Serie Histoire Sociale: Volume 3 Structures d’une population active de type traditionnel, Grenoble 1848 [Reprint 2017 ed.] 9783111675435, 9783111290485


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French Pages 126 [124] Year 1968

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Serie Histoire Sociale: Volume 3 Structures d’une population active de type traditionnel, Grenoble 1848 [Reprint 2017 ed.]
 9783111675435, 9783111290485

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Structures d'une population active de type traditionnel, Grenoble 1848

PUBLICATIONS DE LA FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES DE GRENOBLE

Collection du Centre de recherche d'Histoire économique, sociale et institutionnelle

SERIE HISTOIRE SOCIALE VOLUME N° 3

Les volumes de la Série "Histoire Sociale" sont publiés par le Centre de Recherche d'Histoire Economique, Sociale et Institutionnelle, créé en 1962 au sein de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble. Ces volumes présentent des ouvrages de membres du corps professoral, des travaux de colloques, et des thèses de Doctorat, préparés dans le cadre de la Section "Histoire Sociale" de ce Centre.

Paris

.

MOUTON & Cie .

L a Haye

PUBLICATIONS DE LA FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES DE GRENOBLE

STRUCTURES D'UNE POPULATION ACTIVE DE TYPE TRADITIONNEL, GRENOBLE 1848 par JESUS IBARROLA Docteur ès Sciences Economiques Maître - Assistant à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble

Paris . MOUTON & Cie . La Haye

O

MOUTON & Cíe

1968

Printed in Switzerland

INTRODUCTION Parmi les documents importants en matière d'histoire sociale devrait figurer en bonne place l'enquête sur le travail agricole et industriel effectuée en 1848, à l'initiative du gouvernement de la Seconde République (25 mai). Les résultats de cette enquête peuvent servir à des fins variées. Leur utilisation permet, par exemple, d'analyser la situation économique et sociale d'un département déterminé. C'est ce qui a été fait pour les départements de l'Eure et de la Loire (1). De même, les renseignements sont souvent abondants et détaillés en ce qui concerne les conditions de travail, le niveau de vie des ouvriers en général (2). Dresser l'état d'une économie ou d'une société, déterminer les conditions de vie des producteurs, telles paraissent avoir été jusqu'à présent les deux principales utilisations des données fournies par cette enquête. Mais, tout en ne méconnaissant pas leur importance, il est permis de dire qu'elles ne sont pas les seules possibles. A partir de l'enquête, il est possible d'entreprendre également une étude de structure différenciée, une analyse de la population active dans tel ou tel cadre donné. Les documents relatifs à l'enquête, tels qu'ils sont conservés aux Archives départementales (3) de l'Isère, comprennent deux grandes catégories : d'une part, les tableaux officiels se présentant sous forme de questionnaires, d'autre part des états, des listes de toutes les activités industrielles et agricoles existantes au moment de l'enquête par localités. Ce sont ces états, peu utilisés, mal connus, qui serviront de base à la présente étude. Ces états (4) se présentent comme des listes de professions exercées dans la commune avec indication du nombre de patrons et du nombre d'ouvriers correspondants. Ils constituent donc en quelque sorte un véritable recensement de la population active et permettent de ce fait une étude structurelle en profondeur, car ils reflètent assez bien le degré de différenciation auquel est parvenue l'économie de telle ou telle localité donnée. Malheureusement, ce "recensement" est très incomplet et présente de sérieuses imperfections. Les états n'ont été conservés

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Structures d'une population active de type traditionnel

qu'en nombre limité, ils ne concernent donc qu'un nombre r e s t reint de communes réparties sur plusieurs cantons. De même, leur contenu est loin d'être homogène : tantôt par population agricole et industrielle on entend la totalité des proiessions exercées dans la commune (en incluant les activités relevant de ce qu'on appelle actuellement les "services") tantôt, au contraire, les activités de caractère improductif sont expressément exclues ( il en va ainsi pour les plus grandes communes, celles que l'on peut qualifier de villes (5). Il s'agit donc bien d'un matériel très imparfait, très lacunaire. Il reste pourtant utilisable, à condition de garder constamment présent à l'esprit ses déficiences. De ce fait, il ne peut guère servir qu'à poser des questions, qu'à soulever des problèmes, qu'à proposer des orientations de recherches. Cette étude se veut essai méthodologique. Toutes ces propositions ne sont et ne peuvent être, en fait, que des interrogations, que des hypothèses de travail. Π en va de même, à plus forte raison, des idées directrices, des hypothèses initiales. HYPOTHESES DE TRAVAIL Trop souvent, on envisage l'économie traditionnelle comme une réalité homogène, spécifique, s'opposant fortement à l'économie moderne, l'économie qui est entrée dans le processus du développement. Cette perspective est loin d'être inexacte, mais elle risque de conduire, si l'on n'y prend garde, à des appréciations partiellement faussées. Ainsi, au 19e siècle, on continue, la plupart du temps à opposer les deux types d'économie, alors qu'en fait elles sont très souvent imbriquées, et que d'autre part, surtout, l'économie traditionnelle n'est plus et ne peut plus être ce ce qu'elle avait été plusieurs siècles auparavant. Dire par exemple que l'économie de la Région grenobloise restait traditionnelle en 1848, et que de ce fait Grenoble demeurait une ville "traditionnelle,' permet certes de faire ressortir les différences profondes, réelles, entre cette région et d'autre régions de la France plus fortement industrialisées à cette époque, mais ne renseigne guère, en revanche, sur cette économie prise en elle-même, dans son originalité propre. Or, cette économie qui se caractérise par un certain nombre de traits fondamentaux est, en fait, concrètement loin d'être parfaitement homogène. Elle comporte des degrés, elle connaît des niveaux. La composition de la population active parait constituer un bon révélateur de ces degrés. En effet, cette composition se

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caractérise par l'importance relative de la population agricole et de la population non agricole, improprement appelée parfois population industrielle. Si on admet l'exactitude (6) des indications fournies par les états on constate que certaines localités ont, en 1848, une population exclusivement agricole : la population agricole représente alors 100% de la population active. Tout au contraire, d'autres localités ont une population active à prépondérance industrielle, non agricole : le pourcentage de la population agricole tend p r o gressivement v e r s zéro. Si on examine donc non plus une localité prise isolément, mais un groupe de localités géographiquement voisines, on constate l'existence d'une polarisation : à un pôle, on trouve l e s localités exclusivement agricoles, ne connaissant pas la division du travail; à l'autre, celles dans lesquelles cette division a pris déjà une extension considérable (7). Il est donc permis de se demander comment Tiistoriquemenf et 'logiquement? on passe d'un pôle à l'autre. La première réponse qui vient à l'esprit concerne le niveau de population. Il y a ' t r è s certainement' une relation entre le degré de différenciation et la grandeur de la population, relation qui peut s'exprimer ainsi : d'autant plus grande est la population, d'autant plus poussée la différenciation. En d'autres termes, il est permis de supposer que d'une manière assez générale, les changements quantitatifs, à un certain degré, provoquent des mutations qualitatives. Il s'agit de voir si la réalité correspond à ce schéma. Cette vérification ne peut évidemment être qu'assez approximative, car il y a de multiples facteurs qui viennent perturber, contrecarrer, modifier l'action de la loi, si loi il y a bien entendu. La différenciation de la population active ne reflète-t-elle pas à sa manière le passage des structures rurales aux structures urbaines ? Passage qui s'effectue selon des modes déterminés, qu'il s'agit de découvrir si possible. Cette étude concrète p e r m e t t r a peut-être de préciser ce que l'on doit entendre par ville au point de vue structurel, au point de vue de la contexture. La terminologie employée couramment "bourgs, bourgades, villes" exprimet-elle des niveaux différents d'organisation sociale, signale-t-elle le franchissement réel de seuils ? Ces différences qui peuvent être dégagées sont-elles purement quantitatives ou au contraire n'ontelles pas, à des degrés variables, vin aspect qualitatif essentiel ? L'existence ou non de certains métiers, leur fréquence relative et absolue semble aussi constituer un bon indice de différenciation économico-sociale. Il en va ainsi par exemple, comme il va être montré, de la présence du boulanger. Son apparition correspond à un certain seuil, qu'il faudra essayer de caractériser.

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Structures d'une population active de type traditionnel

Toute cette analyse repose sur une hypothèse de départ, hypothèse de travail, forcément provisoire, qui est la suivante : à un moment donné, l'ordonnancement structurel dans un territoire déterminé résume approximativement l'évolution de ces mêmes structures dans le temps. En d'autres termes, l'état statique d'un moment donné est le reflet de l'évolution dynamique antérieure. Les communes caractérisées par une population active entièrement agricole constituent logiquement le point de départ dont les villes comme Grenoble forment l'aboutissement. Hypothèse qui mérite d'être mise à l'épreuve... Cette "expérimentation" se fera en deux temps : de l'analyse globale (concernant l'ensemble de la région, telle qu'elle a été définie), on passera à l'analyse cantonale. Mais il est d'abord indispensable de délimiter le cadre de l'étude.

CADRE TERRITORIAL : PRESENTATION ET CARACTERES Un simple coup d'oeil sur la population des communes de l'arrondissement de Grenoble montre que la ville de Grenoble, en 1848, constituait bien le centre de cet arrondissement, faisait figure d'une manière nette de "capitale" régionale. D'après le recensement de 1846 (antérieur de deux années, il est vrai), la ville de Grenoble comptait 27 953 habitants au moment de ce recensement. A la même date, l'arrondissement de Grenoble regroupait 219 633 habitants (8). La population de Grenoble représentait donc à elle seule plus de 10% du total de la population de l'arrondissement (exactement 12,7%). De par son importance démographique, il est donc à peu près certain que Grenoble constituait en quelque sorte, par rapport à l'arrondissement, un pôle de concentration urbaine (même si cette concentration n'avait rien de comparable à celle que l'on constate actuellement), et, t r è s probablement, aussi un pôle d'attraction, un lieu d'où s'exerçaient de manière très complexe des forces centripètes, centralisatrices. Mais on peut s'interroger sur les limites réelles de cette zone d'attraction. Il n'est nullement certain que celle-ci coïncide, du moins pour notre propos, avec tout l'arrondissement. Certes, à première vue, l'arrondissement, division administrative, paraît toujours coïncider, plus ou moins avec les champs de forces économiques, démographiques et sociaux qui s'articulent autour des villes en tant que pôles.

Introduction

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Comme il est difficile dans un premier temps de trancher un tel problème, et comme par ailleurs l'étude entreprise revêt un caractère expérimental, il a paru possible de proposer délibérément une délimitation de caractère plus ou moins arbitraire, fondée sur une connaissance approchée des structures socio-économiques de l'époque. Sur les cantons que comporte l'arrondissement de Grenoble, onze seulement ont été retenus. Ce sont tous les cantons situés aux abords immédiats de la ville de Grenoble. Ces cantons sont les suivants (par o r d r e alphabétique) : Domène Goncelin Grenoble-Est Grenoble-Nord Grenoble-Sud St Laurent-du-Pont Sassenage Le Touvet Vif Vizille Voiron Total

10 386 12 563 8 591 32 721 5 365 12 638 6 881 13 471 8 371 13 745 20 864

habitants habitants habitants habitants habitants habitants habitants habitants habitants habitants habitants

145 596 habitants

11 12 10 8 8 7 7 15 7 16 10

communes communes communes communes communes communes commîmes communes communes communes communes

111 communes

La population du territoire constitué par ces onze cantons est donc égale à 145 596 habitants, ce qui représente environ les deux tiers de la population de l'arrondissement. Au point de vue de la superficie, la zone ainsi délimitée mesure 150 000 ha environ (9). Sachant que l'arrondissement a une surface égale à 410 000 ha environ (10), il est facile de voir que cette zone représente 36, 8% de la superficie de cet arrondissement (11). Au point de vue démographique, la zone formée par les onze cantons est donc très satisfaisante, puisqu'elle englobe 66% de la population. Sous l'angle géographique, la composition de cette zone ne manque pas non plus d'une certaine cohérence (12). En effet, avec Grenoble comme centre, elle comprend au nord la région de Voiron (Voiron étant à cette époque la seconde ville,par ordre d'importance, de l'arrondissement) et le massif de la Chartreuse. Au nord-ouest et à l'ouest, la vallée du Graisivaudan assez fortement peuplée (cantons de Grenoble-Est, Le Touvet, Goncelin, Domène et Grenoble-Sud). Au sud et à l'ouest enfin, la zone inclut les vallées inférieures de la Romanche (avec comme centre Vizille), du Drac (canton de Vif) et de l'Isère (canton de Sassenage) (13). Orien-

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Structures d'une population active de type traditionnel

tèe autour de trois cours d'eau principaux, l'Isère, la Romanche et le Drac, la zone est délimitée d'une manière assez nette par le massif de la Grande-Chartreuse, la chaîne de Belledonne (le Graisivaudan s'insérant entre les deux) et le plateau du Vercors. Cet ensemble géographique paraît bien correspondre à un ensemble socio-économique, compte tenu de l'état des transports et des communications de l'époque. A titre expérimental, il peut donc être retenu, quitte à modifier ses cantons ultérieurement (14). En effet, la mise à l'écart des autres cantons de l'arrondissement peut se justifier, tout au moins d'une manière provisoire. N'ont pas été inclus d'une part, les cantons presque exclusivement montagnards comprenant des communes éloignées de Grenoble de plusieurs dizaines de kilomètres, tels les cantons s'articulant entièrement ou pour partie autour du plateau du Vercors (Villardde-Lans, Monestier-de-Clermont) ou ceux avoisinant l'Oisans ou les massifs limitrophes (Clelles, Mens, Bourg-d'Oisans, Valbonnais, Corps, etc.); d'autre part, les cantons qui s'articulent autour du plateau de Chambarand et de la plaine de Bièvre, et qui forment à eux seuls une entité assez cohérente, une zone originale, échappant en grande partie, à cette époque-là du moins, à l'emprise grenobloise. Les onze cantons constituant la zone d'analyse comprennent cent onze communes de grandeurs diverses. Malheureusement les renseignements fournis par les états (existants et utilisables) ne concernent que quarante-deux communes, représentant une population de 76 333 habitants (soit 52, 5% de la population de la zone). La répartition des communes par cantons est très inégale, comme le montre le tableau suivant : Domène Goncelin Grenoble-Est Grenoble-Nord Grenoble-Sud St Laurent-du-Pont Sassenage Le Touvet Vif Vizille Voiron

3 2 2 3 2 3 2 11 4 3 7

communes sur communes sur communes sur communes sur communes sur communes sur communes sur communes sur communes sur communes sur communes sur

11 12 10 8 8 7 7 15 7 16 10

42 communes sur 111

27,5 16,6 20 37,5 25 43 28,5 73,5 57 18,7 70



%$38

%

% % % % % % %

% %

Introduction

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Alors que dans le canton du Touvet, onze communes sur quinze sont représentées, que dans celui de Voiron on en compte sept sur dix, la situation est très différente en ce qui concerne des cantons comme Goncelin (deux commîmes sur douze), Vizille (trois communes sur seize). A vrai dire, les lacunes concernent principalement les communes de faible importance : l'échantillon englobe 38% des communes de la zone, mais 52, 5% de sa population. La plupart des chefs-lieux de canton ont fourni des états utilisables : Grenoble, mais aussi Goncelin, Saint Laurent-du-Pont, Le Touvet, Voiron. On note cependant l'absence des chefs-lieux des cantons suivants : Domène, Sassenage, Vif, Vizille. Il faut aussi souligner que la quasi-totalité des villes proprement dites et des bourgades est concernée : Grenoble, Voiron, Voreppe, Saint Laurent-du-Pont, Goncelin, etc. L'échantillon constitué par les quarante-deux communes n'est donc pas pleinement satisfaisant. Dans sa composition, il souffre de graves défauts. Les uns tiennent à l'inégalité de représentation de canton à canton : par exemple, le poids relatif du canton du Touvet dans l'échantillon est sans commune mesure avec son poids relatif dans l'ensemble de la zone (la population du canton du Touvet compte pour 11,7% dans l'échantillon et pour 9, 2% dans la population de la zone). Les autres résultent de la sous-représentation des petites communes : il s'ensuit que l'importance relative de ces dernières est sous-estimée au profit de celle des bourgades et des villes. Cette déformation ne paraît pas t r è s contraignante au niveau où se place la présente analyse. Les communes absentes risquent certes de constituer des chaînons intermédiaires t r è s précieux, car ils pourraient permettre de démontrer la continuité des processus, mais il est possible de penser qu'elles se situent d'ellesmêmes dans ce processus, à leur manière, selon leur mode propre. Cette absence, relativement peu gênante au palier des structures globales, risque cependant de provoquer de sérieuses perturbations au niveau de chaque canton considéré isolément.

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Structures d'une population active de type traditionnel

NOTES 1. J. VIDALENC, "Les résultats de l'enquête sur le travail prescrite par l'Assemblée constituante dans le département de l'Eure',' dans Actes du Congrès historique du Centenaire de la révolution de 1848, Paris, 1948, p. 325-342. - P. GUILLAUME, "La situation économique et sociale du département de la Loire d'après l'enquête sur le travail agricole et industriel du 25 mai 1848", dans Revue d'histoire moderne et contemporaine, 1963, p. 5-34. 2. P. Léon (La naissance de la grande industrie en Dauphiné : fin du XVŒe siècle-1869, Paris, 1954, 2 vol. ) a longuement utilisé les résultats de l'enquête pour dresser le tableau de la condition ouvrière à cette époque. 3. Archives départementales, n° 162 M 1; arrondissement de Grenoble : états communaux et cantonaux. 4. D'après Mme RIGAUDIAS-WEISS, Les enquêtes ouvrières en France entre 1830 et 1848, Paris, 1936, l'établissement de feuilles communales n'a jamais été exigé. Les seuls documents qui devaient être fournis, dans le cadre de l'enquête du comité du Travail de l'Assemblée constituante sur le travail agricole et industriel effectuée à la suite du décret du 25 mai 1848, étaient les états cantonaux. Pour la plupart des départements, ces états cantonaux ont été conservés aux Archives nationales. Malheureusement 22 ne sont pas représentés dans la série concernée, qui est la série C (papiers des assemblées) et parmi ceux-ci figure l'Isère. La documentation conservée aux Archives départementales de l'Isère est donc la seule disponible sur ce problème précis. Dans une étape ultérieure, il serait utile d'examiner le cas d'un département qui serait caractérisé par l'existence d'informations tant au plan national qu'au plan départemental. 5. Paradoxalement, peut-être, ce sont les états de Grenoble et de Voiron qui paraissent comme étant les plus imparfaits. Un certain nombre de professions, pourtant notoirement attestées, sont omises dans les deux états. De même, il faut formuler d'importantes réserves en ce qui concerne le total de la population active. Malheureusement, les états cantonaux qui auraient pu permettre de faire d'utiles recoupements, des comparaisons précises, sont inexistants. On en sera donc, le plus souvent, réduit à des conjectures en essayant cependant de suppléer les carences par des documents d'un autre type.

Introduction

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6. De manière t r è s approximative. A chaque instant il faudra s'interroger sur la validité des indications fournies. Il faudra essayer d'apprécier le degré de vraisemblance afin de mettre en évidence les cas plus ou moins a b e r r a n t s . . . Tâche difficile. 7. Cette polarisation n'est sûrement pas propre au 19e siècle. Elle r e monte, t r è s probablement, beaucoup plus haut dans le temps. Il n'en reste pas moins, que si, d'une façon générale, l'émergence des grandes villes exprime une polarisation de ce type, l'analyse de cette polarisation est indispensable. 8. Archives départementales de l'Isère, n° 123 M 25. 9. Cette superficie est égale à la somme des superficies des communes composant la zone; cf. A. BÜCHNER, Géographie élémentaire du département de l'Isère, Grenoble, 1886. - Archives départementales de l'Isère, Ë3f 10. A. BÜCHNER, op. cit. 11. Cette zone englobe donc les cantons les plus peuplés et les plus r i ches, pour l'essentiel. 12. Pour une description géographique approfondie de la zone, cf. R . BLANCHARD, les Alpes occidentales, t. II : Les cluses préalpines et le Sillon alpin, Grenoble, 1941, 2 vol. 13. R, Blanchard présente en ces termes ce qu'il appelle la grande vallée, comprenant les cluses préalpines et le Sillon alpin : "Enormes trouées perforant la masse montagneuse, elles sont d'obligatoires passages où la suppression du relief rend par ailleurs la circulation aisée : elles mettent en communication le Nord et le Sud des Alpes..." (R. BLANCHARD, op. cit., p. 357-358). 14. Voir la carte n°2 en annexe.

A partir des états fournis par l'enquête sur le travail agricole et industriel, la population des communes formant l'échantillon défini plus haut peut être analysée sous deux aspects fondamentaux et complémentaires : aspect quantitatif; aspect qualitatif. Quantitativement, on s'attachera à décrire la population en précisant ses grandes caractéristiques : grandeur et structure. Cette description permettra d'aborder le principal problème d'ordre qualitatif que se propose de définir cette étude : la différenciation socio-économique, reflétée, plus ou moins, par la différenciation professionnelle. Dans un premier temps, on dénombrera des individus en s'attachant pçu à peu à préciser leur spécificité : les uns travaillent (ou sont censés travailler), ce sont les actifs, les autres sont considérés comme oisifs ; certains se consacrent à l'agriculture, d'autres s'occupent d'artisanat au sens large du terme, d'industries (apparition de quelques r a r e s fabricants). Dans un second temps, on se proposera de dévoiler la diversité professionnelle, plus ou moins poussée, plus ou moins développée, qui caractérise ceux qui ont pour commun dénominateur de ne point travailler la terre, ou tout au moins de ne le faire que d'une manière accessoire, en n'y consacrant qu'une partie relativement minime de leur temps.

