Rhumatologie pour le praticien 9782294748325, 9782294749520


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Copyright
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Abréviations
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L'os : physiologie et exploration
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L'articulation, entité fonctionnelle
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Sémiologie ostéo-articulaire
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L'imagerie pratique en rhumatologie
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Examens biologiques de base en rhumatologie
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L'électroneuromyographie en rhumatologie
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Analyse du liquide synovial
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Lombalgies
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Radiculalgies du membre inférieur
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Hyperostose vertébrale ankylosante
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Anomalies de la statique rachidienne de l'enfant
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Cormoptose
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Ostéoporose
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Ostéomalacie
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Condensations osseuses
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Adaptation et pathologie d'adaptation de l'os aux contraintes
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Algodystrophie sympathique réflexe (ADSR)
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Ostéonécrose de la tête fémorale
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Maladie osseuse de Paget
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Myélome multiple des os (maladie de Kahler)
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Métastases osseuses
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Tumeurs primitives des os
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Arthrites septiques
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Spondylodiscites infectieuses
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La goutte
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Chondrocalcinose articulaire (CCA)
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Rhumatisme à apatite
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Arthrose
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Tendinopathies de l'épaule
37.pdf
Capsulite rétractile de l'épaule
Untitled
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Tendinopathies et bursopathies
39.pdf
Fibromyalgie
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Syndrome du canal carpien et autres syndromes canalaires
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Maladie de Dupuytren
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Polyarthrite rhumatoïde
43.pdf
Spondyloarthrites
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Arthrites réactionnelles
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Maladie de Horton et pseudo-polyarthrite rhizomélique
46.pdf
Lupus érythémateux disséminé et syndrome des anticorps anti-phospholipides
47.pdf
Syndrome de Gougerot-Sjögren primitif
48.pdf
Conduite à tenir devant un rhumatisme inflammatoire débutant
49.pdf
Les maladies professionnelles en rhumatologie
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Notes de podologie
51.pdf
Conduite à tenir devant des myalgies
52.pdf
Introduction à la thérapeutique
53.pdf
Les vaccinations dans les rhumatismes inflammatoires chroniques de l'adulte
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Les thérapeutiques antalgiques
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Les anti-inflammatoires non stéroïdiens
56.pdf
La corticothérapie en rhumatologie
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Rhumatologie interventionnelle
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Les médicaments de l'os
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Les traitements des rhumatismes inflammatoires
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Rhumatologie pour le praticien
 9782294748325, 9782294749520

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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France Rhumatologie pour le praticien de Bernard Mazières, Michel Laroche, Arnaud Constantin et Alain Cantagrel © 2018, Elsevier Masson SAS. ISBN : 978-2-294-74832-5 e-ISBN : 978-2-294-74952-0 Tous droits réservés. Les praticiens et chercheurs doivent toujours se baser sur leur propre expérience et connaissances pour évaluer et utiliser toute information, méthodes, composés ou expériences décrits ici. Du fait de l'avancement rapide des sciences médicales, en particulier, une vérification indépendante des diagnostics et dosages des médicaments doit être effectuée. Dans toute la mesure permise par la loi, Elsevier, les auteurs, collaborateurs ou autres contributeurs déclinent toute responsabilité pour ce qui concerne la traduction ou pour tout préjudice et/ou dommages aux personnes ou aux biens, que cela résulte de la responsabilité du fait des produits, d'une négligence ou autre, ou de l'utilisation ou de l'application de toutes les méthodes, les produits, les instructions ou les idées contenus dans la présente publication. Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l'autorisation de l'éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d'une part, les reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d'autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d'information de l'œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la ­propriété intellectuelle). Légendes et crédits de la couverture (de gauche à droite et de haut en bas) : 1 Aspects de la fluorescence des noyaux des cellules Hep-2 en présence d'anticorps anti-nucléaires : homogène, mouchetée, nucléolaire et homogène à renforcement périphérique (Source : T. Belmondo, S. Hüe, Autoanticorps antinucléaires : tests de dépistage par immunofluorescence indirecte sur cellules HEp-2, Biologie médicale, 2017-09-01, Volume 12, Numéro 3, Pages 1-11, Copyright © 2017 Elsevier Masson SAS). 2 Microscopie électronique de transmission de la couche superficielle d'un cartilage du condyle de lapin montrant deux chondrocytes, l'un normal, l'autre apoptotique. 3 Radiographie d'une sacro-iliite droite. 4  Tassement-fracture lombaire par ostéoporose. 5  Symbole illustrant la rhumatologie (Source : www.docteurclic.com/maladie/troubles-musculo-squelettiques.aspx). 6  IRM d'une ostéonécrose de la tête fémorale droite. 7  Main rhumatoïde avec synovite de la 3e IPP et kyste synovial de la 2e IPD. 8  Bursite goutteuse du coude. 9  Microscopie électronique de transmission d'un ostéoclaste. Les illustrations 1.07, 2.01, 2.15, 2.16, 3.04, 3.05, 3.08, 3.11, 4.01, 9.01, 10.01, 10.02, 10.03, 10.04, 10.05, 20.02, 28.02, 29.06, 29.21, 29.27, 29.31, 30.01, 30.02, 30.03, 30.04, 30.05, 34.02, 34.03, 37.01, 44.01, 44.02, 44.03, 44.08, 44.09 et 53.01 ont été réalisées par Carole Fumat.

Ce logo a pour objet d'alerter le lecteur sur la menace que représente pour l'avenir de l'écrit, tout particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photo-copillage ». Cette pratique qui s'est généralisée, notamment dans les établissements d'enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd'hui menacée. Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes d'autorisation de photocopier doivent être adressées à l'éditeur ou au Centre français d'exploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.

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Les auteurs

Daniel Adoue Professeur des universités, université Toulouse III-Paul Sabatier. Praticien hospitalier. Médecine interne et immuno­ pathologie clinique. Centre de Rhumatologie et d'immuno­ logie Clinique, Pôle Institut Universitaire du Cancer Oncopole, CHU de Toulouse. Jacques Bernard Praticien hospitalier. Rhumatologue et interniste. Centre de rhumatologie et d'immunologie clinique, hôpital PierrePaul Riquet, CHU de Toulouse. Laure Bernard Interne des hôpitaux. Service de gynécologie médicale, CHU de Strasbourg. Alain Cantagrel Professeur des universités, université Toulouse III-Paul Sabatier. Praticien hospitalier. Rhumatologue, chef de service. Centre de rhumatologie et d'immunologie clinique, hôpital Pierre-Paul Riquet, CHU de Toulouse et Inserm UMR 1043. Pascal Cintas Praticien hospitalier. Neurologue. Explorations neurophysio­ logiques, Centre SLA, Centre de référence de patho­logie neuromusculaire, hôpital Pierre-Paul Riquet, CHU de Toulouse. Arnaud Constantin Professeur des universités, université Toulouse III-Paul Sabatier. Praticien hospitalier. Rhumatologue. Centre de rhumatologie et d'immunologie clinique, hôpital PierrePaul Riquet, CHU de Toulouse et Inserm UMR 1043. Alexa Debard Praticien hospitalier. Infectiologue. Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital Purpan, CHU de Toulouse. Yannick Degboé Chef de clinique, assistant des hôpitaux. Rhumatologue. Centre de Rhumatologie et d'immunologie clinique, hôpital Pierre-Paul Riquet, CHU de Toulouse. Pierre Delobel Professeur des universités, université Toulouse III-Paul Sabatier. Praticien hospitalier. Infectiologue, chef de service.

Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital Purpan, CHU de Toulouse. Philippe Gaudin Professeur des universités, université Grenoble Alpes. Praticien hospitalier. Rhumatologue, chef de service. CHU de Grenoble Alpes. Pauline Lansalot-Matras Praticien hospitalier. Infectiologue. Service des maladies infectieuses et tropicales, hôpital Purpan, CHU de Toulouse. Michel Laroche Professeur des universités, université Toulouse III-Paul Sabatier. Praticien hospitalier. Rhumatologue. Centre de rhumatologie et d'immunologie Clinique, hôpital PierrePaul Riquet, CHU de Toulouse. Henri Lellouche Rhumatologue. Attaché des hôpitaux. Institut de l'appareil locomoteur Nollet, Paris. Bernard Mazières Professeur émérite des universités, université Toulouse III-Paul Sabatier. Rhumatologue. Jacques Morel Professeur des universités, université de Montpellier. Praticien hospitalier. Rhumatologue. Département de Rhumatologie, CHU de Montpellier. Virginie Pécourneau Assistante hospitalo-universitaire. Rhumatologue. Service d'exploration de la fonction respiratoire et de médecine du sport, hôpital Larrey et Centre de rhumatologie et ­d'immunologie Clinique, hôpital Pierre-Paul Riquet, CHU de Toulouse. Fabien Pillard Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. Service d'exploration de la fonction respiratoire et de médecine du sport, hôpital Larrey, CHU de Toulouse. Laboratoire de recherche sur les sécrétions adipocytaires, les obésités et les pathologies associées (AdipOLab), INSERM U1048, Institut des Maladies Métaboliques et Cardiovasculaires (I2MC), Toulouse.

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Les auteurs

Daniel Rivière Professeur des Universités, praticien hospitalier. Service ­d'Exploration de la Fonction Respiratoire et de Médecine du Sport, Hôpital Larrey, CHU Toulouse. Laboratoire de recherche sur les sécrétions adipocytaires, les obésités et les pathologies associées (AdipOLab), INSERM U1048, Institut des Maladies Métaboliques et Cardiovasculaires (I2MC), Toulouse. Adeline Ruyssen-Witrand Praticien hospitalier. Rhumatologue. Centre de rhumato­ logie et d'immunologie Clinique, hôpital Pierre-Paul Riquet. CHU de Toulouse et INSERM UMR 1027, Toulouse.

Jérôme Sales de Gauzy Professeur des universités, université Toulouse III-Paul Sabatier. Praticien hospitalier. Chirurgien orthopédiste infantile, chef de service. Hôpital des enfants, CHU de Toulouse. Pascale Vergne-Salle Professeur des universités, université de Limoges. Praticien hospitalier. Rhumatologue. Service de rhumatologie et Centre d'étude et de traitement de la douleur, CHU Dupuytren, Limoges.

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Préface

L'expérience En tant que médecins hospitaliers, nous avons, au cours de nos dizaines d'années de carrière, reçu en consultation des milliers de patients. Nous n'apprendrons donc rien aux médecins généralistes et aux spécialistes libéraux, qui en ont certainement vu beaucoup plus, en disant que l'érudition scientifique acquise au cours de nos études médicales semble parfois peu utile par rapport à l'écoute des patients, à l'attention et à l'empathie que nous leur portons. L'accumulation, cas après cas, d'une expérience de terrain et de l'intuition surprenante qu'elle nous permet d'acquérir, semble souvent l'essence même de notre compétence.

Le savoir En marge de notre quotidien de médecin traitant, un vaste champ de recherches biomédicales s'active sans relâche à décortiquer le pourquoi du comment, se penche sur des détails paraissant éloignés du bien-être de nos patients. Pourtant, les 28 millions d'études référencées à ce jour par PubMed [1] témoignent, article après article, d'un effort cumulatif constant pour faire mieux, pour être plus sûr, pour ouvrir de nouvelles pistes. Les savoirs physiopathologiques explosent, les progrès thérapeutiques fleurissent, générant des recommandations diagnostiques et thérapeutiques tous azimuts. Comment les implémenter ? L'informatique, les objets connectés, devraient nous y aider [2].

Les progrès Certains succès nous le rappellent quotidiennement : la cortisone (fin des années 1940) a sauvé des polyarthrites au prix de nombreuses et lourdes complications ; les hypo-uricémiants (années 1960) épargnent aux goutteux de mourir tophacés et urémiques ; moins spectaculaires, les bisphosphonates (années 1970) évitent aux pagétiques de souffrir et aux ostéoporotiques de se casser ; enfin, les biothérapies (années 2000) permettent aux rhumatisants inflammatoires récents de mener des vies quasi normales. Dans cette quête constante du progrès médical, n'oublions pas que le scanner, l'IRM surtout, maintenant l'échographie, ont transformé notre vision des articulations et du rachis, et permettent de plus une approche interventionnelle.

« Rhumatologie pour le praticien » À moindre échelle, des résultats plus modestes mais significatifs, nous permettent de réactiver notre apprentissage. Nous mettons régulièrement à jour nos perspectives, nos savoirs fondamentaux, nos explorations, nos prescriptions, qui sont les socles sur lesquels notre connaissance et notre expérience peuvent nous faire croître sans souffrir du temps qui passe.

C'est ce que nous avons essayé de faire au mieux dans cet ouvrage. Présenter l'état de l'art et de la science rhumato­ logique, l'état des recherches qui, à ce jour, peuvent être utilisables en pratique quotidienne, aider au diagnostic, à une meilleure prise en charge de nos patients. Ce livre s'efforce d'être pédagogique, didactique et plaisant à lire.

Le défi de la prise en charge des maladies de l'appareil locomoteur Douleur et chronicité sont associées aux maladies de l'appareil locomoteur : à côté de rhumatismes longtemps effroyables, mais potentiellement vaincus (polyarthrites, goutte), resteront ces maux plus banals, beaucoup plus fréquents (lombalgies, tendinopathies, arthrose, ostéoporose), conséquences de nos modes de vie autant que de notre hérédité. Parce que la douleur est une émotion autant qu'une sensation, son traitement ne pourra jamais n'être que pharmacologique. Parce que la chronicité reste encore le lot de bon nombre de rhumatisants, elle nous lance plusieurs défis dont deux nous concernent directement : Pour le thérapeute, prendre en compte sa dimension temporelle (écouter, comprendre, informer, expliquer, partager, conseiller, surveiller…). En avons-nous les moyens, la compétence, le temps, la volonté ? C'est l'éducation thérapeutique dans toute son ampleur : ce n'est plus le schéma « je sais, je donne », mais « ensemble, que pouvons-nous faire ? ». Comment rendre au médecin du temps médical ? Comment prescrire moins pour soigner mieux ? La médecine narrative, forme moderne de l'écoute, qui s'apprend et se transmet, peut-elle nous y aider  [3, 4] ? Pour le patient, vivre avec, faire face, être observant, modifier ses habitudes, changer son mode de vie. Défi autrement plus complexe et lourd à relever que prendre quelques pilules ou recourir au bistouri en attendant passivement une guérison, un retour illusoire à un état antérieur, voire l'éternelle jeunesse du transhumanisme. Pour lui, « l'éducation thérapeutique n'est pas qu'un simple apprentissage de l'auto-soin, mais doit s'inscrire dans un processus de résilience » [5]. Ces maladies ne vont pas disparaître et leur prévalence devrait augmenter de façon sensible, du fait du vieillissement des populations, mais aussi à cause de l'incidence croissante de l'obésité, source de bien de nos maux, dont ceux de l'appareil musculo-squelettique [6]. Elles soulèvent la question de leur prévention, problème individuel (changements de comportements) et de santé publique (coopération public-privé, moyens financiers, choix politiques, réforme de nos formations – dont celle de l'internat –, de notre système de santé). XIII

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XIV   Préface

L'humilité Enfin, le simple fait de se confronter à l'évolution des connaissances scientifiques, si lente et fastidieuse qu'elle puisse parfois être, nous invite à l'humilité. Prenons la mesure de notre ignorance par rapport aux grands défis qui s'annoncent : la circulation de savoirs – parfois douteux – sur Internet, pris pour acquis par les patients, les diagnostics et les soins à distance, les promesses de l'intelligence artificielle et de la robotique [7]. Du jour au lendemain, des pans entiers de notre profession se réduiront à presser la

Références 1. PubMed, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/. 2. Wisely. Choosing Promoting conversations between patients and clinicians, www.choosingwisely.org. 3. Charon R, Wyer P. for the NEBM working group. Narrative evidence based medicine. Lancet 2008 ; 371 : 296–7. 4. Goupy F, Abgrall-Barbry G, Aslangul E, et al. L'enseignement de la médecine narrative peut-il être une réponse à l'attente de formation

touche d'un clavier, lancer un test statistique ou une analyse d'image. Personne ne sait très bien comment cela va se concrétiser, mais la machine nous garantit une chose : nous permettre de cerner ce qu'elle ne peut pas faire, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus humain dans la médecine. Le médecin pourra donc se concentrer sur ce pour quoi il est le plus doué et utile, si tant est qu'il n'ait jamais cessé d'apprendre. Pendant longtemps encore, nous aurons à écouter, interroger et examiner nos malades. Toulouse, mars 2018 B. Mazières, M. Laroche A. Constantin, A. Cantagrel

des étudiants à la relation médecin-malade ? Presse Méd, 42 : 2013 ; e1–8. 5. Grimaldi A, Caillé Y, Pierru F, Tabutau D. Les maladies chroniques, vers la troisième médecine. Paris : Un vol, Odile Jacob ; 2017. 784 p. 6. Mo  F, Morrison  H, Neutel  IC. Population attributable risk from ­obesity to arthritis in the Canadian population Health longitudinal survey 1994–2006. Int J Rheum Dis 2014 ; 17 : 628–34. 7. http://www.economist.com/news/bisiness/21736193. Apple and Amazon's moves in health signal a coming transformation.

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Remerciements

À tous nos malades par qui et pour qui nous avons tant appris. À nos maîtres qui nous ont transmis leurs visions et leurs savoirs, tout particulièrement au Professeur Jacques Arlet.

À nos collègues, à tous nos personnels avec lesquels nous avons partagé enthousiasmes et inquiétudes, connaissances et interrogations. À nos étudiants dont la curiosité est notre meilleur stimulant.

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Abréviations 1-25 di OH D3 vitamine D3 hydroxylée en positions 1 et 25 (calcitriol) 18 FDG deoxyglucose marqué au fluor 18 25-OH D vitamine D hydroxylée en position 25 ß2M bêta 2 microglobuline A° Angström = 10-10 mètre AAP antiagrégants plaquettaires AASAL anti-arthrosiques symptomatiques d'action lente Ac anticorps ACAN anticorps antinucléaires ACPA anti-citrullinated protein antibodies (anticorps anti-protéines citrullinées) ACR American College of Rheumatology ACTH adreno corticotrophic hormone (cortico­ trophine) ADAMTS A Disintegrin and Metalloproteinase with Thrombospondin motifs (aggracanase) ADN acide désoxyribonucléïque ADP accès douloureux paroxystiques ADP adénosine biphosphate ADT antidépresseurs tricycliques AFSSAPS Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (remplacée par l'ANSM) Ag antigène AGC artérite giganto-cellulaire AGEs advanced glycation end products AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens ALD affection de longue durée AMM autorisation de mise sur le marché AMP adénosine monophosphate ANAES Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé ANCA anticorps anticytoplasme des poly­ nucléaires neutrophiles ANSM Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (remplace l'AFSSAPS) Anti-RNP anticorps antiribonucléoprotéines APRT adénine-phospho-ribosyl-transférase APS antipaludéens de synthèse ARA 2 récepteurs de l'angiotensine 2 ARCO Association Research Circulation Osseous ARN acide ribonucléïque ASAS groupe Assessment spondyloarthritis ASMR amélioration du service médical rendu

AT ATC

accident du travail anatomie, thérapeutique, chimie (classement des médicaments) ATG autophagy-related genes ATM articulation temporo-mandibulaire ATP adénosine triphosphate ATU autorisation temporaire d'utilisation AVC accident vasculaire cérébral AVK antivitamine K BAFF B-cell activating factor BASDAI Bath Ankylosing Spondylitis Disease Activity Index BASFI Bath Ankylosing Spondylitis Functional Index BCG bacille de Calmette et Guérin BGSA biopsie des glandes salivaires accessoires BLOKS Boston-Leeds Osteoarthritis Knee Score BLyS B lymphocyte stimulator BMPs bone morphogenetic proteins BMU bone multicellular unit (unité de remodelage osseux) BP bisphosphonates BPC bilan phosphocalcique BPCO bronchopneumopathie chronique obstructive C1q, C3, C4 fractions du complément Ca calcium CAFA conflit antérieur fémoro-acétabulaire CAPS syndrome périodique associé à la cryopyrine CASPAR Classification Criteria for Psoriasic Arthritis CBG corticotrophin-binding globulin (transcortine) CBP calcium binding protein CCA chondrocalcinose articulaire CCP cyclic citrullinated peptides CD cluster de différenciation CDAI Clinical Disease Activity Index CGRP calcitonine gene-related peptide CHU Centre hospitalo-universitaire ClCr clairance de la créatinine CLE canal lombaire étroit CMH complexe majeur d'histocompatibilité CMI concentration minimale inhibitrice CMU Couverture Maladie Universelle CMV cytomégalovirus COMP cartilage oligomeric matrix protein COX cyclo-oxygénase CPAM Caisse primaire d'Assurance Maladie XVII

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XVIII Abréviations CPK créatine phospho-kinase Cr créatinine CRI Club Rhumatismes et Inflammations CRIOAC Centre de référence des infections ostéo-­ articulaires complexes CRP C reactive protein (protéine réactive C) CRRMP Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles CSP Code de la Santé publique CT calcitonine CTX télopeptides C-terminaux du collagène de type I CUP cancer of unknown primary CV coefficient de variation D2/3 vitamine D2/3 (ergocalciférol/cholécalciférol) DAMP Damage-Associated Molecular Patterns DAS28 Disease Activity Score comptant 28 articulations DBP vitamin D binding protein DCI dénomination commune internationale DDB dilatation des bronches DEXA dual-energy X-ray absorptiometry DFG débit de filtration glomérulaire dGEMRIC delayed gadolinium-enhanced magnetic resonance imaging of cartilage DISH diffuse idiopathic skeletal hyperostosis DITRA déficit du récepteur de l'IL-36 DKK1 Dickkopf-related protein 1 DMARDs disease-modifying antirheumatic drugs DMO/DO densité minérale osseuse DMSO diméthylsulfoxide DN4 Douleur neuropathique 4 (questionnaire) DRESS drug rash with eosinophilia and systematic symptoms DS standard deviation (écart-type) EBM Evidence-Based Medicine EXT externe ECT extract of calf thymus EEG électro-encéphalogramme ELISA enzyme-linked immunosorbent assay EMA Agence européenne du Médicament ENA extractable nuclear antigen (antigènes nucléaires solubles) ENMG électroneuromyographie EPS électrophorèse des protéines sériques ES effect size/ effet thérapeutique, selon contexte ESF extrémité supérieure du fémur EuLAR European League Against Rheumatism EVA échelle visuelle analogique (0–100 mm) FAN facteurs anti-nuclaires FAT SAT séquence IRM en saturation de graisse FDA Food and Drug Administration FEA analyse en éléments finis FGF-23 fibroblast growth factor 23 FIQ Fibromyalgia Impact Questionnaire

FiRST

Fibromy alg i a R api d S c ree ning To ol (questionnaire) FR facteurs rhumatoïdes FRAX Fracture Risk Assessment Tool GAG glycoaminoglycans GB globules blancs ou leucocytes GILZ glucocorticoid-induced leucine zipper GMP Good Manufacturing Practices GR globules rouges ou hématies GRIO Groupe de Recherche et d'Information sur les Ostéoporoses GWAS Genome Wide Association Studies HAQ Health Assessment Questionnaire HAS Haute Autorité de Santé HBPM héparines de bas poids moléculaire HGPRT hypoxanthine-guanine-phosphoribosyltransférase HLA human leucocyte antigen (antigène d'histocompatibilité tissulaire) HOAMS hip osteoarthritis MRI scoring system HPT hyperparathyroïdie HRpQCT scanner périphérique à haute résolution HTA hypertension artérielle HTLV-1 Human T cell leukemia/lymphoma virus type 1 IASP International Association for the Study of Pain IC 95 % intervalle de confiance à 95 % IEC inhibiteurs de l'enzyme de conversion IFNγ interféron gamma IgA/G/M immunoglobulines A/G/M IGF insulin-like growth factor IGRA test de détection de la production d'interféron gamma IL-1 Interleukin-1 IL-6 Interleukin-6 IL6R Interleukin-6 Receptor IM intra-musculaire IMAO inhibiteur de la monoamine oxydase IMC indice de masse corporelle INR International Normalised Ratio (coagulation) IPD interphalangienne distale IPP inhibiteurs de la pompe à protons IPP interphalangienne proximale IRM imagerie par résonnance magnétique nucléaire IRS inhibiteurs de la recapture de la sérotonine IRSA inhibiteurs mixtes de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline IV intra-veineux K + potassium KHOALA knee and hip osteoarthritis long-term assessment (cohorte) LCA ligament croisé antérieur (du genou) LCP ligament croisé postérieur (du genou) LEAD lupus érythémateux aigu disséminé

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LOX lipo-oxygénase LP libération prolongée (médicament) LRPS low-density lipoprotein receptor-related protein 5 MAPK mitogen-activated protein kinase MCP métacarpo-phalangienne/maladies à caractère professionnel (selon contexte) MDP méthylène bisphosphonate MEC matrice extracellulaire (des tissus conjonctifs) Mg magnésium mg milligramme MGUS monoclonal gammapathy of unknown significance MH maladie de Horton MICI maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (Crohn et RCH) MKP-1 Mitogen activated protein kinase phosphatase 1 mL millilitre MMP matrix metalloproteinases MP maladie osseuse de Paget MPI maladies professionnelles indemnisables MTP métatarso-phalangienne MTX méthotrexate NaCl chlorure de sodium NCB névralgie cervico-brachiale NEM néoplasie endocrinienne multiple NFS numération formule sanguine (hémogramme) NFκB nuclear factor kappa B ng nanogramme (10-9 g) NGF nerve growth factor NIH National Institute of Health NK (lymphocyte) natural killer NMDA acide N-méthyl D-aspartique (récepteurs) NNH number need to harm NNT number need to treat NO monoxyde d'azote O2 oxygène OARSI Osteoarthritis Research Society Inter­ national OHOA Oslo hand osteoarthritis OMERACT groupe Outcome measures in rheuma­ tology OMS Organisation mondiale de la Santé ON ostéonécrose ONDAM Objectif national de dépenses d'Assurance Maladie OPG ostéoprotégérine OR odd ratio P1NP procollagen type I N-termianl propeptide PAMP pathogen associated molecular patterns PAPA syndrome arthrite purulente stérile

Abréviations XIX PBDV ponction biopsie disco-vertébrale PBJ protéinurie de Bence-Jones PCR polymerase chain reaction PDGF platelet-derived growth factor pg picogramme (10-12 g) PGI2 prostacycline PGs prostaglandines/protéoglycans (selon contexte) Ph phosphore PHRC programme hospitalier de recherche clinique PNN polynucléaires neutrophiles POS perforation, occlusion, saignement PPCa pyrophosphate de calcium PPi pyrophosphate inorganique PPVS plus petite variation significative PPR pseudo-polyarthrite rhizomélique PR polyarthrite rhumatoïde PROs patient reported outcomes PRP plasma riche en plaquettes PRPP phosphoribosyl pyrophosphate PTG prothèse totale de genou PTH parathormone/prothèse totale de hanche (selon contexte) PUC prothèse unicompartimentale PUS perforation, ulcère symptomatique, saignement QUS ultrasonographie quantitative Rank receptor for activation of nuclear factor Kappa ß Rank-L RANK Ligand RCH rectocolite hémorragique RCP résumé des caractéristiques du produit (dictionnaire Vidal) RCP réunion de concertation pluridisciplinaire Rh Pso rhumatisme psoriasique RIC rhumatismes inflammatoires chroniques ROR rougeole, oreillons, rubéole (vaccin) ROT réflexes ostéo-tendineux RR risque relatif RT-PCR reverse transcription-polymerase chain reaction SADAM syndrome algodysfonctionnel de l'appareil mandicateur SAPHO syndrome synovite, acné, pustulose palmoplantaire, hyperostose, ostéite SAPL syndrome des anticorps anti-phospholipides SARM Staphylococcus aureus méti-résistant SDAI Simplified Disease Activity Index SDRC syndrome douloureux régional complexe Se sensibilité (d'un test) SFR Société française de Rhumatologie SGS syndrome de Gougerot-Sjögren SLAM Systemic Lupus Activity Measure SLAP lesions superior labrum anterior to posterior lesions (épaule) SLEDAI Systemic Lupus Erythematosus Disease Activity Index SMR service médical rendu

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XX Abréviations SNC système nerveux central Sp spécificité (d'un test) SpA spondyloarthrite SPE sciatique poplité externe (nerf fibulaire commun) SQSTM séquestrosome STAT signal transducer and activator of transcription T3/4 tri/tétra-iodothyronine TBS trabecular bone structure Tc99m technetium 99m TCA temps de céphaline activée (coagulation) TCR T cell receptor TDM tomodensitométrie (scanner) TENS neurostimulation transdermique TEP tomographie en émission de positons TGFß transforming growth factor ß THM traitement hormonal de la ménopause TIMPS tissue inhibitor of metalloproteases (inhibiteur tissulaire des métalloprotéinases) TLR toll-like receptor

TNF tumor necrosis factor TP taux de prothrombine TRAPS déficit en TNF-R TSH thyroid stimulating hormone (thyréotimuline) TXA2 thromboxane A2 VDR vitamin D receptor VDRL venereal disease research laboratory VEGF vascular epithelial growth factor VFA Vertebral Fracture Assessment VHA/B/C virus de l'hépatite A/B/C VIH virus de l'immunodéficience humaine VS vitesse de sédimentation globulaire VZV varicella-zoster virus Wnt wingless WOMAC Western Ontario and McMaster universities Osteoarthritis index WORMS Whole-Organ Magnetic Resonance imaging Score μg microgramme (10-6 g)

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Chapitre

L'os : physiologie et exploration PLAN DU CHAPITRE Remodelage osseux normal et pathologique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rôles du tissu osseux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les éléments constitutifs de l'os. . . . . . . . . . . . Le remodelage osseux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Explorations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Situations pathologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . .



Le bilan phosphocalcique normal et ses anomalies. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Que comprend-il ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Quand demander un bilan phosphocalcique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

9 9 9 9 11 12 12

Précautions d'interprétation. . . . . . . . . . . . . . . Physiologie, régulations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . Principales anomalies du bilan phosphocalcique. . . . . . . . . . . . . . . . .

Mesure de la densité osseuse en pratique clinique : Absorptiométrie biphotonique à rayons X. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

13 13 15

Algorithme et équation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . Interprétation de la DEXA. . . . . . . . . . . . . . . . . Indications rhumatologiques. . . . . . . . . . . . . . . Limites de la DEXA et outils complémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

15 15 16



20 20 21 23



25 26

Remodelage osseux normal et pathologique Michel Laroche

Introduction Le squelette est l'armature et le tuteur du corps. Il représente 9  % du volume corporel, mais 17  % de son poids. Anatomiquement réparti entre le squelette axial et le squelette périphérique ou appendiculaire, il est constitué d'os longs, courts ou plats. En tant qu'organe, l'os contient le tissu hématopoïétique (moelle « rouge »), du tissu graisseux (moelle « jaune ») et le tissu osseux proprement dit, traversé de nerfs et de vaisseaux. L'os est solide et cette solidité dépend de facteurs quantitatifs comme qualitatifs (figure 1.1). En tant que tissu, l'os est un tissu conjonctif spécialisé : le tissu osseux (figure 1.2).

Rôles du tissu osseux [1] Le tissu osseux est un tissu complexe composé d'une matrice extracellulaire calcifiée dont les propriétés permettent d'assurer trois fonctions principales : ■ une fonction mécanique assurant le support du poids de l'organisme, ■ une fonction de protection des organes essentiels du crâne, du thorax et de l'abdomen, Rhumatologie © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Figure 1.1 Facteurs de solidité de l'os

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■ une fonction métabolique liée à sa capacité de stoker le calcium et le phosphate.

Les éléments constitutifs de l'os Le tissu osseux adulte comporte l'os cortical compact et l'os spongieux ou trabéculaire (tableau 1.1). L'os cortical, essentiellement situé dans les os longs, est fait d'ostéons. Ces ostéons sont constitués par des lamelles osseuses concentriques disposées autour d'un canal de Havers au sein duquel on trouve les éléments vasculo-­ nerveux. Ces canaux haversiens sont reliés entre eux ou à la surface de l'os et à la moelle osseuse par des canaux transversaux ou obliques. L'os spongieux est constitué d'ostéons qui prennent un aspect en croissant. Entre les trabécules spongieuses, on trouve le tissu médullaire hématopoïétique et graisseux. 9

Figure 1.2 Constitution du tissu osseux.

Tableau 1.1 Structure d'un os long

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10   Partie I. Rhumatologie pratique

Os cortical (os compact)

Os trabéculaire (os spongieux)

% de la masse squelettique totale

80 %

20 %

% du remodelage osseux

20 %

80 %

Structure générale

tissu osseux dense

tissu osseux lâche

Structure élémentaire

l'ostéon lamelles osseuses concentriques autour du canal de Havers

la trabécule orientée selon les contraintes mécaniques locales

Fonctions essentielles

résistance mécanique insertion tendons et capsules (enthèses) protection contre les traumatismes

résistance et élasticité homéostasie minérale

Renouvellement

2–3 % par an

25 % par an

■ la sialoprotéine osseuse pourrait être le nucléateur qui déclenche la formation des cristaux d'hydroxyapatite à la surface des fibres de collagène ; ■ l'ostéonectine jouerait un rôle important dans le couplage formation-résorption osseuse ; ■ l'ostéocalcine, sécrétée quasi exclusivement par les ostéoblastes, donne le signal pour le recrutement et la différenciation des ostéoclastes.

Une substance amorphe Cette substance, disposée entre les fibres de collagène, contient des complexes protéino-polysaccharidiques et des glycoprotéines.

Des substances minérales Elles constituent environ 70 % du poids de l'os. L'analyse chimique montre qu'elles contiennent 90 % de phosphates tricalciques et 10 % de carbonates calciques. On admet que le cristal osseux est un cristal d'hydroxyapatite.

Les cellules osseuses (voir, figure 1.1) Le collagène de l'os Quatre-vingt-dix pour cent du contenu protidique de l'os est constitué de collagène. Il s'agit essentiellement de collagène de type I et d'une faible quantité de collagène de type V. Les fibres de collagène sont stabilisées par des molécules de pontage, ou cross links, qui se constituent entre les chaînes alpha de collagène.

Les protéines non collagéniques osseuses Ces protéines jouent probablement un rôle important dans la nucléation et la croissance des cristaux d'apatite, la résorption et la formation osseuse : ■ l'ostéopontine est une protéine d'adhésion cellulaire jouant un rôle dans la régulation de la résorption osseuse ;

Les ostéocytes (figure 1.3) se situent dans la matrice osseuse au sein de cavités appelées ostéoplastes. Les ostéoplastes sont reliés entre eux par de fins canalicules. Il est très probable que ces canalicules transmettent des informations sur les pressions et les contraintes mécaniques. Les ostéocytes pourraient, par le biais de cytokines, informer les cellules osseuses formatrices (ostéoblastes) ou résorptrices (ostéoclastes) sur l'orientation à donner aux travées osseuses. Ils jouent un rôle dans le maintien de l'homéostasie phosphocalcique. Les ostéoclastes (figure 1.4) sont des grosses cellules, souvent plurinucléées, possédant une bordure en brosse capable de résorber la matrice osseuse. Les ostéoclastes dérivent de la lignée monocytes/macrophages (ostéoclastogénèse). Les ostéoblastes (figures 1.4 et 1.5) proviennent d'une cellule souche mésenchymateuse qui peut donner aussi des

Le remodelage osseux [1, 2] Le remodelage osseux doit permettre la constitution d'un squelette adapté à la croissance (acquisition du pic de masse osseuse), la conservation de ses propriétés mécaniques et de sa capacité d'adaptation aux contraintes (en remplaçant de l'os ancien par de l'os nouveau), la réparation des fractures et la mise à disposition du calcium qu'il stocke (maintien de l'homéostasie calcique sanguine). L'os contient aussi la moelle hématopoïétique et il peut exister des liens physiologiques ou physiopathologiques entre tissu osseux et fabrication des cellules hématopoïétiques. Figure 1.3 Ostéocytes au sein d'un ostéon. Dans l'angle inférieur gauche, on aperçoit une partie du canal de Havers.

Figure  1.4 Trabécules osseuses enserrant la moelle osseuse. La trabécule du haut est tapissée d'une rangée d'ostéoblastes. La trabécule inférieure est en cours de résorption sous l'effet des ostéoclastes.

L'unité de remodelage osseux Le tissu osseux est en perpétuel remodelage, il se fait et se défait sans cesse, s'appose et se résorbe. Au sein d'une unité de remodelage osseux (BMU : Bone Multicellular Unit), se succèdent différentes phases : ■ Au départ, une surface osseuse inactive est recouverte de cellules bordantes (phase quiescente). ■ Viennent ensuite les précurseurs mononucléés des ostéoclastes. Il s'agit de la phase d'activation. Les ostéoclastes sont alors formés et la résorption débute. ■ Lorsque les ostéoclastes ont terminé leur fonction, ils sont remplacés par les ostéoblastes qui synthétisent le tissu ostéoïde (phase de formation), ultérieurement minéralisé sous l'action de la vitamine D. Ce cycle dure environ 3  mois. Le nombre d'unités osseuses par cm3, est 20 fois plus important dans l'os spongieux que dans l'os cortical, beaucoup plus inerte. Ainsi, résorption et formation sont couplées et à l'équilibre chez l'adulte jeune. Dans l'enfance et l'adolescence, l'ostéoformation prédomine sur l'ostéorésorption, à la ménopause le contraire se produit.

Sa régulation Plusieurs systèmes de régulation locaux et généraux, complexes et intriqués, coexistent pour ajuster les séquences du remodelage osseux.

Facteurs hormonaux

Figure 1.5 Ostéoblastes en palissade, recouvrant le tissu ostéoïde (rouge) en train de se minéraliser

Divers systèmes hormonaux agissent directement (récepteurs spécifiques) ou indirectement sur les cellules osseuses : la PTH stimule résorption et formation, de même les dérivés hydroxylés de la vitamine D (1-25 dihydrocolécalciférol ou calcitriol), la calcitonine freine la résorption, les œstrogènes augmentent la formation, les corticoïdes la dépriment et stimulent la résorption. L'hormone de croissance stimule la formation osseuse. Les hormones thyroïdiennes stimulent la résorption [2].

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Chapitre 1. L'os : physiologie et exploration    11

cellules adipeuses et chondroblastiques. Le rôle de l'ostéoblaste est de synthétiser, de déposer, d'organiser la matrice osseuse (tissu ostéoïde) et de participer ensuite à sa minéralisation. C'est la « tête pensante » du remodelage osseux, sécrétant de nombreuses cytokines ou facteurs de croissance régulant la résorption ostéoclastique.

Cytokines, facteurs de croissance, voies de signalisation Ce chapitre est vrai à un instant T : en effet, tous les 5 à 6 ans, de nouvelles voies de signalisation sont découvertes. Les connaît-on actuellement toutes ? Parmi les cytokines ou facteurs de croissance : l'IL-6, l'IL-1, le TNF, les prostaglandines sont hyper-résorptives alors que

l'IFN-gamma freine la résorption, l'IGF-1, le TGFß stimulant la formation. Les BMP (Bone Morphogenetic Proteins) contrôlent la formation osseuse. Deux voies de signalisation sont actuellement au premier plan car certains médicaments commercialisés ou en développement peuvent les inhiber ou les stimuler : ■ Le système Rank (Receptor for activation of nuclear factor Kappa B), Rank L ou Rank Ligand et Ostéoprotégérine, pourrait être la voie finale commune de l'activation de la résorption ostéoclastique, qu'elle soit d'origine hormonale, maligne ou immunologique. Le Rank L sécrété par l'ostéoblaste se fixe sur le récepteur Rank, présent sur le macrophage pré-­ostéoclaste et/ou l'ostéoclaste, et stimule la différentiation ou l'activation de ce dernier. À l'opposé, l'Ostéoprotégérine (OPG), récepteur leurre secrété par les cellules ostéoblastiques, peut, elle aussi, se fixer sur Rank L et inhiber ainsi la résorption osseuse. Le Denosumab est un anticorps anti-RankL. ■ La voie d'activation ostéoblastique de la Wnt protein agit via un récepteur LRP5 (low-density lipoprotein receptor-related protein  5) sur la béta-caténine [3]. Cette voie est inhibée par DKK1 et Sclérostine. Des anticorps anti-DKK1 et anti-sclérostine sont à l'étude dans le traitement de l'ostéoporose et de la lyse osseuse myélomateuse.

Contrôle du remodelage osseux par le système sympathique [4] Plusieurs travaux récents montrent une régulation de la formation ostéoblastique par le système sympathique. La leptine, régulant l'appétit, le tissu graisseux a aussi une action sur l'ostéoblaste, de même la sérotonine qui est un médiateur cérébral impliqué dans la régulation de l'humeur et des fonctions cognitives.

osseuse. Elle peut être modifiée par des médicaments inhibant ou accélérant le remodelage osseux, et peut-être directement par certains médicaments se fixant sur le cristal osseux (Strontium, bisphosphonates). Au cours du remodelage osseux, la matrice organique commence à se minéraliser au niveau du front de calcification : c'est la minéralisation primaire, courte (100 jours environ). Ensuite, la minéralisation secondaire débute  : maturation lente avec modification de la structure des cristaux d'apatite.

Architecture osseuse [7] Il s'agit de l'agencement des trabécules de l'os spongieux, toujours orientées pour résister le mieux possible aux contraintes mécaniques, malléables dans le temps sous l'effet de ces contraintes. C'est probablement l'ostéocyte qui agence cette architecture.

Explorations Histomorphométrie Elle permet d'étudier l'architecture, les phénomènes cellulaires osseux et la vitesse de minéralisation.

Ostéodensitométrie Elle permet d'évaluer la teneur en minéral de l'os : celleci peut être diminuée par disparition ou amincissement de travées osseuses (ostéoporose) ou par mauvaise minéralisation de celles-ci (ostéomalacie) (voir chapitre 1.3, « Mesure de la densité osseuse »).

Marqueurs biochimiques

Vaisseaux et os (figure 1.6) [5] Toute zone de remodelage osseux actif comporte une riche vascularisation : capillaires artériels et sinus veineux jouxtant les trabécules osseuses. Les vaisseaux jouent donc un rôle essentiel pour apporter le minéral indispensable et certains précurseurs des cellules osseuses.

Minéralisation osseuse [6] Le rôle de la minéralisation osseuse a probablement été sous-estimé dans l'explication de la résistance mécanique

Le remodelage osseux peut être évalué par des marqueurs biochimiques spécifiques : l'ostéocalcine, la phosphatase alcaline osseuse, le P1NP sériques, ont supplanté la phosphatase alcaline totale et reflètent la fonction ostéoblastique, alors que le dosage des molécules de pontage du collagène osseux (pyridinolines, D-OH pyridinolines, C télopeptides [CTX ou crosslaps]), dans les urines et dans le sérum, évaluent, de façon plus spécifique que l'hydroxyprolinurie, l'activité ostéoclastique.

Situations pathologiques

Figure 1.6 Vaisseaux au sein d'un espace médullaire

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12   Partie I. Rhumatologie pratique

Toute stimulation excessive de la résorption (hyper­ parathyroïdie, hyperthyroïdie), toute freination de la formation osseuse (corticothérapie), toute circonstance où la résorption prendra le pas sur la formation (carence œstrogénique post-ménopausique) entraînera une ostéoporose. Des anomalies du remodelage osseux peuvent aussi être induites par la sécrétion, par des cellules néoplasiques ou leurs cellules stromales, de cytokines, occasionnant lyses ou condensations pathologiques. L'ostéomalacie est due à un défaut de minéralisation le plus souvent par carence profonde en vitamine D.

L'algodystrophie sympathique réflexe, secondaire à une activation pathologique du système nerveux sympathique aboutit à des perturbations majeures du remodelage et de l'architecture osseuses. La dépression peut induire une ostéoporose par le biais de la Sérotonine. L'ostéonécrose de hanche est liée à des perturbations de la circulation osseuse. Lors de pathologies auto-immunes avec stimulations lymphocytaires, comme la polyarthrite rhumatoïde, la stimulation par les lymphocytes activés du système RankRankL explique la déminéralisation péri-articulaire et générale.

Entrée : tube digestif Enquête diététique

Le bilan phosphocalcique normal et ses anomalies Michel Laroche Le calcium entre dans l'organisme par voie alimentaire, passe dans le sang d'où il est stocké dans l'os et éliminé par le rein (figure 1.7). Calcium et phosphore sont liés dans le cadre de la minéralisation osseuse, mais leurs rôles sont par ailleurs essentiels à la vie cellulaire et à celle de l'organisme (tableau 1.2). En physiologie, on peut explorer les entrées par enquêtes diététiques, le stockage osseux par mesure de l'ostéodensitométrie, et dans le sang et les urines par les dosages du calcium et du phosphore. En pathologie, les approches sont différentes selon que l'on a affaire à une maladie digestive (ex. : malabsorption), rénale (ex. : insuffisance rénale) ou osseuse (ex. : ostéoporose, ostéomalacie, hyperparathyroïdie, ostéolyse méta­ statique…). Dans tous les cas cependant, l'étude du bilan phosphocalcique est incontournable pour comprendre la pathologie et la prendre en charge.

PTH (+)

PTH (−) PTH (+)

Sang

Réservoir : les os DEXA

Bilan phospho-calcique Urines

Références [1] Lyons KM. Molecular, cellular, and genetic determinants of bone structure and formation. In : Rosen CJ, editor. Primer on the metabolic bone diseases and disorders of mineral metabolism. 8th edition. New York : Wiley-Blackwell ed ; 2013. p. 1–58. [2] Siddiqui JA, Partridge NC. Physiological bone remodeling : systematic regulation and growth factor involvement. Physiology 2016 ; 31 : 233–45. [3] Kobayashi Y, Uehara S, Udagawa N, et al. Regulation of bone metabolism by Wnt signals. J Biochem 2016 ; 159 : 387–92. [4] Takeda S, Elefteriou F, Levasseur R, et al. Leptin regulates bone formation via the sympathetic nervous system. Cell 2002 ; 111 : 305–17. [5] Laroche M. Intraosseous circulation : from physiology to the disease. Joint Bone Spine 2002 ; 69 : 262–6. [6] Boivin  G, Meunier  PJ. Minéralisation et qualité osseuse. In  : de Vernéjouls MC, Marie P, editors. Traité des maladies métaboliques osseuses de l'adulte. Paris : Flammarion ; 2008. p. 53–6. [7] Chappard D. Micro-architecture du tissu osseux. In : de Vernéjouls MC, Marie P, editors. Traité des maladies métaboliques osseuses de l'adulte. Paris : Flammarion ; 2008. p. 47–52.

Vit. D (+)

Sortie : reins

PTH (−) « La calcémie règle la calcémie » : Si calcémie : PTH Si calcémie : PTH

Figure 1.7 Schéma du métabolisme du calcium.

Tableau 1.2 Rôles des ions calcium et phosphore Ca++

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Chapitre 1. L'os : physiologie et exploration    13

PO4–

Minéralisation du squelette Conduction nerveuse

« énergie » (ATP, ARN…)

Contraction musculaire

Activités enzymatiques

2e messager majeur

2e messager (AMPc, GMPc)

Coagulation

Équilibre acide-base

Différenciation cellulaire

Que comprend-il ? Bilan phosphocalcique de base (BPC) Le bilan phosphocalcique, ou BPC, inclut, comme son nom l'indique, les dosages de calcium (Ca), de phosphore (Ph), dans le sang et dans les urines. Dans les urines, les dosages peuvent être réalisés sur les urines de 24 heures ou sur un échantillon des urines recueillies le matin à jeun selon la méthode proposée par Nordin [1]. Cette technique, assez bien corrélée au recueil des 24 heures [2], est évidemment plus simple, évitant les erreurs des mauvais recueils urinaires, et permet de dépister la plupart des anomalies de l'excrétion urinaire de calcium et de phosphore. Il faut alors calculer les rapports calciurie/créatininurie (Ca/Cr) ou phosphaturie/créatininurie (Ph/Cr). Ces rapports, dans certaines situations particulières (exploration d'une hypercalciurie) sont complémentaires des dosages des 24 heures, caractérisant plutôt la part osseuse et rénale de l'excrétion calcique, alors que les urines des 24 heures prennent plus en compte la part alimentaire et l'absorption digestive.

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14   Partie I. Rhumatologie pratique

Calcémie corrigée, calcémie ionisée Le calcium est pour moitié lié à l'albumine et à la Calcium Binding Protein (CBP). Le calcium actif est le calcium libre ou ionisé (Ca ++). La valeur de la calcémie totale peut-être faussée par des variations importantes de ces paramètres. Chez des malades en situation « d'urgence », déshydratés, hyperprotidémiques, la calcémie peut être surévaluée. À l'inverse chez des malades âgés, dénutris, chez des malades ayant un syndrome inflammatoire ou un myélome, la calcémie peut être sous-­ estimée par l'hypoalbuminémie. Les formules de corrections sont la plupart fausses, autant utiliser la plus simple qui consiste à prendre pour valeur normale de l'albumine 40 g/L et soustraire ou additionner à la valeur de la calcémie en mmol/L, 0,20 mmol par 10 g d‘albumine en plus ou en moins. Exemple : un malade qui a 2,10 mmol/L de calcémie et 30 g d'albumine aura en fait 2,10 mmol/L plus 0,20, donc 2,30 mmol/L de calcémie. Doser le calcium ionisé dans ces situations pallierait ces problèmes, mais ce dosage est complexe : nécessité de placer le prélèvement dans de la glace et le congeler dans l'heure, de ne pas le « contaminer » avec l'air de la seringue et il n'est pas remboursé.

PTH, vitamines D, FGF-23 Le dosage de ces hormones ne doit être demandé qu'en cas d'anomalie du bilan phosphocalcique et non systématiquement dans le cadre d'un bilan d'ostéoporose.

Parathormone Certes, pour la parathormone (PTH), cette attitude ne permettra pas le diagnostic de quelques hyperparathyroïdies

normocalcémiques, mais elle génèrera des économies non négligeables en évitant des contrôles successifs, des explorations sophistiquées devant des erreurs de dosage ou des résistances partielles à la PTH sans traduction clinique.

Vitamine D (figure 1.8) Le dosage de la vitamine  D2 (Ergocalciférol) et D3 (Colécalciférol) ou 25OH D, devant toute asthénie ou dans le cadre du bilan de ménopause, a tout de même coûté en 2010 92 millions d'euros à la Sécurité sociale française. Réserver ce dosage aux malades ayant réellement une carence d'ensoleillement prolongée (les sources de vitamine D proviennent à 80 % de la synthèse cutanée sous l'action des UV) : sujets âgés en EHPAD, musulmanes voilées, lupiques chez qui l'exposition solaire est contre-indiquée. Le dosage de la vitamine D fait partie du bilan étiologique d'une hypocalcémie ou d'une hypocalciurie. Objectiver un taux de 250H D à 20 ng/mL en fin d'hiver chez un sujet qui sortira, dès le mois de mai, en jupe ou short et t-shirt n'a aucun intérêt clinique. Certes, un taux bas de vitamine D est associé à diverses pathologies infectieuses, auto-immunes, cancéreuses, mais les études interventionnelles dont le but est d'évaluer l'efficacité préventive de la vitamine D sur ces maladies chez des sujets dont les taux de vitamine D avant inclusion étaient de 15 à 25 ng/mL sont toutes négatives [3]. Le taux normal de vitamine D, défini par les experts à 30 ng/mL [4], et non devant des dosages de sujets sains comme c'est le cas pour la plupart des paramètres biologiques, est un taux qui permettrait l'absence d'hyperparathyroïdie biologique, hyperparathyroïdie suspecte, pour

Figure 1.8 Métabolisme de la vitamine D. La vitamine D de l'organisme est la vitamine D3 venant pour 90 % du 7-deshydro-cholestérol des cellules de la peau sous l'effet des rayons ultra-violets B du soleil, et pour 10 % seulement de l'apport alimentaire. Cette vitamine D3 subit une première hydroxylation en position 25 sous l'effet d'une 25-hydroxylase hépatique, puis une seconde au niveau rénal (par la 1-alpha hydroxylase). C'est ce composé final, di-hydroxylé, qui est la molécule active (1,25 (OH)2 D3 ou calcitriol). Son action endocrine, non génomique, est connue de longue date : assurer la croissance et la minéralisation osseuse. La découverte de 1-alpha hydroxylases dans différents tissus a permis de constater de nombreuses actions auto/paracrines, génomiques, de la vitamine D, jouant sur les régulations cellulaires et l'immunité.

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Chapitre 1. L'os : physiologie et exploration    15 ces mêmes experts, d'être délétère sur le tissu osseux. Nous avons démontré chez plus de 500 sujets témoins de 55 ans, que seuls 3 % d'entre eux, malgré un taux de vitamine inférieur à 10 ng/mL chez 75 sujets, avaient une PTH supérieur à la normale : il s'agissait de sujets plus âgés avec une insuffisance rénale modérée [5].

■ Une ostéoporose dont le bilan étiologique comporte obligatoirement un bilan phosphocalcique. ■ Une maladie osseuse ou générale pouvant entraîner des perturbations du BPC : myélome, métastases osseuses, sarcoïdose.

Précautions d'interprétation Conditions de remboursement du dosage de vitamine D

À partir du 4/09/2014, les conditions de  remboursement des dosages de vitamine D changent (elles suivent en cela les recommandations récentes de l'HAS sur ce dosage) : « La prise en charge du dosage de la vitamine D est limitée aux situations suivantes : ■ suspicion de rachitisme ; ■ suspicion d'ostéomalacie ; ■ suivi ambulatoire de l'adulte transplanté rénal au-delà de 3 mois après transplantation ; ■ avant et après chirurgie bariatrique ; ■ évaluation et prise en charge des personnes âgées sujettes aux chutes répétées ; ■ respect des résumés des caractéristiques du produit (RCP) des médicaments préconisant la réalisation de l'acte 1139. En dehors de ces situations, il est inutile de doser la vitamine D, notamment lors de l'instauration ou du suivi d'une supplémentation par la vitamine D. »

Le dosage de calcitriol (1-25 di OH D), complexe, doit être réservé aux rares cas d'hypercalcémie où une hyper­ sécrétion de calcitriol est évoquée (sarcoïdose, lymphome) ou dans l'insuffisance rénale sévère qui peut altérer l'hydroxylation de la vitamine D.

FGF-23 Ce facteur de croissance, découvert il y a une dizaine d'années devant des diabètes phosphorés oncogènes est, en fait, une véritable hormone, régissant l'excrétion urinaire phosphorée. Il est, de plus, impliqué dans la minéralisation osseuse et la constitution des plaques calcifiées vasculaires. Il peut être dosé, hors nomenclature, dans certains laboratoires hospitaliers dans le cadre de l'exploration d'une hypophosphorémie [6].

Quand demander un bilan phosphocalcique ? Trois circonstances conduisent à prescrire ces dosages : ■ Des signes cliniques potentiellement en rapport avec une anomalie du BPC  : l'hypercalcémie entraîne des signes digestifs, neurologiques ou cardiologiques (voir paragraphe « Hypercalcémie »), mais les premiers signes peuvent être une fatigue anormale et tout bilan d'asthénie doit comporter un dosage de la calcémie. L'hypocalcémie peut, elle aussi, provoquer une fatigabilité associée à des crampes, des paresthésies, des crises de tétanie, une hyperréflexie, un signe de Chvostek témoignant de l'hyperexcitabilité neuromusculaire. L'hypercalciurie engendre des lithiases urinaires récidivantes.

Avant d'aller plus avant dans l'exploration d'une anomalie du BPC, il faut s'assurer : ■ que la prise de sang ait été réalisée à jeun : la calcémie peut augmenter transitoirement en cas d'apports lactés importants, de même la phosphorémie. Cette même phosphorémie peut baisser par l'hyperinsulinisme induit par des apports sucrés. ■ que le temps entre le dosage et le prélèvement soit court. La souffrance cellulaire induit dans un premier temps une hypophosphorémie, puis la lyse de ces mêmes cellules hématopoïétiques provoque une hyperphosphorémie. ■ que le malade ne prenne pas de médicaments faussant le BPC : à l'évidence, la prise de calcium et de vitamine D va provoquer une hypercalciurie, un traitement par diurétiques thiazidiques, une hypocalciurie et une hypercalcémie modérée. ■ que la fonction rénale soit normale (calcul du débit de filtration glomérulaire (DFG) automatiquement « couplé » par le dosage de la créatininémie au BPC). Toute altération de la fonction rénale va entraîner une hypocalciurie, une hypocalcémie et une hyperphosphorémie. ■ que l'albuminémie et la protidémie soient normales. ■ que le recueil urinaire, lorsqu'il concerne les urines des 24 heures, soit correct et que la diurèse ait bien été notée. La mesure de la créatininurie des 24 heures est indispensable. La normale est de 10 000 μmol/24 heures, ceci pour un sujet de 70 kg, à masse musculaire « standard ». Une patiente ostéoporotique pesant 50 kg pourra avoir une créatininurie de 7 000. La normalité de la créatininurie valide donc le recueil urinaire. ■ dans un bilan d'asthénie, le dosage de la calcémie suffit. Mais si ce paramètre est anormal, il faudra alors obligatoirement doser phosphorémie et calciurie pour déterminer la cause de cette anomalie.

Physiologie, régulations [7] Quelques notions de physiologie sont utiles pour bien comprendre et retenir les étiologies des principales anomalies du BPC. Il faut tout d'abord savoir que le but des principaux mécanismes de régulation est de maintenir normale la calcémie, essentielle au bon fonctionnement d'organes vitaux : cœur, cerveau. Par exemple, en cas de carence d'apport ou d'absorption digestive déficiente, l'excrétion rénale sera verrouillée et la résorption osseuse augmentée. En cas de lyse osseuse métastatique, la calciurie sera tout d'abord augmentée, l'hypercalcémie n'apparaissant que lorsque ce mécanisme sera dépassé.

Calcémie Elle va être régulée par l'absorption digestive dépendante de la vitamine D qui la favorise, l'excrétion rénale dépendante

de la parathormone (PTH) qui la diminue et le remodelage osseux qui libère ou accrête du calcium selon que la résorption ostéoclastique ou la formation ostéoblastique sont plus ou moins activées. Le calcium non fixé aux protéines ou calcium ionisé est le calcium actif : il intervient dans la fonction cellulaire, dans la transmission membranaire (myocarde, transmission de l'influx nerveux, tube digestif).

Phosphorémie Son absorption digestive est, elle aussi, favorisée par la vitamine D, son excrétion rénale est augmentée par la PTH et réduite par le FGF-23. Le phosphore, constituant de l'AMP, de l'ATP, intervient dans le métabolisme énergétique cellulaire. Calcium et phosphore sont, bien sûr, indispensables à la minéralisation du squelette.

Calciurie Elle dépend de l'absorption digestive, elle-même sous l'influence de la vitamine D. Elle est corrélée négativement au taux de PTH. Elle augmente en cas d'hyperrésorption osseuse. Elle est liée à l'excrétion sodée et un régime trop riche en sel peut l'augmenter.

Parathormone La PTH est sécrétée par les cellules parathyroïdiennes. Cette sécrétion est régulée à court terme par le calcium libre et à long terme par le calcitriol. À noter que les vitamines D2 ou D3 ne régulent pas directement la sécrétion de PTH. Au tubule rénal, elle permet de réabsorber le calcium et d'excréter le phosphore. Elle augmente l'activité des cellules osseuses.

Vitamine D Le dérivé actif est le calcitriol, ou 1-25 di OH D. Il est formé à partir de l'ergocalciférol et du colécalciférol synthétisés par l'action des UV sur la peau à partir des dérivés du cholestérol. Les apports alimentaires, dans nos pays, représentent moins de 20 % des sources de vitamine D2 ou D3. Les vitamines D2 ou 3 sont hydroxylées en 25 dans le foie puis en 1-alpha dans le rein (quelques autres tissus possèdent aussi la 1-alpha hydroxylase). L'hydroxylation rénale est régulée : elle est stimulée par l'hypocalcémie, par l'hypophosphorémie, par la PTH ; elle est freinée par l'hypercalcémie et le FGF-23. La vitamine D fabriquée l'été est stockée dans le tissu graisseux. Le calcitriol agit essentiellement sur le tube digestif, en favorisant l'absorption du calcium et du phosphore. Il est indispensable à la minéralisation du squelette. Il a une action favorable sur la trophicité musculaire, l'immunité, la lutte contre les infections et la différenciation cellulaire.

FGF-23 Il est secrété par les ostéocytes et les ostéoblastes et peut-être par d'autres cellules de même souche. Il augmente l'excrétion urinaire du phosphore et pourrait réguler la minéralisation osseuse.

Organes clés Le tube digestif, sous l'action du calcitriol, absorbe calcium et phosphore. À noter qu'en cas d'ingestion d'importantes quantités de calcium, l'absorption de cet ion peut être passive, para cellulaire. L'os, dont l'activité des cellules est régulée par de multiples systèmes (voir chapitre 1, « Remodelage osseux »), libère ou accrête calcium et phosphore suivant ses besoins et ses pathologies. Le tubule rénal sous l'influence de la PTH et du FGF-23, régule l'excrétion urinaire de ces ions.

Valeurs normales Les valeurs normales du BPC standard figurent sur le tableau 1.3. ■ 25 OH D2 + D3 : supérieur à 15 ng/mL l'hiver, supérieur à 25 ng/mL l'été. Risque de toxicité si taux > 75 ng/mL ■ 1-25 di OH D : 20 à 60 pg/mL ■ PTH : dépend du Kit de dosage : 25 à 65 pg/mL

Principales anomalies du bilan phosphocalcique Hypercalcémie [8, 9] Définition L'hypercalcémie se définit par un taux de calcium plasmatique supérieur à 105 mg ou 2,60 mmol/L. Le chiffre de calcémie doit toujours être interprété en fonction du taux d'albumine plasmatique. Si l'albumine est abaissée, la calcémie peut apparaître normale alors qu'elle est en réalité élevée. Il faut doser le calcium ionisé.

Épidémiologie Les deux causes les plus fréquentes d'hypercalcémie sont l'hyperparathyroïdie primitive (HPT) et les métastases osseuses. À elles deux, elles représentent 90 % des causes d'hypercalcémie : ■ l'incidence de l'HPT a augmenté avec le dosage de la calcémie devant des symptômes aspécifiques  : de Tableau 1.3 Valeurs normales du bilan phospho-calcique .

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16   Partie I. Rhumatologie pratique

mmol/L

mg/L

Calcémie

2,25 – 2,55

90 – 102

Phosphorémie

0,80 – 1,20

25 – 40

Calciurie des 24 h

2–7

80 – 250

Calciurie/ créatininurie Phosphaturie des 24 h

0,08 – 0,30 10 – 20

Phosphaturie/ créatininurie Calcium ionisé

300 – 600 0,30 – 0,90

1,17 – 1,30

Facteur de conversion : mmol ‡ mg : 40 pour le calcium, 31 pour le phosphore.

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Chapitre 1. L'os : physiologie et exploration    17 7,8/100 000 en 1965 elle est passée à 28/100 000 en 1980. Elle prédomine chez la femme et augmente avec l'âge : 92/100 000 chez l'homme de plus de 60 ans, 188/100 000 chez la femme. Les adénomes représentent 80 % des HPT opérées, les hyperplasies 15 à 17 %, les cancers parathyroïdiens 3 à 5 %. ■ hypercalcémie et cancer. En Angleterre, dans la région de Birmingham, les hypercalcémies des cancers représentent 180 nouveaux cas/an pour 1 million d'habitants. Dix pour cent des cancéreux auront, au cours de l'évolution de leur cancer, une hypercalcémie. La durée de survie, lorsque l'hypercalcémie complique un cancer connu est de 1,5 à 6 mois. Les cancers le plus souvent en cause sont : le poumon (35 %), le sein (25 %), les hémopathies dont myélome et lymphomes (14 %), les cancers ORL (6 %), les cancers du rein (3 %) les cancers de primitif inconnu (7 %).

Signes cliniques Le calcium intervient dans de nombreux phénomènes enzymatiques et dans le métabolisme cellulaire. L'hypercalcémie peut donc entraîner des dysfonctionnements importants de divers organes : ■ signes généraux : asthénie physique, intellectuelle, polyuro-polydypsie, léger état dépressif ; ■ signes digestifs  : nausées, vomissements, troubles du transit, ulcères gastroduodénaux, pancréatites aiguës ; ■ signes neuropsychiatriques  : céphalées, troubles du comportement, troubles de la vigilance, hypotonie musculaire ; ■ signes cardio-vasculaires : le raccourcissement de l'espace ST sur l'électrocardiogramme est le premier signe. Différents troubles du rythme peuvent survenir : blocs de conduction, blocs de branche, fibrillation auriculaire, extrasystoles auriculaires ou ventriculaires. Une hypertension artérielle modérée peut être notée. ■ signes néphrologiques  : lithiases calciques, infections urinaires, néphrocalcinose, peuvent conduire à l'insuffisance rénale ; ■ signes oculaires : il s'agit essentiellement de kératite en bande et de calcifications conjonctivales. Ces signes cliniques sont peu spécifiques, ils dépendent de l'importance de l'hypercalcémie et surtout des variations brutales de celle-ci, et aussi de la susceptibilité de chaque patient. Lorsque l'hypercalcémie est importante et rapidement évolutive, ces signes peuvent s'associer  : c'est la crise aiguë hypercalcémique avec une déshydratation globale, des vomissements, des douleurs abdominales pseudochirurgicales, une obnubilation, parfois un coma, une hypotonie extrême, des troubles du rythme cardiaque.

Examens complémentaires, diagnostic étiologique Le bilan à effectuer devant une hypercalcémie aura pour but d'évaluer la gravité de celle-ci et d'en établir le diagnostic étiologique. Le bilan électrolytique va guider la réhydratation et le traitement.

Le dosage de la PTH, dont le résultat doit être obtenu en 48 heures, oriente très vite le diagnostic étiologique : ■ Soit elle est augmentée ou inadaptée, associée à une hypophosphorémie dans 80 % des cas : il s'agit d'une hyperparathyroïdie primitive dont il faudra évaluer les conséquences (ostéodensitométrie, échographie rénale) et savoir si elle est secondaire à un adénome ou à une hyperplasie parathyroïdienne (échographie cervicale, scintigraphie au MIBI couplée à un scanner) pour décision chirurgicale. Rappelons que le diagnostic d'HPT est biologique. La négativité des explorations radiologiques cervicale ne l'exclut en aucun cas. S'il s'agit d'un homme ou d'une femme jeune, il faut s'assurer que l'HPT ne complique pas une néoplasie endocrinienne multiple (NEM) de type 1 (gastrinome, tumeurs carcinoïdes, adénome à prolactine) ou 2 (cancer médullaire de la thyroïde, phéochromocytome) et demander un dépistage génétique (récepteur RET). ■ Soit la PTH est basse : il faut alors demander une électrophorèse des protides (myélome), un dosage de la TSH (hyperthyroïdie), une scintigraphie osseuse, un scanner thoraco-abdomino-pelvien, une mammographie et une échographie des seins (métastases osseuses). Le scanner pourra révéler une atteinte pulmonaire, des adénomégalies en faveur d'une sarcoïdose ou d'un lymphome (le 1-25 di OHD sera alors augmenté, mais il faut attendre souvent plusieurs semaines pour en obtenir le dosage…). Quelques « pièges » rares doivent être éliminés : ■ l'hyperparathyroïdie paranéoplasique complique un cancer sécrétant du PTHrp (hormone ayant une activité proche de la PTH). L'hypercalcémie est associée à une hypophosphorémie avec hyper phosphaturie mais la PTH est très basse. Pour l'instant, aucun laboratoire ne dose de façon fiable le PTHrp. Les cancers en cause sont le plus souvent gynécologiques ou ORL. ■ Le syndrome de Marx, ou hypercalcémie-hypocalciurie familiale est dû à une mutation du récepteur sensible au calcium (CaSR). Le malade est asymptomatique et l'hypocalciurie est nette (d'où l'intérêt de demander systématiquement un dosage de la calciurie devant une suspicion d'hyperparathyroïdie). ■ L'intoxication à la vitamine D ne provoque d'hypercalcémie que lorsqu'il s'agit de l'absorption excessive de dérivés hydroxylés (Dédrogyl®, Un-alpha®, Rocaltrol®) ■ L'hypercalcémie d'immobilisation ne concerne que des adolescents polytraumatisés. ■ L'hyperparathyroïdie tertiaire apparaît chez l'insuffisant rénal dialysé. Elle est secondaire à une autonomisation de l'hyperparathyroïdie secondaire à l'insuffisance rénale.

Traitement Une hypercalcémie modérée,  2,8 mmol/L, ostéoporose, lithiases rénales) doit être opérée. Lors d'une hyperparathyroïdie entraînant une hypercalcémie > 3 mmol, le Cinacalcet (30 à 60 mg/j) peut permettre d'abaisser la calcémie en attendant la chirurgie. Ce traitement n'a pas d'action sur l'ostéoporose secondaire à l'hyperparathyroïdie.

■ L'hypomagnésémie, inutilement cherchée chez des asthéniques sans antécédents, peut compliquer une chimiothérapie par sels de platine, une irradiation ou une résection de l'intestin grêle. Cette hypomagnésémie inhibe la sécrétion de PTH et l'efficience de la PTH et induit une hypocalcémie que seule la prescription de magnésium corrigera.

Traitement Le traitement de l'hypoparathyroïdie repose sur l'administration de dérivés hydroxylés de la vitamine D : Un-alpha® 0,5 à 2 μg/j ; celui de l'ostéomalacie sur l'administration de fortes doses de vitamine D2 ou D3 : Uvédose® ou ZymaD® 100 000 UI une ampoule tous les 15 jours pendant 2 mois, puis une ampoule tous les 2 mois et de calcium (1,5 g/jour dans un premier temps, puis 1 g/jour). L'hypomagnésémie doit être corrigée, dans un premier temps par voie parentérale, puis par voie orale.

Hypophosphorémie [11] Signes cliniques

Comme pour l'hypercalcémie, c'est l'importance de l'hypocalcémie, la rapidité de sa survenue, la susceptibilité du malade qui détermineront l'existence ou non de signes cliniques  : le plus souvent asymptomatique, l'hypocalcémie peut parfois engendrer des signes d'hyperexcitabilité neuro-musculaire : paresthésies distales, crampes, crises de tétanie ; des troubles neuropsychiatriques  : somnolence ou irritabilité, confusion, asthénie, convulsions. Les signes de Chvostek ou Trousseau doivent être cherchés.

■ L'hypophosphorémie majeure, aiguë, est le plus souvent liée à un transfert du phosphore du secteur extracellulaire vers le secteur intracellulaire : il s'agit d'un problème de réanimation où l'hypophosphorémie brutale peut aggraver l'affection qui l'a provoquée : choc septique, insulinothérapie, alcoolisme aigu, insuffisance respiratoire. ■ L'hypophosphorémie chronique importante,  15 mL/mn), du taux de réabsorption du phosphore ( 7,5 mmol, peut provoquer des lithiases rénales récidivantes et une néphrocalcinose. L'hypercalciurie d'origine tubulaire peut être une cause d'ostéoporose essentiellement masculine.

Bilan étiologique Avant d'explorer une hypercalciurie, il faut s'assurer que : ■ le recueil urinaire concerne bien les urines de 24 heures et non, en plus, celles de la nuit précédente : créatininurie comprise entre 8 et 12 000 μmol/24 h, selon le poids ; ■ le malade ne soit pas traité par calcium et vitamine D ; ■ la natriurèse ne soit pas excessive. On doit avoir un BPC complet, un dosage de vitamine D, voire du 1-25 di OH, de PTH, un cliché thoracique. Les lyses osseuses et la sarcoïdose occasionnent des hypercalciuries, le plus souvent asymptomatiques.

Le régime de privation calcique (suppression de tout laitage pendant 10 jours) permet de différencier les hyper calciuries d'absorption qui se normalisent, des hypercalciuries d'origine rénale, qui persistent. Ces dernières s'associent fréquemment à une hyperrésorption osseuse. Dans ce cas, il faut éliminer une hyperparathyroïdie (dosage calcium ionisé et PTH).

Traitement Le traitement des hypercalciuries absorptives repose sur une diurèse abondante, une réduction des apports protidiques et sodés ; celui des hypercalciuries d'origine tubulaire sur les thiazidiques en cas de lithiases, sur les bisphosphonates ou le dénosumab en cas d'ostéoporose associée. Dans tous les cas, les apports calciques doivent être d'environ 800 mg/jour et les apports de vitamine D réduits.

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20   Partie I. Rhumatologie pratique [8] Silverberg SJ. In : Rosen CJ, editor. Primary Hyperparathyroidism. Primer on the metabolic bone diseases and disorders of mineral metabolism. eight edition. New York : Wiley-Blackwell ed ; 2013. p. 68–70. [9] Horwitz  MJ, Hodak  SP, Stewart  AF. In  : Rosen  CJ, editor. Nonparathyroid hypercalcemia. Primer on the metabolic bone diseases and disorders of mineral metabolism. eight edition. New York  : Wiley-Blackwell ed ; 2013. p. 562–71. [10] Shafer AL, Shoback D. In : Rosen CJ, editor. Hypocalcemia : definition, etiology, pathogenesis, diagnosis and management. Primer on the metabolic bone diseases and disorders of mineral metabolism. eight edition. New York : Wiley-Blackwell ed ; 2013. p. 71–3. [11] Ruppe  MD, Rosen  CJ. Jan de Beur SM. Disorders of phosphates homeostasis. Primer on the metabolic bone diseases and disorders of mineral metabolism. eight edition. New York : Wiley-Blackwell ed ; 2013. p. 601–12. [12] Laroche  M, Nigon  D, Gennero  I, et  al. Calciurie des 24 heures, normes régulations : à propos d'une cohorte de 317 témoins. Annales de Biologie Clinique 2016 ; 4 : 465–71.

Mesure de la densité osseuse en pratique clinique : Absorptiométrie biphotonique à rayons X Jacques Bernard, Laure Bernard L'absorptiométrie biphotonique à rayons X (DEXA : DualEnergy X-ray Absorptiometry) est la méthode de mesure de la « densité minérale osseuse » (DMO ou DO) de référence. Son intérêt dans l'évaluation de la résistance osseuse a été largement démontré chez les femmes ménopausées, au point d'avoir amené les experts de nombreux pays à définir « l'ostéoporose densitométrique », dans ce seul contexte, sur la base d'une simple valeur basse de densité osseuse fémorale ou lombaire, un T score –1 DS : densité́ osseuse normale –2,5 < T score ≤ –1 : ostéopénie ■ T score ≤ –2,5 : ostéoporose ■ T score ≤ –2,5 et fracture : ostéoporose sévère ■ ■

–2,5 DS

–1 DS

DMO théorique T score

Ostéoporose sévère

Ostéoporose

Ostéopénie

La HAS recommande de mesurer la DO sur au moins 2 sites, de préférence sur l'extrémité supérieure d'un fémur et sur le rachis lombaire, pour définir l'ostéoporose – la valeur la plus basse faisant référence (2006).

Plus petite variation significative (PPVS) Cette variation (SDD  : Smallest Detectable Difference) est exprimée en valeur absolue. Elle est indépendante de la valeur mesurée de la densité. Elle doit être calculée dans chaque centre, à partir de l'écart-type (ET). Pour un intervalle de confiance de 95 %, la PPVS est de 2,8*ET.

de la machine. Elle doit être exprimée en valeur absolue. Selon les auteurs, elle varie de 0,03 g/cm2 à 0,04 g/cm2, généralement plus basse au rachis qu'au fémur [14, 15].

Indications rhumatologiques La prescription d'une ostéodensitométrie est ouverte à tous les praticiens. Les indications et le remboursement de la mesure de la densité osseuse sont encadrés par l'HAS.

Détection de l'ostéoporose : indication principale Les indications de remboursement de la DEXA (tableau 1.5) en population générale ne citent cependant pas de nombreuses maladies pour lesquelles le lien entre l'activité de la maladie et une déminéralisation est démontré : ■ le diabète [16], ■ la BPCO [17], ■ les maladies vasculaires et inflammatoires, ■ un grand nombre d'affections neurologiques centrales et périphériques, ■ les hépatopathies chroniques, ■ l'alcoolisme, ■ les MICI [18], ■ les rétroviroses [19], ■ les ostéopathies métaboliques (ostéomalacies) ■ toutes les situations à l'origine d'une immobilisation prolongée, et en particulier les maladies et accidents de

Densité normale

FRAX Le WHO Fracture Assessment tool ou FRAX®-tool permet de calculer le risque individuel de fracture. Les algorithmes du FRAX® donnent une probabilité sur 10  ans de fracture de la hanche et d'une fracture majeure (fracture clinique du rachis, de l'avant-bras, de la hanche ou de l'épaule), à partir de 12 items, pour les deux sexes de 40 à 90  ans. Le calcul du FRAX se fait directement sur internet (https://www.sheffield.ac.uk/FRAX/tool. aspx?country=12).

l'appareil musculo-squelettique (fractures, infections ostéoarticulaires, polyarthrites, spondyloarthropathies…). Ces pathologies à l'origine de longues périodes de « sédentarité obligée » altèrent la masse et la puissance musculaires, diminuent la densité osseuse et augmentent ainsi le risque fracturaire à moyen ou long termes. Cette « ambiguïté » de la législation dessert la prise en charge précoce de la « santé osseuse » pour une partie à risque de cette population et, en particulier, freine le développement des techniques non médicamenteuses pour l'entretien de l'appareil musculo-squelettique. En pratique, lorsque la prescription de l'ostéodensitométrie est explicite quant au caractère potentiellement « déminéralisant » de la situation pathologique d'un patient, l'Assurance maladie accepte le remboursement de l'acte.

Suivi de l'ostéoporose commune C'est l'indication la plus fréquente en pratique clinique. Elle vient clore un cycle thérapeutique. ■ Le gain ou la stabilité de DO indique un effet favorable du traitement. Cependant, la démonstration de l'effet anti-fracturaire du gain de DO n'est toujours pas clairement établie même dans les études avec les molécules entraînant les gains les plus élevés [20–23]. Le niveau de correction guidera la suite de la prise en charge. ■ La chute importante de densité osseuse et/ou la survenue d'une fracture imposent de vérifier l'observance du traite­ ment, d'éliminer une cause d'ostéoporose secondaire et de reconsidérer la prise en charge thérapeutique.

Figure 1.11 Exemple de feuille de résultats (Lunar).

Tableau 1.5 Conditions de remboursement d'une ostéodensitométrie. Ostéodensitométrie (absorptiométrie osseuse) sur 2 sites, par méthode biphotonique

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24   Partie I. Rhumatologie pratique

1re densitométrie

2e densitométrie

Dans la population générale (quels que soient l'âge et le sexe)

À l'arrêt du traitement anti-ostéoporotique en dehors de l'arrêt précoce pour effet indésirable.

En cas de signe d'ostéoporose : • fracture vertébrale sans contexte traumatique ou tumoral • antécédent personnel de fracture périphérique sans trauma majeur (sauf crâne, main, pied, rachis cervical) En cas de pathologie/traitement ostéopéniant potentiel : • corticothérapie ≥ 3 mois consécutifs ≥ 7,5 mg/j équivalent prednisone • hypogonadisme prolongé (orchidectomie ou traitement par analogue GH-RH) • hyperthyroïdie évolutive non traitée • hypercorticisme • hyperparathyroïdie primitive • ostéogénèse imparfaite (Suite)

Tableau 1.5 Suite

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Chapitre 1. L'os : physiologie et exploration    25

En plus, chez la femme ménopausée : • antécédent de fracture du col fémoral non traumatique chez parent du 1er degré • indice de masse corporelle < 19 kg/m2 • ménopause avant 40 ans • antécédent de corticothérapie ≥ 3 mois, ≥ 7,5 mg/j équivalent prednisone

Chez la femme ménopausée sans fracture : lorsqu'un traitement n'a pas été mis en route après une première ostéodensitométrie montrant une valeur normale ou une ostéopénie, une 2e ostéodensitométrie peut être proposée 3 à 5 ans après la première ou en fonction de l'apparition de nouveaux facteurs de risque.

Pour chacune de ces indications, l'ostéodensitométrie n'est indiquée que si le résultat de l'examen peut, a priori, conduire à une modification de la prise en charge thérapeutique du patient. Source : J.O. du 30 juin 2006.

Prévention de l'ostéoporose Chez les hommes de plus de 50 ans et les femmes ménopausées pour lesquels les données cliniques et de densité n'avaient pas justifié de traitement, le contrôle sera fonction de la correction ou de l'apparition des facteurs de risque de déminéralisation. Un contrôle après 3 à 5 ans est recommandé.

Déminéralisations subaiguës ■ Lors des ostéopathies « métaboliques » représentées principalement par les « ostéomalacies » quels que soient leurs mécanismes (carence en vit. D, syndromes de Fanconi tumoral ou iatrogène, diabète phosphoré…). ■ Conséquence d'une infiltration tumorale diffuse (lymphome, mastocytose) ou d'un syndrome de Cushing. ■ Les situations pathologiques inductrices de déminéralisation, ou à l'origine de sédentarité obligée chez les sujets jeunes, voient les indications de contrôle se préciser. La mise en rémission sous traitement biologique d'une PR ou d'une spondylarthrite est régulièrement associée à un gain de densité osseuse. Au cours des maladies inflammatoires persistantes, l'évaluation de la « santé osseuse » des patients comprenant une DO doit s'inscrire dans les préoccupations du clinicien. L'évaluation précoce de l'évolution de la densité osseuse est une information importante sur l'effet des différents traite­ments ou sur l'activité de ces maladies.

Algodystrophie de la hanche C'est une indication régulièrement utile pour le diagnostic et le suivi de cette coxopathie à radiographie initialement normale. La différence de densité osseuse entre les deux fémurs peut atteindre plus de 30 % (3 déviations standard), et être entièrement régressive en quelques mois.

Limites de la DEXA et outils complémentaires Si le DEXA reste le gold standard des mesures de la masse osseuse, ses limites doivent être connues : il s'agit d'une mesure en projection plane (2D) qui ne permet pas de différencier la densité corticale de la densité trabéculaire ; elle n'évalue pas la « qualité des os » et en particulier la microarchitecture dont l'altération est une des causes de leur fragilité [24].

Ainsi s'expliquent que plus de 50 % des patients ayant subi une fracture ostéoporotique sont au-dessus du seuil (T score ressources pédagogiques > DFGSM2 > module 12, appareil locomoteur. [1] Dufour M, Pillu M. Biomécanique fonctionnelle. Membres, tête, cou. Un volume, Masson, 2006, 568 pages. [2] Arkill KP, Phil WD. Solute transport in the deep and calcified zones of articular cartilage. Osteoarthritis Cart 2008 ; 16 : 708–14. [3] Widmaier EP, Raff H, Strang KT. Physiologie humaine. 5e édition. Un volume, Maloine, 2009, 888 pages.

Notions générales sur l'inflammation et l'immunologie Yannick Degboé

L'inflammation Généralités sur l'inflammation L'inflammation est une réponse physiologique de l'organisme aux agressions tissulaires. En 1794, le chirurgien écossais John Hunter écrivait à ce propos : « Inflammation in itself is not to be considered as a disease but as a salutary operation consequent to some violence or some disease » (L'inflammation ne doit pas être considérée en soi comme une maladie, mais plutôt comme une réponse salutaire consécutive à une agression ou une maladie) [1]. Ce processus bénéfique est orchestré dans le temps et dans l'espace afin d'éliminer l'agent agresseur, et de restaurer la structure et la fonction tissulaire [2]. Toutefois, dans certaines situations − telles que les rhumatismes

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Chapitre 2. L'articulation, entité fonctionnelle   37 inflammatoires chroniques, l'asthme ou l'athérosclérose − le contrôle de l'inflammation est dérégulé et ne permet plus la résolution du processus. L'inflammation persistante mène alors à des dommages tissulaires, à des maladies inflammatoires chroniques et à de l'auto-immunité par défaut d'élimination « d'épines irritatives » pour le système immunitaire.

Déroulement de la réponse inflammatoire Le processus inflammatoire aigu est la réponse primaire à de nombreux types d'agressions : infection, traumatisme mécanique, ischémie, toxines, minéraux, cristaux, agents chimiques… Dans tous les cas, il est possible de constater les signes cardinaux décrit par Aulus Cornelius Celsus, dans son traité De Medicina datant du ier siècle après J.-C. : dolor (douleur), calor (chaleur), tumor (gonflement) et rubor (rougeur), auxquels a été plus récemment ajoutée la perte de fonction. Ces signes physiques sont sous-tendus par des modifications histologiques. La réaction inflammatoire évolue schématiquement en 3 phases (figure 2.14) : ■ une phase vasculaire générant un œdème inflammatoire, ■ une phase effectrice combinant une réaction cellulaire et la détersion tissulaire, ■ une phase de résolution associant réparation et remodelage tissulaire. Ce processus fait intervenir des cellules (en particulier de l'immunité innée), les vaisseaux sanguins et lymphatiques, la matrice extra-cellulaire et les médiateurs chimiques de la réponse inflammatoire. Le développement d'une inflammation implique la reconnaissance de signaux de dangers. Cette détection est assurée par les cellules résidentes des tissus (macrophages, cellules dendritiques, cellules épithéliales) qui présentent divers récepteurs capables de reconnaître des motifs moléculaires associés aux pathogènes (PAMP) et des motifs moléculaires associés aux dégâts tissulaires (DAMP) [3]. La reconnaissance de ces signaux de danger induit une cascade de réactions aboutissant notamment à l'induction de la

réaction inflammatoire. De plus, trois cascades de protéases plasmatiques (le système des kinines, le système du complément et le système de la coagulation) participent aussi à l'initiation de l'inflammation. La réaction inflammatoire à proprement parler débute par une réponse vasculaire avec hyperhémie. Cette vasodilatation avec augmentation du flux vasculaire explique la rougeur et la sensation de chaleur. Il s'y associe une augmentation de la perméabilité vasculaire responsable d'un exsudat du compartiment sanguin vers le compartiment interstitiel. L'œdème généré permet un apport local de médiateurs chimiques et de moyens de défense (complément, immunoglobulines…), une dilution des toxines de la lésion, une limitation du foyer inflammatoire par une barrière de fibrine et l'afflux de leucocytes. Parmi les médiateurs présents, certains sont dits algogènes (Bradykinine, Prostaglandine E2…) car à l'origine d'un signal douloureux. La phase vasculaire aboutit à une migration de leucocytes (d'abord polynucléaires, puis les cellules mononucléées : monocytes et lymphocytes), la diapédèse leucocytaire, s'effectuant du sang vers le tissu agressé, en réponse à des facteurs attractants, les chimiokines. La diapédèse comporte : ■ une étape de margination des leucocytes contre l'endothélium vasculaire, ■ puis l'adhérence des leucocytes aux cellules endothéliales via la mise en jeu de diverses molécules d'adhésion (intégrines, sélectines…) présentes sur les leucocytes et les cellules endothéliales, ■ enfin le passage trans-endothélial des leucocytes au travers des jonctions intercellulaires des cellules endothéliales. Une fois sur le site de la lésion, les leucocytes débutent la seconde phase de l'inflammation, dite phase effectrice. Ces leucocytes sont activés, s'accumulent et forment, avec les cellules du tissu conjonctif local, un granulome inflammatoire. Ce granulome est évolutif et produit de nombreux médiateurs inflammatoires (cytokines, chimiokines, facteurs de croissance, radicaux libres, lipides). Leur fonction est de :

Figure 2.14 Déroulement de l'inflammation. Source : Perretti M, Leroy X, Bland EJ et al. Resolution pharmacology : opportunities for therapeutic innovation in inflammation. Trends Pharmacol Sci, 2015, 36 : 737-55.

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38   Partie I. Rhumatologie pratique ■ développer une réaction immunitaire envers l'agent agresseur, ■ modifier le tissu conjonctif environnant, ■ assurer la détersion du tissu par les cellules phagocytes mononucléées (macrophages) et les polynucléaires. L'étape de détersion s'effectue en parallèle de la réaction cellulaire. Elle assure le nettoyage du foyer inflammatoire pour le débarrasser de l'agent pathogène, des tissus nécrosés et des cellules mortes. Cette étape prépare la dernière phase de l'inflammation, la phase de résolution de l'inflammation. Dans l'idéal, cette dernière phase aboutit à une reconstitution ad integrum du tissu lésé.

La résolution de l'inflammation La résolution de l'inflammation a longtemps été vue comme un phénomène passif résultant de la disparition progressive des médiateurs de l'inflammation [4]. Il devient clair, depuis une vingtaine d'années, qu'il s'agit plutôt d'un phénomène actif impliquant notamment des cellules immunitaires (dont les macrophages) et des médiateurs lipidiques [5, 6]. Les médiateurs actuellement reconnus comme pro-résolutifs sont : ■ les médiateurs lipidiques dérivés d'acides gras polyinsaturés (lipoxines, résolvines, protectines, marésines), ■ les protéines induites par les glucocorticoïdes endogènes  : Glucocorticoid-induced leucine zipper (GILZ), Annexine A1, Mitogen activated protein kinase phosphatase 1 (MKP-1), ■ bien que cela puisse paraître surprenant, les radicaux libres (anion superoxyde, peroxyde d'hydrogène…) connus pour leur action anti-microbienne et potentiellement délétère pour les cellules/tissus, participent aussi au contrôle de la survie des leucocytes et donc au contrôle de l'inflammation, ■ les prostaglandines cyclopentenones dérivées de la cyclooxygénase-2 (PG D2 et ses métabolites), ■ l'interleukine 10 produite par de nombreux types cellulaires (macrophages, monocytes, cellules dendritiques, cellules épithéliales…), ■ le système mélanocortine (hormone corticotrope  : ACTH, mélanocortine α : αMSH…). La résolution de l'inflammation présente plusieurs aspects : ■ l'apoptose des polynucléaires neutrophiles (PNN), en lien avec l'induction de médiateurs pro-résolutifs et la diminution des facteurs favorisant leur survie, ■ la phagocytose des cellules apoptotiques par les macrophages. Ce phénomène est appelé également efférocytose (du latin effere : « amener vers la tombe »), ■ le changement de phénotype des macrophages  : passant d'un macrophage pro-inflammatoire (dit M1), à un macrophage dit alternatif (M2) spécialisé dans la production de médiateurs pro-résolutifs, ■ l'implication des autres cellules pro-résolutives [7] telles que les lymphocytes T régulateurs, ■ la reconstruction du tissu matriciel et le remodelage. Lorsque le remodelage est aberrant et source d'une fibrose extensive, on parle alors de cicatrice chéloïde. En l'absence de résolution de l'inflammation, la situation aboutit à une inflammation chronique. Les phénomènes de

destruction tissulaire prennent alors le pas sur la reconstruction tissulaire.

L'inflammation articulaire L'articulation est un site fréquemment touché par les phéno­ mènes inflammatoires en rhumatologie. La structure de l'articulation a été abordée (voir chapitre 2, « Physiologie articulaire »). En situation inflammatoire, la membrane synoviale est classiquement touchée et l'on décrit une synovite. Des particularités histologiques peuvent être individualisées selon l'étiologie de l'inflammation. Nous retiendrons que les éléments clés de la synovite sont : ■ l'infiltrat inflammatoire constitué de cellules mononucléées dont les macrophages et les lymphocytes T et B, les cellules dendritiques, ■ la production de médiateurs inflammatoires : cytokines (IL-1, IL-6, TNF, IL-17…), facteurs pro-angiogéniques (VEGF, IL8…), chimiokines (CCL2/MCP1, CCL5/ RANTES…), facteurs de croissance (GM-CSF, PDGF…), radicaux libres (O2-, H2O2, NO…), médiateurs lipidiques (prostaglandines type PGE2, leucotriènes), ■ l'implication des autres cellules ostéoarticulaires : ostéoclastes, ostéoblastes, ostéocytes, chondrocytes, synoviocytes fibroblastiques. Le phénomène inflammatoire s'étend jusque dans le liquide synovial dont la cellularité augmente, et éventuellement dans les tissus adjacents. En règle générale, sur le plan cellulaire, le liquide synovial inflammatoire est constitué majoritairement de PNN. Il peut toutefois aussi être lymphocytaire, mixte ou monocytaire en fonction de l'étiologie envisagée (voir chapitre 7, « Analyse du liquide synovial »).

Immunologie Généralités sur l'immunité L'immunité est définie comme l'ensemble des mécanismes de défense d'un organisme contre les éléments étrangers à cet organisme, en particulier les agents infectieux (bactéries, virus, parasites, champignons) et les tumeurs. Elle regroupe : ■ les barrières naturelles représentant la première ligne de défense contre les pathogènes. Ces barrières sont constituées d'éléments physiques (peau, muqueuses, cils, poils, drainage/toux/éternuement) et d'éléments chimiques (salive, sécrétion acide de l'estomac, mucus des muqueuses, enzymes des fluides corporels), ■ le système immunitaire avec un versant dit inné, inter­ venant en seconde ligne de défense et un versant dit adaptatif intervenant en 3e ligne. L'immunité est classiquement décrite de manière dichotomique. On distingue l'immunité innée et l'immunité adaptative dont les caractéristiques sont rapportées dans le tableau 2.2. Ces deux versants de l'immunité interagissent entre eux et cette collaboration est nécessaire pour une réponse optimale. L'immunité est en équilibre permanent avec un état de tolérance vis-à-vis de ses propres composants antigéniques et des éléments environnementaux non délétères. En conséquence, un défaut d'immunité conduit à une susceptibilité

accrue aux infections et aux cancers, alors qu'une réactivité immunitaire excessive conduit à une hypersensibilité telle qu'observée dans les maladies auto-immunes ou les allergies. Le système immunitaire regroupe l'ensemble des éléments cellulaires et tissulaires impliqués dans les réponses immunitaires de l'organisme contre des agents pathogènes. Son rôle est d'effectuer la surveillance immune de l'organisme en le défendant contre les pathogènes extérieurs, mais aussi de maintenir une homéostasie via l'élimination des cellules devenues anormales. Le corollaire de cette fonction est de pouvoir faire la différence entre le soi normal (et y être tolérant) et le soi altéré, voire le non-soi (et induire une réaction immunitaire) [3].

Cellules du système immunitaire Le système immunitaire repose en grande partie sur les leucocytes. Ces cellules sont issues d'un précurseur commun (cellule souche hématopoïétique pluripotente) présent au Tableau 2.2 Caractéristiques de l'immunité innée et de l'immunité adaptative .

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Chapitre 2. L'articulation, entité fonctionnelle   39

Immunité innée

Immunité adaptative

Apparition

Naturellement présente

Acquise après une 1re exposition

Spécificité

Aspécifique

Spécifique d'un pathogène

Cinétique

Mise en place rapide Mise en place retardée

Mémoire immunologique

Non

Oui, protection spécifique

Acteurs

Barrières physiques et chimiques, cellulaire

Cellulaire (lymphocytes T), humorale (lymphocytes B, plasmocytes)

sein de la moelle osseuse. Ce précurseur donne naissance à deux lignées de cellules immunitaires : les cellules myéloïdes et les cellules lymphoïdes. Ces cellules se distinguent par leurs caractéristiques histologiques et par leurs marqueurs de surface, aussi appelés clusters de différenciation (CD). Les leucocytes peuvent aussi être classés en fonction de leur participation à la réponse immunitaire innée ou à la réponse immunitaire adaptative (figure 2.15). Les cellules de l'immunité innée sont : ■ les monocytes : ils appartiennent au groupe des phagocytes. Ces cellules sanguines sont les précurseurs des macrophages et de certaines cellules dendritiques, ■ les macrophages : ils appartiennent au groupe des phagocytes. Un de leurs rôles majeurs est la phagocytose des corps apoptotiques, des débris nécrotiques et des agents pathogènes. Les macrophages participent aussi à la production de médiateurs inflammatoires, à la présentation d'antigènes et à la résolution de l'inflammation. Parmi les macrophages, certains sont dits résidents (cellules de Kupffer, microglie…), car présents en permanence au sein des différents tissus de l'organisme où ils participent à l'homéostasie. A contrario, d'autres macrophages sont dits infiltrants, car recrutés en contexte inflammatoire et différenciés à partir des monocytes sanguins. ■ les cellules dendritiques : elles appartiennent au groupe des phagocytes. Elles peuvent avoir une origine myéloïde ou une origine lymphoïde. Leur rôle premier est de capter les antigènes de leur environnement, puis de les présenter aux lymphocytes T et B, au sein des organes lymphoïdes secondaires, afin de les activer. Elles participent donc à l'induction de la réponse adaptative. À noter qu'elles participent aussi au maintien de la tolérance immunitaire lors de l'éducation des lymphocytes (abordée dans le paragraphe organes lymphoïdes). ■ les polynucléaires neutrophiles : ils appartiennent au groupe des granulocytes. Ce sont les leucocytes les plus nombreux du sang. Ils se distinguent par la présence de granulations d'aspect neutrophile (coloration de

Immunité innée Monocyte

Immunité adaptative Mastocyte Lymphocyte B

Cellule dendritique Macrophage

Lymphocyte Tγδ

Cellule lymphoïde innée (NK)

Lymphocyte T CD4 Lymphocyte NKT

Neutrophile Lymphocyte T CD8 Basophile

Éosinophile

Figure 2.15 Les cellules immunitaires. Source : adapté de Ait-Oufella H, Sage AP, Mallat Z, Tedgui A. Adaptive (T and B Cells) Immunity and Control by Dendritic Cells in Atherosclerosis. Circulation Research. 2014, 114 : 1640-60.

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40   Partie I. Rhumatologie pratique









May Grünwald Giemsa) dans leur cytoplasme. Ils participent à la phagocytose (bactéries, autres cellules) et à la libération de médiateurs inflammatoires tels que les radicaux libres, en particulier lors des infections bactériennes. les polynucléaires basophiles  : ils appartiennent au groupe des granulocytes. Comme leur nom l'indique, ils se distinguent par des granulations basophiles qui jouent un rôle dans la réaction allergique en produisant notamment de l'histamine. les polynucléaires éosinophiles  : ils appartiennent au groupe des granulocytes. Ils se distinguent par des granulations acidophiles. Ils participent à la défense anti-parasitaire. les mastocytes. Ces leucocytes exclusivement tissulaires comportent de nombreuses granulations qui participent aux modifications vasculo-exsudatives de la réponse inflammatoire, mais aussi à la réaction allergique menant parfois au choc anaphylactique. Ils sont caractérisés par l'expression du récepteur au fragment constant des immunoglobulines E (IgE). Ce récepteur engendre une dégranulation lorsque l'IgE qu'il lie rentre en contact avec l'allergène dont elle est spécifique. les cellules lymphoïdes innées. Il en existe trois types, le plus connu étant les lymphocytes NK (Natural Killer). Bien qu'issues d'un progéniteur lymphoïde, elles participent à l'immunité innée. Les NK sont caractérisés par l'antigène de surface CD56. Ces cellules interviennent dans l'élimination des cellules du soi modifié (cellules infectées, cellules tumorales). La capacité des NK à éliminer spontanément ces cellules, sauf en présence de ligands inhibiteurs signant la bonne santé de la cellule cible, explique ce qualificatif de « cellules tueuses naturelles ». Deux autres types de cellules lymphoïdes innées ont été identifiés récemment. Ils participent à l'immunité mucosale intestinale et respiratoire.

Les cellules de l'immunité adaptative sont des lymphocytes qui reconnaissent des antigènes spécifiques présentés par les cellules présentatrices (cellules dendritiques, macrophages), à leur récepteur (TCR [T cell receptor] pour les lymphocytes T, BCR/immunoglobuline pour les lymphocytes B). Les lymphocytes sont dits naïfs lorsqu'ils n'ont pas encore rencontré l'antigène dont ils sont spécifiques. Ils s'activent après avoir reçu trois signaux : ■ la présentation de l'antigène dont ils sont spécifiques par une cellule présentatrice d'antigènes, ■ les signaux de costimulation induits par la cellule présentatrice d'antigène, ■ le signal cytokinique produit dans sont environnement. Certains lymphocytes activés deviendront des cellules mémoires de longue durée de vie, permettant, lors des rencontres ultérieures avec le même antigène, de déclencher une réaction immunitaire adaptative (donc spécifique) plus rapide.

Lymphocytes B Ce sont les principaux acteurs de l'immunité à médiation humorale (via la production d'anticorps/immunoglobulines). Ils sont caractérisés par la présence de l'antigène de surface CD20. Une fois activés, ils se différencient en plasmocytes producteurs d'immunoglobulines monoclonales ou en lymphocytes  B mémoires. Les immunoglobulines produites permettent la neutralisation des agents pathogènes dont elles sont spécifiques.

Lymphocytes T auxiliaires Ils sont caractérisés par la présence de l'antigène de surface CD4. Leur rôle est de réguler la réponse immunitaire adaptative en l'orientant vers une défense de type Th1 anti-pathogène intracellulaire (virus, bactéries), Th2 anti-parasite extra-cellulaire, Th17 anti-fongique et anti-bactérie extra-­cellulaire ou T régulatrice pour la tolérance immune (figure 2.16).

Lymphocytes Th1

Lymphocytes Th2



+

Cellule présentatrice d’antigène

2,

1 L-

I

-4

+ IL-6, IL-23, TGFβ

+ IL • présentation d’antigène • Costimulation • Cytokines

• IL-4, IL-5, IL-3 • Réponse humorale anti-parasites extra-cellulaires • Allergie

+ IL

Lymphocyte T CD4 naïf

+

IFN

• IFN-γ, TNF, IL-2 • Réponse cellulaire anti-virale et bactérienne • Maladies auti-immunes

-2,

TGF

β

Lymphocytes Th17

Lymphocytes T régulateurs

• IL-17, IL-21, IL-22 • Défense anti-bactéries extra-cellulaires et fongiques • Maladies auto-immunes

• TGFβ, IL-10, IL-35 • Tolérance immune • Cancer

• Tfh, Th3, Th9, Tr1, ...

Figure 2.16 Polarisation des lymphocytes T auxiliaires. IL : interleukine ; Tfh : lymphocyte T auxiliaire folliculaire (T follicular helper) ; TGFβ : Transforming growth factor bêta ; Th : lymphocyte T auxiliaire ; Tr1 : lymphocytes T régulateurs de type 1. Source : adapté de Swain SL, McKinstry KK, Strutt TM. Expanding roles for CD4+ T cells in immunity to viruses. Nat Rev Immunol 2012, 12 : 136–48.

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Chapitre 2. L'articulation, entité fonctionnelle   41

Lymphocyte T cytotoxique Il est caractérisé par la présence de l'antigène de surface CD8. Il participe à l'immuno-surveillance en éliminant les cellules exprimant des antigènes du non-soi (virus, tumeur, greffon). La cellule cible est alors éliminée par la libération de protéines cytolytiques (perforine, granzyme). Certaines cellules sont à l'interface entre l'immunité innée et l'immunité adaptative : ■ les lymphocytes T γδ. Ces lymphocytes T non conventionnels se distinguent par un récepteur particulier aux antigènes qui ne nécessite pas d'interaction avec les cellules présentatrices. Leur fonction cytotoxique, proche de celle des NK, rentre dans le cadre de l'immunité innée, alors que leur récepteur TCR et leur capacité de mémoire immunologique rendent compte d'une participation à l'immunité adaptative. ■ Les lymphocytes  NKT. Cette cellule est intermédiaire entre le lymphocyte NK et le lymphocyte T. Ils ne reconnaissent pas des antigènes protéiques mais des glycolipides. Ils produisent de grandes quantités de cytokines.

Organes lymphoïdes Les organes lymphoïdes jouent un rôle dans la lymphopoïèse (production des lymphocytes) et la régulation de la réponse immune. Une grande partie de la réaction immunitaire est orchestrée au sein des organes lymphoïdes. On distingue les organes lymphoïdes primaires et secondaires.

Organes lymphoïdes primaires Ils permettent la production et la maturation des lymphocytes. Il s'agit de la moelle osseuse et du thymus. Chez l'adulte, la moelle osseuse des os courts et plats est le site de l'hématopoïèse et donc de production de l'ensemble des leucocytes de l'organisme. Le thymus est le site de différenciation et d'éducation des lymphocytes T. Il permet la sélection des lymphocytes T réactifs et l'élimination des lymphocytes T autoréactifs, potentiellement délétères pour l'organisme.

Organes lymphoïdes secondaires Ils incluent les ganglions lymphatiques, la rate, les plaques de Payer et l'anneau lymphoïde du pharynx incluant les amygdales. Les ganglions lymphatiques sont traversés par la lymphe qui draine les tissus de l'organisme. Ces structures permettent d'apporter les antigènes auprès des cellules présentatrices qui induisent alors une activation et une prolifération des cellules immunitaires. La rate n'est pas tributaire de la lymphe mais du sang. Elle intervient dans la défense contre les germes encapsulés (pneumocoque, méningocoques). Elle participe aussi à la destruction des hématies sénescentes. Les plaques de Payer sont des agrégats iléaux de follicules lymphoïdes jouant le rôle de sites d'activation pour les lymphocytes de l'intestin.

Cytokines La communication entre les différentes cellules du système immunitaire passe par des médiateurs appelés cytokines.

Ces petites protéines solubles interviennent dans le développement, la différenciation et la régulation des cellules immunes. Leur action s'exerce sur la cellule productrice (effet autocrine), sur les cellules adjacentes (effet juxtacrine), sur les cellules du voisinage (effet paracrine) ou les cellules à distance (effet endocrine). La famille des cytokines comprend les interleukines (IL), les interférons, les chimiokines, la famille du facteur de nécrose tumorale (TNF), les facteurs de croissance des colonies (CSF), les facteurs de croissance de transformation (TGF) [8].

Interleukines Il s'agit d'un groupe hétérogène de par leur structure, leur mode de signalisation et leur fonction. On distingue classiquement : ■ les interleukines apparentées à l'IL-1, ■ les interleukines utilisant la chaîne commune gamma (CD132), ■ les interleukines utilisant la chaîne commune bêta (CD131), ■ les interleukines apparentées à l'IL-6.

Interférons Ces cytokines sont produites en contexte d'infection microbienne (majoritairement virale) ou d'affection tumorale. Leur rôle est d'interférer avec la multiplication de l'agent pathogène.

Chimiokines Ces petites cytokines sont produites en contexte inflammatoire. Contrairement aux interleukines, elles présentent une homologie de structure et des fonctions redondantes. Elles exercent un pouvoir dit de chimiotactisme, car elles contrôlent la migration des cellules vers le foyer inflammatoire et vers les organes lymphoïdes. Leur nomenclature est basée sur leur structure : la position des 2 premiers résidus cystéines de leur structure primaire permet de distinguer les C, les CC, les CXC et les CX3C chimiokines.

La famille du facteur de nécrose tumorale (TNF) Il s'agit d'un groupe de cytokines d'importance majeure dans l'inflammation. Cette famille de cytokines interagit aussi avec des récepteurs contrôlant la mort cellulaire.

Facteurs de croissance de colonies (CSF) Ils participent à l'hématopoïèse (prolifération et différenciation des cellules sanguines), ainsi qu'à l'activation des leucocytes.

Facteurs de croissance de transformation (TGF) Ils participent aux phénomènes de cicatrisation, de fibrose et de contrôle des cellules immunes. Le rôle central des cytokines dans l'immunité explique qu'elles soient devenues des cibles thérapeutiques de choix dans la stratégie de prise en charge des maladies dysimmunitaires [9].

Tableau 2.3 Les maladies immunitaires à expression rhumatologique

.

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42   Partie I. Rhumatologie pratique

Maladies auto-inflammatoires monogéniques

Maladies auto-inflammatoires polygéniques

Maladies à caractéristiques mixtes

Maladies auto-immunes polygéniques

• FMF • TRAPS • CAPS • PAPA • Syndrome de Blau • Syndrome hyper IgD

• Maladie de Crohn • RCH • Arthrose • arthropathies microcristallines • vascularites sans anticorps • maladies associées à un érythème noueux (sarcoïdose…)

• • • • •

• polyarthrite rhumatoïde • lupus • syndrome de Sjögren • dermatopolymyosite • polymyosite • sclérodermie • vascularites à ANCA • maladie cœliaque

spondylarthrite ankylosante rhumatisme psoriasique arthrites réactionnelles uvéites HLA-B27 + maladie de Behçet

FMF : Fièvre méditerranéenne familiale ; TRAPS : Syndrome périodique associé au récepteur 1 du facteur de nécrose tumorale ; CAPS : Syndrome périodique associé à la cryopyrine ; PAPA : Syndrome arthrite purulente stérile, pyoderma gangrenosum, acné ; RCH : Rectocolite hémorragique. Les rares maladies autoimmunes monogéniques (IPEX, APECED, ALPS) ne sont pas représentées ici.

La pathologie immunologique en rhumatologie L'objectif de la réponse immune est de permettre la survie de l'hôte face à un agent pathogène. Toutefois, dans certains cas, cette réponse peut s'avérer anormale et délétère. C'est ce qui est observé dans les maladies du système immunitaire. Nous n'aborderons pas ici le problème des déficits immunitaires qui, dans certains cas (déficit immunitaire commun variable, par exemple), peuvent présenter une expression rhumatologique. On oppose habituellement les maladies auto-immunes aux maladies auto-inflammatoires. Cette classification tient actuellement compte du type d'immunité mise en jeu (innée versus adaptative), et de la composante génétique sousjacente (monogénique versus polygénique) (tableau 2.3). Les maladies auto-immunes sont caractérisées par une mise en jeu de l'immunité adaptative, avec une rupture de tolérance immunitaire responsable de l'apparition de lymphocytes T auto-réactifs. C'est typiquement le cas de la polyarthrite rhumatoïde ou du lupus. Les maladies auto-inflammatoires sont caractérisées par une mise en jeu de l'immunité innée, non provoquée par une situation pathologique et n'impliquant pas d'auto-anticorps ni de lymphocytes autoréactifs [10]. La fièvre méditerranéenne familiale et la goutte en sont deux illustrations. Certaines maladies telles que les spondyloarthrites se trouvent à l'interface entre maladie autoimmune et maladie auto-inflammatoire.

Conclusion La mise en jeu du système immunitaire lors des réactions inflammatoires est une réaction bénéfique pour l'organisme. Toutefois, dans certains cas, tels que les rhumatismes inflammatoires chroniques, cette inflammation devient non-contrôlée et génère des dommages tissulaires. La connaissance des mécanismes immunologiques qui sous-tendent ces conditions pathologiques a permis des

révolutions thérapeutiques telles que l'apparition des biothérapies anti-cytokines. De nouvelles stratégies thérapeutiques ciblant des mécanismes ubiquitaires de l'inflammation, ou plus spécifiquement la résolution de l'inflammation, sont en cours de développement. L'objectif ultime reste d'obtenir des traitements curateurs des pathologies inflammatoires chroniques.

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Chapitre

3

Sémiologie ostéo-articulaire PLAN DU CHAPITRE La douleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Physiologie des voies de la nociception . . . . . De la théorie à la pratique : la dualité de la douleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Douleurs de l'appareil ostéo-articulaire chez l'adulte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .



43 43 44



50



52

Impotence fonctionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L'examen clinique en rhumatologie . . . . . . Signes fonctionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Signes physiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Examen général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La douleur Bernard Mazières « L'homme devrait savoir que la joie, le plaisir, le rire et le divertissement, le chagrin, la peine, le découragement et les larmes ne peuvent venir que du cerveau… C'est à cause du même organe que l'on peut devenir fou et dément et que la peur et l'angoisse nous assaillent…Je considère donc que le cerveau exerce le plus grand pouvoir sur l'homme. »

Hippocrate. La maladie sacrée (ive siècle av. J.-C.)

La douleur est le principal signe d'appel qui conduit chez un médecin pour une affection musculo-squelettique. Elle est le motif de consultation auprès du rhumatologue dans 96 % des cas2. L'écoute attentive du patient, la caractérisation de cette douleur, l'évaluation de son intensité et de son retentissement sur le malade sont les clés – parfois uniques – du diagnostic, de la prise en charge thérapeutique et même du pronostic. Les limitations d'activités (professionnelles et domestiques) du fait de la douleur (figure 3.1) sont fréquentes [1], justifiant la circulaire DGS/DH n° 94-3 du 7 janvier 1994 « relative à l'organisation des soins et la prise en charge des douleurs chroniques » en France et les différents plans du « programme national de lutte contre la douleur » qui ont suivi.

Définition « La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite en termes évoquant une telle lésion », d'après l'IASP (International Association for the Study of Pain). Par convention, les douleurs d'origine cancéreuse ne seront pas traitées dans ce chapitre.

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Rhumatologie © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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Une telle définition souligne : ■ une variabilité du lien entre la lésion et la douleur, ■ la double composante sensorielle (composante nociceptive) et émotionnelle (composante affective qui confère à la douleur sa tonalité désagréable, pénible, voire insupportable) de l'expérience douloureuse, et suggère que cette douleur dépend elle-même de l'état préalable du sujet (biologique, médical, affectif, émotionnel, psychologique, sociologique…), expliquant un seuil de tolérance à la douleur variable dans le temps et d'un individu à l'autre. La douleur est donc une expérience subjective, elle est ce que la personne qui en est atteinte dit qu'elle est. Fondamentalement, la douleur aiguë est un signal d'alarme qui protège l'organisme en déclenchant des réponses réflexes et comportementales dont la finalité est d'en supprimer la cause et donc d'en limiter les conséquences. Un modèle multidimensionnel de la douleur [2] a été proposé, d'autant plus pertinent que la douleur se prolonge (figure 3.2). ■ Composante sensori-discriminative : elle correspond aux mécanismes neurophysiologiques permettant le décodage de la qualité, de la durée, de l'intensité et de la localisation des messages nociceptifs. ■ Composante affectivo-émotionnelle déterminée non seule­ ment par la cause de la douleur elle-même, mais égale­ ment par son contexte. La signification de la maladie, l'incertitude sur son évolution sont autant de facteurs qui viennent moduler le vécu douloureux. Cette composante affective peut se prolonger vers des états émotionnels voisins, comme l'anxiété ou la dépression. ■ Composante cognitive, ensemble des processus mentaux susceptibles d'influencer la douleur et les réactions comportementales qu'elle détermine : processus d'attention et de diversion de l'attention, interprétations et valeurs attribuées à la douleur, anticipations, références à des expériences douloureuses antérieures personnelles ou observées, décisions sur le comportement à adopter. 43

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44   Partie I. Rhumatologie pratique

35 30

% limitation d'activités liée à la douleur

25 20 15 10 5 0 15–24

25–64

65–84

85+

Figure  3.1 Limitation des activités (professionnelles ou personnelles) liées à la douleur. Pourcentage selon l'âge, en population générale (échantillon de 25 713 personnes), des personnes ayant répondu « beaucoup » ou « énormément » à la question : « au cours des quatre dernières semaines, dans quelle mesure vos douleurs physiques vous ont-elles limité dans votre travail ou vos activités domestiques ? » [1].

Comportements douloureux

Souffrance

Émotions

Pensées Sensation de douleur

Naciception Lésion tissulaire

Comportements douloureux : ensemble des manifestations verbales et non verbales observables chez un patient douloureux. Assure une fonction de communication avec l'entourage.

Souffrance : envahissement de la vie par la douleur et émotions liées. Impossibilité de détourner son attention de la douleur.

Émotions : Phase aiguë : anxiété, peur, stress. Phase chronique : dépression.

Pensées et cognitions : distinction par le cerveau entre « bonne » et « mauvaise » douleur.

Sensation douloureuse : intégration au cerveau.

Lésion tissulaire : naciception par les fibres C et Aδ

Modification du signal par l'environnement.

Figure 3.2 Conception multidimensionnelle de la douleur.

■ Composante comportementale qui englobe l'ensemble des manifestations verbales et non verbales observables chez la personne qui souffre (plaintes, mimiques, postures antalgiques, impossibilité de maintenir un comportement normal). Elles assurent aussi une fonction de communication avec l'entourage (familial, professionnel, soignant) dont les réactions peuvent interférer avec le comportement du malade douloureux et contribuer à son entretien.

Physiologie des voies de la nociception [3–5] La nociception est le processus sensoriel à l'origine du message nerveux qui provoque la douleur. Entre le message douloureux et la perception de la douleur, il existe une cascade électrique et chimique en 4 étapes : transduction (nocicepteurs), transmission (protoneurone), modulation (voie spinothalamique),

perception (projections thalamocorticales). À cette cascade s'ajoutent des mécanismes de contrôle à tous les niveaux. Il existe deux voies sensitives qui acheminent les messages sensitifs au cerveau : la voie lemniscale (concerne la proprioception, le tact et les vibrations) et la voie spinothalamique (concerne les messages thermiques et douloureux) (figure 3.3). L'influx douloureux, quant à lui, est véhiculé par deux grandes voies : ■ voie de la sensation : celle de la douleur rapide, transmise par les fibres A δ, responsable de la douleur localisée, précise, qui rejoint le thalamus latéral par le faisceau néospinothalamique, puis le cortex sensitif (aires S1 et S2), ■ voie de l'émotion et du comportement : celle de la douleur tardive, diffuse, transmise par les fibres C, responsable de la douleur lente, qui – après relai au niveau du tronc cérébral – rejoint le thalamus médian, puis les structures limbiques et le cortex frontal.

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Chapitre 3. Sémiologie ostéo-articulaire   45 Voie lemniscale (proprioception, toucher, vibrations)

Corpuscule de Ruffini

Voies spinothalamiques (faisceau spinothalamique latéral) douleur, chaleur

Cortex cérébral Thalamus

Terminaisons libres

Corpuscule de Meissner

Disques de Merkel

Corpuscule de Pacini

Récepteur du follicule pileux

Épiderme

Lemnisque médian Bulbe

Noyaux des colonnes dorsales

Derme Moelle épinière Colonne dorsale

Fibres C Axones des racines dorsales (Aβ)

Axones des racines dorsales (Aδ,C) Ligne médiane

Figure 3.3 Organisation d'ensemble des deux principales voies sensorielles somatiques ascendantes [14].

Mécanismes périphériques de la nociception Stimulus nociceptif Le système nociceptif peut être activé par une grande variété d'énergies (mécanique, électromagnétique, électrique, calorifique, chimique…). Si ces stimuli nociceptifs déclenchent une douleur, ils sont dits algogènes. S'ils sont nocifs, ils déclenchent une lésion qui s'accompagne d'une réaction inflammatoire avec ses signes cardinaux classiques : douleur, rougeur, chaleur, tumeur (œdème).

Nocicepteurs (figure 3.4) Il existe des récepteurs de la sensibilité générale, ou récepteurs somesthésiques, bien différenciés histolo­ giquement : corpuscules de Meisser, de Ruffini, disques de Merkel. Ils sont connectés à des fibres Aαβ très myélinisées (cf. infra). En revanche, il n'existe pas à proprement parler de récepteurs à la douleur histologiquement identifiables. Ces « nocicepteurs » sont simplement des terminaisons nerveuses libres (extrémités distales de l'axone, dont le corps cellulaire est dans le ganglion rachidien), amyéliniques (fibres C) ou faiblement myélinisées (fibres A δ) de neurones sensoriels primaires qui véhiculent le message nociceptif. Ces nocicepteurs sont localisés dans les tissus cutanés, musculaires striés, musculaires lisses (viscères, vaisseaux), articulaires, osseux. Ils sont nombreux (dans la peau, de l'ordre de 600 terminaisons libres/cm2). Dans les viscères, il n'existe presque exclusivement que des fibres C. La douleur peut y être déclenchée par traction ou distension (ex. : colique néphrétique). La douleur est alors diffuse, irradiante et souvent référée à des structures somatiques distantes (douleur interscapulaire d'origine vésiculaire, douleur du membre supérieur gauche d'un infarctus

Fibres Aδ

Fibres Aβ

Figure 3.4 Principaux récepteurs cutanés. Les fibres C et Aδ responsables des sensations thermoalgésiques, sont connec­tées à des terminaisons libres. Les fibres Aß, responsables des sensations tactiles, sont connectées à des récepteurs bien différenciés : corpuscules de Meissner (répondent à de faibles pressions appliquées sur la peau), corpuscules de Ruffini (répondent aux vibrations de basse fréquence), disques de Merkel (répondent aux indentations de la peau). Toutes ces fibres se groupent pour former les nerfs sensitifs et leurs corps cellulaires sont situés dans le ganglion rachidien [d'après 5].

du myocarde, lombalgie d'un anévrisme aortique sousdiaphragmatique, dorsalgie d'origine pancréatique). Il en existe 3 types (voir, tableau 3.1) : ■ nocicepteurs mécaniques ■ nocicepteurs mécanothermiques ■ nocicepteurs polymodaux, les plus nombreux. À noter, notamment au niveau des tissus articulaires où on les a décrits pour la première fois, qu'un grand nombre de récepteurs polymodaux C sont dits « silencieux », car ils ne sont activés que dans des conditions pathologiques, en particulier lors d'un processus inflammatoire. Ces nocicepteurs ont des caractéristiques communes : ■ un seuil élevé de déclenchement, ■ une activité dont l'intensité est proportionnelle à celle de la stimulation, ■ une capacité de sensibilisation (une répétition de stimulations nociceptives crée une diminution du seuil du nocicepteur et une augmentation de son activité).

Substances algogènes : la « soupe inflammatoire » (figure 3.5) Ces substances sont retrouvées dans l'espace extracellulaire à la suite d'un dommage tissulaire. Elles ont trois sources : ■ les cellules lésées par le stimulus : K +, H +, ATP, histamine (prurigineuse puis douloureuse à fortes concentrations) et sérotonine par dégranulation des mastocytes et agrégation plaquettaire ; ■ synthèse locale par les cellules de la lignée inflammatoire soit locales (macrophages), soit arrivées dans la zone lésée par l'épanchement plasmatique (migration des leucocytes) : bradykinine (augmente la perméabilité capillaire), prostaglandines (PGE1, PGE2 non algogènes par elles-mêmes,

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46   Partie I. Rhumatologie pratique mais qui sensibilisent les nocicepteurs à l'action d'autres substances en abaissant le seuil d'activation), leuco­triènes, cytokines libérées par les macrophages (TNF, IL-1, IL-6) et neurotrophines (NGF : nerve growth factor) ■ sécrétion par le nocicepteur lui-même : substance P (qui libère de l'histamine avec vasodilatation et œdème), glutamate, CGRP (peptide lié au gène de la calcitonine), neurokinine A. À l'échelon moléculaire, la membrane des fibres afférentes primaires est tapissée de nombreux récepteurs biochimiques spécifiques, capables de transformer un stimulus physique

en un courant de dépolarisation de cette membrane. Ces récepteurs sont à l'origine du caractère polymodal de la majorité des nocicepteurs. Parmi eux, citons le récepteur à la capsaïcine (protéine-canal qui s'ouvre sous l'action de la chaleur), les récepteurs à l'acidité (sensibles aux diminutions de pH des tissus enflammés), les canaux sodiques voltagedépendants (bloqués par les anesthésiques locaux, les anti­ arythmiques, les anticonvulsivants).

Transmission (tableau 3.1) Ces nocicepteurs activés par la « soupe inflammatoire » transmettent le message véhiculé jusqu'à la corne postérieure de la moelle par les fibres de petit calibre faiblement myélinisées (A δ), responsables de la douleur localisée, précise, à type de piqûre et par les fibres non myélinisées (C), responsables de la douleur diffuse, mal localisée, tardive à type de brûlure. Les afférences primaires fortement myélinisées (fibres Aß) répondent aux stimulations mécaniques modérées, comme le tact ou le toucher, mais non aux stimulations nociceptives.

Lésion

Bradykinine Sérotonine

PGs H,K +

Histamine

+

Mastocyte

Vaisseau sanguin

Hyperalgie périphérique et réflexe d'axone Le message nociceptif initial peut être amplifié par des mécanismes d'hyperalgie : ■ L'hyperalgie primaire concerne les tissus lésés. Les substances libérées augmentent l'inflammation au niveau lésionnel, les seuils d'activation des récepteurs sont plus bas, la latence diminue et on peut noter des réponses exagérées aux stimuli habituels non nociceptifs (allodynie). ■ L'hyperalgie secondaire concerne les tissus sains périlésionnels. Les fibres adjacentes sont sensibilisées par le réflexe d'axone. Le réflexe d'axone (« inflammation neuro­gène ») correspond à la libération en périphérie des neuropeptides algogènes présents dans le ganglion rachidien (substance P, CGRP). Ces neuropeptides circulent par voie antidromique le long des fibres nociceptives activées et sont libérés au niveau du site lésionnel ainsi qu'à sa périphérie et vont progresser vers les tissus sains adjacents (hyperalgie en tache d'huile, ou hyperalgie secondaire).

Substance P CGRP

Substance P CGRP

Fibres Aδ et C Ganglion rachidien

Moelle épinière

Figure 3.5 La « soupe inflammatoire ». Schéma simplifié résumant les interactions entre les différentes substances libérées par les cellules lésées, celles de la réaction immunitaire, les capillaires et les terminaisons nerveuses libres des neurones sensoriels (fibres Aδ et C) ou « nocicepteurs », lors d'une lésion tissulaire. Dans l'appareil locomoteur, ces nocicepteurs sont situés dans la synoviale, la capsule, le ligament et le tendon, l'os, le périoste et le muscle.

Tableau 3.1 Les différents types de fibres sensitives. Types de fibres



A δ

C (les plus nombreuses)

Diamètre (μ)

5–15

1–5

0,3–1,5

Gaine de myéline

+++

+



Vitesse de conduction (m/sec)

30–120

4–30

0,4–2

Récepteurs (R) périphériques

R. spécialisés : R. du toucher barorécepteur R. de proprioception (mouvement)

mécanonocicepteurs terminaisons libres

nocicepteurs polymodaux terminaisons libres

Stimulus spécifique

pression légère

pression forte étirement

pression forte t°>45° chimique

Sensation produite

tact, proprioception

douleur rapide à type de piqûre, bien localisée, instantanée, durée brève

douleur lente à type de brulure, diffuse, installation lente, durée prolongée

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Chapitre 3. Sémiologie ostéo-articulaire   47

En clinique

Le blocage électif des fibres nociceptives est possible, soit par anesthésiques locaux pour les fibres C, soit par bloc ischémique pour les fibres A δ. Ce blocage précoce interrompt le cercle vicieux de la douleur périphérique et empêche l'installation de l'hyperalgie induite par les stimulations nociceptives répétées. La thermocoagulation utilise la plus grande sensibilité à la chaleur des petites fibres nociceptives et permet de réaliser une section élective des voies de la douleur avec respect des autres sensibilités. Par ailleurs, l'aspirine et les AINS, en bloquant la synthèse des prostaglandines, sont antalgiques.

