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French Pages 133 [136] Year 1965
Structure sociale et fortune mobilière et immobilière à Grenoble en 1847
PUBLICATIONS DE LA FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES ÉCONOMIQUES DE GRENOBLE
Collection du Centre de recherche
d'Histoire
économique, sociale et institutionelle
SÉRIE HISTOIRE SOCIALE VOLUME No i
Paris
• MOUTON & O e
La Haye
PUBLICATIONS DE LA FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES ÉCONOMIQUES DE GRENOBLE
Structure sociale et fortune mobilière et immobilière à Grenoble en 1847 par
JÉSUS IBARROLA Docteur ès Sciences Économiques Maître-Assistant à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de Grenoble
Paris
MOUTON & C»
La Haye
© Mouton & C" 1965
PREFACE La présente publication revêt, pour la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble, une importance particulière; car, au delà de son intérêt scientifique propre, elle a une valeur de symbole: elle constitue en effet la première publication du Centre de recherche d'histoire économique, sociale et institutionnelle que cette Faculté a créé en janvier 1962, et, par là, symbolise l'effort qui a été accompli depuis et qui continuera à l'être, au sein de cet établissement, dans le sens d'un développement à long terme de la recherche organisée. Cet effort a d'ailleurs été élargi depuis par la création de deux autres Centres, l'un consacré à la recherche économique et sociale, l'autre à la recherche juridique; de sorte que la Faculté et ses Instituts se trouvent dotés de l'appareil institutionnel, aux moyens encore réduits mais destinés à s'accroître, qui permettront à leurs Professeurs, à leurs chercheurs et à leurs étudiants avancés de défricher ou d'approfondir divers domaines des Sciences Sociales et de publier les résultats de leurs travaux dans les diverses Collections que la Faculté et les Instituts rattachés commencent à publier. Le Centre de recherche d'histoire économique, sociale et institutionnelle de la Faculté est lui-même subdivisé en trois unités de recherche consacrées l'une à l'histoire économique, l'autre à l'histoire sociale, la troisième à l'histoire des institutions. Centrés sur l'histoire récente, leurs programmes à long terme portent respectivement sur: les problèmes d'industrialisation, les structures sociales et les fortunes à Grenoble et dans sa région, l'évolution des institutions scolaires et universitaires françaises. Et si le premier et le troisième de ces groupes de recherche envisagent de faire paraître leurs premières publications dans quelques mois seulement, le second ouvre dès aujourd'hui la série "Histoire sociale" des publications du Centre avec le travail de M. J. Ibarrola, Maître-Assistant d'Histoire Economique et Sociale à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble, où il avait auparavant fait toutes ses études, acquis le grade de Docteur et exercé les fonctions d'Assistant et de Chargé de Cours. Cet ouvrage, bien qu'il constitue une étude limitée et soit simplement l'amorce d'une série de travaux portant sur le même thème, permet d'entrevoir tout ce que les historiens peuvent attendre des recherches dans le domaine des structures socio-économiques, du montant et de la répartition des fortunes et du comportement des catégories sociales du point de vue démographique, professionnel et juridique. Et il faut certes se féliciter du mouvement, dans la ligne duquel se place le travail de M. Ibarrola, qui pousse aujourd'hui les chercheurs vers les Archives départementales et
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les documents notariaux pour y retrouver un peu de la réalité sociale qui s'y est 'précipitée', au long du temps, dans la multitude des déclarations ou actes juridiques qui y ont dormi jusqu'ici. Et il faut s'en féliciter doublement car, au stade actuel, ce type d'étude participe plus de la quête du pionnier que de la démarche assurée du chercheur travaillant dans un domaine classique, de sorte que chacun des travaux de ce genre nous apporte, en même temps que des conclusions de fond, un essai méthodologique. L'intérêt des conclusions du présent ouvrage, le lecteur le découvrira aisément par lui-même au fil des pages, et la comparaison avec les conclusions d'autres travaux récents d'histoire sociale moderne accroîtra sans aucun doute cet intérêt. Qu'il soit permis ici au Doyen d'une Faculté de Droit et des Sciences Economiques de souligner que la présente étude a certainement gagné grandement du fait que son auteur avait une formation pluridisciplinaire acquise dans cette Faculté: historique, juridique (qui avait valu à M. Ibarrola un prix au concours de fin d'année de Droit Civil dans sa 3ème Année de Licence), économique et donc aussi statistique et démographique (que son auteur avait pu compléter en rédigeant sa thèse (1) il y a quelques années). Cette ouverture multiple, cette habitude de travailler dans plusieurs domaines bien différents quoique liés entre eux, d'utiliser des documentations et des modes d'analyse et de raisonnement divers ont permis à l'auteur de poser les problèmes sous des éclairages variés, de les attaquer sous plusieurs angles, et expliquent la richesse et la diversité des conclusions de son travail. Le lecteur trouvera certes, dans plusieurs d'entre elles, une simple confirmation de ce qui était déjà connu par ailleurs; ainsi en est-il de la 'dispersion' des fortunes entre les catégories sociales et à l'intérieur de chacune d'elles, et de la concentration caractéristique de la richesse en un petit nombre de mains au sein des catégories favorisées. D'autres conclusions pouvaient être attendues, mais combien est-il saisissant de les constater traduites en données statistiques et explicitées en termes de réalité sociale ou socio-professionnelle, par exemple la structure préindustrielle qu'offre la ville de Grenoble au milieu du 19e sièele: d'une part, on y rencontre une catégorie ouvrière quantitativement faible (7,35% des individus déclarants) (2), une forte proportion d'artisans et de moyens commerçants (près d'un tiers de la population déclarante), de nombreux propriétaires fonciers ayant donc des intérêts ruraux; d'autre part, les secteurs d'industrie dans lesquels travaillent la plupart des ouvriers récensées sont eux aussi caractéristiques d'une économie urbaine de type encore traditionnel: textile, ganterie, chapellerie, menuiserie, alors que les artisans sont de leur côté principalement engagés dans les activités de transformation textile et alimentaire. Une autre série de conclusions enfin apparaît très originale: telles celles qui montrent la mobilité professionnelle et géographique des différents groupes sociaux, leur situation démographique particulière ou ce que l'on peut appeler leur 'comportement juridique' (attitude à l'égard du testament ou du régime matrimonial), telle encore celle qui tend
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à présenter la catégorie, relativement abondante, des domestiques comme un point de passage des ruraux et, dans une certaine mesure, des ouvriers vers les professions indépendantes ou salariées moyennes, une sorte d'étape sinon obligatoire du moins fréquente dans la migration professionnelle et sociale des individus; telle enfin celle qui fait ressortir l'importance du secteur tertiaire (professions libérales, commerçants, domestiqies, et plus généralement catégories non directement productives) dans cette ville de moyenne importance et souligne ce que l'on pourrait appeler le caractère tertiaire de certaines villes préindustrielles. La plupart de ces conclusions d'ailleurs sont, elles-mêmes, directement liées aux méthodes utilisées qui constituent sans doute, de ce fait, l'apport le plus intéressant du travail de J. Ibarrola. L'auteur, en effet, a cherché à se donner des méthodes d'analyse propres, qui restent aujourd'hui encore assez originales et qui l'étaient davantage lorsqu'il a entrepris son étude il y a quelques années, alors que peu d'essais du même type avaient été tentés. Un effort de classification des catégories socio-professionnelles - premier problème et première difficulté de tout travail de ce genre - , une combinaison de l'étude démographique, juridique, économique et sociale, un traitement statistique des données socio-économiques conduisant à une appréhension globale des catégories, une progression qui permet de cerner de plus en plus près la réalité sociale de l'époque, telles sont les principales caractéristiques de cet effort méthodologique, et l'auteur a eu d'autant plus de mérite de s'y soumettre que cette façon de procéder donne f r é quemment à son analyse un caractère très technique, au point que le lecteur doit plus d'une fois faire effort pour suivre les méandres du raisonnement ou les détours du traitement des données quantitatives brutes: la première règle en ces matières est certes de ne faire aucune concession à la facilité formelle au détriment de l'analyse de fond. La difficulté des études d'histoire sociale envisagées sous cet angle apparaît ici pleinement, car tout moyen méthodologique rigoureux pose immédiatement des problèmes délicats qu'il faut à leur tour résoudre et dont on doit souligner ici les principaux. Passons sur les difficultés documentaires: elles sont le lot de tout historien de la réalité sociale: évoquons seulement, à titre d'exemple, celle qui concerne les 'indigents' et que l'auteur met en relief à juste raison: l'impossibilité d'appréhender quantitativement cette catégorie, dont il reste cependant acquis qu'elle représentait une fraction importante de la population, fausse évidemment une étude principalement fondée sur une analyse statistique, c'est-à-dire sur une interprétation quantitative, et enlève nécessairement une partie de leur valeur aux pourcentages qui sont la clé des raisonnements. Sans doute cette difficulté est-elle liée au fait que l'étude est menée essentiellement à partir d'une seule source: les déclarations de mutations successorales, et on pourra donc, en recourant à d'autres types de sources, cerner d'un peu plus près le phénomène des 'indigents'; mais une large part d'incertitude ne pourra très vraisemblablement pas être éliminée. On pourrait en dire autant de la catégorie des 'sans profession'.
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Cependant, ce sont bien les difficultés proprement méthodologiques qui sont les plus importantes. Tout d'abord celle, classique, de la définition des catégories socioprofessionnelles et de leur classification; ici, les problèmes de classement abondent et ils sont insolubles de façon vraiment satisfaisante: ce domaine offre un champ de bataille idéal à ceux qui veulent rompre des lances, et il fut un temps où les historiens ne le cédaient en rien aux sociologues et aux économistes quant à la vigueur des débats théoriques sur ce point. L'auteur me semble avoir donné à ce problême une solution acceptable, dans toute la mesure où ce que l'on peut demander à une classification socio-professionnelle est non pas d'être irréprochable théoriquement ou idéologiquement, mais d'être 'opérationnelle' et de fournir une base cohérente à l'étude que l'on se propose. Il a tout d'abord décomposé la population en une série de groupes assez nombreux (onze), et l'on pourrait certes contester le critère qu'il utilise ici: la place des individus dans le processus productif, la fonction économique (et non la profession), ou lui reprocher d'avoir isolé des catégories assez peu convaincantes, telles celles des prêtres ou des étudiants. Mais le fait de recomposer ensuite ses onze groupes en catégories plus vastes (au nombre de cinq), s'il n'élimine pas les difficultés, et le fait de combiner les deux classifications et aussi de fixer la limite entre catégories à la somme de 10.000 F de capital total (chiffre tout à fait arbitraire, comme le souligne l'auteur, mais tout chiffre est nécessairement arbitraire) paraissent fournir une solution acceptable. Dès l'instant où il s'agit d'appréhender les fortunes et leur répartition, n'est-il pas de bonne méthode d'utiliser une classification qui permette de grouper ensemble les niveaux de fortune assez voisins, pour pouvoir établir ensuite les pourcentages qui résumeront la distribution de la richesse possédée? Une autre difficulté est venue de la volonté de J. Ibarrola de ne pas se contenter d'une étude de la répartition des fortunes: il a estimé nécessaire d'extraire de sa documentation tous les renseignements qu'elle pouvait donner. Il a donc joint à son étude de base une analyse démographique et une analyse du comportement juridique des catégories sociales. Le démographe et le juriste s'en réjouiront sans nul doute, mais cet intérêt supplémentaire du travail ne doit pas cacher que celui-ci comporte de ce fait une certaine hétérogénéité et rassemble trois études en une seule. Convenons d'ailleurs qu'il n'y a rien là de rédhibitoire cependant, et il est d'ailleurs prévu, pour y remédier, que les études ultérieures seront davantage spécialisées et sépareront les trois aspects qui ont été juxtaposés ici. Enfin, et c'est sans doute la principale difficulté, le fait que l'étude porte sur une seule année (1847) a réduit l'échantillon sur lequel J. Ibarrola a dû travailler. Il en résulte une 'micro-étude' qui ne peut être largement significative, puisque la plupart des catégories sont faiblement représentées: il suffirait que l'une comportât quelques individus de plus et une autre quelques-uns de moins pour que les pourcentages soient nettement différents et que les interprétations changent de sens: le rôle du hasard ou le caractère exceptionnel de l'année choisie ne sont pas suffisamment éliminés. C'est là cependant une difficulté toute provisoire et que des travaux ultérieurs pourront résoudre.
