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French Pages 364 Year 2019
REGARDS CROISÉS SUR LES EXPÉRIENCES ÉTUDIANTES L’enquête Conditions de vie 2016 Observatoire national de la vie étudiante Sous la direction de Jean-François Giret, Feres Belghith et Élise Tenret
Études & recherche
REGARDS CROISÉS SUR LES EXPÉRIENCES ÉTUDIANTES L’enquête Conditions de vie 2016
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Dans la collection « Études & recherche » Sortir sans diplôme de l’Université Être étudiant en prison - L’évasion par le haut Les étudiants et le mérite - À quoi bon être diplômé ? Les mondes étudiants - Enquête conditions de vie 2010 La face cachée de Harvard Enseignement supérieur et justice sociale Les vies étudiantes – Tendances et inégalitéS Migrations étudiantes sud-américaineS Ségrégations universitaires en Île-de-France Salariat étudiant, parcours universitaires et conditions de vie
Dans la collection « Panorama des savoirs » 20 questions sur la vie étudiante L’abandon des études supérieureS Les étudiants étrangers en France Du secondaire au supérieur Politiques de vie étudiante des universitéS Les mobilités étudianteS
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ISBN : 978-2-11-157010-8 (papier) ISBN : 978-2-11-157239-3 (pdf)
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REGARDS CROISÉS SUR LES EXPÉRIENCES ÉTUDIANTES L’enquête Conditions de vie 2016 Observatoire national de la vie étudiante Sous la direction de Jean-François Giret, Feres Belghith et Élise Tenret
La documentation Française
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REMERCIEMENTS Nous remercions Claire Beswick pour son travail de relecture et d’harmonisation de cet ouvrage. Nous remercions l’ensemble de l’équipe de l’OVE pour son immense travail dans la réalisation de l’enquête Conditions de vie. Nous remercions particulièrement Feres Belghith, Odile Ferry et Élise Tenret pour leur appui technique et scientifique, et Merryl Gouy pour la coordination éditoriale.
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SOMMAIRE PRÉFACE.................................................................................................................................. 11 Introduction............................................................................................................................ 13 Feres BELGHITH, Jean-François GIRET, Élise TENRET
PARTIE 1 CHAPITRE 1 Être étudiant de première génération en France, cela fait-il une différence ?....................... 23 Laurent LIMA, Nadia NAKHILI, Benjamin LE HÉNAFF
CHAPITRE 2 Les étudiants-parents : contextes d’arrivée des enfants et déroulement des études........... 39 Aden GAIDE, Arnaud RÉGNIER-LOILIER
CHAPITRE 3 Les étudiants en situation de handicap : entre invisibilisation et traitement différencié.... 53 Martial MEZIANI
CHAPITRE 4 Dépasser les mécanismes d’autosélection et s’affranchir des normes de genre dans l’enseignement supérieur : le coût d’une transgression.............................................................. 67 Claire BESWICK, Élise VERLEY
CHAPITRE 5 Quelles expériences de discriminations dans l’enseignement supérieur ? Diversité migratoire et traitements institutionnels différenciés................................................ 81 Yaël BRINBAUM, Valérie ERLICH, Jean-Luc PRIMON
CHAPITRE 6 Les étudiants étrangers entre intégration et repli......................................................................... 97 Catherine AGULHON, Saeed PAIVANDI
CHAPITRE 7 Les bons lycéens dans l’enseignement supérieur en France : réussite et difficultés d’une population scolairement triée......................................................... 113 Nadia NAKHILI, Laurent LIMA, Benjamin LE HÉNAFF
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PARTIE 2............................................................................................................................... 129 CHAPITRE 1 Des étudiants en ESPE moins satisfaits ?........................................................................................ 131 Géraldine FARGES, Odile FERRY, Jean-François GIRET
CHAPITRE 2 Les classes préparatoires aux grandes écoles : sélectivité sociale et diversité territoriale...................................................................................... 141 Odile FERRY, Élise TENRET
CHAPITRE 3 Les bacheliers technologiques et professionnels dans l’enseignement supérieur.............. 155 Feres BELGHITH
CHAPITRE 4 Aspirer à la poursuite d’études : une caractéristique des licences générales et professionnelles ?........................................... 171 Philippe LEMISTRE
CHAPITRE 5 Mobilité des étudiants et territoires : des disparités maintenues entre grandes régions........................................................................ 181 Antoine BONLEU, Gérard BOUDESSEUL
PARTIE 3............................................................................................................................... 197 CHAPITRE 1 Les temps étudiants, des articulations variées selon les disciplines pour des socialisations distinctes............................................................. 199 Xavier COLLET, Bénédicte FROMENT, Mélissa GATESOUPE
CHAPITRE 2 L’utilisation des MOOC par les étudiants : une pratique encore marginale mais distincte selon les caractéristiques sociales et formatives............................................. 215 Éléonore VRILLON
CHAPITRE 3 Intégration sociale et académique des étudiants au début de leur parcours dans le supérieur................................................................................................................................... 231 Saeed PAIVANDI
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CHAPITRE 4 Du sentiment d’intégration à sa réalisation et à sa réalité chez les étudiants de l’université............................................................................ 245 Mariangela ROSELLI, Jean-Pierre ROUCH, Benoit TUDOUX
CHAPITRE 5 Le non-recours à la mobilité internationale d’études : hétérogénéité des publics et diversité des obstacles.................................................................. 259 Simon MACAIRE
PARTIE 4............................................................................................................................... 273 CHAPITRE 1 Les revenus étudiants : un poids toujours important de l’aide familiale mais une progression du travail salarié........................................................................................... 275 Olivier GALLAND
CHAPITRE 2 Être financé par sa famille ou pas : modalités, variations et conséquences de l’aide familiale apportée aux étudiants..................................................... 293 Nicolas CHARLES, Marie-Clémence LE PAPE, Élise TENRET
CHAPITRE 3 Salariat étudiant et rapport aux études dans les premiers cycles universitaires................. 309 Tristan POULLAOUEC
CHAPITRE 4 Les conditions de logement des étudiants dans la diversité des territoires. Le poids des inégalités sociales........................................................................................................ 321 Jean-Claude DRIANT
CHAPITRE 5 Perceptions différenciées des étudiants face à la précarité économique.............................. 337 Philippe CORDAZZO
CHAPITRE 6 De quoi parlons-nous lorsque l’on s’intéresse au mal-être des étudiants ?............................ 351 Yannick MORVAN, Boris CHAUMETTE, Lucia ROMO, Laurence KERN, Marie-Odile KREBS
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PRÉFACE Les conditions de vie et de réussite des étudiants sont au cœur de l’activité de l’OVE depuis sa création en 1994 et jouent un rôle majeur dans les analyses et recherches relatives à l’expérience étudiante dans l’enseignement supérieur. Tous les trois ans, l’exploitation des résultats d’une enquête nationale qui interroge plus de 220 000 étudiants, permet d’identifier leur ressenti face aux conditions dans lesquelles se déroule leur parcours d’études et de mesurer les évolutions. Avec des effectifs en augmentation constante, les établissements français doivent trouver les réponses les plus efficientes et les plus pertinentes aux attentes complexes et diversifiées qui émanent d’une population qui demande à être mieux prise en compte dans les politiques de vie étudiante mises en œuvre, au niveau national comme au niveau local. La huitième édition de l’enquête nationale « Conditions de vie » menée en 2016 par l’OVE cherche précisément à caractériser une population étudiante qui s’est fortement différenciée ces dernières années, au-delà des facteurs bien repérés tels l’origine sociale ou le parcours scolaire antérieur. L’hétérogénéité croissante des filières, le développement de leur professionnalisation, et, plus récemment, la dimension territoriale, ont pris une importance majeure dans ce phénomène de diversification qu’il convient d’intégrer. L’exploitation des données issues de l’enquête 2016 nous permet de mieux comprendre les évolutions dans les principaux champs constitutifs de la condition étudiante : les choix d’orientation et les parcours, les ressources et contraintes financières, les temps étudiants et la santé, la perception de l’environnement d’études, de la vie dans l’établissement, et la vision de leur avenir personnel et professionnel. Pour la première fois cette année, sont abordées des thématiques nouvelles comme l’origine migratoire des étudiants, la reconnaissance institutionnelle du handicap, l’utilisation des outils numériques ou encore les étudiants-parents. La question des conditions de vie étudiante est inscrite au croisement de problématiques complémentaires en lien direct avec la réussite du parcours de l’étudiant, parcours dont il convient de bien préciser les limites et qui revêt de moins en moins un caractère linéaire. De nombreux auteurs et chercheurs ont contribué à la réalisation de cet ouvrage collectif, pour la plupart enseignants-chercheurs ou chercheurs. Leurs contributions permettent d’ouvrir de nombreuses pistes de réflexion susceptibles d’enrichir le débat public au service de l’amélioration de la condition étudiante et tracent des perspectives qui structurent un paysage fortement contrasté. Elles aident à analyser, identifier et comprendre les multiples dimensions d’une question qui est aujourd’hui centrale dans l’enseignement supérieur français, celle de la réussite des étudiants dans leur parcours vers l’autonomie, dans leur cursus de formation et dans leur insertion professionnelle. À cet égard, les résultats de l’enquête 2016 de l’OVE auxquels est consacré cet ouvrage confirment l’importance d’une réponse différenciée à une question complexe qui mobilise un nombre croissant d’acteurs et engage l’avenir d’une population étudiante elle-même en profonde mutation.
