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French Pages 252 [254] Year 2008
Naissance de la chimie structurale
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NAISSANCE DE LA CHIMIE STRUCTURALE
Alain DUMON et Robert LUFT
17 avenue du Hoggar Parc d’Activité de Courtabœuf, BP 112 91944 Les Ulis Cedex A, France
Imprimé en France ISBN-: 978-2-7598-0055-1 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © 2008 EDP Sciences
Sommaire Introduction ....................................................................................................
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Chapitre 1. : L’émergence des formules des composés chimiques ...... Dalton, Gay-Lussac, Berzelius et les premières formules représentatives des substances chimiques ..................................... Atomes et molécules selon Dalton ................................................... La controverse Dalton - Gay-Lussac ................................................ Berzelius et la représentation des corps chimiques ....................... Combinaison chimique et attraction électrique.............................. Dualisme électrochimique de Berzelius et radicaux composés ......... La théorie des substitutions sonne le glas de la théorie dualistique . Émergence de la notion d’isomérie........................................................
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Chapitre 2. : De la théorie des types aux premières formules structurales................................................................................................ Types chimiques et théorie unitaire ....................................................... « Théorie des types » de Dumas ....................................................... Premières idées d’ordre structural ................................................... Théorie unitaire et substitution par résidus .................................... Doubles décompositions et triomphe de la notation chimique ... « Table rase » du Précis de chimie organique de Gerhardt................ Nouvelle théorie des types et formules synoptiques .......................... Seconde théorie des « types » ............................................................ Gerhardt et sa théorie des « types » ................................................. Types condensés et types mixtes ...................................................... Atomicité ou valence des espèces atomiques ....................................... Vues de Couper ................................................................................... Kekulé et la tétratomicité du carbone .............................................. Controverse à propos de l’atomicité ................................................ Notion de valence ............................................................................... Aspects rétrospectifs et prospectifs de la chimie vers 1860 : un bilan
39 39 39 44 48 49 51 54 55 58 61 63 64 65 68 69 69
Chapitre 3. : Représentations de la structure chimique ......................... Représentation de l’enchaînement des atomes .................................... Vues de Kekulé .................................................................................... Représentations structurales de Loschmidt .................................... Théorie structurale de Butlerov ........................................................ Notation de Crum Brown et ses aspects pédagogiques ................
73 73 73 77 79 82
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Naissance de la chimie structurale
L’insaturation et sa notation .............................................................. Établissement de la formule du benzène .............................................. Proposition de Loschmidt.................................................................. Théorie de Kekulé ............................................................................... Objections de Ladenburg et « symposium » de 1869 .................... Théorie de Berthelot ........................................................................... Représentations alternatives du benzène proposées entre 1867 et 1874........................................................................... Dissymétrie moléculaire et représentation des molécules dans l’espace Travaux fondamentaux de Pasteur sur la dissymétrie moléculaire Démonstration par la géométrie descriptive de la corrélation entre la dissymétrie moléculaire et le pouvoir rotatoire .......... Van’t Hoff publie son hypothèse du carbone tétraédrique........... Accueil fait au carbone tétraédrique ................................................ La chimie dans l’espace s’étend aux composés inorganiques ......
87 91 92 93 97 99 101 102 104 107 109 113 115
Chapitre 4. : Naissance de la stéréochimie .............................................. Évolution de la notion d’isomérie .......................................................... Isomérie de structure du squelette carboné .................................... Isomérie de position de la fonction chimique................................. Isomérie géométrique......................................................................... Isomérie de valence des systèmes conjugués ................................. Configuration et conformation ............................................................... Conventions de représentation stéréochimique ............................. Configuration relative et configuration absolue ............................ Règle de séquence ............................................................................... Chiralité et pouvoir rotatoire ............................................................ Conformations moléculaires .............................................................
119 119 120 120 121 125 127 127 129 133 134 136
Chapitre 5. : Électron et liaison chimique ............................................... Avancées épistémologiques et modélisation de la valence ................ Mendeléev, les éléments et leur classification................................. Vers l’atome considéré comme une structure électrique............... Établissement des premiers modèles de l’édifice atomique ......... Atome et théorie des quanta de Planck ................................................. Atome de Bohr et ses aménagements successifs ............................ Périodicité, une illustration de la répartition du cortège électronique ................................................................ Évolution du modèle de Bohr sous l’effet d’apports théoriques et expérimentaux ......................................................................... Liaison chimique à la lumière du modèle de Bohr ........................ Atome vu sous l’angle de la mécanique quantique............................. Atome et mécanique quantique ........................................................ Mécanique ondulatoire.................................................................
143 145 145 150 153 156 156 160 163 165 171 171 172
Sommaire
Mécanique matricielle de Heisenberg ........................................ Interprétation probabiliste de Born et principe de complémentarité ................................................................ Notion d’orbitale ................................................................................. Modèles quantiques de la liaison chimique .................................... Méthode des liaisons de valence ................................................. Méthode des orbitales moléculaires OM ................................... Représentation graphique des orbitales atomiques et moléculaires ......................................................................... Exemples d’application des théories quantiques aux problèmes structuraux chimiques............................................. Géométrie des molécules ................................................................... Électronégativité atomique et polarisation des liaisons covalentes Stabilité des systèmes insaturés à liaisons multiples conjuguées Densités électroniques et pôles de réactivité ..................................
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172 173 174 176 177 178 179 182 182 183 185 186
La chimie structurale entre hier et demain Une revue rétro-prospective ..................................................................
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Notes ................................................................................................................ Références bibliographiques......................................................................... Brèves biographies des chimistes et physiciens cités ...............................
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Introduction Les notions de formule chimique, de liaison entre atomes et de stéréochimie, si familières aux chimistes d’aujourd’hui, sont apparues dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Au préalable, il fallut apprendre à distinguer le mélange du corps pur, construire la notion de substance chimique, différencier l’atome de la molécule et reconnaître que les atomes sont les constituants des molécules. Ce passage du monde sensible au monde imperceptible a pris près de 2 000 ans et a donné lieu à débats et controverses. Dans les diverses philosophies corpusculaires qui se sont succédées jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, c’est la notion d’affinité qui expliquait que deux particules avaient tendance à s’unir, s’accoler, s’attacher, etc. Le sens premier, commun, du mot affinité concerne plutôt la localisation géographique ; en effet, le mot latin « adfinis » signifie voisin ou limitrophe, et « adfinitas », voisinage ou proximité. Plus tard seront ajoutés les sens de ressemblance, de parenté par alliance, acquise par un mariage ou un baptême, puis celui de connexion entre les choses qui ont un rapport, qui présentent quelques similitudes entre elles et qui se ressemblent. Le concept d’affinité va évoluer pour devenir l’affinité (ou force) d’attraction et se différencier en affinité d’agrégation et affinité de composition. Ces affinités que Bergman appelle « affinités électives »1 étaient exprimées en particulier dès 1718 dans le Tableau des rapports de Geoffroy (voir dans le chapitre 1 la figure 1.4). La cohésion des substances chimiques sera successivement expliquée par l’existence de crochets, de forces de contact, d’équilibre entre forces répulsives à très courte distance et de force attractive qui « décroît plus vite que le carré de celle-ci », d’attraction électrique entre espèces de charges opposées. Mais l’affinité restera jusqu’à la fin du XIXe siècle un véritable paradigme permettant d’interpréter la formation des corps composés à partir de leurs particules initiales. Par exemple, Kekulé considère que les atomes et les groupes d’atomes qui se forment ou se transfèrent dans les réactions sont le siège d’unités d’affinité (« Verwandschaftseinheiten »), qui correspondent aux atomicités ou valences des atomes, neutralisées dans la formation des liaisons ou libérées lors de la rupture de celles-ci ; mais aucune définition précise de l’affinité n’est fournie avant le développement de la thermodynamique chimique. Bien que Boyle ait différencié depuis 1661 le mélange de la combinaison chimique et envisagé que les propriétés individuelles des substances chimiques résultent des arrangements divers d’une matière commune et universelle, les corps chimiques ont du mal à trouver leur identité. On se trouvait en présence d’acides, d’alcalis, de sels, de composés tirés des matières animales et végétales, etc. Au tournant du XIXe siècle des bouleversements vont apparaître dans les méthodes de travail, les raisonnements et le langage de la chimie :
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Naissance de la chimie structurale
– Lavoisier met en place une méthodologie d’étude de la transformation chimique basée sur la conservation de la masse. Tout d’abord il affirme que : « Rien ne se crée, ni dans les opérations de l’art, ni dans celles de la nature et l’on peut poser en principe que dans, dans toute opération, il y a une égale quantité de matière avant et après l’opération, que la qualité et la quantité des principes sont les mêmes, qu’il n’y a que des changements, des modifications. C’est sur ce principe qu’est fondé tout l’art de faire des expériences en chimie ». Puis, à partir de là : « On est obligé de supposer dans toute transformation chimique une véritable égalité ou équation entre les principes des corps que l’on examine et ceux que l’on retire par l’analyse. Ainsi puisque le moût de raisin donne du gaz acide carbonique et de l’alcool, je puis dire : moût de raisin = acide carbonique + alcool. » Sa pratique analytique l’amène à définir « l’élément chimique » comme le résultat ultime de la décomposition des corps chimiques, ce qui va conduire à distinguer le corps simple (l’élément) du corps composé. – Inspiré par Condillac qui écrivait : « Nous avons remarqué que le développement de nos idées, de nos facultés ne se fait que par le moyen de signes et ne se ferait point sans eux », Lavoisier précise dans son discours préliminaire du Traité élémentaire de chimie : « Comme ce sont les mots qui conservent les idées et les transmettent, il en résulte qu’on ne peut perfectionner le langage sans perfectionner la science, ni la science sans le langage… ». Il en découlera une nouvelle nomenclature des corps chimiques et l’évolution de la représentation des molécules organiques durant la deuxième moitié du XIXe siècle nous semble bien illustrer ces idées. En effet, afin d’améliorer leur raisonnement dans l’explication et la prévision du comportement chimique des isomères, les chimistes vont s’appuyer sur des représentations iconiques, et faire ainsi évoluer non seulement le langage chimique mais également la chimie. – Le début du XIXe siècle sera marqué par la recherche des nombres qui caractérisent les proportions de combinaison des éléments. En se limitant à la chimie minérale, plusieurs chimistes ont constaté que les combinaisons chimiques se produisent selon des proportions déterminées. Richter (1792) introduit la notion de « stœchiométrie » et la loi dite des « nombres proportionnels », Proust (entre 1799 et 1806) la « loi des proportions définies », Dalton (1808) la « loi des proportions multiples » et Gay-Lussac (1808) la « loi des proportions volumétriques ». À la suite de ces travaux et malgré l’opposition de Berthollet qui défendait l’idée d’une variation continue de la composition, les chimistes acquièrent la conviction qu’il est possible d’attribuer à chaque élément un coefficient tel que dans tout composé le rapport des poids des éléments combinés sera égal au rapport de leurs coefficients ou à un multiple
Introduction
simple de ce rapport. Il s’agit là, d’un point de vue épistémologique, d’une étape indispensable pour écrire des formules qui ne soient plus seulement représentatives de la composition du corps du point de vue de la qualité de ses constituants (telles les notations des alchimistes), mais qui puissent faire apparaître les proportions de ses différents constituants. L’hypothèse atomique de Dalton, le symbolisme proposé par Berzelius et l’harmonisation des échelles des poids atomiques vont conduire peu à peu à une représentation des proportions respectives des atomes (chimiques) des différents éléments dans la molécule acceptée par tous. Au début du XIXe siècle, suite à l’invention de la « pile » par Volta et à ses applications à l’électrolyse, Berzelius formule une « théorie électrochimique dualistique » selon laquelle les corps sont censés être formés de deux entités antagonistes du point de vue électrique, unies par l’attraction électrique. Mais cette théorie, très appréciée à sa publication, ne résout pas le problème de la structure interne des entités polyatomiques moléculaires, plus particulièrement celles isolées par les chimistes qui s’intéressent aux composés organiques. Ce problème est d’autant plus aigu que le nombre de composés carbonés connus est l’objet d’une véritable inflation au cours du dernier quart du XIXe siècle. En effet, la synthèse historique de l’urée par Wöhler (1828), preuve matérielle de l’inexistence d’une « force vitale » indispensable à la formation des composés « organiques », c’est-à-dire élaborés par des organes vivants, a été le point de départ d’une multiplication du nombre de composés carbonés de synthèse. Des techniques de représentation deviennent nécessaires, à la fois pour expliquer les modes de synthèse et pour identifier des structures par des voies chimiques. À l’hypothèse dualistique va succéder une autre, unitaire, qui conduira à s’interroger sur l’arrangement des atomes dans les molécules et à sa représentation dans les formules chimiques. Les notions de fonction chimique et d’isomère vont alors être créées sur des bases purement chimiques et déboucher sur les idées de radicaux, de noyaux, de types chimiques traduisant un arrangement particulier des atomes dans la molécule. Le recours aux formules rationnelles synoptiques, préconisé par Laurent et qui s’est rapidement généralisé à la suite des travaux de Gerhardt, a conduit à des pratiques diverses de représentation des molécules engagées dans une réaction chimique (utilisation ou non d’accolades). Le concept d’atomicité ou de valence émergera de ces idées et permettra d’interpréter les différents pouvoirs de combinaison des éléments dans une molécule, ainsi que la possibilité de liaisons multiples entre atomes. Mais Couper, qui rejette les formules rationnelles des types de Gerhardt, arguant qu’elles n’apportent aucune information réelle, est le premier à montrer (1858), dans sa propre pratique de l’écriture des formules synoptiques, qu’il est possible d’y mettre en évidence certaines entités structurales caractéristiques, déjà identifiées à l’époque. Pour ce faire, il a recours à des « liens formels », c’est-à-dire n’exprimant aucune réalité physique, constitués par des pointillés ou des traits. Son procédé, qui conduit à des représentations voisines de celles d’aujourd’hui, est repris par plusieurs autres chimistes.
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À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, la distinction entre les concepts d’atome et de molécule, qui deviendra effective après le congrès de Karlsruhe (1860), les chimistes adoptent la notion d’atomicité et, afin d’améliorer l’exposé de leur raisonnement dans l’explication et la prévision du comportement chimique des isomères, ils vont s’appuyer sur des représentations iconiques. Ils font ainsi évoluer non seulement le langage chimique, mais également la chimie. Dans ce contexte, Frankland apportera une contribution fertile à l’établissement de la notion de « liaison » en la considérant comme une expression concrète de celle d’atomicité ou de valence. Il tient en particulier à affirmer qu’il n’attache au terme liaison aucune idée de connexion matérielle entre atomes, car « leurs liens semblent plutôt être du genre de ceux qui maintiennent notre système solaire en l’état ». Il a été l’un des premiers à utiliser les « traits de liaison ». Des formules typiques de Gerhardt, pour qui « L’écriture condense seulement les résultats ou les propriétés », on va ainsi évoluer vers les formules développées planes (« formules de constitution ») de Couper, Loschmidt, Crum Brown, traduisant simplement la position chimique des atomes, puis vers la distribution des atomes : la « structure chimique » de Butlerov. Ces structures moléculaires planes, reproductibles sur une feuille de papier ou au tableau noir, ont été des auxiliaires puissants des chimistes dans leurs efforts d’interprétation des réactions chimiques. Elles déboucheront sur les problèmes des mécanismes réactionnels, de l’incidence de la structure sur la réactivité chimique et biochimique, ainsi que des stratégies de synthèse moléculaire. Parallèlement s’élabore en chimie organique un langage symbolique de dénomination conventionnelle des groupements internes d’atomes dans les composés, facilitant ainsi les discussions entre les chimistes du monde entier. Cependant, si à partir de 1860 les chimistes sont de plus en plus conscients de l’importance de la connaissance des dispositions relatives des atomes constitutifs d’une molécule, ils sont dans l’ignorance totale de la nature des forces d’attraction et de répulsion qui sont à l’origine de ces dispositions et qui conditionnent par conséquent la structure globale de l’édifice moléculaire. La nature de la liaison chimique n’est pas encore clairement établie et ne le sera définitivement que vers les années 1920. Les insuffisances des formules planes vont se faire sentir rapidement et des figures tridimensionnelles traduisant la disposition spatiale des atomes dans la molécule feront leur apparition. Le problème de la « représentation stéréochimique » des corps composés s’est en réalité posé dès le début du XIXe siècle, à partir du moment où Biot mit en évidence le pouvoir rotatoire des cristaux de quartz dont les deux formes hémiédriques, découvertes par Haüy, dévient chacune la lumière polarisée avec le même module, mais dans des directions opposées, comme le montre alors l’astronome Sir John Herschel. À partir de 1815, Biot observe que certaines substances organiques liquides, telles que l’essence de térébenthine, des solutions de camphre dans l’alcool, des solutions aqueuses de sucre ou d’acide tartrique, sont douées de pouvoir rotatoire. Ainsi, l’origine de celui-ci n’est pas confinée aux seules structures polymoléculaires cristallines, mais peut constituer une propriété intrinsèque
Introduction
des molécules elles-mêmes, puisqu’elles sont distribuées au hasard dans les liquides et les solutions. Les travaux de Pasteur sur les acides tartriques et d’autres substances douées de pouvoir rotatoire le conduisent à admettre que ce pouvoir est lié à la présence, dans la molécule, d’un facteur de dissymétrie structurale conduisant ainsi à deux structures isomères, images l’une de l’autre dans un miroir. Pour lui l’existence d’une telle dissymétrie impose une structure moléculaire dans un système à trois dimensions, les molécules planes présentant nécessairement un plan de symétrie. La percée de la chimie structurale est amorcée en 1874 avec l’hypothèse du « carbone tétraédrique » de van’t Hoff, terme qu’il est le premier à utiliser (ne pas confondre avec le « carbone tétravalent » ou « tétratomique » de Kekulé), et avec la théorie du carbone « asymétrique » de Le Bel. On relèvera que l’hypothèse du carbone tétraédrique a été simultanément formulée par deux auteurs utilisant des démarches différentes : une démarche inductive pour Le Bel et une démarche déductive pour van’t Hoff. Peu à peu les problèmes de stéréochimie vont conduire à une complexification de plus en plus importante des représentations des molécules. Des conventions ont dû être introduites, en particulier pour passer de la représentation graphique au langage écrit. Mais cette évolution se fera sans une véritable conceptualisation tant des atomes que des liaisons chimiques. Deux conséquences importantes vont découler de l’évolution des représentations des structures chimiques. – La première est la mise en évidence de l’importance de la symétrie en chimie. La dissymétrie moléculaire de Pasteur, explicitée par le carbone tétraédrique de van’t Hoff, conduira à la notion primordiale de « chiralité ». En effet un grand nombre de molécules organiques dont la structure est dépourvue d’éléments de symétrie et qui se présentent sous deux formes, images l’une de l’autre dans un miroir, accusent de sensibles différences de propriétés, par exemple sur les plans olfactif, gustatif, ou de l’activité biologique, selon qu’elles devient le plan de la lumière polarisée dans un sens ou dans l’autre. – La deuxième conséquence découle du problème rencontré pour la représentation du benzène. Avec le procédé rhétorique utilisé par Kekulé consistant à considérer deux formules complémentaires comme représentant ensemble la molécule benzénique, « s’envole le rêve mythique de la miniature ou de la graphie susceptible de la représenter ». En effet, comme le souligne Dagognet (1969), la représentation schématique, que le réalisme naïf pourrait faire identifier à la réalité (l’objet moléculaire), « évoque peut-être la molécule, mais ne peut plus l’équivaloir. Un signe, un lointain substitut à la rigueur, mais nullement un résumé de la substance. La chimie doit renoncer à sa rigidité, à ses lignes, à ses lieux ou emplacements ». Quoi qu’il en soit, « en immobilisant les choses microscopiques en des formes régulières et fixes, les formules aident l’attention à se focaliser » (Laszlo, 1993). Elles ont été, et restent encore, le point de départ de raisonnements simples et efficaces, et, même si elle risque de renforcer l’identification de l’image à la réalité, la manipulation de modèles moléculaires est le seul moyen dont dispose le néophyte pour s’y retrouver dans ce « langage de la chimie ».
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Enfin, avant d’aboutir définitivement à la résolution de tous les problèmes de structure moléculaire, il a fallu presque un siècle pour acquérir les outils intellectuels indispensables à la définition complète de la structure du plus grand nombre de molécules carbonées, ainsi que les techniques physicochimiques d’analyse non destructive des substances, que sont les différentes spectroscopies, la diffraction aux rayons X, le microscope électronique, les chromatographies, la résonance magnétique nucléaire, etc. Entre l’aube de la révolution lavoisienne et la présentation au public de la structure en « double hélice » de l’acide désoxyribonucléique (ADN) par Watson et Crick près de deux siècles ont passé. C’est ce lent cheminement de la pensée chimique, avec ses percées et ses blocages, depuis la représentation d’un composé moléculaire par une « formule brute globale » ou de « composition centésimale », c’est-à-dire exprimée sous forme de pourcentages des corps simples présents, jusqu’aux dessins et modèles matériels actuels en trois dimensions, que nous tentons de restituer dans les pages qui suivent.
Chapitre 1
L’émergence des formules des composés chimiques Dalton, Gay-Lussac, Berzelius et les premières formules représentatives des substances chimiques Au début du XIXe siècle J.B. Richter développe, à la suite des travaux de C.F. Wenzel, l’analyse quantitative des sels et établit en 1792 la notion de stœchiométrie, ainsi que la loi dite des nombres proportionnels et la notion d’équivalent chimique qui s’y rattachent. Ces travaux sont complétés à partir de 1797 par ceux de J.L. Proust sur les proportions définies1 dans lesquelles les substances chimiques se combinent. Ces résultats stimulent les recherches sur les proportions pondérales dans les combinaisons chimiques.
Atomes et molécules selon Dalton Entre 1800 et 1803, J. Dalton, qui s’était jusque-là intéressé à l’étude physique de l’atmosphère, réoriente ses travaux vers l’examen des mélanges de corps gazeux, ainsi que de la solubilité de divers gaz dans l‘eau, ce qui le conduit à établir la « loi des pressions partielles ». Il cherche à différencier les particules ultimes de ces gaz, qu’il nomme atomes (« ultimate atoms » ou « elements » pour les corps simples et « compound atoms » pour les composés), et attribue à ceux de chaque espèce gazeuse une masse et une taille spécifiques2. Puis il développe une étude parallèle des particules ultimes des corps purs, le plus souvent des solides, bien plus nombreux que les gaz. Il définit comme suit cette recherche : « C’est l’un des buts primordiaux du présent travail que de montrer l’importance et l’avantage d’établir des poids relatifs des particules ultimes, tant des corps simples que des corps composés, de définir le nombre de particules élémentaires simples qui constituent la particule d’un composé et celui des particules de composés peu complexes qui entrent dans la formation de composés (de structures) plus complexes ».
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Naissance de la chimie structurale
Ces nouveaux travaux s’étendent sur plusieurs années et conduisent à sa « théorie atomique » qu’il publie en 1808 dans son ouvrage A new system of chemical philosophy et dans laquelle il affirme explicitement que : – pour chaque corps simple, il existe une particule ultime caractéristique, l’atome de ce corps. Deux atomes d’un corps simple ne diffèrent en rien entre eux. Ils ne peuvent être ni créés, ni détruits (cela les différencie des corps composés), sont indivisibles, ont une même masse et possèdent des propriétés physiques identiques. La masse de l’atome d’un corps simple lui est propre et diffère de celle d’un atome d’un autre corps simple ; – la particule ultime d’un corps composé (que Dalton appelle aussi atome) est constituée par l’assemblage d’un nombre défini d’atomes de chacun des corps simples dont il est formé. Sa masse est égale à la somme des masses des atomes constituants. Il énonce ensuite les règles empiriques qu’il estime pouvoir être adoptées comme guides au cours des investigations relevant du domaine de la synthèse chimique et écrit : 1 – lorsqu’on n’obtient qu’un seul composé à partir de deux corps A et B, celui-ci doit être considéré comme un composé binaire AB, sauf s’il existe un motif contredisant cette hypothèse ; 2 – lorsqu’on observe la formation de deux substances, on doit supposer la présence d’une combinaison binaire AB et d’une ternaire AB2 ou A2B ; 3 – lorsqu’il se forme trois combinaisons, on doit s’attendre à ce que l’une soit binaire AB et deux ternaires AB2 et A2B ; 4 – lorsqu’on observe la formation de quatre combinaisons, l’une doit être binaire AB, deux ternaires AB2 et A2B et une quaternaire AB3 ou A3B, etc. Comme le souligne R. Lespiau (1920), les règles de Dalton sont pragmatiques, il n’affirme nulle part que les composés déduits grâce à elles correspondront forcément à la réalité, puisqu’il prend soin de préciser « … unless some cause appear to the contrary ». En contradiction de ce que nous savons de nos jours, il attribue ainsi à l’eau, seule combinaison entre l’hydrogène et l’oxygène connue vers 1810, la formule HO. Dans un prospectus du plan détaillé des cours qu’il comptait donner à Manchester en 1805 (une répétition de ceux donnés la saison précédente à la Royal Institution), il affirme que « the nitrous gas is composed of one (atom) of azote and one of oxygen, nitrous oxide of two azote and one oxygen, nitric acid of one azote and two oxygen, and nitrous acid of one nitric acid and one nitrous gas ». Pour les combinaisons du carbone, il cite ensuite : « one charcoal and one oxygen—carbonic oxide one charcoal and two oxygen—carbonic acid one charcoal and one hydrogen—olefiant gas (éthène) one charcoal and two hydrogen—carburetted hydrogen from stagnant water (hydrogène carburé du gaz des marais, notre méthane). » Etc.
L’émergence des formules des composés chimiques
Par ailleurs, Dalton renouvelle les symboles des espèces chimiques. Comme on le sait, à côté des « Éléments » d’Aristote (figure 1.1) les alchimistes représentaient les métaux par les « signes » des planètes (figure 1.2). Cette symbolique, complétée peu à peu avec d’autres pictogrammes, tels ceux de N. Lémery (figure 1.3) désignant une série de substances découvertes au long des siècles, est appliquée en particulier par E.F. Geoffroy en 1718 et par T.O. Bergman en 1775 dans la représentation des « affinités chimiques » (figure 1.4).
Figure 1.1 – Les Éléments d’Aristote.
Figure 1.2 – Symboles alchimiques des métaux.
Figure 1.3 – Symboles de corps composés (Lémery 1698).
La rupture avec ce système s’est faite en 1787, au moment de la réforme de la nomenclature chimique3 par L.B. Guyton de Morveau, A.L. Lavoisier, C.L. Berthollet et A.F. Fourcroya# Ces quatre chimistes associent à leur étude deux personnalités extérieures, J.H. Hassenfratz, sous-inspecteur des Mines et P.A. Adet, docteur-régent (c’est-à-dire professeur) de la faculté de médecine de Paris et les chargent d’une réforme de la symbolique chimique, afin de corriger les inconsistances qui s’y sont introduites au long des siècles. Leur travail (figure 1.5) permet de simplifier et d’uniformiser la représentation des corps simples. Pour désigner les corps composés, ils alignent les symboles a)#
(1994).
Pour une étude historique de l’élaboration de cette nomenclature, voir Bensaude-Vincent
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Naissance de la chimie structurale
Figure 1.4 – Symboles de Geoffroy.
des corps simples présents et tentent, les premiers, d’introduire un aspect quantitatif dans la représentation en jouant sur la position (en hauteur, de niveau, en position basse) du symbole pour exprimer sa multiplicité dans le corps composé. Pour des raisons d’ordre typographique, leur système de symboles n’a pas percé. Reprenant les idées de ses prédécesseurs, Dalton crée son propre système de symboles (figure 1.6) et assigne une masse à chacun d’eux. Dans les formules des composés les symboles sont répétés autant de fois que nécessaire, pour satisfaire aux proportions réciproques des espèces atomiques présentes, auxquelles Dalton assigne par ailleurs des positions relatives les unes par rapport aux autres. Cette façon de faire, qui introduit un aspect structural, confère à son système non seulement un aspect quantitatif, mais peut être considérée comme une première tentative de représentation de substances isomères4. Le grand mérite de la théorie atomique de Dalton est d’avoir créé un lien indissoluble entre chaque symbole atomique et une masse5 de base, déduite de la comparaison des masses d’un très grand nombre de corps composés. La détermination des masses de base a été facilitée à partir du moment où
L’émergence des formules des composés chimiques
Figure 1.5 – Symboles de Hassenfratz et Adet.
Dalton, constatant que dans ses combinaisons avec quelque corps simple que ce soit l’hydrogène contribuait pour la plus petite part à la masse de la combinaison, a attribué à l’atome d’hydrogène la masse H = 1 et appelé « masse atomique » cette grandeur relative. La grande erreur de Dalton a été de considérer de façon pragmatique (voir plus haut) que l’eau était formée par l’union d’un seul atome d’hydrogène et d’un seul atome d’oxygène. Quoi qu’il en soit, l’idée des masses atomiques va conduire les chimistes à entreprendre de nombreux travaux pour leur détermination précise ; elle va les conduire également à émettre des hypothèses sur la structure de la matière.
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Figure 1.6 – Symboles de Dalton.
La controverse Dalton - Gay-Lussac La même année que Dalton (1808) et après avoir déjà déterminé dès 1805 avec A. von Humboldt que 100 volumes d’oxygène se combinaient avec 199,89 volumes d’hydrogène (ils ont démontré ensuite que la différence avec 200 volumes provenait d’un résidu d’azote dans l’oxygène dont ils disposaient), L.J. Gay-Lussac formule sa loi de combinaison des volumes ou des proportions volumétriques. « Les volumes de gaz qui se combinent sont dans des rapports simples et le volume de la combinaison formée est dans un rapport simple avec le volume des gaz composants ». Il en déduit que la composition de l’eau6 est traduite (en notation actuelle) par la formule (H2O), celle de l’ammoniac par
L’émergence des formules des composés chimiques
(NH3), celle de « l’acide carbonique » par (CO2) et celle de l’oxyde de carbone par (CO). En considérant que la masse relative d’un volume d’hydrogène est égale à 1, Gay-Lussac est conduit naturellement à proposer une échelle de masses atomiques, basée sur une valeur double de la masse relative de l’oxygène retenue par Dalton. Par ailleurs, Gay-Lussac montre qu’il est possible de déterminer « l’équivalent chimique » M d’un corps pur gazeux à partir de sa densité gazeuse d : M = 28,8 d. Il ouvre ainsi une seconde voie de détermination des équivalents, en dehors de la méthode par voie pondérale. Les idées de Dalton et de Gay-Lussac relatives aux corps simples étaient proches : pour Dalton, 1 atome d’un corps s’unit à 1, 2, 3… atomes d’un autre corps ; pour Gay-Lussac, c’est 1 volume d’un corps qui s’unit à 1, 2, 3… volumes d’un autre corps. Après avoir fait le rapprochement entre leurs travaux, Gay-Lussac considère ses résultats comme une extension de la théorie de Dalton aux gaz et Berzelius écrit en 1819 dans son Essai sur la théorie des proportions chimiques et sur l’influence de l’électricité : « Si l’on substitue le nom d’atome à celui de volume, et qu’on se figure les corps à l’état solide, au lieu d’être à l’état gazeux, on trouve dans la découverte de M. Gay-Lussac une des preuves les plus directes en faveur de l’hypothèse de Dalton ». Mais ce dernier n’accepte pas la loi des volumes et attribue à l’atome de chaque corps pur gazeux un volume spécifique, ce qui le conduit à la conclusion que des volumes égaux de deux gaz ne sauraient contenir des quantités égales d’atomes. Il rejette en 1810, sans aucune vérification expérimentale, les résultats de Gay-Lussac : « …vous n’avez qu’à lire mon premier volume et vous y verrez que les atomes des gaz sont tous sphériques, et que le volume des sphères, quoique le même pour chaque gaz, varie d’un gaz à l’autre. Votre loi ne saurait donc être exacte ».7 L’obstacle principal à la rencontre des deux idées résidait dans le fait que Dalton plus particulièrement ne faisait pas la distinction entre atome et molécule. D’autre part, il était impensable pour lui qu’un atome, insécable par définition, puisse se diviser en deux pour se combiner avec un autre demi-atome ! Ce problème ne se posait pas pour Gay-Lussac qui raisonnait en équivalents. En effet la proposition suivante de Gay-Lussac « la combinaison de 1 volume d’azote avec 1 volume d’oxygène conduit à 2 volumes d’oxyde d’azote », valable lorsqu’on parle en équivalents, doit se traduire dans l’hypothèse atomique de Dalton par « 1 atome d’azote plus 1 atome d’oxygène donne 2 atomes d’oxyde d’azote » et nécessiter par conséquent la scission des entités d’azote que Dalton appelait atomes et que nous appelons molécules de nos jours. Conscient des risques de confusion soulevés à propos de la notion de particule élémentaire, A. Avogadro distingue trois classes : les « molécules élémentaires » réputées insécables, les « molécules intégrantes » qui sont des molécules de composés ou de corps simples (les réactifs) à partir desquels un autre composé (le produit) se forme, enfin les « molécules constituantes », les différents atomes qui constituent un composé. En 1811, il admet la possibilité de scission des molécules intégrantes ; cette hypothèse a été reprise par A.M. Ampère en 1814 pour concilier les points de vue de Dalton et de
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Gay-Lussac, mais n’a pas reçu à ce moment l’accueil qu’elle méritait. De plus, comme le soulignent B. Bensaude-Vincent et I. Stengers (1993) : « Supposer des molécules composées de deux molécules élémentaires, ou atomes, cela paraît scandaleux. Les chimistes pouvaient sans peine penser les édifices moléculaires formés par l’union attractive ou l’affinité de deux atomes différents. Mais l’union de deux atomes semblables en une molécule paraît impossible, inconcevable, surtout dans le cadre de la théorie électrochimique de Berzelius où toute combinaison s’explique par des charges électriques opposées. »
Berzelius et la représentation des corps chimiques J.J. Berzelius, l’un des plus grands chimistes de son temps, regrette l’attitude de Dalton et note en 1819 : « Cependant, les expériences de M. Gay-Lussac ont été confirmées par d’autres chimistes, et l’on considère maintenant les résultats généraux qu’il en a tirés comme bien constatés ». En utilisant plusieurs procédés (méthode pondérale, règle de Dulong et Petit, proportions volumétriques), il vérifie les valeurs proclamées d’un bon nombre de masses atomiques, en détermine d’autres et en publie une table, dans laquelle il attribue la valeur relative 100 à l’oxygène, qu’il retient comme base. Avec du bon sens chimique et à partir de considérations basées sur des règles bien établies (capacité calorifique, loi de l’isomorphisme, etc.), il est conduit à attribuer des formules analogues à des corps composés présentant des caractéristiques analogues. Pour « pouvoir être facilement tracées et imprimées sans défigurer le texte », il fait appel, pour désigner les espèces atomiques dans les formules représentatives des molécules, à des lettres ou groupes de lettres, plutôt qu’à des symboles. C’est ainsi que l’eau devient H2O, l’ammoniac NH3, les acides8 sulfureux SO2, sulfurique SO3, carbonique CO2 (mode de notation de l’époque). L’analyse critique des masses atomiques de Berzelius, presque toujours identiques à celles qui découlent de l’hypothèse d’Avogadro et d’Ampère, aurait pu favoriser l’idée d’une distinction entre nos notions actuelles d’atome et de molécule, mais l’intrusion d’une autre théorie de Berzelius, la « théorie électrochimique des combinaisons chimiques », va dévier les réflexions des chimistes et constituer un nouvel obstacle dont l’impact est amplifié par le renom mondial de ce chimiste. En attendant la clarification du débat, confisqué par les chimistes les plus réputés de l’époque, un bon nombre de chercheurs s’en tiennent à la notion de « poids équivalents ou proportionnels », basée tantôt sur la valeur H = 1, tantôt sur O = 100, ou bien, alternativement, sur O = 8 ou O = 16. Cette alternative à la notion d’atome aura des conséquences catastrophiques. Elles se manifesteront dans de nombreux affrontements intellectuels et se traduiront dans l’usage, durant près de cinquante ans, de plusieurs « échelles des poids
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atomiques ». Ainsi, à partir de la base H = 1, quatre systèmes d’échelles ont été utilisés :
H= C= O=
1 6 8
1 12 8
1 6 16
1 12 16
Certaines de ces échelles se distingueront aussi par les masses atomiques attribuées à l’azote, au phosphore, au soufre, ainsi qu’à un certain nombre de métaux. À cela il faut ajouter l’imbroglio continuant à régner entre les notions d’atome et de molécule. La différenciation définitive de ces deux notions n’intervient qu’en 1833, lorsque M.A. Gaudin écrit : « Nous établirons donc une distinction bien tranchée entre les mots « atomes » et « molécules » […] un atome sera pour nous un petit corps sphéroïde homogène, ou point matériel essentiellement invisible, tandis qu’une molécule sera un groupe isolé d’atomes, en nombre quelconque et de nature quelconque ». Gaudin propose par exemple une interprétation très précise de la réaction de formation de HCl (figure 1.7) :
Figure 1.7 – La formation du chlorure d’hydrogène selon Gaudin.
« Une molécule de gaz hydrogène, en se combinant avec une molécule de chlore donne deux molécules de gaz chlorhydrique ; pour que la combinaison se fasse… il faut et il suffit que chaque molécule composante se divise en deux ; jusqu’à ce qu’on prouve que ces moitiés de molécules se divisent ultérieurement, nous les tiendrons pour atomes, donc les gaz hydrogène, chlore et chlorhydrique sont biatomiques au moins. » Ce travail resta parfaitement méconnu à l’époque et le débat sur l’atomicité était alors trop envenimé pour rallier la grande majorité des chimistes à l’énoncé de Gaudin. Il faudra attendre 1858 et S. Cannizzaro pour que les idées d’atome et de molécule soient enfin consacrées et que soit mis un terme à une confusion d’une quarantaine d’années. D’autre part, la stérilité des débats sur les masses atomiques et la réalité des atomes incite un certain nombre de chimistes à se tourner vers des sujets plus prometteurs ; ils se lancent dans l’isolement et l’identification de composés constitutifs d’organismes
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végétaux et animaux, ou produits par de tels organismes. Parmi ces chimistes on peut citer : M.E. Chevreul pour son étude des corps gras (1810 à 1820), sa découverte du cholestérol dans les calculs biliaires (1815), de la quercétine (1808), de l’hématoxyline (1808), de la créatine (1832)… Gay-Lussac étudie le processus de la fermentation (1816), transforme la cellulose en glucose (1819), montre (1823 à 1826) avec J. Liebig et F. Wöhler que les acides (iso)cyanique et fulminique ont entre eux même composition, tout comme les acides tartrique et racémique. Par ailleurs, Wöhler obtient l’acide mellitique (1825) et la cocaïne (1860), tandis que Liebig fonde les bases de la chimie agricole (1840). J.B. Dumas développe la théorie de la substitution (1834), isole l’anthracène (1832), découvre l’acide trichloracétique (1839)… Enfin, P.J. Pelletier et son élève J.B. Caventou donnent son nom à la chlorophylle (1817) et isolent plusieurs alcaloïdes9. En définitive, la période qui va de Lavoisier à Berzelius, si elle a vu éclore l’hypothèse atomique, n’a pas permis de départager les tenants du point de vue de Dalton et ceux, peu nombreux alors, qui ont accepté les conséquences de la loi des proportions volumétriques de Gay-Lussac. Cette période a cependant été celle de la première énonciation différenciée des notions d’atome et de molécule, ainsi que de l’apparition des premières formules moléculaires globales et des premières tentatives de représentation de la disposition des atomes constitutifs dans les molécules.
Combinaison chimique et attraction électrique Avec la découverte de l’électricité galvanique, l’invention de la pile de Volta et la mise en évidence par Sir A. Carlisle et W. Nicholson de « la décomposition de l’eau en ses éléments par le fluide électrique » (1800), les phénomènes électriques vont être au cœur de l’interprétation de l’affinité chimique au début du XIXe siècle. Commence alors à apparaître l’idée qu’il existe un lien entre la transformation chimique et l’électricité. Imprégnés des écrits de Kant et Schelling, certains chimistes vont adopter le point de vue de la « Naturphilosophie » allemande pour laquelle il existe une unicité des causes des phénomènes de la nature. Les travaux menés par H. Davy vont porter sur l’étude des rapports qui existent entre les énergies (ou forces) électriques des corps et leurs affinités chimiques. Dans une conférence faite à la Bakerian Foundation en novembre 1806, il pose la question qui le préoccupe : « Dans l’état actuel de nos connaissances, il serait inutile de tenter de faire des spéculations sur les causes éloignées de l’énergie électrique, ou sur la raison pour laquelle différents corps, après avoir été mis en contact, se trouvent différemment électrisés. Néanmoins, le rapport de cette force avec l’affinité chimique est assez évident. Ne pourrait-il pas se faire qu’elle fut identique avec l’affinité, et qu’elle fut une propriété essentielle de la matière ? »
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S’attachant à expliquer le rôle de l’électricité dans la décomposition des solutions d’acides, bases et sels, il constate que les substances qui manifestent de l’affinité l’une pour l’autre sont dans des états d’électricité opposés : « …l’hydrogène, les substances alcalines, les métaux, et certains oxydes métalliques sont attirés par les surfaces métalliques électrisées négativement, et repoussées par les surfaces métalliques électrisées positivement ; et au contraire, l’oxygène et les substances acides sont attirés par les surfaces métalliques électrisées positivement, et repoussées par les surfaces électrisées négativement ; et ces forces attractives et répulsives sont suffisamment énergétiques pour détruire ou suspendre l’action usuelle des affinités électives ». Pour Davy, la matière est constituée de particules, supposées être « globulaires », et agissant par leurs sphères d’attraction ou de répulsion. Il distingue en 1812 l’action électrique qui s’exerce sur des masses de l’action chimique entre particules : « La manifestation des effets électriques consiste en des attractions et des répulsions dans lesquelles des masses de matière sont comprises. Cependant il existe d’autres effets dans lesquels les changements s’opèrent en quelque sorte dans des temps imperceptibles et où l’efficacité s’exerce sur l’arrangement chimique des corps ». Mais ces deux phénomènes, les effets chimiques et électriques, ont selon lui, la même cause : « C’est pourquoi il n’est pas impossible que la cause primaire des deux effets soit la même, et que le même arrangement de la matière ou les mêmes pouvoirs attractifs qui mettent les corps dans le rapport du positif et du négatif, c’est-à-dire qui les rendent capables de s’attirer électriquement et de communiquer des pouvoirs attractifs à d’autre matière, puissent également rendre leurs particules attractives et en état de se combiner, lorsque ces particules jouissent du libre mouvement ». J.C. Oersted va lui aussi se mettre à la recherche de la force universelle, mais de façon plus idéaliste que Davy. En 1812, il publie à Berlin un ouvrage intitulé Recherches sur l’identité des forces chimiques et électriques. Pour Oersted, tous les phénomènes physiques ou chimiques sont produits par « un trouble de l’équilibre des forces naturelles dans les corps ». Ces idées sur l’identité des forces de la nature sont résumées dans son ouvrage de la façon suivante : « Il y a deux forces opposées qui existent dans les corps, et qui ne peuvent jamais leur être enlevées. Chacune de ces forces a une action
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expansive et répulsive dans le milieu où elle domine ; mais elles s’attirent et produisent une contraction lorsqu’elles réagissent l’une sur l’autre. L’action la plus libre de ces forces donne les phénomènes électriques. Ces forces peuvent être condensées, retenues dans un certain espace, et même rendues entièrement latentes par action de l’autre ». Comment expliquer les différences de comportement des corps : « La manière dont ces deux forces sont disposées, et l’état de cohésion et de conductibilité qui en provient, ainsi que le degré de prépondérance d’une des forces sur l’autre, forment les principales différences qui existent entre les corps. La quantité de force prépondérante est toujours très petite en comparaison de celles qui sont en équilibre dans le corps. » Oersted qualifiera sa théorie de « Système dynamique ». Alors que Davy proposait une identité des causes des phénomènes électriques et chimiques, Oersted avance l’hypothèse d’une identité des forces : « C’est dans cet état, où les forces sont trop latentes pour produire des phénomènes électriques, qu’elles constituent les propriétés chimiques des corps […] mais ce qui est le point essentiel, c’est que les forces chimiques sont au fond les mêmes que les forces électriques, seulement sous une autre forme d’activité ». Comme Davy (avec qui il correspondait) et Oersted, Ampère croit à l’unicité des causes des phénomènes naturels et envisage l’idée d’une identité ou convertibilité des diverses forces qui se manifestent dans les domaines de l’électricité, du magnétisme, de la chaleur et de l’action chimique. Mais comme l’expérience a montré que les corps ne donnent pas d’électricité par le contact, mais lors de leur combinaison, Ampère va chercher à modifier en 1822 la théorie de Davy. Il considère les molécules ou particules ultimes des corps simples comme de petites bouteilles de Leyde, apparaissant électriquement neutres, mais porteuses d’une certaine quantité d’électricité propre, positive ou négative, et entourées d’une atmosphère d’électricité de signe opposé et de quantité égale à la charge propre : « Considérons donc une particule d’oxygène négative et son atmosphère positive, comme une bouteille de Leyde dont la garniture intérieure est négative, et l’extérieure positive, tandis qu’une particule d’hydrogène peut être assimilée à une bouteille de Leyde chargée en sens contraire. Toutes les fois qu’une cause quelconque, telle, par exemple, que l’élévation de température, mettra en communication l’électricité positive libre autour des particules d’oxygène, et l’électricité négative libre qui entoure les particules d’hydrogène, dans un mélange de ces deux gaz, ces deux électricités se réuniront pour former du fluide
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neutre, et il en résultera, d’après ce que nous venons de dire, la chaleur, et la lumière qui se développent dans ce cas, tandis que les particules des deux gaz formeront de l’eau ». En 1835, dans un article publié dans les Annales de chimie et de physique, il fait une distinction importante entre les forces interparticulaires et les forces internes à la molécule : « Les forces mécaniques ne peuvent que séparer les particules ; la force qui résulte des vibrations des atomes peut séparer la molécule plus composée d’un corps solide en molécules plus simples, telles qu’elles sont dans un liquide ou dans un gaz, les forces chimiques peuvent seules partager ultérieurement ces dernières molécules. Par exemple dans la détonation d’un mélange d’un volume d’oxygène et de deux volumes d’hydrogène d’où résultent deux volumes de vapeur d’eau, chaque molécule d’oxygène est partagée en deux, et les atomes de ces moitiés s’unissent avec les atomes d’une molécule d’hydrogène pour former une molécule d’eau ». Berzelius sera lui aussi à la recherche de l’identification des forces électriques et chimiques. C’est ainsi qu’il écrit dans son Essai sur la théorie des proportions chimiques et sur l’influence de l’électricité de 1819 : « Dans l’état actuel de nos connaissances, l’explication la plus probable de la combustion et de l’ignition, qui en est l’effet, est donc : que dans toute combinaison chimique, il y a neutralisation des électricités opposées, et que cette neutralisation produit le feu, de la même manière qu’elle le produit dans les décharges de la bouteille électrique et du tonnerre, sans être accompagnée, dans ces derniers phénomènes, d’une combinaison chimique ». Il s’oppose cependant à la philosophie spéculative de l’école allemande, et en particulier au système dynamique d’Oersted, car : « Cette théorie suppose que les éléments, au moment de leur combinaison chimique, se pénètrent mutuellement, et que la neutralisation de leurs propriétés chimiques, qui est le plus souvent le résultat de cette réunion, consiste dans cette pénétration mutuelle ». Les idées que Berzelius a de la matière ne s’accordent en effet pas avec cette conception. Pour Berzelius : « Les corps étant formés d’éléments indécomposables, doivent l’être de particules dont la grandeur ne se laisse plus ultérieurement diviser, et que l’on peut appeler particules, atomes, molécules, équivalents
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chimiques, etc. Je choisirai de préférence la dénomination d’atome, parce que mieux qu’aucune autre, elle exprime notre idée ». Et donc, « L’idée d’atome repousse celle d’une pénétration mutuelle des corps. Dans la manière de nous représenter les atomes, que nous appellerons la théorie corpusculaire, l’union consiste dans la juxtaposition des atomes, laquelle dépend d’une force, qui, entre les atomes hétérogènes produit la combinaison chimique ; et entre les atomes homogènes, la cohésion mécanique ». Berzelius se pose alors la question de la nature de la force qui maintient les corps dans l’état combiné et qui est supérieure à toutes celles qui peuvent produire une séparation mécanique : « Est-ce l’effet d’une force particulière inhérente aux atomes, comme la polarisation électrique, ou est-ce une propriété de l’électricité qui n’est pas sensible dans les phénomènes ordinaires ». La polarité des atomes va être la clef de l’explication fournie par Berzelius : « … en admettant que les corps sont composés d’atomes, nous pouvons nous représenter que chacun de ces atomes possède une polarité électrique d’où dépendent les phénomènes électrochimiques dans leur réunion, et dont l’inégale intensité est la cause de la différence de force avec laquelle s’exercent leurs affinités. » Mais pourquoi certains corps sont-ils électropositifs et d’autres électronégatifs ? « Figurons-nous que dans les molécules d’un corps, l’électricité de l’un des pôles est ou prédominante ou plus concentrée dans un certain point que l’électricité de l’autre pôle, à-peu-près de la même manière que l’un des pôles d’un aimant peut être plus fort que l’autre. » Les corps sont donc électropositifs ou électronégatifs suivant que c’est le pôle positif ou négatif qui y domine. Ainsi, toute substance peut être divisée en deux parties, dont l’une est chargée positivement et l’autre négativement. Les idées de Berzelius seront adoptées par un grand nombre de chimistes de la première moitié du XIXe siècle ; les formules des substances chimiques seront alors représentées sous une forme dualiste : par exemple, (PbO, SO3) pour le sulfate de plomb, (NaO, Az2O5) pour l’azotate (le nitrate) de sodium, etc.
Dualisme électrochimique de Berzelius et radicaux composés À partir de ses recherches sur les sels, Lavoisier avait développé le concept du « dualisme » que l’on peut résumer comme suit : Acide10 = radical + oxygène Base = métal + oxygène Sel = base + acide ou, comme A. Würtz, en 1869 dans son Histoire des doctrines chimiques,
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« Quel que soit le degré de complication d’un composé, on peut toujours y discerner deux parties constituantes, deux éléments immédiats, ceux-ci étant des corps simples ou des corps composés. […]. Ainsi, toutes les combinaisons chimiques sont binaires ; tel est le trait caractéristique du système. Dans toutes, l’affinité s’exerce sur deux éléments simples ou composés. Ceux-ci s’attirent et s’unissent entre eux en vertu d’une certaine opposition de propriétés qui est précisément neutralisée par le fait de leur union. Voilà le dualisme. » Le concept de dualisme remporte un nouveau succès dans les travaux de Davy sur l’électrolyse, puis dans la théorie « électro-chimique » de Berzelius. Ce dernier, grand admirateur de Lavoisier, admet que toute molécule constitue un système dualistique, électriquement neutre, formé d’une entité électropositive unie à une entité électronégative. Lorsqu’une telle entité est polyatomique, il l’appelle « radical » ou « radical composé », un terme générique inventé par Gay-Lussac dans le cadre de son travail sur le cyanogène (1815, 1816) qui précise qu’un radical est « un corps qui, quoique composé, joue le rôle d’un corps simple dans ses combinaisons avec l’hydrogène et les métaux ». En fonction des caractéristiques électrochimiques des atomes qui le composent, un radical composé porte une charge électrique positive ou négative résultante. Les substances issues de l’union de deux entités de charges électriques opposées, corps simples ou radicaux composés, présentent le caractère de sels. Berzelius note aussi que « l’oxygène est de tous les corps le plus électronégatif11. Comme il n’est jamais positif relativement à aucun autre, et que, d’après tous les phénomènes chimiques connus jusqu’à présent, il est probable qu’aucun élément de notre globe ne peut être plus électro-négatif, nous lui reconnaissons une négativité absolue. Les autres varient en ce sens, qu’un corps peut être négatif à l’égard d’un second, et positif à l’égard d’un troisième. » Il dresse une liste des affinités relatives des corps simples vis-à-vis de l’oxygène, rejette l’idée défendue par certains que l’hydrogène aurait un caractère électropositif absolu et ajoute : « D’ailleurs, il paraît que l’hydrogène peut se combiner avec le potassium, et qu’il est l’élément électronégatif de cette combinaison. » La théorie dualistique électrochimique exclut donc toute possibilité d’existence de molécules formées de deux atomes identiques. Berzelius tente d’intégrer les composés de la chimie organique dans son système électro-chimique, mais relève que les choses ne sont pas aussi simples qu’avec les composés inorganiques.
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« La nature organique a sa manière particulière de produire des oxides de radicaux composés, et de donner à leurs principes constituants une polarité électrique tout à fait indépendante et différente de celle qui leur appartient originairement dans la nature inorganique, et que la plupart ne conservent que sous l’influence organique. […] Si le point de vue électro-chimique est juste, il s’ensuit que toute combinaison chimique dépend uniquement de deux forces opposées, l’électricité positive et la négative, et qu’ainsi chaque combinaison doit être composée de deux parties constituantes réunies par l’effet de leur réaction électrochimique. […] Ce même point de vue (dualistique) est applicable à la chimie organique, et chaque produit organique peut être considéré comme divisible en oxygène et en un radical composé, bien que la multiplicité des particules simples et la structure plus compliquée qui doit en résulter pour l’atome composé, puisse faire que cette division électrique ne soit possible qu’en l’idée, parce qu’il est probable que, dans la plupart des cas, le radical électro-positif, hors de l’oxyde construit d’une manière déterminée, ne peut pas exister isolément ». Par exemple, pour Berzelius, l’acétate d’argent est noté C4H6O3, AgO, l’acide acétique représenté par C4H6O3 et son radical positif par C4H6 ; c’est à ce radical qu’il donnait le nom d’acétyle. Il estime cependant que la transcription des radicaux composés organiques serait trop compliquée en utilisant son principe et propose de désigner les acides par «la lettre initiale de son nom latin, surmontée d’un trait», par exemple : A = acide acétique ; T = acide tartrique. À la suite de Berzelius, un certain nombre de chimistes tentera d’identifier des radicaux dans les composés de la chimie organique. En 1832, Liebig et Wöhler, dans leurs recherches sur les composés benzoïques, imaginent l’existence d’un radical commun à ces composés : le radical benzoyle. Dans sa « théorie des éthers », l’irlandais R.J. Kane, élève de Liebig, avance en 1833 l’idée que l’alcool (éthanol), l’éther (oxyde de diéthyle) et l’éther muriatique (chlorure d’éthyle) ont en commun un fragment moléculaire, un même radical auquel Liebig donne plus tard le nom d’éthyle. L’année suivante, Dumas et E.M. Péligot identifient le radical méthyle. D’autres groupements d’atomes constituant des radicaux sont rapidement mis en évidence. En 1837, dans une note commune à l’Académie des sciences, Dumas et Liebig écrivent : « Telle que nous la concevons, la chimie organique nous présente des radicaux qui jouent le même rôle que les métaux, ainsi que d’autres, à qui appartient un rôle analogue à celui de l’oxygène, du chlore, du soufre. Ces radicaux se combinent entre eux ou avec les éléments proprement dits et donnent ainsi naissance, au moyen des lois les plus simples de la chimie minérale, à toutes les combinaisons organiques ».
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Dumas abandonnera bientôt cette théorie, alors que Liebig lui restera fidèle et, dans son Traité de chimie organique, définira en 1841 la chimie organique comme étant celle des radicaux composés. Il utilisera la théorie des radicaux comme moyen de classification des corps. Au cours de la période dominée par la théorie électrochimique de Berzelius, les notions d’atome et de molécule gagneront progressivement du terrain dans les discussions scientifiques et les manuels, au détriment de la notion d’équivalent. Les progrès sont surtout sensibles à l’étranger ; les chimistes français, parmi les derniers à adopter le nouveau paradigme, sont en revanche en pointe dans l’exploration des réactions des molécules organiques et dans l’établissement des premiers travaux débouchant sur la chimie structurale.
La théorie des substitutions sonne le glas de la théorie dualistique Rétrospectivement on peut dire que l’étude approfondie des halogènes et de leurs réactions a été à l’origine de la remise en question de la théorie dualistique électro-chimique. Elle a aussi été à la base d’une évolution décisive dans la connaissance de l’enchaînement des atomes d’une molécule, ainsi que, parallèlement, d’un développement spectaculaire de la chimie organique, dont l’exploration était alors très fragmentaire et marquée par des méthodes de travail plus proches de recettes de cuisine que de procédés rationnels. En 1815, lors de son travail sur le cyanogène {N≡C−C≡N} et ses réactions, Gay-Lussac observe un fait remarquable : dans leurs combinaisons {Cl−C≡N et H−C≡N} avec le radical cyanogène, le chlore et l’hydrogène jouent un rôle identique, alors que leurs propriétés électriques diffèrent fortement et sont même antagonistes dans l’acide muriatique {H−Cl}. De son côté, M. Faraday observe en 1821 que l’action du chlore sur la « liqueur des quatre Hollandais »12 conduit, sous l’effet de la lumière, à la formation d’éthane perchloré {C2Cl6} à côté de gaz chlorhydrique. Enfin, en 1832, Liebig et Wöhler observent la formation d’halogénures de benzoyle {Φ—CO—X} dans l’action des halogènes sur l’essence d’amandes amères. (Dans ce paragraphe toutes les formules sont exprimées dans le mode de notation chimique actuel). Entre la publication de la théorie électrochimique dualistique (1819) et les travaux de Liebig et Wöhler que nous venons d’évoquer, de nombreux radicaux composés ont été identifiés ou proposés ; dans tous les domaines de la chimie, les idées de Berzelius triomphent. Mais en ce qui concerne les substances de la chimie organique13, la théorie dualistique est mise à mal au cours de la décennie 1830 par Dumas et ses élèves A. Laurent et C. Gerhardt. À partir de 1833, Dumas entreprend avec ses élèves des travaux sur la chloruration14 des composés organiques. Après avoir étudié l’action du chlore sur l’essence de térébenthine et sur l’alcool (1834 et 1835), il relève que : « le chlore possède le pouvoir singulier de s’emparer de l’hydrogène de certains corps et
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de le remplacer atome par atome » et en déduit en 1834 une « Théorie ou loi des substitutions ou métalepsie », reposant sur trois règles empiriques : « 1. Quand un corps hydrogéné est soumis à l’action déshydrogénante du chlore, du brome, de l’iode, de l’oxygène, etc., par chaque atome d’hydrogène qu’il perd, il gagne un atome de chlore, de brome ou, d’iode, ou un demi-atome d’oxygène ; 2. Quand le corps hydrogéné renferme de l’oxygène, la même règle s’observe sans modification ; 3. Quand le corps hydrogéné renferme de l’eau, celle-ci perd son hydrogène sans que rien le remplace, et à partir de ce point, si on lui enlève une nouvelle quantité d’hydrogène, celle-ci est remplacée comme précédemment. » La seconde proposition de Dumas, une extension de la première, s’appuyait sur les résultats de Liebig et Wöhler relatifs au radical benzoyle et montrait que la définition des radicaux composés de Berzelius, qui excluait la présence d’oxygène dans de tels radicaux, était pour le moins critiquable. La troisième proposition était destinée à expliquer l’action du chlore sur l’alcool, considéré alors comme l’hydrate de l’éthène : la première action du chlore est une oxydation avec formation d’aldéhyde15, la seconde action est la substitution du produit oxydé avec formation de chloral {Cl3C−CHO}. Mais, dans sa théorie de la substitution, Dumas ne remet pas la théorie dualistique en question et se limite à la simple constatation d’un remplacement, terme à terme, entre atomes d’hydrogène et atomes de chlore, etc. Son assistant Laurent va aller plus loin en cherchant à préciser le processus et les conséquences de la substitution. En 1835, se basant sur les résultats de ses recherches sur le naphtalène et l’anthracène, il publie un complément à la loi de substitution de Dumas en affirmant que, comme l’a indiqué Dumas, chaque fois que du chlore, du brome, de l’acide nitrique ou de l’oxygène exerce une action « déshydrogénante » sur un hydrocarbure, chaque équivalent d’hydrogène enlevé est remplacé par 1 équivalent de chlore, etc. Mais il ajoute qu’il se forme simultanément les acides chlorhydrique, bromhydrique, nitreux qui sont libérés, ou de l’eau qui peut être soit libérée, soit quelquefois combinée avec le nouveau radical. En 1837, dans sa thèse intitulée Recherches diverses de chimie organique, il complète ces règles en indiquant que certains hydrocarbures absorbent 2, 4, 6 atomes de chlore, sans perte d’hydrogène et que l’hydrogène éliminé est toujours remplacé par au moins son équivalent de chlore, quelquefois par plus. Il étend ses résultats successivement au benzène puis à l’éthane et au méthane. Il désigne chacun de ces hydrocarbures comme un « radical fondamental » ou « noyau », leurs produits de mono- et de polysubstitution comme des « radicaux dérivés », le terme radical prenant ici un sens différent de celui que lui avait donné Berzelius. Ce choix des hydrocarbures comme têtes de séries de substances dérivées constitue la première
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tentative de classification des composés de la chimie organique sur la base de leur squelette hydrocarboné. Pour introduire sa théorie des noyaux, Laurent, s’inspirant de notions de cristallographie, les imagine comme des prismes dont les angles seraient occupés par des atomes de carbone et les milieux des arêtes par des atomes d’hydrogène. Il choisit comme modèle l’hydrocarbure C8H12 (notation de l’époque) représenté par un prisme rectangle (figure 1.8) et admet que les noyaux sont susceptibles d’accepter sur les faces opposées du prisme des paires d’atomes d’hydrogène ou d’halogène, ou bien des atomes d’oxygène, pour former des dérivés d’addition qu’il désigne par hyperhydrures, hyperhalogénures, aldéhydes et acides. Dans certains cas, il observe que ces additions sont réversibles, restituant le composé de départ.
Figure 1.8 – Représentation du noyau C8H12 selon Laurent.
Pour ce qui concerne la substitution, Laurent considère que l’arrachement d’un atome d’hydrogène du noyau rend celui-ci instable, par suite de la suppression de l’arête du prisme. Cette instabilité est levée par introduction d’un atome d’halogène, un « demi-atome d’oxygène », ou encore d’un groupement monovalent d’atomes, qui se substitue à l’hydrogène dans son interaction avec les atomes voisins. Tous les atomes d’hydrogène du noyau sont susceptibles d’être remplacés par substitution, les composés formés sont tous considérés comme des radicaux dérivés du noyau ou radical fondamental. Cette théorie de Laurent comporte plusieurs points forts. Il faut noter tout d’abord le changement de signification de la notion de radical, par rapport à celle de ce terme dans la théorie dualistique électro-chimique. Les radicaux de Laurent ne se distinguent plus par la nature de leur charge électrique. Ils ne sont plus l’une des deux parties aux charges antagonistes d’un composé tel que ceux envisagés par Berzelius, ils forment par eux-mêmes des composés chimiques clairement identifiés et isolables. Ensuite, et contrairement à Dumas, Laurent pressent l’importance de la structure dans la réactivité des composés de la chimie organique : la fonction chimique n’est pas le seul moteur des transformations chimiques. En dernier lieu, fort de ses nombreuses recherches sur les substitutions de composés des séries du benzène, du naphtalène, de l’anthracène, etc., Laurent note en 1836 que :
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« lorsqu’il y a substitution équivalente de l’hydrogène par le chlore ou le brome, le chlore vient prendre la place qui était occupée par l’hydrogène et jouer en quelque sorte son rôle ; par conséquent le composé chloré doit avoir de l’analogie avec le composé dont il dérive. » Il affirme que la substitution ne saurait affecter les caractéristiques fondamentales du noyau. Ces travaux sur les substitutions remettent en cause le dualisme électrochimique de Berzelius dans le domaine de la chimie organique. Si les substances relevant de celle-ci étaient constituées par deux radicaux, comme l’admet Berzelius, le remplacement dans l’un d’eux d’un élément électropositif tel que l’hydrogène par un élément électronégatif tel que le chlore devrait changer totalement la nature de ce radical. La chloruration n’ayant pas cet effet, il n’est plus possible de considérer les composés organiques comme les produits de l’interaction de deux radicaux que l’analyse peut restituer. Berzelius et Liebig attaquent violemment la théorie de Laurent et s’en prennent aussi à Dumas. Ce dernier se désolidarise dans un premier temps (en 1838) des idées de son élève. Puis il s’y ralliera (en 1839), après avoir reconsidéré ses propres travaux sur l’action du chlore dans la formation du chloroforme, de l’hydrate de chloral, de l’acide chloracétique (en fait trichloracétique). Dans cette dernière substance, le caractère d’acidité n’est pas seulement conservé, il est même renforcé. De même, Liebig rejoint en 1845 les vues des novateurs en ce qui concerne les substitutions ; à cette époque il fait ce commentaire d’un mémoire de son assistant A.W. Hofmann avec lequel Laurent, invité par Liebig à Giessen, avait travaillé en 1843 sur les réactions entre le chlore et l’aniline : « Ce travail m’a fourni la preuve décisive que le caractère chimique d’un composé ne dépend en aucune manière de la nature des éléments qui le constituent, comme le prétend la théorie électrochimique, mais qu’il tient profondément à la place qu’occupent ces éléments ».16 En résumé, les idées de Laurent s’opposent résolument à celles de Berzelius, en ce qui concerne la structure des composés de la chimie organique, représentés jusqu’alors selon les concepts de la théorie dualistique électro-chimique. Ce qui importe à Laurent c’est l’idée que la substitution ne change pas profondément la nature des corps, c’est-à-dire l’idée de l’existence d’un invariant qui sert de support aux variations. C’est cette forme primitive, ce module de base sur lequel les éléments peuvent se substituer qu’il appelle « noyau ». C’est la première fois qu’un chimiste énonce l’idée que les propriétés d’un composé ne dépendent pas seulement des éléments qui le constituent, mais aussi de la façon dont ceux-ci sont assemblés ; c’est la première fois que l’importance du rôle de la structure dans les propriétés d’un composé est avancée.
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Émergence de la notion d’isomérie Vers la fin du XVIIIe siècle, les méthodes de l’analyse chimique sont remises en question, d’abord par Wenzel, directeur des fonderies du secteur minier de Freiberg en Saxe et précurseur de l’analyse quantitative, puis surtout par M.H. Klaproth, le réformateur des méthodes de l’analyse chimique, créateur de techniques rigoureuses et de grande précision. Grâce à elles, Klaproth a pu corriger de nombreux résultats anciens et en mettre au point un grand nombre de nouveaux qui lui ont permis de découvrir ou de contribuer à la découverte de quatre espèces chimiques : le zirconium, l’uranium, le tellure et le titane. Parallèlement, ces méthodes analytiques ont permis la mise au point des premières lois quantitatives de la chimie, ainsi que des premières formules de composition centésimale, puis celles de composition globale en équivalents ou atomes. Aussi assiste-t-on rapidement à la mise en évidence de composés présentant une même formule de composition, mais dont les propriétés sont différentes. C’est ainsi que, dès 1814, Gay-Lussac est frappé par le fait que la « matière ligneuse » (la cellulose) et l’acide acétique possèdent une composition centésimale identique, c’est-à-dire les mêmes pourcentages en poids pour leurs éléments constitutifs C, H et O, alors que leurs propriétés sont radicalement différentes. Il en infère que c’est l’arrangement des atomes qui, dans un composé, exerce la plus grande influence sur son caractère neutre, acide ou basique. En 1815, il observe que dans sa combinaison avec l’oxygène le cyanogène peut conduire à deux séries de sels, les (iso)cyanates17 et les fulminates, caractérisés tous deux par la même formule globale CNOM (M = métal monovalent). En 1819, K.J.B. Karsten suggère que des composés ayant une même composition, pourraient présenter des arrangements différents des atomes et, en 1820, Dalton émet l’hypothèse qu’un grand nombre de matières végétales possèdent une même composition centésimale, correspondant à la formule brute (CH2O)n, où n est un entier. Berzelius identifie deux formes de l’oxyde d’étain. Pour sa part, E. Mitscherlich connaît les variétés monoclinique et orthorhombique du soufre, distingue les deux formes du carbonate de calcium : la calcite et l’aragonite, celles du sulfure de fer : la pyrite et la marcasite, enfin celles du dioxyde de titane : le rutile et l’anatase. Faraday découvre en 1825 le « gaz de l’huile » (le butène) formé des mêmes éléments que le « gaz oléfiant » (l’éthène) possédant tous deux la formule brute (C2H4)n ; il isole de même le benzène et le naphtalène, deux corps de formule brute (CH)n. Dès le début de la décennie 1820, M.E. Chevreul (1786-1889) relève « …il y a des substances qui donnent à l’analyse les mêmes éléments unis dans la même proportion, et qui sont loin d’avoir les mêmes propriétés : il faut donc, pour concevoir la cause des différences que ces substances présentent, recourir à des arrangements divers, soit dans leurs atomes élémentaires, soit dans leurs atomes composés ou particules ».
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La liste des situations analogues aux précédentes grossit peu à peu, puis deux cas donnent lieu à des études approfondies. Le premier concerne la conversion du cyanate d’ammonium en urée, examinée par Wöhler en 1828. Cette transformation a été à la base de l’abandon de la théorie de la « force vitale » qui, pour l’éthique de l’époque, semblait indispensable pour la réalisation des synthèses de composés organiques. Le second cas, que nous allons examiner plus en détail, est celui de l’(iso)cyanate et du fulminate d’argent, à l’étude desquels sont liés les noms de Gay-Lussac, Liebig et Wöhler. À dix-huit ans, Liebig entreprend en 1821 ses premières recherches sur le fulminate d’argent à Erlangen, sous la direction de C.W.G. Kastner18. Docteur à dix-neuf ans, il obtient une bourse pour se rendre à Paris, où il entre au laboratoire de Gay-Lussac sur recommandation de von Humboldt22. Il y reprend ses travaux sur les cyanates et les publie en 1824. La même année, à Heidelberg, Wöhler étudie, sous la direction de L. Gmelin, les fulminates et démontre l’identité de composition entre le cyanate et le fulminate d’argent. Ce résultat fait dire à Gay-Lussac qu’« il faudrait, pour expliquer leurs différences, admettre entre leurs éléments un mode de combinaison différent ». Liebig reprend les analyses de Wöhler et annonce des résultats divergents. Wöhler confirme ses propres résultats, fournit son mode opératoire à Liebig et ce dernier reprend une nouvelle fois la préparation et la comparaison des cyanate et fulminate d’argent. En 1826, il confirme l’identité de composition des deux corps. Le résultat de cette recherche scientifique entre plusieurs laboratoires a été repris comme suit par Gay-Lussac dans son Cours de chimie proposé à la faculté des sciences (en 1828 et publié en 1833). « Il y a deux espèces de sels auxquels on a donné le nom de cyanates (cyanates et fulminates, comme Gay-Lussac l’explique plus loin), parce qu’en effet, il y a deux espèces de combinaisons du cyanogène avec l’oxygène. Ce n’est pas que l’oxygène entre dans des proportions différentes : il paraît seulement qu’il est combiné différemment. L’analyse laisse sur ce point quelque chose à désirer […] Les mêmes éléments, dans les mêmes proportions, donnant des composés de nature diverse, peuvent faire présumer aussi que le mode de combinaison entre ces éléments n’est pas le même […] Il ne peut y avoir de mode dissemblable de combinaison entre deux corps ; mais il peut en être autrement entre trois corps, et à plus forte raison entre quatre corps. Que vous ayez deux corps A et B ; en les combinant ensemble, vous aurez toujours le même résultat AB. Si vous avez trois corps A, B et C, vous pouvez d’abord combiner A avec B, ou A avec C, ou même B avec C, et ensuite combiner le composé binaire AB, ou AC, ou BC avec le troisième corps. Dans la combinaison du cyanogène avec l’oxygène il peut en être ainsi. Nous avons trois corps, le carbone, l’azote et l’oxygène ; ils peuvent former des combinaisons binaires différentes, et donner par conséquent des produits ternaires différents ».
