Tableaux pour le Trianon de marbre 1688–1714 [Reprint 2023 ed.] 9783112695845, 9783112695838


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French Pages 231 [232] Year 1968

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Table of contents :
Avant-propos
Introduction
Première partie : LA DÉCORATION PEINTE DE TRIANON
I. Méthode historique et histoire de la décoration
II. Choix des peintres et choix des sujets
III. Étude stylistique
Notes
Deuxième partie : CATALOGUE
I. Tableaux mythologiques
II. Tableaux religieux
III. Paysages
IV. Tableaux de fleurs
Récapitulation topographique
Conclusion
Appendice : l'inventaire Paillet de 1695
Bibliographie
Illustrations
Table des illustrations
Table des matières
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Tableaux pour le Trianon de marbre 1688–1714 [Reprint 2023 ed.]
 9783112695845, 9783112695838

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Tableaux pour le Trianon de marbre 1688-1714

Ouvrage publié sous les auspices de l'École Pratique des Hautes Études

ANTOINE SCHNAPPER

Tableaux pour le Trianon de marbre 1688-1714

PARIS

MOUTON MCMLXVII

LA HAYE

Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique

©

1 9 6 7 , MOUTON &

P R I N T E D IN

FRANCE

É C O L E P R A T I Q U E DES HAUTES ÉTUDES

Avant-propos

Par une coïncidence qui s'est révélée heureuse, les recherches qui ont abouti à l'étude que je présente aujourd'hui ont été menées au moment où le Grand Trianon faisait l'objet d'importants travaux de restauration et d'aménagement. S'il m'a été moins facile de voir les tableaux qu'on avait décrochés en vue de ces travaux, en revanche ce remue-ménage a permis une refonte sérieuse de la décoration peinte de Trianon qui prolonge l'œuvre de réorganisation déjà amorcée par Pierre de Nolhac, Gaston Brière et Charles Mauricheau-Beaupré. Le but idéal aurait été de reconstituer la décoration telle qu'elle était à l'époque de Louis X I V , mais il était impossible à atteindre parce que la disposition intérieure du palais n'est plus exactement ce qu'elle était et parce que certains tableaux ont disparu. Il n'en était pas moins possible de reconstituer sinon le décor exact, du moins un vaste ensemble de tableaux peints spécialement pour le Trianon de marbre à l'époque de Louis X I V et même de rassembler pour certaines pièces la totalité des tableaux jusque-là partagés entre différents musées, parfois sous des attributions erronées. M . Van der Kemp, conservateur en chef du château de Versailles, a adopté d'emblée cette suggestion et s'est attaché avec beaucoup d'enthousiasme à sa réalisation. Je tiens à lui renouveler ici mes remerciements, ainsi qu'à Mme Auzas, qui a été chargée de la réinstallation. Leur activité a permis de faire revenir de Paris ou de la province une trentaine de tableaux, de les restaurer en même temps que ceux qui étaient conservés à Trianon ou à Versailles et finalement d'offrir au public un ensemble oublié de peintures mythologiques de la fin du 17 e siècle, peu différent de celui qui était en place vers 1700. M a gratitude particulière va à Mlle A. Randon de Grolier qui a facilité le

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début de mes recherches à Versailles avec une patience souriante. J e suis également très reconnaissant envers le Service d'études et de documentation des peintures du Louvre, que dirige Mme S. Béguin et où j'ai toujours trouvé non seulement des renseignements précieux mais aussi un accueil amical. J e remercie Mlle Germaine Barnaud de l'amabilité avec laquelle elle s'est intéressée à mes recherches et m'a permis de retrouver deux tableaux dont j'avais perdu la piste dans les dépôts en province. J e ne saurais trop marquer ma gratitude envers Pierre Rosenberg, assistant au département des peintures du musée de Louvre, dont l'intérêt amical et constant pour mes recherches aura été un précieux stimulant. C'est grâce à la compréhension de la V I e section de l'École Pratique des Hautes Études, de M. Chiva et tout particulièrement de M . Heller, que cette étude est publiée. J'exprime enfin ma vive reconnaissance à M . Pierre Francastel, directeur d'études, qui a bien voulu accepter de diriger cette thèse de I I I e cycle, assez éloignée du type de travaux qu'il préconise et à M. André Chastel, professeur à la Sorbonne, dont l'appui généreux et les conseils soutiennent depuis des années mon travail. Le plan de cette étude et différents passages ont été modifiés sur ses conseils après la soutenance. Paris, juillet 1965.

Introduction

Dans l'histoire des grandes décorations peintes à Versailles, les dernières années du 17 e siècle marquent une pause. Après l'appartement des Bains, les Grands Appartements, l'escalier des Ambassadeurs, la Petite Galerie, la Galerie des Glaces et avant la décoration de la nouvelle Chapelle, vient l'heure de la peinture de chevalet, l'heure des petits châteaux de plaisance comme Trianon, Marly, la Ménagerie, Meudon. Certes il ne faut pas trop durcir l'opposition entre les périodes : la peinture de chevalet n'a jamais été absente des dessus de porte ou de cheminée à Versailles (en premier lieu, des tableaux de fleurs), inversement les grands tableaux de bataille de l'atelier V a n der Meulen ou de Joseph Parrocel sont proches de la grande décoration. Toutefois il est vrai que les peintres de Versailles, jusque-là engagés dans des entreprises communes, généralement marquées de l'emprise de Le Brun, vont pouvoir montrer leur tempérament personnel dans des toiles de dimensions normales. Les raisons de ce changement sont difficiles à préciser, probablement variées. Faut-il tenir compte de la lassitude du roi qui préfère décidément aux grandeurs versaillaises le charme des petits châteaux? Faut-il penser à une évolution du goût qui s'écarterait des grandes entreprises décoratives, présageant ainsi ce qui se passera à Paris dans le courant du 18e siècle? Le manque d'argent a-t-il joué un rôle ? Aucune de ces raisons n'est convaincante : le roi ne cesse pas de s'intéresser à Versailles, les grandes décorations ne sont pas rares à Paris vers la même époque, enfin on trouve assez d'argent pour la décoration de l'église des Invalides puis de la Chapelle de Versailles (au reste, la peinture n'est pas un décor cher), mais peut-être y a-t-il une trace de vrai dans chacune d'elles. L'étude de ces tableaux de chevalet devrait permettre un sérieux progrès de notre connaissance

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de la fin du siècle. En effet, pour qui veut chercher à connaître la peinture d'une époque où la presque totalité de l'activité se concentre à Paris et à Versailles, l'étude de la collection et des entreprises royales reste indispensable. Les tableaux du roi ont été beaucoup moins atteints par le bouleversement révolutionnaire que les collections des églises parisiennes, qui auraient fourni une autre source, précieuse, d'informations. Nous avons la chance que les commandes de Trianon aient été assez copieuses pour que certains peintres soient représentés, non par un ou deux tableaux, mais par de véritables séries. Ainsi, on pouvait espérer, en entreprenant un travail comme le mien, faire connaître des groupes de tableaux dus aux différents peintres en renom à la fin du siècle et dont la date serait exactement connue grâce à la conscience des bureaucrates de Louis X I V , qui nous ont laissé des comptes et des inventaires précis. La publication de ces groupes permettrait des confrontations avec d'autres tableaux, de façon à vérifier, à préciser, souvent à changer l'attribution des œuvres assez nombreuses de cette époque qui sont conservées. L'utilité lointaine de cette étude étant, espérons-le, de substituer aux préjugés sur l'époque envisagée des jugements fondés sur une connaissance réelle des tableaux, classés et datés. C'est à Trianon et là seulement que l'on peut apprendre à connaître les élèves les plus proches de Le Brun comme Houasse et Verdier qui, avant d'être condamnés pour archaïsme, manque de personnalité et de couleur, avaient eu la chance de se voir commander de larges séries de tableaux, dont la plupart ont pu être retrouvés et replacés à Trianon. Le fondateur de la lignée des Coypel, Noël, a également peint pour Trianon un grand nombre de tableaux, qui permettent de connaître les manières tardives de cet artiste. De même, nous conservons une série de tableaux dus aux frères Boullogne qui donnent l'occasion de distinguer l'art des deux hommes et de mieux marquer leur place dans l'histoire de la peinture française. Si l'on ajoute les toiles de Michel Corneille II, dont l'art était bien peu connu, les mythologies de Jouvenet, les œuvres isolées de certains peintres jamais étudiés comme Bertin ou Marot, on mesurera l'intérêt d'un champ d'étude qui recouvre vingt années parmi les plus mal connues de toute l'histoire de la peinture française. Depuis les importantes recherches menées par Pierre Marcel (i) nos connaissances n'ont progressé que bien lentement. Sans même parler des disciples de Le Brun qui maintiennent encore vers 1700 la tradition classique et qui sont parfaitement dédaignés, Coypel reste un nom trop commode sous lequel on range pêle-mêle une part importante des tableaux qui nous restent de l'époque 1690-1720. Les Boullogne n'ont pas été l'objet d'une étude sérieuse depuis le travail utile mais peu critique de Caix de SaintAymour (2). Rien d'important n'a été publié depuis un siècle sur Jouvenet (3), la seule et heureuse exception est La Fosse qui vient d'être l'objet d'attentives

Introduction

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recherches de la part de Mlle Margret Stuffmann (4). Considérée un peu sommairement comme une transition entre les deux âges d'or de Poussin et de Boucher, du Classicisme et du Rococo, cette période des dernières années du 17 e et du début du 18 e siècle ne se rachèterait sur sa fin que grâce au grand nom de Watteau. Mais notre époque est celle de la curiosité et des réhabilitations. Depuis quelques décennies, les contemporains de Poussin sortent de l'ombre, Le Brun lui-même, qui n'est plus seulement le grand contremaître des travaux de Versailles, se voit honoré dans une grande exposition. L'exemple de l'Italie est à cet égard fort encourageant. Le travail assidu des historiens d'art a remis en honneur des personnalités oubliées mais aussi séduisantes que celle des Mastelletta, Maffei, Bazzani ou que celle des peintres émiliens de la fin du 17 e siècle. L a France ne peut certes rivaliser avec l'Italie qui, grâce à l'activité permanente de ses nombreux centres artistiques, reste encore hors de pair à la fin du 1 7 e siècle. Toutefois il est permis de penser que dans la génération qui suit celle de Le Brun, on peut encore trouver en France des peintres ou des œuvres susceptibles de nous intéresser, voire de nous plaire... C'est avec cet espoir de redécouvrir des peintres méconnus que j'ai entrepris un travail, qui est consacré non pas à Trianon mais à un ensemble de tableaux peints pour Trianon. L'étude du palais pour lequel ils ont été peints ne m'a retenu que dans la mesure où elle permettait de serrer la datation des oeuvres et d'expliquer certains aspects de leur iconographie. Ne me dissimulant pas que ce petit château de plaisance est un cas particulier, j e me suis délibérément refusé à tirer de cette recherche précise des conclusions générales sur le goût royal à la fin du 17 e siècle et je me suis limité au goût à Trianon.

Cette étude est consacrée à l'une des dernières et des plus importantes commandes de tableaux de chevalet qui ait été faite par Louis X I V . Son importance est d'abord quantitative, puisqu'entre 1688 et la mort du roi tout près de cent soixante tableaux sont peints spécialement pour le Trianon de marbre. L a commande de Marly, en gros contemporaine, est d'une importance à peu près égale par le nombre de tableaux, mais Trianon l'emporte de loin en intérêt par la proportion des toiles mythologiques (la moitié). Certes nous ne croyons plus aujourd'hui à la hiérarchie des genres mais il ne faut pas oublier que cette notion a dominé l'histoire de la peinture ancienne, tout particulièrement en France. L a préférence accordée par Diderot à Joseph Vernet, peintre d'histoire, au détriment de Claude Lorrain, paysagiste, n'aurait sans doute pas choqué Félibien. Celui-ci avait en effet, vingt ans seulement avant

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l'époque qui nous occupe, formulé avec une autorité inégalée cette doctrine des genres (5). Selon lui, pour atteindre « la haute perfection de l'Art », « il faut traiter l'histoire et la fable»; au sommet d'une échelle dont le niveau le plus bas est la nature morte, on trouve la composition allégorique qui exige du peintre l'art de « sçavoir couvrir sous le voile de la fable les vertus des grands hommes et les mystères les plus relevez ». Il est certain qu'à Trianon, les mythologies, qui ne sont pas peintes en série par des spécialistes, à la différence des vues du parc et des fleurs, ont beaucoup plus nettement le caractère individuel et unique de l'œuvre d'art; partant, il est aisé de reconnaître chez leurs auteurs un style personnel. Si les vues topographiques et les fleurs sont d'un grand intérêt dans l'histoire des genres, les tableaux mythologiques ou religieux (ceux-ci en petit nombre à Trianon) ont leur importance pour l'histoire de la peinture française. Cela m'amène à évoquer rapidement le problème des rapports entre la peinture et la décoration. Tous les tableaux de Trianon font partie intégrante du décor mural et la fonction décorative des fleurs ou des paysages est particulièrement évidente. L'ensemble des tableaux sont encastrés, souvent fort haut, dans les boiseries, selon deux types d'emplacement privilégiés : dessus de cheminée et trumeau en vis-à-vis d'une part, dessus de porte d'autre part. Les peintres doivent donc adapter la forme et les dimensions de leurs tableaux aux dispositions de la boiserie. Quand ces dispositions changent, on change aussi les tableaux, nous verrons ainsi que les travaux de 1700-02, 1706 et 1713 entraînent l'exécution de nouveaux tableaux. Dans cette période les tableaux ovales deviennent très nombreux à cause de l'assouplissement du style des panneaux boisés, jusque-là quadrangulaires. Je me suis donc référé sans cesse à l'histoire des aménagements intérieurs de Trianon qui seuls permettent de comprendre l'évolution du décor peint avec ses retraits de tableaux et ses commandes successives. Partie intégrante d'un décor complexe, la peinture n'en est sans doute pas l'élément le plus coûteux. Il est impossible d'évaluer le prix de revient exact des quelque cent soixante tableaux peints pour Trianon : les Comptes des Bâtiments du Roi ne sont pas assez complets et surtout pas assez précis. Il est fréquent de rencontrer des paiements qui concernent plusieurs travaux différents du même artiste sans qu'il soit possible de calculer avec précision la part de Trianon. En outre, plusieurs des peintres employés touchent une pension qui peut atteindre 3 000 livres par an et il semble bien, par l'exemple de Verdier, qu'on réduise alors les sommes versées en paiement de chaque tableau. Pour connaître le prix véritable, il faudrait donc majorer sensiblement le total des sommes versées aux peintres de Trianon et qui ne s'élève selon les Comptes des Bâtiments du Roi qu'à environ 60 000 livres. Cette somme nous paraît très faible si on la compare au prix des tissus brochés d'or et d'argent employés dans l'ameublement (6) ou

Introduction

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à celui des miroirs (7). Cette disproportion n'est d'ailleurs pas propre à Trianon et ne doit pas nous entraîner à méconnaître l'importance de la peinture en l'étudiant comme une simple décoration au même titre que les tissus ou les miroirs. Même les vues et les fleurs, d'ailleurs d'une très belle qualité, sont des œuvres d'art considérées comme telles dès l'époque de Louis X I V où Paillet et Bailly les cataloguent soigneusement en indiquant leurs auteurs. O n trouvait pourtant à la même époque au Garde-meubles une foule de tableaux décoratifs, souvent anonymes. Nous sommes ici du côté de l'art, à la limite imprécise qui le sépare de l'artisanat. Des hommes comme Speyman, comme Damoiselet (qui travaillent surtout à Marly) sont à la fois des artistes qui peignent des paysages ou des figures et des peintres en bâtiment qui blanchissent des boiseries. Je crois également qu'il serait imprudent de chercher, comme on l'a fait récemment pour un tableau de La Fosse (8) des corrélations entre le style des tableaux et celui des boiseries. Il est déjà fort important que les peintres doivent se plier à un format imposé : nous verrons par l'exemple des vues de Cotelle les curieux résultats que cette nécessité peut amener.

Première partie

LA DÉCORATION PEINTE DE TRIANON

I.

MÉTHODE HISTORIQUE ET HISTORIQUE DE LA DÉCORATION

Sources et méthode

Pour la connaissance de Versailles, des commandes et des collections royales, l'historien dispose du trésor depuis longtemps exploré mais non épuisé, de la série O 1 des Archives nationales (papiers des Bâtiments du Roi). Que ces documents soient publiés ou non, ils sont naturellement la base d'une étude comme la mienne. Les guides de Versailles, publiés par Piganiol de la Force à partir de 1701 complètent les documents d'archives. En revanche, on trouve peu de secours chez les écrivains ou mémorialistes de l'époque : le décor de Trianon est trop peu spectaculaire, les peintres employés trop peu connus (ni Le Brun, ni Mignard ne sont là et Jouvenet, La Fosse ni Antoine Coypel n'ont atteint la même réputation) pour qu'on puisse trouver dans les textes littéraires autre chose que des allusions fugitives, non pas même aux tableaux qui nous intéressent, mais au décor d'ensemble de Trianon et à la vie que la Cour y mène (1). De même, les peintres de Trianon n'ont guère retenu l'attention des auteurs modernes. Depuis un siècle, Versailles a suscité bien des travaux historiques, souvent admirables, mais qui ont négligé les peintures. Le grand article publié en 1938 par Fiske Kimball, qui précise définitivement l'histoire du décor intérieur de Trianon à l'époque de Louis X I V , n'échappe pas à cette règle. Le seul auteur à s'être intéressé au sujet qui m'occupe reste Pierre Marcel. J'ai déjà fait allusion à son livre mémorable, les critiques assez nombreuses que je serai amené à faire des vues qu'il présente ne devraient pas masquer l'admiration qu'on éprouve devant ce livre pionnier. Mon travail est finalement établi grâce aux sources suivantes, que je citerai ensuite en abrégé :

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1) C . B . R . : Comptes des Bâtiments du Roi sous le règne de Louis XIV, publiés par J . Guiffrey, Paris, 1881-1901, 5 vol., t. I I I , I V et V . 2) ÉTAT GUIFFREY : État des peintres qui ont ordre de faire des tableaux pour Trianon sous Bois (2). J e publie la photocopie (fig. 1) de ce document des Archives nationales ( O 1 1 874) car l'interprétation qu'en ont donné J . Guiffrey (« Peintures commandées sous Louis X I V pour Trianon sous Bois (1689) », dans Nouvelles archives de V art français, 3 e série, t. V I I I , 1892, p. 77 sqq.) et F. Engerand (passim) n'est pas toujours satisfaisante. Ajoutons à cette photocopie le titre suivant qui figure au verso : Estât auquel sont les tableaux de Trianon sous Bois et les peintres qui les font, 13 mars 168g et au-dessous : Auquel temps ils ont été suspendus. L a date du I e r septembre 1693 inscrite en gros caractères à droite du document peut, en effet, faire illusion. En réalité la quasi totalité de notre état est rédigée dès 1689, comme le prouve la liste des paiements qui figure dans la marge de droite et qui ne tient compte d'aucun paiement postérieur au 12 mars 1689. Les C . B . R . contiennent en effet tous les paiements signalés par notre état mais en outre un certain nombre de paiements entre les dates du 13 mars 1689 et du I e r septembre 1693, pour lesquels la destination Trianon est indiquée et qui auraient figuré sur ce document s'il avait été rédigé en 1693. Ces paiements datent presque tous de mars-avril 1689 (col. 286-287) ; ils s'adressent à De Sève (300 livres) A . Coypel (300 livres) Corneille (500 livres) B. Boullogne (300 livres) Houasse (300 livres). Ce dernier recevra encore, fait rare pendant la guerre, 200 livres en février 1690 (col. 430) et 200 livres encore en juillet 1693 (col. 852) qui s'ajoutent aux 1 300 livres signalés par l'état Guiffrey (C.B.R., col. 89 [1688]). Dès lors à la date du I ER septembre 1693 (celle sans doute d'un examen de la situation) ne correspondent plus que deux modestes mentions en bas à gauche : tout livré (pour Verdier), livré 3 (pour Houasse). J e crois aussi que c'est à ce moment-là qu'on change la destination des séries restées inachevées (voir les numéros des pièces) et qu'on destine les deux Louis de Boullogne à l'escalier entre les pièces n o s 20 et 21. Enfin les mentions Venvoyer à Versailles datent de 1705 comme nous le verrons plus bas. 3) INVENTAIRE PAILLET : inventaire des tableaux de Trianon dressé par Paillet en 1695 et complété de quelques notes en 1696 et 1698. Cet inventaire connu mais inédit que j e reproduis intégralement (p. 131) est conservé dans le carton O 1 1 964. Il décrit les tableaux dans l'ordre des pièces où ils sont accrochés. J'utiliserai aussi l'inventaire général des tableaux du roi qui date de la même époque et qui est partagé entre O 1 1 964 et 1 965. 4) PIGANIOL 1701 ET 1707 : Nouvelle description des chasteaux et parcs de Versailles et de Marly..., Paris, chez Florentin Delaulne, i r e éd. 1701, 1 vol. in-12, rédigé

La décoration peinte de Trianon

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en 1700; 2 e éd. 1707; éditions successives consultées (en 2 volumes) : 1713, 1717, 1724, 1730, 1738 et 1751 (chez Poirion). L'auteur a certainement connu l'inventaire Paillet : les dimensions des tableaux qu'il indique sont en effet celles de Paillet, parfois légèrement différentes de celles de Bailly. Sa description de Trianon, si précieuse soit-elle, ne peut toutefois être suivie aveuglément. L a première édition contient deux erreurs notables : la première, simple étourderie qui sera corrigée définitivement en 1707, lui fait attribuer à Houasse les dessus de porte de Noël Coypel dans le Cabinet du Repos. L a seconde est plus importante car après avoir été corrigée dans la deuxième édition, elle reparaîtra sous une forme différente dans toutes les éditions à partir de la sixième (1730). T r o m p é peut-être par la numérotation utilisée par Paillet, Piganiol intercale (première édition) entre le Salon Rond (pièce n° 6) et la Salle de Musique (pièce n° 8) une pièce qui n'a jamais existé et dans laquelle il signale les trois tableaux de M . Corneille placés en réalité dans la Chambre des Fleurs (pièce n° 14). Il s'agissait dans la première édition d'un simple déplacement de pièce puisque Piganiol ne parlait pas de la Chambre des Fleurs mais l'erreur qui reparaît dans la sixième édition (1730) est plus grave puisque l'auteur en 1707 avait correctement rétabli une pièce supplémentaire dans l'appartement de M m e de Maintenon. Pour orner cette pièce mythique et maintenant en surnombre, Piganiol fait appel toujours à trois tableaux de M . Corneille mais dont l'un, Zéphyr et Flore, n'était plus à Trianon depuis 1701 et les deux autres (Zéphyrs) se retrouvent en fait dans le même livre de Piganiol sous le nom de Parties du jour, en dessus de porte de l'ancien appartement de M m e de Maintenon. Par une sorte de compensation, il ne mentionnera jamais l'Iris et Jupiter du même peintre, pourtant exécuté au plus tard en 1706 et vraisemblablement dès 1701. Piganiol a commis d'autres omissions : celle de l'Assomption de la Vierge de Verdier, pourtant continuellement en place dans la Chapelle, celle aussi des cinq paysages de Martin jeune et Chastelain placés en 1714 dans le Salon des Sources. Dernière inexactitude : l'énumération des vases de fleurs. A u lieu de vingt-huit tableaux, Piganiol en cite vingt-quatre en en attribuant un de trop à Monnoyer fils. Malgré ces réserves, l'ouvrage de Piganiol de la Force reste précieux, surtout dans l'édition de 1707. Il a l'avantage, par rapport à l'inventaire de Bailly, de donner la répartition des tableaux pièce par pièce. 5) BAILLY 1706 et BAILLY-ENGERAND : les inventaires de Nicolas Bailly, première rédaction de 1706 (Archives nationales O 1 1 970) et rédaction définitive de 1709-10 ( O 1 1 975). Dans la publication de celle-ci par F. Engerand (3), j ' a i relevé quelques erreurs qui concernent notamment l'emplacement de tableaux peints par M . Corneille et Fontenay. J e n'indique les dimensions données par Bailly que lorsqu'elles sont sensiblement différentes de celles de Paillet. 6) INVENTAIRE 1741 : relevé des tableaux du grand inventaire (Bailly) qui

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Tableaux pour le Trianon de marbre

se trouvaient à Trianon. Daté du 6 juillet x 741 ( O 1 1 965), ce relevé comporte deux indications au crayon qui corrigent des erreurs de Bailly. 7) INVENTAIRE VILLOT : inventaire manuscrit, dont la numérotation est toujours en usage, des peintures appartenant à la collection du Louvre, qu'elles soient ou non conservées au musée du Louvre. Rédigé autour de 1855, ce précieux instrument de travail est conservé au Service d'étude et de documentation des peintures du musée du Louvre. Il redresse la plupart des erreurs de l'inventaire M . R . (1832) et contient un assez grand nombre d'indications qui avaient échappé à F. Engerand et qui permettent d'identifier maint tableau qu'il croyait disparu. D e même j'abrège le titre de quelques travaux modernes fréquemment utilisés : P. MARCEL : Pierre MARCEL, La peinture française au début du 18e siècle, i6go1721, Paris, s.d. (1906). MAGNIEN : Maurice MAGNIEN, « L e Trianon de marbre pendant le règne de Louis X I V », dans Revue de Vhistoire de Versailles et de Seine-et-Oise, 1908, pp. 1-50. R . JOSEPHSON : R a g n a r JOSEPHSON, « L e Grand Trianon sous Louis X I V », dans Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, 1927, pp. 1-24. FISKE KIMBALL : Fiske KIMBALL, « L a t r a n s f o r m a t i o n des a p p a r t e m e n t s

de

Trianon sous Louis X I V », dans Gazette des Beaux-Arts, 6 e période, t. X I X , février 1938, pp. 87-110. SCHNAPPER 62 : Antoine SCHNAPPER, « D e Nicolas Loir à J e a n Jouvenet. Quelques traces de Poussin dans le troisième tiers du 17 e siècle », dans La Revue du Louvre et des musées de France, 1962, n° 3, pp. 115-122. SCHNAPPER 63-64 : id., « Peinture classique tardive à Trianon », dans le recueil Il mito del classicismo nel Seicento, présenté par Stefano Bottari, Casa editrice G . d'Anna, Messine-Florence 1964, pp. 211-225.

