affirmabant, visione angelica hic beatus meruit visitari ; et aliquando in specie columbe, aliquando in specie viri, et in aliis scematibus, que ipse solus noverat, supernorum spirituum affatibus dignus fuit mulceri. Quadam igitur die, dum sua commissa lugeret, et more filiae Caleph, irriguum inferius, et irriguum superius suspiraret ; vox ad eum facta est : Noli flere, dimissa sunt peccata tua. Eodem tempore sanctus Hermagoras et beatus Fortunatus, in quorum honore oratorium cellule ejus habebatur consecratum, cum magna claritate ei apparuerunt, illique dixerunt : Gratiam et benedictionem a deo consequaris, qui tam sedulo nostri memoria huic ecclesie deservis. Ea tempestate quidam ejus minister, nomine Rodo (Odo) nimia febris et fici addictus erat infirmitati, (115r) ita ut in promptu putaretur vitam exalare. Cumque sepius precaretur sanctum pro se orare, primo quidem renuit, et columbina, ut erat, simplicitate respondit : Dei voluntati contrarie timeo, cujus nutu te infirmum esse cognosco. At ubi vidit ingravescente morbo mortem imminere fideli ministro, dolens de ejus absentia, jussit eum ferri ad ecclesiam. Cumque eo praesente missarum sacramenta celebrasset misteriis Christi illum participavit. Eadem hora frater ad cellulam suis pedibus rediit, qui aliorum adminiculo ad ecclesiam fuerat delatus. Audientes igitur pater et mater inclitam famam beati filii, cum multa nobilitate ad eum venerant, ejus visione nimium gavisi sunt. O
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195 quantis lacrimis mater exuberavit, cum gauderet inventum, quem doluerat amissum : et inter lacrimosa suspiria dubitavit paenae, quid mallet ; quia et patriam cum viro et liberis nolebat deserere, nec ab invicem dilectionis filio Tetbaldo volebat separari. Tamen vicit amor filii, inmo amor Christi, amorem seculi. Nam 200 abruptis omnibus retinaculis seculi, soli Domino Deo cum filio servitura adhesit : Fortis enim est, ut ait Salomon, dilectio, dura ut mors emulatio. Per filii ergo dilectionem (115v) ad dei pervenit caritatem, et quae magnam in mundo possedebat praediorum amplitudinem, unius brevis cellulae, cum filio deo famulatura, elegit solitudinem. Cui filius 205 cum tanta humilitate obsecutus est, ut non facile queat enarrari. Ex hoc vero ejus obsequium licet argumentari ; quod nullo hiemis rigore, nulla frigoris inclementia irruente, a conspectu reficientis matris, nec ad modicum passus est abesse. Biennio ergo hic beatus ante suum transitum, ab omni 210 temptatione diaboli, ab omni pollutione carnali, suis credulis fratribus se perhibuit inmunem. Quo tempore ita vulneribus corporis undique obsitus fuit, ut aliquando neque gressum figere, neque etiam manum ad os ducere valeret. Supernus enim artifex, vas electionis sibi aptum, igne tribulationis et lima infirmitatis, voluit septuplum purgare, ut eum 215 sine rubigine in domo sua faceret beatum habitare. Illum vero magis stupendum est, quod nullo genere infirmitatis, a propositi rigore jejunii potuit flecti. Ingravescente ergo ulcerum valitudine, et scivit et praedixit, in proximo se migraturum. Cumque duodecimus volveretur annus, ex 220 quo patriam reliquerat, nam tribus annis peregri (116r) natus est, et novem in solitudine peregit, ad extrema perductus, vigore corporeo cepit omnino deficere. Accersito vero Petro abbate pre omnibus sibi familiariter in amicicia juncto, qui ei eodem anno monachicum schema sacraverat ; commendavit