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French Pages [899] Year 2018
Locomotion humaine : marche, course Bases fondamentales, évaluation clinique et applications thérapeutiques de l'enfant à l'adulte A. Delafontaine PhD, masseur-kinésithérapeute diplômé d'État, ostéopathe D.O., master 2 VHMA (Vieillissement, Handicap, Mouvement, Adaptation, université Paris-Saclay, XI), chercheur associé (STAPS Orsay, laboratoire CIAMS, université Paris-Sud, université Paris-Saclay, 91405 Orsay Cedex, France, CIAMS, université d'Orléans, 45067 Orléans, France), enseignant : ENKRE, La Pitié-Salpêtrière (AP-HP), Guinot, ASSAS, externe en médecine (Paris VII)
Table des matières Couverture Page de titre Page de copyright Collaborateurs Préface Préface Pr Alain Yelnik Abréviations Niveau de preuve de la Haute Autorité de Santé
Introduction Chapitre 1: Histoire de la marche, évolution et intérêts cliniques Un peu d'histoire… Analyse de la marche et pratique clinique Contribution des nouvelles techniques d'étude de la marche chez le sujet jeune et âgé
Apport de la modélisation musculo-squelettique 3D Conclusion
Partie I: Contrôle de l'équilibre Chapitre 2: Biomécanique de l'équilibre postural et implications cliniques Approche biomécanique Oscillations posturales en tant qu'indicateur global de l'équilibre : méthodes de mesure ? Forces perturbatrices de la posture et compensation Équilibre postural et tensions musculaires Conclusion
Chapitre 3: Contrôle de l'équilibre lors du mouvement volontaire et de la marche Principes fondamentaux de la mécanique appliqués à l'étude du mouvement Mouvement volontaire et perturbation posturale Concept de capacité posturo-cinétique Les différents types d'ajustements posturaux Stratégies posturales Équilibre, marche et maladies neurologiques Conclusion
Partie II: Marche humaine et pathologies locomotrices Chapitre 4: Acquisition, développement et altération de la marche à travers les âges Acquisition et développement de la marche de l'enfant Altération de la marche chez le sujet âgé
Conclusion
Chapitre 5: Bases biomécaniques et neurologiques de la locomotion Le cycle de marche Contrôle neurologique de la marche Redondance du contrôle moteur : implication en rééducation et théorie des synergies musculaires Conclusion
Chapitre 6: Initiation de la marche Phase de préparation posturale (c'est-à-dire des ajustements posturaux anticipateurs) Phase de soulèvement de la jambe oscillante Phase de simple appui durant l'exécution du premier pas Exécution du pas dans le plan sagittal Exécution du pas dans le plan frontal Activités électromyographiques au cours de l'initiation de la marche Initiation de la marche et pathologies locomotrices Évaluation clinique lors de l'initiation de la marche Nouveau concept de « facilitation bilatérale » en rééducation Perspectives rééducatives Biomécanique de la chute lors de l'initiation de la marche et lien clinique Conclusion
Chapitre 7: Analyse des paramètres spatio-temporels de la marche : de la théorie à la clinique La marche : du cycle à la référence Fonctionnalité de la marche
Asymétrie de la marche Contrôle de la marche Normalisation anthropométrique Évolution naturelle des paramètres spatio-temporels au cours de la vie Influence de la pathologie Protocole d'enregistrement Interpréter les paramètres spatio-temporels
Chapitre 8: Aspect énergétique de la marche Pour comprendre Le concept d'énergie Énergie mécanique Modèle mécanique pour expliquer l'aspect énergétique Modèle physiologique pour expliquer l'aspect énergétique Comparaison des coûts mécanique et énergétique Conclusion
Chapitre 9: Biomécanique de l'arrêt de la marche Cinématique de l'arrêt de la marche Cinétique de l'arrêt de la marche Arrêt sur les surfaces glissantes Arrêt de la marche chez les sujets neuropathologiques
Chapitre 10: Troubles de la marche chez l'enfant Développement de la marche : variantes physiologiques normales Principales anomalies de la marche chez l'enfant et leurs causes
Diagnostic des troubles de marche Interprétation des résultats Traitement des troubles de la marche Conclusion
Partie III: Évaluation clinique et nouvelles applications thérapeutiques Chapitre 11: Évaluation clinique de la marche : de l'enfant au sujet âgé Examen clinique de la marche de l'enfant Examen clinique de la marche de l'adulte Examen clinique de la marche du sujet âgé
Chapitre 12: Thérapies manuelles haute vélocité et basse amplitude Pour comprendre Interrogatoire en thérapie manuelle Techniques articulaires Intérêt des techniques manipulatives Conclusion
Chapitre 13: Nouvelles applications thérapeutiques et locomotion Vibrations corps entier Rôles de l'imagerie motrice Réalité virtuelle Assistance robotique électromécanique Marche et allègement du poids corporel Indiçage
Serious games en pédiatrie
Chapitre 14: Orthèses : impact sur l'équilibre et la marche Effets des orthèses du membre inférieur Effets du Kinesio Taping® Effets des orthèses du tronc Conclusion
Chapitre 15: Marche et chaussage : quels choix pour quels effets ? Chaussage chez l'enfant Chaussage chez l'adulte Chaussage chez la personne âgée
Partie IV: Course et applications thérapeutiques Chapitre 16: Course et applications thérapeutiques Marche versus course à pied Screening médical, bilan et pathologies du coureur Traitement, prévention, éducation : données de la littérature Conclusion
Chapitre 17: Corrigés des entraînements Chapitre 1 – Histoire de la marche, évolution et intérêts cliniques Chapitre 2 – Biomécanique de l'équilibre postural et implications cliniques Chapitre 3 – Contrôle de l'équilibre lors du mouvement volontaire et de la marche Chapitre 4 – Acquisition, développement et altération de la marche à travers les âges Chapitre 5 – Bases biomécaniques et neurologiques de la locomotion
Chapitre 6 – Initiation de la marche Chapitre 7 – Analyse des paramètres spatio-temporels de la marche : de la théorie à la clinique Chapitre 8 – Aspect énergétique de la marche Chapitre 9 – Biomécanique de l'arrêt de la marche Chapitre 10 – Troubles de la marche chez l'enfant Chapitre 11 – Évaluation clinique de la marche : de l'enfant au sujet âgé Chapitre 12 – Thérapies manuelles haute vélocité et basse amplitude Chapitre 13 – Nouvelles applications thérapeutiques et locomotion Chapitre 14 – Orthèses : impact sur l'équilibre et la marche Chapitre 15 – Marche et chaussage : quels choix pour quels effets ? Chapitre 16 – Course et applications thérapeutiques
Conclusion Index
Page de copyright
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-lesMoulineaux cedex, France Locomotion humaine-Bases fondamentales, évaluation clinique et applications thérapeutiques de l’enfant à l’adulte, 1re édition, de Arnaud Delafontaine. © 2018, Elsevier Masson SAS ISBN : 978-2-294-75504-0 e-ISBN : 978-2-294-75601-6 Tous droits réservés. Les figures 1.12, 1.13, 1.15, 1.27, 1.35, 1.36, 2.2, 3.4, 4.4, 4.13, 6.6, 6.18, 6.20, 6.21, 8.6, 8.9, 8.10, 8.18, 8.20, 9.3, 9.6, 9.7, 9.11, 11.17, 11.20, 11.21, 13.2, 13.6, 13.7, 13.8, 13.9, 14.7 ont été réalisées par Carole Fumat. Les indications et posologies de tous les médicaments cités dans ce livre ont été recommandées dans la littérature médicale et concordent avec la pratique de la communauté médicale. Elles peuvent, dans certains cas particuliers, différer des normes définies par les procédures d'AMM. De plus, les protocoles thérapeutiques pouvant évoluer dans le temps, il est recommandé au lecteur de se référer en cas de besoin aux notices des médicaments, aux publications les concernant et à l'Agence du médicament. L'auteur et l'éditeur ne sauraient être tenus pour responsables des prescriptions de chaque médecin.
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Collaborateurs Coordination Delafontaine Arnaud, PhD masseur-kinésithérapeute diplômé d'État, ostéopathe D.O., master 2 VHMA (Vieillissement, Handicap, Mouvement, Adaptation, université Paris-Saclay, XI), chercheur associé (STAPS Orsay, laboratoire CIAMS, université Paris-Sud, université Paris-Saclay, 91405 Orsay Cedex, France, CIAMS, université d'Orléans, 45067 Orléans, France), enseignant : ENKRE, La PitiéSalpêtrière (AP-HP), Guinot, ASSAS, externe en médecine (Paris VII). Auteurs Artico Romain masseur-kinésithérapeute diplômé d'État, master 2 VHMA (Vieillissement, Handicap, Mouvement, Adaptation, université Paris-Saclay, XI), doctorant es sciences (STAPS Orsay, laboratoire CIAMS, université Paris-Sud, université Paris-Saclay, 91405 Orsay Cedex, France, CIAMS, université d'Orléans, 45067 Orléans, France), enseignant ENKRE. Cusin Étienne, PhD chercheur associé laboratoire interuniversitaire de biologie de la motricité (EA7424), université Savoie Mont-Blanc. Delafontaine Arnaud, PhD masseur-kinésithérapeute diplômé d'État, ostéopathe D.O., master 2 VHMA (Vieillissement, Handicap, Mouvement, Adaptation, université Paris-Saclay, XI), chercheur associé (STAPS Orsay, laboratoire CIAMS, université Paris-Sud, université Paris-Saclay, 91405 Orsay Cedex, France, CIAMS, université d'Orléans, 45067 Orléans, France), enseignant : ENKRE, La PitiéSalpêtrière (AP-HP), Guinot, ASSAS, externe en médecine (Paris VII). Ditcharles Sébastien
masseur-kinésithérapeute diplômé d'État,
Ostéopathe D.O., master 2 PCMPS (Psychologie, Contrôle Moteur et Performance Sportive), doctorant es sciences (STAPS Orsay, laboratoire CIAMS, université Paris-Sud, université Paris-Saclay, 91405 Orsay Cedex, France, CIAMS, université d'Orléans, 45067 Orléans, France), enseignant : ENKRE, Guinot. Fischer Matthieu masseur-kinésithérapeute diplômé d'État, master 2 IRHPM (Ingénierie pour la Rééducation, le Handicap et la Performance Motrice), faculté de médecine Amiens, doctorant es sciences (STAPS Orsay, laboratoire CIAMS, université Paris-Sud, université Paris-Saclay, 91405 Orsay Cedex, France, CIAMS, université d'Orléans, 45067 Orléans, France). Fontaine Audrey masseur-kinésithérapeute diplômé d'État, doctorante es sciences (ISIR, université Pierre-et-Marie-Curie, Paris VI), DIU de rééducation pédiatrique (Paris V), enseignante ENKRE. Fusco Nicolas, PhD réanimation.
médecin spécialiste en anesthésie-
Gouelle Arnaud, PhD directeur de la recherche et de l'éducation à ProtoKinetics (États-Unis), responsable de la Gait & Balance Academy, enseignant au DU d'évaluation du mouvement humain (STAPS Reims), chercheur associé au laboratoire Performance, Santé, Métrologie, Société (PSMS), UFR STAPS de Reims. Hamaoui Alain, PhD masseur-kinésithérapeute, ostéopathe D.O., maître de conférences des universités habilité à diriger des recherches en physiologie et biomécanique du mouvement (institut national université Champollion, Albi), enseignant ENKRE. Hinnekens Élodie masseur-kinésithérapeute diplômé d'État, master 2 VHMA (Vieillissement, Handicap, Mouvement, Adaptation, université Paris-Saclay, XI), doctorante es sciences (STAPS Orsay, laboratoire CIAMS, université Paris-Sud, université Paris-Saclay, 91405 Orsay Cedex, France, CIAMS, université d'Orléans, 45067 Orléans, France), enseignant ENKRE. Honeine Jean-Louis, PhD
Master 2 ingénieur biomédical, diplômé
de Polytechnique Milan (Italie), chercheur en neurosciences et biomécanique, enseignant IFMK la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). Hussein Tarek, PhD masseur-kinésithérapeute diplômé d'État, master 2 PCMPS (Psychologie, Contrôle Moteur et Performance Sportive, laboratoire CIAMS, université Paris-Sud, université ParisSaclay, 91405 Orsay Cedex, France, CIAMS, université d'Orléans, 45067 Orléans, France), enseignant ENKRE. Laffaye Guillaume, PhD maître de conférences des universités habilité à diriger des recherches en physiologie et biomécanique du mouvement (STAPS Orsay, laboratoire CIAMS, université Paris-Sud, université Paris-Saclay, 91405 Orsay Cedex, France, CIAMS, université d'Orléans, 45067 Orléans, France). Megrot Fabrice, PhD diplômé en thérapie manuelle, responsable de l'unité clinique d'analyse de la marche et du mouvement du centre de médecine physique et de réadaptation pour enfants de Bois-Larris (Croix-Rouge française). Habilité à diriger les recherches en sciences pour l'ingénieur. Chercheur associé au laboratoire de biomécanique et bioingénierie de l'université de technologie de Compiègne. Memari Sahel, PhD post-doctorat laboratoire CIAMS (STAPS Orsay, laboratoire CIAMS, université Paris-Sud, université ParisSaclay, 91405 Orsay Cedex, France, CIAMS, université d'Orléans, 45067 Orléans, France). Mesure Serge, PhD masseur-kinésithérapeute diplômé d'État, maître de conférences des universités habilité à diriger des recherches en physiologie et biomécanique du mouvement (Institut des Sciences du Mouvement, Étienne-Jules-Marey, UMR 6233). Morard Estelle masseur-kinésithérapeute diplômé d'État, master 2 PCMPS (Psychologie, Contrôle Moteur et Performance Sportive, laboratoire CIAMS, université Paris-Sud, université Paris-Saclay, 91405 Orsay Cedex, France, CIAMS, université d'Orléans, 45067 Orléans, France). Pallot Adrien
masseur-kinésithérapeute diplômé d'État, master 2
IRHPM (Ingénierie pour la Rééducation, le Handicap et la Performance Motrice), faculté de médecine Amiens, DU méthodes en recherche clinique (université Bordeaux Segalen), DU interprétation des essais thérapeutiques (université de Lyon), enseignant : ENKRE, CEERRF, ASSAS, EFOM, IRFMK Orléans, IRFSS Limoges, UPJV Amiens, IFMK la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). Pillu Michel, PhD enseignant ASSAS.
masseur-kinésithérapeute diplômé d'État,
Presedo Ana, M.D. chirurgien orthopédique, CHU Robert-Debré, AP-HP, master 2 BIOST (BIomécanique OStéo-articulaire et Tissulaire, spécialité biomécanique), ENSAM (Paris). Rinderknecht Solène masseur-kinésithérapeute diplômé d'État, master 2 PCMPS (Psychologie, Contrôle Moteur et Performance Sportive, université de Nanterre, Paris X), enseignant ENKRE. Stuner Arnaud masseur kinésithérapeute diplômé d'État, master 2 VHMA (Vieillissement, Handicap, Mouvement, Adaptation, laboratoire CIAMS, université Paris-Sud, université Paris-Saclay, 91405 Orsay Cedex, France, CIAMS, université d'Orléans, 45067 Orléans, France). Teulier Caroline, PhD maître de conférences des universités (STAPS Orsay, laboratoire CIAMS, université Paris-Sud, université Paris-Saclay, 91405 Orsay Cedex, France, CIAMS, université d'Orléans, 45067 Orléans, France). Yiou Éric, PhD maître de conférences habilité à diriger des recherches en physiologie et biomécanique du mouvement (STAPS Orsay, laboratoire CIAMS, université Paris-Sud, université ParisSaclay, 91405 Orsay Cedex, France, CIAMS, université d'Orléans, 45067 Orléans, France). Préface Gagey Olivier professeur émérite, M.D., PhD, chirurgien orthopédique, CHU Kremlin-Bicêtre, AP-HP, directeur du département universitaire de formation en kinésithérapie et
physiothérapie (DUFKP, université Paris-Sud). Alain Yelnik professeur de Médecine Physique et de Réadaptation, Chef de Service, Groupement Hospitalier St.Louis-LariboisièreF.Widal, AP-HP, Université Paris Diderot. Conclusion Soubeyrand Marc, M.D., PhD professeur d'anatomie à l'université Paris-Sud, chirurgien orthopédiste et traumatologue, CHU du Kremlin-Bicêtre, AP-HP. Relecture Morichon Aurélie masseur-kinésithérapeute diplômé d'État, master 2 ingénierie de la rééducation, du handicap et de la performance motrice, université de Picardie, enseignante ENKRE. Illustrations Dufour Michel masseur-kinésithérapeute diplômé d'État, master 2 d'ingénierie de la santé, DU de biomécanique, DU anatomie clinique, enseignant IFMK Berck, EFOM, Rennes, Casablanca.
Préface Cet ouvrage va occuper une place à part, non en raison de sujet dont il traite et sur lequel nous reviendrons, mais en raison de sa position dans l'histoire actuelle de la profession. Il y a toujours eu dans la profession de kinésithérapeute des scientifiques reconnus et titrés mais ils avaient une position d'outsider (qui ne leur retire aucun mérite et, bien au contraire, force le respect). Aujourd'hui, sort un livre écrit en majorité par des kinésithérapeutes qui sont titrés (docteurs des universités, grade de master). Ce fait veut dire que, en amont de la politique actuelle d'universitarisation de la profession, un mouvement de fond dans ce sens avait déjà commencé. L'idée que la formation universitaire à la recherche est une chose indispensable est en marche depuis plusieurs années ! C'est la recherche qui nous permettra de hisser la profession à la hauteur de celle des physiothérapeutes d'Europe du Nord. Ce qui est habituel perd sa saveur et devient banal. La marche entre parfaitement dans ce schéma. Et pourtant… L'être humain est bâti sur un schéma d'instabilité fondamentale. Le modèle du pendule inversé est pertinent et validé mais il est trop simpliste puisque la tige du pendule est en fait une tige brisée en plusieurs endroits. Cela complique singulièrement l'équation de la stabilisation. Or la stabilité est un fait d'expérience quotidienne : nous tenons debout et nous marchons, nous courons et faisons du sport et nous tombons très rarement. Cette instabilité contrôlée est la source de notre performance motrice quotidienne ! Les conditions fondamentales en sont les suivantes : 1) des systèmes articulés sans frottement dotés d'une stabilisation et d'une
motorisation permanente, 2) le recueil permanent et l'exploitation d'informations sur l'état du système, 3) l'intégration permanente des afférences sensorielles qui vont conditionner l'adaptation du marchant à son environnement, 4) un pilotage performant de ce système par le biais des programmes moteurs. Voilà le défi de la marche que nous relevons quotidiennement avec succès jusqu'au jour où… Il est impressionnant de constater la gravité persistante des chutes chez la personne âgée. Nous sommes certes passés en 40 ans de près de 50 % à « seulement » 20 % de mortalité dans l'année suivant une fracture de l'extrémité supérieure du fémur. Les progrès de l'anesthésie et de la chirurgie sont évidemment passés par là mais la gravité de l'événement reste majeure. Cela laisse à penser que la chute ne se limite pas à une insuffisance musculaire ou à un trouble de l'équilibre ou à tout autre paramètre biomécanique… Pour qu'il y ait chute, il est probable qu'il faut une dégradation importante de toutes les fonctions nécessaires à la marche donc une dégradation globale touchant de nombreux systèmes. Comprendre – il vaudrait mieux dire tenter de comprendre – la marche reste un long chemin. Tout ce qui contribue à cet objectif est le bienvenu.
Olivier Gagey, Professeur émérite, M.D., PhD, chirurgien orthopédique, CHU Kremlin-Bicêtre, AP-HP, directeur du département universitaire de formation en kinésithérapie et physiothérapie (DUFKP, université Paris-Sud)
Préface Pr Alain Yelnik Arnaud Delafontaine doit être remercié d'avoir eu l'initiative de cet ouvrage et la patience de le réaliser. Il fallait un ouvrage actualisant les connaissances de la physiologie de la marche de l'homme tant les progrès technologiques ont amélioré celles-ci. Tout n'a pas été révolutionné pour autant et il faut se méfier d'attribuer à tel ou tel des découvertes faites par d'autres auparavant puis oubliées. Mais il y a vraiment eu des avancées dans la description des mécanismes intimes de cette fonction plus complexe qu'il ne peut le sembler au premier abord. Comprendre les plaintes et besoins du patient nécessite une bonne connaissance de la physiologie. D'Hippocrate à Galien, d'Avicenne à Claude Bernard ce fut toujours une ligne de conduite. Mais les grilles de lecture des phénomènes naturels sont évidemment inspirées par la culture de la société. La rigueur scientifique érigée en base préalable indispensable en a permis une compréhension avancée. La connaissance du fonctionnement des organes doit beaucoup à l'évolution des techniques d'exploration et instruments de mesure. Les dissections anatomiques de Galien à Léonard de Vinci, jusqu'à la fin du 20ème siècle ont été indispensables à la connaissance de la composition du corps humain et ainsi en partie à son fonctionnement. Elle ne suffit pas à comprendre les mécanismes d'une fonction qui, comme la marche, implique toujours de multiples structures anatomiques et une organisation séquentielle plus ou moins automatisée. La marche est une fonction particulièrement complexe, combinant les systèmes musculo-squelettique et nerveux, avec des liens également complexes au sein de celui-ci entre contrôle volontaire et automatisme. L'étude de la fonction elle-même dans son déroulement a été rendue possible par les techniques modernes. Ainsi
donc, il faut décrypter les plaintes du patient avec la certitude que telle fonction, ici la marche, implique de nombreuses structures unies dans un objectif fonctionnel. Il faudrait avoir à l'esprit ce qui y contribue, de la tête aux pieds (et vice-versa…), de la cellule au mouvement, du réflexe à la pensée et enfin (surtout ?) ce qu'est le sens de la locomotion pour l'individu et son rôle social. Tout se tient. L'homme n'est un tout en lui-même que par la place qu'il tient dans son environnement, pour lequel il agît et qui agît sur lui. L'analyse de la marche doit se faire avec la conviction que les désordres observés peuvent se situer à différents niveaux s'expliquant l'un par l'autre et sans que l'un n'exclut l'autre. Les conséquences d'une même fracture de la rotule peuvent être multiples, le lecteur le sait bien. La place faite ici à l'analyse instrumentale de la posture et du mouvement est heureuse. L'intérêt de celle-ci peut être analysé à deux niveaux. Le premier, celui de la recherche fondamentale, cherche à éclairer un mécanisme que l'on pourra ensuite généraliser sans être obligé de le démontrer à nouveau dans chaque situation clinique. L'imagerie 3D, l'électromyographie, l'étude des forces exercées au sol ou des accélérations ont permis de bien mieux comprendre la physiologie de la marche, son organisation, les mécanismes d'anticipation ou de réaction au déséquilibre. Ainsi par exemple chez l'enfant paralysé cérébral, le couplage de la cinématique et de la cinétique a conduit à élaborer une théorie de chirurgie multi-sites en un temps. Modifier la statique plantaire ou la biomécanique d'une hanche a évidemment un impact sur toute la chaîne de la locomotion, encore fallait-il le montrer. Pour un sujet donné, l'analyse instrumentale revêt d'autres intérêts et n'est heureusement pas toujours indispensable. L'analyse clinique que nous faisons d'un trouble de la marche, nourrie de ces connaissances, restera la base de toute décision thérapeutique. Elle seule permettra de faire des hypothèses diagnostiques et le choix des examens complémentaires nécessaires. Plus encore, elle seule permettra l'interprétation de ceuxci. Les analyses instrumentales, comme les analyses biologiques ou radiologiques, ne mesurent que ce pour quoi elles sont faites. Elles ne sont donc qu'un outil au service de l'évaluation : l'évaluation consiste
à donner du sens à une mesure, là est la médecine. Les choix thérapeutiques ne peuvent être guidés par les seules mesures. Leur objectivité supposée n'est qu'artificielle. C'est l'analyse du sens que prennent les mesures dans leur contexte qui permet les décisions thérapeutiques. Ce bel ouvrage sera consulté par tous ceux qui, rééducateurs, médecins, chirurgiens et ingénieurs auront à mieux étayer leurs décisions quant à l'analyse de la marche. Elle en dit si long sur l'individu qu'elle le vaut bien.
Professeur Alain Yelnik, Chef de Service Médecine Physique et de Réadaptation GH St.Louis-Lariboisière-F.Widal, AP-HP, Université Paris Diderot
Abréviations 3D trois dimensions AI auto-initié AC anticipation–coïncidence ADP adénosine diphosphate AINS anti-inflammatoire non stéroïdien APA ajustements posturaux anticipateurs APC ajustements posturaux consécutifs AQM analyse quantifiée de la marche ATP adénosine triphosphate ATT amputé transtibial AVC accident vasculaire cérébral BMN Benesh movement notation BS base de support Ca calcium CAP course à pied CG centre de gravité CM centre de masse CMS contrôle moteur sélectif COF coefficient of friction COFER Collège français des enseignants en rhumatologie
CoM center of mass CoP center of pressure CP centre de(s) pression(s) CPA consecutive postural adjustments CPC capacité posturo-cinétique CPG central pattern generator DT double tâche DTF dorsal tegmental field EIAS épine iliaque antéro-supérieure EVGI enhanced gait variability index EMG électromyogramme FAC functional ambulation categories FAPS functional ambulation performance score FARS Friedreich's ataxia rating scale FC foot contact FES-I falls efficacy scale–international FF fast (twitch) fatigable FFA Fédération française d'athlétisme FMNN factorisation matricielle non négative FO foot off FoG freezing of gait FoG-Q freezing of gait questionnaire FR fast (twitch) resistant GP grand pas GVI gait variability index HAS Haute Autorité de santé
HLGD high level gait disorders HVBA (technique) de haute vélocité et de basse amplitude IADL instrumental activities of daily living scale ICARS international cooperative ataxia rating scale ICC intraclass correlation IF ischio-fémoral ILMI inégalité de longueur des membres inférieurs IM initiation de la marche IRM imagerie par résonance magnétique LCA ligament croisé antérieur LCP ligament croisé postérieur MCID minimum clinically important difference MLR mesencephalic locomotor region MP maladie de Parkinson MVC maximal voluntary contraction NC non communiqué NEM niveaux d'évolution motrice NFAC new functional ambulation categories NFoG-Q new freezing of gait questionnaire NFS numération formule sanguine OGS oberservational gait scale PBS pediatric balance scale PC paralysie cérébrale PCr phosphocréatine Pi phosphate inorganique PIP pic d'impact passif
PP petit pas PRS physician rating scale PST paramètres spatio-temporels RCOF required coefficient of friction SARA scale for the assessment and rating of ataxia Se sensibilité SEP sclérose en plaques SLR subthalamic locomotor region SNC système nerveux central Sp spécificité SPA simultaneous postural adjustments ST simple tâche TFL-TIT tenseur du fascia lata–tractus ilio-tibial TM-10 test de marche sur 10 m TMM test moteur minimum TR temps de réaction TUG timed up and go VCE vibrations corps entier VTP ventral tegmental field
Niveau de preuve de la Haute Autorité de Santé Les niveaux de preuve utilisés par la Haute Autorité de Santé (HAS), furent développés par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes) en 1999. Ils permettent une gradation de l'évidence scientifique et vous sont présentés dans le tableau cidessous. Astuce : lors de la lecture critique d'un article scientifique, le lecteur doit toujours définir le niveau de preuve de l'article (non mentionné explicitement) afin d'évaluer la pertinence scientifique de l'étude et de repérer les biais méthodologiques. Niveau de preuve et gradation des recommandations de bonne pratique Niveau de preuve scientifique
Grade des recommandations
I
Essais comparatifs randomisés de forte puissance Méta-analyse d'essais comparatifs randomisés Analyse de décision fondée sur des études bien menées
A
Essais comparatifs randomisés de faible puissance Études comparatives non randomisées bien menées Études de cohortes
B
Essais comparatifs non randomisés avec groupe contrôle contemporain Études cas-témoins
C
II
III
IV
Essais comparatifs non randomisés comportant des biais importants Études rétrospectives Séries de cas Études épidémiologiques descriptives (transversale, longitudinale)
Preuve scientifique établie
Présomption scientifique
Faible niveau de preuve établie scientifique
Source : HAS. Niveau de preuve et gradation des recommandations de bonne pratique. Avril 2013. En ligne : https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/201306/etat_des_lieux_niveau_preuve_gradation.pdf
Introduction
CHAPITRE 1
Histoire de la marche, évolution et intérêts cliniques A. Delafontaine; M. Pillu; N. Fusco; J.-L. Honeine
PLAN DU CHAPITRE Un peu d'histoire… Analyse de la marche et pratique clinique Contribution des nouvelles techniques d'étude de la marche chez le sujet jeune et âgé Apport de la modélisation musculo-squelettique 3D Conclusion
Focus
■ Objectifs pédagogiques : comprendre l'évolution des techniques de l'analyse du mouvement et de la marche. ■ Objectifs professionnels : choisir des outils d'analyse pertinents en pratique clinique. ■ Evidence based : connaître les protocoles de recherche évaluant la locomotion.
Les premières traces d'études du mouvement humain à partir de l'anatomie, dont la marche et ses manifestations pathologiques, proviennent de l'Égypte antique. Elles remontent aux xiv e, xv e et xvi e siècles av. J.-C., entre le règne d'Amenhotep 1er et celui d'Amenhotep III, comme en témoigne le papyrus égyptien d'Ebers (fig. 1.1) découvert par Edwin Smith à Louxor en 1862. Ce papyrus porte le nom de l'égyptologue allemand Georg Moritz Ebers, qui l'a acheté et traduit. Il est actuellement conservé à la bibliothèque universitaire de Lepzig en Allemagne.
FIG. 1.1 Partie du papyrus d'Ebers. Source : United States National Library of Medicine, National Institute of Health (www.nlm.nih.gov).
Il faut attendre Aristote (384–322 av. J.-C.) pour voir naître la « kinésiologie » avec les notions de temps, de durée et d'origines du mouvement. Pour Aristote, la marche est « le meilleur remède de l'homme ». Archimède (287–212 av. J.-C.) étudie ensuite la biomécanique des leviers et du centre de gravité des segments corporels.
Il écrit deux traités sur la locomotion animale nommés Marche des animaux et Mouvement des animaux précisant même que « le poids du corps passe des parties en mouvement sur celles qui ne bougent pas ». L'analyse de la marche ne s'est, quant à elle, développée que plus tardivement à partir du xv e siècle.
Un peu d'histoire… De la Renaissance à nos jours À la Renaissance, Leonard de Vinci (1452–1519), Galilée (1564–1642) et Isaac Newton (1643–1727) sont les premiers auteurs à décrire globalement la marche. Puis Giovanni Borelli (1608–1672) décrit le maintien de l'équilibre dans la locomotion. De motu animalum (Borelli, 1680) est considéré comme une contribution majeure aux principes de base de la biomécanique par Provencher et Abdu (Provencher et Abdu, 2000). Dans Philosophiae naturalis principia mathematica (1687), Isaac Newton jette les fondements de la mécanique classique. Jusqu'à ce jour, la science de l'analyse du mouvement humain se fonde entièrement sur les lois fondamentales telles que décrites par Newton. Christian Wilhelm Braüne (1831–1892) et Otto Fischer (1861–1917) sont les premiers à effectuer une analyse cinématique dans les dimensions de l'espace. Ils initient en outre la détermination de la position du centre de masse de chacun des segments comme de l'ensemble du corps humain. Leurs travaux font suite à ceux des frères Weber : Wilhelm Eduard Weber (1804–1891), Eduard Friedrich Wilhelm Weber (1806–1871) et Ernst Heinrich Weber (1795–1878) qui voient la marche comme une chute en avant. En 1836, les frères Weber sont les premiers à décrire le cycle de marche. Ils réussissent à estimer la cadence de marche et l'oscillation pendulaire du membre inférieur sur cadavre en appliquant les lois newtoniennes. L'étude des mouvements sur l'animal (fig. 1.2) et l'homme permet par la suite d'appréhender de manière scientifique la marche, la course et d'autres activités motrices (monter des escaliers,
enjambement d'obstacle, entrée dans une baignoire, etc.).
FIG. 1.2 Plaque de cuivre représentant l'analyse décomposée du vol d'un oiseau. Source : C. Feger. Dans le domaine clinique, Guillaume Duchenne (1806–1875), père de la stimulation électrique en physiologie, l'un des fondateurs de la neurologie, se fait aussi connaître pour ses descriptions de marches pathologiques. Ses recherches débutent à la fin du xix e siècle, sous l'impulsion d'Étienne-Jules Marey (1830–1904) 1 en France (fig. 1.3) et d'Eadweard Muybridge (1830–1904) aux États-Unis (fig. 1.4).
FIG. 1.3 Études photochronographiques (Marey, 1883) : chronophotographies géométriques partielles. Source : dépôt du Collège de France en 1955, image issue du musée Marey, Beaune (référence Inv. D.55.1.40, photo J.D. Lajoux©).
FIG. 1.4 Analyse de l'homme montant un escalier par le biais de caméras (Muybridge, 1882). Source : Pillu, M. (2008). La marche humaine : historique et état actuel de son étude. Kinésithérapie Scientifique, 485, 13-8. (Copyright © 2008 SPEK. Tous droits réservés.).
En inventant le cinématographe ou le « fusil photographique » (fig. 1.5), Marey réussit à décomposer le mouvement humain, notamment le pas (fig. 1.6), afin d'en analyser les différentes phases.
FIG. 1.5 Fusil photographique : vue d'ensemble de l'appareil (1), obturateur et disque à fenêtre (2), boîte de vingt-cinq plaques sensibles (3) (Marrey, 1882). Source : David Monniaux, travail personnel – GFDL (http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html), CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/) ou CC BY-SA 2.0 fr (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/fr/deed.en) – via Wikimedia Commons.
FIG. 1.6 Chronophotographie (ou « diagramme bâton ») de Marey exposant la décomposition du pas (communication à l'Académie de médecine, 1894). Source : Pillu, M. (2008). La marche humaine : historique et état actuel de son étude. Kinésithérapie Scientifique, 485, 13-8. (Copyright © 2008 SPEK. Tous droits réservés.).
La technique expérimentale employée consiste à vêtir le sujet d'une combinaison noire sur laquelle sont cousues des bandes réfléchissantes blanches (fig. 1.7). Cependant, cette technique pose deux problèmes de fiabilité scientifique : ● la position des réflecteurs et leurs éventuels déplacements sur la peau (Cappozzo, 1991) ; ● la qualité du signal et son étalonnage.
FIG. 1.7 Georges Demenÿ portant le costume noir à lignes et points blancs (photographie, 1883). Source : dépôt du Collège de France en 1978, musée Marey, Beaune, France. Photo : J.-C. Couval©. Image issue du musée Marey de la ville de Beaune (référence Inv. D.78.6.8).
De part cette analyse, Marey est le premier à mettre en évidence qu'une des différences essentielles entre la marche (fig. 1.8) et la course est la phase aérienne de cette dernière.
FIG. 1.8 Marche de l'homme nu : chronophotographie sur pellicule mobile, vers 1895. Détail du panneau Locomotion comparée réalisé à l'occasion de l'Exposition universelle de 1900 (Marey). Source : dépôt du Collège de France, musée Marey, Beaune. Photo : J.-D. Lajoux© (référence D-55-1-12).
Tout comme Borelli, Marey étudie les trajectoires du centre de masse corporel et du centre de pression sous le pied d'appui. Il comprend l'importance de l'appui sur le sol et de sa mesure. Il est le premier à essayer de la quantifier en plaçant un ballonnet sous le pied (fig. 1.9) et en enregistrant son écrasement pendant l'exécution d'un pas (Marey, 1873).
FIG. 1.9 Premier capteur portatif d'appui ( Marey, 1873 ). Source : Pillu, M. (2008). La marche humaine : historique et état actuel de son étude. Kinésithérapie Scientifique, 485, 13-8. (Copyright © 2008 SPEK. Tous droits réservés.).
Le premier capteur de Marey (fig. 1.9) a pour avantage d'être portatif et donc d'enregistrer les forces d'appui en situation réelle, loin de la ligne droite du sol plan et du laboratoire. L'inconvénient est une relative imprécision couplée à l'impossibilité d'un étalonnage fiable. Les variations enregistrées ne peuvent pas être réellement quantifiées. Marey et ses élèves, Gaston Caret (1845–1892) et Georges Demenÿ (1850–1917), ne cessent de développer de nouveaux systèmes d'enregistrement afin d'étudier la cinétique et l'énergétique de la marche. Ils couplent aux données cinématiques les mesures de pressions plantaires (fig. 1.10) et la composante verticale de la force de réaction du sol.
FIG. 1.10 Mesure de la pression plantaire par Marey (1878). Marey est également un des premiers à étudier la course et à caractériser la phase aérienne (fig. 1.11).
FIG. 1.11 Schéma de la course humaine, utilisé comme frontispice pour le catalogue publié lors de l'Exposition universelle de 1900 à Paris. Source : Pillu, M. (2008). La marche humaine : historique et état actuel de son étude. Kinésithérapie Scientifique, 485, 13-8. (Copyright © 2008 SPEK. Tous droits réservés.).
En 1885, Braune et Fischer utilisent une technique proche de la chronophotographie en disposant plusieurs bandes lumineuses segmentaires corporelles à la place des lanières blanches préconisées par Marey. Ainsi, en les photographiant, ils peuvent mesurer les trajectoires, vitesses et accélérations tridimensionnelles des segments du corps. Les forces intervenant au cours du cycle de marche peuvent ainsi être calculées grâce à la masse et aux accélérations segmentaires. L'étude des variables cinétiques de la marche se développe avec la création des premières plateformes de mesure conçues à partir de la Première Guerre mondiale. La première description d'une plateforme de force « moderne », effectuée par Jules Amar (1879–1935), date de 1916 (Cunningham et Brown, 1952). Cette plateforme « pneumatique » (fig. 1.12) est reliée à des montants par le biais de ressorts réagissant dans les trois plans de l'espace. Ce matériel oscille beaucoup et n'est pas satisfaisant.
FIG. 1.12 Première plateforme de force « pneumatique » ( Amar, 1916 ). Cependant, il permet de mesurer les trois composantes de la force de réaction du sol. Amar l'utilise ainsi à des fins rééducatives, les blessés de la Grande Guerre étant ses principaux sujets d'étude. La seconde génération de plateformes, dites « mécaniques » (fig. 1.13), date de la fin des années 1930 et permet les grandes recherches faites à Berkeley après la Seconde Guerre mondiale par Wallace Osgood Fenn (1893–1971) et Herbert Elftman (1902–1989). Ce dispositif est monté sur des plots équipés de jauges d'extensométrie (Eberhart et al., 1947). Fenn et Elftman prolongent l'idée d'une mesure des forces externes engendrées lors de la marche (Elftman, 1938). Ils développent des méthodes de calcul comme la dynamique inverse, fondée sur les travaux de Braune et Fischer, ou encore le travail et la puissance mécaniques.
FIG. 1.13 Plateforme « mécanique » de seconde génération ( Elftman, 1938 ). Cet instrument met en évidence que l'appui au sol est supérieur au poids du sujet (environ 120 %) au moment de l'attaque du talon et à l'instant où le pied quitte le sol. Au passage à la verticale, la contrainte d'appui n'est plus que de 80 % du poids (fig. 1.14).
FIG. 1.14 Variations de la force verticale selon la vitesse de marche ( lente = 60 m/min, normal = 80 m/min) et pendant la course (Perry, 1992). Source : Pillu, M. (2008). La marche humaine : historique et état actuel de son étude.
Kinésithérapie Scientifique, 485, 13-8. (Copyright © 2008 SPEK. Tous droits réservés.).
En 1935, Bernstein étudie la trajectoire des centres de masse segmentaires corporels. À partir des années 1940, Inman (1966) étudient l'activité musculaire du cycle de marche et décrivent les mouvements globaux médio-latéraux et verticaux du centre de masse (fig. 1.15).
FIG. 1.15 Mouvements du centre de masse au cours de la marche. Dès 1953, les processus de la consommation (Saunders, Inman et Eberhart, 1953) et du transfert énergétique (Cavagna et Margaria, 1966) sont étudiés. Dans les années 1970–1980, la troisième génération de plateformes de force électriques est conçue. Ces plateformes sont rectangulaires et emploient normalement quatre capteurs de force reliés entre eux et positionnés sous chaque coin de la plateforme. Cette configuration permet aux capteurs de mesurer les forces de réaction au sol ainsi que le point d'application de la résultante de ces forces conformément appelé le centre de pression (Winter, 1990). Parallèlement, au milieu du xx e siècle, l'électromyogramme (EMG) devient une technique de moins en moins invasive avec la création
des électrodes de surface (fig. 1.16), contrairement aux aiguilles.
FIG. 1.16 Capteurs EMG de surface fonctionnant par Wifi (A) analysant l'activité des muscles du segment jambier (B). L'EMG de surface permet de détecter l'activité électrique de la totalité des unités motrices situées sous les électrodes positionnées si possible près du centre d'innervation des muscles. L'EMG permet donc de mesurer le début et la fin d'une contraction musculaire ainsi que l'amplitude de l'activité électrique observée pendant l'exécution de tâches diverses. Les désavantages techniques encore insurmontables de l'EMG restent l'incapacité à déterminer la force musculaire, à mesurer l'activité des muscles profonds et à ne pas être parasiter par l'activité électrique des muscles adjacents. Le couplage de la cinématique, de la cinétique et de l'EMG a permis d'augmenter exponentiellement notre connaissance sur la marche et le maintien de l'équilibre posturale chez les humains. John Basmajian (1921–2008), Jacqueline Perry (1918–2013), David Sutherland (1923–2006) et leur prédécesseur Verne Inman (1905–1980) ont exploré le fonctionnement musculaire lors de la marche notamment en couplant l'EMG de surface (fig. 1.16) à l'analyse
cinématique tridimensionnelle.
Possibilités actuelles de mesure des mouvements pendant la marche L'analyse qualitative de la marche a évolué vers une analyse quantitative des marches normales et pathologiques (Baker, 2007). L'étude biomécanique de la marche humaine, phénomène lent (fréquence de l'ordre du hertz), suppose une analyse combinée et corrélée de la cinématique et de la cinétique du corps, des activités électromyographiques des muscles (notamment ceux des membres inférieurs) et de l'activité métabolique des mouvements du corps.
Analyse cinématique Pour rappel, la cinématique est définie comme la branche de la mécanique classique qui s'occupe de l'étude d'un mouvement d'un objet sans prendre en considération les forces qui le produisent. De nos jours, plusieurs systèmes de « capture du mouvement » permettent d'enregistrer d'une façon très précise la cinématique du corps humain. Les systèmes optoélectroniques (fig. 1.17) se fondent sur des caméras qui émettent une lumière infrarouge.
FIG. 1.17 Système optoélectronique avec caméras infrarouges (Vicon®). Des marqueurs réfléchissants positionnés à des emplacements anatomiques bien précis permettent de réfléchir cette lumière avec un angle de réflexion très petit. Ceci permet à une caméra de détecter la position bidimensionnelle du marqueur dans l'image enregistrée. Théoriquement, deux caméras se focalisant sur un seul marqueur sont capables de reconstruire la position du marqueur par rapport à un repère prédéterminé. Techniquement, trois caméras sont nécessaires. En mesurant la position de chaque segment du corps, il est donc possible de calculer les angles et les vitesses articulaires autour de trois axes (en tangage, en roulis et en lacet). Il est aussi possible de mesurer la cadence, la longueur et la largeur des pas. En se fondant sur des données anthropométriques obtenues suite à la dissection de centaines de cadavres, il est possible d'obtenir une estimation « fidèle » de la position et de la vitesse du centre de masse globale.
Par exemple, le système Vicon® (voir fig. 1.17) est particulièrement performant et très précis. Son couplage avec une plateforme de mesure de l'appui au sol avec la connaissance des positions articulaires et des angles de flexion–extension permet le calcul des contraintes d'appui sur les interlignes articulaires. Cette méthode est connue sous le nom de « dynamique inverse » (Bergmann, Graichen et Rohlmann, 1993). Les systèmes à centrales inertielles utilisent plusieurs capteurs comme des gyroscopes, des accéléromètres et des magnétomètres (fig. 1.18). La fusion multisensorielle provenant de ces capteurs permet de calculer l'accélération, l'orientation et la vitesse angulaire du capteur.
FIG. 1.18 Enregistrements cinématiques humaines 3D (Xsens®). En attachant un capteur à chaque segment corporel, il est possible de mesurer les angles et vitesses articulaires et même d'estimer plus au moins la position du centre de gravité. Même si la précision de ces systèmes est inférieure à celle obtenue grâce à un système optoélectronique, ils permettent de mesurer les patients en dehors du laboratoire (par exemple, enregistrer la marche dans les couloirs de
l'hôpital ou même dans la rue). L'acquisition d'un système optoéléctronique ou à centrales inertielles est onéreuse. Elle nécessite un équipement important avec un personnel technique formé et disponible, ce qui majore d'autant les coûts. En pratique clinique courante, il existe cependant quelques outils plus abordables financièrement tels que le locomètre (fig. 1.19A) permettant d'enregistrer les paramètres spatio-temporels de la marche (fig. 1.19B), en moins de 20 secondes sur plusieurs cycles de marche. Les deux membres inférieurs au cours d'un même cycle peuvent également être enregistrés simultanément. Le prototype du locomètre a été développé en France au laboratoire de physiologie sensorielle et motrice du Pr Paul Bessou 2 (Bessou, Dupui, Montoya et Pagès, 1988).
FIG. 1.19 Locomètre Satel® (A) avec lecture des paramètres spatio-temporels pour le pied droit et gauche lors d'un cycle de marche (B). Source : Pillu, M. (2008). La marche humaine : historique et état actuel de son étude. Kinésithérapie Scientifique, 485, 13-8. (Copyright © 2008 SPEK. Tous droits réservés.).
Satel® a ensuite industrialisé ce dispositif prototype et obtenu le grand prix de l'innovation technologique dans le cadre des Cortechs en 2011. Trois cent cinquante locomètres ont été installés sur le marché
français (dans les centres hospitaliers universitaires, les centres hospitaliers et les centres de rééducation fonctionnelle) et une trentaine en Europe. Un compte rendu d'interprétation est disponible pour les praticiens immédiatement après analyse locométrique (fig. 1.20).
FIG. 1.20 Compte rendu d'interprétation d'analyse de la marche automatisée Satel®. D'autres solutions aussi moins onéreuses et plus accessibles pour le praticien consistent en l'utilisation d'un ou plusieurs capteurs de type accéléromètre et/ou goniomètre (fig. 1.21) positionnés à des endroits spécifiques dans le but de mesurer des variables spécifiques.
FIG. 1.21 Accéléromètres (BTS Bioengineering®) (A) et goniomètres électroniques (NexGen ergonomics®) (B). Par exemple, un goniomètre permet de mesurer un certain angle articulaire dans un certain axe. Un accéléromètre permet de détecter les instants de contact du pied avec le sol (donc mesurer la cadence), ainsi qu'estimer la vitesse de marche. Actuellement, beaucoup d'efforts sont mis en place afin de développer des algorithmes qui sont capables de diagnostiquer un patient grâce à des capteurs (voir Ahlrichs et al., 2016 pour la détection du phénomène du freezing chez les patients parkinsoniens).
Analyse cinétique La cinétique est la branche de la mécanique classique qui s'occupe d'étudier un mouvement tout en considérant les causes de ce déplacement (en d'autres termes les forces). Actuellement, plusieurs outils de mesure permettent d'enregistrer d'une façon très précise la
cinétique du corps humain. Les plateformes de force mesurent les forces de réaction au sol et les moments de force dans les directions antéro-postérieures et verticales. Une chaîne de montage permet de coupler cette analyse à celle des EMG (fig. 1.22).
FIG. 1.22 Exemple de dispositif expérimental (A) utilisé en laboratoire d'analyse de la marche avec tracés bruts obtenus pendant l'initiation de la marche : tracé brut EMG du Soleus du pied d'appui (B) ; tracé brut mécanique du déplacement médio-latéral du centre de pression (C). Ces mesures permettent de déterminer la position du point d'application des forces au sol connu comme centre de pression dans la littérature concernant le mouvement humain. Ces plateformes doivent être fixées au sol et obligent parfois les patients à corriger leur longueur de pas afin de marcher dessus. Actuellement, des plateformes de force sont intégrées dans des tapis roulants. Ceci permet de réduire l'espace nécessaire pour faire une analyse de marche, tout en augmentant l'efficacité du test et en assurant la sécurité des patients grâce aux rails normalement attachés à la machine. Par exemple, le système Zebris®, sur plateforme de force avec capteurs capacitifs (fig. 1.23A) ou portatifs entre les barres parallèles
(fig. 1.23B), présente une bonne précision avec un espace de capture relativement restreint (de 2 à 5 m) et un coût raisonnable (cependant hors de portée du professionnel de santé isolé).
FIG. 1.23 Système Zebris®. Source : Pillu, M. (2008). La marche humaine : historique et état actuel de son étude. Kinésithérapie Scientifique, 485, 138. (Copyright © 2008 SPEK. Tous droits réservés.). Système tapis de pression Des tapis contenant une matrice connectée de capteurs de pression (fig. 1.24) permettent de détecter les appuis d'une personne et donc de mesurer la longueur et la largeur du pas, et les durées de simple et double appui. Ces tapis peuvent être configurés de plusieurs façons : par exemple, en ligne droite, en « L », en rectangle ou même placés sur des marches d'escalier. Ceci permet d'analyser la marche dans des situations difficilement réalisables avec un système optoélectronique.
FIG. 1.24 Marche sur tapis GAITrite® (2014). Semelles baro-podométriques (fig. 1.25A) Elles disposent d'une matrice de capteurs de pression qui permettent de connaître la distribution des forces sous la voûte plantaire (fig. 1.25B).
FIG. 1.25 Semelle baropodométrique (A) type Tekscan® et cartographie des pressions (B) reçues par le pied pendant la marche. Source : Pillu, M. (2008). La marche humaine : historique et état actuel de son étude. Kinésithérapie Scientifique, 485, 13-8. (Copyright © 2008 SPEK. Tous droits réservés.).
Des calculs un peu complexes permettent d'estimer la position du centre de pression sous chaque pied ainsi que les forces de réaction au sol.
Analyse de l'activité métabolique En ce qui concerne les mesures de l'activité métabolique durant un mouvement volontaire, il est nécessaire de discuter rapidement le principe du moindre effort. Il est accepté dans la littérature que le cerveau, parmi une infinité de mouvements possibles, préfère exécuter celui qui lui coûte le moins d'énergie métabolique possible. Dans le contexte clinique mesuré, l'énergie métabolique (fig. 1.26) peut aider dans le diagnostic et le suivi de la procédure de rééducation du patient.
FIG. 1.26 Différents rôles de l'analyse quantifiée de la marche (AQM) au service du praticien. Par exemple, même si le port d'une orthèse de cheville rigide améliore la performance motrice de la marche chez un patient hémiplégique, elle augmente la dépense énergétique de 10 % (Bregman et al., 2011). Pour éviter la fatigue du patient, le clinicien pourrait prescrire une orthèse articulée ou même motorisée. L'énergie métabolique peut être estimée grâce à une mesure d'oxygène et de dioxyde de carbone. L'énergie mécanique peut être estimée grâce à un système optoélectronique.
Analyse de la marche et pratique clinique Le premier moyen d'observer le mouvement est certainement l'œil humain et plus précisément celui du clinicien. Cette description, non négligeable, peut être renforcée par l'utilisation de la vidéo ou d'une échelle d'évaluation. Dans le domaine clinique, la classification fonctionnelle de la marche (functional ambulation categories ou FAC ; Holden, Gill, Magliozzi, Nathan et PiehlBaker, 1984) et la nouvelle classification fonctionnelle de la marche (new functional ambulation categories ou NFAC ; Brun et al., 2000) sont fondées sur une analyse descriptive utilisée en routine. Malgré tout, l'observation reste un moyen d'information très limité et nécessite souvent un apprentissage et une expertise importante. À cela s'ajoute une variabilité interopérateur parfois importante. Pour pallier ces problèmes, de nombreux instruments existent pour quantifier la marche. Nous pouvons distinguer ceux liés aux paramètres spatio-temporels de la marche et ceux liés à la cinématique des segments du corps. L'« évaluation des paramètres spatio-temporels de la marche » constitue un acte médical listé à la T2A et libellé sous la référence PEQP002, valorisé à 65,11 €. De nos jours, l'étude de la marche regroupe plusieurs méthodes allant de l'analyse vidéo à l'analyse quantifiée de la marche ou AQM (c'est-à-dire étude cinétique, cinématique et électromyographique en laboratoire) et présentant différents intérêts cliniques (fig. 1.26). Les protocoles les plus utilisés pour la clinique et la recherche, afin d'estimer la performance motrice d'un patient durant une tâche locomotive, sont : ● l'équilibre postural : cette technique permet de mesurer (normalement grâce à une plateforme de force) les oscillations du corps en station debout. Il est accepté dans la littérature que plus les oscillations sont amples, moins la personne est « stable » et à risque de chuter. Durant ce test, les patients sont amenés à se mettre debout et adopter des postures de
difficultés variables : par exemple, posture debout normale, posture en tandem (fig. 1.27) (Honeine, Crisafulli et Schieppati, 2017) ou debout sur une jambe. Plusieurs variables peuvent être employées pour quantifier les oscillations, et en principe le clinicien utilise un score composé des résultats de plusieurs variables mesurées afin d'évaluer l'équilibre du patient ;
FIG. 1.27
Protocole d'équilibre postural en position tandem.
● la marche stationnaire en ligne droite : durant le test, le patient doit marcher en ligne droite en exécutant au moins une dizaine de pas. Une fois que la marche stationnaire est atteinte (normalement suite à l'exécution du troisième pas), le clinicien peut recueillir les données cinématiques, cinétiques et électromyographiques du patient. Ces données peuvent être comparées aux moyennes obtenues chez des personnes saines et/ou peuvent être utilisées pour suivre sa procédure de rééducation. Ce test peut être fait sur un tapis roulant (fig. 1.28) ;
Analyse de la marche sur tapis roulant (Kistler®). Source : Pillu, M. (2008). La marche humaine : historique et état actuel de FIG. 1.28
son étude. Kinésithérapie Scientifique, 485, 13-8. (Copyright © 2008 SPEK. Tous droits réservés.).
● la marche stationnaire en cercles : ce test est similaire à celui de la marche stationnaire en ligne droite, sauf que le patient doit suivre une trajectoire circulaire ou en forme de huit. Ces trajectoires sont plus difficiles que marcher en ligne droite et donc permettent d'identifier certaines difficultés de marche chez les patients ; ● l'initiation de la marche : l'initiation de la marche est un protocole très utile parce qu'il nécessite un contrôle rigoureux de l'équilibre tout en générant des forces de propulsion. L'analyse de l'initiation de la marche peut être faite soit avec une plateforme de force dont les dimensions sont assez grandes pour que le sujet puisse exécuter un pas complet dessus ou en combinant une ou deux plateformes de force avec un système optoélectronique ; ● la génération d'un pas automatique : ce test consiste à perturber la posture du patient dans le but de l'obliger à exécuter un pas automatique pour récupérer son équilibre. Le protocole le plus utilisé consiste à demander au patient de rester debout sur une plateforme qui est capable de se déplacer rapidement en arrière obligeant le patient à faire un pas en avant. Un autre protocole utilisé est le rattrapage de l'équilibre suite à une chute en avant (fig. 1.29). Cette technique consiste à incliner le patient vers l'avant grâce à un câble attaché à la ceinture d'un côté et au mur de l'autre. En détachant le câble du mur, le clinicien oblige le patient à faire un pas en avant afin d'éviter la chute.
FIG. 1.29 Protocole de rattrapage de l'équilibre avec un système « électro-aimanté » (A) permettant, le corps incliné vers l'avant (B), l'étude du rattrapage de l'équilibre (C). Un harnais de sécurité est souvent employé pendant ce protocole pour assurer la sécurité du patient. Mesurer le temps de latence entre le début de la perturbation et l'initiation de l'activité électromyographique, responsable de la génération du pas, pourrait fournir des informations sur la performance motrice des patients et leur risque de chute. En consultation ou en cabinet de ville, le locomètre de Bessou (fig. 1.30A) peut être intéressant pour évaluer l'ensemble des paramètres spatio-temporels (longueur, fréquence de pas, durée des appuis, etc.) grâce à la mesure des déplacements longitudinaux de câbles reliés aux pieds du sujet étudié (Condouret et al., 1987). Ce système est cependant limité par l'encombrement et la longueur des câbles fixés sur les chaussures (fig. 1.30A).
FIG. 1.30 Outils d'analyse de la marche en pratique clinique. Source : Gouelle A, Mégrot F. (2016). L'analyse fonctionnelle de la marche. Kinésithérapie Scientifique, 580, 31-42. (Copyright © 2016 SPEK. Tous droits réservés.).
Plus adaptées, les chaussures équipées de contacteurs électriques, de capteurs de pression ou encore de jauges de contraintes (fig. 1.30B et D) sont des outils précis pour évaluer ces paramètres lors de la marche. Les tapis instrumentés offrent l'avantage de laisser les sujets libres de tout matériel (Bilney, Morris et Webster, 2003), mais la distance de mesure est malheureusement limitée à quelques mètres (fig. 1.30C). Par ailleurs, il faut préciser que les chaussures, les semelles ou encore les tapis instrumentés les plus évolués permettent non seulement la mesure des paramètres spatio-temporels, mais aussi des pressions plantaires ou de la force de réaction du sol. Cela peut permettre au praticien de coupler cette analyse dynamique à une analyse posturale afin d'effectuer des semelles orthopédiques sur mesure, notamment à visée proprioceptive.
Contribution des nouvelles techniques d'étude
de la marche chez le sujet jeune et âgé L'apport des nouvelles technologies est considérable dans la compréhension du continuum entre le vieillissement des structures neurologiques et l'apparition des altérations de la marche. Elles permettent notamment de mieux comprendre l'association « trouble de la marche et déclin cognitif » et de chercher les réponses à des questions fondamentales : par exemple, peut-on parler de « démarche sénile physiologique » ou devrait-on plutôt évoquer des « processus pathologiques infracliniques » ? La littérature met en avant une certaine limitation des tests cliniques. Il existe une réelle nécessité pour les thérapeutes d'analyser de façon plus poussée, via les nouvelles techniques d'imagerie, les perturbations de la marche des patients (Gillain et Petermans, 2013).
Étude de la commande motrice et de son organisation par imageries Les techniques d'imagerie fonctionnelle ont également montré les zones cérébrales recrutées lors de la locomotion (tableau 1.1). Tableau 1.1 Activation centrale lors de la marche Techniques Résultats principaux d'imagerie
Références
Population
Malouin, Richards, Jackson, Dumas, and Doyon (2003)
6 sujets sains (± 55,9 ans)
Jahn et al. (2008)
26 sujets jeunes IRMf sains (± 33 ans)
PET scanner
Activation : AMS, région « jambe » du cortex moteur et NGC Activation gyrus hippocampique et fusiforme Désactivation simultanée du gyrus temporal supérieur et moyen ↓ Afférences vestibulaires pour éviter conflit vestibulo-visuel
AMS : aire motrice supplémentaire ; IM : initiation de la marche ; IRMf : imagerie par résonance magnétique fonctionnelle ; NGC : noyaux gris centraux ; PET : tomographie par
émission de positons.
Les techniques d'imagerie par résonance magnétique (tableau 1.2) ont permis de mettre en évidence une corrélation entre l'atteinte vasculaire et/ou morphologique du système nerveux central (SNC) et les paramètres de la performance locomotrice (c'est-à-dire vitesse de marche et longueur du pas). Tableau 1.2 Corrélation entre le système nerveux central et la performance locomotrice Techniques d'imagerie
Résultats principaux
Références
Population
Rosano, Brach, Studenski, Longstreth Jr, and Newman (2008)
331 sujets âgés sains (78,3 ± 4,0 ans)
IRM Théorie vasculaire* morphologique Corrélation Lpas et infarctus des NGC
Guerini et al. (2008)
214 sujets âgés « chuteurs » (78,9 ± 6,1 ans) et « non chuteurs » (80,4 ± 5,3 ans)
Scanner cérébral
« Facteur de risque prédictif de la chute » : lésion vasculaire souscorticale**
Zimmerman, Lipton, Pan, Hetherington, and Verghese (2009)
48 sujets âgés sains (± 81 ans)
IRM volumétrique PET scanner
Corrélation Lpas avec volume et métabolisme hippocampique
IRM : imagerie par résonance magnétique ; Lpas : longueur de pas ; NGC : noyaux gris centraux ; PET : tomographie par émission de positons. *
Lésions (accident vasculaire cérébral silencieux, substance blanche) = diminution de la vitesse de marche, diminution de la Lpas, augmentation de la durée de double appui. **
Soit sept régions : frontale, temporale, lobes pariétaux, lobes occipitaux, capsule interne et externe, cervelet.
Elles ont également permis d'analyser les différents processus de l'imagerie motrice, notamment entre le sujet jeune et le sujet âgé (tableau 1.3). Ces résultats sont donc à prendre en compte pour mieux adapter l'utilisation de cette technique en fonction de l'âge du patient et pour prédire les résultats escomptés.
Tableau 1.3 Corrélation entre l'imagerie motrice de la marche et le système nerveux central Références
Population
Résultats principaux
Bakker, de Lange, Stevens, Toni, and Bloem (2007)
14 sujets jeunes sains (22 ± 2,8 ans)
Marche réelle versus imagée : Lpas, largeur de pas, temps d'exécution identiques
La Fougère et al. (2010)
16 sujets âgés sains (± 61 ans)
Imagerie motrice de la marche : implication des NGC
Personnier, Kubicki, Laroche, and Papaxanthis (2010)
9 sujets jeunes sains (25,5 ± 2,5 ans) versus 9 sujets âgés sains (71,4 ± 3,2 ans)
Mouvement imaginé du sujet âgé : ↑ durée et ↑ vitesse
Lpas : longueur de pas ; NGC : noyaux gris centraux.
Avec l'avancée en âge, on observe des modulations entre les différents systèmes sensoriels, tels que vestibulaire, auditif… (tableau 1.4). Tableau 1.4 Posture, locomotion et modulation sensorielle Tache motrice
Résultats principaux
Références
Population
Deshpande et Patla (2007)
9 sujets jeunes sains (âge moyen Marche 27,5 ans) versus 9 sujets âgés sains (± 75 ans)
Sujets âgés : ↓ modulation afférences vestibulaires ↑ déséquilibre
Zwergal et al. (2012)
60 sujets sains (± 51 ans)
Posture debout et marche avec IRMf
Sujets âgés : ↓ inhibition réciproque sensoriels
Vidoni, Thomas, Honea, Loskutova, and Burns (2012)
9 sujets âgés Alzheimer (69,0 ± 7,2 ans) 10 sujets âgés sains (73,6 ± 6,3 ans)
Marche avec IRM
Sujets âgés : ↑ activité corticale Difficulté si
tâche multiple
IRM : imagerie par résonance magnétique ; IRMf : imagerie par résonance magnétique fonctionnelle.
Étude des paramètres spatio-temporels par imagerie Les changements spatio-temporels sont régulés par différentes parties du SNC mises en évidence à l'imagerie (fig. 1.31).
FIG. 1.31 Liens entre structures neuro-centrales et ajustements spatio-temporels. NGC : noyaux gris centraux.
L'émergence des nouvelles technologies d'analyse du mouvement in vivo a permis l'étude des mécanismes spatio-temporels sous-jacents à la chute du sujet âgé. Ces technologies sont plus précises que les tests cliniques (Bridenbaugh et Kressig, 2011). Il a été montré que la variabilité et la vitesse de marche sont des indicateurs du risque de chute (Verghese, Holtzer, Lipton et Wang, 2009). La variabilité est également assimilée à la peur de chuter (Maki, 1997) et est influencée par la capacité à pouvoir diviser son attention lors de la locomotion (Sheridan, Solomont, Kowall et Hausdorff, 2003). L'augmentation de la longueur du pas au cours d'un cycle de marche double ce risque (Hausdorff, Rios et Edelberg, 2001). Trois items clés sont primordiaux à évaluer cliniquement en condition de double tâche pour évaluer le risque de chute : la longueur du pas, la vitesse et la variabilité de marche (Beauchet et al., 2008). En pratique clinique, l'utilisation d'outils de mesure, tels qu'un tapis de marche (type GAITrite®) et/ou un accéléromètre triaxial (type Dynaport®), a montré des résultats fiables et corrélés au niveau fonctionnel et aux chutes des sujets âgés (Bautmans, Jansen, Van Keymolen et Mets, 2011). Les liens entre les performances cognitives et la marche (fig. 1.32) sont donc fondamentaux dans la compréhension des mécanismes d'adaptation chez le sujet âgé sain ou pathologique (par exemple, dans la maladie d'Alzheimer ou dans la démence fronto-temporale).
FIG. 1.32 Corrélation entre vieillissement, processus cognitifs et marche.
Apport de la modélisation musculosquelettique 3D L'objectif principal des modèles musculo-squelettiques est de calculer les forces exercées par les muscles ainsi que les forces de contact entre les os. Ces modèles mathématiques sont composés de deux éléments : ● les os qui sont considérés comme des objets rigides indéformables et dont les dimensions, les masses et l'inertie s'approximent à celles des os humains ; ● les muscles qui sont traités comme des moteurs et modélisés
dans la plupart des cas suivant le modèle de Hill (fig. 1.33 ; Hill, 1938). D'après Hill, un muscle peut être modélisé comme un élément contractile (un moteur) : voir un ressort placé en série qui représente la composante passive du muscle.
Modélisations musculaire 3D bassin et membres inférieurs (images réalisées par ANYBODY™ Modeling System).
FIG. 1.33
La modélisation musculo-squelettique nécessite deux étapes de calcul : la dynamique inverse et directe. La dynamique inverse nécessite la combinaison de données cinématiques et cinétiques afin
de calculer les forces internes et les moments de force au niveau de chaque articulation. Cette méthode consiste normalement à calculer les forces et les moments au niveau de la cheville, puis de remonter vers le genou et ainsi de suite. Malheureusement, l'erreur de calcul augmente à chaque fois qu'on monte de niveau. Une fois que les moments articulaires sont calculés, la dynamique directe permet d'estimer les forces exercées par chaque muscle afin d'obtenir le mouvement mesuré. Importunément, il n'existe aucun moyen de résoudre ce problème mathématiquement. La raison majeure de cette incapacité est due au fait que plusieurs muscles sont capables de générer un certain mouvement (par exemple, l'activation des gastrocnémiens, du soléaire, du tibial postérieur, du long et du court fibulaire, et du long fléchisseur des orteils peut causer une flexion plantaire). En outre, les modèles musculo-squelettiques (fig. 1.34) n'intègrent normalement ni les ligaments, ni la friction entre les os. Des algorithmes d'optimisations sont donc employés pour résoudre le problème. Un des algorithmes les plus utilisés est de chercher la solution (la répartition de forces parmi les muscles) qui dépense le moins d'énergie possible.
FIG. 1.34 Modélisations musculo-squelettiques, vue de face (A) et de dos (B), lors de la marche (images réalisées par ANYBODY™ Modeling System).