Monique Ronzeau
Présidente du conseil de l’Observatoire national de la vie étudiante
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INTRODUCTION Feres BELGHITH Directeur de l’Observatoire national de la vie étudiante Jean-François GIRET Professeur de sciences de l’éducation, Université de Bourgogne Franche-Comté, directeur de l’IREDU, président du collège scientifique de l’Observatoire national de la vie étudiante Élise TENRET Maîtresse de conférences en sociologie, Université Paris Dauphine – IRISSO, chargée de mission à l’Observatoire national de la vie étudiante
S’épanouir, s’orienter et réussir dans ses études sont généralement présentés comme des enjeux majeurs pour les politiques d’enseignement supérieur. La vie étudiante y occupe un rôle central pour atteindre ses objectifs. Depuis plusieurs décennies, elle a fait l’objet de différents modes d’observation répondant aux spécificités des modèles d’enseignement propre à chaque pays (Mc Ginnis, 2004). Si pour Gruel et Houzel (2011), la prise de conscience fut peut-être plus tardive en France, la création de l’Observatoire national de la vie étudiante en 1989 et la succession des enquêtes depuis 1994 ont apporté une contribution significative à la réflexion en analysant différentes dimensions de la condition étudiante, des modes de vie aux modes d’études. Une lecture rapide des résultats de l’enquête Conditions de vie 2016 de l’Observatoire national de la vie étudiante peut faire croire à une grande stabilité des conditions de vie dans l’enseignement supérieur. Le constat n’est certes pas complètement faux, tant la population étudiante se distingue, dans la dernière vague d’enquête comme dans les précédentes, de la population active : en 2016, les enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures constituent 36 % de la population étudiante alors qu’ils ne représentent que 18 % de la population active (Insee, enquête Emploi en continu 2015). Par ailleurs, les inégalités sociales dans l’enseignement supérieur continuent de structurer les modes d’accès aux différentes filières, les chances de réussite, les conditions de vie comme les manières d’étudier. Le poids de la famille reste notamment fort, aussi bien dans l’entrée dans l’enseignement supérieur que dans les conditions de réalisation des études. La dernière enquête Conditions de vie 2016 confirme également la place prépondérante du logement dans les préoccupations et les dépenses des étudiant·e·s, ainsi que le recours de plus en plus fréquent à l’emploi rémunéré par les étudiant·e·s pour financer leurs études. Enfin, du fait de certaines de ses caractéristiques (notamment son jeune âge, son niveau d’études, son accès à l’information), la population étudiante reste relativement bien protégée en matière de santé ; ceci se manifeste par la satisfaction exprimée par une majorité d’étudiant·e·s sur leur état de santé même si ce dernier reste préoccupant pour les plus fragiles. L’ouvrage collectif montre que ce panorama général ne doit pas toutefois éclipser un changement plus profond des expériences étudiantes. En premier lieu, les dimensions et les figures de cette expérience étudiante (Dubet, 1994) se transforment : le triptyque projet/intégration/vocation évolue avec l’hétérogénéité des publics et les changements dans l’offre de formation. Alors que la figure des héritier·e·s se concentre sur quelques segments toujours plus sélectifs, les étudiant·e·s de première génération, les étudiant·e·s étranger·e·s ou issu·e·s de l’immigration, les étudiant·e·s parents, les étudiant·e·s en situation de handicap, les bachelier·e·s technologiques et celles et ceux de la voie professionnelle rénovée viennent nourrir une diversité de public dans
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un enseignement supérieur depuis longtemps massifié. Cette diversification, que la dernière édition de l’enquête Conditions de vie permet de mieux appréhender (cf. encadré), va de pair avec une multiplication des parcours et une transformation des aspirations qui accompagnement l’évolution de l’offre de formation. Elle se caractérise également par d’autres manières d’étudier avec par exemple l’apparition des MOOC et le développement des séjours à l’étranger. Cela ne signifie pas pour autant que ces nouvelles manières d’étudier réduisent les inégalités initiales. Elles peuvent apparaître au contraire comme les derniers avatars d’une démocratisation ségrégative (Merle, 2000, Duru Bellat et Kieffer, 2008). Les temps étudiants restent tout aussi fragmentés en fonction des filières d’études, des ressources familiales ou de la localisation géographique. Cependant, comme pour d’autres populations, précarité, vulnérabilité et pauvreté ne sont pas forcément des synonymes. Ensuite, se pose la question des liens entre la dimension objective des expériences étudiantes et leur dimension plus subjective. Il s’agit pour Picard et al. (2011) d’un élément déterminant de la variabilité des parcours étudiants, au-delà des effets déterministes de certaines variables objectives. Cette dernière enquête sur les conditions de vie a parfois montré un desserrement des liens entre certaines questions concernant la satisfaction étudiante et celles, plus factuelles, concernant leurs pratiques ou leurs ressources (Belghith, Giret, Ronzeau et Tenret, 2017). Elle montre même une aggravation de certaines fragilités en matière notamment de santé et un éclatement des situations individuelles. Les questions concernant les inégalités de traitement ressenties dans l’enquête CdV 2016 soulignent également un certain malaise dans les expériences étudiantes, lorsque certaines inégalités sont vécues sous le registre des discriminations, même si ces perceptions ne sont pas toujours faciles à expliquer (Ferry et Tenret, 2017). En observant plus finement les situations de chaque sous-population, en se focalisant sur certaines étapes du parcours étudiant ou en s’attachant à démêler plus finement les liens entre certaines variables, les différents chapitres de cet ouvrage apportent des pistes de réponses qui restent naturellement à approfondir. Enfin, cet ouvrage souligne la diversité de ces expériences étudiantes, scolaires mais également extrascolaires, peut-être du fait d’une porosité de plus en plus grande entre conditions d’études et conditions de vie. La nécessité pour certain·e·s étudiant·e·s de compenser la faiblesse des ressources provenant de la famille par les revenus d’un travail salarié, les rapproche par exemple de la situation économique des autres populations en emploi, et affecte différemment leur expérience étudiante selon la nature de l’emploi occupé. La question de la valorisation de ces expériences (activité professionnelle, séjours à l’étranger, mobilité résidentielle…) se pose dans la mesure où certaines d’entre elles résultent avant tout de contraintes et peuvent être vécues très négativement par les étudiant·e·s. D’autres semblent occuper un rôle plus positif, mais seulement pour une partie du corps étudiant, souvent celles et ceux qui sont initialement les plus favorisé·e·s. Le rapport des étudiant·e·s à ces expériences peut même évoluer tout au long de leur parcours. Les différentes analyses présentées dans cet ouvrage soulignent la nécessité de convertir cette diversité d’expériences en éléments de réussite individuelle et collective. Comme le suggèrent de nombreux résultats, le rôle des politiques étudiantes, locales, nationales et même internationales incluant les conditions d’études, la mobilité mais également l’accès à la santé, aux loisirs, au transport ou au logement est déterminant.