Chapitre I LES STRUCTURES DEMOGRAPHIQUES, REFLET DES STRUCTURES SOCIO-ECONOMIQUES Les structures démographiques globales de la population des commîmes constituant l'échantillon d'étude peuvent s'appréhender à t r a v e r s un certain nombre d'indicateurs : population totale (in cluant les individus des deux sexes de tous les âges) fournie par les recensements et qui sert en quelque sorte de référence p e r manente; population active (qui, en principe, englobe tous ceux qui travaillent effectivement au moment où le dénombrement s'effectue, mais qui ici ne comprendra t r è s souvent que la seule population agricole et industrielle) exprimée à la fois en valeur absolue et en pourcentage (degré d'activité, rapport de la population active à la population totale), population agricole (incluant tous ceux qui déclarent exercer, quel que soit leur âge ou leur sexe, la profession d'agriculteurs à titre de propriétaire ou de valet, domestique, journalier) exprimée elle aussi en valeur absolue et en pourcentage (le rapport retenu ici sera celui qui reliera la population agricole à la somme de la population agricole et de la population industrielle. A. POPULATION TOTALE A cette époque, d'une manière générale les cantons proches de Grenoble étaient assez fortement peuplés. Les densités cantonales, calculées à partir des chiffres fournis par le recensement de 1846, sont assez évocatrices (1). Domène Goncelin Grenoble-Est Grenoble-Nord Grenoble-Sud St Laurent-du-Pont

59 habitants 94 habitants 185 habitants 219 habitants 212 habitants 55 habitants

Sassenage Le Touvet Vif Vizille Voiron

67 82 59 80 137

habitants habitants habitants habitants habitants

Population active et différenciation

professionnelle

21

o Les densités se situent entre 55 habitants au km (Saint Laurent du-Pont) et 219 (Grenoble-Nord). On constate que, relativement, étant donné la nature du relief, les cantons jouxtant la montagne ou l'incluant en partie, sont très peuplés. En ce qui concerne les cantons des vallées, leur densité en 1846 est supérieure ou égale à la densité nationale française actuelle. Ces densités résultaient d'une population communale moyenne élevée. En effet, si on divisait la population cantonale par le nombre de communes du canton, on pouvait constater que cette moyenne était de 1 800 habitants dans le canton de Saint Laurent du-Pont, de 980 habitants dans celui de Sassenage (cantons en partie montagneux) de 890 habitants dans le canton du Touvet, de 1 000 environ dans celui de Goncelin (cantons de vallée) etc. En fait, cette moyenne masque une dispersion réelle assez forte, puisque la population des quarante-deux communes varie entre 311 habitants (St Pancrasse) et 27 953 habitants (Grenoble). Si on essaie de classer ces différentes populations par niveaux, on aboutit au tableau suivant : moins de 500 de 501 à 1 000 de 1 001 à 1 500 de 1 501 à 2 000 plus de 2 000 Total

habitants habitants habitants habitants habitants

8 14 8 9 3

commîmes communes commîmes communes communes

42 communes

Le mode concerne la catégorie de 501 à 1 000 habitants. On note de même que vingt-deux commîmes sur quarante-deux n'atteignaient pas 1 000 habitants. Les petites communes étaient donc prépondérantes : cette prééminence est même très probablement sousestimée, en raison de la composition de l'échantillon. Le classement des communes par ordre de grandeur croissant de la population ne manque pas d'intérêt (2). Sur les huit communes dont la population est comprise entre 311 habitants (Saint Pancrasse) et 451 habitants (Saint-Mury-Monteymond) sept sont situées dans les gradins supérieurs qui bordent la montagne ou sur les plateaux (Grande-Chartreuse.. Vercors), ime seule se trouve dans la vallée (Sainte Marie-d'Alloix). Il faut noter que trois de ces communes se situent à près de 1 000 mètres d'altitude. Ce sont les trois communes du plateau des Petites-Roches,Saint Pancrasse, Saint Hilaire-du-Touvet, Saint Bernard. L'écart entre les populations des huit communes reste faible : 140 habitants. On peut donc admettre, en première approximation, une certaine identité

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Structures d'une population active de type traditionnel

qu'il faudra confirmer ou infirmer ultérieurement. Tout au contraire, en ce qui concerne les quatorze communes de la seconde catégorie (501-1 000 habitants), on remarque que l'écart global est assez élevé (de 510 à 857, soit 347) et que les écarts intercommunaux sont sensibles : on passe d'un groupe de communes à un autre groupe de communes. Les quatorze communes se répartissent sur huit cantons (contre quatre dans la catégorie précédente); ces communes peuvent se diviser de la manière suivante : Communes de montagne (ou de plateau) 6 Communes de vallée 8 14 Les communes de vallée sont donc plus nombreuses (du moins dans l'échantillon retenu) que les commîmes en altitude. Pourtant, il faut noter que ces dernières sont relativement très peuplées, parfois plus que les communes de vallée; ainsi Saint Nicolas-de-Macherin (canton de Voiron) avec 857 habitants, l'emporte nettement non seulement sur Lumbin (640 habitants), mais aussi sur Varees qui, avec ses 788 habitants, est pourtant la quatrième commune, par ordre d'importance, du canton de Vif. Les communes de vallée se situent dans le couloir du Graisivaudan (Lumbin, La Buissière, Le Versoud), le long du cours du Drac ou de la Romanche. La troisième catégorie englobe toutes les communes de la zone qui ont une population totale comprise entre 1 001 et 1 500 habitants (dans la mesure où les états relatifs à ces commîmes ont été fournis). Ces communes sont au nombre de huit. Pour la plupart, elles sont situées dans les vallées (vallée de l'Isère, après son confluent avec le Drac) vallée du Graisivaudan ou aux environs immédiats de Grenoble : Communes de plateau (Chartreuse) 2 Communes de vallée 3 Communes proches de Grenoble 3 Il est intéressant de noter que trois des localités proches de Grenoble (Saint Martin-d'Hères, Saint Martin-le-Vinoux, Gières) avaient une population qui n'excédait pas 1 500 habitants. Gières était à cet égard sensiblement plus peuplée que Saint Martind'Hères (les choses ont bien changé depuis). La quatrième classe regroupe des localités que l'on peut considérer, en première approximation, comme des petites villes, ou comme de grosses bourgades. La population de ces neuf communes varie entre 1 59 5 habitants (Barraux dans le canton du Touvet) et

Population active et différenciation professslonnelle

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1 886 habitants ( Saint-Laurent-du-Pont dans le canton du même nom). Les écarts entre les populations de ces neuf communes sont relativement limités : + 291 habitants entre la première et la dernière. Il est remarquable de noter que l'on trouve parmi ces localités les trois ensembles qui composaient la troisième catégorie, dans les proportions suivantes : Communes de plateau (Chartreuse) 4 4 Communes de vallée 1 Communes proches de Grenoble Parmi ces neuf localités, trois sont des chefs-lieux de cantons (par ordre croissant d'importance, Goncelin, Le Touvet, Saint Laurent-du-Pont). Ces chefs-lieux se situent respectivement à la 34e, 36e et 39e place (sur 42 commîmes), c'est-à-dire parmi les neuf communes les plus peuplées, ce qui n'a rien d'étonnant. Le rang de Saint Laurent-du-Pont mérite aussi d'être mis en évidence. Son importance relative découle très certainement d'une part des activités économiques développées du canton, d'autre part de la situation géographique (important point de passage vers la Savoie, qui, à cette époque, ne faisait pas encore partie du territoire français). La dernière classe est beaucoup plus réduite numériquement que les précédentes, puisqu'elle n'inclut que trois localités. Mais, inversement, à elle seule, elle compte pratiquement autant d'habitants que toutes les autres catégories réunies. Ces trois localités sont incontestablement des villes (moyennes pour les deux premières, grande, relativement, pour la dernière). La ville de Voreppe, avec ses 3 021 habitants, est incontestablement la troisième ville par ordre d'importance de la zone (la 40e par ordre croissant). L'écart entre sa population et celle de Saint Laurentdu-Pont atteint près de 1 200 habitants, ce qui est considérable. On pourrait donc se demander si entre ces deux types de localités un seuil n'a pas été franchi. En fait, il faut tenir compte des lacunes importantes (à ce niveau) de l'échantillon qui ne comprend pas un certain nombre de communes dont la population est comprise entre 2 000 et 3 000 habitants (3). St Martin-d'Uriage (Domène) Theys (Goncelin) Pontcharra (Goncelin) Miribel (St Laurent-du-Pont) Vif (Vif) Vizille (Vizille) Chapareillan (Le Touvet)

2 600 habitants 2 518 habitants 2 692 habitants 2 790 habitants 2 426 habitants 3 004 habitants 2 544 habitants

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Par contre, en ce qui concerne Voiron et Grenoble, le seuil ne fait aucun doute, ces deux localités constituent bien, à des niveaux différents, des pôles urbains. Elles représentent très certainement deux types de villes traditionnelles. L'étude de la population totale a donc permis de mettre en lumière l'existence probable, mais non certaine (à ce niveau de l'analyse), de classes de localités au point de vue démographique. D'une manière générale, la population totale parait être fonction de la situation géographique (la quasi-totalité des "grandes localités" sont dans les vallées) du rôle administratif (place des chefslieux de canton), et, très probablement, du degré de développement économique. B. POPULATION ACTIVE Le degré d'activité peut s'exprimer à travers le rapport de la population active à la population totale. La population active, selon la plupart des états fournis au cours de l'enquête sur le travail agricole et industriel, comprend tous les habitants qui exercent une activité économique de caractère agricole ou industriel, quel que soit leur statut juridique (patron ou subordonné). En général, les femmes des agriculteurs ne sont pas recensées ni, pour l'essentiel, tous ceux qui ont une profession non productive (commerce ou services), sauf en ce qui concerne les plus petites communes. L'homogénéité des statistiques est souvent imparfaite. Il faudra donc s'attacher davantage aux ordres de grandeur qu'à la valeur absolue des pourcentages (certains d'entre eux sont même, manifestement aberrants). Si on regroupe les localités par ordre de grandeur croissant du degré d'activité, on constate que celui-ci varie entre 6,7% (pour Saint Christophe-entre-deux-Guiers) et 51% (Goncelin (4). De prime abord, la dispersion parait donc très forte. En réalité, il est certain que, pour des raisons de vraisemblance statistique, les deux pourcentages extrêmes sont aberrants, et doivent de ce fait être éliminés : dans le premier cas, on pèche manifestement par défaut, car il est très improbable que sur les 1365 habitants que comptait, en 1846, Saint Christophe-entre-deuxGuiers, 92 seulement exerçaient qui, une activité agricole, qui une activité dite industrielle; dans la seconde hypothèse par contre, l'excès ne parait pas douteux, car il est difficile d'admettre que plus d'un habitant sur deux de Goncelin avait une activité économique. Ce tableau relatif au degré d'activité, doit être manié avec

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une prudence extrême : ici, on ne se sent pas en t e r r e ferme, comme dans le cas de la population totale (dénombrée par un r e censement). Avec toutes les erreurs, plus ou moins cachées, qu'un tel classement peut comporter, on peut cependant tenter de r é partir les localités, en fonction du degré d'activité, entre plusieurs catégories : de 10 à 20% de population active, de 20 à 30%, de 30 à 50%. Il apparaît immédiatement qu'il n'y a pas de correspondance régulière entre l'importance de la population totale et celle de la population active, ni d'ailleurs entre la situation géographique et le degré d'activité. Ainsi, dans la première catégorie, qui regroupe les localités qui ont (d'après les états) une population active comprise entre 10 et 20% de la population totale, on trouve : - la plus grande ville de la zone : Grenoble (5) : 27 953 habitants; - trois localités proches de Grenoble : Saint Martin-le-Vinoux : 1 138 habitants; La Tronche : 1 631 habitants; Saint Martin-d'Hères : 1 078 habitants; - la quatrième ville de la zone : Saint Laurent-du-Pont; - des localités de plateau ou de montagne à faible population. De même, la seconde catégorie englobe des localités de nature t r è s différente. Il est paradoxal, par exemple, de constater que le degré d'activité de Saint Paul-de-Varces (localité située au pied de la montagne dans le canton de Vif, avec une population de 727 habitants) est pratiquement le même que celui de Voiron (la seconde ville de la zone, avec ses 8 255 habitants). Les mêmes constatations s'imposent en ce qui concerne la troisième catégorie. Les plus hauts taux d'activité caractérisent aussi bien des localités de plateaux ou des gradins de montagne d'importance variable comme Sainte Marie-d'Alloix (360 habitants) ou Saint Nicolas-de-Macherin (857 habitants) que des commîmes de vallée comme le Touvet (1 714 habitants) ou Allières-et-Risset (736 habitants). On ne peut dégager aucun indice de variation concomitante entre les deux t e r m e s (grandeur de la population totale, degré d'activité). Il faut donc conclure, provisoirement, à leur indépendance. Le degré d'activité ne semble pas apte, à cette époque, à refléter le degré d'évolution socio-économique. Il n'en va pas de même en ce qui concerne le pourcentage de la population agricole dans la population active (agricole et industrielle).

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C. L'IMPORTANCE DE LA POPULATION AGRICOLE (6) Un des aspects essentiels, déterminants, de l'économie dite traditionnelle, c'est la prépondérance des activités agricoles. Sur le plan démographique, cet aspect s'exprime par le fait que la majorité de la population active se consacre au travail des champs. La catégorie socio-professionnelle des agriculteurs est la catégorie principale, les autres catégories lui étant, en quelque sorte, subordonnées. Ce qu'il est important de mettre en lumière, c'est que cette prépondérance est elle-même variable, elle comporte des degrés. Etudier ces degrés, à travers la hiérarchie des pourcentages, revient a analyser le processus de différenciation sociale, lui-même inséparable de celui de division du travail. Il est important de comprendre pourquoi telle localité est exclusivement agricole, pourquoi telle autre au contraire, tout en ayant une population active agricole très importante, dispose aussi d'une population active artisanale et industrielle non négligeable. Pour essayer de déterminer des seuils de passage, 'supposés' exister, il semble légitime de regrouper les localités d'après leur pourcentage de population agricole, en grandes catégories et de comparer cette classification avec celle qui a été établie d'après la population totale. Les cinq catégories suivantes ont été retenues (à titre d'hypothèses) : - de 100 à 90%, la prédominance de l'agriculture est massive, la différenciation sociale est peu ou pas du tout marquée; - de 80 à 90%, la prédominance reste considérable, mais la place de l'artisanat grandit; - de 60 à 80%, la structure commence à prendre un caractère bipolaire, dualiste. La division du travail a déjà atteint un degré élevé. Dans la plupart des cas, des activités non productives se sont développées; - de 50 à 60%, l'équilibre est sur le point de s'établir. Le caractère agricole décline assez rapidement. - de 0 à 50%, l'agriculture a perdu sa primauté, le caractère urbain est devenu prépondérant et même parfois, mais rarement, exclusif. Formellement, de telles localités méritent de prime abord le nom de "villes". Mais il s'agit de villes spécifiques qui tout en demeurant la plupart du temps "traditionnelles" à de nombreux égards contiennent en elles des éléments foncièrement nouveaux, annonciateurs de structures "modernes" (7).

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La comparaison entre les deux classifications révèle l'existence de t r è s fortes convergences, tempérées par un certain nombre de divergences qu'il conviendra d'expliquer. Appartiennent en effet à la première catégorie, huit localités dont deux sont exclusivement agricoles (Saint Bernard, canton du Touvet; La Combe-de-Lancey, canton de Domène), cinq se situent en altitude et ont une population inférieure à 500 habitants : les localités ayant le caractère agricole le plus marqué sont aussi celles qui sont les moins peuplées et les plus isolées, les plus coupées de l'extérieur (8). Cette relation probable semble être confirmée par la configuration de la seconde catégorie : ainsi, des communes peu peuplées relativement comme Saint Paul-de-Varces (canton de Vif, 727 habitants), Le Versoud (canton de Domène, 534 habitants), Sainte Marie-d'Alloix (canton du Touvet, 360 habitants) se caractérisent par des populations agricoles supérieures à 85%. Mais il faut noter que les divergences s'accusent : des localités relativement peuplées comme Goncelin (chef-lieu de canton, 1 636 habitants) ou Tencin (même canton, 1 096 habitants) voient leur population active occupée à plus de 80% dans l'agriculture. Cette même caractéristique est aussi celle d'une localité proche de Grenoble, comme Saint Martin-d'Hères, ce qui peut paraître beaucoup plus étonnant de prime abord. Dans la troisième catégorie, la relation paraît très difficile à établir. Il n'y a pas de lien constant entre la grandeur de la population totale et l'importance de la population active agricole. Ainsi, certaines communes peu peuplées (Saint Julien-du-Raz, canton de Voiron avec 430 habitants; La Flachère, canton du Touvet, avec 342 habitants) ont une population artisanale assez importante relativement (22,5 et 27% respectivement). De même, le pourcentage d'une localité importante comme Le Touvet (1 714 habitants, 71, 5%) est-il supérieur à celui de Varees (canton de Vif, 788 habitants, 66% ) deux moins peuplée. Les divergences ne doivent cependant pas masquer l'essentiel : la grande majorité des communes formant cette catégorie (neuf sur treize) a une population supérieure à 1 000 habitants et même, pour quatre d'entre elles, supérieure à 1 500 habitants. Le chiffre 1 000 parait constituer un seuil. Il r e s t e r a cependant à se pencher aussi sur les divergences. Ne font partie de la quatrième catégorie que quatre localités, bien dissemblables, il faut le reconnaître, à la fois quant à leur position géographique et quant à la grandeur de leur population : - deux ayant moins de 1 000 habitants (Fontanil et Saint Nicolas-de-Macherin;

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- deux ayant plus de 1 000 habitants (Gières et Saint Etiennede-Crossey). Il est important de noter que Fontanil et Gières se trouvent dans les abords immédiats de Grenoble, alors que Saint Nicolasde-Macherin et Saint Etienne-de-Crossey se situent non loin de Voiron. Peut-être est-ce la situation géographique qui explique le degré élevé de différenciation (Voiron en effet, n'a que 38% de population agricole, alors que celle de Grenoble se chiffre seulement à 6,1%). Les six dernières localités se caractérisent par la prédominance des activités artisanales, et même, quoique à un degré moindre, industrielles : ce sont, par ordre d'importance, Voiron, Saint Laurent-du-Pont, Crolles, Saint Pancrasse, La Tronche, Grenoble. Les places de Voiron, de Saint Laurent-du-Pont (même s'il y a inversion entre ces deux villes) et de Grenoble sont normales, logiques et apportent une confirmation sensible à la relation proposée. Tout au contraire, la présence des trois autres localités appelle des observations. : - Celle qui paraît la plus aberrante (au sens statistique) est indubitablement Saint Pancrasse (petite localité située sur le plateau des Petites-Roches, à près de 1 000 mètres d'altitude, peuplée de 311 habitants) qui est , Ô paradoxe, la plus petite commune de l'échantillon. - Celles de Crolles et de La Tronche sont moins surprenantes qu'il ne pourrait paraître d'emblée. La Tronche fait partie elle aussi, de la banlieue immédiate de Grenoble 0 9 ) , et, de ce fait, comme la suite de cette étude le montrera, occupait de nombreux artisans. Crolles s'insère dans la vallée du Graisivaudan, sur une importante voie de communication. Peut-être faut-il chercher là la raison de la très grande importance de sa population artisanale. L'étude comparée des deux classifications a bien permis de révéler l'existence probable d'une relation entre l'importance de la population totale et le pourcentage de la population agricole, mais il s'agit d'une relation de type complexe, non linéaire, tendancielle, se manifestant par paliers. Elle a aussi contribué à rectifier certaines conclusions qui semblaient se dégager de la seule analyse de la population totale : certaines localités que l'on aurait pu considérer comme des villes, ne sont en réalité que de grosses bourgades agricoles (10). D'autres localités, au contraire, s i tuées dans les environs d'une grande ville, ne sont des villages qu'au regard de la grandeur de la population. La structure de cette dernière révèle leur caractère sinon urbain, du moins mi-urbain, mi-rural, fortement influencé par celui de la ville. Goncelin peut

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illustrer la première hypothèse, La Tronche, la seconde. Connaître le degré d'activité, l'ordre d'importance de la population active agricole est indispensable, mais non suffisant. Il faut aussi s'attacher à analyser la population active de caractère artisanal ou industriel, en s'occupant moins de sa grandeur que de sa structure.

NOTES 1. P. VIGIER, La Seconde République dans la Région alpine, Paris, 1963, t. I, p. 19. 2. Voir le tableau m en annexe. 3. Voir le tableau I en annexe. 4. Voir le tableau IV en annexe. 5. Il faut remarquer cependant qu'en ce qui concerne Grenoble, Ά peutêtre, quoique à un degré moindre, Saint Laurent-du-Pont et La Tronche, le degré d'activité réel est beaucoup plus élevé que le degré d'activité défini à partir de la seule population industrielle et agricole. En effet, le degré d'activité réel est égal à un rapport dont le dénominateur reste invariable, mais dont le numérateur est constitué par la somme des populations actives productives (industrielle et agricole) et non productives (commerce, service, administration). Cette adjonction contribue à augmenter très sensiblement le degré d'activité réel. 6. Voir le tableau V en annexe. 7. On peut s'interroger sur les caractéristiques essentielles d'une ville traditionnelle. Sans vouloir trop s'avancer, on peut admettre en première analyse (quitte à modifier cette analyse ultérieurement) que la ville traditionnelle se caractérisait en général par : - une population relativement faible d'actifs par rapport aux personnes inactives (importante proportion de personnes âgées, retraitées, de femmes dites ménagères, d'enfants, d'adolescents, de religieux, etc. ); - une forte proportion de ce que l'on pourrait appeler, faute de mieux, les actifs "tertiaires" (lien avec le caractère administratif, militaire, judiciaire, universitaire de la ville). 8. Tous les pourcentages sont extraits du tableau V.

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9. "La commune de La Tronche qui peut être considérée comme un faubourg de Grenoble, puisque ses maisons arrivent jusqu'aux portes de la ville et s'étendrait sur une longueur de plus d'un kilomètre... " (F. CROZET, Description topographique, historique et statistique des cantons formant le département de l'Isère et des commîmes qui en dépendent, Arrondissement de Grenoble, Grenoble, 1870, p. 31). 10. Cette importance des bourgades est un phénomène général dans les Alpes du Nord comme le montre bien R. Blanchard :"Peu de villes, beaucoup de bourgades : c'est le cas de toutes les montagnes des régions tempérées. La violence et le cloisonnement du relief sont peu favorables à de grandes concentrations d'hommes... " (R. BLANCHARD, Les Alpes et leur destin, Paris, 1958, p. 221).

Chapitre Π L A POPULATION ACTIVE ARTISANALE ET INDUSTRIELLE : ESSAI DE MESURE DE L A DIFFERENCIATION SOCIO-PROFESSIONNELLE

Il est possible d'admettre, très grossièrement, que la population active agricole présente une grande homogénéité. Certes, il serait licite et justifié de séparer les cultivateurs (au sens technique du terme) des vignerons, voire des horticulteurs ou des jardiniers. Mais il est facile de voir que ces différences, non négligeables au regard de l'analyse économique approfondie, deviennent secondaires au niveau de la présente étude. Les points communs entre ces différentes variétés de professions agricoles l'emportent sur les dissemblances, sur les particularités. Parler d'une population agricole parait donc, sous les réserves formulées, tout à fait légitime. En revanche, ce qui caractérise la population active de caractère artisanal ou industriel, c'est son hétérogénéité professionnelle. L'activité d'un charpentier n'est guère comparable à celle du cordonnier ou du tisserand, celle du maçon ne peut s'identifier à celle du menuisier. Le nombre d'activités non agricoles exercées dans telle ou telle localité doit permettre de mesurer, de ce fait, le degré de différenciation socio-professionnelle, partant de la division du travail. Cette différenciation peut être appréhendée à la fois quantitativement et qualitativement. Classer les localités d'après le nombre des activités constitue un moyen de dégager le sens et le rythme de ce progrès quantitatif. Par contre, en ce qui concerne la qualité, le problème est beaucoup plus complexe. Il faut en effet essayer de comprendre pourquoi telles activités caractérisent (ou semblent caractériser) telles localités, pourquoi elles n'apparaissent qu'à un certain niveau de grandeur de la population. Question fondamentale et difficile à résoudre.