Conclusion Plusieurs siècles ont été nécessaires pour atteindre des systèmes d'analyse du mouvement performants. Actuellement, ces systèmes sont de plus en plus précis mais restent onéreux. Les recherches à venir vont s'orienter vers le développement de systèmes optoélectroniques sans marqueur (fig. 1.35A) utilisables au domicile, notamment pour détecter les chutes (fig. 1.35B).
FIG. 1.35 Émetteur-récepteur SensFloor SE10H® (A) avec systèmes d'automatisation du domicile (B). Le rapport qualité/prix permettra un usage plus accessible au praticien et de diminuer le temps du test clinique et de préparation du sujet. La tendance actuelle est de ne plus faire déplacer les patients au laboratoire d'analyse de la marche afin de diminuer les biais expérimentaux. Le but est de créer des systèmes « autonomes » pour analyser la performance de marche du patient dans son environnement naturel, comme au domicile par l'intermédiaire de systèmes domotiques (fig. 1.36).
FIG. 1.36 Système domotique permettant l'enregistrement des pas à domicile.
Points clés
■ L'étude du mouvement et de la marche a progressé avec l'avancée technologique. ■ L'approfondissement de la biomécanique fonctionnelle a permis d'améliorer la compréhension des pathologies locomotrices et ainsi d'améliorer leur prise en charge fonctionnelle. ■ Les nouvelles technologies, notamment l'analyse musculosquelettique 3D, accentue la collaboration entre les cliniciens, les biomécaniciens et les ingénieurs biomédicaux au service du patient. ■ Les outils d'analyse à disposition du praticien sont nombreux, de plus en plus précis et utilisables dans l'environnement même du patient.
Entraînement
QCM 1
L'exécution du pas a été décomposée par : A. le fusil photographique B. Marey C. Muybridge D. la plateforme de force
QCM 2 Les forces générées à l'attaque du talon sont d'au moins : A. 50 % du poids corporel B. 70 % du poids corporel C. 90 % du poids corporel D. 120 % du poids corporel
QCM 3 La marche active : A. les noyaux gris centraux B. l'aire motrice supplémentaire C. le gyrus hippocampique D. le gyrus temporal
QCM 4 La modélisation musculo-squelettique nécessite l'utilisation de : A. la dynamique croisée B. la dynamique inverse C. la dynamique giratoire D. la dynamique directe
QCM 5 Les nouvelles technologies sont : A. plus faciles d'accès
B. transposables dans l'environnement du patient C. moins précises D. complémentaires de la clinique
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1
Étienne-Jules Marey est né à Beaune en Côte-d'Or. Un musée à Beaune présentait sa vie et son œuvre, mais celui-ci a fermé ses portes en 2005 (seule la page du musée est encore ouverte sur le site Internet de la ville de Beaune : http://www.beaune.fr). Depuis 2016, l'université de Bourgogne a mis en place un système de cours en ligne gratuits (https://www.funmooc.fr/courses/ubourgogne/82003/session01/about) permettant de (re)découvrir les travaux scientifiques et l'histoire de ce savant. 2
Centre hospitalier universitaire de Rangueil à Toulouse.
PA R T I E I
Contrôle de l'équilibre
CHAPITRE 2
Biomécanique de l'équilibre postural et implications cliniques A. Hamaoui
PLAN DU CHAPITRE Approche biomécanique Oscillations posturales en tant qu'indicateur global de l'équilibre : méthodes de mesure ? Forces perturbatrices de la posture et compensation Équilibre postural et tensions musculaires Conclusion
Focus
■ Objectifs pédagogiques : les principes de l'approche biomécanique et son application à l'équilibre postural. ■ Objectifs professionnels : utiliser la biomécanique pour élaborer des stratégies thérapeutiques. ■ Evidence based : connaître la littérature liée aux pratiques cliniques empiriques.
Les principes élémentaires de la biomécanique ont été mis en évidence par Giovanni Alfonso Borelli (1608–1679) et illustrés dans son ouvrage De motu animalium (1680). Il y analyse les mouvements selon une approche mécanique dans laquelle il met en évidence l'importance des leviers (fig. 2.1).
FIG. 2.1 Planche analysant différentes articulations chez l'homme lors du port d'une charge ( Borelli, 1680 ). Source : Borelli (1680) . De motu animalium. Rome.
Mais c'est Isaac Newton (1642–1727) qui fixe définitivement le cadre conceptuel de la mécanique classique à même de résoudre les problèmes posés par les systèmes de solides articulés auxquels le corps humain est assimilable. Si les premiers travaux portant sur l'analyse du mouvement ont été marqués par les mesures cinématiques d'Étienne-Jules Marey (1830–1904) et d'Eadweard Myubridge (1830–1904), la question des modalités de l'équilibre postural a très tôt émergé. Ainsi, plusieurs auteurs se sont intéressés à l'observation visuelle des oscillations posturales (Mitchell et Lewis, 1886 ; Vierordt, 1862), avant que d'autres n'utilisent des enregistrements graphiques (Hancock, 1894 ; Hinsdale, 1887 ; Skogland, 1942) puis une plateforme mécanique (Hellebrandt, 1938 ; Thomas et Whitney, 1959). La problématique de la perte de l'équilibre intervenant dans un contexte pathologique ou d'avancée en âge a donné une place accrue à la compréhension des mécanismes sous-tendant l'équilibre postural et à son évaluation. Ce chapitre a pour objectif de dresser la synthèse des connaissances actuelles couvrant l'approche biomécanique de l'équilibre postural, et ses implications thérapeutiques dans le champ de la rééducation et de la thérapie manuelle.
Approche biomécanique L'approche biomécanique consiste à modéliser le corps sous la forme d'un système de solides rigides soumis aux lois de la mécanique newtonienne. À partir de ces lois, on étudie alors la statique, la cinématique et la dynamique du corps humain.
Représentation mécanique simplifiée du corps humain Selon Bouisset (2002), l'étude biomécanique des actes moteurs nécessite que le corps humain soit au préalable présenté sous une forme mécanique simplifiée, à partir de laquelle il est possible
d'appliquer les lois de la physique. Le corps humain comporte des pièces osseuses, mobiles les unes par rapport aux autres au niveau des articulations, et est assimilable sous certaines hypothèses à un système articulé de solides rigides. Chaque solide rigide, ou chaînon, est caractérisé par des constantes biomécaniques qui permettent sa mise en équation selon les lois de Newton. On distingue ainsi pour chaque chaînon : la longueur, la masse, le centre de gravité, le moment d'inertie et le rayon de giration.
Lois de la mécanique newtonienne La dynamique et la statique de tout système de points matériels, qu'il soit vivant ou inerte, peuvent être étudiées à partir des lois de la mécanique newtonienne. Parmi celles-ci, on retient le théorème de la résultante dynamique, qui se rapporte aux mouvements de translation, et la loi du moment cinétique, qui se rapporte aux mouvements de rotation. Elles permettent de relier, à chaque instant, forces et mouvements. S'y ajoute le principe action–réaction, également défini comme principe des actions réciproques.
Théorème de la résultante dynamique
où m est la masse du système,
l'accélération de son centre de
gravité, G et la résultante des forces externes. On appelle « résultante dynamique ».
Théorème du moment cinétique
est la résultante des moments en G des forces externes au système ; est le « moment cinétique » par rapport à G.
Principe action–réaction Sous l'effet de la gravité, le corps humain est maintenu en appui sur une surface de contact (sol, chaise, lit…) avec laquelle il interagit. Cette interaction se fait sous le principe « action–réaction », également connue comme la troisième loi de Newton, et dont l'énoncé est le suivant : Lorsqu'un corps A exerce sur un corps B une action mécanique représentée par une force , le corps B exerce sur A une action mécanique représentée par une force . Ces deux forces ont même direction, sens contraire et même norme.
Forces externes, forces internes et mise en mouvement du corps humain On distingue en mécanique les forces externes, qui proviennent de causes extérieures au système, et les forces internes qui correspondent aux actions entre les différents éléments du système. Si l'on considère le corps humain en situation de maintien postural, les forces externes comprennent les forces de gravité et de réaction du sol, tandis que les forces internes proviennent des forces de liaison articulaire et des forces musculaires.
Si l'on se réfère au « théorème de la résultante dynamique » et au « théorème du moment cinétique », Bouisset (1991) remarque que l'on pourrait être tenté d'en déduire que le corps humain dans son ensemble serait uniquement mis en mouvement par une modification directe de l'intensité des forces externes. Mais les actions musculaires, qui constituent des forces internes, peuvent modifier les forces externes de réaction lorsqu'elles diffusent jusqu'à la surface d'appui. Elles génèrent alors des déplacements du centre de gravité (CG) du corps par une variation indirecte des forces externes. Ainsi, « il y a à chaque instant, des transferts de forces entre les différents segments corporels, et entre ceux-ci et le sol », suggérant l'existence de phénomènes dynamiques au niveau de segments corporels éloignés du membre mobilisé (Bouisset, 1991).
Implications cliniques La notion de transfert de force entre les différents éléments de la chaîne articulée et entre celle-ci et le sol soutient le principe empiriquement connu en thérapie manuelle et en ostéopathie de l'unité de la chaîne articulée, et de la nécessité de l'appréhender dans son ensemble, y compris en cas de symptomatologie locale. Elle pointe aussi l'obligation de prendre en compte l'interaction entre le corps et la zone d'appui au sol, à partir de laquelle les forces musculaires d'origine interne modifient les forces externes de réaction.
Centre des pressions Pour un corps solide en appui, le centre des pressions (CP) est le point d'application de la résultante des forces de réaction verticales du sol, qui en est leur barycentre. Le centre de pression est défini par ses deux composantes, X et Y, situées sur le plan du sol. Les forces de réaction verticales du sol sont fonction du poids du
corps, avec lequel le sol réagit selon le principe action–réaction décrit par Newton. Elles sont également influencées par les actions musculaires diffusant jusqu'à la surface d'appui. En posture debout commode, où l'activité musculaire est relativement faible, les déplacements du CP sont très proches de la projection verticale au sol du CG avec une marge d'erreur minime (Brenière, 1996 ; Gurfinkel, 1973). La quantification des déplacements du CP, qui peuvent être directement mesurés au moyen d'un plateau de force, se présente donc comme outil de choix dans l'évaluation de l'équilibre postural. Il faut néanmoins prendre garde à la dissociation entre CP et CG lors de tâches dynamiques, pour lesquelles le CP perd sa fonction de marqueur de l'équilibre postural.
Équilibre statique et équilibre dynamique D'après les lois de Newton, l'équilibre d'un corps solide nécessite que la résultante dynamique et le moment dynamique soient nuls, c'est-àdire que la somme des forces appliquées et la somme des moments appliqués soient nulles. Or, le corps humain n'est pas dans un état strictement statique en posture debout commode, car comme le constataient Thomas et Whitney (1959) dans leur étude pionnière, il « oscille comme un roseau dans le vent ». La somme des forces et des moments appliqués au corps humain n'est donc pas nulle, et son équilibre peut être considéré comme dynamique. Un équilibre dynamique est celui dans lequel les constituants évoluent, mais où les évolutions se compensent. Dans le cadre du maintien de l'équilibre postural, le corps humain reste peu mobile autour d'une position moyenne à peu près fixe, et proche du centre du polygone de sustentation (Thomas et Whitney, 1959). Cet équilibre est réputé stable lorsque le sujet tend à revenir à sa position moyenne d'équilibre à chaque fois qu'il s'en éloigne. D'un point de vue plus pratique, on considère que l'équilibre est d'autant plus stable que les déplacements du centre de gravité sont faibles en amplitude et en vitesse.
Implications cliniques Observer un sujet debout de profil et estimer sa capacité à maintenir une position stable en minimisant les oscillations posturales peut constituer un outil clinique simple d'évaluation de l'équilibre postural, sachant néanmoins que tous les troubles de l'équilibre ne se traduisent pas par une augmentation des oscillations posturales.
Oscillations posturales en tant qu'indicateur global de l'équilibre : méthodes de mesure ? Bien que les outils de mesure aient considérablement évolué depuis le xix e siècle, l'équilibre postural reste toujours évalué à partir de la quantification des oscillations posturales. Des premières observations visuelles face une grille (Mitchell et Lewis, 1886 ; Vierordt, 1862) aux enregistrements graphiques (Hancock, 1894 ; Hinsdale, 1887 ; Skogland, 1942), de nombreux auteurs se sont intéressés aux oscillations du corps se produisant en posture debout. En 1938, Hellebrandt franchit une étape majeure en enregistrant les déplacements du CP en posture fixe à l'aide d'une plateforme mécanique, et considère qu'ils sont corrélés à ceux de la projection verticale du centre de gravité. Les résultats montrent que le centre de masse se projette environ 5 cm en avant de l'axe des chevilles, et oscille en permanence à une amplitude inférieure à 1 cm (fig. 2.2). L'auteur en conclut que le maintien de la posture debout doit être considéré comme un phénomène dynamique, qui correspond à des mouvements s'effectuant sur une base d'appui fixe.
FIG. 2.2 Enregistrement des déplacements du centre des pressions à l'aide d'une plateforme mécanique (d'après Hellebrandt, 1938 ). En 1959, Thomas et Whitney utilisent une plateforme de force avec capteurs à jauges de contrainte (créée par Whitney en 1958), et quantifient les oscillations posturales à partir des déplacements du CP. C'est le premier pas vers la généralisation des enregistrements posturographiques. Caractéristiques des oscillations posturales Les résultats de Thomas et Whitney (1959) sont très proches de ceux de Hellebrandt (1938), et révèlent que les déplacements du CP se font principalement à basse fréquence, entre 0,1 et 0,4 Hz. En 1962, Whitney montre que la limite maximale des déplacements antéro-
postérieurs du CP, lors de mouvements volontaires d'inclinaison maximale, est égale à environ deux tiers de la longueur du pied. Ces premiers résultats sont confirmés avec quelques ajustements par Murray, Seireg et Sepic (1975), qui effectuent également des mesures d'inclinaison maximale dans le plan frontal. À cette période, plusieurs auteurs montrent une augmentation des oscillations posturales en appui unipodal ou lors de la fermeture des yeux (Goldie, Bach et Evans, 1989 ; Stribley, Albers, Tourtellotte et Cockrell, 1974), ainsi que lors d'une atteinte cérébelleuse (Hufschmidt, Dichgans, Mauritz et Hufschmidt, 1980). La mesure des déplacements du CP, également connue sous le terme de posturographie ou de stabilométrie, est depuis reconnue comme un moyen d'évaluation de l'équilibre postural. Indices posturographiques Le choix des indices calculés à partir des coordonnées du CP prête toujours à discussion et peut schématiquement se décomposer en paramètres classiques et paramètres complexes. Les premiers calculent des indices de position moyenne, d'écart moyen, de vitesse moyenne, de longueur ou d'aire. Plusieurs études convergent pour montrer que le paramètre vitesse est le plus sensible (Jeka, Kiemel, Creath, Horak et Peterka, 2004 ; Raymakers, Samson et Verhaar, 2005), mais il est rarement utilisé seul. Les seconds font appel aux techniques de traitement du signal, et peuvent par exemple être utilisés pour déterminer le contenu fréquentiel des déplacements du CP et mettre en évidence l'influence de facteurs perturbateurs périodiques tels que la respiration (Bouisset et Duchêne, 1994 ; Hamaoui, Gonneau et Le Bozec, 2010 ; Hodges, Gurfinkel, Brumagne, Smith et Cordo, 2002 ; Hunter et Kearney, 1981). Il existe également d'autres techniques complexes faisant appel au mouvement brownien fractionnaire ou à l'analyse temps–fréquence, mais dont l'intérêt clinique reste à démontrer. Il est à noter que le CP est un indice composite représentant la résultante de multiples forces segmentaires perturbatrices et correctrices exercées sur le corps humain, et qu'il peut difficilement
être considéré autrement que comme un indicateur global de l'équilibre postural.
Implications cliniques La posturographie, qui consiste à enregistrer les déplacements du CP en posture debout au moyen d'une plateforme de force, représente un outil fiable d'analyse globale de l'équilibre postural. La technique peut être utile pour le bilan initial et le suivi des patients, mais son usage en tant qu'outil diagnostic n'est pas envisageable, car les variations observées ne sont pas spécifiques d'une pathologie donnée.
Forces perturbatrices de la posture et compensation Il a été montré plus haut que seules les forces externes au corps humain peuvent entraîner de manière directe un déplacement du centre de gravité (théorème de la résultante dynamique), mais que les forces internes peuvent aussi agir de manière indirecte en modifiant les forces de réaction de la zone d'appui. Le maintien de l'équilibre postural passe donc par la compensation de forces perturbatrices externes et internes.
Une force perturbatrice externe, le poids Si l'on modélise le corps humain comme un solide rigide en appui sur le sol, le poids qui s'applique au niveau du centre de gravité devrait être entièrement compensé par la force de réaction du sol qui s'applique au niveau du CP. D'après le principe action–réaction, cette force est de même direction, même intensité et de sens opposé au poids.
En considérant de manière plus réaliste le corps humain comme un ensemble de segments articulés, siège de forces internes diffusant jusqu'à la surface d'appui, la force de réaction sera fluctuante et ne pourra totalement compenser l'effet de la gravité. Il y aura donc des ajustements permanents visant à maintenir le centre de gravité à l'intérieur de ses valeurs de référence.
Des forces perturbatrices internes variées Les forces perturbatrices internes correspondent à des actions musculaires liées à un certain nombre d'activités neurovégétatives (battements cardiaques, mouvements respiratoires, mouvements péristaltiques, déglutition), ainsi qu'à la variation d'activité des muscles posturaux.
Battements cardiaques Lors de la systole, le ventricule gauche éjecte de manière puissante le sang dans l'aorte ascendante, générant des forces verticales détectables dans les déplacements du CP. Ainsi, Aggashyan (1979) a mis en évidence un pic fréquentiel de 1,1–1,3 Hz attribué aux battements cardiaques lors d'enregistrements posturographiques en posture assise. En utilisant des mesures directes de la force de réaction verticale, Stürm, Nigg, et Koller (1980) puis Conforto, Schmid, Camomilla, D'Alessio, et Cappozzo (2001) ont également pu mettre en évidence cette composante cardiaque en station debout.
Cinématique respiratoire Gurfinkel, Kots, Paltsev et Feldman (1971) ont été les premiers à évoquer la notion de perturbation respiratoire sur la posture, en considérant que les mouvements du thorax et du diaphragme pouvaient induire des changements significatifs de la position du centre de gravité global du corps. Ces auteurs ont réalisé des enregistrements des mouvements du rachis, du thorax et des membres inférieurs, en association avec un examen stabilométrique. Aucune trace du signal respiratoire n'ayant
pu être observée lors de l'analyse des tracés stabilométriques (seul un effet visible a été observé en inspiration forcée), les auteurs en ont conclu que la perturbation respiratoire était totalement compensée. Ce point de vue a été remis en cause par Watanabé, Okubo, Kodaka er Tsutsumiuchi (1976) puis Caron, Fontanari, Cremieux et Joulia (2004), qui ont montré qu'en posture debout, les déplacements du CP sont plus faibles en apnée qu'en respiration spontanée, suggérant un effet perturbateur significatif. En 1979, Aggashyan a mis en évidence une composante respiratoire dans l'analyse spectrale des déplacements du CP en posture assise, suivi par Hunter et Kearney (1981) qui ont retrouvé cette même composante en posture debout dans des conditions de fréquence respiratoire imposée (de 4 à 30 cycles par minute). En 1994, Bouisset et Duchêne ont montré la présence systématique d'une composante respiratoire dans les déplacements du CP chez les sujets en posture assise, alors qu'elle restait inconstante en posture debout (présente chez six sujets sur dix). La variation entre les deux postures tiendrait à la présence d'une chaîne posturale étendue en station debout, permettant une meilleure compensation de la perturbation. Cet argument est soutenu par la publication de Kantor, Poupard, Le Bozec et Bouisset (2001), qui ont mis en évidence une composante respiratoire réduite lors d'une assise avec 30 % de contact ischiofémoral (30IF) comparativement à une assise avec 100 % de contact (100IF), la condition 30IF offrant une plus grande mobilité du bassin. De même, Hamaoui, Do, Poupard et Bouisset (2002), puis Grimstone et Hodges (2003) ont montré que la respiration perturbait davantage la posture chez les patients lombalgiques, où la mobilité de la chaîne articulée est susceptible d'être limitée par des spasmes musculaires. D'autres travaux ont cherché à caractériser de manière plus détaillée l'effet de la perturbation respiratoire sur la posture, en tentant en premier lieu d'isoler l'effet des compartiments thoracique et abdominal. Hamaoui et al. (2010) ont ainsi analysé les déplacements du CP en posture debout et assise, dans des conditions imposant un
mode respiratoire, thoracique, abdominal et mixte.
Le saviez-vous ?
■ Lors du maintien postural, le corps n'est jamais complètement immobile. Il oscille lentement, tel un roseau dans le vent (Thomas et Whitney, 1959), à l'intérieur d'une surface dépassant rarement 2 cm2. ■ Les mouvements respiratoires se transmettent jusqu'à la surface d'appui avec le sol, et il est possible de retrouver la forme du signal respiratoire à partir des déplacements du CP en posture assise. ■ Le diaphragme, qui est le muscle respiratoire principal, exerce un effet perturbateur dirigé en avant en posture assise, mais en arrière en posture debout. ■ Les tensions musculaires siégeant au niveau du tronc peuvent perturber l'équilibre postural lorsqu'elles dépassent un certain niveau, mais l'activité tonique des muscles posturaux est indispensable au maintien du corps dans une posture donnée.
L'analyse des données a fait appel à des indices posturographiques calculés dans le domaine temporel et à des indices spécifiques de détection de la perturbation respiratoire calculés dans le domaine fréquentiel. Les indices temporels et fréquentiels ont tous les deux révélé que la perturbation respiratoire était plus significative en respiration thoracique qu'abdominale (fig. 2.3).
FIG. 2.3 Signaux respiratoires et posturographiques en posture debout, en condition de respiration thoracique (A) et abdominale (B). Ces résultats ont été expliqués par la hauteur plus élevée de la cage thoracique et par sa liaison mécanique avec la colonne vertébrale. Une autre série expérimentale a cherché à isoler l'effet spécifique du diaphragme (Hamaoui et al., 2014) qui est le muscle respiratoire principal en condition de repos (Grimby, Goldman et Mead, 1976). Décrit en premier lieu pour son action de refoulement de la masse abdominale vers le bas, avec un effet plus limité d'expansion de la cage thoracique, le diaphragme était supposé entraîner le centre de gravité du corps vers l'avant lors de sa contraction. Sachant également que les hémi-diaphragmes droit et gauche ont une innervation séparée via les nerfs phréniques droit et gauche, avec la possibilité de lésions unilatérales, la question de l'effet d'une contraction unilatérale s'est également posée. Le paradigme expérimental, réalisé en posture debout et assise, a
donc reposé sur l'utilisation de stimulations unilatérale et bilatérale du nerf phrénique, ainsi que sur des manœuvres inspiratoires (c'est-àdire « sniff ») diaphragmatiques permettant d'isoler la contraction du diaphragme. La cinématique respiratoire a été enregistrée à l'aide de deux ceintures capteurs placées autour du thorax et de l'abdomen, et l'accélération du centre de gravité a été calculée à l'aide d'un plateau de force. Les résultats ont montré que la contraction diaphragmatique bilatérale obtenue par stimulation ou par « sniff » induisait un pic d'accélération du CG orienté en avant lorsque le sujet était assis et en arrière lorsqu'il était debout (fig. 2.4).
FIG. 2.4 Accélération du centre de gravité selon l'axe antéro-postérieur (X″g) et signaux respiratoires (RespAb, RespTh), au cours de la stimulation bilatérale des nerfs phréniques, chez un sujet en condition de posture assise (seated) et debout (standing) . Source : Hamaoui et al. (2014) . Postural disturbances resulting from unilateral and bilateral diaphragm contractions : a phrenic nerve stimulation study. Journal of Applied Physiology (Bethesda, Md. : 1985), 117(8), 825-32.
En condition de stimulation unilatérale, l'accélération du CG
présentait en plus un pic orienté du côté opposé à la stimulation en posture assise, et qui s'inversait en posture debout (uniquement chez huit sujets sur douze). Il en a été déduit que : ● le sens de la perturbation respiratoire selon l'axe antéropostérieur est constant pour une posture donnée, mais qu'il est orienté en avant en posture assise et en arrière en posture debout ; ● la contraction diaphragmatique unilatérale induit une perturbation selon l'axe médio-latéral, qui est systématiquement dirigée du côté opposé à la contraction en posture assise. Ce phénomène pourrait se retrouver dans des cas pathologiques de paralysie diaphragmatique unilatérale.
Implications cliniques La cinématique respiratoire constitue une perturbation de la posture dont la compensation implique la mobilité de la chaîne posturale . Le maintien de cette mobilité pourrait être pertinent dans les stratégies de rééducation visant à améliorer l'équilibre. De plus, la présence plus ou moins marquée d'une composante respiratoire dans les déplacements du CP pourrait être considérée comme un marqueur de la capacité à compenser les perturbations endogènes de la posture.
Équilibre postural et tensions musculaires Lors du maintien de l'équilibre postural, la chaîne ostéo-articulaire est sollicitée dans deux fonctions apparemment antagonistes. La première est la stabilisation des segments osseux de la chaîne, dont les centres
de masse ne sont pas alignés selon l'axe vertical, afin de maintenir une géométrie stable du corps humain (Gurfinkel, Ivanenko, Levik et Babakova, 1995). La seconde est la mobilisation de certains segments de la chaîne, destinée à compenser les forces perturbatrices exercées sur la posture (battements cardiaques, respiration, forces externes…). La question s'est donc alors posée de savoir si l'augmentation de la tension musculaire renforçait l'équilibre postural à travers une meilleure stabilisation de la chaîne ostéo-articulaire, ou produisait l'effet inverse en altérant les mécanismes compensateurs. Il a été montré qu'en posture assise, l'augmentation de l'effort isométrique de poussée bimanuelle s'accompagnait de déplacements plus amples du CP (Hamaoui, Le Bozec, Poupard et Bouisset, 2007). Cependant, une telle expérimentation n'a pas été conduite en posture debout, et la configuration en chaîne fermée de ce paradigme (membres supérieurs en appui sur une barre dynamométrique) n'est pas réellement assimilable au maintien postural en chaîne ouverte (extrémité crâniale de la chaîne posturale libre d'appui). Deux études ont donc été conduites pour déterminer l'effet de l'augmentation de la tension musculaire active le long du tronc sur l'équilibre postural, au moyen d'un protocole original impliquant la compression isométrique de capteurs de force. Le choix de la région du tronc a été déterminé par la présence récurrente de tensions musculaires lors des rachialgies, avec une problématique de prise en charge thérapeutique et rééducative. Lors de la première étude (Hamaoui, Friant et Le Bozec, 2011), onze sujets sains de sexe masculin (21 ± 3 ans, 68 ± 5 kg, 175 ± 5 cm) ont effectué six séries de tests associant un examen posturographique et une tâche de compression isométrique d'une barre dynamométrique à 0 %, 20 % et 40 % de la contraction volontaire maximale (maximal voluntary contraction ou MVC). L'effort de compression était maintenu constant grâce à un feedback projeté sur le panneau avant du champ visuel, à hauteur des yeux du sujet (fig. 2.5). Un pré-test EMG portant sur 16 muscles superficiels du tronc et des membres a permis de confirmer la variation d'activité des muscles du tronc en fonction du niveau de compression de la barre dynamométrique. L'ensemble des
essais a été conduit en respiration calme et en respiration ample.
FIG. 2.5 Représentation schématique du protocole expérimental, avec plateau de force, barre dynamométrique et feedback visuel. Les résultats ont montré que l'écart moyen et la vitesse moyenne du
CP étaient plus élevés en condition 40 % MVC qu'en condition 20 % MVC (p < 0,05), mais aucune différence n'a été observée entre les conditions 0 % MVC et 20 % MVC (fig. 2.6). Le posturogramme apparaissait généralement plus large en condition 40 % MVC, mais avec peu de variations visibles entre 0 % MVC et 20 % MVC.
FIG. 2.6 Vitesse moyenne du centre des pressions selon l'axe antéro-postérieur (VmX, mm/s) lors d'un effort de compression à 0 % (0MVC), 20 % (20MVC) et 40 % (40MVC) de la MVC, en conditions de respiration normale (RN) et respiration ample (RA). Il en a été conclu que l'augmentation de la tension musculaire active au niveau du tronc est susceptible d'altérer l'équilibre postural lorsqu'elle dépasse un certain seuil. Elle pourrait agir en limitant l'amplitude et la vitesse des mouvements compensateurs des forces perturbatrices, mais également en réduisant la capacité d'amortissement passif de la chaîne posturale.
Implications cliniques L'augmentation des tensions musculaires peut provoquer une altération de l'équilibre lorsqu'elle dépasse un certain seuil, mais des variations de niveau modéré peuvent être sans conséquences. Les stratégies de traitement, si elles doivent avoir pour objectif de réduire ces tensions, n'impliquent pas nécessairement la recherche d'un relâchement musculaire absolu. Lors de la seconde étude (Hamaoui et al., 2014), la même équipe a tenté d'explorer l'effet d'une asymétrie des tensions musculaires le long du tronc, qui est très fréquente dans un contexte pathologique en raison de la latéralisation des douleurs. Dix sujets sains de sexe masculin (20 ± 1 ans, 79 ± 14 kg, 180 ± 8 cm) ont suivi un examen posturographique associé à un paradigme de compression bimanuelle permettant de contrôler le niveau de tension musculaire active de chaque côté du tronc. Deux capteurs de force cylindriques, tenus au niveau de chaque main, étaient appliqués contre les hanches à différentes intensités permettant de faire varier séparément l'activité musculaire de chaque côté du tronc. Quatorze conditions expérimentales ont croisé le niveau (0 %, 20 %, 40 % de la MVC) et la latéralité (bilatérale, droite, gauche) de la compression manuelle, ainsi que l'amplitude de la respiration (de repos, ample). L'équilibre postural était évalué au moyen d'indices stabilométriques calculés dans les domaines temporel et fréquentiel. Deux séries de prétest EMG ont permis de vérifier l'implication des muscles du tronc et la concordance entre l'asymétrie de compression et l'asymétrie d'activité musculaire. L'analyse de variance a révélé que l'écart moyen du CP selon l'axe transversal (Ym) était significativement augmenté en compression unilatérale versus compression bilatérale (p < 0,05). La même tendance a été observée pour Xm, l'indice équivalent selon l'axe antéro-postérieur, mais sans variation significative. Il en a été conclu que l'augmentation de la
tension musculaire pourrait davantage perturber l'équilibre postural lorsqu'elle est asymétrique.
Implications cliniques La prise en compte de la notion de symétrie dans le traitement des tensions musculaires et plus largement des pertes de mobilité articulaire pourrait apporter une plus-value fonctionnelle au patient, sachant que le contexte professionnel impose fréquemment des tâches asymétriques et répétitives.
Conclusion L'approche biomécanique de l'équilibre postural, même si elle ne prend pas en compte l'ensemble des facteurs neurophysiologiques concourant à l'organisation de la motricité, permet d'apporter un cadre théorique à de nombreuses connaissances empiriques et stratégies de soins issues des thérapies manuelles. Les notions d'unité de la chaîne articulée et d'interaction constante entre les éléments de la chaîne en sont sans doute l'exemple le plus remarquable, tant elles ont été décrites par les praticiens des différents courants thérapeutiques (méthode Mézière, thérapie manuelle, ostéopathie…). Avec leur entrée dans les cursus de formation initiale des étudiants, ces notions devraient à l'avenir renforcer les pratiques cliniques fondées sur les preuves, en prenant soin de ne pas négliger le rôle primordial de la relation patient–soignant dans l'efficacité thérapeutique.
Points clés
■ L'approche biomécanique consiste à modéliser le corps humain sous la forme d'un système de solides rigides soumis aux lois de la mécanique newtonienne. ■ D'après les lois de Newton, le corps humain ne peut être mis en mouvement que par la variation des forces externes. ■ Lors du maintien postural, le corps humain est soumis à des forces externes (poids et forces de réaction du sol) et à des forces internes (respiration, battements cardiaques…), celles-ci agissant sur la posture en modifiant les forces de réaction du sol. ■ La respiration, qui constitue une force perturbatrice interne remarquable, a un effet qui varie en fonction de la posture (debout ou assise) et du mode respiratoire (thoracique ou abdominal). ■ Les tensions musculaires siégeant le long du tronc altèrent l'équilibre postural lorsqu'elles dépassent un certain seuil, et agiraient en limitant la capacité de compensation et d'amortissement des forces perturbatrices internes.
Entraînement
QCM 1 Quelles sont les forces externes auxquelles le corps est soumis lors du maintien postural ? A. uniquement les forces de réaction du sol B. uniquement les forces de gravité C. les forces de gravité et de réaction du sol
QCM 2 Quelle est la définition du centre des pressions ?
A. c'est le point d'application de la résultante de toutes les forces externes B. c'est le point d'application de la résultante des forces de réaction verticales C. c'est le centre de gravité segmentaire au niveau des pieds
QCM 3 Dans quelles conditions le centre de pressions est-il assimilable à la projection verticale du centre de gravité ? A. tâches dynamiques B. maintien postural C. maintien postural et tâches dynamiques
QCM 4 Dans quelles postures existe-t-il systématiquement une composante respiratoire dans les déplacements du centre des pressions ? A. posture assise B. posture debout C. postures assise et debout
QCM 5 Quel est l'effet d'une contraction isolée du diaphragme sur le centre de gravité (CG) en posture assise et en posture debout ? A. accélération du CG orientée en avant en posture debout et en posture assise B. accélération du CG orientée en avant en posture debout mais pas d'effet en posture assise C. accélération du CG orientée en avant en posture assise et en arrière en posture debout
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CHAPITRE 3
Contrôle de l'équilibre lors du mouvement volontaire et de la marche T. Hussein; A. Delafontaine; E. Yiou
PLAN DU CHAPITRE Principes fondamentaux de la mécanique appliqués à l'étude du mouvement Mouvement volontaire et perturbation posturale Concept de capacité posturo-cinétique Les différents types d'ajustements posturaux Stratégies posturales Équilibre, marche et maladies neurologiques Conclusion
Focus
■ Objectifs pédagogiques : comprendre la relation biomécanique entre la posture et l'équilibre pendant la marche. ■ Objectifs professionnels : examen et analyse de l'équilibre et des stratégies posturales. ■ Evidence based : prise en charge de troubles de la marche fondée sur une compréhension biomécanique de la marche.
La marche est une activité motrice complexe qui nécessite un contrôle postural efficace. Elle est accomplie par une coordination motrice multisegmentaire nécessitant la gestion des différents aspects : ● le maintien de la posture et de l'équilibre ; ● la genèse des forces propulsives permettant la progression ; ● l'orientation dans l'espace et la gestion des contraintes environnementales (obstacles, terrain irrégulier, escaliers, etc.). La gestion de ces contraintes n'est pas assurée sans un contrôle moteur qui est le résultat de l'interaction des différents facteurs biomécaniques, cognitifs, sensoriels et moteurs relatifs à la tâche à accomplir et aux caractéristiques de l'individu et de l'environnement dans lequel il évolue (Shumway-Cook et Woollacott, 2007). Le contrôle de l'équilibre est une exigence capitale qui sous-tend l'exécution de toute tâche motrice. Nous évoluons, comme toutes les espèces vivant sur Terre, dans un champ gravitaire qui tend à nous déstabiliser en permanence en nous attirant vers le centre de la Terre. Le contrôle des effets de ces forces gravitaires sur notre corps est nécessaire au maintien de la posture érigée qui correspond à l'attitude fondamentale de l'espèce humaine. Par ailleurs, le corps humain est constitué de la juxtaposition de segments corporels articulés les uns par rapport aux autres. Par conséquent, le déplacement d'un segment corporel – du fait des forces internes qu'il génère – a des répercussions sur l'ensemble des segments corporels : le mouvement volontaire est
donc perturbateur de l'équilibre postural. À ces différentes sources de perturbations posturales, il faut ajouter celles, plus faibles, induites par les phénomènes végétatifs tels que la respiration, les pulsations cardiaques, le péristaltisme, le battement des unités motrices, etc. Malgré toutes ces sources de perturbation, nous parvenons à nous mouvoir efficacement et sans chuter, en tout cas la plupart du temps et pour la plupart d'entre nous. Il est aujourd'hui connu que cette capacité à se mouvoir et à se maintenir en équilibre est liée à la capacité du système nerveux à développer des phénomènes dynamiques posturaux « contre-perturbateurs », c'est-à-dire qui s'opposent de façon automatique à ces différentes sources de perturbation. L'objet de ce chapitre est de présenter au lecteur un bref état de l'art sur le concept biomécanique d'ajustement postural associé au mouvement volontaire d'une manière générale et d'expliquer l'intérêt de ces ajustements et leur rôle pendant la marche. Outre un intérêt sur le plan fondamental, comprendre comment le système nerveux organise ces ajustements posturaux lors de la production du mouvement volontaire a des implications dans des domaines aussi variés que ceux de la clinique, du sport ou de l'ergonomie. Par exemple, sur le versant clinique, cette compréhension permet de mieux identifier les mécanismes à l'origine des troubles de l'équilibre chez les personnes posturo-déficientes (par exemple, les personnes âgées, les patients atteints de maladies neurodégénératives telle la maladie de Parkinson, etc.), troubles pouvant, dans certains cas, engendrer la chute avec ses conséquences physiques, psychologiques et sociétales bien connues. Une identification précise des mécanismes déficients permet d'établir un diagnostic plus précis des troubles de la marche et de mettre en place une stratégie thérapeutique adéquate.
Principes fondamentaux de la mécanique appliqués à l'étude du mouvement Posture, équilibre et stabilité posturale
La posture se définit classiquement comme la position dans l'espace des segments corporels les uns par rapport aux autres à un moment donné (Massion, 1997). À chaque posture correspond un état d'équilibre. En termes de mécanique, l'équilibre statique d'un corps solide est caractérisé par une résultante des forces extérieures nulle et un moment résultant des forces extérieures nul. Lorsque les sujets sont placés sur la piste terrestre et ne sont en contact avec l'environnement que par le biais de leurs soles plantaires, les conditions de l'équilibre statique impliquent que : ● la résultante des forces de réaction du support et le poids du sujet soient de même intensité et de sens opposé ; ● le point d'application des forces de réaction (le centre des pressions) soit situé sur la verticale passant par le centre de gravité du corps. Par ailleurs, le corps humain peut être assimilé à un ensemble de segments mobiles les uns par rapport aux autres et constitue donc un système déformable. Par conséquent, pour que l'équilibre statique soit maintenu, il faut, en plus des deux conditions précédentes, que les centres de rotation articulaires et les centres de gravité de chaque segment corporel soient alignés sur la ligne de gravité ce qui, en pratique, n'est pas réalisable notamment du fait de la forme des os (Bouisset et Maton, 1995). Par exemple, il est connu que la ligne de gravité passe en avant de l'axe de rotation de la cheville en posture érigée (de 2 à 3 cm selon les individus), ce qui crée un moment de déséquilibre vers l'avant. L'intervention de forces internes, d'origine musculaire et ligamentaire, s'avère donc nécessaire pour s'opposer à ces effets perturbateurs : le maintien de l'équilibre postural est un phénomène physiologique actif, résultant de réactions de soutien antigravitaire. Chez l'être humain en posture érigée (comme en posture assise), l'équilibre statique au sens strict n'existe cependant pas. En témoigne l'existence d'oscillations permanentes du centre de gravité et du centre des pressions (Bouisset et Duchêne, 1994) ayant pour origine, notamment, l'activité des pompes cardiaques et respiratoires, les
fluctuations de la commande motoneuronale et le péristaltisme. L'effet perturbateur de ces forces d'origine « endogène » est relativement discret par rapport à l'effet des forces gravitaires (force « exogène »). Les oscillations posturales reflètent donc un phénomène « global » résultant à la fois de la perturbation à la posture (induite par les phénomènes décrits ci-dessus) et de la « contre-perturbation » (partielle) qui lui est associée. Nous reviendrons sur ces notions de perturbation et de contre-perturbation plus loin. Les oscillations posturales sont classiquement utilisées dans la littérature pour quantifier le degré de stabilité de l'équilibre dans une posture donnée (ou « stabilité posturale », par extension). Cette stabilité témoigne de l'efficacité de l'ensemble du système de contrôle postural. De très nombreux paramètres de ces oscillations ont été considérés dans la littérature pour quantifier cette stabilité posturale. Un certain nombre d'entre eux sont présentés dans l'ouvrage de Gagey et Weber (1995). Dans le cas du maintien postural statique, l'équilibre est classiquement considéré comme « stable » pour autant que la projection du centre de gravité au sol reste à l'intérieur de la base posturale. En condition dynamique, Pai et Patton (1997), ainsi que Hof, Gazendam et Sinke (2005) ont montré que cette condition n'était plus suffisante pour qu'un état d'équilibre stable puisse être atteint. Ainsi, Hof et al. (2005), dans leur article intitulé The condition for dynamic stability, ont élaboré le concept de « centre des masses extrapolé » pour tenir compte du fait que la vitesse du centre des masses, négligeable en condition de maintien postural statique, intervenait de façon non négligeable en condition dynamique. Ainsi, dans leur modèle, le « centre des masses extrapolé » est une quantité qui dépend à la fois de la position du centre des masses et de la vitesse qui l'anime. Le terme « extrapolé » exprime le fait que la trajectoire du centre des masses est « extrapolée » dans la direction de sa vitesse. Dans ce modèle, les conditions de stabilité dynamique impliquent que le « centre des masses extrapolé » (et non plus le « centre des masses ») soit contenu dans la base posturale. Cette condition peut être
considérée comme une extension des conditions de stabilité en situation statique. La distance entre les limites de la base posturale et la position du centre des masses extrapolé (« marge de stabilité ») est une variable actuellement très utilisée dans la littérature pour évaluer la stabilité posturale lors de tâches dynamiques telles que l'initiation de la marche, la locomotion, se lever pour marcher, etc.
Principe d'inertie et principe de l'action et de la réaction Pour que l'homme puisse se mouvoir et se déplacer, il est nécessaire que le milieu extérieur offre un support sur lequel il puisse prendre appui et créer des forces de réaction qui permettront la rupture de l'équilibre postural initial. Une telle nécessité résulte des lois de la mécanique newtonienne, en l'occurrence la loi de la résultante dynamique et la loi du moment cinétique. Ces lois permettent de relier à chaque instant forces et mouvement. De ces deux lois découlent au moins deux principes fondamentaux qui sont le principe d'inertie et le principe de l'action et de la réaction. Le principe d'inertie exprime que si le corps de l'homme est au repos par rapport au milieu extérieur, il ne peut être mis en mouvement que par l'application d'une force extérieure. Ces forces extérieures sont constituées principalement de la force de gravité et de la force de réaction du sol, les forces de frottements de l'air, de l'eau, etc. étant supposées ici comme négligeables. En conséquence, si l'homme doit se déplacer par ses propres efforts, il doit faire naître une force (ou un moment) de son environnement extérieur. La gravité étant hors du champ d'action direct du système nerveux central, le déplacement intentionnel du corps implique un contrôle des forces de réaction du sol. Dans le cas du mouvement volontaire, le rôle de l'action musculaire est de faire naître dans l'environnement ces forces de réaction. Un des rôles majeurs du système nerveux est de contrôler ces forces de façon à ce que le corps puisse se déplacer dans la direction désirée. L'exemple du processus d'initiation du pas est une illustration de la
stratégie mise en œuvre par le système nerveux pour générer les forces nécessaires à l'initiation du premier pas de la marche (ou « forces propulsives ») à partir d'un état quasi statique, celui de la posture initiale verticale. Dans cette tâche, la création des forces propulsives est obtenue par la génération d'un couple de déséquilibre vers l'avant consécutif au recul du point d'application de la réaction du sol (le centre des pressions) par rapport à la ligne d'action gravitaire (voir chapitre 4). Cette stratégie biomécanique est le résultat de l'action conjuguée d'une inhibition bilatérale de l'activité de base du muscle soléaire suivie d'une activation bilatérale du muscle tibial antérieur. Enfin, il est à noter qu'il existe de nombreuses situations où les forces de propulsion ne sont pas générées par le sujet lui-même : on peut citer les exemples classiques du déplacement brusque des appuis podaux induit par le déplacement de la surface d'appui ou encore la rupture de l'équilibre des forces maintenant un sujet incliné et provoquant une chute vers l'avant. En termes biologiques, le principe de l'action et de la réaction exprime le fait que l'homme ne peut se déplacer dans son environnement (ou se tenir en équilibre) que dans la mesure où le milieu extérieur lui offre un appui matériel à partir duquel les forces de réaction pourront être générées. Dans La marche des animaux, écrit il y a plus de 2300 ans, Aristote avait déjà formulé ce principe : « L'être qui se meut change de lieu en s'appuyant toujours sur le support qui est en dessous de lui. » Les propriétés mécaniques de l'appui matériel – sa nature, son adhérence, sa rigidité, etc. – vont donc présenter une importance particulière dans l'organisation du mouvement et dans le maintien de son équilibre. Ainsi, les caractéristiques des oscillations posturales d'un sujet debout changent avec la rigidité de l'appui matériel (sol dur versus sol en mousse) si les informations visuelles sont retirées (Pyykkö, Jäntti et Aalto, 1990 ; Teasdale, Stelmach et Breunig, 1991). La disposition d'appuis supplémentaires améliore la stabilité posturale. Par exemple, il a été ainsi montré que si les sujets prenaient
appui avec un doigt, ne serait-ce que très légèrement (haptic cue, < 1 N), les oscillations posturales diminuaient significativement). À l'inverse, il a été montré que l'instabilité posturale créée par la diminution partielle de l'appui initial et/ou final (appui bipodal versus appui unipodal) affectait la performance motrice du mouvement de flexion/extension du membre inférieur (Do, Nouillot et Bouisset, 1991). Elle modifiait les « phénomènes posturaux anticipateurs » (voir ci-après) associés à l'exécution du pas vers l'avant – appui sur l'avant des pieds versus appui normal (Couillandre, Maton et Brenière, 2002) – et perturbait les « ajustements posturaux consécutifs » associés à l'initiation d'un pas vers l'avant – forte versus faible adhérence du sol (Memari, Do, Le Bozec et Bouisset, 2013).
Mouvement volontaire et perturbation posturale Selon les lois de la mécanique précédemment énoncées, tout mouvement, même segmentaire, constitue une perturbation transitoire de la posture et de l'équilibre postural pour deux raisons majeures. Lorsqu'un segment corporel est déplacé d'un point de l'espace à un autre, la position initiale du centre de gravité du corps est modifiée, ce qui implique de nouvelles conditions d'équilibre postural. Par ailleurs, le corps humain est constitué de la juxtaposition de segments corporels articulés les uns par rapport aux autres. L'accélération d'un segment corporel génère, en vertu du principe de l'action et de la réaction, des forces internes qui s'appliquent au niveau de l'extrémité du segment corporel adjacent et qui sont de sens opposé au mouvement. Ces transferts de force ont lieu de proche en proche jusqu'aux surfaces d'appui où les forces de réaction (qui sont des forces externes) sont générées. En d'autres termes, on doit s'attendre à trouver des phénomènes dynamiques au niveau des segments corporels même éloignés du membre déplacé, et au niveau des segments corporels interposés entre le membre mobilisé et la ou les surfaces matérielles
sur lesquelles le sujet prend appui. Ainsi, Marey (1883) écrivait dans sa présentation à l'Académie des sciences des premiers enregistrements obtenus sur une plateforme de force : « Lorsqu'un acte musculaire a pour effet d'élever le centre de gravité de notre corps, ses réactions se transmettent de proche en proche à nos extrémités inférieures, et créent un accroissement de pression positive sur le dynamomètre. » On désigne classiquement l'ensemble des segments corporels mobiles par « membre focal », et la chaîne corporelle interposée entre l'appui matériel et le membre focal par « support postural ». Pour illustrer l'effet perturbateur du mouvement volontaire sur la posture lors de la marche, prenons l'exemple du mouvement de flexion de la cuisse en posture debout. L'action de lever le pied du sol entraîne une diminution importante de la base de sustentation suivant la direction latérale, le sujet passant d'un appui bipodal à un appui unipodal. Si aucune action sur le centre de gravité n'est entreprise, ce changement des conditions d'appui entraînera un découplage entre le centre des pressions (localisé sous le pied d'appui) et le centre de gravité qui aura pour effet de déséquilibrer le sujet du côté de la jambe oscillante. Dans ces conditions, le sujet ne pourra pas se maintenir en posture unipodale. Le maintien de l'équilibre postural nécessite donc le développement de phénomènes dynamiques qui vont s'opposer à ces différentes sources de perturbation. Le concept d'« ajustement postural » fait historiquement référence à ces phénomènes dynamiques contre-perturbateurs qui surviennent au niveau des segments posturaux. Il est à noter que pour certaines tâches motrices impliquant un déplacement de l'ensemble du corps (par exemple, l'initiation de la marche ou encore la fente en escrime), la rupture de l'équilibre initial est nécessaire à la réalisation de la tâche. Dans ce cas, les phénomènes dynamiques à l'origine du déséquilibre initial sont également considérés comme étant des « ajustements posturaux ». Quoi qu'il en soit, dans chacune de ces situations, le contrôle de l'équilibre (et du déséquilibre) est une exigence capitale pour la
réalisation de la tâche motrice. Les ajustements posturaux peuvent être considérés comme la manifestation de ce contrôle (fig. 3.1).
FIG. 3.1 Le mouvement volontaire = source de perturbation de l'équilibre postural.
Concept de capacité posturo-cinétique Le concept moderne de capacité posturo-cinétique (CPC) développé par Bouisset et al. intègre ces différentes sources historiques (Bouisset et Do, 2008). La CPC a été définie comme la capacité du système nerveux à développer des phénomènes posturaux contreperturbateurs face à une perturbation posturale, et ainsi d'atténuer ses effets négatifs sur la stabilité du corps (fig. 3.2).
FIG. 3.2 Niveau d'interaction de la capacité posturo-cinétique. CPC : capacité posturo-cinétique ; EEG : électroencéphalogramme ;
EMG : électromyogramme. Source : Bouisset, S. (2002). Biomécanique et physiologie du mouvement. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson.
Ce concept met l'accent sur la nécessité de déclencher ces phénomènes posturaux avant même la survenue de la perturbation afin d'optimiser l'efficacité de la contre-perturbation posturale. Ces phénomènes posturaux correspondent aux ajustements posturaux anticipateurs (APA) et découlent des mécanismes d'équilibration– action d'André Thomas (1940). La présence d'APA n'exclut évidemment pas l'existence de phénomènes posturaux survenant pendant (ajustements posturaux simultanés) et après (ajustements posturaux consécutifs) la perturbation (voir ci-après). La CPC met également l'accent sur le fait que les ajustements posturaux constituent un processus dynamique impliquant la mobilité de la chaîne posturale. Selon ce concept, tout facteur altérant la dynamique posturale, par exemple en restreignant la mobilité posturale (avec l'avancement en âge, le port d'une orthèse, etc.), aurait un impact négatif sur la stabilité posturale mais également sur la performance motrice elle-même. Autrement dit, de la « qualité » des ajustements posturaux, et en particulier de celle des APA, dépendraient la performance du mouvement focal (en termes de vitesse maximale d'exécution, de force maximale, par exemple) ainsi que la stabilité posturale. Par ailleurs, comme l'a montré Bernstein dans son travail précurseur (Bernstein, 1967), il existe une infinité de façons d'accomplir la plupart des actes moteurs. Cela revient à dire que le système moteur est redondant et qu'il dispose en général d'un nombre de degrés de liberté excessif (quasi infini) par rapport à ce qui lui serait nécessaire pour la réalisation de la tâche. Cette redondance existe à chacun des niveaux du système moteur. Cette redondance permet au système nerveux de mettre en jeu des stratégies compensatrices dans le cas où une partie du système de commande serait perturbée transitoirement (par exemple, suite à la fatigue d'un muscle ou d'un groupe de muscles) ou définitivement (par exemple, suite à une atteinte centrale et/ou périphérique). Certains auteurs ont mis en évidence la capacité du système
nerveux central à réorganiser les commandes motrices de façon à maintenir constantes les variables importantes liées à la performance de la tâche telles que la vitesse maximale de la main lors d'un pointage, la vitesse de progression du corps lors de l'initiation de la marche ou encore la stabilité posturale. On peut concevoir que cette capacité de réorganisation des commandes motrices en fonction des conditions de réalisation de la tâche fasse partie de la capacité posturo-cinétique . À titre d'exemple, Bonnard et al. (1994) ont montré que la performance d'une tâche de saut vertical sous-maximal pouvait être maintenue malgré l'apparition de la fatigue des extenseurs de la cheville (primum movens du saut en condition de non-fatigue) et ce, grâce à une réorganisation des coordinations musculaires. Selon les individus testés, deux types de stratégies compensatrices étaient mises en jeu : une stratégie caractérisée par une augmentation d'activité du muscle vaste médial (extenseurs du genou ; muscles non fatigués) et une stratégie caractérisée par une activation plus précoce des muscles gastrocnémiens (fléchisseurs plantaires ; muscles fatigués). Ces deux types de stratégies compensatrices permettaient de maintenir une performance de saut optimale. L'existence de modifications adaptatives des coordinations motrices avec la fatigue a également été mise en évidence lors de tâches motrices mobilisant le membre supérieur telles que le lancer de balle vers une cible (Forestier et Nougier, 1998) ou encore le sciage (sawing ; Coté, Mathieu, Levin et Feldman, 2002). Autrement dit, le système nerveux central réduisait les déplacements dans les degrés de liberté « fatigués » pour les redistribuer aux degrés de liberté « non fatigués ». L'existence de stratégies compensatrices a également été mise en évidence dans le domaine du contrôle postural chez le sujet sain lors de l'initiation du pas réalisé à partir d'une station debout sur la pointe des pieds (Couillandre et al., 2002). Dans la même veine, Michel, Do et Chong (2004) ont montré que chez le sujet amputé unilatéralement sous le genou, les modifications
des paramètres posturaux lorsque la jambe prothétique initiait le pas permettaient au sujet d'obtenir une vitesse de progression comparable à celle obtenue lorsque la jambe saine initiait le pas. L'existence d'adaptations posturales permet aux sujets de maintenir leur stabilité lors de tâches motrices mobilisant les membres inférieurs telles que l'initiation de la marche, la flexion de la cuisse, le lever latéral de la jambe, etc. Cela autorise également le maintien de la stabilité en situation de contraintes spatiales : par exemple, présence d'un obstacle à enjamber (Yiou, Hussein et LaRue, 2012), port d'une charge asymétrique (Caderby et al., 2017), lestage d'un membre inférieur. Chez le sujet sain, cela a également été observé en situation de contraintes temporelles (Hussein, Yiou et Larue, 2013).
Les différents types d'ajustements posturaux Plusieurs types d'ajustements posturaux (fig. 3.3) ont été décrits dans la littérature : ● ajustements posturaux préparatoires correspondant à un positionnement du corps adapté à la tâche à réaliser. Ces ajustements apparaissent au cours d'une phase précoce, ne se distinguant pas dans leur effet d'une modification de la posture initiale. Ils seraient à évolution lente. Le but de ceux-ci serait de placer le corps dans une position favorable à l'exécution de la tâche. Ainsi, lors de de l'initiation d'un pas rapide ou du départ en sprint, le centre de gravité est porté préalablement vers l'avant, ce qui facilite le déséquilibre initial nécessaire à la progression du corps ; ● ajustements posturaux anticipateurs (APA), apparaissant avant même la réalisation du mouvement focal. ● ajustements posturaux simultanés (simultaneous postural adjustments ou SPA), survenant en même temps que la réalisation du mouvement focal ; ● ajustements posturaux réactionnels (consecutive postural adjustments ou CPA), ou encore consécutifs (ajustements
posturaux consécutifs ou APC) ou correcteurs, apparaissant lors du maintien d'un équilibre instable, lors du retour à l'équilibre après l'exécution du mouvement focal, ou encore après qu'une perturbation extérieure a eu lieu, comme lors de la perturbation de l'équilibre induite par une instabilité provoquée du sol. Les ajustements posturaux simultanés et consécutifs peuvent être d'origines diverses (vestibulaire, proprioceptive, visuelle), à courte ou à longue latence.
FIG. 3.3 Chronologie des ajustements posturaux (AP) et du mouvement volontaire.
Ajustements posturaux anticipateurs Parmi les ajustements posturaux associés au mouvement volontaire, les ajustements posturaux anticipateurs (APA) sont ceux qui ont fait l'objet de plus d'études expérimentales jusqu'à présent, probablement en raison de leur statut privilégié. En effet, survenant par définition avant le début du mouvement volontaire, ils ne peuvent être déclenchés de façon réflexive par l'exécution de celui-ci : ils sont l'objet d'une commande par anticipation, c'est-à-dire qu'ils sont « préprogrammés ». Ils permettent donc d'investiguer au plus près la programmation de la chaîne posturale en lien avec celle de la chaîne focale. Dans les paragraphes suivants, nous décrivons le rôle fonctionnel des APA et donnons quelques exemples d'études témoignant de leur adaptabilité à différents types de contraintes. Dans la littérature, on différencie classiquement les APA selon que le mouvement volontaire implique ou non une modification de la base
posturale. Les exemples de l'élévation du membre supérieur en posture debout (base posturale fixe) et du processus d'initiation de la marche (base posturale changeante) sont souvent donnés à cette occasion. Comme on le soulignera plus loin, il semble cependant que cette distinction soit plus historique que fonctionnelle.
Le saviez-vous ? Lors d'un mouvement du membre supérieur, les premiers muscles activés sont ceux de la cheville. L'activation musculaire remonte ensuite jusqu'au membre supérieur mobilisé, en passant successivement par les cuisses, le bassin et le tronc. Aussi, on peut dire que le mouvement volontaire isolé n'existe pas. Cette conception moderne du mouvement s'accorde avec celle – bien plus ancienne – du tai-chi-chuan, art martial séculaire d'origine chinoise. Dans cette discipline, on considère en effet que la force et la vitesse d'un coup de poing dépendent de la mobilité de l'ensemble du corps. On dit parfois que « le pied donne le coup, la hanche dirige et la main transmet ».
Ajustements posturaux anticipateurs et base posturale fixe La présence d'ajustements posturaux précédant l'exécution du mouvement volontaire a été mise en évidence pour la première fois par Belenkii, Gurfinkel et Paltsev (1967) lors du paradigme devenu aujourd'hui classique d'élévation du membre supérieur en posture debout. Ces auteurs avaient constaté une activation du muscle biceps fémoral ipsilatéral (fléchisseur de la cuisse et extenseur de la hanche) environ 45 ms avant l'activation du muscle deltoïde antérieur (primum movens de l'élévation du membre supérieur). L'existence d'APA a par
la suite été confirmée par de nombreux auteurs lors de tâches plus ou moins similaires impliquant le(s) membre(s) supérieur(s) à partir de postures variées (Bouisset et Zattara, 1981, 1987 ; Cordo et Nashner, 1982 ; Friedli, Hallett et Simon, 1984 ; Lee, Michaels et Pai, 1990 pour ne citer que quelques études pionnières dans le domaine). Le rôle fonctionnel de ces APA a pu être argumenté sur la base de l'enregistrement des forces de réaction (et des moments de force) obtenu au moyen d'une plateforme de force. D'un point de vue dynamique, les APA associés au mouvement d'élévation du membre supérieur se caractérisent par une accélération du centre de gravité vers l'avant et vers le haut, c'est-à-dire par une dynamique posturale ayant une direction exactement opposée à celle générée par le mouvement volontaire (comme il a été précisé plus haut). De ce fait, il est généralement admis que leur rôle fonctionnel est de s'opposer à la perturbation de l'équilibre postural en générant, à l'avance, des forces d'inertie au niveau du support postural. Celles-ci permettraient au sujet de maintenir la position du centre de gravité à l'intérieur du polygone de sustentation (Bouisset et Zattara, 1987). Cette conception du rôle contre-perturbateur des APA a été confirmée par Crenna, Frigo, Massion et Pedotti (1987) lors du paradigme classique d'inclinaison du tronc et de la tête vers l'arrière inspiré des travaux de Babinski (1899). Ces auteurs ont montré que ce mouvement d'inclinaison était accompagné d'un déplacement simultané en direction opposée de la hanche et du genou. Cette coordination multisegmentaire entraînait, lors de l'inclinaison du tronc de 30° vers l'avant ou vers l'arrière, un déplacement de la projection au sol du centre de gravité de 2 cm seulement, alors même que la modélisation de ce mouvement prévoyait un déplacement de 12 cm dans le plan sagittal en l'absence d'ajustements posturaux et donc une perte d'équilibre. Les études portant sur les effets de la stabilité posturale sur les APA ont permis de préciser certaines caractéristiques adaptatives des APA. Cordo et Nashner (1982) ont montré que la durée et l'amplitude des phénomènes électromyographiques anticipateurs étaient d'autant plus
faibles que la stabilité posturale est plus importante, notamment grâce à l'utilisation d'un appui thoracique. Pour interpréter ces résultats, les auteurs ont suggéré que la présence d'APA n'était pas nécessaire à la stabilisation lorsque le corps se trouvait initialement en situation très stable et que, en conséquence, le système nerveux central en faisait l'économie. De même, lorsque la stabilité initiale était rendue précaire par l'ajout de cales sous les pieds ou en demandant aux sujets de se tenir en appui unipodal, Do et al. (pour le mouvement de flexion de la cuisse ; Do, Nouillot et Bouisset, 1991 ; Nouillot, Bouisset et Do, 1992) et Aruin et al. (pour le mouvement des membres supérieurs ; Aruin, Forrest et Latash, 1998) ont montré que les APA étaient atténués, voire supprimés, et que la performance motrice était affectée. Ces résultats suggéraient que l'activité posturale était ou serait programmée en fonction de la stabilité initiale de l'équilibre.
Ajustements posturaux anticipateurs et base posturale changeante La tâche peut également nécessiter un déplacement de la base posturale. Le processus d'initiation de la marche, la flexion de la cuisse, le lever du corps sur la pointe des pieds (rise-to-toes), l'élévation latérale de la jambe constituent des modèles classiques permettant l'analyse des coordinations entre la posture et le mouvement. L'initiation de la marche a été définie comme étant la période transitoire comprise entre la posture initiale debout et l'instant de la pose du pied pendulaire au sol (ou encore l'instant où le pic de vitesse du centre de gravité est atteint). Ce pic a lieu une dizaine de millisecondes après la pose du pied. Ce processus se compose de deux phases : ● une phase posturale correspondant aux APA (certains auteurs évoquent également une phase de décharge du poids de la jambe oscillante). La phase des APA est comprise entre le début des phénomènes dynamiques et/ou électromyographiques et l'instant du décollement du talon,
généralement considéré comme le début du mouvement volontaire. Il intervient 300 à 600 ms avant le décollement du talon (heel-off) ; ● une phase d'exécution du pas comprise entre l'instant du décollement du talon et l'instant de la pose du pied pendulaire au sol. Selon l'axe de progression (axe antéro-postérieur), il est généralement admis que le rôle des APA est de générer les forces propulsives nécessaires à la progression du centre de gravité vers l'avant (Brenière et Do, 1987). Cette propulsion du centre de gravité est conditionnée par la position relative du centre des pressions et du centre de gravité. L'équation établie par Brenière et Do (1987) à partir des lois de la mécanique synthétise les nécessités posturo-dynamiques à satisfaire pour que ces forces propulsives soient générées. Cette équation a pour forme :
Avec K : constante intégrant les paramètres biomécaniques du sujet (moment d'inertie et masse), X″G : accélération du centre de gravité, W : poids du sujet, XG : projection au sol de la position du centre de gravité et XP : position du centre des pressions. Cette relation montre que X″G (accélération du centre de gravité) et le différentiel (XG − XP) ont le même signe. Du fait de son inertie, l'accélération du centre de gravité ne peut produire immédiatement un déplacement significatif du centre de gravité (Lepers et Brenière, 1995). Le centre des pressions, qui est un point sans masse, satisfait à l'équation ci-dessus en se déplaçant quasi instantanément vers l'arrière, c'est-à-dire vers les talons. Ces phénomènes dynamiques anticipateurs, qui surviennent environ 300 à 500 ms avant le décollement du talon (selon la vitesse de
progression du pas), sont générés grâce à une inhibition bilatérale des muscles soléaires (extenseurs de la cheville) suivie par une activation des muscles tibiaux antérieurs (fléchisseurs de la cheville) (fig. 3.4).
FIG. 3.4 Séquence motrice « inhibition des muscles soléaires/activation des muscles tibiaux antérieurs » permettant l'initiation d'un acte moteur orienté antérieurement. A. Membre d'appui initiant la marche. B. Membre oscillant initiant la marche. C. Montée sur la pointe des pieds. D. Flexion antérieure du tronc. E. Lancé vers l'avant à deux mains. F. Se relever.
