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German Pages 486 [487] Year 2019
Studien zum vergleichenden Öffentlichen Recht Studies in Comparative Public Law Band / Volume 8
Recht auf Zugang zum Gericht und zum Asylverfahren im europäischen, deutschen und französischen Recht Accès au juge et aux procédures d,asile à la lumière des droits européen, allemand et français Von
Nóra Cseke
Duncker & Humblot · Berlin
NÓRA CSEKE
Recht auf Zugang zum Gericht und zum Asylverfahren im europäischen, deutschen und französischen Recht Accès au juge et aux procédures d’asile à la lumière des droits européen, allemand et français
Studien zum vergleichenden Öffentlichen Recht Studies in Comparative Public Law Band / Volume 8
Recht auf Zugang zum Gericht und zum Asylverfahren im europäischen, deutschen und französischen Recht Accès au juge et aux procédures d’asile à la lumière des droits européen, allemand et français
Von
Nóra Cseke
Duncker & Humblot · Berlin
Die École doctorale droit, science politique et histoire der Université de Strasbourg und die Rechtswissenschaftliche Fakultät der Albert-Ludwigs-Universität Freiburg haben diese Arbeit im Jahr 2018 als Dissertation angenommen.
Bibliografische Information der Deutschen Nationalbibliothek Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über http://dnb.d-nb.de abrufbar.
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© 2019 Duncker & Humblot GmbH, Berlin Satz: 3w+p GmbH, Rimpar Druck: CPI buchbücher.de GmbH, Birkach Printed in Germany ISSN 2511-9648 ISBN 978-3-428-15758-7 (Print) ISBN 978-3-428-55758-5 (E-Book) ISBN 978-3-428-85758-6 (Print & E-Book) Gedruckt auf alterungsbeständigem (säurefreiem) Papier entsprechend ISO 9706
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À mes parents
Préface Mes remerciements s’adressent à ma directrice de thèse, Madame le Professeur Haguenau-Moizard pour avoir accepté de diriger mes travaux et pour la confiance qu’elle a bien voulu m’accorder tout au long de ces années. Ses mots encourageants, sa disponibilité permanente, ses commentaires précieux ont contribué à l’accomplissement de cette thèse. Ich möchte ganz herzlich Herrn Professor Jestaedt für die Betreuung dieser Doktorarbeit und für seine Diskussionsbereitschaft danken. J’adresse mes remerciements les plus chaleureux à ma famille, mes amis et collègues qui ont su m’apporter leur soutien constant pour que je puisse conduire ce travail colossal à sa fin. Les propos soutenus par l’auteur, juriste à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le sont à titre personnel et n’engagent aucunement la CJUE. Luxembourg, avril 2019
Nóra Cseke
Table des matières Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 A. Le système « constitutionnel » du droit issu de la Convention européenne . . 29 B. Le système constitutionnel du droit de l’Union . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Première partie L’incohérence dans la détermination des garanties inhérentes à l’accès préalable à la procédure d’asile 58 Titre I: Les incertitudes caractérisant l’accès au territoire au titre de l’asile . . . . . . . . . . . 59 Chapitre I: Une approche divergente concernant l’accès au territoire au titre de l’asile en droit conventionnel et en droit de l’Union . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 Section I: L’applicabilité de la Convention européenne et du droit de l’Union aux faits extraterritoriaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 § 1 L’intervention croissante de la Cour européenne dans l’examen de la conventionalité des actes accomplis en dehors du territoire national . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62 A. La détermination de la portée de l’article 1 de la Convention par ses auteurs 63 B. La détermination de la portée de l’article 1 de la Convention par la Cour européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 I. Le contrôle de jure pour vérifier la compétence ratione loci de la Cour européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66 II. Le contrôle de facto pour vérifier la compétence ratione loci de la Cour européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 § 2 Les approches de l’applicabilité extraterritoriale du droit de l’Union . . . . . . . . . 70 A. Une approche jurisprudentielle, fidèle aux spécificités du droit de l’Union 71 I. La conception de la Cour de justice relative au partage des compétences en matière d’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71 II. La conception de la Cour de justice relative au partage des compétences dans les litiges comportant des faits extraterritoriaux . . . . . . . . . . . . . . 74 1. L’inapplicabilité du droit de l’Union s’agissant de la possibilité de l’octroi du visa au titre de l’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 2. Une lecture alternative : l’applicabilité du droit de l’Union s’agissant de la possibilité de l’octroi du visa au titre de l’asile . . . . . . . . . . . . . 77
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Table des matières B. L’approche des pouvoirs législatif et d’initiative favorable à l’élargissement du champ d’intervention de l’Union à l’aune de la protection des droits fondamentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 I. La politique de visas humanitaires de l’Union . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 II. La politique de réinstallation de l’Union . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
Section II: L’accès au territoire au titre de l’asile dans le système de la Convention de Genève, en droit conventionnel et en droit de l’Union . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 § 1 L’interdiction de refoulement et son lien avec l’accès au territoire au titre de l’asile dans le système de la Convention de Genève . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 § 2 L’interdiction de refoulement et son lien avec l’accès au territoire au titre de l’asile dans le système de la Convention européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 A. Le lien entre l’interdiction de refoulement et l’accès au territoire au titre de l’asile en droit conventionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86 B. Le lien entre l’interdiction de refoulement et l’accès préalable à la procédure d’asile en droit conventionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 § 3 L’accès au territoire au titre d’asile en droit de l’Union . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92 A. L’accès au territoire au titre de l’asile dans le cadre des opérations de contrôle et de sauvetage en mer en droit de l’Union . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92 B. L’obligation de non-refoulement pour les transporteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . 96 C. L’accès au territoire au titre de l’asile dans le cadre de la politique des visas en droit de l’Union . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98 I. L’octroi des visas territorialement limités en droit de l’Union . . . . . . . . 99 1. La politique de visas de l’Union dans les instruments juridiques du droit dérivé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 2. La politique de visas de l’Union dans la jurisprudence de la Cour de justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100 II. Une approche novatrice dépassant les limites territoriales pour la délivrance des visas au titre de l’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 Chapitre II: Le manque de conception cohérente relative à l’accès au territoire au titre de l’asile en droit allemand et français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 Section I: Les principes directeurs déterminant les conditions de l’accès au territoire au titre de l’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 § 1 La détermination dualiste de la portée de l’interdiction de refoulement et de l’accès au territoire au titre de l’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 A. La portée du droit d’asile dans l’ordre juridique allemand . . . . . . . . . . . . . . . 106 B. La portée de l’interdiction de refoulement dans l’ordre juridique allemand 108 I. Les effets de l’interdiction de refoulement en dehors du territoire allemand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 II. Les tentatives de détermination des effets de l’interdiction de refoulement en dehors du territoire allemand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
Table des matières
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§ 2 La détermination moniste de la portée de l’interdiction de refoulement et de l’accès au territoire au titre de l’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112 A. La portée de l’interdiction de refoulement et de l’accès au territoire dans la jurisprudence constitutionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112 B. La portée de l’interdiction de refoulement et de l’accès au territoire dans la jurisprudence administrative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114 Section II: La mise en œuvre des principes déterminant les conditions de l’accès au territoire au titre de l’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 § 1 La politique des visas dans les ordres juridiques nationaux . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 A. La territorialité dans la politique allemande des visas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 B. L’extraterritorialité dans la politique française des visas . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 I. Les conditions obscures relatives à l’octroi d’un visa de long séjour au titre de l’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120 1. L’absence du cadre normatif relatif aux conditions de l’octroi d’un visa de long séjour au titre de l’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120 2. La jurisprudence administrative relative aux conditions de l’octroi d’un visa de long séjour au titre de l’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121 II. Les conditions restrictives de l’octroi de visa de transit aéroportuaire 123 § 2 Les obligations des transporteurs dans les droits nationaux . . . . . . . . . . . . . . . . . 126 A. La portée contestée des obligations des transporteurs en droit allemand . . . . 126 I. Le cadre normatif des obligations incombant aux transporteurs . . . . . . 126 II. La mise en œuvre des principes relatifs aux obligations des transporteurs dans la jurisprudence allemande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127 1. Une approche constructive de la Cour administrative fédérale militant en faveur de la protection plus étendue des demandeurs d’asile 127 2. Une approche traditionnelle de la Cour constitutionnelle fédérale fondée sur la territorialité du droit d’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 B. La portée restrictive des obligations des transporteurs en droit français . . . . . 131 I. Les principes directeurs déterminant la portée des obligations des transporteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131 II. La jurisprudence administrative relative à la portée des obligations des transporteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 Conclusion du Titre I . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 Titre II: Une approche divergente dans la détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136 Chapitre I: Les priorités différentes des organes juridictionnels européens au sujet de la détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
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Table des matières
Section I: L’insuffisance du dialogue entre la Cour européenne et la Cour de justice . . . 138 § 1 L’établissement des principes pour déterminer l’État membre responsable au sens de la Convention de Dublin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 A. Le système de la Convention de Dublin fondé sur une coopération intergouvernementale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 I. Les objectifs de la Convention de Dublin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 II. Le fonctionnement en pratique de la Convention de Dublin . . . . . . . . . 140 B. L’interprétation de la Convention de Dublin par la Cour européenne : l’octroi d’un label de conventionnalité au système de détermination de l’État membre responsable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142 I. La présomption de conventionnalité du système de détermination de l’État responsable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143 II. Le possible renversement de la présomption de conventionnalité du système de détermination de l’État responsable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144 § 2 Le règlement Dublin II et ses concrétisations jurisprudentielles devant les organes juridictionnels européens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146 A. L’application du règlement Dublin II par les organes juridictionnels européens : l’établissement d’une jurisprudence à deux vitesses . . . . . . . . . . . . . . 147 I. L’adaptation de la jurisprudence de la Cour européenne aux évolutions 147 1. L’indulgence initiale de la Cour européenne vis-à-vis de la conventionnalité des transferts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148 2. Une jurisprudence orientée vers la protection des individus : l’arrêt M.S.S. et ses suites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149 a) L’appréciation générale du système d’asile grec . . . . . . . . . . . . . . 150 b) L’appréciation de la situation individuelle du requérant . . . . . . . . 152 II. La position ferme de la Cour de justice relative à l’interprétation du règlement Dublin II . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153 1. Les spécificités du système européen commun d’asile . . . . . . . . . . . 153 2. La présomption du respect des droits fondamentaux . . . . . . . . . . . . . 154 3. Le renversement de la présomption du respect des droits fondamentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156 B. L’absence de dialogue entre les organes juridictionnels européens . . . . . . . . . 159 I. La confirmation des enseignements de l’arrêt N.S. par la Cour de justice 160 II. La confirmation des enseignements de l’arrêt M.S.S. par la Cour européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161 1. Les principes directeurs de l’appréciation de la situation individuelle des demandeurs d’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161 a) L’appréciation de la situation individuelle des demandeurs célibataires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161 b) L’appréciation de la situation individuelle des requérants vulnérables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
Table des matières
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2. La cristallisation de la méthode relative à l’appréciation de la situation individuelle des demandeurs d’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165 a) La portée des assurances individuelles dans l’arrêt Tarakhel . . . . 165 aa) L’appréciation de la situation générale gouvernant le système d’accueil italien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167 bb) L’appréciation des circonstances individuelles des requérants 167 b) Les suites de l’arrêt Tarakhel : l’incohérence interne du raisonnement dans les arrêts de la Cour européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170 III. Les réactions insatisfaisantes de la Cour de justice à l’arrêt Tarakhel
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Section II: La contribution du règlement Dublin III à l’établissement du dialogue entre les organes juridictionnels européens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174 § 1 Une ouverture vers la protection plus étendue des droits fondamentaux dans l’ordre juridique de l’Union . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176 A. La protection plus étendue des droits fondamentaux comme résultat d’un changement normatif dans l’ordre juridique de l’Union . . . . . . . . . . . . . . . . . 177 I. La grille de lecture proposée par la Cour de justice . . . . . . . . . . . . . . . . 177 II. La grille de lecture proposée par l’avocat général Sharpston . . . . . . . . . 178 B. La protection plus étendue des droits fondamentaux comme résultat d’un dialogue souhaité avec la Cour européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179 I. Le dialogue souhaité entre les cours européennes : l’arrêt C.K. et ses suites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179 1. Le fondement du dialogue souhaité : l’arrêt C.K. . . . . . . . . . . . . . . . 179 a) Un cadre factuel propice au dialogue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179 b) L’établissement d’un dialogue formel entre les autorités compétentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181 2. L’approfondissement du dialogue souhaité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183 II. Une distinction toujours présente entre les catégories du refus de transfert et de la clause de souveraineté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186 § 2 Une jurisprudence de la Cour européenne en constante continuité mais peu disposée au dialogue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188 A. L’affirmation du caractère exceptionnel de la solution Tarakhel . . . . . . . . . . . 189 B. L’affirmation du caractère exceptionnel de la solution Halimi . . . . . . . . . . . . 191 Chapitre II: Les efforts nationaux pour une réception cohérente des jurisprudences européennes : un nécessaire dialogue à deux niveaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193 Section I: Les principes directeurs caractérisant la détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale en droit national 194 § 1 Les réserves constitutionnelles pour déterminer l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195 A. Le concept de « normative Vergewisserung » dans le droit allemand . . . . . . . 195 B. La transposition de la Convention de Dublin dans le droit français, sous réserve du respect de l’article 33 de la Convention de Genève . . . . . . . . . . . . . 199
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Table des matières § 2 La mise en œuvre des principes directeurs européens et nationaux pour déterminer l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201 A. Une tentative de conciliation des exigences nationales et européennes conduisant à la rationalisation de l’examen de la détermination de l’État responsable en droit allemand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202 I. La portée de la clause de souveraineté en droit allemand . . . . . . . . . . . 202 II. La portée du concept de « normative Vergewisserung » en droit allemand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205 B. Une tentative de rationalisation de l’examen de la détermination de l’État responsable en droit français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207 I. La portée de la clause de souveraineté en droit français . . . . . . . . . . . . 208 II. La fusion de la clause de souveraineté et de la catégorie du refus de transfert en raison de défaillances systémiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211
Section II La méthode relative à la détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212 § 1 La méthode d’appréciation générale pour évaluer l’existence de défaillances systémiques : le cas des transferts vers la Hongrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213 A. Une jurisprudence fondée sur le dialogue interne des juridictions administratives allemandes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213 I. Les variations dans la jurisprudence des juridictions administratives allemandes au sujet du transfert vers la Hongrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213 II. Établissement d’un dialogue vertical, renforcement du dialogue horizontal au sujet du transfert vers la Hongrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218 B. Une jurisprudence exempte de dialogue dans la jurisprudence administrative française . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 220 I. L’autorisation du transfert des demandeurs d’asile vers la Hongrie . . . . 221 II. Le refus du transfert des demandeurs d’asile vers la Hongrie en raison de défaillances systémiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224 § 2 La méthode d’appréciation globale relative à la détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale . . . . . . . . . 228 A. L’établissement d’une méthode d’appréciation conciliant les jurisprudences européennes et les traditions administratives allemandes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228 I. Les hésitations dans la jurisprudence administrative allemande reflétant les incertitudes apparues au plan européen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228 1. La réception des arrêts M.S.S. et N.S. dans la jurisprudence administrative allemande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229 2. La position de la Cour administrative fédérale relative à la méthode de la détermination de l’État membre responsable . . . . . . . . . . . . . . 231 II. La réception de l’arrêt Tarakhel par les juridictions administratives allemandes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232
Table des matières
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B. L’établissement d’une méthode d’appréciation fondée sur la réception des jurisprudences européennes incohérentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234 I. Une diversité de méthodes pour déterminer l’État membre responsable 235 II. L’élaboration d’une méthode dualiste pour déterminer l’État membre responsable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236 Conclusion du Titre II . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241 Conclusion de la première partie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241
Deuxième partie Une cohérence en apparence dans la détermination des garanties inhérentes à l’accès aux instances de l’asile
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Titre I: Le nécessaire encadrement de l’autonomie procédurale dans la détermination des garanties inhérentes à l’accès aux instances de l’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244 Chapitre I: La détermination des garanties inhérentes à l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale . . . . . . . . . . . . . . . 245 Section I: Les exigences relatives à l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale au niveau européen . . . . . . . . . . . 246 § 1 Les exigences relatives à l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale en droit conventionnel . . . . . . . . . . . 246 A. L’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale comme garantie inhérente au droit au recours effectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247 B. La détermination des garanties de l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale dans le système de la Convention européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 248 § 2 Les exigences relatives à l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale en droit de l’Union . . . . . . . . . . . . . . 251 A. Lignes directrices législatives déterminant l’accès effectif à l’autorité administrative chargée de l’examen des demandes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252 B. Lignes directrices jurisprudentielles déterminant l’accès effectif à l’autorité administrative chargée de l’examen des demandes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254 Section II: Les solutions apportées au niveau national pour garantir l’effectivité de l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257 § 1 Les exigences conduisant à l’enregistrement de la demande de protection internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257 A. La notion de demande de protection internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 258 I. L’absence de formalité pour constater l’existence d’une demande d’asile en droit allemand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 258
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Table des matières II. L’absence de lignes directrices pour constater l’existence d’une demande d’asile en droit français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259 B. Les conditions préalables à l’enregistrement de la demande de protection internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 260 I. Le système de répartition des tâches permettant de garantir un accès rapide à l’Office fédéral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261 II. L’aménagement lacunaire des obligations incombant aux autorités administratives françaises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263 § 2 Les exigences conduisant à l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267 A. Les garanties pour l’introduction de la demande de protection internationale 267 I. La recherche de solutions pour remédier aux retards lors de l’introduction de la demande de protection internationale en Allemagne . . . . . . . 267 II. Une règlementation lacunaire assumée relative à l’introduction d’une demande de protection internationale en droit français . . . . . . . . . . . . . 269 B. Les garanties pour remédier à la lenteur caractérisant la procédure administrative d’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 270 I. Une solution globale proposée pour assurer l’accès à la procédure administrative d’asile en droit allemand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 271 II. Les remèdes pour assurer l’accès à la procédure administrative d’asile en droit français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276
Chapitre II: La détermination des garanties inhérentes à l’accès aux instances de l’asile 278 Section I: Le respect du droit d’être entendu comme garantie procédurale indispensable de l’accès effectif aux instances de l’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279 § 1 La portée du droit d’être entendu dans l’ordre juridique de l’Union . . . . . . . . . . 280 A. La portée du droit d’être entendu dans la procédure administrative d’asile en droit de l’Union . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281 I. Les conséquences de la jurisprudence restrictive de la Cour de justice relative au champ d’application de l’article 41 de la Charte . . . . . . . . . 281 II. La portée du droit d’être entendu selon les spécificités sectorielles . . . 283 1. Les spécificités déterminant la portée du droit d’être entendu en matière de police des étrangers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283 a) Les spécificités du droit de l’Union en matière d’asile . . . . . . . . . 283 b) La mise en œuvre des spécificités du droit de l’Union : la portée du droit d’être entendu en matière d’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287 2. La différence de portée du droit d’être entendu dans d’autres domaines du droit de l’Union . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 288 B. La portée du droit d’être entendu dans la procédure juridictionnelle d’asile en droit de l’Union . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 290 I. Le caractère lacunaire de la directive « procédures » concernant le droit d’être entendu devant les juridictions administratives d’asile . . . . . . . . 291
Table des matières
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II. La portée du droit d’être entendu devant les juridictions administratives d’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291 § 2 La portée du droit d’être entendu dans les droits nationaux . . . . . . . . . . . . . . . . . 292 A. L’audition du demandeur d’asile pendant la procédure administrative d’asile 292 I. L’articulation du droit d’être entendu dans les différentes procédures de reconnaissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292 II. Le champ d’application du droit d’être entendu dans la procédure administrative d’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293 1. Une solution guidée par le respect des droits procéduraux des demandeurs d’asile en droit allemand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294 2. Une solution guidée par le respect du principe de célérité en droit français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 296 B. Le droit d’être entendu du demandeur d’asile pendant la procédure de recours 297 I. La portée quasi absolue du droit d’être entendu en droit allemand . . . . 297 II. La portée du droit d’être entendu en conformité avec l’équité globale de la procédure en droit français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 299 Section II: L’assistance juridique et linguistique comme condition sine qua non de l’accès effectif aux instances de l’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 301 § 1 Les garanties inhérentes au droit à l’assistance linguistique . . . . . . . . . . . . . . . . . 302 A. Les garanties inhérentes au droit à l’assistance linguistique au niveau européen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 302 I. L’assistance linguistique dans la directive « procédures » . . . . . . . . . . . 302 II. L’assistance linguistique en droit conventionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303 1. Le droit à l’assistance linguistique dans les procédures relatives aux expulsions collectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303 2. Le droit à l’assistance linguistique dans les procédures où la violation de l’article 3, lu en combinaison avec l’article 13 de la Convention est en jeu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 305 B. Les garanties inhérentes au droit à l’assistance linguistique au niveau national 306 I. Le concours d’un interprète au niveau national . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 306 1. Le concours d’un interprète pendant la procédure administrative d’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 307 a) L’accès aux services d’un médiateur linguistique dans la procédure administrative d’asile allemande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 307 b) L’accès conditionnel aux services d’un interprète dans la procédure administrative d’asile française . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 308 2. Le concours d’un interprète pendant la procédure de recours . . . . . . 309 a) Le défaut de clarté dans les conditions déterminant le concours d’un interprète devant les tribunaux administratifs allemands . . . 309 b) Le défaut de clarté dans les conditions déterminant le concours d’un interprète devant la Cour nationale du droit d’asile . . . . . . . 312
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Table des matières II. La portée de la mission de l’interprète au niveau national . . . . . . . . . . . 314 1. La portée large de la mission des médiateurs linguistiques dans les procédures allemandes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314 2. La portée limitée de la mission des interprètes dans les procédures françaises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315 § 2 Les garanties inhérentes au droit à l’aide juridictionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316 A. L’aide juridictionnelle au niveau européen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316 I. Une règlementation lacunaire du droit de l’Union relative au droit à l’aide juridictionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316 II. Une règlementation incertaine en droit conventionnel relative au droit à l’aide juridictionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 318 1. L’aide juridictionnelle en matière d’asile dans la jurisprudence de la Cour européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 318 2. La jurisprudence variée de la Cour européenne en matière d’aide juridictionnelle sur le terrain de l’article 6 de la Convention . . . . . . . 321 a) Le premier courant jurisprudentiel dont le facteur déterminant est l’absence de moyens financiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321 b) Le deuxième courant jurisprudentiel dont le facteur déterminant est l’absence de perspectives de succès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 323 B. L’aide juridictionnelle au niveau national . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325 I. Le caractère limité de l’octroi de l’aide juridictionnelle en droit allemand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325 1. Les principes constitutionnels déterminant l’octroi de l’aide juridictionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325 2. La jurisprudence des tribunaux administratifs allemands relative à l’aide juridictionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 327 II. Le caractère quasi illimité de l’octroi de l’aide juridictionnelle en droit français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 329 1. Les principes directeurs déterminant l’octroi de l’aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . 329 2. La mise en œuvre des principes directeurs devant la Cour nationale du droit d’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 330 Conclusion du Titre I . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333
Titre II: Le nécessaire renforcement des garanties inhérentes à l’accès au recours effectif 334 Chapitre I: L’encadrement harmonieux du droit au recours effectif dans l’ordre juridique conventionnel et en droit de l’Union . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 335 Section I: L’accessibilité d’un recours effectif en droit au niveau européen . . . . . . . . . . . 336 § 1 L’aménagement des procédures dérogatoires en droit conventionnel pour garantir l’accessibilité d’un recours effectif en droit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 337 A. L’encadrement du recours suspensif en droit conventionnel . . . . . . . . . . . . . . 337
Table des matières
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B. La mise en œuvre des exigences tenant au recours effectif en droit conventionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 341 § 2 L’encadrement des procédures dérogatoires en droit de l’Union pour garantir l’accessibilité d’un recours effectif en droit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343 A. L’aménagement équivoque des procédures dérogatoires figurant dans la directive « procédures » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343 B. L’aménagement des procédures dérogatoires dans la jurisprudence de la Cour de justice dans un esprit supposé de dialogue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345 I. L’aménagement d’un recours suspensif à l’encontre d’une décision d’éloignement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345 II. L’aménagement d’un recours suspensif à l’encontre d’une décision de rejet de la demande de protection internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 349 Section II: L’accessibilité d’un recours effectif en pratique au niveau européen . . . . . . . 350 § 1 L’accessibilité d’un recours effectif en pratique dans la jurisprudence de la Cour européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 351 A. Le formalisme lors de l’évaluation de la situation des demandeurs d’asile en droit conventionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 351 I. Les principes directeurs déterminant la mise en cause du formalisme lors de l’évaluation de la situation des demandeurs d’asile . . . . . . . . . . 351 II. La mise en œuvre des principes directeurs déterminant la mise en cause du formalisme lors de l’évaluation de la situation des demandeurs d’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 353 B. L’accomplissement des obligations positives par les autorités chargées de l’examen de la demande d’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 355 § 2 L’accessibilité du recours effectif en pratique dans le droit de l’Union . . . . . . . . 356 Chapitre II: La nécessité d’une autonomie procédurale encadrée relative au droit au recours effectif dans les procédures dérogatoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 358 Section I: L’accessibilité d’un recours effectif dans les procédures dérogatoires en droit allemand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 359 § 1 L’aménagement d’un recours effectif en droit dans la procédure à l’aéroport : le résultat d’un travail coordonné du législateur et de la Cour constitutionnelle fédérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 360 A. La computation des délais interprétée à la lumière des lignes directrices de la Cour constitutionnelle fédérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 361 B. L’aménagement des garanties procédurales complémentaires à la lumière des lignes directrices de la Cour constitutionnelle fédérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362 § 2 L’aménagement d’un recours effectif en pratique dans la procédure à l’aéroport 364 Section II: L’accessibilité d’un recours effectif dans les procédures dérogatoires en droit français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 369 § 1 L’aménagement des garanties procédurales réduites pour garantir l’accessibilité du recours en droit dans la procédure en zone d’attente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 371
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Table des matières § 2 La nécessité de définir les facteurs conduisant à un examen rigoureux et attentif devant les tribunaux administratifs dans le cadre de la procédure en zone d’attente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 373 A. La répartition des compétences entre les organes chargés de l’examen des demandes d’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 374 B. L’étendue du contrôle conféré aux organes chargés de l’examen du caractère manifestement infondé de la demande de protection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 375 I. Une règlementation peu prévisible dans l’ancienne directive « procédures » et dans la jurisprudence administrative française . . . . . . . . . . . . 376 II. Le défaut de synergie entre, d’une part, la règlementation protectrice découlant de la nouvelle directive « procédures » et du CESEDA modifié et, d’autre part, la pratique jurisprudentielle restrictive . . . . . . . . . 379 Conclusion du Titre II . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 382
Conclusion de la deuxième partie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 382 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 384 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387 A. Ouvrages généraux et manuels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387 B. Ouvrages spéciaux, ouvrages collectifs, thèses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387 C. Articles, chroniques, notes de jurisprudence, actes de colloques . . . . . . . . . . 390 D. Dictionnaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 398 E. Documents de l’Union européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 398 I. Droit primaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 398 II. Droit dérivé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 398 Décisions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 398 Décisions-cadre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 399 Directives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 399 Règlements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 400 III. Documents de la Commission européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 401 IV. Documents du Conseil européen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 403 V. Documents du Parlement européen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 403 VI. Documents divers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 403 F. Documents du Conseil de l’Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 403 I. Instruments juridiques de l’Assemblée parlementaire . . . . . . . . . . . . . . 403 II. Instruments juridiques du Comité des Ministres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 404 III. Rapports de la Commission de Venise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 404 IV. Rapports, divers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 405 G. Textes internationaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 405 I. Conventions internationales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 405 II. Guides, notes, rapports, divers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 405
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H. Droits nationaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 406 I. Allemagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 406 Documents de Bundestag . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 406 Rapports, divers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 407 II. France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 407 Législation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 407 Documents de l’Assemblée nationale et du Sénat . . . . . . . . . . . . . . . . . 407 Notes du Ministère de l’intérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 407 Rapports, divers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 408 III. Hongrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 408 I. Jurisprudence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 409 I. Jurisprudence internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 409 II. Commission européenne des droits de l’Homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . 409 III. Cour européenne des droits de l’Homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 409 IV. Tribunal des Communautés européennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 413 V. Tribunal de l’Union européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 413 VI. Cour de justice des Communautés européennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 413 VII. Cour de justice de l’Union européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 414 VIII. Conclusions des avocats généraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 416 IX. Jurisprudence allemande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 417 Cour constitutionnelle fédérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 417 Cour administrative fédérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 418 Cour suprême fédérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 419 Tribunaux administratifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 419 Cours administratives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 421 Tribunaux administratifs supérieurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 422 Tribunaux de grande instance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 422 X. Jurisprudence française . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 422 Conseil constitutionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 422 Conseil d’État . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 423 Cours administratives d’appel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 424 Tribunaux administratifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 426 Commission des recours des réfugiés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 427 Cour nationale du droit d’asile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 427 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 427 Index thématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 428 Deutsche Zusammenfassung: Recht auf Zugang zum Gericht und zum Asylverfahren im deutschen, französischen und europäischen Recht . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 431 Einleitung . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 434
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Table des matières Teil 1: Inkohärenz bei der Festlegung der mit dem Zugang zum Asylverfahren verbundenen Garantien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 435 Titel 1: Die den Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken charakterisierenden Unsicherheiten . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 436 Kapitel 1: Die unterschiedlichen Auffassungen über ein Recht auf Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken im EMRK Recht und im Unionsrecht . . . . . . . . 436 Abschnitt 1: Die Anwendbarkeit der EMRK und des Unionsrechts auf extraterritoriale Sachverhalte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 437 Abschnitt 2: Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken im Genfer Flüchtlingsrecht, im EMRK Recht und im Unionsrecht . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 438 Kapitel 2: Das Fehlen eines kohärenten Ansatzes hinsichtlich des Zugangs zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken im deutschen und französischen Recht . . . . . . . . 440 Abschnitt 1: Leitlinien zur Festlegung der für den Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken notwendigen Bedingungen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 441 Abschnitt 2: Die Umsetzung der Grundsätze der notwendigen Bedingungen für den Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 442 Titel 2: Die unterschiedlichen Auffassungen zur Bestimmung des Mitgliedstaats, der für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständig ist . . . . . . 446 Kapitel 1: Die verschiedenen Prioritäten der europäischen Gerichtshöfe bei der Bestimmung des Mitgliedstaats, der für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständig ist . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 446 Abschnitt 1: Der unzureichende Dialog zwischen dem EGMR und dem EuGH 446 Abschnitt 2: Der Beitrag der Dublin-III-Verordnung zur Herstellung des Dialogs zwischen den europäischen Gerichtshöfen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 449 Kapitel 2: Nationale Anstrengungen für eine kohärente Umsetzung der europäischen Rechtsprechung: ein notwendiger zweistufiger Dialog . . . . . . . . . . . . . . . 451 Abschnitt 1: Leitlinien zur Bestimmung des Mitgliedstaats, der für die Prüfung eines Antrags auf internationalen Schutz zuständig ist im nationalen Recht . . . . 451 Abschnitt 2: Die Methode zur Bestimmung des Mitgliedstaates, der für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständig ist . . . . . . . . . . . . . . . . . . 455 Teil 2: Eine scheinbare Kohärenz bei der Festlegung der für den Zugang zu den Asylorganen unerlässlichen Garantien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 459 Titel 1: Ein notwendiger Rahmen der Verfahrensautonomie bei der Festlegung der für den Zugang zu den Asylorganen unerlässlichen Garantien . . . . . . . . . . . 459 Kapitel 1: Die Festlegung der für den Zugang zu der für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständigen Verwaltungsbehörde unerlässlichen Garantien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 459 Abschnitt 1: Die Anforderungen an den Zugang zum Asylverfahren auf europäischer Ebene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 460 Abschnitt 2: Die Lösungen zur Gewährleistung eines wirksamen Zugangs zum Asylverfahren auf nationaler Ebene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 461 Kapitel 2: Festlegung der für den Zugang zu den Asylorganen innewohnenden Garantien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 467
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Abschnitt 1: Achtung des Rechts auf Anhörung als eine unverzichtbare Garantie für einen wirksamen Zugang zu den Asylorganen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 467 Abschnitt 2: Rechtsberatung und Recht auf Dolmetscher als unabdingbare Voraussetzungen für einen wirksamen Zugang zu den Asylorganen . . . . . . . . . . . . . 470 Titel 2: Die notwendige Stärkung der für den Zugang zu einem wirksamen Rechtsbehelf unerlässlichen Garantien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 475 Kapitel 1: Die harmonische Gewährung des Rechts auf einen wirksamen Rechtsbehelf im EMRK Recht und im Unionsrecht . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 475 Abschnitt 1: Zugänglichkeit eines wirksamen Rechtsbehelfs auf europäischer Ebene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 475 Abschnitt 2: Zugang zu einem wirksamen Rechtsbehelf in der Praxis auf europäischer Ebene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 479 Kapitel 2: Die Notwendigkeit einer geregelten Verfahrensautonomie in Bezug auf das Recht auf einen wirksamen Rechtsbehelf im beschleunigten Verfahren 480 Abschnitt 1: Zugänglichkeit eines wirksamen Rechtsbehelfs im deutschen Recht 480 Abschnitt 2: Zugänglichkeit eines wirksamen Rechtsbehelfs im französischen Recht . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 482 Schlussfolgerungen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 484 Literaturverzeichnis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 485
Introduction La « crise migratoire » a placé au premier plan le problème, qui n’est pas récent, de l’ineffectivité de la protection juridictionnelle des demandeurs d’asile. Les scènes de sauvetage d’embarcations surchargées en Méditerranée ont suscité une attraction médiatique importante. La guerre civile en Syrie, les conflits armés dans les autres régions du monde ont incité les populations des pays affectés à quitter leur domicile pour chercher refuge dans les États européens. L’élément commun de ces différentes situations est que, pour atteindre leur objectif, ces ressortissants de pays tiers doivent surmonter certaines entraves administratives pour demander la protection internationale. La Convention de Genève constitue la pierre angulaire de la protection internationale des réfugiés1. Elle détermine les critères que les réfugiés doivent remplir afin de bénéficier de la protection internationale et contient des garanties pour les réfugiés reconnus lorsque cette protection est accordée2. En revanche, aucune disposition de cette Convention ne prévoit l’accès à la procédure d’asile qui constitue la clef de voûte du droit des réfugiés. Plus exactement, son article 16 précise que « [t]out réfugié aura, sur le territoire des États contractants, libre et facile accès devant les tribunaux »3. Ce passage suppose cependant que le ressortissant du pays tiers se trouve déjà sur le territoire de l’État d’accueil. De manière similaire, l’article 31 de cette Convention prévoit l’interdiction de sanctions pénales du fait de l’entrée irrégulière des réfugiés qui arrivent directement du territoire où ils subissaient des persécutions susceptibles de justifier la protection internationale4. En revanche, cette disposition n’énonce nullement un quelconque droit d’accès au territoire en vue d’obtenir la protection souhaitée. Or, le défi majeur pour les
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Convention relative au statut des réfugiés, adoptée le 28 juillet 1951 à Genève. La doctrine contemporaine est presqu’unanime sur le fait que la reconnaissance du statut de réfugié est un acte purement déclaratoire, qui signifie que l’interdiction de refoulement s’applique également à ceux dont la qualité de réfugié n’a pas été encore reconnue. C’est ainsi que la Convention de Genève utilise le terme de réfugié. C. Zanghì, « L’intervention en haute mer entre ‹non-refoulement›, droits de l’homme et lutte contre l’immigration clandestine », In : L’homme dans la société internationale : mélanges en hommage au professeur Paul Tavernier, 2013, p. 1123. Afin de mieux distinguer les ressortissants de pays tiers sollicitant l’asile de ceux ayant obtenu le statut, nous utilisons le vocabulaire de demandeur d’asile et de réfugié. Notons que nous utilisons dans notre étude les expressions d’obligation de nonrefoulement et d’interdiction de refoulement pour exprimer la même réalité. 3 Article 16 de la Convention de Genève. 4 Ibid., article 31, paragraphe (1). 2
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étrangers désireux de solliciter l’asile est, sans nul doute, d’entrer sur le territoire de l’État d’accueil. Dès lors, la question fondamentale qui surgit est celle de savoir ce qu’on entend par accès. Selon le dictionnaire juridique Cornu, l’accès signifie une voie qui permet d’entrer dans un lieu5. De manière similaire, le Petit Robert ajoute que l’accès permet d’entrer ou d’obtenir quelque chose6. Dès lors, l’accès est indispensable pour aller dans un lieu afin d’atteindre un objectif. En l’occurrence, les ressortissants de pays tiers souhaitent avoir accès au territoire de l’État d’accueil afin de déposer une demande de protection internationale. Toutefois, s’interroger sur l’accès aux instances d’asile implique un champ d’étude plus large que celui proposé par ces dictionnaires. Même quand l’accès à la justice est formellement garanti, il arrive que cet accès devienne en réalité illusoire, lorsque le non-respect de certaines garanties procédurales conduit à un résultat peu satisfaisant du point de vue de la protection des droits fondamentaux des demandeurs d’asile. Un tel cas de figure se présente notamment lorsque le demandeur bénéficie du statut conféré par la protection subsidiaire, alors que les éléments de son dossier auraient justifié l’octroi du statut de réfugié7. Concernant la définition du concept de protection illusoire, je me rallie à la position de la Cour européenne des droits de l’Homme dont la jurisprudence bien établie prévoit que la Convention européenne « a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effec-
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G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2011, p. 11. P. Robert, Le Petit Robert [2018] : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Nouv. éd. millésime 2018, éd. des 50 ans, Paris, Le Robert, 2017, p. 15. 7 En ce qui concerne la différence entre le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire, la directive « qualification » nous fournit à cet égard une explication précise. Premièrement, on entend par réfugié « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 12 », tandis que la personne pouvant bénéficier du statut conféré par la protection subsidiaire est « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15, l’article 17, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ». Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, JO L 337, 20. 12. 2011, p. 9 – 26, article 2, points d) et f). 6
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tifs »8. Il suit de ce postulat qu’une protection est illusoire, lorsque, même si les garanties procédurales sont prévues par la loi, leur mise en œuvre se heurte à des difficultés dans la pratique. Prenons l’exemple du droit à une assistance linguistique : s’il était prévu par la loi sans être garanti à un demandeur d’asile, celui-ci ne serait pas en mesure de s’exprimer sur les motifs des persécutions, or, cette circonstance est susceptible d’avoir des répercussions sur la qualité de la décision finale relative à son statut. Dans cette mesure, seul un accès effectif peut contribuer à cette protection. Qu’entend-on par effectivité ? Toujours selon le dictionnaire juridique Cornu, le concept d’effectivité se réfère aux effets recherchés9. Bien évidemment, l’effet recherché n’est pas forcément l’octroi de la protection internationale, mais l’entrée sur le territoire national en toute légalité et l’aménagement d’une procédure d’asile, qu’elle soit administrative ou juridictionnelle, dans laquelle les garanties procédurales sont dûment respectées. Pierre Mertens considère au sujet du recours effectif que celui-ci ne pourrait pas être seulement et purement formel, mais qu’il devrait présenter certaines garanties minimales10. C’est ainsi que l’effectivité exige, d’une part, que la procédure d’asile soit accompagnée des garanties procédurales prévues par la loi et, d’autre part, que ces garanties soient mises en œuvre de telle manière que l’accès à la justice soit assuré et que le demandeur d’asile ne soit pas exposé au risque de mauvais traitements. Il convient de souligner, dans cette perspective, que nous avons choisi dans notre étude le terme d’« effectivité » et non celui d’« efficacité ». Si l’on s’appuie sur les dictionnaires et les dictionnaires juridiques, il appert que l’effectivité signifie la réalité, alors que l’efficacité est plutôt liée à la qualité. De ce point de vue, nous devrions analyser à juste titre l’efficacité de la protection des droits fondamentaux des demandeurs d’asile. En revanche, tant en droit conventionnel qu’en droit de l’Union, l’effectivité comprend également l’efficacité. Pour confirmer notre point de vue, il convient de se référer à l’article 13 de la Convention européenne relatif au droit au recours effectif ou à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux dans lequel est ancrée la protection juridictionnelle effective. Premièrement, la Cour européenne a déclaré dans son célèbre arrêt Kudła que « le recours exigé par l’article 13 doit être ‹effectif› en pratique comme en droit »11. Cette dualité accompagne toute la jurisprudence de la Cour européenne, comme nous l’avons relevé précédemment à propos du caractère concret et effectif, et non illusoire des droits fondamentaux garantis par la Convention européenne. En ce qui concerne maintenant la protection juridictionnelle effective en droit de l’Union, la Cour de justice a relevé que la protection juridictionnelle effective en 8 Cour EDH, Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, n. 6289/73, ECLI:CE:ECHR:1979: 1009JUD000628973, paragraphe 24. 9 G. Cornu, « Vocabulaire juridique », op. cit., p. 384. 10 P. Mertens, Le droit de recours effectif devant les instances nationales en cas de violation d’un droit de l’homme, Bruxelles, ULB, 1973, p. 85. 11 Cour EDH (Gde. ch.), Kudła c. Pologne, 26 octobre 2000, n. 30210/96, ECLI:CE: ECHR:2000:1026JUD003021096, paragraphe 157.
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vertu de l’article 47 de la Charte a plusieurs composants parmi lesquels figurent les droits de la défense, le principe d’égalité des armes, le droit d’accès aux tribunaux ainsi que le droit de se faire conseiller, défendre et représenter12. La Cour de justice ajoute dans ce même arrêt concernant l’évaluation du caractère effectif de la protection juridictionnelle que celui-ci doit être apprécié « en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée »13. Il s’ensuit que les mêmes considérations prévalent concernant la différence entre effectivité et efficacité exprimée en droit conventionnel au droit de l’Union, puisque la Cour de justice exige également une qualité liée à la protection, raison pour laquelle celle-ci insiste sur l’appréciation individuelle. Par suite, la protection est effective dès lors que les garanties procédurales inhérentes au droit au procès équitable sont prévues par la loi et que l’intéressé peut faire valoir utilement ses droits. Partant, afin de concilier la contradiction précédemment explicitée – laquelle est principalement sémantique -, nous considérons les deux concepts comme synonymes. Si l’on souhaite mesurer l’effectivité de cet accès, avant d’identifier les garanties procédurales mentionnées, il convient de déterminer les sources susceptibles de définir leur portée. Nous avons déjà évoqué la Convention de Genève, mais, au-delà de celle-ci, le droit national et supranational revêt une importance fondamentale. Si l’octroi de la protection contre les persécutions relève du pouvoir souverain des États, en signant et ratifiant les instruments juridiques internationaux dans le domaine de la protection internationale des réfugiés et des droits de l’Homme, ils ont renoncé à une partie de leur souveraineté et se sont engagés à respecter les garanties découlant de ces instruments. En ce qui concerne le droit supranational, nous avons choisi, dans notre étude, de comparer le droit conventionnel et le droit de l’Union européenne. La Convention européenne des droits de l’Homme constitue un instrument régional de protection, dont l’organe juridictionnel est amené à se prononcer, de plus en plus fréquemment, sur les questions portant sur la conventionnalité des solutions nationales adoptées pour le plein respect du droit de l’Union. Certes, l’Union européenne n’a pas été conçue comme une organisation internationale ayant pour objectif principal la protection des droits de l’Homme14. Bien au contraire, il s’agissait initialement d’une organisation à vocation purement économique et la protection des droits fondamentaux n’a pas été pendant longtemps à l’ordre du jour pour les auteurs des Traités. Cependant, le développement et l’encadrement normatif des quatre libertés et, par conséquent, l’apparition des questions 12 CJUE (2ème ch.), Moussa Sacko contre Commissione Territoriale per il riconoscimento della Protezione internazionale di Milano, 26 juillet 2017, C-348/16, ECLI:EU:C:2017:591, paragraphe 32. 13 Ibid., paragraphe 41. 14 Voir plus précisément les motifs relatifs à l’établissement de la construction européenne : M.-T. Bitsch, Histoire de la construction européenne de 1945 à nos jours, Nouv. éd. mise à jour, Bruxelles, Complexe, 2004, 400 p.
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concernant la protection des droits fondamentaux ont engendré un processus conduisant à l’adoption d’un catalogue des droits fondamentaux, d’abord, par voie prétorienne15, puis, par le législateur. La protection des réfugiés est également apparue parmi ces droits fondamentaux et, lorsqu’il s’agit de les interpréter, la Convention de Genève et la Convention européenne des droits de l’Homme apparaissent comme des sources – principales – d’inspiration16. Nous sommes d’avis que la façon dont la protection juridique des demandeurs d’asile est garantie dans chacun des systèmes juridiques européens est tributaire de la manière dont leur système « constitutionnel » est conçu. Le Conseil de l’Europe est une organisation régionale qui a été créée avec l’objectif ambitieux de promouvoir la protection des droits des êtres humains à la suite des brutalités commises pendant les deux guerres mondiales. Contrairement au système juridique de l’Union européenne (B), le leitmotiv et l’objectif guidant le fonctionnement du Conseil de l’Europe demeurent linéaires, ce dernier promouvant la démocratie libérale et l’État de droit, sans se soucier d’autres considérations (A). A. Le système « constitutionnel » du droit issu de la Convention européenne C’est le Premier ministre du Royaume-Uni des années 1940, Winston Churchill qui a évoqué, pour la première fois, l’idée de la création « d’un Conseil de l’Europe » à la suite de la « tragédie de l’Europe »17. À la suite de quoi, des discussions ont commencé visant à établir une nouvelle organisation ayant pour vocation principale la protection des droits de l’Homme. Ces discussions ont conduit à l’adoption du Traité de Londres signé en 1949 par les États fondateurs. Concernant le contexte historique, les droits de l’Homme font partie de l’ADN originale du Conseil de l’Europe18. Ainsi, ses objectifs sont clairement affichés dans son Statut : liberté individuelle et politique ainsi que prééminence du droit19.
15 La Cour de justice a relevé dans l’arrêt historique Stauder que « [l]a protection garantie par les droits fondamentaux est en ce qui concerne le droit communautaire, assurée par diverses dispositions du […] droit écrit qui est complété à son tour, par le droit communautaire non écrit tiré des principes généraux du droit des États membres ». CJCE, Erich Stauder c. Ville d’Ulm – Sozialamt, 12 novembre 1969, aff. 29/69, ECLI:EU:C:1969:57. Concernant le rôle des droits fondamentaux dans la restriction des libertés fondamentales, voir : S. ProginTheuerkauf, A. Epiney, R. Mosters, Droit européen. II, Les libertés fondamentales de l’Union européenne, 2e éd., Berne, Stämpfli, 2016, 190 p. 16 Selon l’article 6(3) du TUE, les droits fondamentaux, tels que garantis par la Convention européenne, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux. 17 Discours de Winston Churchill, Zurich, 19 septembre 1946. 18 O. Dörr, « European Convention on human rights », In : S. Schmahl, M. Breuer, The Council of Europe : its laws and policies, Oxford, Oxford University Press, 2017, p. 466. 19 Troisième considérant du Statut du Conseil de l’Europe.
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Le droit conventionnel a fait preuve d’une évolution spectaculaire depuis l’adoption de la Convention européenne des droits de l’Homme le 4 novembre 1950 à Strasbourg par les États membres du Conseil de l’Europe. Au fur et à mesure, certains protocoles ont été adoptés, complétant les dispositions de la Convention. Au-delà de ces instruments juridiques, le États parties du Conseil de l’Europe adoptent des conventions et des accords, tandis que les organes décisionnels, à savoir l’Assemblée parlementaire et le Conseil des Ministres peuvent adopter des décisions non contraignantes20. Dans ce cadre, l’Assemblée parlementaire peut prendre des résolutions et des recommandations, alors que le Comité des Ministres adopte des résolutions, des recommandations, des lignes directrices ainsi que des plans d’actions. Nonobstant leur caractère non contraignant, la Cour européenne prend appui sur ces derniers dans ses décisions, d’autant plus que l’adoption de ces documents reflète une compréhension commune (common understanding) de tous les États membres du Conseil de l’Europe21. Il s’ensuit que la politique jurisprudentielle de la Cour européenne est fortement influencée par le contenu des instruments juridiques faisant partie de la hiérarchie des normes du système conventionnel. Lorsqu’on examine de près cette hiérarchie, on constate que la Convention européenne de même que les protocoles additionnels peuvent se rattacher au « droit primaire » du droit conventionnel, ces instruments juridiques ayant été adoptés par les parties contractantes du Conseil de l’Europe. En ce qui concerne les instruments non contraignants, comme nous l’avons relevé, ceux-ci contribuent au développement de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg et peuvent être ainsi considérés comme le « droit dérivé » du droit conventionnel puisqu’ils émanent des organes décisionnels du Conseil de l’Europe. Malgré leur caractère non contraignant, l’adoption de ces instruments résulte d’un consensus sur un sujet particulier entre les États parties. Cependant, comme la doctrine le souligne, même si les États se mettent d’accord concernant un point de droit, la ratification de l’instrument ainsi adopté peut se heurter à des difficultés, notamment en raison du changement de gouvernement22. En dépit de cette faiblesse, force est de constater que les organes décisionnels du Conseil de l’Europe sont particulièrement actifs dans le domaine du droit d’asile. Nous avons ainsi l’étrange sentiment que, dès lors que les États peuvent jouer avec la carte de « soft law », ils osent légiférer de façon plus intense, tout en sachant que sa mise en œuvre concrète relève de leur pouvoir souverain. 20 Il convient de noter que l’Assemblée parlementaire est l’organe décisionnel du Conseil de l’Europe et qu’elle est constituée des parlementaires nationaux des États membres du Conseil de l’Europe. Le Conseil des Ministres est également doté d’un pouvoir décisionnel et est composé des ministres des affaires étrangères des États parties. 21 M. Breuer, « Establishing common standards and securing the rule of law », In : S. Schmahl, M. Breuer, The Council of Europe : its laws and policies, Oxford, Oxford University Press, 2017, p. 656. 22 A. MacMullen, « Intergovernmental functionalism?… », op. cit., p. 416.
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En matière d’asile, une résolution a été adoptée par l’Assemblée parlementaire en juin 2018 dans laquelle celle-ci « appelle les États membres à prendre des mesures législatives et pratiques pour que les réfugiés puissent demander le traitement extraterritorial de leur demande de protection à titre exceptionnel pour raisons humanitaires »23. En réalité, l’Assemblée parlementaire recommande aux États de garantir l’entrée régulière sur le territoire national aux demandeurs d’asile aux fins de solliciter ensuite la protection internationale. L’organe parlementaire du Conseil de l’Europe considère que l’entrave la plus fondamentale aux demandeurs d’asile consiste dans le fait qu’ils sont contraints de privilégier les voies irrégulières pour entrer sur le territoire national. Ainsi, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe invite les États « à envisager d’introduire dans leur législation nationale, si de telles dispositions n’existent pas déjà, la possibilité de demander l’asile ou des visas pour raisons humanitaires dans les missions diplomatiques ou consulaires à l’étranger »24. Les termes de la résolution sont très clairs : l’organisation des voies légales permet de procéder à un filtrage préalable des motifs d’entrée sur le territoire national. Notons à cet égard que le Parlement européen a adopté en décembre 2018 une résolution sur les visas humanitaires, en favorisant, en fin de compte, la même solution : l’entrée régulière sur le territoire de l’Union européenne25. Or, l’Assemblée parlementaire avait souligné cette nécessité bien avant que le Parlement européen n’adopte ses recommandations à la Commission européenne. Dans le même ordre d’idées, l’Assemblée parlementaire propose la création de « hotspots » et le traitement des demandes d’asile en dehors de l’Europe en vue d’identifier les personnes qui ont besoin de la protection internationale avant qu’elles n’entreprennent un voyage au péril de leur vie26. Toutefois, l’Assemblée parlementaire exhorte les États « à s’abstenir d’externaliser le contrôle des migrations vers des pays où la législation, les politiques et la pratique ne sont pas conformes aux normes de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Convention des Nations Unies relatives au statut des réfugiés, et où les organes gouvernementaux ne peuvent pas protéger efficacement ces droits »27. De manière similaire, l’externalisation du traitement des demandes d’asile n’existe que sous forme de recommandation devant la Commission européenne28. Les solutions pro23 PACE, Traitement extraterritorial des demandes d’asile et création de centres d’accueil sûrs pour les réfugiés à l’étranger, 27 juin 2018, résolution 2227 (2018). 24 Ibid., point 9.1. 25 Résolution du Parlement européen du 11 décembre 2018 contenant des recommandations à la Commission sur les visas humanitaires (2018/2271(INL)). 26 PACE, La Méditerranée : une porte d’entrée pour les migrations irrégulières, 27 janvier 2016, résolution 2088 (2016), point 12.3.2. 27 PACE, Conséquences pour les droits de l’homme de la « dimension extérieure » de la politique d’asile et de migration de l’Union européenne : loin des yeux, loin des droits ?, 27 juin 2018, résolution 2228 (2018), point 9.1. 28 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre de l’Union pour la réinstallation et modifiant le règlement (UE) n8 516/2014 du Parlement européen et du Conseil, COM/2016/0468 final.
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venant de l’Assemblée parlementaire sont, certes, claires et imprégnées de la volonté de répondre à « la crise migratoire », mais sont néanmoins dépourvues de force exécutoire obligatoire, ce qui les empêche de produire les effets souhaités. En revanche, en dépit de leur caractère non-contraignant, les mesures évoquées peuvent néanmoins servir de vecteur d’interprétation pour la Cour européenne, qui affirme depuis le prononcé de l’arrêt Demir et Baykara à propos du soft law « l’existence d’un continuum, d’un espace tiers, et non d’une césure radicale entre le droit et le non-droit »29. On remarque le même phénomène dans le système Dublin. L’Assemblée parlementaire a attiré l’attention sur l’inégalité inhérente au système européen de répartition de la responsabilité entre les États membres pour examiner la demande de protection internationale, tout en insistant non seulement sur la nécessité d’un examen individuel de chaque demande d’asile mais aussi sur l’établissement d’un système contraignant permanent de répartition des demandeurs d’asile entre les États membres30. Cette logique fait écho à l’idée sous-jacente de la proposition de refonte du règlement Dublin III présentée par la Commission européenne31. En outre, s’agissant de l’accueil des demandeurs d’asile, la résolution propose la relocalisation des demandeurs d’asile dont le statut a été reconnu, et ce dans des proportions permettant d’assurer un partage équitable des charges entre les États participants32. Cette résolution reflète la proposition de la Commission européenne visant à alléguer les charges des États membres de première entrée33. Il ressort de ces instruments juridiques que la volonté politique des États membres témoigne d’un consensus concernant les questions sensibles. Cependant, lors de la mise en œuvre de ces mesures, les exigences y figurant n’apparaissent pas forcément dans le droit national, et ce, en raison de l’absence de leur caractère contraignant. Toutefois, malgré cette circonstance, il ne faut pas sous-estimer ces instruments, d’autant plus qu’ils contiennent des propositions importantes et que les 29 F. Tulkens, S. Van Drooghenbroeck, F. Krenc, « Le soft law et la Cour européenne des droits de l’homme : questions de légitimité et de méthode », RTDH, 23ème année (2012), n. 91, p. 460. Référence : Cour EDH (Gde. ch.), Demir et Baykara c. Turquie, 12 novembre 2008, n. 34503/97, ECLI:CE:ECHR:2008:1112JUD003450397. Dans ce dernier arrêt, la Cour européenne a relevé que ses méthodes d’interprétation sont renforcées par des normes émanant d’autres organes du Conseil de l’Europe (paragraphe 75). 30 PACE, Après Dublin : le besoin urgent d’un véritable système européen d’asile, 29 septembre 2015, résolution 2072 (2015), point 10.1. Voir encore : PACE, Demandeurs d’asile et réfugiés : pour un partage des responsabilités en Europe, 21 juin 2011, résolution 1820 (2011), point 16.1. 31 Proposition de règlement du [P]arlement européen et du [C]onseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte) COM/2016/0270 final. 32 PACE 2072 (2015), point 11.2. 33 Proposition de décision du Conseil instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce, COM (2015) 451 final.
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thèmes ainsi soulevés incitent, pour le moins, les États membres, et même l’Union européenne, à la réflexion. En ce qui concerne le droit conventionnel « primaire », les auteurs de la Convention européenne n’ont pas exprimé leur volonté de règlementer les questions relatives au droit d’asile, et ce dernier fait défaut dans le catalogue des droits de l’Homme, ancrés dans le texte de la Convention. Néanmoins, il était inévitable que son organe juridictionnel, au fil du temps, élargisse son champ d’intervention pour traiter les questions de cette nature. Dans un premier temps, la Cour européenne a coupé court au débat doctrinal dans la décision d’irrecevabilité de l’affaire Maaouia contre France, dans laquelle elle a catégoriquement rejeté l’idée selon laquelle les contentieux administratifs relèvent du champ d’application de l’article 6 de la Convention34. Était en cause l’inconventionnalité de la durée d’une procédure d’expulsion et les griefs que le requérant a formulés étaient fondés sur la violation de l’article 6 de la Convention relatif au droit à un procès équitable, pourtant applicable aux contentieux civils et pénaux. La Cour européenne a jugé que « les décisions relatives à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers n’emportent pas contestation sur des droits ou obligations de caractère civil du requérant ni n’ont trait au bien-fondé d’une accusation en matière pénale »35. Toutefois, cette circonstance n’a pas dissuadé les requérants d’invoquer les motifs procéduraux relevant du domaine de l’asile sur le terrain des articles 3 et 13 de la Convention36, voire de l’article 4 du Protocole n. 4 interdisant les expulsions collectives37. Notons, cependant, que la Cour européenne a pris en considération ces griefs uniquement dans la mesure où ils étaient pertinents du point de vue des droits protégés dans ces articles. Il s’ensuit que la Cour européenne, délibérément ou non, a franchi le Rubicon en traitant des questions procédurales relevant du droit d’asile, et ce, en répondant simplement aux arguments des requérants, instaurant ainsi une série de garanties procédurales tirées des articles cités. Or, compte tenu des effets erga omnes des décisions de la Cour européenne, les États membres n’ont d’autre choix 34 Cour EDH (Gde. ch.), Maaouia c. France, 5 octobre 2000, n. 39652/98, ECLI: CE:ECHR:2000:1005JUD003965298. Il convient de noter que la Cour européenne n’était pas unanime concernant la problématique soulevée. Une minorité des juges a milité en faveur d’une interprétation téléologique de la Convention européenne afin d’élargir la portée réservée à l’article 6. Opinion dissidente du juge Loucaides, à laquelle le juge Traja déclare se rallier. 35 Ibid., paragraphe 40. 36 En vertu de l’article 3 de la Convention européenne prévoyant l’interdiction de la torture, « [n]ul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » (article 3 CEDH). Quant aux dispositions de son article 13 intitulé « Droit à un recours effectif », « [t]oute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles » (article 13 CEDH). 37 Notons que les expulsions collectives feront l’objet d’une analyse dans la présente étude puisque leur finalité est la même que celle de l’éloignement et qu’elles suscitent, en fin de compte, les mêmes risques que ceux tenant à l’éloignement : la violation potentielle des droits intangibles, à savoir du droit à la vie et de l’interdiction des mauvais traitements.
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que de respecter les enseignements esquissés par la Cour européenne. À cela s’ajoute le caractère « d’instrument vivant » de la Convention européenne38. Cela signifie que les droits énoncés dans la Convention sont interprétés à la lumière des évolutions politiques, sociologiques et juridiques dans les États signataires de la Convention. Dès lors, en l’absence de véritables normes d’interprétation situées en dessous de la Convention européenne, une interprétation dynamique peut être exercée, presque sans limites, par la Cour européenne, « pour rendre la justice et dire le droit »39, sous réserve du respect du principe de subsidiarité. In fine, malgré les insuffisances conventionnelles relatives aux questions spécifiques relevant du droit d’asile, celles-ci peuvent être comblées grâce à la nature même de la Convention européenne. En effet, et comme la Cour européenne l’a réitéré à plusieurs reprises, « la Convention étant un instrument constitutionnel de l’ordre public européen […], les États parties sont tenus, dans ce contexte, d’assurer un contrôle du respect de la Convention qui à tout le moins préserve les fondements de cet ordre public. Or, l’une des composantes fondamentales de l’ordre public européen est le principe de l’État de droit, dont l’arbitraire constitue la négation »40. Cette disposition se réfère explicitement au caractère constitutionnel de la Convention européenne. Or, s’interroge Didier Maus, une cour qui doit juger en fonction d’un instrument constitutionnel peut-elle être considérée autrement qu’une cour constitutionnelle ?41. Nous ne souhaitons pas entrer dans ce débat doctrinal. Nous noterons cependant que la Cour européenne dispose d’une large marge d’appréciation pour interpréter la Convention dont les limites se situent au niveau de « la violation de valeurs fondamentales et non négociables de l’ordre juridique européen à laquelle la Cour ne p[eu]t pas rester indifférente »42. De surcroît, les droits conventionnels évoluent dans le temps au gré des circonstances et la Cour européenne assiste à ce développement43. Dans ce cadre, le soft law du Conseil de l’Europe revêt une importance fondamentale, y compris dans le domaine de l’asile. Même si certains sujets sensibles méritent, il est vrai, un compromis entre 38
Cour EDH (ch.), Tyrer c. Royaume-Uni, 25 avril 1978, n. 5856/72, ECLI:CE: ECHR:1978:0425JUD000585672, paragraphe 31. 39 Expression empruntée à Frédéric Krenc. F. Krenc, « ‹Dire le droit›, ‹rendre la justice› : quelle Cour européenne des droits de l’homme ?, RTDH, 29e année (2018), n. 114, p. 311 – 346. 40 Cour EDH (Gde. ch.), Al-dulimi et Montana Management inc. c. Suisse, 21 juin 2016, n. 5809/08, ECLI:CE:ECHR:2016:0621JUD000580908, paragraphe 145. 41 D. Maus, « La Cour européenne des droits de l’homme est-elle une cour constitutionnnelle supranationale? », In : Liège, Strasbourg, Bruxelles : liber amicorum Michel Melchior, 2010, p. 479. 42 Opinion concordante du juge Pinto de Albuquerque, à laquelle se rallient les juges Hajiyev, Pejchal et Dedov, jointe à l’arrêt Al-dulimi et Montana Management inc. c. Suisse, paragraphe 49. 43 A. Stone Sweet, « Sur la constitutionnalisation de la Convention européenne des droits de l’homme : cinquante ans après son installation, la Cour européenne des droits de l’homme conçue comme une cour constitutionnelle », RTDH, 20ème année (2009), n. 80, p. 930.
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les États européens, il ne faut pas perdre de vue que l’adoption d’une mesure de soft law est déjà le résultat d’un consensus dont la portée géographique dépasse même l’Europe des 27. En ce qui concerne le droit de l’Union, tant son histoire que ses particularités institutionnelles et normatives font en sorte que des considérations de nature différente sont susceptibles d’influencer la portée de la protection offerte aux demandeurs d’asile. B. Le système constitutionnel du droit de l’Union Il appert que la trajectoire du droit de l’Union est plus spectaculaire que celle du droit conventionnel s’agissant de l’importance à accorder à la protection des droits fondamentaux, notamment lorsque nous analysons non seulement la législation, mais aussi la jurisprudence de la Cour de justice. Dans le Traité de Rome, la Communauté s’est donnée pour objectif « par l’établissement d’un marché commun et par le rapprochement progressif des politiques économiques des États membres, de promouvoir un développement harmonieux des activités économiques »44, et c’est dans ce contexte économique, que le Traité a prévu la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux. Si, au cours de l’histoire de la construction européenne, la place accordée à la protection des droits fondamentaux n’a cessé de croître45, la vocation initialement économique de l’Union demeure significative, notamment par le prisme de ces quatre libertés indispensables au fonctionnement du marché intérieur. La réalisation de ces quatre libertés impliquait inévitablement la suppression graduelle du contrôle aux frontières intérieures. C’est ainsi que les auteurs du Traité d’Amsterdam y ont clairement affiché leur volonté d’établir un espace de liberté, de sécurité et de justice. L’établissement de cet espace était nécessaire, en particulier pour « faciliter la libre circulation des personnes, tout en assurant la sûreté et la sécurité de leurs peuples »46. Dans cette perspective, les différents programmes élaborés par le Conseil accordaient une importance fondamentale aux considérations sécuritaires, notamment en matière de lutte contre les crimes transfrontaliers et de l’immigration illégale. Conscient du danger que représente un espace sans frontières intérieures, le Conseil européen a défini un programme dans ses conclusions de Tampere, témoignant ainsi de son attachement particulier à la protection des droits de l’Homme, tout en prévoyant des mesures propices à assurer le fonc44
Article 2 du Traité instituant la Communauté économique européenne de 1957. Notons qu’au-delà de l’adoption de la Charte des droits fondamentaux, les auteurs du Traité de Lisbonne ont prévu dans l’article 2 du Traité sur l’Union européenne que « [l]’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme[…] ». Ces valeurs sont impératives et leur respect oblige les États ayant adhéré à l’Union européenne et leur méconnaissance est susceptible d’activer le mécanisme inhérent à l’article 7 du TUE. 46 Considérant (12) du TUE. 45
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tionnement efficace des politiques appartenant à cet espace47. Au sein de celui-ci, l’Union européenne développe une politique commune en matière d’asile, d’immigration et de contrôle des frontières extérieures48. L’élaboration de cette politique implique un processus d’harmonisation intense afin de rapprocher les législations nationales. Ce processus a aussi pour conséquence que le législateur de l’Union adopte des instruments juridiques de plus en plus détaillés relevant du droit dérivé, dont le respect s’impose et dont le contenu reflète la dualité des préoccupations mentionnées : la sécurité et la protection des droits fondamentaux. C’est probablement cette dualité qui a incité le législateur de l’Union à établir un ordre juridique spécifique « doté d’un coefficient de spécificité indéniable »49. Dans l’avis 2/13 relatif à l’adhésion de l’Union à la Convention européenne, la Cour de justice a été amenée à définir les caractéristiques spécifiques de l’Union et de son droit, auxquelles l’adhésion ne peut porter atteinte50. Ces caractéristiques spécifiques sont, en partie, d’ordre constitutionnel et contribuent à façonner l’organisation interne de l’Union européenne dans une dimension non seulement verticale mais aussi horizontale. D’une part, la spécificité du droit de l’Union se manifeste dans la relation verticale entre l’Union et ses États membres, et les principes directeurs de cette relation sont de nature structurelle (comme le principe de répartition des compétences) et de nature normative (comme le principe de primauté et de l’effet direct)51. D’autre part, concernant la spécificité de la relation horizontale, le principe directeur pour organiser la relation entre les États membres est le principe de confiance mutuelle52. Du point de vue de l’adhésion de l’Union à la Convention européenne, une telle organisation constitutionnelle de l’ordre juridique de l’Union peut se heurter à des difficultés dans des cas particuliers, notamment lorsque la protection des droits fondamentaux est en jeu. Ce constat n’est pas remis en question par l’entrée en vigueur de la Charte des droits fondamentaux, dont la force obligatoire avait pour objectif de doter l’Union d’un catalogue écrit des droits fondamentaux propres et de combler les lacunes des Traités53. En effet, si l’article 52 de la Charte a érigé la Convention européenne en norme de référence minimale, en prévoyant explicitement la possibilité pour l’Union européenne d’accorder une 47 Conclusions du Conseil européen de Tampere, 15 et 16 octobre 1999. http://www.euro parl.europa.eu/summits/tam_fr.htm (consulté le 2 avril 2017). 48 Article 67(2) du TFUE. 49 F. Chaltiel, « Les perspectives du principe de primauté du droit communautaire », Petites affiches, (2005), n. 209, p. 5. 50 CJUE (ass. plénière), 18 décembre 2014, avis 2/13, ECLI:EU:C:2014:2454, point 172. 51 É. Dubout, « Une question de confiance : nature juridique de l’Union européenne et adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme », CDE, 51e année (2015), no. 1, p. 88. 52 Ibid., p. 92. 53 Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, JO C 202, 7 juin 2016. C. Weisse-Marchal, « L’applicabilité de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans les ordres juridiques nationaux », Revue de l’Union européenne, No. 573 (2013), p. 601.
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protection plus étendue54, le risque d’écart entre l’interprétation de ces deux instruments juridiques demeure présent tant qu’une adhésion formelle n’a pas lieu. Selon l’avocat général Mengozzi, les droits de l’Homme figurant dans la Convention européenne ne peuvent pas être transposés simplement, bien au contraire : « l’on doit procéder à une lecture enrichie de ces droits, à la lumière de leur interconnexion avec les autres droits établis par l’UE et de la jurisprudence qui les coordonne les unes avec les autres »55. Ce ne sont pas uniquement les autres droits fondamentaux qui peuvent entrer en ligne de compte, mais également les autres spécificités du droit de l’Union, notamment celles figurant dans les instruments juridiques du droit dérivé. En ce qui concerne les spécificités de nature constitutionnelle, le principe de répartition des compétences revêt une importance fondamentale. En vertu de ce principe, « l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent. Toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres »56. Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne désigne ponctuellement les domaines d’activités relevant de chacune de ces compétences. En dépit de cette circonstance, comme le Professeur Potvin-Solis l’a relevé, « la matière des compétences est nécessairement mouvante et évolutive par rapport aux objectifs qui, par définition, sont évolutifs », eu égard notamment au processus de fédéralisation caractérisant le partage des compétences dans l’ordre juridique de l’Union57. S’il incombe au juge de l’Union d’encadrer ce partage, la situation apparaît encore davantage compliquée lorsque la protection des droits fondamentaux entre en jeu, et ce nonobstant le fait que la Charte « n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les traités »58. Cependant, étant donné que les objectifs figurant dans le droit primaire et dérivé sont mouvants et que le législateur de l’Union prend souvent le relais, en tout cas dans certains domaines, de la jurisprudence évolutive de la Cour européenne, l’interprétation évolutive des objectifs de l’Union est susceptible de modifier des compétences de l’Union, sous réserve qu’y soit porté un frein émanant de la Cour de justice. Dit autrement : le 54
Article 52(3) de la Charte des droits fondamentaux: « Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue ». 55 P. Mengozzi, « Les caractéristiques spécifiques de l’Union européenne dans la perspective de son adhésion à la CEDH », Il diritto dell’Unione europea, Anno XV (2010), 2, p. 234. 56 Article 5(2) du TUE. 57 L. Potvin-Solis, « Compétences partagées et objectifs matériels », In : Objectifs et compétences dans l’Union européenne, 2013, p. 30. 58 Article 51(2) de la Charte.
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partage des compétences comme spécificité du droit de l’Union peut avoir une influence sur le développement dynamique de la protection des droits fondamentaux. L’intégration de l’ordre juridique communautaire dans le droit national impliquait non seulement la possibilité pour les individus d’invoquer directement les normes communautaires devant les juridictions nationales conformément au principe de l’effet direct, mais également leur application privilégiée partout dans l’Union par le truchement du principe de primauté59. Il est indispensable de définir la portée de ce principe et ses limites du point de vue de la relation entre le droit conventionnel et le droit de l’Union. Dans l’arrêt Melloni, les questions préjudicielles déférées par le Tribunal constitutionnel espagnol cherchaient à savoir notamment si une législation nationale peut ajouter un motif de non-exécution d’un mandat d’arrêt européen qui n’est pas prévu dans la décision-cadre 2002/584/JAI60 et qui accorde une protection plus étendue s’agissant des garanties procédurales par rapport au droit de l’Union. En l’occurrence, le droit espagnol a prévu la nécessité de réviser une condamnation in absentia dans l’État membre d’émission. En d’autres termes, le droit espagnol a accordé une protection plus étendue à l’inculpé que celle garantie par la décisioncadre. C’est cette circonstance qui a incité la juridiction de renvoi à interroger la Cour de justice sur la compatibilité de cette règlementation avec le droit de l’Union. La juridiction de renvoi a demandé, en réalité, que la Cour de justice se prononce sur la compatibilité entre une disposition de la Constitution espagnole et une disposition du droit dérivé, à la lumière de la primauté. En premier lieu, la Cour de justice a déclaré formellement la primauté de l’article 4bis (1) de la décision-cadre61 sur la Constitution nationale. Avec la troisième 59
Il est en effet bien connu depuis l’arrêt célèbre de Costa c. ENEL, qu’« à la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la C.E.E. a institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des États membres lors de l’entrée en vigueur du traité et qui s’impose à leurs juridictions ». CJCE, Flaminio Costa contre E.N.E.L., 15 juillet 1964, 6/64, ECLI:EU:C:1964:66. Si la primauté a été codifiée dans le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, il n’en va pas de même s’agissant du Traité de Lisbonne. Néanmoins, une déclaration non contraignante a été ajoutée au Traité de Lisbonne, intitulée « Déclaration relative à la primauté », en vertu de laquelle « [l]a Conférence rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, les traités et le droit adopté par l’Union sur la base des traités priment le droit des États membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence ». 60 Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres – Déclarations de certains États membres sur l’adoption de la décision-cadre, JO L 190 du 18. 7. 2002, p. 1 – 20. 61 Cette disposition a été insérée par l’article 2 de la décision-cadre 2002/584/JAI dans la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil du 26 février 2009 portant modification des décisions-cadres 2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès, JO L 81 du 27. 3. 2009, p. 24 – 36. En vertu de cette disposition insérée, « [l]’autorité
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question préjudicielle, la juridiction de renvoi a demandé en substance si l’article 53 de la Charte permettait l’applicabilité des normes plus favorables provenant de la Constitution nationale62. La Cour de justice a répondu par la négative. En effet, une fois la disposition invoquée du droit dérivé conforme à la Charte des droits fondamentaux, la Cour de justice se considère légitime pour prendre en considération d’autres aspects découlant des spécificités du droit de l’Union. C’est ainsi que la Cour de justice a jugé que l’application des standards nationaux de protection des droits fondamentaux ne pouvait pas compromettre le niveau de protection prévu par la Charte, ni la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union63. Cette solution reflète non seulement la volonté des États membres64 de déterminer le niveau de protection figurant dans les instruments juridiques du droit dérivé, mais aussi le consensus auquel ils sont parvenus lors de l’élaboration de la décision-cadre. Nonobstant la clause de non-régression figurant dans la Charte des droits fondamentaux, la solution proposée par l’arrêt Melloni permet de maintenir le status quo dans la mesure où le niveau de protection garanti dans le droit dérivé de l’Union prime sur celui offert par le droit national, sous réserve de la conformité de la solution nationale au niveau de protection offert par la Charte. Cette solution s’impose notamment pour maintenir son propre standard harmonisé reflétant les impératifs spécifiques au droit de l’Union65. Cependant, une solution nationale peut être validée par la Cour européenne et, en même temps, jugée contraire au droit de l’Union, en raison de la méconnaissance d’une disposition du droit dérivé de l’Union, à la lumière du respect du principe de primauté. Si cette éventualité devrait être, en principe, écartée en application de la clause de non-régression de la Charte, les spécificités qui ne sont pas clairement encadrées peuvent conduire à un tel cas de figure. Le respect du principe de primauté du droit de l’Union va de pair avec celui du principe de confiance mutuelle. Plus précisément, le respect du principe de primauté renforce la confiance mutuelle entre les États membres. En prenant l’exemjudiciaire d’exécution peut également refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, si l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision […] ». Article 2 de la décision-cadre 2002/584/JAI. 62 En vertu de l’article 53 de la Charte, « [a]ucune disposition de la présente Charte ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur champ d’application respectif, par le droit de l’Union, le droit international et les conventions internationales auxquelles sont parties l’Union, ou tous les États membres, et notamment la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ainsi que par les constitutions des États membres ». 63 CJUE (Gde. ch.), Stefano Melloni c. Ministerio Fiscal, 26 février 2013, C-399/11, ECLI:EU:C:2013:107, paragraphe 60. 64 Cette approche est d’ailleurs critiquée par la doctrine. L. Besselink, « The parameters of constitutional conflict after Melloni », ELR, Vol. 39 (2014), no. 4, p. 531 – 552. 65 É. Dubout, « Le niveau de protection des droits fondamentaux dans l’Union européenne : unitarisme constitutif versus pluralisme constitutionnel : réflexions autour de l’arrêt Melloni », CDE, 49e année (2013), no. 2, p. 299 – 306.
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ple du cadre factuel de l’arrêt Melloni, étant donné que le droit espagnol ne peut pas accorder une protection plus étendue, la protection offerte par le droit pénal espagnol correspond, au moins, au niveau de protection offert par la Charte, et les autres États membres peuvent lui faire confiance. Néanmoins, il convient de remarquer que, dans l’arrêt Melloni, la Cour de justice a évalué le système juridique espagnol avant de se prononcer sur le niveau de protection. Dit autrement, l’objet de la confiance n’est pas statique mais mouvant, et nécessite un examen continu. À l’instar du principe de primauté, le principe de confiance mutuelle est susceptible d’entrer en conflit avec les droits fondamentaux. C’est ainsi que la doctrine s’interroge sur la nature du principe de confiance mutuelle66. D’un point de vue étymologique, la confiance signifie une espérance ferme, l’assurance de celui/ celle qui se fie à quelqu’un ou à quelque chose67. Au-delà de son fondement, il convient d’identifier l’objet de cette confiance. Sur le plan juridique et dans les relations interétatiques, nous considérons, dans le sillage de Guy Stessens, que la confiance mutuelle revêt deux facettes : il convient d’avoir confiance, d’une part, dans le système juridique de l’autre État membre, et, d’autre part, dans le fait que la mise en œuvre du droit par cet autre État membre sera conforme au droit de l’Union68. On pourra ainsi affirmer que la confiance se réfère à une confiance normative et à une confiance pragmatique. Premièrement, en ce qui concerne la confiance normative, la confiance mutuelle a, historiquement parlant, été instaurée afin de réduire les effets de la diversité entre les États membres, l’Union ne projetant pas de s’engager dans un processus de fédéralisation69. Au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, les textes du droit dérivé ont contribué à l’établissement d’une unité territoriale caractérisée par un niveau élevé d’harmonisation (pourtant inachevée), dans laquelle la cohabitation des différents ordres juridiques nationaux génère une extrême complexité normative. Ainsi, la confiance mutuelle constitue « le support indispensable à la création d’un espace commun abritant la diversité des droits nationaux »70. Comme Niklas Luhmann l’a souligné, lorsqu’un ordre social devient plus complexe, il perd en tant que totalité son caractère d’évidence, et la complexité ainsi établie donne lieu à « un
66 La majorité de la doctrine considère que le principe de confiance mutuelle est inextricable et flou, ce pourquoi il est difficile de cerner ses contours (voir : infra). Or, la confiance mutuelle est le moteur du fonctionnement de la coopération interétatique dans les domaines appartenant à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. 67 P. Robert, Le petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Le Robert, 2015, p. 505. 68 G. Stessens, « The principle of mutual confidence between judicial authorities in the area of freedom, justice and security », In: L’espace pénal européen, 2002, p. 93 – 94. 69 H. Labayle, « La confiance mutuelle dans l’espace de liberté, sécurité et justice », In : Grenzüberschreitendes Recht : Festschrift für Kay Hailbronner, 2013, p. 153. 70 É. Dubout, « Une question de confiance… », op. cit., p. 93.
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besoin accru de coordination »71. La complexité invoquée dans la théorie de Luhmann résulte de la diversité des règlementations nationales, en raison notamment d’une harmonisation inachevée, et, dès lors, de la réception variée des exigences européennes lacunaires par les ordres juridiques nationaux. C’est pourquoi la confiance pragmatique revêt une importance fondamentale. Deuxièmement, et s’agissant de cette confiance pragmatique, l’application combinée des normes européennes et nationales implique que la marge de manœuvre incombe aux instances nationales. Le point de discordance dans la doctrine et dans la jurisprudence porte sur les limites de cette confiance pragmatique. Toujours selon Niklas Luhmann, concernant le processus de formation de la confiance, ce dernier consiste dans l’apprentissage de la confiance, le déplacement partiel de la problématique de l’externe vers l’interne, et « un contrôle symbolique de l’objet de la confiance »72. Il nous semble que le point focal du problème lié à la confiance mutuelle dans l’ordre juridique de l’Union réside, effectivement, dans le mécanisme du contrôle et l’intensité du contrôle de l’objet de la confiance. Cet objet impliquet-il les droits fondamentaux ? La doctrine critique à cet égard la raison d’être du principe de confiance mutuelle, puisque ce principe empêche, en fin de compte, un dialogue équilibré entre la Cour européenne et la Cour de justice. Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir quel est le fondement juridique du principe de confiance mutuelle. L’avis 2/ 13 de la Cour de justice a fourni un certain éclairage sur la nature de ce principe. La nécessité de créer « une union sans cesse plus étroite »73 implique l’établissement d’une communauté des valeurs, des principes et des règles partagés par les États membres. Or, l’appartenance à cette communauté « repose sur la prémisse fondamentale selon laquelle chaque État membre partage avec tous les autres États membres, et reconnaît que ceux-ci partagent avec lui, une série de valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée, comme il est précisé à l’article 2 TUE »74. La Cour de justice continue en argumentant que « [c]ette prémisse implique et justifie l’existence de la confiance mutuelle entre les États membres dans la reconnaissance de ces valeurs et, donc, dans le respect du droit de l’Union qui les met en œuvre »75. La Cour de justice qualifie la confiance mutuelle de principe dont la nature n’est pas précisée. Notons que ni le principe de primauté ni le principe de confiance mutuelle ne figurent dans le droit primaire. Selon certains auteurs, le principe de confiance
71 N. Luhmann, La confiance, un mécanisme de réduction de la complexité sociale, Paris, Economica, 2006, p. 22. 72 Ibid., p. 32. 73 Considérant (13) du TUE. 74 CJUE, 18 décembre 2014, avis 2/13, préc., paragraphe 168. 75 Ibid.
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mutuelle peut être qualifié de principe constitutionnel76 alors que d’autres rejettent fermement cette position. Luc Leboeuf dément le caractère constitutionnel du principe de confiance mutuelle en mettant en lumière que la notion de confiance « renvoie non à une réalité atteinte définitivement, mais à une dynamique évolutive »77. Eester Herlin-Karnell considère ce principe comme un axiome quasi-constitutionnel78. D’après Ingolf Pernice, l’obligation décrite dans l’avis 2/13 est une obligation quasi constitutionnelle79. Selon Jean-Paul Jacqué, l’avis 2/13 de la Cour de justice a érigé le principe de confiance mutuelle en principe constitutionnel par voie interprétative, la même démarche ayant été suivie concernant l’exigence de la Communauté de droit80. Cette affirmation peut être confirmée si l’on prend en considération la définition de Professeur Sommermann des principes constitutionnels. En effet, selon lui, les principes constitutionnels, notamment ceux de l’Union, découlent de certaines décisions juridictionnelles de base définissant le contenu et l’organisation de l’Union81. De ce point de vue, le fait que les principes constitutionnels ainsi dégagés aient été ensuite codifiés dans le droit primaire, ne saurait être décisif. Il suffit de penser au principe de primauté, résultat d’une œuvre prétorienne, qui ne figure pas dans le droit primaire, malgré les tentatives de codification qui en ont été faites dans le Traité établissant une Constitution pour l’Europe. Il en va de même s’agissant du principe de confiance mutuelle qui figure cependant dans le droit dérivé. Selon Armin von Bogdandy, figurent parmi les principes constitutionnels traditionnels nationaux les principes constitutionnels propres à une communauté de 76 Henri Labayle se réfère au principe de confiance mutuelle en tant que principe constitutionnel dans l’interprétation qui en est faite par la Cour de justice : « la Cour de justice innove en érigeant en véritable principe constitutionnel un principe jusque-là réservé à l’Espace de liberté, sécurité, justice, le principe de confiance mutuelle ». H. Labayle, « L’avis 2/13 de la Cour de justice sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme : pavane pour une adhésion défunte ? », RFDA, 31e année (2015), no. 1, p. 3 – 22. (point 32). D. Düsterhaus a caractérisé la définition de la confiance mutuelle figurant dans l’avis 2/13 de « constitutional definition ». D. Düsterhaus, « Judicial coherence in the area of freedom, security and justice : squaring mutual trust with effective judicial protection », REALaw, Vol. 8 (2015), 2, p. 154. Voir encore : K. Lenaerts, « The principle of mutual recognition in the Area of Freedom, Security and Justice », In : Il diritto dell’Unione europea, 3 (2015), p. 525 – 551. 77 L. Leboeuf, Le droit européen de l’asile au défi de la confiance mutuelle, Limal, Anthemis, 2016, p. 133 – 134. 78 E. Herlin-Karnell, « Constitutional principles in the area of freedom, security and justice », In : EU security and justice law, 2014, p. 43. 79 I. Pernice, « L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme est suspendue : remarques à propos d’un avis surprenant de la Cour de justice de l’Union européenne du 18 décembre 2014 », CDE, 51e année (2015), no. 1, p. 54. L’auteur se réfère à cet égard à une « constitution composée ». 80 J.-P. Jacqué, « Pride and/or prejudice? : les lectures possibles de l’avis 2/13 de la Cour de justice », CDE, 51e année (2015), no. 1, p. 34. 81 K.-P. Sommermann, « Herkunft und Funktionen von Verfassungsprinzipien in der Europäischen Union », In : Verfassungsprinzipien in Europa, 2008, p. 15.
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droit, celle-ci étant dotée d’un ordre juridique autonome et constituée en tant qu’axiome normatif82. Parmi ces principes constitutionnels qui caractérisent une communauté de droit figurent les principes fondant l’unité (Einheit stiftende Prinzipien) ainsi que les principes protégeant la diversité (Vielfalt schützende Prinzipien)83. En ce qui concerne le premier cas de figure, Armin von Bogdandy parle du principe de réalisation des objectifs visés à l’article 2 et 3 TUE, qui n’est pas considéré comme un principe statique, mais comme un principe dynamique84. Dès lors, le dynamisme inhérent au principe de confiance mutuelle n’empêche pas sa qualification comme principe constitutionnel. Ainsi conçu, le principe de confiance mutuelle peut être considéré comme un principe structurel (Strukturprinzip), qui fournit le cadre organisationnel ou procédural de la détermination des objectifs (Zielbestimmungen)85. Dans cette perspective, les valeurs énumérées dans l’article 2 TUE ainsi que le postulat selon lequel ces valeurs sont communes aux États membres constituent des objectifs à respecter. Lorsque la Cour de justice relève dans son avis que cette prémisse implique et justifie l’existence de la confiance mutuelle, il est possible de soutenir que les juges du Plateau de Kirchberg ont érigé la confiance mutuelle au rang de principe constitutionnel structurel. Toujours selon Jean-Paul Jacqué, la nécessité d’ériger la confiance mutuelle en principe constitutionnel était motivée par le fait qu’il incombe tant à la Cour de justice qu’à la doctrine de dégager du texte des Traités les principes fondamentaux qui se cachent derrière les textes rédigés « par des négociateurs pragmatiques »86. Certes, l’évolution du principe de confiance mutuelle a été spectaculaire : la confiance, concept politique et social (ein politisch-sozialer Begriff), est devenue un fait juridiquement pertinent (eine rechtlich relevante Tatsache), puis un principe juridiquement pertinent, avant de devenir un principe juridique en général applicable et contraignant pour les États membres (ein allgemein anwendbares, für die Mitgliedstaaten verpflichtendes Rechtsprinzip)87. Quel que soit le fondement du principe de confiance mutuelle, celui-ci se comporte comme un principe constitutionnel qui peut entrer en conflit avec les droits fondamentaux. Toutefois, le principe de confiance mutuelle n’est pas absolu, mais peut être sujet à des limitations. Les mécanismes figurant dans les instruments juridiques adoptés dans le domaine de l’espace de liberté, de sécurité et de justice visent à faciliter la reconnaissance et l’exécution des décisions juridictionnelles. Qu’il s’agisse des procé82 A. von Bogdandy, « Europäische Prinzipienlehre », In : Europäisches Verfassungsrecht: theoretische und dogmatische Grundzüge, 2003, p. 185. 83 Ibid., p. 186 – 193. 84 Ibid., p. 189. 85 K.-P. Sommermann, « Herkunft und Funktionen… », op. cit., p. 19. 86 J-P. Jacqué, « Pride and/or prejudice… », op. cit., p. 34. 87 R. Bieber, « ‹Gegenseitiges Vertrauen› zwischen den Mitgliedstaaten: ein normatives Prinzip der Europäischen Union? », In : Die Schweiz und die europäische Integration : 20 Jahre Institut für Europarecht, 2015, p. 51.
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dures Dublin88, des procédures de reconnaissance et d’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale89, des procédures de reconnaissance et d’exécution des décisions en matière civile et commerciale90 ou des procédures d’exécution d’un mandat d’arrêt européen91, la logique sous-jacente qui caractérise les relations interétatiques au sein de cet espace est la même : la reconnaissance et l’exécution quasi-automatiques des décisions judiciaires et les cas, dans lesquels le refus peut intervenir, sont strictement limités par la loi. C’est ainsi que le législateur de l’Union a contribué à l’établissement d’une confiance normative. Premièrement, en ce qui concerne le système de compétence, de reconnaissance et d’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, le législateur de l’Union a prévu dans le règlement Bruxelles IIbis que « la reconnaissance et l’exécution des décisions rendues dans un État membre devraient reposer sur le principe de la confiance mutuelle et les motifs de non-reconnaissance devraient être réduits au minimum nécessaire »92. Le règlement prévoit de façon exhaustive les motifs de non reconnaissance des décisions de divorce, de séparation de corps ou d’annulation de mariage, de même que les motifs de nonreconnaissance des décisions en matière de responsabilité parentale93. La particularité de ce règlement réside, toutefois, dans une disposition spécifique revêtant un caractère d’exécution automatique en cas de déplacement ou de non-retour illicite d’un enfant. Aux termes de l’article 11, paragraphe (8) du règlement, nonobstant une décision de non-retour, toute décision ultérieure ordonnant le retour de l’enfant rendue par une juridiction compétente est exécutoire94. Autrement dit, lorsqu’une décision de retour est rendue, celle-ci est immédiatement exécutoire et l’État 88 Voir en ce sens : Convention relative à la détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres des Communautés européennes – Convention de Dublin, JO C 254 du 19. 08. 1997, p. 1 – 12 ; Règlement (CE) n8343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, JO L 50 du 25. 2. 2003, p. 1 – 10 ; Règlement (UE) n 8604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, JO L 180 du 29. 6. 2013, p. 31 – 59. 89 Règlement (CE) n8 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n8 1347/2000 (règlement Bruxelles IIbis), JO L 338 du 23. 12. 2003, p. 1 – 29. 90 Règlement (CE) n8 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO L 12 du 16. 1. 2001, p. 1 – 23. 91 Décision-cadre 2002/584/JAI préc. 92 Considérant (21) du règlement Bruxelles IIbis. 93 Voir à cet égard les articles 22 et 23 du règlement Bruxelles IIbis. 94 Ibid., article 11(8).
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membre qui doit exécuter cette décision ne dispose d’aucune marge de manœuvre à cet égard : dans ce cas la confiance est aveugle. Certes, une telle automaticité est étrangère par rapport à la politique jurisprudentielle de la Cour européenne. C’est ainsi que la conventionnalité de cette solution législative a été testée devant elle dans l’affaire Povse contre Autriche. Dans cette affaire, les requérants ont allégué sur le terrain de l’article 8 de la Convention européenne95 que les juridictions autrichiennes s’étaient limitées à ordonner l’exécution de la décision de retour de la juridiction italienne et n’avaient pas examiné l’argument des requérants selon lequel le retour de la première requérante en Italie constituerait un grave danger pour son bien-être et entraînerait la séparation permanente de la mère et de l’enfant 96. D’après la conception des requérants, bien que la disposition citée habilite les autorités compétentes à exécuter automatiquement les décisions judiciaires, le respect du droit à la vie privée et familiale commande une solution différente favorable aux intérêts individuels. Dans son appréciation, la Cour européenne a effectué un test traditionnel de proportionnalité. Il ne faisait guère de doute qu’il s’agissait d’une interférence dans la vie privée et familiale, qui peut être justifiée si elle est prévue par la loi, poursuit un intérêt légitime et elle est nécessaire dans une société démocratique. En ce qui concerne les deux premiers critères, chacun était rempli. Concernant maintenant le dernier critère, en vue de justifier le déclenchement du test de Bosphorus97, la Cour européenne a constaté que les juridictions autrichiennes n’ayant pas eu de marge d’appréciation pour exécuter la décision juridictionnelle rendue par leur homologue italien, il convenait de vérifier si le droit de l’Union accordait une protection équivalente. Par suite, la Cour européenne, en vérifiant si la présomption de protection équivalente était renversée en l’espèce, a refusé, pour le moins implicitement, toute automaticité concernant l’exécution des décisions judiciaires, et ce, nonobstant une habilitation normative expresse émanant du droit dérivé de l’Union. Toutefois, cette démarche des juges de Strasbourg n’est pas assumée. Le contrôle des actes de l’Union constitue, il est vrai, un sujet délicat et sensible tant que l’adhésion de l’Union à la Convention européenne n’a pas lieu. Mais, que ce soit en raison de ce contrôle restreint ou de la violation potentielle d’un droit relatif, tel que le droit à la vie privée et familiale, la Cour européenne a conclu que l’automaticité de l’exé95 L’article 8 de la Convention européenne prévoit le droit au respect de la vie privée et familiale. 96 Cour EDH (1ère section), Povse c. Autriche, 18 juin 2013, n. 3890/11, ECLI:CE: ECHR:2013:0618DEC000389011, paragraphe 57. 97 Cour EDH (Gde. ch.), Bosphorus Hava Yollari Turizm Ve Ticaret Anonim Sirketi c. Irlande, 30 juin 2005, n. 45036/98, ECLI:CE:ECHR:2005:0630JUD004503698. Dans cette affaire, la Cour européenne a relevé qu’« une mesure de l’État prise en exécution des obligations juridiques doit être réputée justifiée dès lors qu’il est constant que l’organisation en question accorde aux droits fondamentaux (cette notion recouvrant à la fois les garanties substantielles offertes et les mécanismes censés en contrôler le respect) une protection à tout le moins équivalente à celle assurée par la Convention ». (paragraphe 155). En l’occurrence, il s’agissait d’une mesure prise sur le fondement du règlement Bruxelles IIbis.
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cution prévue au règlement Bruxelles IIbis est compensée par un possible recours dans l’État de destination. Cependant, à aucun moment la Cour européenne n’a examiné la situation des droits fondamentaux en Italie sur le terrain de l’article 8 de la Convention, alors que le test Bosphorus exige dans tous les cas une telle démarche. In fine, indépendamment des incertitudes caractérisant le raisonnement interne de cet arrêt, le déclenchement même du test Bosphorus nous incite à penser que nonobstant le caractère « self-executing » de l’article 11, paragraphe (8) du règlement Bruxelles IIbis, les autorités concernées sont tenues d’effectuer certaines vérifications avant d’exécuter les décisions judiciaires et ce, afin d’empêcher la séparation durable du parent et de l’enfant. C’est pourquoi la confiance ne peut être aveugle même lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre une norme « self-executing » prévue par le droit de l’Union. Deuxièmement, en ce qui concerne le domaine pénal, l’interprétation de la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen a connu un développement fulgurant dans la jurisprudence de la Cour de justice et a permis de préciser la portée de la confiance mutuelle. Selon les dispositions de la décision-cadre, « [l]e mécanisme du mandat d’arrêt européen repose sur un degré de confiance élevé entre les États membres[…] [et] [l]a mise en œuvre de celui-ci ne peut être suspendue qu’en cas de violation grave et persistante par un des États membres des principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne, constatée par le Conseil en application de l’article 7 »98. La logique sous-jacente est principalement la même : la suspension de la procédure d’exécution ne peut intervenir que dans les cas prévus par le législateur de l’Union, en l’occurrence, lors de l’activation du mécanisme prévu dans l’article 7 du TUE99. Certes, l’activation de ce mécanisme est difficilement opérationnelle100. La décision-cadre prévoit toutefois, à l’instar des autres instruments juridiques évoqués, certains motifs de non-exécution du mandat d’arrêt européen, ces derniers pouvant être obligatoires ou facultatifs. Le législateur de l’Union a ainsi créé des conditions normatives pour renforcer la confiance mutuelle. 98
Considérant (10) de la décision-cadre 2002/584/JAI. En vertu de l’article 7(1) du TUE, « [s]ur proposition motivée d’un tiers des États membres, du Parlement européen ou de la Commission européenne, le Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après approbation du Parlement européen, peut constater qu’il existe un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l’article 2 ». 100 Notons que la première véritable activation a eu lieu contre la Pologne à l’initiative de la Commission européenne. Résolution du Parlement européen du 1er mars 2018 sur la décision de la Commission de déclencher l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne en ce qui concerne la situation en Pologne, P8_TA(2018)0055. En outre, le rapport Sargentini a été adopté en juillet 2018 qui a permis l’activation de l’article 7 contre la Hongrie. Rapport relatif à une proposition invitant le Conseil à constater, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne, l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée, (2017/2131(INL)), 4 juillet 2018, A8 – 0250/2018. L’affaire est actuellement pendante devant le Conseil. 99
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Tout d’abord, la Cour de justice a exclu tous les motifs de non-exécution du mandat d’arrêt européen qui n’étaient pas explicitement prévus par la décisioncadre. Cette juridiction a souligné à plusieurs reprises que les États membres ne peuvent refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen que dans les cas de nonexécution obligatoire ainsi que dans les cas de non-exécution facultative101. Dans l’affaire Radu, le requérant au principal a allégué qu’il n’a pas été entendu par les autorités concernant l’émission d’un mandat d’arrêt européen aux fins de l’exercice de poursuites pénales. La Cour de justice a répondu par le respect nécessaire des dispositions de la décision-cadre ainsi que par la logique même du mandat d’arrêt européen. En effet, la circonstance que le mandat d’arrêt européen aurait été délivré sans que la personne ait été entendue par les autorités judiciaires d’émission ne figure pas au nombre des motifs de non-exécution102. Dit autrement, la confiance normative établie par le législateur de l’Union a permis d’exécuter, en toute légalité, le mandat d’arrêt européen. Si, dans un premier temps, la Cour de justice a adopté une interprétation littérale ne permettant pas de refuser l’exécution au-delà des motifs explicitement prévus dans la décision-cadre, l’arrêt Aranyosi a marqué un tournant décisif dans l’histoire du rapprochement jurisprudentiel entre les deux cours européennes103. En ce qui concerne le cadre factuel, il s’agit des affaires jointes dont l’élément commun est l’exécution d’un mandat d’arrêt européen en vue de l’exercice des poursuites pénales en Hongrie et de l’exécution d’une peine privative de liberté en Roumanie. Les questions préjudicielles posées à la Cour de justice étaient de savoir si la décision-cadre devait être interprétée en ce sens que, lorsque les conditions de détention dans l’État membre d’émission sont susceptibles de méconnaître les droits fondamentaux, en particulier l’article 4 de la Charte, l’autorité judiciaire d’exécution peut ou doit refuser l’exécution du mandat d’arrêt européen104. Notons d’emblée qu’un tel motif ne figure pas parmi ceux expressément prévus dans la décisioncadre. Dans son analyse, après avoir souligné l’importance du principe de confiance mutuelle, tout comme le caractère exceptionnel du refus des transferts conformément à l’avis 2/13, la Cour de justice précise la portée des circonstances exceptionnelles. Elle souligne que les articles 1er et 4 de la Charte ainsi que l’article 3 de la Convention européenne « consacrent l’une des valeurs fondamentales de l’Union et de ses États membres » et, dès lors, l’autorité de l’État membre d’exécution est tenue d’apprécier l’existence du risque de violation de ces articles avant de décider de la remise aux autorités de l’État membre d’émission de la personne concernée 101 CJUE (Gde ch.), Procédure relative à l’exécution de mandats d’arrêt européens émis à l’encontre de Ciprian Vasile Radu, 29 janvier 2013, C-396/11, ECLI:EU:C:2013:39, paragraphe 36. 102 Ibid., paragraphe 38. 103 CJUE (Gde. ch.), Pál Aranyosi et Robert Ca˘ lda˘ raru, 5 avril 2016, aff. jointes C-404/15 et C-659/15 PPU, ECLI:EU:C:2016:198. 104 Ibid., paragraphe 74.
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par le mandat d’arrêt européen105. En procédant ainsi, il nous semble que la Cour de justice a élargi la portée des circonstances exceptionnelles en y intégrant la violation potentielle des droits absolus figurant dans la Charte et/ou la Convention européenne, et ce en affaiblissant la confiance mutuelle. Ainsi, le juge de l’Union a élargi, par voie prétorienne, les cas dans lesquels tout automatisme doit être nié lors de l’exécution des décisions. Ces derniers sont cependant limités afin de ne pas mettre en péril la libre circulation des décisions judiciaires. L’affaiblissement de la confiance mutuelle est sans nul doute justifié en l’occurrence, mais la portée des vérifications de la situation des droits fondamentaux dans l’État membre de destination ne peut dépasser certaines limites en mettant en péril la logique fondamentale des instruments juridiques du droit dérivé de l’Union au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice : la libre circulation des décisions judiciaires. En ce qui concerne la question des méthodes, la Cour de justice esquisse soigneusement les tâches que les autorités nationales doivent effectuer avant de décider sur le sort du mandat d’arrêt européen. Dans cette perspective, l’évaluation de la situation en matière de protection des droits fondamentaux dans l’État membre de destination se fait de manière autonome par les juridictions de l’État membre d’exécution, en prenant appui sur les décisions judiciaires internationales et nationales, de même que sur les rapports établis par les organes du Conseil de l’Europe ou relevant du système des Nations Unies106, et ce, à la lumière de l’obligation positive découlant de la jurisprudence de la Cour européenne sur le fondement de l’article 3 de la Convention européenne107. Afin de s’assurer de l’existence d’un risque individuel de violation de l’article 4 de la Charte, la Cour de justice propose un dialogue institutionnalisé entre les autorités nationales compétentes. Dans la mesure où il existe un risque réel de traitement inhumain ou dégradant, l’exécution du mandat d’arrêt européen « doit être reportée mais ne saurait être abandonnée »108. Si cette solution répond aux exigences venant du droit conventionnel, son effectivité demeure, cela étant dit, sujette aux interrogations, notamment eu égard aux exigences de célérité. Quoi qu’il en soit, le message de l’arrêt est clair : la Cour de justice écarte toute automaticité d’exécution. Dans ce cadre, lorsque le risque de violation d’un droit absolu est avéré, ce risque justifie la suspension de la confiance mutuelle entre les États membres concernés, en reportant l’exécution du mandat d’arrêt européen. En vue de vérifier si tel était le cas, la Cour de justice a défini des critères à examiner avant l’exécution du mandat d’arrêt européen afin de prévenir tout risque de violation des droits absolus. Bien que la Cour de justice ait fourni une grille de lecture détaillée à la juridiction de renvoi, l’exigence des vérifications peut provoquer un désarroi au niveau des juridictions nationales concernant la concrétisation de ces contrôles. Concrètement, des 105 106 107 108
Ibid., paragraphes 87 et 88. Ibid., paragraphe 89. Ibid., paragraphe 90. Ibid., paragraphe 98.
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demandes répétées d’informations complémentaires au sujet du système juridique de l’État d’émission de même que des demandes dépourvues de pertinence sont susceptibles de saper les objectifs clairement définis dans les instruments juridiques adoptés au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Les arrêts suivants semblent confirmer cette inquiétude. L’affaire ML s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence Aranyosi109. Concernant les faits, les juridictions allemandes ont évalué l’exécution d’un mandat d’arrêt européen délivré par une juridiction hongroise aux fins de l’exercice de poursuites pénales. La juridiction de renvoi a notamment pris en considération le fait que la Hongrie a été condamnée par la Cour européenne à plusieurs reprises sur le terrain de l’article 3 de la Convention européenne en raison de mauvaises conditions de détention. L’affaire démontre à quel point les juges de Luxembourg sont entrés sur un terrain glissant en définissant la portée des circonstances exceptionnelles et, en particulier, la méthode permettant d’apprécier le renversement de la confiance mutuelle entre les autorités compétentes. La juridiction de renvoi a demandé s’il convenait de prendre en considération les conditions de détention sur l’ensemble du territoire de l’État en question ou uniquement celles prévalant dans l’établissement pénitentiaire de destination. La nature même de la question montre que les juridictions nationales rencontrent des difficultés non négligeables lorsqu’elles se trouvent face à la nécessité d’une appréciation individuelle. La Cour de justice a été amenée à définir la portée des circonstances exceptionnelles en esquissant les limites du principe de confiance mutuelle. Elle a relevé que « des limitations aux principes de reconnaissance et de confiance mutuelles entre États membres p[euv]ent être apportées ‹dans des circonstances exceptionnelles› »110. La portée de ces circonstances exceptionnelles a été définie de la même manière que dans l’arrêt Aranyosi, tout en ajoutant l’éventualité d’un report de l’exécution du mandat d’arrêt européen. En outre, la Cour de justice a, de nouveau, fourni une feuille de route sur des critères à examiner avant de procéder à l’exécution du mandat d’arrêt européen. La Cour a souligné que les conditions pénitentiaires devaient être vérifiées uniquement en relation avec la personne concernée. Concernant la malléabilité de la portée des circonstances exceptionnelles, celleci s’avère suffisamment flexible pour que les violations potentielles de l’article 6 de la Convention européenne et/ou de l’article 47 de la Charte puissent en relever. Tel est l’enseignement de l’arrêt LM prononcé le même jour111. Le requérant au principal se trouvait en détention en Irlande, lorsque les autorités polonaises ont émis trois mandats d’arrêt européen à son encontre aux fins de l’exercice de poursuites
109 110 111
CJUE (1ère ch.), ML., 25 juillet 2018, C-220/18 PPU, ECLI:EU:C:2018:589. Ibid., paragraphe 56. CJUE (Gde. ch.), LM., 25 juillet 2018, C-216/18 PPU, ECLI:EU:C:2018:586.
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pénales112. Après avoir déclaré son souhait de ne pas consentir à sa remise aux autorités polonaises, le requérant au principal a émis l’argument selon lequel sa remise l’exposerait à un risque réel de déni de justice flagrant en vertu de l’article 6 de la Convention européenne, et a invoqué les réformes dans le système judiciaire en Pologne, notamment celles concernant l’indépendance de la magistrature113. Eu égard aux préoccupations exprimées par la Commission européenne, la juridiction de renvoi, la High Court irlandaise s’est interrogée sur la possibilité de refuser la remise de l’intéressé en vertu de l’article 1, paragraphe (3) de la décision-cadre. Conformément à cette disposition, la décision-cadre « ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 du traité sur l’Union européenne »114. Certes, la lecture de ce texte nous incite à penser que la mise en œuvre de cette disposition est, à elle seule, susceptible d’empêcher l’exécution des mandats d’arrêt européens dans le cas de la moindre violation des droits fondamentaux figurant dans la Charte. Cependant, le principe constitutionnel de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires serait battu en brèche, dans la mesure où la moindre violation empêcherait l’exécution du mandat d’arrêt européen. Dès lors, il incombe, en fin de compte, au pouvoir judiciaire européen, de mettre en balance la volonté du législateur avec la jurisprudence dynamique de la Cour européenne. En réitérant les enseignements de l’arrêt Aranyosi, la Cour de justice met en exergue que des limitations au principe de la confiance mutuelle peuvent être apportées « dans des circonstances exceptionnelles »115. L’interrogation principale dans cette affaire est la question de savoir si le risque de violation de l’article 47 de la Charte, notamment de l’indépendance des juges, est susceptible de refuser de donner suite à un mandat d’arrêt européen116. La Cour de justice répond par l’affirmative à cette question en soulignant l’importance de l’indépendance et de l’impartialité des juridictions nationales. Cependant, étant donné que l’exécution d’un mandat d’arrêt européen ne peut être suspendue que sur décision du Conseil, l’appréciation des circonstances individuelles revêt une importance fondamentale. Les conclusions de cet arrêt sont d’une grande envergure : même la violation potentielle des droits relatifs peut justifier le refus d’exécution d’un mandat d’arrêt européen117. Cette affaire montre que ce n’est pas uniquement la nature des droits fondamentaux mais aussi l’intensité du risque de leur possible violation qui con112
Ibid., paragraphe 14. Ibid., paragraphe 16. 114 Article premier, paragraphe (3) de la décision-cadre. 115 CJUE, LM., 25 juillet 2018, préc., paragraphe 43. 116 Ibid., paragraphe 47. 117 Il convient de noter toutefois que dans la mesure où la Cour de justice a établi une telle solution protectrice en se fondant principalement sur le texte de la décision-cadre, il n’est pas sûr que l’obiter dictum de l’arrêt LM. soit transposable aux autres domaines de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. 113
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stituent des facteurs décisifs pour refuser l’exécution du mandat d’arrêt européen. D’une part, reste à savoir quelle est la signification résiduelle de la confiance mutuelle à laquelle la Cour de justice attache encore une importance particulière. D’autre part, il n’est pas évident que la portée des circonstances exceptionnelles ait été la même dans les autres domaines relevant de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, et en particulière en matière d’asile. Une confiance se construit au fur et à mesure, et le dialogue permanent est nécessaire pour garder cette confiance et pour déterminer ses limites de manière coordonnée. C’est pourquoi le dialogue est un mot-clé de notre étude. Il constitue un moyen fondamental pour concilier les spécificités du droit de l’Union avec le respect des droits fondamentaux, tel qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne. Il convient de remarquer qu’on entend par spécificités du droit de l’Union non seulement les spécificités de nature constitutionnelle, mais aussi les spécificités découlant du droit dérivé de l’Union. S’agissant du dialogue, il est indéniable qu’aussi bien la Cour européenne que la Cour de justice sont compétentes dans le domaine de l’asile. D’un côté, certains considèrent que la Cour de justice agit comme une juridiction d’asile lorsqu’elle interprète l’acquis d’asile118. D’un autre côté, la Cour européenne est également devenue juge de l’asile, bien qu’elle soit la source d’une complexification des droits des réfugiés tels qu’ils découlent de la Convention de Genève119. Dès lors, l’adoption d’une approche cohérente par les deux organes juridictionnels européens constitue un présupposé fondamental pour que les États membres puissent, ensuite, garantir l’accès effectif à la procédure d’asile et au juge de l’asile, pourvu que les solutions adoptées par les États ou à l’intérieur d’un État particulier ne manifestent pas de disparités susceptibles d’aller à l’encontre de la protection des individus. La question devient plus compliquée dès lors qu’on aborde un domaine dans lequel il n’existe pas de dédoublement de compétence, notamment sur le terrain du droit au procès équitable, le champ d’application de l’article 6 de la Convention ne visant que les contentieux civils et pénaux, et non les contentieux administratifs. Cependant, le respect des garanties procédurales découlant de l’article 6 de la Convention peut être invoqué par les requérants, à travers l’article 47 de la Charte, lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre du droit de l’Union. Or, lorsqu’on interprète l’article 47 de la Charte, le premier alinéa de cet article correspond à l’article 13 de la Convention européenne, tandis que l’équivalent de son deuxième alinéa est l’article 6, paragraphe 1 de la Convention120. Dès lors, s’agissant de la portée de 118 G. De Baere, « The Court of Luxembourg acting as an asylum court », In : Liberae cogitationes : liber amicorum Marc Bossuyt, 2013, p. 107 – 124. 119 C. Gauthier, « Convention européenne des droits de l’homme et protections internationales des réfugiés », In : La protection internationale et européenne des réfugiés, 2014, p. 25 – 50. 120 Explications relatives à la Charte des droits fondamentaux, JO C 303 du 14. 12. 2007, p. 17 – 35.
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chacune de ces garanties dans les contentieux administratifs, il est indispensable que les organes juridictionnels européens étudiés déterminent un dénominateur commun. Cette nécessité s’impose d’autant plus que la Cour européenne interprète ces garanties de manière indirecte, en particulier sur le terrain de l’article 13 de la Convention. S’il est vrai que les États membres disposent d’une autonomie procédurale large lors de l’interprétation du droit à un procès équitable, ils doivent, en revanche, respecter le principe d’équivalence et d’effectivité lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union121. Dans cette optique, le droit national et les juges nationaux ont un rôle important dans la définition de ce dénominateur commun, et ce, à travers un dialogue. C’est la raison pour laquelle nous avons opté pour une analyse comparative. Notre choix de comparer les systèmes juridiques allemand et français n’est pas uniquement justifié par des motifs pragmatiques, en particulier par l’attractivité de l’Allemagne et de la France pour les demandeurs d’asile ou de leur proximité géographique. L’approche moniste et dualiste de leur ordre juridique interne détermine fortement leur attitude vis-à-vis de la réception des sources juridiques externes. En outre, j’ai opté pour la comparaison de ces deux systèmes juridiques nationaux, compte tenu de la différence caractérisant le modèle relatif au traitement administratif et contentieux des demandes de protection, construit dans ces États. Premièrement, en France, c’est l’OFPRA qui est responsable de l’examen de la demande de protection internationale, mais l’autorité préfectorale dispose d’un pouvoir étendu notamment dans le domaine du filtrage des demandes. Par ailleurs, la Cour nationale du droit d’asile de même que les tribunaux administratifs se prononcent en matière de police des étrangers. On retrouve un système similaire en droit belge par exemple122. Deuxièmement, le modèle allemand, selon lequel il incombe à l’Office fédéral d’examiner les demandes, puis aux tribunaux administratifs de réexaminer les demandes rejetées, est suivi aussi bien dans le droit hon-
121 Selon la jurisprudence constante de la Cour de justice, « en l’absence de règles fixées par le droit de l’Union concernant les modalités procédurales relatives à l’introduction et à l’examen d’une demande de protection subsidiaire applicables en Irlande, il appartient à l’ordre juridique interne de cet État membre de régler ces modalités, pour autant, d’une part, que lesdites modalités ne sont pas moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) et, d’autre part, qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) ». CJUE (3ème ch.), Evelyn Danqua contre Minister for Justice and Equality e.a., 20 octobre 2016, C-429/15, ECLI:EU:C:2016:789, paragraphe 29. 122 En ce qui concerne les organes compétents, ceux-ci sont l’Office des Étrangers, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides et le Conseil du Contentieux des Étrangers.
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grois123 que dans le droit autrichien124. Étant donné que le rapprochement des législations nationales est souhaité, il est indispensable que les différents ordres juridiques nationaux ayant des caractéristiques communes fassent preuve d’une certaine équivalence, notamment afin d’éviter les mouvements secondaires. Dans cette optique, je tiens à souligner que mon objectif n’est pas la remise en question des traditions administratives nationales mais le rapprochement de celles ayant des caractéristiques communes. En France, en vertu de l’article 55 de la Constitution, « [l]es traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie »125. La place de la Convention européenne s’inscrit dans la logique moniste et ses dispositions peuvent être invoquées directement par les particuliers dans les litiges devant les tribunaux français. En ce qui concerne la réception de la jurisprudence de la Cour européenne, le juge administratif a fait preuve d’une certaine réticence, dans un premier temps, eu égard à la prise en considération de cette jurisprudence, qualifiant les moyens fondés sur la violation de l’article 3 de la Convention d’inopérants, et ce, d’autant plus que le droit français dispose de ressources propres permettant de protéger les libertés des intéressés sans qu’il soit nécessaire de recourir, pour ce faire, au droit international126. Cependant, la crainte que la France soit condamnée par la Cour européenne a conduit le juge administratif à modifier sa jurisprudence relative à l’article 3 de la Convention qui se rapporte au contentieux des étrangers127. En ce qui concerne la réception du droit de l’Union, selon la Juge Florence Malvasio, dans le silence du droit interne, le juge français de l’asile veille à ce que le droit d’asile soit mis en œuvre conformément au droit de l’Union128. Il importe, partant, d’examiner la manière dont le juge national concilie les traditions juridiques françaises avec les jurisprudences, le cas échéant, divergentes des organes juridictionnels étudiés lors de leur réception. En Allemagne, la situation paraît plus compliquée dans la mesure où la Convention européenne a été réceptionnée sous la forme d’une loi fédérale et où son rang équivaut au rang d’une loi fédérale. Cela étant dit, les dispositions de la Con123 C’est l’Office de l’immigration et de l’asile (Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal) qui décide sur les demandes de protection internationale, dont la décision est réexaminée par les tribunaux administratifs. 124 Les décisions administratives prises par l’Office fédéral des étrangers et de l’asile (Bundesasylamt für Fremdenwesen und Asyl) peuvent faire l’objet de recours devant les tribunaux administratifs fédéraux. 125 Article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958. 126 M.-J. Redor-Fichot, « L’article 3 CEDH dans la jurisprudence administrative française », In : La portée de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, C-A. Chassin (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 73. 127 Ibid., p. 77. 128 F. Malvasio, « Le juge français de l’asile et la combinaison des textes de droit international », In : La protection internationale et européenne des réfugiés, 2014, p. 76.
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vention européenne tout comme la jurisprudence de la Cour européenne doivent être prises en considération, comme le prévoit la Cour constitutionnelle fédérale129. Les décisions de la Cour européenne accomplissent une fonction d’orientation et de direction (Orientierungs- und Leitfunktion)130. Au-delà de cet effet d’orientation (Orientierungswirkung), seules les décisions qui concernent directement l’Allemagne sont directement valables (unmittelbar gelten)131. En tout état de cause, les dispositions de la Loi fondamentale doivent être interprétées de manière conforme au droit international (völkerrechtsfreundlich), et le texte de la Convention et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme servent, au niveau du droit constitutionnel, d’outils d’interprétation pour déterminer le contenu et la portée des droits fondamentaux et des principes constitutionnels de la Loi fondamentale132. C’est ainsi que la doctrine parle d’une relation de coopération et de dialogue entre la Cour européenne et la Cour constitutionnelle fédérale133. Il n’y a aucun doute que les juridictions administratives allemandes et françaises prennent en considération les exigences découlant du droit conventionnel et du droit de l’Union. En revanche, dans la mesure où la relation entre les jurisprudences des organes juridictionnels étudiés n’est pas harmonieuse, ces juridictions peuvent accorder la priorité à l’un ou à l’autre des courants jurisprudentiels. Dans cette perspective, il convient de vérifier la manière dont les exigences européennes sont réceptionnées et de mettre en évidence les similitudes et les différences existant dans les ordres juridiques allemand et français, ce qui permettrait de façonner leur droit interne respectivement, sans pour autant remettre en question leur tradition juridique, dualiste ou moniste. Par ailleurs, une étude comparée est également susceptible de détecter des lacunes et défaillances structurelles communes, grâce au prisme des aspects venant d’un ordre juridique différent, lacunes et défaillances auxquelles on pourrait ensuite remédier au niveau européen. Avant d’aborder la problématique de notre étude, nous souhaitons souligner que certains sujets ne seront pas traités. En ce qui concerne le champ d’application personnel, notre étude porte uniquement sur les demandeurs d’asile et ne concerne
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BVerfG (2ème sénat), 14 octobre 2004, 2 BvR 1481/04, EGMR-Entscheidungen. R. Grote, T. Marauhn, K. Meljnik, EMRK/GG : Konkordanzkommentar zum europäischen und deutschen Grundrechtsschutz, Tübingen, Mohr Siebeck, 2006, p. 65. 131 J. M. Hoffmann, Die Europäische Menschenrechtskonvention und nationales Recht : ein Vergleich der Wirkungsweise in den Rechtsordnungen des Vereinigten Königreichs und der Bundesrepublik Deutschland, Köln, Heymann, 2010, p. 99 – 100. 132 BVerfG (2ème sénat), 4 mai 2011, 2 BvR 2365/09, 740/10, 2333/08, 1152/10, 571/10, 128, 326 – EGMR Sicherungsverwahrung. 133 Wissenschaftliche Dienste, Deutscher Bundestag, « Zur innerstaatlichen Umsetzung der Europäischen Menschenrechtskonvention (EMRK) sowie zur Durchsetzung und Wirkung von Urteilen des Europäischen Gerichtshofs für Menschenrechte (EGMR) in Deutschland, Frankreich, Italien und Russland, im Vereinigten Königreich und in der Türkei », 12 octobre 2016, WD 2 – 3000 – 104/16. 130
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pas la situation des mineurs accompagnés ou des migrants134. S’agissant de la France, afin de faciliter la comparaison, nous n’examinons pas la réglementation dérogatoire en outre-mer et nous focalisons uniquement sur celle applicable à la France métropolitaine. Nous n’examinons pas non plus les procédures applicables en cas de réexamen de la demande de protection internationale. Par ailleurs, nous analysons uniquement la procédure d’asile et de recours, et nous ne considérerons la procédure d’éloignement qu’en tant qu’elle est pertinente pour notre étude. En ce qui concerne le dialogue, ce concept sera utilisé dans notre étude en tant que terme générique. Certes, les protagonistes participant à l’établissement des garanties indispensables à l’accès aux instances de l’asile sont nombreux. Il est communément admis que le dialogue peut être conçu de façon primordiale parmi les juges, qu’ils soient européens ou nationaux, dans une dimension horizontale et/ ou verticale. Ce type de dialogue est un dialogue direct, puisque, lors du processus décisionnel, les juges en cause se réfèrent, directement ou indirectement, à une jurisprudence établie par leurs confrères. Néanmoins, lorsque nous évoquons le dialogue, nous pensons également à la prise en considération des standards jurisprudentiels de la Cour européenne par les législateurs de l’Union ou nationaux, et ce, à travers un dialogue indirect. En effet, l’insertion du respect de l’acquis strasbourgeois dans la loi a créé une disposition avec un contenu mouvant, au sens où elle constitue une autorisation normative visant à s’aligner sur la jurisprudence évolutive de la Cour européenne. Finalement, étant donné que la coopération entre les autorités administratives chargées du filtrage de la demande de protection internationale est fondamentale, l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile est également tributaire du dialogue entre ces autorités. Dans notre étude, nous proposons, en outre, d’élargir l’horizon de ce dialogue, en prenant en considération les solutions juridiques adoptées par les différents ordres juridiques nationaux qui sont susceptibles de contribuer à la redéfinition de l’effectivité de l’accès aux instances de l’asile au niveau européen. Avant d’aborder la problématique de la thèse, nous souhaitons souligner que notre approche est principalement jurisprudentielle. Toutefois, lorsque cela s’avèrera nécessaire, nous ne manquerons pas d’analyser, d’une part, au niveau européen, non seulement le soft law du Conseil de l’Europe mais également le droit dérivé de l’Union, et, d’autre part, au niveau national, les dispositions législatives et règlementaires. Problématique de la thèse. Le Professeur Heuschling considère que la recherche sur l’effectivité doit porter sur l’application des normes à la fois de la part des intéressés et des autorités étatiques et, une fois le degré d’effectivité ou d’ineffec-
134 S. Perez, « La multiplication des catégories de migrants et de réfugiés », In : L’Union européenne et la protection des migrants et des réfugiés, 2010, p. 155 – 168.
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tivité connu, il reste à en cerner les causes135. Cependant, notre analyse se heurte à une première difficulté : l’identification des normes applicables. L’applicabilité parallèle du droit conventionnel et du droit de l’Union se situe au point focal de notre étude. Dans la jurisprudence de la Cour européenne, la jurisprudence de la Cour de justice constitue la principale source d’inspiration « dans le but d’éviter des frictions et des bémols au sein des jurisprudences respectives »136. Cependant, cette vision est sujette à caution, puisqu’une jurisprudence dynamique peut aller au-delà des exigences prévues par la Cour de justice. C’est d’autant plus vrai que l’une des conditions de l’autorité de la jurisprudence de la Cour européenne est la cohérence de cette jurisprudence, qui consiste à éviter que la Cour européenne s’aventure sur le terrain de la politique législative137. Ce constat n’est pas remis en question s’agissant de l’applicabilité des garanties procédurales découlant de l’article 6 de la Convention, eu égard à l’applicabilité de l’article 47 de la Charte aux contentieux administratifs. Il s’ensuit qu’il est difficile d’identifier les domaines dans lesquels la Cour européenne ne se prononce pas. Dès lors, afin d’identifier la position de la Cour européenne, celle du législateur de l’Union, ainsi que la réaction des juridictions administratives nationales, il convient d’opter pour une approche chronologique. Il s’avère que c’est une méthode appropriée, d’autant plus qu’elle permet d’identifier ce que l’on entend par accès à la procédure d’asile et au juge de l’asile, et donc aux instances de l’asile, si on les prend dans leur ensemble. Une analyse superficielle nous incite à penser que cet accès, pour les demandeurs d’asile, commence devant les autorités administratives chargées de l’examen de la demande de protection internationale. Mais cet accès commence bien plus tôt, puisqu’on ne peut parler d’accès à la procédure d’asile avant que le demandeur d’asile ne soit arrivé sur le territoire de l’État membre ou qu’il ne fasse pas l’objet de la procédure de détermination de l’État responsable. Cette phase préalable est une véritable zone d’ombre, puisque les statistiques sont quasi inexistantes sur le nombre de ressortissants de pays tiers qui sont victimes d’un éloignement forcé illégal (push back). Lorsqu’un étranger est victime de persécutions, qu’elles soient de nature politique ou autres, il décide de quitter son pays afin de chercher refuge dans un État sûr. Dès lors, il commence à entamer des démarches administratives, par exemple : il introduit une demande de visa auprès d’un consulat diplomatique ou il achète un 135 L. Heuschling, « ‹Effectivité›, ‹efficacité›, ‹efficience› et ‹qualité› d’une norme/du droit : analyse des mots et des concepts », In : L’efficacité de la norme juridique, 2012, p. 34 – 35. 136 P. Voyatzis, « Les effets des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dans le temps juridique : les cas du revirement de jurisprudence et de la violation potentielle », In : La Convention européenne des droits de l’homme : mélanges en l’honneur de Christos L. Rozakis, 2011, p. 720. 137 F. Sudre, « L’effectivité des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme », RTDH, 19ème année (2008), no. 76, p. 920.
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billet d’avion ou encore il décide d’entrer irrégulièrement sur le territoire de l’État dont il cherche la protection. Dans cette mesure, les normes applicables au niveau européen ou national déploient leurs effets bien avant l’entrée sur le territoire de l’État d’accueil. Dans ce cas, nous parlons des conditions préalables pour bénéficier de l’accès au territoire au titre de l’asile et pour introduire la demande de protection internationale dans l’État membre responsable de l’examen de la demande. Dès lors, on appelle cette phase l’accès préalable à la procédure d’asile. On entend par là l’accès au territoire au titre de l’asile et l’accès à la procédure d’asile de l’État responsable. Ces deux catégories se caractérisent par un dédoublement de compétence de la Cour européenne et de la Cour de justice. Le dialogue entre ces cours est indispensable pour que l’accès à la procédure d’asile soit effectif. Dans la mesure où le dialogue est absent ou insuffisant, les droits nationaux peuvent avoir un rôle complémentaire pour garantir un accès aussi effectif que possible (Première partie). On peut également parler de l’accès à la procédure administrative d’asile et de l’accès au juge de l’asile au sens strict du terme. Lorsque la Cour européenne n’est pas compétente, elle se prononce, cependant, souvent indirectement, sur le terrain de l’article 13 de la Convention et de l’article 4 du Protocole n. 4, en interprétant des garanties procédurales découlant de l’article 6 de la Convention européenne. C’est pourquoi la cohérence dans la détermination des garanties inhérentes à l’accès à la procédure d’asile et au juge de l’asile ne se manifeste qu’en apparence. À ce facteur il faut ajouter le fait que nous sommes sur le terrain de l’autonomie procédurale, autonomie qui génère une variété de solutions nationales. Dès lors, il revient aux instances nationales de trouver une solution cohérente, qui respecte les exigences européennes et nationales, tout en veillant à éviter les mouvements secondaires. Une cohérence en apparence caractérise également la détermination des garanties indispensables à l’accès au recours effectif dans le domaine duquel les organes juridictionnels européens sont compétents. Dans cette perspective, il reste à vérifier si les solutions nationales présentent la cohérence souhaitée, ce qui nous amène à clarifier ce qu’on entend véritablement, in fine, par l’effectivité de l’accès aux instances de l’asile (Deuxième partie). Première partie : L’incohérence dans la détermination des garanties inhérentes à l’accès préalable à la procédure d’asile Deuxième partie : Une cohérence en apparence dans la détermination des garanties inhérentes à l’accès aux instances de l’asile
Première partie
L’incohérence dans la détermination des garanties inhérentes à l’accès préalable à la procédure d’asile L’approfondissement de l’intégration européenne se manifeste en particulier dans l’établissement d’un espace de liberté, de sécurité et de justice au sein duquel la libre circulation des personnes est assurée. La création de cet espace implique la gestion commune et coordonnée du contrôle aux frontières extérieures, notamment aux fins de lutter contre l’immigration illégale1, qui est réalisée dans le cadre de la stratégie de la gestion intégrée des frontières extérieures2. Les vérifications aux frontières extérieures terrestres, maritimes et aériennes sont donc prévues dans les instruments juridiques du droit dérivé conçus à cette fin. Ce processus devrait élargir en même temps le champ d’application territorial des garanties indispensables pour l’accès aux instances de l’asile des demandeurs de protection internationale. Sans ce parallélisme, les ressortissants de pays tiers sont contraints de choisir les moyens illégaux, notamment l’usage des passeurs ou des faux passeports, pour entrer sur le territoire de l’Union. Ainsi, il convient de s’interroger si les règles relatives au contrôle des frontières extérieures garantissent l’accès au territoire pour les ressortissants de pays tiers qui ont l’intention d’introduire une demande de protection internationale (Titre I). Si l’étranger est admis sur le territoire de l’Union européenne, ses empreintes digitales seront enregistrées. Grâce au système EURODAC3, cette base de données 1 Considérant (6) du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), JO L 77 du 23. 3. 2016, p. 1 – 52. 2 Il s’agit d’un objectif figurant dans le droit primaire et prévoyant que l’Union développe une politique visant « à mettre en place progressivement un système intégré de gestion des frontières extérieures » (article 77(1), point c) du TFUE). Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen – Vers une gestion intégrée des frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (COM/2002/0233 final). La gestion coordonnée des frontières extérieures a eu pour conséquence la diminution des étrangers souhaitant entrer sur le territoire de l’Union au titre d’asile. J. Duchrow, M. Lüke, « Ist Europa für Flüchtlinge noch erreichbar ? : die Flüchtlingssituation auf dem Mittelmeer », In : Hohenheimer Tage zum Ausländerrecht 2010, 2011, p. 275 – 289. 3 Règlement (UE) n. 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d’Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement (UE) n 8 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale
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permet l’identification de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Certes, la différence dans la manière de traiter les demandeurs d’asile et leur demande en fonction des États engendre des inégalités dans l’accès au droit d’asile4. Cela étant dit, l’identification d’un État membre, dans lequel la protection des droits fondamentaux n’est pas ou n’est pas suffisamment garantie, est susceptible de saper l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile (Titre II).
Titre I: Les incertitudes caractérisant l’accès au territoire au titre de l’asile Depuis le début de la crise migratoire, la presse ne cesse de réaliser des reportages sur les milliers de ressortissants de pays tiers désireux d’entrer sur le territoire de l’Union. Étant donné que ces étrangers n’ont pas encore atteint les frontières extérieures et se trouvent, partant, en dehors du territoire de l’Union, leur admission au titre de l’asile, afin de bénéficier au moins d’un asile provisoire5, constitue une question délicate. La Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ne contient aucune disposition autorisant directement l’admission sur le territoire au titre de l’asile. Cette affirmation est cependant contrebalancée lorsqu’on évoque l’article 33 de cette même convention relatif à l’obligation de non-refoulement. Selon le HCR, cette obligation n’est pas soumise à des restrictions territoriales : elle s’applique en tout lieu où l’État en question exerce sa juridiction6. Si l’on admet cette position, il nous reste à vérifier ce que l’on entend par « l’obligation de non-refoulement ». Celle-ci apparaît aussi bien dans l’article 3 de la Convention européenne sous la forme de l’interdiction de la torture que dans l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux. Dès lors, les États ne sauraient ignorer ces dispositions, ni même la jurisprudence fondée sur cette obligation. introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) n 8 1077/2011 portant création d’une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, JO L 180, 29. 6. 2013, p. 1 – 30. 4 M.-L. Basilien-Gainche, « Regard critique sur le régime d’asile européen commun : la persistance d’une conception restrictive de la protection », Europe, 24e année (2014), no. 2, p. 7. 5 Expression empruntée à Vincent Chetail. Voir: V. Chetail, « Le principe de non-refoulement et le statut de réfugié en droit international », La Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés 50 ans après, 2001, p. 5. 6 Avis consultatif sur l’application extraterritoriale des obligations de non-refoulement en vertu de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et de son Protocole de 1967, point 9. http://www.refworld.org/pdfid/470ccbb42.pdf (consulté le 16 avril 2018).
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Dans cette mesure, il importe, à nos yeux, de savoir si l’interdiction de refoulement implique, directement ou indirectement, le droit d’accès au territoire au titre de l’asile. Si la Convention de Genève ne prévoit pas, il est vrai, cette possibilité, il convient nonobstant de vérifier que c’est également le cas en droit conventionnel. Concernant le droit de l’Union, nous ne pouvons pas ignorer le fait qu’une série des instruments juridiques du droit dérivé régit les actions extraterritoriales en lien avec le droit d’asile (Chapitre I). Compte tenu des incertitudes relatives à l’établissement d’un lien entre l’interdiction de refoulement et l’accès au territoire au titre de l’asile, cette tâche revêt un caractère purement discrétionnaire pour le législateur national, et l’accès au territoire au titre de l’asile s’apparente ainsi à un jeu de hasard pour les étrangers souhaitant demander l’asile, à moins que la portée de l’interdiction de refoulement ou du droit d’asile, telle qu’elle est conçue dans les droits constitutionnels nationaux, ne soit définie ou interprétée de manière large (Chapitre II).
Chapitre I: Une approche divergente concernant l’accès au territoire au titre de l’asile en droit conventionnel et en droit de l’Union Si la question de la portée de l’interdiction de refoulement a été abondamment traitée par la doctrine7, cette dernière n’a accordé que peu d’importance au lien qui pourrait unir l’obligation de non-refoulement et l’accès au territoire au titre de l’asile ou l’accès à la procédure d’asile. D’après le HCR, bien que la Convention de Genève ne prévoie pas de procédure de détermination du statut de réfugié, il préconise qu’ « afin de donner effet à leurs obligations […], les États sont tenus d’accorder aux individus recherchant une protection internationale, l’accès à leur territoire et à des procédures d’asile justes et efficaces »8. Cependant, il ne s’agit pas d’une interprétation contraignante, et ce, d’autant moins que même la doctrine n’est pas unanime concernant la portée à accorder à cette obligation. En ce qui concerne la vision adoptée en droit conventionnel, s’agissant de la portée accordée à l’interdiction des mauvais traitements, la Cour européenne est de plus en plus contrainte de clarifier sa jurisprudence, la « crise migratoire » provo7 O. Delas, Le principe de non-refoulement dans la jurisprudence internationale des droits de l’homme : de la consécration à la contestation, Bruxelles, Bruylant, 2011, 444 p. ; N. Frenzen, « Extraterritorial refugee protection », In : The practice of shared responsibility in international law, 2017, p. 506 – 526. ; P. A. Nollkaemper, I. Plakokefalos, J. N. M. Schechinger, J. K. Kleffner, The practice of shared responsibility in international law, Cambridge, Cambridge University Press, 2017, 1152 p. ; K. da Costa, The extraterritorial application of selected human rights treaties, Leiden, Martinus Nijhoff, 2013, 324 p. 8 « Avis consultatif sur l’application extra-territoriale… », op. cit., point 8.
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quant l’augmentation des affaires dans lesquelles la Cour doit juger la conventionnalité des actes extraterritoriaux. Quant au droit de l’Union, si l’interdiction de refoulement est présente dans les textes du droit primaire et dérivé, des mesures concrètes dans les instruments du droit dérivé semblent contrebalancer la portée peu définie de l’interdiction de refoulement et fragilisent l’accès même au territoire au titre de l’asile. Or, la sécurité juridique exige qu’une position autant que possible uniforme soit établie dans l’intérêt d’une réception harmonieuse des exigences européennes par les ordres juridiques nationaux (Section II). Cependant, en vue d’analyser cette problématique, il est impossible de contourner la question de l’applicabilité de l’interdiction de refoulement, ce qui nous amène à nous interroger, d’une part, sur le champ d’application de la Convention européenne concernant des faits extraterritoriaux, partant, sur la compétence ratione loci de la Cour européenne, et, d’autre part, sur l’applicabilité du droit de l’Union et de la Charte des droits fondamentaux dans un tel contexte (Section I).
Section I: L’applicabilité de la Convention européenne et du droit de l’Union aux faits extraterritoriaux La souveraineté des États, au sens du droit international public, suppose que le pouvoir étatique agisse en plein respect de l’ordre juridique d’autres États. Néanmoins, en cas de violations graves des droits de l’Homme commises par l’État en dehors de son territoire, il est tenu de réparer le préjudice causé9. Dès lors, il semble indispensable de définir le for compétent pour trancher la question de la responsabilité. La territorialité10 joue un rôle déterminant pour établir la compétence des organes juridictionnels. Il va de soi que les actes ayant été accomplis par un État sur son territoire relèvent du contrôle de ses autorités juridictionnelles. En revanche, si ces mêmes actes ont été commis en dehors du territoire national, il s’agit alors de ce phénomène que la doctrine nomme souvent « extraterritorialité ». Dans le domaine des droits de l’Homme, ce concept est communément admis comme l’applicabilité des traités prévoyant la protection des droits de l’Homme aux comportements étatiques qui affectent les personnes se trouvant hors du territoire de l’État en question11. Certains traités, comme les Conventions de Genève en droit international 9 J. F. Bentzien, Die völkerrechtlichen Schranken der nationalen Souveränität im 21. Jahrhundert, Frankfurt am Main, Lang, 2007, p. 30. 10 Selon le dictionnaire juridique Cornu, la notion de territorialité signifie la « vocation d’un Droit à s’appliquer uniformément sur l’ensemble d’un territoire ». G. Cornu, « Vocabulaire juridique », op. cit., p. 1012. 11 G. Michał, The reach of human rights in a globalising world : extraterritorial application of human rights treaties, Antwerp, Intersentia, 2009, p. 1.
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humanitaire, ont été conclus dans l’intention ambitieuse d’être appliqués à l’échelle universelle12. Toutefois, cette circonstance semble plutôt être l’exception qu’une règle. Ce constat s’impose d’autant plus que la Convention de Vienne sur le droit des traités énonce expressément qu’ « [à] moins qu’une intention différente ne ressorte du traité ou ne soit par ailleurs établie, un traité lie chacune des parties à l’égard de l’ensemble de son territoire »13. Notons cependant, dans le sillage de Jean-Marc Sauvé, que « l’application du droit d’un État hors de son territoire est une conséquence inéluctable de la globalisation, du passage d’un ordre interétatique classique à une société internationale ouverte »14. Or, ce phénomène de globalisation nécessite une réponse progressive, dans l’intérêt de la protection des droits individuels. Or, afin de déterminer la compétence à statuer sur la légalité des faits extraterritoriaux, il convient de vérifier les textes, à savoir la Convention européenne (§ 1), ainsi que le droit de l’Union (§ 2). Il est d’autant plus vital de définir le champ d’application territorial de la Convention et du droit de l’Union que, si ce dernier est établi, les garanties développées par la Cour européenne et la Cour de justice peuvent, en principe, déployer pleinement leurs effets.
§ 1 L’intervention croissante de la Cour européenne dans l’examen de la conventionalité des actes accomplis en dehors du territoire national En vertu de l’article 1 de la Convention, « [l]es Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention »15. À première vue, cette formulation nous incite à penser que l’interprétation de cet article se situe au carrefour du droit international et du droit national. Afin de confirmer cette hypothèse, il importe d’étudier les principes directeurs guidant les auteurs de la Convention lors du processus de codification. De ce fait, nous avons choisi d’opter pour une démarche historique (A). Ensuite, dans le cadre d’une interprétation téléologique, nous vérifierons la mise en œuvre de ces principes par la Cour européenne (B).
12 En vertu du premier article de la IVème Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949, « [l]es Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention en toutes circonstances ». 13 Article 29 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. 14 J.-M. Sauvé, « Internationalisation du droit : pathologie ou métamorphose de l’ordre juridique ? », Rencontre inter-réseaux (franco-américain, franco-brésilien et franco-chinois), Collège de France, 10 – 12 avril 2012, La territorialité du droit, p. 2. 15 Article 1 de la CEDH.
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A. La détermination de la portée de l’article 1 de la Convention par ses auteurs Nous prenons appui sur les travaux préparatoires relatifs à l’article 1 de la Convention16. Le projet initial du Mouvement européen, à la suite du congrès de La Haye en 1948, a marqué sa préférence pour un champ d’application territorialement limité de cet article. En vertu de ce projet, « [t]out État partie à cette Convention garantira à toute personne sur son territoire les droits ci-dessous […] »17. Puis, lors de la séance du 27 août 1949, tenue par la Commission juridique18, une autre version a été adoptée en référence « à toutes personnes résidant sur le territoire métropolitain » sur la proposition du rapporteur Pierre-Henri Teitgen, formulée le 29 août 194919. Cet ajout a probablement été motivé par la volonté d’exclure les colonies du champ d’application de la Convention applicable ainsi uniquement aux territoires métropolitains. Il est notoire que, peu après, lors de la séance du 31 août 1949, le mot « métropolitain » a été supprimé20. Pendant les phases ultérieures des négociations, les participants ont oscillé entre la notion de « résidant » et celle d’« habitant », dans la mesure où il n’était pas évident que les personnes provenant d’un pays non membre du Conseil de l’Europe, mais résidant sur le territoire d’un État Partie, pouvaient tomber sous le coup de l’article 1 de la Convention21. Il ressort de cette analyse que, pendant cette phase des négociations, il s’agissait d’interrogations purement territoriales. Finalement, c’est en s’inspirant du texte du Pacte International relatif aux droits de l’Homme que le représentant du Royaume-Uni, Sir Oscar Dowson a proposé la formulation suivante : « Les Hautes Parties contractantes s’engagent à garantir à tous les individus relevant de leur juridiction les droits définis dans la présente Convention »22. Il convient de remarquer que les explications ont accordé une attention toute particulière aux termes mettant l’emphase sur le champ d’application 16
Notre choix est justifié par l’article 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, relatif aux moyens complémentaires d’interprétation. Cette disposition prévoit en effet, qu’« [i]l peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu […] ». 17 Projet du Mouvement européen, In : travaux préparatoires de la Convention, p. 1. https://www.echr.coe.int/LibraryDocs/Travaux/ECHRTravaux-ART1-COUR(77)9-FR1290827. PDF (consulté le 14 avril 2018). 18 La Commission juridique a été établie par les dirigeants du Mouvement européen, laquelle a été chargée de la préparation de l’avant-projet de la Convention. Le président de cette Commission était Fernand Dehousse, et son rapporteur, Pierre-Henri Teitgen. Voir : V. Valentina, « La Convention européenne des droits de l’homme. (Rome, le 4 novembre 1950) », Relations internationales, 3/2007 (n8 131), p. 73 – 90. 19 Travaux préparatoires de la Convention, op. cit., p. 15. 20 Ibid., p. 16. La proposition du rapporteur Teitgen contenait l’expression de « personnes domiciliées » qui a été, de nouveau, remplacée par celle de « résidant ». 21 Ibid., p. 32. 22 Ibid., p. 33.
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ratione personae de la Convention. En effet, selon le rapport du Sous-comité chargé de procéder à une étude préalable des amendements proposés par les membres du Comité d’experts, l’objectif général était « d’étendre dans la mesure du possible les catégories des personnes pouvant bénéficier de la garantie donnée par la Convention, et le terme “habitant” pouvant prêter à une certaine équivoque »23. Or, les hésitations terminologiques relatives aux notions de « résidents » et d’« habitants » laissent supposer que la protection des droits de l’Homme a été conçue par les auteurs dans une dimension purement territoriale. Afin de couper court au débat, le texte en vigueur contient la référence à toute personne relevant de la juridiction des États Parties à la Convention. Selon la doctrine, la version en vigueur de l’article 1 de la Convention reflète « un compromis [politique] entre les partisans de la solution supranationale et les tenants d’un système de coopération intergouvernementale »24. Cette formulation peut suggérer que l’expression « relevant de leur juridiction » laisse en fin de compte le soin à la Cour européenne, c’est-à-dire à un organe juridictionnel neutre par rapport à ces camps, de définir son propre champ d’intervention. Une considération de nature similaire apparaît également dans la doctrine, certains auteurs opérant une différence relative à la juridiction qu’elle soit déterminée selon le droit international public ou conformément aux droits de l’Homme25. Au-delà des choix des auteurs de la Convention, en respectant pleinement le principe d’interprétation « à la lumière des conditions de vie actuelles »26, la Cour européenne a élaboré une jurisprudence dont le contenu est motivé par la protection des individus. B. La détermination de la portée de l’article 1 de la Convention par la Cour européenne Notons que, lorsque des faits litigieux sont reprochés aux fonctionnaires de l’État, ces derniers relèvent de la juridiction de cet État, et de la compétence ratione personae de la Cour européenne, même si ces faits se sont déroulés en dehors de son 23
Ibid., p. 34. J. Velu, R. Ergec, La Convention européenne des droits de l’Homme ; extrait du répertoire pratique du droit belge, Bruxelles, Bruylant, 1990, p. 41 – 42. Actuellement, le terme de juridiction est considéré comme synonyme de compétence de l’État. J.-P. Costa, « L’État, le territoire et la Convention européenne des droits de l’Homme », In : Promoting justice, human rights and conflict resolution through international law : liber amicorum Lucius Caflisch, 2007, p. 186. 25 K. Seunghwan, « Non-refoulement and extraterritorial jurisdiction : State sovereignty and migration controls at sea in the European context », LJIL, Vol. 30 (2017), no. 1, p. 49 – 70. 26 O. Jacot-Guillarmod, « Règles, méthodes et principes d’interprétation dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme », In : L. E. Pettiti, E. Decaux, P.-H. Imbert, La Convention européenne des droits de l’Homme : commentaire article par article, Paris, Economica, 1995, p. 61. 24
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territoire. Prenons l’exemple d’une affaire portée devant la Commission européenne des droits de l’Homme, dans laquelle était en cause un enlèvement international d’un enfant27. La requérante, ressortissante britannique, a reproché aux autorités consulaires britanniques en Jordanie de ne pas avoir saisi toutes les possibilités à leur portée pour qu’elle puisse récupérer sa fille28. Dans le cadre de l’examen de sa compétence, la Commission européenne des droits de l’Homme a rappelé sa jurisprudence en vertu de laquelle « les fonctionnaires d’un État, y compris les agents diplomatiques ou consulaires, attirent les personnes et les biens sous la juridiction de cet État dans la mesure où ils exercent leur autorité sur ces personnes ou sur ces biens »29, et ce, malgré le fait que les évènements se soient déroulés en dehors du territoire du Royaume-Uni. Ce cas de figure est révélateur dans notre cas, d’autant plus que l’État, au nom duquel les fonctionnaires agissent à l’intérieur d’un poste diplomatique, notamment au sein d’une ambassade ou d’un consulat, ne peut pas, en principe, s’exonérer de responsabilité pour les actes ayant été accomplis en dehors de son territoire par les fonctionnaires relevant de son administration publique. En ce qui concerne le champ d’application ratione loci de la Convention, dans le fameux arrêt Bankovic, les requérants ont fait valoir la violation en particulier de l’article 2 de la Convention en raison de frappes aériennes qui ont causé la mort de leurs proches et que, d’après eux, les États défendeurs étaient solidairement responsables de ces opérations intervenues sur le territoire de la République fédérale de Yougoslavie30. À cet égard, la Cour européenne a relevé que « la Convention est un traité multilatéral opérant […] dans un contexte essentiellement régional [et] n’a donc pas vocation à s’appliquer partout dans le monde, même à l’égard du comportement des États contractants »31. En énonçant ce principe, la Cour européenne a nié l’applicabilité universelle de la Convention européenne. En réalité cependant, ce refus de la Cour européenne à déclarer sa compétence est plutôt rare. Cette attitude est justifiée par le fait que « [l]a Convention doit se lire en fonction de son caractère spécifique de traité de garantie collective des droits de 27
Commission EDH (plénière), X. c. Royaume-Uni, 15 décembre 1977, n. 7547/76, ECLI:CE:ECHR:1977:1215DEC000754776. 28 Ibid. 29 Ibid. Ces actes peuvent ainsi être jugés par la Cour de Strasbourg mais pas par les juridictions de l’État sur le territoire duquel les agents ont agi. Voir à cet égard l’article 31 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, prévoyant que « [l]’agent diplomatique jouit de l’immunité de la juridiction pénale de l’Etat accréditaire ». 30 Cour EDH (Gde. ch.), Bankovic et autres c. Belgique et autres, 12 décembre 2001, n8 52207/99, ECLI:CE:ECHR:2012:0223JUD002776509, paragraphe 30. Dans sa jurisprudence ultérieure, la Cour européenne explique que cette décision a été motivée par le fait qu’il s’agissait « d’un acte extraterritorial instantané ». Cour EDH (Gde. ch.), Medvedyev et autres c. France, 29 mars 2010, n. 3394/03, ECLI:CE:ECHR:2010:0329JUD000339403, paragraphe 14. 31 Cour EDH, Bankovic et autres c. Belgique et autres, 12 décembre 2001, préc., paragraphe 80.
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l’homme et des libertés fondamentales »32. Ainsi, il nous semble que la protection des droits de l’Homme commande une compétence quasi-universelle de la Cour européenne. Afin d’évaluer sa compétence ratione loci, la Cour européenne propose deux tests : un contrôle de jure (I) et/ou un contrôle de facto (II). Nous restreignons notre analyse aux affaires dans lesquelles était en cause la conventionalité des actes accomplis en haute-mer. I. Le contrôle de jure pour vérifier la compétence ratione loci de la Cour européenne La Convention de Montego Bay contient des règles visant à résoudre les problèmes concernant le droit de la mer33. Lorsque les navires naviguent sous pavillon, les démarches qu’ils peuvent effectuer dans les différentes zones maritimes sont règlementées, notamment, dans cette Convention. Ainsi, lorsque les actes accomplis par les États relèvent de cette Convention, la compétence de la Cour européenne n’est pas remise en question. Ce constat est corroboré par la décision d’irrecevabilité de la Cour européenne dans l’affaire Xhavara contre Italie et Albanie34. En ce qui concerne le contexte factuel, un navire battant pavillon albanais, qui transportait clandestinement des Albanais désireux d’entrer en Italie, a subi une collision provoquée par un navire de guerre italien dans la Méditerranée. Après l’accident, plusieurs personnes ont trouvé la mort, et des poursuites ont été entamées contre le commandant du navire italien qui a eu l’intention d’empêcher l’entrée du bateau albanais en Italie, conformément à la Convention italo-albanaise qui a été conclue afin d’empêcher l’entrée des citoyens albanais en Italie35. Dans son appréciation, la Cour européenne n’a même pas examiné sa compétence en vertu de l’article 1 de la Convention. Ce silence ne saurait étonner un lecteur attentif, puisqu’un contrôle de jure atteste la compétence ratione loci de la Cour. Indépendamment de l’applicabilité de la Convention de Montego Bay, aux yeux de la Cour européenne, la Convention italo-albanais pouvait également constituer la base juridique de l’action du navire battant pavillon italien. Dès lors, les actes incriminés relevaient de la juridiction de l’Italie, et ils étaient ainsi soumis au contrôle de la Cour européenne. Autrement dit, dans les cas où les relations interétatiques de cette nature ont une base juridique suffisamment solide, la compétence de la Cour européenne ne se pose pas.
32 Cour EDH (plénière), Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, n. 14038/88, ECLI: CE:ECHR:1989:0707JUD001403888, paragraphe 87. 33 Convention sur le droit de la mer, signée à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982, premier considérant. 34 Cour EDH (4ème section), Xhavara et quinze autres c. Italie et Albanie, 11 janvier 2001, n8 39473/98, ECLI:CE:ECHR:2001:0111DEC003947398. 35 Ibid.
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Les mêmes constats sont valables lorsqu’un navire battant pavillon exerce le droit de visite ou prend d’autres mesures sur un bateau ne naviguant pas sous pavillon. Dans l’affaire retentissante Hirsi Jamaa contre Italie36, la Cour européenne, réunie en grande chambre, a eu l’occasion de se prononcer sur cette question. Pour rappel des faits, les requérants, ressortissants érythréens et somaliens, appartenaient à un groupe d’environ deux cents personnes à bord de trois embarcations37. Ils ont été interceptés par les navires militaires italiens, sont montés à bord de ces navires, puis ont été reconduits en Lybie conformément à un accord bilatéral conclu entre l’Italie et la Lybie aux fins de lutter contre l’immigration clandestine. Indépendamment du fait que cette reconduite a été effectuée en vertu de l’accord bilatéral conclu entre la Lybie et l’Italie, les faits se sont déroulés à bord d’un navire battant pavillon italien en haute mer, et ce, conformément à l’article 91, paragraphe (1) et à l’article 94, paragraphe (1) de la Convention de Montego Bay, en vertu desquels « [l]es navires possèdent la nationalité de l’État dont ils sont autorisés à battre le pavillon »38, ainsi que « [t]out État exerce effectivement sa juridiction et son contrôle […] sur les navires battant son pavillon »39. Le fait que les requérants sont montés à bord des navires battant pavillon italien a établi la juridiction de l’Italie et, par conséquent, la compétence ratione loci de la Cour européenne. Les difficultés commencent en particulier lorsque des actions apparaissant non conventionnelles se déroulent à bord d’un navire battant pavillon d’un État tiers qui n’a pas signé la Convention de Montego Bay ou dans tous les autres cas où les dispositions de cette Convention sont inapplicables et où l’opération litigieuse n’a aucune base juridique. L’élaboration du contrôle de facto a permis à la Cour européenne de combler une lacune l’empêchant de se déclarer compétente. II. Le contrôle de facto pour vérifier la compétence ratione loci de la Cour européenne L’objectif du contrôle de facto est de faire abstraction d’un titre juridique sur la base duquel une intervention a eu lieu40 ; ce contrôle est ainsi sans préjudice de la 36 Cour EDH (Gde. ch.), Hirsi Jamaa et autres c. Italie, 23 février 2012, n. 27765/09, ECLI:CE:ECHR:2012:0223JUD002776509. 37 Ibid., paragraphe 9. 38 Article 91(1) de la Convention de Montego Bay. 39 Ibid., article 94(1). Le code de la navigation italien contient des règles similaires. En vertu de son article 4, « [l]e navi italiane in alto mare e gli aero mobili italiani in luogo o spazio non soggetto alla sovranità di alcuno Stato sono considerati come territorio italiano » (Traduction par nos soins : Les navires italiens se trouvant en haute mer, ainsi que les aéronefs italiens situés dans un lieu ou un espace n’appartenant pas à la souveraineté d’un État, sont considérés comme territoire italien). 40 P.-L. Laval, « À propos de la juridiction extraterritoriale de l’État : observations sur l’arrêt Al-Skeini de la Cour européenne des droits de l’homme du 7 juillet 2011 », RGDIP, T. 116 (2012), no. 1, p. 76 – 77.
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légalité de l’action41. L’élaboration de ce test suggère que, malgré les enseignements de l’arrêt Bankovic, la Cour européenne aspire à exercer une compétence universelle. En effet, en se contentant de vérifier l’existence du contrôle effectif sur les personnes, la Cour européenne élargit le champ d’application de l’article 1 de la Convention et, dans cette mesure, sa propre compétence. Ce contrôle a été appliqué dans l’arrêt Medvedyev contre France. En ce qui concerne les circonstances factuelles, un navire immatriculé au Cambodge a transporté des stupéfiants. Après avoir obtenu l’autorisation d’intervention de la part du Gouvernement cambodgien sous la forme d’une note verbale, un aviso battant pavillon français a effectué l’interception. Un remorqueur immatriculé en France a, ensuite, pris en charge le navire cambodgien et l’a dérouté vers Brest sous escorte de l’aviso42. Pendant le voyage, l’équipage du navire cambodgien était sous le contrôle des militaires français43. Les requérants ont excipé de l’incompétence de la France sous l’angle de l’article 1 de la Convention. Les requérants ont allégué que l’intervention du navire français n’avait pas de base légale, le Cambodge n’étant Partie contractante ni de la Convention de Montego Bay ni de la Convention de Vienne, et, en tout état de cause, une note verbale ne constitue pas de fondement juridique44. Ce raisonnement a reflété la jurisprudence de la Cour européenne relative au contrôle de jure. En analysant la question de savoir si les faits reprochés relevaient de la juridiction de la France, la Cour européenne a constaté sa juridiction en s’appuyant sur le contrôle de facto. Les juges de Strasbourg ont estimé qu’en montant à bord, les militaires français ont dû faire usage de leurs armes et qu’ils ont maintenu les membres de l’équipage sous leur contrôle exclusif, et que le déroutement a eu lieu sous le contrôle d’abord indirect, puis direct sur le navire cambodgien45. Dès lors, la Cour européenne a jugé que « compte tenu de l’existence d’un contrôle absolu et exclusif exercé par la France, au moins de facto, sur le Winner et son équipage dès l’interception du navire, de manière continue et ininterrompue, les requérants relevaient bien de la juridiction de la France »46. Il s’ensuit que le contrôle sur le navire à bord duquel se trouvent les personnes en question peut justifier la compétence de la Cour européenne, et ce, indépendamment de la légitimité de cette action. Pour ce qui est de l’intensité de ce contrôle, les adjectifs accolés au mot « contrôle » se réfèrent à la continuité et à l’exclusivité. La doctrine attire, à cet égard, l’attention sur le manque de cohérence et de prévisibilité lors de l’utilisation des critères 41 A. Klug, T. Howe, « The concept of State jurisdiction and the applicability of the nonrefoulement principle to extraterritorial interception measures », In : Extraterritorial Immigration Control, 2010, p. 78. 42 Cour EDH, Medvedyev et autres c. France, 29 mars 2010, préc., paragraphe 14. 43 Ibid., paragraphe 15. 44 Ibid., paragraphes 43 et 66. 45 Ibid., paragraphe 66. 46 Ibid., paragraphe 67.
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nécessaires pour le constat d’un contrôle de facto47. Dès lors, dans l’intérêt de la sécurité juridique, la clarification de cette jurisprudence est nécessaire afin d’éviter qu’un État puisse exciper de son incompétence au motif qu’il a effectué un contrôle global au lieu d’un contrôle continu et ininterrompu. Une telle situation caractérise souvent l’exercice de patrouilles conjointes qui constitue une pratique courante entre les États membres du Conseil de l’Europe et des pays africains ; et dans ce cadre, la mise en œuvre de l’interception incombe souvent à ces pays, l’État membre en question n’exerçant qu’un contrôle limité48. Dans ce cas, il n’est pas certain que la Cour européenne puisse conclure à ce que les actes incriminés relèvent de la compétence de l’État partie en question, à moins que la Cour n’accorde une interprétation large au concept de contrôle de facto, en se contentant de constater l’existence d’un contrôle global. Sans quoi, les faits demeurent impunis et une pratique de cette nature incite les États à conclure de tels accords, ainsi que le droit de l’Union le permet d’ailleurs49. Les mêmes interrogations apparaissent concernant les mesures de patrouille effectuées sous l’égide de Frontex, cette dernière agence ne pouvant même pas être attraite devant la Cour européenne50. De manière similaire, dans l’affaire Hirsi, nonobstant la compétence de la Cour européenne en vertu d’un contrôle de jure, cette juridiction a considéré nécessaire de préciser les critères liés à un contrôle de facto. Le Gouvernement italien a, en effet, souligné la brièveté de l’interception des embarcations et a précisé la nature de son intervention : il s’agissait d’une opération de sauvetage de personnes en 47 G. Gonzalez, « La responsabilité des États parties à la Convention européenne des droits de l’homme du fait de leurs actions extraterritoriales », Annuaire de droit européen, Vol. V/ 2007 (2010), p. 764 – 765. Certes, les différents arrêts de la Cour européenne utilisent des concepts sensiblement différents. Par exemple, « contrôle global » : Cour EDH (Gde. ch.), Loizidou c. Turquie, 18 décembre 1996, n. 15318/89, ECLI:CE:ECHR:1996: 1218JUD001531889, paragraphe 56; Chypre c. Turquie, 10 mai 2001, n. 25781/94, ECLI: CE:ECHR: 2014:0512JUD002578194, paragraphe 77; « contrôle effectif » Ilas¸cu et autres c. Moldova et Russie, 8 juillet 2004, n. 48787/99, ECLI:CE:ECHR:2004:0708JUD004878799, paragraphe 314 ; Issa et autres c. Turquie, 16 novembre 2004, n. 31821/96, ECLI:CE: ECHR:2004:1116JUD003182196, paragraphe 69; Bankovic et autres c. Belgique et autres, 12 décembre 2001, préc., paragraphe 47. 48 K. Seunghwan, « Non-refoulement … », op. cit., p. 49 – 70. 49 En vertu de l’article 78(2) du TFUE, les États membres font usage de la procédure législative ordinaire pour adopter les mesures relatives à un système européen commun d’asile comportant notamment « le partenariat et la coopération avec des pays tiers pour gérer les flux de personnes demandant l’asile ou une protection subsidiaire ou temporaire » [point g)]. 50 Voir à ce sujet : M. Fink, Frontex and human rights : responsibility in « multi-actor situations » under the ECHR and EU public liability law, Oxford, Oxford University Press, 2018, 374 p. ; M. Fernandez, « The EU external borders policy and Frontex-coordinated operations at sea : who is in charge? : reflections on responsibility for wrongful acts », In : « Boat refugees » and migrants at sea, 2017, p. 381 – 407 ; I. Majcher, « Human rights violation during EU border surveillance and return operations : Frontex’s shared responsibility or complicity? », SJLS, Vol. 7 (2015), p. 45 – 78.
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détresse, et non d’une opération de police maritime51. Dès lors, le Gouvernement a utilisé exactement l’argument mentionné, qui prête à confusion. Dans son appréciation, la Haute Juridiction de Strasbourg a précisé qu’ « à partir du moment où ils sont montés à bord des navires des forces armées italiennes et jusqu’à leur remise aux autorités libyennes, les requérants se sont trouvés sous le contrôle continu et exclusif, tant de jure que de facto, des autorités italiennes »52. De nouveau, la Cour a laissé comprendre que, indépendamment de la base juridique de l’intervention, sa juridiction est établie lorsque l’État en question exerce un contrôle sur les requérants. Les arrêts précédemment analysés ont démontré que nonobstant les enseignements de l’arrêt Bankovic, la Convention européenne, grâce au contrôle de facto, s’apparente désormais à une convention à vocation universelle. Le Professeur Samantha Besson considère que la question de la juridiction a certainement des dimensions territoriales, temporelles et personnelles, mais les critères pour mesurer l’applicabilité de la Convention européenne sont essentiellement fonctionnels53. Concrètement, la protection des droits de l’Homme justifie l’élaboration d’une jurisprudence dynamique et évolutive. Toutefois, les exemples jurisprudentiels cités montrent également que la compétence universelle de la Cour européenne trouve ses obstacles dans l’absence des conditions claires et prévisibles pour déclencher le contrôle de facto des faits incriminés qui sont susceptibles de méconnaître les droits fondamentaux garantis dans la Convention européenne et qui surgissent justement en ciblant le talon d’Achille du système de compétence du droit conventionnel.
§ 2 Les approches de l’applicabilité extraterritoriale du droit de l’Union L’Union européenne exerce ses activités conformément au principe d’attribution des compétences. C’est ainsi que l’article 5 du Traité sur l’Union européenne précise que « l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent »54. L’Union et ses États membres disposent d’une compétence partagée lors de l’établissement de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. L’exercice d’une telle compétence signifie que « l’Union et les États membres peuvent légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants dans ce domaine »55. S’il 51
Cour EDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, 23 février 2012, préc., paragraphe 65. Ibid., paragraphe 81. 53 A. S. Besson, « The extraterritoriality of the European Convention on Human Rights: why human rights depend on jurisdiction and what jurisdiction amounts to », LJIL, Vol. 25 (2012), no. 4, p. 863. 54 Article 5(2) du TUE. 55 Article 2(2) du TFUE. 52
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s’avère sur le fondement des principes de subsidiarité et de proportionnalité que l’action de l’Union est souhaitée, sa mise en œuvre relève, en principe, de la compétence nationale. Autrement, « [l]es États membres exercent leur compétence dans la mesure où l’Union n’a pas exercé la sienne »56. Dans ce cadre, comme le Professeur Potvin-Solis l’a observé, l’identification matérielle de la catégorie de compétences partagées varie en fonction des objectifs matériels qui ne peuvent pas être détachés pour autant des objectifs généraux figurant dans l’article 3 du TUE, et ce constat ne fait que favoriser le pouvoir d’appréciation du juge de l’Union57. Il incombe dès lors à la Cour de justice, gardienne des Traités, de veiller au respect de ce principe constitutionnel. Il s’ensuit que dans l’ordre juridique de l’Union, ce n’est pas tant la compétence de la Cour de justice qui est décisive dans l’établissement des garanties inhérentes à l’accès au territoire au titre de l’asile que la compétence de l’Union conformément au principe d’attribution des compétences dans l’interprétation de la Cour de justice (A). Certes, le respect des droits fondamentaux est susceptible de décaler le curseur lors de la détermination des domaines relevant des compétences respectives, sous réserve du respect de l’article 6 du Traité sur l’Union européenne et de l’article 51 de la Charte des droits fondamentaux. Édouard Debout évoque, à cet égard, les situations dans lesquelles l’objectif de la protection des droits fondamentaux « déborde » le champ des compétences de l’Union58. Mais un tel phénomène caractérise plutôt le pouvoir législatif ainsi que la démarche des institutions européennes qui sont dotées d’un pouvoir d’initiative lors de la détermination des domaines respectifs (B). A. Une approche jurisprudentielle, fidèle aux spécificités du droit de l’Union Avant d’examiner la conception de la Cour de justice relative aux faits extraterritoriaux (II), nous allons étudier son approche concernant la question du partage des compétences en matière d’asile (I). I. La conception de la Cour de justice relative au partage des compétences en matière d’asile Il ne fait guère de doute que les domaines dans lesquels l’Union européenne légifère sur le terrain des compétences partagées deviennent de plus en plus nombreux à la lumière de la réalisation des objectifs généraux ou spécifiques prévus 56
Ibid. L. Potvin-Solis, « Compétences partagées…», op. cit., p. 33 – 34. 58 É. Dubout, « L’objectif de protection des droits fondamentaux et la répartition des compétences dans l’Union européenne : la confrontation des logiques constitutionnelles », In : Objectifs et compétences dans l’Union européenne, 2013, p. 382. 57
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dans le droit primaire. Ce phénomène est critiqué par certains États membres, qui craignent la perte de leur influence dans certains domaines sensibles, tels que la gestion de l’afflux des demandeurs d’asile. Il est sans nul doute difficile de regagner l’exercice exclusif de cette compétence, d’autant plus que le pouvoir législatif justifie son choix, dans la plupart des cas, par le manque d’effectivité de la réalisation, au niveau national, des objectifs figurant dans le droit primaire. En vertu des dispositions des Traités, ce scénario est envisageable uniquement dans deux cas de figure : par abrogation d’un acte législatif ou par révision des Traités59 et relève de la question des choix politiques. C’est cette idée qui a été avancée d’ailleurs dans l’affaire relative à la relocalisation des demandeurs d’asile devant la Cour de justice. Ce recours direct a été introduit par la Hongrie et par la République slovaque afin de contester la décision instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce60. Cette décision a prévu la relocalisation de 120 000 demandeurs d’asile à partir de l’Italie et de la Grèce vers les autres États membres et était applicable jusque fin septembre 2017. Le Conseil a désigné l’article 78, paragraphe (3) du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en tant que base juridique61. Les États requérants ont fait valoir notamment que même si la décision en question a été adoptée selon la procédure non législative et constitue ainsi un acte non législatif, par son contenu et par ses effets, elle modifie plusieurs actes législatifs de l’Union62. En réalité, ils ont considéré que le Conseil a outrepassé ses compétences en adoptant une décision sur le fondement de l’article 78, paragraphe (3) du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, alors qu’une mesure de telle envergure aurait dû être adoptée selon la procédure législative ordinaire et sur 59 « […] [l]es États membres exercent leur compétence dans la mesure où l’Union n’a pas exercé la sienne ou a décidé de cesser de l’exercer. Ce dernier cas de figure peut se produire lorsque les institutions compétentes de l’Union décident d’abroger un acte législatif, en particulier en vue de mieux garantir le respect constant des principes de subsidiarité et de proportionnalité. […] De même, les représentants des gouvernements des États membres, réunis en Conférence intergouvernementale[…] peuvent décider de modifier les traités sur lesquels l’Union est fondée, y compris en vue d’accroître ou de réduire les compétences attribuées à l’Union dans lesdits traités ». Déclaration n. 18 concernant la délimitation des compétences, JO C 202 du 7. 6. 2016, p. 344 – 345. 60 Décision (UE) 2015/1601 du Conseil du 22 septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce, JO 2015 L 248, p. 80. 61 En vertu de cette disposition, « [a]u cas où un ou plusieurs États membres se trouvent dans une situation d’urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter des mesures provisoires au profit du ou des États membres concernés. Il statue après consultation du Parlement européen » (article 78(3) du TFUE). 62 CJUE (Gde. ch.), République slovaque et Hongrie contre Conseil de l’Union européenne, 6 septembre 2017, aff. jointes C-643/15 et C-647/15, ECLI:EU:C:2017:631, paragraphe 47.
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le fondement de l’article 78, paragraphe (2) dudit Traité. Ainsi, les États membres requérants ont-ils attiré l’attention sur le fait que les institutions européennes qui sont dotées d’un pouvoir d’initiative vont au-delà des autorisations normatives explicitement prévues par les Traités et élargissement le champ d’intervention de l’Union au détriment des États membres, et ce, sur le terrain des compétences partagées. Afin de justifier la pertinence de la base juridique de la décision contestée, l’avocat général Bot a explicitement souligné l’importance du principe constitutionnel de solidarité, en arguant que la décision attaquée constitue « une expression de solidarité que le traité prévoit entre les États membres »63. Ce raisonnement montre, à quel point le curseur peut être déplacé en faveur d’une solution juridique au bénéfice des demandeurs d’asile, en invoquant les spécificités constitutionnelles, y compris la protection des droits fondamentaux garantis par le droit de l’Union. La Cour de justice s’est montrée beaucoup plus prudente. La problématique principale de son analyse a porté sur la question de savoir si l’article 78, paragraphe (3) du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne pouvait constituer un acte non législatif qui déroge à plusieurs actes législatifs64. Même si le concept de solidarité apparaît rarement dans la partie d’appréciation de la Cour, sa décision est imprégnée par le respect de ce principe ainsi que de celui de partage équitable de responsabilités. En effet, les juges de Kircherg ont souligné dans un premier temps que la notion de « mesures provisoires » doit revêtir « une portée suffisamment large afin de permettre aux institutions de l’Union de prendre toutes les mesures provisoires nécessaires pour répondre de manière effective et rapide à une situation d’urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers »65. Or, tel était le cas en l’occurrence. Il s’ensuit qu’en cas de situation d’urgence, « les charges que comportent les mesures provisoires adoptées en vertu de cette disposition au profit de ce ou ces États membres doivent, en principe, être réparties entre tous les autres États membres, conformément au principe de solidarité et de partage équitable des responsabilités entre les États membres »66. Dès lors, en suivant une interprétation littérale du droit primaire et en se fondant sur les spécificités du droit de l’Union et notamment sur le principe constitutionnel de solidarité, la Cour de justice a rejeté l’idée de dépassement des compétences par l’Union. Néanmoins, en dépit de la volonté clairement affichée dans les Traités visant à créer une politique commune en matière d’asile, à défaut d’autorisation explicite
63 Conclusions de l’avocat général M. Y. Bot, présentées le 26 juillet 2017, République slovaque et Hongrie contre Conseil de l’Union européenne, aff. jointes C-643/15 et C-647/15, ECLI:EU:C:2017:618, paragraphe 16. 64 CJUE, République slovaque et Hongrie contre Conseil de l’Union européenne, 6 septembre 2017, préc., paragraphe 68. 65 Ibid., paragraphe 77. 66 Ibid., paragraphe 291.
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dans le droit primaire et dérivé lorsqu’il s’agit des faits extraterritoriaux, la Cour de justice constate l’existence d’une compétence nationale. II. La conception de la Cour de justice relative au partage des compétences dans les litiges comportant des faits extraterritoriaux Actuellement, nous disposons de très peu de jurisprudence concernant les domaines où la Cour de justice a été amenée à se prononcer sur les faits déployant des effets extraterritoriaux67. Dans l’arrêt X. et X. contre État belge, prononcé en 2017, la Cour de justice a précisé son approche concernant la possibilité de solliciter l’asile en dehors du territoire de l’Union. Si la Cour de justice s’est déclarée formellement compétente, celle-ci a jugé l’inapplicabilité du droit de l’Union aux faits du principal (1), contrairement au raisonnement mobilisé par l’avocat général Mengozzi (2). 1. L’inapplicabilité du droit de l’Union s’agissant de la possibilité de l’octroi du visa au titre de l’asile Le droit de l’Union ne prévoit pas actuellement l’octroi de visa permettant d’entrer sur le territoire de l’Union au titre de l’asile. Le litige faisant l’objet de notre analyse est né en raison de cette situation juridique. Afin de mieux comprendre la position de la Cour de justice, il importe de donner un bref aperçu du cadre factuel de l’affaire. Les requérants au principal, une famille syrienne a déposé des demandes de visa à validité territoriale limitée auprès de l’ambassade de Belgique au Liban, puis sont retournés à Alep68. Leur intention était de se rendre en Belgique pour introduire une demande de protection internationale. Cette demande a été rejetée au motif que le droit belge ne garantit pas la possibilité d’introduire une demande de visa au titre d’asile auprès d’un poste diplomatique69. En ce qui concerne le contexte juridique, les requérants au principal ont sollicité un visa à validité territoriale limitée qui « est délivré à titre exceptionnel, lorsqu’un État membre estime nécessaire, pour des raisons humanitaires, pour des motifs d’intérêt national ou pour honorer des obligations internationales de déroger au
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Trois arrêts emblématiques en matière d’asile ont été rendus par le Tribunal de l’UE, dans lesquels les requérants ont contesté la légalité de la Déclaration UE-Turquie, 18 mars 2016. Cependant, les requêtes n’ont pas respecté les critères de recevabilité du recours en annulation. Trib. UE (1ère ch. élargie), NF c. Conseil européen, 28 février 2017, T-192/16, ECLI:EU:T:2017:128 ; Trib. UE (1ère ch. élargie), NG c. Conseil européen, 28 février 2017, T193/16, ECLI:EU:T:2017:129 ; Trib. UE (1ère ch. élargie), NM c. Conseil européen, 28 février 2017, T-257/16, ECLI:EU:T:2017:130. 68 CJUE (Gde. ch.), X et X c. État belge, 7 mars 2017, C-638/16 PPU, ECLI:EU: C:2017:173, paragraphe 19. 69 Ibid., paragraphe 21.
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principe du respect des conditions d’entrée »70 prévues dans le Code frontières Schengen. Les développements exprimés par la juridiction de renvoi, le Conseil du Contentieux des Étrangers, ont parfaitement démontré que l’origine du problème dans le litige au principal résultait du manque de clarté concernant l’interaction du droit conventionnel et du droit de l’Union. En effet, cette juridiction a indiqué que les requérants au principal ne pourraient prendre appui sur l’article 3 de la Convention européenne qu’à la condition qu’ils se trouvent sous la juridiction belge71 au sens de l’article 1 de la Convention. Aux yeux de la juridiction de renvoi, il n’était pas clair que la mise en œuvre de la politique des visas constitue l’exercice de cette juridiction72. Autrement dit, dans la mesure où l’octroi de visa dans les circonstances au principal relève du droit de l’Union, la Belgique met en œuvre le droit de l’Union, et les faits relèvent ainsi de la juridiction de la Belgique. Dans ce cas, les garanties procédurales tirées de l’article 3 de la Convention entrent en ligne de compte. Rappelons concernant la méthode suivie par la Cour européenne pour constater sa compétence que celle-ci examine si les faits relèvent de la juridiction de l’État en cause, en procédant à un contrôle de jure et/ou un contrôle de facto. En cas de réponse affirmative, la Cour européenne s’estime compétente, ce qui implique l’applicabilité intégrale de la Convention au cadre factuel. En revanche, la Cour de justice suit un chemin différent. En effet, cette dernière détermine, dans un premier temps, sa propre compétence en s’appuyant sur les textes. À cet égard, dans la mesure où les faits présentent un lien de rattachement au droit de l’Union, la Cour de justice s’estime compétente, ce qui était le cas en l’occurrence. En effet, les requérants ont présenté leur demande d’asile sur le fondement de l’article 25 du Code des visas. Même en l’absence de référence à une disposition concrète du droit de l’Union, lorsque les faits peuvent être rattachés au droit de l’Union, une telle circonstance peut fonder la compétence de la Cour de justice73. Dans un second temps, gardienne des Traités, la Cour de justice vérifie l’applicabilité du droit de l’Union à la lumière du principe de l’attribution des compétences. Or, cette étape de raisonnement laisse place à une discrétion importante au bénéfice de la Cour de justice. On aurait pu croire, de prime abord, qu’il s’agissait de demandes de visas pour raisons humanitaires fondées sur l’article 25 du Code des visas, mais la Cour de justice en a décidé autrement. En adoptant une interprétation littérale des dispositions du Code des visas, la Cour de justice a mis 70 Règlement (CE) 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas), JO L 243 du 15. 9. 2009, p. 1 – 58, article 25(1), point a), sous i. 71 CJUE, X et X c. État belge, 7 mars 2017, préc., paragraphe 25. 72 Ibid. 73 CJUE (Gde. ch.), Åklagaren contre Hans Åkerberg Fransson, 26 février 2013, C-617/10, ECLI:EU:C:2013:105, paragraphe 28, par analogie.
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l’accent sur le fait que les demandeurs d’asile au principal ont, en réalité, introduit une demande de visa pour pouvoir par la suite obtenir un permis de séjour dont la durée de validité n’est pas limitée à 90 jours74. Notons qu’un tel raisonnement paraît artificiel, d’autant plus qu’il s’agissait des ressortissants syriens, dont le taux de reconnaissance était particulièrement élevé à l’époque des faits ; dès lors, il n’était pas certain que les autorités nationales aient besoin d’une période allant au-delà de 90 jours pour examiner ces demandes de protection internationale et statuer à leur sujet. L’argument évoqué par la Cour était en revanche approprié pour conclure à ce qu’« aucun acte n’a, à ce jour, été adopté par le législateur de l’Union, sur le fondement de l’article 79, paragraphe 2, sous a), TFUE, en ce qui concerne les conditions de délivrance, par les États membres, de visas ou de titres de séjour de longue durée à des ressortissants de pays tiers pour des raisons humanitaires, les demandes en cause au principal relèvent du seul droit national »75. La Cour de justice a donc restreint son analyse à une interprétation principalement littérale. Eu égard au manque de clarté du Code des visas, une interprétation téléologique à la lumière de la protection universelle des droits fondamentaux aurait pu conduire à un résultat différent. Comme les Gouvernements intervenants l’ont souligné pendant l’audience76, la Cour de justice semble avoir préféré attendre l’issue de la procédure de modification du Code des visas. Les propositions de la Commission visent à préciser que « la disposition relative aux courts séjours ne saurait justifier le refus d’accorder un visa à une personne demandant une protection »77. Or, une telle proposition changera fondamentalement l’architecture de la politique des visas de l’Union. Indépendamment de cette circonstance, le raisonnement effectué par la Cour de justice a pour conséquence que les dispositions de la Charte ne peuvent entrer en ligne de compte et que la Cour de justice n’est pas compétente pour fournir des orientations à la juridiction de renvoi. La particularité de la démarche de la Cour de justice consistant à vérifier sa propre compétence, puis l’applicabilité du droit de l’Union, résulte des spécificités du droit de l’Union. Le manque d’audace dans le raisonnement de la Cour de justice a des répercussions plus larges. Selon un premier scénario, la Cour de justice ayant déclaré catégoriquement l’inapplicabilité du droit de l’Union, la Belgique peut constater que les faits en cause ne relèvent pas de sa juridiction, sous réserve de la possibilité d’accorder un visa de long séjour en vertu du droit national belge. Dans 74
CJUE, X et X contre État belge, 7 mars 2017, préc., paragraphe 42. Ibid., paragraphe 44. 76 Conclusions de l’Avocat général Mengozzi présentées le 7 février 2017 dans l’affaire X et X c. État belge, ECLI:EU:C:2017:93, paragraphe 8. 77 Rapport sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au code des visas de l’Union (code des visas) (refonte), (COM(2014)0164 – C8 – 0001/2014 – 2014/0094(COD)), amendement 27, http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pub Ref=-//EP//TEXT+REPORT+A8 – 2016 – 0145+0+DOC+XML+V0//FR#title1 (consulté le 17 avril 2018). 75
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ce cas, la compétence de la Cour européenne pourrait également poser problème et, dès lors, les requérants au principal resteraient sans protection juridictionnelle. Selon un deuxième scénario, indépendamment de l’obiter dictum de la Cour de justice, la Cour européenne peut encore accorder une protection plus étendue en s’appuyant sur sa compétence personnelle au sens de la décision précitée X. contre Royaume-Uni, puis en interprétant l’obligation de non-refoulement. Il suit de ces analyses que lorsqu’on est face à une situation factuelle identique, l’absence de dialogue entre les organes juridictionnels étudiés peut engendrer de graves conséquences, privant, comme en l’occurrence, les demandeurs d’asile d’une protection juridictionnelle effective. L’avocat général Mengozzi a adopté, en revanche, une position différente. 2. Une lecture alternative : l’applicabilité du droit de l’Union s’agissant de la possibilité de l’octroi du visa au titre de l’asile Tout d’abord, il nous semble qu’aux yeux de l’avocat général, la compétence de la Cour de justice et l’applicabilité du Code des visas et des dispositions de la Charte se recoupent, et que le seuil pour constater l’applicabilité du droit de l’Union se situe plus bas que celui appliqué par la Cour de justice. Dans un premier temps, à l’instar de la Cour de justice, il a pris comme point de départ l’intention des requérants au principal. Concrètement, celle-ci « pourrait tout au plus constituer un motif de refus des demandes […] mais certainement pas un motif de non-application » du Code des visas78. Ce constat nous incite à penser que l’avocat général Mengozzi a traité ensemble la question du rattachement des faits au droit de l’Union et celle de l’applicabilité du droit de l’Union, et ce, sous l’angle de l’examen de la compétence de la Cour de justice. En exploitant les lacunes figurant dans le texte du Code des visas, l’avocat général Mengozzi a estimé que les motifs de la demande de visa n’étaient pas explicités dans le Code de visas et que les raisons ayant motivé le dépôt d’une telle demande devront être examinées à un stade avancé du traitement de la demande79. À ses yeux, la durée envisagée du séjour ne constitue pas un facteur déterminant lors du dépôt et de l’examen de la recevabilité formelle de la demande de visa. Dès lors, dans son interprétation, lorsque des lacunes apparaissent dans le droit dérivé, les considérations humanitaires doivent primer sur la délimitation des compétences voulue par les auteurs des Traités. Finalement, il considère décisif le comportement des autorités belges : leurs demandes ont été traitées et rejetées sur le fondement du Code des visas80. En proposant une interprétation extensive du Code de visas, 78 Conclusions de l’Avocat général Mengozzi, 7 février 2017, X et X c. Etat belge, préc., paragraphe 51. 79 Ibid., paragraphe 60. 80 Ibid., paragraphe 67.
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l’avocat général Mengozzi a essayé d’instaurer un certain dialogue entre les organes juridictionnels européens, du point de vue de la question de la juridiction, même si une telle intention ne ressort pas explicitement des conclusions. Quoi qu’il en soit, la solution proposée aurait permis d’éviter les lacunes précédemment explicitées et de fournir une protection effective au demandeur d’asile au principal. Au demeurant, la Cour de justice n’a pas retenu l’interprétation présentée et cette circonstance lui a permis de ne pas aborder une problématique passée sous silence, à savoir l’extraterritorialité des droits fondamentaux, parmi lesquels l’interdiction de refoulement revêt une signification particulière. Les conclusions de l’avocat général Mengozzi ne sont pas restées lettre morte. L’approche, en faveur de laquelle il a milité, apparait, dans certains documents préparatoires des institutions de l’Union, comme reflétant l’élargissement du champ d’intervention de l’Union sur le terrain des compétences partagées, et ce, à la lumière de la protection des droits fondamentaux des demandeurs d’asile. L’adoption de ces documents est en revanche, le fruit des choix politiques. B. L’approche des pouvoirs législatif et d’initiative favorable à l’élargissement du champ d’intervention de l’Union à l’aune de la protection des droits fondamentaux La détermination du champ d’intervention de l’Union s’effectue avec audace par les institutions européennes disposant d’un pouvoir d’initiative. Cependant, l’adoption d’un instrument juridique en ce domaine dépend d’une volonté politique forte. Cette volonté de garantir une protection étendue des droits fondamentaux aux demandeurs d’asile se reflète dans l’octroi de visas humanitaires (I) et dans les mesures de réinstallation (II). I. La politique de visas humanitaires de l’Union Le 11 décembre 2018, le Parlement européen a adopté une résolution contenant des recommandations à la Commission sur les visas humanitaires81. En ce qui concerne le choix de sa base juridique, le Parlement européen suggère l’adoption d’un règlement portant création d’un visa humanitaire européen sur le fondement de l’article 77, paragraphe (2), point a) du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoyant notamment la politique commune de visas82. Ce choix est en soi révélateur : la Commission européenne élargit, en fin de compte, le champ d’application territorial du système européen commun d’asile toujours sur le terrain des compétences partagées, et ce, pour les considérations liées à la protection des droits fondamentaux. C’est ainsi que la Commission évoque le respect nécessaire 81 82
2018/2271 (INL). Ibid., annexe. Voir encore : article 77(2), point a) du TFUE.
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des articles 4, 18 et 19 de la Charte des droits fondamentaux tout comme de la Convention de Genève. Les opposants de cette conception pourraient arguer, en revanche, que les auteurs des Traités n’avaient pas l’intention d’accorder l’asile en dehors des territoires nationaux, d’autant plus que l’octroi d’un tel visa ou même de l’asile politique relève traditionnellement du pouvoir souverain étatique. S’agit-il en réalité d’un élargissement des compétences de l’Union à la lumière de la protection des droits fondamentaux, prohibé par l’article 6 du Traité sur l’Union européenne ? La réponse à cette question n’est pas évidente. D’un côté, selon les dispositions de la directive « procédures », cette dernière s’applique aux demandes présentées sur le territoire des États membres, y compris à la frontière, dans les eaux territoriales ou dans une zone de transit, mais non aux demandes d’asile diplomatique introduites auprès des représentations des États membres83. D’un autre côté, il ne s’agit pas d’une demande de protection internationale stricto sensu mais d’une demande d’admission au territoire aux fins de l’introduction d’une demande de protection. Du point de vue empirique, l’adoption de ce règlement est justifiée non seulement par le prononcé de l’arrêt X. et X. précité mais aussi par le fait que ceux qui obtiennent le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire arrivent sur le territoire des États membres souvent de manière irrégulière84. Ce dernier objectif s’inscrit ainsi dans une finalité globale, à savoir favoriser la migration légale, ce qui nécessite de traiter le phénomène de l’asile dans une dimension territoriale plus large et sur le terrain de la politique de l’immigration. Ainsi, une telle solution permet aux États membres de contrôler de façon plus efficace l’entrée sur leur territoire des ressortissants de pays tiers. Une communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen sur la gestion de l’entrée gérée dans l’Union européenne des personnes ayant besoin d’une protection internationale contenait pour l’essentiel les mêmes considérations, tout en soulignant que la question qui se pose fréquemment au niveau de l’Union est de savoir comment décider qui entre sur le territoire de l’Union et dans quelles conditions85. La Communication parle d’une « arrivée organisée »86 qui va cependant à l’encontre du concept de l’asile qui suppose une protection « recherchée »87. Celui-ci suppose en effet une recherche active de refuge par l’étranger contre les persécutions. Dès lors, le visa au titre de l’asile ne peut 83
Article 3, paragraphes (1) et (2) de la directive (UE) 2013/32. 2018/2271 (INL). 85 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la gestion de l’entrée gérée dans l’Union européenne de personnes ayant besoin d’une protection internationale et sur le renforcement des capacités de protection des régions d’origine « améliorer l’accès à des solutions durables », COM(2004) 410 final, point 12. 86 Ibid., point 16. Voir encore dans la même perspective : Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen relative à la création d’un programme européen commun de réinstallation, COM(2009) 456 final. 87 G. Cornu, « Vocabulaire juridique », op. cit., p. 87. 84
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avoir pour finalité que la garantie d’une entrée régulière sur le territoire de l’Union au titre de l’asile dont la mise en œuvre incombe aux États membres dans des conditions qui ne conduisent pas aux disparités réglementaires significatives entre eux. Les mêmes considérations sont valables pour les mesures de réinstallation. II. La politique de réinstallation de l’Union Les mesures de réinstallation contribuent, sans nul doute, à l’achèvement d’une politique commune en matière d’asile en organisant, en toute légalité, l’arrivée des ressortissants de pays tiers qui ont besoin de la protection internationale. La réinstallation est définie par la Commission européenne comme suit : « [l]a réinstallation signifie l’admission, sur le territoire des États membres, de ressortissants de pays tiers ayant besoin d’une protection internationale qui ont été déplacés de leur pays d’origine, ou au sein de celui-ci, dans le but d’accorder une protection internationale à ces ressortissants »88. La base juridique de la proposition présentée par la Commission européenne89 constitue l’article 78, paragraphe (2), points d) et g) du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, prévoyant, d’une part, des procédures d’asile communes, d’autre part, le partenariat et la coopération avec des pays tiers pour gérer le flux des demandeurs de protection90. Certains États membres pratiquent désormais la politique de réinstallation91, mais règlementer cette politique à travers un règlement permettrait d’atteindre un niveau élevé d’harmonisation. Même si cette proposition n’a pas encore été adoptée, une telle mesure serait susceptible de doter les Traités d’une vocation universelle, pour le moins dans le domaine de l’asile, et contribuerait à la redéfinition du concept de l’asile à l’échelle de l’Union. En effet, si l’asile comprend actuellement la recherche active de protection de la part de la personne qui en a besoin, la réinstallation constitue une mesure qui est susceptible d’être initiée également par les autorités. Or, sous cet angle, la réinstallation constitue une mesure nouvelle nécessitant la reconsidération du concept de l’asile ou bien considérer la réinstallation comme une « alternative à l’asile »92. Or, il n’est pas certain que les auteurs des Traités aient pour objectif une 88
COM(2009) 456 final. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre de l’Union pour la réinstallation et modifiant le règlement (UE) n8 516/2014 du Parlement européen et du Conseil, COM(2016) 468 final. Cette proposition fait écho à la recommandation (UE) 2015/914 de la Commission du 8 juin 2015 concernant un programme européen de réinstallation. Celle-ci a prévu uniquement la réinstallation de 20 000 personnes sur une période de deux ans. 90 Article 78(2), points d) et g) du TFUE. 91 France, Allemagne, Finlande, Pays-Bas, Suède et Royaume-Uni. Rapport d’avancement sur la mise en œuvre de l’agenda européen en matière de migration, 16 mai 2018, COM(2018) 301 final, p. 12. 92 Expression empruntée à Virginie Harvey. V. Harvey, « La réinstallation, une alternative à l’asile ? », Lex Electronica, vol. 11, n. 1., 2006. 89
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réforme d’une telle envergure. C’est ainsi qu’il convient de veiller aux effets que l’adoption d’un nouvel instrument juridique peut provoquer, et ce, en dépit d’un fondement juridique plus ou moins solide dans le droit primaire. Enfin, la portée (territoriale) des droits fondamentaux et de l’interdiction de refoulement est définie en principe par le droit dérivé de l’Union. C’est la raison pour laquelle de telles initiatives législatives se multiplient pour les incorporer ensuite dans le droit dérivé de l’Union.
Section II: L’accès au territoire au titre de l’asile dans le système de la Convention de Genève, en droit conventionnel et en droit de l’Union Eu égard à la juridiction quasi universelle de la Cour européenne en vertu de l’article 1 de la Convention, il n’est pas étonnant que celle-ci ait déjà eu l’occasion de se prononcer sur la portée de l’interdiction de refoulement et sur son lien avec l’accès au territoire au titre de l’asile93. Cependant, l’établissement d’une jurisprudence constante concernant ces questions s’avère particulièrement difficile en raison de la démarche casuistique de la Cour européenne et du respect de la souveraineté étatique. En ce qui concerne le droit de l’Union, l’obligation de non-refoulement figure dans plusieurs instruments juridiques du droit dérivé qui ont été adoptés dans le cadre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, et qui règlementent les actions extraterritoriales prévues au niveau de l’Union et mises en œuvre par les États membres. Bien que ces instruments juridiques soient imprégnés de l’interdiction de refoulement, ils contiennent des dispositions floues qui rendent son interprétation difficile, dont certaines dispositions techniques qui peuvent, le cas échéant, neutraliser les effets de l’obligation de non-refoulement. En tout état de cause, la consécration explicite de l’interdiction de refoulement dans ces textes ne peut acculer la Cour de justice qu’à conclure à l’applicabilité du droit de l’Union, et, dès lors, de la Charte. L’obligation de non-refoulement est énoncée dans l’article 4 de la Charte et, indirectement, dans son article 18. Ce dernier énonce que le droit d’asile est garanti
93 La Cour européenne interprète l’interdiction de refoulement sur le terrain de l’article 3 de la Convention non seulement en relation avec les réfugiés, mais également avec les personnes pouvant être exposées aux mauvais traitements et à d’autres violations des droits de l’Homme. F. Messineo, « Non-refoulement obligations in public international law : towards a new protection status? », In : The Ashgatere search companion to migration law, theory and policy, 2013, p. 129 – 155.
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dans le respect des règles de la Convention de Genève94. Dès lors, l’analyse de l’article 33 de la Convention de Genève relative à l’interdiction de refoulement constitue une étape indispensable afin de pouvoir esquisser un seuil minimum audelà duquel la régression en termes de niveau de protection n’est pas autorisée (§ 1). Nous examinerons, ensuite, la jurisprudence de la Cour européenne (§ 2). Il importe, en effet, d’avoir à l’esprit que les règles juridiques de l’Union ne fonctionnent pas dans un « vacuum légal »95 et que, lors de l’interprétation du droit de l’Union, la Convention européenne revêt « une signification particulière »96. Mais la prise en considération des instruments juridiques internationaux en tant que sources d’inspiration ne signifie pas pour autant que le législateur de l’Union ne puisse pas façonner le droit à sa guise. C’est d’autant plus vrai qu’à l’heure actuelle ni la Convention de Genève ni la Convention européenne ne font partie intégrante du droit de l’Union (§ 3).
§ 1 L’interdiction de refoulement et son lien avec l’accès au territoire au titre de l’asile dans le système de la Convention de Genève Le champ d’application matériel de la Convention de Genève n’est pas clair dans la doctrine et subit ainsi des variations. Selon le HCR, bien que la Convention de Genève n’implique pas le droit à se voir accorder l’asile dans un État particulier, les États devraient garantir l’accès au territoire ainsi que des procédures d’asile justes et efficaces97. Ce constat est corroboré, en partie, par la lecture combinée des articles 16 et 31 de la Convention de Genève. Aux termes de son article 16, « [t]out réfugié aura, sur le territoire des États Contractants, libre et facile accès aux tribunaux »98. Ce passage suppose ainsi une présence physique du demandeur d’asile sur le territoire des États et la considère comme une évidence. Or, cette présence n’est concevable que par un accès préalable au territoire national. En ce qui concerne l’article 31 de la Convention de Genève, celui-ci interdit les sanctions pénales, par exemple les mesures de détention « du fait de leur entrée […] aux réfugiés qui, arriv[e]nt directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée »99. 94
Article 18 de la Charte. J. Mink, « EU asylum law and human rights protection: revisiting the principle of nonrefoulement and the prohibition of torture and other forms of ill-treatment », EJML, Vol. 14 (2012), no. 2, p. 128. 96 CJCE, Hoechst AG contre Commission des Communautés européennes, 21 septembre 1989, aff. jointes 46/87 et 227/88, ECLI:EU:C:1989:337, paragraphe 13. 97 HCR, « Avis consultatif sur l’application extra-territoriale… », préc., point 8. Référence à P. Weis, The Refugee Convention, 1951: the travaux preparatoires analysed, with a commentary / by the late Paul Weis, Cambridge University Press, 1995, p. 342. 98 Article 16(1) de la Convention de Genève. 99 Ibid., article 31(1). 95
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Autrement dit, dans la mesure où un ressortissant de pays tiers se présente à la frontière sans être muni de documents d’identité, les États membres ne peuvent pas appliquer de sanctions pénales à son encontre. Toutefois, la Convention de Genève est muette sur un éventuel droit d’entrée au titre de l’asile notamment lorsque les étrangers souhaitant demander l’asile se trouvent sous le contrôle des autorités nationales en dehors du territoire de l’État en question. Nous arrivons maintenant à l’analyse de l’article 33 relatif à l’interdiction de refoulement. Les travaux préparatoires de la Convention de Genève montrent une forte division concernant la relation entre l’interdiction de refoulement et l’accès au territoire au titre de l’asile100. Nous appuyons ainsi sur la doctrine pour déceler le contenu de l’interdiction de refoulement. Dans le sillage de Vincent Chetail, nous considérons que l’interdiction de refoulement est par définition une obligation d’abstention101. Certes, à la lecture de l’article 33, la Convention de Genève ne contient aucune obligation positive de la part des États d’accueillir les personnes souhaitant bénéficier de la protection internationale. En d’autres termes, aucune disposition de la Convention de Genève ne contient de droit explicite à l’entrée et au séjour sur le territoire de l’État qui pourrait accorder l’asile102. De ce fait, il existe un « chaînon manquant »103 entre l’interdiction de refoulement et la détermination du statut de réfugié dans le texte de la Convention. Afin de trouver une solution, certains auteurs suggèrent de considérer l’interdiction de refoulement comme un « overarching principle » contenant plusieurs obligations qui sont déterminées notamment dans les jurisprudences européennes104. Dans cette perspective, ce chaînon manquant peut également découler de ces jurisprudences. Quoi qu’il en soit, dans la mesure où l’État décide de se conformer au principe de l’interdiction de refoulement, l’admission du demandeur d’asile sur son territoire est la conséquence indirecte de ce principe. En effet, la Convention de Genève contient textuellement une obligation visant à empêcher le refoulement de l’étranger dans un pays où sa vie est en péril. Or, et d’un point de vue pragmatique, il arrive que l’État ne puisse éviter un tel évènement que par l’accomplissement des obligations positives. À titre d’exemple, dans le cadre du sauvetage, les autorités nationales entrent en contact direct avec les étrangers se trouvant dans une situation de détresse. Or, préalablement à leur refoulement, les étrangers doivent pouvoir ex100
G. S. Goodwin-Gill, J. McAdam, The refugee in international law, 3rd ed., Oxford, Oxford University Press, 2007, p. 206. 101 V. Chetail, « Le principe de non-refoulement… », op. cit., p. 5. 102 C. W. Wouters, International legal standards for the protection from refoulement : a legal analysis of the prohibitions on refoulement contained in the Refugee Convention, the European Convention on Human Rights, the International Covenant on Civil and Political Rights and the Convention against Torture, Antwerp, Intersentia, 2009, p. 147. 103 Expression empruntée à Vincent Chetail. Voir V. Chetail, « Le principe de non-refoulement… », op. cit., p. 8. 104 F. Messineo, « Non-refoulement obligations… », op. cit., p. 129 – 155.
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poser les motifs pour lesquels, premièrement, ils ne peuvent pas retourner dans le pays d’origine et pour lesquels, deuxièmement, ils souhaitent solliciter l’asile. À ce dernier égard, l’accès à la procédure d’asile est, d’un côté, un facteur subjectif, dont l’usage est tributaire de la volonté de la personne dont la vie serait en danger en cas de retour. D’un autre côté, le bénéfice de cet accès dépend encore davantage de la pratique administrative de l’État en question consistant à accorder ou non l’accès à son territoire. Néanmoins, lorsque les motifs justifiant l’impossibilité de retour sont avérés, l’État porte atteinte à l’article 33 de la Convention de Genève en n’accordant pas de protection au bénéfice de l’étranger contre le risque de persécutions. De même, lorsque l’étranger se manifeste à la frontière et tente de pénétrer sur le territoire national, il sera sous le contrôle des autorités nationales de l’État en question et ce dernier pourrait être tenu pour responsable de la violation de l’article 33 de la Convention relative au statut des réfugiés105. Andreas Zimmermann attire l’attention à cet égard sur le fait que le passage figurant dans l’article 33 de la Convention de Genève, selon lequel « [a]ucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié » nécessite une interprétation large106. Or, de ce point de vue, et compte tenu de la rédaction particulièrement floue du membre de phrase « de quelque manière que ce soit », il s’agit d’une obligation de résultat. Dès lors, les États peuvent violer cet article de plusieurs façons. En outre, bien que la Convention de Genève ne garantisse pas textuellement l’accès à la procédure d’asile, son objectif, c’est-à-dire la protection des réfugiés107, serait vidé de sa substance si la Convention ne régissait pas l’accès à la détermination du statut de réfugié mais simplement le résultat de cet accès. C’est ainsi qu’une partie de la doctrine considère que l’accès à la procédure de reconnaissance du statut de réfugié est « le corollaire implicite à l’obligation de non-refoulement »108. Par ailleurs, comme nous l’avons précédemment suggéré, le refus d’accès à la procédure d’asile peut être équivalent au refoulement109 et est susceptible d’engager la responsabilité de l’État ayant procédé ainsi, notamment lorsque ce refoulement expose le demandeur d’asile à un refoulement en chaîne ou au risque de mauvais traitements dans son pays d’origine. Eu égard à ce qui précède, force est de constater que le système de la Convention de Genève ainsi que la littérature juridique ont créé un lien indirect entre l’interdiction de refoulement et l’accès au territoire au titre de l’asile. Cette approche est 105 A. Zimmermann, J. Dörschner, F. Machts, The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 Protocol : a commentary, Oxford, Oxford University Press, 2011, p. 1367. 106 Ibid., p. 1369. 107 Convention de Genève, préc., cinquième considérant. 108 V. Chetail, « Le principe de non-refoulement… », op. cit., p. 19. 109 G. Geoff, « Is Europe living up to its obligations to refugees ? », EJIL, Vol. 15 (2004), no. 5, p. 966.
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justifiée par la souveraineté étatique consistant à déterminer les critères en fonction desquels les ressortissants de pays tiers peuvent entrer et séjourner sur le territoire national. Les mêmes incertitudes apparaissent dans la jurisprudence de la Cour européenne. Cependant, les arrêts de ces dernières années montrent que les États suivent une ligne de conduite susceptible d’établir un lien direct entre l’interdiction de refoulement et l’accès au territoire au titre de l’asile.
§ 2 L’interdiction de refoulement et son lien avec l’accès au territoire au titre de l’asile dans le système de la Convention européenne Même si la Convention européenne ne contient pas expressément d’interdiction de refoulement, la Cour de Strasbourg a déduit une telle obligation de l’article 3 de cette Convention110. Au fil du temps, la Cour européenne s’est arrogée une place centrale pour interpréter la Convention de Genève et a graduellement pris le rôle d’un organe juridictionnel approfondissant les droits prévus par cette Convention111. Dans cette perspective, cette juridiction a, d’une part, élaboré, par voie prétorienne, certaines garanties dont le respect conduit inéluctablement à l’accès au territoire au titre de l’asile (A). D’autre part, dans les affaires récentes où les États ont pleinement respecté l’interdiction de refoulement, la Cour européenne a eu l’occasion d’affirmer certaines garanties procédurales indispensables à l’accès préalable à la procédure d’asile112 (B).
110 La doctrine critique la jurisprudence de la Cour EDH, notamment dans les affaires médicales. La Cour EDH limite en effet la portée de l’interdiction de refoulement en fonction de la source du risque. K. Greenman, « A castle built on sand? : Article 3 ECHR and the source of risk in non-refoulement obligations in international law », IJRL, Vol. 27 (2015), no. 2, p. 264 – 296. 111 C. Gauthier, « Convention européenne des droits de l’homme et protections internationales des réfugiés », In : La protection internationale et européenne des réfugiés, 2014, p. 39 ; M. J. Bossuyt, Strasbourg et les demandeurs d’asile : des juges sur un terrain glissant, Bruxelles, Bruylant, 2010, 189 p. 112 Il convient de remarquer que la Cour européenne n’a pas encore eu l’occasion d’aborder la question de la politique des visas au titre de l’asile. Dans cette perspective, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe insiste pour que les politiques d’attribution des visas « continuent à s’inspirer de la Convention de Genève […] et de la [CEDH] et ne permettent aucune violation, notamment du principe généralement admis du non-refoulement et de l’interdiction du refoulement des demandeurs d’asile à la frontière ». PACE, recommandation n. 1236 (1994) relative au droit d’asile, 12 avril 1994, point j.
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A. Le lien entre l’interdiction de refoulement et l’accès au territoire au titre de l’asile en droit conventionnel Les principes directeurs déterminant le lien entre l’interdiction de refoulement et l’accès au territoire au titre d’asile ont été explicités dans l’arrêt Hirsi Jamaa. Pour rappel des faits, les requérants ont quitté la Lybie à bord d’embarcations interceptées par les navires italiens et, conformément à l’accord conclu entre la Lybie et l’Italie, ont été reconduits en Lybie. Dans son appréciation, si la Cour européenne a reproduit le raisonnement du HCR selon lequel le principe de non-refoulement est le complément logique du droit de chercher l’asile113, son argumentation témoigne d’une certaine réticence puisque l’approche présentée par le HCR dépasse la marge d’appréciation que les auteurs de la Convention lui ont confiée. En substance, les requérants ont allégué la violation de l’article 13 combiné à l’article 3 de la Convention européenne et de l’article 4 du Protocole n8 4. Premièrement, ils ont fait valoir ne pas avoir bénéficié de recours effectif pour contester leur refoulement. Par recours, ils entendaient sans doute l’accès à la procédure administrative, puisqu’aucune procédure ne s’est déroulée devant les autorités italiennes. Deuxièmement, ils ont critiqué le fait de ne pas avoir été identifiés et le manque d’intérêt de la part des autorités italiennes s’agissant de leurs demandes de protection internationale114. Par la formulation de ces critiques, les requérants ont fourni une lecture alternative des garanties découlant de l’interdiction de refoulement. Le Gouvernement est resté silencieux au sujet d’un éventuel lien entre l’interdiction de refoulement et l’accès au territoire au titre de l’asile. Cependant, les observations du HCR, en tant que tierce intervenante, présentaient un axe de raisonnement linéaire et réfléchi. Selon le HCR, le principe de non-refoulement implique des obligations procédurales115. Il a, ensuite, ajouté que le droit d’accès à une procédure d’asile effective est d’autant plus crucial que les demandeurs d’asile potentiels doivent être individualisés et distingués des autres migrants116. À ses yeux, le processus d’identification est la condition sine qua non de l’accès à la procédure d’asile et découle des obligations positives procédurales sur le fondement combiné des articles 3 et 13 de la Convention. En ce qui concerne la recevabilité de la requête, considérant que la problématique en cause soulève des questions de droit complexes, la Cour européenne a écarté l’argument relatif au non-épuisement des voies de recours internes117. Par cette 113
UNGA, Note sur la protection internationale, 13 septembre 2001, A/AC.96/951, point 16. In : Cour EDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, 23 février 2012, préc., paragraphe 23. 114 Cour EDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, 23 février 2012, préc., paragraphe 189. 115 Ibid., paragraphe 193. 116 Ibid. 117 En vertu de l’article 35(1) de la CEDH, « [l]a Cour ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes, tel qu’il est entendu selon les principes de droit
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démarche, la Cour européenne semble avoir validé le caractère recevable des requêtes présentées dans de telles circonstances pour éviter que les étrangers soient contraints d’engager une quelconque procédure devant les autorités nationales. La Cour européenne s’est montrée plus prudente dans son appréciation. Elle a souligné l’importance d’accorder l’accès à une procédure tendant à l’identification et à la vérification de la situation personnelle des étrangers avant l’exécution de leur éloignement118, tout en omettant, cependant, de préciser si cette procédure devait se dérouler à bord ou sur le territoire de l’État effectuant le sauvetage. En référence à la jurisprudence M.S.S.119, les étrangers doivent pouvoir bénéficier du droit d’obtenir les informations suffisantes leur permettant d’avoir un accès effectif aux procédures, y compris à la procédure d’asile120. Une telle phrase laisse supposer que, dès lors que des étrangers se trouvant à bord d’un navire expriment leur souhait de demander l’asile ou contestent leur éloignement, ils doivent pouvoir bénéficier non seulement d’une procédure d’identification, mais aussi de l’accès au territoire pour déposer une demande de protection internationale ou pour contester leur éloignement dans le cadre d’une procédure. En effet, il s’agit de démarches administratives qui ne peuvent être effectuées que sur le territoire de l’État. La Cour européenne n’affirme pas toutefois explicitement l’accès à la procédure d’asile mais uniquement l’accès à une procédure permettant l’identification. Même si la Cour de Strasbourg ne l’admet pas ouvertement, il nous semble qu’en imposant ces exigences, celle-ci a trouvé le chaînon manquant121. Dans son opinion séparée jointe à l’arrêt, Monsieur le juge Pinto de Albuquerque explicite son point de vue de manière très claire sur cette problématique : « [l]’obligation de non-refoulement a deux conséquences procédurales : le devoir d’informer un étranger de son droit d’obtenir une protection internationale, et le devoir d’offrir une procédure individuelle, équitable et effective permettant de déterminer et d’apprécier la qualité de réfugié »122. La Cour européenne a eu recours à international généralement reconnus, et dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive ». La Cour a en l’occurrence dérogé à cette règle. Voir à cet égard : Cour européenne des droits de l’homme : Saisir la Cour européenne des droits de l’homme : guide pratique sur la recevabilité, Oisterwijk : Wolf Legal Publishers, 2014, 150 p. 118 Cour EDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, 23 février 2012, préc., paragraphe 202. Il convient d’ajouter que l’analyse de la Cour européenne a visé les griefs relevant de l’article 3 et de l’article 4 du Protocole n. 4 combinés avec l’article 13 de la Convention. 119 Cour EDH (Gde. Ch.), M.S.S. c. Belgique et Grèce, 21 janvier 2011, n. 30696/09, ECLI:CE:ECHR:2011:0121JUD003069609. 120 Cour EDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, 23 février 2012, préc., paragraphe 204. 121 Notons que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe aborde également cette problématique dans une résolution, en appelant les États à « garantir aux personnes interceptées ayant besoin d’une protection internationale l’accès à une procédure d’asile juste et efficace ». PACE, résolution 1821(2011), 21 juin 2011, L’interception et le sauvetage en mer de demandeurs d’asile, de réfugiés et de migrants en situation irrégulière. 122 Cour EDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, 23 février 2012, préc., opinion concordante du juge Pinto de Albuquerque.
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un raisonnement différent. La solution retenue a donc été la consécration des garanties telles que le droit à obtenir des informations et le droit à l’identification, dont le respect doit pouvoir aboutir à l’accès au territoire, dans la mesure où les motifs des étrangers souhaitant demander l’asile s’avèrent fondés. Une fois que les étrangers souhaitant demander l’asile se trouvent sur le territoire national, le chemin vers l’accès à la procédure d’asile est jonché de difficultés qui peuvent toutefois être résolues grâce à une interprétation dynamique de l’interdiction de refoulement. B. Le lien entre l’interdiction de refoulement et l’accès préalable à la procédure d’asile en droit conventionnel Les décisions suivant l’arrêt Hirsi ne soulèvent pas tant la violation de l’obligation de non-refoulement, mais elles précisent plutôt la portée des obligations positives dans le cadre d’une procédure de refoulement, puisque les requérants se trouvaient désormais sur le territoire de l’État en question ou à la frontière de celuici. Trois arrêts méritent une attention particulière. Il convient de noter que le contexte particulier de ces affaires était propice à ce que la Cour européenne se prononce clairement sur le lien entre l’interdiction de refoulement et l’accès préalable à la procédure d’asile. Premièrement, en ce qui concerne l’affaire Khlaifia123, les requérants étaient à bord d’une embarcation interceptée par les navires italiens et les étrangers à bord ont été conduits jusqu’au port de l’île de Lampedusa. Ces personnes ont ensuite fait l’objet d’identification, mais n’ont pas formulé de demande d’asile pendant leur séjour en Italie. Cette affaire diffère de celle de Hirsi dans la mesure où les requérants n’ont pas été expulsés immédiatement après l’interception mais ont été escortés jusqu’au port italien. Ainsi, l’Italie n’a pas enfreint l’obligation de nonrefoulement, puisque les autorités italiennes se sont conformées aux enseignements de l’affaire Hirsi, c’est-à-dire qu’elles ont garanti l’accès au territoire italien pour effectuer les identifications nécessaires. Les requérants alléguaient la violation de l’article 4 du Protocole n8 4 interdisant les expulsions collectives, mais n’ont pas reproché l’absence d’accès à la procédure d’asile. Indépendamment de cette circonstance, la Cour européenne a mis en lumière qu’à l’occasion de leur première identification, « les requérants ont eu l’occasion d’alerter les autorités quant à d’éventuelles raisons justifiant leur séjour en Italie ou s’opposant à leur renvoi »124. Cette précision aurait permis à la Cour européenne, sur le fondement de sa jurisprudence constante, de résumer l’ordre des obligations positives incombant aux autorités de l’État d’accueil : respect de l’in123 Cour EDH (Gde. ch.), Khlaifia et autres c. Italie, 15 décembre 2016, n. 16483/12, ECLI:CE:ECHR:2016:1215JUD001648312. 124 Ibid., paragraphe 247.
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terdiction de refoulement, autorisation de l’entrée sur le territoire afin de procéder aux identifications nécessaires et possibilité de s’exprimer sur les motifs de séjour, y compris sur les motifs justifiant l’octroi d’asile. Toutefois, un tel raisonnement linéaire ne ressort pas de l’argumentation de la Cour européenne. En outre, la Cour européenne n’évoque même pas l’hypothèse de solliciter l’asile parmi les motifs mentionnés. Elle le fait explicitement lorsqu’elle examine la conventionnalité de la procédure d’expulsion. Concrètement, la Cour européenne confirme l’accès à la procédure d’asile dans le cadre d’une procédure d’expulsion qui se déroule sur le territoire de l’État d’accueil. En effet, elle a jugé que « dans le cadre d’une procédure d’expulsion, la possibilité d’introduire une demande d’asile est une garantie primordiale, et que rien ne permet de penser que les autorités italiennes, qui ont été à l’écoute des migrants souhaitant invoquer le principe de non-refoulement, seraient restées passives face à la présentation d’autres obstacles légitimes et légalement défendables au renvoi des intéressés »125. Or, en l’espèce, les requérants ont été admis sur le territoire italien en respectant l’interdiction de refoulement. Il est apparu que le chaînon manquait à nouveau, puisque l’Italie s’est conformée aux enseignements Hirsi. Ou alors, l’Italie ayant effectué les démarches évoquées conformément à l’arrêt Hirsi, c’est exactement ce comportement que la Cour européenne attendait d’elle. La réponse à cette question n’est pas univoque, et pourrait tout au plus constituer un scénario possible. Les incertitudes concernant la relation entre l’interdiction de refoulement et l’accès préalable à la procédure d’asile s’accentuent encore davantage, lorsqu’on analyse l’opinion séparée du juge Serghides. Lors de l’examen de la portée de l’article 4 du Protocole n8 4, il a relevé que cette disposition n’a pas pour but de garantir que tout étranger entrant sur le territoire d’un État doive au moins être en mesure de se fonder sur une protection juridique internationale126, mais qu’elle vise à empêcher les expulsions collectives. Autrement dit, la question qui se pose est celle de savoir si la portée de l’article 3 combiné avec l’article 13 et de l’article 4 du Protocole n8 4 est différente en termes de droits procéduraux ? Nous ne le pensons pas, puisque s’agissant d’une procédure d’expulsion ou d’une procédure d’éloignement, la protection des droits fondamentaux absolus des étrangers doit être garantie en toutes circonstances. Enfin, après avoir respecté l’interdiction de refoulement par l’admission des requérants au territoire, d’après la Cour européenne, l’Italie a été tenue de garantir l’accès à la procédure d’asile dans le cadre d’une procédure d’expulsion.
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Ibid. Cour EDH (Gde. ch.), Khlaifia et autres c. Italie, 15 décembre 2016, préc. Opinion en partie dissidente du juge Serghides, paragraphe 15. 126
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Deuxièmement, dans l’arrêt Kebe et autres c. Ukraine, la Cour européenne a eu l’occasion de peaufiner sa jurisprudence127. Les requérants ont quitté leur pays d’origine, respectivement l’Éthiopie et l’Érythrée, à bord d’un navire battant pavillon maltais. Ils ont débarqué dans un port ukrainien, mais l’entrée sur le territoire ukrainien leur a été refusée. Selon le dossier, le Gouvernement et les requérants étaient en désaccord concernant le souhait de ces derniers de demander l’asile : les requérants ont allégué que les autorités ukrainiennes n’ont pas accepté leurs demandes d’asile en raison du pavillon du navire, alors que, selon le Gouvernement, les autorités n’ont pas reçu de telles demandes. Leur admission sur le territoire ukrainien a été autorisée à la demande de la Cour européenne au titre des mesures provisoires. Enfin, les demandes d’asile présentées par les requérants ont été rejetées par les autorités ukrainiennes. Les requérants se sont plaints de la violation des articles 3 et 13 de la Convention : les autorités nationales ayant refusé leur entrée et de prendre en considération les demandes d’asile, ils ont été privés de la possibilité de contester ces mesures128. En d’autres termes, les demandeurs d’asile n’ont pas reproché directement le défaut d’accès à la procédure d’asile mais le défaut d’accès à une procédure permettant d’empêcher leur refoulement. Ce raisonnement laisse supposer que les requérants ont transposé les exigences prévalant dans une procédure d’expulsion à la procédure d’éloignement, puisque l’objectif des deux procédures est le même : le refoulement de l’étranger lorsque son séjour est dépourvu de titre juridique. Or, comme il ressort de l’arrêt Khlaifia, si la Cour européenne constate la non-conventionnalité du défaut d’accès à la procédure d’expulsion, celle-ci est également valable pour le droit d’accès à une procédure d’asile. La Cour européenne a précisé, dès le début de son analyse, que c’est le droit national qui prévoit l’obligation d’accepter les demandes d’asile et de les transmettre aux autorités compétentes dans une telle situation. En d’autres termes, le droit ukrainien garantissait non seulement l’interdiction de refoulement mais également l’accès à la procédure d’asile, au moins théoriquement. Avec un tel raisonnement, les juges de Strasbourg ont habilement contourné la nécessité de définir le lien unissant l’interdiction de refoulement et l’accès à la procédure d’asile, puisque le droit ukrainien prévoyait cette possibilité. La Cour européenne a, toutefois, remarqué que « the first applicant did not have a realistic and practical opportunity to submit an asylum application to the border guards »129. Afin de justifier ce constat, la Cour européenne s’est appuyée sur les observations du HCR relatives à la situation des demandeurs d’asile et des réfugiés en Ukraine130 pour conclure que le 127 Cour EDH (5ème section), Kebe et autres c. Ukraine, 12 janvier 2017, n. 12552/12, ECLI:CE:ECHR:2017:0112JUD001255212. 128 Ibid., paragraphe 79. 129 Ibid., paragraphe 104. 130 UNHCR, Ukraine as a country of asylum. Observations on the situation of asylumseekers and refugees in Ukraine, juillet 2013. http://www.refworld.org/docid/51ee97344.html (consulté le 18 avril 2018).
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risque du rejet arbitraire des demandeurs d’asile à la frontière ukrainienne ne pouvait être exclu131. Ensuite, la Cour européenne a examiné si le requérant avait la possibilité réelle de contester la décision du refus d’admission sur le territoire ukrainien devant les autorités ukrainiennes et, dans ce cadre, si cette procédure à la frontière était effective au sens où celle-ci pouvait empêcher le refoulement du requérant. Or, l’exercice effectif de cette procédure aurait permis au requérant de présenter les motifs justifiant une demande de protection internationale. Troisièmement, la même approche jurisprudentielle caractérise l’arrêt N.D. et N.T. contre Espagne rendu en octobre 2017, dont la problématique est née du fait que les requérants ont tenté d’entrer sur le territoire espagnol via un poste-frontière dans l’enclave espagnole de Melilla132. À leur arrivée, les autorités espagnoles les ont immédiatement refoulés vers le Maroc et aucune mesure administrative n’a été prise afin de régulariser leur situation. Dès lors, aucune procédure administrative et judiciaire ne s’est déroulée en Espagne. En dépit de l’absence inévitable de l’épuisement des voies de recours internes, les requérants ont introduit une requête devant la Cour européenne. Étant donné qu’aucune procédure, dans de telles circonstances, n’était accessible en pratique, pas plus qu’en théorie, l’Espagne s’est trouvée dans l’impossibilité, imputable à son propre comportement, de faire valoir le principe de subsidiarité devant la Cour. La requête était dès lors recevable. En substance, après avoir jugé l’inconventionnalité du comportement des autorités espagnoles, en qualifiant les faits comme expulsions collectives, la Cour européenne a examiné les griefs des requérants sur le terrain de l’article 13 de la Convention, lu en combinaison avec l’article 4 du Protocole n. 4. Les requérants ont allégué l’impossibilité de faire valoir leur situation individuelle dans le cadre d’une procédure d’expulsion et, dans ce cadre, l’absence de recours suspensif. Notons que l’intention des requérants était de demander l’asile à la suite de leur arrivée sur le sol espagnol. Dans leur appréciation, les juges de Strasbourg ont relevé de manière particulièrement claire que « la question du caractère suspensif de plein droit du recours ne se pose même pas, les requérants n’ayant eu accès, avant leur éloignement vers le Maroc, à aucune procédure tendant à leur identification et à la vérification de leurs situations personnelles »133. Ainsi, l’arrivée fortuite des ressortissants de pays tiers sollicitant la protection déclenche une série de mesures que les autorités nationales sont tenues de prendre. Cela signifie que, dès que les requérants tombent sous la responsabilité des autorités nationales, celles-ci ne peuvent pas procéder à leur éloignement, tant qu’une procédure d’identification sur le territoire national n’a 131
Cour EDH, Kebe et autres c. Ukraine, 12 janvier 2017, préc., paragraphe 105. Cour EDH (3ème section), N.D. et N.T. c. Espagne, 3 octobre 2017, n. 8675/15 et 8697/ 15, ECLI:CE:ECHR:2017:1003JUD000867515. L’affaire a été renvoyée devant la Grande chambre le 29 janvier 2018. 133 Ibid., paragraphe 118. 132
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eu lieu. Cette procédure vise à déterminer l’identité de ces étrangers tout comme le motif de leur entrée sur le territoire national. Cette idée est confortée à la lecture de l’arrêt : « les requérants ont été repoussés sur-le-champ par les autorités des frontières et […] ils n’ont eu accès ni à un interprète ni à des agents pouvant leur fournir les informations minimales nécessaires à propos du droit d’asile et/ou de la procédure pertinente contre leur expulsion »134. Cette procédure aurait pu par ailleurs déboucher sur le déclenchement d’une procédure d’asile même si la Cour européenne ne s’en prononce pas ouvertement. Il ressort des arrêts précédemment analysés que, par respect de la souveraineté étatique, la Cour européenne n’examine pas directement l’absence de l’accès à la procédure d’asile. Cependant, dès que les ressortissants de pays tiers souhaitant demander l’asile tombent sous la responsabilité des autorités nationales, cette circonstance amène, au moins indirectement, à l’exigence de garantir l’accès préalable à la procédure d’asile, et ce par le truchement du droit au recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention européenne dans les procédures d’éloignement. Cette approche est ainsi élaborée en coulisse mais n’est pas assumée en réalité.
§ 3 L’accès au territoire au titre d’asile en droit de l’Union En droit de l’Union, la problématique analysée apparaît dans trois domaines : premièrement, dans le cadre des opérations de contrôle et de sauvetage en mer des étrangers souhaitant solliciter l’asile (A), deuxièmement, dans le domaine du contrôle des transporteurs (B) et, troisièmement, au sujet de la politique des visas (C). A. L’accès au territoire au titre de l’asile dans le cadre des opérations de contrôle et de sauvetage en mer en droit de l’Union L’instrument juridique clé de notre analyse est le règlement 656/2014 relatif à la surveillance des frontières maritimes extérieures135. L’objectif principal de ce règlement est « d’assurer un contrôle efficace du franchissement de[s] [frontières 134
Ibid., paragraphe 120. Règlement (UE) n8 656/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant des règles pour la surveillance des frontières maritimes extérieures dans le cadre de la coopération opérationnelle coordonnée par l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, JO L 189 du 27. 6. 2014, p. 93 – 107. Ce règlement a abrogé la décision 2010/252/UE du Conseil du 26 avril 2010 visant à compléter le code frontières Schengen en ce qui concerne la surveillance des frontières extérieures maritimes dans le cadre de la coopération opérationnelle coordonnée par l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, JO L 111 du 4. 5. 2010, p. 20 – 26. 135
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extérieures] tout en contribuant à protéger et à sauver des vies »136. Cette formulation n’est pas exempte d’ambivalence. En effet, d’une part, l’efficacité du contrôle des frontières maritimes extérieures répond au défi consistant à empêcher l’entrée irrégulière sur le territoire de l’Union. D’autre part, le même règlement prévoit que les États membres doivent respecter leurs obligations découlant du droit international, en particulier de la Convention de Montego Bay, de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, de la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes, de la Convention européenne et les dispositions de la Charte des droits fondamentaux137. Or, trouver une solution au juste milieu requiert une réflexion approfondie sur les possibilités qui ne compromettent pas les droits fondamentaux figurant dans les instruments juridiques énumérés. Concernant l’interdiction de refoulement, son respect est prévu tant dans les considérants que dans le corps du règlement. Dès lors, l’interdiction de refoulement doit être respectée en dehors du territoire de l’Union. Quant à la portée de cette obligation, le règlement exige « le plein respect du principe de non-refoulement tel qu’il est défini dans la [C]harte et interprété par la jurisprudence de la Cour et de la Cour européenne des droits de l’homme »138. En d’autres termes, le législateur de l’Union a explicitement accepté la prise en considération de la jurisprudence dynamique de la Cour européenne. Néanmoins, en ce qui concerne la possibilité de solliciter l’asile, en son considérant (10), ce règlement prévoit que, lors des opérations de surveillance, les États membres et l’agence de Frontex139 sont tenus de respecter les dispositions de la directive « procédures » « pour ce qui concerne les demandes de protection internationale introduites sur le territoire des États membres, y compris à la frontière, dans leurs eaux territoriales ou dans une zone de transit »140. Il s’ensuit que la possibilité d’introduire une demande de protection internationale n’est pas garantie en haute mer, à moins que la portée de l’interdiction de refoulement ne soit interprétée différemment. Nonobstant la volonté explicite du législateur de l’Union de se conformer à la jurisprudence constante de la Cour européenne, force est de constater qu’il n’exige pas les mêmes démarches que celles préconisées par cette juridiction. Concrètement, le règlement 656/2014 prévoit qu’en cas d’interception d’un navire battant pavillon étranger ou sans pavillon en mer territoriale, lorsque les États participants soupçonnent le navire de transporter des étrangers souhaitant se soustraire aux 136
Règlement (UE) n8 656/2014, préc., considérant (1). Ibid., considérants (8) et (9). 138 Ibid., considérant (12). 139 Les actions menées sous l’égide de Frontex sont détaillées dans l’ouvrage suivant : J. Seehase, Die Grenzschutzagentur FRONTEX : Chance oder Bedrohung für den europäischen Flüchtlingsschutz, Baden-Baden, Nomos, 2013, 380 p. 140 Règlement (UE) n8 656/2014, préc., considérant (10). 137
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contrôles aux frontières ou de se livrer à un trafic illicite de migrants, ces États peuvent notamment demander des informations sur l’identité du navire et des personnes à bord141. Ensuite, dans la mesure où les soupçons s’avèrent fondés, les États participants disposent de plusieurs options : saisir le navire, le dérouter ou conduire le navire ou les personnes se trouvant à bord vers l’État membre côtier142. Dès lors, ces États ne sont nullement tenus d’accorder l’accès au territoire des personnes à bord, alors qu’en mer territoriale, la directive « procédures » s’applique. Ce constat incite à penser que les dispositions figurant dans ce règlement tendent à neutraliser non seulement le champ d’application de la directive « procédures » mais aussi la validité de la jurisprudence de la Cour européenne. En cas d’interception dans la zone contiguë, les mêmes mesures sont prévues, mais la directive « procédures » ne s’applique pas143. En ce qui concerne l’interception en haute mer, la règle générale est le libre passage. En vertu de la Convention de Montego Bay, le droit de visite est autorisé notamment lorsque le navire est sans nationalité144. Dans le cadre des opérations menées sous la coordination de Frontex, le droit de visite peut être exercé pour s’assurer de la nationalité du navire battant sans pavillon. Si les soupçons sont confirmés, les États participants peuvent ordonner les mesures suivantes : saisir le navire, l’avertir de ne pas pénétrer dans la mer territoriale ou la zone contiguë, conduire le navire ou les personnes se trouvant à bord vers un pays tiers ou vers l’État membre d’accueil ou vers un État membre voisin participant145. Bien que l’accès au territoire soit formellement garanti, celuici apparaît en tant qu’ultime possibilité. De surcroît, le règlement ne prévoit pas selon quels critères les États participants décident sur la destination du navire et s’il convient d’analyser au préalable la situation des droits fondamentaux dans l’État de destination. Quant aux situations de recherche et de sauvetage, le règlement prévoit une série d’étapes de filtrage pour évaluer si les personnes à bord sont dans une phase d’incertitude, dans une phase d’alerte ou dans une phase de détresse146. Les équipes participant à l’intervention agissent selon le plan opérationnel et sur les instructions du centre de coordination du sauvetage. Le règlement ne contient cependant ni de règles détaillées relatives aux mesures concrètes à prendre dans une telle situation, ni d’instructions sur la rapidité de l’évaluation de la situation des personnes à bord.
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Ibid., article 6(1). Ibid., article 6(2). 143 Rappelons concernant l’approche de la Cour européenne que celle-ci prévoit une série de mesures d’identification permettant que la volonté des étrangers se trouvant à bord du navire puisse être connue, et les États participants sont tenus de suivre les lignes directrices élaborées par la Cour européenne. 144 Article 110 (1), point d) de la Convention de Montego Bay. 145 Règlement (UE) n8 656/2014, préc., article 7(1)-(11). 146 Ibid., article 9. 142
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Enfin, les dispositions consacrées aux modalités du débarquement figurent dans le dernier article du règlement. La place que le débarquement occupe à l’intérieur du règlement exprime bien le poids accordé à cette mesure. Concrètement, le débarquement a lieu dans l’État membre côtier en cas d’interception dans la mer territoriale ou dans la zone contiguë ; en haute mer, le débarquement s’effectue dans le pays tiers que le navire est présumé avoir quitté, sinon dans l’État membre d’accueil, et, dans les situations de recherche et de sauvetage, le débarquement a lieu dans un lieu sûr147. De nouveau, les États disposent, dans les deux derniers cas, d’une large marge d’appréciation qui est, cependant, encadrée par les dispositions générales figurant dans l’article 4 du règlement relatif à la protection des droits fondamentaux et du principe de non-refoulement. C’est l’article 4 du règlement qui prévoit des mesures similaires à celles préconisées par la Cour européenne, notamment dans l’arrêt Hirsi Jamaa. Concrètement, il convient d’identifier les personnes à bord, d’évaluer leur situation personnelle, de les informer de leur destination et de leur offrir la possibilité d’expliquer pourquoi un débarquement dans le lieu proposé serait contraire au principe de non-refoulement148. Par ailleurs, le même règlement prévoit que le plan opérationnel contienne les procédures garantissant que les personnes ayant besoin d’une protection internationale soient « identifié[e]s et qu’il leur est fourni une assistance appropriée, y compris l’accès à la protection internationale »149. Les dispositions présentées reproduisent le même schéma que celui caractérisant la jurisprudence de la Cour européenne. L’interdiction de refoulement est présente partout dans le règlement. Cependant, la présentation pêle-mêle des mesures d’exécution prévues au règlement complique leur interprétation. Les dispositions de prime abord contradictoires entre le règlement et la directive « procédures » ne facilitent pas non plus la tâche des participants aux opérations de contrôle et de sauvetage. De plus, la détermina147 Ibid., article 10(1). En ce qui concerne la définition du lieu sûr, il s’agit d’ « un endroit où des opérations de sauvetage sont réputées être achevées et où la sauvegarde de la vie des rescapés n’est pas mise en péril, où leurs besoins humains fondamentaux peuvent être satisfaits et à partir duquel des dispositions peuvent être prises pour le transport des rescapés jusqu’à leur destination suivante ou finale, en tenant compte de la protection de leurs droits fondamentaux dans le respect du principe de non-refoulement », ibid., article 2, point 12. À cet égard, il ne faut pas perdre de vue que la Commission européenne préconise depuis longtemps que, lors de la détermination du lieu de débarquement, l’État membre désigné est tenu de considérer le besoin de protection des étrangers se trouvant à bord. Commission staff working document, Study on the international law instruments in relation to illegal immigration by sea, 15 mai 2007, SEC(2007) 691. 148 Règlement (UE) n8 656/2014, préc., article 4(3). 149 Ibid., considérant (17). Ce plan opérationnel est élaboré par le directeur exécutif de Frontex pour les opérations conjointes aux frontières extérieures. Article 16(2) du règlement (UE) 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2016 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, modifiant le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (CE) n8 863/2007 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (CE) n8 2007/2004 du Conseil et la décision 2005/267/ CE du Conseil, JO L 251 du 16. 9. 2016, p. 1 – 76.
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tion ponctuelle du lieu de débarquement rend les mesures prévues par le règlement peu efficaces, puisqu’avant d’ordonner le débarquement, il convient d’évaluer le caractère sûr du pays de destination. Si nous essayons d’établir une ligne de conduite sur la base du règlement pour les États participant au contrôle et au sauvetage, nous pouvons affirmer que, dès lors que l’interception et le sauvetage s’avèrent nécessaires, les États sont tenus d’effectuer les identifications et d’entendre les personnes à bord au sujet des motifs les ayant poussées à franchir irrégulièrement les frontières. Il va sans dire que la décision sur le bien-fondé de leur souhait de demander l’asile est largement discrétionnaire. Si les motifs des étrangers justifiant leur admission sur le territoire national sont avérés, le droit de l’Union permet aux États participants de choisir entre différentes mesures et entre différents lieux de débarquement, et l’admission sur le territoire de l’État participant ne constitue qu’une option. De surcroît, le règlement ne prévoit pas d’accès au recours effectif conformément aux enseignements de l’arrêt Hirsi150. Malgré ces défaillances normatives, le renvoi au respect de la jurisprudence de la Cour européenne, ancré dans le considérant (12) du règlement, constitue une réalité mouvante parmi les dispositions lacunaires et est susceptible de moduler le niveau de protection à la lumière des évolutions de la jurisprudence de la Cour européenne. S’agissant de la possibilité d’accès au territoire au titre d’asile par voie aérienne, terrestre ou maritime, la situation juridique semble être également obscure. B. L’obligation de non-refoulement pour les transporteurs La Convention d’application de l’Accord de Schengen autorise l’introduction de sanctions à l’encontre des transporteurs. Concrètement, en vertu de son article 26, paragraphe (2), « [l]es Parties Contractantes s’engagent, sous réserve des engagements qui découlent de leur adhésion à la Convention de Genève […], à instaurer des sanctions à l’encontre des transporteurs qui acheminent par voie aérienne ou maritime d’un État tiers vers leur territoire, des étrangers qui ne sont pas en possession des documents de voyage requis »151. Cette disposition a été concrétisée par la directive 2001/51/CE du Conseil prévoyant des sanctions pécuniaires à l’encontre des transporteurs qui ne contrôlent pas les documents de voyage des étrangers souhaitant entrer sur le territoire de l’Union152. En revanche, cette directive ne 150 J. Santos Vara, S. R. Sánchez-Tabernero, « In deep water : towards a greater commitment for human rights in sea operations coordinated by Frontex ? », EJML, Vol. 18 (2016), no. 1, p. 83. 151 Convention d’application de l’Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernement[s] des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, JO L 239 du 22. 09. 2000, p. 19 – 62, article 25(2). 152 Directive 2001/51/CE du Conseil du 28 juin 2001 visant à compléter les dispositions de l’article 26 de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985, JO L 187
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contient pas de précisions sur le traitement des étrangers désireux de demander la protection internationale. En effet, et en reprenant les dispositions de la Convention d’application de l’accord de Schengen, celle-ci prévoit de manière laconique, d’une part, que « [l]’application de la présente directive ne porte pas préjudice aux engagements qui découlent de la convention de Genève »153. D’autre part, l’imposition des sanctions « s’applique sans préjudice des obligations des États membres lorsqu’un ressortissant de pays tiers demande à bénéficier d’une protection internationale »154. En d’autres termes, il incombe au transporteur d’évaluer préalablement à l’embarquement le bien-fondé des motifs avancés par l’étranger. En effet, en refusant de laisser monter à bord de l’avion un étranger qui n’est pas muni d’un document d’identité permettant d’entrer sur le territoire de l’Union et qui invoque des motifs de persécutions pouvant justifier la protection internationale, c’est le transporteur qui accomplit la mission du filtrage de ces motifs. En outre, la directive ne contient aucune procédure spécifique qu’une compagnie serait tenue de suivre eu égard à ces étrangers155. Nous avons l’impression que l’interdiction de refoulement et le respect de la Convention de Genève s’adressent aux compagnies de transport, ce qui ne peut pas constituer un motif sérieux et valable. Cette inquiétude était également partagée par la Cour administrative fédérale allemande, ce qui l’a incitée à poser une question préjudicielle à la Cour de justice, même si sa question visait la portée du contrôle réservé aux entreprises de transport à l’intérieur de l’espace Schengen156. Dans cette affaire, les requérants au principal étaient les transporteurs, qui ont assuré des lignes d’autocar entre plusieurs destinations, principalement entre l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas. Ces entreprises ayant transporté souvent des ressortissants de pays tiers dépourvus de documents d’identité, la police fédérale allemande a pris des décisions d’interdiction et imposé des amendes à leur encontre. Ces mesures ont été notamment contestées devant la juridiction de renvoi, qui a relevé en particulier que les « contrôles étant effectués non pas par des agents publics, mais par du personnel privé, ils ne seraient pas aussi approfondis que ceux réalisés aux frontières »157. Toutefois, il s’agit bien d’un contrôle administratif qui relève des autorités administratives dotées d’un pouvoir de police. De manière similaire, la Cour de justice a souligné que ce sont les autorités compétentes de l’État membre « qui, en vertu du droit national, imposent aux endu 10. 7. 2001, p. 45 – 46. La directive a été adoptée sur le fondement de l’article 26 de l’accord de Schengen. 153 Ibid., considérant (3). 154 Ibid., article 4(2). 155 V. Moreno-Lax, « (Extraterritorial) entry controls and (extraterritorial) non-refoulement in EU law », In : External dimensions of European migration and asylum law and policy, 2011, p. 436. 156 CJUE (2ème ch.), Bundesrepublik Deutschland contre Touring Tours und Travel GmbH et Sociedad de Transportes SA, 13 décembre 2018, aff. jointes C-412/17 et C-474/17, ECLI:EU:C:2018:1005. 157 Ibid., paragraphe 31.
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treprises de transport d’effectuer, le cas échéant sous peine d’astreinte, les contrôles de documents de voyage qui sont habituellement effectués par des autorités policières ou assimilées. Ainsi, même si ces entreprises ne disposent pas de prérogatives de puissance publique, elles effectuent ces contrôles sur l’ordre et sous le contrôle des autorités dotées de telles prérogatives »158. Or, si cette question pose peut-être moins de difficultés à l’intérieur de l’espace Schengen, il faut garder à l’esprit que dans notre cas, l’issue du contrôle des entreprises de transport détermine le sort même d’un ressortissant de pays tiers qui monte à bord avec l’objectif de solliciter ensuite l’asile dans l’État de destination. C’est pourquoi la délimitation ponctuelle de leur pouvoir ne peut pas faire défaut dans le droit dérivé de l’Union. En réalité, compte tenu du montant élevé des sanctions « dissuasives, effectives et proportionnelles »159 et du fait que la prise en charge du réacheminement des étrangers sans documents d’identité valables incombe aux transporteurs, la probabilité du respect de la Convention de Genève est pratiquement réduite à zéro. Bien que la sanction des transporteurs soit prévue dans une directive qui accorde une large autonomie procédurale aux États membres dans la détermination du montant, l’absence d’une règlementation davantage harmonisée et précise permettant que les transporteurs traitent les demandeurs d’asile de manière appropriée, la possibilité quasi inexistante d’entrer sur le territoire par voie aérienne, ou maritime, au titre de l’asile portent atteinte à l’effectivité de l’accès préalable à la procédure d’asile. Ce constat n’est pas remis en question par la disposition relative au respect de la Convention de Genève, puisqu’il est, en réalité, impossible d’évaluer son défaut de respect : les griefs de cette nature ne pourront jamais être examinés par un tribunal. Concernant le domaine de la politique des visas de l’Union, il ressort de l’arrêt X. et X. précité que la Cour de justice a renvoyé la balle au camp des États membres pour élaborer, le cas échéant, une politique des visas permettant d’entrer sur le territoire national au titre de l’asile. C. L’accès au territoire au titre de l’asile dans le cadre de la politique des visas en droit de l’Union Si l’entrée sur le territoire de l’Union peut être autorisée pour motifs humanitaires, tel n’est pas le cas lorsqu’il s’agit d’une demande de visa au titre de l’asile, sous réserve des dispositions nationales plus favorables. Cette approche a été confirmée par la Cour de justice dans l’arrêt précité X. et X contre État belge (I). Il nous semble cependant que la politique de l’Union en matière de visas marque un tournant décisif, le Parlement européen ayant adopté fin décembre 2018 une résolution sur la délivrance des visas humanitaires (II). 158 159
Ibid., paragraphe 49. Directive 2001/51/CE, préc., article 4.
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I. L’octroi des visas territorialement limités en droit de l’Union Tant le pouvoir législatif (1) que le pouvoir judiciaire (2) ont opté pour une approche territorialement limitée concernant la délivrance des visas au motif humanitaire. 1. La politique de visas de l’Union dans les instruments juridiques du droit dérivé Dans l’arrêt récent Jafari160, la Cour de justice préconise d’opérer une distinction entre l’entrée et le visa, le premier étant règlementé par le Code frontières Schengen, tandis que le second est encadré par le Code de visas. En premier lieu, s’agissant de l’entrée sur le territoire de l’Union, en vertu de l’article 14 du Code frontières Schengen, l’entrée sur le territoire des États est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas les conditions relatives à la possession de visas161. Néanmoins, la même disposition ajoute que cela est « sans préjudice de l’application des dispositions particulières relatives au droit d’asile […] ou à la délivrance de visas de long séjour »162. Cette disposition suggère que l’entrée ne peut être refusée lorsqu’un ressortissant de pays tiers demande la protection internationale163. En outre, le Code frontières Schengen recèle plusieurs références à l’interdiction de refoulement et au respect des droits fondamentaux. Ce Code énumère, de manière exhaustive, les conditions que les ressortissants de pays tiers doivent remplir pour entrer sur le territoire de l’Union aux fins d’un séjour d’une durée n’excédant pas 90 jours sur une période totale de 180 jours164. Néanmoins, ce Code prévoit l’exception selon laquelle « les ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas une ou plusieurs des conditions énoncées […] peuvent être 160 CJUE (Gde. ch.), Procédure engagée par Khadija Jafari et Zainab Jafari, 26 juillet 2017, C-646/16, ECLI:EU:C:2017:586, paragraphes 50 – 51. 161 Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, JO L 77 du 23. 3. 2016, p. 1 – 52, article 14(1). 162 Ibid. 163 En revanche, certaines ONG critiquent le nombre élevé des refus d’entrée, dont la pratique apparaît opaque, à défaut de précision concernant le respect des besoins spécifiques des étrangers refoulés et de prise en considération de l’interdiction de refoulement. C. Rodier, « L’action de Frontex : quelle transparence pour quelle légalité ? », In : La légalité de la lutte contre l’immigration irrégulière par l’Union européenne, 2012, p. 179. Voir également : Frontexit, « Agence Frontex : quelles garanties pour les droits de l’Homme ? Étude sur l’Agence européenne aux frontières extérieures en vue de la refonte de son mandat », 2010, http://www.migreurop.org/IMG/pdf/dossier_frontex-FR.pdf (consulté le 19 avril 2018). 164 Parmi ces conditions figurent notamment les suivantes : document de voyage en cours de validité, visa en cours de validité, justification de l’objet et des conditions du séjour, ne pas être signalé dans le système de SIS et « ne pas être considéré comme constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales de l’un des États membres ». Règlement (UE) 2016/399, préc., article 6(1).
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autorisés par un État membre à entrer sur son territoire pour des motifs humanitaires ou d’intérêt national ou en raison d’obligations internationales »165. Cette exception concerne toutefois uniquement le séjour court précédemment mentionné. Dans l’affaire Jafari, les requérants au principal, une famille afghane, sont entrés en Slovénie en passant par la Croatie. Leur objectif était de demander l’asile en Allemagne. Les autorités croates ont organisé leur transport jusqu’à la frontière slovène. L’une des questions préjudicielles posée par la juridiction de renvoi était de savoir si le fait de tolérer l’entrée sur le territoire national d’un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers souhaitant introduire une demande de protection internationale, constituait un visa166. La Cour de justice a répondu par la négative tout en soulignant la faculté d’autoriser l’entrée sur le territoire national pour des motifs humanitaires et de se voir obtenir un visa à validité territoriale limitée à cette fin. Autrement dit, les ressortissants de pays tiers souhaitant demander l’asile doivent pouvoir arriver au moins jusqu’à la frontière extérieure de l’Union pour pouvoir ensuite bénéficier de l’entrée pour motifs humanitaires. En second lieu, en ce qui concerne la détention des visas, le Code des visas ne contient aucune référence à l’interdiction de refoulement. En règle générale, les ressortissants de pays tiers sont soumis à l’obligation de détenir un visa. Le visa est accordé, d’une part, aux fins du transit ou du séjour, et ce, sous forme d’un visa uniforme valable pour l’ensemble du territoire des États membres, ou d’un visa à validité territoriale limitée, et, d’autre part, aux fins du passage des aéroports des États membres, sous forme d’un visa de transit aéroportuaire167. En ce qui concerne l’option du visa à validité territoriale limitée, le Code des visas prévoit que ce visa « est délivré à titre exceptionnel, lorsqu’un État membre estime nécessaire, pour des raisons humanitaires, pour des motifs d’intérêt national ou pour honorer des obligations internationales de déroger au principe du respect des conditions d’entrée » prévues dans le Code frontières Schengen168. Cette réglementation, textuellement interprétée, n’exclut pas a priori l’octroi d’un visa au titre de l’asile. D’autant plus que la limitation liée à ce type de visa est uniquement territoriale mais pas temporelle et, en tout état de cause, le Code des visas ne fait aucune référence explicite à un séjour court. Mais la Cour de justice a présenté une approche différente. 2. La politique de visas de l’Union dans la jurisprudence de la Cour de justice Dans l’affaire X. et X. précitée, la Cour de justice a constaté qu’il ne s’agit pas de la mise en œuvre du droit de l’Union, lorsqu’il convient de décider de la délivrance 165
Ibid., article 6(5), point c). CJUE, Procédure engagée par Khadija Jafari et Zainab Jafari, 26 juillet 2017, préc., paragraphe 40. 167 Règlement (CE) 810/2009, préc., article 2, points 2 – 5. 168 Ibid., article 25(1), point a), sous i. 166
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d’un visa au titre de l’asile et, de ce fait, les dispositions de la Charte sont inapplicables. Au-delà d’une interprétation littérale du droit dérivé de l’Union, les motifs avancés par la Cour de justice tiennent essentiellement aux spécificités du droit de l’Union. Premièrement, selon la Cour de justice, permettre aux ressortissants de pays tiers d’introduire « des demandes de visa ayant pour but d’obtenir le bénéfice d’une protection internationale dans l’État membre de leur choix, […] porterait atteinte à l’économie générale du système institué par le règlement [Dublin III] »169. Par ce constat, la Cour de justice entre sur un terrain glissant puisque son raisonnement suggère que le respect de l’économie générale du règlement Dublin III pourrait primer sur le respect de l’interdiction de refoulement. Deuxièmement, la Cour de justice a invoqué la durée du séjour envisagée par les requérants, alors que la délivrance d’un visa de long séjour est réglementée par les États membres. Nous nous trouvons alors face à une autre spécificité : le respect du principe d’attribution des compétences. Or, comme la Cour de justice l’a relevé, le Code de visas ne vise pas à harmoniser les réglementations nationales relatives à la protection internationale170. Ainsi, la Cour de justice est tenue de respecter le champ d’application tant de la directive « procédures » que du règlement Dublin III. Il suit de cette réflexion que la recherche des solutions est strictement encadrée par les textes, et la Cour de justice n’est aucunement liée à une interprétation extensive de l’interdiction de refoulement, d’autant moins que cette obligation découlant de l’article 4 de la Charte, du fait de l’interprétation retenue par la Cour, ne s’applique même pas en l’espèce. Cependant, une partie de la doctrine considère que l’interdiction de refoulement au sens de l’article 33 de la Convention de Genève fait partie du droit international coutumier, par conséquent, l’Union, en tant qu’organisation internationale, est tenue de la respecter171. Toutefois, cette approche doctrinale ne semble pas être partagée par la Cour de justice. En revanche, comme nous l’avons précédemment constaté, l’avocat général Mengozzi a développé un raisonnement sensiblement différent. En premier lieu, après avoir constaté la compétence de la Cour de justice, la mise en œuvre du droit de l’Union et l’applicabilité de la Charte, il a plaidé en faveur de l’applicabilité extraterritoriale de la Charte. Selon lui, il existe un parallélisme entre l’action de l’Union et l’application de la Charte, sans pour autant confier de cette manière de 169
CJUE, X et X contre État belge, 7 mars 2017, préc., paragraphe 48. Ibid., paragraphe 49. 171 Les développements doctrinaux sont explicités dans l’ouvrage consacré à la relation entre Frontex et l’interdiction de refoulement. R. Mungianu, Frontex and non-refoulement : the international responsibility of the EU, Cambridge, Cambridge University Press, 2016, p. 99 – 102. Cet auteur considère d’ailleurs que l’interdiction de refoulement fait partie du droit international coutumier et, dès lors, de l’ordre juridique de l’Union, le droit international coutumier appartenant à l’ordre juridique de l’Union. (p. 110). J. Allain, « The jus cogens Nature of non-refoulement », IJRL, Volume 13, Issue 4, 1 October 2001, p. 533 – 558. 170
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nouvelles compétences à l’Union, en méconnaissance de l’article 51, paragraphe (2) de la Charte172. En deuxième lieu, et sur le fond, la juridiction de renvoi a interpellé la Cour de justice sur la portée de l’expression d’« obligations internationales » figurant dans le Code de visas. Loin de se prononcer sur l’applicabilité de l’article 33 de la Convention de Genève et sur celle de l’article 3 de la Convention européenne, l’avocat général Mengozzi s’est contenté de souligner l’applicabilité des articles 4 et 18 de la Charte qui contiennent des dispositions au moins équivalentes à celles figurant dans les instruments juridiques précités173. Or, ce constat laisse supposer que l’interprétation découlant de la Convention de Genève et de la Convention européenne s’impose également lors de l’application des dispositions précitées de la Charte dans de telles circonstances. Concrètement, l’État membre peut délivrer exceptionnellement un visa à validité territorialement limitée pour honorer des obligations internationales, à savoir pour le plein respect de l’interdiction de refoulement. Le raisonnement de l’avocat général témoigne de la volonté de s’aligner sur la jurisprudence de la Cour européenne dans un esprit de dialogue. Cependant, la Cour de justice ne s’est pas ralliée à cette interprétation. Il convient de noter toutefois que tant le raisonnement de la Cour de justice que celui de l’avocat général Mengozzi ont influencé le législateur de l’Union à régulariser la situation juridique des ressortissants de pays tiers souhaitant demander la protection internationale dans des conditions légales. II. Une approche novatrice dépassant les limites territoriales pour la délivrance des visas au titre de l’asile L’adoption de la décision du Parlement européen précédemment invoquée a été motivée, au-delà des considérations conduisant à l’arrêt X. et X. précité, par le plein respect des articles 4, 18 et 19 de la Charte ainsi que de la Convention de Genève. Cela signifie que, contrairement à la démarche de la Cour de justice, le Parlement européen admet l’extraterritorialité des droits fondamentaux dans de telles circonstances et élargit la portée territoriale du Code des visas en invoquant ces droits reconnus non seulement au niveau européen dans la Charte, mais aussi au niveau international dans la Convention de Genève. Le débat est loin d’être achevé au regard du respect nécessaire de l’article 51, paragraphe (2) de la Charte, qui lie non seulement le pouvoir juridictionnel mais aussi le pouvoir législatif. En ce qui concerne les motivations plus empiriques, le Parlement a mis en lumière qu’« il n’existe actuellement aucune harmonisation au niveau de l’Union en ce qui concerne les procédures d’entrée protégées (PEP) et aucun cadre juridique au niveau de l’Union pour les visas humanitaires, c’est-à-dire les visas délivrés 172 Conclusions de l’Avocat général Mengozzi présentées le 7 février 2017 dans l’affaire X et X c. Etat belge, préc., paragraphe 91 et note de bas de page n. 28. 173 Ibid., paragraphe 107.
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pour permettre à une personne d’atteindre le territoire des États membres en vue d’obtenir une protection internationale »174. Qui plus est, comme le Parlement européen le souligne, la quasi-totalité des demandeurs d’asile arrive sur le territoire de l’Union de façon irrégulière. Autrement dit, l’objectif du Parlement européen est de créer les conditions légales pour l’entrée sur le territoire de l’Union au titre de l’asile. Il est vrai que les États membres peuvent voir être condamnés devant la Cour européenne pour le non-respect de l’obligation de l’interdiction de refoulement. De cette manière, le Parlement européen fait en sorte non seulement que cette éventuelle condamnation soit évitée par une législation appropriée, mais aussi que l’accès à la procédure d’asile au niveau de l’Union soit garanti à travers des visas humanitaires. Concernant des règles techniques de la délivrance des visas humanitaires, les demandes peuvent être déposées directement, par voie électronique ou par écrit, auprès des consulats ou ambassades des États membres175. Le délai de décision s’élève à 15 jours calendaires, ce qui ne semble pas être une solution réfléchie, eu égard aux circonstances caractérisant la situation des personnes persécutées. L’élaboration des modalités de l’obtention incombera à la Commission, mais l’initiative est claire : prévoir les conditions légales de l’entrée sur le territoire de l’Union au titre de l’asile tout en évitant les éventuelles méconnaissances de l’article 3 de la Convention européenne et/ou de l’article 4 de la Charte. *
Les incertitudes relatives à la portée de l’interdiction de refoulement et de l’accès au territoire national au titre de l’asile ne cessent d’apparaître tant dans la jurisprudence de la Cour européenne que dans l’ordre juridique de l’Union. Si la Cour européenne semble établir implicitement un lien direct entre l’interdiction de refoulement et l’accès au territoire au titre de l’asile, ou un droit d’asile de facto176, approche cependant qui n’est pas assumée, tel n’est pas le cas dans l’ordre juridique de l’Union. L’opacité des textes concernant l’accès au territoire, la réticence de la Cour de justice de même que l’absence d’une politique cohérente de l’Union en matière d’asile font en sorte que les États membres se trouvent face à un dilemme lorsqu’il s’agit de suivre soit l’un, soit l’autre chemin.
174 Résolution contenant des recommandations à la Commission sur les visas humanitaires, op. cit., point A. 175 Annexe à la résolution relative aux recommandations concernant le contenu de la proposition demandée, point 5. 176 J.-F. Flauss, « Les droits de l’homme et la Convention de Genève du 28 juillet 1951 au statut des réfugiés », In : La Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés 50 ans après, 2001, p. 118.
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Chapitre II: Le manque de conception cohérente relative à l’accès au territoire au titre de l’asile en droit allemand et français Le cloisonnement des solutions de même que l’insuffisance du dialogue au niveau européen peut avoir des conséquences néfastes au niveau national. Lorsque nous évoquons un dialogue, il ne s’agit pas uniquement d’un dialogue entre les juges européens, mais aussi de la prise en considération de l’évolution de la jurisprudence de la Cour européenne par le législateur de l’Union. Les lacunes dans les dispositions du droit de l’Union ainsi que la jurisprudence réticente et hésitante des organes juridictionnels européens ont pour conséquence que, nonobstant la consécration solennelle du respect des droits fondamentaux et de l’interdiction de refoulement dans les instruments juridiques du droit primaire et dérivé de l’Union ainsi que dans le droit conventionnel, la mise en œuvre du respect de ces exigences fondamentales devient une coquille vide. Il est dès lors indispensable d’examiner quelles solutions le droit interne pourrait apporter à la problématique présentée et dans quelle mesure celui-ci prend en considération les standards européens177. Il est communément admis que l’octroi de l’asile relève du pouvoir souverain de chaque État. Il s’ensuit que l’ordre constitutionnel détermine spécifiquement le droit d’asile et ses corollaires, ainsi que la portée de l’obligation de non-refoulement et ses limites. C’est ainsi que, dans un premier temps, il convient d’esquisser les principes directeurs caractérisant l’accès au territoire national, en particulier, la portée du droit d’asile, et celle de l’obligation de non-refoulement en droit constitutionnel et administratif allemand et français (Section I). Lors de la mise en œuvre de ces principes par les juridictions administratives allemandes et françaises, ces dernières sont tenues de prendre en considération les standards européens et de faire en sorte que l’interaction de ces standards avec les principes directeurs constitutionnels et administratifs offre une solution qui respecte pleinement les droits fondamentaux. Cependant, en l’absence d’un dénominateur commun au niveau européen, il n’est pas certain que le pouvoir législatif et juridictionnel national veuille ou même puisse les prendre en compte. Or, l’enjeu de l’établissement d’un dialogue équilibré entre, d’une part, le droit national, qu’il s’agisse du pouvoir législatif, exécutif ou juridictionnel, et, d’autre part, le droit conventionnel et le droit de l’Union est d’éviter que le demandeur d’asile soit traité différemment d’un État membre à un autre et que son accès à la procédure d’asile soit refusé dans un État mais permis dans un autre (Section II).
177 On entend par « standards européens » les exigences législatives et jurisprudentielles déterminées dans l’ordre juridique conventionnel et en droit de l’Union.
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Section I: Les principes directeurs déterminant les conditions de l’accès au territoire au titre de l’asile Dans la hiérarchie des normes, le système dualiste allemand rattache les conventions internationales au rang d’une loi fédérale. Dans cette perspective, la Convention de Genève178 ainsi que la Convention européenne des droits de l’homme179 ont été transposées individuellement dans l’ordre juridique allemand. Compte tenu de la place accordée à ces instruments juridiques internationaux, les dispositions relatives au droit d’asile figurant dans la Loi fondamentale peuvent primer sur ceux-ci. Cette structure constitutionnelle peut figer la réception des évolutions jurisprudentielles européennes. À cela s’ajoute la conception purement territoriale du droit d’asile dans l’ordre juridique allemand. Il convient cependant de nuancer ce constat en arguant que l’ordre juridique allemand ne fonctionne pas de façon cloisonnée face aux développements du droit international et européen (§ 1). Concernant la situation dans l’ordre juridique français, étant donné que nous sommes face à un système moniste, lesdits instruments internationaux ont une autorité supérieure à celle des lois180. Cette place infra-constitutionnelle et superlégislative peut influencer l’attitude du législateur et même des juridictions administratives lors de la mise en œuvre de ces instruments. Les Professeurs Alland et Teitgen-Colly relèvent à cet égard, en invoquant l’article 55 de la Constitution, que l’obligation de non-refoulement ne s’impose au législateur français que parce qu’il est inscrit dans une convention internationale et dans les limites de son énoncé181, ou dans les limites de la jurisprudence interprétant cette obligation. À la lumière de ce constat, deux attitudes sont envisageables : un suivi ponctuel des développements législatifs et/ou jurisprudentiel sur le plan européen ou un niveau de protection différent garantie aux demandeurs d’asile (§ 2).
178 La Convention de Genève a été transposée en droit allemand par la loi relative à la Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 adoptée le 1er septembre 1953 (Gesetz betreffend das Abkommen vom 28. Juli 1951 über die Rechtsstellung der Flüchtlinge vom 1. September 1953). 179 La Convention européenne a été transposée en droit allemand par la loi sur la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 7 août 1952 (Gesetz über die Konvention zum Schutze der Menschenrechte und Grundfreiheiten vom 7. August 1952). 180 Article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958. 181 D. Alland, C. Teitgen-Colly, Traité du droit de l’asile, Paris, PUF, 2002, p. 228.
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§ 1 La détermination dualiste de la portée de l’interdiction de refoulement et de l’accès au territoire au titre de l’asile En droit allemand, l’interdiction de refoulement apparaît comme le corollaire non seulement du droit d’asile en vertu de l’article 16a de la Loi fondamentale, mais également de celui de la dignité de l’être humain au sens de son article 1 ainsi que de la liberté de la personne prévue dans l’article 2, paragraphe (2) de cette Loi fondamentale182. Or, compte tenu de l’ouverture aux droits de l’Homme (Menschenrechtsfreundlichkeit) et au droit international (Völkerrechtsfreundlichkeit), les autorités allemandes ne peuvent méconnaître l’interdiction de refoulement183 par les actions positives et les omissions. C’est aussi la raison pour laquelle le droit allemand est parfois contraint de trouver une solution efficace et en plein respect des droits fondamentaux, lorsque les faits extraterritoriaux nécessitent une réponse de la part des autorités nationales. Notre interrogation conduit à examiner, tout d’abord, la portée du droit d’asile (A), puis la conception de l’interdiction de refoulement dans l’ordre juridique allemand (B). A. La portée du droit d’asile dans l’ordre juridique allemand La Cour administrative fédérale a relevé que le droit fondamental à l’asile recèle un noyau dur clairement défini et indispensable (ein klar umrissener und unverzichtbarer Kerngehalt)184, lequel contient deux exigences. Premièrement, le demandeur d’asile ne peut être refoulé à la frontière de l’État qui est tenu d’accorder l’asile, deuxièmement, il ne peut être refoulé vers l’État de persécution ou vers un État où il existe un risque de refoulement en chaîne185. À ce dernier égard, la Cour administrative fédérale se réfère aux persécutés politiques se trouvant sur le territoire allemand. Ce raisonnement est clair : l’interdiction de refoulement, telle qu’elle découle du droit fondamental à l’asile, est conçue uniquement à l’intérieur du territoire allemand, y compris ses frontières. De manière similaire, la loi relative à l’asile est également empreinte de la territorialité186. Tant que la reconnaissance du statut de réfugié n’a pas lieu, l’article 182
M. Hong, Asylgrundrecht und Refoulementverbot, Baden-Baden, Nomos, 2008, p. 290. Ibid., p. 157. 184 BVerwG, 7 octobre 1975, I C 46.69. 185 « Er verbürgt demjenigen, der vor politischer Verfolgung Zuflucht sucht, daß er 1. an der Grenze des zur Asylgewährung verpflichteten Staates nicht zurückgewiesen wird, 2. nicht in einen möglichen Verfolgerstaat abgeschoben wird, was ein schließt, daß er auch in keinen Staat abgeschoben werden darf, in dem die Gefahr der weiteren Abschiebung in einen Verfolgerstaat besteht ». Ibid. 186 En vertu du § 2 de cette loi, les demandeurs d’asile jouissent sur le territoire fédéral du statut juridique découlant notamment de la Convention de Genève (« Asylberechtigte genießen im Bundesgebiet die Rechtsstellung nach dem Abkommen über die Rechtsstellung der Flüchtlinge »). § 2(1) AsylG. 183
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16a de la Loi fondamentale implique des effets ex ante dans le temps (Vorwirkungen)187. Ces effets impliquent notamment le droit de rester sur le territoire jusqu’à la fin de la procédure d’asile. Toutefois, les effets ex ante dans le temps sont limités à l’espace, puisque ce sont uniquement les étrangers arrivant à franchir la frontière nationale qui peuvent solliciter l’asile et bénéficier de ces effets, notamment de la protection contre le refoulement. Cette approche a été concrétisée par la Cour administrative fédérale dans une affaire où le requérant, de nationalité yougoslave, a déposé une demande d’asile qui a été rejetée par l’Office fédéral188. Après avoir été éloigné dans son pays d’origine, il y a été condamné à 15 ans de prison en raison de ses activités politiques en Allemagne. La juridiction en appel a admis que des persécutions ont été commises vis-à-vis du requérant, mais il appert qu’elle s’est abstenue de le reconnaître formellement en tant que réfugié, puisqu’il s’est retrouvé, de nouveau, dans le pays de persécution. Selon cette juridiction, une protection juridique ne peut pas être accordée à ceux qui se trouvent sur le territoire de l’État de persécution, d’autant plus qu’une telle mesure porte atteinte à la souveraineté de cet État189. Dans son appréciation, la Cour administrative fédérale est partie du constat selon lequel, conformément aux dispositions de la Loi fondamentale, le droit d’asile n’est acquis qu’à l’entrée sur le territoire allemand190. Recourant à une interprétation littérale et historique, cette juridiction a relevé que l’asile garantit la sécurité dès que la personne persécutée arrive sur le territoire de l’État qui peut assurer la protection contre les persécutions191. C’est ainsi que la Cour administrative fédérale a qualifié le droit constitutionnel d’asile comme un droit lié au territoire (ein territorial gebundenes Recht) et, de ce fait, ce droit n’implique pas la possibilité que l’étranger se trouvant dans son pays d’origine soit reconnu en tant que réfugié s’il demande la protection internationale à partir de ce pays192. Certes, l’affirmation du contraire équivaudrait à méconnaître la souveraineté de l’État de persécution. Cependant, la Cour administrative fédérale n’invoque pas la possibilité de solliciter l’asile dans un lieu où l’Allemagne exerce sa souveraineté, notamment au sein d’une ambassade, qu’elle soit située dans l’État de persécution ou ailleurs. Au demeurant, la Cour administrative met un terme aux incertitudes lorsqu’elle juge qu’il ne suffit pas que la personne persécutée quitte le pays d’origine pour bénéfi-
187 H. Mangoldt, F. von Klein, C. Starck, Kommentar zum Grundgesetz, 5., vollständig neubearbeitete Aufl., München, Vahlen, 2005, p. 1599. 188 BVerwG, 26 juin 1984, 9 C 196.83. 189 Ibid., paragraphe 4. 190 Ibid., paragraphe 10. 191 Ibid. 192 Ibid.
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cier du droit d’asile territorial ou externe : elle doit atteindre le pays de refuge, en l’occurrence le territoire fédéral193. Si la détermination des limites de l’octroi de l’asile relève du pouvoir souverain de chaque État, tel n’est pas le cas, en revanche, de l’obligation de non-refoulement lorsqu’il s’agit d’en définir les contours. Or, le droit allemand devrait tenir compte des évolutions jurisprudentielles de la Cour européenne, et, en tout état de cause, nonobstant son système dualiste, l’aménagement constitutionnel des garanties visant au respect de cette obligation devrait être réalisé à la lumière de l’ouverture aux droits de l’Homme (Menschenrechtsfreundlichkeit). B. La portée de l’interdiction de refoulement dans l’ordre juridique allemand L’interdiction de refoulement apparaît notamment dans les articles précités de la Loi fondamentale et dans le § 60 de la loi relative au séjour194. Néanmoins, cette loi est applicable uniquement sur le territoire allemand. La question qui se pose est celle de savoir si l’interdiction de refoulement peut déployer ses effets en dehors du territoire allemand (I). Or, la pratique montre que cette question est de plus en plus à l’ordre du jour devant le pouvoir législatif et exécutif allemand (II). I. Les effets de l’interdiction de refoulement en dehors du territoire allemand S’il n’existe pas de jurisprudence concrète sur cette question, la Cour constitutionnelle fédérale a été amenée à plusieurs reprises à clarifier sa position relative à la problématique présentée. Une approche similaire semble ressortir de l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale relatif à l’accord de Washington (Washingtoner Abkommen)195. Dans le 193 Ibid. Toutefois, en l’occurrence, la problématique principale tenait au fait que le requérant aurait pu bénéficier du droit à l’asile, mais qu’il a été, entre-temps, réacheminé dans son pays d’origine. Dans un tel cas de figure, le raisonnement de la Cour administrative fédérale adopte un point de vue différent, d’autant plus que le requérant se retrouve dans le pays de persécution contrairement à sa volonté. Concrètement, dans la mesure où le demandeur d’asile a sollicité l’asile sur le territoire allemand, il peut poursuivre la procédure d’asile depuis l’étranger, d’autant plus qu’il a un intérêt continu à une protection juridique (eine fortbestehende Rechtsschutzinteresse). Ibid., paragraphes 15 – 16. 194 Dans son arrêt consacré à l’appréciation de la constitutionnalité de la règlementation des États tiers sûrs, la Cour constitutionnelle fédérale a mis en exergue qu’au-delà du droit d’asile au sens de l’article 16a de la Loi fondamentale, le droit des étrangers tient compte de l’interdiction de refoulement au sens de l’article 33 de la Convention de Genève au bénéfice des étrangers, et ce, à travers l’ancien § 51(1) de la loi relative aux étrangers. BVerfG (2ème sénat), 14 mai 1996, 2 BvR 1938/93. 195 BVerfG (1er sénat), 21 mars 1957, 1 BvR 65/54. L’exemple cité : M. Hong, « Asylgrundrecht und… », op. cit., 290 p.
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cadre de cet accord, la Suisse s’est engagée à liquider les avoirs détenus en Suisse par des ressortissants allemands et, dans le cadre de l’examen de la légalité de cette solution à travers la loi transposant ledit accord en droit allemand, la Cour constitutionnelle fédérale a relevé qu’une telle loi transforme le contenu de l’accord en droit national dans la mesure où celle-ci le rend contraignant à la fois pour les organes de l’État et pour les ressortissants196. Une telle solution s’impose d’autant plus lorsqu’un accord international doit être exécuté à l’étranger, car les droits fondamentaux lient également les autorités publiques allemandes dans la mesure où les effets de leurs activités se produisent à l’étranger197. Autrement dit, les droits fondamentaux découlant de la Loi fondamentale peuvent déployer leurs effets également en dehors du territoire allemand. Certes, en l’occurrence, la présence des fonds des ressortissants allemands à l’étranger constitue un motif plus convaincant de cette extension du champ d’application territorial des droits fondamentaux. Cependant, une fois que les ressortissants de pays tiers tombent sous le contrôle des autorités nationales en dehors du territoire fédéral, rien ne permet d’écarter que les droits fondamentaux soient applicables à leur cas. Toutefois, la doctrine n’est pas unanime concernant l’applicabilité de cette position à l’interdiction de refoulement, dans la mesure où les actes de l’État de persécution pourraient être appréciés, du moins indirectement, par les juridictions allemandes198. Ce constat appelle quelques observations. Premièrement, l’octroi de la protection internationale suppose et même exige l’évaluation du système de protection de l’État de persécution, qui a lieu sur le territoire de l’État où l’étranger sollicite la protection. Deuxièmement, l’interdiction de refoulement ne déploie pas forcément ses effets sur le territoire de l’État de persécution, mais possiblement aussi sur le territoire d’un État tiers. À cet égard, il suffit de penser au cadre factuel de l’arrêt Hirsi Jamaa ou X. et X. contre État belge. Il est indéniable que la Cour constitutionnelle reconnaît explicitement les effets extraterritoriaux des droits fondamentaux allemands. Cette conception correspond à l’ouverture de la Loi fondamentale vers un travail coordonné sur le plan international199. Or, afin d’établir une position ferme du point de vue de notre étude, le législateur allemand devrait prendre en considération certains développements in196
BVerfG, 21 mars 1957, préc., paragraphe 16. « Über die Zustimmung zum Vertrag hinaus können – wie das hier geschehen ist – im Rahmen desselben Gesetzes unmittelbar Rechte und Pflichten des Einzelnen begründet werden. In beiden Fällen können durch das Vertragsgesetz Grundrechte verletzt werden. Deshalb unter liegen sie der verfassungsgerichtlichen Prüfung auch im Verfahren über eine Verfassungsbeschwerde, die dem Bürger einen wirksamen Grundrechtsschutz geben soll. Das gilt selbst dann, wenn die Bundesregierung einem völkerrechtlichen Vertrag zustimmt, der – wie hier – im Ausland zu vollziehen ist, denn die Grundrechtebinden die deutsche öffentliche Gewalt auch, soweit Wirkungen ihrer Betätigung im Ausland eintreten ». Ibid. Voir encore : BVerfG (2ème sénat), 25. mars 1981, 2 BvR 1258/79, Einlieferungsersuchen. 198 M. Hong, « Asylgrundrecht und… », op. cit., p. 151. 199 H. Dreier, H. Bauer, Grundgesetz : Kommentar, 3. Aufl., Tübingen, Mohr Siebeck, 2013, p. 304. 197
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tervenus en droit international, notamment dans le domaine de la protection des droits de l’Homme200. Ses efforts semblent aller dans cette direction. II. Les tentatives de détermination des effets de l’interdiction de refoulement en dehors du territoire allemand Les mêmes préoccupations apparaissaient dans le service de recherches du Bundestag allemand à la suite du prononcé de l’arrêt Hirsi Jamaa. Dans son rapport, celui-ci s’interrogeait sur la possibilité qu’un réfugié se trouvant sur un navire de guerre allemand en dehors des eaux territoriales allemandes puisse déposer une demande d’asile, cette circonstance ayant pour conséquence que le personnel du navire devait transmettre cette demande à l’Office fédéral et garantir la protection contre le refoulement201. Premièrement, cette étude a mis en lumière le lien territorial prévu dans les § 13 et 14 de la loi relative à l’asile qui constitue la condition sine qua non de la possibilité de solliciter l’asile, et, par conséquent, une entrave à l’extension de la portée territoriale du droit d’asile202. Autrement dit, le droit d’asile prévu dans la Loi fondamentale ne permet pas l’extension de sa portée territoriale pour couvrir les situations juridiques décrites. Par ailleurs, l’étude se réfère également au droit de l’Union et met l’emphase sur la limitation du champ d’application territorial de la directive « procédures »203. En ce qui concerne la prise en considération des enseignements de la jurisprudence Hirsi Jamaa, donc la portée de l’interdiction de refoulement, tel qu’elle découle de la jurisprudence de la Cour européenne, l’étude souligne qu’il n’est pas nécessaire de garantir la protection internationale, mais qu’il suffit de garantir la protection contre l’éloignement dans un tel cas de figure, à l’instar de la solution proposée par la Cour européenne dans l’affaire Hirsi204. Cette conception révèle l’ouverture aux droits de l’Homme (Menschenrechtsfreundlichkeit) dans la mesure où le droit allemand doit s’aligner sur les solutions proposées par la jurisprudence de la Cour européenne et accorder la protection contre les risques de refoulement, et ce, de la même manière que la Cour européenne le préconise et le préconisera dans l’avenir.
200
R. Hofmann, Grundrechte und grenzüberschreitende Sachverhalte, Berlin, Springer, 1994, p. 72. 201 Wissenschaftliche Dienste, Deutscher Bundestag, Asylantragstellung an Bord eines deutschen Kriegsschiffs, 23 février 2016, WD 3 – 3000 – 060/16. https://www.bundestag.de/ blob/424544/d2d010839e38655c6a312f5c6f12b38 f/wd-3 - 060 - 16-pdf-data.pdf (consulté le 24 avril 2018). 202 « Die Vorschriften der §§ 13, 14 AsylG setzen einen territorialen Bezug bei der Asylantragstellung voraus. Da dieser territoriale Bezug bei Auslandsasylanträgen fehlt, werden sie nach wohl überwiegender Auffassung von vornherein als unzulässig angesehen ». Ibid., point 4.1. 203 Ibid. 204 Ibid., point 4.2.
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Les mêmes considérations sont valables pour les expulsions collectives. Une autre étude du service de recherches a relevé la nécessaire identification des étrangers souhaitant demander l’asile et le fait qu’il convient de leur donner la possibilité de demander l’asile tout en soulignant que l’interdiction de refoulement ne justifie pas le droit à l’asile205. L’analyse de ces études a clairement démontré que le droit allemand tient compte des évolutions de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg lors de la définition de la portée de l’obligation de non-refoulement, tout en niant cependant le lien direct entre l’interdiction de refoulement et l’accès au territoire au titre de l’asile. Il ne faut pas cependant perdre de vue que cette conception émane uniquement du service de recherches et qu’aucune autre source juridiquement contraignante n’est disponible pour l’instant sur ce sujet, alors que la République fédérale de l’Allemagne participe régulièrement aux opérations de sauvetage206. Enfin, il convient de noter que même le pouvoir exécutif a contribué, dans une certaine mesure, à la détermination de la portée de l’interdiction de refoulement en relation aux évènements de septembre 2015 : l’Allemagne a accueilli des milliers de ressortissants de pays tiers au cours de cette période. Le service de recherche du Bundestag ne s’est pas prononcé de manière univoque sur le fondement de cette mesure207. Si le Gouvernement fédéral a précisé le fondement de son intervention en invoquant le § 18 de la loi relative à l’asile, il n’a pas précisé s’il est intervenu à partir du point 1 ou 2 du § 18, alinéa (4) de cette loi, ni s’il existait un arrêté ministériel (Ministeranordnung) pour la mise en œuvre de ses instructions208. 205
« Die Flüchtlinge müssen zudem perspektivisch Gelegenheit erhalten, Asyl im Sinne der Genfer Konvention oder internationalen Schutz zu beantragen. (Allerdings begründet das Refoulement-Verbot selbst keinen Rechtsanspruch auf Asyl) ». Wissenschaftliche Dienste, Deutscher Bundestag, Anwendung der EMRK an Bord von deutschen Kriegsschiffen im Rahmen der NATO-Seeraumüberwachungsoperation in der Ägäis, 1 avril 2016, WD 2 – 3000 – 049/16, https://www.bundestag.de/blob/421702/0f1f2d97494fce65f6cfb8e7e43ba5 ff/ wd-2-049-16-pdf-data.pdf (consulté le 24 avril 2018), point 4. 206 Voir à cet égard les activités de « Fregatte Mecklenburg-Vorpommern ». Certains députés ont demandé des explications détaillées concernant le fait que les navires battant pavillon allemand sauvent de moins en moins de réfugiés en Méditerranée. Deutscher Bundestag, Seenotrettung von Bootsflüchtlingen vor der libyschen Küste, 21 mars 2018, Drucksache 19/1345. http://dip21.bundestag.de/dip21/btd/19/013/1901345.pdf (consulté le 12 février 2019) ; Deutscher Bundestag, Bewaffneter Übergriff auf Seenotretter im Mittelmeer am 15. März 2018, Drucksache 19/2021. https://dip21.bundestag.de/dip21/btd/19/020/1902021. pdf (consulté le 12 février 2019). 207 « Nach alledem ist keine Aussage darüber möglich, ob und in welchem Ausmaß die Vorschriften des § 18 Abs. 4 Nr. 1 AsylG und/oder des § 18 Abs. 4 Nr. 2 AsylG für die konkrete Praxis der Einreisegestattungen seit September 2015 zur Anwendung gekommen sind ». Wissenschaftliche Dienste, Deutscher Bundestag, Fragen zur Einschränkbarkeit des Asylgrundrechts und zur Einreise von Asylsuchenden aus sicheren Drittstaaten, 14 janvier 2016, WD 3 – 3000 – 006/16. https://www.bundestag.de/blob/411914/619307beb4cfcfca2e14fbb1 66057b73/wd-3 - 006 - 16-pdf-data.pdf (consulté le 19 mai 2018). 208 Wissenschaftliche Dienste, Deutscher Bundestag, Einreiseverweigerung und Einreisegestattung nach § 18 Asylgesetz, 24 mai 2017, WD 3 – 3000 – 109/17, https://www.bundes
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Concrètement, en vertu du point 2 du § 18, alinéa (4) de la loi relative à l’asile, une interdiction d’entrée sur le territoire allemand d’un État tiers sûr peut être levée si le ministère fédéral de l’Intérieur a ordonné de le faire pour des raisons de droit international ou de droit humanitaire ou pour sauvegarder les intérêts politiques de la République Fédérale d’Allemagne209. Or, le respect de l’interdiction de refoulement est susceptible de justifier l’entrée desdits ressortissants sur le territoire allemand. Toutefois, la décision de la Cour constitutionnelle fédérale rendue à ce sujet n’a pas donné d’occasion de clarifier la portée de l’interdiction de refoulement dans ce contexte, le recours constitutionnel ayant été rejeté comme irrecevable210. Pour conclure, nonobstant la perception purement territoriale du droit constitutionnel d’asile, lors de l’interprétation de l’interdiction de refoulement, le droit allemand est ouvert à la réception des développements jurisprudentiels européens, ce qui constitue un facteur contribuant à une protection étendue des demandeurs d’asile. De ce point de vue, la rigidité de l’approche dualiste est dissoute dans une forte volonté de dialogue.
§ 2 La détermination moniste de la portée de l’interdiction de refoulement et de l’accès au territoire au titre de l’asile L’interrogation figurant dans ce paragraphe mérite d’être analysée au niveau constitutionnel (A) comme au niveau administratif (B). A. La portée de l’interdiction de refoulement et de l’accès au territoire dans la jurisprudence constitutionnelle Conformément à une approche moniste, le droit international, et ainsi la Convention de Genève, étant immédiatement exécutoires, le législateur français n’est pas tenu de prévoir des garanties supplémentaires pour que ces dispositions puissent déployer pleinement leurs effets. tag.de/blob/514854/0bdb98e0e61680672e965faad3498e93/wd-3 - 109 - 17-pdf-data.pdf (consulté le 19 mai 2018). 209 « Von der Einreiseverweigerung oder Zurückschiebung ist im Falle der Einreise aus einem sicheren Drittstaat (§ 26a) abzusehen, soweit […] das Bundesministerium des Innern es aus völkerrechtlichen oder humanitären Gründen oder zur Wahrung politischer Interessen der Bundesrepublik Deutschland angeordnet hat ». § 18(4), point 2. AsylG. 210 BVerfG (2ème sénat), 11 décembre 2018, 2 BvE 1/18, ECLI:DE:BVerfG:2018: es20181211.2bve000118. Dans le recours constitutionnel, le requérant a fait valoir que le défendeur a violé le principe de séparation des pouvoirs et la primauté de la loi en tolérant l’entrée des demandeurs d’asile en République fédérale d’Allemagne sans aucune base légale (paragraphe 7). Toutefois, la Cour constitutionnelle fédérale n’a pas constaté de violation concrète des droits par le défendeur (paragraphe 26).
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Le Conseil constitutionnel a été amené à s’exprimer sur la conventionnalité des nouvelles dispositions du CESEDA qui sont entrées en vigueur en 1986. Les auteurs de la saisine ont argué que les nouvelles dispositions du CESEDA confèrent, d’une part, un caractère immédiatement exécutoire au refus d’accès au territoire français et d’autre part, un pouvoir discrétionnaire aux autorités de police, en violant, de ce fait, le droit d’asile211. Concrètement, ils ont fait valoir que la loi ne peut avoir cet effet immédiatement exécutoire qu’à la condition de prévoir une dérogation explicite pour les étrangers souhaitant demander l’asile212. En réponse à cet argument, le Conseil constitutionnel a d’abord repris un argument moniste, en s’appuyant sur l’article 55 de la Constitution française. Il a ensuite ajouté qu’« il appartient aux divers organes de l’État de veiller à l’application de ces conventions internationales dans le cadre de leurs compétences respectives [et] aucune dérogation n’avait ainsi à figurer dans la loi »213. Bien que cette approche n’exige aucune intervention de la part des législateur, la pratique montre qu’une telle attitude jurisprudentielle n’est pas toujours suffisante pour empêcher les refoulements à la frontière en violation du droit d’asile. Le Conseil constitutionnel a relevé, à plusieurs reprises, que le respect du droit d’asile, principe de valeur constitutionnelle, implique que l’étranger demeure provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’une décision soit prise concernant sa demande de protection internationale214. Dans cette même décision portant sur la constitutionnalité de la Loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, les juges constitutionnels français ont souligné que si le contenu du droit d’asile a été déterminé par le droit international, il incombe au législateur français de préciser sa portée, et ce, à la lumière de l’effectivité : « si certaines garanties attachées à ce droit ont été prévues par des conventions internationales introduites en droit interne, il incombe au législateur d’assurer en toutes circonstances l’ensemble des garanties légales que comporte cette exigence constitutionnelle »215. Il nous semble que le danger précédemment signalé a eu une certaine influence sur la malléabilité de l’approche moniste dans la jurisprudence constitutionnelle française. Le Conseil constitutionnel suggère par la suite que dans la mesure où le droit international et, plus particulièrement, la Convention de Genève comporte des règlementations lacunaires, le législateur français a le libre choix de prévoir un ensemble des règles détaillées rendant la protection des demandeurs d’asile plus effective. Ce constat s’avère justifié à la lecture des passages subséquents de l’arrêt. 211 Cons. const., 3 septembre 1986, N8 86 – 216 DC, ECLI:FR:CC:1986:86.216.DC, Loi relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, paragraphe 3. 212 Ibid. 213 Ibid., paragraphe 6. 214 Cons. const., 13 août 1993, N8 93 – 325 DC, ECLI:FR:CC:1993:93.325.DC, Loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, paragraphe 84. 215 Ibid., paragraphe 81.
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Le Conseil constitutionnel relève que « [s]’agissant d’un droit fondamental dont la reconnaissance détermine l’exercice par les personnes concernées des libertés et droits reconnus de façon générale aux étrangers résidant sur le territoire par la Constitution, la loi ne peut en réglementer les conditions qu’en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec d’autres règles ou principes de valeur constitutionnelle »216. Or, une telle approche reflète, en quelque sorte, une conception dualiste, et ce, sous l’égide de l’effectivité de la protection des droits fondamentaux, et en particulier du droit d’asile. Cette approche commande en effet une intervention active de la part du pouvoir législatif, et ce, en vue d’empêcher de possibles violations irréversibles dans le domaine de l’asile. Si l’effectivité est désormais souhaitée, il n’existe pas, pour autant, d’indices concrets et concordants permettant de conclure avec certitude que l’accès au territoire au titre de l’asile pourrait être conçu également dans une dimension extraterritoriale. B. La portée de l’interdiction de refoulement et de l’accès au territoire dans la jurisprudence administrative Le Conseil d’État, à l’instar du Conseil constitutionnel, a souligné à maintes reprises, dans ses décisions, que le droit constitutionnel d’asile a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié217. Ce droit implique, en outre, le droit au maintien sur le territoire le temps strictement nécessaire à l’examen de la demande de protection internationale. Dès lors, le droit d’asile est accordé dans une dimension purement territoriale. Une telle conception est confirmée à la lecture du CESEDA actuellement en vigueur qui prévoit en son article L111 – 2 que ce Code « régit l’exercice du droit d’asile sur l’ensemble du territoire de la République »218. Bien que ce passage ait été conçu pour définir l’applicabilité du CESEDA à la France outre-mer, l’utilisation de l’expression « territoire de la République » suggère une lecture restrictive liée à la territorialité du droit d’asile. Ce constat ne semble pas s’appliquer cependant à la portée de l’interdiction de refoulement. Le Conseil d’État a eu l’occasion de l’interpréter, de manière indi216 Ibid. Notons que cette effectivité exigée de la part du législateur français a été confirmée dans un autre arrêt du Conseil constitionnel. Dans cette optique, Il incombe au législateur d’assurer « en toutes circonstances l’ensemble des garanties légales que comporte cette exigence constitutionnelle ». Cons. const., 22 avril 1997, N8 97 – 389 DC, ECLI:FR:CC: 1997:97.389.DC, Loi portant diverses dispositions relatives à l’immigration, paragraphe 25. Cette idée a été reprise dans une décision du Conseil constitutionnel de 2003 et le Conseil constitutionnel a mentionné concrètement la Convention de Genève et le Protocole de New York parmi les conventions internationales dans lesquelles les garanties attachées au droit d’asile sont prévues. Cons. const., 4 décembre 2003, N8 2003 – 485 DC, ECLI:FR:CC: 2003:2003.485.DC. 217 CE, 31 décembre 2009, N8 334865. 218 Article L112 – 2 du CESEDA.
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recte, dans son arrêt de France Terre d’Asile219. L’association requérante a demandé notamment l’annulation de l’article 5 de l’ordonnance n8 45 – 2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France en vertu de l’exigence de la présentation des documents relatifs à l’objet et aux conditions de séjour. Cette ordonnance prévoyait notamment que tout étranger souhaitant entrer en France doit être muni des documents et visas exigés et, sous réserve des conventions internationales, des documents relatifs à l’objet et aux conditions de son séjour et aux garanties de son rapatriement220. Dans son appréciation, le Conseil d’État a relevé que ces documents « ne sont exigés d’un étranger qui désire entrer en France que “sous réserve des conventions internationales” ; que cette réserve vise en particulier la Convention de Genève […] dont les stipulations font obstacle à ce que les documents en cause puissent être exigés des personnes qui, demandant à entrer sur le territoire français, peuvent prétendre à la qualité de réfugiés au sens de l’article 1er de la Convention »221. Ce passage fait écho à une interprétation combinée de l’interdiction des sanctions au sens de l’article 31 de la Convention de Genève et de son article 33 relatif à l’interdiction de refoulement. La formulation utilisée par le Conseil d’État se réfère à une situation dans laquelle le demandeur d’asile n’est pas encore admis sur le territoire français et n’est pas encore forcément arrivé à la frontière. Or, il ressort de l’interprétation que fait le Conseil d’État des dispositions de la Convention de Genève que, indépendamment du lieu de l’étranger, s’il peut prétendre à la qualité de réfugié, son entrée ne peut pas être entravée par les formalités administratives. Bien que la Convention de Genève fasse partie de l’ordre juridique français, dans les affaires où la violation de la Convention de Genève est invoquée, les juridictions administratives ont tendance à écarter les moyens tirés de la violation de l’article 33 de la Convention de Genève, sans fournir pour autant une réelle explication relative à la portée matérielle ou territoriale de l’interdiction de refoulement222. En revanche, dans certaines affaires extraterritoriales, si la garantie de l’article 33 de la Convention de Genève n’apparaît pas explicitement dans la jurisprudence administrative française, les solutions que ces juridictions adoptent sont imprégnées de son respect. Dans une affaire portée devant le Conseil d’État, ce dernier a été saisi par un requérant qui s’est trouvé à bord d’un navire et a fait l’objet d’une décision de refus de débarquement alors qu’il se trouvait dans un port français223. Pendant son séjour à bord du navire qui se trouvait au port, il a présenté une demande de protection internationale qui a été transmise au ministre chargé de l’immigration. Celui-ci a rejeté cette demande en tant que manifestement infondée. 219
CE (18-48ss-sect. réunies), 27 septembre 1985, n. 44484, 44485. Ibid., paragraphe 2. 221 Ibid. 222 CE (juge des référés), 17 mars 2006, N8 291214, ECLI:FR:CEORD:2006: 291214.20060317. 223 CE (statuant en contentieux, 28–68 ss-sect. réunies), 29 juillet 1998, N8 169139. 220
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Dans son appréciation, le Conseil d’État a jugé que le ministre a commis une erreur de droit, puisqu’il est tenu de maintenir l’étranger en zone d’attente pendant le temps strictement nécessaire à l’examen visant à déterminer si sa demande d’asile n’était pas manifestement infondée224. Dès lors, lorsqu’un navire se trouve dans un port français et que l’étranger exprime son souhait d’introduire une demande de protection internationale, cette circonstance impose à l’administration de placer la personne en question en zone d’attente. Si le Conseil d’État n’évoque pas spécifiquement l’interdiction de refoulement, sa décision est motivée par le respect de la Convention de Genève et de la Convention européenne, dont les références figurent dans la partie de l’arrêt consacrée à la présentation du cadre normatif. Bien que le droit français ne prévoie pas en tant que tel l’accès au territoire au titre de l’asile, ordonner le maintien en zone d’attente du requérant équivaut à l’admission du territoire au titre de l’asile dans le plein respect de l’interdiction de refoulement. En effet, il résulte de l’arrêt Amuur c. France de la Cour européenne que la zone d’attente « ne bénéficie pas du statut d’extra-territorialité »225. Cependant, le requérant s’étant déjà trouvé dans un port français, l’article 33 de la Convention de Genève est obligatoirement applicable. S’il ne ressort pas clairement de l’arrêt quel motif a poussé le Conseil d’État à se prononcer de cette manière, il nous semble que ce n’est pas le contrôle effectif des autorités françaises sur la personne mais le fait que l’étranger était sur le territoire français qui a été le facteur décisif du déclenchement de l’interdiction de refoulement. Si les arrêts examinés constituent des avancées importantes vers la clarification des conditions dans lesquelles l’accès au territoire au titre de l’asile peut avoir lieu, cette décision, à elle seule, nous incite à rester prudents lors de la formulation de conclusions à long terme, d’autant plus que le requérant se trouvait dans un port français. En outre, la quasi-totalité des contentieux administratifs dans ce sujet est née lorsque l’étranger se trouve désormais sur le territoire français. En somme, tant le système dualiste que désormais le système moniste exigent l’élaboration des règles détaillées concernant les conditions d’entrée sur le territoire national au titre de l’asile. Nonobstant ce rapprochement conceptuel, les États membres préservent leur souveraineté nationale lorsqu’il convient de dresser un contenu exact de la portée de l’interdiction de refoulement et du droit d’accès au territoire au titre de l’asile. Si le droit d’asile revêt une portée restrictive, l’élargissement de la portée territoriale de l’interdiction de refoulement est susceptible de prendre le relais d’une interprétation restrictive conçue dans une dimension territoriale. La jurisprudence constitutionnelle et administrative nationale dans les deux systèmes juridiques examinés demeure toutefois débitrice lorsqu’il s’agit de clarifier la portée de l’interdiction de refoulement. 224
Ibid. Cour EDH (ch.), Amuur c. France, 25 juin 1996, n. 19776/92, ECLI:CE: ECHR:1996:0625JUD001977692, paragraphe 52. En l’occurrence, l’objet de la controverse était la qualification juridique de la zone internationale de l’aéroport de Paris-Orly. 225
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Section II: La mise en œuvre des principes déterminant les conditions de l’accès au territoire au titre de l’asile L’examen des conditions relatives à l’accès au territoire au titre de l’asile a lieu essentiellement dans trois domaines, à savoir dans le domaine de l’interception et des sauvetages en mer, dans la politique des visas et dans le domaine des obligations des transporteurs. En ce qui concerne l’interception et les sauvetages en mer, étant donné que les États participants à ces opérations interviennent conformément au plan opérationnel élaboré par les participants de l’opération ou par le directeur exécutif de Frontex dans le cadre des opérations sous l’égide de Frontex, les tâches incombant aux États sont ponctuellement décrites par ces plans226. En ce qui concerne maintenant la politique des visas, si le Code des visas prévoit la mise en place de la politique commune des visas227, l’élaboration de cette politique appartenant aux compétences partagées, les États membres réservent la faculté d’octroyer un visa de long séjour. De ce point de vue, l’étude de la politique des visas revêt une importance particulière (§ 1). L’analyse effectuée dans le chapitre précédent a mis en lumière l’importance du respect de l’ensemble des conditions figurant dans le Code frontières Schengen et dans le Code des visas, pour que l’entrée sur le territoire de l’Union soit régulière. À cette fin, la directive 2001/51/CE prévoit la sanction des transporteurs dans la mesure où ils n’accomplissent pas les contrôles nécessaires pour garantir un accès régulier sur le territoire de l’Union. Étant donné que « [l]a directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens »228, les États membres jouissent d’une large marge d’appréciation pour déterminer l’encadrement procédural relatif au contrôle des transporteurs. Or, lors du processus de transposition, les États membres peuvent marquer leur préférence de garantir l’interdiction de refoulement, dont le respect est indirectement prévu dans cette directive (§ 2).
§ 1 La politique des visas dans les ordres juridiques nationaux Alors que la politique des visas en Allemagne reflète l’approche constitutionnelle traditionnelle du droit d’asile conçu dans un contexte territorial (A), le droit
226 En l’absence de jurisprudence relative à cette problématique, celle-ci ne fera pas l’objet de notre analyse ci-dessous. 227 Règlement (CE) 810/2009, préc., considérant (3). 228 Article 288 TFUE, troisième alinéa.
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français envisage le bénéfice de ce droit dans une dimension territoriale plus étendue (B).
A. La territorialité dans la politique allemande des visas La République fédérale a accordé l’asile politique au sein de ses ambassades à plusieurs reprises au cours de l’histoire229. Actuellement, en revanche, la loi relative au séjour prévoit deux types de visas : le Visa de Schengen et celui de transit aéroportuaire230. Il convient de noter que la loi relative au séjour prévoit également un visa exceptionnel (Ausnahme-Visum), qui peut être considéré comme un visa national. Celui-ci peut également être délivré à la frontière, sous réserve de la réunion des conditions que les potentiels demandeurs d’asile ne peuvent évidemment pas remplir et parmi lesquelles figure notamment celle selon laquelle le retour du ressortissant du pays tiers dans son pays d’origine doit être garanti. En ce qui concerne le visa de transit aéroportuaire, le règlement sur le séjour prévoit que celui-ci ne constitue pas un titre de séjour231. Dès lors, même si l’étranger se fait délivrer un tel visa, le titre même du § 26 du règlement est révélateur : transit sans entrée (Transit ohne Einreise; Flughafentransitvisum). Il s’ensuit que celui-ci ne constitue pas un instrument efficace pour solliciter l’asile. Quant au visa de Schengen, sa durée de validité peut être prolongée pour protéger les intérêts politiques de la République Fédérale d’Allemagne ou pour des raisons de droit international232. Néanmoins, il ne s’agit plus dans ce cas d’un visa de Schengen, mais d’un visa national. Ce dernier est délivré pour un long séjour et notamment pour les demandeurs d’asile le temps que dure l’examen de la demande de protection internationale conformément au § 55 de la loi relative à l’asile. La loi relative à l’asile ne contient pas de règles détaillées permettant d’introduire une demande de visa de long séjour au titre de l’asile. Les dispositions du règlement (UE) 265/2010 du Parlement européen et du Conseil modifiant la Convention d’application de l’accord de Schengen s’appliquent de toute évidence233. Il ne faut pas cependant perdre de vue que, selon les dispositions du règlement sur le séjour, lors de l’introduction d’un visa national, l’accord préalable de l’autorité des étrangers (Ausländerbehörde) est nécessaire si l’étranger souhaite rester en Allemagne pendant plus de 90 jours à des fins autres que l’exercice d’une activité 229 C. Heiko, Das diplomatische Asyl im gegenwärtigen Völkerrecht, Baden-Baden, Nomos, 1994, p. 98. 230 § 6 AufenthG. 231 § 26(2) AufenthV. 232 § 6(2) AufenthG. 233 Règlement (UE) n. 265/2010 du Parlement européen et du Conseil du 25 mars 2010 modifiant la convention d’application de l’accord de Schengen et le règlement (CE) n. 562/ 2006 en ce qui concerne la circulation des personnes titulaires d’un visa de long séjour, JO L 85 du 31. 3. 2010, p. 1 – 4.
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lucrative ou la recherche d’un emploi234. Le rejet de cet accord préalable de l’autorité ne constitue pas un acte administratif qui peut faire l’objet d’un recours indépendant, mais la décision de refus de la demande d’asile peut être contestée devant le tribunal administratif235. Cela signifie que la délivrance d’un visa pour le motif d’asile est, en réalité, impossible. Cette approche est confirmée par la Cour administrative fédérale lorsqu’elle relève, en s’appuyant sur l’article 16 de la Loi fondamentale, que les autorités consulaires ne sont pas compétentes pour décider au sujet des demandes d’asile et ne délivrent pas de visa permettant la poursuite d’une procédure d’asile en Allemagne236. Dans la pratique, selon le rapport de l’ONG ProAsyl, en ce qui concerne la possibilité pour les ressortissants syriens de demander un tel visa, l’ambassade d’Allemagne à Damas est depuis longtemps fermée et les ambassades allemandes dans les pays limitrophes, en Jordanie, au Liban et en Turquie, ont développé un système compliqué pour obtenir des rendez-vous237. De surcroît, le règlement relatif au séjour contient une liste des pays dont les ressortissants doivent être munis d’un visa de transit aéroportuaire, parmi ceux-ci figure notamment la Syrie238. Il suit de cette analyse que le droit allemand n’envisage pas de délivrance de visa au titre de l’asile. En revanche, le système français révèle un développement différent. B. L’extraterritorialité dans la politique française des visas Lorsqu’un ressortissant de pays tiers souhaite entrer sur le territoire français en toute légalité, il doit être muni d’un visa. Le CESEDA prévoit trois types de visa : le visa de transit aéroportuaire dont la durée est inférieure à cinq jours, le visa de court séjour dont la durée est supérieure à trois mois ainsi que le visa de long séjour, dont la durée ne peut être supérieure à un an239. En ce qui concerne la catégorie des visas de long séjour, comme la Cour de justice l’a mis en évidence dans l’arrêt X. et X. c. État belge, la délivrance de ce type de visa relève de la compétence nationale (I). De manière similaire, les conditions de délivrance d’un visa de transit aéroportuaire sont déterminées au niveau national (II).
234
§ 31(1), point 1, AufenthV. B. Huber, S. Beichel-Benedetti, Aufenthaltsgesetz : Freizügigkeitsgesetz/EU, ARB 1/80 und §§ 2 – 4 AsylG : [Kommentar], München, Beck, 2016, 1252 p. 236 BVerwG (1ère sénat), 14 avril 1992, BVerwG 1 C 48.89. La Cour administrative fédérale ne s’est pas prononcée sur la portée de cette éventuelle obligation en relation avec l’interdiction de refoulement. 237 ProAsyl, « Kurzinfo zur Aufnahme syrischer Flüchtlinge in der Bundesrepublik Deutschland », http://www.frsh.de/uploads/media/PROASYL_Kurzinfo_Aufnahme.syrische. Flüchtlinge_22. 05. 2013.pdf (consulté le 25 avril 2018). 238 Anlage C, AufenthV. 239 Article L211 – 2 – 1 du CESEDA. 235
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I. Les conditions obscures relatives à l’octroi d’un visa de long séjour au titre de l’asile Même si la possibilité de l’octroi d’un visa de long séjour au titre de l’asile est prévue dans la jurisprudence administrative (2), la législation française n’en dit rien (1). 1. L’absence du cadre normatif relatif aux conditions de l’octroi d’un visa de long séjour au titre de l’asile En vertu des dispositions du CESEDA, « [t]out étranger souhaitant entrer en France en vue d’y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour »240. Il est notoire qu’en France, les autorités consulaires ont la compétence de délivrer un visa de long séjour au titre de l’asile. Cependant, ni les dispositions législatives ni les dispositions règlementaires ne fournissent de précisions sur les modalités de l’octroi de ce visa spécifique, créant ainsi une lacune normative importante dans le système juridique français. Cette préoccupation a été mise en lumière par le député Laurent Grandguillaume au sein de l’Assemblée nationale sous forme de question adressée au ministre de l’intérieur241. Il a rappelé que, bien que la législation française ne prévoie pas la possibilité de solliciter l’asile dans les postes diplomatiques français, les étrangers ont la faculté de demander la délivrance d’un visa au titre de l’asile dont la possibilité n’est pas explicitement prévue par la loi, et aucune information n’est dispensée à cet égard dans les ambassades françaises242. Dans sa réponse, le ministre de l’intérieur a souligné qu’une telle exigence ne relève ni de la Convention de Genève, ni du CESEDA, mais, dans la pratique, des instructions ont été communiquées aux postes diplomatiques relatives au traitement des demandes de visas au titre de l’asile243. Concrètement, l’étranger ayant déposé une telle demande bénéficie d’un entretien personnel. En revanche, la réponse du ministre ne fournit aucune précision sur la personne qui est responsable de faire passer cet entretien, ni sur la décision relative à la recevabilité de la demande de visa au titre de l’asile. Cette réponse indique de manière prudente que le ministre de l’intérieur communique ses instructions relatives à la demande de visa244. Cependant, une telle affirmation n’exclut pas que ce soit le ministre qui décide, en fin de compte, de la recevabilité de la demande de visa au titre de l’asile, et par conséquent, de la recevabilité de la demande de protection internationale, ce qui porte atteinte au 240
Ibid. Assemblée nationale, 14ème législature, question n. 23491 du député Laurent Grandguillaume, 22 octobre 2013. 242 Ibid., texte de la question. 243 Ibid., texte de la réponse. 244 Ibid. 241
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principe de répartition des compétences lorsque l’OFPRA ne participe pas au processus de décision. De surcroît, contrairement à la procédure en zone d’attente, ce n’est pas le caractère manifestement infondé de la demande qui est en cause, dont la décision relève de la compétence du ministre, mais la recevabilité d’une demande de visa au titre de l’asile, et, indirectement, d’une demande de protection internationale. En ce qui concerne la pratique administrative, la demande aux fins de la délivrance d’un visa de long séjour, donc d’un visa de type « D », se fait à l’ambassade de France à l’étranger. Les fonctionnaires travaillant à l’ambassade demandent l’avis du ministère en charge de l’asile, lequel peut demander l’avis de l’OFPRA245. Les termes employés dans le dépliant de l’OFPRA n’impliquent pas d’obligation relative à sa participation. Ce visa permet aux étrangers d’entrer en France pour se rendre, ensuite, à la préfecture et accomplir les mêmes démarches que ceux ayant présenté la demande d’asile sur le territoire français. Toutefois, si le site internet de l’OFPRA nous fournit des indications sur cette possibilité, aucune règle juridique contraignante n’existe actuellement permettant de rendre cette pratique plus prévisible et transparente. Force est de constater que cette règlementation lacunaire n’a pas été éclairée par la jurisprudence administrative. 2. La jurisprudence administrative relative aux conditions de l’octroi d’un visa de long séjour au titre de l’asile Les faits de l’affaire C. B. D. A. portée devant le Tribunal administratif de Nantes s’apparentent dans une large mesure à ceux caractérisant l’affaire X. et X. c. État belge précitée. Les requérants, de nationalité syrienne, ont présenté des demandes des visas de long séjour au consulat de France au Liban. Ces demandes ont été rejetées par le ministre de l’intérieur. Ils ont, ensuite, présenté un référé-liberté devant le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes. Ce dernier a alors fait droit à ces demandes et a enjoint au ministre de l’intérieur de les réexaminer en vertu du fait que les requérants provenaient d’Alep, ville syrienne particulièrement affectée par les conflits armés et, de ce fait, les requérants ont prouvé les risques auxquels ils étaient personnellement exposés246. Le ministre de l’intérieur a introduit un recours contre cette décision devant le Conseil d’État. Il a relevé notamment que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en consacrant le droit à obtenir un visa au seul motif de pouvoir entrer en France afin d’y solliciter l’asile247. En d’autres termes, d’après le ministre, le droit français n’octroie pas d’asile au-delà de son territoire, et ce, indépendamment du bien-fondé d’une demande de protection internationale.
245 246 247
https://ofpra.gouv.fr/glossaire?lettre=V (consulté le 24 janvier 2018). TA de Nantes, 16 septembre 2014, n. 1407765. CE, 9 juillet 2015, n. 391392, ECLI:FR:CEORD:2015:391392.20150709.
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Le Conseil d’État a fondé sa décision en particulier sur la Convention de Genève et sur la directive « procédures ». Dans son appréciation, la Haute juridiction administrative a relevé que « si le droit constitutionnel d’asile a pour corollaire le droit de solliciter en France la qualité de réfugié, les garanties attachées à ce droit fondamental reconnu aux étrangers se trouvant sur le territoire de la République n’emportent aucun droit à la délivrance d’un visa en vue de déposer une demande d’asile en France »248. En d’autres termes, le droit d’asile s’arrête à la frontière du territoire français249 et n’implique pas le droit d’entrer en France250. Ainsi, pour pouvoir bénéficier de la protection internationale, l’étranger sollicitant l’asile doit être physiquement sur le territoire français, y compris la zone d’attente. Le Conseil d’État a souligné qu’il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire de l’administration consistant à donner une réponse favorable à la demande de visa au titre de l’asile. En effet, « l’administration peut légalement accorder une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l’intéressé ne peut faire valoir aucun droit »251. À cette fin, l’administration a établi des orientations générales selon lesquelles il convient de décider de la délivrance d’un visa au titre de l’asile. Or, selon le Conseil d’État, ces orientations ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte grave et manifestement illégale au droit constitutionnel d’asile252. De ce fait, comme le rapporteur public Odinet l’a précisé, les autorités françaises, lors de la délivrance des visas, disposent d’un large pouvoir d’appréciation et peuvent, dans ce cadre, se fonder sur toute considération d’intérêt général253. De surcroît, eu égard à cette latitude, l’octroi de l’asile dépend, en fin de compte, de la chance des étrangers et ainsi de la pratique administrative de chaque ambassade à l’étranger. Malgré le caractère facultatif de l’octroi d’un tel type de visa, la pratique garantit cette possibilité. En revanche, le manque de dispositions législatives et règlementaires rend la règlementation peu prévisible, portant ainsi atteinte à la sécurité juridique. Ce constat est justifié par l’analyse d’un arrêt rendu en octobre 2017 par le Conseil d’État. Le requérant, un ressortissant afghan, a déposé une demande de visa auprès de l’ambassade de France en Afghanistan, qui a été implicitement rejetée254. À la suite de ce rejet, il a déposé une nouvelle demande de visa dont le rejet lui a permis de contester cette décision devant le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes. Celui-ci a rejeté sa demande de suspension de l’exécution du refus 248
Ibid., paragraphe 4. G. Marti, « Le régime juridique restrictif des visas au titre de l’asile », La Semaine Juridique, Edition Générale n8 40, 28. septembre 2015, p. 1035. 250 J-M. Pastor, « Le droit d’asile n’implique pas le droit d’entrer en France », AJDA, 2015, p. 1394. 251 CE, 9 juillet 2015, n. 391392, préc., paragraphe 5. 252 Ibid. 253 Conclusions du rapporteur public Guillaume Odinet, 16 octobre 2017, n. 408344, 408748, 408750, 408786. 254 CE, 16 octobre 2017, n. 408344, ECLI:FR:CECHR:2017:408344.20171016, paragraphe 2. 249
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de visa et le requérant s’est pourvu en cassation contre cette dernière décision. Finalement, le Conseil d’État a annulé la décision du juge des référés. Dans son appréciation, la Haute juridiction administrative a décrit de façon particulièrement détaillée la situation individuelle du requérant. Elle explicite notamment les persécutions subies par le requérant et se comporte comme une véritable juridiction d’asile. Enfin, le Conseil d’État a relevé que le juge des référés du tribunal administratif a dénaturé les faits en estimant que le moyen invoqué n’était pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée255. Ce raisonnement suggère à quel point le refus de visa de long séjour au titre de l’asile est susceptible d’avoir des répercussions sur le sort des demandeurs d’asile. Même si l’enjeu est dès lors identifié au niveau jurisprudentiel, le contexte normatif demeure lacunaire. En tout état de cause, nonobstant les nombreuses zones d’ombre caractérisant la règlementation française, l’objectif de la pratique est évident : accorder l’accès au territoire au titre de l’asile. Néanmoins, force est de constater que cette pratique ne caractérise pas l’ensemble de la politique des visas en France. II. Les conditions restrictives de l’octroi de visa de transit aéroportuaire Concernant la définition du visa de transit aéroportuaire, il s’agit d’un « visa valable pour passer par la zone internationale de transit d’un ou plusieurs aéroports des États membre »256. Ce visa permet d’enregistrer les personnes souhaitant transiter par certains États pour atteindre leur pays de destination. Une telle exigence est justifiée notamment pour lutter contre l’immigration clandestine et pour contrôler l’entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers. Le Conseil d’État a déjà validé la pratique du recours au visa de transit aéroportuaire. À son sens, ce dernier ne porte aucunement atteinte au droit fondamental d’asile, puisque « l’obligation de disposer d’un visa de transit aéroportuaire répond à des nécessités d’ordre public tenant à éviter, à l’occasion d’une escale ou d’un changement d’avion, des afflux incontrôlés de personnes qui demanderaient l’admission sur le territoire au titre de l’asile »257. En revanche, la Haute juridiction administrative ne s’est pas prononcée sur les éventuels cas exceptionnels dans lesquels les étrangers ne sont pas tenus d’en être munis. Le Code des visas contient une liste des pays dont les ressortissants doivent être munis d’un tel visa. Le même Code prévoit la possibilité d’exiger l’obligation de possession d’un tel visa pour les ressortissants dont le pays d’origine ne figure pas sur cette liste, et ce, en cas d’urgence due à un afflux massif de migrants clandes-
255 256 257
Ibid., paragraphe 4. Règlement 810/2009/CE, préc., article 2, point 5. CE, 1 avril 2008, n. 313711.
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tins258. Cependant, les dispositions du Code des visas ne disent rien des cas dans lesquels l’afflux massif est dû aux circonstances justifiant la reconnaissance de la protection internationale. De plus, le Code des visas, lorsqu’il exclut la possibilité d’entrer sur le territoire des États membres de manière légale aux fins d’asile, ne prévoit ni l’interdiction de refoulement ni le respect de la Convention de Genève. La France a prévu cette possibilité vis-à-vis des ressortissants syriens en conséquence de l’éclatement de la guerre civile en Syrie. Un arrêt du Conseil d’État a parfaitement souligné les motifs justifiant l’obligation d’être muni d’un visa de transit aéroportuaire pour les ressortissants syriens. En effet, « après la fermeture du consulat de France à Damas, plusieurs centaines de ressortissants syriens se sont présentés dans les consulats des pays limitrophes, notamment l’Égypte, la Jordanie et le Liban, pour demander des visas de court ou de long séjour ; que le nombre des demandes d’asile présentées par des ressortissants syriens est passé de 20 en 2010 à 54 en 2011 et 180 en 2012 »259. C’est à la lumière de ce constat que les autorités françaises ont affirmé l’existence d’une condition d’urgence justifiant l’obligation de détention d’un visa de transit aéroportuaire260. Dans cette perspective, c’est le Conseil d’État lui-même qui a validé la pratique du refus d’accorder un accès au territoire français au titre de l’asile. Deux ONG ont saisi le Conseil d’État pour annuler la décision instaurant l’obligation pour les ressortissants syriens d’être munis d’un visa de transit aéroportuaire261. Le Conseil d’État a rejeté cette demande. Notons concernant le cadre normatif de l’arrêt que celui-ci se réfère en particulier au Code des visas et au règlement 539/2001, ce qui suggère que le Conseil d’État a rendu sa décision en plein respect de ces instruments juridiques. Dans son appréciation, la Haute Cour administrative a relevé laconiquement que l’obligation de détenir un visa de transit aéroportuaire « répond à des nécessités d’ordre public tenant à éviter, à l’occasion d’une escale ou d’un changement d’avion, le détournement du transit aux seules fins d’entrée en France, ne porte par elle-même aucune atteinte au droit d’asile »262. Afin de motiver sa décision, le Conseil d’État a expliqué que la règlementation est justifiée par le fait, d’une part, qu’en raison du conflit en cours en Syrie, un grand nombre de ressortissants syriens tentent d’entrer sur le territoire français. Or, un tel raisonnement aurait dû conduire à la conclusion inverse. L’autre volet de l’argumentaire juridique ne convainc pas non plus. En effet, et d’autre part, le Conseil d’État a choisi la solution juridique 258 259
phe 4. 260
Règlement 810/2009/CE, préc., article 3(2). CE, 15 février 2013, n8 365709, ECLI:FR:CEORD:2013:365709.20130215, paragra-
Ibid. CE (28-78 ss-sect. réunies), 18 juin 2014, n. 366307, ECLI:FR:CESSR:2014: 366307.20140618. 262 Ibid., point 6. Le Conseil d’État a tiré une conclusion similaire dans une affaire précédente. CE, 20 mars 2013, N8 366308, ECLI:FR:CEORD:2013:366308.20130320. 261
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proposée, certains États européens ayant pris une décision identique263 qui était, sans nul doute, légitime à la lumière de la réglementation défaillante du Code de visas. En revanche, à aucun moment le Conseil d’État n’a analysé les cas exceptionnels dans lesquels l’entrée sur le territoire au titre de l’asile pourrait être autorisée. En ce qui concerne les réactions dans la doctrine, Caroline Lantero considère que le visa de transit aéroportuaire dans l’interprétation fournie par le Conseil d’État « est une interception administrative, mais elle reste avant tout une interception. Et ce mécanisme maquille un refoulement, formellement interdit par l’article 33 de la Convention de Genève »264. Par interception, l’auteur a à l’esprit une référence aux interceptions condamnées par la Cour européenne dans l’arrêt Hirsi Jamaa. Le raisonnement du Conseil d’État a été motivé par le respect des dispositions du Code de visas et non par le respect de l’interdiction de refoulement bien que l’applicabilité de cette dernière ne se pose même pas en l’espèce. Étant donné que ce Code ne contient pas de garanties au bénéfice des étrangers ayant besoin de la protection internationale, le Conseil d’État n’était nullement tenu, en vertu du droit de l’Union, d’accorder une protection plus étendue. Cette pratique contribue au morcellement de l’usage de l’interdiction de refoulement. En effet, le Code a prévu des règles concrètes relatives à la portée du visa de transit aéroportuaire tout en omettant de rappeler le respect de la Convention de Genève. Le législateur français n’a fait que transposer ces dispositions en droit français et la règlementation lacunaire du Code de visas l’a dispensé en quelque sorte d’accorder une protection plus étendue. Notons cependant que la réglementation lacunaire du Code n’aurait pas empêché le législateur d’accorder une protection plus étendue265. La même considération ressort de la détermination de la portée des obligations des transporteurs vis-à-vis des demandeurs d’asile.
263 Ibid., paragraphe 7. Finalement, les ONG Anafé et Gisti ont déposé une requête devant la Cour EDH à l’encontre de la décision du Conseil d’Etat, invoquant la violation des articles 2, 3 et 6 de la Convention. Cette requête a été rejetée comme irrecevable. Suites du contentieux sur les VTA Syriens, https://www.gisti.org/spip.php?article4881 (consulté le 23 mai 2018). 264 C. Lantero, « De la validation du VTA par le Conseil d’Etat à la condamnation du refus de visa par le TA de Nantes », RDH, 2014, p. 6. Sur les statistiques du nombre des refus d’accès au territoire, voir : Anafé, Note « Les visas de transit aéroportuaire imposés par la France : état des lieux et enjeux », juillet 2017, http://www.anafe.org/IMG/pdf/note_sur_les_ vta_imposes_par_la_france_-_etat_des_lieux_et_enjeux.pdf (consulté le 23 mai 2018). 265 M. Keicher, Das europäische Visumrecht : von den Ursprüngen im Schengener Regime, seiner Entwicklung in der Europäischen Union und den Auswirkungen auf das deutsche Ausländerrecht Studien zum Völker- und Europarecht, Hamburg, Kovacˇ , 2012, p. 76.
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§ 2 Les obligations des transporteurs dans les droits nationaux La directive 2001/51, qui prévoit des sanctions pécuniaires à l’encontre des compagnies, a laissé une large marge d’appréciation aux États membres quant à sa transposition. Toutefois, les États, qui constituent l’objet de notre analyse, ont opté pour une approche a minima en termes de protection des droits fondamentaux des ressortissants de pays tiers ayant l’intention d’entrer sur le territoire national pour demander l’asile. En ce qui concerne le droit allemand, la Cour administrative fédérale, en faveur d’une protection plus étendue des demandeurs d’asile, a proposé un changement de paradigme. Au contraire, la Cour constitutionnelle fédérale a réorienté la jurisprudence en faveur de la dimension territoriale du droit d’asile. Récemment, la Cour administrative fédérale a de nouveau soulevé la question de la portée des obligations des transporteurs (A). Quant au droit français, le raisonnement suivi par la jurisprudence constitutionnelle et administrative est linéaire et s’inscrit pleinement dans les dispositions de la directive (B). A. La portée contestée des obligations des transporteurs en droit allemand Avant d’analyser l’attitude des juridictions administratives (II), il faut vérifier la manière dont le législateur allemand a transposé la directive 2001/51 dans l’ordre juridique allemand (I). I. Le cadre normatif des obligations incombant aux transporteurs En vertu des dispositions de la loi relative au séjour, un transporteur ne peut transporter des étrangers en République Fédérale d’Allemagne que s’ils sont en possession d’un passeport et d’un permis de séjour266. Dans la mesure où la compagnie ne respecte pas cette exigence, le montant de l’amende peut varier entre 1000 et 5000 E267. Par ailleurs, le transporteur conduit l’étranger dans l’État qui a délivré le document de voyage ou à partir duquel il a été transporté, ou dans tout autre État dans lequel son entrée est garantie268. Aucune mention n’est faite du respect nécessaire du contrôle préalable du risque de refoulement et de la suppression de cette sanction lorsque le transporteur achemine un demandeur d’asile. C’est à la lumière de cette règlementation qu’une proposition de loi a été introduite visant à obtenir que le transport des personnes en quête de protection ne fasse
266 267 268
§ 63(1) AufenthG. Ibid., § 63(3). Voir encore : BVerwG (1er sénat), 16 décembre 2004, 1 C 30.03. Ibid., § 64(3).
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pas l’objet de sanctions269. Cette proposition a attiré l’attention sur le fait que les transporteurs, pour des raisons économiques, refusent systématiquement l’accès des demandeurs d’asile à bord qui sont dépourvus de documents nécessaires, et que cette pratique porte atteinte à l’interdiction de refoulement et réduit la possibilité d’entrer sur le territoire allemand par voie légale aux fins de solliciter l’asile270. Cette proposition a cependant été rejetée271. La jurisprudence allemande fait également écho à ces approches opposées. II. La mise en œuvre des principes relatifs aux obligations des transporteurs dans la jurisprudence allemande Si la Cour administrative fédérale a suggéré une voie consistant à détacher les aspects territoriaux du droit d’asile à la lumière de l’article 31 de la Convention de Genève (1), la Cour constitutionnelle fédérale a refusé de revenir sur les principes directeurs relatifs à la territorialité du droit d’asile (2). 1. Une approche constructive de la Cour administrative fédérale militant en faveur de la protection plus étendue des demandeurs d’asile Comme nous l’avons précédemment suggéré, les dispositions figurant dans l’article 31 de la Convention de Genève sont les conséquences inévitables du respect de l’obligation de non-refoulement au sens de l’article 33 de celle-ci. Une telle approche a été confirmée à plusieurs reprises par la Cour administrative fédérale. Cette juridiction a relevé que les demandeurs d’asile arrivant directement du pays de persécution n’ont, en principe, pas besoin d’un visa, et ce, indépendamment du bien-fondé de leur demande d’asile272. La Cour administrative fédérale a réitéré cette position dans son arrêt sur la sanction d’un transporteur aérien273. Concrètement, le ministre fédéral de l’intérieur a invité à plusieurs reprises la compagnie aérienne requérante à effectuer le contrôle des passeports et des visas des étrangers préalablement à leur embarquement. Compte tenu du fait que la requérante ne s’est pas conformée à cette invitation, elle a fait l’objet d’une interdiction de transport. La société requérante alléguait en particulier que l’interdiction du transport (Beförderungsverbot) visait à décourager les personnes souhaitant demander la 269
Deutscher Bundestag, Antrag: « Sanktionsregelungen für Beförderungsunternehmen, insbesondere Flug- und Schiffsunternehmen, abschaffen », 7 juin 2016, 18/8701. Les parties politiques ayant demandé une telle réfome ont déjà déposé préalablement un amendement à la loi sur l’immigration. Voir à cet égard: Entwurf eines Gesetzes zur Steuerung und Begrenzung der Zuwanderung und zur Regelung des Aufenthalts und der Integration von Unionsbürgern und Ausländern (Zuwanderungsgesetz), 8 novembre 2001, Drucksache 14/7387. 270 Ibid. 271 http://dipbt.bundestag.de/extrakt/ba/WP18/747/74745.html (consulté le 22 mai 2018). 272 BVerwG, 15 mai 1984, 1 C 59. 273 BVerwG, 14 avril 1992, 1 C 45.89.
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protection internationale d’entrer sur le territoire allemand par voie aérienne ou maritime, même si la plupart d’entre elles ne remplissaient pas les conditions de reconnaissance du statut du réfugié274. La requérante a proposé, par suite, une certaine sélectivité lors de l’établissement des obligations des transporteurs en tenant compte de la situation des demandeurs d’asile. Dans son appréciation, la Cour administrative fédérale a considéré que les effets ex ante de la reconnaissance du statut de réfugié impliquaient non seulement le droit de se maintenir sur le territoire jusqu’à l’issue de la procédure d’asile, mais également l’entrée sur le territoire allemand sans contraintes administratives telles que l’obligation de possession d’un visa. En effet, le droit de se maintenir sur le territoire serait privé d’effet si l’entrée sur le territoire n’était pas garantie275. Afin de justifier ce constat, la Cour administrative fédérale se réfère à l’effectivité du droit d’asile, qui exige que l’entrée sur le territoire allemand ne soit pas empêchée par l’obligation de détention de visa276. La raison sous-jacente de cette conception est la protection des demandeurs d’asile contre des risques de mauvais traitements à travers des obligations négatives. Une telle approche conçoit le droit d’asile en tant que droit fondamental de status negativus, c’est-à-dire que l’État ne peut pas exiger la détention d’un visa pour l’entrée des demandeurs d’asile sur le territoire allemand277. Étant donné que, dans la plupart des cas, les demandeurs d’asile n’ont pas la possibilité de demander un visa ou n’ont pas le temps d’attendre l’issue de la procédure de délivrance des visas, l’obtention du visa avant l’entrée sur le territoire allemand n’est ni possible ni acceptable278. Selon cette même juridiction, l’interdiction du transport liée à l’obligation de visa rend considérablement plus difficile et, dans certains cas, même impossible l’examen individuel de la demande d’asile279. Ces motifs explicités par la Cour administrative fédérale témoignent d’une certaine audace : ne pas exiger la possession de visa reviendrait à dire que les étrangers invoquant le motif d’asile pourraient entrer sur le territoire allemand sans contrainte juridique. En revanche, cette juridiction a souligné qu’elle ne souhaite ni transformer le droit d’asile en un droit à l’immigration au bénéfice de tous, ni élargir le champ d’application territorial du droit d’asile, mais elle préconise la suppression des barrières juridiques pour entrer sur le territoire allemand, d’autant plus que le droit constitutionnel ne s’oppose pas à l’entrée sur le territoire allemand sans visa si l’entrée se fait pour des motifs d’asile280. Le raisonnement juridique de la Cour 274
Ibid., paragraphe 30. D. Sanjoy, Luftverkehr und Asylrecht, Frankfurt am Main, Lang, 1997, p. 63. 276 BVerwG, 14 avril 1992, préc., paragraphe 30. 277 V. Pfaff, « Sichtvermerkspflicht und Asylrecht », In : Tagung Sichtvermerkspflicht, Sanktionen gegen Beförderungsunternehmen und Asylrecht, 1989, Bonn, ZDWF, p. 14. 278 BVerwG, 14 avril 1992, préc., paragraphe 31. 279 Ibid., paragraphe 32. 280 Ibid., paragraphe 33. 275
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administrative fédérale a pour mérite de reconnaître que la règlementation relative à l’interdiction de transport constitue une entrave à l’accès au territoire au titre de l’asile et qu’il n’incombe pas aux transporteurs aériens de s’assurer du bien-fondé des motifs des persécutions avancés par les demandeurs d’asile. Cette juridiction n’a pas remis en question la territorialité du droit d’asile, mais a interprété de manière extensive les effets ex ante tenant au droit d’asile qui sont engendrés par le respect nécessaire de l’obligation de non-refoulement. In fine, la Cour administrative fédérale, en opérant une lecture conjointe des articles 31 et 33 de la Convention de Genève et du droit constitutionnel d’asile, a mis en avant, par voie prétorienne, la nécessité d’établir des conditions juridiques pour l’entrée régulière sur le territoire au titre de l’asile. Le message lancé par la Cour administrative fédérale aurait été clair pour le législateur : exemption de détention de visa pour les demandeurs d’asile, puis déroulement d’une procédure d’asile dérogatoire à l’aéroport à leur arrivée. Cette démarche aurait concerné uniquement les demandeurs d’asile et n’aurait pas remis en question la territorialité du droit d’asile, puisque les règles élaborées s’apparentent dans une large mesure à celles régissant l’entrée sur le territoire allemand pour motifs d’asile. Dans une autre décision adoptée le même jour, la Cour administrative fédérale a précisé que, si l’obligation des transporteurs n’est pas en soi contraire à la Loi fondamentale, le législateur est tenu de faire en sorte que les demandes d’asile puissent être examinées correctement et de manière fiable281. Une telle garantie permettrait d’éviter que la règlementation en cause anéantisse l’accès à la procédure d’asile. En revanche, la Cour constitutionnelle fédérale a retenu une lecture traditionnelle fondée sur le caractère territorialement limité du droit d’asile. 2. Une approche traditionnelle de la Cour constitutionnelle fédérale fondée sur la territorialité du droit d’asile Dans la même affaire, la Cour constitutionnelle fédérale a rejeté le recours constitutionnel comme irrecevable. Elle a, toutefois, relevé qu’il pourrait être interdit, dans des cas individuels, sur la base du droit d’asile fondamental, d’exclure un demandeur d’asile du bénéfice du droit d’asile lorsqu’il est arrivé sur le territoire allemand en portant atteinte à l’obligation de détention du visa282. Cela étant dit, selon la Cour de Karlsruhe, il ne ressort pas de l’article 16a, paragraphe (1) de la Loi 281
BVerwG, 1 C 48.89, préc., paragraphe 31. « Das Asylgrundrecht mag sonach im Einzelfall möglicherweise verbieten, einen unter Verstoß gegen die Sichtvermerkspflicht ins Bundesgebiet gelangten Asylbewerber von der Inanspruchnahme des Asylrechts auszuschließen oder sonstige negative Folgerungen an das Fehlen des an sich erforderlichen Sichtvermerks zu knüpfen ». BVerfG (2ème sénat), 2 décembre 1997, 2 BvL 55/92, Beförderungsverbot. 282
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fondamentale en quoi le droit constitutionnel d’asile peut étendre le contenu des obligations des compagnies aériennes leur permettant de transporter également les demandeurs d’asile283. Le message lancé par la Cour constitutionnelle fédérale est clair : puisque la Loi fondamentale ne contient pas la possibilité d’étendre le droit d’asile au-delà des frontières, aucune autre solution n’est possible. Dès lors, le droit constitutionnel d’asile ne garantit pas la possibilité d’entrer sur le territoire allemand par voie aérienne ou maritime sans document autorisant l’entrée sur le territoire fédéral aux fins de solliciter l’asile. Cette conception territoriale du droit d’asile a des répercussions importantes : lorsque l’étranger n’atteint pas la frontière allemande – comme c’est le cas en l’occurrence –, un tel contexte factuel n’entre pas dans le champ de protection de l’article 16a de la Loi fondamentale284. Même la doctrine remarque qu’une telle règlementation est susceptible de saper le droit d’asile, et les règles déterminant les obligations des transporteurs doivent être interprétées de manière conforme à la Loi fondamentale et ne doivent pas affecter les demandeurs d’asile285. Concernant maintenant les suites de cette pratique, c’est parfois par l’erreur de la compagnie aérienne que le demandeur d’asile peut obtenir la protection internationale. Dans une affaire portée devant le Tribunal administratif d’Aachen286, le requérant est entré sur le territoire allemand par voie aérienne et a introduit une demande de protection internationale à son arrivée. Il ressort des pièces du dossier que le demandeur a été transporté en Allemagne sur un vol opéré par Lufthansa AG en violation de la loi relative au séjour287. Mais, cette circonstance est devenue secondaire, d’autant plus le requérant a été reconnu comme réfugié. Au vu de ce qui précède, nous constatons que, même si l’entrée sans document valable aux fins d’asile n’est pas considérée comme inconstitutionnelle, la possibilité d’un tel cas de figure est pratiquement impossible. En effet, les transporteurs contrôlent avant l’embarquement la détention des documents requis pour l’entrée sur le territoire fédéral et, si les ressortissants de pays tiers n’en disposent pas, ils peuvent encore exercer un pouvoir discrétionnaire et autoriser leur embarquement. Or, dans ce dernier cas, les transporteurs exercent un pouvoir de police, décidant, en fin de compte, du bien-fondé d’un souhait d’asile. Ces considérations ont poussé la Cour administrative fédérale à poser une question préjudicielle à la Cour de justice, et ce, même si cette question était pertinente uniquement à l’intérieur de l’espace de 283
Ibid. C. Breuer, « Sanktionen gegen Beförderungsunternehmen und ihre Auswirkungen auf die Einreise potentieller Asylbewerber », In : Tagung Sichtvermerkspflicht, Sanktionen gegen Beförderungsunternehmen und Asylrecht, 1989, Bonn, p. 30 – 31. 285 R. M. Hofmann, Ausländerrecht : AufenthG, AsylG (AsylVfG), GG, FreizügG/EU, StAG, EU-Abkommen, Assoziationsrecht, Baden-Baden, Nomos, 2016, p. 1038. 286 VG Aachen (5ème ch.), 30 mai 2008, 5 K 435/06.A, ECLI:DE:VGAC:2008: 0530.5K435.06 A.00. 287 Ibid. 284
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Schengen288. Dès lors, les inquiétudes précédemment formulées demeurent actuelles et méritent une solution qui tient pleinement compte des intérêts des demandeurs d’asile. Le droit français présente les mêmes failles dans le droit positif et les juridictions administratives sont unanimes concernant la portée restrictive des obligations des transporteurs. B. La portée restrictive des obligations des transporteurs en droit français Il convient, en premier lieu, de vérifier les principes directeurs déterminant la portée de ces obligations (I), avant de se pencher, en second lieu, sur l’analyse de la jurisprudence administrative (II). I. Les principes directeurs déterminant la portée des obligations des transporteurs En vertu de l’article L625 – 1 du CESEDA, « [e]st punie d’une amende d’un montant maximum de 10 000 euros l’entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d’un État avec lequel ne s’applique pas l’acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d’un État de l’Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité »289. Cependant, ce Code prévoit une exception à cette règle. En effet, l’amende n’est pas infligée lorsque le ressortissant du pays tiers qui demande l’asile a été admis sur le territoire français au titre d’une demande d’asile qui n’était pas manifestement infondée290. Cette règlementation laisse supposer que la compagnie est tenue de filtrer le bien-fondé des motifs des persécutions de l’étranger préalablement à son embarquement. En effet, dans la mesure où, après son arrivée, il apparaît que sa demande d’asile est manifestement infondée, la compagnie aérienne prend le risque de payer l’amende prévue dans le Code. De plus, en vertu de l’article L213 – 4 du CESEDA, lorsque l’entrée en France est refusée à un ressortissant du pays tiers, c’est la compagnie aérienne qui est tenue de le ramener sans délai « au point où il a commencé à utiliser le moyen de transport de cette entreprise, ou, en cas d’impossibilité, dans l’État qui a délivré le document de voyage avec lequel il a voyagé ou en tout autre lieu où il peut être admis »291. Logiquement, le transporteur 288
BverwG (1er sénat), 1 juin 2017, 1 C 23.16. Article L625 – 1 du CESEDA. 290 Article L625 – 5 du CESEDA. En vertu de cette même disposition, les amendes ne sont pas infligées en outre, « [l]orsque l’entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l’embarquement et qu’ils ne comportaient pas d’élément d’irrégularité manifeste ». 291 Article L213 – 4 du CESEDA. 289
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n’a aucun intérêt – avant tout économique - à autoriser la montée à bord des ressortissants de pays tiers souhaitant demander l’asile. Nonobstant les critiques émises par le Premier Ministre qui a saisi le Conseil constitutionnel, les juges constitutionnels ont validé les dispositions en cause292. Le Conseil constitutionnel a été amené à apprécier plus particulièrement la conformité des dispositions citées au droit constitutionnel d’asile. Dans cette perspective, il a relevé que la clause d’exonération au bénéfice des transporteurs aériens « implique que le transporteur se borne à appréhender la situation de l’intéressé sans avoir à procéder à aucune recherche [et] [la disposition litigieuse] ne saurait ainsi s’entendre comme conférant au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique »293. Le Conseil constitutionnel souligne à cet égard que la disposition mentionnée « a pour finalité de prévenir le risque qu’une entreprise de transport refuse d’acheminer les demandeurs d’asile au motif que les intéressés seraient démunis de visa d’entrée en France »294. Néanmoins, compte tenu du fait que la sanction infligée aux transporteurs aériens varie en fonction du bien-fondé de la demande de protection internationale, il est en pratique inévitable qu’ils exercent formellement un tel pouvoir. Conscient du danger qu’une telle interprétation représente, le Conseil constitutionnel a toutefois émis une réserve d’interprétation selon laquelle « il appartiendra à la juridiction administrative d’apprécier en cas de litige l’étendue de la responsabilité du transporteur compte tenu notamment des causes d’exonération prévues par la loi »295. En d’autres termes, en cas de litige, la juridiction administrative pourra moduler le montant de la sanction ; mais cette circonstance n’a pas forcément un effet stimulant sur les compagnies aériennes qui aspirent à maximiser leur profit et n’ont pas d’intérêt à prendre de risques en permettant le voyage des étrangers souhaitant demander l’asile, alors que le bien-fondé de leur récit devra encore faire l’objet d’un examen devant les autorités administratives françaises chargées de l’examen de la demande de protection internationale. Ce risque est confirmé dans la pratique : les transporteurs aériens préfèrent refuser l’embarquement d’un étranger souhaitant demander l’asile plutôt que de prendre le risque d’être sanctionnés, « ce qui s’apparente à une véritable violation du droit d’asile »296. L’analyse du droit positif français et la position du Conseil constitutionnel a mis en évidence que, lors de la transposition de la directive, le législateur français a veillé au respect de la Convention de Genève. En revanche, les dispositions de cette Convention sont valables uniquement lorsque l’étranger se trouve sur le territoire français. Dès lors, son sort est pratiquement entre les mains des trans292
Cons. const., 25 février 1992, N8 92 – 307 DC, ECLI:FR:CC:1992:92.307.DC. Ibid., paragraphe 32. 294 Ibid. 295 Ibid., paragraphe 33. 296 V. Baudet-Caille, « Les ‹contrôleurs d’immigration› », https://www.gisti.org/spip.php? article4206#nb5 (consulté le 23 avril 2018). 293
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porteurs dont les obligations ne sont pas clairement explicitées dans la législation. Cette lacune importante contribue à l’ineffectivité de l’accès à la procédure d’asile. II. La jurisprudence administrative relative à la portée des obligations des transporteurs Les inquiétudes précédemment formulées sont parfaitement illustrées dans la pratique. Dans une affaire portée devant la Cour administrative d’appel de Paris, la compagnie aérienne Air France a contesté le montant qui lui a été imposé à la suite de l’embarquement d’un ressortissant malien ayant présenté un récépissé de demande d’asile valant autorisation de séjour ainsi qu’autorisation de recherche et d’occupation d’emploi, dont la validité expirait 3 mois après l’arrivée de cette personne sur le territoire français297. Dans son appréciation, pour justifier le rejet du recours de la société requérante, la Cour administrative d’appel s’est appuyée sur le « caractère aisément décelable de l’irrégularité relevée et [l] défaut pour la Compagnie nationale Air France d’établir l’existence de circonstances particulières »298. Néanmoins, cette juridiction n’a invoqué, à aucun moment, la circonstance que le requérant avait l’intention de solliciter l’asile. De manière similaire, dans une autre affaire portée devant la Cour administrative d’appel de Paris, était en cause la contestation d’un arrêt du Tribunal administratif de Paris qui a infligé une amende de 5 000 E à la société Middle East Airlines Air Liban à la suite du débarquement d’un ressortissant syrien non muni de document de voyage299. À son arrivée sur le territoire français, le ressortissant syrien a introduit une demande de protection internationale qui a été rejetée par le ministre chargé de l’immigration en tant que manifestement infondée. Dès lors, infliger une amende à la société requérante ne se heurtait à aucun obstacle juridique. Néanmoins, et conformément à la réserve d’interprétation formulée par le Conseil constitutionnel, la juridiction de céans a examiné la possibilité de réduire le montant de l’amende. La société requérante n’étant pas en mesure de produire une photocopie du document de voyage que l’étranger lui aurait présenté lors de l’embarquement300, la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé la décision de première instance. Ensuite, dans une affaire devant la Cour administrative d’appel de Paris, la société requérante a demandé la réduction du montant de l’amende infligée en excipant notamment la demande d’asile, même infondée, de la famille dont elle a organisé le transport301. La juridiction de céans a relevé à cet égard que « ces éléments ne constituent pas des circonstances particulières de nature à permettre une ré297
CAA de Paris (4ème ch.), 10 février 1998, n. 96PA02799. Ibid. 299 CAA de Paris (4ème ch.), 20 septembre 2011, n. 10PA03720. 300 Ibid. La même logique ressort d’un autre arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris. CAA de Paris (4ème ch.), 7 juin 2011, n. 10PA02398. 301 CAA de Paris (4ème ch.), 7 juin 2011, n. 10PA02910. 298
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duction, en l’espèce, de l’amende »302. En effet, aux yeux de cette juridiction, le fait que les demandes d’asile ont été rejetées comme manifestement infondées a constitué une autorisation de faire primer les considérations sécuritaires sur le respect nécessaire du droit d’asile. C’est ainsi que cette juridiction a souligné le caractère aisément décelable de l’irrégularité et l’absence de collaboration de la société avec les services de police au moment du débarquement303. La société requérante a autorisé l’embarquement des demandeurs d’asile, mais elle ne pouvait pas évaluer le caractère manifestement infondé de leur demande, ce qui était le cas en l’occurrence, et cette circonstance a justifié le maintien de la somme initiale de l’amende infligée. En effectuant des recherches dans la base de données des arrêts des juridictions administratives, l’absence des décisions dans lesquelles sont en cause les compagnies aériennes demandant la réduction du montant de l’amende au titre d’asile est frappant et atteste, à l’évidence, que cette règlementation a conduit à la disparition même du problème qui est liée au comportement adopté par les compagnies aériennes qui, afin d’éviter les sanctions, privilégient de lutter contre l’immigration illégale au moyen d’un contrôle strict des passagers lors de l’embarquement304. Ce comportement rend, en fin de compte, impossible l’accès au territoire au titre de l’asile pour ceux souhaitant entrer sur le territoire de l’État de destination en toute légalité pour solliciter ensuite l’asile. *
Le droit d’asile en droit allemand et en droit français est doté d’une portée territorialement limitée. En ce qui concerne la portée de l’interdiction de refoulement, la règlementation nationale au niveau constitutionnel donne l’impression que la « protection par ricochet » préconisée par la Cour européenne sur le terrain de l’article 3 combiné à l’article 13 de la Convention pourrait être réceptionnée de manière adéquate305. En France, la réception d’une telle solution est plus facilement concevable, eu égard à son ordre juridique moniste. La pratique révèle cependant des incertitudes importantes concernant la portée de l’interdiction de refoulement dans les deux ordres juridiques examinés. Concernant les différents domaines, comme nous l’avons vu sur le terrain de la portée des obligations des transporteurs aériens, une règlementation détaillée, mais elle-même lacunaire dans le droit de l’Union, incite les États membres à accorder 302
Ibid. Ibid. 304 Il convient d’ajouter que les contentieux administratifs relatifs à la remise en question des sanctions à l’encontre des transporteurs continuent d’exister, mais sont principalement liés au fait que ces compagnies n’arrivent pas toujours à dépister le caractère faux ou falsifié des documents de voyage. 305 En ce qui concerne l’expression « protection par ricochet », on la droit au Professeur Sudre. Voir : F. Sudre, « Extradition et peine de mort ; arrêt Soering de la Cour européenne des droits de l’homme, du 7 juillet 1989 », RGDIP, 1990, tome 94/1990, n. 1, p. 103 – 121. 303
Titre I: Les incertitudes caractérisant l’accès au territoire au titre de l’asile
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une protection ne dépassant pas celle prônée au niveau européen. Il en va de même en l’absence de règlementation en droit de l’Union, dans le domaine de l’octroi du visa de long séjour au titre de l’asile, les États faisant l’objet de notre étude témoignent de réticence pour accorder une protection plus étendue aux demandeurs d’asile, celle-ci allant d’une garantie implicite au rejet massif de ce type de visa.
Conclusion du Titre I La relation présentée entre le droit conventionnel et le droit de l’Union génère des incertitudes. D’un côté, la jurisprudence de la Cour européenne est enfermée dans sa démarche casuistique, qui ne permet pas de tirer de conclusions rapides et à long terme relatives à une conception ferme des exigences tenant à l’effectivité de l’accès au territoire au titre de l’asile. Cependant, il est indéniable que la jurisprudence de la Cour européenne, que ce soit volontaire ou non, prévoit des exigences dont le respect crée une véritable obligation positive pour les États de garantir l’accès au territoire. D’un autre côté, l’ordre juridique de l’Union contient une série d’instruments juridiques dont les règles précises relèvent, en fin de compte, des spécificités du droit de l’Union. Si certains de ces instruments prévoient le respect de la jurisprudence de la Cour européenne, les spécificités mentionnées fragilisent la portée de l’obligation de non-refoulement. Or, la pluralité des réponses apportées au niveau européen contribue à l’ineffectivité de l’accès au territoire au titre de l’asile. Compte tenu de ces incertitudes, les droits nationaux déterminent les conditions d’accès au territoire en s’appuyant sur leurs traditions constitutionnelles respectives, y compris le maintien du droit d’asile territorialement limité, tout en restant ouverts au dialogue vertical. La qualité de cette ouverture est, en revanche, tributaire d’un dialogue horizontal au niveau européen. Dès lors, pour éliminer les incertitudes caractérisant l’accès au territoire au titre de l’asile, un dialogue entre les protagonistes au niveau européen est indispensable afin que cet accès soit garanti de manière effective sur le plan national. De surcroît, en s’appuyant sur l’obligation de non-refoulement, les instances juridictionnelles nationales devraient faire en sorte que les règlementations lacunaires en droit de l’Union ne les empêchent pas d’accorder aux demandeurs d’asile une protection plus étendue. En effet, la disparité des solutions nationales est susceptible de fragiliser cet accès et conduit aux inégalités d’un État à l’autre en termes de l’effectivité de l’accès au territoire au titre de l’asile.
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1ère partie: L’incohérence dans la détermination des garanties
Titre II: Une approche divergente dans la détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale Lorsque les ressortissants de pays tiers parviennent à entrer sur le territoire de l’Union européenne et manifestent leur intention de solliciter l’asile, les autorités nationales relèvent sans tarder l’empreinte digitale de tous les doigts des demandeurs d’asile âgés d’au moins 14 ans et la transmettent, dès que possible, au système central306. Le respect de ce processus permet d’effectuer l’identification de l’étranger et de déterminer l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale307. Ce processus conduit à l’ouverture de la procédure d’asile et constitue ainsi son préalable. Les règlements Dublin contiennent une série de critères et la hiérarchie de ces critères permet de déterminer ponctuellement l’État membre responsable et, par conséquent, de déclencher la procédure d’asile dans cet État. Néanmoins, cela ne signifie pas, pour autant, que les États membres soient contraints de suivre en toutes circonstances l’ordre hiérarchique de ces critères. En effet, une certaine marge de manœuvre est laissée au bénéfice des États membres, que les différentes clauses dérogatoires incarnent. Leur utilisation permet ainsi de maintenir le droit d’examen de la demande de protection internationale. Par ailleurs, même si l’État membre responsable est identifié, l’évaluation de la légalité du transfert est impérative à un double point de vue. Premièrement, nonobstant le caractère sûr des États membres de l’Union, l’existence de disparités non négligeables dans les différents ordres juridiques nationaux exclut tout automatisme. Ce constat n’est pas remis en question par la prédominance du principe de confiance mutuelle qui ne peut pas être invoqué de manière aveugle. Deuxièmement, et par conséquent, la Cour européenne est compétente, à travers la marge d’appréciation que les différentes clauses dérogatoires permettent, pour évaluer la conventionnalité des transferts. Dès lors, un dialogue entre les deux organes juridictionnels européens s’avère indispensable afin d’établir des règles uniformes régissant la procédure de détermination de l’État responsable et d’empêcher le transfert vers un État où les droits fondamentaux et, en particulier, l’interdiction de 306
Article 9(1) du règlement (UE) n. 603/2013, préc. Il convient d’ajouter que cette règle a fait l’objet de dérogations temporaires liées au système de relocalisation des demandeurs de protection internationale au sens de la décision (UE) 2015/1601 précitée. Nous n’analysons pas cette problématique dans la présente thèse, puisque la dérogation aux règles de Dublin s’effectue en faveur de l’Italie et de la Grèce dont le système juridique ne rentre pas dans notre champ d’étude. En effet, en vertu des dispositions relatives au champ d’application de la décision, la relocalisation ne peut concerner qu’un demandeur ayant introduit sa demande de protection internationale en Italie ou en Grèce et à l’égard duquel ces États membres auraient autrement été responsables en vertu du règlement Dublin III (article 3(1)). 307
Titre II: La détermination de l’État membre responsable de l’examen
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refoulement ne sont pas respectés. En effet, cette circonstance est susceptible de rendre illusoire l’accès à la justice. L’établissement d’un dialogue peut ainsi contribuer à la sécurité juridique et à la lisibilité des règles juridiques applicables et rend, in fine, l’accès à la procédure d’asile effectif tant sur le plan européen (Chapitre I) qu’au niveau national (Chapitre II).
Chapitre I: Les priorités différentes des organes juridictionnels européens au sujet de la détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale La légalité du transfert d’un demandeur d’asile vers l’État responsable est examinée par les organes juridictionnels européens. Rappelons que le dédoublement de compétence résulte du fait que la Cour européenne examine la conventionnalité des transferts dans le cadre de l’appréciation de l’existence de mauvais traitements sur le terrain de l’article 3 de la Convention combiné à son article 13. Quant à la Cour de justice, celle-ci est compétente pour interpréter les textes constituant la base juridique de la procédure Dublin. Eu égard à ce dédoublement, les interrogations sur la cohérence entre la jurisprudence de la Cour européenne et celle de la Cour de justice sont incontournables afin d’évaluer la réception de leur acquis jurisprudentiel dans le droit interne, une disparité jurisprudentielle entre les protagonistes pouvant engendrer des violations futures dans les pratiques administratives et les jurisprudences nationales. La cohérence de la politique jurisprudentielle des organes juridictionnels étudiés dépend de multiples facteurs. D’un côté, la Cour de justice attache une signification particulière au droit positif de l’Union. D’un autre côté, l’application de cet ensemble normatif se fait à travers le prisme sensiblement différent de ces organes. Tandis que les préoccupations de la Cour européenne sont centrées quasi exclusivement sur la protection des droits de l’Homme, la Cour de justice interprète le droit de l’Union « dans le cadre de la structure et des objectifs de l’Union »308. C’est ce dernier aspect qui nous permet d’identifier les éventuels points de discordance entre les organes juridictionnels européens et d’examiner si ceux-ci sont vraiment disposés à dialoguer afin de contribuer à l’émergence d’un « acquis Dublin » uniformisé. À cette fin, il convient d’adopter une approche historique. Dans un premier temps, l’étude mettra en évidence la relation fortement variable des organes européens étudiés, allant d’une indifférence totale jusqu’à une véritable tension entre eux (Section I). À la suite de l’entrée en vigueur du règlement Dublin III, une ambiance conciliante commence à caractériser le travail de ces organes, laissant espérer l’établissement d’un dialogue fructueux entre eux (Section II). 308
CJUE, 18 décembre 2014, 2/13, préc., paragraphe 170.
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1ère partie: L’incohérence dans la détermination des garanties
Section I: L’insuffisance du dialogue entre la Cour européenne et la Cour de justice Le régime d’asile européen commun puise ses sources dans la conclusion des différents accords internationaux conclus hors des institutions communautaires par les États membres309. L’accord de Schengen n’a pas réglé la question de la détermination de l’État responsable de l’examen de la demande d’asile310. La Convention de Dublin fait partie des accords conclus entre ces États afin de régler les modalités d’octroi de l’asile dans un espace sans frontières311. L’adoption de cet instrument a incité la Cour européenne à définir les contours d’une politique jurisprudentielle destinée à évaluer la conventionnalité des mesures adoptées sur le fondement d’une Convention issue, certes, d’une coopération intergouvernementale, mais adoptée en vue de réaliser les objectifs du Traité instituant la Communauté économique européenne (§ 1). Les conclusions de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 ont été adoptées lors d’une réunion spéciale consacrée à la création d’un espace de liberté, de sécurité et de justice dans l’Union européenne312. L’un de ses objectifs était l’établissement d’un régime d’asile européen commun qui soit caractérisé par un processus d’harmonisation intense, permettant, ce faisant, de faire face ensemble aux nouveaux défis en matière d’asile. Ce processus a impliqué d’élaborer une « méthode claire et opérationnelle pour déterminer l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile, des normes communes pour une procédure d’asile équitable et efficace, des conditions communes minimales d’accueil des demandeurs d’asile, et le rapprochement des règles sur la reconnaissance et le contenu du statut de réfugié »313. Le rapprochement graduel des législations nationales en conséquence et l’adoption du règlement Dublin II314 ont, ensuite, contribué à façonner le droit de l’Union, dont la 309 L. Potvin-Solis, « Le régime d’asile européen commun : l’impératif de progrès d’un cadre constitutionnel partagé », In : La réforme de l’asile mise en œuvre, 2017, p. 18. 310 Accord entre les Gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signé à Schengen le 14 juin 1985, JO L 239, 22 septembre 2000, p. 13. 311 Convention relative à la détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres des Communautés européennes – Convention de Dublin, JO C 254 du 19. 08. 1997, p. 1 – 12. 312 Conclusions de la Présidence du Conseil européen de Tampere, 15 et 16 octobre 1999, introduction. 313 Ibid., partie II. 314 Règlement (CE) n8 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, JO L 50 du 25. 2. 2003, p. 1 – 10. Un règlement relatif aux modalités d’application du règlement Dublin II a également été adopté. Règlement (CE) n8 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003
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priorité était non seulement la protection des droits fondamentaux mais également la réalisation des objectifs spécifiques de l’Union (§ 2).
§ 1 L’établissement des principes pour déterminer l’État membre responsable au sens de la Convention de Dublin Tout d’abord, il convient de se focaliser sur les objectifs principaux des auteurs de la Convention de Dublin en vue de comparer sa logique sous-jacente avec celle caractérisant la jurisprudence de la Cour européenne. Il ne fait guère de doute que, comme le préambule de cette Convention le suggère315, l’objectif principal de celleci est de garantir l’examen de la demande de protection internationale en toutes circonstances (A). Eu égard à cet objectif protecteur et en l’absence des règles techniques détaillées relatives à la détermination de l’État membre responsable, force est de constater que la coexistence des systèmes européens de protection des droits fondamentaux, en matière de détermination de la responsabilité de l’examen de la demande d’asile, n’a été confrontée à aucune difficulté particulière pour mettre en œuvre cet objectif (B). A. Le système de la Convention de Dublin fondé sur une coopération intergouvernementale Au-delà du fait que le nombre des demandes de protection internationale n’était pas particulièrement élevé lorsque la Convention de Dublin était en vigueur, ce sont les objectifs (I) et le fonctionnement en pratique (II) de cette Convention qui aident à comprendre les réticences initiales de la Cour européenne. I. Les objectifs de la Convention de Dublin La Convention de Dublin a été signée le 15 juin 1990, dans le cadre d’une coopération intergouvernementale, par douze États membres. Si les signataires de la Convention ont affirmé leur engagement à respecter la Convention de Genève et le Protocole additionnel de New York316, l’adoption de cet instrument juridique a également été motivée par des objectifs pragmatiques. Dans cette optique, les signataires ont mis l’accent sur l’établissement d’un espace sans frontières intérieures portant modalités d’application du règlement (CE) n8 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, JO L 222 du 5. 9. 2003, p. 3 – 23. 315 Convention de Dublin, deuxième considérant. 316 Protocole relatif au statut des réfugiés conclu à New York le 31 janvier 1967.
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au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes317. Néanmoins, la libre circulation des personnes et, par conséquent, l’ouverture des frontières internes ont engendré des problèmes, résultant notamment des mouvements secondaires et ainsi des demandes de protection internationale déposées dans plusieurs États membres318. Par ailleurs, cette ouverture a conduit au phénomène des « demandeurs d’asile en orbite », ce qui signifie que certains demandeurs d’asile pouvaient être privés de l’examen de leur demande319. C’est ce dernier argument qui a constitué le leitmotiv exprès conduisant à l’adoption de la Convention de Dublin. En effet, en garantissant un système de détermination d’un seul État responsable, les ressortissants de pays tiers souhaitant demander l’asile ne seraient pas privés de l’accès à la procédure d’asile320. Autrement dit, par l’adoption de la Convention de Dublin, ses auteurs ont garanti l’accès à la procédure d’asile. Les dangers évoqués ont justifié la rationalisation du traitement des demandes d’asile à travers l’idée que l’Union est conçue comme une « communauté de droit » et même comme une « communauté de valeurs »321. Cette notion se réfère à l’ensemble des États partageant les principes directeurs de la Convention de Genève et du Protocole additionnel de New York, tout en maintenant leurs traditions juridiques respectives. Cependant, la pratique a relevé, dès le début, certains points névralgiques qui ne peuvent pas forcément résister à l’épreuve de la conventionnalité. II. Le fonctionnement en pratique de la Convention de Dublin La logique fondamentale de la Convention de Dublin visait à déterminer un seul État faisant partie de cette communauté d’États qui soit responsable de l’examen de la demande d’asile, et ce, sur la base des critères ponctuels définis dans la Convention. Or, déterminer un seul État responsable implique que les autres États signataires de la Convention reconnaissent cette responsabilité, renoncent à la leur et sont confiants que la procédure d’asile menée dans l’État membre responsable sera conforme à leur droit national. Cette confiance est fondée sur la signature de la Convention de Genève et du Protocole additionnel de New York, qui sont considérés comme des vecteurs pour un seuil de protection a minima en matière d’asile. Ainsi, le respect de ces instruments internationaux permet de présumer l’équiva317
Convention de Dublin, troisième considérant. K. Kloth, « The Dublin Convention on Asylum: a general presentation », In : The Dublin Convention on Asylum, 2001, p. 8. 319 Convention de Dublin, quatrième considérant. 320 En réalité cependant, hormis ces objectifs ambitieux, la volonté des signataires était aussi de dissuader les demandeurs d’asile de choisir le lieu de protection ainsi que de faciliter l’éloignement des demandeurs déboutés. N. J. Blake, « The Dublin Convention and rights of asylum seekers in the European Union », In : Implementing Amsterdam, 2001, p. 104. 321 CJCE, Parti écologiste ‹Les Verts› c. Parlement européen, 23 avril 1986, 294/83, ECLI:EU:C:1986:166, paragraphe 23. 318
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lence de la protection des droits fondamentaux garantie dans chacun des États membres. Cependant, la Convention ne dit rien, textuellement, d’une telle présomption, ni non plus de son éventuel caractère réfragable. La Convention de Dublin définit également les limites de cette confiance implicite, lorsqu’elle prévoit la possibilité de réserver le droit d’examiner la demande de protection internationale en ayant recours aux clauses dérogatoires. Concrètement, en vertu de l’article 3, paragraphe (4) de cette Convention, « [c]haque État membre a le droit d’examiner une demande d’asile qui lui est présentée par un étranger, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères définis par la présente convention, à condition que le demandeur d’asile y consente »322. Dans la pratique, cette clause dite de « souveraineté » a contribué à la célérité de la procédure d’asile puisque, lorsque les autorités nationales estimaient qu’une demande d’asile était manifestement mal fondée, une décision rapide permettait le refoulement du demandeur débouté dans les meilleurs délais323. Cette pratique a été vivement critiquée par la doctrine, en prônant une définition plus circonscrite de la clause de souveraineté324. Hormis cet usage pragmatique, le libellé de la clause de souveraineté est muet sur les motifs justifiant son applicabilité. La Convention d’application de l’Accord de Schengen prévoit une disposition similaire en son article 29, paragraphe (4), en vertu de laquelle « [n]onobstant le paragraphe 3, toute Partie Contractante conserve le droit, pour des raisons particulières tenant notamment au droit national, d’assurer le traitement d’une demande d’asile même si la responsabilité au sens de la présente Convention incombe à une autre Partie Contractante »325. Il est communément admis que l’introduction de cette clause était motivée par la possibilité d’octroyer l’asile constitutionnel par les États membres326. Cependant, le renvoi au droit national a considérablement élargi l’horizon de son champ d’application, d’autant plus que la pratique nationale a 322 Convention de Dublin, article 3(4). Il convient encore de mentionner la clause humanitaire dans l’article 9 de la Convention de Dublin, aux termes duquel « [t]out État membre peut, alors même qu’il n’est pas responsable, en application des critères définis par la présente convention, examiner pour des raisons humanitaires, fondées notamment sur des motifs familiaux ou culturels, une demande d’asile, à la requête d’un autre État membre et à condition que le demandeur d’asile le souhaite ». Cette règle est cependant assortie de deux conditions : premièrement, l’écart des critères de la détermination se fait à la demande d’un autre État et non à sa propre initiative et deuxièmement, il exige le consentement du demandeur d’asile. Dans cette mesure, l’analyse de cette clause ne relève pas de notre champ d’étude, sa portée n’étant pas liée à la confiance d’un État membre envers un autre. 323 K. Kloth, « The Dublin Convention on Asylum… », opt. cit., p. 22. 324 J. van der Klaauw, « The Dublin Convention : a difficult start », In : Schengen’s final days ?, 1998, p. 85. 325 Convention d’application de l’Accord de Schengen, article 29(4). 326 S. Morgades-Gil, « The discretion of States in the Dublin III system for determining responsibility for examining applications for asylum : what remains of the sovereignty and humanitarian clauses after the interpretations of the ECtHR and the CJEU ? », IJRL, Vol. 27 (2015), no. 3, p. 437.
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également eu recours à cette clause lorsque le pays tiers, vers lequel le refoulement était prévu, n’était pas considéré comme un pays tiers sûr327. Or, une telle solution fait écho à la « protection par ricochet » au sens de la jurisprudence Soering328 et suggère la prise en compte, au moins implicitement, des évolutions jurisprudentielles de la Cour européenne. En effet, examiner le caractère sûr du pays de destination suppose de vérifier certains facteurs préalablement à l’éloignement, en niant ainsi l’automaticité de son exécution. On a ainsi, d’un côté de l’échiquier, le système normatif de la Convention de Dublin qui, bien qu’elle prévoie certains objectifs spécifiques à la structure de l’Union, accorde une marge de manœuvre importante aux États membres. De l’autre côté, on a la Convention européenne et la jurisprudence de la Cour européenne qui se greffe sur celle-ci. Les nombreuses zones d’ombre normatives dans la Convention de Dublin ont permis à la Cour européenne d’élaborer sa propre jurisprudence relative aux affaires Dublin. B. L’interprétation de la Convention de Dublin par la Cour européenne : l’octroi d’un label de conventionnalité au système de détermination de l’État membre responsable Dans l’affaire T.I. contre Royaume-Uni329, la Cour européenne a évalué, pour la première fois, la conventionnalité du système instauré par la Convention de Dublin. Si cette juridiction reconnaît formellement sa conventionnalité, elle émet cependant certaines réserves, en soulignant pour la première fois la fragilité du système de la Convention de Dublin (I). De plus, la Cour a proposé une grille de lecture aux États membres afin de vérifier la légalité du transfert (II).
327
K. Kloth, « The Dublin Convention on Asylum… », op. cit., p. 22. Cour EDH (Plénière), Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, n. 14038/88, ECLI: CE:ECHR:1989:0707JUD001403888. Dans cette affaire, la Cour EDH a examiné la conventionnalité de l’extradition d’une personne condamnée à mort aux États Unis. En s’appuyant sur la théorie de la « protection par ricochet », la Cour EDH a vérifié le sort possible du requérant après son extradition et la responsabilité indirecte du Royaume-Uni pour un traitement inconventionnel. La Cour EDH n’a pas admis ainsi l’automaticité de l’extradition en effectuant une appréciation générale combinée à une appréciation individuelle. Concrètement, la Cour EDH a pris en considération, d’une part, certains critères généraux tenant notamment aux conditions et à la durée de la détention après l’extradition, et, d’autre part, certains critères subjectifs, en particulier l’âge et l’état mental du requérant. Il ressort de l’analyse de cet arrêt que la Cour EDH a procédé à une appréciation générale du contexte juridique entourant l’extradition, avant de se pencher sur l’examen de la situation individuelle du requérant. 329 Cour EDH (3ème section), T.I. contre Royaume-Uni, 7 mars 2000, n. 43844/98, ECLI:CE:ECHR:2000:0307DEC004384498. 328
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I. La présomption de conventionnalité du système de détermination de l’État responsable En ce qui concerne le cadre factuel de l’affaire T.I., à la suite du rejet de sa demande d’asile, le demandeur, d’origine sri-lankaise, a quitté l’Allemagne et a déposé une demande d’asile au Royaume-Uni. Conformément aux dispositions de la Convention de Dublin, les autorités allemandes ont été saisies d’une requête de reprise en charge qui a été acceptée. Devant la Cour européenne, le requérant a fait valoir notamment que son refoulement vers l’Allemagne porterait atteinte à l’article 3 de la Convention, l’Allemagne ne reconnaissant pas comme réfugiés les personnes persécutées par des éléments indépendants de l’État330. En d’autres termes, le requérant a mis en cause la responsabilité du Royaume-Uni en raison d’un possible refoulement en chaîne, eu égard notamment au fait que l’Allemagne avait déjà rejeté sa demande d’asile et que la portée du réexamen serait réduite. Si c’est l’Allemagne qui est directement responsable du refoulement, le Royaume-Uni peut empêcher que des conséquences irréversibles se produisent avant le transfert, et ce, via un examen de la conventionnalité du système d’asile allemand. Dans son appréciation, la Cour européenne a examiné trois facteurs pour vérifier la conventionnalité des démarches des autorités britanniques. En premier lieu, et du point de vue formel, la Cour européenne a vérifié si la responsabilité du RoyaumeUni pouvait être mise en cause en raison de l’exécution systématique des obligations découlant de la Convention de Dublin. À cet égard, l’argumentation du Gouvernement révèle une différence dans la vision que les auteurs de la Convention de Dublin et la Cour européenne semblent partager. Le Gouvernement s’est appuyé, en effet, sur une perception traditionnelle de la confiance unissant les États signataires de la Convention de Dublin, arguant que le Royaume-Uni ne peut pas vérifier si le comportement d’un autre État contractant, en l’occurrence l’Allemagne, est conforme à la Convention européenne, puisque cela « compromettrait le bon fonctionnement de la Convention de Dublin, mise en application pour attribuer équitablement et efficacement […] la responsabilité de l’examen des demandes d’asile »331. Ce raisonnement suggère qu’une fois la responsabilité de l’Allemagne constatée, il n’est plus nécessaire d’examiner d’autres facteurs pour empêcher le transfert, le système de la détermination de l’État membre responsable étant bloqué par une confiance aveugle, et le recours aux clauses dérogatoires demeure une possibilité exceptionnelle. 330 Ibid. À titre indicatif, à l’époque des faits, l’ancienne directive qualification (directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, JO L 304 du 30. 9. 2004, p. 12 – 23) n’était pas encore en vigueur. 331 Cour EDH, T.I. contre Royaume-Uni, 7 mars 2000, préc.
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En revanche, et en réponse à cette argumentation formaliste, la Cour européenne a relativisé le caractère axiomatique de cette confiance se référant à la protection des droits de l’Homme. En reflétant les préoccupations exprimées par le HCR, la Cour a jugé que « si la Convention de Dublin poursuit des objectifs louables, son efficacité peut être compromise dans la pratique par les approches différentes qu’adoptent les États contractants quant à l’étendue de la protection offerte »332. Cela signifie que le fonctionnement de la Convention de Dublin paraît admissible aux yeux de la Cour européenne, à savoir le système de détermination de l’État membre responsable sur la base des critères ponctuels. En revanche, et dans l’intérêt de garantir une protection étendue des droits de l’Homme, la Cour européenne a créé un climat de méfiance au bon sens du terme entre les États signataires de la Convention de Dublin. Ainsi, le message des juges de Strasbourg est clair : la confiance unissant les États signataires de la Convention de Dublin a ses limites. Mais où celles-ci se situent-elles ? Une réponse claire à cette question aurait le mérite d’uniformiser les conditions dans lesquelles un transfert doit être refusé vers l’État responsable. De surcroît, cette réponse conditionne également l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile en déterminant clairement l’État dans lequel la demande de protection internationale sera examinée. En établissant une présomption visiblement réfragable, la Cour européenne a été amenée à définir ses limites. II. Le possible renversement de la présomption de conventionnalité du système de détermination de l’État responsable En deuxième lieu, et sur le fond, la Cour européenne a, d’abord, vérifié l’existence de risques des mauvais traitements à Sari Lanka en cas de retour du requérant333. Elle a, ensuite, apprécié le traitement réservé au demandeur d’asile dans l’État de destination, l’Allemagne en l’espèce. Dès lors, la préoccupation essentielle de la Cour européenne était la question de savoir « s’il exist[ait] des garanties de procédure effectives, de quelque type que ce soit, qui protègent le requérant contre un refoulement de l’Allemagne vers [le] Sri Lanka »334. Concrètement, afin de s’exonérer de la responsabilité au sens de la Convention européenne, les autorités britanniques auraient dû vérifier le cadre normatif ainsi que la pratique interne en Allemagne, notamment la procédure d’asile et la procédure de refoulement comme possibilité ultime de protection afin de pouvoir constater la légalité du transfert. Ainsi, la Cour examine la conventionnalité du transfert vers l’État membre responsable à la lumière de ces deux facteurs. En ce qui concerne la base juridique 332 Ibid. Certes, les auteurs de la Convention de Dublin ont également reconnu cette faiblesse et ont considéré la Convention comme une première étape pour réaliser l’objectif d’harmonisation des politiques d’asile nationales. 333 Dans les affaires postérieures, les parties ne concentrent plus leurs efforts d’argumentation sur cet aspect, puisque si l’État responsable ne pratique pas le refoulement en chaîne, un tel raisonnement ne peut pas prospérer. 334 Cour EDH, T.I. contre Royaume-Uni, 7 mars 2000, préc.
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permettant de procéder ainsi, si la Convention de Dublin ne prévoit pas l’examen préalable de la légalité du transfert, la portée floue de la clause de souveraineté a permis à la Cour de Strasbourg d’effectuer un contrôle de conventionnalité. En ce qui concerne la méthode choisie à cette fin, la Cour européenne a procédé à une appréciation générale du système d’asile allemand en la projetant sur la situation individuelle du requérant. Premièrement, la Cour a accordé une importance particulière aux assurances données par les autorités allemandes que le requérant ne serait pas refoulé immédiatement après son retour sans, pour autant, exiger de garanties concrètes335. Deuxièmement, Cour européenne a évalué le sort du requérant après son retour en Allemagne, au cas où la demande d’asile serait rejetée336. En troisième lieu, dans le cas d’un éventuel rejet de la demande d’asile, la Cour européenne a examiné les ultimes possibilités visant à empêcher une violation irréversible, à savoir la pratique de refoulement. Dans cette perspective, la Cour européenne est partie de l’évaluation du contexte normatif, jugeant que le droit allemand réserve la possibilité de ne pas ordonner le refoulement en cas de danger sérieux, solution qui a déjà été appliquée aux Tamouls337. Si l’esquisse des scénarios les moins avantageux pour le requérant était nécessaire aux yeux de la Cour européenne, cette dernière, de même que les autorités britanniques, ne pourraient pas anticiper l’issue d’une deuxième procédure d’asile, sans pour autant outrepasser ses compétences et tomber dans des spéculations et suppositions338. En tout état de cause, la grille de lecture proposée par la Cour européenne suppose un échange d’informations entre les États membres concernés avant d’effectuer le transfert. Ce dialogue interétatique porte sur le contexte normatif, comprenant les procédures et les possibilités de recours, ainsi que sur la pratique administrative de l’État responsable. Après avoir obtenu ces éléments, l’État membre chargé de la détermination de la responsabilité doit envisager les possibles scénarios qui peuvent se réaliser à la suite du transfert. Cette solution n’était certainement pas préconisée par les auteurs de la Convention de Dublin. Mais une telle analyse minutieuse constitue la clé permettant d’éviter une éventuelle condamnation devant la Cour européenne. 335 Lorsqu’il s’agit des risques de violation des droits absolus, la Cour européenne a tendance à exiger des garanties détaillées dans le cadre des assurances diplomatiques. H. Dipla, « The contribution of the European Court of Human Rights to the absolute ban of torture : the practice of diplomatic assurances », In : La Convention européenne des droits de l’homme : mélanges en l’honneur de Christos L. Rozakis, 2011, p. 155 – 179. 336 Ainsi, une nouvelle décision d’expulsion doit être rendue qui peut faire l’objet de recours assorti d’un effet suspensif sur demande. Néanmoins, en cas d’une nouvelle demande d’asile, la portée du réexamen demeure limitée. Par ailleurs, l’admission de nouveaux éléments de preuve est limitée et la décision antérieure rejetant la demande d’asile pour défaut de crédibilité réduit considérablement la chance de succès. 337 Cour EDH, T.I. contre Royaume-Uni, 7 mars 2000, préc. 338 Ibid.
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Il ressort du raisonnement de la Cour que si la confiance imprégnant le fonctionnement de la Convention de Dublin paraît en principe conciliable avec la Convention européenne, les Hauts magistrats de Strasbourg ont tout de même émis une feuille de route pour les juridictions nationales sur la méthode permettant d’apprécier la conventionnalité du transfert. Néanmoins, la scène change de décor avec l’entrée en vigueur du règlement Dublin II, permettant à la Cour de justice de faire entendre sa voix.
§ 2 Le règlement Dublin II et ses concrétisations jurisprudentielles devant les organes juridictionnels européens La Convention de Dublin a été remplacée par le règlement Dublin II. L’adoption des conclusions du Conseil européen à Tampere a précédé l’entrée en vigueur de ce règlement, et ces conclusions prévoyaient la réalisation d’une politique européenne commune en matière d’asile, dont la communautarisation a été concrétisée par l’adoption du Traité d’Amsterdam339. Le Protocole sur le droit d’asile pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne figurant dans le Traité d’Amsterdam a réaffirmé le respect des droits fondamentaux, tels qu’ils résultent de la Convention européenne, et a constaté que la Cour de justice est compétente pour assurer que le respect notamment du droit d’asile est garanti et que le protocole respecte la finalité et les objectifs de la Convention de Genève340. Ces postulats ont contribué à un rapprochement axiologique entre les États membres ainsi qu’à créer un climat de confiance entre eux, le rôle de gardien du respect de ces exigences ayant été confié à la Cour de justice. L’objectif de créer une politique commune en matière d’asile a engendré un processus d’harmonisation intense, facilitant la coopération interétatique. Si cette harmonisation était fondée sur le respect mutuel de la Convention de Genève et du Protocole additionnel de New York, celle-ci a également contribué à l’accès effectif aux procédures d’asile au sens du règlement Dublin II et à la célérité dans le traitement des demandes341. Ainsi, l’intensification du processus d’harmonisation impliquait essentiellement deux conséquences. D’une part, les textes du droit d’asile342 339 Le Traité d’Amsterdam a inséré le titre III A intitulé « Visa, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes » dans le premier pilier. JO C 340, 10 novembre 1997, p. 1. 340 Le Protocole sur le droit d’asile pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne figurant dans le Traité d’Amsterdam, considérants (1), (2) et (9). 341 Considérant (4) du règlement Dublin II. 342 Directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres, JO L 31 du 6. 2. 2003, p. 18 – 25 ; Règlement (CE) n8 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système «Eurodac» pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace de la convention de Dublin, JO L 316 du 15. 12. 2000, p. 1 – 10 ; Règlement (CE) n8 407/2002 du Conseil du 28 février 2002 fixant certaines modalités d’application du règle-
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ont été adoptés qui constituent les pierres angulaires d’un processus du rapprochement des législations nationales. D’autre part, et par voie de conséquence, sur la base de ce fondement normatif désormais commun, la confiance dans les systèmes juridiques nationaux s’est renforcée. Lorsque nous regardons de près la structure du règlement Dublin II, la clause de souveraineté a été placée au Chapitre II sur les principes généraux lors de la détermination de l’État responsable. Cette place est particulièrement révélatrice : son usage permet de s’écarter des critères de détermination de responsabilité343. Nonobstant ces évolutions en droit de l’Union, la Cour européenne n’a pas modulé sa jurisprudence, tandis que la Cour de justice s’est alignée sur celles-ci, du moins sur la forme (A). Or, il était indispensable de concilier les différentes visions formulées par les deux organes juridictionnels européens (B). A. L’application du règlement Dublin II par les organes juridictionnels européens : l’établissement d’une jurisprudence à deux vitesses Si la Cour européenne a poursuivi son cheminement jurisprudentiel fondé sur une protection étendue des droits fondamentaux (I), la jurisprudence de la Cour de justice reflète cependant les spécificités caractérisant le règlement Dublin II (II). I. L’adaptation de la jurisprudence de la Cour européenne aux évolutions Dans un premier temps, la Cour européenne s’est montrée indulgente vis-à-vis des dysfonctions du système de Dublin (1). Néanmoins, la « crise migratoire » a marqué un tournant en l’incitant à clarifier ses principes directeurs jurisprudentiels à la lumière de l’arrêt Soering (2).
ment (CE) n8 2725/2000 concernant la création du système ‹Eurodac› pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace de la convention de Dublin, JO L 62 du 5. 3. 2002, p. 1 – 5 ; Règlement (CE) n8 1560/2003 préc. ; Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil, JO L 212 du 7. 8. 2001, p. 12 – 23. 343 Par ailleurs, le règlement Dublin II n’exige plus le consentement du demandeur d’asile pour le transfert.
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1. L’indulgence initiale de la Cour européenne vis-à-vis de la conventionnalité des transferts La Cour européenne s’est, de nouveau, prononcée sur la conventionnalité des transferts dans l’affaire K.R.S.344 en suivant la méthode prônée dans la décision T.I. précitée. Le requérant, ressortissant iranien, a sollicité l’asile au Royaume-Uni. Ce dernier État a adressé une requête de prise en charge à la Grèce, pays par lequel le requérant avait transité pour gagner l’Union européenne. Le requérant a reproché aux autorités britanniques que son transfert vers la Grèce l’exposerait aux traitements contraires à l’article 3 de la Convention, en se référant au risque de refoulement vers son pays d’origine. Fidèle au double contrôle, la Cour a examiné, en premier lieu, l’accès à la procédure d’asile en Grèce. Les rapports du HCR345 et de certaines ONG ont condamné les défaillances de l’accès à la justice en Grèce. De plus, la Commission européenne a engagé un recours en manquement à l’encontre de la Grèce346. Malgré la situation décrite et en recourant à l’équité globale de la procédure (overall fairness), la Cour européenne a relativisé l’importance accordée à ces rapports. Cette souplesse a probablement été motivée par sa distance délibérée du règlement Dublin II. C’est ainsi que les juges de Strasbourg ont relevé que « le système d’asile […] protège les droits fondamentaux, tant en ce qui concerne les garanties substantielles qu’il offre que les mécanismes qu’il prévoit pour contrôler l’observation de ces garanties »347. La grille de lecture proposée par la Cour européenne donne l’impression qu’elle accorde une large confiance au système d’asile établi par les Communautés européennes. En revanche, cela ne signifie pas, pour autant, qu’elle valide l’automaticité des transferts. Mais elle ne se prononce pas clairement sur les conditions à respecter pour valider les transferts, créant ainsi une insécurité juridique et en sapant l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile. En deuxième lieu, et dans le cadre de l’appréciation d’un possible refoulement en chaîne, la Cour a mis en exergue qu’au moment du prononcé de sa décision, la
344 Cour EDH (4ème section), K.R.S. contre le Royaume-Uni, 2 décembre 2008, n. 32733/ 08, ECLI:CE:ECHR:2008:1202DEC003273308. 345 La position exprimée par le HCR était particulièrement alarmante. Celui-ci a critiqué l’accès des rapatriés Dublin au recours effectif, les conditions d’accueil en Grèce et a recommandé aux gouvernements de s’abstenir de transférer les demandeurs d’asile vers la Grèce. Ibid. 346 La Cour de justice a considéré qu’en ne prenant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive accueil alors en vigueur, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 26 de cette directive. CJCE (5ème ch.), Commission des Communautés européennes contre République hellénique, 19 avril 2007, C-72/06, ECLI:EU: C:2007:234. 347 Cour EDH, K.R.S. contre le Royaume-Uni, 2 décembre 2008, préc.
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Grèce ne renvoyait personne vers l’Iran348. En outre, les assurances sur le sort du requérant et sur les voies de recours disponibles dans le système juridique grec constituaient des moyens suffisants, aux yeux de la Cour européenne, pour empêcher les conséquences irréversibles. Sous réserve du contrôle des aspects présentés, la Cour européenne décerne, à nouveau, le brevet de conventionnalité au système d’asile des Communautés européennes, y compris au système de Dublin, et ainsi à son moteur, la confiance mutuelle. L’avènement de la « crise migratoire » a acculé la Cour européenne à revisiter sa jurisprudence et à positionner son analyse sur la situation individuelle des requérants. Les États membres, en particulier ceux situés aux frontières extérieures de l’Union, ont dû faire face à un afflux sans précédent. Cela implique une charge importante de travail, non seulement en termes d’enregistrement des demandeurs d’asile, de leur accueil, mais aussi d’organisation de la procédure d’asile. En effet, conformément au règlement Dublin II, ces États de première entrée portent principalement la responsabilité de l’examen de la demande de protection internationale. Cependant, l’incapacité de garantir un accueil satisfaisant est susceptible de porter atteinte à l’accès effectif à la procédure d’asile. Cela étant dit, ce même règlement réserve la possibilité aux États chargés de la détermination de la responsabilité de faire usage de la clause de souveraineté et de garantir cet accès de manière effective. 2. Une jurisprudence orientée vers la protection des individus : l’arrêt M.S.S. et ses suites La Cour européenne a dû apporter une solution viable au problème de l’encombrement des États membres de première entrée. Les faits de l’arrêt M.S.S. sont connus, l’affaire de grande chambre ayant bénéficié d’un retentissement médiatique important349. Nous les rappelons afin d’éclairer les démarches effectuées par la Belgique en vue de s’exonérer de la responsabilité eu égard à la Convention. Le requérant, ressortissant afghan, est entré sur le territoire de l’Union par la Grèce, où ses empreintes ont été prélevées. Par la suite, il a sollicité l’asile en Belgique. Cette demande a été rejetée au motif que la Grèce était responsable de l’examen de la demande d’asile, responsabilité que la Grèce a acceptée. Pendant la procédure d’asile en Belgique, le HCR a adressé une lettre aux autorités belges recommandant 348
Ibid. À titre subsidiaire, la Cour a relevé que le requérant peut demander la suspension du transfert sous la forme des mesures provisoires au sens de l’article 39 du règlement de la Cour. Certes, les mesures provisoires ont pour objet en droit conventionnel non seulement la sauvegarde de la fonction juridictionnelle, mais également la protection des droits fondamentaux des individus. L. Burgorgue-Larsen, « Retour sur Mamatkoulov : de l’effectivité des mesures provisoires dans le système conventionnel européen », In : L’Union européenne : mélanges en l’honneur du professeur Philippe Manin, 2010, p. 834. 349 Cour EDH (Gde. ch.), M.S.S. c. Belgique et Grèce, 21 janvier 2011, n. 30696/09, ECLI:CE:ECHR:2011:0121JUD003069609.
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la suspension du transfert du requérant vers la Grèce. Aux cours des procédures administratives en Belgique, le requérant a introduit une demande de mesures provisoires devant la Cour européenne en vertu de l’article 39 de son règlement. La Cour européenne a refusé de faire droit à cette demande. Avant de procéder au transfert, les autorités grecques ont donné certaines assurances à leur homologue belge en ces termes : « […] si elle le souhaite, cette personne aura la possibilité de présenter une demande [d’asile] à son arrivée dans le pays »350. Pendant son séjour en Grèce, le requérant ne s’est pas conformé, à plusieurs reprises, à son obligation de coopération avec les autorités compétentes (fuites, défaut de présentation à la préfecture). La Cour a entretemps décidé, à la demande du requérant, d’appliquer le mécanisme prévu par l’article 39 de son règlement. Le requérant a fait valoir que son renvoi vers la Grèce l’exposerait aux traitements prohibés par l’article 3 de la Convention. Concrètement, les autorités belges ont automatiquement appliqué la présomption de confiance mutuelle, alors que l’application du règlement Dublin II ne les dispense pas de vérifier les garanties protégeant le requérant contre le refoulement. Après avoir évalué la conventionnalité du système d’asile grec (a)), la Cour européenne a pris en considération la situation individuelle du requérant (b)). a) L’appréciation générale du système d’asile grec En réponse au raisonnement du requérant, le Gouvernement a souligné que la Grèce est responsable de l’examen de la demande d’asile et que l’applicabilité de la clause de souveraineté devrait être limitée. Cette approche correspond essentiellement à la logique de confiance mutuelle qui imprègne le règlement Dublin II. Les Gouvernements intervenants se sont ralliés à cette position en affirmant que la mise en cause de la détermination de l’État membre responsable ne peut intervenir que « dans des circonstances tout à fait exceptionnelles »351. Ensuite, et sur le fond, le Gouvernement a présenté une grille de lecture similaire à celle guidant la Cour européenne dans l’affaire K.R.S.352. Dans son appréciation relative à la situation générale en Grèce, la Cour s’est laissée guidée par les rapports établis par le HCR, le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe et les différentes ONG. Selon la Cour, ceux-ci ont confirmé les « défaillances de la procédure d’asile et des pratiques de refoule-
350
Ibid., paragraphe 24. Ibid., paragraphe 330. 352 Ibid., paragraphe 328. Premièrement, la Cour européenne n’a pas estimé nécessaire de déclencher le mécanisme prévu dans l’article 39 du règlement. Deuxièmement, le Gouvernement s’est référé, d’une part, aux assurances générales fournies par les autorités grecques sur le système d’asile grec et sur l’abstention du refoulement du requérant vers l’Afghanistan avant qu’elles n’examinent sa demande en substance. D’autre part, cet écrit contenait également des assurances individuelles sur le requérant. 351
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ment »353. Néanmoins, la Cour n’a pas défini ce qu’elle entend par « défaillances », ni le seuil que ces dernières devraient atteindre pour conclure à la violation de l’article 3 de la Convention. Notons toutefois que dans l’arrêt, la Cour reprend le résultat de l’analyse du HCR et du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, en faisant référence au sujet du seuil des défaillances « à une ampleur telle que les demandeurs d’asile ont fort peu de chances de voir leur demande et leurs griefs tirés de la Convention sérieusement examinés par les autorités grecques, et qu’en l’absence de recours effectif[,] ils ne sont pas protégés in fine contre un renvoi arbitraire vers leur pays d’origine »354 Il ne ressort pas cependant de l’arrêt si ce passage fait partie de son propre raisonnement. En ce qui concerne la pratique de refoulement, malgré les assurances données par les autorités grecques en termes généraux sur le non-refoulement du requérant, la Cour européenne n’a pas fourni de précisions sur le contenu exact de ces assurances, aspect important dans une relation interétatique fondée sur la confiance mutuelle. En outre, la Cour européenne a pris en considération la lettre du HCR adressée au ministre responsable de l’immigration en Belgique sur la nécessité de suspendre les transferts vers la Grèce355. Apparemment, cette circonstance constitue un facteur décisif aux yeux de la Cour pour conclure à l’inconventionnalité d’un système d’asile national356. À cela s’ajoute l’analyse du contexte normatif national et européen dont l’application s’impose devant les autorités chargées du transfert. De l’ordre des arguments apparaît que, contrairement à l’affaire K.R.S., la Cour euro353 Ibid., paragraphe 347. Plusieurs rapports ont souligné « la persistance de graves lacunes structurelles observées dans la pratique de la Grèce en matière d’asile ». Voir en ce sens : Rapport de Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à la suite de sa visite en Grèce du 8 au 10 décembre 2008, Strasbourg, le 4 février 2009, CommDH(2009)6, point 41. https://rm.coe.int/16806db815 (consulté le 27 octobre 2017). 354 Cour EDH, M.S.S. c. Belgique et Grèce, 21 janvier 2011, préc., paragraphe 300. 355 Ibid., paragraphe 348. Concernant cet aspect, Le juge Bratza estimait que cette lettre dispose d’une base trop fragile pour conclure à la violation. Opinion partiellement dissidente du juge Bratza, point 11. 356 L’arrêt Sharifi a été rendu à la suite du prononcé de l’arrêt M.S.S., mais le cadre factuel s’est déroulé en automne 2008. Les faits s’apparentent largement à ceux de l’affaire M.S.S. Les rapports cités par la Cour EDH étaient à la fois contradictoires et « volatile and rapidly developing ». Cour EDH (1ère section), Sharifi c. Autriche, 5 décembre 2013, n. 60104/08, ECLI:CE:ECHR:2013:1205JUD006010408, paragraphe 34. Eu égard au caractère incertain de ces informations, la Cour européenne a décidé de maintenir la présomption du respect des droits fondamentaux par la Grèce. Bien que le HCR ait explicitement demandé aux États membres de s’abstenir du transfert vers la Grèce, celui-ci n’a pas adressé spécifiquement de lettre aux autorités autrichiennes à cette fin (paragraphe 34). Par cette appréciation artificielle, la Cour européenne a décerné un label de conventionnalité à la situation prévalant en Grèce à l’époque des faits. Néanmoins, les facteurs rassemblés ont indiqué « l’effet annonciateur » de cette jurisprudence préparant le terrain sur le prononcé de l’arrêt M.S.S. P. Voyatzis, « Les effets des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dans le temps juridique : les cas du revirement de jurisprudence et de la violation potentielle », In : La Convention européenne des droits de l’homme : mélanges en l’honneur de Christos L. Rozakis, 2011, p. 714.
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péenne a accordé davantage de poids à la situation sur le terrain (« Sein ») qu’à la réalité normative, c’est-à-dire aux instruments juridiques issus du droit de l’Union et du droit national (« Sollen »)357. Une telle vision est confirmée par la Cour lorsqu’elle déclare qu’elle accorde davantage de valeur aux sources fiables attestant les pratiques nationales manifestement inconventionnelles358. Avoir un aperçu du système d’asile d’un autre État membre n’est pas en soi contraire à la logique de la confiance mutuelle, mais il n’est pas certain qu’une appréciation individuelle puisse résister à l’épreuve de la confiance mutuelle. b) L’appréciation de la situation individuelle du requérant En ne se contentant pas des assurances diplomatiques générales sur le droit et la pratique administrative internes, la Cour européenne a exigé une « garantie concernant le requérant individuellement »359. Selon la Cour, les autorités belges se sont bornées à fournir des éléments sur la législation applicable « sans information pertinente sur la situation en pratique »360. La Cour ajoute que les autorités belges auraient dû « s’enquérir, au préalable, de la manière dont les autorités grecques appliquaient la législation en matière d’asile en pratique »361. Cette exigence requiert ainsi une obligation positive de la part des autorités belges et implique notamment le contrôle de la question de savoir si l’accès à la procédure d’asile est garanti dans l’État responsable. À ce dernier égard, il ne faut cependant pas perdre de vue qu’en l’espèce, le requérant n’a pas fait preuve de volonté de coopérer avec les autorités grecques, rendant ainsi difficile l’accès à la procédure d’asile. Si la Cour européenne est muette sur cet aspect, le juge Saj| évoque, dans son opinion dissidente, la nécessité de coopérer de bonne foi avec les autorités, nécessité dont la méconnaissance peut nuire au système établi par le règlement Dublin II362 et à l’accès effectif à la procédure d’asile. En tout état de cause, à partir du moment où de telles obligations positives sont requises, la Cour de Strasbourg trouble le fondement même du système de Dublin et met en question la validité de la confiance mutuelle. De surcroît, la Cour européenne n’identifie pas de seuil concret en dessous duquel le risque de mauvais 357 F. Maiani, E. Néraudau-d’Unienville, « L’arrêt M.S.S./Grèce et Belgique de la Cour EDH du 21 janvier 2011 : de la détermination de l’État responsable selon Dublin à la responsabilité des États membres en matière de protection des droits fondamentaux », Revue du droit des étrangers, No. 162 (2011), p. 10. 358 Cour EDH, M.S.S. c. Belgique et Grèce, 21 janvier 2011, préc., paragraphe 353. 359 Ibid., paragraphe 354. 360 Ibid. 361 Ibid., paragraphe 359. 362 Cour EDH, M.S.S. c. Belgique et Grèce, 21 janvier 2011, préc., opinion partiellement dissidente du juge Saj|. Bien que le juge Saj| écarte finalement cet aspect, la Belgique ne pouvant pas prévoir que le demandeur tenterait de contourner le système d’asile grec après y avoir retourné, cet aspect constitue également un facteur empirique à prendre en considération.
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traitement devient suffisamment réel et individualisé363. Or, un tel raisonnement opaque pourrait facilement inciter les États membres à recourir systématiquement à la clause de souveraineté, démarche qui est susceptible de mettre en cause la raison d’être du système de Dublin. De manière générale, par l’utilisation désormais régulière d’une double analyse (appréciation générale et individuelle), la Cour européenne a sans nul doute contribué à l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile, mais elle est entrée en même temps sur un terrain glissant susceptible d’affaiblir la portée de la confiance mutuelle sur laquelle le système de Dublin est fondé. C’est ainsi que la réponse de la Cour de justice était particulièrement attendue en vue de préciser la portée des vérifications relatives au système d’asile de l’État membre responsable. II. La position ferme de la Cour de justice relative à l’interprétation du règlement Dublin II Dans les affaires jointes N.S., M. E. et autres, les juridictions de renvoi ont interpellé la Cour de justice sur les effets de l’arrêt M.S.S. sur l’interprétation du règlement Dublin II364. Le contexte factuel de ces affaires s’apparente à celui de l’arrêt M.S.S., la problématique principale tenant à la conformité du transfert du requérant vers la Grèce au droit de l’Union. Dès lors, la question préjudicielle principale a porté sur l’obligation qu’a l’État chargé du transfert de vérifier, préalablement au transfert, si l’État responsable respecte les droits fondamentaux et si le respect des droits fondamentaux constituait une présomption irréfragable365. En cas de réponse négative à ces questions, les juridictions de renvoi souhaitaient de savoir si l’État chargé du transfert était tenu d’examiner lui-même la demande de protection internationale366. Dans son appréciation, la Cour de justice présente le cadre constitutionnel du système européen commun d’asile (1) afin de justifier sa réponse relative à la présomption du respect des droits fondamentaux sur le fondement de la confiance mutuelle (2) et aux limites de cette présomption (3). 1. Les spécificités du système européen commun d’asile La Cour de justice commence son analyse en mettant l’emphase sur la protection des droits fondamentaux, en particulier sur le principe de non-refoulement. Immédiatement après, la Cour de justice se plonge dans la présentation des spécificités caractérisant la protection des droits fondamentaux dans l’ordre juridique de 363
Cour EDH, M.S.S. c. Belgique et Grèce, 21 janvier 2011, préc., paragraphe 359. CJUE (Gde. ch.), N. S. (C-411/10) contre Secretary of State for the Home Department et M. E. et autres (C-493/10) contre Refugee Applications Commissioner et Minister for Justice, Equality and Law Reform, 21 décembre 2011, aff. jointes C-411/10 et C-493/10, ECLI:EU:C:2011:865. 365 Ibid., paragraphes 70 – 71. 366 Ibid., paragraphe 72. 364
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l’Union. Tout d’abord, le respect de ces droits est ancré non seulement dans le droit primaire, mais aussi dans le droit dérivé. En effet, les instruments juridiques faisant partie du système européen commun d’asile contiennent désormais des « normes élevées en matière de protection », et le respect de cet ensemble normatif permet de présumer que les demandeurs d’asile « bénéficient d’un traitement de niveau équivalent quant aux conditions d’accueil, et de niveau égal quant aux modalités procédurales et à la détermination de leur statut »367. C’est ainsi que l’arrêt met en lumière que « le système européen commun d’asile […] a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des États y participant […] respectent les droits fondamentaux, […] et que les États membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard »368. Dès lors, la pierre angulaire du système européen commun d’asile est, d’un côté, le respect mutuel des normes tant primaires que dérivées, et ces dernières comprennent non seulement des règles destinées à protéger les droits fondamentaux, mais également des règles techniques permettant de se prononcer rapidement sur une demande d’asile. De l’autre côté, la Cour de justice évoque la confiance dans le plein respect de ces règles. Concrètement, la Cour de justice érige la confiance mutuelle au rang des principes dont la nature n’est pas clairement identifiée. Son rôle est cependant clair : le principe de confiance mutuelle contribue à la rationalisation du traitement des demandes d’asile, à la célérité de ce traitement369, il permet d’éviter l’engorgement du système de Dublin et le forum shopping. Autrement dit, aux yeux de la Cour de justice, le principe de confiance mutuelle est conçu dans ce contexte pour réaliser les intérêts étatiques consistant à régulariser le statut des ressortissants de pays tiers présents sur leur territoire, et ce, dans les plus brefs délais. Reste à savoir comment cette conception est mise en équilibre avec le respect des droits fondamentaux lors du traitement des demandes d’asile. 2. La présomption du respect des droits fondamentaux La solution proposée par les juges de plateau du Kirchberg est l’établissement d’une présomption en vertu de laquelle le traitement réservé aux demandeurs d’asile est conforme aux exigences de la Charte, de la Convention européenne et de 367 Programme de Stockholm – une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens, JO C 115 du 4. 5. 2010, p. 1 – 38, point 6.2. De nouveaux textes d’asile ont été adoptés : Directive 2005/85/CE du Conseil du 1 er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, JO L 326 du 13. 12. 2005, p. 13 – 34 ; Directive 2011/95/UE, préc. ; Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, JO L 348 du 24. 12. 2008, p. 98 – 107 ; Règlement (UE) n 8 439/2010 du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 portant création d’un Bureau européen d’appui en matière d’asile, JO L 132 du 29. 5. 2010, p. 11 – 28. 368 CJUE, N. S., 21 décembre 2011, préc., paragraphe 78. 369 Ibid., paragraphe 79.
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la Convention de Genève370. Cette présomption suppose ainsi le respect de la protection des droits fondamentaux découlant desdits instruments juridiques par les États membres. Néanmoins, comme l’exemple grec l’a montré, cette présomption n’est irréfragable ni aux yeux de la Cour européenne ni de la Cour de justice. En revanche, tant la conception pour vérifier le possible renversement de cette présomption que le seuil de tolérance diffèrent dans leur jurisprudence respective. En effet, en ce qui concerne la conception, la Cour européenne examine l’existence des griefs défendables lorsqu’elle vérifie la conventionnalité du comportement étatique. Mais la Cour de justice conçoit la responsabilité de manière différente : si une violation est commise par un État, celle-ci peut être réparée par un autre État au stade ultérieur de la procédure devant les juridictions de ce dernier État responsable, et ce, conformément à l’équité globale de la procédure. C’est cette logique qui semble se confirmer à la lecture de cet arrêt : « il ne serait pas compatible avec les objectifs et le système du règlement n8 343/2003 que la moindre violation des directives 2003/9, 2004/83 ou 2005/85 suffise à empêcher tout transfert d’un demandeur d’asile vers l’État membre normalement compétent »371. La Cour de justice justifie aussi son choix : il en va « de la raison d’être de l’Union, et de la réalisation de l’espace de liberté, de sécurité et de justice et, plus particulièrement, du système européen commun d’asile, fondé sur la confiance mutuelle et une présomption de respect, par les autres États membres, du droit de l’Union et, plus particulièrement, des droits fondamentaux »372. D’après le raisonnement de la Cour de justice, c’est à partir d’un tel contexte normatif que le législateur a établi un mécanisme efficace de coopération, en prenant suffisamment en compte les droits fondamentaux tout en veillant à la nécessité de réaliser des objectifs inhérents au règlement Dublin II. Ainsi, l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la Cour de justice ne lui permet pas forcément de s’écarter du système normatif ainsi conçu. Toutefois, une deuxième épée détenue par la Cour européenne a incité la Cour de justice à s’aligner sur la jurisprudence strasbourgeoise. Dès lors, la Cour de justice s’est efforcée de trouver une solution « au juste milieu ». Notons bien que la jurisprudence de la Cour européenne fait également usage de l’équité globale de la procédure. Cependant, contrairement aux motifs précédemment évoqués caractérisant le système normatif de Dublin, la Cour européenne procède ainsi pour le respect de la subsidiarité étatique. À cela s’ajoute que la différence dans la détermination du seuil de tolérance et, dès lors, l’insuffisance du dialogue entre ces organes juridictionnels étudiés, posent véritablement problème.
370 371 372
Ibid., paragraphe 80. Ibid., paragraphe 84. Ibid., paragraphe 83.
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3. Le renversement de la présomption du respect des droits fondamentaux Selon les juges de Luxembourg, il est possible de renverser cette présomption, dans la mesure où le système d’asile national « rencontre, en pratique, des difficultés majeures de fonctionnement », tout en excluant toute violation des droits fondamentaux373. Une telle approche s’explique par le fait que, grâce au processus de rapprochement, le système juridique de chacun des États membres fonctionne de manière analogue, et cette circonstance permet ainsi de créer un climat de confiance. À l’instar de la jurisprudence de la Cour européenne, cette présomption étant réfragable, la condition sine qua non d’un possible renversement est la vérification du respect des droits fondamentaux dans l’État membre responsable. Selon l’approche conventionnelle, toutes les violations des droits fondamentaux sont susceptibles de justifier le refus du transfert, à condition que celles-ci atteignent un seuil minimum de gravité, dont l’appréciation se fait par l’examen conjoint des circonstances générales et individuelles. En revanche, en droit de l’Union, si toute violation pouvait justifier le refus du transfert, « cette conséquence aurait pour effet d’ajouter aux critères de détermination […] un critère supplémentaire d’exclusion selon lequel des violations mineures aux règles des directives […] pourraient avoir pour effet d’exonérer [l’État membre] des obligations prévues par ledit règlement »374. Cette phrase suggère une certaine conflictualité entre la jurisprudence des organes européens étudiés, sous réserve d’une définition commune du seuil minimum de gravité et du concept des violations mineures. La solution suggérée par la Cour de justice est la suivante : le transfert peut être refusé lorsqu’« il y aurait lieu de craindre sérieusement qu’il existe des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans l’État membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant, au sens de l’article 4 de la charte, des demandeurs d’asile transférés vers le territoire de cet État membre »375. En énonçant la catégorie de défaillances systémiques par voie prétorienne, la Cour de justice n’a pas écarté complètement la possibilité du refus du transfert, mais l’a réduite aux cas strictement nécessaires376. 373 Ibid., paragraphes 81 – 82. En vertu de la conception du principe de non-refoulement au sens du droit international, seules les violations sérieuses ou flagrantes peuvent déclencher son application. M. den Heijer, « Joined cases C-411 & 493/10, N.S. v. Secretary of State for the Home Department and M. E. and others v. Refugee Applications Commissioner, Minister of Justice, Equality and Law Reform, judgment of the Court (Grand Chamber) of 21 December 2011 », CMLR, Vol. 49 (2012), no. 5, p. 1750. 374 CJUE, N. S., 21 décembre 2011, préc., paragraphe 85. 375 Ibid., paragraphe 86. 376 L’avocat général Trstenjak identifie la violation du noyau dur de la Charte, à savoir les articles 1, 4 et 18 y compris le principe de non-refoulement, comme une potentielle raison de refuser le transfert. En revanche, toujours selon elle, « un risque sérieux de violation de dispositions isolées des directives » qui ne comporte pas en même temps une violation des droits de la Charte, ne justifie pas le recours au droit d’évocation. Conclusions de l’avocat
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La Cour de justice n’ayant pas défini le concept de défaillances systémiques, il importe de regarder de près la méthode permettant d’apprécier son existence. La Cour de justice a opéré tout simplement une appréciation générale du système d’asile dans l’État responsable. Dans cette optique, elle a pris appui sur les rapports réguliers et concordants émanent des différentes ONG, sur la correspondance envoyée par le HCR au ministre compétent et sur les rapports de la Commission européenne377. Néanmoins, la Cour de justice ne dit rien sur le poids accordé à ces sources ni sur le seuil en dessous duquel le transfert doit être refusé378. À ce dernier égard, l’avocat général Jääskinen a relevé, dans ses conclusions relatives à l’affaire Puid, que « le degré de preuve requis est fixé au niveau où il est devenu notoire » que les demandeurs ne peuvent pas être transférés dans l’État requis379. Nonobstant cette tentative de clarification, le concept demeure entièrement flou. Certes, l’adjectif « systémique » se réfère à une charge qualitative, et pas quantitative, tenant au dysfonctionnement du système380. Or, en admettant que le critère est qualitatif, le seuil à partir duquel on peut renverser la présomption se situe haut. S’il en allait autrement, la coopération interétatique serait compromise, en particulier lorsque les violations mineures pourraient également empêcher le transfert. C’est ainsi que la doctrine a proposé une lecture visant à clarifier le concept : la conception de la Cour de justice relative aux défaillances systémiques tient à son caractère profond, c’està-dire que les défaillances doivent se disperser dans le système entier et l’affecter à tel point que cette circonstance ait des répercussions importantes aux autres États membres381. En revanche, dans le système conventionnel, une telle dispersion n’est pas exigée, une violation prima facie mineure pouvant également atteindre un seuil général Trstenjak, N. S., 22 septembre 2011, C-411/10, ECLI:EU:C:2011:610, paragraphes 111 – 112, paragraphes 123 et 132. 377 CJUE, N. S., 21 décembre 2011, préc., paragraphe 90. 378 La Cour de justice s’est cependant référée au principe de solidarité et elle a remarqué à propos de la directive 2001/55 que les mécanismes de solidarité figurant dans cette directive sont réservés « aux situations tout à fait exceptionnelles », notamment en cas d’afflux massif des personnes déplacées. Directive 2001/55/CE, préc. CJUE, N. S., 21 décembre 2011, préc., paragraphe 93. 379 Conclusions de l’avocat général Jääskinen, Bundesrepublik Deutschland contre Kaveh Puid, 18 avril 2013, C-4/11, ECLI:EU:C:2013:244, paragraphe 61. L’avocat général se réfère à l’approche suivie par la Commission selon laquelle le transfert n’est pas de nature à causer un préjudice grave et difficilement réparable à la personne concernée. Proposition de règlement du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, COM/2001/0447 final – CNS 2001/0182, JO C 304E du 30. 10. 2001, p. 192 – 201. 380 H. Labayle, « Droit d’asile et confiance mutuelle : regard critique sur la jurisprudence européenne », CDE, 50e année (2014), no. 3, p. 517. 381 Voir la conception des défaillances systémiques dans l’État de droit, élaborée par A. von Bogdandy et M. Ioannidis. A. von Bogdandy, M. Ioannidis, « Systemic deficiency in the rule of law : what it is, what has been done, what can be done », CMLR, Vol. 51 (2014), no. 1, p. 59 – 96.
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minimum de gravité au sens de l’article 3 de la Convention382. C’est ainsi que le Professeur Lübbe a proposé une lecture alternative et conciliante : il convient de vérifier si une défaillance dans n’importe quel élément du système d’asile (procédure d’asile, conditions d’accueil) contribue à la violation de l’article 3 de la Convention383. Le seuil est ainsi conforme à celui préconisé par la Cour européenne384. Toutefois, et de la perspective des méthodes, dans la mesure où le système d’asile n’est que partiellement défaillant, l’appréciation de la situation individuelle du demandeur d’asile joue un rôle prépondérant, puisque le caractère partiellement défaillant du système d’asile de l’État responsable peut avoir des répercussions sur le sort du demandeur d’asile et conduire, le cas échéant, à la méconnaissance potentielle de l’article 4 de la Charte385. Or, force est de constater que la jurisprudence N.S. ne couvre pas ce scénario. Nonobstant une possible lecture conciliante, la différence fondamentale entre les deux jurisprudences réside dans leur méthode pour dépister les comportements étatiques inconventionnels ou contraires à l’article 4 de la Charte. En effet, même s’il est possible de coordonner le seuil de tolérance, certains comportements étatiques peuvent rester invisibles aux yeux de la Cour de justice, notamment lorsque les défaillances ne sont pas systémiques dans l’État responsable mais que celles-ci provoquent, dans un cas individuel, la violation de l’article 3 de la Convention. Il en va ainsi, puisque la Cour de justice est muette sur une éventuelle appréciation individuelle. Cette conception n’est pas fortuite : l’appréciation du sort du demandeur d’asile par l’État chargé de la détermination de la responsabilité équivaudrait à un contrôle de la légalité du traitement des demandeurs d’asile dans l’État responsable. Cette logique pourrait poser problème, notamment s’il s’avère, dans le cadre d’une appréciation générale, qu’il n’existe pas de défaillances systémiques dans l’État membre responsable, mais que le transfert se heurte tout de même aux droits intangibles. Or, une appréciation individuelle, qui ressort de la jurisprudence de la Cour européenne, recouvre aussi ce cas de figure. En effet, des circonstances malheureuses386 peuvent aboutir à un défaut total d’accès à la procédure d’asile, et seule une appréciation de la situation individuelle du demandeur permet de détecter un tel risque. Citons par exemple le cas d’un accueil insatisfaisant réservé à un demandeur d’asile appartenant à une catégorie de personnes particulièrement vulnérables ou 382 Voir à cet égard sur l’extension du champ d’application de l’article 3 de la CEDH : F. Sudre, Droit européen et international des droits de l’homme, 9ème édition, Paris, PUF, 2008, p. 306. 383 A. Lübbe, « ‹Systemic flaws› and Dublin transfers : incompatible tests before the CJEU and the ECtHR ? », IJRL, Vol. 27 (2015), no. 1, p. 135 – 140. 384 Notons à cet égard que, selon les explications de la Charte, l’article 4 de celle-ci a le même sens et la même portée que l’article 3 de la Convention européenne. Explication ad article 4 — Interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. 385 A. Lübbe, « ‹Systemische Mängel› in Dublin-Verfahren », ZAR, 34. Jahrg. (2014), 3, p. 105 – 111. 386 A. Lübbe, « ‹Systemic flaws›… », op. cit., p. 138.
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encore celui du risque de refoulement en chaîne d’un demandeur d’asile célibataire vers un pays, comme la Serbie, qui n’est pas considéré comme sûr par l’État chargé du transfert. Finalement, la Cour de justice a relevé qu’en cas de défaillances systémiques, l’État membre chargé de la détermination de l’État responsable est tenu de poursuivre son examen afin de vérifier si l’un des critères ultérieurs permet d’identifier un autre État responsable387. En revanche, la Cour européenne évalue la conventionnalité des transferts sur le fondement de la clause de souveraineté et l’État chargé de la détermination de l’État responsable peut être condamné sur le fondement des articles 3 et 13 de la Convention388. Il s’ensuit que si un État veut éviter la condamnation devant la Cour européenne, il a intérêt à faire usage systématiquement de la clause de souveraineté, ce qui conduit, en réalité, à la déstabilisation du système de Dublin fondé sur le principe de confiance mutuelle. Compte tenu de ces incertitudes, il était temps de trouver une solution conciliante à travers un dialogue entre les deux organes européens mais au lieu de cela, les juges européens, loin de vouloir véritablement dialoguer, s’écartent continuellement l’un de l’autre. B. L’absence de dialogue entre les organes juridictionnels européens Malgré les appels externes et internes, ni la Cour de justice (I) ni la Cour européenne (II) ne se sont montrées disposées à un quelconque dialogue. La réponse de la Cour de justice était, de surcroît, la confirmation du rôle croissant du principe de confiance mutuelle (III).
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CJUE, N. S., 21 décembre 2011, préc., paragraphe 96. L’usage de la clause de souveraineté n’est soumis à aucune condition particulière. CJUE (4ème ch.), Zuheyr Frayeh Halaf contre Darzhavna agentsia za bezhantsite pri Ministerskia savet, 30 mai 2013, C-528/11, ECLI:EU:C:2013:342, paragraphe 36. Dans cette affaire, la Cour de justice a été amenée à vérifier la portée réservée à la clause de souveraineté. Le requérant, ressortissant irakien, a sollicité l’asile en Bulgarie. Selon les données figurant dans l’Eurodac, le requérant a déjà déposé une demande d’asile en Grèce. Les autorités bulgares ayant ordonné son transfert vers la Grèce, le requérant a formé un recours en arguant que le HCR a lancé un appel aux gouvernements des États membres afin qu’ils cessent le renvoi des demandeurs d’asile en Grèce (paragraphe 21.). La juridiction de renvoi souhaitait savoir si la clause de souveraineté, au sens de l’article 3(2) du règlement Dublin II, permet à un État membre d’examiner une demande d’asile lorsque la clause humanitaire était inapplicable et que la Grèce ne pouvait pas être désignée comme État responsable. En effet, les critères figurant au règlement Dublin II n’auraient pas pu conduire à la responsabilité de la Bulgarie. La Cour de justice a souligné que la clause de souveraineté confère un pouvoir d’appréciation aux États membres (paragraphe 38). 388
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I. La confirmation des enseignements de l’arrêt N.S. par la Cour de justice L’introduction désormais explicite du double contrôle dans l’arrêt M.S.S. a fragilisé l’automaticité des transferts des demandeurs d’asile vers l’État membre responsable. Selon l’approche de la Cour européenne, une fois l’inconventionnalité du transfert constatée, l’État membre est tenu de faire usage de la clause de souveraineté figurant dans l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin II. Dans l’affaire Puid389, la Cour de justice a été amenée à cristalliser sa conception sur cette question. Était en cause un demandeur d’asile qui est entré sur le territoire de l’Union par la Grèce et qui a ensuite sollicité l’asile en Allemagne. Les autorités allemandes ayant ordonné son transfert vers la Grèce, le tribunal administratif allemand a annulé la décision de transfert au motif que l’Allemagne aurait dû faire usage du droit d’évocation en raison de défaillances systémiques dans le système d’asile grec390. La question préjudicielle posée vise à déterminer si l’usage de la clause de souveraineté est une obligation pour l’État membre chargé de la détermination de la responsabilité lorsque la situation régnant dans l’État membre responsable met en danger les droits fondamentaux du demandeur d’asile391. En réitérant les enseignements de l’arrêt N.S., la Cour de justice a souligné que le recours à la clause de souveraineté ne constitue qu’une faculté392. Néanmoins, en cas de défaillances systémiques, le transfert ne peut avoir lieu dans l’État initialement responsable. Ainsi, la confiance mutuelle entre l’État chargé de la détermination de la responsabilité et l’État membre responsable cesse d’exister. En revanche, la confiance mutuelle continue de déployer ses effets entre l’État chargé de la détermination de la responsabilité et les autres États membres. Dès lors, ce premier État continue à rechercher un autre État éventuellement responsable, sous réserve du respect du délai raisonnable393. C’est uniquement pour éviter le dépassement de ce délai raisonnable que la clause de souveraineté revêt un caractère quasi obligatoire. Comme l’avocat général Jääskinen l’a relevé, si le premier État ne parvient pas à trouver l’État responsable, « il semble qu’il soit alors tenu d’examiner luimême la demande »394. Le mot « alors » justifie ainsi le caractère tout à fait exceptionnel de l’usage de la clause de souveraineté. Les États sont en revanche également liés à l’acquis strasbourgeois. Dès lors, pour échapper à une condamna389 CJUE (Gde. ch.), Bundesrepublik Deutschland contre Kaveh Puid, 14 novembre 2013, C-4/11, ECLI:EU:C:2013:740. 390 Ibid., paragraphe 17. 391 Ibid., paragraphes 23 – 24. 392 Ibid., paragraphe 29. 393 Ibid., paragraphes 34 – 35. 394 Conclusions de l’avocat général Jääskinen, Bundesrepublik Deutschland contre Kaveh Puid, 18 avril 2013, préc., paragraphe 60. En ce qui concerne la pratique de la clause de souveraineté, selon l’avocat général, celle-ci se fait « au titre de son pouvoir souverain » par exemple « pour les raisons politiques, pratiques ou humanitaires » (paragraphe 70).
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tion, ils ont intérêt à avoir recours à la clause de souveraineté dès qu’un indice suggère que les défaillances systémiques sont susceptibles de méconnaître des droits absolus. Quant à la méthode visant à apprécier l’existence de défaillances systémiques, c’est à la Cour européenne qu’il revient de la cristalliser. II. La confirmation des enseignements de l’arrêt M.S.S. par la Cour européenne Dans un premier temps, la Cour européenne énonce les principes directeurs caractérisant l’appréciation de la situation individuelle des requérants (1). Ces principes ont été cristallisés et mis en œuvre dans l’arrêt Tarakhel, où la Cour européenne n’a fait preuve d’aucune retenue pour déstabiliser le principe de confiance mutuelle en vue d’accorder une protection plus étendue aux demandeurs d’asile (2). 1. Les principes directeurs de l’appréciation de la situation individuelle des demandeurs d’asile Le statut des requérants détermine dans une large mesure la démarche de la Cour européenne. L’appréciation de la situation individuelle des requérants célibataires montre plus de souplesse, voire d’incohérence (a)) que celle des requérants vulnérables (b)). a) L’appréciation de la situation individuelle des demandeurs célibataires Dans l’affaire Mohammed contre Autriche395, était en cause un demandeur d’asile, d’origine soudanaise, qui, après avoir transité par la Hongrie, a sollicité l’asile en Autriche. Les autorités autrichiennes ont ordonné son transfert en Hongrie, État membre responsable de l’examen de la demande d’asile. Cette décision a ensuite été contestée au motif que les défaillances systémiques dans le système d’asile hongrois ne permettaient pas son transfert. En empruntant le vocabulaire utilisé par la Cour de justice et en prenant appui sur les rapports du HCR et des différentes ONG, la Cour européenne a reconnu trois défaillances dans le système d’asile hongrois : détention des demandeurs d’asile, traitement des demandes d’asile et risque de refoulement vers la Serbie396. 395
Cour EDH (1ère section), Mohammed c. Autriche, 6 juin 2013, n. 2283/12, ECLI: CE:ECHR:2013:0606JUD000228312. 396 Ibid. paragraphe 98. En premier lieu, et s’agissant de la détention des demandeurs d’asile, la Cour européenne a déploré les mauvaises conditions dans les centres de détention ainsi que les mauvais traitements réservés aux demandeurs d’asile. En second lieu, et concernant la procédure d’asile, la Cour a souligné que les rapatriés de Dublin doivent présenter à nouveau une demande d’asile, et la deuxième procédure d’asile est dépourvue d’effet suspensif. En troisième lieu, et par conséquent, il existe un risque de refoulement vers la Serbie (paragraphes 98 – 100).
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En premier lieu, s’agissant des conditions de détention, cette juridiction a examiné le droit et la pratique hongrois. Malgré la situation juridiquement peu satisfaisante, la Cour a invoqué certaines circonstances « atténuantes » : le HCR n’a jamais délivré de lettre sollicitant les États membres de ne pas transférer les demandeurs d’asile en Hongrie, changements législatifs récents397, garanties juridiques entourant la détention et l’accès aux systèmes d’accueil398. En deuxième lieu, et concernant la procédure d’asile et le risque de refoulement, la Cour européenne examine immédiatement la situation du requérant. Tout d’abord, la Cour a recherché les raisons pour lesquelles le demandeur d’asile a quitté son pays d’origine. Or, ce raisonnement est en parfaite opposition avec l’objectif principal du règlement Dublin II. En effet, en énonçant qu’elle ne dispose pas d’éléments concernant les raisons qui ont poussé le requérant à quitter le Soudan, la Cour européenne a fait fi du rôle du règlement de Dublin II comme instrument purement fonctionnel visant à déterminer l’État membre responsable de l’examen de la demande d’asile. Cette approche est surprenante, d’autant plus que la Cour européenne reconnaît ellemême dans la phrase suivante le défaut de pertinence de cet argument399. De surcroît, le recours à cet élément engendre un cercle vicieux dans son raisonnement, puisqu’au lieu d’apprécier le risque d’un refoulement en chaîne dans l’État membre intermédiaire (en l’espèce la Hongrie)400, la Cour européenne a uniquement examiné la situation au Soudan. Plus précisément, celle-ci a estimé que le requérant n’a pas prouvé un risque individuel en cas de retour dans son pays d’origine. Par cette démarche, elle a trouvé le maillon manquant de la chaîne, puisqu’elle s’est contentée de réitérer laconiquement les changements législatifs hongrois pour arriver à la conclusion que l’accès à la procédure d’asile est garanti en Hongrie et que, si le demandeur sollicite l’asile dans les meilleurs délais, il sera en mesure d’attendre l’issue de la procédure. Or, nonobstant le fait que la Hongrie garantit l’accès à la procédure d’asile, le défaut d’examen de la pratique du refoulement en chaîne peut rendre cet accès illusoire. La variété des méthodes pour apprécier la conventionnalité du transfert rend incertains les enseignements de l’arrêt M.S.S. Cette incohérence interne dans le raisonnement de la Cour européenne ne contribue pas à l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile, puisque les incertitudes présentées laissent une marge de ma397
La Hongrie n’ordonne plus la détention de ceux qui sollicitent l’asile immédiatement à leur transfert. Ibid., paragraphe 105. 398 Ibid. 399 En effet, selon la Cour EDH, « the procedure under the Dublin Regulation does not require the transferring State to conduct any analysis of the underlying flight reasons of an asylum-seeker, but only to establish whether another EU Member State has jurisdiction under the Regulation and to examine whether there are any general reasons or other obstacles concerning the Member State with jurisdiction that would require a stay of the transfer or application of the sovereignty clause » (paragraphe 108). 400 Le requérant a invoqué parmi les griefs l’existence d’un risque de refoulement au cas où il serait renvoyé vers la Hongrie (paragraphe 87).
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nœuvre importante au bénéfice des États, ce qui conduit à des variations jurisprudentielles internes. À la suite des changements législatifs en Hongrie, les ambiguïtés esquissées étaient moins présentes dans la jurisprudence subséquente de la Cour européenne. Dans l’arrêt Mohammadi contre Autriche401, rendu un an plus tard, le contexte factuel s’apparentait dans une large mesure à celui de l’arrêt Mohammed : le requérant, de nationalité afghane, est entré sur le territoire de l’Union par la Grèce et a ensuite sollicité l’asile en Hongrie. Il a poursuivi son chemin vers l’Autriche. Après avoir constaté la responsabilité de la Hongrie, les autorités autrichiennes ont reçu des assurances extrêmement détaillées de la part de leur homologue hongrois. Compte tenu des assurances générales et individuelles, le transfert vers la Hongrie a été ordonné. Le requérant a reproché l’inconventionnalité du système d’asile, de la procédure d’asile et de la pratique de refoulement en Hongrie. Oscillant entre deux approches différentes, le Gouvernement a soutenu, d’une part, la conception de la Cour de justice : le rejet du transfert n’est possible qu’en cas de défaillances systémiques. D’autre part, il a souligné avoir effectué le double examen découlant de la jurisprudence de la Cour européenne. Sur le fond, premièrement, s’agissant des conditions de détention, bien que les rapports du HCR et des différentes ONG critiquent, d’une part, la pratique de détention des rapatriés Dublin, et, d’autre part, l’absence de voies de recours contre la décision de détention, la Cour européenne, en empruntant de nouveau l’approche de la Cour de justice, a considéré qu’il ne s’agissait pas d’une pratique de détention systématique402. En outre, la Cour de Strasbourg a attaché une importance particulière aux améliorations dans le système d’asile hongrois. Il ressort déjà du ton utilisé par la Cour européenne que la pratique hongroise ne semble pas être, prise globalement, inconventionnelle. À l’instar de l’affaire Mohammed, la Cour se réfère au fait que le HCR n’a pas émis de recommandation sollicitant les États membres de suspendre les transferts vers la Hongrie403. La Cour en a conclu que les défaillances constatées dans le système d’asile hongrois n’atteignaient pas le seuil minimum de gravité. De nouveau, la Cour n’a opéré aucune appréciation individuelle. Deuxièmement, et s’agissant de la procédure d’asile et du risque de refoulement vers la Serbie, pris ensemble, les appréciations de la Cour vont dans le même sens. Cette fois, la Cour n’oublie pas d’évaluer la pratique du refoulement en chaîne, estimant que la Hongrie n’applique plus le concept du pays tiers sûr, et cette circonstance permet de présumer que les demandeurs d’asile ne seront pas refoulés pendant la procédure d’asile. La Cour a effectué plusieurs renvois aux enseigne401 Cour EDH (1ère section), Mohammadi c. Autriche, 3 juillet 2014, n. 71932/12, ECLI:CE:ECHR:2014:0703JUD007193212. 402 Ibid., paragraphe 68. 403 Ibid., paragraphe 69.
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ments de l’arrêt Mohammed, et la brièveté de son analyse semble être attribuée au statut du requérant. A contrario, lorsque le demandeur d’asile fait partie d’une catégorie de personnes vulnérables, la Cour s’attarde davantage sur l’analyse de la situation individuelle. b) L’appréciation de la situation individuelle des requérants vulnérables Dans l’affaire Mohammed Hussein contre Italie404 ayant conduit à une décision d’irrecevabilité, la requérante a fui la Somalie pour des raisons familiales. Après avoir obtenu le statut conféré par la protection subsidiaire en Italie, elle a sollicité l’asile au Pays-Bas. Conformément au mécanisme Dublin, les autorités néerlandaises ont adressé une requête de prise en charge aux autorités italiennes. La requérante a allégué devant la Cour européenne qu’à la suite d’un retour en Italie, elle serait exposée aux mauvais traitements et au risque de refoulement dans son pays d’origine. Il convient de noter que la requérante a présenté également une demande de protection internationale au nom de ses enfants en bas âge. Compte tenu de la situation familiale de la requérante, la Cour a accordé une signification particulière à l’appréciation de la situation de la requérante et de sa famille en tant qu’elle appartient à une catégorie de personnes particulièrement vulnérables405. C’est ainsi que la Cour a insisté, en premier lieu, sur le statut de la requérante : une mère de deux enfants en bas âge. Or, dans une telle situation exceptionnelle, la coopération entre les autorités compétentes (néerlandaises et italiennes en l’occurrence) est indispensable, au point que la Cour a décrit ponctuellement le traitement dont la requérante et sa famille bénéficieront à la suite du transfert en Italie. Par ailleurs, la Cour a vivement félicité la pratique, désormais permanente, des autorités néerlandaises qui ont averti leur homologue italien dans l’intérêt de la préparation de l’arrivée de la famille406. En deuxième lieu, et lors de l’examen du système d’asile italien, la Cour européenne a vérifié si la situation en Italie montrait « une incapacité systémique à offrir un soutien et des structures destinées aux demandeurs d’asile en tant que personnes appartenant à un groupe particulièrement vulnérable »407. En prenant appui sur les rapports du HCR et du Commissaire aux Droits de l’Homme, bien que la Cour ait relevé certaines défaillances, à la lumière des évolutions récentes, elle a nié l’incapacité systémique du système d’asile italien. 404 Cour EDH (3ème section), Mohammed Hussein et autres c. Pays Bas et Italie, 2 avril 2013, n. 27725/10, ECLI:CE:ECHR:2013:0402DEC002772510, paragraphe 77. 405 Lorsqu’on étudie l’arrêt, il apparaît que le traitement dont la requérante a bénéficié en Italie avant de solliciter l’asile au Pays-Bas constitue un élément déterminant permettant de conclure à une éventuelle méconnaissance de la Convention. 406 Cour EDH, Mohammed Hussein et autres c. Pays Bas et Italie, 2 avril 2013, préc., paragraphe 77. 407 Ibid., paragraphe 78.
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Il est important de souligner que l’analyse effectuée par la Cour européenne, à savoir l’examen du traitement individuel des requérants et celui de l’existence de défaillances systémiques, nous incite à penser que ces deux facteurs doivent être appréciés cumulativement. Autrement dit, sous réserve d’un seuil minimum de gravité, si l’un ou l’autre aspect se heurte à la Convention, le transfert ne peut pas avoir lieu. Cette lecture semble être confirmée dans les suites des affaires. 2. La cristallisation de la méthode relative à l’appréciation de la situation individuelle des demandeurs d’asile La Cour européenne a été amenée à énoncer les principes directeurs de cette appréciation individuelle dans le célèbre arrêt Tarakhel408 (a)), avant de les concrétiser dans les affaires postérieures (b)). a) La portée des assurances individuelles dans l’arrêt Tarakhel Avant d’en venir au cœur de l’arrêt, il convient de rappeler le cadre factuel. Le requérant, d’origine d’Afghanistan, est entré avec sa famille en Italie. Après avoir été placés dans une structure d’accueil, ils ont quitté l’Italie sans autorisation et se sont rendus en Suisse. Les autorités suisses ont saisi leur homologue italien d’une requête de prise en charge. Leur transfert vers l’Italie a été ensuite suspendu à la demande de la Cour européenne en vertu de l’article 39 de son règlement. Les requérants ont allégué qu’en cas de retour en Italie, ils se seraient exposés au traitement contraire à l’article 3 de la Convention en raison de défaillances systémiques dans trois domaines : difficultés d’accès aux structures d’accueil liées à la lenteur de la procédure d’identification ; capacité d’hébergement insuffisante de ces structures ; conditions de vie inadéquates dans les structures d’accueil409.
408 Cour EDH (Gde. ch.), Tarakhel c. Suisse, 4 novembre 2014, n. 29217/12, ECLI: CE:ECHR:2014:1104JUD002921712. 409 Ibid., paragraphe 57. En ce qui concerne les griefs principaux, premièrement, et s’agissant de la lenteur de la procédure d’identification, les rapports ont signalé les décalages entre l’enregistrement formel devant le service de l’immigration de la préfecture de police et l’enregistrement effectif de la demande d’asile, période pendant laquelle l’accès au logement « CARA » ou « SPAR » n’est pas assuré (paragraphe 58). Les étrangers arrivant irrégulièrement en Italie peuvent être placés dans des structures d’accueil différentes, parmi lesquelles figure le CARA (centri di accoglienza per richiedenti asilo). Ce centre est destiné à fournir un logement aux étrangers souhaitant demander l’asile, et ce, pendant la période d’enregistrement. Voir en ce sens : http://www.interno.gov.it/it/temi/immigrazione-e-asilo/sistema-acco glienza-sul-territorio/centri-limmigrazione (consulté le 1 novembre 2017). À titre subsidiaire, le SPRAR (Sistema di protezione per richiedenti asilo e rifugiati) peut également fournir un logement, y compris pour les personnes ayant obtenu le statut de réfugié, sous réserve des places disponibles. http://www.sprar.it (consulté le 1 novembre 2017). Néanmoins, les rapatriés Dublin sont soumis à un régime différent. Deuxièmement, quant aux capacités d’hébergement, les rapatriés Dublin ne trouvent pas, dans tous les cas, un logement (liste d’attente) et les membres de famille sont souvent logés séparément (paragraphes 60 – 61). Troisièmement,
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Quant au raisonnement du Gouvernement, il s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de justice. S’il reconnaît l’existence de défaillances dans le système d’asile italien, il estime, cependant, que celles-ci ne sont pas systémiques. Ensuite, s’agissant de la méthode pour apprécier ces défaillances, il invoque des éléments qui étaient déterminants dans les affaires précédentes devant la Cour de Strasbourg : les États membres n’ont pas suspendu, de manière générale, les transferts vers l’Italie ; le HCR et le Commissaire aux droits de l’Homme ne sont pas intervenus dans cette procédure, contrairement à l’affaire M.S.S.410. Enfin, le Gouvernement a souligné qu’il a obtenu des assurances des autorités italiennes411. Concernant un éventuel risque de séparation des membres d’une famille, le Gouvernement a nié que la séparation soit systématique412. Il ressort de ces considérations que, si les défaillances sont présentes dans le système d’asile italien, celles-ci ne s’avèrent pas pour autant systémiques. En suivant l’approche de la Cour de justice, cette situation n’aurait pas pu empêcher le transfert des requérants. Mais la Cour européenne suggère une voie différente. En se livrant à un dialogue en apparence, la Cour a évoqué les principes directeurs énoncés par la Cour de justice dans l’arrêt N.S., y compris les exigences liées au constat de défaillances systémiques. Néanmoins, la Cour européenne semble, en fait, élargir les cas dans lesquels le transfert peut être refusé, en étendant la portée de la clause de souveraineté, et ce, par le truchement d’une appréciation individuelle. En effet, celle-ci a précisé que l’État chargé du transfert est tenu d’examiner la situation de la personne « d’une manière approfondie et individualisée »413. Or, la jurisprudence de la Cour de justice ne prévoit pas une telle exigence. En l’espèce, la Cour européenne a adopté une méthode consistant à compartimenter son analyse en deux parties : examen de la situation générale du système d’accueil italien (aa)) et examen de la situation individuelle des requérants (bb)).
concernant les conditions d’hébergement, certains centres sont caractérisés par la promiscuité, les activités criminelles et les mauvaises conditions sanitaires (paragraphe 66). 410 Ibid., paragraphe 71. 411 Selon ces assurances, les requérants seront hébergés dans un centre d’accueil à Bologne financé par le Fonds Européen pour les Réfugiés (FER), sans aucune référence aux modalités de transfert et aux conditions d’accueil (paragraphe 75). Il est intéressant de mentionner la réflexion menée par certains gouvernements. Le Gouvernement suédois a souligné que l’Italie et l’EASO ont conclu un plan spécial de soutien, dans le cadre duquel les personnes transférées en Italie font l’objet d’échanges d’information entre les autorités compétentes, notamment lorsqu’il s’agit des personnes vulnérables (paragraphe 80). Autrement dit, les États ne restent pas inactifs dans la gestion de l’afflux des demandeurs d’asile. En outre, selon le Gouvernement britannique, les rapports de ProAsyl ne sont pas exacts, parfois même erronés (paragraphe 81). 412 De toutes les façons, les personnes vulnérables bénéficient d’un accueil dans le SPRAR et leurs besoins élémentaires sont garantis. Ibid., paragraphe 86. 413 Ibid., paragraphe 104.
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aa) L’appréciation de la situation générale gouvernant le système d’accueil italien En ce qui concerne les capacités d’hébergement, si les autorités italiennes ont fait des efforts pour augmenter les places disponibles, le nombre des demandeurs d’asile et des places disponibles montre, d’après la Cour, une disproportion flagrante414, si l’on se réfère aux rapports des ONG, aux recommandations du HCR et aux rapports du Commissaire aux droits de l’Homme. Même si ces sources ont évoqué certains problèmes tenant aux capacités d’hébergement et aux conditions d’accueil, elles ont indiqué, en même temps, des évolutions favorables aux demandeurs d’asile. Dès lors, la Cour a nié l’existence de défaillances systémiques en Italie. Toutefois, les défaillances individuelles signalées peuvent conduire à la méconnaissance de l’accès à la procédure d’asile. Il convient de noter que, bien que les défaillances indiquées concernent essentiellement le système d’accueil, elles ont des répercussions, au moins indirectes, sur l’accès à la procédure d’asile. En effet, pendant cette procédure, les demandeurs sont tenus de communiquer régulièrement avec les autorités administratives, et le défaut d’une adresse postale ou, tout simplement, d’un hébergement peuvent les empêcher d’accomplir leur obligation de coopération. Dès lors, au-delà des risques individuels de mauvais traitements en l’absence de défaillances systémiques, l’examen de la situation individuelle des requérants revêt une importance fondamentale, et ce, également du point de vue de l’accès à la procédure d’asile. bb) L’appréciation des circonstances individuelles des requérants La Cour européenne ne s’est pas contentée des assurances relatives au lieu d’hébergement fournies par les autorités italiennes à leur homologue suisse. En effet, les structures d’accueil et les conditions doivent être adaptées à l’âge des enfants appartenant à une catégorie particulièrement vulnérable, et l’unité de la famille doit être préservée415. Concrètement, la Cour a imposé des précisions sur les conditions spécifiques de prise en charge des requérants416. Si les autorités italiennes ont fourni des précisions sur le lieu et le type d’hébergement, ainsi que sur le financement de cet hébergement, la Cour a élargi la portée de ces assurances. Selon ses instructions, il convient de mettre à disposition des informations détaillées et fiables quant à la structure précise de destination, aux conditions matérielles d’hébergement (notamment dans l’intérêt d’un traitement adapté à l’âge des enfants) et à la préservation de l’unité familiale417. Dès lors, malgré l’absence de défaillances systémiques dans les conditions d’accueil en Italie, la présence de défaillances
414 415 416 417
Ibid., paragraphe 110. Ibid., paragraphes 120 – 121. Ibid., paragraphe 121. Ibid.
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substantielles a permis la condamnation de la Suisse dans le chef de l’article 3 Convention418. L’analyse du raisonnement de la Cour appelle quelques observations. Tout d’abord, la solution ne semble pas être transposable à tous les demandeurs d’asile, notamment à ceux qui n’ont pas de famille et d’enfant à charge. Et même, dans la mesure où les requérants sont des membres d’une famille, une violation doit atteindre un seuil minimum de gravité. Or, comme les juges Casadevall, Berro-Lefèvre et Jäderblom l’ont constaté séparément, le risque doit être réel, c’est-à-dire « prévisible et suffisamment concret »419 pour qu’on puisse parler d’un seuil minimum de gravité. Dès lors, en dehors de ces cas de figure, le système fondé sur le respect du principe de confiance mutuelle semble être admis aux yeux de ces juges. Afin de constater l’existence d’un risque réel, les juges marquant leur désaccord ont évoqué quatre facteurs. Le premier tient à la situation générale du système d’accueil italien. Dans ce contexte, les juges ont critiqué l’omission de la prise en considération des éléments traditionnels, tels que l’absence d’une lettre du HCR recommandant l’abstention des transferts en Italie et l’abstention du HCR d’intervenir dans la procédure devant la Cour420. Or, si ces éléments forment la colonne vertébrale de l’appréciation générale de la Cour, leur examen est cependant tantôt présent, tantôt absent. Le second facteur concerne l’appréciation de la situation individuelle des requérants et trouve ses germes dans l’arrêt Mohammed précité. Celui-ci tient compte des aspects défavorables aux demandeurs d’asile, notamment le manque de coopération à leur arrivée en Italie421, l’absence de dénonciation des mauvais traitements pendant leur premier séjour en Italie, motifs économiques justifiant leur départ de l’Italie ainsi que la disponibilité des ressources suffisantes leur permettant de traverser plusieurs pays en Europe422. Une telle approche pénalise en quelque sort le demandeur qui ne fait pas preuve de volonté de coopération. Le troisième facteur est d’ordre systémique et résulte de la nécessaire conformité au droit de l’Union. Comme le Professeur Dubout l’a souligné à cet égard, le système conventionnel, tel qu’il ressort de l’arrêt Tarakhel, pose « une présomption 418 C. Lageot, « Les enseignements de l’affaire Tarakhel : le raisonnement enrichi des juges à la source d’une protection renforcée des migrants en Europe : (obs. sous Cour eur. dr. h., Gde Ch., arrêt Tarakhel c. Suisse, 4 novembre 2014) », RTDE, 27e année (2016), no. 105, p. 250. 419 Opinion en partie dissidente commune aux juges Casadevall, Berro-Lefèvre et Jäderblom, Tarakhel c. Suisse. 420 Ibid. Cette lecture semble confirmer la critique précédemment formulée sur l’incohérence du raisonnement caractérisant parfois les arrêts de la Cour de Strasbourg. 421 M. Bossuyt préconise également la prise en considération de cet aspect. M. Bossuyt, « Tarakhel c. Suisse : la Cour de Strasbourg rend encore plus difficile une politique commune européenne en matière d’asile », RSDIE, 25e année (2015), 1, p. 3 – 6. 422 Opinion en partie dissidente commune aux juges Casadevall, Berro-Lefèvre et Jäderblom, Tarakhel c. Suisse, préc.
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exactement opposée à celle sur laquelle repose le fédéralisme horizontal européen, à savoir la confiance mutuelle dans la capacité des États membres à assurer efficacement un standard estimé suffisant de protection des intérêts individuels et collectifs »423. Certes, une méfiance bienveillante peut être justifiée en l’espèce par la vulnérabilité particulière des requérants, et ce, d’autant plus que le Gouvernement n’a pas garanti explicitement que les requérants ne seront pas séparés, même pour une brève période. Enfin, le quatrième facteur évoqué est tiré du caractère trop exigeant des assurances, faisant porter la responsabilité sur la Suisse de circonstances qui ont été créées par un autre État, en l’occurrence l’Italie424. Ces éléments mettent en évidence, du point de vue de la sécurité juridique, la nécessité alarmante de dresser un inventaire des éléments permanents permettant une appréciation générale et individuelle. Cet inventaire pourrait constituer un point de repère important pour les juridictions nationales. À cette fin, une liste de contrôle préétablie pourrait freiner les pratiques divergentes. Du point de vue de la confiance mutuelle, se renseigner sur la pratique d’un autre État membre ne porte pas atteinte en soi à ce principe. Les interactions étatiques devraient se dérouler, cependant, dans un cadre réglementé, ce qui leur permettrait de prévoir ponctuellement le contenu des assurances et des garanties individuelles425. Seul un établissement laborieux des conditions, dans lesquelles le transfert peut avoir lieu, garantit l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile. Dans cette perspective, au-delà des vérifications relatives à la pratique de refoulement et de détention, l’examen des conditions générales devrait également porter sur un accès effectif aux autorités chargées de l’examen des demandes d’asile. En outre, avant de procéder au transfert, le lieu de l’accueil et les conditions d’hébergement devraient être précisés par l’État responsable. Hormis ces informations obligatoires, le statut particulier de certains demandeurs pourrait exiger le partage d’informations détaillées notamment sur les conditions de traitement du demandeur en cas de maladie ou sur l’absence de risque de séparation des membres de famille. La Cour européenne a eu l’occasion de préciser son approche par la suite.
423 É. Dubout, « Une question de confiance : nature juridique de l’Union européenne et adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme », CDE, 51e année (2015), no. 1, p. 100. 424 Opinion en partie dissidente commune aux juges Casadevall, Berro-Lefèvre et Jäderblom, Tarakhel c. Suisse, préc. 425 Comme nous l’avons signalé dans l’introduction, cette incertitude apparaît désormais dans les jurisprudences nationales concernant le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale.
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b) Les suites de l’arrêt Tarakhel : l’incohérence interne du raisonnement dans les arrêts de la Cour européenne La lecture proposée par l’arrêt Tarakhel n’est pas restée lettre morte, puisque, dans la décision d’irrecevabilité Halimi426, la Cour européenne a opté pour la même méthode avant de conclure à la conventionnalité du comportement des autorités compétentes pour assurer l’accueil approprié d’un demandeur d’asile malade. Le requérant, de nationalité afghane, est entré sur le territoire de l’Union par l’Italie et a ensuite sollicité l’asile en Autriche. L’autorité fédérale d’asile autrichienne (Bundesasylamt) a rejeté la demande au motif que c’est l’Italie qui est responsable de l’examen de la demande. Après avoir été transféré en Italie, le requérant est rentré en Autriche pour solliciter de nouveau l’asile. Il a invoqué un trouble de stress post-traumatique et le risque de suicide attestés par les certificats médicaux. Sous l’angle de l’article 3 de la Convention, le requérant a allégué les mauvaises conditions d’accueil en Italie et a reproché aux autorités autrichiennes de ne pas avoir demandé de garanties sur un accueil adéquat427. Dans un premier temps, dans le cadre d’une appréciation générale relative à l’accès à la procédure d’asile, la Cour européenne, en réitérant les constats faits dans l’arrêt Mohammed Hussein, a nié l’existence de défaillances systémiques dans le système d’asile italien. La Cour européenne s’est ensuite penchée sur l’appréciation de la situation individuelle du requérant, s’attardant longuement sur le contenu des assurances fournies par le Gouvernement. D’après ce dernier, le requérant obtiendra, après son retour, un logement, et l’hébergement sera organisé en fonction des informations médicales fournies par les autorités autrichiennes428. Par ailleurs, l’Italie demande, de manière générale, aux États chargés du transfert de lui transmettre les dossiers médicaux pour qu’elle puisse préparer l’accueil des demandeurs et un logement adéquat sera en l’espèce, en tout état de cause, octroyé au requérant429. À la lumière de ces garanties, la Cour a reconnu que le système italien garantit un accès aux soins médicaux. De façon pédagogique, la Cour de Strasbourg a esquissé une ligne de conduite pour les États concernés : les autorités de l’État chargé du transfert sont tenues, d’une part, d’informer leur homologue des problèmes de santé survenus chez les demandeurs d’asile et de leur besoin de logement et, d’autre part, de transmettre les documents médicaux les plus récents afin que l’accueil soit adéquat et approprié430. 426
Cour EDH (1ère section), Halimi c. Autriche et Italie, 18 juin 2013, n. 53852/11, ECLI:CE:ECHR:2013:0618DEC005385211. 427 Ibid., paragraphe 50. Par ailleurs, le requérant a critiqué le système d’asile italien, notamment le défaut d’accès à la procédure d’asile ainsi que les défaillances dans le système de santé italien. Enfin, il a mis en exergue le recours en manquement engagé par la Commission européenne contre l’Italie concernant la transposition de certaines directives adoptées en matière d’asile. 428 Ibid., paragraphe 69. 429 Ibid., paragraphe 71. 430 Ibid., paragraphe 72.
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Cette lecture suppose ainsi un dialogue permanent entre les autorités, permettant d’avoir un aperçu de l’état de santé du demandeur ainsi que des évolutions ultérieures. C’est en fonction de ces informations que les États concernés peuvent établir un plan détaillant les besoins spécifiques du demandeur. La lecture prônée par la Cour européenne est toutefois susceptible de redéfinir la portée du principe de confiance mutuelle. Si cette juridiction l’a déjà validé à plusieurs reprises, il nous semble que, dans son acception, cette confiance ne peut être conçue comme une réalité figée, mais qu’elle se construit, au fur et à mesure, à travers l’alimentation d’une discussion permanente entre les protagonistes. Une telle solution conciliante a été préconisée depuis longtemps par la Cour de justice dans les arrêts consacrés à la coopération en matière civile431 et pénale432. Il nous semble que ce raisonnement linéaire et mûrement réfléchi est complètement écarté par la Cour européenne dans l’arrêt V. M. contre Belgique433. La Cour a été saisie d’une famille, originaire du Kosovo, composée de deux enfants, dont la fille ainée était handicapée. Cette famille a introduit une demande de protection internationale en France, demande qui a été rejetée. La famille est ensuite rentrée au Kosovo, avant de partir en Belgique. Les autorités belges ont adressé une requête de reprise en charge à leur homologue français, qui a été acceptée. Néanmoins, les requérants ont allégué devant la Cour européenne que leur éloignement, direct ou indirect, vers la Serbie les exposerait aux traitements contraires à l’article 3 de la Convention434. Dans son appréciation, en réitérant les principes directeurs, la Cour européenne a souligné qu’une « exigence de “protection spéciale” est d’autant plus importante lorsque les personnes concernées sont des enfants. Elle est encore renforcée en l’espèce, aux yeux de la Cour, par la présence d’enfants en bas âge, dont un nourrisson, et d’une enfant handicapée, eux-mêmes intrinsèquement fragiles et plus vulnérables que les adultes face à la privation de leurs besoins élémentaires »435. Hormis cette circonstance, le facteur décisif pour la condamnation de la Belgique sur le terrain des articles 2, 3 et 13 de la Convention était le fait que les demandes d’asile des requérants avaient été rejetées depuis près d’un an par les autorités françaises et les requérants « n’avaient donc aucune garantie que les autorités françaises ne les éloignent pas vers la Serbie »436. Cependant, à aucun moment, la Cour européenne n’a examiné la situation juridique gouvernant le système d’asile 431 CJUE (3ème ch.), Doris Povse contre Mauro Alpago, 1er juillet 2010, C-211/10 PPU, ECLI:EU:C:2010:400 ; CJCE (ass. plénière), Gregory Paul Turner contre Felix Fareed Ismail Grovit, Harada Ltd et Changepoint SA, 27 avril 2004, C-159/02, ECLI:EU:C:2004:228. 432 CJUE, Stefano Melloni contre Ministerio Fiscal, 26 février 2013, préc. ; CJUE, Pál Aranyosi et Robert Ca˘ lda˘ raru, 5 avril 2016, préc. 433 Cour EDH (2ème section), V.M. et autres c. Belgique, 7 juillet 2015, n. 60125/11, ECLI:CE:ECHR:2015:0707JUD006012511. 434 Ibid., paragraphe 173. 435 Ibid., paragraphe 153. 436 Ibid., paragraphe 190.
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français, y compris l’accès à la procédure d’asile et la pratique de refoulement. Dès lors, dans cette affaire, la Cour européenne a complètement battu en brèche le principe de confiance mutuelle. C’est ainsi que le raisonnement développé par la Cour européenne n’a pas été partagé de manière unanime parmi les juges, la Belgique ayant été condamnée sur le terrain de l’article 13 combiné à l’article 3 de la Convention, par quatre voix contre trois. Dans son opinion dissidente, le juge Keller a relevé que la France est un État partie à la Convention et le seul fait que les demandes d’asile avaient déjà été rejetées ne suffit pas au renversement de la présomption de la protection des droits de l’Homme en France, partant, « les autorités belges pouvaient faire confiance à la France en ce que celle-ci respecterait ses engagements lui incombant en vertu de la Convention »437. L’adoption par la Cour européenne d’un tel raisonnement aurait eu le mérite d’exprimer une réelle volonté de dialoguer, dans la mesure du possible, avec la Cour de justice. Or, la pluralité des réponses sur le plan européen est susceptible de contribuer à la fragilisation de l’accès à la procédure d’asile. III. Les réactions insatisfaisantes de la Cour de justice à l’arrêt Tarakhel La jurisprudence de la Cour de justice suit un raisonnement linéaire et ses décisions reflètent, ponctuellement, le cadre normatif que les instruments juridiques en matière d’asile incarnent. Dans le contexte des procédures Dublin, le refus du transfert n’est possible qu’en présence de défaillances systémiques dans l’État membre responsable. Bien que la catégorie de défaillances systémiques ait été forgée par le juge européen, une telle démarche était inévitable pour empêcher des violations irréversibles. Dès lors, le refus du transfert ne peut intervenir que dans les circonstances exceptionnelles, sur la base d’une appréciation générale relative à la situation régnant dans l’État responsable. Est-ce possible d’élargir le cercle des cas dans lesquels le transfert peut être refusé ? La Cour européenne a répondu par l’affirmative à cette question alors que la Cour de justice s’est prononcée à l’opposé dans l’arrêt Abdullahi438. La requérante, d’origine somalienne, est entrée sur le territoire de l’Union par la Grèce, où elle n’a pas introduit de demande protection internationale. Après avoir traversé les pays Balkans et la Hongrie, elle a sollicité l’asile en Autriche. Les autorités autrichiennes ont adressé une requête de prise en charge aux autorités hongroises, qui a été acceptée. Par la suite, la requérante a contesté la responsabilité de la Hongrie, arguant qu’elle était entrée sur territoire de l’Union par la Grèce ; et c’est ce dernier État qui est responsable de l’examen de sa demande. Toutefois, les défaillances systémiques ne permettant pas le transfert en Grèce, c’est l’Autriche qui est le véritable État responsable. 437
Opinion dissidente du Juge Keller, paragraphes 17 – 19. CJUE (Gde. ch.), Shamso Abdullahi contre Bundesasylamt, 10 décembre 2013, C-394/ 12, ECLI:EU:C:2013:813. 438
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La problématique esquissée par la juridiction de renvoi a porté sur la possibilité de contrôler, dans le cadre d’un recours à l’encontre de la décision du transfert, la responsabilité déjà constatée au motif que les critères de détermination de la responsabilité n’ont pas été appliqués correctement. La Cour de justice a répondu par la négative. C’est ainsi que cette juridiction a eu l’occasion de préciser la portée du refus des transferts. Le règlement Dublin II prévoyait en son article 19 que la décision de transfert pouvait faire l’objet de recours, mais cet article était muet sur les motifs pouvant être soulevés à l’encontre de cette décision (portée de recours). Cette large marge d’appréciation aurait permis à la Cour de justice d’aller soit dans une direction favorable à la protection des individus, soit vers un niveau approfondi de coopération fondé sur le plein respect de la confiance mutuelle. Le libellé du règlement Dublin II ne contenant pas de précisions à cet égard, la Cour de justice a opté pour une interprétation téléologique. Il est communément admis que l’objectif principal du règlement Dublin II est la détermination rapide de l’État membre responsable. Ce système est fondé sur la coopération des États membres. C’est précisément une coopération élevée et un système de règles, dans une large mesure, harmonisées au niveau de l’Union439 qui motivent le recours à l’équité globale de la procédure. C’est ainsi que l’avocat général Jääskinen a mis en exergue que « l’idée du règlement [Dublin II] n’est pas de conférer des droits aux particuliers, mais d’organiser les relations entre les États membres »440. Ainsi, ce constat nous incite à penser que, aux yeux de la Cour de justice, le choix est fait : l’Union constituant un espace unique au sein duquel l’équivalence de la protection des droits fondamentaux dans les différents États membres est garantie, cette circonstance justifie la quasi-automaticité des transferts. Grâce à ce niveau élevé de coopération, « un demandeur d’asile verra sa demande examinée, dans une large mesure, suivant les mêmes règles, quel que soit l’État membre responsable »441. Par ailleurs, ce choix ne porte pas atteinte au droit fondamental d’asile consacré à l’article 18 de la Charte, puisque celui-ci « n’est en principe pas compromis par la circonstance que [l]a demande soit examinée par un État membre en particulier »442, les violations mineures pouvant être contestées dans le cadre d’un recours sur le fond devant les juridictions de l’État membre responsable. Il s’ensuit que seules les défaillances systémiques constituent des motifs valables pour contester une décision de transfert. L’arrêt Abdullahi conserve 439
Ibid., paragraphe 54. Conclusions de l’avocat général Jääskinen, Bundesrepublik Deutschland contre Kaveh Puid, 18 avril 2013, préc., paragraphe 58. Voir également : Conclusions de l’avocat général Cruz Villalón, Shamso Abdullahi contre Bundesasylamt, 11 juillet 2013, C-394/12, ECLI: ECLI:EU:C:2013:473, paragraphe 36. 441 CJUE, Shamso Abdullahi contre Bundesasylamt, 10 décembre 2013, préc., paragraphe 55. 442 Conclusions de l’avocat général Cruz Villalón, Shamso Abdullahi contre Bundesasylamt, 11 juillet 2013, préc., paragraphe 43. 440
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et maintient un conflit indissoluble entre les jurisprudences des organes européens étudiés443, même si le défaut de pouvoir contester la détermination de l’État responsable n’est pas en soi inconventionnel, tant que l’État responsable respecte les dispositions de la Convention européenne. De surcroît, une telle contestation ne porterait pas atteinte au principe de confiance mutuelle, les griefs à l’encontre de la détermination incorrecte de l’État responsable ne touchant pas une relation interétatique. Cependant, l’opinion particulièrement légaliste de la Cour de justice semble avoir figé, pour une certaine période, le processus d’ouverture vers la jurisprudence de la Cour européenne. Dès lors, seule une intervention législative pouvait l’inciter à revisiter sa jurisprudence. Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que le législateur de l’Union adopte le règlement Dublin III qui a changé le cadre normatif du système Dublin et a contribué à clarifier la portée des clauses dérogatoires et des cas dans lesquels le transfert peut être refusé.
Section II: La contribution du règlement Dublin III à l’établissement du dialogue entre les organes juridictionnels européens L’adoption du règlement Dublin III s’inscrivait dans un processus caractérisé par le renforcement de la liberté, la sécurité et la justice dans l’Union européenne, comme le titre du Programme de la Haye en témoigne444. Dans cette perspective, le « système de Dublin demeure une pièce maîtresse dans l’élaboration du [régime d’asile européen commun] »445. Eu égard à la place centrale réservée à ce système, le règlement Dublin II méritait d’être réformé à la lumière des développements politiques et jurisprudentiels. Dans sa proposition sur le règlement Dublin II, la Commission européenne a souligné que l’objectif principal de la proposition est, d’une part, d’accroître l’ef443 Cette approche n’est pas complètement partagée par la doctrine. Selon le Professeur Lübbe, les États membres peuvent prendre en considération certains principes dans le cadre de l’utilisation de la clause de souveraineté, tels que le principe du standard minimum (de la protection) (Mindeststandardprinzip), le principe d’accessibilité (de la protection alternative) (Erreichbarkeitsprinzip), le principe du lien (avec les membres de la famille) (Verbindungsprinzip) et le principe d’efficience (dans l’intérêt d’effet utile du règlement Dublin) (Effizienzprinzip). A. Lübbe, « Prinzipien der Zuordnung von Flüchtlingsverantwortung und Individualrechtsschutz im Dublin-System », ZAR, 35. Jahrg. (2015), 4, p. 125 – 132. 444 Le programme de La Haye : renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l’Union européenne, JO C 53 du 3. 3. 2005, p. 1 – 14. Le programme a souligné la nécessaire mise au point d’une procédure commune d’asile et d’un statut uniforme pour les personnes bénéficiant de l’asile ou d’une protection subsidiaire (point 1.3.). 445 Le programme de Stockholm, préc., point 6.2.1.
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ficacité du système Dublin et, d’autre part, de garantir des normes de protection plus élevées aux personnes relevant de la procédure Dublin446. Malgré la nature conflictuelle de ces objectifs447, qui peut amener les États à donner une préférence à l’un ou à l’autre448, le corps du règlement Dublin III contient désormais des règles plus claires et, surtout, plus protectrices en faveur des individus. Premièrement, et dans l’intérêt de clarifier le rôle et la portée des clauses dérogatoires, le règlement Dublin III les a détachées des critères de responsabilité en les plaçant dans le Chapitre IV intitulé « Personnes à charge et clauses discrétionnaires ». Ces clauses comprennent habituellement la clause humanitaire et la clause de souveraineté. Deuxièmement, le règlement Dublin III a codifié la jurisprudence N.S. afin de préciser les cas dans lesquels le transfert ne peut avoir lieu. En vertu de l’article 3, paragraphe (2), deuxième alinéa dudit règlement, « [l]orsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable »449. Les doutes ont été levés. Même la Commission a constaté que les États membres appliquent la clause de souveraineté pour différentes raisons, qui vont des raisons humanitaires à des raisons purement pratiques450. Il est indéniable que la Cour européenne a largement contribué à cette 446
Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale présentée dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (Refonte) COM/2008/0820 final. En 2013, plusieurs autres textes appartenant au droit dérivé de l’Union ont été adoptés : directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, JO L 180 du 29. 6. 2013, p. 60 – 95 ; directive 2013/33/ UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, JO L 180 du 29. 6. 2013, p. 96 – 116 ; règlement (UE) 603/2013, préc. 447 Le caractère conflictuel des objectifs de la liberté et de la sécurité apparaît également dans les programmes définissant les contours de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, tels que le programme de la Haye ou le programme de Stockholm. T. Balzacq, S. Carrera, « The Hague Programme : the long road to freedom, security and justice », In : Security versus freedom? A Challenge for Europe’s Future, Aldershot, Ashgate, 2006, p. 1 – 32. 448 K. Hailbronner, D. Thym, EU immigration and asylum law : a commentary, 2nd ed., München : Beck ; Oxford : Hart ; Baden-Baden, Nomos, 2016, p. 347 – 348. 449 Article 3(2) deuxième alinéa du règlement Dublin III. 450 COM (2007) 299 final, Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’évaluation du système de Dublin SEC(2007) 742. La Commission a d’ailleurs encouragé
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confusion depuis le prononcé de son arrêt M.S.S., justifiant son intervention à l’image de l’arrêt Bosphorus, qui a clarifié la conception de la Cour européenne relative au contrôle de conventionnalité des actes nationaux adoptés sur le fondement du droit de l’Union451. En ce qui concerne la clause de souveraineté, sa portée n’a pas significativement changé. En vertu de l’article 17, paragraphe (1) de ce règlement, « [p]ar dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement »452. En tout état de cause, le législateur de l’Union a fait comprendre, par l’emplacement de la clause de souveraineté et du refus du transfert en raison de défaillances systémiques, qu’il s’agit bien de deux catégories distinctes. En ce qui concerne les possibilités de recours contre la décision de transfert, le règlement Dublin III prévoit désormais en son article 27, paragraphe (1), que le demandeur d’asile dispose d’un droit de recours effectif, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction453. Compte tenu de ces développements, la Cour de justice a obtenu l’autorisation normative d’effectuer une interprétation plus « audacieuse » dans l’intérêt d’accroître la protection des droits fondamentaux des demandeurs d’asile. À la lumière de ce climat propice à l’ouverture à une protection plus étendue, la Cour de justice a fait preuve d’une certaine souplesse dans sa jurisprudence (§ 1). La Cour européenne, quant à elle, a poursuivi son cheminement jurisprudentiel traditionnel (§ 2).
§ 1 Une ouverture vers la protection plus étendue des droits fondamentaux dans l’ordre juridique de l’Union Le changement législatif opéré via le règlement Dublin III a considérablement modulé l’approche de la Cour de justice (A). Dès lors, l’on pourrait croire que l’attachement aux droits fondamentaux ne résulte pas tant d’un dialogue avec la Cour européenne que du changement de cadre normatif. Cette allégation a été toutefois réfutée par certains arrêts récents, qui constituent la première manifestation du dialogue tant souhaité avec la Cour européenne (B).
l’application de la clause de souveraineté pour des raisons humanitaires tout en omettant de préciser les contours de cette expression. 451 Cour EDH, Bosphorus Hava Yollari Turizm Ve Ticaret Anonim Sirketi c. Irlande, 30 juin 2005, préc. 452 Article 17(1) du règlement Dublin III. 453 Ibid., article 27(1).
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A. La protection plus étendue des droits fondamentaux comme résultat d’un changement normatif dans l’ordre juridique de l’Union L’arrêt Ghezelbash454, qui fait l’objet de notre analyse, constitue le prolongement de l’affaire Abdullahi, et ce, bien qu’il s’inscrive dans un contexte normatif différent, ce qui justifie le revirement de jurisprudence opéré par la Cour de justice. En ce qui concerne le cadre factuel, le requérant, ressortissant iranien, a sollicité un permis de séjour temporaire aux Pays-Bas au titre de l’asile. À la suite des recherches effectuées dans le système d’information sur les visas, il s’est avéré que le requérant a bénéficié du visa en France. Dès lors, les autorités néerlandaises ont adressé une requête de prise en charge à leur homologue français. Or, selon le récit du requérant, il est entretemps rentré en Iran, circonstance impliquant la responsabilité des Pays-Bas, et non celle de la France. À l’instar de l’affaire Abdullahi, le requérant a contesté le choix des autorités néerlandaises en désignant la France comme État membre responsable. La Cour de justice (I) de même que l’avocat général Sharpston (II) ont proposé une grille de lecture contenant une argumentation différente, mais allant chacune dans le même sens. I. La grille de lecture proposée par la Cour de justice Dans son appréciation, en commençant son analyse par une interprétation littérale, la Cour de justice s’est référée au nouveau contexte normatif permettant d’élargir la portée du recours. Selon le considérant (19) du règlement Dublin III, le recours contre les décisions de transfert porte, d’une part, sur la vérification de la détermination correcte de l’État membre responsable, et, d’autre part, sur la vérification de la situation, en fait et en droit, dans l’autre État membre dans une dimension bilatérale où le principe de confiance mutuelle joue un rôle significatif. Ce dernier cas de figure se réfère à la vérification de l’existence de défaillances systémiques dans l’État membre responsable. Toutefois, mettre en cause la responsabilité de l’État membre chargé de la détermination de l’État responsable en raison d’une application incorrecte des critères n’a pas de répercussion sur la confiance mutuelle et ne la remet en question, puisqu’un éventuel constat d’erreur signifie simplement que l’État membre initialement désigné n’est pas l’État membre responsable et, pour cette raison, le transfert ne peut pas avoir lieu vers cet État455, indépendamment de l’existence d’une confiance entre les États concernés. 454 CJUE (Gde. ch.), Mehrdad Ghezelbash contre Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie, 7 juin 2016, C-63/15, ECLI:EU:C:2016:409. 455 Ibid., paragraphe 55. Cette solution a été confirmée dans l’affaire Karim, rendue le même jour par la Cour de justice : CJUE (Gde. ch.), George Karim contre Migrationsverket, 7 juin 2016, C-155/15, ECLI:EU:C:2016:410. La Cour de justice s’est d’ailleurs prononcée de manière similaire dans l’affaire Mengesteab. Celle-ci a, en effet, jugé que la portée du recours à l’encontre de la décision du transfert comprenait également la possibilité d’invoquer l’expiration du délai dans lequel le transfert peut avoir lieu. CJUE (Gde. ch.), Tsegezab Menge-
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L’avocat général Sharpston a suivi une voie similaire, mais a proposé, en même temps, une lecture conciliante avec la jurisprudence de la Cour européenne. II. La grille de lecture proposée par l’avocat général Sharpston Lorsqu’elle a analysé la problématique présentée, elle a pris en considération la jurisprudence de la Cour européenne, notamment les enseignements de l’arrêt Tarakhel. Indépendamment de la question de savoir s’il s’agissait de la mise en cause du principe de confiance mutuelle, elle a suggéré de tenir compte de la situation individuelle du requérant, d’autant plus qu’une décision de transfert est susceptible d’affecter défavorablement les intérêts des demandeurs d’asile456. De plus, la détermination de l’État membre responsable n’est pas toujours neutre à l’égard des demandeurs d’asile, raison pour laquelle l’avocat général préconise une telle appréciation individuelle457. Dès lors, le dialogue établi par l’avocat général était fondé sur le rapprochement des méthodes, et ce, en prenant appui sur une interprétation téléologique ; alors que la Cour de justice n’a pas véritablement exploité cette possibilité, l’avocat général Sharpston a, en revanche, peiné à fournir une lecture pouvant être approuvée également par la Cour européenne. Sa réflexion a conduit au même résultat que celui préconisé par la Cour de justice. En somme, l’arrêt est une avancée importante au bénéfice des demandeurs d’asile : la possibilité de contester l’erreur d’application des critères constitue un moyen supplémentaire à disposition des demandeurs d’asile pour bénéficier de l’accès à la procédure d’asile dans un État membre où les conditions sont, le cas échéant, plus propices à un accès effectif. Comme nous l’avons démontré, l’arrêt Ghezelbash n’a pas directement impacté les relations interétatiques fondées sur le plein respect du principe de confiance mutuelle. Toutefois, il était temps que la Cour de justice se prononce sur la portée du refus des transferts et, ainsi, du principe de confiance mutuelle, à la lumière du nouveau règlement Dublin III.
steab contre Bundesrepublik Deutschland, 26 juillet 2017, C-670/16, ECLI:EU:C:2017:587. Par ailleurs, l’avocat général Sharpston a souligné s’agissant de la portée de l’article 27 du règlement Dublin III que le requérant peut invoquer l’application incorrecte des critères du chapitre III du règlement Dublin III, en particulier des dispositions relatives à l’unité de la famille, et ce, également dans le cadre du recours fondé sur l’article 27 dudit règlement. Conclusions de l’avocat général Mme E. Sharpston, présentées le 29 novembre 2018, Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie contre H. et R., aff. jointes C-582/17 et C-583/17, ECLI:EU:C:2018:975. À ce jour, l’affaire est encore pendante devant la Cour de justice. 456 Conclusions de l’avocat général Sharpston, le 17 mars 2016, C-63/15, ECLI:EU:C:2016:186, paragraphes 78 et 80. 457 Ibid., paragraphe 80. L’avocat général se réfère à l’article suivant : S. Morgades-Gil, « The discretion of States … », op. cit., p. 433.
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B. La protection plus étendue des droits fondamentaux comme résultat d’un dialogue souhaité avec la Cour européenne Le dialogue tant souhaité avec la Cour européenne devient une réalité avec le prononcé de l’arrêt C.K. et avec les décisions subséquentes (I). Cependant, en dépit de ce rapprochement jurisprudentiel, la logique fondamentale de la jurisprudence « Dublin » de la Cour de justice demeure la même : une distinction nette entre la catégorie de refus des transferts en vertu de l’article 3, paragraphe 2 du règlement Dublin III, et la clause de souveraineté. Dans ce cadre, il est souhaitable que la Cour de justice (re)définisse la portée du principe de confiance mutuelle (II). I. Le dialogue souhaité entre les cours européennes : l’arrêt C.K. et ses suites Le dialogue tant attendu a été établi sur le fondement de l’arrêt C.K. (1), puis il a été préconisé par la jurisprudence subséquente des juges de Luxembourg (2). 1. Le fondement du dialogue souhaité : l’arrêt C.K. L’arrêt C.K.458 semble faire écho aux enseignements des arrêts Tarakhel et Halimi, le point commun des affaires citées résidant dans la vulnérabilité particulière des requérants (a)). Cependant, si la Cour de justice, afin d’éviter des dissonances, ajuste sa jurisprudence à celle de la Cour européenne, celle-ci rend également visible dans son arrêt les spécificités du droit de l’Union (b)). a) Un cadre factuel propice au dialogue Les requérants sont entrés sur le territoire de l’Union grâce à un visa délivré par la Croatie. Ils ont ensuite demandé l’asile en Slovénie. Entretemps, la requérante a donné naissance à un enfant. Les autorités croates ayant accepté la responsabilité, elles ont donné des assurances que les requérants auraient accès aux soins médicaux adéquats et aux traitements médicaux nécessaires459. Dans le cadre de leur recours, les requérants ont présenté des certificats médicaux attestant que la requérante souffrait de difficultés d’ordre psychiatrique et qu’elle avait des tendances suicidaires. En réitérant la position de la Cour européenne, la Cour constitutionnelle slovène a considéré que les défaillances systémiques seules ne peuvent pas justifier le refus du transfert, mais qu’il convient de prendre en considération, entre autres, la jurisprudence de la Cour de Strasbourg relative à l’article 3 de la Convention. Toujours selon la Cour constitutionnelle, lorsque le transfert entraîne une violation des exigences fondamentales relatives à la Convention de Genève ou à la Conven458 CJUE (5ème ch.) C. K. e.a. contre Republika Slovenija, 16 février 2017, C-578/16 PPU, ECLI:EU:C:2017:127. 459 Ibid., paragraphe 33.
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tion européenne, les États membres sont tenus de faire usage de la clause de souveraineté460. L’affaire étudiée présente certaines similitudes avec l’affaire Tarakhel. En effet, l’existence de défaillances systémiques a été niée dans les deux affaires. En l’occurrence, les conditions d’accueil s’avéraient satisfaisantes en Croatie et, en tout état de cause, les autorités croates ont donné des assurances détaillées à leur homologue slovène. Cependant, les griefs des requérants ont également porté sur l’organisation du transfert par l’État membre chargé de la détermination de la responsabilité. À ce dernier égard, la problématique n’est pas tant la mise en cause de la confiance mutuelle, et ainsi un possible renversement de la présomption de la protection des droits fondamentaux dans l’État membre responsable, que la responsabilité de l’État membre chargé du transfert au regard de l’article 4 de la Charte. Partant, lorsque le transfert du demandeur d’asile se heurte aux droits intangibles, l’État membre chargé du transfert est-il tenu de faire usage de la clause de souveraineté ? En d’autres termes : dans la mesure où le transfert de la requérante, présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave, entraînerait le risque réel et avéré d’une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé, et où ce transfert constituerait ainsi un traitement inhumain et dégradant, l’État membre chargé de la détermination de la responsabilité serait-il tenu d’appliquer la clause de souveraineté et d’examiner lui-même la demande461 ? La Cour de justice a répondu par la négative à cette question. Cette affaire requiert d’analyser deux paramètres : celui du transport du demandeur d’asile et son traitement dans l’État responsable. Premièrement, s’agissant du paramètre du transport, la Cour de justice a examiné la portée de la clause de souveraineté. Cette démarche n’est pas fortuite. En effet, il ne s’agit pas d’une relation interétatique, car seul l’État chargé de la détermination de la responsabilité est responsable du transfert, indépendamment de toutes les considérations liées au principe de confiance mutuelle. C’est ainsi que la clause de souveraineté a d’ailleurs été invoquée. La valeur ajoutée du raisonnement de la Cour de justice est sans nul doute la nouvelle méthode d’interprétation : l’appréciation de la situation individuelle du demandeur d’asile. Selon cette juridiction, il n’est pas possible d’exclure d’emblée que, compte tenu de l’état de santé particulièrement grave du demandeur d’asile, son transfert porte atteinte à l’article 4 de la Charte462. C’est ainsi que les autorités de l’État chargé du transfert sont tenues d’évaluer les conséquences du transport, qu’il s’agisse des conséquences du transport physique ou des conséquences significatives et irrémédiables463. Une fois cette évaluation effectuée, la Cour de justice prévoit des démarches concrètes : l’État membre chargé du transfert est tenu d’organiser le transfert de telle manière que le 460 461 462 463
Ibid., paragraphe 41. Ibid. Ibid., paragraphe 66. Ibid., paragraphes 74 et 76.
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demandeur soit accompagné du personnel, de l’équipement et des médicaments permettant de prévenir toute aggravation de son état de santé464. L’ensemble de ces obligations incombent ainsi uniquement à l’État chargé du transfert. Cependant, en vertu de la jurisprudence de la Cour européenne, ce dernier État ne peut s’exonérer de la responsabilité au regard de la Convention que dans la mesure où il s’est suffisamment assuré de la conventionnalité du traitement réservé au demandeur d’asile dans l’État responsable. C’est là où le deuxième paramètre entre en jeu. b) L’établissement d’un dialogue formel entre les autorités compétentes Deuxièmement, même lorsque le transfert se déroule dans le plein respect des précautions suggérées par la Cour de justice, et comme l’exemple Tarakhel le montre, l’État membre chargé du transfert ne peut pas s’exonérer de la responsabilité au regard de l’article 4 de la Charte, dans la mesure où celui-ci n’obtient pas de garanties individuelles sur le traitement du demandeur à la suite du transfert. C’est dans cette perspective que la Cour de justice s’aligne sur la jurisprudence de la Cour européenne. En revanche, en ce qui concerne la mise en œuvre de cette idée, comme le Professeur Labayle l’a remarqué, la Cour de justice élargit à l’opération matérielle de transfert la fissure de l’automaticité liée à la confiance mutuelle, à l’image du travail amorcé dans l’affaire Aranyosi465. Ainsi, les démarches incombant à l’État chargé du transfert coïncident dans une large mesure avec celles qu’il convient d’effectuer lors de l’exécution du mandat d’arrêt européen466. Concrètement, l’État membre chargé du transfert « doit pouvoir également s’assurer que le demandeur […] bénéficie de soins dès son arrivée dans l’État membre responsable »467. À cette 464
Ibid., paragraphe 81. H. Labayle, « Escale à Canossa ? La protection des droits fondamentaux lors d’un transfert ‹Dublin› vue par la Cour de justice (C.K. c. Slovénie, C-578/16 PPU) », http://www. gdr-elsj.eu/2017/03/01/informations-generales/escale-a-canossa-la-protection-des-droits-fonda mentaux-lors-dun-transfert-dublin-vue-par-la-cour-de-justice-c-k-c-slovenie-c-57816-ppu/ (consulté le 2 novembre 2017). 466 CJUE, Pál Aranyosi et Robert Ca˘ lda˘ raru, 5 avril 2016, préc. Dans cette affaire en matière pénale, la Cour de justice a reconnu la possibilité de mettre en cause le principe de confiance mutuelle, lorsqu’il s’agit d’exécuter un mandat d’arrêt européen. L’État chargé du transfert est tenu de s’assurer des conditions de détention dans l’État d’émission. Dans ce cadre, l’autorité judiciaire d’exécution doit se fonder « sur des éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés sur les conditions de détention qui prévalent dans l’État membre d’émission et démontrant la réalité de défaillances soit systémiques ou généralisées, soit touchant certains groupes de personnes, soit encore certains centres de détention » (paragraphe 89). En cas de risque de mauvais traitements, l’exécution du mandat d’arrêt européen doit être reportée, mais elle ne saurait être abandonnée (paragraphe 98). Ainsi, selon la doctrine, la Cour de justice a introduit une nouvelle procédure dérogatoire. M. Guiresse, « Confiance mutuelle et mandat d’arrêt européen : évolution ou inflexion de la Cour de justice ? », http://www.gdr-elsj.eu/2016/04/12/cooperation-judiciaire-penale/confiance-mutuelle-et-man dat-darret-europeen-evolution-ou-inflexion-de-la-cour-de-justice/ (consulté le 14 mars 2017). 467 CJUE, C. K. e.a. contre Republika Slovenija, 16 février 2017, préc., paragraphe 82. 465
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fin, même le règlement Dublin III prévoit la nécessaire communication entre les États membres concernés. Dès lors, la Cour accorde une importance fondamentale au dialogue entre les États membres pour empêcher une violation irréversible. Grâce à ce dialogue mutuel, l’État membre chargé du transfert peut obtenir de l’État membre responsable la confirmation que les soins indispensables seront disponibles à l’arrivée du demandeur d’asile468. Ces assurances doivent receler des garanties concernant l’accès aux soins et le traitement adéquat de la maladie dans l’État responsable. Il convient de noter que de telles précautions sont indispensables non seulement dans l’intérêt d’empêcher les violations irréversibles, mais également en tant qu’elles contribuent à un accès davantage effectif à la procédure d’asile dans l’État responsable. À l’instar de la solution proposée dans l’affaire Aranyosi, si les précautions ainsi prévues ne s’avéraient pas suffisantes, l’exécution du transfert serait suspendue aussi longtemps que l’état de santé du requérant ne permet pas le transfert. Lorsque le transfert n’est pas possible pendant une période plus longue, cette circonstance n’exige pas automatiquement l’application de la clause de souveraineté, sous réserve des délais prévus dans le règlement Dublin III. Ainsi, si l’État chargé du transfert considère que le demandeur d’asile ne bénéficie pas de soins adéquats dès son arrivée, il ne sera pas en mesure de procéder au transfert. Dans ce cas, et sous réserve d’un possible transfert vers un autre État membre dans les délais prévus par le règlement Dublin III, sommes-nous ainsi témoins de la naissance d’une nouvelle catégorie de « circonstances exceptionnelles » au sens de l’avis 2/13 justifiant l’abandon de la confiance mutuelle ? L’avocat général Tanchev coupe court au débat doctrinal : en s’appuyant sur une lecture littérale de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III, il considère que le législateur de l’Union n’a pas envisagé d’autre possibilité que des défaillances systémiques pour refuser le transfert. Il justifie son raisonnement notamment par la nécessaire prise en considération du principe de confiance mutuelle et par le fait que la Cour de justice n’est pas tenue de suivre la jurisprudence de la Cour469, ignorant complètement l’article 52 de la Charte. En revanche, le raisonnement de la Cour de justice semble être davantage nuancé : malgré le fait que le législateur de l’Union a envisagé uniquement la catégorie de défaillances systémiques pour empêcher le transfert, certaines considérations liées au risque réel et avéré des traitements contraires à l’article 4 de la Charte peuvent, dans des situations exceptionnelles, entraîner des conséquences pour le transfert470. Il nous semble que même la Cour de justice reconnaît qu’une telle solution est susceptible de fragiliser le principe de confiance mutuelle, en s’efforçant de convaincre le lecteur que cette solution n’affecte pas la présomption 468
Ibid., paragraphe 83. Conclusions de l’avocat général E. Tanchev, C. K. e.a. contre Republika Slovenija, 9 février 2017, C-578/16 PPU, ECLI:EU:C:2017:108, paragraphes 50 – 53. 470 CJUE, C. K. e.a. contre Republika Slovenija, 16 février 2017, préc., paragraphe 92. 469
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du respect des droits fondamentaux dans les État membres, mais assure que les situations exceptionnelles soient prises en compte par les États membres471. Par cette interprétation auto-justifiant et avec une référence à l’article 4 de la Charte, la Cour de justice a ouvert la boîte de Pandore des « circonstances exceptionnelles » et, ce faisant, le chemin à l’érosion du principe de confiance mutuelle. Certes, une telle conception jurisprudentielle témoigne d’une volonté manifeste de rapprochement de la Cour européenne. Néanmoins, le chemin est encore long et nécessite des clarifications axiologiques et conceptuelles dans la jurisprudence de la Cour de justice. 2. L’approfondissement du dialogue souhaité Deux arrêts prononcés le même jour, le 15 mars 2019, s’inscrivent dans l’approfondissement du dialogue entre les deux cours européennes et élargissent la portée matérielle, et même temporelle, des circonstances exceptionnelles justifiant le refus du transfert. Dans l’affaire Jawo, le requérant, ressortissant gambien, a déposé une demande d’asile en Italie, puis il a poursuivi son chemin jusqu’à l’Allemagne, où il a également sollicité l’asile. Les autorités allemandes ont dès lors adressé une requête de reprise en charge à leur homologue italien, qui est restée sans suite. La décision de transfert a été contestée par le requérant devant les tribunaux administratifs allemands, en faisant valoir notamment que son transfert vers l’Italie serait illicite en raison du fait qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et dans les conditions d’accueil472. La juridiction de renvoi a relevé à cet égard que, dans son interprétation, l’examen de l’existence de défaillances systémiques comprend également une appréciation de la situation ultérieure du demandeur d’asile concernant les conditions d’accueil et la procédure d’asile473. Cette juridiction s’est interrogée en réalité sur la portée temporelle de l’examen des défaillances systémiques dans l’État membre responsable. Dit autrement, la juridiction de renvoi a considéré la catégorie du refus de transfert en raison de défaillances systémiques en tant qu’équivalent à la clause de souveraineté, à l’instar du modèle suggéré par la Cour européenne. Concernant la méthode, cet examen présuppose l’évaluation du sort réservé au demandeur d’asile à la suite de son transfert474. De ce point de vue, la problématique esquissée s’apparente dans une large mesure à celle caractérisant l’affaire C.K. : le transfert peut être refusé même lorsqu’il n’existe pas de défaillances systémiques. 471
Ibid., paragraphe 95. CJUE (Gde. ch.), Abubacarr Jawo contre Bundesrepublik Deutschland, 19 mars 2019, C-163/17, ECLI:EU:C:2019:218, paragraphe 38. 473 Ibid., paragraphe 45. 474 Il convient de noter que la question est épineuse du point de vue de la responsabilité de l’État membre chargé de la détermination de l’État responsable : il ne peut pas être tenu pour responsable des éventuelles violations futures dans l’État responsable. 472
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Dans son appréciation, la Cour de justice commence son raisonnement avec le rappel du respect des droits fondamentaux absolus, tels qu’ils sont garantis par la Charte, avant de réitérer sa jurisprudence constante relative au principe de confiance mutuelle. Confrontée au traitement d’une nouvelle circonstance exceptionnelle dont la méconnaissance est susceptible de porter atteinte à un droit absolu, la Cour de justice élargit à nouveau, par voie prétorienne, la portée de l’article 3, paragraphe (2), deuxième alinéa du règlement Dublin III. En effet, la Cour a relevé que si cette disposition « n’envisage que la situation à l’origine de l’arrêt […] N. S. e.a. […] dans laquelle le risque réel de traitement inhumain ou dégradant, au sens de l’article 4 de la Charte, résulte de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’une protection internationale dans l’État membre […] responsable […], il découle toutefois […] du caractère général et absolu de l’interdiction prévue à cet article 4 que le transfert d’un demandeur vers cet État membre est exclu dans toute situation dans laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire que le demandeur courra un tel risque lors de son transfert ou par suite de celui-ci »475. De ce point de vue, la Cour de justice s’est alignée, certes, matériellement sur la jurisprudence de la Cour européenne, mais pas formellement, à savoir à partir de la perspective de la base juridique d’un possible refus du transfert. Dans ce cadre, il ne faut pas perdre de vue que la Cour européenne se réfère à ces circonstances exceptionnelles dans le cadre de l’article 17 du règlement Dublin III consacré à la clause de souveraineté. Ces circonstances comprennent toutes les violations possibles qui atteignent le seuil minimum de gravité au sens de la jurisprudence de la Cour européenne. Quant à la Cour de justice, celle-ci est, certes, disposée à dialoguer, mais opère en même temps un amalgame entre les deux catégories évoquées, tout en insistant sur une délimitation formelle entre elles. Enfin, en ce qui concerne la méthode pour apprécier la situation en question, le seuil de gravité est essentiellement le même que celui prévu par l’arrêt M.S.S : l’existence d’un dénuement matériel extrême dans le cas individuel du requérant476. L’opinion de l’avocat général Wathelet mérite d’être analysée sur ce point. L’avocat général considère, sur le fondement du principe de confiance mutuelle, que le risque du traitement contraire à l’article 4 de la Charte intervient lorsque les demandeurs d’asile se trouvent « dans une situation d’une particulière gravité qui 475
Ibid., paragraphe 87. Ibid., paragraphes 92 – 93. Il convient de noter que le même raisonnement apparaît dans l’arrêt Ibrahim prononcé au même jour. CJUE (Gde. ch.) Bashar Ibrahim e.a. contre Bundesrepublik Deutschland et Bundesrepublik Deutschland contre Taus Magamadov, 19 mars 2019, aff. jointes C-297/17, C-318/17, C-319/17 et C-438/17, ECLI:EU:C:2019:219. Dans cette affaire, l’une des questions préjudicielles déférée devant la Cour de justice était de savoir si la directive « procédures » s’opposait à ce qu’un État membre rejette une demande d’octroi du statut de réfugié comme irrecevable au motif que le demandeur a déjà bénéficié du statut conféré par la protection subsidiaire, lorsque les conditions de vie dans l’État membre responsable soit sont contraires à l’article 4 de la Charte, soit ne satisfont pas à la directive « qualification », sans toutefois aller jusqu’à violer cet article 4 (paragraphe 81). 476
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résulterait des défaillances systémiques à leur égard »477. À l’instar de la Cour de justice, l’avocat général interprète de façon large le concept de défaillances systémiques, et le seul critère pertinent pour apprécier leur existence est le seuil de gravité, dont le niveau semble être équivalent à celui proposé par la Cour de Strasbourg. Lorsque l’avocat général interprète la notion de défaillances systémiques, il considère trois cas de figure comme pertinents : l’existence de défaillances systémiques (affaire N.S.), de défaillances isolées (affaire C.K.) et de défaillances futures (affaire Jawo). Dans tous les autres cas, il semble que le transfert doit avoir lieu, sous réserve du recours à la clause de souveraineté. Ce raisonnement appelle quelques observations. Premièrement, il est évident que le nombre élevé des dérogations est susceptible de saper le système Dublin. Deuxièmement, on ne sait pas clairement où se situe la frontière entre la clause de souveraineté et la catégorie du refus de transfert en raison de l’existence des circonstances exceptionnelles. Troisièmement, cette dernière catégorie semble contenir une liste de violations énumérées de façon exhaustive alors que tel n’est pas le cas dans le système conventionnel. Quatrièmement, les conséquences du déclenchement de la clause de souveraineté et de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III ne sont pas identiques : dans le premier cas, l’État membre chargé du transfert devient l’État responsable alors que, dans le deuxième cas, l’État chargé du transfert est tenu de continuer à chercher un autre l’État potentiellement responsable, et c’est lorsqu’il n’en trouve pas un, qu’il devient responsable. À la lumière de la solution préconisée en l’espèce, la différence entre la catégorie de refus des transferts en raison de défaillances systémiques et celle du recours à la clause de souveraineté devient ténue. En outre, nous avons l’impression que la clause de souveraineté constitue désormais un article de « refuge » contre les éventuelles condamnations prononcées par la Cour européenne. Compte tenu de la brièveté des délais dans le système de Dublin, en cas de soupçon d’une moindre violation, les États membres préfèrent appliquer la clause de souveraineté, pratique tolérée par la Cour de justice et préconisée par la Cour européenne qui va à l’encontre de la logique fondamentale du système de Dublin. Qui plus est, la Cour de justice continue d’opérer une distinction entre ces deux catégories, pour le moins d’un point de vue formel.
477 Conclusions de l’avocat général M. M. Wathelet, présentées le 25 juillet 2018, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, C-163/17, ECLI:EU:C:2018:613, paragraphe 126. Le raisonnement de l’avocat général a été réitéré dans l’affaire Ibrahim. Conclusions de l’avocat général M. M. Wathelet, présentées le 25 juillet 2018, Ibrahim e.a. c. Bundesrepublik Deutschland et Bundesrepublik Deutschland c. Taus Magamadov, aff. jointes C-297/17, C318/17, C-319/17 et C-438/17, ECLI:EU:C:2018:617.
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II. Une distinction toujours présente entre les catégories du refus de transfert et de la clause de souveraineté Si le dialogue entre les deux cours européennes s’intensifie, certaines spécificités propres au système de Dublin ne changent pas, sous réserve de la remise en question de sa logique sous-jacente : la détermination de l’État membre responsable, dont l’écart n’est possible que dans les circonstances exceptionnelles. Cette considération vaut en particulier pour le sort réservé à la clause de souveraineté. Compte tenu des hésitations des juridictions nationales relatives à la portée du contrôle de la légalité des transferts, la Cour de justice était contrainte de préciser, à nouveau, la portée réservée à la clause de souveraineté dont les fondements résident notamment dans l’arrêt Halaf précité. Dans l’affaire Fathi, le requérant s’est vu refuser l’octroi de la protection internationale, mais nonobstant l’adoption d’une décision sur le fond relative au rejet de la demande de protection, la Bulgarie, État membre responsable, n’a pas rendu de décision déterminant sa responsabilité sur le fondement de l’article 3, paragraphe (1) du règlement Dublin III478. Dès lors, la question posée par la juridiction de renvoi était de savoir si cette disposition du règlement Dublin III s’oppose à ce que les autorités de l’État membre responsable procèdent à l’examen au fond, en l’absence d’une décision déterminant leur responsabilité479. Ce n’est pas tant la réponse à cette question qui nous intéresse que le raisonnement de la Cour de justice, notamment la relation entre le refus des transferts en raison de l’existence de défaillances systémiques et la clause de souveraineté. Pour répondre à la question posée, la Cour de justice a été conduite à évaluer la façon dont le législateur de l’Union a conçu les différentes dispositions dans le règlement Dublin III. L’appréciation de la Cour de justice relative à l’emplacement des différents chapitres est révélatrice : le chapitre III contient des critères de détermination de l’État membre responsable, tandis que le chapitre IV prévoit notamment des clauses discrétionnaires. La Cour de justice souligne à cet égard que l’article 17 du règlement Dublin III énonce « spécifiquement » à son paragraphe (1) que par dérogation à l’article 3, paragraphe (1), chaque l’État membre peut décider d’examiner la demande même si cet examen ne lui incombe pas, et ce conformément aux enseignements de l’arrêt Halaf précité480. En revanche, la Cour de justice n’explicite pas la véritable différence sémantique et procédurale entre les deux catégories et la pertinence de la clause de souveraineté à l’aune de l’élargissement, par voie prétorienne, de la portée de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III. La distinction, pour le moins formelle, entre les deux articles, opérée par la Cour 478 CJUE (2ème ch.), Bahtiyar Fathi contre Predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite, 4 octobre 2018, C-56/17, ECLI:EU:C:2018:803, paragraphe 39. 479 Ibid., paragraphe 42. 480 CJUE, Conclusions de l’avocat général M. P. Mengozzi, présentées le 25 juillet 2018, Bahtiyar Fathi contre Predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite, C-56/17, ECLI:EU:C:2018:621, paragraphe 53.
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de justice met en lumière que l’applicabilité de la clause de souveraineté diffère dans son acception qui en est faite par la Cour de justice et par la Cour européenne. En effet, il nous semble que les dérogations dans la jurisprudence de la Cour de justice sont de deux ordres : l’un est de nature interétatique que l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III incarne, tandis que l’autre est lié aux traditions constitutionnelles et est ainsi unilatéral, à savoir la clause de souveraineté. Mais une telle différence n’existe pas aux yeux de la Cour européenne et toutes les violations potentielles sont examinées sur le terrain de la clause de souveraineté. L’avocat général Mengozzi s’attarde sur l’analyse de la clause de souveraineté et relève que « son utilisation a été essentiellement préconisé[e] pour des motifs de nature humanitaire et en tant que garde-fou contre les disfonctionnements du système de Dublin pouvant conduire à des violations des droits fondamentaux des demandeurs de protection internationale », et, dans ce cadre, il se réfère à l’arrêt M.S.S. précité481. Le référence de « garde-fou » apparaît révélatrice : l’usage de la clause de souveraineté revêt un caractère exceptionnel pour empêcher les violations irréversibles. En revanche, même s’il identifie la nécessité de clarifier sa portée, il ne touche pas au cœur du problème et n’entre pas dans le débat épineux concernant la différence entre les deux catégories évoquées. Il ajoute que la clause de souveraineté peut, dans certaines circonstances, comporter pour les États membres « non une simple faculté de prise en charge de celui-ci mais une vraie obligation »482. Or, il en va de même s’agissant de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III interprété de façon large. Les enseignements de l’arrêt Fathi ont été confirmés dans l’arrêt M.A. Dans cette affaire, qui est portée devant la Cour de justice par renvoi préjudiciel déféré par la Haute Cour irlandaise, le requérant au principal a contesté la décision de son transfert vers le Royaume-Uni en se fondant sur l’article 17 du règlement Dublin III et sur le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne483. L’une des questions préjudicielles posée à la Cour de justice était de savoir si la clause de souveraineté doit être interprétée en ce sens que la circonstance que l’État membre responsable a notifié son intention de se retirer de l’Union, oblige l’État membre procédant à la détermination à faire usage de cette clause discrétionnaire484. Avant d’analyser la réponse à cette question, il serait utile d’anticiper une possible réponse à cette question en se mettant à la place de la Cour européenne. Cette juridiction aurait sans doute répondu affirmativement, d’autant plus que, dans la mesure où l’Irlande n’applique pas la clause de souveraineté, le demandeur d’asile pourrait être privé de toute protection, ce qui est susceptible de porter at-
481
Ibid., paragraphe 26. Ibid. 483 CJUE (1ère ch.), M.A. e.a. contre International Protection Appeals Tribunal e.a., 23 janvier 2019, C-661/17, ECLI:EU:C:2019:53, paragraphe 38. 484 Ibid., paragraphe 53. 482
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teinte à l’article 3 de la Convention, et aurait ainsi mis en cause la responsabilité de l’Irlande, notamment lorsque les risques évoqués s’avèrent fondés. Mais la Cour de justice, en réitérant les enseignements des arrêts Halaf et Fathi, a donné une réponse différente. Cela étant dit, en adoptant une approche conciliatrice avec la jurisprudence de la Cour européenne, les juges de Kirchberg ont relevé qu’« [a]u regard de l’étendue du pouvoir d’appréciation […] accordé aux États membres, il appartient à l’État membre concerné de déterminer les circonstances dans lesquelles il souhaite faire usage de la faculté conférée par la clause discrétionnaire […] et d’accepter d’examiner lui-même une demande de protection internationale pour laquelle il n’est pas responsable en vertu des critères définis par ce règlement »485. Une telle marge d’appréciation étendue permet dès lors de pallier les difficultés inhérentes aux dérogations liées à la détermination de l’État responsable. Toutefois, la Cour de justice a omis d’attirer l’attention sur le danger qu’une telle latitude représente du point de vue des objectifs et des spécificités constitutionnelles du système de Dublin486, à moins que ceux-ci ne soient plus à l’ordre du jour face à la possible violation des droits fondamentaux. Malgré ces incertitudes relatives à l’applicabilité de la clause de souveraineté, une chose est sûre : le refus du transfert en raison de défaillances systémiques et la clause de souveraineté sont deux catégories bien distinctes dont l’absence de délimitation est susceptible de provoquer des dysfonctionnements dans le système Dublin.
§ 2 Une jurisprudence de la Cour européenne en constante continuité mais peu disposée au dialogue Les arrêts prononcés à la suite de l’entrée en vigueur du règlement Dublin III s’inscrivent en droite ligne de la jurisprudence Tarakhel. Dans un premier temps, la Cour européenne a précisé le caractère exceptionnel de la solution provenant des décisions de Tarakhel et de Mohamed Hussein (A). Ensuite, que ce soit pour des motifs organisationnels ou autres, la Cour européenne rend plus difficile de franchir les critères de recevabilité devant elle (B). Or, cette incohérence, qui caractérise sa jurisprudence, n’est pas propice à l’établissement d’un dialogue avec la Cour de justice ou même avec les juridictions administratives nationales.
485
Ibid., paragraphe 59. La Cour de justice a relevé laconiquement que « [c]ette constatation est d’ailleurs cohérente, d’une part, avec la jurisprudence de la Cour relative aux dispositions facultatives, selon laquelle ces dispositions accordent un pouvoir d’appréciation étendu aux États membres […] et, d’autre part, avec l’objectif dudit article 17, paragraphe 1, à savoir préserver les prérogatives des États membres dans l’exercice du droit d’octroyer une protection internationale ». Ibid., paragraphe 60. 486
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A. L’affirmation du caractère exceptionnel de la solution Tarakhel Les suites de l’affaire Tarakhel témoignent d’une certaine réticence de la part de la Cour européenne et contribuent, en même temps, à clarifier la portée du renversement de la présomption des droits fondamentaux. Concrètement, il semble que la Cour européenne reconnaisse de plus en plus fréquemment la raison d’être du principe de confiance mutuelle et dessine, en même temps, ses limites sous la forme de la catégorie des circonstances exceptionnelles, et ce, sur le fondement de l’article 17 du règlement Dublin III prévoyant la clause de souveraineté. Dans la décision d’irrecevabilité A.M.E.487, la Cour a témoigné d’une certaine souplesse, compte tenu du statut du requérant. Le requérant, d’origine somalienne, a obtenu le statut conféré par la protection subsidiaire en Italie et a ensuite demandé l’asile aux Pays-Bas. Les autorités néerlandaises ont adressé une requête de reprise en charge aux autorités italiennes. Pendant la procédure Dublin, le requérant a fourni de fausses informations aux autorités et n’a pas respecté son obligation de coopération. Il a invoqué la violation de l’article 3 de la Convention au cas où il serait transféré vers l’Italie. L’appréciation de la Cour européenne s’est focalisée sur la situation individuelle du requérant, tout en supposant la conventionnalité du système normatif d’asile italien. Concrètement, la Cour a mis l’accent sur le fait que le requérant est un jeune homme célibataire n’appartenant pas au groupe de personnes vulnérables488. Cette affirmation peut justifier le caractère exceptionnel de l’obiter dictum de l’affaire Tarakhel. Loin de se pencher sur un véritable examen individuel, la Cour s’est limitée de faire confiance à la pratique établie entre les autorités néerlandaises et son homologue italien s’agissant du transfert des demandeurs d’asile. En effet, les autorités néerlandaises fixent désormais les modalités et la date du transfert en concertation avec leur homologue italien489. Cette pratique prouve que la jurisprudence de la Cour européenne n’est pas restée lettre morte au niveau national. L’établissement d’une coopération générale entre les États membres, fondée sur un plan régissant le traitement des demandeurs d’asile, cadre la latitude des États et renforce en même temps leur confiance mutuelle. Contrairement à l’affaire Tarakhel, la Cour n’a pas exigé de précisions sur les structures et les conditions d’accueil dans l’État responsable. Dès lors, il nous semble que la vulnérabilité du requérant détermine non seulement la portée de l’examen de la Cour et la possible mise en cause de la confiance mutuelle, mais aussi, par conséquent, la teneur des assurances que les autorités de 487 Cour EDH (3ème section), A.M.E. c. Pays-Bas, 13 janvier 2015, n. 51428/10, ECLI: CE:ECHR:2015:0113DEC005142810. 488 Ibid. Cette solution a été confirmée dans les affaires subséquentes. Cour EDH (3ème section), M.O.S.H. c. Pays-Bas, 3 février 2015, n. 63469/09, ECLI:CE:ECHR:2015: 0203DEC006346909. 489 Cour EDH (3ème section), Mohammed Hussein et autres c. Pays Bas et Italie, 2 avril 2013, n. 27725/10, ECLI:CE:ECHR:2013:0402DEC002772510, paragraphe 30.
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l’État membre responsable doivent fournir. Cette conception stabilise, d’un côté, les exigences de la Cour européenne vis-à-vis de la conventionnalité des transferts et permet ainsi à la Cour de justice de s’y adapter. D’un autre côté, et en ce qui concerne la méthode permettant de vérifier la conventionnalité du transfert, il ressort de la décision précitée que la coopération établie entre les autorités compétentes s’est focalisée uniquement sur le transfert des demandeurs d’asile. Il s’ensuit que la Cour européenne omet graduellement dans son appréciation générale, lorsqu’elle répond aux arguments des requérants, la procédure d’asile dans l’État responsable ainsi que parfois l’accueil et la pratique de refoulement. Or, une telle circonstance est susceptible de saper l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile, d’autant plus que les États potentiellement responsables ne doivent plus s’évertuer à démontrer la conventionnalité de leur procédure d’asile. Le même raisonnement a été suivi dans une autre décision de la Cour européenne, dans l’affaire N.A.490. Était en cause la conventionnalité du transfert d’une requérante et de ses enfants mineurs vers l’Italie. À la suite des multiples condamnations auxquelles elle a eu affaire, l’Italie a communiqué aux États membres sa nouvelle politique relative au traitement des demandeurs d’asile particulièrement vulnérables491. En vertu de cette politique, les autorités italiennes fournissent des communiqués régulièrement mis à jour sur la situation du système d’asile italien en prenant particulièrement en compte les familles vulnérables et leur accueil. Cependant, les garanties individuelles ne sont pas fournies492. C’est en s’appuyant sur ces éléments que les autorités danoises ont ordonné le transfert de la famille requérante vers l’Italie. Dans son appréciation, la Cour européenne a insisté sur la situation des requérants. Elle a, cependant, opéré une distinction entre cette affaire et l’arrêt Tarakhel concernant le niveau élevé de coopération dont les autorités italiennes et danoises ont fait preuve. En effet, les autorités italiennes ont précisé les structures d’accueil dont les requérants bénéficieront et ont garanti que les membres de la famille ne seront pas séparés493. Cela étant dit, elles n’ont fait aucune référence à l’accès à la procédure d’asile et à la pratique de refoulement en Italie. Finalement, la Cour a souligné que la requérante n’a pas prouvé qu’elle ne bénéficierait pas d’accueil à son arrivée et qu’elle serait exposée à un risque imminent au point de vue matériel, physique ou psychique494. Dès lors, dans la mesure où les États membres font preuve d’une coopération comparable à celle qui est en cause en l’occurrence, la Cour européenne se retient d’examiner de près les risques de mauvais traitements 490 Cour EDH (2ème section), N.A. et autres c. Danemark, 28 juin 2016, n. 15636/16, ECLI:CE:ECHR:2016:0628DEC001563616. 491 Ibid., paragraphe 11. 492 Ibid., paragraphe 12. 493 Ibid., paragraphe 31. 494 Ibid., paragraphe 32.
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et, sous cet angle, les éventuelles défaillances dans l’accès à la procédure d’asile. Nous avons ainsi l’étrange sentiment que dans la mesure où les États défaillants présentent un plan d’accueil élaboré, la Cour européenne se réfugie derrière le principe de subsidiarité même lorsque les requérants sont des personnes vulnérables. En ce qui concerne le cas dans lequel l’état de santé du requérant est invoqué pour empêcher le transfert, la même solution de principe semble ressortir de la décision A.S.495 de la Cour européenne. B. L’affirmation du caractère exceptionnel de la solution Halimi Contrairement à la ligne de conduite soigneusement dressée dans l’affaire Halimi, la Cour européenne semble assouplir les exigences entourant le transfert des demandeurs malades. Dans l’affaire A.S., était en cause le transfert d’un requérant, ressortissant syrien d’origine kurde, qui a sollicité l’asile en Suisse. Il ressort de la base de données Eurodac que ses empreintes digitales ont été prélevées en Grèce. Il est entré sur le territoire suisse en traversant l’Italie. Il a contesté son transfert vers l’Italie au motif qu’il souffre d’un trouble de stress post-traumatique et que le risque de suicide sera plus élevé en cas de retour en Italie et qu’il aurait donc besoin de la présence de sa sœur496. Dans cette perspective, le requérant a allégué qu’en cas de retour en Italie, il ne bénéficierait pas du traitement médical adéquat. Dès lors, il a invoqué les circonstances exceptionnelles justifiant le renversement de la présomption de la protection des droits fondamentaux. Selon le rapport médical, le requérant souffre de problèmes de dos et d’un trouble de stress post-traumatique conséquent à sa détention en Syrie, et la présence de sa sœur est absolument nécessaire pour qu’il puisse bénéficier d’une stabilité émotionnelle497. Son retour en Italie engendrerait une détérioration de son état de santé et un risque de suicide498. Le requérant a soutenu que son retour porterait atteinte à l’article 3 de la Convention. Les motifs invoqués tiennent, d’une part, aux défaillances systémiques dans le système d’asile italien et, d’autre part, aux motifs de santé. Dans son appréciation, la Cour européenne a suivi l’approche explicitée dans l’affaire Tarakhel et a confirmé l’existence de défaillances mineures dans le système d’asile italien, avant de poursuivre, ensuite, son examen en prenant en considération la situation individuelle du requérant. Elle a souligné que le requérant n’était pas gravement malade et qu’il ne ressort pas du dossier qu’il n’obtiendrait 495 Cour EDH (2ème section), A.S. c. Suisse, 30 juin 2015, n. 39350/13, ECLI:CE: ECHR:2015:0630JUD003935013. 496 Les motifs recoupent ceux invoqués dans les affaires C.K. et Halimi. 497 Ibid., paragraphe 9. 498 Ibid., paragraphe 19.
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pas un traitement psychologique approprié en Italie499. En effet, le traitement dont le requérant a bénéficié en Suisse est également accessible en Italie. En revanche, contrairement aux affaires précédentes, la Cour européenne n’a exigé aucune assurance particulière relative à l’accueil d’une personne vulnérable. Mais elle n’a pas exclu le refus du transfert sous l’angle de l’article 3 de la Convention, dans la mesure où la personne en cause souffre d’une maladie grave et qu’il n’existe pas de perspective de traitement médical ou de soutien familial500, motifs qui ressortent de l’arrêt D. Royaume-Uni501. Avec cet énoncé de principe, il nous semble que la Cour européenne a élevé le niveau requis pour constater le seuil minimum de gravité. Du point de vue pragmatique, une telle conception s’avère confortable pour alléguer la charge importante de travail de la Cour européenne, d’autant plus que la maladie invoquée par le requérant constitue un motif de santé typique chez les demandeurs d’asile. L’instabilité, dont la Cour européenne témoigne dans son raisonnement, ainsi que la faible lisibilité de sa jurisprudence sont susceptibles de déstabiliser le comportement des autorités nationales. Or, les États adoptent des mesures générales destinées à rendre leur droit interne compatible avec la Convention européenne afin de s’aligner sur le standard conventionnel502. De plus, cette incohérence interne trouble également les parties devant ces juridictions lors de la formulation d’arguments en vue de défendre leur cause. À cette incohérence s’ajoute le manque de permanence des aspects traditionnels permettant d’effectuer l’appréciation générale du système d’asile dans l’État responsable. En l’occurrence, par exemple, en n’explicitant pas le traitement du requérant en Italie et en n’exigeant pas d’assurances particulières, la Cour fragilise l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile dans l’État responsable. *
La méthode chronologique guidant notre étude dans ce chapitre a révélé les tensions qui caractérisent la relation des organes juridictionnels européens. Dans un premier temps, le dialogue entre eux était quasiment absent. En ce qui concerne la jurisprudence de la Cour de justice, son ouverture à la protection plus étendue des droits fondamentaux a été justifiée par l’autorisation expresse du législateur de l’Union grâce à l’adoption, en particulier, du règlement Dublin III503. Néanmoins, 499
Ibid., paragraphe 36. Ibid., paragraphe 37. 501 Cour EDH (ch.), D. c. Royaume-Uni, 2 mai 1997, n. 30240/96, ECLI:CE: ECHR:1997:0502JUD003024096. 502 F. Sudre, « L’effectivité des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme », RTDH, 19ème année (2008), no. 76, p. 923. 503 Il convient de remarquer que la Commission européenne a présenté sa proposition pour l’adoption du règlement Dublin IV. COM/2016/0270 final. La proposition a biffé toute référence au principe de confiance mutuelle. Cette proposition s’inscrit en droite ligne d’un courant jurisprudentiel fondé sur le principe de solidarité. CJUE, République slovaque et Hongrie 500
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depuis 2017 et à la suite du prononcé de l’arrêt C.K., on peut observer un rapprochement net dans le comportement de la Cour de justice vis-à-vis de la Cour européenne, qui fragilise en même temps le principe de confiance mutuelle. Cette nouvelle approche implique d’introduire une méthode qui consiste à apprécier la situation individuelle des demandeurs d’asile, qui contribue, à son tour, à un accès plus effectif à la procédure d’asile. Reste à préciser si cette méthode est applicable uniquement aux cas exceptionnels. En dépit de ce rapprochement, la Cour de justice ne reconnaît pas l’enjeu que le brouillage conceptuel entre la catégorie du refus du transfert en raison de défaillances systémiques et la clause de souveraineté représente. Or, l’absence de distinctio jurisprudentielle entre ces dernières est susceptible de remettre en question la logique fondamentale du système de détermination de l’État membre responsable. Quant à la Cour européenne, si la référence à la confiance mutuelle apparaît, en tout cas en filigrane, dans sa jurisprudence, force est de constater qu’elle ne prend pas véritablement la peine de dialoguer avec la Cour de justice. De surcroît, l’incohérence interne dans son raisonnement et, notamment, la place accordée aux appréciations individuelles contribue non seulement à l’insécurité juridique, à la déstabilisation des comportements étatiques, mais également à saper l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile. Si la Cour de justice accepte de moduler la portée de la confiance mutuelle, la Cour européenne ne lui accorde pas beaucoup d’importance. Enfin, les exemples ont parfaitement démontré que l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile dépend du dialogue entre les organes juridictionnels étudiés, au sens où il est indispensable de se mettre d’accord sur le mode de fonctionnement du système de détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale.
Chapitre II: Les efforts nationaux pour une réception cohérente des jurisprudences européennes : un nécessaire dialogue à deux niveaux L’insuffisance du dialogue au niveau européen et les incohérences dans le raisonnement interne des organes juridictionnels étudiés se manifestent essentiellement sur deux points. Premièrement, l’utilisation de la clause de souveraineté et la contre Conseil de l’Union européenne, 6 septembre 2017, préc. Ce constat se manifeste par l’introduction du mécanisme d’attribution correcteur. Cependant, relocaliser les demandeurs d’asile conformément au mécanisme d’attribution correcteur ne peut pas exempter les États membres de prendre en considération l’acquis jurisprudentiel de Dublin, et ce, nonobstant « l’avilissement » des clauses discrétionnaires. D. Vitiello, « Du vin vieux dans de nouvelles outres ? Réflexions sur la proposition de règlement ‹Dublin IV› », European Papers, Vol. 1, 2016, No 3, European Forum, Insight of 27 December 2016, pp. 1235 – 1251.
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détermination des circonstances exceptionnelles, dans lesquelles le transfert peut être refusé, méritent une clarification dogmatique. Si l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III prévoit un refus motivé par le respect des droits de l’Homme (menschenrechtlich mandatierte Aussetzung)504, la clause de souveraineté est exempte de ces considérations. À la lecture de la jurisprudence de la Cour de justice, la clause de souveraineté ne peut entrer en jeu que i) si le transfert n’est plus possible en raison du dépassement des délais, ii) en vue d’accorder l’asile constitutionnel, iii) en raison de l’existence de défaillances systémiques dans l’État responsable et s’il n’existe pas d’autre État potentiellement responsable. Par conséquent, lors de l’usage de la clause de souveraineté, les États membres sont tenus au respect de la logique sous-jacente du règlement Dublin III : la détermination de l’État responsable sur la base des critères ponctuellement établis, tout en respectant le principe de confiance mutuelle. En revanche, ces considérations jouent peu de rôle dans la jurisprudence de la Cour européenne : la clause de souveraineté doit être activée dans tous les cas où il existe un risque non négligeable de violation des droits absolus protégés par la Convention (Section I). Deuxièmement, en ce qui concerne la question de la méthode permettant d’évaluer la légalité des transferts, si la Cour de justice a reconnu récemment la nécessité d’effectuer une appréciation de la situation individuelle du requérant, cette jurisprudence n’a pas encore été cristallisée dans la pratique interne de la Cour de justice. Par ailleurs, les aspects mêmes qui relèvent de l’appréciation individuelle sont sujets à controverse. À cette problématique il faut ajouter le fait que les juridictions nationales, qui répondent aux arguments des requérants, ne peuvent pas omettre de tenir compte des circonstances individuelles. Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir si les juridictions nationales peuvent encore accorder de l’importance pragmatique au principe de confiance mutuelle et aux constructions juridiques établies sur son fondement (Section II).
Section I: Les principes directeurs caractérisant la détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale en droit national Les règlementations nationales montrent parfaitement à quel point le législateur national attache une importance aux chiffres relatifs au nombre d’arrivées des ressortissants de pays tiers sur le territoire national en vue de solliciter l’asile. Les pays en prospérité économique ont été confrontés relativement tôt à l’augmentation significative des demandes d’asile. Ce phénomène a nécessité, dans cette mesure, une 504 D. Thym, « Zulässigkeit von Dublin-Überstellungen nach Italien », ZAR, 33. Jahrg. (2013), 9, p. 331 – 334.
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intervention législative visant à réduire le nombre des demandes d’asile à traiter qui a été réalisée dans les années 1990, et ce, dans l’intérêt de satisfaire l’opinion publique face au phénomène « des faux demandeurs d’asile (Scheinasylant) »505. Cette intervention a mis en lumière le caractère non absolu du droit d’asile. L’introduction des catégories juridiques comme celle de pays tiers sûr a permis de renoncer à la responsabilité de l’examen de la demande d’asile dans la mesure où ce pays est disposé à accorder l’asile souhaité et accomplit certains critères, notamment la garantie de non-refoulement. Cependant, il ne s’agit pas des présomptions irréfragables : la négation de l’automaticité du transfert de responsabilité permettant d’examiner le bien-fondé d’une demande de protection internationale apparaît dans les ordres juridiques allemand et français et résulte de leur attachement à l’interdiction de refoulement (§ 1). Compte tenu de cet attachement, au-delà des traditions constitutionnelles, les juridictions nationales tiennent également compte de l’acquis jurisprudentiel dessiné par la Cour européenne et par la Cour de justice. Cela signifie que le renversement de la présomption du caractère sûr d’un pays tiers s’opère désormais par la prise en considération des critères communs établis par une jurisprudence élaborée au niveau européen. Dès lors que cette jurisprudence témoigne d’une incohérence interne, la réception de ces critères se heurte à des difficultés lors de la mise en œuvre. Cela signifie que les systèmes juridiques nationaux sont contraints de choisir entre les différentes solutions envisagées sur le plan européen (§ 2).
§ 1 Les réserves constitutionnelles pour déterminer l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale Tandis que le pouvoir constituant allemand a dessiné, en reflétant son ordre juridique dualiste, un concept autonome pour établir les cas dans lesquels le transfert vers un pays sûr ne peut avoir lieu (A), son homologue français, conformément à la conception moniste, a transposé des exigences de la Convention de Dublin dans son ordre juridique interne, tout en veillant au respect de l’article 33 de la Convention de Genève (B). A. Le concept de « normative Vergewisserung » dans le droit allemand L’adoption du compromis d’asile en 1993 a constitué la première étape dans l’établissement d’une procédure de filtrage destinée à identifier les demandeurs d’asile provenant des pays tiers sûrs et des pays d’origine sûrs. L’introduction de ces catégories a pratiquement réduit à néant la possibilité de solliciter l’asile en Alle505
p. 124.
L. Jeannin, Le droit d’asile en Europe : étude comparée, Paris, L’Harmattan, 1999,
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magne pour ceux qui viennent de ces pays. Les États membres des Communautés européennes appartenaient également à ces catégories. C’est ainsi que l’article 16a, paragraphe (2) de la Loi fondamentale allemande précise que l’asile constitutionnel « […] ne peut être invoqué par celui qui entre sur le territoire fédéral en provenance d’un État membre des Communautés européennes ou d’un autre État tiers dans lequel est assurée l’application de la Convention relative au statut des réfugiés et de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales »506. Néanmoins, la Cour constitutionnelle fédérale a mis en lumière le caractère réfragable de cette présomption dans son arrêt « réglementation d’asile et des États tiers »507. Dans cette affaire déférée à la Cour constitutionnelle fédérale, le requérant, de nationalité irakienne, a sollicité l’asile en Allemagne. Ayant transité par la Grèce, sa demande d’asile a été rejetée comme manifestement infondée. Cette décision a été contestée devant les tribunaux administratifs avant que la problématique ne soit arrivée devant les juges constitutionnels allemands. Dans le cadre de son appréciation, la Cour constitutionnelle a énoncé le leitmotiv de la décision en déclarant que les États membres, en l’occurrence la Grèce, sont des pays tiers sûrs, et ce, directement en vertu de la Loi fondamentale508. Une telle conception a été motivée non seulement par la signature de la Convention européenne et de la Convention de Genève, en particulier le respect de l’interdiction de refoulement au sens de l’article 33 de cette dernière Convention, mais également par leur application effective509. Ces facteurs ont justifié l’application du concept de garantie normative (Konzept der normativen Vergewisserung) relatif à la sécurité d’un État. En d’autres termes, la signature et l’application effective de ces instruments juridiques internationaux constituent le gage de la présomption que le traitement des candidats à l’asile serait conforme à ces derniers au cas où ils seraient refoulés vers les pays tiers sûrs ou les pays d’origine sûrs. Néanmoins, la Cour constitutionnelle a ajouté que les demandeurs d’asile provenant de tels pays peuvent contester cette présomption sur une base individuelle510. Concrètement, une telle présomption peut être renversée si les obstacles au refoulement sont justifiés par les circonstances qui, en raison de leur particularité, ne peuvent pas être prises en compte au préalable dans le cadre du concept de « nor506 Article 16a (2) de la Loi fondamentale. https://www.bundestag.de/blob/189762/ f0568757877611b2e434039d29a1a822/loi_fondamentale-data.pdf (consulté le 8 mai 2018). 507 BVerfG, 14 mai 1996, 2 BvR 1938/93, « Asyl-Drittstaatenregelungs-Urteil ». 508 « Die Mitgliedstaaten unmittelbar kraft Verfassung sichere Drittstaaten sind ». Ibid., paragraphe (3) a) bb). 509 Ibid., paragraphe (3) b) bb). 510 Ibid., paragraphe (5) a). Par l’introduction de ce filtrage, le pouvoir constituant de même que la Cour constitutionnelle ont tenté de concilier l’idée du maintien du droit d’asile comme un droit souverain avec celle d’une limite de l’accès à ce droit au niveau constitutionnel. H. Dreier, H. Bauer, Grundgesetz : Kommentar, 3. Aufl., Tübingen, Mohr Siebeck, 2013, p. 1548.
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mative Vergewisserung », et dépassent donc d’emblée les limites fixées par ce concept511. La Cour constitutionnelle a proposé une grille de lecture détaillée des motifs pouvant justifier le renversement de cette présomption. Elle a pris en compte les scénarios suivants : l’étranger est menacé de peine de mort ; l’étranger est menacé d’un crime et l’État n’a pas le pouvoir d’empêcher la réalisation du risque que l’étranger devienne victime ; les circonstances dans le pays tiers ont changé brusquement et la réaction du gouvernement fédéral est en retard ; en cas de situations exceptionnelles dans lesquelles le pays tiers devient l’État de persécution ; dans de rares cas exceptionnels, certaines circonstances peuvent amener le pays tiers à refuser la protection à un étranger sans procéder à un examen de sa demande512. La logique sous-jacente du concept de « normative Vergewisserung » s’apparente dans une large mesure à la présomption du respect des droits fondamentaux entre les États membres de l’Union, fondée sur le principe de confiance mutuelle. Cette présomption peut être renversée, notamment quand les circonstances exceptionnelles, en particulier les défaillances systémiques dans le système d’asile de l’État responsable, ne permettent pas le transfert. Cependant, la portée des limites du concept de « normative Vergewisserung » est plus étendue. Dès lors, la question qui se pose est : pour quelle solution la jurisprudence administrative marque-t-elle sa préférence ? La réponse à cette question est d’autant plus pertinente que la pratique confond souvent l’examen de la légalité des transferts avec l’applicabilité du concept de « normative Vergewisserung »513. Or, le champ d’application de ce concept est indépendant des règlements Dublin, et ce, d’autant plus qu’un concept forgé par une cour constitutionnelle ne peut pas entrer en ligne de compte lorsqu’il convient de vérifier la légalité du transfert vers l’État responsable au titre des règlements Dublin514. Une partie de la doctrine parle même de la fin du concept de « normative Vergewisserung », puisque les dérogations mentionnées sont davantage sévères que les exigences pour constater les défaillances systémiques et, de ce fait, le concept de « normative Vergewisserung » est contraire au droit de l’Union515. Or, 511 Ibid., paragraphe (5) e). « Die BR Deutschland hat allerdings Schutz zu gewähren, wenn Abschiebungshindernisse nach § 51 Abs. 1 oder § 53 AusIG durch Umstände begründet werden, die ihrer Eigenart nach nicht vorweg im Rahmen des Konzepts normativer Vergewisserung von Verfassung oder Gesetz berücksichtigt werden können und damit von vornherein außerhalb der Grenzen liegen, die der Durchführung eines solchen Konzepts aus sich selbst herausgesetzt sind ». 512 Ibid. 513 VG Trier (5ème ch.), 16 avril 2014, 5 L 569/14.TR, paragraphes 47 – 48. Cette juridiction a relevé que les exceptions au concept de « normative Vergewisserung » correspondent dans leur substance aux défaillances systémiques. 514 Voir, à cet égard, la critique formulée par Reinhard Marx. R. Marx, « Die Überstellung nach der Verordnung (EG) Nr. 343/2003 (Dublin-II) vor dem Bundesverfassungsgericht », In: Hohenheimer Tage zum Ausländerrecht 2010, 2011, p. 248 – 261. 515 A. Zimmermann, L. Römer, « Artikel 27 Dublin III-Verordnung : das Ende des Konzepts ‹normativer Vergewisserung› », In: Grenzüberschreitendes Recht : Festschrift für Kay Hailbronner, 2013, p. 275.
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maintenir une telle réglementation peut affaiblir le principe de confiance mutuelle. Par ailleurs, les cas dérogatoires sont énumérés de manière exhaustive dans l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale qui empêche leur malléabilité. Or, de ce point de vue, le concept, dans son ensemble, peut se heurter au droit de l’Union. Toutefois, le nouveau courant jurisprudentiel découlant de l’arrêt C.K. et de ses suites est susceptible de contribuer à la résurrection du concept de « normative Vergewisserung », dans la mesure où la sévérité des dérogations évoquées peut justifier le refus des transferts en raison de défaillances individuelles. Dans un arrêt de décembre 2018, le Tribunal administratif de Würzburg relève de façon étonnante que le régime d’asile européen commun est fondé sur le principe de confiance mutuelle ou le concept de « normative Vergewisserung »516, en traitant ces deux concepts en tant que synonymes. Cela semble signifier que les dérogations au principe de confiance mutuelle et à la « normative Vergewisserung » peuvent se recouper. Compte tenu du caractère récent de la jurisprudence de la Cour de justice consistant à élargir la portée des circonstances exceptionnelles, nous ne pouvons pas trouver de jurisprudence concrète concernant sa mise en œuvre. Nous pouvons tout de même envisager des cas de figures potentiels, en prenant l’exemple d’un demandeur d’asile qui a transité par un pays tiers tier sûr, circonstance qui l’empêche de voir sa demande examinée par les autorités de l’État de destination dans lequel il n’existe pas de défaillances systémiques, mais des défaillances caractérisant uniquement sa politique qui consiste à définir des pays tiers sûrs. Or, un tel scénario relève bien des dérogations de la « normative Vergewisserung » mais pas des cas rentrant dans l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III dans l’interprétation qui en est faite par la jurisprudence N.S. Il convient de noter que les références au concept de « normative Vergewisserung » sont souvent absentes dans les arrêts qui précédaient l’arrêt C.K. Cette circonstance n’empêche pas, pour autant, les juridictions administratives d’apprécier les cas dont le champ d’application excède les limites de la présomption du respect des droits fondamentaux, et ce, sous l’angle de la clause de souveraineté. En effet, indépendamment de l’existence de défaillances systémiques, les juridictions nationales vérifient l’existence d’entraves à l’éloignement tenant à l’État de destination (zielstaatsbezogene Abschiebungshindernisse) ainsi que d’entraves à l’éloignement indépendantes de l’État de destination (inlandsbezogene Abschiebungshindernisse) en vertu du § 60, paragraphe (1) de la loi relative au séjour517. Cette dernière caté516
VG Würzburg, 13 décembre 2018, W 10 K 18.50490, paragraphe 18. Voir dans la même perspective : OVG Saarlouis, 10 janvier 2017, 2 A 330/16. 517 « In Anwendung des Abkommens vom 28. Juli 1951 über die Rechtsstellung der Flüchtlinge (BGBl. 1953 II S. 559) darf ein Ausländer nicht in einen Staat abgeschoben werden, in dem sein Leben oder seine Freiheit wegen seiner Rasse, Religion, Nationalität, seiner Zugehörigkeit zu einer bestimmten sozialen Gruppe oder wegen seiner politischen Überzeugung bedroht ist. Dies gilt auch für Asylberechtigte und Ausländer, denen die Flüchtlingseigenschaft unanfechtbar zu erkannt wurde oder die aus einem anderen Grund im Bundesgebiet die Rechtsstellung ausländischer Flüchtlinge genießen oder die außerhalb des
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gorie est liée aux motifs familiaux et de santé. Dès lors, il importe peu si les défaillances systémiques peuvent être constatées, puisque l’incapacité du voyage du demandeur d’asile en tant que « inlandsbezogene Abschiebungshindernisse » peut empêcher le transfert518. Il s’ensuit que le droit allemand offre une large marge d’appréciation permettant de refuser les transferts sur le fondement de son droit interne. La possibilité du transfert paraît cependant plus automatique dans le système juridique français. B. La transposition de la Convention de Dublin dans le droit français, sous réserve du respect de l’article 33 de la Convention de Genève L’adoption de la Convention de Dublin a incité le législateur français à modifier l’ordonnance de 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France. En vertu de son article 31bis, « [s]ous réserve du respect des dispositions de l’article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 […], l’admission en France d’un demandeur d’asile ne peut être refusée que si […] [l]’examen de la demande d’asile relève de la compétence d’un autre État, en application des stipulations de la Convention de Dublin »519. Cette autorisation normative ne signifie pas pour autant que le plein respect de la Convention de Dublin dispense les autorités françaises d’effectuer certaines vérifications avant de procéder au transfert. Ce constat est confirmé par la référence explicite à l’article 33 de la Convention de Genève. Cette approche a été approuvée par le Conseil constitutionnel520. Dans la pratique cependant, en vertu du principe de l’unicité de l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile, le transfert vers l’État responsable est quasiment automatique. Ainsi, la clause de souveraineté est rarement utilisée, ce qui montre que « le droit d’asile est bien devenu un droit que l’État peut accorder et
Bundesgebiets als ausländische Flüchtlinge nach dem Abkommen über die Rechtsstellung der Flüchtlinge anerkannt sind. Wenn der Ausländer sich auf das Abschiebungsverbot nach diesem Absatz beruft, stellt das Bundesamt für Migration und Flüchtlinge außer in den Fällen des Satzes 2 in einem Asylverfahren fest, ob die Voraussetzungen des Satzes 1 vorliegen und dem Ausländer die Flüchtlingseigenschaft zuzuerkennen ist ». § 60(1) AufenthG. 518 J. M. Bergmann, « Das Dublin-Asylsystem », ZAR, 35. Jahrg. (2015), 3, p. 86. 519 Article 31 bis, point 1 de l’ordonnance n845 – 2658 du 2 novembre 1945, préc. 520 CC, 13 août 1993, N8 93 – 325 DC, préc., paragraphe 85. « [C]ette réserve doit s’entendre comme concernant l’ensemble des stipulations de cette convention susceptibles d’être appliquées ; qu’à défaut, la loi méconnaîtrait les dispositions de l’article 55 de la Constitution ; que sous cette réserve d’interprétation ladite disposition n’est pas contraire à la Constitution ».
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non plus un droit que l’individu peut revendiquer »521. En réalité, la clause de souveraineté sert à octroyer l’asile constitutionnel prévu à l’alinéa 4 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 selon lequel « [t]out homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République »522. En effet, le Conseil constitutionnel a jugé en relation avec la loi autorisant l’approbation de la convention d’application de l’accord de Schengen que la clause de souveraineté figurant dans l’article 29, paragraphe (4) de la Convention523 est appelée « à recevoir application au profit des personnes susceptibles de bénéficier du droit d’asile en vertu du quatrième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 »524. Cependant, la loi n8 93 – 1027525 a réduit les cas dans lesquels l’asile constitutionnel peut être sollicité en adoptant une dérogation à l’admission au territoire français au titre de l’asile. Ensuite, la Constitution du 4 octobre 1958 a été révisée avec l’incorporation de l’article 53 – 1, alinéa 2 de la Constitution, en vertu duquel « même si la demande n’entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif »526. Une telle réglementation a provoqué la dilution du droit constitutionnel d’asile en faveur du droit conventionnel d’asile, d’autant plus que le nombre du statut de réfugié sur le fondement de l’asile constitutionnel est extrêmement faible dans la pratique527. Ce constat n’est pas 521 E. Aubin, « La jurisprudence française relative à la Convention de Dublin », In : The Dublin Convention on Asylum : between reality and aspirations, C, Faria (dir.), Maastricht, European Institute of Public Administration, 2001, p. 101. 522 Alinéa 4 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Contrairement aux dispositions de la Convention de Genève, l’asile constitutionnel présuppose une approche active et militante en faveur de la liberté. T. S. Renoux, M. de Villiers, V. Bernaud, Code constitutionnel 2014, Paris, LexisNexis, 2013, p. 355. 523 Convention d’application de l’Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République Fédérale d’Allemagne et de la République Française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, préc. 524 CC, 25 juillet 1991, N8 91 – 294 DC, ECLI:FR:CC:1991:91.294.DC, Loi autorisant l’approbation de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République Fédérale d’Allemagne et de la République Française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, paragraphe 31. 525 Loi du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France. 526 Article 53 – 1, alinéa 2 de la Constitution du 4 octobre 1958. Voir le processus de réception de la Convention de Schengen en droit français : M. Fromont, « La Convention de Schengen et le droit d’asile en France », In : Recht zwischen Umbruch und Bewahrung : Festschrift für Rudolf Bernhardt. Beiträge zum ausländischen öffentlichen Recht und Völkerrecht, Bd. 120, 1995, p. 1177 – 1191. 527 L. Favoreu, Droit des libertés fondamentales, 5e éd., Paris, Dalloz, 2009, p. 278 ; J. Fernandez, C. Laly-Chevalier, Droit d’asile : état des lieux et perspectives, Paris, Pedone, 2015, p. 223.
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remis en question par l’arrêt du Conseil d’État, dans lequel la Haute juridiction administrative a relevé que l’administration, à savoir le préfet528, porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit constitutionnel d’asile si l’admission au séjour est refusée au motif que l’examen de la demande relève de la compétence d’un autre État, et que les autorités n’ont pas examiné la réunion des conditions pour prétendre à l’asile constitutionnel529. Dès lors, la clause de souveraineté peut être déclenchée ou, dans tous les cas, dans la théorie. Une fois la responsabilité d’un autre État membre constatée, le préfet est encore tenu d’examiner le système d’asile de l’État responsable pour évaluer la légalité du transfert. Concrètement, celui-ci contrôle les capacités de l’État membre responsable à traiter la demande d’asile, comme le Conseil d’État l’exige depuis 2008530. Il convient de remarquer par ailleurs que les requérants devant les tribunaux administratifs invoquent régulièrement la méconnaissance de l’obligation de non-refoulement, tel que prévue par la Convention de Genève ou la Convention européenne, mais les griefs soulevés dans ce sens aboutissent rarement au refus du transfert vers l’État membre responsable sur ce motif. Dans la quasi-totalité des cas, les requérants ne réussissent pas à établir l’existence d’un risque personnel qui est susceptible de méconnaître l’article 3 de la Convention européenne531. Ou bien les tribunaux administratifs soulignent simplement que le transfert vers l’État membre responsable n’entraîne pas un risque de refoulement vers le pays d’origine532. Il s’ensuit que le droit français ne contient pas de règles spécifiques pour contrôler la légalité des transferts en effectuant des vérifications relatives au système d’asile de l’État responsable. Dès lors, il semble que les contraintes peuvent venir uniquement de la jurisprudence de la Cour européenne et du droit de l’Union.
§ 2 La mise en œuvre des principes directeurs européens et nationaux pour déterminer l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale Nous entendons par mise en œuvre des principes directeurs le processus par lequel les protagonistes réceptionnent, au niveau national, les standards jurispru528 En vertu de l’article L741 – 1 du CESEDA, les étrangers présents sur le territoire français et souhaitant demander l’asile sont obligés de se soumettre à l’enregistrement devant l’autorité administrative compétente, à savoir la préfecture, pour la détermination de l’État membre responsable. Art. L741 – 1 du CESEDA. En effet, dans la mesure où l’examen de la demande d’asile relève de la compétence d’un autre État membre, l’admission au séjour sera refusée par le préfet. 529 CE, 2 mai 2001, N8 232997. 530 V. Tchen, Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile 2018, LexisNexis, 2017, p. 718. 531 CAA de Douai (2ème ch.), 18 décembre 2018, N8 18DA00870, paragraphe 11. 532 CAA de Lyon (5ème ch.), 21 février 2019, N8 18LY01834, paragraphe 20.
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dentiels européens. Si, en droit allemand, il fallait coordonner ces standards avec les traditions constitutionnelles allemandes (A), en droit français, le processus décrit a reflété les mêmes incertitudes qui caractérisent la relation entre la Cour européenne et la Cour de justice en matière de détermination de l’État responsable (B). A. Une tentative de conciliation des exigences nationales et européennes conduisant à la rationalisation de l’examen de la détermination de l’État responsable en droit allemand Lorsque nous évoquons les exigences nationales, nous songeons à la portée de la clause de souveraineté (I) et à celle du concept de « normative Vergewisserung » (II). I. La portée de la clause de souveraineté en droit allemand L’utilisation de la clause de souveraineté est fortement imprégnée de l’idée d’ouverture au droit européen (Europarechtsfreundlichkeit) dans la mesure où les actes étatiques doivent être mis en œuvre dans l’intérêt du droit de l’Union533. Une telle conception explique l’usage de la clause de souveraineté en droit allemand dans l’intérêt de garantir une procédure accélérée534. Certes, le dépassement des délais prévus pour la procédure de détermination de l’État responsable implique automatiquement le déclenchement de la clause de souveraineté. C’est ainsi que le Tribunal administratif de Gelsenkirchen a jugé que le droit d’invoquer cette clause se transforme en une obligation pour l’Office fédéral dans les cas où celui-ci a indûment pris du retard pendant une période excessivement longue pour déterminer l’État responsable, et ce, sans raison apparente535. En revanche, et les cours européennes ne l’ont pas signalé, certains auteurs ont attiré l’attention sur le danger qu’une utilisation incontrôlée de la clause de souveraineté peut représenter de la perspective du droit de l’Union536. En effet, l’effet utile du règlement de Dublin III ne tient pas uniquement à la célérité, mais aussi au
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p. 722. 534
R. Marx, AsylG : Kommentar zum Asylgesetz, 9. Aufl., Köln, Luchterhand, 2017,
Commission staff working document accompanying document to the Report from the Commission to the European Parliament and the Council on the evaluation of the Dublin system – Annex to the communication on the evaluation of the Dublin system {COM(2007) 299 final} SEC/2007/0742 final. 535 « Eine solche Verdichtung des Selbsteintrittsrechts in eine Selbsteintrittspflicht findet in den Fällen statt, in denen das Bundesamt das Verfahren ohne ersichtlichen Grund unangemessen lange verzögert ». VG Gelsenkirchen (5ème ch.), 30 décembre 2013, 5a L 1726/13.A, ECLI:DE:VGGE:2013:1230.5 A.L1726.13 A.01. 536 C. Filzwieser, A. Sprung, Dublin III-Verordnung : das europäische Asylzuständigkeitssystem, Berlin, Berliner Wissenschafts-Verlag, 2014, p. 473.
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plein respect de la détermination de l’État membre responsable en vertu des critères définis ainsi que du principe de confiance mutuelle. À cet égard, en ce qui concerne la nature juridique de la clause de souveraineté, cette clause constitue, selon certaines juridictions, un droit subjectif au bénéfice des demandeurs d’asile et présente un avantage indéniable pour les individus537. Cependant, ce constat n’est pas partagé par la doctrine538, ni par la jurisprudence administrative allemande, puisqu’en vertu d’un arrêt du Tribunal administratif supérieur de Sachsen-Anhalt, l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin II prévoit le droit au pouvoir discrétionnaire, dont l’exercice peut être réduit dans certains cas à zéro539. Or, l’utilisation du conditionnel exclut tout pouvoir souverain au bénéfice des demandeurs d’asile. Ce constat est justifié par la position du Tribunal administratif de Trêve : l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin II n’a un caractère juridique subjectif que si la conformité de la procédure d’asile à l’État de droit, au sens de l’article 2 du TUE, lu en combinaison avec l’article 18 de la Charte, n’est pas suffisamment assurée dans l’État membre responsable540. Dès lors, le recours à la clause de souveraineté permet de porter un jugement sur le système juridique de l’État responsable, et la portée de cette clause équivaut en réalité à celle du refus des transferts en raison de circonstances exceptionnelles. Il est ainsi que certaines juridictions administratives examinent l’existence de défaillances systémiques sous l’angle de la clause de souveraineté541, pratique prônée par la Cour européenne et une grande partie de la doctrine. L’adoption du règlement Dublin III n’a pas modifié cette pratique542. En ce qui concerne la relation entre la clause de souveraineté et le concept de « normative Vergewisserung », à l’instar du droit constitutionnel français, la clause de souveraineté est appliquée, en règle générale, pour accorder l’asile constitu-
537 VG Karlsruhe, 6 mars 2012, A 3 K 3069/11, paragraphe 41. « Der Kläger kann sich auch auf einen subjektiven öffentlich-rechtlichen Anspruch auf den Selbsteintritt der Beklagten gemäß Art. 3 Abs. 2 Dublin II-VO berufen. Diese Bestimmung ist […] nicht allein im öffentlichen Interesse geschaffen worden, sondern verbürgt den von ihr Betroffenen ein subjektives Recht. Es entspricht ständiger Rechtsprechung des EuGH, dass ein Einzelner nicht nur dann aus dem Unionsrecht subjektive Rechte herzuleiten vermag, wenn diese ausdrücklich zugesprochen werden. Vielmehr genügt es, wenn aus einer Rechtsnorm klar und eindeutig eine Vergünstigung Einzelner hervorgeht, die keiner Bedingung und keinem zeitlichen Aufschub mehr unterliegt, und weder die Union noch die Mitgliedstaaten einen Spielraum zur Ausgestaltung besitzen ». 538 B. Huber, S. Beichel-Benedetti, « Aufenthaltsgesetz :… », op. cit., p. 1252. 539 R. Marx, AsylG : Kommentar … », op. cit., p. 723 ; OVG Sachsen-Anhalt (3ème sénat), 2 octobre, 2013, 3 L 643/12, ECLI:DE:OVGST:2013:1002.3 L643.12.0 A, paragraphe 52. 540 VG Trier (5ème ch.), 30 mai 2012, 5 K 967/11.TR, ECLI:DE:VGTRIER:2012: 0530.5K967.11.TR.0 A, paragraphe 41. 541 VG Trier (5ème ch.), 30 mai 2012, 5 K 967/11.TR ; VG Berlin (3ème ch.), 13 décembre 2016, 3 K 509.15 A ; VG Stuttgart, 31 janvier 2014, A 11 K 3470/13. 542 Voir à cet égard la section suivante consacrée aux méthodes.
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tionnel : « [l]es persécutés politiques jouissent du droit d’asile »543. En revanche, l’asile constitutionnel ne peut être invoqué par celui qui entre sur le territoire allemand en provenance d’un État membre de l’Union544, sous réserve du respect du concept de « normative Vergewisserung ». Dès lors, des dérogations à ce concept peuvent être invoquées sur le terrain de la clause de souveraineté. La portée du concept de « normative Vergewisserung » s’apparentant à celle du refus de transfert en raison de circonstances exceptionnelles, la Cour constitutionnelle fédérale était confrontée à la question de savoir si la Loi fondamentale donne des instructions aux juridictions administratives en vue d’examiner les limites dudit concept lors du transfert d’un demandeur d’asile vers l’État membre responsable et, en cas de réponse affirmative, de déterminer quelles sont ces instructions545. Cependant, la question a perdu toute pertinence au motif que le Ministère fédéral de l’intérieur a donné l’instruction à l’Office fédéral de renoncer aux transferts vers la Grèce et de recourir à la clause de souveraineté546. En réalité, la question posée à la Cour constitutionnelle concernait la portée réservée à ces deux catégories, notamment la clarification de leur relation. En effet, à partir du moment où la portée des dérogations au concept de « normative Vergewisserung » est plus étendue que celle de la clause du refus de transferts, ces dérogations pourraient être invoquées au titre de la clause de souveraineté. Une telle éventualité a été affirmée par le Tribunal administratif de Düsseldorf lorsqu’il a jugé que les dérogations au concept de « normative Vergewisserung » pouvaient être examinées sur le terrain de la clause de souveraineté et que celles-ci sont applicables aux États membres de l’Union547. Dès lors, il nous semble que les dérogations au concept de « normative Vergewisserung » et les motifs pour accorder l’asile constitutionnel relèvent de la portée de la clause de souveraineté. De surcroît, la clause de souveraineté est invoquée dans la mesure où, malgré l’absence de défaillances systémiques, la situation personnelle, notamment l’état de santé ou le bien-être de l’enfant548, peut justifier le recours à celle-ci549. Nonobstant la marge d’appréciation incombant aux juridictions 543 Article 16a (1) de la Loi fondamentale. La Cour constitutionnelle fédérale a jugé, à cet égard, que toute personne, qui serait exposée à des persécutions pour des raisons politiques mettant en danger sa vie ou restreignant sa liberté personnelle, a droit à une protection et que la portée de l’asile politique est déterminée par l’inviolabilité de la dignité humaine. BVerfG, 2 juillet 1980, Wirtschaftsasyl [asile économique], 1 BvR 147/80, 1 BvR 181/80, 1 BvR 182/80. 544 Cf. Article 16a (2) première phrase de la Loi fondamentale. 545 BVerfG, 8 septembre 2009, 2 BVQ 56/09. 546 BVerfG, 25 janvier 2011, 2 BVR 2015/09. 547 VG Düsseldorf (21ème ch.), 2 mai 2012, 21 L 577/12.A, ECLI:DE:VGD:2012: 0502.21 L577.12 A.00. 548 VG Hamburg (10ème ch.), 23 avril 2014, 10 A 1242/12. 549 VG Hamburg (10ème ch.), 18 juillet 2013, 10 A 581/13, paragraphes 38 – 39 (il s’agissait d’un problème cardiologique du requérant). Le processus d’évaluation de l’état de santé du demandeur d’asile est le résultat d’examens complexes. À cet égard, la Cour administrative fédérale a établi des critères a minima à prendre en considération pour évaluer l’état de santé du demandeur d’asile. Dans cette perspective, cette juridiction a souligné que doit être clair sur
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administratives allemandes pour évaluer le déclenchement de la clause de souveraineté, l’usage fréquent de cette possibilité peut saper le système de détermination de l’État responsable, fondé sur le respect du principe de confiance mutuelle. Autrement dit, le plein respect des jurisprudences européennes et des traditions constitutionnelles conduit, in fine, à la fin du principe de confiance mutuelle, sur lequel le système de détermination de l’État responsable ainsi que la répartition des demandeurs de protection internationale sont fondés. C’est cette inquiétude qui a été formulée par le Tribunal administratif de Stuttgart. En effet, cette juridiction a souligné le caractère exceptionnel de la clause de souveraineté : l’utilisation de cette clause ne constitue pas un droit subjectif pour le demandeur d’asile, une telle option pouvant conduire au phénomène d’asylum shopping550. Cette juridiction a ajouté que seule la carence prolongée d’un État membre génère un droit subjectif pour le demandeur d’asile, et ce, afin d’éviter le phénomène de « refugee in orbit »551. Cette juridiction a souligné le caractère primaire de l’existence de défaillances systémiques. En effet, dans la mesure où l’Office fédéral trouve un autre État responsable, où il n’existe pas de défaillances systémiques, et fait ensuite usage de la clause de souveraineté, il porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs (Verstoß gegen den Gewaltenteilungsgrundsatz zur « Erstbehörde »)552. Il s’ensuit que par l’entremise des principes qui caractérisent spécifiquement l’ordre juridique allemand, le Tribunal administratif de Stuttgart a sécurisé et décloisonné les trois catégories pouvant modifier l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Toutefois, l’analyse de la jurisprudence a démontré que les juridictions administratives n’ont pas encore cristallisé les contours des trois catégories mentionnées, parmi lesquelles le sort du concept de « normative Vergewisserung » est semé d’incertitudes, notamment à la lumière de la jurisprudence récente de la Cour de justice. II. La portée du concept de « normative Vergewisserung » en droit allemand Le Tribunal administratif de Schleswig-Holstein a jugé que les cas particuliers ne relevant pas du concept de « normative Vergewisserung » correspondent, par leur quelle base le spécialiste a posé son diagnostic et comment la maladie est présente dans le cas spécifique. Il s’agit, par exemple, de savoir quand et à quelle fréquence le patient a suivi un traitement médical et si les symptômes qu’il décrit sont confirmés par les résultats ; le certificat doit fournir des informations sur la gravité de la maladie, son besoin de traitement et l’évolution du traitement (médicaments et traitements) ; finalement, le cas échéant, il est nécessaire d’indiquer les raisons pour lesquelles la maladie n’a pas été annoncée plus tôt. BVerwG, 11 septembre 2007, 10 C 8.07. De ce fait, prouver le déclenchement de la clause de souveraineté pour de telles raisons s’avère parfois particulièrement difficile. VG Trier (5ème ch.), 22 avril 2013, 5 K 87/13.TR. 550 VG Stuttgart, 28 février 2014, A 12 K 383/14, paragraphe 20. 551 Ibid., paragraphe 23. 552 Ibid., paragraphe 25.
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contenu, aux défaillances systémiques au sens de la jurisprudence N.S.553 De manière similaire, le Tribunal administratif de Fribourg a défini les cas particuliers ne relevant pas du concept de « normative Vergewisserung », parmi lesquels figurent les cas définis par la Cour constitutionnelle ainsi que les défaillances structurelles au sens de la jurisprudence de la Cour de justice554. Il nous semble cependant que ce tribunal administratif a opté pour cette approche uniquement afin d’insérer le concept de « normative Vergewisserung » dans le système de détermination de l’État responsable. Certes, le nouveau courant jurisprudentiel de la Cour de justice prône une telle interprétation, et autorise même l’élargissement de la portée de ces catégories désormais unies dans la jurisprudence de certains tribunaux administratifs allemands. Le Tribunal administratif de Karlsruhe a également fourni une interprétation fusionnant les exigences constitutionnelle, conventionnelle et celles qui découlent du droit de l’Union : un cas particulier, ne relevant pas du concept de « normative Vergewisserung », existe dans la mesure où i) un État se soustrait aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention de Genève et de la Convention européenne, et refuse d’accorder la protection aux étrangers sans aucun examen de la demande d’asile ; ou ii) la procédure d’asile présente des défaillances structurelles significatives ; ou iii) les défaillances systémiques dans la procédure d’asile et dans les conditions d’accueil justifient le refus du transfert, à la lumière de l’arrêt N.S.555. Cette jurisprudence appelle quelques observations. Premièrement, cette juridiction envisage le déclenchement de la clause de souveraineté en cas de défaillances dans la procédure d’asile, en contribuant à l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile556. Deuxièmement, la distinction entre les défaillances structurelles et les défaillances systémiques reflète la volonté de prendre dûment en considération la jurisprudence de la Cour européenne et de la Cour de justice. Troisièmement, une telle solution a certainement été élaborée avec pragmatisme, permettant de vérifier conjointement toutes les exigences requises au niveau national et européen. À la fin de l’analyse, si les défaillances (structurelles ou systémiques) sont constatées, la clause de souveraineté se déclenche automatiquement et devient un droit subjectif, comme en l’occurrence, puisque la juridiction de céans a constaté de telles défaillances dans le système d’asile italien. Enfin, du point de vue pragmatique, et afin de se conformer aux exigences européennes et nationales, les juridictions administratives examinées ont pratiquement écarté le système de détermination fondé sur le 553
VG Schleswig-Holstein (12ème ch.), 1 octobre 2015, 12 A 53/15, paragraphe 21. (« Sonderfälle im Sinne der oben genannten Rechtsprechung des BVerfG, in denen von einer Anwendung des Art 16a Abs. 2 GG abzusehen ist, entsprechen inhaltlich den systemischen Mängeln »). Voir encore : VG Trier (5èmech.), 16 avril 2014, 5 L 569/14.TR, paragraphe 48 ; VG Karlsruhe, 10 décembre 2013, A 9 K 3150/13, paragraphe 9. 554 VG Freiburg, 2 février 2012, A 4 K 2203/11. 555 VG Karlsruhe, 6 mars 2012, A 3 K 3069/11, paragraphe 42. 556 Notons que cette juridiction semble traiter la clause de souveraineté et le concept de « normative Vergewisserung » sur un pied d’égalité.
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respect du principe de confiance mutuelle. De surcroît, et par conséquent, bien qu’il s’agisse en l’espèce d’une procédure de détermination où seuls deux États peuvent entrer en ligne de compte, la juridiction de céans n’a pas nuancé les cas dans lesquels le refus du transfert peut être refusé et où un autre État potentiellement responsable pourrait être recherché. Notons qu’au fil du temps, la référence au concept de « normative Vergewisserung » s’est rarifiée dans la pratique557, et les tribunaux administratifs examinent uniquement l’existence de défaillances systémiques dans l’État responsable lorsqu’ils décident sur la légalité du transfert, et ce, dans la plupart des cas, sur le fondement de la clause de souveraineté. Toutefois, lorsque les juridictions administratives se réfèrent nonobstant au concept de « normative Vergewisserung », elles se fondent alors sur la clause de souveraineté. Dans ce cadre, le refus du transfert n’est possible qu’en cas de l’existence des dérogations ne relevant pas de ce concept et correspondant aux défaillances structurelles ou même individuelles, lesquelles peuvent également concerner les conditions d’accueil558. En dépit de la grande variété des solutions retenues dans la jurisprudence administrative allemande, comme le Tribunal administratif de Hambourg le relève, l’intention du pouvoir judiciaire est claire : le respect des exigences de l’article 3 de la Convention européenne et de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux doit être assuré dans des cas individuels559. Reste à définir comment une telle interprétation, au demeurant tout à fait légitime, est conciliable avec la volonté du législateur de l’Union concernant le fonctionnement du règlement Dublin III. En ce qui concerne le droit français, la situation juridique des demandeurs d’asile relevant des règlements Dublin paraît aussi compliquée qu’en droit allemand. Dès lors, la jurisprudence administrative française a tenté de rationaliser les aspects à prendre en considération lors de la détermination de l’État membre responsable. B. Une tentative de rationalisation de l’examen de la détermination de l’État responsable en droit français Lors de l’analyse de la jurisprudence administrative française560, nous ne pouvons pas ignorer la technique d’argumentation des requérants. Ces derniers ont 557
Dans cette perspective, la Cour administrative du Baden-Württemberg a énoncé que le système commun d’asile européen est fondé sur la conception selon laquelle les États membres respectent les droits fondamentaux et que ceux-ci leur font confiance, et ce, d’une manière similaire au concept de « normative Vergewisserung » lorsqu’il s’agit de la sécurité des États tiers. VGH Baden-Württemberg, 6 août 2013, 12 S 675/13, paragraphe 3. 558 VG Hannover (3ème ch.), 8 mars 2017, 3 B 1492/17, ECLI:DE:VGHANNO: 2017:0308.3B1492.17.0 A, paragraphe 44. 559 VG Hamburg (9ème ch.), 7 mars 2017, 9 A 6210/16, paragraphe 25. 560 Nous avons analysé uniquement la jurisprudence des cours administratives d’appel.
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tendance, en effet, à invoquer conjointement la violation de l’article 17 du règlement Dublin III et l’article 3, paragraphe (2) de ce même règlement, en arguant que l’existence de défaillances systémiques dans l’État responsable ne permet pas le transfert. Nous considérons que cette confusion peut être directement attribuée à l’insuffisance de dialogue entre les organes juridictionnels européens. Si les juges administratifs sont tenus de procéder omnia petita, ils ne sont pas obligés cependant de répondre à tous les moyens, dès lors qu’en statuant sur certains d’entre eux, ils donnent un support juridique correct à leur décision561. En d’autres termes, le juge administratif pourrait légitimement réorganiser, dans un esprit de dialogue, l’examen des motifs soulevés par les parties. Nous allons, partant, examiner la portée de la clause de souveraineté (I), puis l’articulation de l’applicabilité de la clause de souveraineté et du champ d’application du refus de transfert en raison de circonstances exceptionnelles dans l’État membre responsable (II). I. La portée de la clause de souveraineté en droit français Il ne fait aucun doute que la clause de souveraineté ne saurait être déclenchée uniquement pour octroyer l’asile constitutionnel. C’est pourquoi les requérants tentent d’invoquer des motifs de santé pour que la France maintienne le droit d’examen de la demande de protection internationale. Les juridictions administratives n’excluent pas a priori cette possibilité. Dans une affaire portée devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux562, le requérant alléguait, d’une part, l’existence de défaillances systémiques en Italie en vertu de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III et, d’autre part, la nécessité de déclencher la clause de souveraineté. Dans son appréciation, après avoir nié l’existence de défaillances systémiques en Italie, la juridiction de céans a laconiquement jugé que les éléments médicaux produits par le requérant ne présentaient pas de caractère probant563. A contrario, le caractère probant des preuves pourrait, selon cette approche, justifier le déclenchement de la clause de souveraineté. Le choix de traiter les griefs relatifs aux relations interétatiques sous l’angle de l’examen des défaillances systémiques et les griefs relatifs aux problèmes de santé sur le terrain de la clause de souveraineté a permis de bien distinguer la portée de ces deux catégories différentes. Au fur et à mesure, les juridictions administratives ont été confrontées à la question de la légalité des transferts en raison de l’état de santé des requérants et ont été contraintes d’examiner les conditions d’accueil dans l’État responsable. La Cour administrative d’appel de Nancy a refusé de déclencher la clause de souveraineté dans le cas d’une requérante qui a fait valoir qu’elle était enceinte d’un enfant dont le père est de nationalité française et que son état de santé constituait un obstacle à 561 C. Gabolde, Procédure des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, 5ème édition, Paris, Dalloz, 1991, p. 395. 562 CAA de Bordeaux (2ème ch.), 23 février 2016, N8 15BX02729. 563 Ibid., paragraphe 4.
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son transfert vers l’Espagne564. En réponse à ces arguments, la Cour administrative d’appel a estimé qu’il n’a pas été établi que, malgré la grossesse, ses troubles psychiatriques ne pourraient pas être traités en Espagne ou qu’elle serait dans l’impossibilité de voyager565. En l’espèce, la juridiction de céans a contourné la possible mise en cause de la confiance mutuelle lorsqu’elle a examiné les griefs, à savoir le traitement de la requérante en Espagne et l’impossibilité du voyage, sous l’angle de la clause de souveraineté. Cette approche prudente est, sans nul doute, motivée par le fait que la règlementation Dublin est fondée sur le plein respect du principe de confiance mutuelle. Lorsque les requérants invoquent les motifs de santé, les juridictions administratives examinent si la maladie en question peut être traitée dans l’État responsable. De surcroît, même si les juridictions administratives sont obligées d’examiner l’accueil d’un requérant malade dans l’État responsable, elles se cantonnent à vérifier si la maladie peut être traitée dans cet État. Autrement dit, la vérification des conditions d’accueil dans l’État responsable est limitée au strict nécessaire. La Cour administrative d’appel de Lyon a examiné l’argument relatif à l’état de santé du requérant souffrant d’un diabète nécessitant un traitement à base d’insuline, avant de conclure à l’inapplicabilité de la clause de souveraineté566. Cette juridiction a, de nouveau, non seulement contourné la possible mise en cause du principe de confiance mutuelle, mais a, de surcroît, examiné les griefs sur le terrain de la clause de souveraineté. La Cour administrative d’appel de Nantes a reconnu le danger que l’enchevêtrement de la catégorie du refus du transfert en raison de défaillances systémiques et de la clause de souveraineté peut provoquer, du point du vue de la sécurité juridique et de manière indirecte, de l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile. En ce qui concerne le cadre factuel, était en cause la légalité du transfert d’un ressortissant afghan vers la Bulgarie. Après avoir évoqué le principe directeur découlant de l’arrêt N.S., selon lequel la présomption de la protection des droits fondamentaux peut être renversée en cas de défaillances systémiques dans l’État responsable, cette juridiction s’est efforcée de concilier l’interprétation du recours aux cas exceptionnels, à savoir à la clause de souveraineté et au refus de transfert en raison de défaillances systémiques. Selon la lecture proposée par la Cour administrative d’appel de Nantes, la disposition figurant dans l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III permet de maintenir le droit d’examen de la demande d’asile, même si cet examen incombe à un autre État. Ensuite, cette juridiction a ajouté que cette même possibilité est également prévue dans l’article 17 du règlement Dublin III. Dès lors, aux yeux de la Cour administrative d’appel, la portée de ces catégories est quasiment identique et l’applicabilité de la clause de souveraineté est liée aux cas dans lesquels « il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé courra, 564 565 566
CAA de Nancy (1ère ch.), 19 janvier 2017, N8 16NC01738, paragraphe 8. Ibid., paragraphe 9. CAA de Lyon (2ème ch.), 11 mai 2017, N8 16LY01540, paragraphe 14.
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dans le pays de destination, un risque réel d’être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants contraires à l’article 3 [de la CEDH] »567. Dans l’intérêt de mesurer cette éventualité, « les autorités d’un pays membre peuvent, en vertu du règlement [Dublin], s’abstenir de transférer les ressortissants étrangers […] si elles considèrent que ce pays ne remplit pas ses obligations au regard de la Convention, notamment compte tenu de la durée du traitement et de ses effets physiques et mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge, de l’état de santé du demandeur et le cas échéant, de sa particulière vulnérabilité »568. Compte tenu de la portée quasi identique des clauses mentionnées, la Cour administrative d’appel propose une lecture conciliante : « il appartient au juge administratif de rechercher si, à la date de l’arrêté contesté, au vu de la situation générale du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile en Bulgarie et de la situation particulière de M. B…, il existait des motifs sérieux et avérés de croire qu’en cas de remise aux autorités bulgares, il ne bénéficierait pas d’un examen effectif de sa demande d’asile et risquerait de subir des traitements contraires à l’article 3 de la convention »569. Dès lors, en associant les deux catégories, la Cour administrative d’appel de Nantes propose une lecture alternative, et ce, par l’intermédiaire des enseignements de l’arrêt Halaf, selon lesquels l’usage de la clause de souveraineté n’est soumis à aucune condition particulière570. Cette lecture alternative et conciliante est tirée de l’utilisation d’une méthode combinée : appréciation générale du système d’asile dans l’État responsable et appréciation des circonstances individuelles. Cette grille de lecture fusionne, en fin de compte, la catégorie du refus de transfert en raison de défaillances systémiques et la clause de souveraineté. La lecture proposée par la Cour administrative d’appel a le mérite d’être lisible dans la mesure où les limites de la présomption de la protection des droits fondamentaux dans l’État responsable sont clairement définies571. De surcroît, cette juridiction considère l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile comme un facteur à prendre en considération dans le cadre de l’appréciation générale. Cependant, cette lecture remet en question l’utilité du système de détermination de l’État responsable fondé sur le respect du principe de confiance mutuelle, préconisé à plusieurs reprises par la Cour de justice. Au final, la différence entre la clause de souveraineté et le refus de transfert en raison de défaillances systémiques devient ténue, voire inexistante.
567
CAA de Nantes (4ème ch.), 19 juillet 2016, N8 15NT03704, paragraphe 10. Ibid. 569 Ibid., paragraphe 11. 570 CJUE, Zuheyr Frayeh Halaf contre Darzhavna agentsia za bezhantsite pri Ministerskia savet, 30 mai 2013, préc., paragraphe 36. 571 Il convient de noter qu’en l’absence de jurisprudence administrative supérieure à l’heure de la rédaction de la présente étude permettant de clarifier les questions abordées, force est de constater que la pratique présentée est toujours en vigueur. Voir à cet égard : CAA de Nancy (3ème ch.), 5 mars 2019, N8 18NC02733 ; CAA de Lyon, 21 février 2019, préc. 568
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II. La fusion de la clause de souveraineté et de la catégorie du refus de transfert en raison de défaillances systémiques Étant donné le défaut de clarté dans les jurisprudences européennes et la nécessité de traiter les affaires Dublin avec célérité, certaines juridictions administratives, suivant la position adoptée par la Cour administrative d’appel de Nantes, ont exprimé leur préférence pour la fusion de l’examen du déclenchement de la clause de souveraineté et du refus de transfert en raison de défaillances systémiques. Une autre décision de la Cour administrative d’appel de Nantes en constitue l’illustration. Était en cause le transfert de demandeurs d’asile, de nationalité russe, vers la Pologne. Ces derniers ont invoqué leur situation personnelle, leurs sœurs vivant en Allemagne et en Belgique. En réponse à ces arguments, la Cour administrative d’appel a jugé qu’il ne ressortait pas des circonstances de l’affaire que le préfet n’avait pas saisi l’occasion prévue par les articles 3 et 17 du règlement Dublin III « d’examiner les demandes d’asile présentées et relevant de la compétence d’un autre État, en considération d’éléments tenant à la situation personnelle des demandeurs, aux défaillances systémiques dans la procédure d’asile et aux conditions d’accueil dans le pays désigné par les décisions de réadmission »572. Bien que la technique d’allusion soit admise dans la pratique des cours administratives d’appel, cette technique concerne plutôt les pièces du dossier573 que la motivation d’une autorité administrative, telle que le préfet en l’espèce. Pareille fusion permet, sans nul doute, d’accomplir la tâche de détermination de l’État responsable avec célérité. Cette lecture nous conduit à affirmer que, si le principe de confiance mutuelle a été conçu notamment pour garantir la célérité du traitement des demandes, la célérité peut également justifier son abandon. En effet, une lecture traditionnelle de la jurisprudence de la Cour de justice détermine clairement les tâches des juridictions administratives : examen de l’existence de défaillances systémiques sur le fondement d’une appréciation générale du système d’asile dans l’État responsable, puis examen des circonstances individuelles sous l’angle de la clause de souveraineté. Or, en l’espèce, la Cour administrative d’appel fusionne ces aspects à la lumière de la célérité, en battant en brèche la signification du principe de confiance mutuelle. De la même manière, dans une autre décision rendue par la Cour administrative d’appel de Nantes574, en dépit de la référence conjointe à l’article 3, paragraphe (2) et à l’article 17 du règlement Dublin III, la Cour ne les a pas détachés d’office et a fini par procéder au même examen que celui applicable à l’appréciation de l’existence de défaillances systémiques. De manière similaire, dans le cadre de l’appré572 CAA de Nantes (4ème ch.), 19 octobre 2016, N8 15NT01607, paragraphe 5. Approche confirmée : CAA de Nantes (4ème ch.), 16 février 2016, N8 15NT02280, paragraphe 7. Le même raisonnement a été appliqué dans une autre affaire où les requérants, ressortissants russes, ont fait valoir la méconnaissance « des clauses dérogatoires des articles 3 et 17 » du règlement Dublin III. 573 C. Gabolde, « Procédure des tribunaux administratifs… », op. cit., p. 392. 574 CAA de Nantes (4ème ch.), 27 octobre 2015, N8 15NT01690.
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ciation de l’existence de défaillances systémiques dans l’État membre de destination, la Cour administrative d’appel de Paris a jugé que la préfète n’a pas méconnu les stipulations des articles 3 et 17 du règlement Dublin III ni celles de l’article 3 de la Convention européenne en ordonnant le transfert du requérant575. En somme, il n’est pas étonnant que les juridictions administratives soient hésitantes lorsqu’il convient d’appliquer les cas exceptionnels. Certes, l’examen conjoint de tous les aspects pertinents à la détermination de l’État responsable contribue à la célérité et à dépister l’État potentiellement responsable où le système d’asile est défaillant, en garantissant ainsi un accès plus effectif à la procédure d’asile. En revanche, une telle conception simplifiée fragilise la raison d’être du système de détermination de l’État responsable fondé sur le plein respect du principe de confiance mutuelle.
Section II La méthode relative à la détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale Afin de constater l’existence de défaillances systémiques provoquant la méconnaissance de l’article 4 de la Charte, la Cour de justice a préconisé pendant longtemps, jusqu’au prononcé de l’arrêt C.K., une appréciation générale. Néanmoins, la manière dont il convient de procéder à cette appréciation n’est pas clairement définie dans la jurisprudence des organes juridictionnels étudiés. Par voie de conséquence, un dialogue entre les juridictions administratives nationales revêt une importance cruciale. En effet, en l’absence de celui-ci, le transfert peut être autorisé vers l’État membre en principe responsable par une juridiction administrative mais interdit en même temps par une autre. Ce fait caractérise le transfert des demandeurs d’asile vers la Hongrie. Or, une telle pratique est susceptible d’encourager des mouvements secondaires dont la lutte était l’une des raisons principales de l’établissement du système de détermination de l’État membre responsable conformément aux règlements Dublin (§ 1). Ensuite, comme les deux cours européennes le considèrent désormais en parfaite harmonie, un système d’asile défaillant, mais non systémiquement défaillant, peut engendrer, en soi, également la violation de l’article 3 de la Convention et de l’article 4 de la Charte. Il en va de même lorsque l’état de santé du demandeur d’asile nécessite un traitement médical spécifique, dont le manque de garantie peut conduire à la méconnaissance des dispositions citées. Dès lors, l’appréciation de la situation individuelle du demandeur d’asile devient inéluctable (§ 2).
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CAA de Paris (7ème ch.), 15 février 2019, N8 18PA03322, paragraphe 9.
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§ 1 La méthode d’appréciation générale pour évaluer l’existence de défaillances systémiques : le cas des transferts vers la Hongrie La particularité des affaires dont la Cour européenne et la Cour de justice ont été saisies a empêché en quelque sorte ces juridictions d’établir une série de critères permanents permettant d’apprécier la légalité des transferts. Il revient ainsi aux juridictions nationales de concrétiser la méthode suivant laquelle l’existence de défaillances systémiques doit être vérifiée. Même si les circonstances factuelles peuvent conduire à des solutions diversifiées, apprécier la question des défaillances systémiques dans un État membre ne peut cependant pas produire des résultats diamétralement opposés. Or, cette circonstance caractérise la pratique des juridictions administratives françaises relative à la légalité des transferts vers la Hongrie, et ce, en raison d’une insuffisance de dialogue entre elles (B), contrairement à leur homologue allemand (A). Notre choix d’examiner les transferts vers la Hongrie est justifié par l’appréciation particulièrement variée de la conformité du système d’asile hongrois aux exigences du droit conventionnel et du droit de l’Union. A. Une jurisprudence fondée sur le dialogue interne des juridictions administratives allemandes À la suite du prononcé des arrêts M.S.S. et N.S., à partir de 2012, les juridictions administratives allemandes ont commencé à contrôler plus rigoureusement le système d’asile hongrois avant d’ordonner le transfert des demandeurs d’asile vers cet État membre. Dans un premier temps, la jurisprudence a montré des variations (I), mais, à partir de 2015, le dialogue vertical est devenu la règle, et au fur et à mesure, le dialogue horizontal est apparu dans la pratique des juridictions administratives allemandes (II). I. Les variations dans la jurisprudence des juridictions administratives allemandes au sujet du transfert vers la Hongrie Le Tribunal administratif de Stuttgart a constaté, dès avril 2012, l’existence de défaillances systémiques en Hongrie576. Cette juridiction s’est fondée seulement sur le rapport de l’ONG Proasyl577, même si la Cour de justice avait préconisé de
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VG Stuttgart, 2 avril 2012, A 11 K 1039/12. Selon ce rapport, la plupart des demandeurs d’asile sont placés en rétention, il n’existe pas de recours juridictionnel effectif à l’encontre du placement en rétention et les personnes placées en rétention reçoivent systématiquement des médicaments et des calmants. Ibid., paragraphe 9. 577
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diversifier les sources juridiques que les juridictions nationales devaient prendre en considération578. Cette approche a été confirmée par la même juridiction dans une décision datant d’août 2012579. Le Tribunal administratif de Stuttgart s’est fondé sur le rapport du HCR et de l’ONG Proasyl580. En renversant la présomption de la protection des droits fondamentaux en Hongrie et en mettant ainsi en cause le principe de confiance mutuelle unissant les deux États membres, le Tribunal administratif a pris en considération deux facteurs préconisés par la Cour de justice : l’accès à la procédure d’asile et le système d’accueil. À ce dernier égard, le Tribunal administratif a conclu que la pratique de rétention hongroise n’était pas conforme à la directive « procédures »581. Enfin, étant donné que le requérant n’a pas déposé de demande d’asile en Hongrie, son accès à la procédure d’asile aurait été garanti à la suite de son retour, ce qui nous incite à penser que le seul caractère défaillant de l’accueil peut justifier le constat de défaillances systémiques et, par conséquent, le refus du transfert vers la Hongrie. Dans ce premier temps, les éventuelles discordances jurisprudentielles se sont produites uniquement en raison de la prise en considération tardive des changements législatifs dans le système juridique hongrois. La Cour administrative de Baden-Württemberg a considéré que, malgré les critiques émises par le HCR et différentes ONG, le Parlement hongrois, selon le rapport du HCR de décembre 2012, a adopté en novembre 2012 des modifications législatives, selon lesquelles les demandeurs d’asile ne seront pas refoulés tant que leur demande ne sera pas examinée en substance, ils ne seront pas placés en rétention lorsqu’ils déposent une demande d’asile immédiatement après leur entrée sur le territoire hongrois et que les rapatriés Dublin ne seront pas placés en rétention à la suite de leur retour582. C’est ainsi que la Cour administrative a émis des critiques relatives à la décision du Tribunal administratif d’Ansbach583, cette dernière juridiction n’ayant pas pris en considération les évolutions mises en lumière notamment par la Cour d’Asile
578 CJUE, N. S., 21 décembre 2011, préc., paragraphe 90. Selon la Cour de justice, il convient de prendre en considération les rapports réguliers et concordants des ONG internationales, la correspondance du HCR et les rapports de la Commission sur l’évaluation du système de Dublin. 579 VG Stuttgart, 14 août 2012, A 7 K 2589/12. 580 Ibid., paragraphe 9. 581 Ibid., paragraphe 25. 582 VGH Baden-Württemberg, 6 août 2013, 12 S 675/13, paragraphe 7 ; VG Trier (5ème ch.), 15 janvier 2013, 5 L 51/13.TR. 583 VG Ansbach, 7 janvier 2013, 11 E 13.30011. Cette juridiction a constaté l’existence de défaillances systémiques en Hongrie. Se référant aux rapports du HCR et du ProAsyl, le Tribunal administratif d’Ansbach a relevé que le système d’accueil n’est pas conforme aux standards européens.
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autrichienne584. En effet, cette Cour autorisait désormais les transferts vers la Hongrie. En d’autres termes, la Cour administrative a prôné le dialogue permanent entre les juridictions administratives et la mise à jour régulière des éléments relatifs au système d’asile de l’État membre responsable, en s’appuyant même sur les considérations venant d’une juridiction administrative étrangère. Le même résultat ressort de l’arrêt du Tribunal administratif de Karlsruhe585. Après avoir réitéré les aspects pris en considération par la Cour administrative du Baden-Württemberg, cette juridiction a souligné que la Cour européenne n’a pas condamné la Hongrie dans l’affaire Mohammed c. Autriche précitée et, en s’appuyant sur l’aspect préconisé par la Cour européenne, cette juridiction a mis en exergue que le HCR n’a pas recommandé la suspension des transferts vers la Hongrie586. Compte tenu d’une évaluation favorable du système d’asile hongrois, la position adoptée par cette juridiction a fait écho au raisonnement effectué par la Cour européenne. Le Tribunal administratif a considéré qu’en Hongrie, la pratique relative au placement en rétention n’est pas générale, mais concerne uniquement les cas individuels, et l’existence de décisions contradictoires dans la jurisprudence des différents tribunaux administratifs ne fait que confirmer qu’il existe manifestement des cas spécifiques et non une pratique générale587. Dès lors, selon cette juridiction, le transfert peut avoir lieu en cas de doutes. L’année 2014 a été marquée par une série de décisions conflictuelles. En janvier 2014, le Tribunal administratif de Potsdam a nié les défaillances systémiques en Hongrie, s’appuyant notamment sur les modifications législatives de juillet 2013 qui permettaient le placement en rétention des demandeurs d’asile uniquement dans les cas prévus par la loi588. En revanche, le Tribunal administratif de Stuttgart a confirmé les défaillances systémiques dans son arrêt de juin 2014589. Il est étonnant que cette juridiction se soit également référée aux modifications législatives de juillet 2013 pour arriver à une conclusion opposée. Elle estimait de plus que, nonobstant le fait que les motifs du placement en rétention recoupaient ceux prévus par le droit dérivé de l’Union, on s’attendait, à la suite du changement de situation juridique en juillet 2013, à ce que le nombre des rétentions augmente de nouveau590. Contrairement au Tribunal administratif de Potsdam, cette juridiction a pris en considération le rapport du HCR mettant en lumière le nombre élevé des rétentions, la prolongation systématique de la rétention et l’absence de protection juridiction584 VGH Baden-Württemberg, 12 S 675/13, préc., paragraphe 8. La Cour autrichienne a souligné notamment l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi d’asile en janvier 2013 contenant des garanties au bénéfice des rapatriés Dublin. 585 VG Karlsruhe, 10 décembre 2013, A 9 K 3150/13. 586 Ibid., paragraphe 11. 587 Ibid., paragraphes 12 – 13. 588 VG Potsdam (6ème ch.), 29 janvier 2014, 6 L 29/14.A, paragraphe 9. 589 VG Stuttgart, 26 juin 2014, A 11 K 387/14. 590 Ibid., paragraphe 21.
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nelle effective à cet égard591, pour constater ensuite les défaillances systémiques. Or, pendant la même période, le Tribunal administratif de Hambourg a nié l’existence de défaillances systémiques en Hongrie592. Premièrement, selon cette juridiction, en ce qui concerne la pratique de rétention en Hongrie, le fait que la Hongrie pratique le placement en rétention, ne porte pas atteinte au droit de l’Union, en particulier à la directive « accueil », et cette pratique ne semble pas dépasser les limites prévues par ladite directive593. Notons qu’à aucun moment, ces tribunaux n’ont posé de questions préjudicielles permettant à la Cour de justice de se prononcer sur la situation juridique régnant en Hongrie. Selon le Tribunal administratif de Hambourg, l’existence de défaillances systémiques en raison d’une privation de liberté illégale est justifiée si les organes compétents, tels que le HCR et l’EASO les constatent594. Le Tribunal administratif de Trêve est parvenu à la même conclusion : le rapport du HCR mentionne uniquement des résultats préliminaires595. Or, selon ce dernier Tribunal administratif, des suppositions ne suffisent pas. D’autant plus que la Cour européenne n’a pas condamné le système d’asile hongrois dans son arrêt Mohammed c. Autriche596, supposant que, par cette démarche, la Cour européenne a validé la pratique de détention hongroise. La même approche a été adoptée par le Tribunal administratif de Düsseldorf dans sa décision de septembre 2014597. Selon cette juridiction, la nouvelle règlementation de juillet 2013 n’engendre pas de défaillances systémiques, tout en omettant de prendre en considération le rapport mis à jour du HCR598. L’analyse des arrêts de 2014 démontre parfaitement à quel point le lieu de séjour du demandeur d’asile d’un Land à l’autre détermine son accès à la procédure d’asile et le caractère effectif de cet accès. Or, la garantie de l’accès à la justice ne peut être laissée au hasard ; elle devrait, au contraire, être mesurée selon les aspects soigneusement élaborés par la jurisprudence, européenne et nationale, dans le plein respect du principe de sécurité juridique. Ces mêmes divergences caractérisent la pratique juridictionnelle administrative durant la première moitié de l’année 2015. Le Tribunal administratif de Hambourg a nié les défaillances systémiques dans sa décision de février 2015. Même cette juridiction a reconnu que les juridictions administratives allemandes se prononcent différemment sur cette question, tout en considérant que le juge doit être convaincu d’un traitement inhumain ou dégradant, et ce, avec une très grande probabilité599.Ce 591
Ibid. VG Hamburg, 10 février 2014, 19 AE 5415/13. 593 Ibid., paragraphe 23. 594 Ibid., paragraphe 24. 595 VG Trier (5ème ch.), 16 avril 2014, 5 L 569/14.TR, paragraphe 42 ; VG München, 28 octobre 2013, M 21 S 13.31076. 596 VG Hamburg, 19 AE 5415/13, préc., paragraphe 26. 597 VG Düsseldorf (9ème ch.), 8 septembre 2014, 9 L 1506/14.A. 598 Ibid. Le seul rapport du HCR pris en considération par le Tribunal administratif datait de décembre 2012. 599 VG Hamburg (2ème ch.), 18 février 2015, 2 AE 354/15, paragraphe 13. 592
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raisonnement montre à quel point cette juridiction accorde une importance particulière au premier courant jurisprudentiel de la Cour de justice centré sur le respect du principe de confiance mutuelle. Concernant la pratique de détention, la juridiction de céans a examiné les motifs de détention dans le droit hongrois et a conclu à sa conformité à la directive « accueil »600. À ce dernier égard, le Tribunal administratif a ajouté que le refus du transfert n’est pertinent qu’en relation à l’article 4 de la Charte et non en relation à son article 6 relatif au droit à la liberté et à la sûreté601. Bien que la détention n’apparaisse pas en soi déterminante pour refuser le transfert en raison de défaillances systémiques, il est indéniable que la présentation d’une demande de protection internationale, alors que le demandeur d’asile se trouve en rétention, implique le déclenchement d’une procédure dérogatoire. Or, le déroulement d’une telle procédure peut provoquer la méconnaissance de l’article 4 de la Charte. Bref, contrairement à la position adoptée par le Tribunal administratif de Stuttgart, le Tribunal administratif de Hambourg a considéré que les défaillances sectorielles, notamment dans le système d’accueil, ne justifiaient pas en soi le refus du transfert. Par ailleurs, il a souligné que le HCR n’a pas recommandé la suspension des transferts vers la Hongrie602. Enfin, il a estimé que le fait que, en Hongrie, presque tous les rapatriés Dublin soient placés en rétention, est motivé par la circonstance qu’ils ont quitté la Hongrie pour solliciter l’asile ailleurs, ce qui ne rend pas la rétention arbitraire603 et, en tout état de cause, la décision relative au placement en rétention est prise, selon le droit positif hongrois, sur la base d’une appréciation individuelle604. Ce raisonnement a été confirmé par le Tribunal administratif de Francfort dans sa décision de juin 2015. Cette juridiction a souligné que l’arrêt Mohammed c. Autriche témoigne justement de l’absence de défaillances systémiques en Hongrie et que les rapports ultérieurs, notamment le rapport du commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, à la suite de sa visite en Hongrie en juillet 2014, ne réfute pas ce constat605. Si les aspects pris en considération par les juridictions administratives apparaissent pêle-mêle dans la jurisprudence des organes européens étudiés, il n’en demeure pas moins que le défaut de clarification relatif au poids accordé à ceux-ci se prête à un usage arbitraire de la part des juges administratifs, lesquels se laissent même parfois guidés par leurs convictions personnelles ou par de pures généralisations606. Or, les juridictions ad600
Ibid., paragraphe 14. Ibid., paragraphe 15. 602 Ibid., paragraphe 16. 603 Ibid. 604 VG München, 30 juin 2015, M 12 K 15.50466. 605 VG Frankfurt (3ème ch.), 23 juin 2015, 3 L 54/15.A, paragraphes 16 – 18. 606 À ce dernier égard, le Tribunal administratif de Darmstadt a considéré pertinent le rapport de l’ONG bordermonitoring Europe critiquant l’attitude de la société civile hongroise vis-à-vis des demandeurs d’asile : « Schließlich wird auch für die ungarische Zivilgesellschaft – neben der sicherlich auch in Ungarn anzutreffenden Bereitschaft zur privaten Hilfeleistung – häufiger als für andere Länder von rassistischen Übergriffen gerade auf afrikanische oder von 601
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ministratives allemandes auraient pu faire usage de l’article 267 du TFUE en saisissant la Cour de justice à titre de renvoi préjudiciel. Cette démarche aurait permis que ces juridictions laissent la tâche à la Cour de justice d’évaluer le système d’asile hongrois dans son ensemble. À partir de l’été 2015, les juridictions administratives commencent à véritablement dialoguer et à veiller aux décisions prises dans les autres Bundesländer, en vue de remédier aux insuffisances constatées au niveau européen. II. Établissement d’un dialogue vertical, renforcement du dialogue horizontal au sujet du transfert vers la Hongrie L’adoption des modifications législatives en juillet 2015 en Hongrie a acculé les juridictions administratives, qui ont validé les transferts vers cet État, à revisiter leur approche. Le problème principal dans le système d’asile hongrois tenait à la pratique de refoulement vers la Serbie, considérée comme pays tiers sûr et à la détention des rapatriés Dublin607. Comme nous l’avons précédemment expliqué, l’un et l’autre aspect ont eu des répercussions importantes sur l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile. Le résultat final des juridictions administratives a été, presque sans exception608, le constat de défaillances systémiques en Hongrie609. Le mode de raisonnement des juridictions est apparu uniforme et lisible et a, dès lors, témoigné de leur volonté de garantir la sécurité juridique. Cependant, la minorité des juridictions administratives, qui ont constaté le défaut de défaillances systémiques, ont procédé de la même manière, tout en accordant un poids différent aux aspects qui déterminent l’existence de défaillances systémiques. C’est la réception de l’arrêt Mirza610 de la Cour de justice qui a posé particulièrement problème. La Cour de Luxembourg a jugé pour l’essentiel que l’État membre der Hautfarbe her dunkle Flüchtlinge berichtet ». VG Darmstadt, 30 septembre 2015, 3 K 1800/13.DA.A. 607 VG Potsdam (6ème ch.), 17 juillet 2015, 6 L 775/15.A ; VG Berlin (9ème ch.), 10 décembre 2015, 9 K 87.15 A ; VG Darmstadt, 30 septembre 2015, 3 K 1800/13.DA.A. 608 Certaines juridictions ont cependant nié l’existence de défaillances systémiques en Hongrie : VG Berlin (3ème ch.), 13 décembre 2016, 3 K 509.15 A ; VG Potsdam (6ème ch.), 14 décembre 2016, 6 K 1750/15.A ; VG Schleswig-Holstein (5ème ch.), 31 août 2016, 5 A 343/ 16 ; VG Hamburg (1ère ch.), 9 novembre 2016, 1 A 1973/15. 609 VG Wiesbaden, 14 janvier 2016, 4 L 1778/15.WI.A(2); Sächsisches Oberverwaltungsgericht, 6 juin 2017, 4 A 584/16.A. 610 CJUE (4ème ch.), Shiraz Baig Mirza contre Bevándorlási és Állampolgársági Hivatal, 17 mars 2016, C-695/15 PPU, ECLI:EU:C:2016:188, paragraphes 57 et 59. En ce qui concerne le cadre factuel, le requérant, ressortissant pakistanais, est entré sur le territoire hongrois depuis la Serbie et a introduit une demande de protection internationale. Il a ensuite quitté la Hongrie pour gagner l’Autriche. Entretemps, il a été interpellé en République Tchèque, et les autorités tchèques ont adressé une requête de reprise en charge à leur homologue hongrois. À la suite de son retour, les autorités hongroises ont rejeté sa demande comme irrecevable, puisque le requérant est entré sur le territoire hongrois à partir d’un pays tiers sûr, la Serbie.
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responsable n’est pas tenu d’informer l’État membre chargé de la détermination de la responsabilité du fait qu’il prévoit une présomption d’irrecevabilité de la demande de protection internationale présentée par un demandeur qui arrive sur son territoire depuis un pays tiers sûr611. Ce n’est pas la pratique du pays tiers sûr qui a été validée par la Cour de justice, mais tout simplement l’omission de la communiquer à l’État chargé du transfert. Néanmoins, le deuxième dispositif de l’arrêt de la Cour de justice porte à confusion en ce qui concerne l’appréciation du risque de refoulement en chaîne. En effet, en vertu de ce passage, le règlement Dublin III « ne s’oppose pas à l’envoi d’un demandeur de protection internationale vers un pays tiers sûr, lorsque l’État membre procédant au transfert dudit demandeur vers l’État membre responsable n’a été informé, au cours de la procédure de reprise en charge, ni de la réglementation de ce dernier État membre relative à l’envoi des demandeurs vers des pays tiers sûrs ni de la pratique de ses autorités compétentes en la matière »612. À notre avis, ce passage aurait dû être clarifié davantage, d’autant plus qu’il a été à l’origine d’interprétations divergentes dans la jurisprudence administrative allemande. Le Tribunal administratif de Munich a relevé que la Cour de justice n’a pas statué dans cet arrêt sur la question de savoir si la Serbie est un pays tiers sûr613, dès lors, l’arrêt Mirza ne s’oppose pas au constat de l’existence de défaillances systémiques en Hongrie. En revanche, le Tribunal administratif de Cottbus a adopté une position opposée, imprégnée par le plein respect du principe de confiance mutuelle614. Cette juridiction a considéré que le requérant, en arguant que la Hongrie qualifie la Serbie de pays tiers sûr, ne présente aucun argument qui relève de la compétence de l’Allemagne615, et elle a conclu à la légalité du transfert, faisant fi du risque de refoulement en chaîne dont la vérification s’impose, en principe, selon la Cour de Strasbourg. La position présentée par le Tribunal administratif de Cottbus a été confirmée par le Tribunal administratif de Munich dans une décision successive616. Ce dernier a, en effet, jugé que le principe de confiance mutuelle a été confirmé dans la décision Mirza, selon laquelle l’État membre chargé de la détermination de la responsabilité n’a pas besoin d’examiner les règles nationales et la pratique du renvoi
611
Ibid., paragraphe 61. Ibid., dispositif 2. 613 VG München, 8 juillet 2016, M 8 S 16.50302. 614 VG Cottbus (5ème ch.), 13 septembre 2016, 5 L 308/16.A, ECLI:DE:VGCOTTB: 2016:0913.5 L308.16.A.0 A. 615 Ibid., paragraphe 16. Finalement, cette juridiction a nié l’existence de défaillances systémiques, arguant, au sujet de la pratique de rétention, que les défaillances dans ce domaine ne peuvent justifier le refus du transfert, et, en tout état de cause, la rétention présente un caractère inhumain ou dégradant selon la jurisprudence de la Cour européenne, si les conditions, dans lesquelles la rétention est organisée, sont contestables (paragraphe 19). 616 VG München, 25 avril 2016, M 9 S 16.50091. 612
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vers des pays tiers sûrs de l’État responsable617. Certes, une telle lecture de l’arrêt Mirza est également envisageable. Le Tribunal administratif a, ensuite, ajouté, en se fondant sur l’arrêt, que le refoulement vers la Serbie est possible et ne semble pas violer le principe de non-refoulement énoncé à l’article 33, paragraphe (1) de la Convention de Genève618. En tout état de cause, le demandeur a également la possibilité, en Hongrie, de demander une protection juridictionnelle contre le transfert vers la Serbie619. In fine, la juridiction de céans a autorisé le transfert. Au-delà des exemples précités, la jurisprudence administrative allemande est cohérente et le transfert vers la Hongrie constitue désormais l’exception plutôt que la règle620. L’analyse des arrêts cités a parfaitement démontré que l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile est tributaire non seulement d’une jurisprudence claire et cohérente au plan européen, mais également d’un dialogue horizontal entre les juridictions administratives et d’un dialogue vertical entre les juridictions nationales et européennes. Les efforts vers un dialogue si ciselé et global sont, en revanche, absents dans la jurisprudence administrative française. B. Une jurisprudence exempte de dialogue dans la jurisprudence administrative française Avant d’analyser plus profondément la jurisprudence des cours administratives d’appel, il convient de noter que même la jurisprudence de la Haute juridiction administrative montre des disparités relatives à l’examen de la légalité du transfert vers la Hongrie : tantôt elle refuse621, tantôt elle autorise622 les transferts. Nous pouvons distinguer la jurisprudence des cours administratives d’appel selon deux directions principales : certaines cours autorisent systématiquement le transfert des demandeurs d’asile vers la Hongrie (I), tandis que les autres décident à l’opposé (II).
617
Ibid., paragraphe 9. Ibid., paragraphe 17. 619 VG Osnabrück (5ème ch.), 18 mai 2016, 5 A 68/16, ECLI:DE:VGOSNAB: 2016:0518.5 A68.16.0 A, paragraphe 43 ; VG München, 9 janvier 2017, M 9 S 16.51293 ; VG Köln (22ème ch.), 6 décembre 2016, 22 K 3248/15.A, ECLI:DE:VGK:2016: 1206.22K3248.15 A.00. 620 OVG Saarlouis, 9 mars 2017, 2 A 364/16. 621 CE (juge des référés), 16 octobre 2013, N8 372677, ECLI:FR:CEORD:2013: 372677.20131016. Il convient de remarquer qu’à aucun moment le Conseil d’État n’examine expressément l’existence de défaillances systémiques, mais refuse le transfert en raison de la méconnaissance du droit d’asile, tout en utilisant la même technique d’interprétation que celle tenant à l’examen des défaillances systémiques. 622 CE, 29 octobre 2013, N8 372998, ECLI:FR:CEORD:2013:372998.20131029. 618
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I. L’autorisation du transfert des demandeurs d’asile vers la Hongrie Ce sont les cours administratives d’appel de Lyon et de Paris qui autorisent sans exception les transferts vers la Hongrie. Exprimé de manière pragmatique, les demandeurs d’asile relevant du ressort de ces juridictions savent à l’avance que la procédure d’asile les concernant aura lieu en Hongrie. L’argumentation de ces juridictions administratives s’apparente, dans une large mesure, à la position représentée par la Cour de justice dans son premier courant jurisprudentiel, en vertu de laquelle le renversement de la présomption du respect des droits fondamentaux ne peut être qu’exceptionnel. Dans une décision devant la Cour administrative d’appel de Lyon, était en cause le transfert des demandeurs d’asile, ressortissants kosovars, vers la Hongrie623. En ne se contentant pas de documents généraux produits par les requérants, cette juridiction s’est référée aux observations du commissaire aux droits de l’Homme présentées devant la Cour européenne en décembre 2015 sur les conditions d’accueil et sur la loi hongroise relative à l’asile624. Ensuite, la Cour administrative d’appel de Lyon s’est référée à l’arrêt Mirza et a relevé que le droit de l’Union ne s’oppose pas à la pratique de l’État responsable de refouler le demandeur d’asile vers un pays tiers sûr. Cette lecture de l’arrêt Mirza démontre, de nouveau, parfaitement le caractère équivoque du message lancé par la Cour de justice. La juridiction de céans a, ensuite, mentionné le recours en manquement initié par la Commission européenne en décembre 2015, dont l’état d’avancement ne permet pas cependant de conclure au caractère avéré de ces manquements625. À la lumière de ces constats, la Cour administrative d’appel de Lyon a considéré qu’il n’existait pas de défaillances systémiques dans le système d’asile hongrois et a autorisé le transfert. De la même manière, la Cour administrative d’appel de Lyon a autorisé le transfert de demandeurs d’asile requérants vers la Hongrie, nonobstant le prononcé de l’arrêt O. M. contre Hongrie626, dans lequel la Cour européenne a condamné la Hongrie sous l’angle de l’article 5 de la Convention pour la détention arbitraire d’un demandeur d’asile. D’après la Cour administrative d’appel de Lyon, cette condamnation ne suffit pas à démontrer qu’un « tel risque serait suffisamment caractérisé et avéré pour tous les demandeurs d’asile »627. Il nous semble donc que la juridiction de céans refuse le transfert uniquement dans la mesure où les défail623
CAA de Lyon (2ème ch.), 13 décembre 2016, N8 15LY02193. Ibid., paragraphe 6. Dans ces observations, le commissaire aux droits de l’Homme a souligné que les rapatriés Dublin risquent d’être victimes de violations des droits de l’Homme en Hongrie, puisque leurs demandes d’asile ne sont pas examinées au fond s’ils viennent d’un pays tiers sûr comme la Serbie. Néanmoins, cette irrecevabilité peut être contestée lorsque le demandeur ne peut pas formuler une demande d’asile dans le pays tiers sûr en cause. 625 CAA de Lyon, N8 15LY02193, préc., paragraphe 6. 626 Cour EDH (5ème section), O.M. c. Hongrie, 5 juillet 2016, n. 9912/15, ECLI:CE: ECHR:2016:0705JUD000991215. 627 CAA de Lyon (2ème ch.), 13 décembre 2016, N8 16LY02818, paragraphe 5. 624
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1ère partie: L’incohérence dans la détermination des garanties
lances sont suffisamment systémiques, de telle sorte que celles-ci concernent tous les demandeurs d’asile ou, comme dans l’affaire O.M., lorsque les défaillances concernent le requérant de manière individuelle et portent atteinte à l’article 3 de la Convention européenne. En mai 2017, la Cour administrative d’appel de Lyon a continué de nier l’existence de défaillances systémiques et a autorisé les transferts vers la Hongrie628. Le requérant s’est notamment référé aux changements législatifs intervenus en juillet 1015629. La juridiction de céans a cependant évoqué les mêmes éléments appartenant désormais au bloc du raisonnement de la Cour administrative d’appel de Lyon : intervention du commissaire aux droits de l’Homme devant le Conseil de l’Europe630, ouverture d’un recours en manquement par la Commission européenne à l’encontre de la Hongrie631. De plus, la Cour administrative d’appel a considéré que, malgré la pratique du recours à la procédure accélérée pour traiter les demandes présentées par des demandeurs en provenance d’un pays d’origine sûr et malgré le rejet de ces demandes en tant qu’irrecevables, il n’a pas été prouvé que ces demandes ne seraient pas effectivement examinées632. Dit autrement, en cas de doutes relatifs au caractère défaillant du système d’asile de l’État responsable, le transfert est ordonné. Cette décision démontre à nouveau que le seuil pour renverser la présomption de la protection des droits fondamentaux se situe haut. De plus, contrairement à la pratique des juridictions administratives allemandes, la Cour administrative d’appel de Lyon n’a pas obtenu de documents proprio motu. En effet, à aucun moment, celle-ci ne s’est référée aux rapports provenant du HCR ou des ONG. Une lecture similaire ressort d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris qui a également nié l’existence de défaillances systémiques en Hongrie en mai 2017633. Cette juridiction a essentiellement pris en considération les mêmes élé-
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CAA de Lyon (2ème ch.), 2 mai 2017, N8 15LY04062. En raison de la pression migratoire extraordinaire, la construction d’un mur de sécurité temporaire a été ordonnée le 13 juillet 2015. Décision gouvernementale 1401/2015. (VI. 17.) relative aux mesures nécessaires pour faire face à une pression migratoire extraordinaire [1401/2015. (VI. 17.) Korm. határozat: A rendkívüli bevándorlási nyomás kezelése érdekében szükséges egyes intézkedésekro˝ l]. Voir encore : loi CXXVII de 2015 [2015. évi CXXVII. törvény]. 630 Plus précisément, le 17 décembre 2015, le commissaire aux droits de l’Homme a rendu public ses observations dans deux affaires contre l’Autriche devant la Cour EDH. « Risque de violation des droits de l’Homme pour les demandeurs d’asile renvoyés en Hongrie » https:// www.coe.int/fr/web/commissioner/-/risk-of-human-rights-violations-for-asylum-seekers-retur ned-to-hungary (consulté le 5 novembre 2017). 631 CAA de Lyon, N8 15LY04062, préc., paragraphe 9. 632 Ibid. Finalement, la Cour administrative d’appel a adopté la même interprétation de l’arrêt Mirza que celle proposée par la Cour administrative d’appel de Lyon dans l’affaire précédemment analysée. 633 CAA de Paris (2ème ch.), 3 mai 2017, N8 16PA00620. 629
Titre II: La détermination de l’État membre responsable de l’examen
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ments que ceux avancés par la Cour administrative d’appel de Lyon634. Notons que, pendant cette même période, aussi bien la Cour administrative d’appel de Lyon635 que celle de Versailles636 ont continué d’autoriser les transferts. La position de la Cour administrative d’appel de Versailles est particulièrement révélatrice, lorsqu’elle place haut le seuil permettant de constater les défaillances systémiques. En effet, selon cette juridiction, les critiques soulevées par le requérant « ne sont pas, à elles seules, de nature à renverser la présomption […], faute de manifester soit un refus qu’opposeraient les autorités hongroises à tout enregistrement des demandes d’asile, soit une incapacité structurelle de ces mêmes autorités d’examiner effectivement ces demandes, en méconnaissance de la convention de Genève de 1951637. Or, un tel constat s’avère déjà problématique, puisque lorsqu’il s’agit de rapatriés Dublin, ce n’est pas tant l’enregistrement des demandes d’asile qui pose véritablement problème que l’accès à une (nouvelle) procédure d’asile. En 2018, la refonte de cette position n’est toujours pas à l’ordre du jour des juridictions administratives françaises mentionnées. Dans sa décision de février 2018, la Cour administrative d’appel de Versailles autorise le transfert du requérant vers la Hongrie. À l’appui de cette conclusion, la Cour administrative d’appel a jugé que la procédure en manquement engagé par la Commission européenne n’a pas conduit à une procédure contentieuse devant la Cour de justice, et, en tout état de 634 La Cour administrative d’appel a estimé que les affirmations d’ordre général sont insuffisantes ; elle n’a pas pris en considération le recours en manquement contre la Hongrie, puisque la procédure était encore en phase administrative devant la Commission européenne et qu’une lettre de mise en demeure a été envoyée à cet État membre ; elle a également pris appui sur les observations du Commissaire aux droits de l’Homme devant la Cour européenne sur les conditions d’accueil et sur la loi hongroise relative à l’asile (paragraphe 7). 635 CAA de Lyon (2ème ch.), 11 mai 2017, N8 16LY01540. 636 CAA de Versailles (1ère ch.), 26 septembre 2017, N8 16VE01568. 637 Ibid., paragraphe 4. Ce constat a été confirmé par la Cour administrative d’appel de Versailles dans une autre décision. Pour justifier la légalité du transfert, la Cour administrative d’appel de Versailles a relevé qu’il appartient au juge administratif de rechercher si, à la date de la décision du transfert, « il existait des motifs sérieux et avérés de croire qu’en cas de remise […], [le demandeur] n’aurait pu bénéficier d’un examen effectif de sa demande d’asile, notamment en raison d’un refus opposé à tout enregistrement des demandes d’asile ou d’une incapacité structurelle à mettre en œuvre les règles afférentes à la procédure d’asile, ou si la situation générale du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile dans ce même État était telle qu’un renvoi à destination de ce pays aurait exposé l’intéressé, de ce seul fait, à un risque de traitement prohibé par l’article 4 de la [Charte] ». CAA de Versailles (plénière), 28 juin 2017, N8 16VE02239, paragraphe 4. Concrètement, cette juridiction a considéré que la procédure engagée par la Commission à l’encontre de la Hongrie n’a pas encore donné lieu à une procédure contentieuse devant la Cour de justice ; que l’allégation du requérant, selon laquelle les migrants retrouvés près de la frontière serbe-hongroise sont immédiatement refoulés vers la Serbie, ne trouve pas à s’appliquer aux rapatriés Dublin et que les critiques émises par les différents gouvernements et les ONG à l’encontre de la législation et de la pratique hongroises ne suffisent pas à renverser la présomption du respect des obligations découlant de l’article 4 de la Charte. Ibid., paragraphe 4. Cette approche a été confirmée par la Cour administrative d’appel de Marseille. CAA de Marseille (9ème ch.), 24 octobre 2017, N8 16MA04126 ; CAA de Douai (2ème ch.), 25 avril 2017, N8 16DA02207, paragraphe 3.
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cause, les positions adoptées vis-à-vis des autorités hongroises par les gouvernements de divers États membres ne sont pas, à elles seules, de nature à renverser la présomption du respect des droits fondamentaux des demandeurs d’asile en Hongrie638. Concernant le risque de refoulement en chaîne vers la Serbie, selon la Cour administrative d’appel de Versailles dans une autre décision, le défaut d’examen au fond des demandes d’asile et l’application de la notion de pays tiers sûr peuvent être contestés si les intéressés établissent ne pas avoir pu formuler une demande d’asile dans ce pays d’origine sûre639, ce qui est particulièrement difficile à prouver. Dans ce cadre, ces juridictions exigent entièrement des demandeurs d’asile d’apporter la preuve d’un risque de mauvais traitements en cas de leur transfert vers la Hongrie. Évidemment, dans la plupart des cas, ils ne réussissent pas à prouver un tel risque640. En revanche, certaines cours administratives d’appel ont adopté une approche plus favorable aux demandeurs d’asile en refusant systématiquement le transfert vers la Hongrie. En baissant le seuil du renversement de la présomption des droits fondamentaux, ces juridictions ont exprimé la volonté de concilier leur jurisprudence avec celle des organes juridictionnels européens. En outre, cette série d’affaires démontre parfaitement à quel point le dialogue interne fait défaut dans la pratique juridictionnelle administrative française. II. Le refus du transfert des demandeurs d’asile vers la Hongrie en raison de défaillances systémiques Lorsque nous examinons la même période, certaines cours administratives d’appel se fondent sur une analyse à l’opposé de celle qui caractérise les arrêts des cours administratives d’appel de Bordeaux, de Douai, de Lyon, de Paris et de Versailles. La situation normative en Hongrie ayant rapidement évolué dès le début de la « crise migratoire »641, le dialogue entre les juridictions administratives françaises 638
CAA de Versailles (1ère ch.), 20 février 2018, N8 16VE02850, paragraphe 6. CAA de Versailles (1ère ch.), 23 janvier 2018, N8 16VE02865, paragraphe 6. 640 Selon la Cour administrative d’appel de Douai, étant donné que le requérant n’a « produit aucun élément susceptible d’établir qu’il aurait précédemment subi des traitements inhumains et dégradants en Hongrie en raison de ses conditions d’accueil, ni qu’il existerait un risque sérieux que sa demande d’asile ne soit pas traitée par les autorités hongroises dans des conditions conformes à l’ensemble des garanties exigées par le respect du droit d’asile ; qu’il n’établit pas non plus qu’après la réadmission, il risquerait de subir des mauvais traitements incompatibles avec les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, en décidant de prononcer la réadmission de M. A…aux autorités hongroises compétentes, la préfète du Pas-de-Calais n’a pas méconnu les dispositions précitées de l’article 3 du règlement (UE) n8 604/2013 ». CAA de Douai (2ème ch.), 20 février 2018, N8 16DA02194, paragraphe 3. 641 La « crise migratoire » a incité la Hongrie à adopter une série d’instruments juridiques limitant les droits fondamentaux des demandeurs d’asile. La loi relative à l’asile a été modifiée le 1 juillet 2013 et la rétention au titre d’asile a été instaurée (arrêté ministériel 29/2013. (VI. 28.) relatif à la mise en œuvre de la rétention au titre d’asile et à la garantie financière au titre d’asile [29/2013. (VI. 28.) BM rendelet, a menekültügyi o˝ rizet végrehajtásának sza639
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apparaît comme la condition sine qua non de l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile. Force est toutefois de constater que tel n’a pas été le cas. Alors que la Cour administrative d’appel de Lyon autorisait les transferts vers la Hongrie, la Cour administrative d’appel de Nantes a affirmé l’existence de défaillances systémiques en Hongrie dès décembre 2016. Reprenant la motivation de la juridiction de première instance du Tribunal administratif de Caen, la Cour administrative d’appel a motivé son choix, d’une part, par les changements législatifs dans le droit hongrois qui prévoient notamment que l’accès à l’interprète n’est plus garanti dans tous les cas et que les demandeurs d’asile entrés irrégulièrement sur le territoire hongrois peuvent être placés en rétention, d’autre part, par la déclaration de la Hongrie que ses capacités d’accueil étaient atteintes642. Par ailleurs, et contrairement aux juridictions validant le transfert, la juridiction de céans s’est référée à l’opinion du HCR de septembre 2015 relative au traitement des demandeurs qui sont entrés irrégulièrement sur le territoire hongrois, ainsi qu’à la procédure d’infraction initiée par la Commission européenne contre la Hongrie643. Il ressort de cet arrêt que les motifs pour refuser le transfert sont presque les mêmes que ceux qui justifiaient l’autorisation des transferts vers la Hongrie. Rappelons que le manque de clarté sur la méthode peut conduire à une appréciation arbitraire. La Cour administrative d’appel de Nantes n’a pas changé d’angle de vue dans ses décisions subséquentes. Après avoir rappelé le bloc d’argumentation précité, cette juridiction a ajouté que le communiqué de presse du Conseil de l’Europe de janvier 2016 a critiqué la pratique de détention des demandeurs d’asile, dans la mesure où bályairól és a menekültügyi óvadékról]). Malgré le cadre normatif précis des cas dans lesquels le placement en rétention peut être ordonné, la motivation stéréotypée des décisions administratives et judiciaires a rendu la pratique opaque. En vertu de l’article 31/A, (1) de la loi relative au droit d’asile [a menedékjogról szóló 2007. évi LXXX. törvény], le placement de rétention est possible : pour établir ou vérifier l’identité ou la nationalité du demandeur d’asile ; si le demandeur a pris la fuite ou empêche le déroulement de la procédure d’asile d’une autre manière ; s’il y a des raisons sérieuses que le demandeur empêche le déroulement de la procédure d’asile ou le rende impossible ; s’il y a un risque de fuite ; lorsque la protection de la sécurité nationale, de la sécurité publique ou de l’ordre public l’exige; si la demande d’asile a été présentée dans le cadre d’une procédure d’aéroport ; si le demandeur ne respecte pas l’obligation de se présenter en empêchant ainsi le déroulement de la procédure Dublin. Le 21 juillet 2015, un décret gouvernemental a été adopté annonçant une liste des pays tiers sûrs, y compris la Serbie. (décret gouvernemental 191/2015 (VII.21.) relatif à la détermination, au niveau national, des pays d’origine qualifiés de sûrs et des pays tiers sûrs 191/2015. [(VII. 21.) Korm. rendelet a nemzeti szinten biztonságosnak nyilvánított származási országok és biztonságos harmadik országok meghatározásáról]). Néanmoins, en vertu du § 3(2) de ce décret, le demandeur d’asile peut prouver ne pas avoir eu la possibilité de bénéficier d’une protection effective. Le 10 décembre 2015, la Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction à l’encontre de la Hongrie au sujet de sa législation en matière d’asile. http://europa. eu/rapid/press-release_IP-15 – 6228_fr.htm (consulté le 5 novembre 2017). Cette procédure ne s’est pas transformée en recours en manquement devant la Cour de justice. 642 CAA de Nantes (4ème ch.), 7 décembre 2016, N8 15NT03324, paragraphe 4 ; CAA de Nantes (4ème ch.), 7 décembre 2016, N8 15NT03902. 643 Ibid.
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ces derniers ne disposaient pas d’accès au recours effectif contre la décision ordonnant le placement en rétention644. Cette juridiction s’est également référée à un rapport du HCR de mai 2016 portant sur les modifications législatives hongroises qui prévoyaient la pénalisation des personnes ayant franchi irrégulièrement la frontière645. Il convient de remarquer que ces éléments ne figuraient même pas dans les décisions autorisant les transferts vers la Hongrie. Dès lors, en suivant l’approche de la Cour européenne, la Cour administrative d’appel de Nantes a recherché proprio motu des éléments concordants pour justifier le renversement de la présomption de la protection des droits fondamentaux. Mais ce n’est pas le cas pour toutes les juridictions administratives. En effet, la Cour administrative d’appel de Nantes s’est appuyée sur les mêmes éléments que la Cour administrative d’appel de Paris646 pour parvenir, ensuite, à une conclusion diamétralement opposée647. En ce qui concerne la position de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, pour refuser le transfert du requérant vers la Hongrie, elle a, premièrement, nié la pertinence de l’arrêt Mirza, dans la mesure où cette décision ne valide pas la pratique des autorités hongroises de ne pas examiner au fond une demande d’asile, circonstance qui expose les demandeurs d’asile au refoulement vers la Serbie et/ou au refoulement en chaîne648. Cette position a vraisemblablement été tirée de la jurisprudence de la Cour européenne relative à la théorie de protection par ricochet. Deuxièmement, la Cour administrative d’appel a écarté l’argument selon lequel la Cour européenne a refusé de suspendre la procédure de transfert en Hongrie, en application des mesures provisoires, puisqu’aucune précision n’a été apportée sur les motifs guidant l’adoption de cette décision649. Dès lors, il appert qu’en cas de doutes, la Cour administrative d’appel de Bordeaux décide en faveur du demandeur d’asile, contrairement aux juridictions de Lyon ou Paris. Troisièmement, et dans le même ordre d’idées, si la Commission européenne n’a pas donné suite à la procédure d’infraction à l’encontre de la Hongrie, cette circonstance ne permet pas de démontrer que la Hongrie respecte les exigences requises en matière d’examen et de traitement des demandes d’asile650. Le raisonnement formulé par la Cour adminis644
CAA de Nantes (4ème ch.), 10 janvier 2017, N8 16NT00639, paragraphe 4. Ce constat a été confirmé : CAA de Nancy (1ère ch.), 30 mars 2017, N8 16NC02477 – 16NC02478. 645 CAA de Nantes, N8 16NT00639, préc., paragraphe 4. 646 CAA de Paris, N8 16PA00620, préc. 647 CAA de Nantes (4ème ch.), 10 mai 2017, N8 16NT01478, paragraphe 4. La Cour administrative d’appel de Bordeaux s’est ralliée à la position exprimée par la Cour administrative d’appel de Nantes. Cette juridiction a pris en considération les éléments traditionnels sur lesquels la Cour administrative d’appel de Nantes fonde ses décisions : procédure d’infraction contre la Hongrie et communiqué de presse du Conseil de l’Europe sur la rétention administrative des demandeurs sans réel accès aux recours effectifs contre la décision ordonnant la rétention. CAA de Bordeaux (3ème ch.), 27 septembre 2016, N8 16BX00997, paragraphe 4. 648 CAA de Bordeaux (1ère ch.), 1 décembre 2016, N8 16BX02284, paragraphe 6. 649 Ibid., paragraphe 7. 650 Ibid. CAA de Bordeaux (1ère ch.), 15 décembre 2016, N8 16BX02843. Les mêmes conclusions ressortent d’une décision de la Cour administrative d’appel de Nancy. CAA de
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trative d’appel de Bordeaux est très clair et favorise le principe du droit romain « in dubio pro reo ». À l’instar de la conviction ferme des juridictions administratives mentionnées relative au refus des transferts vers la Hongrie, la Cour administrative d’appel de Nantes a continué de bloquer les transferts en 2017 et en 2018 avec tout autant de force. Celle-ci a mentionné plusieurs motifs pouvant fonder l’existence de défaillances systémiques dans le système d’asile hongrois : absence d’accès effectif à la procédure d’asile, pratique de détention, qualification de l’assistance des demandeurs d’asile notamment par les ONG en tant qu’infraction pénale651, adoption de la nouvelle loi hongroise du 28 mars 2017 prévoyant la détention des demandeurs d’asile, y compris des enfants, pendant toute la durée de la procédure d’asile, et position du gouvernement allemand relative à l’arrêt des transferts des demandeurs d’asile vers la Hongrie652. Le raisonnement de la Cour administrative d’appel est long et témoigne d’une grande variété des sources, bien qu’il soit regrettable que cette juridiction ne se soit pas informée auprès des sources nationales, dans une perspective d’égalité des armes. Indépendamment de ce constat, la contrariété des décisions est frappante et résulte d’un dialogue totalement absent. La position adoptée par les juridictions administratives qui refusent le transfert ne signifie pas pour autant que celles-ci ne devraient pas témoigner d’un quelconque dialogue interne. Bien au contraire, ces juridictions auraient dû étudier soigneusement non seulement la jurisprudence européenne, mais aussi les raisons qui ont conduit les autres juridictions à une conclusion opposée, comme le font les juges administratifs allemands. Ce constat s’impose bien évidemment également aux juridictions autorisant les transferts vers la Hongrie. La durée de la contrariété des solutions est extrêmement longue et subsiste même au moment de la rédaction des présentes lignes. Ce constat devrait inciter les protagonistes à établir un dialogue structuré qui comprend également des renvois préjudiciels fréquents à la Cour de justice afin d’éviter les éventuelles interprétations erronées.
Nancy (1ère ch.), 20 juillet 2017, N8 17NC00062, paragraphes 5 – 10. Celle-ci constitue cependant un arrêt exceptionnel, la Cour administrative d’appel de Nancy niant systémiquement l’existence de défaillances systémiques en Hongrie aussi bien préalablement à cette décision (CAA de Nancy (2ème ch.), 8 décembre 2016, N8 16NC01400) qu’à la suite du prononcé de cette dernière (CAA de Nancy (2ème ch.), 19 octobre 2017, N8 16NC01674). 651 Voir à cet égard l’avis de la Commission de Venise : Avis concernant le Projet de Loi sur la transparence des organisations recevant de l’aide de l’étranger, CDL-AD(2017)015-f. 652 CAA de Nantes (4ème ch.), 19 octobre 2018, N8 17NT03127, paragraphe 5 ; CAA de Nantes (4ème ch.), 21 septembre 2018, N8 17NT02328.
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§ 2 La méthode d’appréciation globale relative à la détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale Alors que la réception de la jurisprudence des organes européens étudiés n’a pas fondamentalement changé la jurisprudence administrative allemande eu égard aux traditions administratives particulièrement développées (A), les juridictions administratives françaises ont dû adopter une approche cohérente qui respecte les exigences tant de la Cour européenne que de la Cour de justice (B). A. L’établissement d’une méthode d’appréciation conciliant les jurisprudences européennes et les traditions administratives allemandes Les juridictions administratives examinent les entraves à l’éloignement tenant à l’État de destination (zielstaatsbezogene Abschiebungshindernisse) (ci-après : entraves extérieures) et les entraves à l’éloignement indépendantes de l’État de destination (inlandsbezogene Abschiebungshindernisse) (ci-après : entraves intérieures) au sens du § 60, paragraphe (1) de la loi relative au séjour653. Dès lors, il importe peu que les défaillances systémiques puissent être constatées dans la mesure où l’incapacité de transport pour des motifs de santé en tant qu’entrave intérieure peut empêcher le transfert654. Cependant, afin de se conformer à l’exigence d’ouverture au droit européen (Europarechtsfreudlichkeit), les enseignements, en particulier ceux de l’arrêt N.S., devaient faire l’objet de réception. Or, l’exigence d’examiner les entraves extérieures et intérieures a suscité des hésitations relatives à la place à accorder à la clause de souveraineté et au refus du transfert en raison de défaillances systémiques, avant que la Cour administrative fédérale n’intervienne pour fournir une grille de lecture conciliante (I). Finalement, l’arrêt Tarakhel a donné une nouvelle impulsion au processus de réception (II). I. Les hésitations dans la jurisprudence administrative allemande reflétant les incertitudes apparues au plan européen La conception des défaillances systémiques et la méthode permettant d’apprécier leur existence ont montré une certaine diversité dans la jurisprudence administrative allemande (1), avant le prononcé de l’arrêt clef de la Cour administrative fédérale (2).
653 654
Ancien § 51 et 53 AuslG de 1990. J. M. Bergmann, « Das Dublin…», op. cit., p. 86.
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1. La réception des arrêts M.S.S. et N.S. dans la jurisprudence administrative allemande Il semble que les juridictions administratives examinent la légalité des transferts sous l’angle des entraves externes, alors que les motifs personnels sont appréciés sur le terrain des entraves internes. Après avoir nié l’existence de défaillances systémiques sur le fondement d’une appréciation générale du système d’asile italien, le Tribunal administratif de Düsseldorf a relevé que la clause de souveraineté ne peut être invoquée que lorsque la maladie du requérant nécessite un traitement ou si la procédure d’asile n’est pas conforme aux exigences minimales européennes et s’il n’existe pas de garantie pour assurer les moyens de subsistance dans l’État responsable655. Un tel raisonnement s’efforce de ne pas remettre en question le principe de confiance mutuelle en examinant les motifs personnels sur le terrain de la clause de souveraineté. Une logique similaire ressort d’un arrêt du Tribunal administratif de Hambourg. Mais il nous semble que cette juridiction a examiné l’existence de défaillances systémiques en Italie sur le terrain de la clause de souveraineté. En effet, après avoir nié l’existence de défaillances systémiques, le Tribunal administratif a considéré, en tenant compte également de la situation personnelle des requérants, que la défenderesse n’était pas obligée de faire usage de la clause de souveraineté656. Toutefois, d’après cette juridiction, il est possible, dans des cas individuels, de s’abstenir du transfert vers l’autre État membre pour des motifs individuels qui sont liés à la personne même du demandeur d’asile et qui ne relèvent pas du concept de normative Vergewisserung ou du principe de confiance mutuelle657. Dès lors, l’examen du refus du transfert et de l’applicabilité de la clause de souveraineté s’effectue conjointement et la méthode consiste alors en une appréciation générale et individuelle. En revanche, l’appréciation de la situation individuelle du requérant est entièrement absente dans l’une des décisions du Tribunal administratif de Karlsruhe, qui a affirmé l’existence de défaillances systémiques en Italie658. Logiquement, dans ces circonstances, l’appréciation de la situation individuelle n’est pas forcément nécessaire, puisque la responsabilité de l’examen de la demande de protection internationale incombe alors à l’Allemagne. Un certain particularisme ressort de la décision du Tribunal administratif de Trêve. Celui-ci a examiné l’existence de défaillances systémiques en Italie sous l’angle de la clause de souveraineté. Ensuite, 655 VG Düsseldorf (21ème ch.), 2 mai 2012, 21 L 577/12.A, ECLI:DE:VGD: 2012:0502.21 L577.12 A.00. 656 « Auch unter Berücksichtigung der persönlichen Situation der Kläger ist die Beklagte nicht verpflichtet, von ihrem Selbsteintrittsrecht Gebrauch zu machen ». VG Hamburg, 18 juillet 2013, préc., paragraphe 44. 657 Ibid. 658 VG Karlsruhe, 6 mars 2012, A 3 K 3069/11 ; VG Stuttgart, 2 juillet 2012, A 7 K 1877/ 12 ; VG Stuttgart, 20 septembre 2012, A 11 K 2519/12.
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toujours sur le terrain de cette clause, cette juridiction n’a pas directement procédé à une appréciation individuelle, mais a présenté l’état de santé du requérant avant de conclure, de manière générale, que le système de soins de santé italien est équivalent à celui assuré en Allemagne659. Il nous semble que la clause de souveraineté est devenue un terme générique qui englobe tous les aspects dont l’examen est imposé par la Cour de Strasbourg, la Cour de Luxembourg et les traditions administratives allemandes. Son déclenchement quasi permanent sur le terrain des entraves extérieures et/ou intérieures rend superflu le principe de confiance mutuelle. Mais cela n’est pas, cependant, l’opinion de toutes les juridictions. De manière différente, le Tribunal administratif de Karlsruhe répartit clairement sa méthode d’appréciation : il a d’abord examiné l’existence de défaillances systémiques en Pologne sous l’angle des entraves extérieures, en portant une attention particulière au système de santé polonais660. Ensuite, sur le terrain des entraves intérieures, cette juridiction a constaté laconiquement que les requérants étaient capables de voyager. De manière similaire, après avoir conclu à l’absence de défaillances systémiques en Italie dans le cadre de l’examen des entraves extérieures, le Tribunal administratif de Hambourg a nié des problèmes de santé du requérant pouvant justifier, le cas échéant, le déclenchement de la clause de souveraineté661. En revanche, le Tribunal administratif de Trêve a constaté l’existence de défaillances systémiques en Hongrie, tout en appréciant la situation individuelle d’une requérant souffrant d’un syndrome post-traumatique attesté par des certificats médicaux662. De manière similaire, sous l’angle de l’examen de l’existence de défaillances systémiques, le Tribunal administratif de Potsdam a pris en considération les circonstances individuelles, notamment une déclaration de paternité du requérant invoquée pour empêcher son transfert vers la Bulgarie663. Dès lors, les deux juridictions ont procédé à une appréciation tant générale qu’individuelle sur le terrain de l’examen des défaillances systémiques. Ces exemples ont mis en lumière les hésitations relatives non seulement à la portée des cas exceptionnels faisant l’objet de notre analyse dans le chapitre précédent, mais aussi à la méthode permettant d’apprécier la légalité des transferts et, de manière générale, de déterminer l’État responsable. Il était temps que la Cour administrative fédérale exprime sa position à ce sujet.
659 VG Trier (5ème ch.), 22 avril 2013, 5 K 87/13.TR, paragraphe 25; OVG Rheinland-Pfalz (10ème sénat), 21 février 2014, 10 A 10656/13, paragraphe 54. 660 VG Karlsruhe, 29 octobre 2013, A 1 K 1565/13. 661 VG Hamburg, 18 juillet 2013, préc. 662 VG Trier (5ème ch.), 30 mai 2012, 5 K 967/11.TR. 663 VG Potsdam (6ème ch.), 4 février 2014, 6 K 3905/13.A, paragraphe 15.
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2. La position de la Cour administrative fédérale relative à la méthode de la détermination de l’État membre responsable La question principale que la Cour administrative fédérale devait trancher a porté sur les exigences juridiques relatives au constat des défaillances systémiques, en particulier son degré de probabilité et le niveau de preuve requis pour considérer qu’il existe un risque réel que le demandeur d’asile soit exposé à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 4 de la Charte dans l’État responsable664. Le premier élément concerne essentiellement le seuil d’anticipation requis pour refuser le transfert du demandeur d’asile vers l’État responsable. Le second est d’ordre purement procédural et est lié aux preuves. Oscillant entre deux exigences jurisprudentielles contradictoires, la Cour administrative fédérale a relevé que le juge administratif est tenu de concilier les exigences résultant des instruments juridiques en matière de droits de l’Homme, tels que la Convention de Genève, la Convention européenne et la Charte des droits fondamentaux. Dans la pratique, afin de constater l’existence de défaillances systémiques, le juge administratif doit avoir la conviction (Überzeugungsgewissheit) que, à la suite du transfert, le requérant sera exposé à des traitements inhumains ou dégradants665. Cela signifie que le juge administratif peut identifier de telles défaillances, lorsque celles-ci sont présentes dans le système juridique de l’État membre responsable ou que celles-ci marquent structurellement la pratique de cet État666. Ces défaillances ne sont pas imprévisibles, mais peuvent être, au contraire, pronostiquées de manière fiable par les autorités administratives et juridictionnelles, et ce, en raison de leur régularité inhérente au système667. En revanche, la Cour administrative fédérale ne s’est pas prononcée fermement sur une éventuelle appréciation de la situation individuelle du demandeur d’asile. Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que la Cour administrative fédérale réponde à la question consistant à savoir dans quelle mesure l’expérience indivi664
BVerwG, 19 mars 2014, 10 B 6.14, paragraphe 3. Ibid., paragraphe 9. 666 « […] Ausdruck der Vorhersehbarkeit solcher Defizite, weil sie im Rechtssystem des zuständigen Mitgliedstaates angelegt sind oder dessen Vollzugspraxis strukturell prägen ». Ibid. 667 « Solche Mängel treffen den Einzelnen in dem zuständigen Mitgliedstaat nicht unvorhersehbar oder schicksalhaft, sondern lassen sich aus Sicht der deutschen Behörden und Gerichte wegen ihrer systemimmanenten Regelhaftigkeit verlässlich prognostizieren ». Ibid. En ce qui concerne la question des preuves, l’examen de défaillances systémiques s’effectue conformément au principe de l’instruction (Untersuchungsgrundsatz) afin d’évaluer les risques au sens de l’article 4 de la Charte et de l’article 3 de la CEDH (BVerwG, 10 B 6.14, préc., paragraphe 9). Dans cette perspective, la juridiction examine les faits d’office et n’est pas liée aux observations et demandes de preuves des parties concernées. Cf. : § 86(1) VwGO. Ce principe contribue à une conviction juridictionnelle nécessaire. F. O. Kopp, W.-R. Schenke, C. Hug, Verwaltungsgerichtsordnung : Kommentar, 23., neubearb. Aufl., München, Beck, 2017, p. 1099. 665
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duelle du demandeur d’asile devrait être prise en compte lors de l’adoption de la décision du transfert668. Dans sa réponse, la Cour administrative fédérale a jugé qu’un demandeur d’asile peut contester le transfert au motif de l’existence de défaillances systémiques, et cela, indépendamment du fait qu’en-dessous du seuil de défaillances systémiques, le transfert peut conduire, dans les cas individuels, à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 4 de la Charte et de l’article 3 de la Convention européenne669. Cet obiter dictum est révélateur : la Cour administrative fédérale laisse entendre, en faisant écho aux enseignements de l’arrêt N.S., que l’appréciation de la situation personnelle du demandeur d’asile n’a pas forcément de place dans le cadre de l’appréciation des défaillances systémiques. La Cour poursuit son raisonnement en expliquant que les expériences individuelles, telles que celles que le requérant a vécu lors de son premier séjour en Italie, font partie d’une évaluation globale consistant à vérifier l’existence de défaillances systémiques et que ce n’est que dans cette mesure limitée que les expériences individuelles doivent être prises en compte670. La formulation de la Cour administrative fédérale est particulièrement ambiguë : celle-ci n’évoque en effet que les expériences individuelles du requérant. Autrement dit : si le requérant invoque, par exemple, sa situation familiale, celle-ci doit-elle être prise en considération sous l’angle de l’examen des défaillances systémiques ? La réponse à cette question est donnée par l’arrêt Tarakhel, que les juridictions administratives devaient réceptionner. Cependant, le fait que, dans l’arrêt Tarakhel, la Cour européenne s’est prononcée sur le terrain de la clause de souveraineté rend l’appréciation encore plus difficile. II. La réception de l’arrêt Tarakhel par les juridictions administratives allemandes À la suite du prononcé de l’arrêt Tarakhel, la méthode de l’appréciation de la situation individuelle est devenue la règle générale671. En revanche, cette méthode a été effectuée en même temps que la vérification de l’existence de défaillances systémiques et sous l’angle de la clause de souveraineté. Ainsi, le Tribunal admi668
BVerwG, 6 juin 2014, 10 B 35.14, paragraphe 3. « [E]in Asylbewerber der Überstellung […] nur mit dem Einwand systemischer Mängel des Asylverfahrens und der Aufnahmebedingungen entgegentreten kann und es nicht darauf ankommt, ob es unterhalb der Schwelle systemischer Mängel in Einzelfällen zu einer unmenschlichen oder erniedrigenden Behandlung im Sinne von Art. 4 GR-Charta bzw. Art. 3 EMRK kommen kann und ob ein Antragsteller dem in der Vergangenheit schon einmal ausgesetzt war ». Ibid., paragraphe 6. 670 « [D]erartige individuelle Erfahrungen vielmehr in die Gesamtwürdigung einzubeziehen sind, ob systemische Mängel im Zielland der Abschiebung des Antragstellers (hier: Italien) vorliegen […] In diesem begrenzten Umfang sind individuelle Erfahrungen des Betroffenen zu berücksichtigen ». Ibid. 671 Voici quelques contre-exemples : VG Stuttgart, 24 juin 2014, A 11 K 741/14 ; VG Hamburg, 2 janvier 2014, 17 AE 5199/13. 669
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nistratif de Francfort a constaté certaines défaillances dans le système d’accueil en Italie en relation avec les rapatriés Dublin sans, pour autant, confirmer leur caractère systémique. En revanche, cette juridiction a relevé que l’Italie n’a pas donné de garanties individuelles sur le fait que la requérante et son nouveau-né bénéficieront d’un logement sûr immédiatement à leur retour en Italie672. Le Tribunal administratif de Potsdam a confirmé cependant le caractère exceptionnel de la solution Tarakhel, puisque, en l’occurrence, les demandeurs d’asile célibataires sans enfants au sens de la jurisprudence A.M.E. de la Cour européenne ne rentrent pas dans cette catégorie673. De manière similaire, le Tribunal administratif de Stuttgart a considéré dans le cadre de l’examen de défaillances systémiques que les époux sans enfants n’appartiennent pas à la catégorie des personnes particulièrement vulnérables674 de même que les requérants en bonne santé qui sont capables de travailler675. Il en va de même s’agissant des demandeurs d’asile célibataires et des couples sans enfants676. En revanche, certains tribunaux sont enclins à élargir la portée de l’arrêt Tarakhel. Selon le Tribunal administratif de Gießen, depuis le prononcé de l’arrêt Tarakhel, les États membres responsables sont tenus de fournir des garanties individuelles sur le sort réservé aux demandeurs d’asile à la suite de leur transfert, et ce, dans l’intérêt d’exclure une violation de l’article 3 de la Convention européenne677. En élargissant la portée de la lecture Tarakhel, cette juridiction a considéré que, compte tenu de la capacité d’accueil fortement limitée en Italie, il ne peut pas être exclu que les personnes transférées restent sans logement ; dès lors, le transfert vers l’Italie peut être admissible dans la mesure où l’Italie donne une garantie individuelle sur le logement et la prise en charge des demandeurs, et ce, non seulement s’agissant des personnes particulièrement vulnérables, mais également des demandeurs d’asile célibataires de sexe masculin678. Notons que cette pratique est effectivement suivie en Italie afin d’éviter une condamnation devant les juges de Strasbourg. En revanche, une telle position reste marginale. Comme le Tribunal administratif de Fribourg l’a considéré, les garanties individuelles au sens de l’arrêt Tarakhel ne sont pas requises dans tous les cas mais uniquement lorsqu’il s’agit du transfert des demandeurs particulièrement vulnérables679. Relèvent, en revanche, de cette dernière catégorie non seulement les personnes énumérées dans la directive « accueil », mais également, comme le Tribunal administratif de Potsdam l’a sou-
672 VG Frankfurt (6ème ch.), 13 mai 2016, 6 L 9/16.A, paragraphe 8 ; VG Frankfurt (6ème ch.), 12 mai 2016, 6 L 914/15.A ; VG Trier (5ème ch.), 16 mars 2017, 5 L 1846/17.TR. 673 VG Potsdam (6ème ch.), 25 juin 2015, 6 L 802/15.A, paragraphe 16. 674 VG Stuttgart, 31 janvier 2014, A 11 K 3470/13, paragraphe 18. 675 VG Schleswig-Holstein (12ème ch.), 1 octobre 2015, 12 A 53/15. 676 OVG Baden-Württemberg, 18 mars 2015, A 11 S 2042/14, paragraphe 57. 677 VG Gießen, 13 janvier 2015, 1 L 3772/14.GI.A, paragraphe 4. 678 Ibid., paragraphe 5. 679 VG Freiburg, 4 février 2016, A 6 K 1356/15, paragraphe 26.
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ligné, les demandeurs d’asile qui sont des victimes civiles de la guerre en Syrie680, les familles avec des enfants681 ainsi que les femmes enceintes682. La jurisprudence Tarakhel demeure exceptionnelle, le Tribunal administratif de Gelsenkirchen soulignant que, même si demandeur appartient à un groupe de personnes particulièrement vulnérables en raison de sa maladie, dans la mesure où l’État membre responsable est capable de garantir un accueil approprié, le transfert ne se heurte à aucun obstacle particulier683. L’analyse des arrêts cités a confirmé qu’en Allemagne, la réception de la jurisprudence des organes européens étudiés n’a pas fondamentalement changé leur attitude lors de l’examen de la légalité des transferts. Le poids accordé à une appréciation générale et individuelle implique que les considérations relatives aux relations interétatiques fondées sur le plein respect du principe de confiance mutuelle ne reçoivent que peu d’importance. En ce qui concerne la situation en France, en l’absence d’une véritable tradition dans ce domaine, les juridictions administratives étaient contraintes d’établir une méthode cohérente issue des jurisprudences européennes incohérentes. B. L’établissement d’une méthode d’appréciation fondée sur la réception des jurisprudences européennes incohérentes Même avant le prononcé de l’arrêt M.S.S., le Conseil d’État a déjà proposé une méthode pour apprécier la légalité du transfert. Celui-ci a relevé que, si les documents d’ordre général relatifs aux modalités d’application des règles en matière d’asile ne constituent pas un obstacle au transfert, l’administration est tenue « d’apprécier dans chaque cas, […] si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité […] répondent à l’ensemble des garanties exigées par le respect du droit d’asile »684. Cette ligne de conduite est probablement motivée par la nature particulière de l’affaire déférée devant le Conseil d’État. En effet, le requérant a saisi la Cour européenne qui a ordonné de surseoir au transfert du requérant vers la Grèce sur le fondement de l’article 39 de son règlement intérieur. En tout état de cause, la direction indiquée par le Conseil d’État est claire : dans l’intérêt de se 680
VG Potsdam (12ème ch.), 11 mars 2016, VG 12 K 216/15.A, paragraphe 40. BVerfG (2ème sénat), 29 août 2017, 2 BvR 863/17, ECLI:DE:BVerfG:2017: rk20170829.2bvr086317 ; VG Düsseldorf, 19 décembre 2018, 29 L 3504/18.A. 682 Dans le cas d’une requérante enceinte de cinq mois, une violation de l’art. 3 CEDH par son transfert en Italie ne peut être exclue que si l’Office fédéral obtient des autorités italiennes l’assurance individuelle que la requérante sera placée dans un logement sûr, tout en garantissant une attention et des soins particuliers aux femmes enceintes. VG Würzburg, 3 décembre 2018, W 10 S 18.50528, dispositif n. 4 ; VG Würzburg, 28 décembre 2018, W 10 S 18.50530. 683 VG Gelsenkirchen, 22 février 2019, 1a K 4879/18.A, ECLI:DE:VGGE:2019: 0222.1 A.K4879.18 A.00, paragraphe 9. 684 CE (juge des référés), 1 mars 2010, N8 336857. 681
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conformer aux obligations conventionnelles, les juridictions administratives sont tenues de procéder à un double contrôle : vérification du cadre normatif de l’État membre responsable et appréciation des circonstances individuelles caractérisant la situation du requérant. Dans le même ordre d’idées, le Conseil d’État a refusé le transfert en Hongrie en accordant un poids déterminant aux conditions dans lesquelles les demandeurs d’asile ont été traités dans un centre d’accueil et à la manière dont les demandes d’asile ont été traitées par les autorités hongroises685, dès lors, la Haute juridiction administrative a tenu en compte des expériences du demandeur d’asile pendant son séjour en Hongrie. Malgré ces précisions pointant clairement vers une approche « Tarakhel », force est de constater que la palette des solutions proposées par les juridictions administratives montre des diversités non négligeables (I). Néanmoins, au fil du temps, les juridictions administratives françaises se sont graduellement fondues dans le moule de la jurisprudence de la Cour de justice et de la Cour européenne, en élaborant une méthode favorable à la protection des demandeurs d’asile et, à l’instar de la pratique allemande, en négligeant graduellement le principe de confiance mutuelle (II). I. Une diversité de méthodes pour déterminer l’État membre responsable Dans un premier temps, certaines juridictions administratives mettent en œuvre une démarche traditionnelle qui découle de l’arrêt N.S. : le transfert ne peut être refusé qu’en cas de défaillances systémiques dans l’État membre responsable. Dès lors, du point de vue méthodologique, un tel constat suppose la seule vérification du système d’asile dans l’État membre, respectant ainsi le principe de confiance mutuelle. Nonobstant la clarification méthodologique de la Haute juridiction administrative en 2010, certaines juridictions marquent leur préférence pour une appréciation conforme à celle qui découle de l’affaire N.S. Une telle position ressort de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai rendu en mai 2015. En se ralliant à la position du Conseil d’État, la juridiction de céans a réitéré que, même si l’État membre responsable, Malte, est un État membre de l’Union et signataire de la Convention européenne, il convient d’apprécier l’affaire dans chaque cas individuel686. En réalité, cependant, cette juridiction s’est contentée d’affirmer que les documents de Human Rights Watch ainsi qu’un arrêt de la Cour européenne ne suffisent pas à établir que le transfert du requérant soit constitutif d’une atteinte grave au droit d’asile687. Par conséquent, cette juridiction n’a, à aucun moment, examiné la situation individuelle du requérant.
685 CE (juge des référés), 29 août 2013, N8 371572, ECLI:FR:CEORD:2013: 371572.20130829, paragraphe 8. 686 CAA de Douai (3ème ch.), 21 mai 2015, N8 14DA02055, paragraphe 6. 687 Ibid.
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La Cour administrative d’appel de Bordeaux semble représenter un point de vue similaire. Mais elle a interprété différemment l’arrêt N.S. Concrètement, afin de conclure à l’illégalité du transfert, il ne suffit pas d’affirmer l’existence de défaillances systémiques dans le cadre d’une appréciation générale du système d’asile, mais il convient de vérifier que la réadmission du demandeur d’asile l’exposait à un risque personnel688. En ce qui concerne la méthode permettant d’apprécier ce risque personnel, la Cour administrative d’appel propose de vérifier « si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l’ensemble des garanties exigées par le respect du droit d’asile »689. En réalité toutefois, cette juridiction n’a pas fait preuve d’une quelconque appréciation de la situation personnelle du requérant. Certes, les arguments avancés par les requérants influencent considérablement les démarches des juridictions administratives. Dans une affaire devant la Cour administrative d’appel de Nancy, le requérant a invoqué des défaillances systémiques dans le système d’asile hongrois. Cette juridiction a considéré dans son arrêt que les documents d’ordre général et les affirmations du requérant ne suffisent pas à établir que son transfert est constitutif d’une atteinte grave au droit d’asile690. Il convient de noter que le requérant a également mentionné ses expériences en Hongrie concernant les conditions de séjour. Dès lors, la juridiction de céans n’avait d’autre choix qu’intégrer ses appréciations personnelles dans l’appréciation générale. C’est probablement aussi la raison pour laquelle la méthode appliquée a dépassé les enseignements de l’arrêt N.S. et devient dualiste. II. L’élaboration d’une méthode dualiste pour déterminer l’État membre responsable Dans l’intérêt de prendre en considération les enseignements de la jurisprudence de la Cour européenne, une tendance s’est dessinée dans la jurisprudence administrative française : une appréciation générale du système d’asile est effectuée en vue d’examiner l’existence de défaillances systémiques, tandis qu’une appréciation des circonstances individuelles est faite sur le terrain de la clause de souveraineté. La Cour administrative d’appel de Douai a trouvé une solution juridique conciliant la lecture proposée par la Cour européenne et par la Cour de justice691. Dans l’affaire en cause, le requérant a fait valoir la méconnaissance du droit d’asile en raison de son transfert vers la Pologne sans, pour autant, préciser la base juridique de ces griefs. Dans un premier temps, la Cour a examiné si la situation en Pologne était constitutive d’une atteinte grave au droit d’asile du fait de l’existence de dé-
688 689 690 691
CAA de Bordeaux (2ème ch.), 23 février 2016, N8 15BX02729, paragraphe 2. Ibid. CAA de Nancy (3ème ch.), 10 mai 2016, N8 15NC02361, paragraphe 3. CAA de Douai (2ème ch.), 14 décembre 2015, N8 14DA01550.
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faillances systémiques dans l’accueil des demandeurs d’asile692. Ensuite, et sous l’angle de la clause de souveraineté, cette juridiction a apprécié les circonstances individuelles du requérant, notamment la présence des membres de sa famille ainsi que la scolarisation de son enfant en France693, avant de conclure à l’absence de déclenchement de la clause de souveraineté. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a adopté la même conception s’agissant de l’examen de la légalité du transfert des requérants vers la Pologne. Après avoir examiné les dispositions normatives pertinentes, la Cour a nié l’existence de défaillances systémiques en Pologne694. Par la suite, et dans le cadre de l’examen de la clause de souveraineté, ladite juridiction a mis en lumière l’absence de risque spécifique pour la personne du demandeur au cas où il serait transféré695. Une telle attitude ressort également de la jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Lyon. Les requérants ont contesté leur transfert vers l’Italie en invoquant l’existence de défaillances systémiques et l’applicabilité de la clause de souveraineté. Sous l’angle de l’examen de défaillances systémiques, ladite juridiction a considéré que les documents produits par les requérants à l’appui de leurs allégations ne permettaient pas de justifier un tel constat696. Ensuite, et sous l’angle de la clause de souveraineté, la juridiction de céans a souligné que le fils majeur des requérants faisait également l’objet d’une décision de transfert et que la séparation ne serait pas une séparation durable697. Une telle dualité dans l’examen des circonstances générales et individuelles révèle que les juridictions administratives séparent nettement la catégorie du refus des transferts en raison de défaillances systémiques et celle de l’applicabilité de la clause de souveraineté. Néanmoins, le développement jurisprudentiel ne s’est pas arrêté à une telle démarche pourtant conciliante. En effet, la Cour administrative d’appel de Douai propose une lecture qui étoffe l’appréciation générale par la prise en considération des circonstances individuelles, indépendamment de l’examen de l’applicabilité de la clause de souveraineté. Était en cause le transfert d’un demandeur d’asile vers la Hongrie ; le requérant a fait valoir que le transfert méconnaissait l’article 3 du règlement Dublin III ainsi que l’article 3 de la Convention européenne et a demandé le refus du transfert vers la Hongrie en raison de défaillances systémiques. Dans le cadre de son analyse, la Cour administrative d’appel a relevé tout d’abord concernant la situation du système d’asile hongrois que les documents d’ordre général 692 Ibid., paragraphe 9. La juridiction de céans a considéré que les documents d’ordre général, les études sur les centres de détention en Pologne et les articles de presse ne suffisent pas à constater l’existence de défaillances systémiques. Cette approche a été confirmée : CAA de Nancy (1ère ch.), 19 janvier 2017, N8 16NC01738. 693 CAA de Douai, N8 14DA01550, préc., paragraphe 11. 694 CAA de Bordeaux (4ème ch.), 30 juin 2016, N8 16BX01044, 16BX01046, paragraphe 13. 695 Ibid. 696 CAA de Lyon (2ème ch.), 2 mai 2017, N8 16LY03941, paragraphe 5. 697 Ibid., paragraphe 8.
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cités par le requérant ne permettaient pas d’établir que le transfert serait, par luimême, constitutif d’une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile698. Ensuite, cette juridiction a exigé d’apporter la preuve que les expériences vécues en Hongrie par le requérant justifiaient le refus du transfert. Concrètement, selon cette juridiction, le requérant n’a pas établi qu’il aurait précédemment subi des mauvais traitements en Hongrie en raison de ses conditions d’accueil, ni qu’il existerait un risque sérieux que sa demande ne soit pas traitée conformément aux conditions requises par le droit d’asile699. Autrement dit, la Cour administrative d’appel a évalué, bien que de manière indirecte, les expériences du requérant pendant son séjour en Hongrie sur le terrain de l’évaluation de l’existence de défaillances systémiques dans le système d’asile hongrois. Enfin, et dans le contexte de la clause de souveraineté, la juridiction de céans a évalué la situation personnelle et familiale du requérant avant de conclure à l’absence d’erreur de droit commise par le préfet en ne faisant pas usage de cette clause. La même solution ressort de la décision A.B. de la Cour administrative d’appel de Bordeaux. Était en cause le transfert d’un ressortissant ivoirien vers la Hongrie. Dans le cadre de son examen s’apparentant à la vérification de défaillances systémiques en Hongrie, ladite juridiction a clairement divisé son analyse en deux parties. Premièrement, la Cour administrative d’appel a examiné la situation générale prévalant dans le système d’asile hongrois en se référant, d’une part, au caractère insuffisant des documents d’ordre général produits par le requérant et de ses allégations sur la pratique des autorités hongroises relative à l’application des règles en matière d’asile, et, d’autre part, aux recommandations du HCR selon lesquelles ce dernier n’a pas recommandé la suspension des transferts vers la Hongrie700. Deuxièmement, et dans le cadre d’une appréciation individuelle, le requérant s’est référé aux mauvaises conditions d’accueil lors de sa détention en Hongrie. Cette juridiction a vérifié, en premier lieu, les allégations du requérant concernant ses expériences antérieures, notamment la question de savoir s’il a subi de mauvais traitements lors de son séjour précédent en Hongrie. En deuxième lieu, la juridiction de céans a également examiné le risque de mauvais traitements : si la demande d’asile serait-elle traitée dans des conditions conformes aux exigences du droit d’asile? Le requérant serait-il exposé à des mauvais traitements à la suite de son 698
CAA de Douai (2ème ch.), 28 mars 2017, 16DA01766, paragraphe 3. Ibid. Par ailleurs, la CAA de Douai a également examiné si le requérant pouvait subir des traitements contraires à l’article 3 de la CEDH. Un tel raisonnement est partagé par la CAA de Nantes. CAA de Nantes (4ème ch.), 29 septembre 2015, N8 14NT02825, paragraphe 9. En ce qui concerne le cadre factuel, le requérant, de nationalité géorgienne a demandé l’asile en France, alors que ses empreintes digitales ont été prélevées en Slovaquie. Il a invoqué la clause de souveraineté et a allégué que la décision de son transfert portait atteinte au droit d’asile en raison de défaillances systémiques en Slovaquie. Après avoir examiné les arguments du requérant sous l’angle de la clause de souveraineté, liés aux motifs de santé, les parents du requérant dépendant de l’assistance de ce dernier, la Cour administrative d’appel de Nantes a apprécié séparément l’existence de défaillances systémiques en Slovaquie. 700 CAA de Bordeaux (4ème ch.), 15 juillet 2016, N8 15BX04100, paragraphe 8. 699
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retour et pourrait-il poursuivre son traitement médical701? Enfin, et faisant preuve d’une certaine tautologie, la juridiction de céans a examiné les motifs liés à l’état de santé du requérant à la lumière de la clause de souveraineté et a jugé que la situation personnelle du requérant ne permettait pas de refuser le transfert. Même si cette appréciation n’est pas exempte de complexité, une telle interprétation est suggérée par la jurisprudence des organes juridictionnels étudiés. Lorsque nous procédons à des recherches dans la jurisprudence administrative française, il est frappant que les cas dans lesquels la méthode découlant de l’arrêt Tarakhel a été appliquée sont particulièrement peu nombreux. Si l’on se focalise uniquement sur les arrêts des cours administratives d’appel, ce n’est qu’à partir de 2018 que la jurisprudence Tarakhel apparaît dans ces arrêts. Dans une affaire portée devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux, le requérant, ressortissant afghan, a contesté la décision de sa reprise en charge en Bulgarie. Dans son appréciation, cette juridiction a jugé, en premier lieu, que la possibilité du refus du transfert au sens de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin est également prévue par l’article 17 du même règlement et reprise par l’article L741 – 1 du CESEDA702. Cette juridiction, en partant de l’interprétation du règlement Dublin III faite par les organes juridictionnels étudiés, interprétation qui peut porter à confusion, a considéré les dispositions citées du règlement comme équivalentes. Ensuite, et concernant la méthode pour apprécier la situation en l’espèce, lors de l’appréciation de la légalité du transfert, la juridiction de céans a prôné une attention à la vulnérabilité particulière du demandeur d’asile au sens de la jurisprudence Tarakhel703. L’évaluation de l’existence de défaillances systémiques se fait dès lors avec l’appréciation de la situation individuelle du requérant, et ce, sur la base juridique combinée de l’article 3, paragraphe (2) et de l’article 17 du règlement Dublin III704. Néanmoins, en raison de l’absence de dialogue horizontale suffisant entre les juridictions administratives françaises, plusieurs juridictions administratives optent encore pour une méthode dualiste consistant à apprécier l’existence de défaillances systémiques sur le terrain de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III, et le risque individuel de mauvais traitements est examiné sous l’angle de la clause de souveraineté705. Il arrive même encore que certaines juridictions examinent l’existence de défaillances systémiques sur le terrain de l’article 17 du règlement Dublin III et ne procèdent qu’à une appréciation générale sur le système d’asile de l’État membre responsable706. 701
Ibid. CAA de Bordeaux (6ème ch.), 28 mai 2018, N8 18BX00429, 18BX00430, paragraphe 4. 703 Ibid. Voir encore : CAA de Lyon (5ème ch.), 28 juin 2018, N8 18LY00629 ; CAA de Nantes (6ème ch.), 17 septembre 2018, N8 17NT02518 ; CAA de Douai (2ème ch.), 2 octobre 2018, N8 17DA02055 ; CAA de Lyon (5ème ch.), 29 janvier 2019, N8 18LY00907. 704 CAA de Paris (2ème ch.), 19 février 2019, N8 18PA00394. 705 Voir à cet égard : CAA de Nancy, 5 mars 2019, préc.; CAA de Nantes (6ème ch.), 5 mars 2019, N8 18NT01210. 706 CAA de Paris (1ère ch.), 21 février 2019, N8 18PA03211. 702
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1ère partie: L’incohérence dans la détermination des garanties
L’examen de la pratique française atteste que l’édifice fondé sur la confiance mutuelle est loin d’être stable. En effet, le choix de la méthode montre parfaitement que la règle générale permettant d’évaluer l’existence de défaillances systémiques est désormais une appréciation générale combinée à l’appréciation de la situation individuelle des requérants. D’un côté, la plupart des juridictions administratives françaises ne semble plus accorder beaucoup de signification au principe de confiance mutuelle, puisque, même si elles veillent à procéder à une appréciation de la situation individuelle des demandeurs d’asile sous l’angle de la clause de souveraineté, cela ne saurait les dispenser de la responsabilité d’avoir porté atteinte au principe de confiance mutuelle. D’un autre côté, le choix d’une telle méthode préconisée par la Cour européenne, et, désormais, également par la Cour de justice permet d’opérer un examen plus vaste du système d’asile dans l’État responsable. Cette solution s’avère ainsi bénéfique pour garantir une plus grande effectivité de l’accès à la procédure d’asile. Néanmoins, au-delà de la place incertaine du principe de confiance mutuelle au niveau européen, l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile est particulièrement menacée par l’absence de cristallisation de la méthode permettant d’évaluer la légalité des transferts, dont le moyen est un dialogue horizontal à court terme et un dialogue vertical à long terme du point de vue du droit national. *
Face aux incertitudes constatées au plan européen, les juridictions administratives nationales ont tenté de trouver des solutions juridiques conciliantes. En Allemagne, cette tâche s’est avérée plus aisée, le système juridique allemand étant doté des catégories juridiques traditionnelles qui permettent de surmonter les obstacles présentés. Il n’en a pas été de même en France, les incertitudes apparues au niveau européen se reflétant dans la jurisprudence administrative française. L’analyse met en évidence la nécessité criante d’opérer une clarification conceptuelle sous la forme d’un dialogue entre les organes juridictionnels européens, en vue de déterminer les contours de la clause de souveraineté ainsi que du refus du transfert en raison de défaillances systémiques, voire de circonstances exceptionnelles. En l’absence d’une telle clarification, et comme notre analyse l’a démontré, les juridictions administratives nationales fusionnent ces catégories ou ne prennent en considération que l’une d’entre elles. D’un point de vue pragmatique, opter pour un examen cumulatif de ces catégories ne s’avère pas problématique en soi, dans la mesure où les juridictions administratives suivent la même approche, à défaut de quoi le niveau d’effectivité de l’accès à la procédure d’asile diffère d’une juridiction à l’autre, voire d’un État membre à l’autre. De surcroît, un examen superficiel des critères pour évaluer la légalité des transferts peut provoquer la méconnaissance de l’article 4 de la Charte en permettant le transfert vers un État membre qui pratique le refoulement en chaîne ou dans lequel les conditions d’accueil sont insatisfaisantes pour un demandeur d’asile appartenant à une catégorie de personnes particulièrement vulnérables.
Titre II: La détermination de l’État membre responsable de l’examen
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En ce qui concerne la question des méthodes, si les juridictions administratives ont trouvé une méthode opérationnelle, d’une part, ce constat n’est pas valable pour toutes les juridictions, d’autre part, les incertitudes évoquées incitent les juridictions administratives à trouver leur propre méthode en menaçant non seulement le système de détermination de l’État responsable fondé sur le respect du principe de confiance mutuelle, mais aussi l’uniformité méthodologique.
Conclusion du Titre II L’analyse de la relation entre l’ordre juridique conventionnel et le droit de l’Union a révélé des tensions qui ne sont pas, cela étant dit, inconciliables. Si, au cours des dernières années, le dialogue entre les deux organes juridictionnels européens s’est intensifié, force est de constater, cependant, que tant la relation entre le principe de confiance mutuelle et la protection des droits fondamentaux que la méthode de contrôle de la légalité des transferts méritent qu’on y consacre un dialogue approfondi. Or, en l’absence de celui-ci, l’accès à la procédure d’asile devient illusoire au niveau national, puisque les ordres juridiques nationaux suivent soit la solution préconisée par la Cour européenne, soit celle de la Cour de justice. Nous sommes témoins depuis 2017 d’un alignement clair de la jurisprudence de la Cour de justice sur celle de la Cour européenne. Cependant, eu égard au peu de temps qui s’est écoulé jusqu’à la rédaction de ces lignes, nous ne sommes pas en mesure de tirer des conclusions fermes sur le développement de cette relation. Si, dans la pratique, les juridictions nationales ont plutôt tendance à marquer leur préférence pour la jurisprudence de la Cour européenne, il est crucial de cristalliser ce phénomène, sans quoi l’accès à la procédure d’asile s’apparenterait à un jeu de hasard. Suivre la solution venant de la Cour de Strasbourg est susceptible de remettre en question le système de Dublin conçu par le législateur de l’Union et par la Cour de justice, sous réserve d’une (re)définition de la base juridique pour apprécier la légalité des transferts, et, par voie de conséquence, du principe de confiance mutuelle ainsi que de la méthode pour vérifier la légalité des transferts et ce, de façon uniforme. Dès lors, le dialogue vertical et horizontal à deux niveaux revêt une importance fondamentale. Dans ce cadre, le rapprochement entre la jurisprudence des deux cours européennes est louable, mais devrait faire l’objet d’une conception réfléchie qui prenne en considération les difficultés inhérentes à la mise en œuvre de leur jurisprudence respective au niveau national.
Conclusion de la première partie L’accès à la justice pour les demandeurs d’asile ne commence pas devant les instances administratives chargées de l’examen de la demande de protection inter-
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1ère partie: L’incohérence dans la détermination des garanties
nationale. Les ressortissants de pays tiers doivent, tout d’abord, arriver sur le territoire des États membres. Les conditions d’entrée sur le territoire de l’Union et des États membres sont régies tant par le droit conventionnel que par le droit de l’Union. Or, l’absence d’une conception coordonnée au niveau européen permettant de définir les garanties indispensables pour assurer l’accès régulier au territoire au titre de l’asile est susceptible de nuire à son effectivité. L’élaboration des conditions juridiques pour une entrée régulière sur le territoire de l’Union est fondamentale puisque, d’une part, une règlementation lacunaire sur le plan européen rend plus difficiles le déclenchement de la compétence de la Cour européenne ainsi que le constat d’une compétence partagée. De surcroît, une telle règlementation n’incite pas forcément le législateur national à prendre en considération les développements normatifs au niveau européen. Enfin, une entrée règlementée permet également aux États de surveiller de façon plus efficace l’arrivée sur leur territoire des ressortissants de pays tiers souhaitant bénéficier de la protection internationale. Nos constats sont également valables pour la procédure de détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Certes, les droits nationaux peuvent offrir des solutions appropriées mais, comme nous l’avons vu, les hésitations au niveau européen apparaissent, indirectement, dans la jurisprudence administrative nationale. De surcroît, l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile est également affaiblie par l’insuffisance du dialogue interne entre les juridictions administratives nationales. Le résultat de ce phénomène est la fragmentation des conditions de l’accès à la procédure d’asile, dans le sens où celles-ci montrent des disparités non négligeables non seulement d’un État membre à l’autre mais aussi au sein du même État membre. À cette fragmentation à géométrie variable s’ajoute le risque réel de la méconnaissance de l’article 4 de la Charte dans les cas individuels en raison des incertitudes relatives à la méthode permettant d’apprécier la légalité des transferts vers l’État membre responsable.
Deuxième partie
Une cohérence en apparence dans la détermination des garanties inhérentes à l’accès aux instances de l’asile Lorsque l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale est définitivement déterminé, dans la mesure où la procédure de Dublin a été déclenchée, le demandeur d’asile peut commencer à effectuer les démarches administratives auprès des autorités compétentes et introduire la demande de protection internationale. À cette fin, l’accès à la procédure d’asile et au juge de l’asile est entouré par certaines garanties procédurales qui sont déterminées essentiellement par le droit national, les États membres disposant d’une autonomie procédurale large dans ce domaine. Nonobstant cette autonomie procédurale, les pouvoirs législatif et judiciaire sont tenus au respect du droit de l’Union et à la jurisprudence élaborée avec soin par les organes juridictionnels européens. Dans la première partie, nous avons démontré que l’insuffisance de dialogue entre ces organes et le législateur de l’Union, dans la détermination des garanties relatives à l’accès préalable à la procédure d’asile, peut avoir des conséquences néfastes sur l’effectivité de l’accès aux instances de l’asile au niveau national. En l’occurrence, lorsque nous examinons, en premier lieu, l’accès à la procédure d’asile ou au juge de l’asile, les garanties découlant de la Convention européenne n’entrent pas directement en ligne de compte. En effet, comme la Cour européenne l’a jugé dans l’arrêt Maaouia contre France, les garanties procédurales relevant de l’article 6 de la Convention ne sont pas applicables aux affaires administratives1. Cela ne signifie pas pour autant que les juridictions administratives ne prennent pas en considération les standards découlant de l’article 6 de la Convention, à travers l’article 47 de la Charte, lorsqu’il convient de mettre en œuvre le droit de l’Union. Dans le même ordre d’idées, le droit de l’Union ne peut pas se comporter de manière neutre face à la panoplie des garanties jurisprudentielles découlant de l’article 6 de la Convention, d’autant plus que le champ d’application de l’article 47 de la Charte s’étend également aux contentieux administratifs. De surcroît, la jurisprudence de la Cour européenne relative à l’article 13 de la Convention contient des 1 Cour EDH, Maaouia c. France, 5 octobre 2000, préc. Cette solution fait l’objet de critiques permanentes dans la doctrine. Voir : M. Manzel, « Verfahren des Migrationsrechts als ‹Streitigkeiten in Bezug auf zivilrechtliche Ansprüche und Verpflichtungen›? – Ein Plädoyer für die Erweiterung des Anwendungsbereichs des Art. 6 EMRK », ZAR, Heft 4, 2017, p. 163.
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2ème partie: Une cohérence en apparence
indications précieuses sur l’aménagement d’un accès effectif. Ainsi, l’élaboration des garanties procédurales indispensables pour l’accès aux instances de l’asile peut se heurter aux difficultés2. Dès lors, à l’instar de la partie précédente, nous pouvons affirmer que l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile et au juge de l’asile dépend, d’un côté, de la détermination cohérente des garanties inhérentes à l’accès aux instances de l’asile au niveau européen, et ce, à travers un dialogue permanent. D’un autre côté, un tel dialogue est aussi indispensable au niveau national, qu’il soit vertical ou horizontal. Nonobstant l’autonomie procédurale, les garanties procédurales aménagées au niveau national ne peuvent pas conduire à des inégalités d’un État à l’autre lors du traitement des demandes de protection internationale. Il convient, dès lors, de détecter les problèmes structurels et systémiques afin d’éviter que l’accès aux instances de l’asile ne devienne excessivement difficile dans une « communauté de droit » qui s’efforce à une harmonisation continue dans le domaine de l’asile3 (Titre I). En second lieu, dans la mesure où l’accès au recours effectif devant les juridictions administratives est en cause, la Cour européenne ainsi que la Cour de justice sont compétentes de manière univoque. La jurisprudence n’a pas révélé de tensions, les spécificités de l’ordre juridique de l’Union ayant été ajustées aux exigences conventionnelles. L’effectivité de l’accès dépend, à nouveau, dans une large mesure de ce que les garanties procédurales soient définies et accordées au niveau national de manière coordonnée (Titre II).
Titre I: Le nécessaire encadrement de l’autonomie procédurale dans la détermination des garanties inhérentes à l’accès aux instances de l’asile Compte tenu de l’étendue de l’autonomie procédurale dans la détermination des garanties inhérentes à l’accès à la procédure d’asile et au juge de l’asile, il incombe principalement aux droits nationaux de définir leur portée. Ce constat n’est pas remis en cause par les dispositions des directives dans le domaine de l’asile et par les quelques arrêts de la Cour européenne en la matière qui servent de boussole dans l’interprétation de ces garanties. Lors de l’évaluation de l’ancienne directive « procédures », la Commission européenne a souligné « la multiplication de pratiques divergentes dans l’Union et 2
Nous entendons par accès aux instances de l’asile l’accès à la procédure administrative d’asile et l’accès au juge de l’asile. 3 Notons que la Commission européenne a proposé de remplacer la directive « procédures » par un règlement. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE. COM/2016/0467 final.
Titre I: Le nécessaire encadrement de l’autonomie procédurale
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que les garanties procédurales varient considérablement d’un État membre à l’autre »4. Notre objectif n’est pas d’uniformiser les garanties inhérentes à l’accès aux instances de l’asile, mais plutôt d’identifier les problèmes structurels au niveau national et leurs causes. Cette démarche contribue à l’élaboration d’une règlementation qui soit davantage harmonisée au niveau de l’Union. Une fois que le demandeur d’asile a franchi les différents méandres du filtrage des motifs justifiant son entrée sur le territoire national, il bénéficie d’une autorisation d’entrée sur le territoire et, dans le cadre de son obligation de coopération, il est tenu de régulariser sa situation et de faire enregistrer sa demande de protection internationale. Le respect de ces démarches lui permet d’avoir accès à la procédure d’asile devant l’autorité administrative compétente. Il s’agit d’une phase procédurale au cours de laquelle la précarité juridique des demandeurs d’asile augmente, dans la mesure où le défaut de respect des exigences prévues par la loi peut les exposer au risque d’éloignement. Dès lors, la détermination ponctuelle et coordonnée des tâches incombant à l’administration de même que le dialogue entre les organes administratifs compétents constitue la pierre angulaire d’un accès effectif à la procédure d’asile (Chapitre I). Au-delà de ces exigences, certaines garanties procédurales sont indispensables pour assurer l’effectivité de l’accès pendant la procédure administrative d’asile. Ces garanties se recoupent essentiellement avec celles qui sont nécessaires pour garantir l’accès au juge de l’asile. En cas de rejet de la demande de protection internationale, l’accès au juge de l’asile permet au demandeur d’asile débouté de faire réexaminer la décision administrative lui faisant grief. Ainsi, la portée des garanties procédurales indispensables à cet accès doit être déterminée dans un esprit de dialogue (Chapitre II).
Chapitre I: La détermination des garanties inhérentes à l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale Dans l’ordre chronologique, le demandeur d’asile doit pouvoir bénéficier d’une autorisation d’entrée sur le territoire national pour être en mesure d’introduire effectivement une demande de protection internationale. Certaines obligations incombent aux autorités à la frontière ou à la police afin que le demandeur d’asile soit en mesure d’accomplir les démarches nécessaires. Si ces obligations sont principalement prévues dans la directive « procédures », force est de constater que la Cour européenne a aussi élaboré certaines garanties pour cet accès par voie préto4 Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’application de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, COM/2010/0465 final.
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2ème partie: Une cohérence en apparence
rienne, en interprétant les articles 3 et 13 de la Convention de façon extensive. Dès lors, le législateur de l’Union est tenu de prendre en considération ces standards jurisprudentiels, et ce, à l’aune de l’article 6, paragraphe (1), troisième alinéa du TUE et de l’article 52, paragraphe (3) de la Charte (Section I). En ce qui concerne les modalités procédurales pour garantir l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande d’asile, étant donné que la directive « procédures » contient une réglementation lacunaire, il revient au droit national de définir les tâches incombant aux autorités participant à l’accueil du candidat à l’asile. Nous étudierons, à travers des sujets transversaux, certaines solutions proposées par le droit national. Lors de la détermination des sujets transversaux, nous identifions, en réalité, des exigences fondamentales sans lesquelles l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande d’asile devient impossible ou illusoire (Section II).
Section I: Les exigences relatives à l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale au niveau européen La Cour européenne a esquissé quelques lignes directrices sur la base des obligations positives incombant aux États lorsqu’ils doivent traiter les demandes de protection internationale. Si la portée de ces obligations est le résultat d’une démarche casuistique, il n’en demeure pas moins qu’elle est valable pour l’ensemble des États parties à la Convention européenne. Le danger de cette démarche réside cependant dans le fait qu’il est extrêmement difficile d’établir une pratique qui puisse être considérée comme courante à la lecture de la jurisprudence de la Cour européenne. Nous allons tout de même identifier les exigences a minima sans lesquelles l’accès devient impossible ou illusoire (§ 1). La situation est plus prévisible en droit de l’Union dans la mesure où les dispositions européennes en vigueur, notamment celles de la directive « procédures », esquissent un panorama des garanties entourant l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande d’asile (§ 2).
§ 1 Les exigences relatives à l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale en droit conventionnel Le HCR a établi, en 1977, les principes directeurs relatifs à la détermination du statut de réfugié. Il a souligné notamment que le fonctionnaire compétent (par
Titre I: Le nécessaire encadrement de l’autonomie procédurale
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exemple le fonctionnaire de l’immigration ou le fonctionnaire de la police des frontières) est tenu d’agir conformément au principe du non-refoulement et de renvoyer les demandes de protection internationale à une instance supérieure5. Ces principes ont été mis en lumière par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dans sa recommandation relative à la protection et au renforcement des droits de l’Homme des réfugiés et des demandeurs d’asile en Europe6. Ces principes directeurs ont été repris par la Cour européenne dans sa jurisprudence. Ainsi, au fil du temps, la Cour européenne, sans doute sous la pression des requérants, a érigé le droit au recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention en fondement juridique des griefs relatifs au défaut d’accès à la procédure d’asile (A), qui est entouré de certaines exigences que les autorités nationales doivent garantir conformément aux obligations positives qui leur incombent (B). A. L’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale comme garantie inhérente au droit au recours effectif Les faits de l’affaire Abdolkhani et Karimnia contre Turquie étaient propices au développement d’une approche dynamique du droit au recours effectif7. Les requérants, deux ressortissants iraniens, sont entrés en Turquie à deux reprises. La première fois, ils ont fait l’objet d’un refoulement immédiat. Ils ont, ensuite, effectué deux tentatives de dépôt de demande d’asile, en vain. Le Gouvernement a contesté la véracité de ces allégations. Les requérants alléguaient sous l’angle de l’article 13 de la Convention qu’ils n’avaient pas la possibilité d’introduire une demande d’asile8. Si les arguments avancés étaient liés à la procédure de refoulement, la référence explicite au défaut d’accès à la procédure d’asile a été propice à une clarification conceptuelle du droit au recours effectif. Concrètement, les autorités turques ont uniquement émis l’ordre de quitter le territoire, mais les requérants n’ont pas introduit de recours à l’encontre de cette mesure. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a contesté le non-épuisement des voies de recours internes. La Cour européenne a essentiellement justifié sa décision d’accueillir la requête par le caractère non effectif du recours contre l’ordre de quitter le territoire, celui-ci n’étant pas assorti d’effet suspensif9. De ce fait, les requérants n’ont introduit aucun recours à l’encontre de la mesure d’éloignement, ce qui n’a pas empêché, en revanche, la Cour européenne d’examiner les griefs sur le terrain de l’article 13 de la Convention. 5
HCR : Détermination du statut de réfugié, No. 8 (XXVIII), 1977, point e) sous i. PACE, Recommandation 1327 (1997). 7 Cour EDH (2ème section), Abdolkhani et Karimnia c. Turquie, 22 septembre 2009, n8 30471/08, ECLI:CE:ECHR:2009:0922JUD003047108. 8 Ibid., paragraphe 93. 9 Ibid., paragraphe 58. 6
2ème partie: Une cohérence en apparence
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Dans son appréciation, et en ce qui concerne leur première entrée sur le territoire turc, la Cour européenne a clairement jugé que les requérants n’avaient pas bénéficié de procédure d’asile. En effet, ils ont été expulsés sans que les autorités eussent pris leurs déclarations et, selon la Cour européenne, si les requérants avaient sollicité l’asile, les demandeurs n’auraient pas été officiellement enregistrés10. La Cour européenne a essentiellement reproché la passivité des autorités nationales face au risque de mauvais traitements. Ainsi, les autorités nationales sont tenues d’accomplir certaines obligations positives procédurales dans la mesure où les droits intangibles sont menacés. Concrètement, cette juridiction a considéré que le fait que les autorités n’ont donné aucune réponse aux allégations « s’analyse en un défaut d[‘] examen rigoureux »11. De ce fait, le défaut d’examen des demandes de protection internationale constitue une violation du recours effectif, notamment lorsqu’il s’agit d’un déni de justice manifeste, comme en l’occurrence. La Cour européenne a justifié son raisonnement par le fait qu’en n’examinant pas les demandes d’asile et en ne notifiant pas aux requérants les raisons expliquant le non-examen de leurs demandes d’asile, les autorités nationales ont empêché les requérants de formuler leurs griefs fondés sur l’article 3 de la Convention12. Dès lors, les juges de Strasbourg ont conclu, de manière unanime, à la violation de l’article 13 de la Convention, tout en ajoutant cependant à la fin de leur analyse que la violation était principalement due au fait que l’allégation relative à leur possible expulsion n’a jamais été examinée par les autorités nationales13. Le mérite de l’arrêt Abdolkhani et Karimnia est indéniable : la consécration du droit d’accès à la procédure d’asile sur le fondement de l’article 13 de la Convention en tant que composante fondamentale du droit au recours effectif. La Cour de Strasbourg a eu, par la suite, l’occasion de continuer de développer une jurisprudence particulièrement évolutive.
B. La détermination des garanties de l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale dans le système de la Convention européenne Dans les arrêts subséquents, la Cour européenne s’est focalisée principalement sur la conventionnalité de la procédure d’éloignement, en se montrant prudente dans l’appréciation de la conventionnalité de l’accès à la procédure d’asile. Lorsque les griefs tirés de l’article 13 de la Convention concernent principalement la procédure d’éloignement, la Cour européenne est contrainte de se prononcer, au moins indirectement, sur la conventionnalité de la procédure d’asile. Dès lors, la responsabilité de la Cour européenne est double : elle est tenue de se prononcer non 10 11 12 13
Ibid., paragraphe 111. Ibid., paragraphe 113. Ibid., paragraphe 115. Ibid., paragraphe 117.
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seulement sur l’effectivité de la procédure d’éloignement, mais aussi sur celle de la procédure d’asile, tout en veillant à ce que les garanties élaborées indirectement à cet égard puissent être ensuite prises en considération par les juridictions nationales, et ce, de manière cohérente. Dans l’arrêt M.S.S., le requérant a fait valoir les obstacles qui empêchent l’accès à la procédure d’asile sous l’angle de l’article 13 de la Convention combiné avec les articles 2 et 3 de cette même Convention14. La Cour européenne a, en revanche, reformulé la problématique : sa préoccupation essentielle était de savoir s’il existait des garanties effectives qui protègent le requérant contre un refoulement arbitraire15. Nonobstant sa démarche casuistique, la Cour européenne identifie de véritables obstacles à l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande d’asile : information insuffisante relative à la procédure d’asile en Grèce, difficultés d’accès aux bâtiments de la préfecture de police, absence de système de communication entre les autorités et les demandeurs d’asile, absence de conseil et la pénurie des interprètes16. Ce faisant, elle a énuméré les garanties formelles entourant l’accès effectif à ladite autorité administrative et est parvenue à l’affirmation que « le défaut d’accès aux informations relatives aux procédures à suivre est à l’évidence un obstacle majeur pour accéder à ces procédures »17. Elle songeait, à ce dernier égard, non seulement à la procédure de refoulement, mais aussi à la procédure d’asile. Au-delà des dysfonctionnements caractérisant l’accueil des demandeurs d’asile, la passivité des autorités administratives et notamment le refus d’enregistrement de la demande d’asile ainsi que le retard pris lors de l’enregistrement sont susceptibles de saper l’accès effectif à la procédure d’asile. La Cour européenne a condamné dans plusieurs arrêts la Grèce en raison de l’existence de défaillances systémiques dans son système d’asile. Dans l’affaire E.A., le requérant, de nationalité iranienne, est entré en Grèce, où il a tenté de demander l’asile à plusieurs reprises, mais sa demande n’a pas été enregistrée et plusieurs ordres de quitter le territoire ont été adoptés à son encontre. Ce n’est que 23 jours après son arrivée en Grèce que les autorités locales ont fini par accepter d’enregistrer sa demande qui a finalement été rejetée. Ensuite, le requérant a quitté la Grèce pour la Suède où il a obtenu le statut de réfugié18. Dans sa requête devant la Cour de Strasbourg, il a dénoncé, sur le fondement des articles 3 et 13 de
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Cour EDH, M.S.S. c. Belgique et Grèce, 21 janvier 2011, préc. Ibid., paragraphe 298. 16 Ibid., paragraphe 301. 17 Ibid., paragraphe 304. 18 Cour EDH (1ère section), E.A. c. Grèce, 30 juillet 2015, n. 74308/10, ECLI:CE: ECHR:2015:0730JUD007430810, paragraphe 23. 15
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la Convention, les défaillances systémiques de la procédure d’asile en Grèce, de même que le risque de refoulement dans son pays d’origine. La Cour européenne précise, dès le début de son analyse, que sa préoccupation principale consiste à savoir s’il existe des garanties effectives qui protègent le requérant contre un refoulement arbitraire19. C’est dans ce cadre qu’elle analyse les insuffisances caractérisant l’accès la procédure d’asile. Concrètement, la Cour européenne évoque la lenteur de l’enregistrement de la demande d’asile, les tentatives du requérant pour faire enregistrer sa demande auprès des autorités nationales ainsi que l’absence de recours effectif contre la décision d’éloignement, qui constituent des facteurs déterminants pour conclure à la violation du droit au recours effectif ou bien à celle de l’accès à la procédure d’asile, en tenant dûment compte de l’interprétation proposée par la Cour européenne. Or, il ne faut pas perdre de vue que la majorité des facteurs évoqués est liée à l’ineffectivité de la procédure d’asile. La tâche qui incombe aux autorités administratives chargées de l’enregistrement des demandes d’asile est ainsi claire : cet enregistrement doit avoir lieu, et ce, dans les meilleurs délais. De manière similaire, dans l’affaire A.E.A. contre Grèce, le requérant est entré en Grèce et a fait l’objet immédiat d’une décision ordonnant son expulsion prise automatiquement20. Il a été libéré de sa détention et a tenté à plusieurs reprises, à la suite de sa libération, de faire enregistrer sa demande d’asile. L’exposé des faits de l’arrêt décrit de façon particulièrement pertinente les conséquences d’un tel refus et accentue à quel point l’accès effectif à la procédure d’asile dépend d’un enregistrement rapide de la demande d’asile et d’un accueil adéquat. En l’espèce, le requérant n’a pas bénéficié d’hébergement et il a vécu pratiquement dans la rue. Ce n’est que grâce à l’intervention du Conseil grec pour les réfugiés et du Médiateur de la République hellénique que la demande d’asile du requérant a été enregistrée, laquelle a été ensuite rejetée comme manifestement mal fondée, alors que le HCR l’a reconnu comme réfugié relevant de son mandat21. En ce qui concerne la recevabilité de la requête, le requérant a notamment allégué ne pas avoir disposé de recours pour contester le refus d’enregistrement de sa demande d’asile. À l’instar des affaires précédentes, la Cour européenne a accepté cette argumentation, en relevant que, la demande d’asile n’ayant pas été enregistrée pendant une période très longue, le requérant s’est exposé au risque de traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne22. Ce raisonnement est particulièrement révélateur : même en l’absence d’accès à la procédure d’asile, la Cour européenne intervient en tant que recours ultime ou comme premier organe juri19
Ibid., paragraphe 75. Voir encore : Cour EDH (1ère section), R.T. c. Grèce, 11 février 2016, N. 5124/11, ECLI:CE:ECHR:2016:0211JUD000512411. 20 Cour EDH (1ère section), A.E.A. c. Grèce, 15 mars 2018, N. 39034/12, ECLI:CE: ECHR:2018:0315JUD003903412, paragraphe 11. 21 Ibid., paragraphes 17 – 28. 22 Ibid., paragraphe 48.
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dictionnel accessible en théorie et en pratique pour garantir un remède aux demandeurs d’asile. Cet argument est d’autant plus valable que ce n’est qu’après cet aspect que la Cour européenne examine l’existence des griefs défendables. Sur le fond, la Cour européenne a examiné la question de savoir si le refoulement du requérant l’exposait à un risque contraire à l’article 3 de la Convention. Toutefois, les défaillances dans la procédure d’asile constituent, sans nul doute, des composants essentiels pour répondre à cette question. Dès lors, l’examen de cet aspect constitue la condition sine qua non d’une procédure d’éloignement conforme à la Convention européenne. Qui plus est, les juges de Strasbourg ont dit pour droit que « si l’accès sans entraves à la procédure d’asile n’est pas assuré par les autorités internes, les demandeurs d’asile ne peuvent nullement bénéficier des garanties procédurales liées à cette procédure et ils peuvent être arrêtés et placés en détention à tout moment »23. Or, si l’accès sans entraves à la procédure d’asile n’est pas garanti, l’État défaillant risque d’être condamné en raison du danger de mauvais traitements provoqués notamment par les défaillances dans la procédure d’asile. Nous considérons que les arrêts ne constituent que le début d’une histoire dans laquelle la Cour européenne sera impliquée de manière plus intense lors de l’élaboration des garanties inhérentes à l’accès à la procédure l’asile. Une chose est sûre et certaine : par l’arrêt Abdolkhani et Karimnia, la Cour européenne a intégré l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande d’asile dans le champ d’application matériel de l’article 13 de la Convention. De plus, la jurisprudence subséquente a commencé d’élaborer, par voie prétorienne, les exigences liées à l’accès effectif à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande. Le droit dérivé de l’Union contient toutefois davantage de précisions sur les exigences relatives à un tel accès effectif.
§ 2 Les exigences relatives à l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale en droit de l’Union La directive « procédures » vise à garantir un accès effectif à la procédure d’examen de la demande d’asile24. L’adjectif « effectif », lorsqu’il qualifie l’accès, se réfère aux garanties indispensables pour que le demandeur soit en mesure de présenter les motifs de persécutions25. Conformément à l’autonomie procédurale, 23
Ibid., paragraphe 85. La doctrine critique le caractère contradictoire des objectifs définis dans la directive « procédures ». B. Brunessen, « De quelques paradoxes de la directive ‹procédures›: aspects de droit européen », RTDE, No. 1 (2016), p. 21 – 34. 25 Notons que la nouvelle directive « procédures » vise à améliorer l’accès aux procédures d’asile. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait de la protection internationale dans les 24
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l’effectivité de cet accès doit être garantie par les États membres. Néanmoins, la directive « procédures » contient certaines lignes directrices minimales dont le respect incombe aux autorités nationales compétentes (A). Ces lignes sont complétées par la jurisprudence de la Cour de justice (B). A. Lignes directrices législatives déterminant l’accès effectif à l’autorité administrative chargée de l’examen des demandes Comme la Cour européenne l’a souligné, le respect de l’obligation d’information constitue une exigence primordiale de l’accès à la procédure d’asile. L’information doit porter sur la possibilité de présenter une demande d’asile et sur les modalités de cette procédure. En vertu de l’article 8, paragraphe (1) de cette directive, « [s]’il existe des éléments donnant à penser que des ressortissants de pays tiers ou des apatrides […] présents à des points de passage frontaliers[…] peuvent souhaiter présenter une demande de protection internationale, les États membres leur fournissent des informations sur la possibilité de le faire »26. En revanche, la directive « procédures » ne contient pas de précision sur la question de savoir quels sont les indices qui laissent penser que le ressortissant du pays tiers souhaite demander l’asile, ce qui augmente le risque d’éloignement à la frontière sans que l’étranger puisse présenter les motifs le poussant à entrer sur le territoire national. Le droit d’asile a pour corollaire le droit de rester sur le territoire jusqu’à la fin de l’examen de la demande de protection internationale. Par conséquent, l’État d’accueil est tenu de protéger le demandeur d’asile, en empêchant son refoulement vers le pays de persécution le temps que le statut de réfugié soit reconnu ou définitivement écarté. Dès lors, l’enregistrement de son souhait de demander l’asile constitue un acte fondamental. Selon l’article 6 de la directive, l’enregistrement du demandeur d’asile doit avoir lieu au plus tard trois jours ouvrables après la présentation de la demande de protection internationale27. Lorsque la demande est présentée à une autorité incompétente, cette dernière est tenue de la transmettre à l’autorité compétente et, dans ce cas, le délai d’enregistrement est de six jours ouvrables28. Mais le délai maximal s’élève à dix jours ouvrables lors de l’arrivée d’un grand nombre de ressortissants de pays tiers29. Le législateur de l’Union a soigneusement choisi le vocabulaire, employant l’expression d’enregistrement de la demande de protection internationale afin d’éviter que les lacunes relatives aux délais puissent avoir des États membres (COM/2009/0554 final). De ce fait, le législateur veille à l’existence des garanties procédurales entourant cet accès. 26 Directive 2013/32/UE, article 8(1). Par ailleurs, la directive « procédures » prévoit la mise à disposition d’interprètes pour ceux qui ne maîtrisent pas la langue de l’État membre d’accueil ainsi que l’accès aux différentes ONG, au HCR et aux conseils pour les demandeurs d’asile (article 8 (2)). 27 Ibid., article 6 (1), premier alinéa. 28 Ibid., article 6 (5). 29 Ibid.
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conséquences négatives sur l’accès à la procédure d’asile. En revanche, la directive « procédures » reste muette sur la période qui sépare l’enregistrement et l’introduction de la demande de protection internationale. Elle se contente, en effet, d’expliciter les conditions de l’introduction de la demande. Concrètement, sous réserve des dispositions nationales, « une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire est présenté par le demandeur ou, si le droit national le prévoit, un rapport officiel est parvenu aux autorités compétentes »30. De manière similaire, l’article 6 de la directive « accueil » prévoit que les demandeurs reçoivent, dans un délai de trois jours à compter de l’introduction de leur demande de protection internationale, un document attestant leur statut31. Or, dans un contexte marqué par la montée en puissance des demandes d’asile, une telle lacune est susceptible de réduire l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile. Qui plus est, lorsque la directive « procédures » prévoit la durée totale de l’examen de la demande de protection internationale, qui est de six mois en règle générale, ce délai est compté à partir du moment où l’étranger a introduit la demande de protection internationale32. Le message lancé au législateur de l’Union est clair : il convient de remédier à cette carence en prévoyant un délai objectif entre le moment de l’enregistrement et celui de l’introduction de la demande de protection internationale afin d’éviter que le traitement de ces demandes prenne davantage de temps. Nonobstant les facilités concernant la forme de la demande de protection internationale, il peut arriver, dans la pratique, que la demande ne soit pas acceptée car déposée tardivement. La directive « procédures » énonce à cet égard que les États veillent à ce que l’examen de la demande « ne soit ni refusé ni exclu au seul motif que la demande n’a pas été présentée dans les plus brefs délais »33. La directive est cependant muette sur ce qu’elle entend par un « délai acceptable », ainsi que sur les motifs pouvant justifier le retard dans la présentation de la demande. Certes, l’application de ces règles suppose la coopération du demandeur d’asile. L’article 13 de la directive contient une série d’obligations dont le non-respect peut entrer en ligne de compte lors de l’appréciation du bien-fondé de la demande de protection internationale34. S’interroger sur les problèmes évoqués est d’autant plus pertinent que, lorsque le nombre des demandes de protection internationale à traiter augmente, les autorités administratives chargées du filtrage sont confrontées à une importante charge de travail, qui a des répercussions sur la qualité des décisions et peut provoquer l’automaticité du traitement des demandes présentées tardivement. 30
Ibid. Directive 2013/33/UE, article 6(1). 32 Directive 2013/32/UE, article 31 (3). 33 Ibid., article 10 (1). 34 En vertu de ces obligations, les demandeurs d’asile doivent se manifester ou se présenter auprès des autorités compétentes, leurs remettre les documents pertinents, les informer de leur lieu de résidence et de leur éventuel changement de résidence. Ibid., article 13 (2). 31
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À l’instar du droit conventionnel, la directive « procédures » prévoit la nécessité d’assurer un « examen approprié et exhaustif », tout en ajoutant que les demandes de protection internationale doivent faire l’objet d’une décision « aussi rapide que possible »35. La directive suggère ainsi que les États membres ne peuvent donner la priorité à aucun des deux éléments. Enfin, il convient de remarquer que la coopération est uniquement prévue entre les autorités et les demandeurs d’asile, et bien évidemment entre les États membres et la Commission européenne. En revanche, à aucun moment la directive ne prévoit le dialogue entre les autorités administratives qui sont impliquées dans le traitement de la demande de protection internationale. Rappelons que la refonte de l’ancienne directive « procédures » était nécessaire notamment afin de diminuer les disparités, puisque l’objectif de cette directive, à savoir établir des procédures d’asile « justes et efficaces », n’a pas été pleinement atteint36. Force est de constater qu’il en va quasiment de même s’agissant de la réalisation des objectifs de la nouvelle directive « procédures ». Les disparités évoquées existent encore non seulement en raison des lacunes précédemment mises en évidence, mais aussi parce que les problèmes structurels au niveau national, découlant partiellement de ces lacunes, n’ont pas été pris en compte par le législateur de l’Union. Qui plus est, il est extrêmement difficile de concilier la portée des textes du droit dérivé de l’Union ayant une terminologie similaire, mais cependant, une signification différente37. Il incombe ainsi au pouvoir judiciaire de l’Union de faire en sorte que ces contradictions soient dissoutes. B. Lignes directrices jurisprudentielles déterminant l’accès effectif à l’autorité administrative chargée de l’examen des demandes À ce jour, il n’existe qu’un seul arrêt concernant les formalités administratives relatives à l’introduction d’une demande de protection internationale. Notons que ces formalités sont pertinentes non seulement de la perspective d’un accès effectif à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande, mais aussi de la mise en œuvre appropriée du règlement Dublin III. Dès lors, la solution aux problématiques soulevées doit être trouvée en tenant compte de plusieurs instruments juridiques du droit dérivé de l’Union. Toutefois, lors de l’interprétation conciliante des 35
Ibid., considérant (18). COM(2010) 465 final, préc. 37 D. Thym, « Judicial maintenance of the sputtering Dublin system on asylum jurisdiction : Jafari, A.S., Mengesteab and Shiri : case C-646/16, Jafari, judgment of the Court of Justice (Grand Chamber) of 26 July 2017, EU:C:2017:586, case C-490/16, A.S. v Republic of Slovenia, judgment of the Court of Justice (Grand Chamber) of 26 July b2017, EU:C:2017:585, case C-670/16, Mengesteab, judgment of the Court of Justice (Grand Chamber) of 26 July 2017, EU:C:2017:587, case C-201/16, Shiri, judgment of the Court of Justice (Grand Chamber) of 25 October 2017, EU:C:2017:805 », CMLR, Vol. 55 (2018), no. 2, p. 558. 36
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différents instruments juridiques, la protection des droits fondamentaux doit jouer un facteur prépondérant. Dans l’affaire Mengesteab, rappelons que le requérant au principal s’est vu délivré deux certificats d’enregistrement en tant que personne sollicitant l’asile et ce n’est que dix mois après la délivrance du premier certificat qu’il a pu déposer une demande d’asile. Ayant constaté la responsabilité de l’Italie pour examiner sa demande, les autorités allemandes ont ordonné son transfert vers l’Italie. Le requérant au principal a contesté cette décision en raison de l’expiration du délai prévu dans le règlement Dublin III, dont la conséquence est le transfert de la responsabilité à la République Fédérale d’Allemagne. La juridiction de renvoi a relevé que le droit allemand distingue la démarche consistant à solliciter l’asile et l’introduction formelle d’une demande d’asile et dans ce cadre, lorsque l’étranger a sollicité l’asile, il est orienté vers un centre d’accueil qui lui délivre un certificat d’enregistrement en tant que personne sollicitant l’asile38. En l’occurrence cependant, cette obligation d’information n’a pas été respectée, raison pour laquelle le requérant a dû attendre plusieurs mois pour pouvoir introduire formellement sa demande d’asile. L’une des questions préjudicielles de la juridiction de renvoi, le Tribunal administratif de Minden, était de savoir si la demande de protection internationale est réputée introduite par le dépôt dudit certificat ou bien par le dépôt d’une demande d’asile formelle39. La réponse à cette question est fondamentale du point de vue de la responsabilité de l’examen de la demande de protection internationale : la requête aux fins de prise en charge doit être formulée au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la date d’introduction de la demande40. Avant d’entrer dans l’analyse juridique du cas, il convient d’évoquer brièvement les dispositions pertinentes du droit secondaire. En vertu du règlement Dublin III, « [u]ne demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l’État membre concerné »41. Quant à la directive « procédures », celle-ci prévoit qu’« une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire est présenté par le demandeur ou, si le droit national le prévoit, un rapport officiel est parvenu aux autorités compétentes de l’État membre concerné »42. La formulation des deux passages étant quasiment identique, l’avocat général Sharpston a tenté de concilier leur portée matérielle, en interprétant étroitement le règlement Dublin III 38 CJUE, Tsegezab Mengesteab contre Bundesrepublik Deutschland, 26 juillet 2017, préc., paragraphe 37. 39 Ibid., paragraphe 75. 40 Ibid., paragraphe 51. 41 Article 20(2) du règlement 604/2013/UE, préc. 42 Article 6(4) de la directive 2013/32/UE, préc.
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et la directive « procédures » ; interprétation traditionnelle, motivée par le respect des spécificités du droit dérivé de l’Union. Dans son acception, la demande informelle présentée ne constitue ni un formulaire ni un procès-verbal, celle-ci émanant du requérant au principal lui-même43. Il en va de même, s’agissant du certificat délivré par l’autorité allemande, ce certificat constituant en effet une réponse officielle à la demande informelle du demandeur d’asile44. Il s’ensuit qu’au sens de l’avocat général, un certificat d’enregistrement en tant que personne sollicitant l’asile ne constitue pas un formulaire ou procès-verbal. Dès lors, et en droite ligne avec la directive « procédures », la demande doit être présentée en personne ou introduite en un lieu désigné et, dans ce cadre, la demande est réputée parvenue à l’autorité compétente conformément à la directive « procédures »45. L’avantage d’un tel raisonnement est, dès lors, d’offrir une interprétation conciliante du concept d’introduction d’une demande de protection internationale figurant dans les deux instruments juridiques évoqués. Toutefois, cette interprétation est susceptible d’affaiblir la portée du principe de célérité, dont le respect est préconisé par la Cour de justice. En ce qui concerne l’argumentation de la Cour de justice, au-delà d’une interprétation littérale et historique, il serait intéressant que nous nous attardions sur l’interprétation téléologique opérée par celle-ci. Cette juridiction a en effet souligné que « l’efficacité de certaines garanties importantes octroyées aux demandeurs de protection internationale serait restreinte si la réception d’un document écrit, tel que celui en cause au principal, n’était pas suffisante pour manifester l’introduction d’une demande de protection internationale »46. Dans ce cadre, la Cour de justice se réfère notamment au risque de prolongation de la détention du demandeur d’asile et de manière générale au fonctionnement efficace du système fondé sur le règlement Dublin III47. Ainsi conçu, la Cour de justice semble différencier la notion d’introduction de la demande de protection internationale, et ce, en fonction de l’applicabilité de la procédure de Dublin. Pour justifier son constat, la Cour de justice reconnaît que les dispositions pertinentes du règlement Dublin III et de la directive « procédures » contiennent d’importantes similitudes, mais que celles-ci diffèrent textuellement48. La Cour de justice ne s’attarde pas cependant sur le risque que les deux interprétations différentes liées à l’introduction de la demande de protection internationale peuvent engendrer au niveau national. Une chose est cependant sûre : l’interprétation de la Cour de justice a été dominée par la protection des droits 43 Conclusions de l’avocat général Mme E. Sharpston, présentées le 20 juin 2017, Tsegezab Mengesteab contre Bundesrepublik Deutschland, aff. C-670/16, ECLI:EU:C:2017:480, paragraphe 142. 44 Ibid., paragraphe 143. 45 Ibid., paragraphes 149 et 151. 46 CJUE, Tsegezab Mengesteab contre Bundesrepublik Deutschland, 26 juillet 2017, préc., paragraphe 91. 47 Ibid., paragraphe 91. 48 Ibid., paragraphe 101.
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fondamentaux des demandeurs d’asile de même que par le plein respect du principe de célérité, qui ont primé sur des considérations purement liées aux spécificités du droit dérivé de l’Union.
Section II: Les solutions apportées au niveau national pour garantir l’effectivité de l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale L’analyse des directives de l’Union a révélé d’importantes lacunes dans l’organisation de l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande d’asile. Il revient, dès lors, au droit national d’apporter des solutions opérationnelles pour que cet accès soit effectif. Nonobstant la particularité des systèmes d’asile allemand et français, nous pouvons repérer certains sujets transversaux qui autorisent une comparaison. Avant que l’accès à la procédure d’asile n’ait lieu, il convient de distinguer deux phases. Afin que le statut du demandeur d’asile soit régularisé, les autorités compétentes doivent faire en sorte que le demandeur d’asile puisse exprimer son souhait de demander l’asile et que la demande de protection internationale soit enregistrée (§ 1). À la suite de l’enregistrement de la demande, il convient de garantir que le demandeur d’asile puisse effectivement introduire sa demande devant l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale (§ 2). Dans ce cadre, nous tenons à souligner à la lumière de l’exigence d’effectivité que, même si le demandeur d’asile peut accomplir in fine ces démarches, les entraves pour procéder de cette manière sont également susceptibles de saper l’effectivité de l’accès aux autorités administratives compétentes, et, partant, celle de l’accès à la procédure d’asile.
§ 1 Les exigences conduisant à l’enregistrement de la demande de protection internationale À l’arrivée d’un ressortissant du pays tiers sur le territoire national, les autorités compétentes du filtrage des souhaits d’asile doivent, d’une part, connaître les critères en fonction desquels elles doivent évaluer que le ressortissant du pays tiers, qui se présente devant elles, souhaite bénéficier de la protection internationale (A) et, d’autre part, accomplir certaines obligations pour que l’enregistrement puisse avoir lieu (B).
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A. La notion de demande de protection internationale Si le droit allemand ne prévoit pas, il est vrai, de formalité pour qualifier un souhait comme demande d’asile (I), le droit français ne propose même pas de ligne de conduite selon laquelle les autorités peuvent prendre une décision autorisant l’entrée ou le séjour au titre de l’asile sur le territoire français (II). I. L’absence de formalité pour constater l’existence d’une demande d’asile en droit allemand Un étranger peut déclarer son souhait de demander l’asile à la frontière. Cette déclaration peut se faire par écrit, oralement ou d’une autre manière, dès lors que l’étranger déclare chercher une protection49. L’absence de formalisme caractérise non seulement la forme, mais aussi le fond de la demande. En première lieu, s’agissant de la forme de la demande, le droit allemand garantit la possibilité au demandeur d’asile d’exprimer son souhait en langue étrangère et, dans ce cas, les autorités administratives mettent à disposition un interprète50. En deuxième lieu, concernant le fond, le demandeur d’asile est tenu de préciser qu’il cherche refuge contre les persécutions politiques51. En tout état de cause, il convient, en cas de doute, de considérer que l’étranger sollicite l’asile52. Les principes élaborés par le législateur allemand respectent l’interdiction de l’examen de pertinence de la demande de protection (Verbot der Schlüssigkeitsprüfung)53. Ce principe trouve sa source dans la répartition des compétences entre les autorités administratives impliquées dans le traitement de la demande de protection. En effet, il incombe uniquement à l’Office fédéral de décider du bien-fondé d’une demande de protection internationale. Investir les services de police d’un pouvoir de filtrage reviendrait à les placer sur un pied d’égalité avec l’Office fédéral. Dès lors, si un ressortissant d’un pays tiers présente un récit sommaire des motifs des persécutions politiques qu’il a subies, son souhait doit être transmis au bureau extérieur (Außenstelle) de l’Office fédéral. L’absence de formalités explicites empêche un refoulement immédiat, et, même dans ce cas, les autorités administratives examinent les entraves à l’éloignement 49 « Ein Asylantrag liegt vor, wenn sich dem schriftlich, mündlich oder auf andere Weise geäußerten Willen des Ausländers entnehmen lässt, dass er im Bundesgebiet Schutz vor politischer Verfolgung sucht oder dass er Schutz vor Abschiebung oder einer sonstigen Rückführung in einen Staat begehrt, in dem ihm eine Verfolgung im Sinne des § 3 Absatz 1 oder ein ernsthafter Schaden im Sinne des § 4 Absatz 1 droht ». § 13(1) AsylG. 50 R. M. Hofmann, Ausländerrecht : AufenthG, AsylG (AsylVfG), GG, FreizügG/EU, StAG, EU-Abkommen, Assoziationsrecht, 2. Aufl., Baden-Baden, Nomos, 2016, p. 1060. 51 Deutscher Bundestag, Entwurf eines Gesetzes über das Asylverfahren (Asylverfahrensgesetz – AsylVerfG), 7 octobre 1981, Drucksache 9/875, p. 15. 52 R. M. Hofmann, « Ausländerrecht… », op. cit., p. 1061. 53 R. Marx, « AsylG : Kommentar … », op. cit., p. 365.
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tenant à l’État de destination (zielstaatsbezogene Abschiebungshindernisse) ainsi que les entraves à l’éloignement indépendantes de l’État de destination (inlandsbezogene Abschiebungshindernisse) en vertu du § 60, paragraphe (1) de la loi relative au séjour, avant de prendre une décision de retour. Cette pratique administrative exige la prise en compte de toutes les demandes, indépendamment de leur nature. Par conséquent, l’éloignement ne peut avoir lieu que sur le fondement d’une décision administrative amplement motivée, que ce soit une décision rejetant la demande de protection internationale ou une décision de retour. II. L’absence de lignes directrices pour constater l’existence d’une demande d’asile en droit français Le CESEDA recèle des lacunes concernant les critères en fonction desquels les autorités à la frontière peuvent constater l’existence d’une demande de protection internationale. Le vocabulaire utilisé par le CESEDA, à savoir l’étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d’asile, laisse une large marge d’appréciation importante à ces autorités54. Dans la pratique, même si l’étranger invoque des motifs de persécutions susceptibles d’étayer une demande de protection internationale, l’administration, en cas de doutes, ne considère pas toujours les motifs invoqués comme pertinents du point de vue de l’asile. Comme la pratique l’indique, les demandeurs d’asile évoquent déjà lors de leur première audition par les fonctionnaires de police ces motifs qui sont rarement considérés comme constituant la formulation d’une demande de protection internationale55. Ce constat n’est pas remis en question par l’analyse de la jurisprudence administrative, même s’il existe, il est vrai, très peu d’arrêts qui soulèvent la problématique évoquée. La Cour administrative d’appel de Versailles a considéré que si les dispositions du CESEDA « ont pour effet d’obliger l’autorité de police à transmettre au préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d’admission au séjour lorsqu’un étranger, à l’occasion de son interpellation, formule une demande d’asile, elles ne peuvent avoir cet effet qu’au cas où une telle demande a été expressément formulée »56. En l’occurrence, le requérant, selon ses termes, est entré en France pour sauver sa vie par rapport à un problème politique, bien que quatre ans se soient écoulés entre son entrée en France et son interpellation par la police57. Indépendamment des motifs relatifs au retard qu’il a pris pour demander l’asile, la juridiction de céans a considéré que « [s]es déclarations ne sauraient être regardées comme manifestant son souhait de former une demande d’asile » et a validé la démarche des services de 54
R213 – 2 du CESEDA. C. Pouly, « Les garanties procédurales dans le nouveau régime d’asile européen commun », AJDA, 2013, p. 2358. 56 CAA de Versailles (1ère ch.), 13 novembre 2012, N8 12VE00326. 57 Ibid. 55
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police qui n’ont pas transmis ces déclarations au préfet58. Dans cette optique, la Cour administrative d’appel suggère une lecture selon laquelle les services de police peuvent évaluer le bien-fondé de la demande. De manière similaire, dans une affaire devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux, le requérant alléguait avoir manifesté son intention de bénéficier de l’asile au moment de son audition, alors que le préfet a prononcé à son encontre une mesure d’éloignement59. Notons qu’en l’espèce, il n’est pas certain que les motifs du requérant auraient abouti à la reconnaissance du statut de réfugié. Il arguait qu’il ne voulait pas retourner en Égypte en raison de la présence de l’État islamique et qu’il voulait travailler en France60. Cependant, son récit contenait des éléments susceptibles d’être rattachés aux motifs figurant dans la Convention de Genève. Dans son appréciation, la Cour administrative d’appel a réitéré que l’obligation de transmission s’impose uniquement lorsqu’une demande a été expressément formulée. Le critère selon lequel la demande doit être expressément formulée est flou, et cette insécurité juridique est accentuée par le double filtrage de la demande : par les autorités à la frontière et par le préfet. Or, ces deux autorités peuvent décider de rejeter le souhait de demander l’asile en raison du fait que l’étranger n’a pas formulé sa demande expressément. Il peut toutefois arriver que l’étranger ne maîtrisant pas forcément la langue française rencontre des difficultés non négligeables pour s’exprimer sur les éventuelles persécutions qu’il a subies. Dès lors, il serait souhaitable, à l’instar du droit allemand, qu’en cas de doute sur l’existence d’un souhait d’asile, les autorités à la frontière puissent transmettre ce souhait au préfet. Cette solution nécessite une coopération étroite entre les autorités administratives participant à cette démarche dans un esprit de dialogue61. Si les autorités à la frontière estiment que les motifs invoqués sont pertinents pour demander l’asile, elles doivent faire en sorte que le demandeur d’asile puisse faire enregistrer sa demande. B. Les conditions préalables à l’enregistrement de la demande de protection internationale Alors que le droit allemand contient une série de dispositions permettant que le demandeur d’asile se présente, le plus rapidement possible, devant l’Office fédéral et devant le centre d’accueil (I), le droit français ne garantit pas une telle continuité. Or, il est dans l’intérêt tant des demandeurs que de l’État que le statut du demandeur d’asile soit régularisé le plus vite possible (II). 58
Ibid. CAA de Bordeaux (3ème ch.), 18 janvier 2018, N8 17BX03318. 60 Ibid., paragraphe 7. 61 Notons qu’il ne faut pas perdre de vue qu’il n’incombe ni à ces autorités ni au préfet de rejeter le souhait d’asile en raison de sa déclaration tardive. 59
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I. Le système de répartition des tâches permettant de garantir un accès rapide à l’Office fédéral En vertu des dispositions de la loi relative à l’asile, l’autorité à la frontière (Grenzbehörde) est tenue d’envoyer immédiatement le demandeur l’asile à l’Office fédéral, plus exactement à son bureau extérieur (Außenstelle) qui est rattaché au centre d’accueil (Aufnahmeeinrichtung) responsable de l’accueil du demandeur d’asile62. Cette obligation est également prévue dans le § 19 de cette loi pour l’autorité des étrangers et pour les services de police, si le demandeur d’asile exprime son souhait de demander l’asile devant ces autorités. L’adverbe « immédiatement » signifie que l’autorité en cause ne peut pas agir en retard et que, même si tel est le cas, ce retard ne peut lui être imputable, et qu’un retard de 48 heures est encore toléré63. Ces dispositions ont pour objectif ambitieux d’empêcher tout retard dans le traitement des demandes d’asile et, par conséquent, de transmettre le souhait de demander l’asile le plus vite possible au seul organe compétent : l’Office fédéral64. De surcroît, la répartition des demandeurs d’asile dans les centres d’accueil contribue à ce qu’ils puissent faire enregistrer leur demande de protection internationale le plus rapidement possible. Cette répartition se fait en fonction des clefs de Königstein déterminant le taux d’accueil par Land65. Ce système de répartition contribue ainsi au suivi de leurs démarches devant les autorités administratives compétentes au sein des Länder. La Cour constitutionnelle fédérale a énoncé les grands principes directeurs relatifs à l’accès à la procédure administrative d’asile dans son arrêt sur la protection juridique dans une procédure d’asile66. Le recours constitutionnel regroupait plusieurs requêtes, dont l’élément commun était que l’autorité des étrangers avait considéré le souhait des requérants à solliciter l’asile comme abusif ou comme manifestement dépourvu de chance de succès. En d’autres termes, l’autorité des 62
Ibid., § 14(1). J. Bergmann, K. Dienelt, Ausländerrecht : Aufenthaltsgesetz, Freizügigkeitsgesetz/EU und ARB 1/80 (Auszug), Grundrechtecharta und Artikel 16a GG, Asylgesetz : Kommentar, München, Verlag C.H. Beck, 2018, p. 2519. 64 La loi permet de refuser l’entrée si l’étranger vient d’un pays tiers sûr, si un autre État membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale ou pour des considérations de droit pénal. À ce dernier égard, l’entrée est refusée si l’étranger constitue un danger pour le public parce qu’il a été condamné à au moins trois ans de prison pour une infraction particulièrement grave en République Fédérale d’Allemagne et que son départ ne remonte pas à plus de trois ans (§ 18 (2) AsylG). En ce qui concerne le premier cas de figure, lorsque l’étranger vient d’un pays tiers sûr, c’est l’autorité des étrangers (Ausländerbehörde) qui ordonne le refoulement, et non l’Office fédéral, sous réserve que l’éloignement puisse être effectué (§ 19(3) AsylG). Cette souplesse est notamment permise parce qu’un État sûr examinera la demande de protection internationale. Au-delà de ces cas de figure, le refus d’entrée ne peut être prononcé. 65 § 50 – 51 AsylG. 66 BVerfG (1ère sénat), 25 février 1981, 1 BvR 413/80, 1 BvR 768/80, 1 BvR 820/80, Rechtsschutz im Asylverfahren (protection juridique dans une procédure d’asile). 63
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étrangers a non seulement méconnu le principe de séparation des pouvoirs, en n’accordant pas la possibilité à l’Office fédéral de décider des demandes, mais a également refusé d’accorder l’accès à la procédure d’asile au bénéfice des requérants. Dans ses observations, le ministre fédéral de l’intérieur a estimé que la dualité de la procédure devant l’Office fédéral et devant l’autorité des étrangers peut subir des exceptions dans la mesure où la procédure d’asile est engagée de manière manifestement abusive67. En réponse à cet argument, la Cour constitutionnelle fédérale a considéré que l’application cohérente des principes gouvernant le droit d’asile et l’égalité de traitement des demandeurs d’asile sont garanties par la concentration de la procédure d’asile entre les mains d’une seule autorité fédérale68. Dès lors, est contraire à l’article 16, paragraphe (2) de la Loi fondamentale la pratique selon laquelle l’autorité des étrangers prend des mesures mettant un terme au séjour (aufenthaltsbeendende Maßnahmen) à l’encontre du demandeur d’asile avant même que la procédure de reconnaissance ne soit engagée et lorsqu’elle ne prend pas en considération le souhait de demander l’asile en raison de son caractère manifestement abusif69. Ainsi, l’autorité des étrangers accomplit une mission de filtrage, sans pour autant se substituer l’Office fédéral, et elle est tenue, dans ce cadre, de suivre la ligne de conduite présentée par la Cour constitutionnelle fédérale. En ce qui concerne les règles détaillées de cette ligne de conduite, l’autorité des étrangers doit s’assurer de la présence d’un souhait d’asile, indépendamment de son contenu exact, et le transmettre à l’Office fédéral, organe compétent pour examiner la demande d’asile70. En effet, conformément au principe de répartition des compétences, il revient uniquement à l’Office fédéral de constater le caractère abusif ou bien-fondé de la demande. Dans cette perspective, la Cour constitutionnelle a mis en lumière que l’effectivité du droit d’asile dépend, de manière décisive, de ce que l’affirmation du demandeur relative aux persécutions soit vérifiée d’un point de vue factuel et juridique par l’autorité administrative compétente de l’examen de la demande de protection internationale71. Si, en revanche, le contenu d’une demande d’asile est totalement ignoré, le demandeur d’asile sera privé, dès le départ, de la possibilité d’invoquer son droit subjectif à l’asile, et une telle solution est incons-
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Ibid., paragraphe 44. « Durch die Konzentration der Verfahren bei einer Bundesbehörde kann eine einheitliche Anwendung asylrechtlicher Grundsätze und damit eine gleiche Behandlung aller Asylbewerber erreicht werden ». Ibid., paragraphe 68. 69 Ibid., paragraphe 69. 70 Ibid., paragraphe 70. 71 « Die Wirksamkeit des Asylrechts hängt entscheidend davon ab, daß der Behauptung des Asylbewerbers, er werde in seiner Heimat politisch verfolgt, nachgegangen wird. Dazu muß der vorgetragene Sachverhalt in tatsächlicher und rechtlicher Hinsicht gewürdigt werden ». Ibid., paragraphe 74. 68
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titutionnelle72. Il s’ensuit que les tâches incombant aux différentes autorités participant au traitement des souhaits de demander l’asile sont clairement délimitées et que ces devoirs ont été déterminés dans le plein respect du principe de célérité. En outre, le système de centralisation du traitement des demandes dans les seules mains de l’Office fédéral contribue à ce qu’une autorité administrative compétente de l’examen de ces demandes se prononce sur leur bien-fondé et que le traitement de ces demandes ne soit pas bloqué pendant la phase de filtrage. Un tel aménagement procédural garantit en principe un accès rapide à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande d’asile. La loi relative à l’établissement d’une procédure d’asile accélérée (Asylverfahrensbeschleunigungsgesetz), adoptée en 201573, a prévu l’insertion du § 63a à la loi relative à l’asile. Cette disposition prévoit l’émission d’un certificat d’enregistrement en tant que personne sollicitant l’asile (Bescheinigung über die Meldung als Asylsuchender), et il est délivré en règle générale par le centre d’accueil. L’objectif de ce certificat est de prouver que l’étranger a l’intention de déposer une demande d’asile et qu’il a le droit de se rendre au centre responsable de son accueil et de déposer une demande d’asile devant l’Office fédéral74. De ce fait, ce certificat atteste uniquement l’enregistrement en tant que personne sollicitant l’asile (Asylsuchender) et non en tant que demandeur d’asile (Asylbewerber). Dans cette mesure, le certificat atteste l’enregistrement de la demande dans le système de la directive « procédures », et ce, afin de se conformer aux délais prévus dans celle-ci. En revanche, le droit français ne contient ni la répartition ponctuelle des responsabilités, ni l’obligation de transmission du demandeur d’asile devant les organes compétents, ni d’exigences garantissant la célérité. II. L’aménagement lacunaire des obligations incombant aux autorités administratives françaises Lorsque nous regardons de plus près les dispositions du CESEDA, les démarches que le demandeur d’asile doit effectuer pour faire enregistrer sa demande ne sont pas accompagnées des garanties lui permettant de prendre contact le plus rapidement possible avec l’autorité préfectorale. De plus, en droit allemand, le suivi des demandeurs d’asile est assuré dès leur entrée sur le territoire, grâce à leur répartition dans les différents centres d’accueil. En revanche, en droit français, le système d’accueil n’est proposé par l’OFPRA qu’après l’enregistrement de la demande 72 « Wenn der Inhalt eines Asylbegehrens dagegen völlig unbeachtet bleibt, wird dem Asylsuchenden in verfassungswidriger Weise von vornherein die Möglichkeit genommen, sich auf sein subjektives Recht auf Asyl zu berufen ». Ibid. 73 BGBI, 2015, Teil I Nr. 40. 74 Entwurf eines Asylverfahrensbeschleunigungsgesetzes, 29 septembre 2015, Drucksache 18/6185. Notons que cette attestation a fait l’objet de l’arrêt Mengesteab précédemment analysé. CJUE, Tsegezab Mengesteab contre Bundesrepublik Deutschland, 26 juillet 2017, préc.
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d’asile75. Or, il est indispensable que l’étranger soit accompagné dans ses démarches pour que son statut soit régularisé dans les meilleurs délais et qu’un accueil lui soit garanti afin qu’il puisse effectuer les démarches administratives dans des conditions dignes. De surcroît, un suivi régulier du demandeur d’asile permet d’éviter que sa demande soit examinée par erreur en procédure dérogatoire, aménagée par des garanties procédurales réduites. Au-delà des insuffisances mentionnées dans le suivi du demandeur d’asile, le principe de célérité n’est pas non plus garanti. En vertu de l’article L741 – 1 du CESEDA, « [t]out étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l’asile se présente en personne à l’autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande »76. Ensuite, l’enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l’autorité administrative compétente77. À la suite de l’enregistrement, le préfet délivre une attestation d’enregistrement. L’étranger est tenu de coopérer avec le préfet, notamment en vue d’établir son identité, sa situation familiale et son parcours depuis son pays d’origine78. Le rôle du préfet constitue un filtrage important pour avoir accès à la procédure d’asile, en autorisant l’enregistrement de la demande d’asile. En règle générale, le préfet est tenu d’enregistrer la demande d’asile79, cet enregistrement étant la condition pour que l’OFPRA examine les motifs de persécutions dans le cadre de la procédure administrative d’asile. Dans la pratique cependant, l’enregistrement a lieu avec un retard considérable, nonobstant les dispositions claires du CESEDA à cet égard. Selon le rapport de l’ONG Coordination française pour le droit d’asile, pour avoir accès au bureau du préfet, il faut attendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et ce, pour qu’une demande d’admission au séjour au titre de l’asile soit prise en compte80. Ce constat est corroboré par le rapport du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe : certaines préfectures n’enregistrent pas immédiatement les demandes, mais délivrent une convocation à une date ultérieure81. La réforme du droit d’asile de 2015 avait notamment pour objectif de suppri75
Article L744 – 1 du CESEDA. Article L741 – 1 du CESEDA. 77 Ibid. Le CESEDA prévoit cependant la possibilité que ce délai puisse être porté à dix jours ouvrés « lorsqu’un nombre élevé d’étrangers demandent l’asile simultanément ». Article L741 – 1 du CESEDA. 78 Ibid. Il incombe également au préfet de vérifier la responsabilité de l’examen de la demande de protection internationale en vertu du règlement Dublin III. En dehors du cas « Dublin », le refus d’entrée peut être prononcé lorsque la demande d’asile est irrecevable ou manifestement infondée. 79 CE (sect.), 28 décembre 2001, N8 231671. 80 Rapport de la Coordination française pour le droit d’asile. « Droit d’asile en France : conditions d’accueil état des lieux 2012 », rapport publié le 13 février 2013, p. 26. http://cfda. rezo.net/Accueil/EDL%202013/EDL_CFDARapportwebversionfinale.pdf (consulté le 30 janvier 2018). 81 Rapport de Nils Muizˇ nieks à la suite de sa visite en France du 22 au 26 septembre 2014, CommDH(2015)1, 17 février 2015, point 101. http://www.2idhp.eu/images/rapport-nils-muiz 76
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mer les retards lors de l’enregistrement des demandes par le préfet. Ainsi, la domiciliation n’est plus requise pour les demandeurs d’asile et un système de guichet unique a été établi dans lequel les services du préfet et de l’OFII sont regroupés pour accélérer l’enregistrement de la demande de protection internationale82. L’absence de domiciliation constitue, certes, une facilité administrative, mais n’est pas un remède aux insuffisances structurelles dans l’accueil, qui ont été précédemment mises en lumière et qui déterminent, comme la Cour européenne l’a souligné, l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile83. Nonobstant la réforme, des retards considérables continuent de caractériser l’enregistrement des demandes de protection internationale. L’exemple typique de cette situation est le sort des ressortissants de pays tiers dans le camp de Calais. Dans une affaire devant le Tribunal administratif de Lille, les requérants ont demandé au juge des référés d’enjoindre au préfet notamment de les mettre à l’abri84. Dans son appréciation, le Tribunal administratif a rejeté les demandes des requérants tout en constatant que le préfet, en particulier les services de l’État avaient déjà convenu d’un rendez-vous avec les avocats des requérants en vue de l’enregistrement de leur demande de protection internationale85. De manière similaire, un requérant arrivé en France, originaire d’Afghanistan, a allégué, devant le Tribunal administratif de Lille, le défaut d’enregistrement de la demande de protection internationale par le préfet86. Cependant, le Tribunal administratif a constaté que l’enregistrement avait déjà eu lieu, ce qui l’a justifié à affirmer que la condition d’urgence impérieuse n’était pas remplie87. Or, nonobstant l’enregistrement de la demande, le requérant n’a pas reçu d’attestation de demande d’asile. À cet égard, le Tribunal administratif a constaté l’urgence, puisque, à son sens, « la non[-]remise d’une telle attestation caractérise en effet une carence qui, par ses conséquences, est constitutive d’une situation d’urgence et entraîne une atteinte grave et immédiate à une liberté fondamentale »88. De manière similaire, un couple avec un enfant a demandé au Tribunal administratif de Nice d’enjoindre au préfet de procéder à l’enregistrement de leur demande de protection internationale et de leur délivrer une
nieks-discours-haine_150612.pdf (consulté le 23 mai 2018). Pendant la période qui sépare le premier rendez-vous et l’enregistrement formel de la demande de protection internationale, les demandeurs d’asile ne bénéficient pas d’accès aux conditions matérielles d’accueil. 82 Circulaire, Mise en œuvre de la réforme de l’asile, 13 juillet 2015, INTK1517035 J. 83 Qui plus est, l’absence de domiciliation ne permet pas de garantir le suivi d’un demandeur d’asile dont le statut n’est pas encore définitivement déterminé, et une telle règlementation lacunaire pourrait empêcher son éloignement effectif, en cas du rejet définitif de sa demande. 84 TA Lille, 11 février 2016, N. 1600896. 85 Ibid., paragraphe 8. 86 TA Lille, 13 mars 2017, N. 1702101, paragraphe 5. 87 Ibid., paragraphe 6. 88 Ibid.
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attestation de demande d’asile89. Le Tribunal administratif a fait droit à leur demande en écartant l’argument du préfet selon lequel il ressort de la base de données d’Eurodac que c’est l’Italie qui est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. La juridiction de céans a, en effet, souligné qu’il ne résulte pas du dossier que le préfet a mis en œuvre une procédure de réadmission, comme il aurait dû le faire90. Dès lors, en refusant d’enregistrer leur demande, le préfet a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile91. Le Tribunal administratif de Toulouse a confirmé ces principes directeurs dans une affaire similaire, tout en précisant les effets juridiques qu’un enregistrement tardif d’une demande de protection internationale peut déployer. Concrètement, il a souligné que « le fait de différer au-delà [d]u délai de dix jours ouvrés […] l’enregistrement d’une demande d’asile, qui fait obstacle à l’examen de cette dernière et prive donc l’étranger du droit d’être autorisé à demeurer sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande, porte par lui-même une atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation du demandeur pour que la condition d’urgence soit […] satisfaite »92. Dès lors, l’absence d’enregistrement n’a pas uniquement pour conséquence que le demandeur d’asile sera privé de l’accès à la procédure d’asile devant l’OFPRA, mais également du droit de rester sur le territoire français. En 2018, le Conseil d’État a également été confronté à la question des délais voire des refus d’enregistrement de la demande de protection internationale. En ce qui concerne le contexte factuel, les requérants se sont vus refuser, à plusieurs reprises, l’enregistrement de leur demande et, en dépit du fait que le Tribunal administratif de Nice a enjoint au préfet d’enregistrer leur demande, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé cette décision. Quant au Conseil d’État, il a constaté que le préfet des Alpes-Maritimes a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile en refusant d’enregistrer leur demande93. Ainsi, la problématique signalée demeure toujours d’actualité. La tardiveté lors de l’enregistrement des demandes de protection internationale, de même que le refus de l’enregistrement ont des conséquences non négligeables sur l’issue de la procédure administrative d’asile. En effet, selon les dispositions du CESEDA, l’OFPRA statue en procédure accélérée si, sans motif légitime, le demandeur n’a pas présenté sa demande d’asile dans le délai de cent vingt jours à compter de son entrée94. Certes, la durée d’attente ne peut pas constituer un motif légitime, mais prouver cette circonstance constitue un fardeau supplémentaire pour une personne qui n’a même pas encore eu la possibilité d’introduire sa demande de protection internationale. 89 90 91 92 93 94
TA Nice, 31 mars 2017, N. 1701211. Ibid., paragraphe 7. Ibid. TA Toulouse, 15 septembre 2017, N. 1704240, paragraphe 7. CE, 24 septembre 2018, N8 420708, paragraphe 9. Article L723 – 2, partie III, point 3 du CESEDA.
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Les exemples montrent que, bien que le législateur français ait réagi aux insuffisances signalées, les mesures préconisées ne changent pas en profondeur l’architecture lacunaire de la phase préalable à l’introduction de la demande de protection internationale. Le système conçu par le législateur allemand est approprié pour faire face au traitement d’un grand nombre de demandes. Ce système est, en effet, caractérisé par la répartition ponctuelle des tâches entre les différentes autorités administratives, la centralisation du traitement des demandes, la répartition des demandeurs d’asile entre les différents Länder, l’octroi des conditions matérielles d’accueil et le suivi régulier du demandeur d’asile dans le plein respect du principe de célérité.
§ 2 Les exigences conduisant à l’accès à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection internationale La directive « procédures » ne contient aucune disposition concernant la période entre l’enregistrement et l’introduction de la demande de protection internationale. Si, pendant cette période, l’étranger est protégé contre le refoulement, il est dans l’intérêt tant de l’étranger que de l’État de garantir une solution juridique imprégnée du principe de célérité (A). Il en va de même à la suite de l’introduction de la demande de protection internationale, le nombre élevé de demandes pouvant allonger de manière considérable leur durée de traitement, dont la pratique est contraire au principe de célérité (B). A. Les garanties pour l’introduction de la demande de protection internationale Si le droit allemand a proposé une solution respectant, au moins, la règlementation lacunaire de la directive « procédures » (I), le Conseil d’État français refuse de déclarer illégale la pratique préfectorale consistant à délivrer une attestation provisoire de séjour avec un retard considérable (II). I. La recherche de solutions pour remédier aux retards lors de l’introduction de la demande de protection internationale en Allemagne Lorsque l’étranger envisage la possibilité de solliciter l’asile et qu’il se présente à cette fin devant les autorités à la frontière, il se n’agit pas encore d’une demande d’asile formelle. Cette dernière ne peut, en effet, être déposée que devant l’Office fédéral et son bureau extérieur. La différence conceptuelle entre le souhait de solliciter l’asile (Asylgesuch) et le demande d’asile (Asylantrag) est essentielle, comme la Cour administrative fédérale l’a souligné95. Il peut arriver qu’une période 95
BVerwG, 3 décembre 1997, 1 B 219/97.
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considérable s’écoule entre la manifestation de solliciter l’asile et l’introduction formelle de la demande de protection internationale. L’objectif de l’émission du certificat d’enregistrement en tant que personne sollicitant l’asile est d’éviter que l’étranger reste sans preuve sur son statut de demandeur d’asile, lorsque l’introduction formelle d’une demande d’asile nécessite une durée dépassant un mois96. Cette pratique ne porte pas atteinte en tant que telle au droit de l’Union, la directive « procédures » ne prévoyant pas de délai entre l’enregistrement et l’introduction de la demande de protection. Selon la jurisprudence administrative, l’Office fédéral est tenu de donner au demandeur d’asile la possibilité de déposer une demande d’asile formelle au plus tard dans les trois mois suivant le dépôt d’une demande d’asile informelle97. Compte tenu de la règlementation lacunaire au niveau de l’Union, lorsque les demandeurs d’asile reprochent la lenteur caractérisant l’introduction de la demande de protection internationale, les juridictions administratives répondent par le constat du respect manifeste du droit de l’Union. Or, le Tribunal administratif de Düsseldorf a relevé que ni le droit de l’Union ni le droit national ne prévoient le droit de présenter une demande d’asile formelle dans les trois jours suivant la présentation d’une demande d’asile informelle98. La position exprimée par cette juridiction est problématique parce qu’elle justifie cette solution notamment par l’encombrement de l’Office fédéral, tout en ajoutant que la durée d’attente moyenne s’élève à deux ou trois mois. Notons toutefois que la jurisprudence plus récente prend dûment en compte ce danger. Le Tribunal administratif de Brême a relevé que si l’Office fédéral n’est pas en mesure de recevoir formellement la demande en raison d’une surcharge de travail, cette circonstance ne peut être appréciée au détriment du demandeur d’asile : dans ce cas, le simple souhait de solliciter l’asile (Asylgesuch) entraîne des conséquences, notamment du point de vue du déclenchement du délai prévu dans le § 75 VwGO prévoyant les conditions du recours en carence99, sans quoi le demandeur d’asile resterait sans protection juridique100 et serait dépourvu d’accès à la procédure d’asile. Dans une affaire portée devant le Tribunal administratif d’Oldenburg, les requérants se sont présentés en tant que demandeurs d’asile, mais l’Office fédéral ne 96
Ibid. VG Trier (5ème ch.), 21 mars 2016, 5 K 3658/15.TR, ECLI:DE:VGTRIER: 2016:0321.5K3658.15.TR.0 A, paragraphe 29. « [D]ie Beklagte – jedenfalls bei bereits im Jahr 2014 geäußerten Asylgesuchen – verpflichtet war, einem Asylsuchenden spätestens innerhalb von drei Monaten nach Stellung eines formlosen Asylantrags eine Möglichkeit zur Stellung eines förmlichen Asylantrags einzuräumen ». 98 VG Düsseldorf (6ème ch.), 26 juillet 2016, 6 L 2019/16.A, ECLI:DE:VGD:2016: 0726.6 L2019.16 A.00. 99 VG Bremen, 12 janvier 2017, 5 K 3131/16. 100 Ibid. 97
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leur a pas donné de rendez-vous pour l’introduction formelle de la demande101. C’est ainsi que les requérants ont introduit un recours en carence à l’encontre de l’Office fédéral. Entretemps, ils ont prouvé la délivrance du certificat qui a permis au centre d’accueil d’informer le bureau extérieur de l’Office fédéral. Ce certificat a prouvé que huit mois se sont écoulés entre l’enregistrement du souhait d’asile et l’introduction formelle de la demande de protection internationale102. Les affaires présentées démontrent qu’en mettant en œuvre ce système de certificat, le pouvoir législatif s’est efforcé de trouver une solution pour se conformer au droit de l’Union. Néanmoins, le certificat ne constitue qu’une preuve de l’enregistrement de la demande de protection internationale notamment aux fins d’introduire une procédure en carence, mais n’est pas une mesure appropriée permettant de faire face au traitement du nombre important de demandes. Au moment de la rédaction des présentes lignes, la jurisprudence administrative ne soulève plus de problèmes juridiques similaires. Ce phénomène est lié notamment à la réduction significative du nombre des demandes d’asile ces dernières années103. Force est de constater que le droit français n’offre pas non plus de solution viable, tout en reconnaissant cette faiblesse normative. II. Une règlementation lacunaire assumée relative à l’introduction d’une demande de protection internationale en droit français Sauf en cas de nouvelles demandes d’asile104, l’autorisation provisoire de séjour et l’attestation de demande d’asile délivrée à la suite de l’enregistrement permettent aux ressortissants d’un pays tiers d’introduire une demande de protection internationale et de déposer leur dossier à l’OFPRA. Dès lors, le ralentissement dans la procédure de délivrance de cette autorisation retarde de manière considérable la saisine de l’OFPRA. Cette procédure a été contestée en 2011 par un demandeur d’asile devant le Conseil d’État, qui a invoqué la méconnaissance de l’ancienne directive « accueil »105. Le requérant a demandé au Conseil d’État d’enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. En l’occurrence, plus d’un mois s’est 101
VG Oldenburg (15ème ch.), 6 novembre 2017, 15 A 7522/1. Ibid., paragraphe 29. 103 Selon les statistiques disponibles sur le site de l’Office fédéral, le nombre total des demandes d’asile s’est élevé à 476 649 en 2015, puis à 745 545 en 2016 et ce nombre s’est réduit graduellement à 185 583 en 2018. http://www.bamf.de/SharedDocs/Anlagen/DE/Do wnloads/Infothek/Statistik/Asyl/aktuelle-zahlen-zu-asyl-februar-2019.pdf?__blob=publication File (consulté le 16 avril 2019). 104 Même dans ce cas, et sous certaines conditions, les juridictions administratives peuvent enjoindre au préfet, dans l’attente du réexamen de sa demande d’asile par l’OFPRA, de délivrer une attestation de demande d’asile valant autorisation provisoire de séjour. CAA de Paris (4ème ch.), 2 mai 2018, N8 18PA00021, paragraphe 6. 105 CE, 22 mai 2012, N8 359107. 102
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écoulé entre la première réception à la préfecture et la convocation à un rendez-vous lui permettant de déposer son dossier de demande d’asile et d’obtenir l’autorisation provisoire de séjour106. Cependant, le Conseil d’État a validé cette pratique en soulignant que les faits ne font pas apparaître, « compte tenu du nombre élevé de dossiers soumis à l’examen des services préfectoraux, de méconnaissance grave et manifeste des obligations qu’impose le respect du droit d’asile »107. Autrement dit, le Conseil d’État a validé la pratique préfectorale en invoquant la surcharge de travail. De la même manière, dans un arrêt de 2013, le Conseil d’État a refusé de revenir sur ses principes en validant à nouveau la pratique préfectorale108. Les obstacles à l’accès à la procédure d’asile ne s’arrêtent pas toutefois à la procédure devant l’autorité préfectorale. Il incombe, en effet, à l’OFPRA d’enregistrer la demande de protection internationale, mais ce processus n’est pas automatique, le directeur général de l’OFPRA pouvant refuser d’enregistrer la demande de protection internationale dans la mesure où le ressortissant du pays tiers se trouvant en rétention a dépassé le délai de cinq jours prévus pour l’introduction de la demande de protection internationale109. Force est ainsi de constater que le droit français n’offre pas de solution pour remédier aux retards considérables caractérisant la démarche de l’autorité préfectorale. Or, contrairement à la situation en Allemagne, le nombre des demandes d’asile présentées en France est en augmentation permanente110. Si la jurisprudence administrative récente ne soulève pas la problématique analysée, force est de constater que ce phénomène n’est pas lié à un éventuel remède législatif ou jurisprudentiel. Le non-respect du principe de célérité caractérise également le déroulement de la procédure d’asile devant les autorités administratives chargées de l’examen de la demande de protection internationale. B. Les garanties pour remédier à la lenteur caractérisant la procédure administrative d’asile Le leitmotiv de la directive « procédures » est la célérité. La méconnaissance de ce principe rend l’accès à la procédure d’asile illusoire, puisque, même si la demande de protection internationale est enregistrée et introduite, l’absence de mesures procédurales concrètes anéantit la procédure administrative d’asile et l’accès devient formel, et cette circonstance place le demandeur d’asile dans une situation 106
Ibid. Ibid. 108 CE, 26 avril 2013, N8 368043, ECLI:FR:CEORD:2013:368043.20130426. 109 Nous analyserons de manière plus détaillée les procédures dérogatoires dans le titre II de la deuxième Partie. 110 En ce qui concerne les chiffres disponibles, le nombre total des demandes d’asile en France est 59 335 en 2015, 63 935 en 2016, 73 802 en 2017 et s’élève à 91 865 en 2018. https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Etudes-et-statistiques/Statistiques/Es sentiel-de-l-immigration/Chiffres-cles (consulté le 16 mars 2019). 107
Titre I: Le nécessaire encadrement de l’autonomie procédurale
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précaire entourée d’incertitudes matérielles et existentielles. Le problème relatif à la lenteur de la procédure administrative d’asile a été reconnu tant en droit allemand (I) qu’en droit français (II) et des mesures organisationnelles internes ont été prises pour accélérer le traitement des demandes. I. Une solution globale proposée pour assurer l’accès à la procédure administrative d’asile en droit allemand La loi relative à l’asile prévoit que, si la décision relative à la demande d’asile n’est pas prise dans un délai de six mois, l’Office fédéral doit, sur demande, informer l’étranger de la date à laquelle la décision sur sa demande d’asile est attendue111. Cela ne signifie pas pour autant que l’Office fédéral soit obligé de prendre une décision en réponse à cette demande. Au-delà de la demande d’information au sens du § 24, paragraphe (4) de la loi relative à l’asile, le demandeur d’asile peut demander l’octroi des mesures provisoires en vertu du § 123 du Code de procédure administrative. Toutefois, certaines juridictions admettent l’invocabilité du § 75 du Code de procédure administrative qui prévoit que si une demande visant à l’adoption d’un acte administratif n’a pas fait l’objet d’une décision dans un délai raisonnable et sans motif valable, une action peut être introduite pour remédier à cette carence112. Cette pratique devient désormais la règle générale, nonobstant le fait que la Cour administrative fédérale ait nié la pertinence de cette solution en 1982113. Dans un premier temps, la Cour administrative de Munich a adopté une position restrictive, en reprenant l’argumentaire juridique de la Cour administrative fédérale114. La Cour administrative de Munich a été saisie par un demandeur d’asile, qui, après avoir introduit une demande de protection internationale, a demandé son audition. En réponse à son courriel, l’Office fédéral a fait savoir qu’il n’était pas en mesure de lui indiquer la date précise de son entretien oral. Le recours à l’encontre de cette mesure a été rejeté en première instance. La question principale du recours devant la Cour administrative de Munich a porté sur la possibilité d’introduire un recours en carence sous la forme d’un recours 111
§ 24(4) AsylG. « Ist über einen Widerspruch oder über einen Antrag auf Vornahme eines Verwaltungsakts ohne zureichenden Grund in angemessener Frist sachlich nicht entschieden worden, so ist die Klage abweichend von § 68 zulässig. Die Klage kann nicht vor Ablauf von drei Monaten seit der Einlegung des Widerspruchs oder seit dem Antrag auf Vornahme des Verwaltungsakts erhoben werden, außer wenn wegen besonderer Umstände des Falles eine kürzere Frist geboten ist. Liegt ein zureichender Grund dafür vor, daß über den Widerspruch noch nicht entschieden oder der beantragte Verwaltungsakt noch nicht erlassen ist, so setzt das Gericht das Verfahren bis zum Ablauf einer von ihm bestimmten Frist, die verlängert werden kann, aus. Wird dem Widerspruch innerhalb der vom Gericht gesetzten Frist stattgegeben oder der Verwaltungsakt innerhalb dieser Frist erlassen, so ist die Hauptsache für erledigt zu erklären ». § 75 VwGO. 113 BVerwG, 9 mars 1982, 9 B 360.82. 114 VGH Munich, 7 juillet 2016, 20 ZB 16.30003. 112
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2ème partie: Une cohérence en apparence
visant à obtenir une décision (Untätigkeitsklage in Form der Bescheidungsklage)115. La Cour administrative a répondu par la négative, optant pour une lecture traditionnelle : le seul recours envisageable en l’espèce était celui obligeant le Tribunal administratif à prendre une décision (Verpflichtungsklage)116. En effet, d’après la juridiction de céans, c’est le Tribunal administratif qui décide définitivement sur la demande de protection internationale et il incombe aux juridictions du fond (Tatsachengericht) d’éclairer les faits et de se prononcer sur le recours, et le renvoi de l’affaire devant l’autorité administrative ne peut intervenir qu’exceptionnellement ; en revanche, la procédure d’asile ne relève pas de ces cas exceptionnels117. La logique sous-jacente de cette décision était le respect de la célérité. Une position à l’opposé de celle exprimée par la Cour administrative de Munich pourrait conduire, en effet, au ralentissement du traitement administratif et juridictionnel de la demande de protection internationale, puisqu’après avoir obligé l’Office fédéral à prendre un acte administratif, le Tribunal administratif pourrait être à nouveau saisi dans le cadre d’un recours118. La solution proposée par la Cour administrative de Munich respecterait, certes, l’exigence de célérité, mais ne garantirait pas l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile, ce qui vaut également pour les garanties spécifiquement présentes dans le cadre d’une procédure administrative, puisque le traitement de la demande d’asile continuerait devant les instances juridictionnelles. Les inquiétudes présentées ne seraient pas décisives aux yeux de la Cour administrative de Munich, pas plus que la nature de l’Office fédéral en tant qu’autorité ayant une compétence spéciale (als besonders sachkundige Behörde)119. La Cour administrative de Munich a attiré l’attention sur l’illégalité de la décision du Tribunal administratif d’Osnabrück. Cette dernière juridiction a envisagé, en effet, une approche opposée120. Les faits en question posent des problèmes similaires : le requérant a présenté une demande de protection internationale, il a été entendu, mais l’Office fédéral n’a pas pris de décision, en invoquant une charge importante de travail. De ce fait, le requérant a introduit un recours en carence. Le Tribunal administratif d’Osnabrück a admis le recours en tant que recours en carence visant à obtenir une décision (Verpflichtungsklage in Form der Untätigkeitsklage)121.
115
Ibid., paragraphe 4. « Die Verwaltungsgerichte sind grundsätzlich gehalten, eine Verpflichtungsklage nach dem AsylG nach Möglichkeit spruchreif zu machen und abschließend zu entscheiden ». Ibid., paragraphe 10. 117 Ibid. 118 M. Polzin, « Die Untätigkeitsklage im Asylverfahren : Bescheidungsklage möglich? », DVBL, 132. Jahrg. (2017), Heft 9, p. 553. 119 VGH Munich, 7 juillet 2016, 20 ZB 16.30003, paragraphe 12. 120 VG Osnabrück (5ème ch.), 14 octobre 2015, 5 A 390/15, ECLI:DE:VGOSNAB: 2015:1014.5 A390.15.0 A. 121 Ibid., paragraphe 14. 116
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Dans son appréciation, le Tribunal administratif a attaché une importance fondamentale au respect du droit de l’Union, en particulier des délais prévus dans la directive « procédures », et, par conséquent, du principe de célérité. Dans cette optique, le Tribunal administratif a souligné que les conditions figurant dans le § 75 du Code de procédure administrative étaient remplies122, d’autant plus que le requérant a attendu seize mois après l’introduction formelle de sa demande de protection internationale123. Son raisonnement a ainsi été guidé par la nécessité de mettre en balance la célérité et la qualité du traitement des demandes de protection internationale, préconisée par le législateur de l’Union, et il a soigneusement élaboré les critères à prendre en considération pour mesurer le caractère approprié du délai dans lequel le silence de l’administration n’est pas encore illégal. En substance, le Tribunal administratif a considéré qu’en l’état actuel, la surcharge de travail de l’Office fédéral ne peut être considérée comme temporaire124. En effet, le recours au sens du § 75 du Code de procédure administrative n’est recevable que si le silence de l’administration ne peut être justifié par un motif valable (Nichtentscheidung ohne zureichenden Grund)125. Par suite, le Tribunal administratif a considéré le silence de l’Office fédéral comme illégal126. Dès lors, pour trouver une solution efficace, le Tribunal administratif a jugé qu’il ne revenait pas aux juridictions administratives de se prononcer lorsque l’autorité administrative disposait d’une marge d’appréciation et que le droit matériel exigeait le déroulement préalable d’une procédure administrative, notamment en cas d’actes administratifs juridiquement contraignants, tels qu’une décision sur la demande d’asile127. En l’occurrence, les juridictions administratives ne peuvent pas remplacer l’Office fédéral conformément au principe de séparation des pouvoirs128. En effet, la particularité de la procédure administrative devant l’Office fédéral réside dans la possibilité de présenter les motifs de persécutions et l’Office procède non seulement à une appréciation juridique mais également à une appréciation fac-
122 Aucune action ne peut être engagée avant l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’opposition a été formulée ou de la date à laquelle l’acte administratif a été demandé, à moins qu’un délai plus court ne soit requis par les circonstances particulières de l’affaire. (« Die Klage kann nicht vor Ablauf von drei Monaten seit der Einlegung des Widerspruchs oder seit dem Antrag auf Vornahme des Verwaltungsakts erhoben werden, außer wenn wegen besonderer Umstände des Falles eine kürzere Frist geboten ist »). § 75, 2ème phrase VwGO. 123 VG Osnabrück, 5 A 390/15, préc., paragraphe 25. 124 Ibid., paragraphe 34. 125 H. Sodan, J. Ziekow, J. Aulehner, Verwaltungsgerichtsordnung : Großkommentar, Baden-Baden, Nomos, 2006, 3045 p. 126 VG Osnabrück, 5 A 390/15, préc., paragraphe 41. 127 Ibid., paragraphe 45. 128 Ibid.
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2ème partie: Une cohérence en apparence
tuelle129. Finalement, le Tribunal administratif conforte cette lecture par la référence à la directive « procédures », cette dernière opérant une distinction entre la procédure administrative et la procédure juridictionnelle130. La position du Tribunal administratif d’Osnabrück a accordé plus de poids à la qualité de la procédure d’asile qu’à la célérité. Cependant, la démarche proposée par cette juridiction ne constitue pas une panacée, puisque la racine du problème subsiste. Par conséquent, le message lancé dans l’arrêt s’adresse plutôt au législateur en vue de trouver une solution efficace à long terme. En effet, même si la procédure en cause aboutit à la condamnation de l’Office fédéral à poursuivre la procédure administrative, cela ne résout rien concernant son encombrement interne. En ce qui concerne les réactions à ce revirement de jurisprudence, la réponse des tribunaux administratifs a été unanime. Un tel comportement démontre parfaitement non seulement la volonté de dialoguer à l’intérieur de l’ordre juridique allemand, mais aussi de se conformer aux directives « asile ». Le Tribunal administratif de Fribourg s’est rallié à la position du Tribunal administratif d’Osnabrück131. En ce qui concerne le cadre factuel, le requérant n’a même pas été entendu par l’Office fédéral. Dans ce cas, admettre la position restrictive de la Cour administrative de Munich reviendrait à dire qu’il incombe au Tribunal administratif de mener la totalité de la procédure d’asile, ce qui méconnaîtrait le principe de séparation des pouvoirs132. En outre, le Tribunal administratif de Fribourg a souligné que les droits procéduraux garantis par la directive « procédures » et applicables à la procédure administrative seraient sapés si c’était le Tribunal administratif qui décidait sur la demande de protection internationale133. L’aménagement d’un accès effectif à la procédure d’asile a, de nouveau, justifié le renvoi de l’affaire à l’administration. Enfin, même la Cour administrative de Munich a opéré un revirement de jurisprudence, en réitérant essentiellement les mêmes arguments que ceux avancés par le 129 Ibid., paragraphe 49. En outre, si c’est une juridiction administrative qui décide en première instance, le demandeur d’asile ne pourra pas lever les doutes concernant les preuves contradictoires. 130 Ibid., paragraphe 52. Finalement, cette juridiction a souligné que la solution proposée ne méconnaissait pas la jurisprudence constante de la Cour administrative fédérale, puisque celle-ci a décidé différemment au sujet d’une nouvelle demande d’asile et, dans un tel cas de figure, l’Office fédéral a déjà eu l’occasion d’examiner la demande d’asile. Ibid., paragraphe 55. Référence : BVerwG, 10 février 1998, 9 C 28.97. Cette position a été confirmée : VG München, 8 février 2016, M 24 K 15.31419. 131 VG Freiburg, 23 septembre 2016, A 1 K 2611/16 ; VG München, 23 décembre 2016, M 11 K 16.32322. 132 VG Freiburg, A 1 K 2611/16, préc., paragraphe 20. 133 VG Düsseldorf (17ème ch.), 21 octobre 2016, 17 K 3177/15.A, ECLI:DE:VGD: 2016:1021.17K3177.15 A.00. La même position a été adoptée par une série de décisions successives : VG Bremen, 12 janvier 2017, 5 K 3131/16 ; VG Oldenburg (15ème ch.), 6 novembre 2017, 15 A 7522/1 ; VG Trier (5ème ch.), 21 mars 2016, 5 K 3658/15.TR, ECLI:DE:VGTRIER:2016:0321.5K3658.15.TR.0 A.
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Tribunal administratif d’Osnabrück134. Un aspect important ressort cependant de son analyse. Pour justifier son raisonnement, la Cour administrative souligne, en prenant appui sur les dispositions de la directive « procédures », que chaque demandeur d’asile devrait pouvoir bénéficier d’un accès effectif à la procédure d’asile135. Or, cela suppose que la demande d’asile soit examinée de manière complète par l’autorité administrative d’asile, puis, le cas échéant, par la juridiction administrative, et ce dans un délai raisonnable. C’est ainsi que la Cour administrative a relevé que l’effectivité implique l’examen de la demande à plusieurs niveaux (mehrstufige Prüfung), à savoir par l’autorité administrative et par le juge administratif136. Garantir un accès effectif et en même temps rapide à la procédure d’asile n’est cependant possible que par l’adoption de mesures organisationnelles au sein de l’autorité administrative. C’est ainsi que l’introduction de changements au sein de l’Office fédéral a permis de diminuer la surcharge du travail, même si les modalités de ces réformes ont suscité des inquiétudes concernant la qualité des décisions137. Selon les statistiques de l’Office fédéral, la durée moyenne de la procédure devant celui-ci est désormais de trois mois environ138. En France, la situation est désormais similaire.
134
VGH München, 23 mars 2017, 13a B 16.30951. Ibid., paragraphe 20. 136 Ibid., paragraphe 21. Cette ligne de conduite ne s’applique pas cependant aux cas où l’Office fédéral a rendu une décision manifestement infondée sans avoir procédé à l’entretien personnel du demandeur d’asile débouté. Dans ce cas, le Tribunal administratif peut maintenir l’affaire devant lui. OVG NRW (4ème sénat), 13 janvier 2017, 4 A 3051/15.A, ECLI:DE:OVGNRW:2017:0113.4 A3051.15 A.00 ; VG Lüneburg (3ème ch.), 10 avril 2017, 3 A 219/16, ECLI:DE:VGLUENE:2017:0410.3 A219.16.0 A. 137 Mögliche Verfahrensmängel im Asylverfahren infolge interner Erledigungsvorgaben, 18 avril 2017, Drucksache 18/11964. Les questions posées au Gouvernement fédéral ont abordé la surcharge du travail des fonctionnaires au sein de l’Office fédéral, dans la mesure où elle a des répercussions importantes sur la qualité des décisions administratives. 138 http://www.bamf.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2017/20170812 - 030-pmabbau-verfahren-und-verfahrensdauer.html (consulté le 20 mai 2018). Cependant, certains députés ont attiré l’attention du Bundestag sur le fait que le Gouvernement et l’Office fédéral se réfèrent à différentes méthodes de calcul pour obtenir des informations sur la durée de la procédure (Ergänzende Informationen zur Asylstatistik für das dritte Quartal 2018 – Schwerpunktfragen zur Asylverfahrensdauer, 28 décembre 2018, Drucksache 19/6744). En réponse à cette question, le Gouvernement fédéral a relevé que la durée de trois mois environ est valable pour les demandes introduites en 2018, sinon la durée moyenne est de 6 mois dans la phase administrative de la procédure (Antwort der Bundesregierung, Ergänzende Informationen zur Asylstatistik für das dritte Quartal 2018 – Schwerpunktfragen zur Asylverfahrensdauer, 6 février 2019, Drucksache 19/7552). 135
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2ème partie: Une cohérence en apparence
II. Les remèdes pour assurer l’accès à la procédure administrative d’asile en droit français Dans la mesure où l’OFPRA enregistre la demande de protection internationale mais ne procède pas ensuite à l’examen, le requérant peut introduire un référé en urgence devant le juge des référés pour enjoindre à l’OFPRA à prendre une décision. Dans une affaire devant le Conseil d’État, celui-ci a annulé la décision du juge des référés du Tribunal administratif, qui a rejeté la demande du requérant demandant d’ordonner à l’OFPRA de prendre une décision139. Dans son appréciation, le Conseil d’État a relevé que le silence gardé par l’administration justifie l’urgence et que le juge des référés peut ordonner à l’OFPRA de statuer140. Dans ce cas, ce n’est pas la Cour nationale du droit d’asile qui doit statuer, mais l’OFPRA est tenu de poursuivre l’examen de la demande de protection internationale. Les condamnations sont cependant rares, puisqu’à partir de 2015, la nouvelle réforme du droit d’asile a prévu des mesures spécifiques permettant de respecter les dispositions du CESEDA prévoyant six mois pour la durée moyenne de la procédure administrative. En 2017, la durée moyenne de la procédure administrative d’asile était six mois devant l’OFPRA141. Toutefois, ce processus ne s’arrête pas là : la loi n8 2018 – 778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a centralisé les missions d’introduction des demandes d’asile, de convocation à l’entretien personnel et de commande en prestations d’interprétariat142. Une telle mesure est susceptible d’accélérer encore davantage le déroulement de la procédure administrative d’asile. De plus, une étude d’impact a été commandée en 2018 pour évaluer les changements intervenus à la suite de la réforme de 2015. Cette étude préconise de prendre en considération la pratique allemande relative au système d’accueil des demandeurs d’asile et propose de répartir les demandeurs d’asile sur le territoire français de manière équitable143. L’objectif ambitieux de cette réforme est « de rendre le droit d’asile pleinement effectif en amplifiant la réduction des délais de traitement des demandes d’asile, tout en sécurisant le droit au séjour des étrangers auxquels une protection est reconnu »144. Dans ce cadre, la loi n. 2018 – 778 précitée a modifié les dispositions du CESEDA en prévoyant un 139
CE (108-98 ss.-sect.), 18 juillet 2011, N. 343901. Ibid. 141 Réduire la durée de la procédure d’asile : état des lieux et enjeux, 31 mai 2017. http:// www.forumrefugies.org/s-informer/actualites/reduire-la-duree-de-la-procedure-d-asile-etat-deslieux-et-enjeux (consulté le 25 juin 2018). 142 https://www.ofpra.gouv.fr/fr/l-ofpra/actualites/reduction-des-delais-a-l-ofpra (consulté le 16 mars 2019). 143 Étude d’impact, Projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif, 20 février 2018, NOR : INTX1801788 L/Bleue-1, p. 14. 144 Ibid. 140
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dispositif national d’accueil. Celui-ci est proposé à chaque demandeur d’asile par l’OFPRA après l’enregistrement de la demande d’asile par l’autorité administrative compétente145. En principe, les demandeurs d’asile sont répartis au sein de la région. En revanche, « [l]orsque la part des demandeurs d’asile résidant dans une région excède la part fixée pour cette région par le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et les capacités d’accueil de cette région, le demandeur d’asile peut être orienté vers une autre région, où il est tenu de résider le temps de l’examen de sa demande d’asile »146, comme dans le système d’accueil allemand. Le mérite de cette réforme réside dans le fait que le législateur a reconnu le lien étroit entre l’accueil et l’accès effectif à la procédure d’asile et propose une solution qui s’avère efficace dans un système juridique différent, en l’occurrence en droit allemand. Garantir l’accueil des demandeurs d’asile répartis sur le territoire entier de la France permet leur suivi, l’introduction plus rapide de leur demande et un traitement, le cas échéant, plus rapide de cette demande dans le cadre de la procédure administrative d’asile. Toutefois, cet accueil est garanti uniquement à la suite de l’enregistrement de la demande de protection internationale qui est susceptible d’affaiblir l’efficacité de l’accès à la procédure d’asile. *
L’étude de la législation et de la jurisprudence nationales a révélé que d’une part, nonobstant leur système juridique fortement différent, les mêmes difficultés existent dans l’ordre juridique allemand et dans le droit français. Dès lors, ces difficultés peuvent être qualifiées de problèmes structurels. Ces problèmes existent en partie en raison de la règlementation lacunaire du droit dérivé de l’Union. Il revient, partant, au législateur de l’Union, de même qu’au législateur national de trouver des solutions efficaces. D’autre part, des problèmes névralgiques rendant l’accès à la procédure d’asile peu effectif ont également été détectés et nous avons démontré que les solutions proposées en droit allemand pour pallier ces problèmes sont transposables au droit français. La réforme effectuée en 2015 en Allemagne a permis de faire face à l’afflux des demandeurs d’asile et certaines mesures peuvent être également transposées dans l’ordre juridique français. Il est indispensable de déterminer les critères en fonction desquels les autorités à la frontière doivent traiter les souhaits d’asile. Le suivi du demandeur d’asile doit être assuré tout au long de la procédure d’asile, y compris lorsqu’il sollicite pour la première fois l’asile, jusqu’à la procédure d’éloignement, et ce, dans le cadre d’une coopération étroite entre les autorités administratives compétentes. Par la réforme intervenue en septembre 2018, le législateur français a reconnu la nécessité d’assurer un système d’accueil plus efficace sur l’ensemble du territoire français permettant de traiter les demandes le plus rapidement possible et dans ce cadre, l’accueil n’est plus être tributaire de la décision de l’OFPRA. Il est cependant crucial 145 146
Article L744 – 1 CESEDA. Article L744 – 2 sous II. CESEDA.
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que cet accueil soit garanti avant l’enregistrement formel de la demande de protection internationale. Enfin, il est indispensable d’effectuer un suivi permanent relatif à la durée du traitement de la demande de protection internationale afin de donner des réponses rapides aux rallongements des délais. Afin de réaliser ces mesures, le dialogue entre les autorités administratives compétentes du traitement des demandes est vital.
Chapitre II: La détermination des garanties inhérentes à l’accès aux instances de l’asile Si le demandeur d’asile arrive à franchir les obstacles présentés dans le chapitre précédent, son accès à la procédure d’asile est en principe garanti. En ce qui concerne cependant l’effectivité de cet accès, celle-ci dépend de plusieurs facteurs. Ces facteurs caractérisent non seulement la procédure administrative d’asile, mais aussi la procédure devant le juge de l’asile, les garanties procédurales indispensables pour l’accès effectif à ces instances étant principalement les mêmes. Lors de la définition de ces garanties procédurales, d’un point de vue dogmatique, nous ne pouvons pas ignorer la jurisprudence emblématique Golder c. Royaume-Uni147, même si cet arrêt a concerné une contestation du caractère civil. Le libellé de l’article 6 de la Convention ne dit rien sur le droit d’accès aux tribunaux. En se référant, d’une part, à la prééminence du droit, qui ne se conçoit guère sans la possibilité d’accéder aux tribunaux, et, d’autre part, au risque du déni de justice, la Cour européenne énonce solennellement que l’article 6 de la Convention doit se lire à leur lumière148. En effet, d’après la Cour européenne, « on ne comprendrait pas que l’article 6 […] décrive en détail les garanties de procédure […] et qu’il ne protège pas d’abord ce qui seul permet d’en bénéficier en réalité : l’accès au juge »149. La Cour européenne explique de façon pédagogique que l’« [é]quité, [la] publicité et [la] célérité du procès n’offrent point d’intérêt en l’absence de procès »150. De cette manière, la Cour européenne a fait du droit d’accès un aspect du droit à un procès équitable au sens de l’article 6 de la Convention, et ce, au même titre que les garanties procédurales prévalant dans la procédure. C’est ainsi que la doctrine souligne que « [a]ccess to justice is an umbrella term encompassing several fundamental rights, such as the right to a fair trial, the right to access to court,
147 Cour EDH (plénière), Golder c. Royaume-Uni, 21 février 1975, n. 4451/70, ECLI: CE:ECHR:1975:0221JUD000445170. 148 Ibid., paragraphes 34 – 35. 149 Ibid., paragraphe 35. 150 Ibid.
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the right to an effective remedy »151. Dans notre étude, nous nous focalisons sur le droit d’accès aux instances de l’asile et sur son effectivité. Lorsqu’on définit les garanties indispensables pour que cet accès soit effectif, il convient de rechercher les garanties sans lesquelles l’accès du demandeur d’asile à la justice devient illusoire voire impossible152. Premièrement, la vulnérabilité particulière du demandeur réside non seulement dans le souvenir des persécutions, mais aussi, dans la plupart des cas, dans le manque de connaissance de la langue de l’État d’accueil et de son système juridique. De ce fait, l’assistance linguistique et l’assistance juridique (Section II) constituent des garanties fondamentales. Deuxièmement, le droit à l’assistance juridique et linguistique ne peut pleinement déployer ses effets à défaut d’audition du demandeur d’asile (Section I).
Section I: Le respect du droit d’être entendu comme garantie procédurale indispensable de l’accès effectif aux instances de l’asile Dans une procédure administrative, l’inégalité entre l’administration et l’administré est encore davantage accentuée lorsque l’administré est un ressortissant d’un pays tiers qui sollicite l’asile. Eu égard au degré élevé de subjectivité qui caractérise la procédure d’asile, le droit d’être entendu constitue un aspect crucial pour compléter le récit figurant dans la demande déposée par le demandeur d’asile et pour dissiper les doutes, qu’ils soient liés aux malentendus ou à des éventuelles contradictions. Ces considérations sont également valables pour la procédure devant le juge de l’asile. Nous avons déjà constaté que l’effectivité de l’accès aux instances de l’asile dépend, d’une part, d’une réglementation prévisible et cohérente au niveau de l’Union, en l’occurrence, concernant le respect du droit d’être entendu (§ 1). D’autre part, la portée de ce droit doit être déterminée en droit national de telle manière que les instances de l’asile puissent prendre leur décision en toute connaissance de l’histoire personnelle du demandeur d’asile. Seule une telle conviction permet de décider définitivement du statut du candidat à l’asile (§ 2).
151
K. Jüriloo, « Free legal aid: a human right », NordicJIL, Vol. 33 (2015), no. 3, p. 204. Le choix de ces garanties procédurales est justifié, d’une part, par leur caractère indispensable pour un accès effectif aux instances de l’asile et, d’autre part, par l’existence d’une jurisprudence abondante notamment dans le domaine du droit d’être entendu afin de mieux présenter comment les spécificités du droit de l’Union influencent le caractère effectif de cet accès. 152
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§ 1 La portée du droit d’être entendu dans l’ordre juridique de l’Union Dans l’intérêt de déterminer la portée du droit d’être entendu, il convient d’identifier d’abord sa base juridique tant dans le droit primaire que dans le droit dérivé. S’il n’existe pas de controverse sur le champ d’application de l’article 47 de la Charte relatif au droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, on ne peut pas en affirmer autant au sujet de l’applicabilité de l’article 41 de la Charte153. Aujourd’hui, le débat s’est estompé et la Cour de justice s’est prononcée en faveur de l’inapplicabilité de l’article 41 de la Charte aux procédures administratives nationales154. La question qui se pose est celle de savoir comment cette jurisprudence élaborée, en fin de compte, au détriment des demandeurs d’asile influence la portée du droit d’être entendu dans une procédure administrative d’asile (A). Étant donné que la directive « procédures » est muette sur le droit d’être entendu pendant la procédure de recours et se contente de garantir le droit au recours effectif, nous nous interrogerons sur la portée confiée à cette effectivité au sens de l’article 47 de la Charte (B).
153 En vertu de cette disposition, « [t]oute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union ». Article 41(1) de la Charte. 154 En ce qui concerne le premier courant jurisprudentiel, dans l’arrêt M.M., la Cour de justice a érigé le droit d’être entendu dans une procédure administrative précontentieuse en un droit autonome inscrit désormais dans la Charte. Cette avancée jurisprudentielle signifie que le droit d’être entendu en tant que droit énoncé dans la Charte dispose d’un effet direct vertical, permettant aux demandeurs d’asile de l’invoquer dans la procédure d’asile. Ce constat est confirmé par la Cour de justice lorsqu’elle énonce que le droit d’être entendu au sens de la Charte est « d’application générale » et qu’elle accorde une portée large à cette garantie procédurale, indépendamment de ses destinataires, qu’ils soient des États membres, des institutions, des organes ou des organismes de l’Union. CJUE (1ère ch.), M. M. contre Minister for Justice, Equality and Law Reform, Ireland et Attorney General, 22 novembre 2012, C-277/ 11, ECLI:EU:C:2012:744, paragraphes 84 et 89. Les mêmes considérations ressortent de l’arrêt H.N. rendu par la Cour de justice. CJUE (4ème ch.), H. N. contre Minister for Justice, Equality and Law Reform e.a., 8 mai 2014, C-604/12, ECLI:EU:C:2014:302. Comme le Professeur Galetta l’a remarqué, il serait contraire au bon sens et même au principe d’égalité de créer une division artificielle entre les cas de l’administration directe de l’Union et les cas de l’administration indirecte. U. Galetta, « Le champ d’application de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sur le droit à une bonne administration : à propos des arrêts Cicala et M. », RTDE, No. 1 (2013), p. 77 – 85. L’auteur était certainement optimiste à la suite du prononcé de l’arrêt M.M. En revanche, la Cour de justice s’est tournée vers une interprétation littérale de l’article 41 de la Charte. CJUE (3ème ch.), YS contre Minister voor Immigratie, Integratie en Asiel et Minister voor Immigratie, Integratie en Asiel contre M et S, 17 juillet 2014, C-141/12 et C-372/12, ECLI:EU:C:2014:2081 ; CJUE (5ème ch.), Sophie Mukarubega contre Préfet de police et Préfet de la Seine-Saint-Denis, 5 novembre 2014, C-166/13, ECLI:EU:C:2014:2336 ; CJUE (5ème ch.), Khaled Boudjlida contre Préfet des Pyrénées-Atlantiques, 11 décembre 2014, C-249/13, ECLI:EU:C:2014:2431 ; CJUE (3ème ch.), M contre Minister for Justice and Equality e.a., 9 février 2017, C-560/14, ECLI: EU:C:2017:101.
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A. La portée du droit d’être entendu dans la procédure administrative d’asile en droit de l’Union Si le débat doctrinal et jurisprudentiel relatif au champ d’application de l’article 41 de la Charte a pris fin, force est de constater que les conséquences de la solution adoptée par la Cour de justice sont significatives (I) et ont un impact considérable sur la détermination de la portée du droit d’être entendu (II).
I. Les conséquences de la jurisprudence restrictive de la Cour de justice relative au champ d’application de l’article 41 de la Charte Il est indéniable que la Cour de justice n’a pas laissé sans protection les demandeurs d’asile, puisqu’elle a analysé le droit d’être entendu en tant que principe général du droit. Dans le sillage du Professeur Jacqué, nous pouvons affirmer que « la catégorie des principes généraux présente l’avantage de la souplesse qui permet les évolutions nécessaires[,] tandis que figer ces garanties dans un article codificateur présente l’inconvénient de proscrire les éventuelles évolutions nécessaires »155. Mais existe-t-il dans la pratique une différence entre les deux concepts qui rendent l’accès à la procédure d’asile le cas échéant moins effectif ? Quand le Professeur Gerkrath s’est interrogé sur la question de l’avenir des principes généraux du droit de l’Union, il a suggéré, en reprenant les termes du Professeur Andriantsimbazovina, que la Constitution européenne rend hommage à l’œuvre prétorienne de la Cour de justice confirmant « la catégorie des droits fondamentaux nonécrits en tant que principes généraux »156. Compte-tenu de ce constat, et a contrario, les principes généraux peuvent-ils servir pour confirmer la jurisprudence de la Cour de justice fondée sur la prise en considération des spécificités du droit de l’Union, en créant un acquis jurisprudentiel modulé en fonction des intérêts en jeu ? Au cours du développement de l’histoire des principes généraux, la Cour de justice les a invoqués par voie prétorienne afin que les droits fondamentaux puissent entrer en jeu dans les litiges en l’absence de catalogue écrit des droits fondamentaux dans le droit primaire. Au-delà de cette volonté de protection élevée des intérêts individuels, il ne faut pas perdre de vue que les principes généraux du droit servent également à l’effectivité et à l’uniformité de l’ordre juridique de l’Union157. 155 J.-P. Jacqué, « Le droit à une bonne administration dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », RFAP, No. 137 – 138 (2011), p. 80. 156 J. Gerkrath, « Les principes généraux du droit ont-ils encore un avenir en tant qu’instruments de protection des droits fondamentaux dans l’Union européenne ? », RAE, 15e année (2006), 1, p. 39. Citation : J. Andriantsimbazovina, « Constitution européenne et droits fondamentaux : au fondement d’une ‹statocratie constitutionnelle› : le virtuel et le réel », Annuaire de droit européen, Vol. 1 (2005), p. 160 – 188. 157 J. Van Meerbeeck, « Les principes généraux du droit de l’Union européenne », In : Les sources du droit revisitées, Vol. 1 (2012), p. 203.
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2ème partie: Une cohérence en apparence
Étant donné que le champ d’application de l’article 41 de la Charte ne couvre pas le droit d’être entendu dans une procédure d’asile nationale, lorsque l’État membre met en œuvre le droit de l’Union, notamment la directive « procédures », il est lié par le droit d’être entendu, non pas comme droit fondamental découlant de la Charte, mais en tant que principe général du droit. Quel est l’intérêt de faire une distinction dans ce cas ? Une certaine retenue ressort de ce comportement, au risque de créer un clivage entre les droits fondamentaux et les principes généraux du droit de l’Union158. En droit de l’Union, la portée du droit d’être entendu est déterminée en fonction de la législation conçue selon différents secteurs159. C’est en raison de cette spécificité que la Cour de justice se montre particulièrement prudente pour reconnaître l’applicabilité de l’article 41 de la Charte, lorsque les États membres mettent en œuvre le droit de l’Union. La spécificité caractérise également le domaine de la concurrence en droit de l’Union. Dans cette perspective, la procédure précontentieuse devant la Commis158 Claudie Weisse-Marchal parvient à une conclusion identique en analysant les conséquences de la différence sémantique entre les notions de « mise en œuvre du droit de l’Union » et « entrer dans le champ d’application du droit communautaire ». C. Weisse-Marchal, « L’applicabilité de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans les ordres juridiques nationaux », Revue de l’Union européenne, No. 573 (2013), p. 601 – 608. À la problématique évoquée s’ajoute la jurisprudence évolutive de la Cour européenne, consacrant implicitement le droit d’être entendu dans les articles 3 et 13 de la Convention. Nous ne disposons pas de jurisprudence constante dans ce domaine, mais nous pouvons d’ores et déjà esquisser certaines tendances dans la politique jurisprudentielle de la Cour européenne. Celleci condamne la méconnaissance de certaines garanties procédurales sur le terrain des articles 3 et 13 de la Convention, lorsque celle-ci conduit à la violation de l’interdiction de refoulement. Dans l’arrêt I.M. c. France, la Cour européenne exigeait un entretien oral pour que le demandeur d’asile puisse clarifier sa situation. Il convient de remarquer que cette affaire a porté sur l’inconventionnalité de l’aménagement d’une procédure d’asile dérogatoire qui nous empêche d’appliquer la position de la Cour européenne par analogie aux procédures d’asile de droit commun. En l’espèce, l’entretien a duré pendant une demi-heure. Par ailleurs, le requérant s’est trouvé en rétention, ce qui l’a empêché de réunir l’ensemble des preuves nécessaires. La Cour européenne a condamné la France sous l’angle de l’article 3 combiné avec l’article 13 de la Convention. En effet, la décision de l’OFPRA contenait une motivation très succincte et celle-ci s’est bornée à relever les incohérences du récit ainsi que l’absence d’éléments probants. Cour EDH (5ème ch.), I.M. c. France, 2 février 2012, n. 9152/09, ECLI:CE:ECHR:2012:0202JUD000915209, paragraphe 146. La Cour européenne en a conclu que « le caractère accéléré de la procédure n’a pas permis au requérant d’apporter des précisions sur ces points, éventuellement par écrit ou au cours d’un second entretien, alors même qu’il a pu, par la suite, dissiper les incohérences supposées et fournir les documents manquants » (paragraphe 147). Il convient de noter que le raisonnement de la Cour européenne ne nous permet pas de définir la portée exacte du droit d’être entendu, sa jurisprudence étant dominée par le concept de l’équité globale de la procédure. Toutefois, en l’occurrence, le vocabulaire utilisé par la Cour européenne (« éventuellement par écrit ou au cours d’un second entretien ») témoigne de sa préférence pour l’organisation d’un entretien oral permettant au demandeur d’asile d’expliciter son récit. 159 S. Peers, The EU Charter of Fundamental Rights: a commentary, Oxford, Hart, 2014, p. 1080.
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sion européenne contient des règles détaillées relatives au contenu du droit d’être entendu. Le Tribunal a déjà relevé, en 2003, dans l’affaire Royal Philips que « le contrôle d’une opération de concentration, opéré sur la base d’une législation nationale, ne saurait être assimilé dans sa portée et ses effets à celui exercé par la Commission »160. Ce constat peut nous éclairer sur une possible réponse à la question de savoir pourquoi l’article 41 de la Charte n’est pas applicable lorsque les États membres mettent en œuvre le droit de l’Union. Certains auteurs considèrent même que la jurisprudence européenne a instauré un système à géométrie variable s’agissant des règles du droit à une bonne administration161. Or, ces constats ont des répercussions importantes sur la portée du droit d’être entendu. II. La portée du droit d’être entendu selon les spécificités sectorielles Nous disposons de très peu de jurisprudence pour prouver notre hypothèse, mais, idéalement, en tant que principe général du droit, le droit d’être entendu devrait contenir les mêmes garanties procédurales dans les domaines relevant du droit de l’Union et les éventuels écarts devraient être justifiés par un objectif particulièrement spécifique et impératif, par exemple lorsque le domaine contient des aspects pénaux, notamment en matière de gel de fonds pour lutter contre le terrorisme. Or tel n’est pas le cas en l’espèce, car, en matière d’asile, la portée du droit d’être entendu est déterminée par les spécificités du droit de l’Union, notamment les objectifs des directives « asile » (1), alors que dans d’autres domaines du droit de l’Union, notamment en droit de la concurrence, de telles restrictions ne sont pas présentes, ce qui conduit à une portée différente du droit d’être entendu, par exemple, dans la procédure précontentieuse devant la Commission européenne (2). 1. Les spécificités déterminant la portée du droit d’être entendu en matière de police des étrangers Les spécificités du droit d’asile de l’Union (a)) déterminent la portée que le droit d’être entendu doit revêtir (b)). a) Les spécificités du droit de l’Union en matière d’asile Afin de présenter les spécificités du droit de l’Union, nous allons nous appuyer sur la jurisprudence de la Cour de justice. Dans l’arrêt M.M., était en cause l’absence de l’audition du requérant dans le cadre d’un entretien lors de l’examen de sa demande de protection subsidiaire à la suite du rejet de sa demande visant à obtenir
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TPICE (3ème ch.), Royal Philips Electronics NV contre Commission des Communautés européennes, 3 avril 2003, T-119/02, ECLI:EU:T:2003:101, paragraphe 283. 161 K. Kecsmar, « Arrêt Mukarubega : droit à une bonne administration à deux vitesses ? », Revue de l’Union européenne, No. 597 (2016), p. 239 – 244.
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le statut de réfugié162. La Cour de justice a non seulement constaté l’applicabilité du droit d’être entendu au sens de l’article 41 de la Charte, mais a également requis le respect de ce droit lors de l’examen tant de la demande visant à obtenir le statut de réfugié que de la demande de protection subsidiaire. Les juges de la Cour ont justifié ce constat, d’une part, par le caractère fondamental du droit d’être entendu, et, d’autre part, par les spécificités caractérisant les demandes de protection. En effet, « ce ne sont pas les mêmes conditions qui doivent être remplies pour l’octroi du statut de réfugié et pour le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, la nature des droits inhérents à ces statuts étant d’ailleurs différente »163. Rappelons que l’objectif du statut conféré par la protection subsidiaire, catégorie juridique issue du droit de l’Union, est de garantir la protection lorsque le demandeur d’asile ne remplit pas les conditions permettant de bénéficier du statut de réfugié, mais il y a des motifs sérieux et avérés de croire qu’en cas de refoulement du demandeur d’asile, il courrait un risque réel de subir des atteintes graves164. Dès lors, la nature différente de ces types de statut semble avoir motivé la Cour de justice à élargir la portée du droit d’être entendu. Dans l’arrêt M.G., le choix de la Cour de justice a également été motivé par les spécificités du droit de l’Union165. Par les questions préjudicielles déférées, la juridiction de renvoi souhaitait savoir si la directive « retour » devait être interprétée au sens où, lorsque, dans le cadre d’une procédure administrative, la prolongation d’une mesure de rétention a été décidée en méconnaissance du droit d’être entendu, il doit être mis fin immédiatement à la rétention166. En l’espèce, les requérants ont été placés en rétention aux fins de leur éloignement et les autorités néerlandaises ne les ont pas entendus. La Cour de justice a notamment souligné que, dans le cadre de leur autonomie procédurale, les États membres ne peuvent pas remettre en cause l’effet utile de la directive « retour »167. Cette dernière vise à assurer une politique de retour efficace168, l’éloignement des ressortissants d’un pays tiers en séjour ir-
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À l’époque des faits, il existait deux procédures distinctes pour traiter les demandes visant à obtenir le statut de réfugié et les demandes de protection subsidiaire en droit irlandais. 163 CJUE, M. M. contre Minister for Justice, Equality and Law Reform, Ireland et Attorney General, 22 novembre 2012, préc., paragraphe 92. 164 Article 2, point f) de la directive 2011/95/UE. Néanmoins, la protection subsidiaire vise à assurer la primauté de la protection découlant de la Convention de Genève, « en s’assurant que les formes subsidiaires de protection […] n’érodent pas la portée essentielle de cette convention ». Conclusions de l’avocat général Bot présentées le 7 novembre 2013, H. N. contre Minister for Justice, Equality and Law Reform et autres, C-604/12, ECLI: EU:C:2013:714, paragraphe 43. 165 CJUE (2ème ch.), M. G. et N. R. contre Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie, 10 septembre 2013, C-383/13 PPU, ECLI:EU:C:2013:533. 166 Ibid., paragraphe 27. 167 Ibid., paragraphe 36. 168 Considérant (4) de la directive 2008/115/CE.
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régulier constituant une priorité pour les États membres169. Or, les intérêts étatiques priment sur les intérêts individuels, notamment eu égard au respect du droit d’être entendu, lorsque l’illégalité du séjour n’est plus en question. Cette considération semble suggérée par la Cour de justice, celle-ci ayant jugé que la violation du droit d’être entendu « n’entraîne l’annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent »170. En l’occurrence, il convient de vérifier si les requérants ont pu faire valoir des éléments de nature à justifier qu’il soit mis fin à leur rétention171. Dit autrement, les spécificités du droit de l’Union, telles qu’elles ressortent de l’arrêt M.M. et imposant une audition supplémentaire déploient leur effet uniquement lorsque l’issue de la procédure est univoque. Autrement, les spécificités de la directive « retour » priment sur celles précédemment évoquées. De manière similaire, dans l’affaire Mukarubega, la requérante n’a pas été entendue au sujet du deuxième arrêté l’obligeant à quitter le territoire français. Répétant les propos de l’avocat général Wathelet, la Cour de justice a relevé que « le droit d’être entendu avant l’adoption d’une décision de retour ne peut être instrumentalisé pour rouvrir indéfiniment la procédure administrative et ce en vue de préserver l’équilibre entre le droit fondamental de l’intéressé d’être entendu avant l’adoption d’une décision lui faisant grief et l’obligation des États membres de lutter contre l’immigration illégale »172. La solution proposée par la Cour de justice a, de nouveau, été fortement influencée par les objectifs qui caractérisent la directive « retour ». C’est la raison pour laquelle la doctrine s’est inquiétée de l’association de l’examen de la demande d’asile et de la décision de retour en une seule procédure173. Or, l’objet de la procédure de l’examen de la demande de protection internationale et celui de la procédure de retour sont différents. Si l’on admet la logique de la jurisprudence M.G., on peut supposer que ces procédures n’auraient pas pu aboutir à un résultat différent, à savoir au constat de l’illégalité de l’éloignement. En revanche, si l’on s’appuie sur l’arrêt M.M., le droit d’être entendu doit être respecté lorsque l’objet des procédures en cause est différent. C’est dans cette mesure que les spécificités du droit de l’Union peuvent conduire à un résultat différent concernant la portée du droit d’être entendu. Avec Marie-Laure BasilienGainche et Tania Racho, nous estimons que la Cour de justice a réduit la portée du droit d’être entendu en se référant à ce droit en tant que principe général du droit de 169 CJUE, M. G. et N. R. contre Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie, 10 septembre 2013, préc., paragraphe 43. 170 Ibid., paragraphe 38. 171 Ibid., paragraphe 40. 172 CJUE, Sophie Mukarubega contre Préfet de police et Préfet de la Seine-Saint-Denis, 5 novembre 2014, préc., paragraphe 71. 173 M.-L. Basilien-Gainche, T. Racho, « Quand le souci d’efficacité de l’éloignement l’emporte sur l’application effective des droits fondamentaux Droit d’être entendu (Directive 2008/115/CE et PGDUE) », RDH, 2014, n. 6, p. 7.
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l’Union. Cette affaire montre, de façon magistrale, pourquoi la Cour de justice a déclaré l’inapplicabilité de l’article 41 de la Charte à une telle situation juridique. De surcroît, cet arrêt démontre parfaitement pourquoi les spécificités sont déterminantes lors de la définition de la portée du droit d’être entendu : les objectifs différents de la directive « procédures » et de la directive « retour » peuvent justifier des solutions divergentes. Le raisonnement de la Cour de justice a été confirmé dans l’arrêt Boudjlida174. Concernant la signification des spécificités du droit de l’Union, il nous semble intéressant d’évoquer les conclusions de l’avocat général Wathelet, selon lesquelles « les modalités du droit d’être entendu dans le cadre de l’adoption d’une décision de retour ne sauraient être décontextualisées de l’objectif de la directive 2008/115 qui vise à ‹fixer des règles claires, transparentes et équitables afin de définir une politique de retour efficace› »175. Ainsi, l’objectif de réaliser cette politique de retour efficace est intimement lié à la portée du droit d’être entendu. En l’occurrence, la juridiction de renvoi souhaitait savoir si le droit d’être entendu impliquait que l’administration puisse communiquer à l’étranger, à l’avance, les éléments sur lesquels elle entend fonder sa décision et lui octroyer un délai pour préparer son audition176. En l’espèce, le requérant a été entendu par les services de police uniquement sur son droit de séjour. Dans son raisonnement, la Cour de justice a commencé par souligner que la directive « retour » ne prévoyait pas cette possibilité. En l’absence d’une telle exigence dans les textes, la Cour de justice dispose d’une marge d’appréciation étendue pour rechercher l’effet utile de la directive « retour ». C’est au regard de cet enjeu que la doctrine a remarqué que la procédure en cause crée un véritable dialogue contradictoire entre l’intéressé et l’administration et, si cette dernière ne doit ni prévenir l’intéressé de son intention d’adopter une décision de retour, ni lui communiquer les éléments mentionnés, l’on se retrouve face à une coquille vide où il est difficile de définir ce qu’il reste du droit d’être entendu177. Dans le cadre d’une telle marge d’appréciation, la Cour de justice aurait pu, certes, décider en ce sens, mais elle a finalement jugé que le droit d’être entendu, tel qu’il ressort de la directive « retour » implique la possibilité d’être entendu sur la légalité du séjour et sur la situation personnelle du demandeur, mais la directive « retour » ne confère
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préc.
CJUE, Khaled Boudjlida contre Préfet des Pyrénées-Atlantiques, 11 décembre 2014,
175 Conclusions de l’avocat général Wathelet présentées le 25 juin 2014, Khaled Boudjlida contre Préfet des Pyrénées-Atlantiques, préc., paragraphe 62. 176 CJUE, Khaled Boudjlida contre Préfet des Pyrénées-Atlantiques, 11 décembre 2014, préc, paragraphe 52. 177 H. Gribomont, « Ressortissants de pays tiers en situation irrégulière : le droit d’être entendu avant l’adoption d’une décision de retour », Journal de droit européen, 23e année (2015), no. 219, p. 192 – 195.
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pas de portée plus large à ce droit178. Dès lors, on peut arguer que les spécificités figurant notamment dans le droit dérivé déterminent la portée du droit d’être entendu en tant que principe général du droit. Lorsque nous analysons de près la directive « procédures », il appert que son objectif principal est de garantir une procédure d’asile équitable et efficace179. À cet objectif s’ajoutent d’autres objectifs spécifiques mis en lumière par la jurisprudence de la Cour de justice. b) La mise en œuvre des spécificités du droit de l’Union : la portée du droit d’être entendu en matière d’asile La directive « procédures » prévoit deux cas dans lesquels l’omission de l’entretien personnel est autorisée, à savoir lorsque l’autorité administrative s’apprête à prendre une décision positive relative au statut de réfugié et lorsque le demandeur n’est pas en état ou en mesure d’être interrogé en raison de circonstances durables indépendantes de sa volonté180. Bien évidemment, l’autorité administrative peut décider sur la demande de protection si aucun entretien personnel n’a eu lieu, en raison de la violation de l’obligation de coopération du demandeur d’asile. Dans ce cas, « les États membres peuvent tenir compte du fait que le demandeur ne s’est pas présenté à l’entretien personnel, sauf s’il avait de bonnes raisons de ne pas se présenter »181. Ce passage garantit une large marge d’appréciation en faveur des États membres, pouvant aller d’un rejet immédiat de la demande jusqu’à l’avertissement du demandeur d’asile lui permettant de présenter des éléments à l’appui de sa demande, sous forme orale ou écrite. Étant donné que l’arrivée d’un nombre important de ressortissants de pays tiers a considérablement ralenti les procédures administratives d’asile, il est indispensable que ces ressortissants puissent présenter des éléments complémentaires pendant l’examen de la demande. La directive « procédures » ne prévoit pas de garanties spécifiques à cet égard et se contente de souligner la nécessité de procéder à un examen approprié de la demande. Dans l’affaire M., prononcé en 2017, la Cour de justice a jugé que le droit d’être entendu n’exige pas que le demandeur de protection subsidiaire bénéficie du droit à un entretien oral ni du droit d’appeler ou de mener un contre-interrogatoire des témoins à l’occasion de cet entretien182. La Cour a justifié sa solution par la circonstance que « le fait qu’un demandeur de protection subsidiaire n’ait pu faire état d’un tel point de vue que sous une forme écrite ne saurait, de manière générale, être 178 CJUE, Khaled Boudjlida contre Préfet des Pyrénées-Atlantiques, 11 décembre 2014, préc., paragraphes 67 – 68. 179 Considérant (4) de la directive 2013/32/UE. 180 Ibid., article 14(2), point b). 181 Ibid., article 14(5). 182 CJUE, M contre Minister for Justice and Equality e.a., 9 février 2017, préc., dispositif.
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considéré comme ne permettant pas de respecter effectivement son droit d’être entendu avant l’adoption d’une décision sur sa demande »183. Ainsi, la déclaration écrite sert également à exprimer le point de vue du demandeur d’asile, et cette solution est satisfaisante, d’autant plus que ni la directive « procédures » ni la directive « qualification » ne prévoit une telle exigence. Or, les motifs justifiant l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire diffèrent considérablement de ceux sous-tendant l’octroi du statut de réfugié. Dès lors, un entretien personnel, dans le cadre duquel l’intéressé peut s’exprimer de façon claire, est inéluctable. La Cour ne manque pas d’évoquer les circonstances spécifiques pouvant justifier le recours à un entretien oral184. Néanmoins, dans la mesure où les directives « asile » ne contiennent pas une telle exigence, la Cour de justice peut marquer sa préférence pour une lecture littérale et restrictive du droit dérivé de l’Union. Les solutions présentées ne s’imposent pas cependant dans tous les domaines dans lesquels la Cour de justice a la compétence de se prononcer. 2. La différence de portée du droit d’être entendu dans d’autres domaines du droit de l’Union Tout d’abord, en ce qui concerne le gel des fonds, nous ne pouvons pas souscrire à l’idée, évoquée par certains auteurs, que la jurisprudence constante du Tribunal dans ce domaine pourrait s’appliquer185. En effet, selon la Cour de justice et le Tribunal, la communication préalable des mesures restrictives « serait de nature à compromettre l’efficacité des mesures de gel de fonds et de ressources économiques »186. Dans cette optique, la finalité de l’adoption des mesures restrictives est liée à l’objectif de lutter contre le terrorisme. Or, l’octroi de l’asile poursuit des finalités différentes et exige la prise en considération de la vulnérabilité des étrangers souhaitant bénéficier de la protection internationale. En revanche, les affaires, dont le cadre factuel ne révèle pas de tels objectifs, tout comme les arrêts rendus en matière du droit de la concurrence, peuvent faire l’objet de comparaison avec les affaires d’asile, d’autant plus que l’enjeu dans ces dernières exige un niveau plus élevé de protection. 183
Ibid., paragraphe 38. Ainsi, un entretien oral doit être organisé, d’une part, si l’autorité compétente n’est pas objectivement en mesure de déterminer les motifs justifiant la protection subsidiaire ; d’autre part, en raison de la vulnérabilité particulière du demandeur, « tel entretien est nécessaire pour lui permettre de s’exprimer de manière complète et cohérente sur les éléments susceptibles d’étayer cette demande ». Ibid., paragraphes 49 et 51. Parmi ces circonstances, l’incohérence et le manque de clarté ont été mis en lumière uniquement dans le cas d’un demandeur d’asile particulièrement vulnérable. 185 S. Janssens, P. Robert, « Le droit d’être entendu en matière d’asile et migration : perspectives belge et européenne », Revue du droit des étrangers, No. 174 (2013) p. 389. 186 CJCE (Gde. ch.), Yassin Abdullah Kadi et Al Barakaat International Foundation contre Conseil de l’Union européenne et Commission des Communautés européennes, 3 septembre 2008, C-402/05 P et C-415/05 P, ECLI:EU:C:2008:461, paragraphe 339. 184
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En ce qui concerne la problématique de l’entretien personnel, comme nous l’avons démontré, son caractère contradictoire revêt une importance fondamentale : lors l’établissement du cadre factuel à partir duquel est effectuée l’appréciation du bien-fondé de la demande, le demandeur d’asile a un intérêt vital à présenter des remarques et surtout des précisions visant à dissoudre les éventuelles incohérences. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, « le principe du contradictoire, dont la Cour assure le respect, impose à l’autorité publique d’entendre les intéressés avant l’adoption d’une décision les concernant »187. En outre, la Cour de justice a même affirmé, dans une affaire portant sur la responsabilité environnementale, que, bien que le droit d’être entendu en toutes circonstances n’ait pas été expressément mentionné dans la directive faisant l’objet du renvoi préjudiciel, la disposition en cause de cette directive ne saurait être interprétée en ce sens que l’autorité compétente n’est pas tenue d’entendre l’exploitant188. Dès lors, cette directive impose à l’autorité compétente d’entendre les exploitants auxquels sont imposées des mesures de réparation environnementale, sauf lorsque l’urgence de la situation environnementale commande une action immédiate de l’autorité compétente189. Ainsi, l’omission d’entendre des intéressés ne peut intervenir qu’exceptionnellement dans ce contexte. De manière similaire, en matière de droit de la concurrence, la Commission européenne peut traiter uniquement des griefs sur lesquels la partie a eu l’opportunité d’être entendue190. Dans une affaire portée devant le Tribunal de première instance, le requérant alléguait qu’en adoptant une décision litigieuse, la Commission a porté atteinte au droit d’être entendu, notamment en ne lui permettant pas d’exposer son point de vue191. Le Tribunal a jugé que les parties dans la procédure administrative devant la Commission devaient être entendues avant que celle-ci ne prenne une décision sur le fond. En effet, la Commission doit entendre les parties 187 CJCE (3ème ch.), Land Oberösterreich et République d’Autriche contre Commission des Communautés européennes, 13 septembre 2007, C-439/05 P et C-454/05 P, ECLI: EU:C:2007:510, paragraphe 35. 188 CJUE (Gde. ch.), Raffinerie Mediterranee (ERG) SpA, Polimeri Europa SpA et Syndial SpA contre Ministero dello Sviluppo economico et autres (C-379/08) et ENI SpA contre Ministero Ambiente e Tutela del Territorio e del Mare et autres (C-380/08), 9 mars 2010, C379/08 et C-380/08, ECLI:EU:C:2010:127, paragraphe 55. Il s’agit de la directive 2004/35/ CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux. JO L 143 du 30. 4. 2004, p. 56 – 75. 189 CJUE, Raffinerie Mediterranee (ERG) SpA, Polimeri Europa SpA et Syndial SpA contre Ministero dello Sviluppo economico et autres (C-379/08) et ENI SpA contre Ministero Ambiente e Tutela del Territorio e del Mare et autres (C-380/08), 9 mars 2010, préc., paragraphe 56. 190 W. B. J. Van Overbeek, « The right to be heard in EC competition cases », In : Droits de la défense et droits de la Commission dans le droit communautaire de la concurrence, p. 233. 191 TPICE (4ème ch.), Alrosa Company Ltd contre Commission des Communautés européennes, 11 juillet 2007, T-170/06, ECLI:EU:T:2007:220, paragraphe 159.
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sur les observations présentées par les tiers ainsi que sur les autres éléments de fait justifiant sa nouvelle conclusion192. Dans cette mesure, le Tribunal a annulé la décision de la Commission. Certes, les parties ont été entendues dans la procédure en cause, mais, dès lors qu’un nouvel élément apparaît, la Commission ne peut omettre d’auditionner les intéressés. Or, cette jurisprudence ne s’applique pas aux procédures d’asile, et le Tribunal a interprété l’article 41 de la Charte en l’espèce. Dès lors, le Tribunal a procédé ainsi, en s’appuyant sur le droit d’être entendu en tant qu’un droit découlant de l’article 41 de la Charte, et non en tant que principe général du droit de l’Union. En ce qui concerne la portée de l’article 47 de la Charte, la situation juridique paraît moins compliquée. B. La portée du droit d’être entendu dans la procédure juridictionnelle d’asile en droit de l’Union Le caractère lacunaire de la directive « procédures » est manifeste : aucune disposition ne prévoit le droit d’être entendu dans une procédure de recours en matière d’asile. La Cour de justice a eu l’occasion de fournir quelques lignes directrices aux juridictions nationales afin de déterminer la portée du droit d’être entendu dans une telle procédure. Notons qu’au moment de la rédaction des présentes lignes, il n’existe qu’un seul arrêt pertinent de la perspective de notre analyse. Dans l’arrêt Sacko, était en cause un ressortissant d’un pays tiers qui a présenté une demande de protection internationale en Italie193. Après avoir entendu les motifs justifiant sa demande, l’autorité administrative responsable a rejeté cette demande comme manifestement infondée. Le requérant a, ensuite, introduit un recours à l’encontre de cette décision administrative, qui a été rejeté. Le requérant n’a pas été entendu par la juridiction administrative. C’est ainsi que le Tribunal de Milan a demandé, à titre préjudiciel, si la directive « procédures » devait être interprétée au sens où elle s’oppose au rejet, par la juridiction nationale, du recours sans procéder à l’audition du demandeur194. Au-delà de la réponse de la Cour de justice (II), il est intéressant de s’attarder sur la manière dont les juges de Kirchberg se sont exprimés sur le caractère lacunaire de la directive « procédures » (I).
192
Ibid., paragraphe 194. CJUE, Moussa Sacko contre Commissione Territoriale per il riconoscimento della Protezione internazionale di Milano, 26 juillet 2017, préc. 194 Ibid., paragraphe 23. 193
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I. Le caractère lacunaire de la directive « procédures » concernant le droit d’être entendu devant les juridictions administratives d’asile La Cour de justice a analysé le contexte normatif de la directive « procédures » en rebondissant sur l’argument de la juridiction de renvoi selon lequel la directive ne contient aucune disposition sur le droit d’être entendu dans le chapitre consacré aux procédures de recours. La Cour de justice a mis en évidence que « les caractéristiques du recours prévu à l’article 46 de la directive 2013/32 doivent être déterminées en conformité avec l’article 47 de la Charte, qui constitue une réaffirmation du principe de protection juridictionnelle effective »195. Autrement dit, la portée du droit d’être entendu doit être déterminée en interprétant l’article 47 de la Charte et il revient à la Cour de justice de définir ce qu’elle entend par un recours effectif. Dans cette perspective, la Cour de justice reconnaît ouvertement l’applicabilité de l’article 6 de la Convention européenne et la jurisprudence de la Cour européenne, en reprenant implicitement les explications relatives à la Charte des droits fondamentaux. Un grand pas a été franchi par la Cour de justice avec l’ouverture d’un dialogue fructueux avec la Cour européenne. Reste à préciser la portée du droit d’être entendu au sens de l’article 6 de la Convention, celle-ci pouvant faire l’objet de variations selon qu’il s’agit d’un contentieux civil ou pénal. II. La portée du droit d’être entendu devant les juridictions administratives d’asile En substance, la Cour de justice est partie du constat selon lequel ce n’est que lorsque la juridiction nationale estime pouvoir effectuer son « examen complet et ex nunc »196 sur la base des seules données du dossier, qu’elle peut décider de ne pas procéder à l’audition du demandeur d’asile197. Si la Cour de justice évoque le nécessaire respect du principe de célérité, l’ordre de ses arguments reflète sa volonté de concilier les spécificités du droit de l’Union avec la protection des droits fondamentaux. En effet, c’est seulement après avoir été persuadé de la possible omission de l’audition que le juge doit tenir compte du principe de célérité. Concrètement, « dans de telles circonstances, la possibilité d’omettre la tenue d’une audience répond à l’intérêt à la fois des États membres et des demandeurs […] que les demandes de protection internationale fassent l’objet d’une décision aussi rapide que possible, sans préjudice de la réalisation d’un examen approprié et exhaustif »198. Cette réflexion a été répétée encore une fois par la Cour de justice lorsqu’elle a argumenté que, si la directive « procédures » prévoit le respect de la célérité, celle-ci « n’autorise aucunement la suppression des formalités nécessaires
195
Ibid., paragraphe 31. Article 46(3) de la directive 2013/32/UE. 197 CJUE, Moussa Sacko contre Commissione Territoriale per il riconoscimento della Protezione internazionale di Milano, 26 juillet 2017, préc., paragraphe 44. 198 Ibid. 196
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afin de garantir le droit à une protection juridictionnelle effective »199. Il nous semble dès lors que la Cour de justice s’est montrée particulièrement ouverte au dialogue, tout en ayant peiné à concilier ouvertement les spécificités du droit de l’Union avec la protection des droits procéduraux des demandeurs d’asile. En tout état de cause, le mérite de cet arrêt réside notamment dans le fait que la Cour de justice préconise un examen individualisé dans chaque cas d’espèce et semble placer la protection des garanties procédurales parmi les priorités à prendre en considération lors de l’appréciation des différents intérêts en jeu.
§ 2 La portée du droit d’être entendu dans les droits nationaux L’analyse du droit de l’Union et de la jurisprudence de la Cour de justice a révélé que le respect du principe de célérité peut justifier certaines limitations du droit d’être entendu. Ces dernières, cependant, ne peuvent être aménagées que de manière exceptionnelle pendant la procédure administrative d’asile (A) et, même dans ce cas, il faudrait remédier à l’éventuelle omission de l’audition du demandeur d’asile pendant la procédure de recours (B) conformément au concept d’équité globale de la procédure. A. L’audition du demandeur d’asile pendant la procédure administrative d’asile Lorsqu’on prend en considération certaines spécificités mises en lumières au niveau européen, il convient d’examiner, dans un premier temps, l’articulation du droit d’être entendu dans la procédure relative à la reconnaissance du statut de réfugié, du statut conféré par la protection subsidiaire et du droit constitutionnel de l’asile (I), puis, dans un second temps, le champ d’application de ce droit lors de la procédure administrative d’asile (II). I. L’articulation du droit d’être entendu dans les différentes procédures de reconnaissance En ce qui concerne le droit allemand, la loi relative à l’asile prévoit que l’Office fédéral examine conjointement les conditions requises pour obtenir le statut de réfugié, le statut conféré par la protection subsidiaire ou par le droit constitutionnel d’asile, et procède à l’entretien personnel200. Néanmoins, le demandeur peut limiter sa demande à l’examen du statut de réfugié et du statut conféré par la protection subsidiaire. Dans ce cas, l’entretien personnel porte uniquement sur l’examen des conditions requises pour ces deux statuts. L’étranger n’a pas cependant la possibilité 199 200
Ibid., paragraphe 45. § 13(2) AsylG.
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d’élargir la portée de l’examen : une fois la procédure d’asile terminée, une autre procédure peut être engagée pour examiner les conditions requises pour le droit constitutionnel d’asile, et aucune disposition de la loi ne prévoit l’absence d’un entretien personnel dans ce cas. Il s’ensuit que le droit allemand garantit dans les cas de figure évoqués un entretien personnel. Quant au droit français, lorsque le demandeur d’asile limite sa demande à l’examen des conditions pour bénéficier du statut de réfugié, puis, à la suite du rejet de sa demande, il introduit une demande de protection subsidiaire, l’entretien oral, selon la pratique, est garanti uniquement dans les limites énoncées dans l’arrêt M. Il s’ensuit que la portée du droit d’être entendu fait l’objet d’un filtrage préalable et, lorsque l’entretien personnel n’est pas nécessaire, la présentation des observations écrites suffit pour rendre une décision sur la demande de protection subsidiaire. D’un côté, il est indispensable d’avancer, dans la décision sur la demande de protection subsidiaire, les motifs justifiant l’absence de l’audition. Ce n’est qu’en respectant cette exigence que la pratique française est conforme au droit de l’Union, tel qu’il découle de la directive « procédures ». D’un autre côté, pour que l’accès à la procédure d’asile soit aussi effectif que dans le droit allemand, l’examen conjoint des motifs justifiant le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire serait une solution idéale pour éviter une éventuelle méconnaissance du droit d’être entendu, compte tenu au risque que l’OFPRA ne justifie pas l’omission de l’entretien personnel. II. Le champ d’application du droit d’être entendu dans la procédure administrative d’asile Le droit allemand prévoit l’entretien personnel, sauf si l’Office fédéral envisage l’octroi du statut de réfugié ou lorsque l’étranger vient d’un État tiers sûr201. Dans tous les autres cas, l’entretien personnel a lieu. En France, en revanche, l’entretien personnel est la règle générale dans la procédure administrative d’asile. Les deux exceptions correspondent à celles prévues par la directive « procédures » : l’entretien personnel peut être omis dans la mesure où l’OFPRA s’apprête à prendre une décision reconnaissant la qualité de réfugié ou lorsque des « raisons médicales, durables et indépendantes de la volonté de l’intéressé »202 ne permettent pas le déroulement de cet entretien. L’omission de l’entretien personnel, qu’elle soit imputable au demandeur d’asile ou à l’autorité administrative, nécessite des mesures compensatoires pour que la procédure d’asile soit ensuite effective. Lorsque l’omission de l’entretien personnel est imputable à l’autorité administrative, elle conduit à l’illégalité de la décision de l’autorité tant en droit allemand203
201 202 203
§ 24(1) AsylG. Article L723 – 6, points 1 – 2 du CESEDA. R. Marx, « AsylG : Kommentar … », op. cit., p. 577.
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qu’en droit français204. En revanche, lorsque cette omission est imputable au demandeur d’asile, la solution adoptée par le législateur français est imprégnée par le respect du principe de célérité (2), alors que le droit allemand marque sa préférence pour un aménagement procédural, qui, certes, ne reflète pas le respect de ce principe, mais accorde une protection procédurale étendue aux demandeurs d’asile (1). 1. Une solution guidée par le respect des droits procéduraux des demandeurs d’asile en droit allemand Lorsque le demandeur d’asile n’accomplit pas son obligation de coopération, la loi relative à l’asile opère une distinction entre les demandeurs d’asile selon qu’ils sont obligés de vivre dans un centre d’accueil ou non. Dans tous les cas, si le demandeur d’asile parvient à présenter une excuse valable, l’entretien personnel aura lieu. Dans le premier cas, lorsque le demandeur d’asile vit dans un centre d’accueil, l’audition intervient, en règle générale, le jour même de l’enregistrement de la demande d’asile, et la règle générale est l’audition directe (Direktanhörung)205. Si le demandeur d’asile ne se présente pas, l’Office fédéral décide sur dossier206. Dans ce dernier cas, les observations écrites du demandeur d’asile peuvent être prises en compte par l’Office fédéral207. Dès lors, les dispositions de la 204 Le Conseil d’État a jugé que, dans la mesure où l’Office prend sa décision, sans avoir procédé préalablement à l’audition du demandeur d’asile, il revient à la Cour nationale du droit d’asile d’annuler cette décision et de renvoyer l’examen de la demande d’asile à l’OFPRA, si « l’Office n’était pas dispensé par la loi de convoquer le demandeur à une audition et que le défaut d’audition est imputable à l’Office », sauf si la CNDA est en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection. CE (28-78 sssect. réunies), 10 octobre 2013, N8 362798, ECLI:FR:CESSR:2013:362798.20131010, paragraphe 5. La jurisprudence de la CNDA est riche d’enseignements concernant la problématique évoquée. Dans la mesure où l’OFPRA commet une erreur d’expédition, empêchant ainsi l’audition du demandeur d’asile, et, dans la mesure où la CNDA ne dispose pas d’éléments suffisants pour décider sur la demande d’asile, celle-ci est tenue de renvoyer l’affaire devant l’OFPRA (CNDA, 31 janvier 2013, N. 12008407). L’OFPRA est tenu de procéder à l’audition du demandeur d’asile. Une telle solution s’impose également lorsque la convocation à l’audition est expédiée le jour même de l’entretien (CNDA, 31 janvier 2013, N. 11022989 et 11022988). Il en va de même lorsque le requérant n’a reçu la convocation que postérieurement à la date de l’entretien, et ce, parce que l’association domiciliant le requérant a commis une erreur de distribution et que, malgré cette circonstance, le requérant a respecté son obligation de coopération (CNDA, 24 mai 2016, N. 15029515). La question d’imputabilité doit toujours faire l’objet d’un examen permettant d’apprécier la régularité de l’omission de l’entretien personnel. CE (8ème ch.), 23 décembre 2016, N8 394106, ECLI:FR:CECHS:2016: 394106.20161223. 205 J. Bergmann, K. Dienelt, « Ausländerrecht… », op. cit., p. 2572. 206 « Bei einem Ausländer, der verpflichtet ist, in einer Aufnahmeeinrichtung zu wohnen, soll die Anhörung in zeitlichem Zusammenhang mit der Asylantragstellung erfolgen. […] Erscheint der Ausländer ohne genügende Entschuldigung nicht zur Anhörung, entscheidet das Bundesamt nach Aktenlage, wobei auch die Nichtmitwirkung des Ausländers zu berücksichtigen ist ». § 25(4) AsylG. 207 R. M. Hofmann, « Ausländerrecht… », op. cit., p. 2053.
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directive « procédures », selon lesquelles les États membres peuvent tenir compte de l’omission de l’audition du demandeur d’asile, ne déploient leurs effets que rarement. Lorsque le demandeur d’asile ne vit pas dans un centre d’accueil et qu’il ne se présente pas à l’entretien personnel, il dispose d’un mois pour présenter des observations écrites208. Mais la « sanction » consistant à présenter uniquement des observations écrites ne peut arriver que si le demandeur d’asile ne s’est pas présenté à l’entretien oral et s’il n’a pas présenté d’excuses valables. Le seul fait que le demandeur d’asile n’accomplit pas son obligation de coopération ne peut être jugé contre sa demande209 et son dossier ne peut pas être clôturé. Lorsque, en revanche, le requérant ne présente pas d’observations écrites dans un délai d’un mois, l’Office peut décider sur dossier. Il convient de remarquer que, si le législateur allemand a établi une règlementation favorable aux demandeurs d’asile, celle-ci va de pair avec un délai relativement bref afin de respecter le principe de célérité. Il arrive dans la pratique que le demandeur d’asile soit invité à un entretien personnel, mais la lettre de convocation ne peut pas lui être notifiée, et l’intéressé n’a pas ainsi l’occasion de présenter ses observations écrites. Une telle situation s’est produite dans une affaire portée devant le Tribunal administratif de Düsseldorf, dans laquelle l’intéressé pouvait finalement former un recours à l’encontre de la décision de rejet de l’Office fédéral puisque celui-ci a pris connaissance de sa nouvelle adresse. Dans cette affaire, la juridiction de céans s’est longuement attardée sur les conséquences de l’omission de l’entretien personnel pendant la phase administrative sur l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile. En rappelant les exigences prévues au niveau du droit de l’Union, cette juridiction a relevé qu’il existe un droit, d’une part, à une décision de l’autorité sur la demande d’asile et, d’autre part, à un entretien officiel avant qu’une décision sur le fond de la demande d’asile ne soit prise, et le demandeur en serait privé s’il y avait une obligation judiciaire de prendre une décision, sans respecter les droits invoqués210. En outre, le Tribunal administratif souligne les limites de l’équité globale de la procédure. En effet, le droit d’être entendu n’étant pas de droit absolu, on peut remédier aux limitations portées à ce droit au stade du recours. En revanche, la 208 « Bei einem Ausländer, der nicht verpflichtet ist, in einer Aufnahmeeinrichtung zu wohnen, kann von der persönlichen Anhörung abgesehen werden, wenn der Ausländer einer Ladung zur Anhörung ohne genügende Entschuldigung nicht folgt. In diesem Falle ist dem Ausländer Gelegenheit zur schriftlichen Stellungnahme innerhalb eines Monats zu geben. Äußert sich der Ausländer innerhalb dieser Frist nicht, entscheidet das Bundesamt nach Aktenlage ». § 25(4) AsylG. 209 BVerfG, 26 mai 1994, 2 BvR 1183/9. 210 « Das macht deutlich, dass ein Anspruch auf eine Entscheidung über den Asylantrag durch die Behörde und auf eine behördliche Anhörung vor einer Entscheidung über den Asylantrag in der Sache besteht. Beides würde dem Kläger genommen, wenn eine gerichtliche Verpflichtung zur „Durchentscheidung“ bestünde ». VG Düsseldorf (6ème ch.), 28 novembre 2016, 6 K 12579/16.A, ECLI:DE:VGD:2016:1128.6K12579.16 A.00, paragraphe 41.
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particularité de la procédure d’asile commande une solution davantage nuancée. C’est ainsi que le Tribunal administratif de Düsseldorf constate qu’un entretien par la juridiction administrative lors de l’audience ne peut pas toujours satisfaire aux exigences d’un entretien personnel prévues dans la directive « procédures »211. C’est pourquoi l’omission de l’entretien personnel pendant la procédure administrative d’asile ne peut intervenir que dans les circonstances exceptionnelles imputables au demandeur d’asile212. Autrement, l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile serait compromise. Contrairement au droit allemand, le législateur français a pleinement exploité la possibilité obscure figurant dans la directive « procédures », permettant aux États de tenir compte du fait que le demandeur ne s’est pas présenté à l’entretien. 2. Une solution guidée par le respect du principe de célérité en droit français Lorsque l’étranger ne se présente pas à l’entretien mené par le personnel de l’OFPRA, une possibilité lui est accordée de présenter des excuses valables justifiant son absence. Le CESEDA ne prévoit pas de délai pour procéder ainsi. Lorsque le demandeur d’asile ne justifie pas son absence, l’Office français a deux possibilités. Premièrement, il peut statuer sur dossier. En effet, selon les dispositions du CESEDA, « l’absence sans motif légitime du demandeur, dûment convoqué à un entretien, ne fait pas obstacle à ce que l’office statue sur sa demande »213. Cette solution permet encore au demandeur d’asile débouté de présenter un recours devant la Cour nationale du droit d’asile. Deuxièmement, l’OFPRA peut également décider de prendre la décision de clôturer l’examen de la demande de protection. Les dispositions du CESEDA permettent le recours à cette solution juridique lorsque le demandeur d’asile, sans motif légitime, ne s’est pas présenté à l’entretien organisé par l’OFPRA214. Dans ce cas, le demandeur d’asile dispose d’un délai de neuf mois pour demander la réouverture du dossier, ce qui implique la poursuite d’une procédure d’asile de droit commun. L’élément commun de ces options est l’établissement d’un processus décisionnel rapide, tout en laissant une marge de manœuvre au demandeur d’asile pour se justifier ou pour demander la réouverture du dossier. Il serait, dans cette mesure, souhaitable de prévoir le délai dans lequel des excuses valables pourraient être présentées, en vue de respecter, non seulement le principe de célérité, mais 211
Ibid., paragraphe 43. Il en va ainsi notamment lorsque les requérants ne se sont pas présentés à leur entretien personnel auquel ils ont été dûment invités. Ils n’ont pas non plus fourni immédiatement la preuve que leur absence à l’entretien était due à des circonstances sur lesquelles ils n’avaient aucun contrôle. VG Hannover (1ère ch.), 21 novembre 2018, 1 B 6754/18, ECLI:DE:VGHANNO:2018:1121.1B6754.18.00, paragraphe 6. Voir encore : VG Minden (10ème ch.), 21 septembre 2018, 10 K 3037/18.A, ECLI:DE:VGMI:2018:0921.10K3037.18 A.00. 213 Article L723 – 6 du CESEDA. 214 Article L723 – 13 du CESEDA. 212
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aussi le principe de sécurité juridique. En tout état de cause, et comme possibilité ultime, la Cour nationale du droit d’asile annule la décision de l’OFPRA lorsque le requérant a été privé d’un entretien personnel en dehors des cas prévus par la loi215. Il convient de remarquer que les défaillances constatées peuvent être cependant réparées devant les juridictions administratives chargées du réexamen du rejet de la demande de protection internationale. B. Le droit d’être entendu du demandeur d’asile pendant la procédure de recours Le droit de l’Union prévoit au moins un entretien oral dans le cadre duquel le demandeur d’asile peut être entendu sur les motifs justifiant sa demande de protection internationale. Tant le droit allemand (I) que le droit français s’accordent sur une telle portée du droit d’être entendu. Néanmoins, la jurisprudence administrative française sera tenue de clarifier son approche à l’avenir, en effectuant le cas échéant un renvoi préjudiciel, pour déterminer la portée du droit d’être entendu dans les cas où la Cour nationale du droit d’asile décide par ordonnance (II). I. La portée quasi absolue du droit d’être entendu en droit allemand L’article 103, paragraphe (1) de la Loi fondamentale ne prévoit pas de formalité concrète visant à respecter le droit d’être entendu, ce dernier n’exigeant pas forcément une audience (mündliche Verhandlung)216. Il n’en va pas de même lorsque la conviction personnelle du juge dépend du récit de l’intéressé, par exemple dans la procédure d’asile217. C’est ainsi que l’audience, à laquelle il est possible de renoncer, est la règle générale dans le Code de justice administrative218. Étant donné cependant que le droit d’être entendu n’est pas un droit absolu, les restrictions apportées doivent respecter le test de proportionnalité. L’Office fédéral peut rejeter la demande de protection internationale en tant que manifestement infondée au sens du § 30, paragraphe (3), point 5 de la loi relative à l’asile, lorsque le demandeur d’asile ne s’est pas présenté à l’entretien oral et n’a pas présenté d’observations écrites. Cette solution est cependant exceptionnelle, la loi exigeant la preuve d’une violation grave de l’obligation de coopération (grobe Verletzung der Mitwirkungspflichten). Cette situation se produit notamment lorsque le demandeur d’asile ne participe pas à l’entretien personnel, qu’il est informé à nouveau de son obligation de coopération, mais qu’il ne se présente pas à un deu215
CNDA, 3 avril 2018, N. 15033491 C. H. von Mangoldt, F. Klein, C. Starck, Kommentar zum Grundgesetz, 6., vollständig neubearb. Aufl., München, Vahlen, 2010, p. 986. 217 K. Stern, F. Becker, Grundrechte-Kommentar, 2. Aufl., Köln, Heymann, 2016, p. 1583. 218 § 101(1) VwGO. Voir : OVG Sachsen, 29 juillet 2008, A 5 B 340/07. 216
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2ème partie: Une cohérence en apparence
xième entretien personnel219. L’Office fédéral décide sur dossier et, si le demandeur d’asile a violé gravement son obligation de motivation, il n’aura plus l’opportunité d’être entendu puisque la procédure de recours en cas de demandes irrecevables ou manifestement infondées au sens du § 36 de la loi relative à l’asile se déroule dans le cadre d’une procédure écrite. Dans ce cas, le contrôle juridictionnel porte sur la vérification de la conformité de la décision administrative au contenu du dossier220. Cette situation est cependant exceptionnelle, puisque dans la phase de recours, la tenue d’une audience est la règle générale. L’omission de l’audience est exceptionnelle et résulte de l’absence de coopération du demandeur d’asile. Il en va ainsi lorsque les demandeurs d’asile ne se présente pas à l’audience devant la juridiction administrative. Devant le Tribunal administratif d’Aachen, le requérant a reproché au Tribunal de s’être prononcé malgré son absence. Cette juridiction a cependant rejeté le recours, en soulignant que le requérant avait été régulièrement informé de la date de l’audience221. Les requérants peuvent présenter par ailleurs une déclaration d’accord (Einverständniserklärung) leur permettant de renoncer à la tenue de l’audience. En l’absence d’une telle déclaration, la décision du tribunal administratif rendue sans audience porte atteinte au droit d’être entendu, indépendamment de ce que la partie concernée aurait encore voulu dire et du fait que ce qu’elle aurait voulu dire aurait été, ou non, substantiel222. Ces quelques exemples montrent que l’omission de l’audience est exceptionnelle et qu’elle est imputable, dans la plupart des cas, au demandeur d’asile. Enfin, il convient de noter qu’en vertu du § 84 du Code de justice administrative, le tribunal peut décider par ordonnance, sans audience, si l’affaire ne présente pas de difficultés particulières, de nature factuelle ou juridique, et si les faits de l’affaire 219
VG München, 1 août 2017, M 26 S 17.40913. VG Frankfurt (Oder) (6ème ch.), 4 août 2016, 6 L 164/16.A, ECLI:DE: VGFRANK:2016:0804.6 L164.16.A.0 A, paragraphe 7. « Entscheidet das Bundesamt wie hier nach Aktenlage gemäß § 25 Abs. 5 Satz 3 AsylG, weil die Antragstellerin ohne genügende Entschuldigung nicht zur Anhörung erschienen ist und sich auch nicht innerhalb der gesetzten Frist von einem Monat zur schriftlichen Stellungnahme geäußert hat, beschränkt sich die gerichtliche Überprüfung der Entscheidung darauf, ob die gesetzlichen Voraussetzungen vorlagen und ob der Inhalt der Entscheidung von der Aktenlage beim Bundesamt – unter weiterer Berücksichtigung des Nichterscheinens des Ausländers, § 25 Abs. 5 Satz 3 AsylG – gedeckt war. Ist dies der Fall, so ist nachträgliches Vorbringen, insbesondere zu den Asylgründen, unbeachtlich ». 221 VG Aachen (2ème ch.), 26 juin 2007, 2 K 2466/05.A, ECLI:DE:VGAC: 2007:0626.2K2466.05 A.00 ; VGH Bayern, 28 mars 2006, 1 ZB 06/30348. 222 « Ein verwaltungsgerichtliches Urteil, das – wie hier mangels Einverständniserklärung nach § 101 Abs. 2 VwGO – ohne die gebotene mündliche Verhandlung (§ 101 Abs. 1 VwGO) ergangen ist, verletzt das Recht auf Gewährung rechtlichen Gehörs im Sinne des § 138 Nr. 3 VwGO (i. V. mit § 78 Abs. 3 Nr. 3 AsylVfG), ohne dass es darauf ankommt, was der Beteiligte noch hätte vortragen wollen und ob dies erheblich gewesen wäre ». VGH Baden-Württemberg, 19 janvier 2006, A 5 S 51/06. 220
Titre I: Le nécessaire encadrement de l’autonomie procédurale
299
ont été clarifiés223. Cela étant dit, même dans ce cas, les parties peuvent être entendues à l’avance224. Cette audition porte sur la substance du litige en vue d’éviter des jugements surprenants (Überraschungsurteil)225. Nous disposons de très peu de jurisprudence dans laquelle cette disposition a été réellement appliquée. Dans la pratique, son déclenchement intervient notamment lorsque le lieu de séjour du demandeur d’asile est inconnu226. Il suit de cette analyse que si le droit d’être entendu peut subir des limitations dans la législation, dans la quasi-totalité des cas, une audience est organisée pour que le demandeur d’asile puisse clarifier son récit. Le droit français, en revanche, suit la logique de l’équité globale de la procédure. II. La portée du droit d’être entendu en conformité avec l’équité globale de la procédure en droit français Si l’examen de la demande de protection internationale n’a pas été clôturé, la Cour nationale du droit d’asile entend le demandeur d’asile dans le cadre d’une audience. À l’instar du droit allemand, au moins un entretien oral doit être organisé pendant la procédure d’asile, y compris pendant la procédure de recours. Dans une affaire portée devant la Cour nationale du droit d’asile, le requérant a été convoqué à quatre reprises devant l’OFPRA. Même s’il a fourni des certificats médicaux pour justifier ses absences, certains présentaient un caractère laconique, de sorte que l’Office français a pris sa décision sans l’avoir entendu227. Cette décision n’a pas été remise en question, d’autant plus que la Cour nationale du droit d’asile, juridiction de plein contentieux, a entendu le demandeur d’asile lors de l’audience et a décidé en substance sur le bien-fondé de sa demande. En procédant ainsi, la Cour nationale du droit d’asile a veillé à ce qu’au moins une audition orale soit organisée pendant le déroulement de la procédure d’examen de la demande de protection internationale. Bien évidemment, comme le Conseil d’État l’a précisé, lorsque l’avis d’audience n’est pas envoyé à l’adresse du requérant, celui-ci « est fondé, eu égard notamment à l’importance que revêtent l’audience et les procédures orales dans cette procédure, en particulier pour l’appréciation des faits, à demander l’annulation de la décision rendue par cette Cour au motif qu’elle est intervenue au terme d’une procédure irrégulière »228. 223
« Das Gericht kann ohne mündliche Verhandlung durch Gerichtsbescheid entscheiden, wenn die Sache keine besonderen Schwierigkeiten tatsächlicher oder rechtlicher Art aufweist und der Sachverhalt geklärt ist ». § 84(1) VwGO. 224 Ibid. 225 K. Redeker, H. J. von Oertzen, M. Redeker, P. Kothe, H. von Nicolai, Verwaltungsgerichtsordnung : Kommentar, 16., überarb. Aufl., Stuttgart, Kohlhammer, 2014, p. 575. 226 VG Aachen (9ème ch.), 12 novembre 2003, 9 K 1001/03.A, ECLI:DE:VGAC: 2003:1112.9K1001.03 A.00. 227 CNDA (1ère section, 3ème ch.), 22 avril 2016, N814036914. 228 CE (10ème ch.), 7 juin 2018, N8 414389, ECLI:FR:CECHS:2018:414389.20180607.
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2ème partie: Une cohérence en apparence
En vertu de l’article L733 – 2 du CESEDA, « [l]e président et les présidents de section, de chambre ou de formation de jugement peuvent, par ordonnance, régler les affaires dont la nature ne justifie pas l’intervention de l’une des formations »229. Était en cause un demandeur d’asile dont la demande a été rejetée au motif que ses déclarations relatives à ses craintes sont apparues peu spontanées230. L’OFPRA l’a entendu sur les motifs justifiant sa demande d’asile. Dans son recours, il a allégué la violation de l’article 47 de la Charte et critiqué la procédure de juge unique statuant par ordonnance dans ce type d’affaire. Dans son appréciation, la présidente de la Cour nationale du droit d’asile a jugé que, premièrement, le requérant ne présentait aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision du directeur général de l’OFPRA, deuxièmement, que « le requérant, qui a pu présenter un recours et bénéficier de l’aide juridictionnelle totale, moyennant laquelle il est représenté par un conseil pour plaider sa cause, dont la demande est examinée par un rapporteur puis un magistrat, le requérant étant mis à même de prendre connaissance des pièces du dossier […], n’établit pas en quoi les dispositions de l’article 47 de la Charte […] seraient méconnues »231. Selon le Conseil d’État, le fait de régler par ordonnance les affaires dont la nature ne justifie pas l’intervention d’une décision collégiale, n’est incompatible ni avec la Convention de Genève, ni avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne232. En revanche, le Conseil d’État n’a pas explicité si ce résultat s’imposait également lorsque le demandeur d’asile n’a pas été entendu par l’OFPRA. L’arrêt cité de la Cour nationale du droit d’asile s’inscrit cependant dans la droite ligne de l’arrêt Sacko. En effet, la présidente de la Cour nationale du droit d’asile a expliqué pourquoi la tenue d’une audience n’était pas nécessaire. Enfin, le Conseil d’État a souligné qu’aucune disposition du CESEDA n’impose que le requérant soit préalablement avisé du fait qu’il est envisagé de statuer sur sa demande par ordonnance233. En revanche, la situation paraît plus compliquée lorsque le requérant ne bénéficie pas d’entretien personnel devant l’OFPRA et que la Cour nationale du droit d’asile envisage de décider par ordonnance dans un tel cas ou dans le cas d’un recours manifestement irrecevable pour tardiveté ou pour défaut de moyen sérieux. Par ailleurs, la Cour nationale du droit d’asile est également tenue d’entendre l’intéressé lorsque, à la suite du rejet de la demande de protection internationale, l’OFPRA n’a pas procédé à l’entretien personnel relatif à la demande de protection subsidiaire. Afin d’éviter la méconnaissance du droit d’être entendu, le magistrat auprès de la Cour nationale du droit d’asile doit avoir la certitude que les moyens présentés par le demandeur d’asile n’aboutiront pas dans son cas individuel à une 229
L733 – 2 (1) du CESEDA. CNDA, 30 novembre 2016, N816023470, paragraphe 2. 231 Ibid., paragraphe 5. 232 CE (28-78 ss-sect. réunies), 7 novembre 2012, N8 350355, ECLI:FR:CESSR: 2012:350355.20121107, paragraphe 3. 233 Ibid., paragraphe 4 ; Voir encore : CE (108-98 ss-sect. réunies), 10 décembre 2008, N8 284159. 230
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décision positive sur sa demande de protection, en application mutatis mutandis des enseignements de l’arrêt Sacko. Il revient à la Cour nationale du droit d’asile d’effectuer le cas échéant un renvoi préjudiciel pour que la Cour de justice puisse clarifier sa conception concernant ce sujet. L’analyse a révélé que la détermination de l’ensemble des règles définissant la portée du droit d’être entendu pendant la procédure administrative d’asile est imprégnée par les spécificités du droit de l’Union et qu’une telle portée ne correspond pas forcément à celle prévalant dans d’autres domaines couverts par le droit de l’Union. Les droits nationaux ont réceptionné cet ensemble de règles. Tandis que le droit allemand accorde une protection étendue aux demandeurs d’asile en termes de droits procéduraux, le droit français s’inscrit dans la droite ligne des dispositions de la directive « procédures ». Toutefois, si le droit dérivé de l’Union contient des dispositions lacunaires, la Cour de justice commence à clarifier la portée du droit d’être entendu dans les procédures devant les tribunaux administratifs, grâce aux questions préjudicielles présentées devant elle. Les modifications proposées de certaines règles techniques en droit français trouvent leur source en droit allemand et nécessitent, par ailleurs, un dialogue plus approfondi entre la Cour nationale du droit d’asile et la Cour de justice.
Section II: L’assistance juridique et linguistique comme condition sine qua non de l’accès effectif aux instances de l’asile L’assistance juridique et linguistique constitue une garantie fondamentale pour un ressortissant de pays tiers ne maîtrisant ni le droit ni la langue de l’État d’accueil. Bien qu’il ne s’agisse pas de droits absolus, les limitations prévues par la loi ne peuvent, d’une part, priver les demandeurs d’asile de l’accès aux instances de l’asile, et, d’autre part, rendre cet accès ineffectif au sens où l’examen du bienfondé de leur demande de protection aboutirait à un résultat moins favorable, du seul fait que ces garanties n’ont pas été assurées dans la procédure de manière appropriée. Rappelons que ce résultat moins favorable peut affecter le demandeur d’asile pour deux motifs : d’une part, en raison de l’aménagement défaillant des garanties procédurales dans l’État d’accueil qui est susceptible de conduire à l’octroi d’un statut de protection moins favorable par rapport à celui que le demandeur d’asile a sollicité ; d’autre part, compte tenu de la large autonomie procédurale dont les États membres bénéficient dans ce domaine, ces mêmes garanties procédurales peuvent être aménagées de manière sensiblement différente d’un État membre à l’autre. Nous allons examiner séparément le droit à l’assistance linguistique (§ 1) et le droit à l’assistance juridique. À ce dernier égard, nous focaliserons notre analyse sur le droit à l’aide juridictionnelle (§ 2).
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§ 1 Les garanties inhérentes au droit à l’assistance linguistique La détermination cohérente de la portée du droit à l’assistance linguistique au niveau européen (A) est indispensable pour que la réception de ce droit ne soit pas fragmentée au niveau national (B). La directive ne contenant que des indications minimales, les différences substantielles relatives à la portée de ce droit d’un système juridique à l’autre peuvent conduire à des solutions diverses. A. Les garanties inhérentes au droit à l’assistance linguistique au niveau européen La directive « procédures » contient des dispositions déterminant la portée de l’assistance linguistique (I). Cependant, lors de la réception de ces garanties, les États membres ne peuvent faire fi des exigences qui découlent de la jurisprudence de la Cour européenne, qui ont été établies sur le terrain des articles 3 et 13 de la Convention et de l’article 4 du Protocole n. 4 (II). I. L’assistance linguistique dans la directive « procédures » En premier lieu, l’accès aux services d’un interprète, qui constitue la terminologie officielle de la directive « procédures », fait partie des garanties minimales que la procédure d’examen de la demande de protection internationale devrait, en principe, accorder aux demandeurs d’asile234. En vertu des dispositions de la directive « procédures », les demandeurs d’asile « bénéficient, en tant que de besoin, des services d’un interprète pour présenter leurs arguments aux autorités compétentes »235. L’incise « en tant que de besoin » accorde une marge d’appréciation aux États dans le choix des critères en fonction desquels ils garantissent l’accès aux services de l’interprète. La directive ajoute que l’interprète doit être capable d’assurer une communication appropriée entre le demandeur et la personne qui mène l’entretien236. De surcroît, l’expression de « communication appropriée » est également floue. C’est ainsi que le HCR prévoit certaines garanties pour que la communication soit effective. Concrètement, l’interprète doit rester neutre dans la formulation des phrases tout en évitant les ajouts et les omissions, il doit être impartial et ne peut fournir de conseils procéduraux ou juridiques aux demandeurs d’asile237. 234
Considérant (25) de la directive 2013/32/UE. Ibid., article 12(1) point b). 236 Ibid., article 15(3), point c). 237 UNHCR : « Improving asylum procedures : comparative analyses and recommendations for law and practice », mars 2010, https://www.unhcr.org/protection/operations/4 ba9d99d9/improving-asylum-procedures-comparative-analysis-recommendations-law-practice. html (consulté le 27 février 2018), p. 115. Il convient de remarquer que le HCR recommande de garantir les services de l’interprète tout au long de l’examen de la demande de protection internationale et pas uniquement dans le cadre de la procédure administrative d’asile. 235
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En ce qui concerne la portée de l’accès aux services d’un interprète, la directive « procédures » n’est pas claire. En effet, l’utilisation de l’expression « présenter les arguments » aux autorités compétentes ne signifie pas pour autant que la mise à disposition d’un interprète devrait être garantie uniquement pendant l’entretien personnel. Bien au contraire, réduire la portée de l’accès aux services d’un interprète à l’entretien personnel équivaut à une privation de l’accès à la procédure d’asile, puisque l’introduction d’une demande de protection internationale peut se heurter à des difficultés insurmontables en l’absence de la connaissance de la langue de l’État d’accueil. En second lieu, l’accès aux services d’un interprète est uniquement prévu pour la procédure administrative d’asile, mais pas pour la procédure de recours, la directive « procédures » prévoyant uniquement le respect du droit au recours effectif238. Or, la Cour européenne a eu l’occasion de définir ce qu’elle entend par un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention. Étant donné que la Convention européenne est un « instrument vivant », la garantie de la représentation linguistique apparaît dans la jurisprudence de la Cour européenne sur le terrain de l’article 13 ainsi que dans le contexte de l’article 4 du Protocole n. 4. II. L’assistance linguistique en droit conventionnel La Cour européenne n’hésite pas à interpréter certaines garanties procédurales applicables dans les procédures d’asile sur le terrain de l’article 4 du Protocole n. 4 relatif à l’interdiction des expulsions collectives des étrangers (1), ou sur celui de l’article 13 de la Convention relatif au droit au recours effectif en combinaison avec les dispositions interdisant les traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 3 de cette même Convention (2). 1. Le droit à l’assistance linguistique dans les procédures relatives aux expulsions collectives L’absence de recours effectif et accessible peut également être examinée sous l’angle de l’article 4 du Protocole n. 4239. À l’instar de l’article 3 de la Convention, l’article 4 du Protocole n. 4 dispose d’un volet procédural. Cela signifie que lors de l’examen de la conventionnalité d’une démarche nationale s’apparentant à une expulsion collective, la Cour européenne interprète, de manière indirecte, les garanties procédurales nécessaires pour l’accès à la justice. Les expulsions collectives constituant des refoulements, celles-ci peuvent entraîner des conséquences irréversibles. Il s’ensuit que l’interprétation des garanties procédurales sous cet angle 238 Notons qu’à la rédaction de la présente étude, la Cour de justice n’a pas encore rendu d’arrêt pertinent dans ce domaine, raison pour laquelle nous n’analysons pas sa jurisprudence. 239 Cour EDH, Guide sur l’article 4 du Protocole n8 4 à la Convention européenne des droits de l’homme, p. 10. https://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_4_Protocol_4_FRA. pdf (consulté le 5 avril 2018).
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2ème partie: Une cohérence en apparence
s’impose de la même manière que celle faite sur le terrain des articles 3 et 13 de la Convention. C’est pourquoi l’examen des expulsions collectives est pertinent dans le cadre de notre étude. Dans l’arrêt Sharifi et autres c. Italie et Grèce, la Cour européenne a conclu à la condamnation de l’Italie sous l’angle de l’article 4 du Protocole n. 4 au motif que la reconduite des requérants vers la Grèce constituait une expulsion collective240. Les requérants ont essayé à plusieurs reprises d’entrer sur le territoire italien mais la police des frontières les a interceptés et refoulés immédiatement241. Dans ces affaires jointes, les requérants ont déclaré que, tandis que les autorités grecques les avaient placés en détention, démarche supposant leur identification, l’Italie les a refoulés sans aucune mesure d’identification et, dans tous les cas, ils ne pouvaient pas solliciter l’asile. Pour justifier la violation de la disposition précitée, la Cour européenne a relevé que les intéressés devraient pouvoir exprimer au cours de l’identification leur souhait de bénéficier de l’asile et que la participation d’un interprète au processus d’identification est indispensable242. Ce constat est ainsi susceptible de combler la règlementation défaillante du droit de l’Union, en particulier du droit à l’assistance linguistique pour que l’accès à la procédure administrative d’asile soit effectif. L’on pourrait affirmer que l’exigence posée par la Cour européenne relative au droit à l’assistance linguistique est uniquement prévue pour la procédure d’identification. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que la directive « procédures » n’exige pas de forme particulière pour introduire une demande de protection internationale et autorise en même temps le dépôt de la demande aux autorités de police qui sont tenues de la transmettre à l’autorité administrative compétente. En l’espèce, la Cour européenne a ponctuellement déterminé la portée du droit à l’interprète : il doit comprendre la communication constante avec les autorités nationales pour que l’étranger puisse exprimer son souhait de demander l’asile. Le même raisonnement semble ressortir de l’arrêt Khlaifia précédemment analysé. L’Italie a tiré les leçons des condamnations successives dont elle a été l’objet : en utilisant le raisonnement de la Cour européenne dans l’affaire Sharifi, le gouvernement a attiré l’attention sur le fait que les garanties procédurales indispensables à l’accès à la procédure d’asile ont bien été accordées aux requérants. La Cour européenne n’a pas constaté la violation de l’article 4 du Protocole n. 4, d’autant plus que les autorités italiennes ont assuré la présence d’interprètes243. Concrète240 Cour EDH (2ème section), Sharifi et autres c. Italie et Grèce, 21 octobre 2014, n. 16643/ 09, ECLI:CE:ECHR:2014:1021JUD001664309. 241 Ibid., paragraphe 8. 242 Ibid., paragraphes 217 – 218. 243 Cour EDH, Khlaifia et autres c. Italie, 15 décembre 2016, préc., paragraphes 245 – 246. Les mêmes principes ont été réitérés dans une affaire chypriote, mais la Cour européenne a conclu à l’absence de la violation de l’article 4 du Protocole n. 4. Cour EDH (4ème section), M.A. c. Chypre, 23 juillet 2013, n. 41872/10, ECLI:CE:ECHR:2013:0723JUD004187210.
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ment, sur l’île de Lampedusa, plusieurs interprètes ont assuré la communication entre les demandeurs d’asile et les autorités compétentes. Accorder une telle portée au droit à l’assistance linguistique confirme notre constat précédent. Cela étant dit, la Cour européenne n’a pas fourni dans cet arrêt davantage d’explications sur la manière dont l’interprète est tenu d’accomplir son devoir. La jurisprudence de la Cour de Strasbourg est encore moins claire sur le terrain de l’article 3, lu en combinaison avec l’article 13 de la Convention. 2. Le droit à l’assistance linguistique dans les procédures où la violation de l’article 3, lu en combinaison avec l’article 13 de la Convention est en jeu En ce qui concerne l’affaire M.S.S. c. Belgique et Grèce, lors de l’énumération des carences liées à l’accès à la procédure d’examen des demandes d’asile, la Cour européenne a évoqué notamment la pénurie d’interprètes et le défaut d’assistance judiciaire empêchant en pratique les demandeurs d’asile d’être accompagnés d’un avocat244. Il convient cependant de noter qu’il n’est pas clair que la Cour européenne endentait restreindre la portée du droit à l’interprète à l’entretien personnel245. Dans l’affaire Rahimi, la Cour européenne a relevé dans le cadre d’une procédure d’asile en Grèce que « le requérant ne parlait pas anglais et la communication avec les autorités policières était assurée uniquement avec l’assistance de l’un de ses compatriotes arrêtés par la police qui, aux dires du Gouvernement, assumait les fonctions d’interprète. De plus, aucun entretien n’a eu lieu entre N.M., le requérant et les autorités dans le but d’obtenir plus d’informations sur leur situation personnelle »246. Or, une telle interprétation du droit à l’assistance lin-
244 Cour EDH, M.S.S. c. Belgique et Grèce, 21 janvier 2011, préc., paragraphe 301. Ces affirmations ont été confirmées dans un arrêt plus récent : Cour EDH, A.E.A. c. Grèce, 15 mars 2018, préc., paragraphe 79. 245 « À cet égard, elle relève l’information insuffisante des demandeurs d’asile sur les procédures à suivre, les difficultés d’accès aux bâtiments de la préfecture de police de l’Attique, l’absence de système de communication fiable entre les autorités et les intéressés, la pénurie d’interprètes et le manque d’expertise du personnel pour mener les entretiens individuels, le défaut d’assistance judiciaire empêchant en pratique les demandeurs d’asile d’être accompagnés d’un avocat ainsi que la longueur excessive des délais pour obtenir une décision. Ces carences affectent tant les demandeurs d’asile qui arrivent pour la première fois en Grèce que ceux qui sont renvoyés en application du règlement Dublin ». Cour EDH, M.S.S. c. Belgique et Grèce, 21 janvier 2011, préc. 246 Cour EDH (1ère section), Rahimi c. Grèce, 5 avril 2011, n. 8687/08, ECLI:CE: ECHR:2011:0405JUD000868708, paragraphe 71. Il convient de noter que dans une affaire similaire, portée contre la Grèce, le requérant a notamment allégué que, lors de l’entretien mené, les interprètes n’avaient pas de compétences linguistiques suffisantes, de sorte que ses allégations n’ont pas été transcrites avec précision. Cour EDH (1ère section), B.M. c. Grèce, 19 décembre 2013, n. 53608/11, ECLI:CE:ECHR:2013:1219JUD005360811, paragraphe 13. Toutefois, la Cour européenne n’a pas abordé ce grief dans son appréciation.
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2ème partie: Une cohérence en apparence
guistique suppose une portée étendue de ce droit. Toutefois, la Cour européenne ne s’est pas prononcée de façon plus détaillée concernant la problématique soulevée. Force est de constater que l’arrêt Sharifi et autres c. Italie et Grèce est cependant imprécis concernant la portée du droit à l’interprète. Dans cette affaire, lors de la formulation du grief relatif à la violation des articles 2, 3 et 13 de la Convention, les requérants ont allégué qu’en raison de l’impossibilité d’être assistés par un interprète et de contacter un avocat, ils n’ont pas eu d’accès à la procédure d’asile247. Réitérant les enseignements résultant de l’affaire M.S.S., la Cour européenne a mis en évidence « la pénurie d’interprètes et le manque d’expertise du personnel pour mener les entretiens individuels »248. Dans cette optique, la Cour a exigé la garantie de l’interprète dans le cadre de l’entretien personnel. Il suit de ces arrêts disponibles que la position de la Cour européenne n’est pas claire s’agissant de la portée réservée au droit à l’assistance linguistique, sa démarche étant strictement encadrée par une approche casuistique. Ce facteur tout comme les lacunes de la directive « procédures » contribuent au morcellement de la portée du droit à l’assistance linguistique, ce qui conduit à des variations d’un État à l’autre, sapant l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile dans un domaine aussi important que celui du droit des étrangers. Face à cet état des lieux, il convient de vérifier comment les droits nationaux peuvent remédier aux insuffisances constatées. B. Les garanties inhérentes au droit à l’assistance linguistique au niveau national Il ressort de l’analyse du droit européen que la détermination des cas dans lesquels le concours d’un interprète s’avère nécessaire (I) ainsi que celle de la portée de sa mission (II) apparaissent comme des conditions indispensables afin de garantir l’effectivité de l’accès aux instances de l’asile dans son volet du droit à l’assistance linguistique. I. Le concours d’un interprète au niveau national La directive « procédures » prévoit la mise à disposition d’un interprète pendant la procédure administrative d’asile (1). Celle-ci est en revanche n’est pas requise, en tout cas directement, pour les procédures de recours (2).
247 248
Cour EDH, Sharifi et autres c. Italie et Grèce, 21 octobre 2014, préc., paragraphe 135. Ibid., paragraphe 178.
Titre I: Le nécessaire encadrement de l’autonomie procédurale
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1. Le concours d’un interprète pendant la procédure administrative d’asile Tant le droit allemand que le droit français prévoient cette garantie procédurale. Cependant, le droit français accorde ce bénéfice désormais de façon limitée et au détriment des demandeurs d’asile (b)). Cela étant dit, selon la terminologie utilisée dans la loi relative à l’asile, ce n’est pas l’accès aux services d’un interprète, mais l’accès à un médiateur linguistique (Sprachmittler) qui est garanti en droit allemand (a)). a) L’accès aux services d’un médiateur linguistique dans la procédure administrative d’asile allemande La Cour constitutionnelle fédérale a estimé que les ressortissants de pays tiers dépendent d’autant plus de l’aide d’un médiateur linguistique que le personnel de l’Office fédéral, qui statue sur la demande d’asile, ne connaît généralement ni les conditions sociales et culturelles dans le pays d’origine, ni les expressions linguistiques utilisées par le demandeur d’asile249. En outre, les demandeurs d’asile pâtissent des effets physiques et psychologiques de la persécution et de la fuite, ce qui peut affecter leur capacité à relater de manière convaincante les motifs de leur fuite250. Ces éléments, pris ensemble, expliquent pourquoi l’absence du concours d’un interprète devient l’exception plutôt que la règle251. Le § 17 de la loi relative à l’asile est applicable uniquement aux procédures d’asile devant l’Office fédéral. En vertu de cette disposition, si l’étranger ne maîtrise pas suffisamment la langue allemande, un interprète, un traducteur ou un médiateur linguistique doit être désigné lors de son audition, qui traduit vers la langue maternelle de l’étranger ou vers une autre langue, dont on peut raisonnablement supposer qu’il la connaît suffisamment et qu’il peut l’utiliser pour communiquer252. L’intitulé de l’article relatif à la mise à disposition des médiateurs linguistiques est révélateur, d’autant plus que la loi relative à la procédure administrative d’asile prévoit concrètement le concours d’un interprète et, le cas échéant, d’un traducteur pour ceux qui ne maîtrisent pas la langue de la procédure253. En 249
121. 250
BVerfG (2ème sénat), 14 mai 1996, 2 BvR 1516/93, Flughafenverfahren, paragraphe
Ibid. Ibid. 252 « Ist der Ausländer der deutschen Sprache nicht hinreichend kundig, so ist von Amts wegen bei der Anhörung ein Dolmetscher, Übersetzer oder sonstiger Sprachmittler hinzuzuziehen, der in die Muttersprache des Ausländers oder in eine andere Sprache zu übersetzen hat, deren Kenntnis vernünftigerweise vorausgesetzt werden kann und in der er sich verständigen kann ». § 17(1) AsylG. 253 « Werden bei einer Behörde in einer fremden Sprache Anträge gestellt oder Eingaben, Belege, Urkunden oder sonstige Dokumente vorgelegt, soll die Behörde unverzüglich die Vorlage einer Übersetzung verlangen. In begründeten Fällen kann die Vorlage einer beglaubigten oder von einem öffentlich bestellten oder beeidigten Dolmetscher oder Übersetzer angefertigten Übersetzung verlangt werden ». § 23 (2) VwVfG. Voir encore : § 189 GVG. 251
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2ème partie: Une cohérence en apparence
revanche, le concept de médiateur linguistique est un terme générique, qui comprend les métiers de traducteur, d’interprète et de médiateur linguistique au sens strict. Les fautes commises pendant l’interprétation sont difficiles à prouver, fautes qui seront ensuite prises en considération pour décider du bien-fondé de la demande de protection internationale254. L’utilisation du concept de médiateur linguistique offre une large marge d’appréciation à l’Office fédéral dans le choix d’un interprète, d’un traducteur ou d’un médiateur linguistique. Les services du médiateur linguistique sont généralement assurés par des personnes qui maîtrisent la langue en cause, mais qui n’ont pas forcément de diplôme certifiant officiellement la connaissance de cette langue, voire de diplôme d’interprète. Ce constat n’est pas remis en cause par le fait que l’Office fédéral accorde la priorité au concours d’un interprète officiel255. Nonobstant la large palette de personnes pouvant être mobilisées pour permettre au demandeur d’asile d’exprimer sa volonté, il conviendrait de faire en sorte que seule une personne ayant la qualification requise soit invitée à traduire le récit du demandeur d’asile. À cette fin, le législateur devrait préciser les tâches qui incombent à chaque médiateur linguistique au sens large du terme pour éviter les risques présentés. En France, le concours d’un interprète est garanti à la demande de l’intéressé et sous certaines conditions. b) L’accès conditionnel aux services d’un interprète dans la procédure administrative d’asile française À l’arrivée sur le territoire français, l’étranger indique la langue qu’il comprend et c’est cette langue qui sera utilisée jusqu’à la fin de la procédure administrative ; s’il refuse d’indiquer la langue de son choix, la langue utilisée est le français256. En ce qui concerne le champ d’application du droit à l’assistance linguistique, celui-ci est assuré dans la procédure d’asile de droit commun, toutefois l’article L723 – 6 du CESEDA prévoyant l’assistance linguistique lors de l’entretien personnel avec l’OFPRA énonce désormais des limitations importantes à ce droit. Concrètement, en vertu de cette disposition, « [s]i le demandeur en fait la demande et si cette dernière apparaît manifestement fondée par la difficulté pour le demandeur d’exposer l’ensemble des motifs de sa demande d’asile, notamment ceux liés à des violences à caractère sexuel, l’entretien est mené, dans la mesure du possible, par un agent de l’office du sexe de son choix et en présence d’un interprète du sexe de son choix »257. Dès lors, la loi pose deux conditions pour le concours d’un interprète : contrairement à la règlementation précédemment en vigueur, l’étranger doit d’abord faire la demande qui doit être fondée compte tenu de sa connaissance 254 L. K. Jaber, « Die Bedeutung des Sprachmittlers im Asylverfahren », ZAR, 37. Jahrg. (2017), 8, p. 319. 255 J. Bergmann, K. Dienelt, « Ausländerrecht… », op. cit., p. 2513. 256 Article L111 – 7 du CESEDA. 257 Article L723 – 6 du CESEDA.
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linguistique. Or, force est de constater que la nouvelle règlementation rend, sans raison valable, particulièrement difficile de s’exprimer sur les motifs des persécutions pendant la procédure d’asile. Cette règlementation restrictive a fait l’objet d’interprétation de la part de la Cour nationale du droit d’asile. Cette juridiction a, en effet, relevé qu’elle peut annuler la décision de l’OFPRA si elle juge que « le demandeur a été dans l’impossibilité de se faire comprendre lors de cet entretien, faute d’avoir pu bénéficier du concours d’un interprète dans la langue qu’il a choisie dans sa demande d’asile ou dans une autre langue dont il a une connaissance suffisante, et que ce défaut d’interprétariat est imputable à l’Office »258. De plus, notons que l’OFPRA évalue dans plusieurs cas la nécessité du concours d’un interprète ; or, dans la mesure où l’intéressé arrive à se faire comprendre pendant l’entretien avec l’OFPRA, l’interprète n’est pas nécessaire259. Les interprètes ne sont pas des salariés de l’OFPRA, mais concluent des marchés publics avec lui260. Ils doivent, partant, remplir certains critères établis par l’OFPRA : ils doivent être titulaires des diplômes universitaires requis, avoir une expérience dans le domaine de la traduction et/ou en interprétariat et avoir une connaissance suffisante de la situation géopolitique du pays dont ils maîtrisent la langue261. La satisfaction de ces critères constitue une condition préalable pour garantir une médiation linguistique de qualité. Ainsi, la question d’effectivité de l’accès à la procédure d’asile en droit français ne se pose pas de ce point de vue. Il convient par la suite de se pencher sur l’examen de la portée de cette garantie procédurale devant le juge de l’asile. 2. Le concours d’un interprète pendant la procédure de recours Tant le droit allemand (a)) que le droit français (b)) prévoient que le concours d’un interprète dépend du niveau de compréhension du demandeur d’asile. a) Le défaut de clarté dans les conditions déterminant le concours d’un interprète devant les tribunaux administratifs allemands En vertu du § 185 GVG, si le requérant ne parle pas allemand, il faut faire appel à un interprète262. Cette règle peut subir des exceptions, dont les limites sont difficilement identifiables. Selon la Cour administrative fédérale, le § 185 GVG constitue une forme spéciale du droit d’être entendu, garanti par l’article 103, paragraphe (1) de la Loi 258 259 260
2018). 261 262
CNDA, 13 octobre 2017, N. 17027362 C. CNDA, 4 juillet 2018, N. 18016748 C. https://www.ofpra.gouv.fr/fr/l-ofpra/travailler-a-l-ofpra/les-interpretes (consulté le 27 juin Ibid. § 185(1) GVG.
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2ème partie: Une cohérence en apparence
fondamentale, et ce droit est violé si le concours d’un interprète n’est pas garanti à un demandeur d’asile qui n’est pas en mesure de s’exprimer correctement et de manière exhaustive en raison d’une maîtrise insuffisante de la langue allemande263. D’après cette juridiction, il en va de même si, en raison d’erreurs de traduction, le concours d’un interprète conduit à une reproduction incorrecte, incomplète ou déformante des informations fournies par le demandeur d’asile lors de l’audition264. L’avantage de cette solution est l’établissement d’un test en fonction duquel la maîtrise de la langue allemande peut faire l’objet d’une évaluation objective, consistant à vérifier la cohérence du récit du demandeur d’asile figurant dans le procèsverbal de l’audience. Il nous semble cependant que la Cour administrative fédérale a élevé le seuil à partir duquel le concours d’un interprète est requis. Dans une autre affaire, la Cour administrative a jugé que la participation d’un interprète n’est pas nécessaire si, bien que le requérant ne maîtrise pas la langue allemande, il la parle et la comprend à un niveau qui permet de communiquer avec lui lors de l’audience265. Les deux membres de phrases recèlent une contradiction. C’est pourquoi la Cour a été contrainte d’ajouter une précision que seule une compréhension suffisante de la langue allemande (hinreichende Verständigung) est requise266. Or, bien que la compréhension soit suffisante, la capacité de s’exprimer constitue un facteur bien plus important et suppose un niveau élevé de connaissance de la langue, d’autant plus que faire un récit de persécutions requiert une finesse particulière dans la maîtrise de la langue. Ce constat semble être confirmé aussi bien par la jurisprudence que par la doctrine : le concours d’un interprète est également nécessaire si le demandeur d’asile comprend l’allemand suffisamment, mais le parle de manière insatisfaisante267. Or, cet aspect est d’autant plus important que le juge administratif opère obligatoirement une appréciation des faits268, puis une appréciation juridique, qui est, d’entrée de jeu, vouée à l’échec si le récit du demandeur d’asile manque de cohérence et de ponctualité. 263
BVerwG, 29 avril 1983, 9 B 1610.81, paragraphe 3. Ibid. 265 BVerwG, 11 septembre 1990, 1 CB 6.90, paragraphe 10. « Nach § 55 VwGO in Verbindung mit § 185 Abs. 1 Satz 1 GVG ist ein Dolmetscher hinzuziehen, wenn unter Beteiligung von Personen verhandelt wird, die der deutschen Sprache nicht mächtig sind. Ein fremdsprachiger Beteiligter soll die ihn betreffenden Verfahrensvorgänge verstehen und sich in der Verhandlung verständlich machen können. Der Mitwirkung eines Dolmetschers bedarf es folglich nicht, wenn ein Beteiligter die deutsche Sprache zwar nicht beherrscht, sie aber in einem die Verständigung mit ihm in der mündlichen Verhandlung ermöglichenden Maße spricht und versteht ». 266 Ibid. 267 H. Mayer, O. R. Kissel, Gerichtsverfassungsgesetz : Kommentar, 9., neubearb. Aufl., München, Beck, 2018, p. 1189. 268 Ibid. 264
Titre I: Le nécessaire encadrement de l’autonomie procédurale
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De manière générale, la pratique des tribunaux administratifs allemands consiste à vérifier si le demandeur d’asile fait preuve d’une compréhension suffisante de la langue269. Dans une affaire devant la Cour administrative fédérale, le requérant, un imam d’origine égyptienne, a allégué que le défaut d’interprète ne lui a pas permis de s’exprimer sur les questions religieuses liées à sa demande d’asile270. La Cour administrative fédérale a relevé que le requérant devait prouver qu’il a souhaité ajouter d’autres éléments pour appuyer sa demande, mais qu’il n’a pas pu le faire en raison d’une connaissance insuffisante de la langue allemande, et il convenait de vérifier, dans quelle mesure la décision de la Cour administrative pouvait être fondée en l’absence de prise en compte de cet argument271. Il en va de même lorsque le demandeur d’asile souhaite compléter son récit avec de nouveaux éléments qui n’ont pas été pris en considération préalablement272. Autrement dit, le demandeur d’asile doit prouver la pertinence des éléments complémentaires qui n’ont pas été pris en considération par le tribunal en raison de sa connaissance insuffisante de la langue de procédure. Ces exemples montrent pourquoi la capacité de s’exprimer revêt une importance fondamentale. Par ailleurs, la doctrine considère que le droit d’être entendu n’est pas violé si le requérant est représenté par un conseil juridique qui peut faciliter la compréhension273. Dans une affaire devant le Tribunal administratif de Munich, la requérante, d’origine géorgienne, a bénéficié d’un interprète en langue russe. L’interprète a, en revanche, déclaré que la requérante parlait le russe de manière incorrecte et il est apparu que l’interprète n’a compris le récit du demandeur d’asile que partiellement274. Toutefois, le Tribunal administratif a souligné que la requérante a marqué sa préférence pour la langue russe et qu’elle a déclaré avoir tout compris, et, en tout état de cause, il n’avait pas à clarifier s’il n’était pas possible, pour le demandeur et l’interprète, de parvenir à un accord lors de l’entretien personnel275. En effet, un avocat étant en l’occurrence présent, l’absence d’un interprète communiquant dans la langue maternelle de la requérante n’équivaut pas à l’absence totale d’une audience appropriée276. Dès lors, la présence du conseil juridique semble justifier que le droit d’être entendu n’a pas été violé, même si le rôle de l’interprète est égale-
269
VGH Baden-Württemberg, 25 mars 2009, A 9 S 666/09, paragraphe 2. BVerwG (5ème sénat), 14 juin 2013, 5 B 41.13, paragraphe 2. 271 « Insbesondere legt sie nicht dar, dass der Kläger noch etwas hätte vortragen wollen, aber mangels ausreichender Deutschkenntnisse nicht habe vortragen können. Es fehlen jedwede Ausführungen dazu, was der Kläger mithilfe eines Dolmetschers noch vorgetragen hätte und inwieweit die Entscheidung des Verwaltungsgerichtshofs auf der mangelnden Berücksichtigung dieses Vortrags beruhen kann ». Ibid., paragraphe 4. 272 VGH München, 8 août 2017, 15 ZB 17.30494, paragraphe 26. 273 H. von Mangoldt, F. Klein, C. Starck, « Kommentar…», op. cit., p. 995. 274 VGH Munich, 15 ZB 17.30494, préc., paragraphe 22. 275 Ibid., paragraphe 24. 276 Ibid., paragraphe 25. 270
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ment de permettre la communication entre le demandeur d’asile et son représentant juridique. Force est de constater que le droit français n’offre pas de réglementation plus claire sur les conditions déterminant le concours d’un interprète. b) Le défaut de clarté dans les conditions déterminant le concours d’un interprète devant la Cour nationale du droit d’asile L’assistance linguistique est garantie devant la Cour nationale du droit d’asile. En effet, « [l]es intéressés peuvent présenter leurs explications à la Cour nationale du droit d’asile et s’y faire assister d’un conseil et d’un interprète »277. L’utilisation du verbe « pouvoir » signifie que les autorités disposent d’une marge d’appréciation pour décider de la nécessité du concours d’un interprète. C’est le requérant qui indique la langue de la procédure qui correspond à la langue utilisée pendant la procédure d’asile devant l’OFPRA. Autrement, ou « si la cour ne peut désigner un interprète dans la langue demandée, le requérant est entendu dans la langue dans laquelle il a été entendu à [l’OFPRA] ou dans une langue dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend »278. Il convient de noter que ce passage a fait l’objet d’une modification législative en septembre 2018 et la version en vigueur prévoit que « [s]i la cour ne peut désigner un interprète dans la langue demandée, l’intéressé est entendu dans une langue dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend »279. Cela signifie que la Cour nationale du droit d’asile ne sera plus tenue de faire usage de la langue de procédure déclarée dans la procédure administrative devant l’OFPRA. Or, cette large marge d’appréciation confère davantage de responsabilité à la Cour nationale du droit d’asile pour garantir un accès effectif à la procédure de recours, de telle manière que le concours et le choix d’un interprète ne dépendent pas de considérations guidées par le respect du principe de célérité. En ce qui concerne l’exercice de la marge d’appréciation évoquée, il convient de s’attarder sur une affaire devant le Conseil d’État. S’agissant du contexte factuel, la Cour nationale du droit d’asile a rendu une ordonnance dans laquelle il a été jugé que l’étranger en cause ne rencontrait pas de difficultés à s’exprimer en français, ce pourquoi il n’a pas bénéficié d’un interprète280. Le Conseil d’État, en invoquant les 277
Article L733 – 1 du CESEDA. Article R733 – 5 du CESEDA. 279 Article 7, point I. du projet de loi N. 464, enregistré à la Présidence du Sénat le 24 avril 2018. http://www.senat.fr/leg/pjl17 - 464.html (consulté le 3 juin 2018). Notons que certains députés ont attiré l’attention sur le fait que les modifications proposées concernant la langue choisie durant la procédure constituent de graves reculs en termes de garanties procédurales. http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/1106/CION_LOIS/CL131.pdf (consulté le 17 mars 2019). 280 CE (28-78 ss-sect. réunies), 7 novembre 2012, N8 350355, ECLI:FR:CESSR: 2012:350355.20121107, paragraphe 5. 278
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dispositions de la directive « procédures », en particulier le passage selon lequel l’interprète peut être désigné si cela s’avère nécessaire, a considéré que la pratique en l’espèce ne portait pas atteinte à la directive « procédures »281. Au-delà du fait que le Conseil d’État a étendu la solution offerte par la directive « procédures » conçue pour les procédures d’asile aux procédures de recours, il a validé l’usage de cette marge d’appréciation et a laissé en suspens les critères en fonction desquels la Cour nationale du droit d’asile peut refuser de désigner un interprète. Le Conseil d’État a annulé une seule fois la décision de la Cour nationale du droit d’asile en raison du non-respect du droit à l’assistance linguistique. Dans cette décision prise en 2017, le requérant alléguait de ne pas avoir pu s’exprimer dans une langue qu’il comprenait lors de son entretien devant l’OFPRA282. Le Conseil d’État a jugé qu’il revient à la Cour nationale du droit d’asile d’annuler la décision de l’OFPRA « si elle juge que le demandeur a été dans l’impossibilité de se faire comprendre lors de cet entretien, faute d’avoir pu bénéficier du concours d’un interprète dans la langue qu’il a choisie dans sa demande d’asile ou dans une autre langue dont il a une connaissance suffisante, et que ce défaut d’interprétariat est imputable à l’Office »283. En l’occurrence, la Cour nationale du droit d’asile a commis une erreur de droit en déclarant le grief du requérant inopérant. En réalité, cependant, on ne pourrait que rarement constater la méconnaissance du droit à l’assistance linguistique, puisque l’OFPRA peut facilement justifier le manque d’imputabilité. En l’espèce, la motivation a entièrement fait défaut dans la décision de la Cour nationale du droit d’asile. En substance, la Haute juridiction administrative ne s’est même pas attardée sur les critères permettant d’apprécier la pertinence du concours d’un interprète. La référence à « l’impossibilité de se faire comprendre » est tout à fait floue et ne permet pas de fournir une définition des cas où le concours d’un interprète est nécessaire. Il en va de même lorsque la Cour nationale du droit d’asile utilise le critère selon lequel l’intéressé démontre une connaissance suffisante aussi bien lors de l’entretien devant l’OFPRA que lors de son audition devant la Cour nationale du droit d’asile284. Or, compte tenu du caractère conditionnel de ce droit tant dans la phase administrative que pendant la procédure de recours, la sécurité juridique de même que l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile commandent des critères solides et facilement identifiables. Force est de constater que la détermination de la portée de la mission de l’interprète n’est pas exempte de controverses non plus.
281
Ibid. CE (28–78 ss-sect. réunies), 22 juin 2017, N8 400366, ECLI:FR:CECHR:2017: 400366.20170622, paragraphe 1. 283 Ibid. 284 CNDA, 29 octobre 2018, N. 16040286 C. 282
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II. La portée de la mission de l’interprète au niveau national Alors que le choix du législateur allemand mettant à la disposition des médiateurs linguistiques aux demandeurs d’asile permet de contourner le problème de la mission limitée d’un interprète (1), le droit français détermine clairement les limites de la tâche de l’interprète (2). 1. La portée large de la mission des médiateurs linguistiques dans les procédures allemandes Aucune disposition de la loi relative à l’asile ne prévoit la possibilité explicite de se faire assister par un interprète lors de la préparation des actes. Lorsque le demandeur d’asile souhaite introduire une demande de protection, il est obligé de se présenter en personne devant l’Office fédéral, comme le § 23 de la loi relative à l’asile le prévoit. Un médiateur linguistique doit, à ce moment, être mis à sa disposition. Pendant la procédure administrative d’asile, si le demandeur présente ses actes en langue étrangère, l’autorité peut délivrer une traduction de ces documents, qui est facturée pour le compte du demandeur d’asile285. Une telle solution ressort d’un arrêt de la Cour administrative fédérale. Le requérant a eu la possibilité de présenter ses observations avant la décision portant sur sa demande d’asile, ce qui lui a permis d’exposer ses motifs d’asile dans sa langue maternelle, en l’occurrence en turc286. Dans ce cas, l’autorité administrative se charge de la traduction des actes présentés par le demandeur d’asile. Il semble qu’une telle règlementation découle cependant de l’absence de formalité qui entoure l’introduction de la demande de protection internationale et des observations complémentaires, et non de la portée – large – de la mission confiée aux médiateurs linguistiques. En l’absence de contrainte concernant la langue qu’il convient d’utiliser pour déposer des pièces complémentaires, la mise à disposition d’un médiateur linguistique, terme générique englobant également la profession de traducteur, contribue à ce que le demandeur d’asile puisse exposer de manière détaillée son récit justifiant l’existence de persécutions dans son pays d’origine. Cette solution constitue ainsi une exception à la règle selon laquelle les explications fournies en langue étrangère ne peuvent déployer aucun effet pendant la procédure administrative287. Cette conclusion vaut également pour la procédure de recours. En effet, les interprètes auprès des tribunaux administratifs sont chargés de traduire les documents présentés par les demandeurs d’asile288. Autrement dit, la solution juridique choisie par le législateur allemand est de garantir la possibilité de s’exprimer même 285
R. Marx, « AsylG : Kommentar … », op. cit., p. 449. BVerwG, 4 novembre 1983, 9 B 10357.82, paragraphe 3. 287 H. J. Knack, H-G. Henneke, Verwaltungsverfahrensgesetz (VwVfG): Kommentar, 10., neubearb. Aufl., Köln, Heymann, 2014, p. 420. 288 H. Mayer, O. R. Kissel, « Gerichtsverfassungsgesetz…», op. cit., p. 1189. 286
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à l’écrit dans sa langue maternelle, ce qui évite les non-dits ou les incohérences internes dans les récits. 2. La portée limitée de la mission des interprètes dans les procédures françaises En premier lieu, concernant la procédure devant l’OFPRA, l’assistance d’un interprète est uniquement garantie pendant l’entretien personnel289. Il en va de même s’agissant de la procédure devant la Cour nationale du droit d’asile. En vertu de l’article R733 – 17 du CESEDA, la Cour met un interprète gratuitement à disposition du requérant pour l’assister à l’audience290. La formulation utilisée par le législateur est claire. De surcroît, la langue de procédure étant le français, les pièces à l’appui de la demande de protection et du recours doivent être impérativement traduites291. Dans une affaire, le requérant a demandé la désignation d’un interprète pour pouvoir s’entretenir avec son conseiller avant l’audience292. La Cour nationale du droit d’asile a cependant jugé que ni la loi relative à l’aide juridique ni le décret pris pour son application « ne prévoient la mise à disposition d’un interprète avant l’audience devant la Cour, relative au contentieux de l’asile »293. Ainsi, cette affaire démontre parfaitement que l’accès au juge de l’asile peut devenir illusoire dans la mesure où, même si la représentation juridique est assurée, celle-ci ne peut déployer ses effets en raison de la portée réduite de la garantie de l’assistance linguistique. L’analyse a mis en lumière, d’une part, qu’au niveau européen, le caractère lacunaire de la directive « procédures » n’est pas entièrement comblé par la jurisprudence casuistique de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. D’autre part, au niveau national, il conviendrait de délimiter les cas dans lesquels un interprète devrait être garanti et non un simple médiateur linguistique. Pour désigner un interprète, il convient d’attacher une plus grande importance à la capacité de s’exprimer dans la langue de procédure avant de rejeter la demande visant à solliciter le concours d’un interprète, et, de manière générale, de définir les critères liés au concours d’un interprète en vue d’empêcher des conséquences négatives sur l’issue de la procédure d’asile. Enfin, en ce qui concerne la portée de la mission de l’interprète, il est indispensable que ce dernier soit présent pendant la préparation de la demande de protection internationale, son rôle ne pouvant pas être rempli par un conseiller juridique ou un représentant légal. Une solution alternative, qui découle du droit allemand, consisterait à admettre que les pièces complémentaires puissent 289
Article L723 – 6 du CESEDA. Article R733 – 17 du CESEDA. 291 CE (108 ss.), 19 novembre 1993, N8 102981. La pièce présentée devant la CRR était rédigée en anglais et n’était pas accompagnée d’une traduction en langue française, ce qui a empêché la CRR de la prendre en considération. Une solution similaire a été adoptée par la CRR : 23 septembre 2005, n. 489141. 292 CNDA, 28 février 2012, n8 1100133. 293 Idem. 290
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être rédigées dans la langue maternelle du demandeur. Cela serait susceptible, en effet, de contribuer à la présentation d’un récit cohérent et sans faille en langue maternelle, permettant au demandeur d’asile d’éclairer son récit dans les meilleures conditions.
§ 2 Les garanties inhérentes au droit à l’aide juridictionnelle Notre étude adoptera, pour les motifs invoqués, la même structure que celle précédemment appliquée : nous allons examiner les garanties inhérentes au droit à l’aide juridictionnelle au niveau européen (A), avant de nous pencher sur l’examen des pratiques nationales (B). A. L’aide juridictionnelle au niveau européen La directive « procédures » contient certaines indications sur le champ d’application et sur la portée de l’octroi de l’aide juridictionnelle aux demandeurs d’asile (I). En outre, la portée du droit à l’aide juridictionnelle est également façonnée par la jurisprudence de la Cour européenne sur le terrain des articles 6 et 13 de la Convention (II). I. Une règlementation lacunaire du droit de l’Union relative au droit à l’aide juridictionnelle La directive « procédures » prévoit l’aide juridictionnelle sous l’appellation d’assistance juridique et de représentation gratuite. L’expression employée est floue, alors que l’octroi d’une aide juridictionnelle suppose une prise en charge, totale ou partielle, des honoraires du représentant légal. La formulation d’assistance juridique et de représentation gratuite nous incite à penser qu’un conseil juridique, indépendamment de sa forme, suffit à respecter cette exigence procédurale. Ce constat est confirmé lorsqu’on regarde de près l’aménagement de la procédure administrative d’asile dans son volet relatif au droit à l’assistance juridique. En vertu des dispositions de la directive « procédures », les États membres peuvent prévoir l’octroi de cette garantie procédurale, mais celui-ci n’est pas obligatoire. En revanche, la directive prévoit la possibilité de communiquer avec le représentant du HCR et avec les organisations fournissant des conseils juridiques aux demandeurs d’asile294, de même que celle de fournir des informations juridiques et procédurales à titre gratuit.
294
Considérant (25) de la directive 2013/32/UE.
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Mais la directive exige l’assistance juridique et la représentation gratuite pour la procédure de recours, sous réserve de certaines conditions295. Concrètement, les États peuvent déroger à ce principe, lorsque la demande de protection n’a pas de « perspectives tangibles de succès »296. Dès lors, en règle générale, ce n’est pas la situation financière du demandeur d’asile mais la chance de succès de la demande qui importe. En tout état de cause, lors de l’évaluation de la perspective des chances de succès, « les États membres veillent à ce que l’assistance juridique et la représentation ne soient pas soumises à des restrictions arbitraires et que l’accès effectif du demandeur à la justice ne soit pas entravé »297. Autrement dit, les obstacles financiers ne peuvent pas porter atteinte à l’accès à la procédure de recours et, même en cas de refus de l’aide juridictionnelle, les États membres sont tenus de garantir une autre forme d’aide juridique pour que le demandeur d’asile puisse contester utilement la décision administrative lui faisant grief. Concernant le droit dérivé, son interprétation ne peut être effectuée indépendamment des dispositions de la Charte des droits fondamentaux, en particulier de son article 47, ni non plus de la Convention européenne. En effet, les garanties offertes par la Convention européenne « s’appliquent de manière similaire dans l’Union »298. Si le vocabulaire utilisé par la directive « procédures » permet de tolérer certains écarts en tenant compte des spécificités du droit de l’Union, les explications, qui se rapportent à la Charte, mentionnent expressément l’arrêt Airey contre Irlande de la Cour européenne comme vecteur d’interprétation. Or, l’arrêt Airey appartient au premier courant jurisprudentiel de la Cour européenne qui accorde une protection étendue aux requérants dépourvus de moyens financiers. Dès lors, la référence à la jurisprudence Airey ne peut pas être un hasard. En ce qui concerne la portée du droit à l’aide juridictionnelle, l’assistance « comprend au moins la préparation des actes de procédure requis et la participation à l’audience devant une juridiction de première instance au nom du demandeur »299. En outre, les représentants peuvent être présents aux entretiens personnels pendant la procédure administrative d’asile. Idéalement, l’assistance lin295
Ibid., considérant (23). Ibid., article 20(3). 297 Ibid., article 20(3), troisième paragraphe. 298 Explications relatives à la Charte des droits fondamentaux. La Cour de justice n’a pas encore eu l’occasion d’interpréter les dispositions analysées de la directive « procédures ». Elle a néanmoins esquissé les contours du droit à l’aide juridictionnelle dans l’arrêt DEB. L’affaire concernait la portée de l’accès à l’aide juridictionnelle aux personnes morales. En suivant les dispositions de la Charte relatives à la portée de l’article 47, la Cour de justice a pris en considération la jurisprudence Airey. En revanche, elle a fondé son argumentation sur le deuxième courant jurisprudentiel de la Cour de Strasbourg. CJUE (2ème ch.), DEB Deutsche Energiehandels- und Beratungsgesellschaft mbH contre Bundesrepublik Deutschland, 22 décembre 2010, C-279/09, ECLI:EU:C:2010:811. 299 Article 20(1) de la directive 2013/32/UE. L’article 23 de cette directive est entièrement consacré à la portée de l’assistance juridique. 296
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guistique et la représentation juridique devraient être garanties simultanément, bien qu’une telle interprétation ne ressorte pas de la directive « procédures ». Force est de constater que le droit conventionnel offre également des précisions sur la portée du droit à l’aide juridictionnelle300. II. Une règlementation incertaine en droit conventionnel relative au droit à l’aide juridictionnelle La Cour européenne ne semble pas exclure a priori l’applicabilité de sa jurisprudence sur l’aide juridictionnelle aux contentieux administratifs en matière d’asile (1). En outre, si le corpus jurisprudentiel sur le terrain de l’article 6 de la Convention constitue un vecteur pour la Cour de justice lors de l’établissement d’un standard jurisprudentiel en la matière, comme les explications relatives à la Charte l’exigent pourtant, il n’en demeure pas moins que l’existence des deux courants jurisprudentiels fragilise leur applicabilité aux procédures de recours en matière d’asile (2). 1. L’aide juridictionnelle en matière d’asile dans la jurisprudence de la Cour européenne Même si la jurisprudence de l’article 6 de la Convention ne s’applique pas aux procédures d’asile, les demandeurs d’asile tentent néanmoins de présenter leurs griefs relatifs à l’octroi de l’aide juridictionnelle devant la Cour européenne sur le terrain de l’article 13 de la Convention. Avant de commencer l’étude de la jurisprudence, il est intéressant d’évoquer une affaire contre la Norvège portée devant le Comité contre la torture en vue de présenter la signification de l’octroi de l’aide juridictionnelle et l’enjeu que son rejet représente pour les personnes dépourvues de moyens financiers301. Le requérant a déposé une demande d’asile, mais celle-ci a été rejetée aussi bien par l’autorité administrative responsable (Direction de l’immigration) que par le Ministère de la justice. Le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes, puisque sa demande d’aide juridictionnelle a été rejetée et il n’avait pas de moyens financiers lui permettant d’engager un recours. Dans son appréciation de la recevabilité, le Comité contre la torture a relevé que « les connaissances linguistiques ou juridiques du requérant étaient manifestement insuffisantes pour qu’il puisse se représenter lui-même, alors même qu’il n’avait pas […] les moyens financiers d’engager un conseil privé »302. Or, rejeter la demande du requérant, tant au niveau national qu’au niveau international, priverait le requérant de l’accès à la justice pour des actes en 300 301 302
La terminologie officielle du système conventionnel est l’aide judiciaire. CAT, M. Z. T. c. Norvège, 5 décembre 2005, CAT/C/35/D/238/2003. Ibid., paragraphe 8.3.
Titre I: Le nécessaire encadrement de l’autonomie procédurale
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rapport avec l’un des droits les plus fondamentaux303. Cette affaire démontre parfaitement à quel point le refus de l’aide juridictionnelle impacte l’accès à la justice. De surcroît, un tel rejet peut avoir des répercussions au niveau international, puisque le requérant ne pourrait pas obtenir le redressement approprié en raison des règles sévères relatives à l’épuisement des voies de recours internes. Ce constat ne saurait être réfuté par l’allégation que la Cour européenne n’est pas un quatrième degré de juridiction, puisque la prééminence du droit constituant la raison d’être de la Convention européenne des droits de l’Homme ne peut pas tolérer une solution à son encontre. L’on attend avec intérêt le développement futur de la jurisprudence de la Cour européenne visant à faciliter le respect des règles de recevabilité des requêtes de cette nature dans l’intérêt d’éviter un déni de justice au niveau tant national qu’international. Toutefois, la plupart des requêtes sont, actuellement, vouée à l’échec en raison du non-épuisement des voies de recours internes. La Cour européenne a été confrontée à la possible applicabilité des garanties procédurales relatives au droit à l’aide juridictionnelle sur le terrain de l’article 13 de la Convention dans la décision d’irrecevabilité Goldstein contre Suède304. En ce qui concerne le cadre factuel, le requérant a déposé une demande d’asile en Suède et a demandé la désignation d’un conseiller juridique commis d’office (public legal counsel). Néanmoins, cette demande ainsi que sa demande d’asile ont été rejetées. Le requérant a, ensuite, déposé une nouvelle demande d’asile et une nouvelle demande visant à obtenir un conseiller juridique commis d’office. Devant la Cour européenne, le requérant a invoqué la violation de l’article 3, lu en combinaison avec l’article 13 de la Convention et a allégué notamment que les autorités suédoises ne lui ont pas accordé de conseiller juridique. Finalement, la Cour européenne a rejeté la requête pour des motifs purement formels, en raison du non-épuisement des voies de recours internes. Dans son appréciation, la Cour européenne a énoncé laconiquement que l’article 13 de la Convention ne garantit pas le droit à un conseil juridique payé par l’État305. Néanmoins, fidèle à sa jurisprudence dynamique, la Cour ne s’est pas opposée à une interprétation extensive de l’article 13 de la Convention, en jugeant qu’elle ne trouvait aucun motif particulier justifiant l’octroi d’une aide juridictionnelle gratuite permettant au demandeur de bénéficier de manière effective d’un recours disponible306. Il importe, en effet, d’avoir à l’esprit que les griefs présentés par le requérant ont été formulés en relation avec une nouvelle demande d’asile. En tout état de cause, la constatation des juges de Strasbourg suggère, a contrario, que si un motif particulier le justifie, 303
Ibid. Cour EDH (1ère section), Goldstein c. Suède, 12 septembre 2000, n. 46636/99, ECLI: CE:ECHR:2000:0912DEC004663699. 305 Ibid. 306 « The Court finds no indication of any special reason calling for the granting of free legal aid in order for the applicant to take effective advantage of the available remedy ». Ibid. 304
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2ème partie: Une cohérence en apparence
notamment un risque imminent de refoulement, la Cour européenne peut exiger l’octroi de l’aide juridictionnelle pour que le demandeur puisse effectivement présenter ses griefs. Le message lancé par la Cour européenne est clair : le droit à l’aide juridictionnelle peut devenir une composante essentielle du droit au recours effectif, lorsque l’effectivité du recours en pratique l’exige. Cette même logique semble ressortir de la décision Agalar contre Norvège307. Était en cause une procédure d’asile dans laquelle la demande de protection du requérant a été rejetée tant par l’autorité administrative chargée de l’examen des demandes de protection internationale que par l’autorité administrative chargée de l’examen des recours contre les décisions du rejet. Le requérant a, ensuite, présenté une demande d’aide juridictionnelle pour pouvoir contester ces décisions administratives devant les tribunaux, demande qui a été rejetée. Le refoulement du requérant a été bloqué par la Cour européenne en application des mesures provisoires au sens de son règlement intérieur. Dans leur appréciation, et en reprenant les principes directeurs dégagés dans la décision Goldstein, les magistrats de Strasbourg ont examiné s’il existait des raisons spécifiques permettant de conclure à la violation de l’article 13 de la Convention. Tel n’était pas le cas en l’occurrence. D’une part, le requérant n’a même pas épuisé les voies de recours internes et, d’autre part, il n’y avait pas de grief défendable308. Certes, le non-épuisement des voies de recours internes ne peut constituer un argument valable, comme le Comité contre la torture l’a mis en évidence, puisque le requérant n’a pas procédé ainsi justement en raison de l’absence de moyens financiers. Compte tenu des hésitations décrites, l’on attend avec intérêt la poursuite de cette jurisprudence particulièrement évolutive. En effet, lorsque les griefs du requérant sont manifestement défendables, l’absence de moyens financiers le prive de l’accès à la justice et l’expose directement au risque de mauvais traitements. Rappelons que les explications relatives à la Charte des droits fondamentaux citent concrètement la jurisprudence Airey de la Cour européenne pour interpréter l’article 47 de la Charte. Cet arrêt appartient, en revanche, au premier courant jurisprudentiel de la Cour européenne caractérisé par une protection plus favorable des individus.
307 Cour EDH (1ère section), Agalar c. Norvège, 8 novembre 2011, n. 55120/09, ECLI: CE:ECHR:2011:1108DEC005512009. 308 Ibid. Cette approche a été confirmée dans plusieurs décisions d’irrecevabilité. Cour EDH (1ère section), Ali c. Norvège, 14 février 2012, n. 22669/10, ECLI:CE:ECHR: 2012:0214DEC002266910, Cour EDH (1ère section), Abdollahpour c. Norvège, 29 mai 2012, n. 57440/10, ECLI:CE:ECHR:2012:0529DEC005744010, Cour EDH (1ère section), B. c. Norvège, 7 octobre 2014, n. 48932/13, ECLI:CE:ECHR:2014:1007DEC004893213.
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2. La jurisprudence variée de la Cour européenne en matière d’aide juridictionnelle sur le terrain de l’article 6 de la Convention D’après le Comité des Ministres, il convient de prendre les mesures nécessaires pour éliminer les obstacles économiques qui entravent l’accès à la justice, particulièrement pour les personnes économiquement défavorisées309. Or, les demandeurs d’asile font partie de cette catégorie de personnes particulièrement vulnérables. Certes, prendre en considération uniquement l’aspect financier pour l’octroi de l’aide juridictionnelle pourrait conduire à des contentieux de masse. Mais, contrairement aux contentieux civils et pénaux, l’absence de moyens financiers dans les contentieux de l’asile ne constitue pas un facteur à vérifier, mais est, dans la plupart des cas, un fait. Si la Cour européenne a accordé dans un premier temps une importance fondamentale à l’aspect financier pour garantir l’aide juridictionnelle (a)), elle a, par la suite, sensiblement modifié sa position en prévoyant que l’octroi de l’aide juridictionnelle dépendrait de la chance de succès du recours présenté par les requérants (b)). a) Le premier courant jurisprudentiel dont le facteur déterminant est l’absence de moyens financiers L’affaire Airey contre Irlande constitue l’arrêt-clé310. La requérante, de nationalité irlandaise, a souhaité obtenir un jugement de séparation de corps de son mari. En revanche, le mari a refusé à plusieurs reprises de signer l’accord de séparation. Manquant de moyens, la requérante ne pouvait pas trouver un représentant légal pour obtenir le jugement souhaité. L’enjeu de l’affaire était important : l’absence de moyens financiers privait la requérante de l’accès à la justice. D’après le Gouvernement, tel n’était pas le cas, puisque la représentation par un avocat n’était pas obligatoire devant le High Court irlandais311. Toutefois, la Cour européenne a réfuté cet argument en mettant en lumière que « la Convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs »312. Ensuite, la Cour a ajouté que cette remarque « vaut en particulier pour le droit d’accès aux tribunaux, eu égard à la place éminente que le droit à un procès équitable occupe dans une société démocratique »313. Il s’ensuit que, dans la mesure où le requérant ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour financer un représentant légal et indépendamment du fait que la représentation par un avocat n’est pas obligatoire, la 309
Résolution du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe N. 78 (8) sur l’assistance judiciaire et la consultation juridique, adoptée le 2 mars 1978. https://www.euromed-justice.eu/ fr/system/files/20090128115013_res%2878 %298 fCoE.pdf (consulté le 23 mars 2018). 310 Cour EDH, Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, préc. 311 Ibid., paragraphe 24. 312 Ibid. 313 Ibid.
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place accordée à l’accès à la justice justifie la condamnation de l’État sous l’angle de l’article 6 de la Convention. Il en allait de même en l’occurrence, puisque le défaut d’aide juridictionnelle a empêché la requérante de se faire représenter devant le High Court. C’est ainsi que la Cour européenne a jugé que la requérante n’a pas bénéficié d’un droit d’accès effectif314. Dès lors, les difficultés d’ordre matériel peuvent également constituer des obstacles à l’accès à la justice, contrairement au raisonnement du juge Thór Vilhjálmsson dans son opinion dissidente jointe à l’arrêt. Le juge Thór Vilhjálmsson a souligné que la requérante avait eu, en théorie, l’accès à la justice, puisqu’aucune norme légale, décision administrative ou judiciaire, ne l’a empêchée de faire valoir ses droits315. L’enseignement de l’arrêt Airey est dès lors clair : lorsque le requérant ne dispose pas de moyens financiers, ce qui l’empêche de faire valoir ses droits devant la justice, l’accès au juge est violé en substance et l’absence de moyens financiers constitue un obstacle à l’accès à la justice, indépendamment de toute considération relative à la chance de succès du recours. Une approche également extensive a été adoptée par les Hauts magistrats de la Cour de Strasbourg dans l’arrêt Aerts contre Belgique316, qui constitue le prolongement de l’arrêt Airey, et ce, dans un contentieux pénal. Après avoir infligé des coups et des blessures à son ex-épouse, le requérant a été placé dans l’annexe psychiatrique d’une prison. Il a demandé son transfert immédiat et, dans ce cadre, l’aide juridictionnelle, demande qui a été rejetée par le bureau d’aide juridictionnelle. Or, la représentation devant la Cour de cassation par un avocat était obligatoire. Autrement dit, si l’aide juridictionnelle était refusée, le requérant ne pourrait pas se représenter devant le tribunal et serait ainsi privé de l’accès à la justice. Dans son appréciation, la Cour européenne a relevé que le bureau n’avait pas à apprécier les chances de succès du pourvoi et qu’il appartenait à la Cour de cassation d’en décider317. La Cour européenne a ajouté qu’« [e]n rejetant la demande au motif que la prétention ne paraissait pas actuellement juste, le bureau d’assistance judiciaire a porté atteinte à la substance même du droit […] à un tribunal »318. Il s’ensuit que, selon la Cour européenne, lorsque la représentation par un avocat est obligatoire et que le requérant ne dispose pas de moyens suffisants, il est contraire à l’esprit du droit conventionnel d’apprécier les chances de succès et, dans ces circonstances, l’accès au tribunal est violé. Il résulte de ce premier courant jurisprudentiel qu’aux yeux de la Cour européenne, ce n’est pas la chance de succès de la requête, mais la situation financière 314
Ibid., paragraphe 28. Opinion dissidente du juge Thór Vilhjálmsson jointe à l’arrêt Airey. 316 Cour EDH, Aerts c. Belgique, 30 juillet 1998, n. 61/1997/845/1051, ECLI:CE: ECHR:1998:0730JUD002535794. 317 Ibid., paragraphe 60. 318 Ibid. 315
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du requérant qui joue un rôle prépondérant dans l’octroi de l’aide juridictionnelle, et ce, indépendamment du caractère obligatoire de la représentation par un avocat. Si cette dernière est obligatoire et si le requérant ne dispose pas de moyens suffisants, il est définitivement privé de l’accès à la justice. Toutefois, la position particulièrement libérale adoptée par la Cour européenne ne semble plus au goût du jour, celle-ci marquant désormais sa préférence pour la prise en considération de la perspective de succès du recours, comme la directive « procédures » le prévoit en règle générale. b) Le deuxième courant jurisprudentiel dont le facteur déterminant est l’absence de perspectives de succès Dans un deuxième temps, la Cour européenne a admis la conventionnalité du filtrage des demandes d’aide juridictionnelle en fonction de leur chance de succès. Dans l’arrêt Gnahoré, la Cour européenne a relevé qu’ « un système d’assistance judiciaire ne peut fonctionner sans la mise en place d’un dispositif permettant de sélectionner les affaires susceptibles d’en bénéficier »319. En l’espèce, le bureau d’aide juridictionnelle de la Cour de cassation française a refusé d’accorder l’aide juridictionnelle au requérant. Les juges Tulkens et Loucaides, dont l’opinion est en partie dissidente, ont relevé qu’une telle restriction limite l’accès à la justice des plus démunis et qu’une telle restriction est inéquitable, puisque l’examen du caractère sérieux du pourvoi est exigé uniquement par rapport aux plus démunis320. Cette remarque vaut en particulier pour les demandeurs d’asile, non seulement en raison des préjugés, mais également du fait que le bureau d’aide juridictionnelle décide en fonction de considérations factuelles et des évaluations juridiques parfois approximatives de l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande de protection. De plus, la décision de cette autorité administrative peut faire l’objet d’un recours dont l’exercice dépend dans la plupart des cas de l’octroi d’une aide juridictionnelle. Les mêmes considérations sont valables lorsque la représentation par un avocat est obligatoire. Dans l’arrêt Del Sol, la représentation par un avocat était obligatoire dans le cadre d’une procédure de divorce321. La requérante a saisi le bureau d’aide juridictionnelle de la Cour de cassation, mais sa demande a été rejetée au motif qu’elle n’a relevé aucun moyen de cassation sérieux. Dès lors, la requérante n’avait aucune perspective de succès. Après avoir examiné la qualité du système d’assi-
319 Cour EDH (3ème section), Gnahoré c. France, 19 septembre 2000, n. 40031/98, ECLI:CE:ECHR:2000:0919JUD004003198, paragraphe 42. 320 Opinion en partie dissidente commune aux juges Tulkens et Loucaides, jointe à l’arrêt Gnahoré. 321 Cour EDH (3ème section), Del Sol c. France, 26 février 2002, n. 46800/99, ECLI: CE:ECHR:2002:0226JUD004680099.
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2ème partie: Une cohérence en apparence
stance judiciaire français322, la Cour européenne a conclu à l’absence de violation de l’article 6 de la Convention. Or, malgré le fait que la représentation était obligatoire, la requérante n’a pas bénéficié d’aide juridictionnelle, dès lors, son accès à la justice est devenu illusoire, puisqu’elle n’avait pas de moyens financiers. S’inspirant de l’affaire Airey, les juges Tulkens et Loucaides ont attiré l’attention sur le fait que le bureau d’aide juridictionnelle a rejeté la demande de la requérante justement au motif qu’elle n’a pas avancé de moyens sérieux. Or, c’est notamment en raison de la complexité de ce recours extraordinaire que la représentation par un avocat est obligatoire. Dès lors, la solution dégagée par l’arrêt de la Cour européenne enferme les justiciables « dans un cercle vicieux »323. Il convient d’ajouter que, dans les affaires analysées, les requérants souhaitaient faire valoir leurs droits grâce à l’introduction d’un recours extraordinaire. Cependant, lorsque les demandeurs d’asile déboutés souhaitent voir leurs griefs examinés par une juridiction administrative, ils présentent un premier recours, qui ne pourrait pas, cependant, être exercé en fonction de règles si sévères qu’elles pourraient les empêcher, in fine, d’avoir accès aux juridictions administratives. Enfin, il ressort de l’analyse des arrêts précités que l’issue de la procédure tenant à l’octroi de l’aide juridictionnelle dépend, en fin de compte, de la décision du Bureau d’aide juridictionnelle. C’est probablement en vue du respect de la sécurité juridique et de la lisibilité des arrêts que la Cour européenne propose de vérifier si « le système mis en place par le législateur […] offre des garanties substantielles aux individus, de nature à les préserver de l’arbitraire »324. D’une part, l’examen porte sur les membres du bureau d’aide juridictionnelle ; d’autre part, il convient de vérifier si les décisions de ce bureau font l’objet de recours. La pratique montre cependant que la Cour européenne n’examine pas systématiquement ces facteurs ou, du moins, ne leur accorde pas beaucoup d’importance dans tous les cas. Cette attitude est d’autant plus regrettable que les conséquences sont particulièrement visibles dans certains ordres juridiques nationaux. Pour conclure, d’une part, la Charte des droits fondamentaux préconise l’alignement de la jurisprudence sur le premier courant jurisprudentiel fondé sur l’arrêt Airey, alors que la Cour de justice n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer à ce sujet et la directive « procédures » garantit une autonomie procédurale large ; d’autre part, la Cour européenne semble avoir défini des critères sévères pour accorder l’aide juridictionnelle. Or, ces tendances sont a priori favorables à l’aménagement d’un droit positif restrictif au niveau national au sujet de l’octroi de l’aide juridictionnelle.
322
Ibid., paragraphe 25. Cette solution a été confirmée dans l’affaire Essaadi. Cour EDH (3 section), Essaadi c. France, 26 février 2002, n. 49384/99, ECLI:CE:ECHR: 2002:0226JUD004938499, paragraphe 35. 323 Opinion dissidente commune aux juges Tulkens et Loucaides, jointe à arrêt Del Sol. 324 Cour EDH, Gnahoré c. France, 19 septembre 2000, préc., paragraphe 41. ème
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B. L’aide juridictionnelle au niveau national Le droit de l’Union prévoit le droit à l’assistance juridique uniquement pour les procédures de recours de droit commun et reste silencieux sur la procédure d’asile de droit commun. La logique qui consiste à ne pas exiger d’assistance juridique pendant la procédure administrative a été reprise tant par le droit français que par le droit allemand. En ce qui concerne la procédure de recours, alors qu’en droit français, l’octroi de l’aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d’asile est garanti presque sans exception (II), en droit allemand, il n’existe pas d’obligation de représentation (Vertretungszwang) lors de la procédure devant les juridictions administratives325 (I). I. Le caractère limité de l’octroi de l’aide juridictionnelle en droit allemand Les principes constitutionnels qui gouvernent l’octroi de l’aide juridictionnelle (1) déterminent la jurisprudence des tribunaux administratifs (2). 1. Les principes constitutionnels déterminant l’octroi de l’aide juridictionnelle La loi relative à l’asile prévoit que les frais de justice ne sont pas imposés dans les procédures devant les tribunaux administratifs326. Les honoraires de l’avocat ne faisant pas partie de ces frais, l’aide juridictionnelle peut être demandée. Cela ne signifie pas pour autant que l’octroi de l’aide juridictionnelle n’est pas conditionné par les perspectives de succès de la demande. Dans une affaire devant la Cour constitutionnelle fédérale, la demande d’aide juridictionnelle du requérant a été rejetée par le Tribunal administratif de Gelsenkirchen, puis, en appel, le recours du requérant a été rejeté par la Cour administrative supérieure de Land Nordrhein-Westfalen au motif qu’elle ne pouvait pas réexaminer les constats établis par le Tribunal administratif relatifs aux perspectives de succès327. Les juges de Karlsruhe ont jugé que cette solution portait atteinte à l’accès au recours en vertu de l’article 19, paragraphe (4) de la Loi fondamentale328. Cette solution fait écho aux enseignements de la Cour européenne : si l’évaluation de la perspective de succès peut constituer un motif valable de rejet de la demande d’aide juridictionnelle, contester la décision de cette nature devant une juridiction administrative conditionne la conventionnalité d’une telle solution.
325 326 327 328
H. J. Knack, H-G. Henneke, « Verwaltungsverfahrensgesetz…», op. cit., p. 214. § 83b AsylG. BVerfG, 17 mars 1988, 2BvR 233/84. Ibid.
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L’évaluation des chances de succès n’est, en soi, contraire à la Loi fondamentale que si les juridictions administratives utilisent un seuil d’interprétation, sur la base duquel la représentation d’une personne dépourvue de moyens financiers devient plus difficile que celle d’une personne qui dispose de moyens suffisants, et ce, de manière disproportionnée329. Dès lors, l’octroi de l’aide juridictionnelle pose problème en droit constitutionnel lorsque les justiciables sont entièrement privés de l’accès égal à la justice ou lorsque cet accès n’est pas garanti de manière conforme à l’article 19, paragraphe (4) de la Loi fondamentale330. Il s’ensuit que les limites de cette évaluation correspondent à celles prévues par le droit dérivé de l’Union : la substance même du droit d’accès à la justice. Il est cependant difficile d’établir les critères en fonction desquels les perspectives de chance de succès peuvent être évaluées. Dans ce cadre, la Cour constitutionnelle a notamment mentionné la complexité de l’affaire ainsi que la capacité des étrangers à s’exprimer à l’écrit et à l’oral331. En ce qui concerne la complexité, la Cour a relevé que, dans le cadre de l’exercice de leur marge d’appréciation, les juridictions administratives ne peuvent pas porter atteinte à l’objectif de l’aide juridictionnelle, de telle manière que les questions juridiques difficiles, qui n’ont pas encore été suffisamment clarifiées, soient tranchées dans le cadre de la procédure d’aide juridictionnelle332. Fait partie des questions juridiques difficiles la circonstance que la pratique juridictionnelle administrative n’est pas unanime sur une question333. La Cour constitutionnelle a ajouté que la représentation par un avocat est nécessaire, notamment lorsqu’il s’agit des questions de fait et de droit complexes334. Dès lors, force est de constater que, dans un tel cas de figure, indépendamment de la chance de succès, la complexité de l’affaire peut également commander que le requérant soit accompagné dans ses démarches par un représentant légal. Un tel aménagement procédural est particulièrement favorable aux intérêts des demandeurs d’asile. Dans la pratique, la Cour constitutionnelle a réduit, de manière considérable, la marge d’appréciation des juridictions administratives lorsqu’elles 329
BVerfG, 13 mars 1990, 81, 347. De ce fait, selon la Cour constitutionnelle, une règlementation, selon laquelle une personne dépourvue de moyens financiers n’arrive pas à présenter ses griefs devant la juridiction du recours, porte atteinte à l’égalité de la protection juridique. BVerfG (1ère sénat, 1ère ch.), 4 mai 2015, 1 BvR 2096/13, ECLI:DE:BVerfG: 2015:rk20150504.1bvr209613. 330 BverfG (2ème sénat, 1ère ch.), 16 janvier 2001, 2 BvR 902/00, ECLI:DE:BVerfG: 2001:rk20010116.2bvr090200. Selon la Cour constitutionnelle, l’examen des perspectives de succès ne peut se substituer à la procédure principale et si le refus de l’aide juridictionnelle rend l’accès à la protection juridique excessivement difficile, il y a violation de l’article 19(4) de la Loi fondamentale. BVerfG (2ème sénat, 1ère ch.), 10 août 2001, 2 BvR 569/01, ECLI: DE:BVerfG:2001:rk20010810.2bvr056901. 331 BVerfG, 19 janvier 1994, 2 BvR 2003/93. 332 BVerfG, 12 janvier 1993, 2 BvR 1584/92. 333 BVerfG (2ème sénat, 1ère ch.), 18 septembre 2017, 2 BvR 451/17, ECLI:DE: BVerfG:2017:rk20170918.2bvr045117. 334 BVerfG, 19 janvier 1994, 2 BvR 2003/93.
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envisagent de ne pas accorder une aide juridictionnelle. En effet, dans l’affaire en cause, la Cour a ajouté qu’un tel pouvoir d’appréciation restreint s’impose, notamment lorsque la situation générale dans le pays d’origine du demandeur d’asile mérite une évaluation profonde du point de vue du droit de l’asile335. Dès lors, la résolution des questions juridiques complexes336 et l’éclaircissement du contexte factuel nécessitent l’octroi de l’aide juridictionnelle. À la lumière de ces standards jurisprudentiels, il importe, d’une part, qu’en cas de doute, qu’il soit factuel ou juridique, l’octroi de l’aide juridictionnelle soit accordé et que l’accès au recours ne soit pas entravé par l’absence de moyens financiers. Une telle considération s’impose notamment eu égard à la vulnérabilité des demandeurs d’asile et ainsi, dans la plupart des cas, à la connaissance insuffisante du système juridique de l’État d’accueil. Finalement, étant donné que l’objet de la procédure relative à l’octroi de l’aide juridictionnelle est différent de celui d’une procédure d’asile, il est fondamental, si l’on se rallie à la position des juges Tulkens et Loucaides, que les arrêts des tribunaux administratifs concernant l’octroi de l’aide juridictionnelle ne comportent pas de préjugés quant à l’issue de la procédure de recours relative au réexamen de la demande de protection, qui rendent l’accès au juge de l’asile illusoire. 2. La jurisprudence des tribunaux administratifs allemands relative à l’aide juridictionnelle Compte tenu des risques évoqués, la Cour administrative suprême du Saarland a précisé qu’étant donné que la procédure d’aide juridictionnelle ne peut pas avoir pour objet d’anticiper l’issue de la procédure par une évaluation juridique préliminaire de l’objet du litige, l’octroi de l’aide juridictionnelle est justifié si le tribunal considère l’approche du requérant comme défendable sur la base de la description
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Ibid. Il convient de remarquer que, dans la mesure où une question juridique complexe a été résolue par un arrêt-clé, les demandes d’octroi de l’aide juridictionnelle seront dépourvues de chance de succès. À titre d’exemple, le OVG Niedersachsen a jugé que les personnes originaires de Syrie ne risquent généralement pas d’être persécutées en cas de retour en Syrie, soit parce qu’elles sont parties illégalement pour demander l’asile ou pour rester dans les pays occidentaux, soit en raison de leur appartenance religieuse ou de leur lieu d’origine. OVG Niedersachsen, 27 juin 2017, 2 LB 91/17. Ainsi, la demande de l’octroi de l’aide juridictionnelle est refusée lorsque la même question complexe et entretemps résolue est soulevée. OVG Niedersachsen, 27 octobre 2017, 2 LB 1226/17. En revanche, dans la mesure où une juridiction administrative d’appel s’est déjà prononcée sur une question juridique complexe mais où il existe en même temps une jurisprudence constante divergente, le demandeur d’asile doit être entendu dans la procédure principale et l’aide juridictionnelle doit être ainsi accordée. BVerfG (2ème sénat, 1ère ch.), 4 octobre 2017, 2 BvR 846/17, ECLI:DE:BVerfG: 2017:rk20171004.2bvr084617. 336
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factuelle et des documents disponibles337. Il s’ensuit que l’examen lors de la procédure tenant à l’octroi de l’aide juridictionnelle ne peut être que sommaire et, en cas de doutes sur le bien-fondé de la décision administrative, l’aide juridictionnelle doit être accordée. En cas de décisions « pilot », lorsque des questions juridiques générales ont été résolues concernant un grand nombre de ressortissants de pays tiers, l’évaluation doit porter sur la possibilité de comparer le cadre factuel de l’affaire à celui des affaires pilot. Les tribunaux administratifs rejettent les demandes d’aide juridictionnelle, lorsque les motifs qui sous-tendent la demande de protection internationale ne sont pas liés aux motifs justifiant l’octroi de la protection internationale338. Certes, dans ce cas, la demande est manifestement dépourvue de chance de succès. Dans une affaire devant le Tribunal administratif de Munich, cette juridiction a relevé à propos d’un requérant, ressortissant afghan, qu’indépendamment des motifs de possibles persécutions, il pourrait bénéficier d’un asile interne dans la ville de Kaboul339. Dans un tel cas de figure, il est crucial que ce soit une juridiction administrative, spécialisée dans le domaine de l’asile et non dans le domaine du filtrage des demandes d’aide juridictionnelle, qui s’assure du caractère sûr de la capitale afghane dans un cas individuel, avant de prendre une décision d’éloignement. A contrario, lorsque la demande a une chance de succès, certaines juridictions fournissent même une direction générale à l’instance juridictionnelle chargée du réexamen de la demande de protection à la lumière d’un dialogue animé par la célérité. Dans une affaire portée devant le Tribunal administratif de Würzburg, après avoir jugé que le recours a une chance raisonnable de succès, cette juridiction a examiné minutieusement les preuves présentées par le requérant, avant de conclure qu’il convient de supposer que les services secrets éthiopiens sont au courant des activités d’exil du requérant et qu’il existe un risque réel de persécutions si le demandeur est renvoyé en Éthiopie, ce qui constituerait une violation grave des droits fondamentaux340. En tout état de cause, s’il y a le moindre doute, l’aide juridictionnelle est accordée. Ainsi, le Tribunal administratif d’Ansbach a considéré que, si la crédibilité du requérant était douteuse concernant sa persécution individuelle en tant que croyant religieux Yezidi, la question de savoir si les Yezidis en Irak sont victimes d’une persécution collective demeure, cependant, une question à préciser dans la procédure principale, et cette juridiction a dès lors accordé l’aide juridictionnelle341. De manière similaire, le Tribunal administratif de Sigmaringen a relevé qu’afin 337
OVG Saarland, 24 août 2009, 2 D 395/09. Notons à cet égard que les juridictions compétentes en ce domaine disposent d’une évaluation factuelle en principe complète à la suite de la procédure administrative d’asile. 338 VG Augsburg, 21 juin 2013, 1 K 13.30141. 339 VG München, 16 novembre 2015, M 9 K 14.31087. 340 VG Würzburg, 17 juillet 2017, W 3 K 16.30710, paragraphe 47. 341 VG Ansbach, 18 février 2010, AN 14 K 10.30032.
Titre I: Le nécessaire encadrement de l’autonomie procédurale
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d’évaluer la crédibilité du récit de la requérante et de déterminer si elle peut être confrontée à d’autres facteurs de risque individuels, son audition lors de l’audience orale est nécessaire et que ces circonstances doivent être examinées dans la procédure principale342. De ce fait, cette juridiction a accordé l’aide juridictionnelle. Il suit des arrêts analysés que, lorsque la demande d’asile aboutira, selon toute vraisemblance, à une décision positive, lorsque la question juridique inhérente à l’affaire nécessite une clarification jurisprudentielle ou lorsque le cadre factuel n’est pas suffisamment établi, et ce, selon certaines juridictions, indépendamment de la crédibilité du demandeur d’asile, de telles incertitudes devront être clarifiées dans le cadre de la procédure principale de recours et il conviendra, à cette fin, en principe, d’accorder l’aide juridictionnelle. En France, la situation paraît moins compliquée, les requérants devant la Cour nationale du droit d’asile bénéficiant, dans la plupart des cas, de l’aide juridictionnelle. II. Le caractère quasi illimité de l’octroi de l’aide juridictionnelle en droit français Avant d’étudier la jurisprudence de la Cour nationale du droit d’asile (2), il convient d’esquisser les principes qui déterminent l’octroi de l’aide juridictionnelle (1). 1. Les principes directeurs déterminant l’octroi de l’aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d’asile La procédure devant la Cour nationale du droit d’asile est gratuite et sans frais343. Les demandes d’aide juridictionnelle ne peuvent être présentées qu’au bureau établi auprès de la Cour nationale du droit d’asile344. Les décisions du bureau d’aide juridictionnelle peuvent faire l’objet de recours. Cette règlementation est ainsi conforme aux exigences conventionnelles. La loi n8 91 – 647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique prévoit certains critères à respecter pour que le requérant devant la Cour nationale du droit d’asile puisse en bénéficier. Tout d’abord, l’étranger doit habituellement résider sur le territoire français345. Ce critère ne figure pas parmi les facteurs à prendre en considération préconisés par la Cour européenne et repris par la Cour de justice. En tout 342
VG Sigmaringen, 5 février 2009, A 5 K 2571/08. Article R733 – 2 du CESEDA. 344 Avis du Conseil d’État (108-98 ss-sect. réunies), 6 mai 2009, N8 322713. 345 La CRR a jugé à cet égard que « [c]onsidérant que la requérante ne justifie ni être entrée régulièrement sur le territoire français, ni détenir un titre de séjour d’une durée de validité au moins égale à un an ; qu’ainsi, sa demande est irrecevable ». CRR, 25 mai 2005, 526381. Ce constat a été confirmé par la CRR. CRR, 2 juillet 2007, 577715. 343
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2ème partie: Une cohérence en apparence
état de cause, selon le droit conventionnel et le droit de l’Union, les critères subjectifs ne peuvent pas porter atteinte à la substance même du droit d’accès au juge de l’asile. Notons que l’obtention de la résidence habituelle en France ne se heurte plus aux difficultés administratives, les personnes sans domicile stable étant obligées d’être domiciliées soit dans un lieu d’hébergement dédié, soit dans une structure de premier accueil (SPADA)346. Par ailleurs, la règle générale est que le bénéfice de l’aide juridictionnelle est de plein droit, sauf si le recours est manifestement irrecevable347. La loi citée ne précise pas ce qu’elle entend par un recours manifestement irrecevable. Dans la pratique, un recours est manifestement irrecevable, notamment lorsqu’il a été présenté tardivement. Selon les données statistiques, en 2013, le taux de reconnaissance s’est élevé à 80 % devant le Bureau d’aide juridictionnelle auprès de la Cour nationale du droit d’asile348. En dépit de cette réglementation particulièrement protectrice, force est de constater que le système établi ne garantit pas, dans tous les cas, un accès effectif au juge de l’asile, en raison d’un dialogue horizontal insuffisant parmi les autorités participant au processus décisionnel, qu’il soit lié à la demande d’aide juridictionnelle ou à l’examen de la demande de protection internationale. 2. La mise en œuvre des principes directeurs devant la Cour nationale du droit d’asile Les problèmes du système d’aide juridictionnelle français tiennent principalement à l’automatisme du traitement des demandes d’octroi de l’aide juridictionnelle et, par conséquent, à l’insuffisance du dialogue entre le bureau d’aide juridictionnelle auprès de la Cour nationale du droit d’asile, la Cour nationale du droit d’asile et parfois l’autorité préfectorale. C’est probablement la raison pour laquelle la Cour européenne a préconisé l’importance du respect des facteurs institutionnels. Or, la pratique montre que le non-respect de ces facteurs peut conduire à la méconnaissance de la Convention dans les circonstances individuelles. Dans un premier cas de figure, le dialogue peut être insuffisant entre la Cour nationale du droit d’asile et son Bureau. À titre d’exemple, dans une affaire devant le Conseil d’État, l’annulation de la décision prise par la Cour nationale du droit d’asile résultait du fait que l’OFPRA a rejeté la demande de protection internationale. Ensuite, le requérant a présenté une demande d’aide juridictionnelle sur laquelle la Cour nationale du droit d’asile n’a pas statué alors qu’elle a rejeté le recours349. Il en va de même lorsque la Commission des recours des réfugiés ne tient 346
https://www.lacimade.org/ce-qui-entre-en-vigueur-le-1er-janvier-2019-en-matiere-dasi le/ (consulté le 19 mars 2019). 347 Article 9 – 4 de la loi n8 91 – 647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. 348 V. Tchen, « Code de l’entrée… », op. cit., p. 684. 349 CE (10ème ss-sect.), 31 août 2009, N8 310291. Voir à cet égard encore : CE (2ème sssect.), 25 septembre 2013, N8 364926, ECLI:FR:CESJS:2013:364926.20130925. Dans cette
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pas compte du dépôt de la demande d’aide juridictionnelle du requérant qui interrompt le délai de recours contentieux350. Dans une autre affaire, le Conseil d’État a jugé que la Cour nationale du droit d’asile ne peut régulièrement statuer sur un recours formé par une personne qui a demandé le bénéfice de l’aide juridictionnelle avant que le demandeur n’ait reçu notification de la décision prise sur cette demande par le Bureau351. Il arrive aussi que le bureau d’aide juridictionnelle omette de prendre une décision. Dans une affaire portée devant le Conseil d’État, le requérant était tenu de réitérer sa demande d’aide juridictionnelle. De ce fait, son recours a été rejeté pour tardiveté par la Cour nationale du droit d’asile. Dans son appréciation, le Conseil d’État a relevé que la demande d’aide juridictionnelle, lorsqu’elle est régulièrement formée, a pour effet de proroger le délai du recours contentieux et, de ce fait, la Cour nationale du droit d’asile a fondé sa décision sur des faits entachés d’une inexactitude matérielle352. Dès lors, le Conseil d’État a annulé sa décision. Dans une affaire similaire, la requérante a déposé une demande d’aide juridictionnelle qui n’a pas été enregistrée par le bureau d’aide juridictionnelle. En l’absence de réponse de la part du bureau, la requérante a introduit un recours qui a été rejeté pour tardiveté par la Cour nationale du droit d’asile. Elle a cependant produit la photocopie du formulaire Cerfa de la demande d’aide juridictionnelle. Mais la Cour nationale du droit d’asile n’a pas accordé de valeur probante à ce document. Le Conseil d’État a jugé à cet égard qu’en se fondant sur la seule circonstance que le bureau n’avait pas trouvé trace de la demande d’aide juridictionnelle, sans rechercher l’accusé de réception d’une lettre recommandée adressée par l’intéressée au bureau d’aide juridictionnelle produit devant elle, la Cour nationale du droit d’asile a entaché sa décision d’une erreur de droit353. Dès lors, le Conseil d’État a annulé la décision de la Cour nationale du droit d’asile. Par ailleurs, l’organisation interne de la Cour nationale du droit d’asile peut également engendrer des erreurs. C’est ainsi le cas lorsque l’erreur du numéro affaire, le rejet du recours formé devant la Cour nationale du droit d’asile comme tardif résultait du fait que la nouvelle adresse était erronée et cette circonstance n’était pas imputable au requérant. 350 CE (108-98 ss-sect. réunies), 30 décembre 2009, N8 298865. Cette même problématique est apparue devant la Cour nationale du droit d’asile. Le Conseil d’État a ainsi jugé que le président de section de la Cour nationale du droit d’asile a entaché l’ordonnance attaquée d’une erreur de droit. CE (10ème ch.), 9 mars 2018, N8 411892, ECLI:FR:CECHS: 2018:411892.20180309, paragraphe 3. 351 CE (2ème ss-sect.), 12 juin 2013, N8 357588, ECLI:FR:CESJS:2013:357588.20130612. 352 CE (10ème ss-sect.), 1 octobre 2014, N8 368694, ECLI:FR:CESJS:2014: 368694.20141001, paragraphe 4. Il en va de même lorsque la Cour nationale du droit d’asile prend en considération la demande d’aide juridictionnelle, mais que celle-ci ne tient pas compte de l’effet interruptif de cette demande. CE (10ème ss-sect.), 7 janvier 2015, N8 378660, ECLI:FR:CESJS:2015:378660.20150107, paragraphe 3. 353 CE (10ème ss-sect.), 9 octobre 2015, N8 380477, ECLI:FR:CESJS:2015: 380477.20151009, paragraphe 4.
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2ème partie: Une cohérence en apparence
d’enregistrement du recours incite la Cour nationale du droit d’asile à déclarer le recours tardif354. Ces cas montrent parfaitement les « grains de sable » présents dans le système d’aide juridictionnelle français, puisque, nonobstant le respect formel des facteurs institutionnels, le manque de dialogue entre les autorités rend l’accès au juge de l’asile illusoire, voire inexistant. À ces insuffisances s’ajoutent les éventuels manquements de l’autorité préfectorale. Dans une affaire portée devant le Conseil d’État, la demande d’asile du requérant a été rejetée par l’OFPRA. Ensuite, le requérant a déposé une demande d’aide juridictionnelle et le bureau d’aide juridictionnelle a accusé réception de cette demande. Le requérant s’est, ensuite, rendu à la préfecture pour le renouvellement de son récépissé. Cependant, le préfet a refusé de procéder ainsi, au motif que le requérant n’a pas justifié le dépôt d’un recours devant la Cour nationale du droit d’asile contre la décision négative de l’OFPRA355. Dans son appréciation, la Haute juridiction administrative a mis en exergue que « le régime d’aide juridictionnelle contribue à la mise en œuvre du droit constitutionnellement garanti à toute personne à un recours effectif devant une juridiction »356. En refusant de renouveler le récépissé au seul motif que le requérant a déposé une demande d’aide juridictionnelle, mais pas un recours devant la Cour nationale du droit d’asile, le préfet de police a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale357. Les affaires présentées montrent les mêmes symptômes et nécessitent le même traitement : le dialogue inter- et intra-institutionnel, indépendamment de l’encombrement de l’OFPRA et de la Cour nationale du droit d’asile. Tandis que la jurisprudence administrative allemande devrait identifier les critères prévisibles et cohérents en fonction desquels les juridictions administratives évaluent l’existence de perspectives tangibles de succès, la règlementation relative à l’octroi de l’aide juridictionnelle presque illimitée en droit français présente certains inconvénients qui peuvent rendre l’accès au juge de l’asile illusoire. C’est pourquoi le dialogue a été préconisé entre les autorités participant audit processus décisionnel. *
L’analyse de la portée des garanties procédurales qui font l’objet de notre étude a révélé que la règlementation lacunaire du droit de l’Union et les incertitudes dans la jurisprudence de la Cour européenne contribuent à la fragmentation de la portée de ces garanties. La responsabilité du législateur et de la jurisprudence au niveau national est d’autant plus importante qu’il leur revient, comme remèdes ultimes, de 354 CE (2ème ss-sect.), 24 octobre 2013, N8 362976.20131024. 355 CE (juge des référés), 8 février 2012, N8 355884. 356 Ibid. 357 Ibid.
362976,
ECLI:FR:CESJS:2013:
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canaliser les hésitations tout en veillant à l’effectivité de l’accès à la procédure d’asile. Nous avons détecté des problèmes systémiques et nous avons proposé des solutions qui peuvent être transposables d’un ordre juridique à l’autre, contribuant à la prévisibilité des règles et, ainsi, à la sécurité juridique.
Conclusion du Titre I Les demandeurs d’asile doivent faire face à d’innombrables obstacles lorsqu’ils souhaitent bénéficier de la protection internationale. Il n’est pas possible d’étudier l’effectivité de l’accès aux instances de l’asile sans identifier, au préalable, lesdites entraves ainsi que les protagonistes qui définissent les contours des exigences permettant de les franchir. Sur le terrain de l’autonomie procédurale, nous avons démontré, d’une part, que la Cour européenne s’arroge une place de plus en plus centrale dans la détermination des garanties procédurales indispensables à cet accès. D’autre part, il est notoire que, lors du processus d’harmonisation, le législateur de l’Union a tendance à règlementer de plus en plus de questions procédurales, lesquelles sont ensuite interprétées par la Cour de justice. Nonobstant ces développements récents, le droit national revêt une importance primordiale. Nous avons constaté que, pour l’essentiel, les mêmes problèmes structurels apparaissent dans les ordres juridiques nationaux et nécessitent les mêmes solutions juridiques. Si nous pouvons esquisser des solutions ponctuelles, le remède le plus fondamental est un dialogue vertical et horizontal, au niveau européen et national. Ce dialogue devrait également être présent entre les différents ordres juridiques nationaux. Notre analyse a démontré que les solutions juridiques émanant des différents ordres juridiques nationaux sont bien transposables dans la mesure où les symptômes sont similaires et peuvent nécessiter un traitement identique. Outre ce dialogue, un suivi permanent du sort du demandeur d’asile, la célérité et la prise en considération des cas individuels constituent des concepts-clé qui permettent d’offrir un accès à la justice dans le domaine de l’asile qui soit aussi effectif que possible. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que bien qu’il s’agisse de garanties procédurales pouvant subir des limitations, celles-ci ne peuvent cependant être aménagées qu’en tenant compte de la particularité de la situation des demandeurs d’asile ainsi que de leur vulnérabilité. Ce n’est que par la considération de ces facteurs que l’accès aux instances de l’asile peut se voir décerné le label d’effectivité.
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2ème partie: Une cohérence en apparence
Titre II: Le nécessaire renforcement des garanties inhérentes à l’accès au recours effectif Le droit au recours effectif figure non seulement dans l’article 13 de la Convention européenne, mais également dans le droit primaire de l’Union, précisément dans l’article 47 de la Charte. De plus, l’article 19, paragraphe (1) du TUE prévoit que « [l]es États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union »358. La protection offerte par le droit de l’Union est cependant plus étendue, celui-ci garantissant le droit à un recours effectif devant un tribunal359. Ce constat est contrebalancé par le fait qu’en droit conventionnel, si les États parties à la Convention décident d’instaurer un recours devant un juge, les garanties découlant de l’article 13 doivent être respectées. C’est pourquoi le champ d’intervention de la Cour européenne et celui de la Cour de justice peuvent se recouper lorsqu’il s’agit d’examiner le caractère effectif d’un recours. Il en va ainsi dans le domaine d’asile. Un point névralgique de la garantie de l’accès au recours est l’aménagement des procédures dérogatoires, leur caractéristique principale étant le risque de refoulement immédiat. Si la Cour européenne ne condamne pas la pratique du recours aux procédures dérogatoires en tant que telle, certaines exigences minimales doivent être respectées. La Cour européenne a défini les garanties procédurales indispensables pour que le recours soit effectif dans ces procédures. Ces garanties ont été reprises dans le droit dérivé de l’Union et interprétées par la Cour de justice dans un esprit de dialogue. Dès lors, la jurisprudence actuelle au niveau européen ne révèle pas de tensions entre les ordres juridiques étudiés (Chapitre I). Certes, les organes juridictionnels européens n’ont pas encore eu l’occasion de censurer davantage les règlementations restrictives élaborées dans les droits nationaux. Or, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a déploré que « la grande diversité des cas de procédures accélérées et le grand nombre de procédures différentes appliquées dans les États membres du Conseil de l’Europe augmentent le risque de voir les procédures d’asile en Europe se transformer en loterie pour [les] demandeurs d’asile »360. C’est pourquoi les juridictions administratives nationales ont un rôle
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Article 19(1), deuxième alinéa du TUE. Explications relatives à la Charte des droits fondamentaux, préc. La Cour de justice a jugé que le contrôle juridictionnel effectif est l’expression d’un principe général de droit qui se trouve à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres, et ce principe a également été consacré par les articles 6 et 13 de la CEDH. CJCE, Marguerite Johnston contre Chief Constable of the Royal Ulster Constabulary, 15 mai 1986, 222/84, ECLI:EU:C:1986:206, paragraphe 18. 360 PACE, résolution 1471 (2005) sur les procédures d’asile accélérées dans les États membres du Conseil de l’Europe, point 5. 359
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accru afin de garantir un recours effectif dont la portée ne varie pas d’un État à l’autre (Chapitre II).
Chapitre I: L’encadrement harmonieux du droit au recours effectif dans l’ordre juridique conventionnel et en droit de l’Union Nous avons constaté le dédoublement de compétence des organes juridictionnels étudiés. Dès lors, le dialogue entre ces organes revêt une importance fondamentale. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que, lors de l’interprétation des garanties procédurales indispensables à un recours effectif, la Cour de justice est également tenue de prendre en considération les spécificités du droit de l’Union. La diversité des facteurs que la Cour de Luxembourg doit prendre en considération a été mise en évidence par l’avocat général Cruz Villalón dans ses conclusions relatives à l’affaire Samba Diouf. Ce dernier a souligné, par ailleurs, que l’article 47 de la Charte dispose d’un contenu propre « dans la définition duquel les instruments internationaux dont il est inspiré doivent certainement jouer un rôle fondamental, en premier lieu notamment la CEDH, mais aussi les traditions constitutionnelles dont il procède et, avec elles, le corpus conceptuel des principes qui caractérisent l’État de droit »361. En d’autres termes, lorsque la Cour de justice apprécie les solutions nationales du point de vue de leur caractère effectif, les standards jurisprudentiels tirés de l’article 13 de la Convention occupent une place importante. Dès lors, en s’efforçant au dialogue, la Cour de justice devrait concilier la jurisprudence évolutive de la Cour européenne avec les spécificités du droit de l’Union. Eu égard à ces constats, la structure de notre analyse suit la position de la Cour européenne relative au caractère effectif du recours. Il est communément admis que le recours doit être effectif en pratique comme en droit362. D’une part, certaines garanties prévues par la loi constituent des exigences minimales dont le respect est indispensable pour garantir un recours effectif (Section I). D’autre part, le caractère effectif du recours peut être remis en question lorsque les démarches des autorités nationales témoignent d’un certain formalisme qui est susceptible d’avoir des répercussions sur le respect de l’obligation de non-refoulement et, inévitablement, sur l’effectivité de l’accès au recours (Section II).
361 Conclusions de l’avocat général Cruz Villalón présentées le 1 mars 2011, Brahim Samba Diouf contre Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, C-69/10, ECLI:EU:C:2011:102, paragraphe 39. 362 F. Sudre, Droit européen et international des droits de l’homme, 9e éd. rev. et augm., Paris, PUF, 2008, p. 443.
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2ème partie: Une cohérence en apparence
Section I: L’accessibilité d’un recours effectif en droit au niveau européen La résolution mentionnée de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a attiré l’attention sur la nécessité de garantir le droit au recours avec effet suspensif. Concrètement, il convient de « faire en sorte que le droit à un recours effectif de l’article 13 de la [CEDH] soit respecté, notamment le droit de faire appel d’une décision négative et le droit de suspendre l’exécution des mesures jusqu’à ce que les autorités nationales aient examiné leur compatibilité avec la [CEDH] »363. En outre, l’Assemblée parlementaire a invité les gouvernements à prendre des mesures afin de respecter le principe de non-refoulement et à fixer des délais de recours raisonnables364. Le cinquième principe des vingt principes directeurs relatifs au retour forcé élaborés par le Conseil de l’Europe prévoit que l’exercice du recours à l’encontre d’une décision d’éloignement devrait avoir un effet suspensif si la personne en question fait valoir un grief défendable lorsqu’elle prétend être soumise à des traitements inhumains ou dégradants365. On retrouve une telle approche dans les lignes directrices sur la protection des droits de l’Homme dans le contexte des procédures d’asile accélérées, qui fait état de la nécessité d’aménager des recours suspensifs contre la mesure d’éloignement en cas de grief défendable, tout en précisant qu’en cas de rejet d’une demande d’asile, le recours à l’encontre de cette décision doit être effectif366. De manière similaire, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a défini ce qu’il entend par un recours effectif. Dans ce cadre, parmi les critères évoqués, l’accessibilité du recours et son caractère suspensif revêtent une importance particulière367. Même si les instruments présentés sont dé363
PACE, résolution 1471 (2005) préc., points 7 – 8 ; PACE, recommandation 1327 (1997) relative à la protection et au renforcement des droits de l’homme des réfugiés et des demandeurs d’asile en Europe, 24 avril 1997. Nonobstant l’absence de force contraignante des résolutions de l’Assemblée parlementaire, la Cour européenne s’inspire régulièrement de ce type d’instruments juridiques appartenant à la catégorie de soft law. F. Tulkens, S. Van Drooghenbroeck, « Le soft law des droits de l’homme est-il vraiment si soft ? : les développements de la pratique interprétative récente de la Cour européenne des droits de l’homme », In : Liber amicorum Michel Mahieu, 2008, p. 505 – 526 ; F. Tulkens, S. Van Drooghenbroeck, F. Krenc, « Le soft law… », op. cit., p. 433 – 489. 364 PACE, résolution 1471 (2005) préc., point 8.1. 365 Vingt principes directeurs sur le retour forcé, adoptés en septembre 2005 par le Conseil de l’Europe. https://www.coe.int/t/dg3/migration/archives/Source/MalagaRegConf/20_Guideli nes_Forced_Return_fr.pdf (consulté le 9 décembre 2017). 366 Lignes directrices sur la protection des droits de l’homme dans le contexte des procédures d’asile accélérées adoptées par le Comité des Ministres le 1er juillet 2009 lors de la 1062e réunion des Délégués des Ministres, point X. https://search.coe.int/cm/Pages/result_de tails.aspx?ObjectId=09000016805d0cbf (consulté le 9 décembre 2017). 367 Recommandation n. (98) 13 du Comité des Ministres aux États membres sur le droit de recours effectif des demandeurs d’asile déboutés à l’encontre des décisions d’expulsion dans le contexte de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, 18 septembre
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pourvus d’effets juridiques contraignants368, les principes évoqués guident nonobstant la jurisprudence de la Cour européenne dans l’aménagement des exigences tenant au recours effectif (§ 1). En ce qui concerne l’ordre juridique de l’Union, le législateur de l’Union a fait en sorte que la directive « procédures » reflète les évolutions jurisprudentielles de la Cour européenne, tout en limitant la portée de certaines garanties procédurales. La Cour de justice s’aligne cependant sur les standards jurisprudentiels élaborés par les juges de Strasbourg, même lorsqu’il convient d’interpréter les garanties procédurales dont la portée a été définie de manière restrictive par le législateur de l’Union (§ 2).
§ 1 L’aménagement des procédures dérogatoires en droit conventionnel pour garantir l’accessibilité d’un recours effectif en droit L’encadrement d’un recours de plein droit suspensif a été préconisé depuis longtemps par le soft law du Conseil de l’Europe et ses contours ont été tracés au fur et à mesure par la Cour européenne (A). L’affaire Gebremedhin a été l’étape-clé de la jurisprudence, dans laquelle la Cour européenne propose une grille de lecture complète pour garantir l’effectivité du recours dans le système conventionnel (B). A. L’encadrement du recours suspensif en droit conventionnel L’objectif du recours suspensif est d’empêcher le refoulement d’un étranger dans un pays où il serait exposé au risque de mauvais traitements, qu’il s’agisse des affaires d’éloignement ou d’extradition369. 1998. Notons que le Comité des Ministres a requis que l’instance soit juridictionnelle, que l’instance soit compétente pour décider de l’existence des conditions prévues dans l’article 3 de la Convention européenne et pour accorder le redressement approprié, que le recours soit accessible et que ce dernier soit assorti d’effet suspensif (Ibid.). 368 Voir à cet égard mutatis mutandis l’analyse du Professeur Stamatina Xefteri : « La soft law dans l’ordre juridique de l’Union européenne ». https://blogdroiteuropeen.com/2019/02/1 9/le-soft-law-dans-lordre-juridique-de-lunion-europeenne-revekka-emmanouela-papadopoulouinterview-part-3/ (consulté le 19 mars 2019). 369 Le caractère suspensif du recours n’est pas exigé en relation avec tous les articles de la CEDH. Il est exceptionnel et demeure opérationnel uniquement en relation avec la méconnaissance des articles 2 ou 3 de la Convention et de l’article 4 du Protocole n. 4. Il ressort de l’arrêt Souza Ribeiro que, dans la mesure où l’éloignement est contesté sur la base d’une atteinte à la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la Convention, l’effectivité ne requiert pas l’existence de recours suspensif. Cour EDH (Gde. ch.), Souza Ribeiro c. France, 13 décembre 2012, n. 22689/07, ECLI:CE:ECHR:2012:1213JUD002268907, paragraphe 83. Le juge Pinto de Albuquerque a proposé, dans son opinion séparée, une lecture large du concept de dommage irréversible en énonçant que « l’article 13 combiné avec l’article 8 impose un recours de plein droit suspensif contre un arrêté d’expulsion, de renvoi, d’éloignement ou toute autre mesure similaire lorsqu’il est allégué que pareille mesure risque de
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L’idée de ne pas refouler une personne pendant le déroulement d’une procédure juridictionnelle, et ce, malgré l’absence de règle en droit interne en ce sens, apparaît dans le retentissant arrêt Soering. Dans cette affaire, il s’agissait de l’extradition d’une personne condamnée à mort aux États-Unis. Le requérant a allégué que l’incompétence des tribunaux anglais pour ordonner des mesures provisoires contre la Couronne rend le contrôle judiciaire inefficace370. Autrement dit, le droit interne ne garantissait pas le recours de plein droit suspensif à l’encontre de la mesure d’éloignement. Finalement, la Cour européenne n’a pas conclu à la violation de l’article 13 de la Convention. En effet, même si l’octroi des mesures provisoires ne relevait pas de la compétence des tribunaux anglais, le droit anglais prévoyait que le détenu pouvait contester, dans une procédure de contrôle judiciaire, la décision du ministre rejetant sa demande d’habeas corpus et sa décision de signer l’arrêté d’extradition et que, dans ce cadre, le tribunal pouvait rechercher si l’exercice du pouvoir discrétionnaire par le ministre était entaché d’illégalité, d’irrationalité ou d’irrégularité procédurale371. Dès lors, la Cour européenne a recherché s’il existait une possibilité prévue en droit interne permettant de suspendre l’exécution de la mesure d’extradition. Étant donné que le droit anglais a prévu implicitement une telle garantie, la Cour européenne a validé la règlementation anglaise, en soulignant qu’en tout état de cause « personne ne prétend qu’en pratique un fugitif soit jamais livré avant qu’il n’ait été statué sur sa demande », celle-ci ayant été présentée devant les tribunaux et qu’il n’ait été statué sur son appel éventuel372. Autrement dit : indépendamment de la législation interne, dans la mesure où l’extradition n’est pas effectuée dans la pratique, avant que le recours de la personne faisant l’objet de l’extradition ne soit tranché par un tribunal, cette circonstance justifie la conventionnalité du comportement du Royaume-Uni en l’occurrence. Cette approche a été confirmée par la Cour européenne dans l’arrêt Vilvarajah contre Royaume-Uni en matière d’asile. Dans cette affaire, était en cause la violation de l’article 13 de la Convention concernant la portée du recours à l’encontre de la décision du ministre rejetant la demande d’asile. Il est intéressant d’évoquer le raisonnement du ministre de l’intérieur. Il a en effet considéré que l’on ne saurait affirmer que les demandeurs d’asile bénéficient d’une permission automatique de rester sur le territoire national jusqu’à la fin de la procédure373. Il ajoute ensuite causer un dommage irréversible à la vie familiale du migrant ». Opinion séparée du juge Pinto de Albuquerque jointe à l’arrêt Souza Ribeiro. Il s’ensuit que le caractère suspensif demeure une conséquence exceptionnelle du droit au recours effectif. N. Hervieu, « Une progression européenne en demi-teinte de l’effectivité des recours en droit des étrangers », Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 16 décembre 2012. https://revdh.files.wordpress.com/2 012/12/lettre-adl-du-credof-16-decembre-2012.pdf (consulté le 6 décembre 2017). 370 Cour EDH, Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, préc., paragraphe 119. 371 Ibid., paragraphe 35. 372 Ibid., paragraphe 123. 373 Cour EDH, Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni, 30 octobre 1991, n. 13163/87; 13164/ 87; 13165/87; 13447/87; 13448/87, ECLI:CE:ECHR:1991:1030JUD001316387, paragraphe 92.
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339
qu’ »[e]n pratique, toutefois, aucun demandeur n’est refoulé dès lors qu’il a obtenu l’autorisation de solliciter un contrôle judiciaire »374. En se ralliant à cette position, la Cour européenne a considéré qu’aucun demandeur d’asile ne peut, en pratique, être refoulé avant la fin de la procédure, une fois qu’il a obtenu l’autorisation de solliciter un contrôle judiciaire375. Une telle conclusion signifie en réalité qu’une fois que le requérant remplit les critères tenant à l’accès au recours juridictionnel, l’accessibilité du recours implique la suspension de la mesure d’éloignement. Une nouvelle fois, le caractère suspensif du recours n’était pas prévu par la loi et la Cour européenne s’est contentée de valider la pratique courante des autorités britanniques. Dans l’affaire Jabari, la requérante a fui l’Iran en direction de la France376. Mais, parce qu’elle a utilisé un faux passeport, les autorités françaises l’ont éloignée vers la Turquie. Elle a déposé une demande d’asile devant les autorités turques qui a été rejetée pour tardiveté. La requérante a introduit un recours à l’encontre de la décision ordonnant son refoulement, mais ce recours n’était pas assorti d’effet suspensif. Après avoir constaté que le refoulement de la requérante vers l’Iran portait atteinte à l’article 3 de la Convention et qu’il existait dès lors des griefs défendables, la Cour européenne a examiné l’effectivité du recours. Si la requérante avait la possibilité de contester la mesure ordonnant son éloignement vers l’Iran, la procédure de contrôle judiciaire de la légalité de la mesure d’expulsion ne pouvait, en réalité, déboucher sur un sursis à l’exécution de la décision d’expulsion377. Or, eu égard aux griefs défendables378, la Cour européenne a conclu à l’unanimité à la violation de l’article 13 de la Convention. En l’occurrence, ni le droit turc ni la pratique n’ont garanti de recours suspensif. C’est probablement cette circonstance qui a incité la Cour européenne à durcir les conditions permettant de condamner un État dans la mesure où, lorsque le recours n’est pas assorti d’effet suspensif dans sa législation nationale, l’octroi de la suspension de la mesure d’éloignement dans la pratique présente un caractère aléatoire. ˇ onka, même si les allégations des requérants relatives à Dès lors, dans l’affaire C la violation du droit au recours effectif ont été faites en relation avec l’article 4 du Protocole n. 4 relatif à l’interdiction des expulsions collectives, le raisonnement de la Cour européenne, eu égard au risque de violation d’un droit absolu, a été dominé par la nécessité de prévoir dans de telles circonstances un recours de plein droit suspensif. En ce qui concerne le contexte factuel, les requérants ont introduit des demandes de protection internationale qui ont été rejetées comme irrecevables par
374
Ibid. Ibid., paragraphe 125. 376 Cour EDH (4ème section), Jabari c. Turquie, 11 juillet 2000, no 40035/98, ECLI: CE:ECHR:2000:0711JUD004003598. 377 Ibid., paragraphe 49. 378 Ibid. 375
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2ème partie: Une cohérence en apparence
les autorités belges379. Cette décision a été ensuite confirmée par l’instance en appel, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides. Les requérants ont, ensuite, introduit un recours en annulation devant le Conseil d’État belge tout en demandant la suspension de la mesure d’éloignement. Celui-ci a également été rejeté. Devant la Cour européenne, les requérants ont notamment reproché de ne pas avoir bénéficié d’un recours effectif devant le Conseil d’État. En effet, le recours en annulation devant le Conseil d’État n’était pas assorti d’effet suspensif. Le Gouvernement a cependant argué que les requérants auraient dû introduire un recours en suspension d’extrême urgence pour empêcher des conséquences irréversibles380. Même si celui-ci n’est pas assorti d’effet suspensif, les instructions internes au sein du Conseil d’État garantissent, dans la pratique, que les recours seront examinés, y compris les jours fériés381. Certes, en appliquant le standard jurisprudentiel de l’arrêt Soering, la Cour européenne aurait accepté un tel raisonnement382, la pratique belge garantissant la suspension de la mesure d’éloignement dans de telles circonstances. En revanche, la Cour européenne a adopté, en substance, une approche particulièrement protectrice, en mettant en évidence que ni le recours ordinaire ni le recours en extrême urgence ne sont assortis d’effet suspensif, et, en tout état de cause, les exigences de l’article 13 de la Convention « sont de l’ordre de la garantie, et non du simple bon vouloir ou de l’arrangement pratique »383. En effet, le Gouvernement Cour EDH (3ème section), Cˇ onka c. Belgique, 5 février 2002, n. 51564/99, ECLI: CE:ECHR:2002:0205JUD005156499, paragraphe 10. 380 Ibid., paragraphe 80. 381 Ibid., paragraphe 81. 382 Cette réflexion ressort de l’opinion séparé du juge Velaers. Opinion séparée du juge Velaers jointe à l’arrêt Cˇ onka, point 15. 383 Cour EDH, Cˇ onka c. Belgique, 5 février 2002, préc., paragraphe 83. Une telle exigence est d’autant plus nécessaire que, même s’il existe un recours que le requérant peut introduire in extremis pour empêcher son refoulement, un recours, qui n’est pas en soi suspensif (en l’occurrence la demande de suspension ordinaire en droit belge) mais qui peut empêcher le refoulement, n’accomplit pas les exigences liées au recours effectif. Cour EDH (5ème section), S.J. c. Belgique, 27 février 2014, n. 70055/10, ECLI:CE:ECHR:2014:0227JUD007005510. Cette affaire a été renvoyée devant la grande chambre qui l’a radiée du rôle. La solution dans l’affaire Cˇ onka a été confirmée dans une autre affaire subséquente contre la Belgique, alors qu’il n’existait pas de griefs défendables. Cour EDH (5ème section), S. J. c. Belgique, 27 février 2014, n. 70055/10, ECLI:CE:ECHR:2014:0227JUD007005510. Nonobstant l’absence de griefs défendables, la Cour européenne a conclu à la violation de l’article 13 de la Convention, puisque les recours offerts par le droit belge pour empêcher l’éloignement n’étaient pas assortis d’effet suspensif par la loi. Cet obiter dictum nous incite à penser que le statut du demandeur d’asile, appartenant au groupe des personnes particulièrement vulnérables, peut justifier exceptionnellement la condamnation d’un État en raison du non-respect de certaines garanties procédurales fondamentales, alors qu’il n’existe pas de griefs défendables. Une telle situation peut se produire, par exemple, en cas de présentation d’une nouvelle demande d’asile comme dans l’affaire Sultani. Cour EDH (3ème section), Sultani c. France, 20 septembre 2007, n. 45223/05, ECLI:CE:ECHR:2007:0920JUD004522305. 379
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a expliqué que, dans la pratique, les requérants ne sont pas éloignés tant que le Conseil d’État n’a pas décidé sur le recours. En réponse à cet argument, les juges de Strasbourg ont relevé que les requérants n’ont aucune garantie dans la législation nationale de voir le Conseil d’État se conformer à la pratique et que cette circonstance rend le recours « trop aléatoire »384. La décision démontre clairement que l’effectivité du recours dans l’interprétation de la Cour européenne requiert que son caractère suspensif soit explicitement prévu par la loi afin d’empêcher les conséquences irréversibles. Après avoir esquissé ce standard jurisprudentiel, il revenait à la Cour européenne de le cristalliser, tout en précisant les autres garanties procédurales indispensables à l’effectivité de l’accès au recours. B. La mise en œuvre des exigences tenant au recours effectif en droit conventionnel L’arrêt Gebremedhin constitue l’illustration d’une condamnation dans un cas où le recours suspensif n’est pas prévu par la loi, tout en étant révélateur de l’insuffisance de certaines autres garanties procédurales. En l’espèce, le législateur français ne prévoyait pas de recours suspensif à l’encontre de la décision de refus d’entrer sur le territoire français au titre de l’asile dans le cadre d’une procédure dérogatoire dénommée procédure en zone d’attente385. Le requérant, ressortissant érythréen, est entré en France par un vol aérien et a demandé l’autorisation d’entrer sur le territoire français au titre de l’asile. Le ministre chargé de l’immigration a refusé cette demande comme manifestement infondée. La décision du refus a fait l’objet d’un référé-liberté devant le tribunal administratif qui a confirmé, à son tour, la décision de rejet. Le réacheminement a été suspendu à la demande de la Cour européenne en application des mesures provisoires. Entretemps, l’OFPRA a reconnu au requérant la qualité de réfugié. Le requérant a essentiellement reproché que ni le recours en annulation à l’encontre de la décision de non-admission ni les référés n’étaient assortis d’effet suspensif. En substance, la Cour européenne a reconnu la conventionnalité du recours aux procédures dérogatoires, en réitérant le principe directeur selon lequel les modalités de la procédure en zone d’attente ne sont pas problématiques au regard de la Convention lorsque le demandeur d’asile n’invoque pas de risque qualifiable en relation avec les articles 2 ou 3 de la Convention, ou lorsque les griefs sont défendables mais que le requérant a nonobstant bénéficié des garanties nécessaires pour qu’un recours soit effectif386. Certes, la Cour européenne n’exige pas que tous les recours soient assortis d’effet suspensif, mais uniquement certains d’entre eux, eu égard aux Cour EDH, Cˇ onka c. Belgique, 5 février 2002, préc., paragraphe 83. Cour EDH (2ème section), Gebremedhin [Gaberamadhien] c. France, 26 avril 2007, n. 25389/05, ECLI:CE:ECHR:2007:0426JUD002538905. 386 Ibid., paragraphe 63. 384
385
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droits substantiels en cause et au degré de gravité que la violation de ces droits peut impliquer387. En l’occurrence, le demandeur d’asile disposait de deux possibilités pour contester le refus d’admission sur le territoire français. Premièrement, il aurait pu introduire un recours en annulation qui n’était pas assorti d’effet suspensif. Deuxièmement, il aurait pu introduire un référé-liberté qui n’a pas non plus d’effet suspensif. Dès lors, la Cour européenne a jugé catégoriquement que « l’article 13 exige que l’intéressé ait accès à un recours de plein droit suspensif »388. Ce constat s’impose indépendamment de la garantie d’autres droits procéduraux, tels que le droit à l’assistance linguistique ou juridique, puisque, dans de telles circonstances, la violation du droit au recours de plein droit suspensif est susceptible de conduire à elle seule à la violation des droits absolus ancrés dans la Convention européenne. En revanche, si la demande d’asile a déjà fait l’objet d’un examen complet dans le cadre d’une procédure d’asile de droit commun, le recours à l’encontre d’une nouvelle décision rejetant la demande d’asile ne nécessite pas, d’après la jurisprudence Sultani, d’effet suspensif389, même lorsqu’il existe des griefs défendables. Si la Cour européenne a mis l’accent dans ces affaires sur le recours suspensif, notons que l’effectivité du recours peut également être remise en question lorsque les délais de recours sont extrêmement brefs. Dans le prolongement de l’arrêt Gebremedhin, dans une décision d’irrecevabilité, le requérant a reproché le délai de 48 heures pour introduire un recours à l’encontre de la décision rejetant sa demande d’asile comme manifestement infondée390. Cependant, en raison de l’absence de griefs défendables, la Cour européenne ne s’est pas prononcée sur la conventionnalité d’une telle pratique. Or, à l’instar de l’absence d’un recours suspensif, un délai particulièrement bref prévu par la loi, comme un délai de 48 heures, est également susceptible de provoquer la méconnaissance des droits absolus figurant dans la Convention européenne. 387 J.-L. Pissaloux, « De la nécessité d’aménager la règle du caractère non suspensif des recours devant le juge administratif français : à propos de l’arrêt Gebremedhin (CEDH, 26 avril 2007) », Gazette du Palais : recueil bimestriel, 128e année (2008), 4, doctrine, p. 2321. Il convient d’ajouter que la Cour européenne s’est abstenue de valider la nouvelle pratique française après cette condamnation. Dans la décision d’irrecevabilité SE. c. France, la Cour européenne a rejeté la requête et s’est contentée de souligner que le grief soulevé ne constituait pas un grief défendable, puisqu’il ne ressortait pas du dossier que le requérant encourrait, en cas de renvoi vers la Sierra Leone, un risque de traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Cour EDH (5ème section), SE. c. France, 15 décembre 2009, n. 10085/08, ECLI:CE:ECHR:2009:1215DEC001008508. 388 Cour EDH, Gebremedhin [Gaberamadhien] c. France, 26 avril 2007, préc., paragraphe 66. 389 Cour EDH, Sultani c. France, 20 septembre 2007, préc. Un tel raisonnement a été confirmé dans les arrêts suivants : Cour EDH (5ème section), Z.M. c. France, 14 novembre 2013, n. 40042/11, ECLI:CE:ECHR:2013:1114JUD004004211 ; Cour EDH (5ème section), N.K. c. France, 19 décembre 2013, n. 7974/11, ECLI:CE:ECHR:2013:1219JUD000797411. 390 Cour EDH, SE. c. France, 15 décembre 2009, préc.
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§ 2 L’encadrement des procédures dérogatoires en droit de l’Union pour garantir l’accessibilité d’un recours effectif en droit La directive « procédures » a, d’un côté, repris le raisonnement opéré par la Cour européenne dans les affaires précédemment évoquées, et, d’un autre côté, prévu des garanties procédurales restreintes du point de vue des demandeurs d’asile (A). Un esprit de dialogue caractérise cependant la jurisprudence de la Cour de justice (B). A. L’aménagement équivoque des procédures dérogatoires figurant dans la directive « procédures » Selon la directive 2013/32, le demandeur d’asile bénéficie, en cas de décision négative, du droit à un recours effectif devant une juridiction391. En revanche, la directive ne dit rien sur ce que signifie un recours effectif. Bien au contraire, même si le considérant (30) de cette directive vise l’aménagement des garanties procédurales spéciales en faveur des demandeurs d’asile vulnérables, il laisse supposer que le législateur de l’Union n’exige pas que le recours dans certaines procédures dérogatoires soit assorti d’effet suspensif. Selon les termes de ce considérant, « [l]e besoin de garanties procédurales spéciales de telle nature qu’il est susceptible d’empêcher l’application de la procédure accélérée ou de la procédure à la frontière devrait également signifier que le demandeur bénéficie de garanties supplémentaires dans les cas où son recours n’a pas d’effet suspensif automatique, afin que son recours soit effectif, dans son cas particulier »392. Ce libellé suggère que le recours suspensif n’est pas forcément la condition sine qua non du caractère effectif du recours, en tout cas, d’après le législateur de l’Union. Cette règlementation de prime abord restrictive est cependant contrebalancée par les règles figurant dans le corps de la directive. En ce qui concerne, premièrement, la question des délais, la directive « procédures » exige des délais raisonnables pour l’exercice du recours et que ces délais ne rendent pas cet exercice impossible ou excessivement difficile393. Si la directive ne détermine pas de délai concret, nous considérons que l’exercice excessivement difficile du recours concerne les cas dans lesquels le requérant ne réussit pas à déposer un recours complet, alors qu’il aurait pu encore avancer d’autres éléments à l’appui de sa demande de protection. La Cour de justice a précisé dans son arrêt Samba Diouf que, dans les procédures abrégées, un délai de recours de quinze jours constitue un délai raisonnable et qu’il n’est pas, en principe, matériellement insuf-
391 392 393
Considérant (25) de la directive 2013/32/UE. Ibid., considérant (30). Ibid., article 46(4).
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fisant, dans ce cas, pour préparer et introduire un recours effectif394. Quant à la Cour européenne, elle a considéré en matière d’asile que « les délais doivent être suffisamment longs et être appliqués de manière suffisamment flexible pour donner à une personne sollicitant le statut de réfugié une chance réaliste de prouver ses allégations »395. Cette définition suggère aussi que le délai raisonnable implique que le demandeur d’asile puisse présenter, de manière complète, les motifs qui sous-tendent sa demande. Deuxièmement, quant au recours suspensif, cette directive prévoit que « les États membres autorisent les demandeurs à rester sur leur territoire jusqu’à l’expiration du délai prévu pour l’exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l’attente de l’issue du recours »396. Néanmoins, en cas de procédure dérogatoire, la directive « procédures » prévoit certains écarts, en autorisant le contrôle de la légalité du séjour du demandeur d’asile par une juridiction. En effet, dans le cas d’une décision qui considère la demande d’asile comme manifestement infondée, irrecevable, qui rejette la réouverture du dossier du demandeur d’asile ou refuse de procéder à l’examen, une juridiction décide si le demandeur peut rester sur le territoire de l’État membre397. Or, cette règle reflète l’aménagement de la procédure en zone d’attente en droit français dont le fonctionnement a été censuré par la Cour européenne dans l’arrêt Gebremedhin précité. C’est pourquoi la directive « procédures » emploie les termes susmentionnés. L’esprit de dialogue du législateur de l’Union est facilement décelable lorsque nous observons les règles qui figurent dans l’ancienne directive « procédures », dans laquelle aucune règle comparable n’apparaît398. En substance, en prévoyant qu’une juridiction est compétente pour décider si le demandeur peut rester sur le territoire de l’État membre, le législateur de l’Union respecte pleinement le droit conventionnel, puisque cette juridiction examine uniquement les motifs justifiant le séjour du demandeur d’asile sur le territoire de l’Union. Or, en l’absence de risque de mauvais traitements, le droit conventionnel n’exige pas une protection plus étendue. De plus, celui-ci ne condamne pas en tant que telles les procédures dérogatoires, ni même la procédure en zone d’attente aménagée de la manière prévue par la directive « procédures ». Il suit de cette analyse que le législateur de l’Union a témoigné de la volonté de réceptionner non seulement des solutions juridiques purement nationales, mais aussi la jurisprudence de la Cour européenne, tout en évitant d’accorder le cas échéant une protection plus étendue. Par ailleurs, la règlementation lacunaire des 394
CJUE (2ème ch.), Brahim Samba Diouf contre Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, 28 juillet 2011, C-69/10, ECLI:EU:C:2011:524, paragraphe 67. 395 Cour EDH, Bahaddar c. Pays-Bas, 19 février 1998, n. 25894/94, ECLI:CE: ECHR:1998:0219JUD002589494, paragraphe 45. 396 Article 46(5) de la directive 2013/32/UE. 397 Ibid., article 46(6). 398 Article 39 de la directive 2005/85/CE.
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aspects évoqués et indispensables à un accès effectif laisse une marge de manœuvre importante au bénéfice des États membres. La volonté de dialoguer avec la Cour européenne caractérise aussi la jurisprudence de la Cour de justice. Le peu de jurisprudence dans ce domaine nous incite à évoquer une jurisprudence construite dans un esprit supposé de dialogue. B. L’aménagement des procédures dérogatoires dans la jurisprudence de la Cour de justice dans un esprit supposé de dialogue La Cour de justice a souligné, à plusieurs reprises, la nécessité d’aménager un recours suspensif non seulement à l’encontre d’une décision ordonnant l’éloignement (I), mais aussi à l’encontre d’une décision relative à une demande de protection internationale (II). I. L’aménagement d’un recours suspensif à l’encontre d’une décision d’éloignement Afin de se conformer à la jurisprudence de la Cour européenne, la Cour de justice peut exiger le recours suspensif, alors même que celui-ci n’est pas explicitement prévu dans le droit dérivé. Dans l’affaire Abdida, le requérant a déposé une demande d’autorisation de séjour pour des raisons médicales, puisqu’il avait souffert d’une maladie particulièrement grave399. Cette demande a été rejetée et les autorités belges lui ont notifié un ordre de quitter le territoire. Le droit belge n’a pas prévu de recours juridictionnel suspensif à l’encontre de la décision de refus de séjour. Notons que la directive « retour » ne prévoyait pas de recours suspensif dans ce cas non plus. En effet, selon l’article 13, paragraphe (2), l’autorité nationale peut suspendre temporairement l’exécution d’une décision de retour400. C’est ainsi que la juridiction de renvoi souhaitait savoir si la directive « retour » devait être interprétée comme s’opposant à la législation belge, qui ne confère pas d’effet suspensif au recours exercé contre une décision de retour401. Bien qu’il s’agisse d’une décision de retour à laquelle s’appliquent les garanties figurant dans la directive « retour », la Cour de justice, au lieu de procéder à une lecture littérale qui lui aurait permis de répondre de manière négative à cette question, a eu recours à une interprétation téléologique, lorsqu’elle a argué que l’interprétation de ces 399
CJUE (Gde. ch.), Centre public d’action sociale d’Ottignies-Louvain-la-Neuve contre Moussa Abdida, 18 décembre 2014, C-562/13, ECLI:EU:C:2014:2453, paragraphe 21. 400 Article 13(2) de la directive 2008/115/CE. 401 CJUE, Centre public d’action sociale d’Ottignies-Louvain-la-Neuve contre Moussa Abdida, 18 décembre 2014, préc., paragraphe 41.
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garanties se faisait à la lumière du respect intégral des droits fondamentaux402. En revanche, il n’est pas clair que cette solution résulte de la volonté de dialoguer avec la Cour européenne ou, tout simplement, des spécificités du droit de l’Union, en particulier de l’article 5 de la directive « retour ». En vertu de cette disposition, lors de la mise en œuvre de cette directive, les États membres tiennent dûment compte notamment de l’état de santé du ressortissant du pays tiers et respectent le principe de non-refoulement403. Notons cependant que, si l’ordre des arguments avancés par la Cour de justice milite en faveur de la volonté de dialoguer avec la Cour européenne, le fait que les juges du Plateau de Kirchberg évoquent l’article 5 de cette directive est susceptible de nuancer ce raisonnement et conduit à supposer que le dialogue entre les organes juridictionnels européens est possible uniquement parce que le législateur de l’Union s’est montré enclin à intégrer l’acquis strasbourgeois dans la directive « retour ». Autrement dit, les spécificités du droit de l’Union peuvent également contribuer à un dialogue, sous réserve que la volonté du législateur de l’Union aille en ce sens. Nonobstant leur autonomie procédurale, les États membres sont liés par le plein respect des droits fondamentaux. La Cour de justice se réfère, à cet égard, non seulement à l’article 47 de la Charte, mais également à l’article 19, paragraphe (2) de la Charte relatif à l’interdiction du refoulement404. En l’absence de jurisprudence relative à la problématique esquissée, la Cour de justice n’hésite pas à se référer à la jurisprudence de la Cour européenne. Ainsi, la Cour de justice prend en considération la jurisprudence de la Cour européenne relative à l’éloignement des personnes souffrant d’une maladie particulièrement grave405 et ajoute, en invoquant l’article 5 de la directive « retour », qu’il s’agit des cas très exceptionnels dans lesquels les États membres ne peuvent pas procéder à l’éloignement d’un étranger atteint d’une maladie grave vers un pays 402
Ibid., paragraphes 39 et 42. Article 5 de la directive 2008/115/CE. 404 CJUE, Centre public d’action sociale d’Ottignies-Louvain-la-Neuve contre Moussa Abdida, 18 décembre 2014, préc., paragraphes 45 – 46. 405 Le choix de la Cour de justice témoigne d’une protection a minima, en prenant en considération l’affaire N. c. Royaume-Uni, dans laquelle la Cour européenne a considérablement diminué la portée de l’article 3 de la Convention. Cour EDH (Gde. ch.), N. c. RoyaumeUni, 27 mai 2008, n. 26565/05, ECLI:CE:ECHR:2008:0527JUD002656505. Contrairement à l’affaire D. c. Royaume-Uni (2 mai 1997, n. 30240/96, ECLI:CE:ECHR:1997: 0502JUD003024096), la Cour européenne a conclu à l’absence de violation de l’article 3 de la CEDH. En effet, la Cour européenne a considéré que la requérante n’était pas, à l’heure actuelle, dans un état critique et que la situation en cause n’était pas caractérisée par des circonstances très exceptionnelles. Cour EDH, N. c. Royaume-Uni, 27 mai 2008, préc., paragraphes 50 et 51. Ainsi, selon la doctrine, la Cour européenne a opéré une inflexion jurisprudentielle en marquant une préférence pour la dimension économique plutôt que pour une solution fidèle à la lettre et à l’esprit de l’article 3 de la Convention. F. Julien-Laferrière, « L’éloignement des étrangers malades : faut-il préférer les réalités budgétaires aux préoccupations humanitaires ? : Cour européenne des droits de l’homme (Grande Chambre), N. c. Royaume-Uni, 27 mai, 2008 », RTDH, 20ème année (2009), n. 77, p. 261 – 277. 403
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dans lequel les traitements adéquats n’existent pas406. En d’autres termes, la solution proposée par la Cour de justice semble avoir une portée exceptionnelle qui est liée à l’état de santé du requérant. Conscient de l’enjeu d’une telle sélectivité, la Cour de justice, en rappelant les arrêts Gebremedhin et Hirsi, a mis en évidence que lorsqu’un État décide de renvoyer une personne dans un pays où il existe des motifs sérieux de croire qu’elle sera exposée à des mauvais traitements, l’article 13 de la Convention requiert l’aménagement d’un recours de plein droit suspensif407. Ce constat tend ainsi à dissiper les doutes relatifs à une éventuelle sélectivité. Enfin, la Cour de justice reprend, comme nous l’avons mentionné, le seuil de gravité minimum tel qu’il résulte de la jurisprudence N. contre Royaume-Uni de la Cour européenne. Il est intéressant d’évoquer le raisonnement de l’avocat général Bot, qui ne prend pas en considération l’article 5 de la directive « retour », lorsqu’il se prononce sur la conformité du droit belge au droit de l’Union. Contrairement à la Cour de justice, il invoque l’arrêt S.J. contre Belgique précité pour l’appliquer à la requérante au principal, atteinte du sida408. Cette lecture suggère une protection plus étendue, en se contentant d’appliquer la jurisprudence S.J. dans laquelle l’existence prima facie des griefs défendables suffit à la violation de l’article 13 de la Convention, au lieu de s’appuyer directement sur les spécificités du droit de l’Union409. Toutefois, cette lecture consistant à s’appuyer directement sur la jurisprudence de la Cour européenne n’a pas été retenue par la Cour de justice. Une solution similaire caractérise l’arrêt Gnandi rendu en juin 2018 dans le cadre d’un renvoi préjudiciel déféré par le Conseil d’État belge. Le requérant s’est vu rejeter sa demande de protection internationale par l’autorité administrative chargée de l’examen des demandes de protection internationale, avant que cette décision de rejet ne soit confirmée par le Conseil des contentieux des étrangers. Cette dernière juridiction a également rejeté le recours du requérant au principal
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CJUE, Centre public d’action sociale d’Ottignies-Louvain-la-Neuve contre Moussa Abdida, 18 décembre 2014, préc., paragraphes 48 – 49. 407 Ibid., paragraphe 52. Notons qu’une telle solution s’applique uniquement au recours au premier degré. La Cour de justice a précisé, dans deux arrêts similaires et prononcés en septembre 2018, que l’ancienne directive « procédures » et la directive « retour » « ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui, tout en prévoyant un appel contre un jugement de première instance confirmant une décision rejetant une demande de protection internationale et imposant une obligation de retour, n’assortit pas cette voie de recours d’un effet suspensif de plein droit alors même que l’intéressé invoque un risque sérieux de violation du principe de non-refoulement ». CJUE (4ème ch.), X c. Belastingdienst/Toeslagen, 26 septembre 2018, C-175/17, ECLI:EU:C:2018:776. Voir encore : CJUE (4ème ch.), X et Y contre Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie, 26 septembre 2018, C-180/17, ECLI:EU:C:2018:775. 408 Conclusions de l’avocat général Bot présentées le 4 septembre 2014, Centre public d’action sociale d’Ottignies-Louvain-La-Neuve contre Moussa Abdida, C-562/13, ECLI: EU:C:2014:2167, paragraphe 111. 409 Cour EDH, S. J. c. Belgique, 27 février 2014, préc., paragraphe 91.
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introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire410. La question déférée devant la Cour de justice était de savoir si le droit de l’Union s’opposait à l’adoption d’une décision de retour à l’encontre d’un ressortissant d’un pays tiers ayant introduit une demande de protection internationale, dès le rejet de cette demande par l’autorité administrative et, partant, avant l’issue du recours juridictionnel contre cette décision de rejet411. La Cour de justice ne se réfère pas expressément à l’article 5 de la directive « retour », son analyse étant centrée autour du principe de non-refoulement au sens de l’article 19 de la Charte. La Cour a relevé, à cet égard, que l’interprétation des directives évoquées doit être effectuée dans le respect des droits fondamentaux et principes reconnus notamment par la Charte412. Il s’agit d’une avancée importante puisque ce n’est pas l’interdiction de refoulement telle qu’elle figure dans la directive « retour », mais l’interdiction de refoulement reconnue « notamment » par la Charte qui détermine son raisonnement. C’est ainsi que la Cour de justice a relevé que « la protection inhérente au droit à un recours effectif ainsi qu’au principe de non-refoulement doit être assurée en reconnaissant au demandeur de protection internationale un droit à un recours effectif suspensif de plein droit, au moins devant une instance juridictionnelle »413, même si cette solution n’est pas prévue par la loi. Dans le cas contraire, le demandeur serait dans l’impossibilité de contester la décision administrative de rejet et cette circonstance porterait atteinte aux garanties de disponibilité et d’accessibilité des recours en droit et en pratique lorsqu’il serait forcé de quitter le territoire414. La conclusion de cette affaire est ainsi significative : en faisant référence aux droits fondamentaux, tels qu’ils résultent de la Charte, les standards jurisprudentiels conventionnels s’appliquent pour le moins indirectement. De plus, étant donné que le recours de plein droit suspensif dans ce cas n’était pas prévu par le droit dérivé de l’Union, le juge de l’Union a comblé cette lacune importante à la lumière de la protection des droits fondamentaux des demandeurs d’asile, tels qu’ils sont prévus dans le droit primaire de l’Union. La volonté de rapprochement ressort également des décisions dans lesquelles était en cause le caractère suspensif du recours à l’encontre d’une décision de rejet de la demande de protection internationale.
410 CJUE (Gde. ch.), Sadikou Gnandi c. État belge, 19 juin 2018, C-181/16, ECLI:EU:C:2018:465, paragraphe 28. 411 Ibid., paragraphe 35. 412 Ibid., paragraphe 51. 413 Ibid., paragraphe 58. 414 Conclusions de l’avocat général M. P. Mengozzi, présentées le 15 juin 2017, Sadikou Gnandi contre État belge, C-181/16, ECLI:EU:C:2017:467, paragraphe 99. Notons que l’avocat général se réfère à l’arrêt V.M. c. Belgique rendu par la Cour européenne. Cour EDH, V.M. et autres c. Belgique, 7 juillet 2015, préc.
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II. L’aménagement d’un recours suspensif à l’encontre d’une décision de rejet de la demande de protection internationale L’affaire Tall semble dépasser la protection offerte par la Cour européenne dans l’arrêt Sultani415. Le requérant, ressortissant sénégalais, a introduit une première demande d’asile qui a été rejetée. Il a, ensuite, déposé une deuxième demande d’asile, mais l’autorité nationale chargée de l’examen de la demande d’asile, le Commissariat général aux réfugiés a refusé de la prendre en considération. Un ordre de quitter le territoire a, ensuite, été émis à son encontre. Il a présenté un recours contre la décision du Commissariat qui n’était pas assorti d’effet suspensif. L’interprétation demandée par la juridiction de renvoi a porté sur la question de savoir si le droit au recours effectif au sens de l’article 39 de l’ancienne directive « procédures » et de l’article 47 de la Charte s’oppose à la législation belge qui ne prévoit pas de recours suspensif à l’encontre de la décision de ne pas poursuivre l’examen de la deuxième demande d’asile416. A l’instar de l’arrêt Abdida, la Cour de justice a relevé que, dans le cadre de l’exercice de l’autonomie procédurale, les États membres sont tenus de respecter les droits fondamentaux, notamment le droit au recours effectif et l’interdiction de refoulement énoncée dans l’article 19, paragraphe (2) de la Charte. Dans le cadre de l’énoncé des principes directeurs, la Cour de justice a précisé que la demande d’asile en cause constitue une nouvelle demande et fait l’objet d’une procédure spéciale impliquant des garanties procédurales limitées417. Or, en l’absence de nouveaux éléments, les États membres peuvent légitimement prévoir que le recours soit dépourvu d’effet suspensif418, puisque l’éloignement ne porte atteinte à aucun droit absolu. Ensuite, la Cour de justice a considéré que l’absence de recours suspensif à l’encontre de la décision de ne pas poursuivre l’examen de la demande d’asile ne porte pas atteinte au droit de l’Union. Néanmoins, le motif invoqué pour justifier ce constat prête à confusion. En effet, la Cour de justice n’a pas justifié ce raisonnement par le fait que le requérant ne serait pas exposé au risque de mauvais traitements mais par la pure réalité : il s’agit, en effet, d’une procédure d’asile et non d’une procédure d’éloignement. Or, les éventuels motifs de mauvais traitements seront (encore) examinés dans la procédure d’éloignement. Concrètement, d’après la Cour de justice, l’exécution de la décision de rejet de la demande de protection internationale ne saurait conduire au refoulement419, puisqu’une décision de retour
415 CJUE (4ème ch.), Abdoulaye Amadou Tall contre Centre public d’action sociale de Huy, 17 décembre 2015, C-239/14, ECLI:EU:C:2015:824. 416 Ibid., paragraphe 39. 417 Ibid., paragraphe 41. 418 Ibid., paragraphe 49. 419 Ibid., paragraphe 56.
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est encore nécessaire, qui doit être assortie d’effet suspensif, comme cela résulte de l’arrêt Abdida précité. Le défaut de lisibilité de cette jurisprudence entraîne plusieurs inconvénients, dont le plus grave est le risque qu’un tel argumentaire juridique fragilise le traitement contentieux des demandes de protection internationale qui ont déjà été rejetées et qu’il n’existe pas de procédure séparée pour contester la mesure d’éloignement. Or, si le législateur établit une solution suggérée par cet arrêt, celle-ci est susceptible de méconnaitre les objectifs de la directive « retour » et contribue, en tout cas, à la diversité des solutions nationales. Par ailleurs, elle est susceptible de créer un clivage en termes de détermination de la portée du droit au recours effectif dans les différents États membres et augmente le risque d’effets de loterie lors du traitement des demandes de protection internationale.
Section II: L’accessibilité d’un recours effectif en pratique au niveau européen L’accès au recours devient illusoire lorsque les autorités chargées de l’examen de la demande de protection internationale accomplissent leur tâche avec un degré élevé de formalisme lors de l’appréciation des éléments à l’appui de la demande et qu’elles tirent des conclusions rapides en classant automatiquement le traitement de la demande en procédure dérogatoire. Or, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe préconise, depuis longtemps, d’améliorer la qualité des décisions en matière d’asile « en traitant de manière équitable et efficace les demandes d’asile, sans compromettre la qualité ou la cohérence des décisions, et en recourant à des procédures accélérées uniquement à titre exceptionnel lorsque la demande est clairement abusive ou manifestement infondée »420. Certes, une telle exigence requiert l’élaboration de critères ponctuellement définis afin de déterminer les cas dans lesquels le recours à la procédure dérogatoire n’implique pas de risque de violation des droits absolus garantis par la Convention européenne et par la Charte. Si la définition de ces critères relève de l’autonomie procédurale, le risque d’effets de loterie évoqué commande un certain rapprochement. En ce qui concerne les exigences posées par la jurisprudence, nous pouvons affirmer que les pratiques de la Cour européenne (§ 1) et de la Cour de justice (§ 2) montrent un niveau élevé de dialogue.
420 PACE, résolution 1695 (2009) « Améliorer la qualité et la cohérence des décisions en matière d’asile dans les États membres du Conseil de l’Europe », point 8.3.3.
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§ 1 L’accessibilité d’un recours effectif en pratique dans la jurisprudence de la Cour européenne Si les garanties procédurales précédemment étudiées sont prévues par la loi, cette seule circonstance n’est pas suffisante pour que le recours soit effectif. En effet, à la suite d’une appréciation superficielle, la demande pourrait être traitée dans une procédure dérogatoire dans laquelle certaines garanties procédurales sont limitées, et cette circonstance est imputable aux instances administratives. Dans ce cas, même si l’accès au recours est prévu par la loi, son aménagement concret rend cet accès illusoire. Bien que la Cour européenne ne condamne pas les procédures dérogatoires en tant que telles, elle examine la conventionnalité du comportement étatique, qui peut s’avérer défaillant, notamment lorsque les autorités nationales agissent avec un degré élevé de formalisme (A) ou omettent d’accomplir certaines obligations indispensables pour que l’accès au recours soit effectif (B). A. Le formalisme lors de l’évaluation de la situation des demandeurs d’asile en droit conventionnel La Cour européenne a énoncé les grands principes directeurs de l’appréciation de la conventionnalité d’un comportement étatique défaillant caractérisé par un classement automatique de la demande d’asile en procédure dérogatoire (I). Mais les suites de cette jurisprudence n’ont pas donné l’occasion à la Cour européenne de peaufiner davantage ses exigences relatives à la conventionnalité d’une procédure dérogatoire (II). I. Les principes directeurs déterminant la mise en cause du formalisme lors de l’évaluation de la situation des demandeurs d’asile Le formalisme caractérise notamment le processus du filtrage de la demande de protection internationale, et le classement automatique du traitement de la demande de protection internationale en procédure dérogatoire implique des garanties procédurales réduites pendant la procédure de recours. Dès lors, une telle solution porte atteinte à l’effectivité de l’accès au recours au sens où, si l’administration avait agi avec toute la diligence requise, la demande de protection internationale aurait été traitée conformément à la procédure d’asile de droit commun. L’appréciation de la conventionnalité d’un tel comportement a fait l’objet de l’arrêt I. M. contre France421. La condamnation de la France était attendue depuis longtemps, en raison de l’aménagement de la procédure d’asile en rétention, accompagnée de garanties procédurales réduites. Le requérant, d’origine soudanaise, 421 Cour EDH (5ème section), I.M. c. France, 2 février 2012, n. 9152/09, ECLI:CE: ECHR:2012:0202JUD000915209.
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est entré en France avec des faux papiers et a été, dès lors, placé en garde à vue. Il a été condamné en raison de son entrée irrégulière et, pendant la période de la détention, il a, d’après ses dires, essayé de déposer une demande d’asile, en vain. Ensuite, un arrêté de reconduite à la frontière a été émis à son encontre. À la suite d’un recours infructueux et pendant la rétention administrative en vue de son éloignement, il a été informé de la possibilité de solliciter l’asile422. Sa demande d’asile a, ensuite, été traitée en procédure prioritaire en raison de fraude délibérée ou de recours abusif à l’asile423. Or, dans le cadre d’une procédure prioritaire, les délais d’instruction sont considérablement réduits, l’OFPRA statuant dans un délai de 15 jours (96 heures si le demandeur est en rétention) et, à l’époque des faits, le recours devant la Cour nationale du droit d’asile n’était pas assorti d’effet suspensif. En l’espèce, la demande d’asile a été rejetée par l’OFPRA et le refoulement du requérant a été suspendu à la demande de mesures provisoires devant la Cour européenne. Finalement, la Cour nationale du droit d’asile lui a octroyé le statut de réfugié. Le requérant a reproché aux autorités françaises le classement automatique du traitement de sa demande d’asile en procédure prioritaire424. Dans son appréciation, la Cour européenne a accordé une importance fondamentale au comportement défaillant des autorités nationales : impossibilité pour le requérant de se rendre à la préfecture pour déposer une demande d’asile, tentatives de dépôt des demandes d’asile, classement automatique de la demande d’asile en procédure prioritaire425. Ce classement a été justifié par le seul fait que le requérant a sollicité l’asile postérieurement à l’arrêté de reconduite à la frontière. Cette pratique n’est pas condamnée en tant que telle par les juges de Strasbourg, mais elle doit être accompagnée d’un examen individuel dans chaque cas d’espèce. À cet égard, la Cour européenne a relevé « le caractère automatique du classement en procédure prioritaire de la demande du requérant, lié à un motif d’ordre procédural, et sans relation ni avec les circonstances de l’espèce, ni avec la teneur de la demande et son fondement »426. Or, ce comportement défaillant a déclenché une série de conséquences 422
Ibid., paragraphe 27. Ibid., paragraphe 141. 424 En revanche, le requérant n’a pas critiqué l’inconventionnalité de la procédure prioritaire en tant que telle, contrairement au HCR qui a souligné les lacunes normatives dans ses observations en tant que tierce intervenante. Le HCR a critiqué notamment le délai de 5 jours, le manque de traducteurs disponibles pour les demandeurs d’asile, le délai de 96 heures dont l’OFPRA dispose pour décider de la demande d’asile ainsi que le défaut d’effet suspensif du recours devant la CNDA. Ibid., paragraphes 116 – 126. La Cour européenne n’a pas donné de réponse ferme à cette question, réitérant le principe selon lequel l’article 13 de la Convention ne va pas jusqu’à exiger une forme particulière de recours, l’organisation des voies de recours internes relevant de la marge d’appréciation des États (paragraphe 138). Son rôle est ainsi restreint à la vérification de l’existence de garanties effectives qui protègent le requérant contre un refoulement (paragraphe 139). 425 Ibid., paragraphe 141. 426 Ibid. 423
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substantielles conduisant au déroulement défaillant et automatique de la procédure427. Ces conséquences se manifestaient essentiellement dans les courts délais dont le requérant disposait pour préparer une demande d’asile complète accompagnée des preuves, en langue française, alors qu’il ne pouvait pas avoir recours à un interprète et se trouvait en rétention. Il s’ensuit que l’un des facteurs décisifs, aux yeux de la Cour européenne, pour mesurer l’effectivité du recours est le comportement des autorités chargées de l’examen de la demande d’asile. En effet, c’est le classement automatique du traitement de la demande d’asile en procédure dérogatoire qui a principalement conduit à la condamnation de la France ; un examen rigoureux et effectif aurait empêché les autorités compétentes de procéder ainsi, en permettant d’évaluer les motifs des persécutions dans une procédure d’asile de droit commun428. Les cadres factuels des arrêts subséquents n’étaient pas cependant propices à développer une véritable jurisprudence sur la conventionnalité des procédures dérogatoires pas plus sur l’appréciation du comportement défaillant des autorités étatiques. II. La mise en œuvre des principes directeurs déterminant la mise en cause du formalisme lors de l’évaluation de la situation des demandeurs d’asile La conventionnalité du comportement des autorités nationales est tributaire dans une large mesure du respect de l’obligation de coopération du demandeur d’asile. Dans l’affaire M. E. contre France, le requérant, ressortissant égyptien et chrétien copte, est arrivé en France en 2007429. Trois ans plus tard, il a été placé en garde à vue après un contrôle et a fait l’objet d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. En rétention administrative, il a déposé une demande d’asile qui a été traitée selon la procédure prioritaire. En vertu de l’ancienne directive « procédures », les États membres peuvent également décider qu’une procédure d’examen est prioritaire ou accélérée, notamment lorsque le demandeur n’a pas introduit sa demande plus tôt, sans motif valable, alors qu’il avait la possibilité de le faire430. 427
Ibid., paragraphe 144. Ibid., paragraphe 157. Enfin, la Cour européenne a examiné le caractère compensatoire du recours devant la Cour nationale du droit d’asile, qui n’était pas assorti d’effet suspensif. Dès lors, pris ensemble, ni le recours devant la Cour nationale du droit d’asile ni celui devant le tribunal administratif n’auraient pu empêcher son refoulement. Au-delà de la condamnation du comportement des autorités françaises, il nous semble que la Cour européenne a également critiqué l’aménagement de la procédure d’asile en rétention par le législateur français, en particulier les courts délais et l’absence de recours suspensif devant la Cour nationale du droit d’asile. 429 Cour EDH (5ème section), M. E. c. France, 6 juin 2013, n. 50094/10, ECLI:CE: ECHR:2013:0606JUD005009410. 430 Article 23(4) point i. de la directive 2005/85/CE. 428
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L’OFPRA a rejeté sa demande d’asile, décision qui a été confirmée par la Cour nationale du droit d’asile. En substance, la Cour européenne valide le recours à la procédure prioritaire, en jugeant qu’elle ne remet pas en cause l’intérêt et la légitimité de l’existence d’une procédure prioritaire431. Afin de justifier son constat, la Cour prend appui sur le droit de l’Union, notamment sur l’ancienne directive « procédures ». En comparant toutefois l’affaire en cause avec celle de I.M., les juges de Strasbourg ont souligné que le requérant a attendu trois ans pour déposer une demande d’asile et a méconnu son obligation de coopération, ce qui a justifié le recours à la procédure prioritaire432, et ce, nonobstant l’existence de griefs défendables sur le terrain de l’article 3 de la Convention. En effet, la Cour européenne a condamné la France sous l’angle de l’article 3 de la Convention en constatant un risque réel que le requérant soit soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention de la part des autorités égyptiennes en cas de son éloignement433. Le comportement défaillant du demandeur d’asile a donc constitué un facteur décisif pour conclure à la conventionnalité du comportement des autorités nationales lorsqu’elles ont traité la demande en procédure dérogatoire, bien que la Cour européenne ait considéré que le retour dans son pays d’origine l’exposerait au risque de mauvais traitements. Notons toutefois que l’absence de violation de l’article 13 de la Convention était principalement dû au fait que, nonobstant le classement du traitement de la demande d’asile en procédure prioritaire, le requérant a eu la possibilité de former un recours suspensif contre l’arrêt préfectoral de reconduite à la frontière pour empêcher les conséquences irréversibles et d’introduire une demande d’asile devant l’OFPRA. C’est pourquoi cette affaire n’a pas donné la possibilité à la Cour européenne de rebondir sur la gravité du formalisme qui est susceptible de conduire à la méconnaissance de l’article 13 de la Convention, puisque le requérant a encore eu, en l’espèce, la possibilité de contester de manière effective la mesure d’éloignement. Lors du filtrage d’une demande d’asile, la Cour européenne met en exergue l’accomplissement de certaines obligations positives pour évaluer le bien-fondé de cette demande. Or, le non-respect de ces exigences peut également compromettre l’effectivité de l’accès au recours.
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Cour EDH, M. E. c. France, 6 juin 2013, préc., paragraphe 66. Le même raisonnement ressort de l’affaire K. K. contre la France. En effet, le requérant a attendu deux ans pour déposer une demande d’asile et a omis de mentionner qu’il a sollicité l’asile préalablement en Grèce et au Royaume-Uni. Cour EDH (5ème section), K.K. c. France, 10 octobre 2013, n. 18913/11, ECLI:CE:ECHR:2013:1010JUD001891311. 433 Cour EDH, M. E. c. France, 6 juin 2013, préc., paragraphe 52. 432
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B. L’accomplissement des obligations positives par les autorités chargées de l’examen de la demande d’asile Ce n’est pas uniquement le formalisme du traitement de la demande d’asile, mais également l’omission de certaines mesures procédurales qui peuvent conduire à la violation du droit au recours effectif. Dans l’affaire Singh, les requérants, ressortissants afghans, sont entrés en Belgique via un vol en provenance de Russie434. Leurs documents d’identité ont été immédiatement confisqués par la police à leur arrivée, ce qui a empêché les autorités nationales de mener un examen complet du bien-fondé de leurs demandes d’asile. Ces dernières ont été rejetées au motif qu’ils n’ont pas prouvé leur nationalité et que leurs déclarations recelaient des mensonges. Au soutien de leurs recours, ils ont allégué avoir été enregistrés comme réfugiés sous le mandat du HCR. Néanmoins, ce recours a été rejeté au motif que les requérants n’avaient pas produit les originaux des documents du HCR, lesquels sont facilement falsifiables435. Un ordre de quitter le territoire a été émis à leur encontre, dont l’exécution a été suspendue à la demande de la Cour européenne conformément à l’article 39 de son règlement intérieur. Les requérants ont reproché aux autorités de ne pas avoir pris en considération leurs documents d’identité confisqués par la police et de ne pas avoir effectué de démarches auprès du HCR pour vérifier leurs allégations436. La Cour européenne a considéré que ni les autorités en première instance ni les instances en appel n’ont instruit l’authentification des documents produits par les requérants437. Or, dans la double mesure où les autorités nationales n’accomplissent pas certaines obligations procédurales et qualifient les déclarations des demandeurs d’asile comme mensongères, seule cette circonstance permet de traiter la demande d’asile comme manifestement infondée, demande qui fait ensuite l’objet d’une procédure dérogatoire accompagnée des garanties procédurales limitées. En l’espèce, l’omission évoquée a eu des répercussions non seulement sur l’issue de la procédure d’asile, mais également sur la qualité de cette procédure et sur l’accessibilité du recours. À ce dernier égard, la Cour européenne a mis en avant que « compte tenu de l’importance qu’elle attache à l’article 3 […], il appartient aux autorités nationales de se montrer aussi rigoureuses que possible et de procéder à un examen attentif des griefs tirés de l’article 3 sans quoi les recours perdent de leur effectivité »438. Par cette démarche, la Cour européenne place les garanties qui entourent l’examen de la crainte des demandeurs d’asile au-dessus des con434 Cour EDH (2ème section), Singh et autres c. Belgique, 2 octobre 2012, n. 33210/11, ECLI:CE:ECHR:2012:1002JUD003321011. 435 Ibid., paragraphe 15. 436 Ibid., paragraphes 74 – 76. 437 Ibid., paragraphe 102. 438 Ibid., paragraphe 103.
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traintes d’organisation procédurale439. Les autorités nationales n’ont donc pas fait preuve d’un examen attentif, qui conditionne, en fin de compte, la qualité du recours ainsi que son effectivité. Il s’ensuit que l’effectivité du recours requiert la prise en considération des éléments présentés à l’appui de la demande d’asile, la vérification de leur authenticité, la dissolution des éventuels doutes, la motivation des raisons pour lesquelles les autorités compétentes décident d’écarter ces éléments, et ce, à travers un examen attentif et rigoureux. En ce qui concerne l’ordre juridique de l’Union, tant le cadre normatif que la jurisprudence de la Cour de justice contiennent des précisions relatives au comportement des instances nationales chargées de l’examen de la demande de protection internationale.
§ 2 L’accessibilité du recours effectif en pratique dans le droit de l’Union Il ressort de la directive « procédures » que les États membres peuvent accélérer la procédure d’asile dans les dix cas prévus en son article 31, paragraphe (8)440. Cela étant dit, une telle liste est indicative et n’est pas exhaustive, les États membres disposant d’une marge d’appréciation lors de l’examen d’une demande d’asile dans le cadre de la procédure accélérée441. Nonobstant cette possibilité, la même directive prévoit certaines exigences liées à la qualité de l’examen dans le cadre des procédures dérogatoires. Concrètement, la directive énonce en son considérant (20) que les États membres devraient pouvoir accélérer la procédure d’examen, sans préjudice de la réalisation d’un examen approprié et exhaustif442 en tant qu’obligation positive. À ce dernier égard, le droit dérivé de l’Union prévoit les mêmes exigences que celles qui découlent de la jurisprudence Singh. Concrètement, un examen approprié implique essentiellement trois éléments : l’examen de la demande doit se dérouler individuellement, objectivement et impartialement, la décision sur la demande doit se fonder sur des informations précises et actualisées, enfin, ladite directive contient des exigences relatives au personnel chargé de l’examen de la demande443. Cependant, une fois encore, la directive « procédures » ne préconise aucune forme de dialogue entre les autorités nationales compétentes. 439
E. Néraudau-d’Unienville, « Cour européenne des droits de l’homme : 2 octobre 2012, no. 33210/11 Singh et autres c. Belgique », Revue du droit des étrangers, n. 170 (2012), p. 674. 440 Article 31 (8), points a)-j) de la directive 2013/32/UE. 441 CJUE (2ème ch.), H. I. D. et B. A. contre Refugee Applications Commissioner et autres, 31 janvier 2013, C-175/11, ECLI:EU:C:2013:45, paragraphe 70. Une telle conclusion a été tirée sur le fondement de l’ancienne directive « procédures ». Néanmoins, le texte de la directive 2013/32 n’a pas changé au point qu’on pourrait parvenir à une conclusion différente. 442 Considérant (20) de la directive 2013/32/UE. 443 Ibid., article 10 (3), points a)-d).
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Hormis ce cadre normatif relativement précis, la Cour de justice a eu l’occasion d’exprimer son point de vue sur l’accessibilité du recours en pratique, en exigeant un examen rigoureux et attentif dans l’affaire Arslan444. Le requérant est entré dans l’espace Schengen sans document de voyage ni visa, et les autorités tchèques l’ont placé en rétention en vue de son éloignement. Pendant sa rétention, il a introduit une demande de protection internationale. Si l’une des questions préjudicielles a porté sur la possibilité de maintenir en rétention un ressortissant d’un pays tiers qui a déposé une demande d’asile, la Cour de justice n’a pas manqué de souligner que le seul fait que l’étranger, au moment de l’introduction de la demande de protection internationale, fasse l’objet d’une décision de retour et qu’il soit placé en rétention, « ne permet pas de présumer, sans une appréciation au cas par cas de l’ensemble des circonstances pertinentes, que celui-ci a introduit cette demande dans le seul but de retarder ou de compromettre l’exécution de la décision de retour »445. Dès lors, la Cour de justice a exigé un examen rigoureux des circonstances dans les cas individuels pouvant justifier le recours à une procédure dérogatoire. In fine, dans la mesure où le traitement de la demande de protection internationale est classé en procédure dérogatoire, il est indispensable de garantir un recours pour contester la décision administrative en substance, tout en permettant de contester les éventuelles erreurs de droit lors du classement du traitement de la demande en procédure dérogatoire, afin d’éviter des conséquences irréversibles. Tel est l’enseignement de l’arrêt Samba Diouf de la Cour de justice446. En tout état de 444 CJUE (3ème ch.), Mehmet Arslan contre Policie Cˇ R, Krajské rˇeditelství policie Ústeckého kraje, odbor cizinecké policie, 30 mai 2013, C-534/11, ECLI:EU:C:2013:343. 445 Ibid., paragraphe 62. 446 Dans cette affaire, les juges du Kirchberg ont été amenés à apprécier la conformité de la règlementation luxembourgeoise relative à la procédure d’asile dérogatoire au droit de l’Union. En ce qui concerne le cadre factuel, le requérant, ressortissant mauritanien, a déposé une demande d’asile devant les autorités luxembourgeoises qui a été examinée dans le cadre de la procédure accélérée et qui a été rejetée. En effet, les motifs invoqués par le requérant étaient d’ordre économique et il a induit en erreur les autorités luxembourgeoises. Ensuite, le requérant a introduit un recours à l’encontre de la décision administrative, en contestant notamment que la demande a été examinée dans le cadre d’une procédure accélérée. Dans ce cadre, cette juridiction s’est prononcée sur la conformité de l’usage de la procédure accélérée au droit de l’Union. La problématique principale tenait, d’une part, à l’impossibilité d’exercer un recours autonome à l’encontre de la décision d’examiner la demande d’asile en procédure accélérée. D’autre part, après avoir validé cette pratique, la Cour de justice s’est demandé si le droit de l’Union s’opposait à la réglementation luxembourgeoise « dans la mesure où le choix d’une procédure accélérée au lieu de la procédure ordinaire implique des différences qui se traduisent, pour l’essentiel, par le fait qu’un traitement moins favorable est réservé au demandeur d’asile du point de vue du droit à un recours effectif, dès lors que ledit demandeur ne peut exercer un recours que dans un délai de quinze jours et qu’il ne bénéficie pas du double degré de juridiction » (CJUE, Brahim Samba Diouf contre Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, 28 juillet 2011, préc., paragraphe 64). La Cour de justice a validé cette pratique, tout en relevant que la règlementation luxembourgeoise ne s’oppose pas au droit de l’Union, dès lors que les motifs ayant conduit l’autorité administrative à traiter la demande d’asile en procédure dérogatoire peuvent être effectivement soumis au contrôle juridictionnel (dispositif).
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cause, une jurisprudence subséquente pourrait davantage clarifier la portée des obligations positives des autorités administratives. En l’absence d’arrêts dans ce domaine au niveau de l’Union, les États membres demeurent liés à l’acquis strasbourgeois. *
La détermination des garanties inhérentes à un accès effectif au recours témoigne d’un dialogue développé non seulement entre les organes juridictionnels européens mais également entre ces derniers et le législateur de l’Union. Le législateur a eu tendance à prendre en considération l’acquis strasbourgeois. La raison pour laquelle il a procédé ainsi est simple : en l’état actuel, l’acquis strasbourgeois ne se heurte pas aux spécificités du droit de l’Union, telles qu’elles sont conçues par le législateur de l’Union et, en tout état de cause, les directives laissent une large marge d’appréciation au bénéfice des États membres. Notons cependant que, même si les spécificités jouent toujours un rôle prépondérant, la Cour de justice ne manque pas de se référer aux droits fondamentaux résultant de la Charte, lorsqu’elle est amenée à interpréter ces spécificités. Or, conformément aux dispositions de la Charte, la portée de ces droits est la même que celle prévue dans le système conventionnel. Nonobstant le faible nombre d’affaires jugées à ce jour, l’analyse de la jurisprudence a démontré que les protagonistes se sont mis d’accord sur un dénominateur commun pour aménager un recours effectif dans les procédures dérogatoires. Ce dénominateur commun concerne les garanties prévues par la loi, notamment les délais, l’existence d’un recours suspensif et l’existence d’un recours suspensif permettant d’apprécier la légalité de la mesure d’éloignement. Par ailleurs, un examen attentif et rigoureux des autorités administratives et juridictionnelles contribue également à l’effectivité du recours devant les instances juridictionnelles. Notons cependant que le processus du contrôle de la conventionnalité des solutions nationales n’est pas encore achevé, de sorte qu’il revient aux droits nationaux, dans le cadre de leur autonomie procédurale, d’offrir des solutions juridiques viables qui respectent les droits procéduraux des demandeurs d’asile.
Chapitre II: La nécessité d’une autonomie procédurale encadrée relative au droit au recours effectif dans les procédures dérogatoires Si un dénominateur commun a été trouvé au niveau européen, par voie de dialogue, pour aménager un recours à l’encontre des décisions administratives prises dans les procédures dérogatoires, ce facteur n’est pas en soi suffisant pour que nous puissions parler d’un recours effectif. Lors de la mise en œuvre de ce dénominateur
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commun, les États membres disposent d’une large marge d’appréciation non seulement pour garantir un recours effectif en droit, mais aussi pour faire en sorte que les autorités nationales évitent tout formalisme lors du traitement de la demande, et ce, indépendamment de l’absence de condamnation par la Cour européenne de leur pratique nationale, le cas échéant, défaillante. D’une part, il convient de s’assurer que l’effectivité du recours en droit soit garantie. Il s’agit d’une analyse objective favorable à une approche comparative entre les solutions offertes par les droits nationaux examinés, permettant de tirer les enseignements de l’exemple étranger. Mais, d’autre part, définir une méthode claire et opérationnelle pour éviter l’application formaliste des règles du droit s’avère une tâche plus compliquée. Toutefois, dans la mesure où les procédures dérogatoires visent à dépister les demandes d’asile vouées à l’échec, certains critères communs peuvent être identifiés et, permettre, par conséquent, de rapprocher les procédures dérogatoires, et ce, indépendamment de l’ordre juridique examiné. Eu égard à ces considérations, il convient d’étudier la manière dont le droit allemand (Section I) et le droit français (Section II) aménagent les procédures dérogatoires, en droit et en pratique, et garantissent aux demandeurs d’asile de faire valoir effectivement leurs griefs à l’encontre de la décision du rejet de la demande d’asile, du classement du traitement de leur demande en procédure dérogatoire et de la mesure d’éloignement. Cette analyse comparative permet de rapprocher les solutions nationales, même si celles-ci s’avèrent conformes, prises séparément, à la Convention européenne et au droit de l’Union. En effet, un tel rapprochement contribue à la réduction des mouvements secondaires des demandeurs d’asile au sein de l’Union.
Section I: L’accessibilité d’un recours effectif dans les procédures dérogatoires en droit allemand La loi allemande prévoit plusieurs procédures dérogatoires447. La procédure d’entrée par voie aéroportuaire (Verfahren bei Einreise auf dem Luftwege) ou pro447 Étant donné que nous n’avons pas analysé les recours à l’encontre des décisions de transfert en vertu du règlement Dublin dans le chapitre précédent, nous n’étudions pas non plus le § 34a de la loi relative à l’asile. En ce qui concerne la procédure d’asile en rétention, le droit allemand ne contient pas de procédure dérogatoire spécifique pour ce cas de figure, l’Office fédéral examinant la demande dans une procédure d’asile de droit commun. En ce qui concerne la procédure d’asile en cas de demande d’asile irrecevable ou manifestement infondée au sens du § 36 de la loi relative à l’asile, le recours à l’encontre de la décision de l’Office fédéral est examiné par le tribunal administratif de manière séparée afin de déterminer s’il convient d’accorder l’effet suspensif au recours à l’encontre de la décision administrative prise en substance. Concrètement, une demande d’octroi des mesures provisoires peut être présentée à l’encontre de la mesure d’éloignement et le délai est d’une semaine à partir de la
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cédure à l’aéroport (Flughafenverfahren) a été instituée pour traiter les demandes clairement dépourvues de chance de succès. Cette procédure présente la particularité d’avoir lieu avant l’entrée sur le territoire allemand et de se dérouler sur le territoire de l’aéroport448. Compte tenu de cette spécificité, la procédure à l’aéroport est accompagnée des garanties procédurales limitées mais suffisantes, aux yeux de la Cour constitutionnelle fédérale, pour écarter tout risque de violation des droits absolus protégés par la Loi fondamentale (§ 1). Le classement automatique du traitement des demandes de protection internationale en cette procédure dérogatoire est moins visible, d’une part, puisque le contrôle juridictionnel porte sur la pertinence de la qualification de la demande d’asile comme manifestement infondée, d’autre part, grâce aux clarifications formulées par la Cour constitutionnelle fédérale et ainsi grâce à la formulation des garanties procédurales supplémentaires, par voie prétorienne, permettant d’éviter tout formalisme lors de ce traitement (§ 2).
§ 1 L’aménagement d’un recours effectif en droit dans la procédure à l’aéroport : le résultat d’un travail coordonné du législateur et de la Cour constitutionnelle fédérale Tout d’abord, il convient de donner quelques précisions sur les normes applicables à cette procédure afin d’obtenir un panorama des différentes garanties procédurales. En vertu du § 18a de la loi relative au droit d’asile, dans la mesure où l’étranger provient d’un pays d’origine sûr ou s’il ne dispose pas de passeport valable, la procédure d’asile a lieu immédiatement à l’aéroport449. Cette procédure est menée par l’Office fédéral. Si celui-ci rejette la demande d’asile en tant que manifestement infondée450, l’entrée doit être refusée. En ce qui concerne les possibilités de recours, une demande d’octroi des mesures provisoires peut être déposée dans les trois jours suivant la notification de la décision de l’Office fédéral en vertu du § 123 du Code de procédure administrative451. L’objectif de cette demande est de mettre en cause l’interdiction d’entrée sur le territoire allemand et d’empêcher l’éloignement. Si, à la suite de la réforme de l’asile en 1993, le législateur modifiant la Loi fondamentale (der verfassungsändernde Gesetzgeber) a instauré une règlementation restrictive qui se traduit par un raccourcissement des garanties procédunotification de la décision de l’Office fédéral. La logique de cette procédure s’apparentant dans une large mesure à celle de la procédure d’asile à l’aéroport, nous étudions uniquement cette dernière procédure. 448 J. Bergmann, K. Dienelt, « Ausländerrecht… », op. cit., p. 2535. 449 § 18a(1) AsylG. 450 Le § 30 AsylG énumère de façon exhaustive les cas dans lesquels la demande de protection internationale peut être rejetée comme manifestement infondée. 451 En cas de dépassement du délai de recours, une demande en restitutio in integrum peut être déposée en vertu du § 60 VwGO.
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rales, force est de constater que l’aménagement de ces dernières, conformément aux lignes directrices de la Cour constitutionnelle, permet d’assurer un accès aussi effectif que possible au recours devant les tribunaux administratifs. Cette tendance se traduit notamment dans la computation des délais (A) et dans les garanties procédurales complémentaires, notamment l’aménagement d’un recours suspensif (B). Or, tant l’octroi d’un délai raisonnable pour préparer un recours que l’effet suspensif du recours contribuent, eux seuls, à la protection des demandeurs d’asile déboutés contre le risque de mauvais traitements. A. La computation des délais interprétée à la lumière des lignes directrices de la Cour constitutionnelle fédérale Notons, à titre liminaire, que la loi relative à l’asile prévoit la possibilité d’entrée sur le territoire allemand, notamment lorsque l’Office fédéral ne peut pas prendre une décision à court terme, lorsqu’il n’a pas statué sur la demande d’asile dans les deux jours suivant son dépôt ou lorsque le tribunal n’a pas statué sur une demande de mesures provisoires à l’encontre de la décision de rejet de la demande en tant que manifestement infondée dans un délai de quatorze jours452. Dans ces cas, l’entrée doit être autorisée et la demande sera traitée dans une procédure de droit commun. Dès lors, le non-respect du principe de célérité transforme le traitement de la demande en procédure de droit commun, au bénéfice des demandeurs d’asile. Le délai pour introduire un recours à l’encontre de la décision de l’Office fédéral rejetant la demande d’asile comme manifestement infondée est de trois jours. Ce délai semble a priori matériellement insuffisant pour préparer une demande en ce sens. Ce constat est cependant nuancé par l’applicabilité du Code civil allemand qui prévoit que la computation des délais s’effectue en application de son § 193 selon lequel, si le délai tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié, le délai n’expirera qu’au prochain jour ouvrable453. Selon la Cour constitutionnelle fédérale, il résulte de l’article 19, paragraphe (4) et de l’article 103, paragraphe (1) de la Loi fondamentale qu’une possibilité doit être garantie au demandeur d’asile pour qu’il puisse influencer la décision du tribunal administratif, en présentant les motifs qu’il souhaite faire valoir dans sa demande de mesures provisoires454. Dès lors, pour que le demandeur d’asile débouté puisse exercer une influence sur la décision du tribunal administratif, il convient d’accorder un délai supplémentaire de quatre jours, autrement dit, à compter de la notification de la décision de l’Office fédéral, le demandeur d’asile débouté dispose d’une semaine pour déposer et motiver sa de452
§ 18a(6) AsylG. § 193 BGB. 454 « Aus Art. 19 Abs. 4 und Art. 103 Abs. 1 GG ergibt sich, daß es dem Asylsuchenden möglich sein muß, mit den Gründen, die er für seinen Antrag auf Gewährung vorläufigen Rechtsschutzes geltend machen will, auf die Entscheidung des Verwaltungsgerichts Einfluß zu nehmen ». BVerfG (2ème sénat), 14 mai 1996, 2 BvR 1516/93, 94, 166, Flughafenverfahren, ECLI:DE:BVerfG:1996:rs19960514.2bvr151693. 453
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mande455. De surcroît, la même juridiction autorise la prolongation du délai de recours sur décision du tribunal administratif. Une telle réglementation correctrice semble aménager un délai raisonnable. Étant donné que la Cour constitutionnelle fédérale, en entrant sur le terrain de la politique législative, a ajusté les délais de prime abord déraisonnables, les juridictions administratives s’en tiennent également à ces lignes de conduite, ce qui contribue au faible nombre de contentieux dans lesquels le caractère déraisonnable du délai est reproché aux autorités. À cette circonstance s’ajoutent les garanties procédurales complémentaires contribuant à assurer un accès au recours aussi effectif que possible dans une procédure dérogatoire. B. L’aménagement des garanties procédurales complémentaires à la lumière des lignes directrices de la Cour constitutionnelle fédérale Si l’objet du recours devant les tribunaux administratifs est limité au bien-fondé de l’appréciation de l’Office fédéral sur le caractère manifestement infondé de la demande, l’éloignement n’est pas possible tant que le tribunal administratif n’a pas pris sa décision. Au-delà du caractère suspensif du recours, la procédure devant les tribunaux administratifs est aménagée de telle sorte que certaines garanties procédurales complémentaires contribuent à un accès plus effectif au recours. La procédure devant le tribunal administratif se déroule par écrit, mais le juge administratif peut décider d’entendre le demandeur d’asile débouté. En revanche, les requérants n’ont pas le droit à un représentant légal commis d’office. Le caractère alarmant de cette lacune normative a été mis en évidence par le requérant devant la Cour constitutionnelle fédérale dans l’affaire sur la procédure à l’aéroport, lorsqu’il a souligné que la majorité des demandeurs d’asile n’ont pas les moyens financiers de mandater un avocat et que les vagues perspectives de remboursement des honoraires au titre de l’aide juridictionnelle ne leur permettent pas de persuader les avocats d’accepter les demandes de représentation456. C’est à la lumière de ces conditions que le requérant a souligné le besoin aigu de conseils juridiques à l’aéroport (ein akuter Beratungsnotstand), même si les différentes organisations non gouvernementales assurent une permanence457.
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Ibid. « Die Mehrheit der Asylsuchenden verfüge nicht über finanzielle Mittel zur Beauftragung eines Anwalts. Vage Aussichten auf Gebührenerstattung im Wege der Prozeßkostenhilfe könnten Anwälte nicht dazu bewegen, sich unter Vernachlässigung anderer Mandate auf die unzumutbaren zeitlichen Bedingungen im Flughafenverfahren einzulassen ». Ibid., paragraphe 57. 457 Ibid. 456
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Dans son appréciation, les juges de Karlsruhe ont insisté sur le fait que le demandeur, qui n’est pas représenté par un avocat, doit avoir la possibilité de recourir à des conseils gratuits afin de pouvoir évaluer les chances de succès de son recours, et, si nécessaire, il peut être accompagné par un médiateur linguistique458. La Cour constitutionnelle ajoute que l’étendue du conseil juridique peut comprendre une aide pour formuler la demande, y compris les motifs, et, compte tenu des courts délais, la Cour préconise que la consultation commence le jour de la notification de la décision administrative et qu’elle soit également proposée le week-end459. Ces garanties procédurales complémentaires s’avèrent ainsi suffisantes pour qu’un demandeur débouté puisse tout de même bénéficier d’un accès au recours, et ce, de manière effective. Il suit de cette analyse que, malgré le caractère de prime abord ineffectif de la procédure d’asile dérogatoire à l’aéroport, les ajustements de la Cour constitutionnelle fédérale par voie prétorienne ont contribué non seulement à nuancer cette image, mais aussi à diminuer le nombre des litiges critiquant l’aménagement de cette procédure. De surcroît, bien qu’il s’agisse d’une procédure dérogatoire, les lignes directrices formulées par la Cour constitutionnelle fédérale définissent en réalité les conditions valables même dans une procédure d’asile de droit commun avec la seule différence qu’en règle générale, le délai pour introduire le recours est plus court en l’occurrence. En tout état de cause, les garanties procédurales indispensables à un accès effectif au recours ressortent clairement de l’arrêt : d’une part, un délai de recours raisonnable et l’aménagement d’un recours suspensif en tant que garanties procédurales absolues, et d’autre part, le droit à l’assistance juridique et linguistique comme garanties procédurales relatives dont la portée comprend également l’aide à la préparation du recours. In fine, la jurisprudence prévoit ces garanties procédurales tout en respectant l’exigence de célérité (Beschleunigungsgebot)460, d’autant plus que le maintien du demandeur d’asile en zone d’attente le prive de la liberté de mouvement461. Ces garanties normatives peuvent cependant devenir illusoires en l’absence d’un accès effectif au recours en pratique.
458 « Der nicht anwaltlich vertretene Antragsteller muß ferner durch organisatorische Maßnahmen Gelegenheit erhalten, – soweit erforderlich unter Einsatz eines Sprachmittlers – kostenlos asylrechtskundige Beratung in Anspruch zu nehmen, um die Erfolgsaussichten einer etwaigen Beschreitung des Rechtsweges beurteilen zu können. Diese Beratung kann durch jede dafür geeignete, von den Entscheidungsträgern unabhängige, im Flughafenbereich verfügbare und in Asylrechtsfragen kundige Person oder Stelle erfolgen ». Ibid. 459 Ibid. 460 BGH, 12. octobre 2016, V ZB 28/15. 461 « Bei der Unterbringung eines Betroffenen im Transitbereich des Flughafens Frankfurt am Main nach Abschluss des ”Flughafenasylverfahrens” handelt es sich auch vor Ablauf von 30 Tagen nach Ankunft des Betroffenen am Flughafen trotz der gesetzlichen Regelung des § 15 Abs. 6 S. 2 AufenthG um eine dem Richtervorbehalt unterliegende Freiheitsentziehung », OLG Frankfurt am Main, 3 mars 2016, 20 W 9/15.
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§ 2 L’aménagement d’un recours effectif en pratique dans la procédure à l’aéroport Lorsqu’on examine la question de la qualité du recours, l’un des points névralgiques de la décision de la Cour constitutionnelle fédérale est l’accès limité au recours constitutionnel. Cette question devient d’autant plus intéressante qu’en cas de rejet définitif de la demande d’asile comme manifestement infondée, l’éloignement est possible à la suite du prononcé du dispositif de l’arrêt du tribunal administratif. Dans la mesure où aucun autre recours ordinaire ne peut être formé à l’encontre de la décision du tribunal administratif, l’absence de notification des motifs est susceptible de méconnaitre le droit d’être entendu par un tribunal462. Cette règlementation peut s’avérer problématique lorsque le demandeur d’asile souhaite déposer un recours constitutionnel. La Cour constitutionnelle n’a pas constaté l’inconstitutionnalité de cette règlementation, eu égard au caractère extraordinaire de ce recours. Notons que la juge Limbach ainsi que les juges Böckenförde et Sommer ont argué que, dans la mesure où les violations irréparables et graves des droits fondamentaux sont imminentes, la possibilité théorique de saisir la Cour constitutionnelle fédérale ne constitue pas de garantie suffisante463. Du point de vue du droit conventionnel, même si le recours constitutionnel a un caractère extraordinaire, son effectivité en droit et en pratique peut être remise en question, d’autant plus, lorsque la Cour constitutionnelle dispose du pouvoir de remédier à la violation constatée. Force est de constater que, dans quelques cas exceptionnels, c’est la Cour constitutionnelle fédérale qui a empêché les conséquences irréversibles. Dès lors, étant donné que la portée du contrôle juridictionnel des tribunaux administratifs est limitée, un examen rigoureux et attentif s’impose, d’autant plus que, à la suite du rejet du recours, l’éloignement peut être immédiatement exécuté. Certes, le droit au séjour temporaire est conçu pour protéger les persécutés politiques contre les persécutions alléguées, mais ce droit n’est pas envisagé pour d’autres objectifs464. Or, en cas de demande d’asile manifestement infondée, l’État n’est pas tenu d’accorder refuge à ceux qui ne sont pas persécutés. Afin de dépister les demandes d’asile manifestement infondées, certains critères doivent être établis, dont la prévisibilité et la lisibilité constituent des garanties indispensables pour empêcher les conséquences irréversibles. Dans la pratique, le formalisme, dont les 462
BVerfG, 14 mai 1996, 2 BvR 1516/93, préc. « Aus dem Gebot des effektiven Rechtsschutzes für das (Entscheidungs-)Verfassungsbeschwerde-Verfahren folgt insoweit allerdings nicht, daß in jedem Fall vorläufiger Grundrechtsschutz gewährleistet werden muß. Jedoch ergibt sich aus diesem Gebot, daß jedenfalls in Fällen, in denen irreparable und schwerwiegende Grundrechtsverletzungen drohen, es dem Beschwerdeführer möglich sein muß, den Eintritt dieser Folgen zu verhindern. Allein das formelle Beschwerderecht und die theoretische Möglichkeit, das Bundesverfassungsgericht anzurufen, genügen dem nicht ». Opinion dissidente de la juge Limbach et des juges Böckenförde et Sommer, jointe à l’arrêt BVerfG 94, 166. 464 BVerfG (2ème sénat), 2 mai 1984, 2 BvR 1413/83, Offensichtlich unbegründeter Asylantrag, paragraphe 39. 463
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autorités, administratives ou juridictionnelles, témoignent lorsqu’elles procèdent au filtrage de la demande d’asile, peut saper l’effectivité de l’accès au recours devant les tribunaux administratifs465. Le formalisme caractérise la démarche des tribunaux administratifs lorsqu’ils évaluent l’existence de doutes sérieux (ernstliche Zweifel) de la légalité de la mesure prise par l’Office fédéral. Étant donné qu’un examen complet et global est impossible, le tribunal administratif est tenu d’examiner les chances de succès de la demande de protection internationale et, en cas de doute, l’entrée devrait être autorisée. Si le récit du demandeur d’asile n’est pas dépourvu de crédibilité de manière univoque (eindeutigunglaubhaft), le demandeur d’asile doit être autorisé à entrer sur le territoire allemand pour le déroulement de la procédure d’asile de droit commun devant l’Office fédéral466. Ce constat est valable en particulier pour les cas dans lesquels la procédure d’asile se transforme en procédure dérogatoire uniquement parce que le demandeur d’asile en question ne dispose pas de passeport valable. Il existe peu de jurisprudence pour démontrer les conséquences qu’une appréciation formaliste des motifs des persécutions peut impliquer. En effet, une fois que le tribunal administratif confirme le caractère manifestement infondé de la demande d’asile, le dispositif est suffisant pour que l’éloignement ait lieu. La doctrine critique vivement une telle pratique en la décrivant comme un jeu de loto : la notification des motifs dépend largement des horaires du vol et de la disponibilité de l’Office fédéral467. Or, l’article 19, paragraphe (4) de la Loi fondamentale exige un contrôle juridictionnel réellement effectif (tatsächlich wirksame gerichtliche Kon465 Dans une affaire devant la Cour constitutionnelle fédérale, le requérant, d’origine camerounaise, est entré sur le territoire allemand par avion. Au lieu de solliciter l’asile immédiatement à son arrivée à l’aéroport de Francfort, il a pris le train pour continuer son chemin vers Düsseldorf, où il est arrivé pendant l’après-midi le 30 décembre 1998. Le bureau d’asile étant déjà fermé, il était tenu de reprendre ses démarches administratives le 4 janvier 1999, qui était le premier jour ouvrable de l’année. Sa demande d’asile a été rejetée par l’Office fédéral comme manifestement infondée. Cette décision a été confirmée par le Tribunal administratif. Celui-ci a considéré que l’histoire des persécutions du requérant n’était pas crédible du fait qu’il n’a pas sollicité l’asile immédiatement à son arrivée. La Cour constitutionnelle fédérale a jugé que les décisions de l’Office fédéral et du tribunal administratif reposaient sur des considérations étrangères et arbitraires. Concrètement, il convient d’écarter que seules les personnes pouvant être considérées comme victimes des persécutions politiques qui sollicitent l’asile immédiatement à l’arrivée à la frontière. Cette décision démontre parfaitement que le formalisme, qui caractérise aussi bien la démarche administrative de l’Office fédéral que celle des tribunaux administratifs, peut conduire au classement automatique du traitement de la demande d’asile en procédure dérogatoire et, le cas échéant, aux violations des droits intangibles. BVerfG (2ème sénat, 1ère ch.), 27 avril 2004, 2 BvR 2020/99, ECLI:DE:BVerfG: 2004:rk20040427.2bvr202099. 466 VG Düsseldorf (21ème ch.), 14 avril 2011, 21 L 625/11.A, ECLI:DE:VGD:2011: 0414.21 L625.11 A.00. 467 T. Laier, Das Flughafenasylverfahren nach § 18a AsylVfG in rechtsvergleichender Perspektive, Duncker & Humblot, 1999, p. 180.
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trolle)468. Ce constat ne peut être affaibli par les limitations tenant au respect du principe de célérité, la loi relative à l’asile accordant la possibilité de prolonger les délais dont les tribunaux administratifs disposent. Dans une décision, la Cour constitutionnelle fédérale a constaté l’erreur de droit commise par l’Office fédéral et le tribunal administratif, en rejetant la demande d’asile comme manifestement infondée dans le cadre d’une procédure à l’aéroport469. Dans cette décision, la Cour constitutionnelle fédérale a mis en avant le caractère particulièrement formaliste de l’appréciation effectuée aussi bien par l’Office fédéral que par le tribunal administratif. En effet, ce dernier a outrepassé les limites d’appréciation lorsqu’il a considéré que les persécutions subies par le requérant n’avaient pas atteint l’intensité nécessaire pour la reconnaissance de la protection internationale parce qu’elles n’ont pas conduit à des poursuites pénales470. Or, dans la mesure où le requérant présente un récit dans lequel les persécutions alléguées satisfont aux critères figurant dans la Convention de Genève ou aux critères indispensables pour accorder le statut conféré par la protection subsidiaire, l’examen de l’intensité des persécutions mérite un examen approfondi, qui doit être effectué dans le cadre d’une procédure d’asile de droit commun devant l’Office fédéral. Par ailleurs, le tribunal administratif n’a pas vérifié si le retour du requérant l’exposerait aux risques de mauvais traitements et a traité la demande d’asile comme dépourvue de crédibilité471. En revanche, la Cour constitutionnelle a considéré son récit comme essentiellement pertinent (im wesentlichen in sich schlüssig)472. Dès lors, dans la mesure où le récit du demandeur d’asile présente une certaine cohérence et où les motifs invoqués sont susceptibles de justifier le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire, l’accès au territoire doit être autorisé. La jurisprudence administrative confirme également ce constat. Si la nécessité d’une explication de l’incohérence dans le récit du demandeur d’asile n’est pas exclue473, cette circonstance justifie un examen approfondi et une autorisation d’entrée pour le besoin d’un éclaircissement factuel. Il est évident que les atteintes profondes aux droits fondamentaux474 méritent d’être examinées dans le cadre de la procédure d’asile de droit commun. Selon le Tribunal administratif de Frankfurt am Main, une demande d’asile ne peut être considérée comme manifestement infondée que si les faits ont été établis et si les conclusions factuelles ont été clarifiées de 468
K. Stern, F. Becker, Grundrechte-Kommentar, 2. Aufl., Köln, Heymann, 2016, p. 1409. BVerfG (2ème sénat, 1ère ch.), 24 septembre 1998, 2 BvR 2470/96, ECLI:DE: BVerfG:1998:rk19980924.2bvr247096. 470 Ibid. 471 Ibid. 472 Ibid. 473 VG Düsseldorf (13ème ch.), 14 mars 2014, 13 L 571/14.A, ECLI:DE:VGD:2014: 0314.13 L571.14 A.00. 474 VG München, 3 août 2017, M 17 K 17.36222. 469
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manière concluante, de sorte qu’une enquête complémentaire et/ou un examen de la crédibilité du requérant ne sont pas nécessaires475. Par ailleurs, dans une affaire devant la Cour constitutionnelle fédérale, celle-ci a considéré qu’il ressortait du raisonnement du tribunal administratif que le récit présenté par le requérant n’était pas entièrement dépourvu de crédibilité476. De surcroît, le tribunal administratif n’a pas apprécié tous les arguments avancés par le requérant et n’a pas vérifié l’état actuel du pays de persécution à partir des rapports régulièrement mis à jour477. Concrètement, le tribunal administratif a constaté l’indépendance de la justice pakistanaise pour, ensuite, conclure que le requérant ne sera pas persécuté en cas de retour au Pakistan478. Dès lors, la Cour constitutionnelle fédérale a autorisé l’entrée du requérant sur le territoire allemand. Dans une autre affaire, la Cour constitutionnelle fédérale a relevé que, contrairement à la position du tribunal administratif, elle ne considérait pas les allégations du requérant comme contradictoires479. Par ailleurs, d’après la Cour constitutionnelle, le tribunal administratif n’a pas accordé de poids au fait que le requérant avait déjà expliqué la divergence qui a pu se produire à cet égard devant l’Office fédéral, en invoquant les difficultés de communication et son mauvais état de santé480. Toujours selon la Cour, seules des objections ou inexactitudes prouvées permettent de tirer des conclusions sur la crédibilité d’un demandeur d’asile481. Enfin, en s’appuyant sur un rapport actuel, le requérant a remis en question, avec succès, le caractère sûr de la Syrie, alors que le tribunal administratif n’a pas pris en considération ces éléments482. Cette décision suggère une lecture selon laquelle les tribunaux administratifs doivent justifier pourquoi ils remettent en question la crédibilité du demandeur d’asile et, avant de parvenir à leurs conclusions, ceux-ci sont tenus de procéder à un examen rigoureux et individuel. En outre, ils doivent tenter de dissoudre les contradictions dans le récit du demandeur d’asile afin de démontrer pourquoi le rejet de la demande d’asile en tant que manifestement infondée est justifié. De manière similaire, si les expériences vécues par le requérant sont crédibles aux yeux de l’Office fédéral et du tribunal administratif, mais si ces deux derniers estiment, en revanche, que les persécutions alléguées ne peuvent pas être considé-
475 VG Frankfurt am Main, 7 août 2008, 3 L 2061/08.F.A, ECLI:DE:VGFFM:2008: 0807.3 L2061.08.F.A.0 A, paragraphe 9. 476 BVerfG, 27 septembre 1993, 2 BvR 2041/93. 477 Ibid. 478 Ibid. 479 BVerfG, 8 décembre 1993, 2 BvR 2709/93. 480 Ibid. 481 Ibid. 482 Ibid.
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rées comme étant de nature politique483, il convient de justifier pourquoi les motifs des persécutions ne sont pas rattachés à ceux figurant dans la Convention de Genève. Les démarches de l’Office fédéral et des tribunaux administratifs devraient être guidées par les principes et les méthodes préconisés par le HCR. Concrètement, « si le récit du demandeur paraît crédible, il faudrait lui accorder le bénéfice du doute […], cependant, cette tolérance ne doit pas aller jusqu’à faire admettre comme vraies les déclarations qui ne cadrent pas avec l’exposé général des faits présenté par le demandeur »484. Il nous semble que la Cour constitutionnelle fédérale illustre une approche plus sévère. En ce qui concerne la crédibilité, la demande peut être rejetée en tant que manifestement infondée uniquement lorsque le juge est convaincu de ce que le récit du demandeur d’asile n’est pas prouvé, nonobstant un examen rigoureux et attentif485. Quant à la cohérence, même un récit partiellement cohérent suffit, aux yeux de la Cour constitutionnelle fédérale, pour autoriser l’entrée sur le territoire. En effet, si le requérant présente un récit cohérent contenant des éléments ponctuellement décrits, les éventuelles contradictions doivent être dissoutes pendant la procédure d’asile de droit commun. Il importe, par ailleurs, que les tribunaux administratifs examinent tous les éléments présentés par le requérant en prenant en considération des rapports régulièrement mis à jour et, dans le cadre de leur appréciation, le risque de mauvais traitements en cas d’éloignement doit être impérativement vérifié tout comme le bien-fondé des persécutions rattachées aux critères sous-tendant le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire pour chaque cas individuel. In fine, la Cour constitutionnelle fédérale préconise un examen individualisé, nonobstant le fait que les tribunaux administratifs se prononcent dans une procédure dérogatoire.
483 BVerfG, 2 décembre 1993, 2 BvR 1475/93. Dès lors, la motivation de la décision du tribunal administratif, qui confirme le caractère manifestement infondé de la demande d’asile, revêt une importance fondamentale. La Cour constitutionnelle fédérale prévoit des exigences plus sévères pour motiver une décision judiciaire qui confirme le rejet de l’Office fédéral qualifiant la demande de protection internationale en tant que manifestement infondée. BVerfG (2ème sénat), 6 août 1993, 2 BvR 1654/93. En l’occurrence, le tribunal administratif n’a pas explicité pourquoi l’appartenance à une organisation de jeunesse ne suffit pas à affirmer les persécutions à l’encontre du requérant faisant partie de cette organisation. Ibid. 484 Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, janvier 1992, HCR/1P/4/FRE/REV.1. 485 Voir à titre d’exemple : VG Cottbus (3ème ch.) 20 novembre 2008, 3 K 738/01.A, ECLI:DE:VGCOTTB:2008:1120.3K738.01.A.0 A.
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Section II: L’accessibilité d’un recours effectif dans les procédures dérogatoires en droit français L’équivalent, en droit français, de la procédure à l’aéroport est la procédure en zone d’attente486. En effet, celle-ci se déroule avant que le ressortissant du pays tiers n’entre sur le territoire français, et son objectif est de dépister le caractère manifestement infondé de sa demande de protection. Cette procédure est ainsi également accompagnée de garanties procédurales réduites. La Cour européenne a condamné la France en 2007 dans l’arrêt Gebremedhin précité en raison de l’inconventionnalité de la procédure en zone d’attente. Cette procédure vise à déterminer le caractère manifestement infondé de la demande de protection internationale. La décision qualifiant la demande d’asile comme manifestement infondée est prise par le ministre chargé de l’immigration, après avoir obtenu l’avis désormais contraignant de l’OFPRA487. Un recours peut être introduit à l’encontre de cette décision devant les tribunaux administratifs. À la suite de la condamnation de la France, ce recours est assorti désormais d’effet suspensif488. Les dispositions du CESEDA en vigueur prévoient que « l’étranger qui a fait l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile […] peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de [cette décision], en demander 486
En ce qui concerne le champ d’application des procédures accélérées, le CESEDA prévoit trois cas de figure. Le recours à la procédure accélérée peut intervenir de plein droit, si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr ou s’il a déposé une demande de réexamen qui n’est pas irrecevable, sur décision de l’OFPRA ou sur demande du préfet. V. Tchen, « Code de l’entrée… », op. cit., Paris, LexisNexis, 2017, p. 660. Le préfet procède ainsi notamment lorsque le demandeur présente une demande d’asile dans le seul but de faire échec à l’exécution d’une mesure d’éloignement. Depuis la réforme de 2015, la demande d’asile présentée en rétention fait l’objet d’une nouvelle règlementation, qui tire les leçons des évolutions de la jurisprudence européenne et de la refonte des directives « asile » au niveau de l’Union. Afin de comparer les solutions proposées par la législation et la pratique françaises avec celles en droit allemand, nous allons examiner uniquement l’aménagement d’un recours effectif dans la procédure en zone d’attente. 487 Notons qu’avant la réforme de 2015, cet avis n’était pas contraignant. 488 Avant le prononcé de l’arrêt Gebremedhin, le recours à l’encontre de la décision rejetant la demande comme manifestement infondée était dépourvu d’effet suspensif et le demandeur débouté pouvait être immédiatement éloigné. Ainsi, même si le demandeur d’asile débouté a présenté un référé pour suspendre l’exécution de la décision de refus d’entrée, à la suite du réacheminement, la demande de suspension est devenue sans objet. CE (2ème ss-sect. jugeant seule), 26 juillet 2006, N8 290505 ; CE (juge des référés), 20 novembre 2006, N8 298853. Néanmoins, dans la pratique, le référé-liberté a permis aux demandeurs d’asile déboutés de faire valoir leurs griefs à l’encontre de la décision du ministre rejetant leur demande en tant que manifestement infondée, puisque prouver l’urgence ne posait pas de problème. Dans ce cas, si les griefs étaient avérés, une telle décision de rejet porterait une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile. CE (juge des référés), 25 mars 2003, N. 2552537. Ce recours n’était pas cependant assorti d’effet suspensif.
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l’annulation au président du tribunal administratif »489. La loi prévoit expressément le caractère suspensif de ce délai, c’est-à-dire que, pendant ces 48 heures, l’éloignement n’est pas possible, sous réserve de l’introduction du recours dans les délais. La condamnation de la Cour européenne a incité le législateur français à mettre en conformité le droit français avec les exigences découlant de la jurisprudence de la Cour européenne. Certes, la solution adoptée aurait pu venir aussi du droit constitutionnel d’asile et de son composant essentiel, le droit de demeurer sur le territoire français le temps strictement nécessaire pour l’examen de la demande d’asile y compris le réexamen du rejet de la demande par un tribunal. Ce constat n’est pas remis en question par le bouleversement du principe fondamental de la procédure administrative contentieuse française : l’effet non suspensif des recours490. Dorénavant, aucun autre recours ne peut être formé contre la décision rejetant la demande comme manifestement infondée, y compris les référés. En revanche, cette réforme ne s’avérait pas suffisante dans la pratique. La Cour européenne aurait eu l’occasion de se prononcer sur la conventionnalité de la nouvelle règlementation, mais l’affaire SE contre France précitée n’a pas résisté aux critères de recevabilité de la Haute juridiction des droits de l’Homme. Le Conseil d’État, quant à lui, a jugé que les dispositions régissant une telle procédure sont compatibles avec la nouvelle directive « procédures »491, en tout cas, en ce qui concerne le caractère suspensif du recours à l’encontre de la décision du ministre chargé de l’immigration. Malgré le label de conformité d’un tel recours suspensif au droit de l’Union, dans l’interprétation que le Conseil d’État a faite de la directive « procédures », ni la Cour européenne ni la Cour de justice n’ont exprimé leur point de vue s’agissant de la légalité de la procédure en zone d’attente. Dès lors, il convient de s’interroger sur cette question, en vérifiant les garanties procédurales 489
Article L213 – 9 du CESEDA. Cette solution s’apparente au recours suspensif contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, tout en respectant le privilège du préalable. Senelar-Gil, « Recours juridictionnel contre une décision de non-admission sur le territoire : le référé-liberté, remède ou placebo ? Quelques réflexions sur l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 26 avril 2007 ”Gebremedhin c/ France” ». https://www.gu glielmi.fr/IMG/pdf/Senelar_Gebremedhin.pdf (consulté le 31 décembre 2017). Il convient de remarquer, à cet égard, que le Conseil d’État a jugé dans l’arrêt Huglo que les jugements des tribunaux administratifs sont exécutoires. Ainsi, le caractère suspensif du recours ne constitue qu’une exception. Voir à cet égard : CE (statuant au contentieux, assemblée), 2 juillet 1982, N8 25288 25323. Notons finalement que depuis la réforme 2015, le même régime est applicable aux décisions de transfert vers l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale en vertu du règlement Dublin III ainsi qu’aux demandes irrecevables, et le caractère suspensif des recours est devenu, en tout cas dans le domaine de l’asile, la règle générale. 490 J.-L. Pissaloux, « De la nécessité d’aménager… », op. cit., p. 2319. 491 Le Conseil d’État a jugé que « dès lors qu’il permet au demandeur de rester sur le territoire national jusqu’à l’issue de son recours sur la décision prise sur sa demande d’asile à la frontière […], le décret contesté n’avait pas à reprendre les conditions prévues aux paragraphes 6 et 7 de l’article 46 de la directive 2013/32/UE qui ne s’appliquent qu’en l’absence d’un tel recours suspensif ». CE (28-78 ch. réunies), 20 octobre 2016, N8 395105, paragraphe 4.
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qui permettent de garantir l’accessibilité d’un tel recours en droit (§ 1). Il importe ensuite de vérifier la manière dont le droit français garantit l’accessibilité du recours en pratique (§ 2).
§ 1 L’aménagement des garanties procédurales réduites pour garantir l’accessibilité du recours en droit dans la procédure en zone d’attente Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a mis en lumière la pertinence des constats de la Cour européenne dans l’arrêt I.M. précité relatifs à la question des délais dans la procédure en zone d’attente. Concrètement, la Cour européenne a considéré le délai de 48 heures dans l’affaire I.M. « extrêmement bref » pour préparer le recours, et un tel constat est pertinent mutatis mutandis pour le recours dans la procédure en zone d’attente devant le tribunal administratif492. La brièveté du délai de recours a également fait l’objet de vives critiques dans la doctrine493. Cependant, cette critique n’a pas été prise en compte lors de la réforme. Certes, l’évaluation des délais ne peut avoir lieu que dans des cas particuliers. En revanche, le caractère déraisonnable du délai peut être affirmé si l’exercice du recours devient impossible ou excessivement difficile494. Nous considérons que la règlementation devient défaillante lorsque le caractère impossible ou excessivement difficile de l’accès au recours est systémique dans la mesure où il est susceptible de toucher un grand nombre de personnes et où les garanties procédurales complémentaires ne peuvent pallier la règlementation lacunaire. En l’occurrence, le délai de 48 heures s’avère notamment insuffisant lors des week-ends. En effet, ce délai n’est pas prolongé le week-end et les jours fériés, ce qui empêche, dans la plupart des cas, le dépôt d’un recours complet rédigé en français, à défaut de permanence d’avocats en zone d’attente pendant ces jours495. Dès lors, cette pratique semble prima facie soulever des problèmes d’effectivité au sens de l’article 13 de la Convention européenne. En effet, à la suite de l’écoulement de ce délai, aucun autre recours ne peut être introduit contre la décision de refus d’entrée au titre de l’asile. 492
Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Délégués des Ministres, Documents d’information, CM/Inf/DH(2013)9-rev, 26 février 2013. https://search.coe.int/cm/Pages/result_ details.aspx?ObjectID=09000016805b47d4 (consulté le 15 janvier 2018). 493 Par l’introduction d’un délai si court (24 heures selon le projet de loi), « le législateur montre que son ralliement aux exigences européennes s’est opéré davantage par momerie que par ferveur “droits de l’hommiste” ». J-P. Marguénaud, « Le droit de demander asile à la frontière », Recueil Dalloz, 2007, p. 2780. 494 Article 46(4) de la directive 2013/32/UE. 495 Observatoire de l’enfermement des étrangers, « Une procédure en trompe l’œil ». http://www.fasti.org/images/stories/oee/OEE_rapport_acces_recours_2014.pdf (consulté le 15 janvier 2018).
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De surcroît, l’absence de garanties compensatoires ne peut que confirmer l’ineffectivité de l’accès au recours contre la décision rejetant la demande comme manifestement infondée. Concrètement, les conditions matérielles quasi inexistantes496 affaiblissent considérablement le caractère effectif du recours. En vertu de l’article L213 – 9 du CESEDA, le demandeur d’asile peut demander l’assistance d’un interprète et, s’il n’a pas de conseiller, il peut demander qu’un conseiller soit désigné497. Bien que les textes prévoient la possibilité de demander l’assistance d’un interprète et d’un conseiller, une telle possibilité est prévue pour la phase de la procédure devant le juge administratif et non pendant la phase de rédaction de la requête498. Or, étant donné que l’étranger est tenu de rédiger une requête dûment motivée, en langue française et en toute connaissance du cadre légal en matière d’asile, l’on ne peut pas raisonnablement attendre que son recours soit couronné de succès en l’absence de conditions matérielles suffisantes. Selon l’interprétation du Conseil d’État, les avocats et les interprètes ont accès à tout moment, lorsqu’un étranger formule la demande, aux centres de rétention administrative et aux zones d’attente499. En ce qui concerne particulièrement la procédure en zone d’attente, une permanence est assurée pour les demandeurs d’asile. Mais, en raison de cette permanence, le Conseil d’État n’exige pas qu’un avocat soit accessible à tout moment500. Or, la garantie d’une telle possibilité ne peut découler, mutatis mutandis, « du simple bon vouloir ou de l’arrangement pratique »501. La critique de cette règlementation a fait l’objet de décisions successives devant la Cour européenne. Ces griefs ont toutefois été rejetés dans les décisions d’irrecevabilité. Dans l’affaire SE contre France, les griefs ont porté sur l’absence d’assistance juridique, puisque, outre le fait que les demandeurs d’asile ne sont pas des juristes, ils ne disposent ni du temps ni des moyens financiers nécessaires pour solliciter une assistance juridique502. Qui plus est, il n’existe pas de permanence juridique gratuite en zone d’attente503. En revanche, en l’absence de grief défendable, la Cour européenne a qualifié la requête d’irrecevable. On retrouve ces mêmes arguments dans
496 C. Cournil, « Les droits de l’Homme en zones d’attente : condamnation européenne et résistances françaises », Cultures & Conflits, 71, 2008, 75 – 92. http://journals.openedition.org/ conflits/16433#quotation (consulté le 23 décembre 2017). 497 Article L213 – 9 du CESEDA. 498 C. Brami, « Consécration du caractère effectif du recours contre le refus d’admission sur le territoire au titre de l’asile », note sous CE, 29 avril 2013, Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE), AJDA, n8 29, 9 septembre 2013, p. 1696 – 1700. 499 CE (68-48 ss-sect. réunies), 30 juillet 2003, N8 236016. 500 CE (68-48 ss-sect. réunies), 30 juillet 2003, N8 247986. 501 Cour EDH, Cˇ onka c. Belgique, 5 février 2002, préc., paragraphe 83. 502 Cour EDH (5ème section), Se c. France, 15 décembre 2009, n. 10085/08, ECLI: CE:ECHR:2009:1215DEC001008508. 503 Ibid.
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l’affaire MA contre France504. Étant donné que le requérant ne se trouvait plus sur le territoire français, la Cour européenne a décidé de rayer la requête du rôle. En 2018, la Cour européenne a également décidé de rayer la requête du rôle dans une affaire où le requérant a fait valoir le manquement à la confidentialité de sa demande d’asile, son maintien pendant plusieurs jours en zone d’attente, ainsi que le défaut d’effectivité du recours devant le tribunal administratif505. L’affaire démontre parfaitement que le problème précédemment évoqué demeure actuel, nonobstant le faible nombre d’affaires portées devant la Cour européenne. La possibilité de contester un tel aménagement de la procédure en zone d’attente étant réduite, le législateur français ne rencontre aucune contrainte extérieure pour remédier aux carences signalées, et ce, notamment en raison d’un éloignement imminent à la suite du rejet de la demande d’asile comme manifestement infondée confirmé par le tribunal administratif. Le législateur français n’a pas tiré toutes les conséquences de la condamnation de la France sur le terrain de l’article 13 de la Convention. Or, malgré les difficultés liées à la recevabilité de telles requêtes devant la Cour européenne, cette circonstance est susceptible de contribuer à d’autres condamnations, d’autant plus que les garanties procédurales, prises ensembles et indispensables pour garantir un accès effectif au recours, ne sont pas aménagées conformément à l’équité globale de la procédure. À cela s’ajoutent les problèmes liés à l’accessibilité du recours en pratique à l’encontre de la décision du ministre rejetant la demande d’asile en tant que manifestement infondée.
§ 2 La nécessité de définir les facteurs conduisant à un examen rigoureux et attentif devant les tribunaux administratifs dans le cadre de la procédure en zone d’attente Conformément aux recommandations du Comité des Ministres relatives aux lignes directrices concernant le traitement des demandeurs d’asile dans les aéroports européens, la demande d’asile doit être examinée avec toute la diligence requise506. D’autant plus que l’enjeu d’une telle décision est important : dans la mesure où le ministre considère que la demande d’asile est manifestement infondée et où ce
504 Les arguments invoqués concernaient le délai de recours non prorogeable le samedi et le dimanche, le défaut d’interprète et d’assistance juridique en zone d’attente. Cour EDH (5ème section), MA. c. France, 16 juin 2009, n. 4920/08, ECLI:CE:ECHR:2009: 0616DEC000492008. 505 Cour EDH (5ème section), M.F. c. France, 3 juillet 2018, n. 13437/13, ECLI: CE:ECHR:2018:0703DEC001343713. 506 Recommandation N. R (94) 5 du Comité des Ministres aux États membres relative aux lignes directrices devant inspirer la pratique des États membres du Conseil de l’Europe à l’égard des demandeurs d’asile dans les aéroports européens, 21 juin 1994.
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constat est confirmé par le tribunal administratif, il n’existera aucune barrière juridique contre le refoulement. Dans l’ordre juridique français, la particularité de la procédure en zone d’attente réside dans le fait que c’est le ministre chargé de l’immigration, puis les tribunaux administratifs qui décident du caractère manifestement infondé de la demande. Cependant, le ministre n’est pas une autorité administrative spécialisée dans le domaine de l’asile et les tribunaux administratifs n’accomplissent pas la tâche d’un juge de l’asile. Dès lors, la répartition ponctuelle des compétences (A) et, par conséquent, la détermination de la portée de leur tâche sont indispensables (B). A. La répartition des compétences entre les organes chargés de l’examen des demandes d’asile L’objectif de la décision du ministre chargé de l’immigration est de permettre au demandeur d’asile de se rendre à la préfecture pour demander une autorisation provisoire de séjour, lorsque la demande ne s’avère pas manifestement infondée. Il s’agit ainsi d’un processus de filtrage, dans lequel la compétence du ministre et celle du tribunal administratif doivent être strictement encadrées. En effet, ni l’un ni l’autre ne peut décider au sujet des questions relevant de la seule compétence des organes administratifs ou juridictionnels chargés de l’examen de la demande de protection internationale. Le contraire porterait atteinte à la qualité des décisions et rendrait l’accès au recours ineffectif, notamment lorsqu’une décision contenant des erreurs de droit empêcherait les demandes, pourtant fondées, d’être examinées par les instances compétentes dans le domaine de l’asile. C’est d’autant plus le cas que la procédure en zone d’attente se déroule dans le respect des garanties procédurales, dont la portée est nettement moins favorable que celle garantie dans le cadre de la procédure d’asile de droit commun. Par exemple, l’entretien avec l’OFPRA peut se dérouler grâce à un moyen de communication audiovisuelle507. De surcroît, étant donné qu’une telle solution fait défaut en droit allemand, les demandeurs d’asile en France bénéficieraient d’un accès moins effectif que ceux ayant sollicité l’asile en Allemagne ou dans les autres États dotés d’une tradition administrative similaire dans le domaine de l’asile. C’est la raison pour laquelle nous considérons vital que le rôle de ces organes soit limité à une fonction de filtrage. En examinant la pratique, ce constat a été confirmé par la Cour administrative d’appel de Paris, en jugeant que « si le [ministre] détient également un contrôle sur 507
Dans une affaire devant la Cour administrative d’appel de Marseille, cet entretien s’est déroulé par téléphone. Cette juridiction a relevé que « [c]ompte tenu de la finalité de cet entretien, par lequel l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, afin de vérifier que la demande n’est pas manifestement infondée, émet un avis sur l’absence manifeste de pertinence de la demande d’asile au regard des conditions d’octroi de l’asile et de crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d’atteintes graves, ce vice est de nature à priver les demandeurs d’asile d’une garantie ». CAA de Marseille (6ème ch.), 26 novembre 2018, N8 17MA02290, paragraphe 8.
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les flux migratoires et[,] en l’espèce, sur le caractère manifestement infondé de la demande présentée, il doit cependant éviter, par la volonté du législateur, de fonder son opinion quant à cette même demande, sur les éléments de droit relevant de la compétence de l’OFPRA et de la Cour nationale du droit d’asile »508. En l’occurrence, le ministre a examiné le bien-fondé de l’argumentation sous-tendant la demande de protection internationale, alors qu’il aurait dû faire usage d’un examen sommaire du bien-fondé de cette demande. Ce qui importe, d’après la Cour administrative d’appel, est d’examiner l’existence des persécutions ayant conduit le demandeur d’asile à quitter son pays. Dès lors, en l’espèce, la juridiction de céans a souligné que « les circonstances dont il faisait état, étaient suffisamment personnalisées, précises et vraisemblables, notamment s’agissant de la succession des menaces proférées à son égard et de son arrivée en France, pour justifier d’un examen approfondi de sa demande d’asile, relevant de la seule appréciation des instances susmentionnées »509. Néanmoins, il semble que l’étendue du contrôle incombant au ministre et aux tribunaux administratifs n’est pas clairement définie dans la jurisprudence administrative. Certes, il est extrêmement difficile de trouver les limites du filtrage et de l’examen complet de la demande. À première vue, un contrôle étendu est plus favorable aux demandeurs d’asile, dans la mesure où ils peuvent voir leur demande examinée de manière plus détaillée. En revanche, une telle solution est peu satisfaisante à deux égards. Premièrement, ni le ministre ni le tribunal administratif ne disposent de suffisamment de temps pour vérifier en substance le bien-fondé de la demande d’asile. Deuxièmement, et en conséquence, il serait plus judicieux de renvoyer le dossier à l’OFPRA en cas de moindre doute, puisqu’il s’agit du seul organe administratif compétent en matière d’asile. Pour tracer les limites de leurs compétentes, il convient de se pencher sur l’étendue de la tâche confiée au ministre chargé de l’immigration et aux tribunaux administratifs. B. L’étendue du contrôle conféré aux organes chargés de l’examen du caractère manifestement infondé de la demande de protection Selon les dispositions de l’ancienne directive « procédures », une demande d’asile peut être rejetée comme manifestement infondée si le demandeur d’asile ne remplit pas les conditions permettant de bénéficier de la protection internationale510. En revanche, dans la nouvelle directive, le législateur a supprimé ce cas de figure. Cette circonstance est particulièrement révélatrice, au sens où elle ne fait que confirmer le caractère sommaire de l’appréciation qui incombe aux autorités nationales chargées du filtrage des demandes. En d’autres termes, lorsque le récit du demandeur semble être plausible et crédible, la demande d’asile ne pourrait pas être re508 509 510
CAA de Paris (8ème ch.), 7 février 2011, N8 10PA04924. Ibid. Article 23(4), point b) de la directive 2005/85/CE.
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jetée en tant que manifestement infondée. De surcroît, le processus de filtrage ne saurait comprendre un examen complet sur la question de savoir si les critères invoqués sont susceptibles de se rattacher aux motifs justifiant le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire. Certes, l’ancienne directive « procédures » a confié une large marge d’appréciation pour rejeter la demande d’asile comme manifestement infondée (I). À la suite de l’entrée en vigueur de la nouvelle directive « procédures » et de l’adoption de la réforme de l’asile de 2015, les cas dans lesquels le caractère manifestement infondé de la demande peut être constaté sont définis de façon plus claire (II). I. Une règlementation peu prévisible dans l’ancienne directive « procédures » et dans la jurisprudence administrative française Le Conseil d’État a relevé qu’il incombe au ministre d’examiner la crédibilité des déclarations et le bien-fondé de la demande511. Cette jurisprudence suppose que l’élément fondamental d’un examen sommaire incombant au ministre et aux tribunaux administratifs est de dépister la cohérence du récit du demandeur, ce qui suppose également sa crédibilité, et le rattachement de la demande aux motifs des persécutions. Si ces conditions sont réunies, le dossier doit être traité dans le cadre de la procédure d’asile de droit commun. L’ancienne directive « procédures » a autorisé le rejet de la demande en tant que manifestement infondée dans la mesure où celle-ci était « manifestement peu convaincante en raison des déclarations incohérentes, contradictoires, peu plausibles ou insuffisantes »512. Or, le caractère insuffisant de la demande a offert une large marge d’appréciation aux autorités compétentes pour refuser les demandes d’asile513. Dès lors, dans la pratique, en raison du défaut de clarté normatif, la jurisprudence administrative montre des variations allant de l’examen sommaire jusqu’aux véritables appréciations sur le fond des motifs qui sous-tendent la demande de protection. Les variations jurisprudentielles conduisent ainsi à des effets 511 Le Conseil d’État a jugé en effet que le requérant « n’est pas fondé à soutenir qu’en appréciant la crédibilité de ses déclarations faisant état de persécutions dans son pays d’origine et de risques en cas de retour dans ce pays et en se prononçant sur le bien-fondé de sa demande, le ministre a excédé la compétence ». CE (78- 28 ss-sect. réunies), 28 novembre 2011, N8 343248. Certes, auparavant, les juridictions administratives et le ministre ont examiné si la demande d’asile pouvait être regardée comme manifestement susceptible de se rattacher aux critères prévus par la Convention de Genève, c’est-à-dire si les faits exposés relevaient de la problématique de l’asile. CAA de Paris (1ère ch.), 29 septembre 2011, N8 10PA06091. 512 Article 23(4), point g) de la directive 2005/85/CE. 513 Notons cependant que pendant la procédure en zone d’attente, un entretien se déroule avec un agent de l’OFPRA et une audition devant le tribunal administratif, lorsque le demandeur débouté introduit un recours. Cette pratique suppose le dialogue entre le demandeur d’asile et les agents de l’administration. Il s’ensuit que le rejet de la demande d’asile ne peut être conçu pour ce motif que si, après cet entretien minutieux et l’audience, les autorités estiment encore que les motifs invoqués ne sont pas pertinents.
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de loterie dans le traitement des demandes. La doctrine critique, à cet égard, le contrôle « faiblement intrusif » sur l’appréciation faite par l’autorité administrative concernant le caractère manifestement infondé de la demande d’asile, et dont l’étendue ne permet pas d’assurer le respect de la Convention européenne514. Nous considérons que l’incohérence relative à l’étendue du pouvoir d’appréciation des tribunaux administratifs provoque des effets néfastes, dans le sens où le défaut de clarification de ce pouvoir empêche que certaines décisions soient examinées par l’organe administratif, puis par l’organe juridictionnel compétents en matière d’asile. Une approche minimaliste ressort d’un arrêt du Tribunal administratif de Paris : les simples déclarations du demandeur sont suffisantes et n’ont pas à être précises et circonstanciées515. Il en va de même, d’après le Tribunal administratif de CergyPontoise, si le récit du demandeur contient une motivation particulièrement étoffée516. Le Tribunal administratif n’a posé aucune exigence sur le contenu de cette motivation. Néanmoins, d’autres extrémités jurisprudentielles existent également. Certaines juridictions administratives exigent la vérification des persécutions dans le pays d’origine et des risques de persécutions en cas de retour dans ce pays, tout en tenant en compte du comportement du demandeur d’asile517. En d’autres termes, ces tribunaux se comportent comme de véritables juges de l’asile. Selon un tel courant jurisprudentiel, il convient de prouver que l’existence d’un risque est réelle, personnelle et actuelle518. Or, cet examen implique non seulement la vérification des persécutions passées, mais également leur caractère actuel. Une telle orientation jurisprudentielle contient une série d’interrogations sur les circonstances entourant les persécutions, y compris la mention des noms des personnes et des lieux déterminant le sort du requérant, le récit du voyage en France519, le lien de 514 C. Brami, « Consécration du caractère effectif du recours contre le refus d’admission sur le territoire au titre de l’asile », AJDA, 2013, p. 1696. 515 TA de Paris, 20 décembre 1996, N. 9503292/4 et 9503293/4. 516 TA de Cergy-Pontoise, 26 octobre 2006, N. 0609563. 517 Le comportement du demandeur a témoigné d’une participation active dans la procédure, et le demandeur a produit une argumentation circonstanciée des menaces, tout en étayant ses allégations par des éléments de preuve. CAA de Paris (3ème ch.), 22 novembre 2012, N8 12PA02499, paragraphe 4. Dans cette affaire, le requérant a accompli une carrière importante en Afghanistan. Il a été menacé par les talibans, parce qu’il travaillait pour des étrangers, notamment pour différentes organisations internationales à Kaboul et qu’il n’était pas musulman pratiquant. Sa demande était fondée sur des éléments solides et il a justifié ses affirmations par des preuves écrites. Voir sur la pratique de l’examen d’une demande d’asile et sur les éléments subjectifs dans le processus décisionnel : A. Le Pors, Juge de l’asile, Paris, M. Houdiard éditeur, 2010, 162 p. 518 CAA de Paris (3ème ch.), 26 avril 2012, N8 11PA00707. 519 La juridiction de céans a considéré que certains éléments étaient dépourvus de précisions : « le nom du camp où elle aurait été internée, les conditions de son existence pendant et après la dernière guerre, les circonstances et les motifs de l’arrestation de son mari et enfin, la nature, les circonstances et les auteurs du harcèlement qu’elle aurait subi, ainsi que sur
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2ème partie: Une cohérence en apparence
causalité entre les persécutions et le départ520 ou la raison pour laquelle le demandeur d’asile n’a pas pris la fuite immédiatement après les persécutions521. Mais, ces exigences s’apparentent à celles qui caractérisent un véritable examen de la demande d’asile qui devrait être effectué dans une procédure d’asile de droit commun. En revanche, d’autres juridictions administratives n’exigent pas la réunion des critères mentionnés. À titre d’exemple, dans une affaire, le requérant a travaillé pour le mouvement des Tigres de libération de l’Îlam Tamoul (LTTE), il a été torturé et détenu, raison pour laquelle il a quitté le Sri Lanka522. La Cour administrative d’appel de Paris a relevé (avec la formulation habituelle) que « les déclarations de l’intéressé, bien que sommaires, n’étaient pas entachées d’incohérences ou de contradictions majeures et étaient suffisamment personnalisées et circonstanciées »523. Si la Cour administrative d’appel a pris en considération les motifs de persécutions et les risques personnels, elle n’a pas examiné leur caractère actuel. En effet, quatre voire cinq ans se sont écoulés avant que le requérant n’ait décidé de quitter son pays d’origine. Or, le caractère actuel des persécutions constitue un caractère décisif aux yeux de l’OFPRA et de certains tribunaux administratifs effectuant une appréciation étendue à l’instar d’un juge de l’asile. La Cour administrative d’appel s’est ainsi contentée de l’existence d’un doute justifiant la poursuite de l’étude du dossier devant l’OFPRA. De manière similaire, dans une autre affaire devant la Cour administrative d’appel de Paris, le requérant, de nationalité pakistanaise et de confession ahmadie, a fait l’objet de menaces pour des raisons religieuses, ce qui l’a poussé à quitter son pays d’origine. Dans son appréciation, la juridiction de céans a attaché une importance décisive au fait que le requérant pouvait donner des réponses exactes sur les spécificités de sa confession524. Or, nonobstant le fait que l’agent de l’OFPRA ne lui ait pas posé de questions sur ses activités professionnelle et religieuse, la connaissance approfondie de sa religion suffisait, aux yeux de cette juridiction, pour écarter le caractère manifestement infondé de sa demande. En effet, la Cour administrative d’appel a relevé que « même s’il n’a pas décrit de manière très circonstanciée les menaces dont il a fait l’objet, fait des déclarations inexactes sur le but de son voyage et attendu quatre jours avant de solliciter l’asile, les déclarations qu’il a faites ne peuvent être regardées comme manifestement dépourvues de crédibilil’organisation de son voyage à destination de la France ». CAA de Paris (2ème ch.), 11 avril 2013, N8 12PA03253, paragraphe 4. 520 Malgré le caractère personnalisé, circonstancié et cohérent des déclarations du demandeur d’asile constaté par le Tribunal administratif, la Cour administrative d’appel de Paris a relevé que les évènements invoqués par le requérant n’avaient pas de lien avec son départ. CAA de Paris (5ème ch.), 25 avril 2013, N8 12PA03465, paragraphe 5. 521 En l’occurrence, le demandeur d’asile a attendu dix mois avant de venir en France. CAA de Paris (8ème ch.), 27 mai 2013, N8 12PA04506, paragraphe 5. 522 CAA de Paris (4ème ch.), 19 novembre 2013, N8 13PA00338. 523 Ibid., paragraphe 5. 524 CAA de Paris (10ème ch.), 28 mai 2013, N8 12PA04353, paragraphe 4.
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té »525. Or, une telle analyse sommaire était suffisante pour continuer à examiner sa demande de manière plus approfondie dans une procédure d’asile de droit commun. La nouvelle directive « procédures » a affiné les cas dans lesquels une demande d’asile peut être qualifiée comme manifestement infondée. De manière similaire, le CESEDA contient désormais une définition claire de la notion de demande d’asile manifestement infondée. Nonobstant la brève période qui s’est écoulée depuis l’entrée en vigueur de la loi relative à la réforme de l’asile, certaines tendances peuvent être d’ores et déjà dégagées de la jurisprudence administrative. II. Le défaut de synergie entre, d’une part, la règlementation protectrice découlant de la nouvelle directive « procédures » et du CESEDA modifié et, d’autre part, la pratique jurisprudentielle restrictive Il n’est pas fortuit que la nouvelle directive « procédures » ait supprimé l’option de « caractère insuffisant » de la demande d’asile pour la rejeter en tant que manifestement infondée. En vertu de cette directive, la demande d’asile peut être rejetée comme manifestement infondée si « le demandeur a fait des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations suffisamment vérifiées du pays d’origine, ce qui rend sa demande visiblement peu convaincante quant à sa qualité de bénéficiaire d’une protection internationale »526. Cette formule pénalise uniquement le caractère manifestement faux du récit du demandeur, tout en veillant à sa cohérence globale et en exigeant de vérifier la correspondance du récit avec la situation réelle régnant dans le pays d’origine. En tout état de cause, le caractère sommaire et peu circonstancié de la demande ne peut être pénalisé par un rejet de la demande comme manifestement infondée. Enfin, le caractère incohérent et contradictoire de la demande doit ressortir de manière manifeste du récit du demandeur d’asile, même après un examen rigoureux et attentif. Dans cette optique, il convient d’attirer l’attention sur un arrêt de la Cour de justice rendu en juillet 2018 dans le cadre d’une demande de décision préjudicielle suédoise. La juridiction de renvoi s’est interrogée sur le contenu exact d’une demande de protection internationale manifestement infondée527. Était en cause la contestation du rejet d’une demande de protection internationale en tant que manifestement infondée, notamment en raison du fait que le demandeur avait fourni des informations insuffisantes à l’appui de sa demande. La Cour de justice a relevé, en comparant la directive « procédures » avec l’ancienne directive « procédures », que la nouvelle directive ne mentionne plus la possibilité de rejeter une demande d’asile comme manifestement infondée en raison de déclarations insuffisantes, et, par voie de conséquence, un État membre ne peut 525
Ibid. Article 31(8), point e) de la directive 2013/32/UE. 527 CJUE (1ère ch.), A contre Migrationsverket, 25 juillet 2018, C-404/17, ECLI: EU:C:2018:588. 526
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pas considérer une demande comme manifestement infondée en raison du caractère insuffisant des déclarations du demandeur d’asile528. Cette décision met ainsi en évidence à quel point les autorités nationales sont tenues d’effectuer une appréciation approfondie de la situation individuelle du demandeur d’asile avant que la demande ne soit rejetée comme manifestement infondée. Dans l’intérêt de transposer la nouvelle directive « procédures » dans l’ordre juridique français, la refonte du CESEDA prévoit que « [c]onstitue une demande d’asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l’étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d’octroi de l’asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d’atteintes grave »529. Notons que le CESEDA n’a pas supprimé l’exigence de vérifier si les motifs invoqués se rattachent aux motifs figurant dans la Convention de Genève, même si l’adjectif « manifestement » tente de dissoudre les possibles doutes relatifs à l’enchevêtrement des compétences entre les organes décisionnels dans la procédure en zone d’attente et les organes chargés de l’examen de la demande de protection internationale. Il revient ainsi aux juridictions administratives d’adopter une interprétation conciliante. Nonobstant la définition figurant dans le CESEDA, la jurisprudence administrative ne paraît toujours pas cohérente. Malgré le fait qu’il existe très peu de jurisprudence depuis cette réforme, deux tendances semblent ressortir de la pratique des juridictions administratives. D’une part, la catégorie du caractère insuffisant de la demande d’asile semble disparaître. En effet, même si le récit du demandeur d’asile est lacunaire, la motivation des tribunaux administratifs révèle des tentatives d’éclaircissement à cet égard. Dans une affaire devant le Tribunal administratif de Paris, le requérant a été invité, au cours de l’audience, à apporter des précisions sur les menaces, mais il s’est borné à reprendre ses déclarations faites devant l’OFPRA, et, dans ces conditions, son récit est resté vague et non circonstancié530. Dès lors, ce critère ne peut être utilisé que dans la mesure où le tribunal administratif a tenté d’obtenir des informations complémentaires sur les motifs justifiant l’octroi de la protection. Certes, le requérant doit faire preuve d’une obligation de coopération. La Cour administrative d’appel de Paris a relevé à cet égard que, dans la mesure où l’origine de ses craintes est rapportée de manière approximative, où l’intéressé ne décrit de pas manière circonstanciée les menaces invoquées, ni les modalités de sa fuite et où il ne fait état d’aucun élément permettant de remettre en cause l’appréciation portée par l’OFPRA, le caractère manifestement infondé de sa demande ne peut être remis en
528
Ibid., paragraphes 33 – 34. Article L213 – 8 – 1 du CESEDA. Il convient de noter qu’avant l’introduction de cette définition, les juridictions administratives ont pris appui sur les résolutions de Londres. Résolution du 30 novembre 1992 sur les demandes d’asile manifestement infondées. 530 TA de Paris, 15 août 2015, N. 1513894. 529
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question531. Toutefois, une telle tendance n’est pas encore uniforme, les juridictions administratives utilisant encore le vocabulaire de caractère sommaire et peu circonstancié de la demande532 et ne peinant pas à fournir une motivation plus détaillée relative au rejet de la demande comme manifestement infondée. D’autre part, certaines juridictions procèdent réellement à un examen sommaire : dans la mesure où l’homosexualité est invoquée et où le demandeur provient d’une région à risque, la demande d’asile n’est pas rejetée comme manifestement infondée533. L’on attend avec intérêt de savoir si les tendances esquissées seront maintenues dans les décisions subséquentes. En tout état de cause, l’on peut affirmer que la pratique juridictionnelle est confrontée à la même problématique que celle caractérisant la pratique juridictionnelle allemande pour évaluer le bien-fondé du rejet de la demande de protection dans le cadre de la procédure à l’aéroport. Il serait ainsi souhaitable de prévoir des critères similaires dont l’accomplissement permettrait, le cas échéant, que la demande soit examinée dans une procédure d’asile de droit commun. *
Les juridictions administratives ont exploré les possibilités offertes par le droit constitutionnel et administratif pour se conformer aux exigences européennes. En Allemagne, la Cour constitutionnelle fédérale va même jusqu’à assumer un rôle de « législateur » pour mettre en conformité la règlementation allemande avec les exigences européennes. La condamnation de la France a engendré un bouleversement dans le système d’asile français, qui a poussé le législateur à agir en conséquence, en proposant une refonte, cependant minimale, de la procédure en zone d’attente. Afin d’éviter une nouvelle condamnation, le législateur français devrait reconsidérer la réglementation de la procédure en zone d’attente, en réformant notamment les délais, qui sont tellement inconventionnels que leur détermination défaillante ne peut être compensée par le respect d’autres garanties procédurales complémentaires dans l’ensemble de la procédure en zone d’attente, conformément à l’équité globale de la procédure. En ce qui concerne l’accessibilité du recours en pratique, dans les deux ordres juridiques, la qualification d’une demande d’asile comme manifestement infondée a particulièrement posé problème, notamment pour les organes administratifs ou juridictionnels qui n’accomplissent qu’une fonction de filtrage, comme en droit français. Ces derniers ne peuvent pas, cependant, décider du bien-fondé d’une demande de protection internationale. En cas de doutes sur la crédibilité du demandeur d’asile ou lorsque le récit n’est que partiellement incohérent, la demande ne peut pas être rejetée comme manifestement infondée et, en tout état de cause, les doutes sur le caractère contradictoire ou incohérent ou peu détaillé de la demande 531 532 533
CAA de Paris (4ème ch.), 2 mai 2018, N8 17PA03361, paragraphe 9. CAA de Paris (9ème ch.), 26 janvier 2017, N8 16PA00952, paragraphe 3. TA de Paris, 22 juillet 2016, N. 1611301/8.
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2ème partie: Une cohérence en apparence
doivent être clarifiés dans le cadre d’une procédure d’asile de droit commun. Enfin, il importe de déterminer qui décide de manière définitive sur la question de savoir si les motifs invoqués par le demandeur d’asile sont susceptibles de se rattacher à ceux justifiant le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire.
Conclusion du Titre II L’accessibilité du recours en droit fait l’objet d’un consensus de la part des protagonistes européens, puisque, d’un côté, le législateur de l’Union a concilié les spécificités du droit de l’Union avec les exigences qui découlent du droit conventionnel. De l’autre côté, la Cour de justice a également contribué à ce rapprochement, en interprétant ces spécificités à la lumière des standards conventionnels et en garantissant une meilleure visibilité à la protection des droits fondamentaux, tels qu’ils découlent de la Charte. Cette conclusion est également valable pour les protagonistes nationaux, bien que le législateur français tarde encore à réformer le cadre juridique de la procédure en zone d’attente. L’accessibilité du recours en pratique pose davantage de problème. Il semble que nous sommes au début d’une longue histoire au niveau européen, qui permet de définir les contours d’un examen rigoureux et attentif. Cela ne signifie pas pour autant que les droits nationaux ne doivent pas prévoir dès maintenant de solutions, d’autant plus que les problèmes évoqués dans notre analyse sont essentiellement les mêmes dans les deux ordres juridiques, voire dans d’autres ordres juridiques nationaux, raison pour laquelle nous avons analysé la demande de décision préjudicielle suédoise concernant la portée de demandes d’asile manifestement infondées. Eu égard à ces constats, nous avons proposé certains principes directeurs permettant d’assurer que l’effectivité de l’accès au recours ne diffère pas d’un État membre à l’autre.
Conclusion de la deuxième partie Lorsqu’on évoque l’accès à la procédure d’asile et au juge de l’asile, les garanties déterminant l’effectivité de cet accès découlent principalement des droits nationaux. Nonobstant une autonomie procédurale large, les États membres ne peuvent pas omettre de prendre en considération les exigences émanant du niveau européen. Malgré l’inapplicabilité de l’article 6 de la Convention européenne, la jurisprudence particulièrement évolutive de la Cour européenne conduit à l’interprétation des garanties procédurales inhérentes à cet accès sur le terrain de l’article 13 de la Convention. Dès lors, une position affirmée de la part de la Cour européenne contribuerait à une plus grande cohérence.
Titre II: Le nécessaire renforcement des garanties
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En ce qui concerne le droit de l’Union, la directive « procédures » contient une règlementation lacunaire, en particulier sur les points qui sont cruciaux du point de vue de l’accès effectif aux instances de l’asile. Face à cette situation, bien que les États membres réceptionnent ces exigences à leur guise, nous considérons que l’effectivité de l’accès aux instances de l’asile consiste également dans l’établissement d’une règlementation nationale qui ne diffère pas fondamentalement d’un État à l’autre. C’est pourquoi la cohérence dans la détermination des garanties inhérentes à l’accès aux instances de l’asile est relative. Les problèmes signalés au niveau national constituent ainsi des indices que le législateur de l’Union doit prendre en considération lors de la refonte de la directive « procédures ». Il en va de même dans le domaine de l’accès au recours où la jurisprudence des organes juridictionnels européens n’est qu’au début de son histoire, et cette incertitude freine certains États membres à garantir une protection plus étendue aux demandeurs d’asile en termes de droits procéduraux. Or, dans les domaines en développement constant, tel que l’accès à la procédure d’asile et au juge de l’asile, qui est caractérisé par une autonomie procédurale large, le dialogue pertinent constitue une solution-clé pour assurer la cohérence attendue. Ce dialogue devrait caractériser le système procédural d’asile, qu’il soit national ou européen, à défaut de quoi l’effectivité de l’accès aux instances de l’asile ne se manifeste qu’en apparence.
Conclusion L’accès à la procédure d’asile ne commence pas forcément lorsque le ressortissant du pays tiers introduit la demande de protection internationale, mais bien avant. La présente étude avait pour ambition de donner un aperçu de ce que l’on entend par accès aux instances de l’asile. Lorsqu’on recherche l’effectivité de cet accès, on remarque que les facteurs à prendre en considération ne viennent pas uniquement du droit national. La condition sine qua non de l’effectivité d’un tel accès est une réception harmonieuse par les différents États, des garanties procédurales indispensables à celui-ci et définies au niveau européen, ce qui suppose toutefois une relation équilibrée entre le droit conventionnel et le droit de l’Union, construite dans un esprit de dialogue. Si l’avis 2/13 de la Cour de justice a clos le débat doctrinal, en tout cas, pendant un certain temps, sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme, il reste qu’aussi bien le législateur de l’Union que la Cour de justice sont contraints de trouver des solutions imprégnées du plein respect des droits fondamentaux, tout en préservant les spécificités du droit de l’Union. Le législateur de l’Union a, de plus en plus, tendance à prendre en considération la jurisprudence de la Cour européenne. Il en va de même s’agissant de la Cour de justice, tant que les spécificités du droit de l’Union ne sont pas menacées par une jurisprudence trop évolutive de la Cour européenne. Ces dernières années montrent un rapprochement intense entre la jurisprudence de la Cour de justice et celle de la Cour européenne, ce qui doit être salué. La Cour européenne prend également en considération le droit de l’Union, tant que la présomption du respect des droits fondamentaux n’est pas renversée. Au-delà d’une réception harmonieuse des standards européens par les droits nationaux, l’effectivité de l’accès aux instances de l’asile est également déterminée par le fait que, lors de ce processus de réception, la règlementation, établie en conséquence, ne diffère pas fondamentalement d’un État membre à un autre. Or, une telle réalité favorise les mouvements secondaires, dont la disparition était l’un des principaux objectifs des instruments juridiques du droit dérivé adoptés dans le domaine de l’asile. Par ailleurs, ce risque n’est pas sans conséquence pour les demandeurs d’asile dont la demande peut ainsi être traitée différemment en fonction des États membres, créant, ce faisant, un effet de « loterie ». Dit autrement, la qualité du système d’asile établi dans les États membres peut influencer la portée de la protection offerte aux demandeurs d’asile. Qui plus est, notre étude a également révélé des différences non négligeables en termes de portée des droits procéduraux,
Conclusion
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dans certains domaines spécifiques, au sein même des États dont le système juridique a fait l’objet d’analyse. En ce qui concerne la problématique de l’accès au territoire au titre de l’asile, nous avons démontré que les incertitudes au niveau européen permettent de conserver des solutions nationales restrictives, alors que le développement jurisprudentiel de l’obligation de non-refoulement montre des tendances allant dans le sens d’une protection extraterritoriale des demandeurs de protection internationale. Cela étant dit, certains efforts peuvent être identifiés au niveau national visant à se conformer à la jurisprudence évolutive de la Cour européenne. Quant aux procédures Dublin, nous avons été récemment témoins d’un rapprochement jurisprudentiel entre la Cour européenne et la Cour de justice. Néanmoins, le respect du principe de confiance mutuelle est toujours présent dans l’approche de la Cour de justice. Sous l’impulsion de la jurisprudence de la Cour européenne, ce sont les droits nationaux qui contribuent à la remise en question de ce principe. Certes, celui-ci ne peut pas disparaître complètement, puisqu’il constitue la pierre angulaire de la structure constitutionnelle de l’ordre juridique de l’Union. Mais il convient de trouver un dénominateur commun permettant de tracer les limites de ce principe. Il nous semble que la Cour de justice est entrée sur un chemin allant dans cette direction, mais son action nécessite un balancement difficile entre les exigences constitutionnelles de prime abord peu conciliables. Notons que la Cour européenne a un rôle important dans ce processus, même si elle est tenue de respecter ce principe qui contribue au renforcement de l’intégration européenne entre les États membres. Au-delà de la recherche d’une cohérence au niveau européen, il est également indispensable que les États membres s’alignent sur les standards jurisprudentiels ainsi développés. Dès lors, l’effectivité de l’accès aux instances de l’asile suppose une réception cohérente des exigences découlant du droit de l’Union et de la jurisprudence des organes juridictionnels étudiés. Cependant, la réception fragmentée de la jurisprudence des organes juridictionnels européens et, dès lors, la variété des solutions nationales fragilisent l’effectivité de cet accès. La deuxième partie, bien que principalement consacrée à l’analyse des droits nationaux, a conforté cette dernière hypothèse. Les directives « asile » contiennent des règlementations lacunaires qui laissent une large marge d’appréciation aux États membres, conformément à leur autonomie procédurale. L’étendue de cette autonomie procédurale n’est pas cependant influencée par la jurisprudence évolutive de la Cour européenne, celle-ci n’intervenant dans ce domaine qu’exceptionnellement et sa démarche étant toujours caractérisée par une approche casuistique. Afin de remédier à ladite ineffectivité, un dialogue à l’intérieur de l’État entre les autorités administratives et juridictionnelles, et, au sein de ces autorités, revêt une importance fondamentale. Cependant, ce dialogue devrait être de nature transfrontalière dans la mesure où les solutions conçues d’un État membre à un autre sont susceptibles de remettre en question l’effectivité de l’accès à la justice dans une
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Conclusion
« communauté de droit », dont l’objectif est d’établir « une union sans cesse plus étroite »1. Or, un tel objectif ambitieux suppose l’établissement d’un ensemble normatif commun par un rapprochement plus intense des législations nationales. Pour ce faire, les problèmes systémiques et structurels doivent être identifiés, étant donné qu’un tel phénomène constitue un indicateur important pour dépister non seulement les lacunes dans les directives « asile », mais aussi les problèmes nécessitant une solution européenne. Dans notre étude, nous avons tenté d’identifier ces problèmes structurels et avons proposé des solutions émanant des ordres juridiques nationaux. L’avantage de cette démarche est de proposer une solution dont l’effectivité a déjà été testée et qui pourrait faire partie d’une solution élaborée au niveau européen. Il semblerait que nous ne sommes qu’au début d’une longue histoire qui devrait se caractériser non seulement par un rapprochement des législations mais aussi par un rapprochement de la manière dont ces législations sont mises en œuvre dans une Europe « unie dans la diversité »2.
1 2
Considérant (13) du TUE. Devise de l’Union européenne.
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E. Documents de l’Union européenne I. Droit primaire Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO C 202 (2016)) Explications relatives à la Charte des droits fondamentaux (JO C 303 du 14. 12. 2007, p. 17 – 35.) Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO C 202 (2016)) Traité sur l’Union européenne (JO C 202 (2016))
II. Droit dérivé Décisions Décision 2010/252/UE du Conseil du 26 avril 2010 visant à compléter le code frontières Schengen en ce qui concerne la surveillance des frontières extérieures maritimes dans le cadre de la coopération opérationnelle coordonnée par l’Agence européenne pour la gestion
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de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, JO L 111 du 4. 5. 2010, p. 20 – 26. Décision (UE) 2015/1601 du Conseil du 22 septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce, JO 2015 L 248 du 24. 9. 2015, p. 80.
Décisions-cadre Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres – Déclarations de certains États membres sur l’adoption de la décision-cadre, JO L 190 du 18. 7. 2002, p. 1 – 20. Décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil du 26 février 2009 portant modification des décisions-cadres 2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès, JO L 81 du 27. 3. 2009, p. 24 – 36.
Directives Directive 2001/51/CE du Conseil du 28 juin 2001 visant à compléter les dispositions de l’article 26 de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985, JO L 187 du 10. 7. 2001, p. 45 – 46. Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil, JO L 212 du 7. 8. 2001, p. 12 – 23. Directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres, JO L 31 du 6. 2. 2003, p. 18 – 25. Directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, JO L 304 du 30. 9. 2004, p. 12 – 23. Directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, JO L 326 du 13. 12. 2005, p. 13 – 34. Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, JO L 348 du 24. 12. 2008, p. 98 – 107. Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme
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Règlements Règlement (CE) 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système «Eurodac» pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace de la convention de Dublin, JO L 316 du 15. 12. 2000, p. 1 – 10. Règlement (CE) 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO L 12 du 16. 1. 2001, p. 1 – 23. Règlement (CE) 407/2002 du Conseil du 28 février 2002 fixant certaines modalités d’application du règlement (CE) n8 2725/2000 concernant la création du système «Eurodac» pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace de la convention de Dublin, JO L 62 du 5. 3. 2002, p. 1 – 5. Règlement (CE) 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, JO L 50 du 25. 2. 2003, p. 1 – 10. Règlement (CE) 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d’application du règlement (CE) n8 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, JO L 222 du 5. 9. 2003, p. 3 – 23. Règlement (CE) 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n8 1347/2000 (règlement Bruxelles IIbis), JO L 338 du 23. 12. 2003, p. 1 – 29. Règlement (CE) 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas), JO L 243 du 15. 9. 2009, p. 1 – 58. Règlement (UE) 265/2010 du Parlement européen et du Conseil du 25 mars 2010 modifiant la convention d’application de l’accord de Schengen et le règlement (CE) n. 562/2006 en ce qui concerne la circulation des personnes titulaires d’un visa de long séjour, JO L 85 du 31. 3. 2010, p. 1 – 4. Règlement (UE) 439/2010 du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 portant création d’un Bureau européen d’appui en matière d’asile, JO L 132 du 29. 5. 2010, p. 11 – 28.
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III. Documents de la Commission européenne Proposition de règlement du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, COM/2001/0447 final – CNS 2001/ 0182, JO C 304E du 30. 10. 2001, p. 192 – 201. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen – Vers une gestion intégrée des frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, COM/2002/ 0233 final. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la gestion de l’entrée gérée dans l’Union européenne de personnes ayant besoin d’une protection internationale et sur le renforcement des capacités de protection des régions d’origine « améliorer l’accès à des solutions durables », COM(2004) 410 final. Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’évaluation du système de Dublin, COM/2007/0299 final.
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IV. Documents du Conseil européen Conclusions du Conseil européen de Tampere, 15 et 16 octobre 1999. Déclaration UE-Turquie, 18 mars 2016, communiqué de presse n8 144/16. Le programme de La Haye : renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l’Union européenne, JO C 53 du 3. 3. 2005, p. 1 – 14. Programme de Stockholm – une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens, JO C 115 du 4. 5. 2010, p. 1 – 38.
V. Documents du Parlement européen Résolution du Parlement européen du 1er mars 2018 sur la décision de la Commission de déclencher l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne en ce qui concerne la situation en Pologne, P8_TA(2018)0055. Rapport relatif à une proposition invitant le Conseil à constater, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne, l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée, (2017/2131(INL), 4 juillet 2018, A8 – 0250/2018). Résolution du Parlement européen du 11 décembre 2018 contenant des recommandations à la Commission sur les visas humanitaires, 2018/2271(INL).
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V. Tribunal de l’Union européenne Trib. UE (1ère ch. élargie), NF c. Conseil européen, 28 février 2017, T-192/16, ECLI:EU: T:2017:128. Trib. UE (1ère ch. élargie), NG c. Conseil européen, 28 février 2017, T-193/16, ECLI:EU: T:2017:129. Trib. UE (1ère ch. élargie), NM c. Conseil européen, 28 février 2017, T-257/16, ECLI:EU: T:2017:130.
VI. Cour de justice des Communautés européennes CJCE, Flaminio Costa contre E.N.E.L., 15 juillet 1964, 6/64, ECLI:EU:C:1964:66. CJCE, Erich Stauder c. Ville d’Ulm – Sozialamt, 12 novembre 1969, 29/69, ECLI:EU:C:1969:57. CJCE, Parti écologiste « Les Verts » c. Parlement européen, 23 avril 1986, 294/83, ECLI:EU:C:1986:166. CJCE, Marguerite Johnston contre Chief Constable of the Royal Ulster Constabulary, 15 mai 1986, 222/84, ECLI:EU:C:1986:206. CJCE, Hoechst AG contre Commission des Communautés européennes, 21 septembre 1989, aff. jointes 46/87 et 227/88, ECLI:EU:C:1989:337. CJCE (ass. plénière), Gregory Paul Turner contre Felix Fareed Ismail Grovit, Harada Ltd et Changepoint SA, 27 avril 2004, C-159/02, ECLI:EU:C:2004:228. CJCE (5ème ch.), Commission des Communautés européennes contre République hellénique, 19 avril 2007, C-72/06, ECLI:EU:C:2007:234.
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VII. Cour de justice de l’Union européenne CJUE (Gde. ch.), Raffinerie Mediterranee (ERG) SpA, Polimeri Europa SpA et Syndial SpA contre Ministero dello Sviluppo economico et autres (C-379/08) et ENI SpA contre Ministero Ambiente e Tutela del Territorio e del Mare et autres (C-380/08), 9 mars 2010, C379/08 et C-380/08, ECLI:EU:C:2010:127. CJUE (3ème ch.), Doris Povse contre Mauro Alpago, 1er juillet 2010, C-211/10 PPU, ECLI:EU:C:2010:400. CJUE (2ème ch.), DEB Deutsche Energiehandels- und Beratungsgesellschaft mbH contre Bundesrepublik Deutschland, 22 décembre 2010, C-279/09, ECLI:EU:C:2010:811. CJUE (2ème ch.), Brahim Samba Diouf contre Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, 28 juillet 2011, C-69/10, ECLI:EU:C:2011:524. CJUE (Gde. ch.), N. S. (C-411/10) contre Secretary of State for the Home Department et M. E. et autres (C-493/10) contre Refugee Applications Commissioner et Minister for Justice, Equality and Law Reform, 21 décembre 2011, aff. jointes C-411/10 et C-493/10, ECLI:EU:C:2011:865. CJUE (1ère ch.), M. M. contre Minister for Justice, Equality and Law Reform, Ireland et Attorney General, 22 novembre 2012, C-277/11, ECLI:EU:C:2012:744. CJUE (Gde ch.), Procédure relative à l’exécution de mandats d’arrêt européens émis à l’encontre de Ciprian Vasile Radu, 29 janvier 2013, C-396/11, ECLI:EU:C:2013:39. CJUE (2ème ch.), H. I. D. et B. A. contre Refugee Applications Commissioner et autres, 31 janvier 2013, C-175/11, ECLI:EU:C:2013:45. CJUE (Gde. ch.), Stefano Melloni contre Ministerio Fiscal, 26 février 2013, C-399/11, ECLI:EU:C:2013:107. CJUE (Gde. ch.), Åklagaren contre Hans Åkerberg Fransson, 26 février 2013, C-617/10, ECLI:EU:C:2013:105. CJUE (4ème ch.), Zuheyr Frayeh Halaf contre Darzhavna agentsia za bezhantsite pri Ministerskia savet, 30 mai 2013, C-528/11, ECLI:EU:C:2013:342. CJUE (3ème ch.), Mehmet Arslan contre Policie Cˇ R, Krajské rˇeditelství policie Ústeckého kraje, odbor cizinecké policie, 30 mai 2013, C-534/11, ECLI:EU:C:2013:343. CJUE (2ème ch.), M. G. et N. R. contre Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie, 10 septembre 2013, C-383/13 PPU, ECLI:EU:C:2013:533. CJUE (Gde. ch.), Bundesrepublik Deutschland contre Kaveh Puid, 14 novembre 2013, C-4/11, ECLI:EU:C:2013:740.
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VIII. Conclusions des avocats généraux Conclusions de l’avocat général Cruz Villalón présentées le 1 mars 2011, Brahim Samba Diouf contre Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, C-69/10, ECLI:EU:C:2011:102. Conclusions de l’avocat général Trstenjak présentées le 22 septembre 2011, N. S., C-411/10, ECLI:EU:C:2011:610. Conclusions de l’avocat général Jääskinen présentées le 18 avril 2013, Bundesrepublik Deutschland contre Kaveh Puid, C-4/11, ECLI:EU:C:2013:244. Conclusions de l’avocat général Cruz Villalón présentées le 11 juillet 2013, Shamso Abdullahi contre Bundesasylamt, C-394/12, ECLI: ECLI:EU:C:2013:473. Conclusions de l’avocat général Bot présentées le 7 novembre 2013, H. N. contre Minister for Justice, Equality and Law Reform et autres, C-604/12, ECLI:EU:C:2013:714. Conclusions de l’avocat général Bot présentées le 4 septembre 2014, Centre public d’action sociale d’Ottignies-Louvain-La-Neuve contre Moussa Abdida, C-562/13, ECLI:EU: C:2014:2167. Conclusions de l’avocat général Eleanor Sharpston présentées le 17 mars 2016, Mehrdad Ghezelbash contre Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie, C-63/15, ECLI:EU: C:2016:186.
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Conclusions de l’Avocat général Mengozzi présentées le 7 février 2017, X et X c. État belge, C-638/16 PPU, ECLI:EU:C:2017:93. Conclusions de l’avocat général E. Tanchev présentées le 9 février 2017, C. K. e.a. contre Republika Slovenija, C-578/16 PPU, ECLI:EU:C:2017:108. Conclusions de l’avocat général M. P. Mengozzi présentées le 15 juin 2017, Sadikou Gnandi contre État belge, C-181/16, ECLI:EU:C:2017:467. Conclusions de l’avocat général Mme E. Sharpston présentées le 20 juin 2017, Tsegezab Mengesteab contre Bundesrepublik Deutschland, C-670/16, ECLI:EU:C:2017:480. Conclusions de l’avocat général M. Y. Bot présentées le 26 juillet 2017, République slovaque et Hongrie contre Conseil de l’Union européenne, aff. jointes C-643/15 et C-647/15, ECLI:EU:C:2017:618. Conclusions de l’avocat général M. P. Mengozzi présentées le 25 juillet 2018, Bahtiyar Fathi contre Predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite, C-56/17, ECLI:EU:C:2018:621. Conclusions de l’avocat général M. M. Wathelet présentées le 25 juillet 2018, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, C-163/17, ECLI:EU:C:2018:613. Conclusions de l’avocat général M. M. Wathelet présentées le 25 juillet 2018, Ibrahim e.a. c. Bundesrepublik Deutschland et Bundesrepublik Deutschland c. Taus Magamadov, aff. jointes C-297/17, C-318/17, C-319/17 et C-438/17, ECLI:EU:C:2018:617. Conclusions de l’avocat général Mme E. Sharpston présentées le 29 novembre 2018, Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie contre H. et R., aff. jointes C-582/17 et C-583/17, ECLI:EU:C:2018:975.
IX. Jurisprudence allemande Cour constitutionnelle fédérale BVerfG, 21 mars 1957, 1 BvR 65/54. BVerfG, 2 juillet 1980, 1 BvR 147/80, 1 BvR 181/80, 1 BvR 182/80, Wirtschaftsasyl. BVerfG, 25 février 1981, 1 BvR 413/80, 1 BvR 768/80, 1 BvR 820/80, Rechtsschutz im Asylverfahren. BVerfG, 25 mars 1981, 2 BvR 1258/79, Einlieferungsersuchen. BVerfG, 2 mai 1984, 2 BvR 1413/83, Offensichtlich unbegründeter Asylantrag. BVerfG, 17 mars 1988, 2 BvR 233/84. BVerfG, 13 mars 1990, 2 BvR 94, 802, 887, 997, 1094, 1158, 1247, 1274, 1439, 1513/88. BVerfG, 12 janvier 1993, 2 BvR 1584/92. BVerfG, 6 août 1993, 2 BvR 1654/93. BVerfG, 27 septembre 1993, 2 BvR 2041/93. BVerfG, 2 décembre 1993, 2 BvR 1475/93. BVerfG, 8 décembre 1993, 2 BvR 2709/93. BVerfG, 19 janvier 1994, 2 BvR 2003/93.
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Conclusions Conclusions du Monsieur le rapporteur public Guillaume Odinet, 16 octobre 2017, n. 408344, 408748, 408750, 408786.
Index thématique accès – à la procédure d’asile 25, 56, 57, 60, 84, 86, 87, 88, 89, 90, 92, 103, 104, 129, 137, 140, 148, 152, 158, 162, 167, 170, 172, 178, 190, 191, 214, 216, 241, 242, 243, 244, 245, 247, 248, 249, 250, 252, 253, 257, 262, 264, 266, 268, 270, 277, 278, 281, 293, 303, 304, 306, 382, 383, 384 – à l’autorité administrative chargée de l’examen de la demande 245, 246, 247, 248, 249, 251, 257, 267 – au juge de l’asile 57, 245, 315, 327, 330, 332 – au territoire au titre de l’asile 57, 59, 60, 71, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 92, 96, 98, 103, 104, 105, 106, 111, 112, 114, 116, 117, 123, 129, 134, 135, 385 – aux instances de l’asile 55, 57, 58, 243, 244, 245, 278, 279, 301, 306, 333, 383, 384, 385 – préalable à la procédure d’asile 57, 58, 85, 88, 89, 92, 98 adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne 36, 45, 384 appréciation individuelle 28, 49, 152, 158, 163, 165, 166, 178, 194, 217, 230, 238 automaticité des transferts 148, 160, 173 autonomie procédurale 52, 57, 98, 243, 244, 251, 284, 301, 324, 333, 346, 349, 350, 358, 382, 383 certificat d’enregistrement en tant que personne sollicitant l’asile 255, 256, 263, 268 circonstances exceptionnelles 47, 48, 49, 50, 51, 172, 182, 183, 184, 185, 186, 189, 191, 194, 197, 198, 203, 204, 208, 240, 296 clause de souveraineté 141, 145, 147, 149, 150, 153, 159, 160, 161, 166, 175, 176, 179, 180, 182, 183, 184, 185, 186, 187, 188, 189, 193, 194, 198, 199, 200, 201, 202, 203, 204, 205, 206, 207, 208, 209,
210, 211, 228, 229, 230, 232, 236, 237, 238, 239, 240 clauses dérogatoires 136, 141, 143, 174, 175, 211 cohérence 56, 57, 68, 137, 243, 310, 350, 366, 368, 376, 379, 382, 383, 385 communauté de droit 42, 43, 140, 244, 386 concept de « normative Vergewisserung » 195, 196, 197, 198, 202, 203, 204, 205, 206, 207, 229 confiance – mutuelle 36, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 136, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 159, 160, 161, 168, 169, 171, 172, 173, 174, 177, 178, 179, 180, 181, 182, 183, 184, 189, 193, 194, 197, 198, 203, 205, 207, 209, 210, 211, 212, 214, 217, 219, 229, 230, 234, 235, 240, 241, 385 – normative 40, 44, 47 contrôle – de conventionnalité 145, 176 – de facto 66, 67, 68, 69, 70, 75 – de jure 66, 68, 69, 75 crédibilité 328, 329, 365, 366, 367, 368, 374, 376, 380, 381 crise migratoire 25, 32, 59, 60, 147, 149, 224 dédoublement de compétence 51, 57, 137, 335 défaillances – individuelles 167, 198 – structurelles 54, 206, 207 – systémiques 156, 157, 158, 159, 160, 161, 163, 165, 166, 167, 170, 172, 173, 175, 176, 177, 179, 180, 182, 183, 184, 185, 186, 188, 191, 193, 194, 197, 198, 199, 203, 204, 205, 206, 207, 208, 209, 210, 211, 212, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219, 221, 222, 223, 224, 225, 227, 228, 229, 230, 231, 232, 233, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 249, 250
Index thématique délai raisonnable 160, 271, 275, 343, 344, 361 demande d’asile 32, 75, 88, 89, 107, 110, 116, 119, 121, 122, 127, 128, 131, 133, 138, 139, 140, 141, 143, 145, 149, 150, 154, 161, 162, 183, 195, 196, 199, 201, 206, 209, 210, 214, 224, 226, 238, 246, 247, 249, 250, 251, 252, 255, 257, 258, 259, 262, 263, 264, 265, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 272, 273, 275, 277, 285, 294, 295, 300, 307, 308, 309, 311, 313, 314, 318, 319, 329, 332, 336, 338, 339, 342, 344, 349, 351, 352, 353, 354, 355, 356, 357, 359, 360, 361, 364, 365, 366, 367, 369, 370, 373, 375, 376, 377, 378, 379, 380, 381 déni de justice 50, 248, 278, 319 dialogue 41, 48, 51, 52, 54, 55, 57, 77, 78, 102, 104, 112, 135, 136, 137, 138, 145, 155, 159, 166, 171, 172, 174, 176, 178, 179, 181, 182, 183, 184, 186, 188, 192, 193, 208, 212, 213, 215, 218, 220, 224, 227, 239, 240, 241, 242, 243, 244, 245, 254, 260, 274, 278, 286, 291, 292, 301, 328, 330, 332, 333, 334, 335, 343, 344, 345, 346, 350, 356, 358, 383, 384, 385 droit – à l’aide juridictionnelle 301, 316, 317, 318, 319, 320 – à l’assistance linguistique 301, 302, 303, 304, 305, 306, 308, 313, 342 – au procès équitable 28, 51 – au recours effectif 27, 92, 247, 248, 250, 280, 303, 320, 334, 335, 339, 349, 350, 355, 358 – d’être entendu 279, 280, 281, 282, 283, 284, 285, 286, 287, 288, 289, 290, 291, 292, 293, 295, 297, 298, 299, 300, 301, 309, 311, 364 dualiste 52, 54, 105, 106, 108, 112, 114, 116, 195, 236, 239 effectivité de l’accès à la procédure d’asile 55, 59, 133, 144, 148, 153, 162, 169, 190, 192, 193, 206, 209, 210, 218, 220, 225, 240, 242, 244, 253, 265, 272, 295, 296, 306, 309, 313, 333 enregistrement de la demande 249, 250, 252, 257, 260, 263, 264, 265, 266, 269, 277, 294
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épuisement des voies de recours internes 86, 91, 247, 319, 320 équité globale de la procédure 148, 155, 173, 292, 295, 299, 373, 381 État de droit 29, 34, 203 expulsions collectives 33, 88, 89, 91, 111, 303, 304, 339 extraterritorialité 61, 78, 102, 119 formalisme 258, 335, 350, 351, 353, 354, 355, 359, 360, 364, 365 griefs défendables 155, 251, 339, 342, 347, 354 illusoire 26, 27, 137, 162, 241, 246, 270, 279, 315, 321, 324, 327, 332, 350, 351 incohérence 57, 58, 161, 162, 170, 188, 192, 193, 195, 289, 315, 366, 377, 378 instrument vivant 34, 303 interprétation dynamique 34, 88 interprète 92, 225, 249, 258, 302, 303, 304, 305, 306, 307, 308, 309, 310, 311, 312, 313, 314, 315, 353, 372 introduction de la demande 253, 255, 256, 267, 268, 270, 314, 357 juge de l’asile 51, 56, 57, 243, 244, 245, 278, 279, 309, 315, 327, 330, 332, 374, 378, 382, 383 lisibilité 137, 192, 324, 350, 364 manifestement infondée 115, 116, 131, 133, 134, 196, 290, 297, 298, 341, 342, 344, 350, 355, 360, 361, 364, 366, 367, 368, 369, 370, 372, 373, 374, 375, 376, 379, 380, 381, 382 marge d’appréciation 34, 45, 86, 95, 117, 126, 136, 173, 188, 199, 204, 259, 273, 286, 287, 302, 308, 312, 313, 326, 356, 358, 359, 376, 385 médiateur linguistique 307, 308, 314, 315, 363 mesures provisoires 72, 73, 90, 149, 150, 226, 271, 320, 338, 341, 352, 360, 361 mission de l’interprète 313, 314, 315
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Index thématique
moniste 52, 53, 54, 105, 112, 113, 116, 134, 195 obligation de coopération 150, 167, 189, 245, 287, 294, 295, 297, 353, 354, 380 obligations positives 83, 88, 152, 246, 247, 248, 354, 355, 358 ouverture – aux droits de l’Homme (Menschenrechtsfreundlichkeit) 106, 108, 110 – au droit européen (Europarechtsfreundlichkeit) 202, 228 partage des compétences 37, 38, 71, 74 présomption irréfragable 153, 195 principe – de célérité 256, 257, 263, 264, 267, 270, 273, 291, 292, 294, 295, 296, 312, 361, 366 – de primauté 36, 38, 39, 40, 41, 42 – de répartition des compétences 36, 37, 121, 262 – de séparation des pouvoirs 205, 262, 273, 274 – de subsidiarité 34, 91, 191 procédure – à l’aéroport (Flughafenverfahren) 360, 362, 364, 366, 369, 381 – d’asile de droit commun 296, 308, 325, 342, 351, 353, 363, 365, 366, 368, 374, 376, 378, 379, 381, 382 – d’éloignement 55, 89, 90, 248, 249, 251, 277, 349 – dérogatoire 217, 264, 332, 341, 344, 350, 351, 353, 354, 355, 357, 359, 360, 362, 363, 365, 368 – d’expulsion 33, 89, 90, 91 – d’identification 87, 91, 165, 217, 304 – en zone d’attente 121, 341, 344, 369, 370, 371, 372, 373, 374, 380, 381, 382 protection par ricochet 134, 142, 226
qualité du recours 356, 364 recours suspensif 91, 336, 337, 339, 341, 342, 343, 344, 345, 349, 354, 358, 361, 363, 370 refoulement en chaîne 84, 106, 143, 148, 159, 162, 163, 219, 224, 226, 240 refus du transfert 156, 172, 176, 179, 183, 184, 188, 192, 193, 201, 206, 207, 209, 214, 217, 224, 228, 229, 237, 238, 239, 240 renversement de la présomption des droits fondamentaux 189, 224 ressortissants de pays tiers 25, 26, 56, 58, 59, 73, 76, 79, 80, 85, 91, 92, 97, 99, 100, 101, 102, 109, 111, 123, 126, 130, 132, 136, 140, 154, 194, 242, 252, 265, 287, 307, 328 sanction des transporteurs 98, 117 sauvetage 25, 69, 83, 87, 92, 93, 94, 95, 96, 111, 117 sécurité juridique 61, 69, 112, 137, 148, 169, 193, 209, 216, 218, 260, 297, 313, 324, 333 spécificités constitutionnelles 73, 188 spécificités du droit de l’Union 37, 39, 51, 71, 73, 76, 101, 135, 179, 281, 283, 284, 285, 286, 287, 291, 292, 301, 317, 335, 346, 347, 358, 382, 384 suivi régulier 264, 267 système européen commun d’asile 78, 153, 154, 155 territorialité 61, 106, 114, 118, 127, 129 visa – au titre de l’asile 74, 77, 79, 98, 100, 101, 119, 120, 121, 122 – de long séjour 76, 101, 117, 118, 119, 120, 121, 123, 135 – de transit aéroportuaire 100, 118, 119, 123, 124, 125 vulnérabilité particulière 169, 179, 239, 279
Deutsche Zusammenfassung Recht auf Zugang zum Gericht und zum Asylverfahren im deutschen, französischen und europäischen Recht Zusammenfassung der Doktorarbeit von Nóra Cseke Unter der Betreuung von Frau Professorin Catherine Haguenau-Moizard (Université de Strasbourg) und von Herrn Professor Matthias Jestaedt (AlbertLudwigs-Universität Freiburg)
Inhaltverzeichnis Einleitung . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 434 Teil 1: Inkohärenz bei der Festlegung der mit dem Zugang zum Asylverfahren verbundenen Garantien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 435 Titel 1: Die den Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken charakterisierenden Unsicherheiten . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 436 Kapitel 1: Die unterschiedlichen Auffassungen über ein Recht auf Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken im EMRK Recht und im Unionsrecht . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 436 Abschnitt 1: Die Anwendbarkeit der EMRK und des Unionsrechts auf extraterritoriale Sachverhalte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 437 Abschnitt 2: Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken im Genfer Flüchtlingsrecht, im EMRK Recht und im Unionsrecht . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 438 Kapitel 2: Das Fehlen eines kohärenten Ansatzes hinsichtlich des Zugangs zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken im deutschen und französischen Recht . . . . . . . . . . . . . . . 440 Abschnitt 1: Leitlinien zur Festlegung der für den Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken notwendigen Bedingungen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 441 Abschnitt 2: Die Umsetzung der Grundsätze der notwendigen Bedingungen für den Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 442 Titel 2: Die unterschiedlichen Auffassungen zur Bestimmung des Mitgliedstaats, der für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständig ist . . . . . . . . . . . . . . . . . 446 Kapitel 1: Die verschiedenen Prioritäten der europäischen Gerichtshöfe bei der Bestimmung des Mitgliedstaats, der für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständig ist . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 446 Abschnitt 1: Der unzureichende Dialog zwischen dem EGMR und dem EuGH . . . . . . . . 446
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Deutsche Zusammenfassung
Abschnitt 2: Der Beitrag der Dublin-III-Verordnung zur Herstellung des Dialogs zwischen den europäischen Gerichtshöfen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 449 Kapitel 2: Nationale Anstrengungen für eine kohärente Umsetzung der europäischen Rechtsprechung: ein notwendiger zweistufiger Dialog . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 451 Abschnitt 1: Leitlinien zur Bestimmung des Mitgliedstaats, der für die Prüfung eines Antrags auf internationalen Schutz zuständig ist im nationalen Recht . . . . . . . . . . . . . 451 Abschnitt 2: Die Methode zur Bestimmung des Mitgliedstaates, der für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständig ist . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 455 Teil 2: Eine scheinbare Kohärenz bei der Festlegung der für den Zugang zu den Asylorganen unerlässlichen Garantien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 459 Titel 1: Ein notwendiger Rahmen der Verfahrensautonomie bei der Festlegung der für den Zugang zu den Asylorganen unerlässlichen Garantien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 459 Kapitel 1: Die Festlegung der für den Zugang zu der für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständigen Verwaltungsbehörde unerlässlichen Garantien . . . . . 460 Abschnitt 1: Die Anforderungen an den Zugang zum Asylverfahren auf europäischer Ebene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 460 Abschnitt 2: Die Lösungen zur Gewährleistung eines wirksamen Zugangs zum Asylverfahren auf nationaler Ebene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 461 Kapitel 2: Festlegung der für den Zugang zu den Asylorganen innewohnenden Garantien . . 467 Abschnitt 1: Achtung des Rechts auf Anhörung als eine unverzichtbare Garantie für einen wirksamen Zugang zu den Asylorganen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 467 Abschnitt 2: Rechtsberatung und Recht auf Dolmetscher als unabdingbare Voraussetzungen für einen wirksamen Zugang zu den Asylorganen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 470 Titel 2: Die notwendige Stärkung der für den Zugang zu einem wirksamen Rechtsbehelf unerlässlichen Garantien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 475 Kapitel 1: Die harmonische Gewährung des Rechts auf einen wirksamen Rechtsbehelf im EMRK Recht und im Unionsrecht . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 475 Abschnitt 1: Zugänglichkeit eines wirksamen Rechtsbehelfs auf europäischer Ebene . . . 476 Abschnitt 2: Zugang zu einem wirksamen Rechtsbehelf in der Praxis auf europäischer Ebene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 479 Kapitel 2: Die Notwendigkeit einer geregelten Verfahrensautonomie in Bezug auf das Recht auf einen wirksamen Rechtsbehelf im beschleunigten Verfahren . . . . . . . . . . . . 480 Abschnitt 1: Zugänglichkeit eines wirksamen Rechtsbehelfs im deutschen Recht . . . . . . 480 Abschnitt 2: Zugänglichkeit eines wirksamen Rechtsbehelfs im französischen Recht . . . 482 Schlussfolgerungen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 484
Deutsche Zusammenfassung
Abkürzungsverzeichnis A.a.o.
am angegebenen Ort
Abs.
Absatz
AJDA
Actualité juridique de droit administratif
AsylG
Asylgesetz
AufenthG Aufenthaltsgesetz BAMF
Bundesamt für Migration und Flüchtlinge
BGB
Bürgerliches Gesetzbuch
BGBI
Bundesgesetzblatt
BVerfG
Bundesverfassungsgericht
BverwG
Bundesverwaltungsgericht
CAA
Cour administrative d’appel
CC
Conseil constitutionnel
CE
Conseil d’État
CESEDA Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile CNDA
Cour nationale du droit d’asile
EGMR
Europäischer Gerichtshof für Menschenrechte
EKMR
Europäische Kommission für Menschenrechte
EMRK
Europäische Menschenrechtskonvention
EU
Europäische Union
EuGH
Europäischer Gerichtshof
Frontex
Europäische Agentur für die Grenz- und Küstenwache
IJRL
International Journal of Refugee Law
OVG
Oberverwaltungsgericht
PUF
Presses universitaires de France
S.
Seite
TA
Tribunal administratif
u. a.
und andere
UNHCR
Hoher Flüchtlingskommissar der Vereinten Nationen
VG
Verwaltungsgericht
VGH
Verwaltungsgerichtshof
VwGO
Verwaltungsgerichtsordnung
433
434
ZAR
Deutsche Zusammenfassung
Zeitschrift für Ausländerrecht und Ausländerpolitik
Einleitung Die Flüchtlingskrise hat das seit langem vorhandene Problem der Unwirksamkeit des Rechtsschutzes für Asylbewerber in den Vordergrund gerückt. Die Rettungsszenen der überfüllten Flüchtlingsschiffe auf dem Mittelmeer entfalteten eine große Medienwirksamkeit. Der Bürgerkrieg in Syrien sowie die bewaffneten Konflikte in anderen Regionen der Welt führten die von diesen Konflikten betroffene Bevölkerung dazu, ihr Heimatland zu verlassen und Zuflucht in den europäischen Staaten zu suchen. Der gemeinsame Nenner dieser Bilder besteht in den administrativen Hürden, die diese Drittstaatsangehörigen überwinden müssen, um internationalen Schutz beantragen zu können. Die Genfer Flüchtlingskonvention ist der Eckpfeiler des internationalen Flüchtlingsschutzes. Während diese Konvention die Kriterien darlegt, die die Flüchtlinge erfüllen müssen, um internationalen Schutz zu erhalten, sieht die Konvention den Zugang zum Asylverfahren nicht vor. Die größte Herausforderung für die Ausländer, die einen Asylantrag stellen möchten, besteht jedoch zweifelsfrei in der Einreise in das Hoheitsgebiet der EU. Daher steht das Recht auf Zugang zum Asylverfahren und zum Gericht im Mittelpunkt unserer Studie. Allerdings erfordert eine Untersuchung dieses Rechts einen weitaus größeren Studienbereich als ihn die Nachschlagewerke abstecken.1 Selbst wenn der Zugang zum Asylverfahren formal gewährleistet ist, kann es vorkommen, dass er tatsächlich illusorisch wird, da die Nichteinhaltung bestimmter Verfahrensgarantien zu einem unbefriedigenden Ergebnis im Hinblick auf den Grundrechtsschutz von Asylbewerbern führt. Nur ein wirksamer Zugang zum Asylverfahren und zum Gericht kann zur Garantie dieses Schutzes beitragen. Um die Wirksamkeit dieses Zugangs einschätzen zu können, ist es notwendig, die Rechtsquellen zu ermitteln, die den Umfang derjenigen Verfahrensgarantien bestimmen, die diesen Zugang ermöglichen sollen. Diesbezüglich wurde sich für eine vergleichende Studie zum EMRK Recht, zum Unionsrecht und zum nationalen Recht entschieden. In den Bereichen, in denen sowohl der EGMR als auch der EuGH zuständig sind, ist ein kohärenter Ansatz der beiden europäischen Gerichtshöfe eine Grundvoraussetzung, um überhaupt von einer Wirksamkeit des Grundrechtsschutzes sprechen zu können. Die Lage ist komplizierter, wenn es keine Überschneidung der Zuständigkeiten der beiden europäischen Gerichtshöfe gibt. Dies gilt insbesondere im Bereich des Rechts auf ein faires Verfahren, da Artikel 6 EMRK nur für zivil- und
1
Das juristische Wörterbuch Cornu definiert „accès“ als Weg, der es erlaubt, einen Ort zu betreten. Cornu, Vocabulaire juridique, in: PUF, 2011, S. 11. Der Petit Robert wiederholt die genannten Bedeutungen und fügt hinzu dass der „accès“ es erlaubt, irgendwo einzutreten oder etwas zu erhalten. Robert, Le Petit Robert [2018] : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 2018, in: Le Robert, 2017, S. 15.
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strafrechtliche Streitigkeiten und nicht für Verwaltungsverfahren anwendbar ist.2 Die Einhaltung der sich aus Artikel 6 EMRK ergebenden Verfahrensgarantien kann jedoch von den Antragstellern über Artikel 47 Grundrechtecharta bei der Umsetzung des Unionsrechts geltend gemacht werden. Bei der Auslegung von Artikel 47 Grundrechtecharta stützt sich Absatz 1 auf Artikel 13 EMRK, während Absatz 2 dem Artikel 6 Absatz 1 EMRK entspricht.3 Im Falle der Überschneidung der Zuständigkeiten des EGMR und des EuGH müssen die Besonderheiten des Unionsrechts, unabhängig davon, ob sie in den Verträgen oder im Sekundärrecht vorgesehen sind, mit dem Schutz der Grundrechte in Einklang gebracht werden. Diese Feststellung gilt auch im Anwendungsbereich von Artikel 6 EMRK, da Artikel 47 Grundrechtecharta auf Verwaltungsverfahren anwendbar ist. Darüber hinaus zögert der EGMR im Lichte einer dynamischen Auslegung der EMRK nicht, in Bereiche einzugreifen, die nicht unbedingt in seine Zuständigkeit fallen. Die Vielfalt der unterschiedlichen Rechtssysteme erfordert jedoch eine gewisse Koordination zwischen diesen Gerichtshöfen, und zwar durch einen Dialog zwischen den Akteuren. Um die Position des EGMR, des EuGH sowie des Gesetzgebers der Union und die Reaktion der nationalen Verwaltungsgerichte zu ermitteln, ist es daher notwendig, sich für einen chronologischen Ansatz zu entscheiden. Dies erweist sich methodologisch als umso stichhaltiger, da er erlaubt, zu ermitteln, was unter einem Recht auf Zugang zum Asylverfahren verstanden wird. Angemerkt sei, dass dieser Zugang bereits beginnt, bevor der Asylsuchende im Hoheitsgebiet der EU eingetroffen ist. Deshalb wurde sich für eine extensive Auslegung des Begriffs des Rechts auf Zugang zum Asylverfahren entschieden, welcher neben dem Zugang zum Asylverfahren des zuständigen Staates im Sinne der DublinVerordnung auch den notwendigen Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecke umfasst. Diese Auslegung bedingt die Gliederung der Doktorarbeit. Teil 1: Inkohärenz bei der Festlegung der mit dem Zugang zum Asylverfahren verbundenen Garantien Teil 2: Eine scheinbare Kohärenz bei der Festlegung der für den Zugang zu den Asylorganen unerlässlichen Garantien
Teil 1: Inkohärenz bei der Festlegung der mit dem Zugang zum Asylverfahren verbundenen Garantien Im ersten Teil wird zunächst die Frage untersucht, ob die Kontrolle an den Außengrenzen, die eines der Ziele des Aufbaus eines Raums der Freiheit, der Sicherheit und des Rechts ist, eine Ausweitung des territorialen Geltungsbereichs der für den 2 3
EGMR , Urteil vom 5. Oktober 2000 – Nr. 39652/98, Maaouia/Frankreich. Erläuterungen zur Charta der Grundrechte, ABl. C 303 vom 14. 12. 2007, S. 17 – 35.
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Zugang zum Asylverfahren unerlässlichen Garantien zur Folge hat. Die Vorschriften auf europäischer Ebene sind in dieser Hinsicht nicht kohärent. Im Anschluss befasst sich diese Studie damit, dass die Bestimmung des Mitgliedstaates, der für die Prüfung eines Antrags auf internationalen Schutz zuständig ist, inkohärent ist. Titel 1: Die den Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken charakterisierenden Unsicherheiten Seit Beginn der „Migrationskrise“ mehren sich die Presseberichte, die Tausende von Flüchtlingen aus Drittländern zeigen, welche in das Hoheitsgebiet der EU einreisen möchten. Da diese Ausländer die Außengrenzen der EU noch nicht erreicht haben und sich also außerhalb des Hoheitsgebietes der Mitgliedstaaten befinden, stellt die Zulassung ihrer Einreise in das Hoheitsgebiet zu Asylzwecke ein sensibles Thema dar. Die Genfer Flüchtlingskonvention enthält keine Bestimmung, die die Einreise in das Hoheitsgebiet zu Asylzwecke gewährleistet. Diese Behauptung kann jedoch durch die Bezugnahme auf Artikel 33 Genfer Flüchtlingskonvention, welcher den Grundsatz der Nichtzurückweisung verankert, widerlegt werden. Gemäß dem UNHCR findet dieser Grundsatz überall Anwendung, wo der jeweilige Staat seine Gerichtsbarkeit ausübt.4 Wird dieser Grundsatz akzeptiert, so ist zu prüfen, was unter dem Grundsatz der Nichtzurückweisung verstanden wird. Konkret geht es darum, ob der Grundsatz der Nichtzurückweisung direkt oder indirekt das Recht auf Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecke impliziert. Kapitel 1: Die unterschiedlichen Auffassungen über ein Recht auf Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken im EMRK Recht und im Unionsrecht Die vorangegangene Frage setzt die Bestimmung des Anwendungsbereichs der EMRK über extraterritoriale Sachverhalte und damit die örtliche Zuständigkeit des EGMR auf der einen Seite und des Anwendungsbereichs des Unionsrechts und der Charta der Grundrechte auf der anderen Seite in einem solchen Zusammenhang voraus.
4 Konsultative Stellungnahme zur extraterritorialen Anwendung des Abschiebeverbotes gemäß dem Abkommen über die Rechtsstellung der Flüchtlinge von 1951 und dem Protokoll von 1967, Punkt 9. http://www.refworld.org/pdfid/470ccbb42.pdf (abgerufen am 16. April 2018).
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Abschnitt 1: Die Anwendbarkeit der EMRK und des Unionsrechts auf extraterritoriale Sachverhalte Um die Zuständigkeit für die Entscheidung über die Rechtmäßigkeit extraterritorialer Handlungen zu bestimmen, müssen die normativen Grundlagen, insbesondere die EMRK, sowie das Unionsrecht überprüft werden. Nach Artikel 1 EMRK sichern „[d]ie Hohen Vertragsparteien … allen ihrer Hoheitsgewalt unterstehenden Personen die in Abschnitt I bestimmten Rechte und Freiheiten zu“5. Während die Verfasser der EMRK diesem Artikel einen rein territorialen Geltungsbereich zuschrieben, garantiert die dynamische Rechtsprechung des EGMR ihm nunmehr einen nahezu universellen Geltungsbereich. Zur Beurteilung seiner Zuständigkeit schlägt der EGMR zwei Prüfungen vor: eine de jure-Kontrolle und/oder eine de facto-Kontrolle.6 In Anbetracht einer de jure-Kontrolle, wird die Zuständigkeit des EGMR bei solchen Handlungen, die in den Anwendungsbereich des Übereinkommens von Montego Bay7 fallen, nicht in Frage gestellt. Was die Ausübung der defacto-Kontrolle betrifft, ist diese von besonderer Bedeutung, wenn die gegen die EMRK verstoßenden Handlungen an Bord eines Schiffes unter der Flagge eines Drittstaates stattfinden, der das Übereinkommen von Montego Bay nicht unterzeichnet hat, oder in allen anderen Fällen, in denen die Bestimmungen dieses Übereinkommens nicht anwendbar sind. Konkret bedeutet dies, dass durchgehende und ununterbrochene Kontrollen an Bord des Schiffes unter der Flagge eines Staates, auf dem sich mit den Kontrollen betroffene Personen befinden, die Zuständigkeit des EGMR für die Prüfung der Konventionalität der von dem Staat verabschiedeten Maßnahmen unabhängig von seiner Legitimität rechtfertigen können. Solche Kontrollen der Konventionalität ermöglichen es, die EMRK als eine Konvention mit universellem Auftrag aufzufassen. Im Gegenzug dazu, kennzeichnet ein formalistischer Ansatz die Anwendbarkeit des Unionsrechts auf Handlungen außerhalb des Hoheitsgebiets der Union. In dem Urteil X und X gegen den belgischen Staat,8 wurde dem Gerichtshof zur Vorabentscheidung die Frage vorgelegt, ob Asylbewerber einen Antrag auf ein Visum zu Asylzwecke in einer diplomatischen Vertretung stellen können. Die Beantwortung der Frage war von großer Bedeutung, denn nach Ansicht des vorlegenden Gerichts war nicht klar, ob die Durchführung der Visumpolitik als Ausübung von Hoheitsgewalt im Sinne von Artikel 1 EMRK angesehen werden kann.9 Mit anderen Worten, 5
Artikel 1 EMRK. EGMR, Urteil vom 29. März 2010 – Nr. 3394/03, Medvedyev u. a./Frankreich; EGMR, Urteil vom 11. Januar 2001 – Nr. 39473/98, Xhavara u. a./Italien und Albanien; EGMR , Urteil vom 23. Februar 2012 – Nr. 27765/09, Hirsi Jamaa u. a./Italien. 7 Seerechtsübereinkommen der Vereinten Nationen, es wurde am 10. Dezember 1982 in Montego Bay (Jamaika) geschlossen. 8 EuGH, Urteil vom 7. März 2017 – C-638/16 PPU, X und X/den belgischen Staat. 9 A.a.o., Rn. 25. 6
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soweit die Erteilung der Visa unter den Umständen des Ausgangsverfahrens durch das Unionsrecht geregelt ist, setzt Belgien Unionsrecht um, so dass der Sachverhalt in die Zuständigkeit Belgiens fällt. In diesem Fall sind die aus Artikel 3 EMRK abgeleiteten Verfahrensgarantien relevant. Nach Feststellung seiner Zuständigkeit prüfte der EuGH die Anwendbarkeit des Unionsrechts im Lichte des Grundsatzes der Zuständigkeitsübertragung und kam zu dem Schluss, dass die angesprochene Problematik unter nationales Recht fällt.10 Dieses Vorgehen des EuGH, das darin besteht, zunächst seine eigene Zuständigkeit und dann die Anwendbarkeit des Unionsrechts zu überprüfen, ergibt sich aus den Besonderheiten des Unionsrechts. Die Unsicherheiten des EuGH in der Auslegung haben weitreichende Folgen. Erstens, nachdem der EuGH das Unionsrecht für unanwendbar erklärt hat, kann Belgien feststellen, dass der betreffende Sachverhalt nicht in seine Zuständigkeit fällt, unter Vorbehalt der Möglichkeit, ein Visum für den längerfristigen Aufenthalt nach belgischem Recht zu erteilen. In diesem Fall könnte auch die Zuständigkeit des EGMR ein Problem aufwerfen, so dass die Kläger im Ausgangsverfahren ohne gerichtlichen Schutz bleiben. Nach einem zweiten Szenario kann der EGMR ungeachtet des obiter dictum des EuGH einen weitergehenden Schutz auf der Grundlage seiner persönlichen Zuständigkeit im Sinne der Entscheidung X. gegen das Vereinigte Königreich gewähren.11 Aus diesen Analysen folgt, dass das Fehlen eines Dialogs zwischen den Gerichtshöfen bei gleichem Sachverhalt schwerwiegende Folgen haben kann: den Asylbewerbern könnte, wie in diesem Fall, ein wirksamer Rechtsschutz entzogen werden. Abschnitt 2: Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken im Genfer Flüchtlingsrecht, im EMRK Recht und im Unionsrecht Erstens, wurde die Doktrin über den Grundsatz der Nichtzurückweisung sowie deren Beziehung zum Recht auf Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken im Genfer Flüchtlingsrecht analysiert. Zweitens, hat der EGMR im Hinblick auf dieselbe Thematik durch Richterrecht bestimmte Garantien entwickelt, deren Einhaltung unweigerlich zum Recht auf Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken führt. In der Rechtssache Hirsi Jamaa hat der EGMR festgestellt, dass nationale Behörden Ausländern ausreichende Informationen zukommen lassen müssen, um ihnen einen wirksamen Zugang zu Verfahren, einschließlich des Asylverfahrens, zu ermöglichen.12 Auf dieser Grundlage kann man davon ausgehen, dass den Ausländern, die sich an Bord eines Schiffes befinden und ihren Wunsch aussprechen, Asyl zu beantragen oder ihre erfolgte Abschiebung anfechten möchten, ein Verfahren zur 10
A.a.o., Rn. 44. EKMR, Urteil vom 15. Dezember 1977 – Nr. 7547/76, X./Vereinigtes Königreich. 12 EGMR , Urteil vom 23. Februar 2012 – Nr. 27765/09, Hirsi Jamaa u. a./Italien, Rn. 204; EGMR, Urteil vom 15. Dezember 2016 – Nr. 16483/12, Khlaifia u. a./Italien; EGMR, Urteil vom 12. Januar 2017 – Nr. 12552/12, Kebe u. a./Ukraine. 11
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Feststellung ihrer Identität sowie Zugang zum Hoheitsgebiet gestattet werden soll, damit sie einen Antrag auf internationalen Schutz stellen oder ihre Abschiebung im Rahmen eines Verwaltungsverfahrens anfechten können. Es geht um Verwaltungshandlungen, die tatsächlich nur auf dem jeweiligen Hoheitsgebiet durchgeführt werden können. Allerdings nennt der EGMR nicht ausdrücklich ein Recht auf Zugang zum Asylverfahren, sondern nur zu einem Verfahren zur Feststellung der Identität. Selbst wenn der EGMR es nicht offen zugibt, erscheint es, dass er mit dieser Auflage das fehlende Glied zwischen dem Grundsatz der Nichtzurückweisung und einem Recht auf Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken gefunden hat. Drittens, was dieselbe Thematik im Unionsrecht angeht, stellt sich das Problem des Zugangs zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken in drei Bereichen. Erstens, was den Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecke im Rahmen von Kontroll- und Rettungsaktionen auf See nach EU Recht betrifft, ist das wichtigste Rechtsinstrument die Verordnung (EU) 656/2014 über die Überwachung der Seeaußengrenzen.13 Ungeachtet des ausdrücklichen Willens des Unionsgesetzgebers, die Rechtsprechung des EGMR zu beachten, bedarf es im Unionsrecht nicht der vom EGMR befürworteten Vorgehensweise. Einige Passagen der Verordnung lassen vermuten, dass die Bestimmungen in den Rechtsakten des Sekundärrechts den Anwendungsbereich des Grundsatzes der Nichtzurückweisung sowie die Gültigkeit der Rechtsprechung des EGMR eher neutralisieren. Trotz dieser normativen Lage bietet die in Erwägungsgrund (12) der Verordnung genannte uneingeschränkte Achtung des Grundsatzes der Nichtzurückweisung nach Auslegung des EGMR einen Anhaltspunkt dafür, dass das im EU Recht garantierte Schutzniveau der Rechtsprechung des EGMR anzupassen ist. Zweitens sieht die Richtlinie 2001/51/EG des Rates finanzielle Sanktionen gegen Beförderungsunternehmen vor, die die Reisedokumente von Ausländern, die in das Hoheitsgebiet der EU einreisen wollen, nicht kontrollieren14. Es liegt in der Verantwortung des Beförderers, die Begründetheit der asylrelevanten Tatsachen des Ausländers vor dem Einsteigen zu prüfen. Indem es sich weigert, einen Ausländer ohne Dokumente, welche ihm eine Einreise in das Hoheitsgebiet der EU erlauben würden, und der sich auf internationalen Schutz rechtfertigende Gründe beruft, an Bord des Flugzeuges steigen zu lassen, übt das Beförderungsunternehmen eine Entscheidung über die Relevanz der vorgebrachten Schutzgründe aus. Darüber
13 Verordnung (EU) Nr. 656/2014 des Europäischen Parlaments und des Rates vom 15. Mai 2014 zur Festlegung von Regelungen für die Überwachung der Seeaußengrenzen im Rahmen der von der Europäischen Agentur für die operative Zusammenarbeit an den Außengrenzen der Mitgliedstaaten der Europäischen Union koordinierten operativen Zusammenarbeit, ABl. L 189 vom 27. 6. 2014, S. 93 – 107. 14 Richtlinie 2001/51/EG des Rates vom 28. Juni 2001 zur Ergänzung der Regelungen nach Artikel 26 des Übereinkommens zur Durchführung des Übereinkommens von Schengen vom 14. Juni 1985, ABl. L 187 vom 10. 7. 2001, S. 45 – 46.
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Deutsche Zusammenfassung
hinaus schreibt die Richtlinie kein besonderes Verfahren vor, das ein Unternehmen gegenüber solchen Ausländern befolgen müsste.15 Drittens, den Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken im Rahmen der Visumpolitik der Unionsrecht betreffend, hat der EuGH in dem zuvor genannten Urteil X und X festgestellt, dass es nicht um die Umsetzung von Unionsrecht geht, wenn über die Erteilung eines Visums zu Asylzwecke entschieden werden muss, so dass die Bestimmungen der Grundrechtecharta unanwendbar sind. Die Begründung des Gerichtshofs bezieht sich im Wesentlichen auf die Besonderheiten des Unionsrechts.16 Daraus folgt, dass die Suche nach Lösungen in den Rechtsvorschriften auf der Ebene des Unionsrechts streng geregelt ist und der EuGH in keiner Weise an eine weite Auslegung des Grundsatzes der Nichtzurückweisung gebunden ist, zumal eine solche Verpflichtung aus Artikel 4 Charta keine Geltung entfaltet. Ein Teil der Rechtslehre ist jedoch der Auffassung, dass der Grundsatz der Nichtzurückweisung im Sinne von Artikel 33 Genfer Konvention Teil des Völkergewohnheitsrechts ist und die Europäische Union als internationale Organisation verpflichtet ist, dieses einzuhalten17. Dieser Ansatz scheint jedoch vom EuGH nicht geteilt zu werden. Sowohl in der Rechtsprechung des EGMR als auch in der Rechtsordnung der Union bestehen weiterhin Unsicherheiten über die Reichweite des Grundsatzes der Nichtzurückweisung und des Zugangs zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken. Während der EGMR implizit einen direkten Zusammenhang zwischen dem Grundsatz der Nichtzurückweisung und dem Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken herstellt, ist dies in der Rechtsordnung der Union nicht der Fall. Die Undurchsichtigkeit der Normen über ein mögliches Recht auf Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken und das zurückhaltende Verhalten der beiden europäischen Gerichtshöfe führen in den Mitgliedstaaten zu Unsicherheiten bezüglich des einzuschlagenden Weges. Kapitel 2: Das Fehlen eines kohärenten Ansatzes hinsichtlich des Zugangs zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken im deutschen und französischen Recht Der unzureichende Dialog auf europäischer Ebene kann sich schädlich auf nationaler Ebene auswirken. Es ist von daher unumgänglich, zu untersuchen, welche Lösungen das nationale Recht für die hier vorgestellte Problematik anbieten kann 15 Moreno-Lax, (Extraterritorial) entry controls and (extraterritorial) non-refoulement in EU law, in: External dimensions of European migration and asylum law and policy, 2011, S. 436. 16 Es geht um die Einhaltung der Dublin-III-Verordnung und des Grundsatzes der begrenzten Einzelermächtigung. 17 Mungianu, Frontex and non-refoulement: the international responsibility of the EU, Cambridge, in: Cambridge University Press, 2016, S. 110.; Allain, The jus cogens Nature of non-refoulement, in: IJRL, Volume 13, Issue 4, 1 October 2001, S. 533 – 558.
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und in welchem Ausmaß nationales Recht die europäischen Maßstäbe zu berücksichtigen hat. Abschnitt 1: Leitlinien zur Festlegung der für den Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken notwendigen Bedingungen Gewiss, das dualistische oder monistische nationale Rechtssystem kann die Haltung der Verwaltungsgerichte bei der Umsetzung der aus dem EU-Recht und aus dem EMRK-Recht stammenden Anforderungen beeinflussen. Die Anerkennung des internationalen Schutzes ist im deutschen Recht in einer rein territorialen Dimension konzipiert: das Grundrecht auf Asyl hat einen klar umrissenen und unverzichtbaren Kerngehalt.18 Solange die Anerkennung nicht erfolgt, impliziert Artikel 16a GG Vorwirkungen.19 Zu diesen Vorwirkungen gehört das Recht, bis zum Ende des Asylverfahrens im Hoheitsgebiet zu bleiben. Sie sind jedoch zeitlich begrenzt, da nur Ausländer, die die Grenze überschreiten, Asyl beantragen können. Was den Grundsatz der Nichtzurückweisung angeht, erscheint es als Korollar sowohl des Asylrechts im Sinne des Artikel 16 GG, als auch der Menschenwürde im Sinne des Artikel 1 GG sowie der im Artikel 2(2) GG vorgesehenen Freiheit der Person.20 Angesichts der Berücksichtigung von Menschenrechtsfreundlichkeit und Völkerrechtsfreundlichkeit ist es den deutschen Behörden jedoch untersagt, gegen den Grundsatz der Nichtzurückweisung durch positive Handlungen und Unterlassungen zu verstoßen21. Diese Feststellung wird durch das Urteil des Bundesverfassungsgerichts zum Washingtoner Abkommen bestätigt.22 Dieser Fall zeigt auf, dass die sich aus dem Grundgesetz ergebenden Grundrechte auch außerhalb des deutschen Hoheitsgebiets Wirkung entfalten. Es sei darauf hingewiesen, dass der deutsche Gesetzgeber die Entwicklung der Rechtsprechung des EGMR berücksichtigt hat. Nach der Urteilsverkündigung des Hirsi-Jamaa-Urteils stellte der wissenschaftliche Dienst des Bundestages in einem Bericht die Frage, ob ein Asylantrag von Bord eines deutschen Kriegsschiffs aus, das sich außerhalb deutscher Hoheitsgewässer befindet, einen wirksamen Auslandsasylantrag darstellen kann mit der Folge, dass Abschiebungsschutz gewährleistet werden muss.23 Die Studie bezieht sich nicht nur auf das Urteil in der Rechtssache Hirsi Jamaa sondern auch auf Unionsrecht und betont dass die Asylverfahrens18
BVerwG, Urteil vom 7. Oktober 1975 – I C 46.69 – NJW 1976, 490. von Mangoldt/Klein/Starck, Kommentar zum Grundgesetz, 5. Aufl. 2005, § 16a Rn. 123. 20 Hong, Asylgrundrecht und Refoulementverbot, Nomos, 2008, S. 290. 21 A.a.o., S. 157. 22 A.a.o.; BVerfG, Beschluss vom 21. März 1957 – 1 BvR 65/54 – BVerfGE 6, 290. 23 Wissenschaftliche Dienste, Deutscher Bundestag, Asylantragstellung an Bord eines deutschen Kriegsschiffs, 23. Februar 2016, WD 3 – 3000 – 060/16. https://www.bundestag.de/ blob/424544/d2d010839e38655c6a312f5c6f12b38 f/wd-3 - 060 - 16-pdf-data.pdf (abgerufen am 24. April 2018). 19
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richtlinie von einem territorialen Bezug ausgeht.24 Die Studie betont auch, dass es nicht notwendig ist, internationalen Schutz zu gewährleisten, vielmehr greife der allgemeine menschenrechtliche Abschiebungsschutz, wie ihn der EGMR im Hirsi Jamaa Urteil angenommen hat.25 Diese Auffassung verdeutlicht die Menschenrechtsfreundlichkeit in dem Sinne, dass das deutsche Recht entsprechend der von der Rechtsprechung des EGMR vorgeschlagenen Lösungen auszulegen ist und Schutz vor der Zurückweisung gewährt werden muss, wie dies der EGMR empfehlt. Was die französische Rechtsordnung betrifft, hat der Conseil d’État wiederholt in seinen Entscheidungen hervorgehoben, dass das in der Verfassung verbürgte Asylrecht mit dem Recht, den Flüchtlingsstatus zu beantragen, einhergeht und das Aufenthaltsrecht auf dem Hoheitsgebiet während der unbedingt notwendigen Zeit zur Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz einschließt. Folglich ist das Asylrecht wie im deutschen Recht in einer rein territorialen Dimension konzipiert. Dies gilt jedoch nicht für den Geltungsbereich des Grundsatzes der Nichtzurückweisung. Es besteht kein Zweifel, dass die Genfer Konvention Teil der französischen Rechtsordnung ist, und es ist Sache der verschiedenen Organe des Staates, ihre Anwendung im Rahmen ihrer jeweiligen Zuständigkeiten sicherzustellen.26 Obwohl die Einhaltung des Artikel 33 über den Grundsatz der Nichtzurückweisung in extraterritorialen Fällen nicht ausdrücklich in der französischen Verfassungs- und Verwaltungsrechtsprechung erscheint, sind die Lösungen, die diese Gerichte annehmen, durch die Einhaltung des Grundsatzes der Nichtzurückweisung geprägt27. Abschnitt 2: Die Umsetzung der Grundsätze der notwendigen Bedingungen für den Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken Die erwähnte Problematik wurde in zwei Bereichen untersucht. Erstens, was die Visapolitik betrifft, haben die Unsicherheiten auf europäischer Ebene die Gesetzgeber nicht dazu veranlasst, die Architektur der Visapolitik grundlegend zu ändern. Das deutsche Asylgesetz enthält keine Bestimmung für die Beantragung eines Visums für einen längerfristigen Aufenthalt zu Asylzwecken. Dieser Ansatz wird vom Bundesverwaltungsgericht bestätigt, das auf der Grundlage von Artikel 16 GG festgestellt hat, dass die deutsche Auslandsvertretung nicht für die Entscheidung über Asylanträge zuständig ist und keine solche Visa ausstellt, die die Fortsetzung eines Asylverfahrens in Deutschland ermöglichen würden.28 In Frankreich sieht die Praxis 24
A.a.o. A.a.o., Punkt 4.2. 26 CC, Urteil vom 3. September 1986 – 86 – 216 DC. 27 CE, Urteil vom 29. Juli 1998 – 169139. 28 BVerwG, Beschluss vom 14. April 1992 – 1 C 48.89 – NVwZ 1992, 682. Diese Rechtsprechung äußerte sich nicht zur Reichweite einer solcher eventuellen Verpflichtung im Zusammenhang mit dem Grundsatz der Nichtzurückweisung. 25
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die Erteilung eines Visums für einen längerfristigen Aufenthalt zu Asylzwecken zwar vor, definiert aber die Bedingungen nicht klar.29 Es wird die Ansicht vertreten, dass, auch wenn diese Möglichkeit eine günstige Maßnahme für Asylbewerber darstellt, die Art und Weise, wie sie umgesetzt wird, den Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken schwächt. Die Befugnis, über die Zulässigkeit des Visa-Antrages zu Asylzwecken und damit des Antrags auf internationalen Schutz zu entscheiden, liegt nämlich beim Innenminister, was den Grundsatz der Kompetenzverteilung verletzt. Das französische Asylamt beteiligt sich nämlich überhaupt nicht am Entscheidungsprozess. Im Gegensatz zum Flughafenverfahren geht es hier nicht um die Prüfung der offensichtlichen Unbegründetheit eines Antrags, dessen Entscheidung in die Zuständigkeit des Ministers fällt, sondern um die Zulässigkeit eines Visa-Antrages zu Asylzwecken und indirekt eines Antrags auf internationalen Schutz. Der Conseil d’État entschied in diesem Zusammenhang, dass die dem verfassungsrechtlich verankerten Asylrecht innewohnenden Garantien kein Recht auf Erteilung eines Visums für die Einreichung eines Asylantrags in Frankreich beinhalten.30 Um internationalen Schutz zu erhalten, muss sich der Asylbewerber auf französischem Territorium, einschließlich der Transitzonen, aufhalten. Der Conseil d’État betonte, dass es sich bei der Erteilung eines Visums zu Asylzwecken um eine Ermessensentscheidung der Verwaltung handelt. Trotz des fakultativen Charakters der Erteilung solcher Visa garantiert die Praxis diese Möglichkeit. Allerdings trägt dies nicht zur Rechtssicherheit bei, weil weder das Gesetz noch die Verwaltungsvorschriften ein Recht auf Erteilung eines Visums zu Asylzwecken vorsehen. Ungeachtet der vielen Grauzonen, die die französische Regelung kennzeichnen, ist die Zielsetzung offensichtlich: der Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken soll in diesem Fall zugestanden werden. Was zweitens die Pflichten der Beförderungsunternehmen anbelangt, sieht die Richtlinie 2001/51 wie zuvor erwähnt finanzielle Sanktionen gegen Unternehmen vor. Die Einhaltung des Grundsatzes der Nichtzurückweisung ist nur in einem Erwägungsgrund der Richtlinie aufgeführt, daher haben die Mitgliedstaaten einen großen Ermessensspielraum bei der Umsetzung. Trotz dieses Ermessensspielraums haben die in unserer Studie betrachteten Mitgliedstaaten eine restriktive Position eingenommen. Das Bundesverwaltungsgericht hat anerkannt, dass die Regelung des Beförderungsverbotes für den Zugang zum Asylverfahren ein Hindernis darstellt und dass Beförderungsunternehmen nicht dafür verantwortlich sind, festzustellen, ob die von Asylbewerbern geltend gemachten Verfolgungsgründe begründet sind.31 Das 29 Dieses wichtige Thema wurde in der Nationalversammlung Gegenstand einer Anfrage an den Innenminister von Seiten des Abgeordneten Laurent Grandguillaume. Die Antwort des Ministers präzisiert nicht, wer für die Durchführung dieser Anhörungen verantwortlich ist und ebenso wenig, wer die Entscheidung über die Zulässigkeit des Visa-Antrages zu Asylzwecken zu treffen hat. Er weist nur darauf hin, dass der Innenminister Anweisungen zum Visumantrag erteilt. 30 CE, Urteil vom 9. Juli 2015 – 391392. 31 BVerwG, Beschluss vom 14. April 1992 – 1 C 45.89 – NVwZ 1992, 556
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Bundesverwaltungsgericht hat die Territorialität des Asylrechts in diesem Zusammenhang nicht in Frage gestellt, sondern die Vorwirkungen des Asylrechts weit ausgelegt. Eine Lösung des Bundesverwaltungsgerichts hätte dem Gesetzgeber aufgeben können: Befreiung von der Visumspflicht für Asylbewerber, gefolgt von einem Flughafenverfahren bei deren Ankunft. Das Karlsruher Gericht hat jedoch anders entschieden: Das im Grundgesetz verankerte Asylrecht garantiere nicht die Möglichkeit, zum Zwecke des Asylgesuchs ohne Reisedokumente auf dem Luftoder Seeweg nach Deutschland einzureisen.32 Diese territoriale Konzeption des Asylrechts hat wichtige Auswirkungen: Erreicht ein Ausländer die deutsche Grenze nicht, so ist der Schutzbereich des Artikels 16a GG nicht eröffnet.33 Selbst wenn die Einreise ohne gültige Dokumente nicht als verfassungswidrig gilt, ist die Möglichkeit eines solchen Sachverhaltes nahezu unmöglich. Die Beförderungsunternehmen kontrollieren tatsächlich jene Reisedokumente vor der Beförderung und können die Beförderung der Drittstaatsangehörigen ohne gültige Dokumente verweigern. In diesem Fall üben die Beförderungsunternehmen eine polizeiliche Befugnis aus, indem sie letztlich indirekt über die Begründetheit eines Asylantrags entscheiden. Diese Meinung wurde auch vom Bundesverwaltungsgericht geteilt und hat es veranlasst, eine Vorlagefrage an den EuGH zu richten.34 Festzuhalten ist ferner, dass die aktuelle Rechtsprechungspraxis auch Fälle offengelegt hat, in denen durch den Irrtum eines Luftfahrtunternehmens Asylbewerber auf deutschem Staatsgebiet angekommen sind und anschließend internationalen Schutz erhalten haben.35 Auch das französische Recht sieht die Sanktionierung von Beförderungsunternehmen vor, wobei eine Ausnahme von dieser Regel vorgesehen ist: Eine Geldbuße wird nicht verhängt, wenn der Drittstaatsangehörige, der Asyl beantragt, in das französische Hoheitsgebiet aufgenommen wird oder wenn der Asylantrag nicht offensichtlich unbegründet ist.36 Diese Regelung lässt vermuten, dass die Unternehmen dazu angehalten sind, die Gründe der Verfolgung des Ausländers vor der Beförderung noch im Herkunftsland herauszufiltern. Die Verfassungsrichter haben diese Praxis bestätigt.37 Im Bewusstsein der Gefahr, die eine solche Auslegung darstellt, hat der Conseil constitutionnel einen Auslegungsvorbehalt geäußert, wonach es Sache des Verwaltungsgerichts ist, im Streitfall den Umfang der Haftung der
32
BVerfG, Beschluss vom 2. Dezember 1997 – 2 BvL 55/92 – 2 BvL 56/92 – BVerfGE 97, 49 – 67. 33 C. Breuer, Sanktionen gegen Beförderungsunternehmen und ihre Auswirkungen auf die Einreise potentieller Asylbewerber, in: Tagung Sichtvermerkspflicht, Sanktionen gegen Beförderungsunternehmen und Asylrecht, 1989, Bonn, S. 30 – 31. 34 BverwG, Beschluss vom 1. Juni 2017 – 1 C 23.16 – NVwZ 2017, 1474. Es handelt sich um den Fall C-412/17 vor dem Gerichtshof. Das Vorabentscheidungsersuchen wurde am 10. Juli 2010 eingereicht, Bundesrepublik Deutschland/Touring Tours und Travel GmbH. 35 VG Aachen, Urteil vom 30. Mai 2008 – 5 K 435/06.A – juris. 36 Artikel L625 – 5 CESEDA. 37 CC, Urteil vom 25. Februar 1992 – 92 – 307 DC.
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Beförderungsunternehmen zu beurteilen.38 Folglich kann das Verwaltungsgericht im Streitfall die Höhe der Geldbuße reduzieren, aber dieser Umstand hat nicht unbedingt eine stimulierende Wirkung auf Fluggesellschaften, die eine Gewinnmaximierung anstreben und kein Interesse daran haben, Risiken einzugehen, indem sie Ausländern, die Asyl beantragen wollen, die Einreise ermöglichen, während die Prüfung der Begründetheit ihres Antrags anschließend vor den für die Prüfung von Anträgen auf internationalen Schutz zuständigen französischen Verwaltungsbehörden abhängt. Dieses Risiko wird in der Praxis bestätigt: die Luftfahrtunternehmen bevorzugen es, die Beförderung eines Ausländers, der Asyl beantragen möchte, eher abzulehnen als das Risiko einer Bestrafung einzugehen. Die Analyse des französischen positiven Rechts und der Standpunkt des Conseil constitutionnel haben gezeigt, dass der französische Gesetzgeber bei der Umsetzung der Richtlinie die Einhaltung der Genfer Konvention sichergestellt hat. Die Bestimmungen dieser Konvention gelten aber nur, wenn sich der Ausländer auf französischem Hoheitsgebiet aufhält. Folglich liegt ihr Schicksal in der Praxis in den Händen von den Beförderungsunternehmen, deren Pflichten nicht eindeutig im positiven Recht erläutert werden. Dieser wichtige Mangel trägt zur Schwächung des Zugangs zum Asylverfahren bei. Das dargestellte Verhältnis zwischen EMRK Recht und Unionsrecht führt zu Unsicherheiten. Auf der einen Seite ist die Rechtsprechung des EGMR in seiner kasuistischen Vorgehensweise geschlossen, so dass keine allgemeingültigen Schlussfolgerungen gezogen werden können, die eine klare Konzeption von den Anforderungen an einen wirksamen Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecken erlauben. Es ist jedoch unbestreitbar, dass die Rechtsprechung des EGMR, freiwillig oder nicht, Anforderungen aufstellt, deren Einhaltung eine echte positive Verpflichtung der Staaten darstellt, den Zugang zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecke gewährleisten. Auf der anderen Seite enthält die Rechtsordnung der Union eine Reihe von Rechtsinstrumenten, deren Regeln zu den Besonderheiten des Unionsrechts gehören. Während einige dieser Instrumente die Einhaltung der Rechtsprechung des EGMR vorsehen, schwächen die genannten Besonderheiten den Anwendungsbereich des Grandsatzes der Nichtzurückweisung. Nun aber trägt die Vielfalt der Antworten auf europäischer Ebene zur Schwächung des Zugangs zum Hoheitsgebiet zu Asylzwecke bei. Angesichts dieser Unsicherheiten legt das Nationalrecht die Bedingungen für den Zugang zum Hoheitsgebiet auf der Grundlage ihrer jeweiligen Verfassungstraditionen fest und sind gleichzeitig offen für einen vertikalen Dialog. Die Qualität dieser Offenheit hängt jedoch vom horizontalen Dialog auf europäischer Ebene ab.
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A.a.o., Rn. 33.
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Titel 2: Die unterschiedlichen Auffassungen zur Bestimmung des Mitgliedstaats, der für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständig ist Wenn Drittstaatsangehörige erfolgreich in das Hoheitsgebiet der Union einreisen und Asyl beantragen, unterliegen sie dem Dublin Verfahren. Die Dublin-Verordnungen enthalten eine Reihe von Kriterien, deren Hierarchie es ermöglicht, den für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständigen Mitgliedstaat zu bestimmen und das Asylverfahren in diesem Staat einleiten. Dies bedeutet jedoch nicht, dass die Mitgliedstaaten verpflichtet sind, die Reihenfolge der Kriterien unter allen Umständen einzuhalten. In der Tat wird ihnen durch die verschiedenen Ausnahmeregelungen ein gewisser Handlungsspielraum eingeräumt. Die Rechtmäßigkeit der Überstellung eines Asylbewerbers in den zuständigen Staat wird von den europäischen Gerichtshöfen geprüft. Die Überschneidung der Zuständigkeit ergibt sich daraus, dass der EGMR die Konventionskonformität der Überstellungen auf der Grundlage von Artikel 3 EMRK in Verbindung mit Artikel 13 EMRK prüft. Der EuGH ist für die Auslegung der Texte zuständig, die die Rechtsgrundlage des Dublin Verfahrens bilden. Daher sind Fragen nach der Kohärenz zwischen der Rechtsprechung der europäischen Gerichtshöfe unvermeidlich. Die Einrichtung eines Dialogs kann zur Rechtssicherheit und Lesbarkeit der geltenden Rechtsvorschriften und letztlich zur Wirksamkeit des Zugangs zum Asylverfahren sowohl auf europäischer als auch auf nationaler Ebene beitragen. Kapitel 1: Die verschiedenen Prioritäten der europäischen Gerichtshöfe bei der Bestimmung des Mitgliedstaats, der für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständig ist Um die Entwicklung der Rechtsprechung zu vergleichen und Diskrepanzen in der Rechtsprechung der untersuchten Gerichtshöfe zu identifizieren, wurde ein historischer Ansatz verfolgt. Abschnitt 1: Der unzureichende Dialog zwischen dem EGMR und dem EuGH Es besteht die Notwendigkeit, die Haltung der beiden Gerichtshöfe zur Auslegung der Dubliner Rechtsinstrumente zu klären. Durch das Dubliner Übereinkommen sollte das als „Refugees in Orbit“ bekannte Phänomen vermieden werden.39 Die 39 Übereinkommen über die Bestimmung des zuständigen Staates für die Prüfung eines in einem Mitgliedstaat der Europäischen Gemeinschaften gestellten Asylantrags – Dubliner Übereinkommen, ABl. C 254 vom 19. 08. 1997, S. 1 – 12.
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grundlegende Logik des Dubliner Übereinkommens war die Bestimmung eines einzigen zuständigen Staates, der Teil der Wertegemeinschaft ist, die die Europäischen Gemeinschaften kennzeichnet. Die Bestimmung eines einzigen zuständigen Staates bedeutete, dass die anderen Unterzeichnerstaaten des Übereinkommens diese Verantwortung anerkannten, auf ihre Verantwortung verzichteten und darauf vertrauten, dass das im zuständigen Mitgliedstaat durchgeführte Asylverfahren mit ihrem nationalen Recht vereinbar ist, obwohl das gegenseitige Vertrauen noch nicht in dem Übereinkommen verankert war. Angesichts der Unzulänglichkeiten des Dubliner Übereinkommens und der Dublin-II-Verordnung40 hat der EGMR eine Rechtsprechung entwickelt, die sich auf die sich aus dem Soering-Urteil41 ergebenden Grundsätze stützt und die automatische Überstellung ablehnt.42 Infolge der „Flüchtlingskrise“ hat der EGMR seine Rechtsprechung im Urteil M.S.S. präzisiert, indem er die Methode, die es erlaubt, im Einzelfall die Konventionskonformität der Überstellungen zu bewerten, festlegte.43 Indem nun regelmäßig eine doppelte Analyse (generelle und individuelle Bewertung) angewendet wird, hat der EGMR zweifelsfrei zur Wirksamkeit eines Rechts auf Zugang zum Asylverfahren beigetragen. Aber er hat sich dabei auf dünnes Eis begeben, das die Reichweite des gegenseitigen Vertrauens, auf welchem das Dubliner System aufgebaut ist, infrage stellen könnte. Das Damoklesschwert, das über dem EuGH hängt, erlaubt ihm kaum, in seiner Antwort vom Gesetzgeber der Union abzuweichen. Ein zweites Schwert, das der EGMR verhängt hat, hat ihn dazu veranlasst, sich der Linie der Straßburger Rechtsprechung anzupassen44. Auch wenn der EuGH die Unwiderlegbarkeit der Vermutung des Schutzes der Grundrechte verneint hat, so kann diese Vermutung nur im Falle systemischer Mängel im Asylsystem des Zielstaates widerlegt werden. Diese Entscheidung beruht auf der Notwendigkeit, die Besonderheiten des Unionsrechts, einschließlich des Grundsatzes des raschen Verfahrensablaufs, einzuhalten, die ebenso wie die technischen Bestimmungen des Sekundärrechts von größerer Bedeutung sind. Die einzige Methode, die der EuGH zugelassen hat, um systemische Mängel zu bewerten, ist die generelle Bewertung eines Asylsystems. Tatsächlich konzipiert diese Rechtsprechung die Verantwortung der Mitgliedstaaten auf eine andere Weise: wenn ein Staat eine Verletzung begeht, kann ein anderer Staat 40
Verordnung (EG) Nr. 343/2003 des Rates vom 18. Februar 2003 zur Festlegung der Kriterien und Verfahren zur Bestimmung des Mitgliedstaats, der für die Prüfung eines von einem Drittstaatsangehörigen in einem Mitgliedstaat gestellten Asylantrags zuständig ist, ABl. L 50 vom 25. 2. 2003, S. 1 – 10. 41 EGMR, Urteil vom 7. Juli 1989 – Nr. 14038/88, Soering/Vereinigtes Königreich. 42 EGMR, Urteil vom 7. März 2000 – Nr. 43844/98, T.I./Vereinigtes Königreich; EGMR, Urteil vom 2. Dezember 2008 – Nr. 32733/08, K.R.S./Vereinigtes Königreich. 43 EGMR , Urteil vom 21. Januar 2011 – Nr. 30696/09, M.S.S./Belgien und Griechenland. 44 EuGH , Urteil vom 21. Dezember 2011 – C-411/10, N. S./Secretary of State for the Home Department; C-493/10, M. E. und andere/Refugee Applications Commissioner und Minister for Justice, Equality and Law Reform.
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sie in einer späteren Phase des Verfahrens vor den Gerichten dieses letzteren zuständigen Staates wiedergutmachen und in Einklang mit dem Grundsatz „overall fairness of the procedure“ bringen. Trotz einer möglichen versöhnlichen Auslegung, besteht der grundlegende Unterschied zwischen der Rechtsprechung der untersuchten Gerichtshöfe in der Methode, die sie anwenden, um das nicht EMRK konforme oder dem Artikel 4 Charta widersprechende Verhalten zu ermitteln. Selbst wenn es möglich ist, die Toleranzschwelle zu koordinieren, kann ein bestimmtes staatliches Verhalten durch die Brille des EuGH unsichtbar bleiben, insbesondere wenn die Versäumnisse im zuständigen Staat nicht systemisch sind, aber sie im Einzelfall die Verletzung von Artikel 3 EMRK verursachen. Das liegt daran, dass der EuGH keine individuelle Bewertung vornimmt. Dieses Konzept ist nicht zufällig: Die individuelle Beurteilung des Schicksals des Asylbewerbers durch den ersuchenden Mitgliedstaat würde einer Überprüfung der Rechtmäßigkeit der Behandlung von Asylbewerbern im zuständigen Staat gleichkommen. Diese Logik kann sich als problematisch erweisen, insbesondere wenn sich im Rahmen einer allgemeinen Bewertung herausstellt, dass keine systemischen Mängel im Zielstaat vorliegen, aber die Überstellung dennoch gegen absolute Rechte verstößt. Dieser Fall wird jedoch durch die Einzelfallprüfung abgedeckt, die sich auf die Rechtsprechung des EGMR stützt. Es ist festzuhalten, dass der EGMR die Konventionskonformität der Überstellungen auf der Grundlage der Souveränitätsklausel bewertet.45 Wenn ein Staat eine Verurteilung vor dem EGMR vermeiden will, hat er ein Interesse daran, die Souveränitätsklausel systematisch anzuwenden, was in Wirklichkeit zur Destabilisierung des Dubliner Systems führt, welches auf der Achtung des Grundsatzes des gegenseitigen Vertrauens beruht. Nach der Auslegung des EuGH kann die Überstellung im Falle systemischer Mängel nicht in den ursprünglich zuständigen Staat erfolgen. Damit erlischt das gegenseitige Vertrauen zwischen dem den zuständigen Mitgliedstaat bestimmenden Staat und dem zuständigen Mitgliedstaat. Das gegenseitige Vertrauen wird aber weiterhin zwischen dem den zuständigen Mitgliedstaat bestimmenden Staat und den anderen Mitgliedstaaten Wirkung entfalten. Der bestimmende Staat setzt nämlich die Suche nach einen anderen gegebenenfalls zuständigen Staat unter Vorbehalt einer angemessenen Frist fort.46 Nur um eine Überschreitung dieser angemessenen Frist zu vermeiden, ist die Souveränitätsklausel zwingend vorgeschrieben. Die Staaten sind aber auch an die Straßburger Rechtsprechung gebunden. Um eine Verurteilung zu vermeiden, haben sie daher ein Interesse daran, auf die Souveränitätsklausel zurückzugreifen, sobald es Anzeichen dafür gibt, dass systemische Mängel absolute Rechte verletzen könnten. Spätere
45 Die Anwendung der Souveränitätsklausel unterliegt keinen besonderen Bedingungen. EuGH, Urteil vom 30. Mai 2013 – C-528/11, Zuheyr Frayeh Halaf/Darzhavna agentsia za bezhantsite pri Ministerskia savet, Rn. 36. 46 EuGH , Urteil vom 14. November 2013 – C-4/11, Bundesrepublik Deutschland/ Kaveh Puid, Rn. 34 – 35.
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Urteile haben die aus den Urteilen M.S.S. und N.S. gezogenen Lehren bestätigt.47 In diesen Urteilen hat der EGMR grundsätzlich Nachsicht gezeigt, außer in den Fällen, in denen der Asylbewerber einer besonders schutzbedürftigen Gruppe angehörte.48 Das Urteil Tarakhel setzt diese Rechtsprechung fort.49 Trotz scheinbarer Dialogbereitschaft scheint der EGMR die Fälle, in denen die Überstellung verweigert werden kann, durch eine individuelle Bewertung ausgeweitet zu haben. Die Rechtsprechung des EuGH sieht ein solches Erfordernis jedoch nicht vor. Diese Elemente verdeutlichen unter dem Gesichtspunkt der Rechtssicherheit die alarmierende Notwendigkeit, eine Bestandsaufnahme der Grundvoraussetzungen für eine allgemeine und individuelle Bewertung vorzunehmen. Eine solche Bestandsaufnahme könnte für die nationalen Rechtsprechungen einen wichtigen Anhaltspunkt darstellen. Zu diesem Zweck könnte eine vorab erstellte Kriterienliste abweichende Praktiken verhindern. Das Prinzip des gegenseitigen Vertrauens würde nicht dadurch infrage gestellt, dass man sich über die Praxis eines anderen Mitgliedstaates erkundigt. Staatliche Interaktionen sollten jedoch in einem geregelten Rahmen stattfinden, der es ihnen erlaubt, im Einzelfall den Inhalt der individuellen Versicherungen und Garantien vorherzusehen. Nur eine sorgfältige Erstellung der Kriterien, unter denen die Überstellung stattfinden kann, garantiert einen wirksamen Zugang zum Asylverfahren. Ungeachtet des Ansatzes des EGMR im Tarakhel-Urteil hielt der EuGH an seiner Rechtsprechung in der Rechtssache N.S. fest.50 Die besonders legalistische Meinung des EuGH scheint den Öffnungsprozess gegenüber der Rechtsprechung des EGMR für eine gewisse Zeit eingefroren zu haben. Nur etwaige gesetzgeberische Maßnahme könnte den EuGH anregen, seine Rechtsprechung zu überdenken. Abschnitt 2: Der Beitrag der Dublin-III-Verordnung zur Herstellung des Dialogs zwischen den europäischen Gerichtshöfen Die Dublin-III-Verordnung kodifizierte die N.S.-Rechtsprechung, nämlich die Weigerung der Überstellung im Falle systemischer Mängel, und löste diese Bestimmung ausdrücklich von den Ausnahmeregelungen. Darüber hinaus hat der EUGesetzgeber die Fälle erweitert, in denen gegen die Rechtmäßigkeit von Überstellungen Rechtsmittel eingelegt werden kann. Angesichts dieser Entwicklungen hat der EuGH die normative Befugnis erhalten, eine „mutigere“ Auslegung vorzuneh47 EGMR, Urteil vom 6. Juni 2013 – Nr. 2283/12, Mohammed/Österreich; EGMR, Urteil vom 3. Juli 2014 – Nr. 71932/12, Mohammadi/Österreich. 48 EGMR, Urteil vom 2. April 2013 – Nr. 27725/10, Mohammed Hussein u. a./die Niederlande und Italien. 49 EGMR , Urteil vom 4. November 2014 – Nr. 29217/12, Tarakhel/die Schweiz. 50 EuGH , Urteil vom 10. Dezember 2013 – C-394/12, Shamso Abdullahi/Bundesasylamt.
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men, um den Schutz der Grundrechte von Asylsuchenden zu verbessern.51 Das Urteil C.K.52 scheint die aus dem Urteil Tarakhel und Halimi gezogenen Lehren widerzuspiegeln; die Gemeinsamkeit dieser Fälle besteht in der besonderen Schutzbedürftigkeit der Antragsteller. Selbst wenn die Überstellung unter voller Beachtung der vom EuGH vorgeschlagenen Voraussetzungen erfolgt, kann, wie das Beispiel Tarakhel zeigt, sich der für die Überstellung zuständige Mitgliedstaat nicht von der Haftung nach Artikel 4 der Charta befreien, sofern er keine individuellen Garantien für die Behandlung des Antragstellers nach der Überstellung erhält. Der EuGH schließt sich hier der Rechtsprechung des EGMR an. Der EuGH misst dem zwischenstaatlichen Dialog eine grundlegende Bedeutung zu, um nicht mehr rückgängig zu machenden Verletzungen zu verhindern. In Rahmen dieses wechselseitigen Dialogs müssen die Informationen innerhalb einer angemessenen Frist vor der Überstellung übermittelt werden, damit der zuständige Mitgliedstaat ausreichend Zeit hat, erforderliche Maßnahmen zu ergreifen.53 Es sei darauf hingewiesen, dass solche Vorkehrungen nicht nur im Interesse der Verhinderung irreversibler Verstöße unerlässlich sind, sondern auch zu einer wirksameren Inanspruchnahme des Rechts auf Zugang zum Asylverfahren im zuständigen Staat beitragen. Der EuGH erkennt an, dass obwohl der Unionsgesetzgeber nur die Kategorie der systemischen Mängel zur Verhinderung der Überstellung berücksichtigt hat, Erwägungen, die an tatsächliche und erwiesene Gefahren unmenschlicher oder erniedrigender Behandlung im Sinne von Art. 4 der Charta anknüpfen, in Ausnahmefällen Folgen insbesondere für die Überstellung eines Asylbewerbers haben können.54 Es scheint, dass selbst der EuGH anerkennt, dass eine solche Lösung das Prinzip des gegenseitigen Vertrauens schwächen kann, indem er sich bemüht herauszustellen, dass diese Lösung die Vermutung der Achtung der Grundrechte in den Mitgliedsstaaten nicht in Frage stellt, aber gleichzeitig sicherstellt, dass die Mitgliedstaaten den im vorliegenden Urteil behandelten Ausnahmefällen gebührend Rechnung tragen.55 Mit dieser sich selbst rechtfertigenden Auslegung sowie mit der Bezugnahme auf Artikel 4 Charta, hat der EuGH die Büchse der Pandora der „Ausnahmefälle“ geöffnet und somit den Erosionsprozess des gegenseitigen Vertrauens in Gang gesetzt. Sicherlich bezeugt eine solche Rechtsprechungskonzeption einen manifesten Willen, sich dem EGMR anzunähern. Allerdings ist der Weg noch lange und benötigt axiologische und begriffliche Klarstellungen in der Rechtsprechung des EuGH. Was die Rechtsprechung des EGMR anbelangt, führt sein kasuistisches Vorgehen zu einer Vielfalt in seinen Begründungen, die es verhindern, langfristige Folgerungen 51 EuGH , Urteil vom 7. Juni 2016 – C-63/15, Mehrdad Ghezelbash/Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie; EuGH , Urteil vom 7. Juni 2016 – C-155/15, George Karim/ Migrationsverket; EuGH , Urteil vom 26. Juli 2017 – C-670/16, Tsegezab Mengesteab/ Bundesrepublik Deutschland. 52 EuGH, Urteil vom 16. Februar 2017 – C-578/16 PPU, C. K. u. a./Republika Slovenija. 53 A.a.o., Rn. 83. 54 A.a.o., Rn. 92. 55 A.a.o., Rn. 95.
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zu ziehen. Diese wenig durchsichtige Rechtsprechung destabilisiert das Verhalten der nationalen Behörden und Gerichten.56 Kapitel 2: Nationale Anstrengungen für eine kohärente Umsetzung der europäischen Rechtsprechung: ein notwendiger zweistufiger Dialog Die Unzulänglichkeit des Dialogs auf europäischer Ebene und die Inkohärenz in den Begründungen der beiden untersuchten Gerichtshöfe zeigen sich im Wesentlichen in zwei Punkten. Erstens, die Anwendung der Souveränitätsklausel und die Festlegung der außergewöhnlichen Umstände, unter denen die Überstellung verweigert werden kann, bedürfen einer dogmatischen Klarstellung. Zweitens, was die Frage der Methode zur Beurteilung der Rechtmäßigkeit von Überstellungen betrifft, so hat der EuGH vor kurzem die Notwendigkeit einer Beurteilung der individuellen Situation der Antragsteller anerkannt. Die Frage ist, ob die nationalen Gerichte dem Grundsatz des gegenseitigen Vertrauens und den darauf aufbauenden Rechtskonstruktionen noch pragmatische Bedeutung beimessen können. Abschnitt 1: Leitlinien zur Bestimmung des Mitgliedstaats, der für die Prüfung eines Antrags auf internationalen Schutz zuständig ist im nationalen Recht Während die deutsche verfassungsgebende Gewalt aufgrund der dualistischen Rechtsordnung ein autonomes Konzept zur Festlegung der Fälle entwarf, in denen die Überstellung in einen sicheren Staat nicht erfolgen kann, wurden die Anforderungen des Dubliner Übereinkommens in die französische innerstaatliche Rechtsordnung gemäß der monistischen Konzeption umgesetzt und dabei wurde die Einhaltung von Artikel 33 Genfer Konvention sichergestellt. In Deutschland war die Verabschiedung des Asylkompromisses 1993 der erste Schritt zur Identifizierung von Asylbewerbern aus sicheren Drittstaaten und aus sicheren Herkunftsländern. Die Einführung dieser Kategorien hat für die aus diesen Ländern stammenden Ausländer die Möglichkeit in Deutschland Asyl zu beantragen praktisch ausgeschlossen. Dennoch hat das Bundesverfassungsgericht festgestellt, dass diese Vermutung widerlegbar ist und das Konzept der normativen Vergewis-
56 Folgende Entscheidungen wurden näher untersucht: EGMR, Urteil vom 13. Januar 2015 – Nr. 51428/10, A.M.E./die Niederlande; EGMR, Urteil vom 3. Februar 2015 – Nr. 63469/09, M.O.S.H./die Niederlande; EGMR, Urteil vom 2. April 2013 – Nr. 27725/10, Mohammed Hussein u. a./die Niederlande und Italien; EGMR, Urteil vom 28. Juni 2016 – Nr. 15636/16, N.A. u. a./Dänemark; EGMR, Urteil vom 30. Juni 2015 – Nr. 39350/13, A.S./die Schweiz; EGMR, Urteil vom 2. Mai 1997 – Nr. 30240/96, D./Großbritannien.
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serung festgelegt.57 Die diesem Konzept zugrunde liegende Logik und die auf dem Grundsatz des gegenseitigen Vertrauens beruhende Vermutung der Achtung der Grundrechte in den Mitgliedstaaten der Union überschneiden sich weitgehend. Im Gegensatz zur Weigerung der Überstellung aufgrund von systemischen Mängeln sind die Grenzen des Konzepts der normativen Vergewisserung jedoch weiter gefasst. Daher stellt sich die Frage, welche Lösung die Verwaltungsgerichtsbarkeit anwenden sollte. Die Antwort auf diese Frage ist umso wichtiger, als die Praxis oft die Prüfung der Rechtmäßigkeit von Überstellungen im Sinne von den Dublin-Verordnungen mit der Anwendbarkeit des Konzepts der normativen Vergewisserung verwechselt.58 Der Anwendungsbereich dieses Konzepts ist jedoch unabhängig von den Dublin-Verordnungen, zumal ein von einem Verfassungsgericht erstelltes Konzept nicht berücksichtigt werden kann, wenn die Rechtmäßigkeit der Überstellung an den nach den Dublin-Verordnungen zuständigen Staat überprüft werden soll.59 Die Aufrechterhaltung einer solchen Regelung kann das Prinzip des gegenseitigen Vertrauens untergraben. Jedenfalls fehlen in der jüngsten Rechtsprechung häufig Verweise auf das Konzept. Dieser Umstand hindert die Verwaltungsgerichte jedoch nicht daran, Fälle zu beurteilen, deren Umfang die Grenzen der Vermutung der Achtung der Grundrechte unter dem Gesichtspunkt der Souveränitätsklausel überschreitet. Tatsächlich prüfen die nationalen Gerichte unabhängig von systemischen Mängeln das Vorliegen von zielstaatsbezogenen Abschiebungshindernissen sowie von inlandsbezogenen Abschiebungshindernissen nach § 60 Abs. 1 Aufenthaltsgesetz. Es ist hier unerheblich, ob systemische Mängel festgestellt werden können, da auch die Reiseunfähigkeit des Asylbewerbers als inlandsbezogenes Abschiebungshindernis die Überstellung verhindern kann.60 Daraus folgt, dass das deutsche Recht einen weiten Ermessensspielraum bietet, Überstellungen auf der Grundlage seines nationalen Rechts abzulehnen. In Frankreich ist zwar die Einhaltung von Artikel 33 Genfer Konvention erforderlich,61 in der Praxis erfolgt die Überstellung an den zuständigen Staat jedoch nahezu automatisch. So wird die Souveränitätsklausel selten angewendet. Aufgrund der monistischen Rechtsordnung sind die Voraussetzungen für die Beurteilung der
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BVerfG, Urteil vom 14 Mai 1996 – 2 BvR 1938/93 – BVerfGE 94, 49. VG Trier, Beschluss vom 16. April 2014 – 5 L 569/14.TR – juris, Rn. 47 – 48. 59 Ein Teil der Rechtslehre spricht sogar vom Ende des Konzepts der „normativen Vergewisserung“, da die genannten Ausnahmeregelungen strenger als die Anforderungen zur Feststellung systemischen Schwachstellen sind und somit gegen das Unionsrecht verstoßen. Zimmermann/Lutz, Artikel 27 Dublin III-Verordnung: das Ende des Konzepts „normativer Vergewisserung“, in: Grenzüberschreitendes Recht: Festschrift für Kay Hailbronner, 2013, S. 275. 60 Bergmann, Das Dublin-Asylsystem, ZAR, 35. (2015), 3, S. 86. 61 CC, Urteil vom 13. August 1993 – 93 – 325 DC, Loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France [Gesetz über die Kontrolle der Einwanderung und die Bedingungen für die Einreise, Aufnahme und den Aufenthalt von Ausländern in Frankreich], Rn. 85. 58
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Rechtmäßigkeit von Überstellungen nicht im nationalen Recht, sondern vielmehr in der europäischen Rechtsprechung zu finden. Wird von der Umsetzung der europäischen und nationalen Leitlinien zur Bestimmung des für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständigen Mitgliedstaates gesprochen, so ist hierunter der Prozess zu verstehen, bei dem die Akteure auf nationaler Ebene die vom EGMR und vom EuGH stammende Rechtsprechung umsetzen. Während diese aus der europäischen Rechtsprechung stammenden Standards im deutschen Recht mit den deutschen Verfassungstraditionen abgestimmt werden müssen, spiegelt das beschriebene Verfahren im französischen Recht die gleichen Unsicherheiten wider, die das Verhältnis der Rechtsprechung des EGMR und dem EuGH bei der Bestimmung des zuständigen Staates kennzeichnen. In Deutschland war es notwendig, den Geltungsbereich der Souveränitätsklausel festzulegen. Ihre Anwendung ist stark von der Europarechtsfreundlichkeit geprägt, d. h., die innerstaatlichen Maßnahmen müssen im Interesse des Unionsrechts umgesetzt werden.62 Eine solche Auffassung erklärt die Anwendung der Souveränitätsklausel im deutschen Recht im Interesse eines beschleunigten Verfahrens.63 Die Überschreitung der Fristen für das Verfahren zur Bestimmung des zuständigen Staates löst automatisch die Anwendbarkeit der Souveränitätsklausel aus. Allerdings hat die Rechtslehre auf die Gefahr hingewiesen, die die unkontrollierte Anwendung der Souveränitätsklausel aus der Sicht des Unionsrechts darstellen kann.64 Der „effet utile“ der Dublin-III-Verordnung besteht nicht nur darin, ein beschleunigtes Verfahren zu gewährleisten, sondern auch Kriterien zur Bestimmung des zuständigen Mitgliedstaats festzulegen und den Grundsatz des gegenseitigen Vertrauens zu beachten. Was die Rechtsnatur der Souveränitätsklausel betrifft, so stellt diese Klausel nach Ansicht einiger Gerichten ein subjektives Recht zugunsten von Asylbewerbern dar.65 Diese Ansicht wird jedoch nicht in allen Fällen geteilt, da Artikel 3 Abs. 2 der Dublin-II-Verordnung nach der Rechtsprechung einen Ermessensspielraum vorsieht, dessen Ausübung in bestimmten Fällen auf null reduziert werden kann.66 Der Rückgriff auf die Souveränitätsklausel ermöglicht es daher, die Rechtsordnung des zuständigen Staates zu beurteilen, und die Tragweite dieser Klausel entspricht in der Praxis somit der Tragweite der Weigerung von Überstellungen aufgrund außergewöhnlicher Umstände im Sinne des N.S.-Urteils. Deswegen untersuchen einige Verwaltungsgerichte das Bestehen systemischer Mängel aus der Perspektive der 62
Marx, AsylG : Kommentar zum Asylgesetz, 9. Aufl. 2017, § 29 Rn. 60. Commission staff working document accompanying document to the Report from the Commission to the European Parliament and the Council on the evaluation of the Dublin system – Annex to the communication on the evaluation of the Dublin system {COM(2007) 299 final} SEC/2007/0742 final. 64 Filzwieser/Sprung, Dublin III-Verordnung: das europäische Asylzuständigkeitssystem, Berlin, in: Berliner Wissenschafts-Verlag, 2014, S. 473. 65 VG Karlsruhe, Urteil vom 6. März 2012 – A 3 K 3069/11 – juris, Rn. 41. 66 Marx, AsylG : Kommentar zum Asylgesetz, § 29 Rn. 62; OVG Sachsen-Anhalt, Urteil vom 2. Oktober 2013 – 3 L 643/12 – juris, Rn. 52. 63
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Souveränitätsklausel:67 dies ist eine Praxis, die vom EGMR und einem Großteil der Rechtslehre befürwortet wird. Hinsichtlich des Verhältnisses zwischen der Souveränitätsklausel und dem Konzept der normativen Vergewisserung wird die Souveränitätsklausel, wie im französischen Verfassungsrecht, generell auf die Gewährung von Verfassungsasyl angewandt. Unter Vorbehalt der Achtung des Konzepts der normativen Vergewisserung kann sich jedoch eine Person, die aus einem Mitgliedstaat der Union in das deutsche Hoheitsgebiet einreist, nicht auf Verfassungsasyl berufen. Dieses Konzept kann nur im Rahmen der Souveränitätsklausel geltend gemacht werden. Da der Anwendungsbereich des Konzepts der normativen Vergewisserung dem Anwendungsbereich der Verweigerung von Überstellungen wegen außergewöhnlicher Umstände ähnlich ist, wurde das Bundesverfassungsgericht mit der Frage konfrontiert, ob das Grundgesetz die Verwaltungsgerichte anweist, die Grenzen dieses Konzepts bei der Überstellung der Asylbewerber in den zuständigen Mitgliedstaat zu prüfen, und wenn ja, inwiefern eine Prüfung zu erfolgen hat.68 Die an das Bundesverfassungsgericht gestellte Frage betraf nämlich die Tragweite dieser beiden Kategorien und insbesondere die Klärung ihres Verhältnisses. Wenn der Anwendungsbereich der Ausnahmeregelungen zum Konzept der normativen Vergewisserung größer als der Anwendungsbereich der Verweigerung von Überstellungen aufgrund systemischer Schwachstellen ist, könnten diese Ausnahmeregelungen unter der Souveränitätsklausel geltend gemacht werden. Unserer Ansicht nach fallen die Ausnahmen vom Konzept der normativen Vergewisserung und die Gründe für die Gewährung von Verfassungsasyl in den Anwendungsbereich der Souveränitätsklausel. Darüber hinaus kann die Souveränitätsklausel geltend gemacht werden, wenn die persönliche Situation, insbesondere der Gesundheitszustand, trotz des Fehlens systemischer Mängel, ihre Anwendung rechtfertigen kann.69 Ungeachtet des Ermessensspielraums der deutschen Verwaltungsgerichte bei der Beurteilung der Auslösung der Souveränitätsklausel kann ihre häufige Anwendung das System der Bestimmung des zuständigen Staates, das auf der Grundlage der Achtung des Grundsatzes des gegenseitigen Vertrauens aufgebaut worden ist, untergraben. Mit anderen Worten kann die volle Achtung der europäischen Rechtsprechung und der Verfassungstraditionen im deutschen Recht zum Ende des Prinzips des gegenseitigen Vertrauens sowie der Verteilung der Asylantragsteller gemäß dem Dublin System führen. In Frankreich wurde versucht, die Bearbeitung von Anträgen auf internationalen Schutz zu rationalisieren. Bei der Analyse der französischen Verwaltungsrechtsprechung darf die Argumentationstechnik der Antragsteller nicht außer Acht ge67
VG Trier, Urteil vom 30. Mai 2012 – 5 K 967/11.TR – juris; VG Berlin, Urteil vom 13. Dezember 2016 – 3 K 509.15 A – juris; VG Stuttgart, Urteil vom 31. Januar 2014 – A 11 K 3470/13 – juris. 68 BVerfG, Urteil vom 8. September 2009 – 2 BVQ 56/09 – NVwZ 2009, 1281. 69 VG Hamburg, Urteil vom 23. April 2014 – 10 A 1242/12 – juris.
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lassen werden. Sie neigen dazu, sich zugleich auf einen Verstoß gegen Artikel 17 der Dublin-III-Verordnung und Artikel 3 Abs. 2 der Dublin-III-Verordnung zu berufen und machen geltend, dass das Bestehen systemischer Mängel im Zielstaat eine Überstellung nicht zulässt. Diese Verwirrung ist unmittelbar auf den unzureichenden Dialog zwischen den europäischen Gerichtshöfen zurückzuführen. Obwohl die Verwaltungsrichter verpflichtet sind, omnia petita fortzuführen,70 können sie jedoch die Prüfung der von den Parteien angeführten Gründe im Geiste des Dialogs rechtmäßig neu organisieren. Was den Anwendungsbereich der Souveränitätsklausel betrifft, stellt die von den Verwaltungsgerichten vorgeschlagene Auslegung die Zweckmäßigkeit des auf der Achtung des Grundsatzes des gegenseitigen Vertrauens beruhenden Systems zur Bestimmung des zuständigen Staates in Frage und der Unterschied zwischen der Souveränitätsklausel und der Weigerung der Überstellungen wegen systemischer Mängel verringert sich oder verschwindet gänzlich. Angesichts der mangelnden Klarheit der europäischen Rechtsprechung und der Notwendigkeit, Dublin-Fälle zügig zu bearbeiten, haben es einige Verwaltungsgerichte vorgezogen, die Auslösung der Souveränitätsklausel und die Weigerung der Überstellungen wegen systemischer Mängel zusammen zu prüfen.71 Zwar trägt die gemeinsame Prüfung aller Aspekte, die für die Bestimmung des zuständigen Staates relevant sind, dazu bei, dass ein potenziell zuständiger Staat, in dem systemische Mängel vorhanden sind, rasch erkannt wird und somit ein wirksamer Zugang zum Asylverfahren gewährleistet ist. Andererseits schwächt eine solche vereinfachte Konzeption die Daseinsberechtigung des Dublin Systems, das auf der vollen Achtung des Grundsatzes des gegenseitigen Vertrauens beruht. Abschnitt 2: Die Methode zur Bestimmung des Mitgliedstaates, der für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständig ist Der EuGH empfiehlt eine allgemeine Bewertung, um festzustellen, ob systemische Mängel in einem solchen Ausmaß vorliegen, dass sie gegen Artikel 4 Charta verstoßen könnten. Die Art und Weise, in der diese Bewertung vorzunehmen ist, ist jedoch in der Rechtsprechung der untersuchten Gerichtshöfe nicht klar definiert. Daher ist der Dialog zwischen den nationalen Verwaltungsgerichten von grundlegender Bedeutung. Analysiert wurde die Prüfung der Rechtmäßigkeit von Überstellungen nach Ungarn, weil die Bewertung des Asylsystems dieses Staates auf europäischer Ebene heftig umstritten war. Im Jahr 2012 haben die deutschen Verwaltungsgerichte nach den Urteilen M.S.S. und N.S. damit begonnen, das ungarische Asylsystem genauer zu prüfen, bevor sie 70
Gabolde, Procédure des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, 5. Auflage, in: Dalloz, 1991, S. 395. 71 CAA Nantes, Urteil vom 19. Oktober 2016 – 15NT01607; CAA Nantes, Urteil vom 27. Oktober 2015 – 15NT01690.
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die Überstellung von Asylbewerbern in diesen Mitgliedstaat anordneten. Ursprünglich gab es Divergenzen in der Rechtsprechung,72 ab 2015 wurde der vertikale Dialog zwischen den Verwaltungsgerichten aber zur Regel.73 Mögliche Unstimmigkeiten in der Rechtsprechung ergaben sich damals nur bedingt durch die verspätete Berücksichtigung von Gesetzesänderungen im ungarischen Rechtssystem. Eine Analyse der Urteile aus dem Jahr 2014 zeigt deutlich, inwieweit der Aufenthaltsort des Asylbewerbers von einem Land zum anderen sein Recht auf Zugang zum Asylverfahren und die Wirksamkeit der Inanspruchnahme dieses Rechts bestimmt. Die Rechtmäßigkeit der Überstellung muss jedoch nach den in der europäischen und nationalen Rechtsprechung sorgfältig ausgearbeiteten Aspekten unter voller Berücksichtigung des Grundsatzes der Rechtssicherheit beurteilt werden. Abgesehen von den oben genannten Beispielen ist die deutsche Rechtsprechung nunmehr einheitlich und die Überstellung von Asylbewerbern nach Ungarn ist eher die Ausnahme als die Regel. Die Analyse der genannten Urteile hat deutlich gezeigt, dass ein wirksamer Zugang zum Asylverfahren nicht nur von einer klaren und kohärenten Rechtsprechung auf europäischer Ebene abhängt, sondern auch von einem horizontalen Dialog zwischen Verwaltungsgerichten und einem vertikalen Dialog zwischen nationalen und europäischen Gerichten. Allerdings fehlen in der französischen Verwaltungsrechtsprechung Bemühungen um einen solchen ausgefeilten und globalen Dialog. Selbst die Rechtsprechung des Conseil d’État zeigt Unterschiede bei der Prüfung der Rechtmäßigkeit der Überstellungen nach Ungarn: manchmal verweigert er die Überstellungen74 und manchmal genehmigt er diese.75 Die Rechtsprechung der Verwaltungsgerichte lässt sich in zwei Linien unterteilen: einige Gerichte erlauben systematisch die Überstellung von Asylbewerbern nach Ungarn, während andere das Gegenteil entscheiden. So genehmigen die Oberverwaltungsgerichte von Lyon und Paris aus72
VG Stuttgart, Beschluss vom 2. April 2012 – A 11 K 1039/12 – juris; VG Stuttgart, Beschluss vom 14. August 2012 – A 7 K 2589/12 – juris; VGH Baden-Württemberg, Beschluss vom 6. August 2013 – 12 S 675/13 – juris; VG Trier, Beschluss vom 15. Januar 2013 – 5 L 51/ 13.TR – juris; VG Ansbach, Beschluss vom 7. Januar 2013 – 11 E 13.30011 – juris; VG Karlsruhe, Beschluss vom 10. Dezember 2013 – A 9 K 3150/13 – juris; VG Potsdam, Beschluss vom 29. Januar 2014 – 6 L 29/14.A – juris; VG Stuttgart, Urteil vom 26. Juni 2014 – A 11 K 387/ 14 – juris; VG Hamburg, Beschluss vom 10. Februar 2014 – 19 AE 5415/13 – juris; VG Trier, Beschluss vom 16. April 2014 – 5 L 569/14.TR – juris; VG München, Beschluss vom 28. Oktober 2013 – M 21 S 13.31076 – juris; VG Düsseldorf, Beschluss vom 8. September 2014 – 9 L 1506/14.A – juris; VG Hamburg, Beschluss vom 18. Februar 2015 – 2 AE 354/15 – juris; VG München, Urteil vom 30. Juni 2015 – M 12 K 15.50466 – juris; VG Frankfurt, Beschluss vom 23. Juni 2015 – 3 L 54/15.A – juris; VG Darmstadt, Urteil vom 30. September 2015 – 3 K 1800/13.DA.A – juris. 73 VG Potsdam, Beschluss vom 17. Juli 2015 – 6 L 775/15.A – juris; VG Berlin, Urteil vom 10. Dezember 2015 – 9 K 87.15 A – juris; VG Darmstadt, Urteil vom 30. September 2015 – 3 K 1800/13.DA.A – juris; VG Wiesbaden, Beschluss vom 14. Januar 2016 – 4 L 1778/15.WI.A(2) – juris; OVG Sachsen, Urteil vom 6. Juni 2017 – 4 A 584/16.A – juris. 74 CE, Urteil vom 16. Oktober 2013 – 372677. 75 CE, Urteil vom 29. Oktober 2013 – 372998.
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nahmslos Überstellungen nach Ungarn.76 Pragmatisch gesehen wissen Asylsuchende, die unter die Zuständigkeit dieser Gerichte fallen, im Voraus, dass das sie betreffende Asylverfahren in Ungarn stattfinden wird. Die Begründung dieser Verwaltungsgerichte ähnelt weitgehend der Position des EuGH, wonach die Vermutung der Achtung der Grundrechte nur in Ausnahmefällen widerlegt werden kann. Im selben Zeitraum haben einige Verwaltungsgerichte einen Ansatz gewählt, der im Gegensatz zu den Urteilen der Verwaltungsgerichte von Bordeaux, Douai, Lyon, Paris und Versailles steht.77 Was die Gesamtbewertungsmethode zur Bestimmung des für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständigen Mitgliedstaates betrifft, hat die Methode der Bewertung des Bestehens systemischer Mängel eine gewisse Vielfalt in der deutschen Rechtsprechung gezeigt. Die meisten Verwaltungsgerichte prüfen das Bestehen systemischer Mängel aus der Perspektive der Souveränitätsklausel, und die Prüfung der Rechtmäßigkeit der Weigerung der Überstellung und der Anwendbarkeit der Souveränitätsklausel erfolgt gemeinsam. Die hier angewandte Methode besteht daher aus einer allgemeinen und individuellen Bewertung. Somit lässt sich der Schluss ziehen, dass die Souveränitätsklausel zu einem Oberbegriff geworden ist, der alle Aspekte umfasst, deren Prüfung durch den Straßburger Gerichtshof, den Luxemburger Gerichtshof und die Verwaltungstraditionen vorgeschrieben ist. Die nahezu permanente Anwendung macht den Grundsatz des gegenseitigen Vertrauens überflüssig. Diese Auffassung wird jedoch nicht von allen Verwaltungsgerichten geteilt. Erst im Jahr 2014 beantwortete das Bundesverwaltungsgericht die Frage, inwieweit die individuellen Erfahrungen des Asylbewerbers bei der Entscheidung über eine Überstellung berücksichtigt werden sollen.78 Das Bundesverwaltungsgericht hat in Anlehnung an das N.S.-Urteil klargestellt, dass die Beurteilung der persönlichen Situation des Asylsuchenden bei der Beurteilung von systemischen Mängeln keinen Platz hat. Das Bundesverwaltungsgericht führt weiter aus, dass „derartige individuelle Erfahrungen vielmehr in die Gesamtwürdigung einzubeziehen sind, ob systemische Mängel im Zielland der Abschiebung des Antragstellers … vorliegen …. In diesem begrenzten Umfang sind individuelle Erfahrungen des Betroffenen zu berücksichtigen“79. Der Wortlaut des Urteils des Bundesverwaltungs76 CAA Lyon, Urteil vom 13. Dezember 2016 – 15LY02193; CAA Lyon, Urteil vom 13. Dezember 2016 – 16LY02818; CAA Lyon, Urteil vom 2. Mai 2017 – 15LY04062; CAA Paris, Urteil vom 3. Mai 2017 – 16PA00620; CAA Lyon, Urteil vom 11. Mai 2017 – 16LY01540. 77 CAA Versailles, Urteil vom 28. Juni 2017 – 16VE02239; CAA Marseille, Urteil vom 24. Oktober 2017 – 16MA04126; CAA Douai, Urteil vom 25. April 2017 – 16DA02207; CAA Nantes, Urteil vom 7. Dezember 2016 – 15NT03324; CAA Nantes, Urteil vom 7. Dezember 2016 – 15NT03902; CAA Nantes, Urteil vom 10. Januar 2017 – 16NT00639; CAA Nancy, Urteil vom 30. März 2017 – 16NC02477 – 16NC02478; CAA Nantes, Urteil vom 10. Mai 2017 – 16NT01478; CAA Bordeaux, Urteil vom 1. Dezember 2016 – 16BX02284; CAA Bordeaux, Urteil vom 15. Dezember 2016 – 16BX02843. 78 BVerwG, Beschluss vom 6. Juni 2014 – 10 B 35.14 – NVwZ 2014, 1677, Rn. 6. 79 A.a.o.
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gerichts ist besonders zweideutig: Er bezieht sich nur auf die individuellen Erfahrungen des Antragstellers. Mit anderen Worten: Wenn sich der Antragsteller z. B. auf seine familiäre Situation beruft, muss dies unter dem Gesichtspunkt der Prüfung von systemischen Mängeln berücksichtigt werden? Die Antwort auf diese Frage wird durch das Urteil Tarakhel gegeben, und es oblag den Verwaltungsgerichten, sie umzusetzen.80 Die Analyse der zitierten Urteile bestätigte, dass die Umsetzung der Rechtsprechung der untersuchten europäischen Gerichtshöfe die Haltung der Verwaltungsgerichte bei der Prüfung der Rechtmäßigkeit von Überstellungen nicht grundlegend verändert hat. Das Gewicht, das einer allgemeinen und individuellen Bewertung beigemessen wird, bedeutet, dass Überlegungen zu den zwischenstaatlichen Beziehungen, die auf der Achtung des Grundsatzes des gegenseitigen Vertrauens beruhen, an Bedeutung verlieren. Was die Rechtslage in Frankreich betrifft, so prüfen die Verwaltungsgerichte die Rechtmäßigkeit einer Abschiebung auf der Grundlage des Artikel 3 EMRK, um trotz einer uneinheitlichen europäischen Rechtsprechung eine kohärente Methode festzulegen. Die Analyse der französischen Praxis zeigt, dass die allgemeine Regel für die Beurteilung des Vorliegens systemischer Mängel nun eine allgemeine Bewertung in Verbindung mit der Beurteilung der individuellen Situation der Antragsteller ist.81 Einerseits scheinen die französischen Verwaltungsgerichte dem Grundsatz des gegenseitigen Vertrauens nicht mehr viel Bedeutung beizumessen; hingegen können sie, selbst wenn sie die individuelle Situation der Asylbewerber unter dem Gesichtspunkt der Souveränitätsklausel beurteilen, sich nicht von der Achtung des Grundsatzes des gegenseitigen Vertrauens loslösen. Andererseits ermöglicht die Wahl dieser Methode, die vom EGMR befürwortet worden ist, eine umfassendere Prüfung des Asylsystems des Zielstaates durchzuführen. Diese Lösung ist daher vorteilhaft, um eine größere Wirksamkeit des Rechts auf Zugang zum Asylverfahren zu gewährleisten. Über den unsicheren Platz des Grundsatzes des gegenseitigen Vertrauens auf europäischer Ebene hinaus ist die Wirksamkeit des Rechts auf Zugang zum Asylverfahren jedoch besonders gefährdet, da die Methode zur Beurteilung der Rechtmäßigkeit von Überstellungen noch nicht gefestigt ist. Die Methode könnte durch einen horizontalen und vertikalen Dialog ausgestaltet werden. 80 VG Stuttgart, Urteil vom 24. Juni 2014 – A 11 K 741/14 – juris; VG Hamburg, Beschluss vom 2. Januar 2014 – 17 AE 5199/13 – juris; VG Frankfurt, Beschluss vom 13. Mai 2016 – 6 L 9/16.A – juris; VG Frankfurt, Beschluss vom 12. Mai 2016 – 6 L 914/15.A – juris; VG Trier, Beschluss vom 16. März 2017 – 5 L 1846/17.TR – juris; VG Potsdam, Beschluss vom 25. Juni 2015 – 6 L 802/15.A – juris; VG Stuttgart, Beschluss vom 31. Januar 2014 – A 11 K 3470/13 – juris; VG Schleswig-Holstein, Urteil vom 1. Oktober 2015 – 12 A 53/15 – juris; OVG BadenWürttemberg, Urteil vom 18. März 2015 – A 11 S 2042/14 – juris; VG Gießen, Beschluss vom 13. Januar 2015 – 1 L 3772/14.GI.A – juris; VG Freiburg, Urteil vom 4. Februar 2016 – A 6 K 1356/15 – juris; VG Potsdam, Urteil vom 11. März 2016 – VG 12 K 216/15.A – juris. 81 CAA Douai, Urteil vom 14. Dezember 2015 – 14DA01550; CAA Nancy, Urteil vom 19. Januar 2017 – 16NC01738; CAA Bordeaux, Urteil vom 30. Juni 2016 – 16BX01044, 16BX01046; CAA Lyon, Urteil vom 2. Mai 2017 – 16LY03941; CAA Douai, Urteil vom 28. März 2017 – 16DA01766; CAA Bordeaux, Urteil vom 15. Juli 2016 – 15BX04100.
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Teil 2: Eine scheinbare Kohärenz bei der Festlegung der für den Zugang zu den Asylorganen unerlässlichen Garantien Wenn der für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständige Mitgliedstaat endgültig feststeht, kann der Asylsuchende das Verwaltungsverfahren bei den zuständigen Behörden einleiten und einen Antrag auf internationalen Schutz stellen. Zu diesem Zweck sind bestimmte Verfahrensgarantien zum Zugang zum Asylverfahren und zum Asylrichter unerlässlich, die im Wesentlichen durch nationales Recht bestimmt werden, wobei die Mitgliedstaaten in diesem Bereich über eine weitgehende Verfahrensautonomie verfügen. Ungeachtet der Verfahrensautonomie können die auf nationaler Ebene festgelegten Verfahrensgarantien nicht zu Ungleichheiten zwischen den Staaten bei der Bearbeitung von Anträgen auf internationalen Schutz führen. Daher ist es notwendig, strukturelle und systemische Probleme zu erkennen, um zu verhindern, dass dieser Zugang in einer Rechtsgemeinschaft, die eine ständige Harmonisierung im Asylbereich anstrebt, übermäßig erschwert wird.82 Titel 1: Ein notwendiger Rahmen der Verfahrensautonomie bei der Festlegung der für den Zugang zu den Asylorganen unerlässlichen Garantien Angesichts der großen Verfahrensautonomie bei der Festlegung der für den Zugang zu den Asylorganen unerlässlichen Garantien ist es in erster Linie Sache des nationalen Rechts, die Reichweite dieser Garantien festzulegen. Diese Feststellung wird durch die Bestimmungen der Asylverfahrensrichtlinie und die wenigen Urteile des EGMR, die als Kompass bei der Auslegung dieser Garantien dienen, nicht in Frage gestellt. Im Anschluss wird der Zugang zum Asylverfahren und zum Asylrichter analysiert. Kapitel 1: Die Festlegung der für den Zugang zu der für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständigen Verwaltungsbehörde unerlässlichen Garantien Die Grenzbehörden und die Polizei sind verpflichtet, dafür zu sorgen, dass der Asylbewerber die für die Beantragung des internationalen Schutzes notwendigen 82
Es sei darauf hingewiesen, dass die Europäische Kommission vorgeschlagen hat, die Asylverfahrensrichtlinie durch eine Verordnung zu ersetzen. Vorschlag für eine Verordnung des Europäischen Parlaments und des Rates zur Einführung eines gemeinsamen Verfahrens zur Gewährung internationalen Schutzes in der Union und zur Aufhebung der Richtlinie 2013/32/ EU. COM/2016/0467 final – 2016/0224 (COD).
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Maßnahmen ergreifen kann. Obwohl diese Verpflichtungen im Wesentlichen in der Verfahrensrichtlinie vorgesehen sind, ist darauf hinzuweisen, dass der EGMR auch bestimmte Garantien für diesen Zugang durch Richterrecht auf der Grundlage einer weitgehenden Auslegung der Artikel 3 und 13 EMRK erarbeitet hat. Abschnitt 1: Die Anforderungen an den Zugang zum Asylverfahren auf europäischer Ebene Erstens hat der EGMR einige Leitlinien auf Grundlage positiver Verpflichtungen festgelegt, die die Staaten bei der Behandlung von Anträgen auf internationalen Schutz beachten müssen. Die Festlegung der Reichweite dieser Verpflichtungen ist zwar das Ergebnis eines kasuistischen Ansatzes, doch sind sie nach wie vor in allen Vertragsstaaten der EMRK gültig. Im Fall Abdolkhani und Karimnia hat der EGMR im Wesentlichen die Passivität nationaler Behörden angesichts der Gefahr von Misshandlungen im Sinne des Artikel 3 EMRK kritisch betrachtet und entschied eindeutig, dass der Antragsteller kein Recht auf Zugang zum Asylverfahren hatte.83 Der Vorteil dieser Lösung ist die Anerkennung des Rechts auf Zugang zum Asylverfahren auf der Grundlage von Artikel 13 EMRK. In den folgenden Urteilen84 hat sich der EGMR vor allem auf die Vereinbarkeit des Abschiebungsverfahrens mit der EMRK konzentriert, wobei er bei der Beurteilung der Vereinbarkeit des Zugangs zum Asylverfahren mit der EMRK vorsichtig war. Obwohl die im Zusammenhang mit Artikel 13 EMRK entwickelten Ansätze vor allem die Abschiebungsverfahren betrafen, musste der EGMR zumindest mittelbar über die Vereinbarkeit des Asylverfahrens mit der EMRK entscheiden. Die Verantwortung des EGMR ist daher doppelt hoch: Er muss nicht nur über die Wirksamkeit des Abschiebungsverfahrens, sondern auch über die Wirksamkeit des Asylverfahrens entscheiden und gleichzeitig sicherstellen, dass die mittelbar ausgelegten Garantien in den nationalen Rechtsordnungen nicht zu Kontroversen führen. Es wird die Ansicht vertreten, dass die Urteile nur der Anfang einer Geschichte sind, in der der EGMR stärker an der Ausarbeitung der Garantien für den Zugang zum Asylverfahren beteiligt sein wird. Was die Voraussetzungen für einen wirksamen Zugang zum Asylverfahren betrifft, enthält das Sekundärrecht der EU weitere Einzelheiten. Zweitens enthält die Verfahrensrichtlinie keine Angaben darüber, welche Tatsachen darauf hindeuten, dass der Drittstaatsangehörige einen Asylantrag stellen möchte, was das Risiko einer Zurückweisung an der Grenze erhöht, ohne dass der Ausländer Gründe für die Einreise in ein Hoheitsgebiet angeben kann. Die Richtlinie schweigt auch über den Zeitraum zwischen der Registrierung und der Einreichung 83
EGMR, Urteil vom 22. September 2009 – Nr. 30471/08, Abdolkhani und Karimnia/ Turkei. 84 EGMR , Urteil vom 21. Januar 2011 – Nr. 30696/09, M.S.S./Belgien und Griechenland.
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des Antrags auf internationalen Schutz. Die Richtlinie erläutert lediglich die Bedingungen, unter denen der Antrag gestellt werden kann. Bei der Zunahme der Asylanträge kann eine solche normative Lücke jedoch die Wirksamkeit des Rechts auf Zugang zum Asylverfahren erschüttern. Obwohl die Verfahrensrichtlinie eine Gesamtdauer für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz vorsieht, welche in der Regel sechs Monate beträgt, läuft diese Frist erst ab dem Zeitpunkt, zu dem der Ausländer den Antrag auf internationalen Schutz gestellt hat.85 Schließlich ist anzumerken, dass die Richtlinie nur eine Zusammenarbeit zwischen den Behörden und den Asylbewerbern und natürlich zwischen den Mitgliedstaaten und der Europäischen Kommission vorsieht. Die Richtlinie sieht jedoch keinen Dialog zwischen den an der Bearbeitung des Antrags auf internationalen Schutz beteiligten Verwaltungsbehörden vor. Unterschiede auf nationaler Ebene bestehen nicht nur wegen der zuvor aufgezeigten Mängel auf europäischer Ebene, sondern auch, weil die strukturellen Probleme auf nationaler Ebene, die zum Teil aus diesen Mängeln entstehen, vom Gesetzgeber der Union nicht berücksichtigt wurden. Diese Probleme können durch die Analyse des nationalen Rechts ermittelt werden. Abschnitt 2: Die Lösungen zur Gewährleistung eines wirksamen Zugangs zum Asylverfahren auf nationaler Ebene Die Analyse der EU-Richtlinien deckte erhebliche Mängel bei der Organisation des Zugangs zum Asylverfahren auf. Es ist daher Sache des nationalen Rechts, operationelle Lösungen zu finden, damit der wirksame Zugang zum Asylverfahren gewährleistet ist. Ungeachtet der Besonderheiten des deutschen und französischen Asylsystems sind bestimmte Querschnittsthemen erkennbar, die einen Vergleich der Systeme ermöglichen. Vor dem Zugang zum Asylverfahren sind zwei Phasen zu unterscheiden. Zunächst werden die Erfordernisse, deren Einhaltung zur Registrierung des Antrags auf internationalen Schutz führt, analysiert. Was den Begriff des Antrags auf internationalen Schutz betrifft, enthält das deutsche Recht keine Erfordernisse betreffend die Form oder den Inhalt des Antrags. Was die Form des Antrags angeht, garantiert das deutsche Recht dem Asylbewerber die Möglichkeit, seinen Wunsch in einer Fremdsprache zu äußern, wobei die Verwaltungsbehörden einen Dolmetscher zur Verfügung stellen müssen.86 Darüber hinaus muss der Antragsteller erklären, dass er vor politischer Verfolgung Zuflucht sucht.87 Auf jedem Fall sollte der Ausländer
85
Artikel 31 Abs. 3 der Richtlinie 2013/32/EU. Hofmann, Ausländerrecht: AufenthG, AsylG (AsylVfG), GG, FreizügG/EU, StAG, EUAbkommen, Assoziationsrecht, 2. Aufl. 2016, in: Nomos, AsylG § 13, Rn. 4. 87 Deutscher Bundestag, Entwurf eines Gesetzes über das Asylverfahren (Asylverfahrensgesetz – AsylVerfG), 7. Oktober 1981, Drucksache 9/875, S. 15. 86
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im Zweifelsfall als Asylbewerber betrachtet werden88. Die vom deutschen Gesetzgeber entwickelten Grundsätze beachten das Verbot der Schlüssigkeitsprüfung89. Dieses Verbot beruht auf der Aufteilung der Zuständigkeiten zwischen den an der Bearbeitung des Antrags beteiligten Verwaltungsbehörden. Allein das Bundesamt entscheidet über die Begründetheit eines Antrages auf internationalen Schutz. Wenn die Polizeidienste die Begründetheit des Asylgesuchs überprüfen könnten, würden sie betreffend ihre Kontrollbefugnis dem Bundesamt gleichgestellt. Legt ein Drittstaatsangehöriger daher eine kurze Darstellung der Gründe für seine politische Verfolgung vor, muss sein Antrag an die Außenstelle des Bundesamtes weitergeleitet werden. In Frankreich enthält das Asylgesetzbuch keine solchen Kriterien, nach denen die Grenzbehörden sicherstellen können, dass ein Asylgesuch vorliegt. Selbst wenn sich der Ausländer auf Verfolgungsgründe beruft, die einen Antrag auf internationalen Schutz unterstützen können, hält die Verwaltung die geltend gemachten Gründe in Zweifelsfällen nicht immer für relevant. Die Asylsuchenden erwähnen ihre Gründe bereits bei ihrer ersten Anhörung durch Polizeibeamte, welche selten als Einreichung eines Asylantrags angesehen wird.90 Dies wird durch die Verwaltungsrechtsprechung nicht in Frage gestellt91. Das Kriterium, nach dem der Antrag ausdrücklich formuliert werden muss, bleibt vage, und diese Rechtsunsicherheit wird umso deutlicher, als der Antrag auf Schutz einer doppelten Prüfung unterzogen wird: der Prüfung durch die Grenzbehörden und der Prüfung durch den Präfekten. Jeder von ihnen kann den Asylantrag mit der Begründung abzulehnen, dass der Ausländer keinen ausdrücklichen Antrag gestellt hat. Sind die Grenzbehörden der Ansicht, dass die geltend gemachten Gründe für den Asylantrag relevant sind, müssen sie sicherstellen, dass der Asylsuchende seinen Antrag einreichen kann. Was die Voraussetzungen für die Registrierung des Antrags auf internationalen Schutz betrifft, enthält das deutsche Recht eine Reihe von Bestimmungen, die es dem Asylbewerber ermöglichen, so bald wie möglich vor dem Bundesamt und der Aufnahmeeinrichtung zu erscheinen. Hingegen garantiert das französische Recht diese Kontinuität nicht. Es liegt sowohl im Interesse der Antragsteller als auch des Staates, dass der Status des Asylsuchenden so bald wie möglich geregelt wird. Nach den Bestimmungen des deutschen Asylgesetzes ist die Grenzbehörde verpflichtet, den Asylsuchenden unverzüglich an das zuständige Bundesamt zu verweisen.92 Der Begriff „unverzüglich“ bedeutet, dass die betreffende Behörde ohne schuldhaftes 88 Hofmann, Ausländerrecht: AufenthG, AsylG (AsylVfG), GG, FreizügG/EU, StAG, EUAbkommen, Assoziationsrecht, 2. Aufl. 2016, in: Nomos, AsylG § 13, Rn. 6. 89 Marx, AsylG : Kommentar zum Asylgesetz, § 13 Rn. 8. 90 Pouly, Verfahrensgarantien im neuen Gemeinsamen Europäischen Asylsystem, in: AJDA, 2013, S. 2358. 91 CAA Versailles, Urteil vom 13. November 2012 – 12VE00326. 92 § 14 Abs. 1 AsylG. Diese Verpflichtung ist auch in § 19 AsylG für die Ausländerbehörde und die Polizei vorgesehen, wenn der Asylbewerber seinen Wunsch äußert, bei diesen Behörden Asyl zu beantragen.
Teil 2
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Zögern handelt, und eine Verzögerung von 48 Stunden wird immer noch toleriert.93 Das ehrgeizige Ziel dieser Bestimmungen besteht zum Einen darin, Verzögerungen bei der Bearbeitung der Asylanträge zu vermeiden und zum Anderen das Asylgesuch so schnell wie möglich an die zuständige Stelle, das Bundesamt, zu übermitteln. Darüber hinaus trägt die Verteilung der Asylsuchenden auf Aufnahmeeinrichtungen dazu bei, dass sie ihren Antrag auf internationalen Schutz so schnell wie möglich einreichen können. Diese Verteilung erfolgt nach dem Königsteiner Schlüssel, der die Empfangsrate eines Bundeslandes bestimmt.94 Dieses System trägt zur Identifizierung der Asylsuchenden und zur Verfolgung ihres Vorgehens vor den zuständigen Verwaltungsbehörden bei. Das im Jahr 2015 verabschiedete Asylverfahrensbeschleunigungsgesetz95 sah die Aufnahme von § 63a in das Asylgesetz vor. Diese Bestimmung sieht die Ausstellung einer Bescheinigung über die Meldung als Asylsuchender vor, die in der Regel von der Aufnahmeeinrichtung ausgestellt wird. Mit dieser Bescheinigung wird nachgewiesen, dass der Ausländer beabsichtigt, einen Asylantrag zu stellen, und berechtigt ist, sich zur für seine Aufnahme und Unterbringung zuständigen Aufnahmeeinrichtung zu begeben und bei der zuständigen Außenstelle des BAMF einen Asylantrag zu stellen.96 Sie bescheinigt daher die Registrierung des Asylantrags, um die in der Verfahrensrichtlinie festgelegten Fristen einzuhalten. Im Gegensatz dazu sieht das französische Recht weder eine spezifische Aufgabenverteilung noch die Verpflichtung vor, den Asylsuchenden an die zuständigen Stellen weiterzuleiten, noch Anforderungen, um ein rasches Verfahren zu sichern. Das Asylgesetzbuch enthält keine Garantien, die es dem Asylbewerber ermöglichen, sich so schnell wie möglich an die Präfektur wenden zu können. Der Asylsuchende wird nach deutschem Recht vom Beginn seiner Einreise an begleitet, insbesondere durch die Verteilung auf verschiedene Aufnahmezentren. Nach französischem Recht wird die Aufnahme in eine Aufnahmeeinrichtung hingegen erst nach der Registrierung des Asylantrags durch die Asylbehörde angeboten.97 Es ist jedoch wichtig, dass der Ausländer bei seinen Schritten begleitet wird, um einen wirksamen Zugang zum Asylverfahren zu gewährleisten. Den Präfekten kommt eine Filterfunktion beim Zugang zum Asylverfahren zu, indem sie die Registrierung eines Asylantrags genehmigen. In der Regel ist der Präfekt verpflichtet, den Asylantrag zu registrieren,98 wobei diese Registrierung Voraussetzung dafür ist, dass die Asylbehörde die Verfolgungsgründe im Rahmen des Asylverfahrens prüft. In der Praxis erfolgt die Re93 Bergmann/Dienelt, Ausländerrecht: Aufenthaltsgesetz, Freizügigkeitsgesetz/EU und ARB 1/80 (Auszug), Grundrechtecharta und Artikel 16a GG, Asylgesetz: Kommentar, 12. Aufl. 2018, in: C.H. Beck, AsylG § 18 Rn. 10. 94 §§ 50 – 51 AsylG. 95 BGBI, 2015, Teil I Nr. 40. 96 Deutscher Bundestag, Entwurf eines Asylverfahrensbeschleunigungsgesetzes, 29. September 2015, Drucksache 18/6185. 97 Artikel L744 – 1 CESEDA. 98 CE, Urteil vom 28. Dezember 2001 – 231671.
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Deutsche Zusammenfassung
gistrierung jedoch mit erheblicher Verzögerung, ungeachtet der klaren Bestimmungen von dem Asylgesetzbuch in dieser Hinsicht.99 Eines der Ziele der Asylreform 2015 war es, Verzögerungen durch den Präfekten bei der Antragstellung zu vermeiden. Trotz der Reform gibt es immer noch erhebliche Verzögerungen bei der Registrierung von Anträgen auf internationalen Schutz, wie die Rechtsprechung zeigt.100 Obwohl der französische Gesetzgeber auf die aufgezeigten Mängel reagiert hat, ändern die empfohlenen Maßnahmen nicht die Architektur der Phase vor der Einreichung des Antrags auf internationalen Schutz. Das vom deutschen Gesetzgeber konzipierte System ist für die Bearbeitung von einer Vielzahl von Asylanträgen geeignet. Es ist gekennzeichnet durch eine genaue Aufgabenteilung zwischen den verschiedenen Verwaltungsbehörden, die regelmäßige Begleitung des Asylsuchenden und die interne Neuorganisation der für die Registrierung des Antrags auf internationalen Schutz zuständigen Behörden. Die Verfahrensrichtlinie enthält keine Bestimmungen über den Zeitraum zwischen der Registrierung und der Einreichung des Antrags auf internationalen Schutz. Obwohl der Asylsuchende während dieser Zeit vor Zurückweisung geschützt ist, liegt es im Interesse sowohl des Asylsuchenden als auch des Staates, eine mit dem Grundsatz eines raschen Verfahrens verbundene rechtliche Lösung zu gewährleisten. Während das deutsche Recht eine Lösung bietet, die zumindest die lückenhafte Regelung der Verfahrensrichtlinie beachtet, weigert sich der französische Conseil d’État, die Praxis der Präfekten zur Ausstellung einer vorläufigen Aufenthaltsbescheinigung mit erheblicher Verzögerung für unrechtmäßig zu erklären. Möchte ein Asylsuchender einen Asylantrag in Deutschland stellen und stellt sich zu diesem Zweck den Behörden an der Grenze vor, so handelt es sich noch nicht um einen formellen Asylantrag. Diese kann nur beim Bundesamt und dessen Außenstellen eingereicht werden. Der konzeptionelle Unterschied zwischen einem Asylgesuch und einem Asylantrag ist bedeutend, wie das Bundesverwaltungsgericht betont hat.101 Es kann vorkommen, dass zwischen dem Asylgesuch und der förmlichen Einreichung des Antrags auf internationalen Schutz ein erheblicher Zeitraum vergeht. Mit der Ausstellung der Bescheinigung über die Registrierung als Asylsuchender soll verhindert werden, dass der Ausländer ohne Nachweis über seinem Rechtsstatus als Asylsuchender verbleibt, wenn die förmliche Einreichung eines Asylantrags mehr als einem Monat erfordert. Diese Praxis als solche lässt das 99
Gutachen von Coordination française pour le droit d’asile. Asylrecht in Frankreich: Aufnahmebedingungen, Inventar 2012, Gutachten von 13. Februar 2013. S. 26. http://cfda.rezo. net/Accueil/EDL%202013/EDL_CFDARapportwebversionfinale.pdf (abgerufen am 30. Januar 2018). Gutachten von Nils Muizˇ nieks nach seinem Besuch in Frankreich vom 22. bis 26. September 2014, CommDH(2015)1, 17. Februar 2015, Punkt 101. http://www.2idhp.eu/ images/rapport-nils-muiznieks-discours-haine_150612.pdf (abgerufen am 23. Mai 2018). 100 TA Lille, Urteil vom 11. Februar 2016 – 1600896; TA Lille, Urteil vom 13. März 2017 – 1702101; TA Nice, Urteil vom 31. März 2017 – 1701211; TA Toulouse, Urteil vom 15. September 2017 – 1704240. 101 BVerwG, Beschluss vom 3. Dezember 1997 – 1 B 219/97 – NVwZ-RR 1998, 264.
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Unionsrecht unberührt, da die Verfahrensrichtlinie keinen bestimmten Zeitraum zwischen der Registrierung und der Einreichung des Asylantrags vorsieht. Nach verwaltungsgerichtlicher Praxis ist das Bundesamt verpflichtet, dem Asylsuchenden spätestens drei Monate nach Einreichung eines formlosen Asylgesuchs die Möglichkeit zu geben, einen formellen Asylantrag zu stellen.102 Angesichts der lückenhaften Regelung der Verfahrensrichtlinie, antworten die Verwaltungsgerichte auf Kritik über Verfahrensverzögerungen mit der offenkundigen Einhaltung des Unionsrechts.103 Die Rechtsprechung zeigt, dass der Gesetzgeber mit der Einführung des Systems der Bescheinigung über die Registrierung als Asylsuchender eine Lösung zur Einhaltung des Unionsrechts gesucht hat. Die Bescheinigung ist jedoch nur eine Grundlage für eine mögliche Untätigkeitsklage, sie ist aber keine geeignete Maßnahme, um die große Zahl von Anträgen zu bewältigen. In Frankreich erlaubt die befristete Aufenthaltserlaubnis Drittstaatsangehörigen, internationalen Schutz zu beantragen und ihren Antrag bei der Asylbehörde einzureichen. Infolgedessen verzögert die verspätete Erteilung dieser Erlaubnis den Zugang zur Asylbehörde. Dieser Umstand wurde angefochten, aber der Conseil d’État bestätigte diese Praxis und hat sich auf Arbeitsüberlastung berufen.104 Hindernisse für den Zugang zum Asylverfahren bestehen aber nicht nur bei der Präfektur. In der Tat liegt es in der Verantwortung der französischen Asylbehörde, den Antrag auf internationalen Schutz zu registrieren. Außerdem ist das Asylverfahren vor den für die Prüfung von Anträgen auf internationalen Schutz zuständigen Verwaltungsbehörden durch die Nichteinhaltung des Grundsatzes eines zügigen Verfahrens gekennzeichnet. Das Problem der Nichteinhaltung dieses Grundsatzes wurde sowohl im deutschen als auch im französischen Recht erkannt und interne organisatorische Maßnahmen zur Beschleunigung der Antragsbearbeitung wurden verabschiedet. Das deutsche Asylgesetz stellt klar, dass in dem Fall, in dem eine Entscheidung über einen Asylantrag nicht innerhalb von sechs Monaten getroffen wird, das Bundesamt dem Ausländer auf Antrag mitzuteilen hat, bis wann voraussichtlich über seinen Asylantrag entschieden wird.105 Dies bedeutet jedoch nicht, dass das Bundesamt verpflichtet ist, eine Entscheidung auf diesen Antrag hin zu treffen. Der Asylbewerber kann jedoch eine einstweilige Anordnung nach § 123 VwGO beantragen. Einige Gerichte erlauben, sich auf Untätigkeit gemäß § 75 VwGO zu stützen, obwohl das Bundesverwaltungsgericht in 1982 dies verneint hat.106 Die Untätigkeit des Bundesamts ist unrechtmäßig, wenn ihre Arbeitsüberlastung nicht als vorübergehend betrachten werden kann.107 Im Sinne einer effektiven Lösung, hat das Ver102 103 104 105 106 107
VG Trier, Urteil vom 21. März 2016 – 5 K 3658/15.TR – juris, Rn. 29. VG Düsseldorf, Beschluss vom 26. Juli 2016 – 6 L 2019/16.A. CE, Urteil vom 22. Mai 2012 – 359107. § 24 Abs. 4 AsylG. BVerwG, Beschluss vom 9. März 1982 – 9 B 360.82 – DÖV 1982, 744. VG Osnabrück, Urteil vom 14. Oktober 2015 – 5 A 390/15 – juris.
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waltungsgericht Osnabrück entschieden, dass es sich ausnahmsweise aus materiellem Recht ergeben kann, dass es trotz der Rechtswidrigkeit der Unterlassung eines beantragten Verwaltungsaktes nicht Sache der Verwaltungsgerichte ist, die Verwaltung zu dessen Vornahme zu verurteilen. Dies solle primär in den Fällen gelten, in denen der Behörde ein Ermessen oder ein Beurteilungsspielraum eingeräumt worden ist, oder bei rechtlich gebundenen Verwaltungsakten – wie der Entscheidung über den Asylantrag –, wenn das materielle Recht die vorherige Durchführung eines ordnungsgemäßen behördlichen Verfahrens zwingend voraussetzt.108 Die Besonderheit des Verwaltungsverfahrens vor dem Bundesamt ist die Möglichkeit, die Verfolgungsgründe darzulegen und das Amt führt nicht nur eine rechtliche Bewertung, sondern auch eine Ermittlung der Tatsachengrundlage durch.109 Die Position des Verwaltungsgerichts Osnabrück hat der Qualität des Asylverfahrens mehr Gewicht zugemessen als dem Grundsatz eines zügigen Verfahrens. Der von dieser Rechtsprechung vorgeschlagene Ansatz ist jedoch kein Allheilmittel für die Probleme, da die Wurzel des Problems nach wie vor besteht. Die sich aus dem Urteil ergebende Aufgabe eine wirksame und langfristige Lösung für dieses Problem zu finden, richtet sich daher eher an den Gesetzgeber. Auch wenn das Bundesamt das Verwaltungsverfahren demzufolge durchführt, ändert dies nichts an seiner internen Überlastung. In Frankreich kann der Antragsteller, sofern die Asylbehörde den Antrag auf internationalen Schutz registriert, aber die Prüfung nicht fortsetzt, einen Antrag auf einstweilige Anordnung stellen, um der Asylbehörde eine Entscheidung aufzuerlegen. Die Verurteilungen in diesem Zusammenhang sind jedoch selten, da die neue Asylreform ab 2015 spezifische Maßnahmen zur Einhaltung der Bestimmungen des Asylgesetzes vorsieht, d. h. die durchschnittliche Dauer des Verwaltungsverfahrens soll sechs Monate betragen.110 Zur Bewertung der Veränderungen nach der Asylreform 2015 wurde im Jahr 2018 eine Folgenabschätzung erstellt, die die Berücksichtigung der deutschen Praxis bei der Aufnahme von Asylbewerbern empfiehlt und eine gerechte Verteilung der Asylbewerber auf französischem Gebiet vorschlägt.111 Der Verdienst dieser Reform liegt darin, dass der Gesetzgeber den engen Zusammenhang zwischen der Aufnahme und einem wirksamen Zugang zum Asylverfahren erkannt hat. Die Gewährleistung der Aufnahme von Asylsuchenden, die dann in ganz Frankreich verteilt werden, ermöglicht eine bessere Kontrolle, gewährleistet eine schnellere Einreichung ihres Antrags und eine schnellere Bearbeitung ihres Antrags im Rahmen des Asylverfahrens. 108
A.a.o., Rn. 45. A.a.o., Rn. 49. 110 Im Jahr 2017 betrug die durchschnittliche Dauer des administrativen Asylverfahrens vor dem OFPRA sechs Monate. Verkürzung der Dauer des Asylverfahrens: aktuelle Situation und Herausforderungen, 31. Mai 2017. http://www.forumrefugies.org/s-informer/actualites/reduirela-duree-de-la-procedure-d-asile-etat-des-lieux-et-enjeux (abgerufen: 25. Juni 2018). 111 Auswirkungsstudie, Gesetzentwurf für kontrollierte Einwanderung und ein wirksames Asylrecht, 20. Februar 2018. NOR : INTX1801788 L/Bleue-1, S. 14. 109
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Kapitel 2: Festlegung der für den Zugang zu den Asylorganen innewohnenden Garantien Wenn der Asylsuchende die im vorigen Kapitel genannten Hindernisse überwindet, ist sein Zugang zum Asylverfahren grundsätzlich gewährleistet. Die Wirksamkeit des Rechts auf Zugang zum Asylverfahren hängt jedoch von mehreren Faktoren ab. Diese spielen nicht nur im Asylverfahren, sondern auch vor dem Asylrichter eine Rolle, wobei die für die Wirksamkeit des Zugangs zum Asylverfahren und zum Asylrichter erforderlichen Verfahrensgarantien im Wesentlichen gleich sind. Werden die für einen wirksamen Zugang zum Asylverfahren und zum Asylrichter erforderlichen Verfahrensgarantien ermittelt, so müssen auch die Garantien festgelegt werden, ohne die der erwähnte Zugang illusorisch werden würde. Erstens liegt die besondere Verwundbarkeit des Antragstellers nicht nur in der Erinnerung an die Verfolgung, sondern zumindest in den meisten Fällen in der mangelnden Kenntnis der Sprache des Aufnahmestaates und seines Rechtssystems. Daher sind sprachliche Unterstützung und Rechtsberatung grundlegende Garantien. Außerdem spielt die Anhörung des Asylbewerbers eine wichtige Rolle. Abschnitt 1: Achtung des Rechts auf Anhörung als eine unverzichtbare Garantie für einen wirksamen Zugang zu den Asylorganen Ein wirksamer Zugang zu den Asylorganen hängt insbesondere von einer vorhersehbaren und kohärenten Regelung auf EU-Ebene ab. Heute ist die Debatte über die Nichtanwendbarkeit des Artikel 41 Grundrechtecharta auf die nationalen Verwaltungsverfahren vorbei. Die Frage ist jedoch, wie diese Rechtsprechung die Reichweite des Rechts auf Anhörung in einem Asylverfahren beeinflusst. Es ist unbestreitbar, dass der EuGH die Asylsuchenden nicht schutzlos gelassen hat, da er das Recht auf Anhörung als allgemeinen Rechtsgrundsatz im Asylverfahren festschreibt. Allerdings stellt sich die Frage, ob es in der Praxis einen Unterschied zwischen dem Recht auf Anhörung als Grundrecht und dem Recht auf Anhörung als allgemeiner Rechtsgrundsatz gibt, welcher den Zugang zum Asylverfahren gegebenenfalls unwirksam macht? Der Reichweite des Rechts auf Anhörung wurde im Unionsrecht sektorspezifisch, aufgrund der dort geltenden Rechtsvorschriften bestimmt. Wahrscheinlich liegt es an dieser Besonderheit, dass der EuGH die Anwendbarkeit von Artikel 41 Grundrechtecharta bei der Umsetzung des Unionsrechts durch die Mitgliedstaaten nicht anerkennt. Die Besonderheiten des EU-Asylrechts wurden von daher analysiert.112 Darüber hinaus wurde die Tragweite des Rechts auf 112 EuGH, Urteil vom 22. November 2012 – C-277/11, M. M./Minister for Justice, Equality and Law Reform, Ireland und Attorney General; EuGH, Urteil vom 10. September 2013 – C383/13 PPU, M. G. und N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie; EuGH, Urteil vom 5. November 2014 – C-166/13, Sophie Mukarubega/Préfet de police und Préfet de la Seine-
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Anhörung je nach Sektoren bestimmt und aufgezeigt, warum der EuGH sich im Asylbereich auf dieses Recht als allgemeinen Rechtsgrundsatz bezieht. Was die Tragweite des Artikel 47 Grundrechtecharta angeht, erscheint die Rechtslage weniger kompliziert, und der EuGH ist offen für einen Dialog und versucht die Besonderheiten des Unionsrechts mit dem Schutz der Verfahrensrechte in Einklang bringen.113 Was die Reichweite des Rechts auf Anhörung im innerstaatlichen Recht angeht, so gilt, dass wenn die Unterlassung der persönlichen Anhörung auf die Verwaltungsbehörde zurückzuführen ist, dies zur Rechtswidrigkeit der Entscheidung der Behörde sowohl nach deutschem als auch nach französischem Recht führt. Ist diese Unterlassung hingegen auf den Asylsuchenden zurückzuführen, so wird die vom französischen Gesetzgeber gewählte Lösung durch die Achtung des Grundsatzes eines zügigen Verfahrens gekennzeichnet, während das deutsche Recht eine Verfahrensregelung vorsieht, die nicht die Achtung dieses Grundsatzes widerspiegelt, sondern den Asylsuchenden einen erweiterten Verfahrensschutz gewährt. In Deutschland unterscheidet das Asylgesetz danach, ob der Asylsuchende verpflichtet ist, in einer Aufnahmeeinrichtung zu wohnen oder nicht. Ist er verpflichtet und erscheint der Asylbewerber nicht, entscheidet das Bundesamt rein nach Aktenlage.114 Allerdings können in diesem Fall die schriftlichen Stellungnahmen des Asylsuchenden vom Bundesamt berücksichtigt werden.115 Die Bestimmungen der Verfahrensrichtlinie, nach denen die Mitgliedstaaten die Unterlassung der Anhörung des Asylbewerbers berücksichtigen können, entfalten ihre Wirkungen daher nur in Ausnahmefällen. Wenn der Asylsuchende nicht in einer Aufnahmeeinrichtung wohnt, ist ihm eine Gelegenheit zur schriftlichen Stellungnahme innerhalb eines Monats zu geben.116 Mit anderen Worten, die „Sanktion“, nur eine schriftliche Stellungnahme einzureichen, kann nur erfolgen, wenn der Antragsteller unentschuldigt nicht zur Anhörung erschien. Allein die Tatsache, dass der Asylsuchende seiner Mitwirkungspflicht nicht nachkommt, kann nicht gegen ihn gerichtet werden und die Akte kann nicht geschlossen werden. Legt der Asylsuchende hingegen nicht innerhalb eines Monats eine schriftliche Stellungnahme vor, so kann das Bundesamt nach Aktenlage entscheiden. Erscheint der Asylsuchende in Frankreich nicht zur Anhörung, hat er die Möglichkeit, eine gültige Entschuldigung über seine Abwesenheit vorzulegen. Wenn der Saint-Denis; EuGH, Urteil vom 11. Dezember 2014 – C-249/13, Khaled Boudjlida/Préfet des Pyrénées-Atlantiques; EuGH, Urteil vom 9. Februar 2017 – C-560/14, M/Minister for Justice and Equality u. a. 113 EuGH, Urteil vom 26. Juli 2017 – C-348/16, Moussa Sacko/Commissione Territoriale per il riconoscimento della Protezione internazionale di Milano. 114 § 25 Abs. 4 AsylG. 115 Hofmann, Ausländerrecht: AufenthG, AsylG (AsylVfG), GG, FreizügG/EU, StAG, EUAbkommen, Assoziationsrecht, 2. Aufl. 2016, in: Nomos, AsylG § 25 Rn. 21. 116 § 25 Abs. 5 AsylG.
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Asylsuchende seine Abwesenheit nicht rechtfertigt, hat die Asylbehörde zwei Möglichkeiten: Erstens kann es nach Aktenlage entscheiden. Zweitens kann es auch entscheiden, das Asylverfahren einzustellen. In diesem Fall hat der Asylsuchende neun Monate Zeit, um die Wiedereröffnung der Akte zu beantragen, was die Wiederaufnahme des Asylverfahrens bedeutet. Das gemeinsame Element dieser Optionen ist die Einführung eines raschen Entscheidungsprozesses, wobei dem Antragsteller freigestellt ist, die Unterlassung der Anhörung zu rechtfertigen oder die Wiederaufnahme des Verfahrens zu beantragen. Was die Reichweite des Rechts auf Anhörung im Rechtsbehelfsverfahren betrifft, so sieht das Unionsrecht mindestens eine mündliche Anhörung vor, in der der Asylbewerber zu den Gründen gehört werden soll, die seinen Antrag auf internationalen Schutz rechtfertigen. Sowohl das deutsche als auch das französische Recht sehen eine solche Reichweite des Rechts auf Anhörung vor. In Deutschland kann das Bundesamt den Antrag auf internationalen Schutz als offensichtlich unbegründet im Sinne von § 30 Abs. 3 Nr. 5 Asylgesetz zurückweisen, wenn der Asylsuchende nicht zur Anhörung erschienen ist und keine schriftliche Stellungnahme abgegeben hat. Diese Lösung ist jedoch eine Ausnahme, da das Gesetz den Nachweis einer schwerwiegenden Verletzung der Mitwirkungspflichten verlangt.117 Das Bundesamt entscheidet dann nach Aktenlage. Wenn der Asylsuchende seine Begründungspflicht schwerwiegend verletzt hat, hat er keine Möglichkeit mehr, gehört zu werden, wobei das Beschwerdeverfahren bei unzulässigen oder offensichtlich unbegründeten Anträgen im Sinne des § 36 Asylgesetzes schriftlich durchgeführt wird. In diesem Fall beschränkt sich die gerichtliche Überprüfung darauf, ob die Verwaltungsentscheidung mit dem Inhalt der Akte übereinstimmt.118 Diese Situation ist jedoch außergewöhnlich, da eine Anhörung im Beschwerdeverfahren in der Regel stattfindet. Die Unterlassung der mündlichen Verhandlung ist außergewöhnlich und resultiert aus der mangelnden Mitwirkung des Beschwerdeführers. Schließlich kann das Gericht gemäß § 84 VwGO ohne mündliche Verhandlung durch Gerichtsbescheid entscheiden, wenn die Sache keine besonderen Schwierigkeiten tatsächlicher oder rechtlicher Art aufweist und der Sachverhalt geklärt ist.119 In diesem Fall sind die Beteiligten vorher zu hören.120 In Frankreich erscheint die Situation komplizierter, wenn der Antragsteller weder vor der Asylbehörde noch vor dem Cour nationale du droit d’asile gehört wird. Durch
117 Dies ist insbesondere der Fall, wenn der Asylsuchende nicht an der persönlichen Anhörung erscheint, er erneut über seine Mitwirkungspflicht informiert wird und er nicht zu einer zweiten persönlichen Anhörung erscheint. VG München, Beschluss vom 1. August 2017 – M 26 S 17.40913 – juris. 118 VG Frankfurt (Oder), Beschluss vom 4. August 2016 – 6 L 164/16.A – juris, Rn. 7. 119 § 84 Abs. 1 VwGO. 120 A.a.o.
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entsprechende Anwendung des Sacko-Urteils121 muss sich der Richter des Cour nationale du droit d’asile davon überzeugen, dass die vom Asylsuchenden vorgebrachten Gründe in seinem Einzelfall nicht zu einer positiven Entscheidung über seinen Antrag auf Schutz führen. Es ist Sache des Cour nationale du droit d’asile, gegebenenfalls ein Vorabentscheidungsersuchen einzureichen, damit der EuGH diese Frage klären kann. Die Analyse ergab, dass die Festlegung der Regeln, die die Reichweite des Rechts auf Anhörung während des Asylverfahrens bestimmen, von den Besonderheiten des Unionsrechts geprägt sind, so dass eine solche Reichweite nicht unbedingt mit der Reichweite dieses Rechts in anderen Bereichen des Unionsrechts übereinstimmt. Die nationalen Gesetze haben diese Regeln umgesetzt. Während das deutsche Recht den Asylsuchenden einen erweiterten verfahrensrechtlichen Schutz gewährt, steht aber auch das französische Recht im Einklang mit den Bestimmungen der Verfahrensrichtlinie. Da das Sekundärrecht jedoch Lücken aufweist, ist es nunmehr Aufgabe des EuGH, die Reichweite des Rechts auf Anhörung durch die ihm gegebenenfalls vorgelegten Vorabentscheidungsfragen zu klären. Die in dieser Arbeit vorgeschlagenen Änderungen bestimmter technischer Vorschriften im französischen Recht haben ihren Ursprung im deutschen Recht und erfordern auch einen intensiveren Dialog zwischen dem Cour nationale du droit d’asile und dem EuGH. Abschnitt 2: Rechtsberatung und Recht auf Dolmetscher als unabdingbare Voraussetzungen für einen wirksamen Zugang zu den Asylorganen Erstens, die kohärente Festlegung der Reichweite des Rechts auf einen Dolmetscher auf europäischer Ebene ist unerlässlich, um sicherzustellen, dass die Wahrnehmung dieses Rechts auf nationaler Ebene nicht zersplittert wird. Nach den Bestimmungen der Verfahrensrichtlinie, wird erforderlichenfalls ein Dolmetscher beigezogen, „damit [die Antragsteller] den zuständigen Behörden ihren Fall darlegen können“122. Der Begriff „erforderlichenfalls“ gibt den Staaten einen Ermessensspielraum bei der Wahl der Kriterien, nach denen sie den Zugang zu Dolmetschern gewährleisten müssen. Was die Reichweite des Zugangs zu Dolmetschern betrifft, ist die Verfahrensrichtlinie unklar. Die Verwendung des Ausdrucks „ihren Fall darlegen können“ bedeutet nämlich nicht, dass die Bereitstellung eines Dolmetschers nur während der persönlichen Anhörung gewährleistet sein sollte. Im Gegenteil würde die Einschränkung des Zugangs zu Dolmetschern einen Entzug des Zugangs zum Asylverfahren bedeuten, da die Einreichung eines Antrags auf internationalen Schutz ohne dass der Asylbewerber die Verfahrenssprache kennt, zu 121 EuGH, Urteil vom 26. Juli 2017 – C-348/16, Moussa Sacko/Commissione Territoriale per il riconoscimento della Protezione internazionale di Milano. 122 Artikel 12 Abs. 1 Punkt b) der Richtlinie 2013/32/EU.
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unüberwindlichen Schwierigkeiten führen würde. Es ist darauf hingewiesen, dass der Zugang zu Dolmetschern ausdrücklich nur für das Asylverfahren, nicht aber für das Berufungsverfahren vorgesehen ist, da die Richtlinie nur die Achtung auf das Recht auf einen wirksamen Rechtsbehelf vorsieht. Der EGMR hat aber sowohl im Bereich des Artikels 13 EMRK als auch im Rahmen des Artikels 4 des Protokolls Nr. 4 zur EMRK einige Verfahrensgarantien in diesem Bereich unmittelbar abgeleitet.123 Aus diesen Urteilen ergibt sich, dass der Standpunkt des EGMR in Bezug auf der Reichweite des Rechts auf Dolmetscher nicht eindeutig ist, da sein Ansatz streng von einem kasuistischen Ansatz geprägt ist. Dieser Faktor trägt ebenso wie die Mängel der Verfahrensrichtlinie zur Zersplitterung des Rechts auf Dolmetscher bei, was dazu führt, dass der wirksame Zugang zum Asylverfahren in einem so wichtigen Bereich wie dem Ausländerrecht von einem Staat zum anderen untergraben wird. Angesichts dieser Lage ist zu prüfen, wie die nationalen Rechte die festgestellten Mängel beheben können. Die Analyse des europäischen Rechts zeigt, dass die Inanspruchnahme eines Dolmetschers sowie die Bestimmung des Umfangs seiner Aufgabe unerlässliche Bedingungen für die Wirksamkeit des Zugangs zu den Asylorganen sein können. Sowohl das deutsche als auch das französische Recht sehen die Inanspruchnahme eines Dolmetschers ohne Einschränkungen im Asylverfahren vor. Was das deutsche Recht angeht, ist nicht der Zugang zu Dolmetschern, sondern der Zugang zu einem Sprachmittler gewährleistet. Das Konzept des Sprachmittlers ist ein Oberbegriff und umfasst den Beruf des Übersetzers und Dolmetschers sowie des Sprachmittlers. Fehler bei der Übersetzung, die bei der Entscheidung über die Begründetheit des Antrags auf internationalen Schutz Berücksichtigung finden, sind schwer nachzuweisen.124 Die Verwendung des Begriffs des Sprachmittlers verleiht dem Bundesamt bei der Auswahl eines Dolmetschers, Übersetzers oder Sprachmittlers einen weiten Ermessensspielraum. Was die letztgenannte Kategorie betrifft, beherrschen diese Personen die betreffende Sprache, verfügen aber nicht über ein Diplom, das ihre Kenntnisse offiziell bescheinigt. Diese Feststellung wird nicht dadurch in Frage gestellt, dass das Bundesamt der Hilfe eines offiziellen Dolmetschers Vorrang einräumt.125 In Frankreich ist die Inanspruchnahme eines Dolmetschers systematisch gewährleistet.126 Was die Situation während des Rechtsbehelfsverfahrens betrifft, sehen sowohl das deutsche als auch das französische Recht vor, dass die Inan123 EGMR, Urteil vom 21. Oktober 2014 – Nr. 16643/09, Sharifi u. a./Italien und Griechenland; EGMR, Urteil vom 15. Dezember 2016 – Nr. 16483/12, Khlaifia u. a./Italien; EGMR, Urteil vom 23. Juli 2013 – Nr. 41872/10, M.A./Zypern; EGMR , Urteil vom 21. Januar 2011 – Nr. 30696/09, M.S.S./Belgien und Griechenland. 124 Jaber, Die Bedeutung des Sprachmittlers im Asylverfahren, in: ZAR, 37. Jahrg. (2017), 8, S. 319. 125 Bergmann/Dienelt, Ausländerrecht: Aufenthaltsgesetz, Freizügigkeitsgesetz/EU und ARB 1/80 (Auszug), Grundrechtecharta und Artikel 16a GG, Asylgesetz: Kommentar, 12. Aufl. 2018, in: C.H. Beck, AsylG §18 Rn. 5. 126 Artikel L723 – 6 CESEDA.
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spruchnahme eines Dolmetschers vom Verständnis der Verfahrenssprache des Asylbewerbers abhängt. In Deutschland ist im Asylgesetz nicht ausdrücklich vorgesehen, dass ein Dolmetscher auch beim Einreichen von verschiedenen Verwaltungsakten helfen soll. Will der Asylsuchende Schutz beantragen, ist er verpflichtet, persönlich vor dem Bundesamt zu erscheinen, wie der § 23 Asylgesetz dies vorsieht. Zu diesem Zeitpunkt muss ein Sprachmittler zur Verfügung gestellt werden. Legt der Antragsteller während des Asylverfahrens seine Unterlagen in einer Fremdsprache vor, kann die Behörde eine Übersetzung dieser Unterlagen ausstellen.127 In diesem Fall ist die Verwaltungsbehörde für die Übersetzung der vom Asylsuchenden vorgelegten Dokumente zuständig. Diese Regelung ergibt sich jedoch aus der fehlenden Formalität bei der Einreichung des Antrags auf internationalen Schutz und nicht aus der den Sprachmittlern übertragenen Aufgabe. Diese Schlussfolgerung gilt auch für das Beschwerdeverfahren. Die Dolmetscher sind für die Übersetzung der von den Asylsuchenden eingereichten Dokumente während des Verfahrens vor den Verwaltungsgerichten zuständig. Mit anderen Worten, die vom deutschen Gesetzgeber gewählte rechtliche Lösung besteht darin, dass die Asylsuchenden sich auch in ihrer Muttersprache schriftlich äußern können, wodurch Unstimmigkeiten in den Erzählungen erkannt werden können. In Frankreich stellt das Cour nationale du droit d’asile dem Antragsteller während der mündlichen Verhandlung kostenfrei einen Dolmetscher zur Verfügung.128 Der vom Gesetzgeber verwendete Wortlaut ist eindeutig: Da die Verfahrenssprache Französisch ist, müssen die Unterlagen, die den Antrag auf Schutz und die Beschwerde begründen, übersetzt werden.129 Jedoch hat das Cour nationale du droit d’asile festgestellt, dass weder das Rechtshilfegesetz noch die Anordnung zu seiner Umsetzung die Inanspruchnahme eines Dolmetschers vor der Verhandlung vor dem Cour nationale du droit d’asile vorsieht.130 Dieser Fall zeigt also, dass der Zugang zum Asylrichter insofern illusorisch werden kann, als er, selbst wenn die Rechtsvertretung gewährleistet ist, wegen der begrenzten Reichweite des Rechts auf einen Dolmetscher seine Wirkung nicht entfalten kann. Die Analyse ergab einerseits, dass die Mängel der Verfahrensrichtlinie auf europäischer Ebene nicht vollständig durch die kasuistische Rechtsprechung des Straßburger Gerichtshofs behoben werden. Andererseits bedarf es auf nationaler Ebene einer Konkretisierung der Fälle, in denen ein Dolmetscher und nicht nur ein Sprachmittler gewährleistet sein sollte. Bei der Inanspruchnahme eines Dolmetschers sollte mehr Wert auf die Fähigkeit gelegt werden, sich in der Verfahrenssprache auszudrücken, bevor der Antrag auf Unterstützung durch einen Dolmetscher 127
Rn. 3. 128 129 130
BVerwG, Beschluss vom 4. November 1983 – 9 B 10357.82 – JurionRS 1983, 15617, Artikel R733 – 17 CESEDA. CE, Urteil vom 19. November 1993 – 102981. CNDA, Urteil vom 28. Februar 2012 – 1100133.
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abgelehnt wird. Im Hinblick auf den Umfang des Auftrags des Dolmetschers ist es wichtig, dass der Dolmetscher bei der Vorbereitung des Antrags auf internationalen Schutz anwesend ist, da seine Rolle nicht von einem Rechtsberater wahrgenommen werden kann. Eine alternative Lösung nach deutschem Recht wäre die Möglichkeit, ergänzende Dokumente in der Muttersprache des Antragstellers zu verfassen. Dies würde in der Tat dazu beitragen, eine kohärente und unfehlbare Erzählung in der Muttersprache zu gewährleisten, die es dem Asylbewerber ermöglicht, seine Erzählung unter den bestmöglichen Bedingungen zu klären. Was zweitens die mit dem Recht auf Prozesskostenhilfe verbundenen Garantien angeht, sieht die Verfahrensrichtlinie vor, dass die Antragsteller in allen Phasen des Verfahrens auf eigene Kosten einen Rechtsanwalt oder sonstigen nach nationalem Recht zugelassenen oder zulässigen Rechtsberater konsultieren dürfen.131 Die Verfahrensrichtlinie sieht aber nicht vor, dass die Mitgliedstaaten verpflichtet sind, ein Recht auf Prozesskostenhilfe für das Asylverfahren zu gewährleisten. Betreffend das Rechtsbehelfsverfahren können die Mitgliedstaaten vorsehen, dass unentgeltliche Rechtsberatung und -vertretung nicht gewährt wird, wenn der Rechtsbehelf des Antragstellers nach Einschätzung des Gerichts keine konkrete Aussicht auf Erfolg hat.132 Die Auslegung des Sekundärrechts wird insbesondere von der Grundrechtecharta, insbesondere deren Artikel 47 bestimmt. Wie die Erläuterungen zur Grundrechtecharta vorsehen, ist nach der Rechtsprechung des EGMR eine Prozesskostenhilfe zu gewähren, wenn in Ermangelung einer solchen Hilfe die Einlegung eines wirksamen Rechtsbehelfs nicht gewährleistet wäre.133 Während das in der Verfahrensrichtlinie verwendete Vokabular unter Berücksichtigung der Besonderheiten des Unionsrechts gewisse Abweichungen zulässt, wird in den Erläuterungen zur Charta ausdrücklich das Urteil Airey gegen Irland des EGMR als Auslegungsvektor genannt.134 Das Airey-Urteil gehört jedoch zur Rechtsprechung des EGMR, die den Antragstellern ohne finanzielle Mittel erweiterten Schutz gewährt. Daher kann die Bezugnahme auf die Rechtssache Airey, in der die Gewährung von Prozesskostenhilfe von der finanziellen Situation des Antragstellers abhängig war, kein Zufall sein. Was die Prozesskostenhilfe auf nationaler Ebene anbelangt, wurde die Logik, während des Verwaltungsverfahrens keinen Rechtsbeistand zu benötigen, sowohl vom französischen als auch vom deutschen Recht übernommen. Während die Prozesskostenhilfe vor dem Cour nationale du droit d’asile nach französischem Recht fast ausnahmslos gewährleistet ist, sieht das deutsche Asylgesetz vor, dass Gerichtskosten in Streitigkeiten nach dem Asylgesetz nicht erhoben werden.135 Die Anwaltskosten sind jedoch nicht Bestandteil dieser Kosten, so dass Prozesskos131 132 133 134 135
Erwägungsgrund (23) Richtlinie 2013/32/EU. A.a.o., Artikel 20 Abs. 3. Erläuterungen zur Charta der Grundrechte, ABl. C 303 vom 14. 12. 2007, S. 17 – 35. EGMR, Urteil vom 9. Oktober 1979 -Nr. 6289/73, Airey/Irland. § 83b AsylG.
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tenhilfe beantragt werden kann. Dies bedeutet jedoch nicht, dass die Gewährung von Prozesskostenhilfe nicht von den Erfolgsaussichten des Antrags abhängig ist. Die Lösung komplexer Rechtsfragen und die Klärung des Sachverhalts erfordern daher die Gewährung von Prozesskostenhilfe.136 So ist es einerseits wichtig, dass die Prozesskostenhilfe in sachlichen oder rechtlichen Zweifelsfällen gewährt wird und der Zugang zum Rechtsbehelf nicht dadurch gehindert, dass der Antragsteller über keine hinreichenden finanziellen Mittel verfügt. Da sich der Zweck des Verfahrens zur Gewährung von Prozesskostenhilfe von dem Zweck eines Asylverfahrens unterscheidet, ist es von grundlegender Bedeutung, dass die Entscheidungen der Verwaltungsgerichte über die Anträge auf Prozesskostenhilfe keine Vorentscheidung über den Ausgang des Berufungsverfahrens enthalten: in diesem Fall würde der Zugang zum Asylrichter illusorisch werden. Aus den analysierten Urteilen ergibt sich, dass in den Fällen, in denen die Rechtsfrage einer Klärung durch die Rechtsprechung bedarf oder in denen der sachliche Rahmen nicht hinreichend festgelegt ist, auch wenn die Darstellungen der Antragsteller uneinheitlich, widersprüchlich oder unvollständig sind, diese Unsicherheiten im Rahmen des Hauptberufungsverfahrens geklärt werden müssen und zu diesem Zweck Prozesskostenhilfe zu gewähren ist. In Frankreich ist das Verfahren vor dem Cour nationale du droit d’asile kostenfrei.137 Die Probleme des französischen Rechtshilfesystems sind hauptsächlich auf die automatische Bearbeitung der Anträge auf Gewährung von Prozesskostenhilfe und damit auf die Unzulänglichkeit des Dialogs zwischen der Asylbehörde, dem Büro für rechtlichen Beistand, dem Cour nationale du droit d’asile und manchmal auch der Präfektur zurückzuführen.138 Aus diesem Grund hat sich der EGMR wahrscheinlich für die Bedeutung der Achtung der institutionellen Faktoren ausgesprochen. Die Praxis zeigt, dass die Nichteinhaltung dieser Faktoren im Einzelfall zur Verletzung der EMRK führen kann. Die beschriebenen Rechtssachen zeigen die gleichen Symptome und erfordern die gleiche Behandlung: inter- und intrainstitu136 BVerfG, Beschluss vom 13. März 1990 – 2 BvR 94, 802, 887, 997, 1094, 1158, 1247, 1274, 1439, 1513/88 – BverfGE 81, 347; BVerfG, Beschluss vom 4. Mai 2015 – 1 BvR 2096/13 – NJW 2015, 2173; BverfG, Beschluss vom 16. Januar 2001 – 2 BvR 902/00 – openJur 2013, 24890; BVerfG, Beschluss vom 10. August 2001 – 2 BvR 569/01 – DVBl 2001, 1748; BVerfG, Urteil vom 19. Januar 1994 – 2 BvR 2003/93 – NVwZ 1994, 17 – 18; BVerfG, Beschluss vom 1. Januar 1993 – 2 BvR 1584/92 – juris; BVerfG, Beschluss vom 18. September 2017 – 2 BvR 451/17, 2 BvR 665/17, 2 BvR 614/17, 2 BvR 613/17, 2 BvR 520/17 -NJW 2018, 1078; BVerfG, Beschluss vom 19. Januar 1994 – 2 BvR 2003/93 – NVwZ 1994, 17; OVG Saarland, Beschluss vom 24. August 2009 – 2 D 395/09 – juris; VG Augsburg, Beschluss vom 21. Juni 2013 – 1 K 13.30141 – juris; VG München, Beschluss vom 16. November 2015 – M 9 K 14.31087 – juris; VG Würzburg, Beschluss vom 17. Juli 2017 – W 3 K 16.30710 – juris; VG Ansbach, Beschluss vom 18. Februar 2010 – AN 14 K 10.30032 – juris; VG Sigmaringen, Beschluss vom 5. Februar 2009 – A 5 K 2571/08 – juris. 137 Artikel R733 – 2 CESEDA. 138 CE, Urteil vom 30. Dezember 2009 – 298865; CE, Urteil vom 12. Juni 2013 – 357588; CE, Urteil vom 24. Oktober 2013 – 362976; CE, Urteil vom 1. Oktober 2014 – 368694; CE, Urteil vom 9. Oktober 2015 – 380477; CE, Urteil vom 8. Februar 2012 – 355884.
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tioneller Dialog, unabhängig von der Überlastung der Asylbehörde und des Cour nationale du droit d’asile. Titel 2: Die notwendige Stärkung der für den Zugang zu einem wirksamen Rechtsbehelf unerlässlichen Garantien Ein wesentlicher Punkt bei der Gewährleistung des Zugangs zu einem Rechtsbehelf sind die besonderen Verfahren, deren Hauptmerkmal die Gefahr einer sofortigen Zurückweisung ist. Obwohl der EGMR die Praxis der besonderen Verfahren als solche nicht verurteilt, müssen bestimmte Mindestanforderungen eingehalten werden. Diese Mindestanforderungen wurden vom EGMR festgelegt, in das Sekundärrecht der Union aufgenommen und vom EuGH im Geiste des Dialogs ausgelegt. Die derzeitige Rechtsprechung auf europäischer Ebene lässt keine Spannungen zwischen den untersuchten Rechtsordnungen erkennen. Kapitel 1: Die harmonische Gewährung des Rechts auf einen wirksamen Rechtsbehelf im EMRK Recht und im Unionsrecht Festzustellen ist, dass sich die Gerichtsbarkeiten der untersuchten europäischen Gerichtshöfe überschneiden. Der Dialog zwischen ihnen ist daher von grundlegender Bedeutung. Es darf jedoch nicht vergessen werden, dass der EuGH bei der Auslegung der für einen wirksamen Rechtsbehelf unerlässlichen Verfahrensgarantien auch die Besonderheiten des Unionsrechts zu berücksichtigen hat. Daher sollte der EuGH bei der Suche nach einem Dialog die dynamische Rechtsprechung des EGMR mit den Besonderheiten des Unionsrechts in Einklang bringen. Abschnitt 1: Zugänglichkeit eines wirksamen Rechtsbehelfs auf europäischer Ebene Bestimmte Grundsätze betreffend die Anforderungen an wirksame Rechtsbehelfe wurden vom EGMR ausgelegt139. Im Cˇ onka-Urteil hat der EGMR seine Rechtsprechung geändert, und festgestellt, dass die Erfordernisse von Artikel 13 EMRK eine Reihenfolge von Gewährleistungen sind und nicht nur eine bloße Absichtserklärung oder ein praktisches Arrangement sind.140 Diese Entscheidung zeigt deutlich, dass die Wirksamkeit der Beschwerde in der Auslegung des EGMR voraussetzt, dass
139
EGMR, Urteil vom 30. Oktober 1991 – Nr. 13163/87; 13164/87; 13165/87; 13447/87; 13448/87, Vilvarajah u. a./Vereinigtes Königreich; EGMR, Urteil vom 11. Juli 2000 – Nr. 40035/98, Jabari/Turkei. 140 EGMR, Urteil vom 5. Februar 2002 – Nr. 51564/99, Cˇ onka/Belgien, Rn. 83.
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ihre aufschiebende Wirkung ausdrücklich gesetzlich vorgesehen ist, um irreversible Folgen zu vermeiden. In der Rechtsache Gebremedhin hat der EGMR die Konventionalität der Anwendung von besonderen Verfahren anerkannt und den Grundsatz bekräftigt, dass das französische Flughafenverfahren nach der EMRK nicht problematisch ist, wenn sich der Asylsuchende nicht auf die Gefahr der Verletzung von Artikel 2 oder 3 EMRK in seinem Herkunftsstaat beruft, oder wenn er sich auf eine solche beruft, ihm die Möglichkeit einer verwaltungsrechtlichen Überprüfung als wirksamer Rechtsbehelf offensteht141. In diesem Fall hat der EGMR kategorisch entschieden, dass Artikel 13 verlangt, dass die betroffene Person Zugang zu einer Beschwerde mit aufschiebender Wirkung hat.142 In der Tat handelte es sich um einen einzigen Rechtsbehelf, dessen Ablehnung die sofortige Zurückweisung und die Gefahr irreversibler Folgen mit sich gebracht hätte. Diese Feststellung ist unabhängig von der Gewährleistung anderer Verfahrensrechte, wie das Recht auf sprachliche oder rechtliche Unterstützung, da die Verletzung des Rechts auf eine wirksame Beschwerde mit aufschiebender Wirkung so gravierende Folgen gehabt hätte, dass sie allein wahrscheinlich zur Verletzung der in der EMRK verankerten absoluten Rechte geführt hätte. Im Urteil S. E. gegen Frankreich hat der Kläger die 48-Stunden-Frist für die Einlegung eines Rechtsbehelfs gegen die Entscheidung über die Ablehnung des Asylantrags als offensichtlich unbegründet gerügt.143 Wegen des Fehlens zulässiger Beschwerdegründe (arguable claim) hat der EGMR jedoch nicht über die Konventionalität einer solchen Praxis entschieden. Wie das Fehlen einer Beschwerde mit aufschiebender Wirkung kann aber auch eine besonders kurze gesetzlich vorgesehene Frist, wie z. B. 48 Stunden, zur Verletzung eines absoluten Rechts führen. Was das EU-Recht angeht, ist die aufschiebende Wirkung der Beschwerde gemäß dem Wortlaut der Verfahrensrichtlinie nicht unbedingte Voraussetzung für ihre Wirksamkeit, zumindest nach Ansicht des Gesetzgebers der Union. Diese prima facie restriktive Regelung wird jedoch durch die Bestimmungen im eigentlichen Text der Richtlinie ausgeglichen. Betreffend die Fristen verlangt die Verfahrensrichtlinie angemessene Fristen und diese dürfen die Wahrnehmung dieses Rechts weder unmöglich machen noch übermäßig erschweren.144 Obwohl die Richtlinie keine bestimmte Frist vorsieht, wird hier die Ansicht vertreten, dass die übermäßig schwierige Ausübung des Rechtsbehelfs solche Fälle betrifft, in denen der Antragsteller nicht in der Lage ist, seine Beschwerde vorzubereiten, obwohl er noch andere Elemente zur Unterstützung seines Antrags hätte vorbringen können. Der EuGH hat in seinem Urteil Samba Diouf festgestellt, dass eine Frist von 15 Tagen bei be141 EGMR, Urteil vom 26. April 2007 – Nr. 25389/05, Gebremedhin [Gaberamadhien]/ Frankreich. 142 A.a.o., Rn. 66. 143 EGMR, Beschluss vom 15. Dezember 2009 – Nr. 10085/08, SE./Frankreich. 144 Artikel 46 Abs. 4 der Richtlinie 2013/32/EU.
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schleunigten Verfahren für die Vorbereitung und Einreichung eines Rechtsbehelfs im Grundsatz nicht tatsächlich unzureichend erscheint.145 Diese Definition legt auch nahe, dass eine angemessene Frist bedeutet, dass der Antragsteller in der Lage ist, die Gründe für seinen Anspruch vollständig darzulegen. Des Weiteren sieht die Verfahrensrichtlinie betreffend eine wirksame Beschwerde vor, dass „die Mitgliedstaaten den Antragstellern den Verbleib im Hoheitsgebiet bis zum Ablauf der Frist für die Ausübung des Rechts der Antragsteller auf einen wirksamen Rechtsbehelf und, wenn ein solches Recht fristgemäß ausgeübt wurde, bis zur Entscheidung über den Rechtsbehelf“ gestatten.146 Im Falle eines besonderen Verfahrens sieht die Verfahrensrichtlinie jedoch bestimmte Abweichungen vor, indem die Rechtmäßigkeit des Aufenthalts des Asylbewerbers durch ein Gericht überprüft werden kann. Im Falle eines offensichtlich unbegründeten und unzulässigen Asylantrags, der Ablehnung der Wiedereröffnung der Akte eines Asylsuchenden oder der Einstellung einer Prüfung, entscheidet ein Gericht darüber, ob der Asylsuchende im Hoheitsgebiet des Mitgliedstaats verbleiben darf.147 Diese Regelung spiegelt das Flughafenverfahren im französischen Recht wider, dessen Anwendung vom EGMR in der Rechtssache Gebremedhin geprüft wurde. Der Geist des Dialogs seitens des Gesetzgebers der Union ist leicht erkennbar, wenn man die Regeln mit dem alten Richtlinienverfahren vergleicht, in dem es keine vergleichbaren Regeln gab.148 Durch die Bestimmung, dass ein nationales Gericht für die Entscheidung, ob der Antragsteller im Hoheitsgebiet des Mitgliedstaats verbleiben darf, zuständig ist, hat der Unionsgesetzgeber nicht gegen das EMRK Recht verstoßen, da das nationale Gericht nur die Gründe prüft, die den Aufenthalt des Antragstellers im Hoheitsgebiet der Union rechtfertigen. Das EMRK Recht erfordert keinen weitergehenden Schutz, wenn keine Gefahr des Verstoßes gegen Artikel 3 EMRK vorliegt. Der EuGH kann die aufschiebende Wirkung der Beschwerde verlangen, auch wenn dies im Sekundärrecht nicht ausdrücklich vorgesehen ist, um der Rechtsprechung des EGMR nachzukommen. Im Fall Abdida beantragte der Antragsteller aus medizinischen Gründen eine Aufenthaltserlaubnis, da er an einer besonders schweren Krankheit litt.149 Obwohl es sich um eine Rückkehrentscheidung handelt, für die die Garantien der Rückführungsrichtlinie gelten, hat der EuGH statt einer wörtlichen Lesung, die es ihm ermöglicht hätte, diese Frage negativ zu beantworten, auf eine teleologische Auslegung zurückgegriffen und argumentiert, dass die Auslegung der Vorschriften dieser Richtlinie unter vollständiger Achtung der Grund145
EuGH, Urteil vom 28. Juli 2011 – C-69/10, Brahim Samba Diouf/Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, Rn. 67. 146 Artikel 46 Abs. 5 der Richtlinie 2013/32/EU. 147 Artikel 46 Abs. 6 der Richtlinie 2013/32/EU. 148 Artikel 39 der Richtlinie 2005/85/EK. 149 EuGH , Urteil vom 18. Dezember 2014 – C-562/13, Centre public d’action sociale d’Ottignies-Louvain-la-Neuve/Moussa Abdida, Rn. 21.
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rechte und der Menschenwürde der Betroffenen erfolgen muss.150 Es ist aber nicht klar, ob diese Lösung aus dem Willen zum Dialog mit dem EGMR oder einfach aus den Besonderheiten des Unionsrechts, insbesondere aus Artikel 5 Rückführungsrichtlinie, hervorgeht. Es sei jedoch darauf hingewiesen, dass die Reihenfolge der vom EuGH vorgebrachten Argumente zwar für die Bereitschaft zum Dialog mit dem EGMR spricht, die Berufung auf Artikel 5 Rückführungsrichtlinie jedoch geeignet ist, dieses Argument zu widerlegen und damit zu der Annahme führt, dass ein Dialog zwischen den europäischen Gerichtshöfen nur möglich ist, weil der Unionsgesetzgeber die Straßburger Rechtsprechung in die Rückführungsrichtlinie aufgenommen hat. So können die Besonderheiten des Unionsrechts auch zu einem Dialog beitragen, sofern der Wille des Unionsgesetzgebers in diese Richtung geht. In Ermangelung einer Rechtsprechung zu dem dargelegten Problem zögert der EuGH nicht, sich auf die Rechtsprechung des EGMR zu berufen. Der Wunsch nach Annäherung zur Rechtsprechung des EGMR zeigt sich auch in den Entscheidungen, in denen es um die aufschiebende Wirkung der Beschwerde gegen eine Entscheidung über die Ablehnung eines Antrags auf internationalen Schutz ging. Im Fall Tall hat der EuGH klargestellt, dass es sich bei dem betreffenden Asylantrag um einen Folgeantrag handelt, der Gegenstand eines besonderen Verfahrens mit beschränkten Verfahrensgarantien ist.151 In Ermangelung neuer Elemente und Erkenntnisse können die Mitgliedstaaten jedoch zu Recht vorsehen, dass einem Rechtsbehelf gegen die Weigerung, einen Folgeantrag auf Asyl wie den im Ausgangsverfahren in Rede stehenden zu prüfen, keine aufschiebende Wirkung zukommt,152 weil der Vollzug an sich nicht zur Abschiebung führt. Der EuGH hat entschieden, dass das Fehlen der aufschiebenden Wirkung der Beschwerde gegen die Entscheidung, den Asylantrag nicht weiter zu prüfen, nicht gegen das Unionsrecht verstößt. Dennoch ist der Grund für diese Annahme verwirrend. Der EuGH hat diese Schlussfolgerung nicht damit begründet, dass der Antragsteller nicht der Gefahr der Misshandlung ausgesetzt wäre, sondern dass es sich um ein Asylverfahren und nicht um ein Rückführungsverfahren handelte. Die möglichen Gründe für eine Misshandlung sind jedoch im Rahmen des Abschiebungsverfahrens zu prüfen. Nach Ansicht des EuGH kann die Vollstreckung der Entscheidung über die Ablehnung des Antrags auf internationalen Schutz nicht zur Abschiebung führen, da nach wie vor eine Rückführungsanordnung erforderlich ist, die mit einer Beschwerde mit aufschiebender Wirkung angefochten werden kann, wie aus dem oben genannten Abdida-Urteil hervorgeht. Die Komplexität dieser Rechtsprechung weist mehrere Nachteile auf, von denen der gravierendste darin besteht, dass ein solches juristisches Argument die Behandlung bereits abgelehnter Anträge auf internationalen Schutz untergraben kann, und es kein gesondertes Verfahren zur Anfechtung der Rückführungsmaßnahme gibt. Die verschiedenen Lösungen können zu einer Kluft bei der 150
A.a.o., Rn. 42. EuGH, Urteil vom 17. Dezember 2015 – C-239/14, Abdoulaye Amadou Tall/Centre public d’action sociale de Huy, Rn. 41. 152 A.a.o., Rn. 49. 151
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Festlegung der Reichweite der Verfahrensgarantien in den einzelnen Mitgliedstaaten führen und das Risiko von Lotterieeffekten bei der Bearbeitung von Anträgen auf internationalen Schutz erhöhen. Abschnitt 2: Zugang zu einem wirksamen Rechtsbehelf in der Praxis auf europäischer Ebene Der Zugang zu einem Rechtsbehelf wird illusorisch, wenn die für die Prüfung des Antrags auf internationalen Schutz zuständigen Behörden die Bearbeitung eines Antrags mit einem hohen Maß an Formalismus erfüllen und dies dazu führt, dass die Antragsbearbeitung automatisch als besonderes Verfahren eingestuft wird. Die Praxis des EGMR und des EuGH zeigt diesbezüglich ein hohes Maß an Dialog. Was den Zugang zu einem wirksamen Rechtsbehelf in der Praxis des EGMR betrifft, kennzeichnet den Formalismus insbesondere die Filterung der Anträge auf internationalen Schutz. Die automatische Einstufung der Bearbeitung eines Antrags auf internationalen Schutz als besonderes Verfahren bedeutet jedoch eine Einschränkung der Verfahrensgarantien während des Rechtsbehelfsverfahrens, so dass der Zugang zu einem Rechtsbehelf zwar gesetzlich vorgesehen ist, aber im Einzelfall wegen eines hohen Formalismus unwirksam werden kann. Dies war der Fall beim Urteil I. M. gegen Frankreich153. Einer der entscheidenden Faktoren für die Beurteilung der Wirksamkeit des Rechtsbehelfs war das Verhalten der für die Prüfung des Asylantrags zuständigen Behörden. Vor allem die automatische Einstufung der Bearbeitung des Asylantrags als besonderes Verfahren führte nämlich zu einer Verurteilung Frankreichs, wobei eine strenge und effektive Prüfung die zuständigen Behörden an dieser Einstufung gehindert hätte. Hier hätte eine effektive Prüfung bei der Beurteilung der Verfolgungsgründe zur Einstufung des Verfahrens als normales Asylverfahren geführt. Bei der Prüfung eines Asylantrags hebt der EGMR die Erfüllung bestimmter positiver Verpflichtungen im Hinblick auf die Prüfung der Begründetheit des Antrags hervor.154 Was die Zugänglichkeit zu wirksamen Rechtsbehelfen im Unionsrecht betrifft, sieht die Verfahrensrichtlinie dieselben Anforderungen vor, wie sie sich aus der Rechtsprechung in der Sache Singh ergeben155. Aber auch hier sieht die Verfahrensrichtlinie keine Form des Dialogs zwischen den zuständigen nationalen Behörden vor. Abgesehen von diesem relativ präzisen normativen Rahmen hatte der EuGH Gelegenheit, sich zur Zugänglichkeit des Rechtsbehelfs in der Praxis zu äußern. Die Qualität des Asylverfahrens wurde vom EuGH in dem oben genannten
153 154 155
EGMR, Urteil vom 2. Februar 2012 – Nr. 9152/09, I.M./Frankreich. EGMR, Urteil vom 2. Oktober 2012 – Nr. 33210/11, Singh u. a./Belgien. Artikel 10 Abs. 3 Punkt a)-d) der Richtlinie 2013/32/EU.
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Urteil Samba Diouf und in der Rechtssache Arslan156 beurteilt. Im letzteren Fall betraf zwar eine der zur Vorabentscheidung vorgelegten Fragen die Möglichkeit der Inhaftierung eines Drittstaatsangehörigen, der einen Asylantrag gestellt hat, doch hat der Gerichtshof darauf hingewiesen, dass die einzige Tatsache, dass der Ausländer zum Zeitpunkt der Einreichung des Antrags auf internationalen Schutz in Haft genommen wird, „nicht ohne fallspezifische Beurteilung sämtlicher relevanter Umstände die Vermutung zulässt, dass er diesen Antrag einzig und allein zu dem Zweck gestellt habe, den Vollzug der Rückführungsentscheidung zu verzögern oder zu gefährden, und dass es objektiv erforderlich und verhältnismäßig sei, die Haftmaßnahme aufrechtzuerhalten“157. Der EuGH verlangte daher eine strenge Prüfung der Umstände, die die Inanspruchnahme eines besonderen Verfahrens rechtfertigen könnten. Kapitel 2: Die Notwendigkeit einer geregelten Verfahrensautonomie in Bezug auf das Recht auf einen wirksamen Rechtsbehelf im beschleunigten Verfahren Untersucht wurden die Anforderungen des Rechts auf einen wirksamen Rechtsbehelf im deutschen und französischen Recht. Abschnitt 1: Zugänglichkeit eines wirksamen Rechtsbehelfs im deutschen Recht Das besondere Verfahren bei Einreise auf dem Luftweg wurde eingeführt, um eindeutig erfolglose Anträge zu bearbeiten. Die Besonderheit dieses Verfahrens ist, dass es vor der Einreise in das deutsche Hoheitsgebiet und auf dem Gebiet des Flughafens stattfindet.158 Angesichts dieser Besonderheit ist das Flughafenverfahren nach Ansicht des Bundesverfassungsgerichts von begrenzten, aber ausreichenden Verfahrensgarantien begleitet, um die Gefahr einer Verletzung der durch das Grundgesetz geschützten absoluten Rechte zu vermeiden. Gemäß § 18a Asylgesetz, ist bei Ausländern, die aus einem sicheren Herkunftsstaat kommen und die sich nicht mit einem gültigen Pass oder Passersatz ausweisen, das Asylverfahren vor der Entscheidung über die Einreise durchzuführen.159 Dieses Verfahren wird vom Bundesamt durchgeführt. Lehnt dieses den 156 EuGH, Urteil vom 30. Mai 2013 – C-534/11, Mehmet Arslan/Policie Cˇ R, Krajské rˇeditelství policie Ústeckého kraje, odbor cizinecké policie. 157 A.a.o., Rn. 62. 158 Bergmann/Dienelt, Ausländerrecht: Aufenthaltsgesetz, Freizügigkeitsgesetz/EU und ARB 1/80 (Auszug), Grundrechtecharta und Artikel 16a GG, Asylgesetz: Kommentar, 12. Aufl. 2018, in: C.H. Beck, AsylG § 18a Rn. 7. 159 § 18a Abs. 1 AsylG.
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Asylantrag als offensichtlich unbegründet ab, muss die Einreise verweigert werden. Hinsichtlich der Rechtsbehelfsmöglichkeiten kann ein Antrag auf Erteilung einer einstweiligen Anordnung nach § 123 VwGO gestellt werden. Mit diesem Antrag kann das Einreiseverbot in Deutschland angefochten und die Abschiebung verhindert werden. Obwohl der verfassungsändernde Gesetzgeber nach der Asylreform von 1993 restriktive Regelungen eingeführt hat, die zur Verkürzung der Verfahrensgarantien führten, ist zu beachten, dass die Leitlinien des Bundesverfassungsgerichts einen möglichst wirksamen Zugang zu den Verwaltungsgerichten vorsehen. Diese Entwicklung spiegelt sich insbesondere in der Berechnung der Fristen und in den zusätzlichen Verfahrensgarantien wider. Die Beschwerdefrist gegen die Entscheidung des Bundesamtes, den Asylantrag als offensichtlich unbegründet abzulehnen, beträgt drei Tage. Dieser Zeitraum scheint unzureichend, um den Rechtsbehelf ausreichend und umfassend zu begründen. Bei der Berechnung der Frist finden die entsprechenden Vorschriften des Bürgerlichen Gesetzbuches Anwendung, nach dessen § 193 die Frist, wenn sie auf Samstage, Sonntage oder Feiertage fällt, erst am nächsten Werktag abläuft und somit praktisch länger als drei Tage sein kann.160 Aus Art. 19 Abs. 4 und Art. 103 Abs. 1 GG ergibt sich laut Bundesverfassungsgericht, dass es dem Asylsuchenden möglich sein muss, mit den Gründen, die er für seinen Antrag auf Gewährung vorläufigen Rechtsschutzes geltend machen will, auf die Entscheidung des Verwaltungsgerichts Einfluss zu nehmen.161 Damit der Asylsuchende Einfluss auf die Entscheidung des Verwaltungsgerichts nehmen kann, sollte ihm eine zusätzliche Frist von vier Tagen eingeräumt werden, d. h. ab Zustellung der Entscheidung des Bundesamtes hat der Asylbewerber eine Woche Zeit, seinen Antrag einzureichen und zu begründen.162 Darüber hinaus kann das gleiche Gericht die Verlängerung der Beschwerdefristen gegen die Entscheidung des Bundesamtes genehmigen. Eine solche Gesetzgebung sieht daher einen angemessenen Zeitraum vor. Da das Bundesverfassungsgericht die prima facie unangemessene Fristen angepasst hat, berücksichtigen die Verwaltungsgerichte diese Richtlinien, was zu der geringen Zahl von Streitigkeiten beiträgt, in denen den Behörden die Unzumutbarkeit der Frist vorgeworfen wird. Außerdem tragen zusätzliche Verfahrensgarantien dazu bei, dass der Zugang zum Rechtsbehelf so wirksam wie möglich ist. Des Weiteren kann der Formalismus der Behörden bei der Prüfung von Asylanträgen die Wirksamkeit des Zugangs zu einem Rechtsbehelf vor den Verwaltungsgerichten untergraben. Es gibt wenig Rechtsprechung, die die Folgen einer formalistischen Beurteilung der Verfolgungsgründe zum Inhalt hat.163 Sobald das
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§ 193 BGB. BVerfG, Urteil vom 14. Mai 1996 – 2 BvR 1516/93 – BVerfGE 94 – 166. 162 A.a.o. 163 BVerfG, Beschluss vom 27. April 2004 – 2 BvR 2020/99 – BVerfGK 3, 185; BVerfG, Beschluss vom 24. September 1998 – 2 BvR 2470/96 – NVwZ – Beilage 1999 – I; BVerfG, Beschluss vom 27. September 1993 – Nr. 2 BvR 2041/93 – NVwZ 1993, 19; BVerfG, Beschluss vom 8. Dezember 1993 – 2 BvR 2709/93 – NVwZ 1994, 51; BVerfG, Beschluss vom 2. De161
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Verwaltungsgericht die offenkundige Unbegründetheit des Asylantrags bestätigt hat, reicht die Kenntnis des Tenors des Urteils aus, die Abschiebung anzuordnen. Um den Antrag als offensichtlich unbegründet zu qualifizieren, kann die Entscheidung des Bundesamtes nur dann abgelehnt werden, wenn der Richter überzeugt ist, dass die vom Asylsuchenden dargelegte Schilderung nicht glaubwürdig ist. Was die Kohärenz anbelangt, so reicht auch eine teilweise kohärente Darstellung aus, um die Einreise in das Gebiet zu ermöglichen. Wenn der Antragsteller eine kohärente Darstellung vorlegt, müssen die etwaigen Widersprüche während des normalen Asylverfahrens aufgelöst werden. Das Bundesverfassungsgericht befürwortet eine individualisierte Prüfung, selbst wenn die Verwaltungsgerichte in einem beschleunigten Verfahren entscheiden. Abschnitt 2: Zugänglichkeit eines wirksamen Rechtsbehelfs im französischen Recht Dem deutschen Flughafenverfahren entspricht das Verfahren in der Transitzone im französischen Recht, das vor der Einreise des Drittstaatsangehörigen in das französische Hoheitsgebiet stattfindet und dessen Ziel darin besteht, die offensichtliche Unbegründetheit des Asylantrags festzustellen. Was die Ausgestaltung eines wirksamen Rechtsbehelfs im Verfahren in der Transitzone betrifft, so hat der EGMR im Jahr 2007 im Urteil Gebremedhin gegen Frankreich festgestellt, dass die Ausgestaltung dieses Verfahren gegen der EMRK verstößt. Die Entscheidung, den Asylantrag als offensichtlich unbegründet zu qualifizieren, wird von dem für Einwanderung zuständigen Minister vorgenommen, nachdem er die nun verbindliche Stellungnahme der Asylbehörde eingeholt hat. Gegen diese Entscheidung können die Asylsuchenden vor den Verwaltungsgerichten Beschwerde einlegen. Nach der Verurteilung Frankreichs sieht das Asylgesetzbuch nunmehr den aufschiebenden Charakter dieser Beschwerde vor, d. h. während 48 Stunden ist eine Ausweisung nicht möglich, sofern die Beschwerde innerhalb der Fristen eingelegt wird. Die Verurteilung des EGMR hat den französischen Gesetzgeber veranlasst, das französische Recht mit den Anforderungen aus der Rechtsprechung des EGMR in Einklang zu bringen. Natürlich hätte die angenommene Lösung auch aus dem in der Verfassung verankerten Asylrecht und seinem wesentlichen Bestandteil, dem Recht, sich für die Prüfung des Asylantrags unbedingt erforderliche Zeit auf französischem Hoheitsgebiet aufzuhalten, stammen können. Der Conseil d’État vertrat die Auffassung, dass die Bestimmungen über ein solches Verfahren mit der neuen Verfahrensrichtlinie vereinbar sind, zumindest was den aufschiebenden Charakter der Beschwerde gegen die Entscheidung des Ministers betrifft.164 Trotz der Übereinstimmung einer solchen Beschwerde mit aufschiebender zember 1993 – 2 BvR 1475/93- NVwZ-RR 1994, 11; BVerfG, Beschluss vom 6. August 1993 – 2 BvR 1654/93 – BVerfGE 89, 109. 164 CE, Urteil vom 20. Oktober 2016 – 395105, Rn. 4.
Teil 2
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Wirkung mit dem Unionsrecht in der Auslegung der Verfahrensrichtlinie durch den Conseil d’État haben sich weder der EuGH noch der EGMR zur Rechtmäßigkeit dieses Verfahrens geäußert. Der EGMR hat die 48-Stunden-Frist in der Rechtssache I.M. als „extrem kurz“ für die Vorbereitung des Rechtsbehelfs angesehen, und diese Feststellung ist für die Beschwerde im Verfahren in der Transitzone vor dem Verwaltungsgericht entsprechend relevant.165 Diese Kritik wurde jedoch von dem französischen Gesetzgeber bei der Reform nicht berücksichtigt. Allerdings können Fristen nur im Einzelfall beurteilt werden. Andererseits kann die Unzumutbarkeit der Frist geltend gemacht werden, soweit die Ausübung der Beschwerde unmöglich oder übermäßig erschwert wird. Es wird hier die Ansicht vertreten, dass die Regelung fehlerhaft wird, wenn die Unmöglichkeit oder übermäßig schwierige Art des Zugangs zur Beschwerde systemisch ist; dies wäre der Fall, wenn sie eine große Zahl von Asylsuchenden betreffen kann und die zusätzlichen Verfahrensgarantien diese Lücke nicht beheben können. Wird die 48-Stunden-Frist an Wochenenden und Feiertagen nicht verlängert, kann dies in den meisten Fällen die Einreichung einer vollständigen Beschwerde in französischer Sprache verhindern, wenn während dieser Tage keine Anwälte im Wartebereich anwesend sind.166 Folglich wirft diese Praxis auf den ersten Blick die Unwirksamkeit der in Rede stehenden Beschwerde im Sinne von Artikel 13 EMRK auf. Nach Ablauf dieser Frist kann nämlich gegen die Entscheidung, die Einreise zu Asylgründen zu verweigern, kein weiterer Rechtsbehelf eingelegt werden. Außerdem tragen die anderen verkürzten Verfahrensgarantien dazu bei, dass der Zugang zur Beschwerde unwirksam wird. Der französische Gesetzgeber hat nicht alle Konsequenzen aus der Verurteilung Frankreichs nach Artikel 13 EMRK gezogen. Dieser Umstand kann zu weiteren Verurteilungen führen. Darüber hinaus besteht eine der Besonderheiten des Verfahrens in der Transitzone in der französischen Rechtsordnung darin, dass der für die Einwanderung zuständige Minister und dann die Verwaltungsgerichte den Asylantrag als offensichtlich unbegründet ablehnen können. Der Minister ist jedoch keine auf den Asylbereich spezialisierte Verwaltungsbehörde und die Verwaltungsgerichte erfüllen nicht die Aufgabe eines Asylrichters. Daher ist eine genaue Verteilung der Zuständigkeiten und damit die Festlegung des Umfangs der Aufgaben unerlässlich. Der Zweck der Entscheidung des für Einwanderung zuständigen Ministers ist es, dem Asylbewerber die Möglichkeit zu geben, sich zu der Präfektur zu begeben, um eine befristete Aufenthaltserlaubnis zu beantragen, wenn der Antrag nicht offensichtlich unbegründet ist. Es handelt sich also um ein „Screening-Verfahren“, bei dem die Zuständigkeit des Ministers und des Verwaltungsgerichts streng geregelt werden muss. Keiner von ihnen kann über Fragen entscheiden, die in die alleinige Zustän165
Ministerkomitee des Europarates, Stellvertreter der Minister, Informationsdokumente, CM/Inf/DH(2013)9-rev, 26. Februar 2013, https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx? ObjectID=09000016805b47d4 (abgerufen am 15. Januar 2018). 166 Observatoire de l’enfermement des étrangers, „Une procédure en trompe l’œil“, http:// www.fasti.org/images/stories/oee/OEE_rapport_acces_recours_2014.pdf (abgerufen am 15. Januar 2018).
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digkeit der für die Prüfung des internationalen Schutzes zuständigen Verwaltungsoder Justizbehörden fallen. Andernfalls würde die Qualität der Entscheidungen untergraben, und darüber hinaus würde eine solche Verwaltungspraxis den Zugang zur Beschwerde illusorisch machen. Dennoch scheint der Umfang der Kontrolle des Ministers und der Verwaltungsgerichte in der Verwaltungsrechtsprechung nicht klar definiert. Natürlich ist es schwierig, die Grenzen der Filterung nach der offensichtlichen Begründetheit der Asylanträge und der inhaltlichen Prüfung des Antrags zu ziehen. Auf den ersten Blick sind umfangreiche Kontrollen für Asylsuchende günstiger, da sie ihre Anträge eingehender prüfen lassen können. Andererseits ist eine solche Lösung in zweierlei Hinsicht unbefriedigend. Erstens haben weder der Minister noch das Verwaltungsgericht genügend Zeit, um die Begründetheit der Klage zu überprüfen. Folglich wäre es zweitens angemessener, den Fall an die Asylbehörde zu verweisen, wenn es Zweifel gibt. Hinsichtlich des Umfangs der dem Minister und den Verwaltungsgerichten übertragenen Aufgabe weist die Verwaltungsrechtsprechung aufgrund mangelnder normativer Klarheit Abweichungen auf, die von einer summarischen Prüfung bis zu tatsächlichen Bewertungen der dem Asylantrag zugrunde liegenden Gründe reichen.167 Die Abweichungen in der Praxis des Ministers und im Verwaltungsverfahren führen somit zu ”Lotterieeffekten” in der Antragsbearbeitung.
Schlussfolgerungen Die Wirksamkeit des Zugangs zu den Asylorganen hängt von mehreren Faktoren ab. Diese stammen nicht nur aus dem nationalen Recht. Die Grundvoraussetzung für einen wirksamen Zugang ist eine harmonische Umsetzung der für einen solchen Zugang erforderlichen Verfahrensgarantien, die auf europäischer Ebene festgelegt sind. Andererseits setzt die Wirksamkeit des Zugangs ein harmonisches Verhältnis zwischen dem EMRK Recht und dem Unionsrecht im Geiste eines Dialogs voraus. Bei der Einrichtung dieses Dialogs spielen der Gesetzgeber der Union sowie der EGMR und der EuGH eine wesentliche Rolle. Auch wenn dieser Dialog nicht harmonisch ist, kann das nationale Recht die festgestellten Mängel noch korrigieren. Eine harmonische Umsetzung ist jedoch durch mangelnden Dialog gefährdet. Was das nationale Recht betrifft, so ist auch ein notwendiger Dialog erforderlich, nicht nur mit den europäischen Behörden, sondern auch innerhalb des Staates zwischen den Verwaltungs- und Justizbehörden. Schließlich ist die Wirksamkeit dieses Zugangs auch in einer grenzüberschreitenden Dimension von wesentlicher Bedeutung, um die nationalen Rechtsvorschriften weiter anzugleichen und eine europäische Lösung für 167 TA Paris, Urteil vom 20. Dezember 1996 – 9503292/4 und 9503293/4; TA Cergy-Pontoise, Urteil vom 26. Oktober 2006 – 0609563; CAA Paris, Urteil vom 26. April 2012 – 11PA00707; CAA Paris, Urteil vom 11. April 2013 – 12PA03253; CAA Paris, Urteil vom 25. April 2013 – 12PA03465; CAA Paris, Urteil vom 27. Mai 2013 – 12PA04506; CAA Paris, Urteil vom 19. November 2013 – 13PA00338; CAA Paris Urteil vom 28. Mai 2013 – 12PA04353.
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die strukturellen und systemischen Probleme, die diesen Zugang kennzeichnen, zu entwickeln.
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