MANUALE SCHOLARIUM
 9782503551104, 2503551106

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MANUALE SCHOLARIUM

TÉMOINS DE NOTRE HISTOIRE Collection dirigée par Pascale Bourgain

MANUALE SCHOLARIUM

PIERRE RICHÉ

F

© 2014, Brepols Publishers NV, Turnhout All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher. D/2014/0095/125 ISBN 978-2-503-55110-4 Printed on acid-free paper

Avant-Propos

Je présente ici l’édition et la traduction d’un texte du XVe siècle, le Manuale scholarium, traduit aux Etats-Unis en 1921 par R. F. Seybolt. J’avais redécouvert ce « Dialogue » dans mes dossiers et je pensais qu’il pouvait intéresser les historiens du Moyen Âge. J’avais fait un article en 2012 dans un numéro de la revue Histoire, n° 374, avril 2012, p. 80-88, et je souhaitais traduire ce texte. Je remercie donc ma collègue et amie Pascale Bourgain d’avoir permis de réaliser ce vœu.

Introduction

Ce livre, dont nous donnons texte et traduction, permet de connaître la vie d’une université en Allemagne à la fin du xve siècle. Il se présente sous une forme assez peu habituelle à cette époque : un dialogue entre deux étudiants. Les dialogues sont très nombreux au Moyen Âge1. Parmi le millier de textes pédagogiques dont j’ai fait le recensement et qui maintenant sont sur Internet à l’université de Paris  I, on trouve des dialogues entre père et enfants, maîtres et élèves, etc, mais très rarement des entretiens entre jeunes gens du même âge. Nous en trouvons un à l’époque carolingienne, écrit par Alcuin. Il met en scène un franc et un saxon, qui discutent sur la grammaire. Vers l’an mille, en Angleterre, le maître Ælfric Bata écrit un colloque où il met en scène ses élèves, toute la journée, depuis leur lever jusqu’au coucher, et les fait bavarder ensemble2. Mais, à ma connaissance, il faut attendre la fin du Moyen Âge pour trouver ce dialogue entre deux étudiants de l’université d’Heidelberg. Il m’a paru intéressant et en 2012, j’ai présenté ce texte dans la revue Histoire (n° 374, p. 80-85), mais jusqu’ici, nous n’avions pas une édition et traduction de ce colloque appelé Manuale Scholarium. C’est un excellent témoignage de la vie d’une université à la fin du xve siècle, qui fut écrit vers 1490 et publié en 1854, comme nous le verrons à la fin de cette introduction. Mais auparavant, pour comprendre ce texte, il faut présenter rapidement les Universités médiévales et leurs activités, en utilisant de nombreux travaux sur le sujet3. 1

Formes dialoguées dans la littérature exemplaire du Moyen Âge, sous la direction de M.-A. Polo de Beaulieu, éd. Champion, 2012. 2 Sur ces dialogues, cf. P. Riché, Écoles et enseignement dans le Haut Moyen Âge, 3e éd., Picard, 1999, p. 205 et 371. 3 Sur les universités médiévales, les livres ne manquent pas depuis H. Rashdall, The Universities of Europe in the Middle Ages, Oxford University Press, nouv.

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1/ Les Universités médiévales (XIIIe – XVe siècles) Les Universités sont nées au début du xiiie siècle, pendant ce qu’on appelle la “Renaissance du xiiie siècle”. C’est l’évêque qui dirige l’école et délivre aux bons élèves la “licentia docendi”, “permission d’enseigner”. Ces élèves ont eu comme programme les Arts libéraux, bien connus depuis la fin de l’Antiquité et la Renaissance carolingienne. D’abord le trivium : grammaire, rhétorique, dialectique ; puis le quadrivium : arithmétique, géométrie, astronomie et musique. Ces arts devaient mener à l’étude de l’Écriture Sainte. À mesure que les villes grandissaient et obtenaient leurs libertés, que les clercs désirant étudier pour servir l’Église étaient plus nombreux, le besoin se fit sentir d’avoir une nouvelle organisation de l’enseignement. Alors que maître et artisans s’organisaient en corporation, pourquoi les clercs n’en feraient-ils pas autant ? D’où la naissance, au début du xiiie siècle, d’une nouvelle corporation : l’Université. Cette université ne quitte pas l’Église, mais ce n’est plus l’évêque qui a l’autorité. Ce sont le roi et le pape. Philippe Auguste, à la suite d’une bagarre entre police et étudiants de Paris, accorde à ces derniers des privilèges. Le chancelier Philippe de Grève († 1236) s’en plaint : Paris, quand chaque maître enseignait de son côté et que le nom même d’université était inconnu, lectures et disputes étaient fréquentes ; on avait du zèle pour l’étude. Mais maintenant que vous vous êtes unis pour former une université, les leçons sont devenues rares, tout se fait à la hâte, l’enseignement est réduit à peu de chose ; le temps pris aux leçons est gaspillé en réunions et en discussions. Et dans ces assemblées, tandis que les anciens délibèrent et légifèrent, les jeunes ne pensent qu’à former d’abominables complots et à préparer leurs expéditions nocturnes4.

éd., 1936, 3 volumes. Signalons S. Stelling-Michaud, L’histoire des Universités au Moyen Âge et à la Renaissance au cours des vingt-cinq dernières années, dans Rapports du XIe Congrès international de sciences historiques, Stockholm, I, 1960. Et évidemment, J. Verger, Les Universités au Moyen Âge, Paris, PUF, 1973 et Des nains sur des épaules de géants, Maîtres et élèves au Moyen Âge (en collaboration avec P. Riché), Paris, 2006, nouv. éd. 2013. 4 Cité par J. Verger, Les Universités…, op. cit., p. 303.

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INTRODUCTION

L’Université a un autre appui, celui du pape, qui voit dans cette association l’assurance de clercs utiles à l’Église. En 1215, le cardinal légat Robert de Courson confirme les premiers statuts et les privilèges de l’Université de Paris. Bien plus à la suite d’une grève des maîtres et des élèves, grève provoquée par une bagarre entre les étudiants et les agents du roi sur les bords de la Bièvre, le pape Grégoire IX, dans sa bulle Parens scientiarum, confirme la légitimité des statuts et prend l’Université sous sa protection. Cette grève de deux ans (1229-1231) eut également pour conséquence la dispersion des maîtres et élèves et la création des futures universités d’Angers, d’Orléans et même d’Oxford. Tout au long du xiiie siècle se créent des Universités qui imitent celle de Paris. Toulouse (1229), qui se spécialise dans l’étude de la médecine, en Italie, Padoue (1222) où se retrouvent maîtres et étudiants venus de l’Université de Bologne, qui avaient été installée au début du xiiie siècle ; Naples (1224), créée par l’empereur Frédéric II pour ruiner celle de Bologne  ; en Espagne, Palencia (1212), Salamanque (1218), etc. Mais la crise de l’Église aux xive et xve siècles et particulièrement le “grand schisme” de la papauté (1378-1417) eurent pour conséquence la création d’Universités nouvelles. Alors qu’il y avait une quinzaine d’universités en 1300, il y en a en effet plus de soixantedix en 1500 ! Elles sont souvent fondées par les princes avec l’accord des papes et leurs statuts s’inspirent souvent de ceux de Paris. Thierry Kouamé a étudié la diffusion d’un modèle universitaire dans le Saint Empire aux xive et xve siècles5. Il note que si cinq universités existent dans le pays d’Arles, sept en Italie, vingt-trois sont fondées dans le Saint Empire. “On peut parler d’effet d’explosion du phénomène universitaire dans l’espace allemand à la fin du XIVe siècle”. Charles IV de Bohème, fondateur de l’université de Prague (1347), est suivi par Rodolphe de Habsbourg à Vienne (1365), puis par le roi de Pologne (Cracovie, 1364) et de Hongrie (Pécs, 1367).

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Cf. J. Verger, Les Universités au Moyen Âge, deuxième partie, p. 111 et s. ; et T. Kouamé, “La diffusion d’un modèle universitaire dans le Saint Empire aux xive et xve siècles”, dans Les Universités en Europe du XIIIe siècle à nos jours, Actes du colloque international d’Orléans, octobre 2003, Publications de la Sorbonne, 2005, p. 179-197.

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L’Allemagne est encore mieux dotée : Cologne, Erfurt, Leipzig, Bâle, Trèves et Heidelberg en 1385. On a conservé les statuts de ces universités6. Ainsi, le margrave Karol I précise qu’il concède à la fondation de Pforzheim les privilèges dont jouissent les autres universités de la région. En effet, les statuts des universités d’Allemagne sont copiés les uns sur les autres, mais ils ne sont pas écrits en une seule fois : pour Erfurt, 1412 et 1447 ; Vienne, 1421, 1436 et 1448 ; Leipzig, 1421, 1436, 1444 et 1483 ; Heidelberg, dont je reparlerai, 1417, 1421, 1448 et 1464. Bien souvent, ils reprennent des règlements d’universités françaises, particulièrement celle de Paris7. Les jeunes gens sont nombreux à venir s’inscrire dans les Universités. Nous verrons plus loin les conditions de l’inscription à l’université d’Heidelberg, qu’il faut maintenant présenter.

2/ L’Université d’Heidelberg8 Elle fut créée en 1385 par le comte palatin Ruprecht Ier de la maison des Wittelsbach, avec l’aide de Marsile d’Inghen qui en fut le premier recteur9. Il veut s’inspirer du modèle parisien. Le pape Urbain VI accepta et rédigea une bulle, nous sommes à l’époque du grand schisme d’occident. À Avignon règne Clément VII, soutenu

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L. Moulin, La vie des étudiants au Moyen Âge, Paris, 1991. Sur les statuts : pour Leipzig, éd. F. Zarncke Die Statutenbücher der Universität Leipzig, Leipzig, 1861 ; pour Erfurt, éd. J.-C. Weissenborn, Acten der Erfurter Universität, Halle, 1881-1899  ; pour Vienne, R.  Kink, Geschichte der kaiserlichen Universität zu Wien, Vienne, 1854. 8 Sur l’université d’Heidelberg, voir G. Ritter, Die Heidelberger Universität. Ein Stück deutscher Geschichte, (seul paru) : Das Mittelalter, Heidelberg, 1936 ; E.  Wolgast, Die Universität Heidelberg 1386-1986, Heidelberg, 1986  ; Chr. Fuchs, Dives, Pauper, Nobilis, Magister, Frater, Clericus. Sozialgeschichtliche Untersuchungen über Heidelberger Universitätsbesucher Spätmittelalters (1386-1450), Leyde/New York/Cologne, 1995. Pour comparaison  : R.-C. Schwinges, Deutsche Universitätsbesucher im 14. und 15. Jahrhundert. Studien Sozialgeschichte des alten Reiches, Stuttgart, 1986. - J. Morsel, “Dossier sur l’université d’Heidelberg”, dans Former, enseigner, éduquer dans l’Occident médiéval (1100-1450), Textes et documents, t. II, p. 167-175, sous la direction de P.  Gilli, Paris, Sedes, 1999. A.  Thorbecke, Geschichte der Universität Heidelberg, Heidelberg, 1986. 9 Marsile d’Inghen : H.-A.-G. Braakhuis, M.-J.-F.-M. Hoenen, dans Marsilius of Inghen. Acts of the International Marsilius of Inghen Symposium, Nimègue, 1986. 7

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INTRODUCTION

par les princes d’occident. À Rome, Urbain  VI, reconnu par les Polonais, les Hongrois et les comtes palatins. Dans sa bulle, le pape écrit : C’est pourquoi, comme il a été exposé récemment devant nous, notre fils bien-aimé, le noble Robert l’Ancien, duc de Bavière et comte palatin du Rhin, recherchant l’intérêt et la prospérité non seulement de son État (res publica) et des habitants des terres à lui soumises mais aussi des pays voisins, a vivement désiré que dans sa ville de Heidelberg, au diocèse de Worms, qui est la mieux située de sa seigneurie (dominium) et, en raison de l’équilibre du climat, de la profusion des vivres et autres biens nécessaires à la vie humaine, la plus appropriée à cet effet, un Studium generale soit établi et organisé par le Siège apostolique de même que les facultés habituelles autorisées où, afin d’y faire croître la foi, les simples soient instruits, l’équité du juge maintenue, la raison honorée, les esprits illuminés et l’intelligence des hommes éclairée. Nous avons considéré avec attention ces prémisses, la foi sincère et la dévotion éminente que ledit duc porte à la Sainte Église romaine et nous sommes conduits par le fervent désir que ladite ville soit parée des dons des sciences (muneribus scientiarum), afin qu’elle produise des hommes de conseil au jugement réfléchi, vertueux et savants dans les matières enseignées dans les diverses facultés et afin qu’y jaillisse à profusion la fontaine des sciences à laquelle tous ceux désireux de s’abreuver aux leçons de la connaissance (litterarum) puissent se désaltérer10.

L’Université est mise sous la juridiction de l’évêque de Worms. De son côté, Ruprecht précise les rémunérations de Marsile d’Inghen : Nous Robert l’Ancien etc. Faisons savoir etc. que nous avons pris pour notre clerc maître Marsile d’Inghen, qu’il doit nous être fidèle et enclin à prévenir notre préjudice et rechercher notre bien, qu’il doit fonder et administrer notre studium de Heidelberg et en être le protecteur, comme il nous l’a promis et juré ; en raison de cela nous lui donnerons chaque année 200 florins, 50 florins à chacun des Quatre-temps, que nous assignons sur notre taille d’automne perçue tous les ans dans notre ville de Heidelberg ; nous commandons aussi à nos bourgeois de ladite ville qu’ils versent et remettent audit maître Marsile, comme administrateur de notre studium, les 50  florins

10 Bulle X des calendes de novembre 1386, tr. par E. Mornet, dans l’article de J. Morsel, “Dossier sur l’université d’Heidelberg ” (Bibliographie n° 23).

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annuels directement sur notre taille susdite à chacun des dits termes. En témoignage de quoi, cette lettre a été scellée de notre sceau pendant. À Heidelberg, jour des saints apôtres Pierre et Paul, l’an du Seigneur 138611.

Les successeurs de Ruprecht continuent à favoriser leur université et, il le dit, à l’exemple de celle de Paris. Ainsi fit le comte palatin Ludwig III, connu en France sous le nom de Louis le Barbu, frère d’Isabeau de Bavière. Il connaissait bien Paris et son université, mais il fit plus et en 1421, il fonde la célèbre bibliothèque palatine. Donnons quelques extraits du texte traduit par J. Morsel : Nous, Ludwig, par la grâce de Dieu comte palatin du Rhin, […] statuons aussi et donnons par l’autorité de cette lettre, au sujet de tous nos livres qui nous appartiennent en propre [et] concernent les trois facultés de la sainte Écriture, des deux droits (droit canon et droit impérial) et de médecine – mis à part seulement la grande bible dont tout le texte à l’exception du psautier est réuni en un seul volume, que nous avons ramenée avec nous de Paris, en France –, que tous les autres livres pourront revenir après notre mort et appartenir en propre à ladite église du Saint-Esprit et être versés à la bibliothèque qui appartient à ladite église et aussi y demeurent perpétuellement, en sorte que toutes les personnes de ladite église, mais aussi les maîtres et étudiants de notre studium de Heidelberg, puissent bénéficier et se servir de ces livres et puissent y étudier dans la bibliothèque à leur guise, à tout jamais. S’il venait que le doyen et le chapitre considèrent juste et bon de prêter hors de la Bibliothèque une part ou plus desdits livres aux personnes de ladite institution ou studium, ils devraient alors obtenir une lettre de reconnaissance [de l’emprunt] de ceux à qui ils auront prêté les livres, et aussi bien veiller à ce qu’aucun livre ne soit perdu.

Les inscriptions à Heidelberg ont été nombreuses dans les premières années, puis ont diminué par la suite. La Faculté des Arts libéraux a été la plus fréquentée, puis le droit et la théologie12. 11

Traduction par J. Morsel et E. Mornet (cf. Morsel, op. cit. p. 170). Tableaux et diagrammes extraits de Chr. Fuchs, Dives, Pauper, Nobilis, Magister, Frater, Clericus. Sozialgeschichtliche Untersuchungen über Heidelberger Universitätsbesucher des Spätmittelalters (1386-1450), Leyde/ NewYork/Cologne, Brill, 1995, p.  7 (tableau I), 10 (graphique II), 18 (graphique III), 20 (tableau IV), 21 (tableau V), 23 (tableau VI), 82 (tableau VII), 79 (tableau VIII). Repris par J. Morsel (op. cit. p. 172 et s.). 12

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INTRODUCTION

L’université d’Heidelberg semble avoir pris un bon départ. Elle attire et notre “colloque” nous en donne un exemple dans son premier chapitre.

3/ Entrée à l’Université 1) L’inscription Voici donc un jeune homme nommé Jean, qui vient d’Ulm et demande son inscription sur les registres. Il va tout découvrir de cette université. Il s’adresse à un maître pour ce que l’on appelle matriculatio (immatriculation). Il doit avoir au moins quatorze ans, comme le stipulent les statuts d’Heidelberg de 146413. L’immatriculation a fait l’objet de nombreux articles14. Le maître, après l’avoir questionné, l’informe des conditions de l’inscription, serment fait au recteur, collation donnée à quelques maîtres et aux bacheliers15. Mais d’abord, il le met au courant d’une ancienne coutume pour l’admission du nouveau, le beanus, que l’on traduit par “bizut”, et lui demande de ne pas s’en effrayer. 2) Le bizutage Cette épreuve fait l’objet du deuxième chapitre du “Manuale”, qui est le plus long et a fait le succès du livre. On trouve mentionnée cette pratique dans beaucoup de statuts, par exemple en 1379 dans le collège de Narbonne, dans celui d’Avignon en 1441, dans le collège d’Harcourt (1311) en 1427, dans les statuts de Vienne en 1385 et d’Erfurt, etc. En général, c’est pour recommander la modération. Le bizutage va survivre jusqu’à

13 Cf. Winkelmann, Urkundenbuch der Universität Heidelberg, Heidelberg, 1886, t. II, p. 49. 14 Cf. L. Moulin, La vie…, p. 55-59 et surtout J. Paquet, “L’immatriculation des étudiants dans les universités médiévales”, dans Pascua Mediaevalia, Louvain, 1983, p.  XX  ; et les textes cités par Seybolt (op.  cit. p.  18-21), particulièrement une œuvre du xvie  siècle, Epistolae obscurorum virorum, éditée par F.-G. Stokes, Londres, 1911. 15 Cf. H. Rashdall, The Universities…, op. cit. supra n. 3, p. 630 ; et L. Moulin, La vie des étudiants, op. cit., p. 58.

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nos jours. Patrice Huerre s’est interrogé sur les ressorts psychologiques du bizutage, « lancé par un meneur qui agit de façon sadique et qui prend plaisir à se montrer comme quelqu’un capable de faire des choses condamnables ». On le connaît même chez les filles16. Arrivent donc auprès du nouveau venu, deux étudiants, Camille et Berthold. Ce dernier, à lire le chapitre 7 qui paraît mal placé dans le livre, vient d’Erfurt. Berthold le questionne sur les raisons de son choix. Mais, au chapitre 2, ils sont déjà à Heidelberg et voyant ce nouveau venu, ils font semblant de le prendre pour une affreuse bête et pendant cinq pages, ils le persécutent. Et enfin, après l’avoir confessé pour un crime imaginé par eux, ils demandent à un maître de lui donner sa pénitence, ce sera d’offrir une bonne collation avec le meilleur vin. Prendre un homme pour une affreuse bête avec des cornes semble courant, cette initiation est quelquefois appelée depositio cornuum17. La bête est domptée. Jacques le Goff fait un excellent commentaire de cette scène18. Après le bizutage, le jeune initié ayant donné un bon repas, bien qu’il ne soit pas très riche, prête serment au recteur. Il jure de ne pas révéler les secrets de l’université, d’éviter des querelles avec ses camarades et les bourgeois de la ville et d’observer en tout les statuts19. Notre texte nous en donnera quelques exemples. Mais avant cela, il faut présenter une question qui se pose, surtout à la fin du Moyen Âge, la pauvreté des étudiants.

16 P. Huerre, La Prépa sans stress, Paris, 2010, et Brigitte Larguèze, Statut des filles et représentations féminines dans les rituels de bizutage, dans “Sociétés contemporaines”, Paris, 1996, p. 75-88. 17 L. Moulin, op. cit., p. 37. 18 J. le Goff, Les intellectuels au Moyen Âge, Paris, 1985, p. 89-90. 19 Cf. un exemple de sermons à Erfurt dans l’Appendice I de la traduction de R.-F.  Seybolt, The Manuale scholarium. An original account of life in the mediaeval university, Cambridge, Harvard University Press, 1921, p. 111. Pour l’immatriculation dans les universités allemandes, cf. également Seybolt, p. 21 et 22.

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INTRODUCTION

3) Pauperes studentes Il y a toujours eu des étudiants riches et pauvres dans l’université20. Les pauvres faisaient appel à leurs parents, tel Eustache Deschamps au xive siècle, qui écrit une Ballade sur ce sujet21 : Très cher père, je n’ai denier, Et si fait à l’étude cher. Je ne saurais étudier Dans mon Code, dans mon Digeste, Caduques sont. Je dois, de reste, De ma prévôté, dix écus, Et ne trouve homme qui me preste, Je vous mande argent et salus. […] Très cher père, pour m’alléger En la taverne, au boulanger, Aux docteurs, aux bedeaux conclus, Vins sont chers, hôtels, autres biens. Je dois partout. J’ai grand métier D’être mis hors de tels liens. Cher père, veuillez-moi aider. Je doute l’excommunier, Cité suis ; n’ai os ni areste. D’argent n’ai devant cette feste De Pasques, du moutier exclus Serai : octroyez ma requeste. Je vous mande argent et salus.

Mais, comme le dit J. Verger : “Beaucoup de matricules signalent l’existence de pauperes studientes, ils étaient particulièrement nombreux dans les universités allemandes”22. Quelquefois, ils réussissaient bien, tel Nicolas de Cues (1401-1464), ancien étudiant

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Sur le sujet de la pauvreté, cf. L. Moulin, op. cit., p. 59. - J. Paquet, Recherches sur l’universitaire “pauvre” au Moyen Âge, dans Revue belge de philologie et d’histoire, 1978, p. 301-353 ; Id. dans L’universitaire “pauvre” au Moyen Âge. Problèmes de documentations, questions de méthode, Louvain, p. 399-428 ; et J. Verger, Les universités…, op. cit., p. 173 et s. 21 Ballade d’Eustache Deschamps († 1406), “Lettres des écoliers d’Orléans”, tr. L. Moulin, La vie…, p. 113. 22 J. Verger, Les Universités…, op. cit., p. 174.

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d’Heidelberg, de Padoue et de Cologne, fils d’un batelier de la Moselle. Justement, dans notre université d’Heidelberg, on a pu calculer la proportion entre riches et pauvres23 et notre colloque nous présente surtout des étudiants pauvres. Ainsi, Jean qui s’est inscrit et déplore qu’il ne peut pas dépenser beaucoup pour les “collations”, et ses deux bourreaux Camille et Berthold. Camille va écrire à ses parents pour acheter des livres (chapitre 5), réclame à Berthold l’argent qu’il lui a prêté, en demande encore (chapitre 13) discute sur le prix des aliments (chapitre 17), etc. Berthold croit qu’il faut payer les cours (chapitre 3), veut une chambre pas trop chère (chapitre 8), conseille à Camille de payer pour l’examen (chapitre 10), se plaint d’une amende à propos de son collier (chapitre 12) et est heureux que le maître lui ait payé sa place là où joue le jongleur (chapitre 16), etc. Comme le dit J. Verger : “Les étudiants pauvres étaient donc rejetés vers des études courtes et médiocres, beaucoup ne dépassaient pas la faculté des arts…”24. Néanmoins, les étudiants bien pauvres sont privilégiés, ils sont dispensés des travaux et droits de marchés sur les marchandises. Ils sont jalousés par les bourgeois de la ville, d’où les conflits qui peuvent exister. Au chapitre  15, Berthold met en garde Camille contre la foule de la ville qui peut attaquer les jeunes gens. De fait, dès le xiiie siècle, on avait assisté a des conflits entre town et gown, les bourgeois sont jaloux des privilèges juridiques des étudiants qui sont des clercs25. 4) Discipline dans l’Université L’étudiant est protégé, mais doit connaître les statuts de son université et obéir au recteur, qui de temps en temps relit ces statuts (cf. chapitre 13). Le recteur préside l’assemblée aidé de son bedeau (cf. chapitre  7), assemblée qui est composée de bacheliers et docteurs26. Il veille à la bonne tenue de l’université, tout d’abord aux bâtiments. Si on en croit quelques historiens, les bâtiments étaient bien 23 24 25 26

Cf. Ch. Fuchs, Dives, pauper…, op. cit., note 12. J. Verger, op. cit., p. 178. Id. p. 55 et Rashdall, op. cit., II, 677 ; et L. Moulin, op. cit., p. 101-103 J. Verger, op. cit., p. 52.

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INTRODUCTION

construits à la fin du Moyen Âge27. Le comte palatin avait su y veiller à Heidelberg, mais à la fin du xve siècle, ils semblaient en mauvais état. Au chapitre 11, nos étudiants déplorent cette situation. Les laïcs de la ville, disent-ils, s’en étonnent et si le prince Philippe passait par là, il se boucherait le nez ; si on urine sur les murs, on a une amende28. Il semble que des collèges n’existaient pas à Heidelberg, comme à Paris, Oxford, Cambridge, Bologne, etc. Lorsqu’un nouveau arrive (chapitre 7), on lui conseille de s’adresser au bedeau, l’adjoint du recteur, pour savoir où loger. Camille lui parle d’un hôtel décoré avec des peintures, cela lui convient. Un autre interdit passible d’une amende, c’est aller à la cuisine, et surtout parler une langue vulgaire. C’est le latin qui est exigé. C’est une vieille coutume qui remonte à l’époque carolingienne29. Dans le chapitre 11, Camille dit qu’il est victime d’un loup, c’est-àdire d’un dénonciateur de ceux qui ne parlent pas latin, et la discussion s’engage sur ce point. À Paris, au xive siècle, Jean Gerson dirigeant l’école Notre-Dame demande que l’on dénonce celui qui ne parle pas latin30. Camille reproche à Berthold de ne pas lui avoir fait signe alors que la langue vulgaire lui échappait (chapitre 9). Les statuts de Leipzig de 1499 obligent ainsi tous les étudiants à parler latin31.

4/ La journée d’un étudiant et ses divertissements32 1) La journée Elle commence très tôt le matin. Une partie des cours, dont je reparlerai, ont lieu jusqu’au déjeuner et reprennent après le repas. Le chapitre 8 du “Dialogue” est consacré au repas de midi et aux discussions entre les deux étudiants. Ils arrivent au réfectoire. Les bacheliers sont déjà à table, ils discutent sur les plats et la boisson ; 27

Id. p. 181. Cf. aussi les statuts de Leipzig de 1495, texte de Seybolt, appendice 7, p. 116. 29 Cf. P. Riché, Écoles et enseignement dans le Haut Moyen Âge, Paris, 1999, p. 228. 30 Cf. L. Moulin, op. cit., p. 53 et F. Bonnet, Jean Gerson et l’enfance, Thèse, Bordeaux, 1972 (inédite). 31 Cf. Seybolt, appendice 6, p. 115-116. C’est d’ailleurs pour les entraîner que l’auteur a rédigé le présent Manuel, d’après le prologue. 32 Cf. statuts de Heidelberg, 1444, dans Urkundenbuch…, op. cit., I, p. 154. 28

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on se dispute même, chacun dit sa préférence – la conversation est animée – sur le veau que l’un n’aime pas, sur la volaille, sur le vin qui est aigre. La boisson est importante, on en reparlera au chapitre 17 à propos de la cervoise de Leipzig. Mais attention, il ne faut pas oublier de dire au début le “Bénedicite” et à la fin “les Grâces”. Après le repas, les cours reprennent, nous en reparlerons plus loin. Les étudiants sont souvent fatigués et dorment en classe. Dans le chapitre 9, on assiste à une dispute entre eux. Camille reproche à Berthold de ne pas l’avoir prévenu la veille, alors qu’il dormait pendant un cours. Les statuts d’Heidelberg de 1444 interdisent aux étudiants de troubler les cours d’un maître33. De fait, nous le voyons le soir, les étudiants se retrouvent souvent pour se reposer (chapitre 17). Ils espèrent les vacances d’été. Ils n’en parlent pas, mais on sait que l’année est divisée en deux : le premier semestre va du début octobre à Pâques, le second de Pâques à juin, puis ce sont les vacances. 2) Les divertissements Heureusement, les étudiants peuvent se divertir, pour cela ils sont d’accord. a) Promenade sur les bords du Neckar Le chapitre 6 à pour sujet une promenade à la campagne. Si les étudiants parisiens vont se distraire sur les bords de la Bièvre, eux vont vers le Neckar, qui prend sa source au pays de Souabe et qui rejoint le Rhin à Mannheim. On discute du chemin à prendre, par quelle porte faut-il sortir, car il y a plusieurs portes dans la ville34. Alors ils admirent les arbres, les fleurs et le chant des oiseaux. Attention de ne pas tomber dans le fleuve ! Ces sorties de jeunes étaient souvent décrites au xve siècle35.

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Cf. R.-S. Rait, Life in the Medieval University, ch. VII. Die Heidelberger Universität, première page, op. cit. supra n. 8. 35 Guarino de Vérone parle lui aussi des promenades d’étudiants dans la campagne. Cf. E. Garin, L’Éducation de l’homme moderne 1400-1600, Paris, Fayard (Pluriel), 1968, p. 127. Cf. aussi J. Le Goff, Les intellectuels…, p. 184 (Bibliographie n° 7). 34

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INTRODUCTION

b) Fêtes dans la ville Un autre jour, Camille invite Berthold à aller au-devant des princes qui arrivent. “N’entends-tu pas les trompettes ?” Berthold lui répond qu’il est comme une femme qui toujours veut voir du nouveau. Il préfère lire une lettre de Cicéron, sans dire laquelle (chapitre 16). Puis, au même chapitre, il est question d’un jongleur dont Berthold décrit les exploits. Ensuite, ce sont les joutes qui attirent Camille, mais Berthold refuse. D’ailleurs, les statuts d’Heidelberg de 1454 déclarent : “Les étudiants de notre université ne doivent pas aller aux danses publiques ou aux tournois”, sinon, amende imposée par le recteur36. c) Fréquentation des filles Deux chapitres sont consacrés aux rapports avec les jeunes filles (chapitres 14 et 15). Les étudiants sont des clercs, le mariage leur est interdit s’ils veulent poursuivre vers les ordres majeurs. Pourtant, un de nos étudiants, Berthold, l’envisage (chapitre 15). Ce dernier a vu une jeune fille à la messe et il a été séduit. Camille le met en garde. L’antiféminisme des clercs est toujours présent37. Mais ce qui est curieux, est que l’étudiant reprend des arguments déjà évoqués au xe siècle par Odon de Cluny : “La beauté des femmes ne va pas au-delà de leur peau, si les hommes voyaient ce qu’il y a sous la peau, la vue des femmes leur soulèverait le cœur”38. Jean-Paul Sartre, dans une de ses comédies, a repris ce texte39. Nous sommes pourtant au xve siècle. Depuis longtemps “l’amour courtois” a réhabilité les femmes. “L’art d’aimer” d’Ovide est lu et relu40. Nos étudiants semblent connaître ce livre et le citent au chapitre 10.