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Car le présent travail ne peut être compris que si on le place dans sa véritable perspective: i l a été le banc d'essai d'une série d'études ultérieures, auxquelles l'auteur travaille dès maintenant, et qui viendront élargir le champ étudié et donc souligner d'un trait plus sûr le panorama que M. Ibarrola s'efforce de tracer de la société grenobloise au cours de son évolution; c'est le sens môme du programme de recherche à long t e r me dans lequel il est engagé. Il est prévu tout d'abord - et une première étude en ce sens sera très prochainement envoyée à l'impression - que l'étude s'étendra sur un certain nombre de communes situées autour de Grenoble, de manière à compléter l'étude des groupes urbains par celle de population rurales. D'autre part, au lieu de traiter une seule année, Monsieur Ibarrola travaillera sur une série de quatre années consécutives, de sorte que les échantillons seront plus fournis et les pourcentages plus représentatifs. Enfin, avec l'aide d'autres chercheurs - et une thèse de Doctorat de 3e Cycle amorce en ce moment la réalisation d'un tel programme - l'étude sera 'dynamisée', en ce sens que la structure de la population grenobloise et la répartition des fortunes sera étudiée à travers le temps: une série de quatre années sera examinée dans chaque période d'environ deux décades. De la sorte, nous obtiendrons finalement un ensemble de tableaux qui montreront la physionomie des phénomènes essentiels étudiés, sur plus d'un siècle, de vingt ans en vingt ans. Nous pourrons ainsi suivre l'évolution de la ville de Grenoble et de sa population, et voir passer la capitale dauphinoise, à travers ses structures humaines, de l'état d'agglomération traditionnelle à celui de ville industrielle. Et cette étude s'annonce passionnante. On conçoit qu'avant de se lancer dans une telle entreprise, un premier essai était nécessaire pour déceler les problèmes et les difficultés et pour définir des méthodes. Cet essai, M. Ibarrola le présente aujourd'hui, et on ne saurait lui être trop reconnaissant d'avoir ainsi couru une aventure avec les risques mais aussi les profits scientifiques qu'elle peut comporter, et dont le lecteur va pouvoir juger dans les pages suivantes. J. Maillet Doyen de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble
Notes 1. Les incidences des deux conflits mondiaux sur l'évolution démographique française, 1964, publiée dans la Collection 'Essais et Travaux de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble'. 2. Quoique le fait de ne pas pouvoir appréhender statistiquement les 'indigents', dont une bonne partie rentrait sans doute dans la catégorie ouvrière, déforme certainement les faits.
AVANT
PROPOS
La recherche historique actuelle s'efforce continûment de préciser la structure sociale d'une collectivité donnée, à une époque donnée, la r é p a r tition de la fortune selon les classes, afin de mieux comprendre le mode de vie, les comportements, les préoccupations des populations qui composent cette collectivité. Parmi les documents peu exploités, ou insuffisamment exploités, les registres des déclarations de mutations par décès constituent une des sources les plus riches et les plus intéressantes. L'exploitation des renseignements qu'ils contiennent, contribue à fournir une photographie assez exacte de la fortune d'une collectivité à un moment déterminé (1). La présente étude se propose d'appliquer les méthodes statistiques à la connaissance de la structure sociale de la ville de Grenoble en l'année 1847, afin de rechercher comment cette structure sociale, et la répartition des fortunes qui y correspond, traduisaient alors une certaine organisation économique et réfletaient un certain stade de l'évolution économique. La connaissance de ces phénomènes a une double importance: en premier lieu, elle permet d'appréhender le degré réel de développement de la collectivité grenobloise en 1847, d'autre part, elle fournit une base de r é férence précieuse pour analyser les structures sociales antérieures ou postérieures à 1847, structures qui reflètent un autre moment du âéveloppement de cette mime collectivité. L'année 1847 précède aussi un événement politique très important: la Révolution de février 1848. Elle se situe ainsi dans une période de bouleversement politique, succédant à une époque de stabilité relative. Il est permis de se demander si ce bouleversement politique est en relation avec la structure sociale de l'année considérée. La structure sociale est en effet un des aspects importants du contexte socio-économique, qui entoure toute transformation politique notable, et, à ce titre, ne peut être négligée. Le choix de l'année 1847 peut donc se justifier, tout d'abord, parce qu'elle se situe au milieu du XIXe siècle, à la fin d'une période de t r a n s formations économiques, et aussi parce qu'elle se trouve à la veille d'un bouleversement politique marquant (ce second aspect étant accessoire par rapport au premier). Note 1. T r è s peu de recherches ont été faites en ce domaine. A notre connaissance, deux études l'abordent directement. Elles sont toutes deux parues
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Avant propos dans la Revue d'Histoire économique et sociale: A. Daumard: Une source d'histoire sociale: l'enregistrement des mutations par décès; le Xnie arrondissement de Paris en 1820 et en 1847, R.H.E.S. 1958, I, pp. 52 sqq. M. Vovelle, Chartres de la fin de l'Ancien Régime à la Révolution, R.H.E.S. 1958, 4, pp. 385 sqq. Le professeur C. E. Labrousse vient, tout récemment, de donner une impulsion à ce genre de travaux, en mettant sur pied une étude coordonnée de cette source dans un grand nombre de départements, grâce à un o r ganisme intitulé 'Groupe de Travail pour l'étude des structures sociales', créé et dirigé par lui. C'est dans ce cadre qu'il faut situer l'étude de M. Codaccioni 'L'annuité successorale à Lille en 1873' (Dactylographié). Pour la ville de Lyon, M. Aboucaya a mené à bien tout récemment une étude similaire (voir son récent ouvrage 'Les structures sociales et économiques de l'agglomération lyonnaise à la veille de la Révolution de 1848', Sirey, 1963). Ilfaut aussi signaler la publication de deux importantes thèses de lettres: A. Daumard: 'La bourgeoisie parisienne de 1815 à 1848', SEVPEN, Paris, 1963; G.Dupeux: 'Aspects de l'histoire sociale et politique du Loir et Cher', Mouton, Paris - La Haye, 1962.
Introduction M E T H O D E S ET P R O B L E M E S
METHODOLOGIQUES
I. LA DOCUMENTATION Les sources utilisées ont été les déclarations de mutations par décès de la ville de Grenoble enregistrées durant l'année 1847. Ces mutations soulèvent deux sortes de problèmes: d'une part, certaines déclarations faites en 1847 portent nécessairement sur des personnes décédées en 1846, et, a contrario, certaines personnes décédées en 1847 n'auront leur succession déclarée que dans le courant de l'année 1848; d'autre part certaines déclarations concernent des de cujus décédés bien avant 1847. Nous avons maintenu l'année de déclaration comme année de base et nous avons exclu à la fois les déclarations de personnes décédées avant 1846 et celles dont la déclaration principale n'était pas faite à Grenoble. En effet, nous voulions avoir ainsi un ensemble homogène qui reflète réellement la structure de Grenoble, c'est à dire recense uniquement les individus domiciliés à Grenoble, en prenant le domicile au sens même du Code Civil, c'est à dire comme étant le lieu de leurs principaux intérêts (1). La déclaration de succession est un document reçu par l'enregistrement après le décès de tout individu possesseur d'une fortune, si petite soitelle. Elle est obligatoire et doit être faite par les héritiers dans l'année qui suit le décès. Elle a pour but de permettre à l'administration publique de calculer l'assiette de l'impOt successoral. C'est donc un document d'intérêt fiscal: on sait que les droits varient selon le degré de parenté et selon le mode de transmission Ce document n'a donc nullement été conçu aux fins d'obtenir des informations sur la structure sociale d'un groupe déterminé; il a une destination éminement pratique et se présente sous un aspect concret. Sous cet aspect, il n'est pas directement utilisable et ce n'est qu'après une certaine élaboration sur la base de méthodes statistiques modernes que l'on pourra passer du fait concret et singulier à la généralisation abstraite qui seule permet de t i r e r des déductions scientifiques. Chacun des documents comprend, en fait, trois parties. La première concerne le défunt: indication du nom, du sexe, de la profession, du domicile, de son état-civil (situation du point de vue matrimonial et familial) de son contrat de mariage (le cas échéant) et de son testament (s'il y a lieu). La seconde donne des indications sur les héritiers: ceux-ci sont énumérés en précisant leur degré de parenté avec le défunt, ainsi que leur domicile et parfois, mais pas toujours, leur profession et leur état-civil. La troisième partie enfin, la plus importante, décrit la fortune tant mobilière qu'immobilière.