U n e fois établi la date et la localisation ancienne des tableaux, il restait à identifier le plus grand nombre possible de ceux qu'Engerand n'avait pu retrouver. Dans cette enquête, j e me suis efforcé d'utiliser les deux méthodes qui s'offrent à qui veut retrouver un tableau : recherche au moyen des documents et recherche directe parmi les tableaux conservés. Dans les deux cas l'histoire de l'art français est handicapée par l'absence de moyens de travail modernes. L e travail sur les documents, quand il s'agit de tableaux de la collection royale, puis nationale, consiste en gros à repérer des œuvres qui ont perdu leur attribution, grâce à leur sujet et, parfois, à leurs dimensions. L'absence d'un fichier iconographique, ne serait-ce que des musées français, fait ici perdre beaucoup de temps. C'est pourtant par ce moyen que j ' a i pu retrouver plusieurs tableaux de Michel Corneille,

La décoration peinte de Trianon

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de Louis de Boullogne, de Houasse avant de confirmer leur attribution en les confrontant avec le noyau d'oeuvres certaines déjà connues de ces artistes. A titre d'exemple des difficultés que l'on peut rencontrer pour identifier des tableaux qui n'ont pourtant pas quitté les collections royales puis nationales, je voudrais citer le cas des deux séries consacrées, l'une à l'histoire d'Io par Verdier (cat. I, 31-39), l'autre à Minerve par Houasse (cat. I, 40-49). Ces deux séries étaient contemporaines et les nuances de style entre les deux artistes étaient difficiles à apprécier étant donné l'état de conservation des tableaux et la hauteur à laquelle étaient placés certains d'entre eux. Houasse avait exécuté dix des treize sujets qui lui avaient été commandés, Verdier neuf tableaux, dont la liste exacte n'était pas claire à cause d'un désaccord entre les inventaires de Paillet et de Bailly. Des difficultés plus sérieuses apparaissaient au moment d'identifier avec précision les tableaux. L'inventaire Villot du Louvre reconnaissait cinq des tableaux de Verdier (n° 8 280 à 8 284) en enregistrant les dimensions modernes, souvent très différentes des mesures d'origine : un très grand nombre de tableaux ont en effet été agrandis ou sauvagement coupés quand ils n'ont pas subi les deux opérations. A ces difficultés Villot ajoutait une erreur sur les dimensions du Mercure et Argus, à la suite d'une confusion avec le même sujet peint par Houasse pour une autre pièce de Trianon (cat. I, 10). Quant aux Minerve de Houasse, Villot en catalogue neuf, ce qui, en ajoutant le tableau identifié à Tours par Boris Lossky, donnait l'agréable impression que la série était complète, malgré des dimensions parfois aberrantes. Or à y regarder de plus près, il y avait un intrus : Minerve dans V Olympe, pourtant avec les mêmes dimensions que trois Houasse véritables placés avec lui en dessus de porte à Versailles, ne pouvait s'identifier avec aucun des sujets décrits (sommairement) par les textes anciens. La clé du mystère me fut donnée par l'inventaire Napoléon (archives du Louvre) qui, vers 1 8 1 1 , cataloguait encore sous le nom de Verdier et avec les dimensions d'origine un tableau intitulé Jupiter, Minerve et Cérès (il s'agit en réalité de Jupiter commandant à Mercure d'aller délivrer Io, cette dernière n'apparaissant pas sur le tableau). J'eus d'ailleurs la chance de retrouver ensuite un dessin de Verdier qui confirmait mon travail. On arrivait ainsi à six Verdier. Deux autres étaient faciles à identifier au Musée d'Amiens où ils étaient sous leur vraie attribution, avec une simple inexactitude de titre. La situation actuelle est donc neuf Houasse identifiés sur dix et huit Verdier sur neuf. Le second moyen d'enquête, impossible à utiliser systématiquement pour une recherche sur un objet défini à l'avance, à cause de l'absence en France d'une véritable photothèque, que ne peut suppléer celle de l'Institut Courtauld, consiste à chercher le ou les tableaux manquants dans la masse des tableaux conservés. C'est par exemple en feuilletant les photographies de la Maison Bulloz que j'ai

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Tableaux pour le Trianon de marbre

pu reconnaître un tableau de Noël Coypel alors conservé dans les réserves du Musée du Mans et qui avait perdu aussi bien le nom de son véritable auteur que la désignation exacte de son sujet. De même c'est en parcourant la documentation photographique de Pierre Rosenberg que je suis tombé sur un autre tableau de cette série (cat. I, 62). Il est probable que quelques-uns des tableaux manquants se cachent encore dans les musées de province. Finalement sur les cent cinquante-neuf tableaux effectivement peints pour Trianon (4) (dont soixante-quinze mythologies) retenus dans mon catalogue, Engerand en avait identifié soixante-douze (dont trente-cinq mythologies), ce chiffre est passé aujourd'hui à cent quatorze, dont soixante-trois mythologies (5).

Historique de la décoration peinte

i)

La commande de 1688

Il faut distinguer, comme le font les textes, la décoration de Trianon proprement dit et celle de Trianon sous Bois. Pour Trianon, nous n'avons pas un document aussi commode que l'état publié par Jules Guiffrey, toutefois l'inventaire de Paillet, parfaitement explicite, permet de savoir que les projets ont été entièrement exécutés. Pour l'essentiel, cette décoration est mise en place dès 1688-89, toutefois les C . B . R . indiquent que, contrairement à ce qui se passe pour Trianon sous Bois, la guerre de la Ligue d'Augsbourg n'interrompt pas complètement le travail des paysagistes. Celui-ci, il est vrai, devait être presque achevé dès 1689; Cotelle a déjà reçu près de 10 000 livres (6) pour les vingt et un tableaux qu'il a placés dans la galerie. En compagnie de Martin, il touche encore de l'argent en 1690, 1691 et 1693 (7). J e pense que dès 1691 toutes les vues de Versailles signalées par Paillet étaient déjà en place, soit vingt-neuf tableaux dus à Cotelle, Martin et Allegrain (8). Dès 1689, vingt-six tableaux mythologiques étaient placés dans l'aile droite (pièces n o a 6 et 8 à 15 de Paillet). Les auteurs en sont Verdier, qui peint également une Assomption de la Vierge pour la Chapelle (alors dans l'aile gauche), G . Blanchard, Bon et Louis de Boullogne, Houasse, L a Fosse, Jouvenet, M . Corneille et Noël Coypel. Cette décoration de l'aile droite, de la galerie et du Cabinet du Portique : paysages et mythologies, ne subira aucun changement avant les années 1700-02, date à laquelle on transforme l'appartement de M m e de Maintenon (9). L'histoire des travaux de Trianon sous Bois est plus compliquée à cause de l'in-

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Tableaux pour le Trianon de marbre

terruption due à la guerre. En effet, Colbert de Villacerf, qui ne devient surintendant des Bâtiments qu'en juillet 1691, après la mort de Louvois, mais qui depuis 1686, en tant qu'inspecteur-général (10), dirige déjà les travaux, ordonne la suspension des travaux de peinture en mars 1689 ( n ) . Seuls Verdier et Houasse ont la permission de continuer, permission que Houasse ne va guère utiliser. Or, en mars 1689, une demi-douzaine de tableaux seulement étaient livrés, sur les séries copieuses ordonnées à Houasse, Verdier, les deux Boullogne, les deux Coypel, de Sève l'aîné, Jouvenet et M . Corneille. Le travail ne reprendra sérieusement qu'en 1693 et surtout en 1696. Ce n'est qu'à cette date en effet que, l'état des finances s'améliorant, on peut liquider les nombreux paiements en retard et payer des œuvres nouvelles. Entre-temps, en 1691-92, Louis X I V fait installer un appartement à son usage dans l'aile gauche, mais cette installation devait être assez sommaire et ne comportait pas de tableaux. Les inventaires (12) nous apprennent en effet que ce n'est qu'en 1695 que quinze tableaux du Cabinet, c'est-à-dire de la collection royale, sont apportés à Trianon. C'est peut-être à leur apport que nous devons la rédaction par Paillet du précieux inventaire que je reproduis en appendice. Ces tableaux n'ayant pas été peints pour Trianon doivent être agrandis ou au contraire repliés pour s'adapter aux boiseries (Inventaire général Paillet, cité par Engerand, passim). O n leur ajoute deux paysages que peint Speyman et sans doute deux tableaux religieux de Verdier. O n peut se demander pourquoi Louis X I V , à l'inverse de ce qui a été fait jusquelà et de ce qui sera fait à partir de 1702-03 pour son nouvel appartement de Trianon, n'a pas commandé de nouveaux tableaux. Ce n'est sans doute pas par économie puisque la situation financière s'améliore précisément autour de 1695. Ce n'est pas non plus à cause d'un attachement particulier pour tel ou tel tableau puisqu'aucun d'entre eux ne le suivront dans le déménagement de 1702-03. A-t-on jugé qu'à la date de 1695 aucun peintre n'était digne de travailler pour l'appartement royal? Certains de ces tableaux sont commandés pour Trianon sous Bois au sens large (13), d'où l'indécision de l'état Guiffrey primitivement réservé à Trianon sous Bois au sens de Paillet (pièces n 08 27 à 35). C'est ainsi que Houasse et Verdier dont les travaux étaient destinés à la salle du Billard (pièce n° 20) et à la pièce n° 21, sont rajoutés en bas du papier. Le premier devait peindre treize sujets de l'histoire de Minerve, le second neuf tableaux sur l'histoire de Jupiter et Io. Les autres peintres à qui l'on s'adresse (cf. l'état Guiffrey) sont de Sève l'aîné (sept tableaux pour la pièce n° 31), Noël Coypel (huit tableaux pour la pièce n° 32), Antoine Coypel (huit tableaux pour la pièce n° 30), Jouvenet (trois pour la pièce n° 28), M. Corneille (huit pour la pièce n° 29), Louis de Boullogne

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(deux tableaux sans emplacement), Bon Boullogne (huit tableaux pour la pièce n° 27). E n 1693, on change la destination des tableaux en les décalant de cinq pièces dans la partie ouest de T r i a n o n sous Bois et l'on attribue les deux Louis de Boullogne à l'escalier entre les pièces n 0 8 20 et 21, de sorte q u ' a u lieu des pièces n o s 27 à 32, ces tableaux vont en principe décorer les pièces n o s 22 à 27. Les paysagistes, c o m m e Houasse et Verdier, ont continué leur travail au ralenti après 1689. Les vues qui restaient à faire étaient destinées à des pièces, Salon Frais et Salon d u Portique, attenantes à la galerie dont elles complétaient ainsi le décor. L e u r exécution, terminée, à deux exceptions près (cat. I I I , 27-28), en 1695 (inventaire de Paillet) a dû traîner pendant la guerre, sans doute j u s q u ' e n 1691. M a r t i n reçoit quelques paiements pour «des tableaux qu'il fait pour T r i a n o n » en 1689 ( C . B . R . I I I , col. 287), 1690, ( C . B . R . I I I , col. 430) et 1691 ( C . B . R . , I I I , col. 570) avant de toucher en 1693 le solde de son compte pour « trois tableaux des vues de Versailles, posez à T r i a n o n » ( C . B . R . I I I , col. 852). E n revanche, Allegrain ne touche rien de 1689 à 1692, toutefois sa série est terminée en 1693 puisqu'il touche un acompte pour les « cinq tableaux représentant les Fontaines de Versailles qu'il a fait et posez à T r i a n o n » ( C . B . R . , I I I , col. 852). C'est également en 1693 q u e Cotelle devait peindre deux toiles pour le Salon Frais, pour lesquels il reçoit un premier paiement (ibid.). Il n'exécutera pas son travail, encore prévu par Paillet en 1695 et ce sera M a r t i n qui peindra à sa place deux tableaux en 1700 (cat. I I I , 27-28). Nous avons v u que Houasse et V e r d i e r avaient continué leur travail après 1689. V e r d i e r v a s'acquitter b e a u c o u p plus vite de sa c o m m a n d e que Houasse : dès 1695 Paillet signale les neuf sujets de la suite sur Jupiter et Io dans la pièce n° 21. Il semble, d'après l'état G u i f f r e y , que la série soit achevée avant septembre 1693, alors que Houasse n'a livré que trois de ses sujets sur Minerve dans la Salle de Billard (pièce n° 20). D e u x autres sont posés a u début 1696, trois encore en 1697-1698 (signalés dans l'inventaire général de Paillet). Houasse, n o m m é directeur de l'académie à R o m e en 1699, interrompt son travail et ne le reprend qu'après son retour en France en 1705. D e u x autres tableaux sont livrés en 1706 (absents de la première rédaction de l'Inventaire Bailly, ils sont mentionnés par Piganiol dans sa deuxième édition) mais Houasse mourra en 1710 avant d'avoir peint les trois derniers. E n attendant l'achèvement de la série, nous apprend Piganiol, on avait placé dans la Salle de Billard trois tableaux de Muses tirés de la collection royale et dus à T o u t i n et Louis de Boullogne (cat. I, 75 à 77). Les projets suspendus en 1689 vont être repris de façon hésitante et incomplète vers 1695-96 q u a n d l'argent se fait moins rare. O n a toujours l'idée de les achever puisque Paillet, dressant à ce moment-là son inventaire, ne m a n q u e pas d'indiquer soigneusement pour l'escalier n° 20-21 et les pièces n o s 22 et 27 le nombre des tableaux qui restent à faire. L e premier à bénéficier de cette reprise,

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à part Houasse qui n'avait guère profité jusque-là de la permission de continuer son travail, est encore Verdier qui reprend la commande de Sève l'aîné. C'est ce que nous indique une note en marge de l'inventaire Paillet : « l'on propose le Sr Verdier pour exécuter attendu qu'il est pensionnaire et que le Sr de Sève ne peut plus travailler» (14). Cette proposition est accordée aussitôt dans la même marge par le Surintendance et le 20 janvier 1696 Verdier posera sur la cheminée de la pièce n° 26 une Vénus qui veut empêcher Adonis d'aller à la chasse. Verdier livrera encore deux sujets d'Adonis le 9 décembre 1698 (inventaire général Paillet) et ce seront là ses derniers travaux pour Louis X I V . Il disparaît subitement, à partir de 1699, des Comptes des Bâtiments et personne n'achèvera jamais la commande faite primitivement à de Sève. D'autres toiles prévues dans l'inventaire Paillet sont livrées à peu près au même moment. C'est d'abord Louis de Boullogne qui pose en septembre 1697 ses deux tableaux consacrés à l'enlèvement d'Europe. En 1700, Martin l'aîné place deux vues dans le Salon frais (c'est le seul cas de tableaux en retard hors de Trianon sous Bois). Enfin c'est Noël Coypel qui, dans des conditions mal connues, peint ses huit sujets sur l'histoire d'Hercule. Une partie sont exposés au Salon de 1699, d'autres au Salon de 1704, deux sont effectivement placés à Trianon (voir cat. I, 55 et suivants). Les tableaux qui restaient à faire par Bon Boullogne, Jouvenet, M . Corneille et Antoine Coypel ne seront jamais exécutés et les pièces de Trianon sous Bois auxquelles ils étaient destinés disparaîtront au cours des travaux de 1705. 2) Les commandes complémentaires

(1^5-1714)

Des modifications assez sérieuses sont apportées à la décoration peinte de Trianon entre 1695 et 1706. Le premier changement regarde l'appartement du roi dans l'aile gauche, dont Fiske Kimball. a étudié la création en 1692. Il ne semble pas que ce premier arrangement ait comporté des tableaux. Au reste nous savons par Dangeau que le roi n'y couche pas avant avril 1694. Dans l'année qui suit, il va se produire un important changement dans la décoration peinte de Trianon. Celle-ci n'avait comporté jusque-là que des tableaux peints spécialement pour l'occasion; désormais, peutêtre par économie, on va faire appel en même temps à des tableaux de la collection royale et cela aussi bien dans l'appartement de Louis X I V qu'à Trianon sous Bois (sens restreint). Le roi commande donc deux paysages au modeste Speyman (cat. I I I , 32-33) pour sa Garde-robe, mais fait venir aussi de Versailles une quinzaine de tableaux fort importants (on en trouvera le détail dans l'inventaire Paillet). De même à Trianon sous Bois : Houasse, Martin et Allegrain se voient ordonner treize paysages (cat. I I I , 34-46) qui accompagneront vingt-six paysages « du Cabinet ».

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O n notera que les quinze paysages nouveaux sont tout à fait différents des paysages posés jusque-là à Trianon et qui tous représentaient des vues du parc. A-t-on pensé à une sorte d'unité nécessaire entre ces nouveaux paysages et ceux qui venaient de la collection royale? C e n'est pas impossible puisque les rares toiles conservées du groupe commandé à Houasse, Martin et Allegrain relèvent d'une double inspiration : celle des paysages héroïques de Poussin et celle d'un réalisme pittoresque d'origine nordique. O r les paysages de la collection accrochés à Trianon sous Bois se placent précisément dans ces deux courants. O n trouvera dans l'article de Fiske K i m b a l l (pp. 100-101) les renseignements nécessaires à propos de la modification de la Chambre du roi en 1700. Il subsiste dans son texte une obscurité puisqu'il remarque (p. 94) que le Salon de la Chapelle était différent en 1692 de ce qu'il est maintenant, mais sans dater ce changement qui affecte la partie haute des boiseries. J e crois que cette modification est contemporaine de l'agrandissement de la Chambre : le registre de Mansart ( O 1 1 809) montre qu'on n'a pas travaillé seulement dans la Chambre. De fait, les tableaux qui ornaient l'appartement au moment où Paillet en fait l'inventaire sont retirés pour la plupart. Piganiol de la Force (1701) ne nous signale plus que quatre paysages de Claude Lorrain et deux Évangélistes de Mignard et L e Brun. Mais il faut leur ajouter l'Assomption de la Vierge de Verdier que Bailly continue à cataloguer dans le Salon de la Chapelle et que Piganiol a oublié malgré sa taille respectable. Piganiol a oublié également les deux paysages de Speyman qui restent certainement à leur place dans la Garde-robe puisqu'ils figurent encore dans l'inventaire de 1741. L e registre d'Hardouin-Mansart ( O 1 1809) qui couvre les années 1699-1703, nous donne une foule de détails sur les travaux de Trianon, que Magnien et Fiske Kimball n'ont utilisés que partiellement. O n voit par exemple le roi hésiter longuement sur l'emplacement des tableaux de son appartement : les ordres du 8 mars 1700 sont suivis le 7 avril par la décision « de faire servir des tableaux qui sont au magasin des bons et anciens maîtres dans son appartement à Trianon à la place des modernes qui y sont à la réserve de Mrs L e Brun et Mignard, il faudra les agrandir ou diminuer en les pliant afin de les assujettir aux places et les faire porter mercredy de bonne heure, afin que le R o y les voye ». Ce passage est difficile à comprendre puisque les seuls tableaux du 17 e siècle qui se trouvaient là, à part le Mignard et le L e Brun étaient les Claude Lorrain, deux Speyman qui vont y rester, plus un Carrache, un Collantes et un Falcone. De plus aucun tableau ancien ne sera finalement placé dans l'appartement du roi : le projet semble en effet abandonné aussitôt. U n nouvel arrangement est ordonné le 17 avril, changé dès le 22 par le dernier ordre que nous connaissions : « De ne point mettre le tableau de Paul Véronèse sur la cheminée de l'antichambre comme il avait été proposé mais d'y placer le tableau de Mignard et de faire

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faire par un des meilleurs peintres modernes un tableau pour le côté opposé à ladite antichambre ». Ce peintre sera La Fosse, qui peint non pas un mais deux Évangélistes, dont l'un sera en effet posé en face du Saint Matthieu de Mignard (15). Au total ce sont dix tableaux qu'on enlève de l'appartement du roi. Ils sont remplacés en partie par des glaces mais aussi par des toiles nouvelles : en dehors de La Fosse, c'est Belin de Fontenay qui inaugure ses travaux pour Trianon par trois (?) vases de fleurs dans la chambre du roi. Le registre montre que parallèlement aux travaux de la chambre du roi, dès mars 1700, on travaille chez Mme de Maintenon où l'on remplace des lambris par de la tapisserie (10 mars). Le 20 mars on décide de changer le dessus de cheminée du Cabinet et de faire sur le panneau opposé un nouveau trumeau avec glace et tableau (ce tableau est très probablement Y Apollon et Thétys de Jouvenet puisqu'il figure déjà dans Piganiol). Le 7 avril « Sa Majesté a aussi réglé de faire travailler à deux tableaux pour le Cabinet de Mme de Maintenon par des plus habilles peintres ». A la suite, Mansart note un ordre qui ne sera pas exécuté : « coram'aussi de faire faire pareillement deux tableaux à la place de ceux qui sont au Salon rond au bout du Péristile ». Cet ordre a certainement été soufflé par le Surintendant qui l'avait en tête dès l'année précédente. On trouve en effet dans le carton O 1 1 473 un Mémoire des ouvrages à faire au Chateau de Versailles... Trianon, la Mesnagerie... pendant le voyage de Fontainebleau et le restant de la présente année i6gg, classé peu après la réponse à ce mémoire, qui en reprend chacun des numéros : n° 56 « Faire faire d'autres tableaux pour mettre à la place de ceux du Sr Verdier ». La réponse, qui semble dater du 3 octobre, est la suivante : n° 56 « Coypel ne peut travailler aux tableaux que l'on doit mettre a la place de ceux de Verdier parce quil travaille a celuy du sallon de Marly ». L'hostilité de Mansart devait être bien forte pour que l'on songe à changer les deux vastes toiles de Verdier! Cependant on continue à travailler chez Mme de Maintenon, le 22 avril (p. 44) on relève : « faire un tableau représentant flore pour mettre sur la cheminée que l'on va reposer dans la chambre de Mme de Maintenon » et à la suite : « faire deux tableaux modernes par les meilleurs maîtres, pour mettre sur la cheminée nouvelle du Cabinet de Mme de Maintenon et à la face oposée ». Nous avons là un ensemble de travaux auxquels se rattachent, selon moi, les dessins de Carlier publiés par Fiske Kimball (fig. 18 et 19) et qui dateraient non de 1698 mais de 1700 : ils correspondent en effet à un ordre du 20 mars 1700 : « faire un autre attique de marbre de Sicile à la cheminée du Cabinet... », etc. Ces changements n'ayant pas donné satisfaction, on se décide à une transformation complète de l'appartement de Mme de Maintenon et c'est le 6 décembre 1701 (et non 1700 comme le disent Magnien et Fiske Kimball) que Mansart note le projet publié par Magnien.

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Ce document indique que huit tableaux nouveaux doivent être posés, dont quatre dessus de porte et quatre trumeaux. Sur ce nombre, nous connaissions déjà le Jouvenet et un des sujets de Flore peints par A. Coypel (cat. I, 64) et Bon Boullogne (cat. I, 65). Trois autres sont cités en place par Piganiol dans sa deuxième édition : deux Louis de Boullogne (cat. I, 65-66) et un vase de Fontenay. Un septième est certainement l'Iris et Jupiter, oublié par Piganiol mais qu'on trouve dans tous les inventaires à partir de 1706 (cat. I, 70). Quant au dernier, il ne faut sans doute pas le reconnaître dans le quatrième tableau d'enfants de M. Corneille, jusque-là en magasin (cf. cat. I, 21-24) et qui remplace, peut-être pour des raisons de dimensions et de symétrie, le Z^Phyr et Flore du même peintre (cat. I, 20). On pourrait remarquer qu'un huitième tableau nouveau a bien été exécuté vers la même date : c'est un vase de fleurs de Fontenay, placé juste à côté de l'appartement, dans le Salon des Sources. Mais une dernière hypothèse, qui est la plus séduisante, supposerait l'omission par Piganiol d'un troisième vase de fleurs dû à Fontenay et qui aurait été placé dans l'appartement de Mme de Maintenon. Dans cette hypothèse il faudrait supposer qu'il n'y avait dans la chambre de Louis X I V que trois vases de fleurs. Or cela est précisément suggéré par l'inventaire de Bailly (cf. cat. I V , 7-12) dans lequel on ne trouve pas, hors du nouvel appartement du roi, de groupe de quatre tableaux : les dimensions indiquées font penser à une distribution : trois (ancienne Chambre du roi, cat. I, 7-8 et 9) ; deux (Mme de Maintenon, cat. I, 10-12); un (Salon des Sources, cat. I, 1 1 ) , tous exécutés en 1700 et 1701. Nous trouvons une certaine confirmation de mon hypothèse dans le libellé d'un paiement à Fontenay (C.B.R., IV, col. 962, août 1703) «pour trois tableaux de fleurs et fruits qu'il a faits pour Trianon, en 1701 », paiement complété en 1706 (C.B.R., V , col. 39), toujours pour trois tableaux. Ces deux paiements rendent malheureusement peu clair le premier en date (C.B.R., IV, col. 617, 1700) : pour « quatre tableaux ovales qu'il a peints pour Trianon ». Le tableau du Salon des Sources serait alors à dater aussi de 1700, en même temps que ceux de la Chambre du roi? C'est en tous les cas à ce moment-là que le goût pour les fleurs en tant que sujet essentiel atteint Trianon; il est curieux que cette mode, déjà utilisée depuis longtemps par J . B. Monnoyer n'ait pas gagné plus tôt le « palais de Flore ». Ce goût est d'emblée si vif qu'on en peint alors aux endroits les plus inattendus : le registre de Mansart note à la date du 14 décembre 1701 « Sa Majesté a ordonné de faire peindre des fleurs sur la glace qui doit éclairer le lieu de la chaise percée derrière le petit Cabinet de l'appartement de Mme de Maintenon à Trianon ». Revenons encore au document Magnien pour relever une contradiction entre son texte, selon lequel il devait y avoir des tableaux dans les trois pièces de l'appartement, et la description de Piganiol (1701) qui groupe tous les tableaux dans

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deux pièces, comme au temps de l'inventaire Paillet. S'agit-il d'une simple erreur de Paillet, comme il arrive parfois, ou bien y a-t-il eu un nouveau changement dans les projets royaux ? Les inventaires de Bailly ne précisant pas l'emplacement des tableaux, nous ne pouvons résoudre ce petit problème, d'autant que la disposition de l'appartement de Mme de Maintenon a été transformée au milieu du 18 e siècle puis à l'époque de Napoléon I e r . Le registre de Mansart nous apprend encore que le 28 mars 1702 « Sa Majesté a ordonné de faire un tableau dans l'ovale du trumeau du Sallon frais à Trianon ». Il est probable que cette commande n'a été exécutée par Bertin qu'en 1706 comme nous le verrons plus bas. Au moment même où l'on transformait l'appartement de Mme de Maintenon, Louis X I V décide de s'en rapprocher et se fait installer à partir d'avril 1702 un appartement dans l'aile de la Comédie. La décoration peinte va être confiée exclusivement à des spécialistes de fleurs qui vont travailler très vite : Belin de Fontenay (dix-huit toiles) et Monnoyer fils (quatre toiles). Leur décoration semble achevée avant 1704 puisque les paiements à partir de cette date (C.B.R., IV col. 1 071, 1704; V col. 39, 1706 et 142, 1707) visent des toiles déjà faites. Au total Fontenay recevra 5 900 livres pour ses vingt-quatre tableaux de Trianon et Monnoyer fils 600 livres pour ses quatre vases. Ainsi les fleurs ont finalement triomphé du goût qu'avait le roi en 1700 pour les « bons et anciens maîtres ». La dernière étape dans l'histoire de la décoration de Trianon se place en 1705-06 à la suite du bouleversement de Trianon sous Bois. La disparition de toutes les pièces ouvrant vers l'Ouest entraîne évidemment l'abandon définitif des projets de 1688 et le retrait des tableaux qui avaient été placés entre l'escalier et la pièce n° 27, à savoir deux Louis de Boullogne, neuf Verdier, un Bon Boullogne, un Corneille, un Antoine Coypel. On retire également une partie des tableaux de Trianon sous Bois (sens restreint : pièces n 08 28 à 35 de Paillet). La plupart de ces tableaux vont être envoyés à Versailles, à part deux Verdier qui sont replacés en dessus de portes dans la chambre du Sommeil (pièce n° 10). La réutilisation de ces tableaux est à rapprocher d'une dernière commande (cat. I, 68 et suivants) à Bertin, Marot, Antoine Coypel et M. Corneille. On place aussi deux tableaux anonymes et deux Bon Boullogne peints en 1688 dans les mêmes Chambre des Jeux (pièce n° 9) et Chambre du Sommeil. Il est très probable que tout ce mouvement et l'installation de nouveaux tableaux sont liés à la surélévation et aux modifications des corniches pour les mettre en accord avec celles du nouvel appartement du roi (Fiske Kimball, pp. 106-108). C'est à la même date, selon moi, qu'il faut placer une petite transformation qui intéresse les cadres des tableaux. Si l'inventaire de Bailly indique en effet que tous les tableaux en place à Trianon étaient dans leur « bordure dorée » (16), il est à peu près certain qu'à l'origine ces cadres sculptés étaient simplement blan-

