Sylviculture d’écosystème: La sylviculture sauvage 9782759831814

L’histoire forestière est une succession de modes sylvicoles aux origines à la fois financières, techniques et politique

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French Pages 300 [294] Year 2023

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Table of contents :
Préface
Table des matières
Préambule
Introduction
Chapitre 1 Le paysage forestier européen tissé par une histoire à rebondissements
Chapitre 2 L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière
Chapitre 3 Pourquoi la référence aux forêts à haute naturalité et anciennes?
Chapitre 4 L’état des lieux en Europe en 2022
Chapitre 5 Quelles sont les erreurs sylvicoles des sylvicultures dites « proches de la nature »?
Chapitre 6 Comment améliorer cette situation en France ?
Conclusion
Annexe 1. Les outils de description déjà connus
Annexe 2. Différents types d’éclaircies en forêt
Annexe 3. Graphiques obtenus par le programme msgraph
Annexe 4. Graphiques obtenus par le programme CALCVOLU
Annexe 5. Planches de photographies
Bibliographie
Index
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Sylviculture d’écosystème: La sylviculture sauvage
 9782759831814

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Sylviculture d’écosystème La sylviculture sauvage

Marie-Stella DUCHIRON

Illustration de couverture : photographie de Bernard BOISSON.

Imprimé en France

ISBN (papier) : 978-2-7598-3180-7 – ISBN (ebook) : 978-2-7598-3181-4 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences, 2023

Préface

Les Lumières ont prétendu éclairer le monde pour l’extirper de longs siècles d’obscurantisme religieux. Mais de tout temps, l’histoire a été écrite par les vainqueurs du moment… Et force est de constater que la raison scientifique, trop vite enivrée par ses succès technologiques et par la puissance de ses applications matérielles, a perdu une humilité qui lui était fondamentale. Car c’est bien cette humilité qui en a permis la naissance et le développement, en poussant des êtres doués de la faculté de penser à observer sans a priori, à s’efforcer de raisonner avec justesse, à distinguer les postulats des théorèmes. Comme la Religion, abandonnée aux mains de fanatiques déshumanisés en certains lieux ou certaines époques, ce que nous qualifions aujourd’hui de Science n’en possède souvent plus que les oripeaux. Guy Debord, Jean Baudrillard, Bernard Charbonneau nous avaient prévenus, le spectacle gagne le moindre recoin de la société médiatisée. Le remplacement de l’esprit par la forme s’accélère dans tous les domaines  : le fond s’efface devant l’apparence, l’éloquence tient lieu de profondeur, la fin s’abîme dans les moyens. Les Lumières, d’éclairantes, sont devenues aveuglantes... N’importe quelle avalanche de signes ésotériques prenant la forme de chiffres, de formules mathématiques ou de graphiques semble désormais pouvoir tenir lieu de démonstration, y compris au sein même des communautés scientifiques. Lorsqu’on oublie, sciemment ou non, les limites intrinsèques du procédé, toute modélisation, censée aider à l’analyse rigoureuse de systèmes réels complexes, peut très facilement avoir l’effet inverse en les réduisant à des caricatures. Les conclusions qu’il est possible de déduire d’un tel modèle courent alors un risque sérieux d’être simplistes voire grotesques. Dans le meilleur des cas, lorsqu’elles ont été obtenues par un cheminement logique rigoureux, elles ne peuvent en tout état de cause être appliquées sans erreur qu’au modèle abstrait, pas au système réel.

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Sylviculture d’écosystème

Dans tous les autres cas, que l’enchaînement des déductions soit bancal ou invérifiable, les conclusions tirées du modèle sont simplement inutilisables pour prévoir sérieusement l’évolution du système réel, du moins par tout scientifique qui se respecte. Au sein de sa communauté sylvicole, l’auteur déplore ce recours massif à la typologie, toujours réductrice, qu’elle observe depuis les années 90. Cette tendance impacte en fait de nombreux secteurs, très divers, au moins dans l’ensemble des économies dites développées. Elle s’accompagne à tous les niveaux d’une multiplication générale des procédures, normes et « bonnes pratiques », fixées de façon plus ou moins arbitraire, mais de plus en plus contraignantes. La démocratisation de l’informatique et de l’enseignement de la programmation dans les cursus de formation des cadres supérieurs, notamment par le biais de langages typés procéduraux comme Pascal à partir du milieu des années 80, n’est sans doute pas totalement étrangère à ce phénomène. La fascination exercée par la puissance des machines atteint son point culminant avec l’avènement de l’ordinateur, machine à calculer universelle au sens de Church et Turing. Elle aboutit aujourd’hui à la confiance aveugle accordée à tout ce qui se pare des atours de l’algorithmique, donc de l’intelligence cartésienne, au détriment de l’intelligence sensible. Antonio Damasio a pourtant montré, dans l’Erreur de Descartes, combien la seconde était indispensable à la première. Industrialisation imposée, taylorisation, élevages concentrationnaires, monocultures intensives, normalisations et numérisations tous azimuts, catastrophes humanitaires et environnementales : notre prétention à l’absolue maîtrise à travers l’hypertechnologisation et l’hyperorganisation descendante trouve manifestement ses limites. Depuis l’apparition de la Vie sur Terre, les systèmes les plus résilients sont aussi les plus diversifiés, l’auto-organisation a clairement montré certains avantages. Il va devenir urgent de renoncer à l’hubris technoscientifique, de retrouver l’humilité qui permet d’observer et d’apprendre des multiples formes de la Vie en n’agissant sur les écosystèmes naturels qu’avec le respect que nous leur devons. C’est par cette voie que l’humanité s’enrichira d’un réel progrès de ses connaissances. Au contraire, chaque abus de son terrible pouvoir envers la biodiversité, déjà condamnable en soi, réduit l’espace d’observation, de compréhension, d’émerveillement et d’autonomie des générations futures. Le travail de Marie-Stella Duchiron est une leçon d’humilité du chercheur devant la richesse de l’altérité ; un appel à apprendre toujours davantage des dynamiques intrinsèques sur le temps long, au lieu de chercher à imposer des organisations extrinsèques systématiques. Il en va finalement de la sylviculture d’écosystèmes comme du respect des communautés humaines. Catherine Lucquiaud Docteur en informatique Ingénieur de Recherche à l’INRIA 19 mai 2023

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Table des matières

Préface V Préambule 5 Introduction 9  Chapitre 1  • Le paysage forestier européen tissé par une histoire à rebondissements 11 1.1 Une sylviculture qui se dessine au fil des siècles 11 1.2 Des remises en question… Retour sur les grands événements des 30 dernières années en France 19 1.2.1 La tempête de novembre 1982 dans le Massif Central et les premières interrogations 20 1.2.2 Le cyclone de Bretagne de 1987 et ses premiers enseignements sur les fragilités de la futaie régulière 21 1.2.3 Les tempêtes de décembre 1999 et leurs conséquences psychologiques et sylvicoles : les premières initiatives en futaie irrégulière 22 1.2.4 La crise financière de l’ONF et ses conséquences : faut-il changer de sylviculture ? 22 1.2.5 L’apparition de phénomènes thermiques extrêmes et les inquiétudes forestières 23 1.2.6 La forêt est aussi mise à mal par des pollutions de plus en plus nombreuses 25 1.3 Pendant ce temps, chez nos proches voisins forestiers 29

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Sylviculture d’écosystème

 Chapitre 2  • L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière 31 2.1 La définition internationale de la sylviculture en futaie irrégulière et ses caractéristiques 31 2.1.1 Le développement du concept de forêt pérenne/futaie irrégulière 31 2.1.2 La définition internationale de la futaie irrégulière 38 2.2 La structure forestière : moteur de la dynamique forestière 40 2.2.1 La caractérisation de la structure fonctionnelle : la sylvigenèse 41 2.2.2 Les effets de la structure sur le fonctionnement de l’écosystème 46 2.3 La structure forestière : moteur de l’économie forestière 77 2.3.1 Les caractéristiques du bois produit en futaie jardinée 77 2.3.2 Le bilan financier de la production et de la vente de bois en sylviculture jardinée 80 2.3.3 La rémunération des autres fonctions de la forêt 84 2.3.4 Le bilan économique global d’une sylviculture irrégulière de type jardiné par rapport à une sylviculture régulière 86  Chapitre 3  • Pourquoi la référence aux forêts à haute naturalité et anciennes ? 91 3.1 Les caractéristiques et les atouts écologiques des forêts à haute naturalité et anciennes 91 3.2 Une remarquable résistance face aux incendies 94 3.3 Quelques forêts en bon état de conservation en Europe – Un exemple de forêt ancienne à gestion très extensive : la forêt de Néra, Roumanie 95 3.4 L’if (Taxus baccata) : un élément de la forêt naturelle 101  Chapitre 4  • L’état des lieux en Europe en 2022 105 4.1 En France 105 4.1.1 La notion très floue de futaie irrégulière 105 4.1.2 Des exemples de réalisations sylvicoles 106 4.1.3 L’état des réflexions sur les îlots de sénescence 108 4.2 En Allemagne 111 4.3 En Belgique 114 4.4 Au Danemark 115 4.5 En Grande-Bretagne 115 4.6 Bilan comparatif de cet état des lieux international – Un exemple à suivre : Croatie, Slovénie 116

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Table des matières

 Chapitre 5  • Quelles sont les erreurs sylvicoles des sylvicultures dites « proches de la nature » ? 119 5.1 Les erreurs 120 5.1.1 L’ouverture de la canopée et ses conséquences écologiques 120 5.1.2 La mécanisation intensifiée et le cloisonnement des forêts 128 5.1.3 L’introduction d’espèces exotiques 129 5.1.4 Un vocabulaire forestier inadapté 130 5.2 Quels risques en cascade s’ensuivent ? 131 5.2.1 Des forêts qui ne remplissent plus leur fonction de protection 131 5.2.2 Les conséquences écologiques et économiques graves de l’introduction d’exotiques 132 5.2.3 Une très grande vulnérabilité face aux incendies de forêts 134 5.2.4 La diversité biologique et l’économie globale en péril 136 5.3 Où sont les failles du raisonnement ? 137 5.3.1 Un raisonnement calqué sur celui de la futaie régulière 137 5.3.2 Un raisonnement trop mathématique éloigné de la réalité 142  Chapitre 6  • Comment améliorer cette situation en France ? 145 6.1 Le contexte économique 145 6.2 Le contexte juridique et fiscal de la filière Forêt-Bois 148 6.3 Concrètement : quelle sylviculture préconiser pour la France ? 150 6.3.1 Les défis auxquels doit répondre cette nouvelle sylviculture 151 6.3.2 La définition de la nouvelle sylviculture, son concept et ses caractéristiques 152 6.4 Comment mettre en place la sylviculture d’écosystème ? 162 6.4.1 L’itinéraire à suivre 163 6.4.2 Les outils à la disposition du sylviculteur 177 6.5 Les différentes issues économiques envisageables pour la sylviculture d’écosystème 187 6.5.1 Une gestion d’entreprise 188 6.5.2 La fonction de production 189 6.5.3 La fonction de protection de la biodiversité 190 6.5.4 La fonction sociale 191 6.5.5 La mise en œuvre de la commercialisation des produits de la forêt 194 6.5.6 Les points phares de l’économie de la sylviculture d’écosystème 195 6.6 Pourquoi le concept de « sylviculture d’écosystème » porte-t-il bien son nom ? 197 6.7 Cette sylviculture est-elle applicable partout ? 199

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Sylviculture d’écosystème

Conclusion 201 Annexe 1. Les outils de description déjà connus 205 Annexe 2. Différents types d’éclaircies en forêt 213 Annexe 3. Graphiques obtenus par le programme msgraph 217 Annexe 4. Graphiques obtenus par le programme CALCVOLU 223 Annexe 5. Planches de photographies 227 Bibliographie 239 Index

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Aux Professeurs Hans Leibundgut, Hans-Jürgen Otto et Dušan Mlinšek, mes Maîtres en Sylviculture, qui ont marqué le XXe siècle de leur génie en sciences et écologie forestières ; et à François Toutain, pionnier de l’analyse biologique et zoologique des humus, qui m’a communiqué sa passion des humus et des interrelations dans un écosystème forestier

Patience est un arbre : les racines sont amères mais les fruits très doux. Au bout, il y a le ciel… Proverbe touareg

Préambule

Ce livre fait suite à la première édition de l’ouvrage Gestion des futaies irrégulières et mélangées (1994) de l’auteur, Marie-Stella Duchiron – traduit en allemand et publié chez Blackwell, éditions Paul Parey, sous le titre Strukturierte Mischwälder : Eine Herausforderung für den Waldbau unserer Zeit (2000), avec une préface du Pr Hans-Jürgen Otto – et de sa Thèse franco-allemande de Doctorat en Sciences Forestières soutenue et publiée en 2000 puis en 2003 sous le titre Structures forestières : dynamique-modélisation-conséquences pour l’écosystème. Il est le fruit de près de quarante années de travaux de recherche et de gestion forestière, en collaboration avec des professeurs d’université, en écologie forestière, en sylviculture, en biométrie forestière et en économie, en France comme à l’étranger. Diplômée Ingénieur Agronome et Ingénieur du Génie Rural, des Eaux et des Forêts, sa formation scientifique à la recherche (durant sa Thèse de Doctorat réalisée en cotutelle entre la Faculté forestière de l’Université Georg-August de Göttingen en Allemagne et l’École Nationale du Génie Rural, des Eaux et des Forêts à Nancy en France) a été encadrée par les Pr Hans-Jürgen Otto, Jean-Claude Rameau, François Toutain, Gode Gravenhorst, Dušan Mlinšek, Winfried Kurth dans les années 1990. Dès lors elle a été chargée de cours dans différentes universités en France et à l’étranger. Admissible deux années de suite, classée parmi les dix premiers à l’écrit du concours le plus sélectif d’entrée à l’École Nationale d’Administration (ENA), le nouveau concours « spécial docteurs », elle a démontré sa capacité d’analyse et de conseils de haut niveau, fondés sur sa solide expérience professionnelle. Tout au long de sa vie professionnelle, soucieuse de progresser dans les Sciences forestières, elle a constamment associé à sa recherche un minutieux travail de terrain,

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de même que la réalisation des plans de gestion et d’expertises tant forestières qu’écologiques sur stations riches et pauvres, qui lui ont été confiés, a été enrichie par son activité de recherche. Les longues discussions avec des confrères français et allemands, notamment avec François Barisien – Ancien Directeur technique et commercial de la Compagnie forestière du Nouvion, ancien Conseiller forestier et Technicien forestier, retraité – lui ont permis d’ajuster ses stratégies sylvicoles. Au cours de nombreuses visites et études de forêts effectuées dans plusieurs pays d’Europe (Allemagne, Suisse, Slovénie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Autriche, Hongrie, Grèce, Espagne, Italie, Roumanie), Marie-Stella Duchiron a pu se rendre compte de la grande diversité de sylvicultures et de cultures intellectuelles forestières : entre les Latins, les Germains et les Slaves, il y a autant d’approches différentes du concept de la nature et de la sylviculture. Propriétaire et gestionnaire forestier depuis plusieurs décennies, elle est ainsi pleinement consciente de toutes les charges et difficultés qui incombent au propriétaire. De surcroît, sa qualité de propriétaire forestier renforce cet aspect d’une confrontation respectueuse avec la Nature. Elle est agréée Expert Forestier, membre du CNEFAF (Conseil National de l’Expertise Foncière Agricole et Forestière). Ce livre traite exclusivement des forêts tempérées et ne concerne ni les forêts méditerranéennes, ni les forêts tropicales même si certaines caractéristiques se retrouvent dans les unes comme dans les autres. Ce travail a été enrichi par des dialogues scientifiques ou transmission d’articles en particulier avec : Eric Bás – Mammalogiste. Bernard Boisson – Artiste-photographe de la nature, philosophe et écrivain. Pierre Bricage – Ancien Professeur à l’Université de Pau, notamment spécialiste de virologie. Dr Helge Dzierzon – Ancien chercheur de l’Institut de Biométrie de la Faculté forestière de l’Université Georg-August de Göttingen, Programmateur du logiciel msgraph. David Gasparotto – Responsable de la bibliothèque forestière de l’ENGREF-Nancy. Jean-Claude Génot – Docteur en écologie ; retraité de sa fonction de Chargé de la protection de la nature au Syndicat de Coopération pour le Parc naturel régional des Vosges du Nord. Marc Hanewinkel – Professeur d’Économie forestière à l’Université de Fribourg (Allemagne). Rainer Köpsell – Haut fonctionnaire retraité de l’Administration forestière de Basse-Saxe, ancien directeur de Centres forestiers d’État de Basse-Saxe (Allemagne) où il a pratiqué la sylviculture « conforme à la nature » (naturgemäß). Il est à présent, en Allemagne et à l’étranger, Conseiller, Expert, journaliste et auteur indépendant.

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Préambule

Roger de Legge † – Expert Forestier et propriétaire forestier. Arne Pommerening – Professeur de Mathématiques et Statistiques appliquées aux Sciences Forestières à l’Université des Sciences Agricoles à Umeå en Suède. Sylvain Ravy – Physicien au CNRS, pour ses relectures « naïves » du manuscrit. Henning Schmidtke – Directeur du centre forestier d’État de Nienburg, BasseSaxe (Allemagne). Annik Schnitzler – Professeur honoraire à l’Université de Lorraine et spécialiste des forêts naturelles. Que chacun d’eux trouve, dans l’aboutissement de ce travail, le plus beau remerciement de son aimable transmission du savoir.

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Introduction

En Europe se jouxtent des contrées aux paysages et traditions forestières très diversifiés. La forêt française représente, en 2022, entre 20 et 30 % de la surface boisée européenne totale, occupant ainsi la quatrième place derrière la Suède, l’Espagne et la Finlande. À l’échelle de la France, la forêt s’étend sur 17,2 millions d’hectares, ce qui correspond à 31 % du territoire métropolitain. Elle est constituée de 190 espèces d’arbres dont 75 sont réputées indigènes, parmi lesquelles se trouvent 76 espèces de feuillus et 60 espèces de conifères. Près des deux tiers (67 %) du volume sur pied de la forêt française sont constitués de feuillus. Au fil des siècles, les usages forestiers et donc les paysages ont suivi, comme partout dans le monde, l’évolution démographique et les besoins des sociétés successives. Ces manques de continuité en matière d’orientations sylvicoles, notamment lorsque les usages ont été trop intensifs, ont été souvent préjudiciables aux écosystèmes forestiers. Le XXe siècle a été marqué, il y a une trentaine d’années, par la naissance en Europe d’une controverse officielle à propos de certains modes sylvicoles. L’année 1989 a ainsi vu la création d’une association européenne portant le nom de « Pro Silva », suivie de l’apparition d’antennes indépendantes dans la plupart des pays d’Europe. Ce mouvement est né à l’initiative de professeurs d’université comme le Pr Dušan Mlinšek en Slovénie et de responsables forestiers comme le Pr Hans-Jürgen Otto et le Dr Hermann Wobst en Allemagne. Ceux-ci reprochaient le productivisme des monocultures et de la futaie régulière et souhaitaient qu’une sylviculture dite « proche de la nature », soit davantage développée. Depuis, des initiatives nationales se sont mises en place pour réaliser une sylviculture de type irrégulier, mais en définitive avec de considérables différences dans les

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Sylviculture d’écosystème

pratiques employées, tout en utilisant un langage commun, si bien qu’aujourd’hui plus personne ne sait vraiment ce qu’il faut comprendre sous le terme de « futaie irrégulière ». L’objet de cet ouvrage n’est autre que de faire le point, de manière scientifique, sur le sujet de la futaie irrégulière avec l’objectif de partager les dernières connaissances acquises dans ce domaine. Son originalité repose sur le fait que l’auteur est rompu aux techniques sylvicoles de la grande école de sylviculture d’Europe centrale, celle qui fait référence en la matière depuis la genèse des sciences forestières et dont se sont éloignés certains pays au fil des ans. Elle transmet ici des informations inaccessibles aux non-germanophones. Ce livre a l’ambition d’aller encore plus loin dans l’argumentaire  : sur les bases solides du concept de futaie irrégulière ont été ajoutées quelques considérations sur la grande faune forestière, dont la présence est souvent source de conflits entre le monde forestier, le monde de la chasse, les naturalistes et le public. Nous avons la conviction qu’une futaie irrégulière prise dans son acceptation la plus proche du modèle naturel pourrait largement diminuer de tels conflits. Aussi évoquerons-nous la forêt visitée par beaucoup de forestiers : la forêt ancienne de Néra en Roumanie, riche en arbres multiséculaires et très peu touchée par l’homme dont les impacts sont restés très extensifs ces derniers siècles. Nous ferons le tri entre, d’une part, les débats émotionnels ou idéologiques qui divisent trop souvent l’univers forestier, et, d’autre part, les connaissances scientifiques du fonctionnement de l’écosystème forestier qui sont bien davantage crédibles à nos yeux. Nous ne prendrons pas pour idéal un modèle forestier dans lequel l’homme devrait être exclu, ce qui serait un non-sens, puisque notre espèce vivait en Europe bien avant l’avancée forestière de l’Holocène, mais un modèle de sylviculture modérée où toute initiative trop éloignée du modèle écologique naturel a été écartée. Cela inclut aussi plus de tolérance pour la nature sauvage, même dans les forêts très utilisées par l’homme. Ainsi que les psychologues anglo-saxons – telle Laurie Hawkes dans son dernier ouvrage intitulé Petit traité de lucidité sur soi-même et sur les autres – le rappellent : la pensée dogmatique n’est pas une pensée constructive, seule la capacité à réfléchir de façon ouverte et fluide peut trouver des solutions utiles pour le long terme… en l’occurrence pour la pérennité d’écosystèmes forestiers stables et résilients quand ceux-ci sont modifiés par la main de l’homme. Au regard des modifications des phénomènes météorologiques, perceptibles depuis quelques années, gestionnaires et scientifiques forestiers devront être à l’écoute des exigences de la nature, afin d’adapter la sylviculture aux conditions et événements climatiques à venir. Un retour sur l’histoire forestière est le point de départ de toute analyse des interactions entre l’homme et la nature. Ceci nous permettra ensuite de pouvoir dissocier les effets de modes et les idéologies des réelles questions écologiques puis économiques avec, à chaque fois, la question de la pertinence des outils d’analyse pour traiter de ce sujet complexe. Enfin, nous proposerons des pistes qui puissent améliorer le rapport de l’homme moderne à la forêt.

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Chapitre 1 Le paysage forestier européen tissé par une histoire à rebondissements

En dépit des avancées dans des domaines aussi divers que la palynologie, l’anthracologie, la carpologie, la pédologie, l’archéologie et l’histoire, on connaît peu de choses des surfaces respectives occupées par des zones boisées par rapport aux milieux plus ouverts et de leurs fluctuations au cours du temps, et ce, jusqu’au début des temps modernes. Nous donnons ici un résumé d’une histoire forestière complexe en fonction des sociétés et des époques. Pour davantage de détails, le lecteur pourra consulter nos ouvrages précédents [114,116].

1.1 Une sylviculture qui se dessine au fil des siècles Dès le néolithique, des défrichements apparaissent en forêt, s’amplifiant au cours de la Protohistoire. Si le hêtre se répand, l’if commence à être décimé pour l’usage de son bois dans la métallurgie. Puis, avec les Romains, se dessine une forme de sylviculture avec trois types différents : les forêts exploitées en taillis simples, les forêts aux allures plus ou moins jardinées et les forêts laissées inexploitées. La chute de l’Empire romain est suivie de nouveaux défrichements conduits par les moines principalement.

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Sylviculture d’écosystème

Du XVIe au XVIIe siècle se met en place une sylviculture plus « scientifique » appuyée sur des ouvrages comme celui du juriste Malleville sur L’ordonnance forestière de François  Ier en 1516 (en latin) et l’ouvrage allemand, juriste et forestier, de Noë Meurer, Jagd- und Forstrecht 1. Ce sont les deux premiers ouvrages consacrés à la forêt en tant que telle, ce qui n’existait pas encore jusque-là [104]. L’empereur autrichien Ferdinand Ier, frère de Charles Quint, édicte une ordonnance forestière, signée à Prague le 17 avril 1557, avec la nomination de l’équivalent du Souverain Maître des Eaux et Forêts en France, le Königlich – Kaiserlich Forstmeister [105,352,353] 2. C’est alors que la France affirme sa supériorité  : la puissance politique du roi Louis XIV permet à Colbert d’imposer une réforme des forêts sur une large partie du territoire et également de préparer sa célèbre Ordonnance forestière de 1669, qui passe alors pour un modèle dans toute l’Europe [104]. Dans les Pyrénées, le jardinage des forêts dévastées par les fournisseurs de bois de marine voit le jour avec la rédaction des premiers règlements et l’instauration du jardinage dès la fin du XVIIe siècle. Mais c’est au cours du XVIIIe siècle qu’apparaît, en France, la Science Forestière à proprement parler, pour endiguer les coupes abusives en forêts. Ainsi, après les essais de Réaumur et de Buffon, c’est à Henri Duhamel du Monceau (1700–1782), ingénieur général de la Marine et passionné de botanique, que l’on doit les premières bases scientifiques utiles à la formation des forestiers de l’Administration des Eaux et Forêts, grâce à son ouvrage Traité complet des bois et forêts. En 1727, sont établis les règlements du jardinage par pied d’arbre dans les Vosges lorraines où le sapin se trouve en mélange avec le hêtre. De même en Alsace où la régénération après coupe à blanc se révélait être impossible, le jardinage est défini. Dans le Jura, un règlement général pour les sapinières est établi en 1730, avec l’instauration de recépages périodiques des feuillus sous les sapins dans les forêts mélangées. Ces mesures spécifiques interdisaient par exemple la coupe à blanc. À  la fin du XVIIIe  siècle, les forêts prennent lentement l’aspect de massifs irréguliers de jeunes bois, semis, fourrés et gaulis 3 mélangés où, cependant, les gros arbres manquent du fait de la précédente série de coupes intensives [209–211]. La Révolution française va avoir de fortes répercussions même à l’étranger en matière technique, en particulier en matière forestière. On [350] précise même qu’elle « décapita » le corps forestier et que beaucoup d’archives furent détruites ou dispersées. À l’étranger, l’Ordonnance forestière de Colbert a une grande influence. Ainsi, en Allemagne, les ordonnances princières se multiplient et certains forestiers vont faire avancer rapidement les sciences forestières. Des ouvrages vont paraître  : celui de Georg Ludwig Hartig, énonçant pour la première fois les règles de coupes de régénération progressives (Anweisung zur Holzzucht, 1791), puis les travaux de Johann Heinrich Cotta (né en 1763) et de Friedrich August Ludwig von Burgsdorf, 1.  Jagd- und Forstrecht : Droit de la chasse et Droit forestier 2.  Königlich-Kaiserlich Forstmeister : Maître Forestier royal et impérial 3.  Fourré : peuplement forestier équienne constitué de jeunes arbres, de 1 à 3 m – Gaulis : un gaulis est un jeune peuplement constitué de gaules de moins de 5 cm de diamètre et de 3 à 6 m de hauteur

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Chapitre 1. Le paysage forestier européen tissé par une histoire à rebondissements

auteur du Forsthandbuch (1re  édition 1787, 2  tomes) ainsi que Karl Wilhelm Hennert (Anweisung zur Taxation der Forsten, 1791) [104,350,351]. Les premières écoles forestières sont créées en Allemagne dès 1763 et le 1er décembre 1824 est fixé à Nancy le siège de l’École royale forestière qui deviendra ensuite l’École Nationale des Eaux et Forêts, dont le premier directeur est Bernard Lorentz, qui a appris son métier en Allemagne. Les premières pénuries de bois, apparues à la fin du XVIIIe  siècle, s’amplifient jusqu’au milieu du XIXe siècle, du fait des guerres de l’Empire et de la Révolution. En réponse à ces besoins en bois, les Allemands décident sans plus attendre, au début du XIXe  siècle, de mener des coupes à blanc suivies de plantations denses d’épicéa ou de pin sylvestre, tant et si bien que leur surface forestière, à la fin du XIXe siècle, présente un pourcentage inversé d’espèces : de 70 % de feuillus, ils sont passés à 70 % de conifères [25]. Pendant ce temps, la France reste attachée au taillis et au taillis-sous-futaie avec une conversion lente en futaie sur un siècle ou plus. Durant ce siècle, le rayonnement des Sciences forestières vers les autres pays se fait principalement grâce à l’Allemagne en raison de l’antériorité de son enseignement forestier : Grande-Bretagne, Russie, Bulgarie, Turquie. En Roumanie, c’est le rayonnement français qui s’impose. Avec le mouvement naissant d’écologie forestière, apparaissent en France les premiers théoriciens du jardinage : Étienne-François Dralet [70] (1760–1844) puis Adolphe Gurnaud (1825–1898), alors que le jardinage ne s’était pratiqué jusqu’ici, çà-et-là, que d’une manière très intuitive [70]. Gurnaud, dès son passage sur les bancs de l’École forestière, s’interroge sur le sens de la notion de « révolution » en forêt, imaginant déjà qu’il puisse exister une méthode pour activer la végétation, peut-être par des coupes d’amélioration. Dès lors, Gurnaud a toujours tenu à partager sa réflexion en deux groupes : « la préoccupation économique » et « la préoccupation culturale ou biologique ». Et, en considérant cet aspect économique, il en vient à repenser la sylviculture : « La révolution n’est en définitive qu’une hypothèse sur l’accroissement  ; elle ne peut être déterminée avec exactitude que par la notion de l’accroissement. Mais si celui-ci était connu, on n’aurait pas besoin de la révolution, et le problème de l’aménagement se résoudrait en égalant la coupe à l’accroissement. » (Gurnaud 1886, in  [66]). C’est ainsi qu’il met en place la Méthode du Contrôle, par comparaison d’inventaires. Il eut alors un grand nombre d’opposants qui se levèrent, lui reprochant des erreurs de calcul, des généralisations hâtives, alors qu’« il ne s’agissait là, en fait, que de chicanes mineures » [353]. Il n’en reste pas moins qu’il fut reconnu par tous comme un sylviculteur de terrain hors pair avec la « main forestière ». Ses supérieurs hiérarchiques n’acceptèrent pas qu’il expérimente son concept sur l’accroissement, et le mutèrent à un autre poste qu’il refusa. Il fut radié de l’Administration forestière en 1866. Les débats conflictuels ont été violents et portés jusque devant la Chambre des Députés. Gurnaud aura gagné sur deux points : 1) le président de la République signe un décret, en 1886, pour conduire les forêts de la commune de Syam sur le mode de la sylviculture jardinatoire ; 2) la Méthode du Contrôle se développe grâce au Suisse Henry Biolley qui reprend ses idées du jardinage cultural, expérimente et adapte

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la méthode dans le Val-de-Travers, en particulier dans la forêt de Couvet. Mais Louis-André Favre dans son article Cent ans de jardinage cultural contrôlé précise ceci, en prenant de la distance par rapport aux calculs de contrôle : « (il) se méfie de l’utilisation abusive que l’on fait de plus en plus des mathématiques et des formules savantes dans les sciences forestières… Le forestier neuchâtelois s’abstient également d’utiliser à tort certaines représentations graphiques, par exemple celle de la courbe de croissance du nombre de tiges par catégories de diamètre, dont l’interprétation servile conduit aux pires erreurs dans le traitement des forêts. » [141]. À cette même époque, d’autres travaillent de concert sur l’étude des sapinières du Jura [430], donnant un élan nouveau à la méthode du contrôle, précisant mieux à la fois la théorie, et l’application pratique [353]. Sa théorie de la rentabilité supérieure de la futaie jardinée par rapport à la futaie régulière est ensuite reprise, développée et étayée par des disciples forestiers devenus célèbres, tels que  : Brenot, Biolley (Suisse), A.  Schaeffer, Gazin, d’Alverny, Borel (France) et bien d’autres encore [67], tandis que certains vont développer des contre-exemples à cette belle théorie [352,353]. Finalement, jusqu’en 1914, l’Allemagne a pratiqué une sylviculture intensive tandis que la France est restée attachée à des méthodes sylvicoles douces en forêt. Mais certains précurseurs d’une sylviculture plus extensive se lèvent en Allemagne, tel que Karl Gayer avec ses ouvrages dès 1935, marquant la naissance d’un grand mouvement d’écologie forestière dans ce pays. Pendant ce temps, en France, est créé le Fonds Forestier National (F.F.N.), en 1946, et les véritables campagnes de reboisement (en monocultures) sont lancées, notamment pour alimenter l’industrie (papetière et autre). En 1920, en Allemagne, Alfred Möller définit la notion de «  forêt pérenne  » (Dauerwald), sur la base des quatre principes : 1) conserver la pérennité du caractère forestier sur la totalité des surfaces boisées ; pour cette raison, la gestion forestière ne doit jamais conduire à une coupe à blanc qui détruit fondamentalement le caractère forestier ; 2) utiliser, favoriser, provoquer partout la régénération naturelle ; 3) rendre annuelle la récolte de bois ; 4) obtenir le plus fort pourcentage de croissance tout en assurant le plus de réserves possibles et la plus grande richesse en espèces précieuses, et tendre à la meilleure exécution de la gestion forestière. Alfred Möller assimile la forêt à un organisme vivant et en arrive à l’idée, que pour obtenir la plus grosse production, il faut que son caractère vital soit en bonne santé, la rupture de continuité la plus grave étant la coupe à blanc. La « forêt pérenne » se présente alors sous l’aspect « irrégulier » et « mélangé ». Des discussions se développent alors autour de ce sujet entre les partisans de la forêt pérenne : Dengler, Gayer, Erdmann, Krutzsch et Weck, etc. En 1925, Wiedemann emploie l’expression « naturgemäße Waldwirtschaft » (gestion forestière conforme à la nature) et Hasel la définit ainsi : « Conformément à cela, l’enseignement de la sylviculture part des bases naturelles des soins portés à la forêt. On soigne aujourd’hui l’ensemble de ces tâches avec l’aspiration de les réunir dans la forêt de gestion conforme à la nature (naturgemäßer Wirtschaftswald) » [201]. En 1930, Wiedemann juge les conséquences néfastes de la gestion forestière intensive menée en Saxe, dans sa publication : Über die Grundlagen der Forstwirtschaft im sächsischen Erzgebirge (Sur les fondements de la gestion forestière dans les massifs

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montagneux de l’“Erzgebirge” de Saxe). Il conclut que l’expression «  naturgemäße Waldwirtschaft » (gestion forestière conforme à la nature) doit céder la place à « naturgemäßer Wirtschaftswald » (forêt de gestion conforme à la nature) : ce qui revient à dire qu’il faut considérer d’abord la position naturelle de la forêt et ensuite voir ce qu’il est possible de faire au plan économique et non considérer de prime abord l’espèce rapportant le plus économiquement (en l’occurrence l’épicéa). Il faut donc d’abord prendre en considération les caractéristiques de la station [201]. En 1935, Krutzsch et Weck en donnent une définition dans leur livre Bärenthoren 1934 / Der naturgemäße Wirtschaftswald (Bärenthoren 1934  /  La forêt de gestion conforme à la nature) : la forêt conduite par une sylviculture conforme à la nature est une forêt mélangée irrégulière avec des espèces d’arbres adaptées à la station. « Le plus mauvais tombe d’abord, le meilleur reste debout. » En 1939, Dengler ne poursuivra pas cette analogie avec un organisme vivant. Il préférera l’expression « communauté de vie » (Lebensgemeinschaft) pour la forêt [201]. Mais Möller n’en reste pas à l’expression « Dauerwald » (forêt pérenne) et il évolue vers «  plenterartiger Dauerwald  » (forêt pérenne de type jardinatoire). Erdmann, en 1924, dira que la forme idéale de la réalisation de la « Dauerwald » pour Möller, c’est la futaie jardinée (Plenterwald) [201]. L. Schaeffer [429] commentera ce principe face aux objections des adversaires de la « Dauerwald » : « (…) Mais compte tenu des objections que nous venons de mentionner, les adversaires du mouvement s’accordent pour reconnaître qu’il a eu d’heureuses répercussions sur la sylviculture allemande. » Mais l’histoire va basculer avec l’arrivée du Nazisme dont l’idéologie (Sol-SangPatrie) s’était étendue également aux forêts [212,507], privilégiant la notion de forêt naturelle à tout type artificialisé de forêt qui plus est, comportant des espèces exotiques, donc étrangère au sol allemand. Von Keudell, grand partisan de la pensée « Dauerwald » (Forêt pérenne), devient le « Generalforstmeister » sous les ordres du « Reichsforstmeister », Hermann Göring. Walter von Keudell fait passer un certain nombre de décrets entre 1933 et 1937  mettant en avant cette idée, décrets qui marqueront la sylviculture en Allemagne pendant les dix années qui suivront. Il exige : 1) la possibilité de remplacer la coupe rase par des « coupes sanitaires » et la recommandation de soigner la qualité du tronc et de la couronne de chaque arbre ; 2) l’assimilation de la notion de « Dauerwald » à celle de « naturgemäßer Wirtschaftswald », ne faisant désormais plus aucune différence officielle entre les deux. À la fin de la deuxième guerre mondiale, la grande discussion autour de cette idéologie trouve une fin brutale. Il n’en demeure pas moins que les esprits marqués par les atrocités du Nazisme et originellement partisans d’une « gestion artificielle », ont, par la suite, associé la « gestion naturelle » au mouvement nazi, rendant ainsi très difficiles les échanges entre forestiers des deux tendances sylvicoles. Après la guerre, le groupe qui avait commencé à réfléchir sur les peuplements d’épicéa du Nord-Est de la Saxe, et qui, sous l’impulsion de Wiedemann, était passé à l’appellation «  naturgemäßer Wirtschaftswald  » (forêt de gestion conforme à la nature), se rassemble à la faculté forestière de Tharandt. Ils se regroupent alors sous le vocable de « Arbeitsgemeinschaft Naturgemäße Waldwirtschaft » (Association de

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travail pour la gestion forestière conforme à la nature) – ANW. L’A.N.W. prend donc ses racines à l’époque où Wilfried Krutzsch est en Saxe. Willy Wobst et Johannes Blanckmeister sont restés fidèles à ce concept. Le 30 mai 1950, l’A.N.W. est fondée, avec, comme premier président, Karl Dannecker. Celui-ci, marqué par son expérience dans ses forêts jardinées du Württemberg, maintient le principe qu’une gestion vraiment proche de la nature ne peut se faire qu’avec la forêt jardinée. Il doit démissionner peu après, à la suite d’un désaccord avec certains autres forestiers. Parmi ceux-ci se trouve Willy Wobst : il affirme que la futaie jardinée n’est pas le seul type de gestion proche de la nature  [259]. Partie de 46 adhérents, l’association allemande A.N.W. en compte aujourd’hui plusieurs milliers. Cette association va ensuite s’unifier autour de la définition de Wilfried Krutzsch (formulée par W. Wobst 1954 [201]) : « La forêt de gestion conforme à la nature est une forêt inéquienne, irrégulière en touffes, groupes et bandes, et mélangée d’espèces et de races d’arbres conformes à la station, dont la production se situe dans le meilleur état de conformité des réserves sur pied et au niveau le plus avantageux. » La France, quant-à elle, se lance au XXe siècle dans une vaste politique de reboisement, avec la loi du 21 janvier 1942 qui impose aux propriétaires forestiers des opérations de reboisement dans différents secteurs déterminés par arrêté ministériel. Même si cela n’est tout d’abord pas comparable aux réalisations importantes du XIXe siècle – Landes de l’Aquitaine, Sologne, etc. – ce mouvement ne va cesser de s’amplifier. Le Fonds Forestier National (F.F.N.) est ainsi créé le 30 septembre 1946, marquant dès lors le lancement de véritables campagnes de reboisement, notamment pour alimenter l’industrie (papetière et autre). La France (à travers les créateurs et réalisateurs des reboisements F.F.N.) développe ainsi une sylviculture intensive en futaies régulières monospécifiques, principalement de conifères. Il se met alors en place des programmes de recherche sur différents points : la technique de plantation à densités plus faibles, l’amélioration génétique des arbres forestiers, l’étude de l’autécologie des espèces, la mécanisation des travaux forestiers, le perfectionnement des formules chimiques des désherbants. Ces programmes vont être suivis, après 1970, par de meilleures méthodes sylvicoles : notamment la sylviculture des futaies feuillues en vue de production de bois d’œuvre et de qualité. En 40 ans, le F.F.N. a permis le reboisement de deux millions d’hectares (avec également création d’équipements : pistes, routes, etc.). Des méthodes sylvicoles sont mises au point : le dépressage et l’éclaircie forte et précoce. Des initiatives privées développent la diminution des densités et des volumes sur pied, et la diminution de la durée de révolution. En 1987, Touzet, alors directeur de l’Association ForêtCellulose (AFOCEL) écrit : « C’est grâce au reboisement que la France peut devenir un grand producteur ». Mais une prise de conscience avait commencé à naître dès 1960 devant ce qui a été appelé le « vieillissement des forêts ». Certains mettaient en cause le jardinage qui avait ouvert la porte à certains abus au début de cette pratique (d’où l’appellation allemande « Plenterung » très proche du mot « Plünderung » signifiant pillage). Dans les Alpes du Nord essentiellement, en forêts soumises, on adopte une méthode combinée afin de lutter contre ce « vieillissement des forêts ». Brossier [76] fait cette remarque : « Quelle que soit l’essence, dans les Alpes, on se heurte à l’important

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problème du vieillissement, aggravé par le fait qu’il s’agit de peuplements réguliers ». Ici, le vieillissement est compris comme l’avancée en âge des peuplements réguliers non récoltés, ce qui est considéré par les forestiers « régularistes » comme une perte de productivité. Nous verrons plus loin que le vieillissement est considéré comme un gain de biodiversité en écologie et en sylviculture. Doussot [111], enseignant à l’école des Barres, écrit en 1989 une lettre ouverte intitulée Chère futaie régulière, où il dénonce tous les défauts de cette sylviculture. Cette lettre fera beaucoup de vagues au sein de l’Administration forestière française… Côté allemand, la sylviculture plus douce continua d’être perfectionnée et le couronnement des efforts et travaux des forestiers allemands, notamment de BasseSaxe, est marqué par l’adoption, le 23 juillet 1991, par le Gouvernement régional de Basse-Saxe, du Programme LÖWE : Langfristige Ökologische Waldentwicklung in den Landesforsten (Développement forestier écologique et à long terme, dans les forêts de la région Basse-Saxe). Le concepteur en est Hans-Jürgen Otto (1989), Professeur de Sylviculture des Universités, alors Waldbaureferent (Référent sylvicole) auprès du ministre-président de Basse-Saxe Schroeder. Le Programme LÖWE est constitué de 13 principes fondamentaux. Il va jouer un rôle décisif dans l’orientation de la sylviculture du Land de Basse-Saxe qui sera ensuite imité par les autres Länder. Depuis le 6 juin 2005, les buts et les fondements du Programme LÖWE sont devenus obligations au sein de la gestion des forêts domaniales de Basse-Saxe. Programme LÖWE « Langfristige Ökologische Waldentwicklung in den Landesforsten » Développement forestier écologique et à long terme, dans les forêts de la région Basse-Saxe Programme du 23 juillet 1991 du Gouvernement régional de Basse-Saxe, basé sur 13 principes fondamentaux : 1) 2) 3) 4) 5) 6) 7) 8) 9) 10) 11) 12) 13)

Protection du sol et choix des espèces conformes à la station. Augmentation des forêts feuillues et des forêts mélangées. Adéquation écologique. Préférence à la régénération naturelle en forêt. Amélioration de la structure forestière. Coupe à diamètre d’exploitabilité. Maintien de vieux arbres, protection des espèces végétales et animales rares et menacées. Réalisation d’un réseau de sites forestiers protégés. Garantie de fonctions forestières particulières. Installation et entretien de lisières forestières. Protection forestière de manière écologique. Gestion cynégétique conciliante avec l’écosystème. Mise en œuvre de la technique forestière en harmonie avec l’écologie.

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À l’initiative d’universitaires forestiers européens, allemands et slovènes, une réflexion sur une sylviculture dite « proche de la nature » s’est engagée. Du 18 au 22 septembre 1989 à Robanov Kot en Slovénie se réunit un groupe de forestiers provenant de dix pays européens. Dušan Mlinšek, alors Professeur de sylviculture à l’université de Ljubljana (Slovénie) et président de l’IUFRO (International Union Forestry Research Organisation) ainsi que quelques autres forestiers dont Gayler et Schoepffer (forestiers fondateurs de l’ANW en Allemagne), lancent un appel à « tous les forestiers, propriétaires forestiers et amis de la forêt d’Europe ». Le 22 septembre 1989, ils créent une association, l’« Union européenne de forestiers aux conceptions de gestion proche de la nature », portant le nom de Pro Silva. Pro Silva se fixe « pour tâche de promouvoir, dans toute l’Europe, un mouvement en faveur des forêts stables, saines et productives  ». Elle estime «  que l’économie forestière traditionnelle doit évoluer vers une gestion globale de l’écosystème forestier, afin de garantir sa productivité et sa stabilité ». L’option qu’elle a prise en faveur « d’une sylviculture patiente et respectueuse des lois naturelles, favorise sa diversité, la richesse structurelle et la régénération naturelle de forêts composées d’essences en station, qu’elles soient indigènes ou exotiques » (Extraits de l’Appel de Robanov Kot 1989). On peut noter au passage, que les conceptions de cette sylviculture intègrent, dans les principes de création de Pro Silva, l’introduction et la culture d’espèces exotiques en forêt. Ceci sera discuté dans ce livre. Les buts de Pro Silva ont été définis [47,207,208], dans l’appel de Robanov Kot, comme suit : « - établir la collaboration et le soutien réciproque entre pays ; - encourager activement l’initiative et le travail des forestiers de terrain, des propriétaires forestiers et des amis de la forêt ; - promouvoir et organiser l’échange d’expériences, notamment par l’exemple d’entreprises pilotes gérées selon les principes de l’Union ; - demander à la recherche forestière et à l’enseignement de s’attacher prioritairement à l’étude de la biocénose forestière dans son intégralité ; - susciter toute législation respectueuse de l’écosystème forestier ; - soigner les contacts entre tous ceux qui estiment nécessaire d’améliorer la stabilité et la vitalité de la forêt européenne pour lui permettre d’assurer au mieux les diverses fonctions qui sont les siennes : production économique, protection, délassement et conservation du paysage. » À l’issue de la fondation européenne de Pro Silva, des associations sont créées dans un certain nombre de pays membres. Ainsi, le 8  septembre 1990 est créée l’association Pro Silva-France au Mont Sainte-Odile dans le Bas-Rhin. Ce mouvement français attire à sa fondation 100 adhérents dont le nombre ne dépassera pas trois cents et quelques au fil des décennies (à l’inverse de l’ANW allemande dont le nombre d’adhérents se compte par milliers). Le premier Président en est Michel Hubert.

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Chapitre 1. Le paysage forestier européen tissé par une histoire à rebondissements

Chaque pays va interpréter un peu à sa manière la sylviculture « proche de la nature » ou encore dite « irrégulière » surtout quand l’association ne prend pas en considération les résultats de la Recherche dans ce domaine. L’objet de cet ouvrage est donc de faire le bilan de ces 30 dernières années d’expérience.

1.2 Des remises en question…

Retour sur les grands événements des 30 dernières années en France

Depuis les années 1990 en France, le discours des organismes forestiers français se teinte davantage du mot « écosystème ». Par ailleurs, à ce moment-là, en forêt privée, le Fonds Forestier National n’a plus de réserves financières pour aider les propriétaires forestiers privés à replanter. La Direction de l’Espace Rural et de la Forêt (DERF) du ministère de l’Agriculture s’interroge alors sur le bien-fondé d’une autre sylviculture qui ne nécessiterait pas des plantations coûteuses (arbres de pépinières avec un certain nombre d’échecs du fait de leur fragilité, travaux préalables à la plantation et ensuite de dégagement, etc., voir chapitre sur l’économie) et commande à l’auteur de ce livre une synthèse bibliographique de tout ce qui a été publié au plan international sur une sylviculture utilisant la régénération naturelle (donnée gratuitement par la nature). L’ouvrage issu de ce travail [114] est la première analyse et synthèse de la littérature sur le sujet et a servi de base de données aux discussions et ouvrages forestiers qui s’ensuivirent. Ainsi, dès 1990, l’intérêt pour la sylviculture irrégulière était présent dans tous les esprits mais il ne fallait surtout pas le laisser paraître : la chasse aux « dogmes » [68] était déclarée alors qu’on en promulguait paradoxalement de nouveaux, assortis d’interdits (par exemple le terme « holistique » était interdit, comme évocateur de l’idéologie nazie 4(sic)), notamment attisés par la fierté nationale qui se réclamait la propriété du concept de gestion douce des forêts. Cette dimension émotionnelle en forêt, quel que soit le pays (l’Allemagne a eu, avons-nous vu, son lot de problèmes politico-forestiers), est importante à prendre en considération pour comprendre les évolutions sylvicoles, tant au plan technique qu’au niveau scientifique, qui n’ont pas toujours eu de fondement rationnel. À titre d’illustration, citons Bourgenot [69], alors directeur technique de l’ONF, à propos du choix de sylviculture (futaie régulière/futaie jardinée), résumant parfaitement les querelles sans fondement scientifique entre les deux camps : « Le forestier français est ainsi constitué qu’il adore la polémique dans l’abstrait. Il suffit de parcourir les revues forestières depuis le début du siècle pour constater avec quel bonheur il les a alimentées par la querelle régulier-jardiné, poursuivie

4.  Reproche fait à l’auteur en 1994

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dans la grande majorité des cas à coup d’arguments théoriques invérifiables donc scientifiquement inexistants. La chose est d’autant plus curieuse que si l’on peut rencontrer en France quelques milliers d’hectares de futaies résineuses d’allure jardinée, ou se rapprochant peu à peu et non sans mal de la structure jardinée, il n’y existe pas de futaie jardinée “normale” telle qu’on peut l’admirer dans la Mecque du jardinage, la forêt de Couvet en Suisse. Il faut ajouter que certains partisans de la futaie régulière adoptent à l’égard de la futaie jardinée une autre argumentation, concrète cette fois, mais d’extrême mauvaise foi. Ils attribuent en effet au mode de traitement en futaie jardinée des inconvénients, certes visibles sur le terrain, mais qui ressortissent en vérité soit à la structure réelle des peuplements, elle-même dépendant étroitement de leur histoire (je pense par exemple aux sapinières-pessières alpines), soit à une mauvaise application du traitement en jardinage qui leur avait été imposé, soit enfin à ces deux causes à la fois, tant il est difficile de bien jardiner des peuplements de structure non jardinée. Il est temps d’en terminer avec ces embrouillaminis stériles, avec ces querelles passionnées, il est temps de voir les choses avec un peu plus de pragmatisme, il est temps surtout d’appliquer à celles de nos futaies qui sont de structure irrégulière une méthode d’aménagement et un mode de traitement à la fois adaptés à cette structure et volontaristes quant aux objectifs d’éclaircie et de renouvellement à y poursuivre dans leurs divers types de peuplement. » Ce sont les événements climatiques qui ont ensuite accéléré certaines remises en question en sylviculture.

1.2.1

La tempête de novembre 1982 dans le Massif Central et les premières interrogations

Du 6 au 8 novembre 1982, une tempête prolongée venant du Sud-Est s’est abattue sur la France, touchant gravement les peuplements forestiers de la moitié du pays, tant en surface qu’en volume de bois tombé : 27 départements touchés dans sept régions (Auvergne, Limousin, Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées, Aquitaine, Centre, Bourgogne, Poitou-Charentes) et au total dix millions de mètres cubes de bois abattus en chablis ou volis. Les forestiers se sont accordés pour dire que si la tempête de 1982 était venue de l’Ouest, les dégâts auraient peut-être été moins importants, les peuplements forestiers étant mieux préparés à affronter ces vents dominants. Afin de comprendre ce qui s’était passé dans les forêts, des observations [65] posttempêtes se sont portées sur les espèces présentes qui avaient mieux résisté ou davantage souffert, ainsi que sur leur tenue dans les sols mais également sur la sylviculture. La question de l’atout des forêts mélangées est alors soulevée mais pas élucidée. On souligne surtout la fragilité des peuplements après une éclaircie, le rôle des lisières en tant que brise-vent, la résistance, l’ancrage et la stabilité des arbres.

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Chapitre 1. Le paysage forestier européen tissé par une histoire à rebondissements

1.2.2

Le cyclone de Bretagne de 1987 et ses premiers enseignements sur les fragilités de la futaie régulière

Dans la nuit du 15 au 16 octobre 1987, un cyclone orienté Sud-Ouest / Nord-Est, ayant son œil au-dessus des îles Ouessant, a abordé la Bretagne entre Concarneau et Lorient avec des vents soufflant à 260 km/h. Les forêts ont été touchées sur une bande de 120 kilomètres de largeur. Le bilan est lourd : 6,5 millions de mètres cubes sont à terre, soit plus de 20 % du volume sur pied, contre environ 6 % en 1982 pour l’Auvergne. Près de 90 % des dégâts (dégâts du point de vue économique et non écologique) se situent en forêt privée. Le coût total de cet épisode venteux : 2 milliards de francs ! [98]. Les observations post-tempête ont fait apparaître que les peuplements mûrs avaient le plus souffert à la différence des peuplements jeunes et des arbres isolés ou de talus. La Bretagne ayant eu une politique assez forte de plantation de conifères exotiques (notamment d’épicéa de Sitka), ce sont ces monocultures qui ont été détruites en majorité. Les conifères qui ont survécu au cyclone, présentaient pour la plupart un bois défibré  : un carottage des tiges à la Tarière de Pressler rapportait non une carotte bien ferme mais du bois en forme de mie de pain dispersée 5. Cette observation fut confirmée par des scieurs qui nous ont montré des découpes transversales de billons, présentant des décollements de cernes et des fissures multiples d’un cerne à l’autre. Dans ces plantations monospécifiques, la lisière avait bien tenu car les arbres présentaient une stature pyramidale du fait de l’absence de concurrence. En revanche, cette lisière généralement hermétique au vent (comme tous les « brise-vents » des années 1960 installés sur les côtes, à base de cyprès), avait bloqué le vent, provoquant un rebondissement au-dessus des cimes de lisière et des tourbillons à vitesse accélérée à l’intérieur de la plantation : là, les arbres sont tombés (chablis) et beaucoup ont été cassés à 6 mètres de hauteur (volis). 6 L’Administration forestière bretonne a continué à recommander l’implantation de conifères (notamment d’espèces exotiques) principalement en forêt privée, pour répondre aux besoins de l’industrie du bois. Pourtant, si la violence du vent en 1987 a eu raison de nombreux massifs forestiers, il est apparu clairement que les forêts les moins artificielles et plus stratifiées verticalement (taillis-sous-futaie par exemple) avaient mieux résisté à l’assaut du vent.

5.  Nos observations en Bretagne à cette époque-là 6.  Nos observations en Bretagne à cette époque-là

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1.2.3

Les tempêtes de décembre 1999 et leurs conséquences psychologiques et sylvicoles : les premières initiatives en futaie irrégulière

« L’ouragan Lothar du 26 décembre 1999 et l’ouragan Martin des 27 et 28 décembre 1999 ont provoqué des dégâts économiques sans précédent dans la forêt française. Un huitième de celle-ci (environ deux millions d’hectares) a été parcouru par des vents supérieurs à 140  km/h. La moitié des départements français (45 départements) a relevé des dégâts importants dans ses forêts, soit sur l’ensemble de leur territoire, soit dans une partie de celui-ci. », rapporte l’Inventaire Forestier National chargé d’établir un état des lieux des peuplements touchés par les ouragans [215]. Le taux de dégâts survenus sur les conifères atteint 6,8 % contre 3,5 % sur les feuillus. 139,6 millions de mètres cubes ont été abattus, représentant 325 % de la récolte annuelle. En part relative (par rapport à la surface des forêts domaniales et communales et des forêts privées), les superficies ayant subi des dégâts supérieurs à 10 % du couvert ont été plus étendues en forêt domaniale qu’en forêts communales et privées. Mais la forêt privée qui concentre à elle seule la plus grande part de peuplements monospécifiques et équiennes en France, a été proportionnellement légèrement plus touchée pour les peuplements détruits à plus de 90 % : elle concentre 76 % des superficies de cette classe de dégâts, rapporte l’Inventaire Forestier National [215].

1.2.4

La crise financière de l’ONF et ses conséquences : faut-il changer de sylviculture ?

À la fin de XXe siècle, l’Office National des Forêts traversant une crise financière importante, n’a pas le budget pour replanter (sauf aides européennes particulières). Les tempêtes de décembre 1999 relancent le débat. La pénurie financière a tranché et le mot d’ordre a été donné : reconstituer les peuplements par la régénération naturelle. On commence à parler davantage de « biodiversité » et de « futaie irrégulière ». En 2008, l’ONF a développé des îlots de sénescence quand a commencé à se généraliser la sylviculture « dynamique ». Supposée répondre aux futures tempêtes, cette sylviculture intervient très tôt dans les jeunes peuplements pour obtenir des arbres qui soient moins hauts et dont on espère qu’ils soient moins sensibles au vent. Elle vise à décapitaliser les peuplements pour avoir moins d’arbres en espérant que ce soit moins de concurrence pour les réserves en eau du sol. Anticipant le « produire plus » du Grenelle de l’environnement, elle vise ainsi à rajeunir les forêts et à baisser les diamètres d’exploitabilité. En « compensation », elle transforme 1 % de la surface boisée de la forêt publique en îlots de sénescence, réserves intégrales comprises 7.

7.  Communication écrite Génot 2018

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Chapitre 1. Le paysage forestier européen tissé par une histoire à rebondissements

1.2.5

L’apparition de phénomènes thermiques extrêmes et les inquiétudes forestières

En France, à partir de l’année 2003 environ, sont apparus des épisodes caniculaires, avec des températures très élevées, devenant de plus en plus fréquents, succédant rapidement à des épisodes de températures situées en-dessous de la normale saisonnière. On appelle cela les changements climatiques. Ils perturbent l’activité agricole et ils font craindre pour la survie des forêts. Des modélisations de l’évolution climatique se sont développées, prédisant l’arrivée de climats de type méditerranéen dans les régions plus septentrionales. De peur de voir leur production de bois s’écrouler, certains organismes forestiers ont fait la promotion de plantations d’exotiques, notamment du Cèdre de l’Atlas (Cedrus atlantica). Largement promues dès le XIXe siècle, pour diverses raisons (lutte contre l’érosion des sols après surpâturage, repeuplement des zones détruites par les guerres, modifications des usages avec abandons pastoraux), les arbres non indigènes, de l’ordre d’une vingtaine d’espèces, occupent des surfaces très importantes en France. Nous développerons ce sujet aux chapitres 5.1.3 et 5.2.2. Une autre recommandation a été de conduire les peuplements de manière dynamique, d’une part, pour récolter les arbres plus jeunes et éviter ainsi une trop grande mortalité, et d’autre part, pour amener plus rapidement tous les houppiers des arbres à la lumière du sommet de la canopée. Il faudrait donc installer la futaie claire, cas particulier de la futaie régulière présentant des densités d’arbres très faibles avec 19 m2 de surface terrière à l’hectare, selon leurs auteurs [492]. Citons Louis-Michel Nageleisen 8, Expert référent national « entomologie forestière et dépérissement  » du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, interrogé sur la question : « Comment voyez-vous l’avenir des forêts ? » : «  Je ne peux répondre précisément à cette question. Une chose est certaine c’est que nous vivons désormais dans un monde qui change à grande vitesse et qui est rempli d’incertitudes ! En quelques mots… (mais le sujet peut être débattu des heures !) : Les invariants environnementaux des années antérieures aux années 1990 qu’on m’a appris au cours de ma formation ne sont plus des invariants  : climat et sol évoluent rapidement à une vitesse comme jamais… de plus les pratiques sylvicoles changent énormément avec une mécanisation à outrance… quant au contexte économique qu’on ne peut oublier, la mondialisation est passée par là et la France se comporte comme un pays sous-développé à la merci de clients étrangers… notre filière de transformation est pratiquement anéantie… et certaines essences non prisées comme le hêtre et dans une

8.  Louis-Michel Nageleisen communication écrite 2019

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Sylviculture d’écosystème

certaine mesure le sapin ne trouvent plus guère de débouchés valorisants… C’est le climat qui est le principal « driver » de la répartition des essences et si on veut estimer cette répartition en fonction de l’évolution du climat, on utilise fréquemment des modèles de niche : on étudie les paramètres climatiques de l’aire de répartition actuelle d’une essence donnée et on « fabrique » à partir de ces données un modèle de répartition qui retranscrit l’aire de l’essence avec plus ou moins de précision par rapport à l’aire observée… différents modèles sont établis qui donnent des résultats plus ou moins concordants… après en fonction de divers scénarios climatiques fournis par les spécialistes du climat (Giec, Météo-France, …) on peut faire varier les données climatiques du modèle pour regarder l’aire potentielle de l’essence dans 30, 50 ou 100 ans… Le problème est qu’il existe plusieurs scénarios climatiques, plusieurs modèles… ce qui fait que les « prévisions » restent très incertaines… de plus les scénarios climatiques travaillent essentiellement sur des tendances moyennes à moyen ou long terme à des échelles macrorégionales et ne peuvent prévoir (pour l’instant ?) avec précision la fréquence d’occurrence et l’intensité des « aléas » (sécheresse, canicule, tempête…) et encore moins à une échelle locale (petite région écologique). Enfin, des travaux récents de l’Inra à Champenoux font apparaître un doute important sur la validité des modèles de niche (en particulier sur le douglas !! travaux de Juliette Boiffin et Vincent Badeau). Vous comprendrez donc qu’il est très compliqué de se prononcer sur le futur de nos forêts vosgiennes… Ce qui est certain c’est qu’avec la tendance lourde au réchauffement, les étages de végétation vont remonter et l’étage montagnard moyen = optimum du sapin, qui est actuellement entre 600 et 900 m dans les Vosges, va se décaler vers le haut… l’épicéa dont l’optimum est le montagnard supérieur et subalpin (audessus de 900 m actuellement) n’aura plus cet optimum dans un massif comme les Vosges… dans combien de temps : c’est difficile à dire et dépend de l’accélération ou pas du réchauffement climatique… Mais même à l’intérieur de cet optimum, une sécheresse-canicule comme celles de 2018–2019 entraîne des dommages tant sur les résineux que les feuillus… des prévisions de Météo-France récentes avec un modèle qui correspond au peu d’efforts consentis par nos sociétés pour réduire le phénomène (modèle RCP 8.5) indiquent que dans 30 ans la fréquence d’occurrence d’un aléa comme celui de 2018–2019 sera de 50 % (une année sur 2 !)… pour la forêt, 30 ans c’est demain ! Vous comprendrez mon pessimisme sur l’avenir de l’épicéa et du sapin à cette échéance ! Il restera sans doute encore des résineux dans des stations privilégiées climatiquement (vallons froids, versant nord…) mais en tout cas ce ne pourront guère être des essences objectifs pour les forêts de production comme actuellement… En fait, le message principal est qu’on ne peut désormais plus camper sur des positions de « conservation » d’un état actuel (dans beaucoup de domaines mais en particulier dans le domaine des habitats forestiers)… notre environnement est en train de considérablement changer… d’un point de vue écologique, on ne peut qu’accompagner le mouvement en essayant de ne pas accentuer les

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Chapitre 1. Le paysage forestier européen tissé par une histoire à rebondissements

modifications par des pratiques délétères… en ce qui concerne certains sites à vocation de protection, il est utopique de vouloir les garder (« conserver ») en l’état actuel ou il y a quelques décennies, c’est perdu d’avance et les travaux de conservation comme pratiqués dans certains sites seraient des dépenses onéreuses totalement inutiles… par contre, il faut garder une trame de sites en libre évolution pour permettre à toute la biodiversité d’y évoluer… En ce qui concerne la gestion forestière, il n’y a que le mélange et la diversification des espèces qui permettront de garder (peut être, selon l’intensité des changements climatiques et des aléas futurs) une option de production (qui reste actuellement le principal objectif de nos forêts vosgiennes… »

En tout état de cause, la plus grande prudence est recommandée devant les pronostics de l’évolution du climat.

1.2.6

La forêt est aussi mise à mal par des pollutions de plus en plus nombreuses

Il serait hâtif et non démontré de faire porter l’entière responsabilité de la mortalité des arbres uniquement aux changements climatiques. Il y a de nombreux autres facteurs qui entrent en ligne de compte. Citons quelques exemples. Tout d’abord, il y a la pollution à l’ozone troposphérique résultant de l’interaction des gaz d’échappement des véhicules routiers avec les rayons UV du soleil. Les impacts de la phytotoxicité de l’ozone ne sont pas assez pris en considération dans les stratégies sylvicoles, du moins en France, malgré les recherches accumulées sur le sujet. À  concentrations critiques et dans certaines situations météorologiques, l’ozone affecte la productivité primaire des écosystèmes, des cultures aux prairies et aux forêts [109,176], annihilant les effets positifs provoqués par l’accroissement du dioxyde de carbone et donc du rendement de la photosynthèse [457]. Les arbres sont particulièrement sensibles à l’ozone et notamment aux impacts chroniques davantage qu’aux impacts ponctuels et brutaux  [119,359]. L’ozone perturbe la photosynthèse et provoque l’augmentation du processus de respiration et, par làmême, la diminution de la fixation du gaz carbonique  [108]. À  court terme, les arbres présentent des taches de décoloration ou de coloration sur les feuilles ou les aiguilles. À  moyen terme (dans les 10 à 20  années suivantes), se produit un raccourcissement des périodes de végétation à cause d’une sénescence prématurée des feuilles  [72,494] et donc une diminution de la fixation du carbone pour la production brute, de l’ordre de 500 kg de carbone par hectare pour 5 à 10 jours de raccourcissement de la période de végétation  [185]. L’ozone diminue aussi la croissance des tiges sur les jeunes plants de certaines espèces [186,243] ainsi que la réduction de la biomasse des racines [406]. Autres effets graves, le gel ou la sécheresse accentuent les dommages dus à l’ozone [277,301,337,392]. Les arbres matures

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Sylviculture d’écosystème

pourraient résister mieux que les arbres jeunes [199,248]. Les espèces ne présentent pas toutes la même vulnérabilité à l’ozone [494]. D’autres recherches démontrent que les parties des arbres exposées à la lumière sont plus touchées par l’ozone que les parties situées à l’ombre (mesures confirmées pour le hêtre, l’épicéa, le bouleau, le tilleul) [10]. Les dommages sont également plus élevés dans les jeunes forêts et les forêts peu denses [177]. Ces données laissent à penser que les forêts matures à architecture fortement stratifiée, dont la canopée protège les jeunes arbres de sousétages (les arbres matures ayant été reconnus comme plus résistants à l’ozone) – en les mettant à l’ombre et en les situant sous des arbres plus grands qui filtrent les polluants atmosphériques – canopée qui amortit aussi les chocs thermiques liés aux changements climatiques, résisteront probablement mieux que les forêts fortement artificialisées. Il a été prévu  [302] une extension de ces dépérissements forestiers dans toute l’Europe. En 2004–2005, il a été observé que beaucoup d’arbres dépérissaient dans diverses forêts. La réaction a été immédiatement de faire porter la responsabilité de ce dépérissement à la sécheresse et à la canicule de 2003. Or, il n’en est rien. En 2003, les arbres ont fermé leurs stomates pendant la période de sécheresse pour se préserver. En revanche en 2004, année très pluvieuse, les arbres ont ouvert leurs stomates et ont ainsi absorbé une grande quantité d’ozone qui les a fait dépérir. Une autre pollution, dont l’expansion ne cesse d’augmenter, affectant à la fois la faune et la flore, est celle des champs électromagnétiques des micro-ondes pulsées (de radars, d’antennes de téléphonie mobile, de Wifis, etc.). Ces champs électromagnétiques non ionisants constituent des stress environnementaux et peuvent altérer des écosystèmes fragiles [120,279,458]. Leurs effets sur le vivant sont à la fois thermiques mais aussi, et principalement, non thermiques en raison de leur structure physique de composition triple, cause de la toxicité. Une même technologie utilise ainsi trois bandes de fréquences : les hyperfréquences (radiofréquences) qui portent l’énergie ; les modulations en ELF (Extremely Low Frequencies) qui sont d’extrêmement basses fréquences portant l’information (chez l’homme, elles entrent en résonance avec ses fréquences cérébrales) ; les pulsations qui sont des émissions par micro-saccades non continues, constituées par plusieurs fréquences. La structure des signaux est ainsi la cause-même de l’agression physiologique aux niveaux moléculaire et cellulaire. Des intensités très faibles sont suffisantes pour porter atteinte à l’équilibre physiologique. Avec des niveaux ambiants en hausse chronique dans toutes les gammes de fréquences électromagnétiques non ionisantes, il est indispensable de tenir compte aujourd’hui de l’impact environnemental de ces émissions. Depuis le début des années 1970, les chercheurs savent comment l’énergie des champs électromagnétiques et des radiofréquences est absorbée par la plupart des espèces animales  [167,168,279]. Compte tenu de l’augmentation des niveaux ambiants des champs électromagnétiques d’origine artificielle, il est nécessaire d’avoir une compréhension beaucoup plus précise des processus moléculaires et cellulaires de l’électro-réception et de la magnéto-réception chez les espèces non humaines. Nous sommes peut-être déjà en train d’écraser les capteurs biologiques

26

Chapitre 1. Le paysage forestier européen tissé par une histoire à rebondissements

naturels de certaines espèces qui ont évolué au cours des âges. Les mécanismes d’électro-réception, y compris les magnéto-électro-récepteurs, la magnétite et les paires cryptochromes/radicalaires, permettent à de nombreux organismes vivants dans tous les environnements de détecter la présence et les changements immédiats des champs électromagnétiques non ionisants à des intensités très faibles dans une gamme de fréquences. Ces sensibilités accrues qui fonctionnent bien au-delà de la perception humaine, créent des vulnérabilités spécifiques pouvant être facilement perturbées par de nouveaux champs électromagnétiques créés par l’homme. La technologie évoluant très rapidement, aucune adaptation évolutive n’est possible [279]. (Citation légèrement modifiée) Contrairement aux polluants de toxicologie chimique classique dans lesquels un coupable peut typiquement être identifié et quantifié, les radiofréquences peuvent fonctionner comme un polluant de « processus » dans l’air, comme les perturbateurs endocriniens présents dans les aliments et l’eau, dans lesquels le facteur de stress provoque une cascade d’effets systémiques imprévisibles. Avec les radiofréquences, le stimulus serait de type physique/énergétique plutôt que chimique  [279]. Les auteurs estiment que des directives relatives à l’exposition chronique à long terme aux champs électromagnétiques de faible intensité, devraient être mises en place pour la faune et la flore. De même, des techniques d’atténuation devraient être développées dans la mesure du possible et des études d’impact environnemental devraient être menées avant l’octroi de licences ou la mise en place de nouvelles technologies majeures comme la 5G. Enfin, les lois et réglementations environnementales devraient être strictement appliquées [278]. (Citation légèrement modifiée) Il est ainsi à présent prouvé que les champs électromagnétiques des technologies sans fil sont responsables de l’hécatombe des abeilles. Si les pesticides les avaient mises à mal, elles ont brutalement disparu avec le développement de la téléphonie mobile dans les années 2000. Il a été démontré que les insectes étaient sensibles aux effets non thermiques tout autant qu’aux effets thermiques des rayonnements de téléphonie mobile. Les conséquences de ces expositions permanentes aux émissions électromagnétiques d’origine artificielle (en provenance d’antennes, satellites, téléphones portables, Wifis, etc.) sont des malformations et une diminution voire un arrêt de la reproduction, une réduction de la capacité d’orientation des insectes, la léthargie, des modifications de la dynamique de vol, des perturbations dans la recherche de nourriture, des modifications dans les vitesses de réaction du comportement de fuite – leurs cryptochromes sont en effet très affectés par le caractère oscillant des champs électromagnétiques artificiels qui sont pourtant parfois bien plus faibles que le champ magnétique permanent de la Terre – des perturbations du rythme circadien, le blocage de la chaîne respiratoire et des dommages causés aux mitochondries, des activations erronées du système immunitaire, une augmentation du nombre de ruptures de brins d’ADN. Certains mécanismes d’action qui conduisent à ces lésions, ont été identifiés, les champs électromagnétiques affectant : le métabolisme – notamment les canaux calciques qui sont contrôlés par la tension – et la transmission neuronale de l’excitation dans les tissus musculaires, ce qui provoque une sur-activation de la transduction des signaux et de la chaîne respiratoire ; la chaîne de production de radicaux libres d’oxygène ce qui, en conséquence, peut conduire

27

Sylviculture d’écosystème

à un stress oxydatif des cellules. Des expériences ont montré que, même avec un faible niveau d’exposition à des stations émettrices, des effets délétères sont apparus au bout de quelques mois : des intensités de champs électromagnétiques cent fois inférieures aux valeurs maximales limites des normes en vigueur peuvent déjà avoir des effets toxiques [88,346–348,391,402,469,478,521]. Dans le domaine forestier, de nouveaux dépérissements sont apparus en Allemagne dans les années 1980, n’ayant rien à voir avec les dépérissements de la Ruhr, lesquels étaient dus à la pollution des fumées d’usines. Ces nouveaux dépérissements ont été observés à la frontière de la République Fédérale d’Allemagne (RFA) et de l’ancienne République Démocratique Allemande (RDA). Leur zone d’étendue coïncidait exactement avec la surface couverte par les micro-ondes des radars d’espionnage américain et français du bloc soviétique. Ceci fut confirmé par des travaux de recherche  [205,205,214] qui ont mis en évidence que les zones irradiées par ces émetteurs de micro-ondes correspondaient parfaitement aux zones où les arbres mouraient, même si les installations utilisant la technologie avec microondes n’étaient pas encore très développées dans les années 1980. Des expérimentations ont été réalisées en laboratoire pour comprendre le phénomène : les ondes électromagnétiques sont absorbées par les organes des arbres, aiguilles et feuilles, qui deviennent des conducteurs d’électricité plus ou moins bons en fonction de la quantité d’eau qui y est contenue. Il s’y produit alors des effets thermiques comme des effets non thermiques. Certains auteurs [29,508,509] précisent que les cellules des membranes des arbres entrent en résonance sous l’effet des champs électromagnétiques, provoquant ainsi l’interruption de la circulation de l’eau. Le cycle de la photosynthèse y est interrompu. Les micro-ondes reçues par les arbres sont finalement converties en courant électrique s’écoulant vers le sol [29,509], ce qui était déjà avancé par d’autres auteurs [214]. L’électricité ressort par les racines vers le sol, et, s’il y a une présence d’eau, il se produit alors un phénomène d’électrolyse [29,509]. Un mouvement d’ions ainsi créé provoque la mise en solution dans l’eau de substances minérales jusque-là en suspension [29,509]. Dans le sol, le phénomène d’électrolyse va modifier la balance ionique dans le sens d’une acidification, ce qui provoque un nouveau type de dommages, notamment en perturbant la gestion des ressources minérales du sol par les arbres et en retardant l’activité des micro-organismes présents dans le sol. On observe ainsi, dans certaines régions où l’air est pur, que le sol est acide malgré l’absence de pluies acides. Une étude allemande [274], coordonnée par les deux universités de Wuppertal et de Karlsruhe, a montré que des conifères irradiés présentaient une diminution de la fonction photosynthétique, début d’un dépérissement de l’arbre. Des déformations ont été observées chez Pinus pumila au niveau des aiguilles qui ne se présentaient plus horizontales mais verticales et ces déformations sont supposées être dues aux champs électromagnétiques. Des auteurs [423] montrent qu’après une exposition quotidienne de 1 à 8 heures de jeunes robiniers (Robinia pseudoacacia), la quantité de chlorophylle a, comme celle de chlorophylle b, a chuté, sauf dans le cas d’une exposition de 2 heures qui a provoqué une augmentation drastique de ces taux.

