Panorama de la bande dessinee erotique clandestine
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Bernard JOUBERT

PANORAMA DE LA

BANDE DESSINÉE ÉROTIQUE

CLANDESTINE

Du même auteur chez le même éditeur: Les Carnets secrets de Janice ( 1999) Anthologie érotique de la censure (2001) Histoires de censure (2006) Les Malheurs de Janice tome 3 (2010, réédition) Les Carnets secrets d’Erich von Gotha (2015)

Remerciements Sans Christophe Bier, Roberto Baldazzini et Russ Greeno, ce livre aurait été différent et moins bien. Il y a toujours à remercier pour quelque chose Jean-Paul Jennequin, Jean-Pierre Bouyxou et Frank Evrard.

Traductions, lettrage et maquette ont été réalisés par l'auteur au sein, petit, du Studio Sylvie C.

La couverture a été conçue par Monique Plessis. Bonnes adresses http://dictionnaire.joubert.free.fr http://www.lamusardine.com Imprimé en Bulgarie par Multiprint Dépôt légal : septembre 2018

© Dynamite, 2018 122 rue du Chemin-Vert 75011 Paris

ISBN: 978-2-36234-169-4 Première édition

INTRODUCTION (sans vases grecs)

Probablement n'êtes-vous pas en train de lire ces lignes. Un avant-propos sur la bande dessinée érotique est toujours un pensum que l'expérience vous a appris à sauter. Des pages ency­ clopédiques sur le Kamasutra et les vases grecs... D'interminables considérations sur l'histoire de l'art ou Krafft-Ebing... Il en a longtemps été de même dans les ouvrages retraçant l'histoire de la bande dessinée en général qui, soucieux de légitimité culturelle, n'osaient évoquer Pim Pam Poum sans avoir auparavant tartiné sur les grottes de Lascaux et les hiéroglyphes. Eh bien, si vous n'êtes pas en train de lire ces lignes, vous avez tort: cet avantpropos est garanti sans vases grecs.

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D'ailleurs, y aura-t-il véritablement de l'éro­ tisme dans ce livre? Non, pour ceux qui opposent ainsi érotisme et pornographie :

ÉROTISME

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Car nous allons voir de la pornographie, de la pornographie et de la pornographie. Telle était l'intention des dessinateurs qui s'aventuraient dans l'illégalité, c'est ce qu'en attendaient les éditeurs et les lecteurs, et ce que leur auraient reproché la police et la justice s'ils ne s'étaient pas systéma­ tiquement dissimulés derrière un anonymat pro­ tecteur. Une fois la barrière franchie, la décision prise d'outrager les «bonnes mœurs», selon les termes de la loi française, ils auraient déçu à ne pas œuvrer dans le franchement obscène, la repré­ sentation explicite des rapports génitaux. Si vous êtes de ceux qui pensent que «c'est mieux quand c'est suggéré », quittons-nous bons amis et passez votre chemin, il y aura trop à voir. Ou supportez la lecture de ce livre par intérêt scientifique car, hors les dirty comics américains qui ont fait l'objet de nombreuses rééditions depuis les années 1970, cette production en marge, peu glorieuse il est vrai, souvent bâclée, reste extrêmement méconnue et le présent ouvrage est le premier à lui être consacré.

Oui, si on considère, à notre manière, que la pornographie est un sous-ensemble de l'érotisme :

Ceci n'est pas un vase grec, mais un vase moche.

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Dès l'invention de la photographie, puis du cinéma, au xixc siècle, érotisme et pornographie furent de la partie. Les photos de nus pullulèrent, académiques ou non. «Le coucher de la mariée», qui se contentait de montrer la jeune épousée se laver les mollets dans un tub, fut un thème fré­ quemment traité par les premiers photographes et premiers cinéastes, et les maisons closes s'équi­ pèrent au plus vite de cette nouvelle invention qu'étaient les projecteurs pour prouver que la nuit de noce, après les prémices hygiéniques, avait été mouvementée. Il n'en fut pas de même pour la bande dessi­ née - qui d'ailleurs, pendant très longtemps, ne porta pas ce nom. Comme elle ne découle pas d'une innovation technique précisément datée par un brevet industriel, les historiens débattent encore de ses origines, mais s'accordent à recon­ naître dans le Suisse Rodolphe Tôpffer le premier dessinateur à avoir eu conscience d'utiliser une nouvelle forme de narration, plus complexe qu'une simple suite d'illustrations, et à publier les pre­ miers albums, à partir de 1833. Or, de nombreuses décennies passent ensuite sans que les «littéra­ tures en estampes» (comme les baptise Tôpffer) s'encanaillent. On amuse les adultes (Histoire pit­ toresque, dramatique et caricaturale de la Sainte Russie de Gustave Doré, 1854) et les enfants (la Famille Fenouillard de Christophe, 1889), mais on ne cherche pas à émoustiller. Sous le manteau,

Le très illustré Parisiana s'ouvre par une bande dessinée d'un tiers de page (ci-dessus de Moriss dans le n° 129 du 23 février 1929). Mais la double page centrale en couleurs, facilement utilisable pour décorer les murs, est composée de multiples dessins qui ne forment que rarement un récit, comme cidessous celle de René Giffey, également auteur de la couverture.

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il se publie des romans pornographiques, illustrés parfois de fort beaux dessins, mais pas, dans la même veine, de «romans graphiques», comme on dit aujourd'hui.

LA BANDE DESSINÉE ÉROTIQUE NON CLANDESTINE Au début du xxe siècle, ce qui paraît au grand jour reste tout au plus de la nudité féminine et des sous-entendus. Les magazines légers fran­ çais - Parisiana, Fantasio, le Sourire — regorgent de dessins, qui sont avant tout humoristiques ou illustrent des nouvelles. On entrevoit parfois des seins, des fesses, une nudité joyeuse, mais l'artiste ne se place jamais à l'instant d'un acte sexuel : un couple se dit au revoir après une nuit d'amour, une prostituée accueille un client... Sous le crayon de certains - René Giffey et Étienne Le Rallie pro­

duisent des merveilles -, de courtes suites d'images racontent une histoire, mais le fait est rare et se limite à des plaisanteries de quelques cases. Le tiers de page et la page sont les formats les plus courants, et il n'y a pas de récits développés sur plus de deux pages, jamais. De plus, l'évolution des techniques de reproduction fait que, dans les années 1930, la photo supplante pour une bonne part le dessin dans la presse légère, hormis pour les supports dédiés à l'humour. La bande dessinée érotique n'est encore qu'un épiphénomène, une variante du dessin humoristique, un bouche-trou. Côté anglais, Norman Pett est un dessinateur qui doit retenir notre attention. Non seulement il réalise Jane pour le Daily Mirror, un strip quo­ tidien dans lequel, pour remonter le moral des troupes durant la Seconde Guerre mondiale, l'hé­ roïne est souvent montrée en sous-vêtements (dans sa chambre) et parfois nue (dans sa baignoire), mais il est soupçonné d'avoir produit, au moins pour son plaisir personnel, des dessins pornographiques. Le collectionneur Gérard Nordmann possédait les originaux d'une soixantaine de cartoons obscènes attribués à Pett, mis en vente aux enchères par Christie's en 2006. Une vingtaine restaient inache­ vés, les autres étant colorés aux crayons et dialogués. Nordmann les avait fait luxueusement relier

Les Etrennes de Lulu

Ci-dessus: Un tiers de page de Ludo Chauviac dans Paris Plaisirs n° 114, décembre 1931. Ci-dessous: Étienne Le Rallie dans le Sourire.