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Il est possible ainsi de reconstituer la structure des familles et d'étudier la mobilité sociale, c'est à dire la variation de la profession des enfants par rapport à celle des parents, et la mobilité géographique qui peut se définir comme la variation du domicile des enfants, par rapport à celui de défunt. Trois types de successions peuvent être distingués: les successions directes, les successions collatérales et les successions hors-parents. La succession directe transmet les biens en ligne directe, des ascendants aux descendants: de ce point de vue elle apparaît comme étant la plus intéressante (2). La succession collatérale ne manque pas d'intérêt non plus, dans la mesure où les collatéraux sont les f r è r e s et soeurs germains du défunt; la valeur des indications est beaucoup moins grande, en ce qui concerne le structure familiale, si les biens sont dévolus soit à des neveux, soit s u r tout à des cousins plus ou moins éloignés. Le troisième type de succession, la succession hors-parents, aboutit à transmettre les biens hors de la famille; elle implique la non existence de parents à un degré proche (enfants ou collatéraux proches); ce type de succession concerne surtout soit les veuves âgées (généralement rentières) soit les célibataires, du sexe féminin le plus souvent (3). Le dépouillement des mutations par décès pourrait ainsi permettre de reconstituer l'évolution des familles, de voir leur ascension et leur déclin. Bien entendu, une telle étude ne serait possible que si le travail effectué pour l'année 1847 était prolongé durant les années postérieures. n . LES PROBLEMES METHODOLOGIQUES
Un certain nombre de problèmes se posent concernant non plus le document (la mutation) mais les renseignements qu'elle contient: ils ne sont pas toujours complets et les lacunes qui peuvent être décelées sont parfois a s sez sensibles. Ces problèmes peuvent se regrouper autour de deux idées principales: la détermination des parties à l'acte, la transmission des biens. A. L'identification des parties Les défunts sont en majorité des gens âgés. Très souvent ils sont r e t i rés d e s affaires. De ce fait, la profession n'est pas toujours indiquée. Cette omission reste cependant assez r a r e en ce qui concerne les hommes, mais il n'en va pas de même pour les femmes: au XIXe siècle, la majorité des femmes ne travaillait pas, du moins dans la petite ville qu'était alors Grenoble (toutes proportions gardées) (4). Il en est ainsi à la fois pour les femmes mariées, dont le mari est encore vivant, et pour les veuves âgées dont on ne précise jamais la profession du défunt mari. En ce qui concerne le premier cas, il a été souvent possible de repérer la profession du mari, donc de connaître ainsi la classe sociale à laquelle appartenait la défunte, du moins depuis son mariage (5). Parfois les lacunes sont dûes à la négligence des rédacteurs des actes ou à la non-déclaration par les parties. Dans ce cas, on peut, à certains
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indices, essayer d'établir quelle était la profession du défunt: ceci concerne surtout les déclarations de successions effectuées par des personnes vivant à la campagne, mais étant donné la faible importance du secteur agricole dans l'économie grenobloise, cette particularité présente peu d'intérêt. Si la classification par professions représente un des aspects essentiels de notre recherche, il faut préciser que ce qui nous intéresse en premier lieu, ce n'est pas tant la profession proprement dite que la classe sociale à laquelle appartient le défunt. La connaissance de la structure actuelle, révélée par les mutations par décès, ne peut évidemment nous être d'un t r è s grand secours, en raison de profondes modifications qui se sont opérées entre temps. Le critère principal que nous retiendrons, pour notre part, s e r a bien la place dans la production (place reflétée par la profession), mais nous essaierons aussi de dégager les traits spécifiques de chacune des classes considérées. La classification par professions n'est qu'une étape préliminaire. Elle doit être complétée par une analyse de l'état-civil. Les déclarations indiquent si le défunt était marié ou non, mais elles ne précisent les qualités du conjoint que si celui-ci est, d'une part, encore vivant, d'autre part, s'il est soit héritier (le plus souvent en usufruit), soit tuteur des enfants mineurs qu'il représente. Lorsque les défunts sont veufs, on indique simplement les qualités des héritiers. Il en va de même pour les contrats de mariage; l'existence de ceux-ci n'est précisée que si la connaissance de cette indication a un intérêt quelconque, c'est à dire s'il faut procéder à une dissolution de communauté (communauté légale ou conventionnelle) ou si ledit contrat accorde une fraction de l'hoirie en usufruit (régime dotal en général). Comme parmi les défunts on trouve un assez grand nombre de veufs des deux sexes, il y a là un problème qu'il ne faut pas négliger si on ne veut pas fausser arbitrairement les conclusions. Certaines précautions sont à prendre également en ce qui concerne le nombre des enfants. En effet, il faut tenir compte des prédécès, du décès des héritiers éventuels avant celui du défunt. Dans ce cas, les enfants d'un héritier prédécédé viendront en représentation de leur père ou mère, c'est à dire compteront pour une unité. Il faut donc tenir compte de cette donnée, pour déterminer le nombre réel des descendants directs, nombre souvent différent de celui des héritiers appelés à la succession. P a r ailleurs, la profession des héritiers (essentiellement les enfants) n'est pas toujours précisée; elle ne l'est pratiquement jamais pour les filles, sauf si elles sont célibataires majeures, et si elles vivent loin de leur famille, mais elle ne l'est pas souvent non plus pour les fils: le nombre des déclarations utilisables devient alors assez faible, et les conclusions qui peuvent s'en dégager en sont moins solides. Il en va de même pour le domicile dans de nombreux cas. B. La transmission des biens P a r contre, en ce qui concerne la transmission des biens, les renseignements sont précis car il s'agit là d'un des objets propres de la déclaration de succession. En effet, les droits de mutation sont t r è s variables selon le degré des parentés et selon le mode de transmission. Une étude sur
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la fréquence des testaments peut être entreprise avec succès et on peut également opérer la répartition entre testaments notariés et testaments olographes. De même, la nature et l'étendue des legs permettent de voir, grosso modo, quel usage était fait par les défunts de leur droit de disposer de la quotité disponible. Les legs se répartissent en trois types principaux. Les premiers permettent d'avantager certains parents par rapport à d'autres; les seconds transmettent des biens à des étrangers à la famille (soit des amis, soit aussi des domestiques ou des gardes-malades); les derniers sont faits en faveur d'oeuvres philanthropiques, généralement de nature religieuse: ils permettent d'appréhender à la fois le degré de piété et l'attraction qu'exerce l'Eglise sur les fidèles. Dans une déclaration de succession, tous les renseignements que nous venons d'indiquer ne sont fournis que pour identifier les parties intéressées: le défunt d'un cOté, les héritiers de l'autre. Mais le corps même de la déclaration de succession concerne les biens du défunt, biens qui se divisent en deux grandes catégories: les biens mobiliers et les biens immobiliers. Les biens mobiliers peuvent être classés en trois grands groupes: les meubles meublants et les valeurs mobilières en général (6), les créances actives, les titres et obligations. Par meubles meublants et valeurs mobilières, il faut entendre généralement les meubles par nature (mobilier, outillage, matériel) et les valeurs mobilières incorporelles de diverses espèces (loyers, titres simples, deniers comptants, droits incorporels pour les commerçants etc.) (7). Il faut bien souligner que les distinctions que nous formulons restent hypothétiques, car elles ne sont pas expressément indiquées dans les déclarations de succession. Cette énumération qui nous manque est faite dans une évaluation détaillée, mise en liasses, qui a été jointe dans tous les cas à chaque déclaration. Malheureusement, ces liasses annexes n'ont pas été déposées aux Archives, et n'ont pas pu être consultées. Une recherche ultérieure devrait essayer de déterminer si ces liasses ont réllement disparu. Dans la catégorie meubles meublants et valeurs mobilières sont parfois incluses ce que nous avons appelé les créances actives, mais en général, elles sont désignées à part. Il s'agit de créances actives du défunt à la fois contre les tiers (sous forme d'obligations passées devant notaire le plus souvent) et contre les parents (soit en raison de reprises matrimoniales ou de récompenses, soit même en cas de non-réglement de dot). Dans cette rubrique assez hétérogène, il était intéressant de rassembler uniquement les créances actives contre les tiers; en effet, cette méthode permettait de voir le degré d'endettement des tiers vis-à-vis des défunts, donc fournissait un critère du degré de contrainte et de domination du défunt sur les tiers. Les titres et obligations sont t r è s peu fréquents; ce sont essentiellement des rentes sur l'Etat, possédées par quelques catégories de personnes bien limitées. Nous r.'avons pas trouvé trace de titres commerciaux: actions et obligations de sociétés. Si les biens mobiliers sont ainsi très souvent décomposables, il n'en va
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pas de même pour les biens immobiliers. Ceux-ci se composent d'immeubles bâtis d'une part (maisons, appartements, granges), d'immeubles nonbâtis d'autre part (terrains de nature et de superficie variable); ils sont évalués d'après leur loyer ou leur revenu (fictif ou réel): leur valeur en capital est égale à vingt fois le montant annuel du loyer ou du revenu. La nature des terrains et leur superficie sont précisées et, de même, certaines indications sont données sur les maisons; si elles sont louées ou non, le nombre de pièces qu'elles contiennent, si elles possèdent des boutiques ou non, etc... Là encore, cependant, les renseignements ne sont pas complets et il faut étudier chaque déclaration d'une manière critique. Un dernier problème se pose et non des moindres; il est relatif à la dissolution de la communauté qui pouvait exister antérieurement au décès entre le défunt et son conjoint. En effet, lorsque le défunt était marié sans contrat (et il en est de même d'ailleurs lorsqu'il était marié sous le régime de la communauté conventionnelle et partiellement sous le régime dotal avec société d'acquêts) et qu'il laissait un époux survivant, il fallait liquider la communauté puisqu'en effet, aux termes mêmes de la loi, cette communauté devait être partagée en deux parts égales. En fait, la réalité, est beaucoup plus complexe que cette vue un peu schématique. La communauté est une espèce d'universalité des biens, qui a une vie propre: elle a un passif et un actif. L'établissement de l'actif est relativement facile (il suffit de dénombrer et d'évaluer biens et créances). Par contre, celui du passif présente certaines difficultés, car il faut établir les reprises de la femme et du mari, évaluer les récompenses dûes soit par un des époux à la communauté, soit par la communauté à l'un des époux: ceci calculé, le solde net entre le total des deux postes représente le reliquat disponible, à partager par moitié. Mais ce reliquat, qui est connu en valeur, que signifie-t-il réellement? Tel est le problème qu'il faut résoudre. En effet, si l'on veut connaître la fortune réelle des époux et non pas la transmission en valeur d'une fraction de cette fortune, il faut considérer l'actif de la communauté uniquement (quitte, bien entendu, à défalquer les dettes envers les tiers), c'est à dire ne pas tenir compte des reprises des époux, ni des récompenses exercées par ceux-ci ou contre eux. Par contre, si l'on veut étudier la transmission effective en valeur (et c'est le seul dénominateur commun qui puisse être utilisé) des biens, on ne pourra considérer que le reliquat net. En quelque sorte, la communauté peut se présenter sous la forme du tableau suivant. Actif
Passif
Biens mobiliers et immobiliers existants (y compris créances actives)
Reprises des époux
Récompenses dûes par les époux
Récompenses dûes aux époux Solde (à diviser par deux)
Introduction
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Il serait intéressant de pouvoir étudier la composition de toutes les communautés, mais ceci nécessiterait une prospection portant sur plusieurs années consécutives et non sur une seule. Cette étude permettrait de voir l'enrichissement des époux au cours de leur mariage, depuis la célébration, avec la confection du contrat, jusqu'à la dissolution par la mort de l'un des époux. Dans cette hypothèse, on pourrait ne tenir compte que des biens réels, mais dans l'optique de notre recherche, nous avons affaire tantôt à des communautés existantes qu'il faut effectivement liquider, tantôt à des communautés antérieurement liquidées, dont une part est venue s'intégrer au patrimoine de l'époux survivant et dont l'autre part (avec les biens propres de l'époux prédécédé) est allé légalement aux héritiers. C'est le cas en général en ce qui concerne les successions de veufs. Il est donc préférable pour garder une certaine homogénéité de ne retenir de la communauté que la valeur revenant au défunt. Un exemple va nous permettre de montrer l'importance et la portée d'une telle assertion. L'actif d'une communauté s'élève à ll.OOOfrancs en valeurs diverses. Si aucune reprise de la veuve (par exemple) n'était exercée, la part de la communauté revenant au défunt s'élèverait à 11.000/2 = 5.500. En réalité, si nous admettons que les reprises de la veuve s'élèvent à 10.000 francs (valeur de la dot par exemple) le part de la communauté qui sera inscrite dans l'actif de la succession du défunt sera de 500 francs et non plus de 5.500. En règle générale, c'est seulement la valeur qui compose la succession du défunt qui a été retenue, et ceci est valable tant pour le domaine mobilier que pour le domaine immobilier. En revanche, nous avons voulu apprécier la composition réelle des biens immobiliers. Ce qui fait que pour les immeubles, les tableaux décrivant la superficie (pour les terres) ou la composition (pour les maisons) se réfèrent à la consistance réelle des biens existants effectivement au moment de l'ouverture de la succession. Une telle méthode conduit à un écart parfois assez important entre la valeur théorique des immeubles et leur valeur réelle, résultant de la liquidation de la communauté. Cette remarque est exacte, mais elle nous permet de considérer les deux aspects du phénomène étudié, sans trop fausser ni l'un ni l'autre. Le présent travail comporte deux parties. Dans la première, est analysée la structure sociale de la ville de Grenoble, dans la seconde, est étudiée la fortune, tant mobilière qu'immobilière, en rapport avec ladite structure sociale. L'étude sociale est ainsi tout naturellement complétée par une étude, sinon économique, du moins se référant à la structure des richesses de la capitale dauphinoise au milieu de XIXe siècle, comme y invite d'ailleurs l'état de la documentation (renseignements sur les personnes, renseignements sur les biens). Notes 1. Les déclarations concernant la banlieue grenobloise seront examinées dans un travail complémentaire.