Il est intéressant de noter que, lorsque le pas est initié à partir d'une posture debout sur la pointe des pieds, les possibilités de déplacement du centre des pressions vers l'arrière sont réduites. Dans cette situation expérimentale où la base posturale est réduite, il a été montré que la durée de la phase anticipatrice était considérablement allongée de façon à ce que la vitesse du centre de gravité atteinte à la fin de l'initiation du pas reste invariante (Couillandre et al., 2002). Dans ce type de tâche, le système nerveux s'adapterait donc aux conditions d'équilibre initiales précaires en développant des APA plus longs. Comme pour l'élévation du membre supérieur en posture debout, il
semblerait cependant que le rôle fonctionnel des APA qui précèdent l'exécution du pas soit double. En effet, l'analyse des accélérations locales segmentaires (épaules, hanches, tronc) a révélé que leur rôle n'était pas uniquement de créer les forces propulsives nécessaires à la progression du corps vers l'avant, mais également de stabiliser le corps à l'instant du décollement du talon (Dietrich, Brenière et Do, 1994). L'oscillation du membre pendulaire à l'instant du décollement du pied génère, en vertu du principe de l'action et de la réaction, des forces réactives au niveau de l'articulation coxo-fémorale. Comme pour le lever du bras, ces forces endogènes sont dirigées vers l'arrière et le bas, et sont perturbatrices de l'équilibre postural. Dietrich et al. (1994) ont montré que les accélérations anticipatrices locales, développées au niveau du tronc et des épaules, étaient dirigées vers l'avant et le haut, soit en sens opposé à ces forces réactives endogènes. Comme pour le mouvement d'élévation du membre supérieur, ces auteurs ont proposé que ces phénomènes dynamiques posturaux aient pour rôle de s'opposer à l'avance à la perturbation générée par le mouvement volontaire. On retrouve d'ailleurs cette fonction stabilisatrice des APA lorsque l'on s'intéresse à la dynamique posturale « globale » selon l'axe médio-latéral. Les caractéristiques des APA générés selon cet axe ont récemment fait l'objet de nombreuses études, notamment en rapport avec la problématique de la chute chez la personne âgée ou chez le patient atteint de maladie neurologique telle la maladie de Parkinson. En effet, comme il a été dit plus haut, l'action de décoller le pied du sol pour initier le pas entraîne une diminution importante de la taille de la base de sustentation latérale, le sujet passant d'un appui bipodal à un appui unipodal. Si aucune action sur le centre de gravité n'est entreprise, ce changement des conditions d'appui entraîne mécaniquement un découplage entre le centre des pressions (sous le pied d'appui) et le centre de gravité, ce qui aura pour effet de déstabiliser le corps du côté de la jambe oscillante. Au cours du pas initié volontairement, cette tendance « naturelle » au déséquilibre est invariablement atténuée grâce au déplacement
anticipateur du centre des pressions vers la future jambe oscillante, ce qui a pour effet d'accélérer le centre de gravité en sens opposé, c'est-àdire vers la future jambe d'appui. À l'instant du décollement du pied, le centre de gravité est alors placé aux abords de la base posturale et sa vitesse est dirigée vers la jambe d'appui. À noter que lors de l'initiation d'un pas rapide, le centre de gravité n'est pas projeté directement au-dessus du pied d'appui au début de la phase d'exécution. Cette dynamique posturale anticipatrice est sous-tendue par une synergie musculaire impliquant une activation asymétrique des muscles tibiaux antérieurs (plus importante au niveau de la jambe d'appui que de la jambe oscillante) couplée à une activation des abducteurs de la hanche oscillante (Honeine, Schieppati, Crisafulli et Do, 2016). Sur la base d'une modélisation biomécanique du corps humain assimilé à un cône tronqué pivotant autour de la cheville d'appui et chutant latéralement exclusivement sous l'effet de la gravité, Lyon et Day (1997, 2005) ont montré que ces paramètres initiaux de vitesse et de position du centre de gravité à l'instant du décollement du pied permettaient de minimiser la chute latérale du centre de gravité au cours de la phase d'exécution, et donc de faciliter le rattrapage de l'équilibre latéral après l'instant de la pose du pied pendulaire au sol (Day, Severac Cauquil, Bartolomei, Pastor et Lyon, 1997). Ce modèle a récemment été implémenté dans l'étude de Yiou et al. (2012) par l'ajout d'un terme supplémentaire (force de rappel) tenant compte de la raideur des muscles de la jambe d'appui lors de la phase d'exécution (en plus de la force de gravité). Ce modèle (fig. 3.5) a permis de montrer que la raideur de la jambe d'appui a une influence sur la stabilité posturale lors de l'initiation de la marche. Agir sur cette raideur par le biais de soins thérapeutiques (par exemple, massages, vibrations du corps entier ou whole body vibration des Anglo-Saxons), en particulier chez les personnes âgées, les patients atteints de la maladie de Parkinson, etc., devrait donc théoriquement améliorer la stabilité posturale chez ces personnes et réduire le risque de chute.
FIG. 3.5 Modèle mécanique du corps lors de la phase d'exécution de l'initiation de la marche. A. Modèle mécanique est représenté par un pendule conique inversé pivotant autour du point fixe 0. Le déplacement du corps présente cinq degrés de liberté. Le centre de masse M tombe sous l'influence de la force de gravité P et de la force de rappel élastique T. B. Représentation du déplacement antéro-postérieur versus médiolatéral du centre de gravité au cours de l'exécution du pas. Le tracé en pointillé correspond aux données expérimentales ; le tracé en trait plein correspond aux données théoriques. Notez l'excellent recouvrement de ces deux tracés.
Dans l'étude de Yiou et al. (2012), la tâche était d'initier un pas rapide avec franchissement d'obstacles de hauteur et de distance variables. Les résultats ont montré que les participants (tous de jeunes adultes sains) modulaient les caractéristiques spatio-temporelles des APA selon l'axe médio-latéral de façon à maintenir une stabilité posturale inchangée à l'instant de la pose du pied et ce, quelles que soient les caractéristiques de l'obstacle. En revanche, la raideur de la jambe d'appui ne variait pas en fonction de ces mêmes caractéristiques (hauteur et distance). Cette stabilité était quantifiée par le calcul de la « marge de stabilité » (voir plus haut Principes fondamentaux de la mécanique appliqués à l'étude du mouvement). Le modèle mécanique a permis de renforcer cette interprétation d'adaptabilité des APA en montrant que leur modulation avec les caractéristiques de l'obstacle était nécessaire au maintien d'une marge de stabilité positive (pour rappel,
une valeur de marge de stabilité négative témoigne d'une instabilité). Ces résultats suggéraient que les APA médio-latéraux étaient programmés de façon adaptative en fonction de la stabilité posturale désirée à l'instant de la pose du pied. Les résultats de nombreuses études actuelles, où les contraintes imposées au système postural sont expérimentalement manipulées – par exemple, la vitesse de progression (Caderby, Yiou, Peyrot, Begon et Dalleau, 2014), la peur de chuter (Gendre, Yiou, Gélat, Honeine et Deroche, 2016 ; Yiou et al., 2012), la pression temporelle (Hussein et al., 2013 ; Yiou et al., 2012), le port de charges asymétriques (Caderby et al., 2017) –, vont dans le sens de cette interprétation. De façon intéressante, cette dynamique posturale anticipatrice latérale n'est pas mise en jeu lorsque le pas est déclenché en réaction à une perturbation exogène (ou plus exactement son amplitude est très faible comparativement au pas volontaire). C'est le cas par exemple lors d'un déplacement brusque de la surface d'appui (McIlroy et Maki, 1999). Dans ces conditions, il a été montré que le sujet adoptait une stratégie « réactive » d'exécution du pas, par opposition à une stratégie « prédictive » caractérisée par la présence d'APA significatifs. Cette stratégie réactive est caractérisée par un positionnement plus latéral du pied oscillant au sol et donc par un polygone de sustentation plus important. Il est à noter que si les contraintes environnementales nécessitent un contrôle de l'équilibre particulièrement exigeant, le système nerveux central est capable de déclencher des APA latéraux d'amplitude comparable à ceux déclenchés lors d'un pas volontaire. De cette façon, la stratégie de placement latéral du pied est évitée. C'est le cas par exemple si le sujet doit enjamber une barrière placée en face de lui (entraînant ainsi une augmentation de la durée de la chute latérale du centre de gravité), et si le positionnement du pied au sol est contraint par des barrières latérales.
Ajustements posturaux anticipateurs et charge additionnelle
Lors de l'initiation de la marche, il a été montré que l'addition d'une charge au niveau du bassin n'avait pas d'effet sur l'amplitude des APA. En revanche, la durée des APA était augmentée, ce qui permettait aux sujets de générer une vitesse de progression du centre de gravité équivalente à celle obtenue en condition « sans charge » (Caderby et al., 2014). De la même manière, lors de la marche sur un tapis roulant, l'ajout d'une charge au niveau de la cheville augmente le temps de simple appui et diminue l'activité musculaire des muscles soléaire et tibial antérieur, permettant ainsi aux sujets d'atteindre une vitesse de progression inchangée.
Ajustements posturaux anticipateurs et contraintes temporelles De nombreux travaux se sont intéressés à l'effet des contraintes temporelles (mouvement exécuté en auto-initié versus un mouvement avec un temps de réaction) sur les APA. Dans ces études, les contraintes temporelles étaient : ● soit fortes : dans ce cas le(s) mouvement(s) étai(en)t typiquement exécuté(s) en situation de temps de réaction ; ● soit faibles : dans ce cas, le(s) mouvement(s) étai(en)t « autoinitiés » (c'est-à-dire que les sujets choisissaient librement le moment d'exécution du ou des mouvements). Diverses tâches motrices ont ainsi été testées, comme la flexion antérieure unilatérale et bilatérale de l'épaule (Benvenuti, Stanhope, Thomas, Panzer et Hallett, 1997), l'initiation d'un pas ou le tir au handball avec le membre supérieur (Ilmane et LaRue, 2008). Toutes ces études ont confirmé que lorsque la pression temporelle est forte – condition temps de réaction (TR) –, la durée des APA diminue et apparaît presque simultanément avec le mouvement focal, tandis que lorsque la pression temporelle est faible – condition autoinitiée (AI) –, les APA apparaissent plus tôt et ont une durée plus longue.
Ainsi, lors de l'élévation unilatérale d'un bras, Nougier, Teasdale, Bard et Fleury (1999) ont montré une diminution de la durée des APA au niveau des muscles semi-tendineux et gastrocnémiens ipsilatéraux ainsi que du tenseur du fascia lata controlatéral en condition TR par rapport à la condition AI. Pendant une tâche de tir (pratiquée en handball), Ilmane et LaRue (2008) ont étudié l'effet des contraintes temporelles sur les APA suivant trois conditions expérimentales : condition AI, condition TR et condition anticipation–coïncidence (AC). Ces auteurs ont montré que la durée des APA était moindre en condition TR en comparaison avec les conditions non réactives (AI et AC) (Ilmane et LaRue, 2008). Il a été proposé que cette diminution systématique de la durée des APA en condition TR reflète l'existence d'une stratégie d'accélération de l'initiation du mouvement volontaire permettant ainsi une réduction du temps de réaction (Yiou, Hussein, et LaRue, 2012). En condition AI, les sujets disposent de plus de temps pour préparer leur équilibre et leur mouvement, d'où l'augmentation de la durée des APA. En effet, la pression temporelle modifie l'organisation posturale chez les sujets jeunes et âgés, mais de façon différente selon l'âge (fig. 3.6).
FIG. 3.6 Tracés biomécaniques de la flexion de la cuisse associée à l'extension de l'index pour les conditions temps de réaction (TR) et auto-initiée (AI) (un essai pour un sujet représentatif). yP, y″G, y′G, yG, z′G : déplacement médio-latéral (ML) du centre de pression (CP), accélération ML du centre de gravité (CG), vitesse ML du CG, déplacement ML du CG et vitesse verticale du CG respectivement. t0, t1, t2 : début de variation du tracé du y″G, décollement du talon et décollement du pied respectivement. SW, ST : cuisse oscillante et cuisse d'appui respectivement. APAd, yPAPA, y ′GFO, yGFO, z′GMAX : durée des APA, pic du déplacement ML du CP, vitesse et déplacement ML du CG au moment du décollement du pied, pic de vitesse verticale du CG respectivement. Source : d'après Yiou, E., Hussein, T., & LaRue, J. (2012). Influence of temporal pressure on anticipatory postural control of medio-lateral stability. Gait Posture, 35(3) : 494–9.
Chez les sujets jeunes et les personnes âgées, la diminution de la durée des APA lorsque la pression était forte était compensée par une augmentation de l'accélération anticipatrice du centre de gravité vers
la jambe oscillante. Cette augmentation de l'accélération était associée à une augmentation du déplacement anticipé du CP pendant les APA, mais chez les sujets jeunes uniquement. En revanche, les sujets âgés étaient incapables de compenser la diminution de la durée des APA par une augmentation du déplacement anticipé du CP. Cela suggère que la capacité d'accélérer et d'associer l'accélération du CG au déplacement anticipé du CP est dégradée avec l'âge (Hussein et al., 2013).
Ajustements posturaux anticipateurs et vieillissement Le vieillissement est accompagné d'une altération du contrôle postural. Cette altération est multifactorielle et associée à une modification ou une dégradation structurelle et fonctionnelle du système sensori-moteur (Shaffer et Harrison, 2007). L'effet du vieillissement sur les APA a été étudié lors de diverses tâches motrices avec ou sans perturbations externes. Bleuse et al. (2006) ont rapporté l'absence de différence des paramètres spatio-temporels des APA entre les sujets jeunes et les sujets âgés lors d'un mouvement de flexion de l'épaule à vitesse lente et normale. En revanche, ces auteurs ont noté une diminution de l'amplitude des APA à une vitesse rapide. Dans une étude récente, Kanekar et Aruin (2014) ont montré que la durée et l'amplitude des APA étaient moindres chez les sujets âgés en comparaison avec les sujets jeunes lors d'une tâche induisant une perturbation externe prévisible. Cette diminution des paramètres des APA était associée à une augmentation des ajustements posturaux compensatoires (qui surviennent après la perturbation) dans le but de maintenir l'équilibre.
Ajustements posturaux anticipateurs et peur de chuter Les chutes chez les personnes âgées constituent un enjeu de santé publique. Elles surviennent le plus souvent au cours d'activités simples de la vie quotidienne telles que marcher, se lever d'une position assise ou s'asseoir. Ces chutes peuvent augmenter la morbidité et la mortalité. Après une ou plusieurs chutes chez les personnes âgées, on voit apparaître le syndrome « post-chute » dont
la peur de chuter constitue un signe majeur. De même, cette peur est un signe de dégradation de la stabilité. Elle est associée à une perte de l'autonomie et à un risque élevé de chute chez les personnes âgées (50 %) (Arfke, Lach, Birge et Miller, 1994). Plusieurs auteurs ont étudié l'effet de la peur de chuter et l'anxiété posturale sur les APA et la stabilité posturale chez les sujets jeunes et âgés. Ces auteurs ont essayé de comprendre comment le système nerveux central (SNC) adapte les APA dans des conditions menaçantes (comme l'exécution d'un mouvement à partir d'une certaine hauteur). Uemura et al. (2012) ont montré que la peur de chuter chez les personnes âgées chuteurs était accompagnée d'une augmentation de la durée des APA pendant l'initiation de la marche associée à une double tâche. Dans le même registre, dans une étude récente chez des adultes jeunes, Yiou et Do (2011) ont étudié l'effet de l'anxiété posturale sur le contrôle anticipateur de la stabilité posturale médio-latérale lors d'une tâche de flexion rapide de la cuisse à partir de deux hauteurs audessus du sol (6 cm et 60 cm). Ils ont trouvé que la durée des APA était plus importante en condition « haute » (condition d'anxiété) qu'en condition « basse ». Inversement, l'amplitude des APA était moindre en condition « haute » qu'en condition « basse ». Cet effet n'était mis en évidence que lorsque le centre des masses était dirigé vers le vide au cours des APA (Gendre et al., 2016). Les auteurs ont suggéré que l'anxiété posturale engendre une stratégie d'évitement destinée à minimiser les risques de chute. Adkin, Frank, Carpenter et Peysar (2002) ont trouvé que l'anxiété posturale affecte l'amplitude des APA mais pas la durée. En demandant à des sujets de se lever sur les pointes des pieds, à partir de deux hauteurs (basse et haute), les auteurs ont montré qu'en condition haute, la confiance en soi des sujets, le déplacement anticipé du centre des pressions et l'accélération du centre de gravité étaient moindres. En revanche, la durée des APA restait comparable dans les deux
conditions de hauteur. Les auteurs ont émis l'hypothèse que la peur de chuter altère la stabilité posturale et le mouvement volontaire (Adkin, Frank, Carpenter et Peysar, 2002). Le SNC adopte une stratégie de prudence en situation d'anxiété dans le but d'assurer une grande marge de confort et d'éviter la chute.
Ajustements posturaux consécutifs Comme il a été dit plus haut, l'expression générale d'« ajustements posturaux consécutifs » (APC) désigne les phénomènes moteurs affectant le support postural après la fin du mouvement volontaire. Plusieurs auteurs ont mentionné l'existence de tels ajustements (Bouisset et Zattara, 1987 ; Friedli et al., 1984 ; Krishnan et Aruin, 2011 ; Le Bozec, Bouisset et Ribreau, 2008 ; Santos, Kanekar et Aruin, 2010). Les études portant sur ce type d'ajustements posturaux sont cependant encore beaucoup moins nombreuses que celles qui ont été, et qui sont encore, consacrées aux APA. Même si les APC ne se distinguent pas des APA dans leurs caractères généraux, ils semblent, malgré tout, présenter des propriétés biomécaniques spécifiques. En comparaison aux APA, Bouisset et Zattara (1987) ont montré que la durée des APC associés à une tâche d'élévation du membre supérieur augmentait si le mouvement était bilatéral (en comparaison à une élévation unilatérale), et ne variait pas avec l'addition d'une charge, contrairement aux APA. Il est à noter que dans le cas d'une élévation bilatérale, la perturbation posturale est symétrique et donc essentiellement linéaire ; lorsque le mouvement est asymétrique (élévation unilatérale) s'ajoute un effet de rotation dû à la création de moments. Il semble donc que les APC soient, pour cette tâche, surtout sensibles à la résultante des forces exerçant une action linéaire au niveau du centre de gravité. Friedli et al. (1984) ont souligné la possibilité d'une correction posturale lors de l'exécution de mouvements de flexion et d'extension du coude en position debout, réalisés sous différentes conditions de support et de charge. Ces corrections posturales permettraient de corriger les effets d'une perturbation à partir des afférences sensorielles palliant ainsi
d'éventuelles erreurs de la prédiction du système nerveux central. Cette idée selon laquelle les APA ne prennent pas « en charge » la totalité de la perturbation posturale est actuellement admise. Ceci se conçoit d'ailleurs très bien puisque, comme il a été dit plus haut, les APA résulteraient d'une estimation cognitive de la perturbation mécanique à venir, estimation nécessairement approximative et source d'erreurs. Les APC constitueraient ainsi une « seconde ligne de défense » (voire une « troisième ligne de défense », si l'on considère les ajustements posturaux simultanés) visant à renforcer l'action contreperturbatrice des APA, ou à remplacer cette action si les sujets ne développent pas d'APA. Par exemple, Krishnan et Aruin (2011) ont montré, au moyen de leur paradigme de perturbation posturale induite par le lâché d'un pendule sur les épaules d'un sujet en station debout, que le maintien de l'équilibre induisait systématiquement le développement d'APA et d'APC. Plus spécifiquement, le pic des APA (en termes de déplacement du centre des pressions) était négativement corrélé au pic des APC ; autrement dit, plus l'amplitude des APA était faible, plus l'amplitude des APC était élevée. À l'« extrême », lorsque le même paradigme était appliqué à des sujets aveugles, rendant impossible la prédiction de l'instant de la perturbation, les sujets ne développaient pas d'APA, mais uniquement des APC.
Remarques
■ Les APA sont adaptables non seulement aux paramètres du mouvement à venir mais également aux contraintes posturales (de nature endogène ou exogène) qui peuvent être imposées au système postural. ■ Le concept posturo-cinétique est la capacité du SNC de
développer des stratégies posturales adaptées permettant le maintien de l'équilibre. ■ Si la perturbation est importante, le sujet développe des stratégies posturales . Le choix de la stratégie dépend des plusieurs facteurs comme l'importance de la déstabilisation, l'âge et les capacités fonctionnelles du sujet.
Organisation centrale des ajustements posturaux anticipateurs Deux modes d'organisation centrale des APA sont proposés dans la littérature : le mode « hiérarchique » et le mode « parallèle » (Massion, 1997 ; Slijper, 2002). Dans le mode hiérarchique (fig. 3.7), un seul programme moteur est établi pour accomplir les exigences posturales et le mouvement focal.
FIG. 3.7 Coordination posture mouvement : mode hiérarchique et parallèle.
Dans ce mode « hiérarchique », les composantes posturale et focale de la tâche sont exécutées d'une manière simultanée au niveau cérébral (Massion, 1997 ; Massion, Alexandrov et Frolov, 2004 ; Slijper, 2002). Ce mode de contrôle serait impliqué dans la coordination entre la posture et le mouvement lors de la production de tâches de délestage bimanuelles. Dans le mode « parallèle » (fig. 3.7), la posture et le mouvement sont contrôlés par deux voies parallèles indépendantes. Une même structure centrale commande ces voies parallèles, entre lesquelles existeraient des mécanismes de communication (Bouisset, 1991 ; Massion, 1997). Plusieurs études chez l'homme et l'animal ont mis en évidence que le système responsable de l'organisation et de l'initiation des APA est séparé de celui de l'initiation du mouvement volontaire. L'existence de deux modèles de gestion de la posture et du mouvement volontaire a également été mise en évidence par le biais d'études s'intéressant à la modulation des APA et de l'action motrice en fonction des contraintes temporelles. Deux modes ont été décrits dans la littérature (Paillard, 1990) : le premier est le mode « réactif » qui correspond à une situation de temps de réaction, où le sujet doit exécuter un mouvement en réponse à un signal sonore ; le second est le mode « prédictif » qui correspond aux mouvements auto-initiés au gré du sujet. Pour une tâche exécutée avec un temps de réaction (c'est-à-dire en mode réactif), plusieurs études ont montré que les APA apparaissaient presque simultanément avec le début du mouvement focal. Ce résultat a amené les auteurs à proposer l'idée que le modèle hiérarchique serait utilisé en condition réactive (Benvenuti et al., 1997 ; Nougier et al., 1999 ; Slijper, 2002 ; Ilmane et LaRue, 2008, 2011). En revanche, pour une tâche exécutée en situation auto-initiée (c'està-dire en mode prédictif), les APA surviennent plus tôt par rapport au début du mouvement focal. Ce résultat suggère l'existence d'une dissociation des commandes posturale et focale qui sera en faveur d'un contrôle central parallèle. L'excédent de temps disponible pour la préparation du mouvement,
en situation auto-initiée, permet cette dissociation des deux commandes. En conclusion, les différents résultats montrent que l'organisation centrale de la posture et du mouvement volontaire se fait de manière hiérarchique ou parallèle. C'est la nature de la tâche et les contraintes associées à cette tâche qui vont conditionner la mise en place d'un mode ou de l'autre.
Stratégies posturales Selon le concept de CPC, le SNC met en place des phénomènes posturaux dynamiques (APA et APC) afin de contrebalancer les perturbations internes (liées au mouvement volontaire) et externes (liées à l'environnement), d'assurer l'équilibre et la réalisation efficiente de la tâche. Afin de maintenir le centre de gravité à l'intérieur de la base de support et ainsi assurer la stabilité posturale, il a été montré que les sujets exécutent des mouvements segmentaires caractéristiques correspondant à des « stratégies posturales ». La notion de stratégie posturale a été introduite par Nashner et McCollum (1985). Elle correspond aux différentes adaptations posturales successives aboutissant au maintien de la posture dans des situations posturales contraignantes. Ce terme inclut à la fois les synergies entre les muscles agonistes–antagonistes et les interactions sensorielles avec l'environnement. Les stratégies posturales sont choisies en fonction de l'importance de la perturbation et elles diffèrent selon l'âge, la nature du mouvement et les capacités fonctionnelles du sujet. Différentes stratégies ont été identifiées (fig. 3.8) : stratégie de cheville, stratégie de hanche et stratégie du pas (stepping strategy). Pour chacune des stratégies, il existe une synergie musculaire spécifique mettant en jeu un certain nombre de muscles au niveau des différents segments corporels.
FIG. 3.8 Les différentes stratégies posturales utilisées chez un sujet normal pour contrôler la position debout. Source : d'après Shumway-Cook, A., & Woollacott, M.H. (2007). Motor Control : translating research into clinical practice. Lippincott Williams & Wilkins.
Stratégie de cheville Cette stratégie implique principalement le contrôle de la musculature de la cheville et en particulier des muscles fléchisseurs plantaires (essentiellement le muscle soléaire). Gatev, Thomas, Kepple et Hallett (1999) et Armidis, Hatziki et Arabatzi (2003) ont étudié les stratégies posturales chez les sujets jeunes et les sujets âgés, en position debout normale, tandem et unipodale. Dans chacune de ces postures, il a été montré que les sujets jeunes
utilisent principalement la stratégie de cheville pour maintenir leur équilibre. Or, les sujets âgés, quant à eux, utilisent une stratégie mixte mobilisant la hanche et les chevilles. Il a été proposé que l'adoption de cette stratégie mixte par les âgés puisse être due à une diminution de la force des muscles de la cheville (Onambele, Narici et Maganaris, 2006). En accord avec cette interprétation, Billot, Simoneau, Van Hoecke, et Martin (2010) ont mis en évidence l'existence d'une corrélation négative, chez les sujets jeunes et les personnes âgées, entre le déplacement du centre des pressions et la capacité maximale de production de force des muscles de la cheville (fléchisseurs plantaires et dorsaux). Ces auteurs ont suggéré que la diminution de la force des muscles de cheville pourrait expliquer la diminution de la stabilité posturale chez les sujets âgés. Dans la même veine, il a été observé que le renforcement musculaire par électrostimulation des muscles tibiaux de la cheville diminuait les oscillations posturales chez les personnes âgées. Dans une étude récente, Lee et Powers (2014) ont montré que les sujets jeunes présentant une faiblesse des muscles abducteurs utilisaient d'une façon plus importante que les sujets sains la stratégie de cheville pour maintenir leur stabilité lors d'une posture unipodale.
Stratégie de hanche Le maintien du centre de gravité (CG) à l'intérieur de la base de support peut être assuré par un mouvement rapide de la hanche en antiphase avec les chevilles. Dans ce cas, la flexion plantaire des chevilles associée à la flexion des hanches, ou bien la flexion dorsale des chevilles associée à l'extension des hanches, permet de minimiser le déplacement du centre de gravité. Horak et Nasher (1986) ont suggéré que cette stratégie est utilisée pour contrebalancer une perturbation forte et rapide. Chez les sujets âgés, la faiblesse des muscles de la cheville expliquerait l'utilisation préférentielle de la stratégie de hanche (Judge, Davis et Ounpuu, 1996), suggérant que le système de contrôle
postural adopte le moyen le plus sûr pour éviter la chute. Cette stratégie, permettant de maintenir le CG au-dessus de la base de support, semble avoir une priorité très élevée avec l'avancée en âge, bien qu'il soit reconnu que le coût énergétique de la stratégie de cheville soit plus faible. Les personnes âgées préféreraient cette stratégie de hanche parce que, pour ces sujets, elle serait plus rassurante.
Stratégie du pas Dans les situations où les deux stratégies précédentes sont insuffisantes pour le maintien de l'équilibre, le sujet peut avancer ou reculer d'un pas ou encore faire un pas latéral (selon la direction de la perturbation) afin d'élargir la base de support (BS) et repositionner le centre de gravité à l'intérieur de la base de sustentation. Cette stratégie est utilisée lorsque le CG ou le centre de masse extrapolé dépasse la BS (Hof, 2008 ; Horak, Nashner et Diener, 1990 ; Shumway-Cook et Horak, 1990). Certains auteurs ont cependant montré que cette stratégie pouvait être mise en œuvre même lorsque le CG était encore à l'intérieur de la base de support (Brown, Shumway-Cook et Woollacott, 1999 ; Maki, Whitelaw et McIlroy, 1993). La stratégie du pas latéral peut être utilisée lorsque la base de support est brusquement déplacée vers la droite ou la gauche. Ainsi, une translation inattendue de la base de support mobile à droite induit un déplacement du centre de gravité à gauche et par conséquent, un déséquilibre à gauche. Pour compenser ce déséquilibre le sujet peut soit déplacer son pied gauche plus latéralement afin d'élargir la base de support, soit déplacer la jambe droite devant celle de gauche, c'est-à-dire croiser ses pieds. Il faut noter que cette stratégie de croisement des pieds peut être dangereuse, en particulier chez les personnes âgées, car elle accroît le risque de chute. Dans son examen clinique de la marche, le thérapeute doit tester la capacité du sujet à développer ces différentes stratégies posturales. Le test peut se faire par des déstabilisations intrinsèques (mouvements
segmentaires) et des déstabilisations extrinsèques dans les différents plans de l'espace. L'objectif est de savoir si le sujet (en fonction de son âge et ses capacités motrices) est capable de produire ces stratégies et les utiliser efficacement pour gérer sa stabilité posturale. En présence d'une difficulté ou une déficience, le réapprentissage de ces stratégies est essentiel.
Principe du guidage en top-down lors de la marche Selon Berthoz, l'organisation posturale de l'ensemble du corps lors de la marche se fait par un guidage de l'ensemble des mouvements du corps par la tête, avec un rôle important du regard. En effet, l'axe du regard est essentiel lors de la marche, ce ne sont pas les pieds qui commandent ou initient la trajectoire, mais le regard. L'organisation débute par le regard ensuite la tête en terminant par les pieds. Le regard est utilisé en premier, la tête ensuite, pour guider le corps (Takei, Grasso et Berthoz, 1996).
Équilibre, marche et maladies neurologiques Nous allons aborder ici les différents troubles de l'équilibre et de la marche chez les sujets atteints de la maladie de Parkinson et les sujets hémiparétiques.
Sujets atteints de la maladie de Parkinson La marche chez les sujets atteints de la maladie de Parkinson La maladie de Parkinson (MP) est la deuxième maladie neurodégénérative la plus répandue dans le monde. Elle est liée à une dégénérescence progressive des cellules dopaminergiques situées dans la substantia nigra des ganglions de la base. La MP est associée à
des troubles moteurs (rigidité, tremblements, akinésie, troubles de la coordination, de l'équilibre et de la marche) et non moteurs (trouble de l'humeur, démence et troubles du sommeil). Les troubles de l'équilibre et de la marche sont fréquents chez les sujets atteints de la MP. Ces troubles peuvent être liés à un risque de chute accru impactant la mobilité et la qualité de vie des personnes. La posture des parkinsoniens est caractérisée par une attitude en flexion du tronc et des membres liée à la rigidité musculaire et au trouble de la stabilité posturale.
Ajustements posturaux anticipateurs et maladie de Parkinson Les parkinsoniens préservent leurs capacités de développer des APA mais leur amplitude (déplacement du centre de pression) est réduite. En revanche, nous constatons une augmentation de la durée des APA avec un retard de leur apparition lors de l'initiation de la marche, témoigné par un retard de l'activation du muscle tibial antérieur (Fernandes, Sousa, Rocha et Tavares, 2016). De plus, la marge de stabilité, mesurée par la différence entre la position du centre de pression et celle du centre de gravité, est réduite dans toutes les directions, ce qui pourrait expliquer l'augmentation de l'instabilité posturale chez cette population. Il faut noter que la stabilité médio-latérale est davantage affectée chez les parkinsoniens. La capacité des parkinsoniens à développer des stratégies posturales est affectée, ce qui rend la gestion de l'équilibre plus difficile et augmente, par conséquent, le risque de chute. Le trouble de la marche chez les parkinsoniens est caractérisé par une diminution de la longueur du pas, de la cadence, de la vitesse de la marche et une réduction des balancements des bras et de la coordination des ceintures scapulaire et pelvienne. À un stade avancé de la maladie, les sujets présentent une sensation de blocage à la marche, appelé aussi le freezing of gait (FoG). Le FoG est défini par une brève absence ou une diminution importante de l'avancement des pieds malgré la volonté du sujet (Nutt et al., 2011). Il est décrit de façon subjective que les pieds « paraissent
collés au sol ». L'évaluation clinique du FoG se fait au travers de deux questionnaires subjectifs validés, le questionnaire freezing of gait questionnaire (FoG-Q) et le questionnaire new freezing of gait questionnaire (NFoG-Q) (tableau 3.1). Tableau 3.1 Examen clinique et différents types de démarches pathologiques suite à une atteinte cérébrale chez l'adulte Différents syndromes Signes cliniques
Atteinte centrale Syndrome Syndrome pyramidal extrapyramidal 1) Trouble de la commande 2) Signe de Babinski 3) Spasticité 4) Syncinésie
1) Tremblements de repos 2) Rigidité (roue dentée) 3) Akinésie, bradykinésie 4) Instabilité posturale
Syndrome cérébelleux 1) Tremblements d'action 2) Ataxie statique et cinétique 3) Troubles de la coordination 4) Ataxie locomotrice
Échelles d'évaluation motrice
FMA Berg balance Franchay arm test Timed up and go
UPDRS III (examen moteur) FoG-Q NFoG-Q
SARA ICARS
Troubles de la marche
Fauchage (spastic or paretic gait) Steppage (drop foot gait)
Festination (propulsive gait) FoG
Ataxie locomotrice ou marche ébrieuse (ataxic gait)
FMA : Fugl-Meyer assessment ; FoG : freezing of gait ; FoG-Q : freezing of gait questionnaire ; ICARS : international cooperative ataxia rating scale ; NfoG-Q : new freezing of gait questionnaire ; SARA : scale for the assessment and rating of ataxia ; UPDRS : unified Parkinson's disease rating scale.
À l'heure actuelle, des méthodes objectives permettent l'évaluation du FoG. Ces méthodes se fondent sur l'utilisation des capteurs de mouvement, des plateformes de force et des mesures myoélectriques pour l'analyse de la marche. La rééducation de la marche chez les parkinsoniens se fonde sur
l'utilisation des indices sensoriels (visuels ou sonores). Il a été démontré que l'utilisation des indices sonores (utilisation d'un métronome) est plus efficace que l'indiçage visuel et permet une amélioration de la cadence et de la vitesse de la marche (Rocha, Porfirio, Ferraz et Trevisani, 2014). L'intensité, la répétition des exercices musculaires et le travail de l'équilibre pourraient avoir des effets bénéfiques sur les symptômes moteurs, la peur de chuter et les APA chez le patient parkinsonien (fig. 3.9).
FIG. 3.9 Pistes rééducatives pour améliorer la marche et l'équilibre chez le patient parkinsonien. Le pas de rattrapage facilitée renvoi à la fig. 1.29C ; la notion réflexe consisterait à laisser tomber le sujet pour qu'il se rattrape par un pas réflexe depuis la position initiale de la fig. 1.29B.
Sujets hémiparétiques La marche chez les sujets hémiparétiques L'accident vasculaire cérébral (AVC) est la première cause de handicap acquis de l'adulte, la deuxième cause de démence (après la maladie d'Alzheimer, 30 % des démences sont entièrement ou en partie dues à des AVC) et la troisième cause de mortalité en France (HAS, 2015). Après un premier infarctus cérébral, le risque de récidive est important, 10 % la première année et 20 à 30 % à 5 ans. Ce risque
est plus élevé que celui d'un premier infarctus cérébral dans la même population, après appariement sur l'âge et le sexe. Il est maximal immédiatement après l'infarctus. Plus de 90 % des récidives d'AVC sont des infarctus cérébraux. Après un AVC, 75 % des patients gardent des séquelles. Ces séquelles peuvent être motrices et/ou cognitives. Les troubles moteurs rencontrés sont les troubles de l'équilibre et de la marche (50 % des personnes), la spasticité, les troubles de la commande motrice – hémiparésies (37 %) et hémiplégies (31 %) –, les troubles de mémoire (42 %), les troubles du langage (34 %) et de la vision (23 %) ; 45 % des personnes avec séquelles ont déclaré avoir des difficultés pour au moins une activité de la vie quotidienne (contre 3,6 % dans la population sans antécédent d'AVC) et 11 % vivent en institution (HAS, 2015).
Modifications posturales et mécaniques chez les sujets hémiparétiques Les modifications des paramètres spatio-temporels de la marche se caractérisent par : ● une augmentation des oscillations posturales (diminution de la stabilité posturale debout) ; ● une diminution de la phase d'appui sur le côté parétique ainsi qu'une diminution de la force verticale : 30 % en comparaison avec le côté normal (70 %) ; ● une altération des ajustements posturaux anticipateurs et compensatoires ; ● une altération de l'organisation temporelle des APA (diminution de l'amplitude et de la durée des APA) ; ● une chute ou un déséquilibre du bassin lors de l'appui dû à une faiblesse du moyen fessier. Ces modifications sont associées à une modification du contrôle du mouvement, une diminution de la stabilité posturale et, par conséquent, une diminution de la qualité de vie des sujets atteints.
La rééducation de l'équilibre et de la marche chez les sujets hémiparétiques a pour but de récupérer la fonction motrice par l'utilisation des exercices guidés par un thérapeute (Sicuri, Porcellini et Merolla, 2014). Ces exercices peuvent être manuels ou avec des machines diverses. Dans les deux cas, le rôle du thérapeute est essentiel. L'examen clinique doit être précis permettant au rééducateur d'identifier les altérations sensorielles, mécaniques, posturales et spatio-temporelles.
Recommandations (Guilhermet, Krolak-Salmon, Djenkal et Yaldelievre, 2013) Précocité de la rééducation ■ [A] Débuter la rééducation motrice le plus précocement possible et stimuler la sensorialité en phase aiguë chez un patient sans motricité. ■ [B] Rééducation locomotrice : le plus précocement possible, tout au long de l'AVC afin d'accroître l'indépendance fonctionnelle.
Intensité de la rééducation ■ [B] Phase chronique : la durée de l'exercice = effet favorable sur la performance locomotrice. ■ [A] Effet temps = partie intégrante de la récupération motrice.
Continuité de la rééducation ■ [C] Rééducation manuelle individuelle à tous les stades de la prise en charge. ■ [A] Les transferts, changements d'unité de soins du patient, et retours à domicile doivent s'accompagner d'une continuité des soins passant par la transmission des objectifs, actions menées, évaluations et résultats obtenus, aux professionnels qui
continueront la rééducation. Niveau de preuve : [A], [B], [C].
Conclusion En fonction des déficits, le thérapeute propose des techniques de rééducation afin d'améliorer la marche et l'autonomie du patient. Les exercices proposés doivent être fonctionnels, avec une sollicitation de la coordination motrice (tâche simple vers multitâches) et d'une manière intensive. Cette rééducation intensive de l'équilibre et de la marche permet de favoriser l'apprentissage moteur et de stimuler la plasticité cérébrale. Ainsi, l'autorééducation à domicile et dans des salles de sport s'avère très utile et aide à la récupération. Pour cela, il est fortement conseillé d'établir un programme d'autorééducation.
Point clé La compréhension des mécanismes biomécaniques et neurophysiologiques du contrôle postural, de la marche et des pathologies, notamment neurolocomotrices, permet au rééducateur de développer une stratégie thérapeutique et un programme de prise en charge adapté.
Entraînement
QCM 1 Quels sont les différents types d'ajustements posturaux et leur ordre chronologique lors de l'exécution d'un mouvement volontaire ?
A. ajustements anticipateurs, simultanés et correcteurs B. ajustements anticipateurs, consécutifs et correcteurs C. ajustements simultanés correcteurs et consécutifs
QCM 2 Dans des situations dynamiques, le concept de « centre des masses extrapolé » tient compte de : A. l'amplitude maximale et de la vitesse du centre des pressions B. du déplacement maximal du centre des masses C. le déplacement et la vitesse du centre des masses
QCM 3 Comment les APA sont-ils modifiés suite à une atteinte de la maladie de Parkinson ? A. la durée et l'amplitude des APA diminuent par rapport aux sujets normaux B. par une augmentation de l'amplitude et une réduction de la durée des APA C. par une augmentation de la durée des APA et une réduction de l'amplitude
QCM 4 Dans quel(s) plan(s) la stabilité posturale est plus affectée chez les sujets parkinsoniens ? A. dans le plan frontal B. dans le plan sagittal C. dans les deux plans
QCM 5 La marge de stabilité correspond à :
A. la base de sustentation du sujet B. la distance entre les limites de la base posturale et la position du centre des masses C. la distance entre les limites de la base posturale et la position du centre des masses extrapolé
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PA R T I E I I
Marche humaine et pathologies locomotrices
CHAPITRE 4
Acquisition, développement et altération de la marche à travers les âges A. Fontaine; R. Artico; A. Delafontaine
PLAN DU CHAPITRE Acquisition et développement de la marche de l'enfant Altération de la marche chez le sujet âgé Conclusion
Focus
■ Objectifs pédagogiques : – appréhender les répercussions sur la marche des pathologies associées au vieillissement ;
– comprendre les mécanismes de maturation de la marche de l'enfant menant vers une optimisation biomécanique et énergétique ; – connaître l'effet du vieillissement physiologique sur la marche. ■ Objectifs professionnels : – connaître les caractéristiques de la marche saine des premiers pas à l'adolescence ; – pouvoir repérer les schémas de marche physiologiques et pathologiques chez une personne âgée. ■ Evidence based : – la marche humaine est issue d'un long processus de maturation débutant dès les premiers mouvements de pédalage in utero ; – l'altération est un processus progressif qui se met en place par accumulation des transformations associées au vieillissement.
Acquisition et développement de la marche de l'enfant L'acquisition de la marche bipède, propre à l'homme, représente une évolution radicale dans l'histoire de l'ontogenèse. Son acquisition a fait l'objet de nombreuses études depuis le début des années 1900, mais certaines questions subsistent. La marche est-elle une tâche motrice innée ? Est-elle issue d'un processus d'apprentissage ?
Bases neurophysiologiques du développement de la motricité Maturation du système nerveux central Le développement du système nerveux central (SNC) débute précocement au cours de l'embryogenèse. Au 7e mois de vie fœtale, le
cerveau se compose déjà de plus de 10 milliards de neurones et la morphologie du SNC est achevée. C'est le début d'une longue période de maturation qui se poursuivra jusqu'à la fin de l'adolescence (fig. 4.1 ; Lenroot et Giedd, 2006). Différents processus sont impliqués dans la maturation du SNC : ● la myélinisation : rapide du 4e mois de vie fœtale à l'âge de 2 ans, puis se poursuivant lentement jusqu'à l'âge de 20 ans ; ● l'apparition de réseaux neuronaux grâce à la mise en place de synapses interneuronales, en nombre excédentaire dans un premier temps, jusqu'à une étape dite d'élagage synaptique à l'adolescence ; ● l'organisation de l'activité électrique du cerveau qui aboutit à l'âge de 8–9 mois de vie à une différenciation entre l'activité de veille et le sommeil ; ● l'organisation des grands systèmes neurofonctionnels, comme le système sensori-moteur.
FIG. 4.1 Maturation du système nerveux central du début de la gestation au 24 e mois de vie et développement posturo-moteur. De la motricité réflexe à la motricité volontaire
On distingue deux grands systèmes impliqués dans le contrôle moteur (fig. 4.1 ; Martin, 2005) : ● d'une part, le système sous-corticospinal. Issu du tronc cérébral, il assure un rôle essentiel dans le maintien de la posture et la fonction antigravitaire (tonus des muscles extenseurs du tronc et des membres). Sa myélinisation s'étale de la 24e à la 34e semaine de gestation et s'effectue dans le sens caudo-céphalique ; ● d'autre part, le système corticospinal ou pyramidal qui comprend les zones corticales motrices. Il contrôle le tonus postural (modère les réactions posturales en hyperextension) et la motricité fine. Sa myélinisation est rapide de la 32e semaine de gestation jusqu'à l'âge de 2 ans, puis s'étale jusqu'à l'âge de 20 ans. Au cours de la vie fœtale et au moment de la naissance, la motricité réflexe du système sous-corticospinal prédomine largement sur le système corticospinal. Le processus d'encéphalisation, rapide au cours des deux premières années de vie, va inverser cette tendance au profit du système corticospinal. Progressivement, la motricité volontaire prend le pas sur la motricité réflexe.
Réflexes archaïques Les réflexes archaïques, ou réflexes primaires, sont définis comme des mouvements automatiques involontaires stéréotypés, produits en réponse à certains stimuli spécifiques. Ils sont observés au cours de l'examen clinique du nouveau-né comme indicateurs de la maturation du SNC. On peut citer le réflexe de succion, le réflexe de Moro, le réflexe de grasping, le réflexe tonique asymétrique du cou, le réflexe de fouissement. Issus du fonctionnement du système sous-corticospinal, leur présence est physiologique au cours des premiers mois de la vie. Vers l'âge de 3–4 mois et en l'absence d'anomalies du développement neuromoteur, la plupart de ces réflexes disparaissent au profit de l'apparition de la motricité dirigée (fig. 4.1 ; Amiel-Tison, 2008). Qu'en
est-il du réflexe de marche automatique ?
Marche automatique du nouveau-né La marche automatique du nouveau-né se caractérise par la production de mouvements alternatifs de flexion/extension des membres inférieurs. Ils peuvent être observés en maintenant le nouveau-né en position verticale au-dessus d'une surface plane. Ces mouvements sont générés par le réseau locomoteur spinal, ou central pattern generator (CPG), réseau autonome de neurones localisé dans la moelle épinière (Dominici et al., 2011).
Est-elle un réflexe archaïque amené à disparaître ? La marche automatique du nouveau-né a été observée dès 1931 par Shirley et qualifiée de réflexe archaïque (Shirley, 1931). Dès les années 1960, on explique sa disparition entre le 3e et le 4e mois de vie par l'inhibition du système sous-corticospinal nécessaire à la mise en place de la marche autonome régie par le système corticospinal . En 1987, Thelen avance une nouvelle hypothèse : la disparition de la marche autonome serait liée à l'évolution des caractéristiques anthropométriques de l'enfant qui évoluent rapidement pendant les premiers mois de vie (augmentation de la masse adipeuse sans augmentation de la force musculaire des membres inférieurs ; Thelen et Cooke, 1987). Cette hypothèse explique le maintien des mouvements alternés des membres inférieurs au travers de mouvements tels que le pédalage de l'enfant en décubitus dorsal ou le ramper.
Est-elle un précurseur de la marche autonome ? Plusieurs observations permettent d'établir que la marche automatique n'est, par définition, pas un réflexe archaïque (Dominici et al., 2011 ; Futagi, Toribe et Suzuki, 2012 ; Teulier, Lee et Ulrich, 2015 ; Thelen et Cooke, 1987). En fonction de leur morphologie, tous les nouveau-nés ne sont pas capables de produire une marche automatique.
La recherche clinique a montré qu'en entraînant un nouveau-né à la marche automatique quotidiennement sur tapis de marche pédiatrique, celle-ci ne disparaît pas. Elle laisse place à la production d'une alternance de mouvements des membres inférieurs sur le tapis de marche, de manière longitudinale jusqu'à l'acquisition précoce de la marche autonome. L'étude de la marche automatique « entraînée » sur tapis de marche pédiatrique montre une importante variabilité inter-individuelle dans la coordination des mouvements des membres inférieurs et dans les patterns de contractions musculaires, de même qu'une variabilité intraindividuelle des paramètres spatio-temporels de la marche automatique pour un nourrisson d'un cycle de marche à l'autre et au cours de son développement neuromoteur. La maturation de la marche automatique « entraînée » au cours de la première année de vie l'amène à se rapprocher des caractéristiques de la marche autonome (augmentation de la longueur et de la fréquence des pas). À partir de l'âge de 6 mois, le nourrisson est capable d'adapter ses pas à la vitesse de progression imposée par le tapis. L'étude de l'organisation des CPG met en évidence que sur les quatre patterns rythmiques musculaires nécessaires à la marche autonome de l'adulte, deux sont déjà présents à la naissance. La marche automatique, présente dès la naissance, apparaît donc comme un précurseur de la marche autonome. Elle s'inscrit dans un processus de maturation et d'apprentissage. L'évolution de ces coordinations et des contractions musculaires est le reflet de la maturation du SNC, des modifications biomécaniques et de l'interaction avec l'environnement et le développement neuromoteur.
Développement posturo-moteur et locomotion au cours de la première année de vie Le développement posturo-moteur du nourrisson se caractérise par l'acquisition progressive et simultanée d'habiletés posturales et motrices lui permettant d'agir et de se déplacer et dans son
environnement. Trois lois définissent le cadre spatio-temporel de la maturation posturo-motrice du nourrisson (Gesell, 1946) : ● la loi céphalo-caudale. Le développement du contrôle postural progresse du haut vers le bas du corps : muscles du visage, puis cervicaux, puis érecteurs du rachis et abdominaux, puis muscles des membres inférieurs ; ● la loi proximo-distale. Le contrôle volontaire s'effectue des segments les plus proches de l'axe du corps (ceintures scapulaire et pelvienne) vers les segments les plus éloignés (mains, pieds) ; ● la loi de différenciation. Elle fait évoluer la motricité d'une motricité globale et généralisée aux quatre membres, à une motricité de plus en plus localisée et précise. Malgré ce cadre spatio-temporel, on observe une importante variabilité inter-individuelle dans l'organisation du développement posturo-moteur du nourrisson. En effet, différents facteurs intrinsèques et extrinsèques interfèrent avec ces acquisitions (Teulier et al., 2015). Parmi les facteurs intrinsèques peuvent être cités le stade de maturation du SNC, la croissance du squelette, le développement sensoriel du nourrisson, son développement cognitif mais aussi son tempérament. Concernant les facteurs extrinsèques, le cadre de vie, le cadre familial ou encore l'éducation reçue sont autant de facteurs pouvant moduler les acquisitions posturo-motrices au cours de la première année de vie. Ainsi, le développement posturo-moteur suit un certain nombre d'étapes, plus ou moins rapidement d'un individu à l'autre. Les âges moyens d'acquisition de ces différentes habiletés posturo-motrices constituent des points de repère chronologiques pour le clinicien permettant de déceler d'éventuelles anomalies du développement d'ordre neurologique, anatomique ou physiologique (fig. 4.1).
Développement postural : de tenir sa tête à tenir debout
Au cours de la première année de vie, le développement postural du nourrisson l'amène à se redresser jusqu'à la position debout. Cette verticalisation progressive s'effectue en parallèle de l'évolution de son tonus axial caractérisé à la naissance par une hypertonie des membres et une hypotonie du tronc. Le développement postural s'effectue dans le sens céphalo-caudal avec comme point de départ la contraction des muscles cervicaux contre la pesanteur : ● contrôle de la tête : la tenue de tête est la première habileté posturale à se mettre en place. Allongé sur le ventre, l'enfant est progressivement capable de décoller sa tête du sol (zone I de Gesell à 8 semaines) ; ● position assise : à 6 mois, l'enfant tient assis avec appui des mains, entre 7 et 8 mois, il tient assis sans appui ; ● position debout : vers 9 mois l'enfant tient seul debout en s'accrochant à un support, puis entre 10 et 12 mois, il est capable de tenir debout sans soutien (Sutherland, Olshen, Cooper, et al., 1980).
Développement moteur : les niveaux d'évolution motrice Les niveaux d'évolution motrice (NEM) sont définis par Le Métayer par une succession de redressements, maintiens, enchaînements, déplacements du décubitus dorsal vers la station debout (Le Métayer, 2010). L'évolution neuromotrice du décubitus dorsal vers la station debout (tableau 4.1) n'est pas linéaire. Elle est composée de différents stades entrecoupés de phases de pratique et d'entraînement. Tableau 4.1 Dates d'apparition des stades moteurs (âges statistiques moyens) Âge
Stades moteurs
8 sem.
Zone 1
12 sem.
Zone 2
16 sem.
Zone 3
16 sem.
Zone 3
20 sem.
Appuis sur les membres supérieurs étendus (phoque)
4 à 6 mois
Tiré-assis
6 mois
Tient assis avec l'appui des mains
5 à 7 mois
Retournement du dos sur le ventre
7 mois
Réactions parachute antérieures
7 à 8 mois
Tient assis sans appui
7 à 8 mois
Tient debout à l'appui lorsqu'on l'y place
8 à 9 mois
Tient longtemps assis au sol, les jambes allongées
9 mois
Tient debout à l'appui avec le tronc redressé
9 mois
Passe en petit lapin
9 mois
Passe à genoux, dressé avec appui des mains
9 à 10 mois
Reptation
9 à 10 mois
Réactions parachute latérales
9 à 10 mois
Se met debout en s'aidant fortement des bras
9 à 11 mois
Marche à quatre pattes
10 mois
Marche en poussant un objet
11 mois
Réactions parachute postérieures
11 mois
Se déplace debout le long d'un appui
11 mois
Marche tenu par les deux mains
12 mois
Marche tenu par une seule main
13 à 15 mois
Marche seul
18 mois
Tombe rarement, fait quelques pas en arrière
18 mois
Se met debout sans l'aide des mains
18 mois
Court maladroitement
18 mois
Monte l'escalier tenu par une main
18 mois
Grimpe partout
21 mois
Descend l'escalier tenu par une main
21 mois
Monte l'escalier seul en tenant la rampe
21 mois
Marche en terrain irrégulier
Source : Gesell, A. (1946). The ontogenesis of infant behavior. In R.M. Lerner (Ed.), Manual of child psychology (pp. 295–331). Hoboken, NJ, US : John Wiley & Sons.
La pratique et la maîtrise du NEM en cours d'apprentissage sont un prérequis au passage au niveau supérieur. Par exemple, la pratique quotidienne du déplacement à quatre pattes permet la progression dans la coordination entre les quatre membres et l'augmentation de la masse musculaire des muscles de la ceinture pelvienne. Cet entraînement potentialise l'acquisition du NEM supérieur : la position à genoux dressés, puis la marche à genoux dressés. La verticalisation progressive de la station allongée à la station debout permet au nourrisson d'appréhender progressivement l'impact de la pesanteur sur son équilibre et ses mouvements. En effet, l'évolution d'un NEM à l'autre implique l'élévation du centre de gravité et la diminution du polygone de sustentation. Chronologiquement, on verra apparaître chez un nourrisson au développement psychomoteur normal : les retournements du ventre au dos et du dos au ventre entre 5 et 7 mois, le déplacement en reptation entre 9 et 10 mois, la marche à quatre pattes entre 9 et 11 mois, puis la marche en se tenant à un support à partir de 11 mois (Gesell, 1946 ; Le Métayer, 2010).
La locomotion : du ramper aux premiers pas Différents modes de locomotion sont observés au cours de la première année de vie : la reptation, la quadrupédie, la marche en genoux dressés. Ces différentes expériences de déplacement par mouvements alternés des membres inférieurs impliquant des transferts d'appui d'un hémicorps sur l'autre préparent l'enfant à la marche autonome. Entre 10 et 12 mois, le nourrisson est capable de déambuler avec l'aide des membres supérieurs (en poussant un trotteur, en tenant la main d'un tiers). Il expérimente diverses situations d'équilibre et de déséquilibre en marchant latéralement le long des meubles (marche en cabotage côtier). Cet entraînement quotidien lui permet d'acquérir la force musculaire et le contrôle de l'équilibre nécessaires à l'acquisition de la marche autonome. L'acquisition de la marche autonome, entre 11 et 18 mois, est communément présentée comme l'étape ultime du développement posturo-moteur du nourrisson. La course est généralement acquise à l'âge de 18 mois (Bril, 1997, 2012).
Le saviez-vous ? On observe différents profils de développement psychomoteur des nourrissons dans le monde (Bril, 1997, 2012). Par exemple, alors qu'un enfant européen acquiert la posture assise stable vers 7– 8 mois, la marche entre 11 et 18 mois, la propreté vers 24 mois, un petit d'Afrique de l'Ouest, acquiert la station assise stable vers 3– 4 mois, la marche avant 1 an et la propreté à 1 an. Comment expliquer ces différences ? ■ les mères d'Afrique et d'Asie dispensent à leurs nourrissons des massages fondés sur des manœuvres d'élongations des membres, de suspensions, dans un but de stimulation du développement du tonus postural et de la motricité dirigée ; ■ la diversité culturelle des pratiques de puériculture influe sur le développement moteur de l'enfant : fréquence d'allaitement, habitudes de portage, habitudes vestimentaires, nombre de partenaires de stimulations en lien avec la taille de la famille ; ■ les aptitudes psychomotrices développées par un enfant dépendent des attentes de la société dans laquelle il évolue (la propreté est attendue pour l'entrée à l'école maternelle pour un enfant européen, alors qu'elle est attendue dès que celui-ci est capable marcher seul pour aller faire ses besoins pour un petit d'Afrique de l'Ouest).
Maturation de la marche autonome : des premiers pas à la marche mature de l'adulte L'acquisition puis la maturation de la marche autonome impliquent le développement concomitant de plusieurs grands systèmes du corps humain : le SNC, les systèmes sensoriels (la vue, la proprioception, le
système vestibulaire, les capteurs sensoriels de la plante des pieds), le système musculo-squelettique, les fonctions supérieures. Toute anomalie de développement d'un de ces grands systèmes altérera le développement de la marche. Par exemple, on pourra observer un retard de développement psychomoteur, puis d'acquisition de la marche autonome chez un nourrisson présentant d'importants troubles de la vision ou des troubles autistiques (Assaiante et Chabrol, 2010).
Les premiers pas Les premiers pas, tant attendus par les membres de la famille, marquent une nouvelle place de l'enfant dans la société. Il est désormais capable de se déplacer dans son environnement tout en ayant les mains libres pour saisir, porter, interagir. Dans la plupart des cas, ils sont observés entre 11 et 18 mois. Les prérequis à la production des premiers pas sont nombreux : ● la maîtrise de l'équilibre debout en station bipodale et unipodale, afin de pouvoir alterner les phases de double et de simple appui ; ● la force musculaire suffisante des muscles stabilisateurs latéraux du bassin afin d'assurer les transferts d'appui d'un membre inférieur sur l'autre, et de maintenir le poids du corps sur un seul membre inférieur en phase oscillante ; ● la production d'une étape de déséquilibre antérieur maîtrisé ; ● la maîtrise des segments corporels et de leur déplacement les uns par rapport aux autres à partir de la stabilisation du bassin sur l'espace ; ● mais aussi et surtout la curiosité et l'envie d'explorer et d'agir sur son environnement. Les caractéristiques des premiers pas sont liées d'une part à l'immaturité du système d'équilibration et d'autre part à l'immaturité de la force et de la commande des muscles de l'appareil locomoteur (tableau 4.2 ; Sutherland et al., 1980 ; Beck, Andriacchi, Kuo, Fermier et
Galante, 1981 ; Forssberg, 1999 ; Assaiante et Chabrol, 2010). Tableau 4.2 Caractéristiques des premiers pas, en lien avec l'immaturité du système d'équilibration des muscles de l'appareil locomoteur Caractéristiques des premiers pas liées à l'immaturité du système d'équilibration – Grande variabilité des paramètres spatio-temporels (embardées latérales, petits et grands pas…) – Flexion des hanches et genoux (abaissement du centre de gravité) – Écartement des pieds (élargissement du polygone de sustentation) – Diminution des phases de simple appui au profit des phases de double appui – Membres supérieurs en chandelier
Caractéristiques des premiers pas liées à l'immaturité de la force et de la commande des muscles de l'appareil locomoteur – Marche digitigrade (hypersensibilité du réflexe d'étirement du muscle gastrocnémien au début de la phase d'appui) – Inclinaison latérale du tronc du côté homolatéral à l'appui en phase oscillante afin de suppléer la force du moyen fessier – Co-contractions musculaires servant l'augmentation de la rigidité du corps
Première année de marche autonome La première année d'entraînement à la marche correspond également à une période d'importantes modifications de la morphologie du squelette (fig. 4.2) et à une période de rapide maturation du SNC. L'addition de ces facteurs implique de nombreuses modifications du schéma de marche au cours de cette période (Assaiante et Chabrol, 2010 ; Sala et Cohen, 2013 ; Sutherland et al., 1980).
FIG. 4.2 Évolution des proportions du corps humain du deuxième mois fœtal à l'âge adulte. Les paramètres spatio-temporels se rapprochent de ceux observés chez l'adulte, leur maturation étant alors davantage liée à la pratique de la marche qu'à la modification de la longueur des membres inférieurs (Rodriguez, Chagas, Silva, Kirkwood et Mancini, 2013). La maturation des contractions musculaires au cours du cycle de marche permet le passage d'une marche digitigrade à une marche plantigrade (inhibition de l'activité musculaire du triceps sural en phase d'appui ; Sutherland et al., 1980 ; Assaiante, 1998). Les quatre pivots du pied se succédant pendant l'appui unipodal se mettent en place (Perry et Burnfield, 2010) et aboutissent à l'allongement de la longueur du pas. Au total, l'ensemble de ces évolutions implique la mise en place d'une organisation biomécanique en pendule inversé qui permet d'accroître l'efficience de la locomotion (Kuo, Donelan et Ruina, 2005).
Le saviez-vous ? Il existe de nombreuses interactions entre la maturation du squelette et la maturation de la marche :
■ le nouveau-né présente une grosse tête, un ventre assez imposant et de petites jambes. L'augmentation de la proportion des membres inférieurs par rapport à celle du tronc permet l'acquisition de la marche autonome (fig. 4.3) ;
Évolutions observées au cours de la première année de marche autonome.
FIG. 4.3
■ l'évolution de la taille et de la morphologie du squelette influe sur la maturation de la marche (la longueur des membres inférieurs, l'antétorsion fémorale et la torsion tibiale impactent les paramètres spatio-temporels et la cinématique de la marche) ; ■ l'acquisition et la pratique de la marche autonome impliquent la maturation morphologique du squelette (fermeture progressive de l'angle cervico-diaphysaire, développement de la tête fémorale et du cotyle, évolution de l'architecture osseuse du pied…).
Évolution de la marche au cours de l'enfance et de
l'adolescence L'âge dit de la maturité de la marche apparaît très variable en fonction des paramètres pris en considération (paramètres spatio-temporels, cinématiques, dynamiques…).
Évolution des paramètres spatio-temporels de la marche Sutherland a établi cinq déterminants de la marche mature (Sutherland et al., 1980). La durée de la phase de simple appui augmente rapidement jusqu'à 2 ans et demi (32 % du cycle à 1 an, 39 % chez l'adulte). La faible longueur du pas dans la marche immature est expliquée par un manque de stabilité unipodale (équilibre et contrôle musculaire). Le développement de l'équilibre en lien avec le développement du SNC est donc aussi lié aux paramètres spatio-temporels. On note également que la variabilité du pourcentage de chaque phase du cycle de marche diminue avec la maturation. La vitesse de marche augmente de manière longitudinale de l'acquisition de la marche jusqu'à l'âge de 7 ans. La vitesse normalisée n'augmente quant à elle que de l'âge de 1 à 4 ans puis reste constante. On note qu'un enfant marche à la même vitesse qu'un adulte à partir de l'âge de 7 ans, cependant l'augmentation de la longueur des membres inférieurs se poursuit jusqu'à la fin de la puberté. La marche à une vitesse de marche adulte avec une longueur de membres inférieurs immature résulterait alors de caractéristiques immatures de la marche à la fin de l'enfance et au début de l'adolescence (tableau 4.3). La variabilité de la vitesse de marche est couramment utilisée comme indicateur de la maturation de celle-ci. Elle diminue significativement à partir de l'âge de 7– 8 ans, puis se stabilise (Dusing et Thorpe, 2007 ; Gouelle, Leroux, Bredin et Mégrot, 2015).
Tableau 4.3 Évolution de la cadence, de la longueur du pas et de la vitesse de marche, au cours de la petite enfance et jusqu'à l'adolescence (Dusing et Thorpe, 2007 ; Froehle, Nahhas, Sherwood et Duren, 2013 ; Sutherland et al., 1980) Âge
Cadence
Longueur du Vitesse pas
De 1 à 4 ans
↑
↑
↑
De 4 ans à 7 ans
↑
↑
↑
De 7 ans à la fin de la croissance
↓
↑
Constante et égale à celle d'un adulte
La cadence diminue avec l'âge ainsi que sa variabilité, passant d'environ 180 pas/min à 1 an, à environ 150 à 7 ans (tableau 4.3). La longueur du pas augmente rapidement jusqu'à 2,5 ans puis continue d'augmenter plus doucement jusqu'à la fin de la croissance (à 1 an environ 20 cm, à 7 ans environ 50 cm). L'augmentation de la longueur du pas normalisée par la longueur des membres inférieurs reflète l'amélioration de la stabilité unipodale sur le membre inférieur porteur au cours de la phase oscillante (tableau 4.4). Tableau 4.4 Évolution de la cadence, de la longueur du pas et de la vitesse de marche normalisées par la longueur des membres inférieurs, au cours de la petite enfance et jusqu'à l'adolescence (Dusing et Thorpe, 2007 ; Froehle et al., 2013 ; Sutherland et al., 1980) Âge
Cadence normalisée
Longueur du pas normalisée
Vitesse normalisée
De 1 à 4 ans
Constante
↑
↑
De 4 ans à la fin de la croissance
Constante
Constante
Constante
Le ratio largueur du bassin/écartement des chevilles (inversement proportionnel à la taille du polygone de sustentation) augmente de manière linéaire de 1 à 3 ans puis
reste constant. Un schéma de marche mature déterminé par ces critères est observé à partir de l'âge de 3 ans. Les évolutions observées ensuite seraient davantage attribuables à l'augmentation de la taille qu'à l'avancée en âge. En effet, l'augmentation en taille avec l'âge est un facteur déterminant dans l'évolution des paramètres spatio-temporels de la marche. Il est donc important de normaliser les paramètres spatiaux. Cela permet de discerner dans l'évolution de la marche les raisons biomécaniques des raisons développementales reflétant la maturation du SNC (Agostini et al., 2015 ; Sutherland et al., 1980).
Évolution des paramètres cinématiques Avant l'âge de 2 ans, on observe une flexion de genou et une flexion dorsale de cheville importante pendant la phase d'appui. À partir de l'âge de 2 ans, les amplitudes dans le plan sagittal sont similaires à celles d'un adulte. De manière générale, les amplitudes articulaires sont peu modifiées au cours de la maturation de la marche. D'importantes modifications cinématiques sont des indicateurs d'une pathologie du système musculo-squelettique mais non de l'immaturité de la marche (Sutherland et al., 1980).
Évolution des paramètres dynamiques Bien que l'attaque du pas par le talon soit observée dès la fin de la première année de marche, une accélération positive en fin de phase d'appui ne sera observée qu'à partir de l'âge de 6 ans. Les enfants de 6 à 9 ans se propulsent préférentiellement par la hanche, alors que les enfants de 9 à 13 ans génèrent davantage d'énergie de propulsion par la cheville (Lye, Parkinson, Diamond, Downs et Morris, 2016). La stratégie de propulsion utilisée est un marqueur de la maturation de la marche. Plus la marche est mature, plus elle est énergiquement efficiente.
Évolution des paramètres électromyographiques L'amplitude maximale et les phases d'activation musculaire pendant
le cycle de marche sont matures dès l'âge de 7 ans. Cela résulte de l'inhibition des réflexes monosynaptiques parallèle au développement des réflexes polysynaptiques. En revanche, la forme de l'électromyogramme (EMG), représentative des patterns de recrutement des muscles des membres inférieurs au cours du cycle de marche, évoluera jusqu'à l'adolescence (Granata, Padua et Abel, 2005).
Évolution de l'équilibre postural au cours de la marche Le maintien de l'équilibre au cours de la locomotion nécessite l'utilisation d'un référentiel corporel stable. La stabilisation du bassin sur l'espace est un prérequis à l'apparition de la marche, puis est observée dès l'apparition de la marche autonome. Après 2 mois de pratique de marche autonome, la stabilisation du corps sur l'espace s'organise autour des épaules. Dès 11 mois de pratique de marche autonome, soit environ 2 ans d'âge, on observe l'apparition de la stabilisation de la tête sur l'espace permettant l'ancrage des systèmes visuel et vestibulaire. Entre 3 et 6 ans, l'enfant adopte la stratégie de stabilisation de la tête sur l'espace uniquement quand il se trouve dans une situation d'équilibre facile. Il utilise alors une stratégie « en bloc » pour réduire le nombre de degrés de liberté à contrôler simultanément. À partir de 7–8 ans, il devient capable d'adopter la stratégie de stabilisation de la tête sur l'espace, même dans des situations d'équilibre précaire. Il abandonne également la stratégie « en bloc » pour adopter une stratégie « articulée » qui consiste à contrôler de manière indépendante une succession de segments corporels (fig. 4.4 ; Assaiante, 1998).
FIG. 4.4 Évolution des stratégies de contrôle postural au cours de la marche de la petite enfance à l'adolescence. On observe également une évolution de l'implication des systèmes sensoriels dans le développement de la posture au cours de la marche en fonction de l'âge. Les informations visuelles prédominantes pendant les premières expériences de marche autonome, les informations proprioceptives et vestibulaires commencent à être utilisées entre 4 et 6 ans. Bien que les contributions relatives des différents organes sensoriels impliqués dans la posture soient stabilisées entre 7 et 8 ans, le système vestibulaire est mature à partir de l'âge de 12 ans (Forssberg, 1999).
