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Munch
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Page 4 : Edvard Munch. Photographie, vers 1902. Page 6 : Paysage. Maridalen, environs d’Oslo, 1881. Huile sur bois, 22 x 27,5 cm. Musée Munch, Oslo. Auteur : Elizabeth Ingles Mise en page : Baseline Co. Ltd 61A-63A Vo Van Tan Street 4e étage District 3, Hô-Chi-Minh-Ville Vietnam © Confidential Concepts, worldwide, USA © Parkstone Press International, New York, USA © Estate Munch / Artists Rights Society, New York, USA / BONO, Oslo, Norway Tous droits d’adaptation et de reproduction, réservés pour tous pays. Sauf mentions contraires, le copyright des œuvres reproduites appartient aux photographes, aux artistes qui en sont les auteurs ou à leurs ayants droit. En dépit de nos recherches, il nous a été impossible d’établir les droits d’auteur dans certains cas. En cas de réclamation, nous vous prions de bien vouloir vous adresser à la maison d’édition. ISBN : 978-1-78042-709-6
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« Pour moi, la vie est comme une fenêtre d’une prison – jamais je n’atteindrai la Terre promise. »
— Edvard Munch
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Biographie 1863 1864 1868 1877 1879 1880 1881 1884
1885 1886 1889
1890 1891 1892
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12 décembre : il naît à Løten, Norvège, second enfant de Laura (née Bjølstad) et de Christian Munch. Son père est médecin. Il y aura trois autres enfants : Andreas, Laura et Inger. La famille déménage pour Christiania (Oslo). Sa mère meurt de tuberculose, à l’âge de trente ans. Sa sœur aînée Sophie meurt de la tuberculose à l’âge de seize ans. Il fréquente la Faculté technique de Christiania pour devenir ingénieur. Il exécute ses premiers dessins en mai. Il prend la peinture au sérieux, et étudie à Christiania avec Hans Olaf Heyerdahl et Christian Krohg. Il étudie à l’École Royale d’art et de dessin avec Julius Middelthun. Une servante, acheté par Thaulow, est sa première véritable vente. Thaulow lui donne de l’argent pour visiter Anvers et étudier à Paris ; la visite est repoussée d’un an pour cause de maladie. Il entame une relation avec Émilie Thaulow. Première visite à Paris. Il en revient avec un style impressionniste et peint comme « le premier et le seul impressionniste de Norvège » (Krohg). Il est membre du groupe d’avant-garde « La Bohême de Christiania ». Première exposition personnelle. Il obtient une bourse d’état et retourne à Paris en octobre. Il étudie avec Léon Bonnat. Il est attiré par Van Gogh et Gauguin, les néo-impressionnistes et les symbolistes. Il commence à mettre en place La Frise de la vie en tant que série. Il passe un été à Åsgårdstrand, près de la mer. Il voit son père pour la dernière fois, celui-ci décèdera en novembre. Il retourne en Norvège en passant par Anvers. Il expose dix peintures au salon d’automne,. Il retourne en France avec une nouvelle bourse, et tombe malade. Il séjourne à Nice pour guérir de sa maladie. Il retourne à Christiania en mai. Il retourne à Nice pour l’hiver. Il expose à Christiania. Il est invité à exposer à l’Association des Artistes de Berlin, mais sa section est fermée par les organisateurs car scandaleuse. Il vivra en Allemagne par épisodes pendant seize ans. Il retourne revigoré en Norvège. Le Cri. Il expose avec les sécessionnistes de Berlin. Il commence à faire des gravures et des eaux-fortes. Son nouveau style monochrome est plus vif et précis que son style de peinture. Il retourne en Norvège. 5
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1898 1899 1902 1903 1904 1905 1908 1909 1911-16 1912 1913 1916 1919 1921-22 1922 1923 1925 1926 1928 1931-32 1933 1935 1937 1940 1944 1946
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Il revient à Paris, fait connaissance avec les Nabis ; expose sa Frise de la vie au Salon des Indépendants. Il fait des décors pour Peer Gynt d’Ibsen. Revue Blanche publie une lithographie du Cri. Son frère Andrea meurt. Il rencontre Tulla Larsen. Il entre dans un sanatorium en Norvège. La Galerie nationale de Christiania lui achète deux œuvres. Il expose vingt-huit tableaux, y compris la série de La Frise de la vie, à la galerie de la Sécession à Berlin, avec Hodler et Kandinsky. Fin désastreuse de sa relation avec Tulla Larsen. Il rencontre Eva Mudocci ; séjourne à Lübeck avec la famille Linde. Il visite plusieurs villes allemandes dont Weimar. Exposition rétrospective à Prague. Dissolution de l’union entre la Norvège et la Suède : crise politique. Exposition à Copenhague. Il fait une pause, entre dans une clinique. Il devient chevalier de l’Ordre Royal norvégien de Saint Olav. Il guérit et retourne en Norvège. Expositions à la galerie Blomqvist. Peintures murales pour la grande salle de l’université d’Oslo. Exposition au Sonderbund, Cologne : plus de 570 œuvres par 160 artistes. Exposition expressionniste à Berlin ; œuvres graphiques à l’Armory Show de New York. Il achète sa propriété d’Ekely, à Skøyen, où il vivra jusqu’à sa mort. Il peint des sujets bucoliques. Exposition d’œuvres graphiques à New York. Peintures pour le réfectoire de l’usine de chocolat Freia, à Christiania. Exposition personnelle à Zürich, « la meilleure que j’aie faite ». Il devient membre de l’Académie allemande. Il devient membre honorable de l’Académie de Bavière. Christiania devient Oslo. Exposition internationale à Dresde. Kunsthalle, Mannheim. Mort de sa sœur Laura. Exposition internationale de San Francisco : il expose pour la première fois à Londres, à la Royal Society. Il est invité à exposer à Édimbourg et à Glasgow. Des monographies par Jens Thiis et Pola Gauguin sont publiées. Il reçoit la Légion d’Honneur en France et la Grand-Croix de l’Ordre Royal norvégien de Saint Olav. Exposition de peintures à New York. Il visite Göteborg, son dernier voyage à l’étranger. La Norvège est occupée par les nazis. 23 janvier : il meurt à Ekely. Il lègue toutes ses œuvres à la ville d’Oslo. Exposition du legs de Munch à Oslo. 7
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n hurlement de terreur viscérale poussé par une silhouette craintive au visage de squelette, contrastant sur un flamboyant
coucher de soleil rouge sang. Cette image emblématique a fini par symboliser l’angoisse incarnée dans l’Expressionnisme de la fin du
XIX
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siècle. Pourtant son
créateur, une âme aimable adonnée à l’introspection
Autoportrait 1881-1882 Huile sur papier marouflée sur carton, 25,5 x 18,5 cm Musée Munch, Oslo
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et l’autoanalyse, vécut jusqu’à son quatre-vingtième anniversaire et fut témoin de l’acceptation mondiale par la critique du mouvement expressionniste qu’il avait largement contribué à lancer. On imaginerait que l’auteur d’une image de la peur aussi expressive soit trop délicat et loin de ce monde pour survivre aux violents bouleversements du début du
XX
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siècle. Mais
bien qu’il ait terriblement souffert de dépression et
La Vieille Église d’Aker (Gamle Aker kirke) 1881 Huile sur toile, 16 x 21 cm Musée Munch, Oslo
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d’anxiété la plus grande partie de sa vie, Munch a pu trouver un mode de vie qui lui a permis de produire une grande quantité d’œuvres pénétrantes, d’une beauté dérangeante. Edvard Munch est né en 1863 d’une jeune mère fragile, Laura Bjølstad, et de son mari médecin plus âgé, Christian Munch. L’année suivante, la famille déménage pour Christiania, comme on appelait alors Oslo. Elle comptait cinq enfants en tout, Edvard était
Karen Bjølstad dans un fauteuil à bascule 1883 Huile sur toile, 47 x 41 cm Musée Munch, Oslo
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le second et l’aîné des fils. Très tôt Munch a compris qu’il devait s’accommoder d’un double héritage difficile : la menace physique de la tuberculose, qui avait d’abord emporté sa mère et ensuite sa soeur aînée, et la vague mais distincte éventualité d’une instabilité mentale. Laura Munch mourut à l’âge de trente ans, peu après la naissance de son cinquième enfant. On peut imaginer les conséquences sur la famille.
Mon Frère étudiant l’anatomie 1883 Huile sur carton, 62 x 75 cm Musée Munch, Oslo
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Le père souffrit profondément, et les plus jeunes enfants ne garderont que de vagues souvenirs de leur mère dans leur vie ultérieure. Mais la conscience de la perte ne les a jamais quittés. La piété du père devint plus affirmée après la mort de Laura, au point que la crainte des enfants de heurter les principes de Christian leur infligea une crainte palpable de la damnation éternelle.
Jeune Fille allumant un poêle 1883 Huile sur toile, 96,5 x 66 cm Collection privée
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Le malheur de son expérience infantile de la mort était aggravé par le comportement imprévisible de son père. Munch, son frère et ses sœurs ne savaient jamais comment la piété fanatique de leur père allait se manifester – mais ils pouvaient être certains qu’on leur ferait sentir qu’ils étaient hors du droit chemin, soit en tant que chrétiens respectueux, soit en tant qu’enfants obéissants. Par moments, la nature enjouée
Matin (Une Bonne) 1884 Huile sur toile, 96,5 x 103,8 cm Collection privée, Bergen
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du Dr. Munch, presque totalement occultée par la tristesse due à la mort de sa jeune femme, refaisait brièvement surface et il jouait avec ses enfants comme un père normal. Puis son côté sombre reprenait le dessus, et il piquait de violentes colères. Plus tard, Munch écrira que son père connaissait de brefs épisodes proches de la folie. Cela devait être vraiment terrifiant pour un jeune garçon sensible et tranquille, lui-même sujet à de fréquents accès de maladie.
Portrait du peintre Karl Jensen-Hjell 1885 Huile sur toile, 190 x 100 cm Collection privée
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La mort de sa soeur Sophie, la fille aînée, alors qu’Edvard avait treize ans, l’a fait encore plus profondément souffrir que la perte de sa mère quand il avait cinq ans. Il surveillait son père avec anxiété, alors que celui-ci priait pour sa fille, incapable de faire quoi que ce soit pour elle. Pour lui, et pour Sophie, les promesses de paradis éternel du Dr Munch ne signifiaient rien en comparaison du désir de vivre qui était en elle.
Tête-à-tête 1885 Huile sur toile, 66 x 76 cm Musée Munch, Oslo
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Sa lutte était une vision insoutenable. L’impuissance d’Edvard et son chagrin seront canalisés des années plus tard dans un tableau sur lequel il reviendra avec obsession : le merveilleux Enfant malade, dont la première version fut exécutée en 1885-1886. Il y en aura en tout six, peintes à environ dix ans d’intervalle. Sur ce grand tableau, de presque 1,20 mètres de côté, il a tenté toute sa vie d’exprimer ce qu’il a
Autoportrait 1886 Huile sur bois, 33 x 24,5 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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ressenti de façon si intense lors de la mort de sa sœur. Lors de sa dernière maladie, elle réclamait régulièrement de l’aide, un soulagement à sa douleur – que ni Edvard ni son père médecin ne pouvaient lui apporter. Cette incapacité se transformera en un sentiment de culpabilité, parce qu’il avait survécu et pas elle. Ses tentatives de soulager sa sœur en prenant sa place, sur sa toile, étaient vouées à l’échec,
Le Printemps 1889 Huile sur toile, 169 x 263,5 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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tout comme il n’avait pas pu la remplacer sur son lit de mort. Jusqu’à la fin de sa vie, il fut incapable de résoudre ce problème. Il inondera cette image de sa culpabilité, presque insupportablement poignante. Le visage de la jeune fille est déjà un fantôme, presque désincarné, alors qu’en silence elle aspire à la vie. Avec ses nombreux niveaux de signification et son évocation de l’état d’âme de l’artiste, on peut dire qu’il
Portrait de l’écrivain Hans Jaeger 1889 Huile sur toile, 109 x 84 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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s’agit là d’une des premières œuvres expressionnistes. Il l’a lui-même qualifiée de « percée décisive » dans son style, et le collectionneur et critique Jens Thiis, plus tard biographe de Munch, l’a appelée « la première scène monumentale dans notre art norvégien ».1 L’accent sur la piété religieuse, qui ne lui a été d’aucun secours puisque les prières pour la vie de sa
Jour de printemps rue Karl Johan 1890 Huile sur toile, 80 x 100 cm Bergen Billedgalleri, Bergen
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mère et de sa sœur n’ont eu aucun effet, et l’autoritarisme d’un père dont les punitions sanctionnaient les plus petites fautes, s’additionnaient dans l’esprit de Munch pour lui donner une vision d’un Dieu injuste, coléreux et dénué de toute compassion. Bien qu’il n’ait pas osé contrarier son père en refusant d’aller à l’église, peu après ses vingt ans, il était parvenu à la conclusion que Dieu n’existait pas, et qu’il n’y avait
Nuit à St Cloud 1890 Huile sur toile, 64,5 x 54 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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pas d’éternité. Sa croyance en la non-existence de Dieu est restée globalement intacte tout au long de sa vie, bien qu’il ait changé d’avis sur la possibilité de la poursuite d’une existence dans un au-delà incertain. Avec un certain courage, Munch a pris la décision de devenir peintre, en opposition avec les idées bien arrêtées de son père qui désirait le voir devenir ingénieur.
La Seine à St Cloud 1890 Huile sur toile, 61 x 49,8 cm Don de Mme Morris Hadley (classe Katherine Blodgett de 1920), 1962 The Frances and Lehman Loeb Art Center, Vassar College, Poughkeepsie, New York 34
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Celui-ci accepta avec réticence, sur le conseil d’un ami dessinateur. Un des premiers autoportraits de Munch, produit au bout d’un an d’étude (Autoportrait, 1881-1882), montre un jeune homme d’aspect sensible, presque maladif, au long visage pâle, la courbure des lèvres et les épaules tombantes donnant peu de raisons de croire en sa bonne santé physique ou mentale.
Mélancolie 1891 Huile sur toile, 72 x 98 cm Collection privée
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Et cependant, dans son regard clair, il y a une sorte de défi envers ceux qui pourraient ainsi préjuger de lui. Il y a là du caractère. Après la mort de leur mère, les enfants se sont vus réconfortés par l’arrivée de leur jeune tante Karen, venue vivre avec eux comme gouvernante pour s’occuper de la maisonnée. Elle avait d’ailleurs pratiqué la peinture en dilettante,
Femme au chapeau rouge sur le fjord (Harmonies bleues - le chapeau rouge) 1891 Huile sur toile, 99 x 65,5 cm Collection privée
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et s’est rapidement aperçue du talent inhabituel d’Edvard. Pour lui, ses encouragements ont été d’une grande valeur bien qu’au départ il ne les ait pas appréciés à leur juste valeur. Un portrait de sa tante daté de 1884 (Karen Bjølstad dans un fauteuil à bascule) symbolise un début de rapprochement entre la tante et le neveu. La jeune femme calme est représentée assise devant la fenêtre, se balançant doucement.
Rue de Rivoli 1891 Huile sur toile, 81 x 65,1 cm Don de Rudolf Serkin, 1963 Harvard Art Museums, Fogg Museum, Cambridge, Massachusetts
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Les portraits de Munch datant de cette époque sont d’une maturité étonnante, en particulier celui de sa sœur Inger, montrant une jeune fille dotée d’une grande force de caractère, au regard sombre, légèrement détourné (Inger Munch, 1884). La Norvège de cette époque était un désert culturel – les quelques peintres importants du moment comprenaient Christian Krohg, Fritz Thaulow et Erik Werenskiold. Ceux-ci formaient l’école locale avec sa
Mélancolie 1892 Huile sur toile, 64 x 96 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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touche de naturalisme. Ils organisèrent leur première Exposition d’automne en 1882, initiant une série régulière qui leur vaudra d’abord beaucoup de critiques. Manet était leur idole, leur étoile du berger. Munch s’intégra à ce groupe avec enthousiasme, et en quelques mois Krohg lui apprit à utiliser la couleur. Cependant, il sentait le besoin d’aller chercher à
Clair de lune sur la côte 1892 Huile sur toile, 62,5 x 96 cm Collection privée, Bergen
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l’étranger la stimulation et l’expérience. En 1885, il put aller à Paris grâce à la générosité de Thaulow, qui le soutenait toujours, et à diverses autres subventions. Thaulow – qui se trouvait être le beau-frère de Gauguin – ne l’a pas seulement aidé moralement et financièrement face aux critiques, mais a aussi acheté un de ses premiers succès, Matin (Une Bonne) de 1884.
Portrait d’Inger Munch dans une robe à pois 1892 Huile sur toile montée sur bois, 172,5 x 122,5 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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Avant de partir pour Paris, Munch rencontra la femme qui allait sans doute lui causer le chagrin et les dommages psychologiques les plus profonds de sa vie : Émilie (Milly) Thaulow. Il avait maintenant vingtdeux ans ; elle en avait vingt-quatre, était mariée à son cousin Carl et n’avait aucun scrupule à s’engager dans la voie de l’adultère. C’était une beauté blonde
Nuit d’été (Inger à la plage) 1889 Huile sur toile, 126,4 x 161,7 cm Collection Rasmus Meyers, Bergen Kunstmuseum, Bergen
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à la manière scandinave, et les admirateurs s’attroupaient autour d’elle. Elle joua avec Munch, qui s’en éprit éperdument. Ils partagèrent d’abord une idylle, mais il fut incapable de retenir longtemps l’intérêt de cette femme sensuelle et amorale. Munch continuait à exposer régulièrement aux Salons d’automne d’Oslo, mais les critiques ne remarquèrent absolument pas ses œuvres en 1887. Se sentant professionnellement
Soir de printemps rue Karl Johan 1892 Huile sur toile, 85,5 x 121 cm Collection Rasmus Meyers, Bergen Kunstmuseum, Bergen
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négligé et froissé, il tomba dans un état de profonde névrose lorsqu’il réalisa que l’expérimentée Milly ne lui était finalement pas du tout fidèle. Son amour pour elle, qui avait toujours été légèrement malsain, est alors devenu obsessionnel, attisé par le fait qu’elle lui avait fait clairement savoir qu’elle était hors de sa portée. Il a conservé sa fragile santé mentale en exprimant ses sentiments dans des journaux semi
L’Écrivain August Strindberg 1892 Huile sur toile, 122 x 91 cm Don de l’artiste, 1934, Moderna Museet, Stockholm
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romancés, une forme d’exutoire qui l’aidera tout au long de sa vie. À Paris, il a vu le travail des peintres les plus en vogue : les impressionnistes, les postimpressionnistes et les symbolistes. On reconnaît sans peine l’influence de Manet dans certains des portraits en pied qui ont suivi, alors que le style d’Émile Bernard et de Puvis de Chavannes est fortement rappelé par les couleurs et les formes d’un tableau tel
Le Mystère d’une nuit d’été 1892 Huile sur toile, 86,5 x 124,5 cm Collection privée
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que Nuit d’été (Inger à la plage (1889). L’influence des pointillistes est également clairement perceptible : Jour de printemps, rue Karl Johan (1890) aurait pratiquement pu être peint par Pissarro ou Signac. Ce séjour dans la capitale française a profondément marqué son travail, aboutissant à la description que Krohg fit de lui comme étant le premier et le seul impressionniste de Norvège. Lors de cette visite et des
Le Baiser 1892 Huile sur toile, 73 x 92 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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suivantes en France il s’est imprégné d’autres influences importantes : il admirait beaucoup Van Gogh et Gauguin, s’est rapproché du style d’Odilon Redon, Pierre Bonnard et Édouard Vuillard, ainsi que des formes fluides et des couleurs vives de l’Art nouveau, et des japonaiseries récemment découvertes qui l’ont en partie inspiré.
Nuit étoilée 1893 Huile sur toile, 135,2 x 140 cm The J. Paul Getty Museum, Los Angeles
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Luttant contre le matérialisme, le conservatisme et le provincialisme de la Christiania de la fin du
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siècle, un groupe d’intellectuels s’était formé vers 1886 sous la houlette de l’écrivain Hans Jaeger. « La bohême de Christiania » adopta Munch, qui fit siennes les valeurs du groupe avec enthousiasme – le mouvement tirait son nom du livre de Jaeger – et s’en inspira pour peindre quelques œuvres marquantes,
Songe d’une nuit d’été (La Voix) 1893 Huile sur toile, 87,9 x 108 cm Fondation Ernest Wadsworth Longfellow, Museum of Fine Arts, Boston
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telles L’Homme de lettres (1887). Jaeger et ses camarades croyaient en tout ce que le père de Munch détestait et dont il se méfiait – l’athéisme, l’amour libre, l’alcool et l’anarchie. La fracture s’amplifia dans les relations entre père et fils, qui en fait ne se ressoudèrent jamais. Le travail de Munch ne fut pas favorablement reçu par la critique – une réaction habituelle pour ses collègues impressionnistes en France – mais
La Tempête 1893 Huile sur toile, 91,8 x 130,8 cm Donation M. et Mme Irgens Larsen, acquisition par la fondation Lillie P. Bliss et Abby Aldrich Rockefeller The Museum of Modern Art, New York
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il se défendit vigoureusement et son âme sensible se révéla étonnamment solide face à ces attaques. Tout cela contribua à le pousser plus en avant dans la direction de la « bohême », bien que son art se développât dans sa propre direction grâce à la confiance qu’il avait en sa valeur personnelle. Mais le Zeitgeist, réunissant à la fois l’Impressionnisme et son antithèse le Symbolisme, influença son travail et la mise en forme de ses idées.
Clair de lune 1893 Huile sur toile, 140,5 x 135 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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Cela est démontré dans Soir de printemps rue Karl Johan (1892). Quelle puissante dichotomie nous trouvons ici ! Le trottoir bondé est plein de mouvement, pourtant les personnages sont vêtus comme pour le deuil, et les passants les plus proches ont presque l’air de squelettes – il y a ici peu d’indices du printemps. L’hostilité et l’incompréhension sont visibles sur les visages scrutant les essais paniqués de l’artiste pour
Dagny Juel Przybyszewska 1893 Huile sur toile, 148,5 x 99,5 cm Musée Munch, Oslo
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retrouver Milly, son amour obsessionnel. Les mesures répressives du gouvernement norvégien sur la librepensée, les idées indépendantes des « bohémiens », allant jusqu’à mener Jaeger en prison pour avoir publié un roman « immoral » en 1885, aboutirent à une nouvelle réflexion des peintres d’avant-garde qui se tournèrent vers des thèmes naturalistes plus sûrs que leurs préoccupations précédentes, nourries de
La Mort et le printemps 1893 Huile sur toile, 73 x 94,5 cm Musée Munch, Oslo
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sexe et d’émotions effrénées. Tous les intellectuels et les artistes de Scandinavie souffraient d’une certaine façon de cette atmosphère bourgeoise suffisante, empesée, qui semblait rétrograde à ceux qui luttaient pour l’émergence de nouvelles idées, de nouvelles libertés politiques et sociales. Munch réussit à monter une exposition personnelle à l’université, à l’automne 1889 – la première exposition de ce type en Norvège.
Rose et Amélie 1893 Huile sur toile, 78 x 109 cm Musée Munch, Oslo
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Il ne doutait jamais de son propre talent, et ne s’encombrait pas de fausse modestie. C’était une belle réussite pour un jeune homme : 110 œuvres en tout étaient proposées, qui eurent des critiques mitigées. Mais cela lui ouvrit la voie vers une bourse d’État et apprit au monde qu’il y avait un jeune artiste à surveiller en Scandinavie. Munch passa l’été 1889, premier d’une longue série, à Åsgårdstrand sur la côte,
Dessin d’un modèle posant 1893 Pastel sur carton, 76,5 x 53 cm Guggenheim Museum, New York
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avec sa sœur Inger et ses amis Christian Krohg et sa femme Oda, Gunnar Heiberg, Hans Heyerdahl et d’autres. Il aimait cette vie simple, à laquelle il revenait dès qu’il le pouvait. Diverses relations se nouèrent ou se révélèrent là-bas. Cette année-là sa sœur faillit se marier, ce qui échoua, alors que ses amis Christian et Oda Krohg essayaient de raccommoder les brèches de leur engagement l’un envers l’autre, à la suite d’un
Désespoir 1892 Huile sur toile, 92 x 67 cm Thielska Galleriet, Stockholm
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vaudeville amoureux impliquant Jaeger, terminé l’année précédente sur un pacte de suicide qui avait raté d’une façon presque risible. La naissance d’un bébé chez les Krohg sembla apporter un peu de calme à leur ménage, ce qui ne durera pas puisque Oda entretiendra deux ans plus tard une relation avec un jeune homme, Jappe Nilssen. Les jalousies qui s’ensuivirent furent le sujet de
Le Cri 1893 Tempera et pastel sur carton, 91 x 73,5 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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plusieurs des plus belles œuvres de Munch. Les traits de Jappe sont récurrents dans les tableaux du Bateau jaune, tels que Mélancolie. L’éthique d’amour libre que Jaeger avait défendu de façon si véhémente menaçait l’équilibre de chacun, car personne dans ce cercle n’était capable de surmonter les sentiments destructeurs auxquels une telle liberté donnait cours. Munch, dont les rapports avec les femmes ne seront
Cendres 1894 Huile et tempera sur toile, 120,5 x 141 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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jamais satisfaisants, tomba également amoureux cet été-là. Son amour ne fut jamais déclaré – sans doute souffrait-il encore de son histoire catastrophique avec Milly qui semblait toujours l’emporter sur toute autre relation émotionnelle. La personne en question était une jeune peintre nommée Aase Carlsen. Nous ne savons pas si ses sentiments étaient partagés – sans doute pas puisqu’elle se maria la même année.
Angoisse 1894 Huile sur toile, 94 x 74 cm Musée Munch, Oslo
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Néanmoins Munch resta proche d’elle et de son mari, Harald Nørregård, et quelques années plus tard en fit un joli double portrait, une interprétation aimante de leur ménage heureux (Portrait d’Harald et Aase Nørregård, 1899). Il en vint à considérer Aase comme une des rares femmes qui ne le menacerait pas et ne dérangerait pas sa tranquillité d’esprit. À sa mort en 1908, il écrivit avec tristesse à Harald qu’il avait perdu sa meilleure amie.
Le Jour d’après 1894-1895 Huile sur toile, 115 x 152 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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À Paris, fin 1889, Munch reçut une lettre de sa tante Karen annonçant la mort soudaine de son père. Cette nouvelle a catalysé une crise psychologique : parce qu’il avait rejeté en bloc le christianisme et l’idée d’un Dieu tout-puissant, il avait l’impression que son père avait simplement été effacé du monde, qu’il n’y avait pas de possibilité d’au-delà. Il savait qu’il avait été un peu injuste dans son opinion sur les actions et le
Les Yeux dans les yeux 1894 Huile sur toile, 136 x 110 cm Musée Munch, Oslo
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comportement de son père avec ses jeunes enfants, et sa terrible sensation de culpabilité et de solitude lui était très difficile à exprimer. La seule façon qu’il avait de visualiser la fin de son père était de le dessiner marchant sans fin sur une route désolée et vide (Allégorie de la mort - la route aride, 1889-1890). Pendant un temps, il fut incapable de travailler. Son amitié avec le jeune poète danois Emanuel Goldstein
Madone 1894 Huile sur toile, 90 x 68,5 cm Musée Munch, Oslo
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fut à ce moment une consolation. Goldstein aussi était passé par une tumultueuse histoire sentimentale, et l’expérience commune d’un amour non partagé les fit se reconnaître comme des âmes sœurs. Tous deux voyaient les femmes comme des vampires, se régalant du sang des hommes qui les aimaient. Cette relation était si intense qu’on pourrait même y deviner un élément d’homosexualité, jamais
Les Trois Âges de la femme (Sphinx) Vers 1894 Huile sur toile, 164 x 250 cm Collection Rasmus Meyers, Bergen Kunstmuseum, Bergen
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exprimé ni admis. Le « journal » semi romancé de Munch était très important pour lui et il le remplissait assidûment, y voyant la base d’un roman sur sa vie. Mais il n’y a l’indice d’aucun élément sexuel dans cette amitié. Petit à petit il sortait de son abîme de désespoir, et commença même à accepter la possibilité d’une vie éternelle – mais faisant partie du cycle de la nature plutôt que d’un paradis chrétien. Il embrassa
Puberté 1894-1895 Huile sur toile, 151,5 x 110 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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le Symbolisme, se trouvant très en accord avec ses objectifs et ses idéaux, et finalement adopta cette dénomination pour décrire son propre travail, le définissant dans ses notes comme « la nature… transformée par la disposition subjective de chacun »2, ou ce que Reinhold Heller appelle « l’activité transformatrice de l’esprit, de l’humeur ou des émotions de l’artiste ».3
Les Mains 1895 Lithographie à l’encre noir sur carton de couleur crème, 48,5 x 29,2 cm Clarence Buckingham Collection, The Art Institute of Chicago, Chicago
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Résultat direct de son exposition de 1889 à Christiania – en partie à cause de la mode nordique en vogue alors à Berlin, et par-dessus tout la littérature et l’art : Munch fut invité à exposer ses travaux à l’Association des Artistes de Berlin en 1892. Le président de l’association étant proche de la cour impériale, il avait un espoir de trouver des mécènes influents. Cependant, la section montrant ses peintures
Femme amoureuse (Madone) 1895-1902 Lithographie en couleur, 60,6 x 44,6 cm Musée Munch, Oslo
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n’a pas surmonté la désapprobation de la critique plus d’une semaine. Les membres du bureau de l’association, qui ne connaissaient pas le travail de Munch, furent épouvantés par la franchise de certains sujets. Il s’ensuivit toute une histoire, avec des répercussions politiques atteignant même la cour impériale, et l’affaire s’étala dans tous les journaux. Le reste du groupe des peintres norvégiens retira également ses œuvres, après
Le Vampire 1895 Huile sur toile, 91 x 109 cm Musée Munch, Oslo
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s’être senti déconsidéré. La querelle qui résulta aboutit en 1899 à la sécession des peintres les plus jeunes et avant-gardistes de Berlin, un mouvement faisant écho aux précédentes sécessions de Munich (1892) et de Vienne (1897). Munch, qui en raison du scandale était devenu encore plus célèbre qu’il ne l’espérait peut-être, avait de nombreux supporters parmi le groupe des plus jeunes, qui se trouva rapidement en phase avec les
Stanis³aw Przybyszewski (au bras de squelette) 1895 Tempera sur toile, 75 x 60 cm Musée Munch, Oslo
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écrivains qui comptaient dans la ville : parmi eux était Strindberg, venu de Suède. Le critique Julius MeyerGraefe était également un défenseur de Munch. Munch envisageait depuis quelques temps de réunir certaines de ses peintures dans une série, appelée soit Amour soit La Frise de la vie. L’objectif était de peindre « des vivants qui respirent, ressentent, souffrent et aiment »4. La série complète ne fut jamais
Jalousie 1895 Huile sur toile, 66,8 x 100 cm Collection Rasmus Meyers, Bergen Art Museum, Bergen
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clairement définie, et les œuvres qu’il y inclut changèrent d’année en année et d’exposition en exposition, mais certaines pièces majeures sont considérées le cœur de ce projet. Certaines œuvres peintes avant qu’il n’ait l’idée de cette série y trouvèrent ensuite parfaitement leur place. Il y eut divers essais d’exposition de la série complète à différentes périodes de la carrière de l’artiste,
La Mort dans la chambre de la malade Vers 1895 Tempera et pastel sur toile, 152,5 x 169,5 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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qui n’ont toujours pas été réalisés. Ce n’est qu’après sa mort que ces œuvres ont été réunies en un seul lieu d’exposition, le musée Munch d’Oslo. Il n’est guère surprenant, on l’imagine, qu’il ait voulu continuer de modifier le contenu de cette série. En effet sa méthode de travail était de revenir au même sujet plusieurs fois, avec des techniques différentes. Il a pu être insatisfait de l’une ou l’autre de ses œuvres précédentes, dans
Sur le Lit de mort 1895 Huile sur toile, 90,2 x 120,5 cm Collection Rasmus Meyers, Bergen Art Museum, Bergen
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lesquelles il a jugé n’être pas parvenu à exprimer ce qu’il voulait leur faire dire. Dans sa perception quelque peu changeante de l’interaction masculin/féminin, il en arrivait alors à voir l’impulsion sexuelle comme sacrée et des rapports aimants comme un acte saint assurant la postérité. Le groupe d’extraordinaires œuvres sur le thème du sexe et du désir résume ses sentiments vis à vis des femmes :
Autoportrait à la cigarette 1895 Huile sur toile, 110,5 x 85,5 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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il a un désir d’amour, croit en la dimension sacrée de l’acte d’amour pour la fécondation et la perpétuation des espèces, mais il est rongé par la jalousie et la méfiance et finit par succomber au désespoir. La série de La Frise de la vie passe par toute cette gamme de sentiments depuis Homme et femme, Le Baiser et Madone jusqu’au Vampire, Le Bateau jaune (Jalousie) et Le Cri.
Le Cri 1895 Lithographie, 35,5 x 25,4 cm Collection privée
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Le Baiser est un des thèmes que Munch revisita et retravailla le plus régulièrement. Les formes de l’homme et de la femme se fondent en une seule, une expression d’extase enveloppant les individus et menant à leur extinction. En cela Munch donne peutêtre forme au concept d’amour-mort de Wagner, le Liebestod qui luit sombrement tout au long de son opéra novateur Tristan et Isolde. Une gravure et une
Jeune fille aux trois têtes d’homme 1895-1898 Huile sur toile, 90 x 100 cm Der Kunstverein in Bremen - Kunsthalle Bremen, Brême
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aquatinte sur ce sujet, de 1895, montrent l’homme et la femme nus. Le thème est développé dans plusieurs œuvres nommées Jeune Femme et la mort, dans lesquelles une femme est enlacée par un squelette. Le tableau de la Madone dépeint explicitement le moment où la femme atteint un paroxysme alors que nous la regardons avec le point de vue de son partenaire, qui voit l’instant sacré se matérialiser lorsqu’elle
Tête d’homme entourée des cheveux d’une femme 1896 Gravure sur bois et aquarelle, 54,5 x 38,5 cm Musée Munch, Oslo
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est fécondée et devient la mère universelle. Cette belle œuvre, aux chairs d’une teinte verdâtre surnaturelle et au halo vif, a été revisitée sous forme de pointe sèche et de lithographie colorée à la main quelques années plus tard, avec des foetus ou des spermatozoïdes décorant les bords. Le Vampire revient aussi de nombreuses fois dans l’œuvre de Munch. Ce qui a commencé comme l’image
Attraction II 1896 Lithographie à l’encre noire sur papier crème avec rehauts de bleu, 38,3 x 60,4 cm Acquis grâce à la générosité de Lynn et Philip A. Straus, classe de 1937 Harvard Art Museums, Cambridge, Massachusetts 114
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d’une femme embrassant tendrement le cou de son amant fut progressivement transformé en la vision d’une femme maléfique, vampirique, brisant la vie. Une grande partie de son malheur, provoqué par Milly Thaulow et plus tard Tulla Larsen, se retrouve dans ces peintures et dessins, tels que La Bête (1902). Jalousie fut une autre étape de la guerre des sexes, il montre l’amant de Dagny, Jappe Nilssen.
Séparation II, extrait du « Miroir » 1896 Lithographie à l’encre noire sur papier de Vélin teinté en brun avec rehauts bleus, 39,8 x 59,8 cm Acquis grâce à la générosité de Lynn et Philip A. Straus, classe de 1937 Harvard Art Museums, Fogg Museum, Cambridge, Massachusetts 116
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Désespoir fut renommé Le Cri, vocalisant les sentiments de l’artiste au sujet de l’amour et du sexe : « Je regardais les nuages enflammés descendant comme du sang et une épée sur le fjord bleu noir et la ville… Je restais là, tremblant de peur. Et je sentis un cri puissant, sans fin, transpercer la nature. »5 Sa rétrospective, censurée à Berlin, fut exposée dans diverses villes importantes d’Europe moins rigides,
Séparation 1894 Huile sur toile, 96,5 x 127 cm Musée Munch, Oslo
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et davantage prêtes à accepter son esthétique, ce qui généra un nouveau respect pour son génie. Il fut amené rapidement à vendre certaines de ses œuvres auprès de collectionneurs munichois, chez qui les peintres norvégiens sécessionnistes avaient envoyé leurs œuvres, ainsi qu’à Dresde. Il put ainsi envoyer de l’argent chez lui afin de soutenir son frère et ses sœurs. Une anthologie de textes critiques sur son
La Voix / Nuit d’été 1896 Huile sur toile, 90 x 119,5 cm Musée Munch, Oslo
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œuvre fut publiée en 1894, avec des essais de Przybyszewski, Servaes, Meyer-Graefe et Pastor. Tout cela contribua beaucoup à le réconforter et le poussa à travailler plus dur. Munch se sentait vraiment chez lui à Berlin, malgré un premier accueil malheureux. Il entretenait une grande admiration pour les héros de la culture allemande tels que Wagner et Nietzsche, et était spécialement attiré
L’Enfant malade 1896 Huile sur toile, 121,5 x 118,5 cm Göteborgs konstmuseum, Göteborg
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par le travail d’Arnold Böcklin, peintre de L’Île des morts. Il se sentit bientôt part d’un autre cercle de bohême qui admirait son travail et comprenait ce qu’il voulait faire. On comptait parmi ses amis, à côté de Meyer-Graefe et Strindberg, le poète Richard Dehmel, le romancier Stanislaw Przybyszewski, et un nombre d’artistes scandinaves qui s’étaient rassemblés dans l’atmosphère libre et grisante du Berlin du début du siècle. L’écrivain et critique Jens Thiis était parmi eux.
Autoportrait à la lyre 1896-1897 Crayon et gouache sur papier, 68,5 x 52,5 cm Musée Munch, Oslo
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Pauvre artiste vivant sous les combles, Munch a produit là quelques unes de ses œuvres les plus mémorables, parmi elles Puberté (1895), qui provoqua un autre scandale avec sa franche évocation de l’éveil à la sexualité d’une timide jeune fille. Il a aussi fait un merveilleux portrait de sa sœur dans une robe à motifs, son immobilité hiératique et son regard ferme laissant transparaître beaucoup d’émotion sous le calme apparent (Portrait d’Inger Munch dans une robe à pois, 1892).
La Mère morte et sa fille 1897-1899 Huile sur toile, 104,5 x 179,5 cm Musée Munch, Oslo
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C’est alors qu’une attaque stupéfiante, émanant d’un critique de droite en Norvège, se révolta contre la « dégénérescence » de Munch, protestant contre le fait qu’il touchait des fonds d’État. La violence du langage utilisé n’aurait pas été déplacée parmi les nazis et leur campagne contre « l’art dégénéré » des années 30. Mais les amis de l’artiste continuaient à le soutenir, tout comme sa glorification de l’irrationnel et
Héritage I 1897-1899 Huile sur toile, 141 x 120 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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du symbolique, perçue par ses adversaires comme une menace du rationalisme et du matérialisme bourgeois. Les amis de la bohême berlinoise se retrouvaient souvent à la taverne appelée le Cochon Noir. C’est lors de ces rencontres que l’idée de sécession fit son chemin. Przybyszewski, ami proche de Munch, était marié à une Norvégienne, Dagny Juel, connue sous le nom de Ducha, dont la minceur séduisante et le
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magnétisme animal un peu fiévreux avaient un effet puissant sur Munch, comme sur la plupart des hommes qu’elle connaissait (Dagny Juel Przybyszewska, 1893). Son entrée dans le groupe le fit se fragmenter : la jalousie se montra de nouveau, et l’échange d’idées, intellectuellement plaisante, était menacé par le démon de la sexualité. Comme presque tous dans ce cercle, Dagny et Munch avaient une apparente faculté de
À Travers Bois I 1897 Gravure à partir de deux blocs (l’un vu en trois sections), à l’encre noire bleue et orange-brun sur papier japonais couleur ivoire, 52,3 x 64,4 cm Collection Catherine Woodard et Nelson Blitz Jr 132
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boire de l’absinthe sans limite, la « fée verte » dont la toxicité ne leur nuisait apparemment pas à l’époque. Nous pouvons retrouver des caractéristiques de cette femme, comme de Milly, dans les représentations de Madone. Dagny allait trouver une fin prématurée et dramatique quand elle fut tuée en 1901 à Tiflis (Tbilissi), capitale de la Géorgie, par un jeune amoureux russe dérangé qui croyait exaucer le vœu de son mari.
Ibsen au Grand Café 1898 Huile sur toile, 72 x 100 cm Avec la grâcieuse courtoisie de la Galleri K, Oslo
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Munch croyant dans le renouvellement de toute chose, le cycle constant de la force de vie allant du cadavre jusqu’à la plante ou l’arbre qui nourriront la vie humaine dans une sorte d’éternité, cela engendrera de nombreuses œuvres sur le thème de la mort qu’il produira pour son exposition suivante, organisée avec les sécessionnistes de Berlin en 1893. Parmi celles-ci, La Mère morte et sa fille, exprime l’idée que le corps
La Vigne vierge rouge 1898-1900 Huile sur toile, 119,5 x 121 cm Musée Munch, Oslo
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se décompose et que sa substance retourne à la nature et nourrit les générations futures, les plantes ou le sol. Il alla si loin qu’il dessina un cadavre avec des gaz de décomposition qui s’en échappent. La mort constituait aussi une préoccupation de Böcklin, le peintre allemand que Munch admirait le plus. Un chefd’œuvre de cette époque est La Mort dans la chambre de la malade (vers 1895), portrait de groupe de sa
La Danse de la vie 1899-1900 Huile sur toile, 125 x 191 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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famille entière : lui et ses deux soeurs au premier plan, son frère, son père et sa tante en arrière-plan. Le personnage mourant se réfère probablement à la fille aînée, Sophie, mais tous les personnages sont représentés à la date de la toile et non comme ils étaient au moment de la mort de Sophie, seize ans plus tôt. On doit se souvenir que le Dr Munch était mort à l’époque, mais l’artiste le représente comme il
Rencontre dans l’espace 1899 Lithographie en couleur, 18 x 25 cm Collection privée
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aurait pu être. Le tableau, exécuté à la caséine, une nouvelle technique pour Munch, fut chaudement reçu et marqua le véritable départ de son acceptation en tant qu’artiste sérieux. Il commença une période d’activité acharnée pendant laquelle il peignit Séparation (1894), une description expressive du moment où une femme annonce à son amant qu’elle ne veut plus de lui.
Deux Hommes. Les solitaires 1899 Gravure sur bois Collection de la famille Epstein, Washington D.C
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Munch était assez heureux à Berlin, voyant beaucoup Przybyszewski et Dagny (Portrait de Stanislaw Przybyszewski, vers 1893) et créant de nombreuses peintures et œuvres exceptionnelles. Mais sa source de revenus s’épuisait, et seule la bonté d’un mécène allemand lui permettait de continuer. De plus, il était souvent malade. L’Autoportrait à la cigarette, datant de 1895, exprime clairement les abus
Mélancolie (Laura) 1899 Huile sur toile, 110 x 126 cm Musée Munch, Oslo
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engendrés par sa vie de bohême. Il avait alors trentedeux ans. La fumée de sa cigarette voile un visage pâle aux yeux fixes qui surgit vers nous depuis les ombres. L’aspect inachevé ne fait qu’ajouter à la dimension dramatique. Il a alors souhaité ajouter une dimension narrative à sa superbe série Amour ou La Frise de la vie, en créant un lien entre les peintures figurant dans son « journal ».
Métabolisme 1899 Huile sur toile, 172,5 x 142 cm Musée Munch, Oslo
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Il décida d’arranger ses peintures de La Mort en une séquence. Le triple aspect de la femme paraît dans Étude symbolique, une gouache de 1893 : autour de la partie centrale sont figurées la fille innocente, au teint jaunâtre, la femme dans l’éclat de la maternité et de la fécondité, figurée en vert et allongée tout en haut, et enfin la femme dans son aspect sexuel, en rouge pourpré. Au centre, nous pouvons voir trois
Golgotha 1900 Huile sur toile, 80 x 120 cm Musée Munch, Olso
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têtes de femme oppressant un homme couché sur le corps mort d’une autre femme. Ce tableau résume tout ce que Munch voulait exprimer au sujet de l’amour et de la vie. La combinaison de plusieurs thèmes en une seule image était un mode d’expression vers lequel il allait souvent revenir les années suivantes. Munch n’était pas seulement peintre. Au cours de sa vie, il maîtrisa tous les aspects des arts graphiques,
L’Île 1900-1901 Huile sur toile, 99 x 108 cm Collection privée, Oslo
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commençant à Berlin à l’âge de trente et un ans. Le déclencheur de son apprentissage de l’impression fut le besoin pressant de gagner de l’argent. Son mécène allemand, le baron Von Bodenhausen, lui suggéra que c’était le meilleur moyen pour gagner davantage d’argent et pour étendre sa base de collectionneurs. Il commença avec des gravures et continua avec des lithographies. Cependant, au moins au début, ses
Jeunes Filles sur la jetée Vers 1901 Huile sur toile, 136 x 125,5 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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espoirs de succès ne furent pas couronnés en dépit de la chance de s’être attiré le mécénat du comte Kessler, un collectionneur influent. Ses lithographies en couleurs sont particulièrement réussies, leurs blocs de couleur pure apportant une expression nouvelle et vive aux émotions explorées dans les peintures originales. Ses xylogravures – une technique qu’il avait d’abord rencontrée à Paris – étaient
Fertilité II 1902 Huile sur toile, 128 x 152 cm Musée Munch, Oslo
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également des expressions merveilleusement succinctes d’un moment d’émotion. Rien n’aurait pu être plus réminiscent de son émotion éponyme que Mélancolie de 1896. L’extraordinaire Dans l’Esprit de l’homme, datant de 1898, utilise la technique de gravure sur bois la plus simple pour arriver à un dessin envoûtant et sinueux exprimant l’oppression de l’homme par la femme.
Sur la Table d’opération 1902-1903 Huile sur toile, 109 x 149 cm Musée Munch, Oslo
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Bien que très séduisant aux yeux des femmes, les relations que Munch a entretenues avec elles n’ont jamais été satisfaisantes. Souvenons nous, d’abord, qu’il avait ressenti la mort de sa mère, alors qu’il était si jeune, comme une sorte de rejet. S’il aimait une femme il avait l’impression qu’elle s’en irait, le laissant désespéré avec ses regrets. Par ailleurs Munch était un
Les Quatre Âges de la vie 1902 Huile sur toile, 130,4 x 100,4 cm Collection Rasmus Meyers, Bergen Kunstmuseum, Bergen
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pur produit de son époque, faisant l’expérience de la méfiance des femmes provoquée par la poussée de l’émancipation féminine, et de la crainte envers les femmes puissantes qui tournait souvent à la haine. Ses relations avec Milly Thaulow et ensuite Tulla Larsen portent certainement une part de responsabilité dans ce raisonnement.
Le Péché (Nu aux cheveux roux et yeux verts) 1902 Lithographie en couleur, 49,5 x 39,9 cm Berliner Kupferstichkabinett, Berlin
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De nombreux hommes de sa génération firent preuve de cette crainte et de cette méfiance : Strindberg, en particulier, qui écrivit que la nature féminine était « tortueuse et fausse, inclinée vers le mal » (sa misogynie étant attisée par ses sentiments torturés pour Dagny) ; le dramaturge Frank Wedekind (créateur de l’anti-héroïne Lulu) ; le chantre ambivalent, le poète Charles Baudelaire ; et le peintre
La Bête 1902 Huile sur toile, 94,5 x 63,5 cm Sprengel Museum, Hanovre
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belge Félicien Rops avec ses descriptions sauvages du principe féminin. Mais Munch reconnaissait aussi que les femmes étaient capables d’amour et d’abnégation. Son attitude ambiguë est résumée dans une autre version de la triple nature féminine datant de 1894 environ, Les Trois Âges de la femme (Sphinx) : la vierge, la prostituée et la femme âgée y sont présentes, bien que sous des formes plus subtiles que ces archétypes.
Les Quatre Fils du docteur Max Linde 1903 Huile sur toile, 144 x 199,5 cm Die Museen für Kunst und Kulturgeschichte der Hansestadt Lübeck, Lübeck
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Ces trois âges réapparaissent, la prostituée métamorphosée en mère, dans La Danse de la vie (1899-1900). De retour en Norvège en 1895, Munch se trouva face à une réaction du public maintenant habituelle, défavorable à sa dernière exposition. Il était même alors catalogué comme affligé de démence héréditaire, un point de vue qu’il aurait pu approuver. Incapable de se conformer au schéma strict de ses
La Broche : Eva Mudocci 1903 Lithographie sur papier japonais fin, 60,8 x 47 cm The Art Institute of Chicago, Chicago
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compatriotes, et pleurant la mort de son frère Andréas, il partit pour Paris. Dix peintures de La Frise de la vie y furent exposées au Salon des indépendants et à la galerie d’art nouveau de Samuel Bing. La plupart des étés il retournait dans sa petite maison en Norvège, à Åsgårdstrand, qu’il aimait. De 1892 à 1908 il passa beaucoup de temps en Allemagne, en faisant presque son pays. Les membres les plus
Autoportrait en enfer 1903 Huile sur toile, 82 x 66 cm Musée Munch, Oslo
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conventionnels des sécessionnistes de Berlin se montraient soupçonneux envers lui, et il ne fit pas d’autre exposition avec le groupe avant 1902 – laquelle fut cependant un succès, lui apportant l’estime du marchand d’art influent Paul Cassirer. Il réussissait, avec des difficultés. Sa relation avec la belle et déterminée Tulla Larsen débuta en 1898. Elle allait lui causer, à sa façon, encore plus de soucis
Table de roulette 1903 Huile sur toile Musée Munch, Oslo
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et de fatigue nerveuse que Milly Thaulow auparavant. Tulla était résolue à conquérir un artiste. Riche, de quelques années plus jeune que lui (il avait maintenant trente-cinq ans) et prédatrice, elle le poursuivit sans relâche, faisant circuler le bruit qu’ils allaient se marier, ne le laissant jamais seul, le suivant partout et parfois même de pays en pays. Dans son esprit elle incarnait les trois archétypes féminins, la jeune fille
Autoportrait aux pinceaux 1904 Huile sur toile, 197 x 91,5 cm Musée Munch, Oslo
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printanière heureuse et rayonnante, la mère affligée, et la « tentatrice aux cheveux de braise » (La Danse de la vie). Ses cheveux roux constituaient un élément majeur de l’attraction qu’elle exerçait sur Munch, et plus tard du dégoût et du désespoir qu’elle lui inspira. Mais il était clair dans son esprit qu’il devait résister à toute liaison d’ordre sexuel avec elle au cas où cela compromettrait ses impulsions artistiques. Elle a alors
Garçons se baignant 1904-1905 Huile sur toile, 57,4 x 68,5 cm Collection privée
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exprimé son désaccord de manière véhémente, créant un conflit ingérable pour Munch. Son humeur anxieuse s’exprime dans La Vigne vierge rouge, de 1898-1900, dans lequel le visage du premier plan semble s’échapper d’une horreur innommable dans la maison à l’arrière. Le tableau est inondé de rouge, couleur qui rappelle non seulement la chevelure de Tulla mais aussi l’angoisse et la confrontation qui
Nietzsche I 1906 Huile sur toile, 201 x 160 cm Thielska Galleriet, Stockholm
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lui étaient associées. Leur histoire dura, avec des hauts et des bas, pendant plusieurs années, lors desquelles Munch s’approcha de plus en plus de la dépression totale. Il se retrouva incapable de travailler pendant environ un an, et se retira dans la paix d’un sanatorium pendant plusieurs mois à la fin de 1899. Il partit pour Berlin, espérant y trouver le calme et la stabilité. Or, ironiquement, sa réputation prenant de
Autoportrait à la bouteille de vin (à Weimar) 1906 Huile sur toile, 110,5 x 120,5 cm Musée Munch, Oslo
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l’ampleur, ses finances s’améliorèrent grâce au patronage d’Albert Kollmann. Munch ne revint à la création qu’en 1901, lorsqu’il fut capable de présenter plus de soixante-dix peintures pour une exposition. Sous l’égide de Kollmann, il avait maintenant rejoint les sécessionnistes de Berlin qui avaient pris en 1892 un virage aigu par rapport aux valeurs artistiques traditionnelles. Il fit des ajouts et termina plus ou
La Meurtrière 1906 Huile sur toile, 110 x 120 cm Musée Munch, Oslo
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moins La Frise de la vie, exposant la série à la galerie de la Sécession en 1902. Il avait maintenant les louanges de la critique et était vu comme un artiste du futur, au mépris des critiques précédentes disant qu’on avait déjà vu tout ce qu’il pouvait offrir. En 1902, épuisé par sa relation orageuse avec Tulla qui était incapable de le laisser en dépit des nombreuses tentatives qu’il avait faites pour lui échapper, il l’attira
La Mort de Marat I 1907 Huile sur toile, 150 x 200 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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près d’elle par un subterfuge, menaçant de se suicider si elle ne venait pas. Au cours d’une suite d’événements désastreux, un coup fut tiré qui blessa gravement et de manière permanente la main gauche de l’artiste. L’auteur du tir n’est pas vraiment identifié, nous ne pouvons qu’affirmer que ce fut un accident. Munch demeurant à l’hôpital, Tulla s’enfuit. Ils ne se reverraient jamais. Il trouva refuge chez un ami médecin
Hommes se baignant 1907 Huile sur toile, 206 x 277,5 cm Musée d’Art Ateneum, Helsinki
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à Lübeck qui lui apporta pendant quelque temps un certain réconfort. Il le remercia de sa gentillesse avec une série de peintures et de gravures de la famille et des environs, une des plus belles étant le portrait de groupe Les Quatre Fils du docteur Max Linde (1903). Sa dernière rencontre avec Tulla fut représentée par La Mort de Marat I (1907), une des nombreuses œuvres qu’il produisit à cette époque où elle est
Walter Rathenau 1907 Huile sur toile, 220 x 110 cm Collection Rasmus Meyers, Bergen Kunstmuseum, Bergen
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représentée comme une meurtrière – que ce soit littéralement ou en tant que destructrice de sa tranquillité d’esprit. Tulla réagit à cette description en répandant des rumeurs malveillantes sur la manière dont il avait vécu sur sa fortune. Elle réussit même à persuader certains amis de Munch de prendre son parti tels que Krohg et Heiberg. Cela lui rendit Paris fort inconfortable lorsqu’il y arriva en 1903, pour y
L’Ouvrier et la fillette 1908 Huile sur toile, 76 x 90 cm Musée Munch, Oslo
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apprendre – à sa grande horreur – qu’elle y vivait, ayant épousé un peintre. Cette visite à Paris eut néanmoins un aspect positif : il se fit une nouvelle amie en la personne d’Eva Mudocci, une violoniste dont les beaux yeux et la chevelure sombre et luxuriante lui inspirèrent une autre série de lithographies (La Broche : Eva Mudocci, 1903). Eva n’était pas menaçante, mais tendrement affectueuse, et son amitié platonique lui apporta un répit bien mérité après le chaos.
Le Jeune Noyé. Warnemünde 1908 Huile sur toile, 85,5 x 130,5 cm Musée Munch, Oslo
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Commença alors une période de voyages fréquents, une fuite loin des effets destructeurs de la passion de Tulla. De nombreuses expositions à travers l’Europe et les États-unis résultèrent d’un travail fiévreux, pas moins de seize rien qu’à Berlin dans les quelques années qui suivirent. Il était souvent très malade, sous l’emprise de l’alcool, et souffrait beaucoup de stress émotionnel. Son Autoportrait aux pinceaux de 1904 montre un homme ayant le contrôle
Portrait du Dr Daniel Jacobson 1909 Huile sur toile, 110,5 x 120,5 cm Musée Munch, Oslo
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de lui-même : pure illusion, puisqu’à cette époque il était sujet à des hallucinations et à des crises de colère irrationnelles. En dépit de son état de fragilité, l’artiste Munch récoltait maintenant les fruits de ses années de travail et d’acharnement. Il était respecté comme étant le guide du groupe expressionniste connu sous le nom de Die Brücke, rassemblé à Dresde en 1905, et cherchait à le suivre.
Autoportrait dans la clinique du Dr Jacobson 1909 Huile sur toile, 100 x 110 cm Collection privée, Bergen
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Considéré comme représentant le mieux l’esprit germanique dans l’art, « germanique » ayant ici le sens de « nordique », les couches influentes de la société allemande, embrassant le concept nietzschéen du combat pour la pureté, le prirent sous leurs ailes. Un retour à Åsgårdstrand ne lui permit pas de se rétablir, puisque la situation politique y devenait instable. L’union de la Norvège et de la Suède fut
Christen Sandberg 1909 Huile sur toile, 215 x 147 cm Musée Munch, Oslo
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dissoute en 1905, et la guerre semblait probable. Il partit pour Copenhague, puis retourna en Allemagne où il fit des cures dans plusieurs stations thermales et essaya de contrôler son alcoolisme. En 1908, alors qu’il préparait une exposition à Copenhague, il fut terrassé par un épuisement mental et physique total, et fit une crise pendant laquelle il entendit des voix et souffrit d’un délire de persécution. Cet épisode
Christian Gierloff 1910 Huile sur toile, 205 x 98 cm Göteborg konstmuseum, Göteborg
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psychotique le mena dans une clinique où il demeura plusieurs mois. Ce fut un moment décisif. Cette longue période de traitement et de désintoxication fut un succès remarquable, et l’artiste en émergea avec une nouvelle vigueur et une perspective globalement plus positive. Il abandonna la boisson – on dit en effet qu’il n’a jamais bu d’alcool depuis lors. Le médecin à qui il
L’Assassin 1910 Huile sur toile, 94,5 x 154 cm Musée Munch, Oslo
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devait cet heureux résultat fut immortalisé par un agréable portrait (Portrait du Dr Daniel Jacobsen, 1909). Ses traits quelque peu austères sont animés par les rouges et les jaunes chauds de l’arrière-plan et le brun luxueux de ses vêtements. Un poète ami du médecin fut aussi l’objet d’un tout aussi joli portrait cette année-là (Helge Rode). Un des facteurs qui a certainement contribué au rétablissement de Munch a
Cheval au galop 1910-1912 Huile sur toile, 148 x 120 cm Musée Munch, Oslo
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été sa reconnaissance par l’État norvégien, lorsqu’il fut fait chevalier de l’Ordre Royal de Saint Olav. Avec sa guérison vint la décision de cesser l’agitation des voyages sans fin et de s’installer en Norvège de façon permanente. Il acheta une ferme à Ramme sur l’Oslofjord, et loua également deux autres propriétés – Skrubben et Grunsrød. Il y séjournait en alternance, trouvant la paix dans la variété du paysage
Le Tronc jaune 1912 Huile sur toile, 129 x 160,5 cm Musée Munch, Oslo
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et la proximité avec la nature. Il menait une vie simple, et voyait peu de gens en-dehors de ceux qui travaillaient sur ses propriétés, tirant son inspiration de la vie quotidienne qui l’entourait (Les Pelleteurs de neige, vers 1913) Cette époque de dépression puis de guérison constitua, de façon peu surprenante, un tournant dans l’art de Munch. Son travail prit un ton plus joyeux et plus détendu. L’angoisse et le chagrin de son œuvre
Alma Mater 1911-1916 Peinture murale, 4,5 x 11,6 m Grande salle de l’université d’Oslo, Oslo
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antérieure ne disparurent pas entièrement, tout comme l’artiste lui-même ne fut pas guéri du jour au lendemain de sa dépression et du traumatisme de ses jeunes années ; cependant les aspects les plus tristes reculèrent et une nouvelle note d’optimisme devint nettement perceptible. Pendant sa maladie et sa guérison, il avait pu continuer ses activités artistiques, organisant des expositions et peignant le personnel de
Histoire 1911-1916 Peinture murale, 4,5 x 11,6 m Grande salle de l’université d’Oslo, Oslo
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la clinique. Le fait de continuer à travailler lui fut salutaire : face au chevalet il était maître des gens qu’il peignait, plutôt que l’inverse. Au fur et à mesure de sa guérison, il prit des décisions capitales. Il se sentait maintenant capable de disperser le cycle La Frise de la vie et en vendit diverses pièces. C’était une façon de laisser le passé derrière lui. Son nouvel optimisme prend forme dans l’Autoportrait à Copenhague de 1909, qui montre un homme revigoré,
Le Soleil 1911-1916 Peinture murale, 4,5 x 7,8 m Grande salle de l’université d’Oslo, Oslo
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mûri par les affres de la souffrance et maintenant prêt pour une nouvelle phase de sa vie. Un des projets les plus importants de cette période fut la commande de la décoration de la nouvelle grande salle de l’Université de Christiania. Le centenaire de l’Université fut célébré en 1911, et les principaux artistes de Scandinavie furent invités à participer à la compétition et à proposer des décors muraux pour le nouveau
L’Hiver à Kragerö 1912 Huile sur toile, 131,5 x 131 cm Musée Munch, Oslo
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bâtiment. Munch fit partie des quelques peintres choisis et débuta son travail au printemps 1909, juste au moment où il sortait revigoré de sa maladie. Trois gigantesques panneaux à l’huile furent conçus, des plus petits venant en complément. Celui de gauche intitulé Histoire, est un travail colossal de plus de 11,5 mètres de large et de presque 4,5 mètres de haut. Il représente un enfant se tenant debout devant un
Nu couché 1912-1913 Huile sur toile Kunsthalle, Hambourg
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homme âgé lui transmettant son savoir sous l’ombre bienveillante d’un énorme chêne. Les branches de l’arbre massif s’étendent au-dessus des deux personnages comme pour imprégner le bambin de son savoir ancien – une sorte de transmission de la sagesse d’un vénérable vieillard à un enfant inexpérimenté. Un journaliste a dit que le tableau exprimait « le processus vivant de la transmission ».
Nu pleurant 1913 Huile sur toile, 110,5 x 135 cm Musée Munch, Oslo
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Le panneau central a pour thème le soleil levant, pourvoyeur de toute vie. La recherche du soleil était un thème que Munch exploitait dans ses écrits autant que dans son art. Dans cette partie du monde où le soleil est plus ou moins absent de la vie quotidienne pendant presque la moitié de l’année, sa réapparition au printemps et son rayonnement fécond des mois d’été n’étaient pas célébrés que par les peintres. Le naturisme
Les Pelleteurs de neige vers 1913 Huile sur toile, 163 x 200 cm Musée Munch, Oslo
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et le culte du soleil devenaient largement acceptés en Europe du Nord, comme une vue romantique de la vie préindustrielle, en accord avec la nature. Sur cette œuvre surdimensionnée, le soleil s’élève au-dessus de la mer, éclaboussant les fjords, les collines et les vallées de sa lumière. Les rayons sont représentés de façon géométrique, les cercles concentriques composés de petits rectangles, avec des lignes et des traits de toutes les
Près du Lit de mort (Fièvre) Vers 1915 Huile sur toile, 187 x 234 cm Musée Munch, Oslo
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teintes du spectre. Quelques silhouettes minuscules regardent avec émerveillement le spectacle céleste. Le troisième panneau principal est intitulé Alma Mater et glorifie le principe féminin bienveillant. La terre mère qui s’occupe tranquillement de son bébé est entourée d’autres jeunes enfants dans un frais paysage d’été. Une fois de plus la mer est un élément important de la composition.
Ouvriers rentrant chez eux 1915 Huile sur toile, 201 x 227 cm Musée Munch, Oslo
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Cette œuvre met en contraste la maturité fertile de la jeune mère avec l’interaction de l’âge extrême et de la jeunesse dans Histoire. Les trois panneaux, accompagnés des sujets plus petits qui les entourent, veulent exprimer la vie humaine dans son ensemble d’une façon à la fois typiquement norvégienne mais aussi universellement reconnue.
Autoportrait à Bergen 1916 Huile sur toile, 89,5 x 60 cm Musée Munch, Oslo
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Nous avons déjà remarqué que Munch pouvait être qualifié de précurseur ou d’avant-gardiste de l’Expressionnisme de par le rôle de modèle que lui attribuait le groupe d’artistes de Brücke. L’étape suivante de ce processus fut une invitation à exposer en 1912 avec le groupe d’artistes Sonderbund de Düsseldorf. Leur travail portait déjà le nom d’Expressionnisme, une manière de décrire le subjectivisme de l’artiste et ses tentatives pour obtenir une réaction intuitive du
Femme nue agenouillée (Anna) 1920 Huile sur toile, 150 x 106 cm Fondation Sarah Campbell Blaffer, Houston
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spectateur à l’aide de couleurs intenses, de formes monumentales et simples, de lignes fortes. Munch était en bonne compagnie : ses confrères artistes tenus pour avoir inspiré le mouvement étaient Van Gogh (principalement), James Ensor et Ferdinand Hodler. Une exposition importante fut organisée à Cologne, avec la participation d’artistes de toute l’Europe. Lorsque Munch vit cela il écrivit : « Ici est rassemblé tout ce qui a été peint de plus extravagant en Europe.
Le Peintre et son modèle I 1919-1921 Huile sur toile, 128 x 153 cm Musée Munch, Oslo
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Je suis comparativement classique et pâle. La cathédrale de Cologne en tremble sur ses fondations. »6 Le réveil germanique que Munch avait contribué à favoriser était un élément de base du mouvement expressionniste. Les héritiers de la première époque, Emil Nolde, Ernst Ludwig Kirchner, Oskar Kokoschka et jusqu’à un certain point Egon Schiele, tournant le dos au ferment créatif de Paris, se concentrèrent sur Vienne, où les théories psychanalytiques de Freud
Modèle près du fauteuil en osier 1919-1921 Huile sur toile, 122,5 x 100 cm Musée Munch, Oslo
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s’accordaient parfaitement avec leur introspection subjective. La progression naturelle du mouvement mena à une sorte de réalisme violent qui finalement se trouva en confrontation avec les idéaux nazis de valeur artistique. L’Expressionnisme se développa sous de nombreuses formes et avec de nombreuses subdivisions, en Belgique et aux Pays-Bas, aux États-Unis, en Amérique latine, en France, en Espagne et en Italie. Le Guernica de Picasso est la vision ultime de la violence expressionniste. Après la seconde guerre mondiale,
Autoportrait après la grippe espagnole 1919 Huile sur toile, 150,5 x 131 cm Nasjonalgalleriet, Oslo
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on trouvera parmi les représentants américains de l’Expressionnisme abstrait Arshile Gorky, Jackson Pollock, Willem de Kooning, Mark Rothko, Franz Kline, Clyfford Still et Robert Motherwell. Le lien reliant Munch aux grands peintres américains des années 50, bien que n’étant pas direct, est perceptible et associe ces maîtres emblématiques avec le génie nordique torturé : ce qui les relie est « la volonté d’exprimer le monde intérieur de l’homme, composé d’impulsions dramatiques, de violence, et de questions sans réponses ».7
Autoportrait. Le Voyageur de nuit 1923-1924 Huile sur toile, 90 x 68 cm Musée Munch, Oslo
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Les expressionnistes, mécontents de leur jugement par le public et les critiques de Berlin, firent une nouvelle fois sécession en 1913. Ils demandèrent à Munch d’exposer avec eux pour marquer son cinquantième anniversaire : l’exposition fut un triomphe. Même ses critiques norvégiens concédèrent la défaite, et ses travaux furent achetés avec enthousiasme, examinés et glorifiés dans les livres et les journaux.
Autoportrait androgyne 1927 Huile sur toile, 149 x 103 cm Musée Munch, Oslo
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Il fut difficile pour Munch de faire face à la Grande guerre. Son penchant naturel était de se mettre du côté de l’Allemagne, sa patrie spirituelle et presque son pays adoptif. Mais il ne pouvait pas tenir cette position face aux millions de morts inutiles annoncées, et il se retira dans l’isolement. Son travail devint quelque peu répétitif parce qu’il cherchait la logique de ce qu’il avait produit jusque-là. À Ekely, la propriété qu’il
Autoportrait durant l’infection de l’œil I 1930 Huile sur toile, 80 x 64 cm Musée Munch, Oslo
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avait achetée en 1916, il créa des ateliers pour exposer les dernières versions de sa Frise. Il était incapable d’arrêter ces reprises sans fin, qui n’amélioraient pas toujours l’original. Une nouvelle voie fut son application à peindre des nus. À cette époque, tout intérêt d’ordre sexuel pour les femmes semblait évanoui, et son œil les regardait sans passion, et même avec une légère cruauté.
Autoportrait nu allongé 1933-1934 Crayon et aquarelle sur papier, 70 x 86 cm Musée Munch, Oslo
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Il immortalisa la noblesse du travailleur dans ses louanges quelque peu naïves des cueilleurs de choux et des pelleteurs de neige (Ouvriers rentrant chez eux, 1915). Il espérait favoriser un climat social dans lequel le peuple aurait de l’influence. La commande pour la décoration des murs du réfectoire du l’usine de chocolat Freia à Oslo (1921-1922) fut une conséquence directe de cette philosophie. Sa santé déclina
Paysage de printemps à la maison rouge 1935 Huile sur toile, 100 x 130 cm Musée Munch, Oslo
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lors de ses dernières années qui virent aussi son échec à s’accommoder des changements politiques et sociaux considérables amenés par la première guerre mondiale. Les festivités de son soixante-dixième anniversaire en 1933 furent cependant une reconnaissance gratifiante de tout ce qu’il avait réussi ; mais peu de temps après, la montée du nazisme en Allemagne et le classement de son travail comme
Autoportrait à la fenêtre Vers 1940 Huile sur toile, 84 x 108 cm Musée Munch, Oslo
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« art dégénéré » constituèrent une gifle émanant de sa patrie spirituelle. L’éclatement de la seconde guerre mondiale le contraria et le déprima. L’acte final se produisit lorsqu’une explosion brisa les fenêtres de sa maison à Ekely fin 1943 et qu’il mourut du coup de froid qui s’en ensuivit le 23 janvier 1944. Il avait juste quatre-vingts ans ; il était fatigué et n’avait plus rien à donner.
Autoportrait entre l’horloge et le lit 1940-1943 Huile sur toile, 149,5 x 120,5 cm Musée Munch, Oslo
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Notes 1
Cité dans J.P. Hodin, Edvard Munch, World of Art series, Londres 1972, p. 22.
2
Carnet de dessins T127, archives du musée Munch.
3
Reinhold Heller, Munch : His Life and Work, Londres 1984, p. 66.
4
Journal, St-Cloud, 1889, cité dans Hodin, op. cit., p. 50.
5
Ms T2760, p. 44, archives du musée Munch, cité dans Heller, op. cit., p. 76.
6
Lettre à Jappe Nilssen, aux environs du 23 mai 1912. Cité dans Heller, op. cit., p. 211.
7
Jean Leymarie, ‘Expressionism’, Pall Mall Encyclopaedia of Art, Londres et New York 1971.
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Liste des illustrations A À Travers Bois I
133
Alma Mater
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Angoisse
81
L’Assassin
201
Attraction II
115
Autoportrait
9, 25
Autoportrait à Bergen
225
Autoportrait à la bouteille de vin (à Weimar)
179
Autoportrait à la cigarette
107
Autoportrait à la fenêtre
245
Autoportrait à la lyre
125
Autoportrait androgyne
237
Autoportrait après la grippe espagnole
233
Autoportrait aux pinceaux
173
Autoportrait dans la clinique du Dr Jacobson
195
Autoportrait durant l’infection de l’œil I
239
Autoportrait en enfer
169
Autoportrait entre l’horloge et le lit
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Autoportrait nu allongé
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Autoportrait. Le Voyageur de nuit
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B Le Baiser
57, 131
La Bête
163
La Broche : Eva Mudocci
167
C Cendres
79
Cheval au galop
203
Christen Sandberg
197
Christian Gierloff
199
Clair de lune
65
Clair de lune sur la côte
45
Le Cri
77, 109
D Dagny Juel Przybyszewska La Danse de la vie
250
67 139
Désespoir
75
Dessin d’un modèle posant
73
Deux Hommes. Les solitaires
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E L’Écrivain August Strindberg
53
Edvard Munch. Photographie
4
L’Enfant malade
123
F Femme amoureuse (Madone)
95
Femme au chapeau rouge sur le fjord (Harmonies bleues - le chapeau rouge)
39
Femme nue agenouillée (Anna)
227
Fertilité II
155
G Garçons se baignant
175
Golgotha
149
H Héritage I
129
Histoire
209
L’Hiver à Kragerö
213
Hommes se baignant
185 251
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I Ibsen au Grand Café
135
L’Île
151
J Jalousie Jeune Fille allumant un poêle
101 17
Jeune Fille aux trois têtes d’homme
111
Le Jeune Noyé. Warnemünde
191
Jeunes Filles sur la jetée
153
Le Jour d’après
83
Jour de printemps rue Karl Johan
31
K Karen Bjølstad dans un fauteuil à bascule
13
M Madone
87
Les Mains
93
Matin (Une Bonne)
19
Mélancolie
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37, 43
Mélancolie (Laura)
145
La Mère morte et sa fille
127
Métabolisme
147
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La Meurtrière
181
Modèle près du fauteuil en osier
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Mon Frère étudiant l’anatomie
15
La Mort dans la chambre de la malade
103
La Mort de Marat I
183
La Mort et le printemps
69
Le Mystère d’une nuit d’été
55
N Nietzsche I
177
Nu couché
215
Nu pleurant
217
Nuit à St Cloud
33
Nuit d’été (Inger à la plage)
49
Nuit étoilée
59
O L’Ouvrier et la fillette
189
Ouvriers rentrant chez eux
223
P Paysage de printemps à la maison rouge Paysage. Maridalen, environs d’Oslo Le Péché (Nu aux cheveux roux et yeux verts)
243 6 161 253
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Le Peintre et son modèle I
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Les Pelleteurs de neige
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Portrait d’Inger Munch dans une robe à pois
47
Portrait de l’écrivain Hans Jaeger
29
Portrait du Dr Daniel Jacobson Portrait du peintre Karl Jensen-Hjell Près du Lit de mort (Fièvre)
193 21 221
Le Printemps
27
Puberté
91
Q Les Quatre Âges de la vie
159
Les Quatre Fils du docteur Max Linde
165
R Rencontre dans l’espace
141
Rose et Amélie
71
Rue de Rivoli
41
S La Seine à St Cloud
254
35
Séparation
119
Séparation II, extrait du « Miroir »
117
Soir de printemps rue Karl Johan
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Le Soleil
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Songe d’une nuit d’été (La Voix)
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Stanis3aw Przybyszewski (au bras de squelette)
99
Sur la Table d’opération
157
Sur le Lit de mort
105
T Table de roulette La Tempête Tête d’homme entourée des cheveux d’une femme
171 63 113
Tête-à-tête
23
Les Trois Âges de la femme (Sphinx)
89
Le Tronc jaune
205
V Le Vampire
97
La Vieille Église d’Aker (Gamle Aker kirke)
11
La Vigne vierge rouge
137
La Voix / Nuit d’été
121
W/Y Y Walter Rathenau Les Yeux dans les yeux
187 85 255