Introduction
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2. L'intérêt particulier des successions en ligne directe consiste en ce qu'elles permettent de suivre facilement l'évolution des familles et p a r tant de dégager le maximum de renseignements sur la structure sociale: profession des parents et des enfants; nombre d'enfants; mobilité sociale et mobilité géographique. C'est seulement en ce sens qu'il faut prendre le terme 'intérêt'. 3. Il faut mettre à part la succession entre époux, puisqu'elle n'est possible, sauf testament, que si aucun héritier n'existe dans une ligne. 4. La population légale de la ville de Grenoble s'élevait en 1851 à 31.300 habitants, d'après les indications de l'annuaire statistique de 1951, p a r tie française, p. 24. 5. La classe d'origine de la femme peut bien entendu être différente. Il est difficile d'admettre qu'il y ait toujours identité entre la catégorie sociale dont fait partie le mari et celle concernant la famille de la femme. S'il en était ainsi, il y aurait étanchéité absolue entre les différentes catégories sociales, ce qui ne correspond pas à la réalité. 6. La catégorie 'valeurs mobilières' est la seule qui apparaisse dans les mutations. Elle tend à englober pratiquement l'ensemble des éléments mobiliers. Cependant, t r è s souvent, les créances actives sont indiquées à part. En fait, si nous avons maintenu une catégorie 'titres et obligations' qui devrait théoriquement recenser l'ensemble des valeurs mobilières proprement dites - titres d'Etat (rente), actions et obligations des sociétés - c'était pour voir s ' i l était possible d'appréhender de telles valeurs. En fait, si nos recherches sont demeurées stériles en ce qui concerne les titres privés, il n'en a pas été de même, dans certains cas, pour les titres publics. 7. D'un point de vue théorique, il y aurait intérêt à séparer meubles meublants et valeurs mobilières, étant donné les différences entre les deux catégories de biens, mais cette séparation se révèle impossible d'un point de vue pratique.
Première
partie
LA S T R U C T U R E S O C I A L E E T D E M O G R A P H I Q U E DE G R E N O B L E EN 1847
I N T R O D U C T I O N A LA P R E M I E R E
PARTIE
Les déclarations de succession analysées sont au nombre de 251. Elles ne représentent pas, loin de là, le nombre total des décès. En effet, dans tous les cas où le défunt se trouvait dans l'indigence, il n'y a pas eu de d é claration. Dans cette hypothèse, la mairie fournissait à la famille un c e r tificat d'indigence qui était transmis à l'administration de l'Enregistrement pour inscription sur le registre général des décès, concernant le bureau de l'Enregistrement de Grenoble (qui comprend à la fois Grenoble et sa banlieu), ce qui assurait la concordance entre les décès enregistrés et les déclarations effectives et évitait la fraude. Mais ceci pose immédiatement un problème préliminaire qu'il nous faut résoudre: il s'agit de calculer la proportion d'indigents existants à Grenoble en 1847. Cette proportion est égale théoriquement au rapport suivant: % d'indi ents ®
nom
^ r e total des décès — nombre des successions déclarées nombre total des décès
ce qui peut encore s'écrire: % d'indi ents - 1 — n o m k r e des successions déclarées ° nombre total des décès La détermination du dénominateur et du numérateur de ce rapport soulève un certain nombre de difficultés. Le total des décès enregistrés à Grenoble pendant l'année 1847 a été calculé d'après le registre des décès, en défalquant d'une part, les décès ayant eu lieu dans le ressort du Bureau de Grenoble, mais non dans la ville elle-même, et d'autre part les décès enregistrés hors du Bureau de Grenoble, mais donnant lieu à une déclaration dans ledit Bureau, en raison de la possession par le défunt d'une c e r taine fraction de s a fortune dans le ressort du Bureau de Grenoble. Aux décès déclarés en 1847, doivent correspondre les successions déclarées en 1847, de personnes effectivement décédées en 1847, dans la ville de Grenoble. Or, le total des successions déclarées en 1847 correspond, pour partie, à des successions de personnes décédées en 1846 et, pour p a r tie, à des personnes décédées en 1847. P a r ailleurs, il ne comprend pas les personnes décédées fin 1847 (dans le courant du second semestre) et dont la déclaration a été faite en 1848. Nous avons tenu compte de ces différents facteurs pour essayer d'homogénéiser les termes du rapport. Le total ainsi trouvé (tableau I) diffère un peu du total des successions déclarées. Une telle démarche ne s'imposerait d'ailleurs pas si l'analyse portait non pas sur une, mais sur plusieurs années.
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Introduction à la première
partie
Tableau I Evaluations des successions déclarées en 1847 de personnes décédées à Grenoble en 1847 (a) Total des successions déclarées en 1847 Successions en double
254 3
Total des successions analysées
251
A ajouter successions de 1847 déclarées en 1848 A retrancher successions de 1846 déclarées en 1847 Solde
+ 85 - 115 - 30
Successions déclarées en 1847 de personnes décédées en 1847
- 30 221
(a) Source: Archives de l'Isère, série Q. Ce tableau ainsi que l e s tableaux qui suivent ont été établis d'après les déclarations de mutations par décès des années 1846, 1847, 1848.
Le total des décès s'élève à 878 dont 103 à l'hospice civil. Le pourcentage d'indigents est donc théoriquement de l'ordre de 75% (1) ce qui est considérable. On peut noter le grand nombre de morts à l'hospice (11,7%). La première constatation qui s'impose est donc la grande misère de la majorité de la population grenobloise, constatation qui reste pleinement valable, même si l'on formule quelques réserves indispensables. En effet, parmi le total des décès, figurent les décès d'individus jeunes et particulièrement les bébés: on sait que la mortalité infantile à l'époque était considérable et il est certain que pour avoir une vue exacte des choses, du moins en ce qui concerne l'indigence, il aurait fallu établir une répartition des décès selon l'âge, répartition qui aurait permis d'avoir une idée plus précise de l'importance de l'indigence, puisque celle-ci n'aurait été considérée comme réelle qu'à partir de 21 ans, c'est à dire la majorité civile actuelle (2). Il faudrait aussi tenir compte du fait que tous ceux qui sont morts à l'hospice n'étaient pas grenoblois, mais un sondage nous a montré que cette particularité n'avait que peu d'importance quant à l'ordre de grandeur réel. Même en défalquant la mortalité infantile, on atteint encore une pourcentage d'indigents très important. Dans quelle catégorie sociale ou économique se trouvent en majorité ces indigents? Répondre à une telle question n'est pas facile, car il faudrait, d'abord, avoir une connaissance précise de la structure sociale existante, ce qui est le but même de notre étude, ensuite dépouiller les tables de décès par profession, ce qu'il ne nous a pas été possible de faire. Cependant, en première approximation et en nous réservant la possibilité d'y revenir ultérieurement, on peut admettre que ces indigents sont pour la quasi-totalité des ouvriers, des compagnons, quelques artisans vraisemblablement, et aussi des domestiques. La première réponse des chiffres est assez brutale. En 1847, à la veille de la seconde Révolution, près de la moitié des Grenoblois ne disposait
Introduction à la première
partie
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d'aucun capital. Il ne faudra jamais perdre de vue cette indication tout au long de l'étude. Mais ce qui nous intéresse ici, ce sont ceux qui ont laissé un héritage, aussi minime soit-il, car on peut admettre que les successions omises devaient être de faible importance, quand on constate que certaines successions déclarées s'élèvent à moins de 50 francs de l'époque. Le problème de la délimitation des classes et celui du choix des critères est un problème délicat. C'est pourtant d'une solution correcte de ce problème que dépend le degré de compréhension de toute étude sur la structure sociale d'une collectivité.
Notes 1. 1 - g i = 0,75 = 75%. 2. Nous n'avons pas eu le temps matériel d'effectuer ce travail, qui d'ailleurs était un peu accessoire par rapport au but central de notre analyse.