Évolution de la stratégie d'initiation de la marche Les ajustements posturaux d'initiation de la marche se développent d'abord dans le plan frontal (contractions anticipatrices du muscle tibial antérieur accompagnant le déplacement du centre de pression vers l'arrière). Le programme moteur d'initiation de la marche est fonctionnel à l'âge de 6 ans mais davantage de pratique de la marche après 6 ans est nécessaire pour observer un contrôle de l'initiation de la marche similaire à celui des adultes (Malouin et Richards, 2000).
L'acquisition et la maturation de la marche de l'enfant s'inscrivent dans un processus continu de développement global, aussi bien anatomique que morphologique, neurophysiologique, psychomoteur et social (fig. 4.5).
FIG. 4.5 Maturation plurifactorielle de la marche de l'enfant. Le développement de la marche autonome de l'enfant constitue un véritable challenge, impliquant la maîtrise de la pesanteur et des contraintes environnementales, ainsi que la maîtrise du corps en mouvement dans l'espace. Il est alors remarquable d'observer à l'âge adulte une marche aussi reproductible pour un individu donné, aussi similaire d'un individu à l'autre, et optimisée sur le plan énergétique.
En résumé L'acquisition de la marche autonome (entre 11 et 18 mois) s'inscrit dans un long processus de développement de mouvements alternés des membres inférieurs. Ceux-ci sont observés à partir des premiers mouvements du fœtus in utero, puis au cours de la marche automatique, du ramper, du déplacement à quatre pattes et de la marche assistée. Les premiers pas de l'enfant se caractérisent par une importante variabilité des paramètres spatio-temporels, une importante flexion des hanches et des genoux, un large polygone de sustentation et par une position des membres supérieurs en chandelier . Au cours de la première année d'entraînement à la marche autonome (entre 1 et 2 ans) se met en place la marche plantigrade. Cela permet la mise en place d'une organisation biomécanique en pendule inversé. La marche devient efficiente sur le plan énergétique. L'âge dit de maturité de la marche diffère suivant les paramètres étudiés. Les paramètres spatio-temporels, hautement corrélés à la taille des membres inférieurs, évolueront jusqu'à la fin de la croissance de ceux-ci (à partir de 13 ans d'âge osseux chez la fille et de 15 ans d'âge osseux chez le garçon). Les caractéristiques dynamiques de la marche évoluent quant à elles jusqu'à la fin de la maturation du système nerveux central au cours de l'adolescence.
Altération de la marche chez le sujet âgé Introduction La marche est une activité de la vie quotidienne qui est en apparence une tâche motrice simple, mais qui se révèle très complexe lorsqu'on l'analyse. En effet, elle implique différents niveaux du système nerveux ainsi que d'autres systèmes comme les systèmes musculo-
squelettique, cardiorespiratoire… Pour la personne âgée , la marche est une activité fondamentale directement reliée à son niveau d'autonomie (Verghese et al., 2006). En effet, sans la marche, il est difficile pour une personne âgée de vivre seule à domicile sans aide. C'est aussi un des moyens les plus naturels d'entretenir ses capacités physiques et donc de lutter contre le vieillissement et la fragilisation. La capacité à conserver une marche sécuritaire et fonctionnelle doit rivaliser avec le processus de vieillissement. Ce dernier correspond à l'ensemble des processus physiologiques et psychologiques qui modifient la structure et les fonctions de l'organisme. Ces modifications sont à l'origine d'une diminution des capacités d'adaptation (Deun et Gentric, 2007). Ce processus naturel modifie donc les grands systèmes de l'organisme qui jouent un rôle dans la marche causant des changements directs sur celle-ci. La marche d'une personne âgée sans pathologie sera donc différente de celle d'un adulte sain sans pour autant être considérée comme pathologique ou à risque (fig. 4.6).
FIG. 4.6 Effets du vieillissement sur les différents systèmes inhérents à la locomotion. En parallèle, associée au vieillissement, la prévalence de certaines pathologies augmente fortement (arthrose, maladie d'Alzheimer, maladie de Parkinson…). Ces pathologies se surajoutent au vieillissement physiologique et modifient de manière plus ou moins spécifique les schémas moteurs, entraînant des troubles ou une perte de la marche. En effet, au-delà de 80 ans, plus de 60 % des personnes âgées présentent un trouble de la marche ou de l'équilibre (Mahlknecht et al., 2013). Contrairement à l'adulte sain où l'on observe des schémas de marche similaires et reproductibles, par leurs parcours de vie ou leurs parcours pathologiques chaque personne âgée aura une marche qui lui est propre. C'est pour cela que c'est parmi les catégories d'âge les plus avancées que l'on constate la plus grande diversité et variabilité des schémas de marche (Muir, Rietdyk et Haddad, 2014). Cependant, que le schéma de marche résulte d'un vieillissement
physiologique (fig. 4.6) ou qu'il soit associé à une ou plusieurs pathologies, on retrouve des caractéristiques communes pouvant être distinguées de manière clinique ou en laboratoire. Ces caractéristiques sont importantes à identifier car elles permettent d'aider la démarche diagnostique en associant le schéma de marche à une pathologie ou une déficience éventuelle (voir chapitre 11). L'analyse de la marche de la personne âgée est aussi fondamentale pour dépister la fragilité, le risque de chute et donc la potentielle perte d'autonomie (Pamoukdjian et al., 2015). C'est pour ces raisons qu'une description des différents schémas de marche de la personne âgée est essentielle pour le clinicien. Nous décrirons donc dans un premier temps les modifications de la marche associées au vieillissement physiologique, puis dans un second temps, les modifications associées au vieillissement pathologique.
Vieillissement physiologique et marche Vieillissement des systèmes physiologiques Le vieillissement est un processus affectant chaque être humain, certains bio-gérontologistes estiment qu'il débute dès la naissance (Mentis et Kararizou, 2010), mais ici nous parlerons du vieillissement débutant après la longévité « naturelle ou essentielle ». Cette notion darwinienne estime la durée de vie d'une espèce à partir d'indicateurs biologiques tels que la fin de la capacité de reproduction, l'accélération de la mortalité, etc. Chez l'homme, il existe un consensus pour les biogérontologistes qui estiment cette durée de vie naturelle autour de 50– 55 ans (Carnes et Witten, 2014). Au-delà de cette durée, le processus de vieillissement sénescent se met en place. Plusieurs théories cherchent à expliquer le vieillissement. D'un point de vue génétique, la théorie du raccourcissement des télomères explique qu'une cellule possède un nombre de divisions limité avant d'entrer en sénescence (Blackburn, Epel et Lin, 2015). Les cellules concernées ne seraient donc plus fonctionnelles, participant au vieillissement de l'organisme qu'elles composent. Au niveau moléculaire, le vieillissement se caractérise par l'accumulation
progressive de dommages causés par les radicaux libres environnementaux et métaboliques, par des erreurs spontanées dans les réactions biochimiques et par des composants nutritionnels (Rattan, 2006). Ces dommages pour un individu sain sont contrebalancés par un système de maintenance et de réparation et cet ensemble forme un équilibre appelé processus homéo-dynamique (Rattan, 2014). La survie d'un organisme est donc une lutte dynamique entre l'apparition des dommages et les processus de maintenance et de réparation. L'avancé en âge perturbe cet équilibre en faveur des dommages qui touchent également les processus de réparation euxmêmes affectant l'homéo-dynamique. Ceci conduit à l'hétérogénéité moléculaire, au dysfonctionnement cellulaire, à la réduction de la tolérance au stress et donc aux pathologies. La division conceptuelle entre les maladies liées au vieillissement et un processus de vieillissement non pathologique est donc clairement discutée chez les bio-gérontologistes (Gems, 2015). Le processus de vieillissement ou de sénescence est à l'origine même de ces pathologies et de ces modifications par l'altération des systèmes physiologiques. La modification de la marche de la personne âgée fait partie des conséquences induites par l'altération des sous-systèmes physiologiques dont elle dépend. Nous allons donc voir comment le vieillissement agit sur ces soussystèmes (fig. 4.7) et par conséquent sur la marche.
FIG. 4.7 Théories du vieillissement. DG : dommages.
Vision La vision est affectée par le processus de vieillissement qui entraîne des modifications physiologiques et structurelles de l'œil lui-même. Ces modifications sont à l'origine d'une diminution de l'acuité visuelle responsable d'une perte mobilité (timed up and go test) et d'un moins bon équilibre (Berg balance scale ; Aartolahti et al., 2013). En dehors de toute pathologie spécifique, le vieillissement touche plus particulièrement certaines facultés visuelles comme la vision de près, la stéréopsie (perception de la profondeur par la vision binoculaire), la vision en faible luminosité et la perception des contrastes (Brabyn, Schneck, Haegerstrom-Portnoy et Lott, 2001). Ces informations visuelles sont essentielles dans l'équilibration et dans la marche ; elles permettent d'intégrer des stimuli visuels pertinents pour percevoir les relations spatiales et détecter la position et l'évolution du corps par rapport à l'environnement (Lord et Menz, 2000), notamment la capacité à juger les distances et la perception des contrastes qui sont fortement reliées au risque de chute.
Ces troubles de la vision sont également en lien avec une limitation dans les activités de la vie quotidienne et une diminution des capacités physiques, ce qui renforce les troubles de la marche (fig. 4.8).
FIG. 4.8 Effet du vieillissement de la vision et du système vestibulaire sur la marche. Système vestibulaire Chez les personnes âgées, la prévalence des troubles de la fonction vestibulaire augmente et l'on constate une augmentation significative de cette prévalence chez les personnes âgées qui chutent (Liston et al., 2014).
Le vieillissement engendre une diminution du nombre de cellules et de fibres nerveuses vestibulaires ou encore des déséquilibres entre les informations des deux oreilles internes. Plus précisément, on constate des déformations et une diminution du nombre de cellules ciliées dans les canaux semi-circulaires altérant la capacité à détecter les mouvements de rotation de la tête (Mossman, Mossman, Purdie et Schneider, 2015). Pour ces mêmes raisons, on observe également un déclin de la fonction des organes otolithiques entraînant une diminution de la sensibilité à la gravité et aux déplacements linéaires. De ces modifications résulte une diminution du réflexe oculovestibulaire qui participe à la stabilisation et l'équilibre durant la marche (Schneider et Walker, 2014). Le vieillissement du système vestibulaire détériore donc la capacité à détecter rapidement les accélérations de la tête entraînant des stratégies protectives comme la diminution de la vitesse de marche ou une augmentation de la phase de double appui (Anson et Jeka, 2016). Système musculo-squelettique L'intégrité du système musculo-squelettique et particulièrement celui des membres inférieurs sont directement en lien avec les capacités fonctionnelles et la marche (Milte et Crotty, 2014). En effet, les muscles et les articulations sont les éléments qui permettent de mettre en mouvement le squelette. L'altération de ce système par le vieillissement affecte directement les activités et participations des personnes âgées. Le pic de force et de masse musculaire est atteint vers l'âge de 25– 30 ans ; au-delà, il décroît en moyenne de 5 % par décennie, notamment au profit de la masse grasse. À partir de 60 ans, cette perte de masse musculaire s'accélère pour atteindre près 50 % pour une personne âgée de 80 ans (Sturnieks, St George et Lord, 2008). Les modifications des muscles squelettiques liées à l'âge varient en fonction du type de muscle. On observe une diminution particulièrement importante des fibres rapides de type II, notamment au niveau des membres inférieurs qui en sont naturellement pourvus chez les jeunes adultes. Cette fonte de la masse musculaire est appelée
sarcopénie, c'est un processus physiologique normal qui fait partie intégrante du vieillissement. Elle est principalement due à la perte des motoneurones qui innervent les fibres musculaires. Les motoneurones de grosse taille innervant les fibres rapides (type II) sont les premiers à disparaître. Ces fibres dénervées se retrouvent incorporées dans des unités motrices adjacentes de plus petite taille, se transformant alors en fibre de type I (Faulkner, Larkin, Claflin et Brooks, 2007). Si elles ne sont pas rattachées à une autre unité motrice, elles disparaissent. Cette dénervation participe au remodelage de la masse musculaire ainsi qu'à la perte de masse et de force. La sarcopénie est l'un des problèmes majeurs du processus de vieillissement, car elle est directement reliée à la fragilité, au déclin fonctionnel et donc à la limitation d'activité (Fulop et al., 2010). Cette altération du système musculo-squelettique conduit la personne âgée dans une spirale négative qui s'auto-entretient et augmente le taux de morbidité. Les articulations synoviales sont composées de plusieurs structures (cartilage, capsule, ligament, tendon…), l'ensemble de ces éléments subit des modifications avec l'âge. Certaines modifications peuvent occasionner des douleurs ou des troubles proprioceptifs et par ce biais modifier la marche. Parmi ces modifications, l'arthrose est l'une des plus connue. Sa prévalence est fortement augmentée avec l'âge, mais elle n'y est pas systématiquement associée (Martin et Buckwalter, 2002). Avec le vieillissement, la taille des protéoglycanes (constituant du cartilage) diminue et les protéines permettant leur liaison s'altèrent. Le tissu cartilagineux devient donc plus fragile. La dégradation du cartilage survient car avec l'âge la synthèse des protéoglycanes par les chondrocytes diminue, alors que leur dégradation augmente. Les structures entourant l'articulation comme la capsule ou les ligaments s'enraidissent car les fibres de collagène qui les composent se rigidifient avec l'âge. Cet enraidissement peut entraîner des limitations d'amplitude articulaire qui modifieront la marche de la personne âgée (fig. 4.9).
FIG. 4.9 Effet du vieillissement du système musculo-squelettique sur la marche. La sarcopénie joue également un rôle dans l'usure des articulations car les muscles permettent leur stabilisation et leur mise en charge adéquate, ce qui favorise un bon équilibre de la balance anabolisme/catabolisme du cartilage (Herzog, Longino et Clark, 2003). Système somato-sensoriel Le vieillissement touche également le système somato-sensoriel entraînant des modifications dans l'équilibre et dans la stabilité posturale. Le vieillissement agit sur les récepteurs qui génèrent les
informations. On trouve ces récepteurs dans les muscles, les tendons, les articulations. Ils informent le système nerveux central sur le toucher, la position du mouvement ou encore le sens de déplacements des différents segments corporels. L'ensemble de ces informations ou afférences sensorielles est aussi appelé les proprioceptions. Ces afférences sont essentielles pour l'équilibre et la marche, car elles complètent avec une grande précision (Fitzpatrick et McCloskey, 1994) les informations provenant des autres systèmes. Les fuseaux neuromusculaires fournissent des informations sur la longueur du muscle et la vitesse de contraction et participent donc au sens du mouvement (kinesthésie) et de la position. À partir d'un âge avancé, leurs propriétés s'altèrent de manière hétérogène en fonction des muscles (Kararizou, Manta, Kalfakis et Vassilopoulos, 2005). Leur nombre reste constant, mais leurs propriétés intrinsèques changent. En effet, on observe une diminution significative du nombre de fibres intrafusales qui voient leur taille se réduire et leur seuil d'activation reculer. Les organes tendineux de Golgi sont localisés au niveau l'interface muscle–tendon, ils mesurent la tension engendrée par la contraction musculaire active ou l'étirement. Ils sont associés aux mécanorécepteurs articulaires localisés au niveau de la capsule et des ligaments et ils répondent aux déformations mécaniques. Ensemble, ils participent à la perception du mouvement et de la position articulaire. Il existe peu de littérature sur la relation entre le vieillissement et ces récepteurs, mais une étude de certains ligaments montre une diminution du nombre de ces récepteurs avec l'avancée en âge (Morisawa, 1998). Le sens du toucher est assuré par des terminaisons nerveuses libres ainsi que par des récepteurs cutanés. Ce sont des mécanorécepteurs qui innervent la peau à différents niveaux. Le vieillissement entraîne des modifications structurelles de ces derniers (diminution de leur taille et de leur quantité). Ces modifications altèrent la perception des vibrations, du tact fin et de la capacité de discrimination. Il a été montré qu'il existait un lien entre les informations tactiles provenant notamment de la plante du pied et l'équilibre chez des personnes
âgées (Menz, Morris et Lord, 2005). En effet, ces informations tactiles participent fortement à la perception de la répartition du poids et donc de la position du centre des pressions lors des activités en charge. L'ensemble de ces récepteurs associés aux sens dits « proprioceptifs » est essentiel dans le contrôle postural, l'équilibre dynamique et donc la marche (Shaffer et Harrison, 2007). Le processus de vieillissement altère aussi bien la qualité que la quantité de ces récepteurs entraînant une dégradation de la qualité des afférences sensorielles. De ce fait, les personnes âgées perçoivent de moins bonnes informations altérant la perception de leurs segments ainsi que de leur corps dans l'espace. La marche dépendant de ces perceptions se retrouve, par conséquent, altérée (fig. 4.10).
FIG. 4.10 Effet du vieillissement du système somato-sensoriel sur la marche. Intégration sensorielle L'intégration sensorielle est dépendante de l'innervation périphérique (la qualité de transmission des afférences) et du traitement de ces afférences par le système nerveux central. Avec l'âge, ces deux systèmes sont également altérés. Une fois l'information captée par les récepteurs sensoriels, elle est transmise par le ganglion spinal au SNC. Cette étape requiert une bonne qualité des axones qui transmettent l'information. Avec l'âge, on observe une diminution du nombre d'axones myélinisés ainsi
qu'un amincissement (atrophie) des gaines de myéline entourant ces axones entraînant une dégradation de transmission des afférences. D'une manière générale, c'est la vitesse de conduction nerveuse qui est la plus affectée, ce qui se constate notamment lorsque l'on compare les réflexes d'étirement entre sujets jeunes et âgés (Bouche et al., 1993). Cette dégradation de la vitesse de conduction ralentit l'arrivée des afférences au système nerveux central retardant sa capacité de rétroaction (feedback) sur le contrôle de l'équilibre et de la marche. Le traitement de l'information sensorielle au niveau central est également modifié avec l'âge. Différentes hypothèses permettent de comprendre ces modifications. Le ralentissement cognitif général est particulièrement visible lorsqu'une personne âgée effectue une tâche cognitivement coûteuse. Il augmente les temps de traitement des signaux afférents et retarde donc les temps de réaction, particulièrement en situation de tâche cognitive complexe comme la double tâche (Beauchet et Berrut, 2006). La sélection de l'information est un problème majeur pour la personne âgée. Les afférences arrivant au système nerveux central de manière dégradée (voir plus haut Système somato-sensoriel), la personne âgée favorise l'intégration multisensorielle, ce qui augmente le temps d'intégration par rapport au jeune adulte. Le choix de la bonne information est donc complexifié d'autant plus que la personne âgée présente des difficultés à éliminer les informations non pertinentes (Deshpande et Patla, 2007). Les modifications du cerveau liées à l'âge comme les lésions dans la substance blanche ou grise (Hedman, van Haren, Schnack, Kahn et Hulshoff Pol, 2012) peuvent être à l'origine de ces difficultés d'intégration sensorielle (voir plus loin Vieillissement pathologique). Le système somato-sensoriel et l'intégration de ses afférences par le SNC sont étroitement liés. Comme décrit ci-dessus, certains dysfonctionnements dans l'intégration des afférences sont liés à la dégradation de ces dernières. En effet, l'intégration est dépendante de la qualité de l'afférence ; lorsque cette dernière est dégradée, le cerveau doit multiplier les sources d'information, ce qui augmente le temps d'intégration et multiplie les erreurs. Il résulte des boucles de
rétroaction plus longues et moins précises qui conduisent à des troubles de la marche. L'ensemble des modifications que le vieillissement provoque sur les sous-systèmes altère la marche et fragilise l'ensemble de l'organisme de la personne âgée. Ces sous-systèmes sont dépendants les uns des autres et lorsqu'un sous-système est défaillant, il peut être compensé par un autre. La notion de fragilité telle qu'elle a été décrite par Fried et al. (2001) est associée à ces modifications. Son identification est essentielle pour le clinicien, car elle correspond à une phase réversible où la personne âgée peu éviter le déclin fonctionnel avec un investissement thérapeutique modéré. La sarcopénie et les modifications de la marche sont des moyens simples de dépister cette fragilité et donc de prévenir la grabatisation.
En résumé Le processus de vieillissement est une perte de l'équilibre homéodynamique. Il s'explique par plusieurs théories (voir fig. 4.6) qui se complètent les unes les autres, mais il n'existe pas, à l'heure actuelle, de modèle théorique permettant de tout expliquer. Les systèmes physiologiques sont interdépendants, l'altération d'un seul peut être compensée par les autres, mais le vieillissement touche tous les systèmes simultanément. Le processus de vieillissement altère inévitablement les systèmes physiologiques dont dépend la marche et c'est l'accumulation de ces altérations qui conduisent aux modifications de la marche.
Modification des paramètres spatio-temporels Les paramètres spatio-temporels sont des données mesurées en laboratoire. Ils sont difficiles à appréhender durant un examen clinique (fig. 4.11), mais les connaître permet au clinicien d'anticiper et
d'affiner son diagnostic.
FIG. 4.11 Paramètres spatio-temporels et cinématiques. Longueur du pas La longueur du pas diminue de manière significative avec l'âge. Lorsque l'on compare des jeunes adultes et des personnes âgées, on retrouve en moyenne une longueur de pas d'environ 151–170 cm chez les sujets jeunes contre 135–153 cm chez les sujets âgés (Hageman et Blanke, 1986). Cette différence varie également en fonction du sexe, elle est plus accentuée chez les femmes que chez les hommes âgés. La longueur du pas continue à diminuer avec l'âge avancé pour atteindre une longueur moyenne de 100 cm pour des sujets de plus de 85 ans (Beauchet et al., 2017). Cette diminution de la longueur du pas a plusieurs origines. Les personnes âgées perdent en extension de hanche. On retrouve une diminution de l'extension de hanche de 6° chez les personnes âgées par rapport aux adultes jeunes et cette extension n'augmente pas lorsque les personnes âgées marchent plus vite contrairement aux
sujets jeunes (Kerrigan, Lee, Collins, Riley et Lipsitz, 2001). Cette perte d'extension est expliquée notamment par la rigidité articulaire qui augmente avec l'âge (voir plus haut Système musculo-squelettique). Par ailleurs, la durée d'appui unipodal, qui est une tâche d'équilibre complexe, diminue également chez la personne âgée, ce qui ne lui laisse pas le temps d'avancer la jambe aussi loin qu'un jeune adulte. Pour terminer, il est important de noter que la longueur du pas peut également être affectée par la vitesse de marche qui est significativement plus faible chez les personnes âgées (Beauchet et al., 2009). Largeur du pas La largeur du pas est une variable de la marche directement reliée à l'équilibre médio-latéral. En effet, augmenter la largeur de la base de support permet de maintenir plus facilement la projection du centre de gravité dans cette base de support, c'est donc une manière d'améliorer l'équilibre. La largeur du pas augmente avec l'âge, lorsque l'on compare la marche de jeunes adultes avec celle de sujets âgés, on constate une augmentation de la largeur de la base de support de 41 % chez les sujets âgés (Dean, Alexander et Kuo, 2007). Il existe également une différence entre les hommes âgés qui ont une largeur de pas supérieure à celle des femmes du même âge (Beauchet et al., 2017). La variabilité de la largeur du pas, pour un même sujet, au cours de la marche augmente également avec l'âge. C'est une donnée qui est utilisée pour catégoriser une marche saine chez les sujets âgés (Beauchet et al., 2009). L'augmentation de la variabilité et de la largeur de la base de support semble être une adaptation visant à maintenir un bon équilibre. Lorsque l'on demande à des sujets âgés de marcher avec une base de support réduite, leur équilibre (en termes de déplacement du centre de gravité) diminue et est significativement plus faible que celui des sujets jeunes (Schrager, Kelly, Price, Ferrucci et Shumway-Cook, 2008). Enfin, il est important de noter que cette adaptation, visant à maintenir une bonne stabilité médio-latérale lors de la marche, est reliée à une augmentation du coût énergétique de cette dernière
(Wert, Brach, Perera et VanSwearingen, 2010). En effet, plus la base de support est large lors des phases d'appui bipodal, plus les ajustements posturaux, visant à projeter le centre de gravité dans la base de support lors des phases d'appui unipodal, doivent être importants. Temps des phases d'appui unipodal et bipodal Chez les sujets âgés, la phase de double appui est augmentée aux dépens de la phase de simple appui (Beauchet et al., 2009). De la même manière que pour la largeur du pas, cette stratégie semble être une adaptation visant à diminuer la durée de la tâche d'équilibration unipodale complexe où la base de support est très réduite. Cette tendance s'accentue au-delà de 65 ans, puisque l'on constate que la phase d'appui unipodal passe d'une moyenne de 417 à 397 ms entre 70 et 87 ans et la phase de double appui passe d'une moyenne de 284 à 381 ms entre 70 et 87 ans (Beauchet et al., 2017). Cadence de marche La modification de la cadence de marche (nombre de pas par minute) avec l'âge ne fait pas l'unanimité dans la littérature (tableau 4.5). Certains auteurs rapportent une diminution de cette cadence avec l'âge (Hollman, McDade et Petersen, 2011), tandis que d'autres ne trouvent pas de corrélation significative entre l'âge et la cadence de la marche à vitesse confortable (Samson et al., 2001). Nous ne nous attarderons donc pas sur ce paramètre qui ne semble pas être suffisamment fiable et pertinent pour le diagnostic du clinicien. Tableau 4.5 Modification des paramètres spatio-temporels de la marche de la personne âgée ↓ Longueur du pas
↓ Extension de hanche ↑ Rigidité articulaire ↓ Temps d'appui unipodal
↑ Largeur du pas
↓ Stabilité médio-latérale ↑ Coût énergétique
↓ Ajustements posturaux ↓ Temps des phases unipodales ↑ Temps des phases bipodales
Durée d'équilibration unipodale réduite (tâche d'équilibration complexe)
Cadence de marche
Manque de consensus
Modification de la cinétique et de la cinématique Vitesse de marche La vitesse de marche résulte de la combinaison de la cadence et de la longueur du pas. Elle diminue en moyenne de 30 % chez les personnes âgées (Samson et al., 2001), mais de façon différente chez les hommes et les femmes (Frimenko, Goodyear et Bruening, 2015). Les hommes âgés réduisent leur vitesse de marche en raison de la diminution de leur cadence, tandis que chez les femmes âgées c'est la longueur du pas qui est diminuée (fig. 4.12 et tableau 4.6).
FIG. 4.12 Paramètres spatio-temporels et cinématiques.
Tableau 4.6 Modification cinétique et cinématique de la marche de la personne âgée ↓ Vitesse de marche
↓ Cadence de marche chez les hommes ↓ Longueur du pas chez les femmes ↓ Force des muscles extenseurs de hanche et fléchisseurs plantaires ↑ Co-activation des muscles des membres inférieurs ↓ Co-activation des muscles du tronc
↑ Coordination intersegmentaire
↓ Flexion plantaire ⇒ propulsion ↓ Moment de force des fléchisseurs plantaires (sarcopénie) ↑ Travail musculaire (hanche) ↑ Flexion du tronc ↑ Déplacements médio-latéraux du tronc ↑ Déplacement du centre de gravité
Cette diminution de la vitesse de marche est associée à plusieurs facteurs et prédictifs du risque de chute (Abellan van kan et al., 2009). La sarcopénie entraîne une perte de la force des muscles du membre inférieur (voir plus haut Système musculo-squelettique), notamment les muscles extenseurs de hanche et fléchisseurs plantaires, limitant la capacité des personnes âgées à se propulser vers l'avant (Silder, Heiderscheit et Thelen, 2008). Les synergies de contraction musculaire apportent également une explication à cette diminution de la vitesse de marche. Les personnes âgées ont une co-activation des muscles des membres inférieurs plus importante que celle des jeunes qui est inversement corrélée avec la vitesse de marche. De plus, les personnes âgées présentent moins de co-activation des muscles du tronc qui, elle, est corrélée positivement avec la vitesse de marche (Lee, Chang, Choi, Ryu et Kim, 2017). Pour finir, l'avancée en âge, la diminution de la masse musculaire et des capacités physiques sont associées à l'augmentation de la peur de chuter (Trombetti et al., 2016). Cette dernière augmente les cocontractions au niveau du membre inférieur et diminue la vitesse de marche (Nagai et al., 2012). Connaître les modifications de la vitesse de
marche est essentiel, car c'est un excellent critère de détection de la fragilité (Pamoukdjian et al., 2015), nous y reviendrons dans le chapitre 11. Coordination intersegmentaire La coordination intersegmentaire s'intéresse aux mouvements des différents segments les uns par rapport aux autres. L'analyse de ces mouvements durant la marche complète les paramètres spatiotemporels en apportant des informations supplémentaires. Il existe, avec l'avancée en âge, des modifications de la coordination intersegmentaire durant la marche qui sont fortement reliées à une dégradation de la mobilité et une augmentation du risque de chute (Ihlen, 2014). Parmi ces modifications, c'est la propulsion lors de la phase préoscillante qui est remarquable. Cette diminution de la propulsion est associée à une diminution de la flexion plantaire en fin de propulsion. Elle est de 31,3° pour les jeunes adultes contre 16,9° chez les personnes âgées (Begg et Sparrow, 2006). On constate également une diminution du moment de force des fléchisseurs plantaires que les auteurs attribuent notamment à la sarcopénie. Les personnes âgées compensent cette diminution de propulsion par une augmentation du travail musculaire au niveau de la hanche, particulièrement les fléchisseurs, pour avancer la jambe oscillante et maintenir la longueur du pas (DeVita et Hortobagyi, 2000). D'autres paramètres comme la cinématique et cinétique du tronc se modifient avec le vieillissement. Les mouvements du tronc par rapport au bassin se modifient, on observe notamment une flexion du tronc plus importante. Les sujets jeunes marchent avec un tronc qui est contrôlé par le bassin et les membres inférieurs, alors que les personnes âgées ont un contrôle de la marche initié par la partie supérieure du corps avec un tronc qui dirige les mouvements du bassin (McGibbon et Krebs, 2001). On constate également, durant la marche des sujets âgés, une augmentation des déplacements médio-latéraux du tronc et du centre de gravité par rapport aux sujets jeunes. L'augmentation de ces
déplacements est associée à la diminution de la stabilité dynamique et donc à une hausse du risque de chute (Schrager et al., 2008).
Coût énergétique Le coût énergétique de la marche ainsi que les capacités du sujet âgé à fournir l'énergie nécessaire à sa mobilité influencent la marche de la personne âgée. Avec l'âge, la capacité à produire de l'énergie par les mitochondries diminue, d'autant plus si elle n'est pas entretenue par une activité physique de type aérobie (Lanza et Nair, 2010). En parallèle, le coût énergétique de la marche augmente avec l'âge ainsi que la fatigabilité qui lui est associée. Ces modifications ont pour conséquence une augmentation du risque de chute ainsi qu'une perte de capacité fonctionnelle pour la personne âgée (Simonsick et al., 2016). Les modifications (voir plus haut Paramètres spatio-temporels) associées au vieillissement dans la biomécanique de la marche engendrent une augmentation du coût énergétique. La diminution de la vitesse de marche est l'un des paramètres les plus influents sur l'augmentation du coût énergétique (Richardson, Glynn, Ferrucci et Mackey, 2015). Mais il est important de comprendre que l'ensemble des modifications associées au vieillissement est responsable d'une augmentation du coût énergétique. En effet, la flexion du tronc, les réductions des amplitudes articulaires et les diminutions de force musculaire altèrent le mouvement pendulaire de la marche saine, ce qui diminue les mécanismes passifs de conservation d'énergie et entraîne une augmentation de l'activité musculaire (Wert et al., 2010). Associé à cela, le vieillissement neuromusculaire entraîne une perte de l'efficience dans le délai de recrutement musculaire entraînant également un surcoût énergétique. Le coût énergétique de la marche est fortement relié aux qualités techniques de marche. La technique de marche correspond à la précision des mouvements, l'automatisation et l'efficience des ajustements permettant une marche équilibrée. Les capacités d'ajustements sont associées aux systèmes sensoriels par des
mécanismes de rétroaction. L'efficience d'un ajustement dépend en grande partie de la vitesse à laquelle il intervient pour corriger un déséquilibre. En effet, lorsqu'un déséquilibre survient, sans correction (ajustements) la gravité tend à l'augmenter naturellement. Plus la correction du déséquilibre est précise et précoce, moins elle sera coûteuse énergétiquement. Comme nous avons pu le voir, avec l'âge les boucles de rétroaction permettant ces ajustements s'altèrent, la détection des déséquilibres est donc moins précise et rapide, ce qui augmente donc le coût de leur correction (VanSwearingen et Studenski, 2014). L'automatisation de la marche est un mécanisme qui permet une diminution du coût énergétique de cette dernière. La peur de chuter ou la perte de confiance associées au vieillissement amènent la personne âgée à privilégier la part de contrôle volontaire plutôt que la motricité automatique pour se rassurer augmentant, de ce fait, le coût énergétique et attentionnel de la marche (VanSwearingen et Studenski, 2014). L'augmentation du coût énergétique de la marche inhérente au vieillissement, associée à l'altération des capacités à fournir de l'énergie, et la fatigabilité qui l'accompagne amènent la personne âgée à diminuer quantitativement sa mobilité. Ce mécanisme, s'il n'est pas combattu, est une des portes d'entrée principale vers une boucle de déconditionnement qui aura pour conséquence une augmentation des troubles de la marche.
En résumé
■ Par la modification des systèmes physiologiques, le vieillissement modifie la marche de la personne âgée. ■ Les paramètres spatio-temporels, cinétiques, cinématiques et le coût énergétique de la marche sont liés. Quand l'un est modifié, les autres le sont également.
■ Les différents paramètres de la marche se modifient dans le sens d'une marche moins stable, moins efficace et moins efficiente en termes de coût énergétique. ■ Ces modifications participent au sentiment d'insécurité ressenti par les personnes âgées à la marche, conduisant à la sousutilisation de leur capacité de locomotion, au déconditionnement et potentiellement à la perte progressive de la marche.
Vieillissement pathologique et marche Comme nous avons pu le voir ci-dessus, le vieillissement est responsable de l'altération de la fonction des systèmes physiologiques et donc, par leur intermédiaire, de la marche. L'ensemble de ces systèmes étant en interaction au cours de la marche et le vieillissement ayant une action concomitante sur ces systèmes, il est difficile de discerner d'où proviennent les troubles de la marche dans le cadre d'un vieillissement non pathologique. À l'inverse, avec le vieillissement se développent des pathologies dégradant spécifiquement certains systèmes en en laissant d'autres intacts. Cela donne lieu à des schémas de marche spécifiques et identifiables. Les connaître permet au clinicien d'affiner ou de gagner du temps dans son diagnostic.
Pathologies musculo-squelettiques Les douleurs, l'arthrose, ainsi que les faiblesses musculaires au niveau du membre inférieur sont les causes, non neurologiques, les plus communes de troubles de la marche chez les personnes âgées (Mahlknecht et al., 2013). Elles sont à l'origine de boiteries facilement identifiables de manière clinique. Marche antalgique La marche antalgique est une marche où le patient cherche à éviter ou diminuer une douleur par une compensation. Dans la majorité des
cas, la douleur survient lorsque le patient est en charge sur le membre affecté. Le patient va donc boiter de manière à diminuer la charge et/ou le temps de charge sur le membre douloureux et se donner le temps minimum nécessaire afin d'avancer rapidement la jambe saine pour y transférer son poids. Les causes de douleurs les plus communes sont l'arthrose de hanche ou de genou, les fractures du membre inférieur ou les entorses de cheville (Lim, Huang, Wu, Girardi et Cammisa, 2007). Marche coxalgique Les patients présentant des douleurs de hanche ont un schéma de marche très caractéristique. Lors de l'appui unipodal du côté affecté, le patient décale son tronc du côté de la hanche douloureuse (fig. 4.13B). Ce signe est répertorié comme le signe de Duchenne ou boiterie d'épaule. Ce schéma de marche résulte d'une adaptation inconsciente du patient pour diminuer les forces de compression sur la hanche douloureuse.
FIG. 4.13 Stabilité du bassin en appui unipodal
lors d'une boiterie de Trendelenburg (A) versus coxalgie (B). En effet, les coxalgies, dont la coxarthrose est la principale cause, sont sensibles aux forces de compression. Lors de la phase unipodale de la marche, la stabilité de l'hémi-bassin controlatéral est assurée par les abducteurs de hanche. Pour assurer cette stabilité, ces derniers doivent développer suffisamment de force pour équilibrer le poids du corps qui, lui, tend à faire chuter cet hémi-bassin. Cette contraction des abducteurs de hanche entraîne des forces de compression sur l'articulation coxo-fémorale. Grâce à cette boiterie d'épaule, le patient va décaler son centre de gravité du côté de la hanche douloureuse diminuant ainsi le bras de levier de la pesanteur qui tend à faire chuter l'hémi-bassin opposé. La force nécessaire au maintien de la stabilité du bassin est donc réduite. Il en résulte une diminution des forces de compression sur la hanche et donc une diminution des douleurs pour le patient. Faiblesse des abducteurs de hanche Une faiblesse des abducteurs de hanche (ou stabilisateurs latéraux de hanche) peut entraîner également une boiterie de Duchenne. Mais si la faiblesse des stabilisateurs latéraux est trop importante, cette boiterie de Duchenne ne sera pas suffisante et nous verrons apparaître une boiterie de Trendelenburg. Cette boiterie est proche de la marche coxalgique à la différence que les abducteurs de hanche sont trop faibles pour maintenir le bassin horizontal. On constate donc lors de la phase unipodale, une chute de l'hémi-bassin opposé aux stabilisateurs latéraux déficitaires (fig. 4.13A). Marche en hyperextension de genou Dans cette boiterie, lors du début de la phase de contact du pied au sol, le genou est en hyperextension au lieu de se fléchir légèrement pour absorber les forces de réaction du sol. Ce schéma est adopté par les patients qui n'ont pas suffisamment de force dans leur quadriceps pour avoir un contrôle actif de leur genou. Le genou est ainsi stabilisé
passivement contre les structures passives postérieures sans nécessité de contraction du quadriceps. Perte du pas postérieur La perte du pas postérieur correspond à une impossibilité pour le patient d'emmener sa jambe portante en extension. Cette limitation peut avoir plusieurs origines (hypo-extensibilité musculaire, perte d'amplitude articulaire…) et entraîner des compensations comme la boiterie en salutation ou l'hyperlordose lombaire. L'hyperlordose lombaire associée à l'antéversion du bassin permet au patient de compenser le manque d'extension pour retrouver un pas postérieur. La boiterie en salutation a le même objectif pour les patients manquant de mobilité lombopelvienne. Elle correspond à une flexion du tronc lors du pas postérieur pour redonner une extension relative à la hanche. Autres types de boiteries Les autres types de boiteries sont principalement causés par des déformations du squelette comme les différences de longueur des membres inférieurs ou les déformations du rachis (Pirker et Katzenschlager, 2017). Elles conduisent à des modifications exagérées des paramètres spatio-temporels de la marche. Pour les différences de longueur des membres, on observe une asymétrie de la marche caractéristique dans le plan frontal. Le corps tombe du côté du membre affecté et la tête et le tronc se décalent du même côté.
Pathologies neuromusculaires Myélopathie La myélopathie cervicarthrosique est l'une des causes les plus communes des troubles de la marche chez la personne âgée (Lim et al., 2007). Elle est due à une compression de la moelle épinière suite à un rétrécissement du canal médullaire cervical par une hypertrophie ligamentaire, une protrusion discale ou des ostéophytes dégénératifs. On retrouve une marche spastique saccadée avec des membres
inférieurs rigides, une vitesse réduite et un polygone de sustentation élargi. Du fait de la spasticité, le passage de la jambe oscillante est délicat car ce dernier reste tendu, ce qui peut donner lieu à des boiteries de fauchage où le passage de la jambe oscillante est réalisé grâce à une circumduction. Canal lombaire étroit Le canal lombaire étroit est également une myélopathie causée par un rétrécissement du canal lombaire entraînant une compression de la queue de cheval. Le patient présente des douleurs lombaires, une rigidité, des lourdeurs et des sensations de faiblesse dans les jambes (claudication neurogénique). Ces signes sont exacerbés par la position érigée et soulagés en flexion et donc en position assise. La marche associée est caractéristique, courbée avec les épaules en avant du bassin. La vitesse de marche est également diminuée, saccadée avec un élargissement du polygone de sustentation. Steppage Le steppage durant la marche est une boiterie courante chez la personne âgée. Il est aussi appelé « pied tombant », car il correspond à une impossibilité de relever le pied (flexion dorsale) lors de la phase d'oscillation. Cette boiterie provient d'une faiblesse des muscles releveurs de cheville. Les patients compensent en augmentant la flexion de hanche et de cheville pour éviter que le pied touche le sol. La boiterie peut être unilatérale ou bilatérale. Elle a généralement pour origine une neuropathie périphérique sciatique ou fibulaire ou une radiculopathie lombaire.
Pathologie associée à un dysfonctionnement cérébral La marche est une tâche motrice complexe mettant en jeu plusieurs structures du cerveau. Parmi les plus importantes, on retrouve le cortex moteur primaire, les ganglions de la base ou encore la région locomotrice du mésencéphale. L'ensemble de ces structures communique entre elles principalement grâce à la substance blanche ; la bonne interaction entre ces structures ainsi que l'intégrité de ces
dernières sont indispensables à une marche « saine ». Les pathologies neurologiques augmentent également avec l'âge. Ici, nous parlerons des pathologies cérébrales les plus communes. Chacune de ces pathologies entraîne une marche caractéristique qu'il est important de savoir identifier pour faciliter le diagnostic. Marche parkinsonienne La prévalence des syndromes parkinsoniens et de la maladie de Parkinson augmente avec l'âge et touche 1,5 % des plus de 65 ans. Elle provient d'une dégénérescence des neurones dopaminergiques dans le locus niger du mésencéphale. La prise d'un traitement de type lévodopa ou dopaminergique améliore les symptômes (période on, c'est-à-dire sujet avec une motricité normale ou sub-normale). Les signes moteurs prédominants de la marche parkinsonienne sont la bradykinésie (perte de mouvements spontanés), la rigidité et l'instabilité posturale, et les freezings dans l'initiation à la marche, dans les demi-tours, les passages étroits et l'approche d'obstacles. La base de support n'est pas élargie mais la marche est akinétique avec une vitesse lente. Les pas sont raccourcis, la posture voûtée (fléchie en avant) incluant l'enroulement des épaules, la flexion du cou, des hanches et des genoux. On retrouve également un balancement des bras réduit, les pieds traînent sur le sol, ne se décollent plus, le corps bouge en bloc. La double tâche aggrave la marche. Étant donné leur posture et leur instabilité, le risque de chute vers l'avant est important pour ces patients. Marche ataxique L'ataxie d'origine cérébelleuse entraîne une marche avec une base de support élargie, chancelante (titubante) et instable. Le patient se penche du côté où il dévie durant la marche. La caractéristique la plus spécifique de cette marche est sa variabilité dans les paramètres spatio-temporels, notamment pour la longueur des pas ou la coordination intersegmentaire. On retrouve de fortes oscillations lorsque le patient est debout et statique, particulièrement si la base de support est étroite, en revanche l'initiation à la marche reste normale.
L'ataxie sensitive ou proprioceptive se distingue de l'ataxie cérébelleuse, car dans l'ataxie sensitive, les déficits proprioceptifs peuvent être compensés par d'autres systèmes sensitifs comme la vision. On retrouve notamment un signe de Romberg positif, ce qui n'est pas toujours le cas dans l'ataxie cérébelleuse. Ceci explique notamment que dans le cas d'une ataxie sensitive, la marche est particulièrement dégradée lorsque les yeux sont fermés. Troubles de la marche d'origine supérieure Ces troubles de la marche se retrouvent dans la littérature anglosaxonne sous les expressions high level gait disorders (HLGD) ou frontal gait disorders. Ils regroupent tous les troubles de la marche qui ne sont pas expliqués par un déficit périphérique sensori-moteur, pyramidal, cérébelleux ou des ganglions de la base (extrapyramidal ; Pirker et Katzenschlager, 2017). Les patients présentant ce type de troubles semblent ne plus savoir comment marcher, la base de support est élargie, la longueur du pas est fortement diminuée, les pieds se décollent très peu du sol et la marche paraît anxieuse. La stabilité posturale, l'équilibre et l'initiation à la marche sont perturbés. Plus précisément, on retrouve une perte de coordination dans les ajustements posturaux anticipateurs qui conduit à une difficulté dans l'exécution des premiers pas (Demain et al., 2014). Il existe une différence importante entre les difficultés retrouvées à la marche et l'examen effectué en position assise ou allongée. Les imageries cérébrales des patients souffrant de HLGD ont montré que l'on retrouvait principalement une atrophie de la région locomotrice du mésencéphale ainsi que des lésions profondes de la substance blanche. La région locomotrice du mésencéphale est composée des noyaux pédonculo-pontins et cunéiformes qui sont responsables du contrôle postural. Les lésions profondes de la substance blanche, principalement d'origine vasculaire (leucoaraiose), détériorent la communication entre le cortex moteur et les ganglions de la base entraînant une hypokinésie et une rigidité. Parmi les HLGD, on retrouve les marches anxieuses. Les patients présentant ce type de marche se déplacent comme sur de la glace. Ils
marchent doucement, la base de support est élargie, la longueur du pas et le décollement des pieds sont particulièrement diminués. Cette marche est fréquente chez la personne âgée et souvent corrélée à une peur excessive de la chute qui n'est pas en relation avec les capacités motrices du patient (Snijders, van de Warrenburg, Giladi et Bloem, 2007). Lorsque la peur de chuter devient phobique (par exemple, syndrome post-chute ou désadaptation psychomotrice), le patient présente une rétropulsion, une rigidité importante, des difficultés d'initiation à la marche (freezing), ainsi qu'une sidération de tous les ajustements posturaux.
Conclusion Comme nous avons pu le voir, l'altération de la marche chez la personne âgée est un processus progressif associé au vieillissement. Ce dernier modifie progressivement les structures de l'organisme impliquées dans la marche. C'est l'accumulation de ces modifications et/ou la survenue d'une pathologie qui va conduire la personne âgée vers la fragilité et la diminution de ses activités physiques et, par conséquent, de sa capacité de locomotion. Ce processus autoentretenu précarise la marche de la personne âgée augmentant le risque de survenue d'événements indésirables comme la chute. C'est ce genre d'incidents, dans un contexte de fragilité, qui peut conduire la personne âgée vers la grabatisation et donc la perte de la marche. Les troubles de la locomotion sont discernables à l'œil nu s'il est entraîné. L'objectif pour les cliniciens est de pouvoir reconnaître cette fragilité ainsi que les troubles de la marche pathologiques pour stopper l'entrée vers ce processus auto-entretenu.
Points clés
■ Les modifications induites par le vieillissement fragilisent la
personne âgée, la rendant plus vulnérable à la survenue de certaines pathologies et moins apte à y faire face. ■ Les pathologies associées au vieillissement induisent des modifications spécifiques du schéma de marche qui sont reconnaissables par le clinicien. ■ Les modifications de la marche induites par les pathologies se surajoutent à celles du vieillissement précarisant d'autant plus la marche de sujet âgé. ■ La majorité des pathologies associées au vieillissement sont dégénératives. Ceci implique une accentuation des troubles de la marche avec l'avancée dans la pathologie.
Entraînement
QCM 1 La marche automatique du nouveau-né est : A. systématiquement recherchée lors de l'examen neuromoteur à la naissance B. observée chez tous les nouveau-nés C. un réflexe archaïque D. le précurseur de la marche autonome
QCM 2 Les premiers pas autonomes : A. doivent impérativement être observés avant l'âge de 1 an B. sont caractérisés par une importante variabilité des paramètres spatio-temporels C. sont caractérisés par une attaque du pas par le talon D. sont accompagnés d'un ballant des membres supérieurs
QCM 3 Concernant l'âge dit de maturité de la marche : A. il diffère suivant les paramètres étudiés (paramètres spatiotemporels, cinématique, EMG…) B. il est identique d'un individu à l'autre C. il correspond à l'âge du début de la puberté D. il est dépendant du développement du système nerveux central
QCM 4 Quelles sont les modifications spatio-temporelles de la marche associée au vieillissement physiologique ? A. diminution de la cadence, augmentation de la longueur du pas, diminution du temps d'appui unipodal B. augmentation du temps de double appui, élargissement du pas, diminution de la longueur du pas C. diminution du temps de double appui, augmentation de la longueur du pas, augmentation de la largeur du pas D. augmentation de la longueur du pas, diminution du temps d'appui unipodal, augmentation de la largeur du pas
QCM 5 Quels sont les signes cliniques d'une marche parkinsonienne ? A. marche à grand pas, akinétique, largeur du pas augmenté B. marche lente, à grand pas, en flexion C. marche akinétique, rigide, largeur du pas augmenté D. marche à petit pas, lente, akinétique
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CHAPITRE 5
Bases biomécaniques et neurologiques de la locomotion E. Hinnekens; E. Morard; C. Teulier
PLAN DU CHAPITRE Le cycle de marche Contrôle neurologique de la marche Redondance du contrôle moteur : implication en rééducation et théorie des synergies musculaires Conclusion
Focus
■ Objectifs pédagogiques : – comprendre la redondance du contrôle moteur ; – savoir identifier les différentes phases du cycle de marche et les événements qui en résultent ; – connaître les principaux acteurs du système nerveux
dans le contrôle de la marche. ■ Objectifs professionnels : – savoir évaluer les principaux paramètres spatiotemporels de la marche ; – reconnaître les principaux handicaps d'origine neurologique ; – connaître l'évolution typique du cycle de marche typique pour reconnaître des compensations. ■ Evidence based : – les paramètres spatio-temporels de la marche peuvent être altérés en cas de handicap ; – la plasticité du système nerveux permet une récupération de la fonction et peut être stimulée par une rééducation précoce, intensive et fonctionnelle.
Le cycle de marche Un consensus a été établi afin de définir le cycle de marche et ainsi de pouvoir décrire les marches normales et pathologiques à partir d'un cycle standardisé. Un cycle de marche est défini pour un membre inférieur. Il débute par le contact initial de l'un des pieds au sol et se termine par le contact initial suivant de ce même pied. Il est composé de deux pas, soit une foulée, un pas se terminant lors du contact initial du pied controlatéral.
Les différentes phases Un cycle de marche comporte deux phases : une phase d'appui ou de support et une phase d'oscillation. La durée de ces phases est exprimée en pourcentage de la durée totale du cycle de marche, ce qui permet notamment d'analyser ces durées indépendamment des vitesses de marche employées. La phase d'appui correspond, comme son nom l'indique, à la période pendant laquelle le pied concerné est en contact avec le sol. Elle représente 60 % du cycle de marche.
Pendant la phase d'oscillation, qui constitue les 40 % restants, le pied n'est plus en contact avec le sol et le membre avance. La phase d'appui étant plus longue que la phase d'oscillation, il existe inéluctablement lors du cycle de marche des périodes de double appui (c'est-à-dire des périodes où les deux membres inférieurs sont en phase d'appui, n'existant pas lors de la course). Prenons l'exemple du cycle du pied droit. Lorsque le pied droit attaque le sol, le pied gauche est déjà en phase d'appui. Le pied droit est donc dès le début de son cycle en phase de double appui et y reste jusqu'à 10 % du cycle. Dès le décollement du pied gauche, le pied droit entre en phase de simple appui. Le pied droit est alors en simple appui entre 10 et 50 % du cycle (soit pendant les 40 % correspondant à la phase oscillante du membre inférieur gauche). Lors de l'attaque du pied gauche, le pied droit est de nouveau en phase de double appui jusqu'en fin de phase d'appui . À 60 % du cycle, il entre en phase oscillante , laissant ainsi le membre inférieur gauche en phase de simple appui (fig. 5.1 ; Kirtley, 2006).
FIG. 5.1 Phases du cycle de marche. Les phases d'appui et d'oscillation peuvent être elles-mêmes subdivisées. En effet, la phase d'appui est décomposée en :
● une phase taligrade (0 à 15 %), où le talon entre en contact avec le sol ; ● une phase plantigrade (15 à 40 %), où l'ensemble du pied repose sur le sol ; ● une phase digitigrade (40 à 60 %), où le talon quitte le sol et où l'appui se fait alors sur l'avant-pied. La phase d'oscillation est fragmentée en : ● une phase d'oscillation initiale ou envol (60 à 80 %), qui débute dès que le pied quitte le sol et correspond à la première moitié de la phase oscillante ; ● une phase d'oscillation terminale ou atteinte (80 à 100 %), qui correspond à la seconde moitié de phase oscillante. Par ailleurs, la marche est associée à des oscillations des membres supérieurs. La première moitié du cycle de marche d'un membre inférieur est associée à une avancée du membre supérieur ipsilatéral, alors que la seconde moitié d'un cycle est associée à un recul du membre supérieur ipsilatéral. Les membres supérieurs oscillent ainsi en permanence lors de la marche, en antiphase (c'est-à-dire en alternance, l'un allant vers l'arrière lorsque l'autre avance, et vice versa). L'avancée d'un membre inférieur est donc concomitante à l'avancée du membre supérieur controlatéral, ainsi qu'au recul du membre supérieur ipsilatéral (fig. 5.1). L'opposition observée entre l'orientation de la ceinture scapulaire et celle de la ceinture pelvienne est appelée dissociation des ceintures. La rotation nécessaire à cette dissociation se produit autour de l'axe vertical et n'a pas lieu au niveau d'une vertèbre particulière (Crosbie, Vachalathitib et Smith, 1997).
Analyse quantifiée de la marche Il existe différentes méthodes pour analyser la marche. En particulier, l'analyse quantifiée de la marche (AQM) permet de recueillir des données cinétiques (les forces mises en jeu), cinématiques (les angles
articulaires) et électromyographiques (activité musculaire). Malgré l'importance du temps et du matériel nécessaires pour la réaliser, elle présente un intérêt clinique puisqu'elle s'intéresse à une situation fonctionnelle et qu'elle permet de mieux comprendre l'origine de certains troubles de la marche liés à des lésions neurologiques ou orthopédiques, comme les amputations (Whittle, 1996). De plus, elle oriente le choix thérapeutique (Kay et al., 2000). Par exemple, chez le paralysé cérébral, l'AQM peut permettre de distinguer les anomalies primaires des troubles secondaires ou tertiaires, et de choisir ainsi le type d'intervention (chirurgie orthopédique, toxine botulique, kinésithérapie). DeLuca, Davis III, &unpuu, Rose et Sirkin (1997) ont constaté une modification des indications opératoires après AQM chez 52 % des enfants paralysés cérébraux appartenant à l'étude. Par ailleurs, chez le patient hémiparétique, l'AQM peut permettre d'identifier précisément la déficience à l'origine d'un handicap fonctionnel (un défaut de flexion dorsale en phase oscillante, par exemple, peut être dû à une paralysie du tibial antérieur, mais aussi à une rétraction du triceps). Face à la variabilité des étiologies des accidents vasculaires cérébraux et des troubles causés, il est primordial de définir les déficiences initiales afin d'assurer une prise en charge fondée sur le traitement des causes primaires du handicap.
Cinétique de la marche La cinétique de la marche correspond à l'analyse des forces mises en jeu. Elle peut être obtenue à partir d'une plateforme de force. En marchant sur la plateforme, le sujet génère des forces qui sont associées à des forces de réaction du support (ou forces de réaction au sol). La plateforme enregistre les trois composantes de la force de réaction au sol : verticale, antéro-postérieure et médio-latérale (fig. 5.2).
FIG. 5.2 Composantes de la force de réaction au sol lors du cycle de marche. En noir, la composante verticale et en rouge, les composantes antéropostérieure et médio-latérale. Source : d'après Kirtley, C. (2006) . Clinical gait analysis : theory and practice. Elsevier.
La composante verticale présente deux pics atteignant environ 1,1 fois le poids du corps. Une forte augmentation de la valeur de la force pendant la phase de double appui, due au transfert du poids sur le pied qui entre en phase d'appui, induit l'atteinte du premier pic au début de la phase unipodale. Ensuite, cette valeur diminue du fait de l'oscillation du membre controlatéral, avant d'augmenter à nouveau pour atteindre le second pic, juste avant le deuxième double appui . Plus le genou du membre d'appui est rigide, plus cette force est importante et plus les forces engendrées sur les structures musculosquelettiques le sont (Pandy, 2003). La composante antéro-postérieure est négative pendant la première
moitié de la phase d'appui. Ainsi, elle est orientée dans le sens opposé à la marche et est donc frénatrice. Au contraire, elle est positive et donc propulsive au cours de la seconde moitié de cette phase. La composante médio-latérale est latérale pendant le premier double appui puis médiale le reste de la phase d'appui, en réponse au déplacement de l'autre côté du corps (Anderson et Pandy, 2001). Le plateau de force donne les forces de réaction au sol et les moments des forces dans les directions de l'espace (c'est-à-dire antéropostérieure, médio-latérale et verticale). En réalité, une multitude de points d'application existent pour couvrir toute la surface de contact du pied sur le sol. Mais par calcul, on peut définir pour simplifier un point virtuel, centre des pressions (CP), qui correspond au barycentre des composantes verticales de cette force réparties sur toute la surface de contact entre le pied et sol. En marche normale, pendant la phase d'appui, le CP se déplace depuis le bord latéral du talon jusqu'à la phalange distale de l'hallux en passant par le bord latéral du pied puis par les têtes des métatarsiens. Chez le patient hémiparétique, la distance parcourue par le CP dans le plan antéro-postérieur est plus courte sur le membre atteint, ce qui signifie que la longueur du pas est plus courte. Le temps d'appui unipodal y est plus faible avec un appui sur l'avant-pied plus bref. Dans le plan médio-latéral, le déplacement du CP est plus important sur le membre sain, ce qui suggère une difficulté à la réalisation de l'oscillation du membre parétique. Il est important de distinguer le CP du centre de gravité (CG). Tout comme le CP, le CG est un point virtuel que l'on définit pour simplifier et ne considérer qu'un point d'application de la résultante des forces de pesanteur. Lors de la marche, les mouvements verticaux du CG sont maîtrisés afin d'être aussi faibles que possible grâce notamment à une flexion du genou maintenue et aux rotations et inclinaisons du bassin. Plus ils sont minimes, plus la marche est économique. Une pathologie altérant le schéma de marche induit donc inévitablement une augmentation de son coût énergétique (Saunders, Inman et Eberhart, 1953 ; Lin, Gfoehler et Pandy, 2014).
Amplitudes articulaires (cinématique) Lors de la marche, les mouvements du bassin se font essentiellement dans les plans frontal et transversal. Dans le premier, une inclinaison du côté oscillant s'oppose à celle des épaules. Dans le plan transversal, une giration pelvienne du côté de l'appui, de l'ordre de 10°, s'oppose au mouvement de la ceinture scapulaire. La hanche est en flexion de 30° lors du contact initial avec le sol. Puis une extension progressive est réalisée, la rectitude étant atteinte pendant la phase plantigrade et l'extension maximale de 10° au milieu de la phase digitigrade. Enfin, la hanche se fléchit pendant la phase d'oscillation afin d'assurer l'absence de contact avec le sol en raccourcissant le membre. Un déficit d'extension peut être compensé par une flexion du tronc lors de la phase d'appui (fig. 5.3).
FIG. 5.3 Évolution des amplitudes articulaires au cours du cycle de marche dans le plan frontal. Source : d'après Kirtley, C. (2006) . Clinical gait analysis : theory and practice. Elsevier.
Le genou est en flexion pendant la totalité du cycle de marche. À
l'attaque du pied au sol, cette flexion est très faible, de l'ordre de 5°. Elle augmente de 15 à 20° pendant la phase taligrade, puis diminue avant d'augmenter à nouveau pendant la phase digitigrade. Le maximum de flexion est atteint pendant la phase d'envol, il est de 70°, ce qui permet également de raccourcir le membre pour le passage du pas. Pour finir, lors de l'atteinte, le genou réalise une extension pour préparer la nouvelle phase d'appui. Un déficit de flexion articulaire perturbe la phase d'oscillation (fig. 5.3). La cheville est en position neutre lors du contact initial avec le sol. Puis une flexion plantaire permet de « stabiliser l'appui », en amenant le pied à plat au sol. Au cours de la phase plantigrade, la flexion dorsale est liée au mouvement du segment jambier par rapport au pied, elle atteint 10°. Ensuite, pendant la phase digitigrade, la flexion plantaire est liée à la propulsion, elle est de 15° au début de la phase d'oscillation. C'est lors de cette phase que pour finir la cheville retourne à sa position neutre (fig. 5.3 ; Anderson et Pandy, 2001 ; Kirtley, 2006).
Activité musculaire (électromyogramme dynamique) L'activité des différents muscles (fig. 5.4) peut être recueillie de manière non invasive par électromyogramme (EMG) de surface. Lors de la marche, les amplitudes des signaux sont faibles, permettant un faible coût énergique. L'activité des muscles induit des mouvements sur de faibles amplitudes et majoritairement sur un mode excentrique freinateur. Ceci permet d'éviter la chute, la marche consistant comme dit précédemment en un déséquilibre avant.
FIG. 5.4 Activités musculaires principales au cours du cycle de marche. Source : d'après Kirtley, C. (2006) . Clinical gait analysis : theory and practice. Elsevier.
L'objectif de l'EMG dynamique de la marche est avant tout d'obtenir les séquences temporelles d'activation musculaire, ce qui permet par la suite de distinguer les contractions « normales » des contractions pathologiques. Les abducteurs de hanche (petit fessier , moyen fessier et tenseur du fascia lata ) agissent tout au long de la phase d'appui afin de stabiliser la hanche et le bassin. Un déficit du moyen fessier entraîne la chute de l'hémi-bassin du côté oscillant. Les fléchisseurs de hanche (ilio-psoas ) agissent pendant la phase d'oscillation avec un mode concentrique afin de permettre le passage du pied (fig. 5.4). Par conséquent, une faiblesse des fléchisseurs limite l'oscillation et peut entraîner une diminution de la longueur du pas. Ce déficit peut être compensé par une extension du tronc ou une
antéversion du bassin. Les quatre chefs du quadriceps et les ischio-jambiers (fig. 5.4) sont extenseurs de genou lors de la phase taligrade . Seuls les trois vastes sont actifs pendant la phase plantigrade. Enfin, ces muscles n'ont aucune action au cours de la phase digitigrade . Une déficience du quadriceps cause une instabilité lors de la phase d'appui. Au contraire, une hypertonie du droit fémoral perturbe la phase d'oscillation en limitant la flexion du genou. Pendant la phase d'oscillation, les ischio-jambiers sont actifs, ils permettent d'éviter le fauchage en raccourcissant le membre par la flexion du genou. Les trois vastes sont à nouveau actifs les derniers 10 % de la phase d'oscillation pour tendre la jambe et préparer l'attaque du pied au sol. Les muscles triceps suraux (fig. 5.4) et rétromalléolaires latéraux sont sollicités lors de la phase plantigrade. L'amplitude EMG du triceps sural augmente du début de la phase plantigrade à la fin de la phase d'appui. Le triceps sural a alors un triple rôle : il assure une fonction antigravitaire permettant de rester en station érigée ; il s'associe aux muscles rétromalléolaires latéraux pour stabiliser la cheville dans le plan frontal ; enfin, il est impliqué dans la propulsion vers l'avant. Notons toutefois que cette fonction ne semble pas clairement élucidée dans la littérature. En effet, si de nombreuses études associent le triceps sural à la propulsion du corps en fin de phase d'appui, d'autres études récentes suggèrent que la marche serait une chute constante vers l'avant dont l'accélération serait provoquée par les muscles extenseurs du membre inférieur d'appui. La contraction du triceps sural en fin de phase d'appui aurait un rôle freinateur contrôlant cette chute (Gillet et al., 2003 ; Neptune, Zajac et Kautz, 2004). Les releveurs de pied sont actifs pendant toute la phase d'oscillation, ils préparent l'attaque par le talon. Puis pendant la phase taligrade, sur un mode excentrique, ils freinent le déroulement du pied. Un déficit des releveurs et/ou une hypertonie des fléchisseurs plantaires peuvent entraîner un steppage.
Paramètres spatio-temporels
Contrairement à l'AQM, qui nécessite du matériel spécialisé et onéreux puis un traitement des données, la mesure des paramètres spatio-temporels est rapide, à faible coût et facile. De plus, ces paramètres constituent des indicateurs de suivi, permettant d'objectiver les performances des sujets. La fréquence de pas correspond au nombre de pas par unité de temps. Si cette unité est la minute, elle est communément appelée cadence. Un sujet sain réalise en moyenne 100 à 130 pas par minute. La longueur de pas est la distance dans le plan antéro-postérieur séparant les positions d'un même point du pied entre le début et la fin du pas. Elle est en moyenne de 80 cm. Une diminution de la longueur de pas est retrouvée en cas de syndrome parkinsonien . La vitesse de marche est le produit de la fréquence et de la longueur de pas. Il existe pour chaque sujet une vitesse de confort, correspondant à la vitesse à laquelle la dépense énergétique est minimale. Cette vitesse est en moyenne de 1,3 à 1,6 m/s.
Avec Lp en mètres et Fp en secondes. Ces trois paramètres spatio-temporels peuvent être cliniquement interprétés. Le premier affecté par la plupart des pathologies est la longueur du pas. Sa réduction peut être liée à une faiblesse, paralysie, hypertonie ou rétraction musculaire, à une déformation du pied ou encore à une douleur. Elle entraîne par définition une diminution de la vitesse de marche, sauf si elle est compensée par une augmentation de la fréquence de pas. On parle alors de marche compensée. Si ce n'est pas le cas, on parle de marche pathologique sévère. Chez les hémiplégiques, certains traitements ont été démontrés comme efficaces pour augmenter la vitesse de marche. En effet, une diminution du tonus musculaire du triceps sural et du tibial postérieur après injection de toxine botulique permet une
augmentation de la longueur de pas et ainsi de la vitesse de marche (Hesse et al., 1994). Il en est de même pour le renforcement musculaire du membre inférieur atteint, mais aussi du membre inférieur sain (Teixeira-salmela, Nadeau, Mcbride et Olney, 2001). La largeur du pas est la distance séparant la partie médiane du talon du point de la ligne de l'axe de marche le plus proche. Elle est en moyenne de 5 à 6 cm. Les patients souffrant d'ataxie cérébelleuse présentent une largeur de pas significativement plus importante que les sujets sains (p < 0,05 ; Martino et al., 2014). Le temps d'appui unipodal correspond comme son nom l'indique à la durée au cours d'un cycle pendant laquelle le pied concerné est le seul à être en contact avec le sol. Il correspond au temps oscillant du membre controlatéral et peut être exprimé en unité de temps ou en pourcentage du cycle de marche. Chez le sujet hémiplégique, la durée d'appui sur le membre atteint est diminuée.