illi matrem, filiosque suos 225 spirituales, cum totius heremi cura. Ante tercium diem suae migrationis, quinquies gravissimus terrae motus extitit ; ex quibus quosdam quidem a foris stantes, omnes vero in cellula sancto astantes senserunt. Unde conicitur illius majestatis praesentiam affuisse, de quo dicitur : Qui respicit terram et 230 facit eam tremere. Testantur, autem qui affuerunt, dure mortis eum calicem gustasse. Nec mirum : illi enim adheserat, qui pro nobis peccatoribus, a Judeis morte turpissima condempnatus, peccata nostra ipse portavit, cujus livore sanati sumus. Cumque diu in agonia desudaret, quidam ex familiaribus, divinitus, ut credo, inspiratus, 235 quosdam e popularibus mares ac feminas astantes, blanda voce discedere suasit. Quibus recedentibus, viatico dominici corporis
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accepto, cum sepius iterasset ; Domine miserere populo tuo, fatigatum divinis officiis spiritum reddidit, suis plorantibus (116v), angelis gaudentibus. Qui autem propius sancto corpori adheserant, testantur, quod nec tenuis quidem macula illiud fuscaret, sed quodam resurrectionis decore eius vultus niteret. Migravit autem pridie Kalendas Julii, indictione quarta, regnante Henrico, filii Henrici Secundi Augusti, auxiliante domino nostro Jhesu Christo, qui in trinitate perfecta vivit et regnat. Amen. Vincentini igitur, comperto sancti obitu, una omnes ad officium funeris ruere. Clerus omnis plebs, urbana vel rustica, in unam coiere sententiam. Armati et inermes, juvenes et senes, non solum ab urbe, sed etiam a vicinis castris eruperunt ; et magna vi, solitudinem penetrantes, ab ecclesia cellule ejus beati viri glebam sustulerunt. Residui vero, qui in civitate restiterant, matronae, pueri et puelle, obviam sancto corpori processerunt, duobus ab urbe milibus, in loco qui dicitur ad Curtem Camini, ubi geruli beati corporis quieverunt. Postera autem die, secunda feria, tercio die mensis Julii, cum tripudio et magna frequentia populi reconditum est corpus sanctum in basilica sanctae Mariae semper virginis, ad cujus titulum, sacerdotii functus est officio. Per omnia benedictus deus, qui facit mirabilia solus. Post tumu-(117r)-lationem beati Tetbaldi, placuit divinae majestati, annuente beata dei genetrice Maria, cooperantibusque sanctis suis martiribus Leontio et Carpoforo, in quorum basilica idem beatus requiescit, sanctum suum mirificare virtutibus et miraculis Alta Villa dicitur castrum ab urbe Vincentia quinque distans milibus, unde quedam femina, oculorum acie dampnata, dum sancti exspetiisset tumulum, Deo favente, luminis recepit officium. In eadem civitate Vincentia, alia femina, similiter oculorum lumine privata, dum Dei misericordiam et sancti imploraret clementiam, pristinum recepit visum. Res est manifesta ; persona nota ; nomen, quia in promptu est, omisimus. Notus locus, castrum Driximum dicitur, unde alia, pari infortunio capta, adveniens ad sepulchrum sancti, similem adepta est medelam. Quidem claudus, membris et gressu contractus, civis Beneventanus, ad sepulchrum ejus convenit et clementiam Dei implorans, compagibus membrorum solidatis, incolumis exilivit. Alia persona supradicti sexus, vigore membrorum destituta, manuum atque gressuum robore erat dissoluta, quae beati Tetbaldi mausoleum frequentans, ejus interventu ad (117v) propria rediit firmato gressu. Villa dicitur Castanedrum, ubi moratur, hanc adepta medelam.