Chapitre I LES CLASSES S O C I A L E S : D E L I M I T A T I O N ET COMPOSITION Pour opérer une classification logique, il faut disposer d'un critère approprié, de caractère objectif. De ce point de vue, on peut se demander si le critère de la classification professionnelle remplit ces conditions et permet de résoudre le problème posé d'une manière satisfaisante. L'analyse critique de ce critère nous permettra d'en proposer un autre, plus perfectionné à certains égards, pensons-nous. A. La classification professionnelle comme critère des classes sociales Mademoiselle Daumard a raison de ne pas confondre la classification sociale et la richesse (1). Elle estime en effet que procéder de cette manière aboutirait à poser a priori une solution du problème des classes: la fortune n'est pas le critère fondamental qui permet de délimiter les classes. Dans une même classe, des fortunes variées peuvent coexister. Il est certain par exemple que les fortunes importantes coïncident presque toujours avec les classes économiquement dominantes, mais il ne s'ensuit nullement que le rôle économique de ces classes soit identique. C'est pour résoudre cette difficulté que Mademoiselle Daumard a opté pour une classification professionnelle: 'Il nous a paru plus intéressant d'adopter une classification professionnelle qui reflète mieux d'ailleurs l'opinion des contemporains' (2). La justification de ce critère ne nous parait pas probante. En effet, Mademoiselle Daumard admet le profession comme étant le critère le plus 'intéressant' (sans fournir d'arguments t r è s convaincants sur ce point) et celui qui correspond le mieux à l'opinion des contemporains. Or, ce qui nous semble indispensable de dégager, c'est un critère objectif indépendant de l'opinion que s'en fait le sujet. Tel individu appartient à telle catégorie sociale, même s'il a une conscience qui ne correspond pas pleinement à sa situation. D'autre part, la classification professionnelle adoptée par Mademoiselle Daumard reflète-t-elle la fonction économique spécifique de chacune des catégories considérées? Nous ne le pensons pas et nous essayerons de le montrer dans quelques instants. De son côté, Monsieur Vovelle a également adopté le critère de la profession et sa classification nous semble plus solide que celle de Mademoiselle Daumard (3). En effet, si nous comparons le tableau suivant des professions adoptées par les deux (en désignant par classification À celle de Monsieur Vovelle, et par classification B celle de Mademoiselle Daumard), nous pouvons constater que Mademoiselle Daumard a adopté une classification en onze postes, alors que Monsieur Vovelle a choisi une nomenclature
Les classes
sociales Classification A
Salariat Commerce Artisanat Propriétaires Petits rentiers Professions libérales Ruraux Divers
17 Classification B Gens de maison Ouvriers Salariés Professions économiques Propriétaires Rentiers Professions libérales Militaires Employés-officiers Prêtres-religieuses Sans profession, ni ressource
réduite à huit postes. On peut établir une certaine correspondance entre les deux classifications. D'après Monsieur Vovelle, on peut distinguer assez bien quatre classes principales: tout d'abord, les propriétaires fonciers, héritiers de l'ancienne couche dirigeante, ensuite la bourgeoisie, subdivisée elle-même en bourgeoisie commerçante et industrielle et en petite bourgeoisie (artisans, petits commerçants), enfin, les petits agriculteurs, exploitant eux-mêmes la terre. Mademoiselle Daumard essaie, sans doute, de préciser davantage le contenu des différentes catégories sociales. Elle insiste beaucoup plus sur le côté professionnel, ce qui repousse au second plan la fonction économique, la place dans la production. Sa méthode aboutit ainsi à écarteler les groupes sociaux et à estomper les critères objectifs qui permettent de définir une classe. Le fait se marque surtout dans l'utilisation de deux catégories: ouvriers et salariés d'une part, professions économiques d'autre part. Mademoiselle Daumard ne précise pas ce qui sépare les ouvriers et les salariés et ceci est assez regrettable, car on peut se demander quel rôle jouent dans la production des salariés non considérés comme ouvriers. Mais notre critique principale concerne surtout la catégorie 'professions économiques'. En effet, Mademoiselle Daumard déclare: 'cette rubrique rassemble des éléments t r è s divers, depuis le marchand cordonnier dont l'achalandage est évalué à zéro, jusqu'au riche négociant en vins qui a pour 200000 francs de marchandise dans ses entrepôts' (4). Mlle Daumard justifie un tel choix en disant qu'il y a peu de négociants riches. Nous croyons qu'un tel raisonnement ne facilite pas la compréhension des processus réels. En effet, sous cette rubrique, sont rassemblés à la fois l'artisanat et le petit commerce que l'on peut désigner sous le nom de petite production marchande, c'est à dire travaillant avec peu ou pas du tout de main d'oeuvre salariée, de faibles capitaux, des moyens de production limités, et le gros commerce et l'industrie (dans la mesure où on peut l'appréhender) qui s'apparente à la production capitaliste. Le problème essentiel serait de
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Les classes
sociales
voir à partir de quel chiffre de capital, on passe d'une catégorie dans l'autre, c'est à dire quand se produit un véritable changement qualitatif. Il ne faut pas oublier, d'une manière générale, que ce sont ces négociants, ces industriels peu nombreux qui tendent à prendre une certaine prééminence économique. M. Vovelle nous semble avoir s e r r é de plus près le problème en partant de la fonction économique, mais son analyse ne permet pas, non plus, d'envisager, au-delà du clivage des catégories, le problème du changement de catégorie à partir d'un certain niveau de fortune, en raison de l'imprécision du contenu de certaines des catégories retenues, comme celle intitulée 'commerce' qui englobe à la fois les petits et grands commerçants et aussi, t r è s vraisemblablement, les industriels. La classification faite à partir du critère professionnel souffre ainsi d'un certain nombre de défauts auxquels il faut essayer de remédier, en proposant un nouveau critère pour définir les classes sociales. B. Le rôle dans le processus productif, comme critère des classes sociales C'est en essayant de tenir compte des remarques formulées plus haut que nous proposerons la classification que nous utiliserons ici. La classe sociale peut se définir comme un groupe d'hommes déterminé qui jouent un rOle semblable dans le processus productif et qui entrent dans des rapports de production similaires avec d'autres groupes d'hommes, à l'occasion précisément de leur vie professionnelle. Cette identité de situation sociale tend à entraîner une identité de conscience, de comportement. C'est à p a r t i r de ces indications que nous avons retenu le classement suivant: 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11.
Ouvriers. Domestiques et gens de maison. Artisans, petits et moyens commerçants. Gros commerçants et industriels. Propriétaires et rentiers. Employés d'Etat. Militaires. P r ê t r e s et étudiants. Cultivateurs et jardiniers. Professions libérales. Sans profession.
Etant donné le nombre important de déclarations qui ne mentionnent pas la profession, nous les avons traitées à part dans certains tableaux, en opérant des regroupements dans d'autres, c'est à dire en essayant d'agréger, d'après la fortune indiquée, d'une part les fortunes les plus b a s s e s r e groupées sous le titre 'petits rentiers', d'autre part les fortunes les plus élevées s'ajoutant à celles, déjà connues, des propriétaires. Le problème principal consistait à fixer une limite entre artisans, petits et moyens commerçants et gros commerçants et industriels. Dans l'état actuel de nos recherches, elle ne pouvait être qu'arbitraire. Cependant, même si elle est fausse, c'est à dire, si elle ne repère pas le passage d'une catégorie à une autre, nous croyons qu'elle n'en demeure pas moins
Les classes
sociales
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Tableau II Structure sociale de la ville de Grenoble en 1847 (d'après les mutations par décès) (a) Professions
Nombre
Ouvriers Domestiques Artisans, petits et moyens commerçants Gros commerçants et industriels Propriétaires et rentiers Employés d'Etat Militaires Cultivateurs et jardiniers Professions libérales Prêtres et étudiants Total
Pourcentage par rapport aux professions
10 10 41 6 29 10 15 4 6 5
7,35 7,35 30,20 4,40 21,30 7,35 11,00 2,95 4,40 3,70
136
100,00
19 96
Sans profession hommes Sans profession femmes
251
Total des déclarations
Tableau Ha Structure sociale d'après la profession et le sexe (en nombre et en pourcentage) (a) Profession
Sans profession
Nombre
%
Hommes Femmes
101 35
85 25,4
19 96
15 74,5
Ensemble
136
53,5
115
46,5
Nombre
%
(a) Source: Archives de l'Isère.
indispensable, car elle reflète un problème réel. Nous l'avons fixée à 10 000 francs de capital total. Les artisans, petits et moyens commerçants représentent la catégorie la plus nombreuse: c'est ce que nous montre le tableau H. Près du tiers des habitants de Grenoble (5) appartenaient donc très probablement à la petite bourgeoisie artisanale et commerçante. Pour pouvoir opérer une synthèse, il nous faut passer de la classification détaillée que nous avons retracée à l'instant, à une seconde classification plus restreinte qui tendra à refléter les classes. Si nous mettons à part les 'sans profession', nous pouvons alors distinguer cinq grandes catégories que l'on peut assimiler plus ou moins à des classes.
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Les classes
sociales
Tout d'abord, la classe ouvrière et salariée, qui regroupe les rubriques 1 et 2. Elle juxtapose deux éléments t r è s différents. En effet, si la classe ouvrière se définit aisément par la place qu'elle occupe dans la production, il n'en est pas de même pour les domestiques, car le seul dénominateur commun aux deux catégories est la dépendance. Ensuite, la bourgeoisie, qui peut se subdiviser en deux grands groupes: la bourgeoisie productive, englobant tous ceux qui jouent un rôle actif dans la production, et la bourgeoisie improductive. La bourgeoisie productive ne forme pas une catégorie homogène, et il est possible de la décomposer en petite et moyenne bourgeoisie (rubrique 3) et en grande bourgeoisie commerçante et industrielle (rubrique 4). Les groupes bourgeois n'ayant aucun rôle actif dans la production sont t r è s variés et hétérogènes. Ils sont compris dans les rubriques 6, 7, 8 et 10. A côté de la bourgeoisie, les propriétaires constituent une couche t r è s hétérogène, dont le point commun semble être leur éloignement de la sphère productive d'une part, la possibilité de vivre sans travail actuel d'autre part. Parmi eux, on trouve des petits rentiers, c'est à dire des personnes âgées vivant d'une manière difficile, des anciens nobles ayant gardé, malgré la Révolution, leur richesse foncière et des propriétaires fonciers non-issus de la noblesse (rubrique 5). Enfin, dans la population de Grenoble, il faut mettre à part une catégorie peu nombreuse, mais qui, à sa manière, témoigne de survivances économiques et d'une structure productive déjà dépassée par l'évolution économique: nous voulons parler des agriculteurs, que l'on peut qualifier d'exploitants, dans la mesure même où ils possèdent des t e r r e s (6). Parmi ces catégories sociales, certaines contribuent à la production des richesses (matérielles ou immatérielles) d'autres non; un tel élément nous a paru important à mettre en relief (tableaux n i et ma). La bourgeoisie apparaît comme la catégorie majoritaire car elle r e p r é sente effectivement plus de la moitié des défunts. Si le secteur tertiaire est relativement fort, la classe ouvrière, par contre, est encore peu nombreuse et son poids économique reste faible. Cependant, ici, il nous faut rappeler un point t r è s important: la structure ainsi décrite concerne uniquement ceux qui ont fait des déclarations de succession. Elle ne vise pas les autres, ceux qui sont décédés indigents. Cela signifie en particulier que la composition réelle de la population n'est pas celle qui apparaît ici: le nombre d'ouvriers et même de domestiques est certainement supérieur à celui qui se reflète ici, car ceux qui sont morts en était d'indigence devaient certainement travauller pour pouvoir vivre. En 1847, les forces productives étaient encore peu développées, puisque 45% seulement de la population possédante exerçaient une activité directement productive. Si on différencie par sexe, on aboutit à des résultats encore plus nets: seulement 25% des femmes, qui travaillaient effectivement, jouaient un rôle dans la production de la vie matérielle. L'étude globale demeure insuffisante et elle doit être complétée par une analyse différenciée de chaque catégorie sociale envisagée isolément.
Les classes
sociales
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Tableau m Structure sociale de la ville de Grenoble en 1847 (d'après les classes) (a) Classes
Nombre
%
Classe ouvrière et salariés Bourgeoisie productive dont petite bourgeoisie grande bourgeoisie Bourgeoisie improductive Propriétaires et rentiers Agricult. et jardiniers
20 47 (41) (6) 36 29 4
14,40 34,60 (30,2) ( 4,4) 26,75 21,3 2,95
136
100,00
(a) Source: Archives de l'Isère.