Pour aller plus loin : la marche arrière Lorsqu'il est demandé à un individu de marcher en arrière, le mouvement mis en place est extrêmement proche de la marche avant. Une vidéo inversée d'une personne marchant en arrière est même difficile à distinguer d'une vidéo de cette même personne marchant en avant (Viviani, Figliozzi, Campione et Lacquaniti, 2011). La cinématique est en fait semblable dans les deux cas. En effet, si le cycle de marche avant est constitué d'une succession des phases taligrade, plantigrade, digitigrade et oscillante, le cycle de marche arrière est constitué des mêmes phases en ordre inverse. Ainsi, les courbes décrivant les amplitudes articulaires observées dans le plan sagittal en marche arrière sont quasiment des images en miroir de celles correspondant à la marche avant, et en particulier en ce qui concerne la hanche, le genou et l'épaule. L'évolution de l'amplitude articulaire de cheville en marche arrière reste très proche de celle observée en marche avant, mais le pic de flexion plantaire est beaucoup moins important (Winter, Pluck et Yang, 1989). En ce qui concerne l'activité musculaire, davantage de différences existent. Au niveau des principaux muscles des membres inférieurs,
les amplitudes EMG observées sont différentes (fig. 5.5).
FIG. 5.5 Activités musculaires principales au cours de la marche avant (A) versus arrière (B) sur tapis roulant à 5 km.h − 1 . Source : Lacquaniti et al., 2012 . Patterned control of human locomotion. J Physiol, 10, 2189–99.
Cela peut s'expliquer par une inversion entre les tâches excentriques et concentriques (Winter et al., 1989). Certains schémas temporels d'activation communs sont tout de même retrouvés, mais ne concernent pas les mêmes muscles (Ivanenko, Cappellini, Poppele et Lacquaniti, 2008). Du fait de l'ensemble de ces points communs, il a été suggéré que ces deux modes de locomotion pourraient partager des mécanismes nerveux communs. Toutefois, aucun consensus n'est encore établi à ce sujet. L'existence d'un grand nombre de similitudes entre la marche avant et la marche arrière a également conduit les thérapeutes à utiliser la marche arrière comme un outil de rééducation pour des pathologies variées. La marche arrière est utilisée en tant qu'outil de rééducation de l'équilibre. En effet, les afférences visuelles ne peuvent pas être
exploitées, et les autres sources d'information sensorielle (cutanées, proprioceptives et vestibulaires) sont davantage sollicitées. De plus, en rééducation neurologique, la marche arrière peut être utilisée pour restaurer le schéma de marche et diminuer l'apparition de mouvement parasite. Par exemple, en cas de handicap neurologique, une triple flexion excessive peut exister tout au long du cycle de marche. Le positionnement du pied en arrière du corps permet alors de restaurer un schéma de marche où la flexion de genou peut être associée à une extension de hanche et de cheville. Les patients ayant suivi ce type d'entraînement transfèrent ensuite les compétences acquises vers la marche avant. En effet, plusieurs paramètres (tels que la longueur du pas et la vitesse de marche) s'améliorent suite à des entraînements en marche arrière (Hoogkamer, Meyns et Duysens, 2014). Enfin, la marche arrière est utilisée en traumatologie et en rhumatologie en cas de lésions du genou. En effet, les forces de réaction au sol et les forces de compression au niveau de l'articulation fémoro-patellaire sont moindres en marche arrière et en course arrière. De plus, l'amplitude d'activation du quadriceps est plus importante en course arrière, ce qui assure une meilleure stabilité du ligament croisé antérieur. La course arrière peut ainsi être utilisée en tant qu'entraînement cardiorespiratoire, de manière moins traumatisante pour le genou que la course avant.
Contrôle neurologique de la marche Si elle paraît simple pour celui qui l'exécute, la marche est en fait une activité complexe, constituée de répétitions cycliques précises, demeurant toutefois adaptable aux perturbations. Elle résulte ainsi, sur le plan neurologique, d'une fine régulation entre plusieurs systèmes : les structures supra-spinales, les générateurs de rythme spinaux (communément appelés CPG pour central pattern generator ) et les systèmes sensoriels (Zehr et Duysens, 2004 ; Grillner, 2006). Les structures supra-spinales régulent l'activité des générateurs de rythme spinaux, qui génèrent des mouvements rythmiques au niveau des membres inférieurs et supérieurs. Les systèmes sensoriels
permettent l'adaptation de la marche aux contraintes extérieures (fig. 5.6).
FIG. 5.6 La locomotion résulte d'une interaction entre les structures spinales, les structures supra-spinales et les systèmes sensoriels. CPG : central pattern generator.
Générateurs de rythme spinaux Les générateurs de rythme spinaux (central pattern generator ou CPG) correspondent à des groupes de neurones appartenant à la moelle épinière et impliqués dans la génération de mouvements rythmiques, tels que la locomotion, la mastication ou encore la respiration. Leur existence a été objectivée par de nombreuses études chez plusieurs animaux, comme la lamproie, la salamandre, le chat ou encore le singe. D'autres études suggèrent fortement leur existence chez l'homme, bien que leur nature exacte ne soit pas encore caractérisée avec précision (Guertin, 2013). Il y a environ un siècle, Sherrington (Sherrington, 1910) a montré qu'un chat décérébré 1 pouvait produire des mouvements rythmiques. Par la suite, Brown (1911) a montré que des chats désafférentés 2
alternaient également des mouvements de flexion et d'extension des membres postérieurs, suite à une section complète de la moelle épinière au niveau thoracique bas. Ces expériences ont permis d'établir qu'une activation alternée de muscles agonistes et antagonistes pouvait survenir sans efférences corticales et sans afférences sensitives. Brown a ainsi proposé l'existence de réseaux de neurones spinaux capables de produire une activité musculaire alternée entre muscles agonistes et antagonistes de manière autonome (Brown, 1914). Le modèle proposé par Brown est nommé half-centered model ou modèle des demi-centres. Il correspond à l'existence d'un demi-centre activant les muscles fléchisseurs et d'un demi-centre activant les muscles extenseurs, chacun de ces centres interagissant avec l'autre par inhibition réciproque (fig. 5.7). L'activité de l'un des demi-centres inhiberait celle de l'autre puis s'arrêterait par fatigue, laissant ainsi place à celle de l'autre demi-centre.
FIG. 5.7 Modèle des demi-centres de Brown. En 1966, Shik, Severin et Orlovskii ont effectué de nouvelles études sur des chats n'ayant plus d'efférences corticales par l'intermédiaire de chats mésencéphaliques 3 . Ils ont montré qu'une microstimulation électrique d'une zone du tronc cérébral suffisait à déclencher chez le chat une marche au pas, au trot ou au galop. De manière surprenante, l'augmentation de l'intensité de la stimulation déclenchait même la transition d'une allure à l'autre (Shik et al., 1966). La zone ainsi identifiée, appartenant au mésencéphale, a été nommée « région locomotrice mésencéphalique » ou MLR pour mesencephalic locomotor
region, et a été ensuite identifiée chez de nombreux animaux, dont le singe (Ryczko et Dubuc, 2013). Ces découvertes ont confirmé que des structures supra-spinales permettaient de déclencher l'activité des générateurs de patterns 4 chez les mammifères. Les études de Grillner sur des modèles animaux ont ensuite permis d'enrichir le modèle initialement proposé par Brown et de proposer les générateurs de rythme centraux ou CPG. En effet, Grillner a de nouveau étudié des chats mésencéphaliques désafférentés en stimulant la MLR, et a conclu que leur activité EMG était plus complexe qu'une alternance de flexion et d'extension de l'ensemble du membre inférieur (le muscle semi-tendineux, par exemple, bi-articulaire, ne montre qu'une courte activité qui ne dure pas pendant toute la phase oscillante, alors que c'est le cas d'un fléchisseur pur, comme l'ilio-psoas). Ainsi, selon Grillner, les programmes centraux permettent de générer un pattern plus complexe que celui proposé par Brown, consistant en l'activation séquentielle des bons muscles, aux bons moments et pendant une durée précise (Grillner et Zangger, 1975). Aujourd'hui, les CPG sont majoritairement considérés comme des groupes d'interneurones existant à plusieurs niveaux d'organisation et permettant de générer une marche stéréotypée (les afférences sensorielles étant nécessaires pour rendre la marche adaptable aux contraintes). Le modèle de Grillner concernant les quadrupèdes (fig. 5.8) considère l'existence d'un CPG par membre, lui-même divisé en CPG unitaires contrôlant chacun les muscles synergiques d'une articulation.
FIG. 5.8 Modèle de Grillner pour un quadrupède. Source : d'après Grillner, S. (2006) . Biological pattern generation : the cellular and computational logic of networks in motion. Neuron, 52(5), 751–66.
Les CPG des membres gauches et droits peuvent interagir selon différents modes de coordination, chaque côté du corps pouvant être en phase (c'est-à-dire suivre le même pattern en même temps, comme dans l'exemple du galop) ou en antiphase (c'est-à-dire agir en alternance, comme dans l'exemple du pas). Le pattern d'un membre résulte ensuite de l'interaction entre les différents CPG unitaires de chaque articulation. Le court extenseur des orteils a un pattern particulier et aurait donc son propre CPG (Grillner, 2006). Si les études neurobiologiques conduites chez les animaux ne peuvent être mises en place chez l'homme, plusieurs phénomènes suggèrent fortement que des CPG soient également responsables de la génération de patterns pour l'être humain. En particulier, Dimitrijeciv, Gerasimenko et Pinter (1998) ont étudié, chez des patients souffrant de paraplégie complète post-traumatique, l'effet d'une stimulation épidurale effectuée en dessous du niveau lésionnel. Ils ont conclu qu'une stimulation des structures postérieures
du segment L2 générait une activité EMG rythmique du membre inférieur ipsilatéral caractéristique de l'activité observée lors de la marche. Par ailleurs, plus récemment, Dominici et al. (2011) ont étudié l'activité EMG de nouveau-nés lors de l'exécution de mouvements rythmiques proches de la marche. En effet, les nouveau-nés sont capables d'exécuter des pas alternés s'ils sont soutenus en position érigée et si leurs pieds sont en contact avec le sol. L'activité EMG de 24 muscles des membres inférieurs et du tronc a été enregistrée. Parmi ces 24 activités musculaires, seulement deux motifs d'activation rythmique différents existaient. Ainsi, les muscles seraient répartis en deux groupes à cet âge, l'un étant activé en phase d'appui et l'autre en phase oscillante. Les motifs d'activation ainsi identifiés sont extrêmement proches de ceux observés chez des nouveau-nés rats. Au cours du développement, d'autres motifs d'activation apparaissent (séparant alors les muscles en quatre groupes) et sont différents de ceux des rats adultes. Ainsi, à la naissance, les mêmes prémices motrices pourraient exister chez les humains et d'autres espèces, mais être ensuite remodelées et peaufinées au cours du développement, de manière spécifique à chaque population. Enfin, la coordination entre membres supérieurs et membres inférieurs chez l'homme est similaire à celle observée chez les animaux quadrupèdes. La coordination entre les quatre membres semble ainsi avoir été conservée au cours de l'évolution. De plus, des mouvements rythmiques des membres inférieurs induisent, chez l'homme, une modulation des réflexes observée sur des muscles des membres supérieurs et vice versa. Cette modulation n'apparaît qu'en cas de mouvement rythmique effectué activement, ce qui suggère qu'une commande envoyée aux membres inférieurs ait automatiquement un effet sur les membres supérieurs. Selon Falgairolle, de Seze, Juvin, Morin et Cazalets (2007), il existe ainsi probablement des CPG lombaires et cervicaux chez l'homme, interconnectés par des circuits réflexes, tels que décrits par Grillner (2006) pour les animaux quadrupèdes.
Contrôle supra-spinal des générateurs de rythme spinaux Si les CPG sont souvent décrits isolément dans un souci de simplicité, ils interagissent en réalité avec de nombreuses structures. Bien qu'on suppose qu'il s'agisse de structures capables de générer une activité musculaire rythmique, les CPG sont encore mal caractérisés, et il est certain qu'ils ne suffisent pas à mettre en place la locomotion chez l'homme. En effet, la plupart des handicaps d'origine neurologique ont un impact sur la marche, et de nombreuses zones jouent donc un rôle important dans sa régulation. En particulier, le cortex cérébral, les noyaux gris centraux , le tronc cérébral et le cervelet contribuent à mettre en place le mouvement (fig. 5.9).
FIG. 5.9 Représentation schématique du rôle des structures nerveuses dans la mise en place de la locomotion. Le cortex cérébral planifie la locomotion et envoie une commande « volontaire », les noyaux gris de la base sélectionnent les patterns locomoteurs appropriés, le tronc cérébral active les central pattern generators (CPG) qui génèrent des patterns locomoteurs en activant les muscles de manière rythmique. Une fois le mouvement mis en place, les afférences sensorielles envoient un retour sur le mouvement
effectué à différents acteurs du système nerveux qui prennent en compte ce retour, de manière réflexe ou non, pour moduler la marche. Le cervelet prend également en compte ces informations et interagit avec le cortex, les noyaux gris centraux, le tronc cérébral et la moelle.
Cortex Le cortex est impliqué dans l'activation volontaire de la locomotion chez les mammifères (Grillner, 2006). Par ailleurs, pendant la marche, les corti préfrontal, sensori-moteurs, cingulaire et pariétal sont activés chez l'homme, et voient leur activité modulée en fonction de la période du cycle de marche. Toutefois, on ne sait pas clairement si le cortex est impliqué activement dans le contrôle de la locomotion à chaque cycle, ou s'il se sert des afférences sensitives pour moduler le signal descendant à partir de la MLR (Gwin, Gramann, Makeig et Ferris, 2011). Il semble tout de même que le cortex soit particulièrement actif lorsque la marche se fait en terrain irrégulier, ou chez des populations sujettes à des troubles de la marche, ce qui suggère qu'il intervient en réponse aux afférences sensitives (Zehr et Duysens, 2004). De plus, chez les chats, le cortex voit son activité modifiée avant la locomotion, mais aussi pendant la locomotion lorsqu'une perturbation requiert un guidage visuel. Il serait donc impliqué dans l'activation de la marche, puis au cours de celle-ci dans l'évaluation de la distance située entre le corps et l'obstacle, la planification de la position que devra avoir le membre pour y répondre, et l'initiation de la modification motrice qui en résulte, en coordonnant les quatre membres (Drew et Marigold, 2015).
Tronc cérébral Comme nous l'avons mentionné, Shik et al. (1966) ont identifié qu'une zone spécifique du tronc cérébral, la région locomotrice mésencéphalique ou MLR, pouvait initier la locomotion chez le chat mésencéphalique. De plus, l'augmentation de l'intensité de la stimulation sur cette zone provoquait une augmentation de la vitesse de la locomotion, et même un passage au trot puis au galop. Par la
suite, d'autres zones du tronc cérébral impliquées dans la locomotion ont été découvertes (fig. 5.10).
FIG. 5.10 Coupe sagittale schématique sous-corticale d'un chat et situation des zones locomotrices décrites par Mori et al. (1989) . CTD : champ tegmental dorsal ; CTV : champ tegmental ventral ; RLM : région locomotrice mésencéphalique ; RLS : région locomotrice subthalamique.
Chez le chat, deux zones du pont (c'est-à-dire la partie centrale du tronc cérébral) ont été identifiées comme responsables du tonus postural : la dorsal tegmental field (DTF) et la ventral tegmental field (VTF). Chez un chat éveillé, la stimulation de la DTF implique une suppression du tonus des muscles extenseurs, faisant passer le chat de la station debout à la station assise puis allongée. La stimulation de la VTF implique au contraire une augmentation du tonus des muscles extenseurs, s'accompagnant du passage à la posture debout puis d'une marche spastique. Enfin, la subthalamic locomotor region (SLR) serait impliquée dans l'initiation de la locomotion en tant que comportement à but orienté : quand elle est stimulée, le chat se lève pour marcher doucement en orientant sa tête
de tous les côtés. Elle pourrait donc contribuer aux comportements de recherche, de chasse ou de défense (Mori, Sakamoto, Ohta, Takakusaki et Matsuyama, 1989). La SLR contribue ainsi à l'activation de la locomotion. En effet, en cas de section préservant la SLR, des chats situés sur un tapis roulant peuvent marcher spontanément lorsque celui-ci est activé. En revanche, en cas de section sous la SLR, une stimulation de la MLR est nécessaire pour déclencher la locomotion. L'existence de telles zones locomotrices a été confirmée chez l'homme grâce à l'IRM fonctionnelle associée à l'imagerie mentale (Jahn et al., 2008).
Noyaux gris centraux Les noyaux gris centraux (également appelés « ganglions de la base » ou « noyaux gris de la base ») regroupent différents noyaux situés sous le cortex, dont le striatum (qui regroupe les noyaux caudés et le putamen), le pallidum (qui regroupe les globus pallidus interne et externe), le thalamus et les noyaux sous-thalamiques . Ils semblent impliqués dans la mise en place de comportements stéréotypés tels que la marche et, en particulier, dans le choix du comportement moteur à activer. En effet, plusieurs groupes de CPG existent et peuvent être impliqués dans la locomotion, la respiration ou encore la mastication. Selon Grillner (2006), le pallidum maintient tous ces CPG en état d'inhibition active lorsqu'un mammifère se trouve à l'état de repos. L'inhibition du CPG ciblé doit donc être levée pour initier un comportement moteur. Le striatum, autre structure appartenant aux noyaux gris centraux, peut être activé directement par le cortex ou par le thalamus, et a une activité inhibitrice sur le pallidum. Ainsi, l'activité d'un CPG spécifique n'est mise en place que lorsque son inhibition est levée, ce qui est permis par l'activation d'une partie spécifique du striatum qui inhibe elle-même le pallidum. Les noyaux gris ont donc un rôle fondamental dans la détermination du CPG à activer.
Cervelet
Le cervelet, situé derrière le tronc cérébral et sous le cerveau, possède tant de connexions avec les autres structures nerveuses qu'il constitue un élément central de la régulation de la marche : il est connecté à la moelle épinière, au tronc cérébral, au vestibule, aux noyaux gris et aux corti moteur primaire, prémoteur, somato-sensoriel, pariétal, préfrontal et temporal. Il peut ainsi recevoir des informations sensorielles lors de la marche depuis la moelle épinière et le vestibule, et moduler les faisceaux descendants impliqués dans la régulation de la locomotion. Le cervelet contribue probablement à moduler le délai et la force de l'activité musculaire générée par les patterns locomoteurs. Il aide à coordonner les mouvements relatifs entre articulations, au sein d'un membre et entre les membres, pour peaufiner les patterns. Il est également nécessaire pour contrôler la posture érigée. Ainsi, des troubles cérébelleux impliquent un tonus postural anormal en station assise et debout. Enfin, il est impliqué dans les mécanismes de feedback 5 et de feedforward 6 et permet ainsi de maintenir l'équilibre lors de la locomotion (Morton et Bastian, 2007). En cas de lésion du cervelet, on parle d'ataxie cérébelleuse. L'ataxie constituant un manque de coordination, la marche du patient cérébelleux est souvent appelée « marche ébrieuse », puisqu'elle rappelle la marche d'une personne en état d'ébriété. Il existe un tremblement à l'effort pouvant provoquer des titubations de la tête et du tronc. Le patient cérébelleux est victime d'instabilité posturale l'obligeant à réduire sa longueur et sa durée de pas et à augmenter sa largeur de pas afin d'élargir son polygone de sustentation. Il souffre de troubles de l'équilibre et a un risque de chute accru. Il est également victime de troubles de la coordination entre les différents segments du membre inférieur. Les enregistrements EMG montrent des bouffées plus hautes et plus longues, ce qui pourrait constituer une tentative de compensation du manque d'équilibre, mais aussi être un effet direct de la maladie, donnant un argument supplémentaire concernant le rôle modulateur du cervelet sur les patterns locomoteurs (Martino et al., 2014).
Afférences sensorielles Les afférences sensorielles impliquées dans la locomotion sont multiples. En effet, le corps peut avoir recours à toutes les informations disponibles pour assurer une marche adéquate et impliquer ainsi les mécanismes proprioceptifs, tactiles, visuels et vestibulaires. Les informations recueillies peuvent affecter directement la marche via des circuits réflexes spinaux, ou faire relais dans des structures supra-spinales où une intégration multisensorielle permet l'élaboration de réponses motrices adaptées. Les afférences sensorielles permettent ainsi d'obtenir un feedback sur le mouvement effectué, mais aussi de construire les circuits de feedforward, qui serviront lors d'expériences futures.
Afférences sensorielles issues des membres inférieurs Les afférences sensorielles superficielles (c'est-à-dire tactiles) ou profondes (c'est-à-dire proprioception) issues des membres inférieurs semblent participer à la transition entre les phases du cycle de marche. En particulier, le réflexe cutané a été objectivé chez l'adulte. Il implique notamment une réponse du muscle tibial antérieur suite à une stimulation des nerfs cutanés du pied : par exemple, une stimulation des afférences du nerf sural en fin de phase d'appui facilite l'activation du tibial antérieur. Chez des patients souffrant de lésions corticales, la stimulation de différents sites cutanés peut ainsi aider à restaurer l'activité du tibial antérieur en phase oscillante. Selon Zehr and Duysens (2004), les CPG jouent probablement un rôle dans cette réponse. De plus, selon Guertin (2013), les réflexes monosynaptiques Ia et les circuits réflexes impliquant des interneurones Ib joueraient également un rôle dans la locomotion en augmentant l'activité des extenseurs en phase d'appui. Enfin, d'une manière plus générale, l'état sensoriel des membres est également transmis au cervelet et à d'autres structures supra-spinales, participant ainsi à la connaissance de la position du corps dans l'espace (Morton et Bastian, 2007). Bien qu'aucun consensus ne soit établi à leur sujet, il existerait
également des réflexes induits par la résistance en charge ressentie en phase d'appui : chez les chats, lorsque la charge diminue en fin de phase d'appui, la force des extenseurs est réduite et un feedback correspondant facilite le démarrage de la phase oscillante. Toutefois, cet effet n'a été démontré que chez des chats dont les efférences cérébrales étaient réduites, et ne semble pas être prédominant chez les chats sains (Zehr et Duysens, 2004). Chez l'homme, la capacité des nouveau-nés à effectuer des pas alternés lorsque leurs pieds sont en contact avec le sol suggère également que la diminution de la charge du corps en fin de phase d'appui ainsi qu'une augmentation de l'extension de hanche déclenchent une initiation de phase oscillante (Pang et Yang, 2000). Toutefois, chez l'adulte, des modulations de la charge corporelle en phase d'appui n'ont pas d'effet sur la durée du cycle (Stephens et Yang, 1999).
Vision La vision participe également au contrôle de la locomotion. Lorsqu'un obstacle apparaît, le cortex pariétal, impliqué dans le traitement des informations visuelles, s'active pour planifier le mouvement (Drew et Marigold, 2015). La vision contribue ainsi à l'adaptation du mouvement locomoteur en cas d'obstacles, de changements de vitesse ou de changements de direction, et à la sélection d'une zone adéquate où placer le pied sur terrain accidenté. L'interprétation des informations visuelles est alors influencée par les expériences passées par feedforward. La vision contribue également, tout comme la sensibilité profonde, à la connaissance de la position du corps lors de la marche et au maintien de l'équilibre. Les troubles de la vision impactent principalement la capacité à adapter la marche aux contraintes extérieures, et peuvent faire l'objet d'une rééducation visant à solliciter davantage les autres afférences sensorielles. En effet, chez les personnes aveugles, les afférences auditives, olfactives, sensitives et proprioceptives ont un rôle plus important (Patla, 1997).
Informations vestibulaires Le vestibule, situé dans l'oreille interne, possède des récepteurs sensoriels capables de détecter la position de la tête dans l'espace, et les accélérations linéaires et angulaires de la tête. Les faisceaux vestibulo-spinaux contrôlent le tonus des muscles antigravitaires et permettent des ajustements posturaux dynamiques. Les faisceaux vestibulo-oculaires permettent la stabilisation du regard dans l'espace et l'obtention d'une image fixe sur la rétine malgré les mouvements de la tête. Enfin, les faisceaux vestibulo-corticaux participent à la connaissance de l'orientation du corps et de ses déplacements dans l'espace. Les patients souffrant d'un syndrome vestibulaire sont ainsi victimes d'une modification des patterns locomoteurs et de déviations des trajectoires pouvant provoquer des chutes. La vitesse et la longueur de pas sont fortement réduites, et la durée de double appui est augmentée. La verticale subjective peut être altérée. La déviation de trajectoire, pouvant être observée sur quelques mètres en demandant au patient de suivre une ligne droite yeux fermés, est caractéristique de la pathologie vestibulaire et peut orienter le diagnostic (Lacour, 2009).
Principaux syndromes neurologiques et effets sur la locomotion Outre les syndromes cérébelleux et vestibulaire brièvement abordés ci-dessus, deux grands syndromes neurologiques centraux peuvent être décrits : les syndromes pyramidal et extrapyramidal. Ces deux syndromes ont des effets distincts sur la locomotion.
Syndrome pyramidal Le faisceau pyramidal (ou faisceau corticospinal) regroupe des axones dont les corps cellulaires appartiennent au cortex moteur, et constitue la voie descendante la plus directe entre le cortex moteur et les motoneurones issus de chaque niveau médullaire. Un faisceau pyramidal existe pour chaque hémicorps. Il existe donc deux faisceaux pyramidaux, dont les trajets sont croisés. En effet, au niveau
du bulbe rachidien (c'est-à-dire la partie inférieure du tronc cérébral), 80 à 90 % des fibres de chaque faisceau se projettent vers le côté controlatéral du tronc cérébral, c'est la décussation. Ces fibres constituent alors les faisceaux corticospinaux latéraux, controlatéraux au cortex dont ils sont issus. Dix à 20 % des fibres de chaque côté descendent directement pour constituer les faisceaux corticospinaux ventraux, ipsilatéraux à leur cortex de départ, et décussent dans la moelle épinière à chaque étage (Guertin, 2013). Ainsi, un faisceau pyramidal contrôle les muscles controlatéraux au cortex dont il est issu. Une lésion des neurones corticospinaux peut survenir en cas d'atteinte de la moelle épinière, du tronc cérébral ou du cerveau, suite à différentes pathologies (par exemple, accident vasculaire cérébral, traumatisme crânien, lésion médullaire, processus tumoral). On parle alors de syndrome pyramidal. Ce syndrome est caractérisé par une parésie ou une paralysie, une hypertonie pyramidale (c'est-à-dire une spasticité), et une perte de la motricité volontaire et des habiletés fines. De manière secondaire, l'immobilité et l'hypotonie peuvent provoquer des rétractions musculaires. La spasticité correspond à « une augmentation vitesse-dépendante du réflexe tonique d'étirement (hypertonie musculaire), accompagnée d'une vivacité des réflexes tendineux, liée à l'hyperexcitabilité de l'arc myotatique » (Lance, 1981). Selon Banky, Ryan, Clark, Olver et Williams (2017), les études actuelles ne permettent pas de caractériser son impact sur la marche, ni même d'affirmer qu'elle affecte la marche. En effet, la spasticité dépend de la vitesse d'étirement d'un muscle, et il ne serait pas certain que les vitesses et amplitudes mises en jeu dans la marche la déclenchent. Toutefois, il semble que son rôle soit bien identifié dans le stiff knee gait, qui implique une soudaine extension du genou en phase oscillante (Boudarham et al., 2014). En outre, la marche peut également être atteinte en cas de syndrome pyramidal pour d'autres raisons. La faiblesse musculaire et les rétractions musculaires sont susceptibles d'affecter les réactions posturales, impliquant ainsi des troubles de l'équilibre et un risque de chute. De plus, elles peuvent
empêcher les membres inférieurs d'atteindre des amplitudes musculaires suffisantes au cours du cycle de marche (le footdrop, par exemple, correspond à la manifestation d'une paralysie du tibial antérieur, induisant un frottement du pied sur le sol en phase oscillante).
Syndrome extrapyramidal Si les voies pyramidales sont essentiellement impliquées dans le contrôle de la motricité volontaire et des habiletés fines, les voies extrapyramidales contribuent principalement au contrôle de comportements automatisés, comme la marche et la posture (Guertin, 2013). Elles regroupent des structures du système nerveux central exclues du faisceau pyramidal, telles que les noyaux gris centraux et les noyaux situés dans le tronc cérébral (Frey, 2017). Une lésion survenant au niveau de ces structures implique un syndrome extrapyramidal, correspondant à des mouvements involontaires, des troubles de la tonicité musculaire et une perte de la motricité automatique. La maladie de Parkinson constitue la manifestation la plus fréquente de ce syndrome. Elle correspond à une dégénérescence des circuits dopaminergiques présents entre la substance noire (structure appartenant au tronc cérébral et composée de neurones dopaminergiques) et le striatum (appartenant aux noyaux gris centraux). Elle se caractérise par un ensemble de signes constituant la triade parkinsonienne : la rigidité, l'akinésie (et la bradykinésie) et les tremblements de repos (Frey, 2017). La rigidité est présente au repos et majorée à l'effort, perturbant tous les mouvements. L'akinésie constitue une difficulté à initier les mouvements, et est associée à la bradykinésie, qui correspond à une lenteur des mouvements volontaires et implique une perte des réactions posturales. Enfin, les tremblements surviennent au repos, par opposition aux tremblements observés dans le syndrome cérébelleux, qui surviennent à l'effort. Lors de la marche, l'ensemble des troubles décrits dans la triade parkinsonienne contribuent à augmenter le risque de chute. La rigidité
perturbe tous les mouvements, et la perte des réactions posturales implique des risques de chute à chaque obstacle ou changement de direction. La marche se fait à petits pas. De plus, le patient est penché en avant, court après son centre de gravité , et a perdu le ballant des bras et la dissociation des ceintures. Enfin, les ajustements posturaux anticipateurs permettant normalement l'initiation de la marche sont perturbés, et la personne souffrant d'une maladie de Parkinson initie elle-même le mouvement, avec difficulté, risquant là encore la chute. Même au cours de la marche, elle peut être victime de freezing , c'est-à-dire d'un arrêt soudain où l'individu n'arrive pas à redémarrer. La rééducation de la marche a pour but d'améliorer les capacités d'équilibration, d'inciter le patient à déplacer son centre de gravité vers l'arrière, et de travailler l'initiation du pas en utilisant des indices. Ces indices peuvent être auditifs ou visuels et correspondent à un signal de départ associé à la consigne d'initiation de la marche. Ils semblent solliciter les ajustements posturaux anticipateurs davantage que la seule volonté du patient d'initier son pas (Lu, Huffmaster, Tuite, Vachon et MacKinnon, 2017).
Plasticité du système nerveux et rééducation de la marche en cas de déficience d'origine neurologique La plasticité du système nerveux correspond à la capacité qu'ont les neurones à se réorganiser au cours de la vie, au cours d'un apprentissage ou après une lésion. En cas de mort neuronale au niveau cortical, la récupération d'une fonction est possible grâce aux mécanismes de plasticité cérébrale. En effet, après la perte de fonction d'un membre suite à des lésions cérébrales, l'utilisation intensive de ce membre orientée vers un but précis permet d'augmenter le recrutement de matière grise dans les aires corticales motrice et sensitive, et d'améliorer ainsi la fonction de ce membre (Gauthier et al., 2008). Gauthier et al. (2008) suggèrent que les mécanismes de plasticité
cérébrale ainsi stimulés permettraient une réorganisation fonctionnelle du cerveau : des zones cérébrales initialement non impliquées dans la réalisation d'une tâche pourraient former de nouvelles voies motrices permettant la réalisation de cette tâche. Selon Carr and Shepherd (2011), après un accident vasculaire cérébral, la mobilisation précoce et l'entraînement intensif des membres atteints à des activités fonctionnelles permettent de solliciter ces mécanismes. Par ailleurs, Isa and Nishimura (2014) ont montré, à l'aide d'études sur des singes, que la moelle épinière possédait également un potentiel de plasticité après une lésion, favorisé par l'entraînement spécifique et l'activité physique précoce. De plus, la réorganisation neuronale survenant après une lésion médullaire intervient également au niveau du cortex moteur et des noyaux gris centraux. Il semble donc que la majorité des structures appartenant au système nerveux central ait un potentiel de plasticité pouvant être mis à profit à la suite d'une lésion grâce à une rééducation intensive et précoce, et en particulier dans le cas de la rééducation de la marche qui constitue un mouvement fonctionnel. Si la plasticité existe également chez l'adulte sain pour permettre les mécanismes d'apprentissage, elle est bien sûr cruciale au début de la vie. En effet, au cours de sa première année de vie, l'enfant profite de ce potentiel pour se construire des schémas moteurs en interagissant avec son environnement (Teulier, Lee et Ulrich, 2015). Certaines études suggèrent même que la capacité qu'a le nouveau-né à alterner des pas ne soit que le résultat de l'entraînement effectué in utero. En effet, en donnant des coups de pied dans le ventre de sa mère, il créerait déjà un schéma moteur de coordination en antiphase des membres inférieurs (Robinson, Kleven et Brumley, 2008). Cette capacité d'auto-organisation permet notamment aux enfants souffrant de handicap de trouver des solutions adéquates et personnelles leur permettant d'accomplir les mêmes actes fonctionnels que des enfants sains (Teulier et al., 2015). Ainsi, il semble primordial de profiter de ce potentiel dès le plus jeune âge pour favoriser le développement moteur d'enfants souffrant
de handicap. La motricité présente dès la naissance semble suffisante pour permettre un entraînement physique précoce en vue de solliciter la plasticité du système nerveux. En effet, si la capacité à alterner des pas en étant soutenu au-dessus d'un support tend à disparaître entre 2 et 3 mois, elle peut réapparaître dans un environnement facilitant, comme au-dessus d'un tapis roulant augmentant les afférences sensorielles. Il a été montré qu'un entraînement à la pratique de ces pas alternés avec soutien, sur tapis roulant, chez des enfants souffrant de trisomie 21, permettait de commencer à marcher indépendamment significativement plus tôt et de préserver des bénéfices à long terme (Ulrich, Ulrich, Angulo-Kinzler et Yun, 2001 ; Angulo-Barroso, Wu et Ulrich, 2008). Ainsi, les interventions précoces semblent aider les enfants souffrant de handicap moteur à solliciter leur potentiel de plasticité pour construire des schémas moteurs aidant au développement de la marche.
Pour aller plus loin : automaticité de la marche Selon Clark (2015), l'automaticité peut être définie comme « la capacité du système nerveux à coordonner efficacement les mouvements, et avec une utilisation minimale de ressources de contrôle exécutif demandeuses d'attention ». En ce sens, un processus automatique s'oppose à un processus exécutif ou contrôlé. Si la marche est souvent considérée comme une activité automatique, Clark (2015) propose que l'automaticité soit plutôt un paramètre témoignant de la qualité de la marche : « L'automaticité de la marche n'est pas simplement une vision théorique du contrôle locomoteur ; elle a des bases neurophysiologiques, peut être évaluée objectivement, et plusieurs stratégies peuvent être utilisées pour la cibler en rééducation. » En outre, l'existence d'un lien entre la marche et la cognition semble établie : les populations souffrant de déficits cognitifs ont toujours une marche atypique et chutent davantage (Amboni, Barone et Hausdorff, 2013) ; certains soulignent même que nos mécanismes cognitifs sont ce
qui nous sépare des robots, et devraient donc expliquer la différence entre leur marche et la nôtre, plus adaptable (D'Avella, Giese, Ivanenko, Schack et Flash, 2015). Par-dessus tout, la réalisation d'une tâche cognitive concomitante à la marche implique une dégradation des paramètres spatio-temporels de la marche (Beauchet et Berrut, 2006). L'approche méthodologique consistant en la réalisation d'une tâche cognitive en effectuant une tâche motrice est appelée « double tâche ». Cette méthode est le gold standard permettant d'évaluer l'automaticité d'une tâche (Clark, 2015 ; Seger et Spiering, 2011) : un processus totalement automatique ne devrait pas être modifié par la réalisation associée d'un processus contrôlé. Ainsi, l'utilisation de la double tâche a permis d'établir un lien entre automaticité de la marche et risque de chute : chez la personne âgée, une dégradation de la performance en double tâche est corrélée au risque de chute. Selon Beauchet and Berrut (2006), étudier l'effet de la double tâche cognitivo-motrice est donc important pour établir des tests cliniques prédictifs du risque de chute et pour mieux comprendre les relations entre motricité et cognition. Chez le sujet sain, et encore davantage chez le sujet âgé ou souffrant d'un handicap neurologique, les paramètres spatio-temporels de la marche sont dégradés en double tâche, résultant principalement en une vitesse de marche réduite et une augmentation de la variabilité de durée du pas (Al-Yahya et al., 2011). L'existence d'une interférence cognitivo-motrice chez l'adulte sain montre que l'automaticité de la marche n'est que partielle. Selon Al-Yahya et al. (2011), la marche n'est que peu perturbée face à des tâches cognitives répondant à des stimuli extérieurs, telles que des tâches de temps de réaction (c'est-à-dire des tâches où une action motrice doit suivre un stimulus extérieur le plus rapidement possible). Ce type de tâche serait contrôlé par des réseaux plus archaïques que ceux du contrôle de la marche et interférerait donc peu avec eux. Toutefois, la marche est davantage perturbée par des tâches cognitives dites « internes », telles que la génération de listes de mots ou la
réalisation répétée de soustractions. Ces tâches feraient intervenir des réseaux neuronaux complexes connectés à de nombreuses régions cérébrales, et plus susceptibles de perturber la marche par interférence.
En résumé
■ La marche est contrôlée par de nombreuses structures neurologiques : les CPG, qui génèrent une activité rythmique des muscles, les structures supra-spinales, qui activent et modulent ces patterns rythmiques, et les afférences sensorielles, qui permettent une adaptation de la marche aux contraintes. ■ La marche peut être altérée en cas d'ataxie cérébelleuse, d'ataxie vestibulaire, de syndrome pyramidal ou de syndrome extrapyramidal, et sa rééducation est spécifique dans chaque cas. ■ La marche est souvent perçue comme une activité automatique, mais certaines pathologies, ainsi que le vieillissement, peuvent altérer cette automaticité et dégrader la marche en simple tâche comme en double tâche.
Redondance du contrôle moteur : implication en rééducation et théorie des synergies musculaires De nombreux éléments du contrôle de la locomotion ont été identifiés, mais au vu du nombre de structures impliquées (systèmes nerveux central et périphérique, muscles et articulations), il reste surprenant qu'un individu souhaitant marcher puisse produire une réponse motrice organisée, rapide, reproductible, modulable et économique.
Cette réflexion anime encore les scientifiques aujourd'hui et a été introduite par Bernstein (1967) sous la forme du problème des degrés de liberté. Le « problème des degrés de liberté », ou « redondance du contrôle moteur », correspond à l'existence d'un nombre infini de moyens qu'il existe pour l'homme d'effectuer un mouvement fonctionnel. Attraper un objet situé sur une table plus basse que l'épaule, par exemple, peut se faire de différentes manières, en baissant le bras, en fléchissant le dos ou en fléchissant les genoux, ces stratégies pouvant être mises en place ensemble et donner ainsi lieu à une multitude de trajectoires différentes. Ce problème est, en outre, particulièrement applicable à locomotion, qui constitue un comportement moteur complexe, faisant intervenir de nombreux acteurs des systèmes nerveux et musculosquelettique. De nombreux éléments du corps humain sont responsables de cette redondance motrice. La réalisation d'un même mouvement fonctionnel peut se faire en mettant en jeu différentes articulations (fig. 5.11). De plus, une même articulation peut souvent être mise en mouvement par plusieurs muscles agonistes (la flexion plantaire, par exemple, peut s'effectuer grâce au soléaire, aux gastrocnémiens, ou au tibial postérieur).
FIG. 5.11 Redondance du contrôle moteur résultant en une multitude de moyens d'effectuer une action. Ici, saisir un verre sur une table peut s'effectuer en tendant le bras vers le bas, ou en fléchissant le tronc ou les genoux.
Enfin, un même muscle squelettique contient de multiples unités motrices (ensemble de fibres musculaires innervées par un axone) qui ne sont pas nécessairement recrutées en même temps (Bernstein, 1967).
Implication en rééducation Ce panel particulièrement riche de solutions existantes pour effectuer un mouvement conduit notamment, en rééducation, à la notion de compensations. En effet, lorsqu'il devient impossible d'utiliser un muscle ou d'exploiter une amplitude articulaire, le corps humain peut mettre en place un autre moyen de réaliser le mouvement ciblé. En outre, la redondance du contrôle moteur est tellement importante qu'un déficit initial peut conduire à plusieurs compensations. Dans l'exemple d'un déficit du tibial antérieur, conduisant à un frottement du pied sur le sol en phase oscillante, le raccourcissement d'un côté du corps permettant le passage du membre peut être assuré par une flexion de hanche excessive, une abduction de hanche, ou encore par une inclinaison latérale du tronc impliquant une levée de l'hémi-bassin (fig. 5.12 ; Don et al., 2007).
FIG. 5.12 Compensations permises en cas de déficit grâce à la redondance du contrôle moteur. La redondance du contrôle moteur peut donc permettre à l'homme de gérer les perturbations ou de pallier les déficits en mettant en place des compensations. Cette capacité doit toutefois être considérée avec précaution. En effet, les mécanismes de compensations permettent d'effectuer une tâche et sont donc bénéfiques à court terme, mais peuvent, à long terme, induire des pathologies ou être trop coûteux énergétiquement pour subsister. Ainsi, chez les personnes en situation de handicap neurologique, où les mécanismes de plasticité peuvent permettre le traitement du déficit initial, on choisit souvent de réprimer la tendance à utiliser ces compensations pour privilégier la récupération du mouvement typique. En revanche, en cas de handicap chronique où la guérison de la déficience est improbable ou impossible, l'apprentissage de nouvelles coordinations doit être mis en place pour permettre une récupération fonctionnelle (Roby-Bramy, Hoffmann, Laffont, Combeaud et Hanneton, 2005).
Théorie des synergies musculaires L'existence d'une multitude de moyens permettant d'effectuer une tâche motrice met en lumière la complexité à laquelle le système nerveux doit faire face pour effectuer un mouvement. Ainsi, si la redondance est utile en cas de déficit (fig. 5.12), elle a été étudiée par Bernstein (1967) sous la forme d'un problème à résoudre par le système nerveux pour mettre en place un comportement moteur efficace : c'est le problème des degrés de liberté. Pour Bernstein (1967), il serait trop coûteux et complexe de contrôler chaque degré de liberté individuellement. L'efficience d'un mouvement ne pourrait résulter que de l'envoi d'une commande simultanée de plusieurs degrés de liberté. Ainsi, il a proposé une organisation hiérarchique du contrôle moteur, correspondant au regroupement des muscles en unités fonctionnelles, appelées synergies : le système nerveux n'activerait pas chaque muscle individuellement, mais plusieurs simultanément, sous forme de synergie motrice activée directement dans un but particulier. Ces synergies seraient ensuite utilisées par le système nerveux comme des « blocs de construction », c'est-à-dire comme des éléments de base du contrôle moteur : le système nerveux les assemblerait d'une certaine manière pour mettre en place un comportement moteur particulier, comme la marche. Des expériences neurobiologiques ont permis d'établir, en 1991, l'existence des synergies musculaires chez les grenouilles (Bizzi, Mussa-Ivaldi et Giszter, 1991). L'équipe de Bizzi a montré que la stimulation électrique ciblée sur certaines zones de la moelle épinière permettait d'orienter le membre postérieur des grenouilles vers un point précis de l'espace. Ainsi, la moelle épinière serait disposée de telle manière qu'il lui suffirait de recevoir un influx pour induire à elle seule un mouvement fonctionnel, résultant de la combinaison finement dosée de plusieurs muscles, activés en même temps avec plus ou moins de force. Les mêmes expériences n'ont pu être conduites chez l'homme. Toutefois, en utilisant des signaux EMG, des méthodes computationnelles (c'est-à-dire de traitement algébrique par
ordinateur) ont permis de retrouver les synergies musculaires employées chez l'homme lors de la marche. En effet, la marche étant un mouvement rythmique et stéréotypé, elle constitue un acte fonctionnel susceptible d'être contrôlé par un petit nombre de synergies musculaires, puisque la même commande serait envoyée à chaque pas. La méthode principalement utilisée est la factorisation matricielle non négative ou FMNN (Delis, Panzeri, Pozzo et Berret, 2014). Elle permet de factoriser le signal EMG recueilli pour chaque muscle, afin de présenter ce même signal sous forme d'activations simultanées de groupes de muscles à pondération relative (fig. 5.13). On considère donc que le signal EMG issu d'un muscle résulte de l'activation de différentes synergies musculaires au cours de chaque cycle de marche, chacune de ces synergies étant activée selon un pattern temporel spécifique.
FIG. 5.13 Schématisation d'un contrôle moteur à organisation modulaire. Source : Lacquaniti et al. (2012) . Patterned control of human locomotion. J Physiol, 10, 2189–99.
Plusieurs études ont ainsi permis d'identifier, parmi le signal EMG issu de la marche humaine, quatre à cinq synergies musculaires (Ivanenko, Poppele et Lacquaniti, 2004 ; Lacquaniti, Ivanenko et Zago, 2012 ; Neptune, Clark et Kautz, 2009). Elles peuvent être présentées en fonction de leur moment d'apparition au sein du cycle de marche et de leurs fonctions biomécaniques (fig. 5.14).
FIG. 5.14 Rôle des synergies musculaires retrouvées au cours du cycle de marche dans la posture, la propulsion et l'oscillation. Les flèches montrent la résultante des forces issues de chaque module sur le centre de masse ; les symboles + et − représentent respectivement un flux d'énergie positif ou négatif issu de l'activation d'un module. Source : Lacquaniti et al., 2012 . Patterned control of human locomotion. J Physiol, 10, 2189–99.
Les quatre à cinq modules retrouvés dans chaque cycle de marche auraient chacun un rôle fonctionnel, et seraient activés les uns à la suite des autres pour combiner les différentes sous-tâches fonctionnelles impliquées dans la marche, à savoir assurer une action antigravitaire, une propulsion et une avancée du membre vers l'avant (tableau 5.1). Allen and Neptune (2012) décrivent également une sixième synergie régulant l'équilibre médio-latéral et les oscillations du membre inférieur controlatéral. Tableau 5.1 Rôle fonctionnel de chaque module selon Lacquaniti et al. (2012) Module 1
Muscles impliqués
Rôle et période d'activation
Vastes du quadriceps Moyen fessier
Amortissement et maintien du poids du corps en début de phase d'appui
Moyen fessier Droit fémoral
d'appui
2
Soléaire Gastrocnémiens
Maintien du poids du corps et propulsion en fin de phase d'appui
3
Tibial antérieur Droit fémoral
Relevé du pied en début de phase oscillante Maintien du poids du corps en début de phase d'appui
4
Ischio-jambiers
Amortissement de la jambe oscillante en préparation au posé du pied en fin de phase oscillante Stabilisation du bassin en début de phase d'appui
5
Autres : Ilio-psoas et érecteurs du rachis
Accélération de la jambe et stabilisation du bassin en fin de phase d'appui et début de phase oscillante
Cette classification des modules en fonction de leur rôle fonctionnel montre combien l'utilisation de compensations telles que celles décrites ci-dessus (fig. 5.12) peut devenir problématique. En effet, la redondance du contrôle moteur permet de raccourcir le membre inférieur en phase oscillante en utilisant le muscle ilio-psoas en cas de déficit du muscle tibial antérieur. Toutefois, l'organisation modulaire de la marche (fig. 5.14 et tableau 5.1) montre que le muscle ilio-psoas est déjà impliqué, en début de phase oscillante, dans l'accélération de la jambe vers l'avant et la stabilisation du bassin, en synergie avec les érecteurs du rachis. Ainsi, l'utilisation d'une telle compensation pourrait conduire en une surexploitation du muscle ilio-psoas, ou encore à l'impossibilité pour ce muscle d'assurer l'accélération antérieure du membre inférieur. Toutefois, peu d'études traitant de l'implication de l'organisation du contrôle moteur en synergies musculaires sur la rééducation existent à ce jour, et l'impact des compensations (créant une réorganisation des synergies) n'est pas clairement défini. Toutefois, de nombreuses études appuient l'existence des synergies musculaires, et nous pouvons suggérer que leur prise en compte en rééducation semble importante pour restaurer un contrôle de la marche peu coûteux en énergie, et simple d'utilisation pour le système nerveux.
Pour aller plus loin : origine nerveuse des
synergies Chez l'adulte, les synergies musculaires sont identifiées à partir de signaux EMG et regroupent donc l'ensemble de l'activité musculaire mise en place lors d'un mouvement. En outre, il est impossible de savoir quelle part de l'activité EMG enregistrée est issue des CPG, et quelle part est issue des structures supra-spinales ou de circuits réflexes liés aux flux de feedbacks périphériques. Ainsi, plusieurs hypothèses concernant l'influence des structures spinales et supraspinales sur les synergies ont été établies puis répertoriées par Delis et al. (2014). Pour aborder la classification de Delis et al. (2014), on décrit des synergies musculaires, et des patterns d'activation rythmique qui leur sont associés. Les patterns d'activation rythmique correspondent au moment et à la durée d'activation de chaque synergie au cours du cycle de marche (fig. 5.13). Ainsi, pour certains, les synergies musculaires sont issues de structures supra-spinales, et les patterns d'activation rythmique sont issus de structures spinales (qui peuvent donc gérer de manière autonome la durée d'activation de chaque groupe de muscle au cours d'un cycle de marche) : c'est la modularité temporelle (fig. 5.15A).
FIG. 5.15 Différents modèles concernant les synergies musculaires, et leurs origines spinales et supra-spinales. Source : Delis et al. (2014) . A unifying model of concurrent spatial and temporal modularity in muscle activity. Journal of Neurophysiology, 111(3), 675–93.
Pour d'autres, des circuits réflexes de la moelle épinière permettent
l'activation simultanée de plusieurs muscles (et donc d'une synergie musculaire), et les structures supra-spinales modulent l'activation de chaque synergie au cours du temps : c'est la modularité spatiale (fig. 5.15B). Pour d'autres encore, les circuits réflexes de la moelle épinière existent à plusieurs niveaux, et permettent de générer à eux seuls l'activité d'une synergie musculaire regroupant des muscles ayant chacun un schéma d'activation temporel prédéfini. Les structures supra-spinales doivent alors activer ces circuits réflexes en appliquant une durée d'activation globale à chaque synergie : c'est la modularité spatio-temporelle (fig. 5.15C). Enfin, le modèle space-by-time a également été proposé, et postule que la moelle épinière contiendrait des circuits réflexes permettant la mise en place de synergies, ainsi que d'autres circuits réflexes permettant de générer des influx rythmiques d'activation. Ces différents circuits seraient combinés de différentes manières par les structures supra-spinales en fonction du mouvement à mettre en place (fig. 5.15D). Le lien entre les synergies musculaires et les CPG est donc encore mal caractérisé. Pour Dominici et al. (2011), deux synergies existent dans les pas alternés que sont capables d'effectuer les nouveau-nés, et quatre synergies existent dans la marche adulte. Aussi, l'addition de nouvelles synergies au cours du développement pourrait être due à un modelage des CPG, mais aussi à une augmentation de l'influence des structures supra-spinales sur les CPG. Les CPG pourraient ainsi évoluer au cours de la vie, ou bien constituer des structures archaïques étant de plus en plus influencées par les structures supra-spinales au cours du développement.
Conclusion La marche est une activité cyclique, précise, rapide, modulable, économique et adaptable aux perturbations. Le cycle de marche, constitué des phases d'appui et d'oscillation, est extrêmement reproductible chez le sujet sain, en termes d'activation musculaire et d'évolution des amplitudes articulaires. La marche est donc une action
complexe et résulte d'une régulation entre les CPG, les structures supra-spinales et les systèmes sensoriels. En cas de lésion de l'une des structures impliquées, différents syndromes peuvent être observés, notamment l'ataxie cérébelleuse, l'ataxie vestibulaire, le syndrome pyramidal et le syndrome extrapyramidal. Chacun de ces syndromes a un effet différent sur la marche et engendre ainsi des symptômes qui lui sont spécifiques. Aussi, il est important de reconnaître les principaux signes associés aux handicaps d'origine neurologique afin d'orienter le plus rapidement possible les patients susceptibles d'en souffrir. Par ailleurs, si les rôles de plusieurs structures ont été objectivés, de nombreux mécanismes liés au contrôle de la marche sont encore mal connus. Le problème des degrés de liberté a, notamment, interpellé la communauté scientifique, et des synergies musculaires ayant chacune un rôle fonctionnel au cours du cycle de marche ont été identifiées, mais leur origine nerveuse et leur lien avec les CPG sont encore mal connus. La redondance du contrôle moteur constitue également une richesse extraordinaire pour le corps humain, en permettant la mise en place de compensations s'il existe un handicap. Aussi, en cas de handicap chronique dont le potentiel de récupération est faible, ces compensations doivent être mises à profit pour créer de nouvelles synergies motrices. En revanche, dans certains cas, la mise en place de compensations doit être empêchée, de manière à stimuler la plasticité du système nerveux . En effet, après une lésion neurologique, une rééducation précoce, intensive et fonctionnelle permet de stimuler la plasticité du système nerveux et de restaurer la commande motrice, évitant ainsi le recours aux compensations, qui peuvent être coûteuses en énergie.
Points clés
■ La redondance du contrôle moteur désigne l'infinité de solutions disponibles au sein du corps humain pour réaliser un mouvement fonctionnel. ■ Cette redondance rend possible l'utilisation de compensations en cas de déficit : en fonction du potentiel de guérison lié à la pathologie initiale, le thérapeute peut choisir de solliciter les compensations ou, au contraire, d'empêcher leur survenue. ■ La redondance du contrôle moteur semble être gérée par le corps humain par l'intermédiaire des synergies musculaires qui constituent des groupes de muscles à pondération relative s'activant ensemble. ■ Les synergies musculaires ont chacune un rôle fonctionnel lors de la locomotion.
Entraînement
QCM 1 Un patient doit suivre une rééducation de l'équilibre suite à des chutes répétées. Vous analysez son cycle de marche. En phase oscillante du membre inférieur gauche, il réalise une abduction de hanche gauche. Quelles déficiences sont susceptibles d'être à l'origine de cette abduction parasite ? A. une faiblesse du triceps sural B. une faiblesse du grand fessier C. une faiblesse des ischio-jambiers D. une faiblesse du tibial antérieur
QCM 2 Quelles affirmations sont vraies à propos de l'implication des structures du système nerveux central dans la marche ?
A. les noyaux gris de la base sont impliqués dans la sélection d'un pattern locomoteur spécifique B. les CPG sont des structures supra-spinales impliquées dans la génération d'activités musculaires rythmiques C. le cervelet possède des récepteurs sensoriels capables de détecter la position de la tête dans l'espace D. le vestibule est impliqué dans la stabilisation du regard dans l'espace, permettant l'obtention d'une image fixe sur la rétine malgré les mouvements de la tête
QCM 3 Un patient doit suivre une rééducation de l'équilibre suite à des chutes répétées. Assis, il est victime de tremblements des mains. En se levant pour marcher, il semble bloqué et peine à démarrer. Lorsque vous l'aidez à initier son mouvement, il marche en étant penché vers l'avant de manière particulièrement importante. Que pouvez-vous affirmer à propos de ce patient ? A. il semble présenter les symptômes d'une ataxie cérébelleuse B. il peut être sujet à des épisodes de freezing C. il risque de présenter des déviations de trajectoire D. sa rééducation peut se faire à l'aide d'indices visuels et auditifs
QCM 4 Suite à un accident vasculaire cérébral ayant eu lieu 3 mois auparavant, un patient est victime d'une paralysie du tibial antérieur. Que pouvez-vous affirmer à propos de ce patient ? A. son cycle de marche risque d'être affecté en phase oscillante B. son cycle de marche risque d'être affecté en phase d'appui C. ses mécanismes de plasticité cérébrale peuvent être stimulés grâce à une rééducation intensive et analytique du tibial antérieur D. ses mécanismes de plasticité cérébrale peuvent être stimulés
grâce à une rééducation intensive et fonctionnelle
QCM 5 Un patient doit suivre une rééducation neurologique postopératoire. Il a été opéré 2 mois plus tôt d'une tumeur cérébelleuse. Quels symptômes vous attendez-vous à voir chez ce patient ? A. une diminution de la largeur du pas B. des tremblements au repos C. une marche ébrieuse D. des troubles de la coordination
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1
La préparation décérébrée de Sherrington correspond à une section intercolliculaire (c'est-àdire entre le collicus supérieur et le colliculus inférieur). Les colliculi sont des structures du mésencéphale, qui est la partie supérieure du tronc cérébral. 2
La désafférentation correspond à une section des racines dorsales de la moelle épinière interrompant l'arrivée des afférences sensitives. 3
La préparation mésencéphalique de Shik correspond à une section précolliculaire (c'est-àdire au-dessus des colliculi). Il s'agit donc du retrait de toutes les structures crâniales audessus du tronc cérébral. 4
Le terme pattern désigne ici l'ensemble des activités musculaires contribuant à créer un mouvement typique et reproductible (par exemple, l'ensemble des activités musculaires permettant de déclencher la marche, qui résulte de mouvements répétés des quatre membres). 5
Le mécanisme de feedback correspond à un retour sensoriel survenant à la suite du mouvement pour rendre compte de la qualité du mouvement effectué. 6
Le mécanisme de feedforward correspond à une mise en mémoire des informations sensorielles issues d'expériences passées, permettant qu'une action motrice complémentaire et nécessaire au bon déroulement d'un mouvement soit mise en place de manière anticipée sans qu'un feedback ne soit nécessaire.
CHAPITRE 6
Initiation de la marche A. Delafontaine; J.-L. Honeine
PLAN DU CHAPITRE Phase de préparation posturale (c'est-à-dire des ajustements posturaux anticipateurs) Phase de soulèvement de la jambe oscillante Phase de simple appui durant l'exécution du premier pas Exécution du pas dans le plan sagittal Exécution du pas dans le plan frontal Activités électromyographiques au cours de l'initiation de la marche Initiation de la marche et pathologies locomotrices Évaluation clinique lors de l'initiation de la marche Nouveau concept de « facilitation bilatérale » en rééducation Perspectives rééducatives Biomécanique de la chute lors de l'initiation de la marche et lien clinique Conclusion
Focus
■ Objectifs pédagogiques : comprendre la relation biomécanique entre la posture et l'équilibre pendant l'initiation de la marche. ■ Objectifs professionnels : évaluation clinique, analyse de l'équilibre et des stratégies posturales. ■ Evidence based : prise en charge des troubles locomoteurs fondée sur une compréhension biomécanique de l'initiation du pas.
« Le premier pas est toujours le plus difficile. » Ce dicton ne peut pas être plus littéralement correct. Initier la marche nécessite toujours le commencement de l'application de forces de réaction contre le sol pour propulser le corps en avant (voir revue de Yiou, Caderby, Delafontaine, Fourcade et Honeine, 2017). Chez les êtres humains en particulier, ceci implique aussi le passage d'une posture bipodale assez stable à une posture unipodale qui engendre forcément un déséquilibre postural (fig. 6.1).
FIG. 6.1 Protocole d'initiation de la marche. APA : phase des ajustements posturaux anticipateurs ; EXE : phase d'exécution du pas ; SP : stabilité posturale.
Pour éviter la chute, le système nerveux central doit corriger, de manière très précise, la posture avant le début de l'exécution du pas (Brenière et Do, 1986 ; Burleigh et Horak, 1996). Cette procédure est couramment connue comme la phase de préparation posturale ou période des ajustements posturaux anticipateurs (APA).
Phase de préparation posturale (c'est-à-dire des ajustements posturaux anticipateurs) Qu'est-ce que les ajustements posturaux anticipateurs ? La phase des APA est normalement considérée comme la période qui s'étale de l'instant où un mouvement du corps est détectable jusqu'au soulèvement du talon ou parfois de l'intégrité du pied. L'instant où un mouvement est détectable est normalement appelé t0 dans la littérature. Cette nomenclature sera ainsi adoptée dans ce chapitre. La durée des APA dépend normalement de la rapidité d'exécution du premier pas et peut varier de 0,3 jusqu'à 1 s (Brenière et Do, 1991). Pour mieux comprendre la procédure de l'initiation de la marche (IM),
il est utile de décortiquer le mouvement du centre de masse dans les deux plans corporels sagittal et frontal (fig. 6.2).
FIG. 6.2 Intérêts des ajustements posturaux avant l'exécution du premier pas. CG : centre de gravité ; CP : centre des pressions.
Afin de comprendre pourquoi il est nécessaire de générer des APA, il est utile de penser au corps comme si c'était un pendule inversé fixé au sol (fig. 6.1). Quand l'extrémité supérieure d'un pendule inversé est positionnée juste au-dessus de l'extrémité opposée, celui-ci se retrouve en parfait équilibre. Par contre, quand la position de la partie supérieure ne coïncide pas parfaitement avec celle d'en bas, ceci crée un bras de levier qui provoque un couple de force qui cause une chute du pendule. Ce couple de force est connu dans la littérature scientifique comme un couple de déséquilibre. Plus l'écart entre les deux bouts est grand, plus le couple de déséquilibre et donc la vitesse de chute de la partie supérieure augmente.
Chez les êtres humains, la partie supérieure du pendule peut être représentée par le centre de gravité global du corps (nommé CG). La partie inférieure correspond au point d'application des forces de réactions au sol, qui est habituellement appelé le centre de pression (CP). En station debout, le système nerveux active les muscles posturaux afin d'aligner le CG et le CP. Si on soulève la jambe sans ajuster la position du CG en anticipation, le CG se retrouvera dans une position latérale par rapport au CP et la personne basculera rapidement du côté de la jambe pendulaire (fig. 6.3). Le rôle principal des APA est de modifier la position du CG avant l'exécution du pas (Brenière et Do, 1986).
FIG. 6.3 Tracés biomécaniques représentant les forces de réaction au sol et le déplacement du centre de gravité lors de l'exécution du premier pas de la marche.
Rôles des ajustements posturaux anticipateurs dans le plan sagittal
Nous nous focalisons ici sur les mouvements postéro-antérieurs (PA) durant les phases des APA (du t0 jusqu'au soulèvement du talon). Durant la posture debout, le corps est légèrement penché en avant afin que le CG soit positionné à distance d'environ 5 cm par rapport aux chevilles (Woodhull, Maltrud et Mello, 1985). Cette posture permet à la gravité de porter le genou en extension et d'incliner le corps en avant. Pour maintenir le corps en posture debout, le système nerveux central a besoin de légèrement activer bilatéralement les muscles extenseurs posturaux, notamment les soléaires, les biceps fémoraux et les muscles érecteurs du rachis. Une centaine de millisecondes avant le t0, ces muscles extenseurs montrent une baisse d'activité électromyographique accompagnée d'une activation bilatérale du tibial antérieur (Crenna et Frigo, 1991) et occasionnellement d'une très légère activité du muscle droit fémoral. La diminution de l'activité des muscles extenseurs, notamment du soléaire, produit un recul du CP par rapport au CG. La distance entre le CP et le CG joue le rôle d'un bras de levier qui permet au poids (c'est-à-dire la force verticale agissante sur le CG) de créer un couple de déséquilibre et de porter le corps en avant. Pendant la phase d'anticipation posturale, l'activité électromyographique du tibial antérieur covarie avec le recul du centre de pression (Crenna et Frigo, 1991 ; Lepers et Brenière, 1995). De plus, Cook and Cozzens (1976) ont montré chez le sujet sain que l'augmentation de l'activité électromyographique du tibial antérieur était liée à l'accroissement de la vitesse de marche.
Rôles des ajustements posturaux anticipateurs dans le plan frontal Nous nous focalisons ici sur les mouvements médio-latéraux du CG durant les phases des APA (du t0 jusqu'au soulèvement du talon). Durant la posture debout, le CP global du corps représente la résultante des deux points d'application des forces sous chaque pied. Si un pied est soulevé brusquement (sans modifications posturales
anticipatrices), le CP se déplace rapidement en direction du pied d'appui créant un grand écart entre lui-même et le CG. Cet écart cause une chute latérale très rapide en direction de la jambe soulevée. Le but principal des APA dans le plan frontal est de déplacer le CG vers la jambe d'appui avant l'exécution du pas. Ceci permet de réduire la distance médio-latérale entre le CG et le CP et donc la vitesse de chute latérale une fois que la jambe est soulevée. Pour mieux comprendre comment les personnes déplacent leur CG vers la jambe d'appui, Carlsöö (1966), Herman, Cook, Cozzens et Freedman (1973), ainsi que Winter (1995) ont mesuré la force verticale sous chaque pied en utilisant deux plateformes de force. Ils ont remarqué que, en station debout, la force sous chaque jambe correspond à 50 % du poids du corps. Avant l'initiation de la marche, la force sous la future jambe oscillante augmente, alors que la force sous l'autre jambe diminue. En d'autres termes, le sujet s'appuie sur la jambe pendulaire. En conséquence, le CP se déplace en direction de la jambe pendulaire et le CG vers la jambe d'appui (fig. 6.4).
FIG. 6.4 Variables biomécaniques et EMG obtenues dans le plan frontal lors des APA. Add : adducteurs ; CoM : center of mass (centre de masse) ; CoP : center of pressure (centre de pression) ; fast : départ rapide ; large : écart de pied large ; normal : départ normal ; Per : perronier (c'est-à-dire long fibulaire) ; Sol : soléaire ; stance leg : jambe d'appui ; swing leg : jambe oscillante ; TA : tibial antérieur ; TFL : tenseur du fascia lata ; time : temps.
Le taux de déplacement du CG dépend de la force d'appui sur la jambe oscillante et de la durée de la force d'application. D'après Lyon
and Day (1997), le déplacement du CG est d'autant plus ample que l'écart du pied initial est grand, et d'autant plus petit (ou réduit) que la vitesse de marche est rapide. Carlsöö (1966) et Winter (1995) ont détecté une augmentation de l'activité électromyographique des abducteurs de la hanche du côté oscillant durant les APA. Les deux ont postulé que la contraction des abducteurs du côté portant permet de charger cette même jambe et de déplacer le CG vers la jambe d'appui (fig. 6.4). Honeine, Schieppati, Crisafulli et Do (2016) ont mesuré une flexion du genou petite mais omniprésente du côté de la future jambe d'appui. Cette flexion permet de décharger la future jambe de soutien et donc d'augmenter l'appui du côté oscillant avant l'exécution du pas. L'analyse électromyographique des membres inférieurs a permis de déduire que la flexion du genou de la jambe d'appui est due à une activité musculaire du tibial antérieur plus élevé du côté ipsilatéral par rapport au côté controlatéral. De plus Carlsöö (1966), qui avait effectué des mesures électromyographiques avec des électrodes à fils, a trouvé une activation importante du muscle abducteur de l'hallux côté pendulaire ainsi qu'une participation du long fibulaire de la jambe d'appui.
En résumé
■ Le rôle des APA est de créer des conditions favorables à l'exécution du pas afin de maintenir l'équilibre postural et de prévenir la chute du corps vers l'avant. ■ Dans le plan sagittal, les APA correspondent au recul du CP, responsable d'une rotation du corps, autour des chevilles, vers l'avant. ■ Dans le plan frontal, les APA favorisent le déplacement du CG vers la jambe d'appui pour éviter une chute latérale, de grande amplitude, durant l'exécution du pas.