Relais médullaire Entrée des afférences primaires (figure 3.6) Les fibres primaires rejoignent la moelle épinière par les racines postérieures ou dorsales. Les grosses fibres Aαß rejoignent les noyaux de Goll et Burdach par les cordons postérieurs où ils activent les neurones du système lemniscal (sensibilité tactile et proprioceptive). Mais un contingent bifurque pour entrer dans la substance grise médullaire et se terminer dans les couches II, IV et V de la corne dorsale de la moelle. Les fibres A δ et C se terminent dans les couches I, II et V et envoient des collatérales aux étages médullaires sus- et sous-jacents, réalisant un recouvrement important entre des territoires différents. Ainsi les neurones de la couche V reçoivent des afférences de toutes les catégories de fibres et donc des informations à la fois cutanées, musculaires et viscérales.

Les neurones médullaires Le relais médullaire se fait avec deux types de neurones (2e neurone) : ■ les neurones nociceptifs spécifiques (surtout couches I et II) ne véhiculent que des stimuli douloureux. ■ les neurones nociceptifs non spécifiques (couche  V) peuvent véhiculer des stimuli douloureux ou non. On les appelle des « neurones convergents ».

Après intégration par les neurones de la corne postérieure, les messages nociceptifs vont être orientés simultanément dans deux directions : la première, vers les motoneurones des muscles à l'origine des activités réflexes (réflexe de retrait, réflexes végétatifs), la seconde vers les voies supraspinales.

En clinique

La convergence des afférences sensitives de provenance variée (peau, muscle et viscères) sur les neurones convergents spino­ thalamiques de la corne postérieure permet le transport jusqu'au cerveau d'influx d'origine diverse, nociceptif ou non, ce qui explique l'origine des douleurs projetées, douleurs rapportées « par erreur » lors de l'analyse corticale au métamère cutané, alors que l'origine réelle est viscérale, vasculaire ou musculaire. En effet, la cartographie corticale pariétale possède une somatotopie très précise pour la peau, mais imprécise pour les muscles, les vaisseaux et les viscères.

Neurochimie de la corne postérieure Les fibres A δ et C libèrent dans l'espace synaptique de nombreux neuropeptides (dont le plus important est la substance P) et des acides aminés excitateurs (glutamate, aspartate) qui transmettent le message nociceptif jusqu'au faisceau spinothalamique en se fixant à des récepteurs (AMPA, Kaïnate, NMDA…), dont certains sont reliés à des canaux ioniques (sodique) d'action rapide et d'autres liés à l'entrée de calcium intracellulaire, d'action plus lente. L'entrée de calcium dans la cellule déclenche une cascade de mécanismes intracellulaires : synthèse de NO et de prostaglandines, activation de protéine kinase et expression de proto-oncogènes (C-Fos). Ces neurotransmetteurs créent une dépolarisation post-synaptique prolongée, la cellule devient hyperexcitable, les canaux ioniques restent ouverts et la synapse est totalement perméable. On assiste à un dysfonctionnement neuronal global avec destruction neuronale, perte des mécanismes inhibiteurs (cf. infra) et accroissement de la douleur : c'est « l'hyperalgésie centrale ».

En clinique

La stimulation des mécanorécepteurs de bas seuil véhiculant la sensibilité tactile dans des conditions normales peut, en cas de sensibilisation médullaire, déclencher une réponse douloureuse, expliquant l'allodynie et l'hyperalgésie des zones périlésionnelles.

Les voies spinales ascendantes (figure 3.7)

fibres Aβ fibres Aδ fibres C I II III IV V VI

Figure 3.6 Les dix couches de la substance grise spinale (nomenclature de Rexed). Les couches I à V correspondent à la corne postérieure (dorsale). Adapté d'après Le Bars [5].

Alors que la plupart des informations tactiles et proprioceptives empruntent le système lemniscal postérieur, la majeure partie (80 à 90 %) des messages nociceptifs croisent la ligne médiane par la commissure grise antérieure (décussation), après relais avec les neurones de la corne postérieure. Sur le plan fonctionnel, ce croisement anatomique fait que les informations douloureuses provenant de l'hémicorps gauche sont perçues par le cerveau droit et inversement. Deux voies ascendantes sont décrites dans la transmission à l'étage supra-spinal de la douleur : ■ faisceau spinothalamique au niveau du cordon antérolatéral de la moelle (contient les fibres A δ) jusqu'au thalamus latéral, puis le cortex sensitif. Il s'agit d'une voie de conduction rapide, paucisynaptique, responsable d'une sensation consciente de la douleur aiguë et douée d'une capacité d'analyse qualitative de la stimulation (nature, durée, topographie). Cette voie est ainsi responsable de l'aspect sensori-discriminatif de la nociception.

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48   Partie I. Rhumatologie pratique Cortex cingulaire Cortex sensitif (aire pariétale) Projections vers hypothalamus aire limbique aire préfrontale

S1

Thalamus médian

Substance grise péri-aqueducale

Thalamus latéral

Aire para-brachiale

Réticulée bulbaire

Face interne Fibres Aδ et C

Faisceau spino-réticulothalamique

Scissure de Rolando

Faisceau spinothalamique

S1

Cortex prémoteur Cortex frontal Figure 3.7 Voies spinales ascendantes.

■ faisceau spino-réticulothalamique, aussi dans le cordon antérolatéral de la moelle (contient les fibres C), et se termine dans le thalamus médian, puis les structures ­limbiques et le cortex frontal. Cette voie de stimulation lente, polysynaptique, est responsable, après stimulation nociceptive, de la douleur sourde systématisée (non discriminative). Elle met en jeu des comportements d'éveil et de défense (fuite, anticipation) et est à l'origine des composantes cognitives, affectives et neurovégétatives de la sensation douloureuse. Par ailleurs, à ce niveau s'organisent des réflexes avec les noyaux végétatifs de la réticulée à l'origine de réactions neurovégétatives : modifications cardiovasculaires (augmentation de la tension artérielle, accélération du pouls), modifications respiratoires (polypnée), mydriase, pilo-érection… D'autres voies ascendantes nociceptives ont été décrites chez l'animal, mais sont mal connues chez l'homme. Elles pourraient être impliquées dans les réponses végétatives, neuroendocriniennes, émotionnelles et motivationnelles à la douleur. Ces voies afférentes sont en permanence modulées par des systèmes régulateurs situés aux différents niveaux du système nerveux (cf. infra).

Intégration au niveau cortical (figure 3.8) Les structures cérébrales supraspinales impliquées dans les mécanismes de transmission et de perception de la douleur sont multiples, complexes et imparfaitement connues. Après relai thalamique – centre de triage de l'information sensitive qui fait intervenir des phénomènes d'éveil en réponse à la douleur – il n'existe pas de centre unique d'intégration, de discrimination et de mémorisation de la douleur. Les techniques couplées d'IRM et de TEP (tomographie par émission de positons) ont permis de montrer chez le volontaire sain que les stimuli nociceptifs sont intégrés : ■ pour la composante sensori-discriminative (identification de la douleur, sa localisation, son intensité) essen-

Cortex insulaire

Cortex somesthésique

Cortex pariétal

S2 Cortex temporal

Cortex occipital

Scissure de Sylvius

Face externe Figure 3.8 Activations corticales déclenchées par stimulation nociceptive (). IRM fonctionnelle et TEP montrent chez le volontaire sain que les cortex somesthésiques (S1 et S2) sont activés par des stimuli thermiques nociceptifs mais aussi par des stimuli tactiles, alors que le cortex cingulaire (face interne du manteau cortical), le cortex insulaire (au fond de la scissure de Sylvius) et le cortex prémoteur ne sont activés que par les stimuli nociceptifs [d'après 5].

tiellement au niveau du cortex insulaire, de l'aire S2 et du gyrus cingulaire antérieur et, plus inconstamment, au niveau du thalamus et de l'aire S1. La réponse du cortex S1 est plus en rapport avec la stimulation modulée par l'attention portée au stimulus ; ■ pour la composante émotionnelle/affective et attentionnelle (signaler l'inconfort), au niveau du cortex cingulaire antérieur ; ■ pour la composante cognitivo-comportementale (interpréter la douleur et modifier son comportement), au niveau du cortex préfrontal et prémoteur.

Mécanismes de contrôle de la douleur Tout au long de son trajet nerveux, le message nociceptif fait l'objet de modulations, soit facilitatrices, soit inhibitrices. Les différents mécanismes de modulation inhibitrice sont les suivants.

Contrôle médullaire Théorie du portillon (gate control de Melzack et Wall) [6]. L'activation des fibres de gros calibre (Aαß) met en jeu des interneurones situés dans la substance gélatineuse (couches II et III) qui vont inhiber la transmission des influx nociceptifs vers les neurones à convergence des couches pro-

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Chapitre 3. Sémiologie ostéo-articulaire   49

Le contrôle exercé par les centres supérieurs du SNC Contrôles descendants déclenchés par des stimulations cérébrales

Figure 3.9 Schéma de la théorie du portillon de Melzack et Wall [6]. Les fibres des proto-neurones donnent des ramifications dans la substance gélatineuse (SG : couches I et II) et dans la couche V (vers le neurone convergent : NC), le tout sous contrôle central descendant (cf. texte).

fondes de la corne dorsale, fermant ainsi la porte à la douleur ; a contrario, l'activité des fibres C et A δ réduit ce tonus inhibiteur et ouvre la porte facilitant ainsi la transmission vers les neurones convergents (figure 3.9). Ces contrôles s'exercent par l'intermédiaire d'acides aminés inhibiteurs : glycine, acide gamma amino butyrique (GABA). Ce mécanisme est soumis à des contrôles supraspinaux.

En clinique

C'est le vieux constat que masser une zone douloureuse soulage. Ce contrôle de la porte est le support de l'utilisation de la neurostimulation transcutanée (TENS) à visée antalgique : la stimulation des cordons postérieurs fait que ceux-ci inhibent les neurones nociceptifs convergents par voie antidromique.

Le contrôle inhibiteur supra-segmentaire (voies inhibitrices descendantes) Ce contrôle s'exerce par le biais d'amines bloquant le message nociceptif  : sérotonine, noradrénaline et opioïdes endogènes. Il existe de nombreux récepteurs pré- et post-synaptiques aux opioïdes, répartis en trois classes  : mu (OP3), delta (OP1) et kappa (OP2). Ces récepteurs sont présents dans tout le système nerveux central et périphérique, notamment au niveau de la corne dorsale de la moelle. Les agonistes des récepteurs Mu (morphine) bloquent les réponses aux stimuli nociceptifs. Les endorphines sont des peptides qui miment l'action de la morphine et se fixent sur les récepteurs opioïdes. Elles sont regroupées en trois familles  : la proenképhaline à l'origine des enképhalines, la proipio-mélanocortine à l'origine des bêta-endorphines et la prodynorphine à l'origine des dynorphines.

En clinique

L'administration répétée d'opioïdes peut conduire à l'apparition d'une tolérance (diminution des effets pharmacologiques) et de dépendance physique ou psychique. L'activation des récepteurs opioïdes pourrait, dans le même temps que l'effet analgésique, mettre en jeu des molécules endogènes douées de propriétés anti-opioïdes.

Ils sont issus du tronc cérébral pour agir sur la moelle. Au niveau bulbaire, plusieurs zones sont identifiées comme ayant une fonction antalgique : la substance grise périaqueducale, le noyau raphé magnus, le noyau gigantocellulaire, le noyau réticulé latéral du tractus solitaire. De là, des fibres empruntent le funiculus dorsal et rejoignent les neurones spinaux à chaque étage où elles ont un effet inhibiteur sur les neurones convergents. Les neuromédiateurs impliqués sont les substances opioïdes, la sérotonine et la noradrénaline.

En clinique

Ces mécanismes sérotoninergiques inhibiteurs descendants justifient l'emploi des antidépresseurs tricycliques dans le traite­ ment de la douleur.

Contrôles inhibiteurs descendants déclenchés par stimulations nociceptives (CIDN) L'application d'un stimulus nociceptif sur une zone du corps éloignée du champ récepteur d'un neurone convergent déclenche un mécanisme d'inhibition sur ce même neurone convergent. L'importance du CIDN est proportionnelle à l'intensité du stimulus et à sa durée. La structure bulbaire impliquée est la réticulée. Les neuromédiateurs impliqués sont la sérotonine et les endorphines. Les CIDN pourraient jouer le rôle de filtre facilitant la détection des messages nociceptifs. En effet, les neurones convergents véhiculent des informations nociceptives et non nociceptives. Ils ont donc une activité somesthésique de base quasi permanente. En cas de stimulation douloureuse, il y a mise en jeu des CIDN avec réduction d'activité des neurones convergents non concernés par cette douleur. Ceci augmente le contraste entre le champ du neurone activé et la mise sous silence des neurones non concernés, afin de mieux identifier la localisation précise de cette douleur. Par analogie, un chant au milieu du brouhaha d'une foule a peu de chance d'être audible. Si la foule est réduite au silence, le son sera mieux entendu.

En clinique

La théorie des CIDN expliquerait les douleurs de contre-­irritation connues de longue date, ainsi que les effets de l­'acupuncture qui entraînent une analgésie inhibée par la naloxone.

La mémoire de la douleur Un stimulus douloureux devient chronique quand il est mémorisé dans les circuits neuronaux. Le neurone peut subir des modifications à long terme de son activité électrique (potentialisation à long terme ou LTP : long term potentiation) du fait de sa plasticité. Ce processus est présent tout au long du circuit neuronal et cérébral. La LTP est une augmentation de longue durée des potentiels électriques excitateurs des neurones post-synaptiques, en fonction de l'activité des fibres sensorielles afférentes, pré-synaptiques.

Elle se traduit par une amélioration durable de la communication entre les neurones nociceptifs périphériques et ceux de la corne dorsale. C'est sur cette plus grande efficacité synaptique que repose la formation de « souvenirs » douloureux. La mémoire de la douleur est probablement en cause dans de nombreux syndromes de douleur chronique [7].

Conclusion La douleur naît quand il existe une rupture d'équilibre en faveur des messages excitateurs : ■ par excès de nociception, ■ par déficit de contrôles inhibiteurs (douleur neuropathique), ■ par association des deux mécanismes (douleurs mixtes).

De la théorie à la pratique : la dualité de la douleur Selon l'ancienneté (tableau 3.2) Douleur aiguë D'installation rapide, voire brutale après le mécanisme causal qui génère un excès de nociception, elle peut prendre tous les types : de « gêne douloureuse » plus que vraie douleur à douleur fulgurante, insoutenable (tableau 3.3). Elle a valeur de symptôme et elle est un signal d'alarme utile. Elle oriente le diagnostic. Les antalgiques et AINS en sont le traitement symptomatique associé au traitement de la cause quand elle est connue et accessible à un traitement spécifique.

Douleur chronique

■ durant au-delà de ce qui est habituel pour la cause initiale, ou est associée à un processus intermittent ou chronique, ■ répondant mal au traitement médical et/ou invasif approprié, ■ accompagnée d'une altération significative et durable du statut fonctionnel. La question des facteurs favorisant le passage à la chronicité est d'importance pour la prise en charge de ces malades. Les facteurs anxio-dépressifs et cognitifs semblent jouer un rôle majeur (figure 3.10) [9]. Chroniques, les douleurs imposent un bilan plus global [2] : à la recherche des caractéristiques de la douleur, il faut ajouter l'évaluation de son retentissement sur l'humeur, sur les conditions de vie quotidienne (travail, activités sportives), sur l'entourage. L'évaluation initiale du malade douloureux chronique demande du temps et peut se répartir sur plusieurs consultations. Une telle évaluation peut s'aider de questionnaires ou d'auto-questionnaires multidimensionnels. Ils sont nombreux, mais parmi les plus courants, on peut citer : ■ échelle HAD (Hospital anxiety and depression scale) en 14 items, évalue l'anxiété et la dépression, ■ questionnaire de la douleur de Saint-Antoine (traduction française du MacGill pain questionnaire) ■ Brief pain inventory et sa traduction française : questionnaire concis sur les douleurs (QCD)

Tableau 3.3 La douleur : les mots pour la dire…

La définition du syndrome de douleur chronique est malaisée [8]. On peut dire qu'il existe lorsque le patient présente plusieurs des conditions suivantes : ■ douleur persistante (> 3  mois par convention) ou récurrente, Tableau 3.2 Caractéristiques de la douleur selon son ancienneté.

Douleur

Définitions

Erratique

qui change de place d'un moment à l'autre.

Exquise

vive et localisée en un point précis (ex. : douleur de fracture).

Fulgurante

vive, spontanée, brutale, courte, comparable à un éclair.

Gravative

accompagnée d'une sensation de pesanteur, ressentie notamment en cas d'épanchement.

Irradiée

ressentie à distance de l'endroit où elle prend son origine.

Pongitive

analogue à celle que provoquerait une pointe, un coup de poignard.

Projetée (ou référée)

origine dans un organe profond et perçue dans une zone cutanée ayant la même innervation sensitive.

Douleur aiguë

Douleur chronique

Durée

moins de trois mois

plus de trois mois

Fonction

SYMPTÔME : signal d'alarme, utile, protectrice, oriente le diagnostic

SYNDROME : inutile, détruit physiquement, psychiquement et socialement

Aspect évolutif

transitoire

permanente, récurrente ou répétitive

Pulsatile

battements douloureux éprouvés dans certaines zones inflammatoires et répondant aux pulsations artérielles (ex. : douleur d'un panaris).

Mécanisme générateur

souvent unifactoriel

souvent plurifactoriel

Sourde

légère mais continue.

Tensive

Réactions végétatives

réactionnelles : entretien (cercle tachycardie, polypnée, vicieux) mydriase, sueurs

accompagnée d'une sensation de distension, causée par une inflammation (ex. : épanchement de synovie)

Térébrante

douleur intense, profonde, semblant produite dans la partie souffrante par un corps vulnérant qui chercherait à s'y introduire

Retentissement anxiété psychologique

dépression

Objectif thérapeutique

multidimensionnel (bio-psycho-social)

antalgiques traitement de la cause

.

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50   Partie I. Rhumatologie pratique

Source : Serge Kernbaum, Dictionnaire de Médecine Flammarion, 5e éd., Un volume, © Flammarion, 1994.

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Chapitre 3. Sémiologie ostéo-articulaire   51

Figure 3.10 Facteurs de passage à la chronicité. Modèle de « peur-évitement » de Vlaeyen [8].

■ Dallas Pain questionnaire traduit en français (Eifel  : échelle d'incapacité fonctionnelle pour l'évaluation des lombalgies) ■ voire des échelles comportementales et de qualité de vie (SF-36). Un bilan psychologique auprès d'un psychologue ou d'un psychiatre peut être une aide utile, le recours aux centres anti-douleurs, parfois une nécessité. La prise en charge ne peut être exclusivement médicamenteuse, mais doit prendre en compte les dimensions psychosociales de la douleur. La réévaluation de l'état du malade doit être périodique.

Selon les mécanismes à l'origine de la douleur (tableau 3.4)

Tableau 3.4 Caractéristiques des douleurs selon leur origine physiopathologique. Douleur nociceptive

Douleur neuropathique

Origine

nocicepteur

dysfonction du SNC ou SNP

Début

dès l'agression

souvent retardée

Caractéristiques variables, pulsatiles, lancinantes

brûlure, décharges électriques, démangeaisons, picotements

Signes associés

aucun ou anxiété

troubles du sommeil, somnolence, fatigue, problème de concentration, anxiété, dépression, perte d'appétit

Topographie

site de l'agression, locorégionale

systématisation neurologique

Rythmicité

facteur déclenchant, variables, spontanées ou horaire mécanique déclenchées ou inflammatoire

Examen neurologique

normal

Évolution

aiguë ou chronique chronique

Traitement

antalgiques, AINS, opioïdes

Douleur nociceptive ou par excès de nociception Elle survient en général dès l'agression, est localisée à ce site et l'examen neurologique est normal.

Douleur neuropathique (anciennes « douleurs de désafférentation », douleurs « neurogènes ») Définie comme « une douleur secondaire à une lésion ou une maladie affectant le système somato-sensoriel» (Association internationale pour l'étude de la douleur, 2008), il s'agit d'une douleur entraînée par un déficit des contrôles inhibiteurs. La douleur neuropathique affecte ≈ 25 % des douloureux chroniques. Elle peut être périphérique (intéressant un plexus [ex. : brachial], une racine [ex. : sciatique], un tronc nerveux [ex. : nerf cubital]), ou centrale. Seules nous

troubles sensitifs : hypo/hyperalgésie, dysesthésies, allodynie

coantalgiques neurotropes, prise en charge combinée (bio-psycho-sociale)

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52   Partie I. Rhumatologie pratique i­ntéressent les atteintes périphériques dans le cadre des affections de l'appareil locomoteur (tableau 3.5). Les caractéristiques des douleurs neuropathiques les distinguent des douleurs nociceptives (voir, tableau 3.4). Le questionnaire DN4 (diagnostiquer la douleur neuropathique en quatre questions), simple et rapide, est d'une grande utilité pour repérer ces douleurs [10], surtout quand elles sont « noyées » au sein de douleurs nociceptives anciennes (tableau 3.6).

Douleurs mixtes

Tableau 3.6 Questionnaire DN4. Q1 (interrogatoire) : la douleur présente-t-elle une ou plusieurs des caractéristiques suivantes ? OUI 1 – Brûlure 2 – Sensation de froid douloureux 3 – Décharges électriques

Q2 (interrogatoire) : la douleur est-elle associée dans la même région à un ou plusieurs des symptômes suivants ?

L'association des deux types de douleur est fréquente, et une douleur, nociceptive au départ, s'accompagne assez souvent de douleur neuropathique lorsqu'elle devient chronique.

4 – Fourmillements

Douleur entretenue par le sympathique

7 – Démangeaisons

Toute douleur, quel que soit son mécanisme, s'accompagne de manifestations neurovégétatives. Lorsque celles-ci occupent le devant de la scène, on parle de douleurs entretenues par le sympathique : causalgie, algodystrophie sympathique réflexe.

Douleurs psychogènes ou sine materia Nous savons peu de choses les concernant : s'agit-il d'un abaissement du seuil nociceptif ? Y a-t-il des mécanismes psychologiques amplificateurs de douleurs ? Quelle part peut jouer dans leur genèse les douleurs et la souffrance morales ? En pratique, il doit s'agir d'un diagnostic d'exclusion et il ne faut pas les confondre avec le retentissement psychologique fréquent qui peut résulter d'une douleur chronique.

NON

5 – Picotements 6 – Engourdissement

Q3 (examen) : la douleur est-elle localisée dans le territoire où l'examen met en évidence : 8 – Hypoesthésie au tact 9 – Hypoesthésie à la piqûre

Q4 (examen) : la douleur est-elle provoquée ou augmentée par : 10 – Le frottement Oui = 1 point ; non = 0 point. Score total possible : 10. Douleur neuropathique si score ≥ 4/10 Sensibilité : 82,9 % ; spécificité : 89,9 %. Source : Bouhasssira D, Attal N, Alchaar H et al. Comparison of pain syndromes associated with nervous or somatic lesions and development of a new neuropathic pain diagnostic questionnaire (DN4). Pain, 2005, 114 : 29–36. Disponible sur : https://journals.lww.com/pain/pages/default.aspx

Douleurs de l'appareil ostéo-articulaire chez l'adulte Tableau 3.5 Principales étiologies des douleurs neuropathiques d'origine périphérique. Mononeuropathies simples ou multiples Lésions compressives ou post-traumatiques Diabète sucré Infections (zona, herpès) Syndromes canalaires Maladies systémiques (PAN, Lupus, polyarthrite rhumatoïde…)

Polyneuropathies Diabète Alcool Toxiques (arsenic, organophosphorés…) Médicaments (isoniazide, cisplatine, vincristine…)

Compressions radiculaires névralgie cervico-brachiale sciatique cruralgie…

Gonglionopathies zona paranéoplasique syndrome de Gougerot

L'interrogatoire soigneux permet déjà d'obtenir des renseigne­ments importants sur la douleur et l'impotence fonctionnelle. Il faut prendre son temps, écouter d'abord, poser les bonnes questions ensuite : ■ écouter la douleur et les mots pour la dire (Questionnaire de douleur de Saint-Antoine [8]) : pénétrante, épuisante, angoissante, obsédante, insupportable, énervante, exaspérante, déprimante ; à type d'élancements, de décharges électriques, de tiraillement, de brûlure, de fourmillement, de lourdeur ; en coup de poignard, en étau (processus de réification) ; ■ interroger la douleur pour en cerner les caractéristiques.

Douleur articulaire Elle est le plus souvent nociceptive. Il faut en préciser les différents caractères à la fois dans un but diagnostique et thérapeutique.

Siège La douleur articulaire siège dans la région de l'articulation ! Ce truisme signifie qu'il n'y a pas de douleur rapportée, pas

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Chapitre 3. Sémiologie ostéo-articulaire   53 de piège à craindre sauf pour les articulations des racines des membres : la hanche et l'épaule. Surtout pour les grosses articulations, on peut aller plus loin et préciser si elle siège sur les faces antérieure, latérales ou postérieure de l'articulation, ce qui peut avoir une valeur diagnostique importante. Le meilleur moyen est de demander au malade de montrer avec un seul doigt la zone douloureuse. Certains signalent une sensation douloureuse profonde, mal localisée, à l'intérieur de l'articulation. Les exceptions sont donc la hanche et l'épaule. La douleur de ces articulations peut irradier vers le membre : le bras et parfois l'avant-bras, voire jusque dans la main, pour l'épaule (il ne faut pas la confondre avec une névralgie cervico-brachiale), la face antérieure de la cuisse pour la hanche (il ne faut pas la confondre avec une cruralgie).

Type Classiquement, on oppose deux types de douleurs articulaires (voir encadré 3.1) : ■ la douleur « mécanique » est typiquement une douleur d'effort, de mise en charge. Elle n'apparaît, au début, que pour des efforts importants (sportifs ou professionnels notamment) et entrave peu les gestes courants de la vie quotidienne. Elle se produit après un certain temps d'utilisation de l'articulation et donc se manifeste plus volontiers en fin de journée que le matin. Elle est calmée par le repos. Elle ne réveille pas le malade endormi. ■ la douleur « inflammatoire » est typique par deux aspects. Elle réveille le malade dans la seconde partie de la nuit et s'accompagne d'un dérouillage matinal variable, mais qui peut durer plusieurs heures. En pratique, il ne faut classer une douleur que lorsqu'elle est typique. Cette étiquette « mécanique » ou « inflammatoire » est en effet lourde de conséquences puisqu'elle est le premier pas vers un classement nosologique. Bien souve­nt, les caractéristiques de la douleur ne sont pas aussi clairement définies et il faut se garder d'un classement trop rapide. C'est ainsi qu'une douleur pourtant mécanique pourra réveiller le malade la nuit, notamment lors des mouve­ments dans son sommeil. Il  peut cependant se rendormir rapidement. « Souffrir la

Encadré 3.1 En pratique Classer – et bien classer – la douleur articulaire nociceptive selon le type « mécanique » ou « inflammatoire » est d'une importance majeure car les maladies articulaires peuvent être groupées en deux grands chapitres : les affections articulaires «  mécaniques  » ou «  dégénératives  » (au premier rang desquelles l'arthrose) qui donnent une douleur mécanique et les affections articulaires « inflammatoires » (au premier rang desquelles la polyarthrite rhumatoïde) qui donnent une douleur inflammatoire : le bon classement de la douleur articulaire permet d'ouvrir le bon tiroir diagnostique.

nuit » est aussi une notion floue : la douleur mécanique, maximale en fin de journée, ne va pas disparaître dans la seconde suivant la mise au lit, et elle pourra donc retarder l'endormissement, ce qui est décrit justement par le malade comme une « douleur nocturne ». La douleur inflammatoire survient tardivement, alors que le sujet est déjà endormi. De même, le dérouillage matinal est-il à interpréter avec discernement : une douleur authentiquement mécanique peut s'accompagner d'un dérouillage ; mais il est généralement plus bref que celui d'une douleur « inflammatoire ». Où situer la barre ? Le plus souvent, la douleur mécanique ne s'accompagne pas d'un dérouillage supérieur à 20–30 minutes, celui de la douleur inflammatoire peut être supérieur à 30 minutes. Mais au fil du temps, il peut y avoir des variations chez le même malade. On passe donc d'une classification qualitative simple à une classification quantitative plus difficile à évaluer. L'exception : une douleur d'épaule peut réveiller la nuit, notamment en cas de pathologie péri-articulaire si fréquente dans cette localisation.

Intensité Difficile à évaluer car subjective, elle peut s'apprécier indirectement par la quantité de comprimés d'antalgiques ou d'anti-inflammatoires que prend le malade pour être soulagé. Mais l'autoévaluation, même imparfaite, est la meilleure méthode. On utilise des échelles unidimensionnelles : ■ échelle visuelle analogique (EVA) de 10 cm : on demande au malade de se situer entre deux situations extrêmes : « absence totale de douleur » et « maximum de douleur que vous puissiez imaginer » ; ■ échelle numérique allant de 0 (aucune douleur) à 10 (douleur insupportable) ; ■ échelle verbale (aucune douleur : 0 ; douleur faible : 1 ; modérée : 2 ; forte : 3 ; insupportable : 4). Cette échelle est à réserver aux personnes ayant des difficultés à utiliser les deux autres échelles (faible capacité d'abstraction). Ces échelles, bien validées, ne donnent pas d'information sur la nature de la plainte douloureuse et ne peuvent servir à comparer deux malades, mais elles facilitent le suivi du patient, même si l'expérience prouve qu'elles n'ont qu'une implication limitée pour la décision thérapeutique. Il existe des échelles spéciales chez l'enfant avant 6 ans.

Circonstances déclenchantes Un traumatisme important est facilement identifiable et rapporté spontanément par le malade. Une simple contusion est à rechercher de principe, surtout si elle est ancienne et oubliée du malade. Le début a-t-il été aigu et brutal – en quelques heures ou quelques jours – ou progressif et insidieux – en quelques semaines, voire en plusieurs mois ?

Ancienneté Il est clair qu'une douleur ayant débuté il y a deux ou trois jours n'a pas la même signification qu'une douleur

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54   Partie I. Rhumatologie pratique évoluant depuis deux ans. Récente, cette douleur est volontiers intense puisqu'elle amène le malade à consulter rapidement. Ancienne au contraire, elle est souvent moins intense, « supportable » : « j'ai d'abord cru que ça allait passer tout seul, puis on s'habitue », disent volontiers les malades. Dans ces cas, le motif de la première consultation est souvent une aggravation de cette douleur ancienne.

Évolution D'une seule tenue ou par poussées ? Il est exceptionnel que l'on souffre 24 h sur 24, 365 jours par an, pendant plusieurs années. Ancienne, la douleur évolue par poussées entrecoupées de périodes d'accalmie. Ou encore, cette douleur est transitoire dans la journée, n'apparaissant qu'après des efforts importants, calmée par le repos et donc intermittente.

Facteurs qui calment la douleur et facteurs qui l'aggravent Le repos est un facteur calmant fréquent ; certaines positions aussi (ex. : position du « fauteuil club » pour une névralgie cervico-brachiale). Les médicaments aussi, ceux prescrits, mais aussi ceux pris par le malade : « Quel traitement avezvous pris ? » « Aucun, Docteur. » « Même pas un comprimé d'aspirine ? » « Bien sûr, j'en prends six par jour, mais ils ne me calment qu'une heure ou deux. » D'où l'importance d'interroger le malade sur les traitements antérieurs éventuels (et pas seulement pharmacologiques), leur efficacité, leur tolérance.

Douleur osseuse Nociceptive, due à une affection osseuse localisée (fracture, fracture de fatigue, tumeur, infection), elle est remarquablement fixe, mais d'intensité variable. Si sa cause est diaphysaire, la douleur est profonde, fixe, peu irradiante. De cause localisée à l'épiphyse, cette douleur osseuse parle un langage articulaire (ex. : douleur coxale d'une ostéonécrose de la tête du fémur) ; enfin, métaphysaire, la douleur prendra le visage de l'une ou l'autre des deux atteintes.

Impotence fonctionnelle Logiquement, l'impotence fonctionnelle ou incapacité3 est la résultante de la douleur (signe fonctionnel que l'interrogatoire explore) et de la raideur articulaire (signe d'examen). En pratique cependant, on évalue cette impotence par l'interrogatoire, à la recherche des limitations fonctionnelles que la pathologie articulaire impose au malade. La limitation peut porter sur les activités courantes (périmètre de marche, monter et descendre un escalier, s'accroupir et se relever, se servir de ses mains…), sur les activités plus soutenues (sportives notamment). Il existe un certain nombre de questions standardisées pour apprécier cette impotence, ce qui a conduit à proposer de nombreux indices d'évaluation sous forme de questionnaires, voire d'auto-questionnaires, plus ou moins spécifiques d'une région ostéo-articulaire donnée [ANAES, 1999]. Parmi eux, l'indice algofonctionnel de Lequesne est un des plus simples (voir chapitre 29, « Arthrose »). Ces indices sont reproductibles, correctement validés, vite faits et permettent de suivre un même malade dans le temps. Ils sont l'un des indicateurs servant aux prises de décisions thérapeutiques (par exemple, pour décider de la mise en place d'une prothèse articulaire ou d'une biothérapie).

Conclusion La douleur, plainte quasi constante des malades consultant pour une pathologie de l'appareil locomoteur, est donc incontournable, son écoute et sa caractérisation sont indispensables. Elles interpellent le médecin qui doit faire preuve d'empathie (tableau  3.7) et trouver la « bonne distance » dans son rapport avec son patient (encadré 3.2). Tableau 3.7 Importance de la relation soignant-patient : comportement adapté de la part du soignant. Aspects comportementaux émotionnels Anti-pathie

rejet de l'émotion de l'autre

A-pathie

négligence de l'émotion de l'autre

Sym-pathie

adhésion à l'émotion de l'autre

Em-pathie

compréhension de l'émotion de l'autre

Douleur rachidienne Dans un volume réduit coexistent des éléments anatomiques divers  : os des vertèbres, disque intervertébral, cartilage et synoviale des articulaires postérieures, nombreux ligaments et tendons, moelle épinière puis racines nerveuses, le tout recouvert de muscles puissants. La douleur de l'un de ces composants diffuse dans la région et n'a donc guère de valeur localisatrice. Le caractère « mécanique » ou « inflammatoire » garde une valeur diagnostique, mais qu'il faut interpréter (voir chapitre 9, « Lombalgies »).

3

Selon l'OMS : La déficience est toute altération d'une structure ou d'une fonction psychologique, physiologique ou anatomique. Elle correspond donc à une notion d'ordre lésionnel. L'incapacité, résultante d'une déficience, est la réduction, partielle ou totale, de la capacité à accomplir une activité dans les limites de la normale. Elle correspond donc à une notion d'ordre fonctionnel. Le handicap est la résultante d'une déficience ou d'une incapacité, qui limite ou interdit l'accomplissement d'un rôle normal. Il prend donc en compte la gêne à l'échelon individuel. C'est ainsi qu'une gonarthrose (déficience), limite la marche (incapacité) et interdit d'aller à la pêche (handicap).

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Chapitre 3. Sémiologie ostéo-articulaire   55

Encadré 3.2 Quelques définitions Allodynie : douleur provoquée par un stimulus tactile qui est normalement indolore. Analgésie : absence de douleur en réponse à une stimulation normalement douloureuse. Anesthésie douloureuse  : douleur dans une aire ou une région anesthésiée. Douleur centrale : douleur initiée ou causée par une lésion ou un dysfonctionnement du système nerveux central. Dysesthésie : sensation anormale et désagréable qui peut être spontanée ou provoquée. Hyperalgésie : réponse exagérée à un stimulus nociceptif. Hyperesthésie  : sensibilité exagérée à une stimulation, à l'exception des systèmes sensoriels. Hyperpathie  : réponse retardée (secondes ou minutes), souvent explosive, à un stimulus plus souvent répétitif et dont le seuil est augmenté. Hypoalgésie  : diminution de la douleur évoquée par un stimulus normalement douloureux Paresthésie : sensation anormale qui peut être spontanée ou provoquée. Source : Association internationale pour l'étude de la douleur et Merskey H, Bogduk N. Classification of chronic pain. Descriptions of chronic pain syndromes and definitions of pain terms. Seattle, IASP Press, 1994.

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of a new neuropathic pain diagnostic questionnaire (DN4). Pain 2005 ; 114 : 29–36. [11] Merskey H, Bogduk N. Classification of chronic pain. Descriptions of chronic pain syndromes and definitions of pain terms. Seattle : IASP Press ; 1994. [12] Dictionnaire de médecine Flammarion. 5 e édition. Un volume, Flammarion, 1994. [13] Dictionnaire médical. Sous la direction de J. Quevauvilliers. 5e édition. Un volume, Masson ; 2007. [14] Bear LF, Connors BW, Paradiso MA. Neurosciences. A la découverte du cerveau. Un volume, Editions Pradel/Masson-Williams & Wilkins, 1997.

L'examen clinique en rhumatologie Bernard Mazières La sémiologie ostéo-articulaire est simple et compliquée à la fois : simple pour affirmer une pathologie d'une articulation, parfois complexe pour préciser la nature des lésions. Elle repose sur un examen clinique rigoureux qui comporte deux parties : l'interrogatoire qui recueille les signes fonctionnels ou symptômes, et l'examen clinique proprement dit qui cherche les signes physiques de la pathologie en cause. On ne saurait trop insister sur le fait que l'examen clinique de l'appareil locomoteur doit être standardisé et simple pour augmenter sa reproductibilité (encadré 3.3) et donc sa fiabilité.

Encadré 3.3 Que reste-t-il de l'examen ostéo-articulaire ? La rhumatologie est considérée comme une discipline très clinique, mais cette réputation est de plus en plus menacée par les techniques diagnostiques très performantes de l'imagerie (IRM, échographie), de la génétique et de l'immunologie. Pourtant, il faut rappeler l'importance de l'interrogatoire et de l'examen clinique dans la pratique quotidienne. Un article récent [3], concernant l'examen neurologique, rappelle quelques chiffres : ■ 33 % des patients adressés à un neurologue n'avaient pas eu d'examen des réflexes au préalable, ■ l'interrogatoire à lui seul permet de faire le diagnostic chez environ 80 % des malades ambulatoires, ■ l'histoire de la maladie et des antécédents, l'examen clinique et quelques examens complémentaires de base assurent un diagnostic correct dans 90 % des cas de malades entrés en service de médecine interne, via les urgences,



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56   Partie I. Rhumatologie pratique 

en l'absence d'interrogatoire, les données du seul examen clinique peuvent égarer le diagnostic dans 10 % des cas. « Il est évident que l'histoire de la maladie et l'examen clinique ne sont pas deux entités séparées, mais les pièces chevauchantes d'un puzzle clinique qui travaillent en synergie pour permettre un diagnostic » [3]. Bien souvent, au contraire, on assiste à une prolifération d'imagerie qui précède même l'évaluation clinique, générant une nouvelle classe de malades : les VOMIT (victims of modern technology). Le coût des explorations paracliniques est important (1 milliard de dollars par an aux États-Unis pour les seules céphalées, dépensés en neuro-imagerie souvent inutile). De même, le coût médicolégal n'est pas négligeable : 29 % des plaintes concernant des litiges neurologiques en Grande-Bretagne sont attribuées à une insuffisance d'examen neurologique. Toutes ces données concernent certes et la Grande-Bretagne et l'examen neurologique. Mais est-ce très différent en France et en rhumatologie ? ■

Signes fonctionnels L'interrogatoire soigneux permet déjà d'obtenir des renseigne­ ments importants sur la douleur et l'impotence fonctionnelle. Il faut prendre son temps, écouter d'abord, poser les bonnes questions ensuite (voir chapitre 3 « Douleur »). Les signes d'appel qui amènent un malade atteint d'une pathologie de l'appareil musculo-squelettique à consulter sont assez limités : ■ la douleur est de très loin le signe le plus constant, seul ou associé aux suivants, ■ la déformation, qu'il s'agisse d'un épanchement articulaire (bien visible sur une articulation superficielle), d'un trouble de l'axe d'un membre inférieur (genu varum ou valgum), d'une déformation osseuse (tibia pagétique), d'un pied plat, ■ la boiterie, ■ la sensation d'instabilité (d'une épaule par exemple), de dérobement (d'un genou par exemple), ■ la raideur, même indolore (d'une capsulite d'épaule, d'une coxarthrose, par exemple), ■ un blocage articulaire (d'un ménisque par exemple), ■ limitation du périmètre de marche : préciser la distance au bout de laquelle le patient est obligé de s'arrêter et ce qui motive cet arrêt (douleur, perte d'équilibre, déficit moteur…) ; des aides à la marche sont-elles nécessaires (une ou deux cannes, déambulateur) ? Dans tous les cas, il faut faire préciser au malade les circonstances déclenchantes de sa plainte  : notamment son caractère post-traumatique ou non, son ancienneté, son évolution, et, discontinue, sa périodicité ; ainsi que son retentissement sur la vie quotidienne, professionnelle (arrêt de travail ou non) et sportive. La recherche de comorbidités et d'antécédents personnels et parfois familiaux peut être utile, comme aide au diagnostic et comme garde-fou à la prescription (contre-indications, incompatibilité médicamenteuse).

Signes physiques Logiquement, on examine d'abord l'articulation douloureuse et son homologue controlatéral. On doit aussi toujours examiner les articulations sus- et sous-jacentes à l'articulation douloureuse pour éviter les pièges diagnostiques dus à une douleur rapportée.

Inspection « Don't touch the patient – state first what you see. » William Osler

Malade dévêtu et au garde-à-vous, on peut apprécier simple­ment, de face et de profil l'appareil musculo-squelettique et sa symétrie, comparant les articulations et les os pairs et symétriques, observer une déformation vertébrale (cyphose, scoliose, hyperlordose). La boiterie, l'esquive du pas, le déhanchement sont bien vus lors de la marche. Ils sont dus à la douleur (boiterie d'esquive), à la raideur d'une ou de plusieurs articulations des membres inférieurs (perte d'extension de hanche, flexum du genou), à la faiblesse musculaire (boiterie de Tredelenburg par insuffisance du gluteus medius ou moyen fessier). Un épanchement articulaire abondant est déjà apprécié dès l'inspection lorsqu'il siège sur une articulation superficielle (articulations des doigts, du poignet, du genou), à ne pas confondre avec une bursite (prérotulienne ou olécranienne). D'éventuelles cicatrices (traumatiques, chirurgicales), une dermatose, un hématome sont notés.

Palpation La palpation peut détecter une chaleur anormale d'une articulation par rapport à l'autre, mais elle s'attache surtout à rechercher des points douloureux et un épanchement : ■ L'épanchement, dès lors qu'il est minime, est difficile à apprécier, surtout chez les sujets obèses. Dans le doute, l'échographie, la ponction évacuatrice sont de mise. ■ Les régions spontanément douloureuses doivent être palpées à la recherche de points douloureux provoqués qui ont une valeur localisatrice.

Étude des ganglions lymphatiques superficiels Elle doit être systématique, lors de l'examen de la hanche (triangle fémoral), de l'épaule (creux axillaire), du coude (ganglion rétro-olécranien), de la colonne cervicale (aires ganglionnaires jugulo-carotidiennes, sous-occipitaless, sus-claviculaires).

Situons quelques repères anatomiques L'épine de l'omoplate est à la hauteur de la 3 e  vertèbre thoracique.

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Chapitre 3. Sémiologie ostéo-articulaire   57 La pointe de l'omoplate est à la hauteur de 7e vertèbre thoracique. L'épineuse la plus saillante du cou est celle de la 7e vertèbre cervicale. L'épineuse de la 4e lombaire est à la hauteur de la ligne bi-iliaque. Le dermatome T5 passe par les mamelons et le dermatome T10 passe au niveau de l'ombilic.

Étude des mouvements Actifs et combinés, ils donnent une appréciation g­ lobale de la mobilité articulaire. Le « main-nuque » renseigne sur la capacité à réaliser une abduction-rotation externe de l'épaule alors que le « main-dos » renseigne sur ­l'adduction-rotation interne (si le coude a une bonne flexion par ailleurs). Leur limitation est un bon déterminant de la gêne fonctionnelle. Analytiques et passifs, leur étude est souvent très contributive. Les mouvements normaux élémentaires varient selon l'articulation. La position de référence est celle du cadavre sur la table anatomique : allongé sur le dos, membres supérieurs le long du corps en supination, les membres inférieurs joints en extension, pieds à 90° par rapport aux jambes. Les mesures des amplitudes articulaires sont bien sûr comparatives. Elles sont consignées. Données quantitatives et mesurables (tableau  3.8), elles sont de grande valeur pour assurer le suivi de la pathologie. Une raideur, même minime, est parfois le seul signe permettant d'affirmer qu'une articulation est pathologique.

Recherche de mouvements anormaux Ils sont le témoin d'une laxité, voire d'une rupture ligamentaire. Facile à découvrir lorsqu'ils sont majeurs, leur détection peut être difficile quand ils sont modérés ou en cas d'articulation traumatique complexe examinée précocement. De nombreuses manœuvres existent pour dépister ces mouvements anormaux. Elles ne sont pas toutes faciles à réaliser et nécessitent une expérience certaine.

Tableau 3.8 Amplitudes articulaires normales des articulations périphériques, à partir de la position anatomique de référence. Articulation

Mouvements analytiques

Amplitudes physiologiques

Épaule (omo-humérale)

Abduction Rot. externe Rot. interne

90° 60° main-col. dorsale haute

Coude

Extension Flexion Supination Pronation

0° 170° 0° 90°

Poignet

Extension Flexion Abduction (inclinaison radiale) Adduction (inclinaison ulnaire)

80° 90° 25°

Extension Flexion

60° 90°

Métacarpophalangienne

40°

Inter-phalangiennes Extension proximales Flexion

0° 100°

Inter-phalangiennes Extension distales Flexion

20° 80°

Hanche

Flexion Extension Abduction Adduction Rot. externe Rot. interne

130° 20° 45° 30° 45° 45°

Genou

Extension Flexion

0° 140°

Cheville

Extension Flexion

45° 20°

Sous-talienne

Éversion Inversion

15° 20°

Médio-tarsienne

Pronation Supination

15° 35°

Métatarsophalangienne du gros orteil

Flexion Extension

45° 70°

Tests particuliers Il existe un nombre considérable de tests et de manœuvres visant à faire des diagnostics, notamment anatomiques. À titre d'exemple, on en dénombre près d'une centaine rien que pour l'épaule ou le genou [1]. La plupart ont été mis au point par des chirurgiens orthopédiques qui souhaitaient définir au mieux les lésions qu'ils allaient rencontrer avant d'ouvrir l'articulation, du temps où n'existaient ni le scanner, ni l'IRM, ni l'échographie. C'est tout à leur honneur, se fondant sur leurs connaissances anatomiques, que d'avoir tenté de préciser ainsi les dégâts articulaires qu'ils allaient ensuite vérifier lors de l'arthrotomie. Reste que ces manœuvres, passées au crible de l'évaluation (calculs de leur spécificité et de leur sensibilité), se sont avérées sou-

vent médiocres pour faire un diagnostic anatomique précis [2]. Ne restent, dans la pratique courante, que les plus performantes. En outre, pratiqués par de bons connaisseurs de l'anatomie, ces tests sont parfois de réalisation délicate pour le médecin praticien, moins familiarisé avec les articulations. Il vaut donc mieux ne connaître que peu de manœuvres, mais les réaliser correctement pour que leur interprétation ait un sens, quitte à demander l'aide des examens d'imagerie moderne pour affiner le diagnostic. Ces tests n'ont donc plus la valeur qu'on leur accordait du temps où la clinique était le seul recours. À titre d'exemple, on peut en citer deux qui explorent les ménisques du genou :

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58   Partie I. Rhumatologie pratique ■ le test d'Apley : malade sur le ventre, genou fléchi à 90°. L'examinateur exerce une compression-rotation externe sur le genou par l'intermédiaire du pied. Il teste ainsi le ménisque interne, qui, s'il est touché, réveille la douleur spontanée du compartiment fémoro-tibial interne. Pareillement, la rotation-compression interne explore le ménisque externe. ■ le « cri du ménisque » d'Oudard : il combine palpation et mouvement passif. Genou du malade semi-fléchi, l'examinateur maintient fermement son pouce sur la partie antérieure de l'interligne interne et imprime un mouvement d'extension de la jambe sur la cuisse. Le ménisque vient en quelque sorte buter sur le doigt de l'examinateur. La douleur spontanée du malade est réveillée en cas de pathologie de ce ménisque interne. L'examen est comparable pour le ménisque externe.

Examen régional Vasculaire Palpation des pouls de la région ■ au cou : pouls carotidien ■ au membre supérieur : pouls axillaire, huméral, radial, cubital ■ au membre inférieur : pouls fémoral, poplité, tibial postérieur, pédieux

Auscultation des gros vaisseaux Elle peut détecter des souffles anormaux qui seront explorés par doppler (carotide au cou, aorte dans la région périombilicale, fémorale dans le pli de l'aine).

Tableau 3.9 Cotation de la force musculaire segmentaire (testing musculaire) Stades

Description

Stade 0

Paralysie totale

Stade 1

Possibilité de contraction volontaire, sans mouvement

Stade 2

Mouvement possible hors pesanteur

Stade 3

Mouvement contre pesanteur possible

Stade 4

Mouvement contre résistance plus ou moins marquée

Stade 5

Force normale

avant-bras mis en abduction…). Ce n'est qu'en cas de diminution de la force d'un côté par rapport à l'autre que l'on ira plus en détail (tableaux 3.10 et 3.11) ; ou bien en cas de réveil douloureux lors d'une de ces manœuvres (cf. chapitre 30, « Tendinopathies de l'épaule »).

Étude de la sensibilité superficielle au « piquer-toucher » (figure 3.11) Recherchée à l'aide d'une pointe mousse sur les territoires radiculaires ou tronculaires, de façon comparative.

Étude des réflexes ostéotendineux (tableau 3.12) Réflexes vifs, diffusés, polycinétiques d'un syndrome pyramidal ou diminués, voire abolis dans une atteinte radiculaire.

Recherche d'un syndrome pyramidal

Manœuvres

Recherche d'un clonus du pied ou de la rotule, d'un signe de Babinski lors du réflexe cutané plantaire.

Plus ou moins complexes, elles peuvent être pratiquées à la recherche d'un syndrome des scalènes par exemple.

Examen général

Neurologique En pratique rhumatologique quotidienne, il ne s'agit pas de faire un examen neurologique complet et complexe étudiant jusqu'aux fonctions supérieures, mais de procéder à un examen neurologique périphérique simple.

Étude de la motricité et de la force musculaire segmentaire Le testing musculaire « muscle à muscle » n'est pas de mise (tableau 3.9) et, en première intention, on se contente d'une appréciation de la force musculaire de groupes musculaires synergiques (muscles de la flexion de la hanche par étude de la flexion contrariée de la cuisse sur le tronc, muscles abducteurs de l'épaule en exerçant une pression sur les

Il est important de resituer cette pathologie articulaire dans son cadre : ■ l'âge et le sexe sont importants à prendre en compte pour l'estimation des pathologies possibles. ■ existe-t-il d'autres articulations douloureuses ou un passé rhumatismal particulier ? Quels sont les antécédents familiaux, notamment rhumatismaux ? ■ existe-t-il des signes généraux (asthénie, amaigrissement, fièvre, anorexie) ? ■ existe-t-il des signes d'atteinte d'un autre appareil (notamment peau et muqueuses, foie, rate et ganglions, troubles digestifs, pleuro-pulmonaires ou rénaux, vasculaires) ? ■ Chez les sujets âgés, la détection d'un syndrome de fragilité est importante pour la prise en charge finale (voir encadré 3.4, figure 3.12).

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Chapitre 3. Sémiologie ostéo-articulaire   59 Tableau 3.10 Innervation motrice segmentaire du membre supérieur. C4 Grand pectoral Rhomboïde

C5

C6

C7

C8

T1

teres minor (petit rond) Supra-épineux Infra-épineux Deltoïde Serratus antérieur (grand dentelé) Grand rond Biceps brachial Brachial Subscapulaire Grand pectoral Brachioradial (long supin.) Court supinateur Petit pectoral Coraco-brachial Pronator teres (rond pronateur) 1er et 2e radial Fléch. ulnaire du carpe (cubital antérieur) Grand et petit palmaires Extenseur des doigts Cubital postérieur Extenseur de l'index Extenseur du Vedoigt Long extenseur pouce Court extenseur pouce Long abducteur du pouce Triceps brachial Carré pronateur Fléchisseurs sup. et profond des doigts Long fléchisseur du pouce Opposant du pouce Court abducteur du pouce Court fléchisseur du pouce Palmaire cutané Adducteur du pouce Court fléchisseur du Ve Abducteur du Ve Opposant du Ve Interosseux Lombricaux

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60   Partie I. Rhumatologie pratique

Tableau 3.11 Innervation motrice segmentaire du membre inférieur.

L1 L2 L3 L4 L5 S1 S2 Psoas-iliaque Sartorius (couturier) Pectineus Gracile (droit interne) Long adducteur Court adducteur Grand adducteur Quadriceps Obturateur latéral Tenseur du fascia lata Moyen glutéal Grand glutéal Petit glutéal Carré fémoral Obturateur interne Piriforme Semi-tendineux Semi-membraneux Biceps fémoral Tibial antérieur Long extenseur des orteils Long extenseur de l’hallux Long péronier latéral Court péronier latéral Long fléch. commun Tibial postérieur Long fléchisseur propre de l’hallux Jumeaux Soléaire Abducteur de l’hallux Court fléchis. des orteils Autres muscles plantaires.

S3

C2 C3 C4 C5 C6 C7 C8 T1 T2 T3 T4

C2 C3 C4 C5 T1

T2 T4

C5 T5 T6 T7 T8 T9 T10 T11 T12 C6 C7 C8

T3 T5 T6 T7 T8 T9 T10 T11

C5 C6 L1

C7

L2

C8

L3

T12

S1 S2

S2 S3

S1

S2

S3 S4 S5

L1 L2 L3 L4 L5

L1 L2 L5

L4

L5

S1

L4 L5

S1

Figure 3.11 Représentation schématique des dermatomes sensitifs (sensibilité superficielle).

Tableau 3.12 Principaux réflexes tendineux. Réflexe

Situation

Réponse

Racine

Remarques

Bicipital

Tendon du biceps au plit du coude.

Biceps brachial, brachial antérieur.

C5

Mettre le pouce sur le tendon du biceps.

Stylo-radial

Au-dessus de la styloïde radiale.

brachioradial + brachial antérieur.

C6

Avant-bras demi-fléchi, bord radial tourné vers le haut.

Tricipital

Tendon du triceps, au-dessus de l'olécrâne.

Triceps brachial.

C7

Bras en abduction, avantbras pendant.

Cubito-pronateur

Styloïde de l'ulna.

Pronation du poignet.

C8

Avant-bras semi-fléchi, légère supination

Rotulien

Tendon rotulien.

Quadriceps.

L4

Au lit : genou semi-fléchi. Assis : jambes pendantes ou croisées.

Achilléen

Tendon d'Achille.

Triceps sural.

S1

facilité en position à genoux

.

Membre supérieur

Membre inférieur

.

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Chapitre 3. Sémiologie ostéo-articulaire   61

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62   Partie I. Rhumatologie pratique

Encadré 3.4 Le syndrome de « fragilité » Avec le vieillissement des populations, une notion nouvelle se fait jour, qui concerne toutes les spécialités médicales, mais tout particulièrement la rhumatologie : la « fragilité ».

Concept de fragilité Il prend en compte l'individu dans sa globalité ; la fragilité peut être motrice, mais aussi psychologique, cognitive et sociale. Elle est un syndrome clinique qui reflète une diminution des capacités physiologiques de réserve qui altère les mécanismes d'adaptation au stress. Son expression clinique est modulée par les comorbidités et les facteurs psychologiques, sociaux, économiques et comportementaux. Le syndrome de fragilité est un marqueur de risque de mortalité et d'évènements péjoratifs, notamment d'incapacités, de chutes, d'hospitalisation et d'entrée en institution. La prise en charge des déterminants de la fragilité pourrait réduire ou retarder ses conséquences Ainsi, la fragilité s'inscrirait dans un processus potentiellement réversible [4]. Cet état augmente avec l'âge et on l'évalue en France à 15 à 20 % de la population de plus de 65 ans [5].

Circonstances du diagnostic Le syndrome de fragilité est rarement détecté en population générale et se démasque dans des situations fréquentes d'agression ou de stress chez des personnes âgées  : opération prothétique d'une coxarthrose, tumorectomie pour cancer du sein, pneumopathie non compliquée, veuvage, isolement social, conditions climatiques, dégradation rapide des conditions économiques… Dans ce contexte, la présence du syndrome de fragilité se manifeste par la survenue de complications qui traduisent l'incapacité de la personne âgée à faire face à l'épreuve vécue, du fait de ses faibles réserves physiologiques et fonctionnelles. Le dépistage de la fragilité est donc important avant que les complications ne surviennent.

Physiopathologie D'un point de vue physiopathologique, la fragilité s'intègrerait dans une évolution défavorable du métabolisme énergétique ayant pour conséquence une diminution des réserves fonctionnelles, en particulier musculaires, et une moindre capacité à équilibrer les apports nutritionnels aux besoins. La réduction d'activité physique se traduit rapidement par une diminution de la réserve fonctionnelle. D'autres mécanismes sont proposés, tel un état inflammatoire chronique.

Nombreux critères diagnostiques De nombreux critères diagnostiques ont été proposés. Les plus simples sont les critères de fragilité de Fried [6] : ■ Perte de poids > 5 % ■ Sensation de fatigue psychique et physique ■ Sédentarité ■ Vitesse de marche lente ■ Diminution de la force de préhension (grip strength) Trois critères présents définissent la fragilité ; 1–2  : risque de fragilité augmenté ; 0 : pas de fragilité. Tests de dépistage  : mettre plus de 4  secondes à parcourir 4 mètres ou ne pas pouvoir tenir plus de 4 secondes en appui monopodal.

L'enjeu Entre l'état normal ou avec pathologies traitées et stables, et l'état de dépendance, l'état de fragilité est un stade intermédiaire potentiellement réversible (voir, figure  3.12). Or, être fragile multiplie par deux le risque d'être dépendant à 10 ans. Détecter cette fragilité permet de la traiter (nutrition, activité physique, amélioration pharmacologique et non pharmacologique de la thymie, traitements des comorbidités).

Réversible

Personne robuste

Irréversible

Personne fragile

Thérapeutiques (nutrition, activité physique, thymie, sociale...)

Personne dépendante Stress, maladie intercurrente...

Figure 3.12 Conception de la « fragilité ». Source : d'après [3].

Références Le lecteur désireux d'approfondir ce chapitre trouvera de nombreux textes, diaporamas et vidéos régulièrement mis à jour, sur le site de la faculté de Médecine de Toulouse : www.medecine.ups-tlse.fr > ressources pédagogiques > DFGSM2 > module 12 appareil locomoteur. [1] Buckup K. Examen clinique de l'appareil locomoteur. Tests, signes, manœuvres. Un volume, 2e édition. Maloine, 2010. 459 pages. [2] Cleland J, Koppenhaver S. Examen clinique de l'appareil locomoteur. Tests, évaluations et niveaux de preuve. Un volume, 2e édition, Elsevier Masson, 2012, 510 pages.

[3] Nicholl DJ, Appleton JP. Clinical neurology : why this still matters in the 21st century ? J Neurol Neurosurg Psychiatry 2015 ; 86 : 229–33. [4] Rolland Y, Benetos A, Gentric A, et al. La fragilité de la personne âgée : un consensus bref de la Soiété française de gériatrie et gérontologie. Geriatr Psychol NeuroPsy Vieil 2011 ; 9 : 387–90. [5] Santos-Eggimann B, Cuénoud P, Spagnoli J, et al. Prevalence of frailty in middle-aged and older community-dwelling europeans living in 10 countries. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 2009 ; 64A : 675–81. [6] Fried LP, Tangen CM, Walston J, et al. Frailty in older adults : evidence for a phenotype. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 2001 ; 56A : M146–56.

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4

Chapitre

L'imagerie pratique en rhumatologie Bernard Mazières PLAN DU CHAPITRE Radiographie standard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Système EOS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Arthrographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tomodensitométrie (TDM) . . . . . . . . . . . . . . . . Imagerie en résonance magnétique (IRM) . . .



63 64 64 65 66

L'imagerie en rhumatologie occupe une place primordiale. Sans elle, il ne serait souvent pas possible de faire les diag­ nostics, de formuler les pronostics, de suivre l'évolution des malades. Les techniques à notre disposition sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus coûteuses. Il importe de recourir à ces techniques à bon escient, en demandant le bon examen. NB : le « langage » radiologique fait parler : ■ en radiographie : d'opacité ou d'hyperclarté, ■ en échographie : d'échogénicité (hypo/hyper), ■ au scanner : de densité (hypo/hyper), ■ en IRM : de signal (hypo/hyper).

Radiographie standard Les rayons  X sont une forme de rayonnement électro­ magnétique de fréquences comprises entre 1 016 et 1 020 Hz, les longueurs d'ondes entre 10–8 et 10–12 m et les énergies entre 28 et 130 KeV (Röntgen, 1895 : première radiographie de la main de sa femme ; temps de pose de 20 minutes). Leur domaine se situe entre l'ultra-violet et les rayons gamma. Ils sont produits par un tube à rayons X : des électrons produits par une cathode (filament de tungstène chauffé par un cou­ rant électrique) sont émis vers une anode dans une ampoule sous vide. L'anode ainsi bombardée libère de l'énergie : 99 % sous forme de chaleur et 1 % sous forme d'un rayonnement continu dont une partie dans le domaine des rayons X. Le faisceau de rayons  X émis en direction de la zone du corps à examiner est absorbé de façon différentielle en fonction de la composition chimique des organes traversés et de leur épaisseur, ainsi que de leur distance par rapport

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Scintigraphie osseuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Échographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Densitométrie osseuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Choix des techniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .



66 67 67 68

à la source. L'atténuation est maximale dans l'os, moyenne dans les tissus mous et faibles dans la graisse et l'air (pou­ mons). La radiographie conventionnelle ne détecte que des contrastes > 4 %, ce qui est le cas pour l'os et les poumons, les deux organes « rois » de cette technique. L'image est recueillie en sortie sur un film photographique (argentique ou numérique actuellement). Indispensables en pratique rhumatologique pour confir­ mer un diagnostic, mais aussi pour éliminer ou dépister des lésions malignes, les radiographies doivent être de bonne qualité photographique et la bonne position anatomique doit être vérifiée (chaque région articulaire a ses préceptes propres pour juger de la qualité de la position). D'un point de vue technique, les articulations périphé­ riques sont radiographiées selon les trois principes de base de la radiologie ostéo-articulaire : 1. Radiographier les deux articulations (ou les deux os) paires et symétriques lorsqu'une seule est atteinte ­(élément de comparaison). 2. Faire des radiographies sous deux incidences faciles à standardiser afin d'avoir deux représentations planes de ce qui existe en trois dimensions. Face et profil sont les incidences les plus simples et donc les plus reproduc­ tibles. Parfois, cependant, l'anatomie ne permet pas ces incidences simples et il faut recourir à des artifices de position (ex. : la radiographie de profil strict de la hanche voit se superposer tous les éléments osseux de la ceinture pelvienne rendant ininterprétable l'image de la hanche. Il faut donc faire des profils variés : profil chirurgical, médi­ cal, faux profil…). 3. Faire des radiographies en charge, debout, pour les arti­ culations portantes des membres inférieurs.

63

L'analyse des clichés, sur un négatoscope assez puissant, doit systématiquement étudier de façon comparative : ■ les contours osseux (dysplasies, ostéophytes, syndesmo­ phytes), ■ la trame osseuse (flou localisé, condensation, anomalies des trabécules, géodes), ■ l'interligne articulaire (intégrité du cartilage), ■ les parties molles, ■ les grands axes. Une image anormale peut être précisée par des clichés centrés, une étude scannographique ou par résonance magnétique nucléaire.

Ordonnance de première intention devant une pathologie d'une articulation (tableau 4.1) Ordonnance de première intention devant une pathologie inflammatoire ■ clichés des articulations atteintes, toujours de façon symétrique et sous deux incidences, sauf les mains et les poignets où l'incidence de face est suffisante ; ■ clichés systématiques pour aider au diagnostic étiologique : – bassin de face – 2 avant-pieds de face – 2 mains de face ■ surveillance radiologique tous les ans en général, tous les six mois si le rhumatisme paraît très agressif ; l'interpréta­ tion se fera donc en comparant les différents clichés.

Système EOS Ce système est également fondé sur les rayons X, mais des détecteurs ultrasensibles permettent de réduire les doses délivrées de 50 à 80 %, ce qui le rend particulièrement inté­ ressant chez l'enfant. En outre, deux faisceaux de rayons X très fins balaient verticalement et simultanément le corps entier en moins de 30 secondes, en position de fonction (debout) et donne deux images simultanées de face et de profil sans facteur d'agrandissement, permettant une modé­ lisation 3D ultérieure. Ceci en fait l'outil de référence pour visualiser la totalité du rachis ou des membres inférieurs, d'autant que les logiciels embarqués permettent de calculer différents angles de façon semi-automatique (angle de Cobb pour scoliose, valgus ou varus d'un genou).

Arthrographie Cet examen consiste à injecter dans la cavité articulaire un produit de contraste radio-opaque qui viendra sil­ houetter les surfaces articulaires et l'ensemble des struc­ tures intra-articulaires en opacifiant la cavité articulaire. Toutes les articulations di-arthrodiales peuvent ainsi être étudiées. L'arthrographie permet d'analyser les cartilages articu­ laires et de faire un diagnostic précoce d'arthrose, de visua­ liser une lésion méniscale (pathologie méniscale du genou), la synoviale (pathologie inflammatoire ou tumorale), des corps étrangers intra-articulaires radiotransparents. Technique simple, elle est invasive (nécessitant une injection

Tableau 4.1 Ordonnance radiologique de première intention, selon la région articulaire à explorer. Articulation

Clichés à demander

Éventuellement

Épaule

• 2 épaules de face en rotation indifférente + clichés en rotations interne et externe • profil de coiffe des 2 épaules

Coude

2 coudes face et profil

Mains

2 mains de face sur la même plaque

cliché recentré sur les poignets

Rachis cervical

face + profil (mais la face a peu d'intérêt) Les clichés de 3/4 ne sont pas indiqués en première intention.

cliché de face centré sur C1-C2, bouche ouverte

Rachis dorsal

face + profil

Rachis lombaire

face + profil debout Les clichés de 3/4 ne sont pas indiqués en première intention.

Sacro-iliaque

cliché de face, centré, en compression

Hanche

bassin de face (pieds en rotation interne pour dérouler les Le faux profil de Lequesne permet de voir un pincement cols fémoraux en « effaçant » leur antéversion) discret, invisible sur le cliché de face en cas de coxarthrose 2 hanches de profil médical couché postérieure débutante.

Genou

2 genoux de face debout + profil couché, genou fléchi à 30° Défilés fémoro-patellaires des 2 genoux à 30° de flexion (± 60°, 90°)

Cheville

2 tibio-tarsiennes de face en charge 2 pieds de profil en charge

Pied

2 avant-pieds de face 2 pieds de profil en charge

cliché centré sur la charnière lombo-sacrée

Le cliché genou de face, en charge, fléchi à 30° (« schuss ») permet une meilleure analyse de l'interligne dans des formes débutantes d'arthrose.

Déroulé des 2 pieds (cliché de ¾) : dégage mieux les métatarsiens .

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64   Partie I. Rhumatologie pratique

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Chapitre 4. L'imagerie pratique en rhumatologie    65 i­ ntra-articulaire) et ne souffre pas la médiocrité. Elle ne sera pas refaite et donc doit être réussie du premier coup, com­ portant tous les clichés nécessaires d'emblée. Elle est sou­ vent couplée à la tomodensitométrie (« arthro-scanner »). Elle permet un geste thérapeutique : infiltration, distension articulaire.

Tomodensitométrie (TDM) La tomographie analogique (Bocage, 1917) cherche à individualiser un plan donné dans une structure radio­ graphiée, en créant une image floue des autres plans situés en avant et en arrière. Pour cela, le film accompagne la source de rayonnement dans un mouvement synchrone et homothétique dont le centre est situé dans le plan de coupe. Cette technique a été rendue obsolète par le déve­ loppement de la tomodensitométrie axiale transverse ou « scanner », dont elle partage le principe mais dont les images sont acquises numériquement sous différents angles. Les tomographes modernes utilisent un anneau de détecteurs et une source divergente de rayons  X (figure 4.1). Le traitement numérique de l'image permet des reconstructions dans différents plans de l'espace ou en 3D. Les « densités » des pixels (échelle de gris) sont fonction de la quantité de rayons X délivrée à leur niveau. On exprime les valeurs des pixels en unités Hounsfield (UH) où l'os cortical correspond à + 1 000  UH, l'air à –1 000 UH et l'eau à 0 UH. La TDM permet, avec une excellente résolution (de l'ordre du mm), de couper le corps selon un axe transverse, donnant ainsi des coupes qui se rapprochent des coupes ana­ tomiques. Cette technique n'a pas grand intérêt pour étudier les articulations périphériques à l'exception de l'épaule et de l'articulation fémoro-patellaire dont le grand axe articulaire est orienté de haut en bas, c'est-à-dire perpendiculaires au plan de coupe. En revanche, elle est d'un apport précieux au rachis où elle est très utilisée. C'est un examen fait sur un malade couché, ce qui limite les explorations dynamiques ou en charge.

Rotation

Tube émetteur de rayons X en rotation alternée

Anneau Détecteurs (ou capteurs)

Figure 4.1 Schéma de fonctionnement du scanner.

Les scanners modernes, en multipliant les capteurs (scan­ ners multibarrettes), et en déplaçant le tube (acquisition spi­ ralée), augmentent les résolutions spatiale et temporelle et augmentent la couverture anatomique, permettant d'acqué­ rir de multiples coupes jointives d'un large volume du corps en quelques secondes, mais génèrent une dosimétrie élevée (cf. encadré 4.1, tableau 4.2), posant des problèmes d'inter­ prétation, de stockage et de radioprotection.

Encadré 4.1 La radioprotection Les usages médicaux constituent la principale source artificielle d'exposition aux rayonnements. Globalement, la relation dose-risque est linéaire, sans seuil, avec additivité des expositions. La protection radiologique s'est adaptée pragmatiquement au fil du temps pour répondre aux principes directeurs [1] suivants : ■ souci d'égalité (principe de limitation), ■ principe de précaution face à l'incertitude (principe d'optimisation), ■ principe de responsabilité (principe de justification). Un guide du bon usage des examens d'imagerie médicale a été publié en 2005 [2] en version papier accessible gratuitement. Une mise à jour de 2012 [3] existe en ligne (payante) où l'on trouve, indication par indication selon les spécialités, les examens classés selon qu'ils sont  : indiqués pour établir un diagnostic, indiqués seulement dans des cas particuliers, non indiqués voire contre-indiqués, ainsi que les doses délivrées pour chacun d'entre eux. Les objectifs de ce guide sont de : ■ réduire l'exposition des patients par la suppression des examens d'imagerie non justifiés, ■ améliorer les pratiques cliniques par la rationalisation des indications des examens d'imagerie, ■ servir de référentiel pour les audits (évaluation des pratiques). Un examen utile est celui dont le résultat (positif ou négatif) modifiera la prise en charge du patient ou confortera le diagnostic du clinicien. On peut s'aider des questions suivantes : 1. L'examen a-t-il déjà été pratiqué ? 2. Ai-je besoin de l'examen ? Non si les résultats ne modifient pas la conduite à tenir, soit parce que un résultat positif est sans impact sur la décision, soit parce qu'un résultat positif est très improbable. 3. Ai-je besoin de l'examen maintenant ? Ou peut-on attendre que ça guérisse ? 4. Est-ce le bon examen ? À impact clinique identique, préférer le moins irradiant. 5. Ai-je bien posé le problème ? Les doses d'irradiation délivrées sont classées en 4 groupes selon leur intensité (voir, tableau  4.2). D'où les règles de radioprotection : ■ limiter le champ d'irradiation au strict nécessaire, ■ protéger les gonades (cache plombé), ■ éviter d'irradier une grossesse débutante, ■ attention aux scanners abdomino-pelviens itératifs de contrôle (cancérologie), très irradiants.

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66   Partie I. Rhumatologie pratique Tableau 4.2 Classification des doses délivrées. Classe

Doses délivrées Exemples (mSv⁎)

0

0

échographie, IRM

1

10

certaines explorations en médecine nucléaire, en TDM ou en radiographie interventionnelle



mSv : milli Severt.

Imagerie en résonance magnétique (IRM) Examen d'aujourd'hui, il reste cher et d'accessibilité moindre. Son principe physique est différent de l'imagerie tradi­ tionnelle aux rayons X (figure 4.2) : il est fondé sur le phé­ nomène physique de résonance magnétique nucléaire. Tout noyau d'un atome porte une charge qui tourne autour de l'axe nucléaire et engendre un dipôle magnétique, exprimé par une grandeur appelée moment magnétique (spin), ou mouvement de rotation d'une particule élémentaire sur elle-même. Dans le cas de l'IRM, on enregistre la résonance magnétique nucléaire des protons de l'eau, principal consti­ tuant de l'organisme (≈ 75 %). En l'absence de champ, les moments magnétiques sont orientés de façon aléatoire. Dans un champ magnétique, les moments magnétiques s'orientent dans le sens de ce champ comme l'aiguille d'une boussole. Pour obtenir la résonance, il faut fournir une énergie permettant aux noyaux de passer de l'état basal à l'état excité grâce à un second champ magnétique (onde de radiofréquence) perpendiculaire au premier, de faible inten­ sité et de durée brève (≈ μseconde) afin d'obtenir la réso­ nance. À l'arrêt de ce second signal, les protons reviennent à leur position initiale (relaxation), engendrant un courant induit enregistrable par unité de volume de tissu (voxel) qui dépend de la concentration en eau de ce tissu et du temps de relaxation des spins nucléaires. Le contraste entre deux voxels peut être augmenté si les temps de relaxation des spins nucléaires diffèrent dans les deux zones : on obtient

ainsi une image tridimensionnelle de la répartition de l'eau dans l'organisme. Ce retour à l'état initial se décompose en deux phénomènes : ■ un temps T1 (temps de relaxation longitudinale ou « spinréseau ») qui dépend de la mobilité des atomes d'hydro­ gène ou des molécules les contenant. T1 est d'autant plus court que les dites molécules sont grosses (T1 de la graisse : 240 ms ; du muscle : 730 ms dans un champ de 1 Tesla). ■ un temps T2 (temps de relaxation transversale ou « spinspin ») plus court, qui dépend lui aussi de la taille des molécules (T2 de la graisse : 84 ms ; du muscle : 47 ms). Ces temps de relaxation sont d'autant plus longs que l'hydratation des tissus est importante. Ainsi T1 et T2 sont augmentés dans un tissu inflammatoire, et diminués dans un tissu cicatriciel. Selon la durée, l'intensité et la succession des ondes de radiofréquence émises dans les séquences d'excitation, le contraste de l'image va plus favoriser un paramètre, c'est pourquoi les séquences sont dites « pondérées » en densité de protons, en T1 ou en T2. La conjonction de séquences d'exci­ tation différentes va permettre d'identifier le tissu composant la structure étudiée. On peut ainsi différencier des structures liquides, la graisse, les tissus tumoraux ou inflammatoires. En revanche, les éléments contenant du calcium (os, calcifi­ cations), dépourvus d'eau, n'émettent pas de signal et restent noirs. Des séquences utilisant des techniques particulières permettent de supprimer le signal de la graisse. L'utilisation de produit de contraste à base de gadolinium permet d'ap­ précier le degré de vascularisation des tissus analysés. En pratique, l'IRM n'irradie pas, n'est pas invasive, est indolore (mais bruyante), sans danger si tout élément ferro­ magnétique est absent de tout organe vital : ainsi le clip d'une intervention cérébrale sera une contre-indication, alors que la présence d'une prothèse totale de hanche n'interdit pas l'exa­ men. Comme la tomodensitométrie, l'IRM est faite sur un malade couché, dans une machine qui se présente comme un cylindre étroit dans lequel est glissé le malade (claustrophobes s'abstenir, du moins sans prémédication  !). Les machines utilisées ont des aimants de 0,5 à 3 Tesla (pour mémoire, le magnétisme de la terre est de 0,5.10-5 T). Les progrès tech­ niques sont rapides, et font appel à de nouveaux logiciels de traitement d'image et à l'utilisation d'antennes de surface per­ mettant une étude plus fine de telle ou telle articulation. L'IRM explore parfaitement l'os médullaire (mais mal la corticale), la synoviale (et un éventuel épanchement), les tis­ sus mous adjacents (muscles, tendons, ligaments, bourses).

Scintigraphie osseuse

Figure 4.2 Principe physique de l'IRM. (1) Au repos, les noyaux H + ont des moments magnétiques orientés aléatoirement. (2) Dans le champ magnétique, les moments magnétiques s'orientent dans la direction du champ. (3) L'application brève d'une onde de radiofréquence faible fait basculer l'orientation des moments magnétiques. (4) À la fin de l'impulsion radio, retour à la position initiale avec émission d'une onde enregistrée et traduite en image par informatique.

La scintigraphie osseuse consiste à injecter par voie intra­ veineuse un produit radioactif ostéotrope dont on étudie la répartition sur le squelette avec un compteur à scintil­ lations. Le traceur isotopique utilisé depuis plus de 40 ans est le technétium 99m qui répond aux exigences de sécurité nécessaires (faible irradiation, demi-vie courte, détection aisée). Pour étudier spécifiquement l'os, on fixe ce traceur à du méthylène bisphosphonate dont le tropisme osseux est remarquable. En pratique, on injecte le produit et on fait l'étude cartographique trois heures plus tard, délai optimal

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Chapitre 4. L'imagerie pratique en rhumatologie    67 de fixation osseuse du traceur (meilleur rapport fixation osseuse/fixation des parties molles). On obtient une carto­ graphie du corps entier de face et de profil. Des clichés cen­ trés sur une région anatomique sont possibles. Examen très sensible pour détecter un trouble du remaniement osseux, il montre des hyperfixations mar­ quées chaque fois que l'os est remanié de façon excessive. La fixation accrue s'explique par l'hyperostéoclastose, aussi bien que par l'hypervascularisation qui va souvent avec. Les plus intenses hyperfixations sont obtenues dans la maladie osseuse de Paget. En revanche, cet examen n'a guère de spécificité puisque toute augmentation locale du turn-over osseux peut s'accompagner d'une hyperfixation. Cet examen ancien est peu à peu détrôné par l'IRM. L'arrivée du TEP-scan, ou Tomographie en Émission de Positons (PET en anglais : Positron Emission Tomography), couplée à la tomodensitométrie, remet la médecine nucléaire au cœur des explorations d'imagerie ostéo­ articulaire. Le principe reste le même, mais le traceur radioactif est le plus souvent le glucose marqué au fluor 18 (18F-FDG : Fluro-DésoxyGlucose), principale molécule du métabolisme notamment cérébral et cardiaque, mais trouvée en concentrations élevées dans les tumeurs et tout processus inflammatoire ou infectieux. Pour une étude plus spécifiquement osseuse, on utilise le traceur fluoré seul (18FNa). En pratique, cette imagerie reste limitée à la cancé­ rologie compte tenu de l'accessibilité limitée aux machines.

Échographie Échographie ostéo-articulaire Les ultrasons étaient employés pour détecter les sousmarins pendant la Première Guerre mondiale. L'utilisation médicale des ultrasons remonte à 1951 et a initialement servi à détecter des tumeurs cérébrales (Wild et Reid, en Angleterre).

Principe L'échographie utilise comme principe de fonctionnement les ultrasons, sons dont la fréquence est comprise entre 20 000  Hz et 500 000  Hz. Ils sont inaudibles par l'oreille humaine. L'échographie consiste à appliquer une sonde contre la peau en face de l'organe à explorer. Cette sonde émet des ultrasons qui traversent les tissus et sont réfléchis sous la forme d'un écho recueilli et analysé par un système informatique qui retransmet en direct une image sur un écran vidéo. Les échos renvoyés et enre­ gistrés par l'appareil sont des signatures des obstacles qu'ils ont rencontrés : selon la structure rencontrée, cette réflexion n'est pas la même (tableau 4.3). Cela permet de reconstituer des images visualisées pour établir un diagnostic. Tableau 4.3 Vitesse des ultrasons en fonction du tissu rencontré.

Échographe Il est constitué : ■ de la sonde permettant l'émission et la réception d'ultrasons, ■ du système informatique qui transforme le signal reçu en image, ■ d'une console de commande permettant différents réglages, ■ d'un moniteur, ■ d'un système d'enregistrement des données. Pour réaliser une échographie, l'opérateur applique un gel froid sur la peau, destiné à améliorer le contact entre la sonde et la peau (absence d'air, la vitesse des ultrasons dans l'air étant beaucoup plus lente). Ce gel permet donc de garder une image nette, car les ultrasons ne changent quasi­ ment pas de vitesse entre chaque milieu.

Avantages L'échographie est une technique indolore et non irra­ diante pour le patient, sans contre-indication et sans danger pour le fœtus au cours de la grossesse. Elle ne nécessite pas d'anesthésie et le médecin peut compléter l'interrogatoire et l'examen clinique du patient en cours d'examen. Ses résultats sont fiables et reproductibles (bien qu'opérateur-dépendant), mais l'apprentissage est long et nécessite une bonne connaissance anatomique et pathologique. Cette technique permet d'utiliser plusieurs modalités pour visualiser une anomalie : en 2D, en 3D, par échographie de contraste, avec doppler pulsé ou cou­ leur pour détecter une vascularisation anormale, ou au contraire pour l'étude des flux. Les avancées technologiques de ces dernières années avec un matériel de plus en plus performant, la possibilité d'un examen dynamique et comparatif, l'étude vasculaire en mode doppler, le faible coût, l'accessibilité rapide et l'ab­ sence d'irradiation ont permis de placer l'échographie parmi les techniques d'imagerie privilégiées en rhumatologie dans l'examen des parties molles et des articulations. Elle per­ met d'examiner notamment les tendons et leurs enthèses, les muscles et leurs aponévroses, les retinaculums, les liga­ ments, certaines parties des ménisques, les nerfs, les vais­ seaux, la membrane synoviale, les tissus mous sous-cutanés qui n'apparaissent pas sur les radiographies standard. Elle permet de diagnostiquer un épanchement articulaire, une tendinite, une rupture ligamentaire, une tumeur des parties molles, un hématome… et parfois même des fractures sur des petits os superficiels comme les métatarsiens. Elle est très utilisée dans : ■ la médecine sportive dans les bilans post-traumatiques, ■ les pathologies mécaniques comme les douleurs d'épaule par atteinte de la coiffe des rotateurs, ■ les pathologies inflammatoires où elle permet d'objecti­ ver les synovites, notamment infracliniques, ■ la réalisation de gestes échoguidés (ponction et/ou infiltration).

Milieux traversés Air

Eau

Tissus mous

Os

Densitométrie osseuse

vitesse (m/s)

1 500

1 400–1 650

2 000–5 300

Voir chapitre 1, « Mesure de la densité osseuse ».

330

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68   Partie I. Rhumatologie pratique

Choix des techniques

En pratique, trois cas de figures se présentent (figure 4.3) : 1. Le contexte clinique et la radiographie standard sont suffisamment évocateurs pour permettre un diagnostic étiologique. À titre d'exemples, citons : ■ quelques douleurs mécaniques des genoux et des images caractéristiques d'une arthrose (pincement fémoro-tibial interne, ostéophytes et sclérose sous-chondrale) chez une femme de 65 ans, obèse avec un genu varum = gonar­ throse fémoro-tibiale interne ; ■ une douleur récente de l'aine droite chez cet asthmatique de 30 ans traité depuis plusieurs années par des corticoïdes avec une tête fémorale « décrochée » = ostéonécrose ; ■ un aspect de déminéralisation hétérogène, mouchetée de ce pied douloureux et gonflé depuis une contusion dans un accident de voiture il y a un mois = syndrome doulou­ reux régional complexe ; ■ un flou des plateaux vertébraux de part et d'autre d'un disque pincé chez cet homme qui souffre depuis deux semaines et présente une fièvre = spondylodiscite. Tous ces exemples montrent des formes évoluées de mala­ dies ostéo-articulaires. Les examens de deuxième intention sont le plus souvent inutiles pour le diagnostic. Ils peuvent être parfois indiqués dans une perspective préthérapeutique (notamment pour poser une indication chirurgicale). 2. L'examen clinique localise l'articulation malade, la radio­ graphie standard n'est pas normale, mais ne présente aucune spécificité permettant de porter un diagnostic

Devant une pathologie articulaire, il faut pouvoir étudier les différentes composantes de l'articulation que sont l'os souschondral, la synoviale, le cartilage en utilisant le meilleur examen pour le meilleur tissu (tableau 4.4). Il existe davantage d'outils permettant d'explorer l'os que la synoviale et surtout que le cartilage.

Tableau 4.4 Les différentes techniques d'imagerie pour visualiser les différents tissus de l'articulation. Techniques

Tissus Os

Rx standard

+++ —

Arthrographie — Scanner

Synoviale Cartilage Tendons, ligaments ++

+++ +

Arthro-scanner —

++

+



++



+



++



Scintigraphie

+++ —





IRM

+++ ++

+

+++

Échographie

+

+

+++

++

Tissu non vu (–) ; peu ou indirectement vu (+) ; vu correctement (++) ; très bien vu (+++).

EXAMEN CLINIQUE Interrogatoire (signes fonctionnels, douleur) + Examen (signes physiques)

Diagnostic (au minimum topographique : articulation ou segment rachidien)

RADIOGRAPHIE STANDARD

Évocatrice d'un diagnostic

Anormale mais non spécifique

Normale

Stop

Imagerie complémentaire

Reprendre L'examen clinique

Pathologie articulaire confirmée

IRM le plus souvent

Figure 4.3 La cascade des examens d'imagerie.

Erreur diagnostique Pathologie péri-articulaire

Echographie le plus souvent

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Chapitre 4. L'imagerie pratique en rhumatologie    69 étiologique. L'anomalie non spécifique est souvent osseuse (léger flou, modification localisée de la trame du côté malade par rapport au côté sain). Ces anomalies ont le mérite d'attirer l'attention sur l'os et de faire réaliser un exa­ men de deuxième intention explorant bien ce tissu (IRM). Parfois, on devine un léger pincement articulaire par rap­ port au côté opposé et on suspecte – si le contexte clinique est en faveur – une pathologie cartilagineuse. On s'oriente plutôt vers une arthrographie ou un arthro-scanner. En revanche, une pathologie synoviale ne se détecte guère sur une radiographie standard, sauf à un stade assez tardif de la maladie. On peut alors s'aider de l'échographie. Mais c'est aussi dans les pathologies inflammatoires que les perturba­ tions biologiques sont les plus parlantes (voir chapitre 5). 3. Enfin, alors que l'examen clinique montre une atteinte indubitable d'une articulation, la radiographie standard est strictement normale. C'est le fait des maladies débu­ tantes, c'est le cas de figure le plus difficile. Seule l'anam­ nèse peut éventuellement orienter plutôt vers un tissu que vers un autre. Sinon, c'est à l'aveugle que l'on demande les examens : pour voir une pathologie osseuse ou synoviale (IRM), pour voir une pathologie cartilagineuse ou syno­ viale (arthrographie ou arthro-scanner). Les choix sont également dictés par l'accessibilité à tel ou tel examen (une scintigraphie nécessite un service de méde­ cine nucléaire, une IRM a de longs délais de rendez-vous et elle est onéreuse, une arthrographie d'une articulation

autre que le genou n'est pas techniquement maîtrisée par tous les radiologues). Il faut savoir différencier le cas dans lequel il n'y a pas d'urgence et où la solution viendra d'une seconde radiographie standard faite ultérieurement, du cas dans lequel attendre peut être préjudiciable au malade et où il faut mettre en jeu les examens de deuxième intention sans retard (cf. encadré 4.1). C'est souvent une décision difficile à prendre. C'est là que le conseil du spécialiste est particu­ lièrement utile.

Remerciements Au Docteur Bénédicte Jamard, rhumatologue, praticien hos­ pitalier au Centre de Rhumatologie du CHU de Toulouse, échographiste, pour sa relecture soigneuse et compétente et ses remarques judicieuses.

Références [1] OCDE. Agence pour l'énergie nucléaire ; organisation de coopé­ ration et de développement économiques. La radioprotection aujourd'hui et la voie du développement durable ; 2007. ISBN 978-92-64-99014-2. [2] Guide du bon usage des examens d'imagerie médicale. ANAES ; 2005, www.has-sante.fr [3] Guide du bon usage des examens d'imagerie médicale, mise à jour, www.gdu.radiologie.fr ; 2012.

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Chapitre

5

Examens biologiques de base en rhumatologie Arnaud Constantin PLAN DU CHAPITRE Examens biologiques basiques des maladies inflammatoires . . . . . . . . . . . . . . Examens biologiques basiques des maladies auto-immunes . . . . . . . . . . . . . . . Examens biologiques basiques des pathologies osseuses . . . . . . . . . . . . . . . . .

71 74

76 77 77

76

Devant la profusion des examens complémentaires dispo­ nibles en rhumatologie, il est logique de s'intéresser aux examens biologiques de base, pouvant aider au quotidien le clinicien dans la démarche diagnostique des pathologies de l'appareil locomoteur. Ce chapitre ne peut prétendre résoudre tous les problèmes, répondre à toutes les questions et envisager toutes les situations concrètes. Il vise seule­ ment à montrer l'intérêt de quelques examens biologiques basiques qui, bien interprétés, seront souvent suffisants pour permettre, en complément des informations acquises par l'examen clinique, un diagnostic. La biologie plus spé­ cifique à chaque pathologie est détaillée dans les chapitres correspondants.

Examens biologiques basiques des maladies inflammatoires Différencier une pathologie inflammatoire d'une pathologie dégénérative constitue une étape essentielle de la démarche diagnostique en rhumatologie. À l'issue de l'interrogatoire et de l'examen physique, certains examens biologiques basiques permettent de conforter ou parfois de réorienter le clinicien vers l'hypothèse d'une pathologie inflammatoire.

Vitesse de sédimentation (VS) La mesure de la VS est un examen simple et peu coûteux qui reflète indirectement le taux des protéines plasmatiques de l'inflammation. La sédimentation des globules rouges est dépendante de leurs caractéristiques morphologiques, mais aussi de leurs charges électrostatiques négatives de surface. L'augmentation de certaines protéines de l'inflam­ mation, dont le fibrinogène et les immunoglobulines, Rhumatologie © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Examens biologiques basiques des pathologies musculaires . . . . . . . . . . . . . . . Examens biologiques basiques des épanchements articulaires . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

neutralise ces charges négatives de surface, favorisant l'agré­ gation des hématies entre elles et augmentant leur vitesse de sédimentation. Les différentes techniques de mesure de la VS sont aussi performantes les unes que les autres et soumises aux mêmes risques d'erreurs techniques : variation de la température environnante (l'augmentation de la température extérieure accélère la VS), inclinaison du tube de sédimentation, qua­ lité de l'anticoagulation lors du prélèvement, délai d'achemi­ nement du prélèvement au laboratoire (au delà de 2 heures d'attente, la VS diminue). Seul le résultat de la VS à la fin de la première heure est important, celui de la deuxième heure étant essentiellement destiné à dépister une erreur tech­ nique éventuelle. La valeur normale de la VS est légèrement plus élevée chez la femme que chez l'homme et elle a tendance à aug­ menter avec l'âge. Il existe par ailleurs une association entre l'augmentation de l'indice de masse corporelle (notamment en cas d'obésité) et l'élévation de la VS. Certains auteurs ont proposé comme seuil de normalité une valeur de la VS à la première heure inférieure à la moi­ tié de l'âge (en années) chez les hommes et inférieure à la moitié de l'âge + 10 chez les femmes, cette formule ayant ses limites chez les sujets âgés. Pour la pratique quotidienne, on peut généralement considérer une VS comme normale si elle est : ■  2 heures)

Figure  5.1 Comparaison de la cinétique de la vitesse de sédimentation (VS) et de la protéine C réactive (CRP) au cours d'un syndrome inflammatoire aigu. En début d'inflammation aiguë (2–3  premiers jours), la CRP augmente tandis que la VS est encore normale. En fin d'inflammation aiguë (au delà de la 1re  semaine), la CRP se normalise tandis que la VS est encore accélérée.

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Chapitre 5. Examens biologiques de base en rhumatologie    73 ration de la transferrine habituellement diminués. Elle doit être différenciée d'une anémie par carence martiale ou d'une anémie mixte (tableau 5.2).

Numération formule sanguine (NFS) La NFS ou hémogramme apporte des informations impor­ tantes dans le cadre d'un syndrome inflammatoire. Une polynucléose neutrophile est fréquente au cours des rhumatismes inflammatoires chroniques, des crises de goutte ou de chondrocalcinose, des maladies inflammatoires (telle la maladie de Still), des vascularites et des cryopyrino­pathies. Elle peut aussi témoigner d'une infection bactérienne, fon­ gique ou parfois virale, d'une pathologie tumorale, d'une pathologie hématologique (notamment syndromes myélo­ prolifératifs et myélodysplasies) ou d'un tabagisme. Elle peut enfin être induite par une corticothérapie générale. Une leuconeutropénie est fréquente au cours du lupus érythémateux systémique et du syndrome de GougerotSjögren. En cas de polyarthrite rhumatoïde, elle doit faire rechercher un syndrome de Felty, une leucémie à grands lymphocytes granuleux ou une cause iatrogène (méthot­ rexate, traitement biologique par anti-IL6R). Elle peut aussi témoigner d'une infection virale (CMV, EBV, hépatites, VIH), bactérienne (brucellose, tuberculose, typhoïde ou septicémie à Gram négatif) ou parasitaire (leishmaniose, paludisme) ou d'une hémopathie (habituellement associée à une anémie et/ou à une thrombopénie en cas de myélo­ dysplasie, d'envahissement médullaire ou de myélofibrose). Une thrombocytose est fréquente au cours des rhuma­ tismes inflammatoires chroniques. Elle peut aussi témoi­ gner d'une infection bactérienne, d'une carence martiale ou d'une pathologie hématologique (notamment syndromes myéloprolifératifs et myélodysplasies). Une anémie inflammatoire est fréquente au cours des rhumatismes inflammatoires chroniques. Il s'agit d'une anémie normo- ou microcytaire, normo- ou hypochrome, arégénérative, caractérisée par une ferritinémie habituelle­ ment élevée et une transferrinémie et un coefficient de satu­

Électrophorèse des protéines sériques (EPS) L'EPS est un examen simple qui permet une étude quali­ tative et quantitative des protéines sériques. Elle est fré­ quemment demandée pour explorer une élévation de la VS, notamment pour rechercher une hypergammaglobulinémie d'allure monoclonale ou polyclonale. La séparation et la quantification des 5 fractions des pro­ téines sériques est le plus souvent réalisée par électrophorèse capillaire. En fonction de leurs masses et de leurs charges électriques, on différencie l'albumine et cinq groupes de glo­ bulines esentiellement synthétisées par le foie (α1, α2, β1 et β2globulines) ou par les lymhocytes B matures et les plasmo­ cytes (γ globulines) (tableau 5.3). Dans le cadre d'un syndrome inflammatoire, on peut observer des anomalies des différentes fractions des pro­ téines sériques : ■ une hypoalbuminémie, dont la découverte impose de s'as­ surer de l'absence de dénutrition par carence d'apport ou par hypercatabolisme protéique, de malabsorption, d'en­ téropathie exsudative, d'insuffisance hépato-­cellulaire ou de syndrome néphrotique ; ■ une élévation de la fraction α1 est observée lors d'un pro­ cessus inflammatoire à son début, tandis qu'une augmenta­ tion des α2 évoque un syndrome inflammatoire constitué ; ■ une élévation des ß globulines, dont la découverte tra­ duit le plus souvent une augmentation du taux de trans­ ferrine en cas de carence martiale ou une augmentation ­monoclonale ou plus souvent polyclonale (cirrhose éthy­ lique avec bloc ßγ) des immunoglobulines A (IgA) ;

Tableau 5.2 Principales caractéristiques hématologiques et martiales des anémies inflammatoires, par carence martiale ou mixtes. Anémie inflammatoire

Anémie par carence martiale

Anémie mixte

Hémoglobine VGM⁎ CCMH⁎

N ou ou N

ou N

Fer sérique Ferritine

ou N ou N ou

Transferrine

ou N

ou N ou

CST⁎ RsTf⁎ Albumine Marqueurs inflammatoires ⁎

N ou N

N

ou N

N

VGM : volume globulaire moyen ; N : normal ; CCMH : contenu corpusculaire moyen en hémoglobine ; CST : coefficient de saturation de la transferrine ; RsTf : récepteurs solubles de la transferrine.

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74   Partie I. Rhumatologie pratique Tableau 5.3 Principales protéines présentes dans les différentes fractions de migration de l'électrophorèse des protéines sériques. Fraction de migration

Valeurs normales

Principales protéines sériques

Albumine

33 à 50 g/L



α1-globulines

1,5 à 4 g/L

α1-antitrypsine Orosomucoïde α1-antichymotrypsine

α2-globulines

6 à 10 g/L

α2-macroglobuline Haptoglobine Céruléoplasmine

ß1- et ß2-globulines

6 à 13 g/L

Transferrine Fraction C3 du complément ß − lipoprotéines IgA

γ globulines

7,5 à 16 g/L

IgA, IgM, IgG

■ une hypergammaglobulinémie polyclonale, pouvant s'intégrer dans le cadre d'une polyarthrite rhumatoïde, d'un lupus érythémateux systémique, d'un syndrome de Gougerot-Sjögren ou d'une autre connectivite, mais aussi dans le cadre d'une infection chronique, d'une hépatite chronique ou d'une affection tumorale. Un pic d'aspect monoclonal, dont la clonalité est confirmée par l'immu­ nofixation sérique, pouvant révéler une gammapathie de signification indéterminée, un myélome multiple, une amylose AL, un lymphome malin non hodgkinien, une leucémie lymphoïde chronique, une maladie de Waldenström ou un plasmocytome solitaire.

Examens biologiques basiques des maladies auto-immunes Quelques examens à visée immunologique sont systéma­ tiques chez un patient consultant pour des douleurs arti­ culaires à caractère inflammatoire et/ou des gonflements articulaires. Il s'agit de la recherche de facteurs rhuma­ toïdes (FR), d'anticorps anti-protéines citrullinées (ACPA) et d'anticorps antinucléaires (ACAN). La recherche d'anticorps anti-ADN natif et d'anticorps anti-antigènes nucléaires solubles (ENA) est réalisée en cas de positivité de la recherche d'ACAN. La recherche d'anticorps anticy­ toplasme des granulocytes (ANCA) est uniquement deman­ dée en cas de signes cliniques orientant vers une vascularite.

Facteurs rhumatoïdes (FR) Les FR sont des immunoglobulines le plus souvent de classe IgM, ayant une activité anticorps dirigée contre des immunoglobulines animales ou humaines de classe IgG. Les tests historiques de détection des FR étaient basés sur le pouvoir agglutinant des IgM, vis-à-vis de globules rouges de mouton sensibilisés par un sérum de lapin antiglobules rouges de mouton (réaction de Waaler-Rose) ou vis-à-vis de particules de polystyrène recouvertes d'IgG humaines (test au latex).

Ces tests historiques ont été remplacés par de nouvelles techniques ayant une meilleure sensibilité et une meilleure spécificité : néphélométrie laser ou test ELISA, avec des résultats quantifiés en unités internationales et un seuil de positivité établi et validé en fonction du test utilisé. La sensibilité des FR est de l'ordre de 60 à 80 % dans la polyarthrite rhumatoïde. Les FR sont habituellement pré­ sents dès les premiers signes cliniques de la maladie. La positivité des FR peut précéder l'apparition des signes cli­ niques de plusieurs années. Les FR ne se positivent ensuite que chez une faible proportion de patients ( 90 %). La positivité du FR peut aussi être observée au cours d'infections bactériennes (endocar­ dite infectieuse, syphilis), mycobactériennes (tuberculose, lèpre), virales (infections à virus Influenzae, EBV, VHB, VHC…) ou parasitaires (leishmaniose) ; d'hémopathies lymphoïdes (maladie de Waldenström, leucémie lymphoïde Tableau 5.4 Situations au cours desquelles des facteurs rhumatoïdes (FR) peuvent être identifiés. Situations au cours desquelles des FR peuvent être identifiés

Fréquence des FR

En l'absence de toute pathologie • Sujet de moins de 30 ans • Sujet de 30 à 70 ans • Sujet de plus de 70 ans

 90 %) de PNN d'aspect altéré. Mais l'examen cytologique révèle parfois des aspects particuliers qui, dans certains cas, peuvent posséder une valeur d'orientation diagnostique : ■ liquide à prédominance lymphocytaire, ■ liquide avec cellules mononucléées non lymphocytaires : ce sont surtout les liquides monocytaires, ■ liquide avec ragocytes. Les ragocytes sont des cellules contenant des inclusions cytoplasmiques périphériques en « grain de raisin ». Un nombre important de ragocytes (plus de 30 %) pourrait orienter vers un diagnostic de PR, mais se voit aussi dans toute arthrite inflammatoire ou microcristalline, ou une infection. ■ liquide avec présence d'inclusions chlamydiennes évocatrices d'un syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter.

Recherche de microcristaux La présence de cristaux doit systématiquement être recherchée. Leur situation intracellulaire leur confère une grande valeur diagnostique. Deux types de cristaux sont fréquents.

Cristaux d'urate de sodium Allongés (20 μ), étroits, en forme d'aiguille, biréfringents en lumière polarisée, dissous par l'uricase. Ils se voient au cours de la goutte.

Sa viscosité

Cristaux de pyrophosphate de calcium

Un liquide mécanique possède une viscosité importante, bien que moindre que celle d'un liquide normal : le liquide fait un fil quand on le laisse couler ou bien une goutte déposée entre le pouce et l'index (protégés par un gant) forme un fil de plusieurs centimètres. À l'inverse, un liquide inflammatoire possède une viscosité diminuée : le liquide coule goutte à goutte.

Autres cristaux

Examen cytologique Il doit être effectué dans les plus brefs délais. Si le liquide doit attendre avant d'être analysé (au delà de 2 à 3 heures), il est préférable de le conserver à 4 °C. Deux analyses peuvent être demandées :

Numération cellulaire ■ liquide normal  : moins de 200  cellules/mL, absence d'hématie,

Courts et parallélépipédiques, peu biréfringents, dissous par l'EDTA. Ils se voient au cours de la chondrocalcinose. Ils sont plus rares et plus difficiles à mettre en évidence. Ils ne peuvent être tous tenus pour responsables du déclenchement d'une arthrite microcristalline. Ce sont : ■ les cristaux d'apatite (trop petits et amorphes, ils ne sont pas vus en microscopie optique, sauf par coloration au rouge alizarine). Ils se voient essentiellement dans des arthroses avancées ou destructrices rapides. ■ les cristaux d'oxalate de calcium se voient dans les oxaloses primitives (maladie génétique) ou secondaires à une malabsorption digestive des graisses et des oxalates alimentaires [6], ou chez les dialysés chroniques. ■ les cristaux de cholestérol ou de corticoïde dans les semaines suivant une infiltration intra-articulaire.

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Chapitre 7. Analyse du liquide synovial    87 D'autres causes plus rares sont à l'origine d'une hydarthrose de nature mécanique : ■ une ostéochondrite, ■ une chondromatose synoviale primitive, ■ une ostéonécrose aseptique (hanche, genou, épaule), ■ une algodystrophie, ■ une fracture de fatigue sous-chondrale, ■ une lésion méniscale ou une instabilité articulaire par lésion ligamentaire. La radiographie standard peut faire le diagnostic de certaines de ces étiologies, à un stade avancé, mais elle peut être normale au début. L'IRM trouve là une de ses meilleures indications.

Étude bactériologique Elle doit être systématique (+++). Après prélèvement, le liquide doit être amené au laboratoire de bactériologie dans les plus brefs délais.

Étude biochimique Le dosage des protéines n'apporte pas d'élément supplémentaire et n'est pas nécessaire. Un liquide « inflammatoire » aurait un taux de protides supérieur à 40 g/L, un liquide « mécanique » inférieur à 40 g/L.

Études immunologiques Ces dosages immunologiques (complément, populations lymphocytaires…) sont surtout réalisés dans le cadre de protocoles de recherche clinique.

Liquide inflammatoire (> 2 000 éléments/ mm3, > 50 % de PNN) Le liquide est septique ou susceptible de l'être

Diagnostic étiologique (figure 7.1)

Le diagnostic d'arthrite septique (voir chapitre 24 est toujours évoqué et ce d'autant que le liquide est trouble, le sujet fébrile ou qu'est découverte une porte d'entrée éventuelle à un germe. Étude au microscope après coloration de Gram et mise en cultures s'imposent. La preuve de l'absence d'infection sera probable par la négativité des cultures du liquide articulaire après 24 à 48 heures. Il faut cependant connaître

Liquide mécanique ( 60 ans, syndrome biologique inflammatoire) Causes médicamenteuses Causes ostéo-articulaires • douleurs cervicales (toute pathologie de la colonne cervicale, malformations de la charnière occipitale…) • syndrome algo-dysfonctionnel de l'articulation mandibulaire (SADAM) Autres causes • trauma crâniens (≈ 4 % des céphalées secondaires) • tumeurs ou abcès cérébraux (50 % présentent une céphalée d'apparition progressive) • hypertension intracrânienne idiopathique (jeunes femmes obèses) • glaucome aigu • hypotension du LCR (dont syndrome post-PL) (simplifiée d'après IHS [International Headache Society]. International classification of cephalalgia (3rd ed.). Cephalagia, 2013, 33 : 629-808).

1

(trigger points), de quelques millimètres carré, peuvent être spontané­ment douloureux (« actif ») ou ne l'être qu'à la palpation (« latent »). Ils se situent au sein d'un muscle contracté, formant un cordon tendu (taut band) palpable. Une tape sur ce muscle entraîne sa contraction locale. Sa palpation entraîne une douleur référée plus ou moins éloignée de ce muscle et répond à des schémas codifiés et reproductibles (figure 8.3). Cette douleur référée est le plus souvent unilatérale, du côté du trigger point, sourde, mal localisée et profonde, à type de tension, de constriction ou de crampe, de début et d'intensité variables, continue ou intermittente, présente au repos ou seulement à l'activité, et peut s'accompagner de paresthésies, de picotements, de brûlures. Des critères diagnostiques [15], exclusivement cliniques, ont été proposés (tableau 8.5), auxquels peuvent s'ajouter

une faiblesse musculaire ou une fatigabilité musculaire à l'effort, ainsi que des signes neurovégétatifs : sensation de froid, sudation, horripilation et – lorsque le syndrome est localisé à la tête et au cou – larmoiement, acouphènes, vertiges, troubles de l'équilibre. Cependant, la fiabilité de cet examen clinique est sujette à caution et nécessite des études supplémentaires de meilleure qualité et un consensus international sur ces critères. L'existence même de ce syndrome est contestée par certains [16]. En pratique, le constat d'un cordon tendu et la reproduction de la douleur spontanée par la pression du point gâchette en son sein semblent les signes cliniques les plus caractéristiques. Ce syndrome peut être associé à plusieurs pathologies douloureuses qu'il vient aggraver : céphalées de tension, SADAM (syndrome algodysfonctionnel de l'appareil manducateur ou dysfonctionnement musculo-squelettique de l'articulation temporo-mandibulaire), cervicalgies, lombalgie, douleur pelvienne, fibromyalgie. Dans ce dernier cas cependant, les douleurs sont plus diffuses, alors que le syndrome myofascial est localisé.

La physiopathologie est conjoncturelle Des taux élevés de neuropeptides (substance P), de catécholamines (noradrénaline) et de cytokines pro-inflammatoires ont été retrouvés dans les points gâchettes. Certaines études électrophysiologiques ont noté une activité électrique spontanée, attribuée à une augmentation des potentiels de la plaque motrice et une libération d'acétylcholine excessive au niveau de ces points qui induirait une libération continue de calcium, responsable d'une contraction des sarcomères. La persistance de ce phénomène engendrerait un cercle vicieux, initié par une hypoxie dont la conséquence serait la libération de substances vasoactives et algogènes responsables d'une sensibilisation locale des nocicepteurs. Cette hypoxie causerait aussi un déficit de production d'ATP, source d'énergie nécessaire à la recapture du calcium, calcium qui ne reviendrait pas dans le reticulum sarcoplasmique.

Névralgies cervico-brachiales Elles sont habituellement caractérisées par l'existence d'un syndrome rachidien cervical, d'un syndrome monoradiculaire et par l'absence de signes généraux, de signes neurologiques aux membres inférieurs (en dehors des cas avec myélopathie cervicarthrosique associée), de syndrome inflammatoire biologique ou de signes radiologiques sur les radiographies simples du rachis cervical, en dehors de banals signes de cervicarthrose. Les NCB communes d'origine cervicarthrosique concernent surtout le sujet de plus de 40 ans. Les NCB communes d'origine discale concernent surtout le sujet jeune. Au trajet radiculaire décrit par le malade, à l'examen neuro­logique, viennent s'ajouter des manœuvres spécifiques qui ont toutes pour but d'affirmer cette NCB et la différencier d'autres affections de voisinage, dont les pathologies tendineuses de l'épaule.

Manœuvre de Valsalva Pratique : expiration forcée sur glotte fermée, nez pincé. Elle peut réveiller la douleur radiculaire.

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Chapitre 8. Cervicalgie et névralgie cervico-brachiale    97

Figure 8.3 Syndrome myofascial de la tête et du cou. Source : d'après Giamberardino MA, Affaitadi G, Fabrizio A et al. Myofascial pain syndromes and their evaluation. Best Practice Res & Clin Rheum, 2011, 25 : 185-98.

Tableau 8.5 Critères diagnostiques du syndrome myofascial. Critères majeurs

Douleur localisée spontanée Douleur spontanée dans l'aire de projection du point gâchette (douleur référée) Un cordon musculaire tendu Un point douloureux exquis au sein de ce cordon tendu reconnu par le malade comme sa douleur habituelle Un certain degré de limitation d'amplitude articulaire

Critères mineurs

Reproduction de la douleur spontanée à la palpation du point gâchette Mise en évidence du point gâchette par une pichenette transversale sur le muscle ou sa puncture avec une aiguille Amélioration de la douleur par étirement du muscle ou injection dans le point gâchette

Diagnostic si 5 critères majeurs + au moins un critère mineur Source : Simons DG, Travell JG, Simons LS. Travell & Simons' myofascial pain and dysfunction. The trigger point manual. 2nd ed., 1 vol. Williams & Wilkins, Baltimore, 1999.

Signe de la sonnette Il consiste à appuyer de part et d'autre du cou, sur la face antérolatérale, à l'émergence des racines. Positif, la pression reproduit la douleur traçante spontanée dans le membre supérieur.

Manœuvre de mise en tension du plexus brachial Ou upper limb tension test A, équivalent de la manœuvre de Lasègue au membre supérieur. Elle réveille la douleur radiculaire lors de la mise en abduction, rétropulsion et rotation externe du bras, combinée à une supination de la main et

à une extension de la main et des doigts. Le test est positif s'il reproduit la douleur spontanée du patient ; l'inclinaison controlatérale du cou augmente les symptômes, l'inclinaison homolatérale les diminue (sensibilité = 50 % ; spécificité = 86 %). Si le upper limb tension test A (ULTT) est le plus classique, il existe en fait plusieurs variantes qui visent à tester plus spécifiquement tel ou tel nerf [17] (tableau 8.6). La reproductibilité inter-observateur de ces tests est moyenne (Kappa ≈ 40 à 50 %).

Manœuvre de Spurling Décrite en 1944 par Spurling et Scoville, la manœuvre originale était développée pour différencier une NCB d'autres douleurs de voisinage dues à une atteinte plexulaire, une pathologie tendineuse de l'épaule. Cette manœuvre consistait, sur un malade assis, à incliner latéralement sa tête et à appliquer une compression axiale sur son crâne de l'ordre de 7 kg. Elle augmente la pression foraminale et intradiscale et diminue la taille du foramen [18]. La manœuvre est positive si elle reproduit la douleur radiculaire spontanée. Plusieurs variantes ont été proposées qui combinent, de façon variable, inclinaison latérale, extension, rotation et compression axiale. La sensibilité du test est variable selon les auteurs mais plutôt faible (≈ 30 %), alors que la spécificité est toujours élevée (≈ 93 %) [19]. On augmente la sensibilité en combinant inclinaison latérale, rotation homolatérale et extension. On peut encore sensibiliser le test en ajoutant la compression axiale dans un second temps [20]. Anatomiquement, la pression axiale sur le sommet du crâne peut orienter le diagnostic : la pression en flexion explore plus particulièrement les disques, la pression en extension explore les arcs postérieurs et la pression en latéroflexionrotation explore la zone uncovertébrale et foraminale. En pratique, l'examen clinique se fait en deux temps : ■ patient en position assise : – examen neurologique, – manœuvre de Valsalva, – signe de Spurling ;

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98   Partie II. Pathologies du rachis

Tableau 8.6 Les tests neurodynamiques du membre supérieur. Test

1re étape

2e étape

3e étape

4e étape

5e étape

ULTT 1

scapula fixée

abduction épaule

extension poignet

supination

rot. ext. épaule extension coude

médian

ULTT 2a

abaissement scapula

extension coude

rot. ext. épaule supination

extension poignet

médian

ULTT 2b

abaissement scapula

extension coude

rot. int. épaule

flexion poignet abduction épaule

ULTT 3

poignet extension

pronation

flexion poignet rot. ext. épaule abaissement scapula

pronation

6e étape

abduction épaule

abduction épaule

Nerf interrogé

radial ulnaire

Si l'upper limb tension test A (ULTT) est le plus classique, il existe en fait plusieurs variantes qui visent à tester plus spécifiquement tel ou tel nerf [17]. La reproductibilité inter-observateur de ces tests est moyenne (Kappa ≈ 40 à 50 %).

■ patient allongé : – mise en tension du plexus brachial (upper limb tension test), – mobilisation du cou, – traction sur le rachis cervical.

Myélopathies cervicales. Canal cervical étroit/rétréci [21] Elles se voient surtout après 55 ans, sont à prédominance masculine et responsables de 25 % des cas de compression médullaire cervicale. Elles associent : ■ un syndrome lésionnel d'étage : faiblesse et paresthésies des mains. La NCB a une valeur localisatrice majeure, ■ un syndrome sous-lésionnel avec troubles moteurs : irritation pyramidale, spasticité des membres inférieurs et troubles de la marche (fatigabilité et claudication indolores, jusqu'à la paraplégie), troubles sensitifs (syndrome cordonal postérieur) et sphinctériens (rétention ou incontinence). Les causes sont multiples : arthrose cervicale avec barre ostéophytique postérieure, hernie discale, canal cervical étroit congénital ou rétréci, ossification du ligament vertébral commun postérieur (Japanese disease) souvent dans le cadre d'une hyperostose vertébrale ankylosante (voir chapitre 11).

Insuffisance vertébro-basilaire Sa forme aiguë, neurologique, est rare, souvent d'origine athéromateuse de l'artère vertébrale, et se manifeste par des accidents transitoires : syndrome vestibulaire (vrai vertige, troubles auditifs), accidents moteurs transitoires avec chute sur les genoux (drop-attacks), manifestations oculaires (hémianopsie) ou des accidents durables (syndromes alternes du tronc cérébral  : syndrome de Wallenberg). L'examen doppler peut montrer une sténose de l'artère vertébrale en rapport avec une ostéophytose ou une uncodiscarthrose. Sa forme chronique (syndrome de Barré-Liéou), dont l'existence même est très discutée, associerait céphalées, douleurs frontales sus-orbitaires, sensations vertigineuses, acouphènes, troubles visuels (« mouches volantes »), tous symptômes d'intensité modérée mais pénibles et chroniques. Cette richesse symptomatique contraste avec la pau-

vreté des signes cliniques. Ces troubles persistent des mois ou des années, mais peuvent disparaître spontanément.

Quelques causes rares de cervicalgies Syndrome de « la dent couronnée » Cervicalgie aiguë fébrile par dépôt de pyrophosphate de calcium dans les structures cartilagineuses ou fibrocartilagineuses autour de l'odontoïde (voir chapitre  27, « Chondrocalcinose »).

Calcification tendineuse apatitique du muscle long du cou (en avant des vertèbres cervicales) Ici aussi, cervicalgie aiguë fébrile et raideur associées à une dysphagie sont à différencier d'un processus infectieux. Le scanner montre la calcification invisible sur la radiographie standard [22].

Syndrome d'Eagle (Eagle, 1949), ou syndrome de l'apophyse styloïde longue Processus osseux conique situé à la face inférieure de la mastoïde, la styloïde mesure moins de 2,5 cm de long. Elle donne attache au bouquet de Riolan (ligaments stylo-­hyoïdien et stylo-mandibulaire, muscles stylo-glosse, stylo-pharyngien, stylo-hyoïdien). Dans 4 % des cas, sa longueur peut être supérieure, donnant pour un petit pourcentage de cas, en cas de calcification ou d'ossification du ligament stylo-hyoïdien, une symptomatologie locale essentiellement oropharyngée, mais parfois accompagnée de cervicalgies [23].

Dissection de l'artère vertébrale Son seul symptôme prémonitoire peut être une cervicalgie (encadré 8.1, tableau 8.7).

Torticolis nasopharyngien (syndrome de Brisel) De début brutal, il se voit chez l'enfant (surtout les filles) après une infection ORL, témoin d'une luxation C1-C2 et guérit le plus souvent en une semaine.

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Chapitre 8. Cervicalgie et névralgie cervico-brachiale    99

Encadré 8.1 La dissection de l'artère vertébrale [46] Principale cause d'accident vasculaire cérébral du sujet jeune, son incidence annuelle est estimée à 1 à 1,5  cas/100 000, soit 2  % des accidents vasculaires cérébraux ischémiques. La déchirure de l'intima permet la pénétration du sang dans la paroi artérielle formant un hématome qui vient soit obstruer la lumière vasculaire (quand il est sous-intimal), soit former un anévrisme (lorsqu'il siège dans l'adventice). Cette déchirure initiale de la paroi artérielle peut être favorisée par des maladies touchant le tissu conjonctif telles l'Ehlers-Danlos type  IV, le syndrome de Marfan ou l'ostéogenèse imparfaite ou par des étirements vasculaires brutaux (hyperextension ou rotation brutale du cou, peindre un plafond, tousser, vomir…). Les manœuvres cervicales ostéopathiques peuvent être incriminées  : 1 cas sur 20 000 manipulations cervicales [48, 49], mais une fois sur 4 une maladie des tissus conjonctifs sous-jacente était notée [50]. La migraine pourrait être un facteur de risque de dissection [51]. D'un point de vue clinique, certaines dissections peuvent rester asymptomatiques. Le plus souvent, des signes précurseurs de l'AVC peuvent être dépistés et permettre de traiter avant l'ischémie cérébrale (voir, tableau 8.7) : vertiges, céphalée hémi-crânienne pulsatile ou non, cervicalgies basses. Plus rarement sont notés : une ataxie, des troubles visuels, des nausées ou vomissements, un nystagmus, un syndrome de Claude Bernard-Horner, une atteinte des paires crâniennes, une dysphagie ou des acouphènes. L'échographie à ce stade montre la diminution du flot vasculaire. Dans les heures ou les jours suivants les signes ischémiques apparaissent dans près de 2/3 des cas : soit accident ischémique transitoire, soit accident vasculaire cérébral (syndrome médullaire de Wallenberg ou atteinte plus haute, thalamique, du cervelet ou des hémisphères). L'IRM montre la sténose ou l'anévrisme, le plus souvent dans le segment distal de l'artère, au niveau de C1 ou C2 qui peut s'étendre dans la partie intracrânienne. Le pronostic est fonction de l'étendue de l'ischémie et de la circulation collatérale. Les décès sont  96 %).

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Chapitre 8. Cervicalgie et névralgie cervico-brachiale    101 Les épicondylalgies peuvent mimer une NCB C6. Les douleurs provoquées à la palpation de la région épicondylienne et lors des manœuvres de contraction contrariée des muscles épicondyliens redressent facilement le diagnostic. Le diagnostic différentiel avec une algodystrophie du membre supérieur, à l'occasion d'un syndrome épaule-main, ne pose en principe pas de problème.

Affections neurologiques Le syndrome de Parsonage et Turner débute par une douleur intense du moignon de l'épaule pouvant mimer une NCB C5 hyperalgique. Une paralysie amyotrophique du moignon de l'épaule s'installe rapidement. Un contexte post-­infectieux ou post-vaccinal est fréquent. Les syndromes du défilé cervico-thoraco-brachial et la pathologie du creux sus-claviculaire dans le cadre d'un syndrome de Pancoast et Tobias ou d'une plexite postradique peuvent mimer une NCB C8/D1. Le syndrome du canal carpien peut mimer une NCB C6, et le syndrome du canal de Guyon une NCB C8. L'association de ces deux types de pathologies est toujours possible. L'électromyographie garde ici tout son intérêt pour faire la part des choses.

Traitement Toutes les revues générales et méta-analyses concernant les différents traitements des cervicalgies non spécifiques concluent invariablement sur le faible nombre et la médiocre qualité des essais thérapeutiques contrôlés publiés, interdisant la plupart du temps de tirer des conclusions claires, appuyées sur la médecine fondée sur les preuves. Nos indications thérapeutiques sont donc largement empiriques. Il semble que des traitements combinés fassent mieux que chacun pris séparément, ce que la pratique quotidienne nous incitait déjà à croire.

Cervicalgies aiguës communes Repos, éventuelle immobilisation par collier cervical 4, antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), traitement physique sédatif (hydrobalnéothérapie, électrothérapie, ultrasons, infrarouges, parafango) sont les bases de la prise en charge et suffisent à traiter beaucoup de cervicalgies qui vont guérir rapidement.

Cervicalgies chroniques En première intention, les traitements précédemment cités sont à mettre en œuvre, s'ils ne l'ont pas été. - - - -

4

Selon le degré de contention désiré, on peut utiliser : le collier mousse léger, facile à dissimuler (type C1), le collier mousse renforcé (type C2), le collier simple réglable en polyéthylène (type C3), le collier avec appui occipito-mentonnier (type C4). Dans tous les cas, le collier ne doit pas mettre la colonne cervicale en extension, position qui réduit le diamètre du canal et du foramen.

Rééducation Elle trouve là tout son intérêt. C'est en matière d'exercices qu'on trouve le plus de preuves d'une certaine efficacité [28].

Massages Pincé-roulé des infiltrats cellulalgiques, pressions locales des contractures, pétrissage des trapèzes, frictions lentes au niveau des insertions, étirements progressifs des masses musculaires, massage des points douloureux crâniens et du visage, massages réflexes transversaux du rachis cervico-dorsal.

Rééducation de la mobilité Mobilité passive associée souvent aux massages, d'abord analytique puis globale sur l'ensemble du rachis cervical et la ceinture scapulaire (dont la scapula).

Rééducation musculaire En phase algique : apprentissage du verrouillage cervical en position neutre. Ensuite, renforcement isométrique des muscles cervicaux en force et en endurance. Enfin, adaptation dynamique positionnelle et gestuelle (par exemple méthode des diagonales de Kabat) et rééducation proprioceptive de renforcement des muscles paravertébraux et adaptation posturale.

Crénothérapie Elle peut être un traitement d'appoint. La cure thermale peut être le lieu adéquat pour une prise en charge rééducative suivie.

Manipulations Il est difficile de se faire une opinion raisonnable sur cette pratique très décriée et très pratiquée. Leur supériorité par rapport aux autres traitements n'est pas démontrée, mais les malades s'en disent satisfaits [28–30]. Leurs indications et contre-indications sont discutées. Selon Maigne [32], elles seraient indiquées dans les cervicalgies communes subaiguës type dérangement intervertébral mineur, alors qu'elles sont inutiles car peu efficaces dans les formes chroniques arthrosiques et qu'elles sont dangereuses dans les formes aiguës avec raideur et contracture importante. Elles sont plutôt contre-indiquées dans les NCB récentes. Elles doivent respecter la règle de la non-douleur et du mouvement libre.

Effets secondaires Des dissections de l'artère vertébrale sont rapportées (voir, encadré 8.1). Sur une longue série de patients bien sélectionnés, une enquête auprès des membres de la Société Médicale Suisse de Médecine Manuelle calcule le risque neurologique (complications radiculaires, voire médullaires) de 1 cas pour 16 716 manipulations cervicales [33]. Plusieurs publications rapportent de telles complications mais l'incidence ne peut être calculée [34]. Elles semblent globalement rares, mais les complications rapportées sont graves et posent la question

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102   Partie II. Pathologies du rachis d'un suivi après manipulation cervicale. De plus, des manifestations plus discrètes et résolutives, comme une aggravation transitoire des douleurs, ne sont guère rapportées [35].

rapide des activités personnelles et socioprofessionnelles. Le traitement des NCB déficitaires a pour objectif une récupération aussi complète que possible du déficit moteur.

Chirurgie

Moyens Traitement étiologique des NCB symptomatiques

Dans les cervicalgies communes chroniques, la preuve n'est pas faite qu'elle fasse mieux que le traitement conservateur [36].

Syndrome facettaire Les injections intra-articulaires, les blocs anesthésiques, les neurotomies par radiofréquence ne donnent guère de bons résultats [37].

Syndrome myofascial Le but est de résoudre les contractions locales, de mobiliser les tissus conjonctifs et d'améliorer la vascularisation. Une méta-analyse souligne l'indigence des essais thérapeutiques [38]. Sont proposés : ■ massages, compressions répétées des points gâchettes, étirements musculaires doux, alternance d'étirements et relâchements ; ■ la simple puncture des points gâchettes qui pourrait augmenter l'amplitude articulaire après la puncture [39]. L'injection de ces points par un anesthésique local, du simple sérum physiologique, ne semble pas augmenter l'efficacité. L'injection de toxine botulique dans les muscles douloureux, notamment des triggers points, ne fait pas mieux qu'un placebo comme le résume une revue Cochrane portant sur 503 patients dans 9 essais thérapeutiques [40]. ■ le TENS sur ces points a montré un effet antalgique modéré immédiat ; ■ les preuves d'efficacité des ultrasons sont trop faibles pour qu'on puisse recommander cette thérapeutique [41] ; ■ la pratique d'exercices physiques (étirements, amplitude des mouvements, renforcement musculaire) et corrections de troubles statiques éventuels.

Névralgie d'Arnold Largement empirique, le traitement recourt en première intention aux antalgiques et AINS associés aux traitements physiques, au biofeedback et aux modifications de style de vie, puis aux molécules de la douleur neuropathique, puis à l'infiltration à l'émergence occipitale du nerf (anesthésique local, corticoïdes, toxine botulique toutes injections guidées au mieux par l'échographie [42]), à la radiofréquence pulsée, enfin à la chirurgie (neurolyse, neurostimulation surtout).

Névralgies cervico-brachiales Là encore, la plupart des modalités thérapeutiques restent empiriques et les essais contrôlés sont rares et de qualité médiocre [4, 43].

Buts Le traitement des NCB aiguës a pour objectif principal la disparition des douleurs cervicale et surtout radiculaire, afin d'éviter le passage à la chronicité et de permettre une reprise

Le traitement des NCB symptomatiques repose, en dehors du traitement symptomatique de la douleur, sur le traitement de l'affection causale chaque fois que celui-ci est possible. Nous ne le détaillerons pas ici.

Traitement médical La mise au repos du segment rachidien semble indispensable dans la plupart des cas. Elle peut être partielle (collier cervical rigide, position demi-assise avec discrète surélévation des membres supérieurs) ou subtotale (minerve à appui occipito-mentonnier). Traction cervicale (1/10e du poids du corps) dans l'axe du rachis par un collier de Sayre, 15 à 20 minutes, plusieurs fois par jour et plus si soulagement). Le traitement médicamenteux peut faire appel aux antalgiques des niveaux 1 ou 2 de l'OMS, voire au sulfate de morphine à libération immédiate ou prolongée sur une courte période, en cas de douleurs résistantes aux antalgiques des deux premiers niveaux. Les AINS sont utilisés en première intention pendant 10 à 15 jours. Les glucocorticoïdes sont indiqués en deuxième intention, par voie parentérale (méthylprednisolone) ou par voie orale (prednisone ou prednisolone) pour une durée identique. Des infiltrations locales de corticostéroïdes dans le trou de conjugaison correspondant à la racine symptomatique peuvent être proposées. Elles se font habituellement sous ampli de brillance ou sous contrôle scanographique. Elles sont précédées d'un bilan lésionnel avec imagerie. Les injections épidurales à base de corticostéroïdes sont efficaces en cas de NCB par hernie discale, mais guère en cas de canal cervical étroit ou de cervicalgies post-opératoires [44]. La rééducation fait essentiellement appel à la physiothérapie sédative, voire à des massages doux, ainsi qu'aux tractions cervicales déjà citées. Toute manipulation du rachis cervical doit être proscrite, surtout en cas de NCB aiguë.

Traitement chirurgical Le traitement chirurgical fait essentiellement appel aux discectomies et/ou à l'excision du ou des nodules disco-­ ostéophytiques par voie antérieure trans-discocorporéale, avec ou sans greffe osseuse intersomatique. La prothèse discale, réservée aux atteintes d'un seul étage, donne de bons résultats et préserve la mobilité [45]. Les reculs sont insuffisants pour la proposer en première intention. La voie postérieure est utile pour un abord multi-étages, avec laminectomie ± facettectomie, mais est moins pratique pour atteindre la barre ostéophytique au bord postérieur des corps vertébraux. Toute intervention chirurgicale impose la réalisation préalable d'un bilan lésionnel précis avec imagerie par IRM et électromyographie, afin de confirmer la topographie de la douleur radiculaire et la cohérence du tableau radio-clinique.

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Chapitre 8. Cervicalgie et névralgie cervico-brachiale    103 Il n'existe pas de consensus clairement établi portant sur les indications du traitement chirurgical en dehors des formes rapidement évolutives d'un point de vue neurologique (déficit moteur). La durée du traitement médical avant recours à la chirurgie n'est pas clairement établie, mais pourrait se situer à 6 mois.

Indications NCB aiguës Le traitement médical associe d'abord la mise au repos partiel du segment rachidien (collier cervical rigide), aux antalgiques des niveaux 1 puis 2, aux AINS pendant 10 à 15 jours. En deuxième intention, le traitement reste médical, avec mise au repos subtotal du rachis cervical (minerve à appui occipito-mentonnier et traction cervicale par un collier de Sayre), antalgiques des niveaux 2 puis 3 et glucocorticoïdes pendant 10 à 15 jours. En l'absence d'amélioration, une hospitalisation est souvent nécessaire pour effectuer un bilan lésionnel précis, s'assurer de la mise au repos du rachis cervical, ajuster au mieux le traitement antalgique et envisager une à trois infiltrations locales de corticostéroïdes dans le trou de conjugaison correspondant à la racine symptomatique. NCB chroniques Elles imposent le plus souvent une hospitalisation pour effectuer un bilan fonctionnel, lésionnel, socioprofessionnel et psychologique selon une approche multidisciplinaire. Les différentes mesures médicales décrites dans la prise en charge des NCB aiguës seront mises en œuvre. Un traitement chirurgical ne sera envisagé qu'après trois à six mois de traitement médical bien conduit si les conditions suivantes sont réunies : douleur de topographie radiculaire précise, concordance anatomoclinique, caractère invalidant de la douleur et de son retentissement fonctionnel. NCB déficitaires L'abolition d'un réflexe, l'existence de troubles sensitifs ou d'une légère diminution de la force musculaire ne modifie pas les indications thérapeutiques. En revanche, l'existence d'un déficit moteur marqué (testing musculaire ≤ 3) impose une hospitalisation, un bilan lésionnel et un avis neurochirurgical en urgence.

Résultats Le traitement médical bien conduit permet la guérison de plus de 95 % des NCB aiguës en 4 à 6 mois [5]. Le pronostic fonctionnel des NCB déficitaires est plus péjoratif, même après décompression neurochirurgicale en urgence. La prise en charge des NCB chroniques doit se faire selon une approche multidisciplinaire afin d'en améliorer les résultats.

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9

Chapitre

Lombalgies Bernard Mazières PLAN DU CHAPITRE Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Examen clinique du patient lombalgique : éléments de sémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tableaux cliniques de la lombalgie . . . . . . . . .

105 107 108

Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Moyens thérapeutiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . Et la prévention ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

On parle de lombalgie (synonymes : mal de dos, mal de reins, lumbago, tour de reins, blocage lombaire) devant une douleur de la région lombaire (entre la 12e cote et le pli fessier), pouvant irradier dans les fesses ou à la face postérieure des cuisses sans dépasser les genoux. Au-delà, il s'agit de radiculite (sciatique et cruralgie). De loin la plus fréquente des manifestations ostéo-­ articulaires, la lombalgie n'est qu'un symptôme, ce qui explique ses imprécisions anatomiques, ses incertitudes physiopathologiques, sa complexité étiologique, son imprévisibilité évolutive et ses difficultés de prise en charge. Pragmatiquement, on classe les lombalgies : ■ selon leur durée d'évolution : lombalgie aiguë ( 60 ans avaient des CLE radiologiques. L'histoire naturelle reste mal connue avec des études rapportant que la moitié des patients reste stable cliniquement, qu'un quart s'aggrave et qu'un quart s'améliore. Pour un malade donné, l'évolution est imprévisible avec des poussées et des périodes stables. Outre ces modifications anatomiques dégénératives progressives, le CLE a une importante composante dynamique : l'espace disponible dans le canal central diminue en charge et en extension et augmente en distraction axiale et en flexion. Les mêmes modifications surviennent dans le foramen avec une flexion entraînant une augmentation de 12  % et une extension entraînant une diminution de 15 % de la surface. Cela explique l'aggravation de la symptomatologie en extension, à la marche. La limitation du périmètre de marche d'un canal étroit (claudication « neurogène ») ne doit pas être confondue avec une claudication artérielle des membres inférieurs (voir, tableau 9.11). Un questionnaire standardisé a été proposé [88] pour le diagnostic d'un canal lombaire étroit (voir, tableau 9.7).

Traitement Malgré l'impression clinique courante d'une aggravation lente mais progressive des patients avec CLE, l'histoire naturelle des patients non opérés ne confirme pas cette impression. L'évolution de CLE légers à modérés peut être favorable dans 30 à 50 % des cas, mais on connaît moins bien l'évolution naturelle des formes sévères [88]. Traitements antalgiques Comme toujours en matière de douleurs ostéo-articulaires non malignes, le paracétamol est l'antalgique de première intention compte tenu de sa bonne tolérance. Prescrit jusqu'à 3  g/jour, il est compatible avec toute autre médication. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (en respectant leurs contreindications chez des sujets souvent âgés et polymédiqués) sont souvent plus efficaces et mieux tolérés que les antalgiques de palier 2 (morphiniques faibles) ou 3 (morphiniques forts). Traitements physiques, exercices, corset Un programme adapté de thérapie manuelle, d'exercices d'étirement et de renforcement musculaire du rachis et de

la région des hanches a été recommandé, mais peu d'essais contrôlés ont été réalisés. Une étude prospective de 145  patients évalue un programme multimodal (ultrasons, chaleur par infra-rouges, gymnastique et calcitonine sous-cutanée) pendant 4 semaines chez des malades hospitalisés. À la fin du programme, 91 % des patients étaient classés « sans douleur » avec une capacité de marche améliorée de 89 % [90]. Injections épidurales (voir chapitre 50, « Corticothérapie en rhumatologie ») 30 % des injections épidurales sont faites pour CLE. Les revues systématiques sont souvent confuses, mélangeant différents syndromes lombaires (CLE, radiculites, lombalgies discogéniques, etc.) et différentes techniques (avec ou sans guidage fluoroscopique, voie inter-lamaire, trou sacré, foraminale). Globalement, les résultats montrent un bénéfice limité. Une revue conclut à une amélioration (définie par une réduction des symptômes d'au moins 50 %) à court (6 mois) et moyen (1 an) termes [91]. Traitement chirurgical Le principe est simple  : décomprimer les racines nerveuses en élargissant le canal rachidien. En cas de canal étroit par diminution du diamètre central antéropostérieur, apanage des CLE congénitaux le plus souvent, le recalibrage si possible, la laminectomie sinon, restaurent un canal suffisant pour le cul de sac dural. En cas de CLE par diminution du diamètre foraminal et/ ou du diamètre latéral, apanage le plus souvent des CLE acquis, la simple laminectomie doit être complétée par une arthrectomie partielle. La difficulté vient de ce que trop limitée cette arthrectomie est insuffisante et que trop importante elle compromet la stabilité rachidienne. On considère que le risque d'instabilité est net si plus de 30  % des 2  articulaires postérieures ont été enlevé. Ceci est d'autant plus vrai que les lésions responsables du CLE sont bilatérales et touchent plusieurs étages. Pour éviter cette instabilité on peut être conduit à associer une arthrodèse à un ou plusieurs étages à la laminectomie et l'arthrectomie, ce qui alourdit d'autant le geste opératoire. Cependant les études n'ont pas correctement défini quels patients pourraient bénéficier de ces techniques plus complexes. Plusieurs méta-analyses concluent que le succès à long terme de la chirurgie varie de 45 à 72 % selon le critère d'efficacité choisi (possibilité de travailler, symptômes neurologiques, douleur lombaire/radiculaire). Le débat reste ouvert de la supériorité de la chirurgie sur le traitement médical [92], ainsi reste-t-il de bonne pratique clinique de ne proposer l'intervention qu'en cas d'échec d'un traitement médical correctement conduit.

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Chapitre 9. Lombalgies   113

Tableau 9.7 Score diagnostic d'un canal lombaire étroit [d'après 89]. Score diagnostique de CLE

Points

Âge entre 60 et 70 ans

1

Âge > 70 ans

2

Absence de diabète

1

Claudication intermittente

3

Majoration des symptômes en position debout

2

Amélioration des symptômes, penché en avant

3

Symptômes réveillés par la position penchée en avant

–1

Symptômes réveillés par la position penchée en arrière

1

Circulation artérielle périphérique correcte

3

Anomalie du reflexe achilléen

1

Test de Lasègue positif

–2

Un score ≥ 7 a une sensibilité de 92,8 % et une spécificité de 72 % pour le diagnostic de CLE. Source : d'après Konno S, Kikuchi S, Tanaka Y et al. A diagnostic support tool for lumbar spinal stenosis : a self-reported history questionnaire. BMC Musculoskelet Disord, 2007, 8 : 102.

Bien que non évaluée dans un essai contrôlé, l'infiltration intra-thécale de corticoïdes nous semble garder là une de ses dernières indications avant un geste libératoire chirurgical secondaire éventuel. « Modic de type 1 » C'est un concept né de l'IRM [41] qui montre des signaux spécifiques des plateaux vertébraux avec hyposignal en T1 et hypersignal en T2 (figure 9.4) encadrant une disco­pathie dégénérative. Mais l'intérêt vient de ce que ce signal correspond à un tableau clinique plus spécifique, réalisant une « poussée congestive » de discarthrose avec une probable

Figure 9.3 Coupe IRM passant par le disque L2-L3. Canal lombaire étroit. Noter la hernie foraminale, l'hyper-trophie des ligaments jaunes, l'arthrose des articulaires postérieures.

discolyse associée, comme le suggèrent la corrélation (r = 0,81) entre le signal « Modic 1 » et la reproduction des douleurs en discographie [42]. Les douleurs sont permanentes, non liées à un mouvement spécifique, elles réveillent la nuit et sont maximales le matin au lever. Si on dispose de radiographies antérieures, on peut observer une discolyse rapide (pincement discal de plus de 50 % en moins de deux ans). Ce signal « Modic 1 » se voit chez 5 à 20 % des lombalgiques et n'est que rarement observé chez des sujets asymptomatiques, soulignant sa haute spécificité physio­pathologique. Il

Figure 9.4 IRM lombaire. Modic de type 1. De part et d'autre du disque L2-L3, les corps vertébraux sont en hyposignal sur la séquence T1 et en hypersignal sur la séquence T2.

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114   Partie II. Pathologies du rachis peut régresser dans le temps, parallèlement à l'amélioration clinique. Ces données conduisent à définir un cadre relativement homogène au sein des lombalgies communes : la « discopathie active » [43]. Les AINS sont plus efficaces que dans une lombalgie commune autre ­(prescrits par exemple 10 jours par mois, pendant 3–4 mois). Un lombostat rigide porté quelques semaines peut venir à bout des douleurs (associé aux AINS). L'infiltration intra-discale est une possibilité en cas d'échec des traitements précédents (25 mg [1 mL] d'acétate de prednisolone, dose unique) [2]. La chirurgie lombaire peut être envisagée ultérieurement en cas d'échec. Récemment, la découverte de germes anaérobies de faible virulence (Propionibacterium acnes, Corynebacterium) dans les disques herniés prélevés au moment de l'intervention chez ces malades a conduit à un essai contrôlé d'une antibiothérapie avec succès [44]. Une longue controverse s'en est suivie [45], nécessitant confirmations de ces données et de ce traitement.

Syndrome de Baastrup (kissing spine) (figure 9.5) Rare, il s'agit d'une néarthrose inter-épineuse, surtout chez les sujets âgés, avec parfois développement d'une bursite interépineuse, très douloureuse, aggravée par les mouvements d'extension du rachis, soulagée par la flexion [46]. La palpation inter-épineuse en cyphose, malade en pro-­cubitus, coussin sous le ventre, réveille une douleur élective dans l'espace incriminé (signe de l'anneau de clé). La radiographie du rachis lombaire de profil détecte cette néarthrose ; l'IRM montre au mieux la bursite éventuelle (figure 9.5) ; l'infiltration la guérit. Instabilités segmentaires Leur diagnostic radiologique est simple (figure 9.6), leur responsabilité dans la genèse des douleurs plus difficile à affirmer. Les spondylolisthésis dégénératifs ou « pseudo-spondylolisthésis » ont une responsabilité admise dans la lombalgie. Ils touchent surtout l'étage L4-L5 associé à une arthrose des articulaires postérieures au même étage. Sur un fond douloureux

Figure 9.5 Syndrome de Baastrup. A : radiographie ; B : scanner ; C : IRM.

Figure 9.6 Listhésis. A : Spondylolisthésis dégénératif L4-L5 (« pseudo-spondylolisthésis ») ; B : spondylolisthésis L5-S1 par isthmolyse bilatérale.

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Chapitre 9. Lombalgies   115 modéré, des épisodes aigus brefs sont déclenchés par le changement de position, réalisant les « à-coups bloquants douloureux lombaires ». L'infiltration des articulaires postérieures peut soulager utilement, sinon le corset lombaire rigide bien ajusté peut être efficace. Il faut y associer une rééducation des muscles spinaux. Sinon, l'arthrodèse suspendue peut être envisagée si les disques des étages adjacents sont corrects. Le spondylolisthésis par isthmolyse bilatérale (le plus souvent par fracture de fatigue isthmique à l'adolescence), le plus souvent à l'étage L5-S1, est rarement responsable de lombalgie [47], son traitement est plus décevant, le corset lombaire notamment immobilisant mal ce niveau (voir chapitre 12. « Anomalies de la statique rachidienne de l'enfant »). Il est en revanche plus hasardeux de se fier à l'imagerie standard pour d'autres lombalgies. Une fois exclues les pathologies spécifiques suspectées par les red flags, les autres signes radiologiques sont peu spécifiques : la dégénérescence discale est aussi fréquente chez les lombalgiques que chez les non lombalgiques ; sa présence sur la radiographie comme en IRM n'est pas un facteur prédictif de lombalgie. Les hernies de Schmorl et l'épiphysite de croissance, les anomalies transitionnelles (sacralisation de L5, lombalisation de S1), l'arthrose des articulations zygapophysaires sont également peu spécifiques. Lombalgie dans le cadre d'une fibromyalgie La lombalgie peut être au premier plan, mais l'interrogatoire retrouve les autres symptômes : fatigue, troubles du sommeil, autres localisations douloureuses (voir chapitre 33).

Troisième étape : approche bio-psycho-sociale À ce stade, le malade étant toujours douloureux, l'examinateur n'ayant pas trouvé de tableau anatomo-­clinique précis accessible à un traitement défini, se dessine l'ombre du passage à la chronicité. On connaît un certain nombre de facteurs favorisant ce passage. Il est important de les rechercher à ce stade puisqu'ils sont présents dès le départ [48].

Facteurs de risque de passage à la chronicité Certains de ces facteurs sont liés aux conditions de travail et aux habitudes de vie comme le montre une synthèse de 20 études regroupant 10 842 patients [95] : utilisation excessive du dos (manutention de charges, postures prolongées), exposition aux vibrations (conducteur d'engins, pilote d'hélicoptère). La fréquence des lombalgies est associée au niveau d'études. Une explication possible pourrait être le lien entre faible niveau d'études et emplois peu qualifiés avec forte exposition aux lombalgies, ainsi qu'une association à un style de vie à risque (surcharge pondérale, consommation de tabac) [49]. Dans ces cas, les programmes de rééducation associant une composante en milieu de travail facilitent le retour au travail de ces lombalgiques [50]. Facteurs de risque de passage à la chronicité en milieu du travail  [9] : ■ conditions de travail jugées mauvaises, ■ insatisfaction au travail, ■ travail physique dur, ■ stress, ■ contraintes psychosociales, ■ absence de culture de prévention dans l'entreprise, ■ durée de l'arrêt de travail (tableau 9.8), ■ gravité de l'atteinte confirmée par des examens,

■ douleur importante, ■ prise en charge inadaptée, ■ gêne fonctionnelle, ■ inactivité. D'autres facteurs sont dits psycho-sociaux et sont signalés sous le terme de yellow flags ou alertes jaunes [18] (tableau  9.9). C'est ce qu'on appelle une approche Tableau 9.8 Durées de l'arrêt de travail pour lombalgie [96]. Type d'emploi

Type de charge

Sédentaire

Durée de référence 1 jour

Travail physique léger

charge ponctuelle à 90 jours, son but est d'informer le médecin de santé au travail, lequel est en droit (mais sans obligation), après accord du salarié, d'informer l'employeur, ce qui conduit le duo médecin de santé au travail-employeur à entamer une réflexion sur les conditions et modalités de la reprise. Si cette visite de pré-reprise est effectuée moins de 30 jours avant la date de reprise, elle se substitue à la visite de reprise. C'est le bon moment pour envisager une demande de « Travail à temps partiel pour motif thérapeutique » : dès que l'arrêt sera terminé, il sera trop tard ! Cette mesure s'évalue avec le médecin de santé au travail, et, en aval, avec l'entreprise (le « couple » employeur-médecin va évaluer la faisabilité d'une telle mesure). Elle vise à faire le constat d'une reprise de travail à temps complet momentanément impossible, à juger de la nécessité et de l'intérêt d'un « réentraînement » à l'effort exigé par le travail. Elle peut, quand cette mesure est sollicitée dans le cadre d'un arrêt maladie, être un argument solide pour discuter avec le médecin conseil d'une mise en invalidité. C'est une mesure capitale, mais de durée courte (2 à 4 mois en moyenne) qui nécessite une bonne coordination avec le médecin conseil, le médecin de santé au travail et un suivi strict dans l'entreprise assuré par le médecin de santé au travail.

C'est aussi le moment, selon la clinique et l'évolution envisageable (séquelles invalidantes à terme ?), de solliciter auprès de la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées, structure qui a succédé à la COTOREP en 2006), l'octroi d'une « Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé » (RQTH), c'est-à-dire une reconnaissance administrative du handicap ; c'est le moment, car une telle démarche demande du temps administratif (parfois plusieurs semaines), et qu'il faut être « prêt » (le salarié surtout) au moment de la reprise. Précision à destination des médecins traitants : le certificat médical établi (formulaire disponible sur le site MDPH) doit être : lisible, précis, actualisé, documenté, enrichi de tous les apports médicaux complémentaires existants. La visite de reprise Assurée par le médecin de santé au travail, elle est obligatoire après un arrêt en maladie professionnelle (quelle qu'en soit la durée), un arrêt en AT > à 30  jours, un arrêt en maladie > à 30 jours. Elle doit avoir lieu, à la demande expresse (et légalement obligatoire) de l'employeur, devant lequel se présente le salarié dont l'arrêt est terminé.

Résultats de la visite de reprise (voir, figure 9.8) Apte  : reprise au même poste, parfois avec une surveillance particulière demandée par écrit par le médecin de santé au travail. ■ La restriction ou, à plus forte raison, l'inaptitude au poste (la frontière entre les deux formes est tortueuse, fongible, voire évolutive) vont déclencher un compte à rebours qui va s'étaler quelques semaines au plus et, à des degrés variables, déclencher plusieurs types d'interventions dans l'entreprise : ■



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Chapitre 9. Lombalgies   121



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122   Partie II. Pathologies du rachis

– La restriction « légère » définie par le médecin de santé au travail (idéalement éclairé par le médecin traitant) débouche sur des recherches d'aménagement du poste, de mutation, une réduction du temps de travail (dans ce cas, il faut penser au préalable à compenser la diminution de ressource qui s'en suit : invalidité si maladie ? forte rente si AT ?). – Le SAMETH (Service d'Appui au Maintien dans l'Emploi des Travailleurs Handicapés) départemental est l'intervenant extérieur majeur, allié du médecin de santé au travail, agissant avec (et dans) l'entreprise et le salarié. Il peut être alerté par le salarié ou l'employeur (public comme privé) ou le médecin de santé au travail. Dans tous ces cas, la possession (d'où l'anticipation suggérée précédemment) d'une RQTH est un levier majeur. On parle ici d'un statut relevant d'une OETH (Obligation d'Emploi des Travailleurs Handicapés). Ce statut existe chez toute personne possédant une RQTH et/ou une rente (= conséquence d'un AT/MP invalidant) liée à un Taux d'Incapacité Permanente Partielle ≥ 10 %, et/ou l'octroi d'une Pension d'Invalidité (suite à maladie). – À terme : aménagement du poste, mutation dans l'entreprise ou dans un autre site si l'entreprise a une taille telle qu'elle en possède plusieurs (le salarié peut être en droit, motivé, de refuser), formation préalable (plan de formation).

Le licenciement  : la procédure s'enclenche impérativement au plus tard 30  jours après la seconde (s'il y en a eu deux) visite de reprise statuant sur l'inaptitude au poste et le constat qu'il n'existe pas de poste « adapté ». Les relais externes vont être : Pôle Emploi, Cap Emploi (au moins un par département), sorte de « Pôle » n'acceptant que des personnes licenciées titulaires d'une OETH, la MDPH pour une éventuelle formation professionnelle.



Cas particuliers des travailleurs indépendants Contrairement aux salariés, il n'y a pas de service de Santé au Travail (mais un service médical) et pas de service social comme à la CPAM (le S.S. Carsat), la MSA, etc. Ceux devenus « handicapés » (= ouvrant droit à une OETH) peuvent saisir directement le SAMETH (à défaut l'AGEFIPH régionale), qui peut demander au médecin traitant habituel ses propres conclusions en termes de restrictions d'aptitude.

Conclusion Le médecin traitant doit connaître son patient dans le champ du travail (que fait-il ?), doit anticiper, agir tôt et de concert avec le médecin de santé au travail (incontournable), les services sociaux, le médecin conseil, les médecins MDPH.

Figure  9.8 Devenir socioprofessionnel d'un lombalgique. MP  : maladie professionnelle. MDPH  : maison départementale des personnes handicapées.

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Chapitre 9. Lombalgies   123 ■ éliminer la contrainte en modifiant l'activité (réorganisation, changement des modes de fabrication, mécanisation, automatisation), ■ réduire la contrainte en modifiant l'intensité, la durée d'exposition ou par aménagement/ réorganisation de la situation de travail, ■ informer et former les salariés aux risques, aux moyens de les réduire et à la mise en pratique de ces savoirs en situation de travail. Le tout en s'appuyant sur les normes (norme NF X35-109) et réglementations existantes, sur les échelles d'évaluation de l'effort perçu, telle l'échelle de Borg [9]. En 2013, des recommandations françaises ont été édictées concernant les travailleurs exposés à des manipulations de charges [81, 82]. Reste que des modifications manutentionnelles pour prévenir les rechutes ne semblent pas probantes [83, 84] et que le devenir socioprofessionnel d'un lombalgique est tout sauf un long fleuve tranquille (figure 9.8).

Conclusion Le modèle anatomo-clinique (à une douleur, une lésion anatomique) doit toujours être utilisé et décrit au patient, même si les liens existant entre lésions anatomiques et signes cliniques sont faibles. Le modèle environnemental (prise en compte des causes fonctionnelles : utilisation excessive du dos, postures prolongées, expositions à des vibrations par exemple) doit être appliqué ensuite. Mais ce modèle peut être insuffisant pour la prise en charge de ces patients lombalgiques et il faut faire appel au modèle psycho-socio-culturel (liens entre les difficultés de la vie et la lombalgie potentiellement chronique). Toute la difficulté de la démarche étiologique est d'identifier et d'apprécier les causes potentielles de la lombalgie pour adapter le traitement. Les lombalgies ne seront pas guéries par un traitement univoque, mais le démembrement de leurs tableaux cliniques pourra déboucher sur des prises en charge plus spécifiques, plus adaptées et plus efficaces. Au-delà de ces aspects individuels, la lombalgie pose au moins deux questions sociétales majeures [13] : ■ eu égard au coût financier de la lombalgie, le premier enjeu sociétal serait de réduire ce coût en améliorant les pratiques professionnelles, toutes les enquêtes dans différents pays européens montrant une surconsommation de soins : un tiers des ressources dépensées sont considérées comme du gaspillage ; ■ le second enjeu serait de réduire les inégalités sociales de santé eu égard aux caractéristiques sociales et démographiques des personnes atteintes. Pour diminuer les risques d'incapacité au travail chez les salariés lombalgiques, des programmes de réadaptation associant une composante en milieu de travail sont plus efficaces que les approches conventionnelles, mais de tels programmes n'existent pas en France. Ils nécessitent des collaborations inter-organisationnelles structurées associant le secteur de soins, l'assurance maladie et le monde du travail [85].

Références Sur PubMed, à « Low back pain », on obtient environ 150 nouvelles références par mois ! Le lecteur désireux d'approfondir le sujet, sans se noyer dans les détails, trouvera déjà de nombreux renseignements dans les articles généraux suivants : Le kaléïdoscope des lombalgies. 21es Entretiens du Carla. Rev Rhum 2011 ; 78(supplément 2) : 100 pages. [1] Koes BW, van Tulder M, Lin CWC, et al. An updated overview of clinical guidelines for the management of non-specific low back pain in primary care. Eur Spine J 2010 ; 19 : 2075–94. [2] Nguyen C, Boutron I, Baron G, et al. Intradiscal glucocorticoid injection for patients with chronic low back pain associated with active discopathy : a randomized trial. Ann Intern Med 2017 ; 166 : 547–56. [3] Hoy D, Bain C, Williams G, et al. Systematic review of the global prevalence of low back pain. Arthritis Rheum, 2012 ; 64 : 2028–37. [4] Rossignol M, Rozenberg S, Leclerc A. Épidémiologie des lombalgies : quoi de neuf ? Rev Rhum, 2009 ; 76 : 967–72. [5] Hartvigsen J, Nielsen J, Kyvik KO, et al. Heritability of spinal pain and consequences or spinal pain : a comprehensive genetic epidemiologic analysis using a population-based sample of 15328 twins ages 20–71 years. Arthr Rheum, 2009 ; 61 : 1343–51. [6] Heuch I, Hagen K, Heuch I, et al. The impact of body mass index on the prevalence of low back pain. The HUNT study. Spine 2010 ; 35 : 764–8. [7] Dario AB, Ferreira ML, Refshauge KM, et al. The relationship between obesity, low back pain, and lumbar disc degeneration when genetics and environment are considered : a systematic review of twin studies. Spine J 2015 ; 15 : 1106–17. [8] Hancock MJ, Battie MC, Videman T, et al. The role of back injury or trauma in lumbar disc degeneration. An exposure-discordant twin study. Spine 2010 ; 35 : 1925–9. [9] Institut National de Recherche et de Sécurité (Inrs). Travail et lombalgie. Du facteur de risque au facteur de soin. In : Édition INRS 6087 ; 2011. Février, www.inrs.fr. [10] Steffens D, Ferreira ML, Latimer J, et al. What triggers an episode of acute low back pain ? A case-crossover study. Arthritis Care Res 2015 ; 67 : 403–10. [11] Marty M. Épidémiologie des lombalgies. In : Les douleurs lombaires. Institut UPSA de la douleur ; 2015. p. 13–28. Sous la direction de F. Rannou et R. Trèves. Un volume. 297 pages. [12] Menezes Costa  LC, Maher  CG, McAuley  JH, et  al. Prognosis for patients with chronic low back pain : inception cohort study. BMJ 2009 ; 339 : 3829. [13] Fassier JB. Prévalence, coûts et enjeux sociétaux de la lombalgie. Rev Rhum, 2011 ; 78(suppl. 2) : S38–41. [14] Parks KA, Crichton KS, Goldford RJ, et al. A comparison of lumbar range of motion and functional ability scores in patients with low back pain. Spine 2003 ; 28 : 380–4. [15] van Trijffel E, Anderegg Q, Bossuyt PM, et al. Inter-examiner reliability of passive assessment of intervertebral motion in the cervical and lumbar spine : a systematic review. Man Ther 2005 ; 10 : 256–69. [16] Pengel LH, Refshauge KM, Maher CG. Responsiveness of pain, dis­ ability, and physical impairment outcomes in patients with low back pain. Spine 2004 ; 29 : 879–83. [17] Lucas N, Macaskill O, Irwig L, et al. Reliability of physical examination for diagnosis of myofascial trigger points : a systematic review of the literature. Clin J Pain 2009 ; 25 : 80–9. [18] van Tulder M, Becker A, Bekkering T, et al. Chapter 3. European guidelines for the management of acute nonspecific low back pain in primary care. Eur Spine J 2006 ; 15 : S169–91. [19] Henschke N, Maher CG, Refshauge KM, et al. Prevalence of and screening for serious spinal pathology in patients presenting to primary care sittings with acute low back pain. Arthritis Rheum 2009 ; 60 : 3072–80. [20] Pengel LH, Herbert RD, Maher CG, et al. Acute low back pain : systematic review of its prognosis. BMJ 2003 ; 327 : 323–8.

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Radiculalgies du membre inférieur Bernard Mazières PLAN DU CHAPITRE Rappel anatomique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127 Physiopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130

Sciatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131 Cruralgie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137

Les radiculalgies du membre inférieur sont dominées par la sciatique commune et la cruralgie, syndromes douloureux liés à une compression des racines nerveuses, racines L3 ou L4 pour la cruralgie, racines L5 ou S1 du nerf sciatique. Elle est la principale complication des lombalgies communes. Affirmer leur diagnostic est le plus souvent facile et relève de la simple clinique. Certains tableaux sont cependant plus délicats à affirmer et la clinique n'est pas la panacée. Cependant, des règles de conduite simples permettent de résoudre les cas difficiles.

Racine L4 Racine L5 Racine S1

Rappel anatomique La racine L5 sort du canal rachidien par le trou de conjugaison L5-S1 et est irritée en regard du disque L4-L5. La racine S1 sort du canal rachidien par le 1er trou sacré et est irritée en regard du disque L5-S1 (figure 10.1). C'est la dégénérescence du disque intervertébral (voir encadré 10.1, figure 10.2 et 10.3, tableaux 10.1 et 10.2) qui est source de hernie discale.

Hernie foraminale Hernie postéro-latérale Hernie médiane Figure 10.1 Rapports des racines et des disques.

Encadré 10.1 Le disque intervertébral [42] Les disques intervertébraux représentent 1/3 de la hauteur de la colonne lombaire. Leur épaisseur conditionne l'amplitude du mouvement. C'est un fibro-cartilage en forme de lentille biconcave interposée entre les corps vertébraux, qui résiste aux forces de compression et permet des mouvements limités.

Structure et composition du disque intervertébral Le disque intervertébral est constitué de trois parties  (voir, figure 10.2) : ■ le nucleus pulposus, central, constitué d'un gel hydraté de protéoglycanes. Proche d'un cartilage hyalin, il se nourrit par les flux hydriques nés des compressions/décompressions lors Rhumatologie © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

de la mise en charge ; l'annulus fibrosus, périphérique, entoure le nucleus. Il s'apparente à un ligament, essentiellement constitué d'un réseau collagènique organisé en couches successives aux orientations différentes ce qui augmente sa solidité (voir, tableau 10.1). Annulus fibrosus et nucleus pulposus forment un continuum difficilement séparable. Seule la partie la plus périphérique de l'anneau fibreux est innervée et vascularisée, expliquant, d'une part, une relative hypoxie et une nutrition par diffusion à travers la plaque vertébrale et, d'autre part, un isolement du système immunitaire du nucléus ; ■ la plaque vertébrale, enchâssant les deux faces du disque ■

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Chapitre



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128   Partie II. Pathologies du rachis

aux plateaux vertébraux, est un tissu cartilagineux hyalin comparable à celui d'une articulation diarthrodiale, posé sur l'os criblé du plateau vertébral. Le disque est précontraint : la pression hydrostatique du nucleus lui permet de résister à la compression et les lamelles fibreuses de l'annulus de résister au cisaillement (tractions et torsions).

Le vieillissement discal Avec l'âge, la densité cellulaire diminue, notamment dans le nucleus, ce qui réduit la concentration en protéoglycanes et en eau, et diminue le renouvellement des collagènes qui deviennent plus épais, mais moins enchevêtrés. Le processus de glycation rend les tissus plus rigides et plus fragiles aux surcharges. La pression hydrostatique du nucleus diminue, cette zone centrale se rétrécit et les pressions s'exercent plus fortement sur l'anneau fibreux, le faisant bomber comme « un pneu dégonflé », alors que l'épaisseur du disque diminue. Ces modifications sont visibles en IRM et ne traduisent pas un processus pathologique (voir, figure 10.3).

La dégénérescence discale Des fissures de l'anneau fibreux apparaissent dès la 2e décennie, associées à la dégénérescence du nucleus. Celles qui sont radiaires progressent vers la partie postérieure ou postéro-latérale du disque, favorisant la protrusion discale. Expérimentalement, des charges répétées, surtout celles combinant compression et

Vertèbre

Annulus fibrosus

flexion, favorisent la progression de ces fissures et la protrusion du nucleus à travers l'annulus. Par ailleurs, le cartilage de la plaque sous-chondrale est le point faible de la colonne et, sous l'effet de la compression, le noyau peut se hernier à travers lui, donnant la hernie de Schmorl (voir, tableau 10.2). Le passage du vieillissement à la dégénérescence est un continuum, qui commence dès la 2e  décennie et progresse de façon variable selon différents facteurs [43]  : âge, stress mécanique, polymorphisme génétique… Les limites entre annulus et nucleus sont moins précises (dédifférenciation nucléoannulaire). Sous l'effet du stress mécanique, le disque vieilli répartit moins bien les pressions avec des zones en hyperpression et d'autres en hypopression. Le métabolisme des cellules de ces zones est diminué, ne permettant plus de réparer la matrice. Un cercle vicieux s'installe : le stress aggrave les lésions matricielles et diminue la capacité des cellules à réagir. Celles-ci, sous l'effet de diminutions de concentration en oxygène ou en glucose, de la calcification de la plaque vertébrale, de charges anormales, produisent des cytokines pro-inflammatoires, des enzymes de dégradation de la matrice (métalloprotéases), ainsi que des facteurs neurogéniques et angiogéniques. Ces derniers vont favoriser la pénétration de néovaisseaux et de fibres nerveuses vers l'intérieur du disque, mettant en contact le nucleus avec le système circulatoire et ses cellules de l'immunité, qui induiront à leur tour une inflammation locale [44].

Plaque vertébrale

Nucleus pulposus

Figure 10.2 Vue schématique de profil d'un disque intervertébral.

Selon la topographie de la hernie La hernie discale médiane a peu de chance de comprimer les racines compte tenu du diamètre antéro-postérieur maximum à ce niveau, sauf à être volumineuse ; elle peut alors induire une compression bilatérale ou un syndrome de la queue de cheval (6 % des cas). Postéro-latérale, elle comprime la racine sous-jacente (une hernie L4-L5 comprime la racine L5) dans 80 % des cas. Enfin, une hernie foraminale comprime la racine de son étage (une hernie foraminale L4-L5 comprime la racine L4) (figure 10.4).

Figure 10.3 IRM (séquence T2). Vue de profil d'un rachis lombaire chez un homme de 33 ans. Les disques L2-L3 et L3-L4 sont normaux, avec l'hypersignal traduisant une hydratation normale. Les disques L4-L5 et L5-S1 sont en hyposignal, témoin d'une déshydratation.

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Chapitre 10. Radiculalgies du membre inférieur    129 Tableau 10.1 Composition des différentes parties du disque intervertébral. Cellules (proches des chondrocytes)

Tableau 10.2 Les deux types de dégénérescence discale.

Annulus fibrosus

Nucleus pulposus

9 000/mm phénotype « fibroblastique »

3 000/mm phénotype « chondrocytaire »

3

3

Matrice extracellulaire 70 % 20 % • Collagènes (% poids sec) collagène type I ≈ 50 % collagène type I collagène type II ≈ 30 % ≈ 20 % collagène type II 30 % ≈ 50 % • Protéoglycanes ≈ 60 % (% poids sec) de ≈ 90 % (enfant) • Eau 60–70 % à 70 % (sujet âgé) Source : d'après Clouet J, Vinatier C, Meceron C et al. Disque intervertébral : des aspects fondamentaux à l'ingénierie tissulaire. Rev Rhum, 2009, 76 : 959–64.

Dégénérescence par atteinte de la plaque vertébrale

Dégénérescence par atteinte de l'anneau fibreux

Associée à des altérations de la plaque vertébrale (nodules de Schmorl)

Associée à des fissures de l'anneau fibreux

Surtout rachis dorsal et lombaire haut

Surtout rachis lombaire bas

Héritabilité importante

Héritabilité moindre

Souvent avant 30 ans

Rarement avant 30 ans

Faible association avec douleur lombaire

Forte association avec lombalgie/sciatique

Surtout le fait de la compression

Surtout le fait du cisaillement (mouvement d'inclinaison du rachis)

Source : Adams MA, Lama P, Zehra U et al. Why do some intervertebral discs degenerate, when others (in the same spine) do not? Clin Anat, 2015, 28 : 195–204.

Nucleus pulposus Annulus fibrosus

Disque intervertébal normal

HD médiane

HD postéro-latérale

HD foraminale

HD extra-foraminale

Figure 10.4 Schéma des différents types de hernies discales (HD).

Selon la taille de la hernie

Facteur mécanique

Le risque de radiculite est proportionnel à l'importance de la protrusion discale (figure 10.5) : 100 % des hernies exclues et 90 % des hernies trans-ligamentaires sont symptomatiques, alors que seules 22 % des sous-ligamentaires le sont [1].

La compression – par exemple par hernie discale – entraîne un effet mécanique direct sur la racine nerveuse. Les lésions observées ne sont pas seulement proportionnelles à l'intensité de la compression, mais aussi à la rapidité de variation de pression : une compression brutale induit des altérations plus prononcées qu'une compression lente. La traction est aussi un facteur mécanique d'agression radiculaire, mais la sensibilité de la racine à cette traction varie selon le lieu : les portions foraminale et extraforaminale résistent 5 fois plus aux forces de tension que la partie intrathécale.

Physiopathologie Les mécanismes de la souffrance radiculaire ne sont pas univoques et divers facteurs sont intriqués pour rendre compte de la symptomatologie clinique observée.

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130   Partie II. Pathologies du rachis

Ligament vertébral commun antérieur

Ligament vertébral commun postérieur Disque normal

Hernie sous-ligamentaire

Hernie trans-ligamentaire

Hernie exclue Figure 10.5 Différentes tailles de protrusion discale.

Les racines étant plus ou moins adhérentes de part et d'autre du disque intervertébral, une hernie discale entraîne vraisemblablement à la fois une compression au point de contact et un étirement de la racine. Les constations peropératoires confirment le rôle mécanique de la hernie, de même que la spectaculaire disparition de la douleur radiculaire en postopératoire immédiat, lorsque la compression est levée. Le facteur mécanique est cependant insuffisant pour rendre compte à lui seul de la sciatique. Bon nombre d'arguments plaident contre la responsabilité isolée, voire même prépondérante, de ce mécanisme : ■ les modèles expérimentaux montrent qu'il faut une réduction du diamètre du canal rachidien d'au moins 40  % pour induire une réelle pression sur une racine (cependant, le diamètre du canal varie selon les mouvements, notamment en charge et en extension) ; ■ tomodensitométrie et IRM montrent de volumineuses hernies discales chez 20 à 40 % de sujets normaux, sans aucun passé de sciatique [2] ; ■ la sévérité des symptômes n'est pas toujours corrélée à la taille de la hernie ; ■ le malade peut guérir et garder sa hernie discale ; ■ inversement, l'ablation chirurgicale de la hernie ne guérit pas tous les malades.

Facteurs vasculaires et nutritionnels Le facteur compression joue un rôle indirect par interruption de la circulation sanguine dans le tissu nerveux. La conduction nerveuse peut être maintenue même sous forte compression si l'on assure une concentration en oxygène normale, alors que l'on observe une détérioration sous hypoxie, même sans compression. De faibles

niveaux de compression sont capables de réduire la microcirculation intraneurale en interrompant la circulation veineuse et, par voie de conséquence, d'entraîner une stase veineuse. L'autre voie de nutrition du nerf est le liquide céphalorachidien. Des compressions, même minimes, diminuent fortement cette voie nutritive par diffusion. Enfin, la compression induit un œdème de la racine, œdème qui pourra à son tour aggraver la compression.

Facteurs inflammatoires Déjà, l'amélioration constatée sous AINS laisse à penser qu'il existe un processus inflammatoire et la possibilité de voir l'image de la hernie discale se résorber spontanément suggère un processus de cicatrisation. Par ailleurs, les études sur cadavres ont montré que des charges axiales exercées sur un disque sain ne suffisaient pas à induire une hernie postérieure du nucléus pulposus à travers l'anneau fibreux du disque. Il faut que ce dernier soit préalablement fissuré, dégénéré, pour permettre cette herniation. Dès lors, un processus identique à celui observé dans l'arthrose (voir chapitre 29, « Arthrose ») peut se développer (voir, figure 10.5). Lorsqu'il fait saillie dans l'espace épidural, le nucleus pulposus immunogène se comporte comme un corps étranger, sécrète des substances pro-inflammatoires, génère des anticorps. Des études anatomopathologiques de hernies discales opérées montrent un tissu de granulation et des infiltrats mononucléés dans le tissu épidural. Dans le disque intervertébral, diverses molécules (phospholipase A2, prostaglandine E2, cytokines pro inflammatoires [Il-1, Il-6, TNF], oxyde nitrique) ont été détectées, qui sont susceptibles de favoriser la souffrance radiculaire directement (action sur les phospholipides membranaires) ou indirectement (modification du seuil de nociception, sensibilisation de substances algogènes). Ces processus inflammatoires sont surtout nets au début de la maladie. Ils diminuent ensuite en quelques semaines.

Épidémiologie Très fréquente, la prévalence sur la vie de la sciatique commune est estimée à 13 à 40 % [3], elle touche volontiers l'adulte jeune, en période d'activité professionnelle et peut être une maladie professionnelle sous certaines conditions (voir annexe 10.1).

Facteurs de risque Le tabac et un facteur de risque modeste de sciatique (RR : 1,35 ; IC 95 % : 1,09–1,68) et son arrêt réduit partiellement ce risque (RR : 1,09 ; IC 95 % : 1,00–1,19) [4]. La grossesse est une classique pourvoyeuse de sciatique, estimée à 20 % environ [5]. L'indice de masse corporelle est corrélé au risque de sciatique : un suivi sur 20 ans de 1 385 conscrits âgés de 20 ans montre que l'augmentation d'un écart-type de l'indice de masse corporelle accroît le risque de sciatique ultérieure de 26 % [6].

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Chapitre 10. Radiculalgies du membre inférieur    131

Annexe 10.1 Les radiculalgies crurales ou sciatiques par hernie discale (et non les lombalgies isolées) sont inscrites aux tableaux des maladies professionnelles. Tableau 1 : Affections chroniques du rachis lombaire provoquées par des vibrations de basses et moyennes fréquences transmises au corps entier. Désignation des maladies

Délai de prise en charge

Sciatique par hernie 6 mois discale L4-L5 ou L5-S1 (sous réserve d'une durée avec atteinte radiculaire d'exposition de 5 ans) de topographie concordante. Radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5 avec atteinte radiculaire de topographie concordante.

Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies Travaux exposant habituellement aux vibrations de basses et moyennes fréquences, transmises au corps entier : • par l'utilisation ou la conduite des engins et véhicules tout terrain : chargeuse, pelleteuse, chargeuse-pelleteuse, niveleuse, rouleau vibrant, camion tombereau, décapeuse, chariot élévateur, chargeuse sur pneus ou chenilleuse, bouteur, tracteur agricole ou forestier ; • par l'utilisation ou la conduite des engins et matériels industriels : chariot automoteur à conducteur porté, portique, pont roulant, grue de chantier, crible, concasseur, broyeur ; • par la conduite de tracteur routier et de camions monoblocs.

Tableau 2 : Affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle habituelle de charges lourdes. Désignation des maladies Délai de prise en charge

Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies

Sciatique par hernie 6 mois discale L4-L5 ou L5-S1 (sous réserve d'une durée avec atteinte radiculaire d'exposition de 5 ans) de topographie concordante. Radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5 avec atteinte radiculaire de topographie concordante.

Travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués : • dans le fret routier, maritime, ferroviaire, aérien ; • dans le bâtiment, le gros œuvre, les travaux publics ; • dans les mines et carrières ; • dans le ramassage d'ordures ménagères et de déchets industriels ; • dans le déménagement, les garde-meubles ; • dans les abattoirs et les entreprises d'équarrissage ; • dans le chargement et le déchargement en cours de fabrication, dans la livraison y compris pour le compte d'autrui, le stockage et la répartition des produits industriels et alimentaires, agricoles et forestiers ; • dans le cadre des soins médicaux et paramédicaux incluant la manutention de personnes ; • dans le cadre du brancardage et du transport des malades ; • dans les travaux funéraires.

Existe-t-il des facteurs pronostiques ? La sciatique commune guérit dans 80 % des cas en moins de 8 semaines [7]. Les facteurs pronostiques ont été peu étudiés et les quelques études qui leur sont consacrées sont de qualité variable [8]  : l'âge, le sexe, le tabac, le surpoids ou l'obésité, un travail pénible, un antécédent de sciatique ne sont pas des facteurs péjoratifs, alors que le sont l'existence de signes neurologiques déficitaires, un litige, une faible satisfaction au travail ou une faible capacité à faire face. Seule l'intensité initiale de la douleur de sciatique semble prédire un plus grand risque de recours à la chirurgie [9]. La cruralgie est plus rare que la sciatique. Elle touche plus souvent l'homme que la femme et survient en moyenne une quinzaine d'années plus tard que la sciatique.

Sciatique Examen clinique Signes fonctionnels Après un effort d'hyperextension contrariée, ou un effort prolongé inhabituel mettant en tension la charnière lombo-sacrée,

apparaît une lombalgie aiguë ; secondairement s'installe la douleur sciatique selon un trajet radiculaire (figure 10.6) : ■ L5 : la douleur part de la colonne lombaire basse, gagne la fesse, la face postérieure de la cuisse, la loge antéro-externe de la jambe, croise la cheville devant la malléole externe, et se termine sur le pied en direction du gros orteil. ■ S1 : la douleur part de la colonne lombaire basse, gagne la fesse, la face postérieure de la cuisse et de la jambe, passe derrière la malléole externe, et finit sur le bord externe du pied vers le 5e orteil. Le type de la douleur est variable (de simples paresthésies ont la même valeur). L'intensité de la douleur est également variable et sans aucune signification pronostique. La douleur est augmentée par la position debout, la marche. Elle est impulsive à la toux, à la défécation, à l'éternuement (ce qui signe son caractère radiculaire). Elle est calmée – au moins partiellement – par le repos, le décubitus, la position en chien de fusil.

Syndrome lombaire Découvert lors de l'examen du rachis lombaire, il est caractérisé par : ■ une attitude antalgique : diminution de la lordose, scoliose antalgique ou inflexion antalgique du côté malade

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132   Partie II. Pathologies du rachis

L5

S1

Figure 10.6 Trajets douloureux radiculaires d'une sciatique L5 ou S1.

(dite « directe » plus souvent associée à une souffrance de la racine S1) ou du côté opposé (dite « indirecte » plus souvent en cas d'atteinte de la racine L5) ; ■ une raideur segmentaire du rachis lombaire (ne touchant qu'un seul mouvement du rachis, en général la flexion), mesurée par l'indice de Schöber qui est diminué ; ■ des points douloureux lombaires (signe de la sonnette).

Syndrome radiculaire Signe de Lasègue L'élévation du membre inférieur tendu réveille la douleur spontanée du malade pour un certain angle par rapport au plan du lit. Cet angle se mesure (sa cotation répétée permet de suivre l'évolution). Décrit en 1880 par Lasègue, ce test a une sensibilité variable, mais correcte (≈ 68 %), même s'il est peu spécifique. Une étude 269 patients souffrant de sciatique avec hernie discale concordante confirmée par IRM montre que ce test est plus souvent positif lors d'une atteinte de la racine S1 que L5, qu'il est positif chez 30 % de plus d'hommes que de femmes, et surtout que sa positivité diminue avec l'âge (5 fois plus de chance qu'il soit positif avant 60 ans qu'après). Il ne traduit pas une gravité symptomatique particulière de la sciatique [10].

Examen neurologique L'étude de la sensibilité superficielle peut constater une hypoesthésie sur le trajet spontanément douloureux, surtout nette à la distalité du membre. L'examen moteur peut objectiver une diminution de la force musculaire segmentaire (L5 : déficit des muscles de la loge antéro-externe de jambe. S1 : déficit des muscles de la loge postérieure de jambe). La recherche des réflexes ostéo-tendineux du membre inférieur peut montrer une diminution ou une abolition du réflexe achilléen en cas d'atteinte de la racine S1. Il faut vérifier l'absence de signes pluriradiculaires ou de troubles sphinctériens.

Les points douloureux du membre inférieur ne sont guère recherchés, car n'apportant rien au diagnostic ni au pronostic de l'affection.

Examen général Il s'assure de l'absence : ■ de fièvre, ■ d'une porte d'entrée infectieuse, ■ d'une altération de l'état général, ■ d'un antécédent de néoplasie connue.

Formes cliniques Sciatique « hyperalgique » Forme classique dans les traités de médecine, elle est très subjective et, de plus, n'est qu'une question de graduation thérapeutique : il n'est guère de sciatique « hyperalgique » qui ne réintègre en quelques jours le cadre de la sciatique commune sous l'effet d'antalgiques majeurs (morphiniques), éventuellement associés à une corticothérapie à forte dose (1 mg/kg/j).

Sciatiques paralysantes Elles touchent le plus souvent la racine L5 et peuvent être une urgence neurochirurgicale. Elles se définissent par un déficit moteur égal ou inférieur à 3 au testing musculaire. Sous ce vocable se cachent cependant des réalités différentes qu'il faut analyser avec subtilité. ■ Un simple déficit moteur de l'extenseur propre du gros orteil (sciatique L5) est banal et fréquent. Il ne justifie aucune mesure particulière et sa récupération, parfois lente, est presque toujours complète. ■ Une sciatique immédiatement paralysante, avec déficit moteur complet (testing à 0) faisant suite à un syndrome hyperalgique, est souvent le reflet d'un mécanisme ischémique, plus que d'une hernie volumineuse. S'il existe une

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Chapitre 10. Radiculalgies du membre inférieur    133 volumineuse hernie et un syndrome douloureux persistant avec l'installation de la paralysie, la chirurgie s'impose. Si la douleur a disparu lors de l'installation d'une paralysie massive, si la hernie est modérée, l'abstention chirurgicale est de mise : elle n'influence pas la récupération qui est de toute façon très compromise. ■ Une sciatique qui devient paralysante, ou dont les signes moteurs s'aggravent d'un jour à l'autre, constitue en revanche l'indication de la chirurgie. Si, à l'inverse, le déficit moteur s'améliore parallèlement à la douleur, il faut respecter cette « parésie », d'autant plus qu'elle est ancienne et que l'intervention serait probablement trop tardive.

Sciatiques plexulaires et tronculaires (tableau 10.3) Il n'y a pas de syndrome lombaire dans ces sciatiques liées à toute formation tumorale ou toute compression de voisinage sur le trajet nerveux. Selon le niveau de l'atteinte, un signe de Tinel peut être découvert. Mais la grande fréquence de la lombalgie peut faire cohabiter les deux pathologies et faire croire à une atteinte radiculaire. Elles sont diagnostiquées par l'IRM ou le scanner [11, 12] Tableau 10.3 Principales causes des sciatiques plexulaires et tronculaires.

Syndrome de la queue de cheval

Causes néoplasiques

Complet et d'apparition brutale (parésie flasque des membres inférieurs, troubles sphinctériens, anesthésie périnéale en selle), la chirurgie s'impose d'urgence dès que la réalité de la hernie discale a été prouvée par l'imagerie. Incomplet, d'installation progressive, la chirurgie sera probablement le meilleur traitement, mais il n'y a pas d'urgence sous réserve d'une surveillance biquotidienne.

Tumeurs intrinsèques du nerf • Bénignes : neurofibrome, schwannome • Malignes : neurofobrosarcome Tumeurs extrinsèques : • Bénignes : lipome, myosite ossifiante, lymphangiome, hémangiome, fibromatose • Malignes : métastases, lymphome

Les formes selon le terrain Exceptionnelle avant l'âge de 10 ans, la sciatique est rare avant 20 ans et se caractérise par un syndrome douloureux parfois minime, contrastant avec une raideur lombaire impressionnante.

Diagnostic de la sciatique commune Diagnostic différentiel Sciatiques radiculaires « secondaires » Elles ont les mêmes causes et nécessitent donc le même raisonnement que les lombalgies, avec la recherche des red flags : ■ spondylodiscite infectieuse, ■ tumeur primitive d'une vertèbre lombaire (bénigne ou maligne), ■ métastase osseuse lombaire d'une néoplasie viscérale ou myélome, ■ tumeur (bénigne ou maligne) nerveuse intrarachidienne, kyste de Tarlov (voir encadré 10.2) ■ méningoradiculite.

Causes traumatiques Fractures : ceinture pelvienne, sacrum, cotyle Luxation postérieure de la hanche, chirurgie de la hanche Arrachement des muscles extenseurs de la cuisse (athlètes)

Causes infectieuses Abcès du psoas-iliaque ou des muscles fessiers (après injection intramusculaire) Abcès pelviens (par diverticulite, infection sacro-iliaque ou tubo-ovarienne) Zona avant l'apparition des signes cutanés

Causes gynécologiques Grossesse Kyste ovarien Endométriose (« sciatique périodique »)

Autres causes Syndrome du piriforme Causes vasculaires (anévrisme, malformation artério-veineuse) Radiothérapie du petit bassin Source : d'après Ailianou A, Fitsiori A, Syrogiannopoulou A et al. Review of the principal extra-spinal pathologies causing sciatica and new MRI approaches. Br J Radiol, 2012, 85 : 672-81., Ergun T, Lakadamyali H. CT and MRI in the evaluation of extraspinal sciatica. Br J Radiol, 2010, 83 : 791–803.

Encadré 10.2 Les kystes de Tarlov. C'est une collection de liquide céphalo-rachidien entre l'endonèvre et le périnèvre autour du ganglion spinal ne communiquant pas avec les espaces sous-arachnoïdiens. Uniques ou multiples, la plupart de ces kystes sont asymptomatiques et de découverte fortuite sur une IRM. Ils siègent sur tout le rachis, mais préférentiellement au niveau sacré et coccygien. Leur fréquence observée sur IRM systématique du sacrum est estimée à environ 5 %, dont seuls 10 % sont symptomatiques et seulement 1 % sont suffisamment importants pour entraîner une compression et imposer un traitement chirurgical, dont les

modalités ne sont pas standardisées [45]. Une alternative à la chirurgie est l'aspiration à l'aiguille du kyste et son comblement par de la fibrine [46]. Symptomatiques, ils donnent des lombalgies, des coccygodynies, des radiculopathies sacrées, des engourdissements et autres troubles sensitifs dans les dermatomes sacrés, mais aussi des troubles urinaires ou intestinaux. Il est toujours difficile d'imputer à ces kystes les tableaux cliniques rencontrés, et toute autre cause doit d'abord être éliminée. L'EMG peut être une aide utile au diagnostic d'imputabilité [47].

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134   Partie II. Pathologies du rachis

Fausses sciatiques ■ coxopathies ■ sacro-iliite ■ tendinite du moyen fessier [13]. Les causes des sciatiques sur canal lombaire déjà opéré sont un chapitre à part, comportant : ■ spondylodiscite, Tableau 10.4 Critères cliniques de de Sèze pour le diagnostic de sciatique par hernie discale. Six critères d'anamnèse 1 - sciatique unilatérale et monoradiculaire 2 - accompagnée ou précédée de lombalgies 3 - début brutal après effort ou faux mouvement 4 - douleur d'allure mécanique 5 - évolution globalement régressive 6 - antécédents de lombalgies

Quatre critères d'examen 7 - signe de Lasègue 8 - raideur élective ou attitude antalgique 9 - signe de la sonnette 10 - impulsivité à la toux Nombre de critères

Spécificité

Sensibilité

4 des 6 critères anamnestiques

21 %

98 %

5 des 6 critères anamnestiques

65 %

60 %

7 des 10 critères

92 %

48 %

Source : d'après Valat JP, Genevay S, Marty M et al. Sciatica. Best Pract Res Clin Rheumatol, 2010, 24 : 241–52.

■ fibrose ou arachno-épidurite, ■ récidive de hernie discale ou chirurgie incomplète du disque.

Diagnostic étiologique Hernie discale (≈ 75–80 % des cas) Des critères purement cliniques de diagnostic de la sciatique par hernie discale ont été établis par S. de Sèze (tableau 10.4). Le diagnostic est d'autant plus sur qu'un grand nombre de ces critères sont présents. Plus il en manque, plus c'est atypique, plus le diagnostic est difficile. La sensibilité et la spécificité de ces critères ont été évaluées sur 262 malades [14].

Sciatiques sur rachis dégénératif Les causes dégénératives responsables d'une sciatique radiculaire sont fréquentes : discarthrose, hyperostose des articulaires postérieures, canaux lombaires étroits congénitaux ou acquis, causes rares (kyste synovial, lipomatose, canal large). Les sciatiques sont moins typiques et sont parfois plus proches, par leurs caractères cliniques, des sciatiques secondaires. Le tableau  10.5 indique les fréquences de ces différents signes cliniques telles que signalées dans la littérature. On voit ainsi que des chevauchements sont possibles, d'où la précaution d'effectuer des examens complémentaires devant une sciatique qui ne paraît pas franchement discale.

Aide des examens complémentaires Le diagnostic de la sciatique commune est un diagnostic clinique +++.

Tableau 10.5 Fréquence des signes cliniques des sciatiques communes et secondaires. Signes cliniques

Hernie discale

Causes dégénératives

Causes secondaires

âge moyen (ans)

42

51

49

antécédent de lombalgie

50–80 %

46–100 %

rare

facteur déclenchant, début brutal

50–80 %

0–32 %

35 %

douleur d'allure mécanique

80 %

40–50 %

fréquente

atteinte biradiculaire ou plus

3–29 %

8–70 %



atteinte bilatérale

4–8 %



fréquente

impulsivité à la toux

72–79 %

52 %

35 %

douleur nocturne

20 %

4–67 %

fréquente

aggravation progressive

30 %

28 %

58 %

raideur lombaire élective

55–92 %

50–89 %

69 %

attitude antalgique

34–87 %

0–4 %



signe de la sonnette

10–31 %

0–4 %



signe de Lasègue

57–100 %

17 %

88 %

troubles sensitifs

16–25 %





déficit moteur modéré (testing ≥ 3)

5–33 %

15–33 %

27 %

Anamnèse et signes fonctionnels

Examen rachidien

Examen neurologique

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Chapitre 10. Radiculalgies du membre inférieur    135 Examens de base Pour toute sciatique – en première intention – on demande simplement : ■ une radiographie de la colonne lombaire de face prenant aussi le bassin (grand cliché lombaire de de Sèze) et un cliché lombaire de profil ; ■ une vitesse de sédimentation, une CRP et un hémogramme. Ces examens suffisent à éliminer les sciatiques secondaires nécessitant un traitement spécifique rapide. Les autres examens complémentaires d'imagerie ne sont pas à demander à ce stade, mais seulement après un traitement médical de la sciatique commune. Scanner lombaire C'est un bon examen pour détecter une hernie discale, mais sa sensibilité de 77 % (IC 95 % : 66 – 86 %) et sa spécificité de 74 % (IC 95 % : 62 – 83 %) n'empêchent pas l'existence de faux positifs et de faux négatifs, et au prix d'une irradiation non négligeable surtout chez le sujet jeune (exposition gonadique) [15]. IRM lombaire Elle détecte la hernie discale avec une sensibilité de 75 % (IC 95 % : 65 – 83 %) et une spécificité de 77 % (OC 95 % : 61 – 88 %). [16]. L'évolution en IRM (étude de 154 patients ayant une sciatique non opérée, avec IRM initiale et 14 mois après) montre que la hernie diminue dans 47  % des cas, reste inchangée dans 49 % des cas et s'aggrave dans 6 %, quel que soit le traitement. Plus elle est volumineuse, plus elle régresse [1].

Traitement Recommandations [17] Elles stipulent que le traitement de la sciatique doit être d'abord médical, mais restent imprécises sur l'efficacité de ces traitements, les mêmes que ceux utilisés dans la lombalgie commune (voir chapitre 9, « Lombalgies »). Les essais thérapeutiques concernant spécifiquement la sciatique sont bien moins nombreux que ceux concernant la lombalgie commune et, dans l'ensemble, de faible qualité méthodologique.

Médicaments Les AINS ne sont guère plus efficaces que le placebo. Aucun n'est supérieur à un autre et la voie parentérale ne fait pas mieux que la voie orale [18]. Dans la sciatique chronique (> 3 mois), les antidépresseurs, les opioïdes, seuls ou associés, ne font pas mieux que le placebo. La gabapentine est efficace à court terme [18, 19]. Une revue concernant l'utilisation de la cortisone per os (regroupant 383 patients) montre qu'elle n'est pas supérieure au placebo, au prix d'effets secondaires plus fréquents [20], ce qu'un essai contrôlé récent confirme [21].

Traitements non pharmacologiques Des exercices supervisés sont plus efficaces à calmer la douleur à court terme que le simple conseil de rester actif, mais sans modifier la gêne fonctionnelle et sans différence à moyen terme sur le résultat [22]. L'acupuncture [23], dans

une méta-analyse récente, montre une légère supériorité par rapport au traitement médical conventionnel (RR : 1,21 ; IC 95 % : 1,16 – 1,25).

Chirurgie Elle soulage plus rapidement les patients lorsqu'ils sont opérés tôt ( 50 ans .



Diagnostic

l'homme que chez la femme. Ces pourcentages pourraient même être revus à la hausse : une enquête américaine note une prévalence au-delà de 50 ans de 25 % chez l'homme et de 15 % chez la femme, pour atteindre 28 et 26 % respectivement après 80 ans (définition selon Resnick). Le manque de consensus dans la définition de la maladie rend difficile l'étude de sa prévalence. Dans un travail rigoureux, 298 hommes sélectionnés en population générale ont tous bénéficiés de radiographies face et profil des segments dorsal et lombaire [7]. Avec la définition de Resnick (4 vertèbres contiguës), il est détecté 126 hyperostoses (42 %), mais seuls 59 sujets n'ont aucun pont et 35 ont bien plusieurs ponts mais non contigus.

Comorbidités Le diabète est présent chez 23 à 40 % des hyperostosiques et 21 à 40 % des diabétiques ont une hyperostose. Cette association pourrait être due à la fréquence de l'obésité observée chez les hyperostosiques, chiffrée jusqu'à deux fois celle des témoins. L'association à une dyslipémie et une hyperuricémie est fréquente. Au total, le syndrome métabolique est plus fréquent chez les hyperostosiques que chez les témoins (risque relatif : 3,9) [8]. À l'inverse, chez des patients atteints de pathologies cardiovasculaires sévères, une radiographie thoracique systématique a permis de découvrir 30,3 % d'hyper­ostoses [9]. L'hyperostose est notée aussi chez 25 à 33 % des pagétiques (voir, figure 11.6), avec une prévalence supérieure à celle de témoins et pourrait jouer un rôle dans la formation d'un bloc vertébral pagétique [10].

Hyperostose définie : critère 1 présent

Anatomo-pathologie

Hyperostose probable : critères 2 + 3 à 6 Hyperostose possible : critère 2 + deux des critères de 3 à 6 ou critères 3 à 61 .

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142   Partie II. Pathologies du rachis

Il est donc possible d'évoquer l'hyperostose sans pont vertébral. Il faut obligatoirement : • des disques de hauteur normale dans la zone touchée, • l'absence d'érosion, de sclérose ou de fusion des sacro-iliaques, • l'absence d'ankylose des articulaires postérieures. Source : d'après Utsinger PD. Diffuse idiopathic skeletal hyperostosis (DISH, ankylosing hyperostosis). In Moskwitz RW, Howell DS, Goldberg VM, Mankin HJ'eds). Osteoarthritis. Diagnostic and management. Philadelphia, WB Saunders, 1984 : 225–33.

1

Tableau 11.2 Prévalence de l'hyperostose vertébrale ankylosante en population générale selon l'âge et le sexe. Tranches d'âge

Prévalence (%) Finlandais [5]

Japonais [6]

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

40–49 ans

0,3

0,2

0,6

0,3

50–59 ans

2,7

1,7

7,1

0,9

60–69 ans

8,4

4,3

12,4

1,1

70 et +

11,2

6,9

12,5

0,0

Tous âges ≥ 40 ans

3,5 (94/2691)

2,2 (70/3238)

7,5 (74/989)

0,6 (11/1872)

L'hyperostose est définie par au moins deux ponts complets dorsaux sur une radiographie thoracique de profil (définition de Forestier).

L'insertion d'un ligament ou d'un tendon dans l'os (enthèse) est bien décrite, et son ossification est fréquente avec l'âge ou chez les sportifs, jusqu'à 25 % des cas [11]. Les enthésophytes de la maladie hyperostosique ne sont pas spécifiques, mais leur nombre et leur extension peuvent être évocateurs de la maladie, ainsi que certaines localisations (bassin, face antérieure de la rotule). Les descriptions anatomopathologiques sont rares dans le cadre d'une hyperostose vertébrale certaine. Ces enthésophytes montrent un os néoformé lamellaire à trabécules irrégulières, avec signes de remaniement osseux, entourant des espaces médullaires fibrovasculaires. Ces ossifications sont entourées de tissu fibreux épais dont les fibres de collagène sont partiellement ossifiées. Aucun signe inflammatoire n'est visible. Au rachis, à un stade avancé, le ligament longitudinal antérieur est entièrement remplacé par un os lamellaire adhérent au corps vertébral et à l'anneau discal. Les lésions débutantes sont mal connues.

Maladie hyperostosique radiologique Atteinte vertébrale (figure 11.1) L'expression de la maladie est essentiellement radiologique. La lésion la plus caractéristique siège au rachis dorsal, mais tous les étages peuvent être touchés. Les lésions typiques signent un stade avancé de la maladie.

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Chapitre 11. Hyperostose vertébrale ankylosante    143

B

A

C

D

C

A B D

B

C

A Figure  11.1 Radiographies d'hyperostose vertébrale du rachis. (1) Colonne cervicale  : (a) apposition antérieure refoulant l'axe digestif ; (b) hyperostose des articulaires postérieures (flèches) ; (c) ossification triangulaire intra-ligamentaire en regard de C6-C7 ; (d) tomographie montrant la prolifération osseuse postérieure, dans le canal rachidien. (2) Colonne dorsale : (a) coulée osseuse moniliforme antérieure sur la vue de profil et (b) sur la vue de face ; (c) ossification du ligament commun vertébral postérieur (flèche) ; (d) détail de l'ossification pré-discale. (3) Colonne lombaire : (a) enthésophytes en « pince de crabe » sur le bord droit ; (b) TDM – ossification de la capsule articulaire postérieure et du ligament jaune ; (c) TDM – ossification sur la face antérieure, non articulaire, de l'articulaire postérieure droite.

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144   Partie II. Pathologies du rachis

Rachis dorsal

Atteintes extra-rachidiennes

L'image caractéristique est celle d'une ossification en bande le long du bord antérolatéral droit du rachis dorsal bas, passant en pont devant les disques intervertébraux. Cette ossification est d'épaisseur variable, irrégulière, bosselée, tantôt très épaisse, surtout en regard du disque, tantôt fine et lisse comme un ruban. Le bord gauche de la colonne dorsale est respecté. Les battements de l'aorte thoracique empêcheraient le développement de l'ossification de ce côté, ce que confirment des cas de situs inversus avec cœur à droite et coulée hyperostosique à gauche.

Les lésions radiologiques de la maladie hyperostosique sont décrites sur presque toutes les articulations périphériques (tableau 11.3). Quel que soit le site, le processus et l'aspect sont similaires et reproduisent ce que l'on observe au rachis. Au début, il s'agit d'une simple opacité de tonalité calcique siégeant dans le tendon, souvent à distance de l'os, ou formant un minime spicule accolé à la corticale osseuse. Puis l'ossification s'étend vers la surface osseuse et le tendon lui-même, devient bien limitée et s'épaissit progressivement. Au stade évolué, elle est massive et bien délimitée, s'implantant largement sur l'os et s'étendant vers le tendon, parfois de façon exubérante. L'os néoformé prend parfois l'aspect d'un crochet ou d'un éperon, ailleurs celui d'un bourrelet épaissi.

Rachis lombaire L'ossification est souvent massive mais discontinue, les ponts complets sont plus rares. De profil, l'image typique a été comparée à une flamme de bougie. De face, les ossifications peuvent être bilatérales, monstrueuses, en « pince de crabe ».

Rachis cervical L'ossification s'étend à la face antérieure du rachis cervical, surtout de C4 à C7. Au début, seule une ossification triangulaire à base antérieure, située en regard du disque peut se voir. À un stade évolué, la coulée osseuse antérieure continue, peut doubler le diamètre antéropostérieur du corps vertébral. L'odontoïde et l'arc antérieur de l'atlas peuvent être touchés.

Ossifications postérieures Le ligament vertébral commun postérieur et les ligaments jaunes peuvent être atteints. Ces ossifications postérieures sont fréquemment décrites sous le terme de « Japanese disease », associées ou non à une hyperostose antérieure classique [12]. L'ossification peut affecter les articulaires postérieures. Ces localisations postérieures siègent surtout aux étages cervical et lombaire où elles génèrent des canaux cervicaux ou lombaires rétrécis. Le canal lombaire rétréci hyperostosique évolué se caractérise par une hypertrophie des articulaires postérieures développée vers l'intérieur du canal, aux dépens des éléments capsulo-ligamentaires, bien visibles en tomodensitométrie. Ses aspects les plus caractéristiques sont la prolifération osseuse sur les faces non articulaires des facettes articulaires postérieures et l'ossification de la capsule articulaire de ces mêmes articulations ou l'ossification des ligaments (ligament jaune, ligament longitudinal postérieur, ligament supra-spinal). Quatre de ces six critères sont nécessaires pour porter le diagnostic de canal lombaire rétréci hyperostosique [13]. Ces aspects du rachis lombaire hyperostosique sont différents de ceux du rachis dégénératif classique.

Évolution radiologique (figure 11.2) L'ossification augmente avec le temps de façon non linéaire. Plus le patient est jeune au moment de la première radiographie, plus le processus ossifiant est rapide. Il est également plus rapide chez le diabétique. En l'absence de gold standard pour porter un diagnostic d'hyperostose, seule l'étude longitudinale permettrait de savoir comment évolue un rachis avec un seul pont, comment un pont incomplet se complète (figure 11.3), comment une ossification de la face antérieure d'un corps vertébral s'épaissit… Deux jeux de radiographies à plus de 3 ans d'intervalle dans la spondylarthrite et l'hyperostose montrent une vitesse de progression comparable dans les deux maladies [14].

Bassin (figure 11.3) C'est là que les altérations sont les plus nombreuses et les plus variées, estimées selon les auteurs à 55–100  % des cas. De multiples ossifications sont implantées sur la crête iliaque, l'ischion, le trochanter ou recouvrent en pont le bord supérieur de la symphyse pubienne : ce bassin « barbu et touffu » est très caractéristique. La sacro-iliaque n'est pas indemne dans la maladie hyper­ostosique, mais ses lésions sont différentes de celles de la spondylarthrite (figure 11.4). Il n'y a pas d'ankylose, mais des ossifications des ligaments, notamment du ligament antéro-supérieur bien vu en TDM ou en radiographie standard (incidence axiale cranio-caudale de Chevrot). Elles sont fréquentes chez l'homme : 87 %, contre 17 % chez des témoins. L'atteinte de la hanche est la plus grave. Elle passe par différentes étapes [15] : ■ Le Stade 1, caractérisé par des ossifications intra-capsulo-ligamentaires plus ou moins insérées sur le cotyle, développées autour des parties découvertes de la tête fémorale et engainant cette dernière. L'ossification supéro-externe est souvent implantée à quelques millimètres au-dessus de l'avant-toit : sa base est large, ses limites externes irrégulières, sa densité assez homogène. L'ossification inféro-interne, forme une console pour la partie inférieure de la tête fémorale. ■ Au stade 2, on observe les mêmes lésions, mais l'interligne se pince. Il s'agit d'un pincement supéro-externe ou interne, avec protrusion acétabulaire. ■ Le stade 3 est le stade destructif, avec disparition du cartilage et attrition des épiphyses. Tableau 11.3 Fréquence des enthésopathies périphériques dans la maladie hyperostosique. Localisation

%

Hanche

52 %

Sacro-iliaque

87 %

Genou

66 %

Épaule

37 %

Coude

57 %

Calcaneum

70 %

Aponévrose tibio-péronière

15 %

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Chapitre 11. Hyperostose vertébrale ankylosante    145

1993

A

B

2004

C

D

Figure 11.2 Radiographies de la colonne lombaire. Progression radiologique de l'hyperostose en 11 ans. Noter les ponts en 1993 (a et b), visibles sur le seul profil. Évolution en 2004 (c et d).

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146   Partie II. Pathologies du rachis

B A

C

E

D

F

Figure 11.3 Hyperostose du bassin et des hanches. (a) Enthésophyte à l'insertion de la capsule articulaire dans le cotyle, bien distincte de l'ostéophyte sous-jacent ; (b) ossifications de l'épine iliaque (bassin « barbu ») ; (c) radiographie normale, femme de 55 ans avec hyperostose dorsale typique et (d) TDM de sa hanche gauche douloureuse, montrant une ossification antérieure de la capsule articulaire ; (e) coxopathie engainante majeure avec respect de l'interligne : hanche « hypertrophique » ou « proliférante » ; (f) 9 mois après mise en place de la prothèse pour coxarthrose « hypertrophique », ossification péri-prothétique complète.

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Chapitre 11. Hyperostose vertébrale ankylosante    147

A

B

C Figure  11.4 Hyperostose des sacro-iliaques. (a) Sacro-iliaque droite montrant une ossification du ligament sacro-iliaque antéro-supérieur ; (b) Sacro-iliaque gauche montrant le pont inférieur ; (c) TDM avec pont antérieur de la sacro-iliaque droite. Il n'y a aucune érosion comme on pourrait en voir dans une spondylarthrite ankylosante.

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148   Partie II. Pathologies du rachis

Genou (figure 11.5) Les ossifications juxta-articulaires existent dans 67–88 % des cas [16]. Elles sont surtout péri-rotuliennes, dans le tendon quadricipital, le tendon patellaire et en avant de la patella, donnant un aspect hérissé ou « crénelé », en vue axiale. Une saillie osseuse implantée sur le plateau tibial à l'insertion

A

B

du ligament croisé antérieur, formant en quelque sorte une « troisième épine tibiale » massive, est très caractéristique. L'ossification de la capsule articulaire est fréquente, bien visible sur les condyles postérieurs et la partie postérieure du plateau tibial. L'ossification de la membrane d'insertion tibio-péronière du soléaire est présente dans 15 % des cas.

C

Figure 11.5 Hyperostose du genou. (1) rotule crénelée ; (2) ossification de la membrane interosseuse ; (3) « 3e épine » par ossification de l'insertion tibiale du ligament croisé antérieur ; (4) ossification de la coque condylienne ; (5) évolution sur 14 ans de l'ostéophyte d'une gonarthrose fémoro-tibiale interne chez un hyperostosique ; (6) ossification majeure de la coque condylienne (a) de face, (b) en défilé, (c) de profil. Noter l'association avec une maladie osseuse de Paget du tibia.

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Chapitre 11. Hyperostose vertébrale ankylosante    149

Épaule Son atteinte se voit dans plus d'un tiers des hyperostoses. Les enthésophytes sont surtout remarquables au bord inférieur de l'acromion, ou implantés sur le trochiter et sur les bords de la gouttière bicipitale. Les enthésophytes développés en six sites spécifiques (glène, grosse tubérosité, acromion, articulation acromio-claviculaire, fût huméral et coracoïde) sont deux fois plus fréquents dans l'hyperostose que chez les témoins, et le risque relatif d'avoir une hyperostose quand une épine coracoïdienne est présente est de 2,5.

Autres localisations (figure 11.6) Au coude, une des lésions les plus fréquentes est l'exostose olécranienne souvent palpable (57–81 % des cas). Au pied, la maladie hyperostosique est une des causes d'exostose calcanéenne à partir de son bord inférieur (« épine » sous-calcanéenne dans l'aponévrose plantaire) ou à partir de sa face postérieure dans l'insertion du tendon calcanéen (70–90 % des cas). Parfois, toute la partie postéro-inférieure du calcanéum est blindée par la coulée hyperostosique. « L'ostéophytose » exubérante aux bords supérieurs des articulations de Chopart et de Lisfranc est assez souvent observée. Aux mains, la fréquence des déformations de type arthrosique (nodosités d'Heberden et de Bouchard) chez les sujets hyperostosiques (30–50 %) est supérieure à celle de témoins, de même que l'atteinte des métacarpo-­phalangiennes (56 %), rare dans l'arthrose. L'étude radiologique relève chez les hyperostosiques des anomalies assez caractéristiques : élargissement global et forme carrée de la tête de la 2e phalange,

A

B

ossification (« ossicules ») para-articulaire, épaississement et irrégularités des corticales diaphysaires, élargissement de la houpe de la 3e phalange.

Conséquences cliniques Hyperostose rachidienne Douleur et raideur Ce sont les principaux signes cliniques du rachis hyperostosique retrouvés chez 84 % des 200 patients d'Utsinger. La raideur est le signe le plus constant, d'intensité variable mais parfois majeure, comme dans une spondylarthite évoluée. Mais les hypersostosiques sont moins lombalgiques que les lombarthrosiques. La raideur protègerait-elle de la douleur ? Dans le même esprit, sachant que l'hyperostose est fortement corrélée à l'âge et à l'obésité, sa prévalence symptomatique devrait considérablement augmenter et donc le handicap rhumatologique, notamment rachidien, progresser aussi dans les populations les plus âgées, ce qui n'est pas le cas [17].

Fractures vertébrales Elles sont rares, mais graves sur un rachis ankylosé. Une revue collige 400 cas de fractures sur spondylarthrite ou sur hyperostose [18]. Ces fractures surviennent le plus souvent pour des traumatismes de faible énergie. Le trait fracturaire intéresse surtout le corps vertébral dans l'hyperostose, alors qu'il touche aussi bien le disque que le corps vertébral dans la spondylarthrite.

D

C

E

Figure 11.6 Autres localisations périphériques. A. épaule : ossification de l'insertion du sus-épineux ; B. coude : ossification épicondylienne ; C. doigt : aspect carré de la tête de la 2e phalange, ostéophytes larges alors que les interlignes sont respectés ; D. calcanéum : épines postérieure (insertion du tendon d'Achille) et inférieure (insertion de l'aponévrose plantaire) avec aspect « blindé » de la partie postérieure du calcanéum ; E. symphyse pubienne : pont osseux complet au bord supérieur.

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150   Partie II. Pathologies du rachis Ces fractures peuvent passer inaperçues et ne se révéler qu'à l'occasion d'un déplacement entraînant des complications neurologiques graves et une mortalité importante. Elles touchent surtout la colonne cervicale (55 %), puis dorsale (21 %), enfin lombaire (8 %).

Atteintes viscérales par l'hyperostose antérieure Des atteintes œsophagiennes et respiratoires hautes (plus rares) par de volumineux enthésophytes cervicaux antérieurs sont régulièrement rapportées (voir, figure 11.1). Une revue des cas publiés fait état de 204 observations en 2012 [19]. Le plus souvent, la chirurgie permet de récupérer la fonction de déglutition ou de ventilation, au prix de complications fréquentes (dysphonie, dysphagie résiduelles). Cinq cas de dysphagie opérés suivis 5 ans en moyenne ne montrent qu'une très discrète reprise du processus d'ossification.

Complications neurologiques par l'hyperostose postérieure La myélopathie cervicale doit être recherchée systématiquement devant tout syndrome pyramidal chronique, avec ou sans syndrome d'étage. La tomodensitométrie ou l'IRM est indispensable pour mesurer le rétrécissement et préciser la nature et la topographie exacte de l'ossification compressive (voir, figure 11.1). Ces signes sont très lentement évolutifs et sujets à variations, avec des phases de stabilisation ou d'amélioration sous l'effet des traitements conservateurs (collier cervical). La myélopathie dorsale, par rétrécissement du canal dorsal, est beaucoup plus rare. Les manifestations radiculaires peuvent se voir à tous les étages : névralgie cervico-brachiale, isolée ou au cours de la myélopathie cervicale ; radiculalgie thoracique rare (« névralgie » intercostale basse unilatérale, très pénible et tenace) ; radiculalgie lombaire haute (cruralgie). Syndrome de la queue-de-cheval ou sténose acquise du canal lombaire donnent une poly-radiculalgie d'effort, à type de claudication intermittente douloureuse des membres inférieurs, à différencier de celle de l'artérite.

Hyperostose des membres Peu d'études concernent le retentissement clinique des enthésopathies hyperostosiques. Découvertes, elles sont le plus souvent asymptomatiques, mais en interrogeant les patients, on note de fréquents épisodes douloureux périarticulaires. De plus, une pathologie abarticulaire est fréquemment révélatrice, en particulier au pied (talalgie), à l'épaule (conflit sous-acromial), au bassin (douleurs mal systématisées des crêtes iliaques) et au coude (épicondylite).

Hyperostose et arthrose L'hyperostose des grosses articulations des membres inférieurs s'accompagne volontiers d'arthrose. C'est le plus souvent devant un malade consultant pour une coxopathie ou une gonopathie mécaniques que l'on est amené à évoquer ce diagnostic. L'examen des mouvements montre une raideur d'abord modérée et segmentaire, puis plus marquée. Les raideurs isolées, indolores, sont plus fréquentes que dans l'arthrose. Par ailleurs, il est de bonne pratique clinique d'examiner les hanches de tout malade hyperostosique

v­ ertébral. On découvre ainsi des raideurs modérées, ignorées du malade, et la radiographie affirme le diagnostic. À la hanche, au stade 1, les douleurs sont peu marquées, mais on décèle une limitation des mouvements dans 30 % des cas. Au stade 2, il est rare que la hanche soit asymptomatique. Enfin, au stade 3, l'enraidissement est important. C'est le stade de la prothèse [15]. Au genou, les altérations arthrosiques existent dans 75 % des cas d'HVA versus 33 % chez les témoins appariés [16]. C'est une raison de penser que l'arthrose, ici aussi, peut compliquer la maladie hyperostosique. Un travail inverse étudie la fréquence de l'hyperostose chez des gonarthrosiques par rapport à des témoins [20]. L'hyperostose apparaît comme un facteur de risque indépendant de gonarthrose (risque relatif de 10, IC 95 % : 3,5–29). La plus grande fréquence d'arthrose des doigts chez les hyperostosiques plaide en faveur de cette conclusion.

Diagnostic différentiel : les autres enthésopathies Enthésopathies inflammatoires Dans les spondylarthropathies, les enthésopathies sont précédées d'érosions qui les distinguent des enthésopathies noninflammatoires. Cependant, à un stade avancé, elles se sont ossifiées et l'érosion est comblée. Classiquement, le syndesmophyte est fin, linéaire, régulier et siège des deux côtés du rachis. L'ossification peut commencer à l'étage lombaire, plus souvent que dans l'hyperostose. Des variations radiologiques existent cependant, notamment dans le rhumatisme psoriasique où l'enthésopathie peut ressembler à celle de l'hyper­ ostose (tableau 11.4). Enfin, l'atteinte de la sacro-iliaque se caractérise par une ossification du ligament sacro-iliaque dans l'hyperostose et par une sacro-iliite du pied de l'articulation dans la spondylarthrite ankylosante (recours à la TDM ou à l'IRM nécessaire). Aussi est-ce surtout la clinique qui permet de différentier les deux maladies : douleurs inflammatoires réveillant le malade la nuit, dérouillage matinal prolongé, sensibilité aux AINS, début chez le sujet jeune, présence du HLA B27, association au psoriasis dans le rhumatisme psoriasique, antécédents d'atteintes oculaire, digestive ou urinaire dans le syndrome de Reiter, troubles digestifs dans le Crohn ou la rectocolite hémorragique. Enfin, l'association spondylarthrite ankylosante et hyper­ ostose vertébrale ankylosante a été rapportée, venant compliquer le diagnostic [21].

Différencier l'hyperostose de l'arthrose rachidienne Cela est parfois difficile, lorsque seuls un ou deux ponts hyperostosiques incomplets existent, d'autant que les deux maladies peuvent coexister, surtout chez les sujets âgés. La présence d'enthésophytes périphériques caractéristiques permet alors de parler d'hyperostose, mais il faut les différencier des ostéophytes arthrosiques.

Enthésopathies métaboliques Plusieurs maladies peuvent donner des ossifications des ligaments vertébraux plus ou moins associées à des enthésophytes

péri-articulaires : ochronose, fluorose, acromégalie, hypoparathyroidie, hémochromatose, neuroarthropathies, intoxication par la vitamine D, ostéomalacie hypophosphorémique (tableau 11.5). Généralement, il existe des signes cliniques, radiologiques ou biologiques qui permettent le diagnostic [22].

La chondrocalcinose n'est pas plus fréquente chez les hyperostosiques (étude cas-témoins) mais Zitnan et Sitaj ont décrit l'évolution des lésions vertébrales de la chondrocalcinose vers des proliférations osseuses péri-vertébrales de type hyperostosique.

Tableau 11.4 Diagnostic différentiel radiologique de l'hyperostose vertébrale ankylosante. Topographie

Hyperostose

Spondylarthrite

Corps vertébral

Ponts épais, ossifications. Bord gauche dorsal respecté. Prépondérance des signes radiologiques sur le profil.

Syndesmophytes fins et Ostéophytes et sclérose « équarrissage » du corps sous-chondrale. vertébral (squarring). Spondylite de Romanus. Discrétion des signes sur le profil.

Arthrose rachidienne

Disque

Normal.

Normal, avec possible ossification périphérique.

Pincé, avec possible vide intra-discal.

Articulaire postérieure

Normale ou sclérose avec ossifications sur la surface non articulaire (surtout à l'étage lombaire).

Érosions. Sclérose. Ankylose.

Sclérose. Ostéophytes.

Sacro-iliaque

Normale, sans érosion ; ossification du ligament ilio-sacré dans la partie antérieure et supérieure de l'articulation.

Érosions, Élargissement, puis ankylose.

Selon l'âge, sclérose, petits ostéophytes, vide intra-articulaire.

Atteintes périphériques

Fréquentes. Enthésophytes et ossifications ligamentaires, sans érosion.

Enthésopathies en regard des érosions.

Ostéophytes, sclérose sous-chondrale, pincement de l'interligne articulaire.

Ostéopénie

Extensive, modérée.

Limitée au corps vertébral.

Selon l'âge

.

Source : Mazières B, Rovensky J. Non-inflammatory enthesopathies of the spine: a diagnostic approach. Baillière's Clin Rheumatol, 2000, 14 : 201–17.

Tableau 11.5 Enthésopathies métaboliques. Principales caractéristiques radiologiques et éléments du diagnostic. Maladies

Anomalies radiologiques

Éléments de diagnostic

Ochronose

Calcifications discales étagées. Arthropathies destructrices. Calcifications rachidiennes ressemblant à la spondylarthrite ankylosante. Dans les atteintes extra-rachidiennes (bassin) excroissances osseuses en moustache.

Urines noircissant à l'air. Pigmentation noirâtre de la sclérotique et du cartilage de l'oreille. Détection de l'acide homogentisique dans le sang et les urines.

Fluorose

Sclérose osseuse diffuse. Épaississement périosté. Enthésophytes comparables à ceux de l'hyperostose. Ossification du ligament vertébral commun postérieur.

Zones d'endémie ou contamination industrielle (aluminium). Ostéomalacie secondaire fréquente. Fluorémie et fluorurie élevées. Augmentation de la teneur osseuse en fluor.

Acromégalie (spondylose d'Erdheim)

Épaississement des tissus mous, élargissement des corps vertébraux. Épaississement des disques. Proliférations enthésiques.

Modifications caractéristiques des mains, du visage et des pieds. Épaississement des tissus mous.

Chondrocalcinose

Hyperostose du rachis au stade tardif de l'atteinte rachidienne de la chondrocalcinose. Fines calcifications intra-cartilagineuses (surtout au genou).

Dépôt de pyrophosphate dans les cartilages articulaires du genou, de la hanche, de l'épaule, du poignet. Cristaux sous le microscope quand analyse du liquide synovial.

Hémochromatose

Arthropathie destructrice chronique (mains), déminéralisation juxta-articulaire, prolifération osseuse hypertrophique.

Cirrhose, diabète, arthrite, cardiomyopathie, hypogonadisme, pigmentation cutanée. Sidérémie, coefficient de saturation du fer et ferritine augmentés.

Hypoparathyroïdie

Ressemble à l'hyperostose axiale comme périphérique, mais débute plus jeune.

Bilan phosphocalcique caractéristique (hypocalcémie)

Source : Mazières B, Rovensky J. Non-inflammatory enthesopathies of the spine: a diagnostic approach. Baillière's Clin Rheumatol, 2000, 14 : 201-17.

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Chapitre 11. Hyperostose vertébrale ankylosante    151

Nous ne connaissons pas la cause de la maladie hyperostosique On a souligné les ressemblances radiologiques entre l'hyper­ ostose et l'acromégalie, mais les lésions prolifératives des cartilages de l'acromégalie (avec épaississement de l'interligne articulaire) n'ont jamais été observées au cours de la maladie hyperostosique et les dosages d'hormone de croissance ont toujours donné des résultats normaux, même après tests de stimulation [23]. Finalement, l'hypothèse la plus intéressante est fondée sur la maladie hyperostosique du chat due à une intoxication par la vitamine A [24]. Des observations comparables ont été faites chez d'autres espèces animales et chez l'homme à la suite de traitement prolongé par dérivés synthétiques de l'acide rétinoïque pour dermatoses [25]. Il est exclu que la maladie hyperostosique commune soit le résultat d'une hypervitaminose A exogène, mais il est possible qu'elle soit due à une perturbation du métabolisme de la vitamine A ou de sa protéine porteuse, la Retinol Binding Protein [26]. L'élévation du rétinol et de l'acide rétinoïque (son métabolite actif) chez 30 % des hyperostosiques est en faveur de cette hypothèse [27]. D'un point de vue physiopathologique, des schémas ont été proposés. Récemment, le rôle de Dickkopf-1 (DKK-1), inhibiteur naturel de la voie de signalisation wingless/ß caténine (Wnt) de la formation osseuse, a été suggéré. Son inhibition par anticorps monoclonal entraîne une ankylose des sacro-iliaques chez un modèle transgénique de souris. De plus, son taux sérique est diminué chez des spondylarthritiques et significativement abaissé chez 37 hyperostosiques (définition de Resnick) par rapport à 22 sujets sains. Le taux est d'autant plus bas que l'hyperostose est étendue [28]. Cependant, une autre étude infirme cette diminution [29]. La question reste donc en suspens.

(≈ 10  %) sont symptomatiques et génèrent douleurs et raideur de la hanche prothésée. On prévient ces ossifications par les AINS donnés en postopératoire pendant 1 à 2 semaines. Le traitement curatif est en revanche décevant. D'où l'importance de diagnostiquer l'hyperostose devant toute coxarthrose que l'on fait opérer, surtout chez un homme, surtout si cette arthrose est « proliférante » ou « hypertrophique ».

Rétinoïdes et coxopathie hyperostosique On sait que les rétinoïdes prescrits en dermatologie peuvent induire des hyperostoses, ce qui nécessite une surveillance particulière du squelette. La prescription des rétinoïdes vient d'être restreinte aux seuls dermatologues.

En pratique rhumatologique Dans quelles circonstances cliniques rechercher une hyperostose ? Devant des douleurs/raideur du rachis. Devant des signes neurologiques notamment des signes de canal lombaire étroit. Devant une coxarthrose « proliférante », si une prothèse totale est envisagée, rechercher systématiquement l'hyperostose, maladie qui favorise les ossifications périprothétiques dont le seul traitement est préventif (AINS en post-opératoire pendant une dizaine de jours) .

Pathogénie et physiopathologie

À l'inverse, ayant découvert une hyperostose, rechercher Un diabète gras. Une maladie osseuse de Paget, souvent associée. Une myélopathie cervicale à minima : recherche de signes frustes de compression médullaire. Une prise prolongée de dérivés de l'acide rétinoïque (isotrétinoïne contre l'acné) qui favorisent le développement de telles hyperostoses .

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152   Partie II. Pathologies du rachis

Considérations thérapeutiques Le traitement de l'hyperostose reste symptomatique, par antalgiques et AINS. La rééducation peut être utile. Il n'y a pas de traitement de fond de la maladie. Certaines complications peuvent nécessiter un traitement chirurgical. Pour les ossifications du ligament vertébral postérieur (450  patients suivis en moyenne 17  ans), on a constaté que seuls 17 % des malades sans myélopathie cervicale au moment du diagnostic évoluaient vers cette myélopathie. Le taux de « survie » sans myélopathie est de 71 % à 30 ans, ce qui incite à l'abstention chirurgicale quelle que soit l'importance radiologique de l'ossification, si aucun signe clinique de myélopathie n'est constaté. En revanche, il est de bonne règle devant une symptomatologie neurologique d'un étage rachidien de toujours rechercher une atteinte d'un autre étage, compte tenu des fréquentes associations [12].

Ossifications péri-prothétiques Complication classique des prothèses de hanche, la fréquence de ces ossifications semble surtout dépendre de l'étiologie de la coxopathie. L'hyperostose en est une grande pourvoyeuse (80 % des cas). Seules les formes extensives

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Chapitre

12

Anomalies de la statique rachidienne de l'enfant Jérôme Sales de Gauzy PLAN DU CHAPITRE Croissance du rachis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Scoliose . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

155 155

Les anomalies de la statique du rachis chez l'enfant sont centrées sur la scoliose, la dystrophie rachidienne de croissance (maladie de Scheuermann) et le spondylolisthésis. En raison de leur fréquence, le médecin généraliste sera régulièrement confronté à ces pathologies.

Croissance du rachis La croissance de la colonne vertébrale est complexe, assurée par plus de 130 plaques de croissance. Le segment T1-S1 mesure environ 20 cm à la naissance et 45 cm à maturité osseuse. La croissance du rachis évolue par poussées avec 3 périodes distinctes. La vitesse de croissance du segment T1-L5 est de 2,2 cm/an avant 5 ans (croissance de 12 cm), de 1 cm/an entre 5 et 10 ans (croissance de 5 cm) et de 1,8 cm/an au cours de la puberté (croissance de 11 cm). Une déformation du rachis peut s'accentuer plus rapidement au cours des phases de croissance rapide. Le développement de la cage thoracique est dépendant de la croissance du rachis. En fin de croissance, la hauteur du rachis thoracique doit mesurer au moins 18 cm pour éviter les problèmes respiratoires.

Dystrophie rachidienne de croissance. Maladie de Scheuermann . . . . . . . . . . . . . . . . . Spondylolisthésis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

160 161

Examen clinique Diagnostic Le diagnostic de scoliose est clinique. En cas d'inégalité de longueur des membres inférieurs, le bassin doit être rééquilibré par une planchette.

Gibbosité Elle signe la déformation du rachis dans le plan horizontal. Elle se recherche enfant penché en avant, elle peut être mesurée à l'aide d'un scoliomètre ou d'une règle graduée (figure 12.1).

Scoliose La scoliose est une déformation de la colonne vertébrale dans les 3 plans de l'espace (frontal, sagittal, horizontal). À la déviation frontale s'associent une diminution – voire une inversion – des courbures sagittales et une rotation vertébrale. C'est une pathologie fréquente qui atteint entre 1 et 3 % de la population, qui débute le plus souvent pendant la croissance et qui peut s'aggraver très rapidement au décours des périodes de forte croissance. Il est donc indispensable de faire un dépistage annuel pour tous les enfants jusqu'en fin de croissance. Rhumatologie © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Figure 12.1 Gibbosité thoracique.

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156   Partie II. Pathologies du rachis

Signe de la lucarne Il correspond à l'asymétrie du tronc. L'enfant est debout, bras le long du corps, il existe une asymétrie de distance entre les bras et le tronc. Ce signe est plus nettement visible en zone lombaire (figure 12.2).

Conséquences L'équilibre du tronc doit être évalué avec un fil à plomb positionné au niveau de l'épineuse de la 7e vertèbre cervicale. Normalement, il se projette au niveau du sillon inter-fessier. Un déséquilibre du tronc est un facteur péjoratif.

Bilan étiologique L'examen clinique doit être complété par un examen neurologique et cutané à la recherche d'une étiologie.

Bilan de croissance L'enfant doit être mesuré lors de chaque consultation. Une évaluation pubertaire selon les stades de Tanner est nécessaire pour évaluer le potentiel de croissance restant.

Radiographie (figure 12.3) La radiographie est essentielle pour confirmer le diag­ nostic, effectuer la surveillance et établir le pronostic et l'indication thérapeutique. Elle devra cependant être réalisée avec parcimonie en raison des effets délétères des radiations ionisantes à long terme. Il faut préférer dans la mesure du possible une imagerie EOS qui permet de diminuer par six la dose reçue et qui permet une reconstruction tridimensionnelle de la colonne vertébrale (voir chapitre 4, « Imagerie »).

Figure 12.3 Radiographie. (1) Mesure de l'angle de Cobb. (2) Analyse de la rotation vertébrale au niveau de la vertèbre sommet. (3) Risser : ossification de la crête iliaque. (4) Cartilage tri-radié. (5) Cartilage du grand trochanter.

Angle de Cobb Il correspond à l'angle formé par les parallèles aux plateaux vertébraux des vertèbres les plus inclinées (vertèbres limites) de la courbure.

Rotation vertébrale Elle se mesure par l'asymétrie des pédicules et la latéralisation du processus épineux qui se situe dans la concavité de la courbure. La rotation vertébrale confirme le diagnostic de scoliose. Elle est maximale à l'apex de la déformation.

Évaluation de la maturation rachidienne L'analyse de l'ossification des crêtes iliaques est un reflet utile de la maturation rachidienne en période pubertaire. Elle est classée en 5 stades selon la classification de Risser. Selon Risser, le stade 4 signerait la fin de la maturation rachidienne. L'analyse du cartilage tri-radié (visible ou fusionné) et du cartilage de croissance du grand trochanter est également utile.

Diagnostic étiologique La scoliose n'est pas une maladie, mais un symptôme dont la cause devra être recherchée. Dans 25 % des cas, une étiologie sera retrouvée et imposera une prise en charge spécifique qui est du domaine de la spécialité, nécessitant d'adresser le patient à un orthopédiste pédiatre. Dans 75 % des cas, en revanche, aucune étiologie n'est retrouvée, il s'agit alors d'une scoliose idiopathique.

Scoliose idiopathique Figure 12.2 Signe de la lucarne.

La scoliose idiopathique est beaucoup plus fréquente chez les filles (80 %). Plusieurs causes sont évoquées. Une origine génétique est établie, mais le mode de transmission reste

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Chapitre 12. Anomalies de la statique rachidienne de l'enfant    157 inconnu. Il semblerait être multifactoriel. Les formes familiales sont fréquentes, d'où la nécessité de surveiller régulièrement la fratrie et la descendance. Un trouble de l'équilibre d'origine centrale est également soupçonné, pour lequel certains neurotransmetteurs comme la mélatonine ont été incriminés. D'autres pistes étiologiques ont été avancées. La scoliose idiopathique regrouperait en fait plusieurs causes non encore trouvées. Quand elle siège au niveau thoracique, les scolioses idiopathiques thoraciques ont la particularité d'avoir pratiquement toujours une convexité droite. En cas de courbure thoracique à convexité gauche, une syringomyélie doit être recherchée. En zone lombaire, en revanche, la courbure peut être indifféremment du côté droit ou du côté gauche.

vent très évolutive et rarement contrôlée par un traitement orthopédique. Une arthrodèse circonférentielle de la zone dystrophique peut être indiquée même avant la période pubertaire. La maladie de Marfan est facilement évoquée devant la morphologie du patient (grande taille, dolichosténomélie, arachnodactylie). La surveillance et la prise en charge sont similaires à la scoliose idiopathique.

Diagnostic différentiel Inégalité de longueur des membres inférieurs

Scolioses secondaires

Elle est facilement dépistée. La déviation est uniquement frontale, il n'y a pas de rotation vertébrale. Après avoir rééquilibré le bassin, le rachis est rectiligne. On ne retrouve pas de gibbosité.

De multiples causes peuvent être responsables d'une scoliose. Trois grandes entités méritent d'être évoquées.

Lésion tumorale

Scoliose neuromusculaire Pour certains cas, le diagnostic est déjà fait devant un enfant polyhandicapé présentant une paralysie cérébrale, une amyotrophie spinale infantile, une myopathie, etc. Le problème n'est pas au diagnostic, mais à la prise en charge qui conduira souvent vers une intervention chirurgicale difficile chez ces patients fragiles. Pour d'autres cas en revanche, la scoliose est le premier symptôme de la maladie neurologique qu'il faudra savoir diagnostiquer. Un examen neurologique est donc nécessaire devant toute découverte de scoliose. La scoliose est souvent le 1er signe d'une syringomyélie. Sur le plan clinique, une asymétrie des réflexes cutanés abdominaux ou une localisation thoracique gauche de la gibbosité sont des signes très évocateurs qui doivent faire prescrire une IRM à la recherche de la cavité syringomyélique et d'une malformation d'Arnold-Chiari.

Scoliose congénitale ou malformative Il existe 2 types de malformations : soit un défaut de formation correspondant à une hémi-vertèbre, soit un défaut de segmentation correspondant à une barre vertébrale. Ces deux malformations peuvent être associées et il peut exister des malformations étagées qui sont souvent associées à des fusions costales. Ces malformations surviennent tôt dans la période embryonnaire, ce qui explique la fréquence de malformations associées qui peuvent s'intégrer dans un syndrome de VACTERL partiel ou complet  : Anomalie vertébrale, imperforation anale, malformation cardiaque, fistule trachéo-œsophagienne, malformation rénale, malformation des membres (Limb). Un traitement chirurgical précoce peut être indiqué en cas de scoliose évolutive.

Une tumeur du rachis ou de la moelle peut être responsable d'une déviation rachidienne qui est souvent raide et douloureuse. La douleur est au premier plan, parfaitement décrite par l'enfant, et souvent bien localisée – ce qui la différencie des douleurs dites de croissance ou mécaniques, qui sont épisodiques et mal systématisées. La douleur s'accompagne d'une raideur du rachis, l'enfant a du mal à se pencher en avant. Devant ce tableau, il faut évoquer en premier une tumeur qui peut être soit médullaire, soit osseuse localisée au niveau d'une vertèbre. Dans tous les cas, il est nécessaire de réaliser un bilan par IRM et scintigraphie. Les tumeurs osseuses les plus fréquentes sont l'ostéoblastome, l'ostéome ostéoïde, le kyste anévrysmal, la tumeur d'Ewing.

Histoire naturelle des scolioses idiopathiques (figure 12.4) Nous ne parlerons que de la scoliose idiopathique, les scolioses secondaires ayant une évolution propre nécessitant le recours à un avis spécialisé. La tendance naturelle de la scoliose est une aggravation avec la croissance, puis une stabilisation en fin de croissance.

Scoliose syndromique La neurofibromatose de type 1 est facilement diagnostiquée devant la présence de tâches café au lait. Elle est responsable d'une scoliose courte, secondaire à une dystrophie vertébrale qui touche 3 ou 4 vertèbres. La scoliose est sou-

Figure  12.4 Courbe de Mme  Duval-Beaupère. Évolution des scolioses.

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158   Partie II. Pathologies du rachis Cependant, cela est à moduler en fonction des périodes de croissance lente ou rapide et, à l'âge adulte, de l'importance et du type de scoliose.

Avant 1 an : scoliose du nourrisson Dans 80 % des cas, la scoliose est en rapport avec une anomalie posturale et va guérir spontanément en quelques mois. Dans 20 % des cas, il s'agit d'une vraie scoliose débutante, qui peut s'aggraver rapidement et qui va nécessiter un traitement précoce. Une asymétrie d'orientation des côtes (indice de Mehta) est un bon moyen de distinguer tôt les scolioses à risque évolutif.

1 à 4 ans : scoliose infantile Ces scolioses sont particulières dans la mesure où elles atteignent autant les garçons que les filles et où elles sont autant thoraciques droite que gauche. Elles sont heureusement assez rares. La croissance du rachis étant rapide à cet âge, ces scolioses évoluent souvent rapidement et nécessitent un traitement actif par plâtre EDF (élongation, dérotation, flexion) ou par corset porté à temps complet (20 à 22 h sur 24 h).

De 5 ans à la puberté : scoliose juvénile Cette période correspond à une phase de croissance lente du rachis. La scoliose peut s'aggraver, le plus souvent avec une augmentation angulaire modérée et nécessite alors un traitement par corset. La scoliose peut aussi rester stable, voire diminuer spontanément, mais de façon temporaire (ce phénomène est appelé « âge heureux ») ; cependant, il existe toujours un risque de ré-aggravation à la puberté. Il est donc primordial de poursuivre une surveillance attentive.

À la puberté : scoliose de l'adolescence Cette période correspond à la poussée de croissance pubertaire. La scoliose peut s'aggraver de façon très importante. Le risque est maximal en démarrage pubertaire, quand le cartilage tri-radié est ouvert, et à Risser 0. Puis, le risque va progressivement diminuer au fur et à mesure de l'avancée pubertaire, jusqu'à la fin de la maturation rachidienne.

Évaluation de la croissance Elle permet de déterminer le risque évolutif en période pubertaire. Elle est multifactorielle. Sur le plan clinique, elle repose sur la mesure de l'enfant, à la fois en taille assise et en taille debout, l'appréciation des caractères sexuels secondaires (classification de Tanner), et la date d'apparition des règles pour les filles. Sur le plan radiographique, les critères de maturation osseuse les plus utilisés sont l'analyse du cartilage triradié, du cartilage de croissance proximal du fémur, et de l'ossification de la crête iliaque (classification de Risser).

Les facteurs de risque d'aggravation sont  : l'angle de la scoliose, le déséquilibre du tronc, le type de courbure (unique ou combinée). Les scolioses lombaires supérieures à 35° et les scolioses thoraciques supérieures à 45° sont à fort risque évolutif. Les scolioses combinées thoraciques et lombaires, ou les doubles thoraciques, sont moins évolutives, car mieux équilibrées du fait de la présence des 2 courbures. Quoi qu'il en soit, il est nécessaire de surveiller les patients, même après la fin de la maturation osseuse, tous les 5 à 10 ans en fonction du type de courbure. L'aggravation à l'âge adulte peut entraîner un déséquilibre du rachis, des douleurs, un retentissement respiratoire en zone thoracique et une dislocation rotatoire en zone lombaire, source de claudication intermittente.

Traitement Buts Le but principal est d'éviter l'aggravation de la déformation pour arriver en fin de croissance avec une scoliose minime équilibrée, qui aura toutes les chances de rester stable à l'âge adulte et de permettre une vie normale. Une correction de la déformation est plus difficile à obtenir. Cela est surtout possible chez le jeune enfant, beaucoup moins à l'adolescence.

Moyens Rééducation Elle peut être un bon complément, notamment chez un enfant peu sportif. Mais elle n'a jamais fait la preuve d'une efficacité dans la correction ou l'arrêt de la progression d'une scoliose. Elle repose sur un travail postural, des assouplissements, du renforcement musculaire, du travail respiratoire.

Corset C'est le traitement principal d'une scoliose évolutive en période de croissance. De nombreux types de corsets ont été proposés. La plupart sont réalisés par CAO (conception assistée par ordinateur). Le corset CTM (Cheneau, Toulouse, Munster) est un des plus utilisés. Une récente étude internationale a montré que le traitement par corset diminuait le risque d'aggravation et l'incidence chirurgicale. Le corset peut être prescrit à temps complet (20 à 22 h sur 24) ou à mi-temps (12 h sur 24). Mais le port du corset dans la journée est devenu difficile à faire accepter à l'adolescence. Pour cette raison, des corsets nocturnes réalisés en inclinaison du rachis sont souvent utilisés.

Plâtre EDF Le plâtre EDF (élongation, dérotation, flexion) est surtout utilisé pour les scolioses infantiles non contrôlées par un corset. Le plâtre est refait tous les 1 à 2 mois jusqu'à correction de la torsion vertébrale. Il est parfois nécessaire de faire plusieurs plâtres avant le relai par un corset thermoformé.

À l'âge adulte

Traitement chirurgical

Une majorité des scolioses va rester stable, mais certaines peuvent progresser. L'aggravation est alors plus lente que pendant la croissance, de quelques degrés par an.

Il consiste à corriger et à arthrodéser la déformation (figure 12.5). L'instrumentation est en titane ou en chromecobalt. Elle se compose de tiges, de vis, de crochets et de

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Chapitre 12. Anomalies de la statique rachidienne de l'enfant    159

A

B

C

D

Figure 12.5 Traitement chirurgical. A et B : EOS préopératoire. C et D : EOS postopératoire.

liens sous-lamaires. Plusieurs types d'instrumentations et de techniques sont utilisés. L'intervention doit être réalisée sous monitoring (contrôle des potentiels évoqués) pour prévenir les complications neurologiques.

Indications L'indication est multifactorielle. Elle dépend de l'âge de l'enfant (phase de croissance lente ou rapide), du type de courbure (unique ou multiple) de la localisation de la scoliose, de l'équilibre du tronc, de l'angle de Cobb, de l'importance de la rotation vertébrale, de l'aggravation de la scoliose à 6 mois d'intervalle.

Scoliose infantile Un corset à temps complet ou un plâtre EDF sont proposés pour corriger la déformation.

Traitement chirurgical L'indication est multifactorielle et ne dépend pas uniquement de l'angulation de la courbure. Le retentissement psychologique de la déformation doit être pris en compte dans l'indication. La chirurgie est proposée en cas de scoliose évolutive non contrôlée par le traitement orthopédique ou de scoliose présentant un risque évolutif important à l'âge adulte. Il peut se discuter à partir de 35° pour une scoliose lombaire, de 40° pour une scoliose thoracique, et après 45° pour des scolioses combinées. Quand peut-on opérer ? À la puberté, l'arthrodèse peut être envisagée dès la fermeture du cartilage tri-radié, sans attendre la fin complète de la croissance. Avant la puberté, l'arthrodèse n'est pas recommandée car elle limite le développement du thorax. Dans de rares cas, un traitement par tiges de croissance (sans arthrodèse) peut être proposé, mais les résultats sont pour l'instant mitigés et les complications fréquentes.

Scoliose juvénile

Activités sportives

Une surveillance au moins clinique doit être réalisée tous les 6 mois. Un traitement par corset est indiqué en cas d'aggravation de la scoliose.

Les activités sportives sont fortement conseillées et doivent être maintenues, même en cas de traitement par corset. Tous les sports sont autorisés. Il n'est pas nécessaire d'orienter l'enfant vers un sport en particulier.

Scoliose de l'adolescence Un traitement par corset est souvent proposé en raison du risque évolutif important, notamment en début de période pubertaire.

Surveillance et dépistage pendant la croissance Un examen de la colonne vertébrale est nécessaire chez tous les enfants au moins une fois par an.

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160   Partie II. Pathologies du rachis En cas de découverte d'une scoliose : avant la puberté, une surveillance tous les 6 mois est nécessaire (au moins sur le plan clinique, et avec une radio au moindre doute évolutif). En phase pubertaire, une surveillance clinique et radiographique tous les 6 mois est recommandée. Il est important de ne pas multiplier les radiographies. Une radiographie de face suffit. Il est préférable d'utiliser le système EOS, moins irradiant et suffisant pour la surveillance. Des techniques de topographie de surface, dérivées du phénomène Moiré, sont actuellement en cours d'évaluation et remplaceront certainement dans l'avenir la radiographie pour la surveillance des patients non traités.

Dystrophie rachidienne de croissance. Maladie de Scheuermann La véritable maladie de Scheuermann est caractérisée par une cyphose T4-T12 supérieure à 50°, associée à une cunéiformisation vertébrale d'au moins 5° de 3 vertèbres adjacentes. Actuellement, on parle de « Scheuermann » devant une accentuation de la cyphose thoracique associée à des irrégularités (aspect feuilleté, hernie intra-spongieuse) des plateaux vertébraux. Cela correspond à des dystrophies rachidiennes de croissance (DRC), qui peuvent siéger en zone thoracique, thoraco-lombaire ou lombaire. La DRC est plus fréquente chez le garçon. Son origine est méconnue. Il existe souvent des antécédents familiaux.

Diagnostic différentiel Cyphose posturale ou attitude cyphotique La cyphose n'est pas structuralisée. L'enfant arrive à se redresser spontanément. Une rééducation posturale peut parfois être proposée.

Autres causes de cyphose Les causes de cyphose sont multiples. Le plus souvent, il s'agit de cyphoses angulaires nécessitant un avis spécialisé.

Histoire naturelle de la DRC La cyphose s'aggrave avec la croissance. À l'âge adulte, les DRC harmonieuses inférieures à 75° sont en général bien tolérées ; en revanche, les DRC dysharmonieuses s'étendant à la jonction thoraco-lombaire sont souvent mal tolérées avec des douleurs thoraco-lombaires mécaniques.

Traitement En cas de symptomatologie douloureuse, un traitement par rééducation peut être proposé. Un traitement par corset peut être proposé en période de croissance pour éviter l'aggravation. On peut espérer une correction chez l'enfant jeune en démarrage pubertaire, mais cela nécessite un port assidu du corset, le plus souvent à temps complet. Les cyphoses dysharmonieuses de siège thoraco-lombaire

Examen clinique Le motif de consultation peut être une douleur ou une anomalie posturale avec un retentissement esthétique, souvent stigmatisé par les parents plus que par l'enfant. Cliniquement, la cyphose est évaluée par la mesure des flèches cervicale et lombaire à l'aide d'un fil à plomb. Normalement, le fil à plomb est tangent à T6 et S1 et les flèches sont en moyenne de 3 cm en cervical et en lombaire. Les flèches augmentent en cas d'accentuation de la cyphose thoracique. L'examen clinique doit évaluer la souplesse du rachis, la localisation de la cyphose (thoracique ou thoraco-lombaire) et sa réductibilité.

Radiographie (figure 12.6) Le positionnement lors de l'examen (coudes fléchis et mains au niveau des épaules) est important pour avoir des mesures angulaires fiables et reproductibles. La radiographie met en évidence une irrégularité des plateaux vertébraux, une cunéformisation des corps vertébraux, des nodules de Schmorl (hernies intra-­spongieuses). L'angle T4-T12 est mesuré, ainsi que la cyphose loco-régionale. Deux types sont à distinguer : les cyphoses harmonieuses qui ne s'étendent pas à la jonction thoraco-lombaire et les cyphoses dysharmonieuses qui s'étendent ou qui sont localisées à la jonction thoraco-lombaire.

Figure 12.6 Maladie de Scheuermann.

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Chapitre 12. Anomalies de la statique rachidienne de l'enfant    161 doivent être traitées par un corset en période pubertaire, en raison de leur mauvaise tolérance à l'âge adulte. Le traitement chirurgical est rarement indiqué. Il peut se discuter devant des cyphoses évoluées, raides, douloureuses ou inesthétiques du grand enfant. Le but est de corriger la déformation et de restaurer l'équilibre sagittal.

Spondylolisthésis L'enfant est surtout et quasi exclusivement concerné par le spondylolisthésis par lyse isthmique. Il siège dans plus de 95 % des cas en L5-S1. Il se développe toujours avant l'âge de 18 ans. Sa fréquence est estimée à 5 à 6 % de la population.

Étiologie Une origine génétique est probable, en raison de la fréquence des cas familiaux et dans certaines ethnies comme les Esquimaux. Le facteur postural est important puisque le spondylolisthésis est l'apanage de la position debout. Il est exceptionnel chez le sujet non marchant. Le spondylolisthésis est qualifié de « fusible de la bipédie », dans la mesure où il permettrait une adaptation de la posture en position debout. Les microtraumatismes répétés ont un rôle favorisant. Le spondylolisthésis est plus fréquent chez les sportifs, notamment pour les sports responsables de contraintes en hyperlordose, comme l'haltérophilie ou la gymnastique. Une association est fréquente avec un dysraphisme spinal fermé à type de spina bifida occulta.

Clinique Le spondylolisthésis est asymptomatique dans 75 % des cas. Il s'agit d'une découverte fortuite sur une radiographie réalisée à la suite d'un traumatisme ou dans le cadre d'un bilan pour une activité sportive. Le spondylolisthésis est symptomatique dans 25 % des cas. Le plus souvent, il s'agit de lombalgies d'allure mécanique, survenant en position debout prolongée, avec parfois une irradiation radiculaire tronquée. La plupart du temps le rachis reste souple.

Radiographie La radiographie de profil met en évidence la lyse isthmique et le glissement. En cas de doute, un scanner ou une IRM pourront confirmer le diagnostic. En fonction du pourcentage de glissement, le spondylolisthésis est classé en 4 stades.

Analyse de la stabilité Le risque d'aggravation du glissement peut être évalué avec 2  paramètres  : d'une part, l'angle lombosacré (angle de Boxall) et, d'autre part, l'orientation du sacrum.

Spondylolisthésis stable (figure 12.7) C'est de loin la forme la plus fréquente (plus de 95 % des cas). L'angle lombo-sacré est en lordose. Le sacrum est horizontal. Le risque d'augmentation du glissement est très faible.

Figure  12.7 Spondylolisthésis stable. Le sacrum est horizontalisé. L'angle L5-S1 est en lordose.

Spondylolisthésis instable (figure 12.8) Le sacrum est très vertical. Du fait de l'horizontalisation du plateau de S1, L5 va tourner autour de S1 pour tenter d'augmenter la lordose lombaire, afin de redonner un équilibre sagittal satisfaisant. Cela va induire une cyphose lombosacrée, témoin de l'instabilité. Le risque d'aggravation est majeur. Cette forme est souvent symptomatique avec lombalgies, radiculalgies, rachis raide et guindé. Un traitement chirurgical est recommandé.

Formes cliniques Spondylolisthésis par allongement isthmique L'isthme n'est pas rompu, mais étiré. Le glissement est souvent plus important que l'allongement, ce qui entraîne un rétrécissement du canal rachidien symptomatique, nécessitant un traitement chirurgical de décompression et d'arthrodèse.

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162   Partie II. Pathologies du rachis

Spondylolisthésis par fracture aiguë La fracture de l'isthme d'origine traumatique est exceptionnelle. Un traitement par immobilisation plâtrée avec prise crurale est indiqué dans le but d'obtenir une consolidation.

Traitement Le spondylolisthésis stable, asymptomatique ou paucisymptomatique, ne nécessite aucun traitement. Les activités sportives peuvent être autorisées. Le spondylolisthésis stable symptomatique peut être traité en première intention par rééducation ou corset lombaire pendant une période de 3 mois. En cas d'échec, un traitement chirurgical de réparation isthmique ou d'arthrodèse peut être proposé. Le spondylolisthésis instable nécessite un traitement chirurgical consistant en une arthrodèse, associée ou non à une réduction du glissement.

Bibliographie Accadbled  F, Sales de Gauzy  J. Scoliose idiopathique. Éd, Sauramps Médical ; 2016. Morin C, Sales de Gauzy J, Jouve JL. Orthopédie Pédiatrique. In : Rachis et Thorax. Elsevier Masson ; 2016. Éd. Miladi  L. Round and angular kyphosis in paediatric patients. Orthop Traumatol Surg Res 2013 ; 99(1 Suppl) : S140–9. Feb. Violas P, Lucas G. L5-S1 spondylolisthesis in children and adolescents. Orthop Traumatol Surg Res. 2016 ; 102(1 Suppl) : S141–7. Feb.

Figure  12.8 Spondylolisthésis instable. Le sacrum est vertical. L'angle L5-S1 est en cyphose.

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Chapitre

13

Cormoptose Michel Laroche PLAN DU CHAPITRE Sémantique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Signes cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conduite à tenir diagnostique . . . . . . . . . . . . .

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Sémantique Devant un malade qui se penche involontairement vers l'avant, le terme de camptocormie ne doit pas être employé : en effet, ce terme a été utilisé par de grands neurologues français [1, 2] (figures 13.1 et 13.2) pour décrire « une plicature vertébrale volontaire », dans le cadre de syndromes hystériformes, chez des soldats de la Première Guerre mondiale (figure 13.1). Les termes cormoptose, du grec, « ptose du tronc », ou bent spine syndrome des Anglo-Saxons, doivent être préférés.

Examens complémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . Traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

164 164

■ d'un canal lombaire étroit (CLE) dans lequel le malade se penche vers l'avant pour soulager ses douleurs lombaires et sa claudication radiculaire. Le scanner lombaire ou l'IRM en assurent le diagnostic.

Signes cliniques La cormoptose peut être constante ou au début, ne survenir, qu'à la station debout prolongée, à la marche, à la fatigue. Elle peut être associée à des douleurs lombaires.

Conduite à tenir diagnostique Il faut tout d'abord distinguer les cormoptoses irréductibles des cormoptoses réductibles.

Cormoptoses irréductibles Le malade ne peut se redresser ni spontanément ni lorsque l'on essaie de provoquer une rétropulsion du tronc et des épaules. En décubitus dorsal, le trouble statique persiste. Les radiographies montrent : ■ des séquelles de spondylodiscite ou ■ des signes de spondyloarthrite ancienne évoluée.

Cormoptoses réductibles L'interrogatoire et l'examen neurologique permettent le diagnostic : ■ d'une maladie de Parkinson : le trouble statique s'installe sur quelques mois, souvent associé à une scoliose. Les autres signes du syndrome extra-pyramidal sont souvent présents (amimie, akinésie, tremblement, troubles de l'écriture), mais la dystonie peut-être au premier plan ; Rhumatologie © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Figure 13.1 « Camptocormie », statue de Raymond Sudre. Raymond Sudre (1870, Perpignan - 1962, Paris). Figurine en cire - psychonévrosé de guerre : camptocormie, 1918, Faculté de médecine, Université de Montpellier. Classée au titre des Monuments Historiques en 2004. Source : © Université de Montpellier - Isabelle Pradier.

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164   Partie II. Pathologies du rachis

Figure 13.3 Coupe TDM passant par L3. Myopathie spinale responsable de cormoptose : infiltration graisseuse massive des paravertébraux, débutant à la distalité. Figure  13.2 Coupe TDM passant par L1. Atrophie musculaire du vieillissement : augmentation des espaces graisseux entre les chefs musculaires.

Si ces diagnostics sont écartés, si le trouble statique évolue très lentement chez une femme de plus de 70 ans, dont la mère présentait aussi ce trouble statique, il s'agit très probablement d'une myopathie spinale de révélation tardive, s'intégrant dans le cadre d'une myopathie des ceintures. Le scanner des muscles para-vertébraux [3-5] en permet le diag­nostic : il montre une infiltration graisseuse des para vertébraux (figure 13.2), tout le long du rachis, bien différente de l'atrophie des muscles liée à l'âge ou au vieillissement (figure 13.3). En effet, dans cette myopathie, l'infiltration graisseuse débute à la distalité des muscles, s'y localise de façon plus ou moins importante, plus ou moins hétérogène. À l'opposé, dans l'atrophie du vieillissement, il s'agit d'une exagération des interfaces graisseuses contre l'arc postérieur et entre les chefs musculaires. Les CPK sont modérément augmentés dans 50  % des cas. Le scanner montre une fois sur trois une infiltration graisseuse des gluteus médius, très souvent asymptomatique, parfois responsable d'un Trendelemburg. Cette atteinte musculaire para-vertébrale, provoquant la cormoptose, peut parfois être au premier plan, dans le cadre d'une autre dystrophie musculaire (myopathie fascioscapulo-humérale), d'une myotonie de Steinert, d'une myopathie hypothyroïdienne, cortisonique, d'une ostéomalacie, d'une polymyosite ou d'une myosite à inclusion [6, 7].

Examens complémentaires Devant une cormoptose, les examens complémentaires comportent : ■ des radiographies du rachis dans son ensemble et du bassin, ■ un scanner avec des coupes rachidiennes (canal lombaire étroit) et musculaires (T4, T9, L1, L5, ceintures scapulaires et pelviennes, cuisses, bras, mollets), ■ un dosage du calcium, de la TSH, des CPK, un test au Dectancyl®,

■ l'EMG permet d'écarter une myotonie en cas de doute clinique, ■ une étude génétique sera réalisée si l'atteinte musculaire au scanner concerne d'autres muscles que les para-vertébraux, ■ l'IRM, la biopsie musculaire, la recherche d'auto-­ anticorps ne seront effectuées que si l'on évoque une pathologie musculaire inflammatoire.

Traitement Le traitement est étiologique : ■ s'il s'agit d'un CLE (infiltration intra-thécale, chirurgie), d'un syndrome extra-pyramidal ; ■ les myopathies endocriniennes ou ostéomalaciques s'améliorent très vite avec le traitement de l'affection en cause et les malades se « redressent » en quelques jours ; ■ les cormoptoses par myosite se redressent aussi avec les corticoïdes et/ou les Ig IV.

Lorsqu'il s'agit de myopathie spinale : ■ la canne, le bâton de marche doivent être proposés ; ■ les corsets de type « sac à dos » sont efficaces et tolérés chez 30 % des malades ; ■ la lévocarnitine améliore subjectivement un malade sur deux ; ■ dans les formes sévères, chez des malades relativement jeunes ou sans comorbidité, la chirurgie (tiges de Harrington) peut être discutée.

Références [1] Souques A, Rosanoff-Saloff. La camptocormie : incurvation du tronc, consécutive aux traumatismes du dos et des lombes ; considérations morphologiques. Rev Neurol 1914 ; 15 : 937–9. [2] Babinski J, Froment J. Hystérie – Pithiatisme et troubles nerveux d'ordre réflexe en neurologie de guerre. 2e édition Paris : Masson ; 1917. [3] Laroche M, Delisle MB, Aziza R, et al. Is camptocormia a primary muscular disease ? Spine. 20 ; 1995. p.1011–6.

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Chapitre 13. Cormoptose   165 [4] Laroche M, Rousseau H, Mazières B. Intérêt de la tomodensitométrie dans la pathologie musculaire. Rev Rhum 1989 ; 56 : 433–9. [5] Laroche M, Delisle MB. La camptocormie primitive est une myopathie para-vertébrale. Rev Rhum 1994 ; 61 : 481–4.

[6] Lenoir T, Guedj N, Boulu P, et al. Camptocormia : the bent-spine ­syndrome an update. Eur J Spine 2010 ; 19 : 1229–37. [7] Ghosh PS, Milone M. Camptocormia as presenting manifestation of a spectrum of myopathic disorders. Muscle Nerve 2015 ; 52(6) : 1008–12. Dec.

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Chapitre

14

Ostéoporose Michel Laroche PLAN DU CHAPITRE Définition. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Physiopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Épidémiologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Quels malades traiter ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Que faire avant de débuter le traitement ?. . . Quel traitement ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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L'ostéoporose est la plus fréquente des maladies osseuses. Elle génère un handicap important dans la société et son coût est très élevé pour la collectivité.

Définition L'ostéoporose est une maladie diffuse du squelette qui provoque une diminution de la solidité osseuse augmen­ tant le risque de fracture. Cette fragilité osseuse peut être associée à une diminution de la Densité Minérale Osseuse (DMO) évaluée par ostéodensitométrie, ou DEXA mais pas obligatoirement. La fragilité osseuse résulte donc d'une perte de minéral osseux (déminéralisation) mais aussi de perturbations de ­l'architecture osseuse (agence­ ment des trabécules osseuses). La  ­s arcopénie due à l'âge contribue aussi au risque de chute et au risque de fracture.

Physiopathologie L'os est en perpétuel remodelage : celui-ci est assuré par les ostéoblastes formant le tissu ostéoïde qui se minéralise secondairement, grâce au calcium et à la vitamine D, et les ostéoclastes qui résorbent le tissu osseux. Ces phénomènes cellulaires sont régulés par différents systèmes hormonaux (PTH, calcitonine, vitamine D, hormones sexuelles) par l'in­ termédiaire de cytokines ou de facteurs de croissance (voir chapitre 1, « Remodelage osseux »). Lorsque l'activité des ostéoclastes supplante celle des ostéoblastes, les trabécules osseuses diminuent d'épaisseur et l'ostéoporose se constitue : cette hyperactivité ostéoclas­ tique résulte le plus souvent, chez la femme ménopausée, de la carence œstrogénique, et chez les sujets âgés, quel que soit leur sexe, d'une carence vitamino-calcique, d'une altéra­ tion de la fonction rénale induisant une hyperparathyroïdie secondaire. Rhumatologie © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Quel suivi ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Quelle durée des traitements ? . . . . . . . . . . . . Traitement des douleurs de la fracture-tassement vertébrale récente. . . Ostéoporose masculine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ostéoporose cortico-induite (OPCI) . . . . . . . . .



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Facteurs de risque Les fractures ostéoporotiques vont concerner particulière­ ment les sujets ayant des facteurs de risque d'ostéoporose, dont les principaux sont : ■ l'âge : 80 % des sujets de 90 ans ou plus ont ou auront une fracture ostéoporotique. ■ les antécédents de fracture ostéoporotique : les malades ayant eu une fracture vertébrale, symptomatique ou non, ont 20 % de risque supplémentaire d'avoir une nouvelle fracture dans l'année qui suit. ■ le sexe  : les femmes ont 4  fois plus de risque que les hommes. ■ la génétique : une mauvaise acquisition du capital osseux maximal à l'adolescence, génétiquement déterminé pour plus de 70 %, déterminera le risque fracturaire après la ménopause ou au cours du vieillissement. ■ des apports calciques réduits à l'adolescence. ■ la ménopause précoce. ■ la sédentarité. ■ l'alcoolo-tabagisme. ■ la maigreur (IMC : indice de masse corporelle  1,5 cm.

Nouvelle DEXA Après deux ans de traitement ou en fin de séquence théra­ peutique, une nouvelle DEXA permettra de s'assurer que le gain de DMO correspond au gain attendu. Il faut que ce nouvel examen soit réalisé sur le même appareil, ou au minimum sur un appareil de même marque et que les zones de mesure soient rigoureusement identiques à celles du pre­ mier examen. En cas de perte osseuse, un avis spécialisé doit être pris (non-observance, mauvaise absorption, ostéomala­ cie associée, erreur de diagnostic au départ (HPT normocal­ cémique, malabsorption, mastocytose ?).

Quelle durée des traitements ? Le point doit être fait après 3 (zolédronate) ou 5 ans (alen­ dronate, risédronate) de traitement : point clinique, biolo­ gique (CTX) et densitométrique. Le traitement doit être poursuivi en cas de T  score  3/10 sur EVA., Sources : Bruehl S, Harden RN, Galer BS et al. External validation of IASP diagnostic criteria for complex regional pain syndrome and proposed research diagnostic criteria. Pain, 1999, 81 : 147-54., et Harden RN, Bruehl S, Perez RSGM et al. Validation of proposed diagnostic criteria (the « Budapest criteria ») for complex regional pain syndrom. Pain, 2010, 150 : 268–74.

L'immobilisation post-traumatique en elle-même pourrait être un facteur de risque d'algodystrophie [3, 4]. L'algodystrophie peut survenir dans des contextes non traumatiques : ■ maladies neurologiques : coma, hémiplégies (algodystrophie du côté paralysé), migraines, zona, neuropathies périphériques (dans ce cas, il s'agirait plutôt d'un syndrome douloureux régional complexe de type 2) ; ■ osseux  : ostéoporose et ostéomalacie pourraient être à l'origine de microfractures osseuses, expliquant des formes prolongées d'algodystrophies qui ne guérissent qu'en traitant aussi l'ostéopathie déminéralisante sous-jacente ; ■ métabolique : diabète, hypertriglycéridémie, hyperuricémie seraient plus fréquemment rencontrées chez des algodystrophiques que dans une population de référence, mais les preuves sont faibles [5] ; ■ vasculaire : troubles circulatoires (artérite, séquelles de phlébite) ; ■ médicaments  : phénobarbital ou autres barbituriques (« rhumatisme gardénalique »), isoniazide, inhibiteurs de l'enzyme de conversion, cyclosporine, trithérapie du VIH. ■ grossesse (atteinte de la hanche).

Cependant, alors que tout un chacun a été victime d'un traumatisme, peu développent une algodystrophie, suggérant une susceptibilité particulière.

Aspects psychologiques Une étude cas-témoins, comparant 30 algodystrophiques à 30 lombalgiques chroniques de même âge et même sexe, montre qu'à douleur égale les algodystrophiques sont plus alexithymiques (difficulté à identifier et exprimer ses émotions) et plus en détresse psychologique (anxiété et/ou dépression) que les sujets lombalgiques [6], mais une telle étude ne peut établir un lien de causalité et celles évaluant les aspects psychologiques chez les algodystrophiques sont contradictoires. Les quelques études prospectives, incluant un grand nombre de sujets, ne montrent pas que l'état psychologique prédise la survenue d'une algodystrophie [4].

Un terrain génétique ? Différents polymorphismes de cytokines, de neuromédiateurs, pourraient-ils rendre compte des symptômes de la maladie ? Les quelques résultats publiés sont contradictoires [3]. Enfin, 10–20 % des algodystrophies restent sans cause évidente.

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Chapitre 18. Algodystrophie sympathique réflexe (ADSR)    207

Physiopathologie Plusieurs revues récentes tentent de clarifier la physiopathologie du SDRC-1 [3, 4, 7, 8].

Rôle de l'inflammation Un traumatisme tissulaire même mineur suffit pour stimuler la production de cytokines et de NGF (nerve growth factor) qui excitent les nocicepteurs (fibres sensitives C et A δ) et libèrent des neuropeptides inflammatoires : substance P et CGRP (Calcitonin-Gene-Related Peptide) par réflexe d'axone. Ces neuropeptides entraînent vasodilatation et extravasation protéique dans les tissus rendant compte de la rougeur cutanée, de la chaleur locale, de l'œdème, l'ensemble étant regroupé sous le vocable d'inflammation « neurogène » » (voir chapitre 3, « Douleur »). Bien décrits dans la peau [9], ces mécanismes ne sont que suspectés dans les autres tissus (os, muscles). TNF-alpha et IL-6 sont augmentés dans la peau algodystrophique, ainsi que dans le sérum en phase précoce, et dans le liquide céphalo-rachidien, alors que IL-4, IL-10 et TGF-ß sont diminués. Ces modifications de concentrations cytokiniques sont indépendantes des signes cliniques de la maladie et de son évolution, mais sont corrélées à l'hyper­algésie, témoin de l'hyperexcitabilité neuronale dans la moelle épinière (sensibilisation du second neurone ou interaction entre cellules gliales et neurones). Cette réponse inflammatoire ne semble pas liée à l'immunité cellulaire. VS, numération et formule des globules blancs, ainsi que les concentrations d'anticorps autoimmuns, sont normales et il n'est pas observé d'infiltrat inflammatoire dans les tissus examinés.

Rôle des troubles vasomoteurs L'alternance des phases « chaude » et « froide » de la maladie suggère des modifications des nerfs vasoconstricteurs au cours du temps. En phase chaude, les concentrations de noradrénaline dans le sang veineux sortant de la zone touchée sont abaissées, mais elles le sont aussi au cours de la phase froide, suggérant qu'à côté de la vasodilatation inflammatoire des premiers mois, existe paradoxalement une inhibition persistante des nerfs sympathiques vasoconstricteurs cutanés. Cela pourrait s'expliquer par une densité accrue ou une augmentation de réponse des récepteurs alpha-adrénergiques observée sur des biopsies cutanées. Les catécholamines sont également des neuromédiateurs centraux et peuvent jouer un rôle dans la douleur de ce syndrome. Des modifications de l'endothélium vasculaire (cellules endothéliales gonflées, polynucléaires adhérant à la paroi), une lumière vasculaire obstruée engendrant des shunts artério-veineux, aggravent les échanges métaboliques et compromettent la circulation, comme ceci peut se voir dans les syndromes de loge où l'extravasation plasmatique interstitielle dépasse les capacités de drainage du système lymphatique entraînant une hyperpression hydrostatique dans les tissus et des perturbations des échanges capillaires. Ce stress hypoxique génère acidose et production de radicaux libres qui viennent aggraver les lésions capil-

laires. On a montré dans le SDRC une augmentation locale d'endothéline-1 (vasoconstrictrice) et une diminution d'acide nitrique (vasodilatateur). Ces différents mécanismes décrits au niveau cutané, doivent probablement être présents aussi dans les autres tissus (os, muscles, tissus articulaires). Dans l'os (biopsies par forage de la tête fémorale en cas d'algodystrophie de hanche), l'algodystrophie sympathique réflexe se caractérise par une hypervascularisation, une stase plasmatique et une augmentation très importante du remodelage osseux, d'abord dans le sens d'une résorption ostéoclastique majeure, puis très vite dans le sens d'une ostéoformation ostéoblastique importante [10].

Rôle du système nerveux central (SNC) Le SNC subit des modifications fonctionnelles et structurales en cas de douleur chronique, ce qui est le cas dans le SDRC. Ces modifications conduisent à une « sensibilisation centrale » dont les mécanismes sont imparfaitement compris, mais comportent une désinhibition des voies nociceptives spinales ou une facilitation de ces voies nociceptives par excitation des neurones venus de la moelle ventrale, de l'amygdale, du gyrus cingulaire antérieur et du cortex préfrontal. Ces modifications pourraient être le substratum des modifications au long cours de l'humeur et des facultés cognitives (peurs et addiction). Ce phénomène de sensibilisation semble perturber, voire supprimer les sensations non douloureuses. La perte du rôle inhibiteur des sensations cutanées normales pourrait augmenter l'excitabilité du réseau nociceptif thalamo-cortical, créant ainsi un cercle vicieux. L'un des éléments clés de cette sensibilisation est l'augmentation d'activité des récepteurs au glutamate qui augmentent la transmission du signal dans les circuits nociceptifs de la moelle vers le cortex. Ainsi, cette sensibilisation peut induire la douleur chronique, l'hyperalgésie et l'allodynie, ainsi que l'extension de la douleur aux zones adjacentes non traumatisées. L'inhibition de ces récepteurs par un antagoniste comme la kétamine peut ainsi calmer la douleur. Un mécanisme potentiellement important est l'« amorce hyperalgique » qui pourrait expliquer qu'un traumatisme transitoire puisse conduire à une douleur chronique. Selon cette théorie, un traumatisme transitoire déclencherait des modifications durables dans le premier neurone nociceptif qui le rendrait sensible à des traumatismes ultérieurs même mineurs, indolores en temps normal et amorcer ensuite des modifications dans le SNC. Ce phénomène pourrait être général et expliquer plusieurs situations douloureuses chroniques post-traumatiques (fibromyalgie, syndrome du côlon irritable, syndrome douloureux post-traumatique) ou neuropathiques (diabète…). Une autre manifestation du dysfonctionnement du SNC dans le SDRC est l'altération des fonctions motrices. Ces modifications sont fréquentes après un traumatisme, mais disparaissent ensuite. Dans le SDRC, la dystonie est le trouble moteur le plus fréquent : persistance de postures en flexion des doigts et du poignet ou en flexion plantaire et éversion du pied, caractéristiques d'une plasticité neuronale

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208   Partie III. Pathologies osseuses inadaptée. Ce phénomène pourrait être lié à des mécanismes spinaux GABAergiques, puisque l'injection intra-thécale de baclofène (myorelaxant agoniste des récepteurs GABA) l'améliore. Des mécanismes supraspinaux sont aussi à l'œuvre. Chez un sujet normal, la stimulation électrique répétée du dos de la main entraîne une adaptation avec diminution de la sensation douloureuse (témoin d'une inhibition descendante) et une zone cutanée d'hyperalgésie (témoin d'une facilitation descendante). Dans le SDRC, l'adaptation est moindre, que la stimulation douloureuse soit appliquée sur la main touchée ou sur l'autre et la zone d'hyperalgie est plus large, suggérant une diminution de l'inhibition descendante et une augmentation de la facilitation descendante. Une mauvaise adaptation des fonctions cognitives supérieures a aussi été notée. Des patients présentant un SRDC prolongé ont tendance à sentir leur membre touché plus gros qu'il n'est, et le décrivent avec un sentiment d'hostilité ou de dégoût, ou bien encore comme une entité séparée, un corps étranger dont ils voudraient être débarrassés. Une douleur expérimentale chez un volontaire sain diminue quand la vision de son membre est agrandie avec un miroir, alors que c'est le contraire dans le SDRC. Les anomalies de perception sont comparables à celles observées dans le syndrome de négligence après un accident vasculaire cérébral. De même, le patient a l'impression qu'on touche son membre malade si on lui montre dans un miroir le membre sain qui est touché ou bien on note des troubles de la latéralité en demandant au patient de croiser les jambes (ou les bras, selon la localisation), comme si les patients avec SDRC avaient une atteinte hémisensorielle homolatérale. En rapport avec ces constatations cliniques, les techniques d'IRM fonctionnelle montrent une diminution de la zone de représentation de la main dans l'aire somesthésique controlatérale (S1) qui revient à la normale avec la guérison. Ces modifications de représentation pourraient expliquer les perturbations sensitives décrites par le malade comme « en gant » à la main ou « en chaussette » au pied, ou la sensation d'un membre trop gros ou la présence de déficits hémisensoriels. Ces modifications corticales touchent aussi les aires motrices (M1)  : les études par stimulation magnétique transcrânienne montrent une diminution des mécanismes inhibiteurs et une augmentation de l'excitabilité dans le cortex primaire moteur controlatéral, mais aussi homolatéral, suggérant l'existence d'anomalies corticales diffuses [11] avec troubles du schéma corporel. Des études par IRM cérébrale ont montré un amincissement de certaines zones du cortex préfrontal corrélé à des dysfonctions cognitives chez ces patients douloureux, comme cela a été démontré dans d'autres pathologies douloureuses chroniques (fibromyalgie, lombalgies chroniques) [12]. L'ensemble de ces résultats suggère que la douleur et la sensibilisation centrale contribuent à une réorganisation corticale, mais celle-ci est inadaptée et favorise en retour le maintien d'une douleur chronique. Mais ces modifications sont-elles une cause favorisante à la survenue d'un SDRC ou une conséquence ?

Manifestations cliniques Les deux phases classiques Phase chaude Elle associe des douleurs articulaires et péri-articulaires décrites par les malades comme « profondes », de type inflammatoire, présentes au repos, aggravées par la mobilisation de l'articulation et la pression. La région est œdématiée, chaude, la peau apparaît violacée, il existe une hypersudation, l'articulation est modérément limitée et douloureuse (figure 18.1). Cette phase dure de quelques semaines à 2–3 mois. Classiquement, la douleur est disproportionnée par rapport au facteur causal traumatique éventuel. Allodynie et hyperalgésie sont fréquentes.

Phase froide Elle lui succède progressivement  : la douleur spontanée diminue, la limitation de l'articulation augmente, associée à des rétractions capsulaires et tendineuses, un aspect atrophique de la peau : celle-ci est amincie, les poils disparaissent. La phase froide dure de 2 à 12 mois. La guérison spontanée survient 9 fois sur 10. Cette succession des symptômes est cependant inconstante, des formes froides d'emblée sont notées et certains

Figure 18.1 Algodystrophie post-chirurgicale (cicatrice sur la face antérieure de la cheville) en phase « chaude ». Aspect œdématié et rouge du pied. L'œdème remonte sur la jambe. Source  : Reproduit de The Lancet Neurology, Vol. 10, Marinus J, Moseley GL, Birklein F et al., Clinical features and physiopathology of complex regional pain syndrome, p. 637–48, © 2011, avec la permission d'Elsevier.

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Chapitre 18. Algodystrophie sympathique réflexe (ADSR)    209 veulent voir là l'existence de sous-types de la maladie plutôt que des phases évolutives successives [13]. Ces formes « froides » d'emblée auraient un moins bon pronostic que les formes biphasiques [14].

Formes cliniques Formes évolutives Il est classique d'affirmer au malade qu'il guérira toujours : cela le rassure ; l'amélioration est nette les six premiers mois, plus lente ensuite. Toutefois, de façon exceptionnelle, l'algodystrophie peut être grave, entraînant des troubles trophiques et une raideur articulaire majeurs, incompatibles avec une fonction correcte du membre [15]. Certains de ces cas ont conduit à l'amputation [16]. Plus couramment, des séquelles peuvent persister au-delà d'un an, à la main ou au pied en particulier [17].

Formes partielles et parcellaires [18] Au genou par exemple, la rotule ou un seul condyle peuvent être touchés de façon isolée.

Formes extensives (localisations successives) L'atteinte de plusieurs articulations, successivement, aux membres inférieurs doit faire chercher par ostéodensitométrie une déminéralisation sous-jacente qui « entretient » l'algodystrophie.

Formes récidivantes (exceptionnelles) Il est classique de dire qu'une articulation ne peut être touchée qu'une seule fois par l'algodystrophie.

Formes topographiques Au membre inférieur L'algodystrophie est très souvent post-traumatique ou postimmobilisation plâtrée (cheville). Hors traumatisme, la maladie peut être favorisée par l'ostéoporose, l'ostéomalacie, en particulier l'ostéoporose compliquant une tubulopathie rénale. Au niveau des genoux, l'algodystrophie est souvent post-chirurgicale, notamment post-arthroscopique. Dans la phase froide, il peut y avoir une fibrose de la capsule articulaire responsable d'une limitation importante des mouvements du genou. La rotule est très souvent touchée, radiologiquement c'est « l'os chéri » de l'algodystrophie. Au niveau de la hanche [19], l'algodystrophie est souvent spontanée, parfois favorisée par des troubles métaboliques : hyperlipémie, hyperuricémie. Radiologiquement existe une décalcification volontiers sous-chondrale de la tête fémorale, donnant un aspect délavé, évanescent de cette tête par rapport à la hanche opposée (evanescent hip). Avec la guérison clinique, la reminéralisation se fait progressivement, d'où le terme « d'ostéoporose transitoire ». Au début, la radiographie peut être normale et le diagnostic différentiel avec l'ostéonécrose se pose. L'IRM montre, déjà à ce stade, un hyposignal diffus de la tête fémorale en T1 qui se transforme en hypersignal en T2, contrairement à l'ostéonécrose (voir chapitre 19, « Ostéonécrose »).

Au membre supérieur Le syndrome épaule-main associe une algodystrophie de la main et une épaule gelée. Il peut révéler une insuffisance coronarienne, compliquer un infarctus du myocarde, un dysfonctionnement thyroïdien, un problème neurologique (tumeur cérébrale, AVC), un cancer bronchique, être associé à un traitement par antituberculeux ou barbituriques. La survenue d'un syndrome épaule-main chez un hémiplégique est difficile à diagnostiquer, le membre parétique étant déjà douloureux, œdématié, avec troubles sensitifs et peau dystrophique par non-utilisation. Il faut y penser devant une accentuation des symptômes douloureux, une limitation de l'épaule en l'absence de spasticité, la survenue d'une allodynie et d'une hyperalgésie avec variations de la température et de la couleur de la peau. Le diagnostic ne peut être que clinique. À l'épaule, l'algodystrophie peut revêtir une forme particulière intéressant surtout la capsule et donnant une limitation très importante des mouvements de l'épaule : on parle alors de « capsulite rétractile » ou d'épaule « gelée » (voir chapitre 30).

Algodystrophie de l'enfant Peu fréquente chez l'enfant, son diagnostic peut être retardé. Les filles à la préadolescence sont majoritairement touchées. L'atteinte du membre inférieur est plus fréquente que celle du membre supérieur, les localisations multiples sont souvent observées. Les symptômes sont comparables à ceux de l'adulte mais la douleur peut être intense, avec allodynie précoce, amenant ces enfants à consulter en chaise roulante. La réponse au traitement (exercices et management comportemental) est meilleure que chez l'adulte [20]. À noter que la scintigraphie osseuse montre, chez l'enfant, une hypofixation caractéristique dans la moitié des cas. Une étude castémoin rétrospective de 73 patients montre certains facteurs favorisants : une composante anxieuse, un terrain atopique, un bon – voire excellent – niveau scolaire, des troubles à l'endormissement [21].

Diagnostic Diagnostic positif Radiographies Elles sont assez typiques, mais les signes apparaissent de façon retardée, quelques semaines après le début des signes cliniques. Il s'agit d'une déminéralisation épiphysaire hétérogène, pommelée (figure 18.2). À la hanche, un flou des contours peut être noté, mais l'interligne articulaire est toujours respecté, intact et de même hauteur que celui de l'articulation controlatérale (figures  18.3 et 18.4). Cette déminéralisation pourra persister des années (figure 18.5), voire définitivement, à titre de séquelle radiologique, alors que la guérison clinique est depuis longtemps acquise [22].

Scintigraphie osseuse C'est l'examen classique pour le diagnostic d'algodystrophie, mais n'est positive que dans 80  % des SDRC [23]. Les signes sont plus précoces que les anomalies

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210   Partie III. Pathologies osseuses

Figure 18.2 Algodystrophie du pied. Déminéralisation hétérogène du tarse avec respect des interlignes. Figure  18.4 Algodystrophie du genou. Déminéralisation mouchetée, décalcification sous-chondrale intense soulignant la plaque sous-chondral.

Figure 18.3 Algodystrophie de la main. Déminéralisation avec aspect grillagé de l'os et respect des interlignes articulaires.

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Chapitre 18. Algodystrophie sympathique réflexe (ADSR)    211

Diagnostic différentiel En phase chaude Il faut évoquer de principe une arthrite septique ou une arthrite inflammatoire, mais il n'existe pas de fièvre, pas d'altération de l'état général, pas d'adénopathie dans le territoire drainant l'articulation concernée. De même, les examens biologiques demandés systématiquement sont normaux (VS, CRP, électrophorèse des protides). S'il existe un épanchement articulaire, sa ponction montre un liquide synovial de type mécanique, paucicellulaire. Enfin, radiologiquement, même quand il existe une importante déminéralisation sous-chondrale, l'interligne articulaire est toujours respecté contrairement à une arthrite septique dans laquelle le pincement est précoce.

Difficultés Figure 18.5 Algodystrophie de hanche gauche. Homme de 41 ans. Douleur mécanique depuis un mois au moment de l'IRM. Radiographie du bassin normale. (1) Novembre  2000. Hyposignal diffus de la tête fémorale gauche sur la séquence T1, qui se rehausse en T2 et persiste en séquence avec suppression des graisses, traduisant le caractère liquidien (edema pattern) de l'hyperfixation. (2) Mars  2001, malade guéri. Les anomalies de signal ont complètement disparu, l'IRM est normale.

­r adiographiques  : il existe une hyperfixation, globale, diffuse, de l'articulation concernée. Cette hyperfixation concerne souvent les articulations sus- et sous-jacentes, même si celles-ci sont indemnes cliniquement et radiologiquement. La scintigraphie est un examen non spécifique. Des fixations identiques peuvent se voir dans une arthrite inflammatoire, ou dans d'autres maladies osseuses. Le caractère diffus de l'hyperfixation, son extension aux autres articulations est toutefois assez caractéristique de l'algodystrophie. Dans certaines algodystrophies en phase froide, et surtout chez l'enfant, on peut noter au contraire une hypofixation scintigraphique. L'hyperfixation précoce (temps vasculaire) de la scintigraphie en trois phases (angioscintigraphie) n'est pas jugée suffisamment spécifique pour que cet examen soit inclus dans les recommandations [24], mais pourrait être utile pour indiquer un traitement par bisphosphonates.

IRM Elle permet le diagnostic différentiel avec d'autres pathologies. Les anomalies sont précoces et se normalisent quand l'amélioration clinique est acquise contrairement à la radiographie (figure 18.5). Typiquement, il existe des modifications diffuses du signal de l'os avec un hyposignal en T1 et un hypersignal en T2, traduisant un bone marrow edema (figure 18.6). Cette anomalie du signal n'est pas spécifique, mais elle est très en faveur du diagnostic dans un contexte clinique évocateur. Sa sensibilité dans l'algodystrophie n'a pas été évaluée.

Les critères du syndrome douloureux régional complexe ne faisant pas appel à des examens complémentaires, la porte est ouverte à tous les diagnostics de maladies douloureuses chroniques aux contours flous tels la fibromyalgie, la lombalgie chronique [13], sans que ceci soit utile pour le malade et sa prise en charge.

Pathologies à éliminer ■ L'évolution post-traumatique ou post-opératoire prolongée, retardée au-delà des délais habituels ■ L'infection des parties molles, d'une articulation, ou d'un os ■ Un rhumatisme inflammatoire à forme mono- ou oligo-articulaire ■ Un rhumatisme microcristallin (goutte, chondrocalcinose) ■ Une pathologie vasculaire : thromboses veineuse et artérielle, lymphœdème ■ Une pathologie neurologique  : neuropathies diverses (SDRC type 2) ■ Une pathologie osseuse  : ostéonécrose, fracture de contrainte ■ Une pathologie tumorale  : rares tumeurs glomiques, ostéome ostéoïde, tumeurs malignes primitives ou métastases, notamment osseuses, pseudo-­inflammatoires [26]. ■ Un syndrome de conversion, une exclusion fonctionnelle, des troubles factices Le diagnostic d'algodystrophie ne doit pas être un diag­ nostic de facilité.

Traitement Bases de traitement Fondées sur nos connaissances physiopathologiques encore parcellaires et incertaines, nos possibilités thérapeutiques sont potentiellement nombreuses, mais dans l'ensemble très mal évaluées à la lumière de la médecine fondée sur les preuves. À noter que la réponse placebo semble plus faible dans ce syndrome que dans d'autres pathologies douloureuses chroniques [27].

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212   Partie III. Pathologies osseuses

Figure 18.6 Évolution schématique des différents signes cliniques et paracliniques de l'algodystrophie. La déminéralisation hétérogène radiologique et, plus rarement, l'hyperfixation osseuse scintigraphique, peuvent persister alors que les symptômes cliniques ont disparu (source de problèmes médico-légaux). L'IRM est l'examen dont l'évolution est la plus parallèle à la clinique.

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Chapitre 18. Algodystrophie sympathique réflexe (ADSR)    213

Moyens (figure 18.7)

Calcitonines

Traitements médicamenteux

Elles ont longtemps semblé efficaces aux rhumatologues, en phase chaude, administrées quotidiennement (100 UI IM par jour) pendant 15 jours, puis 2 à 3 fois par semaine les 15 jours suivants. Elles pouvaient occasionner des effets secondaires gênants : nausées, vomissements, flush. Pour les éviter, l'injection devait être effectuée le soir au coucher et le produit pouvait être administré avec du métoclopramide injectable. Dans les formes graves, on pouvait réaliser des perfusions de calcitonine (300 ou 400 unités dans 500 ml de glucosé isotonique par jour, 4 à 5 jours). Le manque d'évaluation de l'efficacité a fait que l'indication « algodystrophie » a été retirée par l'agence du médicament en 2004.

En se fondant sur les seuls essais contrôlés évaluant la douleur comme critère principal, 16  études ont pu être identifiées en 2014 [29], qui incluaient entre 9 et 30 malades, suivis de 14 à 127 jours. Les seules molécules qui ressortent sont les bisphosphonates, la calcitonine, les vasodilatateurs (tadalafil 10 mg/j, 12 semaines, dans les formes froides), les inhibiteurs de NMDA (kétamine 100 mg IV, amantadine, dextromethorphan, mais leur toxicité – amnésie, hallucinations – en limite l'usage).

Antalgiques et anti-inflammatoires Paracétamol, antalgiques de palier 2 (tramadol, codéine) et AINS semblent peu efficaces et non dépourvus d'inconvénients. La corticothérapie, seule à avoir été évaluée, peut être une option intéressante, en cure courte à posologie dégressive, en phase « chaude ». La morphine, donnée en 2e ou 3e  intention, dans les formes prolongées et réfractaires de SRDC, donne des résultats contradictoires [24], mais son association à la mémantine s'est montrée plus efficace [25].

Bisphosphonates Leur action anti-ostéoclastique semble tout indiquée dans les algodystrophies où une résorption osseuse radiologique est mise en évidence. Le mécanisme d'action des bisphosphonates paraît cependant plus complexe : ils se fixent sur les cristaux d'apatite et interdisent leur dissolution, notamment en réduisant la production locale d'acide lactique, en inhibant la prolifération macrophagique, ainsi que la synthèse de NGF et autres cytokines [30]. Cinq essais contrôlés, ayant inclus 200 malades traités par différents bisphosphonates (alendro-

Figure 18.7 Schéma thérapeutique général fondé sur les traitements physiques. En cas d'impossibilité de les commencer ou en cas d'absence de progression à certains stades, augmenter la prise en charge médicamenteuse, adjoindre les interventions psychologiques et en dernier ressort, mettre en œuvre des techniques invasives. Source : d'après Harden RN, Oaklander AL, Burton AW et al. Complex regional pain syndrome: practical diagnostic and treatment guidelines, 4th edition. Pain Med, 2013, 14 : 180-229.

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214   Partie III. Pathologies osseuses nate 7,5 mg IV 3 jours de suite, ou alendronate per os 40 mg/j, 8 semaines ; clodronate 300 mg IV/j, pendant 10 jours ; pamidronate, 60–90 mg IV, dose unique ou 4 fois ; neridronate 100 mg IV tous les 3 jours, 4 fois), montrent une amélioration significative de la douleur et de l'impotence fonctionnelle dans deux tiers des cas, avec un recul allant jusqu'à 6 mois, avec une bonne tolérance. Ces bisphosphonates sont-ils efficaces uniquement dans les phases chaudes de la maladie, alors qu'existe une hyperfixation scintigraphique ou le sontils aussi dans les phases froides ? Quelle pourrait être la dose minimale utile ? Ces questions restent ouvertes [31].

Blocs divers Les blocs sympathiques paravertébraux, autrefois pratiqués par les rhumatologues qui se fondaient sur une physiopathologie de la maladie liée à une atteinte du sympathique, ont été abandonnés devant leur efficacité trop inconstante et les risques liés à l'infiltration faite en aveugle. Repris par les anesthésistes et faits sous contrôle scopique, ils améliorent environ 30 % des patients, mais une allodynie ou une hypoesthésie semblent des facteurs prédictifs d'une mauvaise réponse [32]. La pauvreté des essais cliniques fait cependant abandonner ces techniques [28, 33]. Les blocs loco-régionaux par injections intraveineuses, dans le membre concerné, sous garrot, d'α-bloquants (réserpine, clonidine ou guanéthidine mais qui n'est plus commercialisée) sont parfois efficaces au cas par cas, mais les essais contrôlés sont négatifs.

Autres thérapeutiques Elles sont empiriques ou la preuve de leur efficacité nous vient d'essais thérapeutiques conduits dans d'autres pathologies chroniques, notamment avec douleurs neuropathiques [26]. On peut citer, qui ont été employés dans le SDRC : ■ les anticonvulsivants (gabapentine, prégabaline, carbamazépine) ; ■ les antidépresseurs tricycliques ou autres ; ■ les agents alpha-bloquants : clonidine transcutanée, nifédipine (60 mg/j), phenoxybenzamine, phentolamine IV. ■ les ß-bloquants, les anti-TNF, la thalidomide (ou dérivés plus modernes et moins toxiques), les immunoglobulines IV ; ■ les capteurs de radicaux libres dans les formes précoces, « chaudes » : mannitol 10 % IV, DMSO (diméthyl sulfoxide) 50 %, en crème, pendant 2 mois ; ■ le baclofène contre la dystonie, mais sa tolérance est mauvaise (somnolence) aux doses efficaces.

Traitements physiques En ce domaine, la médecine fondée sur les preuves est pauvre, les essais contrôlés sont de faible qualité méthodologique et le nombre de malades inclus est limité [34]. Il n'en reste pas moins que ces malades doivent être pris en charge et si une seule technique est notoirement insuffisante, la combinaison de plusieurs traitements physiques rend service à nos malades dans une approche pragmatique [35].

Traitements de physiothérapie et d'ergothérapie La mise en décharge de l'articulation soulage le patient ; la kinésithérapie doit être douce sans entraîner de douleur,

avec une mobilisation passive de l'articulation concernée. Il faut ni immobiliser complètement l'articulation siège de l'algodystrophie ni la mobiliser intempestivement. Il faut également trouver le bon équilibre entre la durée de l'activité (plusieurs séances quotidiennes) et le temps nécessaire pour récupérer. On peut ainsi combiner de façon progressive [28, 36] : ■ à visée antalgique et de désensibilisation : la paraffine ou la cryothérapie (lentilles froides), les massages réflexes du tissu conjonctif (BGM ou Binge Gewebs Massage), les stimulations vibratoires (vibralgic/vibradol) ou tactiles (bac de graines et autres textures). L'ajout d'une stimulation électrique transcutanée (TENS) serait un plus [37]. ■ à visée trophique, pour lutter contre l'œdème en phase froide  : compression (doigts, gants), bains à remous, bains écossais alternant chaud (35-40 °) et froid (18-20 °), le drainage lymphatique manuel (dont l'efficacité reste cependant discutée [38]). ■ les thérapies passives  : orthèses de repos (nuit/jour), orthèses dynamiques (maintien du poignet en position fonctionnelle d'extension à 20°), la mobilisation passive globale et spécifique. ■ les thérapies actives (en fonction de la douleur) : mobilisations actives progressives, intégration de la main dans les activités de la vie quotidienne (activité en bimanuel, cuisine, certaines tâches professionnelles, etc.).

Programme d'imagerie motrice Comme dans le syndrome du membre fantôme ou l'accident vasculaire cérébral dont il partage certains symptômes, le SDRC présente des anomalies du cortex sensitivo-moteur et du schéma corporel entraînant des modifications de la représentation proprioceptive. L'imagerie motrice ou simulation mentale des mouvements peut être définie comme le fait de mimer mentalement une action sans l'exécuter. Les techniques de neuro-imagerie ont montré une même activation des circuits neuronaux qu'on imagine un geste ou qu'on l'accomplisse [39]. L'objectif est de diminuer la douleur, améliorer la mobilité globale et l'intégration et favoriser l'utilisation du membre touché. Trois phases successives, de deux semaines chacune (à raison de 5 minutes plusieurs fois par jour), sont appliquées [40] : des exercices de reconnaissance de la latéralité suivis de mouvements imaginés, puis de mouvements réalisés (thérapie par « boîte-miroir »). Les revues systématiques pointent là encore les insuffisances méthodologiques des travaux réalisés, mais globalement, l'impression générale concernant cette technique est plutôt favorable [41-44], y compris dans les formes post-AVC [45].

Traitements par neurostimulation La stimulation médullaire par implantation d'une électrode épidurale améliore discrètement la douleur (de l'ordre de 10 mm sur EVA par rapport aux témoins), sans effet sur l'allodynie ni la fonction. Un épuisement d'effet est noté au fil des ans [46]. En complément du traitement classique, la stimulation magnétique transcrânienne sur l'aire motrice M1, répétitive (10 jours), diminue la douleur de 25 % par rapport aux sujets témoins, avec un recul de 3 mois [47], mais au prix de

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Chapitre 18. Algodystrophie sympathique réflexe (ADSR)    215 céphalées, d'une crise comitiale sur 12 patients traités. Des recommandations d'utilisation ont été publiées [48].

Indications [28] Il faut toujours expliquer la maladie et dire au patient qu'il s'agit d'une affection bénigne qui guérit toujours. Il n'y a pas de traitement spécifique ayant une AMM dans l'algodystrophie [49]. Traiter tôt est la clé du pronostic (avant 6 mois et si possible avant 3 mois). Administrer au besoin des antidépresseurs ou des anxiolytiques et, s'il existe une ostéomalacie ou une ostéoporose sous-jacentes, leur traitement permet d'améliorer l'algodystrophie et évite les récidives. Un traitement multimodal, pharmacologique et non pharmacologique, est fondé sur quatre piliers : information et éducation du patient, traitement de la douleur, traitement physique, prise en charge psychologique [24]. La question de savoir si la mise en œuvre des ces moyens thérapeutiques doit se faire de façon séquentielle ou concomitante reste ouverte [28]. On peut proposer les indications suivantes [28] : ■ Antalgiques dans tous les cas ■ Formes inflammatoires prédominantes, récentes ou postAVC : corticoïdes (1 mg/kg quelques jours, puis posologies dégressives), éventuels AINS ou DMSO 50 % ■ Formes modérément douloureuses : blocs divers ■ Formes très douloureuses : opioïdes ± blocs ± interventions plus expérimentales ■ Formes à scintigraphie positive : bisphosphonates (pamidronate 90 mg x 4) [7] ■ F o r m e s n e u r o p a t h i q u e s p r é d o m i n a n t e s   : anticonvulsivants ■ Formes avec dépression, anxiété, hyperalgésie : anticonvulsivants et/ou blocs et/ou NMDA antagonistes ■ Formes avec troubles vasomoteurs prépondérants : inhibiteurs des canaux calciques, sympatholytiques ± blocs.

Traitement préventif Vitamine C Donnée à la dose de 2 g en pré-opératoire et surtout à celle de 1 g/j pendant 50 jours en post-opératoire dans la chirurgie des extrémités des membres, la vitamine  C diminue significativement le risque de développer un SDRC [50]. Il en va de même dans la prévention du SDRC post-fracture du poignet avec une diminution du risque de 60 % [51]. Les posologies les mieux adaptées restent à préciser.

Blocs loco-régionaux Avec ou sans anesthésie générale, en cas d'opération  : puisque l'intensité de la douleur post-opératoire est le principal facteur de risque d'algodystrophie post-chirurgicale, minimiser cette douleur est probablement la meilleure des préventions.

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Chapitre

19

Ostéonécrose de la tête fémorale Bernard Mazières PLAN DU CHAPITRE Historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Anatomopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Étiologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Physiopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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L'ostéonécrose (ON) se définit comme la mort cellulaire des composants de l'os : moelle hématopoïétique et graisseuse, trabécules osseuses. Ce n'est pas une maladie spécifique, mais plutôt l'aboutissement final de différentes situations pathologiques dans lesquelles existe une perturbation de la circulation intra-osseuse de la tête fémorale. Cela explique les dénominations usuelles de « nécrose avasculaire » ou de « nécrose aseptique «. Cependant, une fois exclue une nécrose d'origine septique, il vaut mieux éviter le terme de « nécrose avasculaire », car les ON ne sont pas toujours d'origine vasculaire et la physiopathologie vasculaire de la nécrose n'est pas toujours clairement établie, sauf pour les ON secondaires à une fracture du col fémoral. L'atteinte de la hanche est la plus fréquente et la plus sévère des ostéonécroses épiphysaires (encadré  19.1, figures 19.1, et 19.2). C'est une affection d'autant plus invalidante qu'elle touche l'adulte jeune, en pleine période d'activité et qu'elle est souvent bilatérale (30 à 70 % des cas). En dehors des causes traumatiques, les facteurs favorisants sont principalement la cortico­thérapie et l'alcoolisme. Sur le plan pratique, il importe de faire le diagnostic d'ON aux stades potentiellement réversibles de la maladie, lorsque la tête fémorale est encore sphérique, non fracturée. L'IRM a profondément modifié nos possibilités diagnostiques à ces stades. Ultérieurement, la tête fémorale effondrée (séquestre) conduit à une coxarthrose et ne laisse guère le choix dans nos possibilités thérapeutiques, représentées principalement par la prothèse totale de hanche.

Historique En 1794, James Russell, de l'Université d'Édimbourg, publie son livre sur la nécrose osseuse. Au xix e  siècle, Jean Cruveilhier, anatomiste, décrit les déformations Rhumatologie © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Signes cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Examens complémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . Classification des ON . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Diagnostic différentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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macroscopiques de la tête fémorale comme complication post-traumatique tardive, présumées liées à une altération vasculaire, mais la distinction entre nécrose septique et aseptique n'est établie qu'en 1888 par Axhausen et König. Dans les années 1930 et 1940, Phemister et ses collaborateurs écrivent une série d'articles sur l'étiologie, la pathogénie et le traitement de cette affection, qui demeurent des classiques [1, 2]. L'histoire moderne de l'ON commence dans les années 1960 avec les cas rapportés par Mankin et Brower, et les premiers cas pré-radiologiques, prouvés histologiquement, décrits par Ficat et Arlet [3]. Au cours des années 1970, l'évolution de la maladie est précisée : l'atteinte bilatérale est présente dans 30 à 70 % des cas au moment du premier examen, la détérioration anatomique et fonctionnelle conduit à la chirurgie dans plus de 50 % des cas dans les 3 ans suivant le diagnostic [4]. Dans les années 1990, une réévaluation de la zone nécrotique sur les radiographies et l'IRM font conclure qu'à la fois l'étendue et la localisation de cette zone sont importantes pour prédire l'évolution vers l'effondrement [5, 6].

Encadré 19.1 Autres localisations de l'ostéonécrose. La hanche représente la localisation la plus fréquente de l'ON, mais d'autres articulations peuvent être touchées, surtout genoux (voir, figure  19.1) et épaules (voir, figure  19.2). En outre, l'atteinte multifocale est notée dans 3  % des cas, lorsqu'elle est recherchée. Les aspects radiologiques et en IRM sont comparables à ceux décrits à la hanche, l'existence d'une ON « magnétique » à radio normale aussi.

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218   Partie III. Pathologies osseuses

Figure  19.1 Radiographies d'osténécroses de la tête fémorale. (1) Alors que le cliché de face paraît sensiblement normal, le cliché fait de face avec 30° de flexion de hanche montre une importante zone de déminéralisation (l'IRM a confirmé l'ON). (2) Volumineuse ON polylobée de face avec aspect conservé de la sphéricité de la tête fémorale (stade 2), mais de profil il existe un décrochage (flèche) signant en fait un stade 3.

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Chapitre 19. Ostéonécrose de la tête fémorale    219

Figure 19.2 Ostéonécrose de l'épaule. Plongeur professionnel de 27 ans. Accident de décompression. Nécrose typique, stade 3, de l'épaule gauche (noter l'épanchement en T2). La nécrose était multifocale, touchant les deux hanches, les deux genoux et les deux épaules.

Anatomopathologie

Étiologie

L'ON concerne les deux tissus de l'os : les ostéocytes et les cellules médullaires. La nécrose médullaire est observée plus précocement. Le seul signe de nécrose du tissu osseux est la disparition des ostéocytes, dont les cavités sont déshabitées [7]. Selon le stade de la maladie, plusieurs aspects peuvent être décrits. Aux stades avancés, observés sur les têtes fémorales prélevées lors de remplacements prothétiques, le séquestre plus ou moins triangulaire est constitué de trabécules osseuses mortes, sans ostéocyte, mais à l'architecture conservée, alors que la moelle devient un magma sans structure reconnaissable à l'exception, parfois, du contour des adipocytes [8]. La fracture à l'origine du collapsus est généralement située dans l'os sous-chondral mort. Le tissu mort du séquestre est habituellement en continuité avec la zone concave de « réparation », qui comporte une prolifération fibro-vasculaire et, au-dessous, une zone de résorption osseuse active avec une apposition d'os vivant néoformé sur les restes des vieilles trabécules mortes (figure 19.3). Plus intéressantes sont les lésions observées (a) avant la constitution du séquestre, telles qu'elles peuvent être décrites sur les carottes osseuses obtenues par forage, ou (b) en cas de tête effondrée enlevée chirurgicalement, dans la métaphyse, loin de la zone du séquestre. Les lésions médullaires les plus précoces sont l'œdème, les hémorragies, la fibro-réticulose, l'hypocellularité, la nécrose des cellules hématopoïétiques, la désorganisation et l'atrophie réticulaire éosinophile des adipocytes. Ces lésions sont d'abord focales, puis s'étendent (figure 19.4). L'anatomopathologie de l'ON est complexe, car on est en général confronté à une ischémie chronique incomplète avec des lésions ischémiques vraies, les lésions réactionnelles secondaires et des phénomènes de reconstruction qui peuvent être à la fois successifs et concomitants selon l'ancienneté de la nécrose et le site observé. Une classification des lésions observées en quatre types a été proposée [9] (tableau 19.1).

Causes bien individualisées, connues depuis longtemps Les fractures du col du fémur, notamment sous-capitales, interrompent la majeure partie de la vascularisation de la tête fémorale. La fréquence de l'ON est alors de 30 % au moins et augmente dans les fractures déplacées, notamment chez l'adulte jeune. La luxation et la luxation-fracture sont moins souvent en cause que les fractures du col, mais la fréquence de l'ON est élevée (6 à 40 %), surtout si la réduction est faite plus de 12 heures après la luxation : le risque est alors 5 fois supérieur par rapport à une réduction faite dans les 12 premières heures [10]. La maladie des caissons, la drépanocytose, la maladie de Gaucher et la radiothérapie pour cancer : le plus souvent, ces causes représentent un petit pourcentage de cas, sauf pour la drépanocytose qui est la principale cause de nécrose osseuse dans certains pays africains et chez les Antillais.

L'ON associée à bon nombre d'autres affections Ces associations, quoique statistiquement significatives, ne fournissent pas, à l'heure actuelle, d'explications physiopathologiques claires à la genèse de la maladie (tableau 19.2). Les deux facteurs favorisants principaux sont l'alcoolisme [11] et la corticothérapie. L'alcool est un facteur de risque dose-dépendant : ce risque augmente de 35 % tous les 100 g d'alcool/semaine et de 44 % tous les 500 g/an [12]. Le risque d'ON et d'une atteinte multifocale sous corticoïdes est dose-dépendant [13], mais des cas sont rapportés avec des doses minimes, voire après simple administration locale prolongée (infiltrations, spray, crèmes) [14]. On ne connaît pas les facteurs prédictifs

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Figure  19.3 Coupe anatomo-pathologique d'une tête fémorale nécrotique. (1) Fracture sous-chondrale avec enfoncement de la partie supérieure de la tête. (2) Séquestre plus ou moins triangulaire. (3) Zone de délimitation de la nécrose, avec condensation osseuse.

Figure 19.4 Les différentes lésions constitutives de l'ostéonécrose. (a) Nécrose réticulée éosinophile, lobules graisseux de taille variable. (b) 1- fibrose dense de la moelle. 2- Une trabécule osseuse morte (espaces ostéocytaires déhabités) avec 3- une trabécule osseuse apposée vivante témoin de la réparation péri-nécrotique.

Tableau 19.2 Facteurs étiologiques de l'ostéonécrose.

Tableau 19.1 Types anatomo-pathologiques de l'ostéonécrose. Types

Description des lésions

Type I

Les anomalies qui prédominent sont limitées à la moelle hématopoïétique, mais parfois, on peut observer des cellules spumeuses et de petites zones de nécrose réticulée éosinophile de la moelle graisseuse. La lésion la plus commune est l'œdème interstitiel ou plasmostase. Ces lésions ne sont pas spécifiques de la nécrose et ne permettent pas un diagnostic anatomopathologique certain à ce stade.

Type II

Nécrose médullaire. Les espaces médullaires sont emplis d'un tissu nécrotique avec une nécrose réticulée éosinophile s'étendant sur un ou plusieurs centimètres. Les lésions médullaires les plus précoces sont l'œdème, les hémorragies, la fibroréticulose, l'hypo-cellularité, la nécrose des cellules hématopoïétiques, la désorganisation et l'atrophie réticulaire éosinophile des adipocytes. Ces lésions sont d'abord focales, puis s'étendent.

Type III

Nécrose médullaire du type II + nécrose trabéculaire. Le seul signe de nécrose du tissu osseux est la disparition des ostéocytes dont les cavités sont déshabitées. Il faut > 50 % de lacunes vides pour affirmer la nécrose trabéculaire.

Type IV

Nécrose mixte de type III + petites plages de fibrose. Les trabécules mortes sont entourées par des appositions d'os vivant signant la réparation .

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Chapitre 19. Ostéonécrose de la tête fémorale    221

Source : d'après Arlet & Durroux [9].

d'ON sous corticothérapie. Le risque d'ON est maximal dans les premiers mois de la prise de corticoïdes. L'ON a été rapportée chez des sujets VIH positifs, mais sa survenue semble plus liée à des facteurs de risque connus (corticoïdes notamment) qu'au VIH lui-même [15] ou aux antirétroviraux [16]. Le tabac est un facteur de risque reconnu avec un risque relatif de 2,26 (IC 95 % : 1,24 – 4,13) au-delà de 20 paquets/ année [17]. Quelques douzaines de cas on été rapportés pendant la grossesse [18].

Physiopathologie Une interruption de la circulation dans la tête fémorale est le mécanisme le plus fréquent. En cas de fracture déplacée du col ou de luxation, une rupture vasculaire majeure survient. Dans la maladie des caissons et la drépanocytose, l'ON est attribuée à l'engorgement circulatoire dans les sinusoïdes par les bulles d'azote ou les cellules rouges falciformes trop rigides. Cependant, le mécanisme de l'ischémie et de la nécrose dans les autres cas d'ON non-traumatique reste incomplètement compris. Le plus vraisemblable est l'asso­ ciation variable de plusieurs facteurs  : prédisposition génétique, facteurs métaboliques, rupture de l'immunité innée [19], facteurs généraux et/ou locaux touchant la

ON d'étiologie connue

Facteurs de risque d'ON

Traumatique

Fracture du col du fémur Luxation Luxation-fracture

Traumatismes mineurs (contusion)

Nontraumatique

Maladie des caissons et des plongeurs Maladie de Gaucher Drépanocytose Radiothérapie

Corticoïdes +++  Alcoolisme +++  Perturbations du métabolisme lipidique Hyperuricémie et goutte Grossesse Transplantations (rénale, cardiaque…) Lupus érythémateux aigu disséminé Autres collagénoses Artériosclérose Autres maladies vasculaires occlusives Diabète sucré Intoxication au tétrachlorure de carbone Syndromes d'hypofibrinolyse Syndromes d'hypercoagulation Leucémie Chimiothérapie Tabac VIH Prédisposition génétique

circulation sanguine, embolie graisseuse, mort des cellules osseuses, stress mécanique, défaut de réparation osseuse, troubles de la différenciation des cellules souches mésenchymateuses. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées, surtout précisées dans les formes cortico-induites, mais qui peuvent expliquer d'autres facteurs de risques [20] (figure 19.5) : ■ Une susceptibilité génétique. Différentes expressions de gènes codant pour des protéines de la coagulation, de l'ischémie, de l'angiogenèse, de l'apoptose, de la synthèse lipidique et du remodelage osseux ont été suggérées comme facteurs de risque de l'ON [21]. De même, le variant C3435T du gène ABCB1, codant pour une protéine de multirésistance aux médicaments, protège significativement de l'ON par rapport à tous les autres variants, au moins dans les populations asiatiques [22] (ce variant fonctionnel diminuerait-il l'effet de la cortisone sur l'os ?). Plusieurs polymorphismes de gènes du plasminogène, de protéines de l'angiogenèse, de facteurs de croissance, du collagène de type II, de SOX9 ont été rapportés dans l'ON [23], ainsi que divers polymorphismes de métalloprotéases, toujours dans des populations chinoises [24–26]. ■ Des anomalies de la différenciation des cellules souches médullaires qui empruntent préférentiellement la voie de la différenciation lipocytaire au détriment de la voie de différenciation ostéogénique par activation des facteurs

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222   Partie III. Pathologies osseuses

Figure 19.5 Schéma physiopathologique de l'ostéonécrose. Source : d'après Xie XH, Wang XL, Yang HL et al. Steroid-associated osteonecrosis: epidemiology, pathophysiology, animal model, prevention and potential treatments (an overview). J Orthop Trans, 2015, 3 : 58–70.

de transcription des adipocytes (PPAR-γ et adipsine) et inhibition des facteurs de différenciation ostéogénique (Runx2, collagène de type I, BMP-2, ostéocalcine, ostéopontine). ■ L'hypertrophie des adipocytes. Expérimentalement, les stéroïdes produisent un gonflement des adipocytes médullaires et une augmentation de la pression intramédullaire avec réduction circulatoire. ■ Un possible rôle de microfractures et de l'ostéoporose. On a supposé que des microfractures répétées dans la zone d'appui pourraient induire des micro-lésions vasculaires et donc une ischémie dans cet os fragile. Cependant, l'ON ne semble pas être une complication de l'ostéoporose post-ménopausique et ne survient pas dans ce contexte. La cortisone, cependant, inhibe la formation osseuse, déséquilibre la balance ostéoblastose/ostéoclastose et augmente l'apoptose des ostéoblastes/ostéocytes. Toutefois, la composition chimique minérale et organique des trabécules osseuses n'est pas altérée dans l'os nécrotique [27].

■ Des troubles vasculaires primitifs, touchant le versant artériel, veineux ou capillaire feraient de l'ON un « angor de la hanche ». Des études artériographiques ont donné un regain d'intérêt à cette hypothèse ancienne. De plus, les stéroïdes favorisent le développement d'une h ­ ypertension et d'une artériosclérose coronaire et le t­ errain de l'ON est très comparable à celui du diabétique, de l'artéritique ou de l'alcoolique, avec hypertriglycéridémie et hyperviscosité sanguine. ■ Le stress oxydatif. Il est démontré expérimentalement comme pouvant induire une ON dans les jours suivant l'administration de corticoïdes, les radicaux libres induisant une apoptose des ostéocytes. ■ L'embolie graisseuse. Jones, aux États-Unis, avait montré des embolies graisseuses du poumon et du rein venant d'une stéatose hépatique et il avait induit des ON expérimentales en injectant du lipiodol intra-artériel. Mais il n'est pas prouvé que les gouttelettes lipidiques observées dans les vaisseaux sous-chondraux de la tête fémorale nécrotique viennent du foie. Jones proposait 3 origines

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Chapitre 19. Ostéonécrose de la tête fémorale    223 possibles pour cette embolie graisseuse : stéatose hépatique, déstabilisation et coalescence des lipoprotéines plasmatiques et éclatement de la moelle graisseuse médullaire. Tous ces mécanismes peuvent être regroupés en deux catégories, souvent intriquées : celles qui induisent une obstruction circulatoire intra-vasculaire et celles entraînant une compression extrinsèque de la microcirculation intra-osseuse (théorie du « syndrome de compartiment » de Ficat [3]).

Épidémiologie Incidence Bien que nous n'ayons pas de chiffres précis sur la fréquence de cette maladie, on estime le nombre de nouveaux cas décelés annuellement aux États-Unis à 3/100 000 [28], 1,9/100 000 au Japon [29] et jusqu'à 29/100 000 en Asie [30]. La Chine compterait plus de 8 millions d'ON dans la population adulte [31]. Dans les pays germanophones, l'incidence est estimée à 0,01 % avec la survenue de 5 à 7 000 nouveaux cas annuels [32]. Derrière les causes traumatiques, les corticoïdes ­représentent la deuxième cause la plus fréquente d'ON (≈ 25–30 % des cas), puis l'alcoolisme (≈ 20 %). Environ 3 % de la population ayant une ON présentent une atteinte multifocale. La distribution des atteintes est alors la hanche (91 %), le genou (87 %), l'épaule (72 %) et la cheville (35 %). Ces atteintes multifocales se voient notamment dans les formes cortico-induites, où elles peuvent représenter jusqu'à 91 % des cas [33].

Sexe La maladie survient plus souvent chez l'homme que chez la femme et le sex ratio est de l'ordre de 8 : 1 à 2,6 : 1 selon les séries [34].

Âge La répartition des âges est large. La grande majorité des cas cependant est inférieure à 50 ans (moyenne : 36 ans) [33]. L'âge moyen des ON féminines excède d'environ 10  ans celui des hommes [35].

Signes cliniques Les signes fonctionnels n'ont rien de spécifique. Le malade peut souvent rester asymptomatique et la maladie être diag­ nostiquée sur la radiographie réalisée à cause de douleurs de la hanche opposée (« hanche silencieuse » de Marcus). À l'inverse, il arrive que le malade se plaigne de douleurs pendant des semaines ou des mois sans que la radiographie montre la moindre anomalie. Comme toute douleur d'origine coxo-fémorale, elle siège le plus souvent dans l'aine (93 %), mais peut aussi être dans la fesse (34 %), la cuisse (36 %), le grand trochanter (9 %) et la région lombaire (8 %) et même dans le genou (68 %), cette dernière irradiation serait plus fréquente dans l'ON que dans la coxarthrose [36]. Elle est habituellement aug-

mentée par la mise en charge, mais peut persister au repos. Ultérieurement, le malade peut constater une boiterie, puis une limitation des mouvements. L'examen est, lui aussi, aspécifique. Les mouvements de la hanche sont souvent dans les limites de la normale, même lorsque la radiographie montre une ON à un stade avancé. Quand la tête fémorale s'est affaissée, la limitation articulaire est plus marquée et douloureuse.

Examens complémentaires Modifications radiologiques Les anomalies radiologiques débutent dans la tête fémorale : déminéralisation diffuse, zone claire centro-céphalique plus ou moins cernée par une bande dense, sclérose linéaire, mais la tête fémorale reste parfaitement sphérique sur les clichés de face, de face à 30° de flexion et de profil de l'articulation, sans la moindre clarté sous-chondrale. Ces anomalies sont évocatrices, mais non-spécifiques de l'ON (figure 19.6). Ultérieurement, une clarté sous-chondrale (crescent sign des Anglo-Saxons ou « signe de la coquille d'œuf ») apparaît, signant la fracture sous-chondrale (figure 19.7). Ce signe est quasi-pathognomonique de l'ON, ainsi que les autres signes observés plus tardivement : aplatissement ou méplat de la tête fémorale dans la zone d'appui, voire enfonce­ment de cette zone (figure 19.8). La sphéricité de la tête est alors perdue. Une plage plus ou moins triangulaire de sclérose osseuse apparaît ensuite dans la zone d'appui de la tête fémorale, qui circonscrit la zone nécrosée. L'interligne articulaire et le cotyle sont encore intacts. Enfin, une arthrose secondaire se développe avec le pince­ ment articulaire, l'ostéophytose, la sclérose et les géodes sous-chondrales du toit du cotyle. Une destruction complète de la tête fémorale est parfois observée au stade ultime. Mais, aux stades précoces de la maladie, les radiographies standard sont normales. À ce stade pré-radiologique, le processus pathologique peut être détecté par les techniques suivantes.

Scintigraphie osseuse La scintigraphie osseuse utilise un agent ostéotrope (méthylène bisphosphonate) marqué par un traceur radioactif (technetium-99m). Cette technique, utilisée depuis plus de 40 ans dans les ON, montre une hyperfixation en rapport avec la néoformation osseuse ou simplement avec l'activité métabolique accrue autour du foyer de nécrose. Cet examen est très sensible, car il montre des hyperfixations même au stade pré-radiologique de la maladie. Il a cependant ses limites : ■ il est totalement aspécifique, sauf dans les rares cas où est observée une zone d'hypofixation au centre d'une plage hyperfixante (image en cocarde ou cold in hot spot des auteurs anglo-saxons). ■ l'hyperfixation ne peut être bien appréciée que par comparaison avec la hanche opposée et donc une atteinte bilatérale est de diagnostic plus difficile. ■ sa sensibilité est plus faible aux stades pré-radiologiques où l'hyperfixation n'est notée que dans 70 % des cas.

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224   Partie III. Pathologies osseuses

Figure 19.6 Ostéonécrose débutante (stade 2 Arlet-Ficat ou stade 2 ARCO). Radiographies face et profil : importante plage de déminéralisation dans le tiers supérieur de la tête fémorale, cernée par une zone de condensation, mais la tête demeure sphérique, ce que confirme le scanner. Image caractéristique sur les différentes séquences de l'IRM.

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Chapitre 19. Ostéonécrose de la tête fémorale    225

Figure 19.7 ON stade 3 débutant. La tête est encore sphérique mais une très large plage de nécrose, occupant la moitié supérieure de la tête, est bien visible, délimitée par le liseré de condensation concave vers le haut, tous signes radiologiques du stade  2. La fracture souschondrale est bien visible (signe de la « coquille d'œuf ») faisant de cette ON un stade 3 de l'ARCO.

La scintigraphie osseuse est largement supplantée par l'IRM et n'est plus utile au diagnostic. Le TEP-scan améliore la résolution et permet des coupes, mais sa sensibilité et sa spécificité restent inférieures à celles de l'IRM [37].

Tomodensitométrie Les images obtenues par cet examen montrent la sclérose précoce du centre de la tête fémorale (« signe de l'astérisque ») [38] et fournissent une meilleure évaluation de la taille du séquestre. Surtout, les coupes axiales transverses du scanner montrent très bien la partie antérieure de la tête fémorale, préférentiellement touchée par l'ON. Certains affaissements antérieurs minimes ne sont détectés que par la tomodensitométrie.

Imagerie par résonance magnétique (IRM) D'un point de vue technique, il est essentiel d'explorer une hanche suspecte d'ON avec des séquences d'images pondérées en T1 (certains considèrent que leur normalité

exclut le diagnostic) et en T2 (qui permettent d'affiner la spécificité du diagnostic et de retrouver un épanchement intra-articulaire qui peut être à l'origine des douleurs). Les séquences T2 avec suppression de la graisse (STIR et Fat Sat) complètent utilement l'examen en mettant en évidence les anomalies de la moelle osseuse de la tête et du col fémoral à type d'œdème. L'injection de gadolinium n'est pas systématique. Elle permet surtout de différencier l'ostéonécrose des fractures de stress ou de l'algodystrophie, dans les cas douteux. Les séquences sont réalisées dans un plan frontal pour l'étude comparative des deux têtes fémorales et dans le plan sagittal pour mettre en évidence les anomalies précoces de la sphéricité de la tête. Le plan axial permet, lui, de contribuer au bilan d'extension des lésions nécrotiques. L'existence d'une prothèse de hanche controlatérale n'est pas une contre-indication à l'examen. L'image de base de l'ON, retrouvée dans 96 % des cas, est une zone d'hyposignal sur les séquences pondérées en T1 et en T2. Cette zone d'hyposignal siège en regard de la zone nécrosée sur la radiographie (zone antéro-supérieure de la tête, le plus souvent), dans les cas d'ON typiques au stade d'effondrement. Cette zone d'hyposignal peut être homogène ou hétérogène avec des taches d'hypersignal au sein de la zone en hyposignal, aussi bien sur les séquences pondérées en T1 que sur celles pondérées en T2. L'image la plus caractéristique est une bande fine d'hypo­ signal en T1 et en T2, allant d'un bord à l'autre de l'os souschondral en dessinant une courbe plus ou moins concave vers le haut. Cet aspect est surtout bien visible pour des ON peu étendues. Il est présent dans 60 à 80 % des cas [37]. Dans les formes plus extensives, la bande d'hyposignal peut prendre un aspect serpentin et irrégulier, mais qui va toujours d'un bord à l'autre de l'os sous-chondral. Parfois, la zone d'hyposignal adopte une forme plus étendue qu'une simple ligne. Dans les ON précoces (avant la rupture de la corticale), la zone supéro-interne délimitée par la bande est le plus souvent normo- ou hyper-intense sur les séquences pondérées en T1, alors que dans les ON avancées (avec rupture de corticale), cette zone est le plus souvent hypointense [39]. L'épanchement articulaire est bien visualisé comme un hypersignal en T2. Dans l'ON, les épanchements sont plus fréquents et plus abondants que chez les témoins, surtout à partir du moment où la sphéricité céphalique est perdue [40]. On peut enfin mesurer (surtout sur les séquences pondérées en T1) le volume de la zone nécrosée, exprimé en pourcentage du volume total de la tête fémorale. L'IRM est un examen sensible (sensibilité de l'ordre de 95 %), apte à détecter les ON asymptomatiques, spécifique (de l'ordre de 98 %), reproductible et fiable : toutes les têtes fémorales avec effondrement, même minime, affichent une image IRM typique, ce qui est de peu d'utilité. Aux stades précoces, avant l'affaissement, l'IRM a la meilleure sensibilité et la meilleure précision, comparée à toutes les autres techniques d'exploration.

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226   Partie III. Pathologies osseuses

Figure 19.8 Osténécroses stade 3 Arlet-Ficat (ARCO 4). Léger méplat en zone d'appui avec un halo de condensation arciforme à concavité supérieure délimitant la zone nécrosée. Décrochage antéro-supérieur avec perte de la continuité sur le faux profil et fracture sous-chondrale bien visible sur le profil médical. Trois coupes de scanner confirment la fracture et permettent de juger de l'extension de la zone nécrosée. L'IRM confirme.

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Chapitre 19. Ostéonécrose de la tête fémorale    227

Classification des ON La séquence des modifications radiologiques ou des modifications observées par les autres méthodes d'investigation ont servi de base à plusieurs classifications de la maladie [41]. Nous n'en citons que deux.

Classification d'Arlet et Ficat Pour la pratique, en France surtout, cette vieille classification reste très employée, car simple [3]. Elle est fondée sur la seule radiographie standard, mais en réalisant toutes les incidences pré-citées. ■ Stade 1 : images de la tête fémorale strictement normales sur toutes les incidences. ■ Stade 2 : anomalies de la trame de la tête fémorale évocatrices, surtout si le contexte s'y prête (voir supra), mais non spécifiques. La sphéricité de la tête fémorale est stricte­ment conservée (figure 19.9). ■ Stade 3 : aux anomalies du stade 2 s'ajoute une perte de la sphéricité. Simple méplat localisé, décrochage uni ou bilatéral, parfois minime à rechercher par comparaison avec la hanche opposée (figure 19.10). Cette fracture souschondrale signe le tournant de la maladie : de potentielle­ ment réversible qu'elle était, elle devient irréversible. Le décrochage s'aggrave au fil du temps et devient évident. ■ Stade 4 : à la perte de sphéricité du stade 3 s'ajoutent des signes d'arthrose secondaire.

Classification de l'ARCO (Association Research Circulation Osseous) Rassemblant les différents auteurs des classifications préexistantes, un système essayant de regrouper ces classifications en un ensemble cohérent a été proposé pour servir de base internationale à des évaluations épidémiologiques et des comparaisons thérapeutiques [42].

Stade 0 Toutes les explorations sont normales et le malade est asymptomatique. Le diagnostic est fait sur une base purement histopathologique. Ce stade est utile pour définir pour des études nécropsiques et pour définir l'ON ­s ilencieuse qui peut être découverte lors d'une intervention sur la hanche controlatérale. Il n'a pas d'utilité pratique.

Stade 1 Les radiographies de face et de profil sont normales, ainsi que la tomodensitométrie. La maladie est suspectée grâce aux autres examens (scintigraphie, IRM, exploration fonctionnelle osseuse). Sa confirmation ne peut être qu'anatomopathologique (biopsie), que par IRM en cas d'image de « double bande » en T2, ou scintigraphique en cas de cold in hot spot. À ce stade, le malade peut ou non se plaindre de sa hanche.

Figure 19.9 Aspects caractéristiques d'ON au stade 2. (a) image claire centro-céphalique, entourée d'un halo de condensation ; (b) Condensations hétérogènes de la tête à prédominance sous-chondrale.

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228   Partie III. Pathologies osseuses partie antéro-supérieure ou supérieure de la tête, dans la zone d'appui. Ce décrochage, lorsqu'il est minime, est mieux vu sur la tomodensitométrie que sur la radiographie. La hanche devient douloureuse dans la majorité des cas, si elle ne l'était pas avant.

Stade 5 Un pincement de l'interligne articulaire vient s'ajouter aux autres signes préexistants. C'est l'arthrose secondaire à l'effondrement de la tête.

Stade 6 Une destruction étendue de la tête fémorale apparaît.

Évolution Les stades 0 à 2 sont potentiellement réversibles ou non évolutifs. Les stades 4 à 6 sont irréversibles. En outre, les stades 2 à 4 de cette classification sont subdivisés (de A à C) selon l'étendue de la zone nécrosée et l'importance de l'effondrement.

Quelle que soit la classification Tout le pronostic de l'ON réside dans le dépistage de l'effondre­ ment de la tête fémorale par fracture sous-chondrale, caractérisé radiologiquement par le décrochage et la perte de la sphéricité de la tête fémorale : avant effondrement (stades 1 et 2), la stabilisation est possible ; après décrochage (stades 3 et 4), l'ON est irréversible et l'arthrose secondaire s'installe. La fracture sous-chondrale est donc le tournant de la maladie. Elle conditionne les indications thérapeutiques. L'IRM permet de dépister précocement l'ON, mais seules la radiographie sous différentes incidences et la tomodensi­tométrie ont une résolution suffisante pour affirmer que la sphéricité de la tête est ou non conservée (encadré 19.2, figures 19.11 et 19.12).

Diagnostic différentiel Aux stades ARCO 3–4 (Arlet-Ficat 3) Figure 19.10 Aspects caractéristiques d'ON au stade 3. (a) simple décrochage (flèche) ; (b) enfoncement de la zone séquestrée avec remaniements arthrosiques (ARCO 5).

Stade 2 Des anomalies radiologiques sont observées dans la tête fémorale ou le col (sclérose linéaire, déminéralisation focale ou kystes). La tête fémorale est cependant parfaitement sphérique, sans clarté sous-chondrale. À ce stade, le malade peut ou non se plaindre de sa hanche.

Stade 3 La sphéricité de la tête est compromise. Une fine opacité sous-chondrale, arciforme, en croissant (« coquille d'œuf »), épousant la forme de la tête qui est encore sphérique. Ce stade n'est pas constant et peut être sauté. Quand il existe cependant, il est le tournant de la maladie.

Stade 4 Un méplat apparaît – avec son corollaire : l'élargissement focal de l'interligne – qui signe le stade irréversible de l'ON. Ce décrochage du pourtour de la tête survient généralement dans la

Les radiographies sont démonstratives et aucun problème de diagnostic ne se pose.

Aux stades ARCO 5–6 (Arlet-Ficat 4) Lorsque le malade est vu pour la première fois, sans radiographie préalable, il est difficile, voire impossible, de diag­nostiquer l'ON comme cause de cette destruction de la hanche. À ces stades, cependant, la question n'a plus grand intérêt pratique puisque la seule possibilité thérapeutique est la prothèse totale de hanche.

Encadré 19.2 Classer la nécrose. En pratique, il faut multiplier les incidences radiologiques pour saisir les anomalies lorsqu'elles sont discrètes (voir, figure 19.11), afin de ne pas mal classer l'ostéonécrose, ce classement conditionnant la conduite à tenir. Le recours à un cliché de face de la hanche malade avec un rayon ascendant de 30°, voire à une tomodensitométrie, peut s'avérer indispensable pour affirmer qu'un léger méplat n'existe pas, qui viendrait transformer cette ON « débutante » en un véritable stade 3 pour lequel les chances de succès du forage sont bien moindres (voir, figure 19.12).

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Chapitre 19. Ostéonécrose de la tête fémorale    229

Figure 19.11 Ostéonécrose du genou. Patiente de 44 ans. Consulte pour syndrome rotulien typique. Ni épanchement, ni latéralité, ni tiroir. Flexion/extension normales. Découverte d'une nécrose de la partie interne du condyle médial, bien visible sur les différentes incidences radiologiques et sur l'IRM.

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230   Partie III. Pathologies osseuses

Figure 19.12 Avantage du scanner. Alors que les différentes incidences radiologiques ne montrent au mieux qu'une légère irrégularité de la trame de la tête fémorale (stade 1 ou 2 ?), le scanner montre déjà une rupture de la sphéricité de la tête (stade 3).

Aux stades précoces (ARCO 1–2, Arlet-Ficat 1–2) Au stade 1 Toutes les maladies touchant la hanche, que ce soit le cartilage, l'os ou la synoviale, peuvent être discutées. Fondé sur la radiographie standard et les facteurs de risques du malade, un algorithme décisionnel peut être proposé (figure  19.13). L'arthrographie ou l'arthro-scanner de hanche permettent de découvrir une chondromatose, une synovite, une tumeur synoviale, une pathologie du bourrelet, un amincissement localisé du cartilage dans la zone d'appui signant une arthrose débutante. Une échographie montre les pathologies péri-articulaires (tendinites et bursites).

Au stade 2 La radiographie standard ne montre qu'une déminéralisation focale aspécifique. Trois autres affections de la tête fémorale peuvent – dans certaines formes de début – ne pas montrer davantage d'anomalies sur la radiographie.

Algodystrophie L'algodystrophie (voir chapitre 18) de la tête du fémur survient parfois dans le même contexte clinique qu'une ON, la radiographie peut être normale ou quasi-normale ou la déminéralisation localisée, sans l'aspect classique de « hanche évanescente ». L'IRM (figure  19.14) montre un œdème médullaire diffus (zone d'hyposignal sur les séquences pondérées T1, qui se transforme en une zone

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Chapitre 19. Ostéonécrose de la tête fémorale    231

Figure 19.13 Arbre décisionnel pour le diagnostic d'une hanche douloureuse isolée (hors contexte inflammatoire ou infectieux).

d'hypersignal sur les séquences en pondération T2 ou en suppression de graisse) sans le liséré d'hyposignal en T1 et T2 qui limite l'ON [43].

Fracture de fatigue sous-chondrale C'est le diagnostic le plus difficile (voir chapitre  17). Sa confusion avec l'ON explique un certain nombre de soidisant ON qui guérissent spontanément ! Cette fracture sous-chondrale de fatigue guérit en effet toute seule et doit être reconnue sur les images IRM (figure 19.15) : au sein d'un œdème médullaire (mêmes signes IRM que l'algodystrophie), les foyers d'impaction trabéculaire, situés à distance variable du contour céphalique, se manifestent par des bandes d'hyposignal linéaires ou arciformes, perpendiculaires à l'axe des travées portantes, mieux visibles en coupe sagittale à haute résolution et en pondération T2. Comme ces bandes peuvent rejoindre le contour osseux sous-­ chondral de la tête fémorale, elles peuvent parfois simuler l'interface réactive de l'ON. Dans ce cas, la différenciation avec un liseré de démarcation complet peut être délicate. Sur les séquences pondérées en T2, une ligne d'hypersignal encadre la zone fracturaire [44].

Chondroblastome de la tête du fémur De localisation exceptionnelle, il peut donner les mêmes images IRM qu'une ON, notamment lorsque manquent les calcifications intra-tumorales (en tomodensitométrie) et l'architecture lobulaire (en IRM) évocatrices de tumeurs cartilagineuses [45].

Traitement Quelles sont les bases des choix thérapeutiques ? À défaut de parfaitement connaître la physiopathologie de la maladie, ces bases sont l'histoire naturelle de la maladie, les facteurs de risque, le volume et la topographie de la nécrose [39] et les données propres au malade (âge, sexe, activité professionnelle et sportive).

L'histoire naturelle La progression est inévitable à partir du moment où la nécrose est symptomatique, quel que soit le stade radiologique de la maladie et quelles que soient les étiologies.

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232   Partie III. Pathologies osseuses

Figure 19.14 Algodystrophie de hanche. Patiente de 42 ans. Douleur mécanique de la hanche gauche depuis 2 mois. Radiographie normale. Aspects IRM : en novembre hyposignal diffus de la tête fémorale gauche en T1, se rehaussant en T2 avec hypersignal diffus en séquence avec suppression de graisses. En mars, normalisation des signaux de cette hanche gauche, identiques à ceux de l'autre hanche (malade asymptomatique depuis 3 semaines).

Figure 19.15 Fracture de fatigue sous-chondrale de la tête fémorale. Marathonien de 29 ans. Douleur mécanique de la hanche droite survenue une semaine après son dernier marathon. La fracture sous-chondrale ne se voit que sur la radiographie de profil. L'IRM confirme (voir texte).

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Chapitre 19. Ostéonécrose de la tête fémorale    233 Quand l'ON est radiologique (dès le stade 2), elle évoluera 3 fois sur 4 vers l'effondrement, quand la radiographie est normale (stade 1 : hanche « magnétique » pure) 3 fois sur 4, il n'y aura pas de nécrose dans les années suivantes [46].

Facteurs de risque Le risque de survenue d'une ON chez des sujets cortisonés ou greffés a été évalué sur des IRM systématiques faites périodiquement à de tels malades. Quand une ON apparaît à l'IRM, elle le fait dans les 6 premiers mois suivant le début de la corticothérapie. Rares sont les cas détectés après ce délai. Une telle ON « magnétique » apparaît dans un tiers des cas, mais seules 20  % des ON « magnétiques » évolueront vers des signes radiologiques et 10 % vers des signes cliniques avec un effondrement. Au total donc, ce sont moins de 10 % des malades sous corticothérapie pour collagénoses qui développeront une nécrose classique avec un recul de l'ordre de 3 ans, alors qu'un tiers d'entre eux en présente des signes à l'IRM [47].

Volume de la nécrose Le calcul du volume, fait sur les coupes IRM en séquences T1 (meilleure définition spatiale des contours) vise à exprimer la surface nécrosée (inscrite à l'intérieur de la bande d'hyposignal) en pourcentage de l'ensemble de la tête, assimilée à un cercle inscrivant au plus près la tête fémorale dans son entier. La moyenne de ces pourcentages calculés sur chaque coupe jointive, représente, par convention, le « volume » de la nécrose [5]. Ce calcul du volume ainsi défini, est important pour les décisions thérapeutiques : on considère généralement qu'un volume supérieur à 30 % aboutit à un effondrement, alors qu'en deçà, le risque est quasi-nul.

Topographie de la nécrose Inférieure, interne ou centrale, la nécrose n'induit que très peu d'effondrement, contrairement à sa localisation supéro-externe. Dans ce dernier cas (le plus fréquent), le risque d'effondrement est fonction de la localisation de la limite latérale de la zone nécrosée par rapport à la zone portante [48] : ainsi, 94 % des ON supéro-externes dont la limite latérale est située dans le tiers externe s'effondrent, contre seulement 19 % dans la zone moyenne et 0 % dans la zone interne (figure 19.16).

De quels moyens dispose-t-on ? Traitement préventif Quand le risque d'ON est élevé et quand un facteur étiologique est accessible au traitement, la prévention est la meilleure solution : ■ la plupart des accidents de décompression des plongeurs peuvent être évités si les règles de décompression sont respectées (remontée progressive en respectant des paliers de décompression) ; ■ l'hyperlipémie, le diabète, l'intoxication alcoolique doivent être traités ou minorés ; ■ chaque fois qu'un traitement cortisonique est entrepris à doses moyennes ou fortes, surtout au-dessus de 20 mg/j d'équivalent prednisone pour plus d'un mois, le risque

Figure  19.16 Risque d'effondrement (passage au stage  3) en fonction de la topographie de la zone nécrosée. Source : B. Mazières.

d'ON doit être apprécié et mis en balance avec les bénéfices escomptés de cette thérapeutique ; ■ les statines pourraient constituer une certaine protection contre le risque de développer une ON, notamment en cas de corticothérapie : on ne constate que 1 % d'ON sous statines contre 3 à 20 % chez des sujets sous cortisone sans statines [49]. Toutefois, une autre étude suivant des greffés rénaux sous cortisone pendant plus de 7 ans en moyenne (de 3,5 à 19 ans) ne confirme pas [50] : 4,4 % des patients sous statines développent une ON, contre 7 % chez ceux n'en prenant pas (différence non significative) ; ■ l'administration d'antioxydants en même temps que la cortisone diminuerait-elle le risque d'ON en diminuant le stress oxydatif [51] ? Cela reste à démontrer chez l'homme ; ■ de même que doit être confirmée l'association ­anticoagulant-hypolipémiant qui diminue la taille des adipocytes et la fréquence des nécroses cortico-induites chez le lapin [52].

Traitement médical De très nombreux traitements médicaux, médicamenteux ou physiques, ont été proposés mais les essais thérapeutiques publiés sont de qualité méthodologique faible [53] : petit nombre de malades, comparateurs et critères de jugement variables, évaluation de plusieurs modalités thérapeutiques associées, y compris chirurgicales (forage, greffe), non prise en compte des facteurs prédictifs de réponse (volume et topographie des lésions). Ils ont en commun de n'être potentiellement efficaces qu'aux stades de début de la maladie, avant toute perte de sphéricité de la tête fémorale. Certains ne semblent efficaces que dans les ON primitives et se révèlent incapables de freiner l'évolution vers l'effondrement des ON cortico-induites. Il est possible que l'association de plusieurs d'entre eux donnerait de meilleurs résultats. Il manque des essais contrôlés bien conduits pour pouvoir conclure.

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234   Partie III. Pathologies osseuses

Mise en décharge de la hanche malade

Anti-oxydants

Pendant au moins 4 à 8 semaines, en utilisant des cannes anglaises. Si elle est classique, cette thérapeutique – utilisée seule – ne semble d'aucune utilité autre qu'antalgique et n'évite pas que 75 % des patients s'aggravent cliniquement et leur ON progresse radiologiquement dans les 3 ans. Même asymptomatiques, le suivi de 664 ON montre un effondrement dans 59 % des cas [46].

En tant qu'agent anti-oxydant, la vitamine E diminue l'apoptose des ostéocytes sur un modèle d'ON cortico-induite chez le lapin [61].

Médicaments vasodilatateurs Ils pourraient jouer un rôle dans le traitement des ON débutantes, bien qu'il soit difficile de prouver leur efficacité (naftidrofuryl, dihydroergotamine, vincamine). Ces médicaments sont largement utilisés en Afrique dans le traitement de la drépanocytose. Une perfusion de naftidrofuryl (Praxilène®) diminue la pression intra-trochantérienne de l'ON et 10 mg de nifédipine à libération immédiate (Adalate®) diminuent significativement la douleur de 17 ON sur 18 dans la demiheure et l'heure suivants la prise, alors qu'elle est sans effet sur la douleur d'autres coxopathies [54]. Enfin, se fondant sur les propriétés vasodilatatrices de la prostacycline, Disch et al. [55] ont utilisé l'iloprost (une perfusion de 6 heures/j, pendant 5 jours, à des doses croissantes) pour traiter des œdèmes intra-osseux de la tête fémorale diagnostiqués en IRM. Parmi les 33 malades traités, 17 avaient un tel œdème associé à une ON. Les malades voyaient leur douleur diminuer en quelques jours, leur œdème aussi sur l'IRM faite 12 semaines plus tard. Les malades revus cliniquement 25 mois plus tard signalaient cependant que leurs douleurs avaient repris, en moyenne 8 mois après le traitement. Aucune notion radiologique concernant la nécrose n'est fournie et des effets secondaires (céphalées, nausées) sont signalés dans près de la moitié des cas.

Anticoagulants Ils sont proposés en cas d'hypofibrinolyse ou de thrombophilie [56]. Seize malades (25 ON au stade 1 ou 2) ont été traités par 60 mg/jour d'enoxaparine, pendant 12 semaines (sans effets secondaires dus à l'anticoagulant). Le critère principal était l'aggravation à deux ans (soit radiologique, soit nécessité de recourir à la prothèse de hanche). En intention de traiter, 76 % de ces ON restaient stables (19/25). Alors que les séries historiques servant de comparaison ne montraient que 20 % de stabilité sur la même période de suivi. En revanche, appliqué à 15 ON secondaires à une corticothérapie, ce traitement donnait un pourcentage d'aggravation comparable à celui des séries historiques (80 % d'aggravation). Trois autres travaux (avec héparines de bas poids moléculaire ou anti-vitamine K) vont dans le même sens : une efficacité à maintenir l'ON à des stades précoces lorsque la nécrose est primitive [57].

Bisphosphonates Depuis le premier travail publié en 2002, différents essais montraient un effet favorable de l'alendronate, capable d'améliorer la situation clinique, d'enrayer la progression radiologique et donc de diminuer le recours à la prothèse [58]. Cependant, les méta-analyses ne portant que sur les essais contrôlés de bisphosphonates s'avèrent négatives [59, 60].

Champs électromagnétiques pulsés Des résultats prometteurs ont été rapportés avec des champs électromagnétiques pulsés, en application externe chez ces malades [62], avec stabilisation des nécroses aux stades 1–2 dans 75 à 80 % des cas. Cette technique contraig­nante (port d'un corset contenant l'électro-aimant plaqué sur le grand trochanter 8 heures par jour pendant 6 mois) a fait l'objet d'une revue générale des deux études rétrospectives et des huit études prospectives publiées et peine à conclure [63].

Ondes de choc Appliquées en une séance (6 000 chocs à 28 kV) sur la hanche nécrosée, la lithotripsie ferait mieux qu'un forage avec greffe péronière non-pédiculée chez 23 malades (29 nécroses) avec un recul de 25 mois [64]. Une revue systématique de cette modalité thérapeutique ne peut guère conclure à une efficacité claire [65].

Oxygénothérapie hyperbare Elle a été essayée, mais la qualité des essais et le petit nombre de cas traités ne permettent pas de tirer de conclusion claire [66]. Au total, en l'attente d'essais thérapeutiques bien menés, on peut simplement proposer une attitude empirique  : association d'alendronate (70  mg/semaine) pendant un an + héparine de bas poids moléculaire (6 000 U/j) pendant 3 mois + lithotripsie (600 coups) en une séance, dans les cas pouvant bénéficier d'un tel traitement médical (tableau 19.3).

Traitement chirurgical Forage du col et de la tête fémorale [67] Il agirait par décompression (diminution de l'hyperpression intra-osseuse) et stimulation du processus de réparation grâce à une réponse d'angiogénèse. Il supprime la douleur dès les premiers jours postopératoires. La technique varie en termes de voie d'abord, de nombre de forages, de diamètre de la tréphine. L'efficacité de cette technique est encore l'objet d'évaluation et de controverses et les bons résultats varient, selon les séries, de 34 à 100 % des cas, mais ils sont de toute façon meilleurs que ceux de la simple mise en décharge (tableau  19.1). Les mauvais résultats de certaines séries peuvent s'expliquer par des insuffisances techniques. Les deux seules études prospectives, randomisées, versus traitement médical montrent, sur les ON stades 1 ou 2, avec au moins deux ans de recul, 75 % d'amélioration clinique, 61 % de stabilisation radiologique contre respectivement 29 % et 39 % dans les groupes témoins. L'adjonction d'une greffe osseuse dans le canal de forage, qui utilise de l'os cortical ou spongieux, qui fait appel à une greffe vascularisée (microchirurgie) ou non, entraîne aussi

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Chapitre 19. Ostéonécrose de la tête fémorale    235 Tableau 19.3 Propositions d'indications thérapeutiques de l'ON selon le stade. Stades ON

Clinique

Volume

Topographie

Conduite à tenir

⁎ 1

asymptomatique

60 ans

Royaume-Uni, 1957 [27]

289

12 707

2,3

Rx bassin + col. lombaire, tous âges

idem

279

9 775

2,9

idem, âge ≥ 45 ans

idem

265

6 353

4,2

idem, âge ≥ 55 ans

Belgique, 1974 [28]

300

25 790

1,16

Rx malades > 40 ans,

France, 1995 [29]

11

600

1,83

Cliché d'UIV (col. lombaire + bassin + extrémité sup. fémur), sujets > 50 ans

idem





2,01

estimation générale sachant que atteinte sur sites explorés ne représente que 91 % des MP

Royaume-Uni, 1999 [30]

252

9 828

2,56

Rx abdomen ou IUV, sujets > 55 ans

Italie, 2005 [24] Turin

41

6 609

0,62

Rx abdomen (permettant de voir colonne lombaire, sacrum, bassin, extrémité sup. fémurs) sujets ≥ 55 ans

idem





0,69 à 1,03

estimation générale sachant que atteinte sur sites explorés ne représente que 60-90% des MP

Italie, 2005 [24], Sienne

16

1 778

0,90

Rx abdomen (permettant de voir colonne lombaire, sacrum, bassin, extrémité sup. fémurs), sujets ≥ 55 ans

idem





0,98 à 1,48

estimation générale sachant que atteinte sur sites explorés ne représente que 60–90 % des MP

Espagne, 2008 [31]

44

4 528

1,0

Rx abdomen (permettant de voir colonne lombaire, sacrum, bassin, extrémité sup. fémurs), sujets ≥ 55 ans

idem





1,1 à 1,6

estimation générale sachant que atteinte sur sites explorés ne représente que 60–90 % des MP

idem





2,5

sous-population ≥ 85 ans

Prévalence en population générale Royaume-Uni, 1955 [32]

8

162

4,9

population de Sheffield, âge > 60 ans (par le biais des phosphatases alcalines)

France, 2000 [33]

4

745

0,54

Rx col. dorsale & lombaire, femmes > 75 ans

Idem





1,1 à 1,8

estimation générale fondée sur le fait que sites explorés ne représentent que 30 à 50 % des MP

États-Unis, 2000 [34]

31

3 936

0,79

Rx bassin (permettant de voir colonne lombaire, sacrum, bassin, extrémité sup. fémurs)

Idem





1,04 à 1,98

estimation générale fondée sur le fait que sites explorés ne représentent que 40 à 76 % des MP

Royaume-Uni, 2002 [23]

2 465

5 000 000

0,05

registre de praticiens anglais. Population ≥ 18 ans. Diagnostic MP Clinique et/ou Rx

Idem





0,3

même population ≥ 55 ans

Pays-Bas, 2004 [35]

26

548

3,6

population de Rotterdam, âge ≥ 55 ans (par le biais des phosphatases alcalines)

Idem





2,7

sujets avec phosphatases alcalines normales

Idem





26,7

sujets avec phosphatases alcalines > 2 écarts-types au-dessus de la moyenne)

10 9

Tableau 20.3 Prévalence de la MP dans différentes villes européennes.

Pygott, 1957

8

Altman, 2000

7 6 % MP

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244   Partie III. Pathologies osseuses

5

Pays

Ville

Prévalence (%)

Grande-Bretagne

31 villes

4,6

France

Bordeaux

2,7

Rennes

2,4

Nancy

2,0

Dublin

1,7

Galway

0,7

Espagne

Valence

1,3

Portugal

Porto

0,9

Allemagne

Essen

1,3

Italie

Palerme

1,0

Grèce

Athènes

0,5

Crête

0,5

Malmö

0,4

4 3

Irlande

2 1 0 35–44

45–54

55–64

65–74

75–84

85+

Tranches d'âge

Figure 20.3 Augmentation de la prévalence de la MP avec l’âge. Source  : d’après Pygott F. Paget’s disease of bone. The radiological incidence. Lancet, 1957, 1  : 1170-1171 et  Altman RD, Bloch DA, Hochberg MC et al. Prevalence of Pelvic Paget’s disease of bone in the United States. J Bone Miner Res, 2000, 15 : 461-5.

Sexe Les hommes sont plus souvent touchés que les femmes (sex ratio : 1,1 à 1,2 environ).

Variations géographiques La maladie semble particulièrement fréquente en GrandeBretagne, avec cependant des variations allant de 2,3 à 6,8 % (fréquence particulièrement élevée dans une région du Lancashire) [38]. Une étude similaire a été conduite dans différentes villes européennes (tableau  20.3) qui montre des disparités importantes [36]. La fréquence chez les Anglais immigrés en Australie (4 %) est intermédiaire entre celle des Anglais de Grande-Bretagne (5 %) et celle des Australiens plus anciennement installés (3,2 %). Elle est plus rare dans le sud des États-Unis (Atlanta : 0,9 %) que dans le nord (New York : 3,9 %). La maladie touche toutes les ethnies, mais est réputée plus rare chez les noirs d'Afrique, les aborigènes australiens, les Scandinaves et les Asiatiques.

Variations dans le temps La maladie a été retrouvée sur des squelettes de l'Antiquité et du Moyen Âge. Pour que Sir James Paget en décrivît 23 observations dans sa carrière sur des bases purement cliniques, il fallait que la maladie fût fréquente à Londres, à la fin du xixe siècle. La fréquence de la maladie diminuet-elle au fil des décennies ? Une revue générale estime à 36 à 50 % la diminution de la maladie dans plusieurs pays. Parallèlement, la sévérité de la maladie (jugée sur le taux de phosphatases alcalines sériques) et son extension (jugée sur la scintigraphie osseuse) semblent diminuer aussi [39].

Associations pathologiques De telles associations sont recherchées pour essayer d'éclairer l'étiologie de la maladie. Elles n'ont apporté aucune contribution à cette connaissance, mais on a ainsi pu constater une association avec l'hyperostose frontale interne, et surtout avec l'hyperostose vertébrale ankylosante retrouvée dans près de la moitié des cas de MP (voir chapitre 11,

Suède

Source : d'après Detheridge FM, Guyer PB, Barker DJP. European distribution of Paget's disease of bone. Br Med J, 1982, 285 : 1005–1008.

« Hyperostose vertébrale ankylosante »). Les calcifications vasculaires sont plus fréquentes que chez des sujets de même âge non pagétiques. En revanche, la goutte et la chondrocalcinose ne semblent pas plus fréquentes chez les pagétiques que dans les populations témoins de même âge.

Circonstances de découverte de la maladie de Paget Elles peuvent être regroupées en trois rubriques d'inégale fréquence.

Découverte fortuite d'une MP asymptomatique Les estimations varient selon les statistiques, mais au bas mot 8 à 9 MP sur 10 sont asymptomatiques et donc ignorées. Les radiographies faites pour d'autres raisons (urographie intraveineuse, radios pulmonaires, explorations digestives, contrôles osseux post-traumatiques), les examens biologiques extensifs de dépistage font que, de plus en plus, on découvre de telles MP. La découverte radiologique d'un bassin ou d'une vertèbre pagétique fait le diagnostic dans la plupart des cas. Il ne restera plus qu'à évaluer l'extension et l'évolutivité de la maladie (voir infra). Le dépistage biologique se résume en pratique à la découverte d'un taux élevé de phosphatases alcalines sériques. En l'absence de troubles hépatiques (normalité des autres constantes biologiques hépatiques, absence de trouble clinique et d'antécédent), cette élévation a toute chance d'être d'origine osseuse. Elle n'a rien de spécifique, mais des chiffres très élevés (4 à 5 fois la valeur normale, et plus) sont assez évocateurs de la MP pour faire demander une scintigraphie osseuse du corps entier. En cas de doute, on peut doser la fraction osseuse de la phosphatase alcaline circulante par immunodosage.

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Chapitre 20. Maladie osseuse de Paget    245

Découverte devant des signes cliniques de la maladie Les grandes formes polyostotiques que décrivait Sir James Paget ne se voient plus qu'exceptionnellement : incurvation antérieure ou antéro-externe des tibias « en fourreau de sabre », déviation des fémurs, l'ensemble réalisant une déformation des membres inférieurs « en parenthèses ». Le tronc est déformé en « corps de violon » avec élargissement du bassin, cyphose dorsale, saillie des clavicules hypertrophiées. Couronnant le tout, le crâne est augmenté de volume de façon globale ou dissymétrique. Plus rarement, les os de la face peuvent être touchés : le malaire et le maxillaire supérieur, réalisant le leontiasis ossea, le maxillaire inférieur, entraînant un prognathisme (voir, figure 20.1). L'atteinte est mono ou oligo-ostotique le plus souvent et le patient consulte pour : ■ une déformation d'une jambe ou d'une cuisse, d'installation très progressive, qui explique que ce soit l'entourage qui la constate, plus que le malade lui-même. L'atteinte tibiale s'accompagne d'un épaississement palpable de l'os avec crête tibiale émoussée (« tibia en fourreau de sabre »). Une telle déformation, généralement du membre inférieur, est évocatrice de la MP (figure 20.4). Il ne faut cependant pas confondre une telle déformation osseuse, diaphysaire, avec un genu varum prononcé. La disparition de la mode des chapeaux fait que c'est rarement pour la découverte d'une augmentation du périmètre crânien que l'on fait le diagnostic ; ■ une douleur avec ou sans déformation : elle est variable, le plus souvent d'intensité modérée, survient à la mise en charge et à l'effort, et se calme au repos, mais peut parfois réveiller le malade. En dehors de toute complication, il s'agit d'une douleur osseuse siégeant en pleine diaphyse d'un os long ; ■ une augmentation de la chaleur locale lorsque l'os touché est superficiel. La thermométrie cutanée ou la thermographie confirmeraient le fait si besoin était. ■ s'ils ne sont pas pathognomoniques, ces signes ont le mérite d'attirer l'attention sur l'os et de faire prescrire une radiographie qui affirmera le diagnostic.

Complications articulaires Elles sont les plus fréquentes. La fréquence de l'atteinte du bassin et des fémurs explique que la hanche soit l'articulation la plus souvent touchée, réalisant la coxopathie pagétique (figure 20.5). Cliniquement, la douleur – inconstante – est d'allure mécanique, calmée par le repos et réveillée par la marche. Elle s'accompagne d'une raideur variable, mais progressivement croissante. Celle-ci peut évoluer sans douleur ou presque, expliquant la bonne tolérance de cette coxopathie dégénérative qui n'est parfois découverte qu'à un stade de raideur, et donc d'impotence marquée avec dégâts articulaires majeurs que la radiographie évalue. Le genou est également touché, l'incurvation fémorale et/ou tibiale induisant à la longue une hyperpression du compartiment fémoro-tibial interne et un genu varum. Les atteintes des articulations du membre supérieur, non portantes, sont plus rares et moins invalidantes.

Complications osseuses Fissure Douloureuse ou non, elle siège dans la convexité d'une déformation d'un os long. Il peut exister plusieurs fissures

Découverte devant une complication premier symptôme C'est un mode de découverte fréquent de la MP symptomatique. Les complications sont de plusieurs ordres, de gravité et de fréquence très différentes, mais peuvent s'associer.

Figure  20.5 Radiographie d’un bassin de face. L’hémi-bassin gauche est pagétique avec coxopathie et son pincement supérointerne (voir texte).

Figure 20.4 Déformation tibiale qui s’accompagne d’un épaississement palpable de l’os avec crête tibiale émoussée (« tibia en fourreau de sabre »).

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246   Partie III. Pathologies osseuses étagées, parfois difficiles à reconnaître au sein d'un os pagétique profondément remanié (figure 20.6).

Fracture Précédée ou non de fissure, elle survient souvent pour un traumatisme minime. C'est une fracture pathologique, transversale ou oblique courte le plus souvent, rompant l'os « en bâton de craie » (figure 20.7).

Dégénérescence sarcomateuse Elle est rare (≈ 0,3 % des MP), mais son pronostic reste effroyable avec moins de 20 % de survie à 5 ans [40]. Elle se développe sur un os pagétique avec une répartition des localisations différente des localisations préférentielles de la maladie : les sièges de prédilection sont le fémur, le bassin et l'humérus (plus de trois quarts des cas pour ces seuls sites).

Figure 20.6 Radiographie de profil de jambe. Tibia et fibula pagétiques. Fissures sur la convexité du tibia, mieux visibles sur l’agrandissement.

Figure 20.7 Radiographie de l’avant-bras. Déformation majeure du radius avec fracture horizontale, « en bâton de craie », survenue pour un traumatisme minime.

Cliniquement, elle est souvent le premier symptôme faisant découvrir la maladie (> 50 % des cas) [41]. C'est une tumeur maligne osseuse sans particularité, sinon celle de survenir à un âge où les tumeurs malignes primitives des os sont rares. Radiologiquement, les formes ostéolytiques sont les plus fréquentes avec les signes habituels d'un ostéosarcome. Du point de vue anatomopathologique, en effet, il s'agit de sarcomes ostéogéniques dans la plupart des cas, ou de fibrosarcomes (25 %). Les réticulosarcomes et tumeurs à cellules géantes [42] représentent moins de 10 % des cas.

Complications neurologiques ■ Rares compressions tronculaires (cubitale au coude, du nerf médian dans le canal carpien) par hypertrophie pagétique locale de l'os formant la paroi d'un défilé anatomique. ■ Compressions médullaires lentes réalisant une paraplégie spasmodique d'installation très progressive par hypertrophie d'une vertèbre pagétique qui vient réduire le diamètre du canal rachidien comme la myélographie ou la tomodensitométrie le constatent (figure 20.8). ■ Hydrocéphalie par impression basilaire lorsque l'écaille occipitale pagétique vient s'empaler sur l'atlas et l'odontoïde. ■ Atteintes des nerfs crâniens et surtout de la VIIIe paire passant dans un rocher pagétique et dont l'atteinte induit la surdité. Il s'agit d'une surdité souvent mixte à prédominance de transmission, d'évolution progressive [43]. On pourrait expliquer de même les atteintes plus rares : anosmie par compression des nerfs olfactifs dans la lame criblée de l'ethmoïde, baisse progressive de l'acuité visuelle avec rétrécissement concentrique du champ visuel par compression du nerf optique dans la fente sphénoïdale... ■ Il existe même des troubles cérébraux et psychiques variés  : états démentiels, comas transitoires, épisodes amnésiques, épisodes vertigineux, céphalées que l'hypertrophie du crâne plus ou moins associée à l'impression basilaire pourrait expliquer. D'un point de vue physiopathologique, il paraissait simple de rendre compte des nombreuses complications neuro­logiques de la MP  : l'hypertrophie et la malléabilité accrues de l'os pagétique semblaient expliquer tous les signes observés. Un faisceau d'arguments tend cependant à minimiser le rôle mécanique exclusif de l'os pagétique dans la genèse de ces troubles. En effet : ■ les médicaments antiostéoclastiques modernes de la MP ne diminuent pas l'hypertrophie osseuse, surtout en quelques semaines, et pourtant c'est généralement le délai au bout duquel une paraplégie d'origine « pagétique » s'améliore, sans laminectomie décompressive [44]. Dans quelques observations privilégiées, on a même constaté que des malades sortaient du coma, voyaient leurs troubles vertigineux céder quelques minutes après une simple injection de calcitonine ; ■ il a été constaté par étude doppler des vaisseaux carotidiens une augmentation du débit de la carotide externe dans des MP étendues du crâne. Tout se passe comme si le crâne pagétique très richement vascularisé créait un hémodétournement carotidien externe à son profit. Un tel hémodétournement pourrait être envisagé à l'étage vertébral pour rendre compte – au

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Chapitre 20. Maladie osseuse de Paget    247

Figure 20.8 Atteinte rachidienne. (A) Vertèbre lombaire pagétique, « en cadre », dite « sortant du lot », tassée, avec majoration des trabécules. (B) Vertèbre dorsale pagétique comprimant la moelle (myélographie).

moins en partie – des compressions médullaires. Il ne faut pas oublier que des facteurs vasculaires ont également été évoqués dans la genèse des myélopathies cervicarthrosiques. Au total donc, il semble que l'origine des complications neurologiques ne soit pas univoque, mais qu'à côté des facteurs mécaniques parfois indiscutables, il faille tenir compte des phénomènes vasculaires liés à l'hypervascularisation de l'os pagétique capable d'induire des perturbations ischémiques localisées.

Complications cardio-vasculaires L'insuffisance cardiaque est banale à l'âge du pagétique. Mais il peut exister, dans les formes très extensives de la maladie, une insuffisance cardiaque plus rare car à débit élevé. Cela résulte de l'hypervascularisation considérable des corticales des os pagétiques qui induit un effet de shunt fonctionnel artério-veineux (sans qu'un réel shunt anatomique existe). Les calcifications vasculaires sont plus fréquentes chez les pagétiques que chez des témoins de même âge [45].

Le diagnostic positif de la MP est radiologique [46] Triade radiologique Il s'agit le plus souvent d'un diagnostic simple si l'on analyse les clichés à la recherche des signes élémentaires de la maladie. Ces signes sont la traduction radiologique des constatations macroscopiques (figure 20.9) :

Figure 20.9 Radiographie d'un tibia pagétique (détail) montrant les trois signes radiologiques de base de la MP. Hypertrophie de l'os, dédifférenciation cortico-médullaire et trabécules osseuses du spongieux épaissies.

■ l'os pagétique est hypertrophié, ce qui apparaît avec évidence lorsque l'on compare une pièce osseuse atteinte à son homologue controlatéral normal ; ■ les corticales atteintes sont épaissies et la limite entre la cavité médullaire et l'endoste est mal visible : c'est la dédifférenciation cortico-médullaire ; ■ dans le spongieux, les trabécules osseuses sont plus rares, mais épaissies et anormalement visibles.

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248   Partie III. Pathologies osseuses

Aspects radiologiques suivant le siège

Au début de la maladie

Lorsque ces trois signes de base sont présents, le diagnostic est simple. Il est plus difficile lorsqu'ils ne sont pas réunis au complet. En outre, et selon la topographie et la morphologie de l'os, il existe des aspects particuliers : ■ au bassin, les trois signes de base sont souvent bien visibles sur les branches ilio- et ischio-pubiennes, et d'autant plus faciles à identifier que seul un hémibassin est touché, offrant une comparaison avec l'autre côté normal (voir, figure 20.5). Le cotyle est densifié avec un aspect fibrillaire majoré en forme de croissant, d'où partent deux zones denses, l'une du fond du cotyle qui remonte vers la berge externe de la sacro-iliaque, l'autre du bord externe du cotyle qui remonte vers l'épine iliaque antérosupérieure. La partie moyenne de l'aile iliaque entre ces deux zones denses, paraît par contraste, anormalement claire sans que cela soit pathologique (le risque étant au contraire d'y voir une zone lytique prise à tort pour une dégénérescence sarcomateuse). ■ les os longs peuvent être déformés. Les signes radiologiques de base sont facilement identifiables (figure 20.10). En général, seule une partie de l'os est touchée. Au stade lytique initial, la lésion pagétique se caractérise par une décalcification lancéolée, en V (front d'avancée pagétique) (figure 20.11). ■ le crâne est caractéristique avec un épaississement des os de la voûte du crâne et disparition du diploé, noyé dans la densité des deux tables externe et interne qui se rejoignent.

La phase lytique est seule présente et se manifeste radiologiquement par des plages d'ostéoporose circonscrite. Cela est particulièrement visible au niveau du crâne où la zone lytique est fronto-temporale ou frontale et pariétale, à bords nets et parfois polylobés (figure 20.12). Cela ne doit pas en imposer pour une image lytique d'une métastase ou d'un myélome. Cette ostéoporose circonscrite peut se voir aussi sur les os longs, à la limite entre la partie encore normale et la partie déjà classiquement pagétique (figure 20.13). C'est le « front d'avancée » du Paget dont la vitesse a pu être mesurée sur des clichés comparatifs étagés dans le temps (8 à 10 mm/an) [37].

Aspects radiologiques particuliers Certains aspects s'écartent cependant de cette description de base et peuvent poser des problèmes de diagnostic.

Au tout début Plus difficile est le diagnostic de MP lorsqu'il s'agit du tout début radiologique de l'affection et que tout se résume à une simple augmentation de la trame fibrillaire sans encore d'épaississement. C'est notamment le cas sur les cotyles ou sur les vertèbres. Seules la lecture minutieuse d'excellents clichés, la comparaison avec l'os sain controlatéral (pour les membres) ou les pièces osseuses sus- et sous-jacentes (pour le rachis), et surtout la comparaison avec les clichés anciens quand cela est possible, permettent de faire le diagnostic.

En phase tardive L'aspect condensant devient dominant (figure  20.14) et peut donner : des taches de bougie sur le crâne, une vertèbre « ivoire », uniformément dense [47], une condensation flocon­neuse du bassin. Ces images ne doivent pas être confondues avec des métastases condensantes, notamment d'un cancer prostatique. Dans le doute, la biopsie osseuse peut s'imposer.

Figure 20.10 Radiographie des deux os de l’avant-bras. Détail montrant les signes radiologiques caractéristiques de la MP sur l’extrémité inférieure du radius.

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Chapitre 20. Maladie osseuse de Paget    249

Figure 20.11 MP de l’extrémité inférieure du fémur. Noter le front d’avancée pagétique (pointes de flèche).

Figure 20.12 Radiographie de crâne de profil. Ostéoporose circonscrite du crâne.

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250   Partie III. Pathologies osseuses pathie pagétique a été isolée du groupe des coxarthroses par certains aspects radiologiques qui lui sont propres  : outre l'atteinte pagétique du cotyle (le plus souvent) et/ou de l'extrémité supérieure du fémur, il existe un pincement à prédominance supéro-interne avec tendance protrusive et coxa vara lorsque le fémur est atteint. L'ostéophytose est par contre longtemps modérée.

Impression basilaire Elle se mesure classiquement par l'ascension excessive de l'odontoïde au-dessus des lignes bimastoïdienne ou digastrique (radio de face), des lignes de Chamberlain ou de Mac Gregor (radio de profil).

Autres moyens d'imagerie Figure  20.13 Extrémité supérieure du fémur. Zone d’ostéolyse (pointes de flèche) séparant la zone pagétique (tête et col et région intertrochantérienne) de la zone saine diaphysaire.

Scanner et IRM sont rarement nécessaires. Ils sont à réserver à des cas particuliers, notamment pour le diag­ nostic des complications (dégénérescence, compression médullaire) [48].

Diagnostic différentiel Il peut se poser à l'étape radiologique : ■ devant des lésions condensantes diffuses  : métastases osseuses d'un cancer de la prostate ; ■ devant des lésions condensantes localisées  : vertèbre ivoire d'un cancer de la prostate, maladie de Hodgkin, lymphomes, angiome (aspect grillagé) ; ■ devant des lésions lytiques isolées  : tumeur à cellules géantes, ostéosarcome ; ■ devant des lésions osseuses diffuses, mixtes : dysplasie fibreuse, hyperparathyroïdie. Dans le doute et si les explorations radiologiques et bio­logiques sont non contributives, le recours à la biopsie osseuse peut être nécessaire. Figure 20.14 Détail d’une radiographie de main. MP condensante de la première phalange du majeur.

Complications diagnostiquées par la radiographie Osseuses La fracture et la dégénérescence sont faciles à reconnaître. Les fissures sont en revanche de diagnostic plus difficile, car parfois noyées dans la condensation pagétique (voir, figure  20.6). La tomodensitométrie peut les mettre en évidence.

Articulaires Le risque d'arthropathie est d'autant plus grand que les deux épiphyses en regard sont touchées. L'arthropathie clinique (raideur surtout, mais douleur aussi) peut se manifester alors que l'interligne articulaire est encore intact. La coxo-

Bilan d'extension (figure 20.15) Quel que soit l'os touché, la radiographie a permis d'affirmer la MP ; il faut ensuite réaliser un bilan d'extension, à la recherche d'autres localisations en faisant réaliser une scintigraphie osseuse, corps entier au méthylène bisphosphonate (MDP) marqué au technétium (Tc99m). Cette technique rapide montre des foyers pagétiques qui hyperfixent de façon intense (figure 20.16). La radiographie centrée sur ces zones confirme la nature pagétique de cette hyperfixation non spécifique. En outre, c'est une méthode plus sensible qui détecte des foyers hyperfixants encore radio­logiquement normaux (20  % des cas). À l'inverse, de vieilles lésions pagétiques radiologiquement denses peuvent ne pas fixer anormalement en scintigraphie (10 % des cas). On peut ainsi avoir une idée précise de l'extension de la maladie avant tout traitement. Sauf cas particulier (MP peu étendue dont le taux de phosphatases alcalines est normal), il n'est pas recommandé de répéter cet examen dans le temps, la MP touchant d'emblée tous les os qu'elle doit toucher chez une personne donnée.

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Chapitre 20. Maladie osseuse de Paget    251

Circonstances diagnostiques

Signes cliniques Douleur osseuse Déformation osseuse

Découverte fortuite Radiologique Biologique

Complications Fissure, fracture Coxopathie pagétique Compression médullaire

Le diagnostic de MP est radiologique

Bilan

Bilan d'extension Scintigraphie osseuse

Bilan d'évolutivité Phosphatases alcalines sanguines

Décisions thérapeutiques

Patient asymptomatique

Patient symptomatique

Localisation à risque ?

OUI

MP évolutive ?

NON

Surveillance

Traitement Figure 20.15 Schéma général de la conduite à tenir diagnostique et thérapeutique devant une maladie de Paget.

OUI

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252   Partie III. Pathologies osseuses

Figure 20.16 Scintigraphies osseuses pour bilan d’extension de la MP. (A) MP mono-ostotique touchant C2. (B) MP polyostotique touchant les clavicules, l’humérus droit, une vertèbre dorsale basse, le sacrum, le bassin partiellement, fémur et tibia droits, tibia gauche.

Bilan d'évolutivité C'est la biologie qui permet au mieux de juger de l'évolutivité.

Arguments négatifs Il n'existe aucun syndrome inflammatoire et le bilan phosphocalcique est normal dans la MP non traitée : calcémie et phosphorémie ne sortent pas des normes, calciurie et phosphaturie non plus, encore qu'il y ait des variations de la calciurie selon les phases de la maladie avec des périodes d'hypocalciurie et d'autres d'hypercalciurie surtout en cas d'alitement (pour une fracture par exemple). La 25-hydroxy-vitamine D3 est également normale et la PTH, si elle est souvent plus élevée que la moyenne, reste dans les limites de la normale.

Arguments positifs Les deux paramètres fondamentaux sont la phosphatasémie alcaline et les crosslaps (ou CTX) qui sont élevées [49]. La phosphatasémie alcaline est le reflet de l'accrétion osseuse et donc de la reconstruction. Lors du premier bilan, en cas de doute sur l'origine osseuse ou hépatique de cette élévation des phosphatases alcalines, on peut demander un dosage de la fraction osseuse des phosphatases alcalines, seule augmentée dans la MP. Elle est élevée dans trois quarts

des cas de MP, parfois à des taux de plus de dix fois la normale et plus. L'ostéocalcine, autre paramètre de l'accrétion osseuse, n'est pas utilisée couramment ici. Le CTX sérique est un marqueur reproductible, télopeptides C-terminaux du collagène de type I, dont la plus grande partie est osseuse. Il reflète donc l'hyperostéoclastose. Il est élevé, ici encore à des taux parfois considérables, dans deux tiers des cas de MP. Ces deux paramètres sont étroitement corrélés entre eux. Seuls 10 % des pagétiques ont ces deux marqueurs osseux normaux.

Évolutivité L'élévation des deux paramètres est un bon reflet de l'activité de la maladie. Cependant, ces deux constantes biologiques sont aussi fonction de l'extension de la maladie, une atteinte isolée de l'extrémité supérieure d'un seul tibia ne pourra guère s'accompagner d'une élévation majeure alors qu'un Paget polyostotique ancien, au stade de sclérose radio­logique, peut avoir un taux élevé d'un ou des deux paramètres. Ces signes biologiques permettront de plus de suivre l'évolution sous traitement. En pratique, la bonne corrélation entre les deux paramètres – reflet du couplage ostéoclastose/ostéoblastose – invite à ne doser que la phosphatasémie alcaline, examen peu onéreux et fiable.

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Chapitre 20. Maladie osseuse de Paget    253

Traitement

Moyens

À défaut de connaître l'étiologie de la maladie, nos connaissances physiopathologiques et l'existence des médicaments bloquant l'ostéoclastose permettent un traitement physiopathologique adapté qui a transformé notre approche de la maladie.

Bisphosphonates (BP)

Buts Les buts du traitement sont de restaurer un métabolisme osseux normal, de calmer les symptômes et de prévenir les complications. Cependant, ces complications ne s'installent que très progressivement et il faut des années pour juger de l'efficacité des thérapeutiques sur ce paramètre. Aussi use-t-on des données biologiques (critères intermédiaires) pour évaluer l'efficacité des traitements. En pratique, on se sert du taux sérique des phosphatases alcalines (PA) dont la diminution maximale (nadir) après traitement survient environ un mois après. Le CTX a un nadir plus rapide (environ une semaine), mais son dosage plus délicat peut être ignoré en pratique. Si le taux de phosphatases alcalines chute de plus de 50 % (ou 75 % selon les auteurs) on parle de « malades répondeurs », si ce taux revient à la normale, on parle de « normalisation » ou de « rémission » (tableau 20.4). Inversement on parle de « rechutes » ou « d'échappement », non seulement devant une reprise des douleurs éventuelles, mais aussi dès que les phosphatases alcalines remontent de plus de 25 % par rapport au taux le plus bas obtenu [54]. Des arguments indirects font penser que la normalisation des paramètres biologiques devrait permettre de diminuer le risque de complications à terme : l'étude rétrospective de 41 cas de MP traités, suivis sur une douzaine d'années, avait montré que 33 % des 12 patients dont les PA avaient été normalisées développaient des complications, contre 62 % des 29 patients dont les phosphatases n'avaient été que diminuées [55]. L'objectif des traitements modernes de la maladie de Paget peut donc être de normaliser ces marqueurs bio­ logiques. Cependant, l'étude PRISM (1 324 patients suivis entre 2 et 5 ans ; médiane : 2 ans), qui compare l'efficacité d'un traitement dit « intensif » (retraitement jusqu'à obtention d'une normalisation des PA) versus un traitement « à la demande » en fonction des symptômes, n'a pas montré de différences en termes de qualité de vie, de réduction de la douleur ou de survenue de certaines complications (tableau 20.5) [56]. Parmi ces malades, 502 ont accepté de poursuivre une étude similaire, pendant 3 ans : ils restaient dans leur même groupe de traitement (« intensif » versus « à la demande »), mais cette fois le zolédronate était introduit. Les conclusions finales étaient les mêmes que dans l'étude PRISM initiale [57]. Tableau 20.4 Efficacité des bisphosphonates dans la maladie osseuse de Paget. Produits

⁎ % de répondeurs % de normalisation⁎⁎

Tiludronate, 1992 [50]

60–70

25–35

Risédronate, 1999 [51]

70–80

50

Pamidronate, 1991 [52] 70–90

60

Zolédronate, 2005 [53] 96

89



Répondeurs : diminution de 50 à 75 % des phosphatases alcalines par rapport aux valeurs initiales. Normalisation des phosphatases alcalines.

Famille thérapeutique comptant plusieurs dizaines de molécules, les bisphosphonates sont connus de longue date. Ils ont une action bloquante sur le cristal osseux. Ultérieurement, a été découverte leur action antiostéoclastique (voir chapitre 52, « Les médicaments de l'os »). Quatre BP ont une AMM dans la maladie osseuse de Paget (tableau 20.6). D'autres bisphosphonates ont été largement expérimentés dans la MP, mais ne sont pas commercialisés pour cette indication en France. Les BP administrés per os (tiludronate, risédronate) doivent l'être en dehors des repas pour éviter de diminuer l'absorption digestive, déjà faible, de l'ordre de 1 à 3 %. Les BP injectables (pamidronate, zolédronate) peuvent induire (10 % des cas lors de la première cure, plus rarement lors des suivantes) un syndrome pseudogrippal de 48 heures, traité par paracétamol. Les autres effets secondaires des BP sont peu fréquents (10 %) et discrets (nausées ou épigastralgies, diarrhées) n'imposant que rarement l'interruption de la prise. Tous les BP induisent une hypocalcémie transitoire,

Tableau 20.5 Comparaison entre MP traitées à la demande en fonction des symptômes et des malades traités de façon « intensive » pour tenter de normaliser le taux de phosphatases alcalines. Traitement Traitement symptomatique « intensif » (n = 663) (n = 661) 62

82

Fractures (%)

7,4

7,0

Recours à une prothèse articulaire (%)

5,1

6,2

Qualité de vie (SF-36)

40

41

Douleur sur os pagétique (% pts)

30,8

26,4

PA : phosphatases alcalines ; pts : patients. ⁎ différence significative. Source : d'après PRISM, Langston AL, Campbell MK, Frazer WD et al. Randomized trial of intensive bisphosphonate treatment versus symptomatic management in Paget's disease of bone. J Bone Miner Res, 2010, 25 : 20–31.

Tableau 20.6 Bisphosphonates ayant une AMM pour le traitement de la MP en France. DCI

Voie d'administration

Posologies

Tiludronate

cp. à 200 mg

400 mg/j ; 3 mois

Risédronate

cp. à 30 mg

30 mg/j ; 2 mois

Pamidronate

⁎ perfusion IV lente (3 h)

Zolédronate

⁎ perfusion IV lente (≥ 30 min)



⁎⁎



PA normalisées (% pts)



60 à 90 mg, 1 à 3 perfusions à quelques jours d'intervalle si besoin amp. 4 mg/5 mL, dose unique

Tolérance digestive mauvaise Ò perfusion dans 500 ml de chloruré ou de glucosé isotonique.

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254   Partie III. Pathologies osseuses le plus souvent asymptomatique. Avec tous les BP, une exacerbation des douleurs osseuses peut se manifester en début de traitement. Ils sont contre-indiqués en cas d'insuffisance rénale. Les amino-BP (risédronate, arédia, zolédronate) peuvent rarement induire une uvéite, une dysgueusie, des rashes cutanés. Aucun cas d'ostéonécrose de la mâchoire n'a été rapporté dans les séries de MP traitées par BP. En termes d'efficacité (voir, tableau 20.4), les BP ont un effet rémanent prolongé du fait d'une demi-vie intraosseuse longue (3 mois à plusieurs années selon le BP). Cette caractéristique permet de faire une première cure, puis de surveiller les phosphatases alcalines tous les 6 mois et de ne recommencer une nouvelle cure qu'en cas d'échappement. Le zolédronate est le plus efficace, améliore la qualité de vie des patients, donnant des rémissions à long terme du taux de PA [53, 58, 59].

Calcitonines (CT) Porcines, salmines ou humaines, elles ont toutes la même propriété : hormones polypeptidiques, puissantes inhibitrices de la résorption ostéoclastique, elles font diminuer les phosphatases alcalines de 30 à 50 %, mais la normalisation n'est possible que dans les formes peu actives. Elles ont plusieurs inconvénients : ■ la voie d'administration est parentérale (sous-cutanée ou intramusculaire) et quotidienne ou trois fois par semaine ; d'autres voies d'administration (spray nasal et suppositoire) ne sont pas commercialisées en France ; ■ il existe des effets secondaires dans 20 % des cas : troubles vasomoteurs à type de flush du visage, nausées, vomissements, malaise général dans les heures suivant l'injection. Ces troubles sont sans gravité et disparaissent avec l'arrêt du traitement, mais ils peuvent être suffisamment désagréables pour imposer l'arrêt. La voie sous-cutanée, l'administration en postprandial, en début de soirée, la diminution des posologies, en atténueraient l'intensité ; ■ l'effet est transitoire : l'efficacité n'existe que pendant la durée du traitement. Il n'y a pas d'effet rémanent. Deux à trois mois après l'arrêt, l'évolutivité de la maladie reprend son cours antérieur ; ■ l'échappement thérapeutique survient dans un quart des cas environ (résistances).

Indications (voir, figure 20.15) Toutes les MP symptomatiques doivent être traitées. Devant une forme asymptomatique, trois éléments plaideront en faveur d'un traitement : ■ l'existence d'une maladie de Paget évolutive, c'est-à-dire dont le taux de PA est élevé (au moins deux fois la limite supérieure de la normale) ; ■ l'existence d'une localisation « à risque ». Les atteintes péri-articulaires (bassin, épiphyses) risquent en effet d'induire des complications articulaires ; les incurvations majeures des os longs, des complications osseuses ; les atteintes dorsales ou de la base du crâne, des complications neurologiques, etc. Il n'est cependant pas prouvé qu'un traitement précoce empêche la survenue de complications ; ■ l'excellent rapport efficacité/tolérance des BP.

Il faut corriger tout déficit calcique et vitaminique  D avant le traitement et, dans le doute, donner une ampoule de vitamine D3 buvable 15 jours avant de débuter le traitement. Tout traitement symptomatique adjuvant peut être utile : antalgiques, AINS, traitements physiques d'une déformation du membre inférieur (orthèses, semelles), d'une coxopathie ou autre arthropathie pagétique (comme pour une coxarthrose ou autre localisation arthrosique). Plusieurs recommandations, conduites à tenir ou avis d'experts ont été publiés d'où il ressort que : ■ les calcitonines n'ont plus guère d'indications, sinon devant une impossibilité de recourir aux BP : insuffisance rénale sévère, intolérance ou échec des BP [54, 60, 61] ; ■ pour certains [61-63], mais pas pour tous, le but est de normaliser les PA si la MP est asymptomatique ; ■ le zolédronate est le BP de choix à utiliser en première intention [60, 63, 64]. On peut proposer une cure unique de zolédronate à toute MP asymptomatique découverte, compte tenu de la longue rémission [58], du fait que la notion de « Paget à risque » peut s'appliquer à presque tous les malades, des bons rapports efficacité/tolérance et cout/efficacité. La longue rémission sous ce traitement, chez des sujets âgés, a toute chance de réduire à une seule injection le traitement [65].

Traitements spécifiques des complications ■ une fissure douloureuse requiert la mise en décharge, associée à un BP jusqu'à disparition des douleurs ; le traitement médical est souvent peu efficace, n'empêchant pas la moitié de ces fissures de se transformer en fractures [66] ; ■ une déviation majeure d'un os long avec plusieurs épisodes fissuraires peut justifier une ostéotomie de redressement, mais, pour diminuer le saignement peropératoire, une cure de bisphosphonates préalable est souhaitable en dehors de l'urgence ; ■ une fracture relève du chirurgien orthopédiste qui jugera de la meilleure indication : traitement orthopédique ou sanglant. Les fractures sur os pagétique consolident en règle dans des délais normaux ; ■ la coxopathie pagétique nécessite les soins physiques habituels à toute coxopathie chronique, mais peut tirer bénéfice des traitements anti-ostéoclastiques. La mise en place d'une prothèse totale de hanche peut être nécessaire. Cette éventualité est bien plus rare que dans les coxarthroses, ce qui confirme la bonne tolérance de cette coxopathie. La mise sous BP reste utile, en préopératoire, pour diminuer le saignement peropératoire ; ■ les complications neurologiques sont le plus souvent améliorées par les BP. Les atteintes des nerfs crâniens sont, en revanche, le plus souvent définitives, notamment la surdité.

Résultats Les résultats sont souvent brillants sur les douleurs osseuses. La coxopathie pagétique peut être soulagée par le traitement du Paget au moins une fois sur deux et la compression médullaire s'améliore suffisamment pour rendre rare le recours à la chirurgie décompressive. Parallèlement,

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Chapitre 20. Maladie osseuse de Paget    255 les foyers hyperfixants sur les clichés scintigraphiques diminuent, voire disparaissent [67]. Seule la radiologie ne montre guère de modification. Des clichés évolutifs très soigneusement réalisés, de façon rigoureusement comparative, peuvent montrer une amélioration en ce sens que les images lytiques évoluent plus rapidement vers une sclérose osseuse, témoin de la phase tardive de la maladie. Les déformations osseuses, la surdité, les fissures sont en revanche peu ou pas améliorées par le traitement médical.

Quand retraiter ? ■ En cas de reprise des douleurs ou autres symptômes cliniques. ■ En cas d'augmentation des phosphatases alcalines ≥ 25 % du nadir (à surveiller tous les 6 mois donc). ■ Avant d'opérer un os pagétique, pour diminuer le saignement osseux. En cas d'échec après une cure d'un BP ou résistance après plusieurs cures avec le même BP [68], on peut en essayer un autre, plus puissant.

Perspectives d'avenir En cas d'insuffisance rénale sévère contre-indiquant l'usage de BP, le dénosumab pourrait être une alternative. Un homme de 86 ans dans cette situation a vu les symptômes de sa MP s'améliorer et les constantes biologiques se normaliser [69].

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256   Partie III. Pathologies osseuses [40] Hansen MF, Seton M, Merchant A. Osteosarcoma in Paget's disease of bone. J Bone Miner Res 2006 ; 21(Suppl 2) : P58–63. [41] Mangham DC, Davie MW, Grimer RJ. Sarcoma arising in Paget's disease of bone : declining incidence and increasing age at presentation. Bone 2009 ; 44 : 431–6. [42] Rendina D, De Pilippo GP, Ralston SH, et al. Clinical characteristics and evolution of giant cell tumor occurring in Paget's disease of bone. J Bone Miner Res 2015 ; 30 : 257–63. [43] Monsell EM. The mechanism of hearing loss in Paget's disease of bone. Laryngoscope 2004 ; 114 : 598–606. [44] Douglas DL, Duckworth T, Kanis JA, et al. Spinal cord dysfunction in Paget's disease of bone. Has medical treatment a vascular basis ? J Bone Joint Surg 1981 ; 63-B : 495–503. [45] Laroche M, Delmotte A. Increased arterial calcification in Paget's disease of bone. Calcif Tissue Int 2005 ; 77 : 129–33. [46] Cortis K, Micallef K, Mizzi A. Imaging Paget's disease of bone. From head to toe. Clin Radiol 2011 ; 66 : 662–72. [47] Braun RA, do Rego Barros Milito CP, Menasce Goldman S, et al. Ivory vertebra : imaging findings in different diagnoses. Radiol Bras 2016 ; 49 : 117–21. [48] Cotten A, Silva J, Moisan S, et al. Place du scanner et l'IRM dans la maladie de Paget et la dysplasie fibreuse. Rev Rhum 2003 ; 70 : 666–77. [49] Alvarez L, Peris P, Pons F, et al. Relationship between biochemical markers of bone turnover and bone scintigraphic indices in assessment of Paget's disease activity. Arthritis Rheum 1997 ; 40 : 461–8. [50] Reginster JY, Colson F, Morlock G. Evaluation of the efficacy and safety of oral tiludronate in Paget's disease of bone. A double-blind, multiple-dosage, placebo-controlled study. Arthritis Rheum 1992 ; 35 : 967–74. [51] Miller PD, Brown JP, Siris ES. A randomized, double-blind comparison of risedronate and etiodronate in the treatment of Paget's disease of bone. Paget's risedronate/etidronate study group. Am J Med 1999 ; 106 : 513–20. [52] Gallacher SJ, Boyce BF, Patel, et al. Clinical experience with pamidronate in the treatment of Paget's disease of bone. Ann Rheum Dis 1991 ; 50 : 930–3. [53] Reid IR, Miller P, Lyes K, et al. Comparison of a single infusion of zoledronic acid with risedronate for Paget's disease. N Engl J Med 2005 ; 353 : 898–908. [54] Selby PL, Davie MW, Ralston SH, et al. Guidelines on the management of Paget's disease of bone. Bone 2002 ; 31 : 366–73. [55] Meunier PJ, Vignot E. Therapeutic strategy in Paget's disease of bone. Bone 1995 ; 17(Suppl 5) : 498S. 91S.

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Chapitre

21

Myélome multiple des os  (maladie de Kahler) Michel Laroche PLAN DU CHAPITRE Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Physiopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Circonstances diagnostiques . . . . . . . . . . . . . . .

257 257 258

Le myélome multiple (MM) est une lymphopathie B maligne. C'est la prolifération maligne d'un clone plasmocytaire.

Épidémiologie [1] L'âge moyen des patients atteints de MM est de 65  ans au moment du diagnostic. L'incidence de cette maladie augmente avec l'âge  : 7 pour 100 000 à 50  ans, 20 pour 100 000 à 80 ans. Les MGUS (Monoclonal Gammapathies of Unknown Significance : gammapathies de signification indéterminée) sont fréquentes et leur fréquence augmente, elle aussi, avec l'âge : 1 % à 50 ans, 5 % à 80 ans. Quatre à 5 % des MGUS évoluent vers le myélome multiple, en fait, comme l'a montré Kyle [1] : 15 à 20 % des MGUS évoluent vers un myélome lorsque le suivi est prolongé à 15 ou 20 ans. Le MM est plus fréquent chez l'homme que chez la femme (sex ratio 3/2).

Facteurs environnementaux L'exposition aux radiations ionisantes est un facteur de risque établi. Concernant les activités professionnelles, deux facteurs de risque ont été décrits, l'un lié à l'agriculture, principalement à l'activité de fermage ainsi qu'à l'utilisation des pesticides, l'autre, plus discuté, est l'exposition au benzène.

Facteurs génétiques Plusieurs cas familiaux de MM ont été décrits, mais leur fréquence est beaucoup plus faible que pour d'autres lymphopathies chroniques comme la Leucémie Lymphoïde Chronique (LLC) ou la maladie de Waldenström. De même, plusieurs cas de MM ont été décrits chez des jumeaux homozygotes. Aucune association significative n'a été retrouvée avec les groupes sanguins du système ABO. Il Rhumatologie © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Formes cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Examens complémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . Traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

259 259 262

pourrait exister un risque accru de MM chez les individus HLA-B5 (risque relatif : 1,7) et peut-être chez les individus HLA-Cw2. Enfin, une fréquence anormale de HLA-Cw5 est notée chez les noirs américains.

Physiopathologie Dans les MGUS, la seule anomalie constatée est la sécrétion excessive d'une immunoglobuline (Ig) monoclonale par un clone plasmocytaire échappant au contrôle. Ces MGUS peuvent survenir au cours de stimulations antigéniques répétées : infections chroniques (dilatation de bronches), d'un cancer profond à distance, de maladies virales (hépatite). Chez les sujets âgés, elles sont la conséquence du vieillissement du système immunitaire. Elles n'entraînent pas de signe clinique. Dans le myélome, outre l'immunoglobuline monoclonale, le plasmocyte ou le stroma conjonctif l'entourant sécrètent de nombreuses substances. Certaines de ces substances, appelées OAF (Osteoclast Activating Factors) – il s'agit essentiellement de l'IL-6, du TNFα, de l'IL-1, voie RankRank-L – vont stimuler la résorption osseuse ostéoclastique. Cette stimulation ostéoclastique va entraîner une déminéralisation, des lacunes osseuses, des douleurs osseuses, une hypercalcémie. Il existe aussi une répression de la formation ostéoblastique, faisant intervenir la sécrétion de DKK1 et de sclérostine. Cette altération de la fonction ostéoblastique apparaît lorsque le malade évolue du stade indolent vers le stade agressif (figures 21.1 et 21.2). Le plasmocyte myélomateux sécrète aussi des substances qui dépriment l'érythropoïèse normale, causant une anémie. D'autres cytokines peuvent agir sur les lymphocytes B et inhiber le rétrocontrôle de cette prolifération plasmocytaire. Ces substances peuvent aussi réduire la production, par les plasmocytes non myélomateux, des immunoglobulines normales qui seront abaissées, favorisant les infections. 257

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258   Partie III. Pathologies osseuses Raynaud). Cette immunoglobuline anormale, ou composant monoclonal, va être responsable d'un pic sur l'électrophorèse des protides. Parfois, le clone plasmocytaire malin sécrète des chaînes légères, pouvant être dosées dans le sérum ou dans les urines. Cette protéinurie particulière au myélome s'appelle la protéinurie de Bence-Jones (PBJ) : protéinurie précipitant à 56° et se dissolvant à l'ébullition. Les dépôts de chaînes légères au niveau du parenchyme rénal peuvent conduire à l'insuffisance rénale ou à des tubulopathies, autres complications du myélome.

Circonstances diagnostiques

Figure  21.1 Biopsie ostéo-médullaire (coloration de Goldner). Myélome indolent. Remodelage osseux augmenté mais couplage résorption/formation préservé : pas de lésion osseuse.

On peut être amené à évoquer le diagnostic dans différentes circonstances [2]. ■ La découverte fortuite d'une anomalie de l'électrophorèse des protides parfois demandée devant une discrète altération de l'état général ou une augmentation de la vitesse de sédimentation. ■ Des signes rhumatologiques : douleurs osseuses, nocturnes, résistantes aux traitements antalgiques, s'intensifiant. Fractures spontanées : une lyse myélomateuse peut survenir sur un fémur, un humérus qui se fracture à l'occasion d'un traumatisme minime. Fractures-tassements vertébraux dans le cadre de la forme ostéoporotique diffuse. ■ Des signes généraux : altération de l'état général. Pas de fièvre en dehors des complications infectieuses, bactériennes et non virales. ■ Un syndrome d'hyperviscosité : troubles oculaires, neuro­ psychiques, syndrome hémorragique. ■ Des complications neurologiques  : l'atteinte d'une vertèbre peut entraîner une compression radiculaire (sciatique, névralgie cervico-brachiale) ou médullaire (syndrome pyramidal) (figure 21.3).

Figure 21.2 Biopsie ostéo-médullaire (Goldner). Myélome agressif. Hyper-résorption, absence de formation ostéoblastique.

La présence de ce composant monoclonal dans le sang, de cette immunoglobuline en excès, va entraîner une augmentation de la vitesse de sédimentation, une augmentation du taux de protides, de la viscosité sanguine. Cette immunoglobuline peut avoir une activité d'auto-anticorps (anti-thyroïde, anti-globule rouge, etc.) une activité de cryoglobuline (syndrome de

Figure  21.3 IRM cervicale, séquence pondérée en T1  : atteinte myélomateuse de C2 avec compression médullaire.

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Chapitre 21. Myélome multiple des os (maladie de Kahler)    259 ■ Neuropathies sensitivo-motrices par activité anti-­ myélinique de l'immunoglobuline anormale. ■ Des signes hématologiques  : découverte du myélome devant une anémie, normo ou macrocytaire responsable d'un essoufflement, d'une asthénie, d'une tachycardie ou devant une thrombopénie responsable d'un syndrome hémorragique. ■ Des infections récidivantes. ■ Une atteinte rénale avec insuffisance rénale par dépôts glomérulaires de chaînes légères ou tubulopathies avec syndromes de Fanconi. ■ Une hypercalcémie (voir chapitre  1, « Bilan phospho-­ calcique ») ■ Une amylose AL, avec potentielle atteinte cutanéomuqueuse, cardiaque, rénale, neurologique.

Formes cliniques Myélome non sécrétant Dans des cas exceptionnels, le myélome est non sécrétant, il existe des signes osseux, il peut exister une hypercalcémie, mais on ne trouve pas de pic monoclonal à l'électrophorèse et à l'immunoélectrophorèse. Le diagnostic est basé sur le myélogramme.

Myélome à chaînes légères Il existe alors à l'électrophorèse des protides, une hypogammaglobulinémie. L'immunofixation et surtout la recherche de chaînes légères dans le sérum font le diagnostic. Les signes hématologiques et osseux sont identiques aux myélomes à chaînes lourdes. L'atteinte rénale est plus fréquente.

Plasmocytome C'est un myélome localisé qui concerne un seul os (une vertèbre par exemple). L'ablation chirurgicale de la tumeur ou la radiothérapie (45 grays) entraînent la disparition du pic monoclonal. Plus de 50 % des plasmo­c ytomes évoluent secondairement vers de véritables myélomes. Avant de décider des doses de rayonnement à délivrer, il faut être sûr qu'il s'agit d'un plasmocytome et non d'un myélome, et là peuvent être associés IRM CE ou rachis-bassin, TEP scan et scanner osseux corps entier low dose.

Myélome asymptomatique Dans certains cas, le myélome est asymptomatique. L'infiltration médullaire y est plus importante que dans les MGUS, l'IRM peut être anormale, mais il n'existe pas de signes osseux, hématologiques ou rénaux : ce sont les smoldering myeloma des Anglo-Saxons, qui ne nécessitent pas de traitement, mais un suivi rapproché car le passage vers un myélome actif est fréquent.

Myélomes condensants Il existe enfin d'exceptionnels myélomes condensants, qui associent au composant Monoclonal des anoma-

lies neurologiques (neuropathies Périphériques), des Organomégalies (adénopathies, hépatomégalie), des troubles Endocriniens (hyperprolactinémie, dysthyroidies, hypogonadismes) et cutanés (Skin : hyperpigmentation). L'entité est dénommée POEMS syndrome. Le VEGF y est constamment élevé.

Examens complémentaires Le but des examens complémentaires [3–6] sera de prouver la prolifération plasmocytaire, d'en déterminer le stade et les facteurs pronostiques (tableau 21.1).

Prouver la prolifération plasmocytaire ■ L'électrophorèse sanguine des protides permet de quantifier le composant monoclonal (CM) dans les myélomes à chaîne lourde. L'immunofixation sérique caractérise l'Immunoglobuline monoclonale (IgG, IgA, rarement IgM ou IgD, kappa ou lambda). En cas de myélome à chaîne légère, le dosage des chaînes légères sériques est plus performant que celui des urines (encadré 21.1, tableau 21.2). ■ Le médullogramme permet de quantifier le pourcentage de plasmocytes et d'évaluer leur caractère dystrophique ou non. Tableau 21.1 Bilan initial du myélome multiple. Antécédents, histoire de la maladie, examen clinique Hémogramme (anémie ?) Myélogramme avec étude cytogénétique (pourcentage de plasmocytes) Créatinine sérique, calcémie Électrophorèse des protéines sériques et immunofixation • mise en évidence d'un pic monoclonal, • puis caractérisation de son isotype : IgGκ, IgGλ, IgAκ, IgAλ…) Dosage pondéral des immunoglobulines (baisse des Ig normales) Protéinurie des 24 heures Dosage des chaînes légères libres dans le sérum pour les MM sans Ig complètes Bilan radiologique de l'ensemble du squelette axial + os longs, ou TDM osseux corps entier. β2-microglobuline sérique (β2m), C-reactive protein (CRP) et lactico-déshydrogénase (LDH) (reflet de la masse tumorale)

Encadré 21.1 Conduite à tenir devant la découverte d'un pic à l'électrophorèse. Il s'agit d'une situation fréquente compte tenu des bilans biologiques systématiques et de la fréquence des gammapathies à un certain âge. Elle a fait l'objet de recommandations de l'European Myeloma Network [5]. Ces recommandations reposent sur 3 constatations : ■ la fréquence des gammapathies asymptomatiques chez le sujet âgé, ■ l'existence de myélomes pauci sécrétants, ■ l'absence d'intérêt démontré avec les « anciennes » stratégies thérapeutiques d'un traitement précoce, au stade de myélome indolent.

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260   Partie III. Pathologies osseuses

En premier lieu, il faut s'assurer cliniquement du caractère réellement asymptomatique de la MGUS  : pas de douleurs osseuses, pas d'infections, pas d'amylose, pas de neuropathie, pas de néoplasie associée, pas de manifestations cutanées ou évocatrices de cryoglobulinémie, pas de thromboses. La biologie de base comprend : hémogramme, débit de filtration glomérulaire, calcémie, dosage pondéral des immunoglobulines (Ig), chaînes légères sériques, protéinurie. Le médullogramme est réalisé systématiquement s'il s'agit d'une IgG dont le taux est supérieur à 15 g/l, d'une IgA ou si le ratio chaînes légères lambda/kappa est  10. Le scanner corps entier low dose doit remplacer l'holosquelette. DXA, IRM et Tep scan ne doivent pas être effectués. Ce bilan permet de classer la maladie plasmocytaire en : ■ MGUS : CM  15 jours) des géloses. Il est donc indispensable de réaliser plusieurs prélèvements et d'interpréter le nombre de prélèvements positifs par rapport au nombre total de prélèvements pour prise de décision thérapeutique. Les critères bactériologiques retenus pour affirmer une infection sur matériel d'ostéosynthèse sont à interpréter à la lueur de la symptomatologie clinique du patient : ■ pour les bactéries de la flore cutanée : ≥ 3 prélèvements positifs ou ≥ 2  prélèvements positifs espacés dans le temps (pré-opératoire et per-opératoire) à la même bactérie (même espèce et même antibiogramme) ; ■ pour les bactéries n'appartenant pas à la flore cutanée pour laquelle la question d'une contamination ne se pose pas (Staphylococcus aureus, entérobactéries, Pseudomonas aeruginosa), un seul prélèvement positif suffit. En cas de culture négative, si persiste une forte suspicion clinique, il convient d'envisager : ■ qu'il puisse s'agir d'un délai d'acheminement trop long (avec un ensemencement trop tardif) ; ■ que le prélèvement ait été réalisé sous antibiotique ; ■ qu'il s'agisse d'une bactérie non ou difficilement cultivable. Dans ce cas, l'utilisation de la biologie moléculaire est intéressante, PCR universelle (gène de l'ARNr 16s) ou spécifique (mycoplasme, gonocoque, borréliose de Lyme) ; ■ qu'il puisse s'agir d'infections mycobactériennes ou fungiques (les levures de type Candida les plus fréquemment impliquées sont cependant habituellement détectées par la culture sur milieu bactériologique standard). Un prélèvement sera interprété comme une contamination si un seul prélèvement est positif sur plusieurs, avec une bactérie de la flore cutanée, à confronter à la clinique. Un

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284   Partie IV. Pathologies infectieuses prélèvement sera dit ininterprétable si un seul prélèvement a été envoyé et s'il est positif avec une bactérie cutanée. Ces difficultés d'interprétations des prélèvements bactériologiques rendent indispensables une réflexion et une prise en charge pluridisciplinaire, infectiologues, chirurgiens orthopédiques, bactériologiste, pharmaciens, anesthésistes.

Tableau 24.1 Principales posologies et modalités d'utilisation des ATB en IV dans les infections osseuses chez l'adulte. Antibiotiques (DCI)

Posologie/24h* Rythme et voie d'administration

amoxicilline

6 à 12 g

3–6 injections IVL dilution 100–250 ml G 5 % ou NaCl 0,9 %

cloxacilline / oxacilline

6 à 12 g

3–6 injections IVL dilution 100–250 ml G 5 % ou NaCl 0,9 %

amoxicillineacide clavulanique

6 à 8 g

3–6 injections IVL dilution 100–250 ml NaCl 0,9 %

céfazoline

3 à 6 g

3–6 injections IVL ou IVSE dilution 100–250 ml G 5 % ou NaCl 0,9 %

céfotaxime

6 à 12 g

3–6 injections IVL dilution 100–250 ml G5 % ou NaCl 0,9 %

ceftriaxone

2 g

1 injection IV, IM, ou s/c IVL dilution 50–100 ml G 5 % ou NaCl 0,9 %

ceftazidime

3 à 6 g

IVSE ou 3–4 injections IV dilution 100–250 ml G 5 % ou NaCl 0,9%

imipénem

2 à 3 g

3 à 4 injections IV dilution 100–250 ml G 5 % ou NaCl 0,9 %

méropénem

3 à 6 g

3 injections IV dilution 100–250 ml G 5 % ou NaCl 0,9 %

vancomycine

2à3g

IVSE ou en 2 injections dans 250 ml G 5 % 2 fois par jour en perfusion lente ≥ 1 h/g

teicoplanine

12 mg/kg/12 h pour 3 à 5 injections, puis 6–8 mg/ kg/24 h

IV, IM ou s/c

daptomycine

8–10 mg/kg

1 injection IV dilution 50 ml NaCl 0,9 %

gentamicine

3–4 mg/kg

1 injection IV dilution 100–250 ml G5 % ou NaCl 0,9 %

tobramycine

3–4 mg/kg

1 injection IV dilution 100 ml G5 % ou NaCl 0,9 %

amikacine

15 mg/kg

1 injection IV dilution 250 ml G 5% ou NaCl 0,9 %

Diagnostics différentiels Les diagnostics différentiels sont principalement les arthrites non infectieuses : les rhumatismes inflammatoires, microcristallins (qui peuvent mimer une arthrite septique avec fièvre, syndrome inflammatoire et polynucléose élevée, liquide articulaire purulent), les cas d'arthrites réactionnelles (Salmonella, Shigella, Yersinia, Campylobacter, Chlamydia), les cas d'arthrites infectieuses non purulentes : arthrite de Lyme, Parvovirus B19, Whipple). Les bursites pré-rotuliennes ou du coude sont parfois prises à tort pour des arthrites infectieuses, dans ce cas la mobilité articulaire est conservée, il y a pas ou peu d'épanchement intra-articulaire, la ponction articulaire est à éviter par risque de contamination de l'articulation saine sous-jacente.

Prise en charge thérapeutique Principes La prise en charge d'une infection ostéo-articulaire, et notamment des arthrites, consiste en un traitement médical (antibiothérapie initialement probabiliste, puis adaptée secondairement au pathogène), associé à un geste chirurgical. L'antibiothérapie probabiliste est réalisée avant que ne soient connues la nature et la sensibilité du ou des microorganismes responsables de l'infection. Il s'agit d'un traitement régulièrement efficace dans la situation en cause. Il ne s'agit pas d'une antibiothérapie « à l'aveugle ». Elle dépendra du mécanisme de l'infection, du terrain, mais aussi de l'état clinique du patient, de l'écologie bactérienne locale (SARM ?) et de la présence de matériel. Elle sera intra­ veineuse, bactéricide, multiple (bi- ou tri-antibiothérapie car inoculum fort, permet d'éviter les résistances et d'élargir le spectre) et couvrira en toute circonstance au minimum le Staphylococcus aureus méticilline sensible. Les molécules précieuses pour le relai oral (fluoroquinolone et rifampicine) ne doivent pas être utilisées en traitement probabiliste en raison du fort inoculum et du risque de sélection de résistances. La prise en charge chirurgicale est une urgence théra­ peutique (parfois diagnostique) dans les infections aiguës, elle pourra être différée en cas d'infection chronique. La durée de l'antibiothérapie intraveineuse (IV) ciblée (tableau 24.1), après la désescalade thérapeutique recommandée, est classiquement de 2 semaines chez l'adulte. Les données plus riches de la littérature pédiatrique (dont essais prospectifs) encourageraient à des durées plus courtes, 7 jours IV chez l'enfant n'étant pas inférieur aux durées plus longues [16]. Une étude rétrospective récente [17]

*

Posologies données pour une fonction rénale normale

conduite chez 169 adultes conclut qu'une antibiothérapie IV de 7 jours n'entraîne pas plus de rechutes que les schémas d'antibiothérapie ciblée IV plus longs.

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Chapitre 24. Arthrites septiques   285 Enfin, les antibiotiques à privilégier pour le relai per os (tableau 24.2) doivent avoir une bonne biodisponibilité, une bonne diffusion osseuse, un effet anti-biofilm, être bactéricide, et être bien tolérés pour un usage prolongé. Pour les Staphylocoques, la bithérapie est de mise, classiquement avec un schéma associant rifampicine et fluoroquinolone, aucune autre association thérapeutique n'ayant prouvé de bénéfice par rapport aux autres [18]. La rifampicine a une bonne biodisponibilité (bioéquivalence IV-PO), la prise à jeun permet une augmentation des concentrations de 25 à 30 %, mais la tolérance est améliorée si les prises sont fractionnées et réalisées pendant les repas. Elle reste active sur les staphylocoques méticilline-résistant. Elle présente une excellente diffusion intracellulaire et osseuse, avec des concentrations osseuses supérieures à la concentration minimale inhibitrice (CMI) pendant 24 h après la prise. Son efficacité a été prouvée in vitro, sur des modèles animaux et en clinique, elle est le meilleur agent anti-biofilm [11]. Il est cependant indispensable de diminuer l'inoculum avant de la prescrire, de ne jamais la prescrire en monothérapie ou en probabiliste, pour éviter une émergence rapide de résistance. Il est indispensable d'être vigilant aux interactions liées à l'effet inducteur enzymatique (contraception, anti-vitamines K, antiépileptiques). La posologie recommandée en France est de 20 mg/kg/j [1], les recommandations de l'IDSA (Infectious Diseases Society of America) [18] conseillent plutôt 10 mg/kg/j [19]. Il existe une meilleure tolérance à 10 mg/kg/j, sans arguments pour une moins bonne efficacité : il s'agit donc de la posologie généralement utilisée. Les effets secondaires principaux sont Tableau 24.2 Principales posologies et modalités d'utilisation des ATB per os dans les infections osseuses. Antibiotiques (DCI) Posologie/24h*

Rythme et voie d'administration

ofloxacine

400 à 600 mg

2 à 3 prises orales

lévofloxacine

500 à 750 mg

1 à 3 prises orale

ciprofloxacine

1 000 à 1 500 mg

2 à 3 prises orales

clindamycine

1 800 à 2 400 mg

3 à 4 prises orales

rifampicine

10 mg/kg

1à 3 prises orales

acide fusidique

1 500 mg

3 prises orales

trimethoprimesulfamethoxazole

2 400/480 à 3 200 mg/640 mg

2 à 3 prises orales

minocyline/ doxycycline

200 mg

1 ou 2 prises orales le soir au cours du repas pour la minocycline

métronidazole

1 500 mg

3 prises orales

linézolide

1 200 mg

2 prises orales

amoxicilline

6 à 8 g par jour

3 à 4 prises orales

Posologies données pour une fonction rénale normale. Les antibiotiques à bonne pénétration osseuse sont surlignés en vert, le linézolide est à diffusion osseuse moyenne (jaune), l'amoxicilline faible (orange).

*

hépatiques (contre-indication relative en cas d'hépatopathie sous-jacente ; surveillance régulière du bilan hépatique) ou immuno-allergiques. Les fluoroquinolones présentent une excellente biodisponibilité, une bonne diffusion osseuse et intracellulaire, ainsi qu'une relative bonne tolérance. Les principaux effets secondaires sont les troubles neuropsychologiques surtout chez les sujets âgés, l'abaissement du seuil épileptogène, et les douleurs ou ruptures tendineuses. La durée totale de l'antibiothérapie varie de 3 à 4 semaines pour les arthrites sur articulations natives, à 6 à 12 semaines pour les infections de prothèses, selon les possibilités ou non de changement du matériel [1, 2, 10, 19].

Traitement des arthrites sur articulation native Traitement médical L'antibiothérapie probabiliste débutée après les prélèvements bactériologiques va dépendre du mécanisme physiopathologique et de l'état clinique du patient. Lors d'arthrites aiguës communautaires sur articulation native, le mécanisme étant généralement hématogène, l'antibiothérapie devra couvrir en premier lieu les Staphylococcus aureus méticilline sensibles, les Streptocoques, les Entérocoques. L'antibiothérapie probabiliste initiale pourrait reposer donc sur l'association d'amoxicilline-acide clavulanique (100 mg/kg) en 4 injections associée à de la gentamicine (3 mg/kg en une seule injection) en cas de sepsis. Au vue de la fréquence des infections à Staphylococcus aureus méticilline sensible, il peut se discuter, en l'absence de sepsis sévère, de réaliser une antibiothérapie probabiliste anti-staphylococcique exclusivement, par pénicilline M (100 à 200 mg/kg/jour) ou céfazoline (80 à 100 mg/kg/jour). Il n'est pas nécessaire, hors sepsis sévère, de réaliser une antibiothérapie anti-SARM par glycopeptide ; en revanche, elle sera à discuter en cas de sepsis sévère chez un patient à risque ou en postopératoire. En cas d'allergie aux pénicillines, l'antibiothérapie comprendra de la vancomycine associée ou non à des aminosides. Une fois l'identification du germe obtenu, le traitement probabiliste sera adapté, les posologies des principaux antibiotiques pour les germes généralement en cause sont présentées dans le tableau 24.3, adapté de la conférence de consensus [1]. La durée de l'antibiothérapie IV n'est pas codifiée, celle-ci sera de 7 à 14 jours, autorisant un relai per os avec des molécules à bonne diffusion osseuses et bonne biodisponibilités (tableau 24.2). L'antibiothérapie durera 3 à 4 semaines au total. L'antibiothérapie de choix pour les Staphylocoques est l'association de rifampicine et de fluoroquinolones : dans une étude française rétrospective, réalisée en 2011 sur des infections prothétiques à Staphylococcus aureus méticilline sensible, l'association rifampicine/fluoroquinolone apparaissait supérieure aux autres associations en termes de survie sans rechute [20]. La seule étude randomisée, double aveugle réalisée, retrouve une guérison de 100 % des arthrites traitées par l'association rifampicine/ciprofloxacine versus 52 % pour la ciprofloxacine en monothérapie, avec des échecs liés à l'apparition de résistance [21].

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286   Partie IV. Pathologies infectieuses

Tableau 24.3 Principaux schémas d'antibiothérapie pour le traitement des infections ostéo-articulaires documentées de l'adulte. Agent infectieux

Traitement de 1re intention

Autres propositions si allergie ou CI ou résistance

Relais oral préférentiel si sensibilité

Staphylocoque méti-S

(Pénicilline M ou céfazoline) +/- gentamicine

Glycopeptide  +/- gentamicine

Rifampcine  + levofloxacine

Staphylocoque méti-R

Glycopeptide  +/- gentamicine

Daptomycine si CMI vanco > ou =à2

Rifampicine  + levofloxacine

Entérocoque

Amoxicilline  +/- gentamicine

Glycopeptide  ± gentamicine ou (amoxicilline + ceftriaxone)

Amoxicilline  ± rifampicine

Streptocoques

Amoxicilline  +/- gentamicine

Clindamycine

Amoxicilline ou clindamycine

BGN (sauf P. aeruginosa)

Ceftriaxone Ofloxacine ou cefotaxime ou cotrimoxazole ou cefepime (entérobactéries du groupe 3)

Ofloxacine ou cotrimoxazole

P. aeruginosa

Ceftazidime  + (ciprofloxacine ou amikacine ou tobramycine)

Ciprofloxacine

Traitement chirurgical La prise en charge chirurgicale est urgente, plusieurs techniques sont possibles selon le degré d'évolution  : lavage articulaire sous arthroscopie, arthrotomie associée à une synovectomie élargie, résection articulaire et arthrodèse en cas de destruction articulaire majeure. Les ponctions articulaires répétées pourraient être une alternative en cas d'évolution précoce favorable.

Traitement des arthrites sur matériel prothétique Traitement médical La prise en charge médico-chirurgicale dépendra du mécanisme de contamination suspecté (direct, hématogène), de l'intervalle libre par rapport à la pose de la prothèse (infection postopératoire/infection hématogène), de l'état mécanique du foyer infecté (prothèse descellée ou non, matériel explantable ?), de la localisation de l'infection (atteinte de l'os périphérique ?), de l'état des parties molles et de la couverture cutanée, du terrain (fonctionnel et général, immunodépression), de l'état septique ou non. L'antibiothérapie probabiliste sera réalisée après les prélèvements bactériologiques diagnostiques. Elle sera superposable à celle des arthrites sur articulation native pour les infections sur matériel prothétique posé il y a plus de 2 ans, l'origine hématogène étant la plus probable (cf. supra). Elle comprendra des molécules permettant une couverture du Staphylococcus aureus résistant à la méticilline, et des entérobactéries dont le Pseudomonas aeruginosa pour les infections aiguës du site opératoire survenant jusqu'à 3 mois après la mise en place du matériel prothétique : vancomycine + piperacilline-tazobactam, vancomycine + ceftazidime, vancomycine + carbapénème [1, 2]. Les infections survenant dans les 3 mois à 2 ans pourront recevoir une antibiothérapie probabiliste à base de vancomycine associée ou non à la gen-

Méropénem  + (ciprofloxacine ou amikacine ou tobramycine)

tamicine pour une correcte couverture des Staphylocoques à coagulase négative et du Propionibacterium acnes. La daptomycine présente un intérêt pour certaines souches de Staphylocoques méticilline-résistants ayant une mauvaise sensibilité aux glycopeptides (CMI vancomycine ≥ 2 mg/L), le plus souvent des Staphylococcus epidermidis. L'antibiothérapie ciblée est peu différente de celle concernant les arthrites sur articulation native : traitement intraveineux pendant 7 à 14 jours, comportant des Béta-lactamines à forte dose (idem bactériémie) (voir, tableau  24.1). Le traitement par voie orale (voir, tableau 24.2) comprendra volontiers une association avec une molécule efficace contre le biofilm comme la rifampicine, notamment pour les infections à Staphylococcus aureus ou à coagulase négative, à entérocoques, et à Propionibacterium acnes [1]. La durée de l'antibiothérapie pour le traitement d'une arthrite sur matériel varie de 6 semaines (si le matériel a été complètement enlevé) à 3 mois en cas de conservation de toute ou partie de celui-ci. Les recommandations américaines conseillent des durées plus longues (6 mois) pour les infections de genou où le matériel a été conservé [19]. Il peut se discuter une abstention thérapeutique ou une antibiothérapie suspensive si la prise en charge curative chirurgicale ne peut être réalisée, en raison d'un terrain trop altéré. Les molécules les plus utilisées dans ce cas sont alors le trimethoprime-sulfamethoxazole ou les cyclines selon l'antibiogramme [1, 10, 19].

Traitement chirurgical Il dépend du caractère aigu ou chronique de l'infection.

Infection aiguë Une infection aiguë survenant sur une articulation récemment prothésée (moins de 1 mois) ou survenant sur une prothèse plus ancienne, mais symptomatique depuis moins de 3 à 4 semaines peut autoriser la conservation du maté-

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Chapitre 24. Arthrites septiques   287 riel. La prise en charge chirurgicale urgente consiste alors a un nettoyage articulaire et péri-articulaire, un changement des pièces mobiles, avec conservation du matériel [10, 22, 23]. Les chances de succès dépendent du délai de prise en charge et sont maximales dans les 2 premières semaines. Une étude récente multicentrique publiée en 2017, concernant 444 infections de prothèses ostéo-articulaires à streptocoque, a rapporté 187 échecs soit un taux de 42,1 % [24].

Infection chronique Une infection chronique sur prothèse (évoluant depuis plus d'un mois ou survenant au delà d'un mois sur un matériel posé récemment) nécessite une ablation du matériel. La réimplantation sera réalisée dans le même temps opératoire (prise en charge en 1 temps) si le germe en cause est connu, s'il existe une intégrité des parties molles et si le terrain peut être considéré comme « simple » (autorisant une anesthésie plus longue pour repose de la prothèse dans le même temps anesthésique). La réimplantation sera différée (prise en charge en 2 temps), en cas de sepsis sévère, en cas de chirurgies itératives, de non-identification du pathogène au moment de la prise en charge chirurgicale, s'il s'agit d'une infection fungique, ou du fait de contraintes anesthésiques [1, 10, 19]. Dans la littérature, les taux de rechutes vis-à-vis des deux techniques sont superposables, il n'existe pas d'essai clinique de qualité suffisante pour privilégier une technique plutôt qu'une autre, notamment pour les prothèses de genou [25]. Néanmoins, la prise en charge en 1 temps garantissant une fonctionnalité et une mobilisation rapide du malade en postopératoire, est actuellement très largement réalisée en France, plus qu'aux États-Unis où la prise en charge en 2 temps reste privilégiée [19].

Conclusion Les arthrites septiques sont des infections sévères qui nécessitent une prise en charge souvent multidisciplinaire, rigoureuse et adaptée (tableau 24.4). Le diagnostic est avant tout clinique, il est inutile de recourir à des examens complémentaires coûteux si l'histoire clinique est claire. La documentation bactériologique initiale est indispensable, justifiant parfois l'arrêt d'une antibiothérapie débutée en probabiliste. Tableau 24.4 Principales erreurs à ne pas commettre pour la prise en charge des IOA. Pas de pénicilline M par voie orale pour les IOA à Staphylocoques (mauvaise biodisponibilité et concentrations finales osseuses insuffisantes) Pas de monothérapie pour les IOA à Staphylocoques (acquisition rapide de résistance) Pas de rifampicine en monothérapie (acquisition rapide de résistance) Pas d'acide fusidique en monothérapie (acquisition rapide de résistance) Pas de pristinamycine pour les IOA (concentrations finales osseuses insuffisantes) Pas de fluoroquinolones en IV, sauf si à jeun strict, toujours privilégier la voie orale (biodisponibilité élevée) Pas de rifampicine dans le traitement d'attaque (acquisition de résistance si inoculum élevé)

La prise en charge est médico-chirurgicale. Les traitements antibiotiques sont prolongés, en intraveineux initialement (7 jours minimum) avant un relai per os avec des molécules à bonne diffusion osseuse et bonne biodisponibilité pour une durée prolongée nécessitant une surveillance rapprochée des effets secondaires (clinique, biologique).

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288   Partie IV. Pathologies infectieuses [20] Senneville E, Joulie D, Legout L, et al. Outcome and predictors of treatment failure in total hip/knee prosthetic joint infections due to Staphylococcus aureus. Clin Infect Dis 2011 ; 53 : 334–40. [21] Zimmerli W, Widmer AF, Blatter M, et al. Foreign-Body Infection (FBI) Study Group. Role of rifampin for treatment of orthopedic implant-related staphylococcal infections : a randomized controlled trial. JAMA 1998 ; 279 : 1537–41. [22] Sendi  Lötscher PO, Kessler  B, Graber  P, et  al. Debridement and implant retention in the management of hip periprosthetic joint infection : outcomes following guided and rapid treatment at a single centre. Bone Joint J 2017 ; 99–B : 330-336.

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Chapitre

25

Spondylodiscites infectieuses Pauline Lansalot-Matras, Pierre Delobel PLAN DU CHAPITRE Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Physiopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Agents causals . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Complications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .



289 289 290 290 291

Pronostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Diagnostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Diagnostic différentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prise en charge thérapeutique . . . . . . . . . . . . . Suivi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .



291 291 293 293 296

Une spondylodiscite infectieuse est une infection du disque intervertébral (discite) et des plateaux vertébraux adjacents (spondylite). Il s'agit le plus souvent d'une infection par voie hématogène, mais elle peut être secondaire à une inoculation directe lors d'un geste chirurgical ou d'une ponction par exemple, ou plus rarement être liée à une diffusion par contiguïté, à partir d'un foyer de voisinage. Les germes sont divers, principalement des Staphylocoques, des bacilles Gram négatif et des Streptocoques. Dans les pays développés, la tuberculose est rare, la brucellose est devenue exceptionnelle. La présentation clinique peut être très variée, ce qui rend le diagnostic difficile. L'IRM est l'examen clé, très sensible et spécifique. L'identification microbiologique est indispensable, pour proposer un traitement adapté, en général médical seul, sauf en cas de complication.

tation du nombre de cas est imputée au vieillissement de la population, à l'augmentation des chirurgies vertébrales, et à l'augmentation de l'usage de drogues injectables. Elle est également probablement liée à une amélioration du diag­ nostic, avec une meilleure disponibilité de l'IRM.

Épidémiologie

Physiopathologie

Les spondylodiscites infectieuses sont une pathologie rare, avec environ 2 600 cas par an en France. Elles représentent seulement 3 à 5  % de la totalité des infections ostéo-articulaires.

Il existe trois modes de contamination : par voie hématogène à partir d'un foyer infectieux à distance, lors d'un épisode bactériémique ; par inoculation directe, dans le cadre d'une infection du site opératoire ; ou par diffusion à partir de tissus contigus infectés [4].

Incidence D'après une analyse épidémiologique, en France, l'incidence annuelle était de 2,4 cas pour 100 000 habitants en 2002–2003, avec une prédominance masculine (2,6  cas pour 100 000 hommes contre 1,7 cas pour 100 000 femmes). L'incidence était plus importante chez les sujets âgés [1]. L'incidence des spondylodiscites à pyogènes a augmenté ces dernières années. Une étude danoise retrouvait une augmentation de 2,2 cas pour 100 000 habitants en 1995, à 5,8 cas pour 100 000 habitants en 2008, avec une augmentation plus importante au-delà de 65 ans [2]. Cette augmenRhumatologie © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Facteurs favorisants Il n'y a pas de facteurs de risque spécifiques des spondylodiscites, en dehors d'un geste local, de l'âge avancé et des facteurs généraux habituels entraînant une immunosuppression. Le risque de spondylodiscite postopératoire après un geste chirurgical intra-discal est inférieur à 1 %. Il est plus élevé en cas de mise en place de matériel. Les facteurs alors favorisants sont la durée de la chirurgie, la perte sanguine, et la taille de l'incision – en particulier dans les approches postérieures [3].

Infection hématogène Ce mécanisme est le plus fréquent. Chez l'adulte, le disque intervertébral n'est pas vascularisé. Lors d'un épisode bactériémique, les emboles septiques dans les artérioles des vertèbres vont provoquer une thrombose, et une prolifération bactérienne. L'infection va donc débuter au plateau vertébral (c'est d'abord une spondylite), puis diffuser au disque intervertébral, puis au plateau vertébral adjacent. L'infection des éléments postérieurs des vertèbres est plus rare en raison de la plus faible vascularisation. 289

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290   Partie IV. Pathologies infectieuses L'infection se situe en général au niveau lombaire (58 %), plus rarement au niveau thoracique (30  %) ou cervical (11 %) [5]. Cinq à 10 % des patients (jusqu'à 20 % selon les études) présentent une atteinte multifocale, en général asymptomatique, découverte à l'IRM. La dissémination rétrograde par voie veineuse à partir du système génito-urinaire a été incriminée comme un autre mécanisme hématogène pouvant expliquer la fréquence élevée des spondylodiscites à bacilles Gram négatif, au décours des gestes urologiques ou des infections urinaires.

Infection du site opératoire Les cas de spondylodiscites par inoculation directe sont en général iatrogènes, dans les suites d'une chirurgie vertébrale, d'une ponction lombaire ou d'une infiltration. Il peut s'y associer une infection du matériel, avec la formation d'un biofilm. La fréquence de ce mécanisme parmi l'ensemble des cas de spondylodiscites est de 15 à 40 % des cas selon les séries.

Infection par contiguïté Les spondylodiscites par contiguïté à partir d'une infection de voisinage sont rares (3 % des cas). Elles peuvent survenir, par exemple, dans les suites d'une infection d'un anévrysme aortique, ou d'un abcès rétro-pharyngé.

Agents causals Les agents infectieux responsables de spondylodiscites sont variés [4]. Staphylococcus aureus est le principal agent, notamment en cas d'infection par voie hématogène. Il est responsable d'environ 50 % des spondylodiscites infectieuses à pyogènes. La prévalence des S. aureus résistants à la méticilline dépend de l'épidémiologie locale. Les entérobactéries sont identifiées dans près d'un tiers des cas : Escherichia coli principalement, Klebsiella, Enterobacter spp. Elles sont en général associées à des infections urinaires, ou à un geste sur les voies urologiques. Salmonella est retrouvée plus rarement, en particulier chez les patients drépanocytaires, ou dans les cas de spondylodiscites associées à des anévrysmes aortiques infectés. Pseudomonas aeruginosa est rare, en général associée aux soins. Les Staphylocoques à coagulase négative, principalement Staphylococcus epidermidis, sont en général associés à une infection du site opératoire, notamment sur matériel, ou à une infection de dispositif cardiaque implantable. Ils peuvent correspondre à une contamination lorsqu'ils sont isolés sur un seul prélèvement. Cela pose un problème d'imputabilité, avec intérêt pour le diagnostic de plusieurs prélèvements positifs. Les Streptocoques et Entérocoques sont isolés dans environ 20 % des prélèvements. Ils sont souvent associés à une endocardite. Les Pneumocoques sont rares. Les bactéries anaérobies sont rarement retrouvées. Propionibacterium acnes est identifié principalement dans des infections post-opératoires indolentes, souvent asso-

ciées à du matériel. Bacteroides fragilis est retrouvé dans des infections par contiguïté. La brucellose est exceptionnelle en France, en général contractée en zone d'endémie, liée à la consommation de produits laitiers non pasteurisés ou à un contact avec un animal infecté. La tuberculose est la cause la plus fréquente de spondylodiscites dans le monde. En France, elle est rare, mais doit être évoquée notamment chez les sujets originaires de zones de haute endémie. Kingella kingae est le second germe retrouvé après Staphylococcus aureus dans les infections ostéo-articulaires en pédiatrie. Les spondylodiscites fongiques sont très rares, et surviennent principalement chez les patients immuno­ déprimés  : Candida spp, Aspergillus spp, et Cryptococcus neoformans. Candida est isolé chez les patients toxicomanes, immunodéprimés, chez les patients sous antibiotiques à large spectre, porteurs d'un cathétérisme vasculaire. Les spondylodiscites parasitaires (Echinococcus) sont extrêmement rares, même dans les zones endémiques. Aucun germe n'est identifié dans 15 à 20 % des cas de spondylodiscites infectieuses. Dans les infections par voie hématogène, les germes principalement identifiés sont S. aureus, les bacilles Gram négatifs, les Streptocoques et Entérocoques. Dans les infections du site opératoire, par inoculation directe, ce sont principalement les bactéries saprophytes de la peau, ou des bactéries présentes en colonisation cutanée transitoire, qui sont mises en évidence : S. aureus, Staphylocoques à coagulase négative, Streptocoques, bacilles Gram négatifs. Les Staphylocoques à coagulase négative, Propionibacterium acnes et les corynebactéries sont des germes moins virulents, généralement identifiés dans les infections post-opératoires tardives. Les infections poly-microbiennes sont rares, en général dans les tableaux d'infections par contiguïté.

Clinique La spondylodiscite se manifeste par un syndrome rachidien constant et un syndrome infectieux variable, qui rend le diag­nostic difficile [5]. Dans le cadre du syndrome rachidien, l'interrogatoire retrouve des douleurs rachidiennes d'horaire inflammatoire dans 85 % des cas. Elles peuvent être brutales, ou s'installer progressivement. Elles sont permanentes, mal calmées par le repos, et difficilement soulagées par le traitement antalgique. L'examen clinique retrouve une exacerbation de la douleur à la percussion des épineuses, et une raideur rachidienne, avec une contracture des muscles ­para-vertébraux, qui est responsable d'une limitation douloureuse de la mobilisation du rachis. L'atteinte prédomine au niveau du rachis lombaire, elle est moins fréquente au niveau du rachis dorsal et cervical. L'atteinte est plus fréquemment multifocale dans les spondylodiscites tuberculeuses. Des signes neurologiques sont associés dans environ 30 % des cas, à type de radiculalgie (crurale, sciatique, intercostale, ou cervico-brachiale, selon le niveau de la spondylodiscite), voire de signes de compression médullaire ou de syndrome de la queue de cheval (anesthésie en selle, troubles

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Chapitre 25. Spondylodiscites infectieuses   291 sphinctériens, abolition du réflexe anal). Ils sont souvent liés à un abcès épidural, mais tous les abcès épiduraux ne sont pas symptomatiques. Le syndrome infectieux peut être marqué, avec une fièvre élevée et des frissons. Mais il n'est pas retrouvé de fièvre dans plus de 30 % des cas. Il y a en général un retard diag­ nostique dans ces tableaux sans fièvre. Les différents tableaux de spondylodiscites sont donc très variables, avec parfois une symptomatologie bruyante et une clinique évocatrice, mais ailleurs un tableau subaigu ou chronique, sans fièvre, d'installation progressive. La présence d'une autre localisation infectieuse (arthrite, endocardite) peut être une aide au diagnostic. La recherche d'une porte d'entrée est indispensable, orientée en fonction du germe, et peut également aider à porter le diagnostic. Dans les suites d'une chirurgie vertébrale, tout « indicent cicatriciel », à type d'érythème, d'écoulement, de retard de cicatrisation, qu'il soit ou non associé à un syndrome fébrile doit faire évoquer une infection du site opératoire [6].

Complications La principale complication des spondylodiscites est neurologique. Cette complication est rare, mais redoutable. Elle est liée à l'atteinte radiculaire, et surtout médullaire, avec un risque de paraplégie ou de tétraplégie suivant le niveau. Dans une étude portant sur les spondylodiscites à pyogènes, les signes neurologiques sont présents chez 30  % des patients, avec un déficit moteur chez 6 % des patients, associé à une morbidité importante. Les facteurs de risques associés à une complication neurologique sont la localisation thoracique ou cervicale, avec un odds ratio de 14,8 pour les spondylodiscites thoraciques et 8,2 pour les cervicales par rapport aux spondylodiscites lombaires, l'infection à S. aureus (odds ratio de 2,5), et la présence d'un abcès épidural sur l'IRM [7]. Les autres complications sont celles liées à la bactériémie, avec les complications à type de sepsis et de choc septique, mais aussi les complications liées aux autres localisations secondaires. Un travail sur les spondylodiscites à Staphylocoque retrouvait comme seuls facteurs pronostiques d'échec, les endocardites et les hémocultures positives, témoignant des conséquences liées à la bactériémie [8]. Les complications à plus long terme sont celles liées à l'instabilité et aux troubles de la statique rachidienne, secondaires à une déformation en cyphose au niveau du foyer vertébral.

Pronostic Les spondylodiscites sont associées à une augmentation de la mortalité durant la première année (de 11 à 20 % selon les études), puis à une mortalité plus élevée, mais qui se rapproche de la population générale [9]. Les facteurs associés à la mortalité à court terme sont la présence d'un abcès épidural et d'un déficit neurologique sévère à l'admission. Les facteurs associés à la mortalité à long terme sont ceux habituellement décrits, notamment la consommation d'alcool et l'immunosuppression.

Diagnostic Les recommandations françaises de la SPILF de 2007 définissent la place des différents examens pour le diagnostic de spondylodiscite [10].

Imagerie L'IRM est l'examen de référence pour le diagnostic de spondylodiscite. Elle doit être réalisée en urgence en cas de signes neurologiques. En cas de contre-indication à l'IRM, l'alternative est l'association d'un scanner et d'une scintigraphie osseuse ou la réalisation d'un TEP scanner.

Radiographies Les radiographies sont en général le premier examen demandé en cas de douleurs rachidiennes. Cependant, elles manquent de sensibilité, et les signes radiologiques apparaissent avec un retard supérieur à 2 semaines (en général 3 à 4 semaines). Elles doivent être complétées par d'autres examens d'imagerie. L'idéal pour les analyser est de pouvoir les comparer à des clichés antérieurs. Les signes radiologiques de spondylodiscite sont un effacement du liseré cortical d'un plateau vertébral, débutant au coin antérieur en général ; un pincement discal ; une érosion des plateaux vertébraux, à limites floues, en miroir ; une ostéolyse vertébrale, voire un tassement vertébral ; et un épaississement des parties molles (qui est plus ou moins visible selon la localisation). Les radiographies ont l'intérêt de pouvoir évaluer le retentissement sur la statique rachidienne.

Scanner Le scanner a une meilleure sensibilité que les radiographies standard, mais moins bonne que l'IRM. Les anomalies scannographiques sont visibles dès les deux premières semaines chez la moitié des patients. Le scanner permet de mettre en évidence, au niveau discal, une diminution de la densité du disque intervertébral. Au niveau osseux, il retrouve des érosions et géodes des plateaux vertébraux, une ostéolyse corticale, des séquestres, et permet une analyse de l'étendue de la destruction osseuse, notamment à l'arc vertébral postérieur. Concernant l'atteinte des parties molles, il peut montrer un épaississement circonférentiel autour du disque et des plateaux vertébraux, une infiltration de la graisse para-vertébrale, voire un abcès intracanalaire (scanner avec injection de produit de contraste). L'intérêt principal du scanner est d'évaluer l'importance de la destruction osseuse corporéale, l'atteinte de l'arc postérieur, et le retentissement sur la statique rachidienne. Il est principalement utilisé pour guider les biopsies disco-vertébrales.

IRM L'IRM est l'examen clé, indispensable pour le diagnostic, avec une sensibilité de l'ordre de 95 % et une spécificité de 90 %. Les séquences nécessaires sont les séquences T1, T2, avec injection de gadolinium et avec saturation du signal de la graisse. L'IRM est à réaliser en urgence en cas de signes neurologiques.

En cas de suspicion de spondylodiscite et d'aspect atypique, l'IRM doit être renouvelée à quelques jours d'intervalle. L'aspect typique est un hypersignal T2 discal, un hypo­ signal T1 et hypersignal T2 des deux vertèbres adjacentes, et un épaississement des parties molles para-vertébrales et/ou intra-canalaires. L'atteinte vertébrale en hyposignal T1 et hypersignal T2 présente un rehaussement diffus du corps vertébral après injection de gadolinium, et met en évidence un effacement de la corticale des plateaux vertébraux. Le disque est en hypersignal T2, avec un pincement discal, une disparition de la fente intra-discale, et une prise de contraste discale (figure 25.1). L'analyse des parties molles retrouve un épaississement des parties molles para-vertébrales en hyposignal T1, et hypersignal T2, rehaussé après injection de produit de contraste. Elle peut mettre en évidence une épidurite, qui est mieux visualisée après injection de gadolinium (figure 25.2).

Les intérêts principaux de l'IRM sont la précocité des signes et la visualisation des structures nerveuses, de la moelle et des racines de la queue de cheval. En post-opératoire, l'IRM retrouve un hyposignal T1 au niveau des vertèbres, rehaussé après injection de gadolinium, une prise de contraste de l'espace discal, et une prise de contraste de l'anneau fibreux postérieur.

Scintigraphie osseuse et TEP scanner La scintigraphie osseuse aux bisphosphonates marqués par le technétium a une sensibilité excellente (95 %) et précoce, mais une mauvaise spécificité. Elle est intéressante pour sa valeur localisatrice et sa bonne valeur prédictive négative. Elle est indiquée en cas de contre-indication à l'IRM, et dans ce cas-là, est à compléter par un scanner. Les signes scintigraphiques de spondylodiscite sont une hyperfixation linéaire intense sur une partie du plateau vertébral ou le plateau vertébral complet, avec une hyperfixation typique en « sandwich ». La place du TEP scanner est encore à évaluer dans le diag­nostic et le suivi des spondylodiscites, mais cet examen a vraisemblablement un intérêt en cas de contre-indication à l'IRM [11, 12].

Imagerie dans les spondylodiscites sur matériel

Figure  25.1 Spondylodiscite T12-L1 et T11-T12 débutante à Staphylococcus aureus. Tassement antérieur de L1. Épidurite antérieure responsable d'une compression du cordon médullaire avec retentissement clinique (IRM séquences sagittales T2 STIR).

Le diagnostic des spondylodiscites sur matériel est difficile. Dans le cas des infections précoces, il n'y a en général pas besoin d'imagerie. L'IRM a un intérêt en cas de signes neurologiques associés aux signes infectieux, pour rechercher une épidurite abcédée, mais son interprétation est souvent limitée en raison des artefacts liés au matériel. Dans les cas d'infection tardive, le scanner est intéressant pour évaluer une lyse osseuse, mais avec une interprétation limitée par les artefacts (qui devraient être diminués avec de nouveaux protocoles). Le TEP scanner a probablement sa place pour aider à porter le diagnostic.

Diagnostic microbiologique L'identification microbiologique est indispensable avant de démarrer les antibiotiques.

Hémocultures

Figure  25.2 Spondylodiscite L4-L5 à Staphylococcus aureus. Tassement cunéiforme de L5, épidurite circonférentielle étendue de L1 à L3 (flèches) à prédominance postérieure venant au contact des racines de la queue de cheval. Patiente hyperalgique mais non déficitaire ayant bénéficié d'une laminectomie Coupe A : IRM séquences sagittales T2 STIR. Coupe B : IRM séquences sagittales T1 avec gadolinium.

Deux paires d'hémocultures (aérobies et anaérobies) suffisamment remplies doivent être prélevées de façon systématique (le prélèvement de 4 flacons consécutifs, avec 8–10 ml de sang/flacon, sur une seule ponction veineuse est recommandé), pour tous les patients suspects de spondylodiscite. Les hémocultures sont positives dans 40 à 60 % des spondylodiscites selon les études [4]. Elles sont cependant rarement positives dans les infections postopératoires, où la ponction biopsie ­disco-vertébrale est en général indispensable. Il est classiquement recommandé de prélever des hémocultures après la ponction biopsie disco-vertébrale. L'utilité dans les dernières études est en fait incertaine, avec une rentabilité de l'ordre de 1 %. L'intérêt principal de ces hémocultures post-biopsie pourrait être de confirmer la patho ­

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292   Partie IV. Pathologies infectieuses

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Chapitre 25. Spondylodiscites infectieuses   293 génicité d'un Staphylocoque à coagulase négative retrouvé sur la biopsie et une hémoculture, alors qu'il serait considéré comme une probable contamination s'il n'est retrouvé que sur un prélèvement. En fonction du terrain, des hémocultures mycologiques doivent également être prélevées (immunodépression, toxicomanie IV).

Ponction biopsie disco vertébrale La ponction biopsie disco-vertébrale (PBDV) est l'examen de référence pour l'identification microbiologique [10]. Il s'agit d'une biopsie réalisée sous contrôle scannographique, à distance de tout traitement antibiotique. Les complications sont exceptionnelles  : hémorragie, pneumothorax, complications neurologiques. Elle permet une identification microbiologique dans 50 à 60 % des cas. Il est recommandé de réaliser plusieurs prélèvements, avec des biopsies au niveau des deux plateaux vertébraux, au niveau du disque, et une analyse du liquide de rinçage du disque. Une ponction d'un abcès para-vertébral peut également être réalisée et compléter la PBDV. Les prélèvements sont adressés pour analyse anatomopathologique et microbiologique. L'examen anatomopathologique permet, en plus de la culture, de confirmer le diagnostic de cause infectieuse, de rechercher un granulome, et d'éliminer une cause néoplasique. L'examen microbiologique classique (examen direct et mise en culture) peut être complété par un diagnostic moléculaire, en cas de culture négative et de prise d'antibiotiques avant la PBDV. Des prélèvements supplémentaires doivent être adressés aux laboratoires de mycobactériologie ou mycologie en fonction du contexte. Dans les spondylodiscites primitives, il est recommandé de réaliser une PBDV si les hémocultures réalisées à titre systématique sont négatives. Dans les spondylodiscites iatrogènes, le PBDV est le plus souvent indispensable, les hémocultures étant en général négatives. Il est recommandé de réaliser une 2e PBDV si la première est négative. La biopsie chirurgicale ne sera réalisée que si la 2e PBDV est négative, ou en cas d'aggravation clinique ou radiologique sous traite­ ment antibiotique probabiliste, ou de nécessité de prise en charge chirurgicale. Dans une étude rétrospective multicentrique réalisée dans 5 hôpitaux universitaires français, la rentabilité de la 1re PBDV était évaluée à 44 %. Une 2e PBDV était réalisée quand la 1re était négative, ce qui augmentait la rentabilité à 79,6 %. Il était également retrouvé un intérêt à augmenter le nombre de prélèvements par biopsie. Faire plus de 2 prélèvements par biopsie augmentait la rentabilité par rapport à 1 seul prélèvement, avec un odds ratio à 2,4 [13]. La biologie moléculaire (PCR pan-bactérienne ARNr 16S ou PCR spécifiques) peut être un recours dans les cas où les cultures restent négatives.

Bilan biologique En fonction du contexte, une sérologie brucellose doit être réalisée si le patient est originaire d'une zone d'endémie.

Diagnostic différentiel Les diagnostics différentiels sont principalement les pathologies inflammatoires rachidiennes (spondylarthrite ankylosante, SAPHO, pathologie microcristalline axiale) ; les pathologies tumorales (tumeur osseuse, métastase cancéreuse, lymphome, myélome) ; mais également les discopathies dégénératives, qui peuvent donner un œdème des plateaux vertébraux en hyposignal T1 hypersignal T2 avec prise de contraste (Modic 1).

Prise en charge thérapeutique Le traitement curatif des spondylodiscites repose essentiellement sur le traitement antibiotique. Le traitement chirurgical est réservé à certaines complications. La prise en charge doit être complétée par un traitement à visée antalgique et fonctionnelle, pour limiter les déformations et l'instabilité.

Antibiothérapie Le traitement antibiotique ne doit être débuté qu'une fois la documentation microbiologique réalisée. Chez les patients stables au niveau hémodynamique, sans complication neuro­logique, il n'y a pas d'urgence à démarrer un traitement antibiotique. Il ne sera débuté qu'une fois le diagnostic microbiologique obtenu. Chez les patients instables au niveau hémodynamique, en choc septique ou présentant une complication neurologique, le traitement antibiotique probabiliste doit être débuté en urgence, après réalisation de deux paires d'hémocultures. Le traitement probabiliste doit alors tenir compte du terrain, de la porte d'entrée présumée ou retrouvée, du microorganisme présumé. Il doit être efficace sur S. aureus, les Streptocoques et les bacilles Gram négatif les plus fréquents. Les antibiotiques sont choisis en fonction de la sensibilité de l'agent infectieux et de leur diffusion dans les sites infectés. Le traitement antibiotique est débuté initialement par voie intraveineuse (IV). La durée recommandée du traite­ ment IV est classiquement de 2  semaines, mais est très variable en pratique. Elle est en général plus prolongée en cas d'hémocultures positives ou de complications neurologiques. Elle tend à être raccourcie (7 à 10 jours) en cas d'évolution clinique et biologique favorable et de relais per os (PO) possible avec des molécules à bonne biodisponibilité et diffusion osseuse. Le relais PO ne doit pas être réalisé tant qu'une endocardite n'a pas été exclue. La durée totale d'antibiotiques recommandée est de 6  semaines pour les spondylodiscites à pyogènes. Un essai randomisé, prospectif, multicentrique, réalisé dans 71  centres hospitaliers français entre 2006 et 2011, portant sur 359  patients, n'a pas retrouvé d'infériorité d'un traitement de 6 semaines par rapport à un traitement de 12 semaines [14]. Néanmoins, ces conclusions ne peuvent être extrapolées à tous les pathogènes, notamment P. aeruginosa et P. acnes, pour lesquelles une durée de 12 semaines est recommandée. Dans cette étude, les facteurs de risque d'échec étaient un âge supérieur à 75 ans, et une infection à S. aureus. Une

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294   Partie IV. Pathologies infectieuses autre étude rétrospective [15], conduite sur 345 patients, retrouvait comme facteurs de risque de récidive une infection à S. aureus méticilline-résistant, un abcès p ­ ara-vertébral ou un abcès du psoas non drainé, et une insuffisance rénale ­terminale. La présence de facteurs de risque d'échec doit inciter à la prudence, et faire discuter une durée d'antibiotiques plus prolongée, de 8 à 12 semaines. Dans les cas de spondylodiscites postopératoires, avec présence de matériel, la durée du traitement ne peut pas être raccourcie ; elle sera en général de 12 semaines. En fonction de l'identification microbiologique, le traitement va être choisi parmi les molécules efficaces, en privilégiant celles avec une bonne diffusion osseuse (voir, tableau 25.3), en tenant compte du terrain, des possibles interactions médicamenteuses et contre-indications. Les propositions d'antibiothérapie en fonction du microorganisme (tableau 25.1) ont été adaptées à partir de celles proposées par la SPILF en 2007 [10] : ■ Pour les Staphylocoques (aureus ou à coagulase négative) méticilline sensibles, le traitement initial IV associe une pénicilline M ou la céfazoline et la gentamicine (durée de bithérapie avec la gentamicine généralement restreinte à 2 à 5 jours, pour limiter la toxicité rénale et auditive). L'antibiothérapie de choix en relai PO est l'association rifampicine et fluoroquinolone (levofloxacine en première intention). La pénicilline M en relais PO n'est pas recommandée dans les infections ostéo-articulaires du fait de sa biodisponibilité insuffisante. ■ Pour les Staphylocoques méticilline résistants, le traitement initial IV est classiquement un glycopeptide (vancomycine ou teicoplanine). Les posologies doivent être adaptées aux dosages sériques (cible thérapeutique 20 à 30 mg/L). La daptomycine peut être utilisée en recours pour les souches dont la Concentration Minimale Inhibitrice (CMI) à la vancomycine est ≥ 2 mg/L. Le trai-

tement de relais PO dépend de l'antibiogramme. La rifampicine sera utilisée en priorité si le Staphylocoque y est sensible, toujours en bithérapie associée selon l'antibiogramme à une autre molécule à bonne diffusion osseuse (triméthoprime-sulfaméthoxazole, acide fusidique, clindamycine, cycline, levofloxacine). L'utilisation du linézolide est limitée par sa toxicité au-delà de 3 à 4 semaines de traitement. ■ Pour les Entérocoques, le traitement initial IV est l'amoxicilline pour E. faecalis, associée à de la gentamicine, ou un glycopeptide si l'Entérocoque est résistant à l'amoxicilline, ce qui est souvent le cas pour E. faecium. Une bithérapie associant amoxicilline et ceftriaxone est une alternative en cas de toxicité, notamment rénale, de la gentamicine. La teicoplanine peut être une alternative intéressante en relais du fait des possibilités d'une administration quotidienne par voie IVD, IM ou SC. Un traitement de relais PO par amoxicilline à fortes doses (6 à 8 g/jour) par voie orale peut être envisagé pour les Enterocoques sensibles, mais peu de données sont disponibles à ces posologies sur les concentrations obtenues au niveau sérique et surtout au niveau osseux. ■ Pour les Streptocoques, le traitement initial de choix est l'amoxicilline IV. Le traitement de relais PO est l'amoxicilline à fortes doses (avec les limites énoncées ci-dessus) ou la clindamycine si la souche est sensible à la clindamycine et à l'érythromycine. La ceftriaxone peut également être utilisée en une administration parentérale quotidienne. ■ Pour les bacilles Gram négatif (à l'exception du P. aeruginosa), le traitement initial IV est le plus souvent une céphalosporine de 3e génération par voie IV (ceftriaxone ou cefotaxime). Cependant, pour les entérobactéries du groupe  3 (Enterobacter spp., Serratia, Morganella...), l'antibiothérapie de choix est la céfépime (émergence de résistance aux céphalosporines

Tableau 25.1 Principaux schémas d'antibiothérapie pour le traitement des infections ostéo-articulaires documentées de l'adulte. Agent infectieux

Traitement de 1re intention

Autres propositions si allergie ou CI ou résistance

Relais oral préférentiel si sensibilité

Staphylocoque méti-S

(Pénicilline M ou céfazoline) +/- gentamicine

Glycopeptide  +/- gentamicine

Rifampicine  +  levofloxacine

Staphylocoque méti-R

Glycopeptide  +/ - gentamicine

Daptomycine si CMI vancomycine ≥ 2

Rifampicine  +  levofloxacine

Entérocoque

Amoxicilline  ± gentamicine

Glycopeptide  ± gentamicine ou (amoxicilline + ceftriaxone)

Amoxicilline  ± rifampicine

Streptocoques

Amoxicilline  ± gentamicine

Clindamycine

Amoxicilline ou clindamycine

BGN (sauf P. aeruginosa)

Ceftriaxone ou cefotaxime Ofloxacine ou cefepime (entérobactéries du ou cotrimoxazole groupe 3)

Ofloxacine ou cotrimoxazole

P. aeruginosa

Ceftazidime  + (ciprofloxacine ou amikacine ou tobramycine)

Ciprofloxacine

Méropénem  + (ciprofloxacine ou amikacine ou tobramycine)

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Chapitre 25. Spondylodiscites infectieuses   295 de 3 e  génération par céphalosporinase déréprimée). Pour les entérobactéries exprimant une béta-lactamase à spectre étendu (BLSE), le recours à un carbapénème (ertapénème, imipénème, méropénème) peut être nécessaire. Un relais par une molécule à spectre plus étroit est si possible réalisée sur les données de l'antibiogramme. Le traitement de relais PO de choix est une fluoroquinolone (ofloxacine en première intention) ou le triméthoprime-sulfamethoxazole. ■ Pour le P. aeruginosa, le traitement initial IV associe classiquement de la ceftazidime et un aminoside (amikacine ou tobramycine) ou la ciprofloxacine (si la sensibilité est confirmée). Le traitement de relai de choix est la ciprofloxacine, après une durée suffisante de bithérapie initiale (2 à 3 semaines), pour une durée totale prolongée (12 semaines). ■ Pour la plupart des anaérobies, le traitement de choix est le métronidazole (sauf pour P. acnes et certains cocci Gram positif, notamment Peptostreptococcus qui peut être résistant au métronidazole), ou la clindamycine si la sensibilité est confirmée. Pour P. acnes, une association de rifampicine et levofloxacine ou de rifampicine et amoxicilline peut être proposée. La clindamycine peut être proposée également si la sensibilité est confirmée. Une durée de traitement prolongée (12 semaines) est proposée pour ce pathogène. S'il est nécessaire de débuter un traitement probabiliste en urgence, dans le cas d'une spondylodiscite primitive en contexte communautaire, le traitement devra couvrir en priorité S. aureus meti-S, les Streptocoques et les entérobactéries les plus courantes. Une association d'amoxicillineacide clavulanique et de gentamicine peut être proposée. Dans le cas d'une spondylodiscite précoce nosocomiale secondaire à un geste local chirurgical ou à une infiltration, nécessitant une antibiothérapie en urgence, le traitement devra être efficace sur S. aureus meti-R (SARM) et les bacilles Gram négatifs, y compris P. aeruginosa. Une triple association de vancomycine avec ceftazidime ou piperacilline-tazobactam et amikacine peut être proposée. En présence de matériel étranger, une molécule ayant une activité sur le biofilm devra être privilégiée dans le relais PO, en priorité la rifampicine, obligatoirement associée en bithérapie à une autre molécule active et à bonne diffusion osseuse. Si les prélèvements bactériologiques sont négatifs et qu'il est décidé de débuter ou poursuivre une antibio­thérapie, une association d'un antibiotique actif sur la plupart des bacilles Gram négatif (ceftriaxone par exemple) à une molécule anti-staphylococcique (glycopeptide par exemple) pourra être utilisée. Les tableaux 25.2 et 25.3 reprennent les posologies et voies d'administrations des différents antibiotiques dans les infections ostéo-articulaires. Le traitement de première intention d'une spondylodiscite tuberculeuse multi-sensible repose sur l'association initiale rifampicine-isoniazide-pyrazinamide et éthambutol. L'éthambutol peut être stoppé dès que la souche est rendue sensible à l'isoniazide. Après 2 mois de traitement, un relai est fait par rifampicine et isoniazide pour 4 mois supplémentaires, soit un total de 6 mois de traitement (sauf en cas d'atteinte neuro-méningée associée où la durée est de 12 mois).

Tableau 25.2 Principales posologies et modalités d'utilisation des antibiotiques en IV dans les infections osseuses chez l'adulte.

*

Antibiotiques (DCI)

Posologie/24h*

Rythme et voie d'administration

amoxicilline

6 à 12 g

3–6 injections IVL dilution 100–250 ml G5 % ou NaCl 0,9 %

cloxacilline / oxacilline

6 à 12 g

3–6 injections IVL dilution 100–250 ml G5 % ou NaCl 0,9 %

amoxicilline-acide clavulanique

6 à 8 g

3–4 injections IVL dilution 100–250 ml NaCl 0,9 %

céfazoline

3 à 6 g

3 injections IVL ou IVSE dilution 100–250 ml G5 % ou NaCl 0,9 %

céfotaxime

6 à 12 g

3–6 injections IVL dilution 100–250 ml G5 % ou NaCl 0,9 %

ceftriaxone

2 g

1 injection IV, IM, ou s/c IVL dilution 50–100 ml G5 % ou NaCl 0,9 %

ceftazidime

3 à 6 g

IVSE ou 3–4 injections IV dilution 100–250 ml G 5% ou NaCl 0,9 %

imipénem

2 à 3 g

3 à  4 administrations IV dilution 100–250 ml G5 % ou NaCl 0,9 %

méropénem

3 à 6 g

3 administrations IV dilution 100–250 ml G5 % ou NaCl 0,9 %

vancomycine

2 à 3 g

IVSE ou en 2 administrations dans 250 ml G5 % 2 fois par jour en perfusion lente ≥ 1 h/g

teicoplanine

12 mg/kg/12 h pour IV, IM ou s/c 3 à 5 injections, puis 6–8 mg/kg/24 h

daptomycine

8–10 mg/kg

1 administration IV dilution 50 ml NaCl 0,9 %

gentamicine

3–4 mg/kg

1 administration IV dilution 100–250 ml G5 % ou NaCl 0,9 %

tobramycine

3–4 mg/kg

1 administration IV dilution 100 ml G5 % ou NaCl 0,9 %

amikacine

15 mg/kg

1 administration IV dilution 250 ml G5 % ou NaCl 0,9 %

Posologies usuelles données pour une fonction rénale normale.

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296   Partie IV. Pathologies infectieuses

Tableau 25.3 Principales posologies et modalités d'utilisation des antibiotiques per os dans les infections osseuses chez l'adulte. Antibiotiques (DCI)

Posologie/24 h*

Rythme et voie d'administration

ofloxacine

400 à 600 mg

2 à 3 prises orales

lévofloxacine

500 à 750 mg

1 à 3 prises orale

ciprofloxacine

1 000 à 1 500 mg

2 à 3 prises orales

clindamycine

1 800 à 2 400 mg

3 à 4 prises orales

rifampicine

10 mg/kg

1 à 3 prises orales

acide fusidique

1 500 mg

3 prises orales

trimethoprimesulfamethoxazole

2 400/480 à 3 200 mg/640 mg

2 à 3 prises orales

minocyline/doxycycline

200 mg

1 ou 2 prises orales le soir au cours du repas pour la minocycline

métronidazole

1 500 mg

3 prises orales

linézolide

1 200

2 prises orales

amoxicilline

6 à 8 g par jour

3 à 4 prises orales

Les antibiotiques à bonne pénétration osseuse sont surlignés en vert, le linézolide est à diffusion osseuse moyenne (jaune), l'amoxicilline faible (orange). * Posologies données pour une fonction rénale normale.

Traitement chirurgical Le traitement chirurgical n'est pas systématique. Il est réservé à certaines complications. À la phase aiguë, une décompression chirurgicale doit être réalisée en urgence en cas de compression médullaire ou radiculaire paralysante. En cas de paralysie installée depuis plus de 72 h, les chances de récupération sont quasi­ ment nulles. L'abord chirurgical dépend de la localisation de l'atteinte et de l'étendue des lésions [16], avec un risque d'instabilité important après une laminectomie postérieure. Dans une revue récente de la littérature de 2016 [17], les différentes techniques chirurgicales étudiées étaient comparables, avec un meilleur pronostic fonctionnel pour les techniques les moins invasives. Le drainage d'un volumineux abcès para-vertébral ou d'un abcès du psoas peut également être réalisé, en fonction de la taille de l'abcès et de son évolution. En fonction des situations, le drainage peut être chirurgical ou le plus souvent radiologique sous scanner. Dans les cas de spondylodiscites post-opératoires, une reprise chirurgicale avec lavage-débridement est nécessaire. Dans les cas de spondylodiscite post-opératoire précoce (inférieure à 1 mois), avec implantation de matériel étranger, un traitement conservateur peut être discuté si le retrait du matériel est difficile. Dans les spondylodiscites postopératoires tardives (supérieure à 1 mois), avec implantation de matériel, un retrait ou changement du matériel doit être réalisé autant que possible [18]. Une prise en charge conservatrice avec durée d'antibiothérapie prolongée guidée par le TEP scanner peut être proposée dans les cas où le matériel ne peut être retiré. À distance de la phase aiguë, une intervention chirurgicale est à discuter en cas de déformation cyphotique importante, et en cas d'instabilité rachidienne, liée à la destruction des plateaux vertébraux ou à une pseudarthrose séquellaire.

Rarement l'indication chirurgicale pourra être discutée en cas d'échec du traitement antibiotique, ou en l'absence d'identification microbiologique après 2 PBDV.

Traitement symptomatique Le traitement associé est un traitement à visée antalgique et fonctionnelle. Il vise à éviter la déformation en cyphose au niveau du foyer vertébral. Le décubitus strict initial est principalement à visée antalgique, et parfois neurologique en cas d'instabilité et de risque de compression. Il ne doit pas être trop prolongé pour éviter les complications du décubitus. Un avis chirurgical est souhaitable avant la reverticalisation, qui doit en général être associée au port d'une minerve (rachis cervical) ou d'un corset (rachis lombaire), en fonction du risque d'instabilité. La position assise doit être prudente pour les atteintes lombaires basses, en raison des contraintes maximales dans cette position. L'entretien et le renforcement musculaire, le travail fonctionnel, l'entretien des amplitudes articulaires doivent être travaillés pour améliorer le pronostic fonctionnel.

Suivi Le suivi des spondylodiscites est clinique et biologique. L'IRM et la scintigraphie osseuse ne doivent pas être réalisées de manière systématique, en raison des anomalies radiologiques qui peuvent persister pendant plusieurs mois (retard radiologique). Le scanner peut être utile pour évaluer la statique rachidienne. La guérison est définie par l'absence de rechute à l'arrêt du traitement antibiotique, avec un suivi prolongé, d'au moins 6 mois.

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Chapitre 25. Spondylodiscites infectieuses   297

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Chapitre

26

La goutte Bernard Mazières PLAN DU CHAPITRE Physiologie et physiopathologie. . . . . . . . . . . . Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Clinique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Diagnostic positif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

301 306 307 312

La goutte, le plus fréquent des rhumatismes inflammatoires de l'homme adulte, est à la fois : ■ une dyspurinie, maladie générale due à un trouble du métabolisme des purines dont témoigne l'hyperuricémie, ■ une arthropathie microcristalline caractérisée par des accès articulaires aigus, inflammatoires, ­colchico-sensibles, spontanément résolutifs, dus à la précipitation de microcristaux d'urate de sodium dans et autour de l'articulation. Le risque majeur est évolutif : possibilité de passage de la goutte aiguë (accès goutteux isolés) à la goutte chronique avec son atteinte articulaire destructrice et son insuffisance rénale. Son traitement est à la hauteur de nos connaissances physiopathologiques et fondé sur elles. Il peut éviter ce passage à la chronicité et rendre cette maladie, qui fut un fléau pendant des siècles, une affection curable au prix d'un traitement prolongé.

Physiologie et physiopathologie Métabolisme de l'acide urique L'acide urique est le terme ultime du catabolisme des bases puriques ou purines (tableau 26.1), molécules présentes dans les acides nucléiques et qui participent donc, à côté des bases pyrimidiques, aux fonctions de duplication de l'ADN et de biosynthèse protéique. Chez la plupart des espèces animales (sauf les primates), l'acide urique est lui-même transformé en allantoïne, puis en urée, produit très soluble et facilement éliminé dans les urines, sous l'effet d'une dernière enzyme : l'uricase ou urate-oxydase. Cet acide urique est dissous dans les liquides organiques, dont le sang, sous forme de sel (urate de sodium), beaucoup plus soluble au pH de l'organisme, que l'acide lui-même. La quantité d'urate de sodium dans l'organisme est d'environ 1 200 mg chez l'homme, 600 mg chez la femme. Environ la moitié est renouvelée chaque jour (pool miscible de l'acide urique), répartie pour 1/5 dans le plasma et 4/5 dans les liquides extracellulaires. L'uricémie n'est donc Rhumatologie © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Diagnostic différentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Erreurs thérapeutiques les plus fréquentes . . . . Les médicaments de demain . . . . . . . . . . . . . .



312 314 320 320

qu'un reflet de la teneur totale du corps en acide urique. L'acide urique est un puissant agent antioxydant et lutte ainsi contre l'oxydation, l'un des grands processus du vieillissement.

Les trois origines des purines Purinosynthèse de novo Le noyau purique est élaboré au niveau hépatique, à partir de fragments de molécules simples disponibles en quantité abondante dans l'organisme (bicarbonates et acides aminés dont la glutamine). Ces « précurseurs » se fixent sur le phospho-ribosyl-pyrophosphate (PRPP) qui agit comme donneur de ribose-phosphate. Le PRPP se forme de son côté à partir d'ATP et de ribose 5-phosphate grâce à la ­phosphoribosyl synthétase. La première étape voit la ­fixation de la glutaTableau 26.1 Rappel terminologique des bases puriques. Purines libres Purines combinées (dans le (intracellulaires) sang) Bases libres

Nucléosides =  Base + ribose

Nucléotides =  Base + ribose + phosphate

Acides nucléiques

Adénine

Adénosine

Acide adénilique ou adénosine monophosphate (AMP)

Pour adénine et guanine seulement

Guanine

Guanosine

Acide guanylique ou guanosine monophosphate (GMP)

Hypoxanthine Inosine

Acide inosinique ou inosine monophosphate (IMP)

Xantine

Acide xanthinique

Xanthosine

301

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302   Partie V. Arthropathies microcristallines mine sur le PRPP pour donner la phospho-ribosylamine (PRA) sous l'action d'une amidotransférase spécifique. Cette première étape est irréversible. Le noyau purique se forme ensuite en plusieurs étapes successives. Il est toujours porteur du ribose-phosphate de départ. Ainsi, la première Ribose 5-Phosphate

étape aboutit non pas à une base purique, mais d'emblée à un nucléotide : l'acide inosinique (IMP). Celui-ci, véritable plaque tournante dans le métabolisme des purines, se transforme en AMP et GMP qui s'incorporent dans les molécules complexes des acides nucléiques (figure 26.1). Allantoïne

PRPP synthétase

Uricase

PRPP + glutamine

ACIDE URIQUE

Amidotransférase

PRA

Xanthine-oxydase

CYCLE COURT IMP

PRPP + HGPRT

Xanthine Hypoxanthine

PRPP + HGPRT

GMP

Guanine

PRPP + APRT

AMP

Adénine

sucre

CYCLE LONG Acides nucléiques Guanosine

Adénosine

AMP

Phosphore

GMP Légende étape irréversible nucléotide Guanosine

nucléoside

xanthine

purine

HGPRT

enzyme

Figure  26.1 Schéma du métabolisme de l'acide urique. PRPP  : phosphoribosyl-pyrophosphate PRA  : phosphoribosylamine HGPRT  : ­hypoxanthine-guanine phosphoribosyl transférase APRT : adénosine phosphoribosyl transférase.

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Chapitre 26. La goutte   303

Catabolisme des acides nucléiques endogènes Comme toutes les protéines de l'organisme, ces acides nucléiques ont un renouvellement permanent. Ils vont donc se dégrader en nucléotides puriniques, puis en nucléosides, et enfin en bases puriques, bases qui peuvent soit se transformer en acide urique, soit être réutilisées pour une nouvelle synthèse nucléotidique, énergétiquement beaucoup moins coûteuse que la synthèse de novo. Ainsi se trouve bouclé un cycle métabolique qualifié de « long » par opposition à un cycle dit « court », qui va directement des nucléotides issus de la synthèse de novo aux bases puriques. Le cycle long est quantitativement le plus important dans les conditions normales.

Catabolisme des acides nucléiques exogènes Toutes les protéines sont « purinogènes », mais certains aliments dits « purinophores » sont particulièrement riches en nucléoprotéines. Par dégradations digestives successives, les bases puriques ainsi libérées peuvent servir à l'édification de nouveaux nucléotides ou être transformées en acide urique par désamination oxydative : la guanine donne la xanthine ; l'adénine, l'hypoxanthine. L'hypoxanthine se transforme en xanthine et la xanthine en acide urique. Ces deux dernières étapes se font grâce à la xanthine-oxydase, enzyme qu'inhibe l'allopurinol. L'acide urique est le terme ultime du catabolisme puisque l'absence d'uricase chez l'homme ne permet pas sa dégradation en allantoïne.

Régulation de la purinosynthèse Elle se fait essentiellement par rétrocontrôle négatif sur l'amidotransférase : le taux de nucléotides règle la synthèse de novo en fonction des besoins. Ces nucléotides peuvent venir directement de cette purinosynthèse, mais aussi de la recombinaison d'une base purique avec du PRPP grâce à l'hypoxanthine-guanine-phosphoribosyl-transférase (HGPRT) ou à l'adénine-phospho-ribosyl-transférase (APRT) selon la base purique.

Élimination de l'acide urique Uricolyse Vingt à 25 % de l'acide urique sont déversés dans l'intestin par les sécrétions digestives. Les bactéries intestinales, pourvues d'uricase, dégradent cet acide urique en allantoïne, qui est éliminée dans les fèces. Une uricolyse intratissulaire est également probable, mais quantitativement négligeable.

Élimination rénale Le principal régulateur de l'uricémie est l'excrétion rénale d'acide urique. L'uraturie, en régime libre, est en moyenne de 750 mg/j (4 414 μmol). La clairance de l'acide urique est de 8 mg/ min (0,13 mg/s). Dans les urines, l'acide urique est ionisé et les urates sont en proportions variables selon le pH. Plus il est basique, plus l'équilibre se déplace vers la forme liée : or cette forme est 17 fois plus soluble que la forme ionisée : l'acidité urinaire du goutteux favorise la lithiase urique. La filtration glomérulaire est classiquement estimée à 95 % de l'acide urique plasmatique.

La résorption tubulaire est authentifiée par le fait que la clairance de l'acide urique est très inférieure à celle de la créatinine (rapport de ces 2 clairances ≈ 0,10 chez l'homme). La sécrétion tubulaire est également attestée par l'existence d'observations d'hypo-uricémie avec rapport de la clairance de l'acide urique sur la clairance de la créatinine supérieur à 1. Cette sécrétion tubulaire explique les effets inverses de certaines drogues selon les doses employées, ce qui était connu depuis longtemps (aspirine, phénylbutazone, probénécide) : à faible dose, ces médicaments diminuent l'uricurie par diminution de la sécrétion ; à forte dose, ils augmentent l'uricurie par diminution de la résorption supérieure à la diminution de la sécrétion. Résorption et sécrétion se font dans le tube contourné proximal par un mécanisme de transpor t actif (figure 26.2) médié par plusieurs protéines de transport (« transportasome ») de découverte récente, dont les fonctions exactes sont imparfaitement connues [1]. Le transporteur SLC2A9 est inhibé par la benzbromarone, mais pas par le probénécide. Ces deux uricosuriques inhibent URAT1 et OAT4.

Pool miscible de l'acide urique Le pool miscible de l'acide urique, mesuré par dilution isotopique, représente l'acide urique échangeable, métabolique­ ment actif. Ce pool est en moyenne de 1 200  mg chez l'homme adulte normal, plus bas chez la femme (≈ 600 mg), réparti pour 1/5 dans le plasma et 4/5 dans les liquides extracellulaires : la corrélation entre l'uricémie et le pool de l'acide urique est hautement significative.

Mécanismes de l'hyperuricémie L'hyperuricémie est la condition nécessaire, sinon suffisante, à l'apparition d'une goutte. On parle d'hyperuricémie pour des valeurs d'acide urique sanguin supérieures à 60–70 mg/L (360–420 μmol/L) et cela pour trois raisons  [2] : ■ raison biochimique : c'est la limite de saturation de l'acide urique dissous dans le plasma ; au-delà, il précipite en cristaux d'urates de sodium ; ■ raison clinique  : le taux d'acide urique du goutteux est presque toujours ≥ 70 mg/L. Cependant, 3,4 % des femmes goutteuses ont une uricémie comprise entre 60 et 70 mg/L : chez la femme, on peut donc fixer la limite de la normale à 60 mg/L (360 μmol/L) ; ■ raison statistique : la limite de la norme étant définie comme la moyenne ± 2 écarts types, on arrive, là encore, à des valeurs proches de 70 mg/L avec les méthodes de dosage enzymatique par l'uricase. En pratique, la limite à retenir est 60 mg/L puisque c'est le seuil déterminant l'efficacité thérapeutique. La physiologie de l'uricémie permet de comprendre que deux grands mécanismes peuvent induire son élévation : un excès de production d'acide urique ou un défaut d'élimination. Ces deux mécanismes peuvent, en outre, se conjuguer. Reste que, à côté de facteurs de risque bien identifiés d'hyperuricémie et de goutte, il existe toujours une goutte « primitive » pour laquelle des inconnues demeurent.

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304   Partie V. Arthropathies microcristallines

Site de réabsorption urate monocarbonate ?

OAT1/3

urate

? bicarbonate

OAT4

SLC2A9v2

SLC2A9v1 Liquide interstitiel (vers capillaire sanguin)

URAT1

Urate Glucose Fructose

Lumière tubulaire (urines)

Cellule tubulaire proximale

Site de sécrétion MRP4

urate

NPT1

ABCG2 Liquide interstitiel (vers capillaire sanguin)

Cellule tubulaire proximale

Lumière tubulaire (urines)

Figure 26.2 « Transportasome » des urates dans le tube contourné proximal. OAT : organic anions transporters MPR : multidrug resistance proteins ABCG2 : ATP-binding cassette, subfamily G, 2 Source : d'après Merriman TR, Dalbeth N. The genetic basis of hyperuricemia and gout. Joint Bone Spine, 2011, 78: 35–40.

Hyperuricémies et gouttes secondaires (tableau 26.2) Gouttes enzymopathiques Deux enzymopathies, dont les gènes sont situés sur le chromosome X, peuvent être responsables d'une hyperproduction considérable d'acide urique. Le déficit complet (maladie de Lesch-Nyhan) ou partiel en HGPRT : l'accumulation de PRPP non utilisé pour

resynthétiser du nucléotide est disponible pour initier la synthèse de novo. En outre, l'hypoxanthine et la guanine, ne pouvant être récupérées pour refaire des nucléotides, se transforment obligatoirement en xanthine puis en acide urique (« emballement du cycle court »). On a rapporté quelques cas familiaux d'hyperactivité de la PRPPsynthetase. L'accumulation de PRPP a été démontrée dans plusieurs autres circonstances dont la glycogénose hépatique type I, où

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Chapitre 26. La goutte   305 Tableau 26.2 Facteurs de risque de la goutte.

Facteurs génétiques

Par hyperproduction

Par hypoexcrétion

Déficit (partiel ou total) (maladie de Lesch-Nyhan) en ⁎ HGPRT Glycogénose de type 1 Hyperactivité de la ⁎ PRPP Synthase

Mutations de gènes codant pour les molécules du transportasome rénal de l'acide urique

Facteurs Saturnisme environnementaux Hémopathies Psoriasis

Médicaments

Alimentation riche en purines Consommation de fructose Consommation d'alcool

nombreux (voir tableau 26.3)



HGPRT : hypoxanthine guanine phosphoribosyl transférase ; PRPP : phosphoribosyl pyrophosphate.

le déficit en glycose-6 phosphatase qui interdit la transformation en glucose du glucose-6-phosphate qui prend la voie de pentoses jusqu'au ribose 5-phosphate précurseur du PRPP. L'augmentation du catabolisme des acides nucléiques endogènes dans toutes les affections dans lesquelles il existe une lyse cellulaire importante et rapide qui libère ainsi une grande quantité d'acides nucléiques qui vont être catabolisés. C'est le cas des hémopathies où l'on trouve jusqu'à 60 % d'hyperuricémie. Il s'agit surtout d'hémopathies de longue durée : polyglobulies essentielles et splénomégalies myéloïdes, mais aussi de leucémies myéloïdes chroniques, d'anémies hémolytiques chroniques comme la drépanocytose, de polyglobulies secondaires des cardiopathies cyanogènes. Les cytolytiques induisent des hyperuricémies par le même mécanisme. C'est aussi le cas du psoriasis dans lequel l'uricémie moyenne et la fréquence de l'hyperuricémie sont plus élevées que chez des témoins. L'hyperuricémie est proportionnelle à l'étendue de la dermatose. Toutes les hyperuricémies par hypercatabolisme des acides nucléiques s'accompagnent d'une hyperuricurie. L'augmentation du catabolisme des acides nucléiques alimentaires est attestée par la rareté des hyperuricémies et de la goutte en période de disette (Deuxième Guerre mondiale en Europe) et la plus grande fréquence d'obésité dans un groupe d'hyperuricémiques que dans un groupe témoin, avec réduction de l'uricémie lors du régime amaigrissant. Le facteur le plus évident est l'excès de protides alimentaires purinogènes et, à plus forte raison, l'excès des aliments purinophores, mais ce facteur est peut-être le moins important en pratique. L'insuffisance rénale est génératrice d'hyperuricémie. Cependant, la clairance de l'acide urique diminue moins que celle de la créatinine : l'urico-élimination tubulaire est moins réduite que la filtration glomérulaire. L'acidocétose diabétique peut s'accompagner d'hyperuricémie par diminution de l'élimination rénale, due probablement à l'action inhibitrice de l'acide béta-hydroxybutirique et de l'acide acéto-acétique sur les transporteurs.

Hyperuricémies et gouttes médicamenteuses Les diurétiques (surtout les thiazidiques, le furosémide, l'acide étacrynique) diminuent l'élimination rénale. Cette hyperuricémie a pu être notée chez 75 % des patients traités par ces diurétiques. Inversement, parmi les hyperuricémiques dépistés dans un hôpital américain, 20 % étaient traités par diurétiques. La liste des médicaments pouvant entraîner une hyper­ uricémie est longue (tableau 26.3). Citons divers syndromes avec hyperuricémies. Le myxœdème dans lequel l'uricémie est supérieure à celle des témoins et l'opothérapie substitutive normalise les chiffres d'hyperuricémie, l'hyperparathyroïdie, l'hypoparathyroidie, la sarcoïdose, l'intoxication chronique au béryllium, l'adénolipomatose de Launois-Bensaude, le syndrome de Schwatz-Bartter, la trisomie 21.

Hyperuricémies et gouttes « primitives » La majorité des cas d'hyperuricémie et de goutte ne répondent pas aux facteurs étiologiques précités. Dans plus de 90 % des cas de « gouttes primitives », on constate une diminution de l'élimination rénale comme en témoigne une uricurie inférieure à 600 mg/j : ce sont des sujets hypoexcréteurs bien qu'hyperuricémiques. Comme l'agrégation familiale de la maladie est fréquente (≈ 30 %) et que quelques protéines de transport rénal des urates sont identifiées, les études génétiques modernes avec analyses systématiques du génome prolifèrent (plus d'une quinzaine à ce jour). La dernière en date, japonaise, étudie une population de goutteux bien définis [3]. Trois principaux gènes retrouvés dans un grand nombre d'ethnies, dont des variants alléliques, ont été incriminés concernent URAT1 et SLC2A9 (transporteurs de la réabsorption) et ABCG2 (transporteur de la sécrétion). Selon les allèles exprimés, le risque d'hyperuricémie varie. Chaque gène n'explique qu'une petite partie de la variation de l'uricémie, mais leur association augmente linéairement ce risque (jusqu'à un risque relatif de 41 pour 3 gènes associés) [4]. Jusqu'à 18 gènes sont suspectés aujourd'hui. Surtout, certains de ces gènes codent pour des ­transporteurs Tableau 26.3 Médicaments pouvant induire une hyperuricémie. Acide nicotinique Aliskirène Amphotéricine B Antirétroviraux : ritonavir, lopinavir, didanosine Immunodépresseurs : ciclosporine A, tacrolimus Cytotoxiques par lyse des cellules tumorales Diurétiques (furosémide, thiazidiques, acétazolamide, acide étacrynique) Éthambutol Ivabradine Lévodopa Norépinéphrine et angiotensine Oméprazole Pyrazinamide Salicylés à faibles doses Tériparatide Théophylline L'association de plusieurs de ces médicaments majore le risque.

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306   Partie V. Arthropathies microcristallines régissant aussi le transfert de glucose et de fructose (SLC2A9) permettant de mieux comprendre la relation avec des facteurs d'environnement (voir infra). Le rôle de l'hérédité dans ce cas semble net et on connaît d'importantes agrégations d'hyperuricémie dans l'entourage familial des goutteux. Il s'agirait, cependant, d'une hérédité multifactorielle. Les facteurs d'environnement (comme le rôle de l'alimentation) ne sont pas négligeables.

Physiopathologie de la crise de goutte Chez l'hyperuricémique idiopathique, le pool miscible de l'acide urique est augmenté : 1 600 à 4 000 mg. En cas de goutte tophacée, il augmente de 2 à 25 fois plus, suggérant qu'une partie au moins des dépôts tophacés participe au pool échangeable, ce qui explique la « fonte » des tophus sous traitement hypo-uricémiant. L'acide urique du pool est d'autre part renouvelé en permanence : chez l'homme normal, 65 % du pool est renouvelé chaque jour. Ce turn-over de l'acide urique représente donc environ 700 mg/jour. Chez le goutteux, ce turn-over peut atteindre 5 à 10 grammes. La présence d'une hyperuricémie pendant des années conduit à la cristallisation sous forme de cristaux d'urate de sodium dans les tissus sursaturés, principalement le cartilage articulaire et la membrane synoviale mais aussi la peau, les ligaments, l'os, le rein. La solubilité des urates dépend du pH, de la température, de l'hydratation des tissus et de la concentration en cations.

Déclenchement de la crise Ces « microtophus » peuvent se rompre et libérer les cristaux dans la cavité articulaire qui activent les cellules ­pro-inflammatoires du système immunitaire inné (polynucléaires neutrophiles, synoviocytes A macrophagiques, cellules dendritiques) par trois mécanismes complémentaires  [5–7] : ■ interaction entre les cristaux et les phospholipides de la membrane plasmique qui active le système Syk (Spleen tyrosine kinase) intracellulaire conduisant à l'activation des cellules dendritiques ; ■ liaison des cristaux aux TLR2 et 4 (Toll-like Receptors) engendrant l'activation de la voie NF-KB et la production de pro-IL1 inactive ; ■ phagocytose des cristaux  : le phagolysosome libère la cathepsine  B qui s'associe à plusieurs molécules dont l'inflammasome NLRP3 pour activer la capsase-1 qui transforme la pro-IL1 inactive en IL-1 active. Ainsi sont libérées de nombreuses cytokines (IL-1, IL-6, IL-8, TNFα). Le passage de ces cytokines dans la circulation générale rend compte des signes généraux de la maladie parfois observés (fièvre, frissons). Localement, ces cytokines favorisent le recrutement de polynucléaires neutrophiles au site inflammatoire. Ces polynucléaires vont phagocyter les microcristaux d'urate et mourir en libérant dans le milieu extracellulaire les enzymes lysosomiales pro-inflammatoires des phagolysosomes, ainsi que d'autres médiateurs de l'inflammation (radicaux libres, prostaglandines, leucotriènes). Enfin, les microcristaux d'urate activent des facteurs humoraux (activation du complément, facteur Hageman). Ce dernier génère la kallicréine, la bradykinine et la plasmine. La plasmine est activatrice des métalloprotéases.

Résolution spontanée de la crise Le point particulier de la crise de goutte est son caractère autolimité à quelques jours. Plusieurs facteurs se conjuguent pour expliquer cette résolution spontanée de l'inflammation : ■ La chaleur locale liée à l'hyperhémie peut favoriser la dissolution des cristaux d'urates dont la taille s'est par ailleurs réduite par fragmentation due aux radicaux libres. ■ Les cristaux adsorbent à leur surface différentes protéines. Au début de la crise, ils sont recouverts d'immunoglobulines IgG très phlogogènes. Ensuite, d'autres protéines moins phlogogènes prennent le relais (apolipoprotéines apo B et apo E, fibronectine) et limitent ainsi la réaction inflammatoire. ■ Les médiateurs de l'inflammation sont consommés au cours du phénomène inflammatoire. ■ Enfin, on trouve dans le liquide synovial du goutteux des inhibiteurs (inhibiteurs de l'Il-1, récepteurs solubles du TNF) ou des molécules naturelles anti-inflammatoires (IL-10, TGFß).

Épidémiologie La fréquence de l'hyperuricémie varie selon les pays. En France, on ne dispose que d'enquêtes fragmentaires qui font état de 5 à 18  % d'hommes hyperuricémiques. Les hommes sont touchés 10  fois plus souvent que les femmes. Ces hyperuricémies commencent à la puberté chez l'homme, à la ménopause chez la femme, sauf dans les hyperuricémies par déficit enzymatique ou l'anomalie débute dès la naissance. La goutte est le plus fréquent des rhumatismes inflammatoires de l'homme adulte. Sa prévalence va croissant ces dernières décennies, du fait du vieillissement des populations, de l'utilisation croissante des diurétiques pour traiter l'hypertension artérielle, des changements alimentaires et de l'augmentation alarmante de l'obésité. La prévalence de la goutte au Royaume-Uni comme en Allemagne est de 1,4 % [8]. En France, une étude récente en population générale l'établit à 0,9 % de la population adulte [9]. Une prédisposition familiale est retrouvée chez environ 30 % des goutteux.

Facteurs de risque (tableaux 26.2 et 26.4) Hyperuricémie C'est le facteur majeur de goutte : l'incidence annuelle de la goutte passe de 1 % pour une uricémie  10 g/j)

1,2

Sodas sucrés • 5–6/semaine • 1/j • ≥ 2/j

1,2 1,5 1,9

Diurétiques

1,7

Obésité

3,8

Hypertension artérielle

3,9

Coronaropathie

1,7

Diabète sucré

1,1

Insuffisance rénale chronique

5,0

Hypertriglycéridémie

1,3



Le rôle de la génétique a été évoqué plus haut.

Hyperuricémie, goutte et syndrome métabolique

*

RR ajusté sur l'âge, le sexe, les autres facteurs de risque. Tous ces facteurs de risques sont statistiquement significatifs. Les intervalles de confiance 95 % sont consultables dans les références. Source : d'après [10–12, 17].

Sexe Les hommes sont 4 à 9 fois plus touchés que les femmes. La goutte féminine s'observe surtout après la ménopause (les œstrogènes sont hypo-uricémiants) et le traitement hormonal substitutif fait baisser l'uricémie de 2,4 mg/L.

Alimentation Connu de longue date, ce facteur de risque a été réévalué à travers des études prospectives incluant des milliers de sujets suivis pendant des années, exempts de goutte au départ [10–12]. Le risque de goutte est corrélé aux apports en aliments purinophores, ainsi qu'à l'ingestion de bière (avec ou sans alcool), d'alcools forts, de sodas sucrés riches en fructose. Les purines végétales, le vin, le thé ne semblent pas avoir d'influence.

Le syndrome métabolique se définit par l'association d'une obésité androïde et deux des 4  comorbidités suivantes  : diabète, hypertension, hypertriglycéridémie et un taux d'HDL-cholestérol  80 mg/L, soit 480 μmol/L) et/ou des comorbidités.

6

Sous hypo-uricémiants, l'uricémie doit être maintenue  1 an, existence de signes radiologiques d'arthrose et résection de + de 50 % du ménisque sont des facteurs péjoratifs après une résection partielle [174]. Pour les ligaments croisés, le traitement chirurgical précoce ou différé, aussi bien que la rééducation seule, donnent des résultats comparables, mais ne semblent pas diminuer le risque de survenue d'une arthrose [175]. Les ostéotomies de l'extrémité supérieure du tibia pour gonarthrose fémoro-tibiale interne (ou de l'extrémité inférieure du fémur, plus difficiles et plus rarement pratiquées, pour une gonarthrose fémoro-tibiale externe), par soustraction, addition ou rotation, sont de moins en moins pratiquées alors qu'elles donnent de bons résultats, freinant l'évolution structurale et symptomatique de l'arthrose pendant une dizaine d'années en moyenne. Le retour à une vie normale nécessite cependant 3–4 mois en moyenne. La reprise ultérieure par prothèse totale peut être rendue plus difficile du fait de cette ostéotomie [176]. Les prothèses unicompartimentales (PUC). Bien que les indications soient différentes, en pratique les PUC ont tendance à remplacer les ostéotomies. Ces dernières donneraient de meilleurs résultats fonctionnels (sur la mobilité),

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Chapitre 29. Arthrose   379 mais un peu moins bons sur la douleur que les PUC [177]. Les prothèses totales : environ 150 000 PTH (dont la moitié pour coxarthrose) et 85 000 PTG (dont ≈ 90 % pour gonarthrose) par an en France. Leur taux de survie (sans descellement) est de l'ordre de ≈ 85 % à 25 ans. L'efficacité estimée par le chirurgien est de l'ordre de 95 % des cas, qu'il s'agisse de prothèse de hanche ou de genou. La satisfaction du malade est moindre (de l'ordre de 80 %), cependant, 10 ans après la prothèse le niveau d'activité des patients reste largement supérieur à ce qu'il était avant l'opération [178]. Cimentée ou non, quel couple de frottement, quelle taille de la tête ? Ces aspects techniques relèvent du chirurgien. Surtout, si la prothèse se décèle et doit être changée au fil des ans, la reprise donne encore 80 % de bons résultats pour la hanche, mais tombe à 50 % pour le genou. Attention aux ossifications péri-prothétiques ! Elles se développent volontiers sur les coxarthroses « hypertrophiques », c'est-à-dire très prolifératives avec volumineux ostéophytes, comme on les voit dans les coxarthroses secondaires à une hyperostose vertébrale ankylosante ou une maladie osseuse de Paget où le taux d'ossification périarticulaire post-prothèse peut atteindre 80 % des cas. Seuls 10 à 20 % de ces ossifications sont assez volumineuses pour entraîner un retentissement clinique (douleur, raideur), mais lorsque c'est le cas, il n'y a pas de traitement curatif, sauf à réopérer pour enlever ces ossifications. En revanche, il existe un traitement préventif : cure de dix jours d'AINS en postopératoire immédiat. Ces ossifications ne se voient pas au genou. La distraction articulaire par fixateur externe, chez le sujet jeune avec une arthrose avancée de la cheville [179] ou du genou [180] peut être une alternative, malgré le risque de complications, notamment d'infection au point d'entrée des fixateurs externes [181]. Les greffes chondrocytaires autologues, la mosaïcplastie, les microfractures, techniques utilisées depuis plus de 30 ans, ne sont indiquées que pour traiter les pertes de substances cartilagineuses localisées, chez le sujet jeune, mais pas pour l'arthrose [182].

Moyens pharmacologiques Paracétamol et AINS par voie générale (voir Partie IX) Bien que son efficacité soit minimale [183], le paracétamol, par sa bonne tolérance et son faible coût, est indiqué en première intention, d'autant que près de la moitié des malades (48 %) ne notent pas de supériorité de l'AINS sur cet antalgique [184]. Le paracétamol, souvent déjà connu des malades, doit faire l'objet d'une explication lorsqu'on le prescrit dans l'arthrose, c'est-à-dire pour une période plus ou moins prolongée : à prendre toutes les six à huit heures (durée d'action courte). Sa tolérance est bonne, tant d'un point de vue digestif que cardio-vasculaire ou rénal, mais il semble raisonnable de limiter la posologie à 3 g/j en cas d'insuffisance rénale sévère ou d'hépatopathie. L'efficacité des AINS est jugée « moyenne » (effect size), mais elle est durable dans le temps et se manifeste dès les doses dites « antalgiques » des AINS, d'où l'intérêt de rechercher la dose minimale utile. On observe cependant une grande variabilité inter-individuelle qui justifie d'essayer quelques jours plusieurs AINS successifs en cas d'échecs des

premiers. Nous ne connaissons pas de facteurs prédictifs de réponse clinique aux AINS. Le taux de maintien thérapeutique (5–20 % à un an) est fonction de la persistance des symptômes et souvent de la tolérance clinique. Il est recommandé de ne les prescrire que sur des périodes relativement courtes, pour passer un cap douloureux ou avant d'entreprendre un traitement non pharmacologique [185]. Les AINS topiques (crèmes, gels, patches), appliqués localement, pénètrent la barrière cutanée et se retrouvent en concentrations utiles dans les tissus articulaires alors que leurs taux sériques sont 100 fois moindres que lors d'une administration per os, expliquant leur meilleure tolérance générale, notamment digestive. Leur efficacité dans des arthroses superficielles comme le genou ou les doigts est avérée, mais s'estompe rapidement (en quelques semaines). Le NNT moyen est de l'ordre de 7 à 10 [186].

Antalgiques de paliers 2 & 3 Tramadol et codéine, seuls ou associés au paracétamol, ne font guère mieux que le paracétamol et plutôt moins bien que les AINS. Ils peuvent être prescrits en cas d'intolérance aux AINS, mais ils ont leurs propres effets secondaires qui en font interrompre souvent l'utilisation. Les opioïdes forts (morphiniques) n'ont pas de place dans le traitement de l'arthrose [187].

Anti-arthrosiques d'action lente (AASAL) Cette classe thérapeutique (glucosamine sulfate, chondroïtine sulfate, diacerhéine, extraits insaponifiables d'avocat-soja) a été définie sur les critères purement cliniques, comme possible traitement de fond de la maladie : action antalgique légère et différée, effet retard, bonne tolérance (sauf pour la diacerhéine qui donne des diarrhées). De très nombreuses études ont été publiées, montrant leur activité in vitro, sur les arthroses expérimentales, leur capacité à améliorer l'état clinique et celle à freiner l'évolution structurale de la maladie. Mais ces résultats n'étaient pas toujours reproductibles, et quand ils étaient statistiquement significatifs, ils peinaient à être cliniquement pertinents (dernière revue en date, concernant la glucosamine [188]). De ce fait, ils ont été déremboursés en France et non remboursés dans la plupart des pays. Ils ne sont plus proposés que comme compléments alimentaires.

Injections de corticoïdes (voir Partie IX) Les infiltrations de corticoïdes dans l'articulation arthrosique sont réalisées depuis plus de 50 ans (première infiltration : Hollander, 1951). Plusieurs méta-analyses [189] ont montré la supériorité des corticoïdes injectés dans une articulation par rapport à un placebo. Il ne semble pas exister de différence d'efficacité entre les différents corticoïdes injectables sauf, peut-être, pour l'Hexatrione®. Cette injection peut soulager rapidement une poussée douloureuse d'arthrose, surtout si elle est hydarthrodiale, mais son effet s'estompe en quelques semaines. Le NNT est estimé à 3–4 dans le traitement de la gonarthrose au bout d'un mois. Nous ne disposons pas de critère prédictif de réponse clinique. Leur innocuité est acquise (hors sepsis : 1 cas toutes les 50 à 70 000 infiltrations), si les précautions d'emploi sont respectées (pas sous anticoagulants, si la peau en regard est le siège de lésions infectieuses, si une infection générale est présente,

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380   Partie VI. Pathologies articulaires dégénératives et pathologies ab-articulaires ­ rudence en cas de diabète, d'hypertension instable). Leur évenp tuel rôle délétère sur le cartilage arthrosique est largement compensé par son action anti-inflammatoire sur la synoviale, à la condition – raisonnable et pragmatique – de ne pas en faire plus de 2–3 par an. Une infiltration de corticoïdes est à éviter quand une prothèse doit être implantée dans les mois qui suivent [190]. Le recours à l'amplificateur de brillance, l'échographie ou le scanner s'impose pour infiltrer une articulation profonde (hanche). Il est souhaitable pour beaucoup d'articulations, car les études contrôlées ont montré la grande fréquence d'infiltrations péri-articulaires plus que réellement intraarticulaires lorsque le repérage est fait par simples repères anatomiques. Or, le résultat est d'autant meilleur que l'infiltration est bien intra-articulaire.

Acides hyaluroniques Les injections d'acides hyaluroniques se pratiquent selon la même technique. Composant principal du liquide synovial, l'acide hyaluronique dans l'arthrose est de concentration et de poids moléculaire diminués. Compenser en administrant un acide hyaluronique de fort poids moléculaire est la base de ce qu'on appelle la « visco-supplémentation ». Le succès du concept ne doit pas faire oublier qu'il est probablement faux : l'acide hyaluronique injecté ne reste que quelques heures à quelques jours dans l'articulation avant d'être détruit. Par contre, les études in vitro montrent son action stimulante sur les synoviocytes comme sur les chondrocytes, stimulation qui favorise la production d'acide hyaluronique endogène. Classés dans le groupe des anti-arthrosiques d'action lente, ces acides hyaluroniques injectables sont des dispositifs médicaux. Ils s'avèrent utiles avec une efficacité (effect size) allant de 0,21 à 0,37 (pour mémoire : paracétamol : 0,21, sérum physiologique : 0,29). Leur bonne tolérance, leur possible capacité à retarder l'heure de la prothèse [191] en font un moyen modeste, mais utile pour prendre en charge les gonarthrosiques [192], même s'ils viennent, eux aussi, d'être déremboursés par la Sécurité sociale en 2017 pour « service médical rendu insuffisant ».

Plasma riche en plaquettes (PRP) Malgré toutes les limitations existant dans l'évaluation de cette technique d'injection locale (voir chapitre 32, « Tendinopathies »), la dernière méta-analyse en date semble montrer un effet supérieur des PRP intra-articulaires dans la gonarthrose par rapport aux autres traitements locaux (sérum physiologique, corticoïdes, acide hyaluronique) tant sur la douleur que sur la fonction, avec un recul de 12 mois et une bonne tolérance [193].

Indications Principes de base Depuis près de vingt ans, des recommandations européennes et internationales font régulièrement des propositions de plus en plus précises [134, 194] pour prendre en charge les coxarthroses et les gonarthroses et l'arthrose des mains (figure 29.31).

Prise en charge globale Comme toute maladie chronique et douloureuse, l'arthrose génère une gêne fonctionnelle et un handicap qui retentissent sur la vie quotidienne, professionnelle et personnelle, et donc

sur l'affect du malade. Anxiété et dépression ne sont pas rares. Tous ces facteurs doivent être pris en compte simultané­ ment pour obtenir un résultat. De ce fait, la prise en charge de l'arthrosique est multidisciplinaire et médecin généraliste, rhumatologue, médecin rééducateur ou kinésithérapeute, chirurgien orthopédiste, psychologue, diététicien, ont un rôle à jouer selon les formes et les phases de la maladie.

Traitement personnalisé La prise en charge du malade arthrosique doit être personnalisée en tenant compte : ■ des facteurs de risque locaux (obésité, facteurs mécaniques, degré d'activité physique, dysplasies) et généraux (âge, sexe, comorbidité, co-prescriptions), ■ du degré de douleur, de gêne fonctionnelle, de handicap, ■ de la localisation et du degré d'atteinte radiologique, ■ des desiderata et des attentes du patient.

Grandes lignes [195, 196] Le traitement de base est univoque : les exercices au sens large du terme (voir plus haut). Toutes les autres modalités thérapeutiques ne sont là que pour atteindre cet objectif : ■ calmer la douleur pour pouvoir bouger (antalgiques, AINS, infiltration de corticoïdes, aides techniques), ■ maigrir si besoin pour diminuer la charge articulaire et la micro-inflammation due aux adipokines, ■ rééducation pour renforcer le tonus musculaire et lutter contre la raideur.

Facteurs limitants Ils sont au nombre de deux : ■ pour mettre en place ce schéma thérapeutique, il faut l'expliquer, obtenir l'adhésion du patient, bref : faire de l'information et de l'éducation thérapeutique. Mais cela prend du temps et notre organisation de soins en pratique libérale n'est pas adaptée. Certaines structures pourraient être mieux à même d'atteindre cet objectif : structures hospitalières, centres de rééducation, stations thermales, tous lieux où le patient est disponible pendant une durée excédant celle d'une simple consultation. Encore ­faudrait-il que cette éducation soit valorisée. ■ toute intervention non pharmacologique implique, beaucoup plus que la prise quotidienne de quelques pilules, un changement de mode de vie de la part du patient, ce qui est le plus difficile à obtenir. Là encore, seule l'éducation thérapeutique peut agir. Moyennant quoi, le suivi de patients au long cours – la cohorte KHOALA par exemple – montre clairement que les patients qui suivent ces recommandations de base parce qu'ils se les sont appropriées, vont mieux que les autres, recourent moins aux soins, ont une meilleure qualité de vie.

En pratique Traiter la douleur Le paracétamol est a priori indiqué devant une douleur mécanique. Les AINS le sont plus volontiers devant une poussée aiguë. L'infiltration de corticoïdes est d'autant plus indiquée qu'il existe un épanchement.

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Chapitre 29. Arthrose   381

AINS Antalgiques 2 TENS

Paracétamol

Semelles

Cortisone locale

Canne

EXERCICES Informer/Éduquer Maigrir si besoin Orthèses Chaud/froid Physiothérapie AINS topiques

Prothèse

Cure thermale

Traitement de base En deuxième intention si besoin : options pharmacologiques les mieux tolérées Tout le reste : troisième intention, selon besoins Déconseillés : antiarthrosiques d’action lente, acides hyaluroniques, acupuncture

Figure 29.31 Recommandations anglaises (NICE) pour la prise en charge de l'arthrose. Source : d'après National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE). Osteoarthritis: the care and management of osteoarthritis in adults. Clinical guideline 59. Fev 2008 (22 p).

Premières années de l'arthrosique L'important est de faire comprendre à ces malades, généralement en pleine période d'activité professionnelle, qui commencent à souffrir, qu'ils sont atteints d'une maladie chronique qui ne va pas disparaître. Il ne faut ni affoler ni minimiser. Des mesures doivent être prises, surtout des mesures non pharmacologiques. Des explications et des conseils d'économie articulaire doivent être donnés, l'éducation thérapeutique commencée à ce stade.

Poussée d'arthrose Associée ou non à un épanchement, elle n'est pas forcément un signe de gravité qui compromet l'avenir. Il faut la traiter immédiatement, évacuer l'épanchement, infiltrer avec un corticoïde ou prescrire des anti-inflammatoires et respecter un repos articulaire pendant 8 à 15 jours. Repos articulaire ne veut pas dire repos couché, mais mise en décharge de l'articulation avec une, voire deux cannes anglaises. Au décours de la poussée, un à deux mois plus tard, après un bilan de l'arthrose et du mode de vie du patient, pédagogie et moyens non pharmacologiques reprennent le pas sur les moyens médicamenteux utilisés pour juguler la poussée. Les acides hyaluroniques sont indiqués

après échec des traitements pharmacologiques antalgiques usuels, selon les recommandations, mais de préférence sur une arthrose pas trop évoluée. Une à 3 injections (selon produit) à une semaine d'intervalle. Une cure par an et par genou à ne renouveler qu'en cas d'efficacité. L'existence d'un épanchement n'est pas une bonne indication et doit être évacué avant (évacuation associée au mieux à l'injection d'un corticoïde). Les indications d'ostéotomie ou de PUC sont à discuter  : patient actif  35° [3]. Il faut cependant que la radiographie de l'articulation glénohumérale soit strictement de face (ie que les bords antérieur et postérieur de la glène se superposent au mieux) : toute variation de plus de 5° en anté- ou en rétro-version de la scapula fait varier le CSA de plus de 2° [35]. En prenant en compte trois variables indépendantes, l'âge, la notion de traumatisme et le CSA, les mêmes auteurs [36] ont établi une formule permettant de prédire le risque de lésions de la coiffe avec une sensibilité de 84 % et une spécificité de 81 % : Score de lésion de la coiffe = (âge – 50) + 5 (CSA – 35) + 15 x trauma Dans cette équation, on note le poids de l'âge (ce qui est bien connu), mais aussi celui du CSA, plus important que celui du traumatisme, pour prédire le risque de lésions de la coiffe (voir tableau 30.2). CSA : critical shoulder angle.

Figure  30.4 Angle critique de l'épaule. CSA  : critical shoulder angle., Source : Moor BK, Bouaicha S, Rothenflush DA et al. Is there an association between the individual anatomy of the scapula and the development of rotator cuff tears or osteoarthritis of the glenohumeral joint? A radiological study of the critical shoulder angle. Bone Joint J, 2013, 95B : 935–41.

Tableau 30.2 Probabilité d'avoir une atteinte de la coiffe (quelle que soit son importance) en fonction du score de lésion de la coiffe. Score de risque  30

Trauma (-)

3 %

10 %

39 %

63 %

87 %

Trauma (+)

13 %

37 %

61 %

90 %

97 %

Cotation du trauma : présent : 1 ; absent : 0. Source : d'après Moor BK, Wieser K, Slankamenac K et al. Relationship of individual scapular anatomy and degenerative rotator cuff tears. J Shoulder Elbow Surg, 2014, 23 : 536–41.

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394   Partie VI. Pathologies articulaires dégénératives et pathologies ab-articulaires

Épidémiologie L'incidence des tendinopathies de l'épaule en population générale n'est pas clairement établie, estimée à travers une revue de la littérature entre 7 et 67 % [9]. Ce qui est connu, en revanche, est leur augmentation avec l'âge, le fait qu'elles soient le 3e motif de consultation pour pathologies musculosquelettiques auprès du généraliste, derrière lombalgies et cervicalgies, et qu'elles représentent plus de la moitié des douleurs de l'épaule.

Examen clinique de l'épaule Le grand signe d'appel est la douleur. La raideur est rarement au-devant de la scène et motif isolé de consultation.

Interrogatoire Il précise les caractéristiques de la douleur et son retentissement fonctionnel.

Douleur Elle peut être de début aigu ou progressif, spontanée ou post-traumatique. Elle siège au moignon de l'épaule, descend parfois à la face antérieure ou externe du bras. Elle peut irradier au cou, posant alors le problème du diagnostic différentiel avec une névralgie cervico-brachiale (voir chapitre 8 « cervicalgie et névralgie cervico-brachiale »). Elle survient lors d'efforts répétés avec mouvement du bras au-dessus de l'horizontale, associée parfois à une sensation d'accrochage ou de passage douloureux. La douleur des tendinopathies peut avoir une recrudescence nocturne qui réveille le patient, l'empêchant de dormir sur son épaule. C'est une douleur faussement inflammatoire.

Retentissement fonctionnel Il est évalué par la description de la gêne à réaliser certains gestes simples de la vie quotidienne : se peigner, enfiler un vêtement, boucler le soutien-gorge, attraper un objet placé sur une étagère haute, pratiquer certains sports, notamment de raquette… Mais il n'y a pas de parallélisme entre la ­s évérité des lésions anatomiques et le degré de gêne fonctionnelle. Il faut distinguer : ■ l'impotence douloureuse en rapport direct avec l'intensité des douleurs masquant tout le reste, notamment la véritable impotence par perte de force ; ■ l'impotence fonctionnelle qui traduit une perte de force qui peut avoir plusieurs types de présentation clinique : de la simple fatigabilité à l'effort dans certaines circonstances (mouvements répétitifs, utilisation prolongée des bras en avant du plan du corps ou au-dessus du plan des épaules) jusqu'à la véritable épaule pseudo-­paralytique en élévation, rare, mais de plus mauvais pronostic fonctionnel. Comme tous les scores algo-fonctionnels, le score de Constant [10] intègre la douleur et la gêne fonctionnelle à faire des mouvements de la vie quotidienne avec l'épaule (tableau 30.3).

Tableau 30.3 Score de Constant. 1 – Douleur (total = 15)

Points

aucune légère modérée sévère

15 10 5 0

2 – Activités journalières (total = 20) 1re partie Votre activité professionnelle est-elle limitée par votre épaule ?   (non : 4 points, limitation sévère : 0 point) Votre activité de loisir et/ou sportive est-elle limitée par votre épaule ?   (non : 4 points, limitation sévère : 0 point) Votre sommeil est-il troublé par la douleur ?   (non : 2 points, perturbation importante : 0 point) TOTAL

4

4

2 10

2e partie À quel niveau pouvez-vous vous servir raisonnablement de votre bras ? • ceinture • xiphoïde • cou • tête • au-dessus de la tête

2 4 6 8 10

3 – Mobilité active indolore (mesurée au goniomètre) (total = 40) 0 – 30° 31– 60° 61 – 90° 91 – 120° 121 – 150° 151 – 180°

Élévation antérieure 0 2 4 6 8 10

Abduction 0 2 4 6 8 10

Rotation externe fonctionnelle main derrière la tête, coude en avant main derrière la tête, coude en arrière main sur la tête, coude en avant main sur la tête, coude en arrière élévation complète depuis le sommet de la tête TOTAL

2 2 2 2 2 10

Rotation interne fonctionnelle dos de la main : au niveau de la cuisse dos de la main : au niveau de la fesse dos de la main : au niveau du sacrum dos de la main : au niveau de L3 dos de la main : au niveau de T12 dos de la main : au niveau de T7-T8

0 2 4 6 8 10

4 - Force (moyenne de 3 mesures tenues 5 secondes chacune) : 2,2 points⁎ par kg, maximum 12 kg.

25 points maximum

Valeurs fonctionnelles normales du score de Constant en fonction de l'âge et du sexe (moyenne des deux épaules).

Tranches d'âge

Hommes

Femmes

21–30

98

97

31–40

93

90

41–50

92

80

51–60

90

73

61–70

83

70 (Suite)

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Chapitre 30. Tendinopathies de l'épaule    395 Tableau 30.3 Suite. Tranches d'âge

Hommes

Femmes

71–80

75

69

81–90

66

64

91–100

56

52

Plus le score est élevé, meilleur est l'état de l'épaule (score maximum théorique = 100 points). ⁎ 2,2 correspond au facteur de conversion des livres en kg. Source : Constant CR, Murley AHG. A clinical method of functional assessment of the shoulder. Clin Orthop Relat Res, 1987, 214 : 160–4. Disponible sur : https://www.springer.com/medicine/orthopedics/journal/11999

■ sillon delto-pectoral, ■ articulation sterno-claviculaire. Externe : sous-acromial. Supérieurs : ■ acromio-claviculaire, ■ échancrure coracoïdienne. Postérieur : à l'insertion scapulaire du muscle élévateur de la scapula. La découverte d'un ou de plusieurs points douloureux n'a guère de valeur localisatrice, sauf pour l'articulation acromio-claviculaire et l'échancrure coracoïdienne, repères ostéo-articulaires fixes.

Examen clinique

Recherche d'un épanchement articulaire

L'examen clinique d'une épaule avec une pathologie de la coiffe des rotateurs est difficile, l'expérience de l'examinateur est déterminante. Une analyse sémiologique fine, programmée, toujours selon le même schéma, permet le plus souvent de faire un diagnostic lésionnel précis sans avoir recours aux examens complémentaires sophistiqués. L'examen est comparatif, standardisé, malade nu jusqu'à la ceinture. Hiérarchiser les tests, du moins douloureux au plus douloureux, pour ne pas parasiter le reste de l'examen par les réactions douloureuses.

N'est mis en évidence que s'il est abondant : gonflement homogène, surtout antérieur, du moignon de l'épaule, masse fluctuante, à comparer avec le côté opposé.

Inspection Regarder le malade se déshabiller et observer une ecchymose, une dermatose, une cicatrice. Rechercher une asymétrie de hauteur des 2 moignons des épaules. Préciser une éventuelle attitude antalgique, au maximum, le membre atteint est soutenu par le membre opposé (classique attitude du « traumatisé du membre supérieur »). Rarement, le moignon de l'épaule est augmenté de volume (épanchement). Surtout, comparer les reliefs musculaires (deltoïde, trapèze supérieur, supra- et infra-épineux par l'étude des fosses correspondantes), articulaires (acromio- et sterno-claviculaires) et le positionnement de la scapula dans les 3 plans de l'espace. Par la simple inspection, on peut ainsi faire le diagnostic : ■ d'une paralysie du nerf axillaire (n. circonflexe) devant une amyotrophie du deltoïde (post-traumatique), ■ d'une paralysie (exceptionnelle) du nerf sus-scapulaire devant une atrophie des fosses supra- et infra-épineuses (qui est beaucoup plus souvent satellite d'une épaule qui souffre de façon chronique), ■ d'une paralysie de la branche latérale du nerf accessoire devant l'atrophie du muscle trapèze supérieur associée à une abduction permanente de la scapula, ■ d'une paralysie du nerf thoracique long (muscle dentelé antérieur du thorax) devant un décollement du bord médial de la scapula (pseudo scapula alata) aggravée quand on demande au sujet de « faire des pompes » contre le mur, ■ d'une luxation sterno-claviculaire antérieure, d'une rupture du chef long du biceps brachial.

Palpation Recherche de points douloureux Antérieurs : de dehors en dedans ■ le long de la gouttière bicipitale (en imprimant des petits mouvements de rotations interne/externe au bras, coude au corps, à 90° de flexion, le doigt de l'examinateur sent bien la dépression de la gouttière),

Recherche d'une amyotrophie Par palpation comparative des différents muscles de la région, notamment trapèze, deltoïde, grand pectoral, supra et infra-épineux, teres minor, grand dorsal.

Étude des mouvements normaux Mouvements analytiques actifs Flexion (ou antépulsion ou élévation antérieure), extension (ou rétropulsion), abduction (ou élévation latérale), rotation interne ou médiale, rotation externe ou latérale.

Mouvements combinés (gestes usuels) Main-bouche, main-front, main-nuque, main-vertex, mainépaule opposée, main-fesse, main-dos, main-scapula.

Recherche d'un arc douloureux à l'élévation du membre supérieur ■ Entre 60 et 90°, il traduit l'accrochage d'une lésion tendineuse de la coiffe dans le défilé sous-acromial. Cet accrochage apparaît à l'élévation et surtout à la redescente du bras, obligeant parfois le patient à retenir son bras avec la main opposée pour passer la zone douloureuse. ■ Au-delà de 120°, il oriente plutôt vers une pathologie de l'articulation acromio-claviculaire.

Recherche d'une pseudo-paralysie La perte de l'élévation active oriente vers une paralysie vraie, en particulier du muscle deltoïde ou, plus souvent vers une pseudo-paralysie par rupture de la coiffe des rotateurs. C'est le tableau classique d'épaule pseudo-paralytique avec ascension du moignon de l'épaule dès le démarrage de l'abduction. Le sujet peut, en revanche, très facilement lever le bras au zénith en s'aidant du membre supérieur controlatéral. Ce tableau classique est pathognomonique d'une rupture de la coiffe, mais il est peu fréquent : bon nombre de ruptures de coiffe gardent une mobilité active normale ou subnormale.

Mouvements passifs Rotation latérale étudiée coude au corps, fléchi à 90°, de façon comparative.

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396   Partie VI. Pathologies articulaires dégénératives et pathologies ab-articulaires Rotation médiale étudiée par la manœuvre main-dos en notant jusqu'où la main peut monter sur la colonne dorsale. Abduction passive en maintenant simultanément le bord libre de la scapula, pour éviter la compensation au niveau de l'espace de glissement scapulo-thoracique.

Manœuvres spécifiques De très nombreux tests cliniques ont été décrits dont l'objectif est d'arriver à un diagnostic lésionnel10.

Tests de conflit sous-acromial Ils identifient le mécanisme pathogénique en cause en cherchant à reproduire les douleurs spontanées et/ou l'impotence fonctionnelle lors de manœuvres reproduisant le conflit entre la coiffe et l'arche acromiale. Impingement sign de Neer  : signe d'incarcération. Il reproduit l'accrochage douloureux spontané du patient par l'élévation passive du bras. L'examinateur se place derrière le patient qui est assis ou debout. La rotation de la scapula est prévenue par une main, tandis que l'autre élève passivement le membre supérieur du sujet en avant (entre abduction et flexion antérieure), main en pronation (épaule en rotation interne) [4]. Cette manœuvre crée ainsi un conflit entre le tubercule majeur et le bord antéro-inférieur de l'acromion et une douleur élective reconnue par le patient. Une infiltration de 10 ml de lidocaïne à 1 % dans l'espace sous-acromial [11] permet de faire disparaître la douleur dans la demi-heure qui suit lors de la manœuvre (test de Neer). Sensibilité (Se) : 88,7 %. Signe de Hawkins [12]  : l'examinateur est devant le patient. Il élève le bras du sujet à 90° en flexion antérieure stricte, coude fléchi à 90° et il imprime alors un mouvement de rotation interne à l'articulation gléno-humérale en abaissant l'avant-bras. La rotation médiale amène le tubercule majeur sous le ligament acromio-coracoïdien et le tubercule mineur au contact du processus coracoïde. Ce test augmente le conflit antéro-supérieur ou atteste d'un conflit antérieur coracoïdien. Se : 92,1 %. Signe de Yocum  [13] : la main de l'épaule examinée est posée sur l'épaule controlatérale et on demande au sujet de lever le coude sans lever l'épaule. Il se produit un conflit d'abord entre le tubercule majeur et le ligament acromiocoracoïdien, puis avec une éventuelle ostéophytose inférieure de l'articulation acromio-claviculaire. Se : 82 %. Ces trois manœuvres de conflit sont globalement sensibles (Se), mais peu spécifiques (Sp) dans le diagnostic des tendinopathies. Cette faible spécificité peut être expliquée par la mise en rotation interne de l'épaule régulièrement douloureuse au cours de toute affection de l'épaule. La combinaison des tests augmente la spécificité : 4 tests (+) : Se = 40,3 %, Sp = 98,5 %. Deux tests (+) : Se = 77,7 %, Sp = 89,8 %. NB : • Les facteurs limitant l'interprétation de l'examen clinique sont représentés par des douleurs importantes ou par une épaule raide ou pseudo paralytique qui ne permet pas d'aller plus loin dans la réalisation de l'examen. • Initialement, un testing tendineux de la coiffe des rotateurs avait pour objectif de répondre à la question « le tendon est-il rompu ? », en recherchant un manque de force et non une douleur.

10

Tests tendino-musculaires Ils établissent le diagnostic lésionnel : si le test est réalisé sans douleur, le tendon est considéré comme normal. Un test réalisable, mais douloureux traduit une « tendinite ». Un test non réalisable signifie une rupture tendineuse. Test de Jobe (empty can test) : teste le supra-épineux. Examinateur face au patient, ce dernier place les bras tendus à 90° d'abduction, 30° de flexion antérieure (plan de la scapula), pouces vers le bas (rotation interne de la tête humérale). L'examinateur tente alors de baisser les bras du patient contre sa résistance [14]. S'il existe une rupture du supraépineux, le sujet ne peut pas s'opposer à la force exercée par l'examinateur et baisse les bras. La réponse peut être faussée par la douleur. Ainsi a-t-on proposé le full can test avec la même procédure, mais épaule en rotation externe (main en supination) pour réduire le phénomène douloureux. Test de Patte : teste les rotateurs externes (infra-épineux et teres minor). Position rotation externe  2 (RE2). De façon comparative, on teste la rotation latérale à 90° d'élévation antérieure. L'examinateur soutient le coude du patient à 90° d'élévation dans le plan de la scapula et demande au sujet d'effectuer une rotation externe contre résistance appliquée au poignet [15]. Position rotation externe 1 (RE1). Cette position évalue plus précisément l'infra-épineux. Coudes au corps, fléchis à 90°, pouces dirigés vers le haut, on demande au sujet de faire une rotation externe bilatérale à laquelle l'examinateur s'oppose de façon comparative. La perte de rotation externe active avec conservation de l'élévation antérieure se traduit par le « signe du clairon » où, pour mettre la main à la bouche, le patient doit monter le coude plus haut que l'épaule. Lift-off test de Gerber [16] : teste le sub-scapulaire. On demande au patient de placer le dos de la main dans son dos, à hauteur de la ceinture. L'examinateur décolle la main en tenant le coude pour éviter son extension, et lorsque la main est à 5-10 cm de la ceinture, il demande au patient de tenir la position. Lorsque le test est positif (rupture du subscapulaire), la main part comme un ressort et va frapper le dos (lag-sign RI). L'interprétation de ce test peut être rendue difficile en cas de rotation interne douloureuse ou limitée. Aussi Gerber a proposé un autre test, préféré actuellement, le belly press test ou test de Napoléon. Il consiste à demander au patient de pousser avec la paume de sa main sur son ventre, coude fléchi à 90°, bras à 20° de flexion antérieure. En cas de rupture du sub-scapulaire, le patient tend à ramener son coude au corps et à fléchir son poignet pour avoir plus de force. Palm-up test de Speed ou test de Gilcreest [17] : explore le chef long du biceps brachial. Le patient effectue une élévation antérieure du bras contre résistance, coude tendu, paume de la main tournée vers le haut (supination et extension du coude). Si cette manœuvre réveille une douleur à la face antérieure du bras sur le trajet du long biceps, le test est dit positif. Test de Yergason  [18] : teste le chef long du biceps. Coude fléchi à 90° avec 20° de rotation externe et main en pronation. L'examinateur serre la main du patient et demande une supination contrariée. On recherche une douleur au niveau de l'épaule. Sp : 86,1 %.

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Chapitre 30. Tendinopathies de l'épaule    397 La rupture du chef long du biceps brachial se traduit par l'apparition d'une boule molle à la face antérieure et inférieure du bras, au-dessus du pli du coude, visible lors de la flexion contrariée du coude, correspondant au corps charnu du muscle. Cette rupture n'a, en règle générale, aucune répercussion fonctionnelle du fait de la suppléance du chef court de ce même muscle. Ici aussi, globalement, Se et Sp ne sont pas très probantes, que l'examen de référence pour en juger soit le constat chirurgical [19] ou l'échographie [20, 21]. Cela serait dû en grande partie au fait que les populations étudiées sont différentes [22].

Examen locorégional et général Examen de la colonne cervicale pour vérifier la liberté du rachis cervical. La manœuvre main-dos permet de différencier une douleur scapulaire projetée d'origine cervicale où la rotation médiale reste libre, alors que toute épaule douloureuse, quelle qu'elle soit, a une rotation médiale limitée et douloureuse. Examen vasculaire. Palpation des pouls axillaire, huméral et radial. Examen neurologique ■ Sensibilité superficielle du membre supérieur ■ Force musculaire segmentaire ■ Réflexes ostéo-tendineux Recherche d'un syndrome du défilé thoraco-brachial (manœuvres spécifiques), d'un syndrome du canal carpien ou d'une compression du nerf ulnaire au coude Examen du creux axillaire et du creux sus-claviculaire : adénopathies ? Douleurs rapportées à l'épaule d'autres origines  : colonne cervicale, viscères : cœur, poumon, diaphragme, rate, foie (douleur en bretelle). Recherche d'une altération de l'état général : asthénie, anorexie, amaigrissement non expliqué, insomnie, fièvre.

Examens complémentaires Les progrès considérables de l'imagerie ostéo-articulaire depuis 30 ans ne doivent pas faire oublier cette évidence : la radiographie standard reste l'examen de première intention. C'est le moins cher, le plus facilement accessible, le mieux connu ; s'il est contributif (> 60 % des cas), il est suffisant.

Radiographie standard de première intention Ordonnance  : « Radiographie des deux épaules de face en trois incidences (neutre, rotations interne et externe). Radiographie des deux épaules de profil de coiffe » Les trois incidences de face (en rotation externe, rotation neutre, rotation interne) permettent d'être tangent à différents plans de la tête humérale. Il s'agit d'une « fausse » face car le rayon incident est en double obliquité (pour bien enfiler l'interligne articulaire gléno-huméral). C'est un examen fait assis ou debout, épaule en traction (voir figure 28.4, chapitre 28, « Rhumatisme à apatite »). On peut lui préférer le cliché en incidence de face « vraie » ou cliché de Railhac, malade couché, rayon incident perpendiculaire à l'épaule. Facile à faire, reproductible, il a

l'avantage de mieux montrer l'espace sous-acromial souvent intéressé dans les pathologies de la coiffe. Il a l'inconvénient de moins bien visualiser l'interligne gléno-huméral. Il est moins performant pour détecter une arthrose débutante. Le cliché de profil de coiffe (appelé aussi profil de Neer, ou profil de Lamy, ou profil sous-acromial) visualise parfaitement le pôle supérieur de la tête humérale, mais ne voit pas les rapports entre la tête et la glène. Pour cela, il faut demander un profil de Bernageau ou un profil axillaire (dans un contexte d'instabilité de l'épaule). Un cliché de face en abduction contrariée (manœuvre de Leclerq) montre une ascension de la tête humérale sous l'effet de l'action des muscles abducteurs, traduisant une lésion de la coiffe des rotateurs (perte de leur action stabilisatrice).

Examens d'imagerie de seconde intention Quand la radiographie standard n'est pas ou peu contributive (normale ou subnormale et peu significative). Devant un tableau de tendinopathie de l'épaule, l'IRM n'est justifiée que dans le cadre d'un bilan pré-interventionnel, c'est-à-dire après l'échec d'un traitement médical bien conduit pendant quelques mois.

Échographie C'est l'examen le plus intéressant dès qu'on soupçonne une pathologie tendineuse ou bursale. Les sondes linéaires de haute fréquence permettent une excellente analyse de la structure tendineuse. Cet examen permet une étude dynamique à la recherche d'un conflit et l'ajout d'un examen Doppler détecte les phénomènes inflammatoires. Il peut aussi découvrir un épanchement de synovie, une synovite, une subluxation du tendon du biceps, une lésion des ligaments coraco-huméral et gléno-huméral supérieur, une amyotrophie et/ou une infiltration graisseuse des muscles de la coiffe. Reproductible dans des mains entraînées, il est l'examen de deuxième intention, après la radiographie standard.

IRM C'est l'examen de choix. Elle renseigne sur tous les tissus qui ne se voient pas sur la radiographie standard : cartilage, os sous-chondral, synoviale, tendons et muscles, bourrelet glénoïde. Elle met en évidence des anomalies du signal au sein du tendon atteint, base de la classification de Zlatkin [23] : ■ Stade 0 : morphologie et intensité du signal du tendon normales, ■ Stade 1 : augmentation du signal intra-tendineux sans anomalie d'épaisseur et sans discontinuité, ■ Stade 2 : augmentation du signal et irrégularité d'épaisseur du tendon avec zones d'amincissement, ■ Stade 3 : rupture du tendon. La notion de rupture tendineuse est souvent floue dans la littérature. Il faut distinguer : ■ la ou les simples fissures (le plus souvent à la face inférieure, articulaire de la coiffe, sinon à sa face supérieure, plus rarement, intra-tendineuse), ■ la fissure transfixiante, sur toute l'épaisseur du tendon, créant une communication avec l'articulation, ■ la rupture complète du tendon.

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398   Partie VI. Pathologies articulaires dégénératives et pathologies ab-articulaires Son principal inconvénient  : examen très sensible, il détecte des anomalies qui se voient chez des sujets asymptomatiques, posant la question de leur interprétation (voir paragraphe « physiopathologie ») Son principal avantage : faire le diagnostic de pathologies tendineuses à un stade pré-fissuraire, et faire le diagnostic de maladies plus rares, invisibles à la radiographie standard au début  : fracture de fatigue, ostéonécrose du condyle, algodystrophie sympathique réflexe, chondromatose synoviale primitive, synovite villo-nodulaire.

Scintigraphie osseuse Elle n'a pas d'indication devant une pathologie de l'épaule simple.

Épaule douloureuse simple prolongée Il s'agit d'un tableau d'épaule douloureuse simple qui ne guérit pas au bout de 3  mois. L'examen clinique trouve habituellement, associé aux signes de souffrance tendineuse, des signes de conflit sous-acromial, objectivés par les manœuvres de Neer, de Hawkins ou de Yocum. La radiographie des 2 épaules de face en rotation neutre évalue la forme du bec de l'acromion, l'aspect du tubercule majeur, la qualité de l'espace sous-acromial et du cintre omo-huméral.

Épaule impotente pseudo-paralytique Elle correspond à une rupture tendineuse spontanée ou traumatique, partielle ou complète.

Arthroscopie Il est contre-indiqué de faire une arthroscopie à visée purement diagnostique.

Les différents tableaux de tendinopathies de l'épaule Épaule douloureuse simple Il s'agit d'un tableau très fréquent (15 à 25 % des motifs de consultation en rhumatologie de ville), observé le plus souvent après 40 ans. Il est habituel de distinguer deux formes : l'épaule douloureuse simple et l'épaule douloureuse simple prolongée, définie par une durée supérieure à 3 mois. Elle est due à une inflammation tendineuse réversible (simple œdème du tendon) et fait suite à un traumatisme, à une sollicitation anormale de l'épaule, mais peut survenir sans cause déclenchante apparente. Les douleurs siègent au moignon de l'épaule et peuvent irradier à la face antérieure ou externe du bras, rarement plus bas, jusqu'à la main. Les douleurs sont déclenchées par ­certains mouvements de l'épaule, notamment lors de l'habillage, lorsque le patient se coiffe ou porte un objet à la bouche. Il peut exister des réveils nocturnes, le plus souvent positionnels. À l'examen, les mouvements passifs de l'épaule ont une amplitude normale, même s'ils sont douloureux en fin de course. L'examen doit alors situer le siège de l'atteinte tendineuse : supra-épineux ou long biceps dans la plupart des cas (tests tendino-musculaires). Les tests de conflit sous-­ acromial sont négatifs. Aucun examen complémentaire n'est justifié devant ce tableau de tendinite récente de l'épaule.

Rupture sur tendon antérieurement sain C'est un tableau douloureux aigu, témoin habituel de la rupture du supra-épineux, s'intégrant dans le cadre d'un traumatisme direct sur l'épaule ou d'un effort violent. Associés à la douleur, l'examen clinique note : ■ une perte de la mobilité active du bras (épaule pseudo-paralytique), ■ une mobilité passive strictement normale (+++), ■ un examen neurologique normal.

Rupture sur tendon antérieurement lésé La rupture est l'aboutissement des tendinites devenues chroniques, précédée de douleurs fréquentes, parfois nocturnes, déclenchées par des efforts minimes. La rupture est rarement franche et brutale, responsable comme précédemment d'un tableau de pseudo-paralysie. Elle est souvent progressive avec diminution de la force musculaire et amyotrophie des fosses sus- et sous-épineuses. La rupture du long biceps s'accompagne d'une douleur vive, en éclair, de siège antérieur, suivie d'une ecchymose fréquente. À la contraction du bras, le chef externe du biceps est ramassé sur lui-même à la partie inférieure du bras. Une telle rupture peut parfois être favorisée par une infiltration malheureuse intra-tendineuse. Elle est rarement isolée, mais plutôt partie d'une atteinte globale de la coiffe. Ce tableau de pseudo-paralysie se voit d'autant plus que le nombre de tendons rompus est élevé (tableau 30.4), mais à l'inverse, la rupture complète des tendons de la coiffe ne génère un tel tableau que dans moins de 40 % des cas [24].

Tableau 30.4 Pourcentage d'épaules pseudo-paralytiques en fonction du diagnostic lésionnel (à partir de 592 épaules opérées). Diagnostic lésionnel

Ruptures partielles

Rupture isolée Rupture biceps sus-épineux

Rupture subscapulaire

Ruptures sus- et sous-épineux

Ruptures Ruptures sus-épineux et sus- et soussubscapulaire épineux + subscapulaire

Épaules pseudoparalytiques

0 %

0 %

6 %

12,6 %

26 %

4,5 %

39 %

Source : Walch G, Boileau P, Noël E, Liotard JP, Dejour H. Surgical treatment of painful shoulders caused by lesions of the rotator cuff and biceps, treatment as a function of lesions. Reflexions on the Neer's concept. Rev Rhum, 1991, 58 : 247–57.

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Chapitre 30. Tendinopathies de l'épaule    399

Évolution (figure 30.5) La perforation de la coiffe des rotateurs peut entraîner une omarthrose, retentissement sur le cartilage de l'atteinte périarticulaire. Il s'agit d'une arthrose secondaire, excentrée, avec ascension de la tête humérale. Elle se voit surtout chez le sujet âgé : ■ souvent asymptomatique, c'est une perte modérée des amplitudes articulaires, aussi bien en actif qu'en passif, traduisant l'incarcération de la tête humérale sous l'acromion. ■ parfois responsable d'un tableau aigu avec tuméfaction de l'épaule et ecchymose du bras, réalisant le tableau de l'épaule sénile douloureuse hémorragique. Le diagnostic est radiologique. Les radiographies des 2 épaules montrent : ■ une ascension permanente de la tête humérale avec rupture du cintre omo-huméral et diminution de l'espace sous-acromial, ■ une abrasion du tubercule majeur, ■ une néoarthrose acromio-humérale, ■ une ostéophytose de la tête humérale et/ou de la glène.

Diagnostic différentiel Autres pathologies de l'épaule Citées en introduction.

Rares ( 3 x normale) OU ACPA fortement positif (> 3 x normale)

3

Durée des symptômes (0-1) > 6 semaines

0

≥ 6 semaines

1

Biologie inflammatoire (0-1) CRP normale ET VS normale

0

CRP anormale OU VS anormale

1

Résultat

Total

PR = score ≥ 6

sont normales, ce sont alors les caractéristiques cliniques de l'atteinte articulaire, la présence ou non d'un syndrome inflammatoire et d'auto-Ac qui font retenir le diagnostic de PR si le score atteint est d'au moins 6 points, en accord avec le tableau 36.1.

Évolution de la polyarthrite rhumatoïde Outils de surveillance L'évolution ne se conçoit que chez un patient traité. Le traitement doit être mis en route dès le diagnostic posé. Le patient sera revu au début de façon rapprochée (une fois tous les 1 à 3 mois), avec comme objectif l'obtention de la rémission ou l'activité inflammatoire la plus basse possible. Les outils de surveillance sont cliniques, biologiques et radiologiques.

Examen clinique Il doit être capable de quantifier l'activité inflammatoire de la PR et l'outil de mesure actuellement le plus utilisé est le DAS28VS (Disease Activity Score défini sur l'examen de 28 articulations). Il s'agit d'un critère composite intégrant le nombre d'articulations douloureuses, le nombre d'articulations gonflées, l'activité de la maladie définie par le patient sur une EVA allant de 0 à 100 et le résultat

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462   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Figure 36.4 Algorithme à suivre pour pouvoir appliquer les nouveaux critères ACR/EULAR 2010 pour le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde.

de la vitesse de sédimentation. Ces 4  paramètres permettent de calculer une valeur qui définit l'activité de la maladie. Celle-ci est dite importante si elle est supérieure à 5,1, modérée si elle comprise entre 3,2 et 5,1, faible entre 2,6 et 3,2. Le patient est considéré en rémission pour un DAS28VS inférieur à 2,6. C'est le score le plus anciennement utilisé et le mieux connu des rhumatologues pour évaluer l'activité de la maladie mais d'autres outils ont été élaborés : DAS28CRP, DAS44, SDAI (Simplified Disease Activity Index), CDAI (Clinical Disease Activity Index). Chacun de ces outils doit permettre au clinicien d'évaluer la réponse au traitement. Ils servent d'aide à la décision thérapeutique. Ils permettent de définir la rémission clinique. Ils ne résument pas l'examen clinique qui doit concerner l'ensemble des articulations et comporter un examen général. À l'examen clinique sera associée l'évaluation de la qualité de vie, habituellement par des auto-questionnaires comme le HAQ (Health Assessment Questionnaire).

Biologie Elle permet de mesurer l'inflammation par la VS et la CRP, deux examens qui font partie de la plupart des indices composites précédemment cités. La biologie sert à s'assurer de la bonne tolérance des traitements, le bilan minimal comportant un hémogramme, les transaminases et la créatinine. La fréquence à laquelle ce bilan sera élargi et répété sera fonction du traitement en cours.

Imagerie Elle est indispensable pour évaluer l'atteinte structurale. Elle concerne avant tout la radiographie standard des mains et des avant-pieds, ainsi que toute articulation cliniquement symptomatique. Au cours des deux premières années de la maladie, ce bilan radiographique sera répété tous les 6 mois, puis à une fréquence élargie selon le contrôle de l'activité inflammatoire obtenu par le traitement. L'échographie est de plus en plus utilisée pour surveiller l'activité inflammatoire

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Chapitre 36. Polyarthrite rhumatoïde   463 de la membrane synoviale sur les articulations touchées par le processus inflammatoire. Idéalement, l'échographie est le prolongement de l'examen clinique articulaire [12].

L'évolution favorable : rémission ou activité basse La rémission est la situation au cours de laquelle le traitement permet un contrôle complet de la PR : aucune articulation gonflée, aucune articulation douloureuse, inflammation biologique contrôlée, absence de progression des lésions structurales. Un score du DAS28VS inférieur à 2,6 témoigne de l'état de rémission. Un état de rémission est obtenu dans plus de 30 % des cas si l'intervention thérapeutique est précoce et de qualité [13].

L'évolution défavorable : inflammation chronique et lésion articulaire Si les progrès thérapeutiques permettent d'obtenir une rémission dans 30 % des cas, l'évolution persiste encore, faite de poussées successives, chez la plupart des patients. Le pronostic a cependant été largement amélioré et les destructions rapides et sévères associées à des atteintes viscérales graves deviennent de plus en plus rares.

Atteinte articulaire clinique Elle traduit la persistance des arthrites et des ténosynovites, à l'origine des déformations. Les mains sont touchées dans 90 % des cas. Les doigts sont le siège de déformations caractéristiques de la maladie : coup de vent cubital, tuméfaction des 2e et 3e MCP, déformation en col de cygne (hyper-extension de l'IPP et flexion de l'IPD), en boutonnière (flexion de l'IPP et hyper­extension de l'IPD) ou en maillet (chute en flexion de la dernière phalange), pouce en Z. Il est important d'évaluer la qualité de la pince pollicidigitale (opposition du pouce aux autres doigts). Au poignet, les lésions articulaires peuvent entraîner une subluxation ventrale du carpe, une inclinaison radiale et surtout une luxation de la styloïde cubitale, à l'origine d'un signe de la touche de piano, parfois à l'origine d'une rupture des extenseurs des 4e et 5e doigts. Les ténosynovites sont fréquentes. L'atteinte des tendons fléchisseurs réalise une tuméfaction de la paume, parfois responsable d'un syndrome du canal carpien. L'atteinte des avant-pieds est tout aussi fréquente que celle des mains. Elle est souvent plus précoce. Il peut s'agir d'une déformation du gros orteil en hallux valgus, du 5e orteil en quintus varus avec avant-pied triangulaire. Les orteils peuvent être déformés avec un coup de vent péronier ou des orteils en griffe, à l'origine de durillons ulcérés par un conflit pied-chaussure. L'atteinte de la voûte plantaire est responsable d'un pied plat valgus « inflammatoire». Une arthrite peut toucher l'articulation tibio-talienne, l'articulation sous-talienne ou l'ensemble des articulations du tarse. Les ténosynovites du tibial postérieur, des fibulaires ou du tibial antérieur sont fréquentes. L'atteinte du genou est souvent précoce, hydarthrodiale (avec épanchement). L'épanchement doit être ponctionné, permettant une analyse du liquide articulaire. L'hydarthrose peut se compliquer d'un kyste poplité, à l'origine de douleurs postérieures ou d'un tableau de pseudo-phlébite par

compression des éléments vasculaires du creux poplité. La déformation peut se faire en flexum, à l'origine d'un retentissement fonctionnel très invalidant. À l'inverse, l'atteinte de la hanche est habituellement tardive. Elle réalise une coxite déminéralisante avec pincement articulaire homogène et évolue vers la protrusion acétabulaire. Elle est source d'un handicap majeur. L'épaule est souvent touchée, parfois très précocement. Il s'agit d'une bursite sous-acromio-deltoïdienne qui s'étend ensuite à la cavité articulaire. Douloureuse, elle est responsable d'une limitation précoce des amplitudes articulaires. L'examen radiologique dépiste une déminéralisation épiphysaire et une ulcération du sulcus, à la partie supérieure de la jonction tête-col. L'atteinte du coude se traduit par une perte de l'extension. La synovite doit être recherchée entre l'olécrâne et la tête du radius. L'articulation peut être le siège d'un épanchement abondant. Synovite et hydarthrose peuvent être responsables d'une compression neurologique de voisinage : compression du nerf ulnaire au coude. L'atteinte de la charnière cervico-occipitale représente la principale localisation rachidienne de la PR. Elle est responsable de cervicalgie d'horaire inflammatoire. La luxation atloïdo-axoïdienne antérieure est liée à la rupture du ligament transverse de l'atlas. Souvent latente cliniquement, elle peut se compliquer de compression médullaire. Elle doit être recherchée par une IRM. Les articulations temporomaxillaire et sternoclaviculaire peuvent également être touchées au cours de la PR.

Signes radiologiques Ils apparaissent rapidement, au cours de 2 à 3 premières années le plus souvent. La persistance d'une inflammation locale expose l'articulation à des lésions souvent irréversibles (figure 36.5), se traduisant par un pincement articulaire global (c'est la chondrolyse), et des érosions osseuses (à la jonction de la membrane synoviale et de l'os par action destructrice du pannus rhumatoïde). Des scores lésionnels ont été développés pour le suivi évolutif de ces lésions, mais ils ne sont utilisés que dans les essais cliniques.

Figure  36.5 PR établie. Radiographie des avant-pieds de face montrant de nombreuses érosions associées à une chondrolyse.

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464   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires L'échographie et l'IRM donnent une image plus précise de la synovite et des lésions structurales, mais leur place respective dans le suivi de la pathologie reste à définir.

Signes biologiques Ils sont essentiellement la VS et la CRP, corrélées à l'activité de l'inflammation synoviale, reflet de l'efficacité du traitement. Il est inutile de répéter plus d'une fois la recherche d'autoAc si elle s'est avérée positive.

Manifestations extra-articulaires Elles sont rarement inaugurales et sont plutôt associées aux formes les plus sévères. Du fait de l'amélioration de l'efficacité des traitements, elles deviennent moins fréquentes.

Signes généraux Ils se voient surtout au début, lors de l'installation de la maladie sur un mode aigu. Ils peuvent ensuite se répéter lors des poussées évolutives. L'asthénie est souvent marquée. Une fébricule est plus rare.

Nodosités sous-cutanées ou nodules rhumatoïdes Ils représentent la manifestation extra-articulaire la plus fréquente de la maladie (environ 20 % des patients). Il s'agit de tuméfactions sous-cutanées fermes, mobiles, arrondies et indolores, siégeant électivement à la face postérieure des avant-bras, à la région olécrânienne, au dos de la main à proximité des articulations touchées, plus rarement sur les genoux, les tendons d'Achille, le cuir chevelu… Ils peuvent régresser spontanément. Dans les zones exposées aux traumatismes (région olécrânienne), ils peuvent s'ulcérer et s'infecter. Les signes histologiques sont caractéristiques : zone centrale de nécrose fibrinoïde, entourée d'une bordure palissadique d'histiocytes et d'un tissu conjonctif infiltré de plasmocytes et de lymphocytes. Les nodules rhumatoïdes sous-cutanés sont très caractéristiques de la PR, mais non absolument spécifiques. Ils peuvent se voir au cours d'autres connectivites et même de façon isolée, en l'absence de toute autre maladie (nodulite rhumatoïde). Ils peuvent être trouvés ailleurs qu'en position sous-cutanée, dans le parenchyme pulmonaire en particulier.

Adénopathies Elles sont présentes dans 30 % des cas. Elles sont surtout palpées aux aisselles, aux gouttières sus-épitrochléennes et aux aines. Histologiquement, elles correspondent à des adénopathies dysimmunitaires sans aucun signe de malignité (respect des structures ganglionnaires normales). Une splénomégalie est exceptionnellement rencontrée au cours de la PR. Associée à une leucopénie et à des ulcères de jambe, elle définit alors le syndrome de Felty (rare : moins de 1 % de l'ensemble des PR).

Syndrome de Raynaud Il n'est pas rare au cours de la PR (5 à 10 % des cas).

Syndrome de Gougerot-Sjögren Il peut être associé à la PR, marqué par la présence simultanée d'une xérophtalmie et d'une xérostomie. La kératite sèche du Gougerot-Sjögren doit être distinguée des atteintes oculaires rares mais propres à la PR : épisclérite et sclérite.

Manifestations pulmonaires Elles sont fréquentes, souvent asymptomatiques, surtout au début [14]. Le cliché thoracique standard est rarement capable de les identifier précocement et c'est le scanner thoracique, réalisé chez tout patient symptomatique (toux, dyspnée, anomalies auscultatoires) qui pourra révéler une bronchiolite, une pneumopathie organisée ou plus souvent une pneumopathie interstitielle diffuse non spécifique ou commune (figure 36.6). Cette atteinte représente la manifestation pulmonaire la plus fréquente : 5 à 20 % des cas selon les auteurs. La radiographie montre des opacités réticulonodulaires. Les épreuves fonctionnelles respiratoires permettent le suivi de cette fibrose. Elles témoignent d'un syndrome restrictif avec diminution de la diffusion de l'oxyde de carbone. Le lavage broncho-alvéolaire montre une augmentation des cellules : polynucléaires et lymphocytes. Il est parfois difficile de distinguer la fibrose interstitielle rhumatoïde de la fibrose interstitielle iatrogène. Par contre, la pleurésie exsudative rhumatoïde est rare (1 % des cas), souvent unilatérale. L'épanchement se manifeste par une douleur thoracique latérale basse, une toux et une dyspnée. L'épanchement est jaune clair, riche en facteurs rhumatoïdes, pauvre en glucose. La cellularité est variable, souvent entre 1 000 à 5 000 cellules/mm3 (polynucléaires et lymphocytes). Elle guérit le plus souvent en moins de 3 mois, spontanément ou sous l'effet d'un traitement corticoïde.

Atteintes cardiovasculaires Elles se résumaient autrefois à la péricardite rhumatoïde habituellement asymptomatique, aux troubles de la conduction et aux exceptionnelles lésions valvulaires. Aujourd'hui, la maladie coronarienne et les accidents vasculaires cérébraux, conséquences de la maladie athéromateuse, font partie de la polyarthrite rhumatoïde, à l'origine de l'augmentation de la morbi-mortalité cardiovasculaire observée dans cette maladie. Les causes de cette artériosclérose précoce sont plurielles : impact de l'état inflammatoire chronique, surreprésentation de certains facteurs de risque comme le tabac, utilisation prolongée des corticoïdes et des AINS [15]. L'évaluation de ce risque cardiovasculaire devra être réa­ lisée pour tout patient et prise en compte pour les décisions thérapeutiques.

Manifestations cliniques de vascularite Elles compliquent surtout les PR anciennes, nodulaires et destructrices. Elles sont habituellement associées à la présence de facteurs rhumatoïdes, à des anticorps antinucléaires et parfois à une baisse du complément sérique. Les signes cliniques sont polymorphes  : signes cutanés (micro-infarctus digitaux, ulcères cutanés, purpura vasculaire, livedo réticulaire, gangrène des doigts et des orteils…), signes neurologiques (polynévrite, multinévrite sensitivomotrice), signes musculaires, digestifs ou oculaires.

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Chapitre 36. Polyarthrite rhumatoïde   465

Figure  36.6 Illustration des différentes atteintes pleuro-pulmonaires possibles au cours de la PR. P.O.  : pneumopathie organisée ; É. Pleural : épanchement pleural ; PID : pneumopathie interstitielle diffuse ; PINS : pneumopathie interstitielle non spécifique ; PIC : pneumopathie interstitielle commune. Source : Philippe Dieudé, service de rhumatologie, hôpital Bichat, AP-HP, Paris.

Amylose secondaire C'est une complication tardive des PR très inflammatoires. Elle devient exceptionnelle du fait d'un meilleur contrôle du syndrome inflammatoire.

Traitement La PR récente constitue aujourd'hui une maladie pour laquelle l'objectif thérapeutique est bien défini : obtention de la rémission, ou à défaut de l'activité inflammatoire la plus basse possible [8,16]. Cette stratégie, qui consiste à définir, à expliquer et à partager avec le patient l'objectif du traitement, est dite stratégie ciblée (Treat to Target des Anglo-Saxons). Elle s'associe à un suivi clinique régulier dont le but est de s'assurer de la bonne tolérance du traitement et d'identifier rapidement les insuffisances du traitement de manière à pouvoir l'intensifier si nécessaire (Tight control des Anglo-Saxons). Le clinicien peut s'aider des recommandations émises par l'EULAR ou par la Société Française de Rhumatologie pour élaborer cette stratégie (figure 36.7 et encadré 36.1).

Mise en place du programme de soins Elle comporte plusieurs étapes.

Annonce de la maladie et l'information sur la prise en charge Elles sont importantes pour rassurer le patient, optimiser l'observance thérapeutique et améliorer le suivi. L'éducation thérapeutique fait partie intégrante des actions à mettre en place [17,18]. Le programme de soins sera partagé avec le médecin généraliste qui doit être tenu informé et qui aura aussi pour mission, en fonction de la sévérité de la maladie, de faire la demande de mise en Affection de Longue Durée (ALD n° 22 : PR évolutive grave).

Bilan pré-thérapeutique Il doit être réalisé rapidement, sans trop retarder la mise en place du traitement. Il comporte : ■ un bilan biologique de base qui servira au suivi ultérieur  : hémogramme, transaminases, et créatinine. L'électrophorèse des protides et un dosage pondéral des immunoglobulines peuvent être utiles pour s'assurer de l'absence de déficit immunitaire ; ■ un cliché thoracique. Les patients à risque respiratoire (forte intoxication tabagique, BPCO, DDB, insuffisant respiratoire…) feront l'objet d'explorations plus poussées : scanner, explorations fonctionnelles. La décision thérapeutique sera précédée d'un avis spécialisé.

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466   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Figure 36.7 Algorithme de prise en charge de la PR selon les recommandations de 2014 de la Société Française de Rhumatologie. (A) stratégies thérapeutiques dans la PR débutante. (B) Stratégies thérapeutiques dans la PR en insuffisance de réoibse au méthotrexate.

(C) Stratégies thérapeutiques dans la PR en insuffisance de réponse à une biothérapie. Les facteurs prédictifs de sévérité sont donnés dans le tableau 36.2. Source A à C : Gaujoux-Viala C, Gossec L, Cantagrel A et al. Recommandations de la Société française de rhumatologie pour la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde. Rev Rhum 2014, 81 : 303–12.

Encadré 36.1 Recommandations de la Société Française de Rhumatologie pour la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde (actualisation en 2013). Principes généraux La prise en charge optimale des patients atteints de PR nécessite une concertation entre le rhumatologue et le patient, dans le cadre d'une décision médicale partagée reposant sur l'information et l'éducation du patient.

b

Le rhumatologue est le spécialiste qui doit prendre en charge les patients atteints de PR. Le médecin généraliste joue un rôle important pour la détection de la maladie et le suivi du patient en coordination avec le rhumatologue.

c

Le coût important de la polyarthrite rhumatoïde, de ses conséquences et de ses traitements, à l'échelon individuel et sociétal, devrait être pris en considération dans les orientations thérapeutiques .

a

Recommandations 1

Le diagnostic de PR doit être : (a) évoqué devant certains signes cliniques tels qu'un gonflement articulaire (arthrite clinique), une raideur matinale de plus de 30 min, une douleur à la pression transverse des mains ou des avant-pieds ; (b) confirmé par des examens biologiques (vitesse de sédimentation, C-Reactive Proteine, anticorps anti-protéines citrullinées [ACPA], facteurs rhumatoïdes) et d'imagerie (radiographies ± échographie), après avoir éliminé les diagnostics différentiels.

2

Dès que le diagnostic de PR est posé, un traitement de fond doit être débuté.

3

L'objectif du traitement est la rémission clinique ou, au minimum, la faible activité pour chaque patient, afin de prévenir la progression structurale et le handicap.

4

La rémission clinique est définie par l'absence de signes et symptômes d'activité inflammatoire significative. L'activité de la maladie doit être mesurée sur des critères composites validés, incluant les indices articulaires.

5

Le suivi de la maladie doit être fréquent (1 à 3 mois) tant que la maladie est active. S'il n'y a pas d'amélioration dans les 3 mois suivant le début du traitement, ou si l'objectif thérapeutique n'a pas été atteint à 6 mois, le traitement doit être ajusté.

6

Le méthotrexate est le traitement de fond de première ligne chez les patients ayant une PR active ; la dose optimale doit être atteinte au maximum en 4 à 8 semaines.

7

Chez les patients naïfs de traitement de fond, en cas de contre-indication au méthotrexate ou d'intolérance précoce, le léflunomide ou la sulfasalazine sont des alternatives thérapeutiques.

8

Dans l'attente de l'efficacité du traitement de fond, une corticothérapie peut être proposée en respectant une dose cumulée faible, si possible sur une période maximale de 6 mois. La corticothérapie sera diminuée aussi rapidement que possible.

9

Chez les patients insuffisamment répondeurs ou intolérants au méthotrexate, et : (a) en présence de facteurs de mauvais pronostic, l'ajout d'un biomédicament peut être proposé (anti-TNF, abatacept ou tocilizumab et dans certaines circonstances rituximab⁎). (b) en l'absence de facteurs de mauvais pronostic, une combinaison de traitements de fond synthétiques (méthotrexate/ sulfasalazine/hydroxycholoroquine) ou bien une rotation pour un autre traitement de fond de synthèse (léflunomide, sulfasalazine) peuvent être proposées. En cas d'échec (ou de contre-indication), un biomédicament doit être envisagé.



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Chapitre 36. Polyarthrite rhumatoïde   467



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468   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Recommandations 10

Tous les biomédicaments doivent être utilisés préférentiellement en association avec le MTX.

11

Les patients en échec d'un premier biomédicament doivent être traités par un autre biomédicament ; les patients en échec à un premier anti-TNF peuvent recevoir un 2e anti-TNF ou un biomédicament reposant sur un autre mode d'action.

12

En cas de rémission persistante, et après arrêt des corticoïdes (ou décroissance à une dose ≤ 5 mg/j), on peut envisager une décroissance du biomédicament.

13

En cas de rémission persistante prolongée, une réduction progressive des traitements de fond conventionnels synthétiques peut être considérée, dans le cadre d'une décision médicale partagée entre le patient et le médecin.

14

Le choix et l'adaptation thérapeutiques doivent intégrer d'autres facteurs que la mesure de l'activité de la maladie, comme la progression structurale, les maladies associées, la tolérance des traitements et l'avis du patient.

15

Une prise en charge globale du patient atteint de PR doit être proposée, intégrant outre les traitements médicamenteux, des mesures d'éducation thérapeutique, la prise en charge des comorbidités et, selon les cas, un soutien psychologique, un accompagnement socio-professionnel, la rééducation fonctionnelle ou le recours à la chirurgie.

*Si contre-indication aux autres biomédicaments notamment.

■ Les infections latentes seront cherchées, en raison de l'immunodépression à laquelle le patient sera exposé sous l'action des traitements : culot urinaire, état dentaire, sérologie des hépatites virales B et C et éventuellement, selon le terrain, sérologie HIV. Le dépistage des tuberculoses latentes serait indispensable si une biothérapie était envisagée. Ce dépistage peut être envisagé dès le début de la maladie, avant même l'introduction d'un immunosuppresseur. Cela n'exclura pas la possibilité de refaire ce dépistage au moment de l'introduction du traitement, si les tests étaient antérieurement négatifs. ■ Le carnet vaccinal sera contrôlé et mis à jour selon les besoins. Les vaccinations pourraient être moins efficaces après l'introduction d'un traitement immunosuppresseur et les vaccins vivants seront contre-indiqués (rougeole, oreillons, rubéole, rotavirus, varicelle, fièvre jaune et zona). ■ Les comorbidités (ou pathologies associées) seront évaluées. La présence d'un diabète, d'une hypertension artérielle, de facteurs de risque cardiovasculaire, d'une ostéoporose, des antécédents de cancer sont des éléments qui vont intervenir dans les choix thérapeutiques. Cette évaluation sera renouvelée au cours de l'évolution de la maladie, surtout dans les formes les plus sévères.

Mise en place du premier traitement de fond Elle doit être réalisée dès lors que le diagnostic est posé. Les différents traitements de fond (DMARDs) synthétiques et biologiques sont décrits chapitre 53. Le méthotrexate est considéré aujourd'hui comme le traitement de référence à proposer en première ligne en l'absence de contre-indication [19]. La posologie sera rapidement montée jusqu'à 20 mg, voire 25 mg par semaine si la tolérance le permet. Une coprescription d'acide folique permet de réduire le risque de certains effets indésirables du méthotrexate. Il a été montré que tout retard à l'initiation de ce premier traitement de fond réduit les chances d'obtenir une rémission. Idéalement, le traitement devrait pouvoir être initié dans les 6 à 12 semaines qui suivent le début des signes cliniques d'arthrite.

Contrôle de la douleur et de l'inflammation Il doit rester une préoccupation première. Les antalgiques et les anti-inflammatoires ont toute leur place pour atteindre

cet objectif. L'utilisation de la cortisone pourra être envisagée si les signes inflammatoires sont importants. Une infiltration intra-articulaire sera réalisée en cas d'atteinte de grosses articulations. Sinon, il pourra s'agir d'une corticothérapie orale ou parentérale sur quelques jours à quelques semaines, les recommandations étant l'utilisation la plus parcimonieuse possible de la corticothérapie, en évitant toute prescription prolongée au delà de 6 mois. Ainsi, une brève corticothérapie, soit intra-musculaire sous forme d'une seule injection de 120 mg de solumédrol, soit orale en débutant à 30 mg en une prise le matin pendant 2 semaines, puis diminution par paliers jusqu'à l'arrêt total à 3 mois peut être utile pour contrôler rapidement les douleurs et l'inflammation, réduire le risque érosif ultérieur, faciliter l'efficacité du traitement de fond mis en place et mettre le patient en confiance. Mais l'information associée à la prescription de la cortisone est essentielle pour limiter les risques ultérieurs d'auto-prescription.

Suivi et adaptation thérapeutique Évaluation de l'efficacité du traitement Il est admis que le premier traitement fond doit être prescrit rapidement, dès le diagnostic posé, à la posologie optimale, sous réserve d'une bonne tolérance. Pour le méthotrexate, la recommandation actuelle est d'atteindre la pleine posologie en 4 à 8 semaines. L'objectif du traitement est la rémission clinique ou, au minimum, la faible activité, ceci dans le but de prévenir les lésions structurales. Le suivi de la maladie doit être fréquent tant que la maladie est active. L'efficacité du traitement doit être évaluée (DAS28VS ou autre score d'activité) à 3 mois et à 6 mois. S'il n'y a pas d'amélioration dans les 3 mois suivant le début du traitement ou si l'objectif n'a pas été atteint à 6 mois, le traitement doit être ajusté.

Évaluation de la tolérance du traitement La poursuite du traitement ne peut être envisagée que si la tolérance est bonne. La surveillance est clinique par l'interrogatoire et l'examen du patient. Certains signes sont considérés comme mineurs et habituellement passagers en début de traitement : nausées, perte d'appétit, céphalées, fatigue… Il est nécessaire de rassurer le patient pour qu'il n'arrête pas prématurément un traitement efficace.

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Chapitre 36. Polyarthrite rhumatoïde   469 À l'inverse, certaines manifestations imposent l'arrêt du traitement, en particulier des signes de pneumopathie interstitielle immunoallergique au cours d'un traitement par méthotrexate. La tolérance est également surveillée par un bilan biologique régulier, plus fréquent en début de traitement, plus espacé ensuite. Ce bilan doit comporter un hémogramme, un contrôle des transaminases et de la créatinine. Toute anomalie biologique doit faire suspecter une cause iatrogène et, selon son importance et son ancienneté, doit faire discuter une adaptation thérapeutique. L'usage prolongé des immunosuppresseurs favorise la survenue de maladies néoplasiques et nécessite une surveillance régulière pour le dépistage précoce des cancers du sein et du colon en accord avec les recommandations nationales, mais aussi du poumon et de la peau par l'examen clinique, éventuellement au cours d'une consultation spécialisée.

Ajustement du traitement Un traitement comme le méthotrexate permet d'obtenir l'objectif dans 20 à 40 % des cas. En cas de non obtention du contrôle de l'état inflammatoire, plusieurs options sont envisageables pour ajuster le traitement : ■ réalisation de gestes locaux (infiltrations de corticoïdes) si le nombre d'articulations encore inflammatoires est limité ; ■ changement de traitement de fond en proposant le léflunomide ou la sulfasalazine ; ■ addition de traitement de fond en gardant le méthotrexate auquel on peut associer sulfasalazine et hydroxychloroquine ; ■ addition d'un agent biologique ou d'un anti-JAK : antiTNFα, abatacept ou tocilizumab, baricitinib ou tofacitinib. Le méthotrexate doit être conservé si la tolérance le permet. Le choix de la stratégie repose sur le terrain, en particulier le risque d'effets indésirables en raison des pathologies associées et sur la présence de signes de sévérités (tableau 36.2) : surtout atteinte ou progression des lésions structurales, mais aussi activité inflammatoire clinique élevée (DAS28VS ou nombre d'articulations gonflées), activité inflammatoire biologique élevée (VS, CRP), taux élevés (supérieur à plus de 3 fois la norme du laboratoire) du facteur rhumatoïde et des ACPAs. Un suivi rapproché reste indiqué pour tous les patients dont l'activité inflammatoire n'est pas contrôlée. Ce suivi

Tableau 36.2 Éléments pronostiques retenus dans les recommandations de la SFR pour guider les décisions thérapeutiques en cas de réponse inadéquate au premier traitement de fond. Facteurs de mauvais pronostic • Atteinte ou progression des lésions structurales (élément le plus important) • Activité inflammatoire clinique élevée • Activité inflammatoire biologique élevée • Taux élevés des auto-anticorps FR/ACPAs (plus de 3 fois la norme du laboratoire)

doit être clinique, biologique et radiographique. Le traitement doit être optimisé et la stratégie adaptée tant que l'objectif n'est pas atteint, en sachant que plus on s'installe dans la chronicité, plus l'obtention de la rémission est difficile.

Gérer la rémission La fréquence avec laquelle l'objectif de la rémission est obtenu varie en fonction de la sévérité de la maladie, du traitement adopté, de l'ancienneté de la maladie et de la définition retenue. L'association méthotrexate et biothérapie donne des résultats plus satisfaisants que le méthotrexate en monothérapie, avec des fréquences de rémission de l'ordre de 30 à 50 %. Les résultats sont moins bons lorsque la PR est ancienne, mais la rémission reste possible. Obtenir la rémission doit permettre de réduire le traitement afin de limiter le risque iatrogène. Trois des 15 recommandations actualisées concernent la gestion de la rémission [8]. La décision de modifier le traitement doit toujours être partagée avec le patient, car chaque diminution des différentes thérapeutiques peut générer une poussée évolutive. La rémission doit être stable depuis au moins 6 à 12 mois. Les recommandations nous aident à hiérarchiser les diminutions de traitement à proposer. Les traitements symptomatiques, en particulier les corticoïdes, doivent être interrompus en premier. Toute diminution sera lente et progressive, par palier de 1 mg/jour pour la prednisolone toutes les 2 à 4 semaines, jusqu'à l'arrêt total si possible. Le sevrage cortisonique ne peut pas toujours être obtenu, en particulier pour les PR anciennes et traitées par corticoïdes de longue date. L'objectif doit être alors de garder au maximum 5 mg/ jour de prednisolone. La recommandation est ensuite d'envisager la décroissance de la biothérapie, si celle-ci a été introduite pour obtenir la rémission [20]. Deux stratégies de réduction sont alors possibles : soit espacement des injections, soit diminution des doses injectées. Il est conseillé de conserver le traitement de fond synthétique associé au traitement biologique. Il s'agit souvent du méthotrexate, parfois du léflunomide ou de la sulfasalazine (voir chapitre 53). Une concession de dose peut être envisagée, surtout si la tolérance du méthotrexate n'est pas excellente. Néanmoins, il est probable que le maintien d'une dose minimale de méthotrexate permette de réduire l'immunogénicité des agents biologiques et de maintenir leur efficacité lors des réductions de dose. Chaque étape de décroissance sera faite après 3 à 6  mois d'observation et de maintien de l'état de rémission. La réapparition de signes d'activité inflammatoire (douleur, arthrite, élévation de la CRP) doit faire reprendre le traitement à la fréquence d'injection ou à la posologie antérieure aux signes de récidives.

Traitements non médicamenteux La physiothérapie sédative permet une diminution des phénomènes inflammatoires locaux par l'apport de chaleur humide sous la forme d'application de paraffine sur les mains, de parafango sur les grosses articulations. La réalisation d'orthèses vise à limiter les déformations, en particulier aux mains. Elles sont à porter surtout la nuit. Sinon, le principe est celui de l'économie articulaire

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470   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires en s'équipant d'aides techniques. Ce travail s'intègre habituellement dans le cadre d'un programme d'ergothérapie. Il s'adresse à des polyarthrites présentant déjà des lésions articulaires et des déformations. La prescription ne peut être que personnalisée en fonction des habitudes de chaque patient. Le recours à la chirurgie a beaucoup baissé au cours des dix dernières années, du fait de l'efficacité plus grande des stratégies thérapeutiques utilisées, intégrant les agents biologiques. À un stade précoce, une synovectomie articulaire ou tendineuse (ablation de la membrane synoviale) est maintenant rarement proposée pour protéger l'articulation. À un stade plus tardif, une arthrodèse peut être nécessaire pour contrôler une douleur sur une articulation lésée. Elle supprime le mouvement et ne s'adresse qu'à des articulations dont l'enraidissement aura un retentissement fonctionnel modéré (interphalangienne du pouce, radiocarpienne, sous-astragalienne…). Les prothèses articulaires permettent la conservation de la fonction articulaire. Elles sont utilisées surtout à la hanche et au genou, parfois pour l'épaule et le coude. La PR est une maladie articulaire qui a beaucoup bénéficié des progrès thérapeutiques justifiant la prévention des lésions articulaires et du handicap par un diagnostic précoce, un traitement ciblé et un contrôle serré de l'efficacité de ces traitements. Les stratégies thérapeutiques sont devenues complexes surtout pour les formes les plus sévères de la maladie, nécessitant une prise en charge globale en milieu spécialisé. Néanmoins, la PR reste une maladie chronique avec nécessité d'un traitement prolongé dont l'efficacité et la mise en sécurité passent par une étroite collaboration entre médecin généraliste et rhumatologue.

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Chapitre

37

Spondyloarthrites Adeline Ruyssen-Witrand PLAN DU CHAPITRE Épidémiologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Physiopathologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Concept de spondyloarthrite, terminologie et classification . . . . . . . . . . . . . . Signes cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

471 471 472 474

La spondyloarthrite (SpA) est une maladie très ancienne, comme en témoignent les descriptions faites de squelettes exhumés de la préhistoire, et notamment par l'analyse scannographique réalisée sur la momie de Ramsès II [1], même si celle-ci est contestée (voir chapitre 11, « Hyperostose vertébrale ankylosante »). Il s'agit d'une maladie dont la définition et le concept ont évolué au fil du temps grâce aux progrès de l'imagerie et de la génétique, permettant une meilleure compréhension de la physiopathologie de la maladie. Les premières descriptions systématiques de cette pathologie ont été réalisées à la fin du xixe siècle par trois brillants neurologues  : Adolf Ernest von Strumpell en 1884 [2], Vladimir Mikhailovitch Bechtereff en 1893 [3] et Pierre Marie [4], élève de Charcot, en 1898 qui nomme cette affection « la spondylose rhizomélique ». Les travaux épidémiologiques successifs au début du xx e  siècle ont permis de reconnaître le caractère familial de l'affection et son association avec le psoriasis, les entérocolopathies ou le syndrome occulo-conjonctivo-urétral dont les premières descriptions ont été faites durant la Première Guerre mondiale. C'est en 1973 que le concept de spondyloarthrite est redéfini avec la découverte du système HLA, et notamment de la fréquence d'association entre la maladie et l'antigène HLAB27 [5-7]. Cette découverte marque un tournant dans la compréhension de cette pathologie qui était jusqu'alors souvent considérée dans les pays anglo-saxons comme une forme clinique vertébrale de la polyarthrite rhumatoïde, et permet de voir émerger plusieurs systèmes de classification regroupant les différentes facettes de cette même et unique maladie.

Épidémiologie La prévalence de la SpA avec les critères actuels de définition est autour de 0,4 % en France, alors que la prévalence du HLA-B27 est d'environ 7 % [8]. Cette prévalence varie Rhumatologie © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Examens complémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . Stratégie diagnostique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Diagnostics différentiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . Principes généraux de prise en charge des spondyloarthrites. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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selon les pays et est proportionnelle à la fréquence du HLAB27 dans les populations, celui-ci étant rarement retrouvé en Afrique, car il confère une plus grande susceptibilité au Plasmodium falciparum, alors qu'on le retrouve dans les pays nordiques chez environ 15 % de la population [9-11], fréquence pouvant augmenter jusqu'à 25-40 % dans certaines populations d'Esquimaux d'Alaska [12]. Le sex ratio est actuellement proche de 1/1 d'après une enquête menée au début des années 2000 en France [13]. La SpA est fréquemment associée à certaines comorbidités, telles que les maladies cardiovasculaires [14], les ulcères gastro-duodénaux, le psoriasis, l'ostéoporose, les uvéites et les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI) [15, 16]. Parmi les facteurs de risque cardiovasculaires, le tabagisme, l'hypertension artérielle et l'hypercholestérolémie sont retrouvés fréquemment associés à la SpA [16]. La SpA est associée à une surmortalité en comparaison avec la population générale, avec un ratio standardisé de mortalité de l'ordre de 1,6 (augmentation du risque de mortalité de 60 % comparé à la population générale). Les causes de mortalité sont les maladies cardiovasculaires, les cancers et les infections. L'augmentation de la mortalité est favorisée par le faible niveau d'éducation, la présence de comorbidités (diabète, infections, maladies cardiovasculaires, pulmonaires ou cancers) et la sévérité de la SpA notamment s'il y a eu une atteinte des coxo-fémorales justifiant la pose d'une prothèse de hanche [17].

Physiopathologie La spondyloarthrite regroupe plusieurs entités cliniques complexes qui ont des caractéristiques cliniques communes et une association forte avec la présence de l'antigène HLAB27. Au cours de cette pathologie, la voie interleukine  23 (IL-23)/Th 17 est impliquée dans la physiopathologie de l'atteinte enthésitique. 471

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472   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Rôle du HLA-B27 au cours de la SpA L'antigène HLA-B27 regroupe actuellement 107  protéines distinctes, correspondant à des allèles différents du gène HLA-B (HLA*B27:01 à HLA*B27:107) encodant la chaîne lourde de la molécule CMH de classe I. Parmi ces 107 variants, seuls certains sont fortement associés à la SpA (entre autres : HLA*B27:05, HLA*B27:02, HLA*B27:04 ou HLA*B27:07) en encodant certains enchaînements d'acides aminés ayant un rôle entre autres dans l'affinité avec certains peptides [18]. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la susceptibilité de l'antigène HLA-B27 au développement de la SpA : ■ Hypothèse d'un peptide « arthritogène » [19] : il s'agit de la plus ancienne hypothèse selon laquelle les porteurs de l'antigène HLA-B27 présenteraient de façon préférentielle certains peptides et seraient la cible privilégiée des lymphocytes T CD8 + favorisant l'induction d'arthrite. ■ Hypothèse d'un mauvais repliement des chaînes HLAB27 [20], liée à une inertie de la molécule HLA-B27 conduisant à une accumulation de chaînes lourdes intra-cellulaires et de peptides antigéniques sous forme de dimères ou de multimères dans le reticulum endoplasmique, responsables d'une activation des réponses adaptatives et à un stress du reticulum endoplasmique pouvant aboutir à la mort cellulaire par apoptose. Ceci a pour conséquence de faciliter la production d'IL-23 et d'interféron-β, pro-inflammatoires. ■ Hypothèse de formation de dimères d'HLA-B27 non pourvus de β2-microglobulines ou de peptides formés par recyclage et s'exprimant à la surface des cellules pouvant interagir avec les Natural Killers [21]. À côté des allèles de l'HLA*B27, d'autres gènes de susceptibilité associés au risque de SpA ont été décrits. Ces gènes sont impliqués, pour certains d'entre eux, dans l'apprêtage des peptides sur les molécules de classe I dans le reticulum endoplasmique (ERAP1) ou la différenciation des lymphocytes T CD4 + auxiliaires en effecteurs Th17 ou Th1 (polymorphismes sur les gènes IL23R IL12B, IL6R, IL1R2/IL1R1, TYK2, STAT3…) [22].

Rôle de l'environnement Le poids des facteurs génétiques intervient pour probablement 90 % dans le risque de développer une SpA [23]. Cependant, les facteurs environnementaux et notamment l'environnement bactérien et le tabac participent certainement au risque de la maladie.

Environnement bactérien Certaines souches de bactéries à l'origine d'infections digestives (Yersinia, Shigella, Salmonella et Campylobacter) ou urinaires/pulmonaires (Chlamydia trachomatis et Chalmydia pneumoniae) sont responsables du tableau classique urétro-conjonctivo-synovial de l'arthrite réactionnelle (anciennement nommé syndrome de Fiessenger-Leroy-Reiter). Plusieurs études ont permis de mettre en évidence de l'ADN bactérien dans la synoviale des patients atteints d'arthrite réactionnelle suggérant un rôle direct pathogène de ces bactéries intra-cellulaires dans le déclenchement de l'arthrite

avec persistance de fragments bactériens au sein de l'articulation entretenant la réaction synoviale [24]. Ce concept peut aussi être étendu au SAPHO, forme clinique particulière de SpA dans laquelle il a souvent été mis en évidence du Propionobacterium acnes dans les foyers articulaires ou d'ostéite de ces patients [25]. D'autre part, de nombreux travaux ont montré une dysbiose dans la maladie de Crohn ou la RCH caractérisée par la raréfaction de bactéries aux propriétés anti-inflammatoires. Ceci pourrait induire un excès de lymphocytes Th17, qui pourraient ensuite migrer vers les foyers articulaires ou enthésiques, ou alors la pullulation de certaines espèces bactériennes pourraient engendrer une migration de certaines d'entre elles et leur translocation dans les foyers articulaires avec un effet proche du mécanisme des arthrites réactionnelles [26]. Enfin, il a aussi été montré une association entre la périodontite favorisée par le portage de Porphyromonas gingivalis était associée au risque de développement d'une SpA [27].

Tabac Le tabagisme a un rôle néfaste dans cette pathologie puisqu'il favorise de développement de la maladie [28], a un impact négatif sur l'activité et la fonction [29] et augmente le risque de progression radiographique [30].

Voie IL-23/Th17 Depuis plusieurs années les études animales puis ex-vivo ont permis de souligner l'importance de la voie IL-23/Th17 dans la pathogénie de la SpA, mais aussi du psoriasis et des MICI (figure 37.1). L'IL-23 est sécrétée entre autres par les cellules dendritiques et induit l'activation des lymphocytes T CD4 + en lymphocytes T sécrétant de l'IL-17 (lymphocytes Th17). Cette dernière va à son tour activer les fibroblastes, ostéoblastes, chondrocytes, cellules épithéliales et de la muqueuse intestinale avec un effet pro-inflammatoire. Ces constatations ex vivo ont été confortées par de nombreuses données cliniques portant sur l'efficacité des biothérapies ciblant les cytokines IL-23 et IL-17 dans le psoriasis (IL-23 et IL-17), la SpA (IL-17), le rhumatisme psoriasique (IL-23 et IL-17) ou les MICI (IL-23) [31]. L'accumulation des données cliniques sur l'efficacité des anti-TNF dans la SpA, le psoriasis et les MICI permettent de souligner l'importance de cette cytokine dans la physiopathologie de la maladie. Cependant, les mécanismes impliqués dans la production du TNF dans cette pathologie sont encore mal connus.

Concept de spondyloarthrite, terminologie et classification Concept de spondyloarthrite La spondyloarthrite regroupe des rhumatismes inflammatoires chroniques très hétérogènes ayant pour caractéristiques communes une atteinte préférentielle de l'enthèse, ce qui conduit à une topographie des douleurs à prédominance axiale (syndrome pelvi-rachidien), et/ou périphérique (arthrites et/ou enthésites, dactylites), des manifestations extra-articulaires (psoriasis, uvéites, maladies inflammatoires du tube digestif), une tendance à l'ossification des

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Chapitre 37. Spondyloarthrites   473 Fibroblastes Macrophages Cellules endothéliales Cellules épithéliales Th17 IL-17

IL-6, TNF-α, IL-22, IL-26, INFT

Cellule dendritique activée IL-23 Inhibition

IL-12 Th1

IL-1, IL-6, TNF-α, chémokines

Réponse inflammatoire Figure 37.1 Voie IL-23/Th17.

enthèses (sacro-iliite radiographique, syndesmophytes), une agrégation familiale en grande partie liée à l'HLA-B27, l'absence d'auto-anticorps. Le terme « spondyloarthrite » est celui qui doit être préférentiellement utilisé pour nommer cette entité clinique et remplace les termes autrefois utilisés tels que spondylarthite, spondyloarthropathie [32]. Sous le terme de spondyloarthrite, on regroupe différentes formes cliniques qui seront décrites plus loin telles que la spondylarthrite ankylosante (SA), le rhumatisme psoriasique (RhPso), les arthrites réactionnelles, les arthrites associées aux entérocolopathies inflammatoires, les spondylarthrites indifférenciées, les spondyloarthrites à début juvénile ou le SAPHO (figure 37.2). Ces entités sont actuellement regroupées selon la présentation clinique de la spondyloarthrite en séparant les formes à prédominance axiale des formes périphériques et des formes périphériques enthésitiques, avec ou sans signes extra-articulaires. Parmi les formes axiales et périphériques, la lecture des radiographies standard permet de séparer chacune de ces formes en deux entités distinctes pour : ■ les formes axiales  : avec ou sans sacro-iliite radiographique ; ■ les formes périphériques  : érosives ou non érosives (tableau 37.1).

Critères de classification Les premiers critères de classification ont été proposés en 1961 [33] (critères de Rome), revus en 1967 (critères de New York), puis en 1984 (critères de New York modifiés) [34] et se réfèrent à la forme axiale ossifiante de la maladie (SA). Ces critères, utiles pour les études épidémiologiques ou les essais cliniques, ne sont pas applicables à la pratique courante, car ils ne permettent pas le diagnostic des formes précoces de SA, ni les autres entités cliniques qui n'ont pas obligatoirement de sacro-iliite radiographique.

Figure  37.2 Entités cliniques regroupées sous le terme de spondyloarthrite.

Tableau 37.1 Concept de spondyloarthrites. Spondyloarthrite à prédominance axiale

Spondyloarthrite à prédominance périphérique

Spondyloarthrites périphériques enthésitiques

Spondyloarthrite axiale radiographique

Érosives

± manifestations extra-articulaires (psoriasis, uvéites, MICI)

Spondyloarthrite axiale non radiographique

Non érosives

Source : d'après Claudepierre P, Wendling D, Breban M, Goupille P, Dougados M. Ankylosing spondylitis, spondyloarthropathy, spondyloarthritis, or spondylarthritis: what's in a name? Joint Bone Spine. 2012 ; 79(6) : 534–5.

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474   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires L'arrivée de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) et la découverte des signes de sacro-iliite magnétique ­précédant la survenue de sacro-iliite radiographique a permis d'identifier des formes plus précoces de spondyloarthrites (figure 37.3). À l'heure actuelle, les critères de classification de l'ASAS 2009 [35, 36] sont les plus utilisés. Ces critères distinguent les formes à prédominance axiale des formes à prédominance périphérique et sont résumés dans les figures 37.4 et 37.5. Dans les formes axiales avec ou sans atteinte périphérique, chez un patient souffrant de rachialgies évoluant depuis au moins 3 mois, ayant débuté avant l'âge de 45 ans, une spondyloarthrite peut être diagnostiquée à condition d'avoir une sacro-iliite radiographie et/ou magnétique ET un critère clinique de spondyloarthrite (liste, figure 37.4), OU en cas de portage de l'HLA-B27 ET deux autres critères cliniques de spondyloarthrite (liste, figure 37.4). Ces critères ont une sensibilité de 83 % et une spécificité de 84 % [36] pour le diagnostic de SpA axiale.

Rachialgies

En cas de forme à présentation périphérique (arthrite, enthésite ou dactylite), chez un patient de moins de 45 ans, le diagnostic de SpA périphérique peut être posé en cas d'un critère majeur supplémentaire de SpA ou deux critères mineurs (liste, figure 37.4). Ces critères ont une sensibilité de 78 % et une spécificité de 82 % pour le diagnostic de SpA périphérique [35].

Signes cliniques La spondyloarthrite regroupe plusieurs entités cliniques qui partagent une expression clinique commune. Dans ce chapitre seront décrites les caractéristiques cliniques communes de la SpA, puis les différentes entités cliniques.

Caractéristiques communes La spondyloarthrite touche principalement l'enthèse, qui est la structure anatomique permettant la jonction entre l'os et un tendon, un ligament ou une capsule. L'inflammation

Rachialgies

Sacroiliite magnétique Critères ASAS de SpA

Sacroiliite radiographique Critères de New York de SA

Rachialgies Sacroiliite radiographique Syndesmophytes Critères de New York de SA

Figure 37.3 Histoire naturelle d'une SpA axiale radiographique. Source : d'après Rudwaleit M, Khan MA, Sieper J. The challenge of diagnosis and classification in early ankylosing spondylitis: do we need new criteria? Arthritis Rheum. 2005 ; 52(4):1000-8.

Chez un patient avec rachialgies > 3 mois (avec ou sans manifestations périphériques) et un âge de début < 45 ans Sacroiliite à l'imagerie (radiographies Et/OU IRM)

Présence de HLA B27

+

> 2 critères de spondyloarthrite

> 1 critère de spondyloarthrite

+

Critères de spondyloarthrite : Rachialgies inflammatoires Arthrites Enthésites (Achille) Uvéites Dactylites Psoriasis MICI Bonne réponse aux AINS HLA B27 CRP élevée

Figure 37.4 Critères diagnostiques de spondyloarthrite axiale selon l'ASAS. Source : d'après Rudwaleit M, van der Heijde D, Landewé R, Listing J, Akkoc N, Brandt J, et al. The development of Assessment of SpondyloArthritis international Society classification criteria for axial spondyloarthritis (part II): validation and final selection. Ann Rheum Dis. 2009 ; 68(6) : 777–83.

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Chapitre 37. Spondyloarthrites   475

Arthrite, enthésite ou dactylite chez un patient < 45 ans

> 1 critère parmi les suivants :

> 2 critères parmi les suivants :

Uvéite

Arthrite

Psoriasis MICI Infection précédent l'arthrite HLA-B27 Uvéite Sacro-iliite (rasio ou IRM)

Enthésite Dactylite ATCD de rachialgies inflammatoires ATCD familiaux de SpA

Figure  37.5 Critères diagnostiques de spondyloarthrite périphérique selon l'ASAS. Source  : d'après Rudwaleit M, van der Heijde D, Landewe R, Akkoc N, Brandt J, Chou CT, et al. The Assessment of SpondyloArthritis International Society classification criteria for peripheral spondyloarthritis and for spondyloarthritis in general. Ann Rheum Dis. 2011 ; 70(1) : 25–31.

de cette structure conduit à des douleurs d'horaire ­inflammatoire dans les territoires sièges d'enthésite, parfois à des gonflements si l'enthésite est à proximité d'une structure articulaire et à un stade plus avancé à une ossification, sorte de « cicatrice calcifiée » de l'enthèse, visible sur les radiographies. Les territoires fréquemment atteints par cette affection sont, par ordre de fréquence : les articulations sacro-iliaques, le rachis lombaire, le rachis thoracique, le rachis cervical, le calcaneum postérieur et inférieur, l'épicondyle, la coracoïde, la rotule, la tubérosité tibiale antérieure, le grand trochanter, les ailes iliaques. La douleur de sacro-iliaque doit être identifiée, car elle permet d'orienter fortement vers le diagnostic de SpA lorsqu'elle est présente. Il s'agit d'une douleur lombo-­ fessière, irradiant vers la face postérieure de cuisse (« lombosciatique tronquée »), d'installation progressive, d'horaire inflammatoire, souvent bilatérale ou à bascule. Certains tests cliniques permettent de provoquer cette douleur notamment l'appui monopodal prolongé, la manœuvre du trépied, la manœuvre de Patrick, les manœuvres de cisaillement des sacro-iliaques (figure 37.6). L'atteinte rachidienne débute classiquement au rachis lombaire, s'étendant secondairement au rachis thoracique et plus tard au rachis cervical. La douleur est classiquement de type inflammatoire (tableau 37.2). Les douleurs peuvent s'accompagner, surtout dans les formes évoluées, de raideur rachidienne et d'anomalies de la statique rachidiennes caractérisées par une perte de la lordose lombaire, une accentuation de la cyphose thoracique, qui sont objectivées par des mesures standardisées (figure 37.7a et b, tableau 37.3).

Tableau 37.2 Caractéristiques d'une rachialgie inflammatoire suspecte de SpA. Caractéristiques d'une rachialgie inflammatoire Âge de début ≤ 40 ans Début insidieux Amélioration à l'exercice Absence d'amélioration au repos Douleurs nocturnes

Rachialgie inflammatoire si au moins 4 critères sur 5 présents Sensibilité : 80 %, Spécificité : 72 % Source : Reproduit de New criteria for inflammatory back pain in patients with chronic back pain : a real patient exercise by experts from the Assessment of SpondyloArthritis international Society (ASAS), Sieper J, van der Heijde D, Landewe R, Brandt J, Burgos-Vagas R, Collantes- Estevez E, et al. Ann Rheum Dis. Vol. 68, p. 784–8, © 2009.

Tableau 37.3 Principales mesures et valeurs normales permettant d'évaluer la souplesse rachidienne recommandées par l'ASAS. Mesures

Normales

Inflexions latérales

> 10 cm

Distance tragus-mur Distance occiput-mur

< 15 cm 0 cm

Flexion lombaire (Schöber modifié)

> 4 cm

Distance intermalléolaire

> 100 cm

Rotations cervicales Ampliation thoracique

> 70° > 2 cm

Source : d'après Assassi S, Weisman MH, Lee M, Savage L, Diekman L, Graham TA, et al. New population-based reference values for spinal mobility measures based on the 2009-2010 National Health and Nutrition Examination Survey. Arthritis Rheumatol. 2014 ; 66(9):2628-37 et Jenkinson TR, Mallorie PA, Whitelock HC, Kennedy LG, Garrett SL, Calin A. Defining spinal mobility in ankylosing spondylitis (AS). The Bath AS Metrology Index. J Rheumatol. 1994 ; 21(9) : 1694–8.

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476   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Manœuvre du trépied

Appui monopodal

Cisaillement des SI

Manœuvre de Patrick

Figure 37.6 Manœuvres de mise en tension des sacro-iliaques.

Outre les douleurs axiales, l'interrogatoire et l'examen clinique cherchent à identifier une atteinte enthésique périphérique par la palpation des différentes enthèses périphériques ou articulaires par la recherche d'un épanchement articulaire. Enfin, l'interrogatoire et l'examen clinique cherchent à identifier des signes extra-articulaires pouvant orienter vers une spondyloarthrite comme la recherche d'un psoriasis, d'antécédents d'uvéites ou de symptômes digestifs pouvant orienter vers une maladie inflammatoire du tube digestif. Inversement, une SpA peut se compliquer d'une atteinte cardiaque : (a) valvulaire (plus souvent insuffisance aortique que mitrale), surtout chez l'homme et dont la fréquence va croissant avec l'ancienneté de la maladie et (b) troubles de la conduction sous forme de bloc auriculo-ventriculaire. L'évaluation de l'activité de la SpA se fait à l'aide d'échelles ou de scores composites basés en grande partie sur l'évaluation des différents aspects de la maladie par le patient lui-même. Les deux scores utilisés en pratique clinique sont le BASDAI et l'ASDAS (figures 37.8 et 37.9). La maladie est considérée comme active si le BASDAI est supérieur à 40/100 ou l'ASDAS supérieur à 2,1. Ces seuils

sont souvent utilisés pour justifier les changements de traitement. L'évaluation de l'incapacité fonctionnelle se fait à l'aide de l'échelle du BASFI (figure 37.10) [37]. En plus des caractéristiques communes, certains tableaux cliniques correspondent à des entités cliniques particulières, répondant à des critères de classification précis.

Spondylarthrite ankylosante La SA correspond à la forme axiale de la maladie avec sacro-iliite radiographique et souvent développement de syndesmophytes rachidiens (voir paragraphe « Examens complémentaires »). La SA est très fortement associée à la présence du HLA-B27 et les signes extra-articulaires, tels que les uvéites, sont fréquents. La SA est plus fréquemment observée chez les hommes. Elle répond à des critères de classification précis repris dans la classification de New York [34] (figure 37.11). La SA évolue par poussées successives de durée variable qui peuvent être entrecoupées de périodes de rémission prolongées. Le développement de syndesmophytes rachidiens engendre une ankylose irréversible, source de raideur. L'ossification des enthèses de la cage thoracique aboutit à une diminution des capacités respiratoires, ce qui peut

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Chapitre 37. Spondyloarthrites   477

Ampliation thoracique

A

Inclinaisons latérales

Indice de Schöber

rentielle des articulations interphalangiennes distales et développement de dactylites [38]. Il peut toucher autant l'homme que la femme et l'âge de début se situe autour de 45  ans. La présence de psoriasis est fréquente, mais pas systématique. Le psoriasis touche préférentiellement les ongles, le cuir chevelu et le pli inter-fessier. Le psoriasis peut se développer après le début de l'atteinte articulaire, ce qui rend le diagnostic initial difficile. Il n'y a pas de parallélisme entre l'atteinte articulaire et la sévérité du psoriasis et il faut savoir aller rechercher les psoriasis frustres devant un tableau d'oligo ou polyarthrite débutante surtout si la présentation est asymétrique, s'il existe une dactylite ou « orteil en saucisse » (figure  37.12), une atteinte des IPD et des signes axiaux ou d'enthésites. Le rhumatisme psoriasique évolue par poussées successives, pouvant aboutir dans certaines formes à des destructions articulaires parfois sévères. Les signes radiographiques sont détaillés dans le paragraphe « Examens complémentaires ». Les critères CASPAR [39] sont actuellement les plus utilisés pour de diagnostic des rhumatismes psoriasiques (tableau 37.4).

Arthrite réactionnelle Tragus-Mur

B

Rotations cervicales

Figure 37.7 Mesures standardisées évaluant la souplesse rachidienne. (A) Ampliation thoracique : différence entre la circonférence thoracique mesurée entre le 4e et 5e  espace intercostal entre l'inspiration profonde et une expiration forcée. Inclinaisons latérales  : différence de mesure entre la position droite et la position en inflexion latérale, prise à l'extrémité du 3e  doigt, de chaque côté. Indice de Schöber modifié  : différence de mesure entre les 2  marques, entre la position droite et la position penchée en avant. La marque du bas est prise en regard des épines iliaques postéro-supérieures, la marque du haut est prise 10 cm au-dessus. (B) Distance tragus-mur : distance entre le mur et le tragus de l'oreille. Rotations cervicales : exprimées en degré et mesurées à l'aide d'un goniomètre de chaque côté.

engendrer un syndrome respiratoire restrictif qui doit être évalué par des épreuves fonctionnelles respiratoires. Enfin, des atteintes articulaires périphériques sont possibles, touchant préférentiellement les coxo-fémorales, avec nécessité de remplacement prothétique dans les formes avancées.

Rhumatisme psoriasique Il s'agit d'une entité clinique particulière au cours de laquelle on observe fréquemment des arthrites périphériques, sous la forme d'oligoarthrite asymétrique avec atteinte préfé-

Il s'agit d'un tableau clinique de mono-arthrite ou oligoarthrite, touchant le plus souvent les membres inférieurs (genoux, chevilles) et se développant entre 1 et 6 semaines maximum suivant la survenue d'une infection bactérienne digestive, uro-génitale ou respiratoire [40]. Les germes qui ont formellement été identifiés sont Yersinia, Shigella, Salmonella et Campylobacter pour les infections digestives, Chlamydia trachomatis pour les infections uro-génitales et Chlamydia pneumoniae pour les infections respiratoires. L'anamnèse est primordiale pour identifier l'infection bactérienne qui peut passer inaperçue, surtout pour les infections à Chlamydia trachomatis qui ont des expressions cliniques souvent frustes chez la femme. La notion de rapports sexuels non protégés récents peut orienter vers le diagnostic d'infection à Chlamydia et doit faire rechercher le germe par PCR sur les urines fraîches ou sur des prélèvements de l'endocol. En cas d'infection à Chlamydia trachomatis, un traitement antibiotique s'impose, ainsi que le dépistage d'éventuelles autres maladies sexuellement transmissibles. Le tableau articulaire peut s'associer à une conjonctivite donnant la classique triade arthrite-conjonctivite-­urétrite, décrite par Fiessenger, Leroy et Reiter. L'arthrite réactionnelle est fortement associée au portage du HLA-B27. Des critères de classification ont été proposés en 1981 [41] : le diagnostic d'arthrite réactionnelle peut être retenu en cas d'arthrite évoluant depuis au moins un mois, associé à une urétrite et ou une cervicite. Cependant ces critères manquent de sensibilité et mériteraient d'être révisés [42]. L'évolution est favorable sous traitement symptomatique (AINS et ou infiltrations) dans 30 % des cas, peut récidiver à l'occasion de nouvelles infections bactériennes (30 % des cas) ou bien peut être le mode d'entrée dans une authentique SpA qui aura une évolution chronique [40].

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478   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires Pour chacune des questions, entourez le chiffre qui correspond le mieux à votre réponse en vous référant aux dernières 48 heures. 1.

Où situeriez-vous votre degré global de fatigue ? 0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

Absent 2.

Extrême

Où situeriez-vous votre degré global de douleur liée à la spondylarthrite ankylosante au niveau du cou, du dos et des hanches ? 0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

Absent 3.

Extrême

1

2

3

4

5

6

7

8

9

Absent

Extrême

1

2

3

4

5

6

7

8

9

Absent

10 Extrême

Où situeriez-vous votre degré global de raideur matinale depuis votre réveil ? 0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

Absent 6.

10

Où situeriez-vous votre degré global de gêne physique pour les zones sensibles au toucher ou la pression ? 0

5.

10

Où situeriez-vous votre degré global de douleur/gonflement articulaire en dehors du cou, du dos et des hanches ? 0

4.

10

10 Extrême

Quelle est la durée de la raideur matinale à partir de votre réveil ? 0

1

2

3

4

0 heure

5 1 heure

6

7

8

9

10 2 heures ou plus

Figure 37.8 Échelle du BASDAI. Source : Garrett S, Jenkinson T, Kennedy LT et al. A new approach to defining diseases status in ankylosing spondylitis : the Bath Ankylosing Spondylitis Disease Activity Index. J.Rheumatol. 1994 ; 21(12) : 2286–91

SpA associées aux MICI Les manifestations rhumatologiques associées aux MICI sont fréquentes de l'ordre de 20 à 50 % des patients [43, 44]. Trois atteintes rhumatologiques sont classiquement associées aux MICI : ■ axiale à type de SA ou de sacro-iliite asymptomatique ; ■ périphérique aigüe oligoarticulaire évoluant parallèlement à l'atteinte digestive ; ■ périphérique polyarticulaire bilatérale et symétrique des petites articulations, et indépendante des poussées de MICI.

La prévalence de la maladie est identique chez les hommes et les femmes, la forme axiale est plus fréquente chez les porteurs du HLA-B27 : chez les patients atteints de MICI, la probabilité de développer une forme axiale de SpA est de 14 % et passe à 59 % en cas de portage du HLA-B27 [45]. De même, chez les patients porteurs de SA, le risque de développer une MICI est de l'ordre de 5 à 10 %. Les études endoscopiques pratiquées chez des patients atteints de SpA sans signes digestifs ont permis de montrer des signes de colite inflammatoire chez 60 % d'entre eux [46].

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Chapitre 37. Spondyloarthrites   479

Douleur rachidienne (0–10) Durée du dérouillage matinal (0–10) EVA globale patient (0–10) Douleurs/gonflements périphériques (0–10) CRP (mg/L)

Maladie inactive

Activité modérée

1,3

Activité forte 2,1

Activité très forte 3,5

Amélioration cliniquement significative si ∆ ≥ 1,1 Amélioration majeure si ∆ ≥ 2 Aggravation cliniquement significative si ∆ ≥ –0,9 Figure 37.9 Calcul de l'ASDAS.

La présence d'une MICI associée à la SpA est une contreindication relative aux AINS, car ceux-ci exposeraient au risque de poussée digestive. Ce risque serait plus faible avec les coxibs [47] qui sont parfois prescrits en traitement symptomatique des SpA lorsque la maladie digestive est contrôlée.

SpA à début juvénile Les SpA de l'enfant et l'adolescent représentent environ 10 à 20 % de l'ensemble des rhumatismes inflammatoires de type arthrite juvénile idiopathique. Ce rhumatisme est défini par la présence d'arthrite et d'enthésite ou d'arthrite et au moins deux critères parmi les suivants : douleurs des sacro-iliaques et/ou rachialgies inflammatoires, uvéite antérieure aigüe, présence de l'antigène HLA-B27, antécédents familiaux d'uvéite, de spondyloarthrite ou de sacro-iliite avec MICI chez un apparenté au premier degré [48]. Cette forme clinique prédomine chez le garçon (4 garçons pour 1 fille), avec un âge de début autour de 11 ans. Les antécédents familiaux d'uvéite, de SpA ou de MICI sont retrouvés dans 30 % des cas. La présentation clinique est dominée par la présence d'arthrites des membres inférieurs, surtout de type mono- ou oligo-articulaires. Ces arthrites sont associées à des enthésites périphériques une fois sur deux, notamment au calcanéum, à la rotule, à la tubérosité tibiale antérieure, entraînant une symptomatologie qui ne doit pas être confondue avec les apophysites de croissance fréquentes à cet âge. L'atteinte axiale est plus rare au début, présente dans 5 à 10 % des cas [49]. L'évolution se fait en général sous forme de poussées, entrecoupées de périodes de rémission partielles ou totales.

Le pronostic reste bon à long terme avec une faible altération des scores de qualité de vie à l'âge adulte. L'atteinte de la hanche reste la localisation la plus préoccupante avec risque d'impotence fonctionnelle et doit être dépistée et traitée précocement [50].

SAPHO Le terme SAPHO est un acronyme de Synovite-AcnéePustulose palmo-plantaire-Hyperostose-Ostéite et correspond à un phénotype particulier de la spondyloarthrite, décrit pour la première fois par M.-F.  Kahn en 1987 et dont la prévalence est très rare ( Limitation de la mobilité du rachis lombaire dans le plan axial et frontal

Critères radiologiques: Sacro-iliite de stade 2 bilatérale ou stade 3 unilatérale

> Limitation de l'ampliation thoracique

SA en cas de présence du critère radiologique et au moins un critère clinique

Figure  37.11 Critères de classification de spondyloarthrite ankylosante de New York modifiés. Source  : d'après van der Linden S, Valkenburg HA, Cats A. Evaluation of diagnostic criteria for ankylosing spondylitis. A proposal for modification of the New York criteria. Arthritis Rheum. 1984 ; 27(4) : 361–8. 6 - Aspects radiographiques : • Présence de signes radiographiques de construction osseuse juxta-articulaire (radiographies des mains et des pieds)

1

Rhumatisme psoriasique si critère 1 + au moins 3 points Sensibilité : 91 %, Spécificité : 99 % Source : d'après Taylor W, Gladman D, Helliwell P, Marchesoni A, Mease P, Mielants H, et al. Classification criteria for psoriatic arthritis: development of new criteria from a large international study. Arthritis Rheum. 2006 ; 54(8) : 2665–73.

L'évolution clinique est très variable d'un patient à l'autre, environ la moitié des patients auront une évolution chronique de leur symptomatologie. Le traitement est mal codifié, basé sur la prise d'AINS, de bisphosphonates et, en cas d'échec, d'anti-TNFα.

Examens complémentaires

Figure 37.12 Orteil en saucisse.

Examens biologiques

Tableau 37.4 Critères CASPAR de classification du rhumatisme psoriasique.

La mesure de la CRP est utile au moment du diagnostic et du suivi des patients atteints de SpA, mais n'est élevée que chez environ un tiers des patients au moment du diagnostic [52]. La recherche du HLA-B27 est utile pour porter le diag­ nostic de SpA en cas d'absence de sacro-iliite à l'imagerie.

1 - Atteinte rhumatologique inflammatoire (périphérique, enthésitique ou axiale) 2 - Présence de psoriasis à l'examen ou antécédents : • Lésion psoriasique cutanée ou du scalp diagnostiquée par un médecin à l'examen physique 2 • Notion de psoriasis selon le patient ou un médecin 1 • Antécédent familial de psoriasis au 1er ou 2e degré 1

3 - Atteinte unguéale Dystrophie unguéale psoriasique à l'examen clinique : onycholyse, ongles ponctués ou hyperkératose

4 - Négativité du facteur rhumatoïde

1

1

5 - Présence ou antécédents de dactylite : • Dactylite actuelle diagnostiquée par un médecin • Antécédent de dactylite constatée par un médecin

1 1

Examens d'imagerie Radiographies Radiographies des sacro-iliaques Une radiographie du bassin doit être pratiquée devant toute suspicion de SpA à la recherche d'une sacro-iliite. Les signes radiographiques évocateurs de sacro-iliite sont au début une condensation des berges des sacro-iliaques, des érosions pouvant donner un aspect de timbre-poste et l'illusion d'un élargissement de l'interligne (« pseudo-élargissement », figure 37.13) [37]. À un stade plus avancé, il existe un pincement

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482   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires de l'interligne, pouvant aller jusqu'à la fusion complète des sacro-iliaques. En cas de sacro-iliite radiographique, la SpA est classée en SpA axiale radiographique et peut répondre aux critères de New York de spondylarthrite ankylosante. En cas de doute sur une sacro-iliite radiographique, un scanner des sacro-iliaques peut être réalisé et permet de confirmer ou non la sacro-iliite (figure 37.14). Dans la majorité des cas, les radiographies standard sont normales, surtout dans les formes débutantes et une IRM des sacro-iliaques devra être réalisée à la recherche de sacroiliite magnétique.

Figure  37.13 Radiographie du bassin montrant une sacro-iliite bilatérale. Condensation des berges iliaques et sacrées des sacroiliaque, érosions des interlignes surtout à droite avec aspect en timbreposte conduisant à un pseudo-élargissement de l'interligne.

Squaring vertébral Figure 37.15 Radiographies du rachis.

Radiographie du rachis Les radiographies du rachis cervico-dorso-lombaire de face et de profil permettent de mettre en évidence dans les formes à prédominance axiale, en général avec sacro-iliite radiographique, des signes radiographiques évocateurs de SpA (figure 37.15) [37] : ■ un rabotage avec « mise au carré » de la vertèbre (squaring),

Figure 37.14 Sacro-iliite sur un scanner des sacroiliaques : condensation des berges prédominant sur l'aile iliaque et érosions.

Syndesmophytes

Ponts osseux

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Chapitre 37. Spondyloarthrites   483 ■ des syndesmophytes, ■ à un stade plus évolué, des ponts osseux sur plusieurs étages, ■ des foyers d'ostéites des corps vertébraux prédominant dans les coins, avec un aspect de coins brillants appelés « Romanus » ; ■ une fusion des articulaires postérieures.

Signes radiographiques du rhumatisme psoriasique Le rhumatisme psoriasique est un rhumatisme polymorphe pouvant toucher les rachis et les articulations périphériques, notamment les doigts avec un aspect de dactylite. Les radiographies des articulations peuvent être normales ou montrer des lésions évocatrices de rhumatisme psoriasique avec l'association (figure 37.16) de : ■ lésions destructrices : érosions marginales, ostéolyse, ■ et de lésions reconstructrices : hyperostose, appositions périostées, enthésiophytes exubérants, ankylose.

s'il existe plusieurs foyers d'œdème sur la même coupe de sacro-iliaque (figure 37.17) [37].

IRM du rachis L'IRM du rachis dorso-lombaire ne doit pas être pris en compte pour le diagnostic de la SpA, mais il peut être utile pour évaluer l'activité de la maladie. Elle peut montrer des images d'ostéite localisées sur les coins des vertèbres (Romanus) noirs en T1 et blancs en séquence STIR (Romanus inflammatoires, figure 37.18) ou témoins d'une inflammation ancienne prenant un aspect blanc en T1 et en STIR (Romanus graisseux). Il faut savoir que ses lésions ne sont pas spécifiques de la SpA et peuvent s'observer chez les sujets ayant une lombalgie commune. Ces lésions sont plus spécifiques de SpA si elles se localisent

IRM IRM des sacro-iliaques L'IRM a révolutionné ces dernières années cette pathologie, permettant d'intégrer dans le tableau de SpA des rhumatismes inflammatoires axiaux sans sacro-iliite radiographique. L'interprétation de l'imagerie des sacroiliaques reste cependant difficile, même parmi les experts, et beaucoup de lésions inflammatoires décrites peuvent être aspécifiques et observées au cours de remaniements dégénératifs des sacro-iliaques. L'image la plus caractéristique de sacro-iliite est la présence d'œdème osseux autour de la sacro-iliaque visible sur une coupe coronale en séquence STIR (T2 Fat Sat). Une sacro-iliite peut être retenue selon les critères ASAS s'il existe un œdème localisé à proximité de l'interligne sur au moins 2 coupes successives, ou bien

Atteinte destructrice de l'IPP2, de l'IPD3

Evolution vers une ankylose de l'IPP2

Figure 37.16 Radiographie de la main et du rachis.

Figure 37.17 Sacro-iliite magnétique bilatérale sur une IRM des sacro-iliaques en séquence STIR.

Pont d'hyperostose

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484   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Tableau 37.5 Recommandations de l'ASAS pour un adressage précoce vers un rhumatologue pour suspicion de SpA, en cas de lombalgies évoluant depuis plus de 3 mois. Les patients ayant des rachialgies ≥ 3 mois ayant débuté avant 45 ans devraient être adressés à un rhumatologue si au moins un des paramètres suivants est présent : Rachialgies inflammatoires* Positivité du HLA-B27 Sacro-iliite à l'imagerie si disponible (radiographies standard ou IRM) Manifestations périphériques (arthrite, enthésite, dactylite) Manifestations extra-articulaires (psoriasis, MICI, uvéite) Antécédent familial de SpA Bonne réponse aux AINS Élévation des protéines de l'inflammation * Voir tableau 37.3 pour le diagnostic de rachialgie inflammatoire. Source : Reproduit de Assessment of SpondyloArthritis international S. Development of an ASAS-endorsed recommendation for the early referral of patients with a suspicion of axial spondyloarthritis. Poddubnyy D, van Tubergen A, Landewe R, Sieper J, van der Heijde D, Ann Rheum Dis., Vol. 74, p. 1483 -7, © 2015..

Diagnostics différentiels

Figure  37.18 Romanus inflammatoire sur une IRM du rachis thoracique.

à l'étage thoracique. On peut également identifier des arthrites costo-transversaires, des œdèmes des apophyses transverses et les œdèmes épineux à l'étage thoracique qui sont en revanche très spécifiques de la SpA [37].

IRM des enthèses L'IRM permet parfois de faire le diagnostic d'enthésite périphérique montrant des signes d'ostéite en regard de l'enthèse, un épaississement de l'enthèse avec parfois des anomalies de signal de l'enthèse.

Échographie L'échographie peut être utile dans le diagnostic de SpA pour confirmer un diagnostic d'arthrite périphérique ou mettre en évidence des signes d'enthésite. La sensibilité et la spécificité des lésions observée en échographie restent controversées et une image d'enthésite échographique isolée ne permet pas à elle seule de poser le diagnostic de SpA.

Stratégie diagnostique L'ASAS a proposé des recommandations quant à l'adressage précoce des patients atteints de lombalgie chronique en soins primaires vers un rhumatologue (tableau 37.5) [53]. Le diagnostic est posé par le rhumatologue qui se réfère aux critères de classification de l'ASAS ou autres critères selon la forme clinique.

Les diagnostics différentiels sont nombreux et dépendent de la présentation clinique initiale. En cas de manifestations axiales, le principal diagnostic différentiel est la lombalgie commune chronique, dans laquelle la douleur peut prendre un caractère inflammatoire. Un interrogatoire soigneux, la recherche de signes périphériques et extra-articulaires et les données d'imagerie permettent le plus souvent de poser le diagnostic. Le diagnostic est plus difficile chez les patients porteurs d'HLA-B27 chez qui la prévalence de la SpA n'est que de 5 % et qui peuvent aussi développer un tableau de lombalgies communes. En cas d'arthrite périphérique, les diagnostics différentiels sont les connectivites, les rhumatismes micro-cristallins et notamment la goutte, les arthrites infectieuses. Enfin, dans les formes avec enthésitiques périphériques, la fibromyalgie est le principal diagnostic différentiel qui peut aussi co-exister dans une authentique SpA avec une prévalence de 20 % [54], ce qui peut interférer avec l'évaluation de l'activité de la maladie, en grande partie basée sur de l'auto-évaluation des différents composants da la maladie.

Principes généraux de prise en charge des spondyloarthrites La prise en charge de la SpA a fait l'objet de multiples recommandations par les sociétés savantes. Les dernières recommandations de l'EULAR portant sur la SpA axiale, publiées en 2016 [55], sont fondées sur 5 principes généraux et 13 recommandations, résumées dans le tableau 37.6. L'EULAR a également émis des recommandations en 2015 [56] de prise en charge du rhumatisme psoriasique et reposent sur 5 principes généraux et 10 recommandations spécifiques (tableau 37.7). En pratique, en cas de diagnostic de SpA, la prise en charge doit être globale, coordonnée par le rhumatologue, en partenariat avec le médecin généraliste et les autres ­disciplines en cas d'atteinte extra-articulaire (dermatologue, gastro-entérologue et ophtalmologue).

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Chapitre 37. Spondyloarthrites   485 Tableau 37.6 Recommandations de l'EULAR pour la prise en charge de la SpA axiale. Principes généraux 1

La SpA axiale est une maladie potentiellement sévère, avec diverses manifestations requérant généralement une prise en charge pluridisciplinaire coordonnée par le rhumatologue.

2

L'objectif principal du traitement des patients atteints de SpA axiale est d'améliorer la qualité de vie par le contrôle des symptômes et de l'inflammation, de prévenir la progression des dommages structuraux, de préserver/normaliser la fonction et les activités sociales.

3

La prise en charge optimale des patients atteints de SpA axiale requiert la combinaison de traitements non pharmacologiques et pharmacologiques.

4

Le traitement de la SpA axiale vise à être optimal, mais repose sur une décision partagée entre le patient et son médecin.

5

La SpA axiale induit des coûts individuels médicaux et sociétaux élevés, qui doivent être pris en considération par le rhumatologue.

Recommandations 1

Le traitement des patients atteints de SpA axiale doit être individualisé selon les signes actuels et les symptômes de la maladie (axiale, périphérique, manifestations extra-articulaires) et les caractéristiques des patients incluant les comorbidités et les facteurs psycho-sociaux.

2

Le suivi de la maladie inclut des critères-patients, des signes cliniques, des examens biologiques et d'imagerie, et tous les outils utiles et pertinents selon la présentation clinique. La fréquence du suivi est décidée selon les individus, dépendant des symptômes et la sévérité de la pathologie et des traitements entrepris.

3

Le traitement devrait être guidé selon un objectif thérapeutique prédéfini.

4

Les patients devraient recevoir une éducation thérapeutique concernant leur maladie, être encouragés à la pratique d'exercices physiques réguliers et à l'arrêt du tabac ; la rééducation devrait être envisagée.

5

Les patients souffrant de douleurs et de raideur devaient recevoir des AINS comme première ligne de traitement jusqu'à la dose maximale recommandée, en prenant en compte les risques et bénéfices de ces traitements.

6

Les antalgiques tels que le paracétamol ou les opiacés devraient être envisagés en cas de douleur résiduelle lorsque le premier traitement est inefficace, contre-indiqué ou mal toléré.

7

En cas d'inflammation localisée, les infiltrations de glucocorticoïdes devraient être envisagées. Il n'est pas recommandé d'utiliser des traitements par glucocorticoides systémiques au long cours, en cas de SpA purement axiale.

8

Les patients ayant une forme purement axiale ne devraient pas recevoir de traitement de fond synthétique. La salazopyrine devrait être considérée chez les patients avec des symptômes périphériques.

9

Les traitements de fond biologiques devraient être considérés chez les patients ayant une forte activité de leur maladie, malgré les traitements conventionnels. Il est de pratique courante de débuter le premier traitement biologique par un anti-TNF.

10

En cas d'échec de l'anti-TNF, un switch vers un 2e anti-TNF ou un anti-IL-17 devrait être envisagé.

11

En cas de rémission prolongée, une décroissance du traitement de fond biologique devrait être envisagée.

12

Une prothèse totale de hanche devrait être envisagée chez les patients avec douleurs persistantes ou impotence fonctionnelle avec des signes de coxite radiographique ; une ostéotomie spinale correctrice en centre spécialisé devrait être considérée chez les patients avec déformations rachidiennes sévères.

13

En cas de changement significatif dans l'évolution de la maladie, d'autres causes que l'inflammation, telle qu'une fracture vertébrale, devraient être envisagées et une évaluation appropriée incluant l'imagerie devrait être réalisée.

Source : d'après van der Heijde D, Ramiro S, Landewe R, Baraliakos X, Van den Bosch F, Sepriano A, et al. 2016 update of the ASAS-EULAR management recommendations for axial spondyloarthritis. Ann Rheum Dis. 2017 ; 76(6):978–91.

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486   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires Tableau 37.7 Recommandations de l'EULAR de prise en charge du rhumatisme psoriasique. Principes généraux A

Le rhumatisme psoriasique est une maladie potentiellement sévère qui peut requérir une prise en charge pluridisciplinaire.

B

Le traitement du rhumatisme psoriasique vise à être optimal et repose sur une décision partagée entre le patient et son médecin.

C

Les rhumatologues devraient prendre initialement en charge les patients avec manifestations musculo-squelettiques ; en cas d'atteinte cutanée significative, le rhumatologue et le dermatologue devraient collaborer dans le diagnostic et la prise en charge du patient.

D

L'objectif principal du traitement des patients atteints de rhumatisme psoriasique est d'améliorer la qualité de vie par le contrôle des symptômes, de prévenir la progression des dommages structuraux, de normaliser la fonction et les activités sociales ; la disparition de l'inflammation est un composant important pour atteindre ces objectifs.

E

Lors de la prise en charge des patients atteints de rhumatisme psoriasique, les manifestations extra-articulaires, le syndrome métabolique, les maladies cardiovasculaires et les autres comorbidités devraient être pris en considération.

Recommandations 1

Le traitement devait avoir pour objectif d'atteindre la rémission ou, en alternative, une activité clinique minimale par un suivi régulier et des adaptations thérapeutiques adaptées.

2

Chez les patients atteints de rhumatisme psoriasique, les AINS devraient être utilisés pour améliorer les signes et symptômes musculo-squelettiques.

3

Chez les patients avec atteinte périphérique, notamment chez ceux ayant des articulations gonflées, des dommages structuraux en rapport avec l'inflammation, une importante élévation de la VS et CRP et/ou des manifestations extraarticulaires significatives, les traitements de fond synthétiques devraient être proposés à un stade précoce et privilégiant le méthotrexate en cas d'atteinte cutanée.

4

Des infiltrations localisées de glucocorticoïdes devraient être envisagées en traitement adjuvant dans le rhumatisme psoriasique ; les glucocorticoïdes par voie systémique devraient être utilisés avec précaution, à la dose la plus faible possible.

5

Chez les patients avec une atteinte périphérique et une réponse inadéquate à au moins un traitement de fond synthétique, un traitement de fond biologique, habituellement de type anti-TNF, devrait être envisagé.

6

Chez les patients avec une atteinte périphérique et une réponse inadéquate à au moins un traitement de fond conventionnel, si les anti-TNF ne sont pas appropriés, un traitement de fond ciblant l'IL12/23 ou l'IL17 peut être envisagé.

7

Chez les patients avec une atteinte périphérique et une réponse inadéquate à au moins un traitement de fond conventionnel, si les traitements de fond biologiques ne sont pas appropriés, un traitement de fond synthétique ciblé, tel qu'un inhibiteur de la PDE4, peut être envisagé.

8

Chez les patients avec une enthésite active et/ou une dactylite et une réponse insuffisante aux AINS ou aux infiltrations, un traitement de fond biologique devrait être envisagé, de type anti-TNF en pratique courante.

9

Chez les patients ayant une atteinte axiale prédominante, et une réponse insuffisante aux AINS, un traitement de fond biologique devrait être envisagé, et en pratique clinique de type anti-TNF.

10

Chez les patients qui n'ont pas répondu suffisamment à un traitement de fond biologique, un switch pour un autre traitement de fond biologique, anti-TNF ou autre devrait être envisagé.

Source : d'après Gossec L, Smolen JS, Ramiro S, de Wit M, Cutolo M, Dougados M, et al. European League Against Rheumatism (EULAR) recommendations for the management of psoriatic arthritis with pharmacological therapies: 2015 update. Ann Rheum Dis. 2016 ; 75(3):499–510.

Le traitement de première intention reste les AINS à proposer en cas de poussée, à la dose minimale efficace et qui doivent être interrompus entre les crises. Une prise en charge en rééducation doit être proposée en cas d'atteinte axiale, avec limitation de la métrologie rachidienne et/ou de l'ampliation thoracique. La rééducation est basée sur l'apprentissage d'auto-rééducation par des mouvements d'étirements et le renforcement des chaînes postérieures du rachis, le maintien des amplitudes articulaires, notamment des coxo-fémorales, le travail de l'ampliation thoracique. Enfin, il convient de proposer une activité physique régulière adaptée à l'atteinte fonctionnelle, privilégiant les exercices en aérobie [55]. En cas d'échec des AINS dans les formes axiales de SpA, un traitement de type biothérapie peut être envisagé (antiTNFα en première ligne, le plus souvent).

Dans les formes avec atteinte articulaire périphérique, un traitement de fond synthétique est souvent proposé en cas d'échec des AINS et des gestes infiltratifs locaux, de type méthotrexate en cas de rhumatisme psoriasique ou salazopyrine dans les cas de SpA périphérique [55, 56]. La surveillance de la SpA dépend de l'activité de la maladie, de sa sévérité et des traitements engagés. Il est recommandé d'évaluer l'activité des formes axiales au moyen d'outils tels que le BASDAI + la CRP ou l'ASDAS (score composite, voir, figures 37.8 et 37.9). L'incapacité fonctionnelle peut être appréciée à l'aide d'échelles comme le BASFI (voir, figure 37.10). La surveillance de la métrologie rachidienne est recommandée en cas de forme axiale [37].

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Chapitre 37. Spondyloarthrites   487

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Chapitre

38

Arthrites réactionnelles Yannik Degboé PLAN DU CHAPITRE Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Données fondamentales . . . . . . . . . . . . . . . . . . Clinique type et formes cliniques . . . . . . . . . . Évolution, complications. . . . . . . . . . . . . . . . . .



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Examens complémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . Diagnostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Diagnostics différentiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . Traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Introduction

Épidémiologie

Les arthrites réactionnelles font partie des arthrites associées aux infections. Elles se développent généralement dans les suites d'une infection vénérienne non gonococcique ou d'une infection entéro-invasive à entérobactérie. Elles se caractérisent par une grande hétérogénéité clinique et une physiopathologie où l'interaction entre l'hôte et le pathogène conditionne l'apparition de la maladie. Ces arthrites sont actuellement classées parmi les spondyloarthrites. Il est toutefois important de noter l'absence de consensus sur les critères diagnostiques, malgré les propositions de classification de l'American College of Rheumatology [1] et de différents groupes d'experts [2, 3]. Les premières descriptions de cas compatibles avec ce diagnostic sont anciennes [4, 5] (encadré  38.1), avec notamment : ■ l'évocation par Hippocrate du cas d'un adulte jeune présentant un premier épisode d'arthrite suite à un rapport sexuel ; ■ la spéculation du caractère réactionnel de la polyarthrite fébrile et récurrente des membres inférieurs développée par Christophe Colomb dans les suites d'infections entériques et génito-urinaires contractées au Nouveau Monde [6]. Le concept d'arthrite réactionnelle a émergé de manière claire en 1916 grâce aux travaux concomitants de deux médecins français, Noël Fiessinger (1881–1946) et Edgar Leroy (1883–1965) [7] et d'un médecin allemand, le Dr. Hans Reiter (1881–1969) [8]. L'entité pathologique a été nommée « syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter », ou plus fréquemment (en dehors de la France) « syndrome de Reiter ». L'usage de la terminologie « syndrome de Reiter » fut toutefois abandonné du fait du passé de criminel de guerre nazi du Dr. Reiter [9] et remplacé par la terminologie « arthrite réactionnelle » à partir des années 1970 [10].

Données générales

Rhumatologie © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés



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Les arthrites réactionnelles sont considérées comme des pathologies de l'adulte jeune. Elles se développent classiquement dans les suites d'une infection invasive des muqueuses gastro-intestinale et génito-urinaire. Les données épidémiologiques concernant les arthrites réactionnelles sont hétérogènes et doivent être analysées en gardant à l'esprit le caractère « non absolu » des conclusions. Leur hétérogénéité rend compte de la variabilité de nombreux facteurs tels que le site géographique étudié, l'époque concernée, les agents pathogènes mis en cause, le contexte épidémique, le niveau d'industrialisation, le fond génétique des patients atteints, la population d'intérêt, le type d'étude, la spécialité des médecins rapportant l'étude… Une enquête nationale réalisée sous l'égide de la Société Française de Rhumatologie a montré que 10,4 % des rhumatismes inflammatoires pouvaient être considérés comme des arthrites réactionnelles [11].

Données microbiologiques Données microbiologiques générales Les germes les plus fréquemment mis en cause sont : en premier lieu Chlamydia trachomatis, puis les entérobactéries Yersinia, Shigella, Salmonella et Campylobacter. Il est à noter qu'en Scandinavie le germe le plus fréquemment mis en cause n'est pas Chlamydia, mais Yersinia [12]. De nombreux autres germes causaux ont été évoqués dans le développement des arthrites réactionnelles, dont notamment Chlamydia pneumoniae, Clostridium difficile et Ureaplasma urealyticum (tableau  38.1). Toutefois, leur contribution dans l'apparition d'une spondyloarthrite chronique n'est pas claire. Il semble exister 2  groupes

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490   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Encadré 38.1 Historique des arthrites réactionnelles. Le premier cas rapporté, compatible avec une arthrite réactionnelle, a été décrit par Hippocrate. Sa description faisait référence à une première crise de « goutte » dans les suites d'un rapport sexuel, chez un homme jeune. Hippocrate n'avait toutefois pas qualifié l'affection de vénérienne. Il est important de noter qu'avant le xvie siècle, le terme « goutte » était utilisé pour décrire la plupart des formes d'arthrites. Christophe Colomb a-t-il été le premier cas d'arthrite réactionnelle de l'Ancien Monde ? C'est la question posée en 1980 par D.J. Allison dans The Lancet. En 1496, au retour de son second voyage dans les Caraïbes, il souffre d'arthrite et d'une atteinte oculaire évocatrice d'une uvéite. Certains historiens défendent la thèse que Colomb et son équipage ont initié la diffusion de la syphilis du Nouveau Monde vers l'Ancien Monde. Même si les symptômes décrits ne sont pas spécifiques des arthrites réactionnelles et sont compatibles avec une syphilis, le diagnostic d'arthrite réactionnelle reste possible, ce d'autant qu'il a été fait état d'épisodes antérieurs de dysenterie chez Colomb et son équipage. Près d'un siècle avant la description du syndrome de FiessingerLeroy et Reiter, Sir Benjamin Brodie décrivait six cas de patients présentant l'association urétrite, arthrite et «  inflammation oculaire ». Dans la plupart des cas, l'urétrite précédait les autres manifestations, l'arthrite prédominait aux grosses articulations des membres inférieurs, la maladie était transitoire et la principale séquelle était une uvéite récidivante. Dès lors, plusieurs médecins, dont Fournier en 1868 et Launois en 1899, décrivent des cas de rhumatismes transitoires associant à des degrés divers urétrite, gonorrhée, arthrite, atteinte inflammatoire des enthèses, kératodermie blennorragique et uvéite. Launois notera d'ailleurs que l'analyse de la pyurie n'aura pas permis de mettre en évidence de gonocoque, laissant supposer un rôle de Chlamydia trachomatis. La Première Guerre mondiale a été l'occasion d'établir un lien entre les urétrites non gonococciques (« abactériennes »), les dysenteries et l'atteinte post infectieuse caractérisée par Fiessinger, Leroy et Reiter. Durant les décennies suivantes, le caractère « aseptique » sera affirmé notamment par les travaux d'Harness. Le concept d'arthrite réactionnelle a été rationalisé en 1973 par Aho et  al. Le travail de cette équipe finlandaise a mis en exergue l'association du terrain génétique HLA-B27, avec le développement d'arthrites non infectieuses dans les suites d'une infection entérique (à Yersinia enterolitica et pseudotuberculosis) ou génito-urinaire. Suivant ce concept, les symptômes comprennent ceux décrits par Fiessinger-Leroy et Reiter, et la maladie peut évoluer vers une forme chronique de type spondylarthrite ankylosante.

d'arthrites ­post-infectieuses, selon qu'elles sont associées ou non au cadre nosologique spondyloarthrites/human leucocyte antigen B27 (HLA-B27).

Arthrites réactionnelles post-chlamydiennes Les arthrites réactionnelles post-vénériennes sont non gonococciques et associées à Chlamydia trachomatis. Elles représentent la cause la plus commune d'arthrite réaction-

Tableau 38.1 Germes impliqués dans les arthrites réactionnelles. Type d'infection

Arthrite réactionnelle de type spondyloarthrite

Arthrite post-infectieuse de lien discuté avec les spondyloarthrites

Infection uro-génitale

Chlamydia trachomatis

Ureaplasma urealyticum Neisseria gonorrhoeae

Infection entérique

Yersinia pseudotuberculosis Yersinia enterolitica Campylobacter jejuni Salmonella enteritidis Salmonella typhimurium Shigella flexneri

Clostridium difficile Escherichia coli O157 Shigella sonnei Shigella dysenteriae Salmonella hadar Salmonella infantis Campylobacter coli Cryptosporidia Entamœba histolytica Giardia lamblia Strongyloides stercoralis Taenia saginata Leptospira icterohaemorrhagiae

Autres

-

Chlamydia peumoniae Chlamydia psittaci Mycoplasme Borrelia burgdorferi Streptococci sp Mycobacterium tuberculosis Blastocystis hominis Brucella abortus

nelle (hors Scandinavie). L'incidence de l'atteinte rhumatologique suite à l'infection vénérienne a été évaluée entre 3,0 et 8,1 % [13]. L'apparente prédominance masculine est probablement liée au passage inaperçu des cervicites, et donc à un obstacle à la mise en évidence du germe causal chez les femmes [14].

Arthrites réactionnelles post-entériques L'incidence des arthrites réactionnelles post-entéritiques a été analysée par plusieurs études épidémiologiques et évaluée entre 0 et 15 % [15, 16]. Les méta-analyses publiées retrouvaient une incidence globale de l'ordre de 1 % après une infection entérique à Campylobacter, Shigella ou Salmonella [17, 18]. Une étude a montré en population pédiatrique que les arthrites réactionnelles affectaient 1,4 % des enfants ayant eu une infection à Clostridium difficile, par an [19]. Le risque d'arthrite réactionnelle post entérique semble associé au sexe féminin (risque relatif des femmes par rapport aux hommes de 1,5, intervalle de confiance à 95 % : 1,3–1,7) et à l'âge adulte (risque relatif des adultes par rapport aux enfants de 2,5, intervalle de confiance à 95 % 2,0–3,1) [16]. Ces résultats sont néanmoins à interpréter avec circonspection. L'exemple de la situation mexicaine illustre cette difficulté. Le portage fécal en entérobactéries pathogènes (Yersinia, Campylobacter, Shigella, Salmonella) chez les enfants y est de 1 à 15 %, de sorte que les arthrites réactionnelles post-entéritiques sont bien plus fréquemment observées chez les enfants et rares chez l'adulte.

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Chapitre 38. Arthrites réactionnelles   491 Par ailleurs, bien que peu fréquente (par rapport à l'Europe de l'Ouest), la spondylarthrite ankylosante y est diagnostiquée plus jeune (16 ans en moyenne) [3]. Les données épidémiologiques observées dans les pays industrialisésdéveloppés ne sont donc pas systématiquement applicables au reste du globe.

le réticulum endoplasmique, entraînant une instabilité et, au terme du processus de maturation de la molécule, une anomalie fonctionnelle favorisant l'activation d'une réponse inflammatoire [26, 27].

Données génétiques

Toujours dans l'hypothèse d'une auto-inflammation médiée par le HLA-B27, un autre mécanisme proposé est le ciblage de la chaîne lourde du HLA-B27 par les cellules de l'immunité innée (lymphocytes natural killers) [28, 29].

En termes de prédisposition aux arthrites réactionnelles, un facteur régulièrement évoqué est la présence du HLAB27. Le HLA-B27 est fortement associé à la spondylarthrite ankylosante. Toutefois, sa contribution dans la physiopathologie des arthrites réactionnelles n'est pas élucidée, les données de la littérature étant discordantes [20, 21]. Confère-t-il une susceptibilité aux infections (notamment entériques) ou plutôt à l'apparition de l'arthrite ? Nous aborderons ce point dans le paragraphe suivant.

Données fondamentales Au cours de l'arthrite réactionnelle, les spécificités de l'hôte et de sa réaction immunologique face au pathogène semblent critiques pour le développement de la maladie.

Place du HLA-B27 Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer l'apparition d'une arthrite réactionnelle suite à l'épisode infectieux initial. La présence du HLA-B27 est reconnue pour être particulièrement associée aux spondyloarthrites. Elle ne semble toutefois pas requise pour le développement de l'arthrite réactionnelle, puisque le HLA-B27 est absent chez environ 20 à 50 % des patients [22].

Théorie du mimétisme moléculaire L'une des principales hypothèses proposées a été la capacité du HLA-B27 à présenter aux lymphocytes T CD8 des peptides arthritogènes. Ces peptides arthritogènes seraient des peptides du soi situés dans l'articulation et présenteraient un mimétisme moléculaire avec des antigènes dérivés de pathogènes gastro-intestinaux (protéine du choc thermique 60 notamment) ou uro-génitaux [23]. La réaction immunitaire croisée entre antigènes microbiens et molécules du soi entraînerait alors l'inflammation articulaire. Toutefois, l'hypothèse du mimétisme moléculaire n'a jamais clairement été démontrée. Elle a d'ailleurs été contredite par les modèles expérimentaux montrant l'absence de nécessité des lymphocytes T CD8 dans le développement de spondyloarthrite chez le rat transgénique HLA-B27 [24, 25] et par l'absence d'auto-anticorps identifiables chez l'homme.

Théorie du misfolding Une autre implication supposée du HLA-B27 est l'induction d'une auto-inflammation médiée par l'immunité innée. Un des mécanismes proposés est en lien avec le misfolding (« mauvaise conformation ») de la molécule. La conformation particulière de la chaîne lourde du HLA-B27 serait responsable d'un assemblage inhabituel de la molécule dans

Théorie de l'auto-inflammation par la chaîne lourde

Théorie de la susceptibilité aux infections bactériennes Outre la favorisation d'une réponse inflammatoire par le HLA-B27, l'hypothèse d'une réponse immunitaire insuffisante pour éliminer l'agent microbien a aussi été soulevée. Les cytokines produites par les lymphocytes et les macrophages interviennent dans la physiopathologie des arthrites réactionnelles. Les cytokines de type Th1 (interleukine 12 [IL-12], interféron gamma [IFNγ], tumor necrosis factor alpha [TNFα]) participent de manière générale à l'élimination bactérienne [30, 31]. Certains patients, plus particulièrement les individus porteurs du HLA-B27, semblent présenter une réponse inhibée de leurs lymphocytes auxiliaires  Th1, contribuant ainsi à la persistance bactérienne chez l'hôte [32]. De plus, un déséquilibre des cytokines Th1, telles que l'IFNγ, TNFα [33, 34] et des cytokines Th2, telles que l'IL-4 [35] et l'IL-10 [36] est associé à la maladie.

Persistance bactérienne Les arthrites réactionnelles ont historiquement été considérées comme des arthrites aseptiques. Ce dogme a été remis en cause par l'identification d'ARN messagers de Chlamydia trachomatis confirmant la présence de bactéries viables et métaboliquement actives [37] au sein de la membrane synoviale. La situation n'est pas aussi claire pour les arthrites post-entériques où les données sont en faveur d'un passage intra-articulaire transitoire, comme le montre l'identification de produits bactériens (antigènes, ADN) dans le liquide synovial et les synoviocytes de patients au cours de l'entérite ou dans les suites immédiates [38, 39]. La persistance d'une « épine irritative », caractérisée par les signaux de danger associés aux pathogènes (PAMP) non éliminés, favoriserait l'inflammation des arthrites réactionnelles. Ce concept de persistance bactérienne a rationalisé le recours aux antibiotiques proposé par certains.

Rôle du microbiote Les altérations du microbiote digestif sont actuellement incriminées dans la pathogénie des maladies auto-immunes et des rhumatismes inflammatoires chroniques tels que les spondyloarthrites [40]. Il n'est pas exclu qu'un tel déséquilibre puisse être à l'origine d'une réponse immune aberrante dirigée contre la flore digestive, conduisant à une perte de l'homéostasie et une propension à l'inflammation chez les patients atteints d'arthrites réactionnelles.

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492   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Clinique type et formes cliniques Données cliniques générales La forme clinique « historique » du syndrome de FiessingerLeroy-Reiter est la triade oculo-urétro-synoviale. Celle-ci est rare, la plupart des patients présentant une forme incomplète. La présentation clinique habituelle est une oligoarthrite asymétrique des grosses articulations des membres inférieurs, s'installant habituellement entre 1 et 4 semaines après l'infection génitale ou digestive. Il s'y associe à des degrés variables des manifestations rhumatologiques évoquant une spondyloarthrite, des atteintes extra-articulaires et des signes généraux. Il convient de distinguer les manifestations liées à l'infection sous-jacente de celles liées à la réaction immune secondaire. Les éléments cliniques liés à l'infection sous-jacente sont : ■ Un tableau dysentérique avec douleurs abdominales diffuses, ténesme, épreintes, selles glairo-sanglantes (Shigella) ; un tableau gastro-entéritique avec diarrhée banale, douleurs abdominales et vomissement, avec fièvre inconstante (Salmonella, Yersinia, Campylobacter). La diarrhée est parfois fruste. ■ Une urétrite à Chlamydia, intervenant 21 jours après le contage, avec écoulement urétral spontané séreux, voire purulent, dysurie et brûlures mictionnelles. À noter que l'urétrite peut aussi être réactionnelle (aseptique) inter­ venant après l'épisode de diarrhée infectieuse. ■ L'infection génitale basse de la femme se manifeste par une vulvo-vaginite ou une cervicite, avec : leucorrhées pathologiques, dysurie et dyspareunie. La cervicite est souvent asymptomatique, ce qui représente un obstacle au diagnostic et donc au traitement. Il n'y a pas de fièvre, sauf en cas de complication de type infection génitale haute. ■ Une prostatite, une salpingite.

Atteinte ostéoarticulaire L'atteinte rhumatologique se manifeste par : ■ une arthrite généralement très inflammatoire, prédominante aux membres inférieurs ; ■ une enthésite, i.e. une inflammation de la zone d'insertion à l'os des tendons, ligaments, fascia et capsules. Celle-ci se manifeste par : des orteils et doigts en saucisse, une talalgie inflammatoire, une enthésite d'insertion du tendon d'Achille, du tendon rotulien, du moyen fessier, voire d'autres sites ; ■ une bursite, souvent préachilléenne ; ■ il peut aussi exister des signes axiaux avec : une rachialgie inflammatoire à prédominance lombaire et une pygalgie (ou douleur fessière) reflétant l'atteinte inflammatoire des sacro-iliaques.

Atteinte extra-articulaire Signes généraux La fièvre, l'asthénie et l'amaigrissement sont fréquemment retrouvés. Les manifestations extra-articulaires associées sont, elles aussi, fréquentes [41].

Atteinte ophtalmologique L'atteinte oculaire est essentiellement l'apanage des atteintes post-vénériennes. Nous retiendrons : ■ la fréquente conjonctivite uni ou bilatérale, avec parfois écoulement muco-purulent stérile ; ■ l'uvéite antérieure, elle aussi fréquente (jusqu'à 12 % des patients dans certains travaux) et pouvant engager le pronostic fonctionnel oculaire ; ■ l'iridocyclite, unilatérale et se caractérisant par un risque de synéchies postérieures et de glaucome ; ■ l'épisclérite et la sclérite nodulaire apparaissant surtout dans les formes chroniques ; ■ et enfin, la kératite.

Atteinte cutanéo-muqueuse Elle se manifeste par : ■ des lésions génitales indolores de type : balanite circinée, érosions du gland ou lésions psoriasiformes ; ■ des lésions buccales de type : ulcérations, érythème ; ■ la kératodermie blennorragique post-vénérienne de Vidal et Jacquet. Elle correspond à une éruption palmoplantaire (macule, papule, pustule), évoluant vers la confluence, puis un cône induré hyperkératosique enchâssé dans le derme, dit « en clou de tapissier », difficile à différencier du psoriasis pustuleux ; ■ et des lésions cutanées ou unguéales hyperkératosiques, parfois difficiles à distinguer d'un psoriasis.

Atteinte cardiaque Cette atteinte est commune aux spondyloarthrites. Nous retiendrons les classiques troubles de la conduction représentés principalement par les blocs auriculo-ventriculaires de 1er degré, la myocardite, la péricardite [42] et, plus rarement, l'insuffisance aortique [43].

Atteinte néphrologique Ce type d'atteinte a été exceptionnellement décrite avec des néphropathies à IgA et des amyloses [44].

Évolution, complications Malgré son caractère parfois très invalidant, l'évolution des arthrites réactionnelles est habituellement favorable. Un patient sur deux évolue vers la guérison en moins de 6 mois. Un tiers des patients présente une évolution émaillée de rechutes, et 10 à 20 % des patients évolueront vers une forme chronique caractéristique de spondyloarthrite. La distinction forme aiguë/forme chronique se fait à 6 mois d'évolution. Le pronostic des formes post-entériques semble meilleur que celui des formes post-vénériennes [38]. La présence du HLA-B27 semble favoriser la triade oculourétro-synoviale et une présentation plus sévère [45-47]. Ce terrain génétique n'est pas indispensable au développement des arthrites réactionnelles, mais semble promouvoir le passage à la chronicité [20]. La sévérité clinique initiale semble, elle aussi, conditionner le passage à la chronicité. Une attention particulière doit être portée à l'atteinte ophtalmologique, uvéites antérieures notamment, qui peut s'accompagner de séquelles fonctionnelles.

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Chapitre 38. Arthrites réactionnelles   493

Examens complémentaires Identification de l'agent causal Aucun examen complémentaire ne permet à lui seul d'affirmer le diagnostic d'arthrite réactionnelle. Les enjeux du bilan complémentaire sont : l'identification du germe causal, l'authentification d'éléments en faveur d'une spondyloarthrite et l'élimination des diagnostics différentiels. La place des différents examens à visée bactériologique reste discutée. L'identification du germe causal n'est fructueuse que dans 50 % des cas environ [48]. En cas de manifestations digestives prévalentes ou récentes, l'identification des germes entériques repose sur la coproculture avec recherche de Y. enterocolitica et Y. pseudo­ tuberculosis dans les selles. Le sérodiagnostic est envisageable en cas d'échec d'identification bactériologique. En cas de manifestations uro-génitales suspectées, prévalentes ou récentes, l'identification de Chlamydia tracho­ matis repose sur la réalisation d'une réaction en chaîne par polymérase (PCR) pour détecter Chlamydia à partir des prélèvements  : des parois urétrale (homme) ou vaginale par écouvillonnage, de l'écoulement urétral si présent et sur 1er jet d'urines. Dans le cas particulier de signes uro-génitaux persistants, il convient de rechercher les autres germes responsables d'infections sexuellement transmissibles (examen cytologique direct, culture, PCR gonocoque et Mycoplasma genitalium). La co-infection Chlamydia–gonocoque est fréquente (10–50 %). De plus, la prise en charge (dépistage/ traitement) du/de la partenaire est nécessaire. Le sérodiagnostic présente plusieurs limites. La cinétique de la production d'anticorps impose un délai avant positivation du test et le résultat peut être négativé au moment de l'arthrite. Le résultat est généralement tardif et apporte une confirmation rétrospective. Le sérodiagnostic de Chlamydia ne permet pas de dater l'ancienneté de l'infection.

Évaluation du terrain génétique La présence du HLA-B27 (50–80 %) permet de corroborer le diagnostic. Toutefois, il faut tenir compte de sa fréquence de 6–7 % en France et de sa négativité dans 20 à 50 % des arthrites réactionnelles. Sa valeur diagnostique est donc insuffisante en tant que test utilisé isolément.

Confirmation de l'atteinte inflammatoire L'identification d'un syndrome inflammatoire, généralement élevé, passe par le dosage de la vitesse de sédimentation et de la CRP. L'analyse du liquide articulaire met en évidence un liquide inflammatoire (> 2 000 éléments/mm3) sans germe ni cristal. Certains auteurs préconisent la réalisation d'une PCR Chlamydia sur le liquide articulaire. Il est important de noter que cet examen n'est pas accessible en routine libérale. Le bilan d'imagerie permet d'éliminer les autres causes de rhumatisme inflammatoire et d'affirmer une spondyloarthrite. L'imagerie de première intention est radiographique. Les radiographies standard bilatérales et comparatives des articulations atteintes ne retrouvent généralement pas d'érosion articulaire. Il peut exister un aspect de déminéralisation épiphysaire aspécifique. Le bilan comprendra un cliché des

sacro-iliaques afin de ne pas méconnaître une spondylarthrite ankylosante. Une sacro-iliite peut être présente chez une minorité d'arthrites réactionnelles récentes, témoignant d'une spondyloarthrite caractérisée prévalente. L'échographie articulaire présente un intérêt pour identifier une atteinte inflammatoire articulaire ou de l'enthèse, en particulier du tendon d'Achille. En seconde intention, l'IRM de sacro-iliaques et rachidienne permet d'argumenter le diagnostic de spondyloarthrite (voir chapitre 37, « Spondyloarthrites »). L'IRM est aussi utile pour argumenter le diagnostic d'enthésite.

Bilan des atteintes extra-articulaires Dans le cadre du bilan des atteintes extra-articulaires, la réalisation d'un électrocardiogramme, d'un ionogramme sanguin avec évaluation de la fonction rénale (complications et préthérapeutique) et d'une évaluation ophtalmologique est utile. Les examens utiles en pratique courante sont résumés dans le tableau 38.2. Tableau 38.2 Examens complémentaires de routine utiles au diagnostic d'arthrite réactionnelle. Identification de l'agent causal Entérique : coproculture avec recherche de Campylobacter, Salmonella, Shigella, Yersinia Urogénital : PCR Chlamydia trachomatis sur 1er jet d'urines, l'écoulement urétral, l'écouvillonnage urétral (chez l'homme) ou l'écouvillonnage vaginal

Si diagnostic d'une infection par Chlamydia trachomatis, dépistage des maladies vénériennes associées Identification du gonocoque par : PCR gonocoque dans le 1er jet d'urines chez l'homme, examen direct et culture sur les écouvillonnages de l'urètre (homme) et du vagin Sérologies TPHA VRDL et VIH Dépistage du/de la/des partenaires dans le cadre de l'infection vénérienne

Évaluation du terrain génétique Typage HLA-B27

Confirmation de l'arthrite et diagnostic différentiel Ponction articulaire avec analyse cytologique, bactériologique et des microcristaux Recherche d'un syndrome inflammatoire avec VS et CRP notamment Bilan immunologique : facteurs rhumatoïdes, anticorps antipeptides citrullinés, anticorps anti-nucléaires et si positifs, recherche de spécificité, éventuellement ANCA (atteinte rénale, pulmonaire, neurologique ou signes généraux marqués)

Imagerie Radiographies standard bilatérales et comparatives des articulations atteintes Cliché du bassin de face ou dans l'idéal de sacro-iliaques en charge Si besoin, confirmation d'une enthésite par échographie, voire IRM

Bilan des atteintes extra-articulaires ECG Ionogramme sanguin et évaluation de la fonction rénale Évaluation ophtalmologique

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494   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Diagnostic On parle d'arthrite réactionnelle si la clinique ou si l'agent infectieux incriminé sont associés aux spondyloarthrites (et donc au terrain HLA-B27). Dans le cas contraire, la terminologie préférentielle est « arthrite associée aux infections ». Le point essentiel est l'identification (clinique ou biologique) d'une infection précessive compatible. La principale limite de ce rationnel est la fréquente infection passée inaperçue (cervicite, diarrhée fruste…). L'hétérogénéité importante des arthrites réactionnelles et l'évolution dans la compréhension de sa physiopathologie rendent problématique l'obtention d'un consensus international [49]. Plusieurs questions restent en suspens : dans la mesure où les spondyloarthrites peuvent se présenter de manière purement enthésitique, la présence d'une arthrite est-elle nécessaire ? Faut-il au moins une oligoarthrite ? Quelle est la valeur pathologique de l'identification d'un germe par PCR ? Quelle est la valeur du diagnostic sérologique ? Est-ce que la performance des tests biologiques est améliorée par la détermination du HLA-B27 ? Le diagnostic repose sur (encadré 38.2) : ■ la recherche de Chlamydia trachomatis dans les urines, urètre, col par PCR ; ■ la recherche d'entérobactéries dans les selles par coproculture et, éventuellement, par dosage des anticorps sériques.

Diagnostics différentiels L'arthrite septique est l'un des principaux diagnostics à évoquer du fait de sa gravité. Elle sera évoquée systématiquement devant une forme mono-articulaire, voire poly-

articulaire (en lien avec une septicémie ou endocardite infectieuse). Son diagnostic repose sur l'identification du germe sur le liquide articulaire, voire le matériel synovial ou les hémocultures. Une gonococcie disséminée doit être évoquée devant des signes génito-urinaires, associés à des signes généraux et à une éruption pustuleuse ou maculo-papulaire [50]. Les arthrites microcristallines (chondrocalcinose et goutte) sont des diagnostics importants à évoquer du fait de leur fréquence. Toutefois, en dehors de cas familiaux d'origine génétique et des origines secondaires, ils concernent rarement les sujets jeunes. Les rhumatismes inflammatoires débutants (polyarthrite rhumatoïde, lupus…) et les vascularites peuvent mimer une arthrite réactionnelle. Le bilan immunologique, l'authentification d'érosions osseuses en règle générale absentes dans les arthrites réactionnelles et les éléments systémiques spécifiques des connectivites permettent de redresser le diagnostic. Parmi les diagnostics différentiels plus rares, nous pouvons évoquer l'arthrite post-streptocoque β hémolytique du groupe A, la maladie de Lyme, la maladie de Whipple, les syndromes paranéoplasiques. Les diagnostics différentiels des arthrites réactionnelles à entérobactéries sont essentiellement les MICI et entérovirus. Les entérovirus (coxsachie, Echovirus) sont responsables de diarrhée, qui rarement peuvent s'associer à une arthrite. Les entéropathies inflammatoires (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique) se présentent avec une diarrhée, potentiellement glairo-sanglante, pouvant être accompagnée de signes extra-digestifs, pour l'essentiel commun aux spondyloarthrites, dont l'arthrite.

Traitement Encadré 38.2 Critères diagnostiques proposés par le 3e groupe de travail international pour les arthrites réactionnelles [2]. Présence d'arthrite périphérique typique  : prédominant aux membres inférieurs, oligoarthrite asymétrique. Et mise en évidence de l'infection précessive : ■ diarrhée ou urétrite univoque, dans les 4 semaines précédant l'arthrite, la confirmation microbiologique étant souhaitable, mais non obligatoire, ■ en l'absence de signes cliniques univoques d'infection, la preuve microbiologique de l'infection est nécessaire. Critères d'exclusion : ■ patients avec une autre cause connue de mono/oligoarthrite, telle qu'une autre spondyloarthrite définie, une arthrite septique, une arthrite microcristalline, une maladie de Lyme, une arthrite post-streptococcique ; ■ le diagnostic d'arthrite réactionnelle ne requiert pas la présence du HLA-B27, ni de signes extra-articulaires (conjonctivite, uvéite antérieure, lésions cutanées, urétrite non infectieuse, atteinte cardiaque ou neurologique), ni d'atteinte spécifique des spondyloarthrites (lombalgie inflammatoire, pygalgie à bascule, enthésite, uvéite), mais leur présence doit être notée.

Il n'y a, à ce jour, pas de traitement ayant montré avec certitude une capacité à empêcher l'évolution vers une forme chronique de spondyloarthrite. Le traitement des arthrites réactionnelles est donc avant tout symptomatique (douleur, gonflement, raideur articulaire), la place des traitements de fond n'étant pas codifiée.

Traitement symptomatique Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les infiltrations de cortisone restent la pierre angulaire du traitement des arthrites réactionnelles [51]. Il est important de noter que les AINS peuvent mettre quelques semaines avant l'obtention d'un effet maximal. Les stéroïdes n'ont pas d'intérêt pour l'atteinte axiale. L'utilisation des corticoïdes per os est possible en cas de forme polyarticulaire, lorsque les AINS ne seraient pas envisagés (intolérance, inefficacité). L'emploi de la cortico­ thérapie doit être raisonné et évité en l'absence de couverture antibiotique en cas d'infection persistante authentifiée. Aux anti-inflammatoires seront associés : des antalgiques conventionnels, une aide technique (décharge par cannes anglaises, attelle…) et des soins de kinésithérapie à visée antalgique et de prévention des complications articulaires (enraidissement, amyotrophie).

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Chapitre 38. Arthrites réactionnelles   495

Traitement de fond Une seule étude randomisée est disponible et a évalué l'effet de la sulfasalazine. Elle a montré un effet positif dans les formes périphériques, mais aucun effet dans les formes axiales, comme cela est d'ailleurs le cas dans les autres spondyloarthrites [52]. Aucune étude randomisée n'a été publiée concernant les autres traitements de fond conventionnels. De par leur efficacité dans les autres spondylarthrites, les anti-TNF représentent une alternative potentiellement intéressante dont la place reste à déterminer. Toutefois, les études les plus probantes sont pour l'instant limitées à des données rétrospectives [53] ou ouvertes [54] sur de faibles effectifs. Leur tolérance semble bonne et l'efficacité apparaît satisfaisante. Certains travaux sur le bénéfice des anti-TNF posent la question d'une « fenêtre d'opportunité théra­peutique » avant que l'inflammation ne s'installe durablement.

Antibiotiques La découverte d'une persistance bactérienne (Chlamydia trachomatis et Yersinia) au sein de la synoviale, a légitimement fait se poser la question de l'utilité de l'antibiothérapie. Celle-ci est évidemment indiquée en cas de preuve de persistance de l'infection initiale. L'infection documentée à Chlamydia trachomatis nécessite un antibiotique à diffusion intra-cellulaire. La rifampicine, les tétracyclines (doxycycline, lymécycline, minocycline…) et les macrolides (azithromycine, roxithromycine…) font partie des traitements les plus efficaces contre Chlamydia trachomatis. La durée de traitement est fonction du site et de l'ancienneté. Les formes simples sont traitées par azithromycine dose unique ou doxycycline 7 jours. Il y sera associé un traitement du gonocoque, généralement par ceftriaxone en injection unique. Les infections entériques sont traitées dans l'idéal dans les 48 premières heures, initialement de manière probabiliste (fluoroquinolone ou azithromycine), puis adaptée à l'antibiogramme. Hors bactériémie, le traitement est généralement poursuivi 3 à 7 jours. Par contre, l'utilité de l'antibiothérapie prolongée ou de l'antibiothérapie en l'absence de preuve d'infection sur les examens usuels reste débattue. Il n'y a pas de démonstration claire que ce soit pour limiter les symptômes, raccourcir la durée de la maladie ou empêcher l'évolution vers une forme chronique. Aucune étude n'a montré d'intérêt des antibiotiques sur les arthrites post-entériques [55–57]. La situation est moins univoque pour les arthrites post-chlamydienne où il semble y avoir un intérêt potentiel [56–58]. Le débat reste ouvert [59]. Jusqu'où faut-il aller pour faire la preuve de la persistance chlamydienne (PCR du liquide synovial, biopsie synoviale) ? Quelle est la signification pathologique de l'identification du germe in situ, sachant que des études ont retrouvé de l'ARN de C. trachomatis chez des patients contrôles sans arthrite réactionnelle  [60] ? Quel traitement privilégier et pour quelle durée ?

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496   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires [25] Taurog JD, Dorris ML, Satumtira N, Tran TM, Sharma R, Dressel R, et  al. Spondylarthritis in HLA-B27/human beta2-microglobulintransgenic rats is not prevented by lack of CD8. Arthritis Rheum 2009 ; 60(7) : 1977–84. [26] Colbert RA, Tran TM, Layh-Schmitt G. HLA-B27 misfolding and ankylosing spondylitis. Mol Immunol 2014 ; 57(1) : 44–51. [27] Mear JP, Schreiber KL, Munz C, Zhu X, Stevanovic S, Rammensee HG, et al. Misfolding of HLA-B27 as a result of its B pocket suggests a novel mechanism for its role in susceptibility to spondyloarthropathies. J Immunol 1999 ; 163(12) : 6665–70. [28] Chan AT, Kollnberger SD, Wedderburn LR, Bowness P. Expansion and enhanced survival of natural killer cells expressing the killer immunoglobulin-like receptor KIR3DL2 in spondylarthritis. Arthritis Rheum 2005 ; 52(11) : 3586–95. [29] Kollnberger S, Bird LA, Roddis M, Hacquard-Bouder C, Kubagawa H, Bodmer HC, et al. HLA-B27 heavy chain homodimers are expressed in HLA-B27 transgenic rodent models of spondyloarthritis and are ligands for paired Ig-like receptors. J Immunol 2004 ; 173(3) : 1699–710. [30] Ishihara T, Aga M, Hino K, Ushio C, Taniguchi M, Iwaki K, et al. Inhibition of chlamydia trachomatis growth by human interferonalpha : mechanisms and synergistic effect with interferon-gamma and tumor necrosis factor-alpha. Biomed Res 2005 ; 26(4) : 179–85. [31] Perry LL, Feilzer K, Caldwell HD. Immunity to Chlamydia trachomatis is mediated by T helper 1 cells through IFN-gamma-dependent and -independent pathways. J Immunol. 1997 ; 158(7) : 3344–52. [32] Valimaki  E, Aittomaki  S, Karenko  L, Kantonen  J, Pettersson  T, Turunen U, et al. Normal inflammasome activation and low production of IL-23 by monocyte-derived macrophages from subjects with a history of reactive arthritis. Scand J Rheumatol 2013 ; 42(4) : 294–8. [33] Baillet AC, Rehaume LM, Benham H, O'Meara CP, Armitage CW, Ruscher R, et al. High Chlamydia Burden Promotes Tumor Necrosis Factor-Dependent Reactive Arthritis in SKG Mice. Arthritis Rheumatol 2015 ; 67(6) : 1535–47. [34] Braun J, Yin Z, Spiller I, Siegert S, Rudwaleit M, Liu L, et al. Low secretion of tumor necrosis factor alpha, but no other Th1 or Th2 cytokines, by peripheral blood mononuclear cells correlates with chronicity in reactive arthritis. Arthritis Rheum 1999 ; 42(10) : 2039–44. [35] Yin Z, Siegert S, Neure L, Grolms M, Liu L, Eggens U, et al. The elevated ratio of interferon gamma-/interleukin-4-positive T cells found in synovial fluid and synovial membrane of rheumatoid arthritis patients can be changed by interleukin-4 but not by interleukin-10 or transforming growth factor beta. Rheumatology (Oxford) 1999 ; 38(11) : 1058–67. [36] Kotake S, Schumacher Jr. HR, Arayssi TK, Gerard HC, Branigan PJ, Hudson AP, et al. Gamma interferon and interleukin-10 gene expression in synovial tissues from patients with early stages of Chlamydiaassociated arthritis and undifferentiated oligoarthritis and from healthy volunteers. Infect Immun 1999 ; 67(5) : 2682–6. [37] Gerard HC, Carter JD, Hudson AP. Chlamydia trachomatis is present and metabolically active during the remitting phase in synovial tissues from patients with chronic Chlamydia-induced reactive arthritis. Am J Med Sci 2013 ; 346(1) : 22–5. [38] Douillard C, Romand X, Gaudin P, Baillet A. Manifestations ostéoarticulaires associées aux infections digestives. Revue du rhumatisme mongraphies 2016. [39] Nikkari S, Rantakokko K, Ekman P, Mottonen T, Leirisalo-Repo M, Virtala  M, et  al. Salmonella-triggered reactive arthritis  : use of polymerase chain reaction, immunocytochemical staining, and gas chromatography-mass spectrometry in the detection of bacterial components from synovial fluid. Arthritis Rheum 1999 ; 42(1)  : 84–9. [40] Asquith M, Rosenbaum JT. The interaction between host genetics and the microbiome in the pathogenesis of spondyloarthropathies. Curr Opin Rheumatol 2016 ; 28(4) : 405–12. [41] Schmitt  SK. Reactive Arthritis. Infect Dis Clin North Am 2017 ; 31(2) : 265–77.

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Chapitre

39

Maladie de Horton et pseudo-polyarthrite rhizomélique Daniel Adoue PLAN DU CHAPITRE Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Historique et évolution du concept . . . . . . . . . Épidémiologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pathogénie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Physiopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .



497 497 498 499 499

Définitions Maladie de Horton (MH) La MH est une vascularite systémique du sujet âgé, caractérisée par une panartérite giganto-cellulaire, segmentaire et focale des vaisseaux artériels de moyens et gros calibre, touchant donc l'aorte, les branches de l'arc aortique et essentiellement les branches de la carotide externe. Cette vascularite peut avoir comme symptôme un tableau rhumatologique de pseudo-polyarthrite rhizomélique.

Pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR) La PPR est un syndrome caractérisé par des arthro-­myalgies inflammatoires touchant les ceintures scapulaires et pelviennes. Ce syndrome peut s'observer dans diverses situations pathologiques et, en particulier, au cours de la MH (40–60 % des patients atteints de MH expriment une symptomatologie de type PPR). Il peut évoluer pour son propre compte et être donc considéré comme une affection autonome. L'une des problématiques devant un patient présentant un tableau clinique de PPR sera de la rattacher ou non à une MH.

Historique et évolution du concept Le concept de MH est en cours d'évolution [1]. Quelques grandes étapes jalonnent l'histoire de la MH : ■ 1890, première description clinique ; ■ 1932, relation clinique et histologique ; ■ 1938, reconnaissance du risque ophtalmologique ; Rhumatologie © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Anatomie pathologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . Signes cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Signes para-cliniques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Diagnostic. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Traitements. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .



500 501 502 506 507

■ 1941, reconnaissance de la nature systémique de l'atteinte artérielle ; ■ 1950, efficacité de la corticothérapie ; ■ 1953, identification nosographique de la PPR, en France, reconnue 4 ans plus tard aux États-Unis sous l'appellation de polymyalgia rheumatica. Le concept de la MH s'est modifié au cours de ces différentes étapes historiques avec l'aide des progrès des examens para-cliniques (écho-doppler, imagerie par TDM et IRM et, plus récemment, tomographie en émission de positron [TEP]), qui ont contribué à préciser le profil lésionnel. C'est ainsi que si B.T. Horton [2] a laissé son nom à une affection dénommée « artérite temporale », temporal arteritis pour les Anglo-Saxons, rapidement l'affection a été désignée par sa base histologique : « artérite giganto-cellulaire », giant cell arteritis pour les Anglo-Saxons et secondairement reconnue comme systémique. On a pu alors préciser que ces vascularites avec atteinte des gros vaisseaux et des vaisseaux périphériques n'étaient pas strictement identiques aux formes céphaliques en termes de terrain, de complications, d'argumentaire diagnostique. Enfin, des présentations cliniques réduites à une altération de l'état général, avec syndrome biologique inflammatoire, associées à un hypermétabolisme aortique en TEP ont été désignées sous le terme d'aortite inflammatoire, et rattachées au même cadre nosographique. L'ensemble Maladie de Horton/artérite giganto-cellulaire (MH/ACG) se présente donc sous de multiples facettes. Ce concept attire l'attention sur une actualité particulière : la place à définir pour les nouveaux outils d'imagerie dans la reconnaissance de la MH/AGC et, par extension, la conduite à tenir vis-à-vis des aortites inflammatoires. 497

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498   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires La définition historique de la maladie de Horton subit donc actuellement une certaine (r)évolution qui tend à séparer le phénotype clinique traditionnel « céphalique » (cranial giant cell arteritis) et un phénotype « aorto-artéritique » (large vessel GCA) – qui n'est pas exclusif – et peut comprendre des phénotypes cliniques combinant à des degrés variables atteinte céphalique et aorto-artérite. L'aorto-artérite devient ainsi le dénominateur commun de l'affection à la place des expressions céphaliques historiques. On relève enfin que certains patients porteurs d'une PPR « pure » sont en fait porteurs d'une aortite intégrant le symptôme dans le spectre global de la maladie vascularitique (figure 39.1). Ces changements ont des conséquences pratiques diagnostiques (modification de la présentation des signes cliniques et des critères diagnostiques) et théra­peutiques (dépistage de l'atteinte aortique et adaptation thérapeutique à cette atteinte) (encadré 39.1).

Épidémiologie Les études épidémiologiques concernant la MH/AGC sont difficiles à analyser car, d'une part, les critères diagnostiques retenus peuvent être variables et, d'autre part, les études réalisées à la lumière des nouveaux outils para-cliniques sont encore en cours [3]. Les données les plus fiables sont fournies par des études populationnelles. L'incidence de la MH/AGC (avec preuve histologique) varie entre 5 à 9  cas par an pour 100 000 sujets. Ces valeurs sont majorées (17 à 25) si on ne prend en compte que la population âgée de plus de 50 ans, car l'incidence augmente avec l'âge (incidence maximale pour la tranche d'âge de 70 à 80 ans, tranche d'âge habituellement touchée par la maladie). Les estimations de la prévalence font état d'une valeur de 100 pour 100 000 dans la population générale, valeur qui double dans la population de plus de 50 ans. Il existe une légère prépondérance féminine indépendante de l'âge (allant jusqu'à 2 à 3 fois pour certaines études).

Figure 39.1 Spectre phénotypique.

L'existence d'un gradient de fréquence qui décroît du nord vers le sud, ou de l'ouest vers l'est est sujette à caution (mais il est effectif que la maladie est moins fréquente chez les Africains et rare au Japon ou au Moyen-Orient, que l'incidence rapportée en Islande et dans les pays scandinaves semble 2 à 3 fois supérieure à celle observée en France). Ces notions feront discuter les rôles pathogéniques respectifs de facteurs d'environnement et de facteurs génétiques (la fréquence chez les Afro-Américains est 7 fois inférieure à celle de la population blanche américaine). Enfin, le suivi de l'incidence sur plusieurs décennies permet d'évoquer la possibilité de rythmes saisonniers (ce qui attire l'attention sur le rôle éventuel de facteurs infectieux d'environnement) et, peut-être, d'une tendance à l'augmentation (mais cette dernière notion est actuellement remise en cause). L'évolution et le pronostic de la MH/AGC restent difficiles à apprécier en raison de l'intrication chez le sujet de facteurs liés à l'âge (prévalence des affections cardiovasculaires), de la pathologie iatrogène (corticothérapie prolongée). La mortalité de la maladie de la MH/AGC est évaluée différemment selon les études. Certaines font état d'une surmortalité initiale (essentiellement par facteurs cardio-vasculaires) avec, par la suite, une survie identique aux populations de référence. D'autres ne retrouvent pas d'excès de mortalité, voire même une réduction toutes causes confondues (impact du suivi médical ?). Les principales causes de décès sont cardio-vasculaires, infectieuses (pulmonaires essentiellement) et digestives (perforations paucisymptomatiques sous corticoïdes). À propos de la PPR autonome, les caractéristiques épidémiologiques se superposent pour leur plus grande part à celles de la MH/AGC : incidence variant de 15 à 70 cas par an pour 100 000 sujets de plus de 50 ans, avec les mêmes notions d'augmentation de prévalence avec l'âge et de prépondérance féminine. La mortalité des patients atteints de PPR isolée ne semble pas différente des celle des populations témoins.

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Chapitre 39. Maladie de Horton et pseudo-polyarthrite rhizomélique    499

Encadré 39.1 Aortites et MH/AGC. Définition L'aortite est définie par l'état inflammatoire de la paroi de l'aorte. On oppose les aortites infectieuses et les aortites non-infectieuses regroupant principalement les atteintes de l'aorte au cours des vascularites systémiques, des artérites giganto-cellulaires  : MH/ AGC et maladie de Takayasu. La proportion de la MH/AGC dans les aortites est difficile à évaluer. Lorsque la MH/AGC s'exprime par ailleurs, le rattachement est évident, mais il existe des patients porteurs d'une pathologie aortique isolée, dont la nature inflammatoire précise ne sera reconnue comme aortite qu'à la vue des lésions histologiques post-chirurgicales (jusqu'à 6 % des cas) et parmi lesquelles plus de 10 % sont porteurs d'une MH/AGC. Le diagnostic de MH/AGC est donc présent chez un nombre non négligeable de patients ayant une aortite non-infectieuse.

Problématique Les rappels nosographiques conduisent à deux questions complémentaires pouvant influencer la prise en charge  : combien de patients atteints de MH/AGC présentent une aortite au diagnostic et quelle est l'incidence des complications d'une aortite durant le suivi ? Présence d'une aortite au moment du diagnostic de maladie de Horton La réponse dépend du moyen utilisé pour dépister cette complication : signes cliniques, imagerie : écho-doppler, angio-TDM

Pathogénie La pathogénie de la MH/AGC est inconnue. Il s'agit probablement d'une affection plurifactorielle pour laquelle trois éléments semblent en cause : un terrain génétique, des facteurs environnementaux servant d'agent déclenchant et un terrain athéromateux favorisant la survenue [4]. La reconnaissance d'un modèle physiopathologique conduit à des perspectives thérapeutiques.

Rôle de la génétique Il est argumenté par les notions de gradients épidémiologiques, par une augmentation significative de la prévalence des allèles HLA-DRB1*04, par des polymorphismes de différents gènes (de l'IL-17, du TNF-α, de l'IL-6, du VEGF en particulier). Ces associations soulignent le rôle prépondérant de l'immunité adaptative cellulaire au cours de la MH/AGC. En dehors de cet élément d'intérêt physiopathologique, le poids des éléments génétiques reste limité : pas d'agrégation familiale, pas de relation avec la prépondérance féminine, pas d'argument diagnostique.

Rôle d'agents infectieux La description de variations cycliques et saisonnières de l'incidence de la MH/ACG a fait évoquer la participation d'agents infectieux dans le déclenchement de la maladie. Cependant, si certaines études ont pu mettre en évidence

ou IRM et, de façon plus récente, TEP. Les données sont donc disparates, mais cette présence peut aller jusqu'à 30 %. Incidence des complications de l'aortite durant le suivi d'une MH/AGC C'est la question la plus pertinente pour les patients et leur suivi. L'aortite qui apparaît comme fréquente va-t-elle entraîner des complications justifiant donc un dépistage systématique  ? L'incidence des anévrismes/dissections est évaluée à 18,9/1 000  patients-années, la médiane de suivi avant le diagnostic de l'anévrisme ou de la dissection allant de 3 à 6 ans. La comparaison de patients avec une MH/AGC compliquée d'aortite au moment du diagnostic et de patients sans aortite révèle que si la mortalité toutes causes n'est pas différente, la mortalité cardio-vasculaire est augmentée (HR : 3,4) dans le groupe aortite (dissection aortique, mais aussi autre pathologie cardio-vasculaire). L'atteinte de l'aorte au cours de la MH/AGC apparaît donc fréquente et éventuellement associée à un potentiel évolutif grave. Une recherche de complication aortique au diagnostic pourrait donc se justifier. Cependant, la présence d'une aortite non compliquée ne justifie pas, à l'heure actuelle, une prise en charge différente d'une MH/AGC isolée. La prise en compte de l'âge des patients atteints et des comorbidités module donc l'indication des examens de dépistage d'un éventuel anévrisme aortique qui ne sont pas systématiquement proposés.

par PCR ou hybridation in situ, la présence de matériel génétique d'origine infectieuse (cytomégalovirus, virus B19, Herpes simplex virus, Chlamydia pneumoniae… et plus récemment virus Varicelle Zona) dans les sites lésionnels, ces données sont contradictoires, souvent non confirmées et insuffisantes pour orienter une thérapeutique.

Rôle du vieillissement artériel La reconnaissance d'une certaine similitude histologique entre atteinte dégénérative et inflammatoire, l'influence du tabagisme et la préexistence d'une maladie vasculaire périphérique avec passé cardio-vasculaire récent (majoration du risque dans les deux cas) suggèrent que athérosclérose et MH/AGC partageraient certaines étapes physiopatho­logiques. Ces données sont cependant restreintes et la prépondérance féminine de la MH/AGC reste contradictoire.

Physiopathologie Un modèle d'agression immuno-pathologique en 4 étapes est reconnu pour aboutir à la présentation histologique classique d'une panartérite à cellules géantes, avec infiltrat inflammatoire granulomateux constitué de lymphocytes T (LT), en majorité CD4 + et de cellules géantes multi­nucléées, les lymphocytes B étant quasiment absents [4].

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500   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Initiation dendritique

Remodelage vasculaire

L'activation Toll Like Receptor (TLR) dépendante (sous l'effet d'un signal danger ou sur présence d'un antigène non connu) des cellules dendritiques immatures normalement présentes dans l'adventice des artères saines initie le processus lésionnel. L'acquisition d'un phénomène mature avec une forte majoration de l'expression du CMH de classe II, de molécules de co-stimulation favorise le recrutement de lymphocytes T. On relève également qu'à la différence d'une réponse immune classique, ces cellules ne migrent pas et restent dans la paroi artérielle qu'elles envahissent (effet de chémokines). Il est à noter que le profil TLR de l'artère temporale est différent de celui des autres gros vaisseaux, ce qui peut rendre compte d'expressions cliniques différentes.

L'agression inflammatoire de la paroi artérielle (métalloprotéases digérant l'élastine) est associée à l'activation de facteurs de croissance provoquant une prolifération musculaire lisse (platelet derived growth factor, PDGF) et une néoangiogenèse (vascular endothelial growth factor, VEGF). L'ensemble conduit à un important remodelage vasculaire favorisant sténose et occlusion artérielle. Au total, même si le déterminant initial (élément antigénique ou simple signal danger) n'est pas identifié, l'analyse des différentes étapes du processus lésionnel de la MH/AGC permet de comprendre et de déterminer quelques cibles thérapeutiques comme l'IL6 qui apparaît comme une cytokine clé.

Recrutement lymphocytaire Sous l'effet des cellules dendritiques activées, les lymphocytes T CD4 +, normalement absents de la paroi artérielle, sont recrutés, activés et ils infiltrent la paroi vasculaire. Une polarisation Th1, Th17 est installée avec une ambiance cytokinique riche (en particulier en IL 6 et IL1ß). On constate par ailleurs que les lymphocytes T régulateurs (Treg) sont absents de la paroi artérielle, ce qui participe probablement à la pérennisation du processus inflammatoire.

Activation macrophagique Le recrutement cellulaire se poursuit avec des populations monocytaires et lymphocytaires T CD8 +. La stimulation monocytaire, en particulier sous l'effet de l'interférongamma (IFN-γ), favorise une différentiation macrophagique et une évolution vers des cellules géantes multinuclées. Les lymphocytes T CD8 + ont une même restriction oligoclonale que les lymphocytes T CD4 + et produisent des molécules cytotoxiques (granzyme, perforine), des cytokines pro-inflammatoires (IL17 et IFN-γ), avec pour résultat une inflammation locale et un auto-entretien.

Pathogénie de la PPR Ses relations particulières avec la MH/AGC ne sont pas totalement connues, mais le fait que la MH/AGC soit associée dans plus de 40 % à une PPR plaide pour un continuum physiopathologique. Au cours de la PPR, on observe les premières étapes du modèle MH/AGC (activation des cellules dendritiques et production locale de chémokines) sans envahissement lymphocytaire (raisons ?). Par ailleurs, on observe au cours de la PPR et sans différence par rapport à la MH/AGC, une majoration des lymphocytes Th17 c­ irculants, une diminution des Treg circulants, une ­augmentation de l'IL6 circulante (corrélée à l'activité de la maladie).

Anatomie pathologique La MH/AGC est, par définition, une panartéritegiganto-cellulaire très spécifique associant  : prolifération fibreuse de l'intima, fragmentation de la limitante élastique interne, inflammation granulomateuse avec cellules géantes multinucléées de la média (figure 39.2). Cette atteinte est segmentaire et focale, ce qui explique qu'un prélèvement artériel puisse être normal au cours

Figure 39.2 Examen histologique d'une biopsie d'artère temporale illustrant une maladie de Horton. Infiltration de toutes les tuniques artérielles par des cellules mononuclées, fragmentation de la limitante élastique interne, destruction de la média, hyperplasie intimale. Adv : adventice ; Med : media ; Int : intima. Source : Marie I. Maladie de Horton et pseudopolyarthrite rhizomélique : critères diagnostiques. Rev Med Int 2013 ; 34 : 403–11.

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Chapitre 39. Maladie de Horton et pseudo-polyarthrite rhizomélique    501 d'une MH/AGC authentique. Pour limiter ce risque, il est demandé un prélèvement artériel de plusieurs centimètres et un examen histologique de l'ensemble du matériel en coupes sériées [5, 6]. L'inflammation de la paroi artérielle s'accompagne d'une néo-angiogenèse développée aux dépens des vasa vasorum. L'atteinte inflammatoire isolée des vasa vasorum (infiltrats de cellules inflammatoires mononucléées péricapillaires), sans infiltration significative des parois artérielles, reste de signification incertaine. En effet, si elle peut être observée au cours d'authentiques MH/AGC, elle existe aussi chez des patients atteints d'autres vascularites (avec présence de nécrose fibrinoïde au cours de la périartérite noueuse, la granulomatose avec polyangéite…) et est peut-être plus volontiers associée à la PPR. Au cours de la MH/AGC, les patients porteurs de ces lésions ont un phénotype particulier : fièvre et céphalées moins fréquentes, PPR plus souvent et syndrome inflammatoire biologique moindre. Les phénomènes inflammatoires (bursite principalement) de la PPR sont sans spécificité : prolifération vasculaire avec infiltration macrophagique et lymphocytaire T. L'analyse histologique de biopsies artérielles peut présenter des lésions histologiques de MH/AGC chez quelques patients ( 50 mm à la 1re heure : critères de classification), mais le syndrome inflammatoire est classiquement plus conséquent (VS > 100 mm à la 1re heure, CRP souvent > 70 mg/L). D'autres marqueurs biologiques viendront confirmer cet état et préciser sa chronologie ou son retentissement : fibrinogène associé à un risque thrombotique, anémie inflammatoire, thrombocytose, hypo-albuminémie. Par opposition, la procalcitonine est constamment normale (argument en cas de doute sur une étiologie infectieuse ?). D'autres signes biologiques sont observables de façon plus anecdotique et sans spécificité (majoration des phosphatases alcalines ou des gamma-GT, par exemple). Plusieurs stigmates d'auto-immunité (anticardiolipides, anti-cytoplasme des polynucléaires, par exemple) ont été rapportés en association à la MH/AGC sans qu'un rôle physiopathologique, une valeur diagnostique ou même un rôle pro-thrombogène pour les anticardiolipides ne soit retenu.

Imagerie vasculaire Les techniques d'imagerie vasculaire complètent la présentation sémiologique de la MH/AGC. Plus que l'artériographie conventionnelle, trop limitée et invasive, l'atteinte vasculaire est illustrée par échographie, tomodensitométrie (TDM) ou

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Chapitre 39. Maladie de Horton et pseudo-polyarthrite rhizomélique    503 exploration en résonance magnétique (IRM) et par tomographie par émission de positron (TEP).

Échodoppler des artères temporales L'examen écho-doppler des artères temporales permet, grâce à l'utilisation d'appareils de haute résolution, de sondes adaptées à la détection de petites anomalies de

surface, de détecter chez les sujets porteurs de MH/AGC un halo péri-luminal correspondant à un épaississement circulaire hypoéchogène, témoin de l'inflammation de la paroi artérielle (figure 39.4). Ce signe du halo est en règle générale retrouvé au niveau de plusieurs segments d'artère temporale. Il disparaîtra en moyenne après deux semaines de traitement. Cet examen permet par ailleurs de détecter des zones de sténose ou d'occlusion, témoins du retentissement vasculaire fonctionnel. Enfin, il pourra guider un geste biopsique pour augmenter sa rentabilité.

Écho-doppler de l'aorte et de ses branches Les mêmes renseignements sont obtenus par l'examen en écho-doppler artériel de l'aorte, des troncs supra-aortiques et des artères des membres.

Imagerie vasculaire en TDM et IRM L'imagerie des gros vaisseaux par angio-TDM ou angioIRM participe à la détection des atteintes de l'aorte et de ses branches (par exemple épaississement concentrique de la paroi artérielle prenant le contraste sur les séquences pondérées T1 associé à un œdème en T2), précise l'absence d'athérome, et contribue au dépistage des complications anévrysmales (figure 39.5).

Exploration par TEP

Figure  39.4 Échographie-Doppler d'artère temporale. Signe du halo chez une patiente ayant une maladie de Horton prouvée histologiquement. Source : Marie I. Maladie de Horton et pseudo­ polyarthrite rhizomélique  : critères diagnostiques. Rev Med Int 2013 ; 34 : 403–11.

L'hypermétabolisme des parois vasculaires, siège du processus inflammatoire, est le signe principal de l'atteinte des gros vaisseaux (aorte, branches principales) visualisable par l'exploration en TEP (figure 39.6) [7].

Signes histologiques L'examen d'une pièce de biopsie artérielle (en fait de l'artère temporale en raison de la fréquence de l'extrémité céphalique

Figure 39.5 Angio-TDM abdominale et thoracique : rétrécissement circonférentiel des aortes abominales et thoraciques. Source : Marie I. Maladie de Horton et pseudopolyarthrite rhizomélique : critères diagnostiques. Rev Med Int 2013 ; 34 : 403–11.

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504   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Figure 39.6 Imagerie de l'atteinte de l'aorte et de ses branches au cours de la MH/AGC en TEP. Source : Dr. A. Hitzel, service de médecine nucléaire, CHU de Toulouse.

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Chapitre 39. Maladie de Horton et pseudo-polyarthrite rhizomélique    505 et du territoire carotidien externe comme de la réalisation facile en raison de son accessibilité et du très faible risque d'ischémie après biopsie simple) permet de visualiser les signes histologiques de la maladie avec une panartérite giganto-­ cellulaire très spécifique, dont les deux éléments les plus caractéristiques [5, 6] sont illustrés sur la figure 39.2 avec : ■ la présence d'infiltrats inflammatoires polymorphes  : histiocytes, macrophages, cellules géantes multinucléées et lymphocytes, intéressant au moins deux tuniques de l'artère, mais prédominant au niveau de la partie interne de la média (les cellules géantes multinucléées, au contact de la limitante élastique interne, sont les plus caractéristiques de la maladie), ■ une fragmentation de la limitante élastique interne. Ces signes ne seront effacés qu'après une durée de traitement initial de 15 à 20 jours. L'urgence thérapeutique représentée par la MH/AGC imposera l'initiation du traitement, sans attendre la réalisation d'un prélèvement artériel dont les résultats ne seront pas modifiés d'emblée. Après traitement (ou sous le fait d'une évolution naturelle), une analyse histologique artérielle peut retrouver des lésions séquellaires : épaississement diffus de l'intima, fibrose de l'intima et de la média, fragmentation/disparition de la limitante élastique interne, fibrose de la média avec disparition des cellules musculaires lisses, fibrose touchant l'adventice.

peut-être illustré par l'examen en TEP (hyperfixation articulaire au niveau des tubérosités ischiales, des grands trochanters). Dans tous les cas, ces examens [8] sont sensibles (93 % pour l'écho-doppler), spécifique du symptôme de PPR (jusqu'à 99 %), mais ne permettent pas de différencier une PPR autonome d'une PPR symptôme de MH/ AGC (voire d'un autre rhumatisme inflammatoire comme une polyarthrite rhumatoïde à début rhizomélique par exemple) (figure 39.8).

Signes para-cliniques au cours d'une PPR isolée Au cours d'une PPR isolée, le syndrome inflammatoire est de moindre importance (VS ≈ 60 mm à la 1re heure et CRP de 30 à 40 mg/L) et il n'y a classiquement pas d'anomalie histologique décelée sur les pièces de biopsies artérielles. L'écho-doppler et l'examen en IRM des articulations scapulaires permettent de visualiser la présence d'une synovite gléno-humérale, de bursites sous-acromiale et sous-deltoïdienne, de ténosynovites du chef long du biceps brachial (bursite trochantérienne ou synovite coxo-fémorale en cas d'atteinte pelvienne) (figure 39.7). Le caractère hyper-métabolique lié au processus inflammatoire

Figure  39.8 Illustration d'une imagerie par TEP au cours d'une PPR  : capsulite et enthésite de l'épaule gauche et des deux hanches. A (flèches), bursite ischiatique, B (flèche ouverte) et trochantérienne, B (flèche fermée), C (flèche discontinue) : inflammation du ligament interépineux au niveau lombaire [8].

Figure 39.7 Échographie d'une épaule au cours d'une PPR : ténosynovite bicipitale et bursite subdeltoïdienne. Source : Williams M, Jain S, Patil P et al. Apport de l'imagerie dans la pseudo-polyarthrite rhizomélique. Rev Rhum 2013 ; 80 : 315–26.

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506   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Diagnostic Diagnostic positif Problèmes pratiques Le diagnostic de MH/AGC peut être rapidement évoqué et confirmé devant une forme complète, ou être plus difficile devant une forme révélée par une complication, une forme limitée à une atteinte aortique. En outre, la valeur et la spécificité des examens complémentaires sont variables. Cet ensemble a conduit à la définition de critères de classification [5].

Forme clinique type La forme type de la MH/AGC sera reconnue chez un sujet féminin de plus de 50 ans – et plus généralement de 70 ans – et faisant état : ■ de signes généraux, ■ de signes vasculaires prédominant sur les branches de la carotide externe (en particulier une claudication de mâchoire – signe quasi pathognomonique) et correspondant sur le plan clinique à des modifications de la région temporale, ■ de signes de PPR, ■ d'un ensemble clinique associé à un syndrome inflammatoire biologique intense (VS > 100 mm à la 1re heure, CRP > 50 mg/L…), ■ et chez qui l'examen histologique d'une biopsie de l'artère temporale révélera les lésions histologiques caractéristiques.

Autres formes cliniques Les formes cliniques de la MH/AGC sont nombreuses, car il s'agit d'une affection systémique pouvant s'exprimer sur tous les territoires artériels. Elles sont classées selon qu'il s'agit de formes liées à une atteinte vasculaire ophtalmologique, de formes secondaires à une atteinte macro-vasculaires de l'aorte et de ses branches ou d'expression d'une atteinte viscérale. Ces formes cliniques peuvent révéler l'affection ou être une complication évolutive. Dans ces situations, la spécificité des examens complémentaires est variable. Le syndrome inflammatoire biologique est évocateur par son intensité chez un sujet âgé : l'observation d'une VS > 100 après 70 ans est en faveur du diagnostic, mais n'est pas spécifique. En outre, on relève que moins de 1 % des MH/AGC sont sans syndrome inflammatoire, soulevant de difficiles problèmes diagnostiques tant ce syndrome est associé à la maladie. L'écho-doppler des artères temporales visualisant le signe du halo est, pour les équipes expertes de cette technique, sinon un examen de référence, tout au moins un excellent moyen pour guider et rentabiliser la réalisation d'une biopsie d'artère temporale. La combinaison de la présence d'un halo péri-luminal, de zones de sténose ou d'occlusion apporte, par rapport à l'examen histologique, une sensibilité de 95 %, avec une spécificité de 85 à 100 %. La généralisation de sa pratique n'est pas effective (problèmes de matériel, de reproductibilité des résultats). La visualisation en écho-doppler TDM ou IRM des vaisseaux peut apporter des éléments contributifs qui demeurent insuffisants pour porter le diagnostic d'une expression céphalique de la MH/AGC (sensibilité globale  17  %) et peuvent manquer de spécificité vis-à-vis d'une pathologie

métabolique ou d'une aortite inflammatoire d'autre étiologie. Ces examens ont une bonne valeur pour préciser la diffusion du processus lésionnel, mais leur réalisation n'est pas systématique, seulement guidée par l'expression clinique (voire la réponse thérapeutique : indication en cas de réponse insuffisante, de rechute dissociée). Le caractère hyper-métabolique des artères inflammatoires illustré par l'examen TEP-FDG est non spécifique : une pathologie dégénérative métabolique peut être visualisée de la même façon. Cet examen est donc plutôt à réserver à l'exploration des formes atypiques ou paucisymptomatiques (altération isolée de l'état général avec syndrome inflammatoire par exemple). Les résultats de l'examen histologique d'une biopsie d'artère temporale ne sont pas constants et peuvent, au cours d'une MH/AGC authentique, être négatifs en raison du caractère segmentaire et focal du processus de vascularite. La négativité n'élimine donc pas le diagnostic. Il est cependant indispensable de chercher à confirmer de façon formelle le diagnostic par la preuve histologique, seul argument de certitude, pour valider une thérapeutique non dénuée d'effets secondaires, pour guider les traitements des formes résistantes ou récidivantes. On recommande donc de favoriser la rentabilité de l'examen en guidant le geste biopsique par l'examen clinique (induration, irrégularité artérielle), par l'examen doppler si celui-ci est disponible ; en prélevant un échantillon centimétrique, en examinant la pièce en coupes sériées épuisant le bloc. Quand la suspicion bio-clinique est argumentée, la réalisation de la biopsie ne doit pas retarder l'initiation thérapeutique en raison du risque thrombotique. On admet que la négativation de la preuve histologique n'intervient qu'après une corticothérapie d'une quinzaine de jours, ce qui laisse le temps d'organiser le prélèvement après l'initiation du traitement. La réalisation d'une biopsie contro-­ latérale après résultat négatif d'un premier prélèvement reste discutée : majoration d'un risque ischémique ?

Diagnostic de PPR isolée Il repose uniquement sur des arguments cliniques : bilan biologique (syndrome inflammatoire plus modéré qu'au cours de la MH/AGC) non spécifique et absence de preuve histologique. L'intégration au cadre d'une MH/AGC reste un réel problème pratique (important de par les incidences pronostiques et thérapeutiques).

Diagnostics différentiels Les symptômes cliniques rapportés et les caractéristiques des examens para-cliniques disponibles doivent guider la démarche médicale vis-à-vis des nombreux problèmes de diagnostic différentiel qui peuvent se poser. En effet, une pathologie infectieuse (syndrome méningé/ céphalées fébriles, endocardite bactérienne/signes ostéo-articulaires, fièvre, syndrome inflammatoire), tumorale (néoplasie profonde, lymphome/altération fébrile de l'état général), inflammatoire (polymyosite/manifestations rhizoméliques, polyarthrite rhumatoïde à début rhizomélique du sujet âgé) sont de façon non exhaustive des diagnostics différentiels qui peuvent se poser vis-à-vis d'une MH/AGC [5, 6].

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Chapitre 39. Maladie de Horton et pseudo-polyarthrite rhizomélique    507

Tableau 39.1 Critères ACR 1990 de classification de la MH/AGH de sujets porteurs de symptômes évocateurs de vascularite. 1

Âge de début ≥ 50 ans

2

Vitesse de sédimentation > 50 mm à la 1  heure

3

Apparition récente d'une douleur de l'extrémité céphalique

4

Tuméfaction et sensibilité à la palpation de l'artère temporale ou abolition du pouls temporal

5

Infiltrat inflammatoire de cellules mononuclées à la biopsie d'artère temporale

re

Diagnostic si 3 critères présents (sensibilité : 93,5 % ; spécificité : 91,2 %) Source : d'après Hunder GG, Bloch DA, Michel BA, et al. The American College of Rheumatology 1990 criteria for the classification of giant cell arteritis. Arthritis Rheum 1990 ; 33 : 1122–8.

Dans ces circonstances, les critiques quant à la spécificité des symptômes observés, des moyens de diagnostic comme le caractère inconstant de l'accessibilité de la seule preuve formelle, l'histologie artérielle, ont conduit à la définition de critères de classification.

Critères de classification À propos de la MH/AGC, l'ACR (American College of Rheumatology) a identifié en 1990 des critères de classification permettant, chez un sujet présentant des symptômes évocateurs de vascularite, d'évoquer le diagnostic [9]. Il ne s'agit pas de critères diagnostiques en pratique clinique, et ce d'autant plus qu'ils ne prennent pas en considération les arguments complémentaires qui sont maintenant à disposition (écho-doppler, TEP) (tableau 39.1). L'EULAR et l'ACR ont complété la démarche en 2012 en définissant des critères de classification concernant la PPR isolée (tableau 39.2) [10].

Traitements

Tableau 39.2 Critères EULAR/ACR 2012 de classification des patients suspects d'être porteurs d'une PPR [10]. Critères prérequis avant de considérer que le diagnostic de PPR puisse être envisagé • Âge > 50 ans • Douleurs des épaules bilatérales • VS ou CRP anormales

Critères de classification (une fois les pré-requis remplis) Raideur matinale > 45 minutes.

2 points

Douleur de hanche ou limitation de mobilité de hanche.

1 point

Absence de facteur rhumatoïde ou d'anticorps anti-protéines citrullinés.

2 points

Absence de synovite périphérique.

1 point

Atteinte d'au moins 1 épaule avec bursite 1 point sous-deltoïdienne et/ou ténosynovite du (si objectivée biceps et/ou synovite gléno-humérale (ou par échographie) postérieure, ou axillaire) et au moins atteinte d'1 hanche avec synovite et/ou bursite trochantérienne. Atteinte des 2 épaules avec bursite sousdeltoïdienne, ténosynovite du biceps ou synovite gléno-humérale.

1 point (si objectivée par échographie)

Diagnostic de PPR si : • score ≥ 4 points sans contrôle échographique • score ≥ 5 points avec contrôle échographique Source : d'après Dasgupta B, Cimmino MA, Maradit-Kremers H. 2012 provisional classification criteria for polymyalgia rheumatica : a European League Against Rheumatism/American College of Rheumatology collaborative initiative. Ann Rheum Dis 2012 ; 71 : 484–92.

Les agents de protection vasculaires (antiagrégants et statines) peuvent diminuer la morbidité cardio-vasculaire associée à la maladie et à la corticothérapie. Ils seront discutés en fonction des situations cliniques.

Buts

Indications

Le traitement doit faire disparaître la symptomatologie bioclinique, éviter la survenue de complications thrombotiques et réduire le risque vasculaire [6]. Le risque évolutif thrombotique (avec le plus souvent des conséquences définitives telles que la cécité) fait que l'indication thérapeutique est une urgence et que l'initiation du traitement ne doit pas être retardée par la réalisation de la biopsie d'artère temporale (la négativation de la preuve histologique n'interviendra qu'après 15 à 20 jours de traitement).

La corticothérapie est le traitement de première intention. La conduite du traitement comprend 4 phases.

Moyens La corticothérapie est l'élément thérapeutique de référence comme agent anti-inflammatoire modulant l'activité cytokinique mise en cause dans la physiopathologie. Dans certains cas de résistance ou de dépendance à posologie élevée, l'utilisation du méthotrexate, et surtout le recours aux biothérapies seront discutés [11].

Traitement d'attaque Il doit contrôler rapidement (2 à 4  semaines) la symptomatologie bio-clinique de la maladie. La posologie « consensuelle » varie entre 0,5 et 0,7 mg/kg/j d'équivalent prednisone. L'indication de posologies plus élevées (1 mg/kg/j) ou le recours à des bolus intraveineux (méthylprednisolone à forte dose sur 3 jours) en cas d'atteinte macro-­vasculaire ou en cas de symptomatologie ophtalmologique n'est pas argumenté par des études significatives.

Phase de décroissance rapide Elle succède au traitement d'attaque. Cette période permet de réduire la corticothérapie par paliers de 1 à 2 semaines, à une posologie de 0,25 à 0,30  mg/kg/jour (posologie moyenne 15 à 20 mg/j entrer le 8e et la 12e semaine).

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508   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Phase de décroissance lente Elle prend le relai. La décroissance de la posologie par paliers mensuels a pour objectif une corticothérapie résiduelle de 10 mg/j au 6e mois, de 7,5 à 5 mg/j au 12e mois. En dessous de ces paliers, le risque de rechute est significatif.

Phase de sevrage Elle sera tentée chez un patient en rémission bio-clinique et stable depuis quelques mois sous 5 mg/j d'équivalent prednisone. Le sevrage sera très progressif (1 mg par paliers mensuels), accompagné si besoin d'une évaluation de la fonction surrénalienne. Les mesures habituelles de prévention des complications de la corticothérapie sont systématiquement mises en œuvre en raison de la durée de traitement chez un sujet âgé. Outre la prévention de l'ostéoporose cortico-induite (voir chapitre 14, « Ostéoporose »), la connaissance d'une mortalité infectieuse conduira à dépister et traiter une éventuelle anguillulose chez les patients ayant séjourné en zone à risques, à initier une vaccination anti-grippale et contre le pneumocoque. La prévention du risque cardio-vasculaire par antiagrégants et statines n'est pas systématique, mais semble à recommander, en particulier en raison de la majoration de la morbi-­mortalité cardio-vasculaire dans les 2 ans qui suivent le diagnostic, et doit être adaptée à l'existence de facteurs de risques. L'épargne cortisonique est à discuter devant les formes très récidivantes ou les formes cortico-dépendantes. L'efficacité du méthotrexate est discutée et probablement modeste. Les anti-TNFα et l'hydroxy-chloroquine n'ont pas fait la preuve d'une efficacité. Parmi les biothérapies, les anti-IL6 (tociluzumab) apportent un bénéfice incontestable (en majorant toutefois le risque infectieux, en particulier digestif à partir de foyers de diverticulite sigmoïdienne). De fait, la place des biothérapies dans le traitement de la MH/ AGC reste encore à définir [10].

Résultats La durée moyenne de corticothérapie pour traiter une MH/ AGC est de 24 mois. L'évolution est caractérisée par la survenue de rechutes, de complications cardio-vasculaires avec une influence iatrogénique [6].

Rechutes De façon schématique, un patient sur deux rechute en cours de décroissance de la corticothérapie et un patient sur deux rechute après le sevrage complet. La rapidité de décroissance de la corticothérapie et une faible durée de celle-ci sont des facteurs de risque de rechute. Cet état sera argumenté par la réapparition de symptômes biocliniques (en particulier ophtalmologiques puisque, atteinte initiale exclue, ­l'incidence de la cécité au cours du suivi, varie de 3 à 10 %), mais on retiendra qu'une élévation isolée de la CRP – éventuellement associée à une altération de l'état général – conduira à rechercher toute autre explication avant d'envi-

sager la possibilité d'une rechute. En général, au terme d'une corticothérapie d'une durée moyenne de 2 ans, un statut de rémission complète est obtenu, mais de rares cas de corticodépendance sont observés.

Complications vasculaires L'incidence des maladies cardio-vasculaires est plus importante chez les patients atteints de MH/AGC qu'au sein des populations de référence : anévrysme aortique : 18,7 cas pour 1 000 patients-années, sténose des gros troncs artériels : 13,5/1 000 personnes-années (par ordre de fréquence décroissante : artères cervicales, sous-clavières ou axillaires et, plus rarement, des membres inférieurs). Le suivi vasculaire des patients atteints de MH/AGC est donc important ; il est d'abord clinique et complété par le contrôle biologique de la CRP et avec un recours rapide aux explorations non invasives par écho-doppler car il n'y a pas de consensus quant à l'utilité d'un dépistage para-clinique systématique par TDM, IRM ou TEP [12]. Au total, l'absence de surmortalité globale nette de la MH/AGC, doit être tempérée par l'augmentation de la mortalité par pathologie vasculaire : incidence globale 2 à 16 fois supérieure par rapport aux populations témoins avec un taux standardisé de mortalité de 5,1, en particulier pendant les 2 années suivant le diagnostic (RR : 1,32) et ensuite lié à la difficulté de prise en charge de la pathologie anévrysmale aortique.

À propos de la PPR isolée Classiquement, la corticothérapie est indiquée à posologie moindre (0,3 mg/kg/j), sans dépasser 25–30 mg/j en traitement d'attaque [13], avec un schéma de décroissance plus rapide. Le traitement est pris en une dose unique quotidienne, le matin (compte tenu du rythme circadien du cortisol). En cas de rechute, reprendre à la posologie antérieure à la rechute, en diminuant de nouveau progressivement en 4 à 8 semaines jusqu'à la dose à laquelle a eu lieu la rechute (figure 39.9). Diminuer ensuite de 1 mg tous les mois, si le patient reste en rémission. Une corticothérapie à jours alternés est possible, par exemple : après un mois à 10 mg/j et un état de rémission, plutôt que de passer directement à 7,5 mg/j, on peut proposer 10 mg les jours pairs et 7,5 mg les jours impairs pendant un mois. En moyenne, le traitement dure une année. L'adjonction de méthotrexate (à la posologie de 7,5 à 10 mg/semaine) n'est guère étayée par les essais thérapeutiques. Elle ne sera donc jamais administrée en première intention, associée aux corticoïdes, mais peut être proposée en cas de rechute, chez des patients à fort risque de complications de la corticothérapie, dans une perspective d'épargne cortisonique et/ou de réduction de la durée de la corticothérapie. Quant aux anti-TNF, ils sont déconseillés pour manque d'efficacité et risque d'effets secondaires notables. D'autres biothérapies sont en cours d'évaluation (anti-­récepteur soluble de l'IL-6, tocilizumab [14]).

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Chapitre 39. Maladie de Horton et pseudo-polyarthrite rhizomélique    509

Figure 39.9 Algorithme décisionnel adapté d'après les recommandations 2015 EULAR/ACR. Source : d'après Dejaco C, Singh YP, Perel P et al. 2015 recommendations for the management of polymyalgia rheumatica: a European League Against Rheumatism/American College of Rheumatologycollaborative initiative. ARD, 2017, 74 : 1799–1807.

Références Une synthèse française a été récemment publiée par la Filière de Santé des Maladies Autro-Immunes et Auto-Inflammatoires (FAI2R). Protocole National de Diagnostic et de Soins (PNDS) de l'artérite à cellules géantes (Horton). In : Coordonné par le Pr. Alfred Mahr ; juillet 2017. HAS. [1] Hatron PY, Lambert M. Les deux visages de la maladie de Horton (artérite giganto-cellulaire). Rev Med Int 2016 ; 37 : 445–7. [2] Horton BT, Magath TB, Brown GE. An undescribed form of arteritis of the temporal vessels. Proc Staff Meet Mayo Clinic 1932 ; 7 : 700–1. [3] Mahr A, Aouba A, Richebe P, et al. Épidémiologie et histoire naturelle de l'artérite à cellules géantes. In : Rev Med et histoire naturelle de l'artérite à cellules géantes (Horton). Rev Med Interne ; 2017, https:// doi.org/10.1016/j.revmed.2017.03.007 [4] Samson M, Audia S, Martin L. Physiopathologie des artérites à cellules géantes. Rev Rhum monographies 2017 ; 84 : 215–29. [5] Marie I. Maladie de Horton et pseudopolyarthrite rhizomélique : critères diagnostiques. Rev Med Int 2013 ; 34 : 403–11. [6] Duhaut P, Ducroix JP. Maladie de Horton et pseudo-polyarthrite rhizomélique. In : Traité des Maladies et Syndromes Systémiques. 6e éd. Paris : Lavoisier Médecine Science ; 2015. p. 674–707.

[7] Querellou S, Robin P, Abgral R, et al. Review article : FDG-PET in inflammatory diseases. Med Nucl 2017 ; 41 : 3–14. [8] Williams M, Jain S, Patil P, et al. Apport de l'imagerie dans la pseudopolyarthrite rhizomélique. Rev Rhum 2013 ; 80 : 315–26. [9] Hunder GG, Bloch DA, Michel BA, et al. The American College of Rheumatology 1990 criteria for the classification of giant cell arteritis. Arthritis Rheum 1990 ; 33 : 1122–8. [10] Dasgupta B, Cimmino MA, Maradit-Kremers H. 2012 provisional classification criteria for polymyalgia rheumatica : a European League Against Rheumatism/American College of Rheumatology collaborative initiative. Ann Rheum Dis 2012 ; 71 : 484–92. [11] Devauchelle-Pensec V. Faut-il déjà prescrire une biothérapie dans la maladie de Horton et la pseudopolyarthrite rhizomélique ? Rev Rhum 2016 ; 83 : 319–20. [12] Schmidt J, Duhaut P. Atteinte aortique dans la maladie de Horton. Rev Med Int 2016 ; 37 : 239–44. [13] Dejaco C, Singh YP, Perel P, et al. 2015 recommendations for the management of polymyalgia rheumatica : a European League Against Rheumatism/American College of Rheumatologycollaborative initiative. ARD 2017 ; 74 : 1799–807. [14] Devauchelle-Pensec V, Berthelot JM, Cornec D, et al. Efficacy of firstline tocilizumab therapy in early polymyalgia rheumatica : a prospective longitudinal study. ARD 2016 ; 75 : 1506–10.

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Chapitre

40

Lupus érythémateux disséminé et syndrome des anticorps anti-phospholipides Daniel Adoue

PLAN DU CHAPITRE Lupus érythémateux aigu disséminé . . . . .

511

Syndrome des antiphospholipides . . . . . . .

526

Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pathogénie et physiopathologie . . . . . . . . . . . Symptomatologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Diagnostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Évolution et pronostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Situations particulières . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

511 511 512 512 513 518 520 522 525

Historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Physiopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Symptomatologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Traitement du SAPL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

526 527 527 527 528 532



Le lupus érythémateux aigu disséminé (LEAD) est une affection systémique, protéiforme, évoluant par poussées et caractérisée par la présence d'anticorps anti-nucléaires. Le LEAD constitue le prototype des maladies auto-immunes non spécifiques d'organes. Le syndrome des anticorps anti-phospholipides (SAPL) est caractérisé par la survenue de thromboses ou d'accidents obstétricaux en relation avec la présence d'anticorps antiphospholipides perturbant la coagulation. Le SAPL peut évoluer de façon autonome (SAPL primaire) ou dans le cadre d'une autre maladie auto-immune, au premier rang desquelles figure le LEAD justifiant une présentation regroupée.

Lupus érythémateux aigu disséminé Définition Il n'existe pas de définition précise et consensuelle, rattachée à des critères diagnostiques formels, pour le LEAD. Ce terme désigne une maladie auto-immune d'organisme de cause inconnue caractérisée par une expression clinique Rhumatologie © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

protéiforme systémique, évoluant par poussées entrecoupées de rémission et associée à la présence d'anticorps antinucléaires [1].

Historique La connaissance de la maladie lupique est marquée par 10 étapes clés : ■ 1828 : L.T. Biett (France) : description de l'érythème facial. ■ 1869 : M. Kaposi (Autriche) : description de manifestations systémiques associées à l'expression dermatologique. ■ 1904 : W. Osler (États-Unis) : description de l'insuffisance rénale. ■ 1948 : M. Hargraves et H. Richmond (États-Unis) : description de la cellule LE. ■ 1957 : G. Friou (États-Unis) : description des anticorps anti-nucléaires. ■ 1961 : V. Pollak et C. Pirani (États-Unis) : usage de la corticothérapie. ■ 1974 : A. Steinberg (États-Unis) : usage du cyclophosphamide. ■ 1982  : Association des Rhumatologues Américains (États-Unis) : critères ACR de classification. ■ 2011 : S. P. Navarra (Philippines) : premier essai positif de biothérapie. ■ 2012 : M. Petri (États-Unis) : critères de classification SLICC. 511

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512   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Épidémiologie L'épidémiologie de la maladie lupique reste difficile à appréhender : définition non ubiquitaire, critères de classification restrictifs, formes pauci-symptomatiques [2]. L'influence physiopathologique d'un terrain génétique fait que l'épidémiologie est variable suivant les zones géographiques. En France, la prévalence du LEAD est estimée à 45 pour 100 000 (donc inférieure au seuil de 1/2 000 définissant les maladies rares), mais est croissante du fait de meilleures conditions de dépistage et de prise en charge. Son incidence est estimée à 5 nouveaux cas annuels pour 100 000. Le LEAD concerne les femmes à plus de 85 % et est plus sévère chez les patients de race noire (populations antillaises en particulier). L'âge moyen au diagnostic est de 33 ans (plus précoce chez la femme et le sujet de race noire), mais une révélation infantile ou gériatrique est possible. La prise en charge d'une maladie lupique a un coût économique estimé en France à plus de 4 600 euros par an pour une forme sévère.

Pathogénie et physiopathologie La cause de l'affection reste inconnue, mais les processus physiopathologiques qui rendent comptent de son expression bioclinique sont de mieux en mieux analysés et commencent à servir de base thérapeutique [3]. La pathogénie du LEAD procède de la rencontre d'éléments environnementaux sur un terrain génétique particulier (même s'il ne s'agit pas d'une affection génétique héréditaire au sens habituel du terme).

Facteurs génétiques L'importance du terrain génétique est confortée par la concordance entre jumeaux (5 % pour les paires dizygotes et de 25 à 50 % pour les paires monozygotes), par la présence dans l'entourage familial proche des patients (ascendants, descendants, fratrie), de plus de 10 % de sujets atteints d'une forme de maladie lupique ou porteurs d'anomalies bio­ logiques correspondantes. La base génétique du LEAD est principalement de type polygénique. Les études de type Genome Wide Association Studies, portant sur le génome entier, ont permis de suspecter plusieurs loci de prédisposition. Les gènes détectés codent pour des protéines impliquées dans le système immunitaire. Il s'agit par exemple des gènes des récepteurs pour la portion constante (Fc) des immunoglobulines, des gènes des molécules du complexe majeur d'histocompatibilité (HLA) de classe II (DR2 et DR3), du gène de la molécule de co-stimulation inhibitrice Programmed Cell Death 1 (PDCD1), ou du gène Interferon Regulatory Factor-5 (IRF-5), molécule contrôlant la sécrétion de nombreuses cytokines pro-inflammatoires. Par opposition, quelques mutations monogéniques prédisposent au développement d'un LEAD. C'est le cas des déficits en l'un des composants de la voie classique du complément (C1q, C2 et C4). Le déficit en C1q en particulier est responsable d'une diminution de la clairance des corps apoptotiques et des complexes immuns avec une accumulation d'auto-antigènes nucléaires. Le déficit en C4 est associé à une altération de la déplétion des lymphocytes B autoréac-

tifs. Par ailleurs, un SNP (single nucleotide polymorphism) fonctionnel dans la région du TNF, à proximité des gènes codant C4 a été associé avec un risque plus important de développer une maladie lupique. Cet ensemble de données est en corrélation avec une expression particulière des gènes du complexe majeur d'histo­c ompatibilité (HLA) de classe  II (HLA-DR2 – DRB1*1501 et HLA-DR3-DRB1*0301) ou de classe III (gènes du C2, du C4). Les recherches concernant la participation des facteurs génétiques à la pathogénie du LEAD s'orientent actuellement vers des anomalies des facteurs de régulation de l'interféron (STAT4), de la voie NF-kb (IRAK1-MECP2) laissant entrevoir pour un futur proche de nouvelles bases thérapeutiques.

Facteurs environnementaux Plusieurs facteurs d'environnement interviennent dans l'induction, la révélation, l'évolution du LEAD. Il s'agit d'abord très classiquement des rayons ultra-violets qui favorisent l'apoptose des kératinocytes et modulent la réponse immune cutanée. Certains virus sont considérés comme des activateurs polyclonaux réagissant en raison d'homologies de séquences avec les protéines du soi (virus Epstein-Barr et antigène Sm par exemple). Plusieurs classes de médicaments (minocycline, carbamazépine, interféron, anti-TNFα, bêta-bloquants) sont considérées comme inductrices de lupus. Le tabac est considéré comme facteur favorisant. Enfin, parmi les facteurs hormonaux : les œstrogènes rythment l'évolutivité de la maladie lupique au gré des épisodes de la vie génitale des patientes. Par ailleurs, un faible niveau socioculturel ou économique représente un facteur prédictif de l'activité de la maladie.

Physiopathologie de la maladie lupique Elle est résumée en quelques étapes clés : ■ anomalies multifactorielles qualitatives et quantitatives de l'apoptose, ■ défaut de clairance des cellules en apoptose avec accumulation de débris cellulaires, contenant des auto-antigènes majeurs du LEAD : chromatine, ADN natif, histones et nucléosomes ; certains auto-antigènes nucléaires solubles comme les ribo-nucléo-protéines et des phospholipides membranaires, ■ captation par les cellules dendritiques de ces auto-­ antigènes (activation des TLR [Toll Like Receptors] dans une ambiance Interféron dépendante), ■ activation des lymphocytes T autoréactifs qui contrôlent à leur tour l'activation et la sécrétion d'auto anticorps par les lymphocytes B, ■ dépôts d'anticorps dans les tissus, soit directement, soit après la formation in situ ou dans la circulation de complexes immuns (type anti-ADN/ADN nucléosomique par exemple), ■ induction d'une inflammation locale et lésions tissulaires qui entretiennent le relargage des débris nucléaires. Plusieurs boucles d'amplification favorisées par les anomalies génétiques décrites aggravent la réaction autoimmune et contribuent à son accentuation in situ ou à sa diffusion  : dans une ambiance cytokinique particulière,

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Chapitre 40. Lupus érythémateux disséminé et syndrome des anticorps anti-phospholipides    513 sécrétion anormale de cytokines : IFN-α (produit par les cellules dendritiques plasmacytoïdes et les polynucléaires neutrophiles sous l'effet de stimuli contenant du matériel nucléaire et activant de nombreuses cellules immunitaires), IL-10 et BLyS (qui augmente la survie et la sélection des lymphocytes B immatures, la survie, l'activation et la prolifération des lymphocytes B matures et la production des plasmoblastes et des plasmocytes autoréactifs). Le résultat, en termes de pouvoir lésionnel, est une maladie à complexes immuns extrêmement diffuse. Les anticorps anti-nucléaires (ACAN) en eux-mêmes n'ont pas de pouvoir pathogène, comme en témoigne le fait que des sujets sains puissent être porteurs de ces anticorps et que les expériences de transfert passif soient négatives. C'est la capacité à se lier aux auto-antigènes et à former à l'échelon de l'organisme des complexes immuns qui est délétère. On retiendra de la description de ces étapes, d'une part, que la détection des auto-anticorps est possible avant l'expression clinique de la maladie (délai variable et suite de l'évolution après la détection non prévisible) et, d'autre part, que la pathologie à complexe immun peut avoir aussi bien une expression tissulaire que vasculaire (une présentation de type vascularite est donc possible au cours du LEAD).

Symptomatologie Symptomatologie clinique Le LEAD est une affection protéiforme dont chacune des expressions peut survenir dans le cours évolutif de la maladie, cours évolutif caractérisé par des poussées entrecoupées de phases de rémission. Les mêmes expressions peuvent également être révélatrices de l'affection posant autant de problèmes diagnostiques qu'il existe de formes cliniques. Malgré ce polymorphisme, trois expressions cliniques dominent  : cutanée, articulaire et néphrologique de la femme jeune.

Signes cutanés Les lésions cutanées sont dites « lupiques » quand elles sont la traduction d'une atteinte directe de la peau par les complexes immuns, ou « non lupiques » quand elles correspondent à un autre processus lésionnel, vascularitique en particulier. Les lésions cutanées lupiques sont classées en lupus aigu, subaigu, chronique et les trois types de lésions peuvent s'observer au cours du LEAD [4]. De façon globale, les lésions cutanées lupiques sont fréquentes (80 %), très polymorphes, constituées autour d'une lésion élémentaire : l'érythème. Elles sont souvent caractérisées par une distribution en territoire photo-exposé et, de fait, favorisées par l'exposition aux rayons ultra-violets. Sur le plan histologique, on retrouve un même polymorphisme avec une base commune à type de lésion de l'interface dermo-épidermique : atrophie du corps muqueux, lésions des kératinocytes basaux et infiltrat lymphocytaire périvasculaire et/ou périannexiel. Le processus pathologique peut être illustré par la visualisation en examen en immunofluorescence directe des dépôts immuns : immunoglobulines, complément et dépôts granuleux à la jonction dermo-épidermique (lupus band test).

Lupus cutané aigu Il s'agit de lésions érythémateuses, maculeuses ou maculopapuleuses, finement squameuses, à bords émiettés, parfois œdémateuses. Elles siègent sur les zones photo-exposées : vespertilio, loup, ailes de papillon : visage, décolleté, face dorsale des doigts (zones interphalangiennes). La muqueuse buccale peut être le siège d'ulcération. L'évolution est caractérisée par une disparition sans cicatrice.

Lupus cutané subaigu Il s'agit de plaques annulaires, polycycliques, parfois squameuses (aspect psoriasiforme), siégeant sur le décolleté, le tronc. La cavité buccale peut être également le lieu d'ulcérations. L'évolution est marquée par la survenue de troubles pigmentaires séquellaires.

Lupus cutané chronique La forme la plus typique est celle du lupus discoïde (érythème et hyperkératose folliculaire) siégeant sur le visage (joues, oreille), le cuir chevelu et laissant secondairement place à une atrophie cicatricielle définitive. Parmi les lésions « non lupiques », on retiendra principalement la possibilité de survenue d'un purpura vasculaire, traduction d'une expression vascularitique. Ces lésions, parfois nécrotiques, sont à différencier des lésions thrombotiques plus volontiers rattachées au SAPL (livédo, ulcération nécrotiques). Dans le même registre, on peut observer un érythème et un œdème périunguéal, de la pulpe des doigts ou des éminences thénar et hypothénar. Enfin, plus rarement, cette expression se fait sous la forme d'une urticaire fixe, de nodules sous-cutanés d'allure rhumatoïde (figures 40.1 et 40.2).

Signes articulaires Les manifestations articulaires sont souvent inaugurales, dominent fréquemment le tableau clinique et concernent jusqu'à 70 % des patients porteurs d'un LEAD. L'avènement de l'échographie précise mieux la prévalence de cette atteinte au cours de la maladie [5]. Typiquement, il s'agit d'une polyarthrite aiguë, bilatérale, symétrique, des petites articulations des mains (MCP, IPP, carpes), mais les grosses articulations des genoux, des chevilles peuvent être atteintes. Il peut également s'agir de simples arthro-myalgies, plus rarement d'arthrite subaiguë ou chronique. Classiquement, ces atteintes sont non destructrices : absence d'érosions lors du contrôle radiographique, à la différence de la polyarthrite rhumatoïde, mais cette notion tend à être remise en cause (cf. critères de classification SLICC) et non déformantes à l'exception du rhumatisme de Jaccoud (sub-luxations articulaires réductibles liées à une atteinte tendineuse). La ponction articulaire recueille un liquide inflammatoire (mais le plus souvent à cellularité restreinte : moins de 5 000 éléments/mm3). Ténosynovites et ruptures tendineuses sont peu fréquentes. On rapproche de ces atteintes articulaires, la survenue de signes musculaires essentiellement à type de myalgies, plus rarement d'une véritable myosite inflammatoire, avec élévation des enzymes musculaires, syndrome myogène à l­'électromyographie et un infiltrat lymphocytaire à la

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514   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

A

B

C

D

Figure 40.1 Lupus aigu. (A) et (B) Atteintes du visage ; (D) Atteinte de la main ; (C) Lupus subaigu du visage et du décolleté.

­ iopsie musculaire. La survenue de manifestations enthésalb giques évoluant dans un tableau d'allure fibromyalgique est possible et de signification non précisée. Sur le plan osseux, les ostéonécroses aseptiques observées (tête fémorale, plateaux tibiaux, condyles fémoraux, tête humérale, atteintes souvent multiples) sont en fait plus volontiers en relation avec la corticothérapie ou un SAPL associé.

Signes néphrologiques Fréquente (40  %), l'atteinte rénale lupique revêt, d'une part, une importance pronostique propre majeure (risque d'évolution vers l'insuffisance rénale terminale avec mise en jeu du pronostic vital) et, d'autre part, conditionne les choix thérapeutiques qui sont guidés par le type des lésions

B

A

C

D

Figure  40.2 (A) Lupus subaigu du bras et de l'avant-bras ; (B) Vascularite lupique digitale ; (C) Engelure ; (D) Lupus chronique ­(onychodystrophie et lipoatrophie) .

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Chapitre 40. Lupus érythémateux disséminé et syndrome des anticorps anti-phospholipides    515

histologiques observées. L'évaluation quasi systématique de l'état rénal et son suivi sont donc primordiaux au cours du LEAD [6].

Il s'agit principalement d'atteintes glomérulaires, plus rarement tubulo-interstitielles, parfois vasculaires. Par delà l'examen clinique (contrôle de la tension artérielle,

v­ érification de poids, recherche d'œdèmes), le dépistage s'effectue par le contrôle régulier des urines par bandelette auto-réactive (présence de protéinurie, d'hématurie sans stigmate d'infection urinaire). Toute anomalie doit être confirmée par la caractérisation quantitative de la protéinurie grâce à la mesure du rapport protéinurie/créatinurie sur une miction (normal < 0,2 g/g). Cet examen sert au dépistage. Sa réalisation est plus simple que la mesure de la protéinurie des 24 h. Celle-ci reste toutefois indispensable pour quantifier la protéinurie. L'hématurie sera confirmée par la réalisation d'un culot urinaire (confirmation de l'hématurie, présence d'hématies dystrophiques ou de cylindres hématiques évoquant une origine néphrologique plutôt qu'urologique). Le bilan sera complété par l'évaluation de la fonction rénale (créatinine sérique et sa clearance) et, en cas de protéinurie significative, par la mesure de la protidémie, de l'albuminémie (reconnaissance d'un syndrome néphrotique). La réalisation d'une biopsie rénale sera décidée dès lors qu'il existe des signes significatifs de néphropathie (et donc de façon simplifiée, une protéinurie supérieure à 0,5 g/24 h) chez un patient porteur d'un LEAD : la biopsie rénale ne doit pas être un moyen de diagnostiquer une maladie lupique. Les lésions glomérulaires sont distribuées en 6 classes (avec, entre autres critères, l'évaluation du caractère potentiellement régressif ou, au contraire, définitif des anomalies histo­logiques) et sont rapportées dans le tableau 40.1 [7]. Dans tous les cas, l'examen en immunofluorescence directe permet de visualiser les dépôts immuns.

Autres signes cliniques L'affection étant très protéiforme, il est difficile de résumer l'ensemble des troubles observés au cours du LEAD. En voici une brève présentation.

Atteintes neurologiques Elles peuvent toucher le système nerveux central et périphérique, les méninges et sont extrêmement hétérogènes Tableau 40.1 Classification des glomérulonéphrites lupiques

.

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516   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Classe

Lésions histologiques

Classe I

Glomérulonéphrite mésangiale à dépôts minimes

Classe II

Glomérulonéphrite proliférative mésangiale

Classe III Glomérulonéphrite focale Sous division IIIA, III A/C, IIIC selon l'activité - prolifération (A) ou la chronicité - sclérose (C) Classe IV Glomérulonéphrite diffuse Sous division IVA, IVA/C, IVC selon l'activité - prolifération (A) ou la chronicité - sclérose (C) Classe V

Atteinte extra-membraneuse

Classe VI

Sclérose glomérulaire avancée

Source : d'après Putterman C. Lupus Nephritis: persistent challenges, new approaches. Clin Immunol. 2017, 185 : 1–2.

dans leur expression clinique, leur physiopathologie et leur pronostic. Elles peuvent être isolées et alors de diagnostic difficile. Les atteintes neurologiques centrales peuvent être focales ou diffuses, se confondre avec l'expression d'un SAPL associé et poser un problème de reconnaissance par rapport à un trouble iatrogénique (rôle des corticoïdes en particulier). Elles sont dominées par les atteintes irritatives (crises convulsives) et les déficits moteurs en relation avec des accidents vasculaires cérébraux ischémiques (fortement associés au SAPL). Les autres manifestations centrales sont plus rares et très polymorphes : encéphalopathie, chorée, hypertension intracrânienne bénigne… Les atteintes périphériques sont rares et peuvent revêtir trois formes cliniques : neuropathie sensitive pure, mono ou multinévrite, polyradiculonévrite. Les atteintes méningées sont de type lymphocytaire, plus rarement à polynucléaire aseptique, et posent un problème de diagnostic différentiel avec une pathologie infectieuse chez un sujet immunodéprimé. Les céphalées sont fréquentes, souvent associées à la fatigue et aux signes arthro-myalgiques. Elles peuvent être symptomatiques d'une complication vasculaire (thrombose veineuse en particulier). Les migraines sont souvent rattachées à un SAPL associé. Les troubles psychiatriques et cognitifs sont l'une des caractéristiques de l'expression neurologique de la maladie lupique. Par-delà une expression dysthymique réactionnelle, la possibilité de manifestations fonctionnelles névrotiques en rapport avec la personnalité du patient, le LEAD est accompagné d'authentiques manifestations psychiatriques (psychotiques en particulier). La survenue de troubles cognitifs pose le problème d'une pathologie vasculaire thrombotique sous-jacente et plus volontiers rattachée au SAPL, mais peut être spécifique de la maladie lupique. Dans tous les cas, ces atteintes neurologiques peuvent s'intégrer dans le cours évolutif d'une maladie lupique connue et il s'agira alors de savoir les rattacher à cette affection, à un SAPL associé, à une pathologie iatrogène (en particulier devant des troubles psychiatriques survenant chez un sujet traité par corticoïdes). À l'opposé, ces atteintes neurologiques peuvent révéler le LEAD en étant initialement isolées et poser alors un difficile problème diagnostique, les marqueurs biologiques spécifiques manquant souvent et les compléments paracliniques (imagerie du système nerveux central : atteinte ischémique, anomalies de la substance blanche ; examen du LCR : anomalies inconstantes à type d'inflammation et de production locale d'immunoglobuline avec profil oligoclonal) restants non spécifiques, éventuellement rattachés à un SAPL ou évocateurs d'une autre pathologie inflammatoire démyélinisante).

Atteintes cardio-vasculaires Les atteintes cardiaques peuvent toucher les trois tuniques donnant péricardite, myocardite ou endocardite. La péricardite est observée jusqu'à 30 % des cas, selon le moyen utilisé pour la diagnostiquer (dont une éventuelle recherche systématique). Elle est parfois révélatrice, ailleurs latente, très cortico-sensible et souvent cortico-dépendante.

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Chapitre 40. Lupus érythémateux disséminé et syndrome des anticorps anti-phospholipides    517 La myocardite est rare, se traduisant par une insuffisance cardiaque congestive et des troubles du rythme ou de la conduction. L'endocardite concerne principalement les valves mitrale ou aortique. Il s'agit d'un épaississement diffus ou localisé définissant l'endocardite aseptique de Libman-Sacks, parfois reconnue grâce à l'échographie systématique, plus volontiers fortement associée à la présence de SAPL, exposant à diverses complications : embolies artérielles, dégradation hémodynamique, greffe bactérienne dont le diagnostic chez un patient fébrile immunodéprimé reste difficile (endocardite aseptique, endocardite infectieuse à hémoculture négative). Les atteintes vasculaires sont représentées par un syndrome de Raynaud sans spécificité clinique ou capillaroscopique particulière. L'hypertension artérielle se situe dans le cours évolutif des atteintes néphrologiques et la survenue d'un purpura vasculaire a déjà été évoquée avec les atteintes cutanées d'allure vascularitique. L'observation d'une atteinte coronarienne, d'une pathologie thrombotique artérielle ou veineuse, d'une artériopathie périphérique se situe plus dans le cadre d'une atteinte de type SAPL ou d'une majoration du risque cardio-vasculaire global d'une maladie inflammatoire traitée par corticoïdes.

Atteintes respiratoires Elles sont pleurales, parenchymateuses ou vasculaires. L'atteinte pleurale est observée jusqu'à 25 % des cas (parfois latente), uni ou bilatérale, exsudative et lymphocytaire, très cortico-sensible et souvent associée à une péricardite. L'atteinte parenchymateuse (15 % des cas) est sans traduction clinique spécifique (dyspnée, toux, parfois hémoptysie ou anomalies auscultatoires à type de crépitants). L'aspect radiologique le plus fréquent est celui d'infiltrats non systématisés migrateurs ou d'atélectasies sous-segmentaires. Sa survenue peut être aiguë et poser, en particulier chez un sujet immunodéprimé, le problème d'une étiologie infectieuse. Plus rarement, une pneumopathie interstitielle diffuse fibrosante est observée à titre de complication évolutive chronique. Sur le plan vasculaire, l'hypertension artérielle pulmonaire est une complication rare dont le mécanisme doit être précisé : associée à une fibrose interstitielle, à un état post-embolique en cas de SAPL, post-capillaire en cas de cardiopathie gauche ou rarement directement rattachée à la pathologie auto-immune.

Atteintes hématologiques Les modifications des organes hématopoïétiques (adénopathies superficielles ou profondes, splénomégalie), concernent 10 % des patients. Elles évoluent parfois dans un cadre inflammatoire systémique marqué, posant le problème d'une complication lymphomateuse ou d'atteinte histologique particulière de type Kikuchi (lymphadénite histiocytaire nécrosante). Les modifications de l'hémogramme sont rapportées dans le cadre des signes biologiques.

colique collagène) sont rares. Le principal problème diagnostique concerne la survenue d'une symptomatologie douloureuse abdominale au cours d'un LED qui peut avoir une origine multiple  : installation d'une ascite, pseudoobstruction intestinale, pancréatite, perforation intestinale, thrombose porte, insuffisance surrénale parfois liée à un infarctus bilatéral des surrénales… et évoluer plus souvent dans le cadre d'un SAPL associé. La reconnaissance d'une atteinte hépatique spécifique fait discuter l'association à une hépatite auto-immune.

Atteinte ophtalmique Une atteinte ophtalmique spécifique (rétinites dysoriques, occlusions des vaisseaux rétiniens) est beaucoup plus rare. L'examen du fond d'œil est un mauvais témoin de l'atteinte neurologique centrale car les anomalies sont observables au cours de toute poussée lupique.

Signes généraux L'ensemble des signes généraux correspondants à une maladie inflammatoire (asthénie, fièvre de tout type, anorexie et amaigrissement) est observable au cours du LED, rarement de façon isolée, le plus souvent en association avec une expression viscérale.

Symptomatologie biologique Symptômes non spécifiques Ils sont multiples et de valeur sémiologique variable.

Syndrome inflammatoire Il est particulier car le LEAD est une maladie inflammatoire dont les poussées évolutives ne modifient pas la CRP (sauf en cas d'atteinte séreuse ou d'infection associée). L'accélération de la vitesse de sédimentation est fréquente, mais d'origine non univoque : anémie associée, hyper-gamma-globulin­émie polyclonale.

Manifestations hématologiques Elles peuvent concerner les trois lignées. Les perturbations de l'hémostase sont principalement le fait d'un SAPL associé. L'anémie peut être de mécanisme varié : inflammatoire lors des poussées marquées, hémolytique auto-immune avec test direct à l'antiglobuline (test de Coombs direct) positif de type IgG + complément, par érythroblastopénie ou microangiopathie thrombotique. Cette anémie peut également être secondaire : carence martiale par iatrogénie liée aux anti-inflammatoires, insuffisance rénale, syndrome d'activation macrophagique… Une leucopénie modérée est fréquente, résultant le plus souvent d'une lymphopénie et parfois d'une neutropénie. Ces cytopénies sont de mécanisme immunologique. Une thrombopénie d'allure périphérique, de mécanisme immunologique, peut précéder l'expression systémique d'un LEAD (tout bilan de thrombopénie isolée doit comporter la recherche systématique de marqueurs biologiques de lupus).

Atteintes digestives

Symptômes dysimmunitaires

Les manifestations digestives (pancréatite, entéropathie inflammatoire, hémorragie digestive multifactorielle,

Ils sont dominés par la présence d'anticorps antinucléaires (ACAN/AAN) ou facteurs anti-nucléaires (FAN) et la

caractérisation de leurs cibles antigéniques. L'activité de la maladie peut être précisée par le titre des anticorps détectés et la présence de stigmates associés de consommation du complément sérique. La présence de facteurs rhumatoïdes est fréquente au cours du LEAD, mais n'a aucune valeur diagnostique ou pronostique [8]. Le dépistage des ACAN est réalisé par immunofluorescence indirecte sur cellules Hep2 (seuil de significativité : titre > 1/160 différent du seuil de positivité biologique : titre > 1/80). Leur présence est constante au cours du LEAD, mais peu spécifique car ils sont également retrouvés dans d'autres maladies inflammatoires, certaines hépatopathies et hémopathies, voire chez certains sujets sains âgés. La présence d'ACAN à un titre significatif justifie l'étude de la spécificité par la recherche d'anticorps anti-ADN (bicaténaires ou natifs) et la détection d'une activité dirigée contre des antigènes nucléaires solubles (anti-ENA : Extractable Nuclear Antigen ou ECT  : Extract of Calf Thymus). La recherche des anti-ADN est positive dans 60 à 90 % des LEAD, notamment pendant les phases actives de la maladie. C'est un élément-clé du diagnostic biologique. La recherche des anticorps spécifiques d'antigènes nucléaires solubles peut permettre la mise en évidence d'anticorps anti-Sm (Sm pour Smith : nom du premier patient chez qui cet anticorps a été rapporté), peu fréquents (10 % en Europe de l'Ouest), mais hautement spécifiques (voire quasi pathognomoniques) ou d'anticorps anti-Ro/SSA et anticorps anti-La/SSB argumentant la possibilité d'un syndrome de Gougerot-Sjögren associé. De nombreuses autres spécificités (anti-ribosomes, PCNA…) sont possibles pour les ACAN au cours du LEAD, mais celles-ci sont soit de trop faible prévalence, soit de spécificité réduite pour être utilisable comme argument du diagnostic biologique. L'étude du complément sérique est un moyen de préciser l'évolutivité actuelle de la maladie (le pouvoir délétère des anticorps est complément-dépendant et donc associé à une consommation des molécules du complément sérique). La baisse du complément hémolytique 50 % (CH50) et des fractions C3 et C4, est associée statistiquement aux poussées évolutives de la maladie.

anti-DNA  : sensibilité 67  %, spécificité 92  % ; histologie rénale : sensibilité 83 %, spécificité 100 %. Ces données sont donc d'interprétation variable suivant le contexte d'expression (en tenant en particulier compte du terrain). Ceci a conduit à la reconnaissance de critères de classification (critères ACR 1982, modifiés en 1997 (tableau 40.2) [9]. Il ne s'agit pas au sens propre de critères diagnostiques, mais d'un moyen permettant éventuellement de classer une présentation bioclinique comme compatible avec une maladie lupique, le diagnostic restant par ailleurs possible en dehors de cette sommation de critères (autres signes biocliniques, présentations incomplètes). Cette ambigüité, en particulier vis-à-vis des lupus pauci-symptomatiques, a conduit en 2012 à la définition de critères de classification du groupe international SLICC pour le lupus systémique (tableau 40.3) [10] avec l'optique de se rapprocher de critères diagnostiques (sensibilité 97 %, spécificité 84 %). On relève que les critères cliniques sont au nombre de 11 (avec de nombreux signes dermatologiques, la part importante des manifestations articulaires et la disparition du caractère non érosif de cette atteinte), que les critères immunologiques sont au nombre de 6 (avec en particulier l'intégration de l'hypo-complémentémie antérieurement uniquement reconnue comme témoin d'évolutivité). L'utilisation des critères SLICC impose d'exclure les patients porteurs de SAPL qui peuvent, sans maladie lupique, remplir 9 des 17 critères. Tableau 40.2 Critères de classification de l'ACR retenus en 1982 et modifiés en 1997 [9] .

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518   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

1

Rash malaire en aile de papillon

2

Lupus discoïde

3

Photosensibilité

4

Ulcérations orales ou naso-pharyngées

5

Arthrite non érosive touchant au moins 2 articulations périphériques

6

Pleurésie ou péricardite

7

Protéinurie > 0,5 g/j (ou cylindrurie)

8

Convulsion ou psychose

9

Critères hématologiques : • Anémie hémolytique • Ou leucopénie < 4 G/L • Ou lymphopénie < 1,5 G/L • Ou thrombopénie < 100 G/L En l'absence de drogues cytopéniantes

10

Titre anormal d'ACAN en l'absence de drogues inductrices

11

Désordres immunologiques : • Présence d'anticorps anti DNA natif • Ou d'anticorps anti Sm • Ou anticoagulant circulant de type lupique ou anticorps anti-cardiolipide (Ig ou IgM) ou sérologie syphilitique dissociée contactée à deux reprises en 6 mois et confirmée par un test de Nelson ou une immunofluorescence absorbée

Diagnostic Porter un diagnostic d'un LEAD peut être d'une grande simplicité devant l'association d'un terrain favorable (femme jeune), d'une symptomatologie évocatrice (arthro-cutanée ou néphrologique en particulier) et la confirmation par la mise en évidence d'ACAN avec activité anti-DNA (ou mieux encore anti-Sm) ou très complexe en cas de révélation par une complication viscérale d'allure isolée, sans marqueurs biologiques évidents. Nous retrouvons dans cette situation la problématique d'une définition informelle de la maladie.

Sensibilité et spécificité des signes biocliniques Elles sont très variables. À titre d'exemple : éruption malaire : sensibilité 57 %, spécificité 96 % ; lupus discoïde : sensibilité 18 %, spécificité 99 % ; polyarthrite : sensibilité 86 %, spécificité 37 % ; convulsion sensibilité : 12 %, spécificité 99 % ;

4 critères simultanés ou successifs sont nécessaires pour classer la maladie comme lupique (sensibilité 83 %, spécificité 96 %) Source : d'après Hochberg MC. Updating the American College of Rheumatology revised criteria for the classification of systemic lupus erythematosus. Arthritis Rheum 1997, 40 : 1725.

Critères cliniques 1 2

Lupus cutané aigu (rash malaire, lupus bulleux, rash maculopapuleux, rash photo-sensible) Lupus cutané chronique (discoïde, localisé, généralisé, verruqueux, panniculite, tumidus, engelure, chevauchement avec lichen plan)

Tableau 40.4 Critères de classification EULAR/ACR 2017 .

Tableau 40.3 Critères de la classification SLICC de 2012 .

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Chapitre 40. Lupus érythémateux disséminé et syndrome des anticorps anti-phospholipides    519

Domaines et critères cliniques points

Signes généraux Fièvre

2

Signes cutanés

3

Ulcérations orales (palais, bouche, langue) ou nasale

Alopécie non cicatricielle

2

4

Alopécie non cicatricielle

Ulcères buccaux

2

5

Synovite (> 2 arthrites) ou arthralgies (> 2 articulations) avec raideur matinale > 30 min

Lupus subaigu ou discoïde

4

Lupus cutané aigu

6

6

Sérite : pleurésie sèche ou liquidienne, péricardite

7

Atteinte rénale : protéinurie/créatininurie > 0,5 mg/g ou cylindres hématiques

8

Atteinte neurologique : convulsion, psychose, multinévrite, neuropathie périphérique ou des nerfs crâniens, état confusionnel

9

Anémie hémolytique

10

Leucopénie (< 4 G/L au moins 1 fois)

11

Thrombopénie (< 100 G/L au moins 1 fois)

Critères immunologiques 1

ACAN/AAN à taux significatifs

Signes articulaires Synovites ≥ 2 articulations ou douleur ≥ 2 articulations + dérouillage matinal ≥ 30 min

6

Signes neurologiques Délire

2

Psychose

3

Épilepsie

5

Sérite Épanchement pleural ou péricardique

5

Péricardite aiguë

6

2

Anti ADN natif à taux significatif (si ELISA : exiger au moins 2 fois la limite supérieure du laboratoire)

3

Anti-Sm

Leucopénie

3

4

Antiphospholipides • Anticoagulant circulant lupique • Fausse sérologie syphilitique • Anticardiolipides à taux moyen ou élevé • Anti-β2GP1

Thrombopénie

4

Anémie hémolytique

4

5

6

Hypocomplémentémie • C3 • C4 • CH50 Test de Coombs érythrocytaire positif (en l'absence d'anémie hémolytique)

Un patient est classé Lupus Systémique : • si 4 critères présents dont 1 clinique et 1 immunologique • ou si atteinte rénale lupique et ACAN/AAN ou anti-DNA natif Source : Petri M, Orbal AM, Alarcon GS et al. Derivation and validation of systemic lupus international collaborating clinics classification criteria for systemic lupus erythematosus. Arthritis Rheum 2012, 64 : 2677–86.

La dernière démarche en date à propos des critères de classification et du souhait de les voir évoluer vers des critères diagnostiques date de 2017 sous l'action conjuguée de l'EULAR et de l'ACR (tableau 40.4) [11]. Cette dernière proposition prend comme critère d'entrée la présence d'ACAN (dont on sait qu'ils précèdent parfois de très longtemps le diagnostic clinique et peuvent donc correspondre à des formes frustes, débutantes, incomplètes) et est associée à un certain nombre de recommandations : ■ ne pas retenir un critère s'il existe une meilleure explication au symptôme (infection, cancer, médicament, rosacée, trouble endocrinien, une autre maladie autoimmune, etc.),

Signes hématologiques

Signes rénaux Protéinurie > 0,5 g/24 h

4

Néphrite lupique classe II ou V

8

Néphrite lupique classe III ou IV

10

Domaines et critères immunologiques Présence d'anticorps antiphospholipides IgGanticardiolipine > 40 U ou IgG anti-b2GP1 > 40 U ou anticoagulant circulant lupique

2

Hypocomplémentémie Baisse du C3 ou du C4

3

Baisse du C3 et du C4

4

Auto-anticorps spécifiques Anti-ADN

6

Anti-Sm

6

‡ Diagnostic de lupus retenu si total > 10 Source : d'après Tedeschi SK, Johnson SR, Boumpas D et al. Developing and Refining New Candidate Criteria for SLE Classification: An International Collaboration. Arthritis Care Res (Hoboken) 2017. doi : 10.1002/acr.23317.

■ la présence d'un critère à au moins une occasion est suffisante, ■ pas de nécessité que les critères soient présents en même temps,

■ nécessité d'au moins un critère clinique, ■ dans chaque domaine, seul le critère dont le poids est le plus élevé sera retenu.

Évolution et pronostic Le LEAD évolue par poussées successives suivies de phases de rémission de durée et de qualité variable et caractérisées par la possibilité de séquelles, en fonction du ou des organes concernés et de la sévérité de l'atteinte. Les rémissions spontanées sont habituellement le fait de formes cutanées ou articulaires dites mineures. Elles sont plus exceptionnelles lors d'atteintes néphrologiques, cardiaques ou neurologiques. Le titre des anticorps anti-DNA est globalement associé à l'évolutivité du LEAD, mais la corrélation n'est pas assez forte pour que les variations servent de base thérapeutique à la différence de la baisse du complément sérique qui est plus volontiers associée aux poussées évolutives de la maladie. Certains facteurs environnementaux peuvent être à l'origine d'une poussée. Les principaux sont l'exposition aux rayons ultraviolets (photosensibilité cutanée et viscérale de la maladie) et l'effet délétère de l'exposition aux œstrogènes (la maladie est, chez la femme, rythmée par les épisodes de la vie génitale et la contraception œstrogénique est classiquement contre-indiquée). L'intoxication tabagique est considérée comme un facteur favorisant (et ayant en outre un effet limitant vis-à-vis de certaines thérapeutiques). Divers indices d'évolutivité ont été proposés afin d'apporter un élément objectif, chiffré du potentiel de la maladie pour aider à la proposition thérapeutique. Ces indices sont multiples  : SLEDAI (SLE Disease Activity Index), SLAM (Systemic Lupus Activity Measure), BILAG (British Isles Lupus Assessment Group)… L'indice d'activité SLEDAI [12] est un score global dont l'objectif est d'évaluer l'activité de la maladie au cours des 10 derniers jours à partir d'un contenu (tableau 40.5) : les manifestations spécifiques de la maladie résumées en 9 systèmes d'organes (24 items au total), incluant les paramètres immunologiques (anti-DNA et complément). De la même façon, des indices visant à évaluer l'état lésionnel et séquellaire de la maladie ont été définis (exemple : indice SLICC, index lésionnel et séquellaire du Collège Américain de Rhumatologie (tableau 40.6) [10]. L'utilisation en pratique quotidienne de ces indices reste affaire de cas particuliers. Sur le plan évolutif, il est possible d'isoler deux types de formes cliniques de pronostic différent  : les formes bénignes, cutanées ou articulaires, et les formes graves du fait d'une atteinte irréversible ou incontrôlable d'un organe vital, avec mise en jeu d'un pronostic fonctionnel ou vital. Les formes graves se révèlent habituellement précocement, durant les cinq premières années d'évolution, mais une forme bénigne est toujours susceptible d'évoluer vers une forme grave. Il est en fait impossible de schématiser le devenir de la maladie puisque 20 % des formes jugées bénignes initialement vont brutalement évoluer vers une forme grave, et 50 % des formes initialement graves vont évoluer favora-

Tableau 40.5 Indice d'activité SLEDAI (Systemic Lupus Erythematosus Disease Activity Index) .

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520   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Organe/ système

Manifestation nouvelle Indice apparue depuis 10 jours relatif

Score maximum

1. Système nerveux

1. Convulsions

8

8 × 7 = 56

2. Psychose 3. Syndrome organique 4. Œil (rétine, nerf optique) 5. Nerfs crâniens 6. Céphalées 7. AVC 2. Vasculaire

1. Vascularite

8

8×1=8

3. Rein

1. Cylindres

4

4 × 4 = 16

4

4×2=8

2

2×3=6

2

2×2=4

7. Anomalies 1. Hypo­complémentémie 2 immunologiques

2×2=4

2. Hématurie 3. Protéinurie 4. Pyurie 4. Locomoteur

1. Arthrites 2. Myosite

5. Peau

1. Rash malaire récent 2. Alopécie 3. Ulcères muqueux

6. Sérites

1. Pleurésie 2. Péricardite

2. Élévation des anti-ADN 8. Anomalies hématologiques

1. Thrombopénie

1

1×2=2

1

1×1=1

2. Leucopénie 9. Signes généraux

1. Fièvre

Score SLEDAI maximum 105 Significativité si > 6 Source : d'après Liang MH, Socher SA, Larson MG et al. Reliability and validity of six systems for the clinical assessment of disease activity in systemic lupus erythematosus. Arthritis Rheum 1989, 32 : 1107–18.

blement. La ménopause semble être un événement favorable dans l'évolutivité d'un lupus. Le pronostic global de la maladie lupique, toutes formes confondues est caractérisé par une survie de 95 % à 5 ans, de 85 % à 10 ans. Parmi les facteurs défavorables, on relève des éléments aussi différents que les conditions socio-­ économiques et culturelles ou l'existence d'une atteinte rénale et son type (survie de 90 % à 10 ans en cas de lésions mésangiales, de 70 % en cas de glomérulonéphrite segmentaire et focale, et de 55 à 70 % en cas de glomérulonéphrite

Tableau 40.6 ISLICC (Indice lésionnel séquellaire du Collège américain de rhumatologie) Item

.

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Chapitre 40. Lupus érythémateux disséminé et syndrome des anticorps anti-phospholipides    521

Score

Manifestations ophtalmologiques (même unilatérales) Cataracte

0

1

Lésion rétinienne ou atrophie optique

0

1

0

1

État psychotique majeur

0

1

Comitialité nécessitant un traitement depuis au moins 6 mois

0

1

Accident vasculaire cérébral (score = 2 si plus d'un AVC)

0

1

Neuropathie périphérique ou atteinte des paires crâniennes (sauf neuropathie optique)

0

1

Myélite transverse

0

1

Débit de filtration glomérulaire calculé ou estimé < 50 %

0

1

Protéinurie des 24 heures > 3,5 g

0

1

Manifestations neuropsychiatriques Troubles cognitifs (troubles de mémoire ou difficulté pour calculer), troubles de la concentration, troubles du langage parlé ou écrit, diminution des performances OU

2

Manifestations rénales

OU Insuffisance rénale terminale (indépendamment d'un traitement par dialyse ou transplantation)

3

Manifestations pleuro-pulmonaires Hypertension artérielle pulmonaire (hypertrophie ventriculaire droite ou éclat du B2)

0

1

Fibrose pulmonaire (examen clinique et radiographique pulmonaire)

0

1

Opacités rétractiles des bases (dysfonctionnement diaphragmatique, poumon rétractile)

0

1

Fibrose pleurale (radiographie pulmonaire)

0

1

Embolie pulmonaire (radiographie)

0

1

0

1

Angor ou pontage aorto-coronarien

0

1

Infarctus du myocarde (score = 2 si plus d'un infarctus)

0

1

Cardiomyopathie (dysfonction ventriculaire)

0

1

Valvulopathie (souffle diastolique ou systolique > 3/6)

0

1

Péricardite évoluant depuis plus de 6 mois ou ayant nécessité un drainage chirurgical

0

1

Claudication artérielle depuis au moins 6 mois

0

1

Perte mineure de substance (pulpe digitale)

0

1

Perte importante de substance (amputation digitale ou d'un membre) (score = 2 si plus d'une amputation)

0

1

Thrombose veineuse avec œdèmes, ulcères

0

1

0

1

Infarctus ou résection digestive (au-dessous du duodénum) ou splénectomie, hépatectomie, cholécystectomie (score = 2 si plus d'une résection)

0

1

Artérite mésentérique

0

1

Sténose digestive OU chirurgie du tractus digestif supérieur

0

1

Insuffisance pancréatique nécessitant un traitement substitutif exocrine ou présence de pseudo-kystes

0

1

OU Résection pulmonaire (cause non néoplasique) Manifestations cardiovasculaires

2

Manifestations vasculaires périphériques

2

OU Stase veineuse Manifestations digestives 2

(Suite)

Tableau 40.6 Suite

.

Item

Score

Manifestations rhumatologiques Atrophie ou faiblesse musculaire

0

1

Arthrite déformante ou érosive (comprenant les déformations réductibles ; ostéonécroses exclues)

0

1

Ostéonécroses (score = 2 si plus d'une ostéonécrose)

0

1

Ostéomyélite

0

1

Rupture tendineuse

0

1

Alopécie

0

1

Cicatrices cutanées extensives ou panniculite ailleurs que sur le scalp ou les pulpes des doigts

0

1

Aménorrhée secondaire précoce avant 40 ans

0

1

Diabète (lié ou non au traitement)

0

1

Néoplasie (sans tenir compte des dysplasies) (score = 2 si plus d'un cancer)

0

1

2

Manifestations cutanées

2

Source : d'après Petri M, Orbal AM, Alarcon GS et al. Derivation and validation of systemic lupus international collaborating clinics classification criteria for systemic lupus erythematosus. Arthritis Rheum 2012, 64 : 2677–86.

­ roliférative diffuse). L'hypertension artérielle est de prop nostic très défavorable. Les atteintes du système nerveux central viennent également diminuer les taux de survie, qui chutent de 83 à 50 %. Parmi les paramètres biologiques de pronostic défavorable, citons l'existence d'une créatininémie supérieure à 30 mg/L, une protéinurie abondante, un hématocrite inférieur à 30 %. Les paramètres immunologiques tels que la persistance de taux élevés d'anticorps anti-ADN natif ou une chute persistante du complément ont peu d'influence sur le taux de survie. Le score de l'index lésionnel séquellaire SLICC s'est avéré un bon facteur prédictif d'une évolution fatale lorsqu'il atteint deux unités ou plus, cinq ans après le diagnostic. Les causes de mortalité sont très variées et se décomposent en décès liés à l'évolutivité du lupus (26 %), infections intercurrentes (25 %), thromboses, pathologie cardio-vasculaire (26,5 %) et cancers (6 %). Les courbes de mortalité [13] ont un caractère bimodal, avec un pic précoce dans les premières années du diagnostic du fait de complications directement liées au lupus, et un pic plus tardif lié aux complications iatrogènes, septiques et surtout

Figure 40.3 Principes thérapeutiques au cours du LEAD

.

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522   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

ischémiques et néoplasiques (risque relatif de cancer solide multiplié par 2,24 et de lymphome non hodgkinien de 11,6).

Traitement Objectifs thérapeutiques Ils sont de plusieurs ordres, à court et long terme (figure 40.3). Le traitement à court terme d'une ou plusieurs manifestations de la maladie lors d'une poussée évolutive nécessite des mesures thérapeutiques d'urgence pour réduire les symptômes, atténuer le processus lésionnel afin d'éviter la mise en jeu du pronostic vital et réduire au maximum l'installation de séquelles. Le traitement à long terme vise à prolonger la durée des phases de rémission en réduisant le risque de poussée évolutive et à favoriser la qualité de vie des patients en tenant compte de la notion de mortalité bimodale, liée pour une part à la maladie, et d'autre part aux complications cardiovasculaires qui sont en partie d'origine iatrogène.

Les acteurs thérapeutiques sont l'équipe médicale et le patient. L'équipe médicale a bien sûr un rôle habituel, mais comme au cours de toute affection chronique, la participation du patient est indispensable pour assurer l'efficience des mesures thérapeutiques (moins d'un patient sur deux est observant pour les traitements de fond) et participer aux actions de prévention des poussées évolutives (la photo-­ protection reste une mesure conceptuelle rarement complètement réalisée). Une politique d'éducation thérapeutique est donc à mettre en œuvre.

Moyens du traitement Ils sont de plusieurs niveaux et sont à adapter aux expressions symptomatiques aiguës, aux principes de prise en charge d'une affection chronique évoluant par poussées séparées de phases de rémission plus ou moins prolongées, à la reconnaissance des facteurs de risques cardiovasculaires qui se surajoutent à l'effet iatrogène de certains traitements.

Traitement des phases aiguës Il associe tous les moyens symptomatiques rendus nécessaires et adaptés au processus physiopathologique (traite­ ment antihypertenseur par inhibiteurs de l'enzyme de conversion par exemple) et suivant l'intensité et la gravité du processus, un traitement corticoïde éventuellement associé à un traitement immunosuppresseur, toujours associé à un traitement par hydroxychloroquine qui constituera le pilier du traitement de fond. Le traitement corticoïde est un traitement d'attaque dont la posologie doit d'une part être adaptée à la situation (par exemple en équivalent prednisone : 0,3 à 0,5 mg/kg/j pour des manifestations arthritiques, 1 mg/kg/j pour des manifestations vascularitiques, hématologiques, ou méthylpredsnisolone 500 mg à 1 g/j sur 3 jours pour une expression neurologique centrale). Ce traitement doit être de courte durée en fonction de la rétrocession des signes évolutifs et de l'association éventuelle à un traitement immuno-

suppresseur [14]. Les traitements immunosuppresseurs sont introduits si besoin en fonction de l'intensité, de la gravité, de la durée des symptômes. L'arsenal thérapeutique disponible va des traitements de premier niveau (azathioprine 2 à 4 mg/kg/j ou méthotrexate 3 mg/kg/semaine) jusqu'aux traitements majeurs (cyclophosphamide dont l'administration est protocolisée : protocole EURO-LUPUS par exemple, ou mycophénolate 2 à 3 g/j) (tableau 40.7, figure 40.4). Leurs indications sont donc adaptées à la situation et souvent difficiles à codifier, sauf à propos de l'atteinte rénale pour laquelle un choix thérapeutique selon les données de l'histologie est précisé et sera placé sous l'égide des néphrologues. Ce traitement immunosuppresseur peut être soit un traitement d'attaque à base de thérapeutiques majeures et alors suivi d'un traitement d'entretien, soit un traitement constitué de thérapeutiques de base, initié en phase aiguë, mais destiné à être la base du traitement de fond. De façon plus récente, les progrès dans la connaissance physiopathologique de la maladie permettent l'introduction de thérapeutiques ciblées comme les molécules anti BLYSS dans des indications spécialisées encore en cours d'évaluation [15].

Traitement de fond Il associe des règles hygiéno-diététiques, des moyens médicamenteux à visée immunitaire et des moyens de prévention cardio-vasculaires.

Base des traitements médicamenteux C'est l'Hydroxychloroquine (ou la Chloroquine)  : sous réserve d'une contre-indication ophtalmologique réelle, tous les patients lupiques devraient bénéficier de cette classe thérapeutique [16]. Cette médication est habituellement bien tolérée et possède un spectre d'action très large sur beaucoup d'expressions de la maladie lupique (cutanée [en rappelant à ce propos que l'utilisation locale des dermocorticoïdes doit rester exceptionnelle et transitoire], articulaire, néphrologique…). Malgré ces arguments, on

Tableau 40.7 Traitements en fonction des atteintes tissulaires Organe touché

.

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Chapitre 40. Lupus érythémateux disséminé et syndrome des anticorps anti-phospholipides    523

Traitement de 1re intention

de 2e intention

de 3e intention

Peau

hydroxychloroquine

thalidomide (avis spécialisé)

Articulations (arthrites)

hydroxychloroquine et traitements symptomatiques (antalgiques et AINS ponctuels)

+ prednisone : 0,25 mg/kg/j

+ prednisone : 0,25 mg/kg/j  + méthotrexate : 3 mg/kg/semaine

Séreuses

hydroxychloroquine et AINS/ colchicine si péricardite (traitement transitoire)

arrêt AINS ajout prednisone : 0,25 mg/kg/j

+ azathioprine : 100 mg/j

Cytopénie (type thrombopénie immunologique ou anémie hémolytique)

hydroxychloroquine et prednisone : 1 mg/kg/j

rituximab

Rein

hydroxychloroquine

lésion rénale minime (n'impose pas de biopsie) : traitement en fonction des autres atteintes lésion rénale imposant la biopsie : traitement fonction de l'anatomopathologie rénale (voir figure 40.4)

Figure  40.4 Exemples de schémas thérapeutiques envisageables pour une lésion rénale lupique à type de glomérulonéphrite de classe IV .

Tableau 40.8 Suivi ophtalmologique d'un traitement par hydroxychloroquine [16]

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524   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Bilan de référence

Entre 1 et 5 ans

Après 5 ans

Examen ophtalmologique avec Fond d'œil (FO)

Oui

A

Annuel

Champ Visuel central automatisé

Oui

A

Annuel

Électrorétinogramme multifocal Ou cliché du FO en auto-fluorescence Ou SD-OCT⁎

Oui (si possible)

A

Annuel (si possible)

Recommandation A : bilan à effectuer en présence de facteurs de risques de toxicité • Posologie de 400 mg/j chez un sujet de petite taille • Posologie > 400 mg/j • Insuffisance rénale ou hépatique • Sujet âgé • Sujet ayant une rétinopathie ou une maculopathie pré-existante ⁎

SD-OCT : spectral domain optical coherence tomography.

constate, d'une part, que la prescription est parfois négligée et, d'autre part, que moins d'un patient sur deux est observant (le dosage sérique est un moyen de détection, lorsque le praticien doute de la réalité de la prise, lorsque le résultat attendu n'est pas observé). Le suivi ophtalmologique de ce traitement est rappelé sur le tableau 40.8. Lorsque ce traitement de base – dont le bénéfice n'apparaît qu'après quelques mois d'utilisation – n'est pas suffisant, le patient peut bénéficier d'un traitement immunosuppresseur au long cours, que ce traitement soit initié au décours d'un simple assaut corticoïde ou comme entretien du résultat à la suite d'un

traitement majeur. L'Azathioprine, le Méthotrexate sont les plus utilisés dans ces situations [16].

Respect de règles hygiéno-diététiques C'est un élément important pour l'efficacité des traitements. La photo-protection basée sur des habitudes de vie (non exposition directe au soleil) et l'utilisation correcte des écrans totaux participe à la réduction des poussées cutanées et systémiques qui peuvent être déclenchées par l'exposition aux rayons ultra-violets. Le sevrage tabagique est primordial, le tabac favorisant l'émergence de la maladie

et réduisant l'efficacité de l'hydroxychloroquine. La participation au dépistage des facteurs de risque cardiovasculaires et la réduction de leur impact par une adaptation pondérale, la pratique régulière d'activités physiques, le respect d'un équilibre alimentaire, aident à la réduction de la mortalité cardio-vasculaire secondaire de la maladie lupique. L'administration systématique des anti-agrégants plaquettaires et des statines reste à préciser.

Situations particulières Lupus induit Certaines prises médicamenteuses peuvent induire un lupus [1]. La reconnaissance passe par la certitude que les signes cliniques et biologiques sont absents avant l'administration du produit et que les signes sont réversibles à l'arrêt du traitement. Les principales médications responsables sont rapportées dans le tableau 40.9. L'actualité sur ce point porte sur les inductions par les anti-TNFα. Cliniquement, il s'agit habituellement de lupus cutané ou articulaire, avec signes généraux. Les manifestations parenchymateuses sont possibles, mais l'atteinte rénale ou neurologique est rare. Les examens immunologiques sont caractérisés par la présence d'ACAN à titre élevé et des anti-ADN natifs, classiquement absents ou à des taux faibles (sauf peut-être dans l'induction par anti-TNFα). Il existe fréquemment une activité anti-histone. À l'arrêt du produit inducteur, les signes cliniques dispa-

Tableau 40.9 Principaux médicaments inducteurs de lupus [1] .

Acébutolol Acide valproïque Anti-TNFα Carbamazépine Chlorpromazine

raissent en quelques jours à quelques mois, parfois à l'aide d'adjonction de corticoïdes. Les ACAN peuvent persister.

Lupus et grossesse Les problématiques de la grossesse au cours du LEAD et au cours du SAPL se rejoignent et ce, d'autant plus que le LEAD est souvent compliqué de SAPL. Les incidences plus particulièrement liées aux SAPL seront abordées dans le paragraphe traitant de ce registre pathologique. Les problématiques générales rencontrées sont les suivantes [17] : ■ Reconnaître une contre-indication répond à certains principes et est attaché à la réalisation d'un bilan des atteintes viscérales préexistantes à la grossesse et des traitements en cours, avec leurs adaptations éventuelles (tableau 40.10). ■ Évaluer le retentissement de la grossesse sur la maladie systémique correspond à la possibilité de survenue d'une poussée évolutive sous l'influence de la grossesse et éventuellement l'aggravation d'une insuffisance viscérale séquellaire. ■ Évaluer le retentissement de la maladie auto-immune sur la grossesse sous-entend d'apprécier le risque de fausse couche, de perturbation du déroulement normal de la grossesse, de modification des conditions d'accouchement. ■ Évaluer le retentissement de la maladie sur le développement fœtal regroupe le risque de malformations, de retard de croissance, de prématurité.

Problématique particulière de la grossesse chez les patientes porteuses d'un LEAD La grossesse est autorisée après 6  mois de quiescence, sans thérapeutique tératogène et en respectant les contre-­ indications déjà citées. Parmi les traitements particuliers, on précise que l'hydroxychloroquine est maintenue pendant la grossesse et que parmi les médications immunosuppressives, seule l'azathioprine est acceptée. La corticothérapie doit pouvoir être réduite (si possible en dessous de 10 mg/j).

D-pénicillamine Éthosuximide Hydralazine

Tableau 40.10 Contre-indications à la grossesse pendant une maladie auto-immune [17] .

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Chapitre 40. Lupus érythémateux disséminé et syndrome des anticorps anti-phospholipides    525

Hydrochlorothiazide Interféronα Isoniazide Lamotrigine Minocycline Phénytoïne Procaïnamide Quinidine Sulfasalazine

Poussée récente ou actuelle de la maladie Corticodépendance > 0,5 mg/kg/j d'équivalent prednisone Hypertension artérielle pulmonaire Hypertension artérielle non contrôlée Valvulopathie mal tolérée Valvulopathie sévère Insuffisance cardiaque avec FEV < 30 % Dilatation aortique > 50 mm

Ticlopidine

Antécédent de cardiomyopathie du post-partum avec insuffisance cardiaque séquellaire

Triméthadione

Capacité vitale forcée < 50 %

Valpromide

Traitements incompatibles ave la grossesse

Le bilan initial est un bilan viscéral traditionnel (cardiaque, pulmonaire et rénal en particulier), complété par la mesure de l'évolutivité par un index type SLEDAI (risque de complications maternelles et/ou de morbidité périnatale si > 4). L'atteinte rénale est en particulier à contrôler, en raison des contraintes particulières associées à la grossesse. Sur le plan biologique « spécifique », la vérification du titre des antiDNA et de l'activité du complément sérique servent de base pour un suivi évolutif. Le bilan immunologique recherche des anticorps antinucléaires à activité anti ENA de type SSA et SSB. Ces auto-anticorps traversent la barrière placentaire et sont délétères pour le développement du tissu nodal fœtal. Leur mise en évidence avant ou en début de grossesse sera associé à la réalisation d'une échographie cardiaque fœtale de dépistage hebdomadaire entre la 16e et la 24e semaine d'aménorrhée (toute anomalie conduisant à une corticothérapie devant traverser le placenta et donc à base de bétamétasone). Un risque de poussée évolutive est plus manifeste pendant le 3e trimestre et la période du post-partum. Parmi les problèmes diagnostiques particuliers rencontrés figure le diagnostic différentiel entre une poussée rénale et un état de pré-éclampsie (tableau 40.11). La survenue d'une throm-

Tableau 40.11 Diagnostic différentiel entre pré-éclampsie et poussée rénale lupique

bopénie pose quelques problèmes particuliers  : banale thrombopénie de la gestation (taux > 70 G/L, 3e trimestre), thrombopénie immunologique isolée, thrombopénie ­associée à un HELLP. La survenue d'une poussée justifie en première intention un recours à la corticothérapie, les autres thérapeutiques étant à évoquer en réunion de concertation polydisciplinaire.

Syndrome des antiphospholipides

Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) est une affection auto-immune caractérisée au plan clinique par des événements thrombotiques ou obstétricaux en relation, au plan immunologique, avec la présence durable d'auto-anticorps favorisant la thrombose. Ce syndrome peut-être primaire, évoluant pour son propre compte ou être secondaire, évoluant en association avec une autre affection auto-immune – principalement avec le LEAD. On parlera indifféremment d'anti-phospholipides (base biochimique), d'anticardiolipide (terme français) ou d'anticardiolipine (terme ­anglo-saxon) [18].

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526   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Pré-éclampsie

Poussée rénale

Primiparité

Majoration du risque Pas d'influence

Antécédent de pré-éclampsie

Majoration du risque Pas d'influence

Grossesse multiple

Majoration du risque Pas d'influence

Antécédent de glomérulonéphrite lupique

Majoration du risque Majoration du risque

Date de survenue

3e trimestre

À tout moment

Autres signes d'activité lupique

Non

Fréquents

C3, C4

Augmentation physiologique de la grossesse

Normaux ou bas

Anticorps anti-DNA

Pas de modification

Majoration (ou taux élevés)

Plaquettes

Normales ou basses si HELLP associé

Normales

Transaminases

Normales ou basses si HELLP associé

Normales

Haptoglobine

Normale ou basse si HELLP associé

Normale

Uricémie

Augmentée

Normale

Hématurie, leucocyturie, présence de cylindres

Absence

Fréquentes

Protéinurie

Décroissance rapide en post-partum

Persistance en post-partum

Calciurie

Abaissée

Normale

Réponse aux corticoïdes

Non

Oui

Historique L'histoire de ce syndrome est marquée par quelques dates clés. Celles-ci sont simplement citées ci-dessous en sachant que leur intérêt se retrouve dans les descriptions biocliniques qui suivent. Nous retiendrons les dates et étapes suivantes : ■ 1906 : Wassermann : test de dépistage de la syphilis à l'aide d'extraits cellulaires riches en lipides, ■ 1952 : Conley et Hartmann : inhibiteurs de la coagulation : anticoagulant circulant, ■ 1955 : Moore et Lutz : fausse réaction syphilitique au cours d'un lupus avec thrombose, ■ 1957 : Nilsson : association pertes fœtales répétées et anticoagulant circulant, ■ 1963 : Bowie : association chez les lupiques de l'anticoagulant circulant et des thromboses, ■ 1980 : Soulié et Boffa (France) : première description du syndrome primaire avec son versant obstétrical et son versant thrombotique en l'absence de lupus, ■ 1983 : Harris : dosage des anticardiolipides, ■ 1985 : Hughes : description du SAPL, ■ 1988 : Asherson : description du SAPL primaire, ■ 1992  : Asherson  : syndrome catastrophique des antiphospholipides, ■ 1999  : Wilson  : critères consensuels préliminaires de classification, ■ 2006 : Miyakis : derniers critères de classification. Les rapports SAPS/LEAD sont donc historiques. En effet, décrit initialement en « satellite » du lupus, le SAPL s'est « émancipé » » grâce à la reconnaissance du SAPL primaire et des SAPL secondaires à d'autres maladies auto-immunes, mais la réalité clinique et la fréquence d'association conduisent à une présentation qui tiendra compte à chaque étape de cette relation particulière.

Définition

Épidémiologie

Elle se doit d'être très stricte en raison de la gravité potentielle et des décisions thérapeutiques associées, en sachant que la conduite à tenir devant des présentations biocliniques frustes ou incomplètes demeure un sujet de discussion [18]. Le SAPL est un syndrome constitué de l'association des deux éléments, l'un clinique, l'autre biologique, les deux étant indispensables à la définition (et donc à la reconnaissance diagnostique). Les éléments cliniques sont représentés soit par une pathologie thrombotique vasculaire de toute topographie, la thrombose devant être certaine sur argument d'imagerie ou d'histologie ; soit par une morbidité obstétricale. Les éléments biologiques correspondent soit à la présence d'un anticoagulant circulant (dit de type lupique ou lupus anticoagulant circulant), soit à la mise en évidence significative d'anticorps à activité antiphospholipides (anticardiolipides ou cofacteurs de type antiβ2GP1), ces anomalies étant confirmées après un délai d'au moins 12 semaines. Ces éléments de définition et les conditions de leurs identifications sont détaillés sur le tableau 40.12 [19].

Les données épidémiologiques sont relativement connues à propos du SAPL survenant au cours d'un LEAD, situation pour laquelle la prévalence bio­ logique est de 20 à 30 % et une prépondérance féminine (7  femmes pour 1  homme) et l'incidence des thromboses de 3 à 4 %. Les données sont plus fragmentaires à propos du SAPL primaire, à défaut de recherche systématique avant un premier accident. On sait par ailleurs que ces marqueurs biologiques peuvent exister longtemps (plusieurs années) avant l'expression clinique et l'impact de cette présence sur le risque clinique n'est pas réellement connu. Le risque thrombotique de sujets sains présentant des marqueurs biologiques n'est donc pas établi avec certitude, mais semble, d'une part, très faible et, d'autre part, peutêtre variable avec le profil biologique : la triple positivité anticoagulant circulant, anticardiolipides, antiβ2GP1 représentant un risque plus important. La fréquence d'une expression purement biologique dans la population générale des femmes enceintes est de 1 à 2 % et l'incidence d'un accident thrombotique chez une patiente ayant un SAPL obstétrical est comprise entre 1 et 7 % suivant les études (dispersion qui ne facilite pas la décision d'un éventuel traitement préventif) [20].

Tableau 40.12 Critères de SAPL

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Chapitre 40. Lupus érythémateux disséminé et syndrome des anticorps anti-phospholipides    527

Critères cliniques

Physiopathologie

Thromboses vasculaires Au moins 1 épisode artériel, Confirmée de façon formelle veineux ou des petits vaisseaux, (imagerie ou histologie) et sans touchant tout organe pathologie inflammatoire sous jacente. Morbidité obstétricale Survenue d'au moins 1 mort fœtale inexpliquée après la 10 e semaine d'aménorrhée

Morphologie fœtale normale (échographie ou examen morphologique)

Survenue d'au moins 1 naissance prématurée avant la 34 e semaine d'aménorrhée d'un fœtus morphologiquement normal

En rapport avec la survenue d'une éclampsie ou d'une pré-éclampsie sévère ou avec démonstration d'une insuffisance placentaire

Survenue d'au moins 3 fausses couches consécutives et inexpliquées avant la 10 e semaine d'aménorrhée

Après exclusion d'une anomalie anatomique ou hormonale maternelle et d'une anomalie chromosomique maternelle ou paternelle

Critères biologiques Lupus anti-coagulant

Détection selon les recommandations de l'ISTH

Anticorps anticardiolipides (IgG ou IgM)

À titre intermédiaire ou élevé (> 40 UGPL ou MPL, ou > 99e percentile) en ELISA standardisé

Anticorps antiβ2GP1 (IgG ou IgM)

Présence à un titre > 99e percentile en ELISA standardisé

Anomalies biologiques confirmées à 12 semaines d'intervalle Source : d'après Gris JC, Bouvier S. Antiphospholipid syndrome: looking for a refocusing. Thromb Res. 2013, 131 (Suppl 1) : S28–31.

Si la pathogénie exacte du SAPL demeure inconnue, la physiopathologie commence à être comprise [20]. Sur le plan pathogénique, on relève, comme pour beaucoup de maladies auto-immunes, le LEAD en particulier, le rôle probable de facteurs génétiques (études familiales, expressions HLA, fréquence des gènes C4 silencieux, polymorphisme de récepteurs type FcβRIIA, des immunoglobulines…). Les mécanismes lésionnels du SAPL commencent à être précisés. On retiendra principalement que le rôle pathogène des anticorps s'exerce, d'une part, à un niveau cellulaire (cellules endothéliales, plaquettes, monocytes) et, d'autre part, au niveau des différents facteurs solubles impliqués dans l'agrégation plaquettaire et l'activation en cascade de la coagulation et de la fibrinolyse. Cet ensemble rend compte de l'expression clinique thrombotique, qui semble en apparence dissociée d'une activité in vitro de type anticoagulante. Les anticorps antiphopholipides sont dirigés contre des phospholipides à proprement parler, mais également contre les protéines liant ces molécules dont le principal est la β2GP1 (justification de la double recherche pour argumenter le diagnostic biologique). Ces anticorps sont responsables de l'activité anticoagulante circulante de type antiprothrombinase, traduite en détection routinière par l'allongement des tests de coagulation, dont le TCA. Les anticorps antiphospholipides sont actifs vis-à-vis des monocytes, des cellules endothéliales, conditionnant l'expression de facteurs de transcription aboutissant à un état prothrombotique responsable de l'expression clinique.

Symptomatologie Expressions cliniques Elles sont par définition à type de thromboses et/ou d'accidents obstétricaux, mais ces deux types de manifestations ne résument pas toute la symptomatologie clinique qui, sans être des éléments de la définition, peut être observée au cours du SAPL. Nous proposons de présenter quelques généralités sur la pathologie thrombotique [21] avant d'envisager de façon globale les expressions cliniques distribuées au niveau de chaque organe concerné, la pathologie obstétricale étant ensuite précisée. Une illustration de la répartition des manifestations non obstétricales du SAPL est réalisée par le résumé des données des 1 000 patients de la cohorte Europhospholipides [22, 23] sur le tableau 40.13.

Tableau 40.13 Principales manifestations observées dans les 1 000 patients de la cohorte Euro-phospholipides .

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528   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Expressions cliniques extra-obstétricales

Nombre

%

Thrombose périphérique : • Veineuse profonde • Veineuse superficielle des membres inférieurs • Artérielle des membres inférieurs • Veineuse des membres supérieurs • Artérielle des membres supérieurs

389 117 43 34 27

39 12 4 3 3

Manifestations neurologiques : • Migraine • Accident vasculaire cérébral • Accident ischémique transitoire • Épilepsie • Démence vasculaire • Chorée

202 198 111 70 25 13

20 20 11 7 3 1

Manifestations pulmonaires : • Embolie • HTAP • Microthrombols pulmonaires

141 22 15

14 2 1

Manifestations cardiaques : • Épaississement valvulaire • Infarctus du myocarde • Myocardiopathie • Angor • Végétations

116 55 29 27 27

12 6 3 3 3

Manifestations abdominales : • Rein • Tube digestif • Infarctus splénique • Atteinte hépatique • Infarctus pancréatique • Insuffisance surrénale

27 15 11 7 5 4

3 2 1 1 0,5 0,5

Manifestations cutanées : • Livedo • Ulcères • Pseudo-vascularite • Gangrène digitale

241 55 39 33

24 6 4 3

Elles concernent tous les territoires, l'atteinte neurologique étant la plus fréquente, avant celle des membres et des artères viscérales. L'existence de liens avec l'athérosclérose est soupçonnée.

Manifestations ophtalmologiques : • Amaurose fugace • Thrombose de l'artère centrale de la rétine • Neuropathie optique • Thrombose veineuse rétinienne

54 15 10 9

5 2 1 1

Évolution spontanée du SAPL « thrombotique »

Manifestations hématologiques : • Thrombopénie ( 10 semaines d'aménorrhée)

35 17

560 267

Source : d'après Cervera R, Boffa MC, Khamashta MA et al. The EuroPhospholipid project: epidemiology of the antiphospholipid syndrome in Europe. Lupus. 2009, 18 : 889–93 et Cervera R, Piette JC, Font J et al. Antiphospholipid syndrome: clinical and immunologic manifestations and patterns of disease expression in a cohort of 1,000 patients. Arthritis Rheum 2002, 46 : 1019–27.

pseudo-SEP… (tableau 40.14). Le risque vasculaire neurologique est majoré au cours du SAPL évoluant dans un contexte de maladie lupique. Exemple : risque exprimé en odds ratio de 13,6 (IC 95 % : 1,4–129) dans une cohorte pédiatrique.

Manifestations cardiaques Elles sont dominées par les valvulopathies (mitrales ou aortiques), initialement reconnues dans le cours du LEAD (endocardite de Libman-Sacks), secondairement associées au SAPL secondaire à la maladie lupique et enfin reconnues comme autonomes au cours du SAPL primaire grâce au progrès de l'échographie cardiaque. Il s'agit initialement d'un simple épaississement diffus, qui se complète secondairement de végétations destructrices. Par delà le problème diagnostique de reconnaissance d'une endocardite aseptique, le problème est celui du retentissement hémodynamique. La fréquence de cette atteinte justifie la réalisation d'une échographie cardiaque systématique au cours de tout SAPL. À côté de ces atteintes valvulaires, on observe une pathologie ischémique coronarienne et la formation de thrombus endocavitaire au cours du SAPL.

Manifestations respiratoires Certaines évoluent dans le cadre du risque thrombotique d'où découle le risque d'embolie pulmonaire (jusqu'à 4 % de mortalité des LEAD avec SAPL). D'autres, comme l'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), sont plus discutées dans leurs mécanismes. L'HTAP peut en effet, au cours d'un SAPL, être rattachée à une cardiopathie gauche (post valvulopathie ou pathologie ischémique), être post-embolique, mais peut aussi être considérée comme manifestation du SAPL primaire ou associé à un LEAD. Tableau 40.14 Principales manifestations neurologiques du SAPL [18] .

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Chapitre 40. Lupus érythémateux disséminé et syndrome des anticorps anti-phospholipides    529

Manifestations focales

Manifestations diffuses

Atteintes cérébrales : • Accident ischémique transitoire • Accident vasculaire cérébral ischémique • Syndrome de Sneddon • Encéphalopathie ischémique aiguë • Moya-moya • Thrombose veineuse cérébrale

Épilepsie généralisée Céphalées (non migraineuses) Altération cognitive Troubles psychiatriques : • Dépression • Psychose

Épilepsie partielle Migraine Mouvements anormaux : • Chorée • Dystonie • Syndrome parkinsonien Pseudo sclérose en plaques Myélite Autres : • Surdité neuro-sensorielle • Syndromes ophtalmologiques - Thromboses - Névrite optique (de Devic) • Amnésie globale transitoire • Syndrome de Guillain et Barré

Manifestations dermatologiques Elles sont parfois révélatrices et à rechercher systématiquement par l'examen clinique. Le livédo, réseau érythrocyanique, est l'élément le plus fréquent (prévalence globale de 16 à 25 % selon les séries et plus importante pour les SAPL secondaires). L'association d'un livedo et de manifestations neurologiques ischémiques cérébrales définit le syndrome de Sneddon (voir, tableau 40.13) au cours duquel la fréquence des anticorps anticardiolipides est de 40 %. On rapporte par ailleurs des ulcérations cutanées, purpuras nécrotiques, hémorragies sous-unguéales dont la base histologique est un processus thrombotique et non vascularitique. Une expression particulière est la gangrène digitale (figure 40.5).

Manifestations rénales La prévalence de lésions histologiques rénales lors d'un SAPL est évaluée entre 30 et 40  %. Ces lésions, souvent méconnues, sont secondaires à une pathologie thrombotique et peuvent concerner tous les vaisseaux rénaux : thrombose de l'artère rénale (infarctus rénal), thrombose des artérioles intra-parenchymateuses ou des capillaires glomérulaires (HTA, insuffisance rénale, syndrome glomérulaire), thrombose veineuse rénale (syndrome néphrotique). La présence d'anticorps antiphopholipides est élevée au cours de l'insuffisance rénale terminale, quelle qu'en soit la cause avec un risque thrombotique (à prendre en considération dans une éventuelle prise en charge post transplantation). Manifestations endocriniennes Elles sont principalement représentées par l'insuffisance surrénale périphérique, conséquence d'un infarctus veineux bilatéral.

Manifestations hépatiques et digestives Ces atteintes sont essentiellement d'origine thrombotique : syndrome de Budd-Chiari, thrombose sus-hépatique, infarctus intestinal, infarctus splénique, perforation œsophagienne, colite ischémique, infarctus de vésicule biliaire sans maladie lithiasique…

Manifestations hématologiques La fréquence d'une thrombopénie au cours du SAPL varie entre 15 et 30 % au cours du SAPL primaire, entre 20 et 50 % en cas d'association à un LEAD. Il s'agit le plus souvent d'une thrombopénie modérée dont le niveau (supérieur à 50 G/L) ne contre-indique pas l'usage des médications antithrombotiques rendues nécessaires par le SAPL. La survenue d'une anémie hémolytique auto-immune est plus rare.

Manifestations rares Diverses manifestations thrombotiques ont été rarement rapportées au cours du SAPL : thrombose de veines ovariennes, ostéonécroses aseptiques, nécrose médullaire, thrombose du pavillon auriculaire. Un SAPL primaire ne génère pas en lui-même de signes généraux, mais ceux-ci peuvent être rattachés à une affection auto-immune associée, de façon non spécifique au processus thrombotique (état fébrile par exemple) ou enfin à une atteinte viscérale (altération de l'état général de ­l'insuffisance surrénale par exemple).

A

B

C Figure 40.5 (A) Livédo du dos. (B) Nécrose digitale. (C) Livédo de la cuisse

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530   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires

Tableau 40.15 Principales manifestations cliniques du syndrome catastrophique des antiphospholipides [25]

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Tableau 40.16 Critères de classification du SAPL catastrophique [24]

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Chapitre 40. Lupus érythémateux disséminé et syndrome des anticorps anti-phospholipides    531

Atteinte clinique

Pourcentage

Atteinte cardiopulmonaire - - - - -

dyspnée ou insuffisance respiratoire aiguë douleurs thoraciques embolie pulmonaire insuffisance cardiaque infarctus du myocarde

25 %

Critères de classification 1

Atteinte d'au moins 3 organes et/ou tissus

2

Développement des symptômes simultanément (ou en moins d'une semaine)

3

Confirmation anatomopathologique d'une occlusion de petits vaisseaux dans au moins 1 organe ou tissu

4

Confirmation biologique de la présence d'anticorps antiphospholipides (anticoagulant de type lupique et/ou anticorps anticardiolipine)

13 % 5% 4% 3% 1%

Atteinte du système nerveux central

22 %

Douleurs abdominales

14 %

Atteinte rénale

14 %

- insuffisance rénale

13 %

- hématurie

1%

Atteinte cutanée

9%

- nécrose digitale ou gangrène

5%

- ulcères

3%

- purpura

1%

Présence des critères 1, 2, 3, mais absence de la confirmation biologique à au moins 6 semaines d'intervalle, due au décès précoce d'un patient jamais testé pour la présence d'anticorps antiphospholipides avant la survenue du CAPS

Fièvre

10 %

Présence des critères 1, 2 et 4

- douleurs des jambes

4%

- thrombose artérielle

1%

Présence des critères 1, 3, 4, avec développement du 3e élément clinique en plus de 1 semaine, mais moins de 1 mois en dépit du traitement anticoagulant

- thrombose viscérale multiple

1%

- insuffisance surrénale

1%

Autres manifestations

Marqueurs biologiques Anticardiolipides

90 %

Lupus anticoagulant

68 %

Source : Asherson RA, Cervera R, Piette JC et al. Catastrophic antiphospholipid syndrome: clues to the pathogenesis from a series of 80 patients. Medicine 2001, Vol.80, 355–77. Disponible sur : https://journals.lww.com/md-journal/pages/default.aspx

Cas particulier du SAPL catastrophique C'est une entité rare (< 0,5 % des cas de SAPL) caractérisée par la survenue simultanée de thromboses microcirculatoires de topographie multiple, conduisant à un tableau de défaillance multiviscérale [24]. L'installation est rapide (quelques jours, semaines) et un facteur précipitant est retrouvé dans 65 % des cas : infections 35 % des cas ; intervention chirurgicale, traumatisme 13 % ; cancer 8 % ; réduction des doses d'anticoagulant ou INR bas 8 % ; complications obstétricales 6 % ; poussées lupiques 5 % ; contraceptifs oraux 3 %. Les symptômes cliniques possibles sont rapportés dans le tableau 40.15 [25]. C'est un diagnostic de type micro­ angiopathie, associé à un pronostic très sévère (mortalité immédiate 25 %) conduisant à la définition de critères de classification ayant fait l'objet d'un consensus international en 2010 (tableau 40.16). Dans une optique diagnostique, on retiendra le problème posé par le contrôle biologique qui doit être répété à distance, la nécessité d'une confirmation

Classification CAPS certain

Présence des 4 critères

CAPS probable Présence des critères 2, 3, 4, mais atteinte de seulement 2 organes, systèmes ou tissus

CAPS : Catastrophic Anti Phospholipide Syndrome.

histologique, éléments parfois incompatibles avec une décision thérapeutique de grande urgence. De façon non spécifique, un SAPL catastrophique peut se traduire par les signes biologiques de microangiopathie thrombotique : thrombopénie (46 %), anémie hémolytique mécanique (35 %) avec présence de schizocytes (16 %), stigmates de CIVD (15 %).

Manifestations obstétricales La forme obstétricale du SAPL [17], en général conséquence de l'ischémie placentaire liée à des infarctus localisés, se caractérise par des pertes fœtales, embryonnaires, ou un tableau clinique d'éclampsie. Il est vraisemblable que certains cas de HELLP syndrome soient liés aux anticorps antiphospholipides. Au-delà de l'accident révélateur, les femmes porteuses d'un SAPL obstétrical et qui ont fait une première perte fœtale ont moins de 10 % de chance de mener spontanément une grossesse ultérieure à terme.

Diagnostic biologique L'argumentaire biologique doit répondre à quelques questions successives dans une véritable démarche bioclinique [26].

Quand demander la recherche des marqueurs biologiques de SAPL ? Pour les patients ayant présenté un accident thrombotique, la problématique est double : avec, d'une part, le besoin légitime d'un diagnostic précoce au regard des conséquences

thérapeutiques et, d'autre part, la reconnaissance des patients susceptibles d'être porteurs d'un SAPL comparés aux facteurs évidents de thrombose et à l'ensemble des états de thrombophilie. Tous les patients ayant présenté un accident thrombotique doivent-ils bénéficier de la recherche ? La présence d'un facteur confondant (grossesse, tabac, contraception œstro-progestative…) doit-il faire récuser la détection de marqueurs de SAPL ? Pour le plan obstétrical, la recherche n'est pas validée lors d'une première grossesse (présence chez 3 à 5 % des patientes et sans incidence significative sur le devenir). Elle est bien sûr légitime dans toutes les situations ayant servi de base à la définition du SAPL, mais la conduite à tenir devant la mise en évidence après une, voire deux première(s) fausse(s) couches(s) précoce(s), au décours de la survenue de perte fœtale non successive… n'est pas résolue. Le consensus actuel est résumé sur le tableau 40.17.

Quels examens demander ? Le bilan d'hémostase de base (TP, TCA) peut mettre en évidence un allongement isolé du TCA (TP normal) significatif lorsque le ratio par rapport au témoin est supérieur à 1,5. Il s'agit d'un moyen indirect de détecter l'activité de l'anticoagulant circulant. Cet allongement est non spécifique, peut avoir d'autres explications, mais peut être un moyen de détection fortuit (bilan d'hémostase pré-opératoire par exemple). La dissociation de la sérologie syphilitique (VDRL positif, TPHA négatif) correspond à la richesse en phospholipide du tréponème. Cet examen ne doit pas être considéré comme un examen de dépistage. Tableau 40.17 Situations dans lesquelles la recherche de marqueurs de SAPL est indiquée [24] Antécédents de thromboses artérielles et veineuses Thromboses veineuses ou embolies pulmonaires récidivantes Premier épisode de thrombose veineuse de siège inhabituel : cave inférieur, sus-hépatique, rénal Première manifestation artérielle systémique si âge < 45 ans : accident ischémique cérébral transitoire ou constitué, infarctus du myocarde, autre thrombose artérielle ou infarctus viscéral

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532   Partie VII. Rhumatismes inflammatoires Les critères de classification reposent sur la mise en évidence d'au moins un des signes suivants : présence d'un lupus anticoagulant lupique, d'anticorps anticardiolipides (IgG ou IgM), antiβ2GP1 (IgG ou IgM) avec confirmation dans un délai supérieur à 12 semaines (diagnostic différentiel avec les fausses réactions post-infectieuses). Le fait que les résultats de cet ensemble de tests (lupus anticoagulant d'une part, recherche des anticorps d'autre part) ne se recoupent pas à 100 % impose de rechercher l'ensemble des marqueurs. Ceci est d'autant plus vrai que le risque clinique est différent suivant le phénotype biologique : la triple positivité, la présence d'un lupus anticoagulant sont des facteurs de risque plus important que la présence isolée des anticorps (odds ratio de 1,56 dans une population tout venant ayant des aCL, de 3,21 en cas de titre élevé, et de 11,1 en présence de LA) [27]. Les patients atteints de SAPL peuvent donc être classés en différentes catégories pour pondérer le risque clinique : ■ I : plus d'un critère biologique présent (quelle que soit la combinaison), ■ IIa : Lupus anticoagulant présent isolément, ■ IIb : Anticorps anticardiolipine présents isolément, ■ IIc : Anticorps anti-β2-GP1présents isolément. La détection du lupus anticoagulant circulant de type lupique dans le plasma est codifiée par l'International Society on Thrombosis and Haemostasis (ISTH) avec détection sur allongement des tests de coagulation (dRVVT, TCA), noncorrection par un plasma témoin, confirmation de la dépendance vis-à-vis des phospholipides avec la correction par un excès de phospholipides. La mise en évidence des anticorps est dépendante de tests ELISA qui ne sont pas standardisés. La positivité ne peut donc être retenue que si les taux sont moyens ou élevés (> 40 UGPL ou UMPL ou  4 est requis pour classer le patient comme porteur d'un SGSp

Caractéristiques évolutives Le SGSp est une pathologie systémique qui se situe au carre­four des maladies auto-immunes et de la pathologie lympho­proliférative. Le potentiel évolutif qui conditionnera les modalités de suivi est donc à apprécier sur ces deux points qui sont parfois liés [1, 3, 10].

Évolutivité auto-immune Évolutivité propre du SGSp La présentation classique d'une affection débutant par un syndrome sec rapidement associé à des douleurs à tropisme articulaire, et éventuellement compliquée d'atteintes viscérales diverses, ne doit pas faire oublier qu'une expression focalisée sur un organe, une fonction, peut révéler la maladie. Par ailleurs, une cryoglobulinémie (type II ou III) peut apparaître dans le cours évolutif d'un SGSp et s'exprimer

par un regroupement symptomatique associant : atteinte cutanée (purpura vasculaire), neurologique (neuropathie périphérique), néphrologique (glomérulopathie). En outre, l'évolution de cette cryoglobulinémie aura parfois un sens dans le dépistage du risque d'apparition d'une pathologie lymphomateuse.

Évolutivité nosographique Le SGSp est, par définition, une affection auto-immune primitive, ce qui signifie que la recherche d'une association morbide à une autre affection auto-immune ou l'installation comme complication évolutive d'une autre de ces affections est réalisée au moment du diagnostic. Cependant, la révélation d'un caractère associé peut intervenir de façon tardive par rapport au diagnostic de SGSp qui peut donc être remis en question tout au long de l'évolution, avec en particulier, sur le plan articulaire, la difficulté d'apprécier par exemple ce qui relève d'une polyarthrite rhumatoïde ou d'un SGSp qui a perdu son caractère strictement primitif (incidence thérapeutique).

Évolutivité au cours de la grossesse Il n'y a pas d'évolutivité propre du SGSp au cours de la grossesse, mais un risque de retentissement fœtal. Le problème est plus manifeste pour les SGS secondaires ou associés car survenant classiquement plus tôt chez des patientes que pour le SGSp, mais il existe. Il est lié à l'action délétère des anticorps anti SS-A, SS-B pour le développement du tissu nodal du fœtus. Le risque de complications cardiaques graves (bloc auriculo-ventriculaire en particulier) impose un suivi évolutif du rythme cardiaque fœtal pendant la période de développement du tissu nodal et un traitement spécifique si besoin.

Évolutivité lympho-proliférative Le SGSp est la maladie auto-immune au cours de laquelle la prévalence d'une évolutivité lymphomateuse (phénotype B : lymphome de la zone marginale : lymphome du MALT ou lymphome B diffus à grande cellule) est la plus significative (RR : 16 versus 2 ou 3 pour un lupus systémique). La reconnaissance de facteurs prédictifs et leur suivi seront donc à associer à la surveillance d'un SGSp. Par delà les éléments d'un suivi clinique habituel (signes généraux, état fébrile, modification des organes hématopoïétiques, de l'hémogramme), l'existence et l'évolutivité d'une cryoglobulinémie symptomatique, l'installation d'une lymphopénie T CD4, la réduction de l'hypergammaglobulinémie et l'apparition d'une protéine monoclonale (en particulier de type IgM kappa) sont des facteurs à contrôler régulièrement comme témoins pronostiques péjoratifs.

Les deux visages du SGSp On retient que 30 % des patients porteurs d'un SGSp ne se plaignent que d'un syndrome sec, alors que 70 % présentent des signes de systématisation et que seuls 15 % présentent des stigmates de gravité. La reconnaissance la plus précoce possible de ces dernières formes est importante pour adapter la prise en charge et le suivi [10].

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Chapitre 41. Syndrome de Gougerot-Sjögren primitif    545

Formes limitées L'expression symptomatique se résume à l'association classique : syndrome sec, arthralgies, asthénie. Il s'agit de troubles à composante fonctionnelle dont l'importance du ressenti est sans corrélation avec la gravité systémique. La mortalité globale de ces formes est proche de celle de la population générale.

Traitements symptomatiques à visée systémique Traitements sialagogues traditionnels La bromhexine et l'anétholtrithione sont classiquement utilisés pour majorer le flux exocrine (salivaire principalement) sans véritable niveau de preuve sur les rares études menées (à l'exception d'une seule, pour l'usage de la bromhexine à posologie élevée – 48 mg/j).

Formes systémiques graves

Agonistes cholinergiques

Ces formes ont un profil clinico-biologique différent  : les patients sont plus jeunes au moment du diagnostic ( 1, le risque est augmenté et d'autant plus fort que ce chiffre est élevé. Exemple : le RR de gonarthrose chez l'obèse est de 7,5 par rapport au sujet de corpulence nor­ male, c'est-à-dire que le sujet obèse a un risque de gonar­ throse x 7,5. ■ Si RR   ressources pédagogiques > DFASM3. [4] ANSM. États des lieux sur les médicaments biosimilaires ; Mai 2016. 27 pages. Rapport, www.ansm.sante.fr [5] ANSM. Analyse des ventes de médicaments en France en 2013. Rapport, juin 2014. 35 pages, www.ansm.sante.fr [6] Pajarès y Sanchez C, Saout C. Prix et accès aux traitements médica­ menteux innovants. In : Les propositions du CESE (Conseil écono­ mique, social et environnemental) ; 2017, www.lecese.fr [7] Ministère des Affaires sociales et de la Santé ; Les dépenses de santé en  2015. In  : Résultats des comptes de la santé. 2016. 210 pages. Édition, www.drees.social-sante.gouv.fr [8] Girerd X, Hanon O, Anagnostopoulos K, et al. Évaluation de l'observance du traitement anti-hypertenseur par un questionnaire : mise au point et utilisation dans un service spécialisé. Presse Méd 2001 ; 30 : 1044–8. [9] Medicines shortages in European hospitals. The evidence and case for action. Results of the largest pan-European survey on medicines sup­ ply shortages in the hospital sector, its prevalence, nature and impacts for patient care. Eur J Hospital Pharmacy Oct 2014 , ejhp.bmj.com. [10] ANSM. Synthèse d'activité, www.ansm.sante.fr ; 2015. [11] La qualité de la chaîne du médicament à l'heure de la mondialisation. In : Les cahiers de l'Ordre national des pharmaciens ; 2013. n° 4, www. ordre.pharmacien.fr [12] HAS. Développement de la prescription de thérapeutiques non médi­ camenteuses validées. Synthèse du rapport d'orientation. 17 pages. www.has-sante.fr [13] Finniss DG, Kaptchuk TJ, Miller F, et al. Placebo effects : biological, clinical and ethical advances. Lancet 2010 ; 375 : 686–95. [14] Zhang W, Robertson J, Jones AC, et al. The placebo effect and its determinants in osteoarthritis meta-analysis of randomised control­ led trials. Ann Rheum Dis 2008 ; 67 : 1716–23. [15] HAS. Comment améliorer la qualité et la sécurité des prescriptions de médicaments chez la personne âgée ? ; Septembre 2014, www.hassante.fr [16] ANSM. Synthèse d'activité, www.ansm.sante.fr ; 2015. [17] Petit manuel des troubles d'origine médicamenteuse. Un volume. Paris : Prescrire ; 2014. 223 pages.

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Chapitre

47

Les vaccinations dans les rhumatismes inflammatoires chroniques de l'adulte

Calendrier vaccinal et recommandations en cas de traitement de fond classique, biologique et petites molécules (inhibiteur de JAK - JAKi)

Jacques Morel PLAN DU CHAPITRE Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les vaccins inactivés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les vaccins vivants atténués . . . . . . . . . . . . . . . Vaccins inactivés particulièrement recommandés chez l'immunodéprimé . . . . . .



601 601 602



605

Efficacité de la vaccination sous traitements de fond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Introduction

Les vaccins inactivés

L'incidence des infections, tout comme leur sévérité, est plus élevée chez les patients atteints de rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC) que dans la population générale [1]. Plusieurs facteurs de risques infectieux ont été identifiés, comme l'âge supérieur à 60 ans, un antécédent d'infection sévère, un échec à plus de 5 traitements de fond, un traitement par corticoïde ou par anti-TNF (Score RABBIT) [2]. Une estimation du risque d'infection sévère dans les 12 mois peut être calculée [3] (http://www.biologika-register.de/en/ home/risk-score/). Les vaccins représentent un moyen de prévenir les infections et ont donc une place importante dans la prise en charge des patients atteints de RIC. L'efficacité des vaccins varie selon les traitements de fond et le type de vaccin utilisé et la maladie sous-jacente [4]. La plupart des études sur la vaccination en rhumatologie ont été réalisées chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR).

Calendrier vaccinal

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605

Les vaccins inactivés habituels doivent être mis à jour selon le calendrier vaccinal et de préférence avant l'introduction d'un traitement immunosuppresseur [5–7].

Vaccination DTCaPolio Chez les adultes, dans le cadre du schéma vaccinal simplifié [8], les rappels sont recommandés aux âges fixes de 25, 45 et 65 ans, puis tous les 10 ans en utilisant un vaccin combiné tétanique, poliomyélitique et diphtérique (dTpolio). À l'âge de 25 ans, sera associée la valence coqueluche à dose réduite (dTCaPolio) [8]. Pour les patients atteints de RIC, la vaccination DTP est recommandée plutôt tous les 10 ans que tous les 20 ans à partir de la date du diag­ nostic du RIC. 601

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602   Partie IX. Thérapeutique

Vaccination contre l'Haemophilus influenza La vaccination contre l'Haemophilus influenza de type B, bactérie responsable de pneumopathies, n'est recommandée actuellement que chez l'enfant. Il n'existe pas encore suffisamment de données pour conseiller ce vaccin à tous les patients atteints de rhumatismes inflammatoires, mais elle peut être envisagée chez les sujets les plus fragiles [5, 8].

Vaccination contre les papillomavirus La vaccination contre les papillomavirus humains (HPV) est recommandée chez les jeunes filles dès l'âge de 11 ans et peut être proposée, dans le cadre du rattrapage vaccinal, aux jeunes filles et jeunes femmes entre 15 et 19 ans révolus [8]. Les infections à HPV sont plus fréquentes chez les patientes atteintes de lupus systémiques que les sujets sains (24,6 % versus 14,4 %) [9].

tion systématique proposée aux nourrissons, ou plus tard en cas de contact avec un sujet présentant une infection invasive à méningocoque [8]. La vaccination contre les infections invasives à méningocoque est également recommandée aux personnes se rendant en zone d'endémie au moment de la saison sèche ou dans toute autre zone où sévit une épidémie. Cette vaccination est obligatoire pour les personnes se rendant en pèlerinage à La Mecque (avec le vaccin de sérogroupes A, C, Y, W 135). L'injection doit avoir lieu au moins 10 jours avant le départ [14]. Pour le secukinumab, une étude clinique a comparé la réponse à ce vaccin inactivé entre 25 patients débutant l'anticorps anti-IL17 à la posologie de 150 mg et 25 sujets contrôles sains [16]. Pour le vaccin contre le méningocoque C, il n'a pas été noté de différence de réponse vaccinale entre les patients traités par sécukinumab et les sujets témoins.

Vaccination contre l'hépatite B

Vaccination contre la fièvre typhoïde

Cette vaccination n'est recommandée à l'âge adulte que pour une certaine catégorie de patients à risque élevé d'exposition, en particulier chez les professionnels de santé [8]. La Société européenne d'Hépatologie propose ce vaccin aux patients sous immunosuppresseurs, et il est logique de le proposer aux patients ayant un rhumatisme inflammatoire [10]. La vaccination contre l'hépatite B a fait l'objet de nombreuses controverses. Ce vaccin a été incriminé dans le développement de maladies auto-immunes telles que le lupus systémique, la polyarthrite rhumatoïde, sans que l'association soit formellement prouvée. Pour les patients déjà infectés par le virus de l'hépatite B, en cas d'initiation d'un traitement de fond, il existe un risque de réplication virale. Un traitement curatif ou préemptif est à discuter en fonction des résultats de la sérologie et de l'ADN viral [11]. La réponse vaccinale est diminuée sous anti-TNFα, alors qu'elle est peu influencée par le méthotrexate (MTX) [12, 13].

Les vaccins vivants atténués

Situations particulières Vaccination contre l'hépatite A Lors du départ en voyage des patients sous immunosuppresseurs, les conseils sanitaires élémentaires doivent être rappelés. La vaccination contre l'hépatite A est recommandée à tous les voyageurs devant séjourner dans un pays avec une hygiène précaire. La première injection doit être faite au moins 15 jours avant le départ. Un rappel est indiqué 6 à 12 mois plus tard [14]. Dans une étude ouverte, deux doses de vaccin contre l'hépatite  A ont été administrées à des patients atteints de PR et traitées par anti-TNF en monothérapie (n = 15), MTX seul (n = 17) ou l'association MTX/anti-TNF (n = 21). Au final, il n'a pas été observé de différences d'efficacité entre les groupes de traitement. Cependant, après le premier vaccin, 73 % des patients sous anti-TNF seul (adalimumab, etanercept, infliximab) avaient un titre d'anticorps protecteurs définis par une concentration ≥ 20 mUI/L, contre respectivement 15 % et 6 % pour les groupes MTX + anti-TNF et MTX seul [15].

Vaccination contre le méningocoque Le vaccin conjugué contre le méningocoque de type C est recommandé jusqu'à l'âge de 24 ans en rattrapage de l'injec-

La vaccination contre la fièvre typhoïde est recommandée aux voyageurs devant effectuer un séjour prolongé, ou dans de mauvaises conditions, dans des pays où l'hygiène est précaire. L'injection doit avoir lieu au moins 15 jours avant le départ [14].

De manière générale, il est conseillé de mettre à jour les vaccinations par vaccins vivants atténués avant le début de tout traitement immunosuppresseur. Les vaccins concernés sont le BCG, le ROR, ceux dirigés contre la fièvre jaune, la varicelle, la poliomyélite par voie buccale et le vaccin contre le zona (tableau 47.1). La vaccination par un vaccin vivant doit toujours être précédée d'une évaluation de la balance bénéfices (protection vaccinale)/risques (infection vaccinale ou risques liés à une possible réactivation de la maladie en cas d'arrêt des traitements) [5, 6].

Tableau 47.1 Extrait du tableau des recommandations vaccinales spécifiques des personnes immunodéprimées ou aspléniques : patients atteints d'une maladie auto-immune traitée par corticothérapie et/ou immunosuppresseurs et/ou biothérapies. Vaccins contreindiqués : vaccins vivants

Vaccins particulièrement recommandés

Vaccins inertes recommandés en population générale

BCG Fièvre jaune Grippe vivant atténué ROR Varicelle/ Zona

Grippe saisonnière (vaccin inactivé) Pneumocoque

Diphtérie, Tétanos, Polio et Coqueluche Haemophilus Influenza de type b Hépatite B Méningocoque Papillomavirus Varicelle/ zona

Source : d'après van Assen S, Agmon-Levin N, Elkayam O et al. EULAR recommendations for vaccination in adult patients with autoimmune inflammatory rheumatic diseases. Ann rheumatic Dis. 2011, 70 : 414–22.

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Chapitre 47. Les vaccinations dans les rhumatismes inflammatoires chroniques de l'adulte    603

Calendrier vaccinal Vaccination ROR et BCG La vaccination ROR est recommandée chez toutes les personnes nées depuis 1980, les femmes en âge de procréer n'ayant pas déjà reçu deux doses du vaccin et lors de cas groupés de rougeole pour tous les sujets non à jour dans leur vaccination. La vaccination par le BCG n'est plus obligatoire dans la population générale. Elle est contre-indiquée en cas d'initiation d'un traitement biologique.

Situations particulières Vaccination contre le zona et la varicelle Dans la PR, l'incidence des zonas est particulièrement élevée, entre 0,55 et 12,1 cas/1 000 patients-années selon les études. Le risque de zona dans la PR comparé à des sujets sains est estimé entre 1,65 et 1,91. Une méta-analyse réalisée à partir de 7 registres a montré que le risque relatif était augmenté sous anti-TNF (1,61 IC 1,16-2,23). Les zonas sévères étaient plus fréquents sous anti-TNF (4,9–20,9 %) que sous traitements de fond conventionnel (2–5,5  %) [17]. Les corticoïdes, seuls ou associés aux traitements de fond conventionnel ou biologique, exposent également à un risque élevé d'infections à VZV [4]. Les inhibiteurs des voies de signalisation JAK kinases (tofacitinib et baricitinib) exposent à un risque plus élevé de zona. À partir des études pivots sur le tofacitinib et le baricitinib, les taux d'incidence d'infections à VZV sont compris autour de 4/100 patients-années [18, 19]. En pratique courante, Curtis et al. ont observé que le risque de développer un zona sous tofacitinib est deux fois plus élevé (IC 95  % 1,40–2,88) que sous abatacept après ajustement pour l'âge, le sexe, l'utilisation de glucocorticoïde, de methotrexate, le nombre de biomédicaments antérieurs, un antécédent d'hospitalisation pour infection ou tout autre raison et une vaccination contre la varicelle. Le risque d'infection à VZV sous rituximab, tocilizumab, anti-TNF était comparable à l'abatacept [20]. Dans le lupus systémique, l'incidence des zonas est encore plus élevée entre 12 et 95 cas/1 000 patients-années. Ces infections à VZV sont plus fréquentes sous rituximab. Dans l'étude EXPLORER, sur une durée de suivi d'un an, le risque sous rituximab (RTX) est pratiquement multiplié par deux en comparaison au groupe placebo [21]. Une étude récente a évalué l'efficacité et la tolérance du Zostavax chez des PR insuffisamment répondeurs au MTX et débutant un traitement par tofacitinib [22]. Les critères de non-inclusion comportaient un antécédent de zona, une vaccination antérieure avec le vaccin anti-VZV et toute vaccination 6 semaines avant la randomisation. Les patients éligibles étaient vaccinés avec le Zostavax ® à l'inclusion sans arrêter le MTX. Deux semaines après la vaccination, les patients étaient randomisés soit dans le groupe Tofacinib (5 mg X 2/j), soit dans le groupe placebo tout en poursuivant le MTX. L'efficacité du vaccin était évaluée sur le titre des IgG spécifiques anti-VZV en ELISA, et sur l'activité des lymphocytes T spécifiques du VZV mesurée par le taux d'IFNγ en ELISPOT. La réponse au Zostavax® sur la variation du titre des IgG spécifiques anti-VZV, en ELISA, n'est pas significativement différente

entre les deux groupes de traitement (Tofacitnib/MTX et MTX/placebo). Une infection disséminée à VZV a été observée 16 jours après la vaccination et deux jours après l'introduction du Tofa, avec une évolution favorable à l'arrêt du Tofacitinib et un traitement anti-viral. La négativité de la sérologie virale contre le VZV à l'inclusion pour ce patient suggérait qu'il n'avait jamais été infecté par le virus. La vaccination avec le vaccin vivant antiVZV est efficace et bien tolérée sous MTX avant la mise sous Tofacitinib. Le zona disséminé lié au vaccin incite à la prudence en cas de vaccination anti-VZV chez les patients qui n'ont jamais été exposés au virus VZV surtout si un traitement par JAKi est envisagé. Par ailleurs, le délai entre le vaccin vivant anti-VZV et le début du traitement par JAKi devrait probablement être différé au moins de 3 semaines, comme cela est habituelle­ment recommandé. La vaccination contre la varicelle chez les adultes est indiquée pour les femmes en âge de procréer et chez les sujets exposés à la varicelle, sans antécédents de varicelle, dans les 3 jours suivants l'exposition [8]. La vaccination contre le virus du zona est indiquée en Amérique du Nord (ÉtatsUnis et Canada) pour les adultes âgés de 50  ans et plus atteints de RIC traités par traitement de fond classique ou biologique ou corticothérapie prolongée. Ce vaccin vivant (Zostavax®) a une AMM en France pour les sujets de 65 ans et plus avant l'initiation d'un immunosuppresseur. Le caractère vivant de ce vaccin limite considérablement son utilisation en pratique. Un nouveau vaccin inerte est en cours d'agrément et devrait permettre une vaccination sous traitement immunosuppresseur. En population générale, ce vaccin, administré en deux injections à 2 mois d'intervalle, a en effet démontré sa capacité à prévenir un zona dans 97,2 % (IC 95 % 93,7–99) avec une bonne tolérance [23].

Vaccination contre la fièvre jaune La vaccination contre la fièvre jaune est obligatoire pour les résidents du département de la Guyane et pour les voyageurs en zone d'endémie avec réalisation de l'injection au moins 10 jours avant le départ [8, 14]. Elle est contre indiquée chez les patients traités par immunosuppresseurs ou biologiques. Les destinations nécessitant la vaccination anti-amarile doivent être déconseillées aux patients sous immunosuppresseurs ou corticothérapie à 10 mg/j depuis plus de 15 jours. En cas de force majeure nécessitant de se rendre très rapidement en zone d'endémie, un certificat de contre-indication à la vaccination peut être délivré dans les centres agréés, après avoir informé le patient des risques encourus [5]. Le vaccin anti-amarile doit être renouvelé 10 ans après la vaccination, mais les contrôles sérologiques montrent en pratique que la protection qu'il confère est bien plus longue. Si une revaccination est envisagée, le dosage des anticorps anti-virus amaril peut permettre d'éviter son renouvellement si le titre des anticorps est encore protecteur.

Vaccination contre la poliomyélite Le vaccin contre la poliomyélite par voie buccale est réservé uniquement aux situations épidémiques [8].

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604   Partie IX. Thérapeutique restriction. Pour des « bolus » intraveineux de corticoïdes, cette vaccination est contre-indiquée pendant les 3 mois suivant l'arrêt de la corticothérapie. Pour des assauts cortisoniques de faible durée et pour des posologies de prednisone dépassant 10 mg/j > 15 j, les vaccins vivants contre la fièvre jaune, la varicelle et le ROR peuvent être envisagés 1 mois après l'arrêt [8]. Un traitement par hydrocortisone, une corticothérapie locale (intra-articulaire notamment) ou inhalée ne sont pas des contre-indications à la vaccination par vaccins vivants [8].

Risque des vaccins vivants en cas de traitements immunosuppresseurs Des études ont montré une tolérance correcte des vaccins vivants contre la varicelle ou anti-amarile, sous traitements de fond classique et/ou biologique [24, 25]. Cependant, en raison des limites de ces études observationnelles ou rétrospectives, les vaccins vivants restent contre-indiqués en cas de traitements de fond classique et biologique. Leur utilisation chez l'adulte, et plus encore chez l'enfant, est limitée. En effet, un arrêt de ces traitements est nécessaire avant l'administration d'un vaccin vivant. Les modalités d'arrêt sont les suivantes selon le type de traitement (tableau 47.2).

Pour les biomédicaments (tableaux 47.3 et 47.4) Les vaccins vivants sont contre-indiqués pendant toute la durée du traitement par biothérapie et ne peuvent être envisagés qu'après un arrêt du traitement. Le délai nécessaire est variable selon les recommandations. Un arrêt du biomédicament 3 mois (6 mois pour le RTX) avant la vaccination avec un vivant est recommandé par l'HCSP tandis que le CRI propose un délai supérieur ou égal à 5 demi-vies (6 mois au minimum pour le rituximab) [5, 6]. La reprise du traitement peut être envisagée au plus tôt 2 semaines après le vaccin, au mieux dans un délai de 3 à 4 semaines. Il faut donc, lorsqu'une biothérapie est envisagée, faire le point sur les vaccinations et prévoir si nécessaire une mise à jour au moins 2 semaines, et au mieux 1 mois, avant le début du traitement [5].

Pour les traitements de fond Le délai recommandé d'arrêt du MTX avant vaccination n'est pas consensuel : pas d'arrêt selon les recommandations américaines, 3 mois pour le HCSP. Lorsqu'il a été arrêté, la reprise du methotrexate peut être envisagée au plus tôt deux semaines après le vaccin, au mieux dans un délai de 3 à 4 semaines [5]. Il n'existe pas de données cliniques sur l'efficacité et la sécurité des vaccins vivants lors d'un traitement par léflunomide et ils sont donc en général déconseillés.

Pour les corticoïdes Jusqu'à la dose de 10 mg/j de prednisone depuis moins de 15 jours, un vaccin vivant atténué peut être administré sans

Tableau 47.2 Délai d'attente entre l'arrêt d'un traitement par corticoïdes ou DMARD et l'administration des vaccins, selon les recommandations nationales et internationales. Vaccin

Vivant atténué

Inactivé a

b

Traitement

Corticothérapie

DMARDs

PO ≥ 10 mg/j  ≥ 14 j

Bolus

Méthotrexate

Léflunomide

Hydroxychloroquine

Sulfasalazine

arrêt

1 mois

3 mois

0a à 3 mois

3 à 6 moisb

pas d'arrêt

pas d'arrêt

reprise

2 à 4 semaines

2 à 4 semaines

2 à 4 semaines

2 à 4 semaines

pas d'arrêt

pas d'arrêt

pas d'arrêt

pas d'arrêt

L es recommandations américaines (American College of Rheumatology, Advisory Committee on Immunization Practices) permettent la poursuite du méthotrexate (posologie < 0,4 mg/kg/sem) pour administrer le vaccin vivant contre le VZV. Pour le léflunomide, la recommandation canadienne propose une durée de 6 mois en raison de la demi-vie longue.

Tableau 47.3 Délai d'attente entre l'arrêt d'un anti-TNF et l'administration des vaccins, selon les recommandations nationales (HCSP, CRI) et RCP. Recommandations fondées sur la demi-vie des produits. Vaccin

Traitement

Etanercept

Adalimumab

Golimumab

Certolizumab

Infliximab

Vivant atténué

arrêt

2 à 12 sem.

10 à 12 sem.

8 à 12 sem.

10 à 12 sem.

6 à 12 sem.

reprise

3 sem.

3 sem.

3 sem.

3 sem.

3 sem.

arrêt

pas d'arrêt

pas d'arrêt

pas d'arrêt

pas d'arrêt

pas d'arrêt

reprise

pas d'arrêt

pas d'arrêt

pas d'arrêt

pas d'arrêt

pas d'arrêt

Inactivé

HCSP : Haut Conseil de la Santé publique ; CRI : Club rhumatisme et inflammation ; RCP : résumé des caractéristiques du produit.

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Chapitre 47. Les vaccinations dans les rhumatismes inflammatoires chroniques de l'adulte    605 Tableau 47.4 Délai d'attente entre l'arrêt ou la reprise d'un biomédicament non anti-TNF et l'administration des vaccins, selon les recommandations nationales (HCSP, CRI) et RCP. Recommandations fondées sur la demi-vie des produits. Vaccin

Traitement

Abatacept

Tocilizumab Ustekinumab

Aint-IL-1 Anakinra

Canakinumab

Rituximab

Bélimumab

Vivant atténué

arrêt

10–12 sem

10–12 sem

12–15 sem

2 j à 3 mois

3 mois

6 mois

3 mois

reprise

3 sem

3 sem

2 sem

3 sem

3 sem

1 mois

1 mois

Inactivé

arrêt

pas arrêt

pas arrêt

pas arrêt

pas arrêt

pas arrêt

6 mois*

6 mois*

reprise

pas arrêt

pas arrêt

pas arrêt

pas arrêt

pas arrêt

1 mois

1 mois

*

La vaccination peut être réalisée avant 6 mois, mais avec un risque élevé d'une moins bonne réponse vaccinale.

Vaccins inactivés particulièrement recommandés chez l'immunodéprimé Chez les sujets immunodéprimés, en plus des vaccins habituels du calendrier vaccinal, deux vaccinations sont particulièrement recommandées [6]  : celle contre la grippe saisonnière, tous les ans, et celle contre le pneumocoque, dont le schéma vaccinal a été modifié du fait des nouvelles recommandations du vaccin conjugué 13 valents PCV13 (Prevenar13®) chez l'adulte [8, 26].

Vaccination anti-grippale Le virus de la grippe est entouré d'une enveloppe contenant deux protéines (qui comportent chacune plusieurs soustypes) : la neuraminidase et l'hémagglutinine. Les vaccins contre la grippe saisonnière utilisés sont des vaccins trivalents comportant des particules de 3 souches du virus : 2 souches A (H1N1 et H3N2) et 1 souche B. Il se produit fréquemment des mutations lors de la réplication de l'ARN viral grippal, d'où la nécessité de disposer chaque année d'un nouveau vaccin. Le choix des souches virales contenues dans les vaccins est fait par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), en fonction d'une veille sanitaire, avec parfois des imprécisions dans l'identification de la souche qui sera à l'origine de l'épidémie [27]. La revaccination annuelle dans une période limitée et une efficacité aléatoire peuvent expliquer la réticence des patients à la réalisation de ce vaccin.

Vaccination anti-pneumococcique Chez les patients atteints de PR, le vaccin anti-pneumococcique était réalisé auparavant uniquement avec un vaccin polysaccharidique à 23 valences (PPV23). De nouveaux vaccins plus immunogènes ont été mis sur le marché. Ce  sont des vaccins conjugués avec un couplage des antigènes polysaccharidiques du pneumocoque (thymoindépendants) à une protéine porteuse permettant de les transformer en antigènes thymo-dépendants. Ces vaccins ont une meilleure immunogénicité et permettent d'obtenir une réponse mémoire prolongée [28]. Au dernier trimestre 2011, l'Agence européenne du médicament, puis l'Agence américaine de sécurité sanitaire, ont élargi l'indication du vaccin anti-pneumococcique conjugué Prevenar13 ® aux adultes immunodéprimés [26, 29, 30].

Le schéma vaccinal recommandé chez les immunodéprimés comporte une vaccination par le vaccin conjugué 13 valent, puis le vaccin polysaccharidique non conjugué au moins 8 semaines plus tard [8]. Cette stratégie, appelée prime-boost, permet d'induire une réponse thymo-dépendante initiale servant à amplifier la réponse ultérieure au vaccin polysaccharidique qui, lui, permettra l'élargissement de la couverture sérotypique. Chez les patients atteints de RIC traités avec des médicaments ciblant l'immunité, la persistance de la protection vaccinale doit encore être évaluée pour pouvoir définir la meilleure stratégie de revaccination. En effet, si pour le sujet sain, la vaccination par PCV13 ne nécessite pas de rappel, pour les sujets atteints de RIC et traités avec des médicaments modulant l'immunité, la nécessité d'un rappel reste encore à préciser. Une étude observationnelle a montré que pour 302 patients atteints de RIC vaccinés avec le PCV7, le pourcentage des patients avec un titre des anticorps dirigés contre les sérotypes 6B et 23F était à 1,5 an en dessous du seuil de protection significativement diminué dans le groupe des PR recevant un traitement associant du MTX à un anti-TNF, alors que les traitements n'avaient pas été modifiés pendant cette période de suivi [31]. Il est donc recommandé de vacciner par le vaccin Pneumovax 5 ans après. Les vaccinations contre la grippe saisonnière et contre le pneumocoque peuvent être réalisées le même jour, en deux points d'injection différents. Ces deux vaccins sont aussi bien tolérés chez les patients atteints de rhumatismes inflammatoires que dans la population générale. Des interrogations concernant certains adjuvants contenus dans le vaccin de la grippe A ont été soulevées, mais les études réalisées lors de la pandémie de 2009 n'ont pas identifié plus d'effets secondaires ou d'exacerbations des rhumatismes inflammatoires ou de maladies auto-immunes [32].

Efficacité de la vaccination sous traitements de fond Évaluation clinique du risque infectieux Pour évaluer l'efficacité vaccinale, la méthode la plus pertinente est de comparer la survenue des infections sévères concernées par les vaccins destinés les prévenir. L'impact de la vaccination antigrippale a été démontré pour les sujets de plus de 65 ans avec une réduction de la ­mortalité

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606   Partie IX. Thérapeutique dans cette population. Une vaccination conjointe antigrippale et anti-pneumoccique réduit encore plus le risque de décès [33]. Depuis, l'introduction du vaccin conjugué PCV7 vers 2009, les infections invasives à pneumocoque ont considérablement diminué chez les enfants de moins de 2 ans. Dans les rhumatismes inflammatoires chroniques, il existe très peu d'étude ayant démontré l'impact des vaccins sur la survenue d'infections. Une étude observationnelle a montré pour des patients atteints de RIC (SA et PR) traités majoritairement par des anti-TNF (60 %) une tendance à la réduction du nombre des infections invasives à pneumocoque après vaccination avec le vaccin conjugué PCV7 [34].

Cependant, il n'a pas été noté de différence entre les deux groupes pour le critère de jugement principal qui était le pourcentage de patients avec un quadruplement du titre entre 0 et 4 semaines après la vaccination pour 2 sérotypes sur 3 (80 % dans les 2 groupes IC 90 % : 0 [–0,19 ; 0,19]). Le sécukinumab semble donc avoir peu d'impact sur la réponse aux vaccins inactivés dépendant ou non d'une réponse lymphocytaire T.

Évaluation par le dosage des anticorps vaccinaux

Traitements de fond conventionnels

Un moyen moins long et moins coûteux consiste à doser le titre des anticorps (Ac) au décours de la vaccination. Ces mesures sont effectuées la plupart du temps entre 3 à 6  semaines après la réalisation du vaccin. Cette évaluation de la réponse humorale a été reconnue, notamment par l'OMS, comme un équivalent adapté pour apprécier la réponse vaccinale.

Efficacité de la vaccination anti-grippale en cas de rhumatisme inflammatoire traité par immunosuppresseurs Traitements de fond conventionnels L'hydroxycholoroquine (PLQ) et la salazopyrine (SLZ) n'interfèrent pas avec l'efficacité des vaccins antigrippaux [35–37]. Deux études suggèrent une diminution de l'immunogénicité du vaccin contre la grippe A chez des patients traités par lefunomide [32, 37]. Par contre, la majorité des études ne trouve pas d'influence du MTX sur la réponse vaccinale contre la grippe [36, 38, 39].

Biomédicaments Toutes les études concernant le RTX montrent une moins bonne protection vaccinale dans les mois qui suivent les perfusions [40]. Pour les anti-TNFα, la majorité des études montre une bonne réponse vaccinale sous traitement [40]. Pour l'abatacept (ABA), les résultats sont discordants. Une étude retrouve des proportions élevées de répondeurs au vaccin contre la grippe dans un groupe de patients sous ABA, tandis que Ribeiro et al. ont observé une nette diminution de la réponse vaccinale [41, 42]. Le tocilizumab a un peu d'impact sur la réponse vaccinale, surtout lorsqu'il est prescrit en monothérapie [43]. Pour le secukinumab, une étude clinique a comparé la réponse au vaccin anti-grippal entre 25 patients débutant l'anticorps anti-IL17 à la posologie de 150 mg et 25 sujets témoins [16]. La réponse vaccinale a été évaluée sur le pourcentage de patients dont le titre des anticorps contre les souches du virus de la grippe saisonnière a quadruplé pour deux des trois sérotypes du virus de la grippe, entre le jour précédant la vaccination et au moins 4 semaines suivant la vaccination. Le pourcentage de répondeurs est moins bon pour la souche H1N1 68 % versus 80 % à 4 semaines et 64 % versus 80 % à 6 semaines.

Efficacité de la vaccination anti-pneumococcique en cas de rhumatisme inflammatoire traité par immunosuppresseurs Les résultats des études sur l'influence du MTX sont homogènes et montrent une diminution de la réponse humorale [40]. L'efficacité du vaccin anti-pneumococcique, lorsqu'il est réalisé au même moment que l'initiation du MTX, est en cours d'évaluation dans le cadre du PHRC national VACIMRA (NCT01942174). Chez les patients déjà sous MTX, un arrêt temporaire de celui-ci a un effet bénéfique sur la réponse vaccinale. En effet, dans une étude randomisée contrôlée l'efficacité d'une vaccination contre la grippe a été étudiée entre un groupe qui arrêtait le méthotrexate deux semaines suivant la vaccination (n = 160) et un groupe qui poursuivait le MTX (n = 152). L'efficacité vaccinale a été évaluée par au minimum un quadruplement du titre pour au moins 2 sur 4 sérotypes de la grippe (B Yamagata et B Victoria, H1N1, H3N2). Le pourcentage de répondeurs dans le groupe maintien était de 55 % (47–62 %) et de 76 % (69–83 %) dans le groupe arrêt du MTX (p  1) indiquent une plus grande sélectivité pour la COX-2, alors que les plus faibles ( coxib seul = AINS non sélectifs + IPP > AINS non sélectifs seuls [18]. La recherche de H. pylori et son éradication n'est à faire qu'au cas par cas, essentiellement chez des sujets ayant un passé ulcéreux et avant de commencer l'AINS [20, 21]. Les IPP ont clairement fait la preuve de leur efficacité dans ce contexte [22]. En cas de symptômes cliniques : fréquents, ils peuvent être traités empiriquement avec des anti- H2 ou un inhibiteur de la pompe à protons (IPP). En général, en cas d'ulcère, l'attitude la plus prudente est d'interrompre les AINS et de les remplacer par du paracétamol. Si le traitement anti-inflammatoire doit être continué, on peut choisir de passer à la cortisone. Un IPP sera utilisé puisqu'il guérit l'ulcère, même sous AINS. Après guérison de l'ulcère, et si les AINS doivent être poursuivis, la prophylaxie de la rechute est l'administration concomitante d'un IPP. On peut choisir de prescrire un coxib qui dispense d'ajouter un IPP.

Le misoprostol (Cytotec®) est retiré du marché à compter du 1er mars 2018.

15

Complications cardio-vasculaires Facteurs de risque CV Tabac, hypercholestérolémie, HTA, diabète, antécédents cardiovasculaires (infarctus, angor, AVC). Un score a été établi à partir de 12 cohortes européennes en population générale, regroupant 205 178 personnes, suivi plus de 10 ans chez lesquelles sont survenus 7 934 décès de cause cardiovasculaires (dont 71 % par coronaropathies) pendant le suivi [23]. Ce score (« SCORE » : systematic coronary risk evaluation) permet d'estimer le risque de complications CV fatales à 10 ans en Europe à partir de différents abaques (figure 49.5). Le risque est faible pour un Score  90 j) prise récente (8-90 j) prise actuelle ( 3 ans

1,13 (0,92–1,39) 1,34 (1,15–1,56) 1,39 (1,16–1,67) 1,53 (1,28–1,82)

Posologie quotidienne dose faible à modérée dose élevée Antécédent de coronaropathie oui non

1,23 (1,09–1,38) 1,57 (1,36–1,81)

12,9 3,0

Source : d'après Garcia-Rodriguez LA Tacconelli S, Patrignani P. Role of dose potency in the prediction of risk of myocardial infarction associated with nonsteroidal anti-inflammatory drugs in the general population. JACC, 2008, 52 : 1628–36.

tiques, 78 % d'hypertendus, 62 % d'hyperlipidémie, 13 % sous corticoïdes, 46 % sous aspirine) sont traités par célécoxib (200–400 mg/j), ibuprofène (1 800–2 400 mg/j) ou naproxène (750–1 000 mg/j) et IPP dans tous les cas, pendant 20 mois en moyenne dans une étude de non-infériorité. Le pourcentage d'effets indésirables cardio-vasculaires (critère principal : survenu d'infarctus du myocarde, AVC ou décès d'origine cardio-vasculaire) est comparable dans les trois groupes (2,3 à 2,7 %), avec moins d'effets secondaires digestifs sous célécoxib + IPP et plus d'effets indésirables rénaux sous ibuprofène + IPP, et une efficacité légèrement supérieure avec naproxène + IPP. L'étude CONCERN [33] : 512 rhumatisants (71 % d'arthrosiques), de 72 ans en moyenne, sous 80 mg/j d'aspirine pour antécédent cardiovasculaire ou facteurs de risques cardiovasculaires multiples, et sous IPP (20  mg/j) pour antécédent de saignement digestif haut, sont traités – après contrôle endoscopique de la cicatrisation de leur ulcère et éradication de H. pylori – par célécoxib (200 mg/j) + IPP ou naproxène (500 mg/j) + IPP et suivi pendant 18 mois. Au cours du suivi, une récidive du saignement survient plus souvent (66 % de plus) sous naproxène + IPP que sous célécoxib + IPP, alors qu'il n'y a pas plus de récidives d'un événement cardiovasculaire grave (4,4 vs 5,5 %). L'étude SCOT  [34] : 7 297 patients (essentiellement arthrosiques), sous AINS classiques, de plus de 60 ans, sans antécédent cardio-vasculaire, étaient randomisés pour continuer le même AINS ou passer sous célécoxib. Ils étaient ensuite suivis 3 ans en moyenne. Cette étude de non-infériorité ne montrait aucune différence significative pour la survenue d'effets indésirables : il n'y a notamment pas plus de complications cardiovasculaires et pas moins de complications digestives sous célécoxib. On note cependant significativement plus d'arrêts de traitement sous célécoxib pour efficacité insuffisante (posologie moyenne prise : 170 mg/j). Chez un malade sans antécédent CV qui est sous AINS classiques, il n'y a donc pas de raison de vouloir changer pour un coxib.

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Chapitre 49. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens    629

Complications cutanéo-muqueuses Ce sont les deuxièmes complications par ordre de fréquence (5 à 29 %). Elles sont variées et non spécifiques, un même AINS pouvant donner des manifestations très diverses. Cette grande variété clinique suggère des mécanismes différents (immuno-allergique, toxique, ou pharmacologique).

Manifestations mineures Urticaire, prurit, purpura, éruption maculo-papuleuse et morbilliforme peuvent se voir avec tous les AINS. Ces troubles bénins et régressifs à l'arrêt du traitement, s'observent surtout avec l'indométacine, les anthraniliques et les propioniques [35] .

Manifestations majeures Des dermatoses bulleuses graves, mais exceptionnelles (syndromes de Lyell, de Stevens-Johnson, érythème polymorphe) peuvent survenir en particulier avec les oxicams [36]. Les études de pharmacovigilance montrent que les AINS à demi-vie longue sont plus volontiers responsables de ces atteintes graves.

Localement Les suppositoires peuvent induire des brûlures rectales (anorectites).

Complications rénales Les accidents rénaux sont rares. Ils revêtent deux types principaux.

Désordres électrolytiques La rétention sodée est la complication rénale la plus fréquente des AINS. Les œdèmes surviennent chez plus de 3 % des patients traités ; l'incidence est probablement plus élevée chez les patients prenant des AINS à fortes doses, pendant des périodes prolongées. La rétention sodée apparaît rapidement et peut être très importante. L'hyperkaliémie est une complication plus rare, qui survient essentiellement chez des patients ayant une maladie rénale chronique, une insuffisance cardiaque ou chez des patients recevant un supplément potassique, des diurétiques épargneurs de potassium ou des inhibiteurs de l'enzyme de conversion. L'indométacine apparaît le plus souvent à l'origine de l'hyperkaliémie chez des patients n'ayant pas de facteur de risque apparent.

Insuffisance rénale Elle peut revêtir trois aspects distincts, de mécanisme différent : ■ Une insuffisance rénale fonctionnelle observée surtout en cas d'atteinte rénale préexistante (sujets âgés, diabétiques) et dans toutes les situations d'hypovolémie (déplétion sodée, cirrhoses, traitements diurétiques) ; cette insuffisance rénale est liée à une chute du flux plasmatique rénal secondaire à l'inhibition de la synthèse des prostaglandines intra-rénales. Sur le rein normal, l'inhibition des prostaglandines est sans conséquence, mais dans toutes les situations d'hypovolémie, l'augmen-

tation des prostaglandines rénales permet de maintenir le flux plasmatique rénal. Leur inhibition peut alors être à l'origine d'une poussée d'insuffisance rénale aiguë, oligoanurique, fonctionnelle, sans hématurie ni protéinurie, qui apparaît le plus souvent dans les 10 premiers jours du traitement par AINS, est réversible si le traitement est arrêté à temps, mais parfois irréversible s'il y a une atteinte rénale préexistante. ■ Très rarement, une néphropathie interstitielle aiguë avec insuffisance rénale et syndrome néphrotique, d'origine immunoallergique. Les signes cliniques en sont variables : œdèmes, oligurie, associés ou non à des urines mousseuses ; les signes généraux d'allergie sont le plus souvent absents. Le culot urinaire retrouve hématurie et leucocyturie microscopiques, la protéinurie est retrouvée dans le syndrome néphrotique. La fonction rénale est conservée ou altérée. Le syndrome néphrotique isolé est rare, mais a été rapporté chez quelques patients prenant du fénoprofène, du sulindac ou du diclofénac. Le début de ce type de pathologie rénale est en général tardif, environ 4 à 5 mois après le début du traitement, et s'avère réversible en quelques mois après l'arrêt de l'anti-inflammatoire. Il ne semble pas exister de facteur de risque. En effet, ni les maladies rénales antérieures, ni l'âge ne semblent favoriser ce syndrome. Deux tiers des cas ont été rapportés avec le fénoprofène, mais tous les AINS, quelle que soit leur classe, peuvent en être responsables. ■ La nécrose papillaire  : les cas rapportés dans la littérature sont exceptionnels, mais ont été signalés avec l'ibuprofène, le fénoprofène et l'acide méfénamique. Les manifestations cliniques de la nécrose papillaire sont des douleurs de la fosse lombaire associées à une hématurie macroscopique ; secondairement, une infection urinaire et une hypertension artérielle peuvent se développer. La réversibilité est liée à l'importance de la nécrose et à l'arrêt des anti-inflammatoires. Les mécanismes d'apparition sont mal connus, d'autant qu'il existe une prise concomitante d'autres antalgiques, des maladies rénales antérieures ou une infection urinaire. Les auteurs invoquent soit une ischémie médullaire par inhibition locale de la synthèse des prostaglandines, soit un effet des catabolites toxiques entraînant une nécrose cellulaire. Une étude cas-témoins à partir d'une base de données de médecins généralistes anglais, portant sur 386 916 sujets de 50 à 84 ans a montré que le risque d'insuffisance rénale est multiplié par 3 sous AINS (diclofénac, ibuprofène, méloxicam et naproxène). Ici encore, ce risque augmentait avec la posologie et la durée de prise [37]. C'est le plus souvent une insuffisance rénale fonctionnelle qui s'amende à l'arrêt du traitement. Le risque est d'autant plus élevé qu'il s'agit de sujets cardiaques, hypertendus, diabétiques, ou sous diurétiques. L'étude d'une population québécoise confirme ces données, en étendant l'analyse aux coxibs : parmi 121 722 sujets de plus de 65 ans (base de données du système de santé du Québec), sous AINS depuis peu, 4 228 patients ont été appariés à 84 540 témoins. Le RR du célécoxib est parmi les plus faibles : 1,54 (IC 95 % : 1,14 – 2,09) [38].

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630   Partie IX. Thérapeutique

Complications hématologiques

Complications diverses

Ces manifestations sont rares.

AINS, grossesse et allaitement

Troubles de l'hémostase Surtout le fait de l'aspirine, même à faible dose. Chez les malades sous anticoagulants pour qui la prescription d'un AINS est nécessaire, préférer les coxibs qui n'inhibent pas la thromboxane A2 (et surveiller régulièrement l'INR).

Accidents cytotoxiques Ils s'observaient surtout avec les pyrazolés, retirés du marché. Il pouvait s'agir d'effets secondaires bénins, dépistés par des contrôles hématologiques (anémie, leucopénie, thrombopénie) ou d'accidents graves, heureusement rares, mais souvent imprévisibles avec une évolution parfois mortelle (anémie aplasique, agranulocytose, aplasie médullaire mortelle dans 50 % des cas).

Complications neurologiques Sous indométacine On les observe dans 20 % des cas : céphalées à caractère pulsatile, vertiges, acouphènes, pertes de connaissance, éblouissements ; plus rarement des crises comitiales, des troubles de la vigilance, des troubles de l'humeur. Tous ces effets se voient pour des doses élevées, peuvent disparaître lors de la simple réduction de posologie et ne laissent aucune séquelle à l'arrêt du traitement.

Effets secondaires neurologiques rares Quelques cas de méningite aseptique pouvant évoluer jusqu'au coma (ibuprofène), mais la plupart du temps réversibles, des observations de psychose et d'hallucination ont été rapportées (indométacine, sulindac). Ces manifestations commencent rapidement après la prise de l'AINS et s'arrêtent avec l'interruption du traitement. Elles sont surtout le fait des surdosages en AINS (en cas de migraines notamment) [39].

Risque d'hémorragie cérébrale Il est majoré sous AINS, chez des patients coréens traités par antidépresseurs (RR : 1,6 : IC 95 % : 1,3–1,8) [40].

Autres Les salicylés peuvent induire des acouphènes ; c'est un signe de surdosage. Enfin, des troubles des fonctions supérieures, des troubles de la mémoire, une difficulté de concentration, des dépressions, ont été rapportés chez des sujets de plus de 65 ans.

Réactions d'hypersensibilité Elles se traduisent par des rashes cutanés, des urticaires, des bronchospasmes et, exceptionnellement, par un œdème de Quincke ou un choc anaphylactique. Certains de ces accidents sont d'origine immunoallergique, d'autres surviennent sur un terrain particulier (rhinite allergique, polypose nasale, asthme à l'aspirine), expliquant les possibilités de réactions croisées entre différents AINS [41].

Les AINS passent la barrière placentaire et leur prise est dangereuse durant les derniers mois de la grossesse : prolongation de la gestation avec retard du travail, hémorragies de la délivrance, fermeture prématurée du canal artériel favorisant le développement d'une hypertension pulmonaire chez le nouveau-né. Les AINS passent dans le lait maternel et des effets secondaires graves ont été rapportés chez des nourrissons dont la mère prenait de l'indométacine ou des dérivés pyrazolés. De plus, des observations isolées d'infertilité féminine ont été rapportées après prise de piroxicam, naproxène, diclofénac, coxib. Cet effet est réversible à l'arrêt du traite­ ment. Face à une infertilité chez une femme sous AINS, il est pertinent d'évoquer le rôle du médicament avant de mettre en route des investigations coûteuses. Les AINS peuvent enfin : ■ aggraver une infection non contrôlée par l'antibiothérapie (infection cutanée, ou post-varicelle chez l'enfant), en retardant l'apparition des premiers signes infectieux, notamment chez l'enfant [42]. ■ allonger la durée de la grossesse et du travail, ■ favoriser les hémorragies du post-partum et du nouveau-né, ■ induire une intoxication fluorée (par l'acide niflumique pris au long cours qui possède 3 atomes de fluor). Les AINS ont été accusés de diminuer l'efficacité du stérilet, mais les quelques observations de grossesse sur stérilet rapportées chez des femmes traitées par AINS ne sont pas convaincantes.

Interactions médicamenteuses La polymédication est fréquente, surtout chez le sujet âgé. L'emploi d'AINS peut modifier l'action pharmacodynamique d'autres produits et être responsable d'effets secondaires par différents mécanismes [4].

Modification de l'activité d'autres médicaments par les AINS L'affinité protéique élevée des AINS peut provoquer une défixation d'autres médicaments de leur site protéique, augmentant ainsi leur activité (ou toxicité) en augmentant leur fraction libre. Ainsi l'aspirine, les anthraniliques peuvent potentialiser l'action des anti-vitamines K, des sulfamides hypoglycémiants, de la diphénylhydantoïne, du méthotréxate, du sulfinpyrazone, du lithium et du chlopropamide. Les AINS s'opposent à la natriurèse des diurétiques. D'autres interactions sont plus rares : l'indométacine diminue l'effet antihypertenseur des bêta-bloqueurs.

Inversement La prescription d'antiacide à base d'hydroxyde d'aluminium associé aux AINS pour en diminuer la toxicité gastro-­ duodénale n'a jamais prouvé son efficacité, mais peut diminuer la biodisponibilité de ces derniers.

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Chapitre 49. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens    631 Enfin, l'association d'AINS favorise les effets secondaires digestifs sans augmenter leur efficacité, les salicylés diminuent la biodisponibilité de nombreux autres AINS. Pour cette raison, il ne faut pas associer deux AINS ou un AINS et de l'aspirine à doses autres qu'antiagrégantes.

Mode d'emploi des AINS Indications L'inflammation étant un processus ubiquitaire, on comprend la très grande fréquence de prescription de ces médicaments.

Maladies ostéo-articulaires En schématisant, on peut opposer : ■ les rhumatismes inflammatoires où les AINS sont une indication naturelle, associés, chaque fois que cela est possible, à des traitements de fond visant à freiner l'évolutivité de la maladie, ce que les AINS sont incapables de faire ; on peut rapprocher de ce cadre les collagénoses dont les formes modérées peuvent bénéficier de ce traitement sans recourir à la corticothérapie ; ■ les atteintes articulaires inflammatoires transitoires (rhumatismes microcristallins) et les pathologies abarticulaires (tendinites, ténosynovites, radiculites) où la prescription des AINS est temporaire comme la patho­ logie que l'on soigne ; ■ la pathologie articulaire dégénérative (arthroses) ne constitue pas toujours une indication de choix des AINS en dehors de poussées douloureuses ; ■ les pathologies osseuses ne sont que très rarement des indications d'AINS.

Traumatologie et pathologies externes L'inflammation secondaire à une fracture, une entorse, une simple contusion est justiciable d'un traitement anti-­ inflammatoire associé au traitement spécifique de la lésion. L'effet antalgique, mais aussi anti-œdème des AINS est ici particulièrement recherché, notamment après traumatismes de la tête et du cou. On peut rapprocher de ces indications la chirurgie ORL, maxillo-faciale et gynécologique.

Pathologies internes Toutes les pathologies inflammatoires ORL, stomato­ logiques, pleurales, péricardiques peuvent bénéficier de la prescription d'AINS, après avoir éliminé une infection qui nécessiterait un traitement antibiotique. Le syndrome prémenstruel, ainsi que les dysménorrhées essentielles, sont bien calmés par les AINS à faibles doses. Le kétoprofène en perfusion a montré une excellente efficacité dans le traitement de la colique néphrétique. Il peut rendre service dans le traitement des douleurs cancéreuses, avant d'utiliser les antalgiques centraux majeurs (opioïdes).

Pédiatrie Il faut souligner la rareté des formes galéniques adaptées à l'enfant en dehors des salicylates. Les autres AINS sont déconseillés avant 12-15 ans en dehors des rhumatismes

inflammatoires. En néonatologie, l'indication de l'indométacine pour favoriser la fermeture du canal artériel est la classique exception à cette règle. La posologie infantile est alors la suivante : ■ Aspirine  : dose maximale de 80  mg/kg/j entre 1 et 30 mois ; 100 mg/kg/j jusqu'à 15 ans, ■ Diclofénac : 2–3 mg/kg/j chez l'enfant de plus de 10 kg, ■ Naproxène : 10 mg/kg/j, ■ Ibuprofène : 20–60 mg/kg/j, ■ Indométacine : 2,5 mg/kg/j, ■ Acide tiaprofénique : 10 mg/kg/j au-delà de 3 ans, ■ Acide niflumique : 40 mg/kg/j en suppositoires au-delà de 30 mois.

Contre-indications Contre-indications générales Bon nombre d'effets indésirables des AINS sont évités par le respect de leurs contre-indications : ■ ulcère gastro-duodénal évolutif ou antécédents d'ulcère, d'hémorragie digestive récurrente (au moins deux épisodes objectivés) ou de perforation digestive survenus sous AINS, ■ hypersensibilité (avec possibilité de réactions croisées entre des produits chimiquement différents), ■ insuffisances hépatique, cardiaque ou rénale sévères, ■ maladie hémorragipare, traitement anticoagulant oral, ■ grossesse et allaitement : tous les AINS sont contre-­indiqués dès le début du 6e mois de grossesse (24 semaines d'aménorrhée), y compris par voie cutanée. Les coxibs (Célébrex®, Arcoxia®) sont contre-indiqués pendant toute la durée de la grossesse [43]. Une auxiliaire de santé enceinte qui fait des massages avec des AINS doit porter des gants.

Contre-indications spécifiques [44] Coxibs et diclofénac sont contre-indiqués en cas de : ■ cardiopathie ischémique avérée, ■ artériopathie périphérique, ■ antécédent d'AVC (y compris accident ischémique transitoire). L'étoricoxib est contre-indiqué en outre en cas d'HTA non contrôlée. En fait, ces contre-indications sont souvent relatives et doivent être mises en balance avec la nécessité de la prescription d'un anti-inflammatoire. En cas de nécessité d'une thérapeutique anti-inflammatoire et en présence d'une contre-indication majeure des AINS, le recours à la corticothérapie est souvent le moyen de débloquer la situation, les corticoïdes ayant généralement, à court terme, beaucoup moins d'effets secondaires que les AINS.

Comment choisir un AINS ? Ce choix tient à la fois à la molécule – c'est-à-dire aux connaissances pharmacologiques – et au malade.

Critères liés au médicament (tableau 49.4) La notion d'efficacité n'est guère déterminante : il n'y a pas de différence notable d'efficacité entre les divers AINS.

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632   Partie IX. Thérapeutique Tableau 49.4 Données pratiques sur les AINS (salicylés exclus). DCI

Nom Présentations commercial (mg)

Posologie attaque (mg)

Posologie Dates AMM/ Prix* (€)/j entretien (mg) réévaluation HAS

Ac. méfénamique Ponstyl®

gél. 250

1 500

500

1996/2013

0,83

Ac. niflumique

gél. 250, suppo. 700, suppo. 400 enfant

1 500

750

1966/2011

0,41

Ac. tiaprofénique Surgam® Flanid® génériques

cp. séc. 100, 200

600

300

1974/2013

0,38

Acéclofénac

Cartrex® génériques

cp. 100

200

100

1997/2013

0,27 0,23

Alminoprofène

Minalfène®

cp. 300

900

300

1991/2012

0,62

Célécoxib

Célébrex® génériques

cp. 100, 200

400

100

2000/2012

0,79 0,46

Diclofénac

Voltarène® génériques

cp. 25, 50 cp. LP 75, 100 Inj. Suppo.

150

75

1975/2014 1981/2014

0,29 0,50

Nifuril®

Flector ®

Granul. Sol. buv. 50 mg

150

75

1999/2014

0,39

Diclofénac + misoprostol

Artotec®

cp. 50, 75 +  misoprostol. 0,2 mg

150

75

1993/2014

0,56

Etodolac

Lodine®

cp. 100, 200, 300 cp. LP 400

600

400

1986/2010 1992/2010

0,57

Etoricoxib

Arcoxia®

cp. 30, 60

60

30

2008/2015

0,70

Fénoprofène

Nalgésic®

cp. 300

1 200

300

1997/2012

0,36

Flurbiprofène

Cébutid®

cp. 50, 100 cp. LP 200

300

100

1978/2010 1989/2010

0,51

Antadys®

cp. 100

300

100

1984/2010

0,45

Brufen® génériques

cp. 400 suppo 500

2 400

1 200

1977/2008

0,44 0,36

Nuréflex®

cp. 200, 400 gél LP 300

1 200

200

1994/2011

0,25

Indocid® génériques

gél. 25 suppo. 100

150

50

1965/2011

0,53

Chronoindocid®

gel. 75

150

75

1979/2011

0,66

Profénid® génériques

gél. 50, cp. 100 cp & gél. LP 200 suppo., inj.

300

100

1972/2015

0,47 0,53

Ibuprofène

Indométacine

Kétoprofène

Bi-profénid

cp. 100

300

100

1985/2015

0,54

Méloxicam

Mobic® génériques

cp. 7,5 & 15 suppo. 7,5 & 15, inj.

15

7,5

1996/2012

0,38

Nabumétone

Nabucox®

cp. 500, 1 000

2 000

1 000

1990/2012

0,68

Naproxène

Naprozyne® cp. 250, 500, 750, 1 000 génériques suppo

1 000

250

1974/2013

0,40

Apranax® génériques

cp. 275, 550, 750 gran. susp. buv., 250 & 500 suppo.

1 100

275

1981/2010

0,25

Feldène® génériques

gel. 10, 20 cp. séc. 20

20

10

1981/2009

0,14

Brexin®

cp. 20

20

20

1992/2012

0,38

Cycladol®

cp. 20

20

20

1993/2012

0,38

Sulindac

Arthrocine®

cp. 100, 200

400

200

1975/2010

0,43

Ténoxicam

Tilcotil®

cp. séc. 20

20

10

1986/2012

0,41

Piroxicam

Prix journalier pour un traitement d'attaque (dose maximale) en cp. (dosage le moins cher). Les formes injectables ou suppositoires sont simplement mentionnés. La plupart des AINS sont remboursés à 65 % (sauf étoricoxib et piroxicam), sauf pour les formes injectables ou suppositoires (30 %). Les formes cp ont généralement un SMR jugé important pour les rhumatismes inflammatoires, microcristallins, l'arthrose ou les radiculites, jugé modéré pour les rhumatismes abarticulaires et les lombalgies. Les formes injectables ont un SMR jugé modéré à insuffisant sauf pour les coliques néphrétiques. Les formes suppositoires ont un SMR jugé modéré à insuffisant (pour les sujets à risques cardio-vasculaires ou digestifs). Les formes topiques (gels, crème, pommades) de certains AINS : Niflugel® (ac. niflumique) : 2,5 % ; Volarène émulgel 1 %® ; Flector gel 1 % et Flector tissu gel 1 g/40 000 UI ®, remboursement 30 % ; Kétoprofène gel 2,5 % NR ; Geldène 0,5 % : 30 %. Source : Dictionnaire Vidal. *

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Chapitre 49. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens    633 L'efficacité est dominée par la variabilité de réponse d'un individu à l'autre et les données pharmacocinétiques ne permettent guère en pratique de prédire une efficacité plus ou moins importante d'une molécule à l'autre. On peut juger de l'efficacité en 3 ou 4 jours. En cas d'échec, persister au-delà est inutile, il faut changer de produit. Il existe une certaine relation entre la durée d'action et la demi-vie du médicament. Cela permet de diminuer le nombre de prises quotidiennes avec les produits à demivie longue. La tolérance, notamment digestive, est également régie par une grande variabilité individuelle. Cependant, les produits les plus anciens ont une plus grande fréquence d'effets secondaires (salicylés, indolés). Chez un malade donné, il est rare qu'existe une intolérance à plus de deux ou trois AINS. En pratique, devant des signes d'intolérance à un AINS, il faut le remplacer par un autre. Globalement, on admet que les AINS classiques les moins toxiques sont l'ibuprofène et le naproxène. Les coxibs sont mieux tolérés (un peu moins d'effets secondaires digestifs bénins) et surtout beaucoup moins dangereux (rareté des PUS). Posologie, confort et compliance : si l'efficacité et la tolérance sont les premières considérations dans le choix d'un AINS, le confort est sûrement la suivante. Il est plus confortable de n'avoir qu'une ou deux prises par jour. Les formes galéniques à libération prolongée d'AINS à demivie courte permettent de réduire la posologie à une prise unique quotidienne ; la compliance en est meilleure. La prise unique est une bonne solution pour une administration prolongée ; elle peut être insuffisante pour des malades souffrant de pathologies aiguës. Chez eux, la prescription pourra être tri- ou quadri-­quotidienne pour mieux couvrir les 24 heures. Les AINS sont administrés pendant les repas en mettant en garde le malade contre la prise simultanée d'alcool qui augmente la gastro-toxicité. Les voies d'administration sont également variées offrant le choix au malade. La préférence va habituellement à la voie orale en raison de sa commodité. Les suppositoires comportent des risques locaux. Les injections IM doivent en partie leur succès à l'effet placebo de la voie parentérale : leur éventuel emploi ne doit pas dépasser quelques jours, d'autant qu'elles exposent aux abcès fessiers. En pratique, l'échec d'un AINS ne doit pas conduire au changement de la voie d'administration, mais à celui de la molécule. Le prix : à efficacité et tolérance comparables, on choisira l'AINS le moins cher. Mais les économies dépendent surtout d'une prescription faite à bon escient, arrêtée quand elle n'est plus nécessaire, diminuée au minimum utile dans les autres cas.

Critères liés au malade La variation de la réponse individuelle reste le critère le plus remarquable, ce qui souligne l'intérêt de disposer de plusieurs produits de la même classe thérapeutique. En cas de prescription prolongée (rhumatismes inflammatoires), il faut trouver la dose minimale utile, savoir adapter la posologie en fonction de l'évolution, combiner les horaires de prise (la prise au coucher permet un dérouillage matinal plus rapide). La voie IM ne peut être prescrite que quelques jours, dans les algies aiguës, radiculaires par exemple. L'âge est un facteur à prendre en compte. Chez le sujet âgé, volontiers polymédiqué parce que porteur d'autres affections, il est prudent de débuter avec une posologie moyenne, d'augmenter ensuite en fonction de la réponse clinique, tout en sachant que la dose maximale recommandée est inférieure à celle de l'adulte jeune. Schématiquement, les risques d'effets secondaires sont d'autant plus réduits que la durée du traitement est inférieure à un mois chez des malades de moins de 60 ans.

Les trois catégories d'AINS ■ Les AINS de la liste I des substances vénéneuses étendent leur domaine à la quasi-totalité de la pathologie inflammatoire, dégénérative et post-traumatique de l'appareil locomoteur. ■ Les AINS de la liste II peuvent en outre revendiquer les indications extrarhumatologiques. ■ L'aspirine et l'ibuprofène 200 mg méritent une place à part parce qu'ils sont délivrés sans ordonnance (« hors liste »), destinés surtout au « traitement symptomatique des affections douloureuses et/ou fébriles ». De plus l'aspirine est en pratique le seul AINS employé comme antiagrégant.

Prescription en fonction des facteurs de risque La plupart de nos malades rhumatisants, d'un certain âge, ont plusieurs facteurs de risque. Sur une population espagnole de 3 293 arthrosiques qui devait être mise sous AINS, le calcul a été fait des risques CV et digestifs [45] : si 15 % des patients avaient un double risque fort, seuls 10 % avaient un double risque faible. Le risque digestif seul, moyen à fort, concernait 88 % des malades. Des propositions de choix en fonction de ces facteurs de risques ont été faites (tableau  49.5) [31, 46]. Elles ne résolvent pas tous les cas particuliers.

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634   Partie IX. Thérapeutique

Tableau 49.5 Choix possibles d'un AINS en fonction des différents facteurs de risque [31, 46, 49]. Niveau de risque du patient Risque cardio-vasculaire

Risque gastro-intestinal Modéré

Élevé

Absent

Absent

dose la plus faible ibuprofène efficace d'un AINS

Faible

ibuprofène + IPP ou célécoxib

Célécoxib + IPP ou ibuprofène + IPP

Faible

naproxène

ibuprofène

ibuprofène/ naproxène + IPP ou célécoxib

célécoxib + IPP ou ibuprofène + IPP

Élevé

naproxène + aspirine*

naproxène + aspirine*

naproxène + aspirine*

éviter tout AINS si possible + aspirine + IPP

* Aspirine à doses antiagrégantes, prise au moins 2 h avant l'AINS. Source : d'après Bello AE, Holt RJ. Cardiovascular risk with non-steroidal anti-inflammatory drugs: clinical implications. Drug Saf, 2014, 37 : 897–902 ; Scarpignato C, Lanas A, Blandizzi C et al. Safe prescribing of non-steroidal anti-inflammatory drugs in patients with osteoarthritis – an expert consensus addressing benefits as well as gastrointestinal and cardiovascular risks. BMC Medicine, 2015, 13 :55–77 ; Yuan JQ, Tsoi KKF, Yang JY et al. Systematic review with network meta-analysis: comparative effectiveness and safety of strategies for preventing NSAID-associated gastrointestinal toxicity. Aliment Pharmacol ther, 2016, 43 : 1262–75.

Rappel des règles de bon usage des AINS (d'après [44]) Messages clés ■ Prescrire la dose minimale efficace ■ Prescrire le moins longtemps possible ■ Ne pas dépasser les posologies maximales officielles ■ En cas de douleur chronique, réévaluer régulièrement efficacité, tolérance et nécessité de poursuivre : les AINS n'ont qu'un effet symptomatique ■ Ne jamais associer deux AINS (ou un AINS + Aspirine > 500 mg/j) ■ Attention chez les sujets âgés, polymédiqués : associations médicamenteuses dangereuses (voir supra).

(ARA 2) majorent le risque d'insuffisance rénale aigüe chez le sujet âgé et/ou déshydraté. ■ La corticothérapie majore le risque d'ulcération et d'hémorragie digestives. Surveillance après prescription ■ Surveiller les effets indésirables digestifs qui peuvent imposer l'arrêt du traitement. ■ Surveiller les effets indésirables cardiovasculaires chez les sujets à risque : pesée tous les 15 jours (dépistage d'un œdème), prise de la tension artérielle hebdomadaire les deux premières semaines, tous les 15 jours ensuite (automesure). ■ Prévenir le malade des risques de survenue d'anomalies cutanées. ■ Traiter rapidement toute survenue d'une infection.

Respecter les contre-indications (qs) Avant de prescrire Évaluer le risque digestif

Conclusion

Évaluer le risque cardiovasculaire

Famille thérapeutique parmi les plus utilisées, les AINS sont efficaces au prix d'effets secondaires nombreux, fréquents, le plus souvent mineurs. On peut édicter quatre règles simples pour réduire ces risques : ■ ne prescrire d'AINS que si c'est vraiment nécessaire et le temps strictement nécessaire, ■ prendre garde aux médicaments les plus dangereux, ■ prendre garde aux malades les plus exposés, ■ informer et surveiller le patient.

Recherche des facteurs de risque : âge > 65 ans, antécédent de PUS, comorbidité, certains médicaments Utiliser avec prudence en cas de maladie inflammatoire chronique des intestins (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique). Obésité, diabète, HTA, antécédents cardiovasculaires, hypercholestérolémie, établissement du SCORE. Évaluer le risque rénal

Notamment chez le sujet âgé : recherche d'œdèmes (examen clinique + pesée). Créatininémie ou débit de filtration glomérulaire, bilan électrolytique. Prendre en compte le risque d'interaction médicamenteuse

Les antiagrégants plaquettaires majorent le risque d'hémorragie digestive. ■ Les antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine majorent le risque d'hémorragie digestive. ■ Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC), les diurétiques, les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine 2 ■

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Chapitre

50

La corticothérapie en rhumatologie Bernard Mazières PLAN DU CHAPITRE Physiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pharmacologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prescription d'une corticothérapie par voie générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Indications et contre-indications de la corticothérapie générale en rhumatologie . . . . Effets indésirables des corticoïdes utilisés par voie générale . . . . . . . . . . . . . . . . .



637 638



641



642



642

C'est en rhumatologie que la corticothérapie fut utilisée pour la première fois : en 1948, dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde par R.S. Hench ce qui lui valut, avec le biochimiste de son hôpital, E.C. Kendall, ainsi que le suisse T. Reichstein, le prix Nobel de médecine. Ce fut immédiatement un enthousiasme extraordinaire : on allait guérir les polyarthrites  ! Mais les prescriptions massives des premiers temps firent découvrir les risques de cette thérapeutique hormonale et la déception fit suite à l'enthousiasme. Avec la déception devant les complications parfois redoutables et l'effet seulement suspensif du traitement vînt l'agressivité envers cette thérapeutique – à tel point qu'il était de bon ton dans les années 1960 de dénigrer la cortisone, mère de tous les maux et d'enseigner aux étudiants la défiance plus que l'art de prescrire  ! À la vérité, la cortisone ne mérite ni cet excès d'honneur ni cette indignité. Il faut apprendre à se servir de ce médicament comme des autres : il est l'un des plus puissants anti-inflammatoires connus à ce jour. La corticothérapie repose sur l'utilisation de dérivés de synthèse de l'hormone naturelle, permettant d'accroître l'action anti-inflammatoire et de réduire les actions métaboliques.

Physiologie [1, 2] La corticosurrénale produit le cortisol (ainsi que les minéralocorticoïdes : androgènes et aldostérone) sous l'effet de l'ACTH (hormone adréno-corticotrophine) antéhypophysaire, elle-même régulée par le CRF (corticotrophin-releasing factor) thalamique, influencé par le stress (au sens physiologique du terme) et les alternances jour/nuit. En retour, le Rhumatologie © 2018, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Mesures de prévention des effets indésirables des corticoïdes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Arrêt d'une corticothérapie prolongée . . . . . . Corticothérapie locale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

644 644 645 649

cortisol circulant assure un rétrocontrôle négatif au niveau hypophysaire et thalamique (figure 50.1). Le cortisol est synthétisé à partir du cholestérol par une cascade enzymatique (stéroïdogenèse), dans les mitochondries des cellules de la corticosurrénale. La sécrétion de cortisol (7,5 mg/j) a un rythme nycthéméral avec un pic entre 7 et 8 heures et un minimum en fin de journée. Le cortisol plasmatique est lié à sa protéine de transport (CBG : corticosteroid-binding globulin ou transcortine) et à l'albumine, ne laissant que ≈ 5 % de forme libre, seule active.

Mécanisme d'action intracellulaire Lipophiles, les glucocorticoïdes (GC) traversent librement les membranes cellulaires et se fixent sur un récepteur cytoplasmique spécifique qui appartient à la superfamille des récepteurs nucléaires aux stéroïdes. Les récepteurs aux glucocorticoïdes (GR) existent dans le cytoplasme de la cellule sous forme de complexe hétéro-oligomérique. Après fixation du glucocorticoïde, le complexe GC-récepteur migre vers le noyau et va agir directement sur l'ADN en se fixant sur des séquences spécifiques, dites GRE (Glucorticoid Response Element), intervenant ainsi dans la régulation (activation ou inhibition) de la transcription des 1 000 – 2 000 gènes cibles en fonction des cellules. Le complexe GC-récepteur agit également en inhibant l'action de certaines protéines nucléaires transactivatrices : NF-kB et AP-1 en particulier. C'est par ce dernier mécanisme que les GC inhiberaient la production de nombreuses cytokines pro-inflammatoires : IL-1, IL-6, IL-2, TNFα ou interféron γ. Effets non génomiques : certaines actions des GC sont trop rapides (quelques secondes) pour être génomiques. 637

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638   Partie IX. Thérapeutique

Figure 50.1 Régulation de la production de cortisol par l'axe hypothalamo-hypophysaire [2].

Les GC peuvent agir sur les récepteurs des membranes plasmiques et favoriser les transports transmembranaires de cations, la fuite mitochondriale de protons et le complexe GC-récepteur peut agir sur la mitochondrie entraînant l'apoptose. Par ces différents mécanismes, les GC exercent de nombreuses actions sur l'inflammation, sur l'immunité et sur différents métabolismes (encadré 50.1).

Pharmacologie [3] Les GC utilisés en thérapeutique sont des stéroïdes de synthèse dont le noyau de base est formé de 21 atomes de carbone structurés en 4 cycles (figure 50.2). Des modifications de cette structure ont permis d'augmenter leur action anti-inflammatoire, de diminuer leurs effets minéralocorticoïdes, d'augmenter leur durée d'action (tableaux 50.1 et 50.2). Les équivalences d'activité entre les différents GC ont

été établies in vitro. La capacité de ces molécules à bloquer l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien est directement corrélée à l'importance de l'activité anti-inflammatoire et à la durée de leur demi-vie. Administrée par voie orale, la prednisone est absorbée rapidement dans le haut jéjunum, puis est transformée en prednisolone, forme biologique active. Cette transformation est dose-dépendante et s'effectue sous l'action d'une 11β-hydroxylase-déhydrogénase hépatique. Le pic plasmatique est obtenu en 1 à 2 heures. L'élimination est principalement rénale, est dose-dépendante et varie d'un sujet à l'autre. Il n'y a pas d'équivalence pharmacocinétique stricte entre prednisone et prednisolone, cette dernière étant moins bien absorbée au niveau digestif et donc moins biodisponible chez le volontaire sain. Des observations cliniques signalent également une meilleure efficacité de la prednisone qui invite à la choisir pour traiter les maladies inflammatoires pour lesquelles un effet systémique est recherché.

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Chapitre 50. La corticothérapie en rhumatologie    639 À dose égale, l'efficacité des GC varie entre individus et dépend de la quantité de leur absorption, de la vitesse de leur clairance, mais aussi de l'affinité des récepteurs : doubler les doses de prednisone ne conduit pas à doubler ses effets. Prednisone et prednisolone sont aussi l'objet d'inter­ actions avec d'autres molécules (tableau 50.3). L'ACTH (Synacthène®) ne doit pas être assimilée aux glucocorticoïdes, même si elle stimule la production de la cortisone endogène, en freinant peu l'axe hypothalamohypophyso-surrénalien. Elle ne permet pas d'obtenir des taux stables et efficaces de cortisolémie et expose à des effets indésirables propres. Ce composé doit donc être réservé aux tests de stimulation et ne trouve pas d'indication thérapeutique en rhumatologie.

Encadré 50.1 Principales actions des glucocorticoïdes. Actions sur les mécanismes de l'inflammation Augmentation de la synthèse de la lipocortine 1 (annexine 1) avec pour conséquences :

inhibition de la synthèse de l'acide arachidonique blocage de la production de phospholipase A2 ■ diminution de la production de prostaglandines et de leucotriènes ■ ■

Actions sur l'immunité

Répression de l'expression des molécules HLA de classe II Diminution de la fonction de présentation d'antigènes des macrophages ■ Diminution de la production de cytokines pro-inflammatoires ■ Activation de la production d'IL-4 (cytokine anti-inflammatoire) ■ Diminution de l'adhérence des leucocytes aux parois vasculaires ■ Diminution des fonctions de phagocytose des polynucléaires neutrophiles ■ Redistribution des lymphocytes T du secteur vasculaire vers les tissus, responsable d'une lymphopénie transitoire. ■ ■

Actions métaboliques

Diminution de la synthèse des protéines musculaires Augmentation de la synthèse du glycogène hépatique ■ Augmentation de la production de glucose par stimulation de la lipolyse ■ Augmentation du catabolisme des protéines ■ Redistribution des graisses ■ ■

Modifications structurelles

Activité gluco-corticoïde

Activité minéralo-corticoïde

Double liaison C1−C2

Très augmentée

Faiblement augmentée



Variable

Très augmentée

Très augmentée



Suppression

Augmentée



Méthylation en C6 Fluor en C9 Méthylation en C16 Hydroxylation en 17α

Figure 50.2 Structure du cortisol et modifications (en rouge) pour augmenter l'activité de la molécule naturelle.

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Nom DCI Nom commercial

Activité Gluco-corticoïde

Minéralo-corticoïde (aldostérone = 3000)

Dose (mg) équivalent à 20 mg hydrocortisone

Demi-vie Plasmatique* (minutes)

Biologique* (heures)

20

65–170

8–12

0,8

25

110

8–12

courte

 30 s)

0,1, 0,25, 0,5, 1 μg 1 μg/0,5 mL

Dérivés hydroxyles

Indications Ostéomalacie La vitamine D est bien sûr le traitement de l'ostéomalacie. On doit utiliser des doses de charge de Colécalciférol 100 000 UI : 1 ampoule par semaine pendant 4 semaines, associées à une supplémentation par 1  g ou 1,5  g de calcium.

Ostéoporose Plusieurs notions doivent être rappelées : ■ Le 25OH  D, que l'on dose le plus souvent, n'est pas le dérivé actif de la vitamine  D. Le dérivé actif est le Calcitriol, dont le taux est longtemps préservé, lorsque le rein fonctionne normalement, par l'hydroxylation tubulaire rénale, qui le synthétise et qui augmente en cas de carence en précurseur (25OH D) ou d'hypocalcémie. ■ La sécrétion de PTH n'est pas directement régulée par le 25OH D, mais par le calcium ionisé et le Calcitriol. L'hyperparathyroïdie secondaire ne surviendra qu'en cas de défaut d'hydroxylation rénale, d'hypocalcémie ou de carence majeure prolongée en 25OH D. ■ Le taux normal de 25OH D n'est pas déterminé par des dosages de sujets témoins, mais par l'avis d'experts qui varie avec le temps : plus de 12 ng/mL dans les années 1980, 20 dans les années 1990 et 30 ng/mL depuis les années 2000. ■ La vitamine D est stockée dans le tissu graisseux : nous nous sommes adaptés aux saisons et à l'ensoleillement qui fluctue en fonction.

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662   Partie XI. Thérapeutique ■ La carence en vitamine  D est associée à de multiples pathologies, mais lorsque l'on substitue des sujets dont le taux de vitamine  D avant traitement oscille autour de 20 ng, ces études interventionnelles sont négatives et ne diminuent pas l'incidence de ces maladies (cancers, affections auto-immunes, diabètes, maladies cardio-vasculaires). ■ Le nombre de sujets ostéoporotiques traités en France diminue, et, logiquement, le nombre de fractures du col du fémur augmente, ceci malgré le fait que 80 % des sujets âgés prennent de la vitamine D. Seule, elle est donc inefficace. ■ Le dosage de la vitamine D a couté 92 millions d'euros en France en 2011. Il n'est maintenant remboursé que dans certaines conditions (voir chapitre 1, « Bilan phosphocalcique »). ■ La vitamine D n'est utile qu'aux malades en manquant vraiment, mais son administration n'est pas toxique pour les dérivés non hydroxylés. Il faut des doses 2 à 3 fois supérieures aux doses recommandées pour obtenir des seuils toxiques : 75 à 100 ng/mL. ■ La « mode » actuelle est à la vitamine D3, basée sur des travaux scientifiques cependant, et à son administration cyclique. Dans l'ostéoporose, la vitamine D doit donc être associée aux traitements de celle-ci. ■ Chez des sujets réellement ostéomalaciques (hypocalcémie, hypophosphorémie, hypocalciurique), doser et prescrire (une ampoule à 100 000 UI tous les 15 jours jusqu'à correction des taux [20 à 30 ng/mL]). ■ Chez les malades dont le bilan phosphocalcique est normal, sans dosage, donner 2 ampoules à 100 000 UI à 15 jours d'intervalle si c'est l'hiver ou le printemps et qu'ils n'ont jamais pris de vitamine D (ce qui est rare…), puis une ampoule tous les 2 ou 3 mois, les 6 mois d'hiver, ou toute l'année s'ils ne s'exposent pas au soleil.

Hypoparathyroïdie, ostéodystrophie rénale Le Un-alfa® (1 à 3 μg/j) ou le Rocaltrol (0,25 à 0,75 μg/jr) sont utilisés comme traitement de l'hypoparathyroïdie primitive ou post-chirurgicale et de l'ostéodystrophie rénale. Dans l'hypoparathyroidie, le un-alfa ne peut remplacer la PRTH déficiente car il n'en a pas les propriétés rénales. Si l'on augmente les doses, la calcémie augmentera peu ; en revanche, la calciurie augmentera massivement, entraînant un risque lithiasique. Contrôlez donc ce paramètre chez vos patients hypoparathyroïdiens difficiles à équilibrer et, au besoin, associez un thiazidique au Un-alfa®.

Hyperparathyroïdie secondaire Un taux élevé de PTH correspond à une hyperparathyroïdie secondaire à une insuffisance en vitamine D si la calcémie corrigée et la calcémie ionisée sont basses. Sinon, il s'agit d'une hyperparathyroïdie primitive, fortuitement associée à un taux bas de 25OHD, parce que le malade a été exploré en fin d'hiver…

Malabsorption En cas de malabsorption chronique, il ne faut pas hésiter à utiliser la vitamine D3 injectable, en contrôlant, dans ce cas, les dosages qui permettront d'adapter les doses.

Sarcoïdose Ne pas donner trop de précurseur (25OHD) à un malade ayant une sarcoïdose en activité  : l'hypercalciurie, puis l'hypercalcémie sont symptômes de la maladie (le tissu sarcoïdosique synthétisant du 1–25 di OH). Des taux de 25OHD à 15–20 ng/mL sont suffisants.

Effets secondaires Les vitamines D2 et D3 sont très peu toxiques et le surdosage doit être vraiment massif pour qu'il puisse entraîner hypercalciurie, puis hypercalcémie. Les dérivés hydroxylés en 25 sont plus dangereux : un surdosage en calcifédiol va rapidement entraîner une hypercalcémie. Prescrit à 0,50 μg/j, sans adjonction de calcium, si les apports alimentaires sont corrects, le Rocaltrol® entraîne très peu d'effets secondaires : seuls 10 à 15 % des patients auront une hypercalciurie modérée. Pour des doses > 0,75 μg, l'hypercalciurie est fréquente : 30 à 50 % des cas et les hypercalcémies ne sont pas rares  : 25  %. La demi-vie du calcitriol est courte et l'arrêt du traitement permet un retour à la normale de la calcémie dans les 48 heures. Mêmes risques avec le Un-Alfa® donné à plus de 2 μg/jour.

Calcitonines La thyrocalcitonine est un polypeptide composé de 32 acides aminés de séquence parfaitement connue. Les structures diffèrent selon les espèces (saumon, porc, homme), cependant, les différentes calcitonines ont en commun les derniers acides aminés de la chaîne où réside l'activité biologique. La calcitonine est une hormone sécrétée par les cellules para-folliculaires de la thyroïde. Elle a essentiellement une action hypocalcémiante liée à une inhibition de la résorption ostéoclastique. Cette action est brève (5 à 15 minutes). On ne connaît pas son action en physiologie, car rien ne se produit chez les sujets thyroïdectomisés donc sans sécrétion de calcitonine et, à l'opposé, le bilan phosphocalcique et le remodelage osseux restent normaux chez des malades ayant des tumeurs sécrétant de la calcitonine.

Spécialités commercialisées comprenant de la calcitonine En France, la calcitonine n'est actuellement disponible que sous forme injectable (SC, IM, perfusions). Les calcitonines administrées par voie rectale ou en spray nasal ne sont pas commercialisées. Seules les calcitonines salmines de synthèse sont encore sur le « marché » : Calcitonine Sandoz ou Pharmy, Calsyn® à 50 ou 100 UI.

Coût Le coût d'un traitement de 10 jours de calcitonine à 100 UI est de 40 euros.

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Chapitre 52. Les médicaments de l'os    663

Indications Les seules indications ayant l'AMM sont : ■ le traitement de la perte osseuse secondaire à l'immobilisation du tassement vertébral récent, ■ le traitement de l'hypercalcémie aiguë, ■ le traitement de la maladie osseuse de Paget.

Hypercalcémie aiguë La calcitonine peut être administrée à fortes doses : 400 à 600 UI par jour, en deux prises. Elle est efficace dans 50 % des cas. La calcémie diminue 6 à 10 heures après la première administration. La calcitonine peut être utilisée en même temps que les bisphosphonates, plus efficaces, mais dont le délai d'action est plus long (24 heures).

un carbone donnant une liaison stable avec les phosphores (P-C-P). Ces analogues structuraux des pyrophosphates ont une puissante activité inhibitrice de la résorption osseuse. C'est cette propriété qui est utilisée en clinique.

Structure et différentes classes Tous les bisphosphonates sont présentés sous forme de sels de sodium. Les chaînes latérales R1 et R2, variables suivant les différents bisphosphonates, sont responsables de leur puissance qui s'étend de 1 à 10 000, à poids égal, suivant les molécules (tableau 52.3).

Mécanismes d'action

Douleur du tassement vertébral ostéoporotique

Effet physico-chimique

La calcitonine peut être employée à 200 UI par jour pendant une dizaine de jours, puis 2 à 3 fois par semaine dans les 15 jours qui suivent.

Les bisphosphonates inhibent la précipitation du phosphate de calcium – même à de très faibles concentrations – et retardent l'agrégation des cristaux d'apatite. Ils diminuent aussi la dissolution de ces cristaux. Ces effets complémentaires semblent être liés à l'importante affinité de ces composés pour le phosphate de calcium. En se fixant sur le cristal osseux, ils pourraient en modifier les propriétés mécaniques. Cette action physico-chimique pourrait être différente selon les molécules et expliquer les différences d'efficacité clinique (anti-fracturaire), alors que l'activité antiostéoclastique est constante et la non-corrélation pour certaines molécules entre le gain densitométrique et la prévention antifracturaire.

Maladie de Paget Les bisphosphonates sont beaucoup plus efficaces.

Hors AMM : algodystrophie en phase chaude La calcitonine y est administrée à 100 ou 200 UI ou équivalents par jour, en une ou deux injections pendant une dizaine de jours. Aucune étude contrôlée n'a démontré son efficacité.

Effets secondaires Les effets secondaires sont fréquents (20 à 30 % des sujets traités), souvent impressionnants, mais en général bénins : il s'agit de bouffées de chaleur, de flush, de manifestations digestives (nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhée). Ces effets surviennent dans les minutes qui suivent l'injection. L'hypocalcémie est rare, et le plus souvent asymptomatique. L'administration des calcitonines par voie sous-cutanée, le soir tard, au coucher, en remplaçant le solvant par du Primpéran®, diminue la fréquence et l'intensité de ces effets secondaires. D'exceptionnelles réactions allergiques ont été décrites. Les effets secondaires ne semblent pas dose-dépendants. La calcitonine peut être administrée à très fortes doses sans effets secondaires majeurs (10 000 UI par jour).

Bisphosphonates [10–16] Le sang et les urines contiennent une substance capable de bloquer la calcification in vitro : le pyrophosphate inorganique (P - O - P), qui a la propriété de se lier aux cristaux de phosphate de calcium et de bloquer aussi bien leur formation que leur dissolution. In vivo cependant, des pyrophosphatases hydrolysent rapidement ce pyrophosphate et le rendent inactif. La recherche de composés dotés des mêmes propriétés, mais résistants à l'hydrolyse, a abouti à la découverte des bisphosphonates par remplacement de l'oxygène par

Effets sur la calcification in vivo Les bisphosphonates préviennent les calcifications induites expérimentalement sur les artères, les reins, la peau. Leur administration en topique diminue le tartre dentaire (ils entrent dans la composition de nombreux dentifrices). Certains bisphosphonates, dont l'étidronate, non seulement inhibent les calcifications ectopiques, mais encore peuvent inhiber les ossifications ectopiques quand ils sont administrés par voie générale ou locale.

Inhibition de la résorption osseuse Les bisphosphonates freinent la résorption osseuse ostéoclastique, induite expérimentalement par différents moyens : ils diminuent l'effet de la parathormone et des rétinoïdes sur l'os. Tableau 52.3 Les différents bisphosphonates. Bisphosphonate

DCI

Activité antirésorptive chez le rat

1re génération

Etidronate

1

2  génération

Clodronate Pamidronate

10 100

3e génération

Tiludronate Alendronate Risédronate Zolédronate

10 1 000 5 000 10 000

e

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664   Partie XI. Thérapeutique

Inhibition de la résorption osseuse maligne

Pharmacocinétique

In vitro, ajoutés au milieu de culture, les bisphosphonates inhibent l'effet résorptif osseux des surnageant de cancers du sein ou autres modèles (sur crâne de souris). Ils ont le même effet si on injecte d'abord le bisphosphonate à la souris avant de prélever son crâne. In vivo, l'implantation de différentes lignées tumorales chez le rat ou la souris, soit dans l'os lui-même, soit dans le muscle au contact de l'os, induit une ostéolyse et une hypercalcémie. L'administration de bisphosphonates prévient ou retarde ces deux processus, sans avoir d'action sur la prolifération tumorale elle-même.

L'absorption digestive des bisphosphonates est faible (1 à 3 % de la dose ingérée) et présente de grandes variations inter- et intra-individuelles. Cette absorption est dosedépendante, mais elle est diminuée par l'ingestion concomitante de calcium ou autres ions divalents. Chez l'homme, 20 à 50 % du produit circulant est fixé sur le tissu osseux ; le reste est éliminé dans les urines dans les 24 à 72 heures, selon le produit. La demi-vie sanguine est courte, inférieure à 3 heures. La demi-vie d'élimination osseuse est longue, estimée chez l'homme à 90 jours pour l'étidronate, à plusieurs années pour le pamidronate.

Mécanisme d'action antirésorptive

Toxicologie

Le mécanisme d'action des bisphosphonates sur l'inhibition de la résorption osseuse n'est pas clair. Aucune corrélation n'a été trouvée avec l'inhibition de la dissolution du cristal in vitro. De plus, le fait que de très petites quantités de bisphosphonates soient actives in vivo rend peu vraisemblable le mécanisme physico-chimique initialement postulé. L'action paraît passer par d'autres mécanismes, qui paraissent cellulaires. Les bisphosphonates altèrent la morphologie des ostéoclastes, suggérant un impact sur ces cellules. Ceci semble confirmé par le fait que l'adjonction de bisphosphonates à une culture d'ostéoclastes les rend impropres à résorber de l'os, alors que l'ajout d'ostéoclastes normaux sur un os préalablement traité par les bisphosphonates n'empêche pas la résorption. Ceci pourrait signifier que les ostéoclastes ne sont inhibés que lorsqu'ils viennent en contact avec l'os contenant les bisphosphonates, probablement parce qu'ils les ingèrent. Un tel mécanisme d'action est en accord avec le fait que, in  vivo, les bisphosphonates n'agissent pas immédiatement comme la calcitonine, mais seulement après 48 heures et que leur activité persiste longtemps même après administration d'une dose unique. Cependant, le fait que des bisphosphonates 1 000 fois plus actifs que d'autres montrent une activité comparable sur les ostéoclastes fait douter du caractère univoque de ce mécanisme d'action. Il a été suggéré que la diminution de résorption pourrait être en rapport avec la diminution du nombre d'ostéoclastes, soit par excès de leur destruction, soit par inhibition du recrutement de nouvelles cellules. Les faits d'expérimentation dans ce domaine restent cependant contradictoires. Il est possible aussi que l'effet des bisphosphonates soit médié, au moins en partie, par d'autres cellules. Dans cette perspective, il est intéressant de noter que les bisphosphonates inhibent l'activité et la multiplication des macrophages, in vitro. Puisque les macrophages produisent des cytokines agissant sur la résorption osseuse et que les ostéoclastes sont dérivés du système macrophagique, il est possible qu'une partie de l'inhibition se fasse par ce mécanisme. Malgré ce large spectre d'effets cellulaires in vitro, les bisphosphonates agissent presque exclusivement sur les tissus calcifiés.

L'administration à court et à long terme, chez différentes espèces animales, n'a montré qu'une faible toxicité. Les tests de mitogénicité, de carcinogénèse et de tératogénicité ont tous été négatifs.

Toxicité aiguë Elle semble due à la formation de complexes avec le calcium qui entraîne des hypocalcémies. Quand le produit est administré par voie intraveineuse, l'effet aigu varie avec la vitesse de perfusion. Des doses très importantes peuvent induire une tubulopathie rénale.

Toxicité chronique Elle touche le squelette. Pour les composés qui inhibent la cristallisation du phosphate de calcium, tel l'étidronate, il existe une inhibition de la minéralisation osseuse avec risque de fracture.

Effets secondaires Les effets secondaires sont mineurs et peu fréquents. Dans les études princeps concernant l'ostéoporose, les effets secondaires de l'alendronate, du risédronate, du zolédronate ne sont ni plus sévères ni plus fréquents (mis à part le syndrome pseudo-grippal du zolédronate) que dans les groupes placébo. ■ Les bisphosphonates per os peuvent induire des troubles gastro-intestinaux mineurs, dans moins de 10% des cas : nausées, diarrhées. Ils peuvent causer des œsophagites par contact direct avec la muqueuse. Ces troubles, qui le plus souvent s'amendent malgré la poursuite du traitement, n'imposent son arrêt que dans moins de 1 % des cas. Ces troubles sont plus importants avec les aminobisphosphonates (pamidronate, alendronate). Ainsi, le pamidronate per os n'a pu être commercialisé et l'Alendronate nécessite des précautions particulières : respect des contre-indications digestives (ulcère, gastrite, RGO symptomatique), prises avec un grand verre d'eau sans se coucher après, afin d'éviter une stase œsophagienne ou gastrique. ■ Le zolédronate et le pamidronate peuvent provoquer, chez un quart des malades, des syndromes pseudo-grippaux (fièvre, céphalées, courbatures), durant quelques jours, améliorés par le paracétamol, probablement liés à une stimulation macrophagique avec sécrétion d'IL6.

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Chapitre 52. Les médicaments de l'os    665 ■ Le zolédronate a pu aggraver des insuffisances rénales préexistantes surtout chez des malades déshydratés ou sous diurétiques. ■ Une hypocalcémie le plus souvent asymptomatique peut survenir, après perfusion, chez des malades ayant une carence importante en vitamine D. ■ Le pamidronate peut occasionner des phlébites sur la veine perfusée. Il faut respecter le temps de perfusion préconisé. ■ Des douleurs osseuses ou musculaires ont été rapportées. ■ Les uvéites sont très rares. ■ Une fréquence anormale de fibrillations auriculaires a été rapportée dans une étude concernant le zolédronate. Les études de cohortes sont contradictoires. Par précaution, mieux vaut éviter ce produit chez un malade ayant une fibrillation auriculaire récemment réduite. ■ Le zolédronate a eu un effet néfaste (malformations) chez la rate. Il est donc contre-indiqué pendant la grossesse. Par contre, le relargage osseux de zolédronate ou de pamidronate chez des malades traitées antérieurement ne semble pas dangereux. ■ Les ostéonécroses de la mâchoire sont relativement fréquentes lors du traitement par BP des métastases osseuses (1/100) et exceptionnelles dans le traitement de l'ostéoporose (1/30 000). Lorsque l'on initie un traitement chez un malade cancéreux ou myélomateux, la consultation chez le dentiste et le panoramique dentaire sont indispensables. Dans l'ostéoporose, observer soi-même la cavité dentaire du malade suffit et tous les soins dentaires seront autorisés (extractions, implants) sous traitement. ■ Les fractures atypiques (diaphyse fémorale), peuvent être liées à un « gel » prolongé du remodelage osseux, sont, elles aussi, très rares (1/10 000). ■ L'étidronate est le seul à avoir une action inhibitrice sur la minéralisation osseuse. À trop fortes doses (> 10–15 mg/ kg/j) ou trop longtemps administré (> 6 mois), il peut induire une ostéoïdose (défaut de minéralisation du tissu ostéoïde) comme dans les ostéomalacies, avec son risque de fracture. L'étidronate induit aussi une hyperphosphorémie par réabsorption tubulaire du phosphore. Cela n'est pas pathologique et constitue un bon marqueur de l'observance thérapeutique.

Indications Utilisation diagnostique Compte tenu de leur affinité pour le minéral osseux, spécialement aux sites de formation d'os nouveau, les bisphosphonates marqués au technétium 99m sont utilisés pour faire des scintigraphies osseuses, aussi bien dans l'étude des lésions osseuses tumorales que dans celle des maladies métaboliques de l'os.

Utilisation thérapeutique Maladie de Paget Le zolédronate est supérieur au risédronate, au tiludronate et bien sûr à l'étidronate. De plus, sa rapidité d'action antalgique permet de l'utiliser comme test thérapeutique quand on n'est pas certain que les douleurs soient liées au Paget.

Ostéoporose L'alendronate (70  mg/semaine), le risédronate (35  mg/ semaine), le zolédronate (5 mg par an) sont utilisés. Aucune étude comparative ne les concerne.

Traitement des maladies osseuses malignes Le zolédronate (4 mg tous les mois) a fait l'objet des études les plus récentes et les plus convaincantes chez des malades ayant déjà des métastases osseuses (sein, prostate, poumon essentiellement) ou un myélome actif. Il diminue d'environ 20  % le risque d'événement osseux, allonge de quelques mois le temps de non-survenue de ces évènements, mais ne modifie pas la survie. Son efficacité préventive chez des malades non métastatiques ou lors de myélomes non actifs ou en rémission n'a pas été démontrée.

Traitement de l'hypercalcémie Dans ce cas, le zolédronate (4 mg) est le plus souvent utilisé. Il est efficace dans plus de 80 % des cas en 48 heures. La durée de la normalisation de la calcémie varie de 15 à 30 jours en fonction de l'évolutivité de l'affection en cause. Pour éviter la toxicité rénale, il faut toujours assurer une hydratation suffisante (premier traitement de l'hypercalcémie) et perfuser le produit lentement (½ heure).

Indications hors AMM Les bisphosphonates sont parfois utilisés dans le traitement de l'algodystrophie (pamidronate, alendronate), de l'ostéonécrose de hanche (alendronate), de l'ostéogenèse imparfaite (pamidronate), de la dysplasie fibreuse (pamidronate), du SAPHO (pamidronate).

Contre-indications Hypocalcémie, ostéomalacie, DFG