Tableau nia Producteurs et non producteurs à Grenoble en 1847 (a) Classes
Nombre
%
Classes productives (rubriques 1, 3, 4, 8) Classes improductives (le reste) (b)
61 75
45 55
136
100
(a) Source: tableau précédent. (b) Le terme productif s'applique uniquement aux producteurs (à des degrés différents) d'objets matériels, de marchandises. Les classes intellectuelles, productives de savoir, sont improductives de ce point de vue.
Seule, cette dernière étude nous permettra de préciser les conclusions de la première; aussi, allons nous y procéder maintenant. I. LES SALARIES (CLASSE OUVRIERE ET GENS DE MAISON) Leur seul point commun c'est la dépendance: les uns et les autres, ouvriers et domestiques, sont au service d'une classe économiquement dominante et dirigeante. Les domestiques sont en majorité des femmes. Elles servent comme cuisinières, femmes de ménage, femmes de chambre. On peut présumer, d'après certaines déclarations, que ces domestiques servent chez des propriétaires dont certains appartiennent à l'aristocratie; la bourgeoisie montante utilise encore peu les services des domestiques. Il y a peu de domestiques hommes et ils servent à l'encadrement: ce sont des hommes de confiance et nous constaterons qu'un tel poste leur permet d'accumuler une fortune, qui, malgré leur état de dépendance, les assimile à des catégories sociales beaucoup plus élevées dans la hiérarchie socio-professionnelle. Les ouvriers sont peu nombreux (7,4%) (7). Ils sont répartis entre la
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Les classes
sociales
ganterie, la chapellerie, la draperie et la menuiserie. Aucun d'entre eux n'appartient à la grande industrie, ce qui montre bien que celle-ci n'a pas encore pris son essor à Grenoble (8). La majorité travaille dans le secteur textile avec ses différentes branches. La ganterie est l'industrie traditionnelle de Grenoble, mais elle ne suppose pas, du moins à l'époque, une concentration importante. Draperie, chapellerie, menuiserie restent de nature artisanale. Chi note également un fort pourcentage de journaliers et de manoeuvres (près de 40% du total) ce qui montre qu'à cOté d'ouvriers professionnels qualifiés, dont la force de travail est qualitativement complexe, il existait une fraction de la classe ouvrière qui était prête à exécuter tous les gros travaux n'exigeant aucune capacité particulière. H. LA BOURGEOISIE PRODUCTIVE: ARTISANS, PETITS ET MOYENS COMMERÇANTS, GROS COMMERÇANTS ET INDUSTRIELS La bourgeoisie productive peut se subdiviser en petite bourgeoisie productive, qui englobe les artisans, les petits et moyens commerçants, et en grande bourgeoisie productive, qui se compose des gros commerçants et des industriels proprement dits. Pour différencier ces deux catégories, le critère de la fortune a été utilisé. Il faut préciser qu'il ne sert qu'à titre subsidiaire, comme complément du critère principal, la place dans la production. Le point commun à tous ces groupes, c'est leur rôle actif dans la production, soit au niveau de la fabrication, soit au niveau de la direction, soit au niveau de l'écoulement des marchandises. Les différences résident dans la manière de produire ou d'échanger les produits, selon qu'il y a utilisation ou non du travail salarié. A. La petite bourgeoisie productive Cette rubrique regroupe deux catégories qui, économiquement, sont hétérogènes. Elles ont cependant un point commun: leur indépendance économique relative reflétée par une indépendance juridique réelle: il s'agit des producteurs et des commerçants indépendants. Si ce point commun doit être mis en évidence, il ne faut pas négliger non plus les différences. En effet, artisans et commerçants n'ont pas la mÊme fonction économique. Les artisans sont de petits producteurs: ils transforment la matière première ou le produit semi-ouvré en bien utile; ils dépendent étroitement de la sphère de la production; mais dans la mesure où ils vendent également des produits, ils accomplissent aussi des actes de circulation. Le commerce, lui, appartient entièrement à la sphère de la circulation; le commerçant sert d'intermédiaire entre le producteur qui fabrique les valeurs d'usage et le consommateur qui les acquiert pour satisfaire ses besoins. Il est r a r e que l'artisan pur, héritier des corporations, travaillant p a r fois, mais pas toujours, avec un ou deux ouvriers, se transforme en industriel. Le cas est plus fréquent en ce qui concerne le commerçant, qui peut devenir gros commerçant, puis capitaliste à un certain degré de développement.
Les classes
sociales
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Dans la pratique, il est difficile de faire une distinction tranchée entre les deux catégories, car les renseignements fournis sont trop globaux pour permettre la différenciation nécessaire. Certains cas apparaissent comme simples: un coloriste, un cafetier sont certainement des commerçants; à l'inverse, un charpentier, un cordonnier, un tailleur d'habits sont incontestablement des artisans. Mais que peut-on dire d'un boulanger, d'un boucher? Si nous classons artisans et commerçants par grandes activités économiques, nous arrivons au résultat suivant, qui appelle quelques commentaires. Tableau mb Répartition professionnelle par grandes activités économiques des artisans, petits et moyens commerçants
%
Activités économiques
Nombre
Alimentation Métaux - mécanique Céramique Bâtiment - travaux publics Chimie Textile Cuir Bois Transports Divers
8 3 1 3 2 14 4 1 3 2
19,50 7,30 2,45 7,30 4,90 34,10 9,80 2,45 7,30 4,90
Total
41
100,00
L'activité économique dominante concerne donc d'une part l'alimentation (et ceci englobe à la fois les débits de boisson et les hôtels, restaurants et auberges) et le textile. Grenoble en 1847 était caractérisée, semble-t-il, par son activité textile. Les autres branches ont peu d'importance: elles témoignent d'une structure pré-industrielle et de l'existence de métiers peu nombreux, directement dépendants des besoins de la population. Le commerce est certainement tourné avant tout vers l'intérieur et le marché local; les échanges extérieurs doivent être faibles, à part, peut-être, la ganterie. Mais tout ceci demeure très hypothétique étant donné la faible importance de l'échantillon étudié. Les femmes exercent des activités traditionnellement féminines: elles sont lingères, modistes, couturières. B. Gros commerçants et industriels Les gros commerçants et industriels sont peu nombreux (6). La différenciation par rapport aux groupes précédents est ici opérée non pas tellement sur la base de la profession, mais sur celle de la fortune. Ce groupe comprend un commerçant (boulanger) et 5 entrepreneurs industriels (deux gantiers, un imprimeur, un tailleur d'habits, un horloger). Ils appartiennent
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donc au secteur textile, au secteur des arts graphiques et à celui de l'horlogerie. ni. LA BOURGEOISIE IMPRODUCTIVE Elle comprend un ensemble de catégories dont le dénominateur commun est leur non-productivité directe; elle concerne la sphère administrative, militaire et intellectuelle; elle constitue ce que l'on pourrait appeler soit le moyenne bourgeoisie, si on se réfère au niveau du revenu, soit la bourgeoisie d'état si on envisage la fonction économique. Ces divers groupes font certainement partie de la bourgeoisie dont ils partagent la mentalité et adoptent le mode de vie; cependant la différenciation des fonctions, entre la bourgeoisie productive et la bourgeoisie improductive, entraîne également une différenciation structurelle et c'est pourquoi il est intéressant d'étudier cette bourgeoisie improductive à part. P a r ailleurs, du fait qu'elle est composée de catégories hétérogènes, il est peu utile de l'appréhender globalement et il est certainement préférable de garder la subdivision analytique qui a été expliquée plus haut. Certes la juxtaposition de groupements dont les uns paraissent constituer de véritables classes sociales (ouvriers, paysans, propriétaires) et dont les autres seraient plus justement désignés sous le terme de couches sociales, risque de nous conduire à des conclusions hâtives, mais, à ce niveau de l'analyse, une telle méthode nous semble cependant légitime et utile. Parmi les employés publics et fonctionnaires, qui représentent 7% du total, on peut distinguer les agents subalternes qui correspondraient aux échelons actuels C et D, et les agents supérieurs, magistrats, membres des Conseils de Préfecture e t c . . . : les administrations représentées sont les Finances et la Justice. Grenoble a toujours joué un grand rôle entant que ville frontière: elle commandait directement l'accès en Italie et constituait un camp retranché de première importance, ce qui explique le pourcentage des militaires (11,1%). Ceux-ci sont essentiellement des officiers, qui avaient Grenoble pour garnison; on note une majorité de capitaines: ce grade devait constituer pour de nombreux officiers, l'aboutissement de leur c a r r i è r e ; le plus haut grade enregistré est celui de chef de bataillon. Il faut aussi souligner l'existence de quelques soldats et sous-officiers de métier. Les professions libérales sont assez variées: médecins, légistes, avoués, e t c . . . E l l e s sont traditionnelles et ne paraissent pas liées spécialement à l'activité économique spécifique de la ville. La catégorie 'prêtres et étudiants' rassemble deux éléments complètement hétérogènes, mais qui ont cependant une particularité commune: leur fonction de consommation, non compensée par une fonction de production (de marchandises ou de services) ceci entendu d'un point de vue économique. Les étudiants sont directement à la charge de la collectivité, ou plus exactement de leur famille (qui en général fait partie de la bourgeoisie ou de la catégorie des propriétaires). Les prêtres et les religieuses ont opté pour une vie déterminée, qui les isole du circuit économique. C'est en ce
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sens qu'il a paru utile de séparer ces groupes des autres catégories; dans une agrégation ultérieure, il serait indispensable de les intégrer dans la bourgeoisie improductive. IV. LES PROPRIETAIRES-RENTIERS Les propriétaires-rentiers fondent leur fortune, non pas tellement sur les valeurs mobilières, mais la plupart du temps sur des biens immobiliers (surtout, mais non exclusivement, des maisons). Ils sont qualifiés à la fois de propriétaires, parce qu'ils possèdent tous en principe une propriété aussi petite soit-elle, et de rentiers, parce qu'ils ne travaillent plus et vivent de revenus qui ne proviennent pas d'un travail actuel. En fait, comme une analyse plus approfondie le dégagera, cette catégorie, qui paraît homogène, se compose de deux groupes bien différents: d'une part, les propriétaires fonciers stricto sensu, d'autre part, des personnes peu f o r tunées, faisant partie de la population non-active, et assimilables t r è s souvent à des retraités, dont elles partagent, généralement, la condition de vie, et, très souvent, la mentalité. Dans les deux groupes, les femmes sont plus nombreuses que les hommes, ce qui tendrait à prouver la transmission des richesses par l'élément féminin. V. LE SECTEUR AGRICOLE: CULTIVATEURS ET JARDINIERS En 1847, la catégorie 'agriculteurs et jardiniers' existait encore parmi la population grenobloise. L'étude des déclarations enregistrées pour l'ensemble du Bureau de Grenoble montre qu'alors la banlieue grenobloise était entièrement agricole. D'importants domaines (9) existaient, non seulement à Saint Martin d'Hères, Saint Egrève (10), mais également dans les quartiers de Grenoble, actuellement occupés par les immeubles bâtis, comme l'Abbaye. C'est là une preuve supplémentaire de la structure préindustrielle de Grenoble à cette date. L'analyse que nous venons de faire nous a déjà permis de délimiter, d'une manière assez grossière, les différentes classes sociales. Mais, il faut aller plus loin. Il nous fait maintenant approfondir les caractéristiques principales de ces classes sous l'angle juridique, à la fois d'une manière statique, c'est à dire du point de vue de l'état civil, et d'une manière dynamique c'est à dire du point de vue de la mobilité sociale et du mode de transmission des biens. Notes 1. 2. 3. 4. 5.
A. Daumard, op. cit., pp. 52 sqq. A.Daumard, op. cit., p. 54. M.Vovelle, op. cit., pp. 385 sqq. A. Daumard, op. cit., p. 62. Toutes nos analyses portent, non pas sur la population totale de Gre-
26
6. 7. 8.
9. 10.
Les classes
sociales
noble, mais sur la population possédante, ce qui est différent. En outre, il est admis, comme hypothèse de travail, une identité assez forte entre la structure sociale des défunts (reflétée par les mutations p a r décès) et la structure sociale réelle de tous les possédants. En d'autres termes, les défunts recensés pendant une année composent un échantillon valable de toute la population possédante. Ce que nous déterminerons par la suite. Ils sont presque uniquement du sexe masculin. On note une seule ouvrière, qualifiées de journalière. Une réserve importante s'impose: la structure sociale révélée par les successions ne reflète la structure sociale réelle qu'avec un décalage dans le temps assez important. Sur ce point, consulter la thèse de M. Léon: 'La naissance de la grande industrie dans le Dauphiné', 2 vol. Dalloz 1954. Il faut entendre ce terme au sens technique d'exploitation agricole d'un seul tenant, et non au sens médiéval de forme d'économie. Il s'agit des communes proches de Grenoble, mais néanmoins distinct e s de la ville elle-môme.
Chapitre STRUCTURE
MATRIMONIALE
II ET
NOMBRE
D'ENFANTS
La connaissance du pourcentage respectif des célibataires et des gens mariés présente une assez grande importance pour connaître le comportement des différentes classes sociales devant les problèmes posés par l'existence. Il en est de même du nombre d'enfants; en effet, le chiffre moyen des enfants conditionne directement le taux de reproduction au sens exact du terme. Les conclusions que nous pouvons dégager de tels chiffres ne concernent pas uniquement le comportement subjectif de chaque individu pris isolément, elles affectent aussi certains aspects objectifs qui touchent à la structure même de la société. En effet, le mariage dans les anciennes sociétés, et il en était encore ainsi au XIXe siècle, ne se présentait pas uniquement comme une convention, un accord entre deux êtres qui s'aiment et veulent fonder un foyer; il était aussi, et parfois beaucoup plus, une convention entre familles désireuses d'étendre leur influence ou d'associer leurs fortunes. Un double problème se pose alors: tout d'abord, à quelles conditions était-il possible de demeurer célibataire, en distinguant d'ailleurs selon qu'il s'agit d'un homme ou d'une femme?; ensuite, problème inverse, quelles étaient les chances réelles pour un individu de fonder un foyer? La solution de ce problème implique la connaissance des facteurs favorables au mariage et réciproquement celle des facteurs négatifs. C'est sur ce vaste complexe que débouche toute étude qui ne se veut pas superficielle; et la base de tout cet édifice paraît bien se trouver dans la sphère économique, au moins dans une large mesure. Il en est de même en ce qui concerne les enfants: le nombre des enfants par famille en moyenne fournit une bonne indication sur le degré de malthusianisme et aussi sur les causes présumées de la natalité ou de la dénatalité. Là encore, nous croyons que de tels phénomènes tiennent à la structure profonde des collectivités étudiées.
I. LA STRUCTURE MATRIMONIALE Le tableau IV analyse l'état matrimonial tel qu'il a pu être dégagé des indications fragmentaires que nous possédions. Il indique à la fois le pourcentage respectif des personnes mariés et des célibataires, et le nombre d'enfants, en distinguant selon le sexe des de cujus, hommes et femmes étant séparés (120 hommes et 131 femmes).
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Etude des
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testaments
Tableau IXa Testaments et classes sociales à Grenoble en 1847 (en pourcentage) Professions des défunts
testaments Nombre %
Ensemble Gens de maison Ouvriers Artisans Gros commerçants et industriels Propriétaires-rentiers Employés d'Etat Militaires Cultivateurs et jardiniers Professions libérales P r ê t r e s et étudiants Sans profession Total
Nombre
%
2 6 40 7 14 6 8 4 6 2 55
18,2 54,5 68,0 73,0 48,5 60,0 42,0 66,6 66,6 40,0 66,2
9 5 19 2 15 4 11 2 3 3 28
81,8 45,5 32,0 27,0 51,5 40,0 58,0 33,4 33,4 60,0 33,8
150
60,0
101
40,0
Tableau IXb Fréquence testamentaire absolue par sexe Sexe
Sans testament Nombre
Hommes Femmes
76 74
Ensemble
150
Testament
%
Nombre
%
63,2 56,5
44 47
36,8 43,5
60
101
40
nus, au détriment d'amis ou de personnes non parentes qu'elles veulent favoriser. Il est difficile de déterminer les facteurs qui conditionnent la fréquence testamentaire. On peut envisager la fréquence du célibat, mais la même cause n'aboutit pas toujours aux mêmes effets. On peut aussi considérer le sexe et l'âge, mais là encore il est très difficile de repérer des régularités, des uniformités qui seraient seules significatives. On peut enfin, et cette hypothèse est raisonnable, soupçonner l'influence de la cohésion familiale et de l'importance de la fortune. Une certaine lumière est projetée par la fréquence des testaments olographes. Les gens de maison ne font jamais de testaments olographes, et il en va de même des ouvriers. Par contre, gros commerçants et industriels, employés d'Etat, professions libérales, et propriétaires-rentiers à un moindre degré, laissent très fréquemment un testament du type olographe. On constate ici, non pas le corollaire du phénomène analysé plus haut, mais une relation très probable entre le degré d'instruction et le type de testament: une telle hypothèse pourrait, peut-être, être assez difficilement
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énoncée aujourd'hui, après la généralisation de l'instruction, mais à l'époque étudiée, elle nous semble très plausible. Les testaments contiennent très souvent, mais pas toujours, des legs: legs particuliers, legs philanthropiques, etc... Analyser la structure des legs par classes sociales doit permettre de mieux comprendre la signification de la fréquence testamentaire.
II. CONTENU DES LEGS Les legs ont été divisés en trois types: legs particuliers, legs aux domestiques et legs philanthropiques (voir les tableaux IX et IXc). Tableau IXc Structure des legs par classes sociales à Grenoble en 1847 (a) Professions (b) Gens Ouvriers Artisans Gros commerçants et industriels Propriétaires-rentiers Employés d'Etat Militaires Cultivateurs et jardiniers Professions libérales Prêtres et étudiants Sans profession Total
Legs philanthropiques
Legs particuliers
Legs aux domestiques
-
-
-
-
-
-
13,5
100 13,1 69,0 73,3 97,0 100 100 100 64,5
7,4
83,3
-
22,4 16,3 23,8 0,1 -
-
64,5 14,7 2,9 2,9 -
22,0 9,3
(a) L e s legs particuliers comprennent l'ensemble des legs donnés p a r testament à titre particulier. Ils n'incluent pas la totalité des legs faits à des parents, n o r malement appelés à la succession, et qui sont avantagés p a r l e s dispositions testamentaires. Dans l'ensemble ils tendent à r e f l é t e r les legs faits à des p e r sonnes qui ne sont pas de la famille. (b) L e tableau IXc s'inspire de la troisième partie du tableau IX, c'est a dire qu'il inclut dans les professions, les f e m m e s ne travaillant pas, mais dont la p r o f e s sion du m a r i a pu être déterminée.
A. Les legs philanthropiques concernent ceux qui sont faits à des oeuvres charitables, en général des oeuvres religieuses: les legs les plus fréquemment rencontrés sont ainsi faits soit au profit du curé ou de l'église du défunt, soit au profit des orphelins, soit enfin au profit de différents organismes similaires. Ils traduisent à la fois la vivacité du sentiment religieux et l'emprise de l'Eglise catholique sur les fidèles. Ils sont particulièrement importants dans les classes riches: gros commerçants, propriétaires-rentiers, couche
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Etude des
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supérieure des employés d'Etat. Les legs varient entre 500 et 2000 francs, ce qui est considérable pour l'époque, puisque, comme nous le verrons plus bas, ce chiffre tend à représenter la fortune moyenne des petits artisans. Il y a donc là une source de revenus non négligeables pour l'Eglise. Cependant, si leur importance est grande, leur fréquence est assez limitée (on en relève en effet 16 au total, soit moins de 7%) (5) et ils représentent un pourcentage très faible de la fortune totale soit 0,81% (6). Les classes pauvres ne font pas de legs philanthropiques et ceci concerne à la fois les artisans, les gens de maison, les ouvriers et les cultivateurs-jardiniers. Ceci doit révéler à la fois une fortune médiocre et une emprise écclésiastique beaucoup moins marquée, ce qui ne veut pas dire une moins grande piété ou une foi moins vive. De tels indices ne permettent pas de trancher. B. Les legs faits aux domestiques révèlent à la fois l'importance de la domesticité et la possibilité pour certains d'entre eux d'acquérir, après une longue vie de travail, une certaine aisance; ils ne peuvent concerner que les classes aisées, ce que souligne bien le tableau K c ; ils sont peu nombreux, mais en moyenne assez élevés (7) puisqu'ils peuvent atteindre 2.000 frs par domestique (avec un chiffre maximum de 6.000 francs, ce qui est considérable). Au total s'ils ont une grande signification individuelle, ils représentent peu de chose par rapport aux fortunes transmises par la voie successorale. C. S'il n'en va pas de même pour les legs particuliers, il est difficile d'en tirer des conclusions valables car le total de ces legs se compose à la fois de legs faits à des personnes non-parentes, ce qui reflète une certaine rupture de la cohésion familiale, et de legs édictés en faveur de certains parents que l'on veut avantager. Pour éclairer ce problème, il est intéressant de calculer le pourcentage des legs sur le total des fortunes successorales: ce pourcentage atteint 10,6%, pour un total de dix-sept legs ce qui est peu (8). En résumé, les testaments, en majorité paraissent avoir eu pour but de prévoir certaines dispositions au profit des survivants et surtout de la femme, plus que de bouleverser les règles légales de dévolution. ni. CONCLUSION Si nous essayons de rassembler les différentes catégories sociales analysées en des groupements homogènes, d'après la place dans la production, l'activité économique et le degré de dépendance, nous pouvons faire les constatations suivantes. Les classes 'salariées', dites aussi les classes 'populaires', réunissant ouvriers et gens de maison, apparaissent comme assez hétérogènes. Le rassemblement que nous opérons est donc assez artificiel, ce qui veut dire que, d'une part, la place dans la production est un critère beaucoup plus important que celui de la dépendance, que, d'autre part, la catégorie économique 'salarié' ne revêt pas le même contenu pour les salariés et les
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testaments
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gens de maison. Si les divergences sont marquées, car elles concernent notamment la fréquence des mariages (plus grand nombre de célibataires chez les gens de maison, femmes surtout), la mobilité professionnelle (totale chez les gens de maison, elle est beaucoup moins forte, bien que demeurant très élevée, chez les ouvriers), la mobilité géographique (nulle chez les gens de maison, elle est moyenne chez les ouvriers), la fréquence testementaire (moyenne chez les ouvriers, elle est très forte chez les gens de maison), certaines convergences apparaissent également: en ce qui concerne la vitalité démographique et la fréquence des familles nombreuses par exemple, la fréquence des contrats de mariage, la fréquence de certains types de ces legs (legs philanthropiques par exemple). Le comportement des deux classes dépendantes apparaît donc comme révélateur de la structure de ces classes: la condition prolétarienne est bien différente, déjà à cette époque, de la condition domestique, mais la plasticité structurelle subsiste cependant. La 'bourgeoisie productive' rassemble les éléments qui jouent soit un rôle économiquement dirigeant dans le processus productif (industriels), soit un rôle de premier plan (gros commerçants, négociants), ou de second rang dans le processus de circulation et de répartition (artisans, petits et moyens commerçants). Le clivage paraît difficile à tracer, et si de nombreux points communs existent entre les deux catégories sociales que nous avions précédemment délimitées, il ne faut pas négliger les divergences qui sont souvent aussi très significatives. Parmi les indices de convergence, il faut relever la fréquence du mariage, la fréquence des contrats de mariage, mais non le type de contrat de mariage, la mobilité sociale, la fréquence testamentaire: donc la majorité des indices semblent concordants. Cependant on relève deux divergences importantes: d'une part, le malthusianisme démographique des artisans, petits et moyens commerçants est beaucoup moins accentué que celui des gros commerçants; d'autre part, la mobilité géographique, nulle chez les gros commerçants, est assez marquée parmi la classe artisanale. Ces divergences sont très intéressantes pour différencier les deux catéries. La stabilité de la petite bourgeoisie n'est pas complète, son assise géographique est moins forte car sa situation économique est beaucoup moins solide; elle est plus fortement exposée aux aléas inévitables de la production. D'autres différences, qui ne sont que de degré, viennent confirmer cette impression première: entre les deux catégories, il y a une différence qualitative, qui se révèle non seulement dans la fonction économique, mais également dans le comportement social. Les propriétaires-rentiers se différencient assez fortement de la classe précédente. Ils englobent à la fois ceux qui sont propriétaires immobiliers et qui tirent leurs revenus de l'exploitation de leurs domaines, exploitation faite par l'intermédiaire de fermiers ou de métayers, et ceux qui, tout en possédant également des immeubles, vivent principalement de revenus mobiliers. Ils comprennent également cette catégorie hétérogène, difficile à classer et à analyser: les petits-rentiers. Ils reflètent plus ou moins directement la fortune foncière. De ce point de vue, on peut noter que sur deux points importants, des divergences existent entre le comportement de
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la bourgeoisie et celui des propriétaires r e n t i e r s : en p r e m i e r lieu, la mobilité sociale et la mobilité géographique sont beaucoup plus fortes pour les p r o p r i é t a i r e s - r e n t i e r s que pour les commerçants et industriels, phénomène qui traduit une moins forte implantation urbaine; en second lieu, la fréquence testamentaire est beaucoup plus élevée. P a r contre, on note une identité t r è s intéressante quant au degré respectif de malthusianisme, à la fréquence des mariages et des contrats. La 'bourgeoisie improductive', ainsi appelée parce qu'elle n'est pas directement intéressée au processus de production en ce sens qu'elle occupe une position intermédiaire, bien que faisant partie de la bourgeoisie, forme un ensemble encore beaucoup plus hétérogène que le précédent. Les différentes couches qui la composent n'ont pas un comportement identique, et il semble difficile de dégager les points communs existant entre fonctionn a i r e s , militaires, professions libérales, voire p r ê t r e s et étudiants. On peut noter cependant une certaine similitude qui se manifeste à propos de la fréquence des mariages et des contrats, la mobilité géographique, mais qui va de pair avec des divergences concernant le degré de malthusianisme démographique (moins élevé chez les employés d'Etat) la mobilité sociale et la fréquence testamentaire (beaucoup plus marquée chez les militaires). Le cas des professions libérales parait bien comme un cas aberrant, étant donné surtout la fréquence du célibat, qui a pour conséquence de f a u s s e r l'ensemble des autres caractères constatés. Les cultivateurs-jardiniers sont également bien individualisés et s ' i l est toujours possible de relever certaines convergences ou certaines divergences entre leur comportement propre et celui des autres classes sociales, il est non moins s û r qu'un certain nombre de t r a i t s essentiels les caractérisent: 1. leur vitalité démographique (qui reste la plus forte de toutes l e s classes sociales), vitalité qui s'accompagne d'une t r è s forte fréquence matrimoniale. 2. leur faible mobilité sociale (qui les oppose aux artisans, aux ouvriers et aux gens de maison) accompagnée d'une faible mobilité géographique). 3. leur faible fréquence testamentaire, qui traduit un souci de l'avenir a s sez peu marqué, ou des connaissances juridiques ou une instruction faibles. Définir les classes sociales, analyser leurs c a r a c t è r e s ne constitue qu'une étape préliminaire qui était indispensable pour aborder l'étude de la r i c h e s s e et de sa répartition selon les classes. Disposant maintenant d'un certain nombre d'éléments méthodologiques qui demeurent bien imparfaits, il est possible de les utiliser pour tenter de dégager et d'expliquer la s t r u c t u r e de la fortune tant mobilière qu'immobilière, telle qu'elle se présentait à Grenoble à la veille de la seconde République. Notes 1. On peut môme noter l'existence d'une troisième variété de testament, le testament mystique. Mais il est peu usité et nous n'en avons pas trouvé t r a c e dans notre étude.
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2. On sait que du point de vue juridique, on divise, au contraire, les legs en legs universels et à titre universel, et en legs particuliers. 3. Le pourcentage des illetrés, parmi les futurs époux, dans la ville de Grenoble, étant le suivant en 1854: époux: 31%; épouses: 46% (INSEE Annuaire statistique 1951 - part, franc., p. 48). 4. Tous ces chiffres sont extraits du tableau CCa. La dispersion atteint ainsi +41,8 et -13. 5. 16 sur 251, soit 6,46%. 6. Pour les chiffres de la fortune, voir la seconde partie. 7. On en dénombre 9 sur 251, soit une proportion de 3,6% environ. 8. Mais il faut signaler que parmi ces legs particuliers se trouvent des legs faits à des parents: le chiffre est donc trop élevé pour représenter véritablement le transfert des biens hors de la famille.
Deuxième STRUCTURES
partie
SOCIALES ET
FORTUNE
INTRODUCTION
A LA D E U X I E M E
PARTIE
Nous saisirons la fortune, transmise par voie successorale, sous ses deux éléments essentiels: la fortune mobilière d'une part, la fortune immobilière de l'autre. Chaque déclaration de succession se caractérise par une certaine proportion entre la part mobilière et la part immobilière. Etudier la structure de la fortune par classes sociales revient à dégager la structure de la masse des biens meubles et immeubles possédée par chaque grande catégorie sociale préalablement délimitée. La structure de la fortune totale ne peut être comprise qu'après l'analyse de la structure de la fortune mobilière, d'une part, immobilière de l'autre. Une telle analyse permet de voir quelles classes tirent l'essentiel de leurs revenus, donc de leurs moyens d'existence, des sources mobilières, et quelles classes tirent les leurs des fonds immobiliers. D'ailleurs, une telle proposition doit être nuancée. En effet, la déclaration de succession renseigne sur le capital, non sur le revenu. C'est là à la fois son avantage et ses limites; avantage, car elle constitue une espèce de cliché photographique d'un ensemble déterminé, à un instant t; défaut, car il n'y a pas équivalence en général entre le capital et le revenu. En effet, si le revenu, issu de la production, peut être constitué par des rentes ou des fermages, il est le plus souvent constitué par les traitements, salaires, profits et intérêts. Le capital final ne renseigne qu'imparfaitement sur l'enrichissement d'une part, sur le train de vie réel d'autre part. Calculer l'enrichissement paraît d'ailleurs être du domaine du possible, lorsque les rapports initiaux ont été inscrits dans un contrat de mariage préalable et que ces apports sont rappelés dans la déclaration de succession; mais il n'en va pas ainsi dans tous les cas. Pour mener à bien notre analyse, nous allons donc étudier successivement la fortune mobilière, la fortune immobilière et la fortune totale.
Chapitre I LA F O R T U N E DE T Y P E
MOBILIER
Deux phénomènes complémentaires mais différents peuvent être analysés. Il s'agit tout d'abord du degré de concentration qui apparaît en comparant les pourcentages respectifs de chaque catégorie et de leur fortune dans le total d'une part des individus recensés, d'autre part de la fortune totale du type considéré. Cette concentration indique si les fortunes sont inégalement réparties et si l'inégalité est t r è s accentuée: la concentration est un bon indice de la puissance économique réelle, et permet d'entrevoir le degré de domination possible. Mais, si l'étude de la concentration par type de biens mobiliers est t r è s intéressante, une autre analyse est non moins significative et complète la première. Il s'agit de la structure de chaque fortune non plus par rapport à la fortune totale de l'ensemble des classes, mais par rapport à la fortune totale de chaque classe ou catégorie. Cette structure est révélatrice de la composition réelle de la fortune de chaque catégorie sociale et permet de dégager les sources principales de cette fortune; elle fournit donc des renseignements t r è s précieux sur la répartition par classes des divers types de biens mobiliers. De plus, si l'on admet que la composition de la fortune totale reflète une moyenne générale assez abstraite d'ailleurs comme toutes les moyennes, il est possible de comparer la composition réelle de chaque fortune avec cette composition moyenne et de discerner l'ampleur et l'intensité des écarts, écarts d'autant plus grands que la répartition est plus inégale. Un dernier instrument peut enfin être utilisé avec fruit. Il s'agit de la fortune moyenne individuelle par classe. Dans ces cas-là, il faut d'ailleurs prendre quelques précautions et tenir compte de données aberrantes par rapport à l'ensemble, données qui peuvent fausser complètement les calculs. Moyennant ces quelques précautions, il est possible de comparer ces moyennes entre elles et avec la moyenne générale; ici, le calcul sera fait uniquement pour les fortunes totales. I. LA REPARTITION DE LA FORTUNE MOBILIERE Comme nous l'avons indiqué dans nos notes méthodologiques, les biens mobiliers transmis par succession sont de trois ordres: valeurs mobilières et meubles meublants, créances actives, titres et obligations (voir l'introduction). Le tableau X (p. 71) dégage la structure d'ensemble de la fortune mobi-
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