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A. LA STRUCTURE DE LA POPULATION ACTIVE ARTISANALE ET INDUSTRIELLE : LE NOMBRE D'ACTIVITES Pour essayer de définir les caractères structurels de la population active artisanale et industrielle, on a classé les communes composant l'échantillon retenu, par ordre de grandeur croissant du nombre des activités (1) en les regroupant dans de grands ensembles que, pour la commodité de l'expression l'on pourra appeler groupes ou classes. En raison du caractère 'expérimental' de cette étude, il n'est plus niable que les limites de ces groupes ne sont quelque peu arbitraires ou plus exactement hypothétiques. Ces groupes seront au nombre de cinq : - de une à cinq activités = ce sont les communes rurales, caractérisées par la quasi-inexistence d'artisans; - de cinq à dix activités = premier degré de différenciation; - de onze à vingt-quatre activités = la division du travail est devenue un caractère essentiel, la localité est à la fois agricole et artisanale; - de vingt-cinq à trente activités = division du travail relativement poussée, reflétant une économie différenciée; - plus de trente activités = l'activité artisanale et industrielle devient prédominante. Dans le premier groupe, on peut classer neuf communes. Le rôle des artisans est presque négligeable, et même nul pour deux d'entre elles, exclusivement agricoles. Ce sont des communes peu peuplées, les moins peuplées de la zone. On peut constater une assez remarquable concordance entre ce groupe de communes classées d'après la grandeur numérique des activités et le premier groupe de communes rangées par ordre de grandeur croissant de la population (tableaux m et VI). D'ime manière générale, les plus petites communes (de moins de 500 habitants) sont aussi les moins différenciées au point de vue professionnel. Elles appartiennent aussi presque toutes à des régions accidentées (contreforts de la montagne, gradins supérieurs). Il en est ainsi en particulier pour les deux communes qui, d'après les états, ne comptent aucun a r tisan. Les localités du second groupe sont situées tantôt près de la montagne (ou sur les plateaux) tantôt en plaine, elles se répartissent dans cinq cantons différents. Leur population s'échelonne entre 342 habitants (La Flachère) et 1 365 habitants (Saint Christopheentre-deux-Guiers). Cette dispersion ne doit pas cependant masquer le fait que la plupart de ces localités ont une population comprise entre 500 et 1 000 habitants. Il est donc possible de r e -

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tenir deux caractéristiques de ce groupe : - nombre égal (sensiblement) de localités de plaine ou de plateau; - prépondérance des communes de 500 à 1 000 habitants. La relation entre niveau de population et degré de différenciation, bien que déformée, perturbée, semble se vérifier. Le troisième groupe concerne seize communes. C'est le groupe le plus important, et peut-être le plus typique à de nombreux égards. La population artisanale joue un rôle important, les rapports artisanat-agriculture se sont substitués à l'unité, plus ou moins disloquée, du métier et de l'agriculture. Ces localités se tiennent presque toutes dans la plaine, dans les vallées des différentes rivières, aux environs de Grenoble. Deux seulement sont situées soit en altitude (plateau) soit au pied de la montagne, Saint Paul-de-Varces (canton de Vif), Saint Etienne-de-Crossey (canton de Voiron). Elles ont, dans leur très grande majorité, une population supérieure à 1 000 habitants, on peut même remarquer que les huit dernières commîmes du groupe (de Tencin à Noyarey) situées du 27e au 34e rang, ont toutes ce niveau de population (ou même un niveau supérieur). La dernière commune du troisième groupe, Noyarey, située dans la vallée de l'Isère (non loin du confluent du Drac) compte déjà dix-sept activités, chiffre remarquable pour cette localité, qui n'a pourtant que 1 049 habitants et qui n'exerce aucune fonction administrative précise. Mais les communes qui font partie du quatrième groupe ont un nombre d'activités de type artisanal ou industriel égal ou supérieur à vingt-cinq. Il faut donc remarquer que la transition entre le troisième et le quatrième groupe s'opère par bond, puisqu'on passe de dix-sept activités à vingt-cinq activités. Il n'est donc pas étonnant qu'un tel degré de différenciation ne soit compatible qu'avec une certaine grandeur de population. L'analyse des chiffres vérifie cette hypothèse. Les huit communes composant ce groupe ont toutes plus de 1 500 habitants : de Crolles (1 632 habitants) à Saint Laurent-du-Pont ( 1886 habitants). Parmi ces localités trois sont chefs-lieux de canton (Le Touvet, Saint Laurent-du-Pont et Goncelin). La concordance entre les rangs des tableaux m et IV est très significative. La seule remarque que l'on pourrait formuler concerne la place de Voreppe qui, avec 3 021 habitants, ne dispose que de vingt-cinq activités professionnelles. Avec le dernier groupe, un nouveau seuil est franchi. On se trouve en présence de 'villes' au sens précis du terme (2). La population artisanale et industrielle de Voiron et de Grenoble se répartit entre cinquante-huit et trente-huit activités. Les deux plus fortes différenciations correspondent aux deux populations les plus

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importantes. A ce niveau de l'analyse et en tenant compte de l'imprécision des états (en particulier celui de Grenoble) due à l'utilisation de concepts statistiques manquant de rigueur, il n'est pas nécessaire de s'attarder sur la constatation d'un phénomène quelque peu surprenant : la ville de Voiron serait plus différenciée, au point de vue socio-professionnel, que la ville de Grenoble, tout en comptant une population trois fois plus petite. Il suffit de r e tenir l'ordre de grandeur, la place dans la hiérarchie. La confrontation des tableaux m et VI est donc t r è s instructive car elle paraît bien mettre en évidence la relation qui existe entre le niveau de la population et celui du nombre d'activités. A cet égard, il semble que l'on puisse dégager un 'seuil' qui serait constitué par dix à douze activités : - au-dessous de ce seuil, la relation se vérifie d'une manière générale mais elle subit fortement l'incidence de tel ou tel facteur particulier; - au-dessus de ce seuil, le rapport devient beaucoup plus linéaire, et semble peu affecté par des données exogènes. B. LA NATURE DES ACTIVITES ARTISANALES ET INDUSTRIELLES : ESSAI SUR LA GENESE DE LA DIFFERENCIATION L'exploitation des états fournis par les différentes communes composant la zone d'étude a permis d'élaborer un tableau détaillé des différentes activités artisanales et industrielles, en fonction du degré de division du travail existant dans la commune. Les lignes sont réservées aux communes classées dans l'ordre du tableau VI, les colonnes étant consacrées aux activités professionnelles, rangées dans l'ordre de leur apparition dans les états des communes. L'existence d'une activité déterminée se concrétise par l'inscriptiond'une croix, l'absence de marque indiquant au contraire que cette profession n'était pas (sauf erreur de rédaction de l'état ) exercée dans la commune. Il faut préciser qu'il s'agit des activités considérées en tant 'qu'abstractions', en tant que 'généralités*. On ne tient pas compte, à ce niveau, du nombre des individus qui exercent cette activité (nombre de patrons, nombre d'ouvriers, etc.). Le tableau complet comporte 106 colonnes et 42 lignes. En d'autres termes, il a été dénombré cent trois activités de caractère artisanal et industriel (auxquels il faut ajouter d'une part l'activité agricole et d'autre part celle des horticulteurs, jardiniers et pépiniéristes, qui ont été isolées en raison de leurs caractères particuliers) se répartissent sur 42 communes (3). Le mode de ré-

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partition de ces cent trois activités se caractérise à la fois par la dispersion et par la concentration. Dispersion : il suffit pour s'en rendre compte de comparer le nombre d'activités de la ville la plus fortement différenciée au point de vue professionnel, Voiron (si on s'en tient aux renseignements des états), et le nombre d'activités total : cinquante-huit contre cent trois, soit un écart de cinquante-cinq (presque un pour deux). Il faut remarquer tout de suite que le degré de différenciation maximum de cette localité de la zone est nettement inférieur au degré de différenciation global de la zone. Peut-être est-ce là un aspect important et original d'une économie de type traditionnel : 'le tout est supérieur à la partie'. Concentration, car les croix se répartissent en nuages statistiques de forme déterminée qui paraissent traduire les degrés successifs de la division du travail. A vrai dire il serait possible et souhaitable de regrouper ces cent trois activités par grandes branches industrielles. On pourrait alors remarquer que certaines d'entre elles sont peu caractéristiques et que partant, leur présence fausse la hiérarchie qui se dégage de l'émergence (dans le tableau) de ces activités. On peut pourtant avancer, à titre d'hypothèse, hypothèse qui sera infirmée ou confirmée par l'analyse des nuages statistiques, la succession suivante dans l'ordre d'apparition . 1. Les activités dites de fabrication des biens de production et celles relevant du textile. Elles englobent principalement soit la confection des outils agricoles (activité du charron, du maréchal-ferrant), soit la construction des bâtiments d'exploitation et d'habitation de la population rurale ou urbaine (travail du maçon, du charpentier), soit la confection ou la réparation des chaussures (le cordonnier), soit celle relative aux tissus (le t i s s e r a n d ) . 2. Les activités liées à l'alimentation (le boucher, le boulangei). 3. Les activités dites plus spécifiquement "industrielles", au sens plus précis et plus restreint du terme : il s'agira soit d'une mine de charbon, sôit d'une aciérie, soit d'une carrière. 4. Les activitéstrès spécialisées, nécessitant un important marché, dépassant très généralement le cadre local. On entend par là certaines activités très différenciées comme celle du marbrier, du carrossier, du vermicellier, du vitrier, du bourrelier, cette énumération étant faite sans ordre et n'ayant aucun caractère limitatif. Il apparaît que l'ordre de succession des différentes activités reflète aussi le passage de l'artisanat (lui-même appréhendé à différents degrés de son développement) à l'industrie, ou du moins

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à ce que l'on pouvait raisonnablement à cette époque appeler de cette manière. Le tableau général VII (très volumineux) pourrait se subdiviser en cinq tableaux dérivés, relatifs aux cinq groupes de localités tels qu'ils avaient été définis dans le tableau VI. En effet, le tableau VII cherche à refléter le même phénomène que le tableau VI, mais sous un angle différent. Il est donc logique que la structure des deux tableaux soit identique. C'est dans le cadre de ces groupes de localités que l'on essaiera de caractériser les nuages statistiques. a) L'analyse des nuages Dans le premier groupe de localités (qui va de La Combe-de-Lancey à Saint Pancrasse) on dénombre au total douze activités différentes réparties sur neuf localités (chacune d'elles ayant de un à cinq activités) La dispersion paraît donc assez forte. Mais elle ne doit pas estomper la concentration exprimée par la fréquence de certaines activités que l'on pourrait qualifier de principales, les autres étant en quelque sorte contingentes. La fréquence de ces activités est la suivante : W • : ° i S (sur !SUr S Maréchal-ferrant 35 fois 7) /A . .2 communes „ . , ^ , Λ\ Tisserand, tisseur de toile 4 fois (sur 7) (étant^excluswementj ë Menuisier 2 fois (sur 7) Trois activités apparaissent donc comme essentielles : le maçon (industrie du bâtiment), le maréchal-ferrant (industrie du métal) et le tisserand (industrie textile). La première division du travail dans l'économie rurale traditionnelle paraît concerner d'une part la fabrication des moyens de production agricoles, d'autre part la création de biens de consommation non alimentaires (les maisons, les vêtements). Il est permis de dire qu'à cette époque, dans les campagnes proches de Grenoble, le bâtiment avait une structure artisanale autonome. On dénombre des maçons dans des localités dont la population n'atteint pas 500 habitants (comme Saint Pancrasse, située sur le plateau des Petites-Roches). Il s'agit, bien entendu, de petits arisans travaillant (leur répartition le montre avec précision) pour un marché local limité. Le second personnage que l'on rencontre avec fréquence dans ces villages est le maréchal-ferrant, présent dans trois villages sur les sept où l'on dénombre une activité artisanale. Il semble être suppléé, dans certains cas, soit par le charron (plus axé sur le matériel de transport), soit par le charpentier. Ce sont ces trois artisans,qui, à ce niveau, tendent à se compléter et ont,très certainement, la

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charge de fabriquer le matériel agricole (dont la composition n'est pas fournie bien entendu). Le rôle du tisserand et du tisseur de toile est un peu différent puisqu'il concerne les biens de consommation courante, le vêtement au sens large du terme. On ne peut en conclure à la disparition de l'activité textile annexe des femmes d'agriculteurs étant donné que ces femmes filaient et qu'elles tissaient rarement, mais il faut supposer logiquement son recul. L'activité autonome du bois (reflétée par la présence du menuisier) paraît moins développée dans ces petits villages. D'autres activités apparaissent de manière plus épisodique : le cordonnier (à Engins, localité de montagne du canton de Sassenage, 435 habitants), le gantier et le muletier (à Saint Pancrasse). Certaines sont de caractère contingent, telles l'exploitation des tuiles ou briques ou les carrières. Leur existence n'exprime pas le processus de différenciation, que l'on essaie de dégager. Bâtiment C e processus peut s'exprimer ainsi : Fer Textile Bois Le second nuage statistique (relatif au second groupe de localités) est beaucoup plus étendu que le premier. Il comprend en effet la plupart des activités caractéristiques du groupe précédent, mais aussi vin certain nombre d'activités nouvelles. On peut constater d'une part la généralisation de cinq activités et d'autre part l'émergence d'activités nouvelles qui tendent à prendre une place non négligeable. Dans les neuf localités composant ce groupe, le nombre d'activités artisanales recensées s'élève à dix-neuf contre douze dans le groupe précédent, soit un accroissement de sept activités. Elargissement limité. On remarque l'absence de trois activités précédemment rencontrées : les carrières, les tuiles et briques et les gantiers. Pour les deux premières, cette inexistence démontre bien leur caractère contingent, leur caractère exogène. La structure de la population active non agricole de cette catégorie se traduit par la présence presque générale de cinq artisans : Maréchal-ferrant 7 fois représenté (sur 9) Cordonnier 7 fois représenté (sur 9) Charpentier 7 fois représenté (sur 9) Charron 6 fois représenté (sur 9) Tisserand 6 fois représenté (sur 9) Dans cette série, si on retrouve deux artisans de la série précédente (le maréchal-ferrant et le tisserand) on constate d'autre part les progrès rapides du charpentier, du charron et du cordonnier

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Inversement, le maçon est beaucoup moins présent, de même que le menuisier (cinq présences sur neuf localités). Il est donc permis d'avancer que dans ce groupe on constate une seconde division du travail à la fois en extension (nouvelles activités qui obtiennent leur autonomie) et en profondeur (division au second degré, en attendant le troisième degré). Ainsi, par exemple, maréchal-ferrant, charpentier et charron ne tendent plus à s'exclure, ou, plus exactement, à se remplacer, mais tout au contraire à se compléter : le cas est frappant, semble-t-il, pour le charron et le maréchal-ferrant. Alors que dans les plus petites communes le maréchal-ferrant, en fait, remplissait à la fois ce que l'on pourrait appeler ses fonctions spécifiques (la principale étant cependant liée à la ferrure des chevaux et à l'activité de la forge), et celles du charron (fabrication de s tombereaux, des roues, etc.), dans des localités plus développées il y a place à la fois pour le maréchal-ferrant et le charron. On peut s'interroger sur l'importance de leurs marchés respectifs, en raison des lacunes de l'échantillon. Mais, on peut estimer qu'il était avant tout local (limité à un ou deux villages en général) en se fondant sur les présences et les absences respectives des deux types d'activités. Dans les treize premières communes, le mode d'existence est alternatif et, de ce fait, exclusif : on trouve soit des maréchaux-ferrants, soit des charrons, jamais les deux ensemble. La double présence se manifeste, avec une plus ou moins grande régularité, à partir de Champagnier (canton de Vizille, 532 habitants) et dans dans d'autres localités relativement peu peuplées comme Pommiers (canton de Voiron, 670 habitants) et Saint Vincent-de-Mercuze (canton du Touvet, 608 habitants). Dans le canton du Touvet (4) six localités se caractérisent par la présence d'un maréchal-ferrant (Saint Hilaire-du-Touvet, Sainte Marie-d'Alloix, Saint Vincent-de-Mercuze, Crolles et le Touvet), six par celle du charron (La Flachère, Lumbin, Saini-Vincent-de-Mercuze, Barraux, Crolles et Le Touvet) : on note donc trois concordances et trois discordances. La répartition géographique de ces activités semble démontrer leur caractère alternatif, substituable, dans les localités les moins importantes et les moins différenciées; ains^ si on suit la vallée de l'Isère en la remontant (vallée du Graisivaudan), on a le schéma suivant : Crolles Lumbin La Terrasse Le Touvet Sainte Marie-d'Alloix La Buissière Barraux

Maréchal-ferrant et charron Charron -(pas d'indication) Maréchal-ferrant et charron Maréchal-ferrant Maréchal-ferrant Charron

Population

active

et différenciation

professionnelle

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La division du travail en extension concerne principalement les cordonniers et, à un degré moindre, les menuisiers. La fréquence des cordonniers est égale à celle des charpentiers et des maréchaux-ferrants. Leur échoppe n'est absente que dans deux localités : Lumbin (canton du Touvet, 640 habitants) et Pommiers (canton de Voiron, 670 habitants) relativement peu peuplées. Les activités du bâtiment et du bois semblent présenter la même importance. En fait, celle du bâtiment est beaucoup plus grande que ne semble le suggérer la fréquence des maçons. Aux cinq maçons dénombrés, il faut en effet ajouter deux plâtriers qui, très probablement,s'adonnent aux mêmes occupations que ceux-ci. On peut même se demander si, à ce niveau, plâtriers et maçons ne sont pas interchangeables, si les deux termes ne désignent pas, en fait, une réalité identique. Le tailleur d'habits tend à devenir, lui aussi, un personnage familier habituel. La division du travail dans le vêtement se développe sensiblement. Les autres professions artisanales pré sentent un caractère plus ou moins épisodique, soit qu'elles ne se manifestent qu'exceptionnellement tel le potier (a la Flachère) ou le menuisier (à Saint Vincent-de-Mercuze), soit qu'elles soient liées à des conditions particulières, non générales (les mines de charbon, les "fabriques"). A ce palier, le processus de différenciation peut s'exprimer de la manière suivante : Maçon Plâtrier Charpentier

-^Bâtiment (5)

Mar échal-f errant Charron Forgeron

-^Fer

Tisserand Tailleur d'habits Menuisier Cordonnier

-^Textile -^Bois J Cuir

Cette différenciation va s'accentuer au fur et à mesure que le nombre d'activités augmente. La distribution des professions à l'intérieur des seize localités qui constituent le troisième groupe de l'échantillon se caractérise par les traits suivants : - augmentation très importante du nombre des activités (elles

40

Structures d'une population active de type traditionnel

passent de dix-neuf à cinquante-cinq, soit un triplement); - très grande dispersion (existence de très nombreuses activités nouvelles dans une seule localité); - développement en extension et en intensité de la division professionnelle. Statistiquement, on note l'existence de deux nuages d'importance inégale. Le premier, relatif aux activités déjà fortement implantées, traduit leur généralisation, le second, décalé sur la droite, exprime l'émergence et le développement d'activités nouvelles, liées à des besoins nouveaux (besoins sociaux). La généralisation des activités artisanales fondamentales s'accentue : elle concerne sept professions : Tisserand, tisseur de toile 14 (sur 16) Cordonnier 14 (sur 16) Charpentier 13 (sur 16) Charron 13 (sur 16) Maréchal-ferrant 12 (sur 16) Maçon 12 (sur 16) Tailleur d'habits 9 (sur 16) Il est donc permis de dire qu'en ce qui concerne ces activités, la majorité des communes est intéressée. Il n'en va pas de même en ce qui touche d'autres professions, moins fréquentes, et qui tendent à constituer un autre grand ensemble. Il en va ainsi : du du du du

boulanger peigneur de chanvre galocher meunier

présences présences présences présences L'apparition du boulanger, c'est là un grand événement dont il faut souligner l'importance. Il était absent dans toutes les localités sauf une (Saint Vincent-de-Mercuze). A partir d'un certain niveau, sa présence devient très rapidement permanente. Les localités où l'on signale son existence sont les suivantes : Champs (Vizille) St Etienne-de-Crossey (Voiron) La Tronche (Grenoble-Est) Barraüx (Le Touvet) Entre-deux-Guiers (Saint Laurent-du-Pont) Noyarey (Sassenage)

510 habitants 1 695 habitants 1 631 habitants 1 595 habitants

12 13 14 15

activités activités activités activités

1 760 habitants 1 049 habitants

16 activités 17 activités

A part Champs, il s'agit de communes importantes assez fortement

Population active et différenciation

professionnelle

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peuplées (quatre d'entre elles ont plus de 1 500 habitants) caractérisées par une diversification socio-professionnelle relativement poussée (de douze à seize activités non agricoles). Il est significatif que les 'trois communes les plus diversifiées' possèdent 'toutes les trois des boulangers'. La constitution en ime branche autonome des activités artisanales (et commerciales) de caractère alimentaire, telle parait être, t r è s certainement, la troisième étape importante de la différenciation de la population active dans une économie traditionnelle du type de celle qui est étudiée. Sans vouloir se livrer à des spéculations hasardeuses, on peut cependant s'interroger sur les raisons de l'existence, à partir d'un certain seuil, du boulanger. Les paysans des petits villages, les montagnards de la Chartreuse ou du Vercors faisaient et ont fait pendant très longtemps leur pain eux-mêmes. L'apparition du boulanger reflète le recul de cette pratique sociale. Peigneurs de chanvre et galochers apparaissent comme des producteurs spécialisés par rapport au tisserand ou au cordonnier. Leur essor reflète également un progrès de la division du travail en intensité, un progrès de la décomposition des tâches. Le galocher ne peut se substituer totalement au cordonnier, mais inversement, il produit des biens correspondants aux besoins des paysans de l'époque. La fréquence de ces artisans semble bien montrer que le port des galoches était t r è s répandu dans toute cette zone. Leur marché devait déborder le cadre purement local et s'étendre sur plusieurs villages, voire vin canton. Ils se sont installés dans la vallée (au Versoud) ou tout près du chef-lieu du département où on devait cependant porter moins de galoches (Saint Martin-d'Hère^ Fontanil, La Tronche, Saint Martin-le-Vinoux). A leur manière, ce sont déjà de'fcetits industriell'. Cette concentration autour de deux pôles principaux s'accompagne en même temps d'une t r è s grande pulvérisation. Les professions nouvelles sont légion, mais elles se localisent de manière plus ou moins impérative. Pour l'ensemble de la zone, on les compte par unité. Ce qui signifie peut-être que les artisans qui se livrent à cette activité ont besoin d'un marché étendu, débordant nécessairement le cadre du village ou de la bourgade : c'est le cas du maquignon, du mégissier, du bourrelier, etc. Apparaissent aussi des embryons d'industrie ou du commerce (industrie du panier. filature de soie, marchand de charbon, marchand de chanvre). Dans les bourgades agricoles les plus importantes, dans les petites villes (qui constituent le quatrième groupe de localités), la diversification atteint un niveau t r è s élevé : on compte de vingtquatre à vingt-neuf activités non agricoles; le nombre total d'activités recensées se chiffre à soixante-et-un. Il s'agit là d'un chif-

Structures d'une population active de type traditionnel

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ire peu différent du chiffre du troisième groupe : la différenciation ne croît pas vite. La répartition de ces activités se caractérise à la fois par la concentration (comme dans les trois premiers groupes)et par la dispersion. En outre, il faut noter que l'on assiste à un double mouvement en sens contraire de création et de disparition d'activités nouvelles, les deux mouvements tendant à se compenser. De là l'existence de "trous" dans le tableau, ce qui conduit à isoler, à particulariser vin certain nombre d'ensembles qui se présentent comme autant de nuages statistiques. Cette distribution se caractérise par la 'généralisation absolue des activités de base* et par le rapide développement d'activités nouvelles qui tendent elles aussi à se généraliser, plus ou moins rapidement. Huit professions sont devenues en quelque sorte 'institutionnelles'. Ce sont (par ordre d'apparition) : le le le le le le le le

maçon maréchal-ferrant cordonnier charpentier charron menuisier tailleur d'habits boulanger

6 6 6 6 6 6 6 6

présences présences présences présences présences présences présences présences

(sur (sur (sur (sur (sur (sur (sur (sur

6) 6) 6) 6) 6) 6) 6) 6)

Il faut certainement ajouter le tisserand (cinq présences sur six) : son absence à Goncelin résulte très probablement d'une erreur dans la rédaction de l'état. La localisation de ces neuf professions s'articule autour de deux ensembles que l'on peut appeler des nuages : le premier (le plus ancien, le plus traditionnel) va du maçon au menuisier; le second (plus récent) s'ordonne autour du tailleur d'habits et du boulanger et comprend, en outre, le meunier (cinq présences) et le galocher (six présence^ (6). Parmi les activités relativement nouvelles, celle du boucher a pris une grande importance et a tendu à se généraliser. Dans cinq localités sur six, on constate l'existence de bouchers (il ne fait défaut qu'à Voreppe, mais n'est-ce pas là aussi imputable à une mauvaise rédaction de l'état ?). L'émergence du boucher est aussi significative que celle du boulanger, quoique de manière différente : plus que le boulanger, il apparaît comme une catégorie nouvelle, liée à l'existence de consommateurs non agricoles pour une large part et surtout à la consommation de viande beaucoup plus exceptionnelle que celle du pain.