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Gay-Lussac arrête là son raisonnement et on ne saurait le lui reprocher, tant étaient faibles à cette époque, pour ne pas dire nulles, les connaissances sur l’enchaînement des atomes dans un édifice chimique. Cette ignorance explique aussi qu’il ait méconnu la nature polymorphe du monoxyde d’étain et qu’il n’ait pu donner une interprétation de la relation entre l’acide tartrique et son acide racémique19 qu’il a supposé isomorphe avec l’acide tartrique. Cependant Gay-Lussac montre qu’il est conscient de l’existence d’arrangements spécifiques des éléments dans les composés chimiques. En 1830, dans une communication à l’Académie des sciences, Berzelius, se référant aux acides tartrique et racémique, propose d’appeler « isomères » ces composés doués de propriétés différentes et de composition identique, et pour distinguer l’une de l’autre deux combinaisons isomériques on ferait précéder le nom de l’une de la préposition grecque para. Dans cette même communication il combat l’idée, communément admise alors, que les substances composées des mêmes éléments dans les mêmes proportions auraient nécessairement des propriétés identiques. Il revient sur ce sujet en 1831 dans son Traité de Chimie dans le cadre de la discussion sur l’isomorphisme et écrit : « …on peut émettre l’opinion qu’un même nombre d’atomes sphériques, de même grandeur, doit produire des figures, c’est-à-dire des formes cristallines différentes, quand ces atomes sont rangés entre eux d’une manière différente. L’expérience paraît encore favorable à ce théorème ; elle semble même démontrer que la différence dans les formes est accompagnée d’une modification dans les propriétés chimiques. Du moins il n’est pas possible d’expliquer autrement ce fait paradoxal, que les corps de même composition et de même capacité de saturation peuvent posséder des propriétés et des formes cristallines différentes. Les corps suivants nous offrent des exemples de ce genre. Les modifications de l’acide phosphorique (calciné et non calciné), l’acide fulminique et l’acide cyaneux, les deux modifications de l’oxyde stannique, et, ainsi que je le montrerai par la suite, les deux modifications de l’acide tartrique. Nul doute que, sous peu, le nombre de ces exemples s’accroîtra beaucoup. Les corps qui, ayant la même composition et la même capacité de saturation, jouissent de propriétés différentes, peuvent être appelés corps isomériques ». Liebig, pour sa part, postule en 1844, dans sa onzième des Lettres sur la chimie, que les différences de propriétés des corps isomères résultent de la différence dans les groupements des atomes : « Ces phénomènes ne s’expliquent qu’en admettant que la matière ne peut se diviser à l’infini, mais se compose d’atomes insécables. Lorsqu’une combinaison chimique a lieu, ces atomes ne se pénètrent pas, mais ils se groupent dans un certain ordre, et c’est de cet ordre
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que dépendent les propriétés des produits. Les atomes viennent-ils à changer de place, par suite d’une perturbation extérieure, ils se grouperont dans un ordre nouveau et produiront ainsi un corps nouveau dont les propriétés sont différentes. » Berzelius envisage ensuite d’autres « situations d’identité de composition avec différence dans les propriétés chimiques ». Dans le langage chimique actuel l’ensemble de ces situations est désigné par les termes d’isomérie (du grec isos = égal, semblable et mérès = partie ; les substances isomères ont une même composition), de polymérie (du grec polus = nombreux et mérès = partie ; un polymère est formé par l’enchaînement d’un nombre défini ou indéfini d’individus d’une espèce moléculaire donnée), de polymorphie (du grec polus = nombreux et morphê = forme ; une combinaison polymorphe se présente sous plusieurs formes cristallines) et d’allotropie (du grec allos = autre et tropos = tour, manière, l’acte de tourner ; l’allotropie est la polymorphie des espèces atomiques). Berzelius crée aussi la notion de métamérie (du grec méta = après, au-delà, d’où changement, succession), une forme d’isomérie, mais la signification de ce terme a changé ultérieurement, sur proposition de Kekulé. À la différence des autres termes que nous venons de citer, l’isomérie ne désigne pas une notion spécifique, mais correspond à une notion générique, c’est-àdire englobant plusieurs situations structurales. Nous les examinerons dans le chapitre suivant. À travers tous ces travaux, les chimistes commencent à prendre conscience du fait qu’il n’est plus possible, face au nombre sans cesse croissant de molécules identifiées dans la nature ou préparées au laboratoire, de se contenter de caractériser un composé par la nature et la proportion de ses constituants dans une formule globale ou « brute »20. En 1833, Berzelius introduit les termes « formules empiriques », pour désigner les formules brutes, et « formules rationnelles » pour désigner celles qui font apparaître une subdivision électro-chimique. À titre d’exemple, voici la formule de l’alcool (éthanol) sous sa forme empirique {C2H6O} et sous sa forme rationnelle {C2H4 + H2O} ou {C2H6 + O}. De son côté, Dumas utilise des formules rationnelles d’une forme différente, par exemple : éther formique (C8H8, C4H2O3, H2O) et acétate de méthylène (C4H4,C8H6O3,H2O) ; ces deux substances sont isomères. La notion d’isomérie va également conduire les chimistes à s’interroger sur les aspects structuraux de ces différents regroupements des atomes dans les isomères. C’est ainsi que Dumas, dans ses Leçons sur la philosophie chimique, professées au Collège de France en 1836, parle de l’isomérie, par opposition au polymorphisme : « Voulez-vous au contraire avoir des corps isomères ; agissez sur les atomes élémentaires eux-mêmes, et groupez-les diversement, de manière à former des corps dans chacun desquels les molécules composées soient le résultat d’un arrangement différent de ces atomes élémentaires ».
Chapitre 2
De la théorie des types aux premières formules structurales Types chimiques et théorie unitaire L’identification, depuis le début du XIXe siècle, d’un nombre croissant de composés moléculaires, extraits de substances animales et végétales ou bien créés par synthèse, va amener les chimistes à se préoccuper de leur classification en catégories, afin de pouvoir s’y retrouver dans la présentation de ces composés et l’étude de leurs réactions. En chimie minérale on a choisi à cet effet, comme base de classement, de prendre en considération un nombre élevé de corps simples, la composition des corps purs composés et leurs fonctions chimiques (par exemple : sels d’un métal, oxacides, hydracides, oxydes, etc.). La situation est très différente en chimie organique, où un petit nombre de corps simples entre dans la composition d’un nombre élevé de substances1. Ces corps simples « ont reçu le nom d’éléments organiques, et comprennent le carbone, l’hydrogène, l’azote et l’oxygène. Quelquefois cependant, le soufre, le phosphore, les métaux s’y associent » écrit Gerhardt en 1844 dans son Précis de chimie organique et il ajoute : « Comme toutes les matières organiques, sans exception aucune, renferment du carbone, on peut dire qu’elle (la chimie organique) est la chimie du carbone. »
« Théorie des types » de Dumas L’un des premiers artisans d’une classification des composés de la chimie organique a été Dumas dont nous suivrons le fil de la pensée à travers quelques extraits de ses publications. Dès 1835, il exprime son souci d’un classement
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des substances chimiques dans les « Considérations générales sur la composition théorique des matières organiques » de son Traité de chimie appliquée aux arts. On peut y lire (§ 2 949) : « en supposant que toutes les matières organiques fussent analysées, que leur poids atomique fût fixé d’une manière rigoureuse, la science existerait-elle, si tous ces faits demeuraient isolés et sans lien ? Non sans doute ; la véritable chimie organique resterait encore à créer. Car si les sciences s’établissent sur des faits, elles ne datent que du jour où ces faits, groupés par une conception sûre, prennent chacun leur place systématique, et laissent à découvert les vides à combler, tout en mettant en évidence les idées et les prévisions qui ressortent de cet arrangement méthodique. » À cette époque, Dumas adhère encore à la théorie dualistique de Berzelius et considère qu’il n’y a pas de différences fondamentales entre les composés de la chimie minérale et ceux de la chimie organique. Il avance l’idée (§ 2 954 et 2 955) que, dans beaucoup de ces combinaisons, « il existe, très probablement, deux composés binaires dans un état électrique différent, et dans chacun d’eux, on retrouve un élément commun, le carbone. Tandis que le carbone est électro-positif dans l’acide, il est électro-négatif dans la base. Cette circonstance ne se reproduit dans la chimie minérale qu’à l’égard du nitrate d’ammoniaque, où l’azote se trouve à ces deux états opposés dans la base et l’acide. […] De tout cela se tire une seule conséquence, c’est que les éléments peuvent se grouper sous une foule de formes. Mais au lieu de restreindre cette règle aux éléments des corps organiques, je ne crains pas de dire qu’elle s’étendra plus tard à tous. […] loin de me borner à prendre des règles de la chimie minérale pour les reporter dans la chimie organique, je pense qu’un jour, et bientôt peut-être, la chimie organique prêtera des règles à la chimie minérale. » Pour apporter un début de vérification aux idées qu’il avance, il examine (§ 2 956) des réactions chimiques dans un certain nombre de classes de composés organiques (amides, éthers, benzène et naphtalène, combinaisons benzoïques) et les met en parallèle avec les mêmes réactions de composés minéraux. Puis il fait de même, en ce qui concerne quelques types de réactions (substitutions, pyrogénation), pour en tirer des théories2 qui « doivent être jugées à un point de vue de pure utilité actuelle ; car elles ont pour résultat immédiat de classer beaucoup de corps en groupes d’une étude plus facile, et de représenter d’une manière plus simple une foule de phénomènes compliqués. En outre, elles permettent de prévoir un grand nombre de réactions nouvelles, ou bien, elles font pressentir l’existence de corps inconnus, susceptibles d’être créés par des méthodes
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que la théorie elle-même nous indique. » Ainsi, ce classement en groupes est réalisé « d’après une analogie vraie, celle de leurs réactions ». Dans les équations traduisant les réactions chimiques, les formules représentatives des composés correspondent à des combinaisons de radicaux composés. En voici quelques exemples3 : Acide acétique : C8H6O3, H2O Alcool : C8H8, H4O2 Ether : C8H8, H2O Chloral : C8H2O3, Ch6 De telles formules rationnelles avaient, sur les formules brutes représentatives de la seule composition atomique, l’avantage de faire ressortir l’existence d’arrangements fixes d’ensembles d’atomes transférés en bloc au cours des réactions ou sièges des modifications provoquées lors des réactions. Elles permettaient aussi d’établir des cas d’isomérie, de polymérie, etc. et Dumas l’enseigne ainsi dans sa neuvième leçon professée au Collège de France : « Que l’on vous dise : il y a un composé dont la formule est C12H12O4 ou C3H3O. Vous ferez-vous tout de suite, d’après cela, une idée juste ? Je suppose même que l’on ajoute : c’est un liquide éthéré, très volatil et d’une odeur suave. Serez-vous fixé sur sa nature ? Vous vous demanderez : mais qu’est-ce que C12H12O4 ? On voit bien, en se guidant par l’idée d’éther, que C12H12O4 équivaut à C4H2O3, C8H8, H2O ; mais il équivaut aussi à C8H6O3, C4H4, H2O. Cette formule C12H12O4, ou à plus forte raison C3H3O, vous laissera donc complètement dans l’incertitude[…] la formule C12H12O4 appartient également à l’éther formique ou à l’acétate de méthylène. Qu’à sa place on vous présente au contraire celle-ci : C4H2O3, C8H8, H2O ; dès lors, non seulement vous savez parfaitement quel est le corps dont il s’agit ; mais en vous disant qu’il s’agit de l’éther formique, cette formule vous offre à elle seule le tableau résumé d’un grand nombre de ses propriétés ». Mais à force de manipuler ces concepts radicalaires, Dumas finit par prendre la mesure de leurs inconvénients et, à l’occasion de ses travaux se rapportant à l’action du chlore sur l’acide acétique et de sa découverte des acides chloracétiques (1838 et 1839), il rejette la théorie dualistique des radicaux composés : « Ces idées électrochimiques, cette polarité spéciale attribuée aux molécules des corps simples, reposent-elles donc sur des faits tellement évidents qu’il faille les ériger en articles de foi ? Ou, du moins, s’il faut y voir des hypothèses, ont-elles la propriété de se plier aux faits, de les expliquer, de les faire prévoir avec une sûreté si parfaite qu’on en ait tiré un grand secours dans les recherches de la chimie ? Il faut bien en convenir, il n’en est rien… ».
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En 1840, il écrit que dans les corps composés « Lavoisier distinguait […] l’élément comburant et l’élément combustible ; la théorie électrochimique voit dans le premier un corps négatif et dans le second un corps positif ; c’est toujours au fond la même pensée. Si l’on envisage, au contraire, les divers composés chimiques comme constituant autant de systèmes planétaires formés de particules maintenues par les diverses forces moléculaires dont la résultante constitue l’affinité, on n’aperçoit plus la nécessité de cette application universelle de la loi du dualisme admise par Lavoisier. Ces particules pourront être plus ou moins nombreuses, elles seront simples ou composées ; elles joueront dans la constitution des corps, le même rôle que jouent dans notre système planétaire des planètes simples comme Mars ou Vénus, des planètes composées comme la Terre avec sa Lune et Jupiter avec ses satellites ». De plus, en constatant que dans l’acide acétique la substitution de chlore à l’hydrogène a lieu sans qu’il n‘y ait d’évolution profonde des propriétés fondamentales de la molécule, il conclut : « Ainsi, l’acide acétique, l’aldéhyde, l’éther, le gaz oléfiant perdant de l’hydrogène et prenant du chlore en volume égal, produisent des corps appartenant au même type qu’eux ; l’acide choracétique, le chloraldéhyde, le chloréther, le gaz chloroléfiant ». Dumas fait ainsi évoluer sa théorie des substitutions en introduisant la notion de « type chimique » dont Gerhardt donne une illustration dans son Précis de chimie organique4, avec trois représentants du type acide oxalique (figure 2.1) .
Figure 2.1 – Schématisation du type « acide oxalique » de Dumas.
Dumas définit comme suit les types chimiques en 1840 : « On entend par corps d’un même type chimique, ceux qui possèdent les mêmes réactions fondamentales, circonstance qui ne se présente que dans les corps formés d’un même nombre d’équivalents, et que l’on regarde comme propre à démontrer que ces équivalents y sont unis de la même manière ». De cette définition se dégage l’idée
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d’un arrangement moléculaire invariant, responsable de la permanence des propriétés, et conduisant à des types5 de molécules tels que, alcools, éthers, esters, etc., caractérisés chacun par des groupements spécifiques d’atomes qui seraient responsables des propriétés chimiques des composés. Dans son second mémoire de 1840 sur les types chimiques, rédigé en collaboration avec J.S. Stas, Dumas fait figurer les deux termes « type chimique » et « type mécanique » dans un « Tableau des types chimiques »6 dont un extrait est donné figure 2.2.
Figure 2.2.
Comme nous le verrons plus loin, la notion de type a été la base de plusieurs théories qui ont fait l’objet, en France, de discussions homériques et acharnées entre Dumas, Laurent et Gerhardt7. Vingt-cinq ans après cette dispute scientifique, les passions s’étant apaisées et le thème ayant depuis longtemps été relégué au cimetière des hypothèses dépassées, A. Würtz, assistant de Dumas à partir de 1845, après avoir vécu toutes les péripéties des théories des types en contact étroit avec les trois protagonistes, résume comme suit en 1864 la théorie des types de Dumas, dans ses Leçons de philosophie chimique : « La substance hydrogénée primitive et les corps ainsi formés par substitution appartiennent au même type chimique, lorsque les propriétés fondamentales sont conservées après le changement survenu dans la composition. Il en est ainsi de l’acide acétique et de l’acide trichloracétique qui sont l’un et l’autre des acides monobasiques puissants, et qui se dédoublent d’une manière analogue sous l’influence des alcalis, l’un donnant du gaz des marais et l’autre du chloroforme. La substance primitive et les corps qui en dérivent par substitution appartiennent au même type mécanique lorsque les propriétés fondamentales sont modifiées par l’effet de la substitution, le nombre des atomes élémentaires étant d’ailleurs demeuré le même. Tels sont les principes fondamentaux de la théorie de M. Dumas. Ajoutons que l’idée des types mécaniques appartient à M. Regnault. »
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Premières idées d’ordre structural Si Dumas considérait les composés rassemblés dans chaque type comme des entités réunissant des atomes maintenus entre eux dans des dispositions relatives fixes, sous l’effet de forces internes, il ne disposait cependant d’aucun moyen de contrôle des structures et ses vues pouvaient être considérées comme hautement spéculatives. Mais Dumas n’était ni le premier, ni le seul à s’interroger sur la structure des édifices moléculaires. Dans ce domaine ses devanciers sont Ampère, Gaudin, Baudrimont, ainsi que Laurent, tous fortement influencés par les travaux cristallographiques de l’abbé Haüy. Frappé par le fait que le clivage d’un cristal conduit à des fragments de même forme que le cristal de départ, ce dernier admettait dès le début du XIXe siècle que les édifices cristallins étaient édifiés à partir d’arrangements réguliers de « molécules intégrantes dont la forme est déterminée par celles des molécules élémentaires qui la composent. » En 1832, Gaudin présente à l’Académie des sciences deux mémoires qui, sur rapport de Gay-Lussac et Antoine Becquerel8, lui valent les encouragements de l’Institut. Seul le premier de ces mémoires a seul été publié en 1833 dans les Annales de chimie et de physique ; il contient la première définition claire et distinctive des notions actuelles d’atome et de molécule. En ce qui concerne le second mémoire, les éditeurs estimaient que son impression était hors de leurs moyens financiers, à cause du coût démesuré de la reproduction en taille-douce (seul procédé de reproduction en usage à l’époque) de près d’une centaine de figures. Quarante ans plus tard, au moment (1867) où l’Académie des sciences lui a attribué le « Prix de Trémont pour savants sans fortune », Gaudin a intégré une grande partie de ce second mémoire dans un opuscule sur la structure des composés chimiques et leur cristallogenèse publié en 1873. Il y aborde le problème de l’arrangement des atomes dans une molécule, à l’état solide en particulier. « C’était à coup sûr un problème à résoudre du plus grand intérêt, et pour la solution duquel il existait des données innombrables, en faisant entrer en ligne de compte la forme cristalline ; c’est-à-dire le mode d’assemblage de ces mêmes molécules, qui devait forcément présenter un rapport géométrique entre la forme moléculaire et le cristal engendré. » Le cristallographe Gaudin se lance hardiment dans une controverse avec ses collègues en leur reprochant leur courte vue, leur timidité d’idées, voire leur absence d’idées. Des idées, Gaudin en a à revendre. Malheureusement, après avoir remarqué à juste titre que les chimistes de son temps « songeaient à tort de toujours retrouver dans les composés des traces manifestes de la forme des composants », il s’égare immédiatement en écrivant : « ce qui a décidé de mon succès a été cette déclaration de principe : que dans toute combinaison les atomes des corps composants se mettaient en commun, pour s’équilibrer à nouveau et former invariablement un polyèdre géométrique symétrique. » Le principe qu’il retient veut,
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qu’à l’état solide du moins, tout édifice moléculaire soit gouverné par une disposition symétrique des atomes et/ou, le cas échéant, de groupes d’atomes de même type, l’ensemble formé ainsi devant être doué d’éléments de symétrie. À partir de là, il n’y a plus qu’à « raisonner sur l’arrangement possible des atomes dans les molécules les plus simples, qui possèdent une forme cristalline bien définie, de manière à former d’une part un solide géométrique symétrique avec les atomes assignés à la molécule, et à pouvoir ensuite construire le cristal avec le solide géométrique produit. » On voit immédiatement les limites d’un tel système qui ne prend en compte que la symétrie, mais aucune caractéristique chimique de la molécule. La figure 2.3 illustre quelques exemples tirés des idées de Gaudin.
Figure 2.3 – La structure des composés chimiques selon Gaudin.
Pour les composés binaires on ne saurait envisager d’autre structure que linéaire, mais pour les molécules triatomiques il exclut a priori toute disposition angulaire. Pour lui, les molécules tétratomiques sont polygonales, il en distingue deux en particulier, « l’acide sulfurique anhydre en vapeur {SO3} (a) et l’ammoniaque {NH3} (b) ». « Ces deux molécules sont nécessairement planes (dit-il) et doivent être représentées par un triangle équilatéral centré. L’une est l’acide par excellence et l’autre l’alcali par excellence, à la condition toutefois que l’eau intervienne. » À partir de cinq atomes, Gaudin admet enfin l’existence de formes polyédriques et donne même un exemple de réaction chimique (c), telle qu’il la conçoit, entre une substance A2B3 et une autre BC, pour former A2B4C. Compte tenu de l’état des connaissances scientifiques de son époque et en faisant abstraction de son dogmatisme, Gaudin pouvait-il faire mieux que des spéculations ? Quoi qu’il en soit, il faut mettre à son crédit l’idée d’interactions spécifiques entre les atomes constitutifs de la molécule, qui aboutissent à une disposition déterminée, caractéristique d’un équilibre interne, ce que nous appelons aujourd’hui l’état énergétique fondamental de la molécule. Un autre chimiste riche en idées nouvelles est A.E. Baudrimont. Dès 1833, il s’élève contre la pratique de la notation dualistique des substances minérales salines ou formées à partir de plus de deux espèces atomiques, car il estime que dans ces composés « les éléments sont rangés dans un tout autre ordre qu’on le suppose d’après la théorie dualistique ». Il propose que, lorsqu’on ne connaît pas
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réellement la structure d’une substance, il est convenable de représenter sa formule par la seule énumération des espèces atomiques à la suite les unes des autres et l’indication de la multiplicité de chacun d’eux. Ainsi, il rejette pour le sulfate de plomb la formule dualistique SO3,PbO au profit de la notation unitaire PbSO4. Quoique floues, quelques-unes de ses idées dans le domaine des structures cristallines (supposées moléculaires, les ions n’étant pas encore connus alors) méritent d’être citées. En premier lieu il propose un classement des molécules selon deux types, le « type numérique » et le « type mécanique ». Le type numérique d’une molécule est déterminé par sa formule chimique, « un nombre déterminé de corpuscules prêt à prendre tous les arrangements possibles selon les conditions d’équilibre qu’on lui présentera. » Le changement des conditions peut provoquer une redistribution des atomes dans la molécule. Le type mécanique est exprimé par la forme cristallographique de la molécule, car une fois que « les conditions d’équilibre sont déterminées, il en résultera un arrangement également déterminé. » En d’autres termes, en fonction des contraintes physiques, les molécules peuvent présenter des formes cristallines polymorphes. Dans son Traité de chimie générale et expérimentale (1844-1846), il note que dans une molécule plusieurs atomes de même nature peuvent occuper des positions « symétriques » ou « non-symétriques », c’est-à-dire des sites à réactivité identique ou différente. Dans le premier cas, « si on cherche à les remplacer par d’autres élémens isodynamiques, ceux qui occupent des positions identiques abandonneront la molécule dans les mêmes circonstances. Ceux qui occupent des positions différentes ne seront déplacés que dans des conditions différentes. Cette observation, si simple et si naturelle, a rencontré de nombreuses applications dans les réactions du chlore sur les composés organiques. » Baudrimont exprime là un pressentiment quant à l’influence de l’environnement d’un site réactionnel sur sa réactivité. Pour sa part, Laurent, dont nous avons déjà exposé sa théorie des noyaux, écrit en 1847 dans son Précis de cristallographie : « On peut supposer, avec Wollaston et Ampère, que les atomes des corps simples sont des sphères ou des ellipsoïdes, et que plusieurs de ces atomes se groupent d’une manière symétrique pour former des atomes composés… ». Cependant, dans sa Méthode de chimie9, il exprime un point de vue bien plus prudent, en ce qui concerne les structures moléculaires : « J’admets qu’il y a une certaine prédisposition dans l’arrangement des atomes, avec cette différence, que je crois qu’il nous est impossible de connaître cet arrangement, mais que nous pouvons néanmoins savoir si dans tel corps il est le même que dans tel autre. » et il cite en exemples les similitudes entre l’acide benzoïque et les acides benzoïques substitués (nitré, chloré, etc.), entre l’acide acétique et ses dérivés chlorés, etc. Comme nous l’avons vu, Laurent représente les édifices moléculaires par des polyèdres, des figures géométriques présentant des éléments de symétrie. Toutefois et en particulier lorsqu’il cherche à expliquer une réaction, il n’hésite pas à simplifier ses dessins en les ramenant à des figures planes, en quelque sorte à la « partie utile » des polyèdres. Pour interpréter dans le cadre de la théorie de la substitution le remplacement de l’atome de chlore du chlorure de benzoyle par le groupe amidure de l’ammoniac, il fait appel aux dessins
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représentés sur la figure 2.4, où B représente le chlorure de benzoyle, A le gaz ammoniac, c et h les arêtes de polyèdres qui, selon la théorie de la substitution, sont les porteurs des substituants (chlore c et hydrogène h) cédés au cours de la réaction et qui doivent être enlevées avec l’atome ou le groupe partant. Dans ces dessins, la représentation des molécules par des hexagones est totalement arbitraire10 et Laurent le précise bien en disant « pour faire comprendre le remplacement réciproque des deux restes (après le départ de H de la molécule A et Cl de la molécule B), je supposerai que, dans l’ammoniaque et le chlorure de benzoyle, les atomes sont disposés suivant des figures hexagonales. » D’après ces figures, Laurent envisage implicitement l’existence d’un état intermédiaire entre les réactifs et les produits. De même envisage-t-il, dans le cadre d’une étude sur les dérivés du cacodyle, que les deux « radicaux » de ce dernier, formés transitoirement lors de l’action du zinc sur le chlorure de cacodyle, pourraient, par combinaison, conduire à deux isomères, c’est-à-dire à deux structures géométriques différentes (figure 2.5).
Figure 2.4 – La schématisation d’une réaction de substitution selon Laurent.
Figure 2.5 – Schéma de la formation de structures « isomériques » selon Laurent.
Il généralise enfin son procédé de représentation figurative comme on peut le voir sur l’exemple de dérivés phosphoriques (figure 2.6) et finit par le poétiser en dessinant une triamide sous une forme « semblable à des bulles de savon accolées dont le plan de jonction serait crevé ou enlevé ».
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Figure 2.6 – Quelques représentations figuratives de molécules par Laurent.
Cette tendance à recourir à des procédés de représentation figurative, dont Laurent est l’un des initiateurs, se développe au cours de la décennie qui suit et atteindra un premier sommet avec les différents modèles descriptifs du benzène.
Théorie unitaire et substitution par résidus Les travaux de Davy sur l’électrolyse ont conduit Berzelius à sa théorie électrochimique dualistique, capable d’expliquer la formation des sels et les réactions entre sels en milieu aqueux par des doubles décompositions, suivies de recompositions. L’extension de la théorie dualistique aux substances de la chimie organique n’a pas atteint le succès escompté ; dans ce domaine les travaux de Dumas sur les réactions de substitution, ainsi que la théorie des noyaux de son élève Laurent, ont amené les chimistes à considérer, au cours des réactions chimiques, chaque molécule non plus comme un assemblage de deux parties électriquement antagonistes, mais comme un tout, un objet à considérer dans sa globalité. Cette nouvelle façon de voir ou « théorie unitaire », proposée initialement par Laurent et point de départ de sa collaboration avec son cadet Gerhardt11, mais violemment combattue par Berzelius, a vu leur maître Dumas s’y rallier progressivement, suivi de Liebig vers 1845. La théorie unitaire a surtout été mise en forme par Gerhardt pour qui la « méthode unitaire (est) l’ensemble des principes que j’applique à l’étude de la chimie, et qui sont basés sur le choix d’une unité de molécule et d’une unité de réaction pour la comparaison des fonctions chimiques des corps. » Dès 1839, il attire l’attention sur un mode d’interprétation des transformations chimiques qu’il nomme d’abord « loi de substitution par résidus », puis « double décomposition », et qu’il résume comme suit : « Dans les substitutions d’un corps composé à un corps simple, ce dernier n’est pas purement et simplement déplacé, mais la réaction s’établit toujours de telle sorte qu’un élément (hydrogène) de l’un des corps en réaction s’unit à un élément (oxygène) de l’autre corps pour former un produit (eau) qui s’élimine, tandis que les éléments restants demeurent en combinaison. » Dans son Précis de chimie organique, il illustre en 1844 cette loi par l’exemple donné figure 2.7.
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Figure 2.7 – Exemple d’application de la « loi des substitutions par résidus ».
Au cours d’une nouvelle substitution, les deux résidus s’unissent pour former la « nitrobenzine ». Rappelons qu’à ses yeux ces résidus, que Berzelius appelle aussi radicaux, ne possèdent pas nécessairement une existence réelle, mais n’ont qu’une signification formelle, car, dit-il, « nul ne peut vraiment voir ce qui se passe au cours de la réaction, on n’en connaît que les réactifs et les produits. » En 1848, il donne une définition de la molécule qui est « un édifice, un système unique, formé par l’assemblage d’atomes dans un ordre défini, quoiqu’encore inconnu à ce jour. Pour un corps simple, ces assemblages sont formés d’atomes de même espèce, pour les corps composés d’atomes d’espèces différentes. »
Doubles décompositions et triomphe de la notation atomique L’étude approfondie des doubles décompositions a conduit Gerhardt à une révision fondamentale des masses moléculaires et des équivalents, établis par Berzelius près de vingt ans plus tôt. En effet, après avoir refait les expériences de Gay-Lussac, Berzelius admettait comme ce dernier que la molécule de l’eau était formée à partir de deux volumes d’hydrogène et d’un volume d’oxygène, mais il était partisan des idées de Dalton qui attribuait à l’eau la formule HO. Pour surmonter cette contradiction apparente, Berzelius confère à l’oxygène le caractère d’atome « simple » et à l’hydrogène celui d’atome « double », indécomposable. Après comparaison des volumes de chlore, de brome, d’azote qui se combinent à 1 volume d’hydrogène, il confère aussi à ces espèces chimiques (et à d’autres, à partir de considérations diverses) le caractère d’atome double. Il note en conséquence (notation moderne entre parenthèses pour les espèces atomiques doubles) les indications fournies par la figure 2.8.
Figure 2.8 – Atomes doubles.
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Après avoir retenu l’oxygène comme terme de référence, il dresse un tableau des masses atomiques et, en parallèle, des équivalents des espèces chimiques. Il attribue la masse atomique relative 100 à l’oxygène et la masse atomique 6,24 à l’hydrogène (ce qui correspond à nos valeurs O = 16 et H = 1). Mais, comme il considère que l’hydrogène est un atome double, il attribue à son équivalent la valeur 12,48 – le double de la masse atomique – et procède de même pour les autres atomes doubles. De la sorte, les équivalents de Berzelius se couvrent avec les masses atomiques de Dalton. Son tableau servira de base de travail aux chimistes analystes pendant une vingtaine d’années. Entre-temps, les lois de l’isomorphisme (Mitscherlich) et celle des chaleurs spécifiques (Dulong et Petit) ont mis en lumière quelques incohérences dans le tableau de Berzelius que L. Gmelin soumet à une critique en 1844. Ce chimiste, dont l’ouvrage encyclopédique est toujours la référence en chimie minérale (8e édition, consultable en ligne !), se demande pourquoi il faudrait admettre que les équivalents de certaines espèces chimiques, en particulier l’hydrogène, le chlore, le brome, l’azote, seraient formées d’atomes doubles, alors qu’ils ne se trouvent dans aucune combinaison sous forme d’atomes simples. L’atome étant la plus petite quantité d’un corps qui entre dans un composé, les équivalents des corps précédents représentent par conséquent, selon lui, les atomes et il convient de prendre pour leurs masses atomiques le double des valeurs de Berzelius. C’était l’abandon de la notation atomique de Gay-Lussac, le retour à la case départ et le triomphe de la notation en équivalents de Dalton. Au cours de son travail sur les doubles décompositions, Gerhardt étudie des réactions faisant intervenir des molécules de corps simples gazeux. Dans ce contexte, il suit la ligne de pensée de Gaudin et admet avec lui que les molécules des corps simples gazeux : hydrogène, chlore, oxygène, azote… sont diatomiques. Il montre que cette hypothèse est parfaitement compatible avec la théorie des doubles décompositions et que dans ces conditions les atomes « doubles » d’hydrogène, de chlore ou d’azote de Berzelius représentent en fait des molécules diatomiques, alors que l’atome « simple » d’oxygène désigne un atome. Cette hypothèse exige que l’on considère le symbole d’une espèce chimique exclusivement comme représentatif d’un atome de cette espèce ; elle justifie définitivement la formule H2O pour l’eau. Dans la théorie des doubles décompositions, la formation de l’eau peut être interprétée comme suit l’indique la figure 2.9.
Figure 2.9 – Double décomposition.
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La nouvelle notation des composés chimiques est dite « notation unitaire » ou « notation atomique », elle est très rapidement et définitivement adoptée par l’ensemble des chimistes, c’est la nôtre.
« Table rase » du Précis de Chimie Organique de Gerhardt Nommé professeur à Montpellier en 1841, Gerhardt s’empresse de rédiger en 1844 sous la forme d’un ouvrage didactique ses idées sur la chimie organique. Partant du constat que les débats autour des théories chimiques du moment sont l’objet d’un grand désordre, son premier souci est d’identifier, puis de surmonter, les obstacles qui s’opposent à une meilleure discussion des hypothèses développées entre 1820 et 1840, « afin de faire le ménage » dans les idées et de repartir sur des bases assainies. Le premier de ces obstacles est l’usage fréquent de plusieurs « formules rationnelles » pour représenter une même molécule11 au cours de réactions diverses. Aussi Gerhardt propose-t-il que, chaque fois que l’on ne serait pas capable d’expliquer une réaction chimique, on revienne aux formules brutes globales des substances, les seules sur lesquelles tout le monde soit d’accord, car elles sont expérimentalement vérifiables. Il suggère aussi de recourir à des représentations graphiques des molécules (voir un exemple plus haut dans la discussion des types de Dumas). Mais les formules brutes globales peuvent receler un piège, car elles sont fonction du système de masses atomiques sousjacent à leur établissement. C’est là un second obstacle, et il était de taille, que nous venons d’évoquer au paragraphe précédent. Pour le surmonter, il n’existe qu’une seule solution, redéfinir les méthodes de mesure de ces masses atomiques et redéterminer celles-ci soigneusement. Gerhardt s’y emploie dès 1842 et propose d’adopter un système unique de valeurs, basé sur le terme de référence O = 100, système auquel peu à peu tous les chimistes se rallient. Pour les espèces atomiques dominantes dans la chimie organique, il aboutit ainsi à H = 6,25 ;
C = 75 ;
N = 87,5 ;
O = 100 ;
P = 196,4 ;
S = 200
c’est-à-dire à notre échelle actuelle, lorsqu’on ramène le terme de référence à H = 1. Gerhardt adopte ce changement de base un peu plus tard. Cela le conduit à remettre en cause les formules globales acceptées jusque-là et à en proposer de nouvelles, plus proches des nôtres : alcool = C2H6O ; acide acétique = C2H4O2 ; « gaz des marais » (méthane) = CH4 ; éther = C4H10O ; aldéhyde = C2H4O ; etc. Un troisième obstacle surgit avec le développement des procédés de « reproduction artificielle d’un grand nombre de substances d’origine végétale ou animale […] qui sont de deux espèces : ils sont ou analytiques, et consistent dans l’emploi des agents de combustion, ou synthétiques, et reposent dans l’application des agents de réduction. […] Quoi qu’il en soit, que les reproductions artificielles se fassent par
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des procédés de combustion ou par des moyens de réduction, rien ne s’oppose à ce qu’on conçoive toutes les substances organiques comme le résultat de la combustion d’autres plus carbonées et plus hydrogénées, et, réciproquement, comme les produits de la réduction ou de la complication d’autres matières moins carbonées et moins hydrogénées […] En considérant sous ce point de vue l’ensemble des matières organiques, on remarque qu’elles offrent des gradations successives et presque insensibles, de manière à former une immense échelle dont les deux extrémités sont occupées, d’une part, au sommet, par la matière cérébrale, l’albumine, la fibrine et les autres substances plus complexes, et d’autre part, au pied, par l’acide carbonique, l’eau et l’ammoniaque, précédés eux-mêmes de l’esprit de bois (méthanol), de l’acide formique et des corps qui en dérivent. Une infinité d’échelons occupent l’intervalle compris entre ces deux extrémités. » Ce tableau de classement est appelé « échelle des combustions » par Gerhardt, car on descend des termes les plus riches en carbone vers les composés à moindre teneur par l’intermédiaire de réactions d’oxydation. Il s’agit pour lui de classer sur cette échelle les composés organiques en fonction d’un critère simple et commode, « sans avoir besoin de recourir à des hypothèses, mais en se renfermant strictement dans les limites de l’expérience. » La recherche d’un tel critère s’avère délicate ; les propriétés chimiques présentent trop de nuances, les dénominations des substances ne sont pas toujours bien précises, etc., aussi se replie-t-il sur quelques conventions « qui ne doivent porter l’empreinte d’aucune hypothèse […] et qui soient assez simples et précises pour que tout chimiste, même le moins habile, puisse, par la connaissance seule de la composition et de l’équivalent d’une substance, assigner à celle-ci la place qui lui convient dans l’échelle. » Après avoir examiné un bon nombre de combinaisons aux caractéristiques bien établies, Gerhardt pense avoir trouvé un dispositif prometteur, en s’en tenant à celles « qui se correspondent sous le rapport de la composition, des propriétés et du mode de formation », par exemple les différents termes de la série des alcools saturés (pour utiliser un langage moderne) connus à ce moment12. Sachant que chacun de ces termes peut subir une réaction de déshydratation, il retire de leur formule brute les éléments nécessaires à la formation d’une molécule d’eau et obtient alors la série de « restes » suivante : CH2 pour l’esprit de bois ; C2H4 pour l’esprit de vin ; C5H10 pour l’huile de pomme de terre (ultérieurement appelée fusel, puis alcool isoamylique) et C16H32 pour le cétal (l’alcool préparé à partir d’huile de baleine ; ketos = baleine en grec). En soumettant ces quatre alcools aux mêmes réactions il obtient des séries de substances aux propriétés semblables et présentant toujours les mêmes rapports de composition (figure 2.10). Gerhardt fait ainsi ressortir que dans chaque série les termes diffèrent entre eux par un module CH2 ou un multiple de celui-ci et appelle « substances homologues » (du grec homos = semblable, identique et logos = discours ;
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Figure 2.10.
homologue d’après le dictionnaire Robert : éléments qui se correspondent à l’intérieur d’ensembles différents, mais liés par une relation) celles qui possèdent la même fonction chimique et ne diffèrent entre elles que par le nombre de modules CH2. En conséquence il propose un classement des molécules homologues de chaque famille dans une colonne, en fonction du nombre R décroissant de leurs atomes de carbone13. Chaque colonne se distingue de ses voisines par le rapport C/H qui sera représenté par R, lorsqu’il prend la valeur 1 : 2. Chaque échelon contient les représentants des familles de substances et sera marqué R, ou ses variantes R+2H, R-2H, R-4H, etc., pour les hydrocarbures, RO, ou ses variantes RO+2H, RO-2H, RO-4H, etc., pour les substances renfermant 1 atome d’oxygène, RO2 etc. pour celles en renfermant deux, et ainsi de suite. Gerhardt précise bien que « pour que deux ou plusieurs corps soient homologues, il ne suffit pas qu’on puisse les représenter par la même formule générale, R, RO, RO2, etc., mais il faut encore que R ait la même valeur pour chacun d’eux, c’est-à-dire qu’il y ait entre le carbone et l’hydrogène un rapport atomique semblable. » Ce dispositif de classement lui semble présenter un grand intérêt pour la rationalisation du travail du chimiste, tant dans le domaine de la pratique des analyses et des synthèses, que dans celui de la vérification des hypothèses de travail : – à partir des informations d’ordre chimique dont on dispose pour les différents termes connus d’une série homologue, il est aisé de déduire de façon suffisamment proche les propriétés des termes inconnus et les « tendances » dans une série ; – à partir des connaissances dont on dispose pour la transformation d’un composé d’une série en un composé d’une autre série, on peut aisément établir un plan d’analyse ou de synthèse pour l’obtention d’un terme non encore connu de cette série. Pour le dire avec les mots de Gerhardt : « Sans doute les progrès de la science modifieront les dispositions de cette échelle, mais nous croyons que la base en restera […] Les chimistes qui s’occupent de travaux de recherches s’en serviront avec profit, car ils y trouveront des relations qu’aucune théorie n’est capable de leur indiquer. […] Aux personnes qui se livrent à l’étude de la chimie organique,
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cette échelle offrira une marche méthodique, sûre et commode, pour leur apprendre en peu de temps l’histoire des composés organiques, dont le nombre va, pour ainsi dire, jusqu’à l’infini. […] Enfin, comme la construction de cette échelle ne repose que sur des faits, sur des relations numériques positives, nous croyons qu’elle forme une excellente base pour la classification rationnelle des composés organiques. » Le dernier obstacle à un renouveau était la multiplication, à partir de 1820 environ, du nombre de composés organiques identifiés ou synthétisés. Cette croissance rapide avait conduit à un développement anarchique de la nomenclature et une réforme rapide semblait souhaitable. Gerhardt propose en conséquence une procédure de création des noms des composés qu’il veut simple et applicable à toutes les langues. Pour lui ces noms seraient des substantifs formés d’une racine arbitraire, désignant l’échelon d’homologie, suivis d’une désinence caractéristique de la fonction chimique. Un adjectif placé immédiatement après le nom exprimerait, s’il y a lieu, les noms des substituants de la structure fondamentale et leur nombre. On retrouve là les principes de base de nos nomenclatures actuelles, en particulier de celle dite « substitutive », recommandée par l’Union Internationale de Chimie Pure et Appliquée. Sans tourner à une révolution, l’ensemble des propositions de Gerhardt, soutenu et complété par Laurent, constitue une grande réforme, une véritable mise à l’heure des pendules de la chimie. Avec eux et les chimistes de leur génération, le plus souvent issus des laboratoires de Dumas et de Liebig, les plus réputés de l’époque, la chimie organique prend un nouveau départ et son réel essor.
Nouvelle théorie des types et formules synoptiques Peu après la parution du Précis de chimie de Gerhardt, Laurent entame sa coopération avec ce dernier et soumet l’ouvrage à une analyse critique. Dans une lettre à Gerhardt du 12 février 184514, Laurent l’exhorte à faire une bonne classification, « une classification doit offrir une série de rapports ». Pour être sûr d’être bien compris15, il lui écrit à nouveau le 24 : « une classification est un ordre, une série disposée de telle façon, que dans le plus petit espace et avec le moins de mots possibles, elle fasse connaître le plus grand nombre de propriétés. Classer c’est établir des rapports. Choisir des rapports, c’est comprendre, retenir avec facilité un grand nombre de faits, de manière à conclure du général au particulier et réciproquement. » Ainsi, Laurent avait immédiatement repéré une faille dans le système de l’échelle d’oxydation. En effet, en procédant comme le propose Gerhardt, on risque de mélanger dans une même rubrique les alcools et les éthers, les acides et les esters, etc. Laurent suggère à Gerhardt d’effectuer, à l’intérieur d’un échelon, un classement selon le principe de génération qui lui « paraît un excellent élément de classification, car il permet de rapprocher les corps
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sous le point de vue de leurs métamorphoses les plus prochaines (alcool, acide acétique, aldéhyde, éther, cacodyle). Tout cela se lie. » D’autre part, Laurent estime que le système des formules brutes « est trop absolu et (que) s’il était adopté, il empêcherait de découvrir une foule de rapports intéressants » et propose de développer les formules synoptiques qu’A.W. Hofmann puis A.W. Williamson utiliseront abondamment. Enfin, il relève le problème de l’isomérie que Gerhardt n’avait pas abordé et l’apostrophe : « Et puis, voyez où vous conduisent les corps isomères !».
Seconde théorie des « types » Comme nous l’avons vu, au cours de ses travaux sur les substitutions, Dumas rapporte les produits des réactions à des molécules de base, qu’il désigne par « types ». Mais la notion de type de Dumas est très floue, car en l’absence de critères plus limitatifs chaque substance susceptible d’être substituée pourrait représenter un type. En 1849, A. Würtz découvre les amines primaires et leur attribue leur nom, ainsi que la structure d’un ammoniac16 substitué, faisant ainsi de cette molécule de base le type implicite de ces composés. La même année, A.W. Hofmann met au point une méthode de préparation des amines secondaires et tertiaires, puis prépare les premiers tétralkylammoniums en 1850. À cette occasion, il établit explicitement le type ammoniac17 (figure 2.11).
Figure 2.11 – Formules synoptiques de composés du type ammoniac de A.W. Hofmann.
On pouvait dès ce moment considérer l’ammoniac comme le type de base d’une série plus générale que celle des amines puisqu’en son temps Berzelius rapprochait déjà l’alcali volatil des alcaloïdes naturels. Ces derniers fournissant NH3 par distillation, Berzelius pensait que les propriétés basiques des alcaloïdes étaient dues à une structure dérivée de l’ammoniac. En 1850, Williamson, s’inspirant des travaux de E. Frankland sur les premiers composés organométalliques, cherche à préparer des alcools substitués. À cet effet, pour remplacer un atome H de la chaîne alkyle, il fait agir du potassium sur de l’éthanol, puis ajoute de l’iodure d’éthyle ; à sa grande surprise il obtient de l’éther (oxyde de diéthyle, appelé alors éther sulfurique, compte tenu de son mode de préparation usuel à l’époque) et non pas le 1méthyl-1-propanol attendu. De toute évidence le remplacement d’un atome H
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n’a pas eu lieu sur la chaîne alkyle, mais sur l’atome d’oxygène et la réaction devait correspondre àb# (figure 2.12) :
Figure 2.12 – Réaction de l’éthanoate de potassium avec l’iodure d’éthyle.
Ce résultat lui inspire sa « théorie des éthers ». Dans un premier temps, il rapproche l’alcool et l’éther de la séquence H–O–H ; K–O–H ; K–O–K, déjà popularisée par Laurent. Puis, pour vérifier le bien fondé de cette hypothèse, il remplace l’éthanol de sa première expérience par du méthanol et obtient ainsi le premier éther mixte, le méthoxyéthane. Ce succès le conduit à interpréter la réaction de formation des éthers en présence d’acide sulfurique comme une réaction en deux étapes (figure 2.13).
Figure 2.13 – Réaction de formation des éthers.
Au titre de la vérification de ce schéma réactionnel, il fait réagir l’acide sulfurique sur un mélange d’éthanol et d’alcool amylique (alcool en C5) et isole en fin de réaction les éthers de diéthyle, de diamyle, ainsi que l’éther mixte d’éthyle et d’amyle. Entre 1850 et 1854, au cours de son travail sur les éthers, Williamson introduit le type eau comme structure de base : « La manière la plus simple de représenter la constitution de ces composés consiste à les rapporter à l’eau. En remplaçant dans le type eau 1 atome d’hydrogène par l’éthyle on a l’alcool ; en remplaçant les 2 atomes d’hydrogène, l’un par l’éthyle, l’autre par le méthyle, on formera l’éther méthylvinique. » Mais il va immédiatement plus loin en admettant que l’eau peut suffire comme type pour toute la chimie minérale et pour les composés organiques les mieux connus. En même temps b)# Pour les cinq exemples qui vont suivre, nous utiliserons les formules brutes basées sur les masses atomiques préconisées par Gerhardt (H = 1, C = 12, N = 14 et O = 16) et adoptées ensuite par l’ensemble des chimistes. Nous maintiendrons en revanche le mode d’écriture des chimistes de cette époque, ainsi que la notation de la multiplicité des atomes à l’aide d’exposants, le passage à une notation par indices datant du XXe siècle seulement.
De la théorie des types aux premières formules structurales
il adopte les « formules synoptiques » de Laurent ; celles-ci sont des formules rationnelles présentées dans un nouvel habillage qui fait ressortir des entités structurales communes à différentes molécules transférées et/ou inchangées au cours des réactions chimiques. La figure 2.14 fournit un exemple d’extension de la série des molécules qu’il rattache au type eau.
Figure 2.14 – Molécules du type eau selon Willamson.
À la série issue du remplacement successif des atomes hydrogène de l’eau par le radical éthyle, il joint celle, parallèle, où le radical éthyle a été transformé au cours d’un processus d’oxydation dans lequel deux atomes d’hydrogène sont remplacés par un atome d’oxygène. Il fait ressortir ainsi le lien entre l’alcool et l’acide acétique et suggère celui entre le dioxyéthane (éther) et l’anhydride acétique. Cette relation est confirmée par Gerhardt, qui prépare l’anhydride acétique en combinant le chlorure d’acétyle avec de l’acétate de sodium (figure 2.15).
Figure 2.15 – Réaction de formation de l’anhydride acétique, Gerhardt.
Puis Williamson se lance dans la prospective en proposant pour l’acétone (propane-2-one) C3H6O, composé connu depuis fort longtemps, mais dont la structure n’avait pas été définie, la formule synoptique ci-dessous. Pour vérifier son hypothèse, il fabrique de la butanone (butane-2-one) et de l’éthanal selon la méthode de Piria (d’une part pyrolyse d’un mélange d’acétate et de butyrate de sodium qui conduit à un mélange de propane-2-one, de butane2-one et de pentane-3-one, d’autre part celle d’un mélange d’acétate et de formiate de sodium qui fournit l’éthanal) (figure 2.16).
Figure 2.16 – Formules des composés carbonylés, Williamson.
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Avec la réduction du nombre des types à deux par Hofmann et Williamson, une nouvelle vue des composés organiques est amorcée.
Gerhardt et sa théorie des « types » En 1854, après avoir adopté, lui aussi, le type ammoniac pour les composés azotés, puis le type eau pour les composés oxygénés, lors de ses travaux sur les acides organiques anhydres, Gerhardt leur ajoute le type hydrogène et le type acide chlorhydrique. En 1853, dans son grand mémoire sur les anhydrides, il formule sa « théorie des types » et précise que ceux-ci sont des « types de double décomposition ». On trouve également dans ce mémoire le premier essai de classification des substances organiques d’après sa théorie des types. Dans son Traité de chimie organique, il rappelle tout d’abord [§ 2 450] que : « les formules chimiques n’expriment et ne peuvent exprimer que des rapports, des analogies ; les meilleures sont celles qui rendent sensible le plus de rapports, le plus d’analogie. » Quelques pages plus loin [§ 2 451], il revient sur le sujet : « Les formules chimiques, comme nous l’avons dit, ne sont pas destinées à présenter l’arrangement des atomes, mais elles ont pour but de rendre évidentes, de la manière la plus simple et la plus exacte, les relations qui rattachent les corps entre eux sous le rapport des transformations. » En outre, il redéfinit les radicaux : « J’appelle radicaux ou résidus les éléments de tout corps qui peuvent être transportés dans un autre corps par l’effet d’une double décomposition, ou qui y ont été introduits par une semblable réaction […]. On voit d’après cela que contrairement à la plupart des chimistes, je prends l’expression de radical dans le sens de rapport et non de corps isolable ou isolé ». Et il introduit la notion d’atomicité [§ 2 454, p. 582, note de bas de page] en indiquant qu’un « radical monoatomique est l’équivalent d’un atome d’hydrogène ». Enfin, il revient avec insistance sur la signification des types de double décomposition, tant le sens de l’appellation qu’il avait choisie était différent de celui que lui avait conféré Dumas ; il en était résulté une confusion regrettable parmi un grand nombre de chimistes. Dans le § 2 454 Gerhardt indique : « il ne suffit pas, pour l’étude raisonnée de la chimie, de préciser le sens des formules rationnelles, en les rapportant toutes à une réaction
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type et de prendre pour cela, comme je le propose, la double décomposition, parce qu’elle est la forme la plus ordinaire des métamorphoses minérales et organiques ; il faut aussi faire choix d’une unité de molécule, susceptible de la double décomposition ; et dériver de cette unité les formules de tous les autres corps. De même, après avoir formulé tous les corps d’après cette unité, il faut encore les classer méthodiquement, suivant leur ressemblance plus ou moins grande, en un certain nombre de groupes pour lesquels on choisit des termes de comparaison…. » Ce sont ces unités de molécules qu’il appelle types. Pour bien montrer la différence entre les types de Dumas et les siens il insiste [§ 2 455] : « En disant : tel corps dérive du type eau, ou représente de l’eau dont le radical oxygène ou le radical hydrogène est remplacé par tel autre radical, je n’entends pas exprimer la manière dont les éléments sont arrangés dans le corps auquel cette comparaison est appliquée. » Il précise en outre que : « le type est l’unité de comparaison pour tous les corps qui, comme lui, sont susceptibles d’échanges semblables ou résultent d’échanges semblables » et, un peu plus loin, « Or c’est là précisément l’usage auquel sont destinés mes 4 types : ils servent à mettre en proportion les composés organiques dont il s’agit de définir les fonctions chimiques, c’est-à-dire à résumer les doubles décompositions dont ils sont susceptibles, soit les doubles décompositions qui leur donnent naissance. » Ces rappels et mises en garde traduisent la confusion régnant alors dans l’esprit d’un certain nombre de chimistes qui pressentent le problème de la structure des molécules et qui, alors qu’ils ne disposent pas encore de tout l’outillage nécessaire pour le résoudre, attribuent une signification structurale au mode d’écriture des formules pratiqué en ce temps. Puis Gerhardt indique que les quatre types qu’il retient suffisent pour établir une classification méthodique de toutes les substances chimiques. Pour illustrer sa méthode de classement il choisit le type eau et recourt à deux substances de base, censées constituer les extrémités de son classement, ce sont l’acide sulfurique et la potasse (hydroxyde de potassium). Il classe ensuite les oxydes en « oxydes positifs », c’est-à-dire renfermant des radicaux qui, lorsqu’ils sont substitués à l’hydrogène de l’eau, produisent des corps dont les propriétés sont plus proches de celles de la potasse que de celles de l’acide sulfurique ; et en « oxydes négatifs », c’est-à-dire renfermant des radicaux
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qui, lorsqu’ils sont substitués à l’hydrogène de l’eau, produisent des corps dont les propriétés sont plus proches de celles de l’acide sulfurique que de la potasse. Pour les autres types il opère selon le même principe et aboutit ainsi au tableau suivant18 :
(extrait reconstitué de la publication de 1852 RL)
En définitive, Gerhardt a retenu comme signe distinctif le nombre d’atomes d’hydrogène remplaçables dans chacun des quatre types qu’il a adoptés et/ ou choisis : – le type acide chlorhydrique H-Cl est caractérisé par le fait qu’un seul atome d’hydrogène est remplaçable ; il n’existe qu’un seul chlorure de Na, K… d’éthyle, d’acétyle ; – le type hydrogène H-H est caractérisé par le fait que deux atomes d’hydrogène sont remplaçables. La molécule H2 peut être considérée comme de l’hydrure d’hydrogène, le dichlore comme du chlorure de chlore… Ce type contient les hydrures des métaux, les hydrures des radicaux alkyles (méthane = hydrure de, etc.), les alkylures d’alkyle (l’éthane devient le méthylure de méthyle, etc.) ; – le type eau H2O est caractérisé par le fait que deux atomes d’hydrogène ou un atome d’oxygène sont remplaçables. On y retrouve, le sulfure, le séléniure, le tellurure d’hydrogène, à côté des bases et oxydes de métaux monovalents, ainsi que, dans le domaine de la chimie organique, les alcools et ethter-oxydes, les acides monocarboxyliques et leurs anhydrides, etc. ;
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– le type ammoniac NH3 est caractérisé par le fait que trois atomes d’hydrogène sont remplaçables. Ce type est surtout représenté par les trois classes d’amines. Le classement interne dans chaque type est en somme une tentative de mariage des idées unitaristes de la jeune école de chimistes avec les vues dualistes qui dominaient la pensée de leurs prédécesseurs.
Types condensés et types mixtes La répartition des composés chimiques dans les quatre types comporte des limites, comme le relève Williamson (1851 et 1854) qui examine en particulier les acides polybasiques, pour lesquels Gerhardt introduit une distinction entre « l’atomicité » qui représente le nombre d’atomes d’hydrogène auxquels un radical composé est capable de se substituer et la « basicité », c’est-à-dire le nombre de radicaux monoatomiques nécessaires pour la salification totale d’un acide. Il considère que l’acide sulfurique est diatomique et dibasique, mais que l’acide sulfovinique (hydrogénosulfate d’éthyle) est diatomique et monobasique, le sulfate de diéthyle correspondant à un sel du radical dibasique sulfate. Pour rattacher ces acides au type eau, Williamson admet qu’un radical polyatomique relie plusieurs molécules du type, qui forment alors un « type condensé ». Quelques exemples sont fournis par la figure 2.17.
Figure 2.17 – Molécules relevant d’un même type condensé.
En traitant l’acide sulfurique par le pentachlorure de phosphore, ce qui conduit aux deux substitutions chlorurantes ci-dessus, Williamson apporte en 1856 la preuve que dans cette réaction le chlore remplace non pas un atome H, mais un radical hydroxyde. Entre 1855 et 1858, W. Odling étend le type eau condensé aux bases polybasiques. Il est aussi parmi les premiers à considérer que certains métaux présentent un caractère di- ou triatomique au sens de Gerhardt19. Il représente l’atomicité des radicaux par des apostrophes, la basicité par des indices, visualisant ainsi simultanément l’atomicité des radicaux substituants du type et la basicité du composé unitaire (figure 2.18).
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Figure 2.18 – Atomicité et basicité des radicaux (Odling).
On voit immédiatement que dans l’acide carbonique le radical CO est diatomique, alors qu’il est monoatomique dans l’acide oxalique. Par ailleurs, ces deux acides, du type eau dicondensé, sont dibasiques (figure 2.19).
Figure 2.19 – Acide carbonique et acide oxalique (Odling).
En 1856, après une étude des esters du glycérol (le propane-1,2,3-triol, appelé alors glycérine) au cours de laquelle il relève que le radical glycéryle est triatomique, Würtz entreprend la synthèse du diol le plus simple, le glycol, à partir du 1,2-diiodoéthane et de l’acétate d’argent, l’ester formé étant ensuite hydrolysé. Puisque l’acétate d’argent appartient au type eau et qu’il faut deux molécules de ce sel dans la réaction de formation du glycol (éthane-1,2-diol), Würtz attribue le radical éthylène au type eau dicondensé. Les polyalcools constituent ainsi la troisième série de composés du type eau condensé. Désormais la voie était ouverte à la multiplication de ces types. Très rapidement on en vient à imaginer des types condensés formés à partir de deux ou plusieurs types de base différents ; A. Kekulé les nomme en 1857 « types mixtes ». La théorie des types a été un moteur important dans le développement de la chimie organique. Selon Würtz (1864), elle a « inspiré des travaux, rectifié des vues, permis des rapprochements, comblé des lacunes… apporté dans l’interprétation des réactions une clarté, une simplicité inconnues auparavant. » Les formules synoptiques permettent de distinguer facilement les « atomes mobiles » d’une
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combinaison, c’est-à-dire ceux qui sont les plus sensibles à une attaque par un réactif. Par ricochet, les groupes d’atomes transmis au cours d’une réaction du substrat au produit, sans modification de leur architecture, sont désignés tout aussi clairement, ce sont les groupements que l’on appelait alors radicaux composés. Pour prendre un exemple simple, dans les réactions de l’éthanol c’est tantôt le radical éthanoate, tantôt le radical éthyle qui est conservé : 2 EtOH + 2 Na ‡ 2 EtO-Na + H2 ; EtOH + AcOH ‡ EtOAc + H2O ; EtOH + HCl ‡ Et-Cl + H2O et, selon le mode d’écriture d’Odling :
Atomicité ou valence des espèces atomiques La notion d’atomicité, telle qu’elle a été définie par Laurent et Gerhardt, concernait surtout des groupes d’atomes, les radicaux composés. Au fur et à mesure que les chimistes ont adopté la formulation des réactions selon la notation des types, le nombre de radicaux composés a cru dans des proportions importantes et leur invariabilité dans un grand nombre de transferts réactionnels est devenue un fait incontournable. En chimie organique, la notion d’homologie a mis en évidence un premier radical composé et conduit à en envisager d’autres. C’est ainsi par exemple qu’on a identifié le groupe fonctionnel –CO– des composés carbonylés à partir de la séquence de la série de radicaux CHO, C2H3O, C3H5O, etc. Par la réduction des séries homologues au terme significatif le plus simple, les chimistes arrivent à distinguer dans les radicaux composés de petites entités structurales responsables de leurs propriétés principales, à côté d’autres, essentiellement des groupes alkyles ou analogues, qui n’exercent qu’une influence mineure au cours des réactions20. Un nouveau pas est franchi à partir du moment où l’on arrive à attribuer une atomicité non plus à un radical composé, mais à un atome. Williamson semble avoir été le premier à attribuer à l’oxygène le caractère d’atome de liaison entre le groupe éthyle et un atome d’hydrogène dans l’alcool (éthanol), c’est-à-dire à attribuer à l’oxygène une diatomicité, ainsi qu’une capacité de couplage de deux entités monoatomiques. Mais le premier à généraliser en 1857 l’idée du principe de la fédération d’entités mono- ou polyatomiques par un atome doué de polyatomicité et à la formuler clairement est A. Kekulé. De son côté, Frankland note au cours de ses travaux sur les composés
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organométalliques (1852 et 1856), que « la puissance de combinaison de l’élément attirant est toujours satisfaite pour le même nombre d’atomes ». On arrive rapidement à identifier le caractère monoatomique des halogènes, des métaux alcalins, etc., celui, diatomique, de l’oxygène, du soufre, du zinc, du cuivre, des métaux alcalino-terreux, etc. L’azote et le phosphore, l’aluminium, le bismuth, ainsi que le fer, du moins sous certaines de ses formes, sont triatomiques, etc. En ce qui concerne le carbone, le problème de son atomicité, traité occasionnellement depuis quelques années, est abordé au même moment (1857) par Couper et Kekulé, deux chercheurs venant d’horizons très différents. – A.S. Couper a étudié à Édimbourg la philosophie avec Hamilton (le « pape » de la commonsense philosophy) et est un admirateur de Kant. Il s’est tourné vers la chimie depuis peu seulement en suivant un enseignement de chimie analytique à Berlin (1855), puis en entrant au laboratoire de Würtz l’année suivante, celle du décès de Gerhardt. – A. Kekulé, ancien étudiant en architecture, puis en chimie, possède déjà une bonne pratique de cette science, acquise chez Liebig à Giessen ; il a fait un stage à Paris au laboratoire de Dumas (1851-1852) et s’est lié d’amitié avec Gerhardt, Williamson, Odling et Wurtz. Il vient d’être nommé professeur de chimie organique à Gand (Ghent). À ces chimistes, adeptes des idées de Gerhardt, il convient d’en ajouter deux autres : – H. Kolbe (1818-1884), assistant de Playfair au College of Engineers de Putney (1845), puis de Bunsen à Marburg dont il devient le successeur (1851) comme professeur de chimie ; – Sir E.Frankland, lui aussi élève de Playfair, dont la carrière d’assistant, puis de successeur de Playfair, est parallèle à celle de Kolbe. Ces deux amis ont effectué des travaux en commun à Putney (1847) et à Marburg (1848).
Vues de Couper Dans une note aux Comptes rendus de 185821, Couper, confronté aux idées de la théorie des types soutenue par l’ensemble de son entourage de laboratoire, en réexamine les bases sous l’angle de la philosophie et estime que les formules rationnelles de cette théorie ne résolvent aucun problème. À sa place il propose une « nouvelle théorie chimique » qu’il détaille dans deux mémoires. En ce qui concerne le carbone, cette théorie est fondée sur les principes suivants : – la « puissance de combinaison » la plus forte du carbone est de 4 ; – l’atome de carbone présente deux degrés de combinaison avec l’oxygène dont la puissance de combinaison est de 2 ; – le carbone peut entrer en combinaison avec lui-même et former des chaînes d’atomes ou même des structures cycliques ; – dans ses enchaînements avec lui-même, le carbone peut présenter plusieurs degrés de combinaison (nous dirions aujourd’hui : former des liaisons multiples).
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Dans les formules que Couper propose en remplacement de celles adoptées par Laurent et Gerhardt, il introduit des informations structurales, obtenues par la comparaison de tous les composés organiques connus à son époque. Ses formules pèchent par la notation de l’oxygène, pour lequel il retient une masse atomique de 8, alors qu’il attribue à l’hydrogène la masse atomique unité et au carbone la masse 12. De ce fait, il écrit O – O, là où nous notons O. Il faut relever aussi que les « liens »22 entre atomes et/ou groupes d’atomes qu’utilise Couper (des pointillés dans son article du Philosophical Magazine et des traits dans son mémoire des Annales) sont pour lui des propositions marquant les attractions entre atomes qui lui semblent être les plus favorables et ne représentent en aucune façon des « liaisons » au sens que nous attribuons à ce terme aujourd’hui. Voici quelques exemples de ses formules que nous avons redessinées dans les deux notations. Nous avons ajouté l’écriture moderne de ces formules et, dans le cas de l’acide cyanurique, la formule structurale admise à l’heure actuelle (figure 2.20).
Kekulé et la tétratomicité du carbone Lors de son séjour à Londres23, en 1853, comme assistant de recherche de Stenhouse, Kékulé fait la connaissance de Williamson, avec lequel il discute assidûment des idées de Gerhardt sur les radicaux composés. À ce moment Williamson cherchait à faire apparaître dans les formules synoptiques ces arrangements d’atomes interdépendants en les positionnant, comme nous l’avons vu ci-dessus, d’un côté d’une accolade et en faisant figurer un « agent liant » de l’autre. C’est ainsi qu’il aboutit au type eau, où l’agent liant est l’atome d’oxygène et où des radicaux monovalents peuvent remplacer les atomes d’hydrogène. Ses élèves Odling et Frankland étendent cette idée d’agent liant à d’autres éléments. Kekulé cherche alors à vérifier expérimentalement la validité du concept d’agent liant dont il considère que l’atomicité est fixe. Il démontre expérimentalement que le soufre peut remplacer l’agent liant oxygène dans le type eau, en préparant des hydrogénosulfures d’alkyle (les mercaptans) et des sulfures de dialkyke (les thioéthers). Il continue en 1854 sa démonstration de la divalence de l’agent liant soufre avec la formation de l’acide thiacétique, de son anhydride et de son ester éthylique. De même, Kekulé exprime déjà à Londres le point de vue que les propriétés des composés ne résident pas ailleurs que dans les atomes eux-mêmes et que dans les composés de la chimie organique seules les valences du carbone sont déterminantes dans les actes chimiques.24 Dès 1856, Kekulé critique la notion de radical composé qu’il refuse de considérer comme quelque chose d’absolu. Pour lui, de tels radicaux ne sont rien d’autre que les résidus (au sens de Gerhardt) restés inchangés dans une double décomposition, ils ne sont pas caractéristiques de la substance de départ, mais de la réaction à laquelle elle est soumise. Ainsi, face à une base, l’acide sulfurique perd deux atomes d’hydrogène et le résidu est alors
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Figure 2.20 – Formules de Couper.
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SO4, mais dans sa réaction avec le pentachlorure de phosphore il perd deux groupes OH et le résidu est SO2. Kekulé apprécie l’idée des types condensés, proposés par Williamson et par Odling, propose lui-même des types mixtes et note que, s’il est admissible de combiner les types simples pour former des types plus complexes, il doit aussi être légitime de décomposer ces types simples en atomes dont l’atomicité apparaîtrait alors de façon claire. On peut par exemple considérer que l’ammoniac constitue le produit d’une double décomposition entre l’hydrogène tricondensé (trois molécules H2 réunies en type condensé) et une molécule d’azote. Trois atomes d’hydrogène, un de chacune des molécules, seraient les résidus de la réaction de substitution sur une molécule d’azote qui aurait laissé elle-même un atome d’azote comme résidu. Mais, comme dans la double décomposition les résidus eux-mêmes se recomposent entre eux, il faut admettre que l’atome d’azote possède une triatomicité. Avec des raisonnements analogues on aboutit à l’attribution d’une diatomicité à l’atome d’oxygène, et d’une tétratomicité à l’atome de carbone. Dans sa publication fondamentale Sur la constitution et les métamorphoses des combinaisons chimiques et sur la nature chimique du carbone, publiée dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences en 1858, Kekulé écrit : « Ne considérant que les composés carbonés les plus simples (gaz des marais, chlorure de méthyle, tétrachlorure de carbone, chloroforme, acide carbonique, phosgène, sulfure de carbone, acide prussique, etc.), il est frappant que la quantité de carbone que le chimiste considère la plus petite possible, l’atome, se combine toujours avec quatre atomes d’une espèce monoatomique ou deux d’une espèce diatomique, […] ce qui conduit à admettre que le carbone est tétratomique. » Comme Couper, Kekulé affirme que les atomes de carbone peuvent s’unir en chaînes. Il précise que l’union entre deux atomes de carbone « consomme » une atomicité de chacun des deux atomes concernés, de sorte que « un groupe de deux atomes de carbone = C2 sera hexatomique, il formera des liens avec six atomes d’un élément monovalent » (figure 2.21). Ses expériences sur les composés organiques soufrés ont démontré que des atomes polyatomiques d’autres espèces chimiques (O, N, S, etc.) peuvent unir des chaînons carbonés. L’existence de chaînes carbonées, quoique non exprimée par Gerhardt à l’époque, est à la base de la notion d’homologie qu’il a établie dès 1844. La preuve matérielle de la formation de liaisons entre atomes de carbone est apportée quelques années plus tard, lorsqu’en 1849
Figure 2.21.