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E. Winkelmann, Urkundenbuch der Universität Heidelberg, 1886, I, p. 171. Sur cet antiféminisme, cf. J.-L. Flandrin, Un temps pour embrasser, Paris, 1983, p. 73-82 et P. Riché, Grandeurs et faiblesses de l’Église au Moyen Âge, Cerf, 2006, p. 208 et s. - Sur les tentations sexuelles des étudiants, cf. PseudoBoèce, Morale scholarium, éd. O. Weijers, Leyde, 1976, p. 101. 38 Odon de Cluny, Collationes, PL. 133, ch. 11. 39 Jean-Paul Sartre, Le diable et le Bon Dieu, Acte III, 10e tableau, scène 2. 40 Il faut renvoyer à Jacques d’Amiens et son “Art d’aimer”, “aussi profitable d’être aux jouvenceaux et aux jouvencelles”, éd. D Talsma, Leyde, 1925. 37

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Mais, sur un autre sujet, toujours dans le chapitre  14, il est question de danses41 où l’on voit des femmes belles “à l’égal des anges”. Camille invite son camarade, qui refuse et reprend les arguments de Camille sur la trompeuse beauté des femmes. Camille continue plus loin, il veut entraîner son ami à la maison d’un certain Arnold, son ami lui dit que tout cela ne vaut pas l’étude des arts libéraux. Le débat sur les femmes continue au chapitre suivant. On parle des danses du soir, où Camille veut aller. Nouvelle discussion, Camille traite son camarade de “théologien” ! Dans ce même chapitre, il est question d’un anneau que Berthold a reçu de la fille d’un juge, sa fiancée. Autre objet de divertissement, la beauté de l’habillement. d) Les beaux habits J. Verger dit qu’aux xive et xve siècles, l’université connaît le goût du luxe et de la pompe42. Pourtant, les statuts des universités allemandes à Erfurt en 1447 et à Leipzig en 1458 interdisent le luxe des vêtements. Les colliers, les chaussures à pointes, les tuniques trop courtes, le manteau ouvert au côté, les manches de soie sont prohibés, sous peine d’amende43. À Heidelberg, en 1469, est prise une ordonnance sur les costumes44. Pourtant, au chapitre  12, Berthold est heureux de porter un corsage et un collier en filigrane45, mais il avoue avoir été puni par le recteur. Ailleurs, je l’ai dit, il fait admirer son anneau qui vaut cher. Mais on est dans l’université pour étudier, il est temps de parler des professeurs et des examens.

5/ Programme, enseignants et examens Une grande partie des chapitres du Dialogue consiste en la présentation des activités intellectuelles des deux étudiants et d’abord des textes proposés.

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Sur les danses, cf. L. Moulin, La vie…, op. cit., p. 32. J. Verger, Les Universités…, op. cit., p. 179 et s. 43 Cf. les textes cités par J. Seybolt, p. 78 (note 1). 44 Cf. E.  Winkelmann, Urkundenbuch der Universität Heidelberg, 1886, I, p. 186. 45 Sur les colliers, cf. L. Moulin, La vie…, op. cit., p. 36. 42

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INTRODUCTION

1) Les textes Nos étudiants sont à la faculté des arts et s’occupent surtout de la troisième branche du trivium, la dialectique, qui doit les mener à la théologie. Leur désir est de devenir bacheliers. Dès le chapitre 3, ils se demandent quelles sont les lectures qui sont pour cela indispensables. Neuf  lectures et trois  exercices, disent les statuts de Leipzig de 1436 : Tractatus Petri Hispani, Priscianus brevior, vetus ars, libri priorum, posteriorum, elenchorum, physicorum, de anima, sphaera materialis. Les six exercices sont : Vetus ars, libri parvorum logicalium, sophistriae vel parvorum logicalium loco sophistriae, novae logicae, physicorum, de anima46. On le voit déjà, parmi ces traités, beaucoup sont d’Aristote. Marsile d’Inghen, le premier recteur de l’université, ancien élève de  Buridan (†  1358), avait introduit les œuvres d’Aristote à Heidelberg47. Comme à Paris au xiiie siècle, nous sommes dans le domaine de la scholastique. Dans la chapitre 4, on parle des parva logicalia, qui sont souvent des lectures séparées : Suppositiones, Relationes, Ampliationes, Appellationes, Restrictiones, etc.48. Il est question aussi des prædicabilia de Porphyre, philosophe néoplatonicien de l’école d’Alexandrie († 305), auteur de l’introduction aux “Catégories” d’Aristote49. Chaque maître a sa spécialité (chapitre 3) : maître Jodoc explique les Libri elenchorum, maître Pierre les Libri physicorum, maître Jacques le De anima et maître Jean l’ars Vetus. Un maître, dont on ne dit pas le nom, reprend Albert, un “grand docteur”. Alors s’engage un dialogue où les étudiants opposent Albert le Grand et son élève Thomas d’Aquin, les deux illustres professeurs de l’université de Paris au xiiie siècle. Camille estime qu’Albert est plus illustre. Albert le Grand était populaire en Allemagne : il avait enseigné à Cologne, où il finit sa vie en 128050. D’ailleurs, au chapitre 17, on rappelle que trois ou quatre maîtres sont disciples d’Albert à Cologne.

46 Die Statutenbücher der Universität Leipzig aus den ersten 150 Jahren ihres Bestehens, éd. Friedrich Zarncke, Leipzig, 1861, p. 346, cf. Seybolt, p. 35. 47 Cf. E. Gilson, La philosophie au Moyen Âge, Paris, 1944, p. 684. 48 Cf. Seybolt, op. cit., p. 41, note 2. 49 Cf. E. Gilson, op. cit., passim. 50 Cf. E. Gilson, op. cit., et The Oxford Dictionary of the Christian Church, éd. F.-L. Cross, Oxford, 1989, p. 29-30.

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Berthold, de son côté, préfère Thomas, car c’est un saint. De fait, Thomas d’Aquin, auteur de la “Somme théologique” et des Commentaires sur Aristote, mort en 1274, avait été canonisé en 132351. Son ami lui réplique : « Penses-tu te faire “prêcheur” ? », c’est-à-dire dominicain. De fait, un couvent dominicain a été fondé en 1474 à Heidelberg52. Il est intéressant de savoir que Paulus Niavis, le maître de Leipzig, dans ses Latina ydeomata, dont je reparlerai, compare lui aussi Albert et Thomas53. Ces deux maîtres représentent l’école réaliste, qui s’oppose aux nominalistes. Nos deux étudiants s’engagent sur la question des “universaux”, dont on parle depuis le xiie siècle. Rappelons que pour les réalistes, le concept d’homme, de blancheur ou de maladie, pour prendre un exemple, est une réalité, tandis que pour leurs adversaires seuls importent non pas l’homme, mais Socrate, non pas la blancheur, mais le flocon de neige, non pas la maladie, mais le malade. Les nominalistes, que l’on appelle aussi “moderni”, ont fait beaucoup pour le développement des sciences, et sont bien reçus dans beaucoup d’universités allemandes, tel le maître Albert de Saxe, premier recteur de Vienne. Lorsqu’au chapitre  7, Camille interroge Berthold, qui arrive de l’université d’Erfurt, il lui demande quelles sont les coutumes de son université. Berthold lui répond que l’on suit la méthode des nominalistes, les réalistes n’ont pas le droit d’enseigner. Camille lui répond qu’à Heidelberg on est plus tolérant, on s’inspire d’Albert ou de Thomas, ou même de Duns Scot. Le franciscain anglais Duns  Scot (†  1308), qui enseigna à Cologne où il meurt et qui critiquait le thomisme, n’était pas ignoré, puisque le maître Jodoc s’inspirait de ses thèses (chapitre 4). Mais on ne parle pas d’un autre franciscain anglais, Guillaume d’Ockham, qui est tout à fait opposé aux réalistes54. Pourtant, à en croire G. Ritter, Marsile d’Inghen s’intéresse à Ockham55.

51 Sur saint Thomas, cf. M.-D. Chenu, Introduction à l’étude de saint Thomas d’Aquin, Paris, 1950, et The Oxford Dictionary…, p. 1371-1373. 52 G.-M. Löhrs, Die Dominikaner an der Universität Leipzig, dans Archivum Fratrum Praedicatorum, 21, 1951, p. 272-293. 53 Cf. W.  Fabricius, “Die ältesten gedruckten Quellen zur Geschichte des deutschen Studententums”, dans Zeitschrift far Bücherfreunde, Leipzig, 18971898, I, p. 181 ; 54 Cf. J. Verger, Les Universités…, op. cit., p. 112 et s. 55 G. Ritter, Marsilius von Inghen und die okkamistische Schule in Deutschland, Heidelberg, 1921.

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INTRODUCTION

2) Organisation des cours Les cours ont lieu de bonne heure le matin, puis dans l’aprèsmidi. Les étudiants en lettres commencent par une explication de texte. C’est la lectio. Le maître lit le texte, souligne les difficultés et les explique, donne un commentaire plus ou moins long. On part de l’analyse grammaticale (littera), puis on procède à l’explication (sensus) et l’on aboutit à la sententia qui révèle le contenu de la pensée. Les passages difficiles ou sujets à discussion sont alors l’objet d’un commentaire. C’est une deuxième étape que l’on appelle quaestio ou disputatio. On met en “question” certains passages du texte et on discute. Le maître se fait aider par les bacheliers et parfois fixe le jour d’une disputatio. Notre texte donne même la durée de la préparation, un an et demi, ce que confirment les statuts de leur université56. «  Où vas-tu Camille  ? À la disputatio  ». On pose souvent cette  question. On craint les questiones débattues, maître Jean Rechenmacher est si impétueux ! Plus loin, même chose pour la disputatio “tardive” dont les statuts de Leipzig de 1497 et 1499 nous parlent57. Au chapitre 13, il s’agit de la disputatio “ordinaire”, dont parlent les statuts de Leipzig58. 3) Les disputationes Le maître préside et pose les questiones et sophismata, les futurs bacheliers assistent silencieusement durant plus ou moins longtemps, il faut être prêts pour les examens. 4) Les examens Il y en a trois : celui de licencié, de bachelier et de docteur. Dans notre dialogue, on ne parle pas du premier qui se passe devant un jury qui contrôle si l’étudiant a bien suivi les cours, s’il est capable de faire lui aussi un cours et de répondre aux questions. Mais au contraire, on mentionne souvent les bacheliers. Nos étudiants se

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Urkundenbuch…, I, p. 34, cité par Seybolt, p. 35, note 2. Statutenbücher…, éd. F. Zarncke, Leipzig, 1861, p. 239 et 471, voir Seybolt p. 80 et 81, note 2. 58 Id. p. 311 et 468, Seybolt p. 83, n. 1. 57

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préparent à obtenir ce grade. Après avoir répondu aux questions du jury et prouvé qu’il connaît bien les textes du programme, le candidat montre lui aussi qu’il est prêt à faire un cours, c’est ce que l’on appelle la “determinatio”. Alors, il peut devenir l’assistant du maître et intervenir dans les “disputationes”. J. Verger nous dit “qu’un étudiant sur trois ou quatre devient bachelier”59. Mais il n’est pas question des “docteurs”, dont l’examen prend l’allure d’une cérémonie solennelle. Au chapitre  10, les étudiants parlent des examens qu’ils redoutent. Camille est anxieux, il craint les reproches de ses parents. “Donne de l’argent aux examinateurs”, répond Berthold, “les bacheliers en font autant”, ou bien “fais-toi porter malade”, “mais je serai parjure”, etc. Lorsqu’ils sont reçus, les étudiants offrent alors des collations et des cadeaux aux maîtres et même, ce qui est curieux, des bains. Le bain est cité à la fin du chapitre 18 et par les statuts d’Heidelberg60.

6/ Camille songe à la faculté de droit Au chapitre 5, Camille dit à son ami qu’il pense aller s’instruire à la Faculté de droit. À la fin du Moyen Âge, beaucoup d’universités favorisaient l’enseignement du droit civil ou canon. Bologne ou Orléans n’ont plus l’exclusivité de cette matière. Les princes et le pape ont de plus en plus besoin de juristes. À Avignon, entre 1430 et 1478, la faculté de droit reçoit 3 418 inscriptions contre 771 en théologie61. Berthold répond à Camille qu’en droit, on a besoin de beaucoup de livres. Or, nous l’avons dit, nos étudiants sont pauvres. Le problème des livres est préoccupant, même si ceux-ci se multiplient au xve siècle62. Au xiiie siècle, les stationarii se procurent un exemplaire des textes étudiés dans les Facultés, qui sont recopiés et mis à la disposition des étudiants moyennant paiement. Il en est sans doute aussi de même aux xive et xve siècles. D’ailleurs, notre étudiant dit qu’il

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J. Verger, op. cit., p. 66. Cf. fin du chapitre  18, les statuts d’Heidelberg de 1419 mentionnent également bain et banquet. Urkundenbuch…, I, p. 117. 61 J. Verger, op. cit., p. 185 et s. et P. Gilli, Former, enseigner, éduquer dans l’Occident médiéval (1100-1450), Textes et documents, t. I, p. 30 et t. II, p. 222. 62 Cf. J. Verger, Les gens de savoir en Europe à la fin du Moyen Âge, Paris, 1997, p. 85-105 et Les Universités au Moyen Âge, p. 63 et s. 60

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INTRODUCTION

va demander de l’argent à ses parents. En attendant, il souhaite que Berthold lui prête des livres, mais ce dernier n’en a pas. Déjà au chapitre 9, les deux étudiants se disputaient les livres, mais il n’est pas question de prêts par la “Bibliothèque palatine” fondée, comme je l’ai dit, par Louis III. Il faut des livres, dit Berthold, mais aussi une excellente mémoire pour retenir les différentes questions. Le problème de la mémorisation occupe toujours, au Moyen  Âge, ceux qui étudient ou qui écrivent63. On ne sait si Camille a compris les arguments de son camarade et s’il a mis son projet à réalisation. Attention aux poètes anciens C’est au début de ce chapitre 5 qu’il est question d’un maître qui annonce qu’il va expliquer les comédies de Térence, d’où l’effroi des étudiants, qui redoutent les méfaits des poètes. Leur programme d’étude est la scholastique, comme au xiiie siècle, ils n’acceptent pas les nouveautés de l’humanisme.

7/ L’humanisme dans les Universités du XVe siècle L’humanisme n’est pas seulement découvert par les italiens Pétrarque († 1371) et Boccace († 1375)64, mais partout, et même en Allemagne, la poésie attire. Dans un texte du xve ou du xvie siècle, les Epistolae obscurorum virorum, on parle de l’enseignement de la poésie à Leipzig65. Les parents des étudiants ne comprennent pas et regrettent l’argent qu’ils ont dépensé pour leurs enfants. En 1443 à Vienne, Enea Silvio Piccolomini, le futur Pie II, est invité par l’empereur Albert II à faire un discours pour défendre la poésie ancienne. Même à Heidelberg, quelques humanistes professent à l’université. Peter Luder, le premier humaniste allemand formé en Italie, est invité à donner des cours sur les poètes de l’Antiquité de 1456 à 1461. Ensuite, en 1464, l’électeur palatin demande à l’italien Pietro Antonio de quitter Bâle pour venir donner un enseignement sur la poésie. 63 Sur la mémoire, cf. P. Riché, “Le rôle de la mémoire dans l’enseignement médiéval”, dans Jeux de mémoire, éd. B. Roy et et P. Zumthor, Paris, Vrin, 1985, p. 133. 64 E. Garin, L’Éducation de l’homme moderne. La pédagogie de la Renaissance (1400-1600), 1960, chapitre 5. 65 Éd. Stokes, Londres, 1911, p. 484-486, cf. Seybolt, p. 46-47, note 1.

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Et cela continue. À la fin du xve siècle, donc à l’époque de notre dialogue, Rodolphe Agricola († 1485) qui professait lui aussi en Italie, vient à Heidelberg et commente l’Achilléide de Stace, Juvénal, Horace66. Conclusion Nos étudiants d’Heidelberg restent donc fidèles à l’étude pratiquée autrefois à l’université de Paris et dans d’autres universités au xiiie siècle. Ils ne sont pas touchés par les nouveautés de leur époque. On peut même s’étonner que les questions religieuses, qui passionnent l’Allemagne à cette époque, ne les touchent pas. Ils ignorent la devotio moderna prêchée par les disciples de maître Eckart, Tauler et ses disciples et Henri Suso67. On ne doit noter que quelques échos des nouveautés : la confession du bizut, à une époque où cette pratique progresse et où les manuels de confession se multiplient68. Leur pratique religieuse est routinière. Ils vont à la messe, se moquent d’un sermon d’un franciscain d’Heidelberg (chapitre 16), disent leurs prières avant et après le repas. Pourtant, la réforme se prépare. Luther, né en 1483, a été influencé par Gabriel  Biel, professeur à l’université de Tübingen, et s’est révolté contre les maîtres d’Erfurt. Il se prépare à écrire un disputatio contra scholasticam theologicam. La suite est connue69.

8/ Le Manuale scholarium Venons-en enfin à notre texte. Ce n’est pas une œuvre inconnue. Les Allemands l’ont lu lorsqu’il fut publié, par F. Zarncke à Leipzig en 1857, à partir d’un manuscrit datant de la fin du xve siècle. Peu après, au début du xvie  siècle, Paulus  Niavis, maître ès arts de

66 S. d’Irsay (Bibliographie n° 6), p. 280 et 287 et sur les progrès de l’humanisme à Heidelberg, cf. G. Ritter, “Studien zur Spätscholastik, II, Via antiqua und via moderna auf den deutschen Universitäten des XV. Jahrhunderts”, Sitzungsber. Heidelberg, n° VII, 1922. 67 Cf. P. Riché, Grandeurs et faiblesses de l’Église au Moyen Âge, Le Cerf, 2006, p. 285 et s. 68 Cf. Gerson († 1429) et ses traités sur la confession (cf. Riché, id., p. 291). André d’Escobars (1427), “Lumen des confesseurs”, “Le mode de confession pour les laïcs”. 69 F. Rapp, L’Église et la vie religieuse en Occident à la fin du Moyen Âge, Paris, 1970.

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Leipzig en 1481, clerc à Bautzen et mort après 1514, un humaniste influencé par les écrits de l’italien Guarino de Vérone70, compose un dialogue dédié à Erasme (1469-1536), qui a été édité par R. Johnson71. Paulus Niavis a d’autre part écrit “Latinum ydeoma pro novellis studentibus”, qui a fait l’objet d’une édition par G.  Streckenbach en 197272. C’est en fait un plagiat de notre Manuale. Sur les rapports entre Latinum ydeoma et Manuale scholarium, des articles ont été écrits par G. Ritter et G. Streckenbach73. Ces auteurs, des latinistes, s’intéressent surtout à l’évolution du latin jusqu’au xve siècle. Mais déjà en 1885, Rudolf Wolkan, dans son “Histoire de la littérature allemande en Bohème”74, signale un texte de Paulus Niavis. Les Anglais, de leur côté, découvrent le “Manuale” en 1910. G.-G. Coulton en donne des extraits dans une anthologie des textes médiévaux75. Mais il faut attendre 1921 pour que l’américain Robert Francis Seybolt fasse une traduction complète du livre, avec beaucoup de notes et une importante bibliographie76. En 1923, 70 Sur Guarino, cf. A. Grafton et L. Jardine, From Humanism to the Humanities : Education and the Liberal Arts in Fifteenth and Sixteenth-Century Europe, ch. I, “The school of Guarino”. 71 R. Johnson, “A Parodistic Student Dialogue of master Paulus Niavis”, dans Archivum Latinitatis Medii Aevi, Bulletin du Cange, 2002, p. 243-259. Ce dialogue oppose le latin correct (d’après Niavis) de l’un des interlocuteurs aux balourdises du second, très influencé par sa langue maternelle. Sur Niavis, cf. A.  Bömer, “Paulus Niavis, Ein Vorkämpfer des deutschen Humanismus” in Neues Archiv für Sächsische Geschichte und Altertumskunde”, 1898, p.  51-94, et la bibliographie de R.  Johnson, A Parodistic…, p.  243, notes 1 et 2. 72 G. Streckenbach, Paulus Niavis “Latinum ydeoma pro novellis studentibus” : ein Gesprächsbüchlein aus dem letzten Viertel des 15. Jahrhunderts, dans Mittellateinisches Jahrbuch 7, 1972, p. 187-251. 73 G. Ritter, “Über den Quellenwert und Verfasser des sogen. ‘Heidelberger Gesprächbüchleins für Studenten’ (Manuale scholarium, um 1490)”, dans Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 1923 (nouvelle série 38), p. 4-32 ; et G. Streckenbach, “Das ‘Manuale scolarium’ und das ‘Latinum ydeoma pro novellis studentibus’ von Paul Niavis. Zur Interpretation spätmittellateinischer Prosa”, dans Mittellateinisches Jahrbuch, vol. 10, 1975, p. 232-269. 74 Rudolf Wolkan, Geschichte der deutsche Literatur in Böhmen, Prague, 1894, p. 159-165. Cf. aussi Wilhelm Fabricius, “Die ältesten gedruckten Quellen zur Geschichte des deutschen Studententums”, dans Zeitschrift für Bücherfreunde, Jahrgang, t. I, 1897-1898, p. 177-182 et t. III, 1900, p. 99-105. 75 G.-G. Coulton, Medieval Garner, Londres, 1910, p. 670-673. 76 Robert Francis Seybolt, “The Manuale Scholarium” (bibliographie n. 25).

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G. Ritter recherche les sources du “Manuale”77. Par la suite, l’anglais L.-G.  Berry signale l’ouvrage dans “The Classical Journal” de 192878. C’est surtout le chapitre 2, la scène de bizutage, qui fait le succès du livre en Allemagne, puis en Angleterre79. Déjà, l’éditeur F. Zarnke le disait. Mais il ne nous dit pas quel est l’auteur du “Manuale”. Il suppose que c’était un maître de Leipzig, mais ce n’est qu’une simple hypothèse. L’apprentissage de la langue par le dialogue est une idée qui apparaît, de façon presque contemporaine, vers 1480, dans un petit traité conservé dans le manuscrit de Paris, N.A.L. 619, f. 28-34v, écrit probablement en Saxe par un maître d’école, et qui se sert de dialogues très simples, utilisables dans leur vie quotidienne, pour entraîner les écoliers à s’exprimer en latin, par l’usage. Il semble obéir aux mêmes motivations que le Manuale, à un niveau d’études inférieur. N’est-il pas trop audacieux de penser que le dialogue se présente comme une pièce de théâtre écrite pour amuser les étudiants ? En effet, nous sommes à une époque où le théâtre se développe et où les confréries liées aux corporations jouent des pièces à l’occasion de leur réunion annuelle, où la “Sottie” est à la mode. Mais ceci n’est qu’une simple hypothèse80. Au xvie siècle, les dialogues se multiplient81. Ceux d’Érasme sont les plus célèbres82. Il écrit un dialogue entre maîtres et élèves, mais également entre jeunes gens du même âge83. Mais arrêtons-nous là et laissons le lecteur prendre contact avec le texte, qui pour la première fois est traduit en français. Mais il n’est pas interdit de le lire… en latin.

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G. Ritter, cf. note 74, Über den Quellenwert… L.-G. Berry, “A Fifteenth-Century Guide to Latin Conversation for University Students”, dans Classical Journal, t. 23, 1928, p. 520-530. 79 Pour l’Angleterre, cf. H. Rashdall, The Universities of Europe in the Middle Ages, Oxford Univ. Press, nouv. éd., 1936, t. III, p. 378-380. 80 Sur le théâtre au xve siècle, cf. G. Cohen, Études d’histoire du théâtre au Moyen Âge, Paris, 1956. 81 Cf. F. Buisson, Répertoire des ouvrages pédagogiques du XVIe siècle, Paris, 1968 (2e éd.) et Compléments, Paris, 1979. 82 Sur les Colloques d’Érasme, cf. F. Bierlaire, Les Colloques d’Érasme : réforme des études, réforme des mœurs et réforme de l’Église au XVIe siècle, Paris, 1978, et J.-C. Margolin, Érasme par lui-même, Paris, 1965. 83 Deuxième livre des Colloques, éd. C. Casteau, Paris, 1934. 78

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MANUALE SCHOLARIUM • MANUEL DES ÉCOLIERS

Manuale scholarium qui studentium universitatis aggredi ac postea in eis proficere instituunt

Prologus Etsi scientiarum inventio varia erat ac multiplex, maxime tamen quisque, cum philosophari coepit, dedit operam ut vel de secretis naturae vel de morum bonitate vel de republica loqueretur, aut etiam de quibusdam praeceptis ad virtutum viam ducentibus. At cum multifariis scriptae sint ydeomatibus disciplinae, Graecorum lingua nonnullae editae atque etiam Arabum consuetudine compositae, apud Hebreos quoque non nihil sit doctrinae inventum, maximopere censebant conducere maiores nostri ut, quemadmodum plerique in hoc convenirent quod laudes virtutum magnifice observarent, sic unus esset sermo in quem omnes transferrentur ac postea dilatarentur per spacium universi. Itaque factum est et ydeoma hoc latinum nuncupatum (et, ut reor, a Latio, ubi Roma est, id nominis obtinuit), atque lapsu temporum in hunc sermonem omnes doctrinae sunt translatae. Hunc colunt artium amatores, dirigunt iurisconsulti, observant qui theologiae student, omniumque auditores disciplinarum quasi munus quoddam divinum diligunt. Ipsum vero non solum posse aut natura complecti aut artificio comprehendi arbitror, sed assiduitate quadam et usu continuo percipere. Omnis igitur dicendi praecepta nancisci cupiens intentissima videat frequentia latina loquatur.

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Manuel des écoliers qui décident d’aller à l’université des étudiants et ensuite d’y réussir

Prologue Même si l’invention des sciences a toujours été diverse et variée, chacun cependant, quand il commençait à philosopher, s’est surtout occupé à traiter ou des secrets de la nature, ou de la qualité des mœurs, ou de l’état, ou encore de certains préceptes capables de conduire à la voie des vertus. Mais comme ces disciplines étaient écrites en diverses langues, plusieurs données dans la langue des Grecs, et aussi composées selon la coutume des Arabes, et que chez les Hébreux aussi fut trouvée une bonne part de doctrine, nos ancêtres pensaient qu’il était particulièrement opportun que, comme la plupart se trouvent d’accord pour célébrer avec éclat la louange des vertus, de la même façon il n’y ait qu’un seul langage dans lequel seraient traduites toutes ces disciplines, pour ensuite être diffusées dans tout l’espace de l’univers. Il en fut donc ainsi, et cette langue fut appelée ‘latin’ (et reçut ce nom, je pense, à partir du Latium, où se trouve Rome), et avec le cours du temps toutes les sciences ont été traduites dans cette langue. C’est elle que cultivent les tenants des arts libéraux, que mènent les jurisconsultes, qu’observent les théologiens, et que les auditeurs de toutes les disciplines chérissent comme un présent de Dieu. Je pense qu’on peut non seulement la posséder par nature ou l’apprendre par l’art [de la grammaire], mais aussi l’acquérir avec de l’assiduité, par un usage continu. Quiconque désire trouver les règles de l’art de s’exprimer doit donc parler latin avec une assiduité très appliquée.

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CAPITULUM I qualiter novelli studentes alloqui debent magistros suos, ut in matriculam intitulentur ac etiam a beanio deponentur. Discipulus. Reverende magister, reverentiam vestram oratam facio, adiumento mihi sit, ut in matriculam almae huius universitatis intituler et a beanio absolvi queam  ; nam proxime adveni, ignotus sum et ad quem confugerem praeter vos habeo neminem. Magister. Undenam es, puer ? Disc. Optime magister, sum Ulmensis et priusquam exirem patriam tum persuasum mihi erat confidentiam habere dominationi vestrae, vos enim ille estis (fama est), qui singulis acquiescitis petitionibus prae se honestatem ferentibus. Mag. Cur huc advenisti, expone mihi. Disc. Studii causa. Mag. Solus advenisti ? Disc. Sic est, reverende magister. Mag. Abundant parentes tui ? Disc. Mediocriter se habent in divitiis, acquirunt artificio alimentum; verum polliciti sunt, si studio me applicuero, velle omnem circa me facere diligentiam, ne qua me premat paupertas.

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Chapitre 1 Comment les bizuths doivent s’adresser à leurs maîtres pour être inscrits sur le registre de l’Université1 et aussi comment ils s’acquitteront envers leur initiateur2 Le Disciple : Révérend maître, je prie votre révérence de m’aider à me faire inscrire sur le registre de cette bienveillante université de me donner la possibilité d’être libéré de la situation de bizuth. Car je viens juste d’arriver, je suis inconnu et en dehors de vous, je n’ai personne à qui je puisse recourir. Le maître : D’où viens-tu, mon garçon ? Le disciple : Excellent maître, je suis d’Ulm, et avant de quitter ma patrie j’étais alors persuadé que je pourrais avoir confiance en votre autorité. Vous êtes réputé être quelqu’un qui accepte chaque demande présentée auprès de vous avec respect. Le maître : Pourquoi es-tu venu ici ? Explique-moi. Le disciple : Pour étudier. Le maître : Es-tu arrivé seul ? Le disciple : C’est bien ainsi, révérend maître. Le maître : Tes parents sont-ils riches ? Le disciple : Ils ont des ressources médiocres, ils vivent de leur métier, mais ils m’ont promis que si je m’applique à l’étude, ils voudront faire pour moi toute diligence pour qu’aucune pauvreté ne m’accable3.

1

L’inscription appelée Matriculatio est obligatoire pour l’entrée dans une université. Les statuts d’Erfurt (1412) le précisent. Les statuts d’Heidelberg demandent que l’étudiant ait au moins 14 ans. Voir Toepke, Die Matrikel der Universität Heidelberg, 1884. – Voir aussi J. Paquet, “L’immatriculation des étudiants dans les universités médiévales”, dans Pascua Mediaevalia, Louvain, 1983, p. 159-171. 2 La cérémonie de l’initiation va de pair avec l’inscription. Le beanus, que l’on traduit par “le béjaune” ou “bizut”, est soumis à une épreuve dont parlent tous les statuts des Universités. Les Epistolae obscurum virorum, édités par F.-G. Stokes, Londres, 1911, parlent également de l’initiation. L. Moulin, La vie des étudiants au Moyen Âge (bibliographie n. 9), p. 55-59. 3 La richesse et la pauvreté de l’étudiant se retrouvent dans tout le Dialogue, cf. Morsel (bibliographie n. 23).

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Mag.

Disc.

Mag.

Modo te ducam ad rectorem. Cura, animosus sis ; non nimium timeas, ne timor ipse diripiat loquendi facultatem, et, ut apte iuramentum facias, bene prospicias ; cave celeritatem legendi, alioquin te titubare faciet. Ut potero, optime praeceptor, utque vires meae admittent faciam, verum primum mihi difficile est non timere, propterea quod antehac apud huiusmodi et doctos et claros viros nec unquam eram. Obtemperabo tamen libens dignitati vestrae, quantum ipsa admittet verecundia. Te admonebo, habe ergo advertentiam.

Post intitulationem magister dicit studenti  : Nunc inscriptus es in matriculam. Ubi depositionem beanii habere existimas ? Disc. Reverende magister, id vobis committo ; novit enim dignitas vestra, quo convenientius in loco fieri posset, et, ut ante precabar, sic quoque et nunc admodum oro, commendatum me vobis in hac re habeatis. Mag. Placetne tibi in aestuario meo ? Disc. Placet quam optime et, ut reor, nullibi aptius posset fieri. Mag. Vocabone plures magistros, qui intersint ?

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MANUEL DES ÉCOLIERS

Le maître :

Maintenant, je vais te conduire chez le recteur. Fais attention d’être courageux, de ne pas avoir trop peur, pour que celle-ci ne te prive pas de ton aptitude à la parole et pour que tu sois bien attentif à faire correctement ton serment. Garde-toi de lire avec précipitation, ce qui risque de te faire bredouiller. Le disciple : Je ferai comme je pourrai, cher précepteur, et comme mes forces le permettront, mais d’abord il m’est difficile de ne pas avoir peur, car auparavant je n’ai jamais été devant des hommes aussi savants et illustres. Pourtant, j’obéirai volontiers à votre Dignité, autant que ma timidité me le permet4. Le maître : Je t’avertirai, fais donc attention. Après l’inscription, le maître dit à l’étudiant : Maintenant, tu es inscrit sur le registre de l’Université. Où veux-tu avoir ton initiation ? Le disciple : Révérend maître, je m’en remets à vous. Car votre Dignité sait dans quel lieu cela convient le mieux, et comme je vous en priais avant, mais maintenant aussi je vous demande, je m’en remets à vous à ce sujet. Le maître : Te plaît-il de la faire dans mon chauffoir ? Le disciple : C’est très bien et je pense que cela ne peut se faire mieux nulle part ailleurs. Le maître : Est-ce que je demande à plusieurs maîtres d’être présents ? Le seuil de la pauvreté est fixé à 12 florins à Heidelberg, alors qu’il fallait au moins 20 florins pour étudier sans problème d’argent. De nombreux travaux portent sur cette question. Voir L.  Moulin, op. cit., p.  59 et J.  Paquet, “Recherches sur l’universitaire « pauvre » au Moyen-Âge”, dans Revue belge de Philosophie et d’Histoire, 1978, p. 301-353 (bibliographie n. 19). On peut lire la ballade d’Eustache Deschamps († 1406), qui se termine ainsi : “Princes, trop coustent escolier Toujours dient qu’ilz n’ont denier ; Qui plus leur baille, plus est fols, Leurs noms est de vuide grenier, Car, pour guerre et hurtebillier (faire l’amour), Mandent « salutem et nummos »”. Cette ballade est éditée par G. Raynaud, tome VIII, Paris, 1893, p. 188. 4 Les Actes de l’Université d’Erfurt donnent le serment du nouvel étudiant. Acten der Erfurter Universitaet, éd. Weissenborn, Halle, 1881-1889, t. I, p. 34. Cf. la traduction anglaise dans R.-F. Seybolt p. 111 (bibliographie n. 25).