Population active et différenciation

professionnelle

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Les autres professions notables sont les suivantes : l'aubergiste-cabaretier 5 présences (sur 6) le serrurier 4 présences (sur 6) le ferblantier 4 présences (sur 6) Le développement du s e r r u r i e r et du ferblantier se rattache au processus de spécialisation, de décomposition des tâches à l'intérieur de l'industrie (au sens étymologique) des métaux. Tout au contraire, l'existence des aubergistes et des cabaretiers exprime les progrès des liaisons internes et externes de la zone. Qui dit aubergiste, dit voyageurs de toutes sortes, dit essor du commerce, déplacements des hommes et des marchandises (7). Bien plus, l'affirmation du caractère non rural de cette activité se manifeste par la présence de cafetiers, concurremment aux aubergistes et aux cabaretiers. On note cette présence à Goncelin, au Touvet, à Saint Laurent-du-Pont (dans trois chefs-lieux de canton). De par le chiffre de population et de par le nombre de leurs activités, Voiron et Grenoble, les deux villes, au sens précis du terme, de la zone méritent une étude à part. Nous sommes, en effet, en présence de structures urbaines : la population artisanale et industrielle est devenue l'essentiel, la population rurale constituant l'accessoire. b) Le cas de Grenoble et de Voiron D'après l'état fourni par le maire de Grenoble, on dénombrait dans cette ville en 1848, 3 338 travailleurs répartis en trente-huit activités (trente-neuf si on ajoute les agriculteurs). A la même date, à Voiron, il était recensé cinquante-huit activités. Les chiffres semblent donc formels : la différenciation socio-professionnelle de la ville de Voiron était sensiblement plus forte que ne l'était celle de Grenoble. Il est permis de s'interroger sur les raisons de cette anomalie qui semble infirmer la relation générale entre niveau de population et degré de différenciation (8). Il est utile de préciser qu'en ce qui concerne la rigueur des concepts statistiques employés, les deux états sont comparables : dans les deux cas, on a pris soin, semble-t-il, de ne compter que les seules activités artisanales, industrielles ou agricoles. Les professions de caractère improductif, dépendant soit de la sphère de la circulation et de la réalisation des produits, soit de celle de l'administration ou des services, ont été exclues : pas de vétérinaire (pourtant recensé dans une commune de faible importance), pas de pharmacien, pas d'aubergiste-cabaretier, etc. (9). Pour comprendre les causes de cette curieuse anomalie qui n'a jamais été signalée, à notre connaissance, il faut tenter de

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Structures d'une population active de type traditionnel

dégager les convergences et les divergences des deux structures urbaines en présence. Cette recherche permettra d'ailleurs peutêtre de souligner les caractères fondamentaux d'une population active traditionnelle urbaine de caractère artisanal ou industriel. Caractères communs en premier lieu. Le nombre d'activités que l'on retrouve dans les deux villes s'élève à vingt-huit. Ces activités artisanales identiques permettent de rapprocher les deux localités et de les opposer à toutes les autres communes de la zone. La dissemblance ne doit pas masquer la similitude profonde entre les deux structures. On peut regrouper ces vingt-huit activités en deux grandes catégories (10) : - les activités fondamentales existantes dans les autres localités; - les activités nouvelles, originales, propres aux deux villes et seulement à elles. La généralisation des activités principales, qui ont été dénombrées successivement, est un fait indiscutable : la nouvelle structure comprend nécessairement les éléments essentiels des structures inférieures, éléments qui étaient apparus sous forme de nuages« Premier nuage : le maçon, le maréchal-ferrant, le cordonnier, le charpentier, le charron, le menuisier, le tailleur d'habits. Deuxième nuage : le tailleur de pierres, le boulanger, le boucher. Troisième nuage : le serrurier, le ferblantier. Le nombre de ces activités dites principales s'élève à une douzaine environ. Mais ce qui caractérise la population active des deux villes est, plus que la généralisation (qui avait déjà été constatée), l'émergence d'activités nouvelles, résultant d'une différenciation socio-économique beaucoup plus poussée. Ces activités sous réserve d'inventaire, car il faut tenir compte des lacunes de l'échantillon, sont nombreuses, aussi nombreuses que les activités principales, puisqu'elles s'élèvent à quatorze. Quatre d'entre elles ont déjà écé signalées : le bourrelier (à Saint Martin-le-Vinoux et à Goncelin), l'horloger (à Crolles), le peintre en bâtiment (à Claix), le chapelier (à Goncelin). Mais inversement, dix sont entièrement nouvelles, ce sont (par ordre probable d'apparition) : le chaudronnier / métaux le confiseur / alimentation le corroyeur / cuir

Population active et différenciation le coutelier l'imprimeur l'orfèvre le relieur le sellier le vermicellier le liquoriste

/ / / / / / /

professionnelle

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métaux livre - presse travail métaux précieux livre - presse cuir alimentation alimentation

La présence de ces activités révèle que le processus de différenciation a atteint un nouveau seuil. La spécialisation du travail est poussée à un degré élevé. Le mouvement de diversification en extension et en intensité se poursuit et s'accentue, en liaison avec la formation d'un nouveau type de consommation, type de caractère urbain, dépendant d'un volume important de consommateurs aux besoins différenciés. C'est ce qui explique la présence simultanée de l'imprimeur et du relieur. Qui fait imprimer les livres, les libellés, les cartes peut-être ? Un industriel, qui a déjà rompu tout lien direct avec la campagne. Pour qui crée-t-il ces produits ? Pour les paysans des environs, petits propriétaires, fermiers, ouvriers agricoles ? Peut-être, mais aussi et surtout pour les notables de tous genres, pour les membres de profession libérale et des administrations de la ville elle-même. Le marché, très certainement, revêt ici un caractère urbain. Il en va de même à n'en pas douter de celui du relieur. Relier des livres, cela implique leur possession, c'est-à-dire leur achat. Pour acheter des livres que l'on souhaite ensuite relier, il faut déjà avoir un degré d'instruction assez élevé ou des moyens financiers importants (on ne relie que des livres auxquels on tient ou qui ont une valeur marchande appréciable). La différenciation dans une même branche s'articule aussi avec le développement d'un marché urbain. Si l'orfèvre s'installe en ville et non pas dans les bourgades, aussi grosses soiént-elles, n'est-ce pas en fonction du pouvoir d'achat élevé de certaines catégories urbaines ? Simultanément il vend ses produits aux paysans des environs, aux notables des cantons proches de Grenoble mais on peut penser que l'essentiel de son activité (hypothèse à vérifier) est liée à la ville, car c'est là que 'déjà' s'accumule et s'accumulera la richesse. Dans l'économie restée en bonne partie traditionnelle du milieu du 19e siècle, on peut avancer l'idée que certaines activités artisanales ont un caractère plus spécifiquement urbain que d'autres, sont typiques en quelque sorte des structures socio -économiques de la ville. 11 en va aussi, à n'en pas douter (sauf vérification ultérieure) des activités qui viennent d'être énumérées, mais elles ne sont pas les seules, car s'il en était ainsi, il y au-

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Structures d'une population active de type traditionnel

rait identité parfaite entre les structures voironnaise et grenobloise. Après avoir insisté sur les points communs,essentiels, il faut maintenant examiner avec attention les divergences qui se manifestent : Elles apparaissent sur un triple plan : - activités existantes à Grenoble et que l'on ne retrouve pas à Voiron; - activités spécifiques de Voiron; - activités qui ne sont recensées ni à Grenoble, ni à Voiron. L'examen du tableau Vm montre que neuf variétés d'artisanat grenoblois ne sont pas signalées à Voiron : le forgeron, le peigneur de chanvre, le tourneur, le carrossier, la lingère, le marbrier, le manoeuvre, le pâtissier et le domestique. Il s'agit là aussi, pour beaucoup d'entre elles, d'activités nouvelles : c'est le cas pour le carrossier ou le marbrier. Ce sont déjà à leur manière de petits industriels et il semble normal qu'ils s'établissent dans la plus grande ville du département, qui est aussi, il ne faut pas l'oublier, le chef-lieu. La pâtisserie est une activité seconde dérivée par rapport à la boulangerie. La présence d'un pâtissier reflète t r è s probablement un processus de spécialisation dans le domaine du travail des farines : la fabrication des gâteaux de toutes sortes tend déjà à devenir autonome par rapport à celle du pain. Elle suppose un marché important, qui ne peut guère être que celui d'une cité. Elle exprime aussi, à sa manière, le recul de l'activité auxiliaire des ménagères, qui, du moins à la campagne, depuis fort longtemps confectionnaient d'appétissants gâteaux, de savoureuses tartes aux fruits, des friandises de toutes s o r t e s . On peut penser que les ménagères grenobloises ne monopolisaient plus cette activité et s'en remettaient aux soins d'un spécialiste d'une manière générale au niveau du quotidien, tout en continuant, peut-être, à pétrir la pâte, lors des grandes occasions (les fêtes si importantes dans les sociétés traditionnelles). A Grenoble en 1848, le passage de l'artisanat à l'industrie est déjà sur le point de se r é a l i s e r . En témoignent l'existence de catégories professionnelles, qui, plus que des artisans, sont déjà en puissance, sinon éii réalité, des ouvriers, mais non des prolétaires : le peigneur de chanvre, le manoeuvre, le tourneur, la lingère. Le fait même que l'état grenoblois ait cru bon de distinguer le manoeuvre, qui, cela est spécifié expressément, est toujours ce que l'on appellerait actuellement un ouvrier, reflète une période de transition dans laquelle une catégorie sociale perd peu à peu son caractère strictement artisanal et acquiert une certaine autonomie. C'est improprement que l'on parle ici d'artisanat.

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Cette remarque vaut a fortiori pour les domestiques. Ce n'est qu'à Grenoble qu'on signale leur existence (11). Le domestique apparaît bien comme une catégorie urbaine par excellence, peutêtre pourrait-on dire la catégorie urbaine. C'est peut-être ici que réside la différence essentielle entre la population active de Grenoble et celle de Voiron (la settle population de caractère productif ou en relation plus ou moins directe avec la production). Car le domestique (il vaudrait peut-être mieux dire la domestique, en raison de la prépondérance féminine) témoigne d'une manière indiscutable de l'importance d'autres catégories sociales, qui tendent peu à peu à concentrer entre leurs mains la puissance économique et sociale : les propriétaires fonciers et la bourgeoisie, avec ses différents niveaux. Ici, l'interférence entre l'économique et le social est très nette. D'après les états locaux de Voiron et de Grenoble, un certain nombre d'activités paraissent spécifiques, à des degrés divers, de la ville de Voiron (par opposition à celle de Grenoble). Elles sont au nombre de vingt-neuf. Dans une première étape, on a jugé utile de les regrouper par grandes branches, ce qui permettra de mieux les caractériser. Dans une seconde étape, il faudra discuter le tableau ainsi élaboré. Cette critique permettra de montrer qu'en réalité les activités spécifiques sont peu nombreuses : l'existence d'un grand nombre d'activités classées comme telles peut être mise en évidence à partir d'autres sources (12). Les inégalités entre les eux structures sont donc beaucoup moins accusées que ne semblent le suggérer les états locaux. Il restera pourtant à analyser pourquoi certaines activités ont été omises à Grenoble, alors qu'elles ne l'étaient pas à Voiron : est-ce simple oubli, est-ce, au contraire, mauvaise compréhension du phénomène étudié ? A vrai dire, toutes ces activités ne sont apparemment spécifiques qu'au regard de Grenoble. Par rapport à la composition des populations actives des autres localités de la zone, certaines sont communes, d'autres sont originales. Dans la population active de Voirai, on dénombre des artisans relativement aussi familiers que le plâtrier, le meunier, le galocher, le cordier ou le taillandier, tous inconnus pourtant (si l'on en croit les états), à Grenoble. Par contre, pour beaucoup d'activités professionnelles de caractère artisanal, Voiron semblait détenir, à cette date, le monopole ou le quasi-monopole : la poterie (avec La Flachère, canton du Touvet), l'horticulture (avec Champs, canton de Vizille), la draperie (avec Le Versoud, canton de Domène), l'activité du lamier (avec Saint Etienne-de-Crossey, canton de Voiron), l'armurerie (avec Barraux, canton du Touvet), la tannerie (avec Entre-deux-Guiers, canton de Saint Laurent-du-

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Activités apparemment spécifiques de Voiron (par grandes branches) Horticulteur Meunier Pépiniériste Brasseur Charcutier Vinaigrier Galocher Sabotier Scieur Tonnelier Plâtrier Potier Tuilier Tanneur



/ Agriculture

- 3 activités



/Alimentation

- 3 activités

/Bois

- 4 activités

— —

/ Céramique, bâtiment - 3 activités / Cuir

- 1 activité

Aciérie

Armurier Cloutier — Lamier Taillandier Papetier — Blanchisseur de toile Cordier Couverturier — Drapier Ouvrier en soie Balancier Fabrique de chandelles Fabrique de peignes — Teinturier

Métaux

5 activités

•^Papier

- 1 activité

Textil P-

Divers

5 activités

- 4 activités 29

'D'après les tables de décès et d'absences pour les années 18481850 (Archives départementales de l'Isère, Q 21 et Q 22) les activités suivantes existaient à Grenoble (c'est donc par oubli qu'elles n'ont pas été recensées dans l'état communal) : 1.meunier, 2.charcutiers, 3>galochers, 4.plâtriers, 5.tanneurs, 6. cloutiers, 7. teinturiers.

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Pont et Le Touvet, dans le canton du même nom), la scierie à eau (avec Voreppe, canton de Voiron),la papeterie (avec Claix,canton de Vif), la teinturerie (avec Le Touvet), les aciéries, l'activité de balancier (fabrique de poids et de balances) , le blanchissage de toiles, la brasserie, la clouterie, la charcuterie, l'activité de couverturier, la fabrique de peignes, l'activité de pépiniériste, celle de sabotier, de tonnelier et de vinaigrier (fabrique du vinaigre). En ce qui concerne les douze dernières activités citées, le dit monopole paraît absolu. Il s'agit d'activités très spécialisées découlant pour la plupart d'entre elles d'une division du-travail accrue à l'intérieur des branches, mais aussi d'une différenciation en extension. Le tableau de la page précédente montre bien ce processus. Par exemple, le cloutâer ou le lamier utilisent comme matières premières des métaux, mais à des fins différentes du forgeron, du maréchal-ferrant ou de l'armurier. De même le taillandier est un forgeron spécialisé qui se consacre à la fabrication d'outils (haches, bêches, pioches, etc. ). Le couverturier, comme son nom l'indique, confectionne des couvertures, alors que son collègue, le drapier, se cantonne dans la production de draps. Extension, c'est l'apparition du brasseur (fabrique de bière) ou du vinaigrier; c'est la présence du papetier ou du potier. Trois grandes branches paraissent avoir été affectées le plus par ce mouvement de différenciation : le bois (quatre activités dont trois nouvelles), les métaux (cinq activités dont deux nouvelles), le textile (cinq activités dont deux nouvelles). La composition de la population active de Voiron reflète, à sa manière, les relations serrées entre la ville et la campagne, le caractère semi-urbain, semi-rural de la cité. Les liens avec l'agriculture sont multiples : existence d'agriculteurs différenciés (les horticulteurs, les pépiniéristes, mais peut-être est-ce aussi un indice de spécialisation donc d'existence d'un marché nouveau ?), présence d'artisans qui transforment directement les produits agricoles (meunier) ou qui forunissent aux cultivateurs (vigneron) des biens de production indispensables (tonnelier). Mais il ne faudrait pas sous-estimer pour autant l'importance très grande de l'artisanat, quantitativement et qualitativement. Le nombre très élevé d'activités artisanales spécialisées est l'indice d'une structure dispersée : peut-être estce là un des caractères importants de l'économie traditionnelle. A s'en tenir au seul critère du nombre des activités, il faudrait admettre en première analyse que la division du travail était plus forte à Voiron qu'à Grenoble (division du travail en extension et en degrés). Ce caractère semble persister même si l'on corrige les chiffres donnés par les états qui, pour la ville de Grenoble, pèchent par omission : aux trente-huit activités il faudrait

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Structures d'une population active de type traditionnel

en ajouter, au minimum, huit ou neuf révélées par les états de décès. Il en va de même, quoique à un degré moindre, en ce qui concerne les activités exclusives : six activités à Grenoble contre douze à Voiron. Faut-il conclure à un degré de développement plus élevé ? Ce serait t r è s prématuré. S'il n'est pas douteux que la sphère de la production est plus étendue à Voiron qu'à Grenoble, en revanche, le caractère urbain des catégories productives grenobloises est plus affirmé, à plusieurs points de vue. Tout d'abord, en ce qui concerne non seulement le poids de la population agricole, mais aussi des liens ville-campagne (inexistence du meunier, de l'horticulteur, du tonnelier, etc.), en second lieu, par rapport à l'importance de la population non productive (reflétée par le nombre important de domestiques), en dernier lieu, enfin, p a r l e , monopole de certaines activités que l'on pourrait déjà qualifier d'industrielles^ en ce sens qu'elles impliquent un marché étendu (et des clients pourvus d'importantes disponibilités monétaires) et des capitaux somme toute élevés (c'est le cas du carrossier, à un degré moindre peut-être, quoique rien n'est certain, du marbrier). Il ne faut pas oublier également que les états tendent à estomper, voire à omettre la population industrielle 'stricto sensu'. Quoi qu'il en soit, la comparaison entre les structures de la population active non agricole des deux villes fait ressortir les limites du critère de classement fondé sur le nombre des activités : dans des villes relativement peuplées, il devient inopérant car il ne traduit pas, et ne peut traduire,les différences quantitatives (qui, à un certain niveau,se transforment en différences qualitatives). Le problème n'est plus alors de savoir s'il y a un tonnelier ou s'il n'y en a pas, si on trouve des imprimeurs ou non, il est plutôt de connaître combien de travailleurs s'emploient dans telles ou telles activités, quelle est la dimension moyenne des unités productives, où ils exercent leur profession, combien on compte d'ouvriers (ou d'ouvrières) pour un patron, etc. Voiron, en d'autres termes, à bien y réfléchir, offre l'image d'une dispersion, d'une pulvérisation, alors que Grenoble évoque déjà, à un degré bien modeste, l'idée de concentration (processus qui n'est encore que dans les limbes, mais qui apparaît comme fort avancé par rapport à celui concernant Voiron : aux yeux d'une fourmi, une taupinière ressemble presque au Mont-Blanc), l'idée de rassemblement. L'analyse qualitative confirme l'examen quantitatif : de par leur population, de par leur structure socio-économiq.ue, Voiron et Grenoble sont bien les deux villes authentiques de la zone. Pourtant, et c'est là une nouvelle interrogation, qu'il faut inévitablement se poser, elles n'englobent pas, loin de là, toutes les activités dénombrées dans la dite zone (et il s'agit à n'en pas douter, d'irne

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évaluation par défaut, en raison des lacunes de l'échantillon). A quoi tient ce phénomène ? Constitue-t-il une anomalie ou tout au contraire un caractère logique, normal d'une économie traditionnelle ? Pour pouvoir avancer quelques éléments de réponse à des questions aussi complexes, peut-être faut-il d'abord recenser ces activités particulières ce qjai permettra de les caractériser. Elles sont au nombre de trente-sept, soit près de 33 % du total des activités de la zone (13). Pour la quasi-totalité d'entre elles, ce sont des professions très spécialisées, résultant d'une division du travail développée dans telle ou telle branche déterminée. Une cependant relève de ce qui a été appelé plus haut, les activités fondamentales : c'est celle du tisserand et du tisseur de toile. A Voiron comme à Grenoble, l'état ne mentionne pas de tisserands, pas de tisseurs de toile. Faut -il conclure à leur inexistence réelle, alors que leur activité est signalée dans la majorité des localités de la zone, dans la totalité des bourgades importantes (de Saint Martinle-Vinoux à Saint Laurent-du-Pont, Goncelin faisant pourtant exception) ? On ne peut guère l'affirmer car il faudrait en cas de réponse positive, expliquer cette lacune. Le tisserand, en 1848, n'était-il en définitive qu'une catégorie rurale, qui n'avait plus sa place dans, une structure urbaine ? Plus simplement, cette discontinuité dans la série n'est-elle pas imputable à la manière dont ont été rédigés les états grenoblois et voironnais (mais, a contrario , la similitude des deux états est troublante) ? De la même façon, l'interprétation des dispositions législatives a écarté du dénombrement des professions aussi importantes (du moins à l'époque moderne) et probablement aussi caractéristiques des structures urbaines que celles de l'aubergiste ou du cafetier (14), de l'épicier, du quincaillier, du pharmacien, du maître d'hôtel (très probablement), voire du limonadier. D'une manière générale tout incline à penser que les professions de caractère exclusivement commercial (celles où l'aspect artisanal était secondaire, voire nul) ont été exclues. Il s'ensuit qu'il ne faut pas tenir compte dans la liste dressée d'activités aussi diverses et parfois aussi imprécises que marchands de bois, négociants, marchands de charbon, marchands de chanvre, marchands de grains, entrepreneurs en diligences, etc. Il reste, après ces deux soustractions successives environ une vingtaine d'activités qu'il est intéressant d'examiner. Elles peuvent à leur tour se subdiviser en deux grands ensembles : des professions liées à des données physiques précises et des professions spécialisées. Dans la première catégorie, i.' faut faire entrer à la fois toutes les activités extractives (carrières, mines de pierre, mines de charbon) et toutes celles qui visent à transformer soit en produit

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semi-ouvré la matière première extraite (scieur de long découpant le bois, scie à marbre), soit en produit fini différents matériaux : la soie (filateur de soie), l'osier (le vannier), les textiles au sens large, avec d'autres matériaux (fabricant de parapluies, fabricant de chapeaux), etc. Dans la seconde catégorie s'insèrent tout naturellement un certain nombre d'artisans spécialisés : le mégissier (travail du cuir), le mécanicien (travail des métaux), le chaufournier (matériaux de construction), le boisselier (travail spécialisé du bois), le vitrier (fabrication, et, très probablement pose des vitres) (15). Il faut remarquer qu'en fait les deux catégories interfèrent très souvent. Les extractives sont nécessairement localisées de manière impérative. Elles ne peuvent s'exercer que près des gisements ou des carrières. De même, les scieurs de long, scieurs de marbre, ou éleveurs de soie sont tributaires, à des degrés divers, de l'emplacement de leurs sources de matières premières. Il n'est donc de ce fait nullement surprenant qu'on ne compte que deux mines de charbon, au moment même où l'on signale sept foyers de scieurs de long. Par contre, les activités artisanales de transformation (qu'elles appartiennent à la première ou à la seconde catégorie définie plus haut) peuvent se localiser de manière beaucoup plus souple. Or, il faut remarquer que sur huit activités de ce type, six sont monopolisées par une seule localité, deux par deux communes, comme le montre la série suivante : Vannier Fabricant de parapluies Fabricant de chapeaux Mégissier Mécaniciens Chaufourniers Boisselier Vitrier

:1 :1 :1 :1 :2 :2 :1 : 1

(Saint Laurent-du-Pont) (16) (Le Touvet) (Saint Laurent-du-Pont) (La Tronche) (16) (LaTroncheetStMartin-le-Vinoux) (16) (Saint Martin-le-Vinoux et Voreppe) (Saint Laurent-du-Pont) (Saint Laurent-du-Pont)

Ces activités nouvelles sont le fait de cinq communes seulement. Parmi elles,Saint Laurent-du-Pont se taille la part du lion (avec le monopole d'au moins trois activités spécifiques (17) ). suivi du Touvet et de La Tronche avec chacune une activité. Il faut remarquer que ce sont deux localités suburbaines, proches de Grenoble, insérées déjà dans son champ d'attraction, qui monopolisent deux activités très spécialisées (le mégissier et le mécanicien), complémentaires d 1 autres activités que l'on peut qualifier de principales. On ne doit pas oublier non plus que Saint Laurent-du-Pont se situe