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Kolbe soumet une solution d’acétate de potassium à l’électrolyse et obtient de l’éthane, à côté de gaz carbonique, par décomposition de l’ion acétate en dioxyde de carbone et radical méthyle, puis recombinaison de ce dernier sur lui-même. De même, en 1850 au laboratoire de Liebig à Giessen, Frankland obtient entre autres du 2,7-diméthyloctane en traitant de l’iodure d’allyle par le zinc. En 1855 Würtz obtient le même hydrocarbure en soumettant l’iodure d’isoamyle (iodure de 3-méthylbutyle) à l’action du sodium. Mais contrairement à Couper, Kekulé n’évoque pas la possibilité d’une diatomicité du carbone. Bien plus, il rejette l’idée qu’une espèce atomique puisse posséder plusieurs capacités de combinaison. C’est ainsi qu’en réponse à A. Naquet qui constate en 1864 dans une note aux Comptes rendus de l’Académie des sciences que « l’atomicité d’un même corps, comme le soufre, le sélénium et le tellure, peut varier de deux à quatre selon le radical auquel il se combine », Kekulé écrit « L’atomicité est une propriété fondamentale de l’atome, propriété qui doit être constante et invariable comme le poids de l’atome lui-même. » Cependant, ne pouvant nier les faits, il se réfugie dans des distinctions entre atomicité et puissance de combinaison qui ne sont que des artifices verbaux.
Controverses à propos de l’atomicité Deux grandes disputes scientifiques ont marqué le problème de l’atomicité. La première a lieu entre Couper et Kekulé, mais se termine rapidement et tragiquement. Couper, ulcéré du retard dans la publication de sa première note aux Comptes rendus, ce qui donne formellement la priorité à la publication de Kekulé, rend Würtz responsable de cette situation et quitte son laboratoire pour retourner à Édimbourg comme assistant de Playfair. Il publie ses deux mémoires détaillés, puis sombre rapidement dans une dépression nerveuse qui l’empêche d’apporter la démonstration de sa priorité et l’amène temporairement dans une clinique psychiatrique. Il ne se relèvera pas de ce coup du sort et doit quitter la carrière universitaire. L’autre bataille se joue entre Kekulé et le tandem Kolbe/Frankland. Elle débute en 1865, lorsque Frankland rappelle, au cours d’une conférence, que déjà en 1857 il invoquait, en commun avec Kolbe, la tétratomicité du carbone dans leur publication portant sur l’acide acétique et d’autres composés organiques. En 1866 il rappelle que dès 1858, lors d’un cours délivré dans le cadre de la Royal Institution, il avait utilisé l’argument de la tétratomicité du carbone en se fondant sur les principes qu’il avait établis pour la notation des composés organo-métalliques contenant des métaux possédant des polyatomicités. Kekulé ne relèvera pas les réclamations de Frankland. En 1881 Kolbe à son tour rappelle aux chimistes que dans son manuel Lehrbuch der Organischen Chemie, publié en 1857, le carbone était déjà présenté comme tétratomique. Mais ces revandications de priorité ne trouvent que peu d’échos, les aspects structuraux des molécules, auxquels le nom de Kekulé était profondément attaché, étant devenus le sujet du jour.
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Notion de valence Comme il est courant, lorsqu’une idée se popularise et que les expériences qui s’y rattachent se multiplient, la notion d’atomicité devient floue à force d’être disséquée et jette le trouble, car elle peut être facilement confondue avec le nombre d’atomes d’une espèce donnée présents dans une molécule. Certains considèrent l’atomicité comme synonyme de la « basicité » des acides ; Frankland l’identifie à la puissance de combinaison, Odling à une capacité de substitution et Cannizzaro à la capacité de saturation d’un atome. La définition initiale de Gerhardt sera reprise en 1857 par Kekulé dans sa publication sur les radicaux polyatomiques et le terme d’atomicité est utilisé tout au long de son manuel de chimie, en parallèle avec le terme de basicité, considéré par lui comme son synonyme. Cependant, dès 1858 Odling, à la recherche d’un terme plus précis qu’atomicité, propose l’usage du terme « équivalence » pour indiquer la capacité de substitution d’un radical composé, l’atome d’hydrogène étant pris comme unité d’équivalence, mais il n’est pas suivi. En 1865 Hofmann rejette avec véhémence le terme d’atomicité qu’il considère comme barbare et pouvant conduire à des interprétations erronées. À sa place il propose le terme de quantivalence, les espèces atomiques étant désignées comme univalentes, divalentes (initialement appelées bivalentes), trivalentes… conformément à leur capacité à se substituer à un ou plusieurs atomes d’hydrogène. Son propos est mieux accueilli que celui d’Odling et le terme de quantivalence est repris par H.E. Roscoe, J.P. Cooke et Würtz dans différentes publications et manuels. En 1868 H. Wichelhaus clôt la bataille sémantique en suggérant de raccourcir le terme quantivalence en « valence », « Valenz » ou « Wertigkeit » dans l’aire linguistique germanique. Ce nouveau terme est rapidement accepté par la communauté scientifique.
Aspects rétrospectifs et prospectifs de la chimie vers 1860 : un bilan Les premières années du XIXe siècle sont marquées par la théorie dualiste de Lavoisier et les progrès que Klaproth fait faire à l’analyse chimique quantitative ; ils conduisent aux lois de Richter, Proust, Dalton, Gay-Lussac, qui fixent les proportions dans lesquelles les substances se combinent entre elles. L’examen des proportions pondérales permet à Dalton d’établir la notion d’équivalents et de proposer l’hypothèse atomique, selon laquelle toute espèce simple est formée de particules ultimes, appelées atomes, les plus petites parcelles de cette espèce à présenter la totalité de ses caractéristiques, en particulier une masse définie, la masse atomique. Les recherches de Gay-Lussac sur les proportions volumétriques l’amènent à rejeter la formule que Dalton attribue à l’eau. Ses travaux conduisent en
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définitive à une différentiation des notions d’équivalent et de masse atomique. Cette différentiation met plusieurs dizaines d’années à être acceptée par l’ensemble des chimistes et l’existence temporaire de plusieurs échelles de masses atomiques empoisonne la progression des connaissances dans ce domaine. Dans le domaine des réactions, Berzelius énonce sa théorie dualistique électro-chimique, selon laquelle chaque combinaison chimique se forme par l’union de deux entités antagonistes. Ces entités sont le plus souvent des atomes, mais aussi des groupes d’atomes, chargés électriquement, que Berzelius appelle radicaux et qui conservent leurs spécificités au cours des transferts réactionnels (par exemple radicaux SO4, NO3, CN, etc., mais aussi fragments de molécules de la chimie organique). Mais la théorie de Berzelius n’est pas satisfaisante pour expliquer l’existence des molécules di- ou polyatomiques des corps simples. C’est pourquoi Dumas, Laurent et Gerhardt préfèrent examiner les composés chimiques d’un point de vue unitaire. Leurs théories de la substitution et celles des types, ceux de Gerhardt en particulier, permettent de bien cerner la capacité de combinaison des radicaux, les entités subissant un transfert au cours des réactions de double décomposition. Cette capacité de combinaison ou de substitution est rapportée à celle de l’hydrogène qui est unitaire et désignée par le terme d’atomicité. Gerhardt préconise quatre types fondamentaux de molécules, HCl, H2, H2O et NH3, auxquels il rapporte l’ensemble des composés chimiques. Les modes de représentation écrite de ces combinaisons évoluent ; l’usage des formules synoptiques, destinées à mieux représenter les métamorphoses chimiques, se généralise. On arrive à identifier un grand nombre de parties communes à plusieurs composés chimiques, ainsi que celles échangées le plus rapidement et le plus souvent. Vers 1860 on arrive à proposer l’attribution à chaque espèce atomique d’une ou quelquefois de plusieurs atomicités, simples ou multiples. Couper rejette les formules synoptiques et propose leur remplacement par des représentations graphiques faisant apparaître les positions relatives les plus vraisemblables des atomes d’un groupe, une ébauche d’arrangement structural. À l’aide de ces dispositions, il cherche à interpréter les propriétés spécifiques de différents groupements d’atomes, ainsi que les phénomènes d’isomérie. À la moitié du XIXe siècle il est acquis pour la majorité des chimistes que : – la matière est corpusculaire et formée d’atomes ; – chaque espèce atomique possède au moins une atomicité ; certaines en possèdent plusieurs, par exemple C, S, P, etc. – selon le cas, les atomes sont doués d’une mono-, di- tri- ou tétratomicité, c’est-à-dire qu’ils peuvent fixer 1, 2, 3 ou 4 substituants à monoatomicité, ou être engagés dans plus d’un lien avec d’autres atomes à polyatomicité ; – les atomes de carbone sont capables de s’unir entre eux et de former ainsi des chaînes, voire des cycles. Dans certains composés des atomes de carbone
De la théorie des types aux premières formules structurales
peuvent posséder des atomicités non partagées, « en sommeil », susceptibles de fixer ultérieurement des entités mono- ou pluriatomiques ; – des atomes doués de di- ou de triatomicité peuvent être insérés dans des chaînes carbonées ; – dans les molécules de la chimie organique au moins, on peut identifier des groupements caractéristiques, sièges des réactions chimiques, ce sont les groupements fonctionnels. En même temps les chimistes pressentent la nature et les modes d’enchaînement des atomes dans les composés. Le monde chimique est mûr pour une nouvelle aventure, celle de l’exploration des structures spatiales des molécules.
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Chapitre 3
Représentations de la structure chimique
Représentation de l’enchaînement des atomes Avec la théorie structurale de Couper (1858) s’amorce le passage des formules rationnelles synoptiques de Gerhardt, qui ne leur attribue que la valeur de « formules de réaction dont la fin est d’exprimer les phénomènes de métamorphose chimique », vers les formules de constitution de Butlerov qui visent à « indiquer les relations qui existent entre les atomes dans une molécule composée ». Les principaux acteurs de cette évolution sont Couper, Kekulé, Butlerov en ce qui concerne la notion de structure chimique, auxquels on doit ajouter Loschmidt, Crum Brown et Frankland pour ce qui concerne sa représentation graphique.
Vues de Kekulé Saisissant une idée dont il dit dans sa publication de 1858 que Williamson, Odling, Gerhardt et Würtz se partagent la priorité, A. Kekulé apporte la confirmation de la tétratomicité du carbone en démontrant que ses quatre « unités de force chimique » (les quatre atomicités ou valences) se combinent avec quatre éléments1 monoatomiques ou deux éléments diatomiques. Mais contrairement à Gerhardt, Williamson, Odling, Würtz et Couper, il n’admet l’existence que d’une seule atomicité pour chaque élément, ce qui le met en conflit avec la majorité des chimistes. Dans son Lehrbuch der Organischen Chemie (manuel de chimie organique) dont la publication par fascicules a commencé en 1859, Kekulé use d’une notation curieuse, dite « en chapelet de saucissons » par raillerie (figure 3.1). Par ailleurs, il utilise des formules linéaires, par exemple H–O–O–O–Cl pour l’acide chlorique et H–O–S–O–O–O H pour l’acide sulfurique, etc. Mais dans ses publications, on trouve aussi des formules synoptiques, au moins
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Figure 3.1 – Notation de Kekulé.
jusqu’en 1864. Une seule fois encore, Kekulé reprend les dessins en chapelets de saucissons dans un article (1858) traitant de la constitution des composés aromatiques. Dans ce même traité, Kekulé exprime au sujet de ces dessins ses réticences en ce qui concerne leur représentativité de la structure moléculaire : « Bon nombre de chimistes, aussi étrange que cela paraisse, pensent que de l’étude des transformations chimiques on pourrait déduire avec certitude la constitution des composés et que par conséquent la disposition relative des atomes peut être représentée dans les formules chimiques. Que cette dernière hypothèse est intenable ne réclame aucune vérification, les molécules des corps composés constituent des agrégats d’atomes qui occupent, dans l’espace, une portion déterminée. Représenter cet arrangement par une formule ou par une figure plane est une chose impossible… il faudrait pour le moins un dessin perspectif ou des modèles matériels. Il est tout autant clair que l’on ne peut indiquer avec certitude les dispositions des atomes qui ne sont pas touchés à l’occasion d’une réaction chimique. On ne peut s’assurer de la constitution des substances qu’au travers de l’étude comparative des propriétés physiques, hors de toute réaction. » Il persiste dans cette opinion en déclarant en 1865 : « Je conserve la forme que j’avais adoptée en 1859 en exprimant pour la première fois mes vues sur la constitution atomique des molécules.
Représentations de la structure chimique
Cette forme est d’ailleurs presque identique avec celle dont M. Würtz s’est servi dans ses belles leçons de philosophie chimique. Elle me paraît préférable aux modifications proposées par MM. Loschmidt et Crum Brown. » Ces Leçons de philosophie chimique, publiées en 1864, ont été délivrées en 1863 devant la Société Chimique de Paris, nouvellement créée. A. Würtz2 y rapporte les travaux de Kekulé sur le carbone tétravalent en utilisant une variante des formules «saucisson», plus commode pour les imprimeurs (figure 3.2).
Figure 3.2 – Les points d’attache de l’affinité (Würtz).
Il insiste sur le fait que ces représentations graphiques sont dépourvues de toute signification structurale, en écrivant : « Il est bon de faire observer que cette figure et les suivantes ne représentent, en aucune façon, ni la forme, ni la position des atomes. Elles indiquent simplement leurs rapports mutuels et en quelque sorte les points d’attache de l’affinité. Chaque compartiment représente une unité de force chimique ou d’affinité. » Würtz explique comme suit les vues de Kekulé sur l’enchaînement des atomes dans les hydrocarbures saturés : « Lorsqu’on considère ses combinaisons saturées les plus simples, l’atome de carbone fixe invariablement 4 atomes d’un élément monoatomique (→ CH4, CCl4, CH3Cl, CH2Cl2, CHCl3) ou 2 atomes d’un élément diatomique (→ CO2, COCl2, CS2) ; il dispose par conséquent de 4 « unités de force chimique ». Mais dans les séries renfermant plusieurs atomes de carbone, il faut admettre que ces derniers sont rivés ensemble par une portion de l’affinité qui réside en eux. Ainsi, dans toutes les combinaisons saturées qui renferment 2 atomes de carbone, 1 atome C est directement combiné avec l’autre et échange avec lui
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une unité de force chimique, de telle sorte que des 8 unités de force chimique qui résident dans les 2 atomes C, 2 unités sont satisfaites par leur combinaison et qu’il n’en reste plus que 6 qui soient, pour ainsi dire, disponibles (1), voilà pourquoi le corps C2H6 constitue l’hydrocarbure-limite (2) de la série des combinaisons de carbone et d’hydrogène qui renferment 2 atomes de carbone… À mesure qu’on s’élève dans la série, chaque atome C s’attache en quelque sorte à un autre atome de carbone… chacun perdant une affinité par son contact avec chacun de ses voisins, à l’exception des deux extrêmes qui n’en perdent qu’un, parce qu’ils n’ont qu’un seul voisin (3). Il est évident que la somme des atomes d’hydrogène qui pourront se fixer au maximum sur cette chaîne d’atomes de carbone sera le double plus 2 de la somme de ceuxci. On explique ainsi la formation de la série saturée CnH(2n+2) Mais les carbures d’hydrogène ne sont pas toujours saturés, et lorsqu’il en est ainsi on peut supposer que un ou plusieurs atomes de carbone y manifestent la puissance de combinaison que cet élément exerce dans l’oxyde de carbone ». (Voir plus loin le problème de l’insaturation et de sa notation.) Cette démonstration, qui est presque un plaidoyer, peut paraître totalement inutile de nos jours, mais pour comprendre le souci de détail de Würtz, il faut se placer dans le contexte de l’époque. Au moment où Kekulé émet l’hypothèse de la tétratomicité du carbone, la notion d’atome, défendue en France par Würtz, n’est admise que par une minorité de ses collègues chimistes. Comme le soulignait en 1957 son président, à l’occasion du centenaire de la Société Chimique de France : [En France, sur ce sujet] « les conceptions, les symbolismes de trois écoles rivales se heurtaient violemment. Celle de Sainte-Claire Deville, issue des précurseurs de la chimie-physique, Berthollet, Gay-Lussac, se recrutait à l’École Normale Supérieure : elle continuait de s’exprimer en notation dualistique. Sous l’égide de Berthelot, la seconde, l’École de Pharmacie, reconnue comme une « pépinière de chimistes », formulait en équivalents (à la fin du XIXe siècle Berthelot s’enorgueillissait encore (!) d’avoir conservé la notation en équivalents). Würtz à l’École de Médecine conduisait la troisième ; avec ses disciples enthousiastes et de qualité, Friedel, Ladenburg, Lauth, de Clermont, Salet, Crafts, Grimaux, Louguinine, Beilstein… elle formait « l’école militante de la théorie atomique », essayant de donner une image des liaisons entre atomes dans des formules développées ou formules de constitution ».
Représentations de la structure chimique
Représentations structurales de Loschmidt J. Loschmidt3 est un chimiste presque inconnu, lorsqu’en 1861 il publie, à ses frais, un fascicule d’une cinquantaine de pages et sept tableaux contenant 368 formules structurales4 (figure 3.3).
Figure 3.3 – Schémas structuraux de Loschmidt.
Malgré un certain nombre d’erreurs résultant de prémisses chimiques reconnues fausses par la suite, cet opuscule est particulièrement intéressant du point de vue de la méthode de travail de l’auteur dans sa recherche de la réalité structurale des molécules au moyen de l’outil de travail que constitue la valence5. En effet, contrairement aux autres chimistes de son temps, Loschmidt voulait que ses représentations graphiques correspondent à des réalités structurales. Se référant à Liebig, il admet le caractère corpusculaire de la matière dont les particules ultimes, les atomes, constituent une part extrêmement petite du volume global, même dans les états liquide et solide. Les distances
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qui les séparent sont élevées par rapport à leurs diamètres. À l’intérieur des structures moléculaires, les positions des atomes sont équilibrées sous l’effet des forces d’attraction et de répulsion. Pour Loschmidt, les molécules possèdent par conséquent une structure rappelant celle de notre système planétaire. Ce point de vue une fois accepté, il est possible, en particulier dans le cas des molécules de corps simple, où tous les atomes ont les mêmes propriétés, de déterminer le rayon d’action de chaque atome, c’est-à-dire la distance entre le centre de l’atome et le point où les forces d’attraction et de répulsion avec l’atome voisin s’équilibrent, puis de tracer la sphère d’action liée à ce rayon. Dans les formules rationnelles des molécules Loschmidt note, comme Odling, les valences des espèces atomiques par des apostrophes : H’, O’’, N’’’, C’’’’. En revanche, pour la représentation graphique d’une molécule dans un plan, il propose de retenir pour chaque atome la trace de sa sphère d’action, c’est-à-dire un cercle6. Pour distinguer entre elles le petit nombre d’espèces atomiques qui interviennent dans la plupart des molécules de la chimie organique, il retient un petit cercle pour l’atome d’hydrogène et un cercle de taille double pour le carbone. Pour les espèces atomiques moins fréquentes que sont l’oxygène et l’azote, il retient un cercle de la taille de celui représentatif du carbone, doublé ou triplé intérieurement (n° 1 à 4 de la figure 3.3). Les atomes unis par une liaison simple sont figurés par des cercles tangents ; dans le cas de liaisons multiples, les cercles s’interpénètrent pour indiquer une interaction plus forte, la multiplicité des liaisons étant figurée par des traits. Il retient les valences suivantes pour les atomes : H’, Cl’, Br’, I’, O’’, S’’, N’’’, C’’’’ ; pour les fonctions chimiques monovalentes : hydroxyde O’’ H’ et amino N’’’H’H’ ; pour les fonctions chimiques divalentes : imino N’’’H’. Pour les molécules monocarbonées, cela le conduit aux représentations n° 5, ainsi que 8 à 15, de la figure. Il faut noter qu’en ce qui concerne le méthanal, Loschmidt relève que seul son dérivé dichloré (le phosgène) est connu (nous sommes en 1861) ; pour l’acide carbonique il note que seuls ses sels (les carbonates et hydrogénocarbonates) sont connus. Si les solutions graphiques sont aisées dans le cas des composés monocarbonés, un certain nombre de questions apparaissent, dès que le nombre d’atomes de carbone est égal à 2. Dans le cas des hydrocarbures saturés, des structures linéaires ou ramifiées apparaissent7 à partir des carbures en C4. Dans la série des carbures insaturés, s’il n’y a pas d’ambiguïté pour l’éthène (n° 16) ou pour l’éthyne (n° 17), Loschmidt discute déjà de différentes possibilités structurales dans le cas de l’allyle, pour lequel il envisage même la possibilité d’une structure cyclique (n° 18). Lorsque le composé contient de l’oxygène, cette espèce atomique peut être engagée dans une liaison double avec un seul atome de carbone, unir deux chaînons carbonés ou unir un carbone et un atome d’une autre espèce. Des isomères se présentent déjà dans le cas des propanols. Pour la construction des graphismes des molécules pluricarbonées, Loschmidt part du « principe d’assemblage » d’unités monocarbonées que l’on peut imaginer se fixant sur des molécules de structure connue,
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soit par substitution, soit par addition ou même réorganisation profonde de groupes d’atomes. Des informations d’ordre chimique sont ensuite invoquées pour confirmer ou infirmer la validité des dessins. Par exemple : C2H6O peut correspondre à l’union d’une entité méthane et d’une entité méthanol, avec élimination de H2, l’un des atomes d’hydrogène étant fourni par le méthane, l’autre pris sur le carbone du méthanol ou sur son oxygène. On aboutit ainsi à la formation soit d’éthanol, soit de méthoxyméthane (n° 19 et 20). Les propriétés chimiques des alcools et des éthers étant déjà connues en 1860, on pouvait valablement procéder à une attribution de structure pour les substances en CnH(2n+1)OH. Etc. Nous en resterons là pour l’instant en ce qui concerne les vues de Loschmidt et y reviendrons au moment de la discussion des structures des composés aromatiques.
Théorie structurale de Butlerov Au cours de son année post-doctorale, en 1857-1858, A. Butlerov est accueilli plusieurs mois au laboratoire de Würtz à Paris, au moment où Couper y développe sa theorie structurale des composés carbonés. Puis il effectue une visite prolongée à Heidelberg chez Kekulé dont le centre d’intérêt est le même. Aussi, en occupant sa chaire à Kazan en 1858, est-il largement familiarisé avec les idées de ses deux collègues sur la nature du carbone et les partage. Pour la même raison que Couper, Butlerov rejette la théorie des types, basée sur les seules réactions de substitution ; les réactions d’addition ne peuvent pas être représentées par les formules typiques de Gerhardt. Éloigné de ses collègues de l’Ouest européen avec lesquels il ne peut entretenir qu’une correspondance, il élabore dans la lointaine université de Kazan8 sa propre théorie de la structure chimique et l’expose en 1861 au Congrès de Spire (Speyer – Versammlung der Deutschen Naturforscher und Ärzte). Le concept de base de Butlerov est l’exigence d’une bi-univocité entre la structure d’une molécule et sa représentation (sa formule) : à un composé donné on ne peut attribuer qu’une seule structure représentative et à une structure donnée ne peut correspondre qu’un seul composé. Il précise que par structure représentative il entend la figuration de l’enchaînement des atomes dans un plan, à l’exclusion des positions relatives des atomes dans l’espace. À travers cette exigence il rejette la pratique en usage dans le cadre de la théorie des types et qui consiste à adapter la présentation de la formule d’une molécule en fonction de la réaction chimique à laquelle celle-ci est soumise. Jusqu’à ce point il n’existe pas de réelle différence, en ce qui concerne le carbone, entre les vues de Butlerov et celles de Kekulé, mise à part la possibilité d’une multiplicité des valences, rejetée par le second qui indique, lui aussi, que ses représentations graphiques ne sauraient traduire les positions relatives des atomes de la molécule dans l’espace, bien qu’il estime que ce sont elles qui déterminent en premier lieu les propriétés chimiques de chaque
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substance. De même, Kekulé pense (1861) que des atomes disposés côte à côte dans la molécule ne peuvent pas être regroupés sur le papier de façon telle que l’on puisse distinguer dans une unique formule ceux qui sont placés côte à côte au cours de réactions chimiques. Butlerov n’est pas de cet avis et ne croit pas « qu’il soit impossible, comme le pense M. Kekulé, de rapporter sur un plan la position des atomes dans l’espace ; il est évident que les formules mathématiques le pourraient bien, et il est à espérer que les lois qui régissent la formation des molécules chimiques trouveront un jour leurs expressions mathématiques. Je ne crois pas non plus, avec M. Kolbe, que l’existence des atomes une fois reconnue, nous ne parvenions jamais à déterminer leur position dans l’espace ; mais je pense qu’il est utile pour le moment de laisser de côté l’hypothèse atomique, qui, quoique probable, n’est pas encore nécessaire pour nos considérations purement chimiques. » Mais dans sa théorie de la structure chimique Butlerov va plus loin que Kekulé. Il affirme que le concept d’atomicité des éléments peut constituer la base d’une théorie générale de la structure des composés et contribuer à une profonde avance dans la pensée scientifique. Il définit comme suit en 1861 la structure chimique : « Partant du fait que chaque atome possède une quantité définie et limitée de force chimique (affinités) avec laquelle il prend part dans la formation d’un corps composé, j’appelle cet arrangement chimique, c’est-à-dire le genre et la manière des liaisons mutuelles des atomes dans le composé, sa « structure chimique ». Par ailleurs il ajoute : « Je crois qu’à l’heure actuelle il est possible de remplacer la règle selon laquelle la nature d’une molécule complexe serait déterminée par la nature, la quantité et la position de ses composantes élémentaires et de dire : la nature chimique d’une molécule complexe est déterminée par la nature de ses éléments constituants, leurs quantités, et la structure chimique ». La structure chimique d’un corps composé, représentée par une « formule structurale », constitue plus qu’un assemblage mécanique des atomes constitutifs dans le respect de leurs atomicités. Elle est le fondement des propriétés chimiques de ce composé. Butlerov note que « lorsque les lois générales qui régissent l’interdépendance entre la structure et les propriétés chimiques seront maîtrisées, les formules structurales exprimeront toutes les propriétés. » Mais il ne fournit aucun modèle d’écriture a priori et pense que seuls le temps et l’expérience
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montreront à quoi ces formules ressembleront en définitive. L’habitude étant une seconde nature, lui-même reste fidèle au départ à des formules à accolades, malgré le risque d’une confusion avec des formules typiques. Après une période confuse, le mode de représentation de Couper, avec ses liaisons entre atomes matérialisées par des traits, s’impose, puis évolue d’un mode d’écriture vertical au mode d’écriture horizontal actuel. Dans son étude des problèmes d’isomérie, en particulier ceux de l’isomérie de structure du squelette carboné et de l’isomérie de position de la fonction chimique, Butlerov recourt à la théorie structurale pour une étude prévisionnelle des isomères possibles. Il explique en 1864 la possibilité d’existence de structures issues d’une même collection d’atomes, mais non équivalentes entre elles, par des différences dans les enchaînements des atomes et amorce ainsi une discussion approfondie de la notion d’isomérie : « En général deux molécules ayant la même composition empirique (aujourd’hui on dirait centésimale) doivent être identiques et non isomères si la relation qui existe entre chaque atome élémentaire et toutes les autres parties constituantes d’une molécule est la même dans les deux cas, et en même temps deux ou plusieurs atomes de carbone ou d’un autre élément quelconque entrant dans la composition de la molécule ne peuvent être distingués l’un de l’autre que par la différence de la relation chimique qui existe entre chacun de ces atomes et les autres parties constituantes de la molécule. » Pour traduire cette relation chimique qu’il dénomme « liaison chimique », il choisit d’utiliser « la parenthèse du côté gauche comme indice de l’union des atomes de carbone entre eux » (voir exemple p. 86, fig. 3.10). Quelques années plus tard, en 1867, Butlerov discute des possibilités d’existence des butanes et des butènes isomères (2 à chaque fois), ainsi que de celles des alcools en C4 (quatre possibilités). C’est dans ce contexte qu’il avait préparé auparavant le triméthylcarbinol (2-hydroxy-2-méthylpropane), mettant ainsi en évidence les possibilités d’isomérie de position de la fonction alcool. Les résultats de l’oxydation des alcools en C4 illustrent la dépendance des propriétés chimiques de la structure dans le cas des isomères. Au cours de son oxydation, le butane-1-ol conduit au butanal, le butane-2-ol à la butanone et le 2-hydroxy-2-méthylpropane est fragmenté en acides. Ses élèves Popov, Markovnikov et Zaitzev travailleront dans le même esprit et étudieront particulièrement les effets structuraux dans les réactions de substitution, d’addition, d’isomérisation et de réarrangement. Cette nouvelle façon d’aborder les problèmes chimiques constitue un tournant capital dont Couper, Butlerov, Friedel et Ladenburg seront les premiers à prendre conscience. De la déduction de structures à travers les réactions chimiques on passe à la prévision des réactions utiles à l’établissement de structures moléculaires données. Comme le souligne M. Blondel-Mégrelis
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dans son étude de 1987 Types et structure chimiques : deux modes d’abstraction de la chimie du XIXe siècle : « C’est la méthode chimique qui est modifiée, nous dirions même « inversée » : au lieu de partir des faits et de les exprimer par une formule suggérant les arrangements, on partira d’une constitution supposée – suggérée certes par les faits, mais non déduite naturellement d’eux – et on ira aux faits pour leur en demander la ratification. Inversion de la méthode chimique qui, au lieu de construire la théorie par généralisation et induction à partir des faits, demande aux faits de sanctionner la théorie première, théorie exprimée au moyen de la formulation, articulation désormais centrale de la méthode. Mieux, elle demande à la théorie de constituer un guide pour l’expérience, un moyen de découvertes. » Les formules structurales, expression de ce nouveau courant de pensée, sont mal accueillies par les chimistes positivistes. En Allemagne, Kolbe écrit à Frankland : « À vrai dire, je considère toutes ces représentations graphiques comme inexactes et dangereuses ; dangereuses, parce que la fantaisie gagne trop du champ libre, ainsi que le montre l’exemple de Kekulé qui a abandonné depuis longtemps l’intelligence en faveur de la fantaisie. Il est impossible et nous n’arriverons jamais à gagner une idée de l’ordre spatial des atomes. » En France c’est M. Berthelot9 qui critiquera férocement les formules structurales : « En effet, presque tous les systèmes construits en chimie organique depuis quarante ans présentent ce caractère commun et singulier d’être fondés à peu près exclusivement sur la combinaison des signes et des formules. Ce sont des théories de langage et non des théories de faits, ces dernières constituant seules des doctrines véritables. Aussi est-il arrivé bien souvent aux chimistes de prendre les propriétés des nombres, cachées dans leurs formules, pour les propriétés mystérieuses des êtres véritables : illusion analogue à celle des pythagoriciens, mais peut-être moins justifiée par la nature des sciences expérimentales. »
Notation de Crum Brown et ses aspects pédagogiques Après des études de médecine et de chimie, Crum Brown, élève de Frankland et condisciple de Couper, présente en 1861 une thèse de doctorat de chimie intitulée On the theory of chemical combination10 à Édimbourg. Il cherche à
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répondre à deux questions fondamentales : Quelle est la nature des forces qui maintiennent ensemble les atomes dans une molécule ? Comment peut-on déterminer leur nombre et leurs directions d’action ? Crum Brown illustre son mémoire avec des formules d’un genre nouveau, où les atomes sont représentés par leur symbole placé dans un cercle. Pour représenter les molécules, il réunit les atomes en traçant entre eux des lignes de force en pointillés, à la façon de Higgins et Couper (figure 3.4).
Figure 3.4.
Ces formules n’ont été vraiment rendues accessibles à la communauté scientifique qu’en 1864, dans un article où Crum Brown remplace les pointillés par des traits et précise que dans ses notations des molécules il ne cherche pas à représenter la position physique des atomes, c’est-àdire leur disposition réelle dans l’espace, mais seulement leur « position chimique », c’est-à-dire les séquences de leurs enchaînements (figure 3.5). Crum Brown détaille son modus operandi dans les cas du méthane et de l’éthylène : il place d’abord face à face les atomes qu’il estime voisins, puis les réunit par des traits de valence remplaçant les pointillés utilisés dans sa thèse. Ses formules permettent en particulier de distinguer des structures isomères plus aisément que d’autres modes d’écriture (cf. représentation des propanols dans la figure).
Figure 3.5 – Exemples de formules de Crum Brown.
Selon C.A. Russel (1971), la notation de Crum Brown apparaît à un moment particulièrement opportun en Grande-Bretagne, celui d’une grande demande d’éducation populaire, caractérisée par l’apparition de journaux de vulgarisation des connaissances scientifiques. Cette demande accompagne une rénovation des enseignements techniques et l’introduction de la chimie dans leurs
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programmes. Ces enseignements doivent être rendus accessibles à la classe laborieuse et à des jeunes gens ne possédant pas de véritable bagage scientifique préliminaire, ce qui impose des méthodes d’enseignement plus proches du concret que de l’abstrait. Dans ce contexte la notation de Crum Brown a pu rendre de grands services, car elle permet de prendre conscience de façon parlante des notions de valence, d’homologie et d’isomérie. Le nouveau mode de représentation des molécules séduit immédiatement plusieurs chimistes, Frankland à Edimbourg en particulier. Il l’utilise au tableau noir, comme l’illustre l’extrait suivant des notes prises par un de ses étudiants (figure 3.6).
Figure 3.6 – Extrait de notes prises lors du cours de Frankland.
Dans l’abrégé de son cours Lecture notes for chemical students11, qu’il publie en 1866 avec Japp, l’un de ses étudiants, Frankland recourt à cette notation pour introduire la théorie de l’atomicité auprès de « chimistes praticiens ». Il y complète les symboles des atomes en faisant apparaître les liens qu’ils peuvent former avec d’autres éléments. Il s’en sert aussi pour la représentation des molécules de quelques corps simples (figure 3.7).
Figure 3.7 – La notation adoptée par Frankland.
La même année il propose une simplification de l’écriture des formules typiques par la symbolisation des noms des groupements homologues sous la forme d’acronymes (figure 3.8).
Représentations de la structure chimique
Figure 3.8.
Il préconise la notation de Crum Brown chaque fois qu’il peut et réussit à l’imposer dès 1871 pour les épreuves d’examen relevant du Department of Science and Arts dont il était l’examinateur en chimie. C.A. Russel indique qu’en 1877 il présente ainsi le bilan de l’utilisation de la notation de Crum Brown dans ses cours : « Pendant plus de dix ans j’ai acquis une expérience considérable dans leur utilisation, avec des classes importantes d’étudiants chimistes, et j’ai été très satisfait du résultat. Par le moyen de cette méthode, les étudiants arrivent au même point dans leur curriculum, dans environ deux tiers du temps qui était nécessaire en utilisant la méthode ancienne ». À Londres, A.W. Hofmann fait faire en 1865 des modèles matériels pour ses cours à la Royal Institution (figure 3.9).
Figure 3.9 – Modèles de démonstration en bois de A.W. Hofmann.
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Ainsi, sous l’impulsion de Frankland, la notation de Crum Brown s’impose rapidement dans l’enseignement en Grande-Bretagne, surtout sous une forme légèrement simplifiée dans laquelle le cerclage des symboles atomiques est omis. Dans le reste de l’Europe cette notation met beaucoup plus de temps pour percer dans l’enseignement ; il en va de même dans les publications scientifiques, y compris en Grande-Bretagne. Un rapide examen des articles et mémoires parus entre 1864 et 1870 dans quatre publications de chimie, en français (Comptes rendus de l’Académie des sciences, Annales de chimie) en allemand (Berichte der deutschen chemischen Gesellschaft) et en anglais (Proceedings of the Royal Society) fait apparaître une préférence pour l’utilisation des formules « typiques délayées »12, une introduction de plus en plus conséquente des formules « semi-développées », d’abord verticalement, puis horizontalement et une utilisation limitée des formules développées. (Voir figure 3.10 quelques exemples de formules de cette époque de transition.)
Figure 3.10 – Évolution de l’écriture des formules des composés chimiques entre 1850-1870.
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Cependant, après 1870 la nouvelle notation va s’imposer partout, en dépit des craintes et mises en garde exprimées par Kekulé quant au risque de confusion entre la réalité spatiale de l’architecture d’une molécule et sa projection dans le plan que représente le dessin sur la feuille de papier. Ces craintes ne sont pas sans justification et Kekulé qui les a souvent exprimées le savait par expérience, lui qui avait fait des études d’architecture avant de devenir chimiste et qui avait, dès 1867, utilisé des modèles en bois dont les valences se dirigeaient effectivement dans l’espace selon une géométrie tétraédrique. Ce risque d’une confusion entre le dessin et la réalité a trouvé une illustration parfaite en 1885 dans la « théorie de la tension dans les hydrocarbures cycliques saturés » de A. von Baeyer, un bel exemple de suggestion collective. Fondée sur l’idée arbitraire d’une planéité des cycles carbonés saturés, cette théorie prenait la différence entre les angles de liaison dans ces cycles et la valeur normale de ces angles (109° 28’) dans les chaînes carbonées ouvertes comme mesure d’une contrainte ou « tension », à l’origine d’une plus grande réactivité de ces composés cycliques. Elle a été mise en question dès 1890 par H. Sachse qui a démontré la possibilité, pour le cycle à six chaînons, d’exister dans une disposition non planaire, dépourvue de tension. C’est l’amorce de la théorie conformationnelle, rejetée à l’époque parce qu’on n’arrivait pas à mettre en évidence des conformères du cyclohexane. En 1918, E. Mohr reprend les idées de Sachse et démontre que l’interconversion des conformères du cyclohexane exige peu d’énergie, de sorte que l’on n’observe qu’un équilibre entre conformères dans le cas du cyclohexane. Il faut attendre les travaux de sir Derek Barton et de son équipe, vers 1950, pour la mise à mort de la théorie de Baeyer. Il est remarquable que cette théorie ait été décrite en détail et sans critique dans de nombreux manuels de chimie jusque dans les années 1960, du fait de la notoriété de son auteur et de l’impression de planéité qui se dégage de la projection de la structure des cycles carbonés dans un plan. Son retentissement a été tel qu’en 1987 encore des manuels de grande réputation13 se sont sentis obligés de l’exposer, avant de la condamner. Pour un grand nombre de chimistes la description des structures moléculaires par leur projection dans un plan a occulté la réalité tridimensionnelle de ces structures.
L’insaturation et sa notation L’insaturation de certaines molécules carbonées a été mise en évidence dès 1794, dans la préparation de la « liqueur des quatre Hollandais »14 (1,2-dichloroéthane) par action d’acide sulfurique concentré sur de l’éthanol, suivie de celle de dichlore sur le gaz (éthène) formé. Au cours du demi-siècle qui a suivi, d’autres composés insaturés ont été préparés, de sorte qu’au moment de la percée de la théorie de la valence la résolution du problème de l’insaturation s’est posée avec acuité, liée à celui de la possibilité de la multiplicité des valences. En 1861, confronté à ce problème au cours de son étude de l’isomérie des acides maléique et fumarique, Kekulé, tenant d’une atomicité unique pour
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chaque espèce atomique, propose sa théorie de la « lacune de saturation » (« Lückentheorie »), mais ne fournit pas de dessin représentatif et laisse ouverte la possibilité d’une liaison multiple ; son opinion ne semble pas encore vraiment faite. Dans sa discussion des isoméries des acides itaconique, citraconique et mésaconique, il est plus précis : « lorsque deux atomes d’hydrogène sont manquants, on est en présence de deux affinités du carbone non saturées, il existe pour ainsi dire, une lacune de saturation. On peut trouver là l’explication de l’extrême facilité avec laquelle ces acides fixent de l’hydrogène ou le brome : leurs affinités libres tendent à être saturées et la lacune close. » Enfin, en 1867, il revient sur le sujet avec son élève Th. Swarts et illustre son texte avec les formules représentées sur la figure 3.11.
Figure 3.11 – Illustration de la théorie de la lacune de saturation.
Comme on peut le voir, en faisant le choix soit d’un atome de carbone tétratomique à double lacune de saturation, soit de deux atomes de carbone tétratomiques à double liaison, Kekulé fournit une réponse de normand. Il ne pouvait faire mieux en l’occurrence et semble avoir abandonné la théorie de la lacune de saturation au cours des années 1870. De son côté, Würtz ne suit pas entièrement Kekulé au cours de ses Leçons de philosophie chimique, en expliquant que : « l’oxyde de carbone renferme un seul atome de carbone et un seul atome d’oxygène : le carbone y joue donc le rôle d’un élément diatomique, car il est combiné avec un seul atome d’un élément diatomique. » « Supposons maintenant que 2 atomes de carbone diatomique échangent 2 affinités, 2 autres resteront libres et pourront fixer 2 atomes d’hydrogène. C’est ainsi qu’on peut représenter la constitution de l’acétylène. Mais nous savons que l’oxyde de carbone peut se combiner directement avec l’oxygène et le chlore : le carbone passe alors à l’état tétratomique. Ses affinités sommeillaient en quelque sorte : elles se réveillent, et les voilà entièrement satisfaites dans l’acide carbonique
Représentations de la structure chimique
et dans le chlorure de carbonyle (phosgène). Cela étant admis, il paraît naturel de supposer que le carbone qui est diatomique dans l’oxyde de carbone et tétratomique dans l’acide carbonique, peut entrer dans les combinaisons organiques, par exemple dans beaucoup de carbures d’hydrogène, tantôt comme élément diatomique, tantôt comme élément tétratomique. Ce dernier cas se présente dans les carbures saturés de la série CnH(2n+2). Mais dans certains hydrogènes carbonés moins riches en hydrogène, un ou plusieurs atomes de carbone existent à l’état d’élément diatomique, tandis que les autres atomes sont tétratomiques. Voilà pourquoi ces carbures non saturés peuvent entrer en combinaison directe avec le chlore (6), le brome ou même avec l’hydrogène : le carbone diatomique qu’ils renferment tend à devenir tétratomique, comme dans le cas de l’oxyde de carbone, lorsque celui-ci se convertit en oxychlorure. Prenons un seul exemple pour préciser cette pensée. Dans le gaz oléfiant nous devons avoir 1 atome de carbone diatomique et 1 atome de carbone tétratomique. Ces deux atomes étant soudés, le premier se combine avec 1 atome d’hydrogène et le second avec 3. Mais que le chlore intervienne, les affinités du carbone diatomique vont se réveiller et atomes de chlore se fixeront sur l’élément non saturé. » (figure 3.12).
Figure 3.12 – Représentation de la polyatomicité du carbone selon Würtz.
Les formules de Würtz montrent que son point de vue sur la diatomicité est encore fluctuant. En effet, pour les carbures d’hydrogène qui sont très loin de l’état de saturation il émet l’hypothèse que « plusieurs atomes de carbone tétratomique sont soudés ensemble, de manière à échanger deux affinités ». Il est étonnant qu’il n’ait pas envisagé cette hypothèse dans le cas de l’éthène, ni qu’il ait pensé à une solution alternative à la formule qu’il donne pour l’allène. En effet, en suivant la théorie de la lacune de valence, on pouvait très bien concevoir l’allène comme un homologue de l’éthyne, un carbone tétratomique séparant les deux carbones diatomiques. Quoi qu’il en soit, Hofmann adopte, lui aussi, l’idée de la lacune de valence sur un seul carbone dans le modèle de l’éthène qu’il présente dans ses cours à la Royal Institution. Notons en passant que c’est à Hofmann, en 1866, que nous devons les terminaisons identificatrices des séries des hydrocarbures : -ane pour les composés saturés, -ène pour ceux à une double liaison, -yne pour ceux possédant une triple liaison, etc.
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Cependant, dès 1861 des doutes se lèvent quant à la possibilité d’existence d’un atome de carbone tétratomique à double lacune de saturation. Butlerov échoue dans ses tentatives pour obtenir le méthylène –CH2– en attaquant le diiodométhane par l’amalgame de sodium. En 1866 B.C.G. Tollens cherche à préparer l’éthylidène CH3CH= par élimination de HCl du chlorure d’éthyle et constate que si l’éthylidène devait se former, il se transformerait aussitôt, car il n’a jamais pu être mis en évidence. Dès 1865 Kekulé lui-même manie le concept de lacune de saturation avec prudence et exprime ses doutes quant à l’existence de carbones à double lacune de saturation. L’alternative à l’hypothèse de la lacune de saturation est celle de la liaison multiple. Elle a été suggérée déjà par Loschmidt, mais il est difficile de lui en attribuer tout le crédit requis puisque, dans son opuscule, il dit que dans ses représentations il se laisse le plus souvent guider par l’idée de symétrie, en l’absence d’arguments solides. Le premier à promouvoir vraiment l’idée de liaisons multiples est R.A.C.E. Erlenmeyer qui admet en 1865 que « dans l’éthane les deux carbones sont liés par une seule de leurs affinités, dans l’éthène par deux de leurs affinités et dans l’éthyne par trois affinités de chaque carbone ». Par ailleurs, Crum Brown exprime en 1864 ses réticences en ce qui concerne la théorie de la lacune de saturation, particulièrement celle de la double lacune. Pour justifier son rejet, il note que : a) dans l’action du pentachlorure de phosphore sur l’éthanal l’oxygène de ce dernier passe sur le phosphore et est remplacé par les atomes de chlore dans l’éthanal qui se transforme ainsi en 1,1-dichloroéthane ; b) le composé obtenu par addition de dichlore sur l’éthène est différent du 1,1-dichloroéthane et donc nécessairement le 1,2-dichloréthane. Par conséquent, les deux affinités non saturées dans l’éthène doivent se situer sur les deux carbones voisins ; c) l’action d’acide hypochloreux sur l’éthène, suivie d’une élimination des éléments de l’eau, ne conduit pas à l’éthanal, mais à l’oxiranne (Würtz, 1859). Dans ce composé, l’oxygène forme un pont entre les deux atomes de carbone (figure 3.13).
Figure 3.13 – Démonstration raisonnée de Crum Brown pour rejeter la théorie de la lacune de saturation.
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Crum Brown fait observer que contrairement à ce qui se passe dans la réaction de substitution (a) où un seul carbone est concerné, dans les réactions d’addition (b et c) ce sont les deux atomes de carbone qui sont affectés. L’union des deux carbones de l’éthène par l’intermédiaire de deux affinités de chacun des atomes de carbone lui apparaît ainsi comme exclusive, l’hypothèse d’un atome de carbone à double lacune de saturation doit être rejetée. D’autres arguments justifiant le rejet de la théorie de la lacune de saturation ont été fournis entre 1861 et 1871 par Butlerov, Frankland, Friedel et Ladenburg, Krivaksin (cités par C.A. Russel, 1971). Une dernière preuve, capitale, du fait que les doubles liaisons se situent entre deux carbones adjacents a été apportée par Butlerov en 1871. Il a démontré que cette hypothèse est la seule à expliquer pleinement la formation d’un seul éthène, d’un seul propène, mais de trois butènes à partir des alcools correspondants. Elle explique aussi l’absence de formation d’un alcène par déshydratation du 2,2-diméthylpropane-1-ol, car le carbone 2, quaternaire, ne peut fournir le proton nécessaire à parfaire la formation de la double liaison. L’hypothèse d’une valence unique pour le carbone, combinée à la possibilité de liaisons multiples, est si féconde, qu’elle est rapidement adoptée de façon définitive.
Établissement de la formule du benzène En 1825, Faraday découvre dans les produits liquides formés par compression de gaz d’éclairage un composé qu’il nomme bicarburet d’hydrogène et auquel il attribue la formule C2H (C = 6). Au cours de son étude rapide, il observe la combinaison de ce corps avec l’acide sulfurique fumant (c’est-à-dire contenant du trioxyde de soufre), ainsi que la réaction du dichlore, qui a lieu exclusivement en présence de la lumière solaire et aboutit à des produits chlorés et du chlorure d’hydrogène. En 1833, Mitscherlich obtient le bicarburet d’hydrogène de Faraday en chauffant de l’acide benzoïque en présence de chaux éteinte. Se référant au baume de benjoin dont on peut tirer l’acide benzoïque, il attribue le nom de « Benzin » au liquide obtenu, mais Liebig propose de le nommer plutôt « Benzol », nom qui lui est resté en allemand. Laurent, qui étudie en 1836 les composés des séries du naphtalène et de l’anthracène, l’appelle « phène » (du grec pheino = j’éclaire) pour marquer l’origine de sa découverte, le gaz d’éclairage, mais les chimistes anglais et français préfèrent pour la plupart le nom de benzène, pour éviter toute confusion avec des alcools. Dès cette époque, le benzène, ses homologues supérieurs et leurs dérivés sont des objets de perplexité : ils subissent plus facilement des réactions de substitution que d’addition tout en étant très pauvres en hydrogène. Du fait de leur insaturation très élevée, on les range dans la même catégorie que
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les produits terpéniques, les huiles essentielles, regroupés sous le nom de « composés aromatiques ».
Proposition de Loschmidt Dès 1861, au moment où il crée ses représentations de constitutions moléculaires, Loschmidt fait observer que la série aromatique constitue un cas à part de la chimie organique et qu’elle contient en particulier un grand groupe de composés, la série phénylique, possédant un « noyau insaturé » de six atomes de carbone, caractérisé par le manque de huit valences pour atteindre la saturation. Constatant qu’il est difficile de se faire une idée de la structure de ce noyau, il pense que le plus simple serait d’admettre une importante densification d’une chaîne ouverte, c’est-à-dire un fort raccourcissement d’une chaîne de type vinyle ou acétylénique par rapprochement des atomes de carbone. À cet effet, il suggère d’abord la structure H2C=C=CH—CH=C=CH2. Cependant, il observe que jusqu’alors on n’a jamais pu modifier ce noyau par hydrogénation partielle ou totale, contrairement à ce qui est le cas dans les autres séries insaturées. Aussi envisage-t-il alors une structure ne présentant que des liaisons simples, par disposition des atomes de carbone sur deux couches, comme dans le modèle alternatif triméthylénique « allyle » qu’il envisage pour le propène. Dans cette hypothèse le benzène correspondrait au diallyle et, parallèlement, le naphtalène au triallyle méthylé (figure 3.14). Toutefois, ne disposant d’aucune preuve chimique pouvant justifier de telles structures, Loschmidt préfère, en attendant de pouvoir prendre une décision, représenter dans la suite de son opuscule le noyau benzénique par un grand cercle auquel sont associées six valences non partagées, donc six atomes d’hydrogène, disposés de façon symétrique. On remarquera que dans les structures qu’il n’a pas retenues, les hydrogènes ne sont pas répartis uniformément sur tous les carbones, contrairement à ce qui est le cas de la formule qu’il a adoptée.
Figure 3.14 – Modèles structuraux proposés par Loschmidt.
Représentations de la structure chimique
Théorie de Kekulé Dans son Lehrbuch der organischen Chemie (vol. 2, 1866) Kekulé relève que : « Les substances aromatiques, même les plus simples, sont toujours relativement plus riches en carbone que les substances grasses homologues, c’est-à-dire des corps qui diffèrent entre eux par n CH2 ; les corps les plus simples appartenant au groupe aromatique contiennent six atomes de carbone au moins. » En 1865, les connaissances que l’on possède sur le benzène sont les suivantes. Sa formule brute correspond à (CH)n, où n = 6, et ne diffère de celle de l’acétylène, où n = 2, que par la valeur de n. Le degré d’insaturation de ces deux substances est comparable, mais leurs réactivités divergent totalement. En particulier, le benzène ne présente pas les réactions usuelles des composés insaturés. À froid il ne réagit pas avec l’acide sulfurique, ni avec les halogènes en l’absence de lumière solaire, ni avec l’hydrogène « à l’état naissant » (dégagé par action du sodium sur l’alcool selon la technique de Zinine). À chaud la réaction conduit à des produits de substitution, alors que l’acétylène conduit déjà à froid à des additions. Lorsque le noyau benzénique fait partie d’une molécule à chaîne carbonée, les réactions au niveau du noyau sont distinctives de celles au niveau de la chaîne. Au cours de la monosubstitution du noyau benzénique, on n’observe la formation que d’un seul isomère, ce qui implique l’équivalence de tous les atomes H de la molécule. En outre, on connaît trois dérivés disubstitués, en 1,2 (ortho), en 1,3 (méta) et en 1,4 (para) ; par conséquent, la disposition 1,5 doit être équivalente à 1,3 et la disposition 1,6 à 1,2. Pour ce qui concerne les benzènes trisubstitués, il en existe trois : 1,2,3 (vicinal), 1,2,4 (asymétrique) et 1,3,5 (symétrique). Dans l’article fondateur de sa théorie de la structure du benzène (1865), Kekulé émet l’hypothèse que « … dans toutes les substances aromatiques (il y a) un groupe commun, une espèce de noyau, formé de six atomes de carbone […]. On peut admettre que plusieurs atomes de carbone se réunissent en se combinant alternativement par une ou par deux affinités. » Pour illustrer la répartition de ces affinités, et dans ce but seulement, il utilise comme schéma une simplification de celui que certains de ses collègues avaient appelé disposition en chapelet de saucissons.(figure 3.15). En partant d’une chaîne ouverte présen-
Figure 3.15 – Élaboration de la structure du benzène (Kekulé).
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tant huit affinités libres – marquées par des points dans la figure – il propose pour le benzène une chaîne fermée avec six affinités libres et deux affinités « terminantes » – représentées par des flèches – qui, en se saturant mutuellement, assurent la fermeture de la chaîne carbonée. « C’est de cette chaîne fermée que dérivent les substances communément nommées aromatiques. » Kekulé fait observer que les six affinités de ce « noyau benzénique » peuvent être saturées par six éléments monoatomiques ou par une des affinités appartenant à des éléments di-, tri- ou tétratomiques. Dans ce dernier cas, il y a formation de chaînes latérales qui peuvent être plus ou moins longues. Il ajoute que sa théorie satisfait à l’exigence d’un seul monochlorobenzène et d’un seul pentachlorobenzène, ainsi qu’à celle de l’existence de trois isomères des di-, tri-, et tétrachlorobenzènes exclusivement. Si, dans l’article fondateur de sa théorie, Kekulé n’utilise que le schéma en saucisson, il a cependant recours (figure 3.16), dans un second article datant de la même année, à un dessin d’hexagone régulier, sans symboles atomiques sur les sommets15 (figure 3.16a) dont il dit que « le benzène peut alors être représenté par un hexagone dont les sommets sont occupés par les six atomes d’hydrogène » (G. Schiemenz, 1993). Ce deuxième schéma lui sert à mettre en relief l’équivalence entre les atomes d’hydrogène et il dit très clairement que cet hexagone ne représente pas la structure du benzène. La figure 3.16b est une représentation didactique de Schiemenz dans laquelle celui-ci place (en gris) à l’intérieur de l’hexagone de Kekulé (externe, en noir) une représentation actuelle du cycle benzénique, complétée par des atomes d’hydrogène. En 1866, à l’occasion de l’examen des possibilités d’isomérie des substituants du benzène, Kekulé répète son propos et dit que grâce au schéma hexagonal « on peut aisément comprendre que pour les dérivés formés par une substitution progressive du benzène les isomères suivants sont à attendre : 1 seul corps pour C6H5Br, C6HBr5 et C6Br6, trois isomères pour C6H4Br2, C6H3Br3 et C6H2Br4. »
Figure 3.16 – Schémas représentatifs du benzène utilisés par Kekulé.
Représentations de la structure chimique
Dans son manuel de chimie organique de 1866, il exprime les réactions dans lesquelles intervient le noyau benzénique exclusivement par des formules types16, où le groupe phényle est noté C6H5. Ce n’est que quand des motifs didactiques l’exigent, qu’il recourt au schéma « saucisson », à l’hexagone (a) et au dessin (figure 3.16c) d’un modèle matériel de démonstration dont il se sert dans ses cours et conférences et qu’il a établi en 1867 à l’occasion de ses recherches sur la formation du mésitylène. Ce modèle démontable (figure 3.17), dont des exemplaires ont été préservés, était un assemblage de boules (atomes) et de tiges (valences) de taille uniforme. Une boule avec une seule tige représentait un atome monovalent, avec deux tiges disposées à 180° un atome divalent, avec trois tiges disposées à 120° un atome trivalent et enfin avec quatre tiges disposées à 90° dans un plan un atome tétravalent. Pour représenter des liaisons doubles, il fallait courber les deux tiges, ce qui était déjà laborieux. Mais pour figurer une liaison triple dans le plan, cela devenait impossible. C’est pourquoi Kekulé eut recours, pour représenter les types de liaison, à une disposition tétraédrique des quatre valences du carbone. Kekulé dit de son modèle (1867) :
Figure 3.17 –Modèle matériel du benzène utilisé par Kekulé en 1867.
« Il est alors possible de combiner les atomes, non seulement à l’aide d’une seule valence, mais aussi de deux. Cette façon de procéder peut convenir dans la plupart des cas usuels, mais atteint ses limites. On ne peut y recourir pour combiner trois valences d’un atome de carbone avec celles d’un autre atome de carbone ou d’azote. Mais on peut surmonter cette difficulté, au moins dans le cas de modèles, si les quatre valences du carbone, plutôt que d’être projetées dans un plan, sont dirigées selon des axes hexagonaux partant de l’atome, de sorte qu’elles forment un tétraèdre. […] Un modèle de ce type permet de représenter des liaisons mono-, di- ou trivalentes et il me semble qu’un tel modèle satisfait pleinement à la totalité de ce que l’on peut lui demander. »
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Il apparaît clairement dans ce texte que le choix d’un tétraèdre comme modèle matériel de l’atome de carbone n’était rien d’autre qu’une commodité ou, comme le formule G.E. Hein (1966) : « ce modèle n’était pas supposé représenter obligatoirement l’atome physique, Kekulé le considérait essentiellement comme le meilleur modèle possible de l’atome chimique ». Ces précisions, fournies par Schiemenz, montrent clairement que rien n’autorise à penser que Kekulé devançait van’t Hoff et Le Bel dans leurs théories du carbone tétraédrique. D’ailleurs, Kekulé lui-même n’a jamais réclamé une telle antériorité. L’idée d’une structure cyclique du benzène fait rapidement son chemin et dès 1866 E. Erlenmeyer senior représente le benzène et le premier cycle du naphtalène sous forme d’une chaîne portant à ses extrémités des crochets symbolisant la fermeture du cycle (figure 3.18).
Figure 3.18 –Le benzène et le naphatlène vus par Erlenmeyer.
La même année, A. Claus publie ses Considérations théoriques et leur application à la systématique de la chimie organique dans lesquelles il propose ses propres représentations du benzène (figure 3.19) – l’une, hexagonale centrée (a) qu’il préfère, ainsi qu’une alternative (b) – et les confronte à celle (c) qui, pour lui, exprime mot à mot le texte fondateur de Kekulé : « Dans cette disposition chaque atome [de carbone] est lié aux carbones [voisins] par trois affinités et par conséquent, sur chaque atome il reste une valence disponible qui, dans le cas du benzène, est saturée par un atome d’hydrogène ».
Figure 3.19 – Représentation du benzène par Claus, Graebe et Butlerov.
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Si la représentation (c) de Claus ressemble à celle appelée plus tard formule de Kekulé, il n’y a cependant pas lieu d’en créditer ce dernier, ni de croire qu’elle est cautionnée par Claus. En réalité, sur le moment elle n’a pas trouvé un grand écho auprès de la communauté des chimistes organiciens, à tel point qu’en 1868 Butlerov utilise une disposition rectangulaire et C. Graebe17 (18411927) un hexagone déformé pour représenter le noyau benzénique.
Objections de Ladenburg et le « symposium » de 1869 En 1869, A. Ladenburg publie une étude critique de la théorie de l’aromaticité dans laquelle il estime que la représentation de type cyclohexa-1,3,5-triène, à la manière de Claus, ne permet pas d’interpréter correctement toutes les propriétés du benzène. Il indique en particulier que plusieurs années auparavant, il avait attiré l’attention de son maître Kekulé sur le problème de la disubstitution en ortho qui, d’après le modèle du cyclohexa-1,3,5-triène, devrait conduire à deux isomères (en 1,2 et en 1,6) (figure 3.20). Or, dans la réalité, on n’observe qu’un seul isomère. Le même problème existe d’ailleurs aussi dans le cas de la disubstitution en méta (isomères prévisibles en 1,3 et 1,5). Ses réflexions suggèrent à Ladenburg une représentation tridimensionnelle du benzène sous forme de prisme à base triangulaire, appelée par la suite « benzène de Ladenburg » et que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de « prismane ». Ce modèle ne contient que des liaisons simples et tous les hydrogènes sont dans des positions équivalentes. Ladenburg en donne deux représentations, l’une d’un prisme droit, l’autre d’un prisme twisté (figures 3.20 et 3.21).
Figure 3.20 – La problématique des isomères ortho et méta du benzène.
Figure 3.21 – Benzène de Ladenburg.
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La discussion qui s’ensuit alors au sein de la Société chimique allemande (Deutsche Chemische Gesellschaft) entre Dewar, Claus, Städeler, Carius, Kolbe, Ladenburg, Wichelhaus, etc. constitue un véritable symposium qui fait l’objet de rapports réguliers dans les Berichte der deutschen chemischen Gesellschaft. Toute une série de modèles sont examinés et des raisons de commodité ont fait qu’on les désigne chacun du nom de leur auteur. Kekulé intervient en 1869 et utilise alors pour la première fois le pictogramme symétrique qui, vingt-cinq ans après, sera appelé « benzène de Kekulé » (figure 3.22).
Figure 3.22 – Benzène de Kekulé.
En réplique aux arguments de Ladenburg, Kekulé soutient en 1872 que dans le benzène et ses dérivés les isomères envisagés par Ladenburg sont des représentations équivalentes. Elles ne peuvent être distinguées, parce que les atomes du noyau sont continuellement en mouvement, ce qui se répercute sur leurs liens et équivaut à une oscillation très rapide entre deux situations extrêmes dont la réalité observable représente la moyenne et permet de considérer toutes les liaisons carbone-carbone comme identiques entre elles. Avec cette hypothèse, estime F. Dagognet (1969), Kekulé « venait de briser un dogme, celui de l’image représentative […]. Il amène à substituer aux traits pleins le pointillé qu’il insinue. » Mais un grand nombre de chimistes ne partage pas les arguments de Kekulé qui reproche de plus à la représentation de Ladenburg, dépourvue de liaisons doubles, de ne pas permettre d’interpréter de façon satisfaisante les réactions d’addition du benzène et qui clôt le débat en déclarant que seule la synthèse du benzène apportera la dernière preuve de sa structure. Kekulé continue d’utiliser la notation C6H5 pour le noyau phényle dans les équations chimiques, bien que son pictogramme soit rapidement adopté par la majorité des chimistes. G. Schiemenz (1993) signale qu’à l’occasion du « Benzolfest » de 1890, les festivités organisées en l’honneur de Kekulé à Bonn pour le 25e anniversaire de la théorie structurale du benzène, Kekulé a encouragé son auditoire à ne jamais négliger leurs rêves qui constituent souvent une expression des préoccupations intellectuelles. Mais, ajoute-t-il, gardons-nous d’en parler, avant que notre intellect éveillé n’ait jugé de leur intérêt. Pour illustrer son propos, il raconte deux de ses rêves chimiques. Le premier se situe à Londres, en 1854, à l’époque où il élaborait sa théorie structurale du carbone tétratomique. Une nuit, sur l’impériale de l’omnibus qui le ramenait chez lui et pris d’une somnolence, il vit des atomes danser
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devant ses yeux, puis certains d’entre eux former des couples qui associaient peu à peu d’autres atomes, pour s’unir en une farandole. Il date le second rêve de l’époque où il enseignait à l’université de Gand et rédigeait son manuel de chimie organique. Après sa journée de travail, assis devant la cheminée, il fut plongé dans une rêverie et vit une nouvelle fois des atomes exécutant leur farandole en longues rangées. Petit à petit, elles se mirent à onduler comme des serpents et tout à coup l’un de ceux-ci saisit sa propre queue et le cercle ainsi formé tourna devant sa vue comme pour le narguer. Sortant brutalement de sa rêverie, Kekulé dit qu’il passa le reste de la soirée à examiner les conséquences de l’hypothèse qui s’était ainsi ouverte à lui dans le cadre de sa théorie du benzène. (Voir figure 3.23, une illustration humoristique du rêve de Kekulé, où les serpents sont remplacés par des singes.)
Figure 3.23 – Le rêve de Kekulé.
Théorie de Berthelot M. Berthelot a effectué en 1867 la synthèse du benzène et décrit sa formation à partir de l’acétylène comme suit dans son ouvrage La Synthèse chimique18 : « Soumis à l’action prolongée d’une température rouge sombre, il [l’acétylène] se change en composés liquides, produits par la réunion de plusieurs molécules d’acétylène en une seule… La benzine ou triacétylène est le produit le plus abondant. » Il observe que ce corps devrait être capable de fixer jusqu’à huit équivalents d’hydrogène, d’après sa formule. Mais,
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« la benzine se comporte dans la plupart de ses réactions comme un carbure complet, c’est-à-dire comme un composé incapable de s’unir par addition aux autres corps, tout en demeurant susceptible d’être modifié surtout par substitution.… Ces analogies avaient déjà frappé les chimistes, lorsque M. Kekulé a cherché à les interpréter par une théorie nouvelle, dite de la série aromatique. … Envisageant le carbone comme un élément tétratomique… il suppose que dans la benzine chacun des atomes de carbone est saturé à la fois par un atome d’hydrogène et par deux autres atomes de carbone, un de ces atomes le saturant une fois et l’autre deux fois : c’est là ce que M. Kekulé appelle l’échange des atomicités entre les atomes de carbone. [idées auxquelles Berthelot est fermement opposé] Cette hypothèse singulière étant admise, la benzine se trouve être un corps saturé à la façon du gaz des marais. »… Obligé de reconnaître que la théorie de Kekulé satisfait en tous points au décompte des isomères de substitution du benzène, il n’en écrit pas moins : « Sans contester le mérite de ces ingénieuses déductions, … on doit observer qu’elles ne sont pas liées d’une manière nécessaire à l’hypothèse fondamentale de M. Kekulé, je veux dire à l’échange des atomicités entre les atomes de carbone. Cette hypothèse est donc inutile, et elle offre l’inconvénient d’introduire dans la science je ne sais quelles considérations mystiques, qui n’ont peut-être pas été étrangères à son succès. » Berthelot propose à son tour une théorie pour expliquer les résultats des substitutions benzéniques, représente le benzène sous forme d’un triacétylène C2H2 (C2H2) (C2H2) et écrit : « Si donc on admet que cette molécule fondamentale [la première entité C2H2 de la formule] se subordonne tout à fait les deux autres dans les réactions, la benzine doit se comporter comme un carbure saturé. Elle engendrera surtout des dérivés par substitution. Elle en produira trois séries, parce qu’elle est formée par la réunion de trois molécules hydro-carburées distinctes et symétriques. […] Bref, on retrouve les mêmes conséquences générales que tout à l’heure, mais en partant d’une notion claire, simple et conforme aux idées générales de la chimie. Le principe nouveau et précis des saturations relatives, ainsi introduit dans la science, ne s’applique pas seulement à la benzine, mais aussi […] aux divers carbures pyrogénés dont il explique exactement, et mieux que toute autre hypothèse, les réactions fondamentales. » Malgré sa fougue, sa notoriété et son bagout, Berthelot ne réussit guère à convaincre ses collègues européens et français.
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Représentations alternatives du benzène proposées entre 1867 et 1874 Parmi les participants à la discussion générale consécutive à la proposition de représentation prismatique de Ladenburg, il faut citer J. Dewar qui, à l’occasion de la présentation orale (1867) d’un travail sur l’oxydation de l’alcool benzylique, passe en revue sept possibilités de représentation du noyau benzénique, destinées à clarifier les spéculations de Kekulé relatives au benzène. Ce n’est qu’en 1869 que ce travail est publié et l’une des propositions de Dewar, celle dans laquelle deux atomes de carbone sont saturés (figure 3.24), attire plus particulièrement l’attention de ses collègues. On la nommera plus tard « benzène de Dewar ». Une proposition analogue à celle de Dewar a été faite en 1868 par G. Städeler et en 1869 par H. Wichelhaus. Ce dernier fonde sa représentation sur la synthèse du benzène à partir de l’acétylène et suggère à cet effet une réaction en deux étapes, avec formation intermédiaire de cyclobutadiène (figure 3.25).
Figure 3.24 – Benzène de Dewar.
Figure 3.25 – Benzène de Staedler et Wichelhaus (hypothèse de formation).
W. Koerner envisage pour sa part en 1868 une représentation octaédrique pour le benzène. Dans celle-ci les douze atomes de la molécule se situent dans quatre plans parallèles, les deux plans externes contenant l’un H1, H3 et H5 et l’autre H2, H4 et H6, les six atomes C étant disposés de façon analogue dans les deux plans internes (figure 3.26). Koerner est aussi le chimiste qui a redéfini en 1874 les termes ortho, méta et para, utilisés avec des significations diverses depuis l’époque de Berzelius, en leur donnant leur sens actuel dans les substitutions du benzène.
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Figure 3.26 – Modèle de Koerner.
À partir de 1874 et de la publication des théories du carbone asymétrique par van’t Hoff et Le Bel, les discussions relatives à la représentation du benzène cessent et ce n’est que vers 1884 que le thème ressurgit, mais devient alors un problème de détermination de la structure du benzène, plutôt que celui d’une représentation de sa formule.