Phase de soulèvement de la jambe oscillante Le soulèvement de la jambe oscillante chez les personnes saines se fait en fléchissant légèrement la cheville, le genou et la hanche du côté oscillant. Ceci se fait en activant presque simultanément, et une cinquantaine de millisecondes avant le moment du soulèvement du talon, les muscles composant le triceps sural, ceux composant les ischio-jambiers (Honeine et al., 2016) et, probablement, ceux formant l'ilio-psoas (l'ilio-psoas étant profond et donc difficile à mesurer, il est par conséquent non rapporté dans la littérature). Les activités de ces muscles sont accompagnées d'une contraction des muscles érecteurs du rachis également du côté pendulant (Ceccato, deSèze, Azevedo et Cazalets, 2009). L'activité de ces derniers devrait contribuer à la stabilité médio-latérale du tronc. Une fois la jambe lancée, les activités des muscles citées jusqu'à maintenant cessent et sont remplacées par une contraction du tibial antérieur. Le rôle du tibial antérieur dans cette phase est d'élever la pointe du pied afin que le contact avec le sol se fasse par le talon.
Phase de simple appui durant l'exécution du premier pas En termes de mécanique, la période de simple appui est une phase instable puisque le corps agit comme un pendule inversé. Il tourne vers l'avant autour du complexe pied–cheville, en raison de l'attraction gravitationnelle. Effectivement, le système articulaire pied–cheville joue un rôle fondamental dans la progression du corps, le contrôle de l'équilibre postural, l'absorption des chocs et la conservation d'énergie (Winter, 1983). La cheville peut supporter jusqu'à sept fois le poids du corps au cours de la marche (Hintermann, 2005) et son secteur utile lors de celle-ci est d'environ 10° pour la flexion dorsale et 15° pour la flexion plantaire.
Durant la phase initiale de l'exécution du premier pas, tout le corps tourne autour de la cheville qui est en dorsiflexion. Vers la fin de la phase de simple appui, le talon se décolle du sol, ce qui entraîne une flexion plantaire et la rotation du corps autour des métatarses et des orteils. La mobilité en flexion dorsale de l'articulation métatarsophalangienne de l'hallux joue donc un rôle important dans le déroulement du pas sur le sol. En effet, celui-ci nécessite l'utilisation des 3/5e des capacités articulaires de l'articulation métatarsophalangienne de l'hallux (Hamel, Donahue et Sharkey, 2001) pour réaliser la phase de flexion plantaire avant le décollement des orteils (Perry, 1992). Pour mieux comprendre ce contrôle de l'équilibre, il est utile d'étudier le mouvement du CG dans les trois directions : verticale, postéro-antérieure et médio-latérale.
Contrôle vertical de la chute durant la phase de simple appui Durant la phase de dorsiflexion de la cheville, le CG accélère vers le bas et atteint sa position la plus basse au moment du contact du pied oscillant avec le sol. Cette accélération est due à une augmentation du taux de rotation de tout le corps autour de la cheville et du tronc autour du bassin. Chez les adultes sains, la vitesse dans l'axe vertical du CG diminue vers la phase d'appui. En d'autres termes, ces sujets freinent activement la chute du centre de masse . Ce freinage est représenté par la différence de vitesse entre le pic de vitesse verticale (Vz min) et la vitesse verticale à l'instant de la pose du pied (Vz FC) (fig. 6.5).
FIG. 6.5 Activité de freinage du soléaire du pied d'appui au cours
de l'exécution du premier pas. FC : pose du pied ; FO : décollement du pied ; stance-leg sol : activité EMG du soléaire du pied d'appui ; t0 : début des premiers phénomènes biomécaniques ; Ver Force : force verticale de réaction au sol ; Ver Velocity of CoM : vitesse verticale du centre de masse.
Honeine, Schieppati,Gagey et Do (2013, 2014) ont montré que le freinage vertical du centre de masse est dû à une augmentation significative de l'activité électromyographique des trois chefs musculaires composant le triceps sural de la jambe d'appui. Ce freinage « actif » est défini comme faisant partie intégrante du pattern de la marche saine et reflète ainsi le bon fonctionnement des mécanismes physiologiques sous-jacents au contrôle de l'équilibre postural (Chong, Chastan, Welter et Do, 2009 ; Welter et al., 2007). Le freinage vertical a deux rôles principaux (fig. 6.6) : ● il permet d'amortir l'impact du pied avec le sol ; ● il réduit le travail mécanique nécessaire pour soulever le CG durant la phase ultérieure de double appui.
FIG. 6.6 Modèle biomécanique d'un pendule inverse illustrant le rôle de la force verticale
générée par le triceps sural de la jambe d'appui et la force de l'impact de la jambe oscillante sur l'élévation du centre de gravité durant la phase de double appui. Le freinage actif ne serait pas mis en jeu avant l'âge de 4 ans, puisque avant cette période (Brenière et Bril, 1988), l'enfant n'aurait soit pas intégré le rôle de contrôle postural propre au membre inférieur d'appui, soit n'aurait pas acquis le contrôle postural nécessaire au maintien de l'équilibre unipodal lors de la phase de simple appui (Brenière et Bril, 1988 ; Brenière, Bril et Fontaine, 1989). L'application du freinage actif mis en jeu par le système nerveux central (SNC) requiert donc par conséquent un processus de maturation et d'apprentissage (Bril et Brenière, 1992 ; Ledebt, Bril et Brenière, 1998). Le freinage est réduit considérablement jusqu'à être absent chez les parkinsoniens (Chastan et al., 2009a), les patients souffrant de paralysie supranucléaire progressive (Welter et al., 2007) et les personnes âgées (Chong et al., 2009). De ce fait, le manque de freinage est normalement considéré comme un des indicateurs de la marche pathologique. Néanmoins, les effets de la réduction ou de l'absence du freinage vertical durant la phase finale de simple appui ne sont pas clairs. En général, les patients, souvent pour plusieurs raisons différentes, adoptent une marche (et une IM) plus lente caractérisée par un raccourcissement de la longueur de pas. La réduction de la vitesse et de la longueur de pas devrait diminuer l'ampleur de la chute verticale et de l'impact de la jambe oscillante avec le sol. En conséquence, les effets du manque de freinage peuvent être minimaux quand ces patients marchent sur un sol parfaitement plat comme ceux qu'on trouve dans tous les laboratoires d'analyse de la marche. Cependant, l'absence de freinage devrait compliquer considérablement la phase d'impact et de double appui durant la marche sur un terrain irrégulier et parfois glissant comme ceux qu'on fréquente dans la vie de tous les jours.
Récemment, Demain et al. (2014) ont suggéré que la détérioration du freinage semble liée à une perte de matière grise du mésencéphale qui joue un rôle très important dans le maintien de l'équilibre et la locomotion. La région du mésencéphale responsable de l'intégration sensori-motrice de la posture et de la locomotion fait partie d'un système neuronal très complexe : il reçoit des signaux inhibiteurs des ganglions de la base, de la formation réticulée du tronc cérébral ainsi que des signaux afférents provenant de la moelle épinière. En retour, il renvoie des signaux excitateurs ascendants afférents aux ganglions de la base ainsi que des projections descendantes vers d'autres régions du mésencéphale, du pont, de la formation réticulée, des noyaux cérébelleux profonds, et de la moelle épinière. La surface locomotrice mésencéphalique, le noyau cunéiforme et le noyau pédiculo-pontin, déjà identifiés chez l'animal, pourraient être de bons candidats pour assurer le contrôle du freinage de la chute du pied oscillant dans la marche humaine (Takakusaki et al., 2005). La détérioration du freinage est donc a priori liée à des problèmes d'origine neuronale et non liée à une déficience musculaire. Néanmoins, le renforcement des muscles responsables du maintien de l'équilibre et du soulèvement du CG durant la phase de double appui reste bénéfique et conseillé.
Modulation du freinage de la chute verticale du centre de gravité Les facteurs intervenant dans la dégradation du processus de freinage sont multiples (tableau 6.1). Tableau 6.1 Facteurs modulant le freinage au cours de la phase de simple appui Facteurs
Auteurs
Vieillissement Chong et al. physiologique (2009) Chastan et al. (2009a, b)
Résultats principaux Diminution ou disparition du freinage actif chez les personnes âgées
al. (2009a, b) Maillot et al. (2014) Altération du SNC
Bastian et al. (2003) Liu et al. (2006) Chastan et al. (2009a, b) Welter et al. (2007) Peppe et al. (2010)
Corrélation : – ↓ activité EMG du muscle soléaire d'appui corrélée à la diminution du freinage chez le parkinsonien ou le sujet avec PSP – atrophie du mésencéphale et diminution du freinage chez le parkinsonien – structures dopaminergiques, extradopaminergiques cérébrales et NGC comme possibles régulateurs du freinage – stimulation électrique et ↑ freinage chez le parkinsonien
Perturbation somatosensorielle
Chastan et al., 2010
Sujet sain : – freinage identique les yeux fermés – ↓ activité EMG du muscle soléaire d'appui corrélée à la diminution du freinage si IM sur texture en mousse
Hypomobilité articulaire de cheville
Delafontaine et al. (2015, 2017)
↓ Activité EMG du muscle soléaire corrélée à la diminution du freinage lors du port de strapping et d'orthèse rigide chez le sujet sain
Modification déroulement du pas
Chastan et al. (2010)
↓ Activité EMG du muscle soléaire corrélée à la diminution du freinage si exécution d'un seul pas sans décollement du talon arrière propre au pied d'appui
Entraînement par Maillot et al. exergames (2014)
Sujet âgé : ↑ freinage lors de l'IM après 12 semaines d'entraînement par Nintendo Wii® (Wii®remote, Wii®nunchuk, et Wii® balance board), comprenant 2 sessions de 1 h/semaine
EMG : électromyographique ; IM : initiation de la marche ; NGC : noyaux gris centraux ; PSP : paralysie supranucléaire progressive ; SNC : système nerveux central.
D'un point de vue pratique, les exercices d'équilibre statique yeux fermés ou pieds nus sur mousse n'ont pas fait preuve actuellement de leur intérêt pour améliorer le freinage au cours de la marche. En revanche, chez le sujet âgé les exercices par exergames semblent être bénéfiques sur le freinage du CG lors de la marche (Maillot, Perrot, Hartley et Do, 2014).
Exécution du pas dans le plan sagittal L'objectif principal de la marche est essentiellement de déplacer le corps vers l'avant. Ce déplacement nécessite la production d'une force propulsive. La force propulsive, qui peut être mesurée par une
plateforme de force, représente une poussée du pied d'appui vers l'arrière. Durant la phase de dorsiflexion, la vitesse de déplacement augmente d'une façon plus ou moins régulière. La phase de flexion plantaire est caractérisée par une augmentation de la force de propulsion et de la force verticale. Cette augmentation de force, couramment appelée push-off dans la littérature anglophone, cause une accélération bien notée dans le plan sagittal du CG. Il est généralement admis que durant la phase de dorsiflexion, la génération de force de propulsion est due au couple gravitationnel et donc au poids de la personne. Comme expliqué plus haut (voir APA dans le plan sagittal), au moment du soulèvement du pied au sol, la position du CG se trouve antérieure à celle du CP. La distance entre les deux agit comme un bras de levier et permet à la force de gravité agissante sur le CG de tourner le corps autour de la cheville durant la période de dorsiflexion de la phase de simple appui. Vu que le pied d'appui est contraint au sol par les forces de frottement, le couple gravitationnel génère des forces propulsives qui portent le corps en avant, ce qui augmente au fur à mesure la distance entre le CG et le CP (fig. 6.7).
FIG. 6.7 Variables biomécaniques obtenues dans le plan sagittal lors de l'exécution du premier pas. AP CoM : trajectoire antéro-postérieure du centre de masse (ligne discontinue) ; AP CoP : trajectoire antéro-postérieure du centre de pression (ligne pleine) ; AP GRF : forces de réaction au sol antéropostérieures ; FC : pose du pied ; FO : décollement du pied ; Gap CoM-CoP : distance entre le centre de masse et le centre de pression dans le plan sagittal ; Ver GRF : forces de réaction au sol verticales ; t0 : début des premiers phénomènes biomécaniques. Source : Honeine et al. (2013) . The Functional role of the triceps surae muscle during human locomotion. PLoS ONE, 8(1), e52943.
Ceci, par conséquent, permet à la vitesse du CG d'augmenter d'une façon plus ou moins constante tout au long de la période de dorsiflexion en simple appui. Durant cette période, le triceps sural de la jambe pendulaire d'appui est activé. Il est accepté que l'activation excentrique du triceps sural (puisque la cheville est en dorsiflexion) permet de contraster et donc de contrôler la chute causée par les forces d'attraction. En revanche, quand la cheville se retrouve en flexion plantaire, comme précisé plus haut, la force propulsive augmente et provoque une accélération du CG en direction postéro-antérieure. L'augmentation de force propulsive, ou push-off, n'est pas spécifique à la phase de flexion plantaire de l'IM mais est caractéristique de la marche à régime stationnaire. La cause du push-off fait l'objet de débats divisant la communauté des biomécaniciens en deux camps. Certains stipulent que le push-off est dû à une augmentation de l'activité de contraction concentrique du triceps sural qui survient quand la cheville est en flexion plantaire. Une des raisons les plus directes pour soutenir cette hypothèse est que l'activité électromyographique des trois muscles du triceps sural augmente en parallèle avec l'accroissement de l'accélération du CG en avant (Honeine et al., 2013). De plus, l'activité électromyographique des muscles composant le triceps sural augmente d'autant plus que la vitesse de marche est rapide. Cependant, il est connu que la force générée par un muscle et l'amplitude de l'activité électromyographique ne sont pas liées par
une relation linéaire. En d'autres termes, la force générée par un muscle pour une même amplitude d'activité électromyographique dépend de la longueur du muscle. Les muscles squelettiques génèrent significativement moins de force quand ils sont courts. Pour cette raison, l'augmentation de force durant la phase de flexion plantaire ne peut pas être considérablement grande pour justifier l'augmentation d'accélération du CG vers l'avant durant cette même période. Les autres postulent que l'accroissement de force propulsive est dû à une reconfiguration des segments corporels afin d'amplifier l'effet du couple de déséquilibre sur la génération des forces propulsives. Pour tester cette hypothèse, Honeine et al. (2013) ont comparé l'activité électromyographique et les forces de réaction au sol durant l'initiation de la marche naturelle et avec une charge de 20 kg placés d'une façon homogène autour de la position du CG. Les sujets ont été instruits de marcher à la même vitesse. Naturellement, pour une même vitesse de marche, les forces de propulsion ont augmenté quand les sujets marchaient avec la charge de 20 kg par rapport à la marche sans charge. Par contre, l'activité électromyographique des trois muscles du triceps sural est restée comparable entre les deux marches. Ce résultat permet de conclure que les fléchisseurs plantaires ne sont pas les responsables principaux du push-off. Pour mieux comprendre l'augmentation de l'accélération du centre de masse en avant durant la phase finale de l'exécution du pas, Honeine et al. (2013) ont regardé de près les trajectoires du CG et du CP durant l'IM. Au moment du soulèvement du pied, la position du CP se trouve postérieure au CG. Durant la phase de flexion plantaire, le CP avance lentement vers l'avant des pieds, alors que le CG est propulsé loin de la base d'appui. Durant la phase de flexion plantaire, le CP se trouve sous les orteils et ne peut plus aller en avant alors que le CG continue son déplacement. Ceci fait augmenter d'une façon exponentielle la distance entre le CG et le CP. Le couple des forces gravitationnelles est le produit de cette distance avec le poids, donc une augmentation de la distance
cause un accroissement du couple et des forces propulsives. Ainsi, le rôle principal des muscles du triceps sural est de soutenir le corps contre la chute causée par le poids de la personne durant la phase d'exécution du premier pas. De plus, Honeine et al. (2014) ont montré que vu leur rôle résistant contre la chute verticale, les muscles du triceps sural permettent au système nerveux central de contrôler les variables cinématiques du premier pas : la durée de simple appui, la vitesse en avant et la longueur de pas. Plus précisément, en activant le triceps longtemps le corps reste en l'air pendant une période plus longue ce qui accroît les trois variables cinématiques et vice versa.
Exécution du pas dans le plan frontal Pour rappel, durant la phase de préparation posturale, le CG se déplace vers la jambe d'appui afin de dégager la jambe oscillante. Vers la moitié de la durée des APA, le CP commence à se déplacer vers la jambe d'appui en anticipation de l'exécution du pas. Chez les personnes saines, le moment du soulèvement du talon coïncide toujours avec le pic de vitesse médio-latérale qui commence à diminuer. La diminution est due au fait que le CP, une fois que la jambe est soulevée, se trouve sous la jambe pendulaire et donc porte le couple gravitationnel à pousser le corps vers la jambe oscillante. En conséquence, le CG atteint son déplacement maximal en mipériode d'exécution du pas pour après commencer son déplacement vers la jambe oscillante en anticipation du prochain soulèvement de la jambe. À vitesse spontanée (ou normalement exécutée par les sujets sains), la position maximale du sujet se trouve à mi-chemin entre la position initiale et la position de la jambe d'appui. La distance parcourue par le CG dans le plan frontal diminue durant une exécution rapide du pas et augmente quand la réalisation du pas est lente. L'ensemble distance entre le CP et le CG, durée de simple appui et raideur du membre inférieur détermine l'ampleur de la chute latérale durant le premier pas et donc la position du pied au moment de la pose au sol (fig. 6.8 ; Honeine et al., 2016).
FIG. 6.8 Variables biomécaniques obtenues dans le plan frontal lors de l'exécution du premier pas. FC : pose du pied ; FO : décollement du pied ; HO : décollement du talon ; t0 : début des premiers phénomènes biomécaniques ; x ′COM : vitesse antéro-postérieure du centre de masse ; yCOP : trajectoire médio-latérale du centre de pression ; yCOM : position médio-latérale du centre de masse ; y′COM : vitesse médio-latérale du centre de masse.
Les muscles qui participent au contrôle de la chute médio-latérale durant l'exécution n'ont pas été bien étudiés. Les meilleurs candidats à accomplir ce rôle sont les abducteurs de la hanche (Honeine et al., 2016) et les muscles du pied (Carlsöö, 1966) du côté de la jambe d'appui. Les abducteurs de la hanche devraient, en théorie, résister contre la gravité et faire en sorte que les crêtes iliaques restent plus ou moins parallèles au sol durant la phase d'exécution du pas. L'activité des abducteurs de la hanche devrait avoir donc un effet sur la position du CG. L'activité des muscles responsables de l'inversion et l'éversion du pied d'appui devrait influencer la position du CP. Ensemble, ces muscles pourraient modifier légèrement la distance entre le CP et le CG durant la phase de simple appui et donc la vitesse de chute médiolatérale.
En résumé
■ Dans l'axe vertical, le déplacement du CG durant la phase d'exécution est freiné par l'activité du triceps sural pour amortir la pose du talon lors du contact avec le sol. ■ Dans le plan sagittal, la longueur du pas, la durée du simple appui et la vitesse d'exécution du premier pas sont déterminées par la distance entre le CG et le CP. ■ Dans le plan frontal, le CG se déplace vers la jambe oscillante
afin d'anticiper le deuxième pas. La vitesse médio-latérale du CG est définie par la distance entre le CG et le CP mais également par la raideur du membre inférieur.
Activités électromyographiques au cours de l'initiation de la marche Activités électromyographiques des membres inférieurs Nous proposons ici un résumé de l'activité électromyographique des muscles des membres inférieurs et du tronc (fig. 6.9 et 6.10) observable durant l'IM.
FIG. 6.9 Cartographie de l'activité EMG des membres inférieurs pendant l'initiation de la marche. BF : biceps femoral ; Sol : soléaire ; TA : tibial antérieur ; TFL : tenseur du fascia lata. Source : Honeine et al., 2016 . The neuro-mechanical processes that underlie goal-directed medio-lateral APA during gait initiation. Frontiers in Human Neurosciences,10, 445.
FIG. 6.10 Cartographie de l'activité EMG du rachis pendant l'initiation de la marche (initiation) versus marche stationnaire (walking) . DS : double stand (double appui) ; Hon : heel on (poser du talon) ; LS : left stance (membre inférieur gauche d'appui- ; maxCOP : maximum centre of pressure (déplacement antéropostérieur maximal du centre de pression) ; R swing : right swing (membre inférieur droit oscillant) ; release : début de l'enregistrement ; Toff : décollement des orteils ; UL : unloading (déchargement). Source : Ceccato et al. (2009) . Comparison of trunk activity during gait initiation and walking in humans. PLoSOne, 4, e8193.
La phase des APA est caractérisée par une diminution de l'activité « tonique » du soléaire ainsi que du biceps fémoral et une
augmentation de l'activité des deux tibiaux antérieurs (plus ample du côté jambe appui) ainsi que des abducteurs du côté de la jambe pendulaire. La diminution des activités des muscles extenseurs et l'activité des tibiaux antérieurs provoquent la rotation du corps vers l'avant. La contraction des abducteurs du côté de la jambe oscillante ainsi que le tibial antérieur de la jambe d'appui participent au déplacement du CG vers la jambe d'appui. Le soulèvement de la jambe est provoqué par l'activité des muscles fléchisseurs plantaires, ischio-jambiers, ilio-psoas et érecteurs du rachis (non représentés dans la figure 6.9) du côté de la jambe pendulaire. La phase d'exécution du pas est surtout marquée par l'activation du triceps sural de la jambe d'appui qui freine la chute et joue un rôle important dans la détermination de la durée de la phase de simple appui et de la longueur du pas. Cette phase est aussi accompagnée par des bouffées électromyographiques intermittentes des ischio-jambiers de la jambe d'appui (pour rappel, les ischio-jambiers ont un rôle d'extension du genou en chaîne fermée).
Activités électromyographiques du tronc Le tronc est le segment du corps le plus massif, donc un léger déplacement de celui-ci peut causer un déplacement significatif du CG. Dans le plan sagittal, le tronc s'incline légèrement durant la phase des APA et augmente d'inclinaison durant la phase d'exécution (Ceccato et al., 2009). L'initiation de l'inclinaison au début des APA semble être liée à une diminution de l'activité tonique des muscles du rachis. L'inclinaison durant la phase d'exécution du pas est due à l'attraction gravitationnelle. Finalement, les muscles du rachis sont activés bilatéralement juste avant le moment du contact du pied oscillant avec le sol (fig. 6.10). Cette activité du rachis permet de freiner l'accélération du tronc vers l'avant causée par le contact de la jambe avec le sol. Dans le plan frontal, le tronc est légèrement incliné vers la jambe d'appui durant la phase des APA (Ceccato et al., 2009). Cette
inclinaison semble être causée par l'activation des muscles du rachis du côté de la jambe oscillante (fig. 6.10). L'inclinaison du tronc est inversée durant la phase de simple appui. Durant l'exécution du pas, le bassin tourne autour de l'axe vertical du corps dans la direction de la jambe d'appui. La rotation du bassin est contrebalancée par une rotation inverse des épaules (Ceccato et al., 2009).
Initiation de la marche et pathologies locomotrices Pathologies neuro-locomotrices Différentes études sur l'impact des pathologies neurolocomotrices sur l'IM (tableau 6.2) laissent sous-entendre que : ● le cervelet serait peu impliqué dans la régulation de l'IM (Timmann et Horak, 2001) ; ● les voies vestibulo-spinales pourraient influencer les circuits neuronaux intervenant dans la locomotion en modifiant la vitesse et la longueur du pas afin de stabiliser le tronc. Ces circuits sont notamment composés du centre spinal locomoteur et de certains niveaux supra-spinaux (Sasaki, Asawa, Katsuno, Usami et Taguchi, 2001) ; ● le système visuel périphérique ne serait pas réguler l'IM (Vinti et Thoumie, 2010) ; ● la perte de sensibilité plantaire (c'est-à-dire la paralysie unilatérale expérimentale du nerf tibial) n'affecterait pas la séquence « activation des tibiaux antérieurs et inhibition du soléaire » (Fiolkowski, Brunt, Bishop et Woo, 2002). Tableau 6.2 Impact de pathologies neurolocomotrices sur l'initiation de la marche Pathologies
Phase d'exécution du
neurolocomotrices Phase des APA
pas
Parkinson et PSP
↓ Recul du CP mais ↑ stimulus sensoriel ↓ Vitesse AP CG et Lpas (Chastan cutané (Burleigh-Jacobs, Horak, Nutt et al., 2009a, b ; Welter et al., et Obeso, 1997) 2007) ↓ EMG TA, voire activation unilatérale (Gantchev, Viallet, Aurenty et Massion, 1996)
Syndrome cérébelleux
EMG TA préservée (Timmann et Horak, 2001)
↓ Vitesse AP CG et Lpas
Sclérose en plaques
↘ Recul du CP
↑ Temps de double appui ↓ Phase oscillante ↓ Vitesse AP CG (Remelius, Hamill, Kent-Braun et Van Emmerik, 2008)
Accident vasculaire cérébral
Non modifiée (Hesse et al., 1997)
↓ Phase de simple appui sur le côté hémiplégique ↓ Vitesse AP CG et Lpas ↓ Phase oscillante Préfère initier le pas avec le membre inférieur pathologique
AP CG : antéro-postérieure du centre de gravité ; APA : ajustements posturaux anticipateurs ; CP : centre de pression ; EMG TA : électromyogramme du tibial antérieur ; Lpas : longueur du pas ; PSP : paralysie supranucléaire progressive.
Pathologies ortho-locomotrices Certaines études (tableau 6.3), s'intéressant aux effets des pathologies ortho-locomotrices sur l'IM, laissent sous-entendre que : ● les diverses perturbations orthopédiques rencontrées affectant le processus d'IM ne seraient pas systématiquement liées à une défaillance motrice des membres inférieurs, mais elles pourraient être dues également à une déficience asymétrique sensori-proprioceptive (Patchay et Gahéry, 2003). La rééducation proprioceptive devrait donc toujours être conjointement menée au renforcement musculaire et au travail de l'équilibre dynamique ;
● le système nerveux central serait capable de moduler la durée de la phase oscillante en modifiant la fréquence et la longueur du pas. Cette modulation serait d'autant plus efficiente lorsque le pied d'appui est sain, car cela conférerait au sujet un meilleur équilibre postural au cours de la phase de l'exécution de l'IM (Wicart, Richardson et Maton, 2006) ; ● les patients préféreraient initier l'IM départ « membre inférieur pathologique » afin d'assurer une meilleure stabilité par le biais du pied d'appui sain et par phénomène d'appréhension de la phase de double appui ; ● le SNC serait capable de maintenir un état d'asymétrie au niveau des membres inférieurs afin d'assurer une équilibration des contraintes entre le tronc et les membres inférieurs, comme c'est le cas chez le patient scoliotique (Bruyneel, Chavet, Bollini et Mesure, 2010) ; ● en présence d'une atteinte unilatérale, la performance (c'est-àdire vitesse antéro-postérieure du CG et longueur du pas) serait altérée quel que soit le membre inférieur qui initie la marche (c'est-à-dire sain ou atteint). Tableau 6.3 Impact de pathologies orthopédiques sur l'initiation de la marche Pathologies Phase des APA locomotrices
Phase exécution du pas
PBVE unilatéral
↓ Durée quel que soit : ↓ Vitesse AP CG, plus particulièrement IM – le pied qui initie la marche (c'estdépart côté PBVE (Wicart et al., 2006) à-dire pied sain ou PBVE) – la vitesse de marche (c'est-à-dire spontanée ou rapide)
Scoliose
↑ Oscillations corporelles ↑ Durée quel que soit le pied qui initie la marche (c'est-à-dire droit ou gauche) (Bruyneel et al., 2010)
↑ Durée quel que soit le pied qui initie la marche (c'est-à-dire droit ou gauche) Pas de modification EMG des muscles du tronc (Mahaudens, Banse, Mousny et Detrembleur, 2009)
Gonarthrose
↑ Durée et recul CP si IM avec pied d'appui atteint (Viton et al., 2000)
↓ Durée phase de simple appui si IM avec pied d'appui atteint
Amputation unilatérale
↑ Durée des APA si IM avec pied d'appui prothétique
Vitesse AP CG identique quel que soit le pied qui initie la marche (c'est-à-dire pied sain ou prothétique) (Michel et Do, 2002)
AP CG : antéro-postérieure du centre de gravité ; APA : ajustements posturaux anticipateurs ; CP : centre de pression ; EMG : électromyogramme ; IM : initiation de la marche ; PBVE : pied bot varus équin.
Le saviez-vous ?
■ Le SNC module la durée des APA (c'est-à-dire l'augmentation) afin d'essayer d'obtenir une meilleure performance lors de l'IM. ■ Une atteinte orthopédique unilatérale a des répercussions biomécaniques et électromyographiques bilatérales sur l'IM. ■ Une douleur musculaire unilatérale du tibial antérieur entraîne une augmentation d'activité électromyographique du tibial antérieur controlatéral (Madeleine, Voigt et Arendt-Nielsen, 1999). ■ Dès le départ de la prise en charge d'un patient, la rééducation ne doit donc pas se limiter au membre inférieur atteint. ■ En présence d'une hypomobilité articulaire unilatérale du membre inférieur, il a été observé dans la littérature des compensations étagées homo- et controlatérales ainsi qu'une diminution de mobilité des ceintures pelviennes et scapulaires (Maier, Gouelle, Boyer et Taiar, 2007).
Évaluation clinique lors de l'initiation de la marche L'examen de l'IM doit commencer pieds nus. Il faudra demander au patient d'initier la marche plusieurs fois (quatre à cinq fois suffisent)
de façon spontanée. Cela permettra d'identifier le pied de départ spontanément utilisé. Le pied d'appui joue un rôle stabilisateur, tandis que le pied oscillant joue plus un rôle dans la gestion de la vitesse (c'est-à-dire la génération des forces de propulsion). Il faudra donc prendre en compte ces deux rôles différentiels dans la rééducation de l'initiation du pas. Il faudra par la suite évaluer l'IM départ pied droit puis pied gauche (ou inversement), afin d'évaluer les différences de stabilité et de coordination musculaire notamment au niveau des releveurs du pied. Le même examen sera réalisé patient chaussé afin d'évaluer l'influence du chaussage sur l'IM.
Pourquoi évaluer les releveurs du pied ? Les releveurs du pied (c'est-à-dire tibial antérieur, long extenseur des orteils , long extenseur de l'hallux ) interviennent dans la régulation de l'équilibre médio-latéral lorsque les deux pieds sont encore au sol (c'est-à-dire en position debout). Leur action simultanée permet, en chaîne fermée , la flexion du genou de la jambe d'appui et est corrélée à l'action du tenseur du fascia lata controlatéral (Honeine et al., 2016). Il y a donc dans le plan frontal un équilibre cheville–hanche controlatérale qui doit être un objet de travail pour le thérapeute, notamment par le biais d'exercices en chaîne parallèle rotatoire les deux pieds au sol. Dans le plan sagittal, l'action des releveurs du pied est corrélée au recul du CP (Crenna et Frigo, 1991). Ce dernier détermine la vitesse antéro-postérieure du CG obtenue à la fin du premier pas et donc la longueur du pas (c'est-à-dire longueur du pas = vitesse × cadence). On comprend donc l'action primordiale des releveurs du pied et l'intérêt de leur évaluation dans la marche et son initiation (fig. 6.11).
FIG. 6.11 Décollement bilatéral des orteils et contraction du tibial antérieur lors de l'initiation à la marche. La question de l'évaluation des releveurs du pied lors de l'IM se pose notamment au cours du transfert d'une aide de marche à une autre. Pour rappel, pour initier la marche (c'est-à-dire se mettre en déséquilibre antérieur), tout patient doit impérativement rompre un état d'équilibre (c'est-à-dire vecteur CP/CG théoriquement confondu) en séparant le couple CP/CP (c'est-à-dire création d'un « couple de déséquilibre » CP/CG). Depuis la position debout, cette séparation est produite activement par l'activation bilatérale du tibial antérieur permettant le recul du CP et passivement par l'antéflexion du tronc induisant une antériorisation du CG (fig. 6.12).
FIG. 6.12 Création du couple de déséquilibre lors de l'IM depuis la position debout (A) permettant le déséquilibre antérieur (B). CG : centre de gravité ; CP : centre des pressions.
Par exemple, lorsque les patients marchent avec un déambulateur, notamment les sujets âgés, ils sont préférentiellement en flexion du tronc avec un appui antérieur sur le déambulateur (fig. 6.13A). De ce fait, biomécaniquement, ces patients ne séparent plus activement le CP et le CG (c'est-à-dire qu'il y a disparition de la séparation active du couple de déséquilibre CP/CG). Le CG est antériorisé passivement par la flexion du tronc, tandis que les releveurs du pied sont sous-utilisés et ne jouent donc plus leur rôle visant au recul du CP. Les tibiaux antérieurs participent alors à la flexion du genou en chaîne fermée (Honeine et al., 2016).
FIG. 6.13 Attitude spontanée (A) et mécanisme de compensation (B) lors de l'initiation de la marche en déambulateur chez le sujet âgé. Le patient compense en partie la non-utilisation de ses releveurs par une élévation et antépulsion des épaules (fig. 6.13B). Cela peut être responsable à long terme d'une hypoextensibilité du petit pectoral et d'une diminution de l'ampliation thoracique haute par rotation médiale bilatérale du complexe scapulo-huméral.
Implications cliniques
■ Lors du passage d'une aide de marche à une autre, le praticien doit évaluer cliniquement (pieds nus et chaussés, à vitesse spontanée et maximale, démarrage à droite et à gauche) si le
patient est capable de se servir de ses releveurs pour faire reculer son CP. ■ Le praticien doit, si cela est possible, aider le patient à retrouver un couple de déséquilibre CP/CG « actif » en corrigeant la posture rachidienne et le flexum de hanche, en redonnant de la mobilité articulaire aux articulations subtalaires et en réapprenant au patient à mobiliser ses muscles tibiaux antérieurs en position bipodale. ■ Le clinicien peut aider le patient à réapprendre l'IM, et donc à tomber vers l'avant. Pour ce faire, le praticien doit en premier lieu réapprendre au patient le transfert du poids du corps sur l'axe médio-latéral . Cela passe donc par le renforcement des abducteurs de hanche et du tibial antérieur , notamment en position debout bipodal.
Du point de vue de la rééducation, le praticien peut mettre en place des exercices simples comme le démarrage de l'IM « pieds écartés ». En effet, celui-ci permet un meilleur recrutement de l'activité électromyographique du tibial antérieur d'appui, mais pas du tenseur du fascia lata controlatéral (fig. 6.14 ; Honeine et al., 2016).
FIG. 6.14 Corrélation entre l'écart des pieds au départ de l'IM et
l'activation EMG du tibial antérieur (TA) d'appui (A) et du tenseur du fascia lata (TFL) côté oscillant (B). Activity : activité ; medium : moyen ; small : petit ; stance : appui ; swing : oscillant. Source : Honeine et al. (2016) . The neuro-mechanical processes that underlie goal-directed medio-lateral APA during gait initiation. Frontiers in Human Neurosciences, 10, 445.
De plus, le praticien doit également privilégier les chaînes parallèles rotatoires et croisées entre la cheville du pied d'appui et la hanche oscillante controlatérale. En effet, il a été montré lors de l'IM que l'activation du tibial antérieur du pied d'appui est synchronisée à celle du tenseur du fascia lata controlatéral (fig. 6.15 ; Honeine et al., 2016).
FIG. 6.15 Corrélation entre l'activité EMG du tibial antérieur (TA) d'appui (A) et du tenseur du fascia lata (TFL) côté oscillant (B). FC : pose du pied ; HO : décollement du talon ; stance : côté appui ; swing : côté oscillant ; t0 : début des premiers phénomènes biomécaniques ; time : temps. Source : Honeine et al. (2016) . The neuromechanical processes that underlie goal-directed medio-lateral APA during gait initiation. Frontiers in Human Neurosciences, 10, 445.
Améliorer la longueur du pas en rééducation : quelles pistes ?
Le CP nécessite un recul lors de l'IM, afin de créer une dissociation avec le centre de masse (center of mass ou CoM). Le CoM alors en avant par rapport au centre de pression (center of pressure ou CoP) permet la chute du corps en avant et donc l'élan nécessaire à une bonne initiation du pas. Cependant le recul du CoP résulte d'actions musculaires simultanées, notamment de la chaîne antérieure, donc le praticien doit rechercher cliniquement et palper lors de l'IM : ● la contraction des releveurs d'orteils = décollement des orteils ; ● la contraction du tibial antérieur = flexion dorsale de cheville ; ● la contraction du quadriceps = remontée des patellas. Pour augmenter la longueur du pas lors de l'IM, plusieurs possibilités s'offrent au thérapeute en fonction des éléments initiaux du bilan et des déficiences. Le travail de renforcement des releveurs du pied en fait partie, ainsi que celui du triceps sural du pied d'appui en chaîne fermée sur un mode excentrique (fig. 6.16).
FIG. 6.16 Du bilan clinique au concept fonctionnel pour améliorer la longueur du pas lors de l'initiation à la marche. AP : antéro-postérieur ; CG : centre de gravité ; CP : centre de pression ; Lpas : longueur du pas.
Améliorer la largeur du pas en rééducation :
quelles pistes ? Pour faire varier la largeur du pas lors de l'IM, le praticien peut utiliser, en chaîne fermée avec appui bipodal, les abducteurs de hanche, notamment le tenseur du fascia lata et le moyen fessier (fig. 6.17).
FIG. 6.17 Concept fonctionnel pour améliorer la largeur du pas lors de l'initiation à la marche. CG : centre de gravité ; CP : centre de pression ; ML : médio-latéral.
Quelle implication rééducative pour le membre inférieur « dominant » ou « non dominant » dans l'initiation de la marche ? Pour certains, la marche semble symétrique puisque aucune différence n'a été observée concernant les forces de réactions antéro-postérieures quelle que soit la latéralité du membre inférieur chez le sujet sain (Menard, McBride, Sanderson et Murray, 1992).
D'un point de vue électromyographique, que le sujet soit sain (Pierotti, Brand, Gabel, Pedersen et Clarke, 1991) ou pathologique (Carlsöö, Dahllof et Holm, 1974), le pattern d'activité musculaire reste identique entre chaque membre inférieur que la marche soit initiée à vitesse lente, spontanée ou rapide (Pierotti et al., 1991). Cependant, certains auteurs ont relevé une asymétrie d'activité électromyographique au niveau des fléchisseurs plantaires de cheville et notamment du muscle soléaire, entre le membre inférieur « dominant » et celui « non dominant » (Boucher et Hodgdon, 1991). Cette activité serait plus importante pour le membre inférieur « dominant » (Ounpuu et Winter, 1989). En revanche, elle ne serait pas liée à la latéralité, ni prédictive de cette dernière (Gundersen et al., 1989), mais serait plutôt dépendante du nombre de motoneurones situés dans la moelle lombo-sacrée (Irving, Rebeiz et Tomlinson, 1974). A contrario, d'autres études rapportent la présence d'asymétries entre les membres inférieurs au cours de la marche chez l'enfant (Wheelwright, Minns, Law et Elton, 1993) et l'adulte sain (Devita, Hong et Hamill, 1991). En effet, la vitesse de marche (Allard, Lachance, Aissaoui et Duhaime, 1996), la longueur du pas (Bar, Andersen, Danoff, et al., 1987), le placement du pied d'appui (Chodera et Levell, 1973), l'amplitude articulaire de cheville utilisée (Stefanyshyn et Ensgberg, 1994), la durée de la phase de simple appui (Rosenrot, Wall et Charteris, 1980) et les oscillations du CG (Crowe, Schiereck, de Boer et Keessen, 1995) pourraient varier selon la latéralité du membre inférieur impliqué. Cette asymétrie pourrait être liée anatomiquement à une différence de poids et de taille entre le membre inférieur dit « dominant » et celui considéré comme « non dominant ». Le membre inférieur « dominant » aurait tendance à être plus lourd et plus long (Peters, 1988). Au sein de la littérature, les effets de la latéralité sur la marche restent encore controversés (Sadeghi, Allard, Prince et Labelle, 2000). Concernant l'IM, aucune modification de la durée des APA, quel que soit le membre inférieur qui initie le pas (c'est-à-dire
« dominant » ou « non dominant »), n'a été retrouvée (Dessery, Barbier, Gillet et Corbeil, 2011). Toutefois, les forces de propulsion générées au cours de la phase de préparation posturale étaient plus importantes lors d'une IM départ côté « non dominant » (fig. 6.18). Cela permettrait un meilleur transfert de poids du corps (Dessery et al., 2011).
FIG. 6.18 Trajectoire du centre de masse départ pied « dominant » versus « non dominant » lors de l'initiation de la marche.
Implications cliniques Privilégier un réapprentissage de l'initiation du pas en se servant du membre inférieur « dominant » comme appui permettrait de mieux transférer le poids du corps. Pendant la phase d'exécution du pas, lors d'un départ côté « non dominant », l'inclinaison du tronc était plus importante et l'intervalle de temps compris entre le décollement du talon et celui des orteils était réduit comparativement à une IM départ côté « dominant » (Dessery et al., 2011). En revanche, lors d'une IM départ côté « dominant », la largeur du pas et les forces de propulsion étaient plus importantes (Dessery et al., 2011). Cela laisse suggérer que les mécanismes de contrôle situés au niveau de l'articulation de la cheville seraient impliqués dans le contrôle de la mobilité corporelle intervenant dans le plan frontal (Dessery et al., 2011). Au niveau électromyographique, il a été retrouvé une séquence « activation muscle tibial antérieur/inhibition muscle soléaire » plus importante du côté « dominant ». Les différences observées, entre le membre inférieur « dominant » et celui « non dominant » lors d'une IM, résulteraient d'une répartition précise des rôles fonctionnels entre le contrôle de l'équilibre postural et la propulsion (Sadeghi et al., 2000). Le membre inférieur « dominant » pourrait donc être considéré comme un facteur potentiel contribuant à l'asymétrie (Dessery et al., 2011).
Pourquoi faut-il tenir compte de la fatigue musculaire lors de la rééducation de l'initiation de la marche ?
Yiou et al. (2011b) ont évalué les effets de la fatigue musculaire du tibial antérieur dans l'IM. Leur protocole expérimental consistait à fatiguer les tibiaux antérieurs par contraction isométrique de haute intensité (60 ± 2 %), jusqu'à épuisement. Cette fatigue a entraîné une diminution de l'activation électromyographique des tibiaux antérieurs, un recul du CP et une baisse de la vitesse de décollement du pied oscillant pendant les APA (fig. 6.19). Le SNC tentait en parallèle de compenser cette diminution de vitesse en augmentant la durée des APA afin de bénéficier de plus de temps pour générer les forces de propulsion. Ces modifications biomécaniques et électromyographiques reflètent une stratégie de « protection » visant à préserver l'intégrité musculaire des tibiaux antérieurs.
FIG. 6.19 Tracés biomécaniques et EMG de l'initiation de la marche en pré- et post-fatigue des tibiaux antérieurs. APA : ajustements posturaux anticipateurs ; FC : poser du pied ; FO : décollement du pied ; swing : oscillant ; t0 : début des premiers phénomènes biomécaniques ; TAST : tibial antérieur du pied d'appui ; TASW : tibial antérieur du pied oscillant ; TOT : durée totale de l'IM ; x ′G : vitesse antéropostérieure du centre de gravité ; x″G : accélération antéropostérieure du centre de gravité ; xP : déplacement
antéropostérieur du centre de pression. Source : Yiou, Ditcharles et Le Bozec, 2011 . Biomechanical reorganisation of stepping initiation during acute dorsiflexor fatigue. J Electromyogr Kinesiol, 21, 727-33.
Nouveau concept de « facilitation bilatérale » en rééducation Données neurophysiologiques Dans les processus neurophysiologiques propres à l'exécution du mouvement volontaire, la commande supra-spinale transforme l'idée du mouvement en commande motrice. Elle supervise la commande spinale, cette dernière modulant à son tour l'activité d'un pattern central (Van de Crommert, Mulder et Duysens, 1998). La programmation du mouvement humain volontaire est alors générée par une activation symétrique du cortex cérébral (fig. 6.20 ; Cheyne, Bakhtazad et Gaetz, 2006).
FIG. 6.20 Activation cérébrale symétrique synchrone lors de l'exécution d'un mouvement unilatéral de l'index à droite (1) et à gauche (2).
Cette programmation s'appuie donc sur une base neurologique symétrique mais également croisée (fig. 6.21). En effet, les informations recueillies par le membre homolatéral peuvent avoir des répercussions sur le membre controlatéral par l'intermédiaire de connexions transcorticales. Des modifications électromyographiques ont été observées lors d'une tâche manuelle unilatérale du côté controlatéral au mouvement exécuté chez l'adulte sain (Ridderikhoff, Daffertshofer, Peper et Beek, 2005).
FIG. 6.21 Communication cérébrale croisée lors de l'exécution d'un mouvement volontaire unilatéral.
Implication de ce concept « de facilitation
bilatérale » lors de l'initiation de la marche Pour comprendre l'implication du concept de « facilitation bilatérale » dans l'IM, il faut d'abord s'intéresser aux effets d'une contrainte unilatérale (c'est-à-dire asymétrique) versus bilatérale (c'est-à-dire symétrique) aux membres inférieurs dans la locomotion et aux membres supérieurs dans la motricité. Dans la littérature, les études sur la marche ont montré qu'une hypomobilité articulaire unilatérale du membre inférieur, quelle qu'en soit son origine (central, périphérique, neuropathique, traumatique…), diminuait la vitesse de marche (c'est-à-dire la performance ; Hesse et al., 1997 ; Viton et al., 2000 ; Michel et Chong, 2004). Les patients développent, du fait de la contrainte unilatérale, une marche asymétrique avec pour stratégie d'initier le pas avec le membre inférieur contraint (Valderrabano et al., 2007). Des adaptations similaires ont été observées chez le patient amputé unilatéral (Michel et Chong, 2004) et l'hémiplégique (Hesse et al., 1997). Par ailleurs, les patients souffrant d'une gonarthrose unilatérale présentaient une marche asymétrique (Viton et al., 2000) comparativement aux patients atteints de gonalgie bilatérale (Creaby, Bennell et Hunt, 2012). De la même façon, il a été observé un pattern de marche plus symétrique chez les patients avec prothèse de genou bilatérale versus unilatérale (Berman, Zarro, Bosacco et Israelite, 1987). Si nous regardons maintenant ce qui se passe au membre supérieur en cas d'hypomobilité articulaire unilatérale (par exemple, postaccident vasculaire cérébral), on remarque qu'une rééducation impliquant des mouvements symétriques bilatéraux améliore la performance motrice du côté atteint (Cauraugh et al., 2010 ; Lin, Chen, Chen, Wu et Chang, 2010). Cela est probablement lié au fait que le SNC favorise la délivrance de signaux efférents bilatéraux « par défaut » en regard du caractère uni- ou bilatéral de la tâche initiale (Cheyne et al., 2006). Ce signal est intégré à partir de l'entrée d'informations neurosensorielles bilatérales, ce qui permet d'améliorer la
coordination motrice (Ivry, 1997 ; Dietz, 2011). Cela définit donc le concept de « facilitation bilatérale ». Or, Delafontaine, Honeine, Do, Gagey et Chong (2015) ont montré que ce concept, observé aux membres supérieurs, pouvait être généralisé aux membres inférieurs dans l'IM.
Implications cliniques Le praticien peut se servir d'une entrée « symétrique/bilatérale » d'informations neurosensorielles afin d'améliorer la vitesse de marche (c'est-à-dire la performance) et donc par corrélation la longueur du pas et le freinage du CG. L'amélioration de la performance au cours de l'IM en présence d'une entrée « symétrique » d'informations neurosensorielles peut être argumenté par le fait que : ● neuro-anatomiquement, les structures (c'est-à-dire les ganglions de la base) impliquées dans la coordination des membres supérieurs (Johnson et al., 1998) et le contrôle de l'équilibre postural pour les membres inférieurs (Takakusaki, Tomita et Yano, 2008 ; Chastan et al., 2009a, b) sont identiques et améliorent la vitesse de marche (Peppe et al., 2010) lorsqu'elles sont stimulées par des informations symétriques (Crenna et al., 2006 ; Liu et al., 2006 ; Lin et al., 2010) comme vu chez le parkinsonien (Bastian, Kelly, Revilla, Perlmutter et Mink, 2003). Parmi ces structures, on retrouve les ganglions de la base qui ont un rôle majeur dans la flexibilité du répertoire des stratégies du contrôle de l'équilibre postural (Horak, Nutt et Nashner, 1992) ; ● l'entrée symétrique d'informations neurosensorielles offrirait une meilleure stabilisation posturale bilatérale, notamment médio-latérale (Rougier, Brugière, Gallois-Montbrun, Genthon
et Bouvat, 2008 ; Vaillant, Barthalais et Vuillerne, 2008), augmentant ainsi l'impression de stabilité du sujet (Colville, Lee et Ciullo, 1986) aussi bien sur le pied d'appui que sur le futur pied oscillant en prévision de la phase de double appui ; ● le caractère « symétrique » des informations proprioceptives plantaires modifie le comportement moteur (Do, Bussel et Brenière, 1990 ; Mouchnino et al., 2015 ; Thoumie et Do, 1996) et améliore la vitesse de marche (Delafontaine et al., 2015) ; ● lors de la marche, ces informations neurosensorielles sont probablement échangées entre les deux membres inférieurs par le biais du réflexe spinal croisé (Gervasio, Farina, Sinkjaer et Mrachacz-Kersting, 2013). Cela pourrait donc être plus facile à manager par le SNC ; ● le SNC met en jeu : un câblage symétrique (Barral, Albaret et Hauert, 2009), un traitement symétrique de l'information (Cheyne et al., 2006), une base sensorielle symétrique (Kavounoudias, Tremblay, Gravel, Iancu et Forget, 2005), une coordination motrice symétrique (Kelso et Schöner, 1988) et des circuits régulateurs propres à la double commande motrice (Paillard, 1946).
En résumé
■ L'IM est régulée bilatéralement au niveau des aires motrices supplémentaires du cortex cérébral, impliquant un processus global symétrique (Yazawa et al., 1997). ■ Il y a une coordination de l'activité spécifique de chaque membre inférieur (Kautz et Patten, 2005). ■ Il existe un réflexe spinal croisé lors de la marche (Gervasio et al., 2013).
Perspectives rééducatives Le rééquilibrage des capacités fonctionnelles semble donc concourir à l'amélioration de la performance motrice lors de l'IM. Ce concept de « facilitation bilatérale » est toutefois à considérer avec précaution en fonction du caractère pathologique et chronique de l'atteinte. Concernant son application clinique, cela laisse suggérer qu'il y aurait un intérêt moteur fondamental à démarrer le plus précocement possible (c'est-à-dire en phase « aiguë ») une rééducation bilatérale, afin de pérenniser le potentiel correctif existant par le biais de la plasticité cérébrale, chez les patients présentant une atteinte unilatérale d'origine neurologique ou orthopédique par exemple. Certaines études ont notamment démontré les bénéfices fonctionnels de la rééducation précoce en postopératoire que ce soit sur le rachis (Nielsen, Jorgensen, Dahl, Pedersen et Tonnesen, 2010 ) ou au membre inférieur (Munin, Rudy, Glynn, Crossett et Rubash, 1998). D'un point de vue ergonomique, le rééquilibrage des capacités fonctionnelles est d'ailleurs de plus en plus recherché afin d'améliorer la performance dans la tâche locomotrice. En effet, les orthoprothésistes produisent des prothèses et orthèses de cheville de plus en plus dynamiques (Lam, Leong, Li, Hu et Lu, 2005). La restauration de la mobilité articulaire perdue du côté pathologique permet d'améliorer l'activité électromyographique et d'équilibrer les contraintes vis-à-vis du membre sain lors de la marche (Lam et al., 2005).
En résumé
■ Le rééquilibrage des capacités fonctionnelles améliore la performance locomotrice d'où l'intérêt en rééducation de récupérer un déficit asymétrique. ■ L'entrée d'informations neurosensorielles bilatérales semble
bénéfique pour la rééducation de la marche. ■ Comme observé au membre supérieur chez l'hémiplégique (Lin et al., 2010), la présence d'une base neurosensorielle et biomécanique symétrique permettrait d'améliorer la force générée localement (Wu, Chuang, Lin, Chen et Tsay, 2011).
Biomécanique de la chute lors de l'initiation de la marche et lien clinique La chute intervient principalement lors de l'IM, notamment chez le sujet âgé (Mbourou, Lajoie et Teasdale, 2003). Pour rappel, quand une perturbation arrive, normalement le SNC provoque l'exécution d'un pas dit de rattrapage pour éviter la chute. Pour provoquer ce pas, il y a une fois de plus les deux phases dont nous avons parlé : la préparation posturale et l'exécution. Il faut avoir à l'idée que : ● si la phase de préparation posturale est anormalement longue, le patient n'aura pas le temps d'exécuter ce mouvement de rattrapage et donc chutera au sol ; ● si la phase de préparation posturale est normale, mais que la phase d'exécution est anormalement longue, le résultat est le même, le patient chutera (Do, Brenière et Brenguier, 1982) ; ● si les deux phases sont trop longues, la chute se produira également. L'impact psychologique de la chute semble créer des différences entre les patients « chuteurs » versus « non chuteurs ». Yiou et al. (2011a) ont étudié comment la peur de tomber peut influencer ce contrôle postural anticipatoire médio-latéral. Les résultats ont montré que l'amplitude des forces de propulsion générées pendant l'APA médio-latéral diminue chez les sujets ayant « peur de chuter ». Cette appréhension accentue la rigidité axiale (position en flexion du tronc) et réduit la liberté de mouvement des patients avec perte du
ballant des bras, de la coordination des ceintures pelvienne et scapulaire, multipliant d'autant plus leur risque de chute. Toute la chaîne pluri-articulée est atteinte, traduisant une altération de la capacité posturo-cinétique (Bouisset, 2002).
Conclusion L'IM nécessite un contrôle de l'équilibre ainsi que la génération de force propulsive. Avant l'exécution du pas, le système nerveux reconfigure la position du centre de masse par rapport à la base d'appui. Ces ajustements posturaux favorisent l'utilisation de la gravité pour générer la force propulsive tout en évitant une chute. L'implication de la gravité dans l'initiation de la marche fait en sorte que seule peu de force musculaire est nécessaire pour exécuter un pas. Néanmoins, l'IM nécessite une coordination complexe de plusieurs muscles. Il est donc important de mettre en place tant que possible des protocoles de rééducation qui ciblent la coordination et le contrôle de l'équilibre ainsi que le renforcement musculaire.
Points clés
■ Chez le sujet pathologique, la génération des forces de propulsion et le contrôle de l'équilibre postural sont dépendants de l'étiologie de la pathologie. En effet, les paramètres spatio-temporels et électromyographiques de l'IM varient de façon différente s'il s'agit d'une perturbation neurologique centrale ou bien d'une altération périphérique sensori-motrice et/ou musculo-squelettique. ■ Le processus d'IM est sensible au caractère symétrique ou asymétrique de la contrainte qui l'affecte. En effet, chez les patients présentant une pathologie asymétrique (amputation, gonarthrose, hémiplégie, pied bot varus équin…), les
paramètres biomécaniques de l'IM varient en fonction de la nature du membre inférieur qui initie le pas (c'est-à-dire pathologique ou sain), contrairement aux patients ayant des pathologies symétriques (obésité, maladie de Parkinson, diplégie…). ■ Les patients avec atteinte asymétrique (c'est-à-dire unilatérale) au membre inférieur préfèrent généralement initier stratégiquement la marche en avançant le côté pathologique en premier. Ils privilégient donc une stratégie de stabilité en utilisant le freinage de la jambe saine.
Entraînement
QCM 1 Pour initier la marche, les conditions indispensables sont de : A. créer un couple de déséquilibre CP/CG B. utiliser ses quadriceps C. générer des forces de propulsion D. contrôler son équilibre dynamique
QCM 2 Lors des APA : A. le muscle tibial antérieur contrôle les axes médio-latéral et antéro-postérieur B. le muscle soléaire est désactivé C. le muscle soléaire du pied d'appui propulse D. le tenseur du fascia lata du côté oscillant contrôle la chute médio-latérale du CG
QCM 3
Lors de la phase d'exécution du pas : A. le muscle tibial antérieur du pied d'appui est activé B. le triceps sural freine la chute verticale du CG C. le triceps sural contrôle indirectement la longueur du pas D. la longueur du pas est liée à la vitesse de marche
QCM 4 Une hypomobilité articulaire au membre inférieur : A. altère le fonctionnement des autres articulations homolatérales B. altère le fonctionnement des autres articulations controlatérales C. augmente la durée des APA D. augmente le freinage de la chute du CG
QCM 5 Le concept de « facilitation bilatérale » laisse suggérer que : A. la rééducation doit être précoce et lutter contre l'asymétrie B. la performance dépend du caractère symétrique ou asymétrique de la contrainte biomécanique C. le SNC a besoin d'intégrer des informations neurosensorielles symétriques D. le praticien doit rééquilibrer les capacités fonctionnelles
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CHAPITRE 7
Analyse des paramètres spatiotemporels de la marche : de la théorie à la clinique A. Gouelle; F. Megrot
PLAN DU CHAPITRE La marche : du cycle à la référence Fonctionnalité de la marche Asymétrie de la marche Contrôle de la marche Normalisation anthropométrique Évolution naturelle des paramètres spatio-temporels au cours de la vie Influence de la pathologie Protocole d'enregistrement Interpréter les paramètres spatio-temporels
Focus
■ Objectifs pédagogiques : – comprendre ce que sont les paramètres spatiotemporels (PST) et comment ils sont calculés ; – connaître l'évolution physiologique et pathologique de la marche ; – appréhender la marche à travers divers aspects. ■ Objectifs professionnels : – mettre en place un protocole pertinent d'enregistrement des PST ; – comprendre le processus d'analyse des résultats ; – réfléchir sur les avantages et inconvénients des différents systèmes. ■ Evidence based : – les PST fournissent des informations pertinentes pour l'évaluation et le suivi du patient ; – la rigueur du protocole et une bonne connaissance des PST sont indispensables pour éviter toute erreur ou sur-interprétation.
Les paramètres spatio-temporels (PST) de la marche sont devenus incontournables et sont sans doute les variables les plus étudiées en analyse clinique de la marche. Pourtant, ils restent souvent sousexploités au regard des riches informations qu'ils peuvent fournir quant à l'organisation et au contrôle de la marche du patient. Paramètres de prime abord simples à formuler et faciles à calculer, les exploiter au mieux nécessite une large connaissance de la marche « normale », avant même de pouvoir appréhender l'impact des troubles pathologiques. En effet, derrière leur simplicité apparente se
cache toute la complexité de lecture de paramètres qui sont intrinsèquement liés les uns aux autres et dépendent de nombreux facteurs personnels (par exemple, âge, sexe) et environnementaux (par exemple, protocole d'enregistrement, algorithmes de calcul). Ainsi, ne prendre en compte que la vitesse de marche pour évaluer les résultats d'un protocole de rééducation n'aura que peu de sens quand la vitesse dépend à la fois de la cadence et de la longueur de pas. Suivre l'évolution de la marche d'un enfant sans considérer la croissance aboutira inévitablement à des interprétations erronées. De même, évaluer uniquement des valeurs moyennes reviendra à occulter une part importante de l'information sur les perturbations et les régulations, visibles au travers de la variabilité. L'étude fine des PST permet d'obtenir, de manière objective et quantifiée, de nombreuses informations qui sont facilement obtenues par des systèmes de mesure performants. On peut obtenir essentiellement trois types d'information que nous détaillerons par la suite : le niveau fonctionnel de la marche, le degré d'asymétrie de la marche et enfin le niveau de contrôle et de stabilité de la marche. Vous le comprendrez assez vite, analyser les PST demande de l'expérience et de l'entraînement, tout autant que la connaissance des facteurs qui ont une influence sur eux. Ce chapitre a pour vocation de (re)découvrir, dans le détail, les PST, leur évolution sous l'effet de l'âge ou de la pathologie et d'orienter le lecteur dans leur analyse clinique, tout en mettant en exergue des points importants concernant notamment les protocoles d'enregistrement.
La marche : du cycle à la référence Cycle de marche Le cycle de marche (Kirtley, 2006 ; Perry et Burnfield, 2010 ; Whittle, 2007), défini comme la durée qui va de la survenue d'un événement particulier – par convention le contact initial du pied avec le sol – jusqu'à l'apparition suivante du même événement pour le même membre, est l'unité fondamentale de la marche. Bien que cette durée puisse être un paramètre important en soi, le cycle de marche est
habituellement normalisé de sorte que le contact initial du pied représente 0 % (début du cycle) et le contact suivant du même pied représente 100 % (fin du cycle). Ce procédé de normalisation temporelle rend plus simple la comparaison entre individus et, chez un même individu, entre les cycles des deux membres. La description détaillée des événements et des phases qui ont lieu au sein d'un cycle de marche dépend de la façon d'aborder la marche. L'approche la plus simple subdivise le cycle en fonction des périodes de contact des pieds avec le sol, distinguant deux phases, la phase d'appui et la phase oscillante, qui alternent pour chaque membre pendant la marche. Ceci implique d'ajouter un événement supplémentaire au cycle de marche, le moment où le pied quitte le sol. Un cycle de marche est ainsi composé d'une phase d'appui (de 0 à 60 % du cycle) suivie d'une phase oscillante (de 60 à 100 % du cycle) pour chacun des membres inférieurs droit et gauche. L'observation conjointe des caractéristiques spatiales et temporelles des deux membres inférieurs permet d'introduire des phases complémentaires (voir fig. 5.1). Lorsqu'un seul membre est en appui, on parle de simple appui (10 à 50 %), le second étant alors en phase oscillante. Lorsque les deux membres sont en phase d'appui, on parle de double appui. Si le double appui est souvent analysé comme une phase globale (20 %), il se divise en réalité en un premier double appui au moment de la mise en charge (de 0 à 10 % du cycle) et un second en fin d'appui (de 50 à 60 % du cycle, souvent appelé phase pré-oscillante).
Marche de référence De cette décomposition du cycle de marche découlent des paramètres spatiaux et temporels. Sensibles par nature à la vitesse de marche et évidemment aux conditions protocolaires, il est habituel d'étudier les PST dans un cadre de référence, le plus simple possible. La marche de référence est constituée par la marche de l'adulte sain à allure spontanée et en régime stable, c'est-à-dire ne prenant en considération ni la phase d'accélération ni la phase de décélération. Elle est préférentiellement enregistrée en ligne droite et n'est pas obstruée
d'obstacles. Évidemment, cela n'est pas totalement représentatif d'une marche dans la vie quotidienne, faite d'adaptation et de changements de rythme, mais est nécessaire à l'utilisation clinique des PST. D'autres types de protocoles peuvent ensuite être mis en place pour identifier d'autres problématiques (marche à vitesse lente ou rapide, ajout d'obstacles, demi-tour, double tâche, etc.).
Choix du mode de calcul des paramètres spatio-temporels Si de nombreux PST peuvent être retrouvés dans la littérature, ils sont tous obtenus à partir de quelques variables de base, reflétant la spatialité et la temporalité des placements de pied au sol. En fonction des systèmes utilisés et de l'objet d'étude, d'autres paramètres sont dérivés à partir de ces données brutes, notamment au travers de la normalisation temporelle et staturale, de calculs de ratio et de mesures de dispersion. Le premier prérequis à l'analyse des PST est tout simplement d'en connaître le mode de calcul car le choix des données brutes sélectionnées pour calculer le paramètre peut être valide dans la plupart des cas et donner des informations totalement erronées dans certaines marches spécifiques. Nous ne pourrons ici détailler toutes les modalités de calcul des PST en fonction des différents systèmes permettant leur enregistrement (voir plus loin Protocole d'enregistrement). Nous nous limiterons aux mesures fondées directement sur l'acquisition des coordonnées spatiales des pieds au sol et des temps de contact. Pour suivre un fil conducteur logique et éviter les aller-retour, nous allons appréhender les paramètres en fonction du type d'information auquel ils renvoient : le niveau fonctionnel de la marche, le degré d'asymétrie et le contrôle de la marche.
Fonctionnalité de la marche Un premier aspect de la marche s'intéresse à ce que produit le patient
en termes de valeurs moyennes des paramètres spatial et temporel, souvent à l'écart entre celles-ci et des normes de pairs contrôles.
Paramètres temporels Ces paramètres sont les valeurs temporelles brutes qui reflètent la marche du patient. Ils ne sont pas directement utilisés sous cette forme brute, en secondes ou millisecondes, qui est peu parlante et évidemment en lien direct avec la fréquence de la locomotion. L'analyse des durées relatives de chaque phase en pourcentage de la durée totale du cycle de marche est plus usuelle et sera abordée juste après. Durée du pas (s) : période de temps entre le premier contact d'un pied et le premier contact suivant du pied controlatéral. Durée du pas gauche = premier contact à gauche − premier contact à droite Exemple : 10,358 − 9,775 = 0.583 s Durée d'enjambée /de cycle (s) : durée totale du cycle de marche qui est équivalente au temps mis pour faire deux pas successifs ; cette durée est utilisée pour exprimer les phases de marche en durée relative (%). La durée du cycle est calculée comme le temps écoulé entre le premier contact d'un pied et le premier contact suivant du même pied. Durée du cycle gauche = premier contact à gauche n° 2 − premier contact à gauche n° 1 Exemple : 10,358 − 9,167 = 1,167 s Phase d'appui (s) : période de temps où le pied est en contact avec le sol (simple appui + double appui). Elle est mesurée en soustrayant l'instant de premier contact du pied à l'instant du dernier contact du pied, durée à laquelle on ajoute un échantillon temporel pour avoir la totalité de l'appui. Ici, on doit ajouter un échantillon car au dernier temps, le pied est encore en contact avec le sol (attention sans cela, la valeur est déjà erronée). Phase d'appui = dernier contact − premier contact
+ 1 échantillon Exemple pour un système à 120 Hz : 9,933 − 9,167 + 0,00833 = 0,77433 s Phase oscillante (s) : par logique, c'est la période de temps durant laquelle le pied n'est pas en contact avec le sol. Phase oscillante = durée du cycle − phase d'appui Exemple : 1,192 − 0,775 = 0,417 s Simple appui (s) : période de temps durant laquelle un seul pied est en contact avec le sol ; il équivaut à la phase oscillante du membre inférieur controlatéral pour le cycle considéré. Double appui (s) : périodes initiale et finale de la phase d'appui, où les deux pieds sont en contact avec le sol ; il peut être considéré comme une durée globale ou en différenciant double appui initial et double appui terminal. Double appui initial = (dernier contact du pied précédent + 1 échantillon) − premier contact du pied courant Exemple pour un système à 120 Hz : (9,933 + 0,00833) − 9,775 = 0,16 s Double appui final = (dernier contact du pied courant + 1 échantillon) − premier contact du pied suivant Double appui total = double appui initial + double appui final Une fois exprimées en pourcentage de la durée du cycle (simple produit en croix), les proportions des différentes phases deviennent plus faciles à exploiter, toutefois elles varient une fois encore avec la vitesse (fig. 7.1).