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chis comme les boiseries. Bailly nous dit en effet que le Flore et Zéphyr de M. Corneille (cat. I, 20), retiré de Trianon vers 1701, était « dans sa bordure de sculpture blanchie », de même le Triomphe de Bacchus de Bon Boullogne (cat. I, 30) retiré en 1705, est dans une « bordure non dorée ». Les premiers tableaux à être dorés à Trianon sont en 1695 ceux de l'appartement du roi (17) mais le plus grand nombre des cadres, au moins ceux de la commande primitive, n'ont dû être dorés qu'en 1706 par les soins du doreur Guillaume Desauzières (18). Relevons ici ce que je crois être une erreur dans l'article de Margret Stuffmann sur La Fosse. Celle-ci écrit (p. 42) qu'à Trianon « les peintures ne sont plus entourées que de listels minces qui s'adaptent harmonieusement aux panneaux de la boiserie à profils plats ». En réalité cette harmonie provenait du bon goût de Pierre de Nolhac : nous venons de voir qu'à Trianon comme à Versailles, les tableaux étaient à l'époque de Louis X I V dans un cadre sculpté. La dernière modification du décor peint de Trianon se place en 1713-14 ; à la suite des modifications de boiseries au Salon des Sources (signalées par Fiske Kimball p. 108), on met en place cinq vues du parc exécutées par Martin jeune et Chastelain. Après la mort de Louis X I V , Trianon n'est plus guère habité jusqu'au milieu du siècle. Stanislas Leczinski y fait quatre séjours entre 1740 et 1748. A la fin de 1749 et au début de 1750, Louis X V fait rafraîchir la décoration, installer de nouveaux logements et retirer certains tableaux (inventaire des tableaux à la Surintendance en 1760, cité par Engerand, passim). Ces retraits de tableaux intéressent surtout l'ancien appartement de Mme de Maintenon où les travaux pour l'installation de Mme de Pompadour ont été assez importants; un plan daté de 1755 (Archives nationales O 1 1 884) montre en effet une disposition intermédiaire entre celle de 1702 et celle que Napoléon I e r lui a donnée, mais plutôt plus proche de la dernière. Mais après la création du Petit Trianon, de nouveau on néglige le Grand et voici ce qu'écrit une note mélancolique ajoutée, sans doute par Lafont de Saint-Yenne, à la réédition posthume de Piganiol de La Force, Description historique de la ville de Paris... 1765, t. I X , p. 531 : « Le temps, qui détruit tout, et la négligence de l'entretien ont enlevé la plus grande partie des agrémens de ce lieu de volupté : mais les Connoisseurs... pourront juger, par ce qui en reste, de son enchantement dans sa nouveauté. »

Chronologie

1688-1689 : Décoration de Trianon, aile droite : mythologies 1 à 30; paysages : 24 dans la Galerie, par Cotelle, J.-B. Martin et E. Allegrain. 2 Martin (Salon Frais) 3 Allegrain (Cabinet du Portique) (L'exécution de certains paysages de Martin et Allegrain se poursuit jusqu'à 1691). Verdier : Assomption de la Vierge Vers 1693 : Verdier : mythologies 31 à 39 premiers Houasse de la série Minerve 1695 : Transport de nombreux tableaux du Cabinet pour l'aile gauche (15) et Trianon sous Bois (26). 2 paysages de Speyman probablement 2 Verdier religieux (mais peut-être en 1692) paysages nouveaux pour Trianon sous Bois : 5 Houasse 3 Allegrain 5 Martin 1696 : Houasse : 2 Minerve Verdier : 1 Adonis 1697 : Louis de Boullogne : 2 Europe 1698 : Houasse : suite des Minerve Verdier : 2 Adonis 1700 : Transformation de l'appartement du roi : départ d'un groupe

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de tableaux anciens (Bassan, Carrache, Collantès, Véronèse, Léonard, Falcone, Baciccio) et de 2 Verdier religieux. L a Fosse : 2 Évangélistes Fontenay : 3 vases de fleurs Martin : 2 toiles (Salon Frais) Autour de 1700 : N. Coypel : série d'Hercule (Salons de 1699 et de 1704) 1700-1702 : T r a v a u x puis transformation de l'appartement de M m e de Maintenon : Jouvenet, A . Coypel, Bon Boullogne, 2 L . de Boullogne, Corneille, Fontenay (plus un au Salon des Sources) 1702-1704 : Nouvel appartement du roi (ancienne Comédie) : vases de fleurs : 18 Fontenay 4 Monnoyer fils 1705-1706 : Transformation de Trianon sous Bois : retrait de tous les tableaux des pièces n 0 8 21 à 26 (dont certains passent à Trianon : 2 Verdier et peut-être 2 N. Coypel) avec une partie des paysages (Poussin, Fouquières, Carrache, Poelenburgh, Viola, V a n Dyck, Houasse.) Houasse : 2 Minerve 1706 : Pour l'aile droite de Trianon : Corneille, Marot, Bertin, 2 anonymes. 1713-1714 : 5 vues pour le Salon des Sources : 3 Martin jeune 2 Chastelain.

CHOIX DES PEINTRES ET CHOIX DES SUJETS

Les peintres et leurs sujets

Dans son livre déjà cité, Pierre Marcel a étudié la peinture mythologique à Trianon. Étant donné l'ampleur de son propos, il n'a pu consacrer que quatre pages (pp. 192-196) à ce sujet, dont les conclusions peuvent être reprises et assez sensiblement modifiées. Notre auteur portant surtout son attention, comme il est naturel, sur le passage de la peinture classique à la peinture rococo, nous montre dans la peinture mythologique de Trianon la première manifestation d'un changement dans le style des œuvres commandées par Louis X I V , le premier ensemble important de tableaux où le goût nouveau triomphe. Négligeant dans ce groupe d'œuvres tout ce qui se rattache à l'esthétique périmée d'un Le Brun, P. Marcel met l'accent sur les toiles de La Fosse, de Louis de Boullogne, d'Antoine Coypel, qui annoncent en effet l'évolution de la peinture française dans les années qui suivent. Reprenant le même point de vue dans une synthèse récente ( 1 ), Sir Anthony Blunt ne mentionne que l'œuvre de La Fosse dans les quelques lignes qu'il lui était loisible de consacrer à Trianon. Je crois donc utile de prendre comme point de départ un bref résumé des idées et des arguments de Pierre Marcel. Notant que grâce à l'éclipsé puis à la mort de Le Brun, les peintres choisissent eux-mêmes leurs sujets, l'auteur estime que le libertinage envahit les tableaux de Trianon, annonçant ainsi les audaces du 18e siècle. P. Marcel remarque le même changement dans le style : « l'exécution des tableaux de Trianon est aussi nouvelle que leur invention », c'est-à-dire que le rubénisme et la couleur triomphent partout, si ce n'est dans « quelques morceaux ennuyeux et froids » dus aux suiveurs attardés de Le Brun, dont le sort est réglé en quatre lignes. A lire P. Marcel, il semblerait en effet que la grande majorité des tableaux de

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Trianon fût l'œuvre de peintres « modernes » qui n'auraient laissé que des miettes à leurs malheureux rivaux. Sa démonstration est malheureusement entachée d'un certain nombre d'erreurs. Il ne connaissait qu'une partie des tableaux qu'il cite et l'étendue de son sujet ne lui avait pas permis l'étude minutieuse et assez fastidieuse dont je présente les résultats dans le catalogue. Il faut ajouter qu'il n'avait pas la chance de disposer des études d'ensemble sur le Trianon de marbre grâce auxquelles on peut comprendre les vicissitudes de certains tableaux. Le premier point sur lequel je voudrais revenir est le choix des peintres qui ont décoré Trianon de tableaux mythologiques. A la lecture de P. Marcel, il semblerait que la tendance « moderne », celle de La Fosse et d'Antoine Coypel, triomphât dès le début. En fait, que remarquons-nous? A part les glorieux vétérans que sont maintenant Le Brun et Mignard, la plupart des peintres en renom participent à l'entreprise. Le tableau suivant montre la répartition de la grande commande mythologique de 1688, à laquelle ne s'ajoutent ensuite qu'une dizaine de tableaux :

Trianon

La Fosse N. Coypel Jouvenet Corneille B. Boullogne L. Boullogne G. Blanchard Houasse Verdier de Sève A. Coypel Bertin F. Marot (*)

3 3 3 5 1 2 2 6 2 -

Trianonsous-Bois

8 3 8 8 2 -

13 (** ) 9 7 8

Total Commandes Total général Total des tableaux complédes mythologies des tableaux commandés mentaires peintes exécutés en 1688 (1700-06) pour Trianon

3 11 6 13 9 4 2 19 11

3 11 3 6 2 (•) 4 2 16 14 (*** )

7 8

i

-

-

-

-



_





_ -

I 2 I 2 -

-

^ ^^^^ 11 4 8 3 ou 5 6 2 16 14 (**)

-

-

I I I

2 1 1

Sans compter deux tableaux peints dès 1688 mais accrochés tardivement (Cf. I, 68-69). (**) Il faut ajouter un puis deux autres tableaux religieux pour la Chapelle. (***) Il peint trois tableaux en remplacement de Sève. (****) Il faut ajouter deux tableaux religieux.

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Les peintres les plus favorisés sont donc les deux suiveurs les plus fidèles de L e Brun : Houasse et V e r d i e r exécutent à eux seuls la moitié des tableaux mythologiques qui avaient été commandés en 1688 (trente toiles sur soixante-deux). Ajoutons q u e le seul à les suivre d'assez près (bien que plusieurs de ses tableaux tardifs n'aient sans doute pas été posés à T r i a n o n ) est Noël C o y p e l , c'est-à-dire un peintre qui, p a r son âge et sa carrière, est à mettre au n o m b r e des « anciens ». Contrairement a u x vues traditionnelles, ce sont bien les peintres les plus classiques qui sont les plus sollicités. Les Comptes des Bâtiments du R o i donnent une i m a g e analogue. O n y relève l'exceptionnelle faveur dont bénéficient V e r d i e r et N o ë l C o y p e l , qui touchent une pension annuelle de 3 000 livres, celle-ci s'ajoute à diverses petites pensions, au titre n o t a m m e n t des Gobelins. Cette pension est, certes, payée avec retard pendant la guerre, mais V e r d i e r réussit à toucher 5 000 livres en 1693-94 avant que sa pension depuis 1689 soit apurée en 1695. O n s'explique q u e ce traitement de faveur soit u n argument pour faire peindre p a r V e r d i e r les tableaux que de Sève ne peut exécuter. A partir de 1695, la trésorerie étant plus à l'aise, quelques autres pensions seront données mais elles n'atteignent pas ce montant : L a Fosse touchera 1 500 livres, J o u v e n e t 1 200 livres et Houasse 1 000 livres (celui-ci, il est vrai, a d'autres sources de revenu c o m m e garde des tableaux de l'hôtel G r a m mont et c o m m e trésorier de l ' A c a d é m i e ) . L a situation change en 1699 q u a n d H a r d o u i n - M a n s a r t devient Surintendant des Bâtiments. Verdier, j e l'ai dit, disparaît des Comptes alors que les d e u x Boullogne, A n t o i n e C o y p e l et Gabriel Blanchard reçoivent des pensions (de 300 à 1 000 livres). L a Fosse ensuite, en tant q u e directeur de l ' A c a d é m i e , voit sa pension portée à 3 000 livres. Si l'on ajoute la façon fort brusque dont le nouveau Surintendant fait élire L a Fosse directeur de l ' A c a d é m i e à la place de N o ë l C o y p e l (2), on pourrait conclure à la sympathie de M a n s a r t pour les nouvelles tendances de la peinture. Rappelons toutefois q u e M i c h e l Corneille, dont l'art, encore m a l connu, n'est certainement pas « moderniste », reçoit lui aussi une pension qui est fortement augmentée en 1700 (elle passe à 700 livres). Houasse, presque aussi fidèle à l'art de L e Brun q u e Verdier, remplace en 1699 L a T e u lière à la direction de l'académie de R o m e . Si sa peinture déplaisait, lui feraiton diriger les études des pensionnaires de l ' A c a d é m i e ? L e registre de M a n s a r t ( O 1 1 809) ne contient généralement pas de n o m de peintre. Si le roi décide de c o m m a n d e r u n ou plusieurs tableaux, on s'adressera à des « peintres habilles » ou à « u n des meilleurs peintres modernes », sans préciser d a v a n t a g e . Il peut arriver q u e le sujet d u tableau (Flore pour l ' a p p a r tement de M m e de Maintenon) soit mentionné et non l'artiste à qui s'adresser, ce genre de détail étant sans doute à la discrétion d u n o u v e a u surintendant. Mansart était de commerce difficile. Si ses démêlés avec Joseph Parrocel

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étaient connus (3), la récente publication de la correspondance de Cronstrôm avec Nicodème Tessin le jeune (4) vient de nous apprendre qu'en 1699 Bon Boullogne est en si mauvais termes avec Mansart qu'il parle de quitter la France. Il est probable que l'attitude du surintendant envers certains peintres (hostilité à Verdier, faveurs à La Fosse) s'explique en partie au moins par des raisons personnelles. Il n'en est pas moins vrai que Mansart n'avait pas le libéralisme de Villacerfet la date de 1699 est importante dans l'histoire de la peinture à Trianon et à la Cour de Louis X I V : la disgrâce totale de Verdier, celle de Noël Coypel, le départ de Houasse laissent le champ libre aux amis de La Fosse et aux peintres plus jeunes : que ce soit à la Ménagerie, aux Invalides, à la Chapelle de Versailles, aucun peintre ne maintiendra plus avec la même obstination la tradition de Le Brun. L'indifférence du roi et de la Surintendance, au moins jusqu'à 1699, a u x ( l u e " relies esthétiques, l'éclectisme qui fait apprécier aussi bien le rubéniste La Fosse que l'archaïsant Verdier, me paraissent, en effet, devoir être soulignés. L'opposition entre goût ancien et goût nouveau, qui nous paraît aujourd'hui si nette, ne l'était probablement pas vers 1695. La querelle des rubénistes et des poussinistes à laquelle nous prêtons tant d'attention, ne semble guère avoir eu d'importance dans le décor de Trianon : La Fosse peint un Apollon descendant chez Thétis dont la figure principale sort tout droit de la galerie Médicis de Rubens, alors que Verdier s'enfonce dans une méditation obsessionnelle de l'œuvre de Le Brun. Piganiol de la Force, en 1701, nous énumérant les tableaux de Trianon, ne se laisse aller qu'à de bien rares appréciations; or, ses éloges si rares vont justement à ces deux peintres. Des trois tableaux de la Chambre de la duchesse de Bourgogne (Cabinet du Couchant), il écrit qu'ils « ont de grandes beautés et sont des meilleurs de La Fosse ». De même pour les sujets de Vénus et Adonis de Verdier, il nous dit qu'ils sont « de la meilleure manière de ce peintre ». Le même auteur nous rappelle combien l'expression des passions, chère à Le Brun, continue à intéresser, car dix ans après la mort du Premier Peintre, le seul éloge précis et chaleureux qu'il donne à un des tableaux posés à Trianon va au Saint Jean V Évangéliste de Le Brun, que Louis X I V avait fait transporter à Trianon quelques années auparavant. Il trouve ce tableau « admirable » et écrit : « On ne comprend pas comment un homme a pu si visiblement marquer les effets de l'extase et de l'inspiration divine. » Le Brun continue d'ailleurs d'être admiré, ses oeuvres d'être gravées, très avant dans le 18 e siècle. Cet éclectisme du goût, qu'on retrouve chez les amateurs du temps, comme l'a justement noté jadis André Fontaine (5), n'a rien d'exceptionnel. M. Raymond Picard (6) a rappelé que les tragédies de Racine rencontraient chez les spectateurs des années 1670 le même succès que les pièces à machine ou les ballets qui

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nous paraissent relever d'une esthétique purement baroque. Raison supplémentaire pour ne pas attacher trop d'importance aux querelles doctrinales, qui ont pourtant fait couler tant d'encre, et pour regarder plutôt les tableaux. Si nous essayons de caractériser l'iconographie de ces tableaux, une première remarque s'impose : le thème dominant est celui de la Nature (7). Trianon, dès sa première construction de 1670-72, est conçu pour être une retraite champêtre où le roi viendra goûter le repos et les beautés de la nature. J'aurai à dire plusieurs fois que le Trianon de marbre garde dans l'esprit de la Cour et dans les écrits du temps les mêmes caractères que le Trianon de porcelaine. Mieux même, l'architecture du nouveau Trianon ne s'explique que par la volonté d'associer intimement la beauté des jardins à celle des bâtiments : le thème du péristyle est la manifestation évidente de cette volonté (8). L'auteur anonyme du ballet dansé à Trianon en janvier 1689 (9) l'a bien compris, qui écrit dans une introduction : « le Théâtre de Trianon ne sçauroit avoir de plus superbe décoration que Trianon mesme. L'éclat des Marbres et les beautez de l'Architecture attachent d'abord la veuë sur cette grande Façade appellée le Péristile; et le plaisir redouble lorsque par les ouvertures de ses Arcades, entre plusieurs rangs de riches colomnes, on découvre ces Fontaines, ces Jardins et ces Parterres tousjours remplis de toutes sortes de Fleurs ». Ce péristyle conçu pour le plaisir des yeux n'a certainement jamais été très pratique, surtout en hiver, pour relier les pièces de service de l'aile gauche et les appartements de réception de l'aile droite. O n s'explique de ce point de vue que Napoléon I e r ait fait fermer les ouvertures du péristyle. Les contemporains s'émerveillent des prodiges réussis à T r i a n o n par les jardiniers de Louis X I V ; Pierre de Nolhac a cité quelques textes éloquents sur ce thème de l'asservissement de la nature pour l'agrément du roi (10) et notamment un poème du duc de Saint-Aignan paru dans le Mercure Galant de janvier 1677. Félibien, dans sa Description sommaire du Chasteau de Versailles et dans son récit des divertissements donnés à l'occasion de la conquête de la Franche-Comté en 1674 ( n ) , avait déjà admiré ces prodiges : «l'on descend dans un autre jardin que l'on pourrait avec raison nommer le séjour ordinaire du printemps car, en quelque saison qu'on y aille, il est enrichi de toutes sortes de fleurs; et l'air que l'on y respire est toujours parfumé de celles des jasmins et des orangers sous lesquels on se promène. Mais comme dans toutes les diverses saisons on y voit des changements extraordinaires et surprenans, soit dans la diversité des fleurs, soit même dans la disposition du lieu, il faut remettre à une autre fois à en faire une description plus particulière ». Les jardins du Trianon de marbre continuent à enchanter les visiteurs; dans le goût habituel des comparaisons ou même des assimilations mythologiques, on

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y voit l'empire de Flore. En 1688, Du Boullay fait représenter un opéra intitulé Zéphir et Flore (12); au cours du prologue : « Le Théâtre représente le nouveau Palais de Trianon, avec ses jardins. » Un zéphir annonce l'entrée de Flore : Dans ces lieux les plus beaux de son charmant Empire [...] Vous Valiez voir avec %ephire Retracer à vos yeux leurs premières Amours. En simplifiant un peu, on pourrait dire que nous avons là tout le programme iconographique des peintres de Trianon. Le Palais de Flore est le titre du ballet dansé à Trianon en janvier 1689. Le frontispice (13) représente l'ancien palais (on n'avait pas encore de gravure du Trianon de marbre à imiter) avec comme légende : Le Palais de Flore. L'auteur reprend dans son introduction le thème du printemps perpétuel : « on ne se souvient plus qu'on est au milieu de l'Hiver, ou bien l'on croit avoir esté transporté tout d'un coup en d'autres climats, quand on voit ces délicieux objets (les fleurs) qui marquent si agréablement la demeure de Flore ». De même, dans la deuxième entrée, une nymphe chante ces vers un peu plats : Tout fleurit sur nos rivages Nos jardins sont toujours verds Jamais des tristes Hyvers Nous ne sentons les outrages Nostre Printemps dure toujours Nous n'avons que de beaux jours. Citons ici un texte qui a eu sans doute un certain succès, dû à cet ami de Bossuet qui s'appelait François Boutard (1664-1729). Cet auteur a publié à une date inconnue, un peu avant 1700 (14), une ode en latin intitulée Trianaeum. Celle-ci a retenu l'attention de la fameuse Elisabeth-Sophie Chéron qui en a publié une version française en compagnie du texte original (15). Notre peintre poétesse, qui paraphrase assez platement les quatrains de son modèle latin, ne manque pas d'admirer les jardins de Flore : Ici sous un Ciel tranquille Règne un éternel Printemps : Ici Pomone fertile Offre ses fruits en tous temps. Et pendant que la Rosée, Dont la terre est arrosée Produit des moissons de fleurs : Flore et le galant Zephire

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Parfument l'air qu'on respire De leurs plus douces odeurs. Piganiol de L a Force, dans sa description de 1701, vante aussi les agréments de Trianon. Il admire surtout le Jardin des Sources : « petit bois délicieux, où pendant les plus grandes chaleurs de l'Été, le Soleil n'entre q u ' à peine et qu'autant qu'il le faut pour adoucir la trop grande fraîcheur de l'eau des rigoles qui le découpent ». Parlant du Parterre du roi, sur lequel donne l'appartement de M m e de Maintenon, il nous dit : « C'est proprement le dernier retranchement de Flore et en quelque saison qu'on y aille, les Zéphirs qu'on y respire et les fleurs qu'on y voit, persuadent aisément que le printems y règne toujours ». Cette idée, ce lieu commun du printemps perpétuel, se trouve encore sous la plume du pseudo-Le Rouge en 1716 (16), à propos du même Parterre : « C e beau lieu qui est rempli de Fleurs des plus rares et des plus belles dans toutes les Saisons, persuade que l'Hyver n'en sçauroit approcher. » U n e note de 1693 signalée par Dussieux (17), mais que j e n'ai pas retrouvée au Cabinet des estampes, décrit ces fleurs : ce sont surtout des plantes à bulbe (40500 oignons de tulipe, 27 000 narcisses bleuies, 13 500 jacinthes) auxquelles s'ajoutent 15 000 fleurs vivaces variées. O n ne s'étonnera pas dès lors si le désir de l'union la plus étroite possible avec la nature domine aussi les aménagements intérieurs de Trianon. Les explications dont Le Nostre accompagne le plan envoyé par Daniel Cronstrôm à Nicodème Tessin en 1694 (18) montrent que les jardins sont composés de façon à jouer un grand rôle dans les points de vue dont on jouit de l'intérieur du palais : chaque pièce, et cela est vrai surtout pour Trianon sous Bois, est en rapport avec des allées ou des fontaines. L a végétation pénètre à l'intérieur par la vue des fenêtres mais aussi en envahissant les tableaux qui ornent les murs. Les peintres vont ici relayer la nature, multiplier les fleurs et ouvrir des fenêtres fictives sur les bosquets, les pelouses et les fontaines de Versailles. C'est par exemple Cotelle qui place, en 1688-89, dans la Galerie de Trianon, vingt et une vues dont l'exactitude topographique est animée par de petites scènes mythologiques. A u x paysages peints pour la circonstance, on ajoute des paysages tirés de la Collection royale. Ainsi Trianon sous Bois (sens restreint) est décoré quasi exclusivement de paysages; treize tableaux nouveaux de Houasse, Allegrain et Martin sont mêlés aux Saisons de Poussin, à des Dughet, P. Bril, Fouquières, Patel, etc. U n e partie de ces tableaux retourne à Versailles en 1705 mais beaucoup restent en place. Les fleurs, qui ornaient déjà un grand nombre de tableaux, forment le sujet principal d'une importante série de toiles peintes à partir de 1700 : le roi manifeste un goût très vif pour les vases de fleurs et de fruits dont J . B. Belin de Fontenay

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s'est fait une spécialité, à la suite de son beau-père, J . B. M o n n o y e r . C e sont d ' a b o r d trois ovales pour l'appartement du roi, aile gauche, à propos desquels Piganiol nous dit en 1701 q u e fleurs et fruits sont peints « d'une manière si naturelle q u ' o n y serait trompé s'ils n'étaient dans des bordures ». E n 1702, o n place deux ovales analogues dans l'appartement de M m e de Maintenon. E n 1702-03, le roi fait aménager à son usage une suite de pièces dans l'ancienne comédie (avant-corps droit), il fait encore appel à Fontenay qui n'y pose pas moins de dix-huit vases de fleurs et de fruits à côté de quatre M o n n o y e r fils. C e goût pour les fleurs se retrouvera plus tard a u Petit T r i a n o n , aussi bien dans les jardins où Louis X V faisait cultiver des plantes rares, que dans la décoration peinte. T o u s les dessus de porte exécutés à partir de 1768 eurent pour thème principal les fleurs (19). L ' e a u , indispensable à la croissance des fleurs et des fruits, est également à l'honneur. L a Galerie et T r i a n o n sous Bois ouvrent sur le J a r d i n des Sources, où l'eau serpente et ruisselle partout. Les pièces qui terminent l'aile droite de ce côté s'appellent Salon des Sources et Salon Frais. Dans le Salon des Sources, les tableaux de Houasse ne sont q u e fleuves, sources et naïades : Narcisse se mire dans un étang, les nymphes C y a n é e et Aréthuse (20) se transforment en fontaines (cat. I, 17 et 19). Les enfants q u e M . Corneille ou J . Jouvenet peignent en dessus de porte de la C h a m b r e des Fleurs et du Salon Frais, répandent sur la terre la rosée ou la pluie qui favoriseront la végétation. Enfin, ce sont surtout les fontaines de Versailles q u e représentent les paysagistes dont j ' a i parlé. O n s'explique dès lors que le goût pour la nature m a r q u e le plus souvent le choix des épisodes mythologiques à représenter et dont un grand nombre sont empruntés à O v i d e (21). C'est ainsi q u e dans l'histoire de V é n u s et Adonis, si riche et complexe (Métamorphoses, chant 10), on retient surtout ce qui touche à la chasse et a u paysage. D e Sève énumérant en 1688 les sujets qu'il a choisis (et qu'il n'exécutera pas) met en tête de sa liste (22) en titre : « Dans un païsage ». Il prend soin de placer la mort d'Adonis « dans un paysage de soleil couchant et d ' u n costé sombre qui semble m a r q u e r l'action funeste de la mort d'Adonis ». D e même, Noël C o y p e l illustrant la vie d ' H e r c u l e (Métamorphoses, chant 9), évite de nous montrer les habituels exploits des héros. Sur huit tableaux, u n seul représente un c o m b a t : celui d'Hercule avec Achelous (cat. I, 57), or selon une tradition bien connue, la corne que le héros arrache sous nos y e u x à son adversaire c h a n g é en taureau v a devenir la corne d'abondance. Il ne faut donc pas s'étonner de trouver dans cette série consacrée en principe à Hercule, un autre tableau dont le détail central est précisément la corne d ' a b o n d a n c e (cat. I, 60) et u n troisième dont le sujet est purement et simplement une allégorie de l'abondance (cat. I, 62). U n thème proche avait d é j à été traité par le même peintre à T r i a n o n ; c'est