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Disc.

Mag. Disc. Mag.

Disc.

Mag. Disc.

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Optime praeceptor, divitiae parvae mihi sunt. Ne prorsus sumptuosa collatio fiat, apprime rogo, neque etiam volo, quod nimium extenuetur ac honestas offendatur in re, sed mediocritas retineatur cum consuetudine. Probe intelligo. Vocabo igitur tres magistros et baccalaureos duos et quosdam de sociis meis. Sic nemo te arguet parcitate et superflui sumptus evitentur. Honorande magister, et id mihi vehementer placet. Et aequo animo feras, si qui venient et te infestent verbisque te improperent ; nam id antiquus adventus, si quando beanii est depositio, induxit, ne iucunditas primum et alacritas sed amaritudo potius appareat. At ego prospiciam ne quisquam modum excedat. Non solum aequo feram animo, praestantissime praeceptor, sed etiam aequissimo. Vestrae tamen humanitati supplico quatenus manu me teneat, ne quis impetu quodam ac violentia me invadat. Ne timeas. Te protectum habebo, coenaque finita propera ad meum aestuarium. Faciam, perdulcis magister, ac libens.

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Le disciple : Excellent précepteur, j’ai peu d’argent. Je te demande avant tout que le festin5 ne soit pas vraiment trop somptueux et je ne veux pas non plus que cela soit trop médiocre et nuise à l’honneur, mais que l’on observe la coutume et le juste milieu. Le maître : Je comprends fort bien cela. J’appellerai donc trois maîtres et deux bacheliers et quelques-uns de mes étudiants6. Ainsi, personne ne t’accusera d’être trop regardant et les dépenses excessives seront évitées. Le disciple : Honorable maître, cela aussi me plaît beaucoup. Le maître : Tu t’armeras de patience, si certains viennent te harceler de paroles et te font des reproches, car c’est une vieille tradition que, lorsqu’il y a l’initiation d’un bizut, ne doivent apparaître d’abord ni la gaîté ni l’entrain, mais plutôt la sévérité. Mais moi, je veillerai que personne ne dépasse la mesure7. Le disciple : Non seulement je serai patient, très prestigieux maître, mais très patient. Et je supplie votre bienveillance de me tenir par la main pour que personne ne m’assaille avec impétuosité et violence. Le maître : Ne crains pas. Je te protégerai, et le repas fini, va vite dans mon chauffoir. Le disciple : Je le ferai ainsi, très doux maître, et bien volontiers.

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Il est très souvent question de festins dans le Dialogue, cf. ch. 2 et ch. 18. La cérémonie groupe avec le recteur, des maîtres, des bacheliers et des “socii”, étudiants choisis par le maître. Cf. H.  Rashdall, The University…, p.  630 (bibliographie n. 11) et Zarncke, Die deutschen…, p. 228, op. cit. 7 Le maître connaît les excès du bizutage dont on voit plus loin le récit au chapitre  II. Il est rappelé dans les Statuts de Vienne en 1385, cf. R.  Kink, Geschichte der kaiserlichen Universität zu Wien, Vienne, 1854, II, p. 77 et R.-F. Seybolt, op. cit., p. 21, note 6. Cf. aussi L. Moulin, op. cit., p. 57 et s. 6

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CAPITULUM II de duobus iuvenibus infestantibus beanum et vocitantur camillus et babtoldus, simulantes nescire hic esse beanum sed foetorem sentire. Camillus.

Quis hic est foetor, qui locum illum inficit ? Proh rem indignam ! aut cadaver erat hic putrescens aut hircus omnibus bestiis immundior. Optimi magistri virique praestantissimi, quomodo in hoc foetore sedere potestis ? vix satis nares valeo obturare ; exibo revera. Equidem, si diutius manerem, usque adeo inficerer, ut  semivivus caderem capiteque terram pulsarem. Proficiscar. Sequere, Bartolde. Bartoldus. Remorare tamen paululum et videbimus, quidnam huius foetoris initium sit. Cam. Probe mones. Confer, obsecro, in huius omnes habitationis angulos oculos, an possis aliquid auspicari, ex quo velut ex velutabro foetor ille emanat ? Bart. Et tu, cum acutae rationis sis, non minus perconteris. Cam. Quidnam hic invenio ? quid hoc monstri est, quaeso ? Cave, mi Bartolde, ne huc dirigas oculos : certe integris luminibus inconcussoque animo non conspicies; nam haec bestia cornigera est, aures habens bovis instar, ex utroque mento se dentes extendunt, quibus morsum ceu porcus silvestris minatur, nasus curvus

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Chapitre 2 Comment deux jeunes gens, qui sont appelés Camille et Berthold, harcèlent le bizut en faisant croire qu’ils ne savent pas qu’il est bizut8, mais en trouvant qu’il sent très mauvais Camille :

Berthold : Camille :

Berthold : Camille :

Quelle est cette puanteur qui infecte cet endroit  ? Hélas, chose honteuse, ou bien il y avait un cadavre qui pourrissait ici, ou bien c’était un bouc, le plus immonde de tous les animaux. Très chers maîtres et hommes prestigieux, comment pouvez-vous siéger dans cette puanteur ? J’ai à peine assez de force pour me boucher le nez ; vrai, je vais devoir sortir. Assurément, si je restais longtemps ici, j’en serais tellement infecté que je tomberais à demi-mort et que je frapperais la terre de ma tête. Je m’en vais. Suis-moi, Berthold. Reste ici pourtant un peu et nous verrons quelle est l’origine de cette puanteur. C’est une bonne idée. Porte les yeux, je t’en prie, sur tous les coins de cette habitation, si tu peux par hasard découvrir quelque chose d’où vient cette puanteur, comme d’une bauge à cochons. Et toi, comme tu as une intelligence pénétrante, tu t’informeras aussi bien. Qu’est-ce que je trouve ici ? Qu’est ce monstre, je te le demande ? Attention, mon Berthold, de ne pas diriger ton regard là-bas, assurément tu ne le verras pas sans blesser tes yeux et troubler ton cœur, car c’est une bête avec des cornes9, ayant des oreilles de bœuf, des dents qui sortent des deux côtés du menton et

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Jacques le Goff a fait un excellent commentaire de ce bizutage dans Les intellectuels au Moyen Âge, Paris, 1985, p. 89-90. Ainsi, il écrit dans sa conclusion : “Ces cérémonies rappellent que l’intellectuel a été arraché au climat rural, à la civilisation agraire, au monde sauvage de la terre. L’anthropologue aurait son mot à dire dans la psychanalyse des clercs”. 9 L’initiation du bizut est souvent appelé depositio cornuum, cf. L. Moulin, p. 57. (bibliographie n. 10). Les initiateurs sont appelés depositores, cf. le témoignage d’un étudiant de Cologne, dans Epistolæ obscurorum virorum, I, 39, éd. Stokes, Londres, 1911, p. fol. et 366. – Un dessin du Roman de Fauvel, œuvre de Gervais du Bus au xive siècle (ms. BNF fr. 146, fol. 36), nous montre une

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Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam.

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ad noctuae rostri similitudinem, oculi rubei lippique furorem minantes. Vae huic, quem arripiat ! Censeo equidem eundem in minutissimas partes distraheret, nam, ut summatim dicam, meministi te unquam vidisse horrendam daemonis figuram ? animal hoc multo deformius est. Curramus e vestigio fugaeque nos committamus, ne impetum in nos faciat. At ego videbo, etiamsi periculo subire deberem. Quid ais, mi Camille ? Profecto beanus est. Arbitraris beanum esse ? Nisi me fallat ratio mea, beanus est. Nullam ego oculis conspectus sum bestiam, quae tam aperte crudelitatem prae se fert et immanitatem quemadmodum animal hoc indispositum. Quiesce parum, ipsum alloquar. Domine Ioannes, quandonam advenistis  ? certe estis conterraneus meus, porrigite manum. Ach furcifer ! venis tu me ungulis offendere ? Non admittam, nisi armis undique munitus essem. Quid sedes, onager  ? Non vides magistros adesse, viros venerabiles, in quorum adspectu erectum esse decet ? O bone Deus, velut inflexibilis truncus stat, neque veretur, tametsi omnium oculi in ipsum coniecti sunt. Cernite omnes, quaeso, quam facile defatigatur ! lentos habet pedes : paulo ante surrexit, nunc rursus se incurvat quasi vetula in senium deducta. Vide, qualiter collum contrahit ! Nullam in te pietatem habes. Quo pacto ipsum sic terrefacis  ? Amplius non patiar, quia conterraneus meus est. loannes, sis bono animo ! ego te defensum habebo, recipe vitrum et post molestiam hanc ad animum te confer. O carnifex stolide, non vereris vitrum attingere ? iam ciphum, quo eruditissimi iam biberunt magistri tui, rostrum tuum veneficum velis intingere,

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Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille :

menacent de mordre comme un sanglier, un nez courbé semblable au bec d’un hibou, des yeux rouges et chassieux menaçants de fureur. Malheur à celui qu’il saisirait ! Je pense assurément qu’il le mettrait en pièces, car pour le dire en un mot, te rappelles-tu avoir vu un jour la figure effroyable du démon ? Cet animal est encore plus hideux. Courons immédiatement et prenons la fuite pour qu’il ne nous attaque pas. Mais moi je vais voir, même si je dois affronter un danger. Que dis-tu, mon cher Camille ? Assurément, c’est un bizut. Tu penses que c’est un bizut ? Si ma raison ne me trompe pas, c’est un bizut. Je n’ai vu de mes yeux aucune bête qui montre si évidemment cruauté et monstruosité que cet animal difforme. Reste un peu tranquille, je vais lui parler. Maître Jean, quand donc êtes-vous arrivé ? Certes, vous êtes mon compatriote, donnez-moi la main. Ah coquin ! Vienstu m’attaquer avec tes ongles ? Je ne le tolérerai pas sans m’être muni de mes armes. Pourquoi restes-tu assis, espèce d’âne ? Ne vois-tu pas les maîtres qui sont ici, hommes vénérables, en présence desquels il convient d’être debout ? Ah Dieu bon, il se tient aussi raide qu’un tronc et n’a pas honte, bien que les yeux de tous soient braqués sur lui. Regardez tous, je vous le demande, comme il se fatigue facilement. Il a les pieds engourdis. Il vient de se lever, maintenant il se courbe à nouveau comme une vieille femme parvenue à un grand âge. Regardez comme il contracte son cou. Tu n’as en toi nulle pitié. De quel droit l’effraies-tu ? Je n’en supporterai pas davantage. Car c’est mon compatriote. Jean, aie courage. Moi, je prendrai ta défense. Prends un verre et après ce désagrément reprends courage. Oh stupide pendard, ne crains-tu pas de toucher à un verre ? Voudrais-tu plonger ton groin vénéneux, qui est plus vénéneux qu’un basilic

scène de bizutage, le bizut étant représenté comme un animal, cf. la reproduction dans M. Rouche, p. 393 (bibliographie n. 12).

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quod magis venenosum est quam basilisci adspectus visu quoque necans  ? Gestisne vinum, atque adeo dulce, degustare ? Tua interest aquam potare, et quidem turbidam, ad rivos cum pecudibus ; illic tu ceu quadrupes os impone tuum tortuosum, extingue rabiem et, ut caballus diurno cursu fatigatus, tumentibus labris tuis attrahe aquam. Desine, satis est. Reris rem parvam esse, hominem tenerrime educatum quasi bos esset tractari ? Quid si mater sciret, quae unice eum amat ! O quam multas lacrimas perfunderet, quantum cor dolorosum conciperet  ! revera, si necis periculum subiret, vix passionem ipse ferret maiorem. En, intuere faciem eius ! Non flet ? Certe oculi madidi sunt. Quando audivit matrem commemorare, movebatur et dicebat ad socium, quem secum ex patria ducebat, ut re ipsa peracta nuncium revertendo parentibus afferret  : “Ach, narras mihi hoc ? Quod te malum annum ante venit ! Ego initterem altam scolam dyabolum habere antequam ego super vellem trahere : ipsae sunt tam superbus super alta scoIa, quod nemo cum eis scit circumvenire, et loquunt tam mirabilem latinum, quod ego nescio quid est.” O beane, O asine, O foetide hirce, O olens capra, O bufo, O cifra, O figura nihili, O tu omnino nihil ! Quod tibi dyabolus permerdat et mingat tibi super tuum venter et pes ! qualis tua haec responsio ? haud enim loqueris, sed lallas  ; non latinum sed cavillinum ructas. Sed forte turbatus animo vehementerque commotus haec ipsa protulit. Quid facturi demum cum eo sumus ? Stolide quaeris. Multa re opus est ; nam sentio, eo animo advolavit, ab ista possit deformitate absolvi ac demum laudabili studentium adiungi consortio. Id enim primo conducere puto, medicum accersire. Ha, quid dixerim  ? Tu in medicinis praeclarus es et apprime eruditus, mi Camille. Nosti probe, qui

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Berthold :

Camille : Berthold :

qui tue aussi à vue, dans la coupe où ont bu tes très savants maîtres ? T’imagines-tu que tu vas déguster ce vin qui est si bon ? Ce qu’il te faut, c’est boire de l’eau, et même boueuse, dans les ruisseaux avec les troupeaux. Là, comme un quadrupède, plonge ta bouche tortueuse, éteins ta rage et comme un cheval fatigué par sa course du jour, absorbe l’eau avec tes lèvres gonflées. Arrête  ! C’est assez. Crois-tu que c’est une petite chose qu’un homme tendrement éduqué soit traité comme un bœuf  ? Quoi, si sa mère le savait, qui l’aime comme un fils unique. Oh que de larmes elle verserait, combien son cœur serait douloureusement éprouvé. Prends garde, s’il devait risquer une mort violente, il pourrait à peine supporter une si grande souffrance. Tiens, vois-tu sa figure ? Ne pleure-t-il pas ? Assurément, ses yeux sont mouillés. Quand il a entendu mentionner sa mère, il s’est ému et a dit à son camarade qu’il menait avec lui depuis sa patrie pour dire au retour à ses parents comment les choses s’étaient passées : « Ah, qu’est-ce que tu me racontes ! Que mal t’arrive dans l’année ! Moi, je laisserais le diable tenir cette haute école avant que je veuille m’y introduire. I z’y sont tellement orgueilleux de c’te haute école, que personne ne sait s’en tirer avec eux et ils parlent un latin si extraordinaire, que moi je sais pas ce que c’est  ». Ô bizut, ô âne, ô bouc fétide, ô chèvre infecte, ô crapaud, ô zéro, ô figure de rien, ô toi qui n’es rien, que le diable te conchie de ses excréments et pisse sur ton ventre et tes pieds. Quelle sera ta réponse ? Tu ne sais pas parler, mais tu bredouilles. Tu ne t’exprimes pas en latin, mais tu fais des éructations. Mais peut-être est-il troublé et violemment ému, ce qui l’a fait parler ainsi. Qu’allons-nous faire de lui ? Question stupide. Il y a beaucoup à faire ; je pense qu’il a perdu conscience, mais qu’il peut être libéré de cette infirmité et enfin rejoindre le groupe des étudiants dignes d’éloges. Je pense d’abord m’occuper de faire venir un médecin. Mais que dis-je ? Tu es très fort dans l’art médical et supérieurement érudit, mon 43

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Cam.

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bachantibus insaniamque habentibus cornua deponantur ac postea dentes illi eruantur. Aures vero, quemadmodum cultellis fieri consuetum est, abbreviantur, caliginem oculorum amovemus. Et cerne pilos illos de naso progredientes ! Fac in primis extrahas. Sed laboriosum erit tam longam tamque horrendam barbam tondere ; cum vero tibi rallum sit acutissimum, lignis de quercinis factum, elaborate eum exornabis. Tum scelera sua confitetur. Postremo a magistris venerabilibus a foetore illo deponetur copuleturque consortio nostro. Recte suades. Sed profecto scias tam fructuosum negocium fieri non posse sine meo magno labore ac periculo. Mi Ioannes, praestolare paululum, allaturus venio instrumenta et ab hac quoque insania te liberabo. Bartolde, tu ipsum interea consolari non desine, nam iter arripio iam, citoque revertar. Faciam, et quidem libenter. Ioannes, laetare habeasque iocundam horam. Iam tempus appropinquat salutiferum, mundaberis enim ab omni indispositione et corporis et mentis, fiesque particeps universitatis nostrae cuiusvis privilegii  ; neque attaediabere quod medicus tuus non adest, certe statim veniet ; arbitror ipsum profectum ad apothecam atque illic emere pillulas factas ex floribus melampi alboque graeco, ut, si debilitas nonnulla in curatione te invaderet, remedio tibi essent. – En, praesto est noster Camillus. Obsecro, mi Camille, quam celeri pede festinas, et quam velociter vestigia retro observata legisti. Erasne in apotheca ? Sic est. Quid es boni negociatus ?

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Camille :

Berthold :

Camille : Berthold :

Camille. Tu sais parfaitement comment on enlève aux fous ces cornes extravagantes et ensuite comment leurs dents sont arrachées. Raccourcissons les oreilles, aux couteaux comme on le fait d’ordinaire, et nous supprimons l’aveuglement des yeux. Et regarde les poils qui lui sortent du nez. Il faut d’abord les arracher. Mais il sera difficile de couper une barbe si longue. Tu dois avoir un rasoir très aigu fait de bois de chêne, tu le prépareras avec soin. Alors, il confessera ses crimes. Ensuite, il sera débarrassé de cette puanteur par de vénérables maîtres et se joindra à notre groupe. Tes conseils sont bons. Mais sache auparavant qu’une affaire aussi fructueuse ne peut réussir sans un grand travail et de ma part beaucoup de danger. Jean, mon ami, attends un peu, je vais apporter les instruments et je te libérerai aussi de cette honte extravagante. Berthold, pendant ce temps, n’arrête pas de le consoler, je m’en vais maintenant et reviendrai rapidement. Je le ferai bien volontiers. Jean, sois heureux et passe un moment agréable. Car le temps de ta délivrance approche, qui te purifiera de toute indisposition du corps et de l’esprit, et tu pourras participer à tous les privilèges de notre université, quels qu’ils soient. Ne  sois pas inquiet si ton médecin n’arrive pas, il viendra certainement sur le champ. Je pense qu’il est allé à la pharmacie et qu’il a acheté des pilules faites de fleurs d’ellébore et de Grec blanc10 pour que, si quelque faiblesse te surprend pendant l’opération, elles te soient un remède. Regarde, il est rapide notre Camille. Comme tu te hâtes d’un pied rapide et comme tu es vite revenu sur tes pas. Étais-tu à la pharmacie ? Oui bien sûr. Qu’est-ce que tu t’es procuré de bon ?

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Melampus ou hellébore, découvert par le légendaire médecin grec Melampus, “Le grec blanc” ; remède populaire fait d’extraits de la chair des hyènes et autres carnivores, cf. Epistolæ obscurorum virorum, op. cit., p. 87, n° 67

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Comparavi unguentum, ut, si noster aegrotus medicinae vim ferre nequiret, nares eius os quoque inungerem. Cuiusmodi hoc est unguentum, precor ? Pinguedo nonnulla, extorsa ex fabis hircorum, et aqua, destillata e fimo virgineo, condita floribus, qui crescunt noctis tempore mediae, cum diurno cursu mulsum rustici portarunt. Preciosissima quidem medicina huic homini. Primo cornua deponam. Bartolde, porrige serram. Aselle, repugnas medico tuo? Compesce eius impetus et ut equum intractatum ipsum iilum constringe. Cave nihil minus, ut crudelibus te non attingat ungulis aut laedat capite cornuto. Quam dura sunt et inveterata cornua illa ! Ecce serram disturbatam, et omnes fere dentes olentes fracti sunt. Respice iam, protervum animal, cornua ! antehac videre non potuisti et non adhibuisti fidem nobis. Bone Deus, nec bos ullus est aut campestris fera cuius caput tanta mole esset aggravatum. Quo fecerim dentale ? Hic habes. Porrige os ! – Bartolde, tene dentem unum ! – at nunc habes alterum ! Dentes illos reservabo ac interdum dabo ad videndum, quasi aliquid spectatione dignum ; extorquebo a videntibus pecuniam, ut hi faciunt qui monstra marina adducunt. Affer pelvim atque aquam infunde, herbasque impone odoriferas, ut barba intingatur, posteaque tondebitur. Omnia praesto sunt. Quales imposuisti herbas ? Nescio certe quo nomine nominantur, nam crescunt in horto, ubi cloaca exitum habet. Recte sane. Tene mentum nec te move. Barba sat est madida. Sed ubi nunc est rallum? Apud te in scamno.

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Camille : Berthold : Camille :

Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

J’ai acheté un remède pour que, si notre malade ne peut pas supporter la force de cette médecine, je frotte l’orifice de ses narines et de sa bouche. Quelle sorte de remède s’il te plaît ? Quelques pommades. Un peu d’onguent fait de crottes de bouc et de l’eau venant des excréments d’une vierge, assaisonnée de fleurs qui poussent à minuit, alors que des paysans ont apporté le vin mielleux durant le jour. C’est vraiment une précieuse médecine pour cet homme. D’abord, j’enlèverais les cornes. Berthold, passe-moi la scie. Petit âne, tu résistes à ton médecin ? Retiens son impétuosité et attache-le comme un cheval sauvage. Veille surtout à ce qu’il ne te touche de ses ongles cruels et te blesse de sa tête cornue. Comme ces cornes sont dures et enracinées. Vois, ta scie est démolie et presque toutes ses dents puantes sont cassées. Regarde maintenant tes cornes, violent animal. Tu ne pouvais pas les voir auparavant et tu ne nous croyais pas. Dieu bon, aucun bœuf ou bête des champs n’a la tête chargée d’une masse aussi lourde. Qu’ai-je fait de la pince ? Tu l’as ici. Présente la bouche, Berthold, tiens une dent et maintenant tu as l’autre. Je mettrai les dents de côté et de temps en temps, je les ferai voir comme quelque chose de digne d’un spectacle. J’exigerai de l’argent des spectateurs, comme font ceux qui présentent des monstres marins. Apporte un chaudron et verses-y de l’eau. Mets-y des herbes odoriférantes pour que la barbe soit trempée et ensuite elle sera coupée. Tout est prêt. Quelles herbes as-tu mises ? Je ne sais pas comment on les nomme, car elles poussent dans un champ à la sortie d’un égout. C’est très bien. Tiens le menton et ne bouge pas. La barbe est assez mouillée. Mais où est le rasoir ? À côté de toi dans le sac sur le tabouret. 47

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Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam.

Bart. Cam. Bart.

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Ioannes, conspice barbam tuam  ; nigra est ut erat apostoli, qui Christum tradidit. Credo te fidum esse et, ut commune proverbium est, omnes esse cautos hospites, res suas tollant cum diversorium ingredieris. Debilitatur neque assuetus antea est vim perpeti tam fortis medicinae. Probe dicis, nam vultus eius mutatus, et naturalem non servat colorem, quod signum fragilitatis est. Nunc confer unguentum. Nonne et pillulas attulisti ? Cepit me oblivio. Cursas igitur ad bostar nostrum et collige, nam nimis remote apotheca distat. Faciam. Recipe animum atque ad te redi et resipisce  ; scio enim pillulas, quas allaturus est Bartoldus, maxime tibi profuturas. Vide, iam venit. Recipe iam manum plenam. Video parum prodesse medicamenta nostra. Ne forte in manibus nostris morietur, tutum est ut confessionem faciat. Verum aspice vultum eius et ecce modo. Nisi caveatur, spiritus eius hos relinquet artus. Iamiam semivivus genua flectendo mirabilem committet turbinem atque inter nos omnes confusionem. Mi Bartolde, consule viros in hac re peritos et qui nobis facile possunt subvenire, ne clamor ille nostras obtundeat aures. Facturus sum, sed modo unum habeo mente, quod, nisi me spes fallat, eum omnino ab omni sua purgabit infirmitate. Effare, mi Bartolde. Vides enim qualem et quam turpem modo habeat aspectum. Optimam sibi fore medicinam iudico, si ad parvum quidem tempus fune fuerit suspensus in cloaca bursae nostrae, quae efficacem producit vaporem, quem si tempore et quidem pauxillulo sopitus fuerit, ab instanti omni secluso morbo sanabitur. At prius confiteatur velim. Et ego in sacris sum, id onus mihi imponetur. Sed quo posui superlicium?

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Camille :

Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold :

Jean, regarde ta barbe, elle est noire comme celle de l’apôtre qui trahit le Christ. Je crois que tu as la foi et, comme dit un proverbe commun, tous les hôtes sont prudents, ils garent leurs biens quand tu entres dans leur auberge. Il est affaibli et n’était pas habitué auparavant à supporter une aussi forte médecine. Tu parles bien. Car son visage change et ne garde pas sa couleur naturelle, ce qui est un signe de faiblesse. Applique maintenant la pommade. Est-ce que tu as apporté les pilules ? Je les ai oubliées. Cours vite à notre étable et apporteles, car la pharmacie est trop éloignée. Je le ferai. Reprends courage et remets-toi. Je sais, en effet, que les pilules que Berthold va apporter te seront très utiles. Vois, il vient déjà. Prends déjà une poignée. Je vois que nos médicaments ne servent pas à grandchose. De peur qu’il meure entre nos mains, il est prudent qu’il fasse sa confession. Mais regarde son visage maintenant ! Si on n’y prend garde, son esprit quittera ses membres. Déjà à moitié mort, fléchissant les genoux, il fait un étonnant remue-ménage et entre nous tous c’est la confusion. Mon Berthold, consulte des hommes savants en cette matière et qui puissent facilement nous aider, de peur que cette clameur ne bouche nos oreilles. Je le ferai, mais il me vient une idée, à moins que mon espoir ne soit vain, qui pourra le débarrasser tout à fait de son infirmité. Dis-la-nous, mon Berthold. Tu vois bien quel est son vilain aspect. Je pense que la meilleure médecine serait qu’il soit suspendu un petit moment par une corde au-dessus de l’égout de notre salle, qui produit une vapeur efficace, et s’il s’endort un moment et même très peu, il sera guéri aussitôt de toute maladie qu’il enferme. Je voudrais d’abord qu’il se confesse. Moi, j’ai les ordres sacrés, cette charge va me revenir. Mais où ai-je posé mon surplis ? 49

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Cam. Bart.

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Accipe retro te. Nunc incipias, bone Ioannes, confiteri omnia delicta tua et procul dubio salvaberis. – Quid audio ? omni die surripiebas rusticis et aucas et pullos ? O grande peccatum ! Quid amplius ? dic absque formidine. – At scelus hoc gravius. Fuit virgo priusquam deflorasti eam ? Animadverte bene : primum magnum est, quod virginem oppressisti, deinde, quia servicialis erat patri tuo ; praeterea, cum puerum peperit, iurasti te non fecisse : factus es periurus ; postremo maximum censeo quod in eo loco peregisti, ubi equi sacrificium habent, et quod fueris impudicus : nam perpetrasti videntibus equis. Sed quoniam vere confitenti venia denegari non debet, sed pius confessor, qualis ego sum, poenitentiam debet iniungere, haec erit poenitentia tua : nam pro his ceterisque delictis tuis et foetore horrido magistros tuos largissima coena refocilles. Tuos inquam magistros, quos posthac ob eam, quam in te gesturi sunt, humanitatem benivolentiamque colere et observare teneris, necnon et confessorem summum animae curatorem, itidemque corporis tui medicum, qui in hac ipsa hora tibi penitus destituto preciosissimis medicamentis quam citissime subvenit. Hos itaque pingui refectione potuque reconsilies. Non sis parcus hoc vesperi, sed liberalis. Committas famulo ut afferat de vino meliori, ut virtute eius membra nostra debilitata recreationem capiant. At mihi autoritas sola est poenitentiam praestare et non absolvere : quamobrem ad magistros te mitto, quibus haec dignitas est absolvendi. – Reverende magister, peccator hic est maximus, haec indicenda perpetravit facinora ; auctoritas mihi data est iniungere poenitentiam ; feci : ut bona sua ad dilapidandum daret, et quidem nobis, iniunxi, et

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Camille : Berthold :

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Prends-le derrière toi. Maintenant commence, mon bon Jean, à confesser toutes tes fautes et sans aucun doute, tu seras sauvé. Qu’entends-je ? Tous les jours, tu dérobais aux paysans oies et poulets ? Oh le grand péché. Quoi de plus ? Dis-le sans crainte. Mais voilà un crime bien plus grave. Était-elle vierge avant que tu ne la violes ? Fais bien attention. D’abord, c’est grave que tu aies violé une vierge, ensuite, elle était au service de ton père. En outre, lorsqu’elle a accouché d’un enfant, tu as juré ne pas l’avoir fait. Tu es parjure. Ensuite, je considère comme le plus grave que tu as fauté dans le lieu où les chevaux sont sacrifiés et que tu as eu l’impudeur de le faire sous les yeux des chevaux. Mais, puisqu’on ne doit pas refuser le pardon à celui qui se confesse et qu’un pieux confesseur comme je le suis doit imposer une pénitence, voici quelle sera ta pénitence  : tu dois, en raison de ces fautes et d’autres, et aussi de ton horrible odeur, restaurer tes maîtres par un très large dîner. Tes maîtres, dis-je, après qu’on leur a rapporté ce que tu as fait, tu es tenu de les honorer et d’observer l’humanité et la bienveillance qu’ils vont te manifester, mais aussi l’éminent confesseur de ton âme et le médecin de ton corps, qui à cette heure est venu rapidement, avec les précieux médicaments, te secourir dans ton extrême besoin. C’est pourquoi tu te les concilieras par un gras repas et une boisson abondante. Ne sois pas avare ce soir, mais généreux. Confie au serviteur le soin d’apporter le meilleur vin, pour que par sa vigueur nos membres affaiblis reprennent leurs forces. Ma seule autorité est de t’infliger une pénitence et non de t’absoudre. C’est pourquoi je t’envoie vers les maîtres qui ont le pouvoir de le faire. Révérend maître, c’est un très grand pécheur qui a commis des crimes indicibles. Le pouvoir m’a été donné de lui infliger une pénitence, je l’ai fait. Je lui ai ordonné qu’il dépense tous ses biens pour nous11 et qu’il soit obligé de nous redonner des forces, à nous

Le repas a été prévu au chapitre I, cf. n. 6.

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pollicitus est nos omnes vino optimo reficere, omne aes exponere quod genitor eius collegit ex agro Tusculano, omnem pecuniam quam mater eius in thesauro quodam abdidit ac marito abstraxit. Vade ergo, Ioannes, ad magistrum et veniam obtinebis. Post depositionem omnes appropinquabunt ac dicant : Proficiat vobis, Ioannes !

CAPITULUM III quomodo discipuli de exercitiis lectionibusque loquantur. Camillus.