FIG. 7.1 Part relative des différentes phases du cycle de marche en fonction de l'allure de marche. La phase d'appui intègre le double appui initial, la phase de simple appui et le double appui terminal. Elle représente ainsi une composante globale de l'appui d'un pied au sol. Sa durée à vitesse spontanée est d'environ 60 % du cycle de marche. Cette proportion diminue lorsque la vitesse augmente, en faveur de la durée de la phase oscillante qui représente les 40 % du cycle où la jambe n'est plus en contact avec le sol et est ramenée vers l'avant. La phase d'appui est souvent prolongée lorsque le sujet présente un problème d'équilibre. Quand le trouble de la marche affecte plus particulièrement un côté (hémiplégie, prothèse, douleur), l'appui est écourté sur le pied (le plus) affecté et accru sur l'autre membre. Il est également à noter que la phase d'appui est plus courte lors d'une marche chaussée comparée à une marche pieds nus, les chaussures conférant une surface d'appui au sol légèrement plus grande et améliorant l'équilibre (Eisenhardt, Cook, Pregler et Foehl, 1996). Les informations les plus pertinentes sont données par le rapport entre la phase de simple appui (40 %) et les deux phases de double
appui (deux fois 10 %). D'abord car ces deux paramètres sont suffisants pour calculer toutes les phases, la phase de simple appui d'un membre étant évidemment équivalente à la phase oscillante du membre controlatéral. Lorsque la marche est symétrique, réduire la phase de simple appui revient donc à augmenter la proportion de double appui. C'est le cas lorsqu'une personne est amenée à marcher plus lentement qu'à sa vitesse spontanée et/ou lorsqu'il y a un problème d'équilibre dynamique, augmenter le temps passé sur ses deux appuis permettant de donner plus de temps pour contrôler le centre de masse. Au contraire, s'il est demandé à un sujet de marcher plus rapidement, le double appui va être réduit en faveur du simple appui. En outre, bien que la phase de double appui soit souvent étudiée dans sa globalité, différencier le double appui initial et le double appui terminal permet de préciser un problème au cours du transfert d'un appui à l'autre. Cadence (pas/min) : nombre de pas réalisés au cours d'un temps donné ; l'unité utilisée cliniquement est habituellement le nombre de pas par minute. La cadence est donnée en pas par minute ou en cycles par minute, information une fois de plus davantage exploitable. Toutefois mathématiquement, la cadence, qui est une fréquence (nombre d'événements par seconde), est calculée comme l'inverse de la durée du cycle. Elle est ensuite affectée d'un facteur 60 pour obtenir un nombre de cycles par minute ou d'un facteur 120 pour le nombre de pas par minute. La cadence spontanée se situe généralement entre 98– 138 pas/min pour les femmes et 91–135 pas/min pour les hommes de 18–49 ans, les femmes compensant la plus petite longueur de pas par une plus grande fréquence de pas. En règle générale, une cadence accrue se retrouve quel que soit le sexe
pour des adultes de plus petite taille que la population moyenne.
Paramètres spatiaux Ce sont les paramètres qui reflètent les déplacements antéropostérieurs et médio-latéraux des pieds au cours de la marche. Longueur de cycle ou d'enjambée (m ou cm) : distance parcourue au cours d'un cycle ; elle peut être mesurée comme la longueur entre le point le plus en arrière de deux empreintes successives du même pied (souvent le talon). Pour la calculer, il faut connaître les coordonnées, dans l'espace de référence, du point le plus en arrière des empreintes considérées et calculer la distance entre ces deux points. Par exemple, point n° 1 (764,253, 28,798) et point n° 2 (637,172, 24,508) :
Longueur de pas (m ou cm) : distance entre le point le plus en arrière de deux empreintes successives des pieds (souvent le talon), mesurée parallèlement à la direction de progression de l'enjambée ipsilatérale. Même logique que la longueur de cycle pour le calcul. Largeur de cycle ou base de support (cm) : elle correspond à l'écartement des pieds pendant la marche. Différents modes de calcul peuvent être retrouvés, mais elle est habituellement définie comme la distance perpendiculaire entre la ligne reliant deux talons du même pied (cycle) et le talon du pied controlatéral. Ce calcul est conseillé, car il est plus robuste et valide, même dans le cas de déviation de l'axe de progression au cours de la marche (Huxham, Gong, Baker, Morris et Iansek, 2006). Angle interne/externe (°) : angle entre la direction de
progression et l'angle du pied qui résulte en un angle positif quand le pied est tourné vers l'extérieur et en un angle négatif quand le pied est tourné vers l'intérieur. Angle int/ext = angle de l'empreinte − direction de progression Exemple : 7,754 − (− 10,165) = 14,144° La longueur d'enjambée est la distance relative au cycle de marche mais, en pratique, la longueur de pas s'avère davantage informative, car elle permet d'évaluer la symétrie entre les deux membres. Évidemment, la longueur de pas est directement en lien avec la longueur du membre inférieur et il est donc particulièrement important de normaliser la longueur de pas pour suivre l'évolution de la marche d'un enfant/adolescent. La longueur de pas d'un membre est en partie dépendante de l'appui controlatéral, car si ce dernier est mauvais, le pied va être reposé au sol plus rapidement et moins loin. Ainsi, elle est souvent réduite dans les pathologies impactant la marche, alors que la cadence est accrue pour conserver une certaine vitesse. La longueur de pas étant communément calculée en fonction de l'axe de progression antéro-postérieur, il est possible d'observer une longueur de pas nulle ou négative si le pied arrière n'est pas ramené au-delà du pied avant. Il est également possible de s'intéresser à la longueur de déplacement global du pied dans l'espace, appelée longueur de pas absolue, qui est la distance directe entre les deux appuis successifs (prend en compte la distance antéro-postérieure et la distance latérale). La base de support est habituellement comprise entre 8 et 12 cm chez l'enfant et l'adulte, et plus large chez le tout-petit (une fois normalisée par la largeur de bassin) et chez la personne âgée. En présence de problèmes d'équilibre dynamique, l'élargissement du polygone de sustentation constitue une stratégie visant à mieux contrôler la marche et réduire le risque de chutes. Il s'agit du principal mécanisme de compensation appliqué sur le plan frontal qui vise à augmenter la marge de sécurité entre le centre de masse et les limites
de la base de support. Cela peut s'avérer efficace, ou pas, mais signe toujours la présence d'un trouble de l'équilibre. Une base de support négative peut également être retrouvée lors de la présence de croisements de pas, comme dans la marche ébrieuse ou ataxique. En outre, chez un sujet asymptomatique, la largeur de cycle diminue lorsqu'il lui est demandé de marcher plus vite qu'à sa vitesse spontanée, ce qui s'explique logiquement par le rapport géométrique entre longueur de pas et largeur de cycle. L'angle de progression du pas (environ 0 à 15° chez l'adulte contrôle) rend compte de la position du pied (en abduction, en adduction ou neutre) au cours de l'appui. Il s'agit d'une caractéristique très individuelle, qui est liée principalement aux habitudes motrices et à l'architecture osseuse du membre inférieur. Une différence inférieure ou égale à 5° entre les deux pieds peut être considérée comme normale. Les rotations internes et externes excessives sont fréquemment observées chez les sujets paralysés cérébraux, où elles découlent des vices architecturaux qui apparaissent progressivement au cours de la croissance (anomalies de rotation du segment fémoral et jambier, déviations fixées ou irréductibles du pied en varus adductus ou en valgus abductus). Attention, car la validité et la reproductibilité de ces paramètres sont dépendantes de la pose complète du pied au sol. On l'oublie souvent mais, au-delà de la précision spatiale et temporelle d'un matériel électronique, la manière dont sont gérées les empreintes au sol est très importante car toutes les mesures spatiales en découlent. Par exemple, en cas de marche en varus équin, avec pose exclusive de l'avant-pied, l'angle donné par un système fondé sur des capteurs de pression sera incorrect, avec bien souvent une surestimation de la rotation interne. En indiquant les mesures du pied (longueur et largeur), certains logiciels peuvent donner une indication relative à la surface effective en contact avec le sol, ce qui donne alors une idée de la validité de la mesure de rotation du pied. De plus, si le patient n'a pas systématiquement la même pose d'appui au sol (une fois sur l'avant-pied puis pose de l'arrière-pied),
les mesures des longueurs de pas et cycles sont affectées. Ce que le logiciel considère comme le talon pour l'appui en équin est en réalité l'avant-pied. Pour résoudre ce problème, certains logiciels (par exemple, PKMAS®, ProtoKinetics) laissent le choix de la référence à l'utilisateur (arrière-pied, centre de l'empreinte ou avant-pied).
Autres mesures Nous nous intéressons ici aux paramètres qui ne sont pas strictement temporels ou spatiaux, mais se rapportent plutôt aux deux aspects à la fois. Vitesse (m/s ou cm/s) : distance parcourue en un temps donné. Elle est généralement mesurée en divisant la somme de toutes les longueurs de cycle par la somme de toutes les durées de cycle. Il est aussi possible de calculer une vitesse pour chaque cycle en divisant la longueur d'un cycle spécifique par sa durée. Si vous faites la moyenne de ces vitesses par cycle, le résultat obtenu sera légèrement différent de la vitesse de marche globale. En effet, le calcul de la vitesse moyenne revient à appliquer un poids statistique équivalent à tous les cycles, alors que le calcul de la vitesse du cycle est affecté par la durée de chaque cycle.
La vitesse représente la performance globale de la marche et est considérée comme un sixième signe vital. Chacun a une vitesse spontanée préférentielle ou plutôt une zone de vitesse de confort, déterminée à plus ou moins 1 km/h autour de la moyenne, dans laquelle il n'y a pas de différence significative du coût énergétique. On peut convenir d'une gamme de vitesse comprise entre 4,3 km/h et 5,8 km/h, soit entre 1,2 m/s et 1,6 m/s chez l'adulte. La vitesse peut simplement être calculée comme la distance parcourue divisée par le temps nécessaire, toutefois c'est aussi le
produit de la longueur de pas et de la cadence. En d'autres termes, il est possible de produire une même vitesse via de multiples configurations allant de petits pas très rapides à de grands pas lents. De plus, alors que la cadence augmente linéairement, la longueur de pas, davantage contrainte par l'aspect physique, augmente de façon logarithmique, changeant beaucoup à basse vitesse, mais tendant à se stabiliser à des vitesses plus élevées. Ainsi, considérer uniquement la vitesse de marche n'est pas suffisant pour analyser correctement la marche d'un sujet et plus encore son évolution dans le temps. Une vitesse de marche normale peut résulter d'une cadence et d'une longueur de pas adéquates (marche asymptomatique), comme d'une marche avec de petits pas compensés par une augmentation de fréquence. Si la compensation est insuffisante, la vitesse sera également réduite. De plus, si la vitesse de marche préférentielle chez les adultes sains est très proche de celle qui minimise la dépense énergétique par unité de distance, ceci est juste seulement si la cadence de pas est également librement choisie. Zarrugh et Radcliffe (1978) ont montré que cette fréquence de pas préférentielle est celle qui nécessite la moindre consommation de dioxygène quelle que soit la vitesse. Toute autre cadence contrainte pour la même vitesse de marche augmente le coût en dioxygène par rapport à celui requis pour une cadence non contrainte. Pour pallier cette carence informationnelle de la vitesse, un paramètre dénommé walk ratio peut être utilisé. Walk ratio (cm/pas/min) : longueur de pas divisée par la cadence. Le walk ratio représente la relation entre l'amplitude et la fréquence des mouvements des jambes et est calculé comme la longueur moyenne des pas divisée par la cadence. Chez l'adulte, il est relativement invariant dans une gamme de vitesses allant de très lente à très rapide, autrement dit, indépendant de la vitesse (Sekiya, Nagasaki, Ito et Furuna, 1996). Marcher avec un walk ratio invariant serait optimal en termes de dépense énergétique, de variabilité
temporelle, de variabilité spatiale et de demande attentionnelle. Il s'agit donc d'un paramètre particulièrement intéressant pour le suivi longitudinal d'un patient, notamment au cours de la rééducation, qui renseigne sur l'organisation rythmique de la marche. Le walk ratio obtenu à partir de la longueur de pas en centimètres et de la cadence en pas/minute est en moyenne de 0,58 (0,06) chez l'adulte et diminue quand la personne a tendance à marcher en faisant beaucoup de petits pas. Attention car ces valeurs de référence changent en fonction des paramètres (longueur de pas, longueur de cycle), des unités utilisées (cm, m) et des éventuelles variables de normalisation (longueur de jambe, taille). Nous y reviendrons plus loin (voir Normalisation anthropométrique).
Functional ambulation performance score (FAPS) Le FAPS traduit de manière quantifiée les anomalies fonctionnelles de la marche, sans tenir compte de la cinématique du mouvement. Développé comme une alternative informatisée au functional ambulation profile de Nelson (1974), le FAPS est une représentation quantitative de la marche d'une personne fondée sur une sélection de données spatio-temporelles obtenues à sa vitesse spontanée. Ces paramètres sont la vitesse normalisée par la longueur du membre inférieur, le ratio longueur de pas/longueur de membre inférieur, la durée du pas, l'asymétrie droite–gauche de la longueur de pas et la base de support. À partir d'un score maximal de 100, des points sont retranchés en fonction de la déviation des PST du patient par rapport aux PST d'une base normale adulte. Les déductions possibles sont séparées en six catégories, comptant chacune pour 5 à 22 points. Une marche normale est reflétée par un score compris entre 95 et 100. Le FAPS est couramment utilisé en clinique et est apparu dans un nombre croissant de publications au cours des dernières années. Cependant, son utilisation est parfois faussée par des incompréhensions au sujet de son calcul, de limites pratiques et/ou conceptuelles. Nous vous
recommandons ainsi de lire la revue de Gouelle (2014) avant d'utiliser le FAPS.
En résumé S'il s'agit du paramètre le plus populaire en clinique, s'arrêter à la vitesse de marche ne donne qu'une vision parcellaire de la marche du patient. On ne peut (doit) pas fonder toute une évaluation thérapeutique ou un protocole sur ce seul paramètre. Sans avoir à entrer dans les détails mathématiques, connaître son système et les modalités de calcul des paramètres est un impératif.
Asymétrie de la marche L'asymétrie renvoie à la différence qu'il existe pour un même paramètre entre les deux membres inférieurs, ou plus simplement entre la jambe droite et la jambe gauche. Elle est une mesure de la qualité du pattern de la marche et peut être perçue comme un aspect important dans l'analyse des troubles de la marche, spécialement car elle augmente le coût énergétique et est en lien avec les déficits d'équilibre dynamique. L'asymétrie peut affecter la marche d'un point de vue spatial (par exemple, longueurs de pas inégales entre droite et gauche) et temporel (par exemple, différence de durée passée en phase oscillante/phase d'appui entre les deux pieds). Le principal défi est de choisir le calcul d'asymétrie adéquat en fonction de ce que l'on veut observer, ce qui dépend souvent du type d'atteinte. Généralement, le plus simple est l'utilisation de la différence entre les deux côtés (par exemple, gauche–droite) de manière brute ou absolue. Dans les deux cas, une différence de 0 représente une parfaite symétrie. Avec la différence brute, la valeur obtenue indique la direction de l'asymétrie, alors que la différence absolue donne uniquement l'amplitude de l'asymétrie. Afin de
pouvoir comparer des évaluations successives ou plusieurs sujets entre eux, il est préférable d'utiliser des paramètres déjà normalisés. La seconde possibilité consiste dans le calcul d'un ratio (par exemple, gauche/droite). Un ratio de 1 représente une parfaite symétrie. Différentes équations peuvent être utilisées dans ce cas (ratio de symétrie, index de symétrie, transformation logarithmique du ratio, angle de symétrie). Patterson, Gage, Brooks, Black et McIlroy (2010) ont trouvé de fortes corrélations entre ces différentes équations et en ont conclu qu'aucune n'avait réellement plus d'avantages par rapport aux autres. Ainsi, ils ont proposé d'utiliser un ratio de symétrie qui est plus simple à interpréter (membre non parétique/membre parétique, ou l'inverse). Attention, si la symétrie est souvent observée dans la population asymptomatique, il est possible de noter de petites asymétries de certains paramètres chez des sujets contrôles. Il est difficile de donner une valeur unique d'asymétrie, au-delà de laquelle celle-ci dépasserait ce qui peut être observé naturellement. C'est pourquoi Patterson et al. (2010) ont proposé de considérer comme asymétriques les individus dont l'asymétrie se situe au-delà de l'intervalle de confiance à 95 % dans la population saine. En d'autres termes, des seuils d'asymétrie pour le ratio (grande valeur/petite valeur) ont été déterminés pour la longueur de pas (1,08), la durée de la phase d'appui (1,05) et la phase de double appui (1,04). Au-delà, la marche peut être considérée comme asymétrique pour le paramètre considéré. Le plus souvent, le sujet tend à réduire l'appui sur le membre inférieur le plus affecté et on observe : ● une durée de phase oscillante accrue pour le côté parétique et/ou réduite pour le côté non parétique ; ● une durée de phase d'appui diminuée pour le côté parétique et/ou augmentée pour le côté non parétique ; ● une longueur de pas réduite du côté non parétique. Pour davantage de réflexion à ce sujet, une excellente revue de littérature sur l'asymétrie de la marche chez le sujet cérébrolésé a été publiée par Lauzière, Betschart, Aissaoui et Nadeau (2014).
Contrôle de la marche Qu'il soit automatique ou volontaire, un mouvement, aussi simple soit-il, doit faire appel, pour être réalisé, à de nombreux mécanismes déclenchés et gérés, notamment, par le système nerveux central (SNC), ceci depuis les commandes « lancées » par les différentes aires motrices du cerveau jusqu'à l'activation des fibres musculaires mettant en jeu les articulations. Le mouvement peut ainsi être réflexe, automatique ou volontaire. La part du réflexe, de l'automatisme, de l'exécution volontaire dans la réalisation d'un ensemble de mouvements est difficile à mettre en évidence. Ces différentes parts sont très souvent intriquées. Ainsi, l'exécution volontaire d'un mouvement est généralement accompagnée d'une régulation automatique, voire réflexe, d'ajustements posturaux. Les systèmes de régulation dont nous sommes dotés doivent donc mettre en adéquation les données motrices et sensorielles afin de maintenir notre stabilité posturale, préserver notre équilibre, réaliser des enchaînements de mouvements parfois complexes, tout en nous adaptant aux conditions changeantes de notre environnement. Les réponses qui seront apportées devront très souvent se conformer à un impératif : une réalisation efficace à un coût minimal, c'est-à-dire l'efficience motrice (voir l'efficience maximale de Newell, 1985). Les différentes opérations permettant de préparer, déclencher et contrôler des mouvements coordonnés font l'objet d'un certain nombre de théories qui parfois se complètent, parfois s'opposent. En tout état de cause, il s'agit souvent d'un problème d'échelle, que l'on s'intéresse au niveau microscopique (réseaux de neurones par exemple) ou macroscopique (système poly-articulé complexe). Les théories tentant d'expliquer la façon dont le mouvement est produit et régulé se regroupent sous le champ scientifique du contrôle moteur qui se situe au carrefour d'un certain nombre d'autres champs comme la cybernétique, la physiologie, la biomécanique, les neurosciences comportementales, l'analyse du mouvement et les sciences cognitives. En résonance avec la multiplicité de ces champs scientifiques, ces théories sont multiples et peuvent être regroupées en
deux façons de concevoir le contrôle du mouvement.
De la prescription… Pour les théories cognitivistes, le mouvement est sous la dépendance d'une instance hiérarchiquement supérieure, en l'occurrence le SNC. Celui-ci a pour rôle d'agréger et d'identifier les différentes informations contenues dans l'environnement afin de prescrire et envoyer un plan d'action au système moteur, permettant la production du mouvement (d'où l'expression « théories prescriptives » retrouvée très souvent dans la littérature pour désigner les théories centralistes du contrôle moteur). Cette planification de commandes efférentes précédant le début du mouvement serait permise par l'existence de programmes moteurs (théorie des schémas de Schmidt, 1975), ensemble de commandes motrices préstructurées et exécutées sans que l'individu ne fasse référence aux sources d'afférences disponibles (Keele, 1968). La génération et le contrôle de la commande motrice, selon Bernstein (1967), supposent deux systèmes de contrôle. L'un dit en boucle ouverte, l'autre dit en boucle fermée. Dans le premier mode, dit proactif (ou en boucle ouverte ou en feedforward), toute l'information utile à la réalisation globale du mouvement est fournie aux effecteurs via le programme moteur, aucun signal de retour n'est nécessaire. Idéalement, ce type de contrôle peut donner une performance parfaite avec une erreur nulle entre la référence et la variable contrôlée. Cependant, cela requiert à la fois une importante précision et l'absence de perturbations inattendues. Or, aucun système biologique ne peut être à la fois d'une précision parfaite et libre de perturbations externes, une correction d'erreur doit donc intervenir. Le second mode, contrôle rétroactif (ou en boucle fermée ou en feedback), est assuré au travers de boucles de régulation, d'origine proprioceptive, vestibulaire et visuelle, pour adapter les différents paramètres de marche aux contraintes du milieu extérieur. L'avantage majeur d'un tel contrôle est la robustesse de la stratégie qui dirige de manière constante le système de façon à supprimer l'erreur signalée par les réafférences. Cependant, le recours aux feedbacks sensoriels
implique un délai de correction qui peut s'avérer trop long pour permettre un contrôle moteur rapide et efficace. Il s'agit là d'une limite importante à ces théories. L'organisation d'un contrôle moteur central suppose aussi l'existence d'une représentation interne, égocentrée (prise par rapport au sujet) et allocentrée (par rapport à l'environnement), qui favorise la paramétrisation du mouvement à effectuer, à la fois inné et acquis par apprentissage, ce schéma corporel postural (Gurfinkel, Levik, Popov, Smetanin et Shlikov, 1988) serait axé autour de trois éléments : une représentation de la géométrie du corps, dépendante essentiellement des informations issues des afférences proprioceptives musculaires ; la représentation des forces d'appui au sol, au travers des afférences cutanées et proprioceptives de la voûte plantaire ; l'orientation du corps par rapport à la verticale, issue d'informations multisensorielles, avec une importance particulière de la vision via le positionnement de la tête. Il est clair que la construction d'une image cohérente du corps passe par une multimodalité sensorielle, qui constitue pour Berthoz (1997) un véritable sixième sens, le sens du mouvement. La question qui reste finalement en suspens est celle de la nature de ce qui est réellement contrôlé, permettant la détection des erreurs et, par conséquent, la régulation de la posture et le contrôle de l'équilibre autour d'une valeur stable. À ce sujet et pour simplifier, deux hypothèses contradictoires sont émises : soit c'est la géométrie du sujet qui est régulée (Lacquaniti, 1992), de ce fait la position du centre de masse par rapport au sol ne serait déterminée que secondairement du fait de la configuration des segments corporels (approche neurophysiologique) ; soit c'est la position du centre de masse par rapport au sol qui est directement régulée, le centre de masse étant alors considéré comme une variable macroscopique résumant le système (approche biomécanique). Dans le premier cas, il semble difficile de concevoir que le SNC puisse contrôler chaque unité motrice impliquée dans une action. Le SNC n'est probablement pas capable de contrôler tous les degrés de liberté qui caractérisent l'organisation anatomique et dynamique du corps. Face à cette complexité, plusieurs auteurs ont suggéré que
des stratégies de simplification du contrôle moteur pouvaient mettre en jeu une organisation synergique ou le regroupement de plusieurs paramètres contrôlés pour réduire le nombre de degrés de liberté. Dans cette hypothèse, lors de la réalisation d'un mouvement, la commande motrice peut être redéfinie par la mise en place de mécanismes de simplification, visant à réduire la complexité de l'action par la réduction du nombre de facteurs à contrôler, tel qu'évoqué par Bernstein (1967). Dans ce cas, si la variable régulée est le centre de masse, certains auteurs formulent l'hypothèse que le SNC pourrait estimer les positions successives (ainsi que les dérivées vitesse et accélération) du centre de masse en se fondant sur la représentation interne du système musculo-squelettique et sur les différentes informations sensorielles (Gurfinkel, 1973), élaborant ainsi une représentation de la dynamique du centre de masse. Cependant les données relatives au centre de masse seul pourraient être insuffisantes au cours de la marche, les limites de la stabilité étant dépendantes de la vitesse du centre de masse ainsi que des déplacements de celui-ci par rapport à la base de support. Le SCN a donc également besoin de connaître et de contrôler l'état (position et vitesse) de la base de support. L'approche computationnelle du contrôle moteur a été en partie influencée par la cybernétique (Wiener, 1948), science du contrôle des systèmes, vivants ou non, dont l'objet est l'optimisation du fonctionnement d'un système. Cette optimisation passe notamment par les notions d'invariance, de variable contrôlée et de rétroaction. Dans ce cadre théorique, les mesures observées en sortie d'un système sont la somme du signal plus du bruit. Ainsi, sous réserve que le système perceptivo-moteur ne soit pas affecté (c'est-à-dire en l'absence de pathologie des systèmes nerveux, proprioceptifs ou musculosquelettiques), l'invariance du mouvement est interprétée comme l'ordre naturel du système biologique. La variabilité (de la cinématique, cinétique, du pattern électromyographique, etc.) est due à l'impossibilité physiologique d'obtenir deux fois exactement le même mouvement. Elle n'a d'autre sens qu'une perturbation aléatoire autour d'une hypothétique
« valeur vraie », représentée habituellement par la moyenne arithmétique. Cette variabilité va correspondre non seulement au bruit mais aussi aux erreurs de contrôle et être le signe d'une stabilité dynamique dégradée. En outre, si le sujet veut modifier son comportement moteur (par exemple, l'apprentissage) ou doit le modifier à cause de contraintes supplémentaires (par exemple, la pathologie), il devient nécessaire de ré-optimiser les étapes de traitement et de contrôle du mouvement. Le SNC va alors devoir intégrer de nouvelles représentations, voire un nouveau programme moteur. Dans cette perspective, il est peu probable que le nouveau schéma moteur mis en place permette d'assurer efficacement la stabilité du mouvement, du moins avant un certain temps de reprogrammation motrice. Cependant, on peut formuler un certain nombre de critiques à propos des théories cognitivistes. Même sous une forme généralisée, les programmes moteurs impliquent d'une part l'existence d'une représentation explicite de chaque mouvement au niveau du SNC, d'autre part la connaissance exhaustive de toutes les combinaisons articulaires, musculaires, possibles à utiliser dans telle ou telle situation. Ceci représente une quantité d'information très importante et pose donc la question des capacités de stockage et de calculs des centres supérieurs. Pour certains chercheurs, ce système de programmation centralisé est promis à l'explosion calculatoire (Bonnet, Guiard, Requin et Semjen, 1994). Ainsi, il a été proposé d'autres théories permettant de comprendre différemment le contrôle du mouvement en donnant un rôle prépondérant à l'interaction entre le sujet et son environnement, traduisant un système complexe doté de nombreux composants et sous-systèmes en interaction (Temprado et Montagne, 2001).
… à l'émergence Comment des systèmes complexes comme le corps humain peuvent-ils avoir des comportements stables et organisés face à des contraintes variées et variables qui s'exercent sur eux, sans qu'il n'y ait de mécanisme de
régulation ? Telle est la question à laquelle tente de répondre l'approche issue des théories des systèmes dynamiques. Ces théories s'intéressent à l'évolution temporelle des systèmes (d'où le terme dynamique) et cherchent à formuler des lois mathématiques qui, au travers d'une ou de plusieurs variables essentielles, spécifient le comportement du système. L'approche dynamique postule que le comportement d'un système complexe émerge d'un réseau de contraintes, liées soit à la tâche, soit à l'organisme, soit à l'environnement (Kelso, 1995 ; Newell, 1985 ; Ruthen, 1993). Autrement dit, nos gestes sont contraints par divers facteurs, internes et externes, qui limitent les degrés de liberté du système, c'est-à-dire nos possibilités d'action. Dans ce cas, un contrôle cognitif centralisé et exhaustif de la motricité est inutile, le comportement observé résultant plutôt de capacités d'autoorganisation. Pour les théories de l'auto-organisation (Babloyantz, 1986 ; Haken, 1983, 1984 ; Prigogine et Stengers, 1979), l'organisation d'un système à l'échelle macroscopique est le résultat des interactions de ses composantes, les unes avec les autres, au plan microscopique. À l'instar des théories cognitives décrites plus avant, un rôle important est donné à l'information contenue dans l'environnement, véritable force capable de déterminer le comportement et, plus particulièrement, de réaliser le couplage entre l'individu et son environnement. L'idée d'un couplage entre perception et action a été introduite par Gibson (1950, 1966). L'information est directement disponible dans l'environnement et offre une collection de possibilités d'action. Chaque individu explore celui-ci et s'adapte en fonction de ses caractéristiques morpho-énergétiques. Ce ne sont pas les propriétés physiques des objets ou des lieux qui importent, mais les actions que ces propriétés permettent : il s'agit de la notion d'affordance (Gibson, 1966). Warren et Shaw (1984) ont montré que le comportement adopté pour monter un escalier (c'est-à-dire bipédie, quadrupédie) est lié au degré de cohérence entre le grimpeur et l'escalier, pouvant être ramené à une seule variable, le rapport entre la hauteur des marches
et la longueur des jambes. L'auto-organisation confère ainsi une réelle adaptabilité, dans le sens où le système va adopter, sans que cela ne soit prescrit par un quelconque contrôleur central, le comportement qui sera le moins coûteux et/ou le plus efficient face à l'ensemble des contraintes (Waldrop, 1992). Cela signifie aussi que, bien qu'une grande diversité d'organisations soit possible pour réaliser un même mouvement, le système va tendre spontanément vers un certain type de comportement, que l'on peut qualifier de naturel, spontané ou préférentiel. Ces coordinations préférentielles sont appelées des attracteurs. De manière générale, un attracteur peut être défini comme « n'importe quoi du moment que tout y converge et s'y dépose » (Stewart, 1992). Le pendule qui s'immobilise progressivement rejoint son état attracteur (l'immobilité), de même que le liquide chaud dont la température rejoint doucement celle de son environnement (Prigogine et Stengers, 1979). Dans le domaine de la motricité, l'état attracteur représente la traduction visible du choix préférentiel par le sujet de coordinations émergentes, spontanées parmi les multiples possibles, mettant en jeu un minimum énergétique. La principale caractéristique de l'attracteur est la stabilité du comportement correspondant, c'est-à-dire que d'un essai à l'autre, ou d'un cycle à l'autre dans le cas d'une tâche cyclique comme la marche, le comportement tend à reproduire ses caractéristiques essentielles. De même, il existe des états « anti-naturels » répulseurs dans lequel le système ne peut se maintenir, à moins qu'il n'y soit contraint par une force externe. Cette notion d'attracteur/répulseur peut être illustrée métaphoriquement en mettant en jeu des collines (lieux d'états transitoires du système – répulseurs ou repellants) et des vallées (attracteurs) et en traduisant la dynamique du système par le comportement d'une bille. Dès lors, il est simple de concevoir que la position de la bille au fond de la vallée sera l'expression d'un état stable et ce, d'autant plus que le sommet est haut (ou la vallée profonde) et que la pente depuis ce sommet est marquée. L'état attracteur signe donc pour un système une forte stabilité.
Contrairement aux présupposés classiques illustrés plus avant, la présence de bruit est essentielle dans la dynamique du système. La variabilité n'est ni aléatoire ni sans signification, mais elle possède une structure qui atteste de son importance dans les processus de contrôle et de régulation du mouvement. Il ne s'agit pas uniquement de bruit inutile et néfaste mais de bruit qui participe à une fonction adaptative, le changement de pattern et fournit une source potentielle d'information pour explorer les différents états disponibles. De plus, les fluctuations permettent de connaître le degré de stabilité du système, c'est-à-dire sa capacité à conserver un pattern de coordination préférentiel en dépit des perturbations. Moins le seuil critique de fluctuations sera important, moins la coordination sera stable. Cela explique notamment l'impossibilité de se maintenir sur un état « répulseur » : bien qu'état d'équilibre possible en théorie, la stabilité dans cet état est nulle car la moindre perturbation entraîne un changement de phase du système. Cela signifie également qu'une coordination peut être très stable malgré un niveau très élevé de fluctuations. En clinique, la notion d'émergence des comportements, la notion d'utilisation des degrés de liberté, la différenciation entre degrés de liberté biomécaniques et degrés de liberté actifs, la structure prédictible d'un signal posent un réel problème de compréhension ou, tout simplement, d'intérêt. L'immobilité est souvent vue comme un signe de contrôle (par le SNC de préférence) et l'amplitude excessive (au-dessus de la norme), comme une perte de ce contrôle. Cette vision des choses est tout à fait compréhensible en clinique, celle-ci disposant d'un arsenal thérapeutique pas toujours compatible avec une vision différente du contrôle moteur.
En résumé La vision cognitiviste n'est pas la seule théorie explicative du contrôle moteur. L'approche dynamique donne à voir le
mouvement d'un autre point de vue. Plus besoin de programme moteur si le comportement (c'est-à-dire la marche) s'auto-organise en fonction des contraintes du patient. L'une des principales différences qui découlent de ces théories est la façon dont est considérée la variabilité, du bruit inutile pour les théories prescriptives, alors qu'elle va pouvoir être le reflet des adaptations et régulations pour les théories dynamiques.
Contrôle de la marche et clinique Le geste thérapeutique est l'objectif principal de la collecte de données, que celles-ci soient d'ordre clinique ou instrumentée. La compréhension des anomalies relevées lors des analyses de la marche n'a pour but que d'intervenir sur le plan thérapeutique. Il s'agit principalement de la chirurgie (muscle, ligament, tendon, os, nerfs), de la rééducation (fonctionnalité musculaire, amplitude articulaire, sélectivité musculaire, augmentation de la force) et/ou de médicaments (antispastiques, myolaxants, etc.). Il s'agit d'outils « locaux » et non « globaux » (même en rééducation) et les théories retenues sur le contrôle de la marche, au plan scientifique, sont adaptées aux pratiques thérapeutiques. Les cliniciens se réfèrent donc plus volontiers aux théories issues des sciences cognitives, d'autant qu'ils sont formés « dans le moule » du programme moteur. Ainsi, la marche est abordée par une approche descendante : de la commande dans le SNC à la génération de forces de réaction au sol ; des signaux issus du cerveau aux muscles qui actionnent le squelette. Cette planification de commandes efférentes précédant le début du mouvement est considérée possible par l'existence des programmes moteurs (la théorie des schémas de Schmidt, 1975). La locomotion serait ainsi déclenchée par une commande provenant du tronc cérébral et agissant sur un réseau d'interneurones situé dans la moelle épinière au niveau lombaire qui fonctionnerait ensuite comme un générateur de rythme capable de produire et d'organiser de manière autonome un cycle de marche, en le répétant à intervalle régulier. La notion de générateur central de patrons moteurs (central pattern
generator ou CPG ; Brown, 1911) a été proposée pour définir cette structure en réseau regroupant plusieurs neurones agonistes et antagonistes. Mis en évidence chez plusieurs espèces animales, dont le chat (Hiebert, Gorassini, Jiang, Prochazka et Pearson, 1994), seuls des arguments indirects laissent supposer son existence chez l'homme. Les mouvements de marche réflexe primitive observés chez les nouveau-nés seraient par exemple la manifestation de réseaux locomoteurs spinaux innés qui évolueraient ensuite vers une forme plus mature lors de l'acquisition de la marche volontaire (Pearson et Gordon, 1999). Sur le plan du contrôle de la marche lui-même, il résulterait du couplage des deux modes de contrôle proactif et rétroactif évoqués précédemment. Le premier (proactif) interviendrait, avant que le corps ne soit soumis au moindre déséquilibre, en activant des muscles ou la création de moments de torsion articulaire de manière à réduire les menaces à l'équilibre durant la marche. Il agirait aussi au travers d'une détection très précoce des moindres potentialités de perturbation de l'équilibre par l'environnement du sujet, comme lors de la marche sur la glace qui entraîne une modification importante du schéma moteur (Woollacott et Tang, 1997). Ensuite, si les perturbations de l'équilibre n'ont pu être anticipées par le système proactif, le mécanisme de contrôle rétroactif serait sollicité, réagissant aux déséquilibres par des réponses posturales appropriées. Pour résumer, en clinique, on considère la marche dite « normale » comme un processus automatique et inconscient, sur lequel les centres supérieurs peuvent intervenir à tout moment lorsqu'il y a un problème de choix ou de stratégie locomotrice. Si des perturbations inattendues surviennent, elles sont détectées par les afférences sensorielles et signalées au système nerveux central qui met en place les corrections appropriées. Quelles sont les conséquences de cette vision du contrôle moteur sur la perception de la stabilité du comportement locomoteur et de la variabilité associée ? Sous réserve que le système perceptivo-moteur ne soit pas affecté (c'est-à-dire en l'absence de pathologie des systèmes nerveux,
proprioceptifs ou musculo-squelettiques), l'invariance du mouvement est interprétée comme l'ordre naturel du système biologique. La variabilité (de la cinématique, cinétique, du pattern électromyographique, etc.) est due dans ce cas à l'impossibilité physiologique d'obtenir deux fois exactement le même mouvement comme nous l'avons déjà évoqué. Elle n'a d'autre sens qu'une perturbation aléatoire autour d'une hypothétique « valeur vraie », représentée habituellement par la moyenne arithmétique. Cela implique que les imprécisions de placement du pied, les variations de durée d'appui et les désordres dans l'exécution du geste peuvent être utilisés comme la base d'une analyse des perturbations. Ainsi, le passage d'une stratégie de marche à une autre (par exemple, changements de rythme, de la nature de la surface d'appui) entraîne des modifications ponctuelles du pattern mais une fois la nouvelle stratégie adoptée, la variabilité du comportement moteur doit à nouveau tendre vers un minimum. Chez les sujets pathologiques, l'intégrité d'une ou plusieurs composantes du système de contrôle est compromise. La variabilité va correspondre non seulement au bruit mais aussi aux erreurs de contrôle et être le signe d'une stabilité dynamique dégradée. Mais la variabilité va également être le reflet des adaptations et régulations mises en œuvre par le patient pour conserver cette même stabilité et ainsi éviter la chute.
Marche instable et stabilité Évaluer l'instabilité au cours de la marche est de première importance car cela donne une idée des capacités de récupération et de conservation de l'équilibre du sujet après une perturbation externe ou interne. La première conséquence de l'instabilité est la chute. Si classiquement, l'indicateur le plus fiable serait l'historique des chutes, il n'est pas toujours évident de connaître les conditions de survenue des chutes et de les quantifier précisément et cela ne permet pas de distinguer l'instabilité d'individus ne chutant pas encore. Ainsi des propositions ont peu à peu été faites par des auteurs pour essayer d'évaluer de manière objective l'instabilité de la marche. Les voies d'exploration possibles sont nombreuses et mettent en jeu des
méthodes mathématiques des plus simples aux plus complexes. Dans tous les cas, leur choix est fondamentalement lié à la manière de concevoir le contrôle moteur, même si la réalité clinique limite souvent l'utilisation de certaines d'entre elles. Les PST représentent les signes vitaux de la marche. Assez simples à obtenir, ils sont les paramètres quantifiables les plus utilisés pour évaluer la marche de manière globale, et aussi pour estimer la stabilité et le risque de chute, mais la littérature fait apparaître une dichotomie dans la façon d'aborder la stabilité au travers des PST.
Différenciation entre stationnarité et stabilité Une première approche se fonde sur l'hypothèse selon laquelle les troubles de l'équilibre de patients instables sont reflétés par les modifications visibles au niveau de leur pattern de marche spontané et donc des valeurs moyennes de leurs PST. Par exemple, les études comparatives entre de jeunes adultes asymptomatiques et des sujets instables ou réputés moins stables (pathologiques, chuteurs, personnes âgées) ont généralement identifié un raccourcissement du pas, une diminution de la vitesse de marche, une augmentation de la dépendance au double appui et, souvent, un élargissement de la base de support (Gehlsen et Whaley, 1990 ; Murray, Kory et Clarkson, 1969). Cependant, l'interprétation qui en a été faite a produit un paradoxe. D'une part, il a été démontré, dans des études prospectives, que présenter un pattern de marche spontané ayant de telles caractéristiques était un facteur de risque de chute. D'autre part, ce pattern correspond justement à des changements mis en œuvre par le patient lui-même dans le but d'adopter une marche plus sûre, moins déstabilisante (Woollacott et Tang, 1997), où la préservation de l'équilibre prime sur la vitesse de progression. Il devient dès lors complexe d'apprécier réellement la stabilité d'une personne qui marche lentement, avec de petits pas et une durée de double appui prolongée. Il serait possible de suggérer que cette personne a une stabilité médiocre car ses capacités de contrôle de l'équilibre ne lui permettent pas de marcher plus vite sans risquer de chuter ou, au
contraire, qu'elle est stable car cette marche minimise les demandes de contrôle postural. Dans le domaine de la posturologie et donc de l'étude de l'équilibre statique, il existe une distinction sémantique entre stationnarité (steadiness) et stabilité (stability) (Owings, Pavol, Foley et Grabiner, 2000). La stationnarité statique s'intéresse aux critères qui font qu'une posture est plus ou moins difficile à déséquilibrer qu'une autre. Élargir sa base de support, par exemple, augmente la surface au sein de laquelle le centre de masse peut évoluer sans compromettre l'équilibre. Un parallèle peut être trouvé dans la marche en considérant que les modifications générales des PST correspondent à la stationnarité, dans le sens où celles-ci tendent à minimiser les déséquilibres, à en faciliter le contrôle et signent ainsi souvent une stratégie d'évitement de la chute. Quant à la stabilité, il s'agit de la stabilité au sens mécanique, c'est-à-dire la faculté qu'a un corps écarté de son état d'équilibre à revenir à cet état. À la lumière de ces notions, réexaminons le paradoxe précédent. Si les chuteurs chutent en marchant, c'est que leurs capacités de détection ou de contrôle sont affectées : la stabilité est diminuée, ils sont instables. Comment réduire l'instabilité ? En dehors de toute intervention thérapeutique visant à restaurer, du moins à améliorer les capacités physiologiques, la seule issue est d'agir sur les causes externes. De ce fait, ces personnes cherchent, consciemment ou non, à minimiser les perturbations qu'ils n'arrivent pas à gérer et modifient leur marche en conséquence. Leur stabilité peut ainsi s'en trouver améliorer mais, en contrepartie, l'instabilité sous-jacente, plus ou moins résolue par le changement de pattern, est visible au travers des valeurs moyennes des PST. Il apparaît nettement que la stationnarité et la stabilité doivent toutes deux être évaluées, car elles ne représentent pas un même aspect de l'équilibre dynamique. Or, l'analyse des PST sous forme de valeurs moyennes permet essentiellement d'évaluer la stationnarité. De plus, différentes études montrent que la stabilité serait davantage liée au risque de chute que la stationnarité. Par exemple, chez des personnes âgées n'ayant jamais
chuté mais qui le craignent, les changements cités précédemment comme des facteurs de risque, c'est-à-dire longueur de pas réduite, diminution de la vitesse de marche et temps de double appui prolongé, seraient des adaptations liées à la peur de tomber et non au risque de chute (Maki, 1997).
Magnitude des fluctuations La littérature semble indiquer que l'instabilité au cours de la marche et le risque de chute puissent être mieux évalués par la variabilité des PST que par leurs valeurs moyennes. Quantifier l'ampleur des variations des PST au cours de la marche – ce que Hausdorff et al., 2001a, b) nomment fluctuation magnitude – est l'approche la plus simple et peut être réalisée à l'aide de mesures de dispersion, telles que l'écart type ou le coefficient de variation. La variabilité de la durée du pas (ou de l'enjambée, équivalent au cycle de marche) a souvent été étudiée car elle reflète le rythme de la marche (Hausdorff et al., 2001a, b), mais tous les autres PST standard ont également été utilisés au moins une fois dans la littérature (Maki, 1997 ; Hausdorff et al., 2001a, b ; Balasubramanian, Neptune et Kautz, 2009). Chez des sujets adultes sains, les fluctuations sont relativement faibles et le coefficient de variation de nombreux PST est seulement de l'ordre de quelques pourcents (Hausdorff, Edelberg, Mitchell, Goldberger et Wei, 1997), alors qu'elles sont significativement augmentées chez les sujets pathologiques et chuteurs et dans des conditions de marche modifiée (par exemple, sol irrégulier, yeux fermés) ou de double tâche. Seule la variabilité de la largeur du pas présente à un niveau élevé chez les adultes sains (environ 25 % ; Niechwiej-Szwedo et al., 2007) semble répondre différemment à l'instabilité. Celle-ci a tour à tour été retrouvée soit augmentée soit réduite par rapport à cette référence, et son association avec le risque de chute est inconstante dans la littérature. Par exemple, Maki (1997) a identifié, chez des personnes âgées rapportant des chutes, une variabilité réduite (écart type) conjointement à une largeur de pas augmentée. Dans une autre étude
(Brach, Berlin, VanSwearingen, Newman et Studenski, 2005), une variabilité extrême (c'est-à-dire trop grande ou trop faible) a été associée à l'historique des chutes, mais uniquement chez les personnes âgées marchant à une vitesse normale ou proche de la normale (> 1 m.s− 1). Selon l'hypothèse de Gabell et Nayak (1984), cette particularité pourrait s'expliquer par le fait que, contrairement à la variabilité des autres paramètres qui reflèterait le contrôle rythmique de la marche, la largeur du pas serait davantage associée au contrôle de l'équilibre. Les individus incapables de modifier leur largeur de pas (c'est-à-dire faible variabilité) éprouveraient davantage de difficultés à s'adapter pour maintenir l'équilibre, alors qu'une variabilité excessive (souvent associée à un croisement des pieds) pourrait soit indiquer un manque de compensation face à l'instabilité latérale, soit être le signe de cette compensation. Si la plupart des auteurs utilisent l'écart type pour quantifier la variabilité de la largeur de pas, il faut cependant être prudent dans la lecture des résultats quand le coefficient de variation lui est préféré. En effet, celui-ci a l'inconvénient mathématique de tendre vers l'infini lorsque la moyenne du paramètre est proche de 0. En d'autres termes, avec une variance de même écart type, le coefficient de variation sera plus grand si la base de support est faible, et plus petit si la base de support est large. Il est également prudent de prendre en considération les relations complexes entre mesures de variabilité et vitesse de marche (et, par conséquent, cadence et longueur de pas), car cet aspect porte encore à controverse. Quand certains auteurs n'ont identifié aucune relation (FrenkelToledo et al., 2005 ; Owings et Grabiner, 2004), d'autres ont rapporté une relation soit linéaire (Maruyama et Nagasaki, 1992), soit non linéaire (Beauchet et al., 2009). L'hypothèse la plus vraisemblable semble être celle d'une relation quadratique (en forme de U), la variabilité étant minimale autour de la vitesse préférentielle et de la cadence habituelle du sujet (Hausdorff, 2004), où le coût énergétique de la marche est minimal (Holt, Hamill et Andres, 1991 ; Holt, Jeng et Hamill, 1995). Dans de nombreux cas, cependant, il est possible de démontrer que les mesures de variabilité sont régulées
indépendamment de la valeur moyenne du paramètre (Hausdorff, 2004). Par exemple, Kesler et al. (2005) ont montré que des sujets contrôles sains et des patients avec une marche précautionneuse réduisaient leur vitesse et leur longueur de pas quand ils devaient marcher en condition d'éclairage réduit. Alors que la variabilité augmentait chez les patients (coefficient de variation de la durée du cycle et de la durée de la phase oscillante), aucun changement significatif n'apparaissait chez les sujets contrôles, même s'ils marchaient significativement plus lentement dans l'obscurité. De même, Frenkel-Toledo et al. (2005) ont trouvé une variabilité de la durée de la phase oscillante augmentée chez des parkinsoniens par rapport à un groupe contrôle, mais indépendante des modifications de vitesse lors de la marche à différentes vitesses. Dans une autre étude (Grabiner, Biswas et Grabiner, 2001), chez des sujets sains et des personnes âgées ayant marché à trois vitesses différentes, la variabilité de la longueur d'enjambée et celle de la durée d'enjambée n'étaient pas sensibles à la vitesse (combinaison de la longueur d'enjambée et de la cadence). Hausdorff (2004) émet l'hypothèse que, si la longueur de pas et la cadence (et donc la vitesse) jouent certainement un rôle dans la détermination de la variabilité, l'âge et la pathologie exercent un rôle prévalant sur celles-ci. L'étude de la variabilité des PST au travers des mesures quantitatives de leurs fluctuations apporte ainsi de précieuses indications quant à la stabilité, mais elle ignore la nature dynamique de la marche, comme si chaque cycle était indépendant des cycles qui l'ont précédé et sans influence sur ceux qui le suivront.
Gait variability index (GVI) et enhanced gait variability index (EGVI) Un problème majeur avec la mesure de la variabilité de la marche est qu'elle pose un certain nombre de questions méthodologiques. Premièrement, il est difficile de savoir quelles mesures spatiotemporelles sont de plus grande importance lors de l'évaluation de la
variabilité. La variabilité a été rapportée pour au moins onze PST, mais il n'est pas encore clair si certains sont réellement plus pertinents que d'autres pour évaluer la variabilité et quels sont les déficits qu'ils reflètent. Comment faire face à l'interdépendance des paramètres ? Comment prendre en compte la variabilité spatiale et la variabilité temporelle ? Doit-on observer la variabilité de manière globale ou doit-on considérer séparément la variabilité des deux membres inférieurs ? Comment tenir compte de la variabilité de la largeur de pas ? Toutes ces questions doivent être considérées, tout comme la manière de quantifier la variabilité, mais une fois encore il y a un manque de consensus sur la meilleure façon de le faire. De plus, comme nous l'avons vu, l'écart type est sensible à l'échelle et le coefficient de variation tend vers des valeurs élevées lorsque la moyenne est proche de 0. Le gait variability index ou GVI (Gouelle, Mégrot, Husson, Yelnik et Penneçot, 2013) est une mesure générique dérivée de variables spatiotemporelles qui a été développée pour améliorer la quantification objective de la variabilité de la marche et tenter de résoudre ses défis méthodologiques. Le GVI s'est révélé être en corrélation avec les tests cliniques de marche et d'équilibre chez des individus âgés de 12 à 25 ans atteints d'ataxie de Friedreich, être sensible aux changements de variabilité de l'enfance à l'âge adulte et a démontré sa validité chez les personnes ayant des déficits de mobilité (Balasubramanian, Clark et Gouelle, 2015 ; Gouelle et al., 2013 ; Gouelle, Leroux, Bredin et Mégrot, 2016). Le GVI quantifie la distance entre la quantité de variabilité d'un groupe de référence et la quantité de variabilité chez un individu. Le logarithme naturel de cette distance brute est ensuite utilisé pour transformer la valeur du GVI en un score, fondé sur le nombre d'écarts types séparant l'individu du groupe de référence, où 100 et 10 représentent respectivement la moyenne et l'écart type du score du groupe de référence. Alors que le GVI semblait résoudre la majorité des questions méthodologiques entourant d'autres mesures de variabilité de la
marche, des problèmes non résolus ont été pointés. Ceux-ci ont été soulignés dans un article de Rennie, Dietrichs, Moe-Nilssen, Opheim et Franzén (2017), où il a été démontré que le GVI ne permettait pas de discriminer significativement des personnes ayant la maladie de Parkinson avec une atteinte légère et des pairs contrôles, bien que la plupart des paramètres utilisés dans le calcul GVI étaient significativement différents une fois pris individuellement. La première limitation, appelée « problème de grandeur », survient lorsque la distance brute entre le groupe individuel et le groupe de référence s'approche de zéro. Lorsque cela se produit, la fonction du logarithme naturel génère un z-score (nombre d'écarts types séparant le patient de la moyenne de référence) artificiellement élevé qui aboutit à des scores GVI supérieurs à 100. Par conséquent, si un GVI inférieur à 100 indique une variabilité anormale, un GVI supérieur ou égal à 100 indique que le patient a un niveau de variabilité similaire à celui de la population contrôle (ni trop peu, ni trop) et il n'y a pas de différence d'interprétation entre un GVI de 100, 115 ou 130. Ce problème de grandeur est spécifiquement rencontré dans des populations où la variabilité peut être proche du niveau considéré comme normal (personnes âgées, faible niveau d'atteinte). C'est pourquoi il n'apparaît pas lors du calcul de GVI chez l'enfant ou le patient ataxique par exemple. La seconde limitation, appelée « problème de spécificité de la direction », concerne la possibilité d'obtenir le même score GVI (par exemple, 90) en raison d'une variabilité de la marche élevée ou faible. Le GVI n'est en effet pas conçu pour distinguer variabilités élevée et faible, car il est calculé comme la distance absolue entre la variabilité d'un individu par rapport à la variabilité moyenne de référence, indépendamment de la direction. Ce manque de direction peut ainsi masquer certains changements sur le continuum de la variabilité de la marche. De ce constat a découlé la proposition d'une nouvelle version améliorée, dénommée enhanced gait variability index (EGVI) et qui peut être utilisée sans restriction de population. Pour l'EGVI, 100 et 10 représentent toujours la moyenne et l'écart
type du score du groupe de référence, mais l'EGVI différencie faible et haut niveau de variabilité. Ainsi un EGVI inférieur à 100 indique une plus faible variabilité que la norme, un EGVI égal à 100 indique un niveau similaire et un EGVI supérieur à 100 indique une trop forte variabilité. Le travail de validation du nouvel index a également révélé des associations plus fortes entre les scores obtenus et les résultats fonctionnels lorsque les données antérieures portant sur le GVI ont été réanalysées avec l'EGVI. Nous recommandons donc d'utiliser l'EGVI comme mesure composite de la variabilité de la marche, que ce soit en clinique ou en recherche.
Perturbation ou régulation ? Toutefois, certains résultats nous ont amenés à soulever une problématique quant à la nature de la variabilité. Latash et Anson (2006) ont proposé de distinguer une « bonne » variabilité qui permet de réaliser avec succès une tâche et une « mauvaise variabilité » qui affecte la performance et cause de larges erreurs. On pourrait par extension, concernant la marche, différencier une variabilité issue de la régulation (rattrapage d'un équilibre) d'une autre issue de la perturbation (un appui douloureux). Comment alors identifier la nature régulatrice ou perturbatrice de la variabilité ? Par des moyens classiques, on ne peut pas. On entend par là les moyens qui sont permis par la vision « descendante » du contrôle de la marche comme nous l'avons décrit plus avant. Un individu qui a un appui douloureux à gauche sera variable à gauche (par exemple, sur la longueur de pas ou sur la base de support) du fait de la douleur et de la difficulté à poser le pied de la même manière à chaque fois. Toutefois, les mêmes paramètres pourront être variables à droite compte tenu de la régulation posturale nécessaire au maintien de l'équilibre pendant la marche nécessitant des ajustements d'un cycle à l'autre. Il est difficile, dans ce cas, de faire la part des choses entre la variabilité issue de la perturbation et celle issue de la régulation sachant que parfois la variabilité d'un paramètre cache les deux à la fois. Seule l'étude fine de l'ensemble des paramètres, le regroupement
et l'analyse de paramètres de temps avec les paramètres d'espace, et le tout confronté à l'observation clinique permettent d'en tirer des lois de comportement.
Le saviez-vous ? Nous avons tous notre propre façon de marcher et donc des PST qui nous caractérisent. Ainsi, les PST sont parfois utilisés à des fins d'identification de personne sur vidéo de surveillance ou encore pour mettre au jour une simulation de troubles physiques (exemple, fraude à l'assurance). À partir des pistes d'empreintes fossiles, les paléontologues peuvent calculer les longueurs de pas de dinosaures (et autres reptiles fossiles) et en tirer des hypothèses sur la taille et le mode de déplacements de ces animaux disparus. Chez le pingouin, qui marche en dandinant, la variabilité de la largeur de pas est inférieure à la variabilité de la longueur de pas, tout le contraire de ce que l'on observe chez l'être humain.
Normalisation anthropométrique Intérêt Lorsque l'on compare les paramètres de plusieurs personnes, il est conseillé de tenir compte des différences de taille (voire de poids corporel). Cela est d'autant plus important dans le cadre pédiatrique, où suivre l'évolution de la marche d'un enfant sans en considérer la croissance aboutira inévitablement à des interprétations erronées, comme celle de considérer une augmentation de vitesse comme une amélioration significative du patient alors que celle-ci, due uniquement à la croissance, dissimule en réalité une dégradation de la vitesse. De même, chez l'enfant avec un développement typique, les études
montrent que la plupart des PST bruts évoluent significativement avec l'âge, mais que la croissance en est le principal contributeur, la longueur de pas, la cadence et la vitesse, une fois normalisées par la longueur du membre inférieur, ne montrant plus de différence entre les groupes d'âge (Gouelle et al., 2016). Au contraire, la normalisation peut parfois faire apparaître des différences significatives. La largeur de pas brute ne varie pas beaucoup quel que soit l'âge. Plusieurs études ont déjà rapporté très peu (Dusing et Thorpe, 2007 ; Scrutton, 1969) ou pas de changements (Rose-Jacobs, 1983) et une valeur moyenne stabilisée dès 3–4 ans. Cependant, la normalisation a révélé une diminution importante de l'écartement des pieds avant 6– 7 ans (Gouelle et al., 2016 ; Vaughan, 2003). Après cet âge, l'écart varierait relativement peu. Si élargir la base de support peut être interprété comme la recherche de plus de stabilité et la minimisation du risque de chute, alors la réduire pourrait démontrer une amélioration dans le contrôle de l'équilibre, dont la valeur de la largeur de pas normalisée pourrait alors être un bon indicateur avant 6 ans. Cela fait déjà un certain temps que l'intérêt de la mise à l'échelle des variables est connu et vérifié. La lettre à l'éditeur bien connue d'At Hof, publiée dans le 4e numéro de Gait and Posture (1996), date déjà de 21 ans ! Cela n'a malheureusement pas conduit à une utilisation réellement accrue de la normalisation. Dans un chapitre à paraître, Hof (2018) donne plusieurs raisons à cela. L'une d'elles est que très souvent, les données du patient doivent être comparées aux données « normales » de sujets asymptomatiques, normes qui ont été collectées dans le passé, lorsque la mise à l'échelle n'était pas habituelle. Une autre raison tient au fait que les concepteurs des logiciels utilisés ont tendance à être conservateurs dans les formats de sortie, ce qui est compréhensible compte tenu des dépenses de reprogrammation et des attentes des clients. Peut-être que c'est aussi mentalement plus facile de se figurer ce que représente 1 m/s plutôt que des variables adimensionnées. Par conséquent, la mise à l'échelle des données est restée jusqu'à présent avant tout la prérogative des chercheurs et des cliniciens qui souhaitent pouvoir publier.
Une diversité de possibilités Une attention particulière doit être accordée aux variables qui servent à normaliser car les valeurs obtenues changent évidemment en fonction des variables, des unités et des mesures entrant dans la normalisation. Ceci est très important dans le cas où l'on souhaite se référer à des données de la littérature. Prenons immédiatement un exemple caractéristique (fig. 7.2), celui du walk ratio qui, rappelons-le, est la longueur de pas moyenne divisée par la cadence.
FIG. 7.2 Exemple de différentes normalisations retrouvées dans la littérature pour le walk ratio . La première différence qui peut entrer en compte est le choix de l'unité de référence de la marche, qu'il s'agisse du pas ou de l'enjambée. Ensuite, la cadence peut être exprimée en événements par minute ou par seconde, tandis que la longueur de pas ou d'enjambée est généralement exprimée en mètres voire parfois en centimètres ou en millimètres. Les variables peuvent être ou non normalisées selon les mesures anthropométriques du sujet et l'accélération de la gravité (Hof, 1996). La gravité doit être théoriquement prise en compte, mais même si vous enregistriez la marche d'un patient au sommet de l'Everest, cela donnerait des résultats sensiblement similaires. Ceci est à garder en tête pour le jour où vous aurez à comparer une marche
terrienne à une marche martienne, la gravité étant 2,6 fois moindre sur Mars ! Le choix de la distance utilisée pour normaliser, le plus souvent la longueur des membres inférieurs, a également une influence sur les paramètres. Tout ceci amène à retrouver au moins six façons différentes de calculer ce même paramètre et donc des valeurs finales qui ne sont pas toutes directement comparables.
Normalisation de référence Quel que soit le choix de normalisation, gardez en tête que vous pourriez être amené un jour à vouloir publier vos résultats, dans ce cas, autant se faciliter la tâche en utilisant les modalités de normalisation les plus reconnues, en l'occurrence celles issues de Hof (1996).
où le facteur 2 est dû à l'utilisation initiale de la cadence brute en pas par minute. Si la cadence en cycle par seconde est utilisée, aucun facteur n'intervient (β = λ × φ). Au-delà du calcul à utiliser et des références anthropométriques à prendre en compte, une autre question revient souvent : doit-on normaliser les paramètres de variabilité ? En fait, cela dépend évidemment de ce que vous utilisez. Si vous employez l'écart type, celui-ci dépend de l'échelle de mesure et nécessite donc d'être normalisé, soit en le calculant à partir des longueurs de pas normalisées, soit en normalisant l'écart type brut (en
effet, cela revient au même puisqu'on divise toutes les valeurs par une même quantité). Si vous optez pour le coefficient de variation, vous n'avez rien à faire. En effet, une fois l'écart type exprimé en pourcentage de la moyenne, la valeur obtenue est par nature la même que l'on ait ou pas normalisé.
Évolution naturelle des paramètres spatiotemporels au cours de la vie Avant d'évaluer la marche d'un patient et l'influence de la pathologie, il est nécessaire de savoir quelles sont les valeurs standard des PST et comment ceux-ci évoluent naturellement au cours de la vie.
Marche de l'enfant Plusieurs années sont nécessaires entre les premiers pas d'un enfant et l'atteinte d'une marche complètement mature. Si, dans les premières années de marche autonome, un certain nombre de paramètres liés au cycle de marche évoluent vers un profil adulte (Sutherland, 1997), les contraintes d'équilibre dynamique liées à la marche vont nécessiter un temps plus long avant d'être totalement maîtrisées. Le développement des stratégies d'équilibre dynamique implique la maîtrise des fonctions d'anticipation et de couplage entre les différentes articulations mobilisées. Il se poursuit donc jusqu'à des âges relativement avancés de l'enfance. Avec la pratique et la maturation des systèmes, un pattern de marche stable et efficient va peu à peu émerger. Les premiers mois sont marqués par une évolution très rapide des PST, notamment de la vitesse de marche qui passe de 0,20 à 0,80 m/s, ou de la longueur de pas qui s'accroît en même temps que la base de support et la durée relative de double appui diminuent. La gamme des vitesses utilisées au cours d'une session d'enregistrement s'élargit aussi de manière importante, témoignant d'une plus grande capacité de modulation du mouvement. Il est intéressant de noter que les vêtements influent sur la vitesse et
la longueur de pas des tout-petits en particulier lorsqu'ils ont plus de 6 mois d'expérience de marche (Théveniau, Boisgontier, Varieras et Olivier, 2014). La diminution observée dans ces deux paramètres suggère que la raideur et la coupe des vêtements ont une influence sur la marche, la marche ayant été plus dégradée chez les tout-petits portant une couche sous un pantalon raide, plutôt que sous un pantalon de survêtement ou sous des sous-vêtements. Par conséquent, pour l'analyse de la démarche d'enfant en bas âge, les vêtements portés devraient être soigneusement mentionnés et contrôlés. Par la suite, une période d'affinement du contrôle de la marche va s'étirer jusqu'environ 5 à 6 années de marche indépendante, c'est-àdire vers 6–7 ans (Bril et Brénière, 1992). À cet âge, toutes les caractéristiques cinématiques, cinétiques et électromyographiques adultes seraient présentes chez l'enfant et les changements des PST postérieurs à cet âge seraient dus essentiellement à la croissance (Vaughan, 2003), ceux-ci n'évoluant plus une fois normalisés par la taille ou la longueur de jambe. Cependant, l'étude de la variabilité de la marche révèle des changements significatifs, indépendants de la croissance, entre des enfants de 6–7 ans et des enfants de 11–14 ans (Hausdorff, Zemany, Peng et Goldberger, 1999). Par exemple, si le coefficient de variation de la durée de cycle diminue de moitié entre 4 et 7 ans (de 8,4 à 4,3 %), il reste significativement plus élevé que chez les enfants de 11 ans (1,9 %). Il en va de même pour le score composite de variabilité, le GVI (ainsi que son évolution, l'EGVI) qui, à 7 ans, n'est pas encore comparable à l'adulte, la variabilité continuant de diminuer après cet âge (Gouelle et al., 2016). Peu d'études ont examiné le walk ratio chez les enfants, mais celui-ci semble aussi se raffiner entre 7 et 11 ans, c'est-à-dire que la variabilité intra-sujet diminue avec l'âge vers une configuration stable. Il est à noter que des données normatives sont disponibles dans les articles de Dusing et Thorpe (2007), ainsi que Gouelle et al. (2016), portant respectivement sur 438 enfants âgés de 1 à 10 ans (groupes de 1 an d'intervalle) et sur 140 enfants âgés de 1 à 17 ans (groupes de 2 ans d'intervalle).
Vieillissement naturel L'avancée en âge s'accompagne d'une sénescence, c'est-à-dire de changements dans les structures anatomiques, physiologiques et cognitives, en l'absence de toute pathologie. Il s'agit d'un vieillissement normal ou primaire, sur lequel nous ne pouvons pas intervenir. Une lente dégradation des systèmes musculo-squelettiques et neurologiques qui contribuent à l'équilibre et au contrôle postural s'opère progressivement et induit par exemple : déficit vestibulaire, baisse d'acuité visuelle, proprioception et sensibilité moins bonnes, perte de force musculaire, temps de réaction accru. Ce processus de vieillissement n'est ni linéaire pour un individu ni uniforme à travers les individus, mais les modifications qui ont lieu peuvent plus ou moins altérer la stabilité dynamique des sujets et augmenter à terme le risque de chute. Il semble que les premiers signes puissent apparaître dès l'âge de 50–55 ans (Balasubramanian et al., 2015) et que cela s'accélère après 60–65 ans, mais ce n'est que chez les sujets plus âgés (75 ans et plus) que les modifications sont systématiquement visibles. Ainsi, les premiers effets de la sénescence sur la stabilité de la marche ne sont pas toujours discernables en conditions de marche préférentielle et ne sont révélés que dans des conditions plus déstabilisantes (par exemple, surface irrégulière) ou faisant appel au paradigme de la double tâche, le contrôle de la marche nécessitant de plus en plus de contrôle cognitif et de ressources attentionnelles. En fait, toutes les caractéristiques d'une marche instable sont surtout exacerbées chez les sujets plus âgés, chez les sujets chuteurs et chez les personnes présentant une peur de tomber (Maki, 1997). Les études qui se sont intéressées à l'identification au niveau de la marche de changements liés à l'âge sont très nombreuses. De manière générale, il a été démontré que l'organisation de la marche évolue vers une vitesse préférentielle et une vitesse maximale plus lentes, une phase de double appui plus longue, des pas plus courts, une base de support élargie, moins de déplacements verticaux du centre de masse, une moins bonne synchronisation entre le mouvement de jambes et le ballant des bras. Ces changements sont souvent interprétés comme
l'adoption d'un pattern de marche plus stable et plus sûr, mis en place pour compenser la réduction des capacités physiques. Par ailleurs, la variabilité des PST est augmentée avec l'âge, trahissant plus concrètement l'instabilité dynamique. On retrouve un walk ratio diminué chez les personnes âgées en comparaison à de plus jeunes adultes et le walk ratio a tendance à diminuer avec l'âge (Nagasaki et al., 1996). Le risque de chutes augmente chez les personnes âgées qui démontrent une plus grande réduction du walk ratio lorsqu'elles marchent à vitesse rapide (Callisaya, Blizzard, McGinley et Srikanth, 2012). Il est à noter que Hollman, McDade et Petersen (2011) ont publié des données relatives à la marche de 294 personnes âgées en bonne santé, de plus de 70 ans, qui fournissent des valeurs de référence pour 23 PST. À la sénescence physiologique, s'ajoutent très fréquemment des facteurs accélérateurs comme les maladies chroniques. Il s'agit alors de vieillissement pathologique ou différentiel, dont nous reparlerons plus loin (voir Influence de la pathologie).