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celui du héros victorieux prenant son repos au milieu des beautés et des richesses de la nature. Toute la partie inférieure de VApollon couronné par la Victoire après la défaite du serpent Python (cat. I, 25) est occupée par Cybèle à qui des nymphes présentent des fruits. O n trouve une indication comparable dans le poème de Boutard traduit par E. S. Chéron. Ecrit probablement pendant la guerre de la Ligue d'Augsbourg, le poème se termine par un appel à la paix, cette paix dont Trianon symbolise si bien les attraits : Grand Roy, c'est par ta prudence Qu'à l'ombre de ces Lauriers Ton active vigilance Fait vaincre ailleurs nos Guerriers : Là, suspendant ton tonnerre Pour le repos de la Terre Tu sçais borner tes désirs : Et c'est là que tu médites La Paix, qui dans nos limites Doit ramener les plaisirs. A Trianon il est en effet normal que les fleurs célèbrent moins la victoire ellemême que le repos et l'abondance qu'elle apporte, toutefois elles peuvent aussi servir à la récompense du prince victorieux. Le ballet du Palais de Flore dont j ' a i déjà parlé, que l'on danse à Trianon en janvier 1689, est donné en l'honneur du dauphin pour célébrer le siège victorieux de Philippsbourg. Dans la deuxième entrée où paraît Mlle de Blois en Flore, nymphes et zéphirs chantent : A l'aspect de Flore Hastez vous d'éclore. Venez en ses belles mains Moissons odorantes Richesses riantes Roses, jasmins Anémones, amarantes Aimables fleurs, venez orner Le front victorieux qu'elle veut couronner. Dans le vaste répertoire fourni par Ovide, les peintres s'attachent particulièrement, comme nous pouvons nous y attendre, à l'histoire de Flore. Q u a n d Cotelle peint pour la Galerie une vue de Trianon, il place au premier plan Flore endormie sur un lit accompagnée de ses nymphes (cat. I I I , 7). L'union de Flore avec Zéphir, celui-ci concédant à celle-là le royaume des fleurs, est une représentation

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habituelle du Printemps, qui permet aux peintres de placer dans leur tableau guirlandes, bouquets et corbeilles de fleurs. Ce thème était presque obligatoire à Trianon, paradis dont « l'Hyver (ne) sçauroit approcher»; c'est donc à tort que P. Marcel semble chercher un autre sens au choix de cette « gracieuse légende... qui va devenir un des thèmes favoris du 18 e siècle ». Cette légende est en effet traitée à deux reprises en 1688-89 par Jouvenet (cat. I, 14) et M . Corneille (cat. I, 20). O n la retrouve en 1701 sous le pinceau d'Antoine Coypel (cat. I, 64) tandis que Belin de Fontenay la place en bas-relief peint sur un de ses vases de fleurs (cat. I V , 15). Assez curieusement, Flore se voit aussi associée à Junon par B. Boullogne (cat. I, 65). Dans le royaume de Flore certaines espèces végétales sont particulièrement destinées à glorifier le Roi-Soleil (23). L'histoire de la nymphe Clytie changée en tournesol, déjà utilisée par Loir aux Tuileries pour indiquer aux courtisans leur devoir de fidélité, est illustrée par L a Fosse dans un de ses plus beaux tableaux (cat. I, 13). O n trouve une flatterie du même ordre dans l'histoire d'Apollon et Daphné, traitée par A . Coypel (cat. I, 28), puisque la nymphe est changée en laurier et que le laurier est une allusion habituelle aux victoires du roi (24). L'iconographie des tableaux de Trianon montre donc une certaine cohérence ; la liberté du choix de leurs sujets par les peintres, relevée par P. Marcel, s'exerce le plus souvent dans le cadre des Métamorphoses ou des Fastes d ' O v i d e et elle est orientée à la fois par le désir de représenter des fleurs et par celui de flatter le prince. Ceux qui sont le moins fidèles à cette orientation d'ensemble, les plus libres, sont paradoxalement les fidèles disciples de L e Brun. En particulier les séries sur Minerve et sur l'histoire d'Io, peintes par Houasse et Verdier pour deux pièces destinées aux j e u x de billard et du portique, semblent échapper presque entièrement à l'organisation iconographique normale de Trianon. O n peut comparer cette organisation à celle de la décoration peinte de Marly mise en place à la même époque. Là, l'accent était mis sur les victoires de Louis X I V , avec plus de quarante vues de sièges ou de bataille peintes par V a n der Meulen ou ses élèves. Mais Marly était aussi une demeure de plaisance et on y retrouve les fleurs : près de cent toiles étaient consacrées aux fleurs, représentées seules ou avec des enfants. Nous retrouvons donc comme à Trianon les flatteries pour le prince et le goût pour les fleurs. Toutefois à Marly les œuvres mythologiques étaient presque complètement absentes (en dehors des quatre grandes toiles représentant les Saisons, peintes en 1699-1700) (25). Peut-on voir dans cette absence la marque de la volonté encore toute puissante de Le Brun ? Cela ne paraît pas probable. En l'absence de textes, il est difficile de faire parler les morts; contentons-nous de relever à Marly l'emploi d'un système décoratif différent de celui de Trianon. En dehors du Salon central, les appartements du pavillon principal de Marly étaient revêtus de tentures et non de boiseries comme

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à Trianon et les grandes toiles de V a n der Meulen ou de Jean-Paul avec leurs trois mètres de haut devaient jouer dans la décoration un rôle particulièrement important. Placer de nouveau à Trianon les hauts faits du roi eût fait double emploi avec Marly et il était normal de choisir une décoration peinte d'un caractère différent. Dans l'iconographie classique, il est constant que le thème de l'amour soit associé à celui de Flore ou du Printemps (26). Trianon ne fait pas exception à cette règle et c'est dans ce sens qu'il faut interpréter le choix par les peintres de sujets empruntés aux amours des Dieux, plutôt que comme le signe d'un changement du goût. Il semble d'ailleurs que le Trianon de Marbre soit un palais destiné principalement aux femmes (27); ses premières années ne nous sont pas parfaitement connues mais il semble bien que comme jadis pour le Trianon de porcelaine, on y vienne surtout faire des collations, jouer et se promener. : c e s o n t l e s pièces n° 8 Quelques pièces seulement sont meublées en 1688-89 « ou le R o y mange »; Salle de la Musique, n° 9 ; Antichambre des Jeux, n° 1 0 ; Chambre du Sommeil, décorée de tableaux sur ce sujet et où l'on a placé un lit pour le roi (Cf. Plan, fig. 2). Louis X I V , si l'on en croit Dangeau, n'y a jamais couché. Plus important devait être le rôle de la Galerie où l'on a placé des sièges et dix tables à jouer.

C e n'est qu'en 1691-92 que la fonction de ce que nous appellerions « résidence secondaire » se dessine : on crée un appartement pour le roi dans l'aile gauche, on installe des lits à Trianon sous Bois et l'on fait des dépenses sérieuses en meubles (29). L e plan envoyé en 1694 par L e Nostre au comte de Tessin (30) indique seulement des logements pour les dames, qui occupent l'ensemble de Trianon sous Bois. D e toutes façons, le Trianon est un lieu de plaisance, une maison de campagne où l'on vient se délasser des fatigues et de la solennité de Versailles. Il est tout naturel que la décoration reflète cette différence ; à Versailles régnent le marbre, l'or et les grandes peintures décoratives, à Trianon les boiseries blanches et les tableaux de chevalet; à Versailles on célèbre plutôt « l'Hercule français » triomphant de ses ennemis, à Trianon c'est Apollon présidant aux occupations d u temps de paix; à la foudre de Jupiter, à la massue d'Hercule, succède la flèche de l'amour. Mais c'est toujours Louis le Grand qu'on célèbre. L e choix d'épisodes amoureux se prête aussi bien à la glorification du roi que l'histoire de Mars ou de Jupiter : nous venons de le voir pour Apollon et Daphné; on ne s'étonnera pas que les épisodes considérés par P. Marcel (p. 188) comme typiques de l'iconographie imposée par L e Brun, à savoir Clytie changée en tournesol et Apollon se rendant chez Thétis, soient également traités à Trianon, le premier par L a Fosse, le second par le même peintre et par Jouvenet. Q u a n t aux sujets de Bacchus à l'apparition des-

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quels P. Marcel prête grande attention, ils convenaient moins à Versailles qu'à de petits châteaux comme Trianon et Marly où l'on venait chercher des plaisirs presque champêtres. Rien ne prouve que si Le Brun avait eu à diriger la décoration de Trianon, elle eût été sensiblement différente. N'oublions pas d'ailleurs que ce sont ses élèves les plus proches, Houasse et Verdier, qui ont la part du lion dans la décoration mythologique de Trianon entre 1688 et 1698. Ces mythologies amoureuses deviennent-elles, comme le pense P. Marcel, de plus en plus libertines, préparant ainsi l'art du 18 e siècle? Cette remarque ne peut évidemment s'adresser à Verdier, ce peintre si froid est pourtant chargé exclusivement de peindre des histoires amoureuses : celle de Jupiter et d'Io, puis celle de Vénus et Adonis. Il le fait avec une élégance, une distinction qui nous rappellent opportunément que les amours des dieux peuvent être peints comme une scène d'histoire ou comme une scène libertine : le sujet importe moins que la façon de le traiter. P. Marcel oppose Noël Coypel à son fils Antoine, le premier choisissant des sujets sérieux dans l'histoire d'Apollon, le second des épisodes amoureux (31). En fait les représentations de Noël Coypel sont fort aimables (cat. I, 25 et 27, on remarquera combien le visage d'Apollon, comme chez Jouvenet, ressemble à Louis X I V jeune) alors que la Daphnê de son fils (dans le seul tableau de la série qui ait été exécuté) n'est pas plus dévêtue ou plus réaliste que dans tel tableau bolonais du début du siècle. S'il y a bien une différence entre le père et le fils, elle est dans le style, non dans l'iconographie. P. Marcel, qui nous présente d'un côté un Louis X I V et une Mme de Maintenon fort pudibonds et de l'autre le libertinage envahissant les peintures commandées pour Trianon, sent qu'il y a là une contradiction que ne suffit pas à expliquer la fin de la « tyrannie » de Le Brun. Il imagine alors que ce libertinage admis (mais pourquoi?) par le roi et par son surintendant pour le choix des sujets, devient insupportable à Louis X I V quand il voit ce que deviennent ces sujets sur la toile : aussi « plusieurs toiles achevées ne furent-elles jamais posées : Apollon et Daphné d'Antoine Coypel, par exemple, et le Triomphe de Bacchus de Bon Boullogne, sont signalés dès 1709 au Cabinet des tableaux de Versailles. Les séries commencées par les deux peintres furent même interrompues en pleine exécution ». Notre auteur se trompe ici doublement. Il n'est pas exact que le libertinage se répande dans les mythologies de Trianon. Nous l'avons déjà vu pour l'Apollon et Daphné d'Antoine Coypel, et il en est de même pour les deux tableaux de Louis de Boullogne (cat. I, 53-54) que P. Marcel (p. 193) juge « des œuvres très libertines » et par là caractéristiques. Il ne connaissait ces tableaux sur l'enlèvement d'Europe que par la description de leur sujet, or ni le dessin du Louvre, ni le tableau retrouvé au Musée de Boulogne ne sont bien audacieux. La partie droite du dessin combine des réminiscences du célèbre tableau, autrement « voluptueux »,

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de Titien (32) et du même sujet par l'Albane (Rome, Galerie Colonna; Florence, Galerie Pitti). Quant au tableau, on y voit Europe, fort décemment vêtue, s'installer avec une résignation polie sur le dos du taureau dont elle effleure le museau du bout des doigts. Il ne faut donc pas s'étonner que l'épisode des tableaux interdits pour indécence soit de pure imagination. Les deux tableaux d'Antoine Coypel et de Bon Boullogne (cat. I, 28 et 30) sont restés en place de 1689 à 1705 et n'ont été retirés que parce qu'on modifiait complètement l'architecture intérieure de Trianon sous Bois. De même l'interruption des séries commandées aux deux peintres n'est qu'un cas particulier d'une mesure presque générale, imposée par la guerre et les difficultés financières. Posons ici le petit problème des nudités peintes et de l'attitude royale. O n nous présente volontiers Mme de Maintenon comme particulièrement sourcilleuse en matière de pudeur et de dévotion. Or, les tableaux peints pour son appartement de Trianon, en 1700-02 (cat. I, 63-67), sont tout à fait conformes à l'esprit du reste de la décoration : ce sont des sujets de Flore ou d'Apollon qui ne redoutent pas la nudité. Faudrait-il, du reste, croire Mme de Maintenon assez inculte pour ne pas savoir que la nudité est l'attribut de la divinité? Il est vrai que plusieurs textes (33) nous montrent un Louis X I V hostile aux nudités peintes mais il ne faut sans doute pas attacher trop d'importance à ces documents, tout au moins quand les tableaux ne sont pas destinés à Versailles : les grandes toiles exécutées en 1699-1700 par La Fosse, L. de Boullogne, Jouvenet et A. Coypel pour Marly en sont la preuve (34). En définitive, le goût royal, tel qu'il nous apparaît à travers la décoration de Trianon, est très libéral aussi bien dans le choix des peintres, autrement dit dans l'appréciation des styles, que dans l'iconographie des tableaux. Après avoir manifesté jusque vers 1699 une certaine préférence pour les peintres les plus classiques, Louis X I V , poussé sans doute par son nouveau surintendant, s'intéresse davantage au travail des représentants d'une peinture plus moderne. Cette évolution se fait d'autant plus facilement qu'il n'y avait rien dans les mythologies souriantes mais pleines de dignité d'Antoine Coypel ou de Louis de Boullogne qui pût offenser la pudeur du roi.

III.

ÉTUDE STYLISTIQUE

Fleursj paysages et mythologies

Il ne m'a pas paru utile d'analyser un à un tous les tableaux qui font l'objet de ce travail. Il m'aurait en effet fallu me répéter sans cesse, non seulement à propos des vases de fleurs ou des vues du parc, mais même pour les mythologies qui vont retenir plus longtemps notre attention. Je grouperai donc mes observations pour chaque artiste représenté, en rassemblant à la fin quelques remarques d'ensemble qui s'efforceront de replacer la peinture mythologique de Trianon dans un cadre plus général. I.

Fleurs

M . Michel Faré, dans l'ouvrage qu'il a consacré récemment à la nature morte française ( I ) , s'est efforcé de caractériser l'art de B E L I N DE F O N T E N A Y en l'opposant à celui de son maître J. B. Monnoyer. Il note que les vases de Fontenay sont de matière plus variée (à côté de l'or, on trouve le lapis ou le porphyre) et plus ouvragée : ils sont souvent godronnés ou ornés d'un décor en forme de mosaïque — généralement placés en plein air, ils sont remplis ou entourés de fleurs parmi lesquelles apparaissent des espèces rares mais aussi des épis de blé. A ces remarques, nous pouvons ajouter le goût de Fontenay pour la dissymétrie : très souvent il désaxe sa composition, place à côté du vase principal un second, voire un troisième vase qu'il s'amuse parfois à couper par le milieu. Dans ses compositions la taille des fleurs par rapport aux dimensions du tableau est plus réduite que chez Monnoyer. J'ai suggéré dans le catalogue l'attribution au fils de celui-ci, Antoine, dit Baptiste le fils, de deux tableaux conservés à Versailles (M.V. 7 230 et 7 233). Cette attribution reste hypothétique puisque la description de Bailly est ici particuliè-

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rement sommaire et que je n'ai pas vu les quelques tableaux que M. Faré donne à cet artiste. Les photographies reproduites par M. Faré ne permettent pas une attribution certaine car nos tableaux de Versailles se caractérisent surtout par un coloris verdâtre, assez pâle, qui, en même temps que l'absence de décor, permet au moins d'écarter l'attribution actuelle à Fontenay. II. Paysages. Les paysages peints pour Trianon ne forment pas une série homogène. Le plus grand nombre (trente-six) représentent des vues du parc de Versailles. Les quinze autres, presque tous placés à Trianon sous Bois, sont des paysages de fantaisie. Le premier groupe est unique, par son ampleur, dans l'histoire de la peinture de paysage en France. L'intention est certainement de glorifier l'œuvre des jardiniers du roi et à travers elle la magnificence de Louis X I V . Si l'on excepte la Colonnade et certaines œuvres de sculpture, l'aménagement des jardins venait d'être mené à bien au moment où les peintres se mettent à l'œuvre pour fixer sur les murs de Trianon les chefs-d'œuvre conçus par Le Nostre. Il ne faut sans doute pas voir dans cette entreprise le désir, qui serait anachronique, de fixer pour la postérité une œuvre fragile. Il ne s'agit pas non plus de faire connaître au loin la beauté de ces jardins, tâche qui est confiée à des graveurs comme les Pérelle, on doit plutôt y voir un signe de l'attachement bien connu de Louis X I V pour les jardins et les eaux de Versailles en même temps qu'une manifestation d'orgueil. Cette série de peintures, qui forme une sorte de résumé de la grande création de Versailles à un moment où l'activité des bâtisseurs se ralentit, peut se rattacher à d'autres séries exécutées à la gloire des maisons royales : je pense aux vues, d'ailleurs fort différentes, peintes au début du siècle par Toussaint Dubreuil dans la galerie des Cerfs de Fontainebleau ainsi qu'aux tapisseries tissées plus récemment d'après Le Brun (les Saisons et surtout Les Mois ou Maisons royales (2). Mais il faut penser en même temps aux tableaux de batailles et aux sièges de villes que Van der Meulen et ses disciples multipliaient depuis une vingtaine d'années. Au reste un artiste comme J . B. Martin fait la liaison entre ces deux genres de peinture qu'il pratique également et dans lesquels on trouve le même souci d'exactitude documentaire au service de la gloire royale. Ce réalisme du paysage n'est pas dû seulement à la tradition du paysage flamand implantée par Fouquières, Swanevelt et surtout, plus récemment, par Van der Meulen, il répond à la volonté royale. Nous en avons ici la preuve dans un texte signé par Villacerf en 1693 et publié par Engerand (p. 508). Le surintendant ordonnant à Cotelle une vue de Marly (qu'il n'exécutera pas) avec la pièce d'eau et les cascades, fait observer que « quoique l'on ne voie pas le grand jet parce qu'il est derrière le chasteau, comme il a 1 1 5 pieds de haut on peut le voir au-dessus du chasteau ».

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Il est aisé toutefois de montrer que ce réalisme de COTELLE ne se confond pas avec l'imitation pure et simple de la réalité. Il suffit pour cela de confronter ses œuvres, plutôt qu'avec les jardins actuels, avec des documents graphiques contemporains. Citons une suite de dessins anonymes, exécutés autour de 1700, et conservés au Cabinet des dessins du musée du Louvre (3), en même temps que les nombreuses gravures que des artistes comme les Pérelle ont exécutées d'après les parterres et les bosquets de Versailles. L e recueil des Veues des plus beaux endroits de Versailles est formé de gravures de dates variées : on y trouve côte à côte le Trianon de porcelaine et son successeur le Trianon de marbre. U n certain nombre datent de la période 1680-95 (la gravure de « l'Isle royale » est datée 1681, celle de la « Fontaine des bains d'Apollon » représente la disposition qui a existé de 1686 à 1705, etc.) et sont donc contemporaines de l'œuvre de Cotelle. Ces gravures sont elles-mêmes très proches des planches plus petites publiées sous l'excudit de Lespine (4) et dont la première porte la date de 1683. Si la confrontation avec ces documents confirme évidemment que Cotelle s'est montré scrupuleux dans sa représentation du réel, il n'en est pas moins vrai que les tableaux donnent l'image d'un monde différent. Alors que presque toutes les vues gravées et les dessins sont en largeur, le format en hauteur des tableaux favorise le truquage de la réalité par l'emploi légèrement forcé des effets de perspective, qui évoque ce que fera Canaletto un demi-siècle plus tard. L'importance décisive du format est prouvée par la confrontation des toiles de Cotelle avec les projets à la gouache qu'il avait exécutés sur l'ordre du roi et dont quatorze sont encore conservés (5). Ces gouaches ont en effet un format moins allongé que les tableaux (elles mesurent o m 47 x o m 37) et les effets de perspective sont beaucoup moins exagérés : on remarquera cette différence notamment pour les Cinquante-deux jets d'eau de Trianon (cat. I I I , 6) et pour l'Entrée du Labyrinthe (cat. I I I , 14). Q u e Cotelle ait été gêné pour remplir la hauteur de ses toiles se voit aussi dans les premiers plans. Très souvent il a ajouté quelques détails, fleurs, objets d'argenterie, animaux qui n'existaient pas dans les gouaches et qui meublent tant bien que mal le vide laissé par le transfert exact du sujet des gouaches dans un format différent. Les deux conséquences de ce changement de format sont clairement réunies dans la vue du Théâtre (cat. I I I , 23), où l'on trouve l'addition des éléments de nature-morte au premier plan et la transformation de la perspective due au resserrement de l'allée qui s'enfonce droit devant le spectateur, au milieu du tableau. L e redressement des lignes de fuite et les « perspectives accélérées » ainsi obtenues font penser à des décors de théâtre. De même si dans les gouaches les personnages sont placés tout en bas de la composition, dans les tableaux, le vide du premier plan fait penser à une scène de théâtre. L e dégagement d'un premier plan découvert, sur lequel Cotelle fait jouer ses dieux et ses déesses peut se faire au détriment du fond : dans la vue du Théâtre

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(cat. I I I , 23) la cascade en gradins est rétrécie par le peintre. Cette tendance théâtrale peut mener à de véritables déformations de la réalité; ainsi au premier plan de ses Bains d'Apollon (cat. I I I , 22), Cotelle escamote la palissade que Pérelle a correctement représentée et qui aurait gêné l'action des personnages. Dans l'Arc de Triomphe (cat. I I I , 16), Cotelle écarte les petites plates-bandes qui, au milieu du terre-plein, correspondent en réalité aux deux extrémités de l'Arc. Pérelle comme le dessinateur anonyme (6) ont été beaucoup plus réalistes. O n pourrait multiplier les exemples, bornons-nous à une dernière confrontation entre la Salle de Bal de Cotelle (cat. I I I , 5) et celle du dessinateur anonyme {Album Le Mostre, n° 23, rep. p. 41). L e peintre a inventé ici une colline escarpée, presque vertigineuse, dans laquelle sont taillés les gradins alors que le dessin, largement étalé sur la feuille, montre le relief modeste de la réalité. L'impression de malaise, d'ailleurs non sans charme, qui se dégage des toiles de Cotelle, s'explique aussi par le traitement de la végétation, lourde et oppressante, et dans laquelle les jardiniers semblent avoir taillé à grand-peine allées et parterres. Mais il faut insister surtout sur la disparition des promeneurs qui peuplent les toiles d'Allegrain ou des Martin : les courtisans de Louis X I V en costume du temps laissent la place aux dieux de l'Olympe, qui se groupent au premier plan ou descendent des cieux dans leur char, laissant vide le fond des tableaux. Cette disposition, en même temps que le style des personnages, nous paraissent dériver de l'Albane, et plus précisément de la Toilette de Vénus, acquise par Louis X I V en 1684-85, avec les trois autres tableaux du même groupe (7). Allegrain et Martin n'ont pas l'imagination de Cotelle : ils ne transforment pas Versailles en séjour des dieux, mais la juxtaposition de leurs toiles et de celles de Cotelle dans le même ensemble décoratif montre avec quelle aisance on passait alors du monde quotidien à celui de la fable. L e nettoyage récent des vues de Versailles de J . B. MARTIN en a révélé toute la qualité picturale, qui devrait interdire à l'avenir d'attribuer à leur auteur toutes les toiles jugées trop faibles pour être de V a n der Meulen. Martin a pris à son maître le goût des vastes paysages qu'on découvre d'une hauteur. C e parti pris permet d'associer intimement le château et le parc de Versailles au paysage lointain vers lequel l'œil est conduit par le j e u plein de sensibilité de la perspective atmosphérique. O n pourra comparer ici encore la vue cavalière combinée avec un format en hauteur (cat. I I I , 1) à un dessin du Louvre {Album Le Nostre, n° 26, p. 43) qui représente lui aussi la galerie des Antiques, mais donne une impression de réalité familière toute différente, malgré l'absence de personnages. L a précision topographique est réchauffée chez J . B. Martin par des scènes réalistes et drôles. Dans la cour du château (cat. I I I , 26) les chiens courent, un cavalier rajuste ses bottes, un courtisan salue, un garde rentre au poste, son fusil sur l'épaule. A u second plan, six rangs de soldats bien alignés sont entourés d'une

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foule de personnages en mouvement. L e troisième plan grouille encore de petites silhouettes esquissées sommairement. Tout ce mouvement est saisi par un pinceau rapide et d'une extrême sûreté, dans une lumière claire. Martin tire un effet particulièrement heureux du j e u des bleus qu'il module savamment dans les toits de Versailles et les vêtements des personnages. Les verts jaunâtres et les jaunes francs des parties les plus éclairées, permettent de distinguer très vite l'art de J . B. Martin et celui de son neveu. Les trois tableaux (cat. I I I , 49-51 ) que j e rends à P. D . MARTIN sont peints dans un coloris assez différent où les verts tirent vers le bleu. L'Obélisque (cat. III, 49) montre un emploi systématique de ces verts bleutés opposés au bleu verdâtre du bassin et au bleu des costumes. De même le traitement des personnages, dont le visage se confond presque avec le sable des allées, est beaucoup plus mince ; les silhouettes sont plus étroites, entourées d'une lumière blanche alors que chez J . B. Martin les personnages, carrés et robustes, sont peints dans une pâte plus épaisse. Les deux tableaux de CHATELAIN sont, au premier abord, très éloignés l'un de l'autre mais cette impression est due à la mauvaise conservation du n° I I I , 48, presque entièrement épidermé. Les rares zones préservées (feuillage en haut et à droite) sont incontestablement de la même main que le n° 47, tableau de bonne qualité qui montre à quel excellent niveau « technique » pouvait atteindre un peintre du milieu versaillais, par ailleurs complètement inconnu. L e fond du paysage où court l'ombre des nuages est un morceau savoureux grâce à un empâtement riche et bien en place, qui donne du prix à chaque détail de ce grand tableau décoratif. A côté de ces paysages topographiques, on trouvait une quinzaine de paysages fantaisistes qui se rattachent tantôt à la tradition du paysage classique, tantôt à celle du paysage nordique. U n assez grand nombre de ces paysages a malheureusement disparu; ceux d'Houasse en particulier, qui, en tant que paysagiste, n'est plus connu que par des fonds de tableaux et par de grandes toiles décoratives déposées au Musée de Salins (8). Les tableaux qui nous restent sont dus à Allegrain et à J . B. Martin, mais sont fort différents des vues du parc exécutées par les mêmes artistes. Les œuvres conservées d'ALLEGRAIN (cat. I I I , 35-36) sont sans surprise : avec un demi siècle de retard, notre artiste reste attaché au style des paysages héroïques de Poussin dont il ne s'écarte que par une recherche discrète du pittoresque. L a conception monumentale et unitaire de Poussin se fragmente ici en une mosaïque qui respecte les règles générales mais non l'esprit du modèle : on retrouve la construction solide, rythmée par les fabriques, la distinction soigneuse des plans (qui ne va pas sans artifices : Allegrain fait par exemple alterner les feuillages verts et bruns plan par plan) mais il s'est produit une détente dans le style, sensible dans la silhouette des personnages et dans certaines zones d'un vert laiteux qui nuisent à l'unité colorée du tableau.

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Les paysages de fantaisie par J. B. Martin sont beaucoup plus surprenants pour qui connaît seulement ses batailles ou ses vues topographiques. Entourés sur trois côtés de bandes, d'ailleurs assez soignées mais qui dénaturent leur composition, ces tableaux évoquent en même temps que les paysages d'un Mauperché, les « bambochades » et d'une façon plus générale l'œuvre de nombreux artistes flamands ou hollandais travaillant en Italie. Martin met l'accent sur les architectures à demi ruinées qui sont le thème principal de ces tableaux; à la différence des artistes du temps de Poussin, comme Lemaire, ces architectures servent surtout à des recherches de lumière, recherches très fines et sensibles, masquées jusqu'à ces derniers temps par un monotone vernis jaune. Ce que ces architectures pourraient avoir de trop solennel est égayé par les petits personnages de fantaisie qui n'ont, à la différence de ce qu'on observe dans les « bambochades », qu'un rôle accessoire. Les architectures s'incorporent, avec quelque difficulté, dans des paysages traités rapidement, où l'on retrouve des couleurs vert-jaune, que nous avons déjà rencontrées chez ce peintre, en même temps qu'un certain effort de réalisme. III. Mythologies L'ordre que je suivrai nous mènera des peintres les plus classiques aux représentants du goût nouveau. Les premiers sont les moins connus mais les mieux représentés : c'est seulement à Trianon que l'on peut étudier Verdier ou Houasse car la presque totalité des tableaux de chevalet, dont l'attribution à l'un ou l'autre est certaine, ont été peints pour ce palais. Les quatorze tableaux de V E R D I E R (ça 1651-1730) présentés ici, peints de 1688 à 1698, permettent de se faire une idée de cet artiste, le plus méconnu de tous dès son vivant. Après sa disgrâce, due certainement à l'influence de Hardouin-Mansart, Verdier mène une carrière longue et obscure qui s'achève dans la misère. Dessinateur extrêmement fécond (9), par nécessité sans doute (10), son œuvre dérive de celle de son protecteur Le Brun. Les auteurs anciens lui reprochaient à bon droit cette dépendance et Mariette se montre à son égard d'une extrême sévérité : « Ses commencements avaient été fort brillants : il montrait un génie riche et qui paraissaient inépuisable; mais ce n'était qu'un génie d'emprunt qui, formé dans l'école de Le Brun, rapportait à la manière de ce maître tout ce qu'il produisait, tenait tout de lui et qui peu à peu s'éclipsa au point que, devenu lâche et sans saveur, il ne fit plus rien de supportable et fut absolument abandonné. Le peu de conduite de sa femme, nièce et héritière de Mme Le Brun, le réduisit, sur la fin de sa vie, presque à la mendicité, et cela acheva d'éteindre toutes les facultés de son âme. Jamais il n'eut de couleur » (11). Notons que ce jugement concerne surtout la fin de la vie de Verdier; sans chercher à faire de lui un très grand peintre, il est permis d'insister sur son originalité,

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ou, si l'on préfère, sa bizarrerie. Certes l'exemple de Le Brun l'obsède : sa technique de dessinateur, ses têtes viriles au nez droit, aux yeux écartés et vides marquent la limite extrême d ' u n e influence partout sensible. Cette référence constante à Le Brun, qui s'ajoute à des réminiscences directes de Poussin (12), est limitée à Trianon p a r les sujets représentés mais surtout p a r la différence de tempérament entre le maître et l'élève. O n ne retrouve jamais chez celui-ci la vitalité, la force souvent brutale qui sont le fond de l'art de Le Brun. L'expression des passions semble également fort indifférente à Verdier. Celui-ci reproduit avec désinvolture le même personnage féminin chargée d'incarner avec la même impassibilité J u n o n courroucée ou Io pleine d'inquiétude. Ce m a n q u e d'invention est assurément une faiblesse de Verdier mais la monotonie même de ses tableaux produit une sorte de charme incantatoire pimenté p a r u n coloris étrange. La bizarrerie séduisante de sa peinture est en effet trahie p a r la photographie en noir et blanc. Contrairement à Mariette qui devait être choqué p a r son arbitraire, nous pouvons aujourd'hui apprécier u n coloris qui se fonde sur l'accord du vert avec des bleus tirant sur le mauve ou le violet (voir p a r exemple la draperie de J u n o n , cat. I, 33 ou la juxtaposition dans les vêtements d'Adonis (cat. I, 52) d ' u n e tunique bleue et de jambières vert vif). Ces bleus sont d'ailleurs caractéristiques de notre peintre, on les voit triompher dans u n tableau comme le Vénus retenant Adonis (cat. I, 59) ou s'infiltrer dans la plupart des ombres : le beau rouge étouffé dont Verdier avait sans doute trouvé le goût dans les œuvres de Le Brun des années 1650-55 (13), q u a n d il n'est pas éclairé, devient u n rose bleuté (voir la draperie d ' I o dans le même cat. I, 33). Le goût de Verdier pour le vert se voit jusque dans les nuages et les chairs où les reflets verdâtres sont la règle : pour faire « tourner » les corps, le peintre fait virer au vert presque tous les contours. Dans les fonds de paysages traités sommairement en général, où l'on retrouve le souvenir des paysages poussinesques, notamment dans l'emploi des fabriques, l'ange du bizarre est passé ici encore. Voyez p a r exemple, posée sur u n toit de chaume, une cheminée monumentale (Mercure et Argus, cat. 1,37). Ces paysages sont d'ailleurs presque toujours déserts, les cheminées fument encore mais l'homme n ' a rien à faire dans un monde de dieux et de nymphes. L'irréalisme foncier de Verdier l'écarté à la fois de ses maîtres classiques, Poussin ou Le Brun, et de ses contemporains. Ayant appris une fois pour toutes à dessiner des corps ou des arbres (qui plus que lui, sera un peintre « de pratique »?), Verdier se livre à un jeu intellectuel de lignes et de couleur de plus en plus dégagé du réel a u fur et à mesure que sa carrière avance : l'écart est net entre le Borée et Orythie de 1688-89 ( c a t 0 et sujets d'Adonis de 1696-98 (cat. I, 50-52). Dans ces derniers tableaux la couleur est à son maximum d'étrangeté (alors q u e le Borée est fondé sur u n contraste encore assez « raisonnable » entre les couleurs

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vives du bas et le bleu verdâtre du groupe principal) et les personnages à leur maximum de distinction, presque d'absence. Dans le Vénus et Adonis (cat. I, 52) l'arabesque insistante des cols de cygne et des formes féminines n'est pas moins étrange que le coloris. Attardons-nous un instant sur le Vénus retenant Adonis (cat. 1,50). Verdier a utilisé ici deux sources d'inspiration; la première est l'Albane, auteur de deux séries de compositions célèbres comportant le thème de Vénus et Adonis (14). U n e de ces séries, déjà gravée par Baudet, venait d'entrer, en 1685, dans la collection de Louis X I V . Verdier a certainement utilisé VAdonis conduit vers Vénus, de l'Albane, notamment pour le groupe d'Adonis avec son lévrier, mais en durcissant la grâce un peu molle de son modèle. Il connaissait peut-être une autre composition, qui a été gravée par Philippe Simonneau « d'après le tableau original de l'Ablanne » (sic) (15) et dans laquelle l'attitude d'Adonis est encore plus proche du personnage de Verdier. U n e autre source de notre peintre est sans doute une composition de Le Brun dans la série exécutée sous sa direction pour Valdor : Méléagre présentant la hure à Atalante dont nous connaissons la gravure par B. Picart. L a figure d'Atalante semble bien avoir inspiré l'attitude de la Vénus du tableau de Verdier. Malgré ces réminiscences, l'œuvre de Verdier ne manque ni de beauté, ni d'originalité grâce au charme d'un coloris fondé sur le bleu, et à l'harmonieux enchaînement des gestes qui donne son unité à la composition. O n remarquera le bras nonchalant avec lequel Vénus, comme déjà résignée, retient Adonis dans un geste répété presque exactement par le petit amour du premier plan. L'extrême distinction du tableau, le refus d'humaniser les dieux rendent presque vulgaire le Vénus et Adonis que Louis de Boullogne avait peint dix ans auparavant (cat. I, 6). Il était moins facile jusqu'à présent de juger HOUASSE (1645-1710) dont un certain nombre des tableaux conservés étaient en mauvais état, en particulier ceux de l'histoire de Minerve. Leur restauration permet de mieux apprécier d'incontestables qualités d'exécution, notamment la liberté de la touche et surtout le charme recherché d'un coloris qui aime à jouer des gris, bleuté ou verdâtre. Ces qualités nous paraissent aujourd'hui en opposition avec la gaucherie du dessin dans quelques toiles où nous gêne la lourdeur presque bovine des formes. Cette gaucherie n'est pas aisée à interpréter dans l'ignorance presque complète où nous sommes des dessins d'Houasse. Nous avons peine à croire qu'un professeur à l'Académie soit un dessinateur aussi malheureux qu'il le paraît parfois à Trianon (16). Des élèves l'ont-ils aidé ? O n serait tenté de le croire en regardant le bras lourd et mal attaché d'une Diane (cat. I, 9), les jambes démesurées de Minerve dans un groupe presque ridicule (cat. I, 45). Cette hypothèse reçoit quelque crédit de la brillante qualité de certaines toiles, dont j e dirai un mot plus bas.

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Certains des tableaux qu'il a peints pour Trianon rappellent l'œuvre de son maître Le Brun. D e u x des sujets de Minerve (cat. I, 40 et 44) se rattachent par exemple à la décoration des Grands Appartements et de la Grande Galerie de Versailles, le système de perspective et les figures masculines sont très proches de L e Brun. O n retrouve même dans les Tritons, à gauche du n° 44, un accent réaliste qui vient de son maître et qui n'existe pas dans les œuvres plus personnelles d'Houasse. Dans le même tableau, le Neptune debout est un emprunt presque textuel au troisième grand sujet de la Galerie des Glaces, Le roi arme sur terre et sur mer. En général notre peintre est plus heureux avec les figures de dieux qu'avec les déesses à l'air un peu sot, voire à l'épaisseur assez désagréable (je pense au tableau de Narbonne, cat. I, 9). Toutefois, on rencontre dans la série consacrée à Minerve (cat. I, 41 et 43) des figures élégantes au canon très long qui nous éloignent du monde de Le Brun. Si le n° 41 semble un hommage au classicisme français des années 1640 sur lequel il renchérit par la pureté des architectures à la Lemaire, la pâle froideur des couleurs, les visages de statue antique des Rhodiens, le n° 43, malheureusement coupé au siècle dernier, nous introduit dans un univers neuf. Dans cette curieuse composition où la direction des troncs d'arbres se plie au schéma en V du tableau, passe un souffle néo-classique que l'on retrouve dans les toiles les plus personnelles de Houasse. C'est cette étrangeté qui lui a valu récemment les honneurs de la reproduction en couleurs dans la collection Skira. Encore la reproduction d'Iris et Morphée ne rend-elle pas pleine justice au raffinement du coloris tout entier fondé sur des variations de bleu souvent acide, à peine réchauffé par quelques touches de rouge. L a composition qui doit quelque chose au Sommeil de Vénus d'Annibal Carrache (Chantilly), évoque curieusement l'art d'Appiani ou de Girodet. A l'entrée d'une caverne qui pourrait accueillir Atala, c'est un grand déploiement d'ailes bleutées sur un fond de ciel cotonneux; tandis que sur un lit précieusement ciselé comme le sont les boucles de ses cheveux, Morphée s'éveille. Cette curieuse effigie masculine à la fois musclée et équivoque comme les dieux hellénistiques chers à Winckelmann, se retrouve dans le Narcisse (cat. I, 19) où Houasse allonge un long corps en diagonale au bord d'un étang et ouvre derrière lui la perspective d'un parc enchanté, peint dans une g a m m e de verts acides. L e même esprit se retrouve dans le tableau que j ' a i identifié à Bordeaux (cat. I, 18) et qui se rattache au Morphée et Iris par son coloris bleuté, par l'invention bizarre de la masse nuageuse dans laquelle Diane enveloppe sa protégée, par le dessin lourd du visage de la déesse qui ressemble comme une sœur à Iris. L'art étrange d'Houasse, dans ses meilleurs moments, et surtout de Verdier est une tentative pour préserver et rajeunir l'héritage classique. En renchérissant sur la froideur qu'on reproche souvent aux classiques, en s'écartant résolument du réel, un homme comme Verdier, qui n'est pas d'ailleurs un grand inventeur

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de formes, ne pouvait être apprécié de ses contemporains. C e qu'une poignée d'historiens d'art, aidés par ce qu'ils connaissent de l'évolution ultérieure de la peinture, peuvent appeler étrangeté savoureuse ou élégance néo-classique n'était alors que discordance et maladresse. Si un homme comme Boucher a pu faire applaudir de toute l'Europe cinquante ans plus tard un coloris qui n'est pas moins artificiel que celui de Verdier, c'est qu'on pouvait apprécier d'abord chez lui de l'imagination, une inspiration aimable et le dessin d'un maître. L a tentative d'Houasse et de Verdier, pour réussir, aurait dû être servie par des dons du premier ordre. A défaut de ce génie qui leur manquait, leur œuvre est restée sans écho, un relais que seule la lointaine postérité pouvait saisir entre les tableaux tardifs de Jacques Stella et l'art néo-classique.

L ' œ u v r e de Noël COYPEL (1628-1707), si célèbre en son temps et si mal connu aujourd'hui, s'étend sur plus d'un demi-siècle. Ses travaux pour Trianon se placent à la fin de sa carrière et montrent une inspiration assez éloignée de celle de sa jeunesse. Mieux, les tableaux de 1688 sont peints dans un style différent de celui des œuvres les plus tardives. U n trait commun toutefois : une certaine maladresse à composer dès que le parti n'est plus soutenu par un décor d'architecture. O n voit alors le peintre grouper ses personnages au centre de la toile, les isoler du fond par un rideau d'arbres et ménager de part et d'autre des perspectives de paysage (cat. I, 25, 58 et 60). Les deux tableaux de 1688 que nous conservons sont peints dans une gamme fraîche dont les jaunes rappellent encore l'art de V o u e t ou de L e Sueur. O n remarque une inflexion réaliste (voir le Mercure, cat. I, 27) qui disparaîtra par la suite. Les toiles de la série d'Hercule, vers 1700, montrent un style plus sec où le dessin cerne minutieusement les formes. Toutefois il faut distinguer les sujets placés dans un paysage (cat. I, 58, 60 et 62) et ceux qui sont encadrés d'architecture (cat. I, 57 et 61). Ceux-ci montrent un style plus sévère, la rigueur des architectures semble imposer une fidélité plus grande au souvenir du classicisme. Dans tous ces tableaux, des ombres brutales cabossent des draperies dures comme du métal et dessinées avec sécheresse. Les visages brunâtres sont modelés sans douceur par des empâtements de blanc ou même, le plus souvent, de jaune. Tous, jusqu'à ceux des putti, ont les orbites creuses et les traits marqués. L'art du vieux Coypel se plie malaisément au goût nouveau. C e n'est guère que dans YAmalthêe (cat. I, 60), le mieux conservé de toute la série, qu'il parvient à un charme neuf, grâce à la variété d'un coloris léger qui compense ce que le dessin a d'appliqué. En effet, ni les grâces des Boullogne, dont on sent l'exemple

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dans la pose contournée et artificielle d'Amalthée, ni les mimiques expressives que son propre fils Antoine aimait et qu'affecte Déjanire (cat. I, 58), ne conviennent vraiment à ce style sévère. Noël Coypel retrouve parfois pour ses figures féminines, naturellement nobles et un peu lourdes, l'accent plus simple des Muses de L e Sueur dont on sent le souvenir lointain dans l'allégorie de l'Abondance (cat. I, 62). Est-ce par nostalgie pour les sujets héroïques et les grandes décorations que Noël Coypel expose aux Salons de 1699 et 1704 des réductions des quatre grands tableaux qui décorent les voussures de la Salle des Gardes de la reine (17) ? O n y retrouve exactement le même style que dans la série d'Hercule (ce qui prouve que ces quatre réductions ont bien été peintes à ce moment) mais ici les ordonnances en frise, les nobles architectures, la cadence grave des processions conviennent mieux aux sujets. Il y a un défi dans l'hommage que le peintre rend à Poussin, à Le Brun, à sa propre jeunesse, au moment précis où l'avènement à la Surintendance d'Hardouin-Mansart annonce la fin de sa carrière officielle. Il n'est pas impossible que la présence aux deux Salons de tableaux de la série d'Hercule ait été utilisée par le peintre pour faire pression sur le nouveau surintendant, peu pressé d'accrocher ces toiles à Trianon et moins encore de les payer (ce paiement ne sera fait qu'en 1 7 1 1 , après la mort de Noël Coypel). J'ai présenté ailleurs (18) les deux principaux tableaux peints par JOUVENET (1644-1717) en 1688 et en 1700 pour Trianon, en insistant sur le plus classique : Flore et Zéphyr (cat. I, 14). C e tableau, malheureusement usé et qui vient d'être lourdement restauré, montre l'importance de Poussin dans la formation du style de Jouvenet. Les deux petits tableaux d'enfants, œuvres décoratives, ont sans doute été peints très vite, ils font figure d'ébauches, par endroits assez molles, sur laquelle tranche ( M . V . 8 2 1 7 ) une corbeille de fleurs, certainement peinte par un spécialiste (Monnoyer?), dont l'exécution précise et allègre fait un contraste remarquable avec le travail de Jouvenet. Il est rare qu'on puisse saisir aussi clairement la collaboration entre un spécialiste et un peintre de figures, les artistes prenant en général soin d'égaliser davantage leurs manières (je pense par exemple aux tableaux de l'atelier de Rigaud). C'est un tableau plus important que l'Apollon et Thétys sur lequel j e voudrais revenir. U n détail historique d'abord : ce n'est pas la première fois que Jouvenet avait peint ce sujet. En liaison avec ses décorations de 1694-95 P o u r I e Parlement de Rennes, Jouvenet avait peint plusieurs plafonds pour M . de la Mothe-Piquet, le greffier chez qui il logeait. Peu après, selon Dezallier d'Argenville (19), ces peintures ont été transportées dans le Trianon que le marquis de Robien, comme beaucoup de seigneurs (20), avait fait élever dans le jardin de son hôtel à l'imitation du Trianon versaillais. Il est presque certain que Y Apollon et Thétys, signalé par une tradition ancienne (21), au dessus d'une fausse cheminée de ce

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pavillon, avait la même origine. Il aurait été curieux de comparer ce tableau, disparu à la Révolution, avec Y Apollon et Thétys peint en 1700 pour le Trianon de Marbre. C e nouveau tableau, peint un peu vite semble-t-il, a pourtant révélé la qualité de son coloris après son récent nettoyage. A v e c ses couleurs très claires, un peu acides, il montre un style assez différent de la Flore et £éphyr de 1688. Poussin est désormais presque oublié, le groupe de Thétys avec une nymphe qui la coiffe est d'une jolie invention qui ne devait pas déplaire à Boucher. Dans toute la peinture française du 18 e siècle on retrouvera l'opposition entre les chairs très brunes d'un homme et la carnation blanche d'un personnage féminin, opposition que nous trouvons ici entre le Triton et la nymphe du premier plan. J e n'ai pas cité sans intention le nom de Boucher. Q u a n d Mlle Stuffmann, dans son excellent travail sur L a Fosse, comparait VApollon et Thétys de celui-ci avec le même sujet peint par Boucher (22), elle aurait pu placer entre les deux notre tableau de Jouvenet. Nous sommes en effet non plus devant une parenté un peu vague de style mais devant un emprunt direct de Boucher qui a reproduit presque textuellement l'Apollon de Jouvenet. Boucher, en visitant Trianon où le L a Fosse et le Jouvenet étaient encore accrochés en 1741, a sans doute été plus sensible au dessin précis de Jouvenet qu'à l'invention un peu molle de L a Fosse dont Y Apollon et Thétys n'est certes pas le meilleur tableau. Michel II CORNEILLE (1642-1708) reste un peintre mal connu et dont l'art est divers. Il y a peu en commun entre ses œuvres religieuses (23), les dessins conservés au Louvre, nombreux mais de qualité fort inégale, la gravure de la Déification d'Enée (24), enfin les tableaux de Trianon. A l'intérieur même de ce dernier groupe on reste surpris de l'écart entre les quatre toiles de 1688 et les « tondi » peints à la fin de la vie de Michel Corneille. Les tableaux d'enfants frappent par l'intensité étonnante du rose qui domine leur coloris et que le peintre module sans se lasser. Dans le n° 21, à côté de détails bien venus (les colombes en haut et à gauche) on note les cheveux blond vif du putto au premier plan, traités dans le même esprit que les fleurs, irréelles et frémissantes. Les mêmes qualités un peu étranges font le charme du tableau retrouvé à Libourne (cat. I, 20). Sur un fond sombre et violacé (25), le peintre détache le corps rose vif et les boucles jaunes de ses putti. L a fantaisie du décor, avec un petit chien échevelé, un faune contorsionné, sculpté sur le siège de Flore, la hardiesse du traitement qui juxtapose des coulées bleues et jaune orangé (draperie de Zéphyr), le dessin aigu, font de ce tableau, une œuvre attachante. A plus d'un siècle de distance, cette toile fait songer aux fantaisies désarticulées du Maître de Flore. Le Jugement de Midas (cat. I, 17), un peu moins ruiné que Y Iris et Jupiter (cat. I, 70), est moins séduisant que le ^¿Pk)>r Flore. Dans une composition trop chargée, où l'air ne circule pas, le peintre vieillissant semble accablé par sa culture. Apollon est une figure raphaëlesque (26), Midas rappelle la galerie Farnèse, leur rapprochement ne fait

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pas un bon tableau. Le coloris, pour autant qu'on puisse en juger derrière un voile rougeâtre, paraît banal. Dans la vie des frères BOULLOGNE, 1688 marque d'après Dezallier d'Argenville, qui semble bien informé, une date importante. L e cadet, Louis, se marie et cesse d'habiter avec son aîné (27). Mais les œuvres que les deux peintres exécutent au même moment pour Trianon restent très proches les unes des autres; en l'absence de preuves documentaires les confusions entre les deux frères seront longtemps encore difficiles à éviter. En 1688, on remarque chez eux les mêmes formes féminines, à la fois longues et rondes, le même rapport des figures avec le paysage, la même poésie rêveuse et un peu molle. Ils ont même en commun à cette époque un véritable tic d'écriture : leur façon maniérée de détacher le petit doigt des autres doigts de la main. Cependant des différences apparaissent à l'examen; chez Bon, on trouve le goût de couleurs plus franches (voir l'accord bleu-blanc-rouge des draperies de Vénus (cat. I, 5), qui tranche sur le vert soutenu du rideau et du fond) ; on remarque aussi son habitude d'animer le détail de ses draperies, ce qui aboutit dans les premières années du 18 e siècle (cat. I, 65) à un style mobile, frissonnant, assez éloigné des draperies de Louis. Chez celui-ci, on peut noter en 1688 un détail qui disparaîtra dans les tableaux plus tardifs (28) : le traitement particulier des yeux avec les deux paupières à peu près égales et fortement marquées. Louis aime également à faire sortir d'une ombre orangée une tête (cat. I, 7) ou tout le corps (cat. I, 6) d'un putto. Q u e ce soit en 1688 ou en 1697, le peintre réchauffe ses ombres avec des rouges soutenus (draperies de Vénus, cat. I, 7 et suivantes d'Europe, cat. I, 54). L a source de l'art des Boullogne est facile à trouver : Dezallier d'Argenville notait déjà dans sa vie de Bon l'admiration particulière de celui-ci pour le Dominiquin. Les deux frères ont certainement admiré la peinture bolonaise au cours de leurs années d'apprentissage en Italie mais ils avaient renouvelé leurs souvenirs grâce aux richesses de la collection royale. U n tableau comme Renaud et Armide du Dominiquin a sans doute joué un rôle décisif dans la formation du style des Boullogne tel qu'il apparaît à Trianon : la disposition en oblique des personnages, les visages ovales aux joues pleines, les putti, tout cela se retrouve chez les deux frères : le visage féminin de face à gauche de l'Allégorie de la Nature ressemble étrangement à Armide en même temps qu'à la nymphe qui se baigne au premier plan de la célèbre Chasse de Diane (Galerie Borghèse). Ce type de visage ressemble aussi à ceux de l'Albane, dont la poésie idyllique et un peu douceâtre n'est pas éloignée de celle des Boullogne. U n rapprochement précis et qui n'est pas seulement iconographique peut être fait pour l'Enlèvement d'Europe. Le tableau de Louis de Boullogne peint en 1697 (cat. I, 53) est perdu mais le dessin préparatoire rappelle nettement les tableaux sur le même sujet répétés par l'Ai-

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bane (29) : Europe a le même costume et à peu près la même position sur sa monture ; L. de Boullogne a également emprunté l'idée du putto voletant en avant du taureau qu'il entraîne avec une guirlande de fleurs. Si nous reprenons la série des tableaux de Louis de Boullogne, une évolution apparaît assez nettement, qu'on trouve en germe dans le premier tableau (vers 1680), joint à cette étude bien qu'il n'ait pas été peint pour Trianon (cf. cat. I, 75). L a figure de droite (sans doute Melpomène) conserve une noblesse toute classique dans son visage un peu sévère, présenté frontalement. Elle est presque identique à la figure de l'Architecture gravée d'après Louis de Boullogne par Gérard Audran dans le Cabinet des Beaux-Arts de Perrault (Paris, 1690), et qui doit dater à peu près de la même époque. Au contraire Uranie affecte une pose sentimentale qui conviendrait à une sainte en extase, on y relève déjà le refus de placer le plan du visage parallèlement à celui du tableau, qui deviendra constant chez Louis (mais non chez Bon). Le peintre tirera de ce procédé, probablement emprunté au Corrège et dont Boucher fera après lui un usage systématique, un effet curieux dans le Jupiter et Europe que j'ai retrouvé au Musée de Boulogne-sur-Mer (cat. I, 54) : les deux compagnes d'Europe ont l'une le visage penché vers le fond du tableau, l'autre vers le spectateur. Ce tableau, dont le récent nettoyage a révélé la qualité, est peint dans un coloris très vif, qui joue sur des accords orange-rose bleuté. Conservant un dessin précis, un goût de paysage qui rappelle à la fois Poussin et l'Albane (30), Louis de Boullogne ne trahissait l'évolution du goût contemporain que par l'intensité de couleurs, d'ailleurs originales et qui ne devaient rien à Rubens. L a crainte d'être ennuyeux, la recherche de la grâce vont l'entraîner peu après à une humanisation plus grande des personnages, nous avions déjà noté cette tendance à propos de Vénus et Adonis (cat. I, 6), elle est plus frappante dans les figures qui accompagnent Apollon dans les deux pendants de 1701-02 (cat. I, 66-67) : l a Sibylle, fille de Glaucos est devenue une aimable jeune personne au nez retroussé. Nous ne nous attarderons pas sur LA FOSSE (1640-1716) qui vient d'être étudié avec beaucoup de soin par Mlle Stuffmann (31). L'auteur fait un sort particulier à l'Apollon et Thétys (p. 42-44), elle remarque la différence avec le Sacrifice d'Iphigénie, le tableau de Trianon offrant une composition plane et des couleurs peu variées. L'analyse est parfaitement exacte mais je ne puis être d'accord avec Mlle Stuffmann, je l'ai déjà dit, quand elle veut voir dans l'absence de profondeur de ce tableau le résultat d'une adaptation au cadre de boiseries plates. Il suffit en effet de regarder Clytie changée en tournesol, tableau construit en profondeur, pour s'assurer qu'il n'en est rien. L a différence entre les deux tableaux de Trianon est d'ailleurs surprenante puisque le coloris de Clytie, brun et vert, est beaucoup plus subtil que celui, assez monotone, de l'Apollon et Thétys, mais ce dernier tableau

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paraîtrait peut-être plus à son avantage s'il était nettoyé comme son voisin; j e ne serais pas surpris qu'il se révèle alors moins plat et qu'on y trouve quelques-uns de ces effets lumineux qui contribuent à faire de la Clytie le plus beau sans doute de tous les tableaux mythologiques de Trianon. Mais cette dernière toile vaut aussi par la souplesse des formes, la concentration de la figure de Clytie, l'habile agencement des plans, rare chez un artiste souvent malheureux dans la composition, enfin par une exécution riche et synthétique. Évoquons pour terminer quelques œuvres de peintres plus jeunes. L a Latone de François MAROT (1667-1719) donne raison à Dezallier d'Argenville qui écrivait : « Personne n'a plus approché de L a Fosse que lui » : la figure féminine principale porte en effet toutes les marques du style de L a Fosse mais le coloris, assez pimpant, n'a pas l'unité de celui du maître. Nous nous acheminons plus nettement vers le style du 18 e siècle avec le tableau conservé d'Antoine COYPEL (1661-1722). O n peut regretter que l'Apollon et Daphné de 1688-89 n e s ° i t plus connu que par une gravure, le tableau nous aurait mieux permis de comparer le style du père et du fils à la même date : les deux artistes étaient alors certainement plus proches qu'ils ne le sont vers 1700. L a gravure de Tardieu montre une composition plus réussie que celles qui sont habituelles à Coypel le père. Elle peut être rapprochée de Y Apollon couronné (cat. I, 25) peint par Noël Coypel exactement au même moment : le fond de paysage, les nymphes robustes, se retrouvent dans les deux œuvres. Mais Antoine Coypel a déjà un style plus pittoresque, évident dans la caverne rocheuse où coule une cascade et dans le style souple des putti comme celui qui, un pied dans l'eau, se renverse en arrière. L a pose de Daphné ressemble à celle imaginée par Carlo Maratti dans le tableau peint pour Louis X I V en 1681 mais l'intérêt du peintre italien pour le nu inspiré de l'antique n'est pas partagé par le Français. L e tableau de 1702 (cat. I, 64) montre apparemment un style beaucoup plus « avancé » bien que la petite figure de l'Amour ait une raideur archaïque. L e traitement flou du paysage annonce le style de Watteau (32) alors que le coloris général, rose, n'est pas révolutionnaire par rapport aux couleurs douces de l'Amalthée (cat. I, 60) peinte à la même époque par Coypel le père. J e terminerai par une des dernières mythologies peintes pour Trianon : le Vertumne et Pomone de N . BERTIN (1667-1736) date de 1706 et montre un style entièrement dégagé des influences classiques. L a photographie trahit ce tableau qui vaut par un coloris léger, transparent et non sans hardiesse : le corsage de Pomone allie le vert et le saumon posés avec franchise tandis que le visage nacré de la nymphe évoque par sa grâce les œuvres d'un Pesne. Pierre Marcel (p. 195) a eu le mérite, à propos d'un tableau de Bon Boullogne (cat. I, 5) de signaler le rôle de Guido Reni et d'Albani dans le « rajeunissement

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de la peinture mythologique » française, tout en voyant surtout chez ces Bolonais des professeurs de libertinage. La vogue de l'Albane en France à notre époque est bien marquée par l'enrichissement des collections de Louis X I V en œuvres de ce peintre : l'inventaire de Bailly place sous le nom de l'Albane vingt-huit tableaux dont un grand nombre sont acquis entre 1685 et 1695. Les Français, nous l'avons déjà vu à propos de Cotelle, ont été sensibles à la grâce un peu molle et à la poésie idyllique du Bolonais à qui ils font des emprunts fréquents. On retrouve souvent chez les deux Coypel, chez les Boullogne, les fonds de paysages où s'unissent des collines pittoresques et un morceau de mer ou de rivière, les mêmes nymphes avec leur visage ovale et des gestes maniérés. Mlle Stuffmann a également souligné cette influence sur La Fosse à propos de Y Enlèvement de Proserpine (33) ; j'ai moi-même fait quelques rapprochements à propos de Louis de Boullogne et un autre, plus inattendu, avec Verdier qui donne de son modèle bolonais une version sèche et précise dont la poésie est fort différente. L'œuvre de Carlo Maratti a dû être également admirée à la fois par Verdier et par La Fosse. L'Apollon et Daphné (fig. 64) que Louis X I V commande et paie à prix d'or en 1681 est un témoignage notable de l'admiration qu'on éprouvait en France pour le peintre italien (34). Si ce tableau, pourtant salué comme un chef-d'œuvre par Bellori, a déçu la Cour, il a certainement intéressé les peintres français. Le sentiment de la forme, avec un modelé un peu mou et rond, est très proche de celui de La Fosse. De même l'effort de Maratti pour conserver et assouplir la tradition classique devait séduire les Français. Les biographes de l'artiste italien ne manquent pas de souligner la filiation qui fait de Carluccio l'héritier des Carrache à travers l'Albane et Andréa Sacchi (35). Au-delà des Carrache, Maratti partage l'admiration des classiques français et de l'Académie de France à Rome pour Raphaël et l'Antiquité. Bellori ne manque pas de noter que les figures d'Apollon et de Daphné, dans le tableau envoyé à Louis X I V , sont imitées de l'antique, respectivement de l'Apollon du Belvédère et de la Vénus de Cléomène. De même l'aspect « littéraire » du tableau (le coloris blanc de la nymphe exprimant la terreur, le coloris rouge d'Apollon le désir amoureux) montre des préoccupations familières aux Français. Le mécanisme exact des influences entre Maratti et les peintres de Versailles reste difficile à préciser. Amalia Mezzetti a suggéré récemment (36) que l'évolution du peintre italien dans les années 1695 pouvait s'expliquer par l'influence de La Fosse et d'Antoine Coypel. J'espère revenir plus tard sur ces problèmes complexes dans l'étude desquels un revirement, peut-être exagéré, est en train de se faire, au profit des influences françaises. Les éléments d'information, très incomplets, dont on dispose pour la fin du 17 e siècle, indiquent que les Italiens s'intéressent assez peu à la France (37). Cette tendance nous invite à interpréter comme le résultat d'une influence ita-

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Henne la parenté qui reste surprenante entre l'ultra-classicisme d'un Verdier et l'art non moins froid de M . A . Franceschini, son contemporain bolonais (38). Peut-être faut-il interpréter cette parenté comme la suite d'une réflexion commune sur l'art de Cignani, et en particulier sur ses peintures au palazzo del Giardino de Parme (Verdier est pensionnaire à R o m e quand, autour de 1679-80, ces fresques (fig. 65) sont exécutées). Il faut, en tous les cas, voir dans l'œuvre des deux artistes le résultat d'un même effort pour approfondir et renouveler le classicisme en refusant toute concession au goût aimable.

Notes

Introduction 1. La peinture française au début du 18e siècle, 1630-1721, Paris, s. d. (1906). Ce beau livre reste le point de départ indispensable pour toute étude sur la période. 2. Les Boullongne, Paris, 1919. 3. F. N. LEROY, Histoire de Jouvenet, Caen-Paris-Rouen, 1860. Depuis la rédaction de mon texte, il faut signaler l'exposition Jouvenet au Musée des Beaux-Arts de Rouen, juin-septembre 1966. 4. « Charles de L a Fosse et sa position dans la peinture française à la fin du 17 e siècle », dans Gazette des Beaux-Arts, t. L X I V , n° 1146-47, juillet-août 1964. 5. Préface à son recueil des Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture pendant l'année i66y, Paris, 1668, F. Léonard. Édition consultée : David Mortier, Londres, 1705, préface non paginée. 6. Les chiffres indiqués par les C.B.R. sont difficiles à interpréter mais, en tous les cas, énormes. Le marchand Gautier ou Gauthier reçoit au moins 20 000 (III, col. 6 et 67, 1688) en paiement de damas cramoisi destiné à Trianon. Il faudrait sans doute ajouter une autre partie des 130 000 H qui lui sont versées au total à cette époque (col. 226 et 268). De même Charlier reçoit au moins 66 225 rï (col. 232-233) et peut être 200 000 H s'il fallait tenir compte des paiements indiqués (col. 6, 8, 16 et 66) qui ne doivent faire qu'en partie double emploi. 7. Le Cabinet des Glaces de l'aile gauche a dû coûter fort cher. En 1689 (C.B.R., III, col. 250) on paye 12 576 de glaces « f a ç o n Venize » pour Trianon. U n registre des Menus Plaisirs ( O 1 2 823) contient aussi un paiement de 4 846 tt avec quittance du 20 novembre 1689. 8. Margret STUFFMANN, « Charles de L a Fosse et sa position dans la peinture française à la fin du 17 e siècle», dans Gazette des Beaux-Arts, juillet-août 1964, p. 42. I.

Méthode

historique

et histoire de la

décoration

1. Elles ont été recueillies par E. SOULIÉ dans son introduction à la Notice des peintures et sculptures... de Trianon, Paris, i r e éd., 1852. 2. L'expression : « Trianon sous Bois » a deux sens. A u sens large, moderne, c'est toute l'aile Nord. A u sens étroit qui est celui généralement employé à l'époque de Louis X I V (Paillet 1695, Piganiol de la Force), elle ne désigne que la partie Est de cette aile, c'est-à-dire celle qui ouvre sur le Jardin des Sources. En 1705, les pièces ouvrant vers l'Ouest seront supprimées et remplacées en partie par un couloir (voir le plan, fig. 2).

Notes des pages ig à 3g

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3. Inventaire des tableaux du Roy rédigé en 170g et iyio par Nicolas Bailly, publié par Fernand ENGERAND, Paris, 189g, E. Leroux. 4. J'inclue deux tableaux de Bon Boullogne (cat. I, 68-69) dont l'origine est douteuse. 5. D e u x ou trois ont malheureusement disparu au 20 e siècle. 6. C . B . R . , I I I , col. 89 (1688) et 287 (1689). 7. Ibid., col. 430 (1690); 570 (1691) et 808 et 868 (1693). 8. O n ne peut avoir une certitude complète car Martin, Allegrain et Cotelle reçoivent encore des paiements en 1693 (ibid., col. 852), mais pour des tableaux déjà posés. Deux vues, ordonnées à Cotelle, ne seront peintes par M a r t i n qu'en 1700. Cf. cat. I I I , 27-28. 9. Pièces n 0 8 14, 15 et 16. L e salon des Sources (pièce n ° 13) sert de salon à cet appartement et peut lui être rattaché. 10. V o i r R . GUILLEMET, Essai sur la surintendance des Bâtiments du Roi sous le règne personnel de Louis XIV, 1662-1715, Paris, 1912, p. 173. 11. V o i r l'état Guiffrey. 12. Notamment la liste d u I e r mai 1696 désignée dans Engerand par l'abréviation T . M . C . 13. Cette indécision se voit clairement à propos de Houasse. L e texte primitif était « Houasse en fait treize pour Trianon sous Bois ». Nous savons que Houasse a bien reçu sa commande dès 1688 par le mémoire sur les sujets qu'il compte peindre et qui est daté d u 29 juillet 1688. Cette date a d'ailleurs été biffée, le peintre n'ayant q u ' à peine commencé son travail en 1689 (publié par Guiffrey). 14. Les C . B . R . (III, col. 1 124, 1695) nous apprennent que de Sève « a esté mis par ordre d u R o y audit hôpital (des Incurables) ». Il mourra en avril 1698 (Cf. Procès-verbaux de l'Académie..., t. I I I , p. 232). Les indications de Paillet montrent que P. M a r c e l (p. 193, note 1) s'est trompé en croyant la commande de Sève partagée entre Verdier et Louis de Boullogne. Les tableaux de celui-ci, où paraît Vénus, ont été peints en 1688-89 pour l'antichambre des J e u x (Cf. cat. I, 6-7). 15. Piganiol de la Force, dans ses éditions tardives, confond les Apôtres et donne le Saint Luc à M i g n a r d . F. Engerand, qui n ' a pas utilisé les premières éditions, correctes sur ce point, croit donc que le Saint Luc peignant la Vierge de M i g n a r d a figuré à Trianon (p. 347). Dezallier d ' A r genville, utilisant certainement la même source, a commis la m ê m e erreur dans sa vie de M i g n a r d (Abrégé de la vie des plus fameux peintres..., 2 e éd., 1762, t. I V , p. 84). 16. Cela nous permet de penser que six des huit tableaux sur le sujet d'Hercule peints pour Trianon par Noël Coypel n'y ont jamais été posés : aucun en effet n ' a de « bordure dorée » (contrairement à la notation erronée d'Engerand à propos de notre cat. I, 57). 17. L e sculpteur Goupil reçoit au total 778 11 18 s pour « la recherche qu'il a faite sur les blancs de la sculpture des bordures de tableaux de l'appartement du roy de T r i a n o n pour les dorer d'or bruny » ( C . B . R . , I I I , col. 966 et 1 105). 18. Nous relevons en effet (C.B.R., V , col. 14) un paiement qui ne s'élève pas à moins de 13 500H « sur la dorure qu'il fait au palais de Trianon ».

II.

Choix des peintres et choix des sujets

1. Art and Architecture in France, 1500-1700, i r e éd., 1953, Pélican history of art; 2 e éd. revue 1957, p. 224-225. 2. V o i r P. Marcel, p. 38. 3. V o i r Dezallier d'Argenville, Abrégé..., 1762, t. I V , p. 233. 4. Publié par R . A . WEIGERT et C . HERNMARCK, Stockholm, 1964, p. 243. 5. Les doctrines d'art en France. Peintres, amateurs, critiques. De Poussin à Diderot, Paris, 1909, p. 149 sq. 6. « R a c i n e et C h a u v e a u », dans Journal 0/ the Warburg and Courtauld Institute, X I V , 1951, p. 259 sq. 7. Cela est vrai également pour le décor sculpté tant sur les boiseries que sur les murs extérieurs où l'on multiplie les guirlandes de fleurs. Encore en 1705, quand on remanie Trianon sous Bois, la sculpture extérieure traite le thème des Saisons. 8. A propos de ce péristyle, on peut suggérer un autre rapprochement déjà fait par M a r g r e t

68

Notes des pages 3g à

Stuffmann (Gazette des Beaux-Arts, juillet-août 1964, pp. 76-77, l'auteur intervertit malheureusement les termes : la perspective de M a r l y est peinte par Rousseau en 1686, elle est donc antérieure a u T r i a n o n de marbre) avec les paysages qu'on découvre à travers une colonnade fictive. Ces peintures, dont l'origine remonte à Peruzzi et à la Farnésine, sont nombreuses dans l ' œ u v r e de Jacques Rousseau. 9. Publié la m ê m e année : Le Palais de Flore. Ballet dansé à Trianon le janvier (sic) t6gg. J e l'ai consulté a u t. V d u Recueil des opéras à la Bibliothèque nationale, Y f 7 790. L e Mercure galant d u m ê m e mois en reproduit de longs extraits. 10. « Trianon de porcelaine », dans Revue de l'histoire de Versailles... 1901. O n pourra se reporter aussi à la préface qu'il a donnée au livre de R o b e r t DANIS. La première maison royale de Trianon, 1670-1687, Paris, s.d. 11. O n peut trouver ces textes, plusieurs fois réédités sans changement, dans le Recueil de descriptions de peintures et d'autres ouvrages faits pour le Roy, Paris, 1689. 12. A la Bibliothèque nationale : Recueil des Opéras, t. I V , Y f 7 789. 13. V o i r page 98, note 1. 14. L a pièce figure dans le Recueil de vers choisis d u P. Bouhours de 1701. Les allusions qu'elle fait à la guerre suggèrent une date vers 1692-95. Les notes anonymes qui accompagnent la réédition de l'éloge de E . S . Chéron par Fermel'huis (Archives de l'art français, 2 e série, t. I, 1861, p. 408) donnent la date de 1696 mais sans référence. 15. Traduction d'une ode latine, s.l.n.d., in-8°, 27 p., Y c 10 042 à la Bibliothèque nationale. 16. Les curiositez de Paris, de Versailles, de Marly..., Paris, 1716, Saugrain. 17 .Le château de Versailles..., 1881, t. I I , p. 325. 18. Publié par R . JOSEPHSON. 19. L e projet établi par Cochin a été publié p a r F. ENGERAND, Inventaire des tableaux commandés et achetés par la Direction des Bâtiments du Roi, 1709-17g s, Paris 1901, pp. 162-163. 20. L e choix de l'histoire de C y a n é e s'explique certainement p a r le désir de faire figurer l'eau dans le tableau. L e thème est en effet fort rare (A. PIGLER ne le cite pas dans ses Barockthemen, Berlin-Budapest, 1956). 21. Sur ce point, on consultera les articles d ' H e n r y BARDON, « Sur l'influence d ' O v i d e en France a u 17 e siècle » dans Atti del convegno internazionale ovidiano, 1959, t. I I , pp. 69-83 et « O v i d e et le grand roi », dans Les Études classiques, octobre 1957, pp. 401-416. 22. Publiée par J . GUIFFREY, pp. 80-81. 23. O n trouvera un passage curieux sur les plantes d u « j a r d i n royal » et notamment sur le laurier, dans le livre d u sieur Brice BAUDERON DE SENECEY : Apollon français ou le parallèle des vertus héroïques de Louis-le-Grand, quatorzième de ce nom, avec les propriétés et qualités du soleil, publié à M â c o n en 1684. 24. D e u x autres tableaux sur le m ê m e sujet peints pour Louis X I V nous sont connus. L e premier, d û à Houasse (1677), est perdu mais il a été gravé par Flipart et accompagné d'une allusion flatteuse au roi dans la légende (la gravure est utilisée a u t. I, p. 64 du livre inachevé de J . B. DE MONICART, Versailles immortalisé par les merveilles parlantes, Paris, 1720). O n retrouve le m ê m e rapprochement laurier-Louis X I V dans le titre et la dédicace de l'opuscule consacré p a r Bellori à l'Apollon et Daphné de Carlo Maratti et publié après sa mort à la suite de sa vie d u peintre : Vita di Carlo Maratti pittore..., R o m a , 1731, A . de Rossi, pp. 109-127. 25. L'histoire de la décoration peinte de M a r l y reste à faire. Les indications d ' É m i l e MAGNE, Le château de Marly d'après des documents inédits, 1934, Paris, C a l m a n n - L é v y , sont en effet sommaires. L a décoration primitive d u Pavillon Central est mise en place entre 1683 et 1685, toutefois on continue à sculpter les cadres des tableaux de V a n der M e u l e n a u moins j u s q u ' à 1689 ( C . B . R . , I I , col. 522-995-996-1180; I I I , col. 86-90-92-93-99, 1688; 288-290-291, 1689; 571, 1691). A l'étage, on ne trouvait q u e des tableaux de fleurs, payés en 1683 à Baptiste et Fontenay ( C . B . R . , I I , col. 366) et une série de cinquante-huit toiles représentant des enfants et des fleurs, payées en 1684 ( C . B . R . , I I , col. 522). Selon les C . B . R . les auteurs en étaient Damoiselet, Pierre Poisson et Lefebvre. C e dernier nous est inconnu p a r ailleurs, les deux premiers sont des artisans qui servent aussi de peintres en bâtiment. Les inventaires et Piganiol citent le n o m plus flatteur mais

Notes des pages 44 à 54

69

vraisemblable d'Huilliot en compagnie de Damoiselet. Q u o i qu'il en soit, tous ces dessus de porte formaient un ensemble avant tout décoratif. 26. V o i r en dernier lieu l'article de Julius S. HELD : « Flora, Goddess and Courtesan », dans Essays in honour of Erwin Panofsky, N e w Y o r k University Press, i960 et 1961, t. I, p. 201 et suivantes. 27. C'est ce que suggère nettement le Journal de D a n g e a u à l'occasion de la première nuit passée par le roi à T r i a n o n (28 avril 1694, cité par E . SOULIÉ, Notice des peintures et sculptures..., éd. 1882, p. X I ) . O n t un logement : la duchesse de Bourbon et sa fille, M m e d u Maine, M m e de Maintenon et leurs dames d'honneur. Les seuls hommes qui en ont aussi sont Monseigneur, le premier gentilhomme de la C h a m b r e , le capitaine des Gardes et le G r a n d Maître de la Garderobe. 28. V o i r Jules GUIFFREY, Inventaire général du mobilier..., I I , p. 400 et suivantes. 29. Registre des Menus Plaisirs, O 1 2 825. 30. Publié p a r R . JOSEPHSON. V o i r note 27. 31. C e n'est d'ailleurs pas très juste puisque trois seulement, quatre à la rigueur, des huit sujets choisis se rapportent a u x amours d'Apollon. Cf. J . Guiffrey, pp. 82-83. 32. Maintenant à Boston. V o i r The Isabella Stewart Gardner Muséum, Catalogue of the exhibited Paintings and Drawings by Philip HENDY, Boston 1931, pp. 370-375. L e tableau était peut-être déjà arrivé à Paris chez le duc de G r a m o n t qui le tenait d u roi d'Espagne. E n tous les cas il devait être connu par des copies (voir par exemple une copie ancienne à Versailles, M . V . 7 425). 33. Cités par P. Marcel, pp. 16-18, complété par Edith A . STANDEN dans son article « T h e Sujets de la Fable Gobelins Tapestries », dans The Art Bulletin, vol. X L V I , 2, juin 1964, pp. 148149. A T r i a n o n même, le projet rédigé p a r de Sève (publié par J . Guiffrey, p. 81) prévoit une V é n u s habillée à la manière de Diane, « cela fera qu'il y aura moins de nudité ». O n notera q u e Verdier n'aura pas de ces scrupules. 34. L e premier a u Musée de Dijon, reproduit en dernier lieu par M . Stuffmann, p. 46. Les trois autres identifiés récemment par P. Rosenberg au Musée de R o u e n et dans les réserves d u L o u v r e (communication orale).

III.

Étude stylistique

1. La nature morte en France. Son histoire et son évolution du 17e au soe siècle, Genève, 1962, pp. 118119 du volume de texte. 2. V o i r en dernier lieu le catalogue de l'exposition Charles Le Brun, musée des Gobelins, Paris, 1962, pp. 37-41. 3. O n z e sont reproduits dans l ' a l b u m édité par la Bibliothèque nationale à l'occasion de l'exposition Le Nos Ire et l'art des jardins, décembre 1964-janvier 1965. 4. Recueil consulté : Bibliothèque Jacques Doucet d'art et d'archéologie de l'Université de Paris, i 22 in-8°. 5. Sur ce nombre, douze sont dans une collection particulière à Paris. L e père du propriétaire actuel a légué les deux autres a u musée des Arts décoratifs. Q u a t r e de ces gouaches ont été présentées à l'exposition Louis XIV. Faste et décors, Paris, musée des Arts décoratifs i960, catalogue n ° 593-596 (rep.). 6. L e dessin d u Louvre est reproduit dans l'album de l'exposition Le Nostre, n ° 36, p. 5 1 . 7. L'historique de ces tableaux, dont l'importance me paraît capitable dans l'évolution d u goût français à la fin d u 1 7 e siècle, est retracé p a r Carlo V o l p e dans le catalogue de l'exposition : VIdeale classico del Seicento..., Bologne, 1962, pp. 141-142. J e reparlerai de ces tableaux à propos de Verdier et de Louis de Boullogne. 8. J e n'ai p u les voir, m ê m e en photographies, mais elles vont revenir à Versailles. 9. « Personne n ' a tant dessiné que lui », DEZALLIER D'ARGENVILLE, Abrégé de la vie des plus fameux peintres... 2 e éd., Paris, 1762, t. I V , p. 138. 10. « L a fortune n'avait pas secondé tant de travaux, étant mort à Paris en 1730... dans une si grande indigence, qu'il allait chaque jour vendre ses desseins sous le manteau », ibid., p. 13g.

70

Notes des pages 5 4 à 64

11. Abecedario, publié par PH. DE CHENNEVIÈRES et A . DE MONT AIGLON, Paris, 1851-1860, t. V I . 12. L ' e x e m p l e le plus frappant de ces réminiscences reste VAssomption de la Vierge, que j ' a i analysée ailleurs (La Revue du Louvre et des musées de France, 1964, n° 6, pp. 323-326). Relevons un autre e m p r u n t précis : le fleuve Inachus assis à droite d u Junon et Io (cat. I, 33) s'inspire d u Fleuve peint par Poussin à gauche d u f a m e u x Moïse sauvé des eaux (Louvre), donné par L e Nostre à Louis X I V en 1693. 13. Repas chez Simon de Venise. Sommeil de l'enfant Jésus du L o u v r e . 14. Sur ces compositions, j ' a i déjà signalé la bibliographie réunie dans le catalogue de l'exposition L'ideale classico del Seicento in Italia e lapittura di paesaggio, Bologne, 1962. 15. C a b i n e t des estampes, Bd 3 1 , fol. p a g e 35. 16. U n certain nombre de dessins de sa main doivent se trouver dans les cartons L e Brun au L o u v r e mais il nous m a n q u e quelques points de comparaison sûrs, analogues à l'étude pour l'Éloquence, tableau d u C a b i n e t des Beaux-Arts de Perrault (Inv. 30 060, G u i f f r e y - M a r c e l , n° 8 441. C e dessin m ' a été aimablement signalé jadis par Miss Jennifer M o n t a g u ) . 17. Peintes à R o m e autour de 1675 pour le grand C a b i n e t de l'appartement d u Roi qui deviendra Salon de la Guerre. 18. SCHNAPPER

1962, p p .

117-120.