28

Chapitre 1. Le paysage forestier européen tissé par une histoire à rebondissements

Une recherche [519] avec un suivi sur le terrain à long terme (2006–2015) a été réalisée dans les villes de Bamberg et de Hallstad, en Allemagne, pour étudier les effets électromagnétiques des antennes de téléphonie sur les arbres. Des observations et des enregistrements photographiques de dommages inhabituels ou inexplicables causés aux arbres ont été réalisés, parallèlement à la mesure des rayonnements électromagnétiques. Soixante arbres endommagés ont été sélectionnés en plus de 30 arbres choisis au hasard et 30 arbres dans des zones à faible rayonnement (nombre total d’arbres = 120). Les mesures de tous les arbres ont révélé des différences significatives entre le côté endommagé faisant face à un pylône téléphonique et le côté opposé, ainsi que des différences entre le côté exposé des arbres endommagés et tous les autres groupes d’arbres des deux côtés. Ainsi, il a été constaté que les différences latérales des valeurs mesurées des rayonnements électromagnétiques pulsés par ces antennes correspondaient exactement aux différences latérales des dommages. Les résultats de cette étude apportent la preuve des effets non-thermiques, sur les arbres, des champs électromagnétiques des radiofréquences de la téléphonie mobile. (Citation légèrement modifiée) Dans d’autres études, il a été observé que des effets sur la balance de calcium dans les méristèmes des racines de pois se produisaient lors d’expositions à ces champs électromagnétiques [29,41]. Il a également été mis en évidence une baisse des taux de calcium et de soufre dans les feuilles de hêtre directement exposées à de forts champs électromagnétiques de radio [29,436]. D’autres recherches, réalisées sur des plants de tomates [419,501,502] établissent que, dans le cas d’une irradiation globale, la feuille terminale montre une augmentation rapide, immédiate et importante (3 à 7 fois) de l’accumulation de transcrits de gènes caractéristiques d’un état de stress. Cette réponse est similaire à celles qui sont induites par des blessures et/ou des brûlures. De même, il a été mis en évidence que les réponses des plants de tomates à l’exposition électromagnétique étaient étroitement dépendantes de la disponibilité et de la mobilité du calcium. Le métabolisme énergétique de la plante est donc affecté par l’exposition aux champs électromagnétiques [420,421]. Ainsi considérer les dépérissements forestiers comme étant exclusivement causés par les changements climatiques, est très réducteur. De nombreux phénomènes se produisent à l’heure actuelle, consécutifs à l’apparition de nouvelles pollutions issues du développement technologique. La sylviculture doit donc être envisagée sous cet angle très large.

1.3 Pendant ce temps, chez nos proches voisins

forestiers

En Belgique, l’intensification se poursuit parallèlement aux réflexions et réalisations sur l’extensification. En Grande-Bretagne, l’intensif demeure mais une volonté apparaît de s’orienter vers une sylviculture extensive avec la mise en place de groupes

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Sylviculture d’écosystème

de réflexions sur la Continuous Cover Forestry (CCF). En Suisse, où le jardinage a pu se développer grâce à Henry Biolley qui avait repris les travaux du Français Adolphe Gurnaud, cette sylviculture continue à être étudiée de près sur le terrain même si l’intensif a encore sa place sur le territoire. En Allemagne, la conversion des esprits et le changement de concept sylvicole pour une sylviculture « plus proche de la nature » se sont amorcés puis poursuivis avec vigueur dans tous les Länder, après le démarrage du Programme LÖWE en Basse-Saxe à partir du décret ministériel du 6 juin 2005. La Basse-Saxe, fortement éprouvée par les tempêtes de la fin du XIXe siècle, les problèmes de dépérissements des monocultures de conifères et par les tempêtes des années 1970, avait déjà expérimenté d’autres scenarii sylvicoles, notamment dans les centres forestiers renommés (Forstämter) de Stauffenburg et d’Erdmannshausen. L’audace de certains grands forestiers allemands –  Alfred Möller, Karl Gayer, Friedrich Erdmann, Willy Wobst, pour les principaux – dans des innovations sylvicoles, a apporté une contribution importante à la recherche forestière. Leurs réalisations sylvicoles ont eu une aura dans le monde entier. Nous développerons les démarches sylvicoles de ces pays au chapitre 4.

30

Chapitre 2

L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière Plus d’un demi-siècle après l’apparition de cette dénomination en France, peut-on être certain que tous les forestiers comprennent la même chose sous ce vocable ? La littérature publiée ces dernières années, est-elle convaincante ? Finalement, les remises en question apparues après les grosses tempêtes de la seconde moitié du XXe siècle, se seraient-elles évanouies face à des impératifs financiers ? Face à une multiplicité de discours contradictoires, il apparaît impératif d’exposer clairement les concepts scientifiques de futaie irrégulière tels qu’ils sont définis par la Science internationale et à partir de quels critères ils sont définis.

2.1 La définition internationale de la sylviculture

en futaie irrégulière et ses caractéristiques

2.1.1

Le développement du concept de forêt pérenne/futaie irrégulière

La sylviculture en futaie irrégulière trouve ses fondements en Allemagne avec Karl Gayer  [171,173], Alfred Möller  [316], Willy Wobst  [531] et Hans-Jürgen Otto [341] pour ne citer que les principaux. Hans-Jürgen Otto a profondément

31

Sylviculture d’écosystème

marqué l’histoire de la sylviculture avec son Programme LÖWE qui a radicalement changé les orientations sylvicoles en Basse-Saxe puis dans l’Allemagne entière. En Suisse, les grands forestiers qui ont fait progresser les connaissances en futaie jardinée, sont Henry Biolley (1858–1939) et Hans Leibundgut [269,270]. La France a été marquée par Adolphe Gurnaud [188] puis François de Liocourt avec sa courbe « normale » du jardinage [288]. Alfred Möller [316] définit la « Dauerwald », c’està-dire la forêt pérenne, et il assimile la forêt à un organisme vivant [114,316]. La futaie irrégulière se différencie des autres futaies à la fois par sa structure et par son cycle.

2.1.1.1

La définition de la structure forestière

La structure se définit de manière statique mais aussi dynamique. Elle est issue d’un processus dynamique, on ne peut donc pas l’en séparer. Dans un premier temps, nous nous pencherons sur ses caractéristiques physiques (statiques) qu’un observateur repère pour pouvoir ensuite comprendre sa genèse et donc sa dynamique. Si la notion de structure a couramment été citée dans les ouvrages de vulgarisation forestière, comme outil d’aide à la décision pour les interventions sylvicoles, elle a été trop souvent assimilée à la dispersion des diamètres selon trois-quatre catégories : Gros Bois (de 45 à 60 cm) – Moyens Bois (de 30 à 40 cm) – Petits Bois (20 et 25 cm) avec parfois de Très Gros Bois (65 cm et plus). Au plan scientifique, sa description a d’abord été appréhendée en Science de l’écologie par de nombreux auteurs [318]. Selon eux, l’étude de la structure n’a d’autre but que de comprendre le fonctionnement de la population végétale. En forêt, la structure forestière correspond à l’agencement spatial de la végétation, c’està-dire à la distribution horizontale et verticale des différents individus des espèces présentes [20,115,304,342,343,465,476]. Parallèlement, on définit la texture forestière [115,342] 9 pour décrire le « grain » de la structure horizontale constitué par les diamètres des arbres, la taille des bouquets d’arbres homogènes, à la manière de la pédologie qui définit la grosseur des grains constituant les substrats. La texture est souvent confondue avec la structure, ce qui peut conduire à des surprises quant à l’évolution dynamique des peuplements. Ainsi, une hêtraie peut avoir une texture de type jardinatoire tout en ayant une structure régulière. Les éclaircies à réaliser pour maintenir une structure jardinée ne sont pas les mêmes que celles qui maintiendront la texture jardinée. Rappelons qu’une futaie régulière peut avoir une texture jardinée en fin de cycle.

9.  Et les spécialistes des forêts vierges

32

Figure 1

Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

L’assemblage au plan horizontal et au plan vertical forme des strates  : on parle ainsi de stratification verticale et de stratification horizontale. La stratification verticale des forêts correspond habituellement aux étages où se situent les différents houppiers des arbres. Mais en écologie végétale, la strate est plus complexe [94] et les Sciences forestières ont depuis peu inclus ces notions dans la description de la structure [115,476]. Cela signifie que, dans chaque strate, on considère l’ensemble des individus qui y sont inclus pour partie (branches basses, tiges, houppiers) mais également ceux qui s’y trouvent entièrement (juvéniles d’arbres, buissons). Dans cet assemblage de strates, certains [115,118] ajoutent aussi la notion de gradient entre un état d’homogénéité extrême et un état d’hétérogénéité maximale, approche qui fait intervenir trois niveaux d’analyse, l’arbre, élément structurant de la forêt, la station écologique et le massif. Au sein de la stratification horizontale, on décrira le type de distribution. Ces notions de distribution plane sont déjà connues depuis de longues années en écologie : il s’agit de distribution régulière, au hasard ou contagieuse (ou agrégée) [318] (Figure 1). Les méthodes d’analyse sont, elles aussi, bien définies en écologie. Au surplus, dans les Sciences forestières, on y ajoute la notion de mélanges d’espèces ligneuses. Les structures irrégulières forestières ont d’abord été définies très précisément par de nombreux forestiers sous les tropiques  [338]. Les Allemands ont développé des logiciels de représentation des peuplements en deux-trois dimensions  [327,369,371,372,376–380,467]. Les Français s’y sont également penchés de diverses manières  : de la plus théorique, pure théorie mathématique  [149], à la plus proche du terrain  [115,371]. Des indices de diversité ont aussi été développés [217]. Quant à la stratification verticale, elle a été décrite sous cinq aspects principaux : un seul étage uniforme, un seul étage varié, plusieurs étages, mélanges par bouquets, aspect jardiné [343] (Figure 2).

Distribution régulière, uniforme

Distribution au hasard

Distribution contagieuse (agrégée)

 Figure 1  Différents types de distribution horizontale. [D’après Kershaw (1973) in Moore & Chapman (1986)].

33

Sylviculture d’écosystème

 Figure 2  Stratification verticale  : Illustration de cinq types forestiers majeurs  : A : Structure monospécifique et monostratifiée (état régulier homogène maximal)  ; B  :  Structure monospécifique et monostratifiée avec début d’hétérogénéisation de la canopée  ; C  :  Structure à deux espèces et deux étages  ; D : Mélange d’espèces par bouquets et structure pluri-étagée ; E : Mélange d’espèces pied par pied et structure pluri-étagée : aspect jardiné (état irrégulierhétérogène maximal, mais sans bois mort). (Otto 1994a et 1998b).

D’autres définitions de la structure ont également été rapportées par la littérature, par exemple sur la base de quatre critères [97] : le fonctionnement, l’agencement spatial, l’âge, la génétique, et la dimension des arbres de la canopée. Ici, la structure d’une population de plantes est considérée comme étant la résultante de l’action de forces biotiques et abiotiques sur les différents membres de la population considérée. Il est ainsi fait état de la structure de base de la population, qui est sa structure génétique, mais aussi de sa structure spatiale, considérée comme l’héritage de l’agencement spatial des pieds-mères ainsi que la conséquence des interactions qui se sont produites entre les plantes dans le passé. Dans tous les cas de figures, l’observation des différents degrés d’irrégularité fait intervenir la notion d’échelle. On ne peut en effet dissocier ces deux notions : irrégularité-régularité et échelle d’observation. Toute analyse de la structure en forêt est donc totalement dépendante de l’échelle à laquelle elle se fait : vision à l’échelle du massif forestier ou à l’échelle du peuplement ou encore à l’échelle de l’arbre ou du bouquet d’arbres. En fait, la régularité absolue n’existe pas et l’analyse la plus fine de la notion d’irrégularité en écologie conduit à la notion de dimension fractale (géométrie du fractionnement de la matière) [157].

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

La structure est en quelque sorte le « visage » d’une dynamique naturelle dont elle est issue et à qui elle va permettre de continuer de fonctionner. Ce sont les mouvements perpétuels de la nature vivante. La structure n’est donc pas figée. Dans une forêt naturelle, la structure forestière est la conséquence des interactions entre les arbres qui déterminent le statut de dominants ou dominés, le taux de croissance, la mortalité naturelle, qui impliquent l’action des pathogènes et des symbioses ainsi que les relations avec les sols ; elle est également fortement dépendante de la dynamique des chablis et donc des événements biotiques et climatiques. En forêt gérée, ces mêmes facteurs interviennent, mais la structure est aussi la conséquence de l’action du sylviculteur par ses interventions en éclaircies [514]. Il doit ainsi travailler au niveau de la structure forestière de sa forêt avant de tendre à une certaine texture souhaitée pour les aspects économiques. La structure met elle-même en place la texture. « Le moteur des réactions de la forêt est la structure forestière » [514] car la structure forestière détermine la dispersion de la lumière dans le sous-bois et celle-ci agit sur le fonctionnement de l’écosystème forestier et notamment les cycles biogéochimiques [115]. Selon le type d’intervention du sylviculteur, le résultat sera soit le maintien d’un état proche de l’état naturel, soit une artificialisation avec des conséquences imprévisibles. La structure est donc le critère essentiel à analyser pour s’assurer la pérennité d’une forêt gérée. En conséquence, on peut dire d’emblée que la sylviculture idéale, dans une époque de changements climatiques, est celle qui perturbe le moins possible le fonctionnement naturel de l’écosystème forestier, c’est-à-dire celle qui présente une structure la plus proche de l’état naturel. Tous ces éléments doivent être pris en considération dans l’analyse du système forestier, afin de comprendre les causes et conséquences des flux d’énergie et de matière entre les différents compartiments de l’écosystème (voir le chapitre consacré à l’écosystème et ses flux d’énergie).

2.1.1.2

Le concept de forêt pérenne/futaie irrégulière

Pour un auteur [447,448], le concept de futaie irrégulière (der Dauerwald) recouvre un large spectre de types d’éclaircies (donc une structure qui n’est pas exclusivement constituée par pied d’arbre). Pour d’autres [492], il s’agit de la futaie claire définie par Huffel, caractérisée par une surface terrière très faible de 19 m2/ha qu’ils considèrent comme étant optimale. La coupe rase est exclue par ces deux groupes d’auteurs. Pour la recherche scientifique [119,470], le concept de futaie irrégulière concerne en revanche exclusivement une coupe stricte par pied d’arbre ou par touffe, et de préférence de type jardinatoire. Parmi les promoteurs de la forêt pérenne (pour les trois groupes présentés ci-dessus), il existe encore deux courants de pensée se distinguant sur leur mise en œuvre de la sylviculture  : la sylviculture intègre-t-elle la dynamique naturelle  ? (c’est-àdire : le forestier utilise-t-il la dynamique naturelle pour accélérer certains processus vitaux avec l’objectif d’aider une démarche productiviste ?) ou bien s’intègre-t-elle

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Sylviculture d’écosystème

à la dynamique naturelle  ? (c’est-à-dire  : le forestier s’interroge-t-il sur le bienfondé d’un prélèvement de bois au regard de la vulnérabilité de l’écosystème ?). En résumé : qui intègre quoi ? Dans le premier cas, il s’agit d’une démarche très interventionniste de la part du sylviculteur. Dans le second cas, c’est une démarche sylvicole fondée sur le « laisserfaire » de la nature qui prédomine par rapport à l’action du forestier. Cette nuance est fondamentale car l’évolution de la forêt va être très différente selon la démarche. On comprend alors mieux la densité des débats en Allemagne au début du XXe siècle sur la différence entre les concepts de « gestion forestière conforme à la nature » (naturgemäße Waldwirtschaft) ou de « forêt de gestion conforme à la nature » (naturgemäße Wirtschaftswald) : qui des deux, la gestion ou la forêt, est proche de la nature ? De même, la conception d’Alfred Möller de la Dauerwald [316], c’est-à-dire la forêt pérenne, où il assimile la forêt à un organisme vivant, n’a pas été partagée par tous les forestiers allemands [58]. Dans le cas de la première démarche, dite « interventionniste » (par exemple la « sylviculture dynamique » de la futaie claire), la sylviculture conduit à une forêt qui présente une structure verticale régulière à un ou deux étages car les arbres sont menés rapidement au sommet de la canopée. Elle devient très artificielle dans la mesure où on la prive de ses très gros bois (diamètre supérieur à 60 cm) voire de ses gros bois (entre 50 et 60 cm) et surtout de son sous-bois avec son microclimat. Et son couvert est lacunaire, discontinu. On pourra évoquer, à ce titre, que la futaie jardinée qui se traduit par Plenterwald en allemand, s’est appelée Plünderwald à une certaine époque, le mot allemand « plündern » signifiant « piller », ce qui signifiait que cette forêt jardinée n’était plus qu’une forêt pillée de ses gros bois. La tentation est toujours grande de récolter tout ce qui paraît mûr et qui peut être très lucratif à court terme. La sylviculture dynamique façonne une forêt caractérisée par son homogénéité structurelle et par sa gestion selon le schéma-type de la futaie régulière avec une surface divisée par un nombre d’années : « Le plan de gestion d’une forêt irrégulière en équilibre peut être d’une grande simplicité. Toutes les parcelles se ressemblent plus ou moins, il suffit de partager la surface totale par le nombre d’années de la rotation des coupes choisie. » [492]. La démarche interventionniste utilise également les termes de «  gestion des écosystèmes », « utilisation des automations biologiques » (automation est un terme issu de l’informatique) et soutient le principe d’une « sylviculture opportuniste » [446]. Bien que s’appuyant sur nos critères aux plans écologique et sylvicole [114], certains auteurs en tirent paradoxalement des conclusions opposées [446]. Leurs conceptions sont inspirées d’une vision mécaniste. Ils postulent à titre d’exemple que la futaie claire serait une futaie irrégulière, ce qui constitue une erreur manifeste d’appréciation. La comparaison scientifique entre la futaie régulière et la futaie jardinée est qualifiée par eux de « théosophisme » et de « manichéisme primaire » [446] ou encore de « puérile » : « La comparaison des sylvicultures ne doit être faite que sous l’angle de leur capacité à s’adapter à un contexte évolutif. (…) Il est puéril de vouloir comparer brutalement les méthodes de gestion. » [492]. Pourtant, les comparaisons entre les différents types sylvicoles et les forêts bien préservées, sont fondamentales et inhérentes aux études du fonctionnement écologique d’un écosystème forestier. Elles existent depuis le début des Sciences forestières et elles ont permis de faire évoluer les concepts sylvicoles.

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

Mitscherlich [312,313] est le pionnier de la comparaison des deux types sylvicoles (futaie régulière/futaie jardinée). J-Ph. Schütz [445] a lui-même consacré sa thèse de doctorat à l’étude des phénomènes de la croissance en hauteur et en diamètre du sapin et de l’épicéa dans deux peuplements jardinés et une forêt vierge, donc une comparaison entre deux types forestiers. Oldeman [338] a travaillé sur les interactions des différents organismes vivants induites par la structure forestière. Otto [342] démontre les différences de fonctionnement écologique des forêts en fonction de leur structure et de leur texture. Les travaux de Sven Wagner [512,515,516], entre autres, sont consacrés à la structure forestière et à ses effets sur l’écosystème, en étudiant les différentes modalités de diffusion de la lumière dans le sous-bois. Récemment, un groupe de chercheurs a consacré un ouvrage sur la comparaison des différentes sylvicultures, en rentrant dans la complexité conceptuelle de chacune et l’impact de la structure verticale sur l’écosystème [394]. Ces auteurs soulignent l’importance de l’influence de la structure de la canopée sur le potentiel de croissance [335,451] et la productivité forestière [21], même si tout système sylvicole comporte des risques, notamment dans le contexte des changements climatiques [24,133]. Dans les Alpes Dinariques, des comparaisons [4] ont été effectuées entre les forêts anciennes à haute naturalité et les forêts gérées. Bien évidemment, ces comparaisons ont été à la base des avancées de l’écologie forestière ainsi que nous le verrons plus loin dans le chapitre 2.2.2, les différentes structures forestières captant différemment les différentes énergies, tout comme les précipitations. Ces comparaisons sont donc fondamentales quand on fait de la recherche en sylviculture et quand on veut pratiquer une sylviculture de qualité, c’est-à-dire s’appuyant sur les résultats de la recherche. Notons au passage la confusion fréquente qui est faite entre le mot « sylviculture » et le mot « gestion » dans la démarche interventionniste. La seconde démarche sylvicole consiste en une « intégration de la sylviculture à la dynamique naturelle ». Elle a été étudiée dans nos travaux de recherche [115,119] en 2000 et dans les Alpes dinariques en 2013 [62]. Andrej Boncina cite d’ailleurs un auteur d’Amérique du Nord qui a eu, en 2007, l’idée de laisser la dynamique forestière évoluer librement [336]. Dušan Mlinšek, Professeur de l’Université de Lubljana en Slovénie, a lui-même souligné la nécessité d’observer la vie d’une forêt naturelle « avec un regard non-anthropocentrique pour trouver les premiers points d’ancrage d’une sylviculture plus proche de la nature [314] ». Les débats entre les deux écoles – école du mérisme 10 et école du holisme 11  – ont fait l’objet de «  combats acharnés  » depuis plusieurs centaines d’années, rappelle Harald Thomasius [479], ancien Professeur à l’Université de Tharandt au temps de la RDA. La sylviculture n’y a pas échappé. À l’heure actuelle, la principale difficulté est de décrypter les discours des partisans des deux écoles qui sont apparemment très proches. Pour distinguer le vrai du faux, il faut vérifier la mise en pratique : ainsi 10.  Mérisme : « Figure de rhétorique. Division d’un sujet, d’un point à traiter en ses diverses parties » (Dictionnaire Littré) 11.  Holisme : « Tendance dans la nature à constituer des ensembles qui sont supérieurs à la somme de leurs parties, au travers de l’évolution créatrice. » Jan Christian Smuts, Holism and Evolution, 1926

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que nous le développerons plus loin dans ce livre, au niveau du vocabulaire, des expressions telles que « le traitement irrégulier » ou « l’acte du forestier commence au martelage » ou encore le mot « équilibre » pour une forêt irrégulière, sont les premiers signaux d’une méconnaissance de l’écologie et de la sylviculture irrégulière, souvent liée à une démarche interventionniste. Nos travaux de recherche en Allemagne, à partir des années 1990, étaient en quête d’une réponse scientifique quant aux effets de la structure forestière sur le fonctionnement de l’écosystème lorsqu’on choisit une sylviculture (quelle qu’elle soit) ou bien si on laisse la forêt suivre les processus naturels sans pratiquer de sylviculture [115]. Puis, notre collaboration [119], entre une forestière et une spécialiste des milieux naturels, nous a fait voir la nécessité d’aller encore plus loin, notamment par rapport au Programme LÖWE 12. Nous avons ainsi retenu comme base de départ de nos travaux, pour des raisons à la fois d’ordre écologique mais aussi d’ordre économique, le concept de forêt pérenne centré sur une coupe de type jardinatoire par pied d’arbre ou par touffe et nous appartenons au second groupe de pensée, estimant que tout l’intérêt de la sylviculture irrégulière est de s’intégrer à la dynamique naturelle et non l’inverse (la futaie régulière peut parfaitement répondre aux attentes d’intensivité et de productivité à court terme), a fortiori dans un contexte de changements climatiques.

2.1.2

La définition internationale de la futaie irrégulière

Au niveau international, le monde forestier s’accorde pour définir la futaie irrégulière comme une forêt qui se caractérise par une structure verticale étagée (irrégulière) et une structure horizontale hétérogène (irrégulière). C’est donc cette définition que nous retiendrons pour la suite de notre réflexion. La futaie irrégulière est l’une des phases du cycle des forêts naturelles qui est choisie et maintenue de manière artificielle par le sylviculteur pour les effets spécifiques et bénéfiques de la structure forestière étagée sur le fonctionnement de l’écosystème. Cependant, si la phase irrégulière est maintenue de manière artificielle, la dynamique naturelle quant à elle s’effectue globalement au niveau du massif (notion de stades d’évolution avec la succession naturelle des espèces) également localement dans les trouées créées par la main de l’homme lors de la coupe d’arbres (notion de phases d’évolution). Toutes les phases du cycle des forêts naturelles se retrouvent ainsi dispersées de manière diffuse. Utilisant la terminologie des spécialistes des forêts naturelles (Oldeman, Whitmore, Hartshorn, entre autres), nous parlerons ici de forêt-mosaïque, la dynamique s’y exerçant à la fois dans l’espace et dans le temps. La futaie irrégulière est obtenue par une sylviculture dite irrégulière (Figure 3).

12.  Programme LÖWE mis en place en 1991 par un décret ministériel à l’initiative du Pr HansJürgen Otto, alors Référent ministériel pour la sylviculture dans le Land de Basse-Saxe (Allemagne)

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière Figure 3

Phase privilégiée Phase non privilégiée Phase recherchée mais contrôlée Type de récolte

 Figure 3  Le cycle de la futaie régulière et celui de la futaie irrégulière replacés dans le cycle des forêts naturelles de Leibundgut (1978). (Duchiron 2004 non publié).

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Précisons dès à présent que si la définition de la futaie jardinée, futaie irrégulière par excellence, est celle d’une forêt étagée verticalement pied par pied, le terme de « futaie jardinée » a parfois été utilisé pour décrire une forêt qui n’était pas étagée verticalement mais dont la distribution des diamètres correspondait à une proportion idéale de Gros bois (GB), Moyens bois (MB), Petits bois (PB). L’appellation de futaie jardinée est alors impropre. La futaie régulière peut, en effet, à un moment donné de son cycle, présenter cette dispersion des diamètres. La classification des diamètres a été mise au point en Suisse, dans la forêt de Couvet, au moment du développement de la Méthode du Contrôle de Gurnaud par Biolley. Cette classification ne peut être considérée en elle-même comme étant « la » caractéristique de la futaie jardinée : elle ne vient qu’en complément de la description d’une structure verticalement étagée pied par pied. Chaque forêt étant un cas particulier, on ne pourra se baser sur la classification de Couvet comme étant la classification à atteindre dans chaque sylviculture de jardinage. En conséquence, nous n’utiliserons le terme de futaie jardinée que dans sa définition originelle de phase à structure verticale étagée privilégiée dans le cycle des forêts naturelles, telle que la présentent Leibundgut  [268] et Mayer  [303]. La classification des diamètres n’est qu’un objectif de récolte et non le moyen absolu permettant d’aboutir à une forêt structurée verticalement. Dans les chapitres suivants, nous présenterons les effets de la structure forestière sur le fonctionnement de l’écosystème, ce qui nous amènera à définir la structure la plus optimale, écologiquement et économiquement parlant, de la futaie irrégulière. On retiendra que les critères fondamentaux d’une forêt irrégulière sont les suivants : 1) la « pérennité » et la « structure » comme éléments centraux du concept de la forêt pérenne (Dauerwald) ; 2) les effets et les services des forêts pérennes ; 3) les connaissances sur les effets des perturbations d’origines naturelle et humaine ; 4) tous les aspects généraux du développement pérenne [213].

2.2 La structure forestière : moteur

de la dynamique forestière

De toutes les définitions proposées pour la structure forestière fonctionnelle (dynamique), nous retiendrons celle d’Oldeman [338] prenant en compte l’architecture forestière dans son ensemble, c’est-à-dire celle des cycles sylvigénétiques  : phases d’innovation, d’aggradation, de maturité, de sénescence, ainsi que les interactions et rétroactions entre les différents composants de ces phases (plantes, animaux, microbes). L’ouvrage d’Oldeman est un des seuls à notre connaissance à considérer les bois morts, les lianes et les animaux dans le fonctionnement forestier et la sylviculture. Cette approche met en exergue le fait qu’on ne peut pas dissocier la structure forestière du fonctionnement de la forêt elle-même.

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

2.2.1

La caractérisation de la structure fonctionnelle : la sylvigenèse

La structure fonctionnelle se définit au travers de la sylvigenèse. Pour bien comprendre la notion de structure dans un écosystème forestier, il est nécessaire de décomposer les différents niveaux d’analyse. C’est tout d’abord au niveau de l’arbre : chaque espèce possède des formes héréditaires, ce qui permet de définir un modèle architectural propre à chaque espèce [190,438]. De plus, chaque individu d’une même espèce a des réactions différentes suivant les conditions écologiques naturelles et la concurrence exercée par les voisins : on parle alors de tempéraments et de stratégies  [438]. Puis, si l’on considère l’ensemble de toutes les formes architecturales des arbres au sein de l’écosystème forestier, on constate que celles-ci structurent l’organisation spatiale et temporelle de la forêt. À ce stade, il est intéressant de reprendre le découpage de l’écosystème forestier en trois niveaux hiérarchiques, emboîtés et interactifs, proposé par Oldeman [338,438] : l’éco-unité (unité de base de l’analyse), l’écomosaïque et l’écocomplexe. L’éco-unité est l’environnement immédiat de l’arbre, correspondant à la trouée (chablis) causée par la chute d’un ou plusieurs arbres. L’écomosaïque est l’ensemble des types d’éco-unités générées par le régime climatique particulier au site considéré. L’écocomplexe est le troisième niveau hiérarchique : il inclut l’ensemble des écomosaïques d’un même site biogéographique ainsi que leurs relations avec les conditions abiotiques [438]. Une éco-unité présente quatre phases de vie  : la phase d’innovation  (a), la phase d’aggradation (b), la phase de maturité (c) et la phase de dégradation (d) (Figure 4).

 Figure 4  Évolution temporelle des éco-unités (a, b, c, d) en fonction des statuts sociaux des arbres colonisateurs. – D’après Oldeman 1992 in Schnitzler-Lenoble 2002.

La phase d’innovation (a) démarre avec la création du chablis : de nouvelles conditions climatiques et lumineuses parviennent au sol, ces conditions stimulent la croissance végétale des semis et des juvéniles d’arbres en attente sous leurs aînés,

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ainsi que la floraison des buissons, des petits arbres et des herbacées. Les graines en attente dans le sol s’activent aussi, notamment celles des espèces végétales héliophiles inhibées jusque-là par l’ombrage, l’accumulation de matière organique et de substances toxiques sécrétées par les litières des arbres dominants. En stimulant l’activité microbienne et la minéralisation de la litière, la lumière (directe, par les taches de soleil, et diffuse lorsqu’elle traverse les feuilles ou les contourne) aide ces espèces végétales à germer, à se développer et à se reproduire. L’importance de la floraison et la fructification dans les strates basses attire les insectes pollinisateurs et les rongeurs, tandis que l’émergence de tapis de semis ou de graminées nourrit les populations forestières de cervidés. L’importance des chablis dans une forêt sombre détermine donc la capacité alimentaire de la forêt vis-à-vis de la faune, bien plus que les autres phases, notamment dans les milieux à sol pauvre et canopée dense. L’éco-unité naissante influence l’évolution des populations végétales des éco-unités voisines, en stimulant leur croissance ou leur reproduction car le parcours journalier des taches de lumière s’est modifié avec l’ouverture de la canopée. Dans la phase d’innovation, les arbres morts ou blessés, tombés à terre ou sous forme érigée de « chandelles », continuent à influencer le devenir de la végétation. Ils fournissent des abris aux semis et aux herbacées qui se trouvent sous leurs branches ; ils offrent des refuges pour les espèces pionnières, souvent éliminées des forêts sombres, dans les galettes soulevées de terre après déracinement et offrent abri et nourriture à une certaine faune (pics, rapaces nocturnes, rongeurs entre autres). La phase d’aggradation (b) démarre lorsque se forme une jeune canopée. Grâce à cette légère frontière entre monde intérieur et extérieur, s’installe un autre microclimat, certes différent de celui créé par les grands arbres, mais suffisant à limiter la croissance végétale. Cette phase comporte une forte densité de jeunes ligneux et donc une forte mortalité, ce qui profite à certaines guildes de champignons saproxyliques (dévoreurs de bois). Au sol, la reconquête de l’humus par les mycorhizes s’affirme de manière spectaculaire. Leur expansion assèche la litière, en complément de l’action des arbres qui eux aussi sont fortement demandeurs d’eau. L’assèchement de la litière diminue alors le nombre des champignons décomposeurs de litière  : souffrant de manque d’eau, ils se réfugient dans les sites qui sont restés plus humides (gros arbres morts, cavités d’arbres, etc.) [42]. La phase de maturité (c) est atteinte lorsque les arbres de la canopée ont atteint leur hauteur maximale ou bien s’ils ont fortement ralenti leur croissance vers le haut. Leur système racinaire s’est également bien ancré dans le sol, explorant au mieux le volume disponible. En revanche, les diamètres des troncs continuent à s’agrandir, permettant à certains individus d’atteindre des dimensions fort respectables (de 45 à plus de 50  cm de diamètre), parfois l’optimum pour l’espèce à laquelle ils appartiennent. L’âge moyen des arbres de cette phase est de 300 ans pour l’Europe centrale, avec des individus pouvant atteindre plus de 400 ans [135,248]. Mais des âges bien plus élevés ont été trouvés dans les forêts anciennes dont les individus ont des croissances lentes. La longueur de la vie de ces grands arbres stabilise l’architecture de l’éco-unité sur le très long terme, ce qui a de multiples conséquences pour la vie de l’éco-unité : l’instauration d’un microclimat stable pour la lumière, la température,

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

les conditions de capture des eaux de pluie. Des interactions complexes se mettent en place entre végétation et sol, via les litières, les pluviolessivats, les excrétats, les faunes qui en dépendent. Les arbres dominants sont en particulier générateurs d’habitats. En vieillissant, leur écorce se crevasse ou se décolle, fournissant un abri aux chauves-souris (Photo 18), aux larves d’invertébrés, et favorise l’implantation des bryophytes et des lichens. Les taux élevés de fructification de ces arbres attirent les mammifères frugivores. La phase de dégradation (d) est la quatrième et dernière phase correspondant à l’écroulement des dominants, ce qui modifie profondément les conditions de vie des espèces inféodées à cette phase, par l’apport de lumière et l’accumulation de nécromasse. La dominance des bois morts est fondamentale pour préserver les espèces les plus dépendantes de la matière organique (pic à dos blanc, pic tridactyle par exemple). Le dynamisme spatio-temporel des éco-unités est à considérer à un niveau hiérarchique supérieur, celui de l’écomosaïque. Les frontières supérieures de l’écomosaïque correspondent à la canopée toute entière. Les frontières inférieures englobent l’ensemble des horizons organiques et organo-minéraux des sols. La canopée est constituée par les canopées de toutes les éco-unités qui constituent l’écomosaïque et qui présentent chacune des agencements différents de couronnes de grands arbres et parfois de grandes lianes. Tout en creux et en bosses, l’aspect de la canopée est celui d’une nappe plissée « par l’agencement des éco-unités, pliées à leur tour par des cimes d’arbres, qui sont pliées de nouveau par des cimettes… » [338]. À cette échelle, l’importance de la grande faune apparaît fondamentale : les cervidés marquent le milieu de multiples façons  : par l’écorçage, la sélection alimentaire (tous les semis ne sont pas consommés avec la même intensité) ; le retard dans la cicatrisation des chablis en cas de tempête  ; la dispersion des pathogènes (transportés par la fourrure ou les excréments) ; la résistance des semis (cf. encadrés cidessous). Ces processus restent limités par la régulation des grands herbivores, d’une part, par une mortalité lors d’événements climatiques majeurs, et d’autre part, par des prédateurs (loup et lynx). Encart 1 – Les tempêtes et les grands herbivores Lors d’événements climatiques exceptionnels comme des tempêtes, les chablis peuvent couvrir des surfaces multiples et parfois importantes. Au cours de la tempête qui s’est produite dans les Vosges en 1999, le massif forestier de la Réserve Nationale de la Chasse et de la Faune Sauvage de la Petite Pierre s’est ouvert à plus de 25  % de sa superficie. Il est clair que l’architecture de ces forêts, très artificialisées, a joué sur l’ampleur des chutes d’arbres. Mais cela peut parfois arriver en milieu naturel. Après de tels événements, la capacité alimentaire s’élève en quelques mois par l’expansion rapide d’aliments riches en protéines, ce qui favorise les explosions démographiques d’ongulés sauvages. En Alaska, après un grand feu, la densité des cervidés a ainsi augmenté de 70 %. La capacité alimentaire décroît ensuite avec la reprise forestière.

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Encart 2 – Réactions des plantes et des écosystèmes à l’herbivorie La consommation des bourgeons ou d’une partie plus importante de la plante (abroutissement) atteint la plante dans son intégrité, autant que l’écorçage [178]. Les réponses des plantes varient avec leur âge, l’intensité de l’abroutissement et les accumulations de stress sur le même individu. Ainsi, les semis d’arbres très sensibles à l’abroutissement et souvent consommés partiellement, résistent particulièrement mal lorsqu’ils sont exposés à de fréquents passages d’animaux. Cachés au sein d’autres espèces, ils bénéficient d’une relative protection et survivent davantage [200], sauf s’ils restent trop longtemps à l’ombre, ou s’ils subissent d’autres stress (maladie, allélopathie s’ils germent sous leurs parents [497]). Les plants plus âgés résistent davantage car ils possèdent des systèmes de défense anti-herbivore efficaces : accumulation de métabolites secondaires, adaptation d’architectures peu appétentes de type bonsaï avec réduction des surfaces et des densités foliaires. La croissance se ralentit. Par exemple pour le hêtre, la croissance est de 36 % moindre à 6 ans, et de 56 % à 12 ans. Ces individus ainsi opprimés peuvent rester plus de 25 ans à des hauteurs inférieures à 50 cm [178] ! L’abroutissement ne tue donc pas l’individu mais ralentit sa croissance et modifie son architecture. Ces réponses adaptatives des plantes à ces processus peuvent être interprétées au regard de la dynamique forestière. Ainsi, les plants abroutis en attente constituent une banque de « semis » en attente de jours meilleurs. Elle constitue une source constante de nouveaux individus prêts à croître lorsque les conditions s’améliorent  [113,134,497]. Ce processus exerce une puissante sélection sur la végétation, en favorisant certains individus ou espèces parmi d’autres. Globalement, l’abroutissement limite la dominance dans un peuplement végétal et diversifie les sous-bois, ainsi que le prouvent des recherches effectuées sur du long terme (21 ans) en Allemagne [454]. Ces auteurs ont démontré que la diversité d’espèces ligneuses a baissé du fait de la disparition de la lumière au sol et de la concurrence vis-à-vis des substances nutritives dans le sol. Les cervidés jouent donc un rôle important pour le maintien d’espèces que la concurrence ligneuse ferait disparaître. On retrouve cette observation dans les Alpes centrales pour les associations végétales de prés [456]. Toutefois, l’effet de diversification disparaît en cas de trop grande pression d’abroutissement, avec disparition locale de certaines espèces (sorbier, ronce pour les Vosges). L’écorçage joue les mêmes rôles sur la composition végétale. Les cervidés ont une nette préférence pour les écorces peu adhérentes au bois. L’âge, la densité du bois, la présence de métabolites secondaires, le diamètre, la finesse de l’écorce, le faible degré de rugosité, la facilité de prélèvement… sont d’autres critères que l’animal prend en compte, qui expliquent que certaines espèces soient moins écorcées que d’autres. Ainsi, le sapin, le chêne, l’aulne, le bouleau sont peu écorcés ; le douglas, et le pin Weymouth le sont à des degrés intermédiaires ; l’épicéa, le frêne, le charme, l’érable, le sorbier, le saule sont très écorcés. L’écorçage est moins dommageable pour l’arbre en hiver lorsque l’assise cambiale est au repos. Les conséquences pour les arbres sont variables, en fonction de l’intensité de l’écorçage et des résistances inhérentes à l’espèce. L’arbre peut

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

être très affaibli lorsque l’écorçage est important, car cela le rend plus sensible au vent ou à la neige, du moins durant quelques années. L’écorçage expose aussi l’arbre aux infections. Il se produit en effet des pourritures liées à la pénétration des champignons pathogènes, tels que Stereum sanguinolentum et Fomes annosus. La pénétration des hyphes est toutefois freinée par des barrières protectrices du cambium mises en place par l’arbre, avec avancée des deux lèvres de cicatrisation sur la plaie. Les facultés de cicatrisation sont très variables selon l’espèce, celle du douglas par exemple étant trois fois supérieure à celle du pin, deux fois à celle de l’épicéa et du hêtre. Mais l’importance de la blessure et la vigueur de l’arbre sont d’autres facteurs qui peuvent activer ou ralentir la cicatrisation.

Encart 3 – Autres interactions herbivore/végétation : la dispersion des graines Les grands herbivores participent à la dispersion des graines, par endozoochorie (soit par ingestion des graines), épizoochorie (transport sur la fourrure ou les sabots), ou simplement en rejetant les graines trop coriaces durant la rumination, loin de l’endroit où la plante a été prélevée. Ces processus peuvent améliorer le succès d’établissement des espèces végétales, soit en favorisant leur germination (après passage dans l’estomac), soit en multipliant les occasions de trouver des microhabitats favorables, lors du transport loin des parents. En Angleterre, 60 espèces de plantes ont été identifiées dans les fécès de cervidés (cerf et daim) [178]. En zone méditerranéenne, le cerf répand de nombreuses graines de l’espèce Cistus ladanifer (environ 80 graines par fécès, ce qui signifie le dépôt de 24 000 graines par jour par l’animal) [296]. Au sein de ce kaléidoscope d’éco-unités, aux dimensions et aux degrés d’évolution variés, les interactions et rétroactions entre populations et espèces, entre compartiments (canopée, sous-bois, sol pour simplifier) sont d’une grande complexité. Il est plus que probable que cette tendance à la complexification des processus augmente avec le temps, quoique nous n’en ayons aucune idée précise. En Europe, en effet, aucune forêt n’est suffisamment étendue et préservée des impacts humains sur le très long terme pour qu’il soit possible d’acquérir de telles données. Lorsque la forêt n’est pas perturbée dans son fonctionnement par des activités humaines trop intensives, elle atteint un stade de maturité qui peut perdurer tant que le macroclimat reste constant. Ce stade de maturité sylvigénétique correspond à un ensemble dynamique d’éco-unités en évolution constante, dont l’âge, les dimensions et les interactions dépendent du climat et des populations en présence. Leur infinie variété permet la conservation sur le long terme, si l’espace est suffisant, de toutes les populations forestières qui y vivent et qui s’y reproduisent. Il serait donc erroné de qualifier une forêt mature de forêt « vieillissante » comme on le lit parfois, puisque les éco-unités matures ou en voie de dégradation sont constamment remplacées par des éco-unités de jeunesse. Aucune forêt ne s’effondre sous le poids des vieux arbres.

45

Sylviculture d’écosystème

2.2.2

Les effets de la structure sur le fonctionnement de l’écosystème

La structure forestière est l’interface entre l’écosystème forestier et l’atmosphère. Elle est ainsi le récepteur de l’énergie transmise par le soleil (rayonnement solaire) mais aussi d’autres quantités d’une énergie, au transit purement physique, dénommée par Ramon Margalef [298] « énergie auxiliaire ». L’énergie auxiliaire présente deux composantes : une composante primaire qui est l’énergie de mise en mouvement des masses d’eau et d’air (notamment la turbulence) et son degré d’ajustement dans le temps déterminant la dynamique de l’écosystème ; et une composante secondaire qui recouvre toutes les énergies que les organismes utilisent pour leur permettre de s’organiser dans le milieu ambiant avec l’objectif de se développer et de survivre [158]. Ces deux types d’énergie sont captées et utilisées différemment selon le type de structure forestière : régulière ou irrégulière. L’analyse des effets de la structure sur le fonctionnement de l’écosystème nécessite de bâtir un concept d’étude rigoureux. Celui-ci doit se concevoir dans une vision holistique de l’écosystème. C’est l’approche la plus logique : elle permet d’analyser les interactions entre toutes les parties de l’écosystème et prend en compte toutes les échelles spatiales et temporelles pertinentes. Une approche complémentaire combinant les meilleurs aspects du réductionnisme et du holisme est également nécessaire [39,115]. Elle prévoit l’application de la théorie de la hiérarchie [11,39,115] qui consiste en une réduction de la complexité : il s’agit de se concentrer sur une seule question de recherche et sur les parties les plus pertinentes du système vu dans son ensemble. Cette approche considère en outre différents niveaux hiérarchiques du système, à différentes échelles à la fois spatiales et temporelles, et elle analyse les processus ainsi que les interactions entre ces niveaux [39]. Mitscherlich [312,313] a été pionnier en matière de recherche sur la structure forestière et ses effets sur le fonctionnement de l’écosystème. Il a comparé les effets de la structure d’une futaie régulière avec ceux de la structure d’une futaie jardinée. Ses travaux ainsi que ceux de Möller, Gayer reposaient principalement sur des observations. Mais à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, des expériences ont été reproduites sur des sites, dans des régions tropicales, sub-tropicales et tempérées. Ainsi, un niveau élevé de preuve a été atteint pour certains aspects des forêts irrégulières et mélangées. Puis, des méta-analyses ont été réalisées et ont confirmé des résultats, comme par exemple les effets positifs des mélanges sur la productivité [39], ce que nous développerons un peu plus loin dans ce livre. Précisons dès à présent que, dans la littérature forestière (à la différence de la littérature scientifique en écologie de la forêt) consultée, nous avons souvent constaté une lacune qui, à notre sens, est à l’origine de certains résultats divergents. Cette lacune concerne la définition du mot « structure » forestière. Il y a d’abord les auteurs qui, ainsi que nous l’avons exposé précédemment, assimilent la structure forestière à la diversité des classes de diamètres des arbres : nous avons exclu d’emblée ces auteurs qui ne fournissent aucune information scientifique

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

utile à la compréhension du fonctionnement des écosystèmes forestiers et qui, en conséquence, pratiquent une sylviculture non basée sur le fonctionnement des écosystèmes. Parmi les autres auteurs, il y en a un certain nombre qui ne décrivent pas (ou qui ne décrivent plus) la « structure forestière hétérogène » qu’ils citent : ils se basent sur une certaine hétérogénéité découlant naturellement de la cohabitation des espèces ligneuses différentes en mélange, hétérogénéité qui, en aucun cas, ne peut assurer seule la pérennité d’un couvert forestier « artificiel », c’est-à-dire géré par la main de l’homme, si le sylviculteur n’intervient pas pour maintenir une structure forestière étagée. En effet, seule la structure forestière étagée permet le renouvellement de la forêt et donc sa pérennité. Les mélanges ne sont pas la spécificité des forêts irrégulières puisqu’ils existent également dans le concept sylvicole de futaie régulière. Et de manière naturelle existe aussi la monospécificité : les hêtraies des forêts naturelles sont monospécifiques. Les conclusions de ces auteurs en matière de sylviculture sont donc différentes de celles des auteurs qui observent scrupuleusement le fonctionnement des forêts naturelles pour y adapter leur stratégie sylvicole. Dans les résultats que nous allons rassembler ci-après, nous présenterons les différentes conclusions des deux bords et nous démontrerons que les différences proviennent de l’absence de prise en compte de la véritable structure verticale étagée, moteur du renouvellement forestier.

2.2.2.1

Les effets de la diversité spécifique et structurelle dans l’interception lumineuse

La première énergie reçue par la canopée est le rayonnement solaire, énergie électromagnétique issue du soleil, source essentielle d’énergie agissant sur le climat et sur les processus vitaux [170,432]. En forêt, ce rayonnement est essentiel pour permettre le fonctionnement des processus biologiques et physiques tels que la photosynthèse, la croissance, le cycle du carbone, l’évapotranspiration et les régimes de température. Pourtant, on accorde moins d’attention au rayonnement solaire qu’à la température, les précipitations et le vent, pour la simple raison que les mesures de rayonnement sont difficiles à prendre. Or, c’est la lumière qui est la plus importante pour l’installation d’un arbre : la quantité de lumière doit donc être optimisée (ni trop, ni trop peu) en sylviculture et être le principal objectif sylvicole, particulièrement dans les forêts irrégulières, inéquiennes et mélangées  [112,281,349,432]. Le rayonnement solaire varie à la fois dans l’espace et dans le temps et la canopée forestière agit comme un immense panneau solaire dont les récepteurs sont les feuilles. Celles-ci ne sont pas orientées dans la même direction et ne captent pas la lumière directe de la même manière  : le rayonnement lumineux est donc hétérogène au sein de la canopée et la photosynthèse une réponse non linéaire à ce rayonnement. Le rayonnement actif pour la photosynthèse – photosynthetically active radiation (PAR) – s’étend sur la bande de longueurs d’ondes comprise entre 400 et 700 nm. Les longueurs d’ondes bleues et rouges sont préférentiellement absorbées par les pigments photosynthétiques, la lumière verte est réfléchie.

47

Sylviculture d’écosystème

Le contact entre le rayonnement lumineux et la canopée va provoquer à la fois une absorption, une diffusion et une transmission du rayonnement par celle-ci, et le rayonnement est ainsi modifié [432]. La diffusion de la lumière qui se transmet sous la canopée, joue un rôle important pour la croissance de la végétation et la régénération naturelle. Elle est fonction de la structure de la canopée, celle-ci dépendant en premier lieu de la disposition des arbres pied-à-pied dans l’espace et en second lieu de l’architecture des arbres eux-mêmes [96,432]. La répartition lumineuse au sol dans le sous-bois est le premier révélateur de l’état structural d’un peuplement forestier  : les différences entre les environnements lumineux sont beaucoup plus importantes que les variations de couleurs des feuilles. On peut ainsi retrouver les mêmes habitats dans des forêts très différentes au niveau des espèces ligneuses : ce qui importe, c’est la géométrie de la forêt et celle du couvert forestier [131,477]. En forêt irrégulière, la structure verticale étagée est le premier «  obstacle  » à la transmission du rayonnement direct et a contrario la première aide de la transmission du rayonnement diffus et de l’interception successive de la lumière par les différentes couronnes étagées des différents arbres. Le rayonnement diffus est vital pour la végétation au contraire du rayonnement direct qui lui est nocif [115,299]. À l’inverse de la futaie irrégulière, la futaie régulière ne bloque la lumière que par le toit uniforme que constitue sa canopée et la diffusion au sol se fait par puits de lumière dans les trouées de canopée. Futaie régulière et futaie irrégulière ont ainsi, du fait de leurs structures très différentes, des diffusions de lumière différentes, chacune étant caractéristique du type structurel  [115,342]. La mosaïque faite de taches de lumière et d’ombre, issue de la diffusion de la lumière au travers d’une canopée structurée verticalement, est le facteur déclencheur des effets métaboliques sur les végétaux : les processus vitaux des arbres (aussi bien leur forme que la photosynthèse) sont influencés directement par la lumière et sont modifiés par la concurrence et par la diversité spécifique [432]. La lumière influe également sur les animaux [131,132,477] et le sol [114–116]. En outre, la manifestation lumineuse du degré d’ouverture ou de fermeture de la canopée dépend non seulement de la densité du recouvrement mais également du type de feuillage (mélange de diverses espèces). Ces données sont fondamentales pour comprendre de quelle manière la structure d’un mélange forestier agit sur le fonctionnement de l’écosystème. La diversité des espèces ligneuses agit en effet sur la quantité et l’hétérogénéité de la transmission de la lumière. On note que la quantité de lumière diminue dans les peuplements mélangés qui ont une canopée plus dense, par rapport aux monocultures, du fait des stratégies différentes de chaque espèce par rapport à la lumière  [228,381,426,450,524]. En effet, les canopées des peuplements mélangés sont naturellement plus étagées que celles des monocultures, ce qui permet aux arbres de capter plus efficacement les rayonnements solaires  [115,407,450]. L’interception de la lumière est, de ce fait, réduite sous la canopée  [147,282,407,450] mais elle a probablement été augmentée par l’empilement des couronnes et leur complémentarité  [407]. La question qui se pose alors, est celle-ci : si la quantité de lumière diminue lors de sa traversée d’une canopée hétérogène, l’hétérogénéité de l’environnement du sous-bois augmentet-elle ou diminue-t-elle ? Un auteur a constaté que l’hétérogénéité des conditions

48

Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

environnementales augmentait avec la diminution de la quantité de lumière au sein du peuplement [403,450]. Cette affirmation serait cependant à moduler suivant les espèces présentes en mélanges [282,450]. Au surplus, si l’hétérogénéité de dispersion de la lumière est spatiale, elle est aussi temporelle en fonction des saisons, et la quantité et la forme des rayonnements de lumière parvenant au sol varient également suivant les saisons (positions différentes du soleil dans le ciel et chute des feuilles des espèces ligneuses caducifoliées). La transmission de la lumière diffère en effet considérablement d’une espèce à l’autre durant les trois semaines de développement de la feuille au printemps, ce qui a un impact important et majeur sur le fonctionnement des arbres en sous-étage [450]. Dans les jeunes forêts, la structure du couvert végétal, si complexe soit-elle, n’augmente pas l’interception de la lumière [407]. Les forêts anciennes, quant-à elles, laissées à leur dynamique naturelle, présentent une grande hétérogénéité à la fois quantitative et spatiale de transmission de la lumière, du fait de la dispersion hétérogène des trouées dues aux chablis [61,86,450,482]. Il est connu, dans l’étude de la biodiversité fonctionnelle, que les systèmes les plus diversifiés utilisent les ressources plus efficacement en raison de la complémentarité des espèces[145,289,450,481] du fait de la répartition des axes dans l’espace aérien et souterrain. Mais très peu de forêts tempérées se situent au stade de forêts anciennes [44,191,450]. Les travaux effectués à Néra démontrent l’intérêt de cette approche (voir chapitre 3.3). En résumé, la structure forestière est biologique, donc vivante, et elle est déterminante pour les caractéristiques écologiques des forêts. C’est donc sur elle que le forestier doit veiller en premier, de façon à ce que le maintien et la pérennité des fonctions de sa forêt soient assurés sans pertes économiques. En effet, par ses deux composantes, verticale et horizontale, la structure contrôle les processus naturels tels que l’interception, l’absorption, la répartition de l’énergie et des précipitations 13 ; elle agit sur le fonctionnement de l’écosystème et celui-ci va à son tour agir sur elle en rétroaction positive [115]. La description de la structure à un instant « t », tout comme sa dynamique, se réalise de manière optimale avec l’outil des photos hémisphériques, photos Fish-Eye, par le mode de diffusion de la lumière au sein du peuplement forestier. C’est la méthode moderne d’appréciation de la structure. Elle fut pratiquée pour la première fois en 1948 avec un simple appareil photographique puis fut développée par Anderson [17] en 1964. L’exploitation des données par ordinateur fut initiée par Olsson et al. [340] en 1982 puis largement développée par Wagner et Nagel en 1992 en Allemagne [287].

13. Wollmerstädt 2016 : https://tu-dresden.de/bu/umwelt/forst/wb/waldbau/forschung/forschungsprojekte/abgeschlossene-forschungsprojekte/multisensorielle-methoden-zur-rekonstruktion-der

49

Sylviculture d’écosystème

Le dispositif de réalisation des photos hémisphériques était initialement composé d’un appareil photo argentique et d’un objectif 7,5 mm f/5,6 (Fish-Eye), avec l’emploi de films AGFA-Agfaortho 25 ASA Professional. Les techniques ont, depuis, beaucoup évolué et il existe actuellement des appareils numériques fournissant instantanément les intensités d’éclairement. De tous les systèmes de mesures de l’éclairement, c’est la méthode de mesure du rayonnement lumineux par photos hémisphériques qui est considérée comme étant la plus précise : elle permet la répétition de la mesure, elle présente une grande flexibilité et les résultats peuvent être facilement reliés à d’autres composantes de l’écosystème [432,449]. Au surplus, ces photos hémisphériques peuvent être utilisées pour calculer le cubage des arbres sur pied [123] mais aussi pour calculer la perméabilité des couverts forestiers au rayonnement solaire [121,122]. Ces photos permettent d’obtenir des intensités d’énergie [512] : la mesure de l’ensoleillement diffus (désignée par GLOBDIFS, en Watt/m2) et en déduction le rayonnement actif pour la photosynthèse (désignée par PAR, en Watt/m2) représentant environ 47 % du rayonnement total. Dans la pratique, on exprime les 3 grandeurs les plus importantes, lumière diffuse (DIFFSF), lumière directe (DIRSF) et radiations pour la photosynthèse (PARSF) qui sont une partie de la lumière directe, en pourcentage par rapport à la valeur correspondante de la lumière en surface découverte (l’avantage des photos hémisphériques est de délivrer ces deux données en une seule mesure, celle faite en sous-bois) : DIRSF = Direct Site Factor = facteur de lumière directe (pourcentage de la quantité de lumière directe dans le peuplement par rapport à la quantité de lumière directe en surface nue) ; DIFFSF = Diffuse Site Factor = facteur de lumière diffuse (pourcentage de la quantité de lumière diffuse dans le peuplement par rapport à la quantité de lumière diffuse en surface nue) ; PARSF = Photosynthetish Active Radiation Site Factor = facteur de rayonnement utile à la photosynthèse (pourcentage calculé sur le même principe que DIFFSF). Le facteur de lumière diffuse (DIFFSF) est le facteur le plus corrélé avec les paramètres de croissance et il est même temps le plus représentatif de l’ensemble des valeurs d’éclairement [193,287]. C’est l’observation de ses variations de valeurs dans le sous-bois qui apportent les informations les plus instructives concernant la structure verticale d’un peuplement forestier (Figures 5 et 6). Une autre donnée intéressante peut être calculée au moyen des photos hémisphériques : le LAI (« leaf area index » ou index de surface foliaire). Il est le reflet de la « qualité », de la vigueur du peuplement, le feuillage étant la « machine de production » par excellence, de l’arbre. Le LAI peut donc être utilisé comme indicateur de la sylviculture : le forestier choisit un LAI qu’il décide de maintenir et qu’il différencie par strates, espèces, classes d’âges ou une combinaison de ces paramètres [334]. C’est la méthode préconisée aux États-Unis et considérée plus rigoureuse que la distribution des diamètres [20].

50

Figure 5

Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

20 15 10 5 0 Classes de DIFFSF (%)

SYKE 300 250 200 150 100 50 0 Classes de diamètres (cm)

 Figure 5  Photo hémispérique obtenue dans un peuplement irrégulier et mélangé (pin sylvestre-bouleau-chêne), en modélisation 3D et courbe typique pour un peuplement irrégulier de la fréquence absolue des différentes classes de lumière diffuse DIFFSF. En comparaison, dernier graphique : courbe de distribution des diamètres. (Duchiron 2000 a).

51

Figure 6

Sylviculture d’écosystème

WARWE - Fréquence absolue des différentes classes de lumière diffuse (quadrillage) 10

5

0 Classes de DIFFSF (%)

140 120

WARWE

100 80 60 40 20 0 Classes de diamètres (cm)

 Figure 6  Photo hémispérique obtenue dans le peuplement monospécifique de pin sylvestre, en modélisation 3D et courbe typique pour un peuplement régulier (à feuillage laissant passer la lumière) de la fréquence absolue des différentes classes de lumière diffuse DIFFSF. En comparaison, dernier graphique : courbe de distribution des diamètres. (Duchiron 2000 a).

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

Figure 7

Les figures 5 et 6 montrent bien les différences obtenues tant sur le visuel de la modélisation 3 D que dans la courbe des fréquences absolues des différentes classes de lumière diffuse, selon la structure du peuplement, régulière ou irrégulière. Plus l’amplitude des classes de DIFFSF est grande, plus le peuplement présente des situations variées dans son sous-bois : c’est le cas des futaies irrégulières (Figure 5). À l’inverse, quand l’amplitude est restreinte, le peuplement est homogène : c’est le cas des peuplements réguliers (Figure 6) ou des peuplements à structure verticale quasi-régulière (à un étage varié) tout en ayant la distribution des diamètres typique d’une futaie jardinée (Figure 7 et photo 19) (dans ce dernier cas concernant une hêtraie, les valeurs en classes de DIFFSF sont très basses) [115]. Une modélisation de la diffusion de la lumière depuis le sommet de la canopée a été réalisée dans deux peuplements à structure verticale typique. L’un est monospécifique (la hêtraie de la figure 7 et photos 19 et 20) et présente une structure verticale quasi-régulière (Figure 8). La canopée absorbe la quasi-totalité de la lumière et, de ce fait, l’éclairement au sol est très faible d’une part mais aussi il ne se diffuse que sous la forme de grandes plages de zones plus ou moins éclairées. L’autre peuplement est mélangé (la forêt de la figure 5) et présente une structure verticale étagée (Figure 9). On observe que la diffusion de la lumière, dans les sous-étages, se fait sous la forme d’une fine mosaïque de lumière. Il faut préciser ici que ce peuplement irrégulier est laissé en libre évolution naturelle, ce qui signifie que l’éclairement au sol, à ce stade, est faible. L’action du sylviculteur aurait été de permettre une diffusion de la lumière au sol comme elle l’est dans l’exemple à 8 mètres de hauteur. Nous verrons, dans les chapitres suivants, l’importance de cette mosaïque de lumière sur le fonctionnement des cycles biogéochimiques du sol. L’étude de la structure forestière par l’analyse de l’éclairement dans le sous-bois, apporte donc de précieuses informations pour le sylviculteur dans l’expertise de sa sylviculture. ERDM A NNSHAUSEN 25 - Fréquence absolue des dif f érent es classes de lumière dif f use (t ransect ) 30 25 20 15 10 5 0 Classes de DIFFSF (%)

ERDM ANNSHAUSEN 25 30 20 10 0 Classes de diamètres (cm)

 Figure 7  Courbe de la fréquence absolue des différentes classes de lumière diffuse DIFFSF dans un peuplement de hêtre à structure verticale régulière à un étage varié avec la distribution des diamètres de type futaie jardinée. (Duchiron 2000 a).

53

Figure 8

Sylviculture d’écosystème

ERD23-radiation (clear sunny day) H=29m

H=29m

10

60

55

50

45

40

35 30 H=18m

25

20

15

10

5

5

X (meter)

15

PAR (∝mol/r) 1200

H=18m

10

X (meter)

15

1100 1000 900 800

60

55

50

45

40

35

30

25

20

15

10

5

700

5

600

H=10m

500 400

H=10m 10

X (meter)

15

300 200 100 0

60

55

50

45

40

35

30

25

20

15

10

5

5

H=0

H=0m 10

60

55

50

45

40

35

30

25

20

15

10

5

X (meter)

15

5

Y (meter)

 Figure 8  Modélisation de l’absorption du rayonnement utile à la photosynthèse (PARSF) depuis le sommet de la canopée jusqu’au sol, dans un peuplement monospécifique de hêtre à un étage diversifié : la lumière est totalement absorbée au passage de la canopée. (Duchiron 2000 a).

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

Figure 9

SYKE-radiation (clear sunny day) H=20m

50

Y (meter)

H=20m

40

40

30

30

20

20

10

10

10

20

H=14m

50

30

40

H=14m

10

20

X (meter)

PAR (∝mol/m2s) H=6m

H=8m

Y (meter)

50

0

30

30

20

20

10

10

30 X (meter)

H=0

50

40

20

40

100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 1100 1200

40

10

30 X (meter)

40

H=0m

10

20

30

40

X (meter)

 Figure 9  Modélisation de l’absorption du rayonnement utile à la photosynthèse (PARSF) depuis le sommet de la canopée jusqu’au sol, dans un peuplement mélangé de feuillus-conifères structuré verticalement  : la lumière se diffuse sous la canopée sous la forme d’une fine mosaïque de taches lumineuses. (Duchiron 2000 a).

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Sylviculture d’écosystème

2.2.2.2

Les effets de la lumière au sein de l’écosystème forestier et les processus adaptatifs

La lumière revêt une importance fondamentale non seulement pour la photosynthèse et la morphogénèse des plantes, mais aussi pour la communication visuelle et les interactions plante-animal [477]. Les contrastes de couleurs sont utilisés dans la communication animale (prédation, reconnaissance des espèces, du sexe, de l’âge, sélection sexuelle) et dans la communication entre les animaux et les plantes (herbivorie, pollinisation, dispersion des graines). Cependant, le rayonnement lumineux peut devenir agressif pour la forêt quand son intensité est extrême. Il se produit des adaptations écophysiologiques des plantes face à des environnements contrastés, et ceci sur trois échelles de temps : la journée, la saison et la durée de vie du végétal. Des dommages peuvent être causés par la lumière aux plantes (par exemple lors de grandes coupes d’arbres), celles-ci peuvent s’adapter jusqu’à un certain degré seulement car les spectres de lumière en forêt peuvent directement avoir un impact sur la croissance et la reproduction des plantes et des animaux [477]. L’analyse de la lumière peut ainsi donner de précieux renseignements sur l’impact de l’action anthropique sur la biodiversité : un déficit de lumière limite l’activité photosynthétique et un excès de lumière peut provoquer des dommages oxydants à l’appareil photosynthétique, ceci affectant la croissance du végétal [31]. Les forêts les plus touchées par les UV (ultra-violets) sont celles qui ont subi des dommages par des ouvertures dans la canopée. Dans les autres cas, quand la canopée reste dense, la lumière bleue est absorbée par celle-ci et diminue au fur et à mesure de l’éloignement, les UV et les IR (infra-rouges) diminuant également en sous-étage. Il reste alors les longueurs d’onde proches des IR (autour de 730 nm), qui réduisent fortement le rapport rouge/rouge lointain auquel les plantes sont sensibles, par rapport aux zones ouvertes. Quand ce rapport augmente, la germination des graines est affectée ainsi que, entre autres, l’allongement des tiges, la formation des feuilles, la floraison, la fructification et l’efficacité de la photosynthèse  [7,131,136,234,462,477]. Lorsqu’un rayonnement lumineux élevé peut traverser la canopée (dans le cas de canopées ouvertes), des dommages apparaissent chez les plantes en raison des fortes intensités d’UV qui endommagent l’ADN. Des mécanismes de défense s’enclenchent alors chez les végétaux et la réparation des dommages dépend de la quantité de lumière de leur environnement  [75,477]. D’autres processus adaptatifs peuvent démarrer quand les conditions naturelles le permettent  : par exemple la pénétration racinaire s’effectue en plus grande profondeur pour capter l’eau dans le sol et ainsi lutter contre les stress hydriques provoqués par un éclairement trop fort au niveau du sol. La fabrication de feuilles et le stockage de carbone, durant la période d’éclairement intense, peuvent aussi être des réactions d’adaptation des plantes. Les espèces situées dans la canopée sont plus adaptées que celles des sous-étages, pour résister aux UV et aux infrarouges : leurs feuilles ont une cuticule plus épaisse, elles sont verticales et leur taux a/b de chlorophylle diffère de celui des espèces situées dans la pénombre. Les espèces pionnières sont ainsi plus tolérantes aux forts rayonnements que les espèces climax ou que celles qui sont

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

sciaphiles : celles-ci atteignent plus rapidement un taux de saturation aux rayonnements que les espèces héliophiles [477]. On sait à présent que de nombreux facteurs abiotiques (température du sol et de l’air, humidité, gel, etc.) et biotiques (qualité de l’humus, concurrence entre couronnes et racines, abondance d’insectes, etc.) sont directement liés à la distribution des composantes de la lumière [23]. Des mesures ont été effectuées pour évaluer l’impact de l’action anthropique en forêt (coupes). Il a été relevé des corrélations positives entre l’augmentation des rayonnements lumineux par ouverture de la canopée et la perte d’habitats mais également des corrélations entre les modifications de l’environnement lumineux et d’importants changements de température, d’humidité et de structure forestière [138,477]. Certaines espèces sciaphiles ont disparu au profit d’espèces héliophiles. De plus, des interruptions de la reproduction en raison de la raréfaction des fruits d’une part, et d’autre part, des perturbations dans la pollinisation et la dispersion des graines ont été observées. Ceci conduit à la conclusion de l’importance du contrôle des actions anthropiques quant à l’ouverture de la canopée en forêt, si l’on veut préserver les écosystèmes [477]. Dans le cas des hêtraies, on observe qu’une ouverture brutale par coupe (ou après tempête) agresse le hêtre, dont l’écorce fine est soumise à des rayonnements intenses et un réchauffement excessif. Ce « coup de soleil » provoque un soulèvement de l’écorce et favorise l’entrée des pathogènes fongiques.

2.2.2.3

La structure forestière interface avec l’atmosphère : le microclimat forestier

L’écosystème forestier est un système thermodynamiquement ouvert. Il reçoit de l’énergie en provenance de l’extérieur : le rayonnement solaire. Il dissipe cette énergie pour pouvoir maintenir son ordre et son organisation interne, et produit par là-même de l’entropie. Il se maintient ainsi éloigné de l’équilibre thermodynamique qui est un état de mort [229,333]. Au cours de leur croissance, les écosystèmes s’organisent et construisent des réseaux structurels et fonctionnels pour dissiper l’énergie, ce qui leur permet d’augmenter leur efficacité dans la dégradation de celle-ci et leur capacité tampon pour faire face aux flux venant de l’extérieur [2,43,333,437]. Un écosystème est ainsi une structure traversée par un flux de matière et d’énergie [319]. Un système traversé par un flux ininterrompu d’énergie est appelé système dissipatif. Évacuer de l’entropie, la dissiper, signifie importer de l’information. Ainsi, une structure dissipative importe sans cesse de l’information de son environnement. Lorsqu’elle s’auto-organise, elle diminue son entropie interne, donc elle augmente son contenu en information en la mémorisant. C’est une mémoire temporaire. Si elle se trouve en régime stationnaire, une structure dissipative perd autant d’information qu’elle en mémorise. De ce fait, elle renouvelle sans cesse l’information qu’elle mémorise. Ainsi, perdre de l’information est synonyme de produire de l’entropie, et produire de l’entropie c’est dissiper de l’énergie. En d’autres termes, c’est en effaçant continuellement de l’information qu’elle a mémorisée, qu’une structure dissipative dissipe de l’énergie [409]. (Citation légèrement modifiée)

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Sylviculture d’écosystème

Contrairement au deuxième principe de la Thermodynamique qui traite de systèmes fermés et prévoit l’amortissement de leurs fluctuations, les écosystèmes sont donc des milieux ouverts et leurs fluctuations se maintiennent et s’amplifient même. Ainsi les écosystèmes sont, du point de vue de la Thermodynamique, en perpétuel déséquilibre thermodynamique et le siège de phénomènes irréversibles et non linéaires, toujours ouverts et traversés par des flux d’énergie (voir encadré). Le maintien de la structure est lié à la permanence du flux d’énergie (le flux d’énergie est ouvert) car la matière est recyclée continuellement (le flux de matière est fermé) et c’est alors qu’un ordre moléculaire apparaît [319]. Des phénomènes périodiques se produisent soit dans l’espace (pulsations, cycles), soit dans le temps (cellules de convections juxtaposées). L’apparition des premières structures s’accompagne de fluctuations qui s’amplifient, s’organisent et créent un nouveau niveau de structures. Toute complexification d’un système accentue les caractéristiques d’un ordre dans un désordre, et ce, avec des rythmes : c’est la thermodynamique de la vie  [156,180,386,387]. C’est le principe d’une divisibilité «  presqu’infinie  » des écosystèmes [297]. La résilience d’un écosystème est la capacité de cet écosystème à capturer les rayonnements entrants et à les dissiper. C’est ce qu’on appelle aussi l’efficacité thermodynamique. Cette capacité augmente avec  : l’accroissement de biomasse (physique et structure biologique), les réseaux (différentes voies de dégradation) et l’information (organismes ayant des stratégies de vie complexes) [226,294,333]. Des études récentes ont permis de mettre en évidence que la dissipation de l’énergie (correspondant à la production d’entropie) dans les écosystèmes dépendait  : du type de communauté de plantes [256,283,471], de la structure de la canopée [256,310], des conditions climatiques, de la saison  [256,283,284,333,463], du degré de perturbation  [256,285,474], et du stade de succession  [256,285,460,471], avec des dynamiques synergiques entre la couverture de la canopée, l’accumulation de biomasse et la diversité structurelle, y compris le volume et la classe de décomposition du bois mort [309,333]. Lorsqu’il y a une augmentation de l’énergie d’entrée, le système améliore la dissipation d’énergie globale (production d’entropie) et accumule de la biomasse  [18,227,286,386]. Vice-versa, l’abondance de la biomasse structurelle et végétative favorise l’auto-organisation du système, améliorant le refroidissement par le transfert du rayonnement solaire en chaleur latente et en énergie métabolique. Il y a donc un lien positif fort entre la biodiversité complexe et la capacité de dissipation [283].

Encart 4 – Rappels de Thermodynamique L’entropie caractérise le désordre microscopique d’un système, son degré de désorganisation. L’entropie d’un système est donc une mesure de la dégradation ou dissipation de l’énergie (thermique, chimique, etc.) au sein même de ce système. Son unité est en Joule/Kelvin (Q/T : Quantité de chaleur / Température).

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

L’exergie est une grandeur permettant de mesurer la qualité d’une énergie. Elle correspond à la partie utilisable d’un joule. Le travail maximal récupérable est ainsi égal à l’opposé de la variation d’exergie au cours de la transformation. L’énergie libre est l’énergie convertible en travail mécanique. Tant qu’il n’y a pas de perte d’énergie libre (transformations réversibles), l’entropie reste constante. L’augmentation d’entropie est une caractéristique de l’irréversibilité des transformations : c’est le cas d’un système isolé qui a tendance à se disperser le plus possible (deuxième principe de Thermodynamique). Selon Shannon, la dissipation d’énergie – augmentation d’entropie – correspond à une perte d’information sur le système [408]. Frontier [158] parle de l’entropie dans le cadre de cheminements d’énergie comme étant la diversité de ces cheminements. Ilya Prigogine, physicien, chimiste et philosophe belge, prix Nobel de chimie en 1977 pour ses contributions à la thermodynamique des processus irréversibles et spécialement à la théorie des structures dissipatives, « a en particulier montré que quand la matière s’éloigne de son état d’équilibre, celle-ci peut s’organiser d’elle-même. De tels phénomènes se manifestent aussi bien en physique qu’en biologie ou dans les fluctuations climatiques. Apparaissent alors des configurations nouvelles qui semblent contredire l’accroissement perpétuel d’entropie que prédit la Thermodynamique. Il a pu être montré que cet “ordre né du chaos” se paie par une dépense d’énergie fournie par le monde extérieur, mais ces systèmes ouverts, à toutes les échelles, jouent un rôle important dans la structuration des formes de la nature 14. » Prigogine renverse la théorie classique de la Thermodynamique. Selon lui, les changements irréversibles sont la réalité fondamentale des entités de l’univers.

Ces concepts d’entropie et d’exergie, fondamentaux en Thermodynamique, sont très abstraits. Cependant, des auteurs  [286,437] ont établi la relation entre ces concepts et les indicateurs écologiques perceptibles, à savoir la température de la surface de la canopée et le rayonnement net, dans leur principe de destruction maximale de l’exergie. Toutefois, le lien entre entropie et exergie avec la température de surface et le rayonnement net est basé sur la similitude entre l’écosystème et la cellule de Bénard 15, et non sur un raisonnement thermodynamique.

14. I. Stengers Encyclopaedia Universalis 15.  « Les cellules de Bénard sont un concept relatif à la convection qui désigne un phénomène observé en 1900 lors d’une expérience simple réalisée par Henri Bénard, un physicien français. Ce sont des cellules de convection qui apparaissent spontanément dans un liquide quand on lui applique une source de chaleur extérieure. » Wikipédia

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Sylviculture d’écosystème

En effet, l’analyse quantitative de la relation entre la destruction de l’énergie, la température de la surface de la canopée et le rayonnement net du point de vue des lois thermodynamiques n’a jamais été réalisée. Selon la deuxième loi de la Thermodynamique, la destruction de l’exergie est proportionnelle à la production d’entropie [89,286]. Le rayonnement net et la température de la surface de la canopée sont des indicateurs de l’interaction entre la végétation et l’environnement, et sont des paramètres écologiques perceptibles et faciles à mesurer. La chaleur sensible est liée à la différence de température et à la conductance thermique entre la surface de la canopée et l’atmosphère. Cette conductance thermique entre surface de la canopée et atmosphère refroidit la canopée lorsque celle-ci est plus chaude que l’air, tandis que le phénomène inverse se produit lorsque la canopée est plus froide que l’air. La direction du flux de chaleur du sol est déterminée par le gradient de température entre le sol et l’air. Le taux d’augmentation de la température est lié à la capacité de stockage de la chaleur de la forêt, qui est largement déterminé par la biomasse de l’écosystème [170,286]. En conséquence, la température de la canopée reflète globalement tous ces processus et elle a un potentiel de caractérisation de l’écosystème plus élevé que celui de tout autre flux de chaleur (tel que l’évapotranspiration par exemple, dont l’évolution n’est pas cohérente au cours du développement de l’écosystème). Un autre indice intéressant a été relevé : il s’agit d’un indice de réponse thermique (calculé par Rayonnement net  /  Différence de températures) lié à la croissance, la succession et la récupération de l’écosystème pour douze chronoséquences de végétation [285,286]. Il indique que l’écosystème le plus développé peut gagner plus d’énergie tout en maintenant une température de canopée plus basse [286]. La relation entre la production totale d’entropie et la température de la surface de la canopée est linéairement négative, et la relation entre la production d’entropie et le rayonnement net linéairement positive [286]. La raison pour laquelle la température de la surface de la canopée peut s’abaisser, tient à la structure fractale de la canopée  : plus cette structure fractale est forte (complexe), plus forte (meilleure) est la dissipation de l’énergie. Ainsi, l’architecture de la canopée, par son rôle d’exportation d’entropie dans l’environnement, se révèle être un des paramètres de contrôle du fonctionnement des écosystèmes. Cela se traduit par une relation entre l’index LAI (Leaf Area Index) et la production d’entropie  [256,310]. Le LAI est une variable sans dimension et a été défini pour la première fois par Watson [522] comme la surface totale unilatérale de tissu photosynthétique par unité de surface au sol. Puis, d’autres définitions ont été données. Aujourd’hui, dans la littérature actuelle, on utilise la notion de LAI comme étant la moitié de la surface foliaire totale par unité de surface au sol [92,93,137,224,468]. Il est important de noter que ces différentes définitions peuvent donner lieu à des différences significatives entre les valeurs calculées du LAI.

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

Encart 5 – Les fractales Fig encart fractales

Le concept de base d’une structure fractale est d’être « invariante par changement d’échelle » : elle ne change pas quand on la regarde avec une meilleure ou moins bonne précision. C’est la répétition à l’infini de l’élément de base structurel.

Le concept de « dimension fractale » permet de quantifier l’idée qu’une surface très irrégulière est davantage qu’une simple surface plane  : c’est une forme de dentelle naturelle. L’application directe à une forêt stratifiée verticalement est qu’une canopée très irrégulière, fractale, va capter davantage de rayonnement. Par exemple, une surface fractale d’un mètre carré se comportera comme si elle avant une surface plus grande. On retrouve ce même fonctionnement pour le poumon vis-à-vis de l’oxygène 16.

Encart 6 – L’effet de résilience Tendance au refroidissement et à l’augmentation de la dissipation d’énergie, ainsi qu’une plus grande autorégulation des écosystèmes pendant la succession, la maturation et le rétablissement après la perturbation. Cela n’est pas « le retour à un état d’équilibre » comme on le lit encore trop souvent, puisqu’il n’y a pas d’équilibre dans le fonctionnement naturel des écosystèmes. En résumé : Les indicateurs plus concrets et mesurables des flux d’énergie sont : la température de la surface de la canopée et le rayonnement net ou un indicateur combinant les deux variables, tel que l’indice de réponse thermique qui caractérise l’état et le développement de l’écosystème [286]. 16.  Communication écrite Sylvain Ravy 2022

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Sylviculture d’écosystème

Ainsi, les forêts matures – également dénommées forêts anciennes – possèdent une plus forte capacité à capter, à dégrader et à dissiper les rayonnements solaires, ce qui se traduit par des températures de surface plus fraîches et un écart de températures plus faible [230,333,437]. De même, des études en Chine, en Ukraine et en Malaysie, ont montré que les forêts naturelles avaient une plus grande capacité à capturer et à dissiper l’énergie, et qu’en conséquence elles avaient une meilleure thermorégulation, particulièrement au moment de hautes températures, que des plantations voisines où les niveaux d’auto-organisation étaient réduits et les températures diurnes plus élevées [55,283,284,333]. La production d’entropie s’accroît et décroît suivant les stades de succession de l’écosystème dans la forêt Duke Forest, NC, aux États-Unis [256,471]. Ainsi, dans les mêmes conditions environnementales, les systèmes hautement auto-organisés sont capables de dissiper le rayonnement solaire à un niveau d’exergie plus faible, en conservant des températures au sol plus fraîches. L’effet-tampon du microclimat diminue de manière significative avec la perturbation [333], ce qui correspond aux arguments thermodynamiques selon lesquels les perturbations peuvent provoquer des « rétrogradations » dans les indicateurs de l’efficacité de l’écosystème, principalement dans sa capacité à dissiper et à réguler les flux d’énergie à travers le système [326,333]. En conséquence, il apparaît que les impacts anthropiques provoquent une diminution de la capacité des écosystèmes à dissiper l’énergie en diminuant la biomasse mais aussi en réduisant la complexité des écosystèmes, ce qui diminue la capacité de régulation thermodynamique de ceux-ci  [333,511]. De même, des sites déboisés ont une production d’entropie plus faible que les sites forestiers voisins situés dans différentes parties de l’Amérique du Nord. Les perturbations anthropiques, telles que les travaux d’abattage et de débardage en forêt, peuvent donc affecter le microclimat à l’intérieur des forêts par des effets sur la structure forestière, entraînant des effets indirects sur les forêts au-delà de l’impact immédiat de ces travaux. Une densité de canopée plus faible, une hauteur de canopée plus élevée et un prélèvement de biomasse plus important sont associés à des températures maximales plus élevées. Ainsi, les forêts exploitées sont moins protégées des changements climatiques que les forêts anciennes, et présentent des microclimats extrêmes [55,128]. À noter que les conditions de sécheresse affectent la production d’entropie des écosystèmes non boisés mais en revanche, dans les écosystèmes forestiers de la taïga, les périodes de sécheresse n’ont aucune influence sur l’albedo ni sur l’efficacité des forêts à produire de l’entropie, celles-ci démontrant leur capacité à maintenir une autorégulation élevée [256]. On peut considérer que les changements spatio-temporels de la production entropique des écosystèmes dans une région donnée, sont une mesure de l’impact climatique et anthropique sur un paysage [256,460]. Si la structure fractale de la canopée joue un rôle fondamental pour la dissipation de l’énergie solaire, comme nous venons de le voir, la structure verticale en forêt est également déterminante sur l’effet-tampon du microclimat forestier (température de l’air et humidité) [252] : les forêts structurées verticalement présentent

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

les mêmes conditions de température en sous-bois que les forêts naturelles. En effet, les plages de température mesurées en forêts structurées verticalement sont plus faibles en sous-bois que dans les forêts non structurées verticalement. Les caractéristiques structurelles d’une forêt ont ainsi un effet fondamental sur le microclimat forestier dans les régions à faibles précipitations ou pendant les périodes de sécheresse  [126,128]  : ainsi les futaies irrégulières préservent mieux leur microclimat que les futaies régulières  [146]. Le microclimat forestier est fondamental pour maintenir les associations d’espèces (végétales et animales) en sous-étage  [252,317] ainsi que pour le bon fonctionnement des interactions écologiques  [3,55,252]. Il a une fonction importante de régulation des écosystèmes [226,252,283,284,333], régulation qui détermine leur efficacité thermodynamique [283]. Une structure bien développée induit un état fonctionnel optimal, favorisant le meilleur captage de l’énergie et maximisant l’effet tampon par rapport aux flux externes [154,252,283,284]. La structure verticale étagée joue également un rôle important dans les flux d’air – énergie auxiliaire définie par Margalef – permettant un bon renouvellement du CO2 indispensable à la photosynthèse. Ces résultats rejoignent d’autres plus anciens [313]. L’auteur avait ainsi observé sur une analyse de cernes que, dans les futaies irrégulières suivies dans sa recherche, l’humidité de l’air y était plus élevée qu’en structure forestière régulière, et la transpiration plus modérée  : ces conditions sont nettement plus favorables en années chaudes et sèches. Cependant, des théories opposées sont énoncées face aux changements climatiques. Sur des constats de réduction de la croissance des grands arbres en peuplements (épicéa commun et hêtre) dits irréguliers, comme en peuplements réguliers, par rapport aux arbres dominés, du fait de la concurrence qu’ils se font par rapport à la disponibilité de l’eau dans le sol, certains auteurs expriment au conditionnel l’éventualité qu’il serait bénéfique de diminuer la densité des peuplements et de raccourcir les durées de révolution [384,518], idée déjà largement développée par les institutions forestières françaises [6,266,389,390] qui y ajoutent des plantations massives d’autres espèces ligneuses, dont des espèces exotiques et l’autorisation de labours, dessouchages, etc. Ainsi que nous l’avons exposé dans le chapitre 1.2.6, les causes de dépérissement des arbres en forêt sont nombreuses. Il y a les changements climatiques certes mais aussi une recrudescence de nouvelles pollutions. La sylviculture pratiquée jusqu’ici n’est pourtant jamais remise en question alors que la structure forestière est, nous l’avons vu, fondamentale pour la préservation de l’écosystème forestier. La mortalité de certains arbres est ainsi souvent due à la concurrence racinaire qu’ils se font entre eux, du fait que la structure forestière n’est pas étagée verticalement à l’image des forêts naturelles : soit on se trouve dans le cas de plantations équiennes, soit dans le cas de futaies régulières. Car, ainsi que nous le verrons dans le chapitre consacré à l’enracinement, la structure verticale étagée en aérien se retrouve en souterrain  [115], ce qui, en conséquence, limite la concurrence racinaire par rapport aux ressources alimentaires du sol, notamment hydriques.

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En outre, il faut laisser aux arbres et aux forêts le temps de s’adapter à de nouvelles conditions climatiques : pourquoi devrait-on s’inquiéter de la mortalité de certains arbres à un instant donné ? La réflexion doit se placer à l’échelle de plusieurs dizaines voire centaines d’années (tout comme l’analyse des variations climatiques) et l’expérience du passé, avec le constat de certains phénomènes d’adaptabilité, doit être approfondie. La préservation de la complexité des écosystèmes, présentant les caractéristiques d’une structure verticale étagée et complexe (fractale), une forte densité d’arbres à l’image des forêts anciennes, est ainsi la seule qui puisse aider les forêts à tamponner les températures extrêmes, à réguler son microclimat interne, la production primaire et la rétention de l’eau [82,119,127,128,146,333,442]. De plus, et en tout état de cause, le maintien des capacités d’un écosystème forestier se manifeste par une absence d’équilibre thermodynamique, l’ordre étant né du chaos selon Prigogyne [388], ce qui est totalement à l’opposé de ce que prescrivent la plupart des forestiers actuels qui prônent une futaie irrégulière «  équilibrée  ». Ce paradigme de non-équilibre des systèmes adaptatifs complexes est également défendu par d’autres auteurs [495] : « Nous mettons l’accent sur le concept de Thermodynamique de non-équilibre des systèmes vivants et sur le cycle adaptatif d’un système socio-écologique de Holling. Dans les forêts naturelles, les phases d’un cycle adaptatif sont dans une large mesure également les étapes et les phases d’un grand et d’un petit cycle forestier, bien qu’il existe une terminologie différente. En outre, nous avons souligné le rôle naturel des perturbations et leur explication du point de vue thermodynamique, en tant que composante importante d’un cycle adaptatif, ce qui étaye les conclusions selon lesquelles ces phénomènes naturels ne participent pas seulement à l’évolution de l’ensemble des habitats, mais, dans une perspective à long terme, ils peuvent même accroître la résilience et la stabilité écologique globale des écosystèmes. » Le sujet ne manque pas d’écrits scientifiques que nous ne pouvons malheureusement pas tous citer dans cet ouvrage.

2.2.2.4

Les effets de la structure forestière sur le sol

Les impacts des sols sur la structure forestière ont été largement étudiés mais il s’avère que les effets de la structure forestière sur les sols l’ont été très peu. Et là encore, il faut préciser que lorsque le titre d’un article de recherche semble correspondre à la question, le mot « structure » a été compris comme étant la dispersion des diamètres des arbres ou la diversité des espèces. Une étude [87] de 2016 informe d’ailleurs : « À notre connaissance, peu d’études ont étudié la relation entre la diversité des espèces et les processus écosystémiques dans les fragments de forêt subtropicale. », cette étude s’intéressant, comme elle le précise, à la diversité des espèces. Précurseur en la matière, Toutain [485] 17 s’intéresse très tôt aux effets positifs de la mosaïque de lumière sur le fonctionnement des humus et des sols. Ceci a pour

17. Toutain 1981 et communication orale 1992

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

conséquence une meilleure activité du sol en futaie irrégulière qu’en futaie régulière, avec une accélération des cycles biogéochimiques et donc une meilleure minéralisation du carbone et de l’azote. Il le démontre notamment par la diversité biologique des humus mise en évidence en analysant sous loupe binoculaire et sous microscope des lames fines extraites de blocs d’humus figés dans la résine. Sous son pilotage, dans nos 7 peuplements forestiers de recherche du Nord-Ouest de l’Allemagne, les humus ont été analysés  [115]. Situés dans une même station écologique (sols de landes sableuses pauvres, non hydromorphes), ces peuplements se différencient uniquement par leur structure verticale (un étage de canopée fermée, une canopée à un étage en voie de structuration, une canopée très étagée verticalement). Avec la méthode Toutain, à partir des lames minces extraites de blocs d’humus figés dans de la résine, une répartition statistique des déjections d’enchytréides (les enchytréides sont le reflet de la pauvreté d’un humus) a été réalisée et, étant donné l’importance du système racinaire présent dans les différentes couches de litière et dans les horizons A11 des humus étudiés, la quantité de racines présentes dans les sous-couches OH et dans la partie supérieure de l’horizon A11 a été estimée en différenciant les racines mortes des racines vivantes. Les résultats obtenus sont les suivants : • Parmi les peuplements à 3 étages : – le peuplement à canopée fermée mais étagée présentait le plus fort taux de racines vivantes parmi toutes celles qui étaient présentes en OH et A11, avec 90 à 95 % des racines présentes qui étaient vivantes (peuplement des figures 5 et 9) ; – le peuplement à canopée monostratifiée en voie de fermeture avait 30 à 50 % de ses racines présentes en OH et A11 qui étaient vivantes. • Parmi les peuplements à 1 ou 2 étages et à canopée monostratifiée et fermée : – les peuplements avaient 90 à 95 % de leurs racines présentes en OH et A11 qui étaient mortes (peuplement des figures 7 et 8, photo 19). • Parmi les peuplements à 1 étage varié et à canopée claire : – les peuplements avaient 50 à 90 % de leurs racines présentes en OH et A11 qui étaient mortes (peuplement de la figure 6). La présence de racines mortes signifie que l’écosystème forestier a subi un stress à un moment donné, probablement un stress hydrique non évité du fait d’une canopée non protectrice (éclaircie, peuplement trop clair ou absence de stratification de la canopée). Dans notre recherche, il est clairement apparu que la structure la plus favorable pour la vie de l’humus était la structure verticale forestière la plus étagée avec une canopée fermée en sous-étage, l’étage dominant constitué d’un reliquat de pins sylvestres étant très clair, la surface terrière de ce peuplement étant de 35 m2/ha (peuplement des figures  5 et  9). De même, on y a observé une meilleure utilisation des différents rayonnements lumineux (direct, diffus et rayonnement utile à la

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Sylviculture d’écosystème

photosynthèse) – avec une supériorité du rayonnement diffus – et des effets positifs de ceux-ci plus marqués sur les caractéristiques chimiques du sol. Au surplus, les résultats ont montré que cette mosaïque de lumière influait de manière très significative sur le processus de l’humification en l’activant. Toutain avait déjà compris que c’était le rayonnement diffus (davantage que le rayonnement direct) qui agissait efficacement sur le fonctionnement des cycles biogéochimiques du sol [114,116] 18. La diversité biologique végétale et animale est donc plus forte en futaie irrégulière du fait de la présence d’un humus plus actif qu’en futaie régulière [114,116,485] 19. Ces résultats ont été confirmés par plusieurs auteurs [114,116,129,271]. En outre, le peuplement très structuré verticalement et diversifié en espèces est celui qui présente le moins de variations intra-peuplement de son humidité à différentes profondeurs du sol ainsi que de son épaisseur d’humus, principalement dans la sous-couche OH de la litière tandis que les peuplements les moins structurés verticalement présentent des déficits hydriques dans les horizons profonds du sol, toutes choses étant égales par ailleurs. L’exploitation optimale des réserves hydriques du sol est ainsi meilleure dans le cas de mélanges d’espèces de différents trophismes (espèces tolérantes à l’ombre et espèces intolérantes à l’ombre), que dans le cas de mélanges d’espèces uniquement tolérantes à l’ombre ou encore dans le cas de monospécificité d’une espèce tolérante à l’ombre. L’ouverture préconisée dans de tels peuplements, vulnérables à des conditions microclimatiques de dessiccation, est donc une ouverture très douce, pied par pied [115]. Ces résultats ont été confirmés récemment par d’autres auteurs [142]. Des comparaisons [503] ont aussi été faites entre des forêts anciennes à haute naturalité (hêtraies-sapinières) et des forêts gérées, en Slovénie dans les Alpes dinariques en ce qui concerne l’évapotranspiration au niveau des trouées. Les forêts anciennes à haute naturalité, du fait de la densité de leur végétation de sous-étage et de leur canopée, limitent, au niveau des trouées, les pertes hydriques par une évapotranspiration bien moindre du sol et de la végétation, et un lessivage des eaux du sol également bien moindre qu’en forêt gérée (futaie dite irrégulière et forêt conduite en coupes rases) où les trouées d’éclaircies sont plus grandes même en futaie dite irrégulière et a fortiori dans des forêts conduites en coupes rases, et laissent un sol découvert en raison d’une végétation clairsemée. Les trouées naturelles des forêts anciennes limitent donc les stress hydriques en cas de sécheresses à l’inverse des trouées créées artificiellement par l’homme lors d’interventions en éclaircie. En outre, du fait de leur canopée irrégulière, ces forêts anciennes à haute naturalité ont démontré qu’elles interceptaient davantage les précipitations que les canopées régulières ou clairsemées. Le bilan hydrique est donc meilleur pour les forêts anciennes à haute naturalité. Finalement, une forêt très structurée verticalement apparaît être celle qui rentabilise au mieux, au niveau des cycles de son sol, toutes les énergies provenant de la lumière, à travers ses différents rayonnements. 18. Toutain communication orale 1992 in Duchiron 1994 et 2000 b 19. Toutain 1981 et communication orale 1992 in Duchiron 1994 et 2000 b

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

Notons que le manque de lumière arrivant au sol, par suite de la fermeture progressive d’une canopée monostratifiée, peut provoquer le développement intense des enchytréides peu favorables à l’amélioration de l’humus. Cependant, certains auteurs [416,506] accordent à ces Oligochètes un rôle positif : ils peuvent jouer un rôle important dans le renouvellement du sol, car ils participent à eux seuls à environ 60 % de la respiration animale totale dans le sol de ces forêts acides de hêtre. Il est important de distinguer parmi les organismes édaphiques, ceux qui ne jouent qu’un rôle mineur dans la transformation des pigments bruns des feuilles, de ceux qui sont « efficaces » : les premiers sont des organismes fragmenteurs consommant surtout des molécules simples ; les seconds sont les vers de terre et les champignons de pourriture blanche. Quand les vers de terre ne peuvent être présents, pour des raisons pédoclimatiques au sens large, ce sont les enchytréides et les microarthropodes qui occupent le milieu et leurs boulettes fécales sont constituées surtout de pigments bruns non digérés (elles s’accumulent dans les couches OF et OH des litières) [486]. Il a été montré [487] en forêt de Darney (Vosges), hêtraie sur grès (dispositif expérimental installé sur la partie de la forêt correspondant aux sols bruns ocreux à moder), que l’humus était mal structuré et riche en boulettes fécales d’enchytréides et de microarthropodes. L’apport de Ca2 ou de NPKCa sur ces humus les a totalement transformés dans les deux cas : apparition de nombreux turricules de vers de terre, disparition de l’horizon OH, et évolution du moder en mull. La diversité en espèces des animaux s’est accrue avec l’apparition de divers Microarthropodes et de vers de terre anéciques et épianéciques. Il apparaît donc que les enchytréides ne jouent pas de rôle déterminant dans l’évolution de la matière organique des litières et qu’ils sont plutôt des organismes indicateurs de milieux très dégradés.

2.2.2.5

La structure forestière aérienne et souterraine

Le regard forestier se porte toujours en premier vers les cimes. Mais l’exploration souterraine du matériel racinaire est fondamentale, car gage de santé (donc de production) et de stabilité pour les arbres. Il est important de connaître les incidences de la structure aérienne sur la structure souterraine et, si concurrence il y a, suivant les espèces et la position sociologique des arbres dans l’espace aérien. La connaissance de ces informations est en effet essentielle pour l’établissement d’un concept sylvicole. Car l’exploitation optimale des réserves nutritionnelles souterraines dans le cas de sols pauvres est à rechercher tout autant que l’agencement optimal des couronnes d’arbres vis-à-vis de l’offre lumineuse au sein du peuplement. Les recherches dans le domaine racinaire, particulièrement dans le cas de peuplements mélangés, nécessitant de coûteuses et longues investigations, ont été peu courantes [83] et restent très mal connues [520], cantonnées jusqu’ici à des cas simples, d’une manière « paresseuse » (sic) [251]. Aujourd’hui, les connaissances sur l’enracinement individuel des espèces sont relativement claires. On connaît les relations de la densité des racines fines dans les sols forestiers avec la densité des peuplements, les relations avec la surface terrière des arbres et la distance à l’arbre (méthode de Nielsen et al. [332]). Si on sait estimer la biomasse racinaire à partir de la biomasse aérienne [83], en revanche, il existe très

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Sylviculture d’écosystème

peu de littérature portant sur l’enracinement des peuplements mélangés sauf sur de simples mélanges pin sylvestre-bouleau, pin sylvestre-épicéa, épicéa-hêtre, parmi les plus expérimentés [251]. Ces lacunes concernant les connaissances sur la répartition verticale des racines fines (à vocation alimentaire) en peuplements mélangés, sont confirmées par d’autres auteurs [37,276]. Les recherches menées au niveau souterrain partent visiblement avec la même lacune que les recherches menées au niveau aérien : on parle de peuplements mélangés mais on omet de préciser si la structure verticale est étagée ou non. Une étude très récente [520] basée sur l’analyse de la biomasse racinaire en peuplements mélangés, aboutit à la conclusion que la biomasse souterraine n’est pas en soi une variable appropriée pour représenter la performance des communautés d’arbres. C’est en effet la répartition des racines en différentes strates souterraines qui joue un rôle déterminant dans le fonctionnement des écosystèmes forestiers. Ainsi, à notre connaissance, aucune autre expérimentation que la nôtre [115] n’a été effectuée à ce jour sur le mode d’enracinement des peuplements mélangés qui plus est, en structure verticale irrégulière. L’étude des effets de la structure verticale aérienne sur la structure verticale souterraine en est donc restée à ses balbutiements et mérite d’être élargie à d’autres peuplements dans des stations différentes. Une forêt ne peut pas remplir ses diverses fonctions sans une biomasse suffisante. Et le volume de bois des racines peut atteindre 20 à 40 % de l’ensemble de la biomasse de l’arbre  [83]. Ceci dit, des variabilités apparaissent par exemple pour la même espèce d’arbre, le ratio racine/partie aérienne pouvant varier du simple au double suivant la répartition spatiale et temporelle des éléments nutritifs [322] et aussi suivant l’âge des arbres [533]. Il est donc important de considérer une forêt sous son aspect quantité de biomasse totale. Rappelons que nos travaux de recherche s’effectuaient dans des stations à sols sableux sans obstacles pour l’exploration racinaire. Les résultats en sont d’autant plus éloquents car ils traduisent véritablement les différentes stratégies des arbres suivant qu’ils se situent dans un peuplement verticalement non structuré ou très structuré. Les résultats [115] obtenus sont les suivants : 1. La quantité totale de biomasse racinaire est supérieure dans un peuplement mélangé et structuré verticalement par rapport à d’autres à tendances monospécifique et régulière, pour un même type de substrat. Elle reste encore supérieure si l’on ne considère que les racines fines à vocation alimentaire. 2. Dans un peuplement régulier monospécifique, les racines des arbres ont tendance à se concentrer dans les premiers centimètres du sol (au niveau de l’humus) et se trouvent en concurrence pour l’exploitation des ressources hydriques et alimentaires. 3. Dans un peuplement mélangé peu structuré verticalement, si tant est que les espèces en mélange soient des espèces se succédant dans le schéma de la dynamique naturelle, elles ne se feront pas concurrence et manifesteront une bonne tendance à la cohabitation et à la complémentarité. L’apport des informations concernant l’enracinement dans les sous-couches des horizons humifères permet de préciser que la qualité des mélanges d’espèces à préférer se situe au-delà d’un simple mélange d’espèces et porte davantage sur un mélange d’espèces à trophismes différents.

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

4. Dans un peuplement mélangé et nettement structuré verticalement, la cohabitation entre espèces est idéale pour peu que les mélanges se fassent par touffes ou encore mieux, pied par pied : l’étagement des racines en profondeur est le reflet de l’étagement aérien des tiges et des houppiers. 5. D’un peuplement régulier monospécifique qui s’est naturellement ou artificiellement étagé, il n’est pas possible d’atteindre un schéma d’exploration racinaire comparable à celui d’un peuplement structuré dès l’origine donc inéquienne : l’installation artificielle de boisements en vue d’atteindre un peuplement irrégulier (qui plus est mélangé) devra donc se faire de manière échelonnée dans le temps sur plusieurs années. 6. La densité de biomasse racinaire, en particulier pour les racines à vocation alimentaire mais aussi pour les racines de fixation (dans une moindre mesure), est directement corrélée à l’importance de la surface foliaire : ceci souligne l’importance d’un développement harmonieux et non stressé des houppiers afin d’assurer aux arbres une stabilité par le développement suffisant des racines de fixation, et une bonne alimentation grâce à un développement conséquent de racines à vocation alimentaire. Des arbres aux houppiers étriqués auront ainsi certainement des problèmes de développement racinaire. Une structure étagée pied à pied permettra aux houppiers de se développer avec le minimum de contraintes. Notre résultat le plus important (et statistiquement hautement significatif ) est celuici : la structure verticale d’un peuplement se retrouve dans l’espace souterrain à l’image de l’espace aérien quand la texture du sol ne présente aucun obstacle. La quantité de biomasse racinaire souterraine est en relation directe avec la capacité de fonctionnement des houppiers et donc de la place qui leur est allouée dans le peuplement pour leur bon développement, ce facteur « position sociologique » ayant des répercussions sur les houppiers et par suite sur la production de biomasse racinaire [115,251]. Des résultats étaient déjà connus quant à la solidité des arbres du fait de leur stabilité individuelle et de leur ancrage en futaie jardinée. On sait par exemple qu’en futaie jardinée, en moyenne, il y a une plus grande longueur de racines par litre de volume de sol, que dans la futaie régulière [114,116,235,313]. De même, un sapin sous ombrage présente une croissance ralentie pour ses organes aériens, tandis que la croissance des racines n’est pas altérée. Ainsi, un arbre qui a été longtemps surcimé, présente un système racinaire bien développé et étendu [114,116,422]. En conséquence, le paramètre-racine s’avère être le paramètre le plus significatif quant à son caractère indicateur de la structure verticale aérienne (et horizontale également). Il est le reflet de la vie aérienne de l’individu : les stress subis par les houppiers sont répercutés sur le système racinaire. L’énergie lumineuse n’agit directement sur l’enracinement que dans la mesure où, par les phénomènes de photosynthèse au niveau des houppiers, elle induit la formation de biomasse (bois des troncs, des branches, des racines). Ces données peuvent infléchir le choix d’un sylviculteur pour une sylviculture à la fois inéquienne et aussi en mélanges avec une structure verticalement irrégulière.

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Sylviculture d’écosystème

2.2.2.6

La structure forestière et l’amélioration de la qualité des eaux souterraines

Des auteurs [395,396,526–529] ont travaillé sur l’influence de la structure forestière et particulièrement de la sylviculture, par rapport à l’amélioration de la qualité des eaux souterraines, à la fois superficielles et phréatiques. Les travaux se situent en Bade-Wurtemberg, dans plusieurs forêts. Parmi celles-ci se trouve la forêt qui entoure le réservoir Kleine Kinzig dont la qualité de l’eau est fondamentale pour l’alimentation en eau potable de la région et notamment de la ville de Freudenstadt, ville de cure (Kurstadt) réputée pour la qualité de son air (heilklimatischer Kurort) [473]. Les pollutions d’origine anthropique entraînent une acidification des eaux souterraines. Les processus d’ordre chimique (dépôts de soufre, d’azote, métaux lourds, etc.) et ceux d’ordre biologique (altération du développement des microorganismes au sein des sols forestiers) se déroulant dans les sols forestiers, menacent la qualité des eaux souterraines. Jusqu’ici, la forêt était garante de la qualité des eaux souterraines. Face à cette acidification des sols, une parade a été trouvée  : un chaulage ciblé, des coupes adaptées en forêt, le développement des espèces feuillues. Ceci a pour effet de freiner, voire d’enrayer les transferts de produits à risques potentiels pour la qualité des eaux souterraines, tels que les nitrates, l’aluminium, les produits organiques carbonatés dissous et les métaux lourds.

Influence du type de coupes pratiquées en forêt Les coupes pratiquées en forêt ont des répercussions non négligeables sur les eaux souterraines. L’expérimentation a porté sur l’observation des eaux souterraines : 1. dans une parcelle, deux à quatre ans après une coupe rase en bande, réalisée en 1989 ; 2. dans une parcelle en peuplement mélangé, sans régénération de hêtre, après coupe progressive ayant enlevé 3 à 5 vieux hêtres ; 3. dans une parcelle en peuplement mélangé, avec présence de régénération de hêtre sous couvert, haute de 1 à 2 m, après enlèvement de 3 à 5 vieux hêtres. Les résultats ont mis en évidence une réaction forte au niveau des bilans des éléments. Dans la trouée sans régénération, les valeurs d’exportation atteignaient un niveau du même ordre que pour la coupe rase, alors que les exports de la trouée présentant une régénération de hêtres, atteignaient en moyenne la moitié pour les deux premières années. Cette différence s’expliquerait par l’absorption des nitrates par le système racinaire des jeunes hêtres en régénération.

Influence de la composition des peuplements forestiers On observe une grande variabilité de réactions entre espèces et classes d’âges dans les peuplements (pour des raisons probables liées aux différentes densités de la canopée et des formes des couronnes). En comparant les flux d’éléments entre une hêtraie mélangée et une pessière pure, après des précipitations et dépôt de pluviolessivats,

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

le bilan des éléments sous hêtraie mélangée est équilibré alors qu’il ne l’est pas sous pessière pure.

Influence du type de sylviculture Il a été mis en relation les apports d’éléments – apports par les précipitations ou libération de cations à la suite d’une altération des silicates avec les pertes au sein de la biomasse – et leur export avec les eaux d’infiltration (fixation de cations, de calcium, de magnésium, de potassium et de sodium). Les différents modèles sylvicoles sont représentés par les phases de la sylvigenèse (régénération, jeune peuplement, vieux peuplement, etc.). Les résultats sont très clairs : seules les interventions douces dans la forêt permanente de hêtre-sapin-épicéa et les coupes progressives en hêtraie possédant une régénération préalable de hêtre (80 % de régénération) affichent des bilans cations positifs. Dans le cas de la coupe rase de hêtraie, ce bilan est nettement négatif. Cet exemple prouve de manière évidente que la structure forestière verticale et la composition des espèces a un rôle déterminant sur la qualité des eaux souterraines.

2.2.2.7

La structure forestière et les habitats – chiroptères et grande faune sauvage

Il existe de nombreux habitats dans l’écosystème forestier. Nous n’en citerons que deux, les plus significatifs de la structure forestière verticalement étagée : les chiroptères et la grande faune sauvage.

Les chiroptères Depuis peu d’années, les études en écologie révèlent que les chauves-souris sont un bon indicateur de la structure forestière. Peu connues des forestiers, elles sont pourtant essentielles au bon fonctionnement des écosystèmes, car elles sont un élément fondamental des chaînes alimentaires. Ce sont des indicateurs biologiques importants décrivant une structure forestière riche. Pour les prendre en considération dans la sylviculture, il faut tenir compte de leurs exigences variées en habitats tout au long de l’année [325]. Une forêt diversifiée au niveau de sa structure verticale et de ses arbres morts leur est donc plus adaptée. Les petits étant très sensibles aux écarts de températures, il leur faut un microclimat tamponné. Seule une futaie irrégulière verticalement et dense permet de conserver ce microclimat en sous-bois. Leur lieu de chasse ne doit pas être éloigné de leur lieu de vie : la diversité de structure et d’espèces au sein de la forêt leur est donc nécessaire. Leurs proies sont des insectes : les bois morts en sont le principal habitat. Leur source alimentaire doit être importante sinon elles abandonnent le lieu : pour cela les bois morts doivent être en quantité suffisante. Elles s’orientent le long de bordures, de lisières : là encore la diversité structurale leur est importante. La grande erreur de la sylviculture moderne a été de privilégier les peuplements réguliers fermés sans

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Sylviculture d’écosystème

bois morts. Dans de tels peuplements il n’y a aucune chauve-souris. L’idéal pour les chauves-souris consiste alors, pour le forestier, à reproduire au maximum la structure d’une forêt naturelle avec : 1) une grande diversité structurale à la fois verticalement et horizontalement ; 2) des arbres morts et de vieux arbres à cavités ; 3) des trouées ensoleillées ; 4) mais aussi des zones à microclimats forestiers humides. Les réseaux d’îlots de sénescence, parfaits corridors écologiques, sont essentiels pour leur permettre de se déplacer d’un point à l’autre de la forêt et entre massifs forestiers. Ainsi, les trois chauves-souris les plus exigeantes de la forêt comme le Murin de Brandt, le Murin d’Alcathoé et le Murin de Bechstein exigent de fortes densités en bois morts, générant une entomofaune abondante et diversifiée en insectes saproxyliques. Cette densité en bois mort est estimée à 60  m3/ha car ces trois espèces changent de gîtes très souvent et sont en compétition avec d’autres espèces pour les cavités. En outre, la quantité de gros bois doit correspondre à la composition en espèces de la forêt et à son architecture. Le plus grand nombre possible de bois doit rester sur place : branchages, écorces, souches, galettes. Des travaux de Bás [34,35] ont montré que le degré de naturalité de la forêt avait un impact positif sur la plupart des chiroptères et en particulier sur leur densité. La destruction des gîtes potentiels lors d’une coupe doit générer des informations erronées, lourdes de conséquences lorsque les jeunes apprennent à reconnaitre les gîtes de la colonie en compagnie de leurs mères. Ces conséquences sont même désastreuses lors d’une coupe à blanc. La fragmentation du milieu forestier affecte la probabilité de fondation de nouvelles colonies, « ce qui, dans un contexte de pression anthropique toujours plus importante, ne permet pas d’augurer des jours meilleurs pour le Murin de Bechstein » [34,361].

La grande faune sauvage La connaissance de la biologie du cerf permet de comprendre quels milieux de vie lui sont préférables. Le cerf est actif le jour et beaucoup de ses activités sont liées à la prise alimentaire et à la rumination. La majorité de ses activités se situent au lever du jour et à la tombée de la nuit. Ces rythmes diurnes peuvent être différents suivant les animaux et les hardes mais surtout suivant les dérangements. Le cerf a ainsi besoin de zones de tranquillité [362,385,453,455]. La structure forestière doit être étagée pour permettre à la fois la formation d’abris et à la fois, avec la diffusion de la lumière, la croissance d’herbacées composant le bol alimentaire des cervidés  [16,117,255,355,440,441,455]. Un mélange d’espèces ligneuses permet de réduire les dégâts d’écorçage, les cervidés aimant préférentiellement les espèces à bois tendre et n’attaquant pas les vieux peuplements. La densité du sous-bois crée une demi-obscurité qui permet la dispersion des cervidés dans un espace beaucoup plus élargi par manque de nourriture au sol du fait du faible éclairement au sol [532]. Les dégâts sont alors diffus au sein d’un large territoire. Le facteur-clef en forêt est l’hétérogénéité spatiale des peuplements pour la répartition et la densité des populations de cervidés [16,488], et l’aspect naturel des habitats [401].

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

La futaie irrégulière stricto sensu (à structure verticale étagée et dense) est donc la seule qui accepte dans son principe de base la présence naturelle de la faune sauvage et la seule qui développe une structure forestière lui offrant un habitat adapté. Il a été démontré dans de nombreux cas [440] que les « dégâts » de cervidés causés aux peuplements provenaient principalement du fort degré d’artificialisation de ces peuplements.

2.2.2.8

La structure forestière gage de captation du carbone

Dans le contexte actuel, il a été mis en évidence que les changements climatiques avaient des répercussions non négligeables sur la capacité des sols forestiers à conserver leurs stocks de carbone. En effet, avec une augmentation des températures, la décomposition de la matière organique du sol est stimulée [357]. Il en résulte une mobilisation accrue des éléments nutritifs du sol. La productivité forestière en est grandement altérée, ce qui peut avoir des conséquences graves sur le rendement économique et finalement, en retour, provoquer des répercussions considérables pour la séquestration de carbone en forêt du fait de l’altération du couvert forestier. Il est aujourd’hui prouvé que certains types de sylviculture ont un impact très grand sur le captage de carbone dans le sol et sur les stocks de carbone inclus dans la biomasse forestière, le sol et le bois [357]. Les coupes forestières influent sur les flux de carbone dans le sol et également sur les flux de CO2 du sol. D’une part, elles sont la cause d’une diminution de la densité racinaire et de la production racinaire. D’autre part, elles exposent le sol à une évapotranspiration brutale et elles ont un effet direct sur la litière et sur l’activité microbienne du sol [114,116,503]. Toutes les études prouvent que les effets négatifs sur les flux de CO2 du sol sont consécutifs à la coupe rase. Les principes d’un sol forestier mature et protégé des stress induits par la coupe rase (qui provoque la perte rapide des stocks de carbone et d’éléments minéraux accumulés lentement sous le couvert de canopées) sont respectés si la sylviculture est basée sur une inéquienneté d’une part, d’autre part sur la structure forestière et la composition en espèces [410]. Par ailleurs, le stockage de carbone est lié à l’activité photosynthétique des arbres. Les stocks de carbone peuvent être augmentés de 200 à 500 % dans les sols forestiers et de 40 à 50 % dans le sol minéral supérieur selon le type d’espèce ligneuse. Cependant, ces différences dans les sols forestiers et les sols minéraux ne peuvent pas toujours s’additionner  : la répartition du carbone entre le sol forestier et le sol minéral, davantage que la quantité totale de carbone, se différencie suivant les espèces ligneuses dans les forêts tempérées. Cela suggère que certaines espèces peuvent être de meilleurs capteurs de carbone pour la fixation de carbone sous forme stable dans le sol minéral. Certains éléments indiquent qu’une plus grande diversité d’espèces ligneuses pourrait conduire à des stocks de carbone plus élevés, mais la différence d’impact de la diversité des espèces ligneuses par rapport aux effets de l’identité des espèces n’est pas encore claire [500]. D’autres auteurs [242] ont récemment démontré que plus les arbres sont vieux, mieux ils stockent le carbone.

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Sylviculture d’écosystème

En résumé, pour accélérer le cycle du carbone et par conséquent la croissance des arbres en sylviculture, il est nécessaire de privilégier une forêt inéquienne à structure verticale étagée, avec des espèces ligneuses variées, en privilégiant la dynamique des successions naturelles. Ce type de forêt remplira son rôle de puits de carbone bien mieux qu’une jeune forêt équienne à rotation courte qui ne peut être fonctionnelle à ce niveau que de manière intermittente avant de perdre une partie de ses réserves au moment de la coupe rase ou définitive.

Encart 7 – Forêts et stocks de carbone Le rôle des sols bien préservés dans l’accumulation du carbone a été démontré pour des forêts chinoises restées intouchées depuis environ 400 ans [535]. Ces auteurs ont calculé que le stock de carbone dans les 20 premiers centimètres de 230 exemples de sols de cette forêt avait augmenté de 1,4 à 2,3 % entre 1979 et 2003. Les modalités d’accumulation ne sont pas encore clairement établies, car bien des données manquent à la compréhension de la dynamique des sols et demanderaient des études ultérieures. Concernant l’accumulation de carbone dans la végétation, les résultats sont issus d’une vaste compilation de données de productivité, biomasse et âge collectées sur 519 sites de forêts âgées de l’hémisphère Nord, des latitudes boréales aux latitudes tempérées  [295]. Les résultats sont surprenants  : ces forêts anciennes accumulent globalement une moyenne de 1,3 gigatonnes de carbone par an, par le jeu de la stimulation de la croissance des individus jeunes sous les vieux arbres de la voûte : en d’autres termes, la perte de densité du feuillage et la nécrose des racines dopent la croissance des juvéniles en attente dans les sous-bois, dépassant en quantité le carbone accumulé dans les arbres âgés et le bois mort. Ces travaux réfutent l’idée que seules les forêts artificielles en croissance font effet de puits vis-à-vis du carbone et donc participent à l’absorption des excès de carbone, et peut-être de manière bien plus efficace, car ces forêts sont moins sensibles aux effets de l’ozone que les forêts en culture intensive. Mais ces phases hétérotrophes et notamment l’accumulation du bois mort dans les vieux troncs, apportent d’autres contributions aux cycles biogéochimiques (accumulation d’azote, d’eau), selon des capacités variées en fonction de l’espèce et du climat. Ces troncs peuvent donc être considérés comme des réservoirs d’eau et un modérateur du microclimat forestier, à ne pas négliger sur sol mince ou climat méditerranéen.

Enfin, il faut rappeler que le cycle long du carbone organique intervient dans des processus géologiques et se déroule sur des milliers et des millions d’années, comme par exemple l’enfouissement des matières organiques dans les sédiments et roches sédimentaires, leur transformation en combustibles fossiles et leur altération (oxygénation), portant ainsi la réflexion scientifique au niveau de l’éthique.

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

« (…) Notre existence et celle de tous les êtres vivants dépendent de cette mince peau de 20 à 30 cm d’épaisseur qu’est la couche arable du sol, celle dans laquelle les plantes trouvent l’essentiel de leur nourriture. Cette couche doit sa fertilité à la nature de la roche sur laquelle le sol s’est formé, mais plus encore à la quantité et à la nature de la matière organique qu’elle contient. » [22] 20 Principal constituant de la matière organique à hauteur de 58  %, le carbone se situe surtout dans le sol, avec 615  milliards de tonnes dans les 20 premiers centimètres et 2344 milliards de tonnes jusqu’à une profondeur de 3 mètres. Au cours du XXe siècle, le stock planétaire a beaucoup diminué du fait de l’intensification de l’agriculture – émettant dans l’atmosphère sous forme de CO2 une partie du carbone accumulé dans le sol depuis des millions d’années  –, de la généralisation des labours profonds dans les pays développés, de la transformation de centaines de millions d’hectares de prairies en terres cultivées et enfin de la déforestation. La teneur en carbone du sol a ainsi diminué de 60 % en 50 ans, dans les sols limoneux en grande culture du bassin parisien qui n’ont pas reçu de fumure organique. Rien que durant la période 1990–2004, les sols agricoles français ont perdu environ 6 millions de tonnes de carbone par an, soit 9 fois plus qu’auparavant [22]. 21

2.2.2.9

La structure forestière protectrice de la diversité biologique

Une sylviculture en futaie irrégulière stricto sensu assure davantage la préservation de la diversité biologique forestière que toute autre sylviculture. En instaurant une continuité forestière, elle assure un microclimat constant pour toutes les formes de vie sensibles aux ouvertures de canopée brutale par des coupes. Le maintien de petites trouées (liées à des coupes de petites surfaces) est très favorable pour la diversité fongique [404]. Les oiseaux répondent favorablement aux structures plus étagées des futaies irrégulières avec des densités supérieures. Une étude comparative entre la sylviculture régulière et la sylviculture irrégulière dans les Vosges du Nord a montré que la densité totale de l’avifaune était plus forte dans la futaie irrégulière (64,9 couples aux 10 ha) que dans les deux forêts conduites en futaies régulières  (54,8 et 60,6  couples aux 10  ha), mais que les oiseaux des premiers stades y étaient moins fréquents [323]. Autre exemple  : les papillons nocturnes sont aussi mieux représentés en futaie irrégulière grâce à une plus grande hétérogénéité architecturale  [148] de même que les espèces des coléoptères terrestres et volants étaient d’autant plus riches que la structure verticale était étagée et hétérogène et la structure horizontale était

20. http://ecorev.org/spip.php?article920 21. http://ecorev.org/spip.php?article920

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Sylviculture d’écosystème

hétérogène [219]. Toutefois, la sylviculture en futaie irrégulière laisse rarement des diamètres se développer au-delà de 70 cm, ce qui prive la forêt de ses arbres les plus imposants et d’arbres morts. Cela explique qu’il n’y ait pas de différence entre les deux sylvicultures, en futaie régulière et en futaie irrégulière, pour les coléoptères carabiques ainsi que les coléoptères saproxyliques, mais que la différence soit nette avec les parties moins exploitées des forêts [148]. On comprend ainsi également que dans une étude faite en forêt du Rhin, les densités en oiseaux soient plus faibles en futaie irrégulière qui manque de bois mort par rapport à la forêt voisine laissée en libre évolution. De manière globale dans cette étude, il a été observé que plus la structure verticale était étagée et diversifiée et la structure horizontale également diversifiée, plus la diversité biologique des forêts était élevée du fait de la multiplicité des habitats [103,151]. De même, la présence d’un humus plus actif en futaie irrégulière qu’en futaie régulière augmente la diversité biologique animale et végétale [114,116,129,271,485]. Le forestier peut, à juste titre, se demander si la diversité biologique est réservée aux forêts naturelles. Des essais d’interventions sylvicoles – création de petites trouées, ajout de bois mort avec ou sans trouées, trouées plus brûlage dirigé  – menés en Estonie sur 50 parcelles de monocultures de conifères (pin sylvestre et épicéa commun) âgés de 30 à 60  ans, ont permis de mettre en évidence que la diversité des groupes n’était pas définitivement figée à un très faible niveau mais qu’elle répondait différemment aux actions sylvicoles entreprises  [257]. Ainsi, dans cette expérience, la diversité de la végétation de sous-bois a le plus augmenté dans les trouées avec brûlage dirigé (augmentation de la régénération naturelle), les lichens dans les trouées sans brûlage et les bryophytes avec l’ajout de bois mort. L’augmentation de la quantité de coléoptères et de la diversité des espèces est directement corrélée au changement des conditions de lumière à l’intérieur de la canopée. Les peuplements qui étaient homogènes jusque-là, ont augmenté en hétérogénéité structurale et microclimatique après intervention, avec en parallèle un accroissement de la richesse et de la quantité des différents groupes d’espèces. Par une sylviculture appropriée, visant à stratifier la forêt et la diversifier, il est donc possible d’augmenter lentement la naturalité de forêts initialement réduites à l’état de champs d’arbres.

2.2.2.10 La structure forestière garante de la pérennité des forêts La pérennité d’un peuplement est aussi constituée par sa composition en espèces et par le maintien de la diversité naturelle  : seule une structure verticale étagée permet de conserver des espèces dites «  héliophiles  » qui peuvent s’accommoder de pénombre dans les premières années de leur vie mais qui ont ensuite besoin  d’une certaine quantité de rayonnement lumineux pour pouvoir continuer à se développer, rayonnement qui ne se retrouve que dans la mosaïque de lumière des peuplements irréguliers stricto sensu [115] (Photo 22). De la même manière, des espèces dites «  sciaphiles  » peuvent subsister grâce à une certaine dose de pénombre dans ces forêts structurées verticalement et denses (Photo 23).

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

Dans les forêts vierges des Carpates de l’Ouest (Slovaquie) ont été décrits [248] des peuplements mélangés de chêne-hêtre-sapin et feuillus précieux où cohabitent harmonieusement espèces ligneuses sciaphiles et espèces héliophiles avec une surface terrière de peuplement comprise entre 37,7 et 42,9 m2/ha voire 46,8 m2/ha pour certaines hêtraies-chênaies. La structure verticale permet cette cohabitation. En conclusion de toutes ses études en forêt vierge, Korpel [248] affirme que la crainte des forestiers de voir les espèces ligneuses sciaphiles étouffer le chêne sessile en mélange, « n’est pas vérifiée sur le terrain » et il précise que ces chênes peuvent même y être « de haute qualité » s’ils évoluent au sein d’une structure forestière verticalement étagée telle celle de la futaie jardinée grâce à la fine mosaïque de lumière diffuse qui en découle. Ces rayonnements diffus sont connus, ainsi que nous l’avons vu précédemment, pour agir sur les processus biologiques de la végétation ainsi que sur les cycles biogéochimiques du sol, à la différence du rayonnement direct [115]. De même il a été prouvé que la diversité biologique (communément appelée « biodiversité ») d’une forêt était corrélée très étroitement avec la structure verticale de cette forêt [253]. À ceci s’ajoute une plus grande stabilité des sols (montagneux fragiles par exemple), une meilleure reconstitution des peuplements après tempêtes (dégâts parsemés), une meilleure résistance aux agents biologiques pathogènes du fait d’une biodiversité intraspécifique, à laquelle s’ajoute une augmentation de la quiétude du fait de la meilleure filtration des bruits par l’étagement de la structure.

2.3 La structure forestière : moteur de l’économie

forestière

2.3.1

Les caractéristiques du bois produit en futaie jardinée

Toute une bibliographie ancienne existe sur les avantages de couper des arbres de gros diamètres ayant crû en futaie jardinée plutôt que des arbres de petits diamètres. Nous ne la rapporterons pas ici, préférant renvoyer le lecteur à nos ouvrages précédents [114,116] très détaillés sur cette question économique, avec l’étude de cas concrets. La fixation du prix d’un lot de bois repose sur plusieurs critères. Il y a la nature du produit : l’espèce, le volume unitaire de l’arbre, son diamètre, son âge, la qualité présumée de son bois quand on vend sur pied. Il y a la composition du produit : homogénéité ou non du lot. Puis il y a la situation du lot : les conditions d’abattage et de débardage et l’accès.

77

Sylviculture d’écosystème

Le type d’espèce ligneuse est le premier critère de fixation du prix de vente. Il y a des « espèces-refuges » dont on sait qu’elles auront toujours une bonne valeur marchande du fait de leur rareté : par exemple le chêne de qualité qui pourra être utilisé en déroulage ou tranchage  ; l’alisier torminal, etc. Mais un même arbre n’aboutira pas au même résultat (dimensions, forme, qualité) selon les modalités de sa croissance.

2.3.1.1

La croissance des arbres

Qualité du bois Du fait de la structure verticale étagée, l’accroissement en futaie irrégulière, a fortiori jardinée, est plus lent au départ qu’en futaie régulière, mais beaucoup plus soutenu et régulier ensuite. Il s’agit de la période de compression dans la jeunesse, où les arbres peuvent végéter très longtemps sous le couvert des dominants. Cet accroissement très lent a pour conséquence la formation de cernes serrés qu’on appelle cœur serré (Engkern en allemand). L’intérêt de la période de compression est de permettre à l’arbre de constituer un cœur imputrescible, gage de qualité pour le produit-bois final. Durant la période de compression, l’accroissement en diamètre reste inférieur à 1 mm/an, tandis que la hauteur augmente de 7 à 8 cm/an mais ne dépassera pas environ 15 m de hauteur. Le sapin et l’épicéa peuvent ainsi rester 260 à 280 ans en compression. Ces deux espèces pourront ensuite reprendre une croissance normale quand une éclaircie leur aura apporté de la lumière. Ce phénomène se produit couramment dans les forêts denses et anciennes. On notera que si l’apport de lumière est brutal (éclaircie forte, gros chablis), il pourra se produire un décollement des cernes lors du redémarrage de la croissance. Dans tous les secteurs de l’utilisation du bois, ce sont les bois aux cernes serrés et réguliers – donc ayant crû de manière lente et régulière – qui sont préférés. C’est le cas du chêne qui sert à la construction de merrains (vieux chênes de la forêt de Tronçais réputés mondialement pour avoir poussé très lentement) [102,367,505]. C’est aussi le cas des conifères (épicéa, sapin) réputés dans l’Emmenthal suisse pour l’imputrescibilité de leur bois [114,116,330] 22. Même s’il existe des différences de densité de bois entre feuillus à zone poreuse diffuse et feuillus à zone poreuse non diffuse suivant la rapidité de croissance – les feuillus à zone poreuse diffuse présentent une meilleure densité du bois, bonne pour la charpente, avec une croissance rapide, à l’inverse des feuillus à zone poreuse non diffuse – l’essentiel pour la qualité du bois en ébénisterie est d’obtenir des arbres à grain fin, c’est-à-dire à cœur  serré (croissance lente) même si ensuite certains feuillus (à zone poreuse diffuse) ont besoin de croître un peu plus rapidement que d’autres.

22.  Vogel et Maeckler communication orale 1993

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

Le gondolage et le gauchissement du bois qui le rendent impropre à la découpe en scierie (le seul usage possible est alors en poutres), se produisent lorsque les cernes des arbres sont larges, donc à la suite d’une croissance rapide. Ces règles générales dépendent en plus, bien évidemment, de la richesse stationnelle : quand on parle de qualité de bois, on devrait toujours parler de la station où ont grandi ces bois [499,329]. D’autres études [330] ont montré l’importance, en matière de qualité du bois, du bois juvénile par rapport au bois adulte, le bois juvénile se formant principalement dans le houppier vivant de l’arbre. Ce bois juvénile présente des propriétés assez similaires à celles du bois de réaction. On relève toutefois le fait que les problèmes technologiques et les questions liées à la variabilité de ce bois juvénile ont surtout été étudiés chez les conifères. À  titre d’illustration, citons ces recherches sur la qualité du bois des conifères (notamment du Pinus radiata)  : le bois très dense situé dans le bois juvénile, résultant d’une croissance rapide pendant des premières années, s’avère être très cassant. Les auteurs recommandent, en conséquence, une croissance de l’arbre sans précipitation [32,427]. Les connaissances relatives aux feuillus en la matière, sont beaucoup moins étendues. À diamètre d’exploitabilité fixe, les arbres issus d’une sylviculture « intensive  » (plantation à larges espacements = futaie claire, éclaircies fortes) sont coupés beaucoup plus jeunes que ceux issus d’une sylviculture « traditionnelle » (plantation à faibles espacements = futaie irrégulière dense, éclaircies faibles). De ce fait, les arbres issus de sylviculture intensive présenteront au moment de leur abattage une proportion beaucoup plus élevée de bois juvénile que ceux issus de sylviculture traditionnelle. La période de compression en futaie jardinée aurait donc cet avantage de permettre à un arbre qui l’a subie, de présenter moins de bois juvénile qu’un arbre du même diamètre n’ayant pas grandi avec les mêmes contraintes de départ. En outre, l’élagage naturel semble être la particularité des futaies jardinées. Ce constat a été effectué dans les forêts jardinées de Suisse, dans le Risoud notamment 23 et également dans les forêts jardinées de Belgique [414]. En effet, du fait de sa densité, il apparaît que la forêt jardinée est en mesure de maintenir sous la frondaison des cimes le degré d’humidité permettant au champignon décomposeur du bois de se développer [428] 24. Et André Schaeffer de conclure : « (...) l’état serré est indispensable et suffisant pour assurer l’élagage naturel. » [428].

23.  P. 1927 in Journal Forestier Suisse 24. Badoux in A. Schaeffer 1926

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Sylviculture d’écosystème

Intérêt économique des gros bois Les arbres d’une futaie jardinée sont de plus gros diamètres, ce qui a deux avantages  : un volume commercialisable important offrant proportionnellement un revenu supérieur pour le propriétaire par rapport aux arbres présentant un volume inférieur, mais surtout en raison de leur gros diamètre ils passent dans une catégorie supérieure de produits bénéficiant d’un prix plus élevé au mètre cube. L’intérêt à produire de gros bois n’est plus à démontrer. Une simulation de vente de gros diamètres à partir d’un lot d’épicéa de Sitka, vendu par coupe rase en 2007, montre d’une part que les arbres de gros diamètres présents dans le lot ont été dépréciés par la présence d’arbres trop nombreux dans les petits diamètres, et d’autre part que le propriétaire forestier aurait eu intérêt à ne pas réaliser de coupe rase en 2007 car, même en la différant de 10 ans, il aurait fait un bénéfice 25.

2.3.1.2

Le défilement des arbres

Du fait de leur libre croissance en futaie jardinée, les arbres présentent une forme pyramidale à l’inverse des arbres de futaie régulière qui ont une forme cylindrique [254]. La forme pyramidale des arbres offre une diversité de produits supérieure à celle d’arbres de forme cylindrique, avec une proportion importante de produits de haut de gamme comme le déroulage et le tranchage. Elle confère également aux arbres une stabilité plus grande que la forme cylindrique des arbres de futaie régulière : en futaie jardinée chaque arbre a sa propre stabilité à l’inverse des arbres de futaie régulière qui ont besoin de l’ensemble du peuplement pour leur stabilité personnelle. Cette stabilité est aussi un avantage économique du fait de la minimisation des risques.

2.3.2

Le bilan financier de la production et de la vente de bois en sylviculture jardinée

De nombreux auteurs suisses et allemands ont chiffré le bilan d’une production et d’une vente de bois en sylviculture jardinée. Nous renvoyons le lecteur à notre premier ouvrage [114,116] pour de plus amples détails et nous nous tiendrons ici à la citation des résultats les plus importants.

25. Duchiron non publié

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Figure 10 Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

Coûts de l’opération abattage-débardage Une question souvent posée porte sur les coûts d’abattage et de débardage des arbres en futaie irrégulière jardinée. Une comparaison 26 établie sur les tarifs pratiqués dans l’Administration forestière allemande de Basse-Saxe en 1993, met clairement en évidence que les coûts d’abattage et de débardage sont moindres à mesure que les arbres augmentent en volume, les coûts de débardage étant identiques quel que soit le volume, donc finalement les coûts totaux sont moindres avec des arbres de volumes plus élevés (Figure 10).

Prix de l'année 1993 hors taxes Administration forestière de Basse-Saxe (Allemagne)

Coûts (DM/m3)

100 90

Coûts des travaux d'abattage (DM / m3)

80

Coûts de débardage (DM / m3)

70

Coûts totaux (DM / m3)

60 50 40 30 20

0,46-0,499

0,38-0,419

0,30-0,339

0,26-0,279

0,22-0,239

0,19-0,199

0,17-0,179

0,15-0,159

0,13-0,139

0,11-0,119

0,09-0,099

0,07-0,079

0

0,05-0,059

10

Volume unitaire (m3)

 Figure 10  Coûts des travaux d’abattage, coûts de débardage et coûts totaux, sur la base des prix de l’année 1993 (hors taxes) de l’Administration forestière allemande de Basse-Saxe (Duchiron non publié).

26.  Duchiron non publié

81

Figure 11

Sylviculture d’écosystème

Revenu net en fonction du diamètre des bois vendus Un exemple 27 comparant des coûts totaux et des revenus bruts et nets de 4 centres de gestion forestière en Allemagne (Forstämter)  avec des sylvicultures différentes, met en évidence l’avantage de la sylviculture en futaie irrégulière : c’est le Forstamt qui produit des arbres de plus gros volumes unitaires qui présente le revenu net le plus élevé (Figure 11).

Coûts des travaux d'abattage et débardage - Revenus de vente Revenus nets (TTC) (Basse-Saxe, Allemagne)

140,00

Coûts totaux

120,00

Revenu brut

100,00

Revenu net

DM / m3

80,00

60,00

40,00

20,00

0,58

0,25

0,15

-20,00

0,07

0,00

-40,00

Volume unitaire (m3)

 Figure 11  Coûts totaux, revenus bruts et nets de 4 centres allemands de gestion forestière de Basse-Saxe (Forstämter) avec 4 types de sylviculture différents : de la sylviculture produisant de petits volumes unitaires à la sylviculture produisant de gros volumes unitaires. C’est le centre de gestion forestière produisant les plus gros volumes unitaires, qui présente les revenus nets les plus élevés. (Duchiron non publié).

27. Duchiron non publié

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

Bilan économique sur le cycle complet d’une futaie irrégulière Sur le cycle complet d’une futaie irrégulière ou d’une futaie régulière, une représentation [247] comparée des ces deux types de sylvicultures met en évidence que dans la futaie irrégulière dense (type futaie jardinée), la nature effectue des opérations qui Figure 12 incomberaient sinon à l’homme (plantations, soins culturaux, élagage, protection sylvicole) (Figure 12).

 Figure 12  Comparaison des produits forestiers obtenus suivant deux types de sylvicultures  : en futaie régulière et en futaie irrégulière. [D’après Köpsell (1990) adapté par Duchiron].

L’auteur compare ensuite l’évolution des coûts culturaux (y compris les salaires correspondants) par hectare de sol boisé dans différents centres de gestion forestière en Allemagne. Il en conclut que la sylviculture « conforme à la nature » présente, par rapport à la sylviculture en futaie régulière, les avantages suivants : la réduction des coûts par l’utilisation de la régénération naturelle ; la réduction des coûts de soins au niveau des jeunes peuplements et du contrôle de la croissance en mélanges par l’utilisation des relations entre espèces de lumière et espèces d’ombre. Ceci rejoint d’autres observations selon lesquelles les coûts des soins culturaux et des opérations « abattage-débardage » ont été déjà largement étudiés, révélant qu’ils sont moins onéreux en futaie jardinée qu’en futaie régulière [26,30,114,116,140,141,246,247,300,472], et ce, quelle que soit la taille de la forêt.

83

Sylviculture d’écosystème

2.3.3

La rémunération des autres fonctions de la forêt

Comment peut-on donc mesurer la valeur des services écosystémiques autres que la production de bois ? De quelle manière peut-on appliquer des méthodes d’évaluation marchandes et non marchandes qui traduisent les indicateurs biophysiques en une valeur monétaire commune pour mesurer la contribution des services écosystémiques au bien-être ? Des auteurs ont trouvé une voie prometteuse d’évaluation : celle qui relie l’environnement à la santé [475,525]. Ceci étant, il est important de clarifier la question : comment les changements dans les écosystèmes entraînent-ils des changements dans les flux de services écosystémiques ? Comment faire payer les services écosystémiques matériels ? [5,365]. Comment mesurer les services écosystémiques non matériels comme l’esthétique, l’expérience, l’apprentissage et la santé mentale  ?  [99]. Pourtant s’il existe des mesures des bénéfices par exemple pour l’amélioration de la qualité de l’eau, il n’est pas assuré que tous les bénéfices pertinents soient mesurés avec précision [233]. Qui bénéficie des services écosystémiques ? et comment se distribuent les avantages et les coûts des options potentielles de gestion et de politique ? [366] Les services écosystémiques sont difficiles à évaluer parce qu’il n’existe souvent pas de valeur marchande. Certains services écosystémiques ont un prix de marché, comme le prix de la capture d’une tonne de carbone, et alors on peut déduire des permis d’émission négociés  [192,244]. D’autres peuvent être estimés par la méthode des coûts de remplacement qui consiste à évaluer combien coûterait le fait de remplacer un service écosystémique par des alternatives techniques : la fonction de rétention d’eau de la forêt en cas de fortes pluies, qu’il faudrait sinon remplacer par des mesures de protection contre les inondations. Une autre méthode consiste à évaluer les coûts qui seraient générés si le service écosystémique n’existait pas : les coûts provoqués par une avalanche, évités grâce à une forêt de protection qui bloque l’avalanche [48,244]. Quand les services ne possèdent pas de marché, comme la fonction sociale ou la beauté esthétique de la forêt, il faut avoir recours à des méthodes : la méthode des préférences déclarées et la méthode des préférences exprimées. La première méthode tente de déterminer la valeur de la fonction récréative par le biais des coûts acceptés pour se rendre et séjourner dans un écosystème. La seconde consiste à demander quelle somme les personnes sont prêtes à payer pour un service écosystémique. Mais comme les personnes ne comprennent pas bien ce qu’on leur demande, les résultats ne sont pas précis. Une méthode de calcul d’indicateurs à partir de différents services écosystémiques a été mise au point : tous les services sont normalisés sur une échelle de 0 à 100, ce qui permet de comparer directement les services écosystémiques et de donner plus de poids à certains services écosystémiques [241,244]. La sylviculture influe sur les services écosystémiques [48,244]. Et certains services écosystémiques sont complémentaires comme le stockage du carbone et les services de la forêt issue d’une sylviculture d’écosystème. Il faut informer les propriétaires forestiers mais ne pas les inonder de subventions afin qu’ils prennent leurs responsabilités.

84

Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

Voilà autant de questions que les économistes devront résoudre dans les prochaines années avec la demande de plus en plus croissante de ces services.

2.3.3.1

La valorisation de la fonction récréative ou de délassement

Une des fonctions que remplit particulièrement la forêt irrégulière et mélangée, est la fonction de délassement, pour ses formes et ses couleurs variées appréciées du promeneur. Certains auteurs ont réussi à quantifier financièrement l’importance de la fonction de délassement en forêt. L’un d’eux [49,50] a établi une comparaison : pour la forêt de Munich dont le revenu net de production de bois est de 50–70 DM/ha/an, la valeur de l’espace de délassement se chiffre entre 1 000 et 2 000 DM/ha/an, pour des forêts plus éloignées 200–600 DM/ha/an, jusqu’à celles qui ne sont atteintes que par très peu de visiteurs à savoir 40 DM/ha/an. Dans une longue étude [431] sur la valeur de l’environnement, une série d’enquêtes ont été effectuées auprès de la population et ont chiffré, pour la forêt de ZurichbergAdlisberg, la valeur de délassement à une moyenne de 120 Francs Suisses par personne et par an (il s’agissait de savoir combien les gens étaient prêts à payer pour une association dont le but était de protéger la forêt, et la somme à lui consacrer pour planter des arbres). De nombreuses estimations de la fonction de délassement (activités humaines de récréation), réalisées par les différentes universités et stations de recherche forestière d’Allemagne, ont été publiées [46] (citation quelque peu modifiée). En l’occurrence, la valeur récréative de la zone Sud du Harz (Land de Basse-Saxe en Allemagne) pour des hôtes qui y font un séjour, a été estimée à plusieurs reprises. Le Sud du Harz comprend les Centres forestiers d’État (Forstämter) de Lauterberg, Kupferhütte et le Centre forestier communal de Bad Sachsa. La fonction de délassement a été calculée de différentes manières : soit à partir du coût de transport que des personnes éloignées de la forêt seraient prêtes à payer pour aller se promener en forêt ; soit à partir d’un prix que les promeneurs seraient prêts à consacrer à un ticket d’entrée en forêt. La fonction récréative recouvre : les promenades, les excursions, les activités sportives et les observations de la nature. L’année de cette recherche (1992/1993) a totalisé 179 000 curistes dans cette zone du Harz, qui sont restés en moyenne 7 jours. Dans une étude, la valeur récréative a été estimée en moyenne à 2,33 € par jour et par personne. Cette valeur signifie que les curistes seraient prêts à payer 2,33 € par personne et par jour comme taxe forestière plutôt que de renoncer à leur séjour de repos de 7 jours dans le Sud du Harz. Une autre étude utilisant la méthode des frais de déplacement a donné une valeur récréative entre 1,17 € et 4,48 € voire 4,91 € par jour et par personne. La moyenne des deux études donne une valeur récréative de 2,56 € par jour et par personne. Avec les mêmes méthodes ont été calculées les valeurs récréatives de la forêt de la lande de Lunebourg, de la forêt communale de Hambourg et de la forêt « Pfälzerwald » située dans un parc naturel. D’autres études sur cette estimation monétaire de la valeur récréative ont été faites dans d’autres pays, la plupart aux États-Unis.

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Sylviculture d’écosystème

D’un point de vue économique, les fonctions de protection et de délassement font partie inhérente de l’entreprise forestière  [46]. La gestion forestière engendre le résultat de la production forestière au travers de la combinaison des facteurs de production que sont le sol, le travail, le capital et les concessions préalables. Ce processus de production peut être également décrit comme processus organique. Dans les forêts vierges ce processus se déroule sans participation des facteurs de production que sont le travail, le capital et les concessions préalables. Les auteurs [46] considèrent à juste titre que, d’une manière générale, la valeur de quelque chose ou pour quelque chose se situe dans l’intérêt, l’importance, l’urgence que leur donnent les humains. Dans les valeurs environnementales (celles qui se rapportent à l’environnement naturel), la science différencie trois niveaux de valeur : l’utilité comme expression des préférences individuelles, l’intérêt public en tant qu’expression des préférences de la société et la nature dans ses processus et systèmes naturels. L’orientation vers l’utilité répond à la question : quelle « est » pour nous la valeur d’une ressource environnementale telle que la forêt ? L’orientation vers l’intérêt public et vers la nature répond à la question : quelle « doit être » la valeur d’une ressource environnementale telle que la forêt ?

2.3.3.2

La valorisation de la fonction de protection

Les fonctions de protection qu’offre la forêt irrégulière et mélangée, regroupent la protection du sol et celle des eaux souterraines ; celle de l’air et celle du paysage. Toutes ces fonctions peuvent s’estimer en valeur monétaire [46]. Une méthode d’estimation permet d’établir le prix de l’option choisie. Elle allie l’estimation des pertes en ressources financières qui auraient pu être attendues, comme mesure de la valeur d’utilisation, avec une surprime d’assurance d’un foyer comme mesure de la valeur d’option d’assurance. Les études citées sur la fonction de protection donnent des résultats très différents les uns des autres. Cela veut dire que la valeur de la forêt se différencie de manière objective, dans l’espace, dans le temps et en fonction des personnes concernées [46].

2.3.4

Le bilan économique global d’une sylviculture irrégulière de type jardiné par rapport à une sylviculture régulière

Après des décennies de recherche sur le sujet du « pour ou contre » la sylviculture en peuplements irréguliers et mélangés, une étude [504] vient de mettre en évidence que la conversion d’une futaie régulière en futaie irrégulière s’avère être une bonne décision économique surtout si elle concerne des peuplements jeunes. Ce travail est basé sur l’analyse du processus de conversion au-delà de la simple comparaison de la dimension des bois, c’est-à-dire sur un cycle complet. Les résultats ont montré qu’il y a moins de fluctuations dans la structure des peuplements et des récoltes dans le scénario de création d’une structure de peuplements forestiers par l’application

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

continue d’opérations sylvicoles sélectives fréquentes axées sur la structure forestière que dans le scénario de fourniture du volume de bois prescrit sans tenir compte de la structure. La transformation produit un résultat régulier et fiable de bois d’œuvre, un assortiment plus important de différentes découpes de bois, ce qui lui procure un prix plus élevé. L’état de la structure est crucial dans les conditions de départ pour envisager cette conversion car la transformation de peuplements plus âgés n’apparaît pas aussi économique. Les analyses sont en général difficiles car elles sont parfois faites à l’échelle de l’entreprise, mais alors on compare deux types de fonctionnement d’entreprise sans pour autant prendre en considération les conséquences de la conversion d’une forme vers une autre forme. La conversion d’un système régulier en un système irrégulier prend également du temps et elle doit être analysée au plan financier. Il faut donc, dans ces analyses économiques, considérer les deux niveaux : 1) le niveau de l’entreprise et 2) le niveau du peuplement [240]. Les avantages financiers de la futaie régulière peuvent être vus au travers de la facilité de contrôle et de gestion, de l’utilisation optimale de machines et de la récolte de plus grosses quantités de bois par unité de surface avec une qualité homogène. Ses inconvénients reposent sur les faibles stabilité et flexibilité, et sur la récolte finale d’arbres qui n’ont pas atteint leur maturité de coupe financièrement parlant. Et la futaie régulière comporte de longues périodes d’attente pendant lesquelles le propriétaire forestier ne reçoit aucun retour financier [240]. Sous le critère «  maturité financière de coupe  » ressortent clairement les avantages financiers de la forêt irrégulière avec la coupe par pied d’arbre, à diamètre de maturité, par rapport à la futaie régulière équienne où l’on extrait des arbres n’ayant pas atteint leur maturité [239,240]. L’idéal serait de pouvoir analyser, à chaque coupe, l’avantage que l’on a d’extraire tel ou tel arbre en fonction de sa diminution de croissance en valeur et les avantages apportés aux arbres voisins. La plus grande stabilité du système jardiné [240,273] apporte une souplesse de l’offre adaptée aux fluctuations du marché, ce qui est aussi à prendre en considération dans une analyse économique [238,240] (citation quelque peu modifiée) : c’est ce facteur « stabilité » qui est le facteur essentiel du succès de la sylviculture irrégulière. L’effet de « système biologique en auto-renouvellement », permis par le renouvellement de la forêt dans les trouées de chablis et la croissance en sous-étage de la structure jardinée, a également été quantifié comme étant plus rentable qu’un système à coupes progressives, c’està-dire concernant de plus grandes surfaces de coupe [240,315]. S’opposant à une structure ouverte sans sous-étages ou présentant un manque de certains sous-étages, la futaie irrégulière à structure verticale étagée minimise les risques financiers pour un propriétaire. La prise en compte du coût financier des risques fait pencher la balance vers la préférence d’une futaie verticalement stratifiée [45,411]. La productivité d’une futaie irrégulière de type jardiné est également maximisée du fait de l’étagement de ses houppiers qui leur permet de se développer harmonieusement et d’être beaucoup plus volumineux qu’en futaie régulière  [313]. «  Pour chaque mètre carré de surface au sol, la surface supérieure des houppiers en futaie jardinée est deux à trois fois la taille de cette surface en futaie régulière [313] », ce

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Sylviculture d’écosystème

qui est un atout pour la forêt qui a ainsi plus de chances de se maintenir dans un meilleur état de vitalité et de capter les rayonnements solaires de manière optimale. On peut estimer à 10 % l’augmentation de surface des houppiers par rapport aux canopées denses à une seule strate [56] 28. On gagne ainsi 6 % en surface productive par rapport à la futaie équienne régulière et l’accroissement courant dépasse de 133 % celui de la futaie régulière et son accroissement en valeur dépasse de 147 % celui de la futaie régulière  [300]. La production est, par là-même, supérieure en futaie irrégulière, dépassant, dans un exemple slovène, la futaie équienne avec coupe rase d’un million de mètres cubes de bois exploitables par an [110]. La productivité en valeur est, en conséquence, augmentée aux alentours de 20 %, qui plus est, avec des produits de gamme supérieure [21,52,187]. Une fois que la forêt irrégulière est en place, les revenus sont plus réguliers en futaie irrégulière qu’en futaie régulière. Et à ce moment-là, il apparaît clairement que la sylviculture irrégulière est plus rentable que la sylviculture régulière : on comprend bien que c’est la recherche d’une efficacité et d’une rentabilité qui conduit le sylviculteur à choisir une sylviculture proche de la nature [240,504]. On n’oubliera pas que la notion de risque  [440,441] est très importante en gestion forestière. Cette notion non encore soulevée en France n’a été étudiée qu’en futaie régulière par ses auteurs  [45], notamment dans les plantations d’espèces exotiques. La part considérable de risques encourus, en cultivant ces monocultures d’exotiques, devrait être prise en considération dans l’étude économique d’une telle gestion forestière. Le raisonnement des auteurs a été de tester cette hypothèse : « La coupe rase et la monospécificité de peuplements forestiers ne sont pas le choix économique optimal dans l’aménagement forestier quand on considère la perspective d’éviter les risques et d’obtenir une rotation intacte. » Leur objectif a été de conceptualiser un modèle qui permette d’approcher la composition optimale des espèces en mélange et la répartition dans le temps des coupes de régénération de manière à éviter les risques sans avoir défini au préalable le type de sylviculture. Les résultats de la modélisation font apparaître que la meilleure solution économique est une forêt mélangée conduite sans coupe rase, d’une part parce que chaque arbre atteint sa maturité financière, d’autre part parce que la diversité d’espèces est un atout pour les petits comme pour les grands propriétaires. L’étude conclut que la sylviculture irrégulière et mélangée doit être fortement conseillée aux petits propriétaires, au regard des risques et des incertitudes de tous ordres [240,411]. Pour les grands propriétaires s’ajoutent les autres avantages, à savoir la meilleure stabilité et la meilleure maturité financière de chaque arbre. La prise en compte des risques dans l’étude économique d’une sylviculture est toute nouvelle et devra être incluse dans les études sylvicoles à venir en France. Elle s’étend à de nombreux facteurs : les dégâts de cervidés qui ne peuvent être évités qu’en considérant le cerf comme paramètre de l’écosystème et favorable à la biodiversité ; c’est

28. Malcolm et Taylor 1979 in Blyth et Malcolm 1988

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Chapitre 2. L’aboutissement de la réflexion : la sylviculture en futaie irrégulière

aussi la protection des sols contre l’érosion, la protection des sous-bois et des espèces ligneuses face aux à-coups climatiques (phénomènes extrêmes de températures plus excessives tant en chaud qu’en froid [206,398]), la protection du sous-bois face aux polluants toxiques émis par nos sociétés industrialisées [119,440,441], etc. La forêt représente finalement un capital économique beaucoup plus vaste que la seule fonction de production de bois mais dont la valeur réside dans la fonction de production à court et à long terme. En résumé, si l’analyse économique de la sylviculture en futaie irrégulière peut laisser apparaître certains handicaps (le débardage de bois disséminés coûte plus cher que celui des coupes concentrées), la synthèse de tous les facteurs compense largement ceux-ci : un pourcentage de gros bois plus élevé ; pas de plantations ou exceptionnellement ; une économie sur les frais de dépressage ; une meilleure qualité des régénérations sous couvert ; c’est une sylviculture qui minimise l’impact des risques ; c’est une sylviculture qui préserve la biodiversité forestière mieux que la futaie régulière, et qui l’enrichit, à condition de garder des bois morts et des arbres à micro-habitats en quantité suffisante  ; la résilience des peuplements est améliorée : les forêts ainsi conduites au plan sylvicole ont la capacité de se rétablir sans intervention extérieure, celle de l’homme en l’occurrence, après un dommage.

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Chapitre 3

Pourquoi la référence aux forêts à haute naturalité et anciennes ?

3.1 Les caractéristiques et les atouts écologiques

des forêts à haute naturalité et anciennes

Les forêts primaires ont quasiment disparu de la surface de la Terre du fait de l’intervention de l’homme dans ces forêts à un moment donné. Il ne reste que des forêts secondaires, également dénommées « forêts anciennes ». Celles-ci sont caractérisées par une dynamique de trouées dans la canopée, à la fois verticalement et horizontalement grâce à la structure forestière complexe et dynamique et un environnement lumineux de sous-étage. Dans les forêts tempérées et tropicales, les trouées ont tendance à se refermer rapidement du fait de la repousse de la couronne latéralement et de la végétation du sous-bois. Dans les forêts boréales, les trouées ont tendance à durer plus longtemps et à se combler principalement grâce à la végétation du sousbois. La lumière de sous-étage est généralement inférieure à 5 % près du sol de la forêt, les niveaux de lumière élevés y étant rares. Au-dessus de la végétation principale de sous-bois, cependant, la lumière est plus variable et peut atteindre 65 % dans certaines vieilles forêts boréales. Cet environnement lumineux de sous-bois hétérogène agit comme un filtre sélectif qui favorise des adaptations uniques des plantes de sous-bois [306].

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Sylviculture d’écosystème

Les forêts à haute naturalité et anciennes se reconnaissent à des caractéristiques se référant à la fois à la structure et au fonctionnement complexe de l’écosystème [360]. Les caractéristiques de ces forêts peuvent varier d’une éco-région européenne à l’autre. D’une manière générale, elles concernent les points suivants : une grande densité d’arbres (supérieure à celle des forêts gérées actuellement mais inférieure à celle des plantations monospécifiques des années 1965)  ; une structure verticale très étagée et hétérogène dans l’espace et dans le temps, de même que la structure horizontale ; de très gros (diamètres supérieurs à 50–70 cm voire 1 m et plus) et vieux arbres en fonction de l’espèce et de la station ; une grande variation de tailles, d’âges et d’espacement des arbres, avec de grands arbres morts à la fois sur pied et tombés ; des fougères, lichens et bryophytes abondants ; des cimes et troncs cassés et déformés, et une pourriture dans toutes les parties des arbres, y compris racinaire ; une mortalité des arbres de la canopée principalement due aux maladies et au vent plutôt qu’à la concurrence (sauf dans des parcelles de régénération dense dans le sous-bois) ; la forme en J inversé de la courbe de distribution des diamètres ou sigmoïde [84] (Figure 13). En résumé, s’il fallait retenir les indicateurs les plus importants des forêts à haute naturalité et anciennes, on pourrait citer : 1) la biomasse : les forêts anciennes se distinguent des forêts gérées par des quantités nettement plus élevées de biomasse vivante et morte, comprenant une part importante de hêtres dans les strates dominantes et de régénération, et le nombre de grands arbres, ainsi qu’une qualité de cette biomasse morte du fait de la largeur des débris ligneux supérieure en forêts anciennes à celle des forêts gérées [320,321,536]. Il a d’ailleurs été observé une augmentation des stocks de biomasse dans les peuplements secondaires après l’abandon de la sylviculture [195,536] ; 2) le deuxième indicateur porte sur l’âge des arbres : l’âge est très important, car il est en corrélation directe avec les quantités totales de bois mort [536] ; 3) un autre indicateur est la hauteur maximale des forêts : les forêts anciennes dépassent de 5 mètres en hauteur les forêts gérées, probablement parce que les arbres de forêts gérées sont coupés avant d’atteindre leur maximum de croissance ; 4) de même la composition en espèces est aussi un indicateur : le développement du hêtre en forêts anciennes réduit le nombre d’espèces présentes [320,321]. On voit ainsi que le critère de diversité des espèces retenu par certains forestiers en forêts gérées comme étant un indice de diversité biologique d’une forêt, est à utiliser de manière prudente. En outre, si ces forêts sont l’habitat de plantes et de champignons, elles abritent également des animaux  : cette caractéristique est absente des stades de développement précoces et pourtant elle est très importante pour la biodiversité régionale [38,81,231,232]. C’est d’ailleurs sur la présence ou l’absence de ces références que l’on peut évaluer l’impact humain sur les écosystèmes forestiers [530]. Enfin, la diversité génétique est nettement plus faible dans une forêt gérée. Développons ici la particularité de la distribution des diamètres. En effet, très caractéristique des forêts anciennes, la distribution des diamètres a été décrite comme étant marquée par une forte diminution de la densité des arbres dans les classes de diamètres les plus petits et les plus grands avec, pour les classes de diamètres

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Chapitre 3. Pourquoi la référence aux forêts à haute naturalité et anciennes ?

moyens  (entre 45 et 75  cm, voire jusqu’à 95  cm,) un plateau qui devient plus prononcé lorsqu’il est affiché sur des axes semi-logarithmiques  [84,218]. La texture forestière d’une forêt ancienne à forte naturalité ressemble ainsi davantage au schéma d’une distribution sigmoïde inversée [9,182,483], tandis que la forme de la distribution des diamètres des forêts gérées est plus proche d’une distribution exponentielle négative (courbe de Liocourt) qui ne représente, ni plus ni moins, que l’objectif de gestion [483,523]. Dans la courbe de Liocourt d’un peuplement conduit en futaie jardinée, on observe une quantité élevée d’arbres de petits diamètres, tandis que la courbe sigmoïde inversée d’une forêt ancienne révèle la présence d’une plus grande quantité d’arbres de gros diamètres (Figure 13). Ainsi, les forêts anciennes, par exemple celles observées dans les Apenins d’Italie, font apparaître une structure riche de 4 strates verticales très différenciées et un volume de bois sur pied très élevé. Ce volume peut atteindre 1 383 m3/ha d’arbres vivants et une surface terrière élevée de 97,4 m2/ha démontrant une forte densité d’arbres. Les gros arbres représentent ainsi une grande partie du volume total, avec 38,0–95,5 % d’arbres de diamètre supérieur à 50  cm, voire des diamètres supérieurs à 70  cm Figure 13 représentant jusqu’à 73,7 % des arbres de la forêt [84].

 Figure 13   Comparaison des distributions des diamètres entre une futaie jardinée (courbe de Liocourt) et une forêt ancienne à forte naturalité (courbe sigmoïde inversée). D’après Vaillancourt et al. 2017 (empruntée aux auteurs et légèrement modifiée).

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Sylviculture d’écosystème

Face aux changements climatiques dont on prédit qu’ils vont entraîner un déclin généralisé de la biodiversité – prévisions découlant de modèles climatiques qui n’ont pas la capacité d’intégrer la variabilité microclimatique essentielle aux microrefuges de la biodiversité – les forêts à haute naturalité et anciennes ont fait l’objet de mesures et de modélisation en ce sens pour évaluer leur capacité à résister aux aléas climatiques extrêmes [155]. Les caractéristiques de ces forêts semblent avoir un effet isolant : les températures mensuelles maximales au printemps ont diminué de 2,5  °C sur le gradient observé de la structure de la végétation ancienne. De plus, ces effets de refroidissement sur un gradient de structure forestière sont d’une ampleur similaire aux prévisions à 50 ans du Groupe intergouvernemental d’études sur le climat (GIEC) quant à l’évolution du climat : les forêts anciennes, de par leurs caractéristiques, ont donc la capacité d’atténuer les températures qui s’élèveraient anormalement à l’échelle locale. Les stratégies sylvicoles visant à conserver les caractéristiques des forêts à haute naturalité et anciennes, pourraient ainsi maintenir des micro-refuges [155]. La compétition entre les arbres, tant évoquée négativement par les promoteurs de la futaie « irrégulière » claire, se révèle être bien moins importante dans les peuplements denses que dans les peuplements clairs, du fait d’une longue continuité de dynamique naturelle non perturbée par l’homme, la complémentarité des processus aériens et souterrains permettant de modifier ses stratégies d’acquisition des ressources et optimisant ainsi la croissance radiale de l’arbre [115,143,299]. La structure forestière très étagée à l’image des forêts anciennes à haute naturalité transfère par ailleurs à son sous-bois un rayonnement diffus. La lumière joue un rôle vital en forêt, non pas la lumière directe qui est nocive pour les végétaux, mais la lumière indirecte qui est vitale pour la végétation ligneuse du sous-bois. La corrélation entre la régénération naturelle et la quantité de rayonnement diffus arrivant dans le sous-bois est statistiquement significative, toutes choses étant égales par ailleurs [115,299].

3.2 Une remarquable résistance face aux incendies Historiquement, les forêts anciennes à haute naturalité connaissaient des feux naturels. La suppression du feu a été préjudiciable à ces forêts et a fini par détruire toutes les vieilles forêts [51]. La réintroduction du feu dans les forêts anciennes dégradées à incendies fréquents, accompagnée d’une éclaircie appropriée, pourrait être sain pour ces écosystèmes. La diversité d’espèces végétales, principalement herbacées, s’avère être plus importante dans les forêts parcourues par des feux fréquents, que sans feux. Une diversité faunistique (macro- et microfaune, comme la communauté microbienne) s’y associe. On parle de relations symbiotiques entre les arbres, les espèces végétales et le feu. Une étude [275] récente en Oregon aux États-Unis, révèle que les forêts anciennes à haute naturalité sont moins sujettes aux feux que les forêts jeunes et peuvent ainsi constituer un précieux refuge pour la biodiversité dans les zones exposées à des

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Chapitre 3. Pourquoi la référence aux forêts à haute naturalité et anciennes ?

incendies graves. L’étude portait sur la chouette tachetée du Nord et l’impact des incendies Douglas Complex et Big Windy qui ont brûlé dans la région de KlamathSiskiyou en Oregon en juillet 2013, pour ces populations. Les forêts anciennes à haute naturalité ont plus de végétation que les forêts plus jeunes. Pourtant, les forêts anciennes à haute naturalité possèdent davantage de combustible disponible pour les incendies de forêt, ce qui aurait dû augmenter leur vulnérabilité face aux incendies graves, à la mortalité élevée des arbres et à la perte de l’habitat de nidification essentiel de la chouette tachetée. Cependant, les données ont révélé un effet différent. Les auteurs ont classé la gravité des incendies en fonction du pourcentage d’arbres perdus dans un incendie, considérant que les forêts ayant perdu moins de 20 % de leurs arbres dans un incendie étaient soumises à un incendie de faible gravité et que celles ayant perdu plus de 90 % de leurs arbres étaient soumises à un incendie de forte gravité. Ils ont constaté que les forêts anciennes à haute naturalité étaient jusqu’à trois fois plus susceptibles que les forêts jeunes, de brûler à faible intensité : un niveau qui permet d’éviter la perte d’habitat de nidification de la chouette tachetée et qui est généralement considéré comme faisant partie d’un écosystème forestier sain. À l’inverse, les forêts plus jeunes ont subi des incendies de forte intensité. Ceci est logique car les forêts anciennes à haute naturalité peuvent limiter l’allumage des feux de forêt et les températures de combustion, grâce à l’ombre produite par les différentes strates verticales, les températures plus fraîches, l’air et le sol humides, ainsi que les arbres plus grands et plus résistants. Une application à la sylviculture en découle clairement, c’est ce que nous verrons dans le chapitre 6.3.2.5.

3.3 Quelques forêts en bon état de conservation

en Europe – Un exemple de forêt ancienne à gestion très extensive : la forêt de Néra, Roumanie [237,418,484,493]

Auteurs de ce chapitre (recherche en cours) : Daniel Turcu, Florian Borlea, Annik Schnitzler, Jean-Michel Walter, Damien Ertlen, Patrick Gassmann Évoquer les forêts naturelles, c’est pénétrer dans l’univers originel de l’Europe holocène : monumental par l’architecture de leurs plus grands arbres, délicat par l’agencement des plantes en sous-bois, infiniment complexe dans les interactions qui gouvernent leurs formes de vie, intemporel par la lenteur des cycles de la matière. La douce lumière et l’humidité légère de leur espace intérieur ainsi que

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Sylviculture d’écosystème

l’ancienneté des sols protègent tout être qui y vit, d’un manteau protecteur. Ici, les stress extrêmes des longues sécheresses, des grandes chaleurs ou des pluies torrentielles y sont largement adoucis. Ces forêts ne laissent rien partir : ni l’eau qu’elles captent et qu’elles créent, ni la matière minérale qu’elles conservent étroitement dans le sol, ni la matière organique qu’elles renouvellent à l’infini. Aux forêts vierges, nous assignons dans ce livre une mission essentielle : nous aider à comprendre les atouts que nous perdons en exploitant trop brutalement leurs ressources. Ces forêts miraculeusement préservées doivent donc être visitées, étudiées, bien comprises et respectées. C’est bien pour cela que les forêts vierges attirent tant de forestiers désireux de revenir aux sources de leur savoir. C’est d’ailleurs à certains d’entre eux que nous devons aujourd’hui leur conservation. Présenter quelques caractéristiques essentielles des forêts naturelles dans un livre défendant une sylviculture proche de la nature nous a semblé évident, puisqu’elles sont en fait notre référent absolu, à partir duquel seront érigées les règles sylvicoles les plus aptes à préserver l’écosystème, de son sous-sol à sa canopée, pour les générations à venir. Parmi les forêts bien préservées qui subsistent encore dans l’hémisphère nord, nous avons choisi la hêtraie, qui représente l’écosystème forestier majeur de l’Europe centrale et occidentale. C’est au sein de cette entité que se trouvent également les plus vastes forêts à haute naturalité. La Roumanie est l’un des pays d’Europe les plus riches en hêtraies vierges. Certaines des forêts les plus préservées ont été intégrées en 2017 dans la liste des sites du patrimoine mondial de l’Humanité sous la désignation de « Primeval Beech Forests of the Carpatians and Other Regions of Europe ». Il s’agit en fait d’une extension du site préexistant, dénommé en 2007 « Primeval Beech Forests of the Carpathians and the Ancient Beech Forests of Germany ». La réserve naturelle d’« Izvoarele Nerei » (45° latitude Nord ; 22°2 longitude Est, altitudes entre 600 et 1 400 m) est particulièrement spectaculaire par son étendue d’environ 4 677  ha pour la zone cœur et 2 494  ha pour la zone tampon, dans laquelle se trouve une partie de non-intervention et une partie exploitée. Cette forêt est située au sein du bassin-versant de la Néra. Sa préservation est liée à son inaccessibilité et surtout sa situation de zone frontière entre l’ancien empire austrohongrois et la Valachie. Toutefois, rien n’exclut, durant la période ottomane, une présence humaine dans ces forêts, notamment entre les villages du bassin moyen de la Néra vers le plateau de montagne de Semenic, pour la pâture. Ce remarquable écosystème est considéré comme étant la plus importante hêtraie à haute naturalité de toute l’Europe, qui s’est mise en place il y a environ 5 000 ans, depuis le milieu du Subboréal. Depuis, le climat a changé, mais il reste toujours favorable au hêtre. Il est de type tempéré continental avec quelques influences méditerranéennes (hivers modérément froids, étés chauds mais pluvieux) : la température moyenne annuelle est de 7,5  °C, les précipitations entre 750–900  mm sur les collines, 900–1 050 mm à 1 000 m d’altitude. En altitude, la neige persiste

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Chapitre 3. Pourquoi la référence aux forêts à haute naturalité et anciennes ?

jusqu’à 5 mois dans l’année. Les gels tardifs sont fréquents, parfois jusqu’à mi-mai. Le substrat des Carpates est dominé par les micaschistes qui donnent des sols de type brun très acide. Deux types d’habitats ont été répertoriés : Asperulo-Fagetum (9130) et LuzuloFagetum (9110). Les forêts sont constituées en écrasante majorité par le hêtre Fagus sylvatica. En dehors de cette espèce, on trouve de très rares individus de sapin Abies alba (autour de 50, mais quelques centaines de semis), d’orme des montagnes Ulmus glabra (guère plus que 5), moins de dix bouleaux, tilleul et érable (Acer pseudoplatanus et A. platanoides). On note de petites tourbières dans des sourcins. La grande faune est peu abondante, en raison de la faible capacité alimentaire du milieu, mais variée incluant des espèces rares en Europe. Pour les oiseaux, citons Aquila chrysaetos, A. pomarina, Bubo bubo, Strix uralensis, Dendrocopos leucotos  ; pour les insectes  : Rosalia alpina, Lucanus cervus, Morimus funereus, Cerambyx cerdo ; pour les mammifères : Ursus arctos, Canis lupus, Martes martes, M. foina, Meles meles, Mustela putorius, Lynx lynx, Felis sylvestris, Cervus elaphus, Capreolus capreolus, Lepus europaeus, Sciurus vulgaris ; pour l’herpétofaune : Salamandra salamandra, Triturus alpestris, T. cristatus, Bombina variegata, Bufo bufo, B. viridis, Hyla arborea, Rana sp., Anguis fragilis, Natrix tessellata. Les impacts humains actuels sont localisés et les sentiers rares au sein de la réserve : quelques plantations d’épicéa dans les années 1970 (moins de 2 % dans toute la réserve), de petites prairies, un feu dans les années 2000 probablement lié à la présence de bergers sur les prairies qui l’entourent. L’anthropisation est toutefois plus marquée aux marges de la réserve. On note des actes de braconnage pour le cerf et le vagabondage des chiens de bergers dans la réserve qui souvent sont tués par les loups. Et des cueilleurs de champignons, notamment du champignon saproxylique Pleurotus ostreatus.

Caractéristiques structurales de la forêt de Néra Une des forêts les plus hautes d’Europe La densité des arbres à l’hectare est de 350 individus de plus de 8 cm de diamètre, et le volume de bois est d’environ 1 200 m3 par ha. La canopée atteint 50 m de hauteur, ce qui en fait une des forêts les plus hautes d’Europe. Il s’agit là sans aucun doute d’un milieu optimum pour le hêtre. À titre de comparaison, les hêtraies des Hautes Vosges, qui poussent aux mêmes altitudes, sur sols acides mais sous climat océanique, ne dépassent guère 25 m et ont souvent plusieurs troncs. La contrainte majeure dans les Hautes Vosges est la couverture nuageuse qui diminue grandement l’efficacité de la photosynthèse, contrairement aux climats continentaux dont bénéficient les Carpates.

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Une canopée dense Les couronnes de hêtres sont jointives, laissant peu de place à la lumière (Photo 1). Si on considère uniquement les dimensions des trouées, elles sont de petites dimensions, environ 15 % d’ouverture, comme il a pu être estimé par photo prise d’un drone. La durée relative d’ensoleillement journalier en période de feuillaison (mai à octobre) est très variable, allant en moyenne de 1 % à 9 %. Les trouées dans la canopée sont petites, de sorte que 89 % des taches de soleil dans cette période durent moins d’une minute, 8 % d’entre elles entre 1 et 2 mn et seulement 3 % entre 2 et 4 mn. Une autre source de lumière, non visible sur ce profil, est celle provenant des ruptures de pente.

Photo 1 -

 Photo 1  La forêt de Néra est riche en très petites trouées liées à la sénescence des arbres ou des ruptures de pente. La faible luminosité s’explique aussi par la densité de la texture foliaire. Photo Annik Schnitzler

Une canopée et des sous-étages pluricentenaires

Photo 2

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Les carottages effectués sur des hêtres de la canopée et des sous-étages révèlent que les âges sont assez peu corrélés aux diamètres, en raison de la grande capacité des hêtres d’attendre à l’ombre de leurs aînés. Les arbres de la canopée peuvent attendre 5 siècles pour des diamètres de 1 m à 1 m 50. Mais de nombreux arbres de moins de 60 cm de diamètre atteignent parfois 4 siècles.

Chapitre 3. Pourquoi la référence aux forêts à haute naturalité et anciennes ?

D’autres observations très intéressantes ont été faites avec les arbustes des sousbois. En général, ils poussent en petites taches à croissance lente. Il est possible qu’ils forment de véritables communautés qui s’entraident afin de survivre à l’ombre des grands hêtres, peut-être par des connexions racinaires. Des comptages de cernes effectués sur plusieurs centaines d’individus appartenant à la strate buissonnante ont indiqué que 50  % avaient atteint la centaine d’années (Petritan, 2016–2017). Cela s’explique par le fait que la photosynthèse ne peut s’effectuer en sous-bois qu’en lumière fortement atténuée dans le rouge comme l’atteste une estimation indirecte par photographie hémisphérique du rapport spectral (rouge/ proche infrarouge) d’environ 0,8 (à comparer avec sa valeur de 1,1 à 1,4 en découPhoto 2 vert). (Photo 2)

 Photo 2   Communautés de semis bénéficiant d’une entrée latérale de la lumière. Certains peuvent avoir atteint 100 ans. Photo Annik Schnitzler

Une forêt qui a conservé, dans les cernes de ses arbres les plus vieux, les événements climatiques du Petit Âge Glaciaire La croissance radiale globale des hêtres sur les derniers siècles est de moins d’un millimètre par an à 1 000 m d’altitude. Ce chiffre intègre les variations liées à l’âge et aussi et surtout la période climatique particulièrement froide du Petit Âge Glaciaire. Ainsi, les valeurs de croissance radiale, pour 3 individus nés en 1558, 1624 et 1533, sont respectivement de 0,70  mm, 0,24  mm et 0,55  mm jusqu’en 1850, puis de 1,34 mm, 0,49 mm et 0,8 mm depuis cette date jusqu’en 2009 qui correspond à la fin de cette période froide [493].

Des géoformes qui témoignent de la dynamique des chablis sur plusieurs siècles La forêt bien préservée autorise d’autres observations d’un grand intérêt. Ainsi, la motte de terre qui a contenu les racines d’un arbre déraciné est encore visible près de 3 siècles après l’événement (Photo 3). Cela est attesté par le carottage d’un arbre de la canopée qui a poussé sur une ancienne motte encore visible dans le paysage.

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Sylviculture d’écosystème

L’analyse lui a donné un âge de 250 ans. En d’autres termes, les ondulations qu’on peut observer dans la forêt, qui sont les témoignages d’anciens chablis, peuvent subsister un temps de plusieurs siècles, alors que l’arbre s’est incorporé dans le sol en Photo 3près de 50 ans selon les observations sur le terrain (Photo 4).

Photo 4

 Photo 3  Ce hêtre a poussé sur une ancienne motte d’arbre déraciné. Il est âgé de 250 ans. Cela signifie que l’empreinte d’un déracinement marque le sol pour des siècles. Photo Annik Schnitzler

Photo 4  Photo 4  Ce gros hêtre de la canopée a été déraciné récemment. Il mettra moins de 50  ans à être incorporé dans le sol. En revanche, la motte de terre restera visible au sol durant plusieurs siècles. Photo Annik Schnitzler

La forêt de Néra : une formidable productivité mais des cycles d’une infinie lenteur Ces quelques données soulignent la lenteur des processus sylvigénétiques dans ce site. Certes, la dynamique forestière de toutes les forêts d’Europe ne saurait se limiter à cet exemple. Toutefois, toutes les recherches sur les forêts vierges démontrent combien les processus naturels sont bousculés et accélérés lors d’un passage en

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Chapitre 3. Pourquoi la référence aux forêts à haute naturalité et anciennes ?

coupe en forêt. L’un des principes de base de la sylviculture que nous proposons sera de limiter ces impacts, afin que les ressources forestières soient préservées à très long terme. Huit photographies hémisphériques ont été faites dans 4 sites éloignés les uns des autres de la hêtraie. Elles ont été analysées par Jean-Michel Walter. Ces photos ont été faites avec un Fisheye (8mm, 2.8), fixé sur une caméra Nikon monté sur un tripode à 1,5  m du sol, et orienté nord sud. Les négatifs ont été digitalisés à résolution médiane (1650 pixels). Les photos ont été analysé en utilisant « CimesFisheye » [183] et « Gap Light Analyser » [153]. Les résultats indiquent une canopée très fermée (3,5 % en moyenne) à ouvertures de petites dimensions. Le feuillage est essentiellement concentré dans les couronnes, et l’angle de ce feuillage est bas, ce qui suggère une large dominance de feuilles horizontales (on appelle cela une canopée « planophile »). Les données de lumière indiquent que sous ces canopées denses, la lumière diffuse est bien plus importante que la lumière directe, ainsi que l’illustre la course des taches de lumière au cours de la journée  : elles sont rares et de faible durée. Ces taches de lumière ne durent guère plus de 46 mn, ce qui correspond à 5,4 % de la lumière solaire journalière ; mais la plupart des taches de lumière ne durent que quelques minutes. De tels résultats supposent que les feuilles du hêtre sont « opaques » à la traversée des rayons lumineux et qu’elles sont parallèles aux rayons du soleil. Cela explique l’ombrage dense sous les hêtres et la faible productivité des sous-étages, déjà limités par une forte acidité du substrat.

3.4 L’if (Taxus baccata) : un élément de la forêt

naturelle

Ce petit conifère [250] connaît un déclin depuis au moins 3 millénaires dans toute son aire de distribution, très vaste, puisqu’elle couvre l’Europe, de l’Irlande à l’extrême Ouest et l’Iran pour sa limite orientale. L’if atteint au nord, le sud de la péninsule scandinave et au sud, le nord de l’Afrique. On le trouvait sur toutes les îles méditerranéennes et atlantiques (Macaronésie) à altitude moyenne. L’espèce est sensible au gel, ce qui la limite dans sa progression Est européenne, quoiqu’il soit présent jusqu’en Ukraine. Ses exigences sont des sols riches en élément minéraux et des conditions climatiques plutôt humides. Il présente une très grande tolérance à l’ombre, quoique sa croissance s’en trouve fortement ralentie. Cette espèce a connu une expansion maximale au cours de l’Holocène entre 5000 et 3000 ans BP avant de décliner peu à peu. Si les auteurs s’accordent à incriminer les changements climatiques, il semblerait que l’homme en soit le responsable principal, et ce, dès l’Âge du Bronze pour des motifs divers comme par destruction systématique en raison de sa toxicité ou pour favoriser d’autres espèces comme les chênes et le hêtre.

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Sylviculture d’écosystème

Son bois est à la fois très élastique dans la partie aubier et très dur dans le cœur. Il a donc été très recherché (le meilleur des bois pour cet usage) pour la construction d’arcs de chasse et de combat. De très grande qualité, imputrescible, il a aussi été largement surexploité au cours des temps médiévaux et modernes. Ainsi, on construisit les pilotis de Venise en if. Il fut également travaillé pour faire des meubles et de la marqueterie de très grande valeur. On le retrouve aussi comme manches de haches. Et la pharmacopée l’utilise pour des préparations à visée thérapeutique, notamment en oncologie [291]. Mais lorsqu’on le laisse revenir, il peut recoloniser rapidement ses sites d’origine. En attendant, on le trouve le plus souvent dans des sites forestiers riches en falaises et en éboulis. Mais il existe encore des stations plus favorables où l’if est présent, voire abondant. En Slovaquie, dans des hêtraies sur sol riche, sa régénération a été estimée à 1 050 à 1 800 plantules à l’hectare. La structure forestière où il se situe, est le sous-étage (même sous couvert très sombre de hêtre ou de sapin), en bouquets de 10 à 50 ares. L’if est très attractif pour les grands ongulés et ce, malgré la toxicité de ses aiguilles. Toutefois, il résiste fort bien à l’abroutissement par une capacité extraordinaire à la réitération : il émet de jeunes pousses dans les zones abrouties, que ce soit les racines, les branches ou le tronc, qui peuvent aller jusqu’à la reconstitution d’un autre individu à partir de la base du tronc, voire des axes principaux. Cette capacité à la réitération l’aide aussi à supporter les conditions parfois instables de son environnement, comme les chutes de pierre dans les éboulis, les éboulements de rochers sur lesquels il vit parfois, ou les stations très verticales des falaises. Il existe quelques sites où l’if est abondant et n’a jamais été coupé par l’homme, depuis des siècles. Ces sites sont spectaculaires : on y voit des individus déformés par l’âge et les traumatismes, aux diamètres dépassant le mètre, occuper la canopée à eux seuls après la mort des autres espèces. Cela n’est possible que grâce à la formidable longévité de l’if, qu’on dit dépasser le millénaire, mais qui, en tout cas, dépasse les âges des autres espèces de la canopée. Ces arbres très âgés, tous creux, sont parfois investis par des axes qu’ils font pousser vers le bas à partir du tronc et qui finissent par remplir la cavité. C’est alors qu’on peut comprendre que la phase de sénescence ultime dominée uniquement par cette espèce très longévive, manque dans la plupart des forêts actuelles où l’if devrait être présent, même celles qualifiées à haute naturalité. Voir le site : https://histoiresdeforets.wordpress.com/2022/06/13/ les-forets-monumentales-difs-des-monts-cantabriques/. Il a donc une grande capacité à réagir en croissance aux mesures sylvicoles qui lui sont favorables. Les mesures sylvicoles et l’objectif de production doivent prendre en considération que l’if s’associe à une grande diversité d’espèces ligneuses. Le peuplement se structure bien verticalement avec un prélèvement de 35 % de la surface de production dont 70 % dans la strate supérieure et 7 % dans la strate inférieure occupée par l’if. Du fait de sa situation en sous-étage, il ne dépasse pas la hauteur maximale de 17 m quand il est seul et de 11 m quand il est regroupé en buissons, et le diamètre maximal de 32  cm  [424,425] voire 50  cm quand il n’est pas en groupes [290].

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Chapitre 3. Pourquoi la référence aux forêts à haute naturalité et anciennes ?

L’if est actuellement souvent protégé et considéré selon les régions comme une espèce en danger, nécessitant une protection mineure. Pour les sylviculteurs, nous pensons que c’est un diamant oublié au fond d’une boîte. Capable de vivre en sous-étage dans les situations les plus faibles en éclairement, avec une capacité de résistance hors du commun face à toutes les agressions physiques (dégâts d’abattage et de débardage, abroutissement de chevreuils et cervidés), possédant un bois d’une rare qualité, l’if est l’espèce inespérée, la réponse aux interrogations des sylviculteurs pour protéger les écosystèmes forestiers et leur microclimat contre les variations extrêmes de températures et d’humidité des changements climatiques. Il conforte une fois de plus l’idée que les forêts peuvent être denses, fermées, structurées verticalement sans que les espèces disparaissent, et aussi que les forestiers doivent s’armer de patience pour obtenir du beau bois.

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Chapitre 4

L’état des lieux en Europe en 2022

4.1 En France 4.1.1

La notion très floue de futaie irrégulière

En France, de nombreuses forêts exploitées portent le nom de « futaie irrégulière ». Pour autant il n’est pas possible de les caractériser dans un seul type structurel ni même celui des futaies irrégulières stricto sensu car leurs structures sont très différentes les unes des autres du fait qu’elles échappent à un même concept scientifique directeur. On peut dire qu’il y a ainsi presqu’autant de conceptions de la « futaie irrégulière  » qu’il y a de sylviculteurs. On retrouve, sous ce vocable, des futaies jardinées typiques, des taillis-sous-futaies en évolution, des futaies « irrégulières par bouquets » de plusieurs ares (tel que le Manuel d’Aménagement ONF le définit), des futaies « irrégulières par parquets », des futaies claires qui sont la transition entre un taillis-sous-futaie et une futaie régulière à surface terrière très faible préconisée à hauteur de 19 m2/ha. Les organismes publics français se sont alignés d’un commun accord à pratiquer et à prescrire aux propriétaires forestiers cette sylviculture de futaie dite « irrégulière », correspondant à une futaie claire avec cette très faible surface terrière de 19 m2/ha, dont la paternité revient aux auteurs de l’ouvrage « Futaie irrégulière » [492]. En revanche, quand il y a de beaux exemples isolés, ce sont souvent les résultats du travail solitaire d’un propriétaire forestier indépendant des modes et ne se fiant qu’à son bon sens, qui permettent de voir de belles futaies jardinées denses, par exemple

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Sylviculture d’écosystème

dans la conversion prudente de taillis-sous-futaies en futaies. Mais, il suffit d’un changement de gestionnaire ou d’un besoin d’argent ponctuel pour que les résultats d’un long travail minutieux, patient et de longue haleine, soient subitement anéantis. Si nous relisons l’histoire de ces dernières décennies, nous observons que l’évolution sylvicole repose, tant en forêt domaniale qu’en forêt privée, davantage sur des problématiques financières que sur des velléités à apporter des soins à l’écosystème forestier. Ainsi, après les tempêtes de 1999, les forêts publiques sinistrées, jusqu’ici conduites en futaies régulières, ont été laissées en libre évolution dans le processus de reconstitution naturelle pour des raisons financières essentiellement (Forêt de Haguenau, Forêt de Haye à Nancy, Forêt de Schirmeck, entres autres). En forêt privée, cet élan vers la régénération naturelle a également été suivi par certains propriétaires. Mais force est de constater que les plans d’aménagement des forêts domaniales et communales (mais aussi les Plans Simples de Gestion de forêts privées) prévoient de poursuivre vers une sylviculture régulière, c’est-dire que l’irrégularité occasionnée par les trouées de tempêtes va être régularisée pour la simplification du système de gestion. On a ainsi beaucoup parlé de grands changements dans la réflexion sylvicole de l’après-tempête, mais ceux-ci se sont finalement réduits au simple développement de la régénération naturelle pendant une quinzaine d’années pour économiser des replantations.

4.1.2

Des exemples de réalisations sylvicoles

Voici, ci-après, quelques exemples dont les erreurs compromettent durablement l’avenir d’une forêt si l’on souhaitait la convertir en futaie irrégulière. En forêt domaniale de Haguenau et en forêt de Haye à Nancy, le débardage intensif des chablis de décembre 1999 sur des sols très mouillés et sans passer par des layons de débardage, a créé des ornières très profondes. Les sols ont été tassés et asphyxiés pour des décennies, ne permettant plus à une régénération naturelle de se développer dans ces zones-là sauf à pratiquer des interventions mécaniques de restauration des sols. Par ailleurs, les quelques hêtres restés debout ont présenté très rapidement des signes de dépérissement dans les années qui suivirent ces tempêtes (Photo 15). En effet, le hêtre, comme toute espèce sciaphile développe ses racines à vocation alimentaire principalement dans les premiers horizons du sol [115]. Or, ce sol ayant été tassé, défoncé, les racines fines des hêtres ont été soit mécaniquement détruites, soit asphyxiées par l’écrasement des pores du sol, compromettant définitivement l’avenir de ces arbres. En outre, ainsi que nous l’évoquions ci-dessus, dans toutes les forêts domaniales endommagées par les tempêtes de 1999 la régénération naturelle a été souhaitée, développée mais ensuite réduite à la reconstitution d’un nouveau peuplement régulier du fait de la perte de structuration verticale (Photo 24). Les forestiers ont peur du vide, de l’absence de régénération mais s’ils ne l’aident pas à se structurer dès son démarrage quand les surfaces en régénération sont grandes, c’est une nouvelle futaie régulière qui se crée. La même crainte est apparue lors de

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Chapitre 4. L’état des lieux en Europe en 2022

la glandée « du siècle » où, en forêt de Haguenau, le forestier, a eu si peur de la rater qu’il a ouvert très fortement son peuplement et l’a finalement transformé en « prairie à chênes » (Photo 13). En forêt domaniale de Fontainebleau, ce sont les craintes d’un « réchauffement climatique » qui sont le prétexte pour réaliser des coupes rases sur de vastes étendues de sols très fragiles. On coupe des chênes non encore arrivés à maturité, « de peur qu’ils ne meurent  », avant même d’avoir décelé chez eux les moindres signes de dépérissement. Le résultat ne s’est pas fait attendre : une évapotranspiration intense de ces sols sableux mis à nu, une perte de matière organique au niveau des humus et un envahissement par des espèces herbacées exotiques invasives, compromettant l’avenir de ces parcelles où les plantations font désormais grise mine. Le paysage ressemble à présent dans bon nombre de parcelles davantage à des prairies normandes qu’à une forêt… En forêt de Compiègne, c’est la coupe de chênes pluri-centenaires, devenus habitats de chauves-souris au niveau de leur écorce au relief très prononcé (Photos 17 et 18), uniquement pour des questions purement lucratives. Ces vieux chênes vétérans ont traversé les siècles et leurs intempéries, ils jouaient parfaitement leur rôle de semenciers et de protecteurs des arbres plus jeunes et d’une faune protégée, et ils étaient les joyaux de la Couronne de France. L’intensification des coupes combinée à l’abaissement de l’âge d’exploitabilité y a déjà provoqué une homogénéisation à des stades jeunes sur de très grandes surfaces. La persistance de petits îlots de vieillissement (des arbres qu’on laisse plus longtemps en place mais qui finiront quand même par être coupés, alors qu’ils deviendraient attractifs pour la biodiversité) et d’îlots de sénescence (des arbres qui ne seront jamais coupés) au sein d’une matrice de jeunes peuplements, ne pourront garantir la survie des populations d’espèces saproxyliques, de chiroptères, et d’oiseaux qui existaient auparavant, même avec la création d’une réserve intégrale de 150 ha au sud (qui ne représente que 1 % de la surface de la forêt) et d’une seconde aux Beaux Monts. La biodiversité a besoin d’une matrice d’arbres âgés et de bois morts sur toute l’étendue de la forêt. Les faibles surfaces proposées par l’ONF comme solution pour « produire plus, tout en préservant la biodiversité », ne reposent sur aucune base scientifique [34]. Il s’agit de : 1 % de la forêt en îlots de sénescence, 2 % en îlots de vieillissement, 2 arbres à cavités à l’hectare et un arbre mort à l’hectare. La cohabitation entre productivité et écologie se vit donc douloureusement dans cette forêt et la futaie dénommée « irrégulière » en est si fortement éclaircie qu’elle ressemble maintenant, ici aussi, davantage à un champ d’arbres qu’à un écosystème forestier [34] (Photo 16). En forêt privée française, on diffuse les mêmes méthodes : typologies de peuplements (voir chapitre  5.3.2) et normes de surface terrière. On y dénomme d’ailleurs « futaie irrégulière » une futaie régulière claire. On voit des encouragements à poursuivre la plantation d’espèces exotiques telles que le Thuya géant, l’Epicéa de Sitka, le Mélèze du Japon, le Sequoia toujours vert, le Cryptomère du Japon, etc., notamment dans des zones déjà très pauvres de landes, et ce, en préconisant l’apport d’une fertilisation, dont on connaît à présent les graves répercussions sur le déséquilibre de la balance des éléments minéraux du sol mais aussi sur les écosystèmes

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Sylviculture d’écosystème

aquatiques avec la disparition des espèces végétales, puis celle des insectes suivie de celle de la faune aquatique. Ceci n’a pas pour objectif d’aider les écosystèmes [119] à s’améliorer, déjà appauvris qu’ils sont par les pratiques agricoles et forestières passées, mais de répondre à la demande de l’industrie du bois qui réclame de petits bois pour la palette. Lors de l’interview 29 donnée par Evrard de Turckheim, actuel président de Pro Silva France 30, à France-Culture, le reportage télévisé a montré des peuplements extrêmement clairs qui ne présentaient que 2 strates verticales lacunaires, celle de la régénération en bas étage et celle des arbres dominants, avec une prédominance, en densité, de la strate de régénération. Ces peuplements sont pourtant dénommés « irréguliers » et le mot « naturalité » est attribué à la présence de quelques bois morts et de quelques « gros bois » 31. On constate que la « naturalité » des forêts conduites selon cette sylviculture se limite à additionner un certain nombre de critères tels que « quelques gros bois » et « un peu de bois mort ». Mais la sylviculture reste sur un schéma très classique d’éclaircies marquées pour la production de bois. En outre, elle doit être dynamique pour conduire rapidement les houppiers des arbres à la lumière : c’est la recommandation émise pour protéger les forêts du dépérissement dans le contexte des changements climatiques. C’est ainsi que la structure jardinée a disparu des forêts où les éclaircies ont été pratiquées avec des normes, notamment celles de surface terrière et des typologies de peuplements. Mieux vaudrait que les forestiers sortent de leurs schémas préétablis pour venir à la rencontre de la forêt et essayer de comprendre le concept de futaie irrégulière dans sa complexité. En résumé, la tendance générale de la sylviculture actuelle en France est de raccourcir les durées de passage en éclaircies en forêt (passages en éclaircies tous les 6 à 7 ans actuellement contre 15 à 20 ans en 1960) avec l’objectif de « rajeunir » la forêt en pratiquant une «  sylviculture dynamique  » qui ouvre très fortement les canopées [266,440] et empêche certains forestiers de tenter une irrégularisation à long terme des peuplements, car le sous-étage monte en bloc sous une canopée très claire, ce qui revient à refaire une futaie régulière. La sylviculture reste très artificielle, avec pour seule référence celle de l’industrie du bois et ses normes.

4.1.3

L’état des réflexions sur les îlots de sénescence

L’évaluation des surfaces en libre évolution n’a pas été faite pour toutes les espèces. Une première bonne indication est de se référer aux forêts naturelles : selon les auteurs, les volumes de bois mort varient fortement autour de la valeur de 132 m3/ha (entre 50 et 200 m3/ha). Une première question s’impose : en combien de temps une forêt 29. https://www.youtube.com/watch?v=vpJ9DMUIYb0 (reportage de France-Culture, février 2019) 30.  Association française créée en 1990 pour développer une sylviculture dite « proche de la nature » 31. https://www.youtube.com/watch?v=8X0W7vuWE0g (exposé de Max Bruciamacchie lors du colloque de l’association Pro Silva France de 2018)

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Chapitre 4. L’état des lieux en Europe en 2022

exploitée, laissée en libre évolution, retrouve-t-elle un volume de bois mort proche de ces valeurs idéales ? Cette approche a été effectuée [498] en évaluant la capacité d’accumulation du bois mort dans 86 réserves forestières de hêtraie d’Europe occidentale et centrale, protégées intégralement durant une période variant de 25 à 100 ans. Le volume moyen accumulé était de 130 m3/ha, mais avec de fortes variations (de 0 à 550 m3/ha), en fonction de l’âge de la création de la réserve, l’altitude, le type forestier et le volume d’arbres vivants. Cela a été globalement plus rapide à l’Ouest de l’Europe où les tempêtes sont plus fréquentes qu’à l’Est. L’influence des gestions passées est aussi significative, leurs effets pouvant dépasser les 200 ans et même davantage, jusqu’à 500 ans selon d’autres auteurs [245]. Globalement, le processus d’accumulation est long et irrégulier. Une deuxième question est de se demander quels sont les minima acceptables pour la biodiversité qui soient compatibles avec l’économie. Le WWF-France 32 propose la conservation d’un volume de bois mort équivalent à 15 m3/ha, préconisé pour les besoins des coléoptères saproxylophages de Bavière. Mais cela est nettement insuffisant pour certaines espèces sensibles. Ainsi que nous l’avons vu précédemment, les trois chauves-souris les plus exigeantes de la forêt comme le Murin de Brandt, le Murin d’Alcathoé et le Murin de Bechstein exigent de fortes densités en bois morts, qui génèrent une entomofaune abondante et diversifiée en insectes saproxyliques. Cette densité est estimée à 60  m3/ha car ces trois espèces changent de gîte très souvent et sont en compétition avec d’autres espèces pour les cavités. Les études de faune du sol donnent des chiffres équivalents pour certains Gastéropodes sensibles : 50 m3/ha [325]. Une première conclusion à partir de ces données suggère donc qu’une matrice forestière riche en bois mort de 50 à 60 m3/ha, doit être préconisée. Des auteurs [57] proposent que la proportion de bois mort ne soit jamais inférieure à 5–10 % du volume du bois vivant. En outre, la quantité de gros bois doit correspondre à la composition en espèces de la forêt et son architecture. Le plus grand nombre possible de bois doit rester sur place : branchages, écorces, souches, galettes (mais attention à leur instabilité si la grume est prélevée). De plus, 5 à 30 % des arbres vivants doivent être épargnés par les coupes et doivent rester jusqu’à leur incorporation totale dans le sol. En revanche, ces auteurs acceptent les coupes rases de plus de 4 ha et les plantations. À titre de comparaison, en Suisse, les propositions de conservation de la biodiversité partent d’un meilleur niveau de conservation des forêts. Dans ce pays, les forêts sont certes jeunes (une moyenne de 123 ans) mais elles ne sont plus exploitées en coupe rase depuis longtemps et leur volume moyen de bois mort est de 18,5 m3. Nombreuses sont les forêts qui accumulent du bois mort, dans les zones peu accessibles et non rentables. L’Office fédéral de l’environnement suisse préconise 10 % de réserves : 5 % de réserves naturelles sans aucune intervention dont font partie les îlots de sénescence et 5  % de réserves particulières où certaines interventions

32.  WWWF-France 2002

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Sylviculture d’écosystème

sont menées afin de promouvoir d’une manière ciblée une espèce. Il est bien précisé que les îlots de sénescence ne sont qu’un complément à un réseau de réserves forestières de grandes tailles, qui ont pour rôle d’assurer la connectivité entre les réserves. Par ailleurs, le choix de réserves ou de grandes îles dans les zones tombées par les tempêtes représente certes une bonne opportunité pour augmenter rapidement les quantités de bois mort, mais sans plus, car il n’y a pas eu très souvent d’individus en état de sénescence ni d’apport continu en bois mort. Pour préciser les objectifs de conservation de la biodiversité en Suisse, une étude pilote a été réalisée dans deux sites du Jura, comprenant déjà 131 m3/ha (Jura), et 71 m3/ha (Plateau), et de nombreux arbres de plus de 60 cm de diamètre [258]. Ces auteurs ont proposé la création de zones en réserves, chacune de plus de 4 ha disposées en triangle, et reliés par des îlots plus petits (variant de 0,3 à 4 ha). Les sites les plus riches en bois mort ont été choisis. Afin de renforcer la connexion entre îlots, sont ajoutés des « arbres-habitats », qui sont des arbres très vieux ou gigantesques, riches en cavité, ou poche d’écorce, ou partie morte, blessure, fente, aire d’oiseau. Ces arbres ont été sélectionnés de manière à relier les îlots de sénescence entre eux. Pour ces deux auteurs, si la sélection des îlots et des réserves est faite judicieusement, on retrouve rapidement les volumes proches des forêts naturelles (80–120 m3/ha). Précisons que dans ce pays, les propriétaires forestiers sont indemnisés par hectare et année de contrat pour la création de réserves de d’îlots. Ces indemnisations ne compensent pas les pertes économiques. Les arbres-habitats qui ne sont pas reliés à la notion de surface, ne sont pas dédommagés. Que propose-t-on en France ? Les choses avancent doucement autour de la création de réserves intégrales. Un bilan en 2010 note que 0,8 % des forêts domaniales métropolitaines sont en réserve intégrale, qui pourrait monter à 1,4  % avec les projets en cours, avec de fortes disparités selon les régions. Les zones centrales des parcs n’ont que peu de réserves intégrales : 731 ha en réserve intégrale éclatées en 5 en zone centrale des Cévennes, soit 1,3  % de la surface boisée de la zone cœur (57 180 ha). Concernant les îlots de sénescence, leur mise en place est obligatoire dans les plans d’aménagements des forêts publiques. En forêt privée, ils sont recommandés par les organismes gestionnaires. Les chiffres officiels sur lesquels s’appuient les gestionnaires sont les suivants pour l’Office National des Forêts : 3 % de la surface forestière boisée, répartie en 2 % d’îlots de vieillissement, la cible étant répartie à l’échelle de l’Agence avec un effort étalé sur trois périodes d’aménagement suivant la répartition suivante : 50 % pour la première période, 30 % pour la seconde période, 20 % pour la troisième. 1 % d’îlots de sénescence avec un effort étalé sur le calendrier suivant : 60 % de l’objectif en 2012, 80 % en 2020, 100 % en 2030. Dans les zones forestières comprenant des réserves biologiques intégrales, l’ONF fait le calcul de la somme des RBI : si cette somme est supérieure à 1 %, les îlots ne sont pas créés. La notion de connectivité entre réserves n’est donc pas considérée, ce qui diminue grandement leur efficacité pour les espèces sensibles. L’ONF préconise toutefois un peu davantage dans des zones à forts enjeux de préservation de la biodiversité (cœur des parcs nationaux, réserves naturelles) : jusqu’à

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5 % d’îlots de vieillissement et 3 % d’îlots de sénescence, voire davantage en zone de montagne où l’on s’attachera particulièrement à préserver les vieilles forêts à caractère sub-naturel. Ces données ne concernent pas les forêts de moins de 300 ha. Ces propositions que nous jugeons très frileuses, sont reprises par certains auteurs [184] : 3 % de la surface totale en îlots de vieux bois, dont au moins 1 % en îlots de sénescence. Dans le parc national des Cévennes, le comité scientifique de 2005 a validé une proposition nettement plus ambitieuse : mettre 3 à 7 % de la surface totale de la forêt, par grains de 1 à 7 ha, en réserves intégrales et autres zones non exploitées. La répartition pourrait être de 2 à 4 îlots par groupe de parcelles de 100 ha, qui constituent, selon le comité scientifique, la conservation d’un continuum fonctionnel sur le plan génétique et démographique, entre ces îlots et les autres zones de vieux bois (arbres isolés, réserves intégrales ou dirigées, séries d’intérêt écologique, zones de pentes abandonnées à l’évolution naturelle). Ces îlots doivent en outre être représentatifs des différents types de peuplements du parc et inclure des peuplements adultes arrivés à maturité d’espèces autochtones. Le critère de rareté peut être pris en considération (forêt alluviale, forêt de ravin, etc.). Dans la région Rhône-Alpes, l’association Forêts sauvages a proposé un plan d’actions 2009–2013 aux gestionnaires et propriétaires forestiers privés et publics de cette région encore riche en forêt bien préservées, pour constituer un réseau de forêts en évolution naturelle. Ce réseau propose, après 5 années de prospective, de laisser en libre évolution de façon pérenne 10 % de forêt. Les critères de sélection sont de prendre en priorité : 1) les forêts bénéficiant déjà de mesures de protection existantes, des arrêtés préfectoraux aux sites Natura 2000, réserves naturelles, ZNIEFF, parcs nationaux et régionaux etc. ; 2) celles qui sont difficilement accessibles. Ce plan propose de compléter, dans les forêts publiques, les réseaux de réserves biologiques intégrales (4 500  ha) et les réseau d’îlots de sénescence (500  ha par an d’ici 2013, 2 700 ha en 5 ans). Afin de compléter cette action, ce plan propose de contractualiser dans les forêts privées, sur la base du volontariat, 300 ha par an.

4.2 En Allemagne 33 Le programme LÖWE mis en place par Hans-Jürgen Otto en 2005 a été une bonne préparation à la conversion de la sylviculture en Basse-Saxe. Quelques points ont cependant été changés depuis lors. Dans les cas de classements en « protection de la nature », on peut par exemple conseiller l’absence de toute gestion ou bien la mise en œuvre d’une sylviculture « proche de la nature » (naturnah). Les trois points forts de cette sylviculture sont définis ainsi : pas de coupe rase, privilégier la régénération naturelle et cibler la biodiversité. Le principe de la récolte des arbres à diamètre d’exploitabilité et non en fonction de l’âge (donc avec la récolte de plus 33.  Communications orales en 2018 de Rainer Köpsell et de Henning Schmidtke, ces informations étant encore d’actualité fin 2022.

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gros diamètres qu’en futaie régulière), est acquis ; on travaille par trouées pour faire apparaître la régénération naturelle ou à défaut pour introduire quelques plans. De cette manière-là, la structure forestière, en tant que telle, n’est pas l’objectif premier du sylviculteur qui sait qu’elle va automatiquement se développer avec les coupes par petites trouées. Mais on constate au fil des ans que les objectifs des volumes de coupes ont augmenté pour accroître les recettes. Il y a trop d’éclaircies et la conséquence en est un ralentissement du processus de conversion des forêts par rapport à ce qui aurait pu être attendu si le programme LÖWE avait été scrupuleusement appliqué, voire une impossibilité de conversion en futaie irrégulière. La politique grandissante de classement à tout crin de nombreux espaces en sites naturels protégés (notamment en Natura 2000) effraie les gestionnaires forestiers qui coupent les gros bois pour éviter ensuite le blocage par les écologistes, de la vente de leurs bois. Il suffit déjà de baisser de 5 centimètres le diamètre des arbres exploitables et le peuplement qui en ressort est totalement différent de celui qui reste exploité suivant des diamètres de 5 centimètres plus élevés. Ainsi pour des motifs différents, on retrouve en Allemagne la tendance de la France à rajeunir les forêts (Photos 19 et 20). Mais si sur ce dernier point les tendances se rapprochent entre les deux pays, les forestiers allemands, tout au moins ceux de Basse-Saxe, ne travaillent pas sur la base de la surface terrière (on peut dire que l’usage de la surface terrière en sylviculture est un comportement typiquement français). Les indicateurs sont le volume sur pied et l’accroissement, ce qui permet d’établir le volume de coupe. Le volume de récolte doit être inférieur au volume de l’accroissement. Ceci dit, sur le terrain, le marquage des éclaircies ne se fait pas suivant les chiffres attendus mais suivant l’état de la forêt. Tout en ayant l’ordre de grandeur du volume à marquer, le marteleur a en tête trois objectifs fondamentaux  : la coupe d’amélioration, la coupe sanitaire et la récolte au diamètre d’exploitabilité. L’aménagiste a repéré au préalable les interventions à pratiquer dans les différents peuplements. Mais le forestier marteleur a encore une marge de manœuvre. Dans le cas où des tempêtes ont touché des peuplements, les aménagements sont stoppés et de nouvelles planifications sont faites. La structure verticale des peuplements forestiers est importante dans tous les peuplements car elle permet la cohabitation d’espèces ligneuses héliophiles avec des sciaphiles. Mais il existe des cas où la structure se limite temporairement à un ou deux étages et le forestier travaille avec la régénération naturelle qui est en perpétuelle dynamique. La futaie jardinée n’est pas le but fixé par la sylviculture dite « proche de la nature » mais elle n’est pas exclue. Les typologies de peuplements sont totalement absentes de la gestion forestière allemande. L’outil-typologique n’existe que pour classer facilement et verbalement les stations écologiques et n’a rien à voir avec les typologies françaises. Le mot d’ordre qui domine chez les forestiers allemands, est celui-ci  : ne pas contrarier la dynamique naturelle. Ceci confirme encore une constante dans la comparaison historique de nos deux pays : l’alternance entre un interventionnisme important ou un laisser-faire la nature. En l’occurrence, l’Allemagne est actuellement plus tournée

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vers une libre évolution de la nature, que la France. Dans les faits, la densité de couvert boisé en peuplements irréguliers, plus élevée en Allemagne qu’en France, diminue tout de même en Allemagne sous la pression des gouvernements des Länder qui ont besoin d’argent : on se situe aujourd’hui à un volume de bois fort sur pied compris entre 300 et 310 m3/ha en Allemagne ce qui correspond en gros à une surface terrière de 30 m2/ha (contre 18 à 20 m2/ha préconisés en France comme nous l’avons vu précédemment). L’industrie demande des arbres de 40 cm de diamètre, ce qui a abaissé le diamètre des coupes alors que les faibles diamètres étaient à éviter dans les années 1990 mais en contrepartie la réglementation forestière exige qu’il soit conservé 20 % de vieux arbres. Les Verts étant aujourd’hui au gouvernement, il est demandé que 10 % de la forêt du Land de Basse-Saxe soient classés en réserve naturelle. (Ces chiffres sont plus élevés en Forêt-Noire, les volumes sur pied pouvant monter jusqu’à 500 m3 de bois fort/ha en futaie jardinée.) Les espèces exotiques doivent être limitées dans les forêts d’État de Basse-Saxe alors qu’elles ne le sont pas dans les forêts privées. L’intention des forestiers est de se séparer de l’épicéa de Sitka et des différentes variétés de mélèze. Le douglas reste la seule espèce tolérée bien que l’agence fédérale de l’environnement l’ait classé comme espèce invasive. Pour le moment, douglas, chêne rouge et mélèze du Japon représentent 15 % de l’ensemble des espèces ligneuses forestières. Il n’y a pas de cèdre de l’Atlas introduit. L’épicéa va perdre de la surface avec les changements climatiques. De manière anecdotique, on note quelques essais correspondant à un pour mille, portant sur le châtaigner à bois et le châtaigner à fruits. D’une manière globale, la conversion des peuplements pour obtenir plus de feuillus s’avère être plus lente que celle escomptée initialement dans le Programme LÖWE. Le chêne et le hêtre sont les espèces les plus prisées et considérées comme aptes à s’adapter aux modifications du climat. Pour le forestier, le hêtre s’étend un peu trop au détriment du chêne et du sapin. Alors on utilise toutes les perturbations naturelles et certains forestiers tapent plus fort dans les hêtraies (comme dans les Vosges du Nord [174] 34) pour garder ces espèces de lumière. La rotation se fait tous les 5 à 7 ans avec de petits prélèvements à chaque passage, de l’ordre de 40 m3 de bois fort au maximum par hectare. Concernant la régulation des cervidés, le loup est considéré avec bienveillance et intérêt en Basse-Saxe. La fonction de loisirs de la forêt est très développée auprès des populations en Allemagne. Des cartes sont établies, mettant en évidence les exigences des populations, par exemple en matière de sentiers de randonnée. Le forestier est alors tenu d’adapter ses interventions sylvicoles pour répondre à ces attentes. Les exemples d’une sylviculture « naturnah » réussie peuvent se voir dans les peuplements de l’ancien centre forestier Forstamt Stauffenburg rattaché aujourd’hui au Forstamt Seesen, le Forstamt Selhorn, les peuplements de l’ancien Forstamt Erdmannshausen rattaché aujourd’hui au Forstamt Nienburg (Photos 19, 20, 21, 22), 34.  Communication personnelle J-Cl Génot 2018

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également les forêts situées dans le Harz, l’ancien Forstamt Bovenden rattaché à présent au Forstamt Reinhausen, pour ceux qui auraient envie d’aller voir de plus près ces forêts. Citons un exemple tout-à-fait extraordinaire et assez exceptionnel, le modèle le plus beau en matière de sylviculture proche de la nature, est la forêt communale de Lübeck 35. Le gestionnaire forestier, Knut Sturm a osé dépasser les limites craintives de ses confrères du reste de l’Allemagne. Sa stratégie est d’intervenir le moins possible en forêt et d’augmenter le capital forestier. Ainsi en dix ans, la forêt est passée de 40 000 m3 de bois de chêne à 80 000 m3 et son objectif est d’atteindre 150 000 m3 de chêne. De acheteurs viennent de toute l’Europe pour acheter ses chênes de qualité remarquable. La Basse-Saxe a ainsi été, grâce à son programme LÖWE, un moteur dans le changement sylvicole pour toute l’Allemagne. Le danger qui la guette cependant, est l’attraction des recettes à court terme en coupant des arbres de moins en moins gros et cela risquerait de mettre en péril toute la stratégie de sylviculture « naturnah ». Du côté de la recherche forestière allemande on continue d’étudier les critères des forêts anciennes à haute naturalité afin de trouver avec précision l’itinéraire sylvicole qui permette au propriétaire ou gestionnaire forestier d’imiter au mieux le fonctionnement de ces forêts anciennes dans sa forêt gérée [38]. Enfin, on ne peut pas occulter les ouvrages de Peter Wohlleben qui ont eu un retentissement important dans la grande presse internationale. Ce sont des ouvrages de vulgarisation certes, mais ils sont fondés sur des arguments vérifiables et solides scientifiquement. Le succès de ses livres a été très important auprès des populations ce qui prouve une attente véritable de la part des citoyens néophytes – dans tous les pays où les livres ont été diffusés – d’une forêt qui les rapproche le plus possible de la nature.

4.3 En Belgique Une tradition de futaies jardinées de feuillus (chêne, notamment chêne sessile, en mélange avec hêtre, érable et charme) existe depuis longue date : celles-ci proviennent de coupes peu méthodiques dans les peuplements naturels au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, de coupes abusives à de nombreux endroits, suivies d’un long travail de restauration et d’enrichissement pendant plus d’un siècle [375,414]. Sous l’influence de forestiers français, on note aujourd’hui, çà-et-là, une évolution de la sylviculture belge avec l’intégration des normes françaises de surface terrière.

35.  Reportage Arte : https://www.youtube.com/watch?v=LRKMHHDUp6w

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4.4 Au Danemark Au Danemark, une expertise a été réalisée par trois experts de pays différents  : Angleterre, États-Unis et Allemagne (pour l’Allemagne c’est Rainer Köpsell). Il en est ressorti que la conversion en sylviculture irrégulière est réussie la plupart du temps mais qu’elle a été difficile car la politique s’est mêlée des questions sylvicoles et la conversion a été trop rapide. Ainsi quand l’ordre du changement a été reçu par les forestiers, sous la contrainte, soit ils ne voulaient pas de ce changement soit ils n’en étaient pas capables, et le résultat a été mauvais.

4.5 En Grande-Bretagne Un groupe de forestiers [71,202,225,393] a développé sur le terrain la technique du « Selection System » (trad. française : « jardinage »), avec un mélange d’espèces diverses comme le douglas, le pin sylvestre, le mélèze, le thuya, le tsuga, le sapin, le hêtre, le chêne, le frêne, l’érable sycomore et l’orme des montagnes. En 1988 fut dressé un bilan de 35 ans de conversion et de développement en forêt irrégulière, dans la forêt de Glentress [56]. Cette forêt de la Forestry Commission, située près de Peebles à 25 miles au sud d’Edinburgh, s’étend sur 120 ha sur des collines escarpées. La roche-mère est constituée de sédiments de l’Ordovicien donnant des sols généralement bien drainés, aux caractéristiques allant des sols bruns acides aux sols podzoliques sur le sommet de la colline. Vers 1878, le mélèze d’Europe et le pin sylvestre ont été plantés, puis vers 1903 le douglas et l’épicéa de Sitka. La Forestry Commission fit l’acquisition de cette forêt en 1920. Le Professeur Anderson, avec l’agrément de la Forestry Commission, s’engagea à transformer la structure de cette forêt pour atteindre une irrégularité des peuplements. Ses objectifs étaient les suivants : «  1. créer des peuplements mélangés à structure irrégulière la mieux adaptée aux conditions du lieu, afin de maintenir et d’améliorer la fertilité du sol ; 2. maximiser la valeur de la production en augmentant le plus possible capital en volume et également sur la qualité des fûts ; 3. déterminer la composition optimale de la réserve sur pied en croissance, en évitant l’usage de la coupe à blanc, pour la réalisation d’une production soutenue ; 4. obtenir des expériences dans la gestion des peuplements irréguliers ; 5. améliorer l’accès de la forêt pour assurer la récolte de bois de façon satisfaisante. » [56] Le choix des espèces fut réalisé en considérant les résultats des 35 dernières années. Les plantations de hêtre et de sapin pectiné furent interrompues à cause

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de l’abroutissement des cervidés. L’épicéa de Sitka, résistant à l’abroutissement, s’est maintenu. L’érable sycomore, le bouleau et le sorbier des oiseleurs sont ensuite apparus de manière spontanée. Des recherches sur la proportion des espèces dans le mélange donnèrent ceci : 50 % d’épicéa de Sitka, 40 % d’autres conifères, 10 % de feuillus. Ces débuts d’évolution vers la forêt irrégulière amenèrent les forestiers à l’estimation qu’il était encore trop tôt pour conclure après seulement 35 ans de sylviculture dans ce sens, mais que dès à présent, la diversité structurale profitait à la biodiversité de l’ensemble de l’écosystème forestier, et qu’au plan économique ce système ferait aussi ses preuves. Quant à la dimension nouvelle de la fonction sociale que ce système apportait, il était aussi intéressant d’en prendre note. Enfin York, membre  [534] du Continuous Cover Forestry Group, faisait état de « remarquables résultats » obtenus dans les « forêts jardinées » de Grande-Bretagne. À partir des années 1990, l’influence francophone s’est fait ressentir notamment dans les cercles de réflexion sur la futaie irrégulière avec l’introduction des normes françaises de surface terrière.

4.6 Bilan comparatif de cet état des lieux

international – Un exemple à suivre : Croatie, Slovénie

La France qui avait eu de très bonnes idées avant-gardistes dans les siècles passés même par rapport à ses voisins européens germanophones, s’est retrouvée embrigadée dans des schémas productivistes au cours du XXe  siècle certainement déjà à cause de la perte de nombreux forestiers morts durant les deux guerres, ce qui a entraîné des vides scientifiques et techniques après-guerre, mais, aussi et surtout, avec la création du Fonds Forestier National et les incitations financières très alléchantes qui s’en suivirent. On incita notamment les propriétaires forestiers à réaliser des plantations monospécifiques moyennant une exonération trentenaire de l’impôt foncier. Dans les années 1990, on a pu croire que la conversion des mentalités allait se produire, notamment avec la création d’associations de forestiers prônant une sylviculture plus «  proche de la nature  », mais les objectifs de rentabilité à court terme sont finalement apparus rester les plus importants, tant dans l’esprit que dans la manière d’opérer de ces mêmes forestiers. Ainsi ceux-ci ont rapidement prôné une sylviculture dynamique ouvrant rapidement et fortement la canopée pour permettre aux arbres de sous-étage de gagner plus vite le sommet de la canopée, à l’image des plantations à larges écartements qui avaient enthousiasmé la forêt privée durant ces dernières décennies. En Allemagne, le Programme LÖWE a donné une nouvelle impulsion à la sylviculture de Basse-Saxe puis progressivement aux autres Länder qui ont classé à présent la coupe rase comme exception à éviter dans la mesure du possible. Mais les

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Chapitre 4. L’état des lieux en Europe en 2022

besoins financiers actuels des gouvernements poussent à l’intensification des coupes en forêts, avec un prélèvement de bois qui sont récoltés à des diamètres plus faibles aujourd’hui. Seule la forêt communale de Lübeck se rapproche le plus du modèle naturel. En tout état de cause, les différents états des lieux font apparaître que la notion de futaie irrégulière n’est pas la même en France et en Allemagne, ce que confirme un rapport d’excursion de l’ANW allemande en Alsace [443], avec une ouverture des peuplements plus forte en France qu’en Allemagne. En revanche, deux pays se distinguent parmi tous les autres  : la Croatie et la Slovénie. Ces deux pays ont, à force de recherches sur le terrain, mis au point une sylviculture basée sur des observations de longue durée des forêts anciennes à haute naturalité. Après avoir effectué une étude [62] comparative des forêts inéquiennes de la région, ils ont mis en évidence une dynamique prononcée dans la structure et la composition des peuplements, tant dans les forêts jardinées que dans les vestiges de forêts vierges. Une autre conclusion très importante est que la dynamique des peuplements peut différer selon les sites. De nombreuses autres études dans des régions et types de forêts différents ont abouti aux mêmes résultats. Ces résultats remettent en question la compréhension traditionnelle de l’absence de dynamique de structure et de composition des peuplements, qui est encore largement présente dans les études sur les forêts. Et cela remet aussi profondément en question, s’il en était encore besoin, les typologies figées de peuplements qui régentent la sylviculture « irrégulière » en France.

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Chapitre 5

Quelles sont les erreurs sylvicoles des sylvicultures dites « proches de la nature » ?

La sylviculture en futaie irrégulière, c’est-à-dire structurée verticalement, est une sylviculture qui exige un savoir-faire s’appuyant sur une solide connaissance de la dynamique des écosystèmes. Si la futaie jardinée a été développée par de grands forestiers durant le siècle passé, un renouvellement des « théories » durant ces vingt dernières années a été mis en œuvre en forêt aboutissant à des réalisations sylvicoles très éloignées du concept de sylviculture « proche de la nature ». La sylviculture «  proche de la nature  » ou sylviculture en futaie irrégulière a été pensée par ses pères fondateurs (Gayer, Möller, Leibundgut) en observant, pour imiter ensuite, les modes de fonctionnement des forêts naturelles. Aussi allons-nous reprendre point par point les caractéristiques, les plus significatives statistiquement, des forêts à haute naturalité et anciennes, qui, nous venons de le voir, présentent les meilleures capacités de résilience. L’objectif de notre ouvrage est en effet d’offrir au lecteur une relecture critique des méthodes sylvicoles utilisées ces trente dernières années, au regard des changements climatiques actuels, pour proposer un concept qui garantisse aux écosystèmes une pérennité et finalement leur rentabilité économique pour les propriétaires.

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Sylviculture d’écosystème

5.1 Les erreurs 5.1.1

L’ouverture de la canopée et ses conséquences écologiques

La première erreur est l’ouverture trop forte des peuplements à la suite d’une volonté de «  dynamiser  » la sylviculture, pour faire monter très rapidement les houppiers au sommet de la canopée. Cette «  dynamisation  » de la sylviculture a pour objectif de stimuler la production de bois et la sélection des belles tiges, et de limiter les risques face au changement climatique. Ceci représente une violation d’un des principes fondateurs de l’association européenne Pro Silva, lors de l’Appel de Robanov Kot en 1989 : les forestiers s’engageaient en effet à travailler avec une sylviculture patiente et respectueuse des lois naturelles. À cette fin de dynamisation sylvicole, il a été fixé l’objectif optimal de densité forestière à 19 m2/ha [492] et il est réalisé des passages en éclaircies de plus en plus rapprochés pour faire les coupes d’amélioration et de récolte (éclaircies entre 7 ans et 10 ans pour les feuillus et entre 5 et 10 ans pour les conifères actuellement [6], contre 15 à 20 ans en 1960). On se retrouve finalement avec des peuplements peu denses exposés à tous les aléas climatiques, où la continuité du couvert a été interrompue contrairement à ce que laisse entendre l’appellation de cette sylviculture. Il n’y a malheureusement que trop peu d’auteurs à alerter sur les dangers d’une telle sylviculture [119,440–442,496]. Cette dynamisation de la sylviculture résulte d’une volonté d’établir des compromis entre la sylviculture régulière et certains aspects de la sylviculture irrégulière afin de garder l’élan de la gestion forestière productiviste et de répondre ainsi favorablement aux exigences des lobbies de la filière bois tout en ayant une forêt un peu plus hétérogène. Un indice révélateur en est la mise en parallèle de la courbe sigmoïde inversée des forêts anciennes avec une courbe de valeur du bois en euros qui serait exponentielle [491] (Figure 14), montrant l’attente prioritaire de revenus avant-même d’avoir essayé de comprendre ni même respecté le fonctionnement complexe de l’écosystème. D’un point de vue scientifique et également éthique, la courbe sigmoïde inversée aurait dû être mise en relation avec les bénéfices écologiques que procure la présence de très gros bois dans une forêt ancienne à haute naturalité. De plus, cette comparaison de deux courbes n’est pas exacte car l’accroissement en valeur du bois ne suit pas une courbe exponentielle mais une courbe telle que la figure 15 le représente dans le cas d’une plantation d’épicéa. Nous ne connaissons aucune espèce ligneuse dont l’évolution de la valeur du bois suivrait une courbe exponentielle. De plus, la valeur du bois augmente en marches d’escalier (passage dans des catégories de bois supérieures) et non suivant une courbe continue. Également ceci : la valeur du bois ne peut pas être positive à 0 m3… erreur d’impression du graphique ? En outre, tant que les bois ont de petits volumes, la valeur est toujours négative puisqu’il faut en déduire les frais d’abattage et de débardage. En conclusion : ce graphique démontre que la logique et les recommandations sylvicoles sous-jacentes à ces affirmations ne sont scientifiquement pas exactes.

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Chapitre 5. Quelles sont les erreurs sylvicoles des sylvicultures dites « proches de la nature » ?

Euros Sigmoïde (volume)

Année Figure 15 Figure 14  Comparaison des deux courbes d’accroissement de la valeur du bois parallèlement à l’accroissement en volume. – D’après Turckheim 2006 (graphique emprunté à l’auteur et légèrement modifié).

Valeur ($/m3)

Coupe rase Coupe sélective 0

Volume (m3)  Figure 15  Courbe de l’accroissement de la valeur du bois en fonction de l’accroissement du volume et du type de coupe. Cas d’une plantation d’épicéa. – D’après Soucy 2010 (graphique emprunté à l’auteur et légèrement modifié).

Si une coupe des arbres de gros diamètres en futaie jardinée structure le peuplement, en futaie extrêmement claire qui n’a déjà pas de structure verticale identifiée, ce type de sélection des arbres n’aboutit pas à un résultat structurant la forêt. Par ailleurs, un autre argument pour ouvrir la canopée est d’invoquer la nécessité d’avoir une surface terrière comprise entre 14 et 19 m2/ha pour la sylviculture des feuillus héliophiles, notamment celle du chêne [6]. Cet argument ne tient pas face à la réalité de terrain. En effet différents travaux de recherche ont prouvé que le chêne pouvait se développer dans des peuplements beaucoup plus denses [114–116,248] (Photo 22) : même si les chênes peuvent ne pas être l’espèce prédominante au début du développement du peuplement, au fil du temps, leur importance peut augmenter en fonction des espèces concurrentes [90,196,220,339]. De plus, comme nous

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Sylviculture d’écosystème

le verrons au chapitre 5.1.1.3., les taux de croissance apparaissent ne pas dépendre exclusivement de la densité des concurrents potentiels mais aussi de l’agrégation des arbres de la même espèce de grand diamètre et de leur rôle fonctionnel dans la régulation des processus de filtrage biotique [143,299]. La structure forestière irrégulière tant verticalement qu’horizontalement est la seule condition pour l’apparition ou le maintien de certaines espèces plus exigeantes en lumière. Enfin, il est une grave erreur de réfléchir la forêt à l’échelle de temps de l’agriculture. C’est encore là le constat que certains forestiers, déclarant pratiquer une sylviculture « proche de la nature », ne respectent pas le rythme de la dynamique naturelle en voulant forcer l’apparition de telle ou telle espèce qui leur paraît plus lucrative. C’est aussi un grand risque économique que de faire des paris financiers sur l’avenir.

5.1.1.1

La perte d’espèces

La conséquence de l’ouverture trop forte des peuplements est la régularisation de leur structure (nous parlons bien de structure verticale), la perte d’espèces ligneuses, voire l’inversion d’espèces. À  titre d’exemple, en 2004, dans la «  Forest Marble Clay » [95] en Grande-Bretagne, au sein d’un peuplement jusque-là composé d’un mélange de feuillus à dominance de chêne, on pouvait constater l’inversion d’espèces avec la disparition du chêne au profit du frêne, à la suite d’une éclaircie basée sur la « norme chêne » de surface terrière établie par des auteurs français depuis le milieu des années 1990 et publiée dans un ouvrage en 2005 [492] : l’éclaircie ayant été beaucoup trop forte (pour donner de la lumière à la glandée), cet apport massif de lumière a provoqué l’explosion véritable de la régénération naturelle du frêne jusque-là latent 36. En Alsace, la sylviculture a modifié ses règles après les tempêtes des années 1990 qui ont causé de gros dégâts aux forêts et après une pénurie de finances pour subventionner les plantations. Dans les Vosges alsaciennes, les coupes rases sont, depuis, interdites. Toutefois, la sylviculture reste très artificielle, avec pour seule référence celle de l’industrie du bois avec ses normes stéréotypées. La trop grande ouverture de la canopée, qui diminue le nombre de mètres cubes à l’hectare [440,441], empêche certains forestiers de tenter une irrégularisation à long terme des peuplements, car le sous-étage monte en bloc sous une canopée très claire, ce qui revient à repartir sur le schéma d’une futaie régulière (Photo 24). Le rapport d’une excursion de l’ANW allemande en Alsace en 2013, révèle que l’ouverture très forte des chênaies visitées, pour profiter de la glandée, a ouvert la voie à un basculement de la composition des espèces avec la disparition du chêne [443]. Dans les Balkans  [62], les forestiers ont constaté que le fait de couper les arbres beaucoup plus jeunes pour leur éviter de dépérir avec les changements climatiques, avait conduit à la disparition du sapin.

36.  Continuous Cover Forestry Group, guide d’excursion, 2004

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Chapitre 5. Quelles sont les erreurs sylvicoles des sylvicultures dites « proches de la nature » ?

Qu’en est-il du hêtre (Fagus sylvatica) dont on attribue le dépérissement actuel au changement climatique de ces dernières années ? Une étude allemande [124] vient de mettre en évidence à l’aide de la dendrochronologie que la cause principale de la récente explosion de mortalité dans une forêt protégée de hêtre en Allemagne était la sécheresse de 1976. L’analyse des cernes des arbres vivants et morts a fait apparaître une diminution de la croissance radiale sur une décennie après cet épisode climatique. Les chercheurs ont également découvert qu’une autre cause était la grave sécheresse de 1947, combinée à une coupe forestière intensive à cette époque-là. L’ouverture des peuplements a entraîné des taux d’accroissements élevés pendant trois années consécutives même si les conditions climatiques étaient alors proches de la moyenne : c’est la libération de la concurrence qui a permis cette augmentation du taux de croissance radiale. Cela a d’ailleurs certainement influencé la manière de raisonner la sylviculture car les modèles de croissance allemands ont changé à partir de 1950 en faveur d’une libération de la croissance après une éclaircie tant pour le hêtre que pour le chêne [124,382]. Mais récemment, il a été constaté dans les peuplements de hêtre que les fortes éclaircies pouvaient réduire la vitalité des arbres et provoquer des tendances de croissance négative chez les arbres restants, probablement renforcées par les stress hydriques dus aux épisodes de sécheresse (cas observés dans les hêtraies slovaques), et conduire à une réduction permanente de la santé des arbres, alors que les peuplements non éclaircis présentaient des augmentations de croissance [63,124]. De la même manière, il a été observé qu’une coupe ancienne avait des impacts négatifs sur la santé des arbres dans les forêts de sapin dans les Pyrénées [85,124]. Certains auteurs [106,124] ont pourtant constaté une augmentation significative de la résistance et la résilience du hêtre après la sécheresse de 2003 pour les arbres subsistant dans des peuplements qui avaient été éclaircis. Et, ils en concluent que l’éclaircie peut partiellement atténuer les effets de la sécheresse sévère sur les forêts de hêtre dans le sud-ouest de l’Allemagne et « peut être appliquée comme une mesure adaptative pour augmenter le potentiel d’atténuation des peuplements de hêtres. » Sur ces recommandations et après avoir analysé les dates d’inventaire forestier des forêts de hêtre du centre de l’Allemagne, d’autres auteurs [124,308] précisent que leur étude n’a pas confirmé une influence générale de la gestion, sous forme de suppression d’arbres, sur les taux de mortalité. Mais ils ont constaté que, pendant les années de sécheresse, la sylviculture avait modifié la distribution de la mortalité au sein de la communauté des arbres, avec un déplacement de la mortalité vers les arbres de peuplements à canopée plus dense. Ils encouragent de ce fait à pratiquer des éclaircies pour diminuer la concurrence intra-spécifique. Deux observations se dégagent cependant de ces conclusions favorables aux éclaircies pour la survie du hêtre : 1) les peuplements dans lesquels ont été pratiquées des éclaircies avec succès, étaient équiennes et donc se faisaient concurrence au niveau racinaire, ce qui n’aurait pas été le cas s’ils avaient été inéquiennes et structurés verticalement du fait de l’étagement racinaire à l’image de l’étagement des houppiers [115] ; 2) les auteurs favorables aux éclaircies fortes ont étudié la réponse des arbres à la sécheresse à court terme (4 ans) alors que l’étude dendrochronologique a analysé les conséquences à long terme de l’éclaircie [124] tout comme l’étude sur les sapins des Pyrénées [63].

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Sylviculture d’écosystème

L’étude dendrochronologique aboutit à cette conclusion que la résistance et la résilience de la croissance à court terme en réponse à une sécheresse ne permettent pas de prédire qu’il n’y aura pas de risque de mortalité du hêtre à long terme. Les causes du dépérissement récent du hêtre et d’autres forêts tempérées de feuillus, mortalité que l’on attribue au réchauffement climatique actuel, ne pourront être pleinement appréhendées que lorsque les répercussions des événements de stress du passé sur la croissance et la vitalité des arbres seront cernées. En effet, les mécanismes physiologiques qui aboutissent à une mortalité décalée dans le temps, nécessitent une étude plus approfondie. Nos travaux [115] s’appuyant sur des analyses de lames fines d’humus dans différents peuplements, avaient fait apparaître que le peuplement de hêtre qui avait subi une éclaircie peu d’années auparavant (Figures 7 et 8), présentait une mortalité significative de racines fines (racines alimentaires que les espèces sciaphiles développent particulièrement dans les premiers centimètres du sol) correspondant à un stress hydrique dû à une ouverture du peuplement. Rappelons ici que nous avons mis également en évidence que la conservation de l’eau dans les différentes strates du sol était mieux assurée dans les peuplements étagés verticalement que dans les peuplements monostratifiés. Ceci a conduit à la conclusion que dans le contexte du changement climatique actuel, la sylviculture la plus adaptée au hêtre est une sylviculture de type jardiné, dans une forêt dense, avec une stratification verticale des peuplements et des éclaircies effectuées avec beaucoup de prudence par pied d’arbre. Dans le chapitre concernant l’ozone (1.2.6), nous avons également vu que le dépérissement des arbres après la sécheresse de 2003 n’était pas dû à cette sécheresse, mais à la pollution à l’ozone de 2004. Aussi ne faut-il pas tirer des conclusions hâtives avec une vision de court terme sur les présumées conséquences immédiates du changement climatique et donc sur une modification urgente de la sylviculture pour ouvrir très fortement les peuplements. Si la compréhension de la mortalité des arbres associée au changement climatique est essentielle pour établir un lien entre les impacts de celui-ci, la structure et la fonction des forêts, et finalement pour en tirer des enseignements quant à la sylviculture à adopter, il n’est pas certain que les augmentations actuelles de la mortalité des arbres soient attribuées au changement climatique ou aux processus de développement des peuplements. De plus, l’interprétation de la mortalité des arbres associée au changement climatique dans les vieilles forêts repose sur une hypothèse non vérifiée selon laquelle les effets du changement climatique seraient les mêmes pour les jeunes et les vieilles forêts. Or, il faut bien distinguer les effets du changement climatique de ceux des processus de développement des peuplements, sur la mortalité des arbres. Le changement climatique et les processus de développement forestier influencent tous deux l’augmentation de la mortalité dans le temps mais les augmentations associées au changement climatique sont nettement plus élevées dans les jeunes forêts que dans les forêts anciennes et elles résultent de la plus grande sensibilité des jeunes forêts au réchauffement régional et à la sécheresse [293].

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Chapitre 5. Quelles sont les erreurs sylvicoles des sylvicultures dites « proches de la nature » ?

5.1.1.2

La destruction du microclimat et des flux hydrologiques forestiers

Cette ouverture recommandée des peuplements – et donc la rupture de la continuité du couvert – aboutit à une destruction du microclimat forestier dont les mécanismes régulateurs sont cruciaux à notre époque de changements climatiques : l’entropie des futaies claires est extrêmement faible et ne permet pas à l’écosystème forestier de se protéger des modifications extrêmes de températures, à la différence des forêts denses et surtout des forêts anciennes à haute naturalité. Nous renvoyons le lecteur aux chapitres sur le microclimat et sur les forêts à haute naturalité et anciennes. L’ouverture des forêts détruit toutes les caractéristiques des forêts anciennes à haute naturalité. Une étude récente a mis en évidence que lors de l’ouverture des forêts (éclaircies d’amélioration ou coupes de production), les premiers stades de la régénération avaient les effets les plus significatifs sur l’hydrologie du bassin versant, notamment au stade de fourrés : il est alors apparu des problèmes liés à la quantité et à la qualité de l’eau pour les bassins versants secs à modérément humides. Ces problèmes ne sont que transitoires dans les forêts « plus anciennes ». Ce constat laisse présager des problèmes de flux d’eau et des conséquences écohydrologiques du changement d’occupation des sols [328]. Les conséquences peuvent être problématiques pour le peuplement principal si la densité de couvert diminue de façon notoire. Ainsi, il a été observé que la proportion de chênes dépérissants était plus élevée dans les peuplements les moins denses [28]. L’âge de la forêt est également important dans le processus d’évapotranspiration et rajeunir une forêt a des conséquences sur ce processus. En effet, l’évapotranspiration atteint un maximum lorsque la forêt est âgée de 40 à 60 ans ; elle est approximativement égale à celle d’une végétation courte à 100 ans et diminue ensuite quelque peu dans les forêts plus âgées qui rentabilisent mieux leurs flux hydrologiques [459].

5.1.1.3

La disparition des gros arbres, la dégradation de la structure forestière et la diminution de la biomasse

La «  dynamisation  » de la sylviculture passe par la disparition des gros arbres puisque l’on préfère des rotations courtes et des récoltes à plus faibles diamètres, et aboutit à une dégradation de la structure forestière qui se trouve privée de ses gros et très gros arbres. Il en résulte une diminution de la biomasse forestière dont nous avons souligné l’importance précédemment dans le processus de dissipation de l’énergie et de production d’entropie, et également une disparition des bois morts de gros diamètres. C’est un rajeunissement des forêts sans précédent depuis ces dernières décennies, les arbres n’ayant plus aucune chance de vieillir en dehors des îlots de sénescence et des réserves naturelles qu’on octroie à hauteur de 1  % des surfaces en forêt domaniale. La sélection des individus, pour obtenir des tiges droites et sans nœud lors des interventions sylvicoles, est renforcée, ce qui limite fortement la diversité génétique naturelle. La première conséquence est un appauvrissement de la diversité biologique des peuplements concernés et une artificialisation de la dynamique forestière. Les répercussions au plan écologique apparaissent

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rapidement dans le contexte actuel des changements climatiques qui mettent à mal des forêts déjà fragilisées par leur éloignement d’un fonctionnement naturel. D’une manière générale, la sylviculture actuelle française dite « en futaie irrégulière » laisse rarement des diamètres se développer au-delà de 70 cm, ce qui prive la forêt de ses arbres les plus imposants et d’arbres morts. Ainsi, on ne voit aucune différence entre les sylvicultures actuelles en futaie régulière et irrégulière pour les coléoptères carabiques ainsi que les coléoptères saproxyliques, mais uniquement dans les parties moins exploitées des forêts [148]. Dans une étude faite en forêt du Rhin on a remarqué que les densités en oiseaux étaient plus faibles en futaie irrégulière par manque de bois mort par rapport à la forêt voisine laissée en libre évolution 37. Une étude [143,299] (citation quelque peu modifiée) a été menée sur les interactions de voisinage dans une forêt ancienne de hêtre (Fagus sylvatica) sans sylviculture (dans le Land de Mecklembourg-Vorpommen en Allemagne) en quantifiant la variation de l’intensité de la compétition au-dessus (concurrence pour la lumière) et au-dessous du sol (concurrence racinaire) entre les hêtres dominants et co-dominants de la canopée pendant la maturation des arbres. Les diamètres varient entre 7 et 116 cm et les âges de 35 à 240 ans. La surface terrière est en moyenne de 29,7 et 33,8 m2/ha et fluctue entre 9,4 et 60,2 m2/ha. La concurrence pour la lumière a eu en moyenne un impact beaucoup plus important sur la croissance radiale que la concurrence racinaire, et la sensibilité aux changements des conditions de compétition était la plus faible en ce qui concerne les effets de la concurrence racinaire. Il a été constaté que chaque mode de compétition réduisait l’effet de l’autre  : la concurrence pour la lumière et la concurrence racinaire deviennent moins importantes avec l’augmentation de la taille de l’arbre, ce qui est révélateur d’une asymétrie de taille dans les interactions de voisinage au-dessus et au-dessous du sol. L’augmentation de la concurrence racinaire réduit l’effet négatif de la concurrence pour la lumière, et, à des niveaux élevés de concurrence lumineuse, la concurrence racinaire des gros arbres a finalement un effet facilitateur et augmente la croissance des plus petits arbres. Ainsi l’étude démontre que la complémentarité des processus aériens et souterrains permet au hêtre de modifier ses stratégies d’acquisition des ressources, optimisant ainsi la croissance radiale de l’arbre. En conséquence, la compétition semble devenir moins importante dans les peuplements avec une densité d’arbres élevée et des communautés d’arbres avec une longue continuité de dynamique non perturbée par l’homme. La plasticité de la morphologie des hêtres leur permet de réduire la pression concurrentielle exercée entre eux et ainsi d’améliorer leur absorption de lumière. Ce mécanisme d’adaptation est également valable pour les vieux hêtres, ce qui permettrait des changements dans le schéma du stockage de carbone (c’est-à-dire un stockage dans le tronc au lieu des branches) même à des stades tardifs [143,444]. Ceci a été observé dans des forêts de hêtres sans interventions sylvicoles sur le long terme où l’efficacité de la couronne (définie par la croissance par unité de surface de la couronne) du hêtre a augmenté avec la durée de l’absence de gestion forestière et avec une forte densité du peuplement, en 37. Christian Dronneau communication écrite 2011

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particulier en présence de voisins allospécifiques. Les couronnes des arbres, par leur forme et leur taille, présentent une complexité structurelle qui permet aux arbres de mieux capter l’énergie lumineuse malgré la concurrence entre les arbres du fait de la densité. Mais le rôle stimulant des arbres de grande taille semble ne pas être aussi marqué dans les peuplements présentant une faible densité d’arbres sur pied et une intensité et une fréquence élevées de perturbations anthropogéniques. Il semblerait que si les grands arbres facilitent la vie des plus petits, c’est du fait qu’ils possèdent un large réseau mycorhizien commun ou un accès amélioré aux ressources du sol (par exemple, avec l’accélération des cycles des éléments minéraux). Les mycorhizes jouent un rôle fondamental en forêt [169]. Il est prouvé que ces réseaux sont impliqués dans les transferts souterrains de carbone, de nutriments (comme l’azote, le phosphore) et d’eau entre les espèces d’arbres ectomycorhizés (le hêtre, par exemple), et peuvent donc modifier les effets de la concurrence nette. Il en résulte que les arbres adultes peuvent bénéficier des avantages de leurs voisins plus grands, malgré une forte intensité de concurrence lumineuse ou racinaire, pour atteindre des taux de croissance plus élevés. Ainsi, les taux de croissance ne dépendraient pas exclusivement de la densité des concurrents potentiels au niveau intraspécifique, mais aussi de l’agrégation des arbres de la même espèce de grand diamètre et de leur rôle fonctionnel dans la régulation des processus de filtrage biotique. Ce résultat [143] met en évidence l’importance potentielle de la relation rarement examinée entre le modèle d’agrégation spatiale des arbres de grand diamètre et le résultat des interactions de voisinage qui influent sur la dynamique de la communauté et les services écosystémiques forestiers connexes. Le rôle des gros arbres et leur répartition dans l’espace sont donc fondamentaux pour le fonctionnement de mécanismes internes à l’écosystème. Des études similaires sur d’autres espèces ligneuses ont confirmé ces résultats. Par ailleurs, il a été récemment prouvé [383] que la densité du bois a diminué de 8 à 12 % depuis 1900, alors que les peuplements et les arbres ont crû plus rapidement en ce qui concerne le volume de bois. Par ces résultats, il apparaît qu’on ne peut pas d’emblée convertir les tendances de croissance en volume en une production accélérée de biomasse. Depuis 1900, l’augmentation de la biomasse des peuplements a en effet diminué de 9 à 24 points de pourcentage par rapport à l’augmentation du volume (une augmentation de volume de 29 à 100 % se réduit à une augmentation de 20 à 76 % de biomasse). Ainsi, pour un diamètre de tige et une largeur de cerne annuelle donnés, la stabilité des arbres vis-à-vis des chablis, la résistance du bois, le contenu énergétique et le piégeage du carbone sont même réduits de ce fait depuis 1900. C’est un constat de la diminution générale de la densité du bois tardif, parallèlement à une augmentation de la fraction de bois précoce. Ces conclusions sont valables tant pour les plantations à courte rotation visant un stockage du carbone, que pour les forêts à sylviculture dite « proche de la nature » que l’on a ouvertes pour « dynamiser » leur accroissement : dans les deux cas de figure, le résultat obtenu est l’inverse du résultat escompté. Les arbres morts sont aussi les grands absents de la sylviculture, rien que par le fait qu’on ne laisse pas assez d’individus mourir de leur belle mort. Les arbres morts ont

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Sylviculture d’écosystème

un rôle majeur dans la rétention d’eau et de matière organique à long terme, et sont aussi indispensables au cortège saproxylique, qui en dépend entièrement ou pour partie. Les forestiers préconisant une sylviculture « proche de la nature » considèrent que les branches laissées sur place après un abattage et un débardage constituent le bois mort, ce qui est une erreur : le bois mort qu’il est recommandé d’avoir en forêt, se trouve dans de beaux arbres qu’on laisse mourir sur pied. Jamais ces forestiers n’acceptent de « perdre » ainsi quelques beaux mètres cubes de bois.

5.1.1.4

La perte de la structure verticale étagée et des habitats

La structure verticale privée de ses gros arbres dominants finit par se désintégrer et ne plus être étagée. Ceci a plusieurs conséquences. L’une d’elle est la fragilisation des peuplements forestiers face aux diverses agressions extérieures. Par exemple l’ozone, polluant atmosphérique très dommageable pour les feuilles, notamment celles d’individus jeunes, pénètre alors sans entrave dans le sous-étage [119] ainsi que bien d’autres polluants comme l’électrosmog ambiant  [214], ce qui ne se produit pas – ou bien dans de moindres proportions – dans une forêt dense et étagée. Une autre conséquence non moins importante de cette « dynamisation » de la sylviculture est la perte des habitats pour la petite et la grande faune et, par suite, l’apparition de dégradations sur les arbres et la régénération naturelle causées par les grands cervidés. BÁs [33] souligne qu’en écologie forestière le concept de « rajeunissement de la forêt » n’a aucun sens et que pour les Chiroptères il est plutôt « synonyme de destruction des éco-unités en phase biostatique et de dégradation qui constituent des micro-zones de chasses préférentielles tant pour l’espèce la plus forestière que pour l’espèce la plus ubiquiste du massif de Compiègne. » (Voir les chapitres sur l’importance de la structure verticale dans les forêts 2.2. et 2.3. avec toutes les conséquences d’une destruction de celle-ci.)

5.1.2

La mécanisation intensifiée et le cloisonnement des forêts

Dans une démarche de productivité, des réseaux surdimensionnés de chemins ont été développés dans le milieu forestier en France, sous forme d’un quadrillage serré de pistes dénommées « cloisonnements » pour le passage d’abatteuses industrielles tous les 10 à 15 mètres qui sont autant de saignées dans la forêt. Comme leur nom l’indique, ce réseau de pistes « cloisonne », casse et fragmente le continuum écologique, au lieu d’aider l’évacuation des arbres coupés. Les mots ont leur portée et il n’est pas anodin que l’on ait choisi l’image d’installer des cloisons au sein de la forêt alors que la langue allemande parle de « layons de débardage » [118]. D’ailleurs les Allemands ont choisi des espacements entre leurs layons de débardage d’un minimum de 20–25 mètres allant jusqu’à 40-45 mètres (avec une moyenne de 30 m), en prenant le soin de les intégrer dans le paysage. Le machinisme s’est lui aussi intensifié avec des machines de plus en plus lourdes et plus imposantes. Les sols sont abîmés de ce fait mais aussi en raison de débardages des bois réalisés sans tenir compte

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des conditions météorologiques, notamment le fait de faire passer des engins sur des sols mouillés voire détrempés. Utiliser des layons pour le débardage n’est pas une raison pour défoncer ceux-ci car le tassement ne se limite pas aux ornières de passage mais touche également les bordures sur un espace plus ou moins étendu selon les types de sols (Photo 14). On sait aujourd’hui que les routes forestières créent des barrières qui entraînent la fragmentation du paysage et de ses populations  [216], comme l’ours, le loup qui réagissent à la densité de ces réseaux [144]. La circulation des grumiers facilite le transport des maladies fongiques des racines en plus de toutes les autres nuisances [292]. Le débardage du bois a un impact négatif sur le sol forestier et la strate herbacée ainsi que sur le développement de la régénération et les conditions de vie des organismes du sol  [19,179,181,221]. Les sols tassés sont des sols asphyxiés  : les pores ne peuvent plus retenir l’oxygène nécessaire à la vie souterraine. Il faut 50 voire 100 ans pour reconstituer un sol compacté si tant est qu’une végétation spécifique, notamment à base de bouleaux, s’y développe (le bouleau possède un système racinaire ramifié et puissant et peut décompacter des sols tassés). Les sols fragiles de montagne, du fait de la pente et de leur teneur en sables (cas des massifs hercyniens) sont particulièrement vulnérables et les dégradations y sont irréversibles.

5.1.3

L’introduction d’espèces exotiques

Avec l’apparition de changements climatiques a également surgi une réelle inquiétude : la forêt française ne survivrait pas aux modifications climatiques trop prononcées qu’annoncent les météorologues. Un climat plus sec et plus chaud, de type méditerranéen, doit être anticipé afin de maintenir la ressource en bois. Il serait donc nécessaire d’introduire des espèces capables de fournir une production de bois sous climat relativement sec. De nombreuses espèces, déjà utilisées en Europe de manière modérée, sont proposées, comme le robinier faux acacia (Robinia pseudoacacia), le douglas (Pseudotsuga menziesii) (Amérique du Nord), le chêne rouge (Quercus rubra) (Amérique du Nord), le cèdre de l’Atlas (Cedrus atlantica) (Afrique du Nord), le châtaignier (Castanea sativa) (Asie Mineure)  [119]. De nouvelles espèces sont aussi proposées dans de très petites proportions « pour préparer l’avenir », parmi lesquelles une espèce d’eucalyptus  [415]. D’autres propositions sont plus vagues, se résumant à « d’autres exotiques » sans précisions [324]. Même les forestiers se réclamant d’une sylviculture dite « proche de la nature » conseillent « l’utilisation d’espèces étrangères à la station actuelle  »  [389]. D’autres organismes encadrant les propriétaires forestiers encouragent le développement du sequoia toujours vert (Sequoia sempervirens) – dont les qualités de résistance au vent ont été reconnues –, du thuya géant (Thuja plicata), du cryptomère du Japon (Cryptomeria japonica) et du tulipier de Virginie (Liriodendron tulipifera). Les plantations représentent en volume moins de 1 % pour la plupart d’entre elles sauf en ce qui concerne le douglas (qui représente 2 % du volume total en bois en forêt domaniale et 4,5 % en forêt privée selon l’IFN – campagnes 2005, 2006, 2007 –).

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Mais globalement, les forêts privées en plantent davantage. Par exemple, le robinier représente 0,14  % du volume total des espèces en forêt domaniale et 1,5  % du volume total en forêt privée ; le chêne rouge d’Amérique (Quercus rubra L.) présente sensiblement les mêmes proportions : 0,1 % en forêts domaniale et communale, par rapport à 0,1 % en forêt privée [119].

5.1.4

Un vocabulaire forestier inadapté

Le vocabulaire forestier usité en France manque de rigueur, les définitions des termes forestiers sont loin d’être homogènes et leur usage a des répercussions sur la conduite sylvicole [118]. Le vocabulaire de référence devrait être celui présenté par l’IUFRO au niveau international : on y définit des termes qui décrivent précisément l’action sylvicole. Pour certains forestiers [492], la définition de la structure d’un peuplement est basée sur la distribution des diamètres alors que les sciences internationales la définissent comme l’ensemble des différentes strates de l’étagement vertical des arbres dans un peuplement, et ainsi de suite… Il n’est donc pas étonnant que les réalisations sylvicoles dans ces forêts dites « irrégulières » laissent apparaître des types de peuplements très variés mais qui se situent très loin de la vraie futaie irrégulière. Ces manques de rigueur scientifique ont des conséquences importantes à court, moyen et long terme, en forêt. D’autres mots sont souvent soit désuets car issus du vieux français, soit détournés de leur signification originelle (étymologie), soit adaptés à une conceptualisation de sylvicultures anciennes (de taillis, de taillis-sous-futaie, de futaie régulière). Les forestiers français ne se comprennent plus entre eux (tout en croyant être du même avis) et surtout ils ne comprennent pas leurs homologues allemands. En effet, il ne suffit pas de traduire un mot par son équivalent dans une autre langue, il faut que le concept du mot dans une langue soit l’équivalent du concept de l’autre mot dans l’autre langue. L’exemple le plus éloquent est le mot « aménagement » en français qui se traduit par «  Forsteinrichtung  » en allemand. Le concept de « Forsteinrichtung » porte en effet sur une stratégie de gestion, tandis que l’« aménagement » ou le « management » concernent des tactiques. Ces deux mots ne sont absolument pas au même niveau décisionnel mais le vocabulaire forestier français n’a rien d’autre à proposer pour décrire un plan de stratégies en gestion forestière. Les échanges des idées techniques et scientifiques avec nos voisins d’Outre-Rhin se soldent ainsi par une accumulation de contresens. Le forestier français parle de « traitement » pour décrire sa sylviculture alors que côté germanique, le traitement concerne la manière d’intervenir en forêt notamment la façon de marquer les arbres en éclaircie. Le terme « sylviculture » est mal compris en France du fait de la mauvaise interprétation du suffixe « culture », laissant imaginer une production intensive en forêt de type agricole. La mise en œuvre de la sylviculture irrégulière en est aussi un exemple : du côté germanique on est persuadé que les forestiers français pratiquent la même sylviculture qu’en Allemagne, car les interventions en sylviculture dite « irrégulière »

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Chapitre 5. Quelles sont les erreurs sylvicoles des sylvicultures dites « proches de la nature » ?

en France ne sont pas décrites avec précision, déjà faute d’avoir un vocabulaire adapté. Et le forestier français est lui-même convaincu qu’il suffit de voir des îlots de régénération dans une forêt pour qu’elle soit irrégulière. La complexité de la sylviculture irrégulière est par là-même complètement escamotée. La forêt n’échappe pas à la tendance générale actuelle de nos sociétés qui, à des fins politiques et politiciennes, utilisent des armes linguistiques pour manipuler les masses, notamment en détournant le vrai sens des mots  [510]. Il y a la « novlangue » : inventée par George Orwell dans son roman 1984, elle consiste en une simplification lexicale et syntaxique de la langue destinée à rendre impossible l’expression d’idées nuancées ou complexes, l’objectif étant d’empêcher toute critique. Ce terme, passé dans le langage courant, désigne les involutions de vocabulaire destinées à déformer une réalité. Il y a aussi la « confiscation sémantique » consistant à utiliser un mot désirable pour désigner une situation indésirable. Une illustration de la confiscation sémantique en sylviculture est le terme de « forêtmosaïque » qui est utilisé aujourd’hui par l’ONF pour décrire une juxtaposition de plusieurs types de forêts industrielles et de zones sans gestion alors que la forêt-mosaïque est une futaie irrégulière de type jardiné, ni plus ni moins. De même la « futaie jardinée » par parquets de l’ONF correspond à la juxtaposition de futaies régulières d’une surface minimum d’un hectare et non à une futaie jardinée. Une autre illustration de la confiscation sémantique est le fait d’appeler «  futaie irrégulière à couvert continu  » une forêt qui est une «  futaie régulière claire à couvert discontinu » avec davantage de semenciers que la futaie régulière classique. Un ingénieur de l’ONF avait d’ailleurs admis lors d’un colloque sur les forêts péri-urbaines de Paris en 2014, que la futaie irrégulière (celle pratiquée à l’ONF) masquait les effets de la coupe rase aux yeux du promeneur (sic). La notion de futaie irrégulière serait-elle alors réduite à un leurre pour cacher la surexploitation des forêts  ? Le résultat obtenu est la confusion dans les esprits et par suite l’impossibilité de comprendre ce qu’il faut faire ou ne pas faire en sylviculture.

5.2 Quels risques en cascade s’ensuivent ? 5.2.1

Des forêts qui ne remplissent plus leur fonction de protection

Dans le chapitre sur les forêts à haute naturalité et anciennes, nous avons présenté la différence des courbes de distribution des diamètres  : les forêts anciennes ont une distribution des diamètres selon une sigmoïde inversée tandis que la courbe de Liocourt des futaies jardinées (en J inversé) fait apparaître qu’il manque un étage avec des très gros bois. A fortiori si on décide d’ouvrir fortement les peuplements pour faire monter les arbres plus rapidement au niveau de la canopée, les arbres de la canopée deviennent de plus en plus jeunes. En conséquence, ces forêts très

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jeunes et artificialisées ne peuvent plus remplir leur fonction de protection comme les forêts à haute naturalité et anciennes. En outre, la forte exportation des minéraux du sol, liée à des coupes intensives en forêt, limite leur quantité et leur diversité indispensables aux milliards d’êtres vivants (unicellulaires et pluricellulaires) dans les sols forestiers, sans parler des pertes de la réserve potentielle de l’eau dans le sol liées à la décomposition rapide de l’humus [115]. L’ouverture des peuplements par des éclaircies trop fortes provoque des stress hydriques au niveau du sol, causant la mort des racines fines des arbres quand celles-ci se situent dans l’humus et les premiers horizons du sol. Les espèces sciaphiles sont les plus vulnérables du fait qu’elles développent leurs racines fines à la surface du sol. On peut voir des peuplements péricliter à cause de cet apport massif de lumière au sol avec les rayonnements infra-rouges chauds ; de même que la manière dont la lumière va se diffuser dans le sous-bois (en rayonnement direct brutal ou bien en fine mosaïque de lumière diffuse) va influencer le mode d’humification et le fonctionnement des cycles biogéochimiques du sol, avec un impact sur la microfaune du sol [115]. La pression de l’industrie du bois sur les propriétaires et/ou gestionnaires forestiers a également fait perdre aux forêts un potentiel pour d’autres usages traditionnels comme par exemple la recherche de bois tordus dans la réhabilitation de châteaux historiques (communication orale d’un Compagnon charpentier) ou la tonnellerie, qui ont besoin de bois de chêne dont la phase juvénile doit avoir eu lieu sous ombrage léger, comme dans les forêts naturelles (voir observations en forêts vierges et naturelles [248] et le chapitre consacré à Néra).

5.2.2

Les conséquences écologiques et économiques graves de l’introduction d’exotiques

Les forestiers n’ont pas encore de recul par rapport à l’introduction des espèces exotiques comme le cèdre de l’Atlas, mais les chercheurs tirent la sonnette d’alarme sur le risque d’une situation invasive et le risque de pollution génétique des espèces endémiques. Cette pollution génétique se réalise par la mise en sympatrie d’espèces restées jusque-là isolées (cas par exemple des espèces endémiques, au niveau intraspécifique, parmi les sapins et pins méditerranéens). Certes, on peut toujours finir par accepter ces espèces exotiques et considérer qu’elles font partie de la flore autochtone, mais il s’agit là d’une prise de position qui ne peut se faire que dans les situations où justement les espèces sont devenues incontrôlables et où les efforts pour les supprimer sont inefficaces. On peut alors y voir un intérêt écologique [439], mais cela ne doit en aucun cas servir d’arguments pour justifier un choix pris à la légère. En outre l’introduction d’espèces végétales exotiques envahissantes peut modifier la rétroaction plante-sol, entraînant une altération des caractéristiques abiotiques et biotiques des écosystèmes. Des études [175] ont été menées sur le cerisier tardif (Prunus serotina), le chêne rouge d’Amérique (Quercus rubra) et et le robinier

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faux-acacia (Robinia pseudoacacia), ces espèces invasives pouvant altérer les écosystèmes forestiers indigènes : elles sont envahissantes, peuvent devenir dominantes et supprimer la biodiversité indigène. Il a ainsi été démontré que les forêts envahies présentaient souvent des propriétés végétales et/ou pédologiques uniques, par rapport aux forêts indigènes, et que le degré de dissemblance dépendait de l’espèce envahissante. Ainsi, le chêne rouge provoque des impacts négatifs majeurs sur les horizons organiques du sol et à des niveaux faibles/modifiés de biodiversité microarthropode et végétale. Le robinier faux-acacia entraîne une modification de la teneur en bases du sol et il a, à son tour, une rétroaction positive sur la qualité biologique du sol et la diversité végétale, mais avec une couverture élevée par rapport aux autres espèces végétales exotiques. Le cerisier tardif entraîne des impacts intermédiaires et présente un assemblage d’espèces végétales plus proche de celui des peuplements forestiers indigènes. De plus, le recours à des espèces exotiques réduit la valeur des habitats forestiers pour la faune car beaucoup d’espèces autochtones ne peuvent pas s’adapter à l’utilisation de ces nouvelles espèces [20]. On constate aujourd’hui l’artificialisation de l’écosystème qui est soumis à de nouvelles pressions séminales auxquelles s’ajoutent des interactions nouvelles entre ses différents composants, en particulier lorsque les espèces s’intègrent en force en forêt (dans les coupes, les lisières et les sous-bois) ou dans les stades naturels de succession. En effet, de nombreuses espèces exotiques deviennent invasives du fait de la conjonction de stratégies efficaces de colonisation de nouveaux territoires. Cependant une plante étrangère ne saurait s’établir ni se répandre si elle ne rencontrait pas des habitats favorables. Or, le milieu d’accueil est globalement d’autant plus favorable que les conditions climatiques, la richesse en ressources, le niveau élevé de perturbations et les possibilités d’hybridation ou de mutations [12,405] sont similaires, également en l’absence de pathogènes et de compétiteurs pour l’espèce étrangère. Les changements climatiques pourraient ainsi jouer un rôle majeur dans le développement des potentialités invasives des espèces exotiques, soit en inversant, soit en accentuant les tendances déjà observées. Celles qui sont les plus invasives, sont actuellement le robinier, le cèdre de l’Atlas, le pin noir (Pinus nigra Arnold), le cerisier tardif (Prunus serotina Ehrh.). D’autres débutent une dynamique d’invasion en s’intégrant dans les chablis et les coupes (chêne rouge, douglas). Certains cortèges arborescents pourraient suivre comme l’eucalyptus, l’acacia, le casuarina [399]. Face aux craintes du renforcement du caractère invasif de ces espèces, certains forestiers affirment pouvoir contenir ces invasions par une gestion forestière appropriée, ce qui n’est pas toujours possible comme dans le cas du cerisier tardif [101]. En ce qui concerne le douglas, cette espèce exotique est invasive elle aussi. Son rendement en mètres cubes et en euros attire bien des propriétaires forestiers et nous pouvons le comprendre dans la conjoncture actuelle. Cependant, nous leur recommandons de bien réfléchir avant de se lancer dans des plantations dont les conséquences sur la dynamique future de leur écosystème forestier peuvent être lourdes.

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Sylviculture d’écosystème

Par ailleurs, l’augmentation des concentrations de CO2 dans l’atmosphère, les dépôts de N et de S apparaissant conjointement au changement climatique, affectent probablement l’état nutritionnel des forêts. Les concentrations foliaires de N, P, K, S et Mg dans les forêts ont ainsi diminué de manière significative en Europe, de 5 %, 11 %, 8 %, 6 % et 7 %, respectivement, au cours des trois dernières décennies, la diminution de l’état nutritionnel apparaissant particulièrement importante dans les forêts méditerranéennes et tempérées. L’augmentation de la concentration atmosphérique de CO2 est bien corrélée aux diminutions des concentrations de N, P, K, Mg, S et à l’augmentation du rapport N/P [358]. Cela signifie qu’il faut être très prudent en matière d’initiatives d’artificialisation des forêts en implantant des espèces exotiques car nous ne savons pas comment elles supporteront les variations d’éléments nutritionnels. Sorties de leur milieu d’origine, elles sont fragilisées de ce fait et peuvent mal résister aux problèmes nutritionnels. S’ajoutant au danger écologique, les échecs économiques sont aussi à craindre car les évolutions climatiques à venir peuvent parfaitement intégrer des épisodes sévères et imprévisibles qui leur seront préjudiciables (froid en zone tempérée, voire gel précoce pendant la saison de végétation). D’autres problèmes économiques apparaissent : des coûts car le cerisier tardif doit être arraché mécaniquement  ; des pertes de production des espèces endémiques qui ne peuvent plus se régénérer sous les espèces exotiques envahissantes  ; des pertes de production à long terme puisque le fonctionnement de l’écosystème est profondément altéré. La boréalisation des forêts s’accentue avec l’introduction de conifères de diverses origines biogéographiques, notamment le cèdre de l’Atlas. Tel est le cas, par exemple, du massif vosgien, où les hêtraies sapinières naturelles se sont fortement raréfiées devant les plantations d’épicéa (Picea abies).

5.2.3

Une très grande vulnérabilité face aux incendies de forêts

En ces temps où les médias français rapportent de nombreux incendies de forêts survenus pendant les périodes estivales très chaudes et très sèches, rappelons que : 1) plus de 90% des feux de forêts ont une origine humaine (criminelle ou accidentelle) ; 2) les zones pâturées par les moutons et les chèvres qui autrefois bloquaient l’avancée des feux, ont fait l’objet de changements d’affectation pour y réaliser des constructions, mettant ensuite la forêt aux premières loges face aux incendies ; 3) il y a aussi une question de sylviculture, notamment les forêts de conifères étant plus sensibles aux incendies que les forêts mélangées avec principalement des feuillus, mais il y a aussi une sylviculture qui a écarté les forêts du modèle des forêts anciennes, lesquelles sont moins vulnérables que les forêts jeunes.

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Chapitre 5. Quelles sont les erreurs sylvicoles des sylvicultures dites « proches de la nature » ?

Le feu se propage de deux manières : au niveau de la surface du sol (et dans les humus épais) et au niveau des houppiers. Cette propagation peut être passive (les arbres brûlent de manière individuelle), ou active (le feu avance, se propage). Pour y palier, les autorités recommandent de réaliser des opérations « coupe-feu » dans les forêts : 1) en « débroussaillant » les sols forestiers (suppressions des strates buissonnantes et donc de la régénération naturelle)  ; 2) en créant des discontinuités verticales et horizontales entre les différentes strates de la forêt pour éviter au feu de « sauter » d’une strate à l’autre et au sein d’une même strate ; 3) en élaguant [40,91]. C’est donc une réduction de biomasse forestière qui est conseillée. Or, c’est surtout la boréalisation des forêts qui expose celles-ci davantage à des risques d’incendies lors d’étés très chauds et très secs, déjà par les caractéristiques des litières hygrophobes et des sols peu profonds dans ces anciennes plantations, et non par leur quantité de biomasse. Des étés secs et chauds avec risques fréquents d’orage pourraient générer des feux d’ampleur inégalée pour les latitudes moyennes. Bien au contraire, ce sont les forêts anciennes à haute naturalité qui résistent le mieux au feu du fait de la densité de leur sous-bois et du maintien d’une humidité sous couvert  : elles vont brûler plus lentement que des forêts jeunes, ouvertes [275]. On soulignera que les forêts de pin des Landes de Gascogne ont été plantées en asséchant des marais. Cette autre artificialisation du milieu naturel est une erreur de plus, rendant ces forêts très vulnérables aux incendies. Avec les recommandations officielles qui enjoignent d’ouvrir les peuplements pour couper le chemin du feu, c’est une impression de « déjà vu » : « les forêts vont mourir à cause des changements climatiques… Il est urgent d’ouvrir les peuplements et de dynamiser la sylviculture ». Ce sont les mêmes recommandations, les mêmes erreurs commises… Sous la pression des lobbies industriels ? Car c’est exactement tout l’inverse de ce qu’il faut faire en forêt  en particulier dans ces contextes ! Ainsi, de la même manière, les politiciens, l’industrie de la coupe à blanc et certains médias se concentrent souvent sur des histoires sensationnelles à propos des incendies de forêt, les faisant paraître bien pires pour la forêt qu’ils ne le sont en réalité. Par exemple, les médias qui ont couvert les incendies de 1988 dans le parc national de Yellowstone ont décrit le feu comme «  catastrophique  » et la forêt comme « carbonisée », « noircie », « dévastée » et « ruinée ». Pourtant, aujourd’hui, les biologistes du parc affirment que les incendies ont rajeuni Yellowstone et ont même amélioré la qualité du sol, mieux que tout autre événement au cours des 100 dernières années [417]. Les politiciens et les lobbyistes de l’exploitation forestière tentent d’utiliser des récits erronés sur les incendies comme excuse pour promouvoir des politiques d’abattage et de gestion plus agressives qui, en réalité, augmenteront la gravité des incendies et nuiront à long terme au bon fonctionnement des écosystèmes forestiers. Les incendies font partie intégrante des étés secs typiques de l’Oregon et doivent être rapportés de manière calme et factuelle, sans excès. Ce discours est donc très grave car très dommageable à la diversité biologique de nos forêts.

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Sylviculture d’écosystème

En France, le suivi des incendies de forêts est assuré depuis les années 1990 avec la base de données Prométhée. Depuis les années 1960–1970, une série de grands feux a conduit à la mise en place d’une politique de défense des forêts contre les incendies. On sait aujourd’hui qu’il brûle 15 000  ha/an dans le Sud de la France  [91]. Les feux qui ont défrayé la chronique en été 2022, en France, se sont localisés dans des forêts de conifères équiennes et monospécifiques. Dans les Landes de Gascogne, la zone des incendies correspond curieusement à la zone d’un vaste projet de centrale photovoltaïque… Hasard ou corrélation ? … En tout état de cause, il ne faudra pas reconstituer les forêts de conifères très artificialisées qui ont brûlé, mais il faudra au contraire laisser se développer une végétation spontanée, plus naturelle, plus dense qui résistera mieux aux prochains incendies. Nous ferons des propositions dans le chapitre 6.3.2.5.

5.2.4

La diversité biologique et l’économie globale en péril

Une sylviculture « dynamique » ouvrant les peuplements est une porte ouverte à de très nombreux risques. La diversité biologique atteinte dans sa fonctionnalité et la multifonctionnalité de la forêt est, elle aussi, mise en péril car on ne laisse à la forêt que la fonction de production qui met en danger les autres fonctions (de protection, etc.) si elle passe en premier. Ouverture de la canopée, boréalisation des forêts par des plantations massives de conifères exotiques ou/et natifs (épicéa, pin, mélèze, douglas, cèdre de l’Atlas), cassure et fragmentation du continuum écologique par l’implantation systématique de réseaux de chemins, pistes de débardages (sous forme de cloisons – hermétiques au fonctionnement de l’écosystème – d’où leur appellation « cloisonnements »), dynamisation de la sylviculture en raccourcissant les durées de rotations, tout ceci éloigne les forêts de leur fonctionnement naturel. Ces pratiques favorisent l’expansion des populations de cervidés, en améliorant la capacité alimentaire des forêts, par la multiplication des ouvertures dans la canopée et des routes forestières. Cela favorise en effet les entrées de lumière directe et stimule, tout autant que la régénération souhaitée, les herbacées dont sont friands ces animaux. Par ailleurs, les conifères en surabondance forment des abris plus touffus que les feuillus en hiver, et leur fournissent des écorces très appréciées. Ces deux facteurs concentrent les hardes de cervidés qu’aucun prédateur naturel ne peut disperser. Par suite, l’économie de la gestion forestière est aussi atteinte à plus ou moins long terme.

136

Chapitre 5. Quelles sont les erreurs sylvicoles des sylvicultures dites « proches de la nature » ?

5.3 Où sont les failles du raisonnement ? 5.3.1

Un raisonnement calqué sur celui de la futaie régulière

Toutes les erreurs survenues jusqu’à présent au plan sylvicole, viennent du fait que des méthodes utilisées en futaie régulière ont été transposées à la futaie irrégulière [119]. Des erreurs scientifiques s’y ajoutent. Une première erreur est l’utilisation de la surface terrière pour décrire les peuplements dits irréguliers. La surface terrière n’est utilisable que pour décrire des densités d’arbres et non une structure. Elle n’est indicatrice de la structure que lorsque celle-ci est régulière mais elle ne l’est pas en futaie irrégulière [27,115]. Utiliser la surface terrière, par exemple comme indicateur de la couverture de la canopée, avec l’élaboration d’un coefficient de couvert  [492], n’est, en aucun cas, utilisable en futaie irrégulière. La relation étroite existant, en effet, entre surface terrière et diamètre de la couronne, n’est que la caractéristique d’arbres solitaires. En effet, le diamètre d’un arbre à 1,30 m n’est corrélé avec le diamètre de son houppier que si cet arbre est un arbre isolé ou « de plein champ », quel que soit l’âge de l’arbre et indépendamment de la station où il se trouve : « Cette relation (ndlr : relation diamètre du houppier, diamètre de l’arbre) n’est plus vérifiée pour des arbres en peuplement ; les écarts sont attribués aux effets de la concurrence, et servent à mesurer son intensité. » [344] 38. Cette affirmation a été confirmée par d’autres auteurs [307] 39. La définition de l’arbre solitaire est la suivante : « Un arbre solitaire : 1) Il se situe directement à côté d’un autre. Il ne touche pas son voisin avec sa couronne ni se trouve dans son ombre. 2) Les arbres n’exercent aucune concurrence sur les arbres voisins et croissent sans concurrence (il n’y a aucun arbre à l’ombre d’un autre). 3) La surface couverte par sa couronne est identique avec l’exigence de l’arbre sur son espace de développement. » [307] Il a ainsi été fait le constat [264,307] que des épicéas solitaires avaient des diamètres de couronnes 2 à 4 fois plus grands que des épicéas de peuplement possédant le même diamètre (mesuré à 1,30 m). Ainsi, en peuplement régulier strictement homogène et extrêmement clair, en extrapolant, on peut à la rigueur trouver une relation entre le DHP (diamètre tige hauteur de poitrine) et diamètre de couronnes, et par suite entre surface terrière et couverture de la canopée. Dès le stade d’évolution en peuplements mélangés, la surface terrière relevée se rapporte à un collectif d’arbres tous différents donc avec des stratégies de croissance également toutes différentes. Aucune relation, à partir de ce moment-là, ne peut être établie entre surface terrière et couverture de la canopée, et a fortiori dans le cas de structures verticales irrégulières. Ainsi, soit les calculs effectués en futaie claire sont erronés, soit les forêts sont extrêmement claires, à l’image de champs d’arbres.

38.  (pages 301 et 302) 39.  Et observations de l’auteur sur les 3000 données de sa thèse de Doctorat

137

Sylviculture d’écosystème

Les concepteurs de la futaie claire dite « irrégulière » ont ensuite défini un état forestier optimal correspondant à une densité fixée à 19 m²/ha. Cette valeur, répandue en France comme étant l’idéal pour la futaie irrégulière [492], a été obtenue par la méthode de la recherche opérationnelle, méthode de mathématiques appliquées élaborée pour gérer par exemple des problèmes de stocks dans un entrepôt d’usine ou des phénomènes d’attente à une cabine téléphonique. Cette méthode est reconnue par ses concepteurs comme étant statique. Les arbres sont, dans ce contexte, considérés d’une part comme des objets sans vie (comme le stock d’une usine), et retirés d’autre part, pour le calcul, de toute concurrence inhérente à un peuplement forestier. Or, nous avons vu tout au long des pages précédentes à quel point l’écosystème était complexe et que même la disposition des très gros arbres au sein du peuplement forestier était fondamentale pour les mécanismes profonds internes à l’écosystème. Les martelages se décident sur des normes de surface terrière (de futaie claire) comme en futaie régulière. L’application de ces normes a souvent abouti à des transformations profondes, inattendues et irréversibles, du paysage forestier. Pourtant les auteurs de cette sylviculture claire annoncent pratiquer des éclaircies de type jardinatoire [6]. Si cela signifie qu’elles se font par pied d’arbre, alors c’est heureux sinon leur futaie claire disparaîtrait entièrement vu qu’elle est extrêmement pauvre en nombre d’arbres. Si cela signifie que c’est conforme à la futaie jardinée, alors la comparaison est erronée : c’est méconnaître la futaie jardinée et ses caractéristiques que d’avancer une telle affirmation, car la futaie jardinée est par définition une futaie étagée donc dense. Une futaie claire est comparable à une culture d’arbres de plein champ : compte tenu de l’influence de la lumière directe, les arbres se développent naturellement côte-à-côte et non sous ombrage. Rappelons que la structure verticale étagée est fondamentale pour assurer la pérennité de la futaie irrégulière dans toutes ses caractéristiques. De même que si le couvert est très clair, ce qui est le cas avec une densité d’arbres de 19 m2/ha où des strates verticales manquent, les caractéristiques des forêts anciennes et à haute naturalité sont absentes : pas de microclimat, pas de préservation de la forêt contre les diverses pollutions, pas de capacité d’accueil de la grande faune – celle-ci est d’ailleurs traitée péjorativement de « phytophages » par ces mêmes auteurs [489] –, pas de protection des sols, etc. Bref, les forêts ainsi éclaircies sont des forêts très artificielles (quoiqu’en disent leurs concepteurs  [6]) et leur pérennité n’est pas garantie surtout dans le contexte actuel de changements climatiques. Or, le principal atout de la futaie irrégulière étant une occupation optimisée de l’espace, du fait que les couronnes s’étagent de manière verticale, un chiffre de surface terrière à l’hectare très élevé en futaie régulière ne signifie pas du tout la même chose qu’en futaie irrégulière : dans le premier cas les arbres pourront être « à l’étroit » et leur croissance compromise, tandis que dans le second cas, cette densité sera totalement adaptée à la croissance des arbres sans du tout leur nuire. Korpel [248] a rassemblé de nombreuses données de surfaces terrières très élevées en forêts vierges (de l’ordre de 46 m2/ha voire davantage) comme nous l’avons présenté dans le Tableau 1. Il a même été trouvé des forêts anciennes d’une surface terrière de 97,4  m2/ha.

138

Chapitre 5. Quelles sont les erreurs sylvicoles des sylvicultures dites « proches de la nature » ?

Donc l’utilisation de la surface terrière est à proscrire en futaie irrégulière, si l’objectif est de l’utiliser pour décrire la structure ou effectuer des éclaircies.  Tableau 1  Comparaison des surfaces terrières et des volumes de hêtraies-sapinières dans huit forêts d’Europe suivant leur état : naturel ou soumis à différentes sylvicultures « irrégulières ». D’après Schnitzler et al. 2016 [441] État naturel de la forêt (vierge ou gérée)

Région

Habitat

Surface terrière (m2/ha)

Volume (m3/ha)

Sources

« Vierge »

Slovaquie

Hêtraiesapinière

40 à 47

640 à 970

Korpel (1995)

« Vierge »

Alpes dinariques

Hêtraiesapinière

45,7

700 à 800

Diaci (communication écrite)

« Vierge »

Roumanie

Hêtraiesapinière

44 à 52

712 à 1 126

Schnitzler et al. (2004)

« Vierge »

Slovaquie

Hêtraiechênaie

39 à 47

306 à 504

Korpel (1995)

Réserve naturelle du Ventron Vosges

Hêtraie33,7 d’altitude

667

Schnitzler et al. (2004)

Futaie irrégulière de type jardinatoire canopée dense

Alpes dinariques

Hêtraiesapinière

29

380 à 400

Diaci (communication écrite)

Futaie « irrégulière » à canopée ouverte (futaie claire)

France

Tous habitats

19

< 220

Turckheim et Bruciamacchie (2005)

Futaie « irrégulière » de la forêt domaniale de Fontainebleau

France – Fontainebleau

Tous habitats

15,3 (cible future : 14)

-

Aménagement forestier 20162035 – ONF

À titre de comparaison, aux États-Unis, les surfaces terrières recommandées de maintenir après une coupe en futaie irrégulière, sont comprises entre 24 et 37 m2/ha selon que la station est pauvre ou riche [20 40,311]. Il est ajouté que la coupe de jardinage y est recommandée pour le chêne dans les zones sèches ou le climat du midwest. Les concepteurs de la sylviculture claire dite « irrégulière » reconnaissent d’ailleurs eux-mêmes que leur raisonnement est calqué sur celui de la futaie régulière. Ainsi, peut-on lire dans un ouvrage [492] sur la futaie « irrégulière », pris pour référence au sein des organes forestiers français : « Le plan de gestion d’une forêt irrégulière en équilibre peut être d’une grande simplicité. Toutes les parcelles se ressemblent plus ou moins, il suffit de partager la surface totale par le nombre d’années de la rotation des coupes choisie.  » (Caractère gras ajouté). Ce n’est ni plus ni moins 40.  (page 295 de l’ouvrage)

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Sylviculture d’écosystème

que le découpage effectué pour une sylviculture en futaie régulière. Dans une véritable futaie irrégulière il n’y a au contraire aucune ressemblance des parcelles : elle est d’une diversité et d’une hétérogénéité maximales. De plus, le mot « équilibre » n’existe pas dans la nature : la nature est mue par une perpétuelle dynamique sauf quand des processus sont bloqués par différents facteurs notamment anthropiques (l’évolution de terres acides en landes en raison de la déforestation cumulée au climat océanique). Le vocabulaire forestier [118] de cette sylviculture en futaie claire est aussi emprunté à la sylviculture en futaie régulière : on parle de « traitement en futaie irrégulière », le traitement correspondant à l’acte de marquage des éclaircies. Or, la grande différence entre la sylviculture en futaie irrégulière et la sylviculture en futaie régulière est justement de faire disparaître les schémas-types de futaie régulière en sylviculture irrégulière, comme les schémas de typologies, schémas d’éclaircies préconisant de couper les arbres suivant des critères spécifiques, etc., ainsi que la disparition des calculs mathématiques pour les récoltes, bref la disparition d’automatismes pour faire place à l’analyse spécifique des écosystèmes forestiers dans leur globalité et leur naturalité. La clef de voûte de la sylviculture en futaie irrégulière est l’appréhension de la dynamique des espèces et de leur cohabitation, à moyen et long terme. Pour Evrard de Turckheim, actuel président de Pro Silva France 41, il ne faut effectivement pas parler de « futaie irrégulière » mais de « traitement irrégulier » car c’est l’individu arbre qui compte et non la forêt, et l’objectif de cette sylviculture est d’abord la production, la fonction écologique passant au second plan (sic) 42. Il souligne que l’acte du forestier commence au martelage. Le reportage télévisé montre des peuplements très clairs (canopée extrêmement ajourée) qui ne présentent que 2 strates verticales non complètes, celle de la régénération en bas étage et celle des arbres dominants, avec une prédominance, en densité, de la strate de régénération comme dans les coupes d’ensemencement en futaie régulière, peuplements pourtant dénommés « irréguliers » et le mot « naturalité » n’étant attribué qu’à la présence de quelques bois morts et de quelques « gros bois » 43. La sylviculture doit être dynamique comme pour une sylviculture en futaie régulière et ainsi permettre aux houppiers des arbres de monter au plus vite au sommet de la canopée, recommandation qui s’est ensuite généralisée en France sous prétexte de protéger les forêts du dépérissement dans le contexte des changements climatiques. On se trouve ici dans une forêt d’arbres jeunes et les rares gros bois de 60 cm de diamètre partent en coupe. « Espèces-objectifs » mentionnées par les typologies de peuplements [77], « arbres d’avenir » à marquer en forêt, introduction d’espèces exotiques : ce sont encore des points de terminologie et d’actions en forêt, communs à la futaie régulière et à la futaie irrégulière erronée. La sélection d’arbres d’avenir représente, en l’occurrence, une action sévère du forestier pour contrer la dynamique naturelle : le sylviculteur 41.  association française créée en 1990 pour développer une sylviculture dite « proche de la nature » 42. https://www.youtube.com/watch?v=vpJ9DMUIYb0 (reportage de France-Culture, février 2019) 43. https://www.youtube.com/watch?v=8X0W7vuWE0g (exposé de Max Bruciamacchie lors du colloque de l’association Pro Silva France de 2018)

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Chapitre 5. Quelles sont les erreurs sylvicoles des sylvicultures dites « proches de la nature » ?

va tout faire pour que ses arbres d’avenir le restent alors que l’on sait très bien qu’un arbre dit d’avenir ne l’est plus la plupart du temps, quelques années plus tard, en raison même de la dynamique naturelle et des imprévus de celle-ci. La véritable sylviculture en futaie irrégulière ne travaille pas au profit d’arbres d’avenir : elle n’est pas une « sylviculture d’arbres » ni « de peuplements », elle est la sylviculture d’une forêt, d’un écosystème composé d’une flore et d’une faune et le regard du forestier ne doit pas se porter sur des arbres à couper mais sur un biotope complexe. Une autre erreur repose sur le fait que des forestiers marquant les éclaircies se sont souvent raccrochés au cubage de l’inventaire initial et à celui de l’inventaire final, cherchant coûte que coûte à ne prélever que l’accroissement selon la théorie de la Méthode du Contrôle de Gurnaud-Biolley. Ainsi, en cours de martelage, dès que ces opérateurs avaient atteint le cubage souhaité pour l’éclaircie, ils s’arrêtaient brutalement même si le reste de la forêt n’avait pas été marqué en éclaircie. On arrivait ainsi au résultat que la forêt se trouvait incluse dans la sylviculture pour une partie mais pas pour l’autre sans pour autant que cet état de fait soit prévu dans le plan de gestion ou d’aménagement. De même, dans des forêts très diversifiées, avec des secteurs très riches, d’autres moins riches et une partie très pauvre, les forestiers effectuaient une moyenne de tout l’ensemble alors qu’il aurait fallu éclaircir fortement dans la partie riche, moins fortement dans la partie moins riche et en revanche enrichir dans la partie pauvre. C’est d’ailleurs contraire à ce que préconisait le forestier suisse Biolley [141] 44 : « Il (n.d.l.r. : l’aménagement) était devenu son propre but, alors qu’il ne doit être qu’un moyen, le moyen créé pour assurer le positivisme de la culture » ; et aussi : « La Méthode du Contrôle, qui veut et doit rester une méthode expérimentale, ne peut être disjointe de la recherche de l’effet utile, de l’enquête constante sur l’accroissement. C’est pourquoi elle ne connaît ni les prévisions à longue échéance, ni les objectifs prédéterminés, ni la réglementation rigide de la culture ; elle consent à son ignorance actuelle des limites de l’effet utile à rechercher ; elle avoue son incertitude quant aux moyens les plus appropriés ; elle ne présente ses propositions de volume, de composition centésimale matériel et sa conception de la possibilité qu’au titre de buts provisoires à préciser graduellement par le moyen de l’enquête ; tous ces procédés ne sont que de prudents travaux d’approche ; mais elle tient d’autant plus à ce que les sources de l’accroissement, qui est tout son programme, ne soient taries comme elles le sont par exemple par la coupe définitive, mais qu’elles soient assurées et développées par la coupe culturale. » C’est aussi tout le problème d’une gestion forestière basée sur les inventaires par échantillonnages, principalement en futaie irrégulière. Les inventaires par échantillonnages donnent des images de peuplement différentes suivant l’endroit où se place l’opérateur. Les inventaires exhaustifs ne peuvent donner qu’un aperçu global en termes de mètres cubes mais pas en termes de structure de peuplements. Nous avions d’ailleurs remarqué, dans les années 1990, qu’en Allemagne (Basse-Saxe) les opérateurs d’inventaires forestiers à placettes permanentes dissimulaient leurs repères afin que le gestionnaire forestier ne se laissât pas influencer dans ses interventions sylvicoles. 44. Biolley sans année in L.-A. Favre 1980

141

Sylviculture d’écosystème

5.3.2

Un raisonnement trop mathématique éloigné de la réalité

Nous venons de voir que le raisonnement de la sylviculture dénommée de manière erronée «  en futaie irrégulière  » était calqué sur celui de la sylviculture en futaie régulière. La futaie régulière a en effet facilité la réflexion de certains forestiers en se laissant facilement encadrer dans des schémas mathématiques de production, ce qui permettait même de réaliser les aménagements forestiers depuis son bureau. Car si l’on gère « à la parcelle » en futaie régulière ou « à l’arbre » en futaie dite « irrégulière », le raisonnement est le même dans les deux cas : on gère des mètres cubes de bois. De plus, est décalé de la réalité forestière le raisonnement du sylviculteur qui décide de la coupe d’un arbre au pied de l’arbre en regardant s’il est dominant ou dominé ou en se posant la question : « Cet arbre paie-t-il, ou non, sa place ? » [492]. Un arbre ne peut être coupé que si son départ ne va pas perturber trop fortement l’écosystème. Le raisonnement doit être ici de type biologique-écologique plutôt que mathématique-monétaire. Une mode s’est installée chez les forestiers français dans les années 1990, celle des typologies de peuplements. Les plans d’aménagement français et plan simples de gestion sont basés sur ces typologies et regorgent de nombreux chiffres, de « passages à la futaie  » de «  Petits Bois, Bois Moyens et Gros Bois  ». Si ces chiffres peuvent être porteurs de certaines informations, ils ne décrivent cependant pas la structure forestière ni par là-même la dispersion des arbres dans la forêt : c’est la répartition des arbres qui fait qu’une forêt est totalement artificielle ou bien très proche du naturel. Ils ne remplacent pas non plus l’analyse du fonctionnement de l’écosystème dans son ensemble à l’échelle du massif forestier concerné ni la réflexion sur l’avenir de la dynamique naturelle. Les calculs de ces petits bois, bois moyens et gros bois, sont effectués sur la base de mesures de surfaces terrières réalisées notamment avec le relascope à chaînette. D’une manière générale, l’usage de cet appareil – au demeurant très simple dans sa fabrication – donne une vision fausse des peuplements, certains gros arbres de premier plan cachant les arbres placés derrière eux. Ainsi la réalisation d’éclaircies par des forestiers qui se sont basés sur des normes de surface terrière, a abouti à des transformations profondes (et souvent inattendues) du paysage forestier. Cette mode de l’outil typologique, qu’il soit utilisé pour les stations ou pour les peuplements, a réduit le raisonnement à la recherche « du type » correspondant à sa forêt. Ces typologies escamotent la mosaïque stationnelle, provoquant une perte d’informations sur la station écologique et des erreurs de gestion dans le choix des espèces, ou encore une conduite de peuplements aboutissant à la régularisation de ceux-ci. Mais surtout ces typologies figent la forêt et lui suppriment sa dynamique. Les observateurs des forêts anciennes à haute naturalité ont maintes fois alerté de ce danger qui empêche ensuite de mener une sylviculture dite « proche de la nature » : « Ces études ont dû faire face aux problèmes de l’incompatibilité entre la pensée en termes de types homogènes (associations, types de sites, types de forêts) et l’expérience de l’hétérogénéité, c’est-à-dire la structure complexe en mosaïque à grain fin des forêts naturellement dynamiques. » [466].

142

Chapitre 5. Quelles sont les erreurs sylvicoles des sylvicultures dites « proches de la nature » ?

Au surplus, le choix d’opérateurs différents pour les réaliser a abouti à des typologies à logiques différentes, ce qui leur enlève toute possibilité d’être une référence fiable. Les typologies de peuplements utilisent la surface terrière dont nous avons démontré l’inadéquation pour décrire la structure d’une forêt irrégulière ; elles aboutissent parfois à un nombre gigantesque de types de peuplements (entre 300 et 500) qui les rend inutilisables, et/ou sont tellement simplifiées qu’elles en deviennent fausses (généralisation à partir d’un point de mesure dans un inventaire statistique). Elles sont établies à partir d’inventaires par échantillonnages, ce qui gomme toute l’hétérogénéité des peuplements [64] et elles génèrent des comportements consistant à ne plus voir la réalité de terrain et à vouloir faire « coller » sa forêt aux types établis arbitrairement et théoriquement. Ces typologies de peuplements ont notamment été la cause de la disparition de la futaie jardinée dans le Jura français 45. Les typologies peuvent être simplement utiles pour un professionnel qui en fait l’usage pour un « débroussaillage intellectuel rapide » en vue d’obtenir une idée de l’endroit où il se trouve, si tant est qu’elles soient correctement établies (il y a eu, par le passé, des typologies erronées à refaire en totalité). Et il faut bien expliquer aux propriétaires qu’elles ne sont pas à appliquer à la lettre ni aveuglément. Rien ne vaut l’étude analytique des stations comme celle des peuplements et cela ne prend pas plus de temps voire beaucoup moins, avec la garantie de ne pas faire d’erreurs. On retrouve ces mêmes erreurs autour des schémas de production de la futaie régulière et de sa variante, la futaie claire dite « irrégulière ». En effet des modélisations mathématiques se sont multipliées à tout crin avec un raisonnement traditionnel consistant à définir une théorie mathématique (associée à une équation) avec laquelle on rapproche ensuite la réalité de terrain. Une des limites de cette démarche est, qu’en étant très abstraite, elle peut être hasardeuse en ne formalisant la théorie que sur un aspect de la réalité, apparu à l’opérateur comme essentiel a priori. Un premier risque est de limiter le champ d’exploration aux domaines déjà connus ou utilisant les mêmes bases de réflexion et les mêmes outils d’application. Un second risque est de fausser l’image de la réalité, les écosystèmes se laissant difficilement réduire dans l’espace et dans le temps [115,217]. Ainsi que le répétait l’éminent forestier suisse de la Forêt de Couvet, E.  Favre [139,141] 46 : « Doit-on rejeter la forme jardinée d’un peuplement parce qu’elle résiste à une cristallisation mathématique ? »

45. Tyrode communication orale 1991 46. E. Favre 1931 in L.-A. Favre 1980

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Chapitre 6

Comment améliorer cette situation en France ?

La question est vaste. Sa réponse n’est pas uniquement scientifique ni technique, elle dépend aussi, et peut-être en premier lieu, de l’être humain. Ce sont les Sciences de l’écologie et les Sciences forestières qui sont concernées mais aussi les domaines de la Macro-économie et des Sciences humaines et sociales. Et fondamentalement peut-il y avoir une réponse ? En théorie, oui. Mais dans la pratique, nous verrons que la mentalité humaine est le premier point d’achoppement le plus complexe.

6.1 Le contexte économique Commençons par des aspects de Macro-économie. Pour bien comprendre, il est nécessaire de relire l’histoire économique de la France des Temps Modernes. Nous en ferons ici un bref résumé qui permette de comprendre dans quel système économique s’inscrit actuellement la filière bois. L’économie était, au début du XXe siècle, de type néo-classique (les Américains et les Anglais parlent de « néo-classicisme ») basée sur la théorie de l’équilibre économique général qu’avait développée le Français Léon Walras (1834-1910). Cette théorie concevait un cadre de marché réglementé par la concurrence parfaite entre des entreprises nombreuses et de petite taille. Ce marché, par le biais de la concurrence, fixait les prix que personne, ni les consommateurs, ni les producteurs, n’avait

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Sylviculture d’écosystème

le pouvoir d’influencer. Le monopole n’était qu’un accident de parcours, qu’une exception à la règle, qui ne portait pas vraiment atteinte au système [166]. Les lois naturelles de la concurrence devaient rétablir l’équilibre à tous les secteurs de l’activité économique. Mais la grande dépression des années trente bouleversa l’image idéale de la théorie néo-classique : on constata que l’« équilibre » pouvait s’accommoder d’un taux élevé de chômage. Dans cette période de crise, les idées de John Maynard Keynes  [236] arrivèrent comme salvatrices  : l’État pouvait intervenir pour lutter contre le chômage et l’inflation, en amortissant les variations cycliques de la production. En cas de surchauffe de la demande, l’État pouvait prendre des mesures restrictives et provoquait un fléchissement de la demande et l’arrêt de l’inflation salariale. Si la chute de la demande était trop importante, il suffisait de mettre en œuvre une politique de relance de la demande. La baisse de la demande provoquait, quant à elle, un développement du chômage « qui calmait les ardeurs revendicatives et l’inflation » [8] (Citation légèrement modifiée). L’État se permettait ainsi de faire irruption dans la vie sociale et économique, le gouvernement prenant le relais des entreprises privées en empruntant et en investissant suffisamment pour rétablir le plein-emploi. C’était « l’État-providence ». De cette façon, selon Galbraith  [166] (un économiste américain conseiller du Président John F.  Kennedy, qui a approfondi l’étude des rapports de forces dans le capitalisme contemporain), Keynes a apporté à la doctrine néo-classique du marché son ultime altération. Keynes a commis des erreurs : elles ont été de ne pas remettre en cause la notion du rôle moteur de l’intérêt personnel ni celle du mécanisme régulateur de la concurrence et du marché qui est une conception conservatrice de la réalité, et il a quasi-complètement négligé l’inflation. Les idées du grand économiste anglais, Adam Smith (1723-1790), basées sur la liberté d’entreprise, furent introduites en France par l’économiste français Jean-Baptiste Say (1767-1832) qui y ajouta une variante : la loi des marchés. De son vivant, Keynes le combattit et démolit la loi Say. À partir des années 1970, devant l’échec des politiques keynésiennes (compte tenu aussi de l’ouverture des frontières dans l’Europe qui perturbait la maîtrise des lois du marché français), certains politiques firent mine de s’extraire de l’économie keynésienne pour ouvrir la voie à des politiques inspirées par les tenants du libéralisme, mais ils restèrent encore profondément enracinés dans les méthodes de Keynes. On mit la crise de 2008 sur le dos de ces politiques dites « libérales » et certains politiques crurent bon de remettre à l’honneur la théorie keynésienne mais ils n’y parvinrent pas. On se retrouve ainsi aujourd’hui dans une situation très complexe où aucun économiste ne trouve de solution pour sortir de la crise. Il faut ici préciser un point important  : l’analyse du libéralisme telle qu’elle a souvent été faite, est erronée, ainsi que le démontre Elena Lasida dans son ouvrage Le goût de l’autre. La crise, une chance pour réinventer le lien  [261]. Le libéralisme d’Adam Smith  [461] 47 n’est pas le développement des libertés des uns aux détriments de celles des autres. Bien au contraire, Adam Smith, dans la 47. Smith 1759 réédité en 2014

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Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

Théorie des sentiments moraux, ré-introduit la notion centrale de la sympathie et il pose la question de la république philosophique : selon lui, l’économie n’a de sens qu’au service du buen vivir (« Bien Vivre » en français : concept autochtone à vocation universaliste utilisé en particulier en Équateur, le Buen Vivir s’appuie sur le principe d’une relation harmonieuse entre être humain et la nature, d’une vie communautaire faite d’entraide, de responsabilités partagées, de production collective et de distribution des richesses selon les nécessités des membres de la communauté 48). De manière paradoxale, Adam Smith rejoint, sur ce point, les idées de Karl Marx quand il analyse le passage du règne de la nécessité au règne de la liberté [263]. Adam Smith explique la constitution et la régulation du social sans avoir recours à la figure centrale de l’État ni aux figures fictives des théoriciens du contrat social. Le marché, selon Smith, permet ainsi d’expliquer, d’une manière nouvelle, l’institution du social [262]. La situation économique de nos années 2020, qualifiée à tort de libéralisme exarcerbé, n’est donc pas le libéralisme mais en réalité un stade extrême du capitalisme donnant des airs de ressemblance avec la mise en œuvre du marxisme dont la philosophie est fondée sur le matérialisme historique. C’est une conséquence de décennies de politique keynésienne avec l’ingérence de l’État dans les rouages du marché et de la prise de pouvoir des oligopoles sur le marché : le système concurrentiel du grand nombre s’est transformé en oligopoles d’une poignée de grandes sociétés anonymes qui font la loi sur le marché (un marché oligopolistique), imposant leurs prix en fonction de leurs intérêts (ces sociétés s’entendent entre elles pour ne pas baisser les prix), dénoncé par Galbraith [166]. La concurrence était un régulateur du marché. Dès lors que quelques grandes sociétés anonymes et que l’État également (monopole) ont mis la main sur l’activité économique, la concurrence ne fonctionne plus et on se trouve alors « en face d’un marché oligopolistique qui s’approprie le pouvoir de fixer ses prix et de se réglementer lui-même au mieux de ses intérêts. Ainsi, en se développant, le système industriel a détruit les mécanismes du marché qui étaient autrefois sa caractéristique principale.  »  [166] Inutile alors de s’étonner qu’inflation et chômage ne cessent de s’accroître conjointement puisque le marché est entré en « décadence », selon les termes-mêmes de Galbraith [166] en 1978 déjà. L’écoulement des produits forestiers est soumis à ce même régime autoritaire imposé par une poignée de grandes scieries. Les propriétaires forestiers en sont les sujets, poussés à obéir aux demandes de production : ce sont ces entreprises qui décident du type d’espèces ligneuses forestières et de la sylviculture à mettre en œuvre par le fait que le diamètre des arbres est aussi imposé pour les besoins de ces mêmes industries. Outre sa totale aberration en matière d’écologie forestière, ce système de fonctionnement met en grand péril les propriétaires forestiers qui auront implanté une espèce très demandée par la filière bois à un moment donné, alors qu’elle pourra avoir perdu toute sa valeur sur le marché du bois plusieurs décennies plus tard quand elle arrivera à maturité dans ces forêts privées. 48. Wikipedia

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Sylviculture d’écosystème

Dans ce contexte, que peut donc décider librement un propriétaire forestier ? Sa démarche sylvicole est forcément orientée vers la rentabilité, déjà simplement pour pouvoir payer les impôts dont sa forêt fait l’objet : la taxe foncière sur les terrains boisés, l’impôt sur le revenu forestier, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), les droits de mutation des forêts et parcelles boisées. Dans certains cas, les propriétaires forestiers peuvent être également redevables d’autres impôts et taxes  : l’Impôt sur la Fortune Immobilière (l’IFI, anciennement ISF), des plus-values sur les terrains forestiers, etc. Cette rentabilité forestière passe nécessairement par un négoce avec les entreprises transformatrices du bois existantes. En 2014, le journal « Les Echos » titrait un article : Les scieries condamnées à s’industrialiser pour survivre. – Bpifrance lance un 2ème  fonds bois pour accompagner la restructuration. – Une étude chiffre à un millier le nombre de survivants d’ici à 2020 : « Les trois scénarios à 2020 envisagés par l’étude placent les unités semi-industrielles dans une « vallée de la mort ». Elles devront soit participer au mouvement de consolidation en s’industrialisant et en augmentant de taille, soit revenir à des tailles plus adaptées au sur-mesure. Car, pour Maurice Chalayer, il restera toujours des marchés locaux en construction ou en menuiserie pour l’artisanat, apprécié pour sa souplesse. Mais, pour survivre, ces scieries locales devront doubler leur productivité. Ce qui risque de laisser une bonne moitié au bord du chemin : l’étude pronostique d’ici à 2020 la disparition de plus de 500 d’entre elles. Dans un autre rapport, l’expert Serge Lochu confirme : « Il y a un risque de décrochage pour les scieries sans plan stratégique. » » [400]. L’article précise que les scieries françaises sont confrontées à la fuite des bois vers la Chine et qu’elles ne peuvent plus acheter de grumes. Un tiers de la récolte de hêtre et de chêne échapperait déjà aux transformateurs français et ce phénomène commencerait à toucher les bois de conifères. Et l’auteur d’ajouter que la problématique de l’approvisionnement se renforce, « motivée par les conflits d’usage avec la filière bois-énergie, la faiblesse des plantations, le morcellement de la forêt, la protection écologique, etc. » En 2018 la France comptait un peu moins de 1 500 scieries, contre 5 000 en 1980, et encore 15 000 en 1960. Il ne reste quasiment plus de ces petites scieries qui permettaient d’écouler des produits non standardisés. Alors comment un propriétaire forestier peut-il sérieusement et sereinement se lancer dans une véritable sylviculture « proche de la nature » ?

6.2 Le contexte juridique et fiscal de la filière

Forêt-Bois

La réglementation fiscale représente un sérieux handicap lors des transmissions forestières. En effet les lois Sérot et Monichon réduisent forfaitairement des trois quarts l’évaluation des droits de mutation et comptant en contrepartie sur une gestion en « bon père de famille » pendant 30 ans : ceci pénalise les récoltes en

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Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

cours de formation et incite à décapitaliser avant la transmission de la forêt. Les peuplements peuvent avoir des valeurs situées entre 0,5 et 50 fois celle du foncier et ce système d’une part n’incite pas le gestionnaire à pratiquer une bonne gestion sur la durée et d’autre part génère parfois des contentieux administratifs longs et complexes [267]. Les taxes foncières de biens immobiliers sont calculées sur la valeur locative de ces biens. Or, la valeur locative d’une forêt n’a pu être estimée que de manière imaginaire (la location de forêt n’étant pas usuelle) et cette valeur fait totalement abstraction des coûts de gestion et de maintenance, des conditions d’abattage, de débardage et de transport, des risques économiques et financiers découlant du marché et des aléas climatiques, ce qui manque de cohérence [267]. Par ailleurs la nature de l’impôt sur le revenu forestier en France varie selon la nature juridique du propriétaire : les personnes de droit privé paient un impôt forfaitaire calculé à partir de la valeur locative ayant servi à calculer la taxe foncière ; les personnes morales (sociétés de droit commercial) ont une imposition basée sur les revenus réels. Le forfait des personnes physiques a l’avantage d’être simple, mais il a le grand inconvénient de favoriser la paresse, en pénalisant les dépenses diverses (entretiens, équipements, réinvestissements), incontournables dans le cas d’une gestion pérenne de la forêt. Le gros problème de la gestion forestière est qu’il n’existe pas de plan comptable adapté à l’entreprise forestière. De plus, la réévaluation des bilans est interdite par le ministère des Finances. Enfin la doctrine fiscale « Godon » – d’un député ayant déclaré au début des années 1960 que les peuplements forestiers devraient être fiscalement assimilés à des stocks – a fait un amalgame entre actifs circulants (les stocks) et actif immobilisé (foncier et peuplements en croissance). Cette disposition fiscale ignore la notion de dépréciation des stocks avec le temps (bois abattus ou peuplements obsolètes) et la prise de valeur, même sans intervention, des peuplements qui s’accroissent en volume et en qualité et qui génèrent ainsi des plus-values à long terme. Ce contexte n’incite pas à l’investissement ni au regroupement des propriétés ni à l’intégration verticale de l’amont à l’aval, mais profite finalement à des concurrents étrangers. Ces réformes (comptabilité spécifique obligatoire, fiscalité au réel, obligation de formation technique et économique des gestionnaires) ont été réalisées dans le monde agricole dans les années 60, mais le secteur forestier, pourtant dépendant du même ministère que l’agriculture, n’a pas bénéficié de ce type de réformes. En revanche, les Allemands ont fait des réformes profondes de leur filière forêt-bois qui se porte beaucoup mieux que la nôtre. Si ces réformes ne sont pas faites en France, l’impôt sur le revenu forestier va continuer d’augmenter sans aucun regard sur l’irrégularité des revenus dans le temps, eux-mêmes sans concomitance avec les dépenses. Ceci est incompatible avec une gestion forestière pérenne [267]. (Citation légèrement modifiée) Il serait donc souhaitable d’engager des réformes  : rendre les sylviculteurs plus actifs et plus entreprenants, en établissant l’obligation d’un plan comptable forestier spécifique ; établir une fiscalité proportionnelle à partir du bilan comptable (dépenses et recettes) en reportant les soldes négatifs sur d’autres revenus ou sur des

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Sylviculture d’écosystème

exercices ultérieurs ; harmoniser la fiscalité forestière des personnes de droit privé et de droit commercial ; réaliser l’intégration verticale forêt-industrie au profit de l’ensemble de la filière, intégration qui existait jusqu’à ce que la doctrine Godon soit appliquée [267]. La dégradation de notre filière Forêt-Bois remonte ainsi au début du XXe  siècle. En tirant la sonnette d’alarme, Roger de Legge [267], Expert Forestier, a rappelé l’urgence d’effectuer ces réformes en France pour une professionnalisation de la filière Forêt-Bois, fondée sur la compétence à différents niveaux et sur la transparence de ce métier. Alors dans un tel contexte, comment envisager de conduire, dans sa forêt, une sylviculture irrégulière et mélangée ?

6.3 Concrètement : quelle sylviculture

préconiser pour la France ?

Compte tenu de ces contextes difficiles pour un propriétaire forestier qui ne peut pas résoudre à lui seul les problèmes conjoncturels de société, une seule issue apparaît possible dans un premier temps : innover et se raccrocher à ce qui est immuable, c’est-à-dire la nature dans sa véritable naturalité. Ainsi que nous l’avons vu au fil des pages de ce livre, des tentatives ont eu lieu depuis trente ans en France mais pour des raisons qui nous échappent, elles ont bifurqué en cours de route pour rejoindre le camp de la productivité, mêlant quelques idées d’écologie à un itinéraire de futaie régulière claire, de plantations / régénération naturelle à large écartement avec dynamisation du rythme sylvicole. L’innovation que nous proposons, est de développer les aspects de multifonctionnalité de la forêt, la fonction de protection et la fonction sociale devant prévaloir face à la fonction de production. Pour ce faire, la notion de la multifonctionnalité en forêt ne doit plus être considérée comme étant une simple juxtaposition des différentes fonctions de la forêt qui seraient programmées par l’homme selon ses souhaits, mais elle doit s’analyser par rapport au bon fonctionnement d’un écosystème peu perturbé, offrant alors des fonctions pouvant être alors utiles à l’environnement et à l’homme. On en revient ainsi au syntagme des deux paradigmes cités précédemment : la sylviculture « intègre-t-elle » la dynamique naturelle ou bien la dynamique naturelle « peut-elle intégrer » la sylviculture ? Nous résumons notre réflexion sur la mise en place d’une sylviculture scientifique par le schéma ci-après dans le Tableau 2, et chaque point sera développé au cours de ce chapitre 6.

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Tableau 2

Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

 Tableau 2   Hiérarchisation de l’analyse conceptuelle d’une forêt conduite en sylviculture d’écosystème avec, en trait plein, la succession logique des étapes et en trait discontinu l’étape à ne pas atteindre directement. Solution aux défis auxquels doit répondre la forêt française

LA SYLVICULTURE D’ECOSYSTEME DEFINITION Son concept Ses caractéristiques

LES OUTILS ITINERAIRE A SUIVRE Bâtir un concept

Outils descriptifs

Outils de contrôle

Définir la méthode : une dynamique à étudier

Ses atouts

Une forêt mieux résistante aux incendies

Le principe scientifique

La démarche technique

L’état des lieux de la forêt

Les objectifs de l’évolution forestière future

Les chemins d’accès à ces objectifs réalisation d’un martelage ou non, utilisation de différents types de martelage, tout cela en synthèse de l’analyse de l’écosystème et selon la mosaïque stationnelle et la structure forestière

6.3.1

Les défis auxquels doit répondre cette nouvelle sylviculture

La forêt française d’aujourd’hui est, ainsi que nous l’avons vu au fil des pages, confrontée à plusieurs défis. Le premier défi est celui de maintenir des forêts un tant soit peu naturelles avec des espèces ligneuses autochtones pour faire face avec réalisme aux changements climatiques. L’erreur est d’agir trop vite avec peur et certains, sur la base de modélisations, nous prédisent un climat méditerranéen dans un proche avenir, encourageant vivement les propriétaires forestiers à recourir aux espèces ligneuses exotiques pour «  sauver  » la forêt de demain. On condamne d’ores et déjà l’avenir de certaines espèces autochtones comme le hêtre alors que nos voisins allemands ont établi

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Sylviculture d’écosystème

une hêtraie en réserve de biosphère à Grumsin dans le Land de Brandenbourg, classée à l’UNESCO depuis 2011, considérant, avec preuves scientifiques à l’appui [14,15,60,124], que le hêtre saura s’adapter aux changements climatiques. Le deuxième défi est de protéger nos écosystèmes forestiers des pollutions (ozone, etc.)[119] et des facteurs climatiques changeants qui les agressent. Le troisième défi est de protéger les phases hétérotrophes de la forêt, biodiversité la plus fragile et la plus rare, dans une course sylvicole à la rentabilité à court terme prônant notamment les plantations à courtes rotations. Dans le concept de biodiversité, les espèces les plus importantes sont celles appartenant notamment au complexe saproxylique et plus particulièrement spécifiques aux forêts anciennes qui dépendent d’une stricte continuité forestière sur le très long terme. Le quatrième défi est d’assurer une cohabitation harmonieuse entre la faune herbivore, ses prédateurs naturels et les usagers de la forêt. Le cinquième défi est d’apporter une meilleure réponse écologique et économique à tous ceux qui prônent une sylviculture dynamique avec une mise en lumière rapide des houppiers, une récolte précoce des arbres, dans des forêts traversées de part en part par des pistes et réseaux de chemins toujours plus nombreux et démesurés, bref tous ceux qui ne cherchent que le productivisme sans penser au fragile fonctionnement des écosystèmes. Et bien d’autres défis encore…

6.3.2

La définition de la nouvelle sylviculture, son concept et ses caractéristiques

6.3.2.1

Sa définition : la sylviculture d’écosystème

Seule une sylviculture qui s’insère dans le fonctionnement naturel des écosystèmes, qui se fond à la nature sauvage, peut relever tous ces défis. Cette sylviculture est une science – et non un traitement qui commencerait ses interventions à partir de l’acte de martelage – science de synthèse de l’écologie et de l’économie de la forêt, la plus proche du fonctionnement des écosystèmes naturels et ce, de manière à en garantir la pérennité [115] 49. Rappelons que les impacts anthropiques provoquent une diminution de la capacité des écosystèmes à dissiper l’énergie en diminuant la biomasse mais aussi en réduisant la complexité des écosystèmes, ce qui diminue la capacité de régulation thermodynamique de ces derniers [333,511]. L’action de l’homme devra, de ce fait, être extrêmement prudente et, ainsi que nous le verrons au chapitre 6.5., afin de garantir des revenus au propriétaire forestier, il sera judicieux de songer à commercialiser les services écosystémiques de l’écosystème autres que la production de bois.

49. Communication Mlinšek in Duchiron 2000 a

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Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

Mais allons plus loin et pour cela rapprochons-nous de l’analyse des philosophes. En effet il apparaît que depuis Galilée, au XVIIe siècle, puis avec Descartes, la vision réelle de l’univers a été rétrécie à celle qui était visible, donc appartenant au registre de l’objectivité, considérant que la connaissance sensible (des couleurs, des odeurs, des saveurs, des sensations sonores, agréables ou désagréables), bref tout ce qui est du registre de la subjectivité, serait faux et illusoire. La connaissance de l’univers s’est alors traduite par une connaissance de l’apparence, une connaissance rationnelle basée sur des figures et des formes : la géométrie. Et cette connaissance géométrique de la nature matérielle pouvait être traduite mathématiquement. Ce nouveau savoir a pris la place de tous les autres qui ont été rejetés dans l’insignifiance. Or, dans le monde du vivant des phénomènes invisibles à l’œil se produisent et permettent au vivant d’exister. Pour autant la vie ne peut pas se résumer à des échanges métaboliques, elle ne peut pas être dissociée de la « culture ». Encart 8 – La culture La culture « désigne l’auto-transformation de la vie, le mouvement par lequel elle ne cesse de se modifier soi-même afin de parvenir à des formes de réalisation et d’accomplissement plus hautes, afin de s’accroître. Mais si la vie est ce mouvement incessant de s’auto-transformer et de s’accomplir soi-même, elle est la culture même, ou du moins elle la porte inscrite en elle et voulue par elle comme cela même qu’elle est. (…) Cette vie qu’étudient les biologistes, on ne saura jamais tout à fait ce qu’elle est, sinon au terme idéal et comme tel jamais atteint du progrès scientifique. Mais si nous n’avons aujourd’hui encore qu’une notion imparfaite de ce qu’est la vie biologique, il convient de remarquer que l’humanité en tout cas a vécu pendant des millénaires sans en avoir la moindre idée, sans se douter de son existence – sans qu’aucune des modifications de la vie humaine précisément, son maintien, son accroissement, sa culture, ne lui doive rien. Ainsi pressentons-nous déjà cette première vérité, sur laquelle il n’est pas inutile de méditer en cette fin du XXe siècle, à savoir que la culture n’a originellement et en soi rien à voir avec la science et n’en résulte nullement. La vie dont nous parlons ne se confond pas avec l’objet d’un savoir scientifique, objet dont la connaissance serait réservée à ceux qui sont en possession de ce savoir et qui ont dû l’acquérir. Bien plutôt est-elle ce que tout le monde sait, étant cela même que nous sommes. » [198]. De même, toute subordination, qu’elle soit politique, économique ou technoscientifique (avec ses relais politiques et administratifs), exige l’expulsion de la culture hors du lieu prévu pour son développement [198]. Aussi, la nouvelle sylviculture que nous développons, basée sur le principe de la forêt irrégulière stricto sensu, se veut-elle scientifique et ne doit pas être enfermée dans une subordination technique quelle qu’elle soit (des techniques de martelages, des typologies, etc.) au risque de se méprendre totalement sur ce qu’est réellement la vie de la forêt. Un esprit scientifique est, par essence, un esprit entièrement ouvert à l’inconnu, à la découverte et à l’innovation, à la différence d’un esprit qui se cramponne et se cantonne à des techniques et pratiques routinières. La vie dans sa

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Sylviculture d’écosystème

dynamique, dans sa mouvance, dans son imprévu et dans tout ce que l’homme ne maîtrise pas, doit ainsi prévaloir. La forêt n’a pas eu besoin de l’homme pour exister. Depuis trente ans nous avons entendu parler de sylvicultures d’arbres s’opposant à des sylvicultures de peuplements. Mais toutes ces sylvicultures procèdent du même principe : celui d’enfermer la forêt dans un schéma. Or, un écosystème, même s’il peut être analysé par une approche technique et ce, de plus en plus finement grâce aux progrès de la recherche, ne se laisse pas enfermer dans une science figée, dans un savoir acquis. Tout l’art et donc la culture, la sylvi-culture, est de savoir s’appuyer sur certaines connaissances pour se mettre à l’écoute du nouvel écosystème que l’on veut analyser, mais sans s’enfermer dans son savoir. C’est cette grande inconnue qu’est la Vie. Il est encore plus passionnant de chercher à la découvrir toujours plus finement, avec une grande délicatesse, que de vouloir l’enfermer et la figer dans des stéréotypes. Ainsi, tout l’objectif de cette sylviculture est de garder ou faire retrouver à la forêt son aspect sauvage. Aussi avons-nous dénommé cette sylviculture : la sylviculture d’écosystème [119], ou sylviculture sauvage. Elle n’a rien à voir avec la sylviculture dynamique prônée en sylviculture de futaie claire dite «  irrégulière  » même si les acteurs de cette sylviculture-là exposent les grandes lignes écologiques de leur sylviculture dans les mêmes termes que la nôtre [6]. Nous n’avons ni le même concept scientifique, ni la même logique, ni les mêmes priorités, ni la même manière de marquer les arbres. La différence se constate sur le terrain, de manière évidente déjà au terme de trente années depuis le début de la réflexion sur une sylviculture qui se voulait être « proche de la nature ». L’ouverture des peuplements (rupture de la continuité du couvert forestier) et la décapitalisation de ceux-ci ont totalement transformé la physionomie des forêts conduites par cette sylviculture claire qui se limite à l’acte du martelage des arbres suivi de leur abattage et de leur vente. Elles n’ont pas ou plus d’aspect sauvage. La futaie claire qui en découle, n’est pas la futaie jardinée qu’Alfred Möller décrivait comme étant le modèle de la forêt pérenne (Dauerwald) et qui suivait le modèle des forêts anciennes à haute naturalité, à commencer par la densité des arbres (près de 40 m2/ha de surface terrière en forêt ancienne au lieu de 19 m2/ha en forêt claire) : le fonctionnement de l’écosystème n’est pas le même dans les deux cas. Si l’évocation de la grande faune a, très récemment, été intégrée dans la description de la sylviculture en forêt claire – notamment après la publication de l’important travail réalisé pour les Fédérations départementales des chasseurs du massif vosgien [440] – elle reste cependant une « faiseuse de dégâts » [6] : la raison en est que ces forêts sont trop ouvertes et attirent ainsi les cervidés dans les zones de régénération, qui se regroupent en hardes pour écorcer les arbres car ils ne trouvent plus de quiétude du fait de l’ouverture de la canopée et d’une structure verticale lacunaire. Les indicateurs sylvicoles de ces mêmes auteurs sont d’ordre financier : « les revenus matière et argent, leur continuité, leur rendement. » [492] 50, ceci les amenant à se 50. Turckheim et Bruciamacchie 2005 (page 175)

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Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

poser des questions sur le type de production et sur la manière de l’augmenter, tout en concluant de manière surprenante : « Et tout ceci en améliorant la qualité de ma station » [492] 51. Au contraire, en sylviculture d’écosystème, les indicateurs sont, comme nous le verrons ci-après, basés sur ceux de la sylviculture irrégulière stricto sensu, à savoir  : la lumière, les humus, la quantité de biomasse laissée à l’état de sénescence qui permettent de vérifier que l’écosystème est en bon état de fonctionnement et l’aspect sauvage de la forêt. On ne peut effectivement pas aboutir à des valeurs écologiques à partir d’un raisonnement financier.

6.3.2.2

Son concept

La sylviculture d’écosystème, sylviculture sauvage, s’appuie sur le concept de forêt naturelle, organisme vivant tel qu’Alfred Möller l’a définie, la Dauerwald [194,316] et sur les grands principes du Programme LÖWE définis et mis en place par HansJürgen Otto (1991) en Basse-Saxe (chapitre 1). Notre travail a été de poursuivre la recherche au-delà du Programme LÖWE de façon à mettre le fonctionnement de l’écosystème à la place d’honneur et la fonction économique en sourdine. La progression de notre recherche a été confortée par les travaux de recherche allemands [38] et les résultats des essais sylvicoles effectuées dans les Balkans [61,62] qui sont les plus proches de notre concept sylvicole. La sylviculture d’écosystème part du concept de forêt naturelle possédant une certaine richesse biologique dont ensuite on pourrait (forme conditionnelle et non présent du verbe) se permettre d’exporter du bois. L’action du forestier consiste à ne pas déstabiliser l’écosystème mais à respecter voire renforcer sa stabilité naturelle avant de songer à une éventuelle récolte commerciale de bois [115,119]. En effet, les risques encourus au niveau de l’écosystème dans les sylvicultures de production sont autant de manques à gagner et d’argent perdu. Il va sans dire que notre conception sylvicole est incompatible avec une subordination quelconque à l’industrie du bois et qu’elle est la seule, sur le long terme, à pouvoir répondre aux imprévus des évolutions économique, sociale et environnementale [62]. C’est une sylviculture intégrée et fondue à la dynamique naturelle et respectant celle-ci (et non « une sylviculture intégrant la dynamique naturelle », ni « utilisant les automations biologiques », terme emprunté à l’informatique...). La sylviculture d’écosystème se veut ainsi être « une sylviculture d’excellence » et « la sylviculture par excellence » qui respecte ou recrée la complexité d’un écosystème. La complexité d’un organisme vivant est illustrée de manière intéressante par Pierre Bricage 52, ancien Professeur à l’Université de Pau, notamment spécialiste de virologie  : «  Pour ce qui concerne la gestion de la forêt, tout se passe comme si l’écosystème forestier était un “organisme” vivant tout autant que l’est, à une autre échelle d’espace-temps-action, l’écosystème d’une cellule. Différentes ARMSADA  [73,74] (Association for the Reciprocal and Mutual Sharing of 51. Turckheim et Bruciamacchie 2005 (page 175) 52. Bricage communication écrite 2020

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Sylviculture d’écosystème

Advantages and DisAdvantages – Les Associations à avantages & inconvénients Réciproques & Partagés), mises en place au cours de l’évolution, ont donné naissance aux divers types de forêts. » Il poursuit en expliquant que dans ces situations, quand une nouvelle espèce d’arbre est ajoutée (plantation) ou enlevée (abattage) on perturbe la dynamique naturelle et la survie de la forêt peut être menacée. À l’inverse, on peut « sauver » une forêt menacée, en plantant (en mélange) ou en enlevant (complètement) une espèce d’arbre. Aucune décision, relative au maintien ou au changement de sa biodiversité spécifique, ne peut donc être prise (plantation, abattage) si on n’a pas connaissance au préalable de cette photographie globale de l’état des équilibres éco-physiologiques d’interactions entre prédateurs et proies. Il en est comme pour un champ de maïs, où l’on observe immédiatement la vulnérabilité du champ d’arbres (arbres tous de la même espèce) face à l’attaque par un ravageur ou à un autre incident génétique ou écophysiologique (citation légèrement modifiée). Il conclut  : «  C’est aussi vrai pour les écosystèmes cellulaires, avec les interventions à l’origine de leurs différents dérèglements, comme le cancer, ou pour leur rétablissement. » Ceci nous confirme que la position de chaque élément structurel ou texturel de la forêt est essentielle pour le fonctionnement de l’écosystème et que toute modification anthropique le perturbe. On découvre au travers de ces propos les répercussions gigantesques que peut avoir le départ de certains arbres, de certaines espèces. L’agriculture industrielle du XXe siècle a stérilisé les sols, une gestion forestière intensive ou mal adaptée aux écosystèmes peut leur faire courir des risques similaires. Face à ces dangers, les forestiers soucieux d’assurer une protection maximale à leur écosystème forestier, opteront pour une démarche de compréhension des mécanismes internes, physiologiques de leur forêt avant de lui retirer un seul de ses arbres. C’est à ces forestiers que la sylviculture d’écosystème s’adresse.

6.3.2.3

Ses caractéristiques

La sylviculture d’écosystème prenant modèle sur le fonctionnement des forêts naturelles, la futaie irrégulière, qui en résulte, se rapproche le plus possible des caractéristiques majeures des forêts anciennes à haute naturalité. Dans cette sylviculture, les fonctionnements et les paramètres naturels sont préservés en priorité, avec notamment : un réseau d’îlots de sénescence ; la grande faune sauvage qui doit pouvoir y habiter et ce, en harmonie avec la forêt. Voici les critères de la sylviculture d’écosystème (les points marqués d’un astérisque * sont déjà pris en compte dans les sylvicultures actuelles) : – Des forêts denses : selon les espèces en présence, viser une surface terrière située environ entre 30 et 45  m2/ha, à l’image des forêts anciennes à haute naturalité. Rappelons les observations des scientifiques dans ces forêts anciennes : la compétition entre les arbres est, dans les faits, bien moins importante dans les peuplements denses que dans les peuplements clairs, en raison d’une longue continuité de dynamique naturelle non perturbée par l’homme, la complémentarité des processus aériens et souterrains permettant de modifier ses

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Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

stratégies d’acquisition des ressources et optimisant ainsi la croissance radiale de l’arbre [143,299]. – Un couvert pérenne : ce critère (aussi dénommé par certains forestiers comme « couvert continu », de l’anglais « Continuous Cover Forestry ») est retenu en théorie par d’autres sylvicultures mais dans la pratique leur couvert dit « continu » est discontinu du fait que leurs peuplements sont très ouverts avec des surfaces terrières très faibles (+/– 19 m2/ha), de manière comparable à la coupe définitive d’une futaie régulière qui aurait davantage de semenciers. Nous considérons que ce couvert doit être pérenne et pour cela il ne doit pas être ouvert (et donc il doit être continu) – donc les surfaces terrières faibles doivent être proscrites – et que toute coupe rase doit être évitée. – Une structure verticale étagée et irrégulière, une structure horizontale irrégulière et une canopée fermée : cette structure forestière ne se développe naturellement que très longtemps après un chablis, donc on choisira des coupes de type jardinatoire (Plenterhieb), par pied d’arbre (Einzel) ou par touffes (Trupp) dans un diamètre de la surface au sol égal à la moitié de la longueur d’un arbre (entre 0,01 ha et 0,03 ha), à l’image des chablis dans les forêts anciennes à haute naturalité (définition de la taille des groupements d’arbres en 6.4.2.1.4). Ces coupes devront être très espacées dans l’espace et dans le temps, les rotations seront allongées de 15 à 20  ans voire davantage. Le rôle du sylviculteur est d’intervenir pour aider la structure forestière verticale étagée à se pérenniser avec un mélange diffus des autres phases du cycle des forêts naturelles, de façon à ce que la forêt-mosaïque soit maintenue dans l’espace et dans le temps, ainsi que de veiller à la conservation maximale d’aspects sauvages. – Une présence d’arbres de gros et de très gros diamètres, très vieux, vivants et morts (debout et à terre) : nous avons vu précédemment (Figure 13) que la particularité des forêts anciennes était d’avoir une courbe de distribution des diamètres en forme de sigmoïde inversée alors que la futaie jardinée était représentée par la courbe de Liocourt. Les forêts anciennes ont peu de régénération naturelle mais beaucoup de gros bois (DHP > 40 cm) et de très gros bois (DHP > 60 cm). À l’inverse les futaies jardinées ont peu de très gros bois et beaucoup de jeunes bois. La courbe de la futaie irrégulière issue de la sylviculture d’écosystème se rapprochera le plus possible de la sigmoïde inversée. C’est pour cela que les interventions en coupes devront être largement espacées dans le temps et dans l’espace. On veillera à augmenter ainsi le volume sur pied de la forêt, principalement en augmentant le nombre d’arbres de gros diamètres. Et il n’est pas exclu, suivant le contexte, d’abattre de temps à autre des arbres de diamètre de 40  cm voire légèrement en-dessous, d’ailleurs actuellement plus facilement commercialisables que les très gros bois, mais toujours avec l’objectif de maintenir ou d’améliorer la structure. Rappelons que la disposition dans l’espace et dans le temps de ces gros et très gros arbres a des conséquences très importantes sur les mécanismes internes de fonctionnement de l’écosystème : les taux de croissance des arbres ne dépendent pas en effet exclusivement de la densité des concurrents potentiels au niveau intraspécifique, mais de l’agrégation conspécifique des arbres de grand diamètre et de leur rôle fonctionnel dans la régulation des processus de filtrage biotique. La relation

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Sylviculture d’écosystème

est très importante entre l’agrégation spatiale des arbres de grand diamètre et le résultat des interactions de voisinage qui peuvent être inhérentes à la dynamique de la communauté et aux services écosystémiques forestiers connexes [143]. La Science de l’écologie parle à bon escient de « trames » dans ce cas de figure. Actuellement seule la catégorie des gros arbres est prise en considération dans les autres sylvicultures* mais pas celle des très gros arbres (avec des diamètres supérieurs à 60 cm), et ce, sans tenir compte ni de leur répartition spatiale ni de leur densité. – Un réseau d’îlots de sénescence : pour préserver les éléments les plus rares et les plus vulnérables de l’écosystème. Ils doivent être reliés entre eux et choisis de préférence dans les zones les plus âgées de la forêt*. On veillera à garder environ 60 m3/ha de bois mort de toutes tailles et appartenant à toutes les espèces arborescentes, afin d’offrir des habitats aux espèces saproxyliques les plus spécialisées. Encart 9 – Nos propositions pour le choix des îlots de sénescence et réserves Les choix des zones à préserver (réserves et îlots) se basent en premier sur la richesse en vieux arbres, comportant de nombreux arbres sénescents (un minimum souhaitable serait 60 m3/ha), car la faune qui lui est déjà inféodée pourra irradier dans les autres parties de la forêt. Des zones fragiles (zones humides) sont aussi incluses dans les zones en réserve. Nous préconisons une à plusieurs zones de réserve intégrale – ce qui correspondrait à 10 % de la surface totale du massif forestier – disposées de manière dispersée dans toute la forêt. Les critères de choix sont par ordre décroissant : le degré de naturalité (ces zones doivent comporter le plus grand nombre d’arbres morts possible et le plus haut degré de maturité)  ; la vulnérabilité  ; l’inaccessibilité. Mais il faudrait aussi qu’elles ne soient pas trop concentrées. Tout est affaire de discussion selon les situations. À ces 10 % doivent être ajoutés des îlots de sénescence, dont le rôle est de relier les réserves. Ces îlots doivent donc être répartis de manière relativement homogène, incluant si possible tous les sites à vieux arbres et grands arbres. Certes, la sélection des îlots doit tenir compte des pertes économiques à court terme que cela engendre pour les propriétaires, et donc privilégier les sites de moindre productivité. Mais il faudrait y adjoindre des zones de forte productivité – car les conditions écologiques sont différentes – et les sites déjà pourvus en bois mort. Il faut également y ajouter des bords de cours d’eau afin qu’ils soient enrichis en bois mort dans le cours d’eau lui-même. Les arbres-habitats (arbres « bio ») en bouquets ou isolés seront choisis en fonction des habitats qu’ils offrent aux espèces les plus fragiles : les arbres à cavités naturelles ou creusées par les pics, les arbres cassés, fendus, ceux porteurs de belles lianes, d’aires de rapaces ou autres oiseaux, de gîtes de chauves-souris doivent être privilégiés. Il est également important de conserver toutes les espèces ligneuses natives, des pionniers aux dryades. Des chablis isolés peuvent être respectés, de même que les branches tombées naturellement à terre.

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Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

Il serait judicieux d’organiser à grande échelle (échelle régionale voire nationale si possible) les pratiques sylvicoles favorisant le bois mort, afin d’améliorer la conservation des espèces saproxyliques. N’oublions pas que les espèces reliques des forêts primaires dépendent principalement de la préservation d’habitats et bien souvent aussi de l’abondance et de la qualité du bois mort [36]. – Une réserve biologique permanente au sein de la forêt : une zone où il n’y aura jamais d’intervention humaine. On tâchera de la choisir dans la partie centrale du massif forestier mais qui soit aussi une zone productive. Par souci de rentabilité, on serait tenté de mettre en réserve les zones les moins productives, ce qui serait une erreur stratégique. Le réseau d’îlots de sénescence lui sera relié. – Des mélanges d’espèces ligneuses en rapport avec la station écologique*. – L’exclusion des espèces exotiques. – Le maintien des lisières forestières sans intervention humaine : elles doivent être denses pour éviter les phénomènes d’évapotranspiration de la forêt exposée à la chaleur des surfaces nues du voisinage. – La préservation des zones sensibles : mises en dehors de toute intervention (zones humides, ripisylves*, boisements sur rochers, sur forte pente, au-dessus de 800 mètres, où la productivité primaire est ralentie par le climat, ce qui rend l’écosystème sensible aux impacts anthropiques, etc.). – La préservation des sols : par l’absence de travaux (labour) et en portant un grand soin au débardage des bois avec des engins légers voire avec la traction animale autant que possible, en utilisant exclusivement des layons de débardage disposés de manière non systématique, éloignés de 25 à 45 m les uns des autres et selon un tracé adapté au paysage. – La préservation de l’unité forestière : en évitant le découpage par des « cloisonnements » (véritables cloisons fragmentant le continuum écologique) et pistes qui sont comme autant de saignées dans l’écosystème forestier, et en évitant le morcellement. On préfèrera le concept de layons de débardage échappant à la systématique et à la rupture du continuum écologique. – L’intégration conceptuelle que la grande faune, si controversée dans la société actuelle, est un élément essentiel de la dynamique forestière. Nous insistons ici sur l’intérêt d’avoir de grands carnivores en France à des densités viables – en définissant en milieu agricole des pratiques d’élevage qui y soient compatibles – afin que les herbivores de toutes tailles et les mésocarnivores soient régulés naturellement. Cela n’évitera pas (mais nous ne le souhaitons pas) des abroutissements de semis et d’écorçage, mais cela dispersera les hardes, permettant à davantage de semis de résister à l’herbivorie. Les semis sont également très favorisés par les abris naturels comme les bois morts. La sylviculture d’écosystème est la seule qui intègre les paramètres d’une nature sauvage dans son raisonnement et sa mise en œuvre. La futaie irrégulière qui en résulte, allie de manière intégrée et non juxtaposée (ni additionnée), toutes les fonctions ou composantes d’une forêt dite « multifonctionnelle ».

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Sylviculture d’écosystème

Nota Bene : on ne favorisera pas les conifères dans les zones où ils sont absents ou rares, ni les feuillus autochtones qui sont naturellement rares : cas du chêne dans la hêtraie. En revanche, un effort devrait être fait pour l’if (protection des individus, notamment des semis jusqu’à que soient constituées des populations en nombre suffisant), et ce, afin qu’il retrouve sa place dans les écosystèmes forestiers. La forêt intègre d’autres éléments naturels dont on ne parle guère dans les traités de sylviculture et qui ne sont pas toujours mentionnés même dans les ouvrages d’écologie générale. Cela concerne notamment le bois mort, les lianes  et la grande faune. Le bois mort laisse une impression de « forêt qui meurt ». Les lianes sont inféodées aux forêts à sols riches et se cantonnent dans les trouées et les lisières. En général elles sont accusées de nuire à l’arbre. La grande faune, quant-à elle, serait nuisible aux jeunes arbres et aux semis. En bref, tout ce qui contrecarre l’image d’Epinal d’une forêt qui doit être riche en beaux arbres sains, est occulté, voire considéré comme anormal.

6.3.2.4

Ses atouts

L’intensité de la conduite sylvicole affecte la structure des forêts, les sols, les cycles biogéochimiques, la biodiversité et les services écosystémiques. La notion d’intensité évolue le long d’un curseur se déplaçant entre le plus et le moins. La sylviculture d’écosystème se situe dans la position la moins intensive du curseur. Sa fonction est, par là-même, de protéger l’ensemble de ces éléments structuraux, cycles et services de la forêt. Du fait de sa structure très irrégulière (il n’y a pas deux endroits qui se ressemblent), la forêt issue de la sylviculture d’écosystème offre au propriétaire de la forêt une palette de fonctions lucratives que n’apportent pas les autres forêts. Elle possède une fonction de protection inégalable à l’instar des forêts anciennes à haute naturalité : protection de la production (laquelle n’est jamais assurée sur le long terme dans les autres sylvicultures qui décapitalisent les peuplements forestiers), protection de l’écosystème (sol, eau, air, dynamique et successions naturelles), protection de la « connectivité » de l’habitat (en favorisant un paysage composé de parcelles forestières interconnectées ainsi que la connectivité des éléments structurels au sein de la forêt afin de permettre un échange individuel ou génétique suffisant du biote au sein du biotope forestier), protection du microclimat du secteur géographique environnant la forêt contre les pollutions locales, contre le bruit, contre des nuisances visuelles, protection du paysage, protection et garantie de la fonction sociale, garantie d’un espace de vie sauvage pour la flore et la faune, garantie de fonctions particulières spécifiques au site et à la forêt, garantie d’un espace d’enseignement et de recherche, garantie de préservation d’une histoire forestière, garantie de protection des ressources génétiques de la forêt, garantie d’une fonction culturelle constituée par la production non matérielle associée aux avantages esthétiques et spirituels. La structure étagée dans l’espace aérien, et, par voie de conséquence, au niveau souterrain également  [115], est un des atouts fondamentaux augmentant la résilience des forêts irrégulières obtenues par la sylviculture d’écosystème. L’autre atout

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Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

fondamental est, ainsi que nous l’avons vu précédemment, la préservation du microclimat grâce à aux échanges entre la forêt et l’atmosphère permis par la structure étagée et une forte densité d’arbres, et sa capacité à dissiper l’énergie comme les forêts anciennes à haute naturalité. À l’image de celles-ci, elle tend à posséder tous leurs atouts dans leur globalité. Elle est donc une forêt capable de résister aux changements climatiques (aux variations extrêmes de température et d’hygrométrie), permettant de préserver et de pérenniser des espèces fragilisées par ces mêmes changements et d’assurer la croissance des arbres sans risque d’agressions extérieures par diverses pollutions. C’est une forêt qui, tout comme les forêts anciennes et à haute naturalité, offre un sentiment de tranquillité pour les ongulés et disperse les zones d’abroutissement [440].

6.3.2.5

Une forêt mieux résistante aux incendies

Ainsi que nous l’avons vu dans le chapitre  3.2., à l’image des forêts anciennes à forte naturalité qui peuvent être des refuges contre les incendies de faible intensité dans un paysage connaissant fréquemment des incendies d’intensité modérée à élevée [275], les forêts irrégulières issues de la sylviculture d’écosystème pourraient faire partie intégrante des refuges de biodiversité dans une région de plus en plus sujette aux incendies. En effet, les forêts issues de la sylviculture d’écosystème présentent les caractéristiques typiques des forêts anciennes à forte naturalité, avec une forte densité de grands arbres vivants, une couverture élevée de la canopée et une structure complexe de la hauteur de la canopée. Or, il a été observé que les forêts anciennes, du fait de leur densité et du maintien d’une humidité sous couvert, résistaient mieux aux incendies que les forêts jeunes [275]. Les forêts issues de la sylviculture d’écosystème peuvent donc améliorer la conservation de nombreuses espèces en cas de feux de forêts. Ceci étant dit, les incendies ne sont pas aussi dramatiques au plan écologique qu’on le laisse croire. Ainsi, le suivi écologique des stations forestières du Parc du Yellowstone après le grand incendie de 1988, de même que les observations après l’éruption du Mont St. Helens en 1980, ont mis en évidence la très grande hétérogénéité spatiale et temporelle qui en a résulté. Les chercheurs ont constaté que le feu avait été bénéfique aux écosystèmes [417]. Plusieurs auteurs ont même prévu une augmentation de la productivité, de la minéralisation nette de l’azote et des stocks de carbone dans les forêts de pins tordus de Yellowstone d’ici 2100, à moins que la fréquence des incendies n’augmente de telle sorte que les peuplements ne soient plus productifs [417]. On peut donc espérer que les incendies des Landes de Gascogne comme ceux des Monts d’Arrée (Bretagne) de l’été 2022 en France, apportent une amélioration stationnelle, notamment dans les Monts d’Arrée où la couche d’humus était très épaisse du fait d’un blocage des cycles biogéochimiques et a dû brûler en partie dans certaines zones. La lande représente, par essence, un état de dégradation de l’écosystème. Après le feu, espérons qu’une forêt de feuillus se développe naturellement.

161

Sylviculture d’écosystème

On peut enfin suggérer de conserver les plans d’eau, notamment les étangs qui font actuellement l’objet d’une campagne nationale de destruction sous des prétextes d’amélioration de la continuité écologique des milieux aquatiques, afin d’avoir des coupe-feux naturels. En tout état de cause, la seule solution est de passer d’une sylviculture industrielle à une sylviculture extensive avec la conversion des forêts de conifères équiennes et monospécifiques en forêts denses, mélangées et irrégulières verticalement de feuillus. Et dans les zones les plus exposées, on conseillera de reconstituer, à côté des forêts gérées, des blocs de forêts non gérées qui deviennent des forêts anciennes à haute naturalité, pour faire tampon face au feu, ainsi que le suggèrent certains auteurs [275].

6.4 Comment mettre en place la sylviculture

d’écosystème ?

L’itinéraire pour parvenir à une futaie irrégulière stricto sensu par la sylviculture d’écosystème, comporte plusieurs facettes  : une facette scientifique et technique, mais aussi une facette humaine car le raisonnement du sylviculteur irrégulariste n’a plus rien à voir avec celui du sylviculteur traditionnel. Le forestier doit véritablement changer son regard sur la forêt, changer de « disquette cérébrale ». La forêt ne doit plus être regardée comme un ensemble d’arbres que le sylviculteur va mesurer pour en connaître le volume total et particulièrement celui qui lui sera possible d’abattre pour en tirer un revenu maximal. Elle doit être regardée, analysée sous l’angle de l’écologie car c’est là que se situent les mécanismes vitaux. La sylviculture d’écosystème fait ainsi appel à de larges connaissances en écologie car, pour définir ses modes d’intervention et ses moments d’intervention, elle doit avant tout comprendre le fonctionnement naturel et par là-même analyser l’ensemble du massif forestier sous l’angle des échanges trophiques, notamment sous l’angle des habitats de la faune. Dans ce contexte, le martelage des arbres ne se fait bien sûr plus en fonction de mètres cubes rentables à récolter mais de façon à amener la structure forestière à évoluer vers un état plus naturel si elle a été fortement artificialisée auparavant, ou à demeurer dans un état le plus proche du naturel sinon. La contrainte actuelle des modifications climatiques prend alors une signification importante, car il y a lieu de privilégier les aspects de protection du microclimat du sous-bois contre les à-coups climatiques et les polluants présents dans l’atmosphère (comme l’ozone par exemple). Aucune recette de cuisine ne sera donc donnée ici, ne serait-ce même que pour répondre à la question attendue : « Que faire en hêtraie naturelle où la structure irrégulière est très difficile à obtenir ? » Nous sommes dans une démarche de réflexion scientifique qui doit se faire au cas par cas et non dans une démarche de diffusion de conseils techniques (ou de normes) donnés de manière théorique et arbitraire, détachés de la réalité du terrain. Nous ne retiendrons qu’une chose  : dans cette

162

Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

sylviculture, le forestier doit travailler la structure, pour la créer, l’entretenir ou l’améliorer et ce, sans contrer la dynamique naturelle mais en s’y fondant.

6.4.1

L’itinéraire à suivre

En tout premier lieu, il s’impose de bâtir un concept scientifique, des solutions techniques étant déjà largement connues. Pour celles-ci, nous recommandons les ouvrages de Gayer  [171–173], celui de Mayer  [304] et tous les écrits de Leibundgut, véritables bibles sylvicoles, et plus récemment le livre très complet coécrit par Röhrig, Bartsch et Lüpke [412], ces ouvrages n’étant malheureusement accessibles qu’aux germanophones.

6.4.1.1

Bâtir un concept dans le monde du vivant

Un concept scientifique doit être établi avant toute intervention sylvicole en forêt, en sylviculture d’écosystème. Car celle-ci n’est ni réduite au marquage des arbres en forêt, ni une addition de mesures intéressantes écologiquement. Elle doit permettre au sylviculteur de reproduire le réseau fonctionnel d’un écosystème forestier. On s’attachera prioritairement à utiliser un vocabulaire précis et rigoureux : c’est la base fondamentale d’une réflexion scientifique [118]. Comme le rappelle l’adage : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. » (Boileau), le vocabulaire forestier devrait être clarifié en fonction de son étymologie et des traductions dans d’autres langues (anglais, allemand) car il arrive souvent d’entendre le même mot pour des significations différentes ou même qu’un mot recouvre des concepts différents selon le pays où l’on se trouve. Cela permettrait d’éviter des erreurs d’interprétations et d’interventions. On supprimera ainsi des mots désuets et utilisés à mauvais escient comme « traitement » et « régime » qui n’ont plus rien à faire en sylviculture d’écosystème. Si l’on tient à garder le mot « traitement », on le cantonnera à décrire la manière dont on marque les arbres. Le traitement n’est que la manière de marquer les arbres, il n’est pas assimilable au mot « sylviculture ». Devraient être aussi supprimés les termes qui sont utilisés en foresterie dans un sens n’ayant rien à voir avec son sens général. Ainsi on supprimera le mot « exploiter » qui signifie en foresterie abattre et débarder un arbre alors qu’il n’a rien à voir avec son utilisation usuelle par exemple dans l’expression « exploitation agricole ». De plus, certains forestiers entendent sous ce terme « exploiter », l’unique opération d’abattage sans y inclure le débardage. Le terme « possibilité » qui est étonnamment employé pour exprimer le volume exploitable en forêt, sera évité pour parler tout simplement de volume. Également le verbe « réaliser » qui est utilisé pour parler d’une coupe alors que ce mot signifie autre chose en français. Le terme « rémanent » est issu du latin remanens, participe présent de remanere (« demeurer, séjourner », « subsister, durer ») composé de re- et manere : c’est tout ce qui reste, subsiste après l’action qui les a produits, donc tout ce qui reste en forêt après une exploitation. Certains lui donnent la définition restrictive de branchages… mais si les arbres n’ont pas été vendus, ils sont aussi des rémanents ! De nombreuses erreurs sylvicoles et bien des malentendus

163

Sylviculture d’écosystème

contractuels en surgissent avec des vols de grumes à la clef. Afin de clarifier les actions du sylviculteur, il faut supprimer du langage courant forestier ces termes vieillots ou inadaptés qui ne sont que des sources d’ambiguïtés et préférer les termes qui décrivent les actions forestières avec précision, à l’image de la langue allemande. Bâtir un concept ne s’apprend pas dans la théorie, ni dans la réalisation d’actions techniques. C’est un travail d’analyse scientifique qui consiste à réunir le maximum d’informations pour tâcher de comprendre puis de reconstituer, par la pensée, un mode de fonctionnement. En médecine, il s’agit de comprendre le fonctionnement du corps humain ; en forêt, c’est le fonctionnement d’un écosystème dont il s’agit, que Möller [316] et Oldeman [338] décrivaient fort justement comme étant un « organisme ». La démarche conceptuelle nécessite d’abord d’acquérir des connaissances étendues en écologie et en physiologie, puis de les «  digérer  » afin d’être ensuite capable de s’en détacher et de ne les considérer que comme des indicateurs (ou «  clignotants  ») et non comme des buts à atteindre à tout prix. Le véritable objectif à atteindre est de garantir aux écosystèmes un mode de fonctionnement durable de façon à ce qu’ils continuent à exister, à fonctionner dans la durée, sans détériorations. Aussi la biodiversité «  idéale  » ne se calcule-t-elle pas au nombre maximal d’espèces : ce sont les espèces naturelles adaptées à la station écologique qui importent. Il y a des forêts très riches en diversité biologique qui n’ont qu’une espèce ligneuse : le hêtre par exemple (cf. forêts naturelles). Chaque écosystème est unique. Chaque forêt est unique. On ne peut donc recommander que des méthodes d’analyse, avec, certes, des outils de travail (encore faut-ils que ceux-ci soient les bons) mais surtout aucune liste de recettes de martelage des arbres par exemple. Bâtir un concept fait appel à la philosophie, «  l’art d’accoucher les esprits  » (la maïeutique), comme disait Socrate… Bâtir un concept en sylviculture d’écosystème, ce n’est finalement qu’apprendre à comprendre la forêt et ses exigences, et les respecter en s’adaptant à elle et non l’inverse. Et c’est aboutir en définitive à un canevas de raisonnement, un fil directeur, très rigoureux scientifiquement, pour pouvoir concevoir une sylviculture qui se soumette à la dynamique et par suite qui se fonde au fonctionnement pérenne de l’écosystème, sans oublier que l’on a devant soi un organisme vivant et non inerte ou mort [198]. Ce canevas s’appuie d’abord sur des stratégies, puis sur des méthodes, et enfin sur des tactiques en utilisant des outils bien spécifiques. Et cela nécessite d’avoir une liberté intellectuelle et une audace pour avancer parfois à contre-courant du politiquement correct, voire sous des pressions d’une hiérarchie productiviste dans le milieu professionnel. Aussi de son commencement à son aboutissement, la sylviculture d’écosystème se distingue-t-elle d’avec les autres systèmes sylvicoles, dénommés à juste titre traitements, par le fait que, comme leur nom l’indique, ces autres systèmes se limitent à une liste d’actions ou méthodes de martelage des arbres en forêt (des tactiques) tandis que la sylviculture d’écosystème en tant que science se bâtit sur un concept, des méthodes, des stratégies puis des tactiques. Les tactiques ne doivent être que la dernière étape du raisonnement. Bien sûr, partout, dans la littérature consultée, on trouve de bonnes idées  : on parle de bois mort, d’arbres-habitats, d’insectes,

164

Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

d’oiseaux, de ne pas brusquer la nature, de «  sylviculture continue et proche de la nature », etc. Mais on a beau lire et relire, on ne trouve, entre ces bonnes idées, aucun fil conducteur, aucun concept scientifique, ce ne sont que des listes de critères juxtaposés qui sont citées. Ces remarques sembleront être des « lieux communs » pour certains mais il s’avère que l’enseignement forestier, très uniforme en France, a partout enseigné que la sylviculture était synonyme de martelage et de vente de bois, au moins depuis ces quarante dernières années. Dans la sylviculture d’écosystème, martelages et vente des bois n’arrivent qu’en fin d’une longue analyse scientifique que nous allons détailler dans le chapitre suivant. Encart 10 – 15 repères pour bâtir un concept scientifique Bâtir un concept pour un gestionnaire forestier requiert d’avoir un esprit de recherche (1), de solides compétences (2) en écologie et en sciences forestières, une expérience confirmée de forestier de terrain (3), une capacité d’observation (4) accompagnée d’un regard neuf devant chaque cas, puis d’immersion mentale (5) dans le milieu analysé. S’ensuit pour lui un cheminement mental faisant appel à une capacité d’abstraction (6), de détachement (« désappropriation ») (7) de toutes ses connaissances et habitudes personnelles pour laisser librement son intuition (8) le conduire vers ce qu’est véritablement l’écosystème qu’il étudie et non vers ce qu’il voudrait qu’il soit. Ce cheminement doit l’amener à « sentir » (9) puis à vérifier la justesse du « ressenti » par l’opération de « discernement » (10) solidement appuyée sur des repères objectifs d’ordre scientifique et aussi éthique. L’aboutissement est la traduction et la formulation en termes rigoureux (11) du concept duquel découle la détermination de stratégies (12), de méthodes (13) et de tactiques (14) pour l’application pratique, en ayant eu préalablement à chaque étape de la réflexion une capacité d’anticipation, de projection dans l’avenir (15) afin de pouvoir envisager une gestion pérenne. La forêt, à l’instar de tout milieu vivant, appelle son gestionnaire à prendre du temps, à prendre le temps de la découvrir en attitude de vérité. À ces seules conditions, le forestier devient un acteur du présent et de l’avenir qui accepte de se laisser bousculer dans ses habitudes par la réalité de la nature, et non l’acteur nostalgique d’un passé révolu, obsolète et bien souvent chargé d’échecs. À ces seules conditions, le forestier aide la Science à progresser dans l’intérêt des écosystèmes et finalement dans l’intérêt de l’Humanité.

6.4.1.2

La méthode : une dynamique à étudier

6.4.1.2.1 Le principe scientifique La futaie irrégulière issue de la sylviculture d’écosystème est une forêt fonctionnelle par excellence : elle est une mosaïque structurelle à échelle fine dont tous les éléments sont nécessaires pour lui permettre de se rapprocher de son modèle, la 165

Sylviculture d’écosystème

forêt ancienne à haute naturalité. La caractérisation traditionnelle d’un peuplement forestier, à savoir «  un groupe contigu d’arbres suffisamment uniformes dans la distribution des classes d’âge, la composition et la structure… pour constituer une unité distincte » [197] n’est plus applicable à la futaie irrégulière issue de la sylviculture d’écosystème. On ne décrit plus des groupes d’arbres figés (les simples mesures du diamètre et de la hauteur ne suffisent plus), mais c’est une dynamique fonctionnelle au travers de la mosaïque structurelle qui doit être analysée [62,115,152]. Dans cette mosaïque se retrouvent simultanément tous les processus de développement du peuplement forestier. Le sylviculteur doit en avoir une compréhension scientifique large et approfondie pour mieux appréhender la nature des types de perturbation et celle des « héritages » biologiques (arbres vivants, arbres cassés, chablis) qu’ils laissent derrière eux. La plupart des modèles sylvicoles actuels n’intègrent pas ces connaissances. Il s’agit d’étudier : 1) la complexité de la station écologique ; 2) la complexité des structures forestières (avec les schémas spatiaux) et des processus de développement ; 3) la durée de développement dans les forêts âgées ; 4) les schémas spatiaux complexes des peuplements qui se développent dans les stades ultérieurs ; 5) le rôle des perturbations dans la création d’héritages structurels qui deviennent des éléments clefs des peuplements après la perturbation [119,151,152]. Ce point 5) est à étudier tout particulièrement. Et il s’agit de protéger : 1) l’intégrité de l’écosystème en respectant et aidant à pérenniser la composition naturelle, la succession et les perturbations ; 2) la complexité structurelle en respectant et aidant à pérenniser l’hétérogénéité de la structure et de la composition au sein d’un même peuplement et entre les peuplements, les cycles de rotation longs, et une variété d’éléments tels que les arbres vieux, malades et en décomposition ; 3) la connectivité de l’habitat en respectant et aidant à pérenniser un paysage avec des parcelles de forêt interconnectées ainsi que la connectivité des éléments structurels au sein de la forêt afin de permettre un échange individuel ou génétique suffisant du biote au sein du biotope forestier.

6.4.1.2.2 La démarche technique La démarche technique privilégie un schéma d’approche analytique de la forêt à trois niveaux différents : le niveau de l’entreprise, le niveau de l’unité forestière, le niveau du peuplement 53. La sylviculture se réfère à l’étude du troisième niveau, le niveau du peuplement, le niveau de l’entreprise étant réservé à la « gestion » (différence entre sylviculture et gestion). Trois étapes sont à observer : 1) l’état des lieux de la forêt ; 2) les objectifs de l’évolution forestière future ; 3) les chemins d’accès à ces objectifs. Ce niveau du peuplement n’est analysé qu’une fois que les cartographies de station et de biotopes (habitats) ont été réalisées à l’amont. 53.  Niedersächsisches Forstplanung 1997

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Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

Nota Bene : Nous n’ignorons pas que cette démarche est très exigeante et qu’elle n’est peut-être pas à la portée de tous. En Allemagne et en Suisse, les études forestières dispensent des connaissances en écologie, en sylviculture et en aménagement très étoffées et permettent de mieux appréhender la description forestière. La sylviculture d’écosystème est une sylviculture d’excellence donc exigeante. Nous poserons donc ci-après les principales bases de travail qui permettront ensuite au sylviculteur d’affiner sa démarche.

6.4.1.2.2.1 L’état des lieux de la forêt Celui-ci s’effectue à l’échelle du massif forestier puis on identifie ensuite l’échelle de la parcelle forestière (la plupart du temps autre que cadastrale) à laquelle la description va pouvoir se faire plus en détail et enfin l’unité structurale fonctionnelle au sein de cette parcelle préalablement circonscrite. L’état des lieux de la forêt suit le schéma directeur suivant, au niveau du massif entier et au niveau de chaque parcelle forestière (ou peuplement) : 1. L’analyse de la station écologique : la forêt ne se développe pas de la même manière sur toutes les roches-mères ni sur toutes les différentes stations. a) Quelle est la mosaïque stationnelle ? b) Quelle est la fertilité stationnelle ? 2. L’analyse quantitative et qualitative de l’état actuel du peuplement : avec en priorité l’analyse du degré du caractère naturel du peuplement, à savoir : a) la structure forestière verticale et horizontale (la forêt est-elle régulière ou irrégulière ? combien de strates verticales ? quel type de dispersion horizontale ?) ; b) la texture forestière (la distribution des diamètres des arbres est-elle concentrée en une ou plusieurs classes de diamètres ? quelle est la trame de répartition des très gros bois ?) ; c) les espèces sont-elles autochtones ? d) y-a-t-il de gros arbres et des arbres à cavités ou morts ? e) la fragmentation forestière (est-elle minimale ou non ?) ; f ) l’avifaune est-elle diversifiée ? g) quelles espèces liées aux phases âgées de la forêt (complexe saproxylique) sont présentes ? h) si possible, on effectuera un repérage des chiroptères. 3. L’évaluation critique du peuplement : a) quel est le degré de naturalité du peuplement ? les espèces sont-elles en adéquation avec la station écologique ? y-a-t-il des espèces exotiques ? b) de quand date le dernier plan de gestion ? c) la sylviculture pratiquée jusqu’ici a-t-elle été intégrée à la dynamique de l’écosystème ou l’inverse ? d) dans quel stade de développement se situe la forêt (forêt jeune ou âgée) ? e) quelle est la dynamique de la végétation ? d’où viennent les semis de régénération ? d’un peuplement voisin ? du peuplement lui-même ? f ) quel est l’état de la structure verticale du peuplement par rapport au critère de naturalité ? g) quel est l’état de la structure horizontale du peuplement, notamment la distribution des arbres au plan horizontal, par rapport au critère de naturalité ? h) quel est l’état lumineux du sous-bois (lumière directe ou lumière diffuse ?) ? y-a-t-il ou non de la régénération naturelle ? i) la forme des couronnes : sontelles étriquées ou bien équilibrées ? j) comment sont la forme et la qualité des tiges (selon des critères écologiques et des critères économiques) ? k) y-a-t-il des impacts visibles d’ongulés sauvages et lesquels ? l) y-a-t-il des dégâts d’abattage 167

Sylviculture d’écosystème

et de débardage antérieurs ? m) quelle est la productivité de la forêt ? n) quelle est la fonction principale de la forêt, acquise par l’action de l’homme ou naturelle ? o) y-a-t-il suffisamment de bois morts (debout, couchés) ? p) comment sont répartis les arbres morts, disséminés, groupés ? q) peut-on décrire la trame relationnelle de toutes les zones de sénescence ? r) d’une manière globale peut-on décrire la connectivité entre les différents éléments de la structure, de la texture et autres éléments de l’écosystème ? etc., et toute autre question pouvant surgir à l’observation de la forêt. On pourra s’appuyer sur les renseignements fournis par les bio-indicateurs principaux de la futaie irrégulière  : la quantité de biomasse laissée à l’état de sénescence, l’éclairement, l’humus et la quantité de biomasse racinaire (si elle est accessible par fosses ou carottages). L’activité de l’humus est directement corrélée à l’intensité de l’éclairement y parvenant  [115]  : si la quantité de lumière est trop massive (éclaircies trop fortes) et riche en rayonnements infrarouges, il se produit un stress hydrique au niveau du sol. En outre, la seule lumière activant les cycles biogéochimiques est la lumière diffuse qui se déplace tout au cours de la journée dans le sous-bois sous la forme d’une fine mosaïque. L’éclairement est ainsi directement la conséquence de la structure spatiale de la forêt [115]. À ces bio-indicateurs, on peut ajouter l’avifaune et les chiroptères. 4. La méthode de description retenue pour le peuplement : a) voir ci-après les méthodes développées pour la description de la structure – proscrire l’utilisation de la surface terrière qui ne peut pas décrire une structure forestière mais fournit uniquement une estimation de la densité d’un peuplement (l’usage du relascope 54 est, qui plus est, à proscrire) ; b) déterminer la taille de l’unité structurale fonctionnelle (cf. les différentes méthodes développées dans nos travaux de recherche [115]).

Encart 11 – Quelques critères concrets permettent de vérifier si l’on se trouve dans le cas d’une sylviculture d’écosystème authentique –

Premier critère : vérifier si le plan de gestion ou d’aménagement a été rédigé sérieusement, sur des bases scientifiques. La priorité n’est pas d’avoir établi un calendrier de travaux à réaliser en forêt, mais d’avoir étudié la dynamique de l’écosystème avec une anticipation de celle-ci sur la période étudiée.



Deuxième critère : vérifier, sur la durée, si la forêt est véritablement étagée verticalement, si elle est dense et si elle a de très gros bois (vivants et morts) (diamètre ≥ 60 cm). Est-ce véritablement une futaie irrégulière ? La structure a-t-elle été préservée ?

54.  L’usage de la chaînette relascopique pour mesurer la surface terrière en futaie irrégulière et mélangée, entraîne obligatoirement des erreurs : les très gros bois sont sous-estimés, les bois de faible diamètre sont masqués par des bois plus gros situés devant, la régénération n’est pas prise en compte dans le calcul, etc.

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Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?



Troisième critère : vérifier, sur la durée, si la forêt, dans cet état, présente les espèces naturelles, autochtones, adaptées à la station et si elle est exempte d’espèces végétales exotiques.



Quatrième critère  : vérifier si la forêt est pérenne, c’est-à-dire si toutes les phases de la mosaïque naturelle sont présentes, partout sur toute la surface de la forêt. C’est aussi vérifier si un réseau d’îlots de sénescence est présent dans la forêt et si le caractère sauvage de la forêt est préservé.



Cinquième critère  : vérifier si la quiétude est relativement assurée pour la faune.



Sixième critère  : estimer la quantité d’espèces végétales exotiques envahissantes, dans les sous-bois et sur les bords de chemins, sur la base des travaux scientifiques publiés dans ce domaine. Ces espèces, qu’elles soient d’origine horticole ou sylvicole, peuvent nuire aux régénérations naturelles, surtout dans les grands chablis ou après des éclaircies trop fortes.

– Septième critère  : décrire la trame relationnelle entre les éléments-phares structurels de l’écosystème.

6.4.1.2.2.2 Les objectifs de l’évolution forestière future 1. La critique des précédents objectifs : en priorité sur l’état de la structure verticale et de la structure horizontale, et la texture. 2. La définition des objectifs à venir : avant toute chose, ceux-ci se fixent avec le propriétaire de la forêt. Si celui-ci souhaite une sylviculture d’écosystème, on exclura d’emblée le raisonnement d’une sylviculture de production traditionnelle. En tout état de cause la forêt rapportera financièrement davantage en sylviculture d’écosystème qu’en sylviculture intensive. La production n’est ni plus ni moins que le résultat de l’opération structurante (amélioration ou maintien de la structure forestière) effectuée par le sylviculteur.

6.4.1.2.2.3 Les chemins d’accès à ces objectifs La structure recherchée en sylviculture d’écosystème est l’irrégularité de la futaie jardinée, celle-ci correspondant à la stratification verticale [115] (et non à la diversification des diamètres), ainsi que tous les forestiers, qui en eurent par le passé d’abord l’intuition puis la confirmation par les travaux de la recherche forestière, l’ont écrit : Karl Gayer disait même que deux choses étaient essentielles, à savoir l’irrégularité verticale des peuplements et l’analyse approfondie de la station écologique. À cette irrégularité verticale s’ajoute l’irrégularité de dispersion au plan horizontal des individus différents, par pied ou par bouquet (selon l’espèce, le diamètre, la hauteur) et enfin la texture (la distribution des diamètres). Ainsi que nous l’avons déjà évoqué, l’action du forestier en sylviculture d’écosystème ne commence pas par le martelage. Celui-ci doit d’abord, en amont, réaliser

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Sylviculture d’écosystème

des études approfondies de l’écosystème forestier, pour que l’arbre marqué pour l’abattage (si on décide ensuite de passer en martelage) soit choisi non pas exclusivement en fonction de ses proches voisins (relation dominant/dominé, bel arbre d’avenir/arbre tordu sans avenir), mais d’abord et surtout en fonction de la station (mosaïque stationnelle), des habitats et de la dynamique naturelle présente et avenir (on doit être capable de la comprendre et de prévoir son évolution) de l’ensemble du massif [119]. Cela implique d’effectuer les étapes suivantes en amont de toute intervention en martelage : 1. Une cartographie de stations obligatoirement avant de commencer toute autre observation forestière : en fonction de la roche-mère – si elle est uniforme ou non dans le massif forestier –, de la topographie et de l’hydrographie, on choisira l’échelle de cartographie qui sera ensuite l’échelle de découpage des parcelles forestières. On évitera l’usage des typologies de station pour préférer l’analyse stationnelle par des relevés de la flore et l’analyse descriptive des humus et des sols. Les catalogues de stations mis à disposition des forestiers par les organismes publics régionaux peuvent être utilisés pour un « débroussaillage » intellectuel mais il ne faut pas s’y laisser enfermer : ils sont, par définition, réducteurs et donc potentiellement faux du fait que les milieux complexes ne peuvent pas être réduits à un seul type, car ils sont souvent à cheval entre plusieurs types différents ou ils se situent parfois totalement en dehors des types du catalogue quoiqu’en laissent supposer les apparences. À  cette fin, nous recommandons l’usage de la flore forestière française de Rameau, Mansion et Dumé 55, véritable bible de la phytoécologie, très détaillée quant aux données autoécologiques et très facile d’accès pour un profane. 2. Une cartographie des biotopes. 3. Une cartographie des peuplements avec les informations suffisantes concernant l’unité structurale (la place des gros et très gros arbres dans cette unité) et l’échelle structurale fonctionnelle. 4. Une analyse de l’évolution de la composition en espèces du massif forestier entier sur 20-30 ans en fonction de sa dynamique naturelle (si possible en cartographie également). 5. L’observation de la présence de bois mort et de sa répartition (cartographie de préférence) ; le respect des zones sensibles (mares, ripisylves, tourbières, forêts marécageuses, pentes rocheuses, etc.). À la suite de ces analyses, le plan d’aménagement forestier (1) sera établi et on préfèrera le rédiger selon l’école allemande qui développe des stratégies sylvicoles sur le long terme, bien avant de définir des tactiques d’actions comme le type de

55. Flore en 3 tomes publiée par l’École Nationale du Génie Rural, des Eaux et des Forêts (ENGREF)

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Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

martelage des arbres, tactiques ponctuelles et de court terme [118,119] 56. Dans un deuxième temps, on établira le plan d’aménagement sylvicole (2) – bien distinct du plan d’aménagement forestier – qui fera figurer, là, les tactiques et interventions forestières par unité de biotope au sein des parcelles forestières. Ces documents devront permettre à n’importe quel forestier de reprendre la sylviculture en cours de route et de comprendre l’historique des actions entreprises par son prédécesseur à tout moment. En règle générale, en France, surtout en forêt privée, il y a un manque de documents écrits suffisamment précis pour permettre de suivre finement l’évolution d’une forêt où l’on pratique une sylviculture, ceci étant déjà problématique en futaie régulière, mais étant encore plus dommageable en sylviculture irrégulière a fortiori en sylviculture d’écosystème. Dans la réalisation de ces documents de travail à l’échelle du massif puis dans les décisions prises à l’échelle de la parcelle, on veillera à respecter les grands axes des chemins d’accès sylvicoles devant mener à ces objectifs de sylviculture d’écosystème. La base en est le Programme LÖWE de Basse-Saxe. La sylviculture d’écosystème va encore plus loin dans la recherche du degré de naturalité de la forêt. Son principe de base est d’imiter le fonctionnement des perturbations naturelles dans une forêt ancienne à haute naturalité. 1. Les interventions structurantes  : c’est la détermination de l’unité structurale fonctionnelle du peuplement analysé qui va guider le sylviculteur dans ses actions de martelage. Les éclaircies pratiquées sont de type jardinatoire. On travaille de préférence avec le principe de l’éclaircie par le haut mais il s’agit avant tout de maintenir la structure verticale étagée dans le peuplement et d’assurer la régénération naturelle de celui-ci à moyen terme (mais sans précipiter sa venue par des actions brutales dans la canopée). Cela peut être une éclaircie par le bas dans le cas où on laisse de très gros bois en place et où l’on récolte un arbre mûr de diamètre peut-être plus facilement commercialisable en sous-étage, mais cette démarche doit rester exceptionnelle pour ne pas déstabiliser la structure verticale. On prend en compte la cartographie des stations et celle des biotopes (on ne marque pas les éclaircies de la même manière suivant les stations écologiques différentes, même si les peuplements se ressemblent), tout en veillant à ne pas couper inutilement d’un point de vue écologique, des arbres n’ayant pas atteint leur maturité. Les coupes en forêt sont de quatre ordres, à savoir : a) les coupes de sélection ; b) les coupes de maintien et d’intensification de la structure ; c) les coupes d’aide à la régénération ; d) les coupes de récolte. Rappelons que, dans les forêts anciennes à haute naturalité, d’une part, ce sont les petites perturbations qui initient principalement les processus de régénération de la composante ligneuse de l’écosystème forestier (petit cycle de développement), et d’autre part ces processus soutiennent la résilience et la résistance des entités hiérarchiquement supérieures dans le cadre du grand cycle de développement. C’est l’imbrication et l’intégration de nombreux petits cycles forestiers dans un

56.  Et réflexions verbales partagées avec Legge en 2005

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Sylviculture d’écosystème

grand, qui préservent la stabilité écologique de la forêt dans son ensemble [495]. (Citation légèrement modifiée) La clef de réussite de la sylviculture d’écosystème repose donc sur l’intégration dans le concept sylvicole des principes de thermodynamique de non-équilibre des écosystèmes et des cycles adaptatifs de ceux-ci. 2. L’intégration dans la dynamique naturelle : il ne faut jamais se presser ni forcer la nature, de façon à : économiser des coûts d’intervention (sélection naturelle), ne pas contrarier un processus naturel, assurer une meilleure stabilité par un enracinement naturel et complémentaire, avoir l’accompagnement d’espèces qui n’auraient jamais été plantées sinon (bouleau, sorbier des oiseleurs, etc.) et qui participent à l’éducation 57 des arbres  ; on travaillera avec les successions naturelles. On contrôlera bien sûr les espèces de façon à ce qu’elles soient adaptées à la station et non exotiques. La composition des mélanges à privilégier portera sur des associations d’espèces favorables à la structure verticale, pour diminuer la concurrence, pour permettre aux espèces de lumière de subsister dans certaines situations mais sans vouloir pour autant les imposer dans une dynamique qui conduirait à la domination des espèces sciaphiles (hêtre par exemple). Dans la création d’un peuplement par plantations on veillera à constituer des associations ligneuses favorables à la complémentarité des enracinements (pour la stabilité, l’utilisation optimale des ressources du sol, la complémentarité avec les mycorhizes, etc.), des associations assurant une souplesse sylvicole face à la conjoncture économique, mais tout cela sans contrarier la dynamique naturelle. 3. Les soins à apporter au peuplement et le choix du diamètre-objectif d’exploitabilité : les soins sont effectués sans grandes dépenses dans les jeunes âges en utilisant la sélection naturelle ; dans les coupes pratiquées, le diamètre-objectif est fixé par observation de la forêt et d’après l’expérience (il sera le plus important possible, dépassant les normes établies ou dictées par l’industrie). 4. Une attention toute particulière portée aux soins des travaux d’abattage et de débardage  : les écosystèmes forestiers doivent pâtir le moins possible des abattages et débardages forestiers. La sylviculture d’écosystème, plus que toute autre, doit se doter de moyens exemplaires pour ces travaux tant pour la protection des sols que celle des écosystèmes. Les bûcherons doivent être qualifiés et très compétents pour savoir abattre de gros arbres en faisant le minimum de dégâts à la végétation ligneuse environnante (qui représente la continuité de la forêt). Les engins lourds sont à proscrire lors du débardage : on leur préfèrera une mécanisation plus légère voire l’emploi du cheval. Bien évidemment on évitera tout débardage dans les périodes où les sols sont détrempés. Sur des sols fragiles au tassement, on pratiquera les débardages dans des périodes sèches

57.  L’éducation des arbres : art de travailler la structure verticale et la structure horizontale d’un peuplement avec le jeu de la lumière, pour assurer à chaque arbre la meilleure forme de tige, de branches (finesse notamment) et un élagage naturel.

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Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

hivernales où les sols sont gelés et l’on veillera à étendre des branchages sur le trajet des layons de façon à protéger davantage le sol. Les interventions dans un même secteur seront espacées de 15 à 20 ans. Le tracé des layons de débardage devra s’intégrer à la fragilité de l’écosystème étudié et au paysage de la forêt. L’espacement entre les layons de débardage pourra aisément atteindre 40-45 mètres, l’espace de 20 mètres ne se justifiant que lorsqu’on utilise les abatteuses industrielles de type Harvester. Il suffit en effet que l’abattage soit assuré par des bûcherons bien qualifiés. Pour limiter les dégâts liés à la chute de l’arbre (sur la régénération), notamment quand on abat de gros bois et de très gros bois, les houppiers devront tomber sur le layon de débardage ; pour limiter les dégâts liés aux frottements de la grume lors de son débardage (écrasement de semis et arrachage d’écorce sur des tiges d’avenir), il faudrait que l’angle de la grume soit inférieur à 45° idéalement inférieur à 35°  58. Bien sûr il est exclu que les tracteurs circulent ailleurs que sur les layons. Enfin, on évitera de découper la forêt en un nombre important de routes, chemins carrossables. La manière dont la mise en œuvre des travaux d’abattage et de débardage est menée, peut sauvegarder comme ruiner totalement une forêt pour des durées avoisinant la centaine d’années quand les sols sont complètements dégradés. Ruine écologique = ruine économique. 5. L’inclusion de mesures conservatoires adéquates pour préserver en partie des phases et la biodiversité associée. Ces mesures concernent principalement : a) les trames de « vieux bois » dans la matrice forestière, qui permettent, si le maillage est suffisamment dense, aux individus de s’accroître au-delà des diamètres d’exploitabilité habituels et d’atteindre la sénescence ; b) le maintien de connexions entre massifs qu’on peut rattacher aux mesures prises par les stratégies en cours (trame verte et bleue) ; c)  la mise en Réserve Biologique Permanente d’une ou plusieurs zones de la forêt en lien avec les réseaux d’îlots de sénescence ; d) la recherche d’un équilibre prédateur/proie visant à réguler les populations de cervidés. D’autres mesures complémentaires pourraient être prises comme l’indique l’encadré 12. 6. Une trame de vieux bois Le principe de base est de considérer l’espace forestier exploité comme étant une matrice boisée et multistratifiée, conduite en futaie irrégulière, au sein de laquelle seront choisies des zones laissées en libre évolution. Le travail préalable à l’élaboration de plans similaires dans le reste de la France, à ce qui est projeté en Région Rhône-Alpes par l’association Forêts Sauvages (chapitre 4.1.3.), doit démarrer par un état de la situation actuelle dans chaque région (surfaces respectives des forêt domaniales et privées ; statuts de protection respectifs), et une prospection pour trouver les sites susceptibles de receler des forêts en bon état de conservation. 58.  Michel Müller communication 2013

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Sylviculture d’écosystème

En quelques décennies, il devrait y avoir une trame de bois morts à composition taxonomique identique à celle des arbres vivants, incluant des arbres de tous volumes et tous les degrés de décomposition. De plus, une grande diversité de diamètres de bois mort doit être maintenue pour permettre la conservation de la biodiversité saproxylique. La présence de bois morts de grand diamètre (par exemple, un diamètre supérieur à 50 cm pour Fagus sylvatica) est, rappelons-le, indispensable pour de nombreuses espèces saproxyliques et pour la faune du sol associée. Il faut donc conserver tous ceux qui sont déjà présents, et conserver en priorité toutes les zones qui possèdent de gros arbres vivants. Le choix de secteurs jeunes, en zone ouverte, en plantations serrées, ne doit être fait que de manière accessoire et jamais au détriment de secteurs à gros bois. Ce réseau de base doit être reconduit dans les plans d’aménagement, mais il devra rester souple. Rien n’empêche de l’agrandir ou de le compléter par la suite. S’il n’y a aucune zone de vieux bois, aucun arbre habitat présent dans un massif, on peut construire un réseau idéal, en sachant que les résultats seront bien longs à attendre. Une évaluation de départ de la quantité initiale de bois mort et de celle qui va s’accumuler au cours du temps, est importante à faire. Des suivis sur l’évolution de la biodiversité saproxylophage et sur la faune du sol sont aussi fortement recommandés. Ces propositions restent évidemment dépendantes du bon vouloir des propriétaires, mais peuvent être plus faciles à mettre en œuvre lorsqu’il n’y a pas d’enjeu majeur de production et s’il y a des compensations financières données par l’État. Sachant que les effets dus à la présence de bois mort augmentent avec l’échelle spatiale (de 1 à 4 km2), il serait judicieux d’organiser à grande échelle les pratiques sylvicoles favorisant le bois mort, afin d’améliorer la conservation des espèces saproxyliques. N’oublions pas que les espèces reliques des forêts primaires dépendent principalement de la préservation d’habitats et bien souvent aussi de l’abondance et de la qualité du bois mort. 7. L’if, une espèce ligneuse de grande valeur  : cette espèce oubliée des forêts s’avère être l’espèce idéale pour structurer une forêt, lui assurer ainsi la préservation de son microclimat et garantir au propriétaire de la forêt une production de bois de très grande qualité. Mais pour cela, il faut ralentir le rythme des interventions en forêt de façon à ce que l’if arrive à maturité (sa croissance est très lente). Donc au lieu d’introduire des espèces exotiques comme le cèdre de l’Atlas, dont on ne connaît rien de l’adaptation à nos contrées ni à nos variantes climatiques mais dont on peut craindre tous les inconvénients des exotiques, travaillons avec l’if. Au surplus c’est une espèce très intéressante en pharmacopée, à visée thérapeutique en oncologie. 8. L’observation du principe de gestion pour toutes ces mesures  (c’est-à-dire qu’elles sont obligatoirement intégrées à une logique de gestion forestière). On veillera à ne pas confondre les termes de sylviculture et de gestion, la gestion concernant l’ensemble de la gestion de l’entreprise forestière avec ses aspects financiers.

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Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

Encart 12 – En conclusion sur les chemins d’accès à la sylviculture d’écosystème Il n’existe surtout pas de recette de cuisine. Le fil directeur est le cycle des forêts naturelles et leur dynamique dans lesquels doit s’intégrer la sylviculture de façon à obtenir une forêt-mosaïque à la fois dans l’espace et dans le temps, une forêt à l’aspect sauvage. On recherchera l’unité structurale fonctionnelle du massif étudié. Cela signifie que toutes les phases du cycle naturel, phases d’innovation, d’aggradation, de maturité, de sénescence, doivent se retrouver simultanément dans tout le massif forestier en gardant à l’esprit que ce n’est pas une forêt naturelle mais une forêt gérée. Le modèle recherché de la forêt d’avenir doit être basé sur une perpétuelle dynamique. On veillera à maintenir la structure verticale étagée, véritable moteur de cette forêt par l’action de la mosaïque de lumière projetée au sol qui active les cycles biogéochimiques. Et le sylviculteur devra se freiner dans la tendance trop courante de vouloir ouvrir les peuplements de crainte que le sous-étage n’ait pas suffisamment de lumière pour la régénération naturelle et les jeunes tiges d’espèces héliophiles. Les coupes d’arbres se feront par pied d’arbre ou par touffe. La référence sera toujours les forêts naturelles avec les ouvrages s’y rapportant. Le caractère naturel de la forêt et la fermeture de la canopée permettront une cohabitation harmonieuse forêt-cervidés. Il ne faut pas oublier que les dégâts de cervidés surviennent dans les forêts artificialisées et aussi les forêts ouvertes présentant une végétation herbacée développée et appétente pour les cervidés. Les gardes-fous pourront être un contrôle toutes les décennies environ selon la Méthode du Contrôle de Gurnaud-Biolley (voir ci-après). L’éducation du public devra être assurée parallèlement au travail des forestiers chargés de mettre en œuvre la sylviculture d’écosystème, pour éviter les incompréhensions et des affrontements idéologiques. La sylviculture d’écosystème doit d’abord travailler sa structure pour la créer ou l’entretenir et le bois récolté résulte de ces coupes, tandis qu’à l’inverse, le sylviculteur de la futaie claire (dont la structure verticale est lacunaire) choisit d’emblée les arbres qu’il souhaite récolter sans objectif de travailler la structure forestière. Les réseaux spatiaux d’éléments structurels constituent la seule possibilité de perpétuer les métapopulations. Pour résumer, les trois questions-clefs du sylviculteur sont les suivantes : 1) dans le cas d’une structure à créer, quels sont les éléments de l’écosystème à rechercher ? 2) dans le cas d’une structure dégradée, comment peut-on reconstituer les éléments perdus de l’écosystème ? 3) dans tous les cas, quel lien établir entre les différents éléments structuraux ?

6.4.1.2.2.4 Quelles stratégies sylvicoles pour quelles espèces ligneuses ? Nous n’allons pas donner de recette de cuisine car il n’y en a pas. C’est la raison pour laquelle le sylviculteur désireux de se lancer dans cette sylviculture d’écosystème devra avoir un bagage solide en physiologie végétale et en écologie. 175

Sylviculture d’écosystème

Ceci dit, il y a des guides précieux pour les sylviculteurs : les ouvrages concernant l’étude des forêts anciennes à haute naturalité. On pourra également se référer aux résultats sylvicoles des Forstämter allemands renommés, tels que : Erdmannshausen, Stauffenburg, Sellhorn (cf. notre premier ouvrage [114,116]). La clef de la réussite sylvicole : ralentir les interventions en éclaircies dans les forêts. Actuellement, certains organismes préconisent, pour les feuillus, un passage dans les mêmes zones tous les 7 à 12 ans et, pour les conifères, de 5 à 10 ans [6]. Nous recommandons un rythme beaucoup plus lent : de 15 à 20 ans soit le double de temps de repos laissé à la forêt par rapport aux autres sylvicultures. Le forestier est toujours anxieux par rapport à l’ombrage et à la question de la régénération d’espèces héliophiles. Mais nous avons vu, au cours du chapitre sur la structure et l’éclairement, que l’ouverture de la canopée n’est pas la solution car elle déstabilise les phénomènes de dissipation d’énergie des forêts en fragilisant ainsi le maintien du microclimat, et elle est contre-productive pour les espèces ligneuses (y compris héliophiles) pour lesquelles seul l’éclairement diffus est profitable (l’éclairement direct étant dangereux pour les arbres). Seule une structure verticale étagée de forêt dense (surface terrière environ entre 30 et 45 m2/ha) peut offrir ces conditions optimales de vie. Un autre rappel s’impose : ainsi que l’ont constaté de nombreux scientifiques, la dynamique forestière peut se modifier suivant les stations écologiques [62]. Et celleci ne peut s’appréhender que par les cycles et non par des types forestiers qui l’escamotent. La reconnaissance des stades et des phases dépend de l’observateur, ce qui peut générer des problèmes de suivis à long terme [466]. En ce qui concerne les hêtraies, Stefan Korpel [248] précise que la forêt ancienne à haute naturalité de Rozok a une surface terrière variant de 32,6 à 46,6  m2/ha (suivant la phase du cycle de développement) et que dans le stade optimal beaucoup de hêtres occupent le sous-étage malgré l’ombrage des arbres dominants, pouvant survivre ainsi. Cependant ils ne peuvent pas s’accroître dans la classe de grosseur supérieure pendant cette période de station sous couvert. L’accroissement moyen des hêtres culmine assez tard, environ vers 200–220  ans et la vie du hêtre dure jusqu’à 250–260 ans. Dans une situation favorable, le coefficient de forme est de 0,70 à l’âge de 20 ans, de 0,46 entre 30 et 40 ans. À 100 ans, son coefficient de forme s’élève à 0,50–0,51. Dans une situation où les conditions de croissance se modifient de manière marquante, le coefficient de forme est de 0,97 à 30 ans, 0,47 à 110 ans, 0,53 à 180–220 ans. Ceci démontre que la croissance régulière du hêtre est meilleure que la croissance par à-coups. Il est donc important de mener la même sylviculture avec des ouvertures très faibles de la canopée pour éviter ces sauts de croissance. Nous avons par ailleurs vu précédemment que la meilleure sylviculture du hêtre, pour sa survie dans le contexte climatique actuel, est celle qui privilégie une forte densité et des éclaircies par pied d’arbre. Des forêts anciennes à haute naturalité majoritairement de chêne (90 % en strate supérieure) existent, notamment celles de Kasivarova et de Lesna dans les Carpates avec des chênes de très haute qualité (déroulage et sciage) [248]. Le volume de bois fort en phase de développement est de 154 à 280 m3/ha. Le nombre d’individus

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Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

comptabilisés en sous-étage varie entre 230 à 1 040 à l’hectare : le nombre plus faible se situe au stade optimal tandis que le plus élevé se situe au stade d’effondrement. Son volume sur pied a varié de 430 à 724 m3/ha entre 1966 et 1972. En 1992 il atteignait 687 m3/ha. Pour des arbres de 30 mètres de hauteur totale, cela signifie que leur densité se situait autour de 23 m2/ha. L’accroissement courant a varié de 3,3 m3/ha au stade d’effondrement, à 8,8 m3/ha au stade de croissance. Le nombre de sujets au stade de régénération a varié de 18 000/ha à 30 000/ha. Celle-ci se regroupe en troupes (îlots de 0,01 à 0,03 ha) ou groupes (îlots de 0,04 à 0,1 ha). Des exemples similaires se retrouvent dans des forêts très naturelles (où toute sylviculture a été abandonnée depuis de nombreuses décennies) en France. La surface terrière totale de forêts anciennes à haute naturalité mélangées de hêtre, chêne, érable, frêne, charme, tilleul, sapin varie de 36,7 à 42,9 m2/ha, dont celle du chêne au sein de ces forêts mélangées variant de 4,7 à 10,6 m2/ha. Ces résultats montrent que, malgré son besoin de lumière, le chêne peut croître dans une forêt irrégulière dense à canopée fermée (Photo 22).

6.4.2

Les outils à la disposition du sylviculteur

6.4.2.1

Les outils descriptifs

Pour décrire et analyser la futaie irrégulière issue de la sylviculture d’écosystème, les outils utilisés doivent impérativement être des outils analytiques apportant une réponse sur l’état de la dynamique des peuplements. Un classement des diamètres en différentes catégories ne donne aucune réponse sur la structure forestière et pas davantage sur la dynamique passée, présente et à venir. Ce classement des diamètres reflète la texture du peuplement (cf. chapitre  2.1. sur la structure et la texture). Nous recommandons les outils que nous avons-nous-mêmes développés [115] 59. Le lecteur trouvera en annexe l’exposé des outils existants, notamment élaborés par Füldner [160], Jaehne et al. [217], Pommerening [368–370,374], basés sur la nature des mélanges des arbres suivant leurs caractéristiques propres (espèce, diamètre, hauteur) en fonction de celles de leurs plus proches voisins. De toute évidence, la description de la structure forestière demeure un exercice complexe, qui, dès sa mise en œuvre, est déjà réducteur : on ne peut appréhender en une seule fois tous les aspects d’une structure forestière. La notion d’échelle d’observation est fondamentale dans la description forestière et la détermination d’une échelle fait disparaître d’emblée tout ce qui se révèle à une autre échelle, notamment à une échelle plus fine. En outre, l’objectif sylvicole qui motive une description structurale, oriente l’observation vers des caractéristiques du milieu naturel qui permettront de renforcer le raisonnement dans la direction qui a été fixée au départ. Ainsi, par exemple, la description de la structure forestière pour des relevés d’avifaune ne correspond pas, 59.  Et actualisation du programme msgraph sur http://www.ecosylviculture.how

177

Sylviculture d’écosystème

dans son échelle et son découpage en strates, à la description structurale par pied d’arbre. En tout état de cause, il est préférable d’utiliser les outils descriptifs analytiques qui ne réduisent pas la structure à la donnée d’un seul chiffre.

6.4.2.1.1 Développement d’outils de description de la dynamique forestière Nous [115] avons élaboré une méthode descriptive en deux dimensions (méthode des histogrammes « msgraph »), se voulant proche de la distribution réelle des arbres sur le terrain (test sur l’intégralité des arbres des peuplements forestiers et non sur des échantillons aléatoires), et une approche en trois dimensions (méthode des volumes « calcvolu »). Ces deux méthodes ont apporté des réponses nouvelles sur les questions posées quant à la dispersion des arbres et à leur occupation de l’espace : 1. La méthode des histogrammes (msgraph) [115] : son principe est de rechercher les trois plus proches voisins de chaque arbre en notant toutes leurs caractéristiques (hauteur, diamètre, espèce) et leur distance à l’arbre-repère. Cette recherche se fait suivant des secteurs angulaires, 1 secteur angulaire correspondant à l’observation sur un cercle complet (Figure  16). Plus on multiplie le nombre de secteurs angulaires, plus l’observation va se faire à une échelle plus grande dans la forêt (Figure 17). Un logiciel adapté à nos besoins a été réalisé par Helge Dzierzon, Docteur en Biométrie forestière et à l’époque chercheur en biométrie forestière à la Faculté forestière de l’Université Georg-August de Göttingen (RFA). Tous les arbres devenant successivement « arbres-repères », on obtient des histogrammes de fréquences (axe des abscisses : éloignement du voisin à l’arbre-repère ; axe des ordonnées : fréquences) qui permettent de visualiser la structure et la texture de la forêt. Ce logiciel permet d’analyser la dispersion de chaque espèce prise séparément et la manière dont les arbres de différentes hauteurs et de différents diamètres s’associent entre eux et se dispersent au plan horizontal comme au plan vertical. Quand un peuplement est irrégulier, la courbe de fréquences est une courbe en cloche  ; quand il est régulier (agrégations), elle présente des pics correspondant aux agrégats d’arbres. Ces histogrammes peuvent être modulables en fonction de l’échelle choisie : on peut rechercher la structure à l’échelle du bouquet d’arbres ou bien à l’échelle du massif forestier pris dans son ensemble. Cette méthode s’est montrée très malléable, elle permet de mettre en évidence différentes échelles d’irrégularité. En outre elle donne la possibilité d’une observation de la distribution des arbres, au plan horizontal, par classes de diamètres et par classes de hauteurs d’une part, et par espèce d’autre part : ce découpage apporte une vision de l’interpénétration des différentes catégories d’arbres (espèces, diamètres, hauteurs), une compréhension de la dynamique interne au peuplement, plus particulièrement la dynamique de structure et la dynamique successionnelle des espèces, en tenant compte de l’espacement entre les arbres. On peut aussi ajouter d’autres critères : arbres morts debout, à terre, etc. Des calculs d’indices ont été rajoutés pour faciliter une approche descriptive rapide. Le logiciel est disponible sur internet à l’adresse suivante  : http://www.ecosylviculture.how.

178

Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

en grisé : un des 3 plus proches voisins de l’arbre central

Figure 17

arbre central de référence dont on recherche les 3 plus proches voisins

en blanc : arbre n’appartenant pas à ce tour d’horizon par rapport à l’arbre central considéré

1 secteur angulaire (angle = 360 °)

 Figure 16  Recherche des 3 plus proches voisins de l’arbre considéré (avec prise exhaustive de tous les arbres du peuplement) dans 1 secteur angulaire – En gris, les arbres retenus dans le tour d’horizon. (Duchiron 2000a).

en grisé : un des 3 plus proches voisins de l’arbre central dans ce secteur angulaire

arbre central dont on recherche les 3 plus proches voisins α = 45 °

délimitations du secteur angulaire situé entre ces deux traits noirs

8 secteurs angulaires (angle = 45 °)

en blanc : arbre n'appartenant pas à la recherche des 3 plus proches voisins dans le secteur

 Figure 17  Recherche des 3 plus proches voisins de l’arbre considéré (avec prise exhaustive de tous les arbres du peuplement comme arbres centraux respectivement) dans 8 secteurs angulaires  : l’observation dépasse le premier cercle du tour d’horizon initial – En gris, les arbres retenus dans l’inventaire pour chaque secteur angulaire. (Duchiron 2000a).

179

Sylviculture d’écosystème

En résumé : – Les arbres sont pris en compte, un à un, et ce, dans leur totalité avec leurs caractéristiques et leur position (coordonnées cartésiennes). Le tirage exhaustif et non au hasard est un choix déterminé, afin de ne poser au départ aucune hypothèse sur l’irrégularité. La prise en compte intégrale de tous les arbres a donc pour objectif d’aboutir à une image du peuplement se rapprochant le plus de la réalité. – Pour chaque arbre considéré, on recherche ses trois plus proches voisins dans un tour d’horizon circulaire (Figure 16) et on calcule l’écartement des arbres entre eux. Le choix des 3 plus proches voisins est un bon compromis entre la légèreté des calculs, leur faisabilité, et une meilleure information qu’avec 1 ou 2 voisins [160]. – Ce tour d’horizon peut être divisé ou non en secteurs angulaires, ce qui est une nouveauté (Figure 17). On trouvera des exemples en annexe. 2. La méthode des volumes (CALCVOLU) [115] : elle permet de décrire d’une manière simple l’occupation spatiale (en trois dimensions) d’un peuplement forestier  : par le degré d’emboîtement des arbres les uns sous les autres  ; par l’occupation volumique du peuplement, le volume des houppiers et le volume des tiges, dans chaque strate. Ces deux aspects de la méthode des volumes sont les plus importants, même si d’autres calculs furent élaborés à partir de ces résultats. En effet, la particularité de la futaie irrégulière est de conférer à ses arbres un houppier plus volumineux qu’en futaie régulière [152]. Les graphiques issus de cette méthode sont consultables en annexe. Ces graphiques concernant la répartition des volumes de couronnes et de tiges en pourcentages ont l’avantage essentiel de permettre une vision globale d’ensemble du peuplement avec la concurrence des différentes espèces entre elles. Ils apportent donc une information sur l’état de la dynamique naturelle, élément que les différents indices ou méthodes présentées en littérature ne donnent pas. Cette méthode permet aussi de calculer un indice de recouvrement des couronnes. L’association de ces différents résultats, relatifs chacun à une description bien précise de l’occupation spatiale, permet de reconstituer sur papier l’image du peuplement dans sa stratification verticale et de contrôler le moment adéquat de l’intervention sylvicole en éclaircie. Ce programme CALCVOLU n’a pour le moment pas été réactualisé. Ces deux approches, méthode des histogrammes et méthode des volumes, se complètent. Elles démontrent l’intérêt d’une modélisation qui reste proche de la géométrie spatiale du peuplement étudié et qui laisse ainsi beaucoup de souplesse pour l’intégration de données écologiques et leur interprétation sans risque réductionniste trop prononcé. Les descriptions structurales qui en ont découlé, ont permis d’établir des correspondances avec les paramètres écologiques. Ces méthodes descriptives donnent ainsi au forestier un moyen de mener une réflexion sur sa sylviculture et en particulier sur la manière adroite avec laquelle il peut inscrire son action par rapport à la dynamique

180

Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

naturelle. Même si la mise en œuvre peut être contraignante au départ avec un inventaire des arbres pied-à-pied et le relevé de leurs dimensions ainsi que de leurs coordonnées spatiales, le résultat permet de gagner du temps en compréhension sur le fonctionnement de l’écosystème forestier étudié et finalement de travailler avec plus de rigueur et de sûreté d’action. Pour simplifier la démarche, l’inventaire intégral pourra n’être effectué par exemple que dans une zone particulière de la forêt, déjà marquée par son irrégularité et sa naturalité.

6.4.2.1.2 La méthode basée sur les éclairements en forêt Il est utile de suivre l’évolution de l’éclairement au sol en forêt par le biais de photos hémisphériques qui sont les seules à apporter un résultat à la fois fiable et très facile d’emploi. L’éclairement est la meilleure traduction de l’état de la structure forestière, facilement mesurable et exploitable [115,512] (voir chapitre 2.2.2.) : en futaie régulière le diagramme de fréquences du rayonnement diffus présente un seul pic tandis qu’en futaie irrégulière c’est une succession de petits pics de valeurs différentes de lumière diffuse (Figures 5, 6 et 7). La valeur du rayonnement solaire diffus relatif est ainsi la seule valeur objective permettant de caractériser la structure des peuplements [516]. Les cellules photo-électriques, quant à elles, ne dissocient pas le rayonnement direct du rayonnement diffus sur de longues périodes de mesure et leur mise en œuvre est très aléatoire car il faut pouvoir prendre des mesures simultanées en surface nue, sans passage de nuage ni passage d’animaux au-dessus de la cellule. Dans les forêts jardinées slovènes de hêtre et de sapin, le volume sur pied est de 336 m3/ha. Dans les forêts vierges, le volume des arbres est concentré dans les diamètres 50 et plus, ce qui n’est pas le cas dans les forêts où se pratique une sylviculture traditionnelle de peuplements ou d’arbres. Les forêts vierges ont, comparativement, moins de régénération naturelle. Mais pour autant les valeurs moyennes de rayonnement solaire diffus relatif sont plus élevées en forêts vierges du fait de l’hétérogénéité structurale spatiale (verticale et horizontale) [61,105].

Cette méthode est la plus simple à mettre en œuvre d’autant plus qu’il existe aujourd’hui des appareils électroniques capables de donner les résultats immédiatement après la prise de la photo. Rappelons qu’aux États-Unis, c’est le LAI que le forestier décide de maintenir et qu’il différencie par strates, espèces, classes d’âges ou une combinaison de ces paramètres.

6.4.2.1.3 La clef de description de Hans-Jürgen Otto Une clef de description des peuplements forestiers est proposée par Hans-Jürgen Otto  [115], sur la base des différentes caractéristiques de structure. Cette clef rejoint le principe de la clef de détermination des stations écologiques de BasseSaxe. Une forêt que l’on veut décrire rapidement, se verra attribuer une série de sept

181

Sylviculture d’écosystème

chiffres, correspondant, de la gauche vers la droite, aux huit points ci-après, classés dans l’ordre du Tableau 3. Exemple  : une forêt avec deux espèces ligneuses en mélange (2), fortement inéquienne (5), avec une variation normale de population (4), très riche en espèces herbacées (8), moyenne en diversité d’espèces faunistiques (4), variable à un seul étage (1), mélange vertical par groupes (2), et une répartition horizontale par groupes (2). Cette forêt sera ainsi caractérisée : 2.5.4.8.4.1.2.2. Contrairement à l’outil typologique (des peuplements) utilisé en France, cette clef de détermination n’est pas réductrice. Chaque forêt est un « modèle » unique et ne peut être assimilée à une autre. Outre ses caractéristiques structurales, il y a toutes ses caractéristiques écologiques qui l’identifient et en font son unicité : roche-mère (uniforme ou non dans le peuplement considéré), sols, précipitations locales, accidents ponctuels dus au vent, au gel ou à la neige. Cette clef a l’avantage d’être ouverte à tous les cas de figures qui pourraient se présenter, et de ne pas enfermer d’emblée la description d’un peuplement forestier dans un catalogue de forêts pré-visionnées. Elle peut être un outil de base utile pour circonscrire rapidement, à une échelle donnée et à un moment donné, l’état d’un peuplement que l’on veut analyser. Mais pour un peuplement s’inscrivant dans une évolution naturelle temporelle qui n’apparaît pas dans cette description statique, il est bon, en plus, de réintégrer son stade à l’instant « t » dans son cycle évolutif.  Tableau 3  Clef de description des peuplements par OTTO (1995, in DUCHIRON 2000 a). * texture : terme emprunté à la pédologie pour décrire la finesse du grain. Ici : finesse dans l’agrégation des arbres au plan horizontal. Proposition d’une clef de description autour des termes « irrégularité » – « hétérogénéité » – « diversité » (OTTO, 1995 in DUCHIRON 2000 a) 1. Diversité des espèces d’arbres (mélanges) 1.1. Sans mélange (une espèce d’arbre)

valeur = 0

1.2. Mélange de 2 espèces d’arbres

valeur = 2

1.3. Mélange de 3 espèces d’arbres

valeur = 4

1.4. Mélange de 4 espèces d’arbres

valeur = 6

2. Espèces d’arbres – Âge, hauteur, diamètre

182

2.1. Absolument équienne, hauteurs et diamètres identiques

valeur = 0

2.2. Presqu’équienne (écart de 2 à 10 ans), très faible différenciation des hauteurs et diamètres

valeur = 1

2.3. Faiblement inéquienne (écart de 11 à 20 ans), plus forte différenciation des hauteurs et diamètres

valeur = 3

2.4. Fortement inéquienne (écart de 21 à 40 ans), forte différenciation de hauteurs et diamètres

valeur = 5

2.5. Très fortement inéquienne (écart de 41 à 80 ans), très forte différenciation de hauteurs et diamètres

valeur = 7

Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

Proposition d’une clef de description autour des termes « irrégularité » – « hétérogénéité » – « diversité » (OTTO, 1995 in DUCHIRON 2000 a) 2.6. Extrêmement inéquienne (écart de 81 ans à la durée totale de vie du peuplement), diamètres et hauteurs très proches de la courbe de futaie jardinée

valeur = 10

3. Diversité génétique 3.1. Même génotype (clones, méristèmes)

valeur = 0

3.2. Variation normale de population

valeur = 4

3.3. Variation génétique accrue

valeur = 6

4. Diversité d’espèces de la végétation herbacée non arbustive 4.1. Aucune végétation herbacée

valeur = 0

4.2. Pauvre en espèces (1 espèce sur la surface ou sporadiquement)

valeur = 0

4.3. Relativement pauvre en espèces (2 à 3 espèces)

valeur = 1

4.4. Relativement riche en espèces (4 à 10 espèces)

valeur = 4

4.5. Très riche en espèces (plus de 10 espèces)

valeur = 8

5. Diversité d’espèces de la faune (éventuellement recouverte par certains types comme Aves) 5.1. Pauvre (peu d’espèces, faible densité d’espèces établies)

valeur = 2

5.2. Moyenne (plusieurs espèces, densité moyenne d’espèces établies)

valeur = 4

5.3. Haute (beaucoup d’espèces, densité haute d’espèces établies)

valeur = 8

6. Structure verticale des peuplements 6.1. Composition structurale 6.1.1. Homogène, à un seul étage

valeur = 0

6.1.2. Variable, à un seul étage

valeur = 1

6.1.3. De 2 à plusieurs étages (chaque étage se détachant clairement de chaque autre, cf. OTTO, 1994, p. 180)

valeur = 2

6.1.4. En régénération lente groupée en petites ou grandes trouées

valeur = 5

6.1.5. En jardinage

valeur = 10

6.2. Structure du mélange 6.2.1. Mélange pied à pied

valeur = 2

6.2.2. Mélange par groupes

valeur = 2

6.2.3. Mélange par taches de régénération lente de bouquets

valeur = 4

6.2.4. Mélange jardiné

valeur = 6

7. Structure horizontale des peuplements (texture)* 7.1. Répartition régulière des arbres

valeur = 1

7.2. Répartition des arbres au hasard

valeur = 2

7.3. Répartition des arbres par groupes

valeur = 2

7.4. Structuré par trouées

valeur = 4

183

Sylviculture d’écosystème

6.4.2.1.4 Les critères allemands d’agrégation Les critères allemands sont utiles pour décrire les interventions sur de petites surfaces, compte tenu de leur extrême précision. Individuel (Einzel) : pied par pied ou intime – Touffe (Trupp) : 1 à 5 arbres situés dans l’environnement de l’arbre considéré, ou bien un diamètre de la surface au sol égal à la moitié de la longueur d’un arbre (entre 0,01 ha et 0,03 ha) – Groupe (Gruppe) : surface égale à l’occupation de 5 arbres ou d’un diamètre égal à la longueur d’un arbre (entre 0,04 ha et 0,1 ha) – Bouquet (Horst) : diamètre de surface au sol au moins égal à la hauteur totale d’un arbre voire de deux arbres, soit environ 10-50 ares [304] 60. Pour la futaie de type jardinatoire, les coupes se font par pied d’arbre, par touffe, voire par groupe mais jamais par bouquet (il ne faut pas dépasser les 10 ares). 6.4.2.2

Les outils de contrôle

Nous ne présenterons pas ici les différentes méthodes de contrôle que l’on peut trouver rassemblées dans un bon livre de sylviculture. Nous renvoyons le lecteur à notre premier ouvrage (version française [114] ou version allemande [116]). Différentes méthodes de contrôle existent, mises au point en France, en Allemagne et en Suisse. Elles fournissent des renseignements différents les unes des autres et l’usage qu’on en fait, doit ainsi être ciblé suivant le type de massif forestier à inventorier. Nous en résumons ici les principaux usages : – Avoir des informations sur de petites forêts : la Méthode du Contrôle (inventaire intégral) de Gurnaud-Biolley est la plus précise, en inventoriant tous les arbres dans leur intégralité [53,54,114,116]. – Avoir des informations sur de grands domaines, avec uniquement un résultat global sur l’état des peuplements mais non sur leur dynamique  : la méthode par échantillonnage et placettes temporaires est ici préconisée [114,116,125,354]. Cependant, dans les peuplements irréguliers, les échantillonnages au hasard sont proscrits et il est préférable de procéder à des échantillonnages à maillage systématique [64]. – Avoir des informations sur l’accroissement de l’ensemble de la forêt et de certains arbres individuellement  : la méthode par échantillonnage et placettes permanentes (circulaires ou concentriques) [114,116,433–435] – Kontrollstichprobe – est recommandée et semble être la mieux adaptée 61. – Avoir des informations sur certaines catégories de bois peu représentées : gros bois de qualité, espèces rares (Alisiers par exemple), etc. L’inventaire intégral est ici recommandé. – Avoir des informations par parcelle : l’inventaire intégral est le mieux adapté.

60. https://landeszentrumwald.sachsen-anhalt.de/fileadmin/Bibliothek/Politik_und_Verwaltung/ MLU/Waldbau/Definitionen_wichtiger_forstlicher_Begriffe.pdf 61.  Bachmann communication orale 1991

184

Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

Mais, dans les peuplements totalement irréguliers, c’est-à-dire « présentant des questions compliquées au plan sylvicole ou au plan écologique, il faut travailler avec des inventaires intégraux avec une répétition ou deux  »  62. Des biais apparaissent au moment des inventaires par échantillonnage, réalisés pour quantifier la structure spatiale d’une forêt au moyen d’indices. Les résultats obtenus confirment la nécessité de travailler avec des placettes de taille suffisamment grande pour éviter les biais dus aux effets de bordure. Il est même recommandé d’inclure, dans l’inventaire, les voisins situés à l’extérieur des limites de la placette afin d’obtenir des estimations non biaisées, ceci au prix de mesures supplémentaires  [370]. Certains auteurs  [265] montrent que les forêts naturelles varient à la fois dans l’espace et dans le temps ; dans ces conditions il est nécessaire de pratiquer des répétitions d’inventaires pour pouvoir mettre en évidence les chrono-séquences. D’autres méthodes existent pour inventorier les forêts très structurées, notamment le programme Waldsim de Pommerening [368]. En tout état de cause, nous recommandons des inventaires pratiqués en plein, pied par pied, tous les dix ans (comme le pratique l’École suisse du jardinage). Les inventaires par échantillonnage sont donc à réserver uniquement aux peuplements réguliers. Rappelons que la nature ne se laisse pas enfermer dans des prédictions ni dans un contrôle. C’est ce que soulignait E. Favre [139,141] : « Doit-on rejeter la forme jardinée d’un peuplement parce qu’elle résiste à une cristallisation mathématique ? » Subsidiairement, nous rappelons qu’un large réseau de parcelles d’études et de suivi des éclaircies (suivi des impacts des éclaircies sur les écosystèmes forestiers) a été mis en place au niveau européen par les stations de recherche forestière d’Allemagne principalement, depuis très longue date (voir encadré sur les « martéloscopes »). Ces réseaux de placettes de suivi ont associé les différentes disciplines : écologie forestière et croissance des peuplements principalement, avec les conséquences écologiques et économiques qui en découlent logiquement. C’est grâce à ce réseau de placettes et également grâce aux archives des chercheurs (notamment celles de Mitscherlich) que les connaissances sur la futaie jardinée, la futaie irrégulière, en comparaison avec les futaies régulières ont pu se développer. L’idée a été reprise très récemment par l’Association Futaie Irrégulière (AFI) en France, mais de manière très différente car elle n’effectue pas d’étude sur les effets écologiques provoqués par les éclaircies dans l’écosystème forestier et elle privilégie les objectifs économiques aux aspects écologiques (les études relatives aux arbres «  bios  » sont des observations individuelles ponctuelles sans résultats apportés sur le fonctionnement de l’écosystème, avec l’attribution d’une note quantitative arbitrairement choisie par l’opérateur et non monnayable). Nota Bene : Nous ne saurions trop insister sur le fait que le marquage (martelage) des éclaircies en sylviculture d’écosystème nécessite impérativement d’avoir de solides connaissances en écologie et d’avoir réalisé préalablement une étude approfondie de l’écosystème forestier concerné, avec une projection à moyen terme de la

62. Pommerening communication écrite 2011

185

Sylviculture d’écosystème

dynamique des espèces. L’usage des martéloscopes doit donc être strictement réservé à la recherche pour étudier les impacts de différents types de coupes sur l’écosystème et il ne doit surtout pas être un lieu d’entraînement pour apprendre à marquer des éclaircies. Encart 13 – Historique des « martéloscopes » L’idée d’installer des martéloscopes est très ancienne 63  [162]  : on trouve ainsi déjà au XVIIIe  siècle les travaux de Paulsen  [356]. Puis Abetz  [1] s’est penché sur les moyens scientifiques pouvant apporter une aide à la réalisation des éclaircies. Ensuite il y a eu les travaux d’Altherr [13]. Par la suite, Dittmar et al. [107] ont émis les premières idées de suivi scientifique des éclaircies dans l’ancienne RDA. Et ce sont Gadow & Stüber  [164] qui ont redéveloppé de manière conséquente cette idée. Füldner & Gadow [161] y ont apporté une application aux forêts mélangées de hêtre. Zucchini & Gadow [537] ont établi deux indices pour décrire des types d’éclaircie sur un peuplement. Gadow et Schmidt [165] ont développé leur concept d’essais d’éclaircies avec inventaires réguliers et la comparaison des états du peuplement avant et après éclaircie. Pretzsch [376–380] dès 1992 a développé les premières versions de son programme SILVA simulant des éclaircies et leurs répercussions sur la croissance ultérieure des peuplements. C’est le premier programme développé ainsi en Europe. Gadow [163] montre l’importance de relier les essais de différents types d’éclaircies dans les peuplements aux conséquences sur ceux-ci, notamment pour la croissance, afin d’éviter des dégâts naturels (effets de « catastrophes naturelles ») et pour observer les changements obtenus sur les peuplements. Il s’appuie sur les travaux d’Einsiedel [130] et de Wagner [513]. Ceci, pour ne citer que les auteurs les plus importants dans une littérature scientifique très prolixe sur le sujet. Les suivis d’éclaircies dans un peuplement n’ont donc de sens que s’ils intègrent l’étude des réactions des éclaircies sur les peuplements au plan écologique en comparaison avec d’autres types d’éclaircies et surtout par rapport au développement naturel d’une forêt-témoin. D’une manière générale, la collecte de données sur des peuplements, même de manière suivie, ne sert à rien si elle n’est pas reliée à une problématique précise de recherche, avec un concept et un protocole de mesures établis à l’amont : on ne mesure pas les mêmes paramètres suivant les différentes problématiques étudiées. Des données, collectées sans fil directeur de recherche, sont inutilisables. De même, une collecte de données à buts uniquement descriptifs ne sert à rien. Ce qui est important, c’est de chercher à comprendre les interactions entre les différents paramètres d’un écosystème forestier. 63.  Pommerening communication écrite 2011

186

Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

6.5 Les différentes issues économiques

envisageables pour la sylviculture d’écosystème

La particularité fondamentale de la sylviculture d’écosystème est de sortir du schéma classique, à savoir celui de la production lucrative de bois. Si certains forestiers préconisent «  d’inscrire la fonction économique dans le fonctionnement de l’écosystème » [78], c’est-à-dire en imposant à l’écosystème de répondre aux ordres économiques de l’homme par le choix du type de martelage qui profite à la production de bois commercialisable, la sylviculture d’écosystème, elle, met en premier objectif, celui du respect de l’écosystème naturel avec l’entretien de la structure forestière – si tant est qu’elle ait besoin de l’homme pour cela – et le sylviculteur ne se permet ensuite de retirer un arbre (mûr) que si son départ ne va pas perturber les cycles écosystémiques. Nous avons effectivement vu, dans les chapitres précédents, que la position des arbres, principalement des gros et très gros arbres en forêt, jouait un rôle fondamental pour assurer la pérennité du fonctionnement de l’écosystème. C’est donc l’écosystème lui-même qui, au travers de ses exigences, va guider le sylviculteur. De ce fait, la sylviculture d’écosystème s’inscrit « hors du temps ». Car la véritable fonction économique d’une forêt est la pérennisation de celle-ci, délivrée du traumatisme des coupes rases et des coupes éclaircissant fortement la forêt, à l’abri des dégâts portés au sol, c’est-à-dire à l’abri d’une main humaine qui viendrait casser les processus naturels pour privilégier des objectifs financiers de court terme. Finalement la rentabilité d’une forêt n’est ni plus ni moins que la pérennisation de son sol, organisme vivant à part entière et non réduit à une simple « machine à produire ». En évitant les dégradations portées à l’écosystème, on réduit les pertes et les coûts ultérieurs de reconstitution. Et le degré de naturalité devient alors une valeur économiquement chiffrable, tant pour l’écosystème que pour la production et le cadre de vie et de détente de populations humaines trop urbanisées [46,49,50,431]. La sylviculture d’écosystème que nous avons définie et détaillée dans cet ouvrage, est, nous l’avons vu, une sylviculture qui s’articule autour de l’écologie. Cependant elle est également en lien avec l’économie. Dans ces deux termes, écologie et économie, on retrouve le même préfixe éco- qui vient du grec οικος (oïkos) signifiant la maison. Les suffixes -logie et -nomie viennent respectivement de λογος (logos) signifiant le langage, la parole, et de νεµειν (némeïn) signifiant administrer. Ainsi la définition de l’écologie est la suivante : « science dont l’objet est l’étude des interactions entre les organismes vivants et le milieu, et des organismes vivants entre eux dans les conditions naturelles. » [158]. Et la définition de l’économie est la suivante : « science qui a pour objet la connaissance des phénomènes concernant la production, la distribution et la consommation des richesses, des biens matériels dans la société humaine. » (Le Petit Robert) Ces deux définitions montrent clairement qu’écologie et économie sont toutes deux des sciences d’interfaces et d’interrelations. Il n’est donc pas antinomique de les relier l’une à l’autre et de les conjuguer au sein d’une nouvelle science, la sylviculture d’écosystème. Précisons encore la définition du terme écosystème : « système d’interactions complexes des espèces entre elles et entre celles-ci et le milieu. » [158]. Cette définition souligne

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Sylviculture d’écosystème

une fois de plus, s’il était encore nécessaire, que ces systèmes sont en éternel mouvement et que les études figées (tant écologiques qu’économiques) sont d’emblées scientifiquement fausses. Tout doit s’étudier de manière dynamique, tant l’écologie, l’économie, que la sylviculture.

6.5.1

Une gestion d’entreprise

Dans les chapitres précédents 6.1. et 6.2., nous avons présenté les contextes économiques et fiscaux français, et les problèmes qu’ils engendrent en gestion forestière. Le fait que de grands lobbies imposent aux propriétaires leurs exigences servant leurs intérêts personnels, la réalité fiscale que subit la forêt aujourd’hui, comme l’impôt foncier et l’évaluation du capital forestier lors de successions, tout cela incite le propriétaire qu’il soit honnête ou non, à couper tous les gros bois de sa forêt lors de successions, afin d’éviter une trop forte évaluation de sa forêt. La nature ne devrait plus être imposée au niveau foncier ni au niveau de son capital. Ce sont les revenus issus de la vente des bois après déduction des charges de l’entreprise, qui devraient être imposés au même titre que l’impôt sur le revenu. Si une réforme fiscale en ce sens est souhaitable pour toute gestion forestière, a fortiori celle qui concerne la sylviculture d’écosystème est urgente : la sylviculture d’écosystème ne peut se concevoir économiquement que dans le cadre d’une gestion d’entreprise. Ainsi les revenus de la vente des bois devraient impérativement revenir à la forêt. La forêt est encore, contrairement à l’agriculture, imposée forfaitairement sur la base cadastrale. Ceci offre trop souvent la tentation au propriétaire forestier qui gère sa forêt, de garder, pour ses besoins personnels, l’argent provenant de la vente des bois. Mais on ne peut gérer ainsi une forêt de manière durable. Quand les revenus retourneront ainsi à la forêt, alors le propriétaire pourra se permettre enfin de se financer un Expert forestier « haut de gamme », tel qu’on en voit dans beaucoup de forêts privées allemandes dont les propriétaires peuvent salarier à plein temps un forestier diplômé de l’université (diplôme universitaire de Forstwirt avec en plus, la plupart du temps, un Doctorat) de qualité et toute une équipe de techniciens et gardes forestiers. Ces revenus permettraient également de réaliser, de manière analytique, une cartographie complète des stations dans chaque forêt privée. Toute cette trésorerie permettrait finalement de réaliser les travaux scientifiques de l’amont indispensables pour conduire une sylviculture d’écosystème. Des prêts de l’État, remboursables ultérieurement et progressivement, à taux d’intérêt préférentiels, pourraient permettre d’engager toutes ces études et donc d’initier la sylviculture d’écosystème, sachant que ces travaux ne sont à réaliser qu’une seule fois dans l’histoire de la forêt pour ce qui est de la cartographie de station (sauf cas de dépôts atmosphériques importants comme en Allemagne du Nord où les stations se sont profondément modifiées) 64. 64.  Discussion avec Roger de LEGGE 2006

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Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

Préserver la nature est un devoir de citoyen et on pourrait imaginer qu’un propriétaire respectueux d’une conduite de sa forêt en sylviculture d’écosystème soit exonéré d’impôts et qu’il reçoive même une rétribution pour cette œuvre d’intérêt public. Cela éviterait déjà la course au gain financier en coupant les gros arbres pour payer les impôts fonciers. Mais aussi cela éviterait peut-être à d’autres lobbies (certains lobbies associatifs se réclamant de la protection de la nature) d’envahir les propriétés privées et de tenter de déposséder le propriétaire de son bien foncier sous des prétextes de protection des milieux naturels rares ou en voie de disparition présents dans sa forêt, que le propriétaire serait tenu responsable d’une prétendue destruction… alors qu’il en a été le protecteur depuis des décennies et que ces milieux rares ne subsistent que grâce à lui du fait de sa sylviculture extensive… Ainsi que Knoke [240] l’expose très clairement, la comparaison financière de deux systèmes – la sylviculture irrégulière et mélangée par rapport à la sylviculture régulière – n’est rigoureuse que lorsqu’on compare ce qui est comparable. Lorsque les terrains d’analyse n’offrent aucune base commune de comparaisons, la réflexion est bloquée. De même qu’il soulignait l’importance de raisonner à la fois au niveau de l’entreprise et à la fois au niveau du peuplement, de même nous rappelons qu’il est d’autant plus important, dans la sylviculture d’écosystème, de travailler en comptabilité d’entreprise de façon à ce que les absences de recettes représentées par l’immobilisation financière de l’installation de réserves biologiques permanentes soient compensées dans le temps, par un accroissement de la stabilité, une consolidation de la biodiversité, et donc à long terme par une sécurité assurée à la production. L’économie de la sylviculture d’écosystème, davantage que celle de toute autre sylviculture, se raisonne, s’analyse, sur un cycle complet, c’est-à-dire la centaine d’années au minimum. On pourra toujours comparer des postes ponctuels entre eux, mais la comparaison la plus honnête et la plus rigoureuse porte sur un cycle complet. Il serait aussi nécessaire d’élaborer des Plans d’Aménagement solides et rigoureux, indispensables pour prévoir la dynamique des écosystèmes forestiers dont l’absence d’établissement risque de déboucher sur des erreurs sylvicoles graves (inversion d’espèces, disparition d’espèces importantes, etc.). Au-delà de la vente de bois qui s’avère plus rentable en futaie irrégulière qu’en futaie régulière (cf. chapitre 2.3.), les autres fonctions de la forêt sont à redécouvrir dans une forêt issue de sylviculture d’écosystème. La sylviculture d’écosystème a en effet pour vocation de faire l’unité entre fonction de protection (écologie), de production (économie) et la fonction sociale et non de les juxtaposer.

6.5.2

La fonction de production

En sylviculture d’écosystème, la fonction de production ne concerne plus uniquement le bois, mais aussi celle de fruits récoltés en forêt, de champignons, également la chasse qui peut être source de revenus conséquents pour le propriétaire. Certains considèrent que la chasse fait partie de la fonction sociale. Cela était le cas autrefois mais avec la montée en valeur des baux de chasse, celle-ci est devenue une

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Sylviculture d’écosystème

production importante de la forêt. Et certains propriétaires forestiers ne touchent de revenus de leur forêt que grâce à la chasse. Quant au bois, tous les avantages économiques de la futaie jardinée se retrouvent dans la sylviculture d’écosystème : on tâchera de vendre des bois mûrs et de gros diamètres. La particularité de la sylviculture d’écosystème est que les arbres croissent sans subir de stress et que les cycles de passage du forestier soient plus espacés dans le temps (on double le temps de ce qui se fait actuellement). Une grande qualité technologique du bois en résulte et celui-ci pourra être favorablement vendu pour des utilisations nobles comme la fabrication d’instruments de musique (pianos, violons, par exemple), ce qui est beaucoup plus rare avec les autres sylvicultures. Rappelons en outre qu’un très gros bois, même noueux, se vend toujours très bien : les charpentes de châteaux proviennent de tels gros bois qui se vendent très cher ! Ceci étant, nous laissons de gros (diamètre compris entre 40 et 60 cm) et très gros bois (diamètre supérieur à 60 cm) qui ne seront jamais coupés et notre récolte de bois s’articule autour de ces piliers de la forêt.

6.5.3

La fonction de protection de la biodiversité

Plus que toute autre, la futaie irrégulière issue de la sylviculture d’écosystème est à-même d’assurer cette fonction de protection des paysages, de l’air, des eaux souterraines, du sol. Les différents acteurs forestiers n’ont pour autant pas toujours su la chiffrer monétairement parlant. Des îlots de sénescence ont été mis en place en forêt publique. L’apparente « immobilisation » forestière (et absence de recettes) qu’ils constituent par la présence de bois mort n’a – et pour cause – jamais encore été étudiée économiquement. Il ne serait pas rigoureux de l’estimer économiquement en chiffrant ce manque de recettes à la hauteur de 30 à 60 m3 de gros bois. Les travaux de Knoke cités précédemment démontrent que l’analyse économique doit s’effectuer à plusieurs niveaux et en intégrant le long terme (notion d’échelle de temps). En l’occurrence les îlots de sénescence jouent un rôle économique positif sur le long terme par l’entretien du bon fonctionnement de l’écosystème. Le ministère français de l’Écologie a octroyé 2 000  €/ha pour la création ou le maintien d’îlots de sénescence. Dans certains projets, financés dans le cadre d’un programme Life bio-corridor piloté par le PNR des Vosges du Nord, des îlots de sénescence ont été dédommagés à hauteur de 6 000 €/ha [174] 65. L’ONF considère que 2 000 €/ha ne sont pas suffisants. De même, il est écrit [480] que sont mis en balance d’une part les mesures concrètes à prendre en forêt pour préserver les chiroptères et d’autre part un coût de 216 000 € pour l’abandon de l’abattage de bois à la faveur des chiroptères, considérant ces mesures comme une absence de recettes. En outre d’autres forestiers [489] considèrent que la vente d’un Euro de bois génère plus de 60 Euros de valeurs ajoutées et de plus-values pour l’économie nationale. Le calcul financier ne nous paraît pas 65.  Communication écrite Génot 2018

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Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

exact dans ces deux exemples, dans la mesure où la comptabilité forestière devrait se réaliser à l’échelle de 100 ou 200 ans pour prendre en compte les effets positifs de la préservation de la biodiversité de l’écosystème et de son fonctionnement à long terme et non à l’échelle du court terme. Si la notion d’échelle est très importante pour décrire la structure, elle l’est aussi au niveau du raisonnement économique qui ne peut se faire à l’échelle de l’année comme en agriculture. Ainsi même si l’on entend toujours parler de la forêt multifonctionnelle, quand il s’agit de donner des chiffres, certains organismes publics (par rapport à des mises en réserves, des mises en îlots de sénescence, etc.) n’expriment que la perte des volumes de bois qui ne seront plus exploités [480]. La notion de multifonctionnalité de la forêt ne doit-elle pas dépasser le rapport à la simple production de bois ? Le plus important est-il d’obtenir un revenu maximal à court terme en endommageant voire en détruisant « l’outil de travail » ? ou bien n’est-ce pas plutôt se projeter dans l’avenir à l’échelle pluri-centenaire des écosystèmes forestiers en évitant au maximum de trop perturber les écosystèmes forestiers par le prélèvement d’arbres à destination de la vente ? Au-delà de cet aspect financier, il y a, de façon bien plus importante, la protection de l’écosystème que nous devons pérenniser. La sylviculture d’écosystème a l’ambition d’approfondir toutes ces notions de manière à ce que la multifonctionnalité de la forêt devienne une réalité écologique et une réalité économique chiffrée. En l’occurrence, nous avons vu que la notion de risques était importante en gestion forestière. Des risques évités sont autant de gains dans une comptabilité forestière. Nous attendons des économistes qu’ils approfondissent le sujet du financement de la fonction de protection, de même que la notion économique de l’accroissement de la biodiversité en forêt sur le long terme, également l’apport économique des îlots de sénescence, des processus écologiques naturels, de l’accroissement de la stabilité d’une forêt face aux tempêtes et face aux maladies, donc en résumé qu’ils approfondissent l’apport économique de la consolidation des processus fonctionnels d’un écosystème forestier.

6.5.4

La fonction sociale 66

La fonction sociale rassemble les notions d’esthétique, de détente, de tourisme. Elle a le vent en poupe depuis quelques décennies et ce phénomène ne cesse de s’accroître conjointement à la montée en tension des conditions de vie en ville et au travail. En effet, à une époque où les relations humaines sont plus que jamais handicapées par l’usage excessif des nouvelles technologies qui s’interposent dans tous les aspects du quotidien de l’homme, un nombre grandissant de personnes se rapprochent de la forêt en quête d’un silence intérieur et d’un enracinement perdu du fait des rythmes accélérés de leurs vies. Pierre Teilhard de Chardin, visionnaire, écrivait : « Le jour est proche où l’homme s’apercevra qu’il se trouve placé entre le suicide et l’adoration. » 66.  Chapitre rédigé avec le concours de Bernard Boisson 2022

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Sylviculture d’écosystème

La référence aux forêts naturelles nous permet de sortir de nos conditionnements psychologiques et de nos manières de penser l’environnement. Ainsi de nouvelles thérapies telles que les sylvothérapies [364,397] 67 et l’écopsychologie forestière [59] se développent au contact de la nature restée encore sauvage. Le raisonnement est clair : « Les valeurs de civilisation maintenant la cohérence humains/nature doivent sans ambiguïté surseoir aux valeurs de marché. » [59]. La réformation des mentalités en créant une co-existence entre chasseurs, touristes, gestionnaires forestiers, sylviculteurs, permettrait aussi au public de s’ouvrir à une vision de la nature autre que celle restée jusqu’ici très centrée sur la valeur vénale du bois. Ceci dit, la fonction sociale s’est trop souvent retrouvée réduite à une fonction récréative et donc minorée par rapport au travail productif, à l’image de la cour de récréation s’avérant être un pis-aller secondaire bien que nécessaire par rapport à la salle de classe détenant le monopole du sérieux. « Récréative » était initialement un beau qualificatif dans l’idée de se recréer soi-même, mais ce vocable a endossé des connotations négatives : la cours de récréation était devenue un espace exutoire, de libertés et de bavardages futiles, par rapport au travail à faire qui reste la ligne sérieuse et directrice. En disant que la fonction sociale n’est que récréative, elle s’attache au pied toutes ces mauvaises connotations héritées de nos passés scolaires… Donc le grand enjeu de rénovation de la fonction sociale aujourd’hui est de la libérer d’une mentalité réductrice n’y voyant qu’une fonction recréatrice secondaire, ce qui arrange énormément la gestion industrielle des forêts pour ne pas ouvrir les yeux. De même, il est terriblement réducteur d’assimiler les personnes qui fréquentent la forêt comme n’étant pas plus que des « consommateurs ». Cela va dans le même sens de minoration du rapport humain/forêt que de parler de fonction récréative. Un consommateur est presque vu comme un nuisible par ses déprédations, mais la déprédation vient surtout de ceux qui n’ont pas de vie contemplative et qui sont dans la compensation. Ne voir sous la fonction sociale qu’une cour de récréation boisée de la ville et du télétravail qui ne serait fréquentée que par des consommateurs, revient à mépriser l’émergence de conscience dans les populations reconnaissant l’importance de la sylvothérapie, de l’écothérapie, de l’écopsychologie, de la spiritualité, de la contemplation, et même de l’art, en ayant de surcroît, de plus en plus accès à l’information naturaliste avec une soif d’authenticité. Il s’agit d’une population qui, craignant un extrémisme débridé de marché en perte de sens, a de plus en plus besoin d’espace où se recentrer par le ressourcement et le ré-enracinement et finalement trouver un lieu de discernement intérieur nécessaire à l’éclosion naturelle de la vocation profonde de chaque être humain. Cela mènera à une fonction sociale davantage constituée de citoyens que de consommateurs. En ce sens, la fonction sociale des forêts est en voie de définir un pôle éthique régulant les intérêts de marché. Il n’a pas encore été politiquement estimé en ce sens à sa juste mesure.

67.  Communication Boisson 2018

192

Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

D’une manière générale, on peut s’interroger sur les points suivants : 1. Le fait de voir l’espérance de vie de l’arbre s’abaisser de plus en plus en dessous de l’espérance de vie humaine, autant en sylviculture que dans les espaces arborés urbains, cette tendance annihile les « bains de forêts », car autant se ressourcer dans un « bain de maïs ». 2. La société souffre de plus en plus de « déracinement humain dans des lieux déracinés », mais ne sait ni formuler son diagnostic, ni trouver les bons représentants et interlocuteurs pour sortir de cette crise existentielle. Ceci est très lourd de conséquences actuellement, aux plans tant psychologique qu’écologique, dans la détérioration des paysages, les flux de déménagements pour fuir les erreurs urbanistiques… 3. La fonction sociale des forêts, souffrant d’une gestion technocratique acculturée en maturation de sensibilité et en déconditionnement psychologique, a en priorité recours aux argumentaires scientifico-naturalistes pour tenter de sauvegarder les espaces paysagers faisant corps avec le mieux-être humain, alors qu’elle devrait partir d’argumentaires étant davantage les siens avec des appuis professionnels compétents provenant de l’écopsychologie, la mésologie, la phénoménologie, etc. De plus, si notre relation sensible à la forêt et aux autres espaces arborés était vraiment respectée, notre instinct de contemplation nous ferait naturellement préserver les sites les plus remarquables du point de vue naturaliste et climatique sans avoir la connaissance scientifique en recours pour nous enjoindre de ménager le Vivant. 4. Pour anecdote, le label FSC ne préserve les vieux arbres que dans des îlots de sénescence ou de vieillissement sous l’injonction des naturalistes, sans qu’on s’interroge comment une population trouvera sa relation aux vieux arbres dans cette forme de classement. Y aura-t-il là double emploi ou concurrence divergente et promiscuité entre les tenants de la fonction écologique et les tenants de la fonction sociale ? De même les forêts de demain auront-elle encore des arbres remarquables quand les actuels dépériront avec nos méthodologies actuelles de préservation ? … Les forêts doivent être plus proches de l’écosystème forestier, donnant à repenser différemment l’urbanisme, l’architecture, les voiries, les espaces verts limitrophes et les modes de vies sociaux… Penser cette globalité c’est développer la plus-value d’une région ou d’une ville… Cette évolution se développe particulièrement en Allemagne où la culture est très imprégnée du romantisme allemand avec une proximité historique entre l’homme et la forêt. À titre d’exemple, la ville de Freudenstadt, ville de cure, accorde une très grande importance à sa forêt qui est garante de la qualité de l’eau potable (cf. chapitre 2.2.6). En 2014 s’est d’ailleurs créé le Parc National de la Forêt-Noire, qui s’étend sur deux zones, dont une commence à proximité du Kniebis, qui fait partie de Freudenstadt. Au final ce qui incombe aux professionnels de la filière bois et du BTP comme à la société civile, c’est de sortir d’un long coma et reprendre connaissance dans l’amour du Vivant, au risque même que la raison professionnelle devienne en prévalence la raison de l’amour par-delà celle de l’intérêt.

193

Sylviculture d’écosystème

La sylviculture d’écosystème est, plus que toute autre, à-même de répondre à ces attentes du fait qu’elle tend à donner ou redonner à chaque forêt son caractère naturel et sauvage d’une part, et d’autre part elle ne saucissonne pas la forêt en fonctions ou secteurs de production mais lui redonne une/sa « dimension » qui est liée au Vivant. Cette fonction sociale de la forêt serait finançable pour les propriétaires forestiers dans la mesure où l’État (communes, communautés de communes, ministères) leur verserait une somme d’argent correspondant à la contribution des propriétaires fonciers à l’amélioration de la vie de leurs concitoyens. Il faudrait plus largement que la société dans son ensemble accorde une valeur financière aux forêts anciennes. Cela se passe déjà dans certaines régions et certains pays où des programmes gouvernementaux compensent les propriétaires privés qui renoncent à toute intervention sylvicole ou qui interviennent en forêt de manière non conventionnelle. De même, la certification pourrait être considérée comme une sorte d’incitation commerciale pour le maintien des forêts anciennes dans une partie du paysage insérée dans une gestion [38].

6.5.5

La mise en œuvre de la commercialisation des produits de la forêt

Deux aspects sont à prendre en considération [46]. Le premier concerne la notion de propriété (privée ou publique) ; le second concerne la mise en place réglementaire et l’organisation de la commercialisation de ces fonctions. La propriété recouvre le concept du droit de disposer d’un bien. Les lois nationales et communautaires ne permettent déjà pas à un propriétaire de disposer de son bien environnemental jusqu’au stade de le détruire (Directive Européenne de protection des sols, par exemple). Il arrive aussi que le propriétaire soit soumis à des obligations de protection dictées par la loi locale, par exemple si sa forêt se situe dans la zone de captage des eaux potables de la commune. La mise en marché de nouvelles fonctions coûte en général de l’argent. Mais si la gestion forestière permet de développer ces prestations supplémentaires sans coûts supplémentaires (cela fait partie inhérente de la sylviculture et donc ne nécessite pas la prise de nouvelles dispositions qui seraient coûteuses), ces fonctions forestières peuvent être commercialisées sans problème comme faisant partie intégrante de la gestion forestière. La mise en place de ce commerce s’appuie sur des contrats qui chiffrent la prestation. On peut utiliser, pour cela, la méthode de la dépense maximale et du revenu minimal. Le prix fixé par le gestionnaire sera issu d’une négociation avec les usagers mais ne descendra pas en-dessous du seuil de rentabilité calculé par la méthode : ainsi le gestionnaire pourra éviter des pertes financières et surtout générer des gains. L’attractivité de son offre sera bien entendu développée par une campagne marketing d’information. Quand l’utilité de la fonction dépasse les coûts portés par le ou les usagers, c’est alors un gain de bien-être pour l’ensemble de la société. On pourra évoquer le fait que certains forestiers attribuent arbitrairement à leur forêt, à titre de valeur économique, des coefficients de biodiversité, pour laisser en forêt des arbres

194

Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

morts, des arbres à cavité, etc., puis en additionnant ces coefficients et en attribuant une note définitive à la forêt. Malheureusement cela ne se monnaye pas en Euros à la sortie donc ces notations n’ont aucune valeur. Le fait de signer de tels contrats rend l’usager davantage conscient de ses responsabilités de protecteur de la nature et ainsi citoyen plus responsable au sein de la société. Ces contrats peuvent se conclure à l’échelle de la personne ou bien à l’échelle de la commune, ou bien encore à l’échelle départementale, régionale ou nationale. À l’échelle de la personne, il pourrait ainsi être judicieux d’associer une gestion forestière de type monoculture forestière en coupes rases, à une pénalité fiscale par exemple au titre de l’environnement, tout comme dans le cas d’une sylviculture incluant des espèces exotiques. Cela rendrait peut-être alors les propriétaires plus conscients de la dégradation profonde qu’ils causent à leurs écosystèmes forestiers, non seulement à court terme mais aussi pour le long terme, en réalisant des coupes rases.

6.5.6

Les points phares de l’économie de la sylviculture d’écosystème

Une forêt mélangée et structurée conduite en sylviculture d’écosystème fine qui vise une production de qualité et, en même temps, le maintien ou la restauration du fonctionnement de l’écosystème forestier, est, d’une rentabilité élevée [413]. Il ne s’agit donc plus de produire plus, mais de produire mieux en qualité, tout en préservant la quantité (disponible également et même davantage en futaie irrégulière qu’en futaie régulière du fait de l’utilisation optimale par les arbres de l’espace aérien) et en minimisant les risques. On peut se demander alors : mais où se situent les coûts d’une forêt irrégulière ? Où se situe la véritable rentabilité ? Tout est relatif et, quand on parle de coûts, ne faudrait-il pas plutôt s’interroger à quels systèmes de vie, de fonctionnement de société on se réfère ? Si l’on privilégie la productivité à court terme, la forêt irrégulière ne répondra certainement pas aux exigences d’une rentabilité de travail à la chaîne dans une usine. À condition de respecter les impératifs de la sylviculture d’écosystème portant sur l’obtention de futaies irrégulières et mélangées stricto sensu (donc étagées et denses), cette sylviculture est particulièrement favorable à la préservation des écosystèmes, grâce à sa stabilité (résistance au vent, résistance aux polluants et aux changements climatiques, lutte contre l’érosion, conservation de la biodiversité, préservation des humus, meilleure utilisation de la réserve hydrique du sol, meilleure résistance aux incendies, etc.) et elle est particulièrement économique grâce à la production de bois de qualité obtenus sans discontinuité et aux moindres coûts pour le propriétaire, la nature aidant le sylviculteur. Nous avons pu voir qu’en petites forêts le coût total des travaux d’abattage et de débardage n’était pas forcément plus élevé que dans une grande forêt. Rappelons quelques atouts écologiques de la futaie irrégulière stricto sensu qui se répercutent ainsi indéniablement en atouts économiques  : la stabilité des

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Sylviculture d’écosystème

peuplements, la productivité améliorée, la résistance aux maladies du fait des mélanges d’espèces, la croissance soutenue et la régularité des revenus, une meilleure résistance face aux aléas climatiques mais aussi l’amélioration des humus et de la qualité des eaux souterraines. En voici pour preuves les résultats de recherches menées en Forêt-Noire [395,396,526–529] qui ont mis en évidence qu’une régénération de hêtres dans une petite trouée absorbait la moitié des nitrates contenus dans le sol rien que durant les deux premières années suivant la coupe, à la différence d’une coupe rase ou d’une coupe progressive sans régénération, la sylviculture par petites trouées avec développement de régénération étant plus favorable au sol. De même le fait que le bilan des éléments après précipitations et pluviolessivats était plus équilibré sous hêtraie mélangée que sous pessière pure, ceci confirmant l’avantage des mélanges à la monospécificité, est un excellent résultat économique. D’autres recherches ont mis en évidence que l’allongement des cycles de coupes diminuait les coûts et, qu’en augmentant le diamètre des coupes et en retardant leur prélèvement, la diversité biologique du peuplement considéré approchait à 95 % celle de la régénération naturelle [79,80]. Quant aux fonctions de protection et de délassement, elles font désormais partie inhérente de l’entreprise forestière [46]. Le processus de production peut être également décrit comme processus organique puisqu’il résulte de la combinaison des facteurs de production que sont le sol, le travail, le capital. Dans les forêts vierges ce processus se déroule sans participation des facteurs de production. Pour conclure sur les aspects économiques : nous avons vu que les études réalisées jusqu’ici démontraient que la rentabilité de la sylviculture irrégulière était meilleure que celle de la futaie régulière. A fortiori, la sylviculture irrégulière qui intègre en plus des îlots de sénescence et qui s’appuie sur un concept scientifique (voir chapitre 6.3.), ne peut qu’être encore plus favorable à la préservation, sur le long terme, des écosystèmes. Aussi le bois énergie ne doit-il pas devenir une marchandise industrielle. Il doit rester une énergie ponctuelle (d’appoint) et être uniquement intégré à un commerce local. Aussi les plantations à courtes rotations ne devraient-elles plus être classées en Bois-Taillis mais en plantations de pépinières, dépendant du système agricole et soumises aux cotisations de la MSA. Au moins cette distinction nette clarifierait le débat sylvicole. La futaie régulière, quant à elle, qui a été prônée pendant plus d’un siècle en France et encore aujourd’hui à travers toutes ses variantes comme par exemple la futaie claire, présente une sylviculture et un mode de gestion économique dont l’avantage présumé est d’être simple à pratiquer au quotidien et lors du ou des passages en coupes (dans le cas de la coupe rase, mais pas au moment des éclaircies). Que celle-ci soit à coupe unique ou à coupes progressives, elle permet au propriétaire de bénéficier d’une très grosse rentrée d’argent rapidement lors de la coupe définitive, mais pas ensuite pendant les premières dizaines d’années de la vie des peuplements où il y a alors déficit. Elle n’est pas forcément liée à la mono-spécificité et elle accepte les mélanges d’espèces. Mais les dégâts causés aux écosystèmes par ces coupes brutales et radicales représentent de graves pertes économiques sur le long terme.

196

Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

6.6 Pourquoi le concept de « sylviculture

d’écosystème » porte-t-il bien son nom ?

C’est à tort que l’on classe le mot « sylviculture » dans une discipline faisant appel à un comportement de domination (principalement lucrative) de l’homme sur la forêt, en raison de la présence du terme « culture » dans ce mot, en l’assimilant à l’agriculture intensive moderne. C’est ignorer l’étymologie du mot « culture ». En effet, on dit « sylvi-culteur » où se retrouve la racine « culte », et non « sylvi-cultivateur » comme en agriculture. Ceci aurait déjà dû mettre plus d’un forestier sur la piste du véritable sens de la sylviculture et du sylviculteur. Le mot « culture » vient du latin cultura (habiter, cultiver ou honorer) lui-même issu de colere (cultiver et célébrer). Le Dictionnaire Gaffiot définit le mot latin cultura comme l’action de cultiver la terre mais aussi l’esprit et l’âme. Et dans l’Histoire, Cicéron fut le premier à appliquer le mot cultura à l’être humain : « Un champ si fertile soit-il ne peut être productif sans culture et c’est la même chose pour l’humain sans enseignement. » (Tusculanes, II, 13). Quant au mot « culte », d’étymologie voisine, venant de cultus en latin, il est employé pour désigner l’hommage rendu à une divinité mais il fait également référence à l’action de cultiver, de soigner, de pratiquer un art. 68 Les philosophes eux-mêmes rappellent que la culture est liée à la Vie car elle désigne son auto-transformation, le mouvement par lequel elle ne cesse de se modifier soimême afin de parvenir à des formes de réalisation et d’accomplissement plus hautes, afin de s’accroître [198]. Il n’est donc pas illogique de conserver le mot « sylviculture » dans le cadre du sujet de ce livre. Bien au contraire, la révélation du sens véritable du mot «  culture  » pourra aider de nombreuses personnes à ne plus se laisser enfermer dans des a priori, ou dans des diktats de termes mal utilisés, pour laisser leur créativité s’exprimer dans le sens du plus grand respect des écosystèmes forestiers. Nous tiendrons à garder ainsi le mot sylviculture en dehors et loin de l’univers financier où le siècle dernier a voulu, à tort, l’enfermer comme technique productiviste, à savoir la ligniculture, pour le ré-ouvrir sur l’horizon du monde de la nature, mais aussi de la philosophie, de la spiritualité et de l’art. Le sylviculteur doit avant tout être un artiste car il est au service de la Vie. En conséquence, la sylviculture que nous avons présentée au fil des pages de cet ouvrage, est la sylviculture qui respecte du mieux possible le fonctionnement des écosystèmes. Elle s’y intègre avec modestie. L’appellation sylviculture d’écosystème lui sied parfaitement. Elle est la sylviculture irrégulière par excellence. Rappelons une fois de plus qu’elle n’a rien à voir, tant dans son concept que dans sa technique, avec les sylvicultures dites irrégulières mises en œuvre depuis trente ans qui ont gardé des objectifs principalement lucratifs en imposant un rythme « dynamique » à la forêt. 68. Wikipedia

197

Sylviculture d’écosystème

La sylviculture d’écosystème conduit à la véritable Dauerwald (forêt pérenne), organisme vivant, au sens où Möller [316] l’entendait. En outre, la sylviculture jardinée et la sylviculture d’écosystème sont les deux seules qui puissent légitimement se réclamer d’un « couvert continu ». Mais plus encore : devant un état forestier sauvage, elle est une sylviculture du sauvage qui ne peut préserver les paramètres de l’état sauvage qu’en étant elle-même fondue au sauvage. Elle mérite donc également l’appellation de sylviculture sauvage. On retrouvera de grandes similitudes avec l’agriculture sauvage développée par Fukuoka, auteur japonais du très bel ouvrage intitulé La révolution d’un seul brin de paille  : «  J’ai  démontré dans mes champs que l’agriculture sauvage produit des récoltes comparables à celles de l’agriculture scientifique moderne. Si les résultats d’une agriculture passive (non-active) sont comparables à ceux de la science, pour un investissement bien moindre en travail et en ressources, où est alors le bénéfice de la technologie scientifique ? » [159]. Enfin, le concept fondamental de la sylviculture d’écosystème ressemblant aussi, de manière très proche, à la permaculture en agriculture biologique, pourquoi ne pas lui octroyer aussi l’appellation de permasylviculture ? L’agriculture biologique est très en avance sur la foresterie. On ne peut que recommander aux forestiers d’aller y puiser de nombreuses connaissances pointues. Besoin d’un sigle ? Le plus approprié est SIME, initiales de « Sylviculture Irrégulière et Mélangée ». Non utilisé par les promoteurs français de la futaie claire au couvert discontinu (dont le sigle initial SICPN – Sylviculture irrégulière continue et proche de la nature – est devenu SMCC – Sylviculture mélangée à couvert continu – en y supprimant la notion d’irrégularité), il permettra ainsi de bien faire la différence entre les deux sylvicultures quand l’appellation « sylviculture irrégulière » sera utilisée par erreur. SIME a l’avantage d’être court et facilement prononçable, et en outre sa sonorité fait penser à la CIME des sommets : en effet, la sylviculture irrégulière, la vraie, est celle dont les concepts sont basés sur de grandes exigences intellectuelles et opérationnelles, faisant appel à la réflexion la plus haute, celle des CIMES de la pensée scientifique. Hans-Jürgen Otto avait usé d’une semblable association vocale en choisissant le nom LÖWE pour son programme : ce sont les initiales du nom de son programme  : «  Langfristige Ökologische Waldentwicklung  » (développement forestier écologique à long terme). Remarquons au passage qu’il avait évité d’employer le mot sylviculture (Waldbau) qui a une connotation très artificielle en allemand en signifiant littéralement « construction de la forêt ». Mais LÖWE signifie aussi lion en allemand et le Professeur Otto avait ainsi marqué son souhait que son programme ait la force du lion pour se diffuser dans tous les Länder 69. Il ne s’est pas trompé puisque l’Allemagne entière a adopté (avec des variantes çà-et-là) les grands principes du Programme LÖWE et que son influence a dépassé les frontières. Souhaitons le même avenir à la Sylviculture d’écosystème (SIME),  déjà pour le moment dans les pays francophones !

69.  Communication personnelle Otto 1995

198

Chapitre 6. Comment améliorer cette situation en France ?

6.7 Cette sylviculture est-elle applicable partout ? Comme elle est issue du naturel, du sauvage, cette sylviculture est applicable partout et principalement dans les forêts aux stations écologiques pauvres. Nul autre que la nature ne sait mieux ce qu’il faut faire dans des situations extrêmes où l’intelligence humaine est confrontée à ses limites. Ce n’est que l’instinct de rentabilité à court terme de l’homme ou ses peurs dans l’attente des résultats de la dynamique naturelle qui peuvent venir perturber le cours logique de la sylviculture sauvage. La société toute entière devrait accepter les contraintes de la vie sauvage, par exemple en n’acceptant plus le terme de « nuisible » dans les textes, en respectant les lois de protection de la nature et en faisant en sorte que de larges zones de tranquillité soient instaurées. Est-ce un rêve  ? D’autres pays voisins s’en rapprochent, démontrant ainsi que le monde moderne se laisse une chance de retrouver un peu de sauvage : les hêtraiessapinières des Alpes dinariques de la Croatie sont ainsi parcourues par les trois grands prédateurs de la faune, formant ce qu’on appelle landscape of fear (paysage de la peur) pour les grands herbivores. Des forêts denses obtenues par une sylviculture réellement jardinatoire, une régulation par les prédateurs naturels et une chasse raisonnée sans agrainage suffisent à fortement limiter les abroutissements même en hiver [442].

199

Conclusion

Depuis près de deux siècles, la sylviculture a progressé et des mesures de protection de la forêt ont été mises en place. Pourtant, les pressions anthropiques sur la forêt ne cessent de s’accentuer. Alors qu’elle devrait être considérée comme un organisme vivant – comme le concevait Alfred Möller [316] avec son concept de Dauerwald ou forêt pérenne – un compartiment extrêmement fragile du vaste écosystème planétaire, des systèmes de rentabilité à très court terme se sont développés aux dépens du moyen et du long terme et il n’est pas tenu compte de la vie, de la dynamique, de la mouvance, du fonctionnement de l’ensemble de cet écosystème très complexe. En France, cette évolution tend à s’accélérer avec le Programme national de la forêt et du bois 2016-2026 (PNFB) qui prévoit, entre autres, d’adapter les « sylvicultures » pour mieux répondre aux besoins des marchés  [174] 70. De même, l’autorisation de défrichement est aujourd’hui accordée trop facilement quand il s’agit de l’implantation de zones industrielles (par exemple les parcs d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques). L’objectif est devenu le même chez tous les décideurs forestiers : dynamiser la sylviculture, ouvrir les peuplements (ce qui correspond à la rupture de la continuité du couvert forestier), faire monter les jeunes arbres au sommet de la canopée le plus rapidement possible, récolter des arbres dans leur jeune âge afin d’éviter leur dépérissement en raison d’à-coups thermiques très élevés et leur fragilité face aux tempêtes. Sous couvert d’une sylviculture dite douce ou « proche de la nature », se sont développées des pratiques autoritaires, aux motivations purement financières et intensives (« l’arbre paye-t-il encore sa place ? »). 70. http://jne-asso.org/blogjne/2018/06/23/vers-lindustrialisation-des-forets/

201

Sylviculture d’écosystème

L’approche de la forêt doit être pensée, replacée dans son contexte fonctionnel, physiologique, écologique et thermodynamique, particulièrement à notre époque où des changements météorologiques se font plus marquants. Il doit en découler l’établissement de concepts scientifiques. La forêt doit s’étudier et être gérée à l’échelle de centaines d’années et non de dizaines d’années. Pour cela, le forestier doit être compétent en physiologie végétale et en écologie. Nos forêts sont enfermées dans des processus commerciaux, les amputant d’une grande partie de leur diversité génétique par une sélection trop importante et de leurs phases les plus complexes que sont celles de la maturité et de la sénescence. Ainsi, la sylviculture de demain – demain commençant déjà aujourd’hui – doit être une science à part entière, la sylviculture d’écosystème ou sylviculture sauvage – et non une liste de traitements (le traitement étant la spécificité des actions régularistes)  – fondée sur un concept scientifique, qui abandonne l’idée que l’acte du forestier commencerait au martelage, pour s’ouvrir à l’étude scientifique approfondie du fonctionnement de chaque écosystème forestier avant d’envisager – et pour pouvoir envisager – de se permettre l’extraction de bois sans perturber le fonctionnement vulnérable de ces écosystèmes fragiles. Les mots doivent être clairs et précis, ne cachant aucune ambiguïté  : cette sylviculture s’intègre dans un raisonnement holistique et se caractérise par des forêts denses, irrégulières verticalement et présentant des mélanges d’espèces (mais seulement si ces espèces font partie intégrante de la composition naturelle de l’écosystème) et le mélange des phases du cycle sylvogénétique présent en forêt de manière diffuse. Le prélèvement des arbres se fait pied par pied (jardinage) ou, si l’espèce à dégager demande plus de lumière, par petites touffes. Cette sylviculture doit accepter les interactions naturelles animal/végétal, incluant l’herbivorie des ongulés sauvages qui est une forme de sélection naturelle des semis dans une mesure raisonnable liée à des pratiques raisonnables de chasse et l’acceptation des prédateurs autant que celle des insectes forestiers. Il ne s’agit ni plus ni moins que de redonner à la Science sylvicole ses lettres de noblesse. Les critères structuraux sont fondamentaux car ce sont ceux qui se rapprochent le plus des processus naturels de la sylvigenèse. La sylviculture en futaie irrégulière doit être fondée sur ces principes rigoureux et scientifiques sinon il s’agit d’une culture d’arbres ou ligniculture. Dans cet effort de rigueur et d’honnêteté intellectuelle, il est souhaitable alors de citer exactement par son nom la sylviculture pratiquée (futaie claire, taillis-sous-futaie, etc.), au risque d’en arriver à des dérives telles que celle de dire que l’objectif de la futaie irrégulière serait de masquer les effets de la coupe rase aux yeux des promeneurs (sic) … l’appellation « futaie irrégulière » devenant alors juste un prête-nom pour cacher une décapitalisation prononcée de la forêt… Notre objectif n’est pas d’empêcher toute sylviculture ni toute gestion forestière mais il y a des limites à ne pas dépasser dans les deux sens entre le « tout-écoloidéologique  » et le «  tout-rentabilité-sans-souci-du-lendemain-de-la-forêt  ». C’est d’ailleurs la réflexion menée actuellement par les économistes au niveau mondial car le système productiviste se solde par un échec. Dans ce contexte, la sylviculture

202

Conclusion

d’écosystème, sous l’angle de permasylviculture, permettrait aussi d’accéder au modèle idéal de la forêt comestible, dont le rôle nourricier, en lien avec une mise en œuvre de la permaculture, offrirait aux populations mondiales de nouvelles ressources alimentaires, a fortiori très naturelles. Au-delà des critiques sur un système sylvicole mal adapté à nos forêts exposées à de nombreuses agressions, il faut retenir l’effet pédagogique du contre-exemple pour savoir ce qu’il faut éviter et ce qu’il est préférable de faire. Au moment de clore cet ouvrage, il est essentiel de revenir au cœur de notre démonstration. La forêt est un système ouvert et ses lois doivent s’interpréter dans une approche synergétique et thermodynamique, où les structures sont en perpétuelle mouvance, apparaissant, disparaissant, se concurrençant, coopérant ou se fusionnant : toute analyse statique d’une structure est donc fausse par essence et doit être remplacée par une analyse de perpétuelle dynamique. Cette dynamique génère perpétuellement un mouvement [189]. C’est un ordre né du chaos qui se paie par une dépense d’énergie fournie par le monde extérieur [386]. Cette approche souligne l’importance des études pluridisciplinaires (holistiques) pour expliquer des phénomènes naturels et, à l’inverse, le danger de disséquer des processus vitaux. L’analyse elle-même de l’origine des formes dans l’univers pose des questions à la charnière de la mécanique quantique et de la philosophie (tels que les platoniciens, aristotéliciens et nominalistes le développèrent) 71. Ces systèmes ouverts, à toutes les échelles, jouent un rôle important dans la structuration des formes de la nature [386]. La manière dont les formes se créent puis évoluent, peut expliquer comment certains organismes résistent aux agressions les plus violentes  : aussi la colonisation d’espaces vierges dans la nature (les espèces végétales pionnières sur un rocher tout comme un embryon dans le monde animal) se réalise-t-elle sous la forme ronde car c’est celle qui présente la plus petite surface exposée vers l’extérieur agressif 72. Cette capacité à compenser les mécanismes de destruction s’appelle elle-même « régulation » comme la régénération naturelle des végétaux. Ces formes prennent naissance dans des « champs » (champs d’interactions) dont la précision conceptuelle reste encore floue et varie suivant les physiciens, chimistes, mathématiciens ou philosophes (questions portant sur la subjectivité ou l’objectivité). Et ces champs possèderaient une «  mémoire  » qui induirait de manière systématique la morphogenèse [452]. Ce même niveau de réflexion se retrouve chez Friedrich von Wieser et Gustav Nachtigal. Ces derniers aspects, quoiqu’en marge de nos domaines d’investigation, mettent tout de même en lumière la réalité d’une nature qui, grâce à l’élaboration de formes et de structures particulières adaptées à chaque situation, se donne les moyens de survivre dans des conditions extrêmes et de reconquérir les terrains les plus perturbés, voire détruits, quel que soit le niveau de destruction, spatial ou temporel. Ceci conforte l’idée que la nature se sort toujours par elle-même d’une situation critique, mieux qu’avec les inventions et interventions humaines. 71.  Mlinšek communication orale 2000 72.  Mlinšek communication orale 2000

203

Sylviculture d’écosystème

L’avenir de ce vaste univers vivant étant soumis à des interactions de plus en plus nombreuses, notamment humaines, elles-mêmes conditionnées par des assujettissements industriels et technologiques, à des pollutions en constante augmentation, il est aujourd’hui d’une urgente actualité de proposer une nouvelle formulation de l’éthique autour du principe de responsabilité  [222,223]. C’est une démarche qui s’impose éthiquement dans nos pays riches afin d’être ensuite capables de se pencher sur les possibilités de résolution, au niveau planétaire, des graves problèmes de ressources pour une population humaine sans cesse grandissante. En tout état de cause, la préservation de nos écosystèmes forestiers gérés par l’homme ne pourra se faire qu’en adoptant une sylviculture d’écosystème octroyant aux forêts la possibilité de conserver ou de retrouver les caractéristiques des forêts anciennes à haute naturalité, à couvert continu, denses et structurées verticalement seuls gages de résistance et de résilience face aux nombreuses agressions que subit la forêt d’aujourd’hui, notamment les épisodes de sécheresse et les incendies. Avec Fukuoka (2005), faisons nôtres ces pensées en les transposant à la sylviculture : Cette sylviculture « sauvage » qui a sa source et sa fin dans le respect, est partout humaine et bonne. Les hommes travaillent mieux quand ils travaillent pour le bien de l’homme et non pour la « plus haute production » ou « l’augmentation de l’efficacité » qui ont été les buts presqu’exclusifs de la sylviculture industrielle. Le but ultime de la sylviculture n’est pas la culture des récoltes de bois, mais la culture et la perfection des êtres humains [159].

204

Annexe 1

Les outils de description déjà connus

Nota Bene : dans les formules ci-après « i » et « j » indexent des arbres ainsi que « N ».

En une dimension : • Füldner & Gadow  [161] et Füldner  [160] définissent, à partir de l’indice de Pielou  [363], un indice de différenciation des diamètres (Durchmesserdifferenzierung) : TDji 

n

1 (1  rij ) n j 1

où rij = (diamètre le plus petit) / (diamètre le plus gros) pour deux arbres voisins et 0 ≤ TDjj ≤ 1. Si TDjj = 0 : les deux arbres sont de la même grosseur ; si TDjj = 1 : les deux arbres sont aux deux extrémités opposées de l’échelle de différenciation. • Füldner [160] a développé parallèlement à son indice de différenciation des diamètres, un indice de répartition des différentes espèces au sein d’un mélange : DMni 

n

1 (vij ) n j 1

où vij = 0 si le voisin appartient à la même espèce et vij = 1 si le voisin n’appartient pas à la même espèce. Cet indice a pour but de décrire comment le mélange

205

Sylviculture d’écosystème

est caractérisé, si les espèces d’une même espèce sont groupées et séparées d’une autre espèce ou si le mélange est intime. La biodiversité découle de l’expression du mélange. • Jaehne et Dohrenbusch [217] mettent au point, pour l’utilisation forestière, une méthode d’appréhension de la diversité en forêt très intéressante. S’appuyant sur les travaux de Pielou [363] et de Füldner [160], ils définissent un certain nombre d’indices pour décrire l’association des espèces entre elles, la structure verticale, la répartition spatiale, la différenciation des couronnes, la somme de ces indices aboutissant à un indice de diversité du peuplement. *  Disposition des arbres entre eux, variable de la diversité représentée par l’indice A : A  log(N ) * ( Z  Mamax  Mamin ) avec  : N = nombre d’espèces ligneuses, Z = coefficient de pondération entre le  degré de mélange d’espèces et le nombre d’espèces, Mamax = pourcentage de l’espèce ligneuse la plus fréquente dans le mélange, Mamin = pourcentage de l’espèce ligneuse la plus rare dans le mélange. On donne en général la valeur de 1,5 au coefficient Z. La valeur minimale de A est de 0 en peuplement monospécifique et sa valeur maximale est de 2 dans les forêts mélangées d’Europe centrale. *  Structure verticale, indice S : S 1

n

 BHDmin i 1 n

 BHDmax i 1

avec : n = nombre d’arbres de l’échantillon, BHDmin = diamètre (à hauteur de poitrine) des tiges les plus fines (cm), BHDmax = diamètre (à hauteur de poitrine) des tiges les plus grosses (cm). La valeur de S varie en général entre 0,4 et 0,9. *  Dispersion spatiale, V : – Variable de diversité, V : n     Abmin   * f * st V  1  i n1     Abmax    i 1

avec : n = nombre d’écartements mesurés, Ab = écartement des arbres (m), f  = facteur de correction [voir formule (1)], st = facteur se rapportant aux rejets de souches [voir formule (2)]

206

Annexe 1. Les outils de description déjà connus

– Facteur de correction, f : f Y 

n

1

n

 Abmin  Abmax

 (1)

i 1

 i 1 n n avec : n = nombre d’écartements mesurés, Ab = écartement des arbres (m), Y = coefficient. On donne au coefficient Y  la valeur de 1,1. Donc le facteur de correction f  tend vers 1. – Facteur se rapportant aux rejets de souches, st : st  N 250 * 01 ,  1 (2) avec : N = nombre d’arbres figurant parmi les rejets de souches, sur 250 m². Ainsi, l’indice V  va varier entre 0 et 1,5. Plus sa valeur est grande, plus la structure horizontale du peuplement est agrégée. *  Différenciation des couronnes, indice K : n      n   Kamin    Kd min     1  i 1  K  1  log  i 1 n n         Kd maax       i 1  

avec : n = nombre d’arbres de l’échantillon, Kamin = la plus petite hauteur de base de couronne, Kdmin = le plus petit diamètre de couronne, Kdmax = le plus grand diamètre de couronne. L’indice K va varier entre - 0,2 et 2 en forêt. À partir de tous ces indices se construit l’indice de diversité du peuplement, indice B : B  p * A  q * S V  K avec  : A = indice de disposition des arbres entre eux, S = structure verticale, V = répartition spatiale, K = différenciation des couronnes, p = facteur de pondération de valeur 4, q = facteur de pondération de valeur 3. L’indice B varie entre des valeurs inférieures à 4 pour les peuplements les plus homogènes, à des valeurs supérieures à 9 pour les peuplements les plus diversifiés, ainsi que l’indique le tableau suivant : B ≥ 9 : peuplement particulièrement diversifié ; 8 ≤ B < 9 : peuplement diversifié ; 6 ≤ B < 8 : peuplement irrégulier ; 4 ≤ B < 6 : peuplement régulier homogène ; B ≤ 4 : peuplement homogène « monotone » (selon l’expression allemande).

207

Sylviculture d’écosystème

• Pommerening [369] passe en revue les indices principaux utilisables en forêt : notamment des indices de Shannon, de Clark et Evans (indice d’agrégation), de Pielou (de ségrégation), de l’indice de différenciation des diamètres, l’indice de « contagion » de Gadow et al. [165,369]. La limite de leur utilisation qu’il y voit, est l’absence de prise en considération des distances entre les arbres. Ainsi les interactions entre les arbres peuvent être nulles quand les arbres sont trop éloignés les uns des autres. Il rejoint là le fil directeur de nos travaux [115]. • Dans la dimension verticale, le même genre d’indice a été construit : Lewandowski & Gadow  [280] définissent, pour la différenciation des hauteurs, un indice calqué sur celui des diamètres : THni  1 

n min H , H  i j  max H , H 

j &

i

j

avec i = 1 ... N et j = 1 ... n, H étant la hauteur. Et, comme pour la répartition des diamètres, on peut représenter la distribution des hauteurs théorique ou empirique : N = f (H) où N est le nombre de tiges et H les différentes hauteurs dans le peuplement. • Speich 73 introduit la notion de proximité et d’éloignement de chaque arbre par rapport à son voisin ainsi que l’effet de concurrence inter-arbres. Il analyse et interprète le quotient : DHDi Qi = di où BHDi est le diamètre d’un arbre déterminé et di la distance le séparant de son plus proche voisin. L’analyse des courbes correspondantes pourrait faire ressortir de nettes différences entre : forêt jardinée, peuplement à un étage, peuplement à deux étages. • La répartition suivant la « Méthode du Contrôle », effectuée en futaies jardinées, est basée sur les classes de diamètres : Petits Bois, Moyens Bois et Gros Bois. Cette classification mise au point par Gurnaud [188] et Biolley [53,54] est construite sur le pourcentage des classes de diamètres. On définit ces classes comme suit : Petits Bois (PB) : diamètres de 17,5 cm à 32,5 cm ; Moyens Bois (MB) : diamètres de 32,5 cm à 52,5 cm ; Gros Bois (GB) : diamètres de ≥ 52,5 cm. 73. Speich communication personnelle 1996

208

Annexe 1. Les outils de description déjà connus

L’idéal défini par Biolley (1920) est la composition en matériel sur pied suivante : 20 % PB - 30 % MB - 50 % GB. Cela revient à établir la courbe de répartition des diamètres : N = f (D) où N est le nombre de tiges et D les différents diamètres dans le peuplement.

En deux dimensions : On peut citer la méthode de Leibundgut [272], purement descriptive. Il définit 3 étages de couronnes : étage supérieur, étage médian et étage inférieur, et il affecte un coefficient de recouvrement à chaque étage du peuplement en définissant les différentes espèces d’arbres composant chaque étage. Exemple : La formule :

0,7

20 Epicéa

80 Sapin



0,2 80 Sapin

10 Epicéa

10 Hêtre



0,2 90 Sapin

5 Epicéa

5 Hêtre

signifie : « L’étage supérieur ponctué de trouées est nettement séparé de l’étage médian. Il recouvre 7/10 de la surface et se compose en surface, de 20 % d’épicéa et de 80  % de sapin. L’étage médian et l’étage inférieur ne sont pas clairement séparés et recouvrent 2/10 de la surface. La part de surface recouverte par chaque espèce respectivement est obtenue de manière analogue que pour l’étage supérieur. » Cette méthode a l’avantage d’être claire et pratique à utiliser.

En trois dimensions : Des programmes de représentation des peuplements, en trois dimensions, ont été réalisés par divers auteurs. Nous en présentons l’essentiel ci-après : • Oldeman  [338], Pretzsch  [376–380], Staupendahl  [467], Pommerening et al. [372], Pommerening [369], Nagel [327] ont développé des logiciels de représentation des arbres et des peuplements en 3 dimensions. • Le logiciel AMAP (CIRAD-Montpellier), quant à lui, a été conçu de manière différente des programmes forestiers  classiques  : c’est un logiciel décrivant la croissance des arbres à partir du fonctionnement de leurs bourgeons terminaux.

209

Sylviculture d’écosystème

• Quelques mots sur le programme SILVA de Pretzsch  [380] qui est remarquable et très complet. En effet il prend en compte beaucoup de facteurs et fournit de nombreuses informations importantes, relatives aux peuplements telles que (voir Figure 18) : – la surface de la canopée ; – la concurrence entre couronnes matérialisée par un facteur « KKL » : n

KKL j =  BETAij * i 1 i j

igure 18

KQFi * TMi KQF j

où : BETAij est l’angle (en grades 74) entre la ligne extérieure du cône de lumière arrivant sur la couronne de l’arbre j, et la ligne rejoignant la pointe du cône de l’arbre j au sommet de son concurrent i ; KQF j et KQFi sont les surfaces de la coupe transversale des couronnes d’un arbre central j et de son concurrent i à 60 % de la hauteur de l’arbre j ; TMi est le coefficient de transmission spécifique à l’espèce ligneuse pour un voisin i ; j est l’indice de l’arbre de référence ; i est l’indice de l’arbre voisin.

 Figure 18  La concurrence des couronnes KKLj est estimé d’après la méthode du cône de lumière avec la prise en compte de la relation de la hauteur de l’arbre et de la taille de la couronne entre l’arbre central j et son voisin i = 1 …, n. (Pretzsch 2001).

On obtient : – la part du mélange des espèces ; – l’indice d’agrégation de Clark et Evans (défini en 1954) ; – le coefficient de dispersion défini par Cox en 1971 ; – etc. Ce programme permet également de simuler des éclaircies et renseigne sur le classement des produits qui en résultent et sur le revenu de la coupe. 74.  Les angles sont usuellement mesurés en grades en Allemagne.

210

Annexe 1. Les outils de description déjà connus

• Pommerening [370] souligne que son étude de la structure s’effectue dans l’optique d’une compréhension de la croissance des arbres dans un contexte spatial et également de l’influence des processus de croissance sur la structure spatiale des forêts. Il y inclut tous les impacts biotiques et abiotiques, parmi lesquels l’impact anthropique sur les modifications de la structure spatiale forestière. La compréhension de toutes ces relations et de leur quantification est cruciale pour la gestion tant économique qu’environnementale des terrains boisés. Il approfondit l’étude des indices permettant de décrire la structure forestière en travaillant sur un modèle de simulation utilisant le concept d’automates cellulaires combiné avec une approche de Lewandowski & Gadow [280]. Il considère que l’utilisation des automates cellulaires est la seule approche possible pour simuler les structures spatiales. • Davies & Pommerening [100] soulignent l’importance des dimensions de la couronne (diamètre et hauteur) pour la quantification des interactions entre arbres dans des modèles de croissance. Ils travaillent pour cela sur le bouleau (Betula spp.) et l’épicéa de Sitka (Picea sitchensis) dans des forêts du Pays de Galles. Ils notent également que la dynamique non encore intégrée dans les modèles ou indices élaborés jusqu’ici, doit être prise en compte pour coller au mieux à la réalité de terrain. • Hof & Bevers [203,517] développent une méthode d’« optimisation spatiale », technique statistique permettant de résoudre des problèmes complexes et spatialement explicites. Ils ont mis au point des méthodes pour différentes stratégies d’intervention au sein des écosystèmes au niveau du paysage. Ce sont des techniques d’optimisation spatiale qui ont pour objectif de résoudre des problèmes d’intégration puisque l’écosystème, tant dans sa structure que dans son fonctionnement, est de nature spatiale.

211

Annexe 2

Différents types d’éclaircies en forêt

213

Sylviculture d’écosystème

214

Annexe 2. Différents types d’éclaircies en forêt

 Figure 19 et 19 bis  Les coupes de régénération les plus couramment adoptées, dont la coupe de jardinage (d’après Knuchel (modifié), d’après Lanier 1986) (in Duchiron 1994).

215

Annexe 3

Figure 20

Graphiques obtenus par le programme msgraph

Nombre de tiges observées

Zone des plus grandes fréquences de présence dans le peuplement : arbres situés entre 5 m et 17 m de leur plus proche voisin

Distance (m)

 Figure 20  Distribution horizontale des arbres dans le peuplement  : nombre d’arbres comptabilisés dans un tour circulaire comprenant 30 secteurs angulaires, depuis chaque arbre pris un à un, avec la distance séparant l’arbre considéré de ses voisins (60 classes d’espacement) – Forêt A - Duchiron 2000a.

217

Sylviculture d’écosystème

nombre de tiges observées

Forêt A

distance (m)

 Figure 21  Distribution horizontale des arbres dans le peuplement  : nombre d’arbres comptabilisés dans un tour circulaire comprenant 1 secteur angulaire, depuis chaque arbre pris un à un, avec la distance séparant l’arbre considéré de ses voisins (60 classes d’espacement) – Forêt A – Duchiron 2000a.

Les deux graphiques de la figure 22 permettent de visualiser clairement les stades de la dynamique des espèces entre elles. La comparaison se fait ainsi facilement entre la forêt A et la forêt B laquelle se trouve située, dans la chrono-séquence, à l’amont de la forêt A : le peuplement B est plus jeune que celui de A, les espèces pionnières y sont prédominantes. Ces graphiques se rapportant à la distribution des espèces au plan horizontal permettent d’effectuer les constats suivants : – La forêt A : le peuplement est dominé par le pin sylvestre, le chêne et le bouleau, et d’autres espèces comme le sorbier des oiseleurs et la bourdaine (leur régénération naturelle étant très abondante). Le hêtre y est relativement peu représenté par rapport aux espèces précédemment citées. – La forêt B : il apparaît que le bouleau et le chêne sont en mélange intime, le bouleau étant l’espèce la plus rapprochée des arbres (jusqu’à 10 m) et le chêne celle qui domine à distance (de 10 à 23 m). Très loin derrière viennent le pin sylvestre, le pin weymouth puis les autres espèces. Les distributions sont irrégulières à l’échelle de la parcelle. À l’échelle du bouquet d’arbres s’individualisent des agrégations.

218

Annexe 3. Graphiques obtenus par le programme msgraph

nombre de tiges observées 110 : Quercus 211 : Fagus sylvatica 400 : Frangula alnus 410 : Betula pendula 451 : Sorbus aucuparia 711 : Pinus sylvestris 810 : Larix europea Forêt A

distance (m)

nombre de tiges observées

110 : Quercus 211 : Fagus sylvatica 400 : Frangula alnus 410 : Betula 451 : Sorbus aucuparia 511 : Picea abies 711 : Pinus sylvestris 731 : Pinus strobus 811 : Larix europea

Forêt B

distance (m)

 Figure 22  Premier graphique : distribution des différentes espèces d’arbres entre elles au plan horizontal, pour 30 secteurs angulaires dans la forêt A irrégulière et mélangée avec des espèces ayant dépassé le stade pionnier. Deuxième graphique : distribution des différentes espèces d’arbres entre elles au plan horizontal, pour 60 secteurs angulaires en forêt B, irrégulière et mélangée mais les mélanges se situant au stade pionnier. Duchiron 2000a.

219

Sylviculture d’écosystème

La distribution des espèces dans le cas de 30 secteurs angulaires est totalement irrégulière en ce qui concerne la succession des espèces par ordre de fréquence. Dans le cas de 1 secteur angulaire, bouleau et pin sylvestre représentent le bouquet dominant entre 2 et 3 mètres dans la forêt A, accompagnés par les autres espèces pour une moindre part. Tandis que pour la forêt B, c’est le bouleau et le chêne qui prédominent. On peut choisir l’observation avec un seul secteur angulaire (Figure 23) : Prises une à une, les espèces de la forêt A présentent la dispersion suivante : – Le chêne : la répartition horizontale est à tendance irrégulière (courbe en cloche) avec quelques agrégats pour le traitement en 30 secteurs angulaires ; la dispersion est plus agrégée entre 0 et 4 m (1 secteur angulaire). – Le hêtre  : la répartition horizontale est à tendance irrégulière à l’échelle de la parcelle (30 secteurs angulaires), et totalement sporadique si on l’analyse entre 0 et 4 m. – Le bouleau : la répartition horizontale suit une courbe en cloche (avec quelques rares pics peu importants) à l’échelle de la parcelle (irrégularité) ; entre 0 et 4 m on trouve une forme qui tend vers le pic de régularité. – Le sorbier des oiseleurs : la répartition horizontale est irrégulière à l’échelle de la parcelle ; entre 0 et 4 m on observe, dans l’irrégularité, une tendance à la régularité due aux pics de densité centraux. – Le pin sylvestre  : la courbe à l’échelle de la parcelle est presqu’une courbe en cloche, caractéristique d’une dispersion irrégulière. Entre 0 et 4 m, la courbe est irrégulière mais on retrouve, avec le pic central à 2,5 m, la trace de la plantation régulière d’origine. La conclusion que l’on peut tirer de l’étude de ces graphiques est la suivante : – La forêt A apparaît totalement irrégulière à l’échelle de la parcelle – les arbres sont irrégulièrement mélangés par classes de diamètres, de hauteurs et par espèces – avec quelques agrégations d’arbres, tandis qu’à l’échelle du bouquet d’arbres (entre 0 et 4 m) on observe un état situé entre la régularité et l’irrégularité. La végétation ligneuse secondaire s’est installée autour des pins sylvestres plantés régulièrement à l’origine et ces agrégations d’espèces secondaires représentent « une irrégularité régulièrement dispersée à l’origine ». – La forêt B est excessivement dense, ce qui rend plus difficile l’analyse de la dispersion des arbres au plan horizontal, laquelle pourrait paraître à première comme étant «  uniformément irrégulière  », mais la maille d’irrégularité est beaucoup plus fine que dans la forêt A justement à cause de la densité des arbres de ce peuplement B. La disparité et l’hétérogénéité de dispersion des arbres de différentes classes de diamètres et de hauteurs ainsi que celles des espèces ligneuses présentes dans le peuplement montrent comme le peuplement est intimement mélangé et que ce mélange n’est ni homogène ni régulier dans sa dispersion mais irrégulier. – Ces graphiques peuvent servir au propriétaire forestier pour avoir une meilleure connaissance de la dynamique de sa forêt mais aussi pour visualiser la dispersion de certaines espèces rares.

220

Annexe 3. Graphiques obtenus par le programme msgraph

110 : Quercus 211 : Fagus sylvatica 400 : Frangula alnus 410 : Betula pendula 451 : Sorbus aucuparia 711 : Pinus sylvestris 810 : Larix europea

Forêt A

110 : Quercus 211 : Fagus sylvatica 400 : Frangula alnus 410 : Betula 451 : Sorbus aucuparia 511 : Picea abies 711 : Pinus sylvestris 731 : Pinus strobus 811 : Larix europea

Forêt B

 Figure 23  Premier graphique : distribution des différentes espèces d’arbres entre elles au plan horizontal, pour 1 secteur angulaire dans la forêt A irrégulière et mélangée avec des espèces ayant dépassé le stade pionnier. Deuxième graphique : distribution des différentes espèces d’arbres entre elles au plan horizontal, pour 1 secteur angulaire en forêt B, irrégulière et mélangée mais les mélanges se situant au stade pionnier. Duchiron 2000a.

221

Annexe 4

Graphiques obtenus par le programme CALCVOLU

Les deux figures  24 et 25 font apparaître que la forêt A (la même forêt A qu’en annexe  3) présente une diversité importante d’espèces d’arbres au niveau des volumes de couronnes (chêne, bouleau, pin sylvestre, hêtre, bourdaine, sorbier des oiseleurs), alors que le graphique des volumes de tiges révèle que le pin sylvestre est prédominant, avec une légère apparition du chêne et du bouleau. La structure de la forêt B (la même forêt B qu’en annexe 3) est à rapprocher de celle de la forêt A. Les deux graphiques concernant les volumes des couronnes et sur les volumes des tiges conduisent à cette comparaison. Le peuplement B est visiblement plus jeune que A (occupation de strates plus basses dans B et plus grande importance du bouleau que dans le peuplement A). Le bouleau occupe deux strates dans la forêt B, en ce qui concerne ses couronnes. En revanche, la proportion du volume de ses tiges est moins importante qu’en forêt A car les arbres sont plus jeunes en B. On peut diversifier les graphiques, notamment avec le nombre d’individus par espèce. D’autres observations apparaissent alors : ainsi dans ces deux forêts le hêtre, en faible représentativité quant à son nombre d’individus, occupe un volume de couronnes proportionnellement plus important que les autres espèces présentes, par rapport à la représentativité en nombre d’individus, du chêne, du bouleau et du pin sylvestre. De même d’autres informations sur la dynamique naturelle sont fournies : par exemple le chêne a déjà supplanté le bouleau au niveau de la succession naturelle. La dynamique naturelle fait ainsi entrevoir, que, abandonné à lui-même, ce peuplement A évoluera rapidement en une hêtraie.

223

Sylviculture d’écosystème

BRUNS - Volumes de couronnes, par strates, par essences, par rapport au total des volumes des couronnes sur toute la parcelle 60

511 (Picea abies)

50

400 (Frang. alnus) 40

211 (Fagus sylv.)

30

%

451 (Sorb. aucup.) 711 (Pinus sylv.)

20

410 (Betula)

10

0

1 (0-0,5)

2 (0,5-1)

3 (1-2)

4 (2-4)

5 (4-8)

6 (8-16)

7 (16-32)

8 (32-64)

Strates

SYKE - Volumes de couronnes, par strates, par essences, par rapport au total des volumes des couronnes sur toute la parcelle

%

50 45

731 (Pinus strobus)

40

110 (Quercus)

35

511 (Picea abies)

30

400 (Frang. alnus)

25

211 (Fagus sylv.)

20

451 (Sorb. aucup.)

15

711 (Pinus sylv.)

10

410 (Betula)

5 0

1 (0-0,5)

2 (0,5-1)

3 (1-2)

4 (2-4)

5 (4-8)

6 (8-16)

7 (16-32)

8 (32-64)

Strates

 Figure 24  Pourcentage du volume des couronnes en forêt de BRUNS  (A) et en forêt de SYKE (B) par strate, par espèce, par rapport à la somme des volumes des couronnes sur toute la parcelle. Duchiron 2000a.

224

Figure 25Annexe 4. Graphiques obtenus par le programme CALCVOLU

BRUNS - Volumes de tiges, par strates, par essences, par rapport au total des volumes des tiges sur toute la parcelle 40

511 (Picea abies)

35

400 (Frang. alnus)

30

211 (Fagus sylv.)

%

25 20

451 (Sorb. aucup.)

15

711 (Pinus sylv.)

10

410 (Betula)

5 0

1 (0-0,5)

2 (0,5-1)

3 (1-2)

4 (2-4)

5 (4-8)

6 (8-16)

7 (16-32)

8 (32-64)

Strates

SYKE - Volumes de tiges, par strates, par essences, par rapport au total des volumes des tiges sur toute la parcelle 35 30

731 (Pinus strobus) 110 (Quercus)

25

511 (Picea abies)

20

%

400 (Frang. alnus)

15

211 (Fagus sylv.) 451 (Sorb. aucup.)

10

711 (Pinus sylv.)

5 0

410 (Betula) 1 (0-0,5)

2 (0,5-1)

3 (1-2)

4 (2-4)

5 (4-8)

6 (8-16)

7 (16-32)

8 (32-64)

Strates

 Figure 25  Pourcentage du volume des tiges en forêt de BRUNS  (A) et en forêt de SYKE  (B) par strate, par espèce, par rapport à la somme des volumes des tiges sur toute la parcelle. Duchiron 2000a.

225

Sylviculture d’écosystème

À titre de comparaison, on observera la figure 26 représentant les volumes de couronnes des arbres dans trois cas de figures : 1) un peuplement régulier de douglas de 100 ans ; 2) une forêt ancienne à haute naturalité aux États-Unis ; 3) une forêt ancienne à haute naturalité en Australie. Il apparaît clairement que le volume des Figure couronnes est 26 le plus élevé dans la forêt ancienne par rapport au peuplement régulier de douglas. Et ceci a pu se produire grâce à la structure verticale étagée qui a permis aux couronnes de se développer de manière optimale. Hauteur (m) 1

Volume de canopée m3 Hauteur (m) 2

Volume de canopée m3 Hauteur (m)

3

Volume de canopée m3

 Figure 26  Représentation du volume de la canopée en fonction de sa hauteur : pour un peuplement régulier de douglas de 100 ans (graphique 1) – pour une forêt ancienne à haute naturalité aux États-Unis (graphique 2) – pour une forêt ancienne à haute naturalité en Australie (graphique 3). – D’après Franklin et al. 2004.

226

Annexe 5

Planches de photographies

227

Sylviculture d’écosystème

 Photo 5  Vue aérienne des canopées de deux forêts très différentes : à gauche la canopée plate d’une futaie régulière, qui plus est monospécifique  ; à droite la canopée pommelée d’une futaie irrégulière dense - Photo M.-S. Duchiron

 Photo 6  Abattage d’un sapin de 19 m3 en futaie jardinée dense, à couvert continu, dans le Massif vosgien. Htot = 40 m, H (bois marchand) = 32 m, diamètre (1,3 m) = 1,10 m. Le bûcheron doit être un professionnel pour orienter la chute de l’arbre avec un minimum de casse dans le sous-étage - Photo M.-S. Duchiron

228

Annexe 5. Planches de photographies

 Photo 7  Abattage soigné et contrôlé du sapin, dans une canopée fermée. Importance de la formation des bûcherons - Photo M.-S. Duchiron

 Photo 8  Grande qualité de cette grume de sapin ayant crû dans une futaie jardinée dense à canopée fermée - Photo M.-S. Duchiron

229

Sylviculture d’écosystème

 Photo 9  Régularité des cernes du bois du sapin, ayant crû lentement en futaie jardinée dense à canopée fermée - Photo M.-S. Duchiron

 Photo 10  Jeune futaie bretonne, irrégulière et mélangée principalement de chênesapin, dense, à canopée en voie de fermeture - Photo M.-S. Duchiron

230

Annexe 5. Planches de photographies

 Photo 11  Jeune forêt bretonne, irrégulière et mélangée, naturelle, avec le développement de l’if en sous-étage. Espèce menacée, l’if a toute sa place en forêt et doit être utilisé par les sylviculteurs pour assurer la protection du microclimat forestier - Photo M.-S. Duchiron

 Photo 12  Forêt bretonne au développement naturel depuis plus de 100  ans. L’if a retrouvé sa place en sous-étage et le houx également - Photo M.-S. Duchiron

231

Sylviculture d’écosystème

 Photo 13  Forêt domaniale de Haguenau, septembre 2012. Eclaircie selon les principes de la sylviculture en « futaie irrégulière » de l’ONF avec la norme de surface terrière de 19  m2/ha pour le chêne. Le résultat est une prairie couverte de graminées avec quelques chênes restants - Photo M.-S. Duchiron

 Photo 14  Forêt domaniale de Haguenau, septembre 2012. Ornières remplies d’eau et couvertes de joncs dans un «  cloisonnement  » et au-delà de celui-ci. L’exploitation des arbres s’est faite par temps humide et sols détrempés : à ne jamais faire ! - Photo M.-S. Duchiron

232

Annexe 5. Planches de photographies

 Photo 15   Forêt domaniale de Haguenau, septembre 2012. État d’un peuplement anciennement de hêtre, décapité par la tempête de décembre 1999, où les quelques hêtres survivants à l’intempérie, ont fini par mourir sur pied par stress hydriques au niveau racinaire (sol dénudé et probablement tassé par le passage des engins d’exploitation après la tempête). La végétation qui repart, est une végétation de type pionnière avec bouleau et pin – Photo M.-S. Duchiron

 Photo 16  Forêt domaniale de Compiègne, avril 2014. La nouvelle sylviculture « dynamique » en « futaie irrégulière » de l’ONF aboutit à une futaie régulière très claire dont le sol est recouvert de végétation herbacée, ressemblant davantage à une prairie avec quelques arbres qu’à une forêt – Photo M.-S. Duchiron

233

Sylviculture d’écosystème

 Photo 17  Forêt domaniale de Compiègne, avril 2014. Un chêne pluriséculaire, de plus de 2 mètres de diamètre, faisant l’objet d’une programmation en coupe par l’ONF – Photo M.-S. Duchiron

 Photo 18  Forêt domaniale de Compiègne, avril 2014. L’écorce des chênes pluriséculaires est si profonde qu’elle sert d’habitats aux chiroptères – Photo M.-S. Duchiron

234

Annexe 5. Planches de photographies

 Photo 19  Forêt d’État d’Erdmannshausen en Basse-Saxe (Allemagne), 1995. Parcelle 23. Le volume sur pied de ce peuplement est compris entre 280-350 m3/ha. Le peuplement est irrégulier au niveau de la dispersion des diamètres mais quasi régulier pour sa structure verticale – Photo M.-S. Duchiron

 Photo 20  Forêt d’État d’Erdmannshausen en Basse-Saxe (Allemagne), 2011. Parcelle 25 (voisine de la 23 et très comparable). Le volume sur pied est de 263 m3/ha démontrant déjà une légère tendance à l’éclaircissement du peuplement – Photo Peter Braunert

235

Sylviculture d’écosystème

 Photo 21  Forêt d’État d’Erdmannshausen en Basse-Saxe (Allemagne), 1991. Mise en place de la sylviculture en futaie irrégulière avec un couvert dense et canopée fermée - Photo M.-S. Duchiron

 Photo 22  Forêt d’État d’Erdmannshausen en Basse-Saxe (Allemagne), 1991. Croissance de jeunes chênes en sous-étage sous canopée fermée, bénéficiant de la lumière diffuse - Photo M.-S. Duchiron

236

Annexe 5. Planches de photographies

 Photo 23  Forêt vierge de Frakto-Paranesti (les Rhodopes, Grèce). Phase jardinée avec régénération en un sous-étage sous canopée fermée - Photo M.-S. Duchiron

 Photo 24  Forêt de Schirmeck, juin 2015. Nouveau départ d’une futaie régulière après chablis dans une futaie régulière : la régénération monte d’un seul bloc sans structuration verticale – Photo M.-S. Duchiron

237

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Index

A Aggradation · 40, 41, 42, 175 Aménagement · 13, 20, 88, 105, 106, 110, 130, 139, 141, 142, 167, 168, 170, 171, 174, 189 A.N.W. · 16 Arbres-habitats · 110, 158, 164 Arbre solitaire · 137 ARMSADA · 155 Artificialisation · 35, 73, 125, 133, 134, 135 Automations biologiques · 36, 155

B Biodiversité · VI, 17, 22, 25, 49, 56, 58, 77, 88, 89, 92, 94, 107, 109, 110, 111, 116, 133, 152, 156, 160, 161, 164, 173, 174, 189, 190, 191, 194, 195, 206 Biomasse · 25, 58, 60, 62, 67, 68, 69, 71, 73, 74, 92, 125, 127, 135, 152, 155, 168

Bois mort · 34, 58, 72, 74, 76, 92, 108, 109, 110, 126, 128, 158, 159, 160, 164, 170, 174, 190 Boréalisation des forêts · 134, 135, 136 Bouleau · 26, 44, 51, 68, 116, 129, 172, 211, 218, 220, 223, 233 Bouquet · 34, 169, 178, 184, 218, 220

C CALCVOLU · 178, 180, 223 Canopée · 23, 26, 34, 36, 37, 42, 43, 45, 47, 48, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 65, 66, 67, 70, 75, 76, 91, 92, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 108, 116, 120, 121, 122, 123, 126, 131, 136, 137, 139, 140, 154, 157, 161, 171, 175, 176, 177, 201, 210, 226, 228, 229, 230, 236, 237 Carbone · 25, 47, 56, 65, 73, 74, 75, 84, 126, 127, 161 CCF · 30 Cellule de Bénard · 59 Cerf · 45, 72, 88, 97

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Sylviculture d’écosystème

Cervidés · 42, 43, 44, 45, 72, 73, 88, 103, 113, 116, 128, 136, 154, 173, 175 Champs électromagnétiques · 26, 27, 28, 29 Changement climatique · 120, 123, 124, 134 Chêne · 44, 51, 77, 78, 113, 114, 115, 121, 122, 123, 129, 130, 132, 133, 139, 148, 160, 176, 177, 218, 220, 223, 230, 232, 234 Chiroptères · 71, 72, 107, 128, 167, 168, 190, 234 Cloisonnement · 128, 232 CO2 · 63, 73, 75, 134 Confiscation sémantique · 131 Continuous Cover Forestry · 30, 116, 122, 157 Coupe rase · 15, 35, 70, 71, 73, 74, 80, 88, 109, 111, 116, 131, 157, 196, 202 Courbe de Liocourt · 93, 131, 157 Couvert continu · 131, 157, 198, 204, 228 Couvert discontinu · 131, 198 Cycle biogéochimique · 35, 53, 65, 66, 74, 77, 132, 160, 161, 168, 175 Cycle sylvigénétique · 40, 45, 100

D Dauerwald · 14, 15, 32, 35, 36, 40, 154, 155, 198, 201 Dendrochronologie · 123 Dépérissement · 23, 26, 28, 63, 106, 107, 108, 123, 124, 140, 201 Diversité biologique · 65, 66, 75, 76, 77, 92, 125, 135, 136, 164, 196 Dynamique naturelle · 35, 36, 37, 38, 49, 68, 94, 112, 122, 140, 141, 142, 150, 155, 156, 163, 170, 172, 180, 199, 223

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E Eau · 22, 27, 28, 42, 46, 56, 63, 64, 70, 74, 84, 96, 124, 125, 127, 128, 132, 158, 160, 162, 193, 232 Éclairement · 50, 53, 56, 72, 103, 168, 176, 181 Écomosaïque · 41, 43 Écosystème · 5, 10, 17, 18, 19, 35, 36, 37, 38, 40, 41, 46, 48, 49, 50, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 71, 84, 88, 92, 95, 96, 106, 107, 116, 120, 125, 127, 133, 134, 136, 138, 141, 142, 150, 151, 152, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 168, 169, 170, 171, 172, 173, 175, 177, 181, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 193, 194, 195, 197, 198, 201, 202, 203, 204, 211 Éco-unité · 41, 42 Enchytréide · 65, 67 Énergie auxiliaire · 46, 63 Énergie libre · 59 Enracinement · 63, 67, 68, 69, 172, 191, 192 Entropie · 57, 58, 59, 60, 62, 125 Espèce héliophile · 42, 57, 76, 77, 112, 175, 176 Espèce sciaphile · 57, 76, 77, 106, 112, 124, 132, 172 Exergie · 59, 60, 62 Exotique · 133

F F.F.N. · 14, 16 Fonds Forestier National · 14, 16, 19, 116 Forêt ancienne · 10, 93, 95, 120, 126, 154, 166, 171, 176, 226 Forêt de Compiègne · 107 Forêt de Fontainebleau · 107, 139

Index

Forêt de gestion conforme à la nature · 14, 15, 16, 36 Forêt de Haguenau · 106, 107 Forêt de Haye · 106 Forêt de Néra · 95, 97, 98, 100 Forêt-mosaïque · 38, 131, 157, 175 Forêt-Noire · 113, 193, 196 Forêt pérenne · 14, 15, 31, 32, 35, 36, 38, 40, 154, 198, 201 Forêt primaire · 91, 159, 174 Fractale · 34, 60, 61, 62, 64 Freudenstadt · 70, 193 Futaie claire · 23, 35, 36, 79, 105, 137, 138, 139, 140, 143, 154, 175, 196, 198, 202 Futaie irrégulière · 10, 22, 31, 32, 35, 36, 38, 39, 40, 48, 64, 65, 66, 71, 73, 75, 76, 78, 79, 81, 82, 83, 86, 87, 88, 89, 105, 106, 107, 108, 112, 116, 117, 119, 126, 130, 131, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 156, 157, 159, 162, 165, 166, 168, 173, 177, 180, 181, 185, 189, 190, 195, 202, 228, 232, 233, 236 Futaie régulière · 9, 14, 17, 19, 20, 21, 23, 32, 36, 37, 38, 39, 40, 46, 47, 48, 65, 66, 69, 76, 78, 80, 83, 86, 87, 88, 89, 105, 106, 107, 108, 112, 122, 126, 130, 131, 137, 138, 139, 140, 142, 143, 150, 157, 171, 180, 181, 189, 195, 196, 228, 233, 237

G Gestion forestière conforme à la nature · 14, 15, 16, 36 GIEC · 24, 94 Glandée · 107, 122 Grande faune · 10, 43, 71, 72, 97, 128, 138, 154, 156, 159, 160 Groupe · 15, 18, 37, 38, 94, 111, 115, 166, 184

H Herbivore · 44, 45, 152 Hêtre · 11, 12, 23, 26, 29, 44, 45, 53, 54, 57, 63, 67, 68, 70, 71, 77, 92, 96, 97, 100, 101, 102, 106, 113, 114, 115, 123, 124, 126, 127, 148, 151, 152, 164, 172, 176, 177, 181, 186, 209, 218, 220, 223, 233 Holisme · 37, 46 Holistique · 19, 46, 202 Humus · 42, 57, 64, 65, 66, 67, 68, 76, 107, 124, 132, 135, 155, 161, 168, 170, 195, 196 Hydrique · 65, 66, 124, 168, 195

I If · 11, 101, 102, 103, 160, 174, 231 Îlot de sénescence · 22, 72, 107, 108, 109, 110, 111, 125, 156, 158, 159, 169, 173, 190, 191, 193, 196 Incendie · 95, 161 Individuel · 67, 160, 166, 184 Innovation · 40, 41, 42, 150, 153, 175 Inventaire · 22, 123, 141, 143, 179, 181, 184, 185 Inversion d’espèces · 122, 189 IR · 56

J Jardinage · 12, 13, 14, 16, 20, 30, 32, 40, 115, 139, 183, 185, 202, 215

L LAI · 50, 60, 181 Layon de débardage · 173 Lianes · 40, 43, 158, 160 Libéralisme · 146, 147 Loup · 43, 113, 129

283

Sylviculture d’écosystème

Lumière · 23, 26, 35, 37, 42, 43, 44, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 64, 66, 67, 72, 76, 77, 78, 83, 91, 94, 95, 98, 99, 101, 108, 113, 122, 126, 132, 136, 138, 152, 155, 167, 168, 172, 175, 177, 181, 202, 203, 210, 236 Lumière diffuse · 50, 51, 52, 53, 77, 101, 132, 167, 168, 181, 236

M Martelage · 38, 140, 141, 152, 154, 162, 164, 165, 169, 170, 171, 185, 187, 202 Martéloscope · 185, 186 Maturité financière de coupe · 87 Maturité Sénescence · 40, 202 Mérisme · 37 Méthode du Contrôle · 13, 14, 40, 141, 175, 184, 208 Microclimat · 36, 42, 57, 62, 63, 64, 71, 74, 75, 103, 125, 138, 160, 161, 162, 174, 176, 231 Micro-ondes · 26, 28 Msgraph · 6, 177, 178, 217 Mycorhize · 42, 127, 172

N Naturgemäßer Wirtschaftswald · 14, 15 Naturgemäße Waldwirtschaft · 14, 15, 36 Naturnah · 111, 113, 114 Novlangue · 131

O Oiseaux · 75, 76, 97, 107, 126, 158, 165 Ongulés · 43, 102, 161, 167, 202 Ozone · 25, 26, 74, 124, 128, 152, 162

284

P Papillons · 75 Parquet · 105, 131 Pérennité · 10, 14, 35, 40, 47, 49, 76, 119, 138, 152, 187 Période de compression · 78, 79 Permasylviculture · 198, 203 Phase hétérotrophe · 74, 152 Photo hémisphérique · 49, 50, 99, 101, 181 Plan d’aménagement forestier · 170, 171 Plan d’aménagement sylvicole · 171 Plan de gestion · 36, 139, 141, 167, 168 Plenterung · 16 Plenterwald · 15, 36 Plünderung · 16 Pollution · 25, 26, 28, 124, 132 Programme LÖWE · 17, 30, 32, 38, 111, 112, 113, 114, 116, 155, 171, 198 Pro Silva · 9, 18, 108, 120, 140 Pro Silva France · 108, 140

R Rayonnement net · 59, 60, 61 Relascope · 142, 168 Rémanent · 163 Résilience · 58, 61, 64, 89, 119, 123, 124, 160, 171, 204 Révolution · 12, 13, 16, 63, 198 Risque · V, 88, 122, 124, 132, 143, 148, 153, 161, 180, 189, 193, 202

S Sapin · 12, 24, 37, 44, 69, 71, 77, 78, 97, 102, 113, 115, 122, 123, 177, 181, 209, 228, 229, 230 Sauvage · 10, 43, 71, 72, 73, 152, 154, 155, 156, 159, 160, 169, 175, 192, 194, 198, 199, 202, 204

Index

Selection System · 115 Service écosystémique · 84 SICPN · 198 Sigmoïde · 92, 93, 120, 131, 157 SIME · 198 SMCC · 198 Sol forestier · 73, 129 Stratification verticale · 33, 34, 124, 169, 180 Structure · 17, 20, 26, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 40, 41, 46, 47, 48, 49, 50, 53, 57, 58, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 86, 87, 91, 92, 93, 94, 102, 108, 112, 115, 117, 121, 122, 124, 125, 128, 130, 137, 138, 139, 141, 142, 143, 154, 157, 160, 161, 162, 163, 166, 167, 168, 169, 171, 172, 175, 176, 177, 178, 181, 183, 185, 187, 191, 203, 206, 207, 211, 223, 226, 235 Structure verticale · 36, 37, 38, 40, 47, 48, 50, 53, 62, 63, 64, 65, 68, 69, 71, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 87, 92, 112, 121, 122, 128, 138, 154, 157, 167, 169, 171, 172, 175, 176, 183, 206, 207, 226, 235 Surface terrière · 23, 35, 65, 67, 77, 93, 105, 107, 108, 112, 113, 114, 116, 121, 122, 126, 137, 138, 139, 142, 143, 154, 156, 168, 176, 177, 232 Sylviculture · VI, 5, 6, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 22, 29, 30, 31, 32, 35, 36, 37, 38, 40, 47, 50, 53, 63, 69, 70, 71, 73, 74, 75, 76, 79, 80, 82, 83, 84, 86, 87, 88, 89, 92, 95, 96, 101, 105, 106, 108, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 131, 134, 135, 136, 138, 139, 140, 141, 142, 147, 148, 150, 151, 152, 153,

154, 155, 156, 157, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 168, 169, 171, 172, 174, 175, 176, 177, 180, 181, 184, 185, 187, 188, 189, 190, 191, 193, 194, 195, 196, 197, 198, 199, 201, 202, 204, 232, 233, 236 Sylviculture d’écosystème · 84, 151, 152, 154, 155, 156, 157, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 168, 169, 171, 172, 175, 177, 185, 187, 188, 189, 190, 191, 194, 195, 197, 198, 202, 204 Sylviculture dynamique · 36, 108, 116, 152, 154 Sylviculture proche de la nature · 88, 96, 114 Sylviculture sauvage · 154, 155, 198, 199, 202 Sylvigenèse · 41, 71, 202 Système dissipatif · 57

T Texture · 32, 35, 37, 69, 93, 98, 167, 168, 169, 177, 178, 182, 183 Théorie de la hiérarchie · 46 Thermodynamique · 57, 58, 59, 60, 62, 63, 64, 152, 172, 202, 203 Touffe · 35, 38, 175, 184 Traitement · 14, 20, 38, 130, 140, 152, 163, 202, 220 Typologie · VI

U UV · 25, 56

V Vieux bois · 111, 173, 174

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