En résumé
■ Analyser la marche pathologique, c'est d'abord connaître la marche dite normale et les modifications qui surviennent au cours de la vie. ■ La normalisation des paramètres est indispensable pour le suivi thérapeutique d'un enfant sur plusieurs années, sans quoi la croissance peut dissimuler/atténuer/amplifier des changements dans le pattern de marche.
Influence de la pathologie
Paralysie cérébrale Conséquence de lésions cérébrales survenant dans la période pré-, post- ou périnatale, la paralysie cérébrale (PC) regroupe un ensemble de troubles moteurs et sensitifs, de troubles de la commande motrice, de déficit de force musculaire, d'atteintes des fonctions supérieures (troubles du langage, gnosies…). Les enfants atteints souffrent de troubles permanents du développement du mouvement et de la posture, attribués à cette lésion non évolutive du cerveau. Ces troubles sont souvent associés à des troubles sensoriels, sensitifs, cognitifs, de communication, des troubles épileptiques et des troubles orthopédiques secondaires. Les retentissements sur la marche sont spectaculaires, chez les PC marchant bien évidemment (31 % des enfants PC ne marchent pas, 16 % marchent avec des aides de marche, 53 % marchent sans aides ; Penneçot, 2009). Les enfants et les adolescents atteints de PC présentent des anomalies de la marche, dépendantes des différentes formes cliniques et de l'atteinte topographique prédominante. Pour caractériser topographiquement la prédominance de l'atteinte, on parle historiquement d'hémiplégie, de diplégie ou de quadriplégie, même si cette approche peut manquer de reproductibilité d'un clinicien à l'autre (Colver et Sethumadhavan, 2003). Certains auteurs préconisent d'utiliser les terminologies de PC unilatérale ou bilatérale, d'autres non (Shevell, 2010). Outre la rééducation hebdomadaire nécessaire à la préservation des fonctions motrices, les gestes thérapeutiques poursuivent généralement le but d'améliorer la fonction locomotrice et d'éviter la dégradation orthopédique (Penneçot, 2009). Indirectement, ils visent une amélioration de la vie quotidienne par l'augmentation du périmètre de marche, la diminution de la dépense énergétique et évidemment par la baisse du risque de chute. Il est à noter que les techniques multisites (injection ou chirurgie) sont d'un grand intérêt (Lebardier et Presedo, 2009) car l'idée d'une correction globale des anomalies repose notamment sur la notion d'équilibre. Comme Lebardier et Presedo (2009) l'expliquent à propos de l'enfant paralysé cérébral, « malgré les différentes anomalies qu'il
présente, [celui-ci] est toujours dans une situation d'équilibre, même précaire. Toute modification de la position d'une articulation aboutit à une modification de l'équilibre global et risque dans la majorité des cas d'aboutir à une situation de déséquilibre que l'enfant cherchera à corriger en revenant à la situation antérieure ». Au contraire, une correction d'ensemble permettra de créer un nouvel équilibre et d'éviter la récidive. L'utilisation d'éléments « facilitateurs » peut aider à mieux gérer les déséquilibres. La canne par exemple, fréquemment adoptée par les personnes souffrant d'hémiplégie sévère, contribuerait à réduire le risque de chute (Allet et al., 2009) en augmentant la stabilité en phase d'appui unipodal. Quand l'instabilité est trop forte, un déambulateur peut permettre une déambulation plus sûre et fonctionnelle. Les orthèses diurnes à visée fonctionnelle facilitent également la marche ou la déambulation en palliant des insuffisances inhérentes au type d'atteinte. Les orthèses améliorent la marche selon deux principes parfois associés : l'un consiste à agir sur la force de réaction au sol, l'autre à apporter une force additionnelle pour compenser un déficit moteur (Lucet, Mégrot et Gouraud, 2010).
Ataxie de Friedreich L'ataxie de Friedreich est une maladie neurodégénérative qui combine syndrome cérébelleux, syndrome pyramidal et neuropathie axonale, et provoque ainsi des déficits de coordination, une perte de proprioception et des difficultés d'équilibre, à la fois en condition statique et pendant la marche. La nature dégénérative et rapide de la pathologie provoque une augmentation de l'instabilité et du risque de chute. Dans ce contexte, il est important de suivre les progrès au fil du temps ou de mesurer les effets d'une intervention thérapeutique. Trois échelles principales sont utilisées pour évaluer l'évolution de l'atteinte clinique : la Friedreich's ataxia rating scale ou FARS, la scale for the assessment and rating of ataxia ou SARA et l'international cooperative ataxia rating scale ou ICARS. Ces échelles ont été validées comme des instruments précis et fiables dans l'évaluation de l'ataxie de Friedreich (Burk, Schulz et Schulz, 2013 ; Delatycki, 2009). Cependant, elles ne
sont pas sensibles à la détection des changements à court terme, en particulier ceux concernant la marche. Des études ont démontré qu'une période d'un ou deux ans peut ne pas être suffisamment longue pour montrer des différences minimales importantes dans la progression de la maladie à l'aide des échelles de notation clinique seules (Cano et al., 2005). Des mesures sensibles et objectives telles que les PST de la marche peuvent être des éléments clés pour le suivi (Gouelle et al., 2013 ; Milne et al., 2014 ; Zesiewicza et al., 2017). Les premiers signes de l'ataxie sont des difficultés d'équilibre à l'occlusion des yeux ou en condition de luminosité réduite. Les PST sont encore peu altérés si l'on considère uniquement les paramètres moyens, alors que la variabilité est déjà accrue. Quasiment tous les paramètres sont dans les gammes de valeurs observées chez des sujets pairs contrôles. Seule la variabilité montre des coefficients de variation légèrement accrus au cours de la marche spontanée, trahissant déjà la présence de troubles d'équilibre. Par la suite, des paramètres tels que la vitesse ou la largeur de pas sont amenés à mettre en exergue le trouble, avec également une variabilité des paramètres encore plus grande. Avec l'avancée de la maladie, marquée notamment par l'aggravation de l'ataxie et des troubles de sensibilité profonde, il est ensuite fréquent d'observer deux types d'évolution. L'une est fondée sur l'adoption d'une marche plus sûre, moins déstabilisante, où la préservation de l'équilibre prime sur la vitesse de progression : la vitesse et la longueur de pas sont réduites, la base de support est élargie, le double appui est très long. L'autre, au contraire, est fondée sur une accélération de la vitesse de marche avec une projection vers l'avant, mais sans contrôle efficient. La vitesse semble souvent correcte mais elle est en fait le produit d'une grande cadence et de pas trop courts. Le double appui s'éloigne des données normatives, car celui-ci est fortement réduit. Il en est de même pour la base de support qui est proche de zéro du fait de nombreux croisements de pas. Finalement, lorsque le patient atteint un stade avancé de la maladie et que les troubles, devenus majeurs, rendent impossible la marche sans soutien (utilisation d'aide de marche), ce sont l'ensemble des paramètres qui
sont clairement affectés.
Marche de l'amputé Plusieurs études ont été réalisées visant à quantifier les différences entre la marche du patient amputé et la marche chez les patients sains par le biais des PST. Généralement, les patients amputés ont une vitesse de marche et une cadence plus lente que celles des sujets sains (Kovač, Medved et Ostojić, 2010). Il a été également montré que l'amputé transtibial (ATT) a une longueur de pas plus courte qu'un individu valide. De manière plus précise, il a été rapporté une longueur de pas plus importante (mais inférieure à la norme) du côté prothétique par rapport au côté sain (Isakov, Keren et Benjuya, 2000). Il existe également de nombreuses différences temporelles entre les deux hémicorps durant le cycle de marche. En effet, les sujets avec ATT présentent une durée du simple appui plus court du côté prothétique que celui du côté sain. De fait, la durée du temps d'oscillation est plus longue au niveau du membre résiduel que du membre sain (Kovač et al., 2010). Il en résulte une marche asymétrique à la fois sur un plan temporel et spatial. Une marche asymétrique présente un facteur d'augmentation du coût énergétique (Skinner et Effeney, 1985). La réduction de ce coût est principalement l'un des buts de la rééducation chez l'amputé (Isakov, Burger, Krajnik, Gregoric et Marincek, 1996). Par voie de conséquence, la marche asymétrique se présente à long terme comme un facteur d'augmentation de la prévalence de problèmes dégénératifs au niveau des articulations, telles que la colonne vertébrale, les genoux ou encore les hanches (Brouwer, Allard et Labelle, 1989). Les anomalies structurales qu'impose la prothèse à un patient amputé ont des effets notoires sur sa marche. Le type de prothèse, les composants prothétiques et l'alignement sont aussi responsables des nouveaux schémas de marche développés par le patient pour s'adapter à sa prothèse (Perry, 1992 ; Smith et al., 1999). Les modifications de marche observées généralement chez le patient amputé du membre inférieur sont (Seymour, 2002) :
● une flexion excessive du genou du côté sain à l'appui et/ou une flexion du genou absente ou insuffisante entre le contact du talon au sol et le milieu de la phase d'appui du côté prothétique ; ● une inclinaison latérale du tronc du côté prothétique en milieu de phase d'appui ; ● une flexion trop précoce ou trop tardive du genou entre le milieu et la fin de la phase d'appui du côté prothétique ; ● des fouettés du pied prothétique et des mouvements de piston de la jambe résiduelle dans l'emboîture lors de l'oscillation. À la marche, l'analyse des appuis plantaires sur plateforme de force met en évidence un certain nombre de perturbations telles que la réduction quantitative et qualitative de l'appui du côté amputé au profit du côté sain ou l'absence de déroulement du pas du côté amputé (Enjalbert, 1996). L'analyse tridimensionnelle de la marche confirme ces perturbations des paramètres du pas du côté amputé et précise les variations de la cinématique (bascule du bassin, flexion exagérée de la hanche, recurvatum et flexion limitée du genou…) et de la cinétique articulaire (moment et travail du genou diminués, travail exagéré de la hanche…).
Vieillissement différentiel À la sénescence physiologique, s'ajoutent très fréquemment des facteurs accélérateurs comme les maladies chroniques, nous parlons alors de vieillissement pathologique ou différentiel (fig. 7.3). Ces pathologies, qui vont de pair avec la réduction des réserves fonctionnelles de l'individu, l'entraînent plus rapidement vers le seuil de décompensation et l'entrée dans la dépendance : soit temporaire, soit définitive. Ces seniors fragiles, ou en cours de fragilisation, présentent une perte plus ou moins importante des capacités d'interaction avec l'environnement. Des phénomènes extérieurs comme des fractures, des maladies aiguës, peuvent faire franchir brutalement le seuil de décompensation. Une certaine récupération est possible, mais reste difficile. À ce stade, il y a eu une altération
irréversible des mécanismes d'apprentissage et des mécanismes d'aptitudes physiques. Plus une personne perdra ses réserves fonctionnelles rapidement, plus vite elle deviendra dépendante et fragile. Ces différents stades ne correspondent pas à des âges précis du vieillissement, mais à différents facteurs et événements intrinsèques et extrinsèques rencontrés au cours de la vie de l'individu.
FIG. 7.3 Processus du vieillissement. Il en résulte que les personnes âgées deviennent ainsi de plus en plus vulnérables aux chutes. En France, 18 % de la population est âgée de 65 ans et plus. Il a été estimé qu'un tiers des personnes âgées de plus de 65 ans et la moitié des personnes de plus de 80 ans vivant à domicile tombent au moins une fois par an. La chute, qui n'est donc pas directement en rapport avec l'âge chronologique, est la première cause de décès par accident de la vie courante en France métropolitaine. En 2011, 9412 décès par chute ont été recensés, dont 88 % chez les 65 ans et plus. Les effets sur la morbidité de ces chutes sont aussi dramatiques. Les conséquences physiques d'une chute peuvent être très variables (par exemple selon
la HAS, 70 000 fractures du col du fémur par an) et induire un déclin fonctionnel dans les activités de la vie quotidienne, néanmoins l'impact psychologique est lui aussi très souvent redoutable, entraînant une perte de confiance en soi, un sentiment d'incapacité, surtout si la personne n'est pas parvenue à se relever seule (fig. 7.4). Une certaine crainte de rechuter s'installe chez 12 à 65 % des chuteurs (Manckoundia, Mourey, Tavernier-Vidal et Pfitzenmeyer, 2006) ; 46,2 % des personnes ayant déjà chuté reconnaissent qu'elles restreignent leur activité en raison de la peur de tomber (Friedman, Munoz, West, Rubin et Fied, 2002). Les conséquences d'une inactivité prolongée entraînent l'individu plus rapidement vers le seuil de décompensation et vers l'entrée prématurée dans la dépendance.
FIG. 7.4 Syndrome post-chute. Le dépistage des personnes à risque de chute, afin d'en prévenir la survenue, est donc un enjeu de santé publique majeur en France, ainsi que l'évaluation de la récupération après un épisode traumatique ou une chute. Le mécanisme de chute est le plus souvent multifactoriel, mettant en cause des facteurs intrinsèques liés au vieillissement physiologique, aux maladies chroniques, mais également dû à des facteurs extrinsèques comme les facteurs environnementaux ou les habitudes de vie. L'évaluer n'est donc pas une entreprise si aisée.
L'indicateur le plus fiable du risque de chute semble être l'historique des chutes. Cependant, il n'est pas toujours évident de connaître les conditions de survenue des chutes et de les quantifier précisément, de plus il ne permet pas de distinguer les individus n'ayant pas encore chuté. Une étude fondée sur l'analyse de vidéos en maison de retraite (Robinovitch et al., 2013) a montré que la déambulation était l'activité la plus génératrice de chutes. Une méta-analyse récente a évalué quels scores ou tests cliniques permettaient le mieux de prédire la chute chez la personne âgée (Park, 2017). Elle en a retenu 26, dont le timed up and go test, le walking and talking test et l'échelle d'évaluation d'équilibre de Berg (qui comprend le test d'appui unipodal). Les critères pour choisir le meilleur test/score étaient de sélectionner celui avec la meilleure sensibilité, spécificité et avec le moins d'hétérogénéité entre les résultats des différentes études. Aucun des 26 tests/scores n'a réuni tous ces critères. La conclusion est que l'utilisation d'un seul test pour évaluer le risque de chute chez la personne âgée est insuffisante. La proposition est l'association de deux tests, l'un très spécifique et l'autre très sensible. Par exemple, le timed up and go test (ayant une bonne sensibilité à 0,76 et peu de variabilité inter-études) peut être associé à l'échelle d'évaluation d'équilibre de Berg (ayant une bonne spécificité à 0,9 avec peu de variabilité inter-études). Pour l'analyse des PST, c'est un peu la même chose. Se contenter d'évaluer uniquement l'aspect fonctionnel de la marche (valeurs moyennes) sans s'intéresser à la variabilité (ou inversement), ne donne qu'une image incomplète pour évaluer si un sujet est à risque de chuter ou non, même si la modification du pattern de marche (par exemple, réduction de la longueur des pas) signe déjà une problématique. Une première approche se fonde en effet sur l'hypothèse selon laquelle les troubles de l'équilibre de patients instables sont reflétés par les modifications visibles au niveau de leur pattern de marche spontané et donc des valeurs moyennes de leurs paramètres. Par exemple, les études comparatives entre de jeunes adultes asymptomatiques et des sujets instables ou réputés moins stables
(pathologiques, chuteurs, personnes âgées) ont généralement identifié un raccourcissement du pas, une diminution de la vitesse de marche et une augmentation de la dépendance au double appui, souvent un élargissement de la base de support. Cependant, l'interprétation qui en a été faite a produit un paradoxe. D'une part, il a été démontré, dans des études prospectives, que présenter un pattern de marche spontané ayant de telles caractéristiques était un facteur de risque de chute. D'autre part, ces changements ont été expliqués comme l'adoption d'une marche plus sûre, moins déstabilisante, où la préservation de l'équilibre prime sur la vitesse de progression. La question qui se pose alors est de savoir comment interpréter la stabilité d'une personne qui marche lentement, avec de petits pas et une durée de double appui prolongée ? Il serait possible de suggérer que cette personne a une stabilité médiocre car ses capacités de contrôle de l'équilibre ne lui permettent pas de marcher plus vite sans risquer de chuter ou, au contraire, qu'elle est stable car cette marche minimise les demandes de contrôle postural. Pour passer outre ce dilemme, il est donc nécessaire d'étudier aussi la variabilité de la marche. Mais, comme cela a été exposé plus haut (voir plus haut Perturbation ou régulation ?), la variabilité n'est pas toujours un élément négatif dans la réalisation d'un mouvement. Une caractéristique majeure du comportement expert est la capacité à exploiter les degrés de liberté et à opter pour la configuration motrice la plus efficiente en fonction des contraintes de la tâche. Dans des conditions très perturbatrices pour l'équilibre, le sujet qui sera incapable de faire varier sa marche ne pourra pas assurer sa stabilité. Toutefois, pour une marche à vitesse spontanée, non obstruée et sans contrainte particulière, un sujet sans risque de chute particulier devrait présenter un faible niveau de variabilité, alors qu'un trouble affectant les capacités d'équilibration devrait induire une hausse de variabilité.
Marche sous couvert d'aides techniques Il est utile d'utiliser conjointement l'analyse issue de l'étude des
paramètres moyens et celle issue de l'étude de la variabilité au cours de la rééducation. Nous allons tenter d'illustrer cela au travers de l'exemple du choix du moment le plus opportun pour proposer à un patient le passage d'une aide technique à une autre. Pour simplifier le propos, nous allons considérer uniquement deux scores, l'un portant sur les paramètres moyens (functional ambulation performance score ou FAPS), l'autre sur la variabilité (gait variability index ou GVI). Comme nous l'avons évoqué plus haut, le FAPS est une représentation quantitative de la marche d'une personne fondée sur une sélection de données spatio-temporelles obtenues à vitesse spontanée. Ces paramètres sont la vitesse normalisée par la longueur de membre inférieur, le ratio longueur de pas/longueur de membre, la durée du pas, l'asymétrie droite–gauche de la longueur de pas et la base de support. À partir d'un score maximal de 100, des points sont retranchés en fonction de la déviation des PST du patient par rapport aux PST d'une base normale adulte. Une marche normale est reflétée par un score compris entre 95 et 100. Le FAPS est couramment utilisé en clinique et est apparu dans un nombre croissant de publications au cours des dernières années. Cependant, son utilisation est parfois faussée par des incompréhensions au sujet de son calcul, de limites pratiques et/ou conceptuelles. Nous vous recommandons d'ailleurs de lire la revue de Gouelle (2014) avant d'utiliser le FAPS. Concernant le GVI, nous rappellons uniquement qu'il s'agit d'un score de 100 qui diminue lorsque la variabilité globale du sujet s'éloigne de la variabilité observée dans une population contrôle (voir plus haut Gait variability index et enhanced gait variability index). Ainsi, dans les deux cas (FAPS et GVI), se rapprocher de 100 peut être considéré comme globalement une amélioration de la marche du patient. La figure 7.5 schématise l'évolution naturelle d'une rééducation optimale d'un patient utilisant deux cannes anglaises en début de rééducation, puis finissant par ne plus utiliser d'aide technique.
FIG. 7.5 Principe d'évolution du FAPS et du GVI au cours du changement successif d'aide de marche au cours de la rééducation d'un patient (simulation). Sur le plan fonctionnel, l'amélioration est continue. Le FAPS étant très sensible à la vitesse, celle-ci s'améliore de façon continue, même si l'on peut observer des phases de stabilisation. Le FAPS, par sa conception, permet de prendre en compte dans son calcul l'utilisation des aides de marche et de bonifier le score à mesure que celles-ci s'allègent. Le GVI quant à lui reflète la qualité du contrôle, de la stabilité. Celle-ci est naturellement dégradée lorsqu'il y a un changement d'aide technique, dans la mesure où chaque changement ouvre chez le patient un certain nombre de degrés de liberté qu'il lui faut maîtriser. À mesure que le patient progresse dans la maîtrise de l'aide en question, alors il devient plus reproductible, moins variable d'un cycle à l'autre. Dans le cas où le changement d'aide est prématuré, alors l'instabilité devient telle qu'elle influe directement sur les paramètres fonctionnels et le FAPS se dégrade alors.
Protocole d'enregistrement L'analyse des PST a été introduite en 2005 dans la classification commune des actes médicaux et bénéficie depuis d'une tarification (65,11 €). Sous le code PEQP002 et l'intitulé « Analyse métrologique de la posture, de la locomotion et/ou des gestuelles chez un patient polydéficient » se cachent ainsi l'utilisation de la rachimétrie informatisée et des PTS informatisés de la marche. Les spécifications réglementaires relatives à l'examen sont en nombre réduit et, il faut dire, quelque peu inadaptées à la réalité de sa passation et aux nécessités protocolaires permettant d'en faire un outil clinique de premier ordre. En tout et pour tout, il est spécifié que l'examen devrait être réalisé dans un local de superficie minimale de 10 m2, sous la supervision permanente d'un médecin spécialiste en médecine physique et de réadaptation ou ayant une formation spécifique en analyse du mouvement. Maintenant que les centres de soins de suite et de réadaptation sont encouragés à disposer sur place ou par convention d'un accès à un plateau technique spécialisé en analyse de la marche et du mouvement, l'acquisition d'un système et sa mise en œuvre ont tendance à se faire sans le temps de réflexion nécessaire et l'on se retrouve, au mieux, avec un système qui ne sert pas plus qu'un simple chronomètre, au pire, avec des indications erronées pour le suivi thérapeutique du patient. Petit tour d'horizon des choses à savoir avant de se lancer dans l'enregistrement d'un sujet.
Systèmes d'acquisition : lequel choisir ? Plusieurs technologies existent et permettent d'obtenir plus ou moins facilement/rapidement les PST. Laissons de côté pour cette fois les systèmes optoélectroniques pour la capture en trois dimensions (3D) du mouvement qui, s'ils sont les outils clés de l'analyse de la cinématique et de la dynamique de la marche, ne sont pas les plus adaptés pour l'étude des PST pour des raisons évidentes de temps d'examen (équipement du patient,
traitement des données) et de longueur utile pour obtenir un grand nombre de pas et de cycles. Nous pouvons séparer les systèmes en fonction des informations qu'ils enregistrent afin de calculer les paramètres spatiaux et temporels : la mesure des déplacements des pieds, la mesure des contacts au sol ou la mesure d'accélérations linéaires et angulaires. Concernant la mesure des déplacements des pieds, nous retrouvons le Locomètre® et l'OptoGait®. Le Locomètre® (Satel, Blagnac, France), plus connu sous son ancienne appellation de locomètre de Bessou, est un système informatisé qui permet d'enregistrer l'essentiel des paramètres via un fil fixé par une bande Velcro au pied du patient qui, en marchant, le déroule. Le fil est maintenu en tension par un moteur électrique qui exerce une force de rappel qui reste constante par asservissement électronique. Le déplacement de chaque pied est ainsi transmis, via le fil, à un capteur optique et ces signaux permettent au logiciel de calculer les déplacements du pied, proportionnellement à l'allongement du fil. Le matériel est peu encombrant et peu onéreux mais avec certaines limites. L'inconvénient principal est dû au fait que le Locomètre® ne mesure que les déplacements dans le plan sagittal, ce qui implique l'absence d'informations relatives à l'angle du pas et à la largeur de pas, et peut même fausser les résultats lorsque, par exemple, le patient présente un fauchage au passage du pas. L'OptoGait® (Microgate, Bolzano, Italie) est un système de détection optique, composé d'une barre émettrice et d'une autre réceptrice qui contiennent chacune 96 diodes. Les diodes positionnées sur la barre émettrice communiquent en permanence avec celles positionnées sur la barre réceptrice et le système détecte d'éventuelles interruptions et calcule leur durée. Ainsi, il permet de détecter les différentes phases de la marche. Relativement peu coûteux, son principal écueil repose sur la difficulté de l'utiliser chez un patient qui traîne son pied pendant la marche, marche avec une longueur de pas plus courte que sa longueur de pied, ou utilise une aide de marche, comme une canne ou un déambulateur. Concernant les systèmes qui enregistrent les contacts au sol, les pistes de marche à capteurs de pression relative sont considérées
aujourd'hui comme le gold standard, tant par la large utilisation en clinique que par le nombre important de publications. Il s'agit de pistes électroniques dotées de plusieurs milliers de capteurs sensibles à la pression (permettant donc également d'avoir des informations sur le déroulé du pas). Le GAITRite® (CIR Systems, Franklin, États-Unis) a été le premier système de ce type à apparaître en 1996. Le récent système Zeno® (ProtoKinetics, Havertown, États-Unis) repose sur la même technologie, avec une intégration toutefois plus écologique de l'électronique. Il dispose de nombreux paramètres additionnels et des dernières améliorations dans le domaine, en faisant un système plus versatile. Il a l'avantage aussi d'exister en double largeur. Ces systèmes sont plus coûteux mais il s'agit certainement de ceux qui sont le plus adaptés. En effet, lorsque l'on veut étudier un paramètre, il est préférable d'utiliser un système d'acquisition qui fournit directement les variables désirées ou avec le moins de calculs dérivatifs ou intégratifs. Ils ont aussi l'avantage, via les capteurs de pression, de pouvoir pousser l'analyse encore un peu plus loin, permettant de savoir si les pressions plantaires révèlent un pattern de charge du pied standard ou remarquable. Attention toutefois, si la demande thérapeutique nécessite un approfondissement de l'analyse des pressions plantaires (par exemple, pied diabétique), un système pédobarométrique avec des capteurs calibrés sera préféré. Ces systèmes calibrés, lorsqu'ils se présentent sous la forme de plateforme ou de piste (c'est-à-dire pas sous la forme de semelles embarquées), fournissent aussi des PST. Nous pouvons citer les systèmes FDM® (Zebris Medical GmbH, Isny im Allgäu, Allemagne), Walkway® (Tekscan Inc, Boston, États-Unis) ou encore BTS P-Walk® (BTS Bioengineering Corp., Brooklyn, États-Unis). Ces matériels sont les plus chers car calibrés et ainsi limités en longueur. De plus, ils ne sont pas faits pour les patients marchant avec une aide de marche. La dernière catégorie regroupe les systèmes embarqués fondés sur l'utilisation de capteurs enregistrant les accélérations linéaires (accéléromètres) et angulaires (gyroscopes) ou le couplage des deux (inertial measurement unit), parfois avec aussi un magnétomètre
(mesure le champ magnétique, donne l'orientation du capteur). L'intérêt majeur est qu'ils sont transportables. Portés par le sujet, sur le pied, la jambe ou au bas du dos, ils donnent ainsi des informations sur l'activité du patient sur le long terme, tout en s'affranchissant du laboratoire. De coût réduit, ils offrent des performances intéressantes, comme le GaitUp® (Gait Up SA, Renens, Suisse) ou les systèmes McRoberts (McRoberts B.V., La Haye, Pays-Bas), par exemple. Ils sont faciles à utiliser et globalement fiables, même s'ils ne sont pas conseillés pour l'évaluation de marches ataxiques, cérébelleuses ou dyskinétiques. À l'instar des applications sur smartphones destinées aux coureurs, il est souvent nécessaire de passer d'abord par une phase de calibration de distance pour obtenir des paramètres spatiaux, c'est pourquoi ils sont beaucoup plus utilisés pour réaliser du monitoring d'activité plutôt que de l'analyse de la marche. Tous ces outils ont leurs avantages et leurs inconvénients. Il est nécessaire, avant tout investissement, de faire le cahier des charges de l'utilisation et surtout des données qu'il est nécessaire d'obtenir. N'oublions pas qu'une part non négligeable de l'analyse repose sur l'étude de la variabilité des paramètres et qu'ainsi la possibilité d'acquérir de nombreux pas est primordiale.
Comment installer le système ? Une fois le choix du système établi, il est temps de penser à sa disposition. Hormis la question de la distance d'accélération et de décélération avant/après la zone d'acquisition de la marche, l'environnement visuel et auditif est aussi important. Évidemment, il ne faut pas oublier que nous nous situons en environnement hospitalier, avec des contraintes d'espace (superficie, partage de locaux) et de temps. Par ailleurs, certains aspects comme la distance de démarrage dépendent du type de pathologie et de l'âge du sujet. Essayons toutefois de poser quelques recommandations. Concernant l'environnement, il est préférable de se situer dans un endroit où celui-ci sera reproductible. Évitez au maximum les plateaux techniques surchargés ou les couloirs, le mieux étant de pouvoir installer le système dans une salle dédiée, d'où il ne bougera
pas. Il faudra veiller à réduire les possibles interférences visuelles et auditives. Oubliez le miroir placé sur le mur en bout de piste de marche ! Pour atteindre une marche à vitesse spontanée stable (sans accélération ni décélération), il est indispensable de disposer d'une distance d'environ 2 mètres avant et après la zone d'acquisition (environ deux cycles), préférablement sans changement de texture ou de niveau au point de jonction entre zone inactive et zone active. La largeur de la pièce peut aussi être importante lorsque l'on souhaite coupler une ou deux vidéos synchronisées. Selon l'optique de la caméra, un recul insuffisant et vous n'enregistrerez qu'un cycle de marche. La caméra doit être positionnée à angle droit et à distance de la marche. Dans l'enregistrement sagittal, l'ensemble du patient doit être vu, de la tête aux pieds. Si vous ne centrez que sur les membres inférieurs, il sera impossible après coup de réaliser que la personne avait, par exemple, tourné la tête en plein milieu de la marche.
En résumé Si la mesure des positions et des distances des articulations est envisageable à partir de la vidéo, il faut être très prudent car l'effet de parallaxe va entraîner une distorsion au niveau des bordures de l'image. Pour la vidéo frontale, le patient doit évidemment être au centre de l'image.
Pieds nus ou chaussés ? Une des questions qui revient le plus souvent est si l'analyse doit se faire avec ou sans chaussures. La réponse dépend ici une fois de plus du cadre dans lequel se situe l'analyse et quel en est le but. En milieu pédiatrique, l'analyse des PST est réalisée le plus souvent pieds nus car historiquement associée à l'analyse quantifiée de la marche (analyse 3D), à la paralysie cérébrale et à la chirurgie orthopédique.
Toutefois, dès lors qu'il s'agit d'évaluer l'intérêt d'orthèse de marche, la marche chaussée est inévitable. Dans ce cas, on retrouve une analyse de la marche pieds nus, pieds chaussés sans attelle(s) puis avec attelle(s), permettant d'avoir une vision globale. Chez l'adulte en phase de rééducation et la personne âgée, le but recherché est davantage en lien avec les possibilités du patient dans ses activités quotidiennes et la marche chaussée est de rigueur. Le principal étant d'avoir des conditions reproductibles au travers des examens successifs, il est recommandé que le patient utilise ses propres chaussures (pas de pantoufles), avec toutefois des talons ne dépassant pas 3 cm. Une solution mise en place par certains centres est de disposer de toutes les tailles d'un même modèle de chaussure et de faire marcher les sujets avec celles-ci. En conclusion, quel que soit le choix, celui-ci doit rester constant.
À propos des aides de marche Lorsque le patient a besoin d'une aide de marche pour se déplacer, il est évidemment préférable de pouvoir l'enregistrer avec son dispositif. Attention, comme nous l'avons mentionné, certains systèmes ne supportent pas l'utilisation de cannes ou déambulateurs/rollators, soit par fragilité des capteurs soit par incapacité d'enregistrement/traitements des données dans cette situation. Les pistes de marche à capteurs de pression relative sont sans doute les plus indiqués actuellement, car elles permettent d'enregistrer les activations de l'aide de marche au sol et d'évaluer sa contribution au cours de la déambulation. Il est en tout cas important de bien documenter le type d'aide de marche qui a été utilisée.
Quelles instructions au patient ? Tenez-vous en à l'essentiel, du moins au début et, si davantage d'explications sont nécessaires, adaptez votre propos. Un énoncé simple, clair et standardisé est recommandé, tel que : « À mon signal, veuillez marcher comme vous le faîte habituellement, jusqu'au bout
de la piste de marche/mur/etc. » Donnez un point d'arrivée situé plus loin que le point jusqu'au quel vous souhaitez que la personne aille réellement. Pour une marche à allure rapide, énoncez : « À mon signal, veuillez marcher aussi vite que possible, sans courir ou vous mettre en danger. »
Double tâche Tester le patient dans une condition de double tâche, définie comme son nom l'indique par la réalisation concomitante de deux tâches (dont l'une, dans notre cas, est évidemment la marche), va souvent permettre de mettre en exergue des troubles en lien avec le contrôle de la marche. Le paradigme de double tâche repose en effet sur l'hypothèse qu'un défaut d'allocation des ressources attentionnelles va interférer sur les performances de l'une et/ou de l'autre tâche à réaliser, dans le cas où celles-ci utilisent les mêmes systèmes fonctionnels et/ou cérébraux. On va bien sûr pouvoir observer des personnes totalement incapables de continuer à se déplacer en parlant, mais le plus souvent les modifications des PST sont plus subtiles, et d'autant plus pertinentes pour l'évaluation clinique du patient. Il existe de nombreux protocoles de double tâche, en fonction du caractère autogénérée (par exemple, décompte) ou non (par exemple, faire un pas à la cadence d'un métronome) de la tâche, de sa difficulté et de sa nouveauté, de sa nature (motrice ou cognitive), de la priorité donnée ou non à l'une des deux tâches. Si quelques recommandations devaient être données, elles seraient (1) d'établir un protocole d'évaluation standardisé, (2) intégrant au minimum deux tests différents de double tâche et (3) considérant les modifications de performance dans les deux tâches, en comparaison à leur réalisation en condition de simple tâche. Concernant la mesure du coût (ou du bénéfice, par exemple chez le patient parkinsonien), il est possible de s'intéresser aux valeurs en absolue ou bien de calculer un pourcentage de variation. Vous pouvez retrouver davantage d'information sur la double tâche dans la synthèse (en français) de Beauchet et Berrut (2006).
Nombre de passages Le nombre de tests à réaliser, que ce soit en termes de longueur totale à marcher ou de pas par cycle à réaliser, est une autre question récurrente. Le but est d'optimiser la quantité de pas au total, un grand nombre étant nécessaire afin d'évaluer correctement la variabilité inter-pas et inter-cycles, tout en limitant la variabilité inter-essais, c'est-à-dire les changements dans la marche du patient entre deux enregistrements (par exemple, une marche à vitesse spontanée puis une deuxième un peu plus rapide). Une solution souvent envisagée est le recours à un tapis roulant implémenté de capteurs, mais celle-ci pose plusieurs problèmes. Tous les patients ne peuvent pas marcher dans cette condition et l'on n'est clairement plus en situation écologique. Une longue période d'habituation est indispensable avant d'enregistrer un test, quel qu'il soit. Se pose aussi la question de l'allure à laquelle faire marcher le sujet. Dans tous les cas, ce que vous analyserez serait très peu représentatif de ce que peut réellement réaliser la personne (des études fondées sur la dynamique des fluctuations montrent clairement que marche sur tapis roulant et marche sur le sol sont deux concepts différents). Il faut ici prendre en compte la longueur d'enregistrement dont vous disposez, la fatigabilité du patient et la longueur des pas. Avec une même longueur de 8 m, plus de pas seront logiquement obtenus pour un sujet parkinsonien marchant à petits pas, en comparaison à un sujet contrôle adulte. De manière générale, six cycles droits et six cycles gauches sont un minimum et devraient être obtenus en deux ou trois enregistrements. Il faut porter attention à certains points. Tout d'abord, certains patients tendent à modifier leur marche lorsqu'ils sont en situation d'examen, en hypercontrôlant leur marche ou en essayant de montrer une « jolie » démarche. Observez la personne dès son arrivée pour avoir une idée de son pattern de marche. Un premier enregistrement « pour du beurre » est souvent utile pour obtenir une marche représentative du sujet. De même, n'indiquez pas le nombre de tests qui vont être réalisés, certaines personnes tendant à modifier leur démarche à proximité de la fin des tests (par exemple, accélérer
l'allure). Pour le choix des tests/passages à considérer, il y a une certaine part de subjectivité et c'est à l'opérateur qui a réalisé l'enregistrement de définir la quantité de variation entre deux marches qui peut être tolérée. La variabilité entre les passages est en effet parfois inhérente à la pathologie ou à l'âge du sujet. Il est à noter que plusieurs travaux ont suggéré que le type de protocole affectait la variabilité de la marche. En l'occurrence, les protocoles de marche répétés, impliquant de marcher une certaine distance avec des interruptions périodiques entre chaque test (une marche, stop, une marche, stop) augmentent artificiellement les mesures de variabilité (écart type et coefficient de variation) en comparaison à des protocoles de marche en continu, où le patient suit un circuit de marche. Le fait de marcher continuellement favorise la conservation d'une même allure et réduit la variabilité entre les passages. Sur cette base, et lorsque cela est possible, il est envisageable de définir un circuit au milieu duquel se situe la zone d'enregistrement, en forme oblongue (Paterson, Hill, Lythgo et Maschette, 2008) voire de huit (König, Singh, von Beckerath, Janke et Taylor, 2014) (fig. 7.6). Le rayon de rotation ne doit pas être trop restreint et environ 3 m sont ainsi nécessaires pour les zones dévolues aux demi-tours.
FIG. 7.6 Représentation d'une installation sous forme de circuit : configuration oblongue (en haut) ou en huit (en bas). La zone encadrée représente la partie utile pour l'enregistrement des paramètres spatio-temporels. La mise en place d'un protocole optimal et son application à la routine clinique ne sont pas si simples. Nous allons à présent voir qu'il en est de même pour l'interprétation des données.
En résumé
■ La rigueur de votre protocole conditionne la qualité des données recueillies et donc la pertinence de votre analyse. ■ La variabilité inter-passages (plusieurs enregistrements
nécessaires au cours d'un même examen) et la variabilité interexamens (conditions reproductibles d'un examen à l'autre) sont des éléments à considérer impérativement.
Interpréter les paramètres spatio-temporels Questionnement Un des points majeurs avant de réaliser une analyse des PST (ou d'ailleurs de tout autre examen) est de définir le but de l'examen. Quel est le questionnement thérapeutique à l'origine de la demande ? Sans question, pas de réponse. Il est un fait que l'analyse de la marche implique un patient marchant ou du moins déambulant. Dès lors que le patient doit être supporté fortement par une tierce personne pour se maintenir à la verticale, il n'est plus possible de tirer quelque analyse. Alors, il peut être approprié de réaliser un enregistrement, parce que celui-ci s'accompagne au minimum d'une capture vidéo, mais aussi parce qu'il est préférable pour le patient de réaliser un test qui ne donnera rien plutôt que de s'entendre dire que l'examen est pour les sujets marchants. Toutefois, soyez clair avec le prescripteur sur la faiblesse des résultats. S'il est possible de réaliser un examen tel un check-up, pour éventuellement déceler une « anomalie » ou avoir une image de la marche du sujet à un instant t, le plus souvent le prescripteur a déjà une idée de ce qu'il recherche ou envisage (pré-/post-toxine, évaluation d'orthèse, risque de chute, orientation vers atelier de renforcement, etc.). N'hésitez pas à demander des informations concernant le motif de l'examen. Le plus simple pour cela est de mettre en place une feuille de demande d'examen où ces informations seront renseignées.
Quelques règles d'interprétation Au regard de ce qui a été évoqué dans les chapitres chapitre 1 et 6, il
s'avère donc complexe de donner une interprétation clinique aux PST qui contiennent tant d'informations de nature différente. Citons l'écart par rapport aux paramètres moyens, qui renseignent sur ce qui s'apparente à la fonctionnalité de la marche. Nous avons évoqué également la notion d'asymétrie temporelle et/ou spatiale qui fait apparaître principalement la dominance pathologique, mais également les stratégies fonctionnelles qui visent à minimiser l'impact de la pathologie sur le fonctionnel. Enfin, la prise en compte de la variabilité renseigne principalement sur la qualité du contrôle moteur, reflet des perturbations subies et/ou des régulations temporelles et spatiales effectuées par le patient. Ces informations multiples se complètent parfaitement en organisant quelque peu la lecture de ces paramètres. Quelle que soit la population analysée, quelle que soit la pathologie, l'organisation de la marche répond à deux critères principaux : minimiser la douleur et dépenser le moins d'énergie possible. Ces deux critères à l'esprit, il devient particulièrement intéressant d'analyser l'ensemble des PST. La capacité d'adaptation du patient, tendue vers le respect de ces deux critères, va être proportionnelle aux degrés de liberté disponibles. Lorsque nous évoquons la notion de degré de liberté, nous ne nous intéressons pas seulement aux degrés de liberté mécaniques (articulaires). La régulation temporelle et spatiale fait également partie de ces degrés de liberté et, tant qu'il reste des degrés de liberté mobilisables, alors le patient pourra continuer à se déplacer. La marche est perdue quand plus aucune adaptation n'est possible au regard des contraintes posées par la pathologie et ses conséquences. Pour suivre ces deux règles immuables, minimiser la douleur et réduire le coût énergétique au maximum des possibilités dans l'instant, le patient ne va disposer que d'une fenêtre de temps courte pour s'adapter : la phase d'oscillation. Durant cette phase, le patient va pouvoir réguler sa marche dans le temps et/ou l'espace afin de minimiser le simple appui du côté qui lui pose le plus de problème. En effet, tout un chacun va essayer de minimiser la durée du simple appui du côté le plus problématique. La simple évocation d'un caillou dans une chaussure permet de comprendre que nous allons nous
organiser pour minimiser le temps d'appui du côté douloureux (simple appui). À ce moment-là, du côté opposé, en cours d'oscillation (phase oscillante), nous allons pouvoir choisir entre augmenter la vitesse pour reposer plus vite le côté non atteint sans diminuer la longueur de pas, ou alors diminuer la longueur de pas pour reposer plus tôt sans augmenter la vitesse de pas, ou encore mixer les deux. Les trois solutions sont possibles et le choix dépend pour une grande part des capacités d'adaptation disponibles. Pour un patient qui a des limitations d'extension de genou d'un côté, la minimisation de la longueur du pas est une contrainte de fait. Pour ce patient, les capacités d'adaptation se situent principalement au niveau de la vitesse du pas, dans le but de minimiser le temps de simple appui du côté atteint. Interpréter la variabilité est difficile, compte tenu qu'aucun chiffre, qu'aucune mesure ne nous en donne sa nature. En effet, comment différencier une variabilité issue de la douleur à l'appui de celle qui consiste à faire varier des paramètres temporels ou/et spatiaux d'un cycle à l'autre, pour s'adapter à la douleur par exemple. En réalité, au sein même d'un coefficient de variation se cachent les deux aspects : perturbation et régulation. Toutefois, on peut par déduction déterminer la part de perturbation et la part de régulation. Prenons l'exemple d'un patient hémiplégique du côté droit, chez qui nous observerons un déficit de simple appui à droite. Dans le cas spécifique de la longueur de pas, il est possible d'observer une augmentation de la variabilité à droite comme à gauche. Si c'est à droite, je peux émettre l'hypothèse d'une marche douloureuse à droite. Si c'est à gauche, je peux supposer une régulation antéro-postérieure du côté sain, compensant les instabilités générées par le côté atteint. Bien sûr, ce raisonnement est simpliste et il ne peut avoir de sens qu'en faisant correspondre tous les éléments du tableau clinique. Toutefois, cela permet de comprendre la logique de raisonnement aidant à l'interprétation des PST.
Cas d'étude Passons maintenant à un exemple pratique, avec une évaluation
réalisée chez une personne de 80 ans, dans le cadre d'un suivi systématique de la personne âgée. Le sujet d'étude a volontairement été choisi pour son bon niveau fonctionnel, afin d'éviter des résultats trop caricaturaux ne présentant que des paramètres fortement altérés. Le but n'est d'ailleurs pas d'être véritablement exhaustif mais de faire comprendre au lecteur la démarche d'analyse. La personne a marché sous cinq conditions : à allure spontanée, en condition de double tâche avec décompte simple (compter en ordre décroissant à partir de 50), en condition de double tâche avec énonciation de noms d'animaux, sans double tâche à allure rapide et à allure lente.
Choix des paramètres et de la représentation des résultats Certaines études cherchent à mettre en évidence des liens statistiques entre plusieurs variables qui rendraient compte d'un même aspect de la marche (Lord et al., 2013 ; Verlinden et al., 2013), afin de limiter le nombre des paramètres d'intérêt et la redondance des informations. Nous nous sommes inspirés de cette logique pour choisir douze paramètres reflétant six composantes : ● rythme : cadence et walk ratio ; ● allure : longueur de pas et vitesse ; ● phases du cycle : simple appui et double appui ; ● contrôle postural : largeur du pas et écart type de la largeur de pas ; ● asymétrie : ratio de longueur de pas et ratio de durée du simple appui ; ● scores : EGVI et FAPS. Bien que cette analyse porte principalement sur l'évaluation de l'influence des différentes conditions, les caractéristiques de la marche spontanée de la personne sont de premier intérêt. En effet, elles permettront ensuite de base pour analyser l'influence de la double
tâche et du changement d'allure de marche. Pour cette première étape, il est nécessaire d'avoir à l'esprit les valeurs considérées comme normales. Ici deux choix s'offrent à vous : comparer le patient par rapport à des pairs du même âge (en l'occurrence 80 ans) et/ou par rapport à des standards d'adultes moins âgés (par exemple, 18–65 ans ou 65–75 ans). S'il est bien sûr plus adapté de prendre en compte l'âge du sujet, se référer aussi aux valeurs de sujets plus jeunes peut parfois être intéressant, une personne de 80 ans pouvant par exemple démontrer des paramètres plus proches de sujets plus jeunes (âge physiologique versus âge chronologique). Dans notre exemple, nous utiliserons des normes issues de sujets contrôles âgés entre 80 et 84 ans. Toutefois, pour une lecture graphique plus aisée, les valeurs normales ont été transformées en zscore, c'est-à-dire en nombre d'écarts types séparant le patient de la moyenne du groupe contrôle. Pour un paramètre donné, une valeur de 0 signifie que le patient a une valeur identique à la moyenne du groupe normal, une valeur de + 1 signifie que la valeur se trouve à + 1 écart type de la moyenne, une valeur de − 1 que la valeur se trouve à − 1 écart type. En statistique, la règle des trois sigmas indique que pour une distribution normale, presque toutes les valeurs se situent dans un intervalle centré autour de la moyenne et dont les bornes se situent à 3 écarts types de part et d'autre. Environ 68,3 % des valeurs se situent à 1 écart type de la moyenne, environ 95,5 % des valeurs se situent à 2 écarts types de la moyenne et la quasi-totalité (99,7 %) des valeurs se situe à moins de 3 écarts types de la moyenne. Plus simplement, si vous prenez au hasard une personne asymptomatique, vous avez une probabilité de plus de 9/10 que celleci se trouve dans une gamme de [− 2 ; + 2] écarts types autour de la moyenne du groupe contrôle. En d'autres termes, il y a une probabilité inférieure à 1/10 qu'une personne se trouvant entre ]+2 ; +3] puisse être considérée comme asymptomatique pour ce paramètre.
Analyse de la marche spontanée
La figure 7.7 représente les paramètres du patient pour la condition à allure spontanée par rapport à des normes de 80–84 ans.
FIG. 7.7 Paramètres obtenus à allure spontanée. À première vue, tous les paramètres sont bornés entre [− 1 ; +1] écart type. Dans le détail, la vitesse est plutôt dans la gamme supérieure, du fait d'une longueur de pas et d'une cadence légèrement au-delà de la moyenne contrôle. Le simple appui est dans la gamme haute et le double appui dans la gamme basse, en accord avec la vitesse. La largeur de pas de 7 cm est parfaitement dans la moyenne et sa variabilité correcte. Aucune asymétrie n'est à signaler. Du côté des scores composites, qui visent à résumer le pattern de marche, en deux nombres, l'un pour l'aspect fonctionnel, l'autre pour la variabilité, ils
sont tous les deux parfaitement dans les normes. En résumé, rien de particulier à signaler, les paramètres démontrant une marche étant dans les normes, avec une tendance à être même un peu mieux que la moyenne.
Influence de la double tâche La figure 7.8 représente les paramètres du patient pour la condition à allure spontanée (en noir) par rapport aux conditions en double tâche.
FIG. 7.8 Comparaison simple tâche versus double tâche. Regardons tout de suite le plus simple paramètre à observer, la vitesse. Clairement, la double tâche induit un ralentissement de la
marche et davantage pour la tâche de décompte. En termes de valeurs en cm/s, on passe de 115 à vitesse spontanée, à 95 pour l'énonciation de noms d'animaux et à 83 cm/s pour le décompte, soit respectivement − 28 % et − 17 %. Si l'on s'intéresse à la cause de cette diminution, on s'aperçoit que les baisses de cadence et de longueur de pas sont à peu près du même ordre entre la marche spontanée et la double tâche d'énonciation, alors que pour la tâche de décompte, la cadence est davantage affectée que la longueur de pas. De ce fait, le walk ratio est augmenté. Les durées relatives du double appui (augmentée) et de simple appui (diminuée) sont affectées de manière identique quel que soit le type de double tâche. La largeur de pas n'est pas affectée. Considérant les scores, le FAPS passe de 98 en marche spontanée à 94 et 91 (principalement du fait de la vitesse). L'EGVI passe de 107 à 114 et 117 en double tâche et se rapproche sensiblement de la limite de + 2 écarts types lors de la marche avec décompte. En résumé, marcher avec une double tâche a eu un impact relativement limité chez cette personne, mais a déjà induit un changement dans la cadence de pas et clairement dans la variabilité de la marche. La tâche de décompte représentait aussi un plus grand challenge. Pour définir l'influence de la double tâche, on peut se référer au tableau 7.1 (Plummer et al., 2013). Tableau 7.1 Modifications observées dans les performances cognitive et motrice lors de la réalisation d'une marche en condition de double tâche cognitive en comparaison à une marche sans double tâche Performance cognitive Pas de changement Amélioration Détérioration Performance motrice
Pas de Pas d'interférence de la changement double tâche
Facilitation cognitive
Interférence cognitive
Amélioration
Facilitation mutuelle
Priorité au moteur
Facilitation motrice
Détérioration
Interférence motrice (liée à la charge cognitive)
Priorité au cognitif Interférence mutuelle
Source : Plummer P., Eskes G., Wallace S., Giuffrida C., Fraas M., Campbell G., Clifton K., & Skidmore E.R. (2013). Cognitive-motor interference during functional mobility after stroke: state of the science and implications for future research. Arch Phys Med Rehabil, 94, 256574.
Influence de l'allure La figure 7.9 représente les paramètres du patient pour la condition à allure spontanée par rapport aux conditions à allure lente et rapide.
FIG. 7.9 Comparaison de la marche à allure lente, spontanée et rapide.
Vous remarquerez qu'un changement d'échelle a été nécessaire puisqu'en s'intéressant à la vitesse lente et rapide, nous allons évidemment nous retrouver au-delà de 2 écarts types d'une marche à allure normale. L'échelle a donc été modifiée pour intégrer un intervalle de [− 5 ; +5] écarts types. Le sujet a-t-il été capable d'augmenter sa vitesse de marche à allure rapide ? La réponse est positive, l'augmentation de vitesse étant de 20 % entre les deux conditions avec une part équivalente d'augmentation de longueur de pas et de cadence (ce qui est bien). Dans l'ensemble, aucun des paramètres n'a été sensiblement altéré. L'EGVI est le même à vitesse spontanée et rapide (score de 107). À allure lente, le sujet a diminué sa vitesse de moitié, en abaissant en premier lieu sa cadence. Cela se retrouve au travers du walk ratio qui est augmenté de près de 20 %. La proportion du double appui dans le cycle est accrue, mais cela est expliqué par la diminution de vitesse. La largeur de pas n'est pas modifiée. On aurait pu s'attendre à un élargissement si la condition avait été plus déstabilisante pour le patient, mais ce n'est pas le cas (il en va de même pour l'écart type de la largeur de pas). En revanche, une légère asymétrie de la longueur de pas est apparue (ratio de 1,05), ce qui s'explique, lorsque l'on s'intéresse aux données plus détaillées (longueurs de pas à gauche et à droite, non fournies ici) et aux autres données cliniques, par une contribution plus importante de la jambe droite à la propulsion. L'EGVI atteint un score de 115 à vitesse lente (contre 107 à vitesse spontanée et à vitesse rapide), dénotant une augmentation de la variabilité et une influence accrue de cette condition sur le contrôle de la marche. Bien évidemment, l'analyse de la marche ne fait pas tout. Tous ces paramètres seront à mettre en lien avec les évaluations cliniques (psychiques et fonctionnelles) du patient.
Le rapport Dernière question souvent entendue : que mettre dans le rapport ?
Oubliez tout de suite le catalogue de PST, avec tout ce que peut vous fournir le système/logiciel que vous utilisez. Vous pouvez très bien faire une analyse très fine des paramètres, en des termes précis et techniques, mais n'oubliez pas qu'à la fin la seule chose qui importera sera la réponse à la question initialement posée (d'où l'intérêt de la poser une fois de plus !). Il y a donc un travail en amont, dès la mise en place de l'analyse de la marche dans votre structure, avec un choix de paramètres pertinents à observer, de conditions à réaliser, en fonction du type de demande et/ou d'examen. Pour conclure, inspirez-vous des vers de Nicolas Boileau : « Ce que l'on conçoit bien, s'énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. » Les temps consacrés à la formation et à l'entraînement ne sont pas superflus et comprendre ce que vous faites et pourquoi vous le faites constitue le premier pas de votre démarche.
Points clés Il ne faut pas se fier à l'apparente simplicité des PST. Une certaine logique est nécessaire à la mise en place d'une telle analyse en milieu clinique et quelques étapes sont à réaliser pour pouvoir exploiter au mieux les résultats : ■ comprendre son système/logiciel et ce qu'il fournit ou ne fournit pas ; ■ mettre en place un protocole en fonction des besoins identifiés ; ■ commencer par étudier seulement quelques paramètres ; ■ entraînez-vous, ayez l'esprit critique et échangez avec d'autres personnes.
Entraînement
QCM 1 Une personne ayant chuté une seule fois lors de l'hiver, en glissant sur du gel, a maintenant peur de chuter, sans avoir jamais eu de réel risque de chute. Elle réalise une marche à vitesse spontanée. Quel pattern sera le plus probable : A. de petits pas, une base de support élargie, un EGVI plus élevé que la normale (variabilité accrue) B. de petits pas, une base de support élargie, un EGVI dans la norme (variabilité correcte) C. aucune modification par rapport à un pair asymptomatique D. de grands pas, une base de support réduite, un EGVI plus élevé que la normale (variabilité accrue)
QCM 2 Chez un patient souffrant de son pied gauche à l'appui pour lequel on enregistre les PST, on aura tendance à observer (plusieurs réponses possibles) : A. une durée de simple appui augmentée à droite par rapport au côté gauche B. une durée de simple appui diminuée à gauche par rapport au côté droit C. une durée de phase oscillante diminuée à droite par rapport au côté gauche D. une durée de phase oscillante diminuée à gauche par rapport au côté droit
QCM 3 La stationnarité peut être définie comme : A. la capacité à revenir à l'équilibre après perturbation
B. la capacité à bouger le moins possible lors de la marche C. l'écart à la norme des PST moyens D. l'écart à la norme de l'écart type
QCM 4 La littérature semble montrer un lien étroit entre le risque de chute et la variabilité des PST. L'ampleur des variations des PST au cours de la marche a été définie par Hausdorff comme : A. la magnitude des fluctuations B. la fluctuation de la magnitude C. l'écart des fluctuations moyennes D. la magnitude entropique moyenne
QCM 5 Chez l'enfant pathologique, l'augmentation de la vitesse observée entre deux examens réalisés à 2 ans d'intervalle peut être expliquée par (plusieurs réponses possibles) : A. l'augmentation de sa taille B. l'augmentation de la longueur de pas C. l'augmentation de la cadence D. le fait qu'il soit pressé de finir l'examen
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CHAPITRE 8
Aspect énergétique de la marche S. Mesure
PLAN DU CHAPITRE Pour comprendre Le concept d'énergie Énergie mécanique Modèle mécanique pour expliquer l'aspect énergétique Modèle physiologique pour expliquer l'aspect énergétique Comparaison des coûts mécanique et énergétique Conclusion
Focus
■ Objectifs pédagogiques : – savoir identifier les facteurs énergétiques de la marche ; – connaître les principales causes mécaniques et physiologiques des troubles énergétiques de la
marche. ■ Objectifs professionnels : – pouvoir comprendre les variations énergétiques lors de la marche ; – agir et organiser son éducation thérapeutique en fonction des fluctuations énergétiques du marcheur. ■ Evidence based : – l'analyse énergétique est un paramètre primordial dans la rééducation de la marche ; – il est nécessaire de connaître toutes les caractéristiques des paramètres de la marche pour une prise en charge optimale.
La marche est l'acte locomoteur qui suscite sûrement le plus d'intérêt au regard de la littérature mais aussi au regard de toutes les professions qui sont associées à sa connaissance, sa compréhension, sa logique, son fonctionnement et sa récupération. Cela touche donc l'ensemble des champs scientifiques allant de la physiologie aux neurosciences, de la biomécanique à la robotique, sans oublier bien entendu les implications dans le domaine de la médecine physique, de la kinésithérapie et de la rééducation fonctionnelle. En effet, l'un des intérêts majeurs de ces études portant sur l'analyse de la marche humaine, au-delà de l'apport de connaissances nouvelles, est bien de donner des éléments de réponse quant au reconditionnement physique des personnes ayant subi un traumatisme d'origine diverse, ou encore au maintien en autonomie des personnes âgées. L'aspect énergétique est ainsi un des aspects fondamentaux de la marche.
Pour comprendre « Tout individu vivant peut être représenté comme un système très complexe qui recherche activement dans le milieu qui l'entoure les conditions d'une existence optimale et ce, à moindre coût énergétique. » Cet aphorisme, à garder en mémoire dans toutes prises
en charge éducatives, rééducatives, fonctionnelles…, nous permet de concevoir l'aspect énergétique d'une action motrice, en l'occurrence ici la marche, de l'être humain, mais aussi sa façon de fonctionner. En reprenant les termes de cet aphorisme, il ressort qu'il concerne bien évidemment l'ensemble du monde vivant, que ce soit des enfants, des adolescents, des adultes ou des personnes âgées lorsque nous nous limitons aux êtres humains, mais aussi des animaux, voire même certains végétaux. La notion de complexité du système d'intégration et de restitution fait référence au contrôle neurologique essentiellement, avec un système nerveux central et périphérique dont nous maîtrisons une grande partie des composants, des connexions, des rapports, des échanges associés aux neurotransmetteurs…, mais dont une des grandes inconnues reste la mise en place des programmes coordonnés de ces stratégies motrices plus ou moins adaptatives, dont l'homme a le secret et qui conditionne chaque individu en fonction de ses propres caractéristiques (éducation, environnement, âge, connaissances, propriétés physiques, etc.). Tout cela ne peut se concevoir sans la notion suivante qui est l'action. En effet, nous pouvons apprendre de manière théorique un geste en fonction de sa composante anatomique, mécanique, musculaire, psychologique, sociale, etc., mais il est nécessaire et obligatoire de le tester, de l'éprouver physiquement pour apprendre. Il n'y a pas d'apprentissage moteur sans pratique. Cette pratique essentielle dépend des conditions environnementales, des caractéristiques de l'individu et de son état d'esprit, ce qui sousentend qu'une même activité, en l'occurrence ici la marche, ne saurait être réalisée de manière identique pour un même sujet en fonction d'un environnement différent. Pour autant, chaque individu lorsqu'il décide volontairement de pratiquer une activité motrice souhaite toujours la réaliser dans les meilleures conditions, avec des objectifs optimaux en fonction de ses caractéristiques du moment mais toujours en se fatiguant le moins possible ! La dépense énergétique (fig. 8.1) est ainsi toujours le premier facteur d'évaluation avant toute action motrice de chaque individu, lors de l'éducation mais aussi de la rééducation quel que soit l'âge ou les
caractéristiques des sujets ou des patients. Cet aspect énergétique regroupe à la fois les notions de dépense énergétique (associée à la fatigue, la durée, l'intensité, etc.) mais aussi de dépense énergétique cognitive (implication en termes attentionnels, de compréhension, de stratégies à mettre en place, etc.) ou prothétique comme chez l'amputé (Caputo et Collins, 2014).
FIG. 8.1 Système nerveux central : bases de l'organisation de l'action motrice et estimation de la consommation d'énergie. Il est donc tout naturel de penser que l'humain essaie de minimiser la dépense énergétique engendrée par son déplacement. La marche est une tâche mécaniquement complexe. C'est l'activité motrice la plus complexe à réaliser résultant : de l'activité coordonnée des muscles pour le déplacement, de la posture et des caractéristiques de l'individu pour l'organisation de sa motricité et de l'environnement dans lequel se situe l'action. Cependant, il faut intégrer que tout exercice musculaire (dont la marche en est un exemple parfait) résulte de l'interaction entre des
processus physiologiques, biochimiques et mécaniques (Rieu, 1988) (fig. 8.2).
FIG. 8.2 Les trois phénomènes associés à la consommation d'énergie lors de l'action motrice. Après les phénomènes physiologiques qui mènent de l'action neurologique à l'action musculaire, nous observons les phénomènes biochimiques avec la dégradation de l'ATP, et la production d'énergie (hydrolyse), c'est-à-dire une décomposition avec fixation d'eau : ATP + H2O → ADP + Pi + Énergie, où ADP correspond à l'adénosine diphosphate, Pi à l'ion phosphate et Énergie à une quantité d'énergie qui sera utilisée soit dans d'autres réactions chimiques, soit pour fournir du travail et de la chaleur. Dans les phénomènes mécaniques, W signifie le travail qui est le résultat d'une force (exprimée en newtons) appliquée sur une distance (exprimée en mètres) et qui donne par la suite la puissance exprimée en watts et qui est le rapport de la force par la vitesse (exprimée en secondes). Source : Portero, P., Gomez-Merino, D. (2012). Fatigue et motricité. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris). 26007-C-50.
Le concept d'énergie Dans tous les cas lorsque vous vous déplacez, ce déplacement résulte d'une ou plusieurs forces appliquées au sol, en d'autres termes l'individu qui marche travaille. En mécanique, une force appliquée sur une distance quelconque est également reconnue comme étant du travail (W). Il est exprimé par :
où F est la force en newtons et d la distance parcourue en mètres. L'unité de mesure du travail s'exprime en joules (J). Il est possible de distinguer deux types de travail accompli par le corps humain : le travail interne qui est réalisé par le système musculaire pour déplacer les segments corporels et le travail externe pour déplacer un objet, une charge quelconque ou le corps (Hayot, 2010).
Définition L'énergie se trouve sous des formes nombreuses et variées : thermique, électrique, nucléaire, mécanique pour ne citer que les plus connues. D'une manière générale, l'énergie c'est le résultat du travail. Bien que la notion d'énergie soit omniprésente dans toutes nos activités quotidiennes, de loisirs et sportives, il s'avère très difficile de la définir de façon précise.
En résumé L'énergie d'un système représente sa capacité à modifier, par
interaction, l'état d'un autre système. À cette définition générale mais peu précise, il faut ajouter des propriétés que doit satisfaire l'énergie d'un système : ■ sa valeur ne dépend que de l'état du système et non pas de son évolution antérieure : l'énergie est une fonction d'état ; ■ elle est une grandeur scalaire, déterminée par un nombre et une unité ; ■ son unité est le joule (J) ; ■ différentes formes d'énergie peuvent exister ; ■ elle peut être échangée entre des systèmes et entre les éléments d'un système ; ■ l'énergie d'un système isolé est conservée.
Transferts Lorsqu'un système interagit avec un autre, il y a un transfert d'énergie entre les systèmes par : ● le travail d'une force ; ● un échange de chaleur ; ● un rayonnement. Un système possède de l'énergie s'il est capable de produire un travail, de la chaleur ou un rayonnement en diminuant son énergie. Lorsqu'on fournit à un système un travail, de la chaleur ou un rayonnement, son énergie augmente.
Rendement Considérons un système qui permet la conversion ou le transfert d'énergie. Il reçoit une quantité d'énergie ΔEreçue et restitue l'énergie ΔEutile (fig. 8.3) utilisée par un autre système (Lacour, 2011).
FIG. 8.3 Transferts et conversions d'énergie. Lors de ce processus, une quantité d'énergie non utile ΔEdissipée est dissipée par le système. Par ailleurs : ● les quantités d'énergie transférées peuvent être un travail, de la chaleur ou un rayonnement ; ● on dit souvent que l'énergie reçue provient d'une source d'énergie. Or il n'existe pas de source d'énergie dans le sens que de l'énergie soit créée. L'énergie reçue provient d'un échange avec un autre système qui voit son énergie diminuer.
Remarque Le rendement p d'un système lors d'un transfert ou d'une conversion d'énergie est le rapport de l'énergie restituée à l'énergie reçue :
Le rendement est une grandeur sans unité et est souvent exprimé en pourcentages.
Le rendement d'un système est compris entre 0 et 1. Plus le rendement est élevé, plus le transfert ou la conversion de l'énergie est complète. Tous les systèmes réels ont un rendement inférieur à 1 (Hayot, 2010).
Énergie mécanique Définition L'énergie mécanique d'un système est une fonction des positions et des vitesses des corps qui le composent. Les transferts d'énergie mécanique se font par le travail d'une force et peuvent être divisés en deux groupes : ● les forces extérieures provenant de l'interaction avec un autre système ; ● les forces intérieures d'interaction entre les corps du système. Les forces extérieures, par les travaux qu'elles effectuent, font varier l'énergie mécanique du système. Les forces intérieures qui effectuent un travail moteur augmentent l'énergie mécanique du système, celles qui effectuent un travail résistant la font diminuer.
Remarque Théorème de l'énergie mécanique : dans un référentiel galiléen, la variation de l'énergie mécanique d'un système est égale à la somme des travaux effectués sur le système par les forces extérieures. L'énergie mécanique augmente si la somme des travaux des forces extérieures est positive et diminue si cette somme est négative. Lorsque la somme est nulle, l'énergie mécanique est conservée et devient constante (Allard et Blanqui, 2000). La variation de l'énergie
mécanique par unité de temps est égale à la somme des puissances des forces extérieures (Cