Lumière de l'an mil en Orléanais.: Autour du millénaire d'Abbon de Fleury 250351586X, 9782503515861


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Lumière de l'an mil en Orléanais.: Autour du millénaire d'Abbon de Fleury
 250351586X, 9782503515861

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LUMIÈRES DE L'AN MIL EN ÜRLÉANAIS Autour du millénaire d'Abbon de Fleury

Exposition au musée des Beaux-Arts d'Orléans 16 avril-11 juillet 2004 Réalisée par La Bibliothèque municipale d'Orléans Le service archéologique Le musée historique et archéologique de l'Orléanais Le musée des Beaux-Arts d'Orléans Commissariat : Aurélie Bosc-Lauby, conservateur du fonds ancien de la Bibliothèque municipale d'Orléans Annick Natter, conservateur en chef des musées d'Orléans.

Couverture : Bible (vers 1160-1180). Orléans, Bibliothèque municipale, ms. 13, p. 325

Lumières de l'an mil en Orléanais Autour du millénaire d' Ab bon de Fleury

BREPOLS

Copyright © 2004 BREPOLS @'.! PUBLISHERS, Turnhout © Musée Beaux-Arts d'Orléans

Ali rights reserved. No part of this book may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise without the prior permission of the publisher. ISBN 2-503-51586-X D/2004/0095/29

Préface et remercie ments

Qui aujourd'hui connaît Abbon de Fleury? Peut-être pas un Français sur cent mille. A quoi bon dès lors prendre prétexte du millénaire de sa mort pour lui consacrer une exposition? Lorsque l'Institut de Recherche d'Histoire des Textes soumit cette idée à la Bibliothèque municipale d'Orléans, il souhaitait rendre un juste hommage à l'un des grands intellectuels de l'an mil un peu oublié, dépassé par l'image valorisante, récemment remise à l'honneur, de son contemporain, et rival parfois, Gerbert d'Aurillac, le pape Silvestre II. Le propos était légitime et il était juste de restituer à Ab bon la place émérite qui lui revient dans la réflexion politique et la recherche intellectuelle de la fin du Xe siècle. Mais au-delà de cette figure, il était tentant d'étudier l'époque et pour cela d'allier les compétences et les spécificités d'autres services municipaux. Cette exposition est donc le fruit de la collaboration de la bibliothèque, du service archéologique et des musées de la Ville d'Orléans qui se sont pris au jeu de l' exploration d'une période méconnue et que les soi-disant terreurs de l'an mil rendent obscure et mystérieuse au «grand public». Finissons-en donc avec cette vision d'apocalypse: Abbon luimême la combattit, montrant que le Jugement dernier ne pouvait arriver au moment où certains faux prophètes le prévoyaient puisque le calendrier en vigueur, s'appuyant sur une date erronée de la naissance du Christ, était faux!

Certes l'application de cette ambition est encore bien balbutiante à la fin du règne de Louis VI le Gros, date à laquelle nous bornons ce travail. Mais entre-temps l'Orléanais a été le territoire où une bonne partie de cette réflexion a été mûrie, où un art architectural nouveau a précocement germé, où la réflexion logique et scientifique a préparé l'éclosion intellectuelle du XIIe siècle. Lumières de l'an mil donc, mais que l'attrait de «l'an mil» ne trompe personne : cette date fétiche n'est pas une charnière et le catalogue s'étend sur plus de trois siècles ... Voilà ce qui nous semblait essentiel de porter à la connaissance du public, malgré les difficultés du sujet, les prêts peu aisés, les témoignages matériels insuffisants: rendre à !'Orléanais une part de son histoire dont il peut s'enorgueillir et plus largement montrer que même dans des périodes dites sombres, la valeur et la force de quelques-uns entretiennent la flamme qui permet d'avancer. Notre propos est ambitieux. L'abord de périodes si éloignées et si méconnues demandera nécessairement curiosité et quelqu' effort au lecteur. Mais pour partager notre enthousiasme et nous aider à le transmettre, nombreux ont été les chercheurs qui nous ont prêté main forte : les auteurs de ce catalogue et d'éminents spécialistes ont, sans compter, soutenu ce projet. Au-delà de la gratitude sans faille que nous leur vouons, la découverte intriguée et passionnée qu'un vaste public aura envie de faire et de partager, sera, pour eux con1n1e pour nous, la reconnaissance la plus tangible.

Il est toujours tentant de plaquer des jugements obscurantistes sur des périodes mal connues. La France de l'an mil est encore peu peuplée, les hommes cultivés s'abritent dans les monastères, les textes contemporains sont rares, les témoignages matériels sortent à peine du sol et leur étude est encore pour une bonne part à mener. Pourtant, s'appuyant sur ce que les historiens ont appelé la Renaissance carolingienne, profitant d'une période climatique plus favorable et d'une ouverture sur le monde qui s'élargit, l'homme du XIe siècle vit une période de mutation et de progrès fondamentale.

Nous voudrions, pour commencer, remercier Agnès Chevalier, conservateur général, directrice de la Bibliothèque municipale d'Orléans jusqu'en février 2003, pour avoir lancé ce projet et avoir souhaité qu'il fédère les énergies de plusieurs établissements, Michel Marion, conservateur général, son successeur, qui, à son arrivée, l'a repris avec enthousiasme ainsi qu'à Pascale Dupont, archéologue municipale pour son aide.

Autour d'Orléans, capitale pour un temps du nouveau royaume capétien, et de l'abbaye de Fleury, haut-lieu de la chrétienté en Francia occidentalis, c'est toute une région, riche et prospère, qui s'éveille. Pour inscrire ce mouvement dans le temps long qui lui était nécessaire et le montrer, il nous a semblé judicieux de commencer vers 800 avec Théodulfe, évêque d'Orléans et abbé de Fleury. Son exigence intellectuelle et son grand sens administratif et politique préfigurent une vision du royaume où l'intérêt public et le service de Dieu doivent l'emporter.

Immédiatement après, nous ne pouvons que remercier, faiblement au regard du soutien qu'ils nous ont apporté, tous les auteurs de ce catalogue. Ils se sont engagés dans cette aventure et ce travail en nous accordant d'emblée leur entière confiance et en se chargeant de tâches supplémentaires conséquentes pour nous aider à explorer la période, traquer les œuvres à exposer, rédiger des textes et des notices, en se mettant à la portée de tous. Sans eux, rien n'aurait pu se faire.

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Lumières de l'an mil en Orléanais

À ces noms, il faut ajouter ceux des responsables de collections. Nous remercions donc : Berlin, Staatsbibliothek, M. Dieter Lange, conservateur Berne, Bibliothèque de la Bourgeoisie, M. Martin Germann, conservateur Le Puy, évêché, Mgr Henri Brincard Orléans, Archives départementales du Loiret, M. Patrice Marcilloux, directeur Orléans, Service régional de l'archéologie, M. Laurent Bourgeau, directeur Paris, Bibliothèque nationale de France, M. Jean-Noël Jeanneney, président Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, Mgr Angelo Sodano Saint-Benoît-sur-Loire, abbaye de Fleury, père Étienne Ricaud, abbé de Fleury Saint-Benoît-sur-Loire, abbaye de Fleury, dépôt lapidaire, M. Goyet, maire.

Une mention particulière doit être faite à l'intention de Frédéric Beauclair pour la muséographie, à François Lauginie pour la couverture photographique, à l'IRHT et à la Société Arkhenum pour la numérisation des manuscrits d'Orléans et à Christophe Lebbe et aux éditions Brepols pour le catalogue. Nous voudrions également remercier pour leurs conseils et leur appui Brahim Alaoui, Catherine Armingeon, Marie-Paule Arnaud, François Avril, Jean-Noël Barrandon, Dominique Barthélemy, Frère Bertrand, Philippe Blanchard, A. Th. Bouwman, Martin Brunhold, Christian Corvisier, Richard Dagorne, Gilbert Dahan, Jacques Dalarun, Jacques Debal, Frère Lin Donnat, Annie Dufour, Jeannic Durand, Pascale Dupont, Denis Escudier, don Raffaele Farina, Nicolas Fauchère, Philippe Faure, Frère Louis-Marie Gantier, Annie Gobet, Anita Guerreau-Jalabert, Annie Henwood, Catherine Hilliard, Judith Kagan, Gilette Labory, Marie-Pierre Laffitte, Christine Laflorentie, Elisabeth Lalou, Solange Lauzanne, Jean-Luc Leservoisier, Françoise Magny, Françoise Michaud-Fréjaville, Claudia Montuschi, Marco Mostert, Francis Muel, Jean-Daniel Pariset, Ambrogio Piazzoni, Francis Pigeon, Caroline Poulain, Florence Rionnet, Olivier Rolland, Xavier Roy, Olivier Ruffier, Philippe Saulnier, Mireille Schneider, Gérard Singer, Michel Sot, Jean Vezin, Paolo Vian.

Lumières de l'an mil en Orléanais

Ce projet n'a bien sûr pu voir le jour qu'avec l'appui institutionnel et financier : de la Direction des Musées de France, Mme Francine Mariani-Ducray, directrice de la Direction régionale des Affaires culturelles, M. Michel Chalaux, directeur, Annick Lautraite, conseillère pour les musées, Anne Borrel, conseillère chargée du patrimoine littéraire et des archives, du Conseil régional du Centre, M. Alain Rafesthain, président, Mme Marie-Madeleine Miallot, vice-présidente, M. Günther Ludwig, conseiller pour les musées, du Conseil général du Loiret, M. Eric Doligé, président de la Ville d'Orléans, M. Serge Grouard, député du Loiret, maire d'Orléans, M.Marc Champigny, Adjoint au maire d'Orléans, Mme Emilie Bettega, directrice des affaires culturelles de la ville d'Orléans. Enfin, il nous est particulièrement agréable de remercier les Amis des musées d'Orléans et leur président M. Charles Blanc, toujours soucieux et attentifs à soutenir nos projets et toute l'équipe du musée des Beaux-Arts et du Musée historique et archéologique de l'Orléanais et en particulier, pour leur aide, Catherine Gorget et Isabelle Klinka, à la communication et à l'action culturelle et pédagogique, Véronique Galliot-Rateau, Isabelle Roulleau, Bénédicte Coutin et Catherine Rime, à la gestion des prêts, au secrétariat et à la comptabilité, Chantal Furet, Marie-Claude Henry, Véronique Jubin, à la bibliothèque et documentation, Marie-Paule Besle, Raphaëlle Drouhin, Nelly Matras, à la présentation des manuscrits, Cécile Bignon, au montage de l'exposition, Fabrice Clément, Philippe Galifret, Thierry Lasseur, Lionel Préato,Jean-Marc Voinot; nous remercions également le personnel de la Bibliothèque municipale d'Orléans, et tout particulièrement Anne Monginoux, assistante de conservation au fonds ancien. Aurélie Bosc-Lauby, conservateur du fonds ancien de la Bibliothèque municipale d'Orléans Annick Notter, conservateur en chef des musées d'Orléans.

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Sommaire Préface et remercienients

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Auteurs

8

Les grands monastères

L'oratoire de Germigny-des-Prés F. H.-S. et C. S. Une nouvelle lecture de la mosaïque de Germigny-des-Prés F. B. L'abbaye de Saint-Mesmin de Micy aux IXe-xe siècles C. V. Histoire de l'abbaye de Fleury A. D. Le temporel de Fleury de Charlemagne à Louis VI L. Mo. Rapports entre Fleury et les autres monastères d'Europe P. R. L'abbé de Fleury Archembaud et la réforme clunisienne O.G. La vie quotidienne des moines A. D. Le monastère et l'église abbatiale de Fleury E. V. Le sépulcre de saint Benoît à Fleury au Haut Moyen Âge S.]. Les arts précieux à l'abbaye de Fleury D. G.-C.

Carolingiens et Capétiens en Orléanais

Théodulfe C. M. Jonas d'Orléans A. Du. Le sacre de Charles le Chauve A. N. Le monnayage carolingien F. D. D. Les premiers Capétiens et !'Orléanais O. Gj. Abbé contre évêque. Les relations d'Arnoul d'Orléans et d'Abbon de Fleury P. R. La sépulture de Philippe 1er. Réalités de l'embaumement P. G. Le monnayage capétien F. D. D. L'architecture de !'Orléanais dans le temps et l'espace de l'Occident médiéval J.-P. C. Orléans aux

11 19 23 25 29 39 41 43 47

xe-x1c siècles

Géographie d'Orléans au XIe siècle D.]. et L. M. La cathédrale Sainte-Croix avant le XIne siècle. Les données de l'archéologie A. V. La formation du quartier canonial au IXe siècle O. B. Saint-Pierre-Lentin et Saint-Michel M.-F. G. La collégiale royale Saint-Aignan P. M. La crypte de Saint-Avit E. V. La communauté juive aux IXe-xie siècles T. M. et A. N.

121 127 129 133 137 143 147 149 155 173 179

Art, science et savoir

51

Les écoles d'Orléans au XIe siècle C.V. Bibliothèque, scriptorium et enseignement à Fleury A. B. et A. N. Les reliures à Fleury du IXe au Xne siècle J.-L. A. Les matériaux utilisés pour la couleur dans les manuscrits de Fleury P.Ro. L' œuvre intellectuelle d' Ab bon P.R. La grammaire à Fleury A. B. et A. N. Les sciences à Fleury P. G.D. Abbon et le comput E. Po. L'astronomie latine C.J. La cosmographie à Fleury B.O. La musique à Fleury aux xe et XIe siècles M.H. Le droit canonique à Fleury du IXe au XIe siècle G.G. L'hagiographie à Fleury autour de l'an mil M.Go. L'historiographie à Fleury aux xe_Xne siècles C.V.

59 65 69 73 79 81

Campagnes, bourgs et châteaux

Les campagnes orléanaises du xe au milieu du xne siècle Ch. S. 85 Les formes de l'exploitation rurale du IXe au XIe siècle : les exemples de Saran et d'Ingré S.]. 89 Les céramiques en Orléanais du VIIIe au XIe siècle : contexte de production et décors S.]. 95 Beaugency, la Tour César V. M. 103 Beaugency, église Saint-Étienne E. V. 107 Meung-sur-Loire, la tour occidentale de Saint-Liphard F.]. 109 La Chapelle-Saint-Mesmin, église Saint-Mesmin E. V. 111 Les décors peints en Orléanais du IXe au xne siècle C. D. 113

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Annexes

Chronologie Bibliographie Index des noms de personnes Index des noms de lieux Crédits photographiques

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Lumières de l'an mil en Orléanais

Auteurs Jean-Louis Alexandre 0.-L. A.), relieur-restaurateur Aurélie Bosc-Lauby (A. B.), conservateur des bibliothèques, Bibliothèque municipale d'Orléans Olivier Bouzy (O. B.), Centre Jeanne d'Arc, Orléans Jean-François Bradu 0.-F. B.), agrégé d'histoire, Orléans Jean-Pierre Caillet 0.-P. C), professeur d'histoire du Moyen Age à l'université Paris X-Nanterre Frère Anselme Davril (A. D.) o. s. b. Christian Davy (C. D.), chercheur au service régional de l'Inventaire - DRAC Pays de la Loire Alain Dubreucq (A. Du.), professeur d'Histoire du Moyen Age à l'université Jean Moulin Lyon 3, directeur du Centre européen de recherches sur les congrégations et les ordres religieux (CERCOR) Françoise Dumas-Dubourg (F. D. D.), conservateur général honoraire des bibliothèques Marc Étienne (M. E.), conservateur au département des Antiquités égyptiennes, musée du Louvre Danièle Gaborit-Chopin (D. G.-C.), conservateur général au département des Objets d'Art, musée du Louvre Patrick Gautier Dalché (P. G. D.), directeur de recherche au CNRS, IRHT, directeur d'études à l'EPHE, Sciences historiques et philologiques Patrice Georges (P. G.), paléoanthropologue, INRAP, Orléans Martin Germann (M. G.), conservateur de la Bibliotheca Bongarsiana à la Bibliothèque de la Bourgeoisie de Berne Gérard Giordanengo (G. G.), professeur à l'Ecole des Chartes Marie-France Gleizes (M.-F. G.), ingénieur d'étude au Service régional de l'archéologie d'Ile-de-France Monique Goullet (M. Go.), chargée de recherche au CNRS, LAMOP, Paris Olivier Guillot (O. G.), professeur émérite de l'université ParisSorbonne Olivier Guyotjeannin (O. Gj.), professeur à l'Ecole des Chartes François Heber-Suffrin (F. H.-S.), maître de conférence à l'université de Paris-X-Nanterre Michel Huglo (M. H.), directeur de recherche honoraire au CNRS

Lumières de l'an mil en Orléanais

Catherine Jacquemard (C. J.), professeur de latin à l'université de Caen SébastienJesset (S. J.), archéologue, INRAP, Orléans David J osset (D.].), technicien, INRAP, Orléans Florence Juin (F. ].), titulaire d'un DEA Civilisation médiévale Pierre Martin (P. M.), doctorant à l'université de Poitiers Thierry Massat (T. M.), ingénieur INRAP, Orléans Victorine Mataouchek (V. M.), archéologue INRAP, Orléans Laurent Mazuy (L. M.), médiateur culturel, Orléans Frère Christian Ménage (C. M.), o. c. d. Laurent Morelle (L. Mo.), directeur d'études à l'EPHE (Sciences historiques et philologiques) Annick Notter (A. N.), conservateur en chef des musées d'Orléans Barbara Obrist (B. O.), chercheur au CNRS, Centre d'histoire des Sciences - CNRS/EPHE/Université Paris VII Eric Palazzo (E. P.), professeur d'histoire de l'art du Moyen Age à l'université de Poitiers et directeur du CESCM Emmanuel Poulle (E. Po.), membre de l'Institut Pierre Riché (P. R.), professeur émérite de l'université Paris XNanterre Patricia Roger (P. Ro.), ingénieur de recherche au Centre de recherches Ernest Babelon, CNRS Christian Sapin (C. S.), Directeur de recherche au CNRS, Dijon-Auxerre Chantal Senseby (Ch. S.), maître de conférence en histoire médiévale à l'université d'Orléans Patricia Stirnemann (P. S.), CNRS, responsable de la section des sources iconographiques Eliane Vergnolle (E. V.), professeur d'histoire de l'Art médiéval à l'université de Franche-Comté Alain Villes (A. V.), conservateur au Service régional de l'archéologie-DRAC Centre Jocelyne Vilpoux, ingénieur d'études, Service régional de l'archéologie-DRAC Centre Charles Vulliez (C. V.), professeur émérite de l'université de Reims.

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Carolingiens et Capétiens en Orléanais

Bible de Théodulfe. Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. lat. 9380, folio 347.

Lumières de l'an mil en Orléanais

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Théodulfe Lorsqu'André de Fleury, dans les Miracles de saint Benoît, fait au XIe siècle l'éloge de Théodulfe, il retient qu'il fut un« pasteur hors du commun» (pastor egregius) 1 . C'est dans le diocèse d'Orléans qu'il remplit avec zèle sa tâche d'évêque, à l'extrême fin du VIIIe siècle et au début du IXe siècle. Son nom reste pourtant plus attaché encore à l'œuvre poétique, théologique et politique d'envergure qu'il accomplit auprès de Charlemagne et qui en fait l'un des principaux représentants de la Renaissance carolingienne2 .

Théodulfe, un Wisigoth à la cour de Charlemagne Personnage éminent, il n'en est pas moins mystérieux. De ses origines, nous savons peu de choses. Issu du peuple des Wisigoths, qui étaient arrivés dans le sud de la Gaule et la péninsule ibérique au cours des invasions barbares et s'étaient convertis au christianisme, il naquit vraisemblablement vers 760, peut-être en Septimanie, l'actuel Languedoc-Roussillon, ou plus sûrement en Espagne même, à Saragosse. C'est de là qu'il aurait fui devant la menace arabe, en suivant l'armée de Charlemagne lorsqu'elle revint en Gaule, après l'échec de sa campagne, entre 778 et 782. Sa famille nous est aussi inconnue, mais elle devait appartenir à l'élite intellectuelle, si l'on en juge par sa culture, qui lui valut d'être accueilli à la cour de Charlemagne dans les années 780. La cour franque était un milieu favorable à la création poétique, qui était mise en œuvre dans toutes sortes d'écrits, qu'ils soient littéraires ou non. Il nous reste une soixantaine de poèmes attribués avec certitude à Théodulfe 3 . Certains de ses vers témoignent de la verve satirique dont il était capable. Ne craint-il pas de dépeindre les courtisans comme autant d'oiseaux variés : « Que font les cygnes pendant que résonnent ces cris de corbeaux et que retentissent sous mes toits ces nombreux chants ? Tantôt la trompeuse pie simule coupablement la parole humaine; regardant de haut les oiseaux, elle siège au repas sacré. Le perroquet aussi imite de sa voix diverses poésies, souillant tes muses, vénérable Homère. [... ] Tantôt le coucou printanier montre à Phœbé [la lune] ses prunelles ; sa voix qui bégaye résonne en sa gorge, rauque »4 . Il participe aussi à l'active compétition qui existait entre poètes à l'occasion des commandes de Charlemagne. Ce fut le cas lorsqu'il fallut composer une épitaphe pour le pape Hadrien IerS ; mais l' œuvre d' Alcuin, son ami et son rival, l'emporta sur la sienne. Ses poèmes étaient aussi l'occasion d'appuyer le pouvoir du prince, défenseur de l'Église et de la foi, ou bien de lui apporter conseil, au risque de s'opposer à son avis, comme il le fit en 806, lorsque Charlemagne, aux dépens de l'unité de l'Empire, décida qu'après sa mort, celui-ci serait partagé entre ses trois fils Charles, Pépin et Louis 6 .

Il est remarquable que Théodulfe, comme les autres auteurs carolingiens, utilise la poésie dans ses écrits théologiques. Il développe en vers des thèmes scripturaires, s'inspirant par exemple des versets de la seconde épître aux Corinthiens7 . Lorsqu'il introduit plus tard son florilège sur la double procession du Saint-Esprit en 809, sa formulation des relations trinitaires a d'étonnants accents virgiliens : le Fils devient littéralement le «rejeton» (proies) du Père 8 . À la fin de sa vie, il compose le Gloria, laus et honor, chanté à la procession des Rameaux jusqu'au milieu du xxe siècle 9 . L'inspiration de Théodulfe vient souvent d'Ovide, source privilégiée du courant poétique hispanique, ainsi que de Virgile et des poètes chrétiens Juvencus, Prudence, Sedulius et Venance Fortunat. Par ailleurs, il se révèle également comme un grand connaisseur des Pères de l'Église. À la cour, il intervient dans deux débats théologiques majeurs de la dernière décennie du VIIIe siècle. D'une part, la recherche actuelle lui attribue la rédaction partielle voire complète de la réponse de Charlemagne au concile de Nicée II, l' Opus Caroli regis, intitulée plus tard Livres carolins 10 . Ce concile réuni en 787 par l'empereur byzantin Constantin VI essaya de mettre fin à une querelle qui, durant tout le VIIIe siècle, avait secoué l'Empire byzantin, en condamnant la doctrine qui refusait le culte des images, l'iconoclasme. Or l'Église latine n'avait pas connu de telles luttes au sujet de la représentation de Dieu et des saints, et la décision des pères grecs fut incomprise par les Francs, d'autant que la traduction du grec en latin des actes de Nicée II qui parvint aux théologiens carolingiens était fautive, puisque celle-ci laissait entendre que les Orientaux adoraient les images au lieu de les vénérer simplement. La réponse élaborée entre 790 et 793 est un long traité de quatre livres où abondent les citations patristiques et qui attaque vigoureusement la position des Orientaux. Mais Théodulfe n'obtint pas gain de cause puisque le pape Hadrien Ier soutint la position des Grecs. En tout cas, la mosaïque qui décore l'oratoire de la villa qu'il bâtit à Germigny-des-Prés, correspond à la doctrine qui y est exposée : seule la main transpercée du Christ est représentée 11 . Le second débat théologique de l'époque est dû à l'hérésie adoptianiste. Celle-ci apparut au cours des années 780 en Espagne et consistait à affirmer que, dans l'Incarnation, le Verbe en tant qu'homme est le fils adoptif de Dieu, alors que Jésus-Christ est le propre Fils de Dieu tant selon son humanité que selon sa divinité. Charlemagne chargea ses théologiens d'y répondre, et d'abord Alcuin, qui impliqua Théodulfe dans la discussion. Enfin, il reste communément admis qu'il fut envoyé comme missus dominicus avec Leidrat, futur évêque de Lyon, en 798, dans le sud de la Gaule. Il fit un long compte-rendu de cette mission dans un poème de près de mille vers 12 , les Vers contre les juges, où il montre comment rendre la justice et décrit les villes qu'il a traversées, de Lyon à Carcassonne.

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Lumières de l'an mil en Orléanais

seront pas les derniers de sa main et ne prétendent pas détourner leurs destinataires du labeur de l'étude, mais Théodulfe sait que sa charge pastorale ne lui laisse plus assez de temps: «Voici que les solennités d'une si grande fète, vénérables aux pieux, ne nous laissent plus beaucoup versifier »15 . Sans doute fut-il influencé dès le début de son épiscopat par la lecture d'un texte très diffusé, dont il disposait, puisqu'il le cite dans son florilège de 809, le traité Sur la vie contemplative de Julien Pomère écrit dans la seconde moitié du vesiècle 16. L'objet du premier livre de cet ouvrage est de montrer que l'évêque et le prêtre peuvent mener une vie contemplative en évi~ant les occupations mondaines et en se livrant à la lecture de !'Ecriture sainte. C'est une mine de considérations sur le devoir qu'ils ont d'enseigner le peuple chrétien. Il composa lui-même un traité en vers à l'usage des évêques, dont ne sont conservés qu'une partie du livre III et le livre IV (poèmes I et II) et qui décrivent les qualités morales et intellectuelles du bon prélat. Il aime à rappeler que la norme du comportement chrétien se trouve dans l'Évangile, c'est pourquoi, dans un poème sur la Bible, il s'adresse ainsi aux prêtres: « Puisses-tu méditer fréquemment la Sainte Loi, suis ses commandements nuit et jour. [ ... ] Tu corriges les actes d'autrui, qu' elle corrige les tiens »17 .

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29- Denier à légende chrétienne S D-IDEXTRABE, Porte de ville NEIDIICITA de part et d'autre et à l'intérieur RIS i\VRE~i\NIS CIVITL\, croix pattée, A et W appendus aux bras horizontaux D . 22 mm ; P. 1,30 g Orléans, musée historique et archéologique de !'Orléanais, inv. 7524.

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Dans la légende du droit, besant sans le x Bibl. : Poey d'Avant, 1858, pl. II, 17.

30- Obole à légende chrétienne

WIO#X,.111\BI NEIDIIC I TA autour et dans la porte de ville RI + i\VRELIL\NIS CIVTi\, croix aux bras horizontaux de laquelle sont appendus un alpha et un oméga dans un grènetis D . 17 mm ; P. 0,70 g Orléans, musée historique et archéologique de !'Orléanais, inv. 15786. Bibl. : Poey d'Avant, 1858, pl. Il, 18.

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Lumières de l'an mil en Orléanais

31- Philippe 1er +D-I REX PHI~PVS, NE/D/IC/TA autour et dans la porte de ville R/ +AVRE~ANIS CIVITAS, croix pattée aux bras horizontaux de laquelle sont appendus deux croisettes D . 23 mm; P. 1,20 g Orléans, musée historique et archéologique de !'Orléanais, inv. 17169. Bibl. : Lafaurie, 1952, 70.

32- Philippe 1er +PHI~PVS

X REX v-1, NE/D/IC/TA autour et dans la porte

de ville R/ AVRE ~ANIS CIVITA, croix pattée, cantonnée d'un Sen 1 et 4, dans un grènetis D . 20 mm; P. 0,90 g Orléans, musée historique et archéologique de !'Orléanais, inv. 7526. Le X très allongé est maintenu, sans nécessité, sur les pièces de Philippe Ier. Bibl. : Lafaurie, 1952, 68.

33- Louis VI + LVDOVICVS REX 1, porte de ville accostée de deux croissants, pointe en bas, sommée d'un annelet, trois besants superposés à l'intérieur, dans un grènetis +AVRE ~ANIS CIVTAS croix pattée, cantonnée d'un V en 2, d'un annelet en 3, dans un grènetis D . 20 mm ; P. 0,90 g Orléans, musée historique et archéologique de !'Orléanais, inv. 10823. Le I en fin de légende du droit, déjà relevé sur des deniers d'Eudes (n°16, inv.15779) n'appelle pas d'interprétation particulière. Bibl. : Lafaurie, 1952, 130.

34- Louis VI M ême droit R/ +AVRE~ANIS CIVITAS, la croix est cantonnée en 2 d'un annelet, en 3 d'un A, dans un grènetis D. 20 mm; P. 1,00 g Orléans, musée historique et archéologique de !'Orléanais, inv. 3988. Bibl. : Lafaurie, 1952, 130.

Lumières de l'an mil en Orléanais

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L'architectur e de l'Orléanais dans le temps et l'espace de l'Occident médiéval C'est naturellement avec la mater ecclesia du diocèse que nous ouvrirons ce panorama; et cela nous permet d'emblée de jeter un pont entre les développements initiaux de l'architecture chrétienne et le temps de sa maturité. La cathédrale primitive était restée debout jusqu'à l'incendie de 989; il s'agissait d'un édifice de dimensions déjà considérables, et de parti assez exceptionnel puisque son schéma cruciforme avait probablement été inspiré par la prestigieuse basilique des Saints-Apôtres de Milan, œuvre de saint Ambroise. La nouvelle cathédrale de l'an mil devait reprendre ces deux traits ; ce faisant, elle allait pouvoir rivaliser avec les grands sanctuaires du monde germanique contemporain; mais avec un chœur sensiblement allongé audelà du transept, Sainte-Croix s'engageait davantage que ces derniers dans les voies du gothique. A cet égard donc, le milieu orléanais offre une attestation des plus intéressantes du phénomène de l'ancrage des architectes du Moyen Âge classique dans la grande tradition des origines, ancrage dont on s'accorde aujourd'hui à reconnaître l'importance. Au XIIe siècle, NotreDame de Beaugency manifeste aussi, d'ailleurs, l'impact de ces lointains modèles : car c'est bien le noble parti de la colonne à l'antique que l'on y privilégie; et, au bénéfice de l'éclairage ainsi que de la légèreté des murs qui caractérisaient également les grands vaisseaux paléochrétiens, on y avait initialement préféré un couvrement de charpente à une voûte. Mais cette réactualisation des principes originels ne résume pas toute la richesse du potentiel régional; et il faut prendre en compte les multiples autres avancées qui précisément s'opèrent aux siècles qui nous occupent. Nous repartirons des environs de 800, pour lesquels l'oratoire de Théodulfe à Germigny constitue un témoignage d'autant plus précieux que les édifices conservés de cette époque sont extrêmement rares. Certes, les modifications médiévales postérieures, puis l'intervention des restaurateurs du xrxe siècle, ont fait que nous ne disposons plus que d'un reflet de l'état premier. Du moins peut-on encore spéculer sur ce qui a pu inspirer ce schéma assez insolite, dans le contexte de l'architecture carolingienne ; les origines même de Théodulfe incitent à se tourner vers les réalisations haut-médiévales hispaniques : la nette délimitation des volumes internes dans des constructions souvent proches du plan centré, la projection d'exèdres de chaque côté du corps principal, ainsi que, parfois, le développement d'une tour de croisée, y sont en effet bien attestés. Quant à la période romane, !'Orléanais se distingue sinon par l'invention, en tout cas par l'adoption et le développement rapides de plusieurs formules appelées à un succès considérable. Il s'agit surtout de l'articulation des deux extrémités de l'édifice cultuel. Pour ce qui est du pôle occidental, Saint-Benoît-surLoire apparaît, à côté de Saint-Père de Chartres ou de Saint-Germain-des-Prés à Paris, comme l'une des plus remar-

quables variantes de ces tours-porches de la première moitié du XIe siècle. Le monument ligérien a bien sûr pâti de l'amputation de sa partie supérieure; mais il offre en revanche l'intérêt du déploiement d'un décor sculpté des plus précoces, où les chapiteaux historiés à thématique déjà très diversifiée se combinent à des réinterprétations magistrales du corinthien antique. Notons au passage que cette rnaîtrise dans la taille de la pierre se manifeste aussi, dans l'architecture même de la tour de Saint-Benoît, par le recours à l'appareillage régulier pour les piles et structures murales : avec la crypte de la cathédrale d'Auxerre, ce sont là les prémices d'une technicité qui, pour les édifices de notable importance du moins, va se généraliser. La scansion de la façade par deux tours jumelles, autre formule majeure du pôle occidental et marque future des grandes réalisations de l'apogée gothique, n'est pas non plus ignorée dans la région : c'est ce que présentait la cathédrale dont nous évoquions plus haut la reconstruction après 989; les tours en question, dans leur conception première, pourraient d'ailleurs bien remonter aux environs de 1030. Quant au pôle oriental, les mêmes décennies cruciales 10201030 sont illustrées à Orléans par les deux partis principaux, également, de dédoublement des niveaux: à Saint-Avit, on a affaire à la surimposition du chœur à une crypte-halle du type de celles que l'on observe pour le même temps, sans doute, à Notre-Dame d'Étampes et, à plusieurs exemplaires, en Italie du Nord; à Saint-Aignan, le schéma s'avère plus élaboré, avec un déambulatoire à chapelles rayonnantes en périphérie (ce sera le schéma privilégié, à un seul niveau alors, dans les grandes églises dites «de pèlerinage » de l'Ouest et du Sud-Ouest de la France, et dans bien d'autres encore). Ces diverses solutions dérivent d'antécédents carolingiens, eux-mêmes souvent tributaires d'expérimentations paléochrétiennes : ainsi, dès le rxe siècle, le nord-ouest de la Neustrie (soit l'actuelle Normandie) avait exploité le parti de la tour de façade unique à Fontenelle/Saint-Wandrille, et celui des tours jumelles à Jumièges; et la Bourgogne développait, à Saint-Germain d'Auxerre ou Flavigny, le système des cryptes à espace central triparti et circulation périphérique desservant plusieurs chapelles. Ce sont naturellement toujours des impératifs d'ordre cultuel - exaltation de reliques, implantation de multiples autels, accroissement numérique des communautés monastiques ou canoniales - qui, dans une large mesure, ont conditionné ces dispositifs; mais le souci de représentativité n'a pas non plus manqué de jouer: songeons à Gauzlin, qui voulait que sa tour de SaintBenoît soit un modèle pour toute la Gaule ... Les préoccupations ostentatoires, conjuguées alors aux nécessités de la défense, déterminent aussi les principaux aspects de l'architecture castrale, dont !'Orléanais offre des exemples non moins représentatifs d'une évolution qui intéresse l'ensemble de l'Occident. Le type le plus répandu est celui de la motte, dont

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Lumières de l'an mil en Orléanais

l'ém ergen ce a dû intervenir dès avant l'an mil, et qui p erdure au moins jusqu 'au XIIe siècle. Insistons bien sur le fait que ces tertres, couronnés d' une tour le plus souvent de bois, n 'avaient pas d'usage résidentiel : ils servaient de postes de guet ou de repli ultime en cas d'attaque (la célèbre broderie de Bayeux , de la fin du XIe siècle, en m ontre plusieurs exemples); et c'est donc dans la basse-cour contiguë que se trouvaient les unités d'habitat. Indépendamment de ces structures détenues en maj orité par des seigneurs du plus bas niveau de la hiérarchie féodale, un parti plus ambitieux semble avoir été mis en œ uvre à Vitry-aux-Loges, villa carolingienne devenue résidence royale de Robert le Pieux puis d'Henri Ier_ Il est possible que l'on ait eu affaire à quelqu e chose de semblable à ce que présente le site de Doué-la-Fontaine en Anj ou : soit un bâtiment de pierre de plan proche du carré, à un seul niveau vers 900 puis surélevé dans le cours du x e siècle ; ce qui constituait don c l'ébauch e d'un donj on , incorporant cette fois des espaces proprement résidentiels. L'expression aboutie de ce système se ren-

contre dans le milieu de la Loire inférieure, à n ouveau , avec l' exemple de Loch es vers 1035. L'Ouest de la France s'avère donc avoir été, avec la C atalogn e, la Rhénanie et peut-être la Normandie, un secteur « en pointe» dans ce processus de définition d ' une forme emblématique de l'architecture seigneuriale ; et c'est exactem ent dans la diffusio n de ce courant que s'inscrit le magnifique donj on de Beaugency vers la fin du XIe siècle. Il est fo rt rare qu' une région, prise dans la perspective la plus resserrée autour de son chef-lieu , offre un tel éventail de réalisations hautem ent significatives dans les champs de l'architecture religieuse aussi bien que de l'architecture m ilitaire. Le territoire d'élection des premiers Capétiens se place tout à fait dans ce cas optimal ; ce qui s'accorde logiquement , au fond , avec le statut de capitale d'une j eune dynastie soucieuse de rapiJ.-P. C. de affirmation.

Chapiteau de la tour-porche, Saint-Benoît-sur-Loire, abbatiale Notre-Dame.

Lumières de l'an mil en Orléanais

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Orléans aux xe-x1e siècles

Géographie d'Orléans au XIe siècle Cette étude propose une radioscopie de la ville d'Orléans au issue de l'analyse en quatorze plans successifs des différents temps d'urbanisme de l'agglomération.

xre siècle,

modernes et contemporains. Certains éléments dégagés confirment et prolongent la pertinence des observations émises par les équipes scientifiques du Service régional de l'archéologie et de !'Inventaire au cours des années quatre-vingts.

Les hypothèses formulées naissent de l'analyse de l'ensemble des données archéologiques 1 comparées aux cadastres et aux plans

La topographie du site historique

Fo nd d e plan, cadastre de 182 3 Courbes d e n iveau du

x1x• siè cle

_.,_ Talwegs Crête de coteau

Trait d e berge naturelle

La ville d'Orléans est située sur la partie septentrionale de l'axe ligérien . Sa topographie est caractérisée p ar deux reliefs : du nord au sud un coteau et d'est en ouest des vallons dont les rues de la Tour-Neuve , de la Poterne, Sainte-Catherine et Notre-Dam e-de-Recouvrance tracent, aujourd'hui, les talwegs. Les fouilles du quartier D essaux (sites de l'îlot du J eu- de- Paume et de l'îlot Nazareth) p ermettent d'identifier un trait de berge en retrait des quais actuels d'environ 80 m ètres.

0

Site de l 'ïlot du Jeu -de -Pa ume

f)

Site de l'îlo t Nazareth

Les estampes de la p ériode moderne donnent à voir, au centre du fleuve, une île pourvue de constructions diverses et sur laquelle s'appuie le pont m édiéval. Le sud de la Loire apparaît comme une vaste étendue inondable, ponctuée de buttes insubmersibles.

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L umières de l'an mil en Orléanais

L'oppidum gaulois

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Axe commercial

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Distribution vers la Beauce

Fouilles archéol ogiques :

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Occupation ga uloise

Pont



Orléans prend son essor au cours du ne siècle avant J.-C. (fig. 2). à cette époque, les traces matérielles montrent une entité culturelle carnute homogène, alors que cette agglomération se caractérise par des liens commerciaux privilégiés par l'axe ligérien avec le territoire arverne. La nature des occupations attestées, l'absence de b âti et d'objet isolé à l'est du site et au sud du fleuve, permettent de tracer une sphère urbaine à!' ouest, doublée d'un centre de gravité en bord de fleuve. Dans la première moitié du 1er siècle avant J.-C. (fig. 3), on constate la permanence et le renforcement de ces caractères (occupation à l'ouest et en bord de Loire) . L'oppidum2 , dont les limites restent à découvrir, pourrait être implanté dans le centre de gravité primitif, entre les talwegs marqués aujourd'hui par les rues de la Poterne (est) et Notre-Dame-de-Recouvrance (ouest).

Lumières de l'an mil en Orléanais

Objet iso lé

Absence d'occupation gauloise

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Site du Ri o

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Site de / 'Îlot Saint- Germa in

Durant cette période, on constate l'apparition, juste avant la conquête, d'une occupation au niveau de l'actuelle Préfecture (site du Rio) mais aussi l'abandon, vers - 80, des bâtiments situés en contrebas (site de l'îlot Saint-Germain). Ces événements témoignent-t-ils de la création d'une limite (rempart?) à l'ouest et de l'installation d'une entrée de ville sur le plateau? La présence à la fin de la période gauloise de céramiques issues des territoires sénons et édu ens3 atteste une nouvelle relation commerciale venant de l'est, notamment par voie terrestre. Des axes de circulation du milieu du Il' siècle avant J.-C. (site du Châtelet) convergeant vers la tête nord du futur pont galloromain suggèrent l'existence d'un tel ouvrage dès - 150, à moins qu'une activité portuaire, probablement située en contrebas des actuels quartiers du Châtelet et de la Charpenterie, ne suffise à créer un point cl' attraction.

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La romanisation de la ville

Occupation du 1er siècle après 1. -C. .,..,.-

Rue gallo-romaine Édifice de spectacle Terrasse (" proto-forum" 7)

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La romanisation est marquée, au cours du rer siècle de notre ère (fig. 4), par l'expansion de l'espace urbain et la création de bâtiments publics à l'est de la ville : édifice de spectacle, port, « proto-forum ». .. Ce nouveau temps dans l'urbanisme voit également apparaître des quartiers au nord du « proto-forum » (site de Saint-Pierre-Lentin) et au nord-est de la ville (site de SaintEuverte).

Place Port attesté Bord du quai Extension de la ville gallo-romaine

L'extension de la cité vers l'est peut être vue comme l' émergence d'une «ville nouvelle» accolée à la sphère primitive. Le « proto-forum » apparaît comme le point de contact entre deux temps urbains. Il faut noter également la différence de forme (parcelles, types de constructions) et probablement de fonction qui caractérisent les marges est et ouest de la ville. '

Voie du milieu du 11• siècle avant 1.-C.

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Voie de la première moitié du I"' siècle avant 1.-C.

. \ - - Rue du Ier siècle après 1.-C. Rues du cadastre correspondant aux

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Le plan 5 figure les orientations antiques reproduites par le tracé des rues du cadastre de 1823. La première (violette, II" siècle avant J.-C.) confirme l' ouverture vers le cœur du territoire carnute.

......



La deuxième (verte, l" siècle avant J-C.) témoigne d'un changement d'orientation des axes. La troisième (marron, l" siècle de notre ère) atteste le développement de la ville vers l'est.

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Lumières de l'an mil en Orléanais

Le rempart du Bas-Empire Le rempart (fig. 6), construit dans la seconde moitié du rve siècle4, dessine un rectangle axé est-ouest. Son implantation utilise les vallons (rues de la Tour-Neuve à l'est et Sainte-Catherine à l'ouest). Ses portes connues sont réparties suivant des axes structurants du Haut-Empire: cardo (rue de la Poterne), decumanus (rue de Bourgogne) et artères économiques (rues des Gobelets et de l'Université, rues de l'Empereur et de la Charpenterie). De ce point de vue, l'enceinte peut être envisagée comme une homothétie du « proto-forum »5 . Le rempart, ouvrage défensif par nature, témoigne aussi de l'importance et de la richesse d'une ville qui accède dans le même temps au statut de chef-lieu de cité dont le premier évêque est attesté en 343.

Tracé attesté du rempar t Tra cé supposé du rempa rt Hyp o th èse d'emplaceme nt du "p roto - forum" du 1•r siècle Axe structurant gallo-ro main

Orléans à l'époque mérovingienne L'angle nord-est de l'enceinte est occupé au VII' siècle par un édifice religieux interprété comme la cathédrale (fig. 7). Grégoire de Tours parle de deux monastères situés hors les murs à!' est : Saint-Aignan et Saint-Avit. Au regard des découvertes archéologiques, il faut souligner l'homogénéité de la texture urbaine entre le Bas-Empire et le Haut Moyen Âge. Elle associe des espaces non construits et des bâtiments dont les dimensions et les matériaux témoignent de l'opulence. D 'autres observations attestent la présence d'artisanats multiples : forge, . ... . (?) . , verrene tannene On relève aussi la mention de vignes et d'un moulin intra muros6 .

Espace bâ t i Espace lib r e d e const r uction

1 - Saint-Aig nan (basilique)

12 - Saint-Liphard (m onast ère)

23 - Sainte-Colombe (église)

2 - Sain t -Avit (basiliq ue)

13 - Saint-Marcea u (monastère)

24 - Notre - Dame- du -Chemin (ég lise)

3 - Sain t- Étienn e (église)

14 - Saint-M esmin -de -l'A lleu (chapelle)

25 - Notr e-Dame-d es-Forges (ég lise)

4 - Saint-Martin - Cuisse-de-Va che (monastère)

15 - Saint-Michel (chap elle fun éra ire)

26 - Sai nt- Don atien (église)

5 - Sa int- Mesm in (abbay e)

16 - Sai n t-Pierre- d es- Homm es (monastèr e)

27 - Sai n t - Élo i (égl ise)

6 - Saint-Laurent (monas t èr e)

17 - Saint-Pierre-Len t in (ég lise)

28 - Saint-Évro ult

7 - Saint-Symp horien (m onast ère)

18 - Saint-Pierre-le- Pue/lier (m onastère)

29 - Sai n t -Flou (église)

Saint- M ar c (église) - h o rs ca r te, au nord-es t

19 - Saint-Serge-e t -Bacchus (monastère)

30 - Saint-Hilaire (église)

8 - No tre-Dame -de - Bon n e-No uvelle (mo nastère)

20 - Sain t -Sulpice (église)

31 - Sain t - M aclou

9 - Saint-Euverte (chapelle)

21 - Sa in t -Vincen t (mona stère)

1 O - Saint- Gerva is (m o nast èr e) 11 - Saint-Jea n (m onastèr e)

La Magd elein e (h ôpit al) - hors carte, à l'o ues t 22 - Sain t-BenoÎt- d u -Ret o ur

32 - Saint- Pa t erne (église) 33 - Sa in t -Pa u / (église)

34 - Saint-Pierre- Ensente lée (ég lise)

Les datations des édifices religieux sont issues d'un inventaire des mentions (Michel Philippe) et de la carte "Orléans avant 1108" (Dominique Petit) dans Orléans, 1987.

Lumières de l'an mil en Orléanais

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Orléans au IXe siècle Les établissements religieux s'installent majoritairement à l' est du rempart (dans et à l'extérieur de celui-ci) et sur les grands axes à la périphérie de l'ancienne ville gallo-romaine (fig. 8). Les routes de Paris et de C hartres semblent être également des points de fixation. Deux monastères occupent l'espace supposé de l'ancien « proto-forum » et une série d'édifices religieux7 en relation avec le quartier canonial (du nord au sud : la chapelle funéraire SaintMichel, la cathédrale et l'église Saint-Pierre-Lentin) ponctue l'axe de l'ancien cardo. La reprise des espaces emblématiqu es gallo- romains par le pouvoir religieux, relève tout autant d'un désir de légitimité que d'une volonté politique d'affichage et de contrôle. -

Quartier canonial

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Sphère dessinée par les bâtim en ts publics gallo-roma ins Exten sion de la ville g allo-romain e

L'utilisation jusqu'au xne siècle de la porte gallo- romaine située dans la partie sud- o uest du rempart montre une circulation est- ouest, entre l'extra et l' intra muras, entre l'aval et l'amont du pont (fig. 9) . La permanence de ce dernier est attestée par la découverte d'un scramasaxe du VII' siècle dans l'une des piles. Ces distributions, l'existence au xe siècle d'un bourg (Avenum) à l' ou est du rempart et la présence de places à la période médiévale confirment le caractère marchand de cette partie de la ville. Ce secteur semble s'inscrire dans l'ancien centre de gravité gaulois.

Bourg d'Avenum

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Place

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Sur le cadastre de 1823, les surfaces bâties à l'intérieur de la muraille se distribuent autour de l'ancien« proto-forum »selon des modules rectangulaires (orientés est-ouest et nord- sud) qui attestent la permanence de l'espace viaire gallo- romain (fig. 10). On remarque par ailleurs que les zones où cette trame n' est pas clairement lisible correspondent à l'emplacement du quartier canonial (angle nord-est du rempart), du monastère Saint-Pierre-lePuellier (angle sud-est du rempart) et de la tête nord du pont (angle sud- ouest du rempart) . On note également (fig. 5) la survivance d'une orientation gauloise au sud et au sud-est.

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L umières de l'an mil en Orléanais

Hypothèse sur l'angle sud-ouest du rempart au IXe siècle

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Fossé (fo uille du Châtelet) Église Bâtiment public

Sas Place

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La fouille du C hâtelet a mis au jour un tronçon de fossé de quatre m ètres de largeur et de trois mètres de profondeur dont l' utilisation est comprise entre le VIIF et le XF siècle. Une analyse du plan de Legrand (XVUie siècle) permet deux observations (fig. 11) : - La tête nord du J?Ont débouche sur une petite place donnant sur plusieurs rues. A l'ouest, un îlot rectangulaire empêche tout contact avec l'angle du rempart. E nfin, au centre du quartier, on remarque une grande place située en face de l'ancienne porte ouest gallo-romaine, coiffée d'un espace indécis. - D eux églises sont implantées au nord et un ensemble de bâtiments publics (prévôté, prison et C hâtelet) sont alignés contre le segment ouest de l'en ceinte.

Ces éléments (limites et distribution des espaces et des fonctions) perm ettent de formuler l'hypothèse d'un sas empêchant, entre autre, tout contact direct entre le pont et la porte ouest (fig. 12). Un tel dispositif peut être envisagé indépendamment de la présence du Châtelet que la tradition fait pourtant remonter en ces lieux au IXe siècle. Le sas et le pont ouvrent chacun sur une place qui distribue un schéma identique de rues. L'intérêt de ce dispositif revêt deux asp ects : l'un défensif (les raids normands atteignent Tours en 853 et Orléans en 856) et l'autre politique (contrôle des flux, des biens et des personnes) .

Orléans au XIe siècle

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500

La ville du Xle siècle est l'aboutissement d' un nouveau temps de gestion des espaces et d'implantation des pouvoirs (fig. 13). Ce processus, commencé à la fin de la période gallo-romaine, a notamment co ntribué à fossiliser les distributions de la ville antique. La partie intra muras dem eure une zone de contact entre deux temps d' urbanisme, l'un matériel à l'ouest (avec le bourg d'Avenum) et l'autre spirituel à l'est (avec les monastères Saint-Aignan et SaintEuverte)8. La muraille, inchangée depuis le IVe siècle, est restaurée à l'époque carolingienne et les églises, implantées aux xc et x re siècl es, suivent son tracé ouest. C'est probablement à cette période qu 'une synagogue est construite au coeur de la ville (dans l'ancien « proto-forum ») entre deux monastères et à l'intersection des axes conunerciaux : ouest , nord et est. Suite à l'incendie de 989, d'importantes campagnes de constructions et de reconstructions voient le jour sous l'égide de Robert le Pieux . Ces travaux affirment la parure monumentale de la ville et fixent le paysage urbain.

Sy nagogue

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Lumières de l'an mil en Orléanais

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Ville haute Ville basse

Grammaire urbaine ?

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Ville marchande Ville religieuse

évolution. Cette particularité, renforcée par le jeu des communications internes d'un espace régi par les contraintes physiques d'une enceinte et d'une trame d'îlots, peut expliquer pour partie la dynamique du bâti (succession dans le temps et dans l'espace de constructions et d'abandons) jusqu'à l'implantation du parcellaire médiéval au XIII' siècle. D. J. et L. M.

La ville remparée conjugue l'interaction et la superposition de deux types de distribution : nord-sud (ville haute/ ville basse) et est-ouest (ville religieuse/ville marchande) (fig. 14) . La différence de nature (topographie et fonction) de ce schéma donne à chaque quart de cette zone un temps propre à son

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Église Sa1nt·P1erre-Lentin Campo Santo Église Sa1nt-M1chel Châtelet (centre commercial) Mail poth1er

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Cette étude n'aurait pu être possible sans le travail et les analyses de l'ensemble des équipes scientifiques. Dans La Guerre des Gaules, Jules César décrit Cenabum (Orléaris) comme un oppidum pourvu de portes et parcouru de rues étroites menarit au pont. Riquier, 2003. Étienne, 1994 (2), Olanier-Rialland, 1994, Olanier- Rialland, 1994 (2) , Randoin, 1994.

48 72 78 80 81 83 92 93 94 - - - 97 101 102 103 105 106

Palais de 1ust1ce Place Louis XI-Sainte-Catherine llôt Sa1nt-Germa1n 9 rue Tudelle Place du Martroi Lycée Sa1nt-Euverte

25,Arue Z D Tudelle Saint-Marceau Les jardins du théâtre 191 , rue de Bourgogne 6ter, rue Croix-de-Bois Dessaux-ilôt du jeu-de-Paume Dessaux-ilôt Nazareth Rue Saint-Flou "Tour Blanche" Centre de conférence llôt de la Charpenterie Rue Porte-Madeleine 18, rue Porte-Saint-Jean Halles Châtelet (square) Boulevard Rocheplatte 10, Boulevard Rocheplatte Rue des Cordiers Place De-Gaulle

1977-1979 1978 1979-1980 1973-1975 1980-1981

1980-1981 1981 1983-1984 1982 1985-1986 1989/1996 1989 1989 1990 1996 1996 1993 1994 1995-1998 1997-1998 1997 à 2000 1998-1999 1998-1999 2001 2000 2000 2003 2001

5

Orléans, 2003. Michel Philippe, étude en cours. 7 M assat, 2002. 8 Petit, dans Orléans, 1987, p. 80. Bibl. : Étienne, 1994 (2) ; Olanier-Rialland, 1994 ; Olanier-Rialland, 1994 (2) ; R aridoin, 1994 ; Riquier, 2003. Exp. : Orléans, 2003. 6

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Fig. 1. Plan de la cathédrale romane, reconstitué d'après les éléments (en noir) de murs et fondations mis au jour lors des fouilles Dusserre et Chenesseau, superposé au plan de la cathédrale actuelle (d'après Brun, 1974).

Lumières de l'an mil en Orléanais

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La cathédrale Sainte-Croix avant le XIIIe siècle. Les données de l'archéologie Le sous-sol de la cathédrale d'Orléans a fait l'objet de fouilles, dans la nef et le bras nord du transept en 1889-1890, lors de la création du calorifère, puis dans le chœur, sous la direction du chanoine Georges Chenesseau, de 1938 à 1942. Ces fouilles ont permis de dégager des éléments très importants des fondations et même des sols et premières assises, selon le cas, des édifices antérieurs à l'actuel. Elles ont servi de base à des reconstitutions architecturales diverses, mais n'ont j amais été publiées de manière exhaustive. A l'occasion de l'exposition Orléans et les premiers Capétiens, des interventions complémentaires mais limitées et malheureusement encore inédites, ont eu lieu, en 1986, sur les vestiges restés accessibles dans l'espace archéologique aménagé sous le chœur. Elles ont apporté des éléments tout à fait nouveaux pour la datation des restes de mosaïques et du m ur antique ayant servi de fondation et de limite aux chevets de l'église à l'époque carolingienne et romane. Nous nous bornerons, dans la présente notice, à un rappel des données archéologiques.

La cathédrale Sainte-Croix, avant l'incendie de 989 Ses dispositions ont pu jouer un rôle dans la reconstruction complète de la cathédrale après le grand incendie de 989. On ne peut suivre la reconstitution optimiste faite par G. Chenesseau del' église du rve-ve siècle, attribuée à saint Euverte 1 . Car si une cathédrale est attestée intra muros peu avant 451, rien ne permet de savoir si elle était déjà à l'emplacement de l'actuelle. Le culte de la relique de la Croix, sous l'impulsion de sainte Radegonde, est postérieur de près d'un siècle à la fondation attribuée au quatrième évêque d'Orléans2 . L'hypothèse d'une première cathédrale, placée sous le vocable Saint-Étienne a été avancée, mais la mention n'en apparaît qu'à partir du xresiècle, dans le cadre de la propagande destinée à rappeler les prérogatives de la métropolitaine de Sens sur le siège épiscopal d'Orléans. On ne p eut l'identifier à l'église Saint-Étienne, dont le chevet s'appuyait à l'enceinte du Bas-Empire, an nord de l'ancienne porte de Bourgogne. D e même, il faut faire justice, avec J ean- Charles Picard, de l'hypothèse d'un groupe épiscopal paléochrétien, même si le groupement des trois vocables SaintJ ean, Saint-Étienne et Notre-Dam e, dans le périmètre du quart nord-est de l'an cien castrum, est troublant3 . Ces dédicaces se rapportent à des églises assez distantes les unes des autres et dont l'antériorité à l'époque mérovingienne ou carolingienne n'est pas vérifiée4. Le vocable Sainte-Croix n'est attesté au plus tôt qu'au tournant du vrnesiècle, par des monnaies, et confirmé peu après par un diplôme de Louis le Pieux en 8145 . L'attribution d'une relique de la croix à la cathédrale a pu entraîner un changement de vocable et engen drer la légende, si ch ère à l'Église orléanaise jusqu'à la fin del' Ancien Régime, de la bénédiction

de l'église d'Euverte par la main même de Dieu. L'hypothèse d'une reconstruction complète de l'édifice 6 , à la suite de cette dotation et à l'initiative del' évêque Théodulfe, n'est fondée sur aucune source sûre. Il est cependant fort probable que la cathédrale ait connu des embellissements, à l'occasion des réparations rendues nécessaires par les incendies et les invasions normandes du rxesiècle. Par ailleurs, les restitutions du plan de l' église carolingienne, notamment l'agrandissement de l'édifice paléochrétien sous forme de rotonde, comptent parmi les plus discutables de G . Chenesseau, sur la base des données purement archéologiques. De même, le doute le plus complet subsiste sur l'interprétation, par cet auteur, des restes de murs antiques découverts dans le chœur comme éléments d'une basilique primitive (IVe siècle) . En effet, ces murs remontent en réalité au 1er siècle. Même si le bâtiment correspondant peut avoir été réutilisé à l'époque paléochrétienne, ils ne constituent pas la preuve, dans l'état actuel des données, d'une implantation du site de la cathédrale actuelle dans l'un des quartiers centraux de la ville antique. Il est fort possible que la description de la cathédrale contenue dans la version du IXe siècle de la Vita de saint Euverte se rapporte à l'église d'époque mérovingienne et carolingienne. Elle fait état d'un édifice assez somptueux pour suggérer une reconstruction par Théodulfe . J.-Ch. Picard a même conclu à une reconstruction complète, au cours du vnesiècle, sur le modèle des Saints-Apôtres de Milan. Les auteurs, en tous cas, s'accordent pour voir dans cette cathédrale une construction de plan crucifo rme et de dimensions très importantes pour l'époque. C'est également à cet édifice que se rapportent les vestiges de mosaïque visibles dans la « crypte » actuelle qui remontent aux substructions du Haut-Empire. Elle a été réutilisée, avec ajout de l'inscription, comme parure en hémicycle du sol de l' abside préromane qui s'appuyait sur le gros mur antique, dont la fondation est encore bien sensible dans la « crypte» et où G . Chenesseau voyait la façade ouest de la basilique de saint Euverte7 . Quoi qu'il en soit des reconstitutions, l'église encore debout au début de l'abbatiat d'Abbon de Fleury, et dont, curieusement, les vestiges sont difficiles à saisir à travers les données de fouille, a joué un rôle important à l' époque où le pouvoir royal passe des derniers Carolingiens aux premiers Capétiens. Sainte- Croix voit en effet le sacre de Charles le Chauve en 848, puis celui d'Eudes en 888, fils de Robert le Fort (arrière- grand-père de Hugues Capet) . Si Hugues Capet est sacré à Noyon en 987, c'est à Sainte-Croix, et de la main du même archevêque de Reims, Adalbéron, qu'il fait oindre son fils Robert II le Pieux , qui avait été baptisé dans la cath édrale en 970. C'est encore dans Sainte-Croix que Louis VI le Gros reçoit l'onction royale en 1108.

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Lumières de 1'an mil en Orléanais

La cathédrale romane Après l'incendie de 989, la reconstruction a été entreprise par l'évêque Arnoul II (987-1003), sans doute avec l'appui d'Hugues Capet et de Robert le Pieux8 . Les fondations et parties basses des piles de cette nouvelle église ont été reconnues, sur plusieurs mètres de hauteur, d'abord lors des fouilles de 1889-1890, sous la direction de l'architecte Dusserre. Cellesci ont mis au jour partiellement les cinq dernières piles de la nef côté sud, les deux dernières côté nord, la croisée et le mur d'une absidiole à l'extrémité orientale du bras nord, la travée ouest du collatéral de ce dernier, contiguë à la croisée, ainsi qu'un élément de la première pile du chœur. Al' occasion de ces fouilles, des sépultures ont été mises au jour dans le chœur9 , qui témoignent de sa fonction, dans sa partie droite, comme nécropole épiscopale avant, puis après la reconstruction gothique. Ces investigations ont été menées sans but préétabli, selon les méthodes de l'époque, c'est-à-dire sans aucun souci de stratigraphie, en privilégiant le dégagement des murs les plus apparents. On ignore ainsi à peu près tout du contexte du tambour de colonne antique sculptée, réutilisée en cuve, et mis au jour au voisinage de la croisée. Les observations faites alors, quasi en catimini, par Louis Jarry, ont suscité une reconstitution du plan de la cathédrale romane 10 , enjoignant aux données de fouilles les informations tirées avec rigueur de divers documents d'archives jusqu'alors inédits. Il s'agit des élévations détaillées de deux des trois portails de la façade ouest11 , d'un plan précis du massif ouest par l'architecte Jacques Gabriel en 1723 et des dessins des restes de façades encore debout du transept roman par le frère Martellange en 1623 (fig. 2). En s'appuyant sur les textes et à l'aide de comparaisons diverses, notamment en ce qui concerne les techniques de construction, Eugène Lefevre-Pontalis et Louis Jarry ont proposé une datation déjà exacte de la cathédrale romane, la donnant reconstruite entre l'incendie de 989 et le XIIe siècle. Leur plan restitue un collatéral double dans la nef, tout en soulignant le caractère précoce d'un tel dispositif, un transept à quatre travées par bras et deux absidioles orientales, enfin, un chœur à trois travées droites et déambulatoire ouvrant sur cinq chapelles rayonnantes bien séparées. Lors de ses propres fouilles, qui répondaient à une nécessité que E. Lefevre-Pontalis et L. Jarry avaient déjà bien perçue, G. C henesseau a vérifié l'absence de crypte, déjà constatée par des sondages avant lui, et s'est efforcé de reconstituer le plan du chœur et de compléter celui du transept. Son souci a égalem ent porté sur les vestiges de constructions antérieures à l' époque romane. S'il accorde beaucoup plus d'importance que Dusserre aux remblais et vestiges de substructions de toutes sortes, il reste guidé par la recherche des murs, qu'il date ou associe en fonction de leur assemblage symétrique en plan et de leur apparence technique, plutôt qu'à partir des données de la stratigraphie, pourtant observée avec un certain soin. Le manuscrit où il expose avec détail et précision ses observations est resté inédit. Les publications liminaires 12 ne donnent qu'une idée incomplète de la richesse des observations faites entre 1938 et 1942 et de la complexité stratigraphique du site. Si le plan schématisé des vestiges de murs et de certaines sépultures a été publié depuis 13

Lumières de l'an mil en Orléanais

Fig. 2. Dessin du mur-pignon du bras sud roman et de son revers, par le frère Martellange, en 1623 (d'après Lefevre-Pontalis, Jarry, 1904).

à l'appui d'une reconstitution du tracé général de la cathédrale romane, les données de fouille n'ont fait l'obj et que d'une brève synthèse 14 . Ces fouilles ont permis à G. Chenesseau de corriger sensiblement le plan reconstitué par E . Lefevre-Pontalis. La nef ne comportait que des collatéraux simples. Les pseudo-indices de collatéral double correspondent, en fait, à une reprise des appuis du mur latéral nord, dans la dernière travée. Cette reprise pourrait être en rapport avec la seconde campagne supposée du transept. G. Chenesseau a observé des preuves de renforcement des piles de séparation entre les deux premières travées de chaque bras et restitué deux états de la cathédrale romane, avec transept non saillant d'abord, puis à cinq travées, et non quatre par bras, postérieurement à la construction du chœur. Il a toutefois mal apprécié le rôle décisif du mur antique utilisé comme fondation d'un ch evet plat, avant la construction du ch œur à déambulatoire. Du même coup, ses propositions relatives aux substructions situées à l'est de cette imposante fondation perdent beaucoup de force quant à leur intérêt pour la connaissance des états préromans. L'importance de ces vestiges (fig. 3)

[60]

10

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Bases et fondements de la cathédrale actuelle. Piliers du Xe-XIe siècle. Vestiges du XIe siècle. Fondations romanes. Fondations gallo-romaines. A B C C' D E FG H

J K K' L L' M

Grand autel. Autel de saint Mamert. Restes de mosaïques carolingiennes. Restes de mosaïques du XIe siècle. Restes de mosaïques cosmates. Sarcophages. Restes d'un caveau funéraire. Chapelle d'axe. Piliers à quatre colonnes engagées. Piliers à deux colonnes engagées. Vestiges de base

Fig. 3. Plan des vestiges archéologiques conservés dans la « crypte » de la cath édrale (d'après Chenesseau, 1938).

semble avoir été secondaire (annexes diverses et successives?), par rapport à ceux situés à l'ouest. Mais ces derniers sont les plus mal identifiés, puisque situés dans le secteur des fouilles, si expéditives, de 1889-1890. Ainsi s'explique peut-être le manque de consistance architecturale et documentaire de la cathédrale de l'époque méro-carolingienne, connue jusqu'à présent, soit à travers des restitutions aventureuses (propositions du manuscrit Chenesseau), soit par le biais d'extrapolations, notamment à propos de la date et du rôle des mosaïques 15 . De la restitution du plan roman par E. Lefevre-Pontalis ne subsistent également, après les fouilles de G. Chenesseau, qu'une seule absidiole au lieu de deux sur la face orientale des bras du transept (la symétrie nord-sud entre les deux a pu être confirmée, avec cinq travées au lieu de quatre), trois chapelles rayonnantes bien séparées, au lieu de cinq, l'abside hémi-circulaire comptant deux arcs de moins, mais une travée droite de plus (fig. 1). Il faut souligner cependant la relative justesse, quasi prémonitoire, du plan proposé pour le chevet dès 1904. C'est au vu de l'unique pile de la première travée, côté sud, dégagée incomplètement, que E. Lefevre-Pontalis a opté pour l'hypothèse du chevet à déambulatoire plutôt qu'en faveur 111,,,..r11111 rT-ll . 111 1111 tmr1'1'-mr"l~1•n"1111 .1



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R ecueil de textes de grammaire latine. Berne, Bibliothèque de la Bourgeoisie de Berne, codex 207, folio B.

[21 5]

Lumières de l'an mil en Orléanais

en cas de contestation; cependant le recours direct aux ouvrages n'est pas toujours évident et l'enseignement oral semble prépondérant1. De même, la connaissance du latin classique est davantage acquise à travers des recueils de citations qu'à travers la littérature proprement dite.

Ab bon et la grammaire La grammaire a sans doute représenté l'essentiel de l'activité d'écolâtre d'Abbon. À l'exception de deux traités d'une page chacun, les Quaestiones grammaticales sont les seuls vestiges de cet enseignement. Abbon est censé y répondre aux questions que lui posent ses élèves anglais; l'ouvrage a en effet été rédi-

gé lors du séjour à Ramsey sous la forme d'un aide-mémoire avec questions et réponses, forme didactique largement répandue depuis l'époque carolingienne. Il a souvent paru, aux yeux des éditeurs, comme peu cohérent, peut-être en raison de sa forme même, liée aux questions des élèves. Il traite essentiellement de la prononciation (accentuation des mots et articulations des sons), qui a son importance dans la lecture à voix haute. Les problèmes de syntaxe sont plus rarement traités, la morphologie également qui est sans doute déjà acquise à traA. B. et A. N. vers l'étude des textes de Donat.

1

A. Guerreau-Jalabert, 1982, p173 et seq.

103- Donat, Ars minor, Ars major; Priscien, Instituto de nomine, pronomine et verbo et autres traités de grammaire et de métrique Parchemin, 168 pages ; reliure en peau mégissée sur ais de bois (XIIIe siècle?) H . 354; 1. 255 mm Origine : Reims ou sa région, troisième quart du rxesiècle Provenance : Saint- Benoît-sur-Loire , abbaye de Fleury (présence attestée dès le xe siècle) Orléans, Bibliothèque municipale, ms. 295 (248 bis). Ce manuscrit est constitué de deux éléments codicologiques distincts (p. 1-69 et p. 70-168), unis très tôt dans le but de rassembler en un même volume les principaux traités de grammaire étudiés au rxe siècle. On trouve ainsi réunis l'Ars minor et l'Ars major de Donat, avec des gloses marginales et interlinéaires, un traité de Priscien, le Defi.nalibus syllabis de Servius Honoratus, sur la qualité des syllabes, deux traités de Bède (De arte metrica et De schematibus et tropis), ainsi que les Disticha du pseudo-Caton. Un fragment des Saturae de Juvénal avait été utilisé dans la reliure et a laissé son empreinte au contreplat supérieur1 . La première partie du manuscrit comporte des initiales légèrement ornées, et surtout une très belle initiale en première page, formée d'entrelacs et de motifs géométriques ; les premiers mots du texte sont A. B. rehaussés de couleur.

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Bibliographie : Davril, 1980, n°30; Mostert, 1989, p. 167; Pellegrin, 1988, p. 197-202.

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Bibl . : Cuissard, 1889, p . 125-126; Davril, 1990, p. 118-121; Huglo, 1994, p. 208-209; Mostert, 1989, p. 159.

1

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Office neumé de la Toussaint, invocation à saint Benoît Oigne 10). Orléans, Bibliothèque municipale, ms. 261, page 150.

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Lumières de l'an mil en Orléanais

115- Sermons et drames liturgiques Parchemin, 254 pages; reliure en mégis sur ais de bois (XVe siècle) H . 160; 1. 114 mm; 3ème cahier: H. 98; 1. 77 mm Origine : Saint-Benoît-sur-Loire, abbaye de Fleury ou Paris?, xneXIII" siècles Provenance : Saint-Benoît-sur-Loire, abbaye de Fleury Orléans, Bibliothèque municipale, ms. 201 (178) . Ce recueil est l'un des plus célèbres de la série des manuscrits de Fleury conservés à Orléans en raison de sa collection de drames liturgiques . .A la suite des nombreux sermons, lus chaque soir dans la salle du chapitre de l'abbaye de Fleury, on a relié tardivement une série de dix drames liturgiques notés sur portée. On trouve d'abord quatre jeux en l'honneur de saint Nicolas en relation directe avec la liturgie de sa îete d'hiver (6 décembre) ou de sa îete d'été (9 juillet, translation de Myre à Bari) : le premier jeu en relation avec les premières vêpres; le second à la fin des matines; le troisième précédant l'introït de la messe et le dernier pour la fin des secondes vêpres. Suivent deux drames liturgiques pour la îete des Saints Innocents (28 décembre) . Plus loin, on trouve deux jeux pour le temps pascal : la visite du sépulcre par les Trois Maries et la rencontre des pèlerins d'Emmaüs avec Jésus ressuscité. Enfin, deux pièces plus rares, le jeu de la conversion de saint Paul (25 janvier) et le jeu de la résurrection de Lazare terminent le recueil. L'origine de cette collection de drames est difficile à préciser. Il faut tout d'abord exclure Saint-Lomer de Blois de la liste des propositions faites jadis, car la séquence en son honneur a non seulement été ajoutée au recueil de drames, mais en outre a été dédiée à ce saint grâce à une surcharge du texte. L'hésitation demeure entre Fleury et Paris : saint Nicolas était en effet le patron des escholiers de l'université de Paris. En 1236, certains d'entre eux, émigrés à Orléans à la suite de la grève universitaire parisienne, furent massacrés par le guet1 . L'un d'entre eux, réfugié à l'abbaye de Fleury aurait probablement apporté avec lui le recueil de drames liturgiques.



116- Commentaire dtt Timée de Platon par Calcidius

Le Timée, qui de tous les temps a été reconnu comme l'œuvre capitale de Platon, nous livre la pensée du maître sur la constitution du monde. Traduit en latin par Cicéron, le dialogue est cité par .Augustin et surtout par Jérôme, qui déclare sans ambages que ces théories lui paraissent« obscures». En fait, les propositions philosophiques du dialogue avaient besoin d'être éclairées pour les Latins par un commentaire. Ce fut l'œuvre de Calcidius au vre siècle: il fit suivre sa traduction du Timée de commentaires concis, éclairés par des figures de m athématique, de géométrie et de cosmographie. La plus connue de ces figures est celle qui tend à définir l'harmonie en tant qu'âme du monde physique. Le diagramme lambdoïde qui illustre cette théorie

Lumières de l'an mil en Orléanais

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Quoi qu'il en soit, on ne relève dans l'ordinaire de Fleury2 aucune mention d'un drame liturgique qui, au xme siècle, aurait été mis en scène sous le narthex de l'abbaye. M. H . Bibl.: Cuissard, p . 108-109 ; Huglo, 1985 ; Mostert, p. 154. 1

2

Parchemin, 71 folios; reliure en parchemin n aturel réalisée pour Jacques .Auguste de Thou (début du XVIe siècle) H. 280; 1. 185 mm Origine et provenance : Saint-Benoît-sur-Loire, abbaye de Fleury, x e siècle Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. lat. 2164.

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Payne, 2000. Huglo, 1985.

ne vient pas de Platon mais de ses premiers commentateurs : Calcidius l'a adopté et, de son commentaire, il est passé dans les manuscrits du Commentaire sur le Songe de Scipion de M acrobe, ouvrage représenté à Fleury par cin q manuscrits. Il n'est donc pas étonnant qu'.Abbon, qui cite ces deux auteurs latins dans son Commentaire sur le Calcul de Victorius d'Aquitaine, ait reproduit lui aussi le diagramme de l' Harmonie, âme du monde1 : m ais il y a ajouté des arcs de cercle reliant les nombres qui fondent les consonances musicales: 3 à 2, pour la quinte (diapente), 4 à 3 pour la quarte (diatessaron), etc. C'est sans doute à ce manuscrit, copié à Fleury au xe siècle sur un ancien modèle venu de Corbie, qu'il a dû emprunter ce diagramme. M . H. Bibl. : BnF. Catalogue des manuscrits latins, 1940, t. II, p. 348; Huglo, 1990, p. 141; Huglo, 1994, p. 216-220; Waszink, 1975, 120 (Pl) .

1

[246]

Huglo, 1994, 223.

Le droit canonique à Fleury du IXe au XIe siècle Né avec l'Église elle-même, le droit canonique est le droit de l'Église, de ses membres et de ses fidèles dans ce qui touche à la religion, c'est-à-dire alors un domaine très large, englobant par exemple le mariage. Il a joué un rôle considérable dans l'histoire juridique de l'Europe médiévale, à la mesure de la place de l'Église dans la société. Avant le milieu du XIIe siècle, époque où l'on commence à bien comprendre le droit romain enseigné à Bologne (et plus tard à Orléans, dans les années 1230), c'est le droit le plus sophistiqué et le plus structuré, qui influence donc le droit laïque.

Les canons Les textes qui le constituent sont les décisions des conciles généraux ou locaux, présentés en articles nommés« canons», d'où son nom, et les lettres des papes qui, en réponse à des questions posées souvent par des évêques, fixent les normes à suivre sur tel ou tel sujet. Dès la fin du ve siècle, ce droit est réuni dans des collections canoniques - l'une des plus anciennes est la Collection des canons de Denys le Petit (début du VIe siècle) - qui présentent leurs articles en deux séries : les canons des conciles et les lettres (ou décrétales) pontificales, en ordre chronologique. S'ajoutent parfois des extraits des Pères de l'Église et autres écrivains ecclésiastiques célèbres. À partir du début du XIe siècle, les collections évoluent toutes d'une façon identique et plus pratique, apparue sporadiquement au IXe siècle : les canons sont désormais rangés selon leur sujet, en ordre systématique. Ce genre de collection trouve son achèvement dans le Décret de Gratien, rédigé à Bologne dans les années 1130, qui s'impose à toute la Chrétienté, entraînant la disparition de toute autre collection.

La collection canonique d' Ab bon Dédiée aux rois Hugues et Robert en 995-996, la collection canonique d' Ab bon n'est conservée que par un seul manuscrit, copié à Angoulême par Adémar de Chabannes au tout début du XIe siècle, et elle occupe une place singulière dans la série des collections antérieures au Décret de Gratien. Fruit de la nécessité et non d'un intérêt particulier pour le droit de l'Église - il ne s'agit en rien du début d'une «école canonique ligérienne »-,la collection d' Ab bon, trop courte et trop limitée dans son propos, n'a eu aucun succès décelable. Elle mérite cependant l'attention car elle est originale dans sa présentation : elle est la première à mêler aux canons, présentés de façon systématique et non simplement chronologique, des commentaires personnels du compilateur, ce qui ne sera imité que par Alger de Liège à la fin du XIe siècle et au XIIe siècle par Gratien, dans son Décret. À ce titre elle mérite déjà une place dans l'histoire du droit canonique et l'on ne peut que souhai-

ter la parution rapide d'une édition critique qui fait cruellement défaut. La collection d' Ab bon est avant tout un dossier très orienté 1 qui, par certains côtés, est plus intéressant qu'une collection canonique générale : c'est le droit canonique en action. Ab bon entend rappeler leur devoir aux rois et à leurs conseillers et attirer leur attention sur l'impérieuse nécessité de défendre les monastères et les moines, en particulier contre les évêques, chez qui l'abbé de Fleury ne voit guère que des brigands avides, car il en va du salut du royaume et du peuple. Pour ce faire, il doit leur démontrer que ce qu'il leur demande est légitime, en vertu d'autorités juridiques qu'ils sont tenus de respecter. Bien qu'il y ait eu un réel effort de mise en ordre des canons, il règne cependant une certaine confusion. Après une courte préface dédicatoire dans laquelle Abbon annonce ses intentions, la table des rubriques des cinquante-et-un chapitres permet de retrouver les sujets sur lesquels on veut connaître les règles du droit canonique. Dédié aux rois de France, le recueil commence par leur rappeler qu'il leur faut protéger les églises (I. De l'honneur et II. Des difenseurs des églises) et que le roi a des devoirs (III. Du ministère du roi). Sans doute pour faire équilibre, il rappelle ensuite que tous doivent fidélité au roi, en particulier les grands, qui doivent l'aider à gouverner par l' «aide et le conseil», reprenant une expression du concile de Coulaines de 843 (IIII. De la.fidélité au roi). On reste donc dans une vision de la royauté très carolingienne. Autre nouveauté, Abbon esquisse ensuite dans les chapitres suivants de manière assez fruste, un exposé des sources du droit : privilèges, préceptes royaux, problème de la nécessité qui peut amener à ne plus suivre la loi, différence entre loi et coutume. Les autres chapitres relèvent plus étroitement du droit canonique; le clergé régulier, on n'en est pas surpris, est l'objet du plus grand nombre de canons, mais il est bon aussi d'énumérer les devoirs des évêques, moyen détourné de leur rappeler ce qu'il ne faut pas faire.

Les sources d'Abbon Ce sont les textes classiques des collections de ce temps. Comme tous les canonistes, il a surtout utilisé les collections de ses prédécesseurs: collection de Denys le Petit (VIe siècle) dans la version qui a été envoyée à Charlemagne par le pape Hadrien Ier en 774 (Collectio Dionysio-Hadriana) et la collection espagnole dite Hispana, des années 630, les plus célèbres et les plus répandues alors. L'utilisation du Code théodosien (438) à travers la version remaniée de la Loi romaine des Wisigoths (chapitre I), dite aussi Bréviaire d'Alaric (507), et de !'Epitomé (résumé) de Julien, d'une version ramassée des Novelles de l'empereur Justinien destinée à l'enseignement (chapitre V), mérite d'être soulignée. De même, un extrait de la collection des capitulaires d'Anségise,

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Lumières de l'an mil en Orléanais

qu'Abbon attribue faussement à Charlemagne, atteste de la continuité juridique de la toute nouvelle dynastie avec les Carolingiens (chapitre VI). Si la bibliothèque de Fleury ne semble pas avoir possédé de copie de l' Epitomé ]uliani, elle avait au moins un manuscrit du Bréviaire d'Alaric 2 , dont on ne peut toutefois garantir qu'il a été utilisé par Abbon, et un manuscrit juridique composite où se trouvaient tant la collection des capitulaires d'Anségise que les canons du concile de MeauxParis de 829 (chapitre VII); la référence fournie par Abbon («Au livre III des conciles») permet d'assurer que c'est bien ce manuscrit qui lui a servi, à lui ou à ses collaborateurs, pour compiler sa collection3 . En revanche, il ne semble pas s'être servi de la collection irlandaise ( Collectio hibernensis) dont le manuscrit a, pense-t-on, été ramené par lui à son retour de Ramsey4 . Il pouvait aussi connaître la collection de Saint-Germain, une collection systématique dérivant de la précédente, dont des extraits sont encore conservés 5 . La correspondance d'Abbon, particulièrement les lettres 14 et 17, permet de vérifier qu'il savait développer une argumentation canonique en utilisant un éventail de textes plus large que sa propre compilation et qu'il a même utilisé la collection attribuée à Isidorus Mercator (834-835) dite plus généralement Collection des Fausses Décrétales, qu'il connaissait depuis le concile de Saint-Basle (991), où il avait assuré, contre Gerbert6 , la défense de l'archevêque de Reims Adalbéron, mais qu'il n'avait curieusement pas utilisée pour compiler sa collection7 .

fin du siècle ou au début du suivant la bibliothèque avait acquis un exemplaire d'une récente collection rémoise «grégorienne » - la Collection de Semur9 - et surtout un manuscrit de la Panormie d'Yves de Chartres 10 . Mais, alors qu' Ab bon aurait été à l'aise en consultant le Décret de Burchard, œuvre d'un évêque, soit, mais encore dans la tradition carolingienne, s'il avait consulté ces dernières collections canoniques pleines de l'esprit de la réforme, où les évêques occupaient le devant de la scène et les moines un rang subalterne, il aurait été tout à fait convaincu que, désormais, le monde G. G. allait à sa perte. Bibl.: Arquillière, 1933; Congar, 1968 (part. p. 156-163); Corbet, 2001; DDC, t. 1, 1935, col. 71-76; DLF, p. 1-2; DLF, p. 16-18; Dubreucq, 1995 (erreur sur la provenance de Paris, BnF, ms. nouv. acq. lat. 1632); Fournier, Le Bras, 1931 (repr. Aalen, 1972), t. 1, p. 320-330; Giordanengo, p. 156-163 dans Guyotjeannin, Poulle, 1996 ; Hartmann 2000 ; Mostert, 1989 ; Mostert, 1987, particulièrement p. 52-54, 80-83, 108-134 et 176-196; Poly, 1992, p. 39-68.

1

Le Décret de Burchard Un autre manuscrit canonique présent à Fleury, celui du Décret (1008-1012) de Burchard, évêque de Worms (1000-1025) 8 , est tout à fait différent puisque cette œuvre, très ample et fruit d'un long travail d'équipe, a eu une large diffusion européenne jusqu'au milieu du XIIe siècle (une centaine de manuscrits encore conservés). Le bel exemplaire de Fleury a été copié sur l'ordre de l'abbé Véran (1082-1087),juste au moment où le droit canonique étant en plein développement, la collection de Burchard allait être concurrencée par toute une série de collections répondant aux exigences de la réforme de l'Église. À Rome et en Italie du Centre, et dans une moindre mesure en France, des collections promouvant la nouvelle vision ecclésiale de la chrétienté avaient déjà été compilées, et, tout près, à Chartres, l'évêque Yves (1091-1116) avait déjà mis en place l'équipe qui allait produire les trois collections qui lui sont attribuées (Collection tripartite, Décret et Panormie), mais leur diffusion, dont le succès ne dépassa pas celui de la collection de Burchard, ne commence pas avant 1093-1094. Avoir fait copier la collection de Burchard dans les années 1080 n'est donc pas une preuve que la science canonique a faibli à Fleury, mais c'est prendre acte, sans doute inconsciemment, qu'elle est désormais passée des cloîtres monastiques aux chancelleries épiscopales. On se tenait d'ailleurs au courant des nouveautés puisqu'à l'extrême

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C'est ce qui permet de penser qu'il s'agit du dossier signalé par Aimoin de Fleury (cf. DLF, t. 26-27, RFHM/E, t. 2, p. 158-159), dans la Vita Abbonis, PL, t. 139, c. 387-414: «Il appliqua son esprit aux divines Écritures et ayant collecté des décisions extraites des autorités de nombreux Pères, comme la très habile abeille qui construit ses rayons avec des fleurs diverses, il en prit la fleur pour composer une œuvre suave comme le miel. Et, bien qu'on ne puisse pas la retrouver pour le moment, en partie par la négligence des nôtres, en partie car elle a été dérobée par la cupidité d'étrangers, il n'en est pas moins certain qu'il avait fait ces extraits pour avoir sous la main de quoi se défendre contre l'évêque d'Orléans qui avait envers lui des exigences contraires aux règles» (chapitre 7, in.fine, c. 394). Paris, BnF, ms. lat. 1631. Paris, BnF, ms. nouv. acq. lat., 1632. L'extrait de Grégoire le Grand (chap. 15, f. 157-v, éd. chapitre 484b) est tiré du ms. des Lettres de ce pape (auj. Paris, BnF, ms. lat. 2278), f. 9v, où un trait de plume signale ce passage; cf. Mostert, 1987, p. 71. Orléans, BM, ms. 221; cf. Mostert, 1989, p. 155; Kéry, 2000, p. 7380. Orléans, BM, ms. 116, copié à Salzbourg, le ms. est ensuite passé à Fleury; cf. Mostert, 1989, p. 129; Kéry, 2000, p. 82-83. Gerbert était au contraire défendu par l'évêque d'Orléans Arnoul (9871003). Mais connaître l'existence d'une nouvelle collection lors d'un voyage n'implique pas quel' on puisses' en procurer immédiatement un manuscrit. Orléans, BM, ms. 229; cf Mostert, 1989, p. 106; Kéry, 2000, p. 133155. Orléans, BM, ms. 306, 2e partie (peut-être écrite à Fleury), p. 77-329. La collection a d'ailleurs été complétée par des lettres des papes réformateurs Alexandre II, Grégoire VII et Urbain II, p. 330-332; cf Mostcrt, 1989, p. 172-173; Kéry, 2000, p. 203-204. Orléan, BM, ms. 222; cf Mostert, 1989, p. 156; Kéry, 2000, p. 253260.

Burchard de Worms, Décret. Orléans, Bibliothèque municipale, ms. 229, page 106.

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117- Abbon de Fleury, Collection canonique

formes, le scribe hésite entre les lettres minuscules (chap . 1, 2, 4) et les capitales (chap . 3) . Les commentaires d'Abbon ne sont pas distingués des autorités, il n'y a donc aucune hiérarchie dans la présentation. G. G.

Parchemin, I - V + 200 folios ; reliure du XVIII° siècle H . 290; 1. 190 mm Origine et provenance : Angoulème, XIe siècle Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. lat. 2400. Ce manuscrit est une copie autographe d' Adémar de Chabannes du début du XIe siècle, faite à Angoulême et conservée dans un volume de mélanges théologiques, canoniques et patristiques. L'ornementation se limite à de grandes initiales rouges, en onciale, au début de chaque chapitre. C'est un manuscrit de travail dont l'écriture, personnelle, est irrégulière : les titres des ch apitres ne sont pas uni-

118- Burchard de Worms, Décret Parchemin, 194 pages; demi-reliure en basane sur ais de carton (XIXe siècle) H. 418; 1. 302 l1ll1l Origine et provenance : Saint-Benoît-sur-Loire, abbaye de Fleury, vers 1080 Orléans, Bibliothèque municipale, ms. 229 (200) . Copié à Fleury dans les années 1080 à l'instigation de l'abbé Véran («Véran, lumière des abbés, a fait transcrire ce livre», p . 1), ce magnifique manuscrit, présenté avec soin et décoré de quelques lettres ornées, contraste singulièrement avec celui de la collection d' Abbon. La liste des rubriques en tête de chaque livre, le soin mis à les distinguer soigneusement en les écrivant alternativement (on trouve quelques erreurs) en rouge et en vert, et les inscriptions, dans des car-

Bibl. : Congar, 1968, p. 156-163 (sur le sentiment de la primauté romaine et la question de la hiérarchie des sources normatives) ; DDC, t. 1, 1935, col. 71-76; DLF, 1992, p . 16-18; Fournier, Le Bras, 1931 , t .1, p. 320-330 ; Kéry, 2000; Giordanengo, 1996, p. 156-163 ; Mostert, 1987, p. 52-54, 80-83 , 108-134et176-196 ; Poly, 1992, p . 48 (sur l'intérêt d'Adémar de Chabannes pour le droit romain), p. 6566 (sur les ms. provenant de Fleury).

touches dans les marges, attestent du désir de faciliter la recherche dans cette collection très vaste (vingt livres renfermant 1785 canons) . La beauté du manuscrit n 'empêche pas des erreurs et des oublis. Le décor du codex comprend de nombreux titres rouges et verts, un incipit en capitales rouges et vertes ainsi que plusieurs initiales ornées et peintes en rouge, vert ou jaune. Le dessin de ces initiales témoigne d' une plume sûre. Certaines lettres sont simplement dessinées à l'encre rouge sans autre couleur. De façon générale, les couleurs sont relativement pâles et n e viennen t que compléter le dessin G . G . et E . P. des lettres.

Bibl. : Corbet, 2001; H artmann , 2000; K éry, 2000, p. 136; Mostert, 1987. Exp.: Orléans, 1987 , n° 250, p . 110.

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Burchard, D écret. Orléans, Bibliothèque municipale, ms. 229, page 127 .

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L'hagiograp hie à Fleury autour de l'an mil Les Miracles de saint Benoît

Grâce aux reliques de saint Benoît, rapportées du Mont-Cassin au VIIe siècle, l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire occupa très tôt une place exceptionnelle dans le diocèse d'Orléans. Devenue un des centres cultuels et culturels les plus importants du pays des Francs, elle fut aussi une grande productrice de textes hagiographiques. Réduite au silence dans le dernier quart du IXe siècle, durant les raids normands et les affrontements entre Carolingiens et Robertiens, l'activité hagiographique ne reprit véritablement que dans les années 980 environ: jusqu'à cette période, Thomas Head1 n'a pu recenser dans tout le diocèse d'Orléans qu'un sermon pour la fête de saint Benoît, écrit par Odon de Cluny au moment où il était abbé de Fleury2 . En revanche, durant la période 980-1050, on compte une trentaine de textes hagiographiques dans l'ensemble du diocèse, dont une bonne partie rédigée à Fleury; l'activité retombe ensuite entre 1050 et 1150. Le rayonnement del' abbaye aux xe et XIe siècles, le rôle qu' elle joua dans les diverses réformes monastiques, les relations qu'elle entretint avec les premiers Capétiens et l'envergure intellectuelle de beaucoup de ses moines donnent à l'hagiographie de cette période une forte identité, qu'elle partage avec Cluny, son associée dans le mouvement réformateur.

Textes hagiographiques fleurisiens (980-1120) Abbon de Fleury Aimoin de Fleury

André de Fleury Giraud de Fleury Helgaud de Fleury Hugues de Fleury

Isembard de Fleury Raoul Tortaire

Thierry de Fleury

Vital de Fleury

Vie de saint Edmond (BHL 2392) 3 Miracles de saint Benoît (BHL 1125 et 1136-1139) 4 Translation de saint Benoît (BHL 1119) Sermon pour saint Benoît5 Miracles de saint Benoît (BHL 1126) Vie de Gauzlin, abbé de Fleury 6 Translation métrique de saint Benoît (BHL 1120) Vie de Robert le Pieux7 Miracles de saint Benoît (BHL 1135) Vie et Miracles de saint Sacerdos (BHL 7456-7459) Vie, invention et miracles de saintJosse (BHL 4505-4510) Miracles de saint Benoît (BHL 1129) Passion métrique de saint Maur l'Afticain (BHL 5790) Illation de saint Benoît (BHL 1122) 8 Passion des saints Tryphon et Respicius (BHL 8340) Vie de saint Firmanus (BHL 3001) Vie du pape Martin (BHL 5596) Vie de saint Pol (BHL 6586) Vie de saint Gildas (BHL 3541)

On rédigea à Fleury plusieurs recueils de miracles de saint Benoît, patron de l'abbaye et« père des moines». Ces récits, écrits par des moines de l'abbaye, sont les plus vivants et les plus pittoresques de la production hagiographique fleurisienne : certains fourmillent de renseignements sur la vie quotidienne, l'histoire du monastère, le culte, les relations entre les moines et les pouvoirs temporel et ecclésiastique ; en arrièrefond, ou au premier plan, s'écrit l'histoire politique. L'évolution littéraire de ces recueils reflète l'histoire de l'abbaye. Le premier livre, celui d'Adrevald, rédigé au IXe siècle, période où Fleury se cherche encore, est marqué par la volonté d'inscrire la fondation dans l'histoire universelle et dans l'histoire politique de l'Italie (à travers le Mont-Cassin) et de la France ; sa coloration est beaucoup plus historiographique qu'hagiographique. Les livres II et III, écrits par Aimoin, l'ami d'Abbon et auteur de sa Vita, ne sont pas non plus exempts de cette dimension historiographique : le livre II, qui traite une période qu'Aimoin n'a pas connue directement, commence par un résumé des invasions normandes et des règnes de Charles le Simple et d'Eudes ; l'histoire des abbés se déroule parallèlement à la relation des miracles produits; le livre III, qui a trait à l'abbatiat d'Abbon, est très touffu, sa composition désordonnée trahissant le manque total de recul de l'auteur, qui fait une sorte de relation« à chaud», inscrite dans le présent et le quotidien de l'abbaye. Malgré cette évolution littéraire, il existe une profonde unité dans le projet de constitution de ces collections de miracles, même si celles-ci s'étendent sur plusieurs décennies. Cette unité s'exprime, on ne peut mieux, dans le manuscrit H 20 des Archives départementales du Loiret, qui, selon l'expression d'Alexandre Vidier, est « le manuscrit officiel de la légende de saint Benoît en France »9 • Écrit à Fleury au XIe siècle, ce manuscrit richement orné regroupe les textes relatifs au saint patron : d'abord le livre II des Dialogues de Grégoire le Grand, puis la Translation de Benoît et de sa sœur Scholastique 10 , ensuite le premier livre des Miracles écrit par Adrevald, et enfin, outre deux sermons en l'honneur de saint Benoît, les deux livres écrits par Aimoin, qui conduisent le récit jusqu'en 1005. Ce manuscrit est trop ancien pour contenir la suite des miracles de saint Benoît, qu'André de Fleury a rédigée au milieu du XIe siècle, selon un ordre géographique souvent approximatif (Neustrie, Bourgogne, Aquitaine, Espagne), en remontant pour chaque région à la période la plus ancienne sur laquelle il avait des renseignements: caractéristique décidément bien fleurisienne, lui aussi mêle fortement historiographie et hagiographie et s'intéresse tout particulièrement aux conflits des pouvoirs. Fait remarquable, qui contribue à l'unité de ces Miracles de saint Benoît : chacun de ces auteurs se conçoit comme le maillon d'une chaîne et dans son prologue relie sa continuation à l' œuvre de son prédécesseur. Ces Miracles furent encore continués, à l'extrême

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Lumières de l'an mil en Orléanais

des moines, se vit lui aussi prêter des traits de sainteté par son biographe, sans jouir toutefois - pas plus que l'abbé Gauzlin d'un culte liturgique; quant à Abbon, si Aimoin assimila l'assassinat de La Réole à un martyre et s'il fut en effet vénéré comme tel, son culte ne dépassa pas le réseau fleurisien. Ces œuvres furent l'occasion de définir la conception fleurisienne des pouvoirs royal et abbatial et de dessiner un idéal de coopération entre moines et souverains en vue de l'instauration de la paix dans la société chrétienne.

Les autres Vies de saints l)ll..l se ~ f3

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Vie et miracles de saint Benoît. Orléans, Archives départementales du

Loiret, ms. H 20, page 30.

fin du xreet au début du XII° siècle, par Hugues de Fleury et Raoul Tortaire.

Enfin, et c'est là une preuve supplémentaire de l'aura dont jouissait l'abbaye, des moines de Fleury se virent passer commande de Vies de saints par des établissements d'autres régions, en particulier la Bretagne : c'est ainsi que furent rédigées les Vies des saints bretons Josse, Pol et Gildas, et celle de Sacerdos, évêqu e de Limoges, envoyée aux moines de Sarlat. Par ailleurs le moine Thierry, né vers 950 et peut-être d'origine allemande, passa de Fleury à Amorbach vers 1010; au cours d'un séjour au MontCassin, il entreprit plusieurs réécritures de textes hagiographiques trop mal écrits au goût de ses contemporains 11 ; à la demande de l'abbé Richard (d'Amorbach puis Fulda), il raconta, dans l' fllatio de saint Benoît, comment les reliques de Benoît furent protégées des razzias normandes et remises en place (c'est le sens du mot illatio) : le cas de Thierry est un bel exemple d'exportation de la culture fleurisienne au xre siècle, qui rejoint celui d'Abbon qui, une cinquantaine d'années plus tôt, était allé enseigner à Ramsey. M. Go. Bibl. : On trouvera une bibliographie complète dans : Head, 1990 ; id., 1994, p. 345-357.

1

Head, 1990.

2

PL, t . 133, c. 721-729. La BHL (Bibliotheca hagiographica latina, Bruxelles, 1898- 1899 et N ouveau S upplément, Bruxelles, 1986) est le répertoire des textes hagiographiques constitué par la société des Bollandistes. Les saints y sont classés par ordre alphabétique et les numéros permettent de retrouver, entre autres, les éditions des textes. Ces derniers sont aussi édités par Vidier, 1965, p. 227-228 et par Certain, 1858. Pl, t. 139, c. 851-870. Ed. Bautier, Labory, 1969. Ed. Bautier, Labory, 1965. Voir Vidier,1965, p. 170-180. Description du manuscrit dans Vidier, 1965, p. 137-140 ; cf aussi Mostert, 1989, BF 402 et 403, p. 110. Cf notice n° 119, p. 253. Sur l'auteur de ce texte, qui pose problème et sur ses réécritures, voir Vidier, 1965, p. 141- 149. Les réécritures les plus connues sont celles d'Aimoin et de Giraud, toutes deux en vers. Sur ces réécritures en meilleur style, voir ci-dessus, la liste des textes hagiographiques.

3

Les biographies La dimension politique de l'hagiographie fleurisienne s'exprim e, plus directement que dans les Miracles de saint Benoît, dans quatre biographies qui forment en quelque sorte le second volet de l'activité hagiographique de l'abbaye: celles du roi Edmond par Abbon et de Robert le Pieux par Helgaud; celles d' Ab bon par Aimoin et de Gauzlin par André. Ces œuvres sont à michemin entre biographie et hagiographie : Edmond, le roi d'EstAnglie « martyrisé » par les Danois en 869, dont Abbon rédigea la Passion tandis qu'il se trouvait à R amsey (985-987), jouit d'un culte officiel très répandu au Moyen Âge; Robert le Pieux, pour son action en faveur de la Paix de D ieu et sa protection

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119- Histoire de la translation; Vie et miracles de saint Benoît Parchemin, 149 pages; reliure moderne en parchemin H . 427; 1. 332 mm Origine et provenance : Saint-Benoît-sur-Loir e, abbaye de Fleury, x.I° siècle Orléans, Archives départementales du Loiret, ms. H 20. Ce manuscrit comprend plusieurs textes : Les Vie et miracles de saint Benoît, extraits du livre II des Dialogues de saint Grégoire le Grand (p. 1a-29b), !'Historia translationis, par Adrevald (p. 29b-37a), le Sermon de saint Odon sur saint Benoît (p. 37a-47a), le Sermon d'Aimoin sur saint Benoît (p. 47b-62a), les Miracula sancti Benedicti. livre I par Adrevald (incomplet du début par suite de la mutilation de deux pages, p . 64a105b), les Miracula sancti Benedicti, livre II par Aimoin (p. 105b-124b) et les Miracula sancti Benedicti, livre III par Aimoin (p. 124b-149b). Le manuscrit a été composé à Fleury-même dans la première moitié du XI° siècle et il demeura dans la châsse du saint jusqu'aux inventaires de 1905, date à laquelle il a été transféré aux Archives départe-

mentales du Loiret. Il ne contient pas l'appendice d' Aimoin au livre III, ni les livres IV à VII des Miracula écrits par André de Fleury à partir de 1043. Il doit donc être antérieur à leur rédaction. Le décor de ce manuscrit est composé de nombreuses lettres ornées et d'encadrements richement peints combinant l'utilisation de l'or, du bleu, du vert, du rouge. Les motifS décoratifs présentent de nombreuses palmettes et autres motifs végétaux ainsi que plusieurs entrelacs au dessin raffiné. Certaines initiales se détachent sur un fond peint en bleu et rouge. Leur morphologie apparaît beaucoup plus compacte que les autres initiales simplement peintes sur le parchemin clair. Les initiales qui se détachent sur ces fonds colorés s'inscrivent dans la tradition décorative caractéristique du xre siècle que l'on rencontre dans d'autres scriptoria en Bourgogne ou bien également en Lotharingie. Les initiales appartenant à la deuxième catégorie semblent pour leur part reprendre d'anciens motifS carolingiens réactualisés au xre siècle. A. D . et E. P. Bibl. : Vidier, 1965. Exp. : Orléans, 1987, n° 244; Orléans, 2002.

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