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Ci-dessus: Jane nue, pour la première fois, le 30 décembre 1940, et, à droite, dans une scène inédite.

en un livre auquel il avait donné le titre de Jane et la signature de Pett. Un exemplaire unique pour ce qui, peut-être, fut un projet de bande dessinée clandestine... En France, il faut attendre l'après Libération pour que soient osés quelques rares illustrés - ainsi appelle-t-on alors les journaux de BD - sensuels. Bien différents de la Semaine de Suzette, Spirou et autres Vaillant pour la jeunesse, paraissent des récits complets comme les Aventures sentimen­ tales de Lulit secrétaire pin-up (deux numéros en 1948, dessinés par Marc René Novi, auteur, trente ans plus tard, de la biographie Landru chez Glénat)

ou les Aventures amoureuses de Micky pin-up girl et les Aventures de Daisy Parker super femme (les deux en 1948). Des revues de pin-up accueillent des récits dessinés de quelques pages : Griserie de Paris (un numéro sans date), Comic burlesc (sept numéros en 1948, avec Betty Rumba pour héroïne de nouvelles et de bandes dessinées, ces dernières étant dues à Yves Mondet, sous le pseudonyme de Silly Jim, puis Roger Roux), Oh ! (une vingtaine de numéros à partir de 1948, avec quelques BD

La plus ancienne bande dessinée condamnée en France dont nous ayons retrouvé trace. Son héroïne osait y pratiquer le nudisme. N» I

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DANS LE PROCHAIN NUMERO:

BETTY RUMBA aux SES EXPLOITS AMUSERONT CERTAINEMENT TOUS LES JEUNES DE 17 ANS JUSQU’A 100 ANS

d'Emmanuel Cocard, Redvil et Yves Mondet)... Jean David réalise des feuilletons sexy d'un tiers de page dans V magazine (les Amours de Barbara Smith, Carmen 50) et, fait remarquable, cet hebdo­ madaire publie, dès 1952, dans un hors-série esti­ val, une adaptation des Aventures de Zodiaque (une série de romans policiers), douze pages qui sont probablement la première bande dessinée teintée d'érotisme de Jean-Claude Forest, le futur créa­ teur, pour le même support, de Barbarella. Flash, « l'hebdomadaire du grand reportage », commence à traduire en strips feuilletonesques la Gwendoline de John Willie sous le titre Tendre Caroline, peu avant que le ministère de l'intérieur ne mette fin à ce journal en 1951. Car, bien sûr, la censure veille : l'éditeur (René Mangan) et l'imprimeur des Aven­ tures sentimentales de Lulu secrétaire pin-up sont condamnés pour outrage aux bonnes mœurs en décembre 1948, Comic búrlese est interdit d'expoCi-dessus : Betty Rumba version Yves Mondet. Ci-contre : Encrés avec le manche du pinceau, les débuts de Forest dans l'érotisme.

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sition à Paris par la préfecture en mai 1948, Oh ! interdit d'exposition par le ministère de l'intérieur en août 1950. Les éditeurs persistent et en paient le prix : les Romans en images sont interdits d'expo­ sition en janvier 1954, de même que les Grands Romans noirs dessinés qui sont, de plus, condam­ nés en avril 1956. Pourtant, n'allez pas vous faire des idées, tout cela reste soft, les cases de nudité disséminées dans ces récits policiers ne laissant pas même entrevoir les poils pubiens. Au plus com­ prend-on qu'après leurs fougueux baisers et leurs enlacements passionnés les personnages ont fait l'amour, puisqu’ils se rhabillent, mais sans que rien ne soit montré. Il n'empêche : l'éditeur des Grands Romans noirs dessinés, Roger Dermée, et Ginette, son épouse et associée, écopent d'un mois de pri­ son avec sursis et cinquante mille francs d'amende chacun, tandis que deux des dessinateurs de ces récits complets adaptés de romans, Alfred Langlais (qui signait Gai) et Edmond (de son vrai prénom Ci-contre: Une page de Redvil dans Oh!, revue interdite dans le but de protéger la jeunesse. Ci-dessous : Couverture et page de Marculeta pour les Grands Romans [noirs] dessinés. condamnés pour protéger les bonnes mœurs.

Edmundo) Marculeta, ont à payer, pour leur délit artistique, quinze mille et vingt mille francs. Une dizaine d'années seront encore nécessaires pour que les pouvoirs publics français tolèrent une sexualité non détaillée aux personnages de bande dessinée, et encore une poignée d'années pour qu'avec Gotlib, dans le n° 2 de l'Écho des savanes, daté d'octobre 1972, les détails soient donnés - en d'autres mots, qu'on passe au hard. Ailleurs dans le monde, en cette année 1972, le hard aura aussi été visible dans les librairies allemandes avec l'élé­ gant Jane + Jack de Hans-Arnold Teuschler. Mais les Néerlandais avaient pu dès 1969 lire en épi­ sodes dans les revues Aloha et Chick le joyeux ,7/z.sen Hans krijgen de kans (Ans et Hans ont de la chance) de Théo van den Boogaard (le futur auteur de Léon-la-Terreur), recueilli en album en 1970. Bousculés par Vunderground, les Américains s'y étaient mis dès 1968, avec Robert Crumb et S. Clay Wilson en tête de proue des exploseurs de bienséance dans Snatch Comics (chatte comics). Mais ce qu'il faut retenir, c'est que l'image hard - dessinée, photographique, filmée - avait été il léGotlib en France (ci-dessous), van den Boogaard (à droite) et Teuschler en Allemagne (en haut) ont ouvert la voie à la représentation sexuelle explicite.Teuschler fut aussi un des précurseurs en Suède, pays où il avait émigré, dès les années 1960. En 1970, il y publia son étonnante série en couleurs directes Pussy & Prick (Chatte et Bite, du nom des personnages).

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gale partout dans le monde jusqu'à ce qu'au milieu des années 1960, les pays Scandinaves, les pre­ miers, la tolèrent puis l'autorisent. Nous parlons là d'image photographique et du fait que le magazine suédois Private (qui n'accueillera que tardivement des bandes dessinées, en 1974) ait pu montrer très visiblement des sexes féminins (poilus) dans son premier numéro, en 1965, des caresses lesbiennes au n° 2, des caresses hétérosexuelles au n° 3, une paire de testicules au n° 4, une molle érection au n° 6 et des pénétrations, enfin, au n° 8. C'est cette libéralisation de la pornographie qui sonnera avec bonheur le glas de notre sujet d'étude, la bande dessinée clandestine.

L OBSCÈNE BANDE DESSINÉE CLANDESTINE Tijuana bibles? Dirty comics? Eight pagers? Quel terme utiliser pour désigner ces fascicules de quelques cases qui eurent plus de trois décennies d'existence aux États-Unis? De nature illégale, ils

n'étaient promus par aucune publicité, n'étaient pas répertoriés. Les usages locaux prévalaient. Tijuana bibles (bibles de Tijuana), apparu à la fin des années 1940, est aujourd'hui le plus fréquem­ ment utilisé, probablement parce qu'il est un oxy­ more facétieux - le sexe imaginé comme religion de cette ville mexicaine frontalière, fortement enrichie en bars et maisons closes durant la pro­ hibition américaine. Qu'il s'agisse de dirty comics (BD sales) pouvait venir spontanément à l'esprit de tout le monde. Eight pagers (huit pages), en réfé­ rence à sa pagination typique, nécessitait d'avoir déjà une bonne connaissance du produit. L'histoire des comic books a été fortement marquée par la commission d'enquête sur la délin­ quance juvénile menée par un sénateur démocrate du Tennessee, Estes Kefauver - un règlement d'au­ tocensure, le Comics Code, en a découlé en 1954. Cible annexe, les dirty’ comics y furent brièvement évoqués, offrant ainsi une source d'information officielle aux historiens. Dans une audition de 1955, un officier de police de Los Angeles utilise l'expression Tijuana bible (mais en se trompant sur le format): «C'est un petit livret de deux pouces

sur trois, dessiné, de caractère très obscène. » Des collègues à lui parlent plus justement de «two-byfours» (deux-sur-quatre: 5 X 10 cm), une façon de les surnommer. Dans la déposition d'autres témoins, il est question A'eightpagers, mais aussi, à plusieurs reprises, comme on dirait en français des «petits Mickey», de Maggie and Jiggs books, d'après les prénoms de la Famille Illico (Bringing Up Father), de George McManus. Cette série clas­ sique du comic strip avait été pornographiée dès le milieu des années 1920, au tout début du mou­ vement, et les esprits en restaient marqués, d'au­ tant plus que ces mêmes personnages continuaient de réjouir les lecteurs trente ans après, comme l'avait découvert une mère de famille auditionnée par Kefauver (nous traduisons) : «Mes fils sont rentrés pour dîner et, pendant qu'ils prenaient une douche, j'ai vidé leurs poches pour laver leurs vêtements. C'est dans la salopette de Vincent, mon fils de 13 ans, que j'ai trouvé ces publications. J'ai d'abord pensé que c'était

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des trucs pour enfants, mais j'y ai jeté un œil. Je n'avais jamais rien vu de pareil. Mon fils m'a dit qu'un camarade venait de les lui donner et qu'il avait l'intention de les jeter. — Est-ce ce genre de fascicule dont vous par­ lez? — Oui. — Intitulé Jiggs ? — Oui. — Et Ella Cindersl [Un sirzp de Bill Conselman et Charles Plumb.] — Oui, Monsieur. — [Kefauver:] Précisons bien que Maggie and Jiggs et Ella Cinders, plagiés par ces pornographes, sont d'excellents comic strips. 11 est méprisable d'avoir fait ça. » Ayant appris que ces horreurs étaient vendues au sein même de l'école par des élèves, la mère avait obtenu de l'un d'eux sa source, une librairie. L'enfant, treize ans lui aussi, achetait 20 cents et revendait 40. Il avait écoulé ainsi une cinquantaine d'exemplaires. Dénoncé à la police, le libraire avait nié, sans être davantage inquiété. Autre témoignage informatif, celui de l'em­ ployé d'une papeterie à Washington avouant avoir fourni de la pornographie - films, photos, comics — pendant cinq ou six mois, trois ans plus tôt, à quatre clients réguliers, du matériel qu'il recevait d'Ike Dorfman de Baltimore. Il achetait 6 cents le fascicule pour le revendre 10. Mais tous les témoins convoqués ne se montrent pas coopératifs et certains, qui risquent gros, ne répondent que selon les consignes de leur avocat, tel Abraham Rubin, de Brooklyn, soup­ çonné d'être, sous le nom d'Al Stone, l'éditeur des Fidler Brush Man, série d'une dizaine de dirty comics ayant pour héros un commis voyageur de la Fuller Brush Co, une réelle société de produits d'entretien vendus au porte-à-porte : «[Kefauver:] Avez-vous consulté Mr. Weiss [son avocat]? Vous avez un petit morceau de papier avec vous. — Oui, Monsieur. — Qu'y a-t-il d'écrit sur ce morceau de papier? — Je refuse de répondre en vertu des disposi­

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Estes Kefauver se rêvait Président des États-Unis (ici sur une pochette d'allumettes), mais il ne dépassa pas les primaires de son parti. C'est surtout comme tortionnaire des comics qu'on se souvient de lui.

tions d'immunité du cinquième amendement de la Constitution. — Vous refusez de me dire ce qui est sur ce papier ou vous venez de me lire ce qui est sur ce papier? — C'est ce qui est sur le papier. — C'est ce que Mr. Weiss vous a conseillé de répondre à chaque question? — Oui, Monsieur. — Vous venez de dire "oui" ? — Oui. Monsieur.

[•••] — Avez-vous été autrefois connu sous un autre nom? — Je refuse de répondre en vertu des disposi­ tions d'immunité du cinquième amendement de la Constitution. — Attendez une minute. Vous plaidez l'immu­ nité sous le cinquième amendement? — Oui, Monsieur. — Je vais devoir vous demander de répondre aux questions, Mr. Rubin, mais si vous refusez de le faire, dites simplement : "Je refuse de répon­ dre." — Merci, Monsieur. [...] — Est-il exact que vous avez été l'imprimeur d'origine et le distributeur de la série de comics obscènes Fuller Brush Man ? — Je refuse de répondre. — Pendant combien d'années avez-vous publié ces comics? — Je refuse de répondre.

— Pouvez-vous expliquer comment il se fait que votre nom et votre numéro de téléphone aient été trouvés dans le carnet de plusieurs gros ven­ deurs de pornographie à travers les États-Unis? — Je refuse de répondre. »

Si la police laissait - ou pas, selon les régions - les stations d'essence, les barbiers ou les bars commercialiser discrètement ces fasci­ cules, le FBI travaillait à repérer les grossistes et, si possible, les fabricants. Les journaux d'époque font état de saisies impressionnantes, jusqu'à plu­ sieurs millions d'exemplaires. Les responsables, parfois condamnés à des peines de prison de plusieurs années (mais en cumulant les délits), se révèlent être des petits entrepreneurs moti­ vés par l'argent facile plutôt que, comme pour la pornographie filmée, le crime organisé. Un titre pouvait être tiré à 50000 exemplaires et les grossistes laisser des piles de 100 sur les lieux de vente. Il n'y eut jamais d'histoires à suivre, mais ces récits complets étaient souvent produits par série de dix, pour des facilités d'impression : dix titres sur les gangsters, dix héros de BD, dix avec Blanche Neige, dix révélant les moeurs dissolues des stars hollywoodiennes... Une case par page, toujours; huit pages et la couverture plus épaisse tenues par une agrafe ; un format horizontal avec, bien sûr, des exceptions, des tentatives d'innovaJiggs (Illico), un dirtycomic devant la commission d'enquête sénatoriale.

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Dans le millier de titres produits, des auteurs se remarquent et se repèrent à leur style. Le meilleur est celui que l'un des premiers historiens du genre, Donald Gilmore, dans les quatre volumes de son Sex in Comics, a History of the Eight Pagers, en 1971, a surnommé Mr. Prolific, car il se vendait bien et créa quelque deux cents fascicules. Nous lui ferons une large place - vous le reconnaîtrez sans peine derrière Betty Boop, Popeye, Gontran et Hitler. Pour autant, le pire ne vous sera pas épar­ gné, car un panorama se doit de tout montrer, et que des pervers ont pu se glisser parmi vous que l'absence de talent peut fasciner. La qualité de Mr. Prolific laisse deviner qu'il était un professionnel du dessin. Depuis quelques années, le nom de Doc Rankin (1896-1954) cir­ cule à son sujet, mais par copié-collé, sans que Dans les années 1930, un éditeur de dirty comics aux allures de mafieux propose au jeune Will Eisner de travailler pour lui à raison de 4,50 $ la page. Le futur père des graphic novels refuse et racontera la scène dans l’autobiographique The Dreamer.

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tion : un format vertical ou plus grand, une pagi­ nation plus importante, une couverture égayée d'une deuxième voire d'une troisième couleur au temps des ventes faciles... Les prix varièrent énormément: au milieu des années 1930, les nou­ veautés trouvaient preneurs à plusieurs dollars, mais ne partaient guère à plus de 50 cents à la fin de la décennie - un vrai comic book de Superman, que tout gamin pouvait acquérir avec son argent de poche, valant alors 10 cents. C'est dans les années 1930 que le genre fut à son apogée, en termes de vente mais aussi de qua­ lité. La guerre marqua un coup d'arrêt à la créa­ tion. On se contenta de réimprimer avec, au fil des piratages ou de la disparition des documents origi­ naux, une grande médiocrité de reproduction. Sans doute moins payés, les auteurs d'après-guerre sen­ taient l'amateurisme et au début des années 1960, les dirty comics agonisaient.

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POURRAIT ÊTRE LE É9WT PE T CARRURE.

SOUS rAuT UNE RÈPCWÏS PEMAW.

PREMIER porr ÊTRE EN VENTE PANS TROIS SEMAINES !

cette attribution ne soit jamais confirmée par un élément nouveau. Ainsworth « Doc » Rankin était un petit illustrateur, principalement employé par un quotidien de Brooklyn. Dans son autobiogra­ phie posthume, Gershon Legman écrit l'avoir rencontré dans une librairie des années 1930 et avoir recueilli la confidence qu'il dessinait des dirty comics. Rankin ombrait parfois les corps de hachures, comme Mr. Prolific, mais sans que la ressemblance entre leurs styles soit une évidence à nos yeux. Il n'y a donc, comme élément concret pour cette attribution, que le seul témoignage de Legman, sympathique obsédé sexuel, prétendant être l'inventeur du slogan «Make love not war», mais délirant pseudo-spécialiste des comics. L'histoire de la bande dessinée et de sa censure ont été marqués par son article Psychopathologie des "comics", traduit dans les Temps modernes n° 43 (mai 1949), dans lequel il prétendait que «deux firmes de comic books installées dans l'un de nos gratte-ciel les plus phalliformes ont un personnel entièrement composé de pédérastes» et dénonçait les récits de super-héros comme un instrument de propagande nazie, sadomasochiste et homosexuelle, car ils sont remplis «d'hommes qui se disent "je t'aime", puis s'envolent à travers l'espace sur un fond rouge sanglant suggérant l'orgasme». Il existe en revanche un auteur - un seul - qui a été identifié avec certitude, car des confirma­ tions sont venues de sa famille, Wesley Morse, dont nous reparlerons en présentant une de ses œuvres. Avec les nombreux soldats américains sta­ tionnés en Europe après la Libération, arrivèrent aussi des disques de jazz, des pin-up, des chewinggums, des comic books (il s'en imprima en France juste pour les Gis) et, on s'en doute, quelques dirty comics. De loin en loin, les collectionneurs mettent la main sur un exemplaire dans une langue du vieux continent, mais il ne se développa pas une production locale. La France ne se retrouva pas envahie par ces obscénités potaches, populaires et un peu subversives. Le porno clandestin français était d'un tout autre esprit.

Nous l'avons dit, et regretté, il n'y eut pas un Tôpffer du porno, aucun parodiste ne s'empara de la Famille Fenouillard pour la faire copuler dans des opuscules qui auraient été vendus à la sauvette, sortis de grands manteaux, comme

Ci-dessus : Wesley Morse, seul auteur de dirty comics identifié avec certitude. Ci-dessous : Un rare cas de BD sale en français.

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l'étaient les tirages de photos «très particulières». Les romans clandestins, le marché du curiosa, ne firent longtemps aucune place à de la «litté­ rature en estampes de cul», comme on aurait pu la nommer. Ce qui commence à y ressembler, ce sont des suites d'images, tel le port-folio de Rojan, Idylle printanière, au début des années 1930, que nous reproduirons, ou Suzon en vacances (1935), de Léon Courbouleix, dont chaque page mêle une illustration à un texte écrit à la main. Des impressions d'art, coûteuses, de petits tirages, des artistes soigneux qui ne cherchent pas à adopter la forme des «illustrés»... Nous sommes loin des Maggie and Jiggs books qui se cachaient dans la poche et faisaient bander les chenapans ! Il fau­ dra attendre la fin des années 1950 pour qu'il soit songé à réaliser de véritables bandes dessinées clandestines françaises, mêlées à des livres qui en ont l'apparence - abondance d'images, présence de bulles - mais n'en sont pas, ou que partiellement: Ardeurs, Histoires..., les Petits Travaux d'Hercule, Sophie ou les belles vacances, le Retour de

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les petits Travaux d’Hercule liera Les Petits Travaux d'Hercule (couverture ci-dessus) et Sophie ou les belles vacances (page ci-dessous), édités clandestinement par Éric Losfeld au tournant des années 1950-1960, sont des romans dont les hors-texte ressemblent à des planches de bande dessinée, avec une phrase sous l'image. À y regarder de plus près, toutefois, le bédéphile déchante, car il n'est pas tissé entre ces cases le lien qui, selon le théoricien Thierry Groensteen, définit l'arthrologie du médium. (Alors que dans Fripounet et Marisette, si.)

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Des années 1930 (Suzon en vacances) aux années 1960 (Ardeurs, le Retour de Sylvie), des romans clandestins se donnent des airs de bande dessinée, sans en être vraiment.

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ouvrage s'est révélé impossible. La disparition des acteurs d'une pièce qui s'est jouée il y a cinquante ans et plus, ou leur perte de mémoire, ne nous a laissé que des suppositions et les œuvres seules. On nous pardonnera d'ignorer s'il y eut une pro­ duction clandestine au Japon avant que les man­ gas hentai ne se développent considérablement

1950-1960, avant, bien sûr, d'être le promoteur de la bande dessinée pour adultes en librairie, avec Barbarella et ses cousines, à partir de 1964. Pour de précédents ouvrages, en particulier notre Dictionnaire des livres et journaux interdits (Cercle de la Librairie, 2007 et 2011), nous avions pu interroger des vétérans de la production de sexshop française et, pour une part, démêler l'entre­ lacs des prête-noms, pseudonymes et sociétés multiples dont l'édition sur le mode Pieds Nickelés raffole. Réitérer ce genre d'enquête pour le présent

Édité en Belgique, en bichromie, sur un rutilant papier glacé, Docteur Black a probablement été traduit de l'italien car une femme en danger s'y écrie « aiuto ! » (au secours).

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Mis bout à bout, les cinquante dessins qui illustrent Histoires..., un roman publié par Pierre Delalu au début des années 1960, forment un récit compréhensible perse. Autre détail intriguant, le titre Dell Comics s'aperçoit sur un magazine et les lettres BBC sur une caméra de télévision. Delalu, ayant l'habitude d'acquérir à Soho, le Pigalle londonien, des textes qu'il éditait à Paris (selon les Mémoires de son concurrent Maurice Girodias), aurait-il pu ramener une BD et la confier à un rédacteur pour en faire un roman très illustré (un dessin par page) ? Le dessinateur est à l'évidence un professionnel, avec un style typique de la bande dessinée, mais nous avons échoué à le démasquer.

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C'est en 1964, sur un carnet à spirale, à raison d'un dessin par feuille, que l'Américain Sean (1935-2005) réalisa In the Line of Duty (dans l'exercice de ses fonctions), une BD de quarante pages qu'il ne chercha pas à faire publier. Ses dessins érotiques gays circulaient alors sous forme de tirages photographiques, nous raconta-t-il en interview.

choquent les Occidentaux, comme le lolicon, ou les ravissent, comme ï'ero-gum. En revanche, nous ferons un tour par le Brésil, l'Italie et le RoyaumeUni. Nous avons hésité à traiter de la BD gay, tous les cas que nous connaissions étant plus que clan­ destins, il s'agissait d'œuvres non publiées en leur temps - peut-être dans un second volume ? Enfin, nul doute que les lecteurs belges se scandaliseront de nous voir faire l'impasse sur un de leurs trésors nationaux, ces parodies où Tintin encule Milou et un Schtroumpf shtroumpfe un Schtroumpf. Bien après la libéralisation de la pornographie, c'est uniquement par crainte de procès en contrefaçon que ces iconoclastes francobelgeries ont louvoyé dans l'anonymat et le plus ou moins licite, les collectionneurs parlant à leur propos de «pirates». La bande dessinée clandes­ tine qui survit aujourd'hui ne cherche pas tant à se cacher des autorités que des ayants droit ou des personnalités dont elles rudoient l'image. ■

DE AVONTUREN VAN SUSKE EN WISKE

DE GLUN DE RENDE GLUURDER SILLY WANDELPEEN

Dès les années 1940, pour son propre plaisir, le FinnoisTom of Finland (1920-1991) s'essaya au récit en images, bien avant ses célèbres Kake, qui datent d'après la libéralisation de la pornographie.

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Dans cette pochade pirate de la fin du xxe siècle, Suske et Wiske n'est pas un jeu de mots obscène, mais le nom original, en Belgique flamande, des Bob et Bobette de Willy Vandersteen.

Betty chante, Betty danse, elle est une reine du show-biz. Avec sa jarretière, que la censure fera plus tard disparaître, ses déhanchements, ses clins d'œil séducteurs et les coups de foudre qu'elle provoque, elle devient même un sex-symbol. En juillet 1934, son succès à l'écran se décline en bandes dessinées dans les quotidiens - pendant peu de temps, jusqu'en 1937 - et, de nos jours, de nom­ breux produits dérivés (statuettes, lampes, cartes postales) utilisent encore son image de pin-up. Flesh (chair), présenté par une certaine Iva Crustycrotch (entrejambe croustillant), date du milieu des années 1930. Il est de format vertical et compte seize pages - à partir de 1934 certains eight pagers doublèrent voire quadruplèrent la pagination habituelle. Plus que des dessins animés, où Betty est chanteuse de vaudeville, infirmière, femme au foyer, etc., cette parodie s'inspire des BD pour quotidiens, lesquelles se déroulaient dans le milieu du cinéma. On y retrouve un personnage récurrent de ces strips, le metteur en scène au pan­ talon à carreaux. Ordinairement, Betty et lui sont sur un pied d'égalité, Betty étant une star que le réalisateur dirige. Flesh pourrait être, en quelque sorte, leur première rencontre... « Boop-oop-a-doop » chantait Helen Kane dans les années 1920, d'une voix it perchée, les cils papillonnants, le visage rond et les cheveux en accroche-cœurs. En 1930, les studios Fleischer caricaturent cette chanteuse en personnage animalier, avec des oreilles de caniche, dans un dessin animé de première partie, DizzyDishes. Une série de films suit, et Betty Boop prend complètement forme humaine en 1932.

Helen Kane, qui servit de modèle. Ci-dessous : Pour son premier tournage de papier, Betty s'essaie à la prise de son dans le daily strip du 25 juillet 1934, signé Max Fleischer mais réalisé par Bud Counihan.

BETTY BOOP

By MAX FLEISCHER

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A la santé de ce gars du Texas

Qui n'était pas des plus malins. Il lubriFia de beurre son cul Et y darda son propre engin. Il ne Fit pas cela pour la gloire, Il n'y mit nulle lascivité, Mais il avait pria pour conseil De s'être Fait traiter d'enculé.

APRÈ5 DE5 MOI5 D'AUDITION5, NOTRE

CHÈRE BETTY 5EMBLE ENFIN AVOIR RETENU L'ATTENTION DE LA V/ARMER BRO5., LA SOCIÉTÉ DE PRODUCTION HOLLYWOODIENNE -

1.

UNE FUTURE VEDETTE ? C'EST LA SCULPTU­ RALE MAE ROPLOPLO QUI LE LUI FAIT 5AVOIR.

BETTY 5E PRÉCIPITE À CE RENDEZ-VOU5

VOUS DÉVÊTIR' — HMM — VOILÀ QUI E5T

AVEC UN TEL ENTHOUSIASME QU'ELLE EN

ÉTRANGE — MAI5 IL A ÉTÉ ANNONCÉ QUE

RENVER5E LA DIVINE GRETA CRADO —

LE STUDIO ALLAIT ADAPTER "LA VIE INTIME

d'un oignon; roman méconnu des 5CEUR3 BROUTÉES. BETTy E5T PEUT-ÊTRE PRE55ENTIE POUR LE RÔLE DE L'OIGNON —

MAIS, BAH, QUI LUI EN TIENDRAIT RIGUEUR ? MÊME LA GRANDE CRADO A UN JOUR ÉTÉ DÉBUTANTE.

21

Betty s'empresse

de se déshabiller et ATTEND AVEC INQUIÉTUDE QUE LE MOGUL

NOUS POUVONS LE CONSTATER, CE GARS

APPRÉCIE LE TALENT DE NOTRE HÉROÏNE — SON CERVEAU VIENT D'ENTRER EN ÉBULLI­

D'HOLLYWOOD LA REJOIGNE.

PAUVRE PETITE — ELLE IGNORE QUE, DEPUI5 QU'ÈVE A CROQUÉ LA POMME, IL EST DAN­ GEREUX POUR UNE FEMME D'ÔTER SA CULOTTE.

TION EN MÊME TEMP5 QUE SON PANTALON.

COMME TOUS LES ARTISTES, VOICI QUE L'INSPIRATION L'HABITE ----------------------------- -

Voyez

ce vieux cochon pousser betty À LE TRIPOTER — IL EST 51 EXCITÉ QU'IL EST

TOUT PRÈ5 DE DI5JONCTER — ET LE VIEUX RENARD ÉVITE BIEN SÛR

LES VÉRITABLE5 QUE5TION5 PROFESSION­ NELLES. C'EST RIGOLO---------------------------------

22

AHA /// ON S'EN SERAIT DOUTÉ ///

OUAIP — LE PISTON EST DAN5 LE CYLINDRE — ET ÇA CARBURE À FOND // COMBIEN DE FUTURES 5TAR5 ONT JOUÉ "BEN-DUR" SUR CE CANAPÉ ? MAE ROPLOPLO A MÊME AVOUÉ : "POUR PERCER DANS CE MÉTIER,

CE VIEUX VAUTOUR A L'INTENTION DE LA DÉSHONORER — ET IL EST 5UR LE POINT DV PARVENIR. QUE PEUT FAIRE NOTRE PETITE BETTV POUR LUI RÉSISTER ? 5A CARRIÈRE RISQUERAIT D'EN PÂTIR --------------

Avez-vous

FAUT COMMENCER PAR L'ÊTRE SOI-MÊME.'

Notre

héroïne a de l'ambition et rêve D'ÊTRE CÉLÈBRE DANS LE MONDE ENTIER,

déjà couché avec une

FILLE QUI CROQUE UN FRUIT ET LIT UN LIVRE PENDANT QUE VOUS LA BE5OGNEZ COMME SI C'ÉTAIT LA DERNIÈRE BAISE DE

TANDIS QUE LE PATRON DES STUDIOS LA FOURRE GROSSIÈREMENT DANS TOUTES LES POSITIONS. ON A DÛ LA VACCINER

VOTRE VIE ? IL 5EMBLE QUE BETTY SOIT

AVEC UNE AIGUILLE DE PHONOGRAPHE.

DE CE GENRE. ———

23

5l BETTY SEMBLE INDIFFÉRENTE À LA

V'LÀ LA DÉCHARGE /// LE BIG BO55 DU

TOURNURE PRI5E PAR

5ON FUTUR QUI SERA, ELLE EN E5T MAIN­

CINOCHE REMPLIT LA STARLETTE COMME IL LE FAIT DES SALLES, JUSQU'AU DERNIER STRAPONTIN — À PRÉSENT? VA-T-IL LUI

TENANT CONVAINCUE, EXCEPTIONNEL

OUVRIR LES PORTES DE LA GLOIRE

CET ENTRETIEN,

C'EST QU'ELLE NE CE55E DE PENSER À

---------

LA CONCLUSION APPROCHE

---------

C'E5T CE QU'ON E5PÈRE ///



faux cul, celui-là - ' repasse quand JE SERAI MOINS OCCUPÉ'... IL N'ÉTAIT PAS TROP OCCUPÉ POUR ABUSER DE LA PAU­

Arrêtons

VRETTE QUI LUI FAISAIT CONFIANCE — MAIS IL PARAÎT QU'À HOLLYWOOD IL5 SONT TOU5

APRÈS AVOIR LAISSÉ LE BONHOMME LA

Quel

là, très chers lecteurs



QUE POURRAIT-ON AJOUTER À CELA —

ELLE NE SAIT TOUJOURS PAS ■

SECOUER DANS TOUS LES SEN5--------------

COMMEÇA ------------------------- —------------------------

ON ABANDONNE ////

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Plusieurs dirty comics imaginèrent des relations sexuelles à Mickey et Min­ nie qui, apparus sur les écrans en 1928, étaient alors un couple d'amoureux peu avares de papouilles et de tendres baisers. Dans celui qui va suivre, la présence de Donald avec un long bec, tel qu'il l'avait à sa création, en 1934, et tel qu'il le garda durant environ deux ans, permet d'estimer la date de parution : elle doit avoisiner le milieu des années 1930. En 2002, cet opuscule de huit cases, ttiïoH! fMxey.') t. que recherchent autant les amateurs d'érotisme que les nombreux collectionneurs de memorabilia Extraits d'un autre dirtycomic révélant l'intimité de Mickey, nettement plus disneyenne, a trouvé preneur, sur eBay, à 500 $. malhabile. Son titre parodique, Des souris Pour les puristes, si scandale il contient, ce n'est et des femmes, permet de le situer après la pas dans les scènes de sexe, mais dans la faute, sortie du roman de John Steinbeck (1937). proche du sacrilège, commise par le parodiste qui a dessiné aux personnages des mains à cinq Les dirty comics étant par nature des produits doigts ! Alors que, dès sa création par Ub Iwerks illégaux, leurs auteurs n’avaient cure des copy­ pour les dessins animés, tout comme dans les BD rights. Trente ans plus tard, la situation était diffé­ rente, il n'y avait plus à se cacher, aux États-Unis, de quotidiens, Mickey n'en avait que quatre. pour dessiner des actes sexuels. LorsquM/r Pirate Funnies, un comix underground qui vécut deux Ce daily strip du 27 mars 1930 montre combien, en ces temps pionniers, les numéros en 1971, utilisa Mickey et Minnie dans vrais Mickey et Minnie ne manquaient des aventures où il leur arrivait de se lécher les parpas une occasion de se faire des câlins.

F

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La couverture du premier numéro d'Air Pirates Funnies (1971), par Bobby London. Ce dernier s'est contenté de décalquer un dessin de Mickey existant en écrivant «dope» (drogue) sur les paquets transportés. Vingt ans plus tard, London deviendra le continuateur officiel du strip Popeye, mais se fera licencier après un gag sur l'avortement. afin de forcer Disney à baisser les bras. On n'allait tout de même pas finir par mettre quelqu'un en pri­ son parce qu'il avait dessiné une souris ! Au terme d'une guerre de neuf années devant les tribunaux dont Dan O'Neill perdit toutes les batailles mais après lesquelles il revint sans cesse à l'attaque, Disney se décida à baisser les bras, déclarant que l'affaire lui avait coûté deux millions de dollars en frais de justice et faisant grâce au dessinateur de toutes ses dettes contre la promesse qu'il ne dessinerait plus Mickey.

ties génitales, le dessinateur Dan O'Neill signait de son nom et défiait même la société Disney de l'atta­ quer en justice. Ce qui se produisit, les griefs étant la contrefaçon de marque, la concurrence déloyale et le dénigrement commercial. O'Neill invoqua le droit à la parodie concédé par le fair use (les exceptions au droit d'auteur dans une limite raison­ nable) et le Premier Amendement de la constitu­ tion américaine qui garantit la liberté d'expression, ainsi que le fait que ces détournements satiriques étaient vendus dans des boutiques pour hippies qui ne s'intéressaient pas à acheter les produits Disney. Condamné à un dédommagement de 190 000 $, qu'il ne pouvait évidemment pas payer, O'Neill adopta comme tactique la récidive systématique

Une page 32 qui est un 69, de Dan O'Neill et Gary Hallgren, dans Air Pirates Funnies n° 1. Disney demandait jusqu'à 5000 $ pour chaque infraction à son copyright, c'est-à-dire chaque case représentant ses personnages.

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AU FAIT DONALD, MINNIE M'A DEMANDÉ DE T'INVITER À DÎNER AVEC NOUS CE SOIR - ALOR5 NE SOIS PA5 EN RETARD, D'ACCORD ? -

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OH MINCE, OH MINCE, VRAIMENT ? -

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- ------------------------------------ ------------------------------------------------------------------------“A COUCOU, MINNIE. TE RENTRE TOT POUR QUE NOUS AYONS LE TEMPS DE NOUS AMUSER UN PEU AVANT QUE DONALD N'ARRIVE - HÉ, HÉ ! ...

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HOLÀ LÀ MICKEY / QUEL PETIT CANAILLOU TU FAIS - 1

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28

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ARRÊTEZ, LES GARÇON5 - J'AI UNE MEILLEURE IDÉE, SUIS-MOI

MISÉRABLE, JE DEVRAIS

T'A53OMMER, TU NE POUVAIS PA5 FRAPPER ? -

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DAN5 LA CUISINE, DONALD, ET NE BOUGE PA5 D'ICI MICKEY -

C'EST TOI QUE JE VAIS FRAPPER - E5PÈCE DE RAT D'ÉGOUT -

29

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J

30

La filiforme Olive Oyl, sa fiancée, n'apparaît que très rarement dans les dirty comics, les auteurs offrant au sailor man des partenaires plus char­ nues. Elle a pourtant été créée plusieurs années avant lui, comme un des personnages principaux du Thimble Theatre (théâtre du dé à coudre, théâtre de poche) un daily strip que commence Elzie Crisler Segar en 1919. Dix ans plus tard, dans la bande du 19 janvier 1929, Castor, le frère d'OIive, et Ham, le petit ami de celle-ci, engagent un marin pour une traversée. Ce personnage, qui était des­ tiné à rapidement disparaître, va se faire insulter par Olive dès leur première rencontre, mais gagner plus tard son cœur, après celui des lecteurs, et devenir héros de la série. Notons que le bébé Swee'Pea (pois de sen­ teur), appelé Mimosa en français, qui partage leur vie depuis quatre-vingt-cinq ans sans grandir, ne témoigne pas de leur union charnelle: Popeye Popeye est le personnage de bande des­ trouva cet enfant abandonné devant sa porte. sinée mainstream qui a été le plus utilisé Le voyage à Paris de Popeye et Wimpy par les dirty comics, pour des résultats d'ail­ (Gontran en français) que nous allons lire est un leurs toujours inspirés et réjouissants. On peut voir rare dirty’ comic daté : au bas de la première case, dans cette singularité un effet de sa popularité, fautivement titrée «Perface» pour préface, il est mais aussi le fait qu'il se prêtait bien à ce genre de écrit «1934, NYC» (New York City) en minus­ détournement. Que Mickey baisouille amuse, mais cules caractères. A cette date, Popeye connaissait limite l'excitation sexuelle aux rares - très rares - un gros succès au cinéma, adapté en dessins ani­ lecteurs zoophiles qui fantasment sur les souris. Et puis il est logique de penser que les épinards pro­ THIMBLE THEATER NOW SHOWING—"GOBS" OF WORK. curent à Popeye une énergie qui n'agit pas que sur Tomorrow—Money Talks. ses biceps. Quant à son caractère rustre, il permet aux parodies d'imaginer des saillies à la hussarde qui ne donnent pas l'impression de trahir l'œuvre originale. Popeye en érection est le même Popeye que celui créé par Segar, ressent-on, si ce n'est que ce dernier, avec son rictus dû à son œil manquant, semble souvent être ronchon alors qu'assouvir sa sexualité l'amène à sourire.

r

La toute première apparition de Popeye, en 1929. Le frère d'OIive l'interpelle : « Eh, là ! Êtes-vous un marin ?» À quoi Popeye répond : «Vous croyez kchuis un cow-boy ? » Dans la bande du jour précédent, Olive ignore qu'elle va bientôt rencontrer l'homme de sa vie, qui remplacera dans son cœur le trop frivole Ham Gravy, ici visible dans la première case.

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més par les studios Fleischer à partir de 1933, et commençait à faire l'objet d'un intense merchan­ dising, la présence du sympathique marin sur des boîtes de denrées alimentaires ou de savonnettes

décuplant les ventes. Il n'est pas impossible qu'à la source des nombreuses parodies pornographiques de Popeye il y ait eu les films de court-métrage plus que les bandes dessinées.

Les Popeye obscènes plaisent tant qu'on produit des spin-offs centrés sur Poopdeck Pappy (son « pôpa ») ou Olive, et des crossovers, tel celui avec Mae West, la plus provocatrice des actrices de l'époque.

HEV1SEU--------

32

NOUS RETROUVONS POPE/E ET U/IMPV DEVANT LE CAFÉ DE LA CHATTE QUI DOIT CERTAINEMENT MÉRITER SON NOM. COMME D'HABITUDE V/IMPV NE 5ONGE QU'À MANGER MAIS POPEVE A TROP MANQUÉ DE

COMPAGNIE FÉMININE SUR LE BATEAU —

VOUS NE POUVEZ PA5 CALMER UN ÉTALON

AUSSI POPEVE RENVERSE-T-IL LA TABLE DE SON ÉRECTION CE QUI AGACE TERRIBLEMENT

WIMPy LEQUEL 5'APPRÊTAIT À V SAVOURER UN DÉLICIEUX HAMBURGER

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UN PEU DE RESPECT POUR CETTE JEUNE FEMME, UIMPy FICHE LE CAMP / ALLEZ, OU5TE -

POPEyE N'AIME PAS PERDRE DE TEMPS NOS HÉROS 5E RENDENT DANS UN

QUAND IL EST EN FORME AUSSI LAISSE-T-IL LES CORPS S'EXPRIMER MAIS IL EST OBLIGÉ D'ENVOyER PAÎTRE

PROCHE LUPANAR DONT ILS VIENNENT DE SE PROCURER L'ADRE55E ET ILS RETIENNENT TOUT DE SUITE L'ATTENTION DE LA PATRONNE —

V/IMPy QUI INSISTAIT POUR RESTER DANS 5E5 PATTE5 —

QUEL EST CE DRÔLE DE BRUIT MON5EUR ?

3i

O.

ARÇ ARR MA CORNE DE BRUME | SIGNALE QUE LE NAVIRE VA ENTRER I

DAN5 LE PORTp, f

. —

À L'ODEUR CE DOIT ÊTRE UN

BATEAU DE PÊCHE AU HARENG P.F.&.O.U —

GROGNANT GÉMI5SANT ET PÉTANT

CETTE IMAGE PARLE D'ELLE-MÊME, ELLE

POPEVE ENFILE ENFIN 5ON MACHIN D'HOMME DANS LA FENTE À MADAME ET

EST LA PREUVE QUE LES ÉPINARDS

VOUS DONNERONT PLEIN D'ÉNERGIE ET

ILS ENTAMENT LA PREMIÈRE POSITION —

DEFORCE

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CROVEZ-MOI, MADAME SAIT QU'ELLE APRÈ5 AVOIR BALANCÉ LA SAUCE

N'EST PAS ASSISE SUR UN CHIBRE ORDINAIRE, CELUI-CI IMITE À LA

TEL UN VOLCAN EN ÉRUPTION, POPEYE

OFFRE À MADAME LES DERNIÈRES

PERFECTION LE COLOSSAL ENGIN DES HOMMES DES CAVERNES

GOUTTES DE SON SUCCULENT

-------

NECTAR



À PEINE POPEyE A-T-IL FOURRÉ SON TRUC

CETTE AFFAIRE RÉGLÉE, POPEVE S'APPRÊTE

DANS FIFI QUE CELLE-CI CRIE - DERRIÈRE

À METTRE LES VOILES QUAND SURVIENT

LUI POPEyE VOIT UN BALAI5E SORTIR UN

MADEMOISELLE FIFI, LA SERVANTE QUI

COUTEAU - ON DIRAIT QUE POPEyE EST

ADORE LES GROS ZIZI5 —

DANS LA PANADE CE COUP-CI —

35

OH, OH, POPEyE RÉPOND PAR UN DIRECT

DÉCIDÉMENT V/IMPV RESTE INTROUVABLE

DU DROIT QUI MET UN POINT FINAL AU PROBLÈME - MAIS OÙ 5E TROUVE DONC

LE PAUVRE VIEUX GARS A DÛ 5E PERDRE

DANS LE QUARTIER LE PLUS LOUCHE DE PARI5 ET POPEyE N'ARRIVE PA5 À

V/IMPV PENDANT QUE LE5 AUTRES SE

RETROUVER 5A TRACE

BAGARRENT — ?



PAUV' VIEUX WIMPy y ME FAISAIT CONFIANCE ET J'L'AI FOUTU DEHORS POUR UNE PARTIE DE JAMBES EN L'AIR SI QUELQUE CHOSE LUI E5T ARRIVÉ

JE ME LE PARDONNERAI JAMAIS. C'ÉTAIT MON POTE, QUAND MÊME.

BON BEN J'AI PLUS QU'À RENTRER ME

COUCHER !

QUAND IL OUVRE LA PORTE IL DÉCOUVRE

APRÈS DES HEURES À E55A/ER DE

VJIMPy A55IS PAR TERRE ENTOURÉ DE

RETROUVER U/IMPy POPEyE 5'ASSOIT DANS UN JARDIN PUBLIC JUSQU'À CE

BELLES FILLES QUI

QUE L'AUBE APPROCHE ET QU'IL SE DÉCIDE À RENTRER —

LUI CUISENT

DES HAMBURGERS

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Nous venons de le voir, J. Wellington Wimpy, que les Français connaissent sous le nom de Contran, est un personnage secon­ daire mais incontournable des aventures de Popeye le marin, le daily strip d’E.C. Segar. Il y est apparu en 1931, mais, à l’époque de Retour à son premier amour, le r/Zrty comic qui va suivre, publié à New York vers 1935, il est également vedette de l’écran, dans les dessins animés de court-métrage produits par les studios Fleischer. Sa popularité est telle qu’une chaîne de fast-foods, qui existe encore, por­ tera son nom et qu’il entrera dans le langage com-

F

Le Wimpy de Segar baisse son pantalon devant Popeye... mais ce n'est que pour faire de la gymnastique (.Robinson n° 163, 11 juin 1939). mun sous deux formes: un wimpy pour désigner un gros hamburger et un wimp pour un lâche, une mauviette - car, en plus d’être maladivement glou­ ton, Gontran est paresseux et n’a aucun courage. Le Wimpy original est en tout point semblable à celui de Retour à son premier amour, physi­ quement, dans ses réparties et dans son caractère. Indolent, paupières tombantes, il se laisse porter par les événements et ne peut s’empêcher de trahir son ami Popeye pour un hamburger car il n’y a rien de plus important au monde. En fait, si ce n’était sa nature sexuelle, ce gag n’aurait pas dépareillé une Sunday page de Segar.

J, WELLINGTON

;WIMPY ! -b

îK

BEG PARDON Ci-contre : Dans Demande pardon, autre dirty comic, les fesses d'une jeune femme ont évoqué un hamburger aux yeux de Wimpy. Il les a si profondément mordues que le juge se demande si elle n'a pas flirté avec un alligator.

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Wimpy interprété par Paul Dooley dans le film Popeye de Robert Altman (1980).

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commerce, se souvient-il, tandis que la troisième lui fut présentée comme la dessinatrice. Et Gil­ more d'attribuer dès lors des dizaines de fascicules à cette mystérieuse amazone... C'est à une sommité du graphie novel, Art Spiegelman, que l'on doit d'avoir mis fin à cette légende, en 1997, dans sa préface au recueil Tijuana Bibles. Bien avant d'obtenir un Prix Pulit­ zer pour Maus, Spiegelman entra tout jeune à la Topps Company, productrice de chewing-gum et de cartes à collectionner, où il concevra entre autres les scandaleux Crados. Il y croisa brièvement, juste avant sa mort, un des dessinateurs maison, Wesley Morse, dont, des décennies plus tard, il reconnut le

Fait exceptionnel, l'auteur A'Elle a vu la Foire internationale — et comment !, qui a beaucoup produit et dont le style dynamique et maîtrisé se reconnaît aisément, a été identifié. Mais, clandestinité oblige, ce ne fut pas sans peine. En 1971, lorsqu'il lui consacre la moitié d'un de ses livres (Sex in comics volume 3), Donald Gilmore, l'un des premiers historiens des dirty comics, se fourvoie sérieusement. Gilmore a recueilli le long témoignage d'un homme d'affaires qui, avant-guerre, était vendeur de voitures et profitait de ce réseau pour écouler dans les garages des trucs intéressant les hommes, en dehors des clés à molette. En un temps où le marché n'offrait plus que des réimpressions, un vendeur à la sauvette lui propose de nouveaux dirty comics sur le parking de la Foire internatio­ nale de New York, en 1939, et ce témoin, désireux d’acheter en grosse quantité, réussit à contacter directement ce qu'il pense être les producteurs, trois femmes, probablement lesbiennes, par qui il peut acquérir des milliers d'exemplaires. Deux de ces femmes se chargeaient de la fabrication et du |

SWlTpHBOÂRO

À l'arrière-plan, lesTrylon et Perisphere, bâtiments emblématiques de la Foire internationale que Morse reproduisit sur sa couverture et fit visiter à son héroïne dès la première case. Au premier plan, le pavillon de la Kraft Foods esquissé à la troisième case.

Switchboard Sally, un daily strip dessiné par Morse sur scénario de l'écrivain H.C. Witweren 1925. By H. C. Wilw.r

SALLY

IT WAS AWFULLY Kino oc YOU J> WELL. YOURS mo TO ARRAMGE TO GET HE [0 \ TO HELP HE OO AWAY FROM THE SWITCH-J 0 ’I SOME SMOPPinti. after noon, r I Airrt YOu?noTHinç bo VERY KIHD OF HE m THAT /

OH.THIS IS SUCH A DELIGHTFUL S CHAHÇE FOR ME / ITS BE EH YEARS SIHCE t HAD A FREE AFTERHOOH there ont chaRle cregg/

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THIS |S MR5.JOHES A&UEST I DriASfO’or-ltET YOU OF THE HOTEL WHO GOT HE I fn SURE MRS jO>Xl OFF TO DO A LITTE SHOP- I what 00 rOu Sav i«= PinG- HR.GREGG, f--------------- ;5 WE All « FOR A LITTE DAHLE - - JUST

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Une des premières bandes de Bazooka Joe réalisée anonymement par Morse en 1954. Travail alimentaire, mais rémunérateur, imprimé sur papier du même nom.

BAZOOKA FORTUNES - You wiS j-*wjy« tie Mt te adapt jwrw« to any situation that may îom. and make 9ie Post of ¡1

style dans les dirty comics. Depuis, cette identifica­ tion a été confirmée et des descendants de Morse ont publié, en 2015, une biographie de leur aïeul, The Life and Art of Wesley Morse. Morse (17 juin 1896-31 juillet 1963) a fait du dessin humoristique, de l’illustration publicitaire, des pin-up et de la bande dessinée, dont quelques éphémères daily strips dans les années 1920. 11 aurait même temporairement ghosté des Polly and Her Pals de Cliff Sterrett en 1925, une série tenue en très haute estime par les bédéphiles. Mais l'apo­ gée de sa carrière fut d'avoir créé le personnage de Bazooka Joe pour la Topps. Comme les Mala­ bar en France, ces chewing-gums très populaires contenaient, dans l'emballage, une petite BD. De 1954 à sa mort, neuf ans plus tard, c'est Morse qui la dessina. Sa parenthèse pornographique, constituée d'une soixantaine de dirty comics, se situe bien avant cela. Bon nombre d'entre eux ont pour décor la World's Fair de 1939, une des plus marquantes expositions universelles, qui vit passer, durant dixhuit mois, 44 millions de visiteurs. On fornique sur des manèges, en mangeant des hot-dogs ou en sautant de la Parachute Jump, une gigantesque attraction aujourd’hui classée dans le patrimoine new-yorkais. Saynètes joviales et enthousiastes, on devine que les fascicules de Morse ont dû constituer un parfait petit livret souvenir pour des

touristes venus s'amuser, et des échos de presse de l'époque signalent l'arrestation de vendeurs d’obs­ cénités à la Foire. Dans ses autres productions clandestines, Morse ne donne pas dans la parodie, mais uti­ lise parfois des célébrités : W.C. Fields, Charlie McCarthy, les Marx Brothers, Laurel et Hardy... Il leur préfère cependant une héroïne qui n'est jamais véritablement la même femme - le nom ou le milieu social changent -, mais qui reste coiffée de la même façon. Beaucoup de titres sont formés d'une phrase commençant par « She » : She Fell Ont ofBed (elle est tombée du lit), She Got the Job (elle a eu le boulot), She Askedfor a Small Piece - but (elle n'avait demandé qu'un petit morceau - mais) ou le programmatique et harveyweinsteinien She Signed Her Contract but She Had to Stop ChewingGum (elle a signé son contrat mais a dû arrêter de mâcher un chewing-gum)...

Le dessin le plus connu de Morse, la Copa glrl, logo du Copacabana qu'il créa en 1943 pour ce célèbre night-club newyorkais, dont il orne toujours la façade.

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Benito hélant un taxi à la sortie du restaurant. à comprendre. Décryptage : Mussolini s’y fait une injection dans l’urètre, probablement de pénicilline. Après cette pochade malhabile, nous aurons besoin de nous laver les yeux, aussi la ferons-nous suivre d’images plus maîtrisées sur le même sujet. OVE BEtsiTO Mussolini,obmai CONDOTTIERO PEI 51CL1RIE FULCIDI DESTINI O'ITALIA, ORDr NA Ol V£NO|CAR£ LA HOSTRA

Dans l'Italie fasciste d'avant-guerre, Benito Mussolini apparaît parfois dans des bandes dessinées de propagande. Les person­ nages de Lio et Dado, d'Antonio Rubino, deux enfants engagés dans les balilla (les jeunesses fascistes), expliquent aux jeunes lecteurs du Corriere deipiccoli, en 1933 et 1934, combien il Duce (le chef) est un grand homme puisqu'il détruit les moustiques qui propagent des maladies. Aux Etats-Unis, il n'en est pas de même lorsque la Seconde Guerre mondiale est déclarée. Dans les comic books, les superhéros se font une joie de flanquer des raclées à Hitler et ses alliés... sans toutefois les mettre définitivement hors d'état de nuire, réalité oblige. Hitler, Staline, Churchill, Tchang Kaï-Chek et même Gandhi se retrouvent, bite à l’air, dans des dirty comics aux buts plus satiriques que poli­ tiques. L’auteur de Mussolini en Ethiopie, au style très rustre, n’a que peu produit. La septième page est même si mal dessinée qu’elle en devient dure

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Hideki Tôjô, Premier ministre japonais, Hitler et Mussolini ridiculisés par Batman, en 1943, une couverture dessinée par Ed Kressey et Dick Sprang.

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Un4/b/ dell'eroismo (albums de l'héroïsme) de 1941, écrit et dessiné par Salvatore De Caro.

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La Vita intima dei condottieri (la vie pas une véritable bande dessinée, certes, mais il intime des dirigeants) est line série de y a un début, une progression et une conclusion, cartes postales d’origine européenne, légenet il est à noter que ces images obscènes analy­ dées en trois langues - l'italien, l'anglais saient et le avec clairvoyance la situation internationale français -, produite vers 1944. A envoyer sous puisqu’elles prévoyaient que Mussolini et Hitler pli fermé, même dans les pays libres. Ce n’est finiraient par l’avoir dans le cul.

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..dovanii a quesla meraviglia... idéala e potenziale dal jauismo...

The war that I prefer. Io guerre que ¡e préfère.

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Donald se paie la tête d'Hitler «Un des malheurs de la vie, c’est qu’on dans un dessin animé de première partie (8 mn) de 1943. prend les gens au sérieux, et qu’ils se prennent au sérieux. Si on avait vu Hitler sous Calvo avec La bête est morte! (1944). Mais cet l’angle grotesque, petit bonhomme agité, disant obscur dirty comic militant précède ces œuvres des stupidités, si autour de lui les gens avaient ri, grand public puisque Mr. Prolific œuvrait dans les au lieu de le prendre au sérieux, ça aurait écono­ années 1930. misé quelques millions de morts. » De même que dans les films de bordels, C'est ainsi qu'appelait au rire de résistance l'homosexualité masculine - sou­ René Goscinny, le cocréateur d'Astérix, vent la bisexualité - apparais­ dont une partie de la famille périt sait dans les dirty comics durant la Shoah. comme une pratique rare Ridiculiser Hitler semble mais envisageable, au avoir été le premier objectif plus comme un gag. La de l'auteur de Ibw Nazi Man présenter, dans cette (traduisons-le par Espèce diatribe, comme l'une de nazi!) dont les parodies des plus grandes tares de Betty Boop (p. 20) ou de humaines n'était pas Wimpy (p. 37) étaient sans commun. méchantes intentions. Charlie Chaplin fit de même avec le Dictateur (1940), les studios La bête est morte de Calvo, Disney avec Der Fuehrer's Face une bande dessinée réalisée sous (1943) ou le Français Edmond-François l'Occupation, parue à la Libération.

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25 NfTMARCELLO Dl DUBipON A L'AiR DE VOU­ LOIR REMPLIR SON "STYLO" DANS UNE BOUTEÎLlE b'ENCRE QUi SERAIT SUR SON BUREAU

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TOUJOURS L'LIEURE?tfFAfT HERBERT AVEC. BEAUCOUP O'À PROPOS.

rN£ PERDANT PAS DE TEMPS, VOTRE JEUNE] AMH—QU! A D£ LA SUiT£ ÖAWS LES it>ÉES-.\

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Puis, LUÎ OESCENOANT LESLiP AVEC APPLÎCATiQN

LE'C.HER LE CUL POUR LUÎ REDONNER

SABiNE EST TROP OCCJUTéË POUR S'EN FLAGELLE S' HUMECTE LES LIVRES ET MUR-f bRE ET CE QU'ELLE VOIT AUTANT QUE CEQu] MURE bAN$ UN SOUFFLE : ELLE RESSENT L' EXC’i7ENT. ~ -_ ' LA-MOi ! METS-MOI-LA i VITE.ViTE!

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*_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ , _ _ko _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ . CE QU'ic FAi T , HERBERT, CAR ii EST TRES] i^PUJéNET EST BiEN PARTi POUR ABOUT¡R CET] -TE FOiS-Ci. Son ZOB GONFLE a' VUE DCEiL, OBEISSANT ET N'ATTENDAIT QUE CELA . OU PLUTÔT DANS L'OEiL HUMiDE ETTif-DE DE SABiN£,SA PiNE S'EXTEND AU MA* ¡-J MUM PRÊTE À EXPLOSER .

fir SasÏne se retrouve assise plantëe . SUR LE SEXE DE HERBERT Qui EST Lui, /' TOMBE le premier PAR CONTRE-COUP.

BIEN toUJENET ! NE VOUS EN FAITES^ &A BINE I MON PET ¡T j VOULEZ-VOUS BIEN. VENïR O/ivS MON SUREAU ... J'Ai DU... PAS,MON vrtux! MAIS MONSIEUR... J'Ai DU COURRIER EN RETARD.

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76 ÎPÂS> MAL , PA S MAL PET ¡TE SABiNE,FATT L€^ tj'Ai MERAi MîEUX QuE Tu M‘£NCuL£S^\ |£/?AA/Î> SUPERBiTE CONDESCENDANT. DES MOi^PROPOSÆ SABÎNE EN TENDANT SeSJ LORS RëVEiLLE TON CHEF MARCELLO, CAR FESSES. JE N'Ai PAS LE TEMPS DE TRAÎNER ET ¡L. FAUT O UE JE l'EN£ULE DEVANT TOi POUR LE PUNÎR ET LU! OTER l'ENVÎE DE RECOM­ MENCER À ABUSER DE SES POUVoiRS.

SECOUE M- Di DuBiDON Qui Ni £4S CB QU< Lui EST ARRiVë . votre BU­ REAU

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rHA .’ JE ME SOUViENS ! CiBL ! L'ÉNORME B!T£ ! LE... LE... LE SuRHOMME ! mais vous ères

Ne vous AFFOLLECPAS FOLLE ? OU MAiS, M^Pi DU3ÎDON ...PéCULOTTEZ-vOUS CALMEj MENT.

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rOUi,JE SUIS LÀL? Déçulottes-roi Mr Marcello Di DuBiDO/J f..xA

JE VOUS EN SUPPLIE /

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C'EST FiNi DE PLEURNICHER ? NE BûU&EZ PAS/

MAii HERBERT DujEnET ¿'ARA Rêre court . y

Si 'LORSQUE 1/OQS SERFS REVEiLUi ,VOu S viENDREZ DAMS mon Bureau _ Dir MAR^ CELLO , CAUStIQUE.

rNON CONTENT E DONC , HERBERT FRAPPE A LA PORTE DE SON CHEF DE BUREAU ET ENTRE . CE DERNi'ER EST ASSiS A SCN BUREAU ,S"c>n ViSAtSE ¡LLUMiNE PA« UN^ LARGE SOURiRE.

'Notre am: reearde sow e^phollo QU: FS7 RESTE Ek ERECTiON,MA