19. A . J . DEZALLIER D'ARGENVILLE, Abrégé de la vie des plus fameux peintres..., 2 e éd. 1762, t. I V , p. 216. 20. U n texte, souvent cité, d u Mercure Galant de 1672 montre q u e le T r i a n o n de porcelaine a p r o v o q u é une véritable épidémie d'imitations au point que « trianon » est d e v e n u u n n o m comm u n désignant « dans un parc, un pavillon éloigné d u chateau » (LACOMBE, Dictionnaire portatif des Beaux-Arts..., Paris, i r e éd., 1752). 2 1 . V o i r dans Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d'Ille-et- Vilaine, t. X X I , 1892, p. L V I , le résumé d'une communication de M . de Palys, qui ne cite malheureusement pas ses sources. U n médiocre tableau conservé a u M u s é e de R e n n e s (cat. 1884, n° 273) est peut-être la copie d e cette peinture. 22. Londres, W a l l a c e collection, 1753. Boucher avait représenté en 1750 une figure analogue dans son Apollon et Issé (Musée de T o u r s ) . 23. Étudiées par P. M . AUZAS, « Précisions sur M i c h e l Corneille et ses fils », dans Bulletin de la Société de l'histoire de l'art français, 1961, pp. 45-58 et « Les quatre M a y s des trois Corneille », dans La Revue du Louvre et des musées de France, 1961, n° 4-5, pp. 187-196. 24. Par M i c h e l Corneille lui-même. 25. Dezallier d'Argenville nous explique q u ' « A force de copier les Carraches, dont les tableaux ont noirci par le tems, M i c h e l avoit contracté une manière noire qui tiroit sur le violet... ». 26. Peut-être Corneille a-t-il combiné l'Apollon et la figure assise, j a m b e s croisées, tout à fait à g a u c h e d u Parnasse de R a p h a ë l . 27. L a date d u mariage est précisée par JAL (Dictionnaire critique de biographie et d'histoire, 2 e éd., Paris 1872) : 3 février 1688. O n notera q u e l ' u n des d e u x témoins n'est autre q u e Charles L e Brun qui ne devait pas être ulcéré de l'évolution « moderniste » de l'art de son ancien collaborateur... Bon Boullogne s'était marié quelques mois seulement avant son cadet (8 avril 1687). 28. O n le remarque pourtant dans le Céphale et Procris peint pour M e u d o n en 1700, tableau q u e j e publierai prochainement dans la Revue de l'Art. 29. L ' e x e m p l a i r e d u palais Pitti reproduit en dernier lieu dans le catalogue de l'exposition L'ideale classico del Seicento..., Bologne, 1962, n° 50. 30. L a photo permet de faire le rapprochement qui s'impose avec la partie gauche de l'Apollon et Admète de l ' A l b a n e , entré dans la collection de Louis X I V en 1693. 3 1 . Gazette des Beaux-Arts, juillet-août 1964. 32. L e Zéphir tendre et rieur n'est pas sans faire penser également à la m ê m e figure dans le tableau q u e W a t t e a u peindra une dizaine d'années plus tard et q u e M . L e v e y a récemment retrouvé : The Burlington Magazine, février 1964, pp. 53-58. 33. Gazette des Beaux-Arts, juillet-août 1964, pp. 38-39. L ' a u t e u r rappelle au m ê m e endroit

Notes des pages 64 à 6j

71

une note ajoutée par Roger de Piles à sa traduction de L'Ari de Peinture de D u FRESNOY selon laquelle celui-ci devait beaucoup aux conversations qu'il avait eues avec l'Albane. 34. Sur l'historique du tableau, maintenant au Musée de Bruxelles, voir F. ENGERAND (p. 54-55). L a toile a été mal accueillie à Versailles et le refroidissement des relations entre Maratti et l'Académie de France à R o m e vers 1690 est attribué par L a Teulière au fait qu'on n'a « pas estimé suivant son idée le tableau qu'il a fait autrefois pour le R o y » (lettre de Villacerf du 6 mai 1692, Correspondance des Directeurs de l'Académie de France à Rome..., t. I, 1887, p. 259). De fait le tableau était en magasin à l'époque de Bailly et Mariette notera plus tard dans son Abecedario, (t. III) : « ce n'est pas ce qu'il a fait de plus beau ». 35. Voir par exemple G . P. BELLORI, Vita di Carlo Maratti pittore..., complétée et publiée après sa mort chez A . de Rossi, Rome, 1731. C'est à la fin de ce volume que figure l'opuscule déjà signalé sur l'Apollon et Daphne. 36. « Carlo Maratti : altri contributi », dans Arte antica e moderna, 1961, p. 377 et suivantes. 37. A titre d'exemple citons la première édition, dédiée à G . M . Marchetti, de 1 'Abecedario d'ÛRLANDI, Bologne, 1704. O n n'y trouve aucun peintre français récent (si les Mignard sont connus pour le long séjour italien de Pierre, Le Brun même est absent). C e n'est que dans la deuxième édition (1719) qu'apparaissent les Français, grâce aux renseignements fournis par Crozat à qui le livre est dédié. 38. L a parenté est particulièrement forte avec les œuvres exécutées par Franceschini pour le comte de Lichtenstein à partir de 1691 (photographies à l'Institut allemand de Florence); elle est également très frappante avec les toiles de la collection Nigro (exposition Maestri della Pittura del Seicento emiliano, Bologne, 1959, n 08 89 et 90) exécutées sans doute en collaboration avec Quaini (voir le compte rendu de Dwight MILLER dans The Burlington Magazine, juin 1959, qui penche pour une attribution à Quaini). O n notera d'ailleurs que Quaini dans sa jeunesse a séjourné à Paris où il aurait été bien reçu par Le Brun (G. ZANOTTI, Storia dell'Accademia Clementina..., 1739, t. I, p. 199).

Deuxième partie

CATALOGUE

L e catalogue qui suit n'est pas un catalogue raisonné complet : pour éviter de répéter les annotations d'Engerand dans son édition de l'inventaire Bailly, j e ne reprends pas l'historique des tableaux pendant le 18 e siècle. En revanche, j e donne avec quelque précision les renseignements qui concernent leur date d'exécution et leur localisation durant le règne de Louis X I V . J'indique ensuite le résultat des recherches menées pour retrouver ceux des tableaux dont Engerand ignorait le sort ou, ce qui est très rare, qu'il avait faussement identifiés (paysages d'Étienne Allegrain et de J . B. Martin).

N.-B. Au moment où ce travail est remis à l'éditeur (janvier 1966), le détail de la réinstallation des tableaux à Trianon n'est pas définitivement fixé. C'est pourquoi, sauf le cas des quelques tableaux replacés à Trianon sous Bois, je ne précise pas davantage leur emplacement actuel.

I.

TABLEAUX

MYTHOLOGIQUES

Catalogue

75

VERDIER I

i

Enlèvement d'Orythie par Borée [fig. 3] Pour ce tableau et le suivant, les C . B . R . ne mentionnent qu'un modeste acompte de 200" : I I I , col. 287 (1689) : à compte « des tableaux qu'il fait pour Trianon ». Cette modicité s'explique sans doute par la pension importante que reçoit Verdier. Paillet : pièce n° 6 (Salon Rond); 9' 3" X 6' 7" (1). Piganiol 1701 : dessus de cheminée. Bailly-Engerand, n° 2. Après avoir figuré à Compiègne, ce tableau est revenu à Trianon, grâce à Gaston Brière : voir Bulletin de la Soc. de l'Hist. de l'Art français, 1938, p. 202. Schnapper 63-64, p. 221 (rep. X X X V I I I ) . M . V . 5 923 : 3 m 17 X 2 m 12.

I

2

Junon va trouver Thétys. Même historique. Placé vis-à-vis du précédent. Bailly-Engerand, n° 3. Considéré comme perdu (une mention en marge de l'inventaire Villot, n° 8 278 indique même : « réformé en 1870 »), il existait pourtant encore, roulé dans les réserves du Louvre, en très mauvais état. Seules les deux figures principales étaient à peu près conservées. Après « restauration » il doit être remis en place à Trianon. M . V . 8 272.

I

3

Pasteurs changés en peupliers.

I

4

Nymphes dansant. C.B.R., I I I , col. 88 (1688) : à compte de « deux tableaux qu'il fait pour la Salle de Bal » : 400". Paillet : pièce n° 8 (qui correspond en effet à la salle de Bal ou salle de Musique); 3' 1/2 de diamètre. Piganiol 1701 (avec confusion); 1707... Bailly-Engerand, n° 2 et 3. Ruinés dès la fin du 18 e siècle, selon C. MauricheauBeaupré, Versailles. L'histoire et l'art. Guide officiel, i r e éd., Paris 1949, p. 152.

G. B L A N C H A R D

1. J'utilise systématiquement cette abréviation à la place des pieds et pouces. Rappelons que le pied vaut à peu près 32,5 centimètres et le pouce 2,7 centimètres. Le premier chiffre indique la hauteur.

76

Bon

Tableaux pour le Trianon de marbre

BOULLOGNE I

5

Vénus à sa toilette et Mercure [fig. 4] C . B . R . , I I I , col. 89 (1688) : « un tableau qu'il fait p o u r la c h a m b r e des J e u x : 500 tt, mais col. 286 (1689) : 300" p o u r « les t a b l e a u x qu'il fait... » (voir cat. I, 68 et 69). Paillet : pièce n° 9 ; 6' 1" X 5 ' 4". Piganol 1701 : sur la cheminée. B a i l l y - E n g e r a n d , n° 1. Rehaussé au 19 e siècle, il c o m p t e désormais 2 m 87 X 1 m 75. C a i x de S a i n t - A y m o u r , Les Boullongne, Paris, 1919, n° 175. T r i a n o n : M . V . 7 559.

Louis de B O U L L O G N E I

6

Vénus et Adonis [fig. 5] C . B . R . , I I I , col. 89 (1688) : « deux tableaux... p o u r la c h a m b r e des J e u x » : 600 H . Paillet : pièce n ° 9 ; 3 ' i x 5'. Piganiol 1701 : dessus de porte. B a i l l y - E n g e r a n d , n ° 5 ; 3' X 4' 8". E n g e r a n d l'identifie avec le t a b l e a u conservé sous le n o m de B o n Boullogne, dimensions 1 m 73 X 1 m 89 (inventaire V i l l o t , n° 2 772). C a t a l o g u é d e u x fois p a r C a i x de S a i n t - A y m o u r : n° 177 (Bon Boullogne) et n° 345 (Louis de Boullogne). C e tableau était encore sous le n o m de Bon Boullogne à Versailles ( M . V . 7 254) mais il mesurait 1 m 30 X 1 m 60. E n h a u t et en bas d e u x bandes bien visibles permettent de retrouver les dimensions d'origine. U n dessin d u L o u v r e (n° 24 964) est considéré par l'inventaire G u i f f r e y - M a r c e l et p a r C a i x de S a i n t - A y m o u r (au n° 345) c o m m e u n dessin préparatoire p o u r ce tableau. O n notera toutefois que la composition est différente et que le sujet n'est pas e x a c t e m e n t le m ê m e : on n ' y voit pas, c o m m e dans la description de Bailly et le tableau lui-même, V é n u s et les amours s'efforcer de retenir A d o nis. C e dessin est plutôt à c o m p a r e r à un autre, également a u L o u v r e (n° 24899), q u i représente Bacchus et Ariane, dans lequel se trouve presque exactement le m ê m e groupe.

I

7

Vénus, l'Hymen et des amours [fig. 6] Historique : cf. le n° précédent, mais Paillet donne 3' 1" X 4' % et Bailly i n d i q u e 3' 10" X 5'. Considéré c o m m e p e r d u p a r E n g e r a n d , suivi p a r C a i x de Saint A y m o u r (n° 346), il figure dans l'inventaire du

Catalogue

77

Louvre (n° 2 785) 1 m 30 x 1 m 73 et se retrouve à Fontainebleau (cf. G. Brière, in Bulletin de la Soc. de l'Hist. de l'Art Français, 1924, catalogue n° 29, toujours sous le nom de Bon Boullogne). Revenu à Trianon, agrandi pour l'occasion. M . V . 8 274.

HOUASSE I

8

Morphée et Iris [fig. 7] C.B.R. III, col. 89 (1688) : « acompte de 6 tableaux pour la Chambre du Sommeil et le Salon des Sources » 1 300H. (Voir cat. I, 9-10 et 17-19). Paillet : pièce n° 10 (Chambre du Sommeil) ; 6' 2" X 4' Piganiol 1701 (dessus de cheminée). Bailly-Engerand n° 1. Considéré comme perdu par Engerand, il a été retrouvé au Musée de Tours où il avait été envoyé à l'époque napoléonienne (cf. B. Lossky : « Identifications récentes parmi les peintures françaises du Musée de Tours. » in Bulletin de la Soc. de l'Hist. de l'Art Français, 1957). Le tableau est revenu récemment à Versailles : M . V . 8 126, avec ses dimensions originales : 2 m 04 X 1 m 48. Autre bibliographie : Schnapper 1963-64, p. 223 (rep. XLIII). Jacques Thuillier : La peinture française. De Le Nain à Fragonard, éd. Skira, Genève 1964, p. 106 (rep.).

I

9

Diane et Endymion [fig. 9] Même historique. Bailly-Engerand, n° 3 (dessus de porte); 3' 8" X 4' 3". Déposé au Musée de Narbonne en 1872, cat. 1923, n° 138; 1 m 20 X 1 m 50. Le retour à Versailles n'a pu être obtenu.

I 10

Mercure et Argus [fig. 9] Même historique. Bailly-Engerand, n° 2. Paillet : 3' 4" x 3' 8". Bailly : 3' 11" X 3' 8". Considéré comme disparu par Engerand, il se retrouve dans l'inventaire Villot (n° 5 385). Envoyé à Compiègne en 1874, il en est revenu en 1954 et se trouvait dans les réserves du Louvre avec les dimensions que l'on retrouvera souvent de 1 m 58 X 1 m 20. (Voir cat. I, 32 et 38). L'agrandissement en hauteur est bien visible. Revenu à Trianon : M . V . 8 260.

78

LA

Tableaux pour le Trianon de marbre

FOSSE I il

Apollon et Thétys [fig. 10] C.B.R., I I I , col. 89 (1688) : «trois tableaux... pour le Cabinet du C o u c h a n t » : 6oo H ; col. 287, (1689) : 200 tt ; I V , col. 12-13 (rôt)*») : total : 1 8ooH. Paillet : pièce n° 11 ; 5' 2" X 4' 7". Piganol 1701 (le Cabinet du Couchant est devenu en 1699 la Chambre de la duchesse de Bourgogne) : sur la cheminée. Bailly-Engerand, n° 3. Stuffmann 1964, pp. 42-45 et cat. n° 31. Trianon : M . V . 7 352 : 1 m 68 x 1 m 49.

I 12

Diane et ses nymphes Même historique. Bailly-Engerand, n° 5 (dessus de porte) ; 3' y 2 X 5'. Les inscriptions en marge des différents inventaires du Louvre sont confuses. Selon l'inventaire Napoléon, le tableau (1 m 51 X 1 m 92), après avoir figuré à Rambouillet, aurait été envoyé le 4 avril 1870 au ministère de la Maison de l'Empereur. Ces indications paraissent plus vraisemblables qu'une mention en marge de l'inventaire Villot, selon laquelle le tableau, jadis chantourné (ce qui est sûrement faux), aurait été coupé pour figurer au château d'Eu. Selon Engerand, le tableau (avec I m 18 X 1 m 73) aurait été placé dans le cabinet du général Ladmirault, gouverneur de Paris, en 1873. Une recherche faite par la Conservation du Louvre en 1912 est restée vaine, comme celles de Mlle M . Stuffmann (cat. n° 33). II reste difficile de préciser les rapports entre le tableau de Trianon et le même sujet conservé au musée de l'Ermitage (provenant de la collection du comte de Brühl, gravé par P. E. Moitte dans le recueil de cette collection, publié en 1754) car la description par Bailly du tableau de Louis X I V est fort sommaire. Le tableau de l'Ermitage pourrait être sensiblement antérieur à celui de Trianon : sa composition rappelle fortement celle de Y Enlèvement de Proserpine, qui date de 1673 au plus tard.

I 13

Clytie changée en tournesol [fig. 12]. Même historique. 3' % x 4' y2Bailly-Engerand, n° 4. Stuffmann 1964, cat. n° 32. Se retrouve à Trianon ( M . V . 7 256), avec les dimensions 1 m 73 X 1 m 59, selon l'inventaire Villot. En fait,

Catalogue

79

actuellement c o m m e le n ° 7 : 1 m 3 0 X 1 m 6 0 , les bandes ajoutées, assez peu larges, sont visibles sur les quatre côtés.

JOUVENET I 14

I 15 et I 16

Zéphyr et Flore [fig. 1 1 ] C . B . R . , I I I , col. 89 (1688) : « un tableau p o u r le Salon de T r i a n o n », 350". Paillet : pièce n° 12 (Salon Frais); 7' X 4' 4". Piganiol 1701 : sur la cheminée. B a i l l y - E n g e r a n d , n° 1. Considéré c o m m e p e r d u depuis la R é v o l u t i o n , j e l'ai retrouvé au M u s é e de N a n c y (2 m 28 X 1 m 45) où il avait été e n v o y é en 1801. L ' a t t r i b u t i o n à J o u v e n e t avait été remplacée a u cours d u 19 e siècle p a r le n o m de N i c o las L o i r (cf. S c h n a p p e r , 1962, p. 1 1 7 - 1 1 9 ) . R e v e n u à T r i a n o n : M . V . 8 303. 2 T a b l e a u x d'Enfants [fig. 13 et 14] N e figurent pas expressément dans les C . B . R . à la date de 1688 mais sont certainement contemporains d u précédent et font partie des « sept t a b l e a u x qu'il a faits et posez a u château de T r i a n o n , à la paroisse de V e r sailles et à S a i n t - C y r en 1687 et 1688 ». C . B . R . , I V , col. 5 et 6 (mai 1696). Ils sont cités dans l'état G u i f f r e y en mars 1689. Paillet : pièce n ° 12; 2' de diamètre. Piganiol 1701 et 1707 : dessus de porte. B a i l l y - E n g e r a n d , n o s 2 et 3. T r i a n o n M . V . 8 217 et 8 218 : diamètre o m 70. M . Faré : La Nature morte en France... G e n è v e 1962, p. 81 et 87, fait un sort particulier à ces tableautins. R e p r e nant une mention d u catalogue Duplessis de 1785 citée p a r E n g e r a n d , il voit dans ces d e u x compositons un e x e m p l e i m p o r t a n t de collaboration entre F o n t e n a y et J o u v e n e t . O r , o n ne trouve une corbeille de fleurs, certainement peinte en effet p a r un spécialiste, q u e sur l ' u n des d e u x tableaux. S'agit-il de F o n t e n a y ou de J . B. M o n noyer, il est difficile d ' e n décider. Notons q u ' u n e tradition relevée p a r les catalogues du M u s é e de N a n c y et également vraisemblable attribue les fleurs d u et Flore à M o n n o y e r .

HOUASSE I 17

Cianée changée en fontaine

[fig. 15]

80

Tableaux pour le Trianon de marbre

C . B . R . (cf. plus haut, cat. I, 8). Paillet : pièce n° 13 (Salon des Sources); 7' 2" X 4' 5". Piganiol 1701. Bailly-Engerand, n° 4. Considéré c o m m e perdu depuis la Révolution, j e l'ai retrouvé au château de Maisons-Laffitte (2 m 36 X 1 m 45), où il portait le n o m de D u Fresnoy qui lui avait été attribué pendant la Révolution (cf. Schnapper, 1962). R e v e n u à T r i a n o n : M . V . 8 270.

M.

I 18

Alphée et Aréthuse [fig. 16]. M ê m e historique. 4' 7" X 2' 10". Bailly-Engerand, n° 5. J ' a i retrouvé la piste de ce tableau, considéré comme perdu depuis la Révolution, dans les dépôts en province de 1821 (voir L . C o u r a j o d , « Objets d'art concédés en jouissance par la Restauration », in Nouvelles Archives de l'Art français, 1878, p. 378 : école de L e Brun, Un Fleuve poursuivant une nymphe, 1 m 52 X o m 95). M l l e Germaine Barnaud me signala très aimablement que cet envoi avait été fait a u Musée de Bordeaux. L a décision de dépôt date de 1819 (voir H . de L a V i l l e de Mirmont, Histoire du Musée de Bordeaux, t. I, Bordeaux, 1899, p. 268269), comme pour le M i c h e l Corneille de Libourne (cat. I, 20), toutefois le tableau, absent du catalogue de 1821, n'apparaît que dans la réédition de 1824 (de L a V i l l e de M i r m o n t , op. cit., p. 360). Il sera attribué un peu plus tard à Verdier (catalogue de 1855 et notice d'Arsène Houssaye parue dans Le Moniteur, 2 m a i 1858, citée par de L a V i l l e de M i r m o n t , p. 274). L e tableau, parmi les meilleurs et les mieux conservés d'Houasse, a finalement été retrouvé à la C o u r d'appel de Bordeaux, d'où il est revenu à T r i a n o n . M . V . 8 309.

I 19

Narcisse [fig. 18] M ê m e historique. 2' ; " x 4' Bailly-Engerand, n° 6. T r i a n o n : M . V . 7 328; o m 82 X 1 m 43.

CORNEILLE I 20

Flore et £éphyr [fig. 17] C . B . R . , I I I , col. 89 (1688) 800H pour « quatre tableaux qu'il fait pour la Salle de Musique et la C h a m b r e des Fleurs », et col. 286 (1689) : 500".

Catalogue

81

Les quatre t a b l e a u x livrés a v a n t mars 1689 (état G u i f f r e y ) . Paillet rectifie les C . B . R . en indiquant les quatre t a b l e a u x (cf. les numéros suivants) dans la pièce n° 14 ( C h a m b r e des Fleurs), alors q u e dans la pièce n° 8 (Salle de M u sique), on ne trouve q u e les d e u x B l a n c h a r d d é j à signalés (cat. I, 3-4). O n peut confirmer Paillet en observant q u e les t a b l e a u x d e Corneille comportent des fleurs, mais a u c u n e allusion à la danse ou à la musique. Paillet : 5' 4" X 3' 10", ovale. Piganiol 1701 (avec erreur sur l ' e m p l a c e m e n t de la C h a m b r e des Fleurs). B a i l l y - E n g e r a n d , n° 1, à la Surintendance, o ù il a d û être transporté dès 1701 ou 1702. O n retrouve la trace d e ce tableau, considéré c o m m e perdu, dans l'inventaire N a p o l é o n , mais la piste i n d i q u é e (ministère des Finances) tourne court. U n e meilleure piste est indiquée p a r L . C o u r a j o d (Nouvelles Archives de VArt français, 1878, p. 379) : M i g n a r d , Flore et £éphyr (1 m 80 X 1 m 28). C e dépôt de 1821 se fait, c o m m e m e l'a également signalé M l l e B a r n a u d , a u M u s é e d e L i bourne d ' o ù le tableau est revenu à T r i a n o n . M . V . 8 304. I 21 à 24

Tableaux d'enfants [fig. 19] (Les Parties du Jour, selon Paillet). Paillet é n u m è r e trois de ces t a b l e a u x en c o m p a g n i e d u Flore et Zéphyr avec les dimensions de 3' % X 3' p o u r d e u x d'entre eux et 3' 10" X 2' 9" p o u r le dernier. Piganiol 1701 (mis à part l'étourderie q u e j ' a i relevée) n ' e n signale q u e deux. E n revanche, en 1707 il indique quatre dessus de porte (en c o m p a g n i e des t a b l e a u x d ' A n toine C o y p e l et B o n Boullogne). B a i l l y - E n g e r a n d , catalogue les q u a t r e ( n o s 4 à 7) a u C a b i n e t des t a b l e a u x . Bien q u e les C . B . R . , l'état G u i f f r e y , c o m m e le m é m o i r e d e 1696 p u b l i é p a r F. E n g e r a n d , ne fassent mention q u e de trois t a b l e a u x d'enfants, il est possible q u e le q u a t r i è m e ait été peint à p e u près en m ê m e temps que les autres. U n e vérification de l'inventaire Paillet de T r i a n o n faite p a r Bailly en mars 1699 ( O 1 1 964) q u a n d il devient g a r d e des t a b l e a u x , montre q u e le tableau existait déjà. Il constate la présence à T r i a n o n des cent trente-neuf t a b l e a u x inventoriés p a r Paillet en 1695-98 et signale une omission : « U n tableau... de M . Corneille l'aîné q u i représente des enfans versans de l ' e a u q u y est dans le m a g a z i n d e trianon lequel a 3 pieds 10 pouces de h a u t et 2 pieds 9 pouces d e large. »

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Tableaux pour le Trianon de marbre

Ce tableau, en compagnie des trois autres, figure dans l'appartement de M m e de Maintenon certainement à partir de 1702 et jusqu'au milieu du siècle. L'emplacement indiqué par Engerand dans son édition de l'inventaire Bailly (Cabinet des Tableaux) est une simple erreur de transcription au lieu de Trianon. F. Engerand ne connaissait qu'un seul des quatre tableaux avec les dimensions étranges de 1 m 77 X 1 m 02 (Grand Trianon). Ce tableau est toujours à Versailles (M. V . 7 354) mais mesure 1 m 51 x o m 95, les bandes ajoutées, qui ont été repliées pour la remise en place à Trianon, étant bien visibles dans le haut et le bas de la toile. J'ai retrouvé deux des tableaux manquants (inventaire Villot n o s 3 342 et 3 344, dimensions I m 50 X o m 92) à Fontainebleau en assez mauvais état, avec les mêmes bandes, importantes surtout dans la partie supérieure. (Notons qu'en revanche l'inventaire n° 3 343, tableau en largeur, est sans rapport avec Michel Corneille) . Revenus à Trianon : M . V . 8 275 et 8 276.

Noël

COYPEL I 25

Apollon couronné par Python [fig. 20]

la

Victoire

après la défaite

du serpent

C.B.R., III, col. 89 (1688) : « trois tableaux pour le Cabinet du Repos » : 6oo H (voir aussi col. 1 121 (1695) et I V , col. 12 et 66 (1696). (Total 2800", pour six tableaux, dont trois à Trianon). Retouché par ordre du roi « un an et demy après avoir été posé », selon un mémoire de 1696 publié par F. Engerand (p. 389). (Ce mémoire alors conservé aux Archives dans le carton O 1 1 796 est maintenant dans O 1 1 762). Paillet : pièce n° 15; 5' 10" x 3' 9". Piganiol 1701 : dessus de cheminée. Bailly-Engerand, n° 6. Schnapper 63-64, p. 218-19 (rep. pl. X X X I V ) . Musée de Dijon 1 m 89 X 1 m 27 (premier envoi du musée Napoléon). Revenu à Trianon : M . V . 8 307. I 25 bis

[fig. 21] Bailly catalogue également à Trianon, mais après avoir raturé une mention : Versailles, Cabinet des tableaux (mention qui figure sur le brouillon O 1 1 972), un tableau de 4' 10" x 3' 11" représentant le même sujet, un peu simplifié. Ce second tableau (inventaire Villot n° 3 459 ;

Catalogue

83

i m 66 X i m 18) après avoir été e n v o y é à B o r d e a u x en 1872 est revenu à Versailles en 1932 ( M . V . 6 112) et v a être placé à T r i a n o n . Il porte sur le b o r d inférieur une inscription en grosses lettres assez maladroites : C o y p e l le père fecit 170. ( ?) Signature a u t h e n t i q u e ou non, la d a t e après 1700 correspond parfaitement a u style des œuvres tardives que nous connaissons. O n relèv e r a n o t a m m e n t les chairs brunes o ù les lumières sont posées p a r des empâtements monotones de b l a n c ou d e j a u n e , et les ombres profondes qui découpent les d r a p e ries. C e tableau, q u i a b e a u c o u p souffert, mais vient d'être restauré, est sans doute celui q u e N . C o y p e l avait exposé sous le m ê m e titre a u Salon de 1704. Il n'est pas p r o b a b l e q u e d e u x toiles d u m ê m e peintre sur le m ê m e sujet aient figuré ensemble sur les murs de T r i a n o n , et j e suis porté à faire ici confiance à Piganiol qui ne signale q u e le g r a n d tableau. Celui-ci a certainement été peint p o u r T r i a n o n c o m m e le prouvent les nombreuses fleurs représentées. L a date de 1688 est é g a l e m e n t confirmée p a r le r a p p r o c h e m e n t avec notre n° I, 27 : la tête d ' A p o l lon, p o u r ne prendre que cet exemple, est de style identique. I 26

Apollon gardant les troupeaux d'Admète (Paillet, corrigé p a r Piganiol et Bailly, avait écrit L a o médon). M ê m e historique. Paillet : 3' 1 1 " X 2' 10", ovale. Piganiol 1701 et 1707 : dessus de porte. B a i l l y - E n g e r a n d n° 4 ; 3' 4" x 2' 9". Disparu, i n d i q u e E n g e r a n d qui ne signale q u e le pend a n t (n° suivant) à C o m p i è g n e . Il figure dans l'inventaire d u L o u v r e n° 3 4 5 7 ; 1 m 10 X o m 90, sans e m p l a cement i n d i q u é et j e n ' a i p u le retrouver. U n e note de P. M a r c e l (p. 194-195) à propos de c e tableau et de son p e n d a n t : « les d e u x petits t a b l e a u x ovales sont au château de C o m p i è g n e », résulte d ' u n e identification erronée de l'Apollon et Admète de T r i a n o n avec un tableau rectangulaire de m ê m e sujet (1 m 25 X o m 98) qui a été en effet à C o m p i è g n e c o m m e a n o n y m e de 1874 à 1954 (inventaire V i l l o t d u L o u v r e , n° 8 6 0 1 ) . C e t t e toile assez médiocre est nettement postérieure à N o ë l Coypel.

I 27

Apollon reçoit son carquois de Mercure [fig. 22] (Pendant du précédent). M ê m e historique. B a i l l y - E n g e r a n d , n° 5. T r i a n o n . M . V . 6 113.

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Tableaux pour le Trianon de marbre

Antoine C O Y P E L I 28

M.