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Inclita Venetia, etiam tu experta es herilem virtutem. Nam 280 quaedam sub specie religionis, mutato habitu velata, ariditate manus fuerat debilitata. Haec tuis delata ab oris, praesentibus populorum turbis, officium manus recepit, Sancti Tetbaldi meritis. Placuit divinae majestati, interventu beati Tetbaldi geminare miraculum, cum ejusdem regni indigenam, puerum cecum, ad 285 pristinam restituit oculorum claritatem. Quod miraculum quam celebre, quam credibile constat, milia populi circumstantis, testantur ; in hoc etiam est memorabile, quod hora eadem, vespertina scilicet a clero excelsa voce haec modulabatur antiphona. Multa quidem et alia signa fecit Jhesus in conspectu 290 discipulorum suorum, que non sunt scripta in libro hoc. Ponamus aliud miraculum, quod quamvis sit ordine temporis praeposterum, tamen necessario permutatum. Puer de Villa Nova, nomine Venerius, pede et brachio paraliticus, in publico et celebri conventu fidelium, utpote octava 295 Pasche die, et praesentia sancti corporis gratulanter con-(118r)gregatorum ; dum ad ejus fuisset addductus oratorium, gressus et manus recepit usum, et multo favore suorum sospes repetiit domum. Quidam de Novaria, civitate Italie, non quidem pro aliquo reatu, sed sponte in brachio gestans circulum ferreum, pervenit ad 300 sancti sepulchrum ; cumque ibidem pervigilaret, et ad candelam, que casu a candelabro ceciderat, erigendam, vinctum brachium extendisset ; circulus ferreus confractus est ; magnoque tumultu crepitans, longius a brachio dissilivit. Alter Turonensis, nomine Martinus, utroque brachio ferreis 305 manicis astrictus, post multorum sanctorum locorum circumitiones, adhuc sancto superstite, ad solitudinis locum, quo beatus idem morabatur, advenit ; eumque penae suae et reatus conscium reddidit, et fratricidam se esse lacrimabiliter manifestavit. Cui sanctus propositum iter ad sepulchrum Salvatoris peragere suasit, eique prophetica voce 310 disssolutionem unius brachii praedixit. Perrexit ergo, et juxta viri dei verbum, apud dominicum sepulchrum unius brachii gravisus est dissolutione. Reversus autem ab Jherosolimitano itinere, beato jam ab hoc seculo translato, cum magnis lacrimosisque querimoniis ejus expetens sarcophagum, his verbis (118v) ipsum cepit increpitare : Tu, 315 inquiens, jussisti me ire et reverti ; ecce veni, et te superstitem non inveni. Miserere mei, Sancte Dei, miserere infelicitatis meae : solve reum, consolare peregrinum, qui tuo jussu tantum peragravi terrarum spatium. Illo ista prosequente, et alia multa, repente circulus ferreus, a brachio cum magno tinnitu longe exiliens crepuit, astantesque magno
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320 gaudio replevit. Haec ergo que retulimus ab ore ipsius, de quo res agitur, didicimus. Quaternorum cecorum generaliter exequimur illuminationem : quorum unus senex, a jam dicta civitate Novaria, alius a Lavanno puer, tertius a Taurinensi comitatu, quartaque et puella a Colinia 325 castro, noscuntur advenisse. Sed puer in gradibus ecclesiae, antequam Sancti contingeret sepulchrum, inluminari meruit ; Taurinensis vero, dum alterius existeret pedissequa, solus et pedester post illuminationem, ad sepulchrum Sancti Marci, ut proposuerat, constanter arripuit deambulationem. 330 Nuper quoque, fidelibus populis celebrantibus festum dominicae Ascensionis, multa populorum astante frequentia, et vigiliarum excubias observante, Forisjuliensis puer cecus, ad beati Tetbaldi mausoleum, oculorum (119r) recepit officium. Gemini praeterea ceci, unus de Manzulino, alter de Paucinigo, 335 caligine tetrae cecitatis absentes, lucidum beati viri implorarent suffragium, optatum meruerunt recipere visum. Quidam ydropicus, ab Axano adveniens ad ejusdem beati urnam, deformi ventris tumore sedato, incolumis sese retulit nativo solo. Duo debiles, unus adtractus genu, alter privatus gressu : primus 340 de castello Cuco, sequens de Orilano, vehiculo usu alieno ; post diuturnam membrorum dissolutionem, ad sepulchrum ipsius receperunt officii corporei firmitatem. Si voluerimus cuncta percurrere, verba antequam miracula 345 deficient ; ponamus metam locutionis, quia non est possibile singillatim enumerare, quot ceci, quot debiles, vel egroti, seu variis passionibus addicti, quot nergumeni, ad ejus tumulum sint sospitatem adepti. Testem invoco habitatorem ejus spiritum sanctum me multa cognita praeterisse et de magna silva vix paucos ramos prestrinxisse. 350 Finit Vita
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BIBLIOGRAPHIE I / TEXTES a) la version latine : Pierre de Vangadice, Vita sancti Tetbaldi, Confessoris et Eremita, éd. Raymond Thompson Hill, Two old French poems on Saint Thibaut, edited with Introduction, Notes and glossary, Yale Romanic Studies, New Haven, London, 1936, p. 75-108. (d’après le manuscrit Alençon, Bibliothèque municipale, Cod. 10, fol. 110-119r, XIIè s.). Voir aussi éd. des Bollandistes dans les Acta Sanctorum, publication de la Société des Bollandistes, Anvers, 1709, t. V, juni, p. 588606. b) les trois versions françaises médiévales : Guillaume d’Oye, Vie de saint Thibaut de Provins (en alexandrins), éd. Hill, op. cit., p. 75-108. Voir aussi éd. Helen Eastman Manning, La Vie de Saint Thibaut, an old French poem of the thirteenth century, Publications of the Institute of French Studies, New York, 1929, p. 47-94. (d’après le manuscrit Paris, Bibliothèque nationale de France, fonds fr. 24870, fol. 68-88, XIIIè s.) Anonyme, Vie de saint Thibaut (en octosyllabes), éd. Hill, op. cit., p. 52-63. Voir aussi éd. Manning, op. cit., p. 123-134. (d’après le manuscrit Paris, Bibliothèque nationale de France, fonds fr. 24870, fol. 46a-52b, XIIIè s.) Anonyme, Vie de Saint Thibaut (en prose), version inédite - Ms. Epinal, Bibliothèque municipale, 9, fol. 53d-55a. - Ms. Lille, Bibliothèque municipale, 451, fol.125-128r. - Ms. Londres, British Library, Add. 15231, fol. 89v-90. - Ms. Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3684, fol. 70b-71c. - Ms. Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3706, fol. 132-141r. - Ms. Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, 587, fol. 82c-83d. - Ms. Paris, Bibliothèque Mazarine, fr. 1716, fol. 255d-258a. - Ms. Paris, BNF, fr. 413, fol. 201c-203c. - Ms. Paris, BNF, fr. 988, fol. 111b-114a. - Ms. Paris, BNF, fr. 17229, fol. 230d-233b. - Ms. Paris, BNF, fr. 23117, fol. 262-264. - Ms. Paris, BNF, n. a. fr. 23686, fol. 144d-146c.