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(par ordre d'importance décroissante) au troisième rang quant au nombre des activités. Qu'il se place au même rang pour ce qui est de la grandeur numérique des activités nouvelles (quatre contre six à Grenoble et douze à Voiron) n'est peut-être pas, en somme, tellement surprenant. Le phénomène en tout cas méritait d'être souligné (même si sa réalité demeure incertaine, en raison des lacunes de l'échantillon). L'examen approfondi des activités non dénombrées tant à Grenoble qu'à Voiron aboutit à mieux apprécier leur importance réelle. Les activités véritablement nouvelles, liées effectivement au mouvement logique de différenciation socio-économique ne sont en fait qu'au nombre de huit, ßien plus, sur les huit, trois peuvent indirecteir ent s'insérer dans l'orbite économique de Voiron ou de Grenoble. Il en reste donc cinq qui paraissent véritablement i r réductibles (en l'état des connaissances). L'écart réel est donc îaible. On pourrait même ajouter que Saint Laurent-du-Pont présentait beaucoup plus que d'autres localités de même importance démographique des caractères "urbains" puisqu'elle se situait par ordre de grandeur décroissant à la quatrième place quant au chiffre de population, à la cinquième place en ce qui concerne le pourcentage de population agricole dans la population active (avant Voiron, mais après Crolles et La Tronche); à la troisième place quant au nombre total d'activités et quant à celui d'activités nouvelles. Le groupe de Saint Laurent-du-Pont, Grenoble, Voiron englobait donc en fait la quasi-totalité des activités artisanales, fondamentales ou spécialisées. L'anomalie n'était qu'apparente, la progression dans la hiérarchie et dans la complexité la réalité. Il est maintenant possible de proposer quelques vues synthétiques qui, tout en gardant un caractère hypothétique, peuvent paraître cependant comme assez vraisemblables. L'analyse des constellations d'activités de caractère artisanal ou "industriel" a permis de retenir quatre grands groupes d'activités englobant un certain nombre de professions considérées comme fondamentales : Premier groupe : : le maçon le maréchal-ferrant, en alternance, le charpentier le tisserand (s'accompagnera très souvent du peigneur de chanvre) le cordonnier le charron Deuxième groupe : le menuisier le tailleur d'habits

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Troisième groupe : le boulanger le boucher le forgeron, se différenciera en serrurier et en ferblantier le meunier le galocher (dérivé du cordonnier) le gantier (activité plus liée à la ville) Quatrième groupe : les autres activités D'après le mode de répartition des activités, on peut caractériser les structures socio-économiques des localités composant la zone. Les structures proprement rurales se di stingi en t à la fois par la présence alternée des huit activités (constituant les deux premiers groupes) et par l'absence du boulanger et du boucher : on constate presque toujours l'existence du maréchal-ferrant, du maçon, du cordonnier ou du tailleur. A ce type de structures se rattachent des communes comme Saint Mury-Monteymond, La Buissière ou La Flachère. Les grosses bourgades, tout en demeurant fondamentalement rurales, constituent le premier palier vers l'émergence des structures urbaines : les activités de base sont devenues générales, sauf exception, l'alternance disparaît et fait place à la complémentarité, les activités diversifiées exprimant une extension de la sphère productive se développent : le boulanger se manifeste et tend à devenir un phénomène normal. Comme exemple de ces bourgades on peut citer des localités telles que Tencin (canton de Goncelin), Saint Etienne-de-Crossey (canton de Voiron), Entredeux-Guiers (canton de Saint Laurent-du-Pont). Rentrent dans la même catégorie certaines communes suburbaines proches de Grenoble comme La Tronche (18) ou Saint Martin-le-Vinoux (le caractère'Urbain" s'affirme alors avec beaucoup plus de force). Audessus des grosses bourgades, on trouve ce que l'on peut appeler provisoirement des petites "villes" caractérisées par la multiplication d'activités différenciées dérivées des activités fondamentales, devenues absolument générales (parmi ces activités, on peut retenir, à titre d'exemple, le serrurier, le ferblantier mais aussi l'aubergiste ou le galocher ) par la présence du boucher à côté de celle du boulanger. Ces "petites villes" sont souvent des chefslieux de canton (Goncelin, Le Touvet, Saint Laurent-du-Pont) mais pas toujours (Crolles, Voreppe . . . ). Le caractère provisoire de cette appellation laisse planer une incertitude sur la nature réelle de ces localités. Il faut essayer de la lever, en combinant deux critères, celui du nombre d'activités et celui du poids de la population agricole par rapport à la population active (primaire + se condaire) afin de corriger l'un par l'autre. Si du point de vue des

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activités et de leur mode de répartition, les six communes suivantes peuvent être considérées effectivement déjà comme de "petites villes" il n'en va pas de même si l'on s'en tient au poids de la population agricole, comme le montre la série ci-après. Communes Crolles Voreppe Claix Goncelin Le Touvet Saint Laurent-du-Pont

Poids de la population agricole 24,1 % 61,6% 79 % 84 % 71,5% 35,8%

Il apparaît bien qu'en réalité, en dépit (ou peut-être à cause) de leur diversification socio-professionnelle, Goncelin, Le Touvet ou Claix sont des "bourgades" rurales. Il en va différemment de Saint Laurent-du-Pont, de Crolles et, à un moindre degré, de Voreppe. Inversement une localité comme La Tronche qui ne compte que 22,9 % d'agriculteurs parmi sa population active primaire et secondaire, peut être qualifiée de structuref'urbainé' tout en étant moins différenciée que certaines grosses "bourgades" rurales comme Goncelin ou Le Touvet. Raisonnablement, on ne peut décerner le qualicatif de villes qu'aux deux communes les plus importantes au point de vue économique et au point de vue socio-professionnel, de la zone étudiée : Grenoble et Voiron. Dans ces deux villes on constate trois grands phénomènes : généralisation complète des activités de base, multiplication t r è s poussée d'activités diversifiées, existence d'un certain nombre d'activités de caractère "urbain". C'est ce dernier aspect qui mérite de retenir l'attention, car la détermination précise de ces activités présenterait un grand intérêt méthologique. Il n'est guère possible de s'attarder sur ce point, mais il semble possible de proposer en première approximation comme activités de ce type celles de l'imprimeur, de l'orfèvre ou de relieur (à l'époque où s« situe l'enquête, c'est-à-dire en 1848). Il y en a sûrement d'autres, comme il a été montré plus haut. Activités urbaines, tel pourrait être, très probablement, le critère pour différencier les deux villes que sont effectivement, à cette époque, Voiron et Grenoble, ne serait-ce que de par l'importance de leur population. Mais, il faut aussi comprendre pourquoi la moins peuplée des deux communes (Voiron) était, professionnellement parlant, plus diversifiée que l'autre. Il faut de même élaborer un indicateur susceptible de traduire le rôle exact de la

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ville de Grenoble, chef-lieu de département, centre régional, non seulement au plan de l'administration (qui ne peut être abordé ici, la population non productive étant exclue), mais aussi au plan économique. Ces activités spécifiques, qui ne paraissent susceptibles de se développer que dans une ville relativement importante (y compris sur le plan national) ce seraient, en première approximation, à titre d'hypothèse théorique, celles de carrossier, de marbrier, de manoeuvrier, de pâtissier (peut-être), mais surtout celle de domestique : le domestique (à distinguer du journalier agricole), la catégorie urbaine par excellence, dans une économie de caractère traditionnel . . . En essayant de regarder le tableau analysé de t r è s haut, on peut remarquer que l'apparition de certaines professions constitue un jalon essentiel, signale l'existence de seuils, de mutations plus ou moins profondes. Il en va ainsi du maréchal-ferrant, du boulanger et du boucher, du serrurier et de l'aubergiste. Ainsi, sur quarante-deux communes, quinze ont un boulanger. De même, les onze localités les plus diversifiées comptent dans leur population active un ou plusieurs de ces artisans-commerçants. La présence ou non du boulanger paraît donc bien constituer un bon critère de diversification socio-professionnelle puisqu'il ne devient une institution, en quelque sorte, que dans les localités comptant au minimum quatorze activités de caractère artisanal ou industriel. Peutêtre, y a-t-il ici une amorce d'ime méthode pour mieux caractér i s e r les populations actives des sociétés traditionnelles, à un certain moment de leur évolution. On compléterait ainsi l'analyse sociologique (rôle et fonction du boulanger en tant que type social, étude du marché des boulangeries, etc. ) par une approche statistique globale.

NOTES 1. Voir le tableau VI en annexe. 2. En s'en tenant au seul critère de la grandeur de la population (critère utile mais insuffisant comme il sera montré plus loin), Voiron et Grenoble

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méritent indiscutablement d'être classées comme des villes. En effet R. Blanchard déclare : "Nous avons admis au titre de villes les localités fortes de plus de 5 000 habitants agglomérés" (R. BLANCHARD, Les Alpes et leur destin, op. cit., p. 221). 3. Ce dénombrement s'appuie sur les états locaux. Son exactitude est donc fonction de la validité de ces derniers. Comme il a été indiqué à plusieurs reprises déjà, ces documents sont souvent incomplets : un certain nombre d'activités sont omises de manière plus ou moins délibérée, pour des raisons diverses, qu'il faut essayer de découvrir. Il sera donc nécessaire à chaque instant d'apprécier le degré de vraisemblance des situations constatées. Pourra-t-on raisonnablement admettre, par exemple, que la profession de cafetier, d'aubergiste ou de pharmacien était inexistante à Gre noble ? n est évident que non. Ce sont manifestement, comme il sera montré par la suite, les états de Voiron et de Grenoble qui sont les plus incomplets, les plus contestables. Les omissions constatées risquent de conduire à des conclusions inexactes. Mais du moins en ce qui concerne Grenoble, il est facile de corriger, pour partie tout au moins, la portée et l'influence négative de ces imprécisions. Plus difficile apparaît la critique des localisations d'activité situées dans les autres commîmes de la zone. Est-il raisonnable d'admettre que les vanniers par exemple ne sont représentés que dans quelques localités ? Ces interrogations légitimes débouchent logiquement sur l'important problème des limites objectives de la documentation retenue. Elle permet de prouver, très probablement, l'existence mais elle ne justifie pas, à elle seule, une affirmation d'inexistence. Il en va d'ailleurs de même poui une grande partie de la documentation historique. Pour autant elle reste, selon nous, utilisable quitte à laisser de nombreuses questions en suspens. 4. Déterminer la localisation géographique des activités artisanales ne peut avoir un sens que pour les cantons de la zone étudiée pour lesquels on dispose de renseignements concernant la majorité des communes. Un seul canton satisfait à cette exigence élémentaire : le canton du Touvet (onze communes ayant fourni des états locaux sur un total de quinze communes). 5. Le processus présente ici une certaine hétérogénéité puisque d'une manière générale, la différenciation est exprimée à partir de la matière première employée sauf en ce qui concerne le bâtiment qui lui est appréhendé comme secteur, comme branche d'activité. Pour essayer de réduire cette hétérogénéité on peut s'interroger sur la matière première qui sert de point de départ à l'activité de la construction. On constate qu'elle n'est pas unique, puisqu'elle comprend à la fois la pierre et la chaux et le bois. Il faudrait alors modifier le schéma et faire passer le charpentier avec le menuisier, en ne laissant, dans la première rubrique, que le maçon et le plâtrier. De même, la division esquissée à partir des matières premières ne doit pas faire estomper les interférences; ainsi, tout semble montrer, par example, que le forgeron travaillait aussi pour le bâtiment.

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6. Le galocher et le meunier n'ont pas été inclus dans la liste précédente énumérant les activités de base. Le galocher, est en effet, un artisan spécialisé par rapport au cordonnier. Quant au meunier, il ne peut prospérer et se développer qu'à partir d'un certain seuil. Les activités de base r e présentent ainsi le premier degré de différenciation, celles du galocher ou du meunier un second degré. 7. R. BLANCHARD, Les Alpes occidentales, op. cit., signale l'existence de "ces anciens petits centres nés d'une étape, peuplés d'employés des péages d'hôteliers, taberniers, magasiniers" (p. 463). 8. Les plus grandes "villeá'(pour l'époque) ne présentaient-elles pas ce que l'on appelle souvent maintenant (quoique le terme soit imprécis et contestable, scientifiquement parlant) un caractère "tertiaire", les villes moyennes étant en revanche "secondaires" ? 9. Il apparaît évident que ces deux catégories avaient une importance sensiblement égale dans les deux villes. 10. La liste de ces activités est donnée en annexe (tableau VII). 11. Les domestiques existaient certainement à Voiron. Ils n'ont pas dû être retrouvés sur l'état par erreur ou fausse interprétation. 12. Les états fournis par les deux villes apparaissent ainsi comme très incomplets, puisqu'ils omettent délibérément certaines professions pourtant importantes, contribuant ainsi à fausser, de manière non négligeable, la structure socio-professionnelle réelle. 13. La liste des activités est donnée en annexe (tableau X). 14. En ce qui concerne la ville de Grenoble, l'exploitation des tables de décès et d'absences pour les années 1848-1850 (Archives départementales de l'Isère, Q 21 et 22) démontre de manière indiscutable l'existence des artisans suivants : aubergiste, cafetier, épicier, fileuse, limonadier, fabricant, marchand de graines (grainetier), marchand de charbon (charbonnier), mécanicien, mégissier, négociant, pharmacien, scieur de long, tisserand, vannier 15. En fait, un certain nombre de ces activités existent à Grenoble, voir supra. 16. Existe à Grenoble d'après les tables de décès et d'absences. 17. Le vannier est signalé à Grenoble. 18. "La commune de La Tronche qui peut être considérée comme un faubourg de Grenoble puisque ses maisons arrivent jusqu'aux portes de la ville et s'étendent sur une longueur de plus d'un kilomètre " (F. CROZET, op. cit., p. 31).

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L'enquête sur le travail agricole et industriel, décrétée par le gouvernement de la Seconde République le 25 mai 1848, comportait vingt-neuf questions se rapportant à des aspects divers de l'activité économique. Il était stipulé que les réponses officielles devaient se faire à l'échelle cantonale, le juge de paix du canton étant en principe nommé président de la commission d'enquête qui comprenait obligatoirement des représentants des employeurs et des ouvriers. Le décret avait prévu l'établissement de tableaux statistiquestypes qui devaient être remplis sous la responsabilité du président de la commission. Ce sont les doubles de ces tableaux, dont l'original fut envoyé à Paris, qui sont en principe conservés dans les Archives départementales. Il en va ainsi du moins en ce qui concerne l'Isère. Il serait utile d'analyser de près la structure de ce questionnaire, car il est assez révélateur d'un état de la science économique et politique et d'une mentalité, d'une attitude déterminée devant les problèmes ouvriers. Il faudrait le faire en se replaçant volontairement dans le contexte de l'époque, et en étudiant, en quelque sorte, la genèse de ce questionnaire. Cette analyse, si intéressante qu'elle puisse être (1), ne peut être effectuée maintenant, car elle déborderait largement les frontières qui ont été assignées à la présente recherche. Ces tableaux cantonaux sont très précieux pour tenter de mener à bien une étude de la population active cantonale. Ils sont malheureusement très inégaux quant à leur valeur documentaire. En premier lieu, certains d'entre eux, et non des moindres, manquent dans le dossier qui devrait les contenir : il en va ainsi en particulier de celui relatif aux trois cantons grenoblois. En second lieu, les réponses faites par chaque commission sont très variables quant au degré de précision souhaitable. En lisant ces tableaux ou certains d'entre eux, on est conduit à se demander si la manière de poser les questions n'a pas influencé la qualité des réponses. Ce n'est nullement hasardeux d'affirmer cela, quand on remarque la grandeur du document (le tableau comportait vingtneuf colonnes avec en tête de chacune d'elles l'intitulé précis» im-

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primé, de la question, le reste de la colonne étant réservée à la réponse d'une manière générale) et l'importance du travail préalable qui était en quelque sorte requis. Les questions qui rejoignent directement nos préoccupations sont les questions 1, 2, 4 et 6; elles sont ainsi libellées (présentation ci-contre inverse de celle de l'original) : 1. Quelles sont les industries du canton ? 2. Quel est le nombre d'ouvriers employés dans chaque espèce d'industrie ? en hommes, femmes, enfants. 4. Quelles ressources le canton offre-t-il au travail ? Pourrait-il occuper soit dans l'industrie proprement dite, soit dans l'agriculture, un plus grand nombre de bras que celui qu'il emploie ? 6. Quelle est l'importance des fabriques, usines et ateliers aujourd'hui en activité ? On voit aisément que si la question 2 présente un caractère statistique au niveau de l'emploi effectif, les questions 1 et 6 qui sont en quelque sorte complémentaires, visent à obtenir des données relativement précises quant à la structure industrielle du canton, appréhendée quantitativement et qualitativement (dénombrement numérique des industries, évaluation de leur importance écononomique). Cet inventaire doit permettre un développement industriel plus poussé, pour cela il faut aussi connaître les ressources peu ou pas exploitées, base d'une croissance industrielle possible et souhaitable, qui permettra d'augmenter sensiblement le volume de l'emploi (question 4). Les quatre interrogations sont donc beaucoup plus intimement dépendantes qu'il ne peut paraître de prime abord, puisque leur commun dénominateur est en somme l'emploi (emploi présent, emploi futur). Néanmoins, pour mener à bien l'étude des structures sociodémographiques de la population de chacun des cantons formant la zone étudiée, il nous aurait suffi de disposer de réponses précises à la seule question 2. Tel n'est malheureusement pas le cas, et c'est ce qui nous oblige à évoquer aussi les réponses aux trois autres questions, dans la mesure même où elles permettent de combler les lacunes existantes du point de vue documentaire. Ce n'est que dans le seul canton de Vif que les données concernant la population cantonale sont suffisamment détaillées pour permettre d'esquisser une comparaison entre les caractéristiques des structures globales (concernant l'ensemble de la zone), telles qu'elles ont été dégagées dans la première partie, et celles des structures cantonales. Pour les autres cantons, il faudra se contenter d'analyses limitées de type "impressionniste", portant davantage sur les communes déjà identifiées du canton que sur le canton lui même. Cette démarche précède logiquement la première.

Chapitre I MATERIAUX POUR UNE ANALYSE DE LA STRUCTURE ECONOMIQUE CANTONALE Par ordre alphabétique, les tableaux officiels se rapportent aux sept cantons suivants de la zone : Domène Goncelin Saint Laurent-du-Pont Sassenage

Le Touvet Vif Vizille

Manquent à l'appel les quatre cantons concentriques des deux villes de la zone : les trois cantons grenoblois et celui de Voiron. Lacune assez sérieuse, mais non dirimante; Il faut maintenant présenter brièvement les 'matériaux disponibles' pour chacun des cantons évoqués, d'après le dépouillement des tableaux en question. A. DOMEÑE Le tableau relatif au canton de Domène est assez succinct. Il permet mal, à lui seul, de décrire d'une manière tant soit peu précise la physionomie économique de ce canton proche de Grenoble, situé dans le Graisivaudan, le long de l'Isère, formant une partie importante du Sillon alpin. A Domène, les rédacteurs de l'enquête ont interprété le terme "industries" au sens strict. Il s'agit bien dans leur pensée d'activité 'non artisanale', se traduisant par l'existence d'unités productives de caractère capitaliste, avec sépa,ration du capital et du travail. Sous cet angle, le tableau signale l'existence de quatres types d'entreprises : deux fabriques de soie dont l'une est située à Domène et l'autre à Villard-Bonnot; une aciérie à Domène, qui serait en chômage; trois taillanderies de peu d'importance et enfin quelques peigneurs de chanvre qui sont "très en souffrance depuis que les chanvres des départements de l'ouest et surtout ceux d'Italie font une concurrence désastreuse" (2)

Les deux fabriques de soie emploient ensemble 25 hommes,

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Structures d'une population active de type traditionnel

50 femmes et 12 enfants, soit un total de 87 travailleurs, ce qui représente un emploi moyen de 43, 5 salariés : il s'agit bien d'entreprises capitalistes, même si elles apparaissent comme étant, au regard du capitalisme français actuel, de petites dimensions. On note, que les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes et que le pourcentage des enfants est loin d'être négligeable. Image archaïque d'une économie traditionnelle dépassée . . . Il y a des industries, principalement de caractère textile, mais il n'y a pas d'industrialisation véritable. Les états fournis par les maires n'ont été conservés que pour trois communes du canton (sur les onze qu'il comporte) de faible importance. Elles ne sont nullement représentatives de l'ensemble du canton : elles n'englobent que 1 617 habitants alors que le canton comportait 10 386 habitants d'après le recensement de 1846. Echappent à l'analyse les trois localités les plus importantes : Saint Martin-d'Uriage (2 600 habitants), Domène (1 478 habitants), Laval (1 109 habitants). Au Versoud, commune proche du chef-lieu du canton (Domène), on relève l'existence de 53 patrons et de 94 "ouv r i e r s " : le nombre de "salariés", de travailleurs est donc plus important que celui des patrons. Un examen plus précis montre que la quasi-totalité des "ouvriers" (ainsi appelés dans l'état fourni) sont en réalité, soit des ouvriers agricoles, soit des journaliers. Le nombre des agriculteurs exploitants est égal à 35 : on constate donc qu'en moyenne (en admettant que tous les "cultivateurs" emploient le même nombre d'ouvriers, ce qui est certainement inexact dans le détail, mais vraisemblable quant à l'ordre de grandeur), on compte 2,5 salariés par employeur. Nous sommes en présence, t r è s probablement, d'exploitations familiales. Il en va de même en ce qui concerne les artisans. Sur les 18 artisans dénombrés dans le village, répartis en dix professions, seulement 5 d'entre eux (maréchaux, charrons, cordonniers) emploient des " s a l a r i é s " qui sont, bien entendu, davantage assimilables à des compagnons qu'à des véritables ouvriers. Les autres, plus nombreux, travaillent seuls : il en va ainsi des maçons, des galochers, des charpentiers. En réalité, la différence entre "employeurS"et "indépendants" semble bien minime quand on constate que chacun de ceux-ci emploie une personne. Les marchés de ces artisans ont une dimension sinon égale du moins peu dissemblable. La structure du Versoud ne peut certes être généralisée, mais il est permis de remarquer qu'elle se recoupe pour l'essentiel avec celle que l'on peut raisonnablement supposer être celle du canton, d'après le tableau. Il s'agit bien d'un canton qui conserve une économie traditionnelle. Pour la mettre en valeur au point de vue agricole, il faut

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tout d'abord se protéger des incursions de l'Isère, qui vagabonde trop souvent loin de son lit. Lutter contre les invasions de l'Isère, tel parait être l'un des impératifs essentiels pour les rédacteurs de l'enquête. En ce qui concerne l'industrie, il est signalé que beaucoup de chutes ne sont pas utilisées (3). De même, l'économie du canton ressent fortement les effets de la crise, puisqu'elle a contraint l'aciérie à fermer ses portes, peut-être provisoirement, alors qu'en temps normal, elle avait un roulement de 250 000 francs au moins (par mois, par a n . . . ?) ce qui ne paraît pas être négligeable. Les fabriques de soie sont dépendantes de Lyon : l'enquête précise en effet qu'elles "emploient beaucoup de capitaux en achat de cocons pour les Lyonnais et ouvrent les soies de ces derniers" (4). On voit mal comment de telles "industries" auraient pu favoriser le développement économique local, alors qu'elles apparaissent en fait comme des annexes lyonnaises, en quelque sorte englobées dans la zone d'attraction de la grande cité rhodanienne (5). B. GONCELIN Le document concernant le canton de Goncelin est assez bien conçu, et il fournit des précisions plus grandes que celui qui a été fourni par les autorités de Domène. Cette inégalité est d'ailleurs assez surprenante quand on remarque que lés deux cantons sont limitrophes, celui de Goncelin prolongeant celui de Domène (le long du cours supérieur de l'Isère) en remontant le fleuve. Les deux cantons font tous les deux partie du Sillon alpin et ils comprennent tous deux une vallée assez large et un gradin supérieur sur lequel se sont créés des villages d'importance variable. Si ce document est mieux structuré que celui du canton de Domène, il pèche aussi par imprécision. Certes, il fournit lui aussi la liste des industries du canton, mais il omet d'indiquer le nombre des patrons en se contentant de fournir celui des ouvriers. Les deux cantons ont une structure économique assez semblable. La faible importance des industries par rapport à l'agriculture, qui pouvait être supposée dans le cas de Domène, est affirmée avec netteté. Il est dit, en effet, dans le document, que les industries du canton sont en petit nombre et qu'elles "ne servent en général qu'à la préparation des produits nécessaires à la consommation du pays, et il est extrêmement rare qu'il y ait lieu à exportation des produits fabriqués" (6). Ces industries sont au nombre de cinq et elles emploient ensemble 55 travailleurs comme le montre le tableau suivant :

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Structures d'une population active de type traditionnel Industries 1 aciérie 4 taillandiers 2 clouteries 12 moulins à farine 6 pressoirs à huile 4 scieries mécaniques

Ouvriers 5

8

4 24 6 8

55 Si on se référé à la dimension moyenne des entreprises, on constate qu'il s'agit en réalité d'exploitations artisanales : l ' a ciérie emploie certes 5 salariés, mais les taillanderies, les clouteries et les scieries mécaniques n'occupent chacune en moyenne que 2 ouvriers. Pour les pressoirs à huile, ce chiffre se réduit à l'unité. L'interprétation des rédacteurs du document fourni par Goncelin est moins rigoureuse que celle de la commission de Domène. Rien de comparable aux fabriques en soie ni même probablement (avant son chômage) à l'aciérie. On voit mal pourquoi l'on a réservé à ces six activités déterminées le nom d'industries en le déniant à de t r è s nombreuses autres activités, qui sont en fait de même nature, qui présentent le même caractère artisanal. En tout état de cause, cette série confirme bien ce que dit le document en préambule. Le canton de Goncelin paraît s'insérer encore plus fortement dans l'économie traditionnelle que celui de Domène. Le canton de Goncelin comprenait douze communes englobant ensemble 12 563 habitants en 1846. Il s'agit donc d'un canton fortement peuplé, dont il aurait été intéressant de préciser les caractéristiques démographiques, économiques et sociales. A partir des états, ce projet ne peut être réalisé, car ils ne concernent que deux localités, Goncelin et Tencin, situées toutes les deux dans la grande dépression du Sillon alpin, à environ 5 kilomètres l'une de l'autre. Font défaut les renseignements relatifs à des bour gades aussi importantes que Pontcharra (2 692 habitants) à la pointe extrême du canton et Theys (2 518 habitants) pourtant située dans les collines du gradin supérieur du Sillon. Comme pour Domène, il ne peut donc être question de généraliser les caractères spécifiques de Tencin et de Goncelin à l'ensemble du canton. On peut cependant supposer qu'ils sont assez voisins de ceux des localités situées dans la vallée de l'Isère (les plus peuplées). Tencin et Goncelin restent des communes essentiellement agricoles (d'après les états, 84 % de la population active se consacrerait à la culture). A Goncelin, les exploitants agricoles (dénommés patrons dans les états) emploient 500 travailleurs, soit une moyenne de 2,5 salariés

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par exploitation. A Tencin, les 86 patrons utilisent, eux, 116 journaliers, le rapport n'est plus que de 1,3, soit près de deux fois moins. Il est donc permis de supposer l'existence de "domaines" relativement plus importants, quant à leur superficie, à Goncelin qu'à Tencin. De même la différenciation socio-professionnelle, révélatrice du degré de division du travail, est près de deux fois plus forte à Goncelin qu'à Tencin. : vingt-cinq activités contre treize La fonction de Goncelin comme chef-lieu de canton s'exprime en particulier par l'existence d'un certain nombre d'activités spécifiques impliquant déjà d'importants marchés : le ferblantier, l'horloger, le galocher, le serrurier . . . Il faut noter qu'à Goncelin, comme à Tencin, on signale la présence de boulangers mais l'unique boucher (employant 3 ouvriers) s'est installé à Goncelin. Les soixante-deux artisans de Goncelin emploient soixante-douze compagnons, la plupart travaillent donc seuls : il en va ainsi des charrons, des galochers, des serruriers, de l'horloger. La dimension des entreprises artisanales est très réduite. Même constatation à Teicin : vingt-deux artisans et dix-huit compagnons. De tels indices interdisent de parler d'industrie au sens strict du terme. Ne se détachent en fait que l'entrepreneur de digues, installé à Goncelin, qui emploie dix ouvriers et les 3 exploitants de c a r r i è r e (pompeusement appelés "mineurs de pierres"), qui utilisent ensemble quinze ouvriers. L'opinion des rédacteurs du tableau cantonal parait ainsi être confirmée par les éléments qui viennent d'être fournis. Non qu'ils concluent à un grave déséquilibre économique, contrairement à ce qu'avaient fait leurs voisins de Domène. D'après eux, pour développer l'industrie, il faudrait prélever la main-d'oeuvre sur l'agriculture. Mais dans la situation présente, l'industrie ne pourrait employer vin plus grand nombre de bras. Le travail des "fabriques" (mot bien pompeux, si on se réfère à la série donnée plus haut) n'a en fait que peu d'importance. Les produits sont consommés dans un rayon qui dépasse de peu, la plupart du temps, l'étendue du canton, sauf cependant en ce qui concerne les aciéries et scieries mécaniques. Enfin, la population du pays, toujours selon les dires de la commission de rédaction, suffit largement aux travaux de Γ agriculture (7). Π existerait donc un certain équilibre économique relativement stable. Seule l'industrialisation, mais une industrialisation véritable, pourrait transformer les données du problème et renverser cet équilibre.

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C. SAINT LAURENT -DU-PONT Le canton de Saint Laurent-du-Pont se situe à l'opposé des deux cantons précédents. Il occupe une grande partie du massif de la Grande-Chartreuse, communiquant avec la cluse de Grenoble par le col de la Placette. Une grande partie du territoire, formé de collines et de semi-montagnes, est couverte par les forêts. L'état récapitulatif, fourni par la commission de rédaction, insiste essentiellement sur la situation présente du canton en se préoccupant assez peu des perspectives d'avenir. En effet, alors que les questions 1 et 2 donnent lieu à d'assez importants développements, la réponse donnée à la question 4 est assez laconique. A la différence des deux cantons précédents, qui, en dépit de leur situation géographique très favorable, avaient vin caractère rural t r è s accentué, le canton de Saint Laurent-du-Pont contient des industries au sens précis du terme, comme il va être montré. Ce n'est póurtant pas l'impression de la commission de rédaction, qui n'hésite pas à dire d'emblée, qu'il y a peu de bras dans l'industrie, en précisant qu'on ne peut signaler, à vrai dire, qu'un seul établissement industriel notable, l'usine de Fourvoiry (qui fabrique du fer, de la tôle, des clous) employant soixante travailleurs : trente-six hommes, vingt-et-une femmes, trois enfants. A n'en pas douter, on est bien en présence ici d'une entreprise de type capitaliste. Les autres activités ont un caractère artisanal. En 1848, l'économie du canton traverse une phase de transition. En effet, la filature du chanvre et le tissage de la toile, qui auparavant jouaient un rôle essentiel, sont en crise car soumis à une concurrence très vive. L'état caractérise ainsi la situation de ce secteur déterminé "qui n'est pas simplement en décadence, mais qui ne pouvant supporter la concurrence du coton est tombé dans une ruine complète" (8). Des efforts sont donc faits pour implanter des activités nouvelles en vue de remplacer "très imparfaitement" ces activités en déclin. Ces activités nouvelles sont au nombre de deux : la ganterie, la confection de chapeaux de paille. L'état estime à quinze mille douzaines (probablement par an, mais cela n'est pas précisé) le nombre de gants produits. A cette fabrication contribuent 300 femmes ou filles, chichement payées, semble-t-il, puisque l'état indique que le travail est peu lucratif, car sujet à de nombreuses variations. La confection des chapeaux de paille emploie elle aussi 300 personnes mais il est précisé que ce personnel, de sexe féminin, n'est occupé que pendant quatre ou cinq mois de l'année. Les deux taillanderies recensées (qui fabriquent des crosses, des haches, des pelles, des pioches) emploient 2 à 3 hommes,

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mais elles ont à faire face à vine concurrence sévère (grand nombre d'usines, de ce type dans les environs) et manquent de débouchés. Les deux tuileries, elles, produisent quelque 200 000 tuiles (par a n . . . ?) et occupent 12 hommes pendant six mois. Diverses activités, assez caractéristiques du canton, semble-t-il, telles que la fabrication des paniers en osier, la confection de boîtes, donnent un emploi à 50 hommes pendant six mois. Enfin, l'état in dique d'une manière assez précise l'importance des artisans traditionnels : 12 cordonniers, 20 charpentiers, 24 maçons, 30 tailleurs ou tailleuses, 8 charrons, 12 maréchaux-ferrants. D'après ces renseignements fragmentaires, on peut donc évaluer en quelque sorte par défaut à environ 800 le nombre de t r a vailleurs actifs (patrons ou ouvriers) non agricoles, du canton. Il est difficile dans ces conditions d'admettre avec l'état que celuici est simplement agricole, sans vouloir mettre pourtant en cause la prépondérance probable de cette agriculture. L'industrie icin'est pas négligeable^ qu'elle soit du type unitaire (une seule unité productive comme l'usine de Fourvoiry) ou de caractère dispersé (les gants, les chapeaux de paille). En admettant que chaque artisan pris individuellement dispose d'un marché de grandeur égale (ce qui est évidemment contraire à la réalité), il est intéressant d'essayer de calculer la dimension moyenne du marché cantonal par type d'activité (dimension qui sera exprimée par le rapport suivant : nombre d'artisans / population cantonale). On aboutit aux chiffres suivants assez révélateurs : Cordonniers Charpentiers Maçons Tailleurs Charrons Maréchaux

1/1 1/ 1/ 1/ 1/1 1/1

053 631 526 421 579 053

habitants habitants habitants habitants habitants habitants

Les marchés peuvent se diviser en deux grandes catégories : dimension moyenne inférieure à 1 000 habitants, tailleurs, charpentiers, maçons; dimension moyenne supérieure à 1 000 habitants, maréchaux, cordonniers, charrons. On retrouve ici, sous une autre forme, les deux premiers groupes d'activités reflétant les deux étapes supposées de la division du travail : tailleur, maçon, charpentier, en alternance avec le maréchal-ferrant, formant le premier groupe, cordonnier et charron s'intégrant indiscutablement dans le second groupe. La hiérarchie entre les activités semble bien être déterminée par la grandeur du marché. Le canton de Saint Laurent-du-Pont comprenait en 1848 sept

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communes ayant ensemble 12 638 habitants. Toutes avaient plus de 1 000 habitants. Si on isole Miribel, qui, avec ses 2 790 habitants, était la localité la plus peuplée, on remarque que les six autres communes sont d'importance sensiblement égale : entre Saint Christophe (1 365 habitants) et Saint Laurent-du-Pont (1 886 habitants), l'écart n'atteint que 500 habitants environ. Les états relatifs aux communes de ce canton concernent trois d'entre elles, Saint Christophe-entre-deux-Guiers (1 365 habitants), Entre-deux Guiers (1 760 habitants) et surtout Saint Laurent-du-Pont (1 886 habitants). A elles trois, ces communes regroupent 5 011 habitants, soit plus de 40 % de la population du canton. Le degré de représentativité est donc beaucoup plus grand que dans les deux autres cantons étudiés L'avenir du canton ne semble guère prometteur. L'agriculture est très arriérée, à en croire les états, le climat rigoureux. La plaine est occupée par de vastes marais, qu'il faudrait assécher. Du côté de l'industrie, peu de ressources et une année de travail réduite à cinq à six mois. L'hiver, c'est la morte-saison. On peut s'interroger sur un tel pessimisme. Le tableau semble quelque peu noirci; il reflète la conjoncture difficile de 1848. Pourtant à y regarder de près, l'activité du canton semble largement supérieure à celle des cantons de Domène et de Goncelin précédemment étudiés. D. SASSENAGE Le document relatif au canton de Sassenage se caractérise par sa très grande brièveté. Les réponses aux quatre questions retenues n'excèdent pas quelques lignes. L'agriculture constitue de manière évidente l'activité économique prépondérante. Elle est qualifiée dans l'état cantonal de la "seule industrie du canton", qui occupe la quasi-totalité de la population. On doit remarquer que l'industrie s'entend ici dans son sens le plus large, contrairement à ce que l'on peut constater dans d'autres cantons. Les autres "industries" non agricoles sont très peu nombreuses, on en relève seulement six employant au total 41 hommes, ainsi distribués : Sassenage : 1 scierie à bois 2 hommes 1 fabrique de draps 5 hommes Fontaine : 1 brasserie de bière 6 hommes 1 carrière de dalles 20 hommes Veurey : 2 scieries à bois 2 hommes 3 constructions de bateaux 6 hommes Total 41 hommes

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La brasserie de bière, la fabrique de draps et surtout la carrière de dalles peuvent être qualifiées, à bon droit, de petites entreprises. Leur marché d'une manière générale déborde très probablement les limites du canton et doit inclure partiellement la ville de Grenoble, toute proche. La construction de bateaux semble s'effectuer de façon artisanale avec une technique outilliste : ces bateaux étaient destinés à naviguer sur l'Isère (9). Il faut remarquer que les activités énumérées dans le document se situent toutes dans la vallée, sur la rive gauche de l'Isère, dans la cluse de Grenoble. Tous les travailleurs industriels sont indigènes. On ne signale aucun étranger. La main-d'oeuvre est exclusivement masculine : elle ne comprend ni femmes, ni enfants. Le document cantonal ne fournit aucune indication sur ce que l'on pourrait appeler les activités artisanales au sens traditionnel du terme. Il se contente de parler d'une part d'agriculture, de l'autre des industries spécifiques. Les états communaux ne peuvent malheureusement pallier que fort imparfaitement les lacunes constatées. Ils ne concernent que deux communes sur sept (Engins et Noyarey) dont la population (635 et 1 049 habitants) ne représente que 24, 2 % de la population cantonale (6 881 habitants). Deux commîmes t r è s dissemblables... A Engins, située au bord des gorges du Furon, dans le Vercors, l'activité artisanale est réduite. Ne s'y consacrent qu'un maçon, employant 4 ouvriers et 2 maréchaux-ferrants, qui à en croire l'état seraient eux-mêmes salariés. Sept personnes au total auraient donc eu, en 1848, une activité non agricole, alors que les cultivateurs auraient été au nombre de 124, tous propriétaires. A Engins, l'exploitation familiale semblait être la règle dans tous les domaines. Noyarey se trouve dans la vallée ou plus exactement sur un coteau qui domine la vallée, trop fortement exposée aux inondations de l'Isère à cette époque. La population active, telle qu'elle est dénombrée dans l'état communal, comprend 232 agriculteurs et soixante-dix artisans. Si l'agriculture est bien l'activité principale, l'artisanat a une importance économique non négligeable. Pour 94 cultivateurs propriétaires-exploitants, on compte en effet seize activités qui vont du secteur du bâtiment à celui du commerce en passant par les métaux, les cuirs, etc. Si l'on excepte le charpentier (qui emploie 4 ouvriers) les maçons (au nombre de 4, ils disposent de 7 aides) et l e cordonnier (4 ouvriers), tous les a r tisans travaillent à leur compte à domicile, sans ouvrier : il en va ainsi des menuisiers, des serruriers, des charrons, des meunier^ des boulangers . . . De même, il est précisé que les voituriers, les marchands de bois et les aubergistes travaillent seuls. II faut remarquer que dans chaque activité artisanale différenciée, on trouve

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toujours plusieurs artisans en exercice (sauf en ce qui concerne le cordonnier et le charpentier). Le développement de la production semble s ' ê t r e fait par multiplication d'unités productives et non par augmentation de leur dimension. En tout état de cause, la plupart des marchés débordent t r è s certainement le cadre local. Il en va ainsi des voituriers, des aubergistes : leur nombre r e flète, à n'en pas douter, l'importance des transports et des transactions commerciales. Comment comprendre autrement la présence de 8 voituriers pour une localité de 1 049 âmes ? A quoi pouvaient s'employer les sept aubergistes sinon à recevoir des voyageurs de passage ? La structure de la population active de Noyarey, qui peut refléter t r è s probablement celles de Fontaine, de Sassenage ou de Veurey, est donc révélatrice de la situation économique des communes du canton situées dans la vallée, sur la rive gauche de l ' I sère en 1848. Le degré de différenciation socio-professionnelle est conditionné par la fonction industrielle et commerciale de ces communes, constituant en quelque sorte des relais entre Grenoble et les régions environnantes. Cet aspect, spécifique et original, les rédacteurs de l'état cantonal ne l'ont pas noté. Tout au contraire, ils estiment que les possibilités d'expansion économique sont limitées, en s'en tenant à la seule agriculture. Celle-ci n'a pas besoin de bras, car ir n'y aurait aucune possibilité de défrichement. Néanmoins, il faudrait créer davantage de moulins à farine pour pouvoir satisfaire les besoins de la population. Image bien appauvrie d'une réalité bouillonnante. Là aussi, la conjoncture semble avoir fortement influencé les hommes qui la vivaient (10). E. LE TOUVET L'état fourni par le canton du Touvet présente de graves lacunes, non imputables à ses rédacteurs. En effet, le détail des différentes professions avait été retracé dans un procès-verbal annexé. Malheureusement, ce procès-verbal ne nous est pas parvenu. Il est donc pratiquement impossible dans ces conditions, ni de préciser la structure de la population active cantonale (question 1), ni d'indiquer les possibilités de développement ultérieur (question 6). Ή faut se contenter de quelques aperçus rapides sur l'industrie, en essayant de les compléter par l'analyse structurelle des états communaux. D'après le document cantonal, l'industrie se compose comme suit (11) :

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- xine "filature" ('sic') de moulinage de soie, située sur la commune de Crolles : elle emploie à la filature pendant six mois 5 hommes 90 femmes 2 hommes 25 femmes au moulinage 1 homme 22 femmes - 1 filature au Touvet employant 3 hommes 62 femmes - 3 filatures à Barraux - 1 fabrique de tissage de soie à Chapareillan 1 homme 1 femme - 1 usine de hauts-fourneaux à SaintVincent-de-Mercuze employant en 1848 7 hommes - 1 fabrique de liqueurs à Chapareillan 2 hommes 21 hommes 200 femmes Total Le textile est donc l'activité industrielle principale. Les cinq filatures,situées dans trois commîmes différentes, emploient ensemble 12 hommes et 199 femmes. La fabrique de moulinage de soie de Crolles apparaît comme très importante au regard de la main-d'oeuvre : il s'agit bien d'une entreprise industrielle de type capitaliste. La main-d'oeuvre est à prépondérance féminine, les hommes occupant très probablement les fonctions d'encadrement et de direction. Il faut noter cependant que les hauts fourneaux de Saint Vincent-de-Mercuze n'emploient que des travailleurs de sexe masculin (12). D'après l'état en 1848, les hauts-fourneaux sont en chômage, car il est précisé qu'en période de fonctionnement outre les 7 travailleurs qui leur sont spécialement affectés, 70 ouvriers sont employés à extraire et transporter le charbon utilisé comme combustible. Le canton du Touvet paraît donc être beaucoup plus fortement "industrialisé" (si l'on peut employer ce terme à cette époque) que la plupart des précédents. La concentration de la production et de la main-d'oeuvre a déjà atteint un degré relativement élevé, puisqu'on constate l'existence de deux entreprises importantes (au regard de la structure industrielle de l'époque). Il ne faudrait pas croire pour autant que l'activité artisanale soit négligeable. Bien loin de là comme le montrent les états communaux. Ils nous sont parvenus pour onze communes sur les quinze que comporte le canton. Ces onze localités ont ensemble une population de 8 055 habitants, ce qui représente environ 60 % de la population totale du canton. Cet échantillon est donc représentatif du canton puisqu'on ne déplore en fait que l'absence d'une seule localité t r è s importante (à vrai dire la plus importante) Chapareillan, qui compte à elle seule 2 544 habitants (près de 20 % de la population totale du canton). Dans ces conditions, il est intéressant d'additionner le nombre

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des artisans des différentes spécialités afin de parvenir, en quelque sorte, à un état global. On peut ainsi arriver à dresser le tableau suivant (activités par ordre d'émergence probable). Dimension moyenne sur le marché

Artisans 29 Maçon Maréchal-f errant 12 Charpentier 13 Cordonnier 18 19 Tisserand Menuisier 14 11 Charron 5 Forgeron Tailleur d'habits 10 Peigneur de chanvre 2 Galocher 3 Meunier 6

(9 localités) (6 localités) (6 localités) (6 localités) (6 localités) (6 localités) (6 localités) (2 localités) (4 localités) (1 localité) (1 localité) (3 localités)

142 10 6

278 hommes 660 hommes 620 hommes 445 hommes 425 hommes 575 hommes 730 hommes 1 610 hommes 805 hommes 4 025 hommes 2 640 hommes 1 320 hommes (environ )

(3 localités) (3 localités)

805 hommes 1 320 hommes

Boulanger Boucher Total

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La hiérarchie des activités se reflète à la fois dans la grandeur numérique absolue et dans la dimension moyenne du marché. Cette hiérarchie est conforme, dans ses grandes lignes, à celle qui avait été dégagée à partir de l'analyse globale. Les sept premières activités sont bien des activités fondamentales dans une économie traditionnelle. Les artisans qui s'y livrent s'adressent à un marché de faibles dimensions, local. Certes, il est fort possible que tel maçon du Touvet reçoive des commandes provenant de LaBuissière, de La Flachère ou même de Crolles, mais l'existence de ces interférences, inévitables, ne modifie pas d'une manière déterminante la configuration du marché. Il est permis de dire que la plupart du temps maçons et clients habitent dans la même localité. S'il en est ainsi, dimension moyenne du marché et dimension communale doivent tendre à coïncider. Il en est bien ainsi au Touvet (8 maçons pour 1 714 habitants, soit un maçon pour 214 habitants) et à Crolles (7 maçons pour 1 632 habitants, soit un maçon pour 237 habitants) par exemple. Inversement, le forgeron, le meunier ou le galocher vendent sur un marché qui déborde le

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cadre communal, et qui tend à prendre, de ce fait, un caractère régional (toutes proportions gardées). Enfin, en ce qui concerne le boulanger ou le boucher, la dimension moyenne du marché ne correspond à rien. En réalité il y a juxtaposition de deux zones très différentes : dans l'une, la majeure partie des paysans confectionne son pain et produit sa viande (porc, volailles, etc.); dans l'autre, la division du travail est plus poussée, ce qui entraîne peu à peu la disparition des activités auxiliaires de l'agriculture. Pour avoir une idée tant soit peu exacte de la dimension effective du marché des boulangers ou des bouchers, il faut calculer la grandeur du marché communal (ce qui suppose que bouchers et boulangers vendent presque exclusivement aux consommateurs locaux). Au Touvet, 4 boulangers sont chargés de répondre aux besoins de 1 714 habitants (soit un boulanger pour 428 habitants), à Crolles ils ne sont guère que 3 (un boulanger pour 544 habitants), à Barraux, 3 également (un pour 531 habitants). Les trois moyennes sont donc très voisines, il est permis de supposer qu'elles reflètent assez bien les dimensions effectives. Les ordres de grandeur paraissent vraisemblables quand on remarque qu'au 20e siècle, dans la plupart des villages français ayant moins de 400 habitants (et ils sont nombreux), la boulangerie constitue un des commerces caractéristiques. Toutes ces unités productives relèvent de l'artisanat familial. Quelques-uns de ces producteurs sont aidés par quelques compagnons, mais nombreux sont ceux qui travaillent sans salariés : il en va ainsi des boulangers, des bouchers, d'une large fraction des charrons, des maréchaux-ferrants, des menuisiers, des maçons. C'est ici le règne presque absolu du petit producteur marchand, utilisant pour l'essentiel une technique outilliste (archaïque et peu perfectionnée). La coexistence entre une industrie capitaliste et un artisanat émietté parait ainsi constituer un des aspects régionaux et spécifiques de l'économie du canton du Touvet. Malheureusement, il n'est pas possible de dégager quelles étaient les perspectives d'avenir de ce type d'économie composite en 1848. La réponse à la question 6 a été insérée dans le procès-verbal annexé qui n'est pas parvenu. Il est simplement précisé que l'agriculture occupe les bras des habitants. Phrase bien sybilline . . . F. VIZILLE On pouvait fonder de grands espoirs sur l'intérêt présenté par l'état relatif au canton de Vizille. C'est dans cette zone que la rup-

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ture avec l'économie traditionnelle paraissait s'amorcer le plus nettement, en raison de l'importance des implantations industrielles. Espoirs en parti» déçus... Certes, le contenu du document confirme à de nombreux égards la place prise par l'industrie dans l'économie cantonale, mais il ne permet pas de la mesurer avec exactitude, faute d'indiquer la grandeur de la main-d'oeuvre. Cette industrie se répartit entre quatre secteurs principaux : le textile, les papeteries, les métaux et les mines et c a r r i è r e s . Le chef-lieu du canton concentre les entreprises qui se rattachent aux deux p r e m i e r s secteurs qui paraissent être les plus importants. La branche principale semble être constituée par l'activité textile, localisée à Vizille et au Bourg-de-Vizille. Activité différenciée, puisqu'on relève la présence de fabriques de coton, d'impression des étoffes, de foulards et de draps, et de tissage de la soie (13). Dans les communes du canton, le peignage de chanvre semble assez répandu. Les ressources naturelles ne sont pas négligeables : carrière de plâtre, gisement de minerais (fer, cuivre, zinc), carrières d'anthracite (14). Rien d'étonnant dans ces conditions à l a création de clouteries, signalées expressément par le document. La grandeur de la main-d'oeuvre industrielle n'est pas indiquée. Il n'en va pas de même en ce qui concerne l'emploi agricole. Dans le canton de Vizille, comme dans tous les autres cantons de la zone, l'agriculture demeure l'activité prépondérante. Cette population active agricole se compose comme suit : 500 hommes, 395 femmes, et 405 enfants (âgés de moins de seize ans). Sur c e s i 300 travailleurs, au sens large (on n'indique pas les proportions respectives de patrons et d'ouvriers), on compte "1 100 ouvriers du pays" et "200 ouvriers" qui ne résident que d'une manière temporaire dans le canton. Il faut remarquer que c'est seulement à Vizille que les r é dacteurs du document cantonal ont cru utile d'inclure les enfants dans la population active agricole. Confirmation, s'il en était besoin, du caractère familial des exploitations agricoles à cette époque. En dépit de la conjoncture défavorable, les fabriques étaient en activité, sauf la filature de coton. De même, à en croire le document, les perspectives futures sont favorables aussi bien en ce qui concerne l'agriculture, qu'en ce qui touche l'industrie. Il y aura assez de bras disponibles en agriculture, même si l'on décide de procéder à des défrichements partiels. Par suite de la présence de nombreux cours d'eau (la Romanche traverse tout le canton), les possibilités de créer de nouvelles fabriques sont grandes. Mais ces nouvelles implantations risqueraient de provoquer une

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pénurie de main-d'oeuvra L'équilibre apparent présente ainsi un caractère statique et risque d'être détruit par le développement : l'économie traditionnelle parait ainsi avoir atteint le point de rupture.

NOTES 1. Nous pensons la mener à bien dans une autre étude (à paraître ultérieurement). 2. Archives départementales, n° 162 M 1 : Domène. D'après R. Blanchard, les Alpes occidentales, op. cit., la crise s'annonce dés 1840. 3. L'énergie hydraulique joue déjà un grand rôle car comme le souligne R. Blanchard, on trouve de nombreux établissements qui "s'y succédaient sur chaque cours d'eau comme les grains d'un collier dénoué : le Doménon en actionne en 1839, 29 à Domène, dont 6 moulins, 12 battoirs à chanvre, 3 papeteries, 2 foulons, 2 taillandiers, une aciérie, 2 pressoirs, une scie" (R. Blanchard, op. cit., p. 434). 4. Archives départementales, n° 162 M 1 : Domène. 5. Ces unités de production apparaissent comme quasi intégrées au secteur capitaliste. Le mode d'action de cette quasi-intégration est analysé par C. Palloix dans sa thèse soutenue récemment à Grenoble (C. Palloix, La quasi-intégration ou le rôle de la juxtaposition d'un secteur capitaliste et d'un secteur précapitaliste dans le développement industriel, un essai d'analyse économique appliqué aux secteurs du textile et de la métallurgie en Dauphiné de 1650 à 1789, Grenoble, 1966). D'après l'auteur, Lyon aurait exercé trois fonctions principales à l'égard du secteur précapitaliste dauphinois : une fonction de prélèvement, une fonction d'industrialisation (fourniture de biens d'équipement), une fonction de marché (débouchés extérieurs de type colonial), La seconde de ces t r o i s fonctions aurait donc été t r è s favorable au développement local. Dans tous les cas, cette action bienfaisante ne semblait pas être perçue par les contemporains. 6. Archives départementales, n° 162 M 1 : Goncelin 7. Ibid. 8. Archives départementales, n° 162 M 1 : Saint Laurent-du-Pont.

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9. "Les habitants des villages de Veurey et Noyarey, longtemps privés de chemins, ne communiquaient que par eau avec l'amont et l'aval; la plupart d'entre eux étaient bateliers et constructeurs d'embarcation. De 1844 à 1849, le nombre de bateaux qui circulent va s'abaissant de 199 à 124" (R. Blanchard, op. cit., p. 51). 10. Archives départementales, n° 162 M 1 : Sassenage. 11. Archives départementales, n° 162 M 1 : Le Touvet 12. Le haut-fourneau de Saint Vincent-de-Mercuze créé en 1730, disparut en I860, après 130 ans d'une existence agitée (R. Blanchard, op. cit., p. 434). 13. Archives départementales, n° 162 M 1 : Vizille. 14. Ibid.

Chapitre Π LA STRUCTURE DE LA POPULATION ACTIVE DU CANTON DE VIF Au terme de ce bref examen, on constate que les matériaux que l'on peut dégager dès différents documents analysés présentent une richesse plus grande que celle à laquelle on aurait pu s'attendre. Néanmoins, tous ces documents pèchent par imprécision : les uns ne disent rien sur la grandeur numérique de la main-d'oeuvre, les autres omettent de préciser les différentes activités artisanales... Seul, le document du canton de Vif est comparable quant à son degré de précision aux différents états communaux, seul il renseigne complètement sur la population active totale du canton. A cet égard, il est très précieux puisqu'il permet de confronter la physionomie socio-économique de la zone et celle du canton et, partant, de dégager le degré d'exactitude de la première. Le canton de Vif se situe dans la partie Sud du Sillon alpin , autour de la vallée du Drac, qui conflue avec la Romanche au Pontde-Claix et, avec l'Isère, en aval de Grenoble. Zone de passage entre Grenoble (et le Graisivaudan) et le Midi... Existence d'un important axe de communication. En 1848, ce canton, comme tous les autres cantons, de la zone étudiée, se caractérisait par une économie traditionnelle, à prépondérance agricole. En effet, la population active agricole comprenait 2 307 hommes; au même moment, les différentes activités artisanales occupaient ensemble 518 travailleurs. Le rapport est donc de 1 à 4 environ. Autrement dit, le pourcentage de la population agricole est compris entre 75 et 80 %. Pourcentage qui s'accuse si on fait entrer en ligne de compte les femmes (et a fortiori les enfants). Le document fournit un tableau détaillé de la composition de la population active. Satisfaisant quant à son degré de précision global, ce tableau ne distingue malheureusement pas entre les entrepreneurs, les patrons et les salariés. Il ne pourra donc être utilisé pour étudier la structure juridique de l'économie, et partant, la structure des entreprises (dimension, nature, importance). Les catégories professionnelles ont été choisies par ordre alphabétique et non en fonction de leur importance effective. Il faut

80

Structures

d'une population active de type traditionnel

donc procéder à un regroupement (1). Il est intéressant d'examiner successivement l'emploi masculin, l'emploi féminin, l'emploi enfantin et l'emploi global. Les activités artisanales, les plus fréquentes, sont les suivantes : Maçons Cordonniers Menuisiers Meuniers Charrons, forgerons Charpentiers Maréchaux-ferrants Total

60 54 45 39 35 33 33

personnes personnes personnes personnes personnes personnes personnes

299 personnes

Ces sept activités englobent 299 personnes, soit 58 % de l'emploi masculin total (emploi qui s'élève à 518 unités pour trente-sept activités). Si l'on compare cette série avec celle correspondante du canton du Touvet, on relève une très grande similitude quant au rang et à l'ordre de grandeur des différentes activités. Si l'on excepte les meuniers (qui paraissent jouer un rôle social important dans le canton de Vif), la concordance existe pour six activités sur sept (maçons, cordonniers, menuisiers, charrons, charpentiers, maréchaux) avec quelques décalages peu significatifs. On pourrait d'ailleurs adjoindre les tisserands (29 personnes, huitième rang). Ce sont bien là des activités fondamentales, primaires, exprimant un degré peu élevé mais notable tout de même, de la division du travail. En dépit des apparences, la structure d'une population active insérée dans une économie traditionnelle présente ainsi un caractère asymétrique : la forte fréquence de certaines activités, activités essentielles, entraîne une dissymétrie et une inégalité dans la proportion de chaque type d'emploi par rapport à l'emploi total masculin. Sur le plan géographique, cette importance numérique se traduit par une très grande dispersion, en raison de la faible dimension de chaque entreprise. Chacun de ces artisans, tout proches des agriculteurs, à des débouchés peu étendus. Le marché est localisé, cloisonné : le degré de cloisonnement semble être une des conditions (positives ou négatives) du développement. Il faut cependant que le marché potentiel atteigne une certaine grandeur pour que l'installation d'un artisan supplémentaire, un artisan marginal, en quelque sorte, devienne possible (sinon réelle). Déterminer cette dimension hypothétique, moyenne, du marché pour chaque type d'artisan ne constitue donc nullement une

Structures socio-démographiques à l'échelle cantonale

81

opération gratuite et superflue. Dans le cas du canton de Vif, il est important de voir si ces dimensions moyennes correspondent à celles qui ont été trouvées pour une partie du canton du Touvet. Dimension moyenne * Maçons Cordonniers Menuisiers Charrons, forgerons Charpentiers Maréchaux, forgerons

140 150 186 240 254 254

Dimension moyenne dans le canton du Touvet 278 445 575 730 620 660

«T-.li „ ! au rapport, suivant, : Population cantonale Elle est égale N o m b r e d'artisans recensés Le marché potentiel de chaque catégorie d'artisans du canton de Vii semble être beaucoup plus réduit, en apparence, que ceux respectifs du canton du Touvet : il est à peu près inférieur de moitié, si l'on s'en tient aux chiffres des deux séries. Mais, en fait, il n'est pas possible de s'en tenir à ceux de Vif. Car, il ne faut pas oublier que le document qui sert de base à la présente étude, regroupe indifféremment patrons et ouvriers, alors que celui qui concernait Le Touvet ne s'occupait que des seuls artisans propriétairesexploitants. Dans le premier cas (Le Touvet) le dénominateur est donc beaucoup plus petit que dans le second cas (Vif). La dimension du marché potentiel à Vif doit être affectée d'un coefficient (pour supprimer la ρ résence d'ouvriers qui grossissait indûment le nombre des unités productives). Avec ce correctif, il reste vrai de dire que les divers marchés potentiels des artisans du canton de Vif restent plus petits que ceux des artisans du Touvet, mais en précisant que les décalages sont peu importants. Etant donné cette hétérogénéité difficile à surmonter, il est utile de se rabattre sur certains types de marchés communaux. Les états locaux sont été fournis par Varees, Saint Paul-de-Varces, Claix et Allières-et-Risset. Contentons-nous des deux localités de Varees et de Claix (788 et 1 840 habitants). A Claix il y avait 3 maçons (soit 1 maçon pour 600 personnes environ), 3 maréchaux-ferrants (même rapport), 5 cordonniers (1 cordonnier pour 368 personnes). A Varees, on comptait également 3 maçons et tailleurs de pierres, qui employaient 9 ouvriers (soit 1 maçon pour 262 personnes) et 3 menuisiers (même rapport), 3 charrons, (même rapport). Les dimensions moyennes des marchés potentiels du maçon du Touvet, de Crolles et de Varees sont t r è s voisines (214, 237 et 262 habitants), celle de Claix faisant exception.

82

Structures

d'une population

active de type

traditionnel

Le nombre de boulangers recensés à Claix s'élevait à 3 : on comptait donc en moyenne un boulanger pour 600 personnes. Dimension à rajyjrocher de celle du Touvet (428), de Crolles (544) et de Barraux (531). La dimension moyenne du marché du boucher semble plus élevée si l'on se référé au cas de Claix. Pour 1 804 habitants, on compte 2 bouchers (sans salarié), chaque boucher s'adresse donc à la moitié des habitants de la localité. D'après l'état, il y aurait eu à cette époque, en tout et pour tout, 7 bouchers (patrons et ouvriers) dans l'ensemble du canton. D'après la dimension moyenne du marché, il est logique de supposer que les 5 autres bouchers sont localisés à Vif (2 426 habitants) et, peut-être, au Gua (1 063 habitants) : 4 à Vif, 1 au Gua. Ce ne sont là que des suppositions... Quoiqu'il en soit, la localisation des bouchers parait bien conditionnée de manière directe par le niveau de population et le degré de différenciation socio professionnel. Les agriculteurs de sexe masculin représentent 27,7 % de la population totale. L'état ne donne malheureusement aucun renseignement sur la structure juridique de cette population agricole. Il n'est pas possible de savoir, de ce fait, les proportions respectives d'employeurs et d'ouvriers, et, partant, d'essayer de connaître la nature et la dimension des exploitations. Tout au plus, peut-on affirmer que cette population se distribue de façon assez égale à l'intérieur du canton. Il y a compatibilité entre les données extraites des états communaux existants et celles qui proviennent de l'état cantonal. En effet, on compte 946 agriculteurs de sexe masculin dans les quatres communes de Varees, Saint Paul-deVarces, Claix et Allières-et-Risset (regroupant ensemble 4 091 habitants). Il s'ensuit que les 1 361 agriculteurs supplémentaires sont à imputer aux trois autres communes (Vif, La Cluse, Le Gua) qui ont une population totale de 4 280 habitants. Si on ne peut connaître la structure juridique de la population agricole cantonale, il est possible par contre d'étudier cette structure à l'échelle locale, comme le montre le tableau suivant : STRUCTURE DE LA POPULATION AGRICOLE Communes

Nombre de patrons

Nombre d'ouvriers

Nombre d'ouvriers pour 1 patron

Varees St Paul-de-Varces Claix Allières-et-Risset

35 115 114 160

81 65 276

2,3 0, 56 2,42

100

0,62

Ensemble

424

522

1,23

Structures socio-démographiques

à l'échelle cantonale

83

En dépit de l'uniformité apparente (chaque cultivateur utiliserait en moyenne les services d'un journalier), deux structures très différentes semblent s'opposer assez fortement : la première parait se caractériser par la prédominance écrasante de l'exploitation familiale, la seconde, tout au contraire, impliquerait l'existence de propriétés de dimensions plus importantes. A Saint Paul-de-Varces comme à Allières-et-Risset (localités les moins peuplées, mais aussi les plus fortement agricoles), l'exploitation familiale de petites dimensions doit prédominer : on ne compte qu'un ouvrier pour deux cultivateurs exploitants. Il est à peu près certain qu'un grand nombre de ces exploitations sont dirigées par des cultivateurs, ne disposant que de la seule main d'oeuvre familiale (50 au minimum). Le journalier est une catégorie sociale non négligeable, mais son poids social est moins important que celui de l'exploitant. A l'inverse, à Varees comme à Claix c'est le journalier qui l'emporte numériquement. Il est significatif de constater que les deux structures coïncident (2, 3 et 2, 42 ouvriers pour un patron), de même que celles de Saint Paul de-Varces et d'Allières-et-Risset. A n'en pas douter, la dimension moyenne de l'exploitation agricole est sensiblement plus grande... Alors que dans le cas précédent, la moyenne, voire la grande exploitation semblait être presque une anomalie, ici, il est permis de supposer, sinon d'affirmer, son existence. Si on admet ce que les documents confirment, la présence de petits propriétaires, dépourvus de main-d'oeuvre, il est facile de voir qu'en réalité les exploitants supplémentaires disposent pour beaucoup d'entre eux, non pas de 2, 5 ouvriers, mais de 3,4, voire de 5 ouvriers. Dans ces conditions, il s'agit bien d'exploitations moyennes (au minimum). Socialement parlant, la catégorie des journaliers (englobant les chefs de famille et leur famille) tend à devenir majoritaire au point de vue numérique. Phénomène qui peut avoir des conséquences sociales imprévisibles. A la différence de l'emploi masculin, l'emploi féminin se concentre sur un petit nombre d'activités. Cet emploi féminin se présente de la manière suivante : Tailleuses d'habits 23 Papetières 49 Couturières 92 40,5% 30 Fileuses Fileuses de soie Lavandières Modistes Repasseuses Agriculture Total

20

22

7 8

ΐΐΠΓ 1 930 TW

11,4% 88,6 %

84

Structures d'une population active de type traditionnel

Dans l'état cantonal, l'emploi féminin agricole a é t é inclus, alors que l e s rédacteurs des états communaux ont procédé différemment. La comparaison entre la grandeur de la population agricole féminine comfirme la prépondérance très grande des exploitations familiales : 1 930 femmes contre 2 307 hommes (soit 1 femme pour 1, 2 hommes). La population active agricole féminine représente 88, 6 % de la population active féminine totale du canton, c'est dire son importance. Il ne faut pas pour autant négliger Ta population féminine non agricole qui compte 251 unités, soit environ deux fois moins de personnes que la population masculine correspondante. Population moins grande, mais beaucoup plus fortement concentrée. Alors que la population masculine non agricole se disperse entre trente-sept activités différentes, la population féminine se répartit entre huit activités seulement (plus de quatre fois moins d'activités). A leur tour, ces huit activités concernent pour l'essentiel le secteur textile dans ses différents stades (filature, tissage, confection de vêtements); c'est au secteur textile que se rattachent les 92 couturières, les 50 fileuses (fileuses ordinaires et fileuses de soie), les 23 ouvrières qui fabriquent des habits et aussi les 7 modistes et, d'une manière indirecte, les 8 repasseuses. Le secteur textile emploie ainsi, directement ou indirectement, 180 personnes, soit 71,5%. Parmi ces travailleuses, les couturières sont les plus nombreuses : 92 personnes, soit 40 % de la population active non agricole. L'autre secteur important est celui du papier qui occupe 49 personnes. D'après les renseignements fournis par l'état cantonal, si on excepte l e s fileuses (employées dans des entreprises de la filature et du moulinage de la soie) et les ouvrières papetières, la plupart de ces travailleuses s'insèrent dans un circuit productif de caractère artisanal : il en va ainsi, semble-t-il, des couturières. Les métiers dits féminins s'opposent très nettement aux métiers dits masculins : opposition caractéristique d'une population active traditionnelle. Dans le canton de Vif, l'emploi des enfants est presque négligeable, si l'on excepte les enfants des agriculteurs (exploitants et journaliers). Le recensement d'un important emploi agricole enfantin est un nouvel indice de caractère familial des exploitations : 1 074 enfants pour 2 307 travailleurs (propriétaires et salariés) de sexe masculin. A part ces enfants qui forment beaucoup plus une main-d'oeuvre auxiliaire travaillant de manière intermitente, l'emploi des enfants ne concerne que 23 unités : 3 travaillant chez les tuiliers (probablement des adolescents âgés de moins de vingt-et-un ans) 15 se rattachent à la papeterie et 3 aidant des repasseuses, 2 sont commis cloutiers ou galochers. Le seul emploi enfantin caractéristique s'insère donc dans le secteur du

Structures socio-démographiques à l'échelle cantonale

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papier. Pour 24 hommes, on compte 49 femmes et 15 enfants, ce qui donne la structure suivante : 27, 3, 55,5, 17, 2. Les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes. Ensemble, femmes et enfants englobent 72,7 % de la main-d'oeuvre totale du secteur. A s'en tenir aux indications du documeit cantonal, la population active totale s'élève à 6 103 personnes ainsi réparties : 2 825 hommes (46 %), 2 181 femmes (35,8 %), 1 097 enfants (18, 2 %). Le degré d'activité cantonal s'éleverait donc à 6 103/8 371, soit 73 %. Il s'agit là d'un degré d'activité particulièrement élevé, qui diverge fortement avec ceux qui caractérisent les localités, tels qu'ils sont reproduits dans le tableau IV. Cette anomalie n'est qu'apparente, elle réside dans le mode de calcul. Les états communaux n'ont recensé, d'une manière générale, que la seule population active masculine, négligeant, peut-être à tort, l'emploi féminin et enfantin. Dans ces conditions, le degré d'activité cantonal correspondant s'élève à 2 825/8 371, soit 33,6 %. Pourcentage d'une grandeur satisfaisante, s'insérant naturellement dans le tableau précité... Cette main-d'oeuvre totale se distribue entre quarante-quatre activités, soit l'agriculture et quarante-trois activités de caractère artisanal, dont six ayant un caractère spécifiquement féminin. Le degré de différenciation socio-professionnel du canton de Vif est assez élevé, mais il l'est beaucoup moins que celui de la r é gion formant l'échantillon (cent trois activités caractérisent la région, contre quarante-trois pour le canton, soit plus de deux fois moins d'activités dans le canton) et même que celui de Voiron (cinquante-huit activités). Il l'est par contre davantage (si on fait abstraction des services) que celui de Grenoble. Il est intéressant de noter que dans l e cadre cantonal, comme dans le cadre régional, les localisations débordent toujours les limites communales. Pratiquement aucune commune, même la plus importante, n'englobe la totalité des activités recensées dans le canton. Ainsi, à Claix, qui avec ses 1 840 habitants est la seconde commune par ordre d'importance du canton (la première étant Vif peuplée de 2 426 habitants), on ne dénombre que vingt-cinq activités (à vrai dire, il faudrait ajouter les activités féminines qui n'ont probablement pas été incluses). A l'échelle cantonale, comme à l'échelle régionale, les activités essentielles également réparties s'opposent à des activités plus spécifiques, donc plus rigoureusement localisées : c'est le cas par exemple des tuiliers, qui se sont installés à Allières-et-Risset (tribut de la matière première). Cependant, à l'intérieur d'un canton de structure relativement homogène comme l'est celui de Vif, la différenciation semble s'opérer de manière régulière et continue : en d'autres termes, le niveau supérieur

86

Structures d'une population active de type traditionnel

paraît englober et dépasser leniveau inférieur. Ainsi, par exemple, parmi les vingt-cinq activités de Claix, on dénombre les onze activités de Varees , les douze activités de Varees et d'Allières-etRisset, etc. A s'en tenir au seul critère de la grandeur de la population, seule la commune de Vif (chef-lieu du canton) pourrait être qualifiée de ville. Mais peut-on s'en tenir à ce seul indicateur ? Vif n'est-il pas davantage une bourgade qu'une agglomération de caractère urbain ? Cela ne semble guère douteux si l'on fait entrer en ligne de compte le nombre et la nature des activités artisanales. L'état cantonal, par sa composition, permet de mettre en évidence cet aspect, en suppléant l'absence de l'état communal. Si Vif avait été une ville à cette époque, elle aurait t r è s probablement compté parmi sa population active des personnes exerçant des activités de type "urbain" ou considérées comme telles. Or, ces activités, telles qu'on a été tenté de les caractériser, font défaut ici. Il manque non seulement des artisans t r è s spécialisés, nés d'une division du travail très poussée, comme le chaudronnier (qui travaille dans un secteur spécialisé des métaux) ou le corroyeur. ou encore dans le domaine de l'alimentation, le vermicellier, le liquoriste, voire le traiteur ou le charcutier, sans parler du pâtissier, mais aussi des artisans dont l'activité est liée à un marché urbain, à l'existence de consommateurs déterminés, disposant déjà d'importantes disponibilités monétaires comme le carrossier ou le marbrier (activités grenobloises), mais aussi à la présence d'une clientèle instruite, plus ou moins cultivée, comme l'imprimeur ou le relieur. Caractéristique aussi, selon nous, est l'absence de l'orfèvre ou du bijoutier. Pour acheter des bijoux, les joyaux qui, la plupart du temps, entreront dans la dot de la future mariée, il faut aller à Grenoble. A partir de ces éléments, on est conduit à s'interroger sur la physionomie réelle de ce que l'on pourrait appeler, faute de mieux, la classe dirigeante rurale. Quel est son importance numérique ? Quelle est sa puissance économique ? Comment vit-elle concrètement ? Telles sont quelques unes des questions qui viennent à l'esprit. Contrairement aux autres états cantonaux, celui de Vif envisage l'avenir avec un optimisme raisonné. Certes, là comme ailleurs, la crise doit faire sentir ses effets, mais il se peut qu'ils soient ressentis avec moins d'acuité. Les perspectives paraissent satisfaisantes, tant dans l'agriculture que dans l'industrie, au sens large. On ne craint pas une pénurie de main d'oeuvre agricole : même si l'on procède à des défrichements partiels, qui semblent être souhaités, les bras ne feront pas défaut. On pourrait récupér e r en terrain alluvionnaire p r è s de 500 ha d'un sol fertile, dont

Structures socio-démographiques

à l'échelle cantonale

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la mise en valeur entraînerait un accroissement de main-d'oeuvre (2). Du côté de l'industrie, la situation parait aussi satisfaisante. Les ressources naturelles ne sont pas encore complètement utilisées, il en va ainsi par exemple des cours d'eau. Le canton forme une zone de passage pour le minerai de fer. Toutes les conditions semblent donc réunies pour établir des usines de plusieurs espèces : filatures et tissages mécaniques de soie, de coton, de laine . . . Dans ce secteur la pénurie de main-d'oeuvre ne semble pas à redouter. . . En dépit de la conjoncture nettement défavorable (mais les fabriques ont cependant continué de tourner, sauf toutefois la filature de coton), le développement économique s'annonce ainsi sous des auspices favorables... Cet optimisme n'était-il pas quelque peu excessif ? Y avait-il réellement ce que l'on pourrait appeler,très approximativement et très imparfaitement,une situation de sous-emploi technique ? Existait-il des réserves de maind'oeuvre ? Il est difficile de le dire, sans examen de documents complémentaires. Quoiqu'il en soit, si les assertions de l'état cantonal correspondent tant soit peu à la réalité objective, il apparaît que le canton de Vif constituait en quelque sorte un secteur "abrité". Il resterait à savoir pourquoi il en était ainsi...

NOTES 1. Voir en annexe le tableau original (tableau XI). 2. Archives départementales, n° 162 M 1 : Vif.

CONCLUSIONS TRES

PROVISOIRES

L'analyse de la population active globale (dans l'ensemble de la zone) comme celle de cette même population active à l'échelle de chaque canton, ont bien mis en évidence le caractère traditionnel, précapitaliste de l'économie de la région grenobloise au milieu du 19e siècle. A ce titre, elles ne font confirmer ce que l'on savait déjà, à la suite de nombreux travaux (1). Un tel résultat n'est certes pas négligeable, mais il demeure secondaire, dérivé, au regard de l'objectif principal formulé : étudier l'économie traditionnelle en elle-même, dégager son originalité et sa spécificité, à travers quelques uns de ses aspects essentiels. C'est par le biais de la population active que cette recherche a été tentée. Approche certes limitée, insuffisante mais pourtant révélatrice... La population active de la zone étudiée présente un certain nombre de caractéristiques essentielles qui se traduisent par des structures déterminées. Parmi ces caractéristiques, il faut en détacher deux : ce que l'on peut appeler l'ordonnancement, l'agencement d^une part; ce qu'il est convenu de désigner par le terme de paliers ou de seuils, d'autre part. Cette population active paraît constituer, à n'en pas douter, une totalité, un tout cohérent et ordonné. Il est donc indispensable de saisir les articulations, de déceler les enchaînements, de signaler les mutations. Continuité et discontinuité : on passe logiquement d'une structure à une autre structure, logiquement, mais par l'intermédiaire de paliers. Le moteur de ces transformations a un caractère économique, c'est le degré de division du travail. La différenciation socio-prof fessionnelle ne fait que refléter le développement de cette division du travail, de cette constitution en branches autonomes de secteurs unifiés. Elle s'exprime par la création et l'extension d'activités économiques nouvelles. Il est donc légitime de se demander comment émergent ces activités, dans quel ordre, selon quel mode. Pour cela, il faut les rassembler, les regrouper, les classer. Les degrés de division du travail s'expriment par le biais des groupes d'activités, telle pa-

90

Structures d'une population active de type traditionnel

raît être l'une des conclusions importantes qui se dégage de notre étude. En fonction de la grandeur de la population, du degré d'activité, quatre groupes ont été délimités, qui paraissent c o r r e s pondre à autant de phases de l'évolution économique, qui au sein d'une économie traditionnelle peut conduire du village exclusivement agricole à la ville déjà importante (de La Combe-de-Lancey à Grenoble). Les activités sont elles-mêmes hiérarchisées. A cet égard, il faut opposer les activités fondamentales permettant de satisfaire des besoins essentiels, ou jugés comme tels au niveau communal, et les activités dérivées, secondaires qui correspondent à des produits qui ne sont plus de première nécessité, qui ne rentrent pas avec la même rigueur dans la reproduction individuelle de chaque famille. La division du travail s'effectue d'une manière complexe. Elle peut se faire soit en intensité, soit en extension, les deux modes pouvant se juxtaposer, tout en n'étant pas identiques. La division du travail en extension, qui se traduit par la naissance d'activités autonomes, précède d'une manière générale la division en intensité (à l'intérieur de la branche nouvelle). A l'origine, l'artisan assume des fonctions générales, sa spécialisation est peu poussée. Ainsi, le maçon est en même temps plâtrier : il est capable de venir à bout, à lui seul, de tous les problèmes de la construction. De même le maréchal-ferrant joue en même temps le rôle du charron et du forgeron. Avec le développement des activités, leur multiplication en qualité et en quantité, cette unité se b r i s e et fait place à la spécialisation, ce qui entraîne, d'une manière nécessaire, une augmentation de la productivité du travail, et partant un accroissement des forces productives, condition d'un progrès ultérieur. L'artisanat traditionnel apparaît donc, au milieu du 19e siècle, dans la région grenobloise, non comme une juxtaposition linéaire d'unités productives réparties au hasard mais comme un ensemble ordonnancé d'activités liées aux besoins des milieux qui les a vu naître. L'influence du contexte géographique n'est en effet pas niable. La division du travail s'est effectuée, s'effectue et s'effectuera dans un territoire déterminé, avec ses caractéristiques physiques et humaines particulières. Aux différents types de population active, définis par tel mode de composition et d'ordonnancement des activités non agricoles, correspondent d'une manière générale différents types de localités. A partir de la population active, il est donc possible, d'une manière approximative, de différencier d'une part les localités dites de montagne ou de plateau en les opposant aux localités de plaine ou de vallée, d'autre part, les villages, les bourgades et les villes. Le passage des uns aux autres reflète gé-

Conclusions très

provisoires

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néralement un changement qualitatif : en d'autres termes, le tout n'est pas et ne peut être réductible aux éléments composants. Les données géographiques ne font pas qu'informer le processus du développement socio-professionnel, elles le modifient parfois très sensiblement, sans toutefois en inverser le cours. Aussi, telle localité de plaine relativement peu peuplée se caractérise par un grand nombre d'activités artisanales, indice d'une division du travail relativement poussée. Cette localité (Noyarey, canton de Sassenage) est située sur une importante voie de communication. C'est certes l'essor du commerce qui a entraîné le développement constaté, mais cet essor a été lui-même conditionné par le site de la localité. Dans une économie traditionnelle à prépondérance agricole, les activités artisanales (voire industrielles, dans la mesure où elles restent de petites dimensions) dépendent étroitement de l'activité agricole, lui sont subordonnées. Ce sont en effet, pour l'essentiel, les cultivateurs, leur famille, leurs journaliers (avec leur famille) qui constituent les consommateurs finals des produits artisanaux, qu'ils soient formés de biens de production ou de biens de consommation. Les relations artisanat-agriculture s'expriment économiquement par l'intermédiaire du marché. L'étude des marchés s'impose ainsi d'une manière logique. Il y a un lien étroit entre la nature et la dimension des marchés et les phases du développement économique telles qu'elles sont reflétées par les étapes de la différenciation socio-professionnelle. D'une manière générale les marchés restent locaux, fortement cloisonnés. Leur sphère dépasse rarement les territoires communaux, voire le finage de deux communes limitrophes. N'anmoins, le passage d'un type de marché à un autre type de marché ne s'opère pas d'une manière mécanique, uniforme, simpliste. Il faut tenir compte à la fois delà contexture cantonale (contexture géographique, mais aussi structure de l'agriculture tant au point de vue des terres que sous l'angle de la main-d'oeuvre) et des relations intercantonales pour comprendre les dimensions de tel ou tel marché potentiel donné. A cet égard, les marchés des activités fondamentales que l'on pourrait qualifier en quelque sorte de primaires, sont beaucoup plus exigus que ceux des activités dérivées. La comparaison des marchés moyens met bien en lumière ce phénomène. Ainsi, comme il a été montré plus haut, dans le canton du Touvet, la grandeur moyenne du marché d'un maçon est de 278 habitants, alors que celle du galocher s'élève à 2 640 habitants, et celle du meunier à 1 320 habitants. Le marché prend nécessairement une dimension cantonale , voire régionale, au fur et à mesure que se développe telle ou telle

92

Structures d'une population active de type traditionnel

activité artisanale t r è s spécialisée, aboutissement de plusieurs divisions d'un même rameau initial. Il en va de même en ce qui concerne les biens relativement précieux, qui supposent l'existence d'un nouveau type de consommateurs, les consommateurs "urbains". A partir d'une analyse approfondie de la population active, il paraît possible de mieux comprendre la réalité "urbaine" en ce qu'elle a d'irréductible et de spécifique. Il semble possible de différencier les villes et d'opposer ainsi la place et le rôle que jouaient respectivement Voiron et Grenoble à cette époque. C'est bien cette dernière ville qui constituait le centre de la zone étudiée . Certes, on ne peut parler d'attraction grenobloise de la même manière qu'aujourd'hui; de même, il serait erroné d'utiliser le terme d'agglomération grenobloise, quand on sait par exemple à quel point des localités comme Saint Martin-d'Hères ou Gières (aux portes de la ville) demeuraient profondément rurales. Pourtant, l'idée de centre reste vraie en un certain sens. Il est permis de dire que, si les différents marchés des artisans constituaient autant de champs de force, de dimensions réduites, en opposition permanente, ceux qui avaient Grenoble pour centre formaient un réseau vaste, aux mailles plus lâches, qui couvrait toute la zone étudiée. La coordination entre les différents producteurs, isolés et cloisonnés, se fait donc en quelque sorte par l'intermédiaire de la ville C'est aussi à ce niveau, pour une large part, qu'ils prennent contact avec l'économie nationale. Du moins peut-on le supposer. Des recherches ultérieures seraient nécessaires pour éclaircir ce point. Le développement de la division du travail n'aboutit pas seulement à modifier la composition de la population active, en provoquant l'accroissement en qualité et en quantité des activités a r tisanales, non agricoles, elle entraîne aussi des transformations dans le genre de vie, dans le mode de vie. Les incidences sociales sont de ce fait au moins aussi importantes et aussi significatives que les incidences économiques. L'avénement de telle ou telle activité déterminée ne se résout pas uniquement, en dépit des apparences, en un accroissement de richesses, elle reflète aussi la rupture et la disparition de pratiques très anciennes. Il s'ensuit d'ailleurs que disparition et création apparaissent comme inséparables. Certaines activités se manifestent de ce fait comme les symboles de ces transformations. Il en va ainsi des boulangers, catégorie aujourd'hui si uniformément répandue. Tout au contraire, au milieu du 19e siècle dans la région grenobloise les localités pouvaient se diviser en deux grandes classes : celle où le boulanger n'existait pas, celle où sa présence était signalée. Dans le premier cas (localités peu peuplées relativement) les agriculteurs conti-

Conclusions très

provisoires

93

nuaient, t r è s probablement, à f a i r e cuire eux-mêmes leur pain, alors que dans le second (localités plus importantes et villes) la confection du pain était devenue une activité autonome parce que d'une part bon nombre de familles agricoles abandonnaient progressivement cette activité annexe et que d'autre part, le nombre de consommateurs potentiels atteignait déjà un niveau suffisant. Cette même analyse pourrait être reprise à propos du boucher par exemple. L'apparition du boulanger ou du boucher ne semble donc pas un événement fortuit, contingent, exogène, tout au contraire, elle est en quelque sorte le produit interne du développement et elle implique le franchissement d'un seuil, en témoignant d'un certain degré atteint par la différenciation socio-professionnelle. Les conclusions provisoires que l'on peut donc tirer de la présente étude se situent sur le triple plan économique (composition et structure des activités artisanales), géographique et social. Elles tendent à faire ressortir t r è s nettement l'importance de la double notion de la polarisation et des seuils. La polarisation implique l'existence de forces contraires, qui conditionnent le développement et permettent le passage d'un pôle à l'autre, du pôle rural, indifférencié, aux pôles "urbains", t r è s fortement diversifiés (en quantité et en qualité). Mais ce passage s'effectue par paliers. Les seuils permettent et signalent l'avénement de r é a lités nouvelles, originales, spécifiques. Il est donc très important d'essayer de les r e f é r e r , de les délimiter, de les situer. C'est bien ce que l'on a tenté de faire, à partir d'un matériel imparfait. On peut alors se demander si les caractéristiques de la population active de la zone étudiée qui viennent d'être esquissées sont exceptionnelles, particulières ou tout au contraire, si elles ne sont pas représentatives, à quelque niveau que ce soit, des caractéristiques générales d'une population active traditionnelle ordinaire, pour l'époque. En d'autres termes, est-il légitime d'opér e r une généralisation, de déborder le cadre territorial imparti, de transposer dans un contexte différent, les conclusions proposées ? A cette question une double réponse doit être apportée, pensons-nous. Négative ou tout au moins interrogative en ce qui concerne les résultats proprement dits, positive en ce qui touche à la méthode. A priori, rien ne permet de penser que la composition détaillée d'une population active traditionnelle de telle ou telle zone précise soit identique à celle de la région grenobloise, tout incite à penser qu'il en ira bien différemment. Tout au contraire, il semble légitime d'avancer que la contexture sera très voisine dans ses grandes lignes, que l'on retrouvera pour l'essentiel, les grandes phases de la différenciation socio-professionnelle, que les

Structures d'une population active de type traditionnel

94

concepts de seuils et polarisation pourront être utilisés avec profit. Le principal intérêt de cette étude est donc de caractère méthodologique. C'est seulement au niveau de la méthode qu'il paraît légitime de généraliser, c'est-à-dire d'essayer de parvenir aux ressorts internes fondamentaux des sociétés. Cette étude n'a de sens, par conséquent, que si elle est poursuivie ultérieurement. Il faudrait qu'à partir d'un matériel plus complet, plus satisfaisant, on puisse reprendre l'examen, qui a trop souvent dû se borner à poser des points d'interrogation. Il sera peut-être alors possible d'élaborer une véritable "matricé" sociale qui décrive de manière détaillée la manière dont s'effectue concrètement la différenciation socio-professionnelle, à travers le temps et l'espace.

NOTES 1. Voir L. VIGIER, P. LEON, op. c i t . , etc.

ANNEXE CARTES ET TABLEAUX

Cartes

et tableaux

LA PLACE DE LA ZONE DANS LE DEPARTEMENT DE L'ISERE

98

Structures

d'une population

active

de type

traditionnel

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La Cluse

CARTE N e 2 LIMITES DE LA ZONE RETENUE

Cartes et tableaux

99 TABLEAU I

POPULATION DES 48 COMMUNES ET LISTE DES COMMUNES DES 11 CANTONS RETENUS (RECENSEMENT DE 1846) D'APRES LE RECUEIL DES ACTES ADMINISTRATIFS DE LA PREFECTURE : AD 123 M 25 *

Canton de Domène (11 communes) Domène Murianette Revel St Jean-le-Vieux St Martin d'Uriage Villard-Bonnot Combe-de-Lancey Laval Ste Agnès St Mury-Monteymond Le Versoud Total

1 478 289 1 088 286 2 600 1 051 632 1 109 868 451 534 10 386

Gières Bresson Eybens Herbeys Poisat St Martin-d'Hères Ven on Echirolles Total

1 208 270 846 614 338 1 078 286 715 5 635

Canton de Grenoble-Est (10 communes)

Canton de Goncelin (12 commîmes) Goncelin Moretel Tencin Theys Froges Les Adrets Champ-près-Froges Hurtières La Pierre Pontcharra Le Cheylas St Maximin Total

Canton de Grenoble-Sud (8 communes)

1 636 406 1 096 2 518 546 880 538 240 278 2 692 773 960 12 563

Meylan Montbonnot St Martin-de-Miseré St Ismier Bernin Biviers St Nazaire La Tronche Corenc Le Sappey Total

1 169 286 481 1 398 1 114 690 638 1 631 779 405 8 591

* Population officielle constatée par l'ordonnance royale du 30 janvier 1847.

100

Structures

d'une population active de type

traditionnel

TABLEAU I (suite) Canton de Grenoble-Nord (8 communes) Grenoble St Martin-le-Vinoux Fontanil Mont- Saint- Martin Proveysieux Quaix St Egrève Sarcenas

27 953 1 138 621 121 628 7 77 1 372 111

Total

3 2 721

Canton de St Laurent-du-Pont (7 communes) St Laurent-du-Pont Entre- deux- Guier s Miribel St Christophe St Pierre-de-Chartreuse St Pierre-d'Entremont St Joseph-de-Rivière Total

1 886 1 760 2 790 1 365 1 818 1 564 1 455 12 638

Canton de Sassenage (7 communes) Sassenage Engins Fontine Noyarey Pariset Seyssins Veurey Total

1 464 435 895 1 049 1 006 1 162 870 6 881

Canton du Touvet (15 communes) Le Touvet St Bernard St Vincent-de-Mercuze La Terrasse Barraux La Buissière Chapareillan La Flachère Montalieu St Marcel Ste Marie-d'Alloix Crolles Lumbin St Hilaire St Pancrasse Total

1 714 432 608 1 282 1 595 849 2 544 342 508 233 360 1 632 640 421 311 13 471

Canton de Vif (7 communes) Vif La Cluse Le Gua Claix Allières-et-Risset St Paul-de-Varees Varees

2 426 791 1 063 1 840 736 727 788

Total

8 371

Cartes et tableaux

101 TABLEAU I (suite et fin)

Canton de Vizille (16 commîmes) Vizille 3 004 Champs 510 248 Notre-Dame-de-Commiers 472 Laffrey 328 Notre-Dame-de-Mésage Montchaboud 69 St Barthélemy-de-Séchilienne 943 St Georges-de-Commiers 660 652 St Jean-de-Vaux St Pierre-de-Mésage 662 Séchilienne 1 497 850 Vaulnaveys-le- Bas 996 Jarrie Brié-et-Angonnes 655 Champagnier 532 1 667 Vaulnavey s- le- Haut Total

Canton de Voiron (10 communes) Voiron Coublevie Chirens St Aupre St Etienne-de-Crossey St Nicolas-de-Macherin Voreppe La Buisse Pommier St Julien-du-Raz Total

13 745

Population de 1 Isère par arrondissement Grenoble St MarceUin Vienne La-Tour-du-Pin Total

219 033 88 029 154 803 136 627 598 492

8 255 1 428 1 939 1 129 1 695 8 57 3 021 1 439 6 70 430 20 864

102

Structures

d'une population

active de type

Classement selon (4)

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Classement selon (5)

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Classement par ordre de grandeur croissant de la population Population agricole sur (2) (5)

traditionnel

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Cartes et tableaux

103

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106

Structures d'une population active de type traditionnel TABLEAU ΠΙ CLASSEMENT DES COMMUNES PAR ORDRE DE GRANDEUR CROISSANT DE LA POPULATION

Population

Rang

St Pancrasse (Le Touvet) La Flachère (Le Touvet) Ste Marie-d'Alloix (Le Touvet) St Hilaire-du-Touvet (Le Touvet) St Julien-du-Raz (Voiron) St Bernard (Le Touvet) Engins (Sassenage) St Mury-Monteymond (Domène)

311 342 360 421 430 432 435 451

1 2 3 4 5 6 7 8

Champs (Vizille) Champagnier (Vizille) Versoud (Domène) St Vincent-de-Mercuze (Le Touvet) Fontanil (Grenoble-Nord) Combe-de-Lancey (Domène) Lumbin (Le Touvet) St Jean-de-Vaux (Vizille) Pommiers (Voiron) St Paul-de-Varees (Vif) Allières-et-Risset (Vif) Varees (Vif) La Buissière (Le Touvet) St Nicolas-de-Machrin (Voiron)

510 532 534 608 621 632 640 652 670 727 736 788 849 857

9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22

049 078 096 114 129 138 208

23 24 25 26 27 28 29

1 365

30

Noyarey (Sassenage) St Martin-d'Hères (Grenoble-Sud) Tencin (Goncelin) Bernin (Grenoble-Est) St Aupre (Voiron) St Martin-le-Vinoux (Grenoble-Nord) Gières (Grenoble-Sud) St Christophe-entre-deux-Guiers (St Laurent-du-Pont)

1 1 1 1 1 1 1

Cartes et tableaux

107 TABLEAU ΠΙ (suite et fin)

Barraux (Le Touvet) La Tronche (Grenoble-Est) Crolles (Le Touvet) Goncelin (Goncelin) St Etienne-de-Crossey (Voiron) Le Touvet (Le Touvet) Entre-deux-Guiers (St Laurent-du-Pont) Claix (Vif) St Laurent-du-Pont (St Laurent-du-Pont) Voreppe (Voiron) Voiron (Voiron) Grenoble (Grenoble)

Population

Rang

1 595 1 631 1 632 1 636 1 695 1 714 1 760 1 840 1 886

31 32 33 34 35 36 37 38 39

3 021 8 255 27 953

40 41 42

Structures d'une population active de type traditionnel

108

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109

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114

Structures

d'une population active de type

traditionnel

TABLEAU Vn L'ACTIVITE ECONOMIQUE (AGRICOLE ET ARTISANALE) DANS LES CANTONS PROCHES DE GRENOBLE EN 1848

;

3υ E S

LOCALITES

\ 1. Combe de Lancey 2. St Bernard 3. Engins 4.St Jean Le Vieux 5.St Mury Monteymond 6. St Hilaire du Touvet 7.St Julien de Raz 8. La Buissière 9.St Pancrasse 10.St Nicolas de Macherin 11. La Flachère 12. Lumbin 13.Ste Marie d'Alloix 14.Champagnier 15.Pommiers 16.St Christophe 17.St Vincent de Mercuze 18.St Aupre 19.Le Versoud 20.St Paul de V a r e e s 21. St Martin d'Hères 22. Le Fontanil 23. Bernin 24. Varees 25. Allières et Risset 26. Champ 27. Tencin 28.Gières 29.St Etienne de Crossey 30. La Tronche 31. St Martin l e Vinoux 32. Barraux 33. Entre Deux Guiers 34.Noyarey 35.Crolles 36. Voreppe 37. Claix 38.Goncelin 39.Le Touvet 40.St Laurent du Pont 41. Grenoble 42. Voiron Total

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116

Structures

d'une population active de type

traditionnel

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