Apollon et Daphné [fig. 23] Les C.B.R. signalent des acomptes en 1688 (III, col. 89) et 1689 (col. 287) pour la série de huit tableaux sur le sujet d'Apollon, destinés à Trianon sous Bois. L e seul tableau exécuté est gravé par Tardieu en 1719 avec la mention : « fait pour le R o y en 1689 ». L a gravure est reproduite dans la « Gazette des Beaux-Arts », septembre 1964 : L'œuvre gravé des Coypel, II, n° 42 (p. 148). L a date est confirmée par l'état Guiffrey où le tableau est signalé (13 mars 1689). Paillet : pièce n° 25; 3' 2" X 4' Piganiol 1701 : pièce devenue la Chambre de Monsieur. Transporté en 1705 au Cabinet des tableaux où il est inventorié par Bailly à partir de 1706. Nous retrouvons trace du tableau après la Révolution : l'inventaire Napoléon (Archives du Louvre) le mentionne en effet avec les dimensions justes (1 m X 1 m 51) à la préfecture de Seine-et-Oise qui était alors logée dans l'ancien garde-meubles (rue des Réservoirs). Des recherches à l'actuelle Préfecture, qui date du Second Empire, ne m'ont pas permis de le retrouver. Il est possible que le tableau soit repassé par le château de Versailles car, dans l'inventaire Napoléon, il était à la Préfecture en compagnie d'une Apothéose d'Hercule (1 m 85 X 1 m 50), qu'Engerand restitue à Noël Coypel et signale à Versailles dans le « Cabinet de Monsieur Soulié » (cf. cat. I, 59).

CORNEILLE I 29

Acis et Galathée C e tableau fait partie des cinq peints pour Trianon mentionnés par les C . B . R . (IV, col. 6 et 61, 1696) comme exécutés de 1686 à 1689. Signalé expressément par l'état Guiffrey (mars 1689). Paillet : pièce n° 24; 3' 7" X 4' 7". Piganiol 1701 : Antichambre de Monsieur. Bailly-Engerand, n° 3, Cabinet des tableaux (Engerand publie également une description du tableau en 1733, date à laquelle il était à Meudon comme les n 0 9 28 et 30). Le tableau a disparu depuis la Révolution. Plusieurs dessins conservés au Louvre et à Montpellier représentent le même sujet mais aucun ne se rapproche suffisamment des descriptions anciennes pour qu'on puisse le considérer avec certitude comme un dessin préparatoire.

Catalogue

85

Bon B O U L L O G N E I 30

Triomphe de Bacchus L a date précise de ce tableau est difficile à établir. En effet le tableau très avancé en 1689 (selon l'état Guiffrey) représentait la Nourriture de Bacchus. Il est toutefois très probable que notre toile date bien de 1689 car si elle datait de 1693 on ne s'expliquerait pas qu'elle n'ait pas été suivie par les autres sujets de la série qui, en fait, ne furent jamais exécutés. C.B.R. : un acompte du 9 octobre 1689 (III, col. 286). Paillet : pièce n° 22 ; 3' % X 4' 9" Piganiol 1701 : Antichambre de Monseigneur. Transporté en 1705 au Cabinet des tableaux (où Bailly le signale dès 1706) avant de passer à Meudon. Engerand pense pouvoir l'identifier avec un tableau anonyme envoyé au Musée de Caen en 1872. Cette identification reste incertaine car selon l'inventaire Villot (n° 8 609; 1 m 25 X 1 m 20), ce tableau provenait de la collection de Louis-Philippe. Malheureusement déposé à l'Hôtel de Ville où Engerand (Moniteur du Calvados du 27 février 1896) nous le dit accroché en compagnie de Y Allégorie de l'Art (cat. I, 68) sur un mur humide. Il ajoute : « Si l'on n'y porte instantanément remède, d'ici quelque temps ces œuvres superbes seront pourries, irrémédiablement compromises. » Le tableau est maintenant disparu.

I 31 à 39

Ce peintre achève avant 1695, sans doute dès 1693, une série de neuf tableaux sur l'histoire de Jupiter et Io. Comme il existe une petite difficulté pour l'identification des sujets, j e donne d'abord la liste de Paillet (pièce n° 21), les dimensions proviennent de l'Inventaire général. 1) Jupiter et Io; 2' X 3' 2) Junon et Echo (sic) ; 3' 3" x 4' 4" 3) Junon et Jupiter; 2' X 3' 4) Io changée en vache; 5' 3" X 6' 4" 5) Argus emmène Io et ses saurs; 5' 3" X 4' 6) Jupiter commande à Mercure d'aller délivrer Io; 5' 3" X 6' 4" 7) Mercure coupe la tête d'Argus; 2' X 3' 8) Junon attache les yeux d'Argus...; 3' 3" X 4' % 9) Io adorée sous le nom d'Isis; 2' X 3'

VERDIER

Tableaux pour le Trianon de marbre

Par exception, Paillet commet une erreur q u ' o n peut rectifier à l'aide de Piganiol, Bailly et des tableaux actuellement conservés. Piganiol ne décrit que huit sujets mais il écrit à juste titre que Mercure coupe la tête... et Junon attache les yeux d'Argus... sont représentés sur le même tableau. Le n° 7 de Paillet est en fait Mercure endort Argus. L'erreur est rectifiée par Bailly qui catalogue correctement neuf sujets. E n 1705, au m o m e n t de la transformation de T r i a n o n sous Bois, la série est transportée a u Cabinet des tableaux, sauf deux toiles : Junon et Echo (sic) et Junon attache les yeux d'Argus... qui sont placées en dessus de porte dans la C h a m b r e du Sommeil. I 31

Jupiter et Io [fig. 24] Bailly-Engerand, n° 1. Inconnu d'Engerand, le tableau a été envoyé en compagnie du Junon et Jupiter, n° 33, à Amiens à l'occasion de la signature du Traité de Paix en 1802 : il était conservé au Musée d'Amiens sous le n o m de Jupiter et Junon (catalogue 1899, n° 295), o m 79 (la b a n d e est visible) X o m 97. Revenu à T r i a n o n : M . V . 8 306.

I 32

Junon menace Io [fig. 25] (Le titre actuel, plus vraisemblable que celui de Paillet et de Bailly, se trouve déjà dans Piganiol et dans Dezallier d'Argenville). Bailly-Engerand, n° 3. Transporté dans la C h a m b r e du Sommeil en 1705. Déposé par le Louvre au Musée de Saint-Brieuc en 1872. L'inventaire du Louvre indique pour les dimensions : ex 1 m 27 X 1 m 46, actuellement 1 m 58 X 1 m 20 (cette mention se trouve à différentes reprises pour des tableaux de Verdier et de Houasse). L'agrandissement en h a u teur est bien visible; le tableau semble coupé des deux côtés. Revenu à T r i a n o n : M . V . 8 302 (Trianon sous Bois).

I 33

Junon et Jupiter [fig. 26] Bailly-Engerand, n° 4. Voir l'historique du n° 31 (cat. Musée d'Amiens 1899, n° 296). M.V. 8 305.

I 34

Io changée en vache Bailly-Engerand, n° 8. Disparu depuis la Révolution.

Catalogue

87

I 35

Argus emmène Io de devant ses saurs [fig. 27] Bailly-Engerand, n ° 9. T r i a n o n : M . V . 6 5 2 2 ; 2 m 29 X 1 m 32 ( b a n d e de 0 m 52 bien visible d a n s la p a r t i e supérieure).

I 36

Jupiter commande à Mercure d'aller délivrer Io [fig. 28] Bailly-Engerand, n ° 7. C e t a b l e a u figure encore avec le n o m d e V e r d i e r sous le titre Jupiter, Minerve et Cérès dans l'inventaire N a p o l é o n avec ses dimensions originelles : 1 m 76 X 2 m 10. D a n s le c o u r a n t d u 19 e siècle, peut-être sous Louis-Philippe, il a été confondu dans la série q u e Houasse avait consacrée à M i n e r v e ; avec trois toiles de cette série (cf. cat. I, 40 et 43-44) il est réduit à ses dimensions actuelles (1 m 30 X 1 m 84) p o u r être placé en dessus de p o r t e d a n s la Salle d u Conseil d e Versailles où il se trouve toujours sous le n o m d e Houasse ( M . V . 7 121). U n dessin p r é p a r a t o i r e avec quelques variantes dans la collection d e Pierre R o s e n b e r g à Paris. S c h n a p p e r 63-64, p p . 221-222 (rep. X X X I X ) .

I 37

Mercure endort Argus [fig. 29] N o n cité p a r Piganiol, gêné sans d o u t e p a r l'erreur de Paillet. Bailly-Engerand, n ° 11. L ' i n v e n t a i r e Villot (n° 8 282), p a r confusion avec le m ê m e sujet peint p a r Houasse (cat. I, 10) et qui avait été également envoyé à Compiègne, indique les d i m e n sions 1 m 58 X 1 m 20. L ' e r r e u r est rectifiée dans les catalogues imprimés (cat. sommaire 1889 et Brière 1924, n ° 9 1 0 ; o m 68 X 1 m ) . L e tableau est revenu dans les réserves d u Louvre, mais son retour à T r i a n o n est décidé. M . V . 8 2 6 6 ( T r i a n o n sous Bois, a g r a n d i ) .

I 38

Junon attache les yeux d'Argus à la queue de son paon [fig. 30] Piganiol 1701 : Mercure qui coupe la tête à Argus et Junon qui attache... Bailly-Engerand, n ° 5, cf. n ° 32. Après avoir été à Compiègne, le tableau est revenu dans les réserves d u L o u v r e (ex 1 m 27 X 1 m 46, 1 m 58 X 1 m 20), la b a n d e supérieure bien visible. R e t o u r à T r i a n o n décidé. M . V . 8 267 ( T r i a n o n sous Bois).

I 39

Io adorée sous le nom d'Isis [fig. 31] Bailly-Engerand, n° 12. A u c h â t e a u de Maisons-Laflitte depuis 1920 (voir Brière : Bulletin de la Soc. de l'Hist. de l'Art français, 1924, n ° 279), o m 70 X 1 m.

88

Tableaux pour le Trianon de marbre

R e v e n u à T r i a n o n : M . V . 8 q68 (Trianon sous Bois, agrandi).

HOUASSE I 40 à 4g

J e regroupe ici l'ensemble des dix tableaux sur l'histoire de Minerve, bien que leur exécution s'échelonne de 1689 à 1706, en les classant par ordre chronologique. Houasse, qui avait un sujet de Minerve presque achevé en 1689 et qui avait reçu la permission de continuer (état Guiffrey) n ' a pourtant encore posé que trois tableaux en 1695 q u a n d Paillet dresse son inventaire. Les sept autres sont placés au fur et à mesure de leur exécution dans la salle du Billard (pièce n° 20) pour laquelle ils avaient été commandés en 1688 (la date figure sur la liste des treize sujets prévus dressée par le peintre). Les tableaux de Houasse seront dispersés au milieu du 18 e siècle q u a n d Louis X V fait transformer la pièce. Plusieurs seront coupés au cours du 19 e siècle. L a série étant encore incomplète à la mort du peintre, les espaces libres restèrent ornés de tableaux de Muses dus à T o u t i n et Louis de Boullogne (cf. cat. I, 75-77).

I 40

Naissance de Minerve [fig. 32] Paillet : 4' 6" x 6' 10". Bailly-Engerand, n° 7. A propos de ce tableau ou du suivant, l'état Guiffrey indique « il y en a un presque achevé ». C o u p é ou replié au 19 e siècle pour décorer la Salle du Conseil à Versailles où il est toujours ( M . V . 7 120; 1 m 30 X 1 m 85).

I 41

Minerve enseigne la sculpture aux Rhodiens [fig. 33] Paillet : 3' 9" X 6' 4". Bailly-Engerand, n° 8. C e tableau sous le nom de Vernansal fit partie du premier envoi napoléonien au Musée de Tours. Identifié récemment (cf. B. Lossky, in Bulletin de la Soc. de l'Hist. de l'Art Français, 1957, p. 103) il est revenu à Versailles et doit à son exil d'avoir conservé ses dimensions originelles ( 1 m 30 X 2 m 06). Schnapper 63-64, p. 223 (rep. pl. X L I I I ) .

I 42

Minerve vieille et Arachné Posé le 9 juillet 1693 (mémoire des treize sujets de Houasse, in O 1 1 874, pub. Guiffrey).

Catalogue

89

Paillet : 3' 9" x 6' 4". Bailly-Engerand, n° 14. Ce tableau, qui avait également conservé ses dimensions originelles, avait échappé à Engerand. Passé à Fontainebleau au début du 19 e siècle (inventaire Napoléon), il est envoyé au Musée de Bagnols-sur-Cèze en 1872 et disparaît dans l'incendie de ce musée en 1922. I 43

Minerve sur le Parnasse [fig. 34] 4 7 x 7 7 . Comme le suivant, ce tableau est posé le 7 mai 1696 (notes ajoutées à l'inventaire Paillet). Bailly-Engerand, n° 10. Coupé ou replié (1 m 30 x 1 m 85), il se trouve encore dans la salle du Conseil ( M . V . 7 122). Schnapper 63-64, p. 223 (rep. pl. X L I I I ) .

I 44

Minerve dispute avec Neptune [fig. 35] 4' 7" X 7' 1". M ê m e historique. Bailly-Engerand, n° 11. Versailles, salle du Conseil : M . V . 7 123.

I 45

Minerve aveugle Tirésias [fig. 36] Ce tableau et les deux suivants sont cités dans les C.B.R. (IV, col. 3 5 1 , avril 1698) comme « posez à T r i a n o n l'année dernière ». O n les trouve également à la page 73 de l'Inventaire général de Paillet qui indique pour le n° 45 « posé en mars 1698 ». Les trois tableaux datent donc de 1697-98, ils mesuraient tous 3' X 4'. Bailly-Engerand, n o s 9, 12 et 13. Le premier et le troisième, se trouvaient toujours à Versailles (M.V. 7 269 et 7 268) et sont replacés à Trianon. Comme pour les n o s 48 et 49 les inventaires indiquent environ 1 m 05 x 1 m 50, ce qui est à peu près juste (plutôt 1 m 09 X 1 m 45) mais une bande d'environ 12 cm en largeur qui avait été pliée a pu être rétablie.

I 46

Le troisième représente Minerve donne son bouclier à Persée [fig- 37]

I 47

Le deuxième : Minerve change les cheveux de Méduse en serpents est le seul de la série dont on ne retrouve pas de trace depuis la Révolution.

I 48

Minerve frappe Arachné [fig. 38]

I 49

Minerve fait rafraîchir ses chevaux [fig. 39]

Tableaux pour le Trianon de marbre

Ces deux tableaux apparaissent seu lement clans a deuxième édition de Piganiol (1707). Comme Houasse est en Italie de 1699 jusqu'au début de 1705 et qu'on ne les trouve pas encore dans la première rédaction de l'inventaire Bailly (1706) les deux datent certainement de 1706. Bailly-Engerand, n 0 8 15 et 16; 3' x 4'. Ils se retrouvent à Versailles ( M . V . 7 2 7 0 et 7 2 7 1 ) ; pour les dimensions, cf. cat. I, 45. Trianon.

I 50

Vénus veut empêcher Adonis d'aller à la chasse [fig. 40] Comme les deux suivants, peints par Verdier, en remplacement de Sève l'aîné, pour la pièce n° 26. Posé le 20 janvier 1696 (inventaire Paillet) ; 5' 2" % X
voir cat. I 53

Fig. 44

L. de Boullogne, Jupiter caressé par Europe (Trianon) cat. I 54

(Louvre, C a b i n e t des Dessins,

Inv.

Fig. 45

Noël Coypel, Junon apparaît à Hercule (Trianon), cat. I 56

Tig. 46

N o ë l C o y p e l , Combat d'Hercule et d'Achéloiis ( T r i a n o n ) cat. I 57

Fig. 47

N o ë l C o y p e l , Hercule, Déjanire et le centaure Nessus blessé ( T r i a n o n ) , cat. I 58

Fig. 48

Noel Coypel, Apotheose (THercule (Trianon) cat. I 59

F i g . 49

N o ë l C o y p e l , Amalthée envoyant la corne d'abondance à Hercule ( T r i a n o n ) , cat. I 60

Fig. 50

N o ë l C o y p e l , Déjanire envoyant la chemise empoisonnée à Hercule ( T r i a n o n ) , cat. I 61

Fig. 51

Noël Coypel, L'Abondance (Trianon), cat. I 62

Fig. 52

J . Jouvenet, Apollon et Thetys (Trianon), cat. I 63

Fig. 53

A . Coypel, Zephyr et Flore (Trianon), cat. I 64

Fig. 54

B o n B o u l l o g n e , Junon et Flore ( T r i n a n o ) , cat. I 65

Fig. 55

Bon Boullogne, Allégorie de la Nature (Trianon), cat. I 69

Fig. 56

L . de Boullogne, Apollon enseigne la lyre à Hiacynthe ( T r i a n o n ) , cat. I 66

Fig. 57

L . de Boullogne, Apollon enseigne la lyre à Hiacynthe C a b i n e t des Dessins, Inv. 24.959)

(Louvre,

Fig. 58

L . de Boullogne, Apollon et la Sibylle fille de Glauque ( T r i a n o n ) , cat. I 67

59

L . de Boullogne, Apollon et la Sibylle (Louvre, C a b i n e t des Dessins, I n v . 24.958)

Fig. 60

M. Corneille, Jugement de Midas (Trianon), cat. I 71

Fig. 61

F. Marot, Latone et les paysans de Lycie (Trianon), cat. I 72

Fig. 62

N . Bertin, Vertumne et Pomone ( T r i a n o n ) , cat. I 73

Fig. 63

L. de Boullogne, Uranie et Melpomene (Trianon), cat. I 76 (avant restauration)

Fig. 64

C. Maratti, Apollon et Daphné (Musée de Bruxelles)

Fig- 65

C. Cignani, Jupiter et Europe (Palazzo del Giardino, Parme)

Fig. 66

F. Verdier, Assomption de la Vierge (Versailles), cat. I l l (avant restauration)

Fig. 67

J . B. Martin, La galerie d'eau (galerie de Trianon), cat. I l l 1

Fig. 68

E. Allegrain, La salle du Conseil (galerie de Trianon), cat. I l l 2

Fig- 69

J . Cotelle, La salle du Bal (galerie de Trianon), cat. I l l 5

Fig. 70

J . Cotelle, L'entrée du Labyrinthe (galerie de Trianon), cat. I l l 14

Fig. 71

J . Cotelle, L'Arc de triomphe (galerie de T r i a n o n ) , cat. I l l 16

Fig. 72

J . Cotelle, La Colonnade (galerie de Trianon), cat. I l l 19

Fig. 73

J- B. M a r t i n , L'Orangerie (Trianon), cat. I l l 27

Fig. 74

J . B. M a r t i n , Les Ecuries (Trianon), cat. I l l 26

Fig. 75

E. Allegrain, Paysage (Trianon sous Bois), cat. I l l 35

Fig. 76

E. Allegrain, Paysage, ( T r i a n o n sous Bois), cat. I l l 36

Fig. 77 à 80 J . B. Martin, Paysages avec architectures (Trianon sous Bois et Versailles), cat. I l l 38 à 41

Fig. 81

Chatelain, Le parterre de Trianon (Trianon), cat. I l l 47

Fig. 82

P. D. Martin, L'Obélisque

(Trianon), cat. I l l 49

Fig. 83

P. D . M a r t i n , Le bassin d'Apollon ( T r i a n o n ) , cat. I l l 50

Fig. 84

P. D . M a r t i n , Le bosquet d'Apolloti (Trianon), cat. I l l 51

Fig. 85

J . B. Blin de Fontenay, Fleurs (Trianon), cat. I V 16

Fig. 86

J . B. Blin de Fontenay, Vase et guirlande (Trianon), cat. I V 19

Fig. 87

ici attribué à Antoine Monnoyer, Fleurs (Trianon), cat. I V 28

Table des illustrations

T a b l e a u x commandés pour T r i a n o n sous Bois (Arch. N a t . O 1 1874), état du 13 mars 1689, complété en 1693 et 1705 Plan de T r i a n o n en 1691 (Bibl. Nat., Estampes, V a 363 fol.) ALLEGRAIN (Étienne) - La Salle du Conseil (cat. ILL 2) Paysage (cat. ILL 35) Paysage (cat. I l l 36) BERTIN (Nicolas) - Vertumne et Pomone (cat. I 73) BOULLOGNE (Bon) - Vénus à sa toilette et Mercure (cat. I 5) Junon et Flore (cat. I 65) Allégorie de la Nature (cat. I 69) BOULLOGNE (Louis de) - Vénus et Adonis (cat. 1 6 ) Vénus, I'Hymen et des amours (cat. I 7) Enlèvement d'Europe (dessin pour le cat. I 53) Jupiter transformé en taureau caressé par Europe (cat. I 5 4 ) . . . . Apollon enseigne la lyre à Hiacynthe (cat. I 66) M ê m e sujet (dessin préparatoire, Louvre) Apollon et la Sibylle (cat. I 67) M ê m e sujet (dessin préparatoire, Louvre) Muses (Uranie et Melpomene) (cat. I 76) CHASTELAIN - Vue du parterre de Trianon (cat. I l l 47) CIGNANI (Carlo) - Jupiter et Europe (Parme, palazzo del Giardino) CORNEILLE (Michel II) - Zéphyr et Flore (cat. I 20) Enfants (cat. I 21) Jugement de Midas (cat. I 71) COTELLE (Jean II) - La salle du Bal (cat. I l l 5) L'entrée du Labyrinthe (cat. I l l 14) L'arc de Triomphe (cat. I l l 16) La Colonnade (cat. I l l 19)

Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig.

1 2 68 75 76 62 4 54 55 5 6 43 44 56 57 58 56 63 81 65 17 19 60 69 70 71 72

230

Tableaux pour le Trianon de marbre

COYPEL (Antoine) - Apollon et Daphné (cat. I 28) (gravure de N . T a r d i e u ) . . Fig. 23 Zéphyr et Flore (cat. I 64) Fig. 53 COYPEL (Noël) - Apollon couronné par la Victoire (cat. I 25) Fig. 20 M ê m e sujet (cat. I 25 bis) Fig. 21 Apollon reçoit son carquois de Mercure (cat. I 27) Fig. 22 Junon apparaît à Hercule (cat. I 56) Fig. 45 Combat d'Hercule et d'Acheloiis (cat. I 57) Fig. 46 Le centaure JVessus et Déjanire (cat. I 58) Fig. 47 Apothéose d'Hercule (cat. I 59) Fig. 48 Amalthée et la corne d'abondance (cat. I 60) Fig. 49 Déjanire envoyant la chemise empoisonnée à Hercule (cat. I 6 1 ) . . Fig. 50 L'Abondance (cat. I 62) Fig. 51 FONTENAY (Jean-Baptiste Blin de) - Vase de fleurs (cat. I V 16) Fig. 85 Vase de fleurs (cat. I V 19) Fig. 86 HOUASSE (René-Antoine) - Morphée et Iris (cat. 1 8 ) Fig. 7 Diane et Endymion (cat. I 9) (Musée de Narbonne) Fig. 9 Mercure et Argus (cat. I 10) Fig. 8 Cianée changée en fontaine (cat. I 17) Fig. 15 Alphée et Aréthuse (cat. I 18) Fig. 16 Narcisse (cat. I 19) Fig. 18 Naissance de Minerve (cat. I 40) (Versailles, salle du Conseil). Fig. 32 Minerve enseigne la sculpture aux Rhodiens (cat. I 41) Fig. 33 Minerve sur le Parnasse (cat. I 43) (Versailles, salle du Conseil) Fig. 34 Minerve dispute avec Neptune (cat. I 44) (Versailles, salle du Conseil) Fig. 35 Minerve aveugle Tirésias (cat. I 45) Fig. 36 Minerve donne son bouclier à Persée (cat. I 46) Fig. 37 Minerve frappe Arachné (cat. I 48) Fig. 38 Minerve fait rafraîchir ses chevaux (cat. I 49) Fig. 39 JOUVENET (Jean) - Zéphyr et Flore (cat. I 14) Fig. 11 Enfants (cat. I 15 et 16) Fig. 13-14 Apollon et Thétys (cat. I 63) Fig. 52 L A FOSSE (Charles de) - Apollon et Thétys (cat. I 11) Fig. 10 Clytie changée en tournesol (cat. I 13) Fig. 12 MARATTI (Carlo) - Apollon et Daphné (musée de Bruxelles) Fig. 64 MAROT (François) - Latone et les paysans de Lycie (cat. I 72) Fig. 61 MARTIN (Jean-Baptiste) - La Galerie d'eau (cat. I I I 1) Fig. 67 Les Ecuries vues du château (cat. I I I 26) Fig. 74 Vue de l'Orangerie (cat. I I I 27) Fig. 73 Paysage (cat. I I I 38) Fig. 80 Paysage (cat. I I I 39) Fig. 79 Paysage (cat. I I I 40) Fig. 77 Paysage (cat. I I I 41) Fig. 78 MARTIN (Pierre-Denis) - L'Obélisque (cat. I I I 49) Fig. 82 Le bassin d'Apollon (cat. I I I 50) Fig. 83 La Fontaine du bosquet d'Apollon (cat. I I I 51) Fig. 84 MONNOYER (Antoine) - (attribué à) - Vase de fleurs (cat. I V 28) Fig. 87

Illustrations

VERDIER (François) - Enlèvement d'Orythie par Borée (cat. I I) Jupiter et Io (cat. I 31) Junon menace Io (cat. I 32) Junon et Jupiter (cat. I 33) Argus emmène Io de devant ses sœurs (cat. I 35) Jupiter commande à Mercure d'aller délivrer Io (cat. I 36) (Versailles, salle du Conseil) Mercure endort Argus (cat. I 37) Junon attache les yeux d'Argus à la queue de son paon (cat. I 38). Io adorée sous le nom d'Isis (cat. I 39) Vénus veut empêcher Adonis d'aller à la chasse (cat. I 50) Naissance d'Adonis (cat. I 51) Vénus sur un nuage apparaît à Adonis (cat. I 52) Assomption de la Vierge (cat. II 1)

231

Fig. 3 Fig. 24 Fig. 25 Fig. 26 Fig. 27 Fig. 28 Fig. 29 Fig. 30 Fig. 31 Fig. 40 Fig. 41 Fig. 42 Fig. 66

Sources : Toutes les photographies proviennent du Service de documentation photographique de la Réunion des Musées Nationaux, à l'exception des : Fig. 1 : Archives Nationales. Fig. 2 et 23 : Bibliothèque Nationale. Fig. 9 : R . Sallis, Narbonne. Fig. 64 : A . C . L . , Bruxelles. Fig. 65 : Vaghi, Parme.

Table des matières

Avant-propos Introduction

7 9

Première partie : L A D É C O R A T I O N P E I N T E D E T R I A N O N I. Méthode historique et histoire de la décoration Sources et méthode Historique de la décoration peinte Chronologie II. Choix des peintres et choix des sujets Les peintres et leurs sujets III. Étude stylistique Fleurs, paysages et mythologies

16 17 23 32 34 35 48 49

Notes

66

Deuxième partie : C A T A L O G U E I. Tableaux mythologiques II. Tableaux religieux III. Paysages IV. Tableaux de Récapitulation topographique Conclusion Appendice : l'inventaire Paillet de 1695 Bibliographie Illustrations Table des illustrations

fleurs

74 100 104 116 123 127 129 139 145 229

ACHEVÉ

D'IMPRIMER

SUR LES PRESSES DE A

L'IMPRIMERIE GENTILLY

POLYCHROME

(VAL-DE-MARNE)

Dépôt légal : 4 e trim. 1967 Édit. n° 32 - Impr. n° 578