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- Ms. Paris, BNF, fr. 25547, fol. 151-155. - Ms. Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Pal. lat. 1959, fol. 126-129r. c) réécritures modernes : Anonyme, La Chapelle de Saint Thibaut, vie de saint Thibaut, Paris, 1852. Anonyme, Vie de Saint Thibaud de Champagne, suivie d’une notice sur la confrérie érigée en son honneur en l’église de Prauthoy, Langres, 1875. ALLOU Auguste, Vie de Saint Thibaut, prêtre et ermite, patron de la Ville de Provins, Meaux, 1873. BERTHOLET Jean, Histoire ecclésiastique et civile du Duché de Luxembourg et du Comté de Chiny, t. 3, Luxemburg, 1742, p. 140-153. CALOGERA Angelo, Compendio della vita di s. Teobaldo, monaco ed eremita Camaldolese, protettore della badia di Polesine, Venezia, 1762. COLLINA Bonifazio, Vita de s. Teobaldo, monaco ed eremita Camaldolese, Bologna, 1752. COSTADONI Anselmo, Raguaglio divoto della vita di s. Teobaldo, monaco Camaldolese, Venezia, 1779. GILLET Pierre, Autour de trois saints de l’histoire et de la légende d’Epernay, par L’Abbé P. Gillet, curé de Notre-Dame d’Epernay, Cahiers Sparnaciens n° 3, Epernay, 1966, p. 27-33. (Monographie) JAMOTTE Charles, Le Montaigu de Saint Thiebault, ermite, prêtre et religieux de l’ordre de Camaldule, Liège, 1669. LEGRAND Etienne, La vie de Saint Thibaud, prêtre et confesseur, hermite de l’ordre de Camaldoli, Autun, 1664. LE PELLETIER F., Vie de Saint Thibaut, ermite, Simart, Paris, 1729. LOUGNON J., De Saint Thibault de Provins à Saint Thibaud de Commentry, in Bulletin de la Société d’Emulation du Bourbonnais, n° 65 (1990), p. 194-204. MATTIA B.C.G. de, Vita di s. Teobaldo… scritta da un suo contemporaneo… estretta da un Cod. Ms. e tradotta in indioma ital., Napoli, 1820. MISTRORIGO A., Vita di S. Teobaldo, Venezia, 1950. PORRA C., Vita di S. Teobaldo, Vicenza, 1926. PORTESANI Gio. Paolo, Vita di s. Teobaldo, confessore e monaco Camaldolese, Cremona, 1662. RAYER Jean-Baptiste, Vie de Saint Thibaud, confesseur, patron de la ville de Provins. Avec la généalogie des comtes de Brie et de Champagne, par Jean Rayer, Provins, 1679. SALLENGRE Albert-Henri de, Vie de Saint Thibaut, hermite, in Mémoires de Littérature et d’Histoire, t. 7, 1729, p. 453-478. SOFFIANTINI B., Vita di S. Teobaldo, Vicenza, 1933. VAN AUTENBOER E., De Sint-TheobaldusKapel, in Taxandria, N. R. 61 (1989), p. 343-362.
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TABLE DES MATIERES Avant-propos............................................................................................
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Introduction.............................................................................................
11
1/ La légende de saint Thibaut de Provins.......................................... a) présentation des versions connues : auteurs et datations............ b) autour du personnage de saint Thibaut.......................................
11 11 12
2/ Tradition manuscrite....................................................................... a) les sources latines........................................................................ b) les manuscrits en langue vernaculaire........................................ c) la postérité de la version française en prose...............................
17 18 20 35
3/ Etablissement du texte.................................................................... a) le choix du manuscrit de base..................................................... b) la mise en forme du texte, et l’apparat critique........................... c) les principes d’édition..................................................................
36 36 39 42
4/ Eléments d’analyse linguistique...................................................... a) formes graphiques et phonétiques............................................... b) formes grammaticales.................................................................
49 50 51
5/ Tableau synoptique de l’analyse comparée du récit........................
53
Texte.........................................................................................................
57
Traduction................................................................................................
69
Index des noms propres...........................................................................
83
Glossaire..................................................................................................
87
Annexes...................................................................................................
97
1/ Vie de saint Thibaut de Provins : version en prose.........................
97
2/ Vie de saint Thibaut de Provins : version en alexandrins..............
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vie de saint thibaut de provins
3/ Vie de saint Thibaut de Provins : version en octosyllabes..............
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4/ Vita sancti Tetbaldi : version latine.................................................
141
Bibliographie...........................................................................................
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Table des matières....................................................................................
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