Mi Bartolde, scis tu quot lectiones ad baccalaureatus gradum et exercitia complere oportuerit ? Bartoldus. Optime scio, nam lectiones sunt novem, exercitia sunt sex. Cam. Et quo pacto complentur, scisne ? Bart. Quidni ? nam tripartitae sunt et lectiones et exercitia. Itaque in tribus mutationibus [quas] integre complere poterit, id est in spacio unius anni cum dimidio. Nempe una in mutatione tres lectiones duoque exercitia recipere ac audire est necesse qui cito promoveri voluerit. Cam. Qui scis ? Bart. Scio equidem, quod a baccalaureis plurimis, qui optime norunt, audiverim. Cam. Ego tecum una proficiscar, cum complere volueris, ad audiendum huiusmodi libros. Sed audi, unum est quod abs te scire volo ; nam ferunt, si in principio ac

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tous, avec du bon vin et de dépenser tout l’argent que son père a tiré du champ de Tusculum, toute la somme que sa mère a caché dans sa cassette et soustrait à son mari. Va donc, Jean, vers ton maître et tu obtiendras de lui ton pardon. Après ce règlement, tous l’entoureront et diront : « Bonne chance à vous, Jean ».

Chapitre 3 Comment les élèves parlent de leurs exercices et de leurs cours Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold : Camille :

Mon ami Berthold, sais-tu combien de leçons et d’exercices il faut accomplir pour avoir le grade de bachelier12 ? Je le sais bien, il y a neuf leçons et six exercices13. Comment y satisfaire, le sais-tu ? Comment donc  ! On peut les accomplir en trois périodes, c’est-à-dire dans le cours d’une année et demie. Sur une seule période, celui qui veut être reçu rapidement devra suivre et écouter trois leçons et deux exercices14. Comment le sais-tu ? Eh bien, je le sais parce que je l’ai entendu de plusieurs bacheliers qui le savaient bien. J’irai avec toi accomplir ton programme quand tu voudras. Mais dis-moi, il y a une chose que je veux savoir de toi. On dit que si l’on est présent au début ou à la fin des leçons, cela suffit pour valider ce qu’on

12 Les statuts de Leipzig donnent les exercices à faire pour être bachelier, cf. Seybolt, p. 34, n° 1 et Appendice 2, p. 112-113. 13 D’après Zarncke, Die deutschen Universitäten…, op. cit., p. 228, les neuf leçons étaient : Tractatus Petri Hispani, Priscianus brevior, Vetus ars, Libri priorum, posteriorum, elenchorum, physicorum, de anima, sphaera materialis. Les six exercises sont : Vetus ars, Libri parvorum logicalium, sophistriae vel parvorum logicalium loco sophistriae, novae logicae, physicorum, de anima. 14 Les statuts de Leipzig de 1417 donnent la durée des études. Cf. Seybolt, p. 38, n° 4.

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Bart. Cam.

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Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

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fine lectionum fuerimus, sat esse pro completione, et, si voluerimus, medio tempore ter quaterve intrabimus. Cur hoc ? qualis illa completio esset ? Dicunt enim nihil nos percipere in lectionibus, praesertim in altioribus libris, utpote phisicorum et consimilibus, sed, cum ad promotionem pervenerit, nobiscum dispensatur. Erras vehementer, nam facultatis artium magistri ita instituerunt ut quemquam, priusquam admittatur, affirmare oportet iuramento qualiter audiverit, quotiescunque neglexerit. Quondam erat ut permulti promovebantur qui rarissime fuerunt in lectionibus ; proinde magnam susceperunt pecuniam pro tali negligentia. Sed notabant maiores nostri dissolutionem scolarium et proficere vel nullos aut paucos. Statuerunt nunc ut quisque audiat compleatque diligentissime, ac legentibus praecipiunt, ita nobis prosint opera sua, ut nobis haud minuta sit eventura utilitas. Certe grave est, ut ita dixerim, molestumque semper adesse ; timeo me non facturum. Cupis promoveri, non posses subterfugere. Dicam me affuisse. Et eris periurus. Verum enimvero robustae complexionis es, non repente periurium in facie tua denotatur. De hoc satis. Dic mihi, a quibus magistris audiemus ? Vidi intimatum hodie, magistrum Iodocum libros lecturum elencorum prope valvam ecclesiae Sancti Spiritus hora sexta et, ut arbitror, ante meridiem, septima vero audituri sumus in eodem loco libros phisicorum a magistro Petro, et post meridiem in libris de anima a magistro Iacobo lectio fiet in paedagogio.

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Berthold : Camille :

Berthold :

Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

doit faire et si nous le voulons, nous irons dans l’intervalle trois ou quatre fois. Pourquoi cela ? Quelle est cette validation ? On dit, en effet, que l’on n’apprend rien dans les leçons, dans les cours, surtout les plus difficiles, ceux de physique et d’autres semblables, mais quand arrive le moment d’être reçu, on nous en dispense. C’est absolument faux. Car les maîtres de la faculté des arts ont décidé qu’avant d’être admis on doit rendre compte sous serment de son assiduité et de ses absences. Autrefois, beaucoup ont été reçus qui avaient souvent manqué les cours. Alors, ils ont dû payer une grosse amende pour telle négligence. Mais nos maîtres remarquaient un grand relâchement des écoliers et qu’aucun ou peu d’élèves n’avaient fait des progrès. Ils ont décidé et statué maintenant que tous soient assidus et ils demandent aux enseignants que leurs travaux aient de l’intérêt pour nous et que nous en tirions un grand profit. C’est bien lourd, à vrai dire, et pénible d’être toujours présent. Je crains de ne pouvoir le faire. Si tu veux être reçu, tu ne peux pas y échapper. Je dirai que j’y étais. Et tu seras parjure. C’est vrai que tu es d’une complexion robuste et que l’on ne repère pas tout de suite, à te voir, que tu mens. C’est assez. Dis-moi qui seront les maîtres que nous irons entendre ? J’ai vu annoncer qu’aujourd’hui maître Jodoc doit expliquer « les leçons sur les arguments de sophistes » près de la porte de l’église du Saint-Esprit à onze heures ; et je pense qu’avant midi nous serons entendus dans le même lieu à la septième heure sur le De physica par maître Pierre, et l’après-midi une leçon sur le De anima doit être faite par maître Jacques dans son école15.

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Il s’agit des livres d’Aristote, Libri elencorum, De physica et De anima. Ce sont toujours les œuvres d’Aristote que l’on étudie dans les universités de l’époque. Marsile d’Inghen (†  1396), élève de Buridan, premier recteur

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Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam.

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Recte narras, memoriae ista mandabo, ut, cum ire volueris, paratus sim. Quid tunc de exercitiis sentis ? Magister meus parva logicalia disputabit in sua habitatione, illic affuero, et veterem artem magister Ioannes, cui me applicabo. Optime sentis. Ceterum quas audiemus resumptiones ? Nondum deliberavi ; at scrutinium quoddam et quidem diligens habebo. Quam plurimi sunt, quibus visum est maiorem assequi scolares utilitatem in resumptionibus quam aut nancisci in lectionibus aut exercitiis. Nam si quippiam magister noster resumeret, certe non negligerem, est enim facundus persuasivus : quasi res ageretur mihi aparet, cum aliquid in apertum ducit. Et eadem mihi est sententia de hac re. Nullum oculis meis conspicatus sum magistrum, qui rem abditam maximeque occultam tam pulchre tamque lucide possit detegere et simplices tam facile primum instruere. Te oratum facio, Bartolde, sic te accingas ne unquam negocium aliquid impedimento sit, quin semper et frequentia quadam in eius simus resumptione. Faciam, et cupide quidem atque hoc, quod ex te vehementissime habere volo. Fiat ergo. Sed est mihi negocium quoddam abeundi. Parce multiloquiis ac vale. Et tu vale, mi Camille.

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Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille :

Berthold : Camille : Berthold :

Tu parles bien, je me rappellerai cela afin que je sois prêt quand tu voudras y aller. Et qu’en penses-tu au sujet des exercices ? Mon maître discutera sur les petits traités de logique dans sa salle, j’y serai, et maître Jean sur l’Ars vetus, dont je suivrai attentivement la leçon. C’est une bonne idée. Pour le reste, quelles synthèses16 entendrons-nous ? Je n’y ai pas encore pensé. Mais je vais étudier la question avec beaucoup d’attention. Ils sont très nombreux, ceux qui pensent que les étudiants ont un plus grand profit dans les synthèses que dans les leçons et les exercices. Si notre maître revenait sur quelque chose, assurément je ne le négligerais pas, car son éloquence est persuasive. Lorsqu’il explique quelque chose, cela apparaît comme si c’était véritable. J’ai la même opinion là-dessus. Je n’ai vu de mes yeux aucun maître qui puisse expliquer une question cachée et très obscure aussi bien que lui et aussi clairement, et instruire si facilement les débutants. Je t’en prie, Berthold, arrange-toi pour ne jamais faire quelque chose qui nous empêche d’être toujours et fréquemment dans les synthèses. Je le ferai et je désire aussi ardemment que tu en fasses autant. D’accord. Mais je dois partir. Assez de paroles et adieu. Et à toi aussi, adieu, mon cher Camille.

d’Heidelberg, y avait introduit les œuvres d’Aristote. Cf. E. Gilson, La philosophie au Moyen Âge, 1944, p. 684. En Italie, Leonardo Bruni d’Arrezo, l’un des maîtres de l’école nouvelle, continue à étudier Aristote, cf. E. Gilson, id., p. 736-737. 16 Le mot resumptio peut être traduit par synthèse. Les statuts de Leipzig de 1483 développent cet exercice. Cf.  R.-S. Rait, Life in medieval University, Cambridge, 1912, p.  144-145. – Sur le vocabulaire des études médiévales, cf. M. Teeuwen, The Vocabulary of Intellectual Life in the Middle Ages, Brepols, 2003.

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CAPITULUM IV de altricatione viarum et disciplinarum. Camillus.

Hunc magistrum tu quasi ad coelum attulisti, tamen modernus est. Bartoldus. Quid tum ? Cam. Nihil ab eo deinceps audiam. Bart. Eo stultior es, si doctrinam despicis. Nam non solum realistae verum etiam moderni magnam partem philosophiae consecuti sunt. Cam. Sed versantur in sophismatibus tantum, veram doctrinam aspernantur. Bart. Offendis veritatem, nam eruditissimi viri reperiuntur inter modernos. Nonne audisti in quibusdam terris eos possidere integras universitates  ? ut Viennae, Erfordiae, utque quondam hic erat. Nonne arbitraris doctos hic bonosque fuisse ? et nostro aevo adhuc reperiuntur. Cam. Scio quidem et intelligo, sed fama eorum parva est. Elaborant solum in parvis logicalibus et sophisticis opinionibus. Bart. Non recte intelligis, nam clari sunt in enunciationibus et syllogismis. Non reperies artium studiosos, qui syllogismos ceterasque species argumentationis facilius noscant quam moderni. Cam. Et in vera scientia nihil sciunt. Bart. Quam mihi facis veram scienciam ?

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Chapitre 4 Discussions sur les méthodes et les disciplines Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold :

Camille : Berthold :

Ce maître que tu as quasiment porté aux nues, il est pourtant « moderne ». Eh bien quoi ? Je ne veux rien entendre désormais de lui. Comme tu es stupide si tu méprises sa doctrine, non seulement les « réalistes », mais aussi les « modernes » ont conquis une grande partie de la philosophie17. Mais ils se complaisent seulement dans les sophismes et rejettent la vraie doctrine. Tu offenses la vérité, car on trouve des hommes très érudits parmi les « modernes ». N’as-tu pas entendu que dans certains pays, ils occupent toute l’université, comme à Vienne, Erfurt et comme c’était autrefois ici ? Ne penses-tu pas qu’il y a eu ici des hommes savants et bons et qu’à notre époque on en trouve encore ? Je le sais et je le comprends, mais leur renommée est faible, ils s’appliquent seulement à des études de petites logiques18 et à des opinions de sophistes. Tu ne comprends pas bien, car ils sont savants dans les propositions et les syllogismes. Tu ne trouveras pas d’hommes plus érudits dans les arts qui connaissent même les syllogismes et les autres espèces d’argumentations que les « modernes ». Et ils ne savent rien dans la vraie science. Qu’appelles-tu une vraie science ?

17 Sur les discussions entre réalistes et nominalistes, appelés maintenant moderni, cf. C. von Prantl, Geschichte der Logik im Abendlande, Leipzig, 2e éd., 1885. Les statuts de Heidelberg de 1452 s’intéressent au débat entre réalistes et moderni, cf. la traduction dans Seybolt, p. 40, n° 1. – Cf. aussi The Oxford Dictionary of the Christian Church, éd. F.-L. Cross, p. 978. 18 Les Parva logicalia se présentent sous différents titres  : Suppositiones, Relationes, Ampliationes, Appellationes, etc.

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Praedicabilia Porphyrii, kathegorias Aristotelis, in quibus aut parum noscunt aut nihil. Inhonestum est te illa dicere. Turpe esset tam claros viros illa non intelligere. Animadverte regulas consequentiarum, in quibus usitatissimi sunt, integram observant speciem, nonnullam argumentationis itemque silogismi, et cum universalia praedicamentaque principia sunt argumentationis, necesse est ut pernoscant ; alioquin in tota nihil efficerent argumentatione. Sed hoc interest  : alium habent docendi modum quam realistae. Quodsi intenta cura audiemus, non parum fructus est allatura eorum doctrina. Te rogo, mi Bartolde, expone mihi quid tamen utilitatis in se habet modernorum via ? Exponam, ut libet. Sed unum volo quod percipias. Non tanto amore amplector doctrinam ut realistarum, censeo tamen nullius doctrinam esse spernendam. Praebe igitur attentas aures et quae dicam trade memoriae. Primum, quod profuturum in via modernorum censeo fore, quod ab ipsis discamus propositionum vim, in quibus profundi sunt, boni in opinionibus enunciationibus, insolubilia obligatoriaque plane intelligunt conversionesque habent in raris propositionibus, de quibus his inferunt, qui non noscunt, plurima inconvenientia ; tunc propositiones hypotheticas, vim quandam contectam in se continentes, praeclare norunt in hisque quis sit modus arguendi ; neque etiam reperies inter dialecticos quosdam, qui tam enunciationi de silogismis, quemadmodum et ipsi, loquuntur. Quid in his proprietatibus

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Camille : Berthold :

Camille : Berthold :

Les Prédicables de Porphyre19, les Catégories d’Aristote, sur lesquelles ils savent peu ou rien ! Il est malhonnête de dire cela. Il serait honteux que des hommes si savants ne les connaissent pas. Considère les règles de la logique20 dans lesquelles ils sont familiers. Ils observent les idées entièrement. Il est nécessaire qu’ils connaissent quelque chose de l’argumentation et de même du syllogisme, puisque les catégories et les principes de l’argumentation sont universels. Autrement, ils ne feraient rien dans toute l’argumentation. Mais cela est important : ils ont une autre façon d’étudier, que les « réalistes ». Si nous les écoutons attentivement, nous tirerons beaucoup de profit de leur doctrine. Je te demande, cher Berthold, expose-moi quelle est l’utilité de la méthode des « modernes » ? Je te l’expliquerai volontiers, pour te faire plaisir. Mais je veux que tu comprennes une seule chose : je n’aime pas leur doctrine avec autant d’ardeur que celles des réalistes. Je pense cependant que la doctrine de personne ne doit être méprisée. Donc, ouvre tes oreilles et livre à ta mémoire ce que je te dirai. D’abord, je pense qu’une chose utile dans les méthodes des « modernes » et que nous apprenons d’eux, c’est la valeur des « propositions » dans lesquelles ils sont très savants. Bons dans l’expression des opinions, ils comprennent parfaitement les choses incontestables et obligatoires21. Ils savent comment réagencer les propositions difficiles. Sans quoi on risque souvent d’en tirer des inférences illégitimes. Ensuite, ils connaissent bien la valeur cachée des propositions hypothétiques et la manière d’en user. On ne trouve pas de dialecticien capable de parler comme

19 Porphyre (234-305), philosophe néoplatonicien de l’école d’Alexandrie, auteur de l’Introduction aux “Catégories” (Isagogè). Aristote, mort en 322 avant notre ère, reste le grand auteur commenté, comme on l’a vu dans le chapitre précédent. Sur son influence, cf. E. Gilson, op. cit., passim (bibliographie n. 4). 20 Les Consequentiae sont une partie des Parva logicalia. 21 Les Insolubilia et les Obligatoria font également partie des Parva logicalia.

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censemus quae terminos respiciunt, ut suppositio, ampliatio ac de propositionibus exponibilibus ; ac novissime multos paralogismos et fere multos intermiscere in quibus magna amoenitas est ; sic etiam inter arguendum tam repente os clauditur respondentis, etiamsi protervus fuerit. En habes utilitatem, quam ingentem reputo. Est enim ut ays, sed mihi iam cordi non est vitam meam in his sophisticis et cavillosis conterere argumentis. Fac ut libet. Scio magistrum qui Albertum, quem vocitant doctorem magnum, imitatur. Illius sequar doctrinam. Et quasi minor sit beatus Thomas reputas ? Res illa me latet, verum nomen Alberti praestantius est. Certe non, quia sanctitate gaudet beatus Thomas. Certum est, quia plures fuerunt sancti simplicitatem prae se ferentes ; siquidem mea coniectura est, tantum (tamen Zarncke) ex operibus, scilicet devocione et ieiunio abstinentia, sanctitatem obtinuisse etc., dominum vero Albertum scienciae propter excellentiam meruisse magnitudinis nomen. Cernisne quod iam praeconium ad philosophiam splendidius sit ? Velim me esse cum sancto Thoma. Piger, si facultas daretur, qui non exoptaret habundantiam, atque cum ita sentis ingredi religionem

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Berthold : Camille :

eux des syllogismes : les propriétés qui regardent les termes de la définition, la subordination, l’extension, l’interprétation des propositions, et enfin ils joignent à leur propos beaucoup de paralogismes et de procédés qui augmentent considérablement leur agrément. Le contradicteur en a aussitôt la bouche fermée, quelle que soit son ardeur à argumenter. Voilà pour l’utilité, que j’estime très grande. S’il en est comme tu le dis, mais pour moi, je n’ai pas le cœur à passer ma vie accablé par ces sophismes et ces arguments subtils. Fais comme tu l’entends. Je connais un maître qui s’inspire d’Albert22, que l’on appelle le « grand docteur ». Connais-tu sa doctrine ? Tu penses que le bienheureux Thomas23 lui serait inférieur ? La chose m’échappe, mais le nom d’Albert est plus prestigieux. Certainement pas, car le bienheureux Thomas a le titre de saint. Il est vrai que la plupart des saints ont été des gens simples. Comme je le suppose, il est sûr qu’ils ont obtenu la sainteté par les œuvres, à savoir la dévotion, le jeûne et l’abstinence, etc. Mais le seigneur Albert mérite le nom de grand par l’excellence de sa science. Vois-tu qu’il puisse y avoir plus splendide éloge en matière de philosophie24 ? Je préfère être avec saint Thomas. Paresseux, si l’opportunité lui était donnée, qui ne choisirait pas la richesse. Puisque tel est ton senti-

22 Albert le Grand (1206-1280), commentateur de l’œuvre d’Aristote, fut le maître de Thomas d’Aquin. Il était très populaire en Allemagne, ayant enseigné à Cologne, où il a fini sa vie. Voir l’article de Dom Guy Oury, dans Dictionnaire des Lettres françaises, Paris, 1964, p.  35-37 et The Oxford Dictionary of Christian Church, éd. F. L. Cross, Oxford, 1989, p. 29-30. 23 Thomas d’Aquin (1228-1274), frère dominicain, théologien et philosophe, enseigne à Paris, Rome, Viterbe, Naples. Ses principales œuvres sont la “Somme théologique” et ses Commentaires sur Aristote. Considéré comme un saint, il est canonisé en 1323. Cf. M.-D. Chenu, Introduction à l’étude de saint Thomas d’Aquin (Bibliographie n. 2), et The Oxford Dictionary, p. 1371-1373. 24 Paulus Niavis, dans Latina Ydeomata, compare lui aussi les deux savants.

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praedicatorum, ut ipse fecerat, insuda ieiuniis ceterisque praeceptis ad beatam vitam ducentibus, et eris comes eius vitae sanctitatisque particeps. Vides quod elabitur oratio tua : ex studio artium hoc non percipitur, sed ex contemplatione divina. Nil prodest verba evomere, mea sententia fert claram esse doctrinam beati Thomae. Neque ego repugno, quamquam Albertum praefero. Verumtamen, si placuerit, accedamus magistrum lodocum ; is Scotum sequitur. Nequaquam, omnes enim ipsum odio persequuntur. Quamobrem, scisne ? Haut scio. Edicam : ea propter est, nam aemuli subtilissimi Scoti doctrinam non intelligunt. Hoc aliqui exclamant, sed fabula est ; quippe doctissimos hic quamplurimos habemus magistros. Nam miranda res esset, si hunc ipsi non intelligerent. Cognitum est, eos multas quas ipse fecit distinctiones percipere non posse. Neque illa nos diiudicemus ; acquiescamus his qui prudentiores sunt.

CAPITULUM V de altricatione poeticae ac iuridicae facultatis. Camillus.

Magister Conradus Schuitzer interpretaturum se intimavit Terentii comoedias, sumusne audituri ? Bartoldus. Quid autumas in his esse comoediis utilitatis ?

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Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

ment, entre dans la religion des Prêcheurs25, comme celui-ci avait fait, fatigue-toi par les jeûnes et autres préceptes conduisant à la vie bienheureuse et tu seras son compagnon participant à la vie de sainteté. Tu le vois, ce qui échappe à ton propos, cela ne dérive pas de l’étude des arts, mais de la contemplation divine. Rien ne sert de s’échauffer en paroles. Mon idée est que la doctrine du bienheureux Thomas est éclatante. Je ne le nie pas, quoique je préfère Albert. Mais, si tu veux, allons trouver maître Jodoc, il suit la philosophie de Scot26. Surtout pas, tous le détestent. Pourquoi, le sais-tu ? Je ne sais pas. Je te le dirai  : c’est parce que ses rivaux ne comprennent pas la doctrine du très subtil Scot. Certains le disent, mais c’est une fable. Nous avons ici de très nombreux maîtres très savants. Ce serait chose étonnante qu’ils ne le comprennent pas. Il est connu qu’ils ne peuvent pas comprendre les nombreuses distinctions établies par lui. Ne tranchons pas cela. Ayons confiance en ceux qui sont plus sages.

Chapitre 5 Débat sur les facultés de poésie et de droit Camille : Berthold :

Maître Conrad Schuitzer annonce qu’il va expliquer les comédies de Térence27. Est-ce que l’on ira l’écouter ? Que trouves-tu d’utile dans ces comédies ?

25 Les dominicains sont appelés frères prêcheurs. Cf. The Oxford Dictionary, op. cit., p. 417. 26 Johannes Duns Scot (1265 – 1308), théologien écossais surnommé le “docteur subtil”, franciscain. Il combine l’Aristotélisme et l’Augustianisme. Ainsi, il s’oppose à saint Thomas. Il meurt à Cologne. Cf. The Oxford Dictionary…, op. cit., p. 431 et E. Gilson, La philosophie…, p. 591 et s. (bibliographie n. 4). 27 Publius Terencius Afer († 159 av. J.-C.), poète comique latin auteur de comédies dont six nous sont parvenues.

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Cam. Bart.

Cam. Bart. Cam. Bart. Cam.

Bart. Cam.

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Qui[a] indecorum est et praeter officium boni hominis tam nobili scientiae detrahere ! Putasne homines intelligere perdoctos, quid in se Therentius boni habeat ? Praeceptores paene omnes dissuadent prorsusque inhibent. Nam de nuptiis deque lascivis rebus eius sunt comoediae, quae adolescentulis lasciviam libidinemque incutiunt. Idcirco omnium fere magistrorum eadem sententia est, hanc ut a nobis lubricitatem removeamus, nam et impedimento est in capessendis disciplinis et obstaculo. Paucis tecum agam. Si me audieris, spero me propulsaturum hunc a te errorem. Quem errorem, obsecro ? Cognosces postea, cum ego te arguam quadam ignorantia. Effare igitur, si quid habes. Faciam. Primo ex te scire cupio : a quibus hausisti, poetas illos nihil boni scripsisse ? Habesne ab his qui plura in ipsis scripta legere, an ab his qui nullam ab eis capere sententiam queant ? Neque hoc plane scio, at, quantum coniectura carpere valeo, nihil in poetis sapiunt. Audisti unquam, quaeso, disciplinas aemulos non habere nisi inscios ? Etenim proverbium illud est tritum. Timent enim quosdam doctiores evadere quam ipsi sunt, ac, ne usu hoc veniat, magnopere potentiores sic litteratiores habere existimant. Equidem, si ultro citroque acumen ingenii extendamus atque doctissimos cognoscere conemur, certe poetae sunt et hi qui laborem arti oratoriae impendunt. Audi illos, flagito, qui preciosum hoc iubar sanctumque decus cuiusvis sententiae vicio dent  : reperies illos quasi

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Camille : Berthold :

Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Berthold : Camille :

Comme c’est indigne et contraire aux devoirs d’un homme de bien de rabaisser une si noble science ! Penses-tu que les hommes très intelligents  comprennent ce qu’il y a de bon dans Térence ? Presque tous les professeurs le désapprouvent et l’interdisent tout à fait. Car ses comédies traitent de noces et de choses lascives qui suscitent chez les adolescents le libertinage et le désir. C’est pourquoi c’est l’avis de presque tous les maîtres : nous devons éloigner de nous cette sensualité, car c’est un empêchement et un obstacle pour recevoir notre enseignement28. Je te dirai en peu de mots. Si tu m’écoutes, j’espère que j’éliminerai cette erreur. Quelle erreur, s’il te plaît ? Tu la sauras plus tard, lorsque moi je te convaincrai de ton ignorance. Parle donc, si tu as quelque chose à dire. Je le ferai. D’abord, je désire savoir de toi de qui tu as appris que les poètes n’ont rien écrit de bon ? Le tiens-tu de ceux qui ont lu beaucoup de leurs écrits ou de ceux qui ne sont capables de tirer d’eux aucune pensée ? Je ne sais absolument pas, mais autant que je puisse le conjecturer, on ne sait rien par les poètes. N’as-tu jamais entendu dire, je te le demande, que les arts n’ont aucun adversaire en dehors des ignorants ? C’est en effet un proverbe souvent employé. Ceux-là craignent, en effet, que certains deviennent plus savants qu’ils ne le sont, et pour que cela ne se produise pas, ils pensent que ce sont les plus puissants qui sont aussi les plus lettrés. Certes, si nous regardons autour de nous et essayons de connaître les plus savants, assurément ce sont les poètes et ceux qui s’appliquent à l’art oratoire. Écoute-les, je te le

28

Les Epistolae obscurum virorum, éd. Stokes, Londres, 1911, p. 484-486, rapportent ce qu’en pense un maître de Leipzig. Cf.  le passage traduit par Seybolt, p. 46-47, n° 1. – Sur les progrès de l’humanisme à Heidelberg, cf. G. Ritter, “Studien zur Spätscholastik, II, Via antiqua und via moderna auf den deutschen Universitäten des XV. Jahrhunderts”, Sitzungsber. Heidelberg, n° VII, 1922.

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Bart. Cam.

Bart.

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elingues, et sic, quando depromere accidit rem in se habentem diffircultatem ullam, saepenumero in medio sermonis cursu cadunt a proposito, quia ipsis diripietur loquendi facultas, crebro obmutescunt, quando loqui maxime necessarium est ; at, si continuant, tam incompti sunt et agrestes in sermonibus suis, tam pressi et pedestres tamque indecentes, ut plus silentio honoris haberent quam gloriae loquendo consequuntur. Obmutesce, mi Camille. Si huiuscemodi sermo tuus deferretur, tibi irascerentur. Recte mones. Ratio mihi in hac re atque cautio habenda est. Ceterum, si nullo negocio alio essem praepeditus, enodarem tibi quanta esset in poeticis fabulis utilitas. Si quis detegeret, tu conspicare mysterium sacrum, quod nullo ebetis vulgi vis animo complecti ac comprehendere potest. Sed longam facturus essem orationem et fortasse taediosam. Propterea, ne pluribus agam, de poetarum carminibus hoc est satis dixisse. Nunc mihi succurrit : volui antehac te consuluisse, sed defluxit a proposito oratio mea. Statui mecum ad iura me in brevi velle applicare et experiri quid in ea facultate queam percipere. Qualis tibi est sententia ? Non dissuadeo, quia ipsam crebro commendare audiverim. Sed latissima facultas est, nimium requirit praemium, librorum copiam ; vix ulla est ex omnibus disciplinis quae tam magnam diffusamque codicum multitudinem exigit ut iuridici, et ut frequens lectio observetur, sine qua non potest esse eruditus iurisconsultus ; postremo memoria ut ampla sit, multos casus variosque possit retinere. Primo igitur examina te

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Berthold : Camille :

Berthold :

demande, ceux qui considèrent comme un vice cette précieuse gloire et le saint éclat de n’importe quelle sentence : tu les trouveras comme muets ; et ainsi, quand il leur arrive d’exposer une chose qui présente en soi quelque difficulté, souvent au milieu de leur discours ils échouent dans leur entreprise, parce que leur est arraché le pouvoir de parler, ils se taisent souvent lorsqu’il est le plus nécessaire de parler. Et s’ils continuent, ils sont si confus et rustres en leurs paroles, si laconiques et prosaïques et si indécents, qu’ils retireraient plus d’honneur à se taire qu’ils n’obtiennent de gloire en parlant. Tais-toi, cher Camille. Si le discours que tu tiens était répété, il provoquerait la colère contre toi. Tu as raison, je dois faire preuve de réflexion et de prudence. Mais si je n’étais pas empêché par une autre affaire, je t’expliquerais quelle utilité il y a dans les fables poétiques. Si quelqu’un le dévoilait, tu verrais le mystère sacré que la capacité du peuple stupide ne peut saisir ni comprendre. Mais il faudrait faire un long discours et peut-être ennuyeux. Donc, afin d’abréger, j’ai assez parlé des chants des poètes. Maintenant, j’y pense. Je voulais te consulter. Mais j’avais oublié en te parlant, j’ai changé de sujet. Je me suis décidé à m’engager moi-même rapidement à l’étude du droit et de voir ce que je peux apprendre dans cette faculté29. Quel est ton avis ? Je ne m’y oppose pas, car j’ai appris qu’on recommandait souvent cette faculté. C’est la plus vaste, on y trouve beaucoup d’avantages et une abondance de livres. Parmi les autres disciplines, il n’en est peut-être pas qui exige une telle variété et un si grand nombre de livres que le droit et il faut beaucoup lire, sinon on ne peut être un savant jurisconsulte. Ensuite, on doit avoir une bonne mémoire afin de pouvoir retenir la multitude et la variété des causes. Donc, d’abord, réfléchis en toi-même pour voir si tu peux venir à

29 Le droit civil n’est plus enseigné seulement à Bologne et à Orléans. Beaucoup d’Universités ont une section de droit où l’on enseigne le jus civile de Justinien et de ses continuateurs.

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ipsum, paulo ante memorata ferre possis. Quisquis enim ut praemeditetur quid acturus sit necesse est, ne inceptum turpitudine novissime deserat. Laboriosum est, fateor, multa memoriae affigere. Scimus tamen nihil magni sine et labore et periculo consequi quem posse. Verum sanum est concilium tuum, extimo, sapientis fore, matura deliberatione agere quicquid inchoare velit, et non inconsulta celeritate in negocium ruere. Foresne mihi in tali facultate contubernalis ? Qui possum ? Liber mihi nullus est. Pauperculus sum, comparare nequeo. Quid, si una libros haberemus ? Si illiusmodi mihi ostenderes humanitatem, faceres ut perpetuo me debitorem tibi cognoscerem. Quiesce. Scribam parentibus, in hac re praesidio sint. Spero me responsum ex sententia habere. Tum efficiam ne unquam nostra societas dirumpatur. Sed modo mihi est negocium quoddam cum hospite. Vale.

Cam.

Bart. Cam. Bart. Cam.

CAPITULUM VI de communibus locutionibus cum spaciantur. Camillus.

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Spaciabimurne, Bartolde, atque animi quandam refectionem suscipiamus ?

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Camille :

Berthold : Camille : Berthold : Camille :

bout de tout cela. Il est nécessaire que chacun pèse bien ce qu’il peut faire pour qu’il ne finisse pas par abandonner honteusement son entreprise. C’est très difficile, je l’avoue, de demander beaucoup à la mémoire30. Mais, nous savons que rien de grand ne peut se faire sans travail et risque. Ton conseil est très raisonnable. J’estime que le propre d’un sage est de ne faire qu’après mûre délibération tout ce qu’on veut commencer et de ne pas se ruer sur une affaire avec une rapidité irréfléchie. Serais-tu pour moi un compagnon dans une telle faculté ? Comment le pourrais-je ? Je n’ai aucun livre, je suis très pauvre et je ne suis pas capable d’en acquérir31. Et si nous avions des livres ensemble ? Si tu me montrais une telle gentillesse, tu ferais que je me reconnaisse à jamais ton débiteur. Sois tranquille, j’écrirai à mes parents pour qu’ils aident dans cette circonstance. J’espère avoir la réponse que je souhaite. Alors, je ferai en sorte que jamais notre accord ne soit rompu, mais maintenant j’ai affaire avec l’hôte. Adieu.

Chapitre 6 Propos échangés pendant la promenade32 Camille :

Ne veux-tu pas te promener, Berthold, et donner quelque repos à notre esprit ?

30 Sur le rôle de la mémoire dans le système médiéval d’éducation, cf. Martino da Fano, De rigimine et modo studendi, éd. L. Frati, dans Studi e Mem. St. Univ. Boll., 6, 1926 ; et S. Stelling-Michaud, Les Universités au Moyen Âge, p. 101 (bibliographie n. 13) et n. 63 de l’Introduction, p. 16. 31 Sur la lecture des livres qui coûtent cher, cf. J. Verger, Les gens de savoir en Europe à la fin du Moyen Âge, Paris, 1997, p. 85-105. Du même auteur, voir les conseils que donne, en 1345, Richard de Bury, dans Des nains sur des épaules de géants, Paris, 2006, p. 267-268. Sur le prix des livres, voir aussi L. Moulin, op. cit., p. 276. 32 Guarino de Vérone parle lui aussi des promenades d’étudiants dans la campagne. Cf. E.  Garin, L’Éducation de l’homme moderne 1400-1600, Paris, Fayard (Pluriel), 1968, p. 127. Voir aussi J. Le Goff, Les intellectuels…, p. 184 (bibliographie n. 7).

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Bartoldus. Nescio. Opinor, studio incumbere plus commodi afferret quam vel plateas invisere vel campum. Cam. Quis autem tanta assiduitate potest artibus insudare ? Verendum utique est ne doctrinam minus mansuete quispiam capiat, nam ab acutissimis audivi viris saepissime, ingentes labores studentibus non esse adiiciendos, sub quibus fessi corruant. Bart. Verissimum quidem hoc est et frequenter mea ista fuit opinio, ut liberum interdum haberem animum atque remissum. Etenim sic reor : qui semper in ocio est, taediosum facit tepentemque intellectum. Cam. Sis igitur paratus et ibimus. Bart. Quorsum enim ? rogo. Cam. Ad campum et ad pratum. Ducam te ad loca viridia, in quibus lilia crescunt virentque flosculi, atque varium illic germinat graminis genus et cor tuum laetabitur, quasi in gaudio paradisi esset constitutum. Bart. Suntne arbores etiam prope ? Cam. Non solum arbores, sed nemus quoque densum  ; equidem in umbra quiescamus, et pratum hoc, in quo te ducturus sum, rivis circumlabitur, de cuius accipiemus susurro haut parvam delectationem. Bart. Ego paratus sum. Orna te capucio et iter arripiamus. Cam. Faciam. Bart. Per quam portam exibimus ? Cam. Per ipsam quam Sancti Iacobi nominant. Bart. Non placet. Cam. Cur non ? quid obstat ? Bart. Porcos solent atque alia pecora per illam compellere ad aquam et taediosos excitant pulveres. Non sat. Quis potest nares obturare  ? et vestes etiam non parum deturpantur. Cam. Attingamus aliud iter. Vis per portam inferiorem ?

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Berthold : Camille :

Berthold :

Camille : Berthold : Camille :

Berthold : Camille :

Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille :

Je ne sais. Je pense qu’il serait plus profitable d’étudier plutôt que de visiter les places ou les champs. Mais qui peut étudier les arts avec tant d’assiduité ? De toute façon, il faut craindre d’apprendre moins facilement, car bien souvent des hommes très intelligents m’ont dit qu’il ne fallait pas imposer trop de travail aux étudiants, au risque de les écraser sous le poids. Assurément, c’est très vrai et j’ai souvent cette opinion. Il faut que j’aie parfois l’esprit libre et reposé. Je pense, par contre, que celui qui est toujours oisif rend son esprit dégoûté et engourdi. Prépare-toi donc et marchons ! Dans quelle direction, je te le demande ? Par les champs et les prés. Je t’emmènerai vers des endroits verdoyants où croissent les lys et brillent les fleurs et là où germent différentes graines. Ton cœur se réjouira comme s’il était installé dans la joie du paradis. Est-ce que les arbres sont proches ? Non seulement des arbres, mais un bois profond  ; nous nous reposerons à son ombre, et le pré dans lequel je vais te conduire est entouré de ruisseaux dont nous entendrons le murmure avec un grand plaisir. Je suis prêt. Mets ton capuchon et prenons la route. Je le ferai. Par quelle porte sortirons-nous33 ? Par celle qui se nomme de Saint-Jacques. Cela ne me plaît pas ! Pourquoi pas ? Quel obstacle ? On y fait passer ordinairement, pour aller s’abreuver, des porcs et d’autres animaux qui dégagent des poussières détestables. Ça suffit. Qui peut boucher ses narines ? Et les vêtements n’en sont pas peu salis. Allons par un autre chemin. Veux-tu par la Porte Basse ?

33 Heidelberg compte plusieurs portes. Cf. le dessin de l’Université au début du xviie  siècle dans Ritter, Die Heidelberger Universität im Mittelalter (13861508), première page (Bibliographie n. 24).

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Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam.

Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam.

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Recte sane. Nihil iam melius dixisse potuisses ; sed via longa est, alia fuisset brevior. Quid faciemus, cum ad pratum pervenerimus ? Hoc ex te volo intelligere ; tu enim tanta laude extulisti locum illum. Vix exspectare possum quousque videam. Invenies me nihil esse mentitum. Dirige oculos tuos trans Neckarum, et, ubi eminentissima quercus se obiicit, est locus quem tibi descripsi. Cerno, at propius pratum est altera parte circumseptum. Conspicisne ? multifarius color florum eminet. Video prope, sed aliud est spectaculum, ad quod te ducturus venio. Si iam visum esset, intraremus aquam — sol fervidus est — et sudorem depelleremus. Noli, precor. Flumen periculosum est ; istic plures submersi sunt. Opinor te percepisse rumorem de cadavere in aqua comperto paucis ante diebu : certe hic periculum subivit. Si utique mens tibi fuerit balneandi, ducam te in rivum securum. Recte suades, verum ad pratum prius, quod tantopere collaudas. En, prope est. Ubi vis capiamus quietem ? Censeo, alta sub salice potissimum. Quare non sub pomo ? Huc confer oculos. Certe locus est amoenior estque iucundior, nam gramina sunt recentiora et plus floribus mixta. Fiet. Audi, mi Camille, quam pulcher avium concentus aures nostras complet. Recte dicebas locum illum ceteris laetiorem instarque paradisi amoenum. Pauci hoc pratum sciunt, et, si alii quoque hunc locum perscrutarentur, semper hic copia foret sociorum.

MANUEL DES ÉCOLIERS

Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

D’accord. Tu n’aurais rien pu trouver de meilleur. Mais cette route est longue. L’autre aurait été plus rapide. Que ferons-nous lorsque nous serons arrivés au pré ? Je veux l’apprendre de toi. En effet, tu as fait un tel éloge de ce lieu. Je suis impatient de le voir. Viens et tu verras que je n’ai pas menti. Dirige tes yeux au delà du Neckar et, là où un grand chêne se dresse, c’est l’endroit que je t’ai décrit. Je le vois, mais plus près, il y a un pré enclos de l’autre côté. Ne vois-tu pas ? La couleur variée des fleurs se montre partout. Je le vois bien, mais il y a un autre spectacle vers quoi je viens te conduire. Si tu voulais, nous entrerions dans l’eau, le soleil est chaud, et nous nous débarrasserions de notre sueur. Non pas, je t’en prie. Le fleuve est dangereux34. Ici, plusieurs se sont noyés. Je pense que tu as entendu la rumeur à propos du cadavre découvert dans l’eau, il y a peu de jours. Assurément, le péril existe ici. Si tu as quand même l’intention de te baigner, je te conduirai vers un ruisseau plus sûr. D’accord, mais d’abord allons à ce pré que tu loues tellement. Regarde, c’est près de là. Où veux-tu que nous prenions notre repos ? À mon avis, sous ce saule élancé. Pourquoi pas sous le pommier ? Regarde ici. Ce lieu est assurément le plus agréable et le plus joli, car l’herbe est plus fraîche et est plus mélangée de fleurs. D’accord. Écoute, mon cher Camille, quel beau concert d’oiseaux arrive à nos oreilles. Tu disais bien que cet endroit est le plus beau de tous et agréable comme le paradis. Peu connaissent ce pré et si d’autres voyaient ce lieu, il y aurait toujours ici une foule de collègues.

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Le Neckar prend sa source au pays de Souabe et rejoint le Rhin vers Mannheim.

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Bart.

Vehementer me recreat rivi defluxus, et visu delectabile est pisces hincinde vagari. Et quis avium convolatus ! Conspice prope nos ciconiam. Reor me in istiuscemodi prato nec unquam quievisse. Ad dexteram cerno ripam piscibus abundantem, in sinistra omnia ferme sunt crescentium genera, retro nemus est avium e concentu clangescens : philomena canit, alauda cantu suo non deest, omnesque volucres voces suas subtiliant. Deinceps, Camille, libellos recipiamus atque huc pergamus ; enimvero multum hic acui deberet ingenium, si quid memoriae traderetur. Et hoc quoque mihi apparet. Deinceps longe censeo optimum ut, quod in lectionibus exercitiisve audiverimus, inter quiescendum hic repetamus. Iam noctescit et culmina fumant : petamus oppidum. Adeo delector amoenitate hac, ut redeundi nulla mihi succurrit ratio. Surgamus ac velociter meatum attingamus.

Cam. Bart.

Cam. Bart. Cam.

CAPITULUM VII in quo alter alterum de itinere interrogat. Camillus. Bartoldus. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam.

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Unde venis ? De Erfordia. Quae nova ducis in apertum ? Nulla prorsus, penitus nulla. Arbitratus sum Erfordiae veluti portum esse novorum omnium. Res illa me fugit, et, ut verum fateor, non delector in novitatibus audiendis. Quorsum est iter tuum ? Heidelbergam versus. Quid tuum ibidem negotium est ?

MANUEL DES ÉCOLIERS

Berthold : Camille : Berthold :

Camille :

Berthold : Camille :

Je suis énormément ravi par le flot de la rivière, c’est un spectacle délicieux que ces poissons qui vont et viennent. Et quel vol d’oiseaux ! Regarde la cigogne près de nous ! Je pense que je ne me suis jamais reposé dans un pré de ce genre. Je vois, à droite, une rive pleine de poissons, à gauche il y a toutes sortes de plantes, derrière un bois retentissant du concert des oiseaux. Le rossignol chante, l’alouette n’interrompt pas son chant, tous les oiseaux raffinent leur voix. Désormais, Camille, nous prendrons nos livres et nous viendrons ici. En effet, l’esprit devrait être très affûté ici si l’on confie quelque chose à la mémoire. C’est ce qu’il me semble également. Je pense dorénavant que c’est la meilleure des choses de revoir ici, tout en nous reposant, ce que nous avons appris dans les leçons et les exercices. Déjà la nuit tombe et les toits fument. Dirigeons-nous vers la ville. Je me plais tellement dans cette douceur, que je ne vois aucune raison de rentrer. Mais levons-nous et gagnons rapidement le chemin.

Chapitre 7 Dans lequel l’un interroge l’autre à propos de son voyage Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : 35

D’où viens-tu ? D’Erfurt. Qu’as-tu de neuf à nous révéler ? Rien assurément, tout à fait rien. Je suppose qu’Erfurt est un port35 où arrivent toutes les nouvelles. Cela m’a échappé et vraiment, j’avoue que cela ne me plaît pas d’entendre les nouvelles. Quel a été ton chemin ? Celui qui mène à Heidelberg. Que veux-tu faire ici ?

Erfurt en Thuringe, sur la Gera, à 200 km d’Heidelberg, n’est pas un port.

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Bart.

Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam. Bart. Cam.

Bart.

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Multociens ad me delatum est, optimarum artium disciplinas illic in magno esse vigore. Ideo experiri volui ritum ipsius universitatis, et tu oportune iam obviam mihi dedisti. Declara, quaeso, quaenam consuetudo studii vestri sit. Faciam quae vis. Sed prius enarra quae ex te cognoscere volo. Quae illa sunt ? Expone modum universitatis vestrae. Faciam cupide. Primum colunt viam modernorum, antiquos, si qui sunt, non admittunt, neque ipsis concessum est aut legere aut exercere. Quamobrem ? Propter dissensiones, nam litigia concitantur, e quibus inimicicia oritur nasciturque invidia. Ad evitandas vero huiuscemodi concertationes unam viam habere existimant. Id laudandum non est ; nam si multiplex esset via, acutiores fierent usitatioresque et ad arguendum promptiores discipuli. Verissimum hoc est. Sed rogasti, quis sit ritus universitatis nostrae tibi enodarem. Est enim longe alius, ut audio, quam vester. Primum modernos non excludimus ; si quid boni haurire poterimus, non recusamus. Tum in quaque via magistri admittuntur ; salvum est cuique resumere quod probationibus suis continere valeat. Siquidem apud nos sunt aliqui qui Albertum sequuntur, qui Thomam in diligentia, qui subtilissimi Ioannis Scoti vestigia observant coluntque et admirantur, et horum omnium doctorum disciplina ad ingenii exercitationem confert. Equidem magnum mihi iam incussisti ardorem studendi. Nihil dulcius mihi est, nihil iocundius quam audire quid excellentissimi viri sentiant. Te oro,

MANUEL DES ÉCOLIERS

Berthold :

Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold :

Camille :

Berthold : Camille :

Berthold :

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Souvent, on m’a rapporté qu’ici l’enseignement des meilleurs arts est extrêmement florissant. J’ai donc voulu expérimenter la coutume de cette université et j’ai eu la chance de te rencontrer. Dis-moi, je te le demande, comment se présente votre étude ? Je ferai ce que tu veux. Mais avant, rapporte-moi ce que je veux savoir de toi. Qu’est-ce donc ? Présente-moi le fonctionnement de votre université. Je le ferai volontiers. D’abord, on honore la méthode des “modernes”. S’il y a des “réalistes”, on ne les admet pas et on ne leur permet pas ni de lire ni de faire des exercices36. Pourquoi ? En raison des discussions, car des querelles s’élèvent, produisant des inimitiés faisant naître des jalousies. Mais, pour éviter ce genre de débat, ils estiment qu’il faut suivre une seule méthode. Ce n’est pas louable, car s’il y avait plusieurs méthodes, les élèves deviendraient plus pénétrants et les disciples plus expérimentés et plus rapides à discuter. Ceci est très vrai. Mais tu m’as demandé de t’expliquer les habitudes de notre université. C’est bien différent, à ce que je comprends, de la vôtre. D’abord, les “modernes” ne sont pas exclus. Si nous pouvons en retirer quelque chose de bien, nous ne nous y opposons pas. Alors, les maîtres sont admis dans chaque voie. Il est réservé à chacun de résumer ce que peuvent apporter ses démonstrations. En tout cas, il en est parmi nous quelques-uns qui suivent Albert et Thomas avec zèle, qui marchent sur les traces du très subtil Jean Scot, l’honorent et l’admirent ; la doctrine de tous ces docteurs permet d’exercer l’esprit. Vous suscitez en moi une grande ardeur pour l’étude. Rien de plus doux pour moi, rien de plus agréable que d’entendre ce que ces excellents hommes pensent.

Cf. supra ch. IV.

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Cam.

Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam.

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optime fautor, me instruere velis ad quam me bursam recipiam, in qua studium maiori haberetur veneratione. Nam, ut paucis dicam, bursae omnes plenae sunt. Magna iam copia et multitudo suppositorum est, et extra locum probatum stare non licet. Id unum suadeo, universitatis pedellum alloquaris, vacuamne sciret habitationem, aut unum indicaret qui te ad ipsum ut contubernalem acciperet. Faciam, sed ubinam est sita pedelli habitatio ? Nunquam antehac Heidelbergae fueras ? Nunquam. Quid audio ? Difficile erit bonam ut consequaris habitationem, nisi alicuius praesidio fueris usus ac promotione, qui notus esset. Sed neminem habeo. Te igitur facio precatum, eam mihi humanitatem ostendas et in hac re manuductionem praebeas ; ubi in beneplacito tuo comparare debeam nihil obmittam. Condescendam petitionibus tuis. Nunc advesperascit, ut vides. Futura luce, quam primum me a somno solvero, in negotio tuo ero familiaris. Sed ubi diversorium bonum est, ostende, obsecro. Cernis domum acialem picturis decoratam ? Cerno. Illic divertere possis. Vale. Et tu quoque.

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Camille :

Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Je te prie, cher protecteur, de bien vouloir m’apprendre à quel logement je pourrais me rendre, dans lequel l’étude sera l’objet d’une très grande vénération. Pour te le dire en peu de mots, les chambres sont toutes pleines37. Il y a déjà une grande abondance et une multitude d’étudiants en place, et en dehors du lieu permis on ne peut s’installer. Je te conseille une chose, d’en parler au bedeau38 de l’université pour savoir s’il n’y a pas un logement vide ou qu’il te le dise s’il a quelqu’un qui t’accepterait comme colocataire. Je le ferai, mais où est située l’habitation du bedeau ? Tu étais venu à Heidelberg auparavant ? Jamais. Comment  ? Il te sera difficile d’avoir une bonne chambre sans avoir l’aide et la recommandation de quelqu’un de bien connu ici. Mais je n’ai personne. Je te prie donc de me montrer ta gentillesse et de m’offrir ton aide dans cette affaire. Lorsque je devrai te rendre la pareille, je n’oublierai pas. J’accéderai à ta demande, mais maintenant il se fait tard, comme tu le vois. Demain matin, dès que je me serai éveillé, je serai prêt à t’aider dans cette affaire. Mais, je te prie, montre-moi où il y a un bon hôtel. Tu vois une maison pointue décorée de peintures ? Oui. Là, tu pourrais loger. Porte-toi bien. Toi aussi.

37 Sur les logements difficiles à acquérir, cf. L. Moulin, p. 21 et s. (Bibliographie n. 10). Les statuts de Leipzig exigent que les autorités universitaires contrôlent les logements des étudiants. Cf. la traduction de Seybolt p. 56, n. 2. 38 Sur le bedeau, homme de confiance du recteur qui est chargé de faire régner l’ordre et la discipline, cf. L. Moulin, op. cit., p. 265 et s. (Bibliographie n. 10).

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CAPITULUM VIII quo pacto in mensa loquuntur. Camillus.

Pulsus fit ad prandium ; vadamus ; propera, alioquin neglexerimus. Bartoldus. Recte hortaris, etenim si neglexerimus ceteri nos haberent derisos. Cam. Proverbium hoc commune est ‘si quis damna tulerit, derisione non caret’. Bart. Atque hoc merito facerent, nam nobis nullum est negocium quamobrem in prandio non essemus. Cam. En, contecta est mensa. Si paululum adhuc remorati essemus, illis hic sedentibus fuissemus fabula. Bart. Attingamus nunc cibum. Arduum mihi est praestolari in mensa, cum cibaria praesto sunt. Cam. Bone socie, tam grossus es, quasi sine benedictione velis comedere ? Bart. Neque sacerdos neque theologus sum. Cam. At Christianus. Num religioni nostrae congruum est ? Benedictionem dicamus, ne ut porci in escam ruamus. Bart. Dicax es. Ego cibum accipiam. Sed quid rei est, quod plerumque vitulinis carnibus vescimur ? Cam. Sile paulisper, deinceps efficiam leporinas habeas. Quid his carnibus deficit, obsecro ? Bart. Non conditae sunt, nimis molles  ; extimo vitulum istum vix ter matrem vidisse, et, ne mirare multum,

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Chapitre 8 Comment ils parlent à table39 Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Berthold : Camille : Berthold :

On passe à table. Allons. Cours, sinon nous serons en retard. Tu donnes un bon conseil. En effet, si nous ne faisons pas attention, les autres ne manqueront pas de se moquer de nous. Il y a un proverbe courant : « Si quelqu’un subit un dommage, il n’est pas exempt de moquerie ». Et ils auraient raison de le faire, car nous n’avons aucune raison de ne pas être au repas. Regarde, la table est mise. Si nous avions tardé encore un peu, nous aurions été moqués par ceux qui sont assis. Maintenant, mettons-nous à manger. Il m’est très pénible d’attendre à table quand la nourriture est prête. Cher ami, tu es grossier de vouloir manger sans le bénédicité40. Je ne suis ni prêtre ni théologien. Mais tu es chrétien. Est-ce que ce n’est pas conforme à notre religion ? Disons le bénédicité pour ne pas nous précipiter sur notre nourriture comme des porcs. Tu es plaisant. Moi, je veux prendre la nourriture. Mais pourquoi, la plupart du temps, sommes-nous nourris avec de la viande de veau41 ? Tais-toi un peu. Ensuite, je te ferai avoir du lièvre. Que manque-t-il à cette viande, s’il te plaît ? Elle n’est pas assaisonnée, trop molle. Je pense que ce veau a vu à peine trois fois sa mère. Sans vouloir

39 Les statuts de Leipzig de 1421 indiquent qu’il y a deux repas par jour, l’un à 10 heures, l’autre à 17 heures. Statuten bücher, éd. F. Zarncke, Leipzig, 1861. Cf. Seybolt, page 58 n. 1. – Sur les repas, cf. L. Moulin, op. cit., p. 34 (Bibliographie n. 9). 40 Sur le Bénédicité, prière très ancienne, cf. R. Lesage, dans Catholicisme, I, 1415. 41 Sur l’importance du veau, cf. Ménagier de Paris, éd. G.-E. Brereton, Paris, 1994, p. 705-735.

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Cam.

Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam.

Bart.

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nemo in patria mea uteretur, quisque timeret ne subiret morbum aliquem. Scio equidem quod in patria tua ferinis semper vescuntur. Fabis autem, arbitror, et lentibus pulmentisque atque mulso quid ais ? Tali ferculo mater tua cum te genuit in puerperio usa fuisset et quandam suscepisset recreationem. Nimium garris. Stolide agerem, ut verbis tecum certarem, maxime cum edendo occupatus essem et tu homo es praeter garritum picarum nihil habens. Quaeso, effare, in prandio iam quis plus quam tu locutus est ? Non possum me continere, quin ea quae sentio loquar. Proba tu potum et dic cuiusmodi sit quantique valoris. Vach, undenam potum hunc tam acerbum attulisti ? Gaudeo vehementer te approbare quod dixerim, quamquam metui ut in ceteris ita in hac re mihi nihil contradiceres. Quid ais ? veritati semper assentior. Iurgia semper adducis et vero acquiescis rarissime. Non dicas hoc ; scitum enim est me veritatem amare. Ha ha. Cum alius diceret, me ad credendum induceret. Cernisne quam speciosa laus ista sit, quae proprio fluxit ex ore ? Aselle, arguis me turpitudine propterea quod indecentiam tuam tibi manifestavi  ? Cognoscis quid modo feceris  ? primus es in parapside, portionem meliorem sumis, quae non ante te posita est. Sunt illi boni mores ? quid, si ceteri impetu te iam invaderent et ad soleas ducerent  ? amabo, num promeritus esses ? Num mihi liberum est portionem accipere ?

MANUEL DES ÉCOLIERS

Camille :

Berthold :

Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Berthold :

t’étonner beaucoup, personne dans ma patrie n’en sert, chacun craindrait d’être atteint de quelque maladie42. Je sais aussi que, dans ta patrie, on se nourrit toujours de gibier. Je suppose aussi de fèves43 et de lentilles, de ragoût et de miel, qu’en dis-tu ? Lorsque ta mère a accouché de toi, si elle avait recouru à un tel plat, cela aurait favorisé son rétablissement. Tu jacasses trop. J’agirais stupidement si je rivalisais de mots, surtout quand je serai occupé à manger, et toi tu es un homme n’ayant rien à faire, sinon de jacasser comme des pies. S’il te plaît, dis moi qui plus que toi a parlé pendant le repas ? Je ne peux m’empêcher de parler de ce que je pense. Toi, essaie la boisson et dis-moi ce que c’est et ce qu’elle vaut. Ouille, d’où as-tu apporté une boisson si amère ? Je me réjouis beaucoup que tu approuves ce que je dis, alors que j’avais craint qu’en ceci comme autrement, tu ne me contredises pour rien. Que dis-tu ? J’approuve toujours la vérité. Tu provoques toujours des querelles et tu es très rarement d’accord avec le vrai. Ne dis pas cela. On sait, en effet, que j’aime la vérité. Ha ! Ha ! Si un autre le disait, il me pousserait à te croire. Ne comprends-tu pas combien spécieuse est la louange qu’on se fait à soi-même ? Petit âne ! Tu me reproches ma turpitude, parce que je t’ai montré ton inconvenance. Te rends-tu compte de ce que tu viens de faire ? Tu es le premier devant le grand plat, tu prends la meilleure part qui n’est pas placée devant toi. Est-ce que ce sont de bonnes manières ? Quoi, si les autres t’attaquaient impétueusement et te conduisaient dehors, à tes sandales ? S’il te plaît, ne l’aurais-tu pas mérité ? Est-ce que je ne suis pas libre de prendre une part ?

42

Les Epistolae obscurum virorum, éd. Stokes, p. 376, donnent un menu à Leipzig. Cf. Seybolt, p. 59, n. 2. 43 Id., p. 611-613.

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Cam.

Bart.

Cam.

Bart. Cam. Bart.

Cam. Bart.

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Non, nisi hanc quae tibi apposita est. Quem reris tam ignarum esse aut tam obtusi ingenii, qui meliorem non caperet portionem ? verum seniores hic sunt et honestiores quam aut ego aut tu. Baccalaurii praeferendi sunt, qui honestatis insignia susceperunt, sed silent ; dant hoc verecundiae quod te non increpant. Quid autem animo volunt ? hanc enim sententiam : “Quam grossus ille, quam illotus !” Nescisne quam illicitum tibi est manus tuas scabiosas primum in cibariis lavare ? Si baccalaurei dicerent, bono animo susciperem, sed a te, qui omnia mihi in partem deteriorem interpretari soles, habere nolo, et, nisi ab his desistes, involvam ad capillos manus meas teque docebo ut luce clarius intelligas quem infestare debeas. Raro mihi pax est raroque quies, cum cibum capere debeo. Et si ungues ut bestia campestris haberes, si cornua, ut ‘bos’ tibi diceretur, quem putas facile perpeti posse ineptias tuas  ? Verum arbitraris minis me vincere velle  ? Inveniam remedium et quidem utile. Nam magistro acta haec omnia manifestabo. Possis quidem, si placuerit. Sis proditor noster et, ut ceteri proditores suum deportant praemium, ita quoque et tu. Neque idcirco proditor essem, sed importunitati tuae resisterem. Nescio cuius haberes officium, si blandire studeres ; utique gnatonicum opus prae te ferres. Quod ceteri fecerunt, num deferres ad aures magistri et velut favorem eo conares pacto tibi comparare ? Sileas, ut gratias dicatur. Fiat.

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Camille :

Berthold :

Camille :

Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold :

44

Non, sauf celle qui est placée devant toi. Qui, crois-tu, serait assez ignorant et aurait l’esprit assez obtus pour ne pas prendre la meilleure part ? Mais il y en a ici de plus âgés et de plus considérables que toi et moi. Les bacheliers doivent avoir la préférence, eux qui ont reçu les insignes de la considération, mais ils se taisent. Ils montrent leur réserve en ne te reprenant pas. Mais que pensent-ils ? « Que celui-là est grossier et sale ! » Ne sais-tu pas qu’il est interdit de laver tes mains, qui étaient sales, dans la nourriture ? Si les bacheliers44 le disaient, je le supporterais de bon cœur, mais de toi, qui as l’habitude d’interpréter tout ce que je dis en mauvaise part, je ne peux le supporter, et si tu n’arrêtes pas, je t’empoignerai aux cheveux et je t’enseignerai, clair comme le grand jour, qui tu dois tourmenter. J’ai rarement la paix et rarement ma tranquillité lorsque je prends ma nourriture. Même si tu avais des sabots comme une bête des champs, ou des cornes au point qu’on pourrait te nommer un bœuf, qui, penses-tu, pourrait supporter tes inepties ? Penses-tu vraiment vouloir me vaincre avec des menaces ? Je trouverai un remède et même très utile. Je révélerai au maître tous tes actes. Puisque cela te plaît, tu le peux. Sois notre traître et comme les autres traîtres remportent leur récompense, qu’il en soit aussi pour toi. Je ne serais pas pour cela un traître, mais je résisterais à ta grossièreté. Je ne sais de qui tu aurais la mission, si tu essayais d’être un flatteur, tu ferais en tout cas ici œuvre de parasite. Ce qu’ont fait les autres, est-ce que tu le rapporterais aux oreilles du maître ? Et pratiquement tu essaierais d’obtenir de cette manière une faveur ? Tais-toi, pour qu’on dise les grâces. D’accord.

Sur les bacheliers, voir ch. X.

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CAPITULUM IX de quibusdam altercationibus inter scolares. Camillus. Bartoldus. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam. Bart.

Cam.

Bart.

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Quo posuisti librum meum ? Neque habui librum tuum. Scio equidem te habuisse. Equidem veritati parcis. Hoc unum scito a me : si unquam librum meum in manibus tuis reperiam amplius, efficiam ne deinceps occultes. Hercle, non occultaverim. Quam difficile es ad credendum ! Etiamsi opus esset iuramento, affirmarem. Neque iuramentis tuis fidem adhibeo. Natura enim tua fortis est, iuramenta non facile in ea ipsa dinotentur. Precor, noli nimium agitare stimulis atque pungere verbis tuis quasi aculeis quibusdam, aut ea quae nolueris audies ! Audisti unquam, obsecro, consultum esse canem quiescentem non excitare ad rabiem ? Nosco te verbis multum efficere, re autem ipsa vel parum vel nihil. Utinam mihi in rem foret, non multum abesset, quin manibus te impeterem atque verberibus afficerem. Sed percipe verbum unum : Quociens, oro, rebus meis et libris usus es et vestibus veluti tuis ? quando te invaserim obprobriis et obiurgationibus, in se habentibus contumeliam, quemadmodum mihi facis  ? Ubinam familiaritas nostra est, quae olim inter nos contracta est, quando dicebas me ac te ipsum diligere ? Edepol, fecissem, si tuum erga me animum non immutasses, neque ita de me velim cogites, ut tibi inimicarer. Amo personam tuam plus quam dicere convenit, sed mores tuos nec probo nec commendo. Dic, bone Camille, quando unquam ostenderim tibi quid, quod dignum sit quod amicitia nostra remissione minui debeat.

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Chapitre 9 Querelles entre étudiants Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold :

Camille :

Berthold :

Où as-tu mis mon livre ? Je n’ai pas eu ton livre. Je le sais bien que tu l’as eu. Tu ne dis pas la vérité. Sache seulement cela de moi : si jamais je retrouve encore mon livre entre tes mains, je ferai en sorte que jamais tu ne le caches une autre fois. Par Hercule, je ne l’ai pas caché. Comme il est difficile de te convaincre. Même si je devais le faire sous serment, je l’affirmerais. Je ne fais pas non plus confiance à tes serments. Tu es une forte nature, les serments ne se dénotent pas facilement en elle. Je t’en prie, ne m’asticote pas trop et que tes paroles ne me piquent pas comme des aiguillons, ou bien tu entendras ce que tu ne veux pas. N’as-tu jamais entendu, je t’en prie, qu’il est conseillé de ne pas exciter à la rage un chien qui dort ? Je sais que tu parles beaucoup, mais en réalité, tu en fais trop peu ou rien. Si seulement j’étais en train, il s’en faudrait de peu que mes mains ne te saisissent et que je te roue de coups. Mais écoute une chose : combien de fois, je t’en prie, t’es-tu servi de mes affaires, de mes livres et de mes vêtements comme s’ils t’appartenaient  ? Quand t’ai-je assailli de reproches et de réprimandes insultantes, comme tu le fais pour moi ? Où est l’amitié qui s’était nouée entre nous autrefois, quand tu me disais que tu m’aimais comme toi-même ? Par Pollux, je l’aurais fait si ton cœur envers moi n’avait pas changé, et je ne voudrais pas que tu penses de moi que je suis ton ennemi. J’aime ta personne plus qu’il ne convient de dire, mais je n’approuve ni ne recommande ton comportement. Dis-moi, bon Camille, quand t’ai-je un jour montré quoique ce soit qui méritât que notre amitié soit diminuée et abandonnée ? 89

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Cam.

Bart.

Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam.

Bart.

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O quasi nunquam feceris ! et in dies magis et magis summo mentis conatu elaboras qualiter mihi nocere possis atque esse obstaculo. Duc in apertum, quid te impulit, ut pridie ad magistrum me tulisti, cum resumptionem obdormiverim, qui postea me obiurgabat ? a crimine accepistine praemium aliquod ? At si te proditorem nuncuparem, forsitan adversus me conciperes iram. Est hoc malefactum. Si saperes, gratiam mihi haberes amplissimam, ut profectus tui gratia egerim, ut postea maiori cura et diligentia resumptiones amplecteris. Ex hoc, ita me Deus amat, ampliare opinatus sum amiciciam. Probe. At dictum est antiquitus : ‘Quod tibi non vis aliis fecisse cavebis’. Atque hoc ego laudo. Et quare mihi indignaris, si quando te objurgo propter mores tuos tam corruptos tamque rudes ? Interpretarer, inquam, plerumque in partem meliorem, si me amoneres amice, haec mihi manifestares secrete. Sed cum publice exclamas, omnes in me oculos coniiciunt. Quem autumas aequo animo posse sufferre ? Ut nunc te cognosceres in factis tuis, et hoc idem quod postulas faceres, non tam celer fuisses ad magistrum ac dixisses me obdormivisse. Cur non ad me venisti et me suscitasti  ? Tunc ego verum in me amorem tuum cognovissem. Verum ais. Quis autem omnia praemeditetur ?

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Camille :

Berthold :

Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille :

Berthold :

Oh, comme si jamais tu ne l’avais fait ! De jour en jour et de plus en plus, tu t’appliques de tout ton esprit à me nuire. Dis-moi franchement ce qui t’a poussé hier soir à rapporter à mon sujet auprès du maître, lorsque je m’étais endormi45 à sa récapitulation, ce maître qui ensuite m’a réprimandé ? As-tu reçu la récompense de ce crime ? Ah, si je t’appelais traître, peut-être tu concevrais de la colère contre moi. C’est mal agir. Si tu étais raisonnable, tu me remercierais beaucoup d’avoir agi dans ton intérêt, pour qu’ensuite tu t’attaches aux récapitulations avec plus de soin et d’application. Par cela, aussi vrai que Dieu m’aime, j’ai pensé avoir augmenté notre amitié. D’accord. Mais il y a un antique dicton : « Ce que tu ne veux pas que l’on te fasse, prends garde de le faire aux autres ». J’approuve cela aussi. Et pourquoi m’en veux-tu quand je te fais des reproches pour tes habitudes si corrompues et si grossières ? Je dirais que je le prendrais en bonne part le plus souvent si tu me le reprochais amicalement et que tu me le révélais en privé. Mais, lorsque tu t’exclames en public, tous dirigent leur regard vers moi. Qui, à ton avis, pourrait le supporter avec un cœur tranquille ? Et si maintenant, tu te reconnaissais dans ce que tu as fait et tu faisais ce que tu demandes, tu ne serais pas allé ainsi rapidement vers le maître lui dire que je me suis endormi. Pourquoi n’es-tu pas venu vers moi pour me réveiller ? Alors vraiment, j’aurais reconnu ton affection pour moi. Tu dis vrai. Mais qui saurait prévoir tout ?

45 Il ne faut pas dormir pendant les cours, mais suivre l’explication du commencement à la fin sans faire de chahut. Cf. Statuts d’Heidelberg, 1444, cité par Seybolt, p. 64, n. 2.

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Cam.

Aliud est etiam in quo magnam habeo displicentiam. Quamprimum in verbum aliquod prorumpo vulgare omni absque deliberatione, e vestigio me signas. Nemo supportatus est. Etenim noris commune hoc esse statutum, alter ut alterum signat pro sermone vulgariter prolato. Non ideo inter nos opprimi debet societas. Nihil verius narrare posses, sed multum acerbum est prope dixerim et molestum non uti sermone populari. Omne alicuius rei exordium arduum est, inprimis magnis in negociis ; verum consuetudo assiduitasque frequens mitigat molestiam. Bone Bartolde, magna difficultate me abstineo principio, quando me signas ; sed cum profectum intueor, tum nulla est in me erga te indignatio. Et sapientis conditio est scire indignationem amovere. Nunc satis est nos de hac re talia dixisse. Nimis longum produximus sermonem. Vale.

Bart.

Cam. Bart. Cam. Bart.

CAPITULUM X qualiter inter se loquantur, cum ad examen se submittere intendunt. Camillus.

Habeo Iitteras a parentibus, e quibus intelligo, nisi me submittam examini, nullum amplius ab ipsis habeam praesidium. Angor me torquet atque metus exagitat. Bartoldus. Quamobrem ?

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Camille : Berthold :

Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Il y a aussi autre chose qui me mécontente grandement. Dès que je me mets à parler en langue vulgaire46, sans y penser, tu me dénonces aussitôt. On ne le supporte de personne. En effet, tu devrais savoir que c’est une règle commune que l’un signale l’autre à propos d’une parole dite en langue vulgaire. Notre amitié ne peut être étouffée entre nous pour cela. Tu ne peux rien dire de plus vrai, mais je te dirais que c’est très pénible et déplaisant de ne pas utiliser la langue vulgaire. En toute chose tout début est difficile, surtout dans les grandes affaires, mais l’habitude et la persévérance continuelle diminuent ce désagrément. Bon Berthold, au début j’ai beaucoup de mal à me contenir quand tu me dénonces, mais quand je vois le résultat, alors je ne m’indigne plus contre toi. La condition de la sagesse est de savoir se débarrasser de son courroux. Mais cela suffit d’avoir discuté de telles choses, nous avons assez parlé. Adieu.

Chapitre 10 Comment ils parlent entre eux, quand ils s’apprêtent à subir un examen47 Camille :

Berthold :

J’ai une lettre de mes parents et je comprends que si je ne me présente pas à l’examen, je n’aurai aucune aide d’eux. L’angoisse me torture et la peur me tourmente. Pourquoi ?

46 L’étudiant ne doit pas employer sa langue maternelle mais le latin, sinon il a une amende. Dès l’époque carolingienne, au ixe siècle, à Murbach et à SaintGall, il en est ainsi. Cf. P. Riché, Écoles et enseignement pendant le Haut Moyen Âge, Paris, 1999, p. 228. 47 Un chapitre des Statuts de Leipzig de 1444 a pour titre : “Concernant les dépenses avant les examens et les épreuves”, cf. Seybolt, p. 70, n. 4 et annexe p. 115 : “Aucune dépense ou divertissement des maîtres et des étudiants ne seront faites avant le début de ce qui doit être examiné ou contrôlé. Toutefois, comme frais, les candidats peuvent, s’ils le désirent, offrir au censeur et aux examinateurs assistants une mesure de bière et pas plus”.

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Cam. Bart. Cam.

Bart. Cam. Bart.

Cam.

Bart.

Cam. Bart. Cam.

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Timeo quod non promovebor. Cur non ? Multa sunt retinacula. Non bene complevi, multi magistri me odio persequuntur  ; proinde retardationem vereor, parum profeci, metuo reiectionem. Itaque non parva res me angit et prorsus me infestat. Consule magistrum tuum. Is noscit quid faciendum fugiendumque fuerit in hac re. Ipsum consului. Dissuadet ; parum, inquit, me sapere. Scio conditiones eius. Nam timorem tibi incutere existimat. Certe non est necesse ut tantopere timeas. In manifesto est, multo indoctiores fore in examine. Ego audaciam mihi quandam vendicarem ; scis enim timidos nihil perficere posse. Dicis aliquid, sed fortuna non semper aequalis est. Ego si reiicerer, magister arbitraretur se excusatum iri, ex quo mibi praedixerit ; scandalum mihi esset, atque adeo maximum, patris mei genitricisque aspectus non pateretur. Nihil haberem, omnibus essem fabula et derisio. Neque tam strictum est negocium. Audi verbum unum ; spero tibi esse profuturum. Habundans enim possis examinatoribus facere honores reverentiasque. Nostro aevo multum faciunt munera  ; tribus quatuorve florenis omnium tibi favorem comparabis. Recte iudicas. Nunc cepi animum. Et id facere necesse est. Nam si a rustico quippiam impetrare velis, nisi favorem primum reconciliares, incassum flueret labor tuus. Ego me frustra conari non existimo, cum manus pecunia plena fuerit.

MANUEL DES ÉCOLIERS

Camille : Berthold : Camille :

Berthold : Camille : Berthold :

Camille :

Berthold :

Camille : Berthold : Camille :

Je crains de ne pas être reçu. Pourquoi pas ? Il y a beaucoup d’obstacles. Je n’ai pas bien rempli mon devoir. Beaucoup de maîtres me poursuivent de leur haine. Je crains qu’il me manque du temps, j’ai trop peu progressé, je crains l’échec. C’est pourquoi je suis très inquiet et me désole tout à fait. Consulte ton maître. Il sait, lui, ce qu’en cette affaire il faut faire et éviter. Je l’ai consulté lui-même. Il me dissuade. Je n’en sais pas assez, dit-il. Je sais ce qu’il prépare, car il veut t’inspirer de la peur. Certes, ce n’est pas nécessaire de tellement t’effrayer, il est évident que beaucoup seront plus ignorants que toi à l’examen. Moi, je réclamerai pour moi une certaine audace. Tu sais, en effet, que les timides ne peuvent rien réussir. Ta réflexion est bonne, mais le sort n’est pas toujours équitable. Moi, si j’étais recalé, le maître penserait être justifié de ce qu’il m’a prédit. Ce sera pour moi un tel scandale si grand que je ne pourrais supporter le regard de mon père et ma mère. Je n’aurais rien, sinon que je serais l’objet de moqueries et la dérision de tous. Cette affaire n’est pas si grave. Écoute un seul mot. J’espère que cela te sera profitable. Étant riche, en effet, tu pourrais honorer tes examinateurs et avoir des égards envers eux. À notre époque, les cadeaux font beaucoup. Pour trois ou quatre florins48, tu obtiendras la faveur de tous. Tu penses bien. Maintenant, je reprends courage. Et il faut le faire. Car si tu voulais obtenir quelque chose d’un paysan sans avoir d’abord retrouvé sa faveur, ton travail deviendrait inutile. Je ne pense pas essayer vainement, alors que ma main serait pleine d’argent.

48 Florin, monnaie de Florence, utilisée partout avant l’arrivée du ducat de Venise à la fin du xve siècle.

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Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam.

Bart. Cam. Bart.

Cam. Bart. Cam.

Num apud Ovidium meministi te legere : ‘Munera crede capiunt hominesque Deosque, placatur donis’. Scio quidnam facturus sum. Quidnam ? Significabo parentibus ut ampliorem mihi pecuniam dirigant. Quantam modo suscepisti ? In nundinis proxime dilapsis mercatores duodecim florenos mihi dedere. Scribam adhuc pro decem, et, antequam intrabo, faciam collationem unam, invitaboque magistros ; quos offenderim unquam aut re aut verbis, ipsos quoque tractabo lautissime. Spero me sic obtenturum favorem eorum. Ceterum, percipias me, aliud est quod me intus cruciat. Quale hoc est ? Non bene complevi, et, ubique in lectionibus exercitiisque non fuerim intitulatus, vereor me non extorquere recognitiones. Optime poteris. Nam magister tuus humanus est, aliis plerumque condescendit, cum aliquid ab eo postulant. Certissimum censeo, cum verbum feceris nomine magistri tui, impetrabis quicquid petieris, etiamsi nunquam fueris in lectionibus. Reddis mihi animum. Periurus autem ero. Omnis baccalaureus promotus periurus, et, ut patet multis, pauci ex magistris hac peste carent. Video mercatorem, quem me alloqui necesse est. Vale.

CAPITULUM XI quomodo de lupo loquuntur statutisque in bursis aut collegiis. Camillus.

Quod inferi eum eradicent, et, si unquam investigabo nomen eius, ultro non evadat. Bartoldus. Quid te sollicitat ?

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Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold : Camille :

Te rappelles-tu ce que tu as lu chez Ovide  : «  Les présents, crois-moi, séduisent les hommes et les dieux, on se laisse séduire par les dons »49. Je sais ce que je vais faire. Quoi ? Je dirai à mes parents de m’envoyer plus d’argent. Combien as-tu reçu dernièrement ? Lors du dernier marché, les marchands m’ont donné douze florins. J’écrirai pour en avoir encore dix, et avant d’entrer en examen, je donnerai un repas et  inviterai les maîtres que j’ai pu offenser ou en actions ou en paroles. Je les traiterai eux-mêmes somptueusement. J’espère qu’ainsi j’obtiendrai leur faveur. Mais, dis-moi, il y a autre chose qui me tourmente. Qu’est-ce donc ? Je n’ai pas bien fréquenté les cours et puisque je n’ai pas été inscrit dans les lectures et les exercices, je crains de ne pas réussir à obtenir mes examens. Tu es très capable d’y arriver. Car ton maître est humain et la plupart du temps il est complaisant avec les autres, lorsqu’ils réclament quelque chose de lui. Je pense assurément que, lorsque tu citeras le nom de ton maître, tu obtiendras ce que tu cherches à avoir, même si tu n’as jamais participé aux lectures. Tu me rends courage. Mais je serai un menteur. Tous les bacheliers promus sont menteurs, et comme il est évident pour beaucoup de monde, peu parmi les maîtres échappent à cette maladie. Je vois un marchand à qui je dois parler. Adieu.

Chapitre 11 Comment ils parlent d’un loup et des règlements dans les logements et les collèges Camille : Berthold : 49

Que les enfers l’exterminent et si jamais j’arrive à trouver son nom, il ne m’échappera pas facilement. Qu’est-ce qui te trouble ?

Ovide, L’Art d’aimer, III, 651, trad. Bornecque, éd. Belles Lettres, 1960, p. 83.

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Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam.

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Obsecro, animadverte : duodecies fuerim in lupo ! Ribaldus certe et ab ove differt nihil, omnibus caret : et discretione et decentia. Quis erat ? Haut scio. Si eum ignoras, quorsum pergit iracundia tua ? Dabo operam, perscrutabor ipsum ; tandem postea iniuriam hanc ulciscar. Non est iniuria, sed potius statutum. Noli mirari quod totiens signatus es : centies potuisset te signasse. Equidem, ut verum dicam, unicum a te latino sermone verbum per integram octavam non audiverim. Et cum ita faciamus, nisi foret medium aliquod quod interesset, non modo inter beanos et nos, verum etiam inter laicos nullum ego cognoscerem discrimen. Tam inepta esset, tam sterilis locutio nostra, ut nihil supra. Certe nimium est tociens inscribere. Et, quod plus me intus cruciat, quater in coquina arreptus sum : postulant a me denarios. Quo iure hoc faciunt ? Rogas ? Statutum fecerunt, ne quis intret coquinam, nisi famulus sit aut causam quandam habeat urgentem. Fuitne publicatum statutum istud ? Fuit. Culpabilis es ; nullam habes excusationem. Non aestimabam ut tam stricte statuta illa vellent tenere. Et talem invenerunt modum  : Si quis infra mensis decursum non dederit, congregantur magistri

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Camille :

Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Je t’en prie, rends-toi compte : J’ai été douze fois pris par le loup50. C’est un ribaud et il ne diffère en rien d’une brebis. Il manque de tout, et du discernement et des convenances. Qui était-ce ? Je ne sais pas. Si tu ne sais, sur quoi porte ta colère ? Je ferai le nécessaire, je le trouverai et ensuite je me vengerai de cette injure. Ce n’est pas une injure, mais plutôt le règlement. Garde-toi de t’étonner d’être signalé tant de fois : il aurait pu te signaler cent fois. D’ailleurs, à vrai dire, je n’ai pas entendu de toi un seul mot de latin pendant huit jours entiers51. Et lorsque nous faisons ainsi sans qu’il y ait une raison importante, je ne verrais aucune différence non seulement entre nous et des bizuts, mais même avec des laïcs. Il est si inepte, si stérile, notre langage, qu’il n’y a rien de pire. Certes, c’est trop de me désigner tant de fois. Et ce qui m’ennuie le plus, c’est que j’ai été pris quatre fois dans la cuisine et qu’on me réclame des deniers. De quel droit le font-ils ? Tu le demandes ? Ils ont fait un règlement qui veut que personne n’entre dans la cuisine, si ce n’est un serviteur ou qu’il ait une raison urgente. Cette règle a-t-elle été publiée ? Oui. Tu es coupable, tu n’as aucune excuse. Je ne pensais pas qu’ils voulaient appliquer ce règlement si strictement. Ils ont trouvé cette procédure : si quelqu’un n’a pas payé dans l’espace d’un mois, les maîtres se réunissent à l’étuve de la communauté52 et le lui réclament. S’il refuse, l’amende est doublée.

50

Le loup, appelé quelquefois Signator, est celui qui doit signaler ceux qui parlent la langue maternelle. 51 Les statuts de Leipzig de 1499, éd. Zarncke, p. 471, concernent la stricte obéissance de parler latin dans les collèges et logements des candidats à l’examen, non seulement par les simples étudiants, mais aussi par les bacheliers, sous peine d’une certaine amende. Cf. traduction dans Seybolt, p. 74, n. 2 et Appendice 6, p. 115. 52 Stuba communitatis, pièce chauffée, lieu de réunion.

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Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam.

Bart.

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in stuba communitatis et postulant ; recusanti duplicatur poena. Postremo, si non obtemperaverit, poenalis ipse denuncietur rectori et maius periculum incidit. Qualis astutia hominum est ! Non credis quam infensi nobis sunt theologi. Omnia ista vobis antehac manifestabant ? Sic est. Pulsare iubebant, palam omnia edixerunt. Immerito eos accusas. Quid ais ? pro effusione statuerunt duos albos ! quo pariter in statuto poenalis sum. Utinam Cerberus triceps hos ipsos alatraret. Habeto rationem et desine maledicere, ne resistant plurima pericula, cum ipsis subires. Scis quale hoc praeceptum est : praeceptores non offendamus, nec verbis detrahamus. Quid arbitraris ? Decem a me florenos extorquent una in septimana. Ubi accipiam ? in ortulo meo non crescit hoc, censeo. Quo iure quaque iniuria possunt, auferunt a nobis pecuniam. Culpa tua est ; volens hanc incidisti poenam. Deinceps cautior eris. Percipito verbum unum. Tantus erat foetor interdum hic, ut nullam ego rem mirandam duxissem, si omnes incoli fuissent infecti. Laici praetereuntes saepius dicebant: “Mirum est sapientes viros indecentiam hanc perpeti posse.” Vidisses undique in curia sub fenestris squalorem noctium de urina, et accidit quod princeps noster Philippus praeterivit, os naresque non satis potuit obturare. Et, quod turpius est, tam inconsiderate aliquando se habuerunt, in die magistros aliosque ibidem ambulantes offendebant. Haut parum conducit illa minuere ac penitus deponere.

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Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Berthold :

Camille :

Berthold :

Ensuite, s’il n’obtempère pas, le coupable lui-même sera dénoncé au recteur et encourra une condamnation plus grave. Comme les hommes sont malins ! Tu ne crois pas à quel point les théologiens nous sont hostiles. Est-ce qu’ils vous l’avaient fait savoir préalablement ? Oui, ils le faisaient proclamer à son de cloche et ils ont tout édicté publiquement. Alors tu les accuses injustement. Que dis-tu là ? Pour avoir renversé une cruche, ils ont fixé le tarif à deux pièces blanches4, et je tombe sous le coup de ce règlement également. Puisse Cerbère à triple tête aboyer après eux. Sois raisonnable et cesse de les insulter, de peur qu’il n’en résulte une foule d’accusations si tu les rencontrais. Tu sais quel est ce précepte : « N’offensons pas les maîtres et n’en disons pas de mal ». Qu’en penses-tu ? Ils m’ont extorqué dix florins en une seule semaine. Où les prendre ? Cela ne pousse pas dans mon petit jardin, il me semble. Qu’ils y arrivent à bon droit ou à tort, ils nous prennent de l’argent ! C’est ta faute. Tu as mérité cette peine volontairement. Par la suite, tu seras plus prudent. Encore un mot, quelquefois la puanteur était si grande ici, que cela ne m’aurait pas étonné si tous les habitants en étaient tombés malades ; en passant les laïcs disaient souvent : « Il est étonnant que des hommes savants puissent supporter cette pestilence ». On aurait vu partout dans la cour, sous les fenêtres, la saleté nocturne de l’urine et il arriva que notre prince Philippe, passant par là, ne puisse pas assez se boucher la bouche et les narines. Et ce qui est encore plus honteux, c’est que quelquefois ils se sont si mal tenus qu’ils offensèrent en plein jour les maîtres et ceux qui se promènent par là. Ce ne serait pas un mince avantage de diminuer cette habitude et de la supprimer entièrement53.

53 Les statuts de Leipzig de 1495, op. cit., p. 118, interdisent d’uriner, de projeter des saletés sur des maisons de maître. Cf. le texte dans Seybolt, Appendice 7, p. 116.

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Cam.

Probe locutus es, et ego aliquociens hanc mecum habui sententiam. Nam, ut mihi apparet (ne semper iudicio aliorum relinquam), nihil melius effecisse potuissent magistri nostri, et pro utilitate omnium nostrum et pro honestate bursae servanda. Respice parietes, domos ac latera. Num turpe est ut sic depravantur ? et nisi illud inhiberetur, infamia nobis in populo succresceret. Iam me induxisti, ut tecum actum illum approbem, atque iram quam concepi a mente procul removeam. Exponam pecuniam libens ; postea cautus ero. Sed tempus est coenandi. Vale.

Bart.

Cam.

CAPITULUM XII est de quibusdam communibus locutionibus inter scolares. Camillus.

Eram in lectione, non unicum didicissem verbum. Nos praeceptores nostri cogunt, tempus hoc frustra consumimus. Bartoldus. Unde hoc evenit  ? Arbitror te non advertere, aut enarra quale sit impedimentum. Cam. Id enim est obstaculum, quia nimis alta gravisque materia est. Potius eam exponerem pecuniam et non intrarem, interea quid facerem quod mihi foret utilitati. Bart. Cuiusmodi lectio est ? Cam. Librorum de anima. Bart. Liber iste parum prodest non intelligentibus, aut his qui fundamento carent. Cur intrasti ? Cam. Numquid me complere oportuerit ? Bart. Consule magistrum tuum. Fortasse huius rei remedium inveniet. Cam. Consului. Nullum inquit esse remedium ; si complere voluero, necesse sit affuero quam diligentissime.

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Camille : Berthold :

Camille :

Tu as bien parlé, et quelquefois j’ai été du même avis. En effet, comme il m’apparaît, pour que je ne laisse pas toujours les autres juger, nos maîtres ne pourraient rien faire de mieux à la fois pour le profit de nous tous et pour conserver la réputation des logements. Regarde les murs, les demeures et les dépendances. Est-ce qu’il n’est pas honteux que tout soit dégradé ? et à moins d’empêcher cela, nous aurons exécrable réputation auprès du peuple. Tu m’as déjà convaincu d’approuver avec toi cette action et d’éloigner de mon esprit la colère que j’ai conçue. Je payerai volontiers mon amende, ensuite je ferai attention. Mais il est temps de dîner. Porte-toi bien.

Chapitre 12 Porte sur des conversations habituelles entre étudiants 1. Camille : Berthold : Camille :

Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

54

J’étais à la leçon et je n’avais pas compris le moindre mot. Nos maîtres nous contraignent et nous perdons en vain notre temps. Comment cela se fait-il ? Je pense que tu n’as pas fait attention, ou bien dis-moi quelle est cette difficulté. Le problème, c’est que le sujet est trop élevé et difficile. Je paierais plutôt pour ne pas suivre le cours, pendant ce temps, je ferais quelque chose qui me serait utile. De quels cours s’agit-il ? Des livres De anima54. Ce livre sert peu aux ignorants ou à ceux à qui il manque une préparation. Pourquoi t’es-tu inscrit ? Est-ce qu’il ne me fallait pas le suivre ? Consulte ton maître. Peut-être trouvera-t-il un remède à cette difficulté. Je l’ai consulté. Il dit qu’il n’y a aucun remède. Si je voulais réussir, il était nécessaire que j’assiste très régulièrement au cours.

Traité d’Aristote.

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Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

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Mihi silendum est, si magistri tui huiusmodi fuerit sententia. Ha, nihilominus faciam ut placuerit. Sum citatus a rectore, et is putat se extorsurum a me poenam. Tanta ira inflammatus sum, vix sanguinis guttam invenies ullam in corpore meo. Quamobrem te citavit ? Quod pectorale defero ac collirium cancellatum, et vidit camisiam meam plicatam, quasi solus essem qui defert ! Scio enim quod statutum est ne quis deferat. Cum tibi praedixerim, noluisti fidem adhibere. Cur non ceteros pariformiter citat ? Nostra non interest diiudicare quid ipse facit, sed potius acquiescendum statutis. Videbo si quas fingere valerem evasiones. Optimum factu esset. Quo iturus es, Camille ? Ad disputationem. Ibo tecum. Praestolare paululum, habeo magistro meo nonnihil dicere. Mox veniam. Festina igitur, vel tempus dilabitur. Faciam. — En, festinabam. Pridie mecum institui hodie gressum velle eripere ad disputationem ; nam respondentes boni sunt atque acerrimis ingeniis,

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Berthold : Camille : 2. Berthold :

Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : 3. Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Je dois me taire, si c’est l’avis de ton maître. Ah ! Je ferai tout de même ce qu’il aura décidé. Je suis cité par le recteur55 et il pense qu’il m’extorquera une amende. Je suis échauffé d’une telle colère, que tu ne trouveras pas une goutte de sang dans mon corps. Pourquoi t’a-t-il convoqué ? Parce que je porte un pourpoint et un collier en filigrane et il a vu ma chemise plissée. Comme si j’étais le seul à en porter ! Je sais, en effet, qu’il y a un règlement qui interdit d’en porter. Quand je te l’ai dit, tu n’as pas voulu me croire56. Pourquoi ne convoque-t-il pas également les autres ? Ce n’est pas à nous de juger ce qu’il fait, mais il faut plutôt obéir au règlement. Je verrai si j’arrive à trouver des échappatoires. C’est le mieux à faire. Où vas-tu, Camille ? À la disputatio. J’irai avec toi, mais attends un petit peu, j’ai quelque chose à dire à mon maître. Je viendrai bientôt. Hâte-toi donc, où il sera trop tard. Je le ferai. – Voilà, j’ai fait vite. Hier soir j’ai décidé qu’aujourd’hui j’irais à la disputatio. Car ceux qui répondent sont bons et d’esprit aigu. Ils ont des opinions particulières et les soutiennent à l’opposé de

55 Le recteur, élu par les maîtres, s’occupe des charges administratives et fait respecter les Statuts de l’Université et le bon déroulement des examens. Cf. L. Moulin, op. cit., 251-263. 56 Pour les règlements sur le costume, voir les Statuts de Leipzig de 1458, op. cit., p. 59, et Erfurt, op. cit., I, p. 21, traduction dans Seybolt, p. 78, n° 1 et Appendice 8. Pour Heidelberg en 1459, éd. Winkelmann, I, p. 186. Cf. Seybolt, Appendice 8. On décrète que les habits indécents et anormaux doivent être évités. Concernant les colliers, il est ordonné qu’ils ne seront pas faits comme on le voit maintenant, mais qu’ils doivent entourer complètement le cou, cf. L. Moulin, p. 36-38.

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Cam. Bart. Cam.

Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam.

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specialesque habent opiniones contraque communem usum nostrorum tenent, et litigiosi sunt. Audies mira. Facile dictu est eos tenere ; at magistris arguentibus labescunt. Nihil firmi sunt in factis suis. Quid putes ? nonne magistri reperiuntur viginti annorum ? Hi multos codices viderunt librosque, quorum autorum perspexerunt astutiam, arguendo observant. Mihi non est veri creditu, quod resistere valeant. Nam adolescentes sunt atque adeo imberbes. Optime opinaris ac potius intelligis. Primum etiam, cum audiverim, rem stolidam iudicabam, verum obstinati sunt et multum praesumptuosi. Eo peius, verum audiamus. Quidnam tibi de hac disputatione videtur, Camille ? optime responderunt, neque ego unquam eos tam doctos instructosque putassem. Et revera mihi placuit. Sed magister Ioannes Rechenmacher nimis impetuosus est, quasi furore quodam eos inclamabat. Omnibus facit respondentibus. Quicquid enim dicunt, nisi ei consentiant, velut iram quandam evomit ; at si eum sequuntur, tunc ait eos nihil sapere. Antiqua eius consuetudo est et omnino inveterata. Sed quid de magistro Martino sentis, qui paralogismo ipsum fere decepisset ? Proprium est omnium nominalium, ut cavillosis suis veniant argumentis. Non laudo. Sed decorum est scire solvere, et in hoc dialecticus probatur.

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Camille : Berthold : Camille :

Berthold :

Camille : 4. Berthold : Camille : Berthold :

Camille :

Berthold : Camille :

la pratique habituelle aux nôtres et ils aiment les discussions. Tu entendras des choses admirables. C’est facile à dire qu’ils soutiennent ces opinions, mais ils tombent devant les arguments des maîtres. Ils ne sont guère solides, en fait. Qu’en penses-tu ? Est-ce qu’on trouve des maîtres de vingt ans ? Ceux-ci ont vu beaucoup de manuscrits et en disputant ils imitent les livres dont ils ont perçu l’habileté des auteurs. Je ne puis croire qu’ils puissent tenir bon. Car ce sont des adolescents et même imberbes. Tu penses bien et ton jugement est encore meilleur. Lorsque j’ai entendu la première fois, j’ai jugé la chose stupide, mais ils se sont obstinés et se sont montrés très présomptueux. C’est bien pire, mais écoutons. Que te semble de cette discussion, Camille ? Ils ont très bien répondu et jamais je n’aurais pensé qu’ils fussent si savants et instruits. Et réellement cela m’a plu. Mais le maître Jean Rechenmacher est trop impétueux, il les interpellait comme s’il était en fureur. Il le fait à tous ceux qui répondent. Quoi qu’ils disent, s’ils ne sont pas d’accord avec lui, il explose de colère, mais s’ils sont de son avis, alors il dit qu’ils ne savent rien. C’est chez lui une vieille coutume tout à fait enracinée. Mais que penses-tu de maître Martin qui s’est presque pris au piège dans son raisonnement sur le paralogisme57 ? C’est propre à tous les nominalistes de venir avec leurs arguments de sophistes. Je ne l’approuve pas. Mais il est beau de savoir trouver une solution, et c’est à cela qu’un dialecticien est jugé.

57 Le paralogisme est une erreur involontaire de raisonnement. Sur les nominalistes, cf. supra, ch. 4 et P. Vignaux (bibliographie n. 22).

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Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam. Bart. Cam. Bart. Cam.

Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

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Quis autem dies suos in sophismatibus omnes terminabit  ? nonne plures sunt altioresque scientiae et facultates, quibus operam impendere necesse est ? Ea ipsa mihi est sententia. Tempus prandendi est. Vale. Eram in disputatione serotina. Omnino taedio affectus sum ; raro intrabo amplius. Quamobrem ? Nullius utilitatis mihi apparet, ut opponens huiusmodi primum prodium in apertum ducit. Nam ille baccalaureus balbutiens erat, tertium vix ab eo apprehendere verbum potui. Siquidem existimo ipsum dulcedinem concepisse de eius locutione. Nonne tritum illud proverbium audivisti : ‘Omnes male loquentes verba multiplicant’ ? Et ceteri pariter faciunt, multos incassum sermones producunt. Vetus est consuetudo, propter nos non deponetur. Ego raro intrabo. Quasi statutum iam fecerunt, ne amplius illi qui phisicorum nuncupantur ad soleas ducentur. Haut parum miror circa eos magistros esse tam sollicitos, veluti in hoc vis aliqua contineatur. Scis, cur faciunt ? Haut scio. Nam, nisi hoc esset, aut pauci aut nulli disputationem intrarent. Cur et nostro tempore id non erat statutum ? Ignoro, sed multa in tempore variantur ; sic quoque et hoc. Sed video Petrum conterraneum meum  ; ipsum adibo.

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Berthold : Camille : 5. Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold : Camille : Berthold : 6. Camille :

Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Qui, mais qui terminera ses jours dans les sophismes ? N’y a-t-il pas d’autres sciences et facultés plus hautes auxquelles il est nécessaire d’appliquer son activité ? C’est bien mon avis. Il est temps de déjeuner. Adieu. J’étais à la discussion de ce soir. Je suis complètement dégoûté. J’y irai rarement désormais. Pourquoi ? Je ne vois aucune utilité quand un contradicteur de ce genre fait son premier assaut en public58. Car ce bachelier balbutiait, je n’ai pu qu’à peine comprendre un mot sur trois. En fait je pense que lui seul a pris plaisir à son discours. Est-ce que tu n’as pas entendu ce proverbe courant : « Tous ceux qui parlent mal multiplient les mots » ? Et les autres font pareil, ils allongent leurs discours pour rien. C’est une vieille habitude, ce n’est pas à cause de nous que cela changera. Moi, je n’irai pas écouter souvent. On a fait une sorte de règlement, afin que ceux qui portent le nom de physiciens ne soient plus renvoyés. Je ne comprends pas que les maîtres soient si gentils envers eux, comme si cette profession renfermait quelque valeur. Tu sais pourquoi ils le font ? Non. Car si ce n’était pas ainsi, peu ou même personne n’irait aux discussions. Pourquoi cela n’était-il pas réglementé aussi à notre époque ? Je l’ignore, mais beaucoup de choses changent avec le temps, c’est ainsi pour cela aussi. Mais je vois Pierre, mon compatriote, je vais le rencontrer.

58 D’après les plus anciennes éditions, Zarncke édite prodium, graphie germanique pour brodium, ’brouet’, à moins que ce ne soit une faute de copie, de lecture ou de typographie pour proelium, ‘combat’ : la disputatio est un assaut.

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CAPITULUM XIII de quibusdam communibus. Bartoldus. Camillus. Bart. Cam. Bart. Cam.

Bart. Cam.

Bart. Cam. Bart. Cam.

Bart.

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Ubinam eras, Camille ? In auditorio ordinariarum disputationum. Quid boni modo egisti ? Lecta sunt statuta. Tociens ego audiverim, quod taedium amplius audiendi conceperim. Expediverim saepissime audire privilegia nostra ; sed tam felix non sum. Puer es, stolide loqueris. Si tantam de privilegiis cogere posset dominus rector pecuniam quantam de statutis, credo, inquam, singulis etiam annis nobis legerentur. Sentis mecum, ut audio. Equidem in memoria habes, Bartolde, quam parato animo tibi pecuniam crediderim  ? Tu pollicitus es eam in brevi tempore restituere. Non facis. Mihi grave est. Obsecro te, mi Camille, ne interpreteris in deterius. Non faciam, ita me Deus salvat, studiose. Profecto nulla mihi iam est pecunia. Praestolor in dies nuncium de patria ; quam primum venerit, te contentum faciam. Illae semper sunt locutiones tuae. Etenim tibi notum est me esse pauperem et indigere pecunia, et tu minime perpendis. Sed rogo te, propter eum inter nos favorem quem iamdudum contraximus, rem illam ac solutionem non velis longius differre. Faciam et providebo cura quidem intentissima.

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Chapitre 13 Sur des choses communes 1. Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Berthold : 2. Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Berthold :

Où étais-tu, Camille ? Dans la salle où ont lieu les discussions habituelles59. Quel profit en as-tu tiré ? On a lu les règlements60. Chaque fois que je les entends, il me prend un dégoût de les entendre plus longtemps. Je préférerais entendre nos droits bien souvent, mais je n’ai pas cette chance. Tu es un enfant, tu parles sottement. Si le seigneur recteur pouvait récolter autant d’argent de nos droits que des statuts61, je crois, dis-je, qu’il nous les lirait chaque année. À ce que j’entends, tu es d’accord avec moi. Te souviens-tu, Berthold, avec quelle spontanéité je t’ai prêté de l’argent ? Tu as promis de me le rendre rapidement et tu ne le fais pas, c’est ennuyeux pour moi. Je t’en prie, mon cher Camille, ne l’interprète pas mal. Je ne le ferais pas par simple goût, que Dieu m’ait en garde. Je n’ai assurément plus aucun argent. J’attends, un de ces jours, un messager de mon pays. Dès qu’il arrive, je te rembourserai. Tu dis toujours cela  ! En effet, tu sais que je suis pauvre et en manque d’argent et tu n’en tiens pas compte. Mais je te demande, au nom de l’amitié entre nous que nous avons conclue depuis longtemps, que tu ne veuilles pas différer plus longtemps cette affaire et ton règlement. Je le ferai, je m’en occuperai avec le plus grand soin.

59 Sur la disputatio, cf. supra et les Statuts de Leipzig (1410) concernant le le nombre des disputationes que le candidat au grade de bachelier doit suivre. La disputatio ordinaria se distingue de la disputatio serotina qui se tenait souvent après le dîner. Cf. les textes des Statuts traduits dans Seybolt, p. 83, n° 1. 60 Il faut distinguer règlement et statuts. 61 Les droits des étudiants sont différents des Statuts, tel celui d’accorder la licence ou de constater la qualité des examens.

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Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam. Bart. Cam.

Bart.

Cam. Bart. Cam.

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Habesne nuncium ad patriam ? Habeo. Precor ut ores ipsum nomine meo, accipiat litteras ad parentes meos. Visita ipsum et cautelam tibi ostendam, quibus rebus efficies ut paratus fuerit ad negocium tuum. Quibus enim ? dic. Cantrum vini si dono dederis, faciet libentissime. Mihi non est pecunia. Et frustra laboraveris. Alias profecturus est, atque hoc expediret sine impedimento. Ut tibi apparet. Scio enim quid rei est ; parcitatem tuam semper ostendis, nec eam abdere possis ; plerumque erumpit. Liberalitas autem apud te nullibi locum inveniet. Si noluerit, dimittat. Ego abibo. Quasi stimulis quibusdam te agitabam. Recede ergo, qui verum audire non poteris. Optime fautor, te venio oratum, tres albos ad parvulum tempus credere velis. Nam, ut tibi secreta mea revelem, per integram octavam nec obulus fuit mihi unicus et, si unquam tibi prodesse potero, faciam cupide. Parva quidem ac minuta mihi iam est pecunia. Unum scito, ut in mensis spacio restitues ; alioquin omnis nostra dissociaretur amicicia. Nullus enim tanta mihi nunc est familiaritate, unico te dempto, coniunctus, cui iam crederem. Et nunc non mentiar. Considera fidem ipsam ut teneas. Faciam.

MANUEL DES ÉCOLIERS

3. Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold : 4. Camille :

Berthold :

Camille : Berthold : Camille :

62 63 64

As-tu un messager pour ta patrie ? Oui. Je te prie de lui demander, en mon nom, qu’il accepte une lettre pour mes parents. Vois-le lui-même et je te montrerai le moyen d’obtenir qu’il soit prêt pour ton affaire. Dis-moi quoi ? Si tu lui fais cadeau d’une bouteille de vin, il le fera avec plaisir. Mais je n’ai pas d’argent. Alors, tu perdras ton temps. Il fera le voyage pour autre chose, et se chargerait de cela sans difficulté. C’est toi qui le dis. Je sais quelle est la situation. Tu  montres toujours ton avarice et tu ne peux la cacher. La plupart du temps, elle apparaît. La générosité n’aurait jamais de place chez toi. S’il ne veut pas, qu’il laisse tomber. Moi, je m’en vais. Je te taquinais avec mes piques. Va-t’en donc, si tu ne peux entendre la vérité. Cher ami, je viens te prier, veux-tu pour peu de temps me prêter trois blancs62. Car, pour te révéler mes secrets, je n’ai eu pour toute la semaine pas même une obole63, et si jamais je puis t’être utile, je le ferai de grand cœur. J’ai peu d’argent et rien que de la petite monnaie. Sache une chose, tu me le rendras dans l’espace d’un mois64. Sinon toute notre amitié serait rompue. Car à part toi, je ne suis lié à personne par une intimité telle que je puisse m’y fier. Et maintenant, je ne mentirai pas. Réfléchis de bien tenir ta promesse. Je le ferai.

Albus, pièce blanche tel le denier “piccolo”, un demi-denier. Obulus, très petite monnaie, obole. Sur la pauvreté des étudiants, cf. supra, ch. 5, et bibliographie n. 20.

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Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam.

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Sum magna in tristicia nec quo me vertam scio. Quid te sollicitat ? Nuncium haut bonum. Cuiusmodi hoc est nuncium ? Uterque parens mortem obiit. Iocarisne ? Deus vellet. Estne certum nuncium, obsecro ? Certissimum. Recte condoleo tibi. Quid nunc facturus es ? Quamprimum patriam petam ; nam frater mihi est et soror parvula et divitiae magnae sunt. Suadent amici, curam domesticam suscipiam, ne bona nostra dispergantur ad manusque veniant aliorum. Quid tunc de studio fiet ? Nihil aliud nisi ut postponam. Grave est. Non solum grave, sed etiam molestum. Pone spem tuam in Deo, nunquam enim derelicti sunt in eum sperantes. Et faciam necesse est. Audivi horrendum dictu, timor me circumdedit et tremor oppressit. Cuiusmodi hoc est ? Nam venit conterraneus quidam et ait, tam vehementer patriam nostram invasisse pestem, ut singulis diebus plus quam triginta sepeliuntur. Serio dicis ? Certa res est.

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5. Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : 6. Camille : Berthold : Camille :

Berthold : Camille :

Je suis d’une grande tristesse et je ne sais vers où me tourner. Qu’est-ce qui te trouble ? Les nouvelles ne sont pas bonnes. Quelle est cette nouvelle ? Mes deux parents sont morts. Tu plaisantes ? Dieu le veuille. Es-tu certain de la nouvelle, je t’en prie ? Absolument certain. Je te fais toutes mes condoléances. Que vas-tu faire maintenant ? D’abord, regagner mon pays. Car j’ai un frère et une petite sœur et notre fortune est grande. Mes amis me pressent de m’occuper de la maison afin que nos biens ne soient pas dispersés et ne passent pas aux mains des autres. Que vas-tu faire pour tes études ? Rien d’autre sinon les sacrifier. C’est grave. Non seulement grave, mais même désagréable. Mets en Dieu ton espoir, car jamais il n’a abandonné ceux qui espèrent en lui. Il est nécessaire que je le fasse. J’ai appris une chose horrible à dire, la peur m’envahit et la terreur m’opprime. De quoi s’agit-il ? Un compatriote est venu et m’a dit que la peste65 s’était abattue avec une telle violence sur notre pays que chaque jour plus de trente personnes sont enterrées. Tu le dis sérieusement ? C’est un fait avéré.

65

La peste, épidémie périodique. Le concile de Ferrare ouvert en 1437 se transfère à Florence en 1441 à cause de la peste. La peste s’abat sur Bologne en 1448.

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Bart.

Qualem mihi timorem incussisti ! Non praestolor ; quam cito ipsum quaeram, ut, quid rei sit, firmiter sciam.

CAPITULUM XIV qualiter studentes de mulieribus loquantur, cum amore earum inflammati sunt. Camillus. Unde pergis, Bartolde ? Bartoldus. Fui in ecclesia devotionis gratia. Utinam domi mansissem ! Cam. Quid novi accidit ? Bart. Noli investigare. Nulli dicam. Cam. Nunquid mihi dicturus es ? Bart. Sile, in vanum laboras. Cam. Nonne lectitasti saepius : ‘Amicorum communia esse debent omnia’ ? Bart. Scio equidem, sed non poteris opitulari. Cam. Neque nocebo forsitan. Quando illud ipsum mihi negocium palam faceres, remedium invenirem. Bart. Timeo quod nullum. Cam. Eloquere, precor. Si possum, ero praesidio. Bart. Sis ergo taciturnus. Cam. Mutus penitus. Bart. Steti in ecclesia et puellam quandam inspexi ; quae cum rursum suos in me coniiceret oculos, cor meum liquefactum erat ; totum corpus meum incensum erat adeo ut quid facerem ignorabam. Cam. Quaenam erat puella ? Bart. Noscis filiam adolescentiorem Gabrielis Schwartz ? Cam. Nosco. Bart. Ipsa fuit. Cam. Cave, obsecro, quia menstruosa est et iam venenosa. Serpentis instar inficere solet. Teneto hoc firmiter : si ad eam propius accessisses, periculum quidem magnum et grave subivisses.

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Berthold :

De quelle terreur tu m’as frappé ! Je n’attends plus. Je vais aussitôt chercher le messager pour savoir sûrement ce qui est arrivé.

Chapitre 14 Comment les étudiants parlent des femmes lorsqu’ils sont amoureux d’elles 1. Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

D’où viens-tu, Berthold ? J’étais à l’église faire mes dévotions, j’aurai dû rester à la maison. Qu’arrive-t-il de nouveau ? Ne cherche pas à comprendre, je ne dirai rien. Est-ce que tu ne me le diras pas à moi ? Silence, tu te fatigues en vain. N’as-tu pas lu souvent : « Les amis doivent avoir tout en commun » ? Je sais bien, mais tu ne pourras pas m’aider. Peut-être que je ne nuirai pas. Quand tu m’auras révélé cela, je trouverai un remède. Je crains que tu n’en trouves pas. Parle, je t’en prie. Si je peux, je serai ton aide. Sois-le donc en te taisant. Je serai entièrement muet. J’étais à l’église et je vis une jeune fille. Lorsqu’elle se retourna et jeta ses yeux sur moi, mon cœur en fut tout remué. Tout mon corps était tellement brûlé, que je ne savais pas ce que je ferais. Qui était cette jeune fille ? Tu connais la fille toute jeune de Gabriel Schwartz ? Je la connais. C’était elle-même. Méfie toi, car elle a ses règles et est déjà vénéneuse. Elle a coutume d’infecter comme un serpent. Retiens bien cela, si tu t’approchais trop près d’elle, tu subirais un grand et sérieux danger66.

66 Sur l’antiféminisme des clercs, cf. J.-L Flandrin, Un temps pour embrasser, Paris, 1983, p. 73-82.

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Bart. Cam. Bart. Cam.

Bart. Cam. Bart.

Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

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Quid audio ? hoc non intelligo. Cuiusmodi haec est dispositio mulierum ? Mi Bartolde, ignoras ? Certe. Declara, rogo. Nam quolibet mense mulieres fluxum sanguinis patiuntur. Tunc plus quam viperae venenosae sunt, ut, si oculos in aliquas tunc spersit, sine cordolio non evadet. Eo usque etiam interdum quis ex earum aspectu debilitatur ac plene inficitur, ut ex omnium vita discedit. Abhorreo iam a mulieribus. Sed precor, habentne etiam virgines ? Habent et saepius quam mulieres. Nunquam deinceps inspecturus sum mulierem. Rem egisti mihi gratissimam, cum hoc exposuisti. Vale, video magistrum ; ibo ad ipsum. Quorsum est tibi iter, Camille ? Ad praetorium. Illic choreas celebrant. Ibisne una mecum ? Non. Videres rem gratam oculis tuis. Quidnam ? Facies et virginum et mulierum quasi angelicas, et cor tuum laetaretur, ac si in gaudiis paradisi foret constitutum. Non delector choreas neque videre mulieres. Multo pulchrior est aspectus sapientiae, qui studiis acquiritur litterarum. Quiescit namque paradisi gaudium, ubi virtutum copia disciplinarumque fructus comparatur. In praetorio iam, si bene pensabis, ibi res est dyabolica, non prudentia sed venus, non doctrina,

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Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Berthold : Camille : Berthold :

2. Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Qu’entends-je ? Je ne comprends pas cela. Quelle est cette disposition naturelle des femmes ? Mon cher Berthold, tu l’ignores ? Certainement. Dis-moi, je te le demande. En fait chaque mois, les femmes souffrent d’un flux de sang, alors elles sont plus dangereuses que les vipères. Si on jette alors les yeux sur certaines, on ne s’en tire pas sans dommage. Parfois même, on est affaibli et infecté par leur vue au point que l’on perd la vie67. J’éprouve déjà de l’horreur pour les femmes, mais je te prie, les vierges sont-elles ainsi ? Oui et souvent plus que les femmes. Jamais plus je ne regarderai une femme, tu m’as grandement aidé en me l’expliquant. Adieu, je vois le maître, j’irai vers lui. Où vas-tu, Camille ? Dans la grande salle. Là, on célèbre des danses. Tu ne viens pas avec moi68 ? Non. Tu verrais quelque chose d’agréable à tes yeux. Quoi donc ? Les figures quasi angéliques de vierges et de femmes, et ton cœur se réjouirait comme s’il était installé dans les joies du paradis. Je n’aime pas les danses, pas plus que de voir des femmes. Bien plus belle est la vue de la sagesse qui s’acquiert par l’étude des lettres. La joie du paradis repose là où s’obtient l’abondance des vertus et le fruit des études. Dans la grande salle, si tu y réfléchis, se trouve quelque chose de diabolique, non la sagesse,

67 L’abbé de Cluny, Odon (xe siècle), dans ses Collationes (ch. 11, PL 133) met ainsi les hommes en garde contre les femmes : “La beauté des femmes ne va pas au-delà de la peau. Si les hommes voyaient ce qu’il y a sous la peau, la vue des femmes leur soulèverait le cœur”, etc. Jean-Paul Sartre, dans Le Diable et le Bon Dieu (acte III, 10e tableau, scène 2) a repris ce texte. 68 Les Statuts d’Heidelberg (1454), éd. Zarncke, Urkundenbuch, I, p. 171, interdisent aux étudiants d’aller aux danses publiques, cf. Seybolt, p. 90.

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Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

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non iusticia, non veritas, sed deceptio. Nam in vultu veluti rosae videntur florere et omnis ille decor superficietenus est, intrinsecus autem tamquam ulcus, quod habet et insaniem et foetorem et venenum. Sile, precor. Alioquin facies ut nunquam mulierem intuerer. Sumne aliquid mentitus  ? Quae enim pestis plus nociva est quam mulier ? Fateor. Sed nimium oblique interpretaris quasi singula de ipsis. Nunquam tanta verbis explicari potest malicia, quin maior habet in eis imperium. Et ego hic permanebo ac tecum optimis artibus insistam. Optime facis, mi Camille. Optime fautor, proficiscere mecum. Certe facti te non poenitebit tui. Quorsum profecturus es ? Eo ad domum Arnoldi, habebimusque vultum alacrem. Quis iam illuc conveniet ? Aderunt enim pulchrae mulieres, speciosissimae virgines. Talem habebimus aspectum, ut quasi nec amoeniorem expetere valeres. Forte me ducis ad montem Veneris. Dimitte illa atque acquiesce precibus meis. Non faciam. Quare non ? Scio quid periculi subsit.

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Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : 3. Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

mais l’amour physique, non l’enseignement, non la justice, non la vérité, mais la tromperie. Car sur leur visage on voit comme fleurir les roses, et toute cette beauté est superficielle ; à l’intérieur, c’est comme un ulcère, car on y trouve humeur corrompue, puanteur et poison. Tais-toi, je t’en prie, autrement tu feras en sorte que jamais je ne porte un regard sur une femme. Ai-je menti sur quelque point ? Quelle peste est plus nuisible que la femme ? Je le reconnais. Mais tu interprètes trop de travers pour un seul cas parmi elles. On ne pourrait exprimer une malice si grande qu’une plus grande encore ne domine chez elles. Et bien, moi aussi je resterai ici avec toi, je m’attacherai aux arts libéraux. Tu fais bien, mon cher Camille. Cher ami, viens avec moi. Assurément, tu ne t’en repentiras pas. Où vas-tu ? Je vais à la demeure d’Arnold et nous aurons un spectacle agréable. Qui rencontre-t-on là ? De belles femmes seront là, des vierges admirables. La vue que nous aurons d’elles est telle que tu ne pourrais, pour ainsi dire, attendre quelque chose de plus agréable69. Tu me conduis peut-être au mont de Vénus. Laisse cela et fais bon accueil à mes prières. Je ne le ferai pas. Pourquoi non ? Je sais quel danger s’y dissimule.

69 Les Statuts d’Erfurt (1412) déclarent qu’on ne doit pas avoir des relations avec des femmes indécentes et suspectes d’incontinence. Sinon, on oblige l’étudiant à payer une amende de deux florins au trésor de l’Université. Cf. la traduction dans Seybolt, p. 91, n° 5. – Pourtant, à Leipzig, on autorise les étudiants à se trouver en compagnie des filles très honnêtes et très jolies, dans les bals organisés par les autorités académiques, cf. L. Moulin, op. cit., p. 32.

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Cam. Bart.

Nullum periculum. Dicas huic qui ignorat. Etenim in una hora tantum debes inflammari, ut in una quindena nullam haberes ad studium appetitus rationem. Nunc tibi apertum est quam noxius sit Iitterarum studiosis mulierum aspectus. Honestae sunt mulieres. Equidem non vadam, ne ad libidinem conciperer. Sed e sermone faceto ipsarum sentiam dulcedinem. Dulcedo forsitan verborum te allicit  ? Dulcior est hodierna disputatio, in qua sanctorum virorum atque eruditissimorum verba tractantur, narranturque praecepta ad bene beateque vivendum. Recte putas, et ego tecum iter arripiam.

Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam.

CAPITULUM XV ut praecedens narrat de mulieribus. Camillus. Bartoldus. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam. Bart. Cam.

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Bartolde, veni, obsecro. Tibi aliquid demonstrabo. Quidnam demonstrabis ? Sperge huc visum. Vides virginem iam praetereuntem ? Video. Quis enim tam ferreus est aut lapideus, cui non talis aspectus afferat delectationem ? Quid ? stolide quaeris. Sapiens stultus efficere nequit, quia is est et infirmus et mollis natura. De sola loqueris sapientia. Et sola vita hominis est. Examina te ipsum ac bene diiudica qualis tua haec fuit locutio. Nam aspectus femineae figurae te vicit. Quid gladius faceret viri robusti ? Abi hinc. Nolo amplius te habere mecum. Non potes audire verum. Quid tecum loquar ? Asperior es, ne dicam immanior, feris silvestribus, nam quaeque amat alteram ut consocium vitae suae.

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Camille : Berthold :

Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille :

Aucun danger. Dis cela à un ignorant. En effet, en une heure seulement, tu serais tout excité au point de ne plus avoir de goût à l’étude pour quinze jours. Maintenant, tu vois combien la vue des femmes est nuisible à ceux qui aiment les lettres. Ces femmes sont honnêtes. Toutefois, je n’irai pas, pour ne pas concevoir des désirs mauvais. Mais, en partant là-bas, je sentirai leur douceur. Peut-être que la douceur des mots te tente  ? Plus douce est la discussion d’aujourd’hui, dans laquelle s’expriment les paroles d’hommes saints et très érudits et où l’on expose les préceptes pour vivre bien et heureusement. Tu penses bien, et je m’en irai avec toi.

Chapitre 15 Qui parle des femmes comme le précédent 1. Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold : Camille :

Berthold, viens, je t’en prie. Je veux te montrer quelque chose. Que veux-tu me montrer ? Vois-tu cette jeune fille qui vient de passer ? Je vois. Qui peut être à ce point de fer ou de pierre pour ne pas avoir du plaisir à un tel spectacle ? Quoi  ? Quelle question stupide  ! Un sage ne peut devenir un sot à moins d’être malade ou de faible nature. Tu parles de la seule sagesse. C’est la seule vie de l’homme. Examine-toi et juge bien ce que tu viens de dire. Car l’aspect d’une figure féminine a triomphé de toi. Que ferait l’épée d’un homme robuste ? Va-t’en, je ne veux plus t’avoir avec moi. Tu ne peux entendre la vérité. Comment parlerais-je avec toi ? Tu es plus dur, pour ne pas dire plus féroce, que les bêtes sauvages, car chacune en aime une autre comme compagne de sa vie. 123

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Bart. Cam. Bart. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

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Et, si bene dicere debeo, tu beluis similior es quam viro sapienti, quia sensu moveris et non ratione. Fateor. Certus visus me movebat, et, si rationem sequi voluero, oppositum dicam. Nunc abibo, quia quod volui habeo. Vale. Cerne, nunquid clenodium est et pulchrum et preciosum ? Ubinam cepisti ? Dono datum est mihi. O quam tenerrimae fuerunt istae manus, e quibus accepi ! Video bene quod annulus est. Etiamsi magnipendis, tres quattuorve valet albos. At cuiusmodi manus fuerint, mihi exposueris. Scire nequeo. Non donum quantum benivolentia dantis placet. Unde tamen habes ? dic, obsecro. Nulli autem dicam. Nulli omnino ? Maior nata iudicis. Certe ridiculus es. Quamobrem ? Quod rem minutam magnipendis. Si hoc scires ac plane intelligeres quod ego sentio, procul a te amoveres. Quid hoc est ? eloquere, rogo. Dicam, si tecum retineas. Neque tam rimax sum, ut facile omnia dilatarem. Videas ne laqueus collum stringat tuum, et annulus in kathenam vertatur ferream. Non satis hunc tuum intelligo sermonem. Quo pergit ista oratio ? Enucliabo. Nam eandem dicunt violari. Alius nuclium cepit ; si voles, habebis aut testam aut sportam. Quid ais ? Profecto honestissima est.

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Berthold : Camille : Berthold : 2. Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Et si je dois te dire la vérité, tu es plus semblable à des fauves qu’à un homme sage. Car tu agis par le sentiment, non par la raison. Je l’avoue, un certain spectacle me bouleverse et si je voulais suivre la raison, je dirais le contraire. Maintenant, je m’en vais, puisque j’ai ce que je voulais. Salut. Regarde, ce bijou n’est-il pas beau et précieux ? Où l’as-tu trouvé ? C’est un cadeau qu’on m’a fait. Oh, qu’elle est tendre la main de qui je l’ai reçu. Je vois bien que c’est un anneau ; même si tu l’estimes très haut, il vaut trois ou quatre pièces blanches. Et de quelle main s’agit-il ? Dis-le-moi, je ne peux pas le savoir. Le don ne me plaît pas autant que la gentillesse de qui me l’a donné. Mais d’où le tiens-tu ? Dis-le, je t’en prie. Je ne le dirai à personne. À vraiment personne ? De la fille aînée du juge. Tu es vraiment ridicule. Pourquoi ? Parce que tu fais grand cas d’une petite chose. Si tu savais et si tu comprenais bien ce que je pense, tu la rejetterais loin de toi. Qu’est-ce que tu penses ? Parle, je te le demande. Je le dirai si tu gardes le secret pour toi. Je ne suis pas si bavard, raconte tout facilement. Prends garde que le lacet ne te serre pas le cou et que l’anneau ne se change sur le champ en chaîne de fer. Je ne comprends pas bien ton discours. Où tend ce que tu dis ? Je t’expliquerai. On dit qu’elle a été déflorée. Un autre a pris l’amande. Si tu veux, tu auras ou la coquille ou la corbeille. Que dis-tu ? Assurément, elle est très honnête.

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Cam. Bart. Cam. Bart. Cam.

Bart. Cam.

Bart.

Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

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lam sentio quia ipsam ardes ac amore es eius inflammatus. Tu verbis si meis fidem non habes, conspice ventrem, nunquid tumescit ? Optime Camille, quo ex fonte illa hausisti ? Rumor undique in oppido est, atque tam cito, si poterit, genitor eius ipsam tibi copulabit in uxorem. Et ea mihi intentio hucusque fuit, ipsam ut ducam. O extremam dementiam, O manifestissimam insaniam ! propter mulierculam unam atque adeo vilem, studium relinquere velis optimarum artium, incensus earum amore ac pulchritudine eius ? Propulsa hanc, obsecro, a te intentionem et cogita quod vir sis. Quid possum ? amor enim ossibus inhaesit. Quid audio ? En remedium. Cogita quam flexibile animal sit mulier, quam indomitum et quam nullis frenis possit retineri. Cogita quia haec inhonesta est corruptaque et deflorata, et certe extinguetur ac prorsus deletur eius quem in eam habes amorem. Faciam ; certe nihilominus plurimum me tibi daturus cognosco, quod illa quae fugiebant exponere non recusabas. Videbo quid mihi conveniat. Vale. Optime fautor, si opere solutus es, proficiscere mecum. Quorsum ? Scies postea. Ante scire magis commendo. Equidem laudabis. Non faciam, nisi dixeris. Non seducam te, videbis. Fidem non adhibeo, etiamsi iuramento affirmares. Ducam te ad choreas vespertinas. Quid illic boni ?

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Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Berthold : Camille :

Berthold :

3. Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : 70

Déjà, je sens que tu brûles pour elle et que tu es enflammé par son amour. Si tu ne crois pas mes paroles, regarde son ventre, ne gonfle-t-il pas ? Cher Camille, de qui tiens-tu cette information ? C’est la rumeur de la ville, et aussi vite qu’il le pourra, son père te la donnera comme épouse. C’était bien mon intention jusqu’ici de l’épouser. Ô trop grande démence, Ô folie trop manifeste  ! À cause d’une petite femme et tellement vulgaire, tu voudrais abandonner l’étude des meilleurs arts, partagé entre leur amour et la beauté de cette femme. Éloigne-toi, je t’en prie, de cette intention, songe que tu es un homme. Qu’y puis-je ? En effet, l’amour s’est attaché à mes os. Qu’entends-je ? Allons, un remède. Pense combien la femme est un animal changeant, comme elle est insoumise et qu’aucun frein ne peut la retenir. Pense qu’elle est déshonnête, corrompue et déflorée, certainement l’amour que tu as pour elle s’éteindra et sera détruit tout à fait. Je le ferai. Sûrement je te donnerai néanmoins le maximum, parce que tu n’hésites pas à m’expliquer des choses qui m’échappaient. Je verrai ce qui me convient. Adieu. Mon très cher soutien, si tu n’es pas occupé, viens avec moi. Où ? Tu le sauras après. Je préfère plutôt le savoir avant. Assurément, tu m’approuveras. Je ne le ferai pas, si tu ne me le dis pas. Je ne te détournerai pas du droit chemin, tu verras. Je ne te fais pas confiance, quand bien même tu me le dirais par serment. Je te conduirai aux danses du soir70. Qu’y a-t-il là de bon ?

Sur les danses du soir, cf. supra, ch. 14, n° 2.

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Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam.

Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

Adest oculorum amoenitas, copia scilicet et mulierum et virginum. Absurda sunt oculorum spectacula, nihil magis noxium quam illa videre. Theologus es, antiquos retines mores. Noli theologiam exprobrare : plus profutura quam res tuae sunt inanes. Nihilominus vadam. Eo non prudentior es. Nihil, quod nocere potest, eventurum est. Nihil ? nonne vides laicorum multitudinem, qui nobis semper insidiantur causasque quaerunt per phasque nephasque, ut nos invaderent ? Quid, si impetum in te facerent et furore quodam aggrediantur ? Nihil revera dicere posses quod verius esset. Nam quosdam conspicor qui capitale adversus me gerunt odium ; tibi summam habeo gratiam, ut illa deprompsisti. Nunc manebo. Nihil consului. Discedam cubiculum et cras integre, uti fertur, surgam, ac integra quidem pelle. Optime censes effugiesque pericula. Optime Bartolde, vale. Et tu vale, mi Camille.

CAPITULUM XVI de communibus locutionibus inter studentes. Camillus. Caniculares dies prope sunt, sentio enim in capite. Bartoldus. Quo pacto sentis ? Cam. Quia attaediationem concipio studendi.

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Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille :

Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Il y a le plaisir des yeux et évidemment, la foule des femmes et des jeunes filles. Ces spectacles pour les yeux sont absurdes et rien de plus nuisible que de voir cela. Tu es un théologien. Tu conserves les manières d’autrefois. Ne blâme pas la théologie. Elle sert davantage et est plus utile que tes occupations frivoles. J’irai tout de même. En cela tu es un imprudent. Rien ne peut m’arriver qui puisse me nuire. Rien  ? Tu ne vois pas la multitude des laïcs, nous tendant toujours des pièges et recherchant des raisons pour attaquer. À tort ou à raison, que feras-tu s’ils font un assaut et t’attaquent avec fureur71 ? En effet, tu ne pourrais rien dire qui fût plus vrai. Car j’en vois certains qui me portent une haine mortelle. Je te dois une véritable reconnaissance pour m’avoir fait voir cela. Maintenant, je resterai. Je n’ai rien à te conseiller. J’irai me coucher dans ma chambre et je me lèverai demain sain et sauf, comme on dit, et au moins j’aurai sauvé ma peau. Tu as parfaitement raison et tu échapperas au péril. Cher Berthold, porte-toi bien. Et toi aussi, porte-toi bien, mon Camille.

Chapitre 16 Conversations ordinaires entre étudiants 1. Camille : Berthold : Camille :

Les jours de canicule approchent, je le sens dans ma tête. De quelle manière tu le ressens ? Parce que je ressens du dégoût pour l’étude.

71

Sur la méfiance envers les laïcs, cf. Raschdall, op. cit., II, p.  677-686  ; R.-S. Rait, Life in the medieval University, ch. VII, et L. Moulin, op. cit., p. 101103 (Bibliographie n. 10)

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Cam. Bart.

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Credo omne tempus tibi esse in cane. Quomodo hoc ? Nam raro tibi est studendi appetitus. Discas tu eo vehementius. Irascaris. Te latet, neque omnia tibi propalari debent. Audisti unquam duplices homines inveniri ? Illi irascuntur, hii ut floccum vestimenti parvifaciunt. Lepidum tibi est, ut me afficis derisione ? Quid, si dicam ? Quid, si manus tibi conferam in capillos ? Tam cito ? Citius certe quam tibi videtur. Et quid tunc ego essem facturus ? Tentabimus, si libet, et numerum tibi ostendam unguium. Malo esse quietus et tibi credere. Nosco enim quod factiosus es. Ego autem maiorem amplecti cupio discretionem quam verberibus pugnarem. Propterea abibo. Principes veniunt. Audis tubicines ? Audio. Eamus visum. Nunquam antehac vidisti principes ? Vidi, sed huiuscemodi iam habent ornatum, quem conspicere admodum cupio. Mollis es ut mulier, quae omnia cupit intueri. Maneas ; indicabo tibi nonnullam Ciceronis epistolam, in qua ut in speculo quodam antiquissimum hunc cernes philosophum vitaeque praeceptorem. Faciam revera, et libentius quoque. Sed ubinam est ? En, praesto est.

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Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

2. Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold :

Je crois que pour toi, tout temps est un temps de canicule. Comment cela ? Car tu as rarement de l’appétit pour l’étude. Eh bien, apprends toi-même avec d’autant plus d’ardeur. Tu es irrité. Cela t’échappe et tout ne doit pas t’être révélé. N’as-tu jamais entendu que se rencontrent deux sortes d’hommes ? Les uns se mettent en colère, les autres n’en font pas plus de cas que d’un flocon de laine. Il t’est agréable de te moquer de moi ? Qu’est ce que cela peut te faire si je le dis ? Et si je t’empoignais aux cheveux ? Si vite ? Plus vite certainement que tu ne crois. Et que serais-je censé faire alors ? Nous essaierons, si cela te plaît et je te montrerai le nombre de mes ongles. Je préfère rester tranquille et te croire. Je sais que tu es querelleur. Mais moi, je préfère choisir la séparation plutôt que de te combattre avec des coups. Donc, je m’en vais. Les princes viennent. Entends-tu les trompettes ? Je les entends. Allons les voir ! Tu n’as jamais vu de princes avant cela ? J’en ai vu, mais ils ont maintenant un appareil que je désire connaître. Tu es faible comme une femme qui désire tout voir. Reste ici. Je t’indiquerai une lettre de Cicéron dans laquelle, comme dans un miroir, tu verras le plus ancien philosophe et la vie de son maître. Je ferai, en effet, aussi très volontiers. Mais où estelle ? Vois, elle est ici.

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Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam. Bart.

Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam.

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Unde venis ? Dicam tibi mira. Conspexi ostentationem ioculatoris. Dii boni, quid audio ! Ceteris semper inhibere soles, et, quam dissuades, in eandem incidisti foveam. Noli mirari. Effecit magister N., quoniam videndi haberet appetitum meque rogaret, ipsum sequerer. Non audebam denegare, praesertim cum pro me denarium exponeret. Quid boni vidisti ? Nihil quod aut relatu dignum esset aut quandam mihi dedisset delectationem. Dimicare scivit, quod commune est  ; habuit vulpem  : ea humanis vocibus obtemperat, de quo parumper mirabar. Postremo vitreas hymagines fecit de loco quodam velato exire, quae bellum inter se gerebant. Optimum autem cedit ioculatori, nam pecuniam tollit, bursam complet  : alias nihil boni potui conspicere. Utinam tecum una fuissem. Parum refert, illa videre aut non videre. Nempe si gratis omnia per integram valerem videre diem, mallem abesse atque cum hac fatuitate tempus conterere. Illo sermone facis quod non conspicar, sed ibo ad sermonem. Recte censes. Ibimus ad ecclesiam atque audiamus sermonem. Nam monachum illum ferunt praedicare, qui venit de Ytalia. Ille pinguis forte est, qui fuit Heydelbergae apud minores ? Ipse idem.

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3. Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold :

Camille : Berthold :

Camille : Berthold : 4. Camille : Berthold : Camille :

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D’où viens-tu ? Je te dirai des merveilles. J’ai vu la parade d’un faiseur de tours. Dieu bon, qu’entends-je ? Tu as toujours l’habitude d’empêcher les autres et tu es tombé dans la fosse même que tu dis d’éviter. Ne t’étonne pas. C’est la faute au maître N. qui désirait le voir et qui me demandait de le suivre. Je n’osais pas lui refuser, d’autant plus qu’il payait pour moi un denier. Qu’as tu vu de bon ? Rien qui mérite d’être raconté, ou qui m’ait donné du plaisir. Il savait lutter, ce qui est commun. Il avait un renard qui obéissait à la voix humaine, ce qui m’a étonné un peu de temps. Ensuite, il fit sortir d’un endroit voilé des images transparentes, qui se faisaient la guerre. Le meilleur revient au jongleur, car il empoche l’argent et remplit sa bourse. Autrement je n’ai rien pu voir de bon. J’aurais aimé être avec toi. Cela importe peu de voir ou de ne pas voir cela. Assurément, même si je pouvais voir tout cela gratuitement toute la journée, je préférerais ne pas y aller que de perdre mon temps avec cette sottise. Ce disant, tu m’engages à ne pas voir cela, mais j’irai au sermon. C’est une bonne idée ! Allons à l’église et entendons le sermon, car on dit que c’est le moine qui vient d’Italie qui prêche. C’est peut-être le gros qui a été chez les Frères mineurs d’Heidelberg72 ? C’est exactement lui.

Il s’agit des Franciscains.

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Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam.

Saepius eum audivi. Non est facundus. Loquitur quasi fabulas quis recitaret. Atqui doctus est. Nam si vera sunt quae rumor praedicat, doctior eo non est in oppido. Non repugno. Sed negocium est mihi modo abeundi ; tempus non patitur. Hastiludia erunt in foro, conspicabimurne ? Non. Quamobrem repugnas ? non poteris mecum una proficisci ? Non videbo, etsi torneamenta fierent. Nam nulla est inde ventura utilitas. Videbis concursum hominum, quem plurimi videre volunt. Manifestissimam video hominum insaniam, atque quam plures debachantur, tu de turba illorum videri velis. Dissuades in tantum, quod appetitus eundi videndique elabitur.

CAPITULUM XVII quomodo respondere quis debeat, cum in primo de universitatis ritu interrogetur. Camillus.

Gratus est mihi adventus tuus, optime Bartolde, et te salvum advenisse plurimum gaudeo. Bartoldus. Habeo tibi gratiam amplissimam et te quoque salvum invenisse non minus gaudeo. Cam. Quid boni affers de universitate tua ? Bart. Parum habeo negociari cum consanguineo meo.

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Berthold : Camille : Berthold : 5. Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille :

Je l’ai entendu souvent. Il n’est pas très éloquent. Il parle comme qui raconte des histoires. Cependant, il est savant, car si ce qu’annonce la rumeur est vrai, il n’y a pas plus savant que lui dans la ville. Je ne refuse pas, mais j’ai à faire ailleurs. Je n’ai pas le temps. Il y a des joutes sur la place73. Les regarderons-nous ? Non. Pourquoi refuser  ? Tu ne pourrais pas venir avec moi ? Je n’irai pas voir, même si c’étaient des tournois. Car rien d’utile ne viendra de cela. Tu verras une compétition que beaucoup veulent voir. Je vois la folie la plus manifeste des hommes, de plus il y en a qui se déchaînent, et toi tu voudrais être vu dans cette cohue. Tu me dissuades tant, que le désir d’aller les voir me quitte.

Chapitre 17 Comment doit répondre celui qui est interrogé pour la première fois sur les coutumes de l’Université 1. Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Je suis heureux que tu sois venu, excellent Berthold, et je me réjouis fort que tu sois venu sain et sauf. J’ai pour toi une grande reconnaissance et je ne me réjouis pas moins de t’avoir trouvé sain et sauf. Quoi de bon apportes-tu de ton université74 ? J’ai pu négocier un peu avec mon parent.

73 Sur les joutes, cf. les Statuts d’Heidelberg de 1454 (Urkundenbuch der Universität Heidelberg, éd. Winkelmann, 1886, p.171), qui interdisent aux étudiants d’aller aux tournois. Sur les joutes en Bourgogne, voir Jacques de Lalaing, cité par Michel Rouche, Histoire de l’enseignement et de l’éducation, t. I, p. 578 (Bibliographie n. 11). 74 On ne sait quelle université, peut-être Leipzig.

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Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

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Suscepisti baccalaureatus insignia ? enarra, obsecro. Nondum, sed examini proximo me submittam. Fortunam tibi prosperam exopto. Et ego tibi pariformiter. Optime fautor, estne multitudo iam suppositorum in universitate vestra ? Certe multitudo est ; nam omnia collegia bursaeque plenae sunt, nec ullum tempus mihi succurrit in quo tanta copia pluralitasque fuit, quemadmodum iam est. Vigetne studium ? Quantum mea ratio apprehendit, vix unquam in tanto vigore erat ut nunc est. Quae autem facultas plus floret ? Facultas artium. Quae via nunc floret ? De omni opinione reperies artium cultores, at via doctoris sancti amplior est aliis. Nempe a pluribus audiverim, quondam universitatem illam plenam fuisse modernorum dogmatibus. Sic est, et adhuc seniores magistri, maxime de natione Suevorum, moderni sunt, sed scholares non habent inclinationem ad ipsos. Quid autem de via dices vel doctoris magni, vel subtilis ? Nihil. Nam qui Albertum sequuntur, pauci sunt, tres tantum quattuorve magistri Coloniae promoti, et totidem qui fortasse Scotum sequuntur, sed parva est eorum audientia parumque resumunt.

MANUEL DES ÉCOLIERS

Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

As-tu reçu les insignes du baccalauréat ? Racontemoi, je t’en prie. Pas encore, mais je subirai bientôt l’examen. Je te souhaite bonne chance. Pour toi également. Cher ami, y a-t-il une foule de candidats dans votre université ? Certes, une multitude. Car tous les collèges et logements sont pleins75. Je ne me souviens pas d’un temps où il y eut une telle foule et une multitude comme c’est le cas à présent. Les études ont-elles du succès ? Autant que je puisse comprendre, l’université n’a jamais eu une telle force qu’en ce moment. Mais quelle est la faculté la plus réputée ? La faculté des Arts76. Quelle est la méthode qui a maintenant du succès ? Tu trouveras ceux qui étudient les Arts de toute opinion, mais la voie du saint docteur est plus fréquentée que les autres77. J’ai entendu dire par plusieurs qu’autrefois cette université s’inspirait des dogmes des nominalistes. C’est un fait et encore, les plus vieux maîtres, surtout ceux de la nation souabe, sont nominalistes, mais les étudiants ne leur accordent pas leur faveur78. Mais que diras-tu des méthodes du « grand docteur » ou du « docteur subtil » ? Rien, car ceux qui suivent Albert79 sont peu nombreux, trois ou quatre maîtres promus à Cologne, et autant qui peut-être sont disciples de Scot80, mais leur audience est faible et ils ne se renouvellent pas.

75 Sur les logements à l’université, cf. L. Moulin, op. cit., p. 21 (Bibliographie n. 10). 76 La Faculté des arts enseigne le trivium (grammaire, rhétorique, dialectique) et le quadrivium (arithmétique, géométrie, musique, astronomie). 77 Il s’agit de Thomas d’Aquin. 78 Sur les nominalistes, cf. supra, ch. 4. 79 Il s’agit d’Albert le Grand. 80 Sur Duns Scot, le “docteur subtil”, cf. ch. 4 et E. Gilson, op. cit., p. 591 (Bibliographie n. 4).

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Cam. Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

Cam.

Bart. Cam. Bart. Cam. Bart.

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Quid dices de sumptibus ? quo in precio habentur comestibilia ? Satis in competenti omnia sunt foro, pane excepto : nam siligo triticumque in caro precio sunt. Certe Lypsick non solum est. Dies nonnulli praeterierunt, ut nec cum aliquo pistore panes invenisses. At cerevisia vestra optima non est. Sumus assueti rastrum potare, sed qui assuetus non est, interdum praeferret potum tenuiorem. Rumor est, medicinae quendam esse doctorem qui excellentiam quandam prae se ferat. Probe dicis. Nam ars eius minor est quam fama, si vera sunt quae plerique iam, et illi qui intelligunt, praedicant. Perdulcis fautor, consanguineus mihi est adolescens facilis naturae, capax ingenii. Is inclinationem quandam ad studium habet universale, parentes vero eius pauperculi sunt, non multum praesidio esse possunt. Quantae pecuniae sibi necessariae sunt ? Ut tibi vera dicam, ad minus ut habuerit viginti florenos, vel singula non bene expediet. Vach, nimis magna pecunia. Pecuniosos requirit universitas. Consului nuper unum magistrum. Fuit eius sententia, ut famularetur magistro alicui atque additionem adiungeret. Quid tibi videtur ? Nescio certe. Si aliquantisper possem, potius fruerer libertate. Studium liberos requirit, et in promptu est  eos saepenumero tantum proficere, qui solis disciplinis applicati sunt, nullis aliis rebus involuti.

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2. Camille : Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

3. Camille :

Berthold : Camille : Berthold : Camille : Berthold :

Que dis-tu des dépenses ? À quel prix sont les aliments ? Tout est assez convenable sur le marché, sauf le pain, car la fleur de farine et le blé dur sont à haut prix. Certes, Leipzig n’est pas seul en cela. Il y a quelques jours tu n’aurais pas trouvé de pain chez aucun boulanger. Mais votre cervoise81 n’est pas très bonne. Nous nous sommes accoutumés à boire la bière dure, mais qui n’est pas habitué en préfère de temps en temps une plus légère. On prétend qu’il y a un docteur en médecine qui montre son excellence. Tu dis bien, mais son art est plus petit que sa renommée, si est avéré ce que la plupart, ceux qui sont compétents, proclament déjà. Très doux compagnon, j’ai un de mes parents, un adolescent de nature facile et doué d’intelligence. Il voudrait aller à l’étude dans l’université, mais ses parents sont très pauvres, ils ne peuvent pas l’aider. Combien d’argent lui est-il nécessaire ? Pour te dire la vérité, il ne faut pas moins de vingt florins82 ou il ne pourra subvenir à tous les frais. Ah ! C’est trop d’argent. L’université recherche les riches83. J’ai consulté récemment un maître. Son avis fut qu’on peut être domestique de quelque maître, cela s’ajoute à ce qu’on a. Qu’en penses-tu ? Je ne sais. Si je le pouvais momentanément, je préférerais jouir de ma liberté. L’étude demande des hommes libres et il est manifeste que souvent seuls84

81 La cervoise est le nom ancien de la bière. Le rastrum est une sorte de bière très forte qui racle l’estomac. Cf. De generibus ebriosorum, 1515, cité par Zarncke, Die deutschen Universitäten…, p. 144. 82 Sur les florins, cf. supra, ch. 10. 83 Sur le problème de la richesse des étudiants, cf. supra, ch. 1. 84 Le texte latin, incohérent, semble dire que ceux qui ne font qu’étudier réussissent peu, parum, probablement par anticipation de la ligne suivante) ; on l’a corrigé en tantum, seulement.

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Cam. Bart.

Cam.

Bart.

Cam. Bart.

Etenim, ut de me faciam coniecturam, parum in disciplinis nanciscerer, nisi frequentia quadam essem coniunctus semotusque ab omnibus quae impedirent. Recte sentis de te, qui abundas. Quid, si meliorare non posses ? Ignoro. Tum, ut reor, accomodarem me et tempori et facultati. At, ut tibi clare exponam, vidi pauperes quosdam famulatibus aggravatos, nonnunquam plus ceteris in disciplinis hauserunt et in eruditissimos creverunt viros. Sed hi multum laboraverunt, ceteris dormientibus fuerunt in studio ; nihil tantae reputationis esse censebant quam doctrinam, quam virtutes, quam bonarum artium scientiam. Optime intelligo, mi Bartolde, agoque gratiam quam maximam, quod illa tam lucide mihi declarasti. Accipiam deliberationem de hac re. Oro, mecum domum petas et faciamus haustum amicabilem. Profecto mihi iam non est ocium. Nam iturus sum ad consanguineum meum ; pollicitus enim est mihi quodam in negocio fore praesidio. Sed quando fruor liberiori tempore, promptissimo animo tibi condescendam. Rem mihi acceptam faceres. Nondum omne tempus evaserit, diutius enim permansurus sum et saepius conveniamus. Vale.

CAPITULUM XVIII de modo petendi personas honestas aut ad prandium aut ad collationes. Reverendi magistri, viri magnae dignitatis ac scientiae, petit magister N. dominationes vestras, proxima luce futura secum in prandio fore volueritis, et quibus in rebus reverentiis vestris unquam complacere potuerit, faciet cupidissime. Honorande magister, supplico reverentiae vestrae nomine magistri N., secum in prandio fore non recusetis, quod erga humanitatem vestram summo studio laboreque et opere promerebitur. 140

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Camille : Berthold :

Camille :

Berthold :

Camille : Berthold :

réussissent ceux qui s’appliquent seulement à leurs études, sans être soumis à d’autres obligations. En effet, à en juger par mon expérience, j’obtiendrais peu dans mes études, si je n’étais mêlé à une certaine assistance, et débarrassé de tout ce qui me gênerait. C’est bien senti pour toi, qui es riche. Qu’en serait-il si tu ne pouvais améliorer ta situation ? Je l’ignore. Alors, à mon avis, je m’adapterais au temps et à mes moyens. Mais pour te le montrer clairement, j’ai vu des pauvres handicapés par leurs fonctions de serviteurs qui tirèrent de leurs études plus que les autres et devinrent des hommes très érudits. Mais ceux-là ont beaucoup travaillé, ils étudiaient alors que les autres dormaient. Ils pensaient que rien n’avait plus d’importance que la culture, les vertus et la connaissance des arts libéraux. Je comprends très bien, mon Berthold, et je te remercie beaucoup de m’avoir dit cela avec tant de clarté. Je réfléchirai sur cette question. Je t’en prie, viens chez moi et nous boirons amicalement. Mais pour moi, je n’ai plus le temps. Car je dois aller chez mon parent. Il m’a promis de m’aider dans une affaire. Mais quand j’aurai plus de temps libre, j’accepterai avec grand plaisir ton offre. Tu me ferais plaisir. Mon séjour n’est pas encore fini, en effet je resterai plus longuement et nous pourrons nous rencontrer plus souvent. Porte-toi bien.

Chapitre 18 De la manière d’inviter des personnes distinguées à déjeuner ou à prendre une collation Révérends maîtres, hommes d’une grande dignité et de grande science, le maître N. invite vos souverainetés à bien vouloir aller déjeuner avec lui demain matin et tout ce qui pourra plaire à vos révérences, il le fera avec grand désir. Maître honorable, au nom du maître N., je supplie votre révérence de ne pas refuser d’aller déjeuner avec lui, ce qu’il méritera par son très grand zèle à l’égard de votre bonté, par son travail et son efficacité. 141

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Praestantissime magister, rogat magister meus, hora vespertina in collatione secum esse volueritis, et quibus in rebus usu venerit ut eius opera rem gratam vobis efficere possit, in eo nunquam lentescet. Honorande domine, supplico gratia praeceptoris, rhetoricam Tullii sibi accommodare velitis, et si quam ex eo petieritis materiam quae foret in manibus eius, non solum libenter, sed cupide insuper vobis accommodabit. Magnifice domine doctor, magister N. honestatem vestram ac dignitatem oratam facit, quatenus crastina die secum prandere volueritis, quod parato obsequio promerere maximo ingenii conatu elaborabit. Egregie domine doctor, vir modestissime atque optime, facit magister meus dominationem vestram rogatam, quatenus dignemini secum una munus accipere collationis, et qua in re complacitum iri vobis potuerit, faciet diligentissime. baccalaureandi. Optime praeceptor, vir suavissime, supplicamus humanitati vestrae, hoc vesperi in habitatione magistri N. ut fueritis in collatione, atque paupertatem nostram non aspernari velitis, quod quisque ex nobis promptissimo animo libenter promerebitur. Reverende magister, faciamus reverentiam vestram oratam, quatenus magistri N. collationis officium accipere non recusetis, et nostri in disputatione memor fueritis et omni tempore in vestris beneplacitis erimus studiosissimi. Reverende magister, placet humanitati vestrae ingredi balneum ? Nam pro vobis exponam. Oro insuper ut bono animo suscipiatis. Equidem, si maiorem reverentiam vobis ostendere possem aut honorem, perficerem studiosissime. Dilectissime magister, puto dominationem vestram memoriae tradidisse me vos contentum fecisse tempore taxae mediae. Venio itaque reverentiam vestram precaturus quatenus mihi recognitionem assignetis. Honorande magister, audiverim a vobis exercitium veteris artis ; peto nomine magistri mei, testimonium cirographo velitis tribuere, pro quo magister meus vos contentum faciet.

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Prestigieux maître, mon maître vous demande de bien vouloir être avec lui ce soir pour la collation et pour tout ce qui se présentera où son service puisse accomplir quelque chose qui vous soit agréable, il ne se relâchera jamais. Honorable maître, je vous supplie, à la demande du précepteur, de bien vouloir lui prêter la rhétorique de Cicéron, et si vous lui demandez quelque chose qui soit en sa possession, il vous la prêtera non seulement volontiers mais, en outre, avec empressement. Docteur magnifique, le maître N. prie votre honneur et votre dignité de vouloir déjeuner avec lui demain et il s’appliquera avec un effort extrême de son esprit à mériter cela par l’expression de son dévouement. Distingué seigneur docteur, homme très modéré et très parfait, mon maître demande à votre grandeur que vous daigniez accepter l’offre d’une collation85 en sa compagnie et si cette chose vous plaît, de le faire le plus tôt possible. Les candidats au baccalauréat : Très cher précepteur, le plus délicieux des hommes, nous supplions votre bienveillance d’être ce soir chez maître N. pour un repas et de ne pas vouloir repousser notre pauvreté, car chacun de nous s’efforcera avec enthousiasme de mériter cet honneur. Révérend maître, nous prions votre révérence de ne pas refuser l’offre de la collation de notre maître N. et de vous souvenir de nous dans la disputatio, et nous serons en tout temps très attentif à votre bon plaisir. Révérend maître, plaît-il à votre bonté d’entrer dans ce bain86, car je paie pour vous, je vous prie en outre de l’accepter de bon cœur. De même, si je pouvais vous montrer un plus grand respect ou honneur, je l’accomplirais avec le plus grand empressement. Très cher maître, je pense que Votre Seigneurie s’est rappelée que je vous ai donné satisfaction au moment du demi-paiement. Je viens donc prier votre révérence de me donner un reçu. Honorable maître, je vous ai entendu dans l’exercice sur l’« ars vetus ». Je vous demande, au nom de mon maître, de m’envoyer un témoignage écrit pour lequel mon maître vous donnera satisfaction. 85

Sur la question des repas servis aux maîtres, cf. ch. 1. Selon les Statuts d’Heidelberg de 1419, éd. Winkelmann, I, p. 117, le bain est suivi immédiatement par un banquet. 86

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Bibliographie

I/ Les Universités au XIIIe siècle 1/ J.-M. Baldwin, The scholastic culture of the Middle Ages, Lexington, Massachusetts, 1971. 2/ M.-D. Chenu, Introduction à l’étude de saint Thomas d’Aquin, Paris, 1950. 3/ Colloque, Les débuts de l’enseignement universitaire à Paris (1200-1245), sous la direction d’O. Weijers et de J. Verger, Turnhout, 2013. 4/ E. Gilson, La philosophie au Moyen Âge, Paris, 1922. 5/ N. Gorochov, Naissance l’Université de Paris, Paris, 2012. 6/ S. d’Irsay, Histoire des universités françaises et étrangères des origines à nos jours, t. I, Moyen Âge et Renaissance, Paris, 1933. 7/ J. Le Goff, Les intellectuels au Moyen Âge, 2e éd., Paris, 1985. 8/ P. Michaud-Quantin, Universitas, Expressions du mouvement communautaire dans le Moyen Âge latin, Paris, 1970. 9/ E. Mornet, “Pauperes scolares. Essai sur la condition matérielle des étudiants scandinaves dans les universités aux xive et xve siècles”, Le Moyen Âge. Revue d’histoire et de philologie, t. 84, 1978, p. 53-102. 10/ L. Moulin, La vie des étudiants au Moyen Âge, Paris, 1991. 11/ H. Rashdall, The Universities of Europe in the Middle Ages, Oxford, nouv. éd., 1936, 3 volumes. 12/ M. Rouche, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, t. I, Des origines à la Renaissance, Paris, 1981.

MANUALE SCHOLARIUM

13/ S. Stelling-Michaud, L’histoire des Universités au Moyen Âge et à la Renaissance au cour des vingt-cinq dernières années, Rapports du xie Congrès international des Sciences historiques, vol. I, Stockholm, 1960. 14/ A. Tuilier, Histoire de l’Université de Paris et de la Sorbonne, t. I, Paris, 1994. 15/ J. Verger, Les Universités au Moyen Âge, Paris, 1973. —, Les nains sur des épaules de géants. Maîtres et élèves au Moyen Âge (en collaboration avec P. Riché), Paris, 2006. II/ Universités au XIVe et XVe siècles 16/ E. Garin, L’éducation de l’homme moderne. La pédagogie de la Renaissance (1400-1600), trad. de l’italien, éd. Hachette, coll. “Pluriel”, 1995. 17/ T. Kouamé, “La diffusion d’un modèle universitaire dans le Saint Empire aux xive et xve siècles”, dans Les universités en Europe du XIIIe siècle à nos jours. Espaces, modèles et fonctions. Actes du colloque international d’Orléans, 16 et 17 octobre 2003, Publications de la Sorbonne, 2005, p. 179-197. 18/ F. Zarncke, Die deutschen Universitäten im Mittelalter, Leipzig, 1857 (pour le Manuale, p. vii-ix et 3-48). 19/ J. Paquet et J. Ijsewijn, Les Universités à la fin du Moyen Âge, Louvain, 1978. 20/ J. Paquet, “Recherches sur l’universitaire ‘pauvre’ au Moyen Âge”, Revue belge de philosophie et d’histoire, t. LVI, fasc. 2, 1978, p. 301-353. —, “Coût des études, pauvreté et labeur : fonctions et métiers des étudiants au Moyen Âge”, History of Universities, t.  2, 1982, p. 15-52. 21/ J. Verger, Les gens de savoir en Europe à la fin du Moyen Âge, Paris, 1977. 22/ P. Vignaux, Nominalisme au XIVe siècle, Montréal, 1948.

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BIBLIOGRAPHIE

III/ L’université d’Heidelberg 23/ J. Morsel, “Dossier sur l’Université d’Heidelberg”, dans Former, enseigner, éduquer dans l’Occident médiéval (1100-1450), textes et documents, sous la direction de P. Gilli, Paris, 1999, t. Il, p. 167-175. Cf. aussi A. Thorbecke, Geschichte der Universität Heidelberg, Heidelberg, 1986. 24/ G. Ritter, Die Heidelberger Universität, Heidelberg, 1936, t. I (seul paru). Et E. Wolgast, Die Universität Heidelberg (1386-1986), Heidelberg, 1986. IV/ Le Manuale Scholarium 25/ R. F. Seybolt, The Manuale Scholarium. An original Account of Life in the Medieval University, Cambridge, Massachusetts, 1921.

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Table des matières

Avant-Propos

5

Introduction

7

1/ Les Universités médiévales (XIIIe – XVe siècles)

8

2/ L’Université d’Heidelberg

10

3/ Entrée à l’Université 1) L’inscription 2) Le bizutage 3) Pauperes studentes 4) Discipline dans l’Université

13 13 13 15 16

4/ La journée d’un étudiant et ses divertissements 1) La journée 2) Les divertissements

17 17 18

5/ Programme, enseignants et examens 1) Les textes 2) Organisation des cours 3) Les disputationes 4) Les examens

20 21 23 23 23

6/ Camille songe à la faculté de droit

24

7/ L’humanisme dans les Universités du XVe siècle

25

8/ Le Manuale scholarium

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Manuel des écoliers qui décident d’aller à l’université des étudiants et ensuite d’y réussir

31

Prologue

31

Chapitre 1. Comment les bizuths doivent s’adresser à leurs maîtres pour être inscrits sur le registre de l’Université et aussi comment ils s’acquitteront envers leur initiateur

33

MANUALE SCHOLARIUM

Chapitre 2. Comment deux jeunes gens, qui sont appelés Camille et Berthold, harcèlent le bizut en faisant croire qu’ils ne savent pas qu’il est bizut, mais en trouvant qu’il sent très mauvais

39

Chapitre 3. Comment les élèves parlent de leurs exercices et de leurs cours

53

Chapitre 4. Discussions sur les méthodes et les disciplines

59

Chapitre 5. Débat sur les facultés de poésie et de droit

65

Chapitre 6. Propos échangés pendant la promenade

71

Chapitre 7. Dans lequel l’un interroge l’autre à propos de son voyage

77

Chapitre 8. Comment ils parlent à table

83

Chapitre 9. Querelles entre étudiants

89

Chapitre 10. Comment ils parlent entre eux, quand ils s’apprêtent à subir un examen

93

Chapitre 11. Comment ils parlent d’un loup et des règlements dans les logements et les collèges

97

Chapitre 12. Porte sur des conversations habituelles entre étudiants

103

Chapitre 13. Sur des choses communes

111

Chapitre 14. Comment les étudiants parlent des femmes lorsqu’ils sont amoureux d’elles

117

Chapitre 15. Qui parle des femmes comme le précédent

123

Chapitre 16. Conversations ordinaires entre étudiants

129

Chapitre 17. Comment doit répondre celui qui est interrogé pour la première fois sur les coutumes de l’Université

135

Chapitre 18. De la manière d’inviter des personnes distinguées à déjeuner ou à prendre une collation

141

Bibliographie

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