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Encadré : l’enquête Conditions de vie 2016 Cette huitième enquête triennale, réalisée entre le 14 mars et le 23 juin 2016, a permis d’interroger près de 61 000 répondant·e·s représentatif·ve·s de 82 % de la population étudiante en France. L’échantillon initial était composé de 237 000 étudiant·e·s, soit un étudiant·e sur neuf en moyenne tiré·e au sort, inscrit·e·s au sein des Universités (dans toutes les composantes), des grandes écoles, des sections de techniciens supérieurs, des classes préparatoires aux grandes écoles, des écoles d’ingénieurs, des écoles de gestion et de management et des écoles de la culture (écoles d’art et écoles d’architecture). Le taux de réponse brut était de 25,6 %. Les résultats présentés dans l’ouvrage correspondent à l’exploitation des 46 340 questionnaires entièrement remplis par les étudiant·e·s en cours d’études au moment de l’enquête. Une partie du questionnaire permet depuis la première enquête triennale d’appréhender l’évolution des modes de vie depuis 1994. Elle permet également d’alimenter les indicateurs du programme Eurostudent, qui propose un tableau comparatif des modes de vie étudiant dans plus de vingt-cinq pays européens (Eurostudent, 2018). Afin de mieux s’adapter aux problématiques actuelles des conditions de vie et d’études, plusieurs changements ont été apportés à cette nouvelle édition de l’enquête CdV, en accord avec le conseil et le collège scientifique de l’OVE : – distinction des « grands établissements » et des Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) parmi les filières ; – introduction de questions permettant de repérer les origines migratoires des étudiant·e·s (reconstituées à partir de la nationalité et du pays de naissance des étudiant·e·s et de leurs parents) ; – introduction de questions sur l’utilisation des outils numériques (MOOC) ; – introduction de questions plus précises sur le handicap et sa reconnaissance institutionnelle ; – introduction de questions sur les relations affectives et la situation des étudiant·e·s-parents.
Cet ouvrage propose de croiser les regards de chercheurs issues de différentes disciplines, spécialisés dans les champs couverts par l’enquête. Les vingt-trois contributions rassemblées dans cet ouvrage se divisent en cinq parties. La première porte sur l’hétérogénéité des publics étudiants. Loin de la figure tutélaire des héritier·es, de nouveaux publics composent la population étudiante avec des rapports aux études et des modes de vie souvent très fragmentés. Dans un contexte français caractérisé par la linéarité et la célérité des parcours (Charles, 2015), la prise en compte de ces étudiant·e·s aux profils atypiques ne va pas toujours de soi, avec des risques de fragilisation ou de marginalisation. Laurent Lima, Nadia Nakhili et Benjamin Le Hénaff s’intéressent, dans leur chapitre, aux étudiant·e·s de première génération (dont aucun des parents n’a fait d’études supérieures) : fortement surreprésenté·e·s dans les filières courtes et les filières universitaires ouvertes, ces étudiant·e·s apparaissent fragilisé·e·s et présentent des risques d’échec ou d’abandon plus important que les autres étudiant·e·s. Dans la continuité, Aden Gaide et Arnaud Régnier-Loilier proposent une analyse de la situation d’une autre population « atypique », les « étudiant·e·s parents », en insistant sur leurs spécificités dans un contexte éducatif également peu adapté à cette population. Ils montrent ainsi que si leurs conditions de réalisation des études diffèrent de celle des étudiant·e·s sans enfants, les difficultés rencontrées par les étudiant·e·s parents sont elles-mêmes variables selon le contexte de survenue de la dernière naissance. Ensuite, Martial Meziani, en comparant la situation des étudiant·e·s en situation de handicap à celle des autres étudiant·e·s, montre que si, en termes de participation à la vie étudiante, les premier·e·s ne diffèrent pas des second·e·s, la situation est par contre à leur désavantage en ce qui concerne l’intégration sociale et la réussite aux examens. Ces différences se manifestent également dans le sentiment d’un traitement différencié et négatif à leur encontre. L’atypicité des parcours peut également être
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analysée à travers la figure du « transfuge ». Dans leur contribution, Claire Beswick et Élise Verley abordent ainsi la question des étudiants et étudiantes qui s’inscrivent dans des filières à dominance ou prévalence de l’autre sexe. Révélant une inégalité dans la transgression à l’avantage des hommes, elle montre ainsi que les transgressions de genre dans l’enseignement supérieur restent coûteuses, particulièrement pour les femmes, ce qui se traduit notamment par une souffrance psychologique accrue. Au-delà de la manière dont l’institution incorpore ces publics hétérogènes, d’autres auteurs s’intéressent à la manière dont les étudiant·e·s eux-mêmes vivent leurs passages dans l’enseignement supérieur. Analysant les caractéristiques des étudiant·e·s descendant·e·s de parents immigrés, Yaël Brimbale, Valérie Erlich et Jean-Luc Primon mettent ainsi en évidence des sentiments d’injustice et de discrimination différenciés selon les origines migratoires des étudiant·e·s, traitement que les étudiant·e·s descendant·e·s de parents immigrés attribuent préférentiellement à leurs origines nationales, ethno-raciales ou encore religieuses. De même, le chapitre de Catherine Agulhon et Saeed Paivandi cherche à identifier les spécificités et la complexité des trajectoires des étudiant·e·s étranger·e·s. Ils mettent en lumière des sentiments de discrimination variés et variables selon l’origine géographique, qui influent sur les formes et les degrés d’intégration selon les origines des étudiant·e·s, les distinguant sur ce point des étudiant·e·s français·e·s. Enfin, Laurent Lima, Nadia Nakhili et Benjamin Le Hénaff s’intéressent aux heurts et accidents qui peuvent intervenir dans les parcours des bons lycéen·ne·s dans l’enseignement supérieur. Si une majorité d’entre elles et eux s’inscrit dans les filières sélectives et y réussit plutôt bien, les auteur·e·s montrent que dans les filières généralistes de l’Université, une part non négligeable de ces étudiant·e·s, doté·e·s de caractéristiques spécifiques, peuvent se retrouver en difficulté scolaire, notamment du fait de pratiques studieuses pas toujours adaptées. La deuxième partie poursuit cette réflexion sur la variété de ces conditions de vie et d’études en mettant la focale sur quelques parcours étudiants. Si l’enquête CdV n’est pas longitudinale, elle ne se contente pas de proposer une photographie de la situation étudiante, mais donne également un éclairage sur les parcours de formation passé, les processus de sélection scolaire et sociale dans différentes formations ainsi que les projets futurs des étudiant·e·s. Le chapitre de Géraldine Farges, Odile Ferry et Jean-François Giret met en lumière le moindre degré de satisfaction des étudiant·e·s en ESPE par rapport à celle d’autres étudiant·e·s de niveau master. Cette insatisfaction est notamment accrue lorsqu’elles et ils ont été reçu·e·s au concours et alternent des cours de master 2 et l’exercice du métier d’enseignant·e ; dans ce cas, les critiques questionnent notamment l’intérêt de la formation et des cours et pointent la charge de travail trop lourde et la difficulté de s’organiser dans leur emploi du temps. Odile Ferry et Élise Tenret s’intéressent ensuite au système des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) et montrent qu’au-delà des spécialités, il apparaît marqué par une segmentation interne : lorsque les CPGE sont implantées dans des petites villes, elle attire un public à la fois plus populaire et moins sélectionné scolairement, aux ambitions scolaires moins élevées. En comparant ensuite les profils de ces élèves aux élèves des formations intégrées dans les écoles, les auteures montrent que les celles et ceux issu·e·s des classes supérieures à plus fort capital culturel s’orientent préférentiellement vers les CPGE quand ceux issus des classes supérieures à plus fort capital économique choisissent plutôt les classes préparatoires intégrées aux écoles. Feres Belghith insiste, dans son chapitre, sur les spécificités des bachelier·e·s technologiques et professionnel·le·s présent·e·s dans le supérieur, dont les parcours et les conditions d’études apparaissent plus problématiques et plus heurtés. Si les situations sont variables selon le type de bac et la filière d’enseignement suivie, les bachelier·e·s professionnel·le·s inscrit·e·s dans les filières généralistes de l’Université apparaissent comme les plus désavantagé·e·s. Dans le prolongement, Philipe Lemistre analyse la situation des licences professionnelles en se centrant sur les déterminants des choix