Dissymétrie moléculaire et représentation des molécules dans l’espace Depuis le Moyen Âge au moins et jusqu’à J.B. Romé de l’Isle qui a découvert la loi de constance des angles dièdres des cristaux, la minéralogie s’occupait essentiellement de la formation des cristaux. Avec l’abbé Haüy, elle a donné naissance à la cristallographie moderne, une méthode abstraite de description géométrique tridimensionnelle des minéraux. Dans sa Théorie de la structure des cristaux de 1792, ce dernier proclame que : « chaque substance, simple ou complexe, élément ou combinaison, a sa spécificité propre et une cristallisation caractéristique qui lui est particulière ; la molécule cristallographique est composée d’une réunion de plusieurs molécules chimiques, que l’on ne peut séparer sans détruire la substance étudiée ; par la suite, les édifices cristallins seront également spécifiques ». Haüy considère que la forme de la molécule cristallographique19 correspond au polyèdre primitif ou noyau de cristallisation, délimité par les plans de clivage de l’espèce cristalline, c’est-à-dire ses plans de séparation naturels. Par clivages successifs on arrive à une limite, la « molécule intégrante », le plus petit solide que l’on puisse extraire du minéral sans en altérer la nature. Cette molécule intégrante a été édifiée à partir de « molécules principes » ou « molécules élémentaires ». C’est ainsi que la molécule cristallographique de carbonate de calcium dont la forme cristalline primitive est rhomboïdale constitue la molécule intégrante dont l’oxyde de calcium et le dioxyde de carbone sont les molécules principes. Haüy postule que « la molécule intégrante
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est l’élément primordial de l’édifice cristallin ; sa figuration seule est caractéristique d’une substance définie. » Pour lui la forme de la molécule intégrante, inaccessible à notre échelle, conduit à la forme observable des cristaux, caractérisée par leurs axes, leurs angles dièdres et leurs facettes. En 1814, A.M. Ampère, partisan de l’hypothèse atomique de Dalton, cherche à donner une base matérielle à la théorie de l’abbé Haüy et écrit : « On doit considérer une particule comme l’assemblage d’un nombre déterminé de molécules dans une situation déterminée, renfermant entre elles un espace incomparablement plus grand que le volume des molécules, et pour que cet espace ait trois dimensions comparables entre elles, il faut qu’une particule réunisse au moins quatre molécules. »20. Il ira jusqu’à envisager la combinaison chimique comme une composition géométrique : « Quand les particules se réunissent en une particule unique, c’est en se plaçant de manière que les centres de gravité des particules composantes étant en un même point, les sommets de l’une se placent dans les intervalles que laissent les sommets de l’autre et réciproquement. » Traitant à titre d’exemple la combinaison de l’acide muriatique (chlorure d’hydrogène) avec le gaz ammoniac en sel ammoniac (le chlorure d’ammonium), il géométrisera ces substances comme suit (figure 3.27).
Figure 3.27 – Géométrisation d’une transformation chimique (Ampère).
Gaudin, élève d’Ampère, ne partage pas entièrement les vues de son maître. Il écrit en 1833 : « Ainsi une molécule sera pour nous une agrégation équilibrée ou symétrique d’atomes chimiques ; ce qui impliquera toujours la mise en commun des atomes des composants, quels qu’ils soient, pour former un nouvel arrangement, n’ayant aucun rapport avec la forme des composants. » Enfin, nous avons déjà signalé au chapitre précédent comment Laurent proposait une forme géométrique pour ses noyaux d’hydrocarbures. Il faudra cependant attendre l’essor de la notion d’atomicité ou de valence pour redonner une impulsion à l’idée de représentation spatiale des molécules et pour lui fournir des bases plus solides que les vues cristallographiques.
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Dans un premier temps, les formules planes, semi-développées ou développées, ont permis d’expliquer et de prévoir un certain nombre de phénomènes chimiques, tels que l’isomérie. Mais elles ont rapidement montré leurs insuffisances et leurs ambiguïtés, car souvent elles ne satisfont pas à l’obligation de biunivocité21 entre l’objet et sa représentation, sur laquelle Butlerov a insisté dès l’énoncé de sa théorie structurale. Les six schémas structuraux de la représentation plane de la molécule d’éthanol montrent l’insuffisance du modèle choisi et les ambiguïtés qui en résultent (figure 3.28).
Figure 3.28 – Les différentes représentations planes de la molécule d’éthanol.
Ils satisfont à la même exigence, à savoir : les deux carbones sont liés entre eux, l’un d’entre eux est lié en outre à deux atomes d’hydrogène et à l’oxygène d’un groupe hydroxyle, l’autre à trois hydrogènes. Sont-ils pour autant six représentations différentes ou seulement six vues d’une même représentation ? Un observateur attentif voit sans peine que certains de ces schémas dérivent l’un de l’autre par une rotation de 180°. Ainsi, on passe du schéma 2 au schéma 3, ou bien du schéma 4 au schéma 5 par rotation hors du plan du papier autour de l’axe représenté par le trait de liaison entre les deux carbones. De même passe-t-on du schéma 3 au schéma 4 et du schéma 2 au schéma 5, ou bien du schéma 1 au schéma 6 par rotation dans le plan autour d’un axe perpendiculaire au trait de liaison entre les deux carbones. En définitive, de simples rotations permettent de passer de l’un des schémas 2, 3, 4 et 5 à l’autre, ou bien du schéma 1 au schéma 6, le nombre apparent de représentations se réduit à deux (par exemple les schémas 1 et 2). Nous verrons plus loin que ces deux représentations apparentes expriment la même réalité spatiale ; le fait que le lien d’identité entre elles ne soit pas visible lorsqu’on travaille dans le plan reflète bien leur ambiguïté.
Travaux fondamentaux de Pasteur sur la dissymétrie moléculaire L’insuffisance de la représentation plane22 est patente en cristallographie dès la fin du XVIIIe siècle ; elle a incité Haüy à caractériser les objets minéralogiques par leur description géométrique, basée sur l’identification d’éléments de symétrie dans leurs structures polyédriques. C’est encore Haüy qui, en 1801, a observé l’hémiédrie23 des cristaux de quartz, un facteur de dissymétrie conduisant à deux formes cristallines asymétriques, images l’une de l’autre dans un miroir.
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En 1813, J.B. Biot établit les lois régissant le pouvoir rotatoire dont il montre dès 1815 qu’il n’est pas lié aux seuls édifices cristallins, tels que le quartz, mais se manifeste aussi au niveau de certaines molécules d’origine organique (essences de térébenthine, de laurier, d’agrumes, solution de camphre dans l’éthanol)24. Par conséquent, la présence ou l’absence d’éléments de symétrie peut aussi être invoquée en ce qui concerne les structures moléculaires et Biot conclut que le pouvoir rotatoire qui se manifeste dans les molécules liquides ou les solutions est une action moléculaire, tandis que dans le quartz il résulte du mode d’agrégation des molécules, puisque la silice amorphe ne dévie pas la lumière polarisée. En 1821, Sir John Herschel25 démontre que les deux formes antagonistes du quartz dévient le plan de la lumière polarisée d’un même angle, mais dans deux directions opposées, vers la droite pour celle qui présente l’hémiédrie droite, vers la gauche pour celle qui présente l’hémiédrie gauche. En 1846, à la fin de ses études à l’École Normale Supérieure, L. Pasteur devient agrégé-préparateur de Balard qui accueille la même année dans son laboratoire Auguste Laurent dont les préoccupations scientifiques sont alors d’ordre cristallographique. À travers leurs discussions, Pasteur approfondit ses connaissances dans cette science à laquelle il s’était déjà intéressé depuis la lecture d’une note de Mitscherlich à Biot de 1844, relative à « deux combinaisons salines, le tartrate et le paratartrate de soude et d’ammoniaque ». Dans cette note, Mitscherlich signale que ces deux substances « ont la même composition chimique, la même forme cristalline avec les mêmes angles,, le même poids spécifique, la même double réfraction, et par conséquent le même angle des axes optiques. Mais le tartrate dissous tourne le plan de la lumière polarisée et le paratartrate est indifférent, comme M. Biot l’a trouvé pour toute la série de ces deux genres de sels. Mais ici la nature et le nombre des atomes, leur arrangement et leurs distances, sont les mêmes dans les deux corps comparés. » Frappé par les résultats de Mitscherlich, Pasteur reprend l’étude cristallographique des tartrates, découvre en 1848 l’hémiédrie de l’acide tartrique et constate que tous les tartrates ont en commun la plupart des paramètres cristallins : « Il y a une sorte de demi-isomorphime entre tous les tartrates. On dirait que le groupe tartrique domine et imprime un cachet de ressemblance entre ces diverses formes, malgré la différence des autres éléments constituants. » Il observe que tous les tartrates qu’il a étudiés présentent une hémiédrie droite, puis tente de vérifier l’affirmation de Herschel, selon laquelle il existerait un lien entre l’orientation de l’hémiédrie et celle du pouvoir rotatoire. Dans ce contexte, il est le premier à « rechercher si les produits organiques cristallisables […] ont des formes cristallines hémiédriques ». Enfin, comme Biot l’avait déjà relevé, il constate que les cristaux de l’acide paratartrique et de ses sels ne présentent pas d’hémiédrie et ne déviennent pas la lumière polarisée. L’acide tartrique est connu depuis le XVIIIe siècle ; dès 1770, C.W. Scheele a mis au point un procédé pour son extraction des dépôts de tartre vinicole. Vers 1820, P. Kestner, un industriel de Thann (Haut-Rhin), producteur d’acide tartrique, avait abouti par hasard à un autre acide, au cours de l’une de ses fabrications. Il ne parvient pas, par la suite, à reproduire ce produit dont il
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avait fort heureusement gardé un échantillon et en confie en 1826 l’étude à Gay-Lussac qui note que ce composé, qu’il nomme « acide racémique » (en latin racemus = raisin), et l’acide tartrique ont la même composition26. En 1848, au cours d’une opération de recristallisation, Pasteur arrive à dédoubler de façon inattendue27 le paratartrate de sodium et d’ammonium. En examinant les cristaux formés, il est frappé par la présence de deux variétés ; pour l’une les facettes hémiédriques sont inclinées à droite (cristaux dextroracémiques), pour l’autre à gauche (cristaux lévoracémiques). Après un tri à la pincette, il vérifie que la variété dextroracémique du paratartrate est en tous points semblable au tartrate et dévie comme lui le plan de polarisation vers la droite, tandis que la variété lévoracémique dévie le plan de polarisation vers la gauche, le module de la déviation pour une concentration donnée étant le même dans les deux cas. Enfin, en dissolvant des portions égales des deux sels, le mélange ne présente plus d’activité optique, « par neutralisation des deux déviations individuelles ». Le lien entre l’orientation de l’hémiédrie et le sens du pouvoir rotatoire est le même que celui observé par Herschel dans le cas du quartz. Lors de son exposé, en 1860, de la somme de ses recherches sur le sujet, Pasteur note, à propos des deux variétés de l’acide paratartrique28 : « l’arrangement moléculaire dans les uns et dans les autres est entièrement différent. Le pouvoir rotatoire l’atteste, ainsi que le mode de dissymétrie des cristaux. Les deux espèces de cristaux sont isomorphes et isomorphes avec le tartrate correspondant ; mais l’isomorphisme se présente là avec une particularité jusqu’ici sans exemple : c’est l’isomorphisme de deux cristaux dissymétriques qui se regardent dans un miroir. … De là j’ai dû conclure que j’avais séparé par la cristallisation du paratartrate double de soude et d’ammoniaque, deux groupes atomiques symétriquement isomorphes, intimement unis dans l’acide paratartrique. » Pasteur généralise ses observations comme suit : « 1. Lorsque les atomes élémentaires des produits organiques sont groupés dissymétriquement, la forme cristalline du corps manifeste cette dissymétrie moléculaire par l’hémiédrie non superposable. La cause de l’hémiédrie est donc reconnue. 2. L’existence de cette même dissymétrie moléculaire se traduit en outre par la propriété optique rotatoire. La cause de la polarisation rotatoire est également déterminée. 3. Lorsque la dissymétrie moléculaire non superposable se trouve réalisée dans des sens opposés, comme il arrive pour les deux acides tartriques droit et gauche et tous leurs dérivés, les propriétés chimiques de ces corps identiques et inverses sont rigoureusement les mêmes ; d’où il résulte que ce mode d’opposition et de similitude n’altère pas le jeu ordinaire des affinités chimiques. »
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Mais sur ce dernier point il fait une restriction importante : « la plupart des produits organiques naturels, tous les produits essentiels de la vie sont dissymétriques et de cette dissymétrie qui fait que leur image ne peut leur être superposée. » Ils présentent par conséquent chacun un pouvoir rotatoire spécifique. Mais, préparés au laboratoire par les méthodes connues à l’époque, ces mêmes produits ne dévient plus la lumière polarisée, ce sont en fait des mélanges à parts égales des deux formes aux pouvoirs rotatoires droit et gauche, dont une seule est élaborée dans les organismes vivants. Pour Pasteur la cause est entendue, toutes les molécules présentant un pouvoir rotatoire ont nécessairement une structure à trois dimensions. En effet, elles ne peuvent être planes, car toutes les molécules planes sont superposables à leur image dans le miroir ; elles ont donc au moins un plan de symétrie passant par le centre de tous les atomes et ne satisfont pas, par conséquent, à la dissymétrie telle qu’il l’envisage.29 Notons que la notion d’atomicité ou valence n’était pas encore établie au moment où Pasteur a effectué son étude des tartrates, ce qui l’a empêché de proposer quelque modèle moléculaire que ce soit.
Démonstration par la géométrie descriptive de la corrélation entre la dissymétrie moléculaire et le pouvoir rotatoire Elle est fournie en 1874, lorsque J.A. Le Bel relève que «les travaux de Pasteur ont établi d’une façon complète la corrélation qui existe entre la dissymétrie des molécules et le pouvoir rotatoire.» En réexaminant cette question, Le Bel énonce deux principes généraux : « Premier principe général – Considérons une molécule de formule MA4 où M est un radical simple ou complexe combiné à quatre atomes monovalents A susceptibles d’être remplacés par substitution. Remplaçons trois d’entre eux par des radicaux monovalents simples ou complexes, différents entre eux et non identiques à M : le corps obtenu sera dissymétrique. En effet l’ensemble des radicaux R, R’, R” et A assimilés à des points matériels, différents entre eux, forme par lui-même un édifice non superposable à son image et le résidu M ne saurait rétablir la symétrie. Donc en général si un corps dérive de notre type primitif MA4 par la substitution à A de trois atomes ou radicaux distincts, sa molécule sera dissymétrique et il aura le pouvoir rotatoire. Il y a deux cas d’exception bien distincts : 1° si la molécule type possède un plan de symétrie renfermant les quatre atomes A, la substitution de ceux-ci par des radicaux ne pourra aucunement altérer la symétrie par rapport à ce plan et alors toute la série des corps substitués sera inactive ; 2° le dernier radical substitué à A peut être composé des mêmes atomes que
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tout le reste du groupement dans lequel il entre, et l’effet de ces deux groupes égaux sur la lumière polarisée peut se compenser ou s’ajouter : si cette compensation a lieu, le corps sera inactif… Second principe général – Si dans notre type fondamental nous ne substituons que deux radicaux R et R’, il pourra y avoir symétrie ou dissymétrie suivant la constitution de la molécule type MA4. Si cette molécule avait primitivement un plan de symétrie passant par les deux atomes A qui ont été remplacés par R et R’, ce plan restera un plan de symétrie après la substitution ; le corps obtenu sera donc inactif. En particulier, s’il arrive que non seulement une seule substitution ne fournisse qu’un seul dérivé, mais encore que deux et même trois substitutions ne fournissent qu’un seul et même isomère chimique, nous sommes obligés d’admettre que les quatre atomes A occupent les sommets d’un tétraèdre régulier dont les plans de symétrie seront identiques à ceux de la molécule totale MA4, dans ce cas aucun corps bisubstitué ne possédera le pouvoir rotatoire. » Dans la suite de son mémoire, Le Bel vérifie la validité de ses hypothèses sur un certain nombre d’exemples, puis passe en revue les possibilités de manifestation du pouvoir rotatoire dans les structures éthyléniques. Mais il se refuse de donner une réponse définitive, estimant le nombre d’éthylènes plurisubstitués connus en son temps trop restreint pour permettre une vérification complète de ses principes. Dans le domaine des composés aromatiques, aux limites encore mal définies à cette époque, ses conclusions relatives au pouvoir rotatoire sont erronées. Les travaux de Le Bel se situent dans la continuité de ceux des cristallographes, sa préoccupation essentielle concerne le lien entre le pouvoir rotatoire et la dissymétrie structurale, supramoléculaire comme dans le quartz ou moléculaire comme dans l’acide tartrique. Ses principes de symétrie structurale s’appliquent à tous les genres de molécules de formule générale MA4, pas seulement aux molécules carbonées. La disposition des substituants d’un atome M tétravalent sur les axes ternaires d’un tétraèdre régulier dont l’atome M serait le centre est une conséquence des principes énoncés, c’est-à-dire l’aboutissement d’un raisonnement et non pas son point de départ. Même quinze ans après l’énoncé de ses principes généraux. Le Bel insiste en 1890 sur ce point et dit regretter que nombre de chimistes ne relèvent pas cette différence fondamentale entre son propre travail, la mise en évidence de la cause structurale d’un phénomène physique, et l’œuvre de van’t Hoff, la tentative d’établir, à partir de l’hypothèse du carbone tétraédrique, les dispositions spatiales des atomes dans les molécules et la prévision du nombre des isomères d’une structure donnée.
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Van’t Hoff publie son hypothèse du carbone tétraédrique Cette hypothèse est la base de l’essai Système de formules atomiques à trois dimensions et la relation entre le pouvoir rotatoire et la constitution chimique qui en découle que van’t Hoff a publié à Utrecht (Pays-Bas) deux mois avant la parution du mémoire de Le Bel. En voici l’extrait essentiel qui fonde la théorie de son auteur : « Les formules atomiques actuelles sont incapables d’interpréter certains cas d’isomérie ; ce défaut de plus en plus évident tient peut-être à l’absence de notions précises sur la position relative des atomes. Pour rester d’abord auprès des corps organiques, si l’on admet que les quatre affinités du carbone agissent dans le même plan et dans des directions perpendiculaires l’une sur l’autre, on est conduit, pour les dérivés du méthane CH4, au nombre d’isomères que voici : absence d’isomérie dans les cas CH3R et CH(R)3 ; deux isomères dans les cas CH2(R)2, CH2RR1 et CHR2(R)2 ; trois isomères dans les cas CHR1R2R3 et C(R1R2R3R4) ; nombre évidemment supérieur à celui que l’on connaît en réalité. En admettant au contraire que les affinités du carbone sont dirigées vers les sommets d’un tétraèdre régulier, dont cet atome luimême occupe le centre, l’on introduit un rapprochement marqué entre la théorie et l’expérience. En effet le nombre d’isomères revient dans cette hypothèse à ce qui suit : absence d’isomérie dans les cas CH3R1, CH2(R1)2, CH2R1R2 et CHR2(R)2 ; tandis que seulement le cas CHR1R2R3 ou plus généralement CR1R2R3R4 donne lieu à la prévision d’une isomérie ; en d’autres termes : si les affinités du carbone sont saturées par quatre groupes différents l’on obtient deux tétraèdres qui sont l’image non superposable l’un de l’autre, c’est-à-dire que l’on a affaire à deux formules de structure dans l’espace différentes entre elles. Par conséquent dans cette hypothèse les composés CR1R2R3R4 présentent un cas différent de C(R1)2R2R3, C(R1)3R2 ou C(R1)4, distinction qui échappe aux formules atomiques dans leur forme actuelle. En confrontant à la réalité cette première conclusion il me paraît possible de démontrer que les composés, contenant un atome de carbone combiné à quatre groupes différents et que j’appellerai « asymétrique » dans la suite, se distinguent en effet d’une manière spéciale, tant par leur isomérie que par d’autres propriétés, distinction qui présente un obstacle sérieux dans l’application des formules de constitution usitées jusqu’ici. » Ce texte fondateur est accompagné des figures suivantes où II et III correspondent aux deux isomères attendus dans l’hypothèse d’une disposition des substituants dans un plan, IV et V au contraire relèvent de l’hypothèse du carbone tétraédrique et représentent les deux isomères d’un carbone asymétrique (figure 3.29).
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Figure 3.29 – Démonstration de l’isomérie du carbone asymétrique par van’t Hoff.
Dans la suite de son mémoire, van’t Hoff démontre sur une série d’exemples que la relation entre la formule structurale plane d’un composé et son pouvoir rotatoire permet de prévoir les dispositions spatiales des atomes constitutifs des deux isomères antipodiques, ou « énantiomères » selon le vocabulaire des cristallographes, c’est-à-dire images l’un de l’autre dans un miroir. Puis il s’attaque au cas des «composés non saturés à deux atomicités libres», c’est-à-dire la double liaison carbone–carbone, et la représente par deux tétraèdres ayant une arête en commun. Il vérifie la validité de cette représentation en analysant ses conséquences sur la disposition des quatre substituants de la double liaison. Ceux-ci, ou du moins leurs atomes de jonction avec l’un des carbones sièges de la double liaison, doivent se situer dans un plan, ce qui entraîne les conséquences suivantes : « si les groupes R1, R2, R3 et R4 sont identiques ou s’il y a égalité seulement entre R1 et R2 ou R3 et R4, il n’y aura qu’une seule position relative possible : si au contraire il y a différence en même temps entre R1 et R2, comme entre R3 et R4, n’importe que les groupes R1 et R3 ou R2 et R4 soient identiques, il y a à distinguer deux positions relatives différentes, ce qui conduit à prévoir un cas d’isomérie que les formules atomiques ordinaires ne sauraient interpréter. » En ce qui concerne la triple liaison, « la représentation en revient ici à deux tétraèdres qui ont en commun trois de leurs sommets, tandis que les groupes combinés aux deux atomes de carbone occupent les deux sommets restés libres ; il est clair que dans ce cas l’hypothèse introduite n’entraîne aucune prévision différente de celle des formules atomiques en usage. » Et van’t Hoff conclut : « En terminant je crois pouvoir observer que : l’hypothèse nouvelle ne laisse inexpliqué aucun phénomène que les conceptions actuelles sont capables d’interpréter (et que) quelques propriétés et quelques isoméries, inexplicables par la théorie actuelle, sont éclaircies par l’hypothèse introduite. »
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Les trois types de liaisons carbone carbone peuvent alors être représentés comme suit (figure 3.30).
Figure 3.30 – Représentation des trois types de liaisons du carbone tétraédrique (van’t Hoff).
Pour expliciter les dispositions des six atomes ou groupes combinés par deux atomes de carbone unis par une liaison simple, van’t Hoff stipule que dans la représentation graphique des positions relatives des substituants du second atome de carbone par rapport à ceux du premier, toutes les dispositions sont admissibles, pourvu que l’on puisse passer de l’une à l’autre par une rotation autour de l’axe de la liaison carbone–carbone. « Pour échapper à la prévision d’une isomérie sans fin qui se présente ainsi au premier abord, il n’est nullement nécessaire d’introduire d’hypothèse additionnelle ; la difficulté disparaît d’un seul coup en tenant compte de l’action mutuelle que doivent exercer les groupes R et R’ unis à chacun des deux atomes de carbone combinés. En effet, si cette action dépend, comme d’ailleurs toute force connue, de la distance et de la nature des groupes en question, il n’y aura parmi les positions possibles qu’une seule qui corresponde à l’état de stabilité ». Dès la publication en français de sa Chimie dans l’espace, van’t Hoff fabrique des modèles tétraédriques en carton qu’il adresse30 à Baeyer (Strasbourg), Buttlerov (Saint Pétersbourg) Henry (Louvain), A.W. Hoffmann (Berlin), Kekulé (Bonn), Frankland (London), Wislicenus (Wützburg), Würtz et Berthelot (Paris). Ces modèles sont suffisamment petits pour entrer dans une boîte d’alumettes ; un jeu de vingt-cinq exemplaires est conservé au Deutsches Museum à Munich, un autre, représenté ci-dessous (figure 3.31) se trouve au Rijksmuseum voor de Geschiedenis der Natuurwetenschappen à Leyden (Pays-Bas). Si, sous l’angle de la théorie du carbone tétraédrique, nous réexaminons la représentation structurale plane de l’éthanol pour laquelle nous avions abouti à deux schémas non réductibles (voir schémas 1 et 2 de la figure 3.28 page 104) nous sommes amenés à constater que ceux-ci correspondent bien à une seule structure spatiale réelle (figure 3.32). En effet, ces deux schémas correspondent à des projections dans le plan de la feuille de papier d’une même structure
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Figure 3.31 – Les modèles tétraédriques originaux de van’t Hoff.
spatiale, présentée sous deux dispositions issues l’une de l’autre par une rotation de 120° autour de l’axe de la liaison C–C.
Figure 3.32 – Projection de la molécule d’éthanol selon deux plans.
De même est-il possible maintenant de dessiner une représentation claire des structures des divers acides tartriques qui sont à la base des travaux de Pasteur sur l’asymétrie moléculaire (figure 3.33) à savoir :
Figure 3.33 – Hypothèse du carbone tétraédrique et isométrie des acides tartriques.
Représentations de la structure chimique
– les deux formes antipodiques (+) et (–) de l’acide tartrique, présentant une activité optiquec#, images l’une de l’autre par rapport à un plan de symétrie Σ externe ; – l’acide paratartrique ou racémique qui correspond à leur produit de cristallisation mixte dans les proportions 50/50, privé d’activité optique par compensation mutuelle entre les deux formes ; – l’acide méso-tartrique qui possède un plan de symétrie Σ intramoléculaire, perpendiculaire à la liaison C–C, privé d’activité optique par compensation interne, l’action de l’un des carbones asymétriques annulant celle de l’autre, égale en grandeur, mais de sens contraire. Les travaux de van’t Hoff et de Le Bel ont totalement occulté une observation de E. Paternò datant de 1869 et qui concerne la structure du pentachloroéthane dont il n’a pu isoler qu’un seul isomère, alors que d’autres prétendaient en avoir trouvé trois. En discutant les possibilités d’existence d’isomères de ce composé, Paternò indique que seule une disposition des substituants sur les sommets d’un tétraèdre centré sur l’atome de carbone permet d’envisager l’existence d’une structure unique et illustre son propos par des modèles matériels (figure 3.34). Mais il ne tire aucune conséquence plus générale de son observation à propos de laquelle il remarque qu’il est « inutile de dire que celle-ci n’est qu’une façon de représenter les faits et qu’elle nécessiterait des preuves expérimentales. »
Figure 3.34– Modèles de deux dichloroéthanes.
Accueil fait au carbone tétraédrique Hors de France le mémoire de Le Bel avait peu retenu l’attention des chimistes. D’une rédaction très technique en ce qui concerne les relations de symétrie dans la structure de molécules de type MA4 en général, il avait été analysé
c)# Déviation
du plan de la lumière polarisée.
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Naissance de la chimie structurale
surtout par les revues de physique et semblait relever autant de la cristallographie et de l’optique que de la chimie. Celui de van’t Hoff, en revanche, a été dès le départ l’objet de vives controverses, particulièrement en Allemagne. Contrairement à tant d’autres, elles n’ont pas porté sur des problèmes de priorité et, fait remarquable, Le Bel et van’t Hoff ont toujours considéré que leurs prémisses à la solution du problème de la distribution spatiale des atomes dans les molécules n’avaient rien de commun, de sorte que le fait d’aboutir au même résultat constituait une belle confirmation des hypothèses de l’un par celles de l’autre. L’hypothèse du carbone tétraédrique a immédiatement séduit J. Wislicenus à qui elle permettait de résoudre enfin le problème de la structure de l’acide lactique qui le préoccupait depuis longtemps, sans qu’il arrive à en voir la solution. Il fit l’éloge du travail de van’t Hoff dans la préface de Die Lagerung der Atome im Raume, la traduction allemande de l’opuscule par Herrmann en 1877. Mais van’t Hoff ne récolte pas que des louanges. En France, Berthelot, toujours ardent défenseur des équivalents face aux atomes et opposé à la notion d’atomicité, exprimera son rejet du carbone tétraédrique de van’t Hoff dès le premier exposé, en 1874, de sa théorie devant les membres de la Société chimique de Paris31 (cité par J. Jacques, 1992) : « Sans méconnaître en général l’intérêt de formules de ce genre, plus rationnelles que les formules planes que l’on a coutume de figurer, il convient cependant d’observer qu’une représentation complète des composés chimiques ne saurait avoir lieu sans y faire entrer la notion des mouvements rotatoires et vibrations dont sont animés chaque atome en particulier et chaque groupe d’atomes dans la molécule. Or, cette notion dynamique des composés fait apercevoir des explications plus simples et plus générales, dans un grand nombre de cas, que la représentation purement géométrique des atomes couchés sur un plan, ou même distribués sur les sommets d’un polyèdre. » En 1877, en Allemagne, Kolbe, le chimiste de grand renom qui a réalisé la première synthèse totale de l’acide acétique et confirmé ainsi l’inexistence de la « force vitale », déjà mise à mal par Wöhler, tire à boulets rouges tant sur van’t Hoff que sur son collègue Wislicenus, et ce en des termes indignes et venimeux. Il déclare péremptoirement (traduction de J. Jacques) : (Que) « quelqu’un [...] relise, s’il le peut, la brochure « la Chimie dans l’Espace », de M. van’t Hoff qui vient de paraître, brochure regorgeant de jeux de fantaisie. Sans doute je la passerais sous silence comme beaucoup d’autres, si un chimiste célèbre (Wislicenus) ne l’eût pris sous sa protection, la recommandant chaleureusement comme travail de grand mérite. Un certain Dr. J.H. van’t Hoff, employé à l’école vétérinaire d’Utrecht, ne trouvait, à ce qu’il semble, aucun goût à la recherche chimique exacte. Il a jugé plus commode d’enfourcher Pégase (évidemment emprunté à
Représentations de la structure chimique
l’école vétérinaire) et de proclamer dans sa « Chimie dans l’Espace » comment, après un vol hardi, lui sont apparus, du haut du Mont Parnasse, les atomes arrangés dans l’espace… Le monde prosaïque des chimistes n’ayant pas beaucoup de goût pour ce genre d’hallucination, le Dr F. Hermann, assistant à l’Institut d’agriculture de Heidelberg, a entrepris de lui donner une plus large diffusion grâce à une édition allemande… Il m’est impossible de critiquer à fond, même partiellement, ce mémoire, parce que ce jeu de fantaisie manque absolument de fond ; il est tout à fait incompréhensible pour tout savant sensé… C’est bien un signe de ces temps-ci, dépourvus d’esprit critique et haïssant les critiques, que deux chimistes inconnus, l’un sortant d’une école vétérinaire, l’autre d’un institut d’agriculture, puissent trancher avec une telle assurance les problèmes les plus difficiles de la chimie, que personne ne pourra résoudre – en particulier ce problème de l’arrangement des atomes dans l’espace – et puissent présenter leurs solutions avec un toupet qui laisse parfois pantois les vrais scientifiques. » En 1887, van’t Hoff analyse l’impact de l’hypothèse du carbone tétraédrique et examine ses succès. Il constate que depuis la mort de Kolbe, seul Berthelot manifeste encore une opposition à sa théorie ; il exprime sa satisfaction de voir que celle-ci a été adoptée en particulier par Baeyer et qu’elle est exposée dans les manuels les plus usités, ceux de H.T. Richter en Allemagne, ainsi que de H.E. Roscoe et de C. Schorlemmer en Grande-Bretagne. La stéréochimie des composés du carbone prend son essor.
La chimie dans l’espace s’étend aux composés inorganiques Dès 1877, Wislicenus suggère que la théorie de van’t Hoff puisse être étendue à l’azote, mais ce n’est qu’en 1890 que Le Bel tente la résolution d’un premier ammonium quaternaire, avec un résultat peu convaincant. Il faudra attendre 1899 pour que W.J. Pope et S.J. Peachey réussissent à isoler un premier ammonium quaternaire dédoublable, l’iodure d’allylbenzylméthylphénylammonium, sous ses deux formes antipodiques (figure 3.35).
Figure 3.35 – Premier ion ammonium quaternaire dédoublable.
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Naissance de la chimie structurale
Dans les domaines autres que celui de la chimie des composés du carbone, c’est encore Sir Pope et ses coéquipiers successifs (cité par Partington, 1964) qui sont parmi les premiers à préparer des composés sulfurés, séléniés, stanniques, etc., optiquement actifs. Mais l’existence de structures intéressantes du point de vue stéréochimique se manifeste surtout dans les composés de coordination. Le premier de tels composés qui comporte un « ligand »32 organique, le trichloroéthénoplatéate de potassium [PtCl3CH2=CH2]– Cl–, 2K+ ou « sel de Zeise », a été découvert dès 1827 par le danois W.C. Zeise. Mais il faut attendre la fin du XIXe siècle pour voir se développer dans ce domaine une étude systématique dont les bases sont établies par A. Werner33. Elles sont fondées sur l’observation que des molécules d’ammoniac ou des ions chlorure principalement, mais aussi d’autres molécules ou ions, peuvent être liés fermement à un ion métallique M et former ainsi un ion complexe dont M constitue « l’atome central ». En 1893, Werner publie sa Théorie sur les valences principales et les valences secondaires des éléments et est le premier à montrer que le facteur stéréochimique n’intervient pas dans le seul cas des composés du carbone. Il observe que les atomes centraux des ions complexes lient fortement deux, quatre ou le plus souvent six ligands monodentates A, B… Il désigne par « indice de coordination » le nombre de ligands unis à l’atome central ; la structure MA6 lui sert de base pour l’étude de la configuration spatiale des ions complexes hexacoordonnés. Ses travaux aboutissent aux conclusions suivantes : – l’absence d’isomères pour MA5 B1, c’est-à-dire le remplacement de l’un des ligands A de MA6 par un ligand B, indique que la disposition des six ligands monodentates autour de l’atome central doit satisfaire à des éléments de symétrie ; – trois dispositions géométriques sont alors envisageables pour MA6 (figure 3.36) les six ligands monodentates peuvent être situés ou bien dans le même plan que l’atome central et centrés sur lui (disposition plane), ou bien dans deux plans parallèles encadrant l’atome central (disposition prismatique) ou encore dans deux plans perpendiculaires dont l’intersection contient l’atome central et deux des ligands (disposition octaédrique) ;
Figure 3.36 – Systèmes géométriques des ions métalliques complexes.
Représentations de la structure chimique
– pour les substances du type MA4 B2, les dispositions plane et prismatique devraient conduire à la formation de trois isomères. Cette situation n’ayant jamais pu être observée, la disposition octaédrique est alors la seule envisageable, compatible avec l’existence de dispositions isomères, les formes « cis » et « trans », dépourvues d’activité optique ; – deux ligands monodentate peuvent être remplacés par un ligand bidentate, tel que l’ion oxalate –O−CO−CO−O– ou le 1,2-diaminoéthane (ou éthylènediamine) H2N−CH2−CH2−NH2, que nous représenterons dans les dessins par un arc de cercle terminé à chacune de ses extrémités par un atome N, qui relie deux sites de coordination, etc. ; – lorsqu’un ion complexe contient un ou plusieurs ligands bidentates, certains isomères présentent une asymétrie moléculaire et manifestent par conséquent un pouvoir rotatoire. En voici deux exemples qu’illustre la figure 3.37.
Figure 3.37 – Exemples de structures de coordination à substituants bidentates.
Pour compléter cette revue des aspects stéréochimiques des composés de coordination, nous ajouterons que pour les composés MA2 la géométrie est linéaire, que pour les composés MA4 elle est soit plane quadratique, soit tétraédrique et que pour les métallocènes, ainsi que d’autres structures, les dispositions stéréochimiques peuvent présenter une variété encore plus grande (figure 3.38).
Figure 3.38 – Exemples de structures de coordination aux géométries diverses.
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Chapitre 4
Naissance de la stéréochimie
Évolution de la notion d’isomérie Dès 1831, Berzelius définit dans son Traité de chimie (voir précédemment, p. 37) la notion de « corps isomérique » : « Les corps qui, ayant la même composition et la même capacité de saturation, jouissent de propriétés différentes, peuvent être appelés corps isomériques » dont on connaît quelques exemples, en particulier le couple des acides cyanique [HOCN] et fulminique [HCNO], celui du cyanate d’ammonium (NH4NCO) et de l’urée H2NCONH2, ainsi que les acides tartrique et paratartrique. D’autre part, il fait la distinction entre les corps isomères et les corps polymères, « une autre espèce d’identité de composition, avec différence dans les propriétés chimiques ; cependant, dans les cas où elle se présente, la capacité de saturation se trouve aussi changée, c’est-à-dire, doublée, triplée, etc., et conséquemment le nombre absolu des atomes n’est plus le même ». À partir du moment où, dans sa théorie structurale, Butlerov émet l’exigence de la biunivocité entre une structure et sa représentation par une formule, les chimistes peuvent constater qu’il n’existe pas un type unique d’isomérie, mais que des facteurs divers peuvent en être la cause. Nous avons d’ailleurs déjà rencontré l’isomérie optique, mise en évidence par Pasteur. Mais avant de passer les différents types d’isomérie en revue, une remarque s’impose. Les chimistes se rendent rapidement compte que, contrairement à leur représentation matérielle qui fournit des modèles très didactiques, la représentation graphique des molécules à l’aide de dessins à base de tétraèdres ne fournit pas de documents qu’on peut embrasser d’un seul coup d’œil et conduit surtout à un fort encombrement de la feuille du dessin. C’est pourquoi un certain nombre de conventions se sont peu à peu dégagées1. En ce qui concerne la représentation des molécules dans un plan, on est passé des formules développées à une écriture linéaire sans traits de liaison entre les atomes C et H, puis à une nouvelle simplification, obtenue par la suppression de tous les traits de liaison (sauf éventuellement ceux jouant un
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Naissance de la chimie structurale
rôle dans le texte), enfin en remplaçant les chaînes alkyles par des acronymes tels que Me, Et, Pr, etc. (figure 4.1).
Figure 4.1 – Simplifications successives des formules chimiques.
À l’heure actuelle, on pratique souvent une simplification plus radicale en figurant la chaîne carbonée sous forme d’une ligne brisée, simple, double ou triple, en fonction de la nature de la liaison représentée, dont les sommets des angles et les extrémités représentent par convention des atomes de carbone portant autant d’atomes d’hydrogène que nécessaire pour satisfaire à la tétratomicité du carbone. En revanche, les hétéroatomes figurent toujours et peuvent à l’occasion remplacer un carbone dans la chaîne ou constituer les amorces de chaînons latéraux. Nous y aurons souvent recours pour des raisons d’économie de l’espace.
Isomérie de structure du squelette carboné Deux composés carbonés possédant la même formule globale, la même fonction chimique et le même nombre de liaisons de chaque type, c’est-à-dire ne se différenciant que dans le mode d’enchaînement des atomes de carbone, sont appelés « isomères de structure du squelette carboné ». Voici à titre d’exemple la série des hydrocarbures saturés isomères en C6H14 (figure 4.2).
Figure 4.2 – Isomérie de structure des hexanes.
Isomérie de position de la fonction chimique À l’inverse de ce qui caractérise l’isomérie du type précédent, où la fonction chimique est fixe, dans l’isomérie de position cette fonction change de place sur une structure carbonée fixe (figure 4.3). Il est à noter qu’en l’absence d’une fonction chimique un centre d’insaturation est à considérer comme son équivalent (figure 4.4).
Naissance de la stéréochimie
Figure 4.3 – Isomérie de position de la fonction chimique des butanols.
Figure 4.4 – Isomérie de position des liaisons multiples.
Isomérie géométrique L’expression « isomérie géométrique » a été proposée en 1873 par Wislicenus avant la publication de la théorie du carbone tétraédrique, pour désigner les différences entre les deux acides lactiques CH3—CHOH—COOH. Ce terme a été repris l’année suivante par van’t Hoff pour désigner les isoméries dans des molécules insaturées. Pour celles contenant, comme nous l’avons vu précédemment, une liaison double, van’t Hoff a utilisé une représentation par deux tétraèdres ayant une arête commune et analyse les conséquences d’une telle disposition. « …il faut s’attendre sous ce rapport à une différence marquée en comparant l’isomérie nouvelle avec celle qui résulte du carbone asymétrique. En effet, … il n’y a ici ni dissymétrie ni énantiomorphie dans la structure atomique, de sorte qu’il n’y a pas lieu de présumer le pouvoir rotatoire.… [Par contre, il y a lieu de prévoir] d’une part une différence dans les propriétés physiques en général… comme d’autre part il y a lieu de s’attendre à une différence dans les propriétés chimiques, dans la stabilité, dans la chaleur de formation, etc. ». En 1888 K. von Auwers et V. Meyer proposent une schématisation plane de la disposition tétraédrique ; les mêmes proposent aussi à cette occasion le remplacement de l’expression « chimie dans l’espace » par « stéréochimie » (figure 4.5). Nous pouvons résumer l’analyse et les conclusions de van’t Hoff comme suit : – les deux atomes de carbone de la double liaison, ainsi que les atomes amorces des quatre substituants sont situés dans un même plan que nous
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Figure 4.5 – Représentations d’une double liaison tétrasubstituée.
appelons aujourd’hui « plan moléculaire » et qui constitue en même temps un plan de symétrie ; – lorsque les substituants sont différents entre eux, il faut prévoir des cas d’isomérie et l’ordre de citation des substituants dans la formule est contraignant (chaque groupe de substituants d’un carbone est figuré entre des parenthèses par van’t Hoff). Pour 4 substituants différents, il faut prévoir 6 isomères (figure 4.6). Pour 3 substituants différents, il faut prévoir 3 isomères (figure 4.7). Pour 2 substituants différents, il faut prévoir 3 isomères (figure 4.8).
Figure 4.6 – Isomérie géométrique (4 substituants différents).
Figure 4.7 – Isomérie géométrique (3 substituants différents).
Figure 4.8 – Isomérie géométrique (2 substituants différents).
Pour justifier le bien-fondé de son analyse et de ses conclusions, van’t Hoff répertorie les cas d’isomérie géométrique connus en 1874 et issus des travaux autres que les siens. Leur liste est importante tant par le nombre que la variété
Naissance de la stéréochimie
des substances relevées et des chimistes qui les ont préparées. Le cas le plus célèbre est celui de l’isomérie des acides maléique et fumarique, découverts en 1817, indépendamment l’un de l’autre, par H. Braconnot et L.N. Vauquelin, lors de la distillation sèche de l’acide malique (de malus = pomme en latin) extrait en 1785 du jus de pommes par Scheele. Soumis à l’hydrogénation par Kekulé en 1860, les deux acides conduisent à l’acide succinique (de succin = ambre, matière dont Agricola l’a isolé dès 1546), ce qui prouve que l’isomérie n’affecte pas la structure du squelette carboné. Se basant sur le fait que l’acide fumarique est plus stable que l’acide maléique et que seul ce dernier fournit un anhydride (sauf dans des conditions extrêmes) et se forme exclusivement lors de l’oxydation du benzène et de ses dérivés, van’t Hoff conclut en 1884 que dans l’acide maléique les deux fonctions hydroxycarbonyles se situent du même côté de la double liaison (figure 4.9).
Figure 4.9 – Formation de l’anhydride maléïque.
À partir de 1885, Baeyer étudie la stabilité des cycles carbonés saturés et émet l’hypothèse de leur planéité, les substituants étant supposés perpendiculaires à ce plan. À cette occasion il s’attaque aussi au problème des dispositions respectives de deux substituants et appelle, en 1890, disposition « cis » celle où tous les substituants se situent du même côté du plan. En revanche, il appelle disposition par « trans » celle où deux substituants sont situés de part et d’autre de ce plan. Lorsque le nombre de substituants situés de part et d’autre du plan du cycle est supérieur à deux, cette nomenclature se trouve en défaut (figure 4.10). C’est par analogie à cette nomenclature que Baeyer propose de procéder dans le cas des composés éthyléniques, en considérant la disposition des
Figure 4.10 – Isomerie cis–trans des cycloalcanes.
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substituants de la double liaison par rapport à un plan perpendiculaire au plan moléculaire, les deux contenant la double liaison. Cette solution présente les mêmes limites que dans le cas des cyclanes (figure 4.11). Trois quarts de siècle plus tard et quelques millions de molécules nouvelles de plus, le problème de la désignation des composés éthyléniques polysubstitués au niveau de la double liaison exigeait impérieusement une solution plus générale. Celle qui a été adoptée est basée sur le mode de désignation de la configuration absolue au niveau d’un carbone asymétrique, proposée en 1966 par Cahn, Ingold et Prelog (CIP) (voir p. 130 – règle de séquence). Tout d’abord, on détermine entre elles, en fonction des critères CIP, les priorités des deux substituants de chacun des carbones éthyléniques. Dans une seconde opération, on considère les substituants prioritaires des deux atomes de carbone ; s’ils se situent du même côté du plan perpendiculaire au plan moléculaire, on parle d’isomères Z, du mot allemand « zusammen » qui signifie « réunis » ; dans le cas contraire, on parle d’isomères E, du mot allemand « entgegen » qui signifie « en opposition » (figure 4.12).
Figure 4.11 – Isomerie cis – trans des alcènes.
Figure 4.12 – Disposition Z et E des alcènes.
Les termes cis et trans, précédés de l’indication « s– », sont aussi utilisés pour décrire la configuration au niveau d’une liaison simple intérieure à un « système de liaisons doubles conjuguées », c’est-à-dire alternant avec des liaisons simples (figure 4.13).
Figure 4.13 – Disposition s-cis et s-trans des polyènes conjugués.
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Isomérie de valence des systèmes conjugués Un système conjugué est caractérisé par une grande mobilité des électrons π et peut être le siège d’une isomérie particulière affectant les liaisons σ et π, sans altérer la disposition des atomes du squelette, c’est l’isomérie « fluxionnelle » ou de « valence ». Les racines de la perception, par un certain nombre de chimistes, d’une caractéristique particulière de certaines liaisons remontent à l’époque des discussions animées autour des formules proposées pour la représentation du benzène. Les critiques de Ladenburg (voir p. 96) avaient conduit Kekulé à postuler en 1872 l’existence d’une oscillation à fréquence élevée des liaisons doubles. À la même époque, Lothar Meyer admet que dans le benzène chaque atome de carbone possède une valence libre, ce qu’il exprime par une étoile sur chaque carbone de la formule (figure 4.14).
Figure 4.14 – Modèle du benzène de L. Meyer.
Figure 4.15 – Benzène de Baeyer.
Figure 4.16 – Modèle du benzène de Thiele.
Quinze ans plus tard, E. Armstrong propose une formule voisine, mais basée sur l’hypothèse que les valences des différents carbones ne sont pas libres et interagissent en direction du «centre» de la molécule. Le modèle de Baeyer (figure 4.15), caractérisé par la disposition des atomes d’hydrogène dans un plan parallèle à celui contenant les atomes de carbone, rejoint celui d’Armstrong. Mais Baeyer retourne rapidement au modèle de Kekulé qu’il utilise dans la publication de ses travaux en 1890 sur le phloroglucinol (1,3,5-trihydroxybenzène). En 1899 J. Thiele énonce sa théorie des valences « mobiles » ou « partielles », applicable à tous les systèmes conjugués (figure 4.16). Peu après, en 1905, il prépare le triozonide du benzène, renforçant ainsi le crédit accordé à la formule de Kekulé aux trois liaisons doubles. Mais le problème abordé par tous ces chimistes ne pouvait trouver de solution avant la découverte de l’électron et de la vraie nature de la liaison chimique. Malgré ses imperfections, le modèle de Kekulé a conservé la préférence jusqu’à nos jours, bien qu’on le considère toujours comme un pis-aller, utile certes, incapable toutefois d’expliquer la totalité des propriétés du benzène et des autres composés aromatiques. Cent ans après Kekulé, H.G. Viehe a prouvé que certaines des structures imaginées pour le benzène entre 1865 et 1900 ont une existence réelle et peuvent être considérées comme des isomères du benzène. Ce sont le prismane
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Naissance de la chimie structurale
de Ladenburg, le « benzène de Dewar » et le benzvallène (figure 4.18). En trimérisant du tert-butylfluoroacétylène, Viehe a obtenu à la fois un dérivé du prismane, un autre du benzène de Dewar et un troisième du benzvallène. Ces composés dont la stabilité décroît avec le nombre croissant de liaisons doubles, conduisent tous, par simple chauffage et sans ébranlement du squelette carboné, à des dérivés du benzène et présentent entre eux l’isomérie de valence (figure 4.17).
Figure 4.17 – Les synthèses d’isomères du benzène par Viehe.
Figure 4.18 – Isoméries de valence aboutissant au benzène de Kekulé.
Naissance de la stéréochimie
Depuis, on a mis en évidence de nombreux composés présentant ce type d’isomérie. À la différence de ceux qui précèdent et qui conduisent à température ambiante à un composé stable, le benzène, la plupart des combinaisons chimiques sujettes à l’isomérie de valence existent sous forme d’un équilibre de tous les isomères possibles, de sorte qu’un certain nombre de chimistes les désignent comme des systèmes aux liaisons multiples « fluctuantes » ou « délocalisées ». En voici quelques exemples, en particulier le bullvallène, aux 1,2 million de structures isomères (figure 4.19).
Figure 4.19 – Exemples de systèmes présentant l’isomérie de valence.
Configuration et conformation Conventions de représentation stéréochimique Si, dans un premier temps les chimistes ont cédé à la commodité d’une représentation des molécules sous forme de projection dans un plan, plutôt que sous forme de dessins d’assemblages de tétraèdres, leurs recherches dans le domaine de la réaction chimique les ont rapidement convaincus de l’utilité d’une représentation spatiale des molécules, voire de sa nécessité, comme cela est le cas par exemple pour distinguer entre eux les isomères dextro- et lévogyre de l’acide tartrique. Tout comme la représentation plane que nous avons passé en revue au chapitre précédent, la représentation stéréochimique a fait peu à peu l’objet de conventions, souvent alternatives. Ainsi, dès la fin du XIXe siècle, K. von Auwers et V. Meyer proposent des vues perspectives des substituants d’un atome tétravalent tel que le carbone. Lorsque la discussion porte sur les substituants d’un seul atome C, ils conviennent de placer deux d’entre eux, ou plutôt leurs atomes de jonction avec C, dans le plan de la feuille de dessin, en marquant les liaisons sous forme de traits continus. Les liaisons des deux substituants restants, situés de part et d’autre du plan du dessin sont représentées par des pointillés ou des tirets. Pour les structures formées de deux carbones, liés entre eux, et de leurs substituants, ils font souvent appel à une vue cavalière (sawhorse representation en
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Naissance de la chimie structurale
anglais) avec une disposition des substituants soit « en créneau », appelée aussi « décalée » ou en zig-zag (staggered en anglais), soit « en éclipse ». Dans une telle vue, la disposition des deux carbones est conventionnelle, elle aussi ; celui qui est placé en bas à gauche est censé se trouver le plus proche de l’observateur vers lequel pointent ses substituants (figure 4.20).
Figure 4.20 – Mode de représentation stéréochimique de von auwers et V. Meyer.
Aux environs de 1950, D.J. Cram préconise une adaptation plus didactique du procédé ci-dessus en représentant les liaisons des substituants qui pointent hors du plan du papier vers l’observateur sous forme de coins pleins et ceux en disposition de fuite hors du plan sous forme de coins évidés ou de tirets2. Ce procédé, qui a révolutionné la présentation des molécules carbonées dans l’enseignement, a fait son entrée dans les manuels de chimie avec l’ouvrage Organic Chemistry de D.G. Cram et G.S. Hammond. Ces novateurs préfèrent la vue en ligne à la vue cavalière de von Auwers (figure 4.21).
Figure 4.21 – Mode de représentation stéréochimique de Cram.
Une représentation alternative à celle de Cram a été proposée en 1955 par M.S. Newman qui recourt à une vue « en enfilade », très pratique pour illustrer la disposition en créneau des substituants, mais moins commode lorsque les substituants sont en position éclipsée. Par convention, le carbone le plus proche de l’observateur est noté par un point, où se rejoignent les liaisons avec les trois substituants. La liaison avec le second carbone est invisible, celui-ci étant situé directement derrière le premier dans cette vue. Il est représenté par un cercle, du bord duquel partent les liaisons avec ses trois substituants (figure 4.22).
Figure 4.22 – Mode de représentation stéréochimique de Newman.
Naissance de la stéréochimie
Les modes de représentation de Cram et de Newman sont très intéressants, lorsqu’il s’agit d’élucider ou de prévoir les interactions entre substituants au cours des réactions chimiques. Mais leur intérêt est particulièrement élevé dans la représentation des molécules chirales, très nombreuses parmi celles isolées à partir des substances naturelles, telles que les glucides (les sucres) et les peptides (dont les acides α-aminés).
Configuration relative et configuration absolue La configuration décrit l’enchaînement séquentiel des substituants au niveau d’un atome chiral ; ce concept n’a de signification que dans le cas de molécules asymétriques. D’un point de vue formel, la filiation de deux configurations d’une molécule fait intervenir un processus de réorganisation de la distribution des substituants d’un atome chiral, basé sur la rupture, au niveau de cet atome, d’un certain nombre de liaisons et la formation d’un nombre équivalent de liaisons nouvelles. Nous avons vu que la présence d’un atome asymétrique dans une molécule a pour conséquence la possibilité de manifestation d’un pouvoir rotatoire, une déviation du plan de polarisation de la lumière. On dit que de telles molécules sont « chirales »3, leurs atomes asymétriques sont des centres de chiralité. De façon plus générale, le substantif chiralité et l’adjectif chiral désignent un point singulier de certaines molécules : l’absence au niveau d’un des points réels ou virtuels de celles-ci d’un centre, axe ou plan de symétrie. Il est toujours aisé de dessiner les antipodes optiques d’une molécule possédant un seul centre de chiralité, puisque les substituants de l’atome central ne peuvent être placés que selon deux dispositions, images l’une de l’autre dans un miroir. Cependant, même dans ce cas, il n’est pas possible d’attribuer sans informations supplémentaires l’une des dispositions relatives à chacun des énantiomères, au seul vu de la grandeur et du sens du pouvoir rotatoire. En d’autres termes, à partir de la formule de la molécule on peut établir la configuration relative autour d’un carbone asymétrique, mais pas la configuration absolue. En général, cette dernière ne peut être atteinte qu’au moyen des techniques d’analyse instrumentale physico-chimique. Lorsqu’une molécule possède plus d’un centre de chiralité, la situation se complique rapidement. À la fin du XIXe siècle, l’un des cas les plus difficiles à résoudre a été celui des aldoses, des sucres de formule générale (CH2O)n , où 3 ≤ n ≤ 7 ou 8, dont tous les atomes de carbone sont porteurs d’un atome d’oxygène, le premier sous forme carbonyle, tous les autres sous forme hydroxyle, de sorte que, à l’exception des deux carbones terminaux de chaîne, les n–2 autres carbones présentent chacun un caractère chiral. La détermination des dispositions relatives des groupements OH dans les glucides est en grande partie l’œuvre de E. Fischer qui a étudié dès 1884 les filiations des aldoses, les uns à partir des autres, par l’allongement (méthode de Fischer-Kiliani – action de l’ion cyanure sur un groupe carbonyle) et/ou la dégradation (méthode de Wohl – Zemplen) de la chaîne carbonée, selon des réactions qui interviennent au
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niveau de la fonction carbonyle seulement, sans affecter la stéréochimie des centres de chiralité. Ayant besoin d’un terme de référence, mais ne pouvant déterminer sa configuration absolue, Fischer a attribué arbitrairement l’une des deux structures possibles à l’antipode dextrogyre de l’acide saccharique (figure 4.23), lui-même lié par filiation au (+) glucose, le sucre que l’on isole à partir des fruits (Fischer 1885, 1959). En 1906, Rosanoff a montré qu’en choisissant les énantiomères du glycéraldéhyde comme termes de référence structurale, il était possible d’établir un système satisfaisant de corrélation des dispositions stéréochimiques de tous les glucides. Mais ce n’est qu’en 1914 que Wohl et Momber ont pu isoler le premier échantillon pur de (+) glycéraldéhyde et démontrer en 1917 son lien structural avec le (+) glucose. Il a fallu attendre 1951 pour que la configuration absolue du (+) glycéraldéhyde soit établie par Bijvoet et ses collaborateurs. Heureux hasard, elle coïncide avec le choix arbitraire de Fischer, de sorte qu’aucune conversion de données n’est requise lors de la consultation des publications sur les glucides antérieures à 1951 !
Figure 4.23 – Acide saccharique, terme de référence de E. Fischer.
La complexité de la chimie des glucides a amené Fischer, puis Rosanoff, à établir des conventions de représentation toujours en usage (figure 4.24).
Figure 4.24 – Convention de E. Fischer et notations stéréochimiques appliquées au cas du D (+) glycéraldéhyde.
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– Les molécules sont écrites selon un axe vertical, l’atome de carbone le plus oxydé étant placé au sommet et les substituants de part et d’autre de chaque carbone (dans son mode d’écriture Fischer notait la fonction aldéhyde sous la forme COH, plutôt que CHO – voir figure 4.24a). – Pour marquer les dispositions relatives des substituants dans sa convention, Fischer dessine des tétraèdres symbolisés par un losange carré dont la diagonale horizontale représente l’arête du tétraèdre située en avant du plan de la feuille, c’est-à-dire qui pointe vers le lecteur, et la diagonale verticale l’arête située en arrière du plan du papier (figure 4.24b). De la sorte toutes les liaisons carbone-carbone sont situées à la verticale l’une de l’autre et tous les substituants chiraux de part et d’autre de cet « axe » porteur des deux subsituants terminaux achiraux, le groupe aldéhyde –CHO au sommet et le groupe méthylol –CH2OH à son pied. Une représentation graphique simplifiée consiste à tracer un trait vertical représentant la chaîne carbonée, ainsi que, au niveau de chaque carbone, des traits horizontaux terminés par les symboles des substituants (figures 4.24c et d). De la sorte les intersections figurent les positions des carbones dont le symbole est le plus souvent omis dans le dessin. Rosanoff propose une autre simplification consistant à omettre les branches horizontales portant un atome H ; il représente aussi le groupe aldéhyde par un petit cercle et ne note pas le groupe OH du carbone terminal (figure 4.24e). Écartant les notations d et l qui ont entraîné de grandes confusions et s’inspirant des travaux de Rosanoff, la Commission de Nomenclature de la Chimie Organique de l’Union Internationale de Chimie Pure et Appliquée (IUPAC) préconise deux conventions. La première concerne la désignation des glucides et consiste à compléter l’indication (+) ou (–) du sens du pouvoir rotatoire qui précède le nom du glucide, par la lettre D, lorsque sa configuration au niveau de l’avant-dernier atome de carbone (le C voisin de CH2OH) est la même que dans le (+) glycéraldéhyde, par la lettre L dans le cas contraire. La notation par D et L ne laisse pas préjuger du sens du pouvoir rotatoire (figure 4.25).
Figure 4.25 – Convention IUPAC pour les glucides et les amino-acides.
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Dans une seconde convention IUPAC, les désignations D et L ont ensuite été étendues au cas des acides α-aminés, la L (–) sérine faisant office de terme de référence. Comme dans cette série ce sont les dispositions relatives des groupements acide carboxylique et amino qui doivent rester fixes, les indications D et L changent totalement de signification et concernent le premier et le second atome de carbone (le plus proche du groupement carboxyle) de chaque composé. Il en est résulté une grande confusion, cette distinction échappant le plus souvent aux non-spécialistes. Aussi, pour bien marquer la distinction entre les D et L des glucides et ceux des aminoacides, on a ensuite ajouté à ces symboles, soit l’indice g (pour les glucides), soit l’indice s (pour les aminoacides). Notons que dans les deux séries des glucides et des amino-acides, le procédé ne permet pas de préciser la configuration de plus que d’un seul centre de chiralité de ces molécules qui, souvent, en comportent un plus grand nombre et qui jouent un rôle important dans les processus biochimiques. À titre d’exemple, voici une présentation de la filiation des aldoses établie avec différentes formes d’écriture (figure 4.26).
Figure 4.26 – Filiation des aldoses.
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Règle de séquence Pour satisfaire à la nécessité d’une description complète et non ambiguë des centres de chiralité, un descripteur général de la configuration absolue au niveau d’un tel centre a été mis au point en 1951 par R.S. Cahn, C.K. Ingold et V. Prelog. Son procédé d’établissement, appelé « règle de séquence », est d’une application aisée et repose sur les opérations suivantes. Classement des substituants par priorités – On attribue un rang à chacun des atomes successifs de chaque substituant a, b, c, d, le rang 1 étant constitué par l’atome de jonction avec le centre de chiralité. – En opérant par numéros atomiques décroissants, on attribue un ordre de priorité à chacun des atomes du premier rang. En l’absence d’indétermination, la séquence des priorités est définie. – Dans le cas d’une indétermination de priorité entre deux ou plusieurs termes, on examine pour eux, et pour eux seuls, les atomes du second rang et si nécessaire on opère selon le même principe pour les rangs successifs, jusqu’à disparition de toute indétermination. – Lorsque le squelette d’un substituant est le siège d’un branchement en deux chaînons, ceux-ci sont traités en parallèle. – Lorsque le squelette d’un substituant est le siège d’une liaison multiple, celle-ci est « éclatée » en une entité possédant un ou des chaînons « fantômes » (figure 4.27).
Figure 4.27 – Traitement des liaisons multiples.
Détermination de la configuration absolue – On oriente le tétraèdre représentatif du carbone chiral de telle sorte que le substituant porteur de la priorité 4, la plus faible (substituant d dans la figure), soit placé en position «de fuite» par rapport à l’observateur (figure 4.28). – Pour les trois substituants pointant vers l’observateur, on observe la séquence des priorités. Celle-ci est respectée en parcourant le schéma soit dans le sens des aiguilles d’une montre, soit dans le sens contraire. Dans le
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Figure 4.28 – Configurations R et S.
premier cas on attribuera la lettre R (du latin rectus = droite) à la configuration absolue, dans le cas contraire la lettre S (du latin sinister = gauche). Un exemple de détermination des priorités dans le cas de l’acide (2S)-2hydroxy-3-carbonylepropanoïque est représenté par la figure 4.29. L’examen du rang 1 permet d’attribuer la priorité 1 au groupe hydroxyle, car le numéro atomique de l’oxygène est plus élevé que celui du carbone, mais ne permet pas de choisir une priorité entre les atomes C des deux autres branches. De même, aucun choix n’est possible au niveau du rang 2. Au rang 3 les deux C s’excluent l’un l’autre ; de sorte que la branche portant le groupe hydroxycarbonyle reste seule en lice pour la priorité 2. La priorité 3 revient à la branche portant le groupe carbonyle aldéhydique.
Figure 4.29 – Détermination des priorités CIP.
Chiralité et pouvoir rotatoire Dans son mémoire fondateur de la théorie du carbone asymétrique, Le Bel insiste sur le fait que le pouvoir rotatoire des molécules est la conséquence d’une dissymétrie de leur édifice, mais ne limite pas cette dissymétrie à la présence d’un centre de chiralité. De son côté, van’t Hoff affirme dès 1875 que
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les allènes substitués peuvent être le siège d’une chiralité4. Les allènes sont des molécules constituées par un système de trois atomes de carbone reliés entre eux par des liaisons doubles, les carbones extrêmes pouvant porter des substituants situés dans deux plans perpendiculaires. Chacun de ces plans ou les deux peuvent devenir des plans de chiralité, comme l’indique la figure 4.30. On retrouve des structures alléniques dans un certain nombre de substances naturelles à activité biologique, par exemple la mycomycine, un antibiotique optiquement actif (Delmer et Solomons, 1953).
Figure 4.30 – Cas des allènes.
Plusieurs types de molécules sont caractérisés par la présence d’un seul plan de chiralité, en particulier des composés cyclohexylidéniques, tels que l’acide 4-méthylcyclohexylidène éthanoïque (Perkin et coll, 1909), ainsi que des composés spiro-, par exemple la 5,5’-spirobihydantoïne (Mills et Nodder, 1920) où l’un des plans est considéré comme plan moléculaire, bissecteur de l’autre qui constitue alors le plan de chiralité (figure 4.31). Un autre type de chiralité est celui des cycloalcanes, où le plan de chiralité contient par convention les atomes du cycle carboné (figure 4.31).
Figure 4.31 – Molécules à un seul plan de chiralité.
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Une dernière possibilité de chiralité suppose l’existence d’un axe de chiralité. Une telle situation se retrouve pour des molécules dont une partie chevauche l’autre ou dans lesquelles la libre rotation autour d’une liaison simple est empêchée (mais il ne s’agit alors plus d’une isomérie de configuration). Un cas classique de molécule à axe de chiralité est celui des hexahélicènes (figure 4.32). Dans cette dernière famille de molécules, l’un des cycles benzéniques se superpose à l’autre, empêchant la planéité de l’ensemble moléculaire.
Figure 4.32 – Molécules à axe de chiralité.
Conformations moléculaires La « conformation », une notion introduite en chimie par W.N. Haworth en 1929, exprime des relations de voisinage entre les atomes d’une molécule, qu’elle soit chirale ou achirale. Il ne faut pas confondre ce concept avec celui de configuration qui régit les seules molécules chirales. En effet, deux configurations d’une molécule chirale représentent deux structures distinctes. En revanche, deux conformations de n’importe quelle molécule sont deux dispositions internes d’une même structure, issues d’une réorganisation de la distribution des atomes à la suite de la rotation, autour d’une liaison simple, d’une partie de cette molécule par rapport à l’autre. Le principe d’une telle rotation, dite « libre rotation », assortie d’une rapidité élevée empêchant d’isoler l’une ou l’autre des différentes conformations à température ambiante, remonte à van’t Hoff. Si à température ambiante la libre rotation est la règle, lorsque les atomes de carbone sont substitués par de l’hydrogène ou des substituants occupant un faible volume, elle peut, dans certains cas, être freinée par suite d’interactions stériques entre les groupes R et R’, c’est-àdire d’interactions à travers l’espace en dehors des liaisons, et conduire à des isomères isolables, stables en dessous d’une certaine température. On parle alors de « conformères » ou d’isomères de conformation. L’analyse conformationnelle, créée en 1948 par Sir Derek Barton, consiste à rechercher les conformations privilégiées d’une molécule et à étudier leurs caractéristiques spécifiques dans les domaines de la thermodynamique et de la cinétique. Elle a permis entre autres d’établir la hauteur des « barrières de
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rotation », c’est-à-dire la différence ΔE d’énergie potentielle entre deux dispositions conformères privilégiées, représentée5 en figure 4.33 pour le cas du butane, considéré comme de l’éthane diméthylé RCH2CH2R’ (R = R’ = Me). Dans le cas de l’éthane, les trois sommets qui correspondent aux dispositions en éclipse successives ont une hauteur identique, pour les autres composés la valeur de ΔE est conditionnée par le degré d’interaction stérique entre les groupes R et R’, lui-même fonction de l’angle dièdre qu’ils forment. Pour des barrières faibles, de l’ordre de 12 à 18 kJ mole–1, il n’est pas possible d’isoler des conformères à température ambiante, on n’y arrive qu’à basse ou très basse température (entre 50 K et 100 K).
Figure 4.33 – Barrières de rotation interne du butane.
Dans certains cas, la libre rotation peut même être empêchée et conduire à des isomères stables, appelés « atropisomères ». C’est le cas notamment de certains dérivés du diphényle, tels que l’acide diphényl-6,6’-dinitro1,1’-dioïque dont les isomères optiques sont isolables (figure 4.34). Mais dans ce genre de molécules, pour lesquelles on peut définir deux plans disposés conventionnellement à 90° l’un de l’autre, il ne faut pas oublier que si les substituants de l’une des moitiés de molécule sont identiques et répartis de façon symétrique, aucune activité optique n’est possible, quelles que soient la nature et la taille des substituants. Dans ce cas de figure, on se trouve dans une situation analogue à celle des allènes que nous avons décrite plus haut.
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Figure 4.34 – Atropisomérie.
Un autre cas d’empêchement de la libre rotation autour d’une liaison simple est celui des composés cycliques saturés. Pour Baeyer : « la cyclisation est assurément le phénomène qui peut fournir le plus de renseignements sur la disposition spatiale des atomes. Lorsque une chaîne de 5 à 6 chaînons est aisément cyclisée, alors qu’une autre dont le nombre de chaînons est plus grand ou plus petit est cyclisée difficilement ou pas du tout, il doit y avoir des causes d’ordre spatial à cela. » Partant de l’observation que dans le cyclopentane l’angle entre deux liaisons C – C est très voisin de celui de 109° 28’, observé pour les structures à chaîne ouverte, Baeyer avait élaboré une « théorie de la tension » dans les cycles saturés qu’il suppose a priori tous plans. Il concède que le seul argument opposable à sa théorie est le fait que dans les structures compliquées les cycles à cinq chaînons sont rares et ceux à six chaînons fréquents ; mais, ajoute-t-il, ces derniers se retrouvent le plus souvent sous forme de cycle benzénique. En 1890, H. Sachse effectue une étude critique de l’hypothèse de Baeyer et montre que si la planéité des cycles saturés peut se justifier pour ceux à 3, 4 et 5 chaînons, il n’en est plus de même pour les cycles de taille supérieure. Sur la base du respect des angles de liaison de 109° 28’, Sachse met en évidence, dans le cas du cyclohexane, la possibilité d’existence de deux dispositions géométriques non planaires et dépourvues de tension, qu’il qualifie de configurations normales (figure 4.35) : – « configuration a » qu’il appelle « configuration symétrique » : par rapport à un plan Π situé à égale distance de tous les atomes de carbone du cyclohexane, les atomes de carbone 1, 3 et 5 sont situés au-dessus de ce plan, les atomes de carbone 2, 4 et 6 en dessous ;
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Figure 4.35 – Configuration « normales » de Sachse.
– « configuration b » qu’il appelle « configuration dissymétrique » : les atomes de carbone 2, 3, 5, et 6 sont situés dans un plan, les atomes de carbone 1 et 4 en hauteur, dans un plan perpendiculaire, bissecteur de la molécule. De nos jours, la configuration symétrique de Sachse est appelée « conformation chaise » du cyclohexane, sa configuration dissymétrique est devenue la « conformation bateau » (figure 4.36).
Figure 4.36 – Représentation actuelles des conformères du cyclohexane.
Sachse relève aussi qu’une faible déformation suffit, pour passer de l’une de ses configurations à l’autre. C’est l’amorce de la théorie conformationnelle, mais l’intérêt que soulèvent ses travaux retombe assez rapidement, probablement du fait de la notoriété de Baeyer dont il égratigne l’auréole, mais aussi parce que Sachse meurt à l’âge de 31 ans, peu après la publication de son mémoire, sans avoir pu isoler les deux conformations du cyclohexane qui auraient justifié ses vues. Le débat sur la structure du cyclohexane, interrompu par ce décès, ne reprend qu’un quart de siècle plus tard avec E. Mohr. Celui-ci reprend les idées de Sachse et démontre en 1918 que l’interconversion des conformères du cyclohexane exige peu d’énergie, de sorte que l’on ne saurait observer qu’un équilibre entre conformères dans ce corps (figure 4.37). Mohr fait observer que l’interconversion n’est plus possible, lorsque le cycle hexacarboné possède un côté commun avec un autre cycle, comme par exemple dans le réseau cristallin du diamant dont la structure est basée sur le carbone tétraédrique.
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Figure 4.37 –Modèles de Mohr des conformères du cyclohexane.
Mohr note aussi que l’on peut découper dans ce réseau tous les cycles saturés à nombre pair d’atomes, à partir de C6. Enfin, il prédit l’existence de la transdécaline, une configuration qui exclut la planéité des structures cyclohexaniques (figure 4.38).
Figure 4.38 – Réseau du diamant et positionnement des deux décalines.
Un peu plus tard (1925), W. Hückel isole effectivement la cis- et la trans-décaline, mais il faut attendre encore plus d’un quart de siècle les travaux de Barton, Hassel, Klyne, Pitzer, etc. pour vaincre la théorie des cycles plans de Baeyer.
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On sait aujourd’hui que l’énergie potentielle E0 de la conformation chaise du cyclohexane est inférieure de 23 kJ mole–1 à celle de la conformation bateau et qu’entre ces deux formes extrêmes une disposition « bateau gauchi ou twist », pressentie par Sachse et par Mohr, possède une énergie E0 qui ne diffère de celle de la forme chaise que par 20 kJ/mole. Dans les cyclohexanes substitués on peut distinguer deux dispositions particulières pour chaque substituant ; en 1953 Barton les désigne par les termes axiale et équatoriale (figure 4.39). Les interactions stériques entre substituants conditionnent alors la conformation préférée dans laquelle la molécule se trouve dans son état fondamental. On observe dans tous les cas de figure que les interférences sont maximales lorsque les éventuels substituants sont en disposition axiale.
Figure 4.39 – Dispositions axiale et équatoriale.
Les dessins suivants montrent les interconversions successives des conformations, avec le passage d’un substituant de la position équatoriale à la position axiale et vice-versa (figure 4.40).
Figure 4.40 – Interconversions du cyclohexane monosubstitué.
Une autre façon d’apprécier les possibilités d’interaction stérique des substituants recourt à une représentation du type Newman (figure 4.41).
Figure 4.41 – Interactions stériques.
Cette représentation montre bien que les interférences sont maximales lorsque les éventuels substituants sont en disposition axiale.
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Chapitre 5
Électron et liaison chimique Vers la fin du XIXe siècle, les idées d’atome, de molécule, de structure chimique et de stéréochimie sont au centre du débat scientifique et constituent un réseau conceptuel en profonde mutation. Depuis le Congrès international des chimistes à Karlsruhe, en 1860, la majorité des chimistes se rallie à l’atome chimique, défini en 1864 par A. Würtz comme « la plus petite masse capable d’exister en combinaison » et la molécule comme « la plus petite quantité capable d’exister à l’état libre ». Dans ses Principes de chimie, D. Mendeléev précise que l’élément appelle l’idée d’atome, tandis que les expressions de corps composé et de corps simple appellent l’idée de molécule : « L’atome est la plus petite quantité d’un élément qui puisse exister dans un corps composé, comme masse indivisible par des forces physiques et chimiques ». Même si cette masse est loin d’être connue, l’atome ainsi défini peut permettre une interprétation heureuse des lois sur la combinaison chimique et c’est l’affinité qui est généralement vue comme « la cause ou la force qui…dans une combinaison retient les différents éléments en présence, c’est-à-dire celle qui donne aux substances formées un degré spécial de stabilité » (Mendeléev, 1895). Pour les chimistes de cette époque, c’est la position chimique des atomes dans l’espace qui fait l’objet des différentes représentations des molécules. Dans ces représentations le trait entre atomes représente leur relation de proximité immédiate, mais aucune hypothèse sur la nature de l’affinité chimique ou sur l’origine de la valence n’est généralement formulée. En effet, comme le font remarquer A. Hantzsch et A. Werner en 1890 : « notre théorie (« stéréochimie des benzildioximes ») peut être développée indépendamment de la conception incertaine de la valence et des idées toutes aussi incertaines concernant les notions de « direction », « déviation » et « liaison » de valence ». Quelques tentatives d’interprétation de l’affinité seront cependant entreprises. Ainsi, V. Meyer et E. Riecke proposent en 1888 un modèle où l’atome (figure 5.1). « est entouré d’une chape d’éther qui est de forme sphérique dans le cas d’un atome isolé, considéré lui-même comme sphérique ; nous considérons l’atome comme le support des affinités spécifiques, la surface de la chape d’éther comme le siège des valences. Nous admettons que chaque
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Figure 5.1 – Liaisons simple et double par dipôles (V. Meyer).
valence est conditionnée par la présence de deux pôles électriques, de signe opposé, fixés aux extrémités d’une ligne droite, courte par rapport au diamètre de la sphère d’éther ». Une autre interprétation de la nature de l’affinité sera proposée par H. Sachse en 1892 : « [une molécule est] un système de très petites particules autour desquelles, ou dans lesquelles, se manifestent des courants solénoïdes […] une représentation dont la physique moléculaire ne peut se priver à mon avis. Imaginons un tétraèdre régulier dans lequel un grand nombre de points fixes est réparti selon une loi de distribution donnée. Supposons que ces points soient entourés chacun d’une circulation électrique. Alors que la position des points est fixe, les plans de circulation du courant et son sens peuvent varier en fonction de l’interaction des courants, elle-même subordonnée à la loi de distribution des points […] Si nous nous représentons maintenant le système tétraédrique rempli de particules matérielles, ce système obtient, compte tenu de ce qui précède, la propriété d’exercer un effet répulsif sur les systèmes analogues situés dans un voisinage délimité ». On voit ainsi apparaître des tentatives d’interprétation de l’affinité reposant sur des interactions électriques entre charges présentes autour de l’atome, mais la vision de l’atome et de la molécule qu’ont les chimistes ne permet en rien d’expliquer l’atomicité ou la valence des atomes eux-mêmes, une notion qui est à ce moment l’objet de discussions et de controverses. Deux avancées
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épistémologiques majeures vont permettre d’y parvenir : la classification périodique des éléments et la structure électrique de l’atome. Elles déboucheront sur un modèle de la répartition des électrons autour d’un noyau atomique.
Avancées épistémologiques et modélisation de la valence Mendeléev, les éléments et leur classification Vers 1600, à l’aube de la chimie moderne, on connaît treize éléments chimiques auxquels s’ajoutent seulement deux jusqu’en 1700. Mais dès le XVIIIe siècle, à la suite du renouveau des travaux miniers dans toute l’Europe, ainsi que du développement concomitant des méthodes d’analyse, s’ajoutent dix-neuf nouveaux éléments, puis vingt-quatre entre 1800 et 1850, vingt-quatre autres encore jusqu’à la fin du XIXe siècle, enfin les 10 derniers éléments chimiques naturels entre 1900 et 1940. Cette accumulation d’espèces atomiques nouvelles et de données identificatrices qui leur sont attachées a suscité très rapidement des tentatives de classement et de regroupement. Le premier essai est celui de Guyton de Morveau1, repris dans sa Méthode de nomenclature chimique (1787), puis dans le Traité élémentaire de chimie (1789) de Lavoisier (figure 5.2 page 146) ; il concerne un petit nombre de « substances simples » (corps simples et composés). Dès 1829 J.W. Döbereiner met en évidence des « triades », des groupes de trois éléments aux propriétés chimiques et électrochimiques voisines. Il décrit correctement les groupes des alcalins, alcalino-terreux, chalcogènes et halogènes, tâtonne pour quelques autres et finalement ne dresse aucun tableau. Il est suivi dans la voie des triades par L. Gmelin (1843) (figure 5.3) et Dumas (1851), puis par A.É. Béguyer de Chancourtois qui publie en 1862 sa « vis tellurique » des éléments. Leur classement dans une présentation hélicoïdale, selon l’ordre des masses atomiques relatives croissantes qu’il est le premier à réaliser, fait apparaître une certaine périodicité des propriétés entre divers éléments. En 1865,
Figure 5.3 – Table périodique de Gmelin.
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Figure 5.2 – Classement des éléments de Guyton de Morveau.
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J.A.R. Newland observe à son tour une telle périodicité, se répétant toutes les huit espèces atomiques ; il en déduit une « loi des octaves », mais il apparaît rapidement que celle-ci ne vaut que pour les deux ou trois premières séries (ou périodes au sens actuel). Le premier tableau périodique dans lequel les éléments sont disposés sur dix-huit colonnes selon l’ordre croissant de leurs masses atomiques relatives est créé par Odling en 1864 (figure 5.4). Avec ceux d’Odling il y a lieu
Figure 5.4 – Table périodique de Odling.
de citer les travaux voisins de deux autres chimistes, l’américano-danois G.D. Hinrichs (figure 5.5) qui propose des noms pour les différents groupes et, surtout, Lothar Meyer dont le premier tableau, établi en 1868 et utilisé dans ses exposés de cours, n’a été publié qu’en 1870, son tableau définitif ne l’ayant été qu’en 1895, l’année de sa mort.
Figure 5.5 – Table périodique de Hinrichs.
Avec Mendeléev, on assiste au couronnement de ces travaux de classement. Il a une foi inébranlable dans l’individualité et dans la non-transmutabilité des éléments : « les éléments sont caractérisés non seulement par leur existence indépendante, par leur incapacité à se transformer les uns dans les autres, etc. mais aussi par le poids de leurs atomes ».
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Son programme est le suivant : « approfondir les rapports entre la composition, les réactions et les qualités des corps simples et composés d’une part et les qualités intrinsèques des éléments qui y sont contenus, d’autre part, pour pouvoir déduire du caractère déjà connu d’un élément toutes les propriétés de toutes les combinaisons. » En 1869, il formule sa « loi périodique » : « Les propriétés des corps simples, comme les formes et les propriétés des combinaisons, sont une fonction périodique » et publie son Tableau de classification périodique des éléments, encore en vigueur aujourd’hui et dans lequel chaque élément se voit attribuer, en plus de sa masse atomique, un numéro d’ordre, une « case » correspondant à une position définie dans le tableau. En rétrogradant la masse atomique relative à la seconde place parmi les critères fondamentaux de classement des éléments, il fonde ses choix en premier lieu sur une analyse prégnante de leurs propriétés chimiques et physiques, s’intéresse à leur valence, c’est-à-dire à la capacité que possède chaque élément de se combiner avec un même élément classificateur, etc. Comme il le dira dix ans plus tard, ce qui intéresse Mendeléev dans sa recherche de la présentation sous une forme systématique des connaissances accumulées par les chimistes, c’est l’élément qui sert à « caractériser les particules matérielles qui forment les corps simples et composés et qui détermine la manière dont ils se comportent aux points de vue physique et chimique » (Mendeléev, 1879). La vérification des données physiques et chimiques accumulées par ses prédécesseurs2 lui permet de procéder non seulement à des rectifications et extrapolations pour des éléments connus, mais le conduit à prévoir l’existence et les propriétés d’une série d’éléments nouveaux (qu’il désigne par « eka » suivi du nom de l’élément qui le précède dans la colonne du tableau). Il y arrive souvent avec une précision remarquable, comme on a pu le vérifier lors de la découverte de ceux-ci. Voici à titre d’exemple la comparaison de ses prédictions et des données actuelles observées dans le cas du gallium, découvert en 1875 par P.E. Lecoq de Boisbaudran et celui du germanium découvert par C. Winckler en 1886 : 1 – Gallium Ga – n° 31 du Tableau de Mendeléev (eka-aluminium, Ea) Propriété Masse atomique relative Masse volumique Point de fusion Point d’ébullition Formule de l’oxyde
Prédiction 69 6,0 g/mL bas élevé Ea2O3
Observation 69,72 5,90 g/mL 29,8 °C 2 403 °C Ga2O3
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2 – Germanium Ge – n° 32 du Tableau de Mendeléev (eka-silicium, Es) Propriété Masse atomique relative Masse volumique Volume molaire Point de fusion Formule du chlorure
Prédiction 72 5,5 g/mL 13,1 élevé EsCl4
Observation 72,59 5,32 g/mL 13,57 938 °C GeCl4
Dans sa publication fondamentale de 1869, qu’il s’empresse aussi de faire paraître la même année dans deux périodiques allemands3, Mendeléev discute de la forme la plus appropriée du tableau qui résume son classement des éléments. Son tableau principal a la forme de celui d’Odling et dans des notes il suggère la possibilité de formes « courtes » dont l’une, voisine du Tableau périodique actuel de l’IUPAC (figure 5.6), lui semble la moins appropriée. En 1870, après avoir apporté un certain nombre de corrections, il publie un arrangement en huit groupes auxquels il ajoutera une colonne 0 avant les alcalins en 1905, suite à la découverte des gaz rares par W. Ramsay et J.W. Raylegh entre 1894 et 1898 (figure 5.7).
Figure 5.6 – Tableau périodique IUPAC.
Figure 5.7 – Tableau périodique 1870 de Mendeléev.
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Vers l’atome considéré comme une structure électrique Si, pour les chimistes, le XIXe siècle peut être catalogué comme celui de l’atome et de la discontinuité de la matière, le suivant doit être considéré comme celui de l’électron. Ce constituant de la matière, présent dans toutes les espèces chimiques, joue un rôle capital dans les structures atomiques et moléculaires, ainsi que dans les transformations chimiques. Dès l’Antiquité, on connaît des substances solides, l’ambre en particulier, capables de conserver des charges électriques et d’autres, telles que le cuivre, capables de les transporter en continu d’une matière à une autre. Sans expliquer le phénomène, l’étude de l’électrolyse a fourni une première indication importante : un champ électrique créé entre deux plaques métalliques placées en milieu aqueux acidulé permet de transporter des « grains d’électricité » de l’une de ces plaques sur l’autre. En 1874, G.J. Stoney nommera « électrine » l’unité naturelle de charge électrique4, celle que porte un ion monovalent dans l’électrolyse. Toutefois on n’arrivait pas à identifier ces grains, encore moins à établir leur nature corpusculaire ou ondulatoire. De la même façon a-t-on pris note depuis des temps immémoriaux de l’existence de décharges électriques, accompagnées de manifestations lumineuses, qui pouvaient avoir lieu en milieu gazeux, à l’exemple des éclairs, de la foudre et des aurores boréales dont le siège est l’atmosphère. Mais l’étude du transport d’électricité en milieu gazeux n’a débuté qu’au XIXe siècle. Dans la première moitié de celui-ci quelques expérimentateurs se sont intéressés, sans grands succès il est vrai, aux effets des décharges électriques dans les milieux gazeux. Davy en particulier observe en 1821 que l’air est meilleur conducteur de l’électricité en milieu raréfié qu’à pression atmosphérique. Le véritable développement des recherches n’a lieu que vers 1859, quand Plücker étudie la décharge électrique dans des des gaz sous très faible pression (de l’ordre de 5 hP), placés dans des tubes de verre appelés « tubes de Geissler » du nom de leur constructeur. Il note qu’au cours de la manipulation des scintillements verts fluorescents apparaissent sur des parties du verre et sont aisément déviés à l’aide d’un aimant. Le fait que ces scintillements soient sensibles à l’effet d’un champ magnétique lui fait admettre que le rayonnement émis transporte des charges électriques. À partir de 1872, W. Crookes reprend les travaux de Plücker et confirme en 1879 que le rayonnement observé est bien dévié par le champ magnétique, démontre qu’il a son origine à la cathode et que par conséquent les charges électriques transportées sont négatives. En outre, certaines de ses expériences lui font penser que le rayonnement est matériel (figure 5.8). E. Goldstein désigne par « rayons cathodiques » ce rayonnement dont la manifestation, sous forme de fluorescence verte, n’est observable qu’au point d’impact sur la paroi du tube d’expérimentation ou celle d’un obstacle intercalé. Goldstein démontre aussi, en 1886, parallèlement aux travaux de Crookes, l’existence dans le tube d’expérimentation d’un rayonnement réciproque, dirigé de l’anode vers la cathode et accompagné dans tout l’espace entre les électrodes d’un phénomène lumineux dont la couleur varie avec le
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Figure 5.8 – Tubes de Crookes.
gaz du tube d’expérience. Il donne le nom de « rayons canaux » à cet autre rayonnement. En 1895, les expériences effectuées par J. Perrin sur les rayons cathodiques permettent de trancher la question de leur nature : « Ils s’accordent bien … avec la théorie qui en fait un rayonnement matériel et qu’on pourrait, me semble-t-il énoncer actuellement ainsi : au voisinage de la cathode, le champ électrique est assez intense pour briser en morceaux, en ions, certaines des molécules du gaz restant. Les ions négatifs partent vers la région où le potentiel croît, acquièrent une vitesse considérable et forment les rayons cathodiques ». J.J. Thomson confirme en 1897 les résultats de Perrin : « Les rayons cathodiques transportent l’électricité négative ; les rayons cathodiques sont déviés par un champ électrostatique ; on constate la conductibilité des gaz traversés par des rayons cathodiques ; la déviation des rayons cathodiques par un champ magnétique dans les différents gaz est la même ». Il en déduit que les rayons cathodiques nous présentent la matière dans un nouvel état « dans lequel elle est bien plus divisée que dans les gaz et dans lequel elle est la même, qu’elle provienne d’hydrogène ou d’oxygène ou d’un autre gaz ». Il admet que les rayons cathodiques sont bien la trajectoire de « corpuscules » matériels de très faible masse et chargés d’électricité négative5. Ne pouvant établir ni la masse, ni la charge, Il détermine la vitesse de ces corpuscules et le rapport e/m de leur charge à leur masse (1,2 · 107 u.e.m/g), 1 254 fois supérieur à celui établi pour un ion hydrogène (9,57 · 103 u.e.m/g), mais ne peut par contre établir la valeur de cette masse et de cette charge. Cependant, il réussit ultérieurement une première détermination de la charge de l’électron, perfectionnée entre 1908 et 1917 par R.A. Millikan (1,60217733 · 10-19 C, valeur actuelle pour l’électron au repos), ce qui lui permet d’établir aussi la masse relative de l’électron (1/1836e de la masse de l’atome d’hydrogène), très faible par rapport celle de l’atome. Par le calcul il trouve que le rayon de l’électron est voisin de 10–13 cm.
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Au cours de la même période, d’autres travaux, sans liens avec ceux que nous venons de passer en revue, ont abouti à l’identification de nouvelles sources d’électrons. On relève en particulier qu’ils sont émis par un filament de carbone ou de métal des lampes à incandescence ; H.R. Hertz observe qu’une feuille de zinc portant des charges négatives les cède, lorsqu’on l’irradie avec de la lumière UV, etc. Thomson vérifie que quel que soit leur mode d’émission ; le rapport e/m pour les charges émises est le même. Il en conclut que ces corpuscules sont des constituants de toutes les espèces chimiques ; en quittant un atome, ils laissent ce dernier sous forme d’un ion chargé positivement. Parallèlement à Thomson et à son collaborateur W. Kauffmann, la vraie nature du rayonnement cathodique a été découverte simultanément par J.E. Wiechert qui la définit comme suit6 : « les rayons cathodiques correspondent à un courant de particules portant une charge électrique négative, des « atomes électriques » de dimensions très petites que celles des atomes, dont la masse est comprise entre 1/4 000 et 1/2 000 de celle de l’atome d’hydrogène. La conduction métallique correspond à un courant de ces particules matérielles… » qu’il appelle « électrons ». Un autre fait scientifique qui a marqué la seconde moitié du XIXe siècle et contribué à la connaissance de la structure atomique est le développement de la spectroscopie sous l’impulsion de G.R. Kirchhoff et de R.W. Bunsen. Il s’avère rapidement que chaque élément peut être caractérisé par un spectre atomique propre. En 1885, J.J. Balmer publie une relation empirique entre les quatre raies principales du spectre d’émission de l’hydrogène (figure 5.9). D’autres séries de raies, non plus dans le visible, mais dans l’ultra-violet et l’infra-rouge, seront découvertes plus tard ; les diverses séries seront appelées par J.R. Rydberg principale, diffuse, sharp (aiguë)
Figure 5.9 – Séries de raies spectroscopiques.
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et fine. Ce spectroscopiste établit aussi en 1895 le concept de « nombre d’onde », démontre le caractère général de la relation de Balmer et y introduit une constante dont, malheureusement, il n’arrive pas à interpréter la signification physique. Plus tard, cette constante portera son nom. Par ailleurs, l’étude des phénomènes de la radioactivité fournit des informations importantes pour la connaissance de la structure intime des atomes. En 1899, E. Rutherford met en évidence la complexité de la radiation de l’uranium, découverte par H. Becquerel en 1896. Il y discerne deux sortes de rayons corpusculaires : les rayons α, peu pénétrants, arrêtés par une fine feuille d’aluminium, et les rayons β, beaucoup plus pénétrants, puisqu’ils ne sont arrêtés que par une feuille d’aluminium épaisse. La même année H. Becquerel en France et F. Giesel en Allemagne observent que sous l’effet d’un champ magnétique une partie de la radiation de l’uranium subit une déflexion dans la même direction que les rayons cathodiques. Après avoir procédé à des mesures de vitesse et du rapport e/m, Giesel conclut en faveur de l’identité entre rayons β et électrons. À son tour Rutherford montre en 1909 que les rayons α peuvent être identifiés à des atomes d’hélium ionisés, porteurs de deux charges positives. Les expériences menées au sein de son laboratoire par H. Geiger et E. Marsden sur la déviation des particules α et β par la matière irradiée mettent en évidence que la plupart des particules α traversent sans déviation une feuille d’or de 4 . 10–5 cm d’épaisseur, mais que certaines d’entre elles (~ 1/20 000) subissent une déviation pour des angles pouvant dépasser 90 °. Ces chercheurs constatent en outre que la dispersion des particules β est plus importante que celle des particules α, mais également que les rayons β peuvent passer librement à travers des milliers d’atomes métalliques.
Établissement des premiers modèles de l’édifice atomique Vers 1900, les connaissances indispensables à la mise au point d’hypothèses réalistes quant à la structure atomique paraissent établies et, dès 1899, J.J. Thomson publie ses premières vues dans le Philosophical Magazine : « Je considère l’atome comme un objet contenant un grand nombre de corpuscules [électrons]...Dans l’atome normal cet assemblage de corpuscules forme un système électriquement neutre. Bien que les corpuscules se comportent individuellement comme des ions négatifs, leur réunion dans un atome neutre doit faire admettre que l’effet négatif est compensé par quelque chose qui impose à l’espace dans lequel les corpuscules sont répartis à se comporter comme s’il possédait une charge d’électricité positive de même grandeur que la somme des charges négatives des corpuscules. » D’une façon plus générale, Thomson considère à cette époque que l’électricité n’est rien d’autre que la manifestation d’un excès ou d’un
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défaut d’électrons des atomes dont la masse serait constituée exclusivement par la somme de celles des électrons qu’ils contiennent. Vu sous cet angle, l’atome d’hydrogène devrait être formé de plusieurs milliers d’électrons, tandis que l’électricité positive serait une entité sans masse occupant tout l’espace alloué au noyau, un avatar analogue à celui du « calorique » au début du XIXe siècle. À la suite de ses expériences et de ses calculs, Thomson propose en 1904 un modèle d’atome que l’on peut décrire comme une sphère homogène d’électricité positive, dépourvue de masse, à travers laquelle des particules massiques chargées négativement sont dispersés par milliers. Selon lui la stabilité de l’atome s’expliquerait par l’existence d’un équilibre entre d’une part la répulsion exercée entre eux par les électrons, d’autre part l’attraction du centre de la sphère positive vis-à-vis de chacun des électrons. Pour que cette hypothèse conduise au résultat espéré, il faut admettre que les électrons se déplacent sur des orbites circulaires centrées sur la sphère et imbriquées les unes dans les autres, « à la manière des pelures successives d’un oignon », selon l’expression plaisante de Rutherford. Par la suite le modèle de Thomson a été appelé malicieusement « plum-pudding atom » ou « raisin muffin atom » et la distribution des électrons dans l’atome « nuage d’électrons ». Vers 1906, les résultats d’expériences d’irradiation de différentes espèces atomiques par des rayons X font abandonner à Thomson l’hypothèse d’une multitude d’électrons constitutifs du noyau atomique ; il admet désormais que l’atome d’hydrogène est formé par un seul électron qui se déplace dans un milieu uniforme nébuleux, porteur de la charge positive. Son élève C.G. Barkla rapporte en 1911 que le nombre d’électrons d’un atome correspond à peu près à la moitié de sa masse atomique. Dans un exposé rétrospectif, F. Soddy, collègue et collaborateur de Rutherford, précise en 1914 que des considérations sur la nature de la masse et ses rapports avec l’espace environnant, « naquit tout naturellement l’hypothèse développée par J.J. Thomson que les atomes matériels pourraient être composés d’électrons, en nombre suffisant pour expliquer leur masse. Il faudrait pour chaque atome, environ 2000 électrons par unité de masse atomique. Le problème de la constitution de l’atome se transforma de lui-même en celui-ci : comment de tels systèmes électroniques pouvaient-ils se maintenir en équilibre stable permanent ? ». De son côté, P. Lenard propose (1903) un modèle atomique formé d’une sphère évidée contenant en son centre des dynamids, des combinaisons d’une charge positive avec une charge négative. Plus près de nos vues actuelles, le japonais H. Nagaoka postule un modèle planétaire ressemblant à Saturne et ses anneaux, où les électrons gravitent autour du noyau sur des pistes circulaires situées dans un plan. Pour sa part, après avoir constaté, en 1911, que dans l’interaction des rayons α avec une feuille pelliculaire d’or n’entraînait qu’un petit nombre
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de déflexions, Rutherford en déduit qu’il existe un espace important entre deux noyaux, permettant à la majorité des particules α d’éviter une collision au cours de leur traversée de la matière. Cette observation étant en désaccord avec le modèle de Thomson, il remet celui-ci en question et soumet au monde scientifique une nouvelle hypothèse sur la structure intime de l’atome en proposant en 1912 un modèle selon lequel : « … l’atome consiste en un noyau chargé positivement, de très petites dimensions, entouré par une distribution d’électrons en mouvement rapide, sans doute des cercles d’électrons tournant dans un plan. » De façon plus précise, il envisage que la charge positive et la masse de l’atome seraient concentrées au centre de l’atome dans un « noyau », un très petit volume sphérique au rayon 10 000 fois plus petit que celui de l’atome, les électrons gravitant autour du noyau à des distances compatibles avec le rayon généralement admis pour l’atome. Contrairement à celui de Thomson, le modèle de Rutherford est lacunaire, s’inspirant à la fois des idées de Lenard et de Nagaoka. Dans son hypothèse, au niveau du noyau la concentration de la charge centrale, équivalente à N charges unitaires et de signe opposé à celui des N électrons de l’atome, crée un champ électrique très intense, ce qui explique la forte répulsion exercée sur des particules α incidentes, elles aussi chargées positivement. Par ailleurs, Rutherford relève que la valeur de la charge positive des noyaux des différents échantillons métalliques (aluminium, cuivre, fer, plomb, argent, étain, platine, or) qu’il a soumis à l’irradiation par les particules α est approximativement proportionnelle à leur masse atomique. L’étude des rayonnements α et β lui fait admettre aussi que le noyau d’hydrogène est porteur d’une charge positive unitaire, égale en valeur absolue à celle de l’électron, et que le rayon du noyau atomique est compris au plus entre 1,7 · 0–13 cm (cas de l’hydrogène) et 3 · 10–12 cm (cas de l’or). Notons par anticipation qu’en 1919, à la suite d’une série d’expériences relatives à la collision des particules α avec des atomes légers (hydrogène, oxygène, azote), Rutherford a mis en évidence que les noyaux des atomes d’hydrogène auxquels il donne le nom de « protons » sont des constituants de toutes les espèces atomiques7. Restait à préciser le nombre N pour chaque élément. Les travaux sur la radioactivité ont mis en évidence des filiations de nouveaux noyaux atomiques au cours de la décomposition radioactive par émission α et par émission β. A.S. Russel observe que l’émission d’un électron (particule β) fait augmenter N d’une unité ; F. Soddy démontre que celle d’une particule α en revanche diminue N de deux unités. Il constate en outre que ces émissions ont pour conséquence l’apparition d’atomes dont la masse diffère de celle de leur variété naturelle et en 1913 il appelle « isotopes » les éléments radioactifs occupant la même case du tableau périodique, mais provenant de cascades de désintégrations différentes8. La même année, K. Fajans systématise l’usage du terme isotope et, prenant note de ce que « plusieurs masses atomiques ont pu être attribuées à l’occupant de certaines cases », il prend la décision d’écarter la masse atomique en tant que critère de classement du tableau périodique.
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À partir de ses résultats d’analyse des spectres aux rayons X des différentes espèces atomiques, H.G.J. Moseley établit la même année le concept de « numéro atomique », égal en valeur au numéro d’ordre des cases du Tableau périodique. Il conclut que « la charge du noyau est la constante fondamentale de l’atome (qui détermine le nombre et la distribution des électrons desquels dépendent les propriétés physiques et chimiques), tandis que la masse atomique d’un atome est une fonction compliquée de l’arrangement des unités qui constituent les noyaux ». De plus, puisque l’atome normal est neutre, le nombre de charges du noyau doit être rigoureusement égal au nombre N d’électrons négatifs qui gravitent autour de lui. Avec le travail de Moseley, on assiste à un important changement de paradigme : on se détourne de la périodicité liée à des propriétés chimiques, macroscopiques et qualitatives, pour passer à une périodicité de données quantitatives concernant la structure intime des atomes. À dire vrai, une idée analogue avait déjà été formulée par A. van den Broek qui avait considéré à la fin de 1912 que le numéro de l’élément dans le Tableau de Mendeléev équivalait à la charge du noyau, elle-même égale au nombre N d’électrons qui gravitent autour de lui, et que sa masse correspondait à la moitié de la masse atomique. Bien que plus proche des réalités scientifiques que celui de Thomson, le modèle de Rutherford en conserve l’énorme défaut. Aucun des deux modèles ne satisfait aux lois de l’électromagnétisme qui exigent qu’une charge électrique en mouvement circulaire émette un rayonnement, c’est-à-dire de l’énergie. L’énergie globale de l’électron devrait par conséquent décroître de façon continue, son orbite se resserrer progressivement et en définitive l’électron se fondre au noyau, anéantissant l’édifice atomique. Comme un tel cataclysme n’a pas lieu, soit l’hypothèse de Rutherford, soit la physique classique est prise en défaut.
Atome et théorie des quanta de Planck L’atome de Bohr et ses aménagements progressifs En 1913, après un stage de plusieurs mois à Manchester auprès de Rutherford, le danois N.H.D. Bohr s’attaque à l’interprétation du spectre d’émission de l’hydrogène. Il base son raisonnement sur la théorie de l’énergie du rayonnement électromagnétique de M. Planck (1900) selon laquelle cette énergie ne peut être échangée que par quantités définies, des multiples entiers d’une quantité d’énergie fondamentale, le « quantum d’énergie et d’action » ou, plus simplement quantum (pluriel : quanta). Le quantum d’énergie associé à une radiation de fréquence ν correspond à E = hν, où le facteur h est appelé « constante de Planck », c’est une constante universelle qui vaut 6,62·10-34 J · s. Partant de la théorie de Planck, N. Bohr établit deux postulats :
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– un système atomique ne peut exister que dans certains états stationnaires d’énergie. Le passage d’un tel état à un autre se fait par émission ou absorption d’énergie ; – la fréquence ν de la radiation échangée pour faire passer le système d’un état énergétique initial E1 dans un état énergétique final E2 est exprimée par la relation u = (E2-E1)/h. Les valeurs positives de ce rapport indiquent que l’énergie a été absorbée, les valeurs négatives qu’elle a été émise. À partir de ces postulats Bohr établit un modèle de l’atome d’hydrogène, formé d’un noyau et d’un électron qui gravite autour de lui sur une orbite circulaire définie, sans perte d’énergie, c’est-à-dire sans émettre aucune radiation. En absorbant ou en cédant un quantum d’énergie, cet électron occupera une nouvelle orbite circulaire sur laquelle il se déplace à nouveau sans changement de son contenu énergétique. À partir de données spectroscopiques et en admettant qu’à une distance infinie du noyau l’énergie potentielle de l’électron est nulle, Bohr aboutit aux relations suivantes pour l’énergie totale E de l’électron sur l’orbite n (figure 5.10). La grandeur n, qu’il appelle « nombre total » (initialement symbolisé par τ), est un nombre entier pouvant prendre toutes les valeurs entre 1 et ∞. Il caractérise la situation relative de l’orbite parmi toutes celles qui sont « permises » par la théorie ; n = 1 désigne l’orbite la plus proche du noyau, celle sur laquelle le contenu énergétique de l’électron (somme des énergies potentielle et cinétique) est le plus petit – pour n = ∞ l’électron a quitté définitivement le noyau qui devient alors un ion. L’équation de Bohr est de la même forme que la relation empirique de Balmer et donne un sens physique à la constante de Rydberg ℜ.
Figure 5.10 – Relation de Bohr.
On peut résumer la théorie initiale de Bohr comme suit : – L’électron de l’atome d’hydrogène ne peut se situer que sur certaines orbites sphériques privilégiées (appelées aussi « niveaux d’énergie » ou « couches »). Ces orbites sont concentriques au noyau et désignées par le nombre n qui peut prendre les valeurs entières 1, 2, 3… ∞. Elles sont aussi désignées alternativement9 par les lettres K, L, M, N, O… par les physiciens.
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– Le rayon de l’orbite est proportionnel à la quantité d’énergie de l’électron sur cette orbite. Lorsque l’électron est situé sur l’orbite la plus proche du noyau, on dit qu’il est dans son « état fondamental » ; sur les autres orbites, il est dans un « état excité ». – L’échange d’énergie rayonnante entre l’électron et le milieu extérieur ne peut se faire que par quantités discrètes, par quanta, dont la valeur est définie par la fréquence de la radiation. Dans le modèle de Bohr, c’est l’énergie associée au processus de transition qui devient la grandeur fondamentale, reléguant au second plan la nature matérielle des électrons. Ceux-ci ne sont plus caractérisés par la granularité, leur position dans l’espace et son évolution dans le temps, mais par l’état énergétique dans lequel ils se trouvent. Bien que la théorie atomique de Bohr conduise au rejet de son propre modèle, Rutherford tient à souligner en 1914 que « l’on peut avoir des points de vue divergents quant à la validité et aux hypothèses sous-jacentes aux propositions de Bohr, mais on ne peut douter du grand intérêt et de l’importance des théories de Bohr pour tous les physiciens ». Les propositions de Bohr constituent la première tentative précise d’établissement d’un modèle atomique et moléculaire et de description de leurs spectres. Le modèle initial de Bohr, satisfaisant pour l’hydrogène, possédait un certain nombre d’imperfections dans son application aux autres espèces atomiques. En 1916, A. Sommerfeld en Allemagne l’enrichit en étendant les calculs au cas d’orbites elliptiques, relayé par W. Wilson en Angleterre (de façon indépendante, vu l’état de guerre existant alors entre les deux pays). À la suite de ces travaux, le nombre total n de Bohr devient le « nombre quantique principal » (ou radial). Il est flanqué d’un « nombre quantique azimutal » k (un nombre entier), le rapport n/k étant égal à celui du grand au petit axe de l’orbite elliptique. La théorie quantique basée sur la mécanique ondulatoire conduit à un changement, le nombre quantique azimutal est remplacé par le « nombre quantique sériel » l = k – 1. Sommerfeld introduit enfin un troisième nombre quantique, le « nombre quantique de latitude » m (un nombre entier appelé ultérieurement nombre quantique magnétique), définissant les dispositions relatives du plan de l’ellipse des différents électrons, lorsque l’atome est placé dans un champ magnétique (effet Zeeman). Un certain nombre d’adaptations du modèle de base ont eu lieu jusqu’au moment de l’avènement de la mécanique ondulatoire, en 1925-1926, pour assurer l’adéquation entre la vue de van den Broek relative au nombre d’électrons d’un élément et la forme du tableau périodique. C’est ainsi qu’en 1921 Bohr écrit : « [...] il est naturel d’adopter une division des électrons de l’atome en groupes distincts, chacun contenant un nombre d’électrons égal au nombre d’éléments contenus dans une période, organisés en accord avec l’accroissement du numéro atomique ».
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Il énonce le principe selon lequel « la configuration électronique des atomes s’obtient par un remplissage progressif des niveaux disponibles dans l’ordre de leur énergie croissante » et il propose en 1922 un tableau donnant la répartition des électrons sur les orbites des atomes des éléments. La même année, dans sa conférence Nobel, il donne un dessin de son modèle modifié par les apports de Sommerfeld (figure 5.11). En 1923, Bohr formule « un postulat d’invariance et de permanence des nombres quantiques » indiquant que les nombres quantiques des électrons déjà présents dans un atome ne sont pas perturbés par l’adjonction d’un électron supplémentaire.
Figure 5.11 – Orbites de l’hydrogène. Modèle de Bohn-Sommerfeld.
Entre 1922 et 1924, de nombreuses études du domaine spectroscopique (rayons X, première ionisation, etc.) font reconnaître la nécessité de distinguer plusieurs sous-niveaux d’énergie dans les différentes enveloppes entourant le noyau atomique. Une analyse de ces différents travaux a été effectuée par E.C. Stoner en 1924 ; il en déduit l’existence de trois sous-niveaux L, cinq sousniveaux M et sept sous-niveaux N, chaque sous niveau étant caractérisé par les nombres quantiques n (principal), k (azimutal) et j (interne), k et j étant ≤ n. Le classement des niveaux et sous-niveaux d’énergie est gouverné par des règles de sélection. (figure 5.12). Pour expliquer le dédoublement des raies des métaux alcalins, Stoner admet que pour leur seul électron externe il y a 2j états possibles, résultant de « l’orientation par rapport au champ magnétique », ce qui fait apparaître la nécessité d’un quatrième nombre quantique. En 1925, G.E. Uhlenbeck et S.A. Goudsmit montrent que les électrons sont soumis à un mouvement de rotation autour de leur axe, caractérisé par un moment angulaire ou « spin ». L’axe de rotation pouvant prendre deux orientations dans un champ magnétique (parallèle ou opposé au sens du champ), le moment angulaire peut prendre deux valeurs symétriques : + ½ ou – ½ .
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Figure 5.12 – Classement de Stoner.
À partir de l’analyse de spectres d’atomes placés dans un champ magnétique, W. Pauli conclut en 1925 que le spin de l’électron représente son quatrième nombre quantique et énonce son « principe d’exclusion » : « deux électrons d’un atome ne peuvent posséder le même ensemble de nombre quantiques » ou « deux électrons d’un atome doivent différer entre eux par au moins un nombre quantique ». Il devient ainsi possible d’établir la structure électronique de la totalité des éléments du tableau périodique et de la décrire en termes de niveaux d’énergie et de subdivisions de ceux-ci. (Voir p. 176 le tableau représentatif.)
Périodicité, une illustration de la répartition du cortège électronique Dans ses écrits relatifs à la classification des éléments, Mendeléev relève que le chiffre huit joue un rôle important. Il souligne par exemple (Mendeléev, 1895) : « le fait que les hydrates acides (par exemple : HClO4, H2SO4, et les sels renfermant un atome d’élément, ne contiennent dans leurs termes supérieurs jamais plus de quatre atomes d’oxygène », soit huit valences. Ainsi, « L’azote se combine avec une plus grande quantité d’oxygène Az 2O 5, mais, en revanche, il ne fixe qu’une plus faible quantité d’hydrogène dans AzH 3. Comme toujours, la somme des équivalents d’oxygène et d’hydrogène combinés à un atome d’élément est égale à huit. » H3PO4),
Comme le souligne G. Bachelard (1973) : « nous touchons donc à la naissance expérimentale de la notion d’octave chimique qui devait par la suite jouer un rôle si important. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un classement pragmatique ou mnémotechnique.
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Du fait que plusieurs propriétés chimiques coopèrent pour solidariser l’octave, on est en droit de parler du réalisme de cette notion ». Quant à pénétrer dans la cause profonde de la périodicité des éléments, à trouver une explication à la variation continue par valeurs entières de la valence dans une période, Mendeléev (1895) ne s’y aventure pas : « Les propriétés des corps simples et composés dépendent d’une façon périodique du poids atomique des éléments pour la seule raison que ces propriétés sont elles-mêmes le résultat des propriétés des éléments dont les corps dérivent. Expliquer et exprimer la loi périodique, c’est expliquer et exprimer la cause de la loi des proportions multiples, de la différence des éléments et de la variation de leur valence, c’est saisir ce qu’est la masse et la gravitation. Je crois que cela est encore prématuré ». Plus loin il ajoute : « il faut signaler, à propos de ce remarquable parallélisme, que dans ces éléments, en passant d’un terme à un autre ayant une valence supérieure, le poids atomique augmente, tandis qu’ici il diminue. Tout cela montre que la variation périodique des corps simples et composés est subordonnée à une loi dont la nature, et encore moins la cause, ne peuvent être actuellement saisies. Il est probable qu’elle réside dans les principes fondamentaux de la mécanique interne des atomes et des molécules ». Quelques années plus tard, en 1902, la périodicité observée dans la classification des éléments a été mise en relation avec un arrangement possible des électrons dans l’atome. Avec une vue prémonitoire sur les liens entre la périodicité du tableau de Mendeléev et la structure électronique des atomes, G.N. Lewis établit des notes dont il ne rendra public le contenu qu’en 1916 (voir plus loin ses vues sur la structure atomique et les liaisons chimiques) (figure 5.13). Les problèmes liés à la valence avaient retenu l’attention de R. Abegg dès 1899, l’année où il introduit la notion d’électro-affinité, une force qui peut conduire à deux types de composés chimiques. Il distingue d’une part les composés « hétéropolaires » tels que les acides, les bases, leurs sels, qui sont aisément ionisables en milieu polaire, d’autre part les composés « homopolaires », parmi lesquels se rangent la plupart des dérivés du carbone, dont la structure moléculaire se conserve en solution. Ses travaux se portent alors sur la valence dans les « composés moléculaires » dont il cherche à expliquer la stabilité par l’existence de deux valences pour chaque espèce atomique, l’une appelée « valence normale » et l’autre « contre-valence ». Pour donner des exemples, l’unique valence normale, positive +1, de l’hydrogène se retrouve dans HCl, sa contre-valence, négative –1, se révèle dans LiH ; l’unique valence
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Figure 5.13 – le modèle cubique de Lewis.
normale, négative –1, du chlore dans HCl trouve une contre-partie positive +7 dans Cl2O7 et dans HClO4. Mis à part le cas de l’hydrogène, la somme des modules des deux valences d’un atome est toujours égale à 8. En 1904 Abegg publie le tableau reproduit sur la figure 5.14 et conclut :
Figure 5.14 – Valences d’Abegg.
« La somme 8 de nos valences normales et de nos contre-valences signifie simplement qu’il est le nombre qui représente pour tous les atomes les points d’attaque des électrons ; le « numéro de groupe » ou valence positive indique combien de ces 8 points d’attaque doivent posséder un électron, pour assurer la neutralité électrique de l’atome. » Avec la publication de son modèle de l’atome physique en 1904, Thomson doit assumer la compatibilité entre celui-ci et les faits relevant de la chimie, notamment ceux liés aux travaux relatifs à la valence et à l’agencement du
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tableau périodique des éléments. Le calcul de la répulsion mutuelle de charges électriques négatives, situées sur un cercle ou « anneau » dont le centre est occupé par une charge positive, lui montre que cette disposition est perturbée, dès que le nombre de charges négatives dépasse une certaine limite, les charges excédentaires prenant position sur un anneau extérieur, concentrique au premier. Dix ans plus tard, Thomson fixera le nombre maximum d’électrons par anneau à 8 et écrira : « Si nous disposons ainsi les éléments dans l’ordre du nombre d’électrons contenus dans l’atome, ordre que nous avons vu être le même que celui des poids atomiques, nous remarquons une périodicité dans le nombre des électrons de la couche externe. Ce nombre croît de 1 à 8, puis revient à 1, remonte à 8, revient à 1 et ainsi de suite. Ainsi donc, toutes les fois que nous examinerons des propriétés dépendant de la couche externe, les éléments présenteront pour celles-ci une périodicité semblable à celle exprimée en chimie par la loi de Mendeléev » (voir aussi Thomson, 1923). Ce résultat lui suggère qu’un système contenant un seul corpuscule sur l’anneau le plus éloigné de la charge positive centrale, donc le moins fortement soumis à son attraction, devrait se comporter comme les éléments électropositifs monovalents, c’est-à-dire être très facilement ionisable. En revanche, un atome dont l’anneau périphérique comporte 8 corpuscules, le maximum compatible avec la stabilité, devrait afficher une valence nulle, c’est-à-dire ne pas se combiner avec d’autres atomes. Il conclut : « Lorsque des atomes électro-négatifs, dans lesquels les corpuscules sont très stables, sont mélangés à des atomes électropositifs, où les corpuscules ne sont pas fortement retenus, le résultat des forces exercées entre les atomes peuvent conduire au détachement de corpuscules de l’atome électropositif et leur transfert sur l’atome électro-négatif. L’atome électronégatif portera alors une charge électrique négative et l’atome électropositif une charge positive, les atomes de charge opposée s’attirant l’un l’autre et une combinaison chimique sera formée entre eux. »
Évolution du modèle de Bohr sous l’effet d’apports théoriques et expérimentaux En 1916, deux importantes publications théoriques sur l’application du modèle de Bohr retiennent l’attention. – En Europe, au mois de mars, W. Kossel admet que, pour les atomes des premières périodes du tableau de Mendeléev, la structure du cortège électronique correspond à un ensemble d’électrons réparti sur des anneaux concentriques, le plus proche du noyau contenant deux électrons, les deux
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suivants, qui rassemblent les espèces atomiques les plus courantes, en contenant chacun huit, lorsqu’il est complet, comme par exemple dans le cas de l’argon (figure 5.15).
Figure 5.15 – L’atome argon selon Kossel et Lewis
– Aux États-Unis, un mois plus tard, N.G. Lewis publie un autre modèle qui, comme celui de Kossel, satisfait aux principes de celui de Bohr, mais se présente sous forme d’un cube. Des modèles plans on passe ainsi à un modèle tridimensionnel. Dans le domaine expérimental, les études relatives au contenu énergétique de chacun des électrons d’un atome donné sont marquées par la détermination de leurs énergies d’ionisation. Celles-ci mettent en lumière un certain nombre de faits et de problèmes (figure 5.16). L’examen des valeurs pour les quarante premiers éléments montre que : – dans chaque période la quantité d’énergie nécessaire pour arracher un premier électron à un élément augmente avec le nombre d’électrons périphériques de cet élément, pour atteindre un maximum lorsque l’élément comporte huit électrons périphériques (sauf pour la première période où il n’en comporte que deux) ; – dans les deuxième et troisième périodes, l’énergie de première ionisation du troisième élément est inférieure à celle du second, celle du sixième est de son côté inférieure à celle du cinquième ; – dans le cas des quatrième et cinquième périodes, on aboutit à un résultat analogue à celui des séries précédentes, lorsqu’on saute du second au treizième élément, de façon à ne prendre en considération qu’un octet d’éléments, par ailleurs aux propriétés comparables. Pour les dix éléments écartés on observe deux paliers d’énergie et, en comparant les deux moitiés du profil
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Figure 5.16 – Énergies de première ionisation.
énergétique, on constate que pour les quatre premiers éléments de chacune les énergies d’ionisation sont très voisines, mais que cette énergie est sensiblement plus élevée pour le cinquième ; – de façon générale, l’énergie de première ionisation est d’autant plus faible, que le numéro atomique de l’élément est élevé.
Liaison chimique à la lumière du modèle de Bohr Dès 1913, Bohr applique son modèle atomique à la liaison chimique dans la molécule de dihydrogène en partant de l’hypothèse que le trait qui symbolise le lien entre les deux noyaux atomiques pourrait correspondre à l’axe de rotation d’une orbite circulaire située à mi-distance de chacun et occupée par les deux électrons de la liaison (figure 5.17).
Figure 5.17 – Orbite de H2.
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En ce qui concerne les atomes à plusieurs électrons, il étudie l’effet d’écran exercé par les électrons des orbites internes d’un atome et, en retenant l’hypothèse d’un noyau « élargi » possédant une charge +1, il arrive à traiter le cas des éléments qui, comme l’hydrogène, sont porteurs d’un seul électron sur l’orbite la plus externe (les métaux alcalins). La suite de ces travaux le conduit à admettre la séquence suivante pour les périodes du tableau de Mendeléev : 2, 8, 8, 18, 18, 32, puis à reconnaître que l’énergie des électrons dans une période (sauf la première) est différenciée et qu’il y a lieu d’envisager des sous-groupes d’électrons. L’orbite unique attachée à une période est mise en question. En faisant sienne l’hypothèse de van den Broek, selon laquelle le numéro d’ordre de chaque élément dans la classification périodique de Mendeléev représente en fait le nombre des charges positives de son noyau et celui des électrons entourant ce noyau, Kossel pose en 1916 les premières bases de la relation entre la structure atomique et le comportement chimique des atomes. De cette hypothèse découlent les conséquences suivantes : – chacun des éléments successifs du tableau périodique possède une charge positive et une charge négative de plus que son prédécesseur ; l’accroissement progressif de la valence positive dans une période est le reflet de l’accroissement du nombre de charges du noyau ; – les électrons « périphériques » ou « électrons de valence », ceux qui sont situés sur l’orbite la plus éloignée du noyau, partiellement peuplée, déterminent les propriétés chimiques de l’atome ; – une orbite périphérique entièrement peuplée conduit à un édifice atomique particulièrement stable et inerte du point de vue chimique. C’est le cas des gaz rares dont les molécules sont monoatomiques ; – pour un niveau périphérique donné, la perte d’un électron est d’autant plus facile que l’effet d’écran des électrons des niveaux internes vis-à-vis de l’attraction du noyau sur les électrons périphériques est fort. Il en résulte que les espèces atomiques du début d’une période se transforment plutôt en ions positifs qu’en ions négatifs. Inversement, plus la charge du noyau augmente, à effet d’écran inchangé, plus l’effet attracteur que le noyau exerce est élevé et permet de capter des électrons pour compléter le niveau périphérique et conduire à des ions négatifs, c’est ce que l’on observe pour les espèces atomiques de la fin d’une période. Telles sont les bases à partir desquelles Kossel interprète le mécanisme des réactions chimiques : chaque espèce atomique tend à aménager sa structure électronique par gain ou perte d’électrons du niveau périphérique, pour aboutir en fin de processus à celle du gaz rare le plus proche. Ainsi l’un des partenaires de la liaison atteint la structure électronique du gaz rare qui le précède dans le tableau périodique, tandis que le cortège électronique de l’autre sera le même que celui du gaz rare qui le suit. La liaison entre deux ions antagonistes, appelée « polaire, ionique ou par électrovalence », correspond à une attraction électrostatique conduisant à des composés stables, mais dissociables par mise en solution dans des liquides polaires. Les vues de Kossel sont satisfaisantes pour
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expliquer les réactions ioniques, mais ne permettent pas le plus souvent d’interpréter la formation des molécules de la chimie du carbone et d’un bon nombre de substances inorganiques complexes (figure 5.18).
Figure 5.18 – La liaison chimique selon Kossel et selon Lewis.
Pour sa part, Lewis abandonne l’idée d’orbite et admet que : – sauf pour la première période, les électrons sont disposés sur les sommets de cubes centrés sur le noyau ; – les atomes des gaz rares possèdent un cube dont la totalité des huit sommets porte un électron (sauf l’hélium qui termine l’unique période à deux électrons) ; l’élément qui les suit possède un électron supplémentaire logé sur un cube enveloppant le précédent ; – les cubes internes doivent être entièrement peuplés, avant que le dernier, externe, ne porte un premier électron ; – l’ensemble formé par le noyau et les électrons des cubes internes constitue son « cœur » (core ou kernel en anglais) ; celui-ci n’est pas concerné par les transformations chimiques ; – les numéros de classement des espèces atomiques dans le tableau périodique correspondent au nombre de leurs d’électrons et des charges positives de leur noyau ; – un atome possédant un cube d’électrons incomplet, ainsi que l’hydrogène, peut, comme pour Kossel, ou bien céder ces électrons à un autre atome, il présente alors une « valence positive », comme dans Mg++, ou bien recevoir de la part d’autres atomes le nombre d’électrons nécessaire pour compléter à 8 le nombre d’électrons du cube périphérique et présenter une « valence négative », comme dans Cl–. – pour se combiner avec un autre, l’atome d’hydrogène ou un atome possédant un cube d’électrons partiellement peuplé peut aussi partager dans certaines conditions un électron avec un atome voisin.
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Cette possibilité est concrétisée, lorsque le cube périphérique de chacun des atomes partenaires contient une arête dont une seule des deux extrémités est peuplée par un électron. De la sorte, en réunissant les arêtes des deux cubes, les deux électrons échangés se trouvent sur une arête commune aux deux cubes ; ils constituent un lien entre les deux atomes. Le partage d’électrons permet à chacun des deux atomes de « saturer » les sites de son cube périphérique. La représentation de Lewis conduit à une illustration commode de ce partage d’électrons ; l’examen du peuplement des arêtes du cube permet de se rendre compte aisément de l’existence éventuelle de « valences latentes » de l’atome, c’est-à-dire disponibles pour la formation de liaisons, soit sous forme d’électrons célibataires (arête ne portant qu’un seul électron), soit de celle de « doublets d’électrons non partagés ». Ainsi, Lewis propose aux chimistes une nouvelle possibilité de liaison, la « liaison par paire d’électrons », apolaire, qui s’ajoute au mode de liaison polaire, électrostatique, de Kossel. Dans les formules des composés moléculaires, les traits entre les différents atomes n’ont plus la valeur d’un lien symbolique, mais représentent dorénavant le doublet d’électrons mis en commun par deux atomes. Les liaisons apolaires, bien plus fortes que les interactions électrostatiques, devraient convenir tout particulièrement pour expliquer la cohésion des molécules de la chimie organique, ainsi que les structures complexes impliquant des ions métalliques, examinées au même moment par A. Werner. Cependant, la formation de ces liaisons soulève de nouveaux problèmes et Lewis en est conscient, car il note que de nouvelles lois de force entre les particules positives et négatives constituant l’atome doivent être imaginées, et l’hypothèse de A.L. Parson, assimilant en 1915 l’électron non seulement à une charge électrique, mais aussi à un petit aimant (« magnéton »), prise en considération dans l’interprétation de ces liaisons. En ce qui concerne les liaisons multiples, si la représentation d’une liaison par deux cubes ayant une face en commun est aisée, celle de la triple liaison est impossible avec « l’outil cube ». Aussi Lewis l’abandonne-t-il au profit du tétraèdre, la triple liaison étant alors représentée par deux tétraèdres ayant une face commune. Enfin, pour simplifier les dessins des cortèges électroniques, il préconise de considérer le symbole chimique d’un élément comme représentant son cœur (noyau + électrons internes) et de répartir les électrons périphériques par paires sur les quatre côtés (figure 5.19).
Figure 5.19 – Représentation de Lewis.
Les travaux de Lewis fournissent une explication particulièrement satisfaisante de l’arrangement du cortège électronique des trente-cinq premiers éléments du tableau périodique, mais semblent pris en défaut pour les suivants. L’entrée des États-Unis dans la Première Guerre mondiale (6 avril 1917)
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empêcha Lewis, chargé par son gouvernement de recherches plus proches de la défense nationale, de continuer celles sur la structure des atomes. Il n’y reviendra plus après la fin du conflit, laissant ainsi la place à I. Langmuir, se ralliant plus tard sans restriction aux résultats obtenus par ce dernier et récusant l’appellation Lewis-Langmuir pour le modèle de son confrère. En 1919, I. Langmuir publie ses idées fondamentales sur la structure du cortège d’électrons propre à chaque atome. Tout d’abord, contrairement au modèle de Bohr dans lequel les électrons se déplacent sur des orbites centrées sur le noyau, il assigne, comme Thomson, à chaque électron un point fixe autour duquel il peut osciller ou se mettre en rotation. Puis il émet une série de postulats relatifs à la répartition des électrons autour du noyau de l’atome : – les électrons des atomes les plus stables, les gaz rares (sauf l’hélium), occupent des positions symétriques de part et d’autre d’un plan équatorial contenant le noyau. Du point de vue cristallographique cette répartition relève d’un système cubique (trois axes de symétrie perpendiculaires les uns aux autres) caractérisé par quatre plans de symétrie formant entre eux des angles de 45°, dont l’intersection constitue l’axe polaire. Dans le cas de l’hélium au contraire, les deux électrons sont situés de part et d’autre du noyau le long de l’axe polaire ; (figure 5.20) ;
Figure 5.20 – Vue cristallographique du cube de Langmiuir.
– dans chaque espèce atomique, les électrons sont répartis dans des enveloppes sphériques (shells) d’égale épaisseur, concentriques au noyau. De la sorte leurs rayons moyens forment une suite arithmétique 1, 2, 3, 4 et les surfaces correspondantes sont dans les rapports 1/12 , 1/22 , 1/32 , 1/42… ; – dans le respect des exigences de symétrie énoncées plus haut, chaque enveloppe est divisée en espaces cellulaires ou cellules occupant une même surface dans leurs enveloppes respectives. Ainsi, la première enveloppe contiendra 2 cellules, la seconde 8, la troisième 18, etc. Si, par rapport à nos vues actuelles, ces prescriptions et quelques autres du même ordre se sont révélées vaines, les suivantes sont bien plus pertinentes : – les deux cellules de la première enveloppe ne peuvent contenir qu’un seul électron, mais toutes les autres peuvent en posséder un ou deux. Toutes les enveloppes internes doivent contenir leur quota complet d’électrons, avant que l’enveloppe périphérique ne puisse en contenir un premier. D’autre part, les cellules de l’enveloppe périphérique doivent chacune contenir un électron, avant que l’une d’elles ne puisse être occupée par deux ;
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– l’arrangement le plus stable d’électrons est celui du doublet de l’hélium. Un doublet stable peut aussi être fixé sur un seul noyau, deux noyaux d’hydrogène, un noyau hydrogène et le cœur d’un autre atome, le cœur de deux atomes ; – après le doublet, le second arrangement le plus stable d’électrons est celui en octet, comme dans le néon. Toutes les espèces atomiques dont le numéro atomique est inférieur à vingt et qui possèdent plus que trois électrons dans l’enveloppe périphérique tendent à compléter l’octet de cette enveloppe ; – deux octets peuvent partager un, deux ou quelquefois trois doublets d’électrons. Un octet peut partager ses quatre doublets avec d’autres doublets ou des noyaux d’hydrogène. Un électron célibataire ou singulet peut être partagé par deux octets et deux seulement. On voit apparaître des règles de remplissage des enveloppes qui préfigurent celles de nos jours. Mais comme précédemment pour les aspects géométriques, on assiste à nouveau à une dérive. En effet, pour caser les électrons dans la quatrième enveloppe, Langmuir admet que les huit électrons périphériques du fer occupent chacun un sommet du cube, au-dessus d’un électron de l’enveloppe sous-jacente, les deux supplémentaires du nickel seront placés symétriquement sur l’axe polaire. Quant aux suivants (jusqu’au krypton), « ils ne peuvent pas être retenus par les forces magnétiques et tendent par conséquent à se placer aussi loin que possible des électrons de l’enveloppe sous-jacente. ». Etc. À partir de ses postulats, Langmuir établit la « Règle de l’octet », qui aboutit à un nouveau concept de valence. Cette règle, applicable aux composés moléculaires, est exprimée par l’équation : e = 8n – 2p, où e représente la somme des électrons périphériques disponibles sur la totalité des atomes constituant la molécule ; n est le nombre d’octets périphériques et p le nombre de paires formées par mise en commun d’électrons. Mis à part le cas de l’hydrogène qui ne dispose pas d’un octet et qui, de ce fait ne peut mettre en commun qu’un seul électron, il résulte de cette équation que le nombre p ne saurait dépasser 4 pour chacun des atomes de la molécule. Langmuir désigne par « covalence » chacun des doublets partagés : aucun atome ne peut être engagé dans plus que 4 liaisons de covalence. Il indique en outre que si l’on admet la possibilité d’une mise en commun d’un doublet entre deux atomes dont l’un possède un octet comportant une ou plusieurs arêtes dépourvues d’électrons, une « lacune de doublet », et l’autre un « doublet non partagé », on aboutit aussi à une liaison du type covalent, qu’il appelle « liaison de coordination ». Ces liaisons permettent d’interpréter les structures des composés minéraux complexes mis en évidence par Werner au début du siècle. Ces liaisons de coordination perturbent l’équilibre électrique de chacun des atomes partenaires, par suite du déplacement des électrons de leur position précédente, l’interaction des charges électriques des deux atomes avec leurs noyaux change et provoque une polarisation de la liaison. C’est pourquoi Langmuir décide en 1921 d’attribuer d’une charge « formelle » à chacun des atomes de la liaison, positive et notée δ+ pour le donneur du doublet, négative et marquée δ– pour le receveur (figure 5.21).
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Figure 5.21 – Liaisons de convalence.
L’atome vu sous l’angle de la mécanique quantique Avec l’application de la théorie des quanta à la structure atomique on est passé de l’élément de Mendeléev, matérialisé par sa masse ainsi que des propriétés physiques et chimiques spécifiques à chaque espèce, à l’élément « arithmétique » (Bachelard, 1973), caractérisé par son numéro atomique et des propriétés liées à des électrons identifiés par quatre nombres quantiques. Mais, comme le signale L. de Broglie, « Vers 1923, l’ancienne théorie des quanta semblait avoir atteint les limites de sa puissance explicative ». Tout d’abord, elle ne permet pas d’interpréter certains phénomènes spectroscopiques et son caractère hybride reste une difficulté essentielle. La critique principale peut être résumée par cet extrait tiré d’un de ses ouvrages (de Broglie 1937) : « Entre les transitions, l’atome est dans un état stable, un des états stationnaire de Bohr, où il semble ignorer le monde extérieur, car il n’y rayonne point d’énergie électromagnétique malgré les prescriptions précises de la théorie électromagnétique ; puis soudain, il saute de cet état stationnaire à un autre en accomplissant une transition impossible à décrire et à représenter dans l’espèce. Nous voilà maintenant bien loi des conceptions classiques, après les avoir pris comme point de départ ».
Atome et mécanique quantique Pour tenter d’arriver à soumettre les lois quantiques à des principes plus fondamentaux, deux voies ont été explorées : d’une part, la mécanique ondulatoire de E. Schrödinger et de Broglie, et d’autre part, la mécanique matricielle de W. Heisenberg (1901-1976) avec l’école de Copenhague.
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Mécanique ondulatoire Le 25 novembre 1924, L. de Broglie soutient une thèse intitulée Recherche sur la théorie des quanta, dans laquelle il admet que toute particule matérielle en mouvement est toujours associée à une onde. Suggérée par la dualité de la lumière et par une analogie de forme « entre la dynamique classique des corpuscules et l’optique géométrique », de Broglie prévoit son extension à toute particule, plus précisément à l’électron. Selon son hypothèse, à tout corpuscule matériel on peut associer une onde dont la longueur d’onde λ est reliée à la quantité de mouvement par la relation λ = h/p, relation dans laquelle h désigne la constante de Planck ; cette hypothèse est confirmée par l’étude de la diffraction des électrons. L’idée de la dualité « onde–corpuscule » est reprise par E. Schrödinger qui la développe et établit en 1926 le formalisme de la mécanique ondulatoire sur des bases mathématiques rigoureuses. Il aboutit à la célèbre équation différentielle qui porte son nom : Δ Ψ + 8π2m / h2 (E – V)Ψ = 0 où Δ est l’opérateur laplacien, Ψ la fonction d’onde électronique, E l’énergie totale d’une particule et V son énergie potentielle. Cette équation aux dérivées partielles linéaires du second ordre n’admet de solutions que pour certaines valeurs de E, les « valeurs propres » qui représentent les énergies permises pour l’électron. À chaque valeur de E correspond(ent) une ou plusieurs « fonctions propres » décrivant le corpuscule dans cet état énergétique. Pour Schrödinger, « la chose qu’on a toujours nommée particule et qui est encore par la force de l’habitude appelée d’un nom de ce genre, n’est, quoi qu’elle puisse être, certainement pas une entité individuellement identifiable… » ; et il ajoute : « on doit bien entendu abandonner l’idée de l’électron (par exemple) en tant que petit morceau de quelque chose se mouvant à l’intérieur du train d’onde, le long d’une mystérieuse trajectoire inconnaissable ». Vu sous cet angle, l’électron matériel n’est en somme qu’une apparence. Son énergie est de nature ondulatoire et c’est seulement la localisation de cette énergie dans un espace très petit qui la fait considérer comme une particule. Mécanique matricielle de Heisenberg En 1925, W. Heisenberg utilise une mécanique matricielle de son invention (obscure à plaisir confiera Einstein) pour décrire les états de l’électron. La
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non-commutation de ces matrices, ces nouveaux opérateurs représentatifs des grandeurs physiques, introduit en 1927 la relation d’incertitude. Le « principe d’incertitude » impose une limite intrinsèque à la précision simultanée de deux variables conjuguées, telles que la position et la vitesse d’une particule en mouvement. Plus la mesure de la position est précise, moins celle de la vitesse l’est et vice versa. Cette imprécision n’est pas le fait de l’expérimentateur, mais une conséquence des équations de la mécanique quantique. Le principe d’incertitude est une limitation fondamentale et incontournable à la connaissance du monde. Bien plus, il n’y a plus de causalité absolue, ce que Heisenberg traduit par « Dans la formulation stricte de la loi causale – si le présent est connu, alors le futur est calculable – ce n’est pas la conclusion qui est fausse, mais la prémisse ». Le principe d’incertitude a contribué à ce que l’on a appelé « l’interprétation de Copenhague de la mécanique quantique » ou mécanique des matrices. Selon Heisenberg, P.A.M. Dirac , E.P. Jordan, M. Born qui collaborèrent avec Bohr, une théorie physique doit introduire uniquement des grandeurs dont la valeur peut être directement observée et éviter toute représentation dont certains éléments seraient inaccessibles à l’expérience. On est donc en présence d’un pur formalisme rejetant toute image du monde microphysique, mais susceptible de rendre compte de tous les phénomènes observables à l’échelle atomique, tels que l’existence de sauts quantiques et de discontinuités à l’intérieur des atomes, à l’aide de simples calculs algébriques. Interprétation probabiliste de Born et principe de complémentarité Une interprétation différente de celle de Schrödinger est proposée en 1926 par Born. Pour lui le caractère de l’onde demeure purement statistique, susceptible de décrire des probabilités de localisation de l’état de mouvement dans l’espace et le temps. Le principe de Born s’énonce de la façon suivante : « Le carré du module de la fonction d’onde Ψ mesure en chaque point et à chaque instant la probabilité pour que le corpuscule associé soit observé à ce point. » Le corpuscule et l’onde perdent d’un même coup leur réalité. Comme le précise de Broglie en 1964, « Dans cette interprétation, il n’y a plus en physique quantique que des lois de probabilité «pure» sans aucun mécanisme causal sous-jacent et ignoré. L’onde de la mécanique ondulatoire n’est plus aucunement une réalité : elle n’est plus qu’une équation aux dérivées partielles du type classique de l’équation des ondes, solution qui se trouve être l’instrument mathématique approprié pour la représentation de la probabilité du résultat de certaines mesures. Le corpuscule lui aussi prend un aspect fantomatique : il n’a plus ni localisation permanente dans l’espace, ni valeur à chaque instant de son énergie et de sa quantité de mouvement, il est en général présent à l’état potentiel dans toute une région étendue de l’espace et réparti statistiquement entre plusieurs états de mouvement. L’expérience peut bien permettre de localiser le
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corpuscule ou d’attribuer une valeur à sa quantité de mouvement, mais toujours fugitivement et jamais au même instant : c’est ce qu’expriment en termes mathématiques les relations d’incertitude d’Heisenberg ». Le principe de complémentarité, selon lequel « […] il existe des couples de grandeurs toutes deux nécessaires à la description complète d’un phénomène atomique, mais dont l’observation et la définition précise de l’un exclut l’observation et la définition précise de l’autre », nous conduit à considérer que « certaines grandeurs ne sont ainsi pas observables simultanément » ; il émerge entre 1925 et 1927. Il s’agit aussi, dans l’esprit de Born, d’une complémentarité des possibilités de définition et d’observation qui « […] explique également l’apparence de contradiction naissant de l’emploi du concept d’énergie dans les deux théories ». Mais « […] il ne faut jamais oublier que l’on ne peut attribuer un sens intuitif aux solutions de la mécanique ondulatoire que dans la mesure où elles peuvent être interprétées à l’aide du concept de particule libre ».
Notion d’orbitale10 Les fonctions d’onde Ψ de l’atome d’hydrogène sont appelées « orbitales » et comportent deux parties, la composante radiale et la composante angulaire. La valeur de la partie radiale exprime la probabilité de trouver l’électron à une distance r du noyau de l’atome ; à cette valeur r sont associés deux nombres quantiques : n, le nombre quantique principal qui définit la distance moyenne de l’électron au noyau, et l, le nombre quantique secondaire qui donne le moment angulaire de l’électron. Les solutions de l’équation de Schrödinger exigent pour n des valeurs entières positives : n = 1, 2, 3, ...n ; d’autre part l prend les valeurs 0 ≤ l ≤ (n – 1). À la partie angulaire de la fonction d’onde sont associés le nombre quantique magnétique m qui prend les valeurs – l ≤ m ≤ + l qui définit l’orientation dans un champ magnétique et le nombre de spin s qui exprime son moment angulaire : s = +½ ou -½. La connaissance de cette partie angulaire est la plus utile aux chimistes ; nous verrons plus loin sa représentation dans un certain nombre de cas. Les orbitales qui ne se différencient que par le nombre quantique magnétique m, c’est-à-dire qui ont en commun un nombre n et un nombre l donnés, se retrouvent dans un même « état énergétique ». Ainsi, lorsque l’électron occupe l’orbitale définie par n = 0 l = 0 (m = 0), dans laquelle l’énergie de l’électron est la plus basse, on dit que l’atome d’hydrogène se trouve dans l’ « état fondamental », l’unique état possible. Le passage de l’électron dans un « état excité », c’est-à-dire sa « transition » vers une orbitale supérieure, s’accompagne de l’absorption d’une quantité d’énergie plus ou moins importante, en fonction de la valeur de n et de l. Pour chaque état « n l » l’électron a le choix d’autant d’orbitales que de valeurs de m, sans que ce choix intervienne dans la grandeur de l’énergie de transition. On dit que les orbitales d’un tel état sont « dégénérées ». Par convention on appelle orbitales s celles
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pour lesquelles l = 0, orbitales p celles pour lesquelles l = 1, orbitales d celles pour lesquelles l = 2, orbitales f celles pour lesquelles l = 3, etc. On les note en faisant suivre la valeur de n par la lettre s, p, d, f, g11… correspondant à la valeur de l. Ainsi, l’orbitale fondamentale de l’hydrogène sera notée 1s, ses orbitales supérieures immédiates, celles où l = 0 et celles où l = 1 sont notées respectivement 2s et 2p, etc. Ces résultats mettent une fois de plus en lumière la force de la vue prospective de Bohr qui écrivait dès 1921 « il est naturel d’adopter une division des électrons de l’atome en groupes distincts, chacun contenant un nombre d’électrons égal au nombre d’éléments contenus dans une période, organisés en accord avec l’accroissement du numéro atomique ». Continuant sur sa lancée, Bohr énonçait à la suite son « Aufbauprinzip », le principe d’édification du cortège électronique, selon lequel « la configuration électronique des atomes s’obtient par un remplissage progressif des niveaux disponibles, dans l’ordre de leur énergie croissante ». En 1923, il formule en outre un « postulat d’invariance et de permanence des nombres quantiques » qui impose que les nombres quantiques des électrons déjà présents dans un atome ne sont pas affectés par l’adjonction d’un électron supplémentaire. Reste à voir comment s’applique ce principe d’édification du cortège électronique par peuplement des orbitales successives. Du fait des interactions qui s’exercent entre les électrons, il n’est pas possible, pour un atome qui comporte plusieurs électrons, de retrouver rigoureusement pour eux la forme des orbitales de l’hydrogène, mais on peut raisonnablement admettre que leurs orientations et éléments de symétrie ne sont pas fondamentalement affectés et qu’elles présentent la même partie angulaire que dans le cas de l’hydrogène. L’établissement du cortège électronique d’un atome dans l’état fondamental doit satisfaire à plusieurs conditions : les orbitales doivent être peuplées dans le respect strict de leur contenu énergétique croissant, elles ne peuvent contenir que deux électrons au plus, en vertu du principe de Pauli, enfin, satisfaire à la « règle de Hund ». Cette dernière a été déduite d’observations spectroscopiques et peut s’exprimer comme suit : dans un atome considéré dans son état fondamental, les électrons d’un même état se disposent de façon telle, qu’ils peuplent le plus grand nombre d’orbitales de cet état, leurs spins étant parallèles dans toute la mesure du possible. Cela signifie qu’aucune orbitale de cet état ne peut contenir deux électrons, tant que chacune d’elles en possède au moins un. La règle de Hund lève ainsi une dernière indétermination du principe d’édification. Ces conditions une fois remplies, il est possible de dresser le tableau d’édification de la totalité des espèces atomiques, où le cortège électronique d’un atome donné diffère de celui de l’atome qui le précède par un électron qui, ou bien complète une orbitale, ou bien est placé dans l’orbitale la plus proche du point de vue du contenu énergétique (figure 5.22).
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Figure 5.22 – Classement périodique des éléments et édification de leur cortège électronique.
Modèles quantiques de la liaison chimique Dans les années 1920, l’idée de symboliser par un trait de liaison la mise en commun d’une paire d’électrons par deux atomes, émise par Lewis, était adoptée par les chimistes. Cependant, on ne savait pas pourquoi deux particules de charges négatives cohabitaient entre deux particules porteuses de
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charges positives pour donner un édifice moléculaire stable. C’est la mécanique quantique qui fournira la réponse à cette interrogation. Deux voies de description de la molécule vont apparaître, l’une est connue sous le nom de « méthode des liaisons de valence », et l’autre sous celui de « méthode des orbitales moléculaires ». Méthode des liaisons de valence VB (Valence Bond ou VB) Historiquement la plus ancienne, a été élaborée en 1927 au cours des travaux de W. Heitler et F. London sur la formation de la molécule H2 à partir de deux atomes d’hydrogène. Leur traitement quantique de la liaison covalente repose sur l’hypothèse des doublets de Lewis : « La théorie (quantique) de la liaison chimique covalente dans les molécules diatomiques (…) est tout à fait équivalente au concept de paire électronique de Lewis : deux électrons de valence, libres, appartenant à deux atomes différents peuvent, en vertu de leur énergie d’échange, provoquer une attraction entre les atomes ». C’est cette énergie d’échange qui apporte la plus grande partie de la stabilisation par rapport aux atomes isolés. Le terme d’échange provenait de ce que la « résonance », concept introduit par Heisenberg en 1926 afin d’interpréter l’état quantique de l’atome d’hélium, fait intervenir une sorte d’oscillation entre deux structures extrêmes et suppose une réalité de cette oscillation comme si les électrons échangeaient physiquement leurs positions. La liaison covalente ne met en jeu que deux électrons, car il n’existe que deux fonctions de spin pour un électron donné. Pour qu’il y ait stabilisation, et donc formation d’une liaison, il faut que les deux électrons mis en commun aient des états de spin différents : « S’il n’y avait pas de spin électronique, le principe de Pauli ne permettrait que la solution antisymétrique avec répulsion entre les atomes : la liaison covalente ne se produirait pas. Le fait qu’existe une union chimique covalente paraît, en relation avec le principe de Pauli, reposer exclusivement sur l’existence du spin électronique ». Mais pour qu’il y ait échange, ou résonance, il faut que les électrons occupent un espace privilégié pour échanger : c’est l’espace internucléaire. La liaison chimique apparaît ainsi comme un accroissement de la présence de deux électrons de spin opposé entre les noyaux. Cette méthode a ensuite été étendue à des systèmes plus complexes par L. Pauling et J.C. Slater. Les deux auteurs vont développer, de façon indépendante, un traitement du problème en postulant que, sous l’effet d’une perturbation, les fonctions d’onde atomiques se transforment en un nouvel ensemble de fonctions d’onde atomiques intervenant de façon effective dans les liaisons. Ces nouvelles fonctions sont obtenues par « hybridation des orbitales », c’est-à-dire par combinaisons linéaires des fonctions d’onde de départ. C’est surtout à Pauling que sera attribuée la paternité de cette méthode, car la présentation qu’il en fait, moins mathématisée que celle de Slater, est plus accessible à la moyenne des chimistes. Les orbitales hybrides deviendront vite populaires chez ceux-ci, car elles permettent d’expliquer la représentation spatiale des composés moléculaires, ceux du carbone en particulier.
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Méthode des orbitales moléculaires OM (Molecular Orbital ou MO) On peut faire remonter cette méthode elle aussi à 1927. Son point de départ est le traitement quantique de l’ion-molécule H2+ et celui de la molécule de dihydrogène par E.U. Condon. L’électron y est considéré comme une particule se mouvant dans le champ de l’ensemble des noyaux et, pour simplifier la résolution de l’équation de Schrödinger, Born et J.R. Oppenheimer suggèrent de ne pas tenir compte des vibrations résiduelles des deux noyaux d’hydrogène, car elles sont lentes par rapport à la vitesse de déplacement de l’électron qui les maintient proches. C’est « l’approximation de Born–Openheimer » dont la validité a été testée par Ø. Burrau12 la même année ; cette approximation est devenue d’une pratique constante. Mais c’est R.S. Mulliken et F. Hund qui en ont assuré le développement, entre 1928 et 1932, à partir de préoccupations liées à la spectroscopie des molécules diatomiques. La méthode des OM repose sur l’idée que, tout comme on peut décrire l’électron dans un atome par une fonction d’onde représentant son orbitale atomique, on peut décrire un électron dans une molécule par une autre fonction Ψ polycentrique représentant son orbitale moléculaire. Dans sa conférence Nobel (12 décembre 1966), Mulliken présente comme suit la filiation historique de la théorie des OM : les orbitales moléculaires sont des entités tout à fait indépendantes des orbitales atomiques ; cependant, pour la détermination des fonctions d’onde moléculaires, l’approximation proposée par J.E. Lennard-Jones en 1929, consistant à effectuer une combinaison linéaire des orbitales atomiques, sera utilisée. Mulliken donnera à cette méthode d’approximation la dénomination de méthode LCAO (Linear Combination of Atomic Orbitals). La recherche du processus de construction de la structure moléculaire a conduit Mulliken et Hund à introduire une nomenclature encore en usage aujourd’hui. Pour caractériser les états électroniques moléculaires, il propose d’utiliser les lettres majuscules grecques Σ, Π, Δ. Les valeurs du nombre quantique 0, 1, 2… lié aux différentes projections possibles sur l’axe internucléaire du moment angulaire orbital d’un électron seront représentées par σ, π, δ… par analogie avec la nomenclature s, p, d… utilisée pour les atomes. En 1931, Hund étend cette nomenclature aux liaisons mêmes. Une liaison simple est une liaison σ, une liaison double résulte d’une liaison σ et d’une liaison π, et une triple liaison d’une liaison σ et de deux liaisons π. Le calcul de la probabilité de présence dans l’espace des électrons (à partir de |Ψ2|) conduira à la représentation des liaisons par des contours de densité de charge ou par le modèle du « nuage électronique ». Ce qui différencie les deux méthodes OM et VB, c’est que dans celle des orbitales moléculaires l’électron n’appartient pas spécifiquement aux atomes dont on utilise les orbitales atomiques, alors que dans celle des orbitales de valence il appartient à l’atome et son orbitale atomique est utilisée pour créer une entité de niveau supérieur. La première méthode conduit à des « orbitales délocalisées » et permet d’accéder aux niveaux d’énergie
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orbitalaires et à leurs grandeurs associées : énergies de transitions électroniques et potentiels d’ionisation. La deuxième conduit à des « orbitales localisées » entre les atomes et permet de retrouver la direction des liaisons entre les atomes et les énergies de liaison. La méthode des orbitales moléculaires OM a conduit E. Hückel à mettre au point un traitement simplifié, appelé « méthode HMO » (Hückel Molecular Orbital method), applicable aux molécules polyatomiques. À ce effet, pour les systèmes comportant des liaisons multiples il procède aux simplifications suivantes : les liaisons σ sont considérées comme localisées et sans interaction avec les liaisons σ voisines et les liaisons π. Le traitement LCAO des orbitales atomiques p perpendiculaires au plan des liaisons σ a lieu de façon séparée. Hückel considère un état conventionnel initial dans lequel les atomes à soumettre à la liaison sont supposés éloignés les uns des autres. Leurs OA p sont alors sans interaction entre elles, l’énergie du système est représentée par la seule intégrale de Coulomb, de même valeur pour les atomes d’une espèce chimique donnée et notée α. La formation de la liaison exige un rapprochement des atomes, donc de leurs OA p dont la combinaison linéaire en OM π délocalisées aboutit, du point de vue énergétique, à la prise en considération de leurs interactions dans un terme complémentaire, l’intégrale d’échange. La valeur β de cette énergie est attribuée au passage d’un électron de l’OA p dans l’OM π ; lorsque β prend une valeur négative, le système est moins riche en énergie que le système conventionnel de départ, donc plus stable, il se forme une liaison, on dit que l’orbitale moléculaire est liante et on la note OM π ; dans le cas contraire, l’orbitale moléculaire est dite anti-liante et notée OM π*. La différence d’énergie ΔE entre l’état conventionnnel initial et l’état lié est appelée « énergie de liaison ». L’introduction de ces approximations allège considérablement les calculs. Comme le signale B. Vidal (1989), c’est grâce à Hückel que la théorie des orbitales moléculaires s’est largement répandue, en étant bien entendu l’objet d’améliorations, pour décrire les propriétés moléculaires. Représentation graphique des orbitales atomiques et moléculaires Alors que l’examen de la partie radiale de la fonction d’onde d’une orbitale atomique (OA) permet de déterminer à quelle distance r du noyau atomique la densité électronique, c’est-à-dire la probabilité de présence Ψ2 est la plus élevée, il ne permet pas de savoir si cette densité électronique a la même valeur dans toutes les directions de l’espace x, y, z. Pour la connaître il faut faire appel à la partie angulaire de l’orbitale Ψ dont la résolution permet de déterminer pour chaque état n,l des volumes pour lesquels la surface « enveloppe » délimite, pour la densité électronique, une valeur conventionnelle élevée ; on retient le plus souvent celle de 90 pour cent. La forme de l’enveloppe d’une OA pure ou hybride est fonction de la valeur de l ; l’origine de ses coordonnées est toujours le noyau atomique L’orbitale est sphérique lorsque l = 0. Pour les valeurs supérieures de l,
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l’orbitale comporte plusieurs « lobes » directionnels, affectés du signe + ou – (ou d’une teinte distinctive dans les dessins), selon la valeur positive ou négative de la partie radiale de la fonction d’onde. À la limite entre deux lobes de signes contraires d’une OA la densité électronique est nulle ; selon le cas on parle alors de point, de plan ou d’enveloppe nodaux. L’effet directionnel est une conséquence des répulsions entre électrons ; par exemple, les orbitales p sont orthogonales entre elles (figures 5.23 et 5.24).
Figure 5.23 – Orbitale s.
Figure 5.24 – Orbitale p.
À la base de la formation d’une liaison se trouve le rapprochement entre deux noyaux atomiques et, par voie de conséquence, de certaines de leurs orbitales qui finissent par entrer en interaction. Celle-ci conduit à la réalisation de la liaison, lorsque les lobes orbitaux en interaction sont de même signe et de la combinaison des deux OA résulte une orbitale moléculaire (OM) « liante ». En revanche, l’interaction de deux lobes de signes contraires empêche la formation de la liaison et aboutit à une OM « anti-liante ». C’est ainsi que la combinaison LCAO de deux orbitales atomiques s contenant chacune un électron aboutit à deux orbitales moléculaires, l’une, liante, au contenu énergétique inférieur à celui de l’orbitale atomique s, est notée σ, l’autre, anti-liante, au contenu énergétique supérieur à celui de l’orbitale atomique, est notée σ* (figure 5.25). En vertu du niveau d’énergie et des principes de la mécanique ondulatoire, c’est l’orbitale σ qui sera peuplée par les deux électrons dans l’état fondamental. Pour la combinaison linéaire de deux orbitales p, deux situations peuvent se présenter, en fonction de leur disposition relative ; selon le cas on aboutit à un couple de liaisons σ et σ*, ou à un couple π et π* (figure 5.26). L’hybridation entre une orbitale atomique s et une orbitale atomique p conduit à deux orbitales sp, dirigées à 180° l’une de l’autre (figure 5.27), celle d’une orbitale s avec deux orbitales p conduit à une disposition plane de trois orbitales sp formant des angles de 120° entre elles (disposition trigonale). Enfin, la combinaison d’une orbitale s avec trois orbitales p aboutit, après hybridation, à une disposition tétraédrique de quatre orbitales sp formant entre elles des angles de 109,5°.
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Figure 5.25 – Orbitales σ et σ*.
Figure 5.26 – Orbitales σ et σ*, π, π*.
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Figure 5.27 – Orbitales hybrides de type sp.
Exemples d’application des orbitales aux problèmes des structures chimiques Géométrie des molécules Contrairement aux ions et aux édifices métalliques, où les électrons n’exercent pas d’action directive, les liaisons covalentes présentent des orientations dans l’espace. Toutefois, l’avancée apportée par la théorie de Lewis, l’identification d’une liaison simple à un doublet d’électrons, ne permet pas de prévoir cette distribution spatiale des électrons. Dès 1940, N. Sidgwick et C. Powell ont attiré l’attention sur la nécessité de tenir compte de l’influence des doublets non partagés d’un atome sur la géométrie de ses liaisons. En 1957, R.J. Gillespie et R.S. Nyholm ont montré de leur côté que la distribution spatiale des doublets (partagés ou libres) de la couche périphérique d’un atome peut être considérée comme la résultante de l’action des forces électrostatiques et de l’intervention du principe d’exclusion de Pauli. Gillespie a réuni leur vue dans un modèle dit de « répulsion des paires d’électrons de la couche de valence »13, plus connu sous son acronyme VSEPR (valence-shell electron pair-repulsion), dans lequel il fait l’hypothèse simplificatrice que les doublets liants et libres évoluent à la surface d’une sphère dont le noyau serait le centre et se positionnent de façon telle que leurs répulsions soient minimisées. Le modèle VSEPR est représenté dans des « figures de répulsion » qui sont fonction du nombre de doublets occupant leurs sommets et des directions dans lesquelles ces doublets s’orientent, donc des angles qu’elles font entre elles (figure 5.28). Le nombre total de doublets périphériques, liants et libres, conditionne la figure de répulsion à choisir ; le nombre de doublets liants conditionne les
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Figure 5.28 – Figures de répulsion VSEPR.
directions correspondant à des liaisons. Les liaisons multiples sont traitées comme si elles étaient des liaisons simples (figure 5.29).
Figure 5.29 – Structures relevant d’une figure de répulsion tétraédrique.
Les dispositions géométriques que fait prévoir le modèle VSEPR et qui sont confirmées par des mesures instrumentales physico-chimiques correspondent dans la plupart des cas à des solutions fournies par la méthode des orbitales moléculaires, qui, elles, ne sont pas prévisionnelles ; cependant, les approximations qui sont à la base du modèle VSEPR conduisent à un certain nombre de situations où il est défaillant. Néanmoins, sa simplicité d’utilisation, comparée aux techniques de traitement mathématique des fonctions d’onde, fait que ce modèle reste un outil valable pour une première approche de la géométrie moléculaire, en particulier lorsque celle-ci implique des atomes des périodes principales (de H à Cl).
Électronégativité atomique et polarisation des liaisons covalentes La capacité d’attraction des électrons d’une orbitale atomique ou « électronégativité », mesurable à travers l’énergie de première ionisation, varie en fonction du niveau de l’orbitale. En première approximation, dans la formation
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d’une liaison, chacune des OA de valence impliquées manifeste son électronégativité vis-à-vis de l’électron de l’autre, une certaine part de l’effet d’attraction provenant des orbitales internes. Dans le cas d’une molécule diatomique homonucléaire A – A, on est en droit de s’attendre à une même grandeur des effets réciproques et, par voie de conséquence, à une symétrie dans les OM. On est en présence d’une « covalence pure ». Il n’en va plus de même dans le cas d’une molécule diatomique hétéronucléaire A – B, où les électronégativités diffèrent, la liaison prend un caractère partiellement ionique, mesurable par son moment dipolaire, on dit qu’elle est polarisée. La connaissance du degré de polarisation étant importante du point de vue de la réactivité des substances, Pauling s’est attaqué, en 1931, à la détermination d’une échelle des électronégativités. Partant de l’énergie des liaisons homonucléaires, il énonce en 1937 le « postulat de la moyenne géométrique des énergies de dissociation homonucléaires » pour la détermination de la valeur des liaisons hétéronucléaires. La différence Δ observée entre les valeurs mesurées et celles issues de l’application du postulat est considérée par lui comme représentant « l’énergie de résonance ionique », l’indicateur du degré d’ionicité de la liaison. Il aboutit ainsi à établir une échelle des électronégativités atomiques14 (figure 5.30).
Figure 5.30 – Électronégativités selon Pauling.
Le caractère ionique d’une liaison est d’autant plus élevé que les espèces atomiques sont éloignées les unes des autres dans l’échelle ; ainsi, à une différence de 1,7 unité d’électronégativité des deux atomes d’une liaison on peut attribuer un caractère ionique de 50 %. L’énergie de formation d’une liaison covalente est d’autant plus élevée, que l’est la différence δ des électronégativités. On observe par exemple que si la chaleur de formation de HI à partir de H2(g) et de I2(g) est de 6 kJ mole-1 (δ = 0,4), elle atteint déjà 51 kJ mole–1 (δ = 0,7) pour la formation de BrH, 92 kJ mole–1 (δ = 0,9) et 269 kJ mole–1 (δ = 1,9) pour HF dans les mêmes conditions de milieu gazeux.
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Stabilité des systèmes insaturés à liaisons multiples conjuguées Un système insaturé conjugué est constitué par un ensemble d’atomes reliés directement les uns aux autres et disposant d’une orbitale atomique de même niveau n dont l’axe est perpendiculaire au plan contenant les atomes. Ce plan est à la fois plan moléculaire et plan nodal des OA p. Comme dans le cas des doubles liaisons isolées, la méthode HMO permet de se faire une idée de la stabilité de ces édifices moléculaires. Comparons les trois systèmes insaturés éthylénique, allylique et butadiénique (figure 5.31).
Figure 5.31 – Énergies des OM de quelques systèmes conjugués.
Pour l’éthène, composé non conjugué pris ici comme terme de référence, l’énergie de la liaison π est égale à β par électron, soit 2β au total. Rappelons que la valeur de β doit être négative pour qu’il y ait liaison. Pour le système allylique sous ses trois formes cationique, radicalaire et anionique, l’intégrale de Coulomb α est la même, les orbitales des trois atomes de carbone étant dans le même état 2p. La valeur de l’énergie d’échange est elle aussi identique pour les trois composés et égale à 2 √2 β = 2,828 β, bien que ce système ne comporte, comme l’éthène, qu’un seul couple d’orbitales π,π* – les électrons placés dans les OM non liantes sont supposés n’exercer ou ne subir aucune interaction (ceci n’est en réalité qu’une nouvelle approximation). La différence que l’on observe entre l’énergie des couples d’orbitales π,π* de l’éthène et des représentants du système allylique, soit 0,828 β, indique une plus grande stabilité de la liaison pour ce dernier ; elle est due à l’élargissement
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de la délocalisation des électrons et appelée « énergie de conjugaison » ou de résonance15. Un phénomène analogue s’observe dans le cas du butadiène, où l’énergie de conjugaison est de 0,48 β. Pour bien marquer l’existence de la conjugaison dans les dessins, un certain nombre de chimistes ont pris l’habitude de délocaliser les liaisons doubles sous forme d’une ligne en tirets ou pointillés couvrant toute l’étendue de la zone conjuguée. La stabilité particulière du benzène et sa relative inertie face aux réactifs d’addition, observée déjà par Faraday, son découvreur, ont fait que lui-même et toute une série de composés cycliques caractérisés par des cycles à six chaînons présentant un sextet d’électrons π, reliés entre eux par une liaison simple ou accolés ont été regroupés sous le nom de composés aromatiques. Ce sextet a pendant longtemps intrigué les chimistes et a donné lieu à de nombreuses hypothèses, telles que la théorie des liaisons oscillantes de Kekulé et celle des liaisons partielles de Thiele. S’y ajoute le fait de la planéité parfaite de la structure de benzène, par suite de l’hybridation des OA du carbone conduisant à des angles de 120°, donc à un cycle parfaitement symétrique, un facteur de stabilisation de la molécule par absence de contraintes. Mais on connaît des systèmes cycliques à cinq ou sept chaînons présentant un caractère aromatique. Il en est ainsi de l’anion du cyclopentadiényle et du cation du cycloheptadiényle qui présentent une stabilité élevée. En ravanche, le cation du cyclopentadiényle et l’anion du cycloheptadiényle sont instables ; Pourquoi ? En 1931, dans le cadre de son approche des orbitales moléculaires, Hückel a tenté de répondre à cette question en traitant le système conjugué du benzène par la méthode HMO. Il constate ainsi que la combinaison linéaire des OA 2p du carbone dans le benzène conduit à une dégénérescence en paires pour certaines des OM dont les trois liantes sont entièrement peuplées. l’énergie de conjugaison est particulièrement élevée et égale à 2 β, alors que dans l’hexatriène, le système de 3 liaisons doubles conjuguées à chaîne ouverte, elle n’est que de 0,99 β. (figure 5.32). En cherchant à étendre ses calculs à d’autre composés aromatiques, il aboutit à la conclusion que « les systèmes monocycliques coplanaires formés d’atomes d’hybridation sp2 présentent une stabilité particulière, lorsqu’ils contiennent un nombre d’électrons égal à (4n + 2), où n = 0, 1, 2, ... », c’està-dire des niveaux de paires d’orbitales dégénérées entièrement peuplés. Cette « règle de Hückel » se vérifie dans la plupart des cas et peut être considérée comme une nouvelle définition de l’aromaticité.
Densité électronique et pôles de réactivité Dans une liaison σ établie entre deux atomes de même nature, la densité électronique est répartie de façon symétrique ; il n’en est plus de même, ainsi qu’en témoigne la mesure des moments dipolaires, lorsque les deux atomes, sièges de la liaison, sont de nature différente. On observe alors une disparité de la densité électronique au niveau de ces deux atomes, plus élevée au niveau de l’atome plus électronégatif, on dit que la polarisation est le siège d’un « effet
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Figure 5.32 – Les OM π du benzène.
inducteur ». Plus ce dernier est important, plus facilement la liaison peut être rompue. La connaissance de la densité électronique en chaque point d’une molécule est un facteur important dans l’évaluation de l’action potentielle entre un substrat moléculaire et un réactif, en particulier en ce qui concerne les molécules à structure carbonée de la chimie organique. Substitutions nucléophiles Dans ces réactions il s’agit de remplacer un atome ou groupe d’atomes par un atome ou groupe d’atomes. Considérons par exemple un hydrocarbure tel que le méthane CH4 ; les quatre liaisons σ C—H sont polarisées chacune à un même degré, en conséquence des différences d’électronégativité présentées par les deux espèces atomiques. Cette polarisation, bien qu’elle ne se manifeste pas par un moment dipolaire moléculaire, par suite de compensations internes, entraîne au niveau de l’atome de carbone l’existence d’une densité électronique supérieure à celle au niveau de l’atome d’hydrogène. On aboutit ainsi à la formation d’un « centre nucléophile », l’atome de carbone16, et de 4 « centres électrophiles », les atomes d’hydrogène. En revanche, si nous remplaçons l’un des atomes d’hydrogène par un atome ou un groupe plus fortement nucléophile que le carbone, par exemple un atome de chlore, le carbone jouera un rôle d’électrophile. La densité électronique est fonction de l’environnement immédiat de l’atome et, de façon générale, on peut toujours décrire une molécule comme l’assemblage d’une entité nucléophile Nu, à
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laquelle on attribue par convention le doublet de la liaison, même lorsque Nu n’est pas constitué par un anion, avec une entité électrophile E : Nu : + E → Nu — E Examinons maintenant dans ce cadre une réaction de substitution sur une molécule M présentant un centre de chiralité, cas où les facteurs structuraux peuvent avoir une grande importance. Les substituants de M, fixés sur le carbone chiral, seront X, Y, Z, L, l’atome ou le groupe L constituant un centre nucléophile par rapport au carbone. Si maintenant nous soumettons cette molécule à l’attaque par une entité plus fortement nucléophile que L, deux situations sont à envisager en fonction du milieu : – le milieu favorise une ionisation rapide ; par conséquent, dans une première étape rapide, on assiste à la dissociation de M en un cation dont la charge se situe au niveau du carbone, et un anion L :¯. Le cation carboné présente une orbitale 2p vacante, perpendiculaire au plan moléculaire contenant les trois orbitales sp2 du carbone qui assurent les liaisons avec X, Y et Z, l’environnement du site réactionnel est symétrique de part et d’autre du plan. Dans une seconde étape, lente, le nucléophile Nu : pourra par conséquent se fixer indifféremment d’un côté ou de l’autre de ce plan et il en résultera, à parts égales, deux nouvelles espèces M’, images l’une de l’autre dans un miroir, on a abouti à un racémique (figure 5.33). Les réactions de ce type sont appelées réactions SN1 ;
Figure 5.33 – Réaction SN1.
– le milieu n’est pas favorable à une ionisation ; la réaction a lieu en une seule étape, lente, le nucléophile ne peut aborder la molécule cible que du côté opposé au groupe partant L, sous peine d’être repoussé par lui dans l’autre approche directionnelle ; on aboutit exclusivement à l’une des formes structurales de M’ (figure 5.34). Dans cette deuxième forme la réaction est appelée substitution SN2.
Figure 5.34 – Réaction SN2.
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Additions électrophiles Lorsqu’une molécule possède une liaison multiple, le doublet π, plus riche en énergie que le doublet σ, est plus facilement disponible que ce dernier et peut être engagé dans une réaction d’addition sur les deux atomes de la liaison. Liaison double homonucléaire Considérons tout d’abord le cas d’une double liaison homonucléaire >C = CC=C< ; on se trouve alors dans la situation orbitalaire suivante : pour qu’il y ait fixation simultanée de H et de Cl, molécule dont l’unique liaison est fortement polarisée, il faut que, lors de la réorganisation de l’ensemble en composé d’addition, les deux électrons de cette liaison trouvent place soit chacun dans une orbitale partiellement peuplée, soit ensemble dans une orbitale vacante. Dans le premier cas, il faudrait tout d’abord que l’un des électrons π passe de l’OM liante dans l’OM anti-liante et que parallèlement la rupture de la liaison H—Cl doit avoir lieu par « rupture homolytique », c’est-à-dire conduise à un partage égal des électrons de liaison qui doivent réintégrer leur OA d’origine. Dans l’état intermédiaire envisagé, l’OA 1s de l’hydrogène, ainsi que l’OA 3p du chlore contiendraient chacune 1 électron et leurs combinaisons avec respectivement l’OM liante et l’OM antiliante π, elles aussi peuplées chacune par 1 électron, conduirait à deux OM liantes entièrement peuplées. On peut prévoir que la création d’une telle situation orbitale requerrait une grande quantité d’énergie tant pour la coupure homolytique du doublet π que pour celle de la liaison H—Cl, alors que l’on sait que cette dernière molécule subit aisément la coupure hétérolytique en deux ions H+ et Cl¯. Dans l’autre cas, celui d’une orbitale vacante face à une orbitale entièrement peuplée, il faut envisager deux étapes dont la première est une attaque électrophile du réactif par le substrat : dans l’exemple retenu, le doublet π capte le proton qui se forme dans la rupture de sa liaison avec Cl fragilisée
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par la polarisation, une seconde étape réactionnelle conduisant à la fixation de l’anion Cl¯ sur le cation carboné (figure 5.35).
Figure 5.35 – Addition électrophile AdE2.
Liaison double hétéronucléaire La situation diffère de la précédente, lorsque, comme dans le cas des composés carbonylés, la liaison double est hétéronucléaire. Le groupe fonctionnel carbonyle présente un moment dipolaire élevé, voisin de 3 Debye, l’oxygène étant bien plus électronégatif que le carbone (sa représentation par la structure >C=O ne reflète pas plus la réalité que ne le fait celle par la structure >C+—O-, les deux constituant des situations limites théoriques) et que les doublets libres de l’oxygène peuvent entrer en jeu. Quoi qu’il en soit, la densité électronique au niveau de l’oxygène (2 doublets libres, 1 doublet partagé, 1 électron π) est nettement plus élevée qu’au niveau du carbone (3 doublets partagés, 1 électron π) et cette situation suggère la possibilité de deux modes de réaction : celle d’une attaque nucléophile au niveau du carbone et celle d’une attaque électrophile au niveau de l’oxygène. Selon la nature du milieu, l’un ou l’autre processus est favorisé (figure 5.36). L’addition d’un nucléophile sur le carbone cationique est liée à l’effet stérique de ses substituants ; en effet, lors de la
Figure 5.36 – Modes d’addition sur le groupe carbonyle.
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formation de la liaison entre l’ion nucléophile et le carbocation, ce dernier passe d’une disposition plane à une autre, tétraédrique, ce a qui pour effet de rapprocher ses différents substituants dont la taille et la nature peuvent conduire à des interactions répulsives. Systèmes polyéthyléniques conjugués Les réactions des composés comportant plusieurs liaisons doubles sont en principe parallèles à celles que nous venons de voir. Néanmoins, lorsqu’on est en présence d’un système où les liaisons simples et doubles sont disposées en alternance, les résultats expérimentaux et l’examen des OM montrent qu’il n’est plus possible de considérer les électrons comme appartenant à leur atome d’origine. Les OA p de la totalité des atomes faisant partie du système conjugué sont coplanaires, facilitant leur interaction et conduisant à des OM qui s’étendent sur toute la chaîne conjuguée ; on dit que les électrons π sont « délocalisés ». Cette délocalisation se manifeste de plusieurs façons, en particulier : – la comparaison de l’enthalpie de systèmes possédant le même nombre de liaisons doubles, l’un conjugué, l’autre non, montre que le premier est plus stable que le second, leur différence d’enthalpie est appelée « énergie de conjugaison ou de résonance » ; – la liaison σ entre deux doubles liaisons est plus courte qu’entre deux carbones saturés. Mais ce qui différencie les systèmes conjugués d’un système éthylénique non conjugué, ce sont certains aspects structuraux de leurs réactions. Réactions d’addition C’est ainsi que l’addition de H—Cl sur le butadiène CH2=CH—CH=CH2 conduit à la formation de deux produits, le 1-chloro-2-butène et le 3-chloro-1butène (figure 5.37). L’examen des données énergétiques montre que la fixation initiale d’un proton conduit à un cation allylique, le plus stable du point de vue thermodynamique. L’ion chlorure peut alors attaquer le cation à l’une ou l’autre de ses extrémités et conduire aux produits observés. De même, à partir du 1,3,5-hexatriène on obtient les trois isomères 1- chloro-2,4-hexadiène, 1-chloro-1,4-hexadiène (non conjugué) et 5-chloro-1,3-hexadiène.
Figure 5.37 – Additions de HCl sur le 1,3-butadiène.
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Réactions péricycliques Un nombre important de réactions impliquant des systèmes conjugués a longtemps intrigué les chimistes ; leur vitesse de transformation est en général insensible à la présence ou l’absence de catalyseurs ou de solvants, ainsi qu’à leur nature. Ces réactions ont lieu en une seule étape et sont caractérisées par une grande entropie d’activation, ce qui laisse supposer une disposition fortement figée des réactifs dans l’état de transition. En outre, elles présentent toujours une évolution stéréospécifique allant de pair avec leur mode de formation, thermique ou photochimique. Le mécanisme de ces réactions a pu être élucidé il y a environ 40 ans, grâce aux travaux de R.B. Woodward et R. Hoffman d’une part, de K. Fukui, H. Longuet-Higgins et E.W. Abrahamson de l’autre. Ce sont en particulier les travaux de Woodward et Hoffmann qui ont suscité l’intérêt des chimistes organiciens, à cause de la relative simplicité des prédictions réactionnelles qu’elle permet de faire et de la fiabilité de celles-ci. L’ensemble des réactions interprétables dans ce cadre est appelé « réactions péricycliques » et traite en particulier des : – des réactions « électrocycliques » de fermeture sur elle-même d’une chaîne polyénique conjuguée ou de l’ouverture d’un système cyclique en chaîne polyénique ; – des « cyclo-additions » de systèmes polyéthyléniques et de leurs inverses ; – des « réarrangements sigmatropiques ». Par application d’une méthode de calcul orbital dérivée de celle de Hückel (EHM = Extended Hückel Method), Woodward et Hoffmann ont fourni en 1965 une interprétation des mécanismes réactionnels par échange synchrone d’électrons en flux continu entre les orbitales des partenaires de la réaction, dans le respect des propriétés de symétrie des niveaux d’énergie associés aux orbitales des réactifs et des produits. Ils ont montré en outre que de tels mécanismes exigent de loin la plus petite énergie d’activation, dans le cas où plusieurs mécanismes peuvent être envisagés pour une transformation chimique donnée. Longuet-Higgins et Abrahamson ont simplifié la procédure qui n’exige alors que la connaissance des propriétés de symétrie des orbitales σ et π réellement impliquées dans la transformation, ainsi que les énergies qui leur sont associées. Celles-ci peuvent être évaluées à l’aide de la spectroscopie photoélectronique ou de résonance de spin électronique. Il ne peut être question, dans la présente étude, d’entrer dans le détail du mécanisme des réactions péricycliques, retenons cependant que dans les processus d’échange synchrones d’électrons il faut que la transformation progressive des OM des réactifs en OM des produits ait lieu de façon telle qu’à chaque instant de cette évolution les propriétés de symétrie de toutes les OM impliquées soient préservées. Cette condition constitue le « principe de conservation de la symétrie orbitale », elle est respectée, lorsque l’élément de symétrie qui est propre à l’orbitale de départ se retrouve à l’arrivée. Un certain nombre d’aspects structuraux liés à l’échange synchrone d’électrons peuvent
Électron et liaison chimique
intervenir et nous essaierons de les mettre en évidence dans les exemples de réactions péricycliques qui vont suivre. Réactions électrocycliques Il s’agit, dans ces réactions, de créer une liaison σ unissant les carbones extrêmes d’un système polyéthylénique ou de deux systèmes insaturés coplanaires. Comme les carbones impliqués passent de l’état sp2 à l’état sp3, leurs substituants, initialement dans le plan moléculaire formé par le système polyéthylénique, vont se situer de part et d’autre de ce plan à la fin d’un mouvement de rotation dont le sens est conditionné par des facteurs liés au processus d’échange synchrone d’électrons. C’est ainsi que le 1R,6R’-1,3,5-hexatriène conduira à un 5-R,6R’-1,3-cyclohexadiène avec une disposition Z ou E des substituants R et R’, selon que la réaction a lieu dans l’état fondamental du composé de départ (réaction « thermique »), ou dans un état excité (« réaction photochimique »), comme le montre la figure 5.38. Lorsque les substituants sont en disposition Z, c’est-à-dire d’un même côté du plan moléculaire, leurs éventuelles interactions peuvent ralentir ou empêcher la réaction par simple encombrement stérique, sans relation avec l’échange synchrone d’électrons.
Figure 5.38 – Cylisation du 1,3,5-hexatriène.
Le système conjugué peut même s’étendre à travers l’espace, sans continuité des liaisons, mais dans des conditions de coplanéité et de proximité des atomes sp2 satisfaisante pour assurer le recouvrement orbital ; on parle alors de pseudoconjugaison. Cette situation se retrouve pour un bon nombre de composés terpéniques élaborés par biosynthèse ou par synthèse chimique (figure 5.39). Cycloadditions La cycloaddition désigne l’union par échange synchrone d’électrons, d’une chaîne polyénique avec un système monoéthylénique ou polyéthylénique conjugué. Un exemple typique en est la réaction de Diels et Alder que nous représentons dans la figure 5.40 dans l’exemple de la combinaison de l’éthène avec le 1,3 butadiène. Pour qu’il y ait combinaison dans l’état fondamental des deux partenaires, il faut que les électrons à échanger de l’une des deux molécules présentent le contenu énergétique le plus élevé, de sorte que l’énergie à fournir pour passer dans l’état
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Figure 5.39 – Cyclisation d’un système pseudo-conjugué.
de transition soit le plus faible possible. Pour le butadiène, ce sont les électrons de l’OM Ψ2 (orbitale HOMO = Highest Occupied Molecular Orbital), pour l’éthène le doublet π. Pour qu’il puisse y avoir liaison, il faut que le doublet de l’un des partenaires puisse passer dans l’orbitale vacante énergétiquement la plus favorable de l’autre (LUMO = Lowest Unoccupied Molecular Orbital), c’est-à-dire de Ψ2 du butadiène à π* de l’éthène, ou bien de π de l’éthène à Ψ3 du butadiène, les deux mouvements étant équivalents. Enfin, pour que le recouvrement des lobes orbitaux de même signe soit le plus favorable, il faut que les deux partenaires soient disposés dans des plans parallèles. C’est la situation que représente la figure.
Figure 5.40 – Réaction de Diels et Alder.
La chimie structurale entre hier et demain
Une revue rétro-prospective Entre le moment des premières analyses centésimales des corps purs, par M.H. Klaproth et J.B. Richter vers 1790 et notre état des lieux de la chimie structurale, deux siècles se sont écoulés. La difficile gestation de la notion d’atome a duré un demi-siècle, accompagnée par celle de la notion de valence, ainsi que de la détermination de la masse atomique et de l’atomicité des corps simples. L’émergence progressive de formules qui ne traduisent d’abord que la globalité de la molécule (formules brutes), puis font ressortir progressivement les fonctions chimiques et des fragments structuraux communs à un grand nombre de composés, aboutit finalement à des images qui sont des projections dans un plan de la structure moléculaire. Parallèlement s’imposent de nouvelles notions telles que l’homologie, l’isomérie, etc. À la fin de cette période, vers 1850, le besoin d’une connaissance de la distribution spatiale des atomes d’une structure chimique se fait jour avec les travaux de Pasteur sur les acides tartriques. Il sera satisfait un quart de siècle plus tard avec les théories du carbone asymétrique de van’t Hoff et de Le Bel. Entre-temps, les chimistes de toute l’Europe auront vécu le mémorable « Congrès de Karlsruhe » de 1860, organisé à l’initiative de Kekulé et de Würtz. Véritable césure dans cette discipline, le congrès de Karlsruhe marque la fin d’une période de profondes controverses et une refondation des notions de base de la chimie. Atome, molécule, valence, notation chimique, masse atomique et nombre d’autres notions font l’objet de discussions passionnées, de remises en question et, enfin d’une clarification permettant, au-delà des rivalités de personnes et de chapelles qui prévalaient jusque-là, l’établissement d’une base nouvelle de notions bien définies et communes à tous les chimistes. Ceux-ci disposent désormais de principes de représentation moléculaire s’appliquant à toutes les structures chimiques, minérales ou organiques. De par ses résultats et son impact sur la génération montante de chimistes, ce congrès constitue la marque visible d’une profonde mutation des paradigmes et le véritable point de départ du développement de la chimie moléculaire, tant dans le domaine de la recherche pure que dans celui des applications industrielles. Les recherches fondamentales de cette nouvelle époque sur la stéréochimie et la synthèse des sucres, dominées par les travaux
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de Emil Fischer, l’étude des composés terpéniques par O. Wallach à la fin du XIXe siècle, ont constitué le point de départ de notre connaissance des mécanismes de biosynthèse dans le monde végétal. Les synthèses de médicaments chimiques de structures de plus en plus complexes ont conduit au développement d’une industrie pharmaceutique puissante. La même époque a vu se développer l’industrie des explosifs modernes avec A. Nobel, celle des fibres synthétiques avec l’acétate de cellulose. Les composés de la série aromatique ont donné naissance à l’industrie des colorants avec W.H. Perkins, mais cette dernière a aussi ruiné la paysannerie dans certaines régions à la suite des synthèses industrielles de l’alizarine (C. Graebe et C.T. Liebermann 1869) et de l’indigo (synthèse industrielle de K. Heumann 1890). Le succès des synthèses de la chimie organique pendant le dernier quart du XIXe siècle et les possibilités industrielles qu’elles portaient en germe, ont occulté pour une certaine part les recherches de chimie structurale à cette époque. En revanche, le domaine des connaissances physico-chimiques, celui de la thermodynamique chimique en particulier, subit un profond développement et intéresse fort l’industrie. Les tentatives de classement des différentes espèces atomiques donnent naissance au Tableau périodique de Mendeléev et soulèvent la question du moteur de ce classement. La découverte de l’électron et l’énoncé de la théorie des quanta de Planck à l’orée du XXe siècle ouvre une nouvelle période pour la chimie structurale. Cette fois ce n’est plus tellement la molécule qui est l’objet des recherches structurales, mais le cortège électronique de l’atome, dont la connaissance reçoit une grande avancée grâce aux modèles de Rutherford, puis de Bohr. De son côté, Lewis fournira une interprétation intéressante de la liaison chimique. La règle de l’octet fixera la connectivité des atomes à un maximum de quatre covalences. Le second quart du XXe siècle est marqué par le postulat de L. de Broglie sur la dualité onde – particule de l’électron et les théories physiques qui en découlent : la mécanique ondulatoire de Schrödinger – de Broglie et la mécanique matricielle de Heisenberg. Longtemps restés confinés à un petit groupe, du fait de l’importance des moyens de calcul nécessaires pour la vérification des hypothèses structurales qu’elles suggèrent, les travaux dans ce domaine ont reçu une impulsion décisive avec l’apparition d’ordinateurs puissants et accessibles à des budgets de laboratoires de recherches courants. Les résultats de la mécanique ondulatoire sont à l’origine d’un nouveau modèle de l’atome et fournissent une explication satisfaisante de la structure du cortège électronique des atomes, ainsi que les raisons profondes du classement des espèces atomiques dans le tableau périodique. Les méthodes de calcul des orbitales atomiques et moléculaires n’aident plus seulement à comprendre la structure des molécules, mais de plus en plus aussi les réactions chimiques elles-mêmes. Parallèlement à ces travaux du domaine de la chimie théorique, à partir de la seconde moitié du XXe siècle l’étude des aspects structuraux des réactions chimiques a connu un renouveau, à la suite des études de configurations
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moléculaires de O. Hassel et Sir Derek H.R. Barton. Régiosélectivité de l’attaque des réactifs dans certaines transformations chimiques, stéréosélectivité dans la formation des produits pour d’autres, synthèses asymétriques, mécanismes des biosynthèses, exploration des structures supramoléculaires, etc., ne constituent que quelques aspects de la chimie structurale actuelle.
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Notes Introduction 1. Le terme sera repris en allemand comme titre du roman Wahlverwandschaften de J.W. Goethe qui n’a pas été seulement l’un des grands classiques allemands, mais aussi un chimiste reconnu et administrateur réputé de l’État de Thuringe.
Chapitre 1 1. Proust démontre dès 1797 que dans une combinaison chimique les proportions des composants sont définies. Il s’attire ainsi l’opposition de Berthollet et reprend sa démonstration entre 1803 et 1807 dans de nombreux articles des Annales de Chimie et du Journal de Physique (par exemple en 1806) pour prouver le bien-fondé de sa loi. 2. Au cours de la session du 21 octobre 1803 de la Manchester Literary and Philosophical Society, Dalton présente une note (Dalton, 1803) et la conclut comme suit : « An enquiry into the relative weights of the ultimate particles of bodies is a subject, as far as I know, entirely new. I have lately been prosecuting this enquiry with remarquable success. » puis ajoute une «Table of relative weights of the ultimate particles of gaseous and other bodies ». (Cité par Greenaway, 1966, p. 131). 3. Méthode de nomenclature chimique, Paris, 1787. Cette méthode est ensuite appliquée dans Nomenclature chimique ou synonymie ancienne et moderne, volume joint au Traité élémentaire de Chimie de Lavoisier (1789). 4. Mais il n’est pas exclu que Dalton ait simplement voulu satisfaire à un souci esthétique : un désir de symétrie dans la représentation graphique. 5. Nous utiliserons préférentiellement le terme de masse à celui de poids en usage à l’époque. 6. Gay-Lussac parle de « rapport de volumes ». 7. Traduction citée par Dumas (1836), 7e leçon, p. 221. 8. Pour Berzelius et ses contemporains, les acides et les bases correspondaient à des combinaisons entre des oxydes et de l’eau. Ainsi l’acide sulfurique était couramment écrit (encore au XXe siècle par certains) sous la forme SO3, H2O, etc. L’usage d’exposants, plutôt que d’indices, pour noter la multiplicité de certains atomes, introduit par Berzelius, a perduré en France jusqu’à la moitié du XXe siècle, comme en témoignent de nombreux manuels de cette époque. 9. La morphine (Derosne, 1803) est le premier composé basique connu de la chimie organique. Ses propriétés le font ressembler à une base alcaline, ce qui conduit Dumas à proposer le terme d’alcaloïde pour parler d’elle et de substances analogues. En 1805, Vauquelin et Robiquet isolent le premier représentant d’une autre série de composés organiques basiques, l’asparagine. 10. Ces acides et bases sont en réalité des oxydes qui fournissent nos oxacides et nos bases par action de l’eau. Rappelons que Lavoisier ne connaissait que les oxacides, c’est Gay-Lussac qui a introduit la notion d’hydracide à la suite de ses travaux sur les halogènes (1814, 1815). 11. Contrairement à certains de ses dérivés, le fluor était inconnu à l’époque de Berzelius, sa première préparation date de 1886 et est due à Moissan. 12. On appelait ainsi le 1,2-dichloréthane.
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13. À cette époque, les limites de la chimie organique étaient encore très mal définies. L’existence d’une « force vitale », soi-disant indispensable dans l’élaboration des composés organiques, hantait encore l’esprit d’un très grand nombre de chimistes. 14. La chloruration est une substitution et il ne faut pas la confondre, contrairement à un certain nombre de traducteurs d’ouvrages anglo-américains, avec la chloration qui, elle, est une addition. 15. À l’époque on appelait ainsi l’éthanal, alors seul représentant de cette famille de composés. 16. Liebig, dans une note rattachée au mémoire d’Hofmann (1845). Ce mémoire avait paru précédemment dans le Journal de Pharmacie et de Chimie de Paris (3e série, 1845, 7, 91) et valu à A.W. Hofmann la médaille d’or de la Société de Pharmacie. (cf. Delacre, 1920, p. 432). 17. Cyanates et isocyanates s’interconvertissent en fonction de la température. À la température ambiante, les isocyanates sont les plus stables. 18. Kastner publie les résultats de Liebig dans le Repertorium für Pharmacie avec l’indication : « à considérer avec indulgence ». 19. Du latin racemus = raisin. Cours de Chimie de 1828, 24e leçon, p. 23. Suite aux propositions de Berzelius, l’acide racémique deviendra l’acide paratartrique. 20. Les formules brutes ou globales des molécules correspondent à un simple inventaire de la nature des espèces atomiques et des quantités de chacune qui constituent une molécule donnée, sans que l’ordre d’énonciation des espèces atomiques ait une signification. Les formules brutes ne font pressentir ni les enchaînements des atomes, ni les modes de formation et/ou de transformation, ni les propriétés de ces molécules.
Chapitre 2 1. Dans sa Méthode de chimie, parue en 1854, Laurent estime leur nombre entre 7000 et 8000. 2. Pour Dumas et beaucoup de ses contemporains, le mot théorie a la signification d’hypothèse de travail ! 3. Ces formules sont établies sur la base des poids atomiques H=1, C=6 et O=16. Le symbole Ch correspond au chlore. 4. Gerhardt (1844), p. 13 – dans les modèles les cercles pleins noirs représentent les atomes de carbone, les cercles blancs les atomes d’oxygène, les atomes de potassium et d’hydrogène sont représentés par des cercles dans lesquels sont inscrits leurs symboles chimiques. 5. D’après Laurent, c’est Baudrimont qui se serait servi pour la première fois de l’expression « type chimique » en considérant les sulfates, séléniates, tellurates, chromates… comme des sels d’un même type. 6. Tableau reproduit à partir de l’Histoire de la chimie de M. Delacre, Gauthier-Villars éd., Paris, 1920. 7. Rappelons que, si la théorie des substitutions a conduit Dumas à introduire la théorie des types, elle a également inspiré à Laurent, dès 1837, sa théorie des noyaux, à la suite de ses travaux sur les substitutions des carbures aromatiques. En outre, Laurent a d’une part eu l’idée de ranger tous les corps connus en séries, disposées d’après le carbure fondamental (Laurent, 1854, p. 33) ; il a d’autre part introduit les termes d’anhydride, d’amide, d’imide, d’acide aminé, d’aldéhyde et l’on peut considérer avec Würtz que c’est à lui que l’on doit, sinon l’idée première, du moins le développement de la notion de fonction chimique. 8. Trois Becquerel ont siégé successivement à l’Académie des sciences. Le premier, Antoine (1788-1878) est connu pour ses travaux sur les piles. Son fils Edmond (1820-1891) a étudié la luminescence, les couples thermoélectriques et le spectre solaire, en particulier dans l’ultraviolet. Henri (1858-1908) a développé les recherches de son père Edmond dans le domaine de la fluorescence et partagé en 1903 le prix Nobel de Physique avec Marie et Pierre Curie. 9. Datant de la même époque, mais publiée seulement en 1854, après sa mort.
Notes
10. Décédé en 1853, Laurent ne saurait connaître la formule structurale du noyau benzénique proposée par Kekulé en 1866. 11. Pour plus de détails sur cette collaboration, voir Grimaux et Gerhardt Jr (1900). 12. Comme le relève Gerhardt dans le cas de l’éthanol, Dumas représente cette molécule par C4H8 + H4O2 et par C2H8 + C2H4O2, Berzelius par (C2H6) O, Liebig par (C4H10) O + H2O, Zeise et Mitscherlich par C4H10O2 + H2, Malaguti par C4H6O + H4 + H2O, Persoz par C2 (H12C2O2)16. 13. Dans cette étude, des homologues Gerhardt ne discute pas le problème des isomères et semble se limiter aux molécules à chaîne droite. 14. Voir les lettres de Laurent à Gerhardt dans Grimaux et Gerhardt Jr (1900). 15. Nous ne connaissons pas la teneur des lettres de Gerhardt, la correspondance de Laurent ayant été perdue. 16. À cette époque, le gaz ammoniac (ou alcali volatil) et l’hydroxyde d’ammonium, qui n’existe qu’en solution aqueuse, étaient désignés par le même terme : « ammoniaque ». 17. Dans son Histoire des doctrines chimiques, p. 156, Hachette éd., Paris 1869, A. Wurtz dit que Sterry Hunt, un chimiste et géologue américain, est le véritable précurseur de cette nouvelle théorie des types ; il considérait l’eau comme l’homologue de départ des alcools et l’ammoniac comme celui des amines. 18. D’après Würtz (1864), p. 93, ce tableau, reproduit dans l’article de Gerhardt sur les anhydrides d’acides, a paru initialement dans un journal anglais. 19. Dès 1855, Odling propose d’introduire le méthane comme cinquième type à côté de ceux de Gerhardt. 20. Il faut se replacer dans la situation de l’époque et ne pas oublier que seules quelques réactions plutôt simples avaient alors été étudiées à fond et bien comprises. L’effet stérique en particulier ne pouvait être perçu en l’absence de la connaissance des structures moléculaires. L’exploration des réactions, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui à l’aide d’appareillages physicochimiques et de modèles informatiques ne date que des dernières décennies du XXe siècle ! 21. Note transmise par Würtz (non encore membre de l’Académie des sciences) à Dumas et présentée par ce dernier le 14 juin 1858. Cette procédure a provoqué des retards et conduit à une controverse de priorité avec Kekulé. 22. Rappelons que l’on doit à Higgins (1789) le fait d’avoir pour la première fois représenté la « ligne de force » entre deux atomes (l’air inflammable et l’air déphlogistiqué) par un trait. 23. Sur les années de formation de Kekulé, depuis ses premières études de chimie à Darmstadt, jusqu’à sa nomination comme professeur à Gand (Ghent), voir Journal of Chemical Education, 1959, 36, 320. 24. Comme le rapporte Reinhold Hoffmann, assistant de Williamson, dans une lettre à Anschütz (cf. Anschütz, tome 1, p. 41).
Chapitre 3 1. Dans ce qui suit, le terme élément est utilisé dans son sens le plus général de « partie d’un tout ». 2. Würtz et Kekulé étaient liés depuis l’époque (1851-1852) où tous deux, avec Gerhardt et Cahours, fréquentaient le laboratoire de Dumas. Bien que Würtz et Kekulé ne partagent pas toujours les mêmes idées dans le domaine des théories chimiques, cela ne les a pas empêchés de diffuser chacun dans son pays les idées de l’autre. 3. Loschmidt est surtout connu comme physicien. À l’aide de la théorie cinétique des gaz de son collègue et ami Boltzmann il a, le premier, déterminé la valeur numérique du nombre d’Avogadro. Cette valeur porte d’ailleurs son nom « Loschmidt’sche Zahl » dans les pays germanophones. Le symbole retenu par l’Union Internationale de Chimie Pure et Appliquée pour le nombre d’Avogadro : NA ou L rappelle le nom de Loschmidt.
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4. Cet opuscule destiné à l’enseignement a été tiré de l’oubli et republié en 1912 à Leipzig, dans la série Ostwalds Klassiker par R. Anschütz, disciple de Kekulé. Il contient deux études, la première sur la représentation graphique des formules de constitution des molécules de la chimie organique, la seconde sur la loi de Mariotte. 5. Loschmidt avait créé tout un vocabulaire nouveau, sombré dans l’oubli, aussi préféronsnous nous servir des termes modernes aussi souvent que possible. 6. Il ne faut pas confondre ces cercles de représentation graphique des atomes avec leurs symboles, caractérisés par une ou deux lettres. Les cercles « graphiques » de Loschmidt n’ont rien à voir avec les cercles « symboliques » de Dalton. 7. Après avoir signalé les possibilités de ramifications, pour la suite de son exposé Loschmidt cherche à s’en tenir à des formules linéaires et si possible symétriques, pour des raisons de simplification des dessins. 8. La science russe a toujours souffert de l’isolement. Régulièrement, ses résultats souvent remarquables, sont parvenus en Occident trop tardivement pour être incorporés dans les discussions des problèmes du moment. Ce n’est qu’à l’approche de la seconde moitié du XIXe siècle que des chercheurs russes ont pu réduire ce handicap, accroître leurs contacts et participer activement aux développements des sciences. Parmi les chimistes de cette époque, on peut citer Zinin, le fondateur de l’école russe de chimie organique, ses élèves : Borodine le chimiste compositeur et Butlerov, puis Markovnikov et Zaitzev, les deux élèves de ce dernier ; dans le domaine de la chimie générale, il faut mentionner Hess, Mendeléev, etc. 9. Berthelot (1860), vol 1, p. CXXCIV. Le texte cité est repris in extenso dans La synthèse chimique, 1875, qui a connu au moins sept éditions (la 7e en 1891), c’est dire combien la position de Berthelot était rigide. 10. Pour plus de détails, voir Larder (1965-1966). 11. Dans la seconde édition de cet abrégé (1872) les cercles sont omis. 12. Le terme est de Würtz (1864, p. 140) et il n’est pas certain qu’il ne désigne pas plutôt des formules semi-développées. 13. Voir par exemple p. 141 de la cinquième édition d’un ouvrage qui a fait époque : Organic Chemistry de D. Cram, révisé par S.H. Pine, McGraw-Hill, New York, 1987. 14. Ces scientifiques sont : J.R. Deiman, A. Paets van Troostwyck, N. Bondt et A. Lauwerenburgh. Signalons aussi que Deiman et van Troostwyck avaient réussi, dès 1789, à décomposer l’eau par des décharges d’électricité statique. 15. Dans le même but il fait appel aussi à un schéma triangulaire qu’il abandonne rapidement. 16. Toute sa vie Kekulé est resté fidèle à la théorie des types de Gerhardt. Anschütz, son élève et exécuteur testamentaire, note (vol. 1, p. 649, 1929) que même sur son lit de mort il évoquait encore cette théorie. 17. Graebe a démontré que les deux cycles du naphtalène présentaient chacun le « caractère aromatique », c’est-à-dire étaient assimilables à des noyaux benzéniques et Schiemenz (1993), à qui nous devons ces informations, ajoute un peu malicieusement que des motifs typographiques pourraient être à l’origine de la représentation sous forme d’hexagone déformé de Graebe. 18. Cet extrait, ainsi que les suivants sont repris de la 5e édition de l’ouvrage (1883, p. 223), mais sont inchangés depuis la 1re et se retrouvent encore dans la 7e. 19. Il ne faut pas oublier que pour Haüy le mot molécule n’avait pas la signification actuelle, lorsqu’il a publié sa théorie. 20. Ampère donne le nom de molécules à nos atomes et le nom de particules à nos molécules. 21. La règle selon laquelle une structure ne peut être représentée que d’une seule façon et réciproquement cette représentation ne peut correspondre qu’à une seule structure. Chaque variation d’une structure, aussi infime soit-elle, impose une nouvelle représentation. 22- Il ne faut pas confondre la « représentation plane » avec la « représentation dans le plan » d’un objet tridimensionnel à l’aide de signes et de techniques conventionnelles. 23. Il existe plusieurs types d’hémiédrie. Celle qui est visée ici est caractérisée par une asymétrie de l’édifice cristallin, c’est-à-dire par l’absence de tout centre, plan ou axe alterne de symétrie, ce qui rend non superposables le cristal et son image.
Notes
24. En 1818, il détecte celui du sucre de canne (Mémoires de l’Académie des sciences, 1817, 2, m 41, lu en 1818) ; en 1832 seulement il annonce (ibid. 1835, 13, m 39, lu en novembre 1832) l’activité optique de l’acide tartrique et l’étudie à fond en 1836 (ibid. 1838, 15, m 93, lu en janvier 1836 – voir aussi Annales de chimie, 1844, 10, 5). 25. Fils de l’astronome William Herschel, découvreur de la planète Uranus. 26. Rappelons (voir chapitre 2) que Berzelius préfère appeler paratartrique l’acide racémique de Gay-Lussac et qu’il crée le terme « corps isomères » pour indiquer la parenté entre les acides tartrique et paratartrique. 27. On ne savait pas, à ce moment, qu’au-dessus de 27 °C les solutions sursaturées de paratartrate ne laissent déposer que du paratartrate et non plus les deux variétés de tartrates dextro- et lévogyres dont il est la combinaison. 28. Ce texte, ainsi que les textes fondateurs de van’t Hoff et de Werner, ont été republiés in Pasteur (1986). 29. Il y a dissymétrie dès qu’une structure matérielle est dépourvue de l’un des éléments de symétrie que sont les centres, axes et plans de symétrie. Il y a asymétrie, le degré de dissymétrie le plus élevé, lorsque cette structure ne possède aucun élément de symétrie. Seules les molécules asymétriques présentent le phénomène de pouvoir rotatoire optique. 30. Cité par Ramsay, O.B. van’t Hoff – Le Bel Centennial. ACS Symposium Series, n° 12, p. 76. 31. Ce texte, ainsi que celui de Kolbe ont été repris dans l’ouvrage Sur la dissymétrie moléculaire. 32. Le terme « ligand » désigne les substituants de l’atome « central » métallique d’une structure de coordination, ; ces ligands sont dits monodentate, lorsqu’ils sont engagés dans une seule liaison, bidentate, lorsque deux atomes du ligand entrent en liaison avec l’atome central, etc. 33. Il ne faut pas oublier que les travaux de Werner sont d’autant plus remarquables, qu’ils se situent à une époque où l’électron n’avait pas encore été découvert et où, a fortiori, les orbitales et la méthode VSEPR n’étaient pas connues !
Chapitre 4 1. Pour traiter de ces simplifications, nous ne suivrons pas l’ordre chronologique, mais celui de la réduction de la taille du dessin. 2. Cram utilise le mode de représentation par traits, pointillés et coins (flying wedge en anglais) dès 1952 ; voir Cram (1952). 3. Le terme « chiral » vient du grec « chéïr » qui signifie à l’origine « pince de crabe », puis main (le pouce et l’ensemble des doigts faisant office de deux branches de pinces). Ce terme a été introduit dans la science par Lord Kelvin en 1884, mais n’est utilisé de façon courante que depuis le milieu du XXe siècle. 4. Voir p. 29 de La Chimie dans l’espace de van’t Hoff. 5. La nomenclature actuelle des conformères, telle qu’elle est appliquée dans la figure, a été établie par Klyne et Prelog (1960).
Chapitre 5 1. Journal de physique, d’histoire naturelle et des arts, 19, 370-382, (1782), cité par Lavoisier dans son « Mémoire sur la nécessité de réformer et de perfectionner la nomenclature de la chimie », lu à l’Assemblée publique de l’Académie royale des sciences le 18 avril 1787 ? 2. En 1889 (Journal of the Chemical Society, 55, 634-656) et dans ses Principes de Chimie (1895), il cite principalement Beguyer de Chancourtois (1862) et Newland (1864), mais aussi Dumas, Strecker (1859), Lenssen et Pettenkofer.
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Brèves biographies des principaux chimistes et physiciens cités ABEGG, Richard (1869-1910) – Études de chimie et thèse à Berlin (1891) sous la direction de A.W. Hofmann. Post-doctorat chez W. Ostwald (Leipzig), puis S. Arrhenius (Stockholm) – Assistant de Nernst (Göttingen, 1894), professeur de chimie-physique en 1899 à l’université technologique de Breslau (aujourd’hui Wrocław en Pologne) – Recherches sur les équilibres chimiques, les potentiels d’oxydation en milieu non aqueux, la structure de l’atome et la valence, etc. Abegg a introduit la notion d’affinité électronique. ADET, Pierre Auguste (1763-1834) – Études de médecine – Préparateur de Lavoisier, Docteur-Régent de la faculté de médecine de Paris, puis successivement attaché au ministère de la Marine, ambassadeur de France aux États-Unis, administrateur colonial de Saint-Domingue (1791), préfet de la Nièvre (1803) – Auteur, avec Hassenfratz, d’un système de symboles chimiques pour servir parallèlement à la nomenclature de Lavoisier, Berthollet, Fourcroy et Guyton de Morveau. ALDER, Kurt (1902-1958) – Études de chimie à Berlin et à Kiel auprès de Diels, thèse sous la direction de ce dernier (1926), habilitation en 1930 – Maître de conférences (1930), puis professeur (1934) à Kiel. Directeur de recherches à l’IG-Farben à Leverkusen (1936-1940), professeur et directeur de l’Institut de chimie de l’université de Cologne (1940) – Découverte de la synthèse diénique avec Diels et développement de ses applications – Prix Nobel de chimie en 1950 (avec Diels). AMPÈRE, André Marie (1775-1836) – Études de sciences naturelles à Lyon – Professeur successivement à l’École centrale de Bourg-en-Bresse (ancêtre des lycées), au lycée de Lyon, à l’École polytechnique, Inspecteur général de l’université de Paris (1808) et enfin professeur au Collège de France (1824) – Recherches sur les liens entre le courant électrique et le magnétisme (règle d’Ampère), confirmation de l’hypothèse d’Avogadro, classement de l’acide fluorhydrique parmi les hydracides. ARMSTRONG, Henry Edward (1848-1937) – Études au Royal College of Chemistry de Londres, doctorat à Leipzig chez Kolbe (1869) – Assistant au Royal College of Chemistry de Londres (1866), enseignant à la Medical School du St. Bartholomew’s Hospital, puis professeur de chimie à la London Institution (1871) – Recherches sur la structure du benzène, puis sur les réactions du naphtalène et de l’indigo. ASTON, Francis William (1877-1947) – Études de chimie à Birmingham avec E. Frankland – Assistant de J.J. Thomson au Cavendish Laboratory de Cambridge (1909) puis professeur au Trinity College de Cambridge (1920) – Recherches sur les rayons cathodiques puis sur les isotopes, mise au point d’un spectrographe de masse avec lequel il met en évidence 112 isotopes naturels, puis énonce la loi selon laquelle la masse atomique des isotopes correspond à un nombre entier – Prix Nobel de chimie en 1922. AUWERS, Karl Friedrich von (1863-1939) – Études de chimie à Heidelberg et Berlin, doctorat à Berlin sous la direction de A.W. Hofmann (1885) – Assistant à Göttingen,
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puis Heidelberg, professeur et directeur de l’Institut de Chimie de l’université de Greifswald (1894), puis de celui de Marburg (1913) – Recherches en stéréochimie et spectroscopie. AVOGADRO, Lorenzo Romano Amedeo, Carlo (1776-1856) – Conte de Quaregna e di Ceretto – Bachelier en droit (1792) et docteur en droit canon (1796), autodidacte en sciences de la nature et mathématiques – Secrétaire de la préfecture du département du Pô sous Napoléon (1801) – Démonstrateur scientifique au collège de l’Académie de Turin (1806), professeur de philosophie de la nature à Vercelli (1809), puis de physique mathématique à l’université de Turin (1820) – Auteur de l’hypothèse selon laquelle à une température donnée des volumes égaux de deux composés gazeux contiennent le même nombre de molécules. BAEYER, Adolf von (1835-1917) – Études de mathématiques et physique, puis de chimie auprès de Bunsen et Kekulé, doctorat à Berlin (1858) – Assistant de Kekulé à Gand, professeur au Gewerbeinstitut (Institut des arts et métiers) de Berlin (1860), puis à l’université de Strasbourg (1872) et enfin à Munich (1873) comme successeur de Liebig – Recherches dans les séries aromatiques (découverte de la fluorescéine en 1871), les terpènes, les sels oxonium, structure et synthèse de l’indigo (1870). Théorie des tensions dans les cyclanes – Prix Nobel de chimie en 1905. BALARD, Antoine-Jérome (1802-1876) – Pharmacien (thèse en 1826) – Préparateur de chimie, pharmacien d’officine (1827), maître de conférences à l’École normale supérieure, professeur à la faculté des sciences de Paris (1842), où il succède à L.J. Thenard, professeur au Collège de France à partir de 1851 – Découverte du brome, travaux sur les sels et les produits chimiques extraits de matières végétales marines – Membre de l’Académie des sciences (1844). BALMER, Johann Jakob (1825-1898) – Études de mathématiques (universités de Karlsruhe et Berlin). Doctorat en mathématique en 1849 à l’université de Bâle (Suisse). Professeur de mathématiques de l’enseignement secondaire, professeur associé à l’université de Bâle (1865 à 1890) – Recherches spectroscopiques qui l’ont amené à proposer en 1885, à l’âge de 60 ans, une équation simple gouvernant les valeurs des longueurs d’onde des différentes raies du spectre d’émission de l’atome d’hydrogène. BARKLA, Charles Glover (1877-1944) – Études de mathématiques et de physique à l’université de Liverpool, doctorat de physique en 1898. Travaux post-doctoraux au Cavendish Laboratory de Cambridge avec J.J. Thomson – À partir de 1902, successivement préparateur, assistant, maître de conférences à Liverpool. Professeur en 1909 au Kings College de Londres et en 1913 à l’université d’Edinburgh – Recherches sur les rayonnements X secondaires émis par les éléments – Prix Nobel de physique en 1917. BARTON, Sir Derek Harold Richard (1918-1998) – Études à l’Imperial College of Science and Technology de l’université de Londres, docteur en chimie (1949 à Londres) – successivement professeur de chimie du Birkbeck College de l’université de Londres (1949), de l’université de Glasgow (1953), puis professeur de chimie organique à l’Imperial College of Science and Technology (1957), Directeur de l’institut de chimie des substances naturelles du CNRS, à Gif-sur-Yvette (1978), enfin professeur à l’université du Texas – Recherches sur les terpènes, alcaloïdes et stéroïdes. Avec Hassel : Théorie des conformations, analyse conformationnelle – Prix Nobel de chimie en 1969. BAUDRIMONT, Alexandre Édouard (1806-1880) – Études de pharmacie, docteur en médecine (1831) et en pharmacie (1834) – Préparateur au Collège de France. En 1848 professeur de chimie à la faculté de Médecine à Bordeaux – Partisan de la théorie atomique, auteur d’une théorie des types qui l’a mis en conflit de priorité avec Dumas et Laurent, ainsi que d’une étude approfondie des propriétés de « l’eau régale » – Membre de l’Académie de médecine (1874).
Brèves biographies des principaux chimistes et physiciens cités
BECQUEREL, Henri (1852-1908) – Élève de l’École polytechnique (1872-1874), Ingénieur des Ponts et Chaussées (1877), doctorat ès Sciences en 1888 (« Recherches sur l’absorption de la lumière ») – Répétiteur à l’École polytechnique, puis professeur au Muséum d’histoire naturelle (1892) et à l’École polytechnique (1895 à 1908) – Découverte de la radioactivité de l’uranium en 1896 – Membre de l’Académie des sciences (1889) qu’il préside en 1908, prix Nobel de physique (partagé avec Pierre et Marie Curie) en 1903. BEGUYER de CHANCOURTOIS, Alexandre-Émile (1820-1886) – Élève de l’École polytechnique (1838-1840), ingénieur des Mines – Professeur à l’École des mines (géométrie descriptive et topologie en 1848, puis de géologie en 1875) – On lui doit un classement des corps simples au moyen d’un système de classification hélicoïdal et numérique (la vis tellurique) fondé sur la répartition des éléments dans la croûte terrestre. BERGMAN, Torbern Olof (1735-1784) – Études de théologie, mathématiques, physique, chimie, botanique, zoologie à l’université d’Uppsala, doctorat en 1758 – Professeur de physique (1760), mathématiques (1761), chimie et pharmacie (1767) de cette université – Publications dans les domaines de l’entomologie, de la géographie physique et de la minéralogie. En chimie, il s’est intéressé au problème de l’affinité et a établi des Tables d’affinité prenant en compte les réactions par voie sèche et par voie humide. Auteur de nombreux tests de l’analyse minérale, étude approfondie et comparée des propriétés du nickel et du cobalt. BERTHELOT, Pierre Eugène Marcelin (1827-1907) – Études de chimie sous la direction de A.J. Balard, docteur ès Sciences en 1854 (« Sur la combinaison de la glycérine avec les acides ») – Assistant de Balard (1851) au Collège de France, professeur de chimie à l’École supérieure de pharmacie (1859-1876) et au Collège de France (1865 – à sa mort), Inspecteur général de l’Instruction publique (1876) – Synthèses de composés organiques à partir des éléments (bombe calorimétrique), thermochimie, cinétique chimique, traducteur de documents chimiques historiques (des Anciens et du Moyen Âge) – Sénateur à vie (1881), ministre de l’Instruction Publique et Beaux arts (18861887), ministre des Affaires Étrangères (1896-1897), membre de l’Académie de médecine (1863), puis de l’Académie des sciences (1873, en succession de L. Pasteur) dont il devient Secrétaire perpétuel en 1889. BERTHOLLET, Claude Louis, comte (1748-1822) – Études et doctorat de médecine à Turin (1766-1770), études de chimie à Paris (sous la direction de Macquer, Becquet et Rouelle) – « Médecin ordinaire » (1772) au service de Madame de Montesson (épouse morganatique du duc d’Orléans, le père du futur Philippe Égalité), docteur-régent à la faculté de médecine de l’université de Paris (1780), directeur des teintures à la manufacture royale des Gobelins (1784), commissaire général des Monnaies (1792), membre de la commission des Poids et Mesures (1793), professeur à l’École normale de l’An III (future École Normale Supérieure) et à l’École centrale des travaux publics (future École polytechnique) en 1794 – Création d’une nomenclature chimique avec Lavoisier, Fourcroy et Guyton de Morveau. Recherches sur le mordançage des colorants des textiles. Étude du chlore (non reconnu comme élément à cette époque), de ses dérivés et des qualités d’agent de blanchiment de certains d’entre-eux. Utilisation industrielle de l’hypochlorite de potassium comme agent de blanchiment des tissus dans une usine du quai de Javel, localité alors voisine de Paris, d’où le nom « eau de Javel », de ses solutions. Participation à l’Expédition d’Égypte (1798-1799). En 1801, Berthollet s’installe à Arcueil et y crée un laboratoire, centre de recherches de réputation mondiale et pépinière de savants – Membre de l’Académie royale des sciences (1780), sénateur (1799). BERZELIUS, Jöns Jacob baron (1779-1848) – Études de médecine (doctorat en 1802), puis de chimie à l’université d’Uppsala – Chargé de cours de médecine et de
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pharmacie à l’école de chirurgie de Stockholm (1802), lecteur de chimie à l’Académie militaire Carlsberg (1806) et professeur de médecine et de pharmacie à l’école de chirurgie de Stockholm (1807) – Découverte du cérium (avec Hisinger), du sélénium, du thorium, identification du caractère de corps simple du silicium, préparation du premier échantillon de zirconium pur. Dans son laboratoire, Arfvedson découvre le lithium (1817) et Sefström le vanadium (1830). Berzelius a créé la première symbolisation des substances chimiques au moyen de formules dans lesquelles les éléments constituants sont représentés par une ou deux lettres ; il publie la première table des masses atomiques d’une précision satisfaisante. Auteur de la théorie dualistique de la matière, selon laquelle toute particule matérielle présente des propriétés électriques parallèlement aux propriétés chimiques – Membre de l’Académie des sciences de Suède (1808), de la Royal Society et de l’Institut de France (1822). BIJVOET, Johannes Martin (1892-1980) – Chimiste et cristallographe du laboratoire van’t Hoff à l’université d’Utrecht, puis professeur de chimie-physique de cette université (1939-1962) – Bijvoet a introduit l’étude des diffractions aux rayons X pour la recherche sur la structure des molécules à Utrecht, imaginé une méthode pour la détermination de la configuration absolue des molécules et établi celle du (+) glycéraldéhyde avec A.F. Peerdemans et A.J. van Bommel – Membre de l’Académie royale néerlandaise des Arts et Sciences et de l’Académie royale de Belgique. BIOT, Jean-Baptiste (1774-1862) – Élève de l’École polytechnique – Professeur de physique mathématique au Collège de France (1800) et en outre professeur d’astronomie à l’université de Paris (1808) – Dans le domaine de la chimie, Biot met en évidence le pouvoir rotatoire du glucose et d’autres substances de la chimie organique, le dimorphisme du carbonate de calcium (avec Thenard), etc. Il identifie l’inversion du sucre à l’hydrolyse du saccharose. Avec Gay-Lussac il entreprend des ascensions en ballon pour étudier la composition de l’atmosphère – Membre de l’Académie des sciences (1803). BOHR, Niels (1885-1962) – Études de physique à l’université de Copenhague, doctorat (atomistique et physique théorique) en 1911, séjour postdoctoral au Cavendish Laboratory de Cambridge auprès de J.J. Thomson (1911), puis au laboratoire de Rutherford à Manchester (1912) – Chargé de cours à l’université de Copenhague (19131914), puis à l’université Victoria de Manchester (1914-1916), professeur de physique théorique à l’université de Copenhague (1916) dont il dirige l’Institut de physique théorique qu’il a créé (1920-1962) – On lui doit l’établissement du premier modèle atomique basé sur la théorie des quanta – Prix Nobel de physique 1922, président de l’Académie royale danoise des Sciences. BORN, Max (1882-1970) – Études de mathématiques et astronomie à Breslau (1901), puis à Heidelberg et Göttingen. De retour à Breslau (aujourd’hui Wrock¸aw en Pologne), il suit les cours de mathématiques de Klein, Hilbert et Minkowski, doctorat en 1907 – Assistant de Hilbert (1905), enseignant à Göttingen (1912), puis professeur à l’université de Berlin (1914), où il devient le collègue de M. Planck. Directeur de l’institut de physique théorique de Francfort-sur-le-Main (1919), puis de celui de physique de Göttingen (1921). Victime, en 1933, de l’idéologie nazie, il s’expatrie en Angleterre et devient professeur de mathématique appliquée à l’université d’Edinburgh (1936) – Étude des propriétés thermiques des cristaux (1912), Born est à l’origine de la théorie des collisions de la physique nucléaire et y introduit (1926) l’« approximation de Born ». À partir de 1926 il développe, avec ses élèves Pauli et Heisenberg, une théorie probabiliste de la mécanique quantique (terme introduit par Born) et le traitement statistique des fonctions d’ondes – Membre de la Royal Society of London (1939), prix Nobel de physique en 1954. BOYLE, Sir Robert (1627-1691) – Études de philosophie, mathématiques, physique, sciences de la nature, etc. (1639-1644) à Eton College et avec un précepteur. À partir
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de onze ans, voyages d’études en France, en Suisse, puis (1646) en Italie. De retour en Irlande, il trouve ses biens dévastés et s’installe en 1654 à Oxford – À Oxford : Recherches sur l’élasticité des gaz (loi de Boyle-Mariotte), sur la respiration et la combustion, création d’une somme importante de techniques analytiques dans le domaine de la chimie (dont l’utilisation d’indicateurs colorés d’origine naturelle pour différencier les acides et les bases), étude du phosphore et de ses dérivés. Rompant avec la scolastique, Boyle clame la nécessité d’une observation objective et d’une expérimentation vérifiable en laboratoire et les pratique dans ses travaux. Partisan d’une théorie corpusculaire de la matière, il remet en cause dans The Sceptical Chemist, son ouvrage le plus important, la théorie des quatre éléments d’Aristote – Membre fondateur de la Royal Society of London (1663) dont il devient Président en 1680. BRACONNOT, Henri (1780-1855) – Études de pharmacie à l’Hôpital militaire de Strasbourg, puis de médecine jusqu’en 1801. Il complète ensuite sa formation en chimie, biologie et géologie à Paris. Professeur au lycée de Nancy (il n’y en avait alors qu’un seul par département) et directeur du jardin botanique de cette ville – Analyse d’un grand nombre de substances végétales et animales, extraction de l’acide chrysophanique de l’aloès (1808), découverte de la cellulose dans les champignons, transformation de la cellulose (sciure de bois) en glucose par action d’acide sulfurique (avec Gay-Lussac, 1819), obtention de la leucine et de la glycine (glycocolle) en 1820, de la quercitine en 1849. BROEK, Antonius van den (1870-1926) – Études juridiques, autodidacte en sciences physiques – Auteur d’un tableau périodique des éléments, il est le premier à suggérer que la charge du noyau d’une espèce atomique, équivalente à celle du nombre total des électrons de son cortège électronique et exprimée sous forme de ce nombre, correspond au numéro de la case de cette espèce atomique dans le tableau périodique. La vérification expérimentale de cette hypothèse a été faite par Moseley. BROGLIE, Louis Victor de, Prince (1892-1987) – Licence d’histoire en 1910, puis ès sciences en 1913. Initié à la physique moderne par son frère Maurice (inventeur de la méthode du cristal tournant dans l’analyse aux rayons X, découverte de l’effet photoélectronique nucléaire, membre de l’Académie des sciences en 1924), il se spécialise en physique théorique. Doctorat en 1924 (« Recherches sur la théorie des quanta ») – Maître de conférences en physique théorique en 1928 à la faculté des sciences de Paris (Institut Henri Poincaré), puis professeur en 1932 – On lui doit la mise en évidence expérimentale de la nature des rayons cathodiques et la création de la mécanique ondulatoire – Prix Nobel de Physique en 1929, membre de l’Académie des sciences (1933) et son Secrétaire perpétuel en 1942. BROWN, Alexander Crum, dit CRUM BROWN (1838-1922) – Études de sciences humaines (1854), de médecine (1861, mémoire de doctorat : Theory of chemical combinaison) à Edinburgh et enfin de chimie à Londres (doctorat en 1862). Séjour postdoctoral à Heidelberg (chez Bunsen) et à Marburg (chez Kolbe) – Professeur associé (1863), puis professeur titulaire de chimie de l’université d’Edinburgh (1869-1908) – Créateur du mode d’écriture actuel des structures chimiques ; étude de composés soufrés de la chimie organique, de l’isomérie maléique/fumarique, des liens entre le pouvoir rotatoire et la structure moléculaire, formation d’acides carboxyliques par électrolyse de leurs esters, etc. BUNSEN, Robert Wilhelm (1811-1899) – Études de chimie, minéralogie, physique et mathématiques à Göttingen. Doctorat de chimie en 1831, voyages d’étude en France, Suisse, Autriche (1832-1833), habilitation comme maître de conférences (Göttingen, 1834) – Chargé de cours à Kassel comme successeur de Wöhler en 1836, successivement professeur de Chimie à Marburg (1839), Breslau (1851), puis Heidelberg (1852-1889) en tant que successeur de L. Gmelin – Recherches sur le radical cacodyle et d’autres dérivés de l’arsenic, travaux sur les gaz de fours industriels, mise au point d’une pile
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impolarisable (1841), d’une thermopile (1864), ainsi que de techniques électrolytiques permettant d’obtenir des métaux de grande pureté (magnésium, chrome, calcium, aluminium, lithium et strontium). On lui doit l’amélioration du bec de gaz de Faraday (le bec Bunsen) ; l’invention de l’analyse des gaz par eudiométrie, de l’iodométrie, et de l’analyse spectrale en collaboration avec G. Kirchhoff. BURRAU, Øyvind, physicien Danois (?−?), le premier à avoir résolu l’équation de Schrödinger pour l’ion moléculaire H2+. BUTLEROV, Aleksandr Michajlovic* (1828-1886) – Études de chimie à Kazan (1844-1849), doctorat (1854) à l’université de Moscou, séjour post-doctoral de 1 an (1856-1857) à Paris au laboratoire de Würtz – Chargé de cours, puis professeur (1857) à l’université de Kazan ; il finit sa carrière à l’université de Saint Pétersbourg (1868-1885) – Recherches fondamentales de chimie structurale, étude de l’isomérie, des polymérisations. Synthèse de glucides, recherches sur la tautomérie. CAHN, Robert Sidney (1899-1981) – Études au Trinity College de Cambrige, doctorat de l’université de Francfort-sur-le-Main en 1928 sous la direction de J. von Braun – Chargé de cours en chimie organique à l’université Égyptienne d’Abbassia (1926), maître de conférence à l’University College de Bangor (1930), puis chercheur en chimie au Cooper Technical Bureau – Mise au point en collaboration avec C.K. Ingold et V. Prelog d’un procédé de description de la configuration absolue des molécules chirales. CANNIZZARO, Stanislao (1826-1910) – Études médicales à Palerme (1841-1845) – Médecin, puis recherches en chimie à Pise (chez Piria, 1845-1847). De retour à Palerme (1847), Cannizzaro devient officier d’artillerie, mais doit se réfugier en France à la suite de sa participation à une révolte. Travaux au Muséum d’Histoire naturelle jusqu’à son départ pour le Piémont. Professeur de physique et de chimie à Alessandrie (1851), Gênes (1855), Palerme (1861), Rome (1871) – Recherches en chimie organique, en particulier : dismutations (oxydo-réductions internes – réaction de Cannizzaro) et en chimie physique. Au cours du premier congrès mondial de chimie à Karlsruhe en 1860, il a fait prendre conscience de façon définitive aux chimistes européens de la différence exacte entre atome et molécule, ainsi que de l’importance de l’hypothèse d’Avogadro et Ampère, passée aux oubliettes pendant près d’un demi-siècle. CARIUS, Georg Ludwig (1829-1875) – Études de chimie à Göttingen (1850), doctorat (1853) et habilitation (1857) à Heidelberg – Assistant de Bunsen (1852), directeur d’un laboratoire d’analyses, puis professeur (1861) à Heidelberg, professeur de chimie organique à Marburg (1865) – Étude de composés organiques soufrés, mise au point de méthodes d’analyse quantitative des halogènes, du soufre et du phosphore dans les composés organiques (1860). Préparation de la chlorhydrine du glycol par action d’acide hypochloreux sur l’éthène (1862). Préparation du chlorure de thionyle (1858). CARLISLE, Sir Anthony (1768-1840) – Étude de médecine à Durham et Londres – Chirurgien réputé de Westminster Hospital à Londres en 1792 – Recherches sur les effets de la pile de Volta sur l’organisme. Réalisation de la première électrolyse de l’eau avec Nicholson en 1800 – Membre de la Royal Society de Londres en 1804. CAVENTOU, Joseph Bienaimé (1795-1877) – Études de pharmacie à Paris – Pharmacien de l’hôpital Saint-Antoine (1816), professeur de chimie et de toxicologie à l’École supérieure de pharmacie de l’université de Paris (1826) – Isolation de la strychnine (1818), de la quinine (1820) et de la caféine (1821) avec son maître Pelletier ; étude des acides carminique et crotonique, puis isolation et étude de substances à activité biologique telles que brucine, vératrine et alcaloïdes voisins, colchicine, cinchonine, caféine. Formation d’hydroquinone par distillation sèche d’acide quinique. Ses recherches sur le vert des feuilles l’amènent à créer le terme « chlorophylle ».
Brèves biographies des principaux chimistes et physiciens cités
CHADWICK, James (1891-1974) – Études de physique à Manchester (1911-1913) sous la direction de E. Rutherford. Désirant se spécialiser en radioactivité, Chadwick entreprend en 1913 un séjour au laboratoire de H. Geiger à Berlin-Charlottenburg ; surpris en 1914 par la déclaration de guerre, il sera interné en Allemagne jusqu’en 1918. Retour auprès de Rutherford à Cambridge en 1919, où il sera boursier du Gonville and Caius College – Chargé de recherche au Cavendish Laboratory (1923), professeur de physique à l’université de Liverpool (1935). De 1943 à 1946, il travaille au États-Unis à la tête de la mission britannique attachée au « projet Manhattan » pour le développement de la bombe atomique. Retour à Liverpool en 1946 – Recherches sur la radioactivité, mise en évidence expérimentale du neutron en 1932 – Prix Nobel de physique en 1936. CHEVREUL, Michel Eugène (1786-1889) – Études de chimie à Paris auprès de Vauquelin – Préparateur de chimie de Vauquelin au Muséum d’histoire naturelle, où il lui succède (1830) comme professeur (1804-1884), simultanément professeur agrégé au Lycée Charlemagne (1813-1828), directeur des teintures à la Manufacture royale des Gobelins (1824) – Étude des matières grasses (décomposition en acides gras et glycérol) et découverte des acides margarique, oléïque, stéarique, valérique, butyrique, etc. Découverte de l’hématoxyline, de la brasiline et de la quercitine, du cholestérol (1815), de la créatine (1832). Auteur d’une théorie des couleurs, « loi du contraste simultané des couleurs et de l’assortiment des objets colorés ». Création d’une usine de fabrication de bougies avec Gay-Lussac – Membre de l’Académie des sciences (1826). CLAUS, Adolf Carl Ludwig (1840-1900) – Études de médecine (1858), puis de chimie à Marburg auprès de H. Kolbe (1858-1860), Berlin et Göttingen, où il soutient sa thèse en 1862. Habilitation en 1866 – Assistant à l’université de Fribourg (Breisgau), professeur de chimie et de technologie chimique à Fribourg (1867-1900) – Recherches sur les hétérocycles (règles de substitution des quinoléïnes), sur des systèmes aromatiques condensés (naphtalène, anthracène, phénanthrène), recherche d’une formule appropriée du benzène. CONDON, Edward Uhler (1902-1974) – Études de physique nucléaire. Thèse en 1926 à l’université de Berkeley – Professeur associé à l’université de Princeton (1826), puis en 1937 directeur adjoint des recherches à Westinghouse Electric Company. Il rejoint le projet Manhattan pendant la seconde guerre mondiale, directeur du National Bureau of Standards après 1945 – Recherches en mécanique quantique, en physique nucléaire, en physique de l’état solide et sur les ondes radar. COOKE, Josiah Parsons jr (1827-1894) – Dès l’adolescence Cooke monte son propre laboratoire de chimie. Études des sciences de la nature et de la chimie à l’Université Harvard à Cambridge (Mass.), diplômé en 1848 – Tutor en mathématiques et occasionnellement en chimie l’année suivante, professeur de chimie et de minéralogie à Harvard à partir de 1850. Après un séjour post-doctoral de 8 mois en Europe, où il suit les cours de Dumas et Regnault, Cooke organise des laboratoires de chimie et de sciences naturelles dans son université, il introduit des travaux de laboratoire dans le cursus de l’enseignement de la chimie aux USA – Recherches en cristallographie (1850), puis travaux sur es relations entre la masse atomique et les propriétés des éléments. Publication en 1854 d’un tableau des 55 espèces atomiques connues alors, sous forme de 6 classes. Recherches sur les composés halogénés de l’antimoine (1878), détermination des masses atomiques de l’arsenic et de l’antimoine (1884). Auteur d’ouvrages d’enseignement de la chimie – Membre de la National Academy of Sciences en 1872. COUPER, Archibald Scott (1831-1892) – Études de philologie ancienne à Glasgow (1851), de philosophie à Édimbourg (1852), puis de chimie analytique à Berlin (1854), ensuite à Paris, au laboratoire de A. Würtz (1856) – Assistant de Playfair à Édimbourg (1858), Couper énonce, parallèlement et indépendamment de Kekulé, la tétravalence du carbone, ainsi que la réalité des liaisons carbone–carbone. Établissement des
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premières formules structurales dans lesquelles les liaisons sont indiquées par des traits ou des lignes en pointillé. CRAM, Donald James (1919-2001) – Études de chimie au Rollins College (BSc 1941), à l’université du Nebraska (Msc 1942), doctorat à Harvard chez L.F. Fieser (1947) – Chimiste dans l’industrie pharmaceutique (1942-1945), puis professeur de chimie à l’UCLA (université de Californie à Los Angeles, 1947-1984) – Stéréochimie de l’addition de composés organométalliques sur un carbonyle lié à un carbone asymétrique (règle de Cram, 1952), transpositions de Wagner-Meerwein (1957), effets stéréoélectroniques transannulaires, éthers « couronne », cryptands, etc. – Prix Nobel de chimie en 1987 (avec J.M. Lehn). CRUM BROWN ‡ BROWN A.C. CROOKES, Sir William (1832-1919) – Études au Royal College of Chemistry (1848, avec A.W. Hofmann) – Assistant de A.W. Hofmann de 1850 à 1854. Employé du département de météorologie de l’observatoire Radcliffe à Oxford (1854), lecteur de chimie au College de Chester (1855), Crookes installe à Londres un laboratoire privé et travaille en tant que chercheur libre – Recherches sur les processus photographiques, étude des spectres de raies de métaux alcalins qui le conduit ensuite à la découverte en 1861 du thallium dont il isole quelques dérivés. En 1874, il invente le radiomètre, puis se tourne vers l’étude des rayons cathodiques et découvre, à l’aide d’un tube de son invention, l’« espace de Crookes ». Il met au point l’écran au sulfure de zinc comme compteur des impacts de particules α. DALTON, John (1766-1844) – Quaker possédant une bonne culture en philologie ancienne, mathématiques et philosophie de la nature (sciences physiques et naturelles) – Professeur de mathématiques et de sciences de la nature au New College de Manchester, puis de l’Académie mathématique qu’il crée en 1800. Consultant industriel à partir de 1804 – Observation des conditions météorologiques sur une période de 57 ans ! (deux ouvrages de données très détaillées), étude de la vision des couleurs (découverte du « daltonisme »), étude de la tension de vapeur, des pressions partielles, auteur de l’hypothèse atomique (New System of Chemical Philosophy) – Membre correspondant, puis membre étranger de l’Académie des sciences de Paris, membre de la Royal Society. DAVY, Sir Humphry (1778-1829) – Études de chirurgie (1795), chimiste autodidacte (après la lecture du traité de Lavoisier) – Surveillant d’expériences à la Pneumatic Institution du Dr Beddoes (1798), démonstrateur, puis professeur de chimie à la Royal Institution de Londres nouvellement créée (1801) – Découverte des propriétés anesthésiantes de l’oxyde de diazote (gaz hilarant), examen de la nature de la chaleur (le calorique de Lavoisier) et de la lumière dont il rejette la vision de l’époque ; étude du gaz ammoniac et des oxydes de l’azote, effets chimiques du courant électrique, électrolyse. Préparation par cette voie du sodium, du potassium, du strontium, du baryum, du magnésium et du calcium. Préparation du bore par réduction d’acide borique. Démonstration du caractère élémentaire du chlore et mise en évidence du rôle de l’hydrogène dans l’acidité (ruine de la théorie des oxacides de Lavoisier). Propriétés des mélanges air – méthane et invention de la « lampe Davy », anti-grisou – Membre de la Royal Society (1803) puis son Secrétaire (1807), Prix de l’Institut de France (1806, à un moment où France et Angleterre sont en guerre !), Médaille Rumford (1816), Médaille Royale (1827), Docteur honoris causa (son seul titre académique) de l’université de Dublin (1811). DEWAR, Sir James (1842-1923) – Études de physique et de chimie à l’université d’Édimbourg, thèse en 1868 sous la direction de L. Playfair, stage post-doctoral chez Kekulé à Gand (1867) – Assistant de Crum Brown (1868-1873). Professeur à l’université de Cambridge (1875) puis à la Royal Institution de Londres (1877), deux postes qu’il occupe jusqu’à la fin de sa vie – Étude de formules représentatives du benzène,
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recherches en spectroscopie. Recherches sur la liquéfaction des gaz (1877), le premier à obtenir de l’hydrogène liquide et solide (1898), il découvre le procédé de production industriel de l’oxygène liquide, inventeur du vase isolant qui porte son nom, mise en évidence de la supraconductivité au voisinage du zéro absolu de la température. Co-inventeur avec Abel de la cordite, un mélange gélatiné de cellulose nitratée et de trinitrate de glycérol, utilisé comme explosif. DIELS, Otto (1876-1954) – Études de chimie et doctorat (1895) à Berlin sous la direction de E. Fischer. Habilitation en 1904 – Assistant de E. Fischer, chargé de cours, puis (1906) professeur de l’université de Berlin. Directeur de l’Institut de chimie de l’université de Kiel (1916-1944) – Recherches sur la structure du cholestérol, utilisation du sélénium comme agent de déshydrogénation douce (1927), réactions d’addition de l’azoester, point de départ des réactions de Diels-Alder qui ont débouché sur des applications nombreuses et variées – Prix Nobel de chimie en 1950 (avec Alder). DIRAC, Paul Adrien Maurice (1902-1984) – Études en génie électrique à l’université de Bristol, recherches en mathématiques au St John’s College de Cambridge, doctorat en 1926 – Professeur de mathématiques à l’université de Cambridge (1932), puis de physique à l’université d’État de Floride (1971) – Recherches en mécanique quantique – Membre de la Royal Society (1930), prix Nobel de physique en 1933. DÖBEREINER, Johann Wolfang (1780-1849) – Études de pharmacie chez un pharmacien (1794), le titre de docteur lui est décerné en 1810 – Fabricant et diffuseur de produits pharmaceutiques et de produits chimiques de droguerie (1802-1810), professeur à l’université de Iena (1810-1849) – Connu pour avoir regroupé par triades les éléments ayant des propriétés chimiques identiques, découvre le furfural et utilise le platine comme catalyseur. Travaux de chimie appliquée, amélioration de la fabrication de céruse, de l’amidon (1812), préparation de matières colorantes végétales, préparation du « gaz à l’eau », etc. DULONG, Pierre Louis (1785-1838) – Élève de l’École polytechnique (1801), études de médecine, de botanique et de chimie – Médecin, puis assistant de Thenard à l’École polytechnique et de Berthollet à Arcueil. Professeur de chimie à l’École normale supérieure (1811) et à l’École vétérinaire d’Alfortville (1813-1827), Professeur de chimie à l’université de Paris (1820), professeur de physique (1820-1829) et directeur des études (1830-1838) à l’École polytechnique – Étude des doubles décompositions, travaux sur l’acide hypophosphoreux et ses sels, sur l’azote trichloré (dont l’explosion l’a grièvement blessé), sur le comportement du dioxyde d’azote sous l’effet de la température, étude des chaleurs spécifiques (règle de Dulong et Petit) – Membre de l’Académie des sciences (1823). DUMAS, Jean-Baptiste André (1800-1884) – Études de pharmacie à Genève (1816) – Répétiteur à l’École polytechnique et au « Lycée » devenu ultérieurement l’« Académie de l’Athénée » (une université privée) – l’un des fondateurs de l’École centrale des arts et manufactures (1829), professeur à l’École polytechnique (1835-1840), à l’École de médecine (1839) et à l’université de Paris (1841-1868), directeur de la Monnaie (1868) – Théorie des radicaux, théorie de la substitution, première théorie des types, méthode de Dumas de détermination du contenu en azote des composés organiques, méthode de détermination des densités de vapeur et de leur application à la détermination des masses atomiques des éléments, obtention de l’anthracène à partir du goudron de houille (avec Laurent), découverte de l’acide trichloracétique, etc. – Ministre de l’Agriculture (1850-1851), membre de l’Académie des sciences (1832), puis de l’Académie française (1879) ERLENMEYER, Richard August Carl Emil, alias E. Erlenmeyer sen. (1825-1909) – Études de médecine, puis de chimie et pharmacie à Giessen (1844-1849). Doctorat sur la chimie des engrais minéraux, sous la direction de Liebig à Giessen (1851), Habilitation à Heidelberg (1855) – Tour à tour pharmacien, enseignant d’une école
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technique (Wiesbaden), directeur d’un laboratoire de conseil industriel et Privatdozent (professeur non rétribué, 1857), puis professeur à l’université de Heidelberg (1866) et deux ans plus tard à l’École polytechnique de Munich, directeur de l’Université technologique de Munich (1877-1880), conseiller scientifique de plusieurs entreprises de chimie, en particulier, à la fin de sa vie, de Casella (colorants synthétiques) à Francfortsur-le-Main – Créateur d’ustensiles pratiques pour le laboratoire, il a été le premier à postuler la liaison double dans l’éthène et triple dans l’éthine. Synthèse de la guanidine, formules structurales du naphtalène et de la tyrosine, ainsi que des composés azo- et hydrazo-. Il ne faut pas confondre E. Erlenmeyer sen. avec son fils Friedrich, Gustav, Carl, Emil, alias E. Erlenmeyer Jr. (1864-1921), professeur de chimie à l’université de Strasbourg, puis chercheur au Kaiser Wilhelm Institut de Berlin-Dahlem, connu pour ses recherches sur les valences partielles et les réarrangements moléculaires, les synthèses de la sérine ; de la cystine et de la phénylalanine. FAJANS, Kasimir (1887-1975) – Études de chimie à Leipzig (1904-1907) et à Heidelberg (1907-1909), doctorat à Heidelberg (1909), travaux post-doctoraux à Zurich (1910) et chez Rutherford à Manchester (1911) – Privatdozent (professeur non rétribué) à l’Université technologique de Karlsruhe (1911), professeur et directeur de l’Institut de chimie physique de Munich (1917-1935). Chassé de son université par les mesures nazies d’aryanisation, il émigre aux États-Unis et devient professeur de chimie à l’université du Michigan à Ann Arbor (1936-1957) – Études radiochimiques, cascades de décomposition radioactive par rayonnement α et β (règles de Fajans). Polarisation et polarisabilité de la liaison chimique FARADAY, Michaël (1791-1867) – Apprentissage de relieur ; autodidacte en chimie et physique en tant qu’auditeur libre de Davy et de Tatum – Compagnon relieur, assistant (1813) et unique élève de Davy au laboratoire de la Royal Institution de Londres. Voyage d’études de dix-huit mois avec Davy, au cours duquel il fait connaissance avec les plus importants chimistes de son temps. Inspecteur (1821), puis directeur de la Royal Institution (1825) dont il devient professeur de chimie (1827-1861). Parallèlement professeur de chimie à l’Académie militaire de Woolwich – Découverte du benzène et du butène (1825), ainsi que de l’acide sulfovinique (1828), substitutions halogénées des hydrocarbures, liquéfaction du chlore et du cyanogène, lois fondamentales de l’électrolyse, recherches sur l’électromagnétisme (découverte du principe de la selfinduction en 1837, etc.), invention du moteur électrique et du voltmètre – Membre de la Royal Society en 1824. FISCHER, Emil Hermann (1852-1919) – Formation au commerce (1869), puis études de chimie à Bonn (1871) et Strasbourg (1872). Thèse sur la fluorescéine et les colorants phtaléiniques, sous la direction de A. von Baeyer (1874). Habilitation à Munich (1878) – Assistant de A. von Baeyer à Strasbourg (1874), puis à Munich (1875). Successivement professeur de chimie analytique à Munich (1879), de professeur de chimie à Erlangen 1881), à Würzburg (1885) et à Berlin (1892) – Recherches sur l’hydrazine, ses dérivés et leurs réactions. Travaux sur les colorants de la famille du triphénylméthane, synthèse de l’indole (1883), recherches sur les purines, puis, à partir de 1884, travaux fondamentaux sur les structures des glucides et leurs synthèses (synthèse de Kiliani – Fischer). En 1899, il entreprend parallèlement des recherches sur les aminoacides et les protéines (dégradation par étapes de protéines naturelles en aminoacides, synthèse de la phénylalanine et de la leucine) ; enfin travaux sur les barbituriques (découverte du véronal), etc. – Prix Nobel de chimie en 1902. FITZGERALD, George Francis (1851-1901) – Études de mathématiques et de sciences expérimentales au Trinity College de Dublin – Assistant (1877) puis professeur (1881) au Trinity College de Dublin qu’il ne quittera pas de toute sa vie – Étude des radiations électromagnétiques, le premier à proposer une méthode de production
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des ondes radio, interprétation de l’expérience de Michelson-Morley – Membre de la Royal Society de Londres en 1883. FOURCROY, Antoine François de (1755-1809) – docteur en médecine (1780) – Employé au laboratoire de J.B.M. BUCQUET, l’un des premiers chimistes à adopter les théories de Lavoisier, Fourcroy donne des conférences de chimie (1780) dont il réunit les notes dans son premier ouvrage Leçons élémentaires d’histoire naturelle et de chimie (1782, 2 volumes). Professeur de physique générale et de chimie à l’École royale vétérinaire de Maisons-Alfort (1783-1787), puis (1784) successeur de Macquer comme professeur de chimie au Jardin du Roi (aujourd’hui Muséum d’Histoire Naturelle) – Fourcroy est l’auteur d’un nombre important d’ouvrages (son premier obtient 4 rééditions et est traduit en anglais, allemand, espagnol, italien), il participe à la nouvelle nomenclature chimique avec Guyton de Morveau, Lavoisier et Berthollet, contribue à l’Encyclopédie Méthodique, publie en 1792 une Philosophie chimique (3 éditions en français, 5 en anglais, 5 en italien, 2 en russe, 1 en danois, néerlandais, allemand, grec, polonais, portugais, espagnol et suédois). En 1800 paraît son Système des connaissances chimiques..., ouvrage en 10 volumes, traduit en anglais, allemand et espagnol – Étude des eaux minérales, du gaz ammoniac et du chlore. Recherches, lors des guerres de la Révolution, sur les chlorates comme poudres à canon. Avec Vauquelin, recherches sur les éthers, le chlorate de potassium, l’acide sulfureux et ses sels ; détermination de l’identité de composition de la calcite et de l’aragonite – Député suppléant de Marat, dont il occupe le siège après l’assassinat de ce dernier. Membre de commissions et comités d’instruction publique. Élu (1794) au Comité de Salut Public rénové, Fourcroy est chargé du développement des industries indispensables à la poursuite de la guerre. Auteur d’un plan de système scolaire, après la dissolution de toutes les institutions éducatives de l’Ancien Régime en 1793. Ce plan aboutit à la création de l’École polytechnique et de 8 Écoles spécialisées de l’enseignement supérieur. Fourcroy participe activement à la reconstitution et à la création d’organismes de recherche scientifique. Après le coup d’état du 18 brumaire, Fourcroy est nommé membre du Conseil d’État et chargé de la réforme napoléonienne des études, instaurée le 17 mars 1808 et qui constitue toujours la base du système éducatif français actuel – Membre de l’Académie royale des Sciences en 1785. FRANKLAND, Sir Edward (1825-1899) – Études de chimie au laboratoire de Playfair au Museum of Practical Geology de Londres, puis à Marburg où il soutient sa thèse sous la direction de Bunsen (1849) – Professeur de chimie au Owen’s College de Manchester (1851), puis au St. Bartholomew’s Hospital de Londres (1857). De 1859 à 1863, il enseigne la chimie au Addiscombe Military College, puis devient professeur à la Royal Institution (1863) et remplace A.W. Hofmann à la Royal School of Mines (1865) – Préparation de nitriles et des acides correspondants (avec Kolbe), préparation et réactions des organozinciques, les premiers composés organométalliques, contribution à la théorie de la valence et de la chimie structurale, identification, avec l’astronome J.N. Lockyer, de la raie spectrale de l’hélium dans le rayonnement solaire. FRIEDEL, Charles (1832-1899) – Études de chimie à Strasbourg (1850, avec Pasteur), puis à Paris, où il effectue des recherches au Laboratoire de l’École de médecine de A. Würtz. Sous la direction de ce dernier, thèse sur la pyro-électricité dans les cristaux conducteurs, co-dirigée par Pasteur (1869) – Conservateur des collections minéralogiques de l’École des mines (1856 1870), Professeur à l’École normale supérieure (18711876), professeur de minéralogie (1876), professeur de chimie organique (successeur de Würtz, 1884) à la Sorbonne. Fondateur de l’École de chimie pratique annexée à la Sorbonne – Établissement de la structure des cétones (1862), découverte, parallèlement à Crafts, de l’action catalytique du chlorure d’aluminium dans les substitutions aromatiques (alkylations et acylations), vérification de la masse atomique et de l’atomicité du silicium, préparation de composés organo-siliciques, synthèse du glycérol
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– Membre de l’Académie des sciences (1878), Président de la Commission de réforme de la nomenclature de la chimie organique (1889) dont les résultats ont été entérinés à Genève (1894). FUKUI, Ken’ichi (1918-1998) – Thèse en 1941 à l’université impériale de Kyoto – Professeur de chimie à Kyoto (1951-1982), président du Kyoto Institute of Technology (1982-1988), puis directeur de l’Institut de chimie fondamentale – Découverte du rôle des orbitales frontières HOMO et LUMO dans les réactions de la chimie organique (1952), interprétation des réactions chimiques (catalyse, transferts synchrones d’électrons, etc.) à l’aide de sa théorie – Membre de l’Académie du Japon en 1983, prix Nobel de chimie en 1981 (avec Roald Hoffmann), membre de l’International Academy of Quantum Molecular Science. GAUDIN, Antoine Marc Augustin (1804-1880) – Élève de Dumas et d’Ampère, il a acquis une formation scientifique pluridisciplinaire – Calculateur du Bureau des Longitudes (1835-1864) – Gaudin étudie l’hypothèse d’Avogadro et conclut à l’existence des atomes et des molécules, il donne la première définition claire de ces notions et formule l’hypothèse du caractère diatomique de l’hydrogène, de l’oxygène, monoatomique de la vapeur de mercure, etc. Travaux de vérification de la masse atomique de 23 éléments. Créateur des premiers rubis et saphirs artificiels, premier à utiliser des émulsions de chlorure et d’iodure d’argent au cours de travaux de daguerréotypie, inventeur d’un alliage 10/1 de Pt/Ir, premier à réussir la fusion du dioxyde de silicium au chalumeau (1837). Proposition de structures moléculaires inspirées de la cristallographie (1847), rapidement rejetées – Publication de nombreux articles dans les domaines de l’astronomie, de la minéralogie, de la photographie, de la fermentation, etc. GAY-LUSSAC, Joseph-Louis (1778-1850) – Élève de l’École centrale des Ponts et Chaussées (1797, ancêtre de l’École polytechnique) – Assistant de Berthollet (1800/1801), répétiteur (1802), puis professeur à l’École polytechnique (1809), professeur de physique à l’université de Paris (1809), professeur de chimie au Muséum (1832). Directeur des Essais de la Monnaie (1829) – Voyages d’études et travaux scientifiques avec A. von Humboldt (démonstration de la composition de l’eau par eudiométrie, 1805). Ascensions en ballon (jusqu’à 7000 m) pour l’étude de la composition de l’air et la mesure du champ magnétique. Établissement des lois des volumes, détermination de masses atomiques par la méthode des densités de vapeur qu’il a mise au point, établissement de la notion d’hydracide, hypothèse du caractère élémentaire du chlore (1809) [un an plus tard Davy établit définitivement le caractère de corps simple de Cl]. Préparation du potassium et du bore par voie sèche avec Thenard, mise au point de la méthode d’analyse élémentaire par combustion des substances organiques. Création de l’alcoomètre centésimal à la demande du gouvernement (1822), mise au point de la chlorométrie (1824), de l’alcalimétrie (1828), de l’argentimétrie (1832) – Administrateur et conseiller scientifique de la Compagnie de Saint-Gobain, il aide activement à l’amélioration des procédés (tour de Gay-Lussac pour la préparation de l’acide sulfurique) et la diversification des productions de cette dernière. Membre, dès 1806, du Bureau Consultatif des Arts et Manufactures, du Comité Consultatif du Service des Poudres en 1818, il contribue de façon plus générale par la suite au développement de l’industrie chimique en France – Membre de l’Académie des sciences (1806), député de la Haute-Vienne (1831, 1834, 1837) GEIGER, Hans (1882-1945) – Études de physique et de mathématiques à l’université d’Erlangen, doctorat en 1906 – Assistant de Rutherford à Manchester (1907-1912), travaux scientifiques à la Reichsanstalt à Berlin-Charlottenburg (1912), successivement professeur de physique à Berlin (1924), Kiel (1925) et Tübingen (1929). Directeur de l’Institut de physique de Berlin en 1936 – Inventeur en 1928, avec son élève W. Müller, du compteur de particules α qui porte son nom. Partington (History of Chemistry)
Brèves biographies des principaux chimistes et physiciens cités
dit de lui que son savoir-faire expérimental a été à la base du succès des travaux de Rutherford à Manchester. GEISLER, Heinrich (1814-1879) – Fabricant d’instruments de laboratoire de renommée internationale à Bonn – Inventeur de la pompe à vide à vapeur de mercure, d’un vaporimètre, de tubes à décharge, etc. – Docteur honoraire de l’université de Bonn en 1868. GEOFFROY, Étienne François (1672-1731) – Études de botanique, chimie et anatomie à Paris, de pharmacie à Montpellier (1692), docteur-régent en 1704 à Paris – Professeur de chimie au Jardin du Roy (1707) et professeur de médecine au Collège de France (1709) – Étude des chaleurs de mélange de sels, réactions de déplacement dans les solutions salines conduisant à la série Zn, Fe, Cu, Pb, Hg, Ag, Au, où chacun des métaux précipite le(s) suivant(s) de ses solutions et, se basant en particulier sur ces résultats, établissement d’un Tableau des affinités contenant de nouveaux symboles chimiques. Identification de la nature du sel de Seignette (tartrate de sodium), utilisation d’un extrait de feuilles de roses comme indicateur des acides et des alcalis, préparation de bleu de Prusse [fer(III)-hexacyanoferrate(II), anciennement ferrocyanure ferrique] à partir de substances animales. GERHARDT, Charles Frédéric (1816-1856) – Études générales au Polytechnicum de Karlsruhe (1831), puis de chimie à Giessen, auprès de Liebig (1836-1837). Ce dernier l’adresse à Dumas dont il devient l’assistant (1838) à la Sorbonne. Doctorat en 1841 – Professeur à Montpellier (1844), directeur d’une école privée de chimie à Paris (1848), professeur à l’université de Strasbourg (1854) – Auteur avec Laurent de théories chimiques (voir le corps de l’ouvrage), énoncé de la notion d’homologie. Publication d’un Précis de chimie organique (1844) et d’un Traité de chimie organique (1853-56) pour diffuser ses idées chimiques. Parmi ses travaux expérimentaux, on peut citer la préparation du styrène à partir d’acide cinnamique, de la quinoléine à partir de la quinine, du cumène à partir du camphre, de l’acétanilide à partir de l’aniline, découverte des anhydrides acétique et benzoïque. GIESEL, Friedrich Oskar (1852-1927) – Études de sciences à l’Académie des arts et métiers de Berlin (1872-1874), doctorat à Göttingen (1876) – Stagiaire dans des laboratoires industriels de chimie (1875), assistant de Liebermann à l’Académie des arts et métiers de Berlin (1876), directeur du laboratoire d’une entreprise chimique de Braunschweig, où il passe toute sa vie professionnelle (1878) – Synthèse partielle de la cocaïne (1888), découverte de la cinnamylcocaïne et de la tropacocaïne. À partir de 1898, Giesel réoriente ses recherches et applications vers la radioactivité. Premier industriel à commercialiser des échantillons de sels de radium purs, découverte de la décomposition de l’eau sous l’effet du rayonnement radioactif, première observation de l’effet des rayonnements radioactifs sur le sulfure de zinc (‡ fabrication d’écrans de visualisation au sulfure de zinc). Travaux sur l’actinium et sur l’effet du rayonnement du radium sur les organismes vivants, point de départ de la radiothérapie. GILLESPIE, Ronald James (1924- ) – Études à l’université de Londres, Doctorat en 1957 – Enseignant de chimie à University College de l’université de Londres (1950-1958), puis professeur à l’université McMaster à Hamilton (Ontario, Canada) – Recherches dans le domaine de la géométrie des structures moléculaires, créateur avec Nyholm du modèle VSEPR de répulsion des paires d’électrons pour l’interprétation de la géométrie des molécules – Membre de la Société Royale du Canada. GMELIN, Leopold (1788-1853) – Études de pharmacie, médecine et chimie à Tübingen, Göttingen (diplôme de chimie 1809), de nouveau Tübingen, où il soutient sa thèse en 1812, post-doctorat à Paris chez Vauquelin, Gay-Lussac et Thenard ( 18141817) – Professeur de médecine et de pharmacie à Heidelberg (1813), professeur et directeur de l’Institut de chimie de l’université de Heidelberg (1817) – Recherches dans les domaines de la physiologie, de la chimie minérale et organique, ainsi que de la
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minéralogie. Identification de la choline dans la bile, de l’hématine dans le sang, de la taurine, de la pancréatine. Gmelin est l’un des pères de la chimie physiologique. Il est célèbre pour son Manuel de chimie théorique, devenu ensuite Manuel de chimie, une somme des connaissances devenue aujourd’hui Gmelin Handbook of Inorganic Chemistry, l’ouvrage mondialement le plus important sur les connaissances en chimie minérale ; en 1988, sa 8e édition (incomplète) comportait 584 volumes avec 181 354 pages . Aujourd’hui consultable en ligne. GOLDSTEIN, Eugen (1850-1930) – Études de physique à Breslau, puis à Berlin avec Helmholtz – Astronome à l’observatoire de Berlin (1878-1890), il effectue la majorité de sa carrière à l’observatoire de Postdam dont il devient le chef de la section d’astrophysique en 1927 – Étude des rayons émis dans les tubes à décharge, introduit les dénominations de « rayons cathodiques » (1870) et de « rayons canaux » (1886) pour ceux allant de l’anode vers la cathode. GOUDSMIT, Samuel Abraham (1902-1978) – Études de physique théorique à l’université de Leyde (1919-1926) et recherches en physique expérimentale à l’université d’Amsterdam (1923-1926), PhD en physique en 1927 – Activité à l’université du Michigan, puis de 1944 à 1947 au Radiation Laboratory du MIT à Boston – Professeur de physique à Northwestern University (1946-1948), puis directeur de recherche au Brookhaven National Laboratory (1948-1970) – Découverte du spin de l’électron avec son étudiant Uhlenbeck, première mesure du spin nucléaire, théorie de la structure hyperfine des raies spectrales, etc. GRAEBE, Carl (1841-1927) – Études d’ingénieur des Arts au Polytechnikum de Karlsruhe (1858), puis de chimie à Heidelberg. Doctorat sous la direction de Bunsen à Heidelberg (1862), travaux post-doctoraux à Marburg chez Kolbe, Habilitation à Leipzig (1869) – Assistant de Bunsen (1862), « Second » chimiste dans l’usine de colorants de Meister, Lucius & Co à Hoechst (1864-1865), Assistant de A. von Baeyer à l’Académie des arts et métiers de Berlin (1866), nommé professeur de chimie en 1870 à Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad, Russie), professeur de chimie à l’université de Genève (1878-1906) – Mise en évidence de la nature aromatique des deux cycles du naphtalène, (1865), résolution des problèmes de structure de la quinone, de l’alizarine et de sa synthèse (avec Liebermann), théorie du lien entre couleur et constitution chimique (avec Liebermann). En liaison étroite avec la BASF (Badische Anilin- und Soda-Fabrik), travaux sur les colorants formés à partir de carbazole, acridine, anthracène, phénanthrène, chrysène, acénaphtène, pyrène, fluorène dont il élucide la constitution. GUYTON de MORVEAU, Louis Bernard (1737-1816) – Études de droit, autodidacte en chimie – Procureur du Roi à Dijon (1756-1782). Fondateur d’une manufacture de salpêtre (1778), puis (1783) de la première fabrique française de carbonate de sodium et enfin directeur (1784-1789) d’une manufacture de verre. Professeur (1794) à l’École centrale des travaux publics (l’École polytechnique première manière), directeur de l’École polytechnique (1798-1804), administrateur général de la Monnaie de Paris (1799) – L’un des premiers à adhérer, avec Berthollet et Fourcroy, à la théorie de l’oxydation de Lavoisier. Mise au point de la première nomenclature rationnelle de chimie avec Berthollet, Fourcroy et Lavoisier (1787). Dans le domaine de la chimie appliquée : introduction de l’usage de charbon de terre à la place du charbon de bois dans les hauts-fourneaux (1769), substitution de l’oxyde de zinc à la céruse dans les peintures (1782), simplifications dans la production de poudres et de salpêtre (1794), liquéfaction du gaz ammoniac à l’aide d’une solution réfrigérante de glace et de chlorure de calcium – Membre de l’Assemblée nationale en 1791. HAMMOND, George Sims (1921-2005) – Études au Bates College de Lewiston, puis à l’Université Harvard à Cambridge (Massachussetts), doctorat en 1947 – Enseignant de chimie à l’université d’Iowa (1948 -1958), professeur au Caltech de Pasadena (1958-1972), professeur à l’Université de Californie à Santa Cruz (1972)
Brèves biographies des principaux chimistes et physiciens cités
– Cinétique et mécanismes réactionnels, recherches sur les radicaux libres et transformations photochimiques, transposition photochimique de composés diéniques en dérivés cyclobutaniques. HANTZSCH, Arthur Rudolf (1857-1935) – Études de chimie au Polytechnikum de Dresde (1875), thèse à Würzburg (1879/80), habilitation à Leipzig (1882) – Assistant à l’Institut de chimie-physique de l’université de Leipzig (1880), Privatdozent (professeur non rémunéré) à Leipzig (1882), professeur à l’École polytechnique de Zurich (1885), professeur à l’université de Würzburg (1893), puis de Leipzig (1903) – Synthèse de pyridines à partir d’esters d’acides β-cétocarboxyliques, d’aldéhydes et d’ammoniac (synthèse pyridinique de Hantzsch, 1882), synthèse du thiazole, de l’imidazole, de l’oxazole et du sélénazole, synthèse du pyrrole, études de l’isomérie des oximes (avec A. Werner), pseudo-acides et pseudo-bases, étude de la force des acides qui constitue le point de départ de la théorie des acides de Brønstedt. HARRIES, Carl, Dietrich (1866-1923) – Études de zoologie (1886), puis, rapidement de chimie à Iena, puis à Munich (1888) et à Berlin (1889) avec A.W. Hofmann sous la direction duquel il prépare sa thèse et la soutient en 1890. Habilitation à Berlin (1897) – Assistant de E. Fischer (1892, successeur de A.W. Hofmann) et chimiste à la Schering AG, Privatdozent (1897, professeur non rémunéré), chef de section à l’Institut de chimie de E. Fischer (1900), professeur à l’université de Berlin (1904), puis de Kiel (1904-1916), organisateur et secrétaire général se la section allemande de l’Exposition Universelle de St. Louis (États-Unis). En 1916, Harries quitte la carrière universitaire pour devenir membre du Conseil de surveillance de Siemens & Halske, entreprise dont il crée et développe le laboratoire central de recherches – Étude de la dégradation des caoutchoucs sous l’action de l’ozone, étude des ozonides et de leurs produits de décomposition par hydrolyse. Confirmation de la formule de Kekulé pour le benzène par la formation d’un triozonide (confirmation de la présence de trois doubles liaisons dans le benzène). HASSEL, Odd (1897-1981) – Études de chimie, physique, mathématiques à Oslo (1915), voyage d’études d’un an en France et en Italie (1921), Munich (1922), recherche au Kaiser Wilhelm Institut et doctorat à Berlin (1923-1924), travaux post-doctoraux à l’université d’Oslo (1925-1926) – Professeur adjoint de chimie-physique et d’électrochimie (1926-1934), puis professeur titulaire de chimie-physique à Oslo (1934-1964) – Étude de structures moléculaires à l’aide de mesures de moments dipolaires et de déflexion d’électrons ; confirmation de l’hypothèse de Sachse de la non-planéité du cyclohexane par la preuve de l’existence préférentielle de ce composé sous sa conformation « chaise ». Mise en évidence des deux formes chaise cis- et trans- de la décaline et bases de l’analyse conformationnelle – Prix Nobel de chimie 1969 (avec Barton). HASSENFRATZ, Jean Henri (1755-1827) – Mousse, puis charpentier, enfin employé de l’administration des mines (1778-1780), Hassenfratz réalise, à ce dernier titre, une étude des mines et aciéries d’Europe. Inspecteur des Mines (1785) et activité volontaire au laboratoire de Lavoisier. Enseignant de physique (1786-1788) et de minéralogie (1795) à l’École des Mines. Membre de l’équipe de création de l’École polytechnique, où il enseigne la physique, En 1792-1793, organisateur de la production de fusils dans le cadre du ministère de la Guerre – Recherches sur la décomposition des pyrites dans les mines (1787), étude des oxydes du fer (1808). Auteur, avec Adet, d’un système de symboles chimiques pour servir parallèlement à la nomenclature de Lavoisier, Berthollet, Fourcroy et Guyton de Morveau. HAÜY, René Just (1743-1822) – Études et formation théologique au Collège de Navarre à Paris – Inspecteur scolaire au Collège de Navarre (1764), professeur et aumônier au Collège du Cardinal Lemoine (1770), Conservateur au Cabinet des mines (1794), professeur de physique à l’École des mines (1795), professeur de minéralogie au Muséum d’histoire naturelle et à la faculté des sciences de Paris – Créateur de la
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minéralogie moderne. Étude de la structure des cristaux, loi des troncatures rationnelles, loi de symétrie, auteur d’ouvrages de base Essai d’une théorie sur la structure des cristaux (1784) et Exposition abrégée de la structure des cristaux (1793). Note : Il ne faut pas confondre l’abbé Haüy avec son frère Valentin (1745-1822), fondateur de l’Institution des Jeunes Aveugles. HAWORTH, Sir Walter Norman (1883-1950) – Études de chimie à Manchester (1903-1906), pratique chimique au laboratoire de W.H. Perkin Jr (1907-1909), études de Dr. phil. à Göttingen (1909-1910), DSc à Manchester (1911) – Maître-assistant à Imperial College of science & technology de South Kensington (1911), enseignant de chimie (1912) à St. Andrews University (Écosse), professeur de chimie organique de l’Armstrong College de l’université Durham à Newcastle (1920), professeur de chimie à Birmingham (1925-1948) – Méthylation des disaccharides (1915), établissement de la structure cyclique des furanoses et des pyranoses, détermination de la structure de la cellulose, de l’amylopectine, de l’acide ascorbique (vitamine C) dont Haworth réalise une synthèse indépendamment de Reichstein – Prix Nobel de chimie en 1937. HEISENBERG, Werner Karl (1901-1976) – Études de mathématiques et de physique théorique (avec Sommerfeld) à l’université de Munich, doctorat en 1927 – Assistant de M. Born à Göttingen en 1923, séjours chez N. Bohr à Copenhague en 1924, 1925 et 1926 – Maître de conférences à Copenhague (1926), professeur à l’université de Leipzig (1928-1941), directeur de l’institut Max Planck à Göttingen puis à Munich (1946-1970) – Inventeur de la mécanique matricielle en 1926 (avec Born et Jordan) qui devient la mécanique quantique. On lui doit le principe d’incertitude (1927), la description quantique du noyau de l’atome (1932) – Prix Nobel de physique en 1932, membre de la Royal Society de Londres et d’Académies de différents pays. HEITLER, Walter (1904-1981) – Études de physique théorique à Munich, Berlin, Zurich et Göttingen. Doctorat à Munich en 1926 – Assistant de recherches à Bristol (1933-1941), professeur à l’Institut d’études avancées de Dublin (1941-1949), puis à l’Institut de physique théorique de Zurich – On lui doit la première interprétation de la liaison covalente basée sur la mécanique quantique. Travaux dans le domaine de l’électrodynamique quantique. HENRY, Louis (1834-1913) – Doctorat en sciences de la nature en 1855 – Séjour post-doctoral à Giessen au laboratoire de H. Will, le successeur de Liebig. Attaché à la Faculté des Sciences de Louvain en 1858, puis professeur de chimie (1863-1899) – Par sa synthèse du glycérol et du dipropargyle (2,4-hexadiyne), Henry apporte des arguments expérimentaux à l’identité des quatre valences du carbone – Membre de la Société Chimique de Paris, Membre de l’Académie des sciences du Danemark, du Portugal et de Roumanie. HERSCHEL, Sir John Frederick William (1792-1871) – Études de mathématiques et de physique au St. John’s College de Cambridge (1809-1813), Master of Arts (1816) – Assistant de mathématiques au St. John’s College de Cambridge (1815), aide-astronome de son père, nombreux voyages d’étude et d’observations astronomiques entre 1816 et 1840 – Dans le domaine de la chimie : découverte de l’action dissolvante du tétrathionate de sodium sur les sels d’argent (1819) et reconnaissance de son intérêt dans la fixation des images de la photographie argentique (1839), mise au point de plaques photographiques au bromure d’argent, mise en évidence de sa plus grande sensibilité de la lumière, par rapport à celle du chlorure. Mise au point des procédés de cyanotypie, de chrysotypie et d’amphitypie utilisés dans la photo-reprographie. HEUMANN, Karl (1850-1894) – Chimiste Zurichois qui propose (1890) à la BASF un procédé économique de synthèse industrielle de l’indigo à partir de l’aniline (tiré de L’indigo et la pourpre : 5 000 ans d’histoire haute en couleur, EDP Sciences).
Brèves biographies des principaux chimistes et physiciens cités
HINRICHS, Gustavus Detlevus (1836-1923) – Études de sciences de la nature (8 ans) à l’École polytechnique et à l’université de Copenhague – Émigration aux ÉtatsUnis en 1861 – Professeur de physique et chimie à l’université d’État de l’Iowa (18631889), consultant des services géologiques de l’Iowa (1866-1868), créateur et directeur des services météorologiques de l’Iowa (1878), professeur de chimie au College of Pharmacy de l’université de St. Louis (1889) – Hypothèses sur la structure de la matière, publication de la théorie « pantogène », une résurgence de celle de la « materia prima » des Anciens, tableau périodique en forme de spirale (1867). van’t HOFF, Jacobus Henricus (1852-1911) – Études d’ingénieur au Polytechnicum de Delft (1869-1871), mathématiques à Leiden (Leyde) (1872), chimie à Bonn chez Kekulé (1872) et à Paris chez Würtz, où il rencontre Le Bel (1873), doctorat à Utrecht (1874) – Assistant à l’École vétérinaire d’Utrecht (1874), lecteur de chimie, puis professeur de chimie, minéralogie et géologie à Amsterdam (1878), professeur à Berlin (1896) – Publication de l’hypothèse du carbone tétraédrique et du concept de l’asymétrie moléculaire, en parallèle avec Le Bel et à partir d’autres principes (1874). Dans son livre Études de dynamique chimique (1884), van’t Hoff pose les fondements de la cinétique chimique moderne et met en évidence les liens entre la température et la constante d’équilibre d’une réaction. Étude des pressions osmotiques des solutions diluées (1886), étude des dépôts salins de Stassfurt sous l’angle de la règle des phases de W. Gibbs – Premier attributaire du prix Nobel de chimie en 1901. HOFFMANN, Roald (1937-) - Études de chimie à la Columbia University de New York (1955-1958), puis à la Harvard University à Cambridge (Massachusetts) où il obtient son doctorat de chimie-physique en 1962 – Junior Fellow de Harvard University (1962-1965), Assoc. Professor de chimie à Cornell University à Ithaca (1965), puis professeur titulaire (1968) et professeur de physique (1974) – Théorie orbitale des hydrures du bore, théorie du transfert synchrone d’électrons avec Woodward (règles de Woodward-(Hoffmann) – Prix Nobel de chimie en 1981. HOFMANN, August Wilhelm (1818-1892) – Études de droit (1836), puis de chimie chez Liebig à Giessen, où il soutient sa thèse sur les bases volatiles du goudron de houille en 1843, habilitation en 1845 – Privatdozent (professeur non rémunéré) à Bonn (1845), puis la même année professeur de l’Institut de chimie de la Royal School of Mines. Chargé de la création du College of Chemistry (1845). Dans ce cadre il est le refondateur de la chimie organique en Grande-Bretagne. Professeur de chimie à Bonn (1864), puis successeur de Mitscherlich à Berlin (1865) – Recherches sur l’aniline et ses homologues, ainsi que les amines aliphatiques. Découverte des bases tétralkylammonium (1850) et de leurs produits de dégradation, les amines tertiaires, préparation des premiers alcools insaturés avec Cahours (1857), étude des colorants chrysaniline, rosaniline, etc. (1862), point de départ du développement des colorants synthétiques – Fondateur de la Deutsche Chemische Gesellschaft, la Société Allemande de Chimie (1867). HÜCKEL, Erich (1896-1980) – Études de physique et mathématiques à Göttingen, élève de Debye, doctorat en 1921. Habilitation en 1925 à l’École polytechnique de Zurich (ETH) – Assistant de Debye à ETH (1922-1928), bourse Rockefeller (1928-1929) utilisée pour des séjours à Londres, Cambridge (GB) et Copenhague, chargé de cours de physique à l’Université technologique de Stuttgart (1930), professeur de physique théorique à Marburg (1935-1961) – Recherches en chimie théorique sur la nature de la liaison chimique. Examen de la mobilité des protons et des ions hydroxyde en solution aqueuse. Critères de l’aromaticité (règle de Hückel), théorie de Debye – Hückel sur les électrolytes forts. Mise au point d’une méthode de calcul des orbitales atomiques et moléculaires (HMO et EHM). HÜCKEL, Walter (1895-1973) – Études de chimie à Göttingen (1913-1920, interrompues du fait de guerre), doctorat en 1920, habilitation en 1923 – Professeur de chimie
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organique à Fribourg-en-Brisgau (1927), professeur à Greifswald (1930-1935), à Breslau (aujourd’hui Wroclaw en Pologne, 1935-1945), enfin à Tübingen (1948-1963) – Travaux de stéréochimie, étude de la stéréoisomérie des décalines dont il prépare les configurations cis- et trans- (1925) prévues par la théorie de Sachse-Mohr. Démonstration de la non-planéité des hétérocycles à partir de la décahydroquinoléine (1927). Étude de l’effet stérique, des terpènes bicycliques et de leurs transpositions. Hydrogénation de Birch-Hückel de composés aromatiques et éthyléniques par le sodium dans l’ammoniac liquide (1939), analyse conformationnelle (1958). HUMBOLDT, Friedrich Heinrich Alexander, Freiherr von (1769-1859) – Études de sciences juridiques, économiques et administratives à Francfort-sur-Oder (1787), Göttingen (1789) et Hambourg (1790), puis en sciences de l’ingénieur à l’Académie des Mines de Freiberg (Saxe) – Assesseur, puis « Oberbergmeister » du service des Mines de Prusse, directeur des services miniers de la Prusse (1792-1794). Voyages d’études en Italie (1795), Paris (1797), l’Espagne (1798), grand voyage d’études dans l’Amérique du Sud hispanique (1799-1804). Entre 1805 et 1827, il vit à Paris et devient un ami et collaborateur de Gay-Lussac. De retour à Berlin en 1828, il dispense des conférences de géographie physique, interrompues en 1829 par un voyage en Sibérie et à la mer Caspienne (avec G. Rose). A. von Humboldt communique ses idées et expériences de sa vie scientifique en France à son frère Wilhelm, chargé de la refondation de l’université de Berlin qui, encore aujourd’hui, porte leur nom – Esprit universel, ses travaux de physiologie végétale et animale, ainsi que de géologie et de climatologie, assoient sa réputation scientifique. Détermination de la composition de l’eau à l’aide de l’eudiomètre, avec Gay-Lussac (1805), analyse de l’atmosphère dans les mines, travaux de minéralogie, extraction de l’acide urique du guano, etc. HUND, Friedrich (1896-1997) – Études de physique théorique avec M. Born à l’université de Göttingen, Doctorat en 1922 – Chargé de cours à l’université de Göttingen (1925), puis successivement professeur de physique à Rostock (1927), Leipzig (1929), Iéna (1946) Francfort-sur-Le Main (1951) et Göttingen (1957) – Découverte de l’effet tunnel, travaux sur la structure des atomes et des molécules, sur les orbitales moléculaires (avec Mulliken). INGOLD, Sir Christopher Kelk (1893-1970) – Études au Hartley University College de Southampton, BSc. à l’université de Londres (1913), doctorat à l’Imperial College de Londres (1921) – Chimiste à Imperial College à Londres au moment de la Grande Guerre, chercheur à la Cassel Cyanide Corp. à Glasgow (1918-1920), chargé de cours de chimie organique à Imperial College (1920), professeur de chimie organique à l’université de Leeds (1924-1930), puis à l’University College de Londres (1930-1961) – Son ouvrage Structure and Mechanism in Organic Chemistry (1953) a constitué, avec les travaux de Barton sur la stéréochimie, le point de départ d’une nouvelle ère en chimie organique. JORDAN, Pascual (1902-1980) – Études scientifiques à l’université de Hanovre puis à Göttingen. Élève de M. Born (1924), thèse en 1926 – Professeur sous contrat à Hambourg (1926), puis de physique théorique à Rostock (1929). Après la seconde guerre mondiale, il enseigne à l’université de Hambourg (1947-1970) – Travaux en physique quantique et sur la théorie de la relativité. KANE, Robert John (1809-1890) – Études au Trinity College de Dublin – Professeur de chimie à Apothicaries Hall de Dublin, puis professeur de philosophie de la Nature (étude des sciences de la Nature) de la Royal Dublin Society (1834), fondateur et directeur du Museum of Economic Geology de Dublin (1845) – Découverte de l’arséniure de manganèse (1829), identification du radical éthyle dans l’éthanol, de l’oxyde de diéthyle et de quelques esters (1833), obtention du mésitylène par action d’acide sulfurique sur l’acétone (1837).
Brèves biographies des principaux chimistes et physiciens cités
KARSTEN, Karl Johann Bernhard (1782-1853) – Études de médecine, minéralogie, métallurgie et ingénierie des mines à Rostock et Berlin, thèse (1802) « De affinitate chemica » – Activité professionnelle dans les domaines sidérurgique et minier, directeur des services miniers de Haute Silésie, puis de toute la Prusse (1821). Directeur (1817) de la monnaie à Breslau (aujourd’hui Wroclaw en Pologne) – Étude de la production du zinc à partir de calamine (1809), du fer, du plomb, du cuivre, de l’étain. Il a pressenti l’existence du cadmium en tant que corps simple. KASTNER, Karl Wilhelm Gottlob (1783-1857) – Études de chimie et de sciences naturelles, doctorat de chimie en 1805 – Maître de conférences à l’université de Iéna, puis successivement professeur de chimie à Heidelberg, Halle (1812), Bonn (1818) et Erlangen – Recherches sur la triboluminescence, directeur de thèse de J. Liebig. KEKULÉ, Friedrich August K. von Stradonitz (1829-1896) – Études d’architecture à Giessen (1847), puis de chimie chez Liebig à Giessen, chez Dumas et Gerhardt à Paris (1851-1852), doctorat sous la direction de Liebig à Giessen (1852), Habilitation à Heidelberg (1856) – Assistant de Stenhouse à Londres (1854), où il fait des rencontres fructueuses avec Williamson, Odling et Frankland. Professeur de chimie à Gent (Gand) en 1857, professeur à Bonn (1867) – Travaux sur la tétravalence du carbone, sur la structure du benzène, etc. (Voir les différents chapitres de cet ouvrage.) KILIANI, Heinrich (1855-1945) – Études de chimie, doctorat en 1880 sous la direction de E. Erlenmeyer et habilitation à l’université de Munich – Professeur de chimie organique à la Technische Hochschule de Munich (1892), puis de chimie physiologique à Freiburg/Breisgau (1897-1920) – Recherches sur la structure des glucides, du glucose et du lévulose en particulier, synthèse de cyanhydrines (synthèse de KilianiFischer pour l’allongement de la chaîne des aldoses), découverte du digitoxose et du digitalose dans les aglycones des digitales (Digitalis lutea, D purpurea et D. grandiflora). KIRCHHOFF, Gustav Robert (1824-1887) – Études (1842) de mathématiques et de physique à Königsberg (aujourd’hui Kalinigrad en Russie), doctorat (1847) et habilitation (1848) à Berlin – professeur à Breslau (aujourd’hui Wroclaw en Pologne, 1850), professeur de physique à Heidelberg (1854), enfin professeur de physique mathématique à Berlin (1874-1886) – Travaux fondamentaux en électromagnétisme, rayonnement du corps noir. Créateur, avec Bunsen, de l’analyse spectrale, interprétation des lignes de Fraunhofer du spectre solaire (identité de la ligne D de ce spectre avec la raie D du sodium), découverte du césium et du rubidium avec Bunsen. KLAPROTH, Martin Heinrich (1743-1817) – Études de pharmacie – Pharmacien d’officine à Berlin (1771-1800), chimiste de l’Académie des sciences de Berlin (1800) et accessoirement professeur de l’École d’artillerie, du Collegium medico-chirurgicum et de l’École des mines de Berlin, professeur de chimie de l’université de Berlin nouvellement créée (1810) – L’un des pères de la chimie analytique quantitative inorganique, auteur d’un grand nombre de procédures de travail, devenues ensuite des méthodes standards. Démonstration de l’identité de composition chimique entre l’aragonite et la calcite, découverte de quatre éléments, zirconium, uranium, chrome, cérium et confirmation, par voie analytique, de l’existence du tellure et du titane. KOLBE, Adolf Wilhelm Herrmann (1818-1884) – Études de chimie avec Wöhler à Göttingen (1838), puis Bunsen à Marburg (1842). Doctorat à Marburg (1843) – Assistant de Bunsen (1843-1845), puis de Playfair au Museum of Economic Geology de Londres (1845-1847), rédacteur du dictionnaire de chimie édité par Liebig et Wöhler (Braunschweig 1847-1851), professeur de chimie à Marburg (1851), puis à Leipzig (1865) – Expérimentateur remarquable en chimie organique. Préparation de l’acide trichlorométhanesulfonique (1845), synthèse de l’acide acétique exclusivement à partir de réactifs minéraux (nouvelle confirmation de l’inexistence d’une force vitale nécessaire à la synthèse de substances organiques). Hydrolyse des nitriles alipatiques en acides carboxyliques, identification du cacodyle avec la diméthylarsine, synthèse de
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l’acide salcylique à partir de phénol et de dioxyde de carbone en présence de sodium. Alors qu’il accepte l’idée de la tétravalence du carbone, il rejette violemment l’hypothèse du carbone tétraédrique de van’t Hoff. KÖRNER, Wilhelm (Gugliermo) (1839-1925) – Études d’ingénieur au Polytechnicum de Kassel (1856), études de chimie à Giessen (1859), doctorat en 1860 – Assistant de cours à Giessen (1860), Assistant de Kekulé à Gent (Gand) (1865), assistant de Cannizzaro à Palerme (1867), professeur de chimie organique à l’Institut Supérieur d’Agriculture de Milan (1870) et en outre à l’université technologique de Milan (1875) – Recherches sur les produits de disubstitution du benzène (1865), il introduit l’usage des préfixes ortho et méta, à côté de para. Démonstration de l’identité de propriétés des six atomes d’hydrogène du benzène (1869), structure de la pyridine, isomérie dans les dérivés benzéniques (1874), effet directeur du premier substituant du benzène. KOSSEL, Walther (1888-1956) – Études de physique à Heidelberg et Berlin (19061911), doctorat à Heidelberg (1911), habilitation en 1920 à Munich – Assistant à l’Institut de physique de l’Université technologique de Munich (1913-1920), professeur de physique théorique à Kiel (1921), puis (1932) à Danzig (aujourd’hui Gdanzk en Pologne) et Tübingen (1947) – Théorie de la valence, interprétation de la formation de composés polaires et complexes (1915), études des spectres de rayons X, des cristaux ioniques et de leurs forces de cohésion. LADENBURG, Albert (184-1911) – Études au Polytechnicum de Karsruhe, puis de chimie, mathématiques et physique à Heidelberg (1860) et Berlin (1862), où il obtient son doctorat (1863), habilitation à Heidelberg (1868), travaux post-doctoraux chez Kekulé à Gent (Gand, 1865), puis à Paris (1866-1868) – Professeur à Kiel (1872), puis Breslau (aujourd’hui Wroclaw, en Pologne) en 1889 – Recherches sur la tétravalence du silicium et du carbone (avec Friedel), préparation de composés organisiliciques (tétraéthylsilane) et organo-stanniques (1867), établissement de formules du benzène alternatives à celles de Kekulé (1869), préparation du benzimidazole (1875), étude d’alcaloïdes et synthèse de l’atropine, de la coniine et de l’α-picoline (1886), préparation d’ozone pure et établissement de sa formule. LANGMUIR, Irving (1881-1957) – Études d’ingénieur métallurgiste à la Columbia School of Mines, formation de chimie-physique chez Nernst à Göttingen (19031906), thèse sous sa direction en 1906 – Professeur de chimie au Stevens Institute for Technology à Hoboken (NJ) (1906-1909), directeur d’un laboratoire de recherches à la General Electric Comp. (1909-1950) – Étude de réactions chimiques à température élevée et faible pression (1906-1920), effets thermiques dans les gaz (1911-1936), émission thermo-ionique dans le vide (1913-1937), films de composés chimiques et effets de surface (1916-1943), structure des atomes (1919-1921) et théorie de l’octet (avec Lewis, 1919), décharges électriques dans les gaz (1923-1932). Ses recherches relèvent pour la plupart du domaine des applications, il est l’inventeur des ampoules électriques à fil métallique en spirale et en atmosphère de gaz inerte (1913), du chalumeau à hydrogène atomique (1924) – Prix Nobel de chimie en 1932. LAURENT, Auguste (1808-1853) Remarque : La plupart des documents consultables indiquent le 14/11/1807 comme date de naissance, mais É. Grimaux, l’un de ses biographes, dit que la date correcte est le 14/09/1808 cf. Revue Scientifique et Industrielle, éd. Quesneville, 1896, 6,161, 203 – Études à l’École des mines de Paris (1826-1829), ingénieur des Mines (1830), doctorat ès Sciences (1837) – Assistant de Dumas à l’École centrale des arts et métiers (1830-1831), ingénieur-chimiste à la Manufacture de porcelaines de Sèvres (1831-1834), professeur de chimie à Bordeaux (1838-1845), Contrôleur de la Monnaie (1848) – Isolation du naphtalène du goudron de houille (1831) et ses réactions avec le chlore et l’acide nitrique. Obtention de l’anthracène (avec Dumas, 1835), préparation de l’anthraquinone (1836), théorie des noyaux (1836), théories structurales avec Gerhardt (1844-1853).
Brèves biographies des principaux chimistes et physiciens cités
LAVOISIER, Antoine Laurent (1743-1794) – Études juridiques (1760-1764), études de chimie avec Rouelle et Guettard (minéralogiste dont il devient le collaborateur) – Fermier Royal (chargé de la collecte des impôts), Directeur du Service des Poudres (1775) et de nombreuses commissions de l’Académie royale des Sciences dont il devient membre dès 1768 – Étude du gypse (1765), études sur la combustion (1772) qui conduisent au rejet de la théorie du « phlogiston », théorie des oxacides, démonstration de la formation de gaz carbonique dans la respiration, mise à mort du concept de l’eau en tant que l’un des quatre Éléments des Anciens en prouvant que l’eau est un composé formé d’hydrogène et d’oxygène. Renouveau du langage de la chimie, grâce à une nomenclature rationnelle (avec Berthollet, Fourcroy et Guyton de Morveau (1787) ; Traité élémentaire de chimie qui constitue l’acte de naissance de la chimie moderne. Amélioration des méthodes de l’agriculture (1778), relevés météorologiques quotidiens de 1763 au jour de sa mort. LE BEL, Joseph Achille (1847-1930) – Élève de l’École polytechnique – Assistant de Balard à l’École polytechnique et au laboratoire de Würtz. Le Bel était l’un des plus importants actionnaires de la société exploitant le seul gisement de pétrole de France connu de son temps (Pechelbronn, Bas-Rhin), directeur de cette entreprise de 1874 à 1889. Ses importants revenus lui ont permis de mener rapidement une vie de chercheur indépendant dans le domaine des sciences naturelles. Demeuré célibataire, il a légué tous ses biens à la Société Française de Chimie qui, en sa mémoire, attribue à intervalles réguliers une distinction scientifique, le Prix Le Bel – Par l’étude des relations entre l’asymétrie moléculaire et l’énantiotropie des cristaux, il aboutit à l’hypothèse du carbone tétraédrique, indépendamment et simultanément (1874) avec van’t Hoff. Préparation d’isomères optiques purs par action microbienne sur un mélange d’énantiomères – Membre de l’Académie des sciences (1929). LECOQ de BOISBAUDRAN, Paul Émile, dit François (1838-1912) – Autodidacte en sciences ; grâce à des polycopiés de cours de l’École polytechnique, il monte son propre laboratoire de recherches – Employé dans l’entreprise familiale de commerce de cognac, Boisbaudran profite de ses voyages d’affaires pour rencontrer des chimistes de différents pays et travaille en particulier avec Würtz à Paris – Recherches sur le phénomène de sursaturation des solutions salines et sur la cristallogenèse (18651875), travaux en spectroscopie de flamme et d’étincelle qu’il publie dans son ouvrage Spectres lumineux (1874) où les spectres obtenus sont représentés avec une minutie remarquable et qui font de lui une autorité dans sa discipline. Étude des terres rares et découverte du gallium (1875), samarium (1879), dysprosium (1886), europium (1892), confirmation du caractère de corps simple du terbium et du holmium – Prix Bordin de l’Académie des sciences (1872), membre correspondant de l’Institut (1878), Médaille Davy de la Royal Society (1879), Prix Lacaze de l’Académie des sciences (1879), chevalier de la Légion d’Honneur (1876). LÉMERY, Nicolas (1645-1715) – Apprentissage d’apothicaire à Rouen, puis études au Jardin du Roy à Paris avec Glaser (1666), études de pharmacie à Montpellier (16681671) où il donne déjà des cours de chimie fréquentés même par les professeurs de l’université – Pharmacien du Prince de Condé à Paris (1672), puis création d’une officine dans laquelle il dispense des cours « avec expérimentations » qui fondent sa réputation. Protestant, il tombe en défaveur en 1681, renonce (ou est obligé de renoncer) à une chaire de chimie à Berlin (alors la ville des huguenots qui quittent la France sous la pression de l’entourage catholique du roi), mais voyage en Angleterre et présente la cinquième édition de son Cours de Chymie à Charles II. La révocation de l’Édit de Nantes (1685) anéantit ses droits d’exercice de la pharmacie et ceux d’enseignement. Suite à des pressions (il dit « j’ai vu la Bastille de près »), il se convertit à la religion d’État (1686) et peut reprendre ses activités pharmaceutiques, ainsi que ses cours à la faculté de médecine. En 1699 il est nommé membre de l’Académie – Le Cours de
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Chymie de Lémery a été publié en 1675 et devient rapidement très populaire (onze éditions revues par l’auteur, d’autres post mortem, cinq éditions pirates au moins ont été répertoriées, traductions en latin, anglais, allemand, néerlandais, italien et espagnol), Fontenelle dit de cet ouvrage qu’il « se vendit comme un Ouvrage de Galanterie ou de Satyre ». Lémery est aussi auteur d’une Pharmacopée Universelle. LENARD, Philipp von (1862-1947) – Études de physique à Budapest, Vienne, Berlin et Heidelberg (avec Bunsen et Helmholtz), doctorat à Heidelberg en 1886 – Assistant de Hertz à Bonn (1892), successivement professeur de physique à Breslau (1894), Aachen (Aix-la-Chapelle, 1895), Heidelberg (1896) et Kiel (1898) – Ses recherches ont successivement porté sur la mécanique, la phosphorescence et l’électroluminescence, les rayons cathodiques, l’effet photoélectrique et l’origine des raies spectrales – Prix Nobel de physique 1908. LENNARD-JONES, Sir John Edward, JONES jusqu’en 1925 (1894-1954) – Études de mathématiques à Manchester, puis Cambridge, doctorat en 1924 – Ass. Prof., puis professeur de mathématiques et de physique théorique à Bristol (1925), professeur de chimie théorique à Cambridge (1932) – Contributions à la théorie cinétique des gaz (1932), recherches sur les forces interatomiques, applications de la mécanique quantique, processus chimiques à la surface de métaux. LEWIS, Gilbert Newton (1875-1946) – Études à l’université du Nebraska à Lincoln (1891), puis à Harvard University (BSc en 1896, MA en 1898, DPh en 1899), travaux post-doctoraux à Göttingen et Leipzig (1901) – Enseignant de thermodynamique et d’électrochimie à Harvard University (1901), chimiste du Bureau des poids et mesures de Manille (1904), Ass. Prof. au MIT à Cambridge (Massachusetts) en 1907, directeur et professeur de chimie physique du College of Chemistry de l’université de Californie à Berkeley (1912) – Travaux de thermodynamique, rayonnement du corps noir et la pression de radiation de la lumière, établissement d’un modèle cubique de la structure des atomes (1916), détermination des énergies de liaison, théorie des acides de Lewis (1923), séparation d’isotopes et obtention de deutérium pratiquement pur en 1933. LIEBERMANN, Carl Theodor (1842-1914) – Études d’histoire de l’art à Berlin (1859), puis de chimie (1860), doctorat sous la direction de von Baeyer (1865), habilitation en 1870 – Coloriste à Mulhouse chez Koechlin & Baumgarten (1865), puis dans l’entreprise familiale de cotonnade à Berlin (1866). Chimiste collaborateur de Graebe à l’Académie des arts et métiers de Berlin (1867), assistant de von Baeyer (1869), Privatdozent (professeur non rémunéré) à l’Académie des Arts et Métiers, ainsi qu’à l’université de Berlin. Professeur de chimie à l’université de Berlin (1879) – Identification de l’alizarine en tant que dérivé de l’anthracène (1868) et en 1869 synthèse de l’alizarine (avec Graebe), étude de dérivés de l’anthracène et de l’anthraquinone (1874-1882), de colorants naturels et synthétiques. LIEBIG, Justus, Freiherr von (1803-1873) – Études de chimie à Bonn (1820) et Erlangen (1822) chez Kastner, puis à Paris (1822-1824) où il suit les cours de Thenard, Gay-Lussac, Dulong, Désormes, doctorat de l’université d’Erlangen (sur la base de ses travaux à Paris) – Professeur à Giessen (1824) où il introduit les travaux pratiques comme partie intégrante de la formation des chimistes. Professeur à Munich (1852) – Travaux sur les fulminates (1823) qui ont attiré l’attention de Gay-Lussac et ont été à la base d’une coopération scientifique. Recherches sur les acides urique, hippurique, camphorique, détermination de la composition de la salicine, de la coniine et de la caféine, préparation du chloral et du chloroforme. Examen des propriétés chimiques du benzaldéhyde et théorie des radicaux avec Wöhler. Applications de la chimie dans l’agriculture, décrites dans ses Lettres sur la Chimie (1841-1844). LONDON, Fritz Wolfgang (1900-1954) – Études initiales de philosophie (doctorat de philosophie en 1921 à Munich), puis de physique théorique avec Sommerfeld à Munich (1925), bourse d’études à l’université de Zurich (1927) – Enseignant de
Brèves biographies des principaux chimistes et physiciens cités
philosophie (1921-1925), assistant de Schrödinger à Berlin (1928-1933). Chassé par les autorités nazies, il travaille de 1933-1936 à l’université d’Oxford, puis de 1936 à 1939 comme maître, et ensuite directeur, de recherches au CNRS à Paris. Professeur de chimie théorique à Duke University (1939-1954) – Travaux de spectroscopie (interprétation de spectres de bandes) et de chimie quantique, fondements théoriques de la liaison homopolaire, étude des forces de van der Waals (avec Schrödinger), recherches sur la supraconductivié, découverte de la superfluidité de l’hélium. LONGUET-HIGGINS, Hugh Chistopher (1923-2004) – Études de chimie à Oxford sous la direction de C. Coulson, stages post-doctoraux à Chicago et Manchester – Professeur de physique théorique au King’s College de Londres en 1952, puis de chimie théorique en 1954 à l’université de Cambridge. Il met un tournant à sa carrière en 1967 en se consacrant à l’intelligence artificielle et l’étude du cerveau – Recherches sur la théorie des orbitales moléculaires appliquée aux systèmes conjugués en relation avec la réactivité, travaux sur la symétrie moléculaire et les groupes de symétrie, etc. LOSCHMIDT, Josef (1821-1895) – Études de philosophie et de philologie à Prague (1839), sciences de la nature à Vienne (1841-1843) – Emploi dans l’industrie après un stage à l’Institut Polytechnique de Vienne, professeur de chimie, physique et mathématiques dans un lycée technique de Vienne (1856), professeur de chimie-physique à l’université de Vienne – Recherches en cristallographie, détermination de la valeur numérique du nombre d’Avogadro à l’aide de la théorie cinétique des gaz de son collègue et ami Boltzmann. Détermination du rayon d’action des atomes, représentation des molécules carbonées selon in principe d’assemblage qui le conduit à représenter les liaisons multiples par des traits, les liaisons simples par des contacts entre cercles représentatifs des différentes espèces atomiques. MARSDEN, Sir Ernest (1889-1970) – Élève de Rutherford à l’université Victoria de Manchester – Nommé en 1914 professeur de physique au Victoria College de l’université de Nouvelle Zélande, adjoint au directeur du département de l’éducation en 1922 puis secrétaire du département des recherches scientifiques et industrielles en 1926 – Réalise à Manchester en 1909, avec H. Geiger, l’expérience de la déviation des particules α par une feuille d’or, travaille sur la mise au point des radars pendant la seconde guerre mondiale – Nommé membre de la Société Royale de Nouvelle Zélande (1946) puis président (1947). MENDELÉEV, Dmitriij Ivanovic* (1834-1907) – Études de mathématiques et sciences physiques avec Voskresenskij entre autres à la faculté de pédagogie de SaintPétersbourg(1850). Thèse en 1856, habilitation en 1856 à Saint-Petersbourg, recherches post-doctorales à Heidelberg (1859-1860) – Professeur de lycée à Simféropol (1855) et Odessa. Assistant-professeur à l’université de Saint-Pétersbourg (1860) et parallèlement professeur de chimie à l’Institut de technologie (1864-1866). Professeur titulaire de chimie en 1867 – Travaux sur l’isomorphisme, les masses atomiques et les volumes spécifiques (1856), théorie de l’origine minérale des pétroles, système périodique (1869). Exclu de l’université en 1890 à cause de son soutien apporté à des revendications estudiantines, Mendeléev se voue à l’amélioration de l’agriculture, au développement de l’industrie chimique et pétrolière, ainsi que de la sidérurgie en Russie, intervient pour le droit d’accès des femmes aux études supérieures et est nommé directeur du service russe de Poids et Mesures (1892-1907) – Médaille Davy de la Royal Society en 1895. MEYER, Julius Lothar (1830-1895) – Études de médecine à Zurich (1851) et Würzburg (Dr. med. 1854), stage chez Bunsen à Heidelberg pour l’étude des méthodes d’analyse des gaz. Études de mathématiques et de physique en 1856 à Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad en Russie). Thèse sur l’action du monoxyde de carbone sur le sang en 1858 à Breslau (aujourd’hui Wroclaw en Pologne), Habilitation en 1859 à Breslau – Directeur du laboratoire de chimie de l’institut de physiologie de l’université de Breslau (1860). Enseignant à l’Académie des eaux et forêts de Neustadt-Eberswalde
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(1866). Directeur du laboratoire de chimie du Polytechnicum de Karlsruhe (1867), professeur de chimie à Tübingen (1876-1907). Rector (Président) de cette université en 1894-1895 – Par l’étude du classement des éléments chimiques à partir de la considération de leurs propriétés atomiques, L. Meyer aboutit en 1868 à un dispositif périodique comportant des cases vacantes, analogue au tableau que Mendeléev publie en 1869. Il n’utilise d’abord son schéma que dans son cours, se privant ainsi de la priorité. À la suite de sa controverse sur le sujet avec Mendeléev, il présente et explicite son travail dans les Annalen der Chemie, Supplementband 7, 354-364, (1870), sans plus y revenir ensuite – Médaille Davy de la Royal Society en 1882. MEYER, Viktor (1848-1897) – Études de chimie à Berlin (1865), puis à Heidelberg (1867), où il soutient une thèse en 1867 sous la direction de Bunsen – Assistant de Bunsen (1867), enseignant à l’Académie des arts et métiers de Berlin (1868-1871), Assistant-professeur au Polytechnicum de Stuttgart (1871), Professeur de chimie à l’École polytechnique (ETH) de Zurich (1872-1885), professeur à Göttingen (successeur de Wöhler, 1885-1888), enfin professeur à Heidelberg (successeur de son maître Bunsen, 1888) – Méthode de carboxylation des noyaux aromatiques (1870), découverte des nitroalcanes (1872) et de leurs réactions, détermination des masses atomiques par la méthode des densités de vapeur, découverte et étude du thiofène, identification des composés carbonylés par leurs oximes (1882), obtention des deux stéréoisomères du benzildioxime, définition de l’empêchement stérique. MITSCHERLICH, Eilhard (1794-1863) – Études de Lettres à Heidelberg (1811), puis Paris (1813) et Göttingen (Dr. phil. 1814), études de médecine (1817) à Göttingen, puis Berlin (1818), études de chimie à Berlin (1818) et Stockholm (1819-821) auprès de Berzelius – Assistant-professeur (1822), puis professeur de chimie (1825-1863) à Berlin – Recherches de chimie minérale, organique, minéralogie, géologie et physique. Isomorphisme (1819) et polymorphisme des cristaux, mise au point d’un goniomètre, étude de la biréfringence avec Fresnel (1824), étude des échanges de chaleur lors des modifications de structures cristallines. Découverte du triiodure d’azote (1815), de l’acide sélénieux (1827), préparation du nitrobenzène, de l’azobenzène, de l’acide benzènesulfonique, démonstration de la formation, à parts égales, de glucose et de lévulose, lors de l’inversion du saccharose. MOHR, Ernst (1873-1926) – Professeur de chimie à Heidelberg – il relance en 1918 l’hypothèse de la non-planéité du cyclohexane, émise dès 1892 par H. Sachse et montre, à l’aide de modèles, que le cyclohexane est dépourvu de tension et que le passage d’une forme chaise à une autre ou à la forme bateau ne réclame que peu d’énergie (1922). En appliquant son hypothèse à la décaline, il prédit l’existence de deux décalines, cis- et trans-. La préparation de celles-ci par W. Hückel en 1925 valide définitivement l’hypothèse de Sachse-Mohr . MOSELEY, Henry Gwyn Jeffreys (1887-1915) – Études scientifiques (1906) au Trinity College d’Oxford, puis à l’université Victoria de Manchester avec E. Rutherford (1910). Retour à Oxford en 1914, mais est tué au cours de la première guerre mondiale (1915) – Trouve en 1913 une relation entre la longueur d’onde des rayonnements X émis par les éléments et leur numéro atomique. MULLIKEN, Robert Sanderson (1896-1986) – Entreprend ses études au MIT (1913), docteur de l’université de Chicago (1921), chercheur à Chicago puis à Harvard (1921-1925), séjours en Europe en 1925 et 1927 où il rencontre Schrödinger, Dirac, Heisenberg, de Broglie, Born et Hund – Assistant de physique à l’université de New York (1926-1928), professeur associé (1928-1931), puis professeur de physique (19311961) et de chimie (1961) à l’université de Chicago – Recherches sur les spectres de bande des molécules diatomiques, développement à partir de 1927, avec Hund, de la théorie des orbitales moléculaires, proposition d’une échelle de mesure de l’électronégativité des éléments, travaux sur les aspects mathématiques de la théorie des
Brèves biographies des principaux chimistes et physiciens cités
orbitales moléculaires, sur la structure des molécules et la spectroscopie – Membre de l’Académie des sciences des États-Unis en 1936, attaché scientifique à l’ambassade des États-Unis à Londres (1955), prix Nobel de chimie en 1966. NAGAOKA, Hantaro (1865-1950) – Études à l’université de Tokyo (diplomé en 1887), de 1892 à 1896 séjours à Vienne, Berlin et Munich, où il suit les cours de Boltzmann et Maxwell – Professeur de physique à l’université de Tokyo (1901), puis président de cette université (1931-1934) – En 1903-1904, Nagaoka développe un modèle « saturnien » de l’atome reposant sur une analogie avec la stabilité des anneaux de saturne (modèle qu’il abandonne en 1908), poursuite des recherches en spectroscopie pour comprendre l’arrangement des électrons dans l’atome. NAQUET, Alfred Joseph (1834-1916) – Études de médecine à Paris, thèse en 1839 (Application de l’analyse chimique à la toxicologie) – Professeur de chimie à la Faculté de médecine de Paris en 1863 et la même année à l’université de Palerme – Perte de son poste de professeur en même temps que de ses droits civiques en 1867, suite à une condamnation pour appartenance à une société secrète. Membre de l’Alliance Internationale de la Démocratie Socialiste fondée en 1868 par Michel Bakounine, il est de nouveau condamné en 1869 et se réfugie en Espagne. De retour en France en 1871, il se consacre alors essentiellement à la politique : plusieurs mandats de député et sénateur du Vaucluse entre 1872 et 1898, soutien du général Boulanger et l’un des animateurs du parti boulangiste, le scandale de Panama (1898) met fin à sa carrière politique marquée par la loi sur le divorce judiciaire qu’il réussit à faire voter (335 pour/115 contre) le 27 juillet 1894 et par son militantisme pour la séparation de l’Église et de l’État, réalisée en 1905 (loi Combes) – Auteur d’ouvrages de chimie : Les principes de chimie fondés sur les théories modernes (1865) qui atteint sa 5e édition en 1890 et Précis de chimie légale en 1873. NEWLANDS, John Alexander Reina (1837-1898) – Études au Royal College de Londres (1856) auprès de A.W. Hofmann – Assistant à la Royal Agricultural Society (1857). Newlands prend un congé en 1859 pour participer à l’expédition de Garibaldi contre les Autrichiens. Avec son frère, création d’un laboratoire d’analyses chimiques (1864), 1868 ingénieur-chimiste en chef d’une raffinerie de sucre, 1886 retour au laboratoire familial d’analyses chimiques – Auteur d’un procédé de purification du sucre. Étude des propriétés des éléments chimiques, avec mise en évidence de groupes aux propriétés voisines et énoncé de la « loi des octaves », puis d’un système périodique dans lequel il laisse, comme plus tard Mendeléev, des positions vides pour des éléments inconnus dont il prévoit l’existence. NEWMAN, Melvin Spencer (1908-1993) – Études à l’université de Yale (19251932), Doctorat en 1932, séjours post-doctoraux à Columbia University puis à Harvard – Enseignant à Ohio State University, où il est nommé assistant professeur en 1940 puis professeur en 1944 – Recherches sur les hydrocarbures aromatiques polynucléaires, synthèses de l’hexahélicène et du carbonate de vinylène, étude des effets stériques en chimie organique, introduction de la « projection de Newman » pour représenter les isomères de conformation – Élu membre de l’Académie des sciences des USA en 1956. NICHOLSON, William (1753-1815) – Études d’ingénieur et d’économie – Cadre à la Compagnie des Indes Occidentales (1769-1775), directeur commercial d’une manufacture de poteries à Amsterdam, enseignant dans une école de mathématiques de Londres. Nicholson s’intéresse à la chimie à la suite de la controverse entre Lavoisier et les chimistes britanniques (Kirwan et Priestley en particulier) au sujet du phlogistique. Rallié aux idées de Lavoisier, il traduit en anglais (1789) la critique par les chimistes lavoisiens de l’ouvrage de Kirwan, « An essay on phlogiston and the constitution of acids », puis les « Leçons élémentaires d’histoire naturelle et de chimie » de Fourcroy (1788/9) et les « Éléments de chymie » de Chaptal (1791). Il publie ensuite ses propres ouvrages
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« First principles of chemistry » (1790) et « A chemical dictionnary » (1795), crée et édite une revue : « Journal of Natural Philosophy, Chemistry and the Arts » (Nicholson’s Journal) (1797-1814) – On lui doit l’invention d’un aréomètre, l’« hydromètre » pour la mesure de la densité des liquides, d’un électromètre et de la réalisation, avec Carlisle, de l’électrolyse de l’eau au moyen d’une pile de Volta (1800), construite d’après les indications contenues dans une lettre de Volta au président de la Royal Society of London, communiquée par ce dernier. NYHOLM, Sir Ronald Sydney (1917-1971) – Études à l’université de Sydney (M.Sc. en 1942) puis à l’University College de Londres, doctorat sous la direction de C.K. Ingold en 1953 – Maître assistant puis maître de conférences de chimie au Collège Technique de Sydney (1940-1951), professeur associé de chimie inorganique à l’université technologique de la Nouvelle Galles du Sud (1952-1954), puis professeur de chimie à l’University College de Londres (1955) – Recherches sur la chimie de coordination, préparation de composés stables de métaux de transition dans un état de valence supposé instable, développe avec R. Gillespie la théorie VSEPR – Élu membre de la Royal Society en 1958, Président de la Chemical Society en 1968, responsable du projet Nuffield pour renouveler l’enseignement de la chimie. ODLING, William (1829-1921) – Études de médecine (1846), chimie (1848) et physiologie (1851), stage d’études auprès de Gerhardt à Paris – Enseignant de chimie à la Royal Institution (1855), Medical Officer of Health du quartier de Lambeth et conseiller scientifique de la London Water Supply. Professeur de chimie au St. Bartholomew’s Hospital de Londres (1863), puis de la Royal Institution (1867) et enfin à Oxford (1872) – Définition de la valence chimique (1855), théorie des types, classement des éléments en treize groupes, détermination de la trivalence de l’aluminium. Premier tableau périodique des éléments concordant avec ceux de Mendeléev et de L. Meyer (1865), mais en sous-estimant l’intérêt de ce tableau. OERSTED, Johann Christian (1777-1851) – Apprentissage de la pharmacie dès l’âge de douze ans dans la pharmacie familiale, études de médecine, physique et astronomie (1794) à Copenhague, doctorat en 1799 – Gestion de la pharmacie familiale (1800), professeur de physique à l’université de Copenhague (1806), directeur du Polytechnicum de Copenhague (1829) – Recherches en acoustique, effets galvaniques, effet magnétique du courant électrique (1820). Loi fondamentale de l’électromagnétisme (1820), reformulée quelques mois plus tard par Ampère. Effets de chaleur dans la compression des gaz et des liquides. OPPENHEIMER, Jacob Robert (1904-1967) – Études à l’université de Harvard (diplomé en 1925), puis séjour postdoctoral au Cavendish Laboratory de Cambrige chez Rutherford. Départ en 1926 à l’université de Göttingen pour travailler en physique théorique avec M. Born. Il y rencontre Heisenberg, Jordan, Pauli, Dirac, Fermi et Teller. Doctorat en 1927. Retour comme chercheur à Harvard puis à l’Institut de technologie de Californie (Caltech) (1928) – Assistant professeur de physique à l’université de Californie à Berkeley et à CALTECH à Pasadena (1929), nommé directeur scientifique du projet Manhattan pour le développement de la bombe atomique en 1942, installation du laboratoire de Los Alamos au Nouveau Mexique, où le premier essai d’explosion d’une bombe aura lieu en 1945. Président du comité consultatif de la Commission de l’Énergie Atomique (1947-1952) et Directeur de l’Institut for Advanced Studies de Princeton (1947-1966) – Il est considéré comme le fondateur de l’école américaine de physique théorique avec ses travaux en physique quantique, astrophysique, physique nucléaire, spectroscopie, sur les rayons cosmiques, etc. On lui doit l’approximation de Born-Oppeinheimer consistant à séparer le mouvement des noyaux du mouvement des électrons dans le traitement mathématique des molécules. PARSON, Alfred Lauck (1889-1970) – Diplomé de l’université de Harvard, étudiant visiteur à l’université de Californie de Berkeley (1913-1915), où il rencontre G.N. Lewis
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et lui présente ses travaux – Proposition d’une théorie assimilant l’atome à un petit aimant (magnéton) et suggérant que la liaison chimique résulte de l’interaction entre deux électrons partagés par deux atomes (1915). PASTEUR, Louis (1822-1895) – Élève du Collège des Arts de Besançon (1839-1842) et de l’École normale supérieure (1843-1847), doctorat en 1847 – Assistant de Balard (1847), professeur au lycée de Dijon (1848), professeur de chimie à l’université de Strasbourg (1849), professeur et doyen de la faculté des sciences de Lille (1854), directeur de l’École normale supérieure à Paris (1857), professeur à la Sorbonne (1867-1875) – Découverte de l’hémiédrie des acides tartriques, séparation des antipodes optiques de l’acide tartrique, dissymétrie moléculaire et pouvoir rotatoire, nécessité d’une structure tridimensionnelle pour les molécules douées de pouvoir rotatoire. Démonstration de la structure asymétrique des molécules constituant les organismes vivants. En dehors de ses recherches d’ordre chimique, Pasteur a surtout étudié des problèmes d’ordre physiologique, bactériologique (lutte contre la théorie de la « panspermie »), fermentations, maladie des vers à soie, immunologie (vaccin contre la rage, maladie du charbon), « pasteurisation » des aliments, etc. – Fondation de l’Institut Pasteur en 1889, dirigé par Pasteur jusqu’à son décès – Membre de l’Académie des sciences (1862), Grand Prix de l’Exposition Universelle de Paris (1867), membre de l’Académie de médecine (1873), membre de l’Académie française (1881). PATERNÒ, Emanuele, Marchese di Sessa (1847-1931) – Études de chimie à Palerme et Turin (1860-1869), doctorat en 1871 – Professeur de chimie générale à Palerme (1872), professeur de chimie appliquée, puis chimie générale à Rome (1893) – Recherches sur la synthèse du chloral, préparation du trichloracétal et du dichloracétaldéhyde, synthèse du crotonaldéhyde (1869), réactions photochimiques. Démonstration de l’action catalytique du charbon animal par la synthèse du phosgène à partir de CO et de Cl2. Recherches sur les composés aromatiques fluorés, cycloaddition photochimique de composés carbonyles sur la double liaison éthylénique (réaction de Paternò- Büchi). Fondateur de la Gazzetta Chimica Italiana (1871). PAULI, Wolfgang (1900-1958) – Études à l’université de Munich (1918), travail avec Sommerfeld, doctorat en 1921 – Assistant de Born à Göttingen (1922), séjour chez N. Bohr à Copenhague (1922-1923), maître de conférences à Hambourg (1924), professeur de physique théorique à Zurich (1928), professeur invité de diverses universités américaines (Princeton, Michigan, Purdue – 1935-1942), professeur titulaire à Princeton (1940), puis retour à Zurich – Thèse sur la théorie quantique de la molécule d’hydrogène ionisée, introduction du nombre quantique de spin pour caractériser l’électron (1924), principe d’exclusion (1928), prévision mathématique de l’existence du neutron (1931), etc. – Prix Nobel de physique en 1945. PAULING, Linus (1901-1992) – Élève de l’Oregon State College (BSc. de génie chimique, 1922), doctorat au California Technology Institute à Pasadena (1925) – Enseignant d’analyse quantitative à Oregon State College (1919-1920), répétiteur, puis professeur de chimie et de génie chimique au CALTECH (1922-1963). Professeur de sciences physiques et biologiques au Center for the study of Democratic Institutions à Santa Barbara (1963), professeur de chimie à l’université de Californie à San Diego (1967), puis à Stanford University (1969). En 1973 Pauling devient professeur de chimie à l’Institut Linus Pauling pour les sciences de la nature et la médecine – Recherches sur la nature de la liaison chimique, sur les propriétés magnétiques. Étude de systèmes sérologiques, de la structure d’anticorps, de protéines et de problèmes médico-chimiques divers. Application de la mécanique quantique à l’étude de la structure moléculaire et la liaison chimique (Valence Bond method) – Prix Nobel de chimie en 1954, Prix Nobel de la Paix en 1962. PÉLIGOT, Eugène Melchior (1811-1890) – Élève de l’École centrale des arts et manufactures (1829) – Chimiste au service de Dumas au laboratoire de l’École polytechnique
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(1831-1835), professeur de chimie à l’École centrale des arts et manufactures (1835), puis au Conservatoire des arts et métiers (1841), Essayeur de la Monnaie dont il devient directeur en 1880 – Recherches sur le procédé des « chambres de plomb » (fabrication de l’acide sulfurique), préparation de l’uranium métal, mise au point de la technologie de la fabrication du sucre de betteraves, technologie de la fabrication des verres. PELLETIER, Pierre Joseph (1788-1842) – Études de pharmacie – Professeur d’histoire naturelle à l’École supérieure de pharmacie (1815) dont il est directeur en 1832 – Chimie des substances naturelles ; avec Caventou il crée le terme « chlorophylle », préparation de la vératrine et de l’émétine, découverte de l’acide crotonique, avec Caventou extraction de la strychnine et de la brucine de la « noix vomique » (Strychnos vomicus), de la caféine, de la quinine et de la cinchonine. PERKIN, Sir William Henry sen. (1838-1907) – Études à quinze ans au Royal College of Chemistry de Londres (1853) chez A.W. Hofmann – Assistant de A.W. Hofmann (1855), carrière industrielle à partir de 1856, recherches privées à partir de 1884 – Réduction de composés aromatiques nitrés et obtention de l’aminoazonaphtalène, premier colorant de type azo-composé (1856). En cherchant à synthétiser la quinine, Perkin obtient la « pourpre d’aniline » ou « mauvéine », le premier colorant synthétique breveté (1856) et commercialisé, immortalisé dans de nombreuses séries de timbres poste courants de Grande-Bretagne qui comportent chacune une vignette de cette teinte en souvenir de Perkin. Synthèse de la glycine, étude des liens entre les acides tartriques, succinique, maléique et fumarique (tous les quatre des acides dicarboxyliques en C4) (1860), synthèse de l’acide cinnamique (1867), du benzofuranne (1870). Recherches sur l’effet du champ magnétique sur le plan de polarisation de la lumière (1884). PERRIN, Jean (1870-1942) – Élève de l’École normale supérieure, doctorat ès Sciences en 1897 – Professeur de physique de l’enseignement secondaire (1894-1897), maître de conférences de chimie-physique (1897), puis professeur (1910 - 1940) à la Sorbonne. Départ aux États-Unis en 1940 avec d’autres atomistes français – Recherches sur les rayons cathodiques et les rayons X, mouvement brownien, méthode de calcul du nombre d’Avogadro. Charge électrique de l’électron. Auteur de deux ouvrages remarquables par la clarté, le style et… le petit nombre d’équations : Les Principes (de la thermodynamique, 1901) et les Atomes (1913) – Membre de l’Académie des sciences en 1923, prix Nobel de physique en 1926, membre de l’équipe de fondation du Centre National de la Recherche Scientifique (1938). PETIT, Alexis Thérèse (1791-1820) – Élève de l’École polytechnique (1807-1809) – Professeur de physique au Lycée Bonaparte (1810), professeur de physique à l’École polytechnique (1814-1820) – Mesure des capacités calorifiques, règle de Dulong et Petit, étude de la dilatation cubique des métaux. PITZER, Kenneth Sanborn (1914-) – Études au Caltech de Pasadena (BSc, 1935), doctorat à Berkeley (1937) – Instructor (1937), puis Ass. Prof. à l’université de Berkeley (1939), professeur de chimie-physique en 1945. Parallèlement, directeur de recherches au Maryland Research Lab. à l’université de Maryland (1943-1945), directeur de recherches de l’Atomic Commission des États-Unis (1947) – Recherches d’analyse conformationnelle (1937), méthodes de calcul de statistique quantique applicables aux fonctions thermodynamiques complexes (entropie, chaleur massique, etc.). Recherches sur les borohydrures (1945) et les cycloalcanes de C7 à C12. PLANK, Max Karl Ernst (1858-1947) – Études de mathématiques et de physique à l’université de Munich, puis à Berlin avec Helmholtz et Kirchhoff, doctorat à Munich en 1879 – Maître assistant à Munich (1880-1886), professeur associé de physique théorique à Kiel (1885-1889), puis titulaire à Berlin (1889-1926), où il succède à Kirchhoff – Recherches en thermodynamique, électrocinétique, puis étude des radiations. L’étude
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du spectre d’émission du corps noir le conduit à déduire la relation entre l’énergie et la fréquence d’une radiation, introduction de la théorie des quanta (1904). PLÜCKER, Julius (1801-1868) – Études de mathématiques et de physique à Bonn, Heidelberg et Berlin, séjour à Paris (1823-1825), où il s’intéresse à la géométrie – Retour à Bonn où il devient professeur de mathématiques (1828) puis de physique (1847) – Recherches en géométrie analytique et projective ; recherches en physique : action des aimants sur la décharge électrique dans les gaz raréfiés, spectroscopie des gaz en collaboration avec Hittorf (selon Hittorf il fut le premier à voir les trois lignes du spectre de l’hydrogène). POPE, Sir William Jackson (1870-1939) – Études au Finsbury Technical College (1885) avec Armstrong qu’il suit en 1887 au Central Technical College of the City and Guilds of London Institute – Collaborateur de Armstrong, directeur du département de chimie du Goldsmiths’ Institute à Londres (1897), professeur à la Manchester School of Technology (1901), puis professeur de chimie à Cambridge (1908) – Cristallographie de dérivés du camphre (1893, 1895), résolution de racémates d’alcaloïdes à l’aide d’acides camphosulfoniques, séparation des isomères optiques d’ammoniums quaternaires(1899), préparation de composés soufrés et séléniés à activité optique. POWELL, Cecil Franck (1903-1969) – Études à l’université de Cambridge, collaboration avec C.T.R. Wilson et E. Rutherford au Cavendish Laboratory (1925-1927), doctorat en 1927 – Assistant de A.M. Tyndall à l’université de Bristol, puis maître de conférence et enfin professeur de physique en 1948 – Étude des phénomènes de condensation, identification de la nature des ions dans les gaz, construction d’un dispositif d’accélération des protons et des neutrons, inventeur d’une méthode utilisant une émulsion photographique pour identifier les particules en physique nucléaire – Élu membre de la Royal Society en 1949, prix Nobel de physique en 1950. PRELOG, Vladimir (1906-1998) – Études de chimie à l’université technologique de Prague (1924-1928), doctorat en 1929 – Ingénieur d’une entreprise chimique de Prague, professeur à l’université de Zagreb (1935), émigration en Suisse en 1941 et collaboration avec Ruz*ic*ka à l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH), puis en tant que Privatdozent (professeur non rémunéré, 1943), enfin professeur à ETH – Synthèse de l’adamantane (1941), recherches sur les stéroïdes, les alcaloïdes, etc., étude de cycles larges (en C16), méthode de synthèse de cycles larges à partir d’esters d’acides dicarboxyliques (cyclisation de Hanley-Prelog-Stoll, 1947), analyse conformationnelle, règle de séquence de Cahn-Ingold-Prelog (1956). PROUST, Joseph Louis (1754-1826) – Études de chimie à Paris auprès de Rouelle – Enseignant au lycée du Palais Royal et pharmacien chef de l’hôpital de la Salpêtrière, professeur de chimie au Real Seminario de Vergara (1777-1780), professeur de chimie à l’école d’artillerie de Segovia (1789), puis des universités de Salamanque et de Madrid. Chassé de Madrid lors de la guerre napoléonienne de 1808, il retourne en France – Préparation du tannin (1798) et de l’acide ascorbique (1801), loi des proportions constantes (1797), méthode de préparation du glucose à partir de raisin, découverte de la leucine (1818). RAMSAY, Sir William (1852-1916) – Études de chimie à Tübingen (1870), doctorat en 1872 – Assistant de chimie à l’Anderson College de Glasgow (1872), puis à l’université de Glasgow (1874). Professeur de chimie à l’université de Bristol (1880), professeur de chimie inorganique à l’université de Londres (1887) – Recherches en thermodynamique chimique (1886-1888), étude des oxydes de l’azote (1885-1890), analyse de l’air et découverte de l’argon (1894), de l’hélium (1895), du krypton, du néon et du xénon en 1898. Étude des produits de décomposition radioactive du radium. RAYLEIGH, Lord John William, STRUTT jusqu’en 1873 (1842-1919) – Études de mathématiques au Trinity College de Cambridge – Professeur de physique
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expérimentale et directeur du Cavendish Laboratory à Cambridge (1879), professeur de philosophie de la nature à la Royal Institution de Londres (1887) dont il a ensuite été président (1905), retour à Cambridge en 1908 – Étude du rayonnement du corps noir et autres travaux de recherche en physique – Prix Nobel de physique en 1904. RIECKE, Carl Viktor Eduard (1845-1915) – Professeur de physique à l’université de Göttingen en 1881. RICHTER, Jeremias Benjamin (1762-1807) – Études d’architecture à Breslau (aujourd’hui Wroclaw en Pologne), autodidacte en chimie, études de mathématiques chez Kant à Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad en Russie) à partir de 1785, thèse « De usu matheseos in chymia » (1789), basée sur la théorie du phlogiston – Essayeur et secrétaire de l’office minier de Breslau, second « arcaniste » (chimiste) à la manufacture de porcelaines de Berlin – Fondateur de la stœchiométrie, loi des proportions équivalentes (ou définies), méthode de séparation entre le cobalt et le nickel, préparation de la pourpre d’or. RICHTER, Theodor, Hieronymus (1824-1898) – Formation d’apothicaire, puis études à l’Académie des Mines de Freiberg (1843-1847), chimiste dans l’Entreprise Minière de Freiberg dont il devient le chimiste en titre. Assesseur du service des mines de Saxe (1867), Chargé de cours sur les méthodes d’analyse chimique au chalumeau à l’Académie des Mines (1856), puis professeur de chimie technologique (1863) et directeur de l’Académie (1875) – Découverte de l’indium en collaboration avec F. Reich (1863) au cours de l’analyse spectroscopique d’un échantillon de sphalérite (émission d’une raie de couleur voisine du bleu indigo, d’où le nom), isolation de l’indium métallique (1867). ROBINSON, Sir Robert (1886-1975) – Études de chimie à Manchester avec Perkin Jr, doctorat en 1910 – Professeur de chimie pure et appliquée à Sydney (Australie) en 1912, professeur de chimie organique à Liverpool (1915), directeur de recherches de la British Dyestuff Corp. (1920), professeur de chimie à St. Andrew’s University à Dundee (1921), professeur de chimie organique à Manchester (1922), puis à Londres (1928), enfin à Oxford (1930) – Auteur de synthèses élégantes, identification de structures, contributions fondamentales à l’interprétation électronique des réactions, étude des anthocyanes (1938), structures de la morphine, papavérine, narcotine, strychnine, brucine. Oxydation de la cathéchine en cyanidine (1935), synthèses de quinoline et d’indoles, cétoannellation de Robinson-Mannich (1938), synthèse de la tropinone (1917), synthèse de la pénicilline – Prix Nobel de chimie en 1947. ROSANOFF, Martin André (1874-1951) – Études à Nikolaev (Russie), Berlin, Paris puis à l’université de New York – Emplois divers à New York City, Pittsburgh et à l’Institut Mellon de Technologie (aujourd’hui Carnegie University) – Travaux sur les effets stériques dans les composés cyclaniques, étude des glucides dans le cadre de laquelle il propose un système de notation de la configuration. ROSCOE, Sir Henry Enfield (1833-1915) – Études de chimie à University College de Londres (1848-1853), puis à Heidelberg chez Bunsen, doctorat en 1854 (réaction photochimique du chlore avec l’hydrogène) – Assistant de Bunsen (1854-1856), professeur de chimie à Manchester (1857-1885) – Méthodes d’analyse spectrale de métaux présents en traces. À partir de 1865 travaux sur le vanadium et ses composés (chlorures, oxychlorures et oxydes), élaboration du premier échantillon de vanadium pur. Découverte du pentachlorure et du pentabromure de tungstène (1874), du pentachlorure d’uranium, du trichlorure de niobium ; préparation de l’acide perchlorique anhydre et du perchlorate d’éthyle. Publication de plusieurs ouvrages de chimie dont un « Traité de chimie » (1877) en collaboration avec C. Schorlemmer, ouvrage longtemps considéré comme une référence (5e édition en 1920) – Membre du parlement pour la circonscription de Manchester, Président de la Chemical Society of London, de la British
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Association for the Advancement of science, membre de la Royal Society of London et enfin, vice-chancelier de l’université de Londres (1896-1902). RUTHERFORD, Lord Ernest, Baron of Nelson (1871-1937) – Études de mathématiques et de physique à Wellington (Nouvelle Zélande) de 1889 à 1894, Trinity College de Cambridge et Cavendish Laboratory (1894) – Professeur de physique à l’université McGill à Montréal (1898), puis à Manchester (1908) et enfin à Cambridge (1919) – Action des rayons X sur des ions gazeux, déplacements des ions dans un champ électrique. Rayonnements émis par l’uranium (1898), découverte d’un isotope du radon (1899). Théorie de la radioactivité avec Soddy (1900). Identification des rayons α en tant que hélions (1909). Postulat de l’existence d’un noyau atomique (1911). Constat de l’insensibilité des décompositions radioactives à des facteurs externes, ce qui a permis la mise au point du datage des roches – Prix Nobel de chimie en 1908. RYDBERG, Johannes Robert (1854-1919) – Études à l’université de Lund (1873), doctorat de mathématiques (1879), habilitation en physique (1882) – Assistant à l’Institut de physique de Lund où s’est déroulée toute sa carrière (1876-1879), Ass. Prof de mathématiques (1880), puis de physique (1882), professeur de physique (1897) – Recherches sur les phénomènes de triboélectricité (1880), valences maximales et masse atomique d’un certain nombre d’éléments (1885). Spectres d’émission et continuation des travaux de Balmer aboutissant en 1890 à la « formule de Rydberg », introduction de la notion de « nombre d’ondes ». SACHSE, Hermann (1854-1911) – Assistant à Berlin – Auteur de l’hypothèse de la non-planéité du cyclohexane (1890-1892), fondée sur les conséquences spatiales de la théorie du carbone tétraédrique. Opposé à la théorie de la tension dans les cycles saturés de Baeyer, Sachse crée des modèles limites, les formes cis- et trans- du cyclohexane, et montre que leurs interconversions par libre rotation autour des liaisons carbone–carbone ne sont pas gênées par une barrière de potentiel importante. SCHEELE, Carl Wilhelm (1742-1786) – Études de pharmacie (1757-1765) – Pharmacien à Malmö (1765), Stockholm (1768), Uppsala (1770-1775) et Köping (1776) – Adepte de la théorie du phlogiston. Participation à la découverte de l’hydrogène (1769-1770), de l’azote (1768-1772), du fluor (1770), du chlore (1771), de l’oxygène (1771-1772), du baryum (1772-1773), du molybdène (1778), du tungstène (1779-1780). En chimie organique, préparation de l’acide tartrique (avec Retzius, 1767-1770), acide cyanhydrique (1768-1782), acides gallique et pyrogallique (1769-1786), acide urique (parallèlement à Bergman, 1776), acide lactique (1780), acide malique (1784-1785). En chimie analytique, identification du calcium par son oxalate (1768-1776), séparation du fer du manganèse (1770-1774), méthode d’attaque des silicates par les alcalis (17681770), action oxydante des permanganates (1770-1774), identification des sulfates par précipitation avec le chlorure de baryum (1773). Etc. SCHORLEMMER, Carl Ludwig (1834-1892) – Études de pharmacie, puis de chimie à Heidelberg (1855) chez Bunsen, puis à Giessen 1859 – Assistant de H. Roscoe à l’Owens College de Manchester (1859), puis professeur de chimie organique à Owens College qui devient ultérieurement l’université de Manchester (1874) – Étude des paraffines des fractions légères de la distillation de la houille (1862). Identification du « diméthyle » de Kolbe avec l’hydrogène éthylé ou « éthane » de Frankland. Auteur, en collaboration avec H. Roscoe, d’un « Traité de chimie » (1877), longtemps considéré comme une référence (5e édition en 1920) – Membre de la Royal Society of London (1871). Schorlemmer est aussi connu pour avoir été un proche de Marx et Engels et de leurs idées politiques. SCHRÖDINGER, Erwin Rudolf Joseph (1887-1961) – Études à l’université de Vienne (1906-1910), doctorat sous la direction de F. Hasenöhrl en 1910 – Assistant de physique expérimentale à Vienne (1910-1914), après la guerre retour à Vienne en 1918, Assistant à l’université de Iéna (1920), puis professeur à Stuttgart, Breslau et en
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physique théorique à Berlin (1927) où il succède à M. Planck. En 1933, il quitte l’Allemagne pour Oxford, puis Princeton (1934). Retour en Autriche à Graz en 1936, puis nouvelle expatriation en 1938 pour Oxford, Gent et enfin Dublin (1939), où il fonde l’Institut for Advanced Studies et sera jusqu’en 1955 directeur de l’École de physique théorique – Recherches en physique théorique : théorie cinétique des solides, physiologie de la vision des couleurs, structure atomique, mécanique ondulatoire après lecture de la thèse de de Broglie, établissement de l’équation d’onde qui porte son nom, théorie générale de la relativité – Prix Nobel de physique en 1933. SIDGWICK, Nevil Vincent (1873-1952) – Études de sciences naturelles à Oxford (1992), à Leipzig (1898) et à Tübingen où il soutient sa thèse de doctorat (1901) – Il gravit tous les échelons d’une carrière universitaire, de lector, puis d’assistant à professeur titulaire, à Oxford (1903-1948) – Recherches dans le domaine de la chimie structurale (isomères, tautomères), contribution à la théorie de la covalence, composés azotés de la chimie organique. Son ouvrage The Organic Chemistry of Nitrogen (3e édition, 1967) est encore aujourd’hui un ouvrage de référence. SLATER, John Clark (1900-1976) – Études à l’université de Rochester (diplomé en 1920), puis à Harvard, doctorat en 1923, recherches post-doctorales à Cambridge puis Copenhague, collaboration avec N. Bohr et W. Heisenberg – Professeur et Directeur du département de physique du MIT (1930-1966) – Recherches sur la théorie électromagnétique des micro-ondes, expression des fonctions d’onde antisymétriques des fermions sous forme de déterminants, intégrales de Slater pour décrire les orbitales atomiques. SODDY, Sir Frederick (1877-1956) – Études de chimie au Merton College d’Oxford (1895), doctorat en 1898 – Assistant à McGill University de Montréal au laboratoire de Rutherford (1900). Stage chez Ramsay (1903), Ass. Prof. de chimie physique à l’université de Glasgow (1904), professeur de chimie à Aberdeen (1914), professeur de chimie minérale et de chimie physique à Oxford (1919) – Découverte du radon avec Rutherford (1899), hypothèse (avec Rutherford) de la transmutation atomique au cours des processus de la radioactivité (1902), mise en évidence de la nature du radon (appartenance à la famille des gaz rares). Avec Fajans énoncé de la loi des transmutations radioactives – Prix Nobel de chimie en 1921. SOMMERFELD, Arnold Johannes Wilhelm (1868-1951) – Études de mathématiques (avec Hilbert et Lindemann) et de sciences naturelles à l’université de Königsberg, Doctorat en 1891 sous la direction de Lindemann – Assistant de Klein à l’institut minéralogique de Göttingen (1893), après son habilitation (1895), Privatdozent (professeur sans rémunération) en mathématiques, puis professeur à l’Académie des mines de Clausthal (1897), professeur de mécanique à l’’Institut technique de Aachen (Aix-laChapelle) (1900) et enfin de physique théorique (1906) à Munich – Recherches sur la diffraction des rayons X, les spectres atomiques, la théorie quantique (à partir de 1911). Introduction, en remplacement du nombre quantique n de Bohr, des nombres quantiques radial n et azimutal k permettant de justifier l’existence d’orbite elliptiques à côté des orbites circulaires. En 1916, il introduit le nombre quantique magnétique pour expliquer l’effet Zeeman, recherches en mécanique statistique pour expliquer les propriétés électroniques des métaux – Élu membre des Académies de divers pays. STAEDELER, Georg (1821-1870) – Études de chimie à Göttingen, chez Wöhler, doctorat (1846) et habilitation (1849) à Göttingen – Assistant de Wöhler (1846), Privatdozent (professeur non rémunéré, 1849), professeur de chimie à l’université de Zurich (1853), puis à ETH (École polytechnique fédérale) à sa création (1855) – Formation du chloral (1847), produits de dégradation de l’acide quinique en quinones et hydroquinones (1849). Travaux en chimie physiologique : analyse de l’urine des bovins, distribution de la leucine et de la tyrosine dans l’organisme, identification de l’allantoïne dans l’urine, recherches sur les colorants de la bile.
Brèves biographies des principaux chimistes et physiciens cités
STAS, Jean Servais (1813-1891) – Études de médecine à Louvain, puis de chimie à Paris sous la direction de J.B. Dumas à l’École polytechnique – Professeur de chimie à l’École Militaire Royale de Bruxelles (1840-1869) – Dès 1835 travaux sur les substances naturelles avec Koninck à Louvain, puis avec Dumas sur des aglycones. Avec ce dernier Stas étudie aussi l’action de la potasse sur les alcools et les éthers et met au point une méthode de détection des alcaloïdes végétaux. Ses travaux principaux concernent la détermination très précise ; et en prenant comme référence O = 16, de la masse atomique de nombreux éléments chimiques. Ses résultats l’amènent à rejeter l’hypothèse de W. Prout et ses modifications proposées par Dumas en 1859, selon laquelle les masses atomiques sont des multiples de l’entier, de la moitié ou du quart de celle de l’hydrogène. Les masses atomiques de 12 espèces atomiques, publiées par Stas en 1860, ont été considérées jusqu’à la fin du siècle comme des valeurs de référence STONER, Edmund Clifton (1899-1968) – Études universitaires à Cambridge, travaux de recherches au Cavendish Laboratory avec E. Rutherford (1921-1924) – Carrière académique à l’université de Leeds : maître-assistant puis maître de conférences (1924-1939) et professeur de physique théorique (1939-1951) – Recherches sur l’absorption des rayons X par la matière, distribution des électrons sur les niveaux d’énergie atomiques, théorie électronique du ferromagnétisme, calcul de la masse limite des étoiles naines blanches. STONEY, George Johnstone (1826-1911) – Études au Trinity College de Dublin, (diplomé en 1852) – Assistant de l’astronome E. Rosse à Birr (1848), professeur de philosophie naturelle au Queen’s College à Galway (1852), puis en 1857 à la Queen’s University de Dublin – Recherches en physique cosmique, inventeur d’une nouvelle forme d’héliostat, estimation du nombre de molécules dans un millimètre cube de gaz, détermination des caractéristiques de l’« unité de charge électrique » mise en jeu dans l’électrolyse, qu’il nommera électron. THIELE, Johannes (1865-1918) – Études de mathématiques à Breslau (1883), puis de chimie à Halle (1884), doctorat en 1890, habilitation en 1892 à Halle – Assistant à Halle (1886), professeur de chimie organique à Munich (1883), puis à Strasbourg (1902) – Dérivés de l’hydrazine (1886), théorie des valences partielles (1899), étude de systèmes éthyléniques conjugués, découverte du fulvène, préparation de l’azométhane et de diazocomposés aliphatiques. THOMSON, Sir Joseph, John (1856-1940) – Études à l’Owens College à Manchester (1875), puis au Trinity College de Cambridge (1876) – Fellow (1880), lector (1883), puis professeur de physique expérimentale au Cavendish Laboratory de Cambridge (18841919) – Recherches sur les décharges dans les gaz. Étude du rayonnement cathodique et de sa déviation par les champs électrique et magnétique. Calcul du rapport masse/ charge des particules du rayonnement cathodique (1881). Découverte de l’électron (1897) et identification de sa charge avec celle d’un ion monovalent dans l’électrolyse. Mesure directe de la charge de l’électron (1898-1899). Hypothèse de l’existence de deux types de liaisons : entre atomes portant des charges électriques et entre atomes électriquement neutres (1907). Il est ainsi un précurseur de Lewis – Prix Nobel de physique en 1906. TOLLENS, Bernhard Christian Gottfried (1841-1918) – Études de pharmacie en officine (1858-1862), puis de chimie à Göttingen, doctorat (1864) et habilitation (1872) à Göttingen – Assistant de Erlenmeyer à Heidelberg (1864), chimiste dans l’industrie pharmaceutique (1865-1869), assistant de chimie et de minéralogie à l’université de Coïmbra (Portugal, 1869-1870), assistant de Wöhler (1871-1873), professeur et directeur de l’institut de chimie agricole de l’université de Göttingen – Recherches sur les glucides, condensation formol - urée (1884), réactions d’aldolisation en milieu basique (1891), réactif de Tollens d’identification de la fonction aldéhyde (1896), préparation du dextrose.
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UHLENBECK, George Eugene (1900-1988) – Études doctorales à l’université de Leyde sous la direction de Ehrenfert, doctorat en 1927 – Enseignant à l’université du Michigan (1927), puis professeur à Utrecht, partage ses travaux de recherche entre les États-Unis et les Pays-Bas – Découverte du spin de l’électron en 1925, travaux sur la structure atomique et la théorie cinétique de la matière. VAUQUELIN, Louis Nicolas (1763-1829) – Études de pharmacie en officine (17761779), puis à Paris – Assistant de Fourcroy (1780) – Pharmacien chef de l’hôpital militaire de Melun et directeur de la Régie des Poudres et Salpêtres (1793-1794), professeur de chimie de l’École des mines, à l’École polytechnique et essayeur à la Monnaie (1794), professeur au Collège de France (1801) et directeur de l’École supérieure de pharmacie à sa création (1803), professeur au Muséum d’histoire naturelle (1804) et de l’École de médecine (1811) – Étude (avec Fourcroy) de la stabilité des chlorates (1794). Recherches minéralogiques conduisant à la découverte du chrome (1797, indépendamment de Klaproth), étude des composés du chrome, identification de l’oxyde de béryllium et découverte du béryllium qu’il appelle glucinium (1798). Méthodes de séparation des métaux de la « mine de platine ». Confirmation de la découverte du lanthane et du cérium. Préparation de l’acide hippurique (1797) et de l’urée (1800) avec Fourcroy. Extraction de l’asparagine (1805, avec Robiquet), de l’acide quinique (1806, avec Valentin Rose). Transformation de l’acide malique en acides maléique et fumarique (1817). Découverte de l’acide cyanique (1818) – Dernier membre élu de l’Académie royale des sciences avant sa suppression en 1793, membre de l’Académie des sciences nouvelle (1795), fait membre de la Légion d’honneur au Camp de Boulogne, au moment de sa fondation. VIEHE, Heinz Günther (1929-) – Professeur de chimie organique à l’université catholique de Louvain (1929-1994) – Étude des mécanismes de réaction ; synthèse du « benzène de Dewar » et du « benzène de Ladenburg ». VOLTA, Alessandro, Conte (1745-1827) – Superintendant des écoles publiques à Côme et professeur au Gymnase de cette ville (1774), professeur de physique expérimentale à l’université de Pavie – Invention d’un eudiomètre pour l’analyse du « gaz des marais », le méthane (1776), invention du condensateur électrique (1780). Loi de la dilatation de l’air (1794), échelle des potentiels électrochimiques des métaux (1793). Création de la « pile de Volta » (1800). WALLACH, Otto (1847-1931) – Études de chimie à Göttingen (1867), où il soutient sa thèse (1869), habilitation à Bonn (1873) – Stagiaire au laboratoire privé de Wichelhaus (université de Berlin), assistant de Kekulé à Bonn (1870), chimiste dans l’industrie (1871, AGFA), retour au laboratoire de Kekulé (1872), Privatdozent (professeur non rémunéré), puis professeur (1876) à Bonn, professeur de chimie à Göttingen (1889) – Étude de problèmes structuraux des molécules organiques, transposition de l’azoxybenzène en 4-hydroxyazobenzène (1880). Recherches sur les huiles essentielles à partir de 1884 ; identification de l’isoprène comme molécule de base des terpènes – Prix Nobel de chimie en 1910. WENZEL, Carl Friedrich (1740-1793) – Formation, dès quinze ans, comme apothicaire et aide-chirurgien. Études de mathématiques, physique et chimie à Leipzig (1766-1769) – Chimiste indépendant à Dresde (1769-1779). Auditeur (1779), puis Assesseur (1786) à l’École des mines de Freiberg, ainsi que « arcaniste » (chimiste) à la Manufacture de porcelaines de Meissen (Saxe) – Détermination quantitative de 200 sels. Découverte de l’influence de la concentration sur les processus chimiques. Premières études cinétiques dans l’attaque des métaux par un acide de référence et détermination de la séquence Fe > Pb > Sn > Cu > Sb < Hg > Ag. Découverte de la passivation du fer, recherches sur le contenu en eau de cristallisation de divers sels, description de la coloration de la flamme par introduction de dérivés du cuivre, du bismuth et du bore.
Brèves biographies des principaux chimistes et physiciens cités
WERNER, Alfred (1866-1919) – Études à l’École polytechnique fédérale (ETH) de Zurich (1886), doctorat sous la direction de Hantzsch (1890) sur la distribution spatiale des atomes dans les composés azotés : application de la disposition tétraédrique à l’azote par assignation de son doublet libre à l’un des sommets du tétraèdre, ce qui lui a permis d’expliquer l’isomérie (appelée depuis syn et anti)) résultant de l’asymétrie des amines trisubstituées par des groupements différents. Habilitation en 1891 – Privatdozent (professeur non rémunéré) à ETH (1892), où il est nommé ensuite professeur (1893) – Hypothèse des valences principales et secondaires, point de départ de sa théorie de la coordination. Vérification de sa théorie par l’examen de composés relevant d’un grand nombre de fonctions de la chimie organique – Prix Nobel de chimie en 1913. WICHELHAUS, Carl Hermann (1842-1927), doctorat en 1863 – Professeur de chimie technologique au Technologisches Institut de l’université de Berlin (1871-1916) – Directeur d’un laboratoire personnel de technologie chimique, il est nommé professeur de technologie chimique à l’université de Berlin à laquelle il cède ses locaux, son matériel et ses collections d’appareils technologiques. Ces dernières seront enrichies par l’apport du matériel de chimie et de physique du professeur Heinrich Gustav Magnus (1802-1870), son prédécesseur à l’université de Berlin – Recherches sur les colorants et les sucres. WIECHERT, Emil Johann (1861-1928) – Études de mathématiques et physique à l’université de Königsberg, doctorat en 1889, habilitation en 1890 – Chercheur, puis assistant (1896-1898) au laboratoire de physique mathématique de Königsberg, professeur associé de géophysique (1897), puis professeur titulaire (1905) à Göttingen – Recherches en physique de l’état solide (thèse), en physique atomique (étude des rayons cathodiques, découverte et caractérisation des électrons dans l’atome), en géophysique (constitution de la terre, propagation des ondes sismiques et développement de sismographes) – Élu membre de l’Académie des sciences de Berlin (1902), de Göttingen (1903) puis de Prusse (1911). WILLIAMSON, Alexander William (1824-1904) – Études de médecine et de chimie avec Gmelin à Heidelberg (1840-1844), puis à Giessen avec Liebig (1844-1846), enfin à Paris, où il monte son propre laboratoire et fréquente l’élite des chimistes français – Professeur de chimie analytique à University College à Londres (1849) – Fellow of the Royal Society et professeur de chimie (1855) – Recherches sur l’oxydation, le bleu de Prusse, découverte du violet de Williamson, préparation d’éthers symétriques et mixtes (1852), de composés carbonylés, d’urée (1847). Identification de la nitroglycérine avec le trinitrate de glycérol. Préparation de l’acide chlorosulfonique. WINKLER, Clemens (1838-1904) – Études de chimie à l’École des mines de Freiberg (1857), doctorat à Leipzig (1864) – Technicien d’une usine de colorants (18571872), professeur de chimie minérale et analytique à l’École des mines de Freiberg – Étude des produits secondaires soufrés produits lors de la préparation de l’outremer. Créateur des méthodes industrielles d’analyse des gaz, étude des réactions qui se déroulent dans la tour de Gay-Lussac, lors de la production d’acide sulfurique (1867). Préparation d’acide sulfurique selon le procédé par contact catalytique avec le platine. Mise au point d’analyses électrogravimétriques, préparation de cobalt et de nickel pur, étude des dérivés de l’indium (avec Reich), découverte du germanium (1886). WISLICENUS, Johannes (1835-1902) – Études de mathématiques, de sciences naturelles et de chimie à Halle. Doctorat et habilitation à Zurich (1860) – Assistant (1854) à Harvard College de New Cambridge (États-Unis), gérant d’un laboratoire d’analyses chimiques et enseignant au Mechanics Institute à New-York, assistant à Halle (1857-1859), professeur à l’école cantonale de Zurich (1860), professeur à l’université de Zurich (1864), puis à l’École polytechnique Fédérale (ETH) en 1871-1872. Professeur à Würzburg (1872) et enfin à Leipzig – Synthèse de l’acide lactique (1862) et étude de
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son isomérie optique, qu’il attribue à la disposition spatiale de ses atomes. Précurseur de la stéréochimie, il crée la notion d’isomérie géométrique. WOEHLER, Friedrich (1800-1882) – Études de médecine à Marburg (1820), puis Heidelberg où doctorat en médecine (1823). Études de chimie chez Berzelius à Stockholm (1823-1824) – Professeur de chimie à l’École des Arts de Berlin (18251831), puis à Kassel (1831-1836). Professeur de chimie et de pharmacie à l’université de Göttingen (1836) – Découverte de l’iodure de cyanogène, indépendamment de Davy, et du sulfocyanure de mercure. Préparation de poudre d’aluminium par action de potassium sur du chlorure d’aluminium (1827), préparation de béryllium et d’yttrium (1828), ainsi que du silicium cristallisé (1856). En chimie organique : démonstration de l’inanité de la « force vitale » par la préparation de l’urée à partir de l’isocyanate d’ammonium. Travaux en commun avec Liebig : recherches sur les fulminates et les cyanates (1826-1830), l’acide mellitique (1830), l’amygdaline et la nature de l’acide urique (1838). Préparation de l’acide oxalique à partir de cyanogène (1824), préparation du benzaldéhyde, de l’acide benzoïque, de son chlorure et de son amide (1832), extraction de la cocaïne (1860), découverte du carbure de calcium (1862), travaux sur le silanne et les chlorures de silicium (1857). WOODWARD, Robert Burns (1917-1979) – Études au Massachusetts Institute of Technology à Cambridge (1933), doctorat (1937) – Assistant de Harvard University à Cambridge (1937), où il devient docent (1941), puis Ass. Prof. (1944) et professeur titulaire (1950). À partir de 1963 parallèlement directeur du Woodward Research Institute financé par CIBA à Bâle – Règles de Woodward pour les spectres UV des diènes et des cétones α,β insaturées (1941-1942). Synthèse de la quinine (1944), détermination de la structure de la strychnine (1947), synthèse du cholestérol et de la cortisone (1951). Hypothèse de la structure sandwich du ferrocène (1952), synthèse totale de la chlorophylle (1960), identification de la constitution et synthèse des antibiotiques de la tétracycline 1952-1963), synthèse totale de la vitamine B12 (avec Eschenmoser, 1964-1976), synthèse de la colchicine (1963) et de l’érythromycine (1978). Règles de WoodwardHofmann pour les réactions par transfert synchrone d’électrons (1965) – Prix Nobel de chimie en 1965. WÜRTZ, Charles Adolphe (1817-1884) – Études de médecine à Strasbourg (doctorat de médecine en 1843) et de chimie à Giessen chez Liebig (1842) – Assistant de Dumas (1845), chargé de cours (1849), puis professeur (1853) et doyen (1866) de l’École de médecine, professeur de chimie à la Sorbonne (1875) – Préparation des amines à partir de l’acide cyanique et de ses esters (1849), découverte de la méthylamine et de l’éthylamine, de l’isobutanol (1852), recherches sur les polyols (1856) et préparation du glycol (éthane-1,2-diol), synthèse de la chlorhydrine du glycol et de l’oxyde d’éthylène (oxiranne) en 1859, synthèse d’hydrocarbures à partir d’halogénures d’alkyle et de sodium qui a conduit Würtz à l’hypothèse des radicaux alkykes. Préparation de l’aldol (1872). Würtz a été en France le grand défenseur de l’hypothèse atomique. ZEISE, William Christoph (1789-1847) – Études de pharmacie et de chimie à Copenhague, doctorat en 1817 – Assistant d’Oersted (1806), création d’un laboratoire d’analyses chimiques et de chimie organique, l’un des premiers en Europe (1819). Professeur de chimie à l’université de Copenhague (1821), puis (1829-1848) à l’Institut polytechnique de Copenhague – recherches sur la chimie du platine et des sels complexes de ce métal, en particulier le « sel de Zeise » (CH2=CH2)PtCl3 qui l’a conduit à une controverse de près de vingt ans avec Liebig.
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