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de poursuite d’études au-delà de la licence. Il fait le constat qu’une proportion élevée d’étudiant·e·s en licence professionnelle, dont la vocation première est l’insertion sur le marché du travail après l’obtention du diplôme, exprime le souhait de poursuivre leurs études après l’obtention du diplôme. Il montre ainsi que ces étudiant·e·s s’inscrivent ainsi dans une stratégie de sécurisation des chances d’insertion professionnelle en cas de non-obtention des diplômes plus élevés envisagés. Enfin, le dernier chapitre de cette partie porte sur la mobilité interrégionale des étudiant·e·s après le baccalauréat. Antoine Bonleu et Gérard Boudesseul mettent en lumière l’existence de vraies disparités régionales, qui varient selon le cycle d’études : en cycle court technologique et professionnel, prévalent des flux de proximité alors que les cycles courts généraux sont marqués par une polarisation et une attractivité pour un petit nombre de régions. La polarisation s’accentue nettement pour les flux d’étudiant·e·s·en cycles longs, qui se caractérisent par une forte attractivité pour la région Île-de-France. La troisième partie traite des manières d’étudier, en mettant en évidence les changements qui traversent l’ensemble de la population et qui touchent souvent en premier lieu les jeunes et les étudiant·e·s. Analysant les temps étudiants, Xavier Collet, Bénédicte Froment et Mélissa Gatesoupe soulignent que les emplois du temps studieux se caractérisent par une forte variabilité selon les filières et dépendent de l’articulation entre-temps de présence en cours et temps de travail studieux. Les auteur·e·s se centrent ensuite sur les arbitrages que les étudiant·e·s doivent faire entre les temps académiques et non-académiques (notamment les loisirs), qui dépendent de la manière plus ou moins coercitive dont l’établissement et la formation prescrivent des modes spécifiques de gestion des temps. Dans la continuité, Éleonore Vrillon s’intéresse ensuite aux usages de nouveaux modes d’apprentissage ; elle souligne que l’utilisation des MOOC reste encore marginale dans les stratégies d’apprentissage des étudiant·e·s et n’est le fait que d’une faible proportion d’étudiant·e·s. Le fait de suivre un MOOC apparaît principalement déterminé par le passé scolaire de l’étudiant·e et le fait de poursuivre des études dans les filières sélectives de l’enseignement supérieur. L’usage des MOOC par les étudiant·e·s est très souvent pluriel, même si un usage informatif prévaut. Sur un autre registre, le chapitre de Saeed Paivandi se penche sur le rapport que les étudiant·e·s entretiennent à leurs études et à leur établissement, qui constituent des matrices socialisantes plus ou moins intégratrices. Il montre ainsi que le jugement des étudiant·e·s tend à considérablement varier, les étudiant·e·s inscrit·e·s dans les filières sélectives éprouvant une expérience intégratrice fortement différente de celle de celles et ceux qui se trouvent dans les filières universitaires. Se centrant sur l’intégration des étudiant·e·s, Mariangela Roselli, Jean-Pierre Rouch et Benoît Tudoux montrent qu’à l’Université, le sentiment d’intégration ne s’avère pas aussi faible que pourrait le laisser supposer le degré moindre d’encadrement par rapport à d’autres filières. Ainsi, l’intégration semble ne pas relever uniquement du seul lien social ou académique institutionnalisé mais d’une pluralité d’éléments qui se déploient sur des plans aussi variés que la perception par l’étudiant·e de son parcours d’études ou la plus ou moins grande satisfaction retirée quotidiennement du temps passé sur le campus. Enfin, ouvrant l’analyse à la question de la mobilité internationale, Simon Macaire rappelle que les étudiant·e·s français·e·s qui n’ont pas réalisé de séjour d’études à l’étranger et qui n’envisagent pas de faire une mobilité d’études ne constituent pas une catégorie homogène : plusieurs profils types apparaissent, qui combinent capitaux sociaux et scolaires, filières académiques et processus d’autonomisation des jeunes. Ces différents profils d’étudiant·e·s non-mobiles font face à des freins différenciés entre désintérêt, obstacles personnels et obstacles institutionnels. La dernière partie de l’ouvrage aborde la question des ressources des étudiant·e·s dans un contexte d’autonomisation croissante et souligne les risques de fragilisation de cette population. Dans le premier chapitre de cette partie, Olivier Galland souligne
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la grande variabilité des revenus étudiants, qui dépendent grandement de l’évolution de la situation résidentielle des étudiant·e·s à mesure de leur avancée en âge. Ainsi, l’accès progressif à l’autonomie résidentielle ne peut se faire sans un accroissement des revenus. En se penchant plus précisément sur les étudiant·e·s les plus précaires, il souligne que la « pauvreté étudiante » s’articule très fortement à des effets de cycle de vie et d’orientation scolaire, qui ne permettent pas de la réduire simplement à des phénomènes d’inégalités socio-économiques. Abordant ensuite la place de l’aide familiale dans les ressources des étudiant·e·s, Nicolas Charles, Marie-Clémence Lepape et Élise Tenret s’intéressent aux étudiant·e·s qui ne bénéficient d’aucun soutien monétaire régulier de leur famille. Après avoir souligné l’hétérogénéité des parcours et des profils des étudiant·e·s « non financé·e·s » par leur famille, les auteur·e·s montrent que le budget de ces étudiant·e·s repose sur d’autres ressources (particulièrement les aides publiques et le travail rémunéré) dont la variabilité dépend fortement de leur profil sociologique, qui demeure lui-même très hétérogène. Autre source centrale de revenu pour les étudiant·e·s, l’activité rémunérée occupe une place spécifique dans la mesure où elle engage des arbitrages avec les temps d’études. S’intéressant aux effets de l’exercice d’une activité rémunérée dans les premiers cycles universitaires, Tristan Poullaouec souligne que le salariat étudiant prend des formes et une intensité très variables, notamment selon les filières d’études et l’origine sociale des étudiant·e·s. Si ces activités rémunérées s’avèrent inégalement contraignantes, à la fois en termes de volumes horaires et en termes de contrainte sur le rythme des études, l’effet sur la réussite ou l’échec aux examens n’est pas mécanique et dépend notamment du type de bac possédé. Sur un autre niveau, Jean-Claude Driant s’intéresse à la question des inégalités d’accès en matière de logement, celui-ci constituant le principal poste de dépense des étudiant·e·s dans un contexte d’accentuation de la tendance d’autonomisation résidentielle des étudiant·e·s. Il souligne ainsi une persistance des inégalités territoriales et sociales en matière de logement, en montrant que les difficultés se concentrent en Île-de-France et touchent tout particulièrement les étudiant·e·s étranger·e·s et les étudiant·e·s issu·e·s de milieux populaires. En complément de questions « objectives » sur la situation économique et financière des étudiant·e·s, l’enquête CDV aborde également la manière dont les étudiant·e·s vivent et perçoivent les situations de difficulté financière. Dans sa contribution, Philippe Cordazzo se propose ainsi d’analyser le versant subjectif de la vulnérabilité, en s’intéressant aux perceptions de la précarité par les étudiant·e·s. Il montre ainsi que les facteurs qui vont favoriser le sentiment de précarité économique rejoignent souvent ceux qui mesurent la précarité de manière « objectivée ». Ainsi, l’avancée dans l’âge adulte et l’autonomie résidentielle contribue à accentuer le ressenti de la précarité chez les étudiant·e·s. De même, les facteurs sociaux, et notamment l’origine sociale et l’origine migratoire, restent également des facteurs prépondérants. Enfin, élargissant le spectre de l’analyse à la question des fragilisations psychologiques, Boris Chaumette, Marie-Odile Krebs, Yannick Morvan et Lucia Romo s’intéressent à l’évolution des états de mal-être chez les étudiant·e·s. Les auteur·e·s montrent qu’une part non négligeable des étudiant·e·s présente le risque de développer des difficultés psychologiques. Ces difficultés sont susceptibles d’infléchir significativement le travail, les relations, l’intégration à l’environnement universitaire et in fine les résultats universitaires.
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RÉFÉRENCES Belghith F., Giret J.-F., Ronzeau M. et Tenret E., 2017, « Panorama 2016 : Conditions de vie des étudiants », OVE Infos, n° 34, février 2017, 8 p. Charles N., 2015, Enseignement supérieur et justice sociale. Sociologie des expériences étudiantes en Europe, Paris, La Documentation française. Dubet F., 1994, « Dimensions et figures de l’expérience étudiante dans l’Université de masse », Revue française de sociologie, p. 511-532. Duru-Bellat M. et Kieffer A., 2008, « Du baccalauréat à l’enseignement supérieur en France : déplacement et recomposition des inégalités », Population, 63(1), p. 123-157. Gruel L. et Houzel G., 2009, « Introduction » in Gruel L., Galland O. et Houzel G., (Éds.), « Les étudiants en France : histoire et sociologie d’une nouvelle jeunesse », p. 9-18. McInnis C., 2004, « Studies of Student Life: An Overview », European Journal of Education, 39(4), p. 383-394. Merle P., 2000, « Le concept de démocratisation de l’institution scolaire : une typologie et sa mise à l’épreuve », Population, 55(1), p. 15-50. Ferry O. et Tenret E., 2017, « À la tête de l’étudiant·e ? Les discriminations perçues dans l’enseignement supérieur », OVE Infos n° 35, septembre 2017, 8 p. Picard F., Trottier C. et Doray P., 2011, « Conceptualiser les parcours scolaires à l’enseignement supérieur », L’orientation scolaire et professionnelle, (40/3), p. 343-365.
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PARTIE 1
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CHAPITRE 1
ÊTRE ÉTUDIANT DE PREMIÈRE GÉNÉRATION EN FRANCE, CELA FAIT-IL UNE DIFFÉRENCE ? Laurent LIMA Maître de conférences en sciences de l’éducation, Université Grenoble Alpes, LARAC (EA 602) Nadia NAKHILI Maîtresse de conférences en sciences de l’éducation, Université Grenoble Alpes, LARAC (EA 602) Benjamin LE HÉNAFF Ingénieur d’études, Université Grenoble Alpes, LARAC (EA 602)
INTRODUCTION Avec les phénomènes de massification amorcés dans les années soixante qui se sont amplifiés dans le supérieur dans les années 1980, une préoccupation pour les phénomènes d’abandon et d’échec est apparue, préoccupation accentuée par une plus grande sensibilité aux inégalités liées à ces phénomènes à la suite des travaux sociologiques qui les ont mis en lumière (par exemple ceux de Bourdieu et Passeron, 1964, 1970). Si de nombreux travaux ont mis en évidence le poids du parcours scolaire antérieur, de la catégorie sociale ou du genre sur la décision de s’engager dans des études supérieures, sur les performances obtenues ensuite et sur le choix de poursuivre ou d’arrêter ses études, d’autres approches se sont focalisées sur le lien entre le niveau d’étude des parents et les trajectoires d’études des enfants. C’est dans cette optique que l’administration des Universités américaines a créé le concept d’étudiant de première génération (EPG par la suite) en l’utilisant pour identifier les étudiants auxquels proposer d’intégrer des programmes visant à lutter contre les inégalités d’accès au supérieur et de réussite des études. Dans ce cadre administratif, tout étudiant ou futur étudiant est considéré comme EPG si aucun de ses parents n’a obtenu de diplôme universitaire de niveau licence (college degree). Il s’agissait donc pour les Universités de proposer des programmes de lutte contre les inégalités d’accès et de réussite ciblés selon un critère simple à identifier, autre qu’économique, et qui semblait, à lui seul, suffisamment discriminant pour identifier les étudiants à risque (Groleau, Mason et Doray, 2012). Il s’agit donc de mobiliser le lien classique entre niveau d’éducation des parents et parcours scolaire des enfants en introduisant un effet de seuil. En dessous d’un niveau d’études postsecondaire des parents, « les étudiants seraient confrontés à un plus grand nombre d’obstacles nuisant à leur accès et à leur persévérance » dans l’enseignement supérieur (Groleau et al., 2012, p. 85). Au tournant des années 1990, la recherche s’est employée à vérifier le postulat selon lequel il y avait bien un lien entre le fait que les parents avaient ou pas poursuivi des études supérieures et l’accès à des études supérieures de leurs enfants ainsi que leur trajectoire d’études. Toutefois, comme le rappellent Auclair et al. (2008, p. iii), les chercheurs adoptent généralement une définition plus restrictive puisque « pour la majorité des chercheurs […] le fait qu’un parent ait fréquenté le collège ou l’Université est suffisant pour qu’il ait acquis des connaissances sur l’éducation postsecondaire ainsi qu’un certain capital social et culturel facilitant le passage de son (ses) enfant s
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vers ce niveau d’études ». En effet, on considère le statut d’EPG comme source potentielle d’inégalités face aux études supérieures car il constituerait un bon indicateur d’un plus faible capital culturel et social de la famille en relation avec un plus faible niveau d’éducation et, souvent, des emplois moins qualifiés donc un plus faible capital économique. L’ensemble est lié à de plus faibles performances académiques dès le plus jeune âge et à une plus faible probabilité d’intégrer l’enseignement supérieur. De plus, des parents n’ayant pas fréquenté l’enseignement supérieur seraient moins à même de conseiller et soutenir leur enfant aussi bien lors des choix d’orientation que lors de l’intégration à l’Université. Ces travaux ont produit, aux États-Unis, un certain nombre de résultats qui viennent confirmer l’impact du statut d’EPG sur l’accès aux études (Berkner et Chavez, 1997) puis sur les taux d’abandon, d’échec ou sur les trajectoires d’études (Choy, 2001 ; Warburton, Bugarin et Nuñez, 2001). Ward, Siegel et Davenport (2012) indiquent qu’aux États-Unis, seulement 47 % des EPG intègrent un établissement d’enseignement supérieur après le lycée quand les lycéens dont les parents ont obtenu un diplôme universitaire sont 85 % à devenir étudiants (étudiants de seconde génération, ou ESG par la suite). L’étude de Chen et Caroll (2005) montre, de plus, que les EPG sont moins bien préparés aux études supérieures et que ce manque de préparation est lié à de plus faibles performances académiques avec un taux de diplomation plus bas en licence (Bachelor degree). Cette différence de réussite serait en partie due au fait qu’en première année, les EPG obtiennent des notes significativement inférieures à celles des ESG et que cet écart persiste les années suivantes. En mobilisant des données longitudinales, Ishitani (2006) a pu montrer que les EPG avaient, tout au long des quatre premières années universitaires, 1,3 fois plus de chances de quitter leur formation que les autres étudiants et que cet écart était plus marqué pendant les deux premières années. Ward et al. (2012) ont fait une synthèse des travaux sur les EPG pour identifier les barrières à leur réussite. Les recherches indiquent ainsi que les EPG se distinguent des ESG dans quatre domaines – l’intégration académique, l’intégration sociale, le soutien social et les difficultés financières – qui peuvent influencer l’abandon des études et la diplomation selon le modèle longitudinal explicatif de l’abandon de Tinto (1993). Aux États-Unis, dans certains contextes particuliers, on observe que le statut d’EPG n’est pas toujours associé à des différences de trajectoires ou de réussites. C’est, par exemple, le cas dans les Universités publiques qui accueillent traditionnellement une majorité d’étudiants noirs (Murphy et Hicks, 2006). Une des explications avancées pour expliquer cette absence de différences est que les institutions qui accueillent traditionnellement et majoritairement des étudiants issus de minorités prêteraient plus d’attention et apporteraient plus de soutien aux étudiants. Cela montre que l’impact du statut d’EPG sur la réussite des étudiants est dépendant, au moins pour partie, de l’organisation des institutions d’enseignement supérieur et que son extension vers d’autres systèmes d’enseignement supérieur que celui des États-Unis doit se faire avec prudence. C’est en partant de ce constat que des chercheurs d’autres pays ont testé la pertinence de l’importation du concept d’EPG pour expliquer les inégalités d’accès ou de réussite dans leur système d’enseignement supérieur national. À un niveau international, les travaux de l’OCDE (2015) documentent l’impact du statut d’EPG sur la probabilité de faire des études supérieures. Dans les pays de l’OCDE, à âge et genre contrôlés, un ESG a 27 % de chances en plus de faire des études supérieures qu’un EPG dont les parents ont suivi des études secondaires. Toutefois, l’impact est plus important en France, avec une probabilité de faire des études universitaires supérieures de 40 % pour les ESG par rapport aux EPG. En ce qui concerne la diplomation, les données
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de l’OCDE montrent qu’en moyenne un jeune de 20 à 34 ans a 5 % de chances de plus d’être diplômé de l’enseignement supérieur lorsqu’un de ses parents est lui-même diplômé du supérieur. Cependant cet avantage varie fortement d’un pays à l’autre puisqu’il est de 9 % en Italie, de 6 % en France et de seulement 1 % en Corée du Sud. Au Canada, Finnie et Mueller (2016) (voir aussi Kamanzi et al., 2009) constatent que les lycéens dont aucun parent ne possède de diplôme du supérieur ont une probabilité plus faible de 13 % de s’inscrire dans le supérieur que les autres lycéens, une fois contrôlées les performances et les caractéristiques sociales. Au Québec, Vezeau, Bouffard et Pansu (2015) ont observé que les EPG songeaient plus que les autres étudiants à abandonner leurs études et se sentent moins compétents pour étudier que les ESG. Pour ces auteurs, « Les parents scolarisés [dans le supérieur] servent de modèles et encouragent davantage leur enfant à persévérer devant les inévitables difficultés ». De plus, quand ces difficultés surviennent, « ces parents sont plus en mesure d’offrir le soutien et les conseils pour les affronter et mieux s’orienter dans les choix à faire ». En Belgique, dans un système universitaire qui se caractérise aussi par une démocratisation ségrégative de l’enseignement supérieur, Maroy et Van Campenhoudt (2010) ont montré que les étudiants de première génération avaient moins de chances d’intégrer l’enseignement supérieur que les ESG. Les travaux de De Clercq, Galand, Dupont et Frenay (2013) indiquent cependant que l’effet du niveau d’éducation, s’il reste toujours significatif, varie en termes d’ampleur selon la filière dans laquelle l’étudiant est inscrit. En France, Duguet, Le Mener et Morlaix (2016) soulignent que les résultats disponibles indiquent que lorsqu’on définit la catégorie sociale par le fait que les parents disposent de diplômes de l’enseignement supérieur on observe un faible impact sur la réussite universitaire, impact qui disparaît lorsque les caractéristiques académiques sont contrôlées. Deux études ont cherché à identifier l’impact spécifique du statut d’EPG sur la réussite à l’Université. Celle menée par Lima et Fernex (2015) sur un échantillon de 1 222 étudiants de première année, dont 46 % d’EPG inscrits à l’Université Grenoble 2 en licence, en IUT et en IEP, n’a pas mis en évidence de différence de probabilités d’abandon ou de réussite à parcours académique antérieur, milieu social et discipline d’inscription contrôlés. En revanche, cette étude montre que l’accès des EPG aux études supérieures varie fortement selon la sélectivité de l’institution puisqu’ils ne constituent que 11,7 % des étudiants à l’IEP contre 42 % en IUT et 46 % en licence. On peut envisager cet écart comme le signe d’aspirations plus faibles chez les EPG. De plus, les EPG semblaient moins bien préparés à l’enseignement supérieur puisqu’ils provenaient moins des filières générales de l’enseignement secondaire (76 % pour les EPG et 88 % pour les ESG) et étaient moins nombreux à avoir obtenu une mention bien ou très bien au baccalauréat (15 % pour les EPG contre 22 % pour les ESG). Selon les auteurs, les différences d’accès et de réussite entre EPG et ESG en première année s’expliqueraient totalement par ces différences de parcours scolaires antérieures à l’entrée dans le supérieur, la prise en compte du statut d’EPG n’apportant aucune explication spécifique supplémentaire (voir aussi Duguet et al., 2016). Une autre étude menée à l’Université Grenoble Alpes (Nakhili, 2014) auprès de 1 253 étudiants de licence confirme ce résultat et indique que les EPG ont des aspirations plus faibles que les ESG. Cette étude montre que les EPG sont plus enclins à affirmer qu’ils quitteraient l’Université en cours d’études si une opportunité d’emploi se présentait, cette relation se maintenant lorsqu’on contrôle leur niveau académique antérieur. Si les résultats des études menées en France peuvent laisser penser que l’importation du statut d’EPG pour analyser les inégalités de parcours dans le supérieur français n’est pas pertinente, leur caractère généralement local et leurs échantillons non représentatifs de la population étudiante française ne permettent pas de conclure. C’est pour cette raison que nous avons mobilisé les données de l’enquête Conditions de vie de
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l’OVE pour mieux caractériser la population des EPG parmi les étudiants français et tester, à partir des données disponibles dans cette enquête, l’impact éventuel de ce statut sur les parcours d’études.
LES EPG EN FRANCE EN 2016 Selon que l’on adopte une définition plus ou moins restrictive, le pourcentage d’EPG dans l’ensemble de la population étudiante française varie de 60,9 % si l’on considère que les EPG sont les enfants dont les parents ne possèdent pas de diplôme universitaire équivalent à une licence (ou à un DEUG pour les générations plus anciennes) à 39 % lorsqu’on considère qu’ils sont les enfants dont les parents ne possèdent aucun diplôme de l’enseignement supérieur quel qu’il soit. Cette dernière définition conduit à considérer deux catégories ESG, ceux dont les parents disposent au plus d’un diplôme de l’enseignement supérieur professionnel court (BTS, DUT, diplôme d’infirmière…) qui seront dénommés « étudiants de seconde génération 1 voie professionnelle » et ceux dont au moins un parent dispose d’un autre diplôme de l’enseignement supérieur qui seront dénommés « étudiants de seconde génération voie universitaire » (même si le diplôme parental a pu être obtenu en dehors de l’Université) qui regroupe les diplômes obtenus dans ce que Verley et Zilloniz (2010) appellent les segments sélectifs et universitaires de l’enseignement supérieur. Quelle que soit la définition adoptée, il faut constater que les EPG ne sont pas une minorité au sein de l’enseignement supérieur français. Graphique 1
Répartition des catégories d’étudiants dans l’ensemble de la population étudiante (en %)
Étudiants de seconde génération voie universitaire
39 %
45 %
Étudiants de seconde génération voie professionnelle Étudiants de première génération
16 %
Source : enquête Conditions de vie 2016.
Lecture : 39 % des étudiants sont des étudiants de première génération (aucun parent n’a obtenu de diplôme de l’enseignement supérieur).
1 Les termes « première génération » ou « seconde génération » s’appliquent en fonction du niveau d’études des parents sans faire référence aux grands-parents ou aux générations précédentes qui peuvent, ou pas, avoir fréquentées l’enseignement supérieur.
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Où sont-ils inscrits ? Une analyse par filière dans laquelle les étudiants sont inscrits indique de fortes variations du pourcentage d’étudiants de première génération. Dans les filières professionnelles courtes, ils représentent la majorité des étudiants (STS) ou le groupe le plus représenté (IUT). À l’inverse, ils représentent nettement moins du tiers des étudiants dans les filières prestigieuses (grands établissements, écoles d’ingénieurs, de commerce ou du domaine de la culture, et études de santé). Dans les filières universitaires ouvertes, les étudiants de première génération représentent environ 40 % des étudiants, taux proche de celui des étudiants dont les parents disposent d’un diplôme de l’enseignement supérieur universitaire. Une analyse présentée par Germain (2014), à partir des données du panel 1989 de la DEPP, indiquait la même surreprésentation des EPG en BTS et sous-représentation dans les filières prestigieuses (voir aussi Verley et Zilloniz, 2010, p. 8-9). Cette inégale répartition des étudiants de première génération, fortement représentés dans les filières professionnelles courtes et les filières universitaires ouvertes et, à l’inverse, sous-représentés dans les filières sélectives et prestigieuses, illustre le concept de démocratisation ségrégative proposé par Merle (2000) pour rendre compte à la fois de l’accès de nouveaux publics à l’enseignement supérieur et d’une inégalité de répartition de ces nouveaux arrivants en fonction du prestige des filières. Graphique 2
Répartition des catégories d’étudiants dans les filières de l’enseignement supérieur (en %) 70 %
62,9
60 % 50 %
44,6
41,9
49,1
45,5 41,3
40 % 28,7
30 %
22,8
25,9
24,4
24,0
22,3
20 % 10 %
Enseignement / Espe
Grands établissements
Culture
Commerce
Ingénieurs
CPGE
STS
IUT
Santé
Sciences
Droit, économie
Lettres, Sciences humaines et sociales
0%
Étudiants de seconde génération voie universitaire Étudiants de seconde génération voie professionnelle Étudiants de première génération Source : enquête Conditions de vie 2016.
Lecture : 62,9 % des étudiants de STS sont des étudiants de première génération.
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De même, si on analyse la répartition des étudiants de première génération en fonction de l’année d’étude, on observe une baisse continue du pourcentage d’étudiants de première génération qui passe de 43 % en première année à 35 % en 5e année et 31 % au-delà de la cinquième année. Cette diminution est en accord avec les travaux nord-américains sur les étudiants de première génération qui soulignent la plus faible persévérance, la réussite moindre et les aspirations plus faibles de ce groupe d’étudiants. Elle est aussi conforme aux données produites en France par la DEPP à partir du panel 1989 qui indiquent que « les étudiants de première génération se distinguent des autres par une durée d’études moins longue, puisque cinq ans après le baccalauréat, ils sont 52 % à être encore étudiants contre 60 % des étudiants dont le père est titulaire d’un diplôme du supérieur » (Germain, 2014, p. 52). Graphique 3
Répartition des catégories d’étudiants selon les niveaux d’études (en %) 70 %
63,1
60 % 50 %
43,2
41,2
40 %
37,9
36,2
35,0
30 %
30,8
20 % 10 % 0%
Capacité en droit, mise à niveau...
Bac+1
Bac+2
Bac+3
Bac+4
Bac+5
Bac+6 et plus
Étudiants de seconde génération voie universitaire Étudiants de seconde génération voie professionnelle Étudiants de première génération
Source : enquête Conditions de vie 2016.
Lecture : 43,2 % des étudiants de niveau bac + 1 sont des étudiants de première génération.
Parcours académique antérieur Si les EPG, comme les autres catégories d’étudiants, ont en très grande majorité obtenu un baccalauréat de l’enseignement général, on observe tout de même qu’il s’agit de la catégorie qui comprend le plus grand pourcentage d’étudiants ayant obtenu un baccalauréat technologique ou professionnel (voir Graphique 4).
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Graphique 4
Type de baccalauréat acquis selon la catégorie d’étudiants (en %) 100 % 90 %
88
84 74
80 % 70 % 60 % 50 % 40 % 30 % 20 %
7
10 % 0%
5
Étudiants de seconde génération voie universitaire ■ Bac général
17
11
9
5
Étudiants de seconde génération voie professionnelle
■ Bac technique
Étudiants de première génération
■ Bac professionnel
Source : enquête Conditions de vie 2016.
Lecture : 74 % des étudiants de première génération ont obtenu un bac général.
De même, on observe que les EPG sont aussi ceux qui ont obtenu le moins de mentions au baccalauréat avec seulement 58 % d’EPG ayant obtenu une mention assez bien, bien ou très bien quand ils sont 68 % chez les ESG dont les parents ont obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur professionnel court et 74 % chez les autres ESG (voir Graphique 5). Graphique 5
Type de mention au baccalauréat selon la catégorie d’étudiants (en %) 100 % 90 % 80 %
74 68
70 %
58
60 % 50 %
42
40 % 30 %
32 26
20 % 10 % 0% Étudiants de seconde génération voie universitaire
Étudiants de seconde génération voie professionnelle
■ Mention assez bien, bien ou très bien
Étudiants de première génération
■ Passable ou pas de mention
Source : enquête Conditions de vie 2016.
Lecture : 58 % des étudiants de première génération ont obtenu une mention au bac.
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Ces deux résultats indiquent que les EPG ont en moyenne, avant l’entrée dans le supérieur, des performances scolaires plus faibles que les autres étudiants. Ces difficultés antérieures à l’entrée dans le supérieur vont bien évidemment avoir un impact sur les parcours dans l’enseignement supérieur c’est pourquoi une analyse qui chercherait à identifier les difficultés spécifiques des EPG dans le supérieur, aussi bien en termes de performances qu’en termes de persévérance, se doit de contrôler l’effet du parcours scolaire antérieur.
Caractéristiques sociales On pourrait penser qu’issus de familles n’ayant pas eu accès à l’enseignement supérieur jusque-là, les étudiants de première génération sont des étudiants issus des couches populaires de la société et que les inégalités de répartition dans les filières et les différences de persévérance dans les études sont principalement liées à des caractéristiques sociales. L’examen de l’origine sociale des étudiants de première génération indique cependant qu’on trouve des étudiants de première génération dans toutes les catégories sociales. Ils sont bien sûr beaucoup plus représentés dans les catégories populaires (67 %) mais représentent tout de même 38 % des étudiants issus des catégories sociales moyennes et 13 % des étudiants issus des catégories sociales supérieures. Au-delà des caractéristiques sociales, On ne peut donc pas exclure un effet propre de l’accès ou du non-accès des parents à l’enseignement supérieur sur la ségrégation disciplinaire, la persévérance et la réussite des EPG. Toutefois, pour s’en assurer, il est nécessaire de pouvoir examiner l’effet propre de l’appartenance au groupe des EPG. C’est ce que nous proposons dans la suite de ce chapitre à travers l’analyse des abandons et de la réussite universitaire en première année dans les filières universitaires non sélectives. Graphique 6
Répartition des catégories d’étudiants dans les catégories sociales (en %) 80 %
76 66,8
70 % 60 % 50 %
41,7
38,3
40 % 30 % 20 % 10 % 0%
20 11,7
12,3
Moyennes
Supérieures
18,6
14,6
Populaires
Étudiants de seconde génération voie universitaire Étudiants de seconde génération voie professionnelle Étudiants de première génération
Source : enquête Conditions de vie 2016.
Lecture : 66,8 % des étudiants d’origine populaire (père ouvrier ou employé) sont des étudiants de première génération.
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En conclusion, on retrouve dans cette analyse des caractéristiques des EPG en France les traits mis en évidence dans la littérature internationale, c’est-à-dire des aspirations plus faibles avec une prédilection pour les filières professionnalisantes courtes et les filières peu sélectives ; un parcours d’études moins long, une moins grande préparation aux études supérieures liée à un parcours scolaire antérieur plus difficile et des caractéristiques sociales moins favorable.
LES ÉTUDIANTS DE PREMIÈRE GÉNÉRATION PERSÉVÈRENT-ILS MOINS ET RÉUSSISSENT-ILS MOINS QUE LES AUTRES ÉTUDIANTS INSCRITS EN PREMIÈRE ANNÉE DANS LES FILIÈRES NON-SÉLECTIVES UNIVERSITAIRES ? S’il existe un effet propre de l’appartenance au groupe des étudiants de première génération, cet effet devrait être maximal en première année universitaire, puisque c’est avec l’entrée dans le supérieur que l’étudiant doit faire un effort d’acculturation au nouveau milieu que constitue l’institution d’enseignement supérieur qui l’accueille. Si ce processus d’acculturation doit être enclenché par tous les nouveaux étudiants, les étudiants de première génération qui, par leur milieu familial, sont plus éloignés de la culture du supérieur vont avoir à faire un effort d’adaptation plus important que les autres étudiants pour comprendre le fonctionnement, les valeurs et les attentes de l’institution et pour intégrer le fonctionnement des groupes sociaux, enseignants, personnels administratifs, étudiants, qui la composent. L’effort d’acculturation devrait être d’autant plus important et l’impact du statut d’étudiant de première génération d’autant plus marqué que le fonctionnement de l’institution d’enseignement supérieur s’éloigne des institutions d’enseignement déjà fréquentées, en particulier du lycée. Ainsi, on peut penser que l’adaptation à l’enseignement supérieur sera plus simple en STS ou IUT que dans les Universités. C’est pourquoi nous focalisons l’analyse suivante d’une part sur les étudiants qui s’inscrivent pour la première fois en première année d’enseignement supérieur et, d’autre part, sur les filières non-sélectives de l’Université.
Description de l’échantillon étudié On dispose d’informations complètes pour 3 057 primo-inscrits en première année dans une filière universitaire non-sélective de l’Université. Parmi ces étudiants, 1 844 (soit 60,3 %) déclarent avoir validé leur premier semestre, 751 l’avoir validé partiellement (24,6 %), 417 ne pas l’avoir validé (13,6 %) et 45 disent avoir abandonné leurs études (1,5 %). Ces étudiants possèdent les caractéristiques scolaires et sociales décrites dans le tableau suivant :
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Tableau 1
Caractéristiques de l’échantillon d’étudiants utilisé pour l’analyse de l’effet du statut d’EPG Effectif pondéré Général Baccalauréat
175 269
83,5
Technique
22 818
10,9
Professionnel
11 729
Total
Avec mention
95 648 114 167
Total
Sexe
54,4
Femme
131 840
62,8
Homme
77 976
37,2 100,0
Supérieure
51 037
24,3
Moyenne
70 864
33,8
Populaire
87 915
41,9
Total
Statut
45,6
100,0
Total
Catégorie sociale
5,6 100,0
Sans mention ou passable Mention
%
100,0
Étudiant de seconde génération (ESG)
82 032
Étudiant de première génération (EPG)
127 784
Total
39,1 60,9 100,0
Source : enquête Conditions de vie 2016. Champ : étudiants primo-inscrits en première année dans une filière universitaire non-sélective de l’Université (n = 3 057).
Lecture : 83,5 % des primo-entrants dans une filière universitaire non-sélective ont obtenu un bac général.
Pour cette analyse, on a fait le choix d’adopter une définition du statut d’EPG qui inclut tous les étudiants dont aucun parent ne possède de diplôme au moins équivalent à une licence (il inclut donc les étudiants de seconde génération voie professionnelle de la partie précédente). Les EPG sont par conséquent majoritaires dans l’échantillon analysé. Il faut aussi constater que c’est un échantillon très majoritairement féminin constitué d’étudiants ayant pour la plupart obtenu un baccalauréat général, le plus souvent avec mention et qu’ils proviennent principalement de familles pouvant être classées dans les catégories sociales favorisées et moyennes.
Effet du statut d’EPG sur l’abandon ou la réussite au premier semestre Puisqu’on dispose des déclarations d’une grande partie des étudiants primo-inscrits en première année dans une filière universitaire non-sélective de l’Université (3 057/3 569 soit 85,6 %) sur les résultats de leurs examens au premier semestre de l’année en cours, une analyse de type régression logistique multinomiale a été mise en œuvre pour identifier l’effet éventuel du statut d’EPG sur la réussite à ces examens. Cette analyse cherche à modéliser le lien entre la situation des étudiants face au premier semestre, ces derniers pouvant avoir validé, validé partiellement ou non validé ce semestre et, pour certains, avoir abandonné en cours de semestre, et des variables
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pouvant avoir une influence sur cette situation. Ces variables concernent d’une part les caractéristiques du parcours scolaire antérieur à l’arrivée à l’Université qui sont appréhendées à travers le type de baccalauréat obtenu et le fait de l’avoir obtenu avec ou sans mention, d’autre part des caractéristiques sociales telles que la catégorie sociale de la famille (populaire/moyenne/supérieure), le sexe de l’étudiant et le statut d’EPG ou d’ESG, la catégorie des EPG comprenant les étudiants dont les parents n’ont pas obtenu de diplôme de l’enseignement supérieur ou uniquement un diplôme du supérieur professionnel court (BTS ou DUT) quand la catégorie des ESG comprend tous les étudiants dont au moins un parent a obtenu un des autres diplômes de l’enseignement supérieur. Les résultats de cette analyse sont présentés dans le tableau suivant). Ils indiquent, comme attendu, que le parcours académique antérieur est déterminant pour la validation du premier semestre universitaire. Ainsi, les étudiants qui ont obtenu un baccalauréat professionnel ont 30 fois plus de chances d’abandonner plutôt que de valider leur semestre que ceux qui ont obtenu un baccalauréat général 2. De même, ils ont 22,4 fois plus de chances de ne pas valider leur semestre et 7 fois plus de chances de le valider uniquement partiellement que les anciens lycéens des filières générales. On observe les mêmes désavantages, bien que dans une bien plus faible mesure, pour les bacheliers du technologique qui ont 3,7 fois plus de chances d’abandonner, 6,3 fois plus de chances de ne pas valider leur semestre et 4 fois plus de chances de ne le valider que partiellement comparativement aux bacheliers généraux. On constate de même que, par rapport aux bacheliers qui ont obtenu au moins une mention assez bien, ceux qui n’ont pas obtenu de mention ont plus de chances de ne pas valider (6,1 fois plus) ou de ne valider que partiellement leur semestre (3,9 fois plus) et, en tendance, plus de chances d’abandonner leurs études (1,8 fois plus). Comme on le trouve souvent, la catégorie sociale a peu d’influence sur la validation du premier semestre universitaire lorsque le parcours scolaire antérieur est contrôlé, comme c’est le cas dans cette analyse. Il en va de même pour les différences entre étudiants et étudiantes qui ne s’expriment que sur les chances de validation partielle mais pas sur les chances d’abandon ou de non-validation. Enfin, à parcours scolaire antérieur et catégorie sociale contrôlés, on observe que le statut d’EPG joue négativement sur les chances d’abandonner et de ne pas valider le premier semestre plutôt que de le valider. Cet effet est assez faible si on le compare à celui du parcours académique antérieur mais il est tout de même significatif et il se distingue de l’effet de la catégorie sociale. Ainsi, à parcours académique antérieur et catégorie sociale identiques, un étudiant dont au moins un des deux parents a obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur a 2 fois moins de chances d’abandonner ses études qu’un étudiant dont aucun parent n’a de diplôme du supérieur ou dont un parent a obtenu un DUT ou un BTS. De même, il a 1,3 fois moins de chances de ne pas valider son semestre plutôt que de le valider qu’un EPG. Il y aurait donc bien un désavantage lié spécifiquement au statut d’EPG aussi bien en termes de performance que de persévérance.
2 Si, à caractéristiques contrôlées, le rapport de chances est très défavorable aux étudiants issus des bacs professionnels, leur taux d’abandon dans notre échantillon est tout de même relativement bas avec 5,1 %. Il est cependant nettement plus faible chez les autres étudiants avec 1,3 % d’abandon pour les bacs technologiques et 1,6 % pour les bacs généraux. À l’inverse, le taux de validation totale du premier semestre n’est que de 12,3 % chez les étudiants issus de bacs professionnels, de 25 % pour les bacs technologiques et de 58,9 % pour les bacs généraux.
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Tableau 2
Synthèse de l’analyse de régression logistique multinomiale (données non-pondérées) Abandonner plutôt que valider son semestre Lorsqu’on n’a pas eu de mention au bac/on a obtenu au moins une mention assez bien On a eu un bac technique/on a obtenu un bac général On a eu un bac professionnel/on a obtenu un bac général
On est un homme/on est une femme
1,8 fois plus de chance d’abandon (p =.06)
6,1 fois plus de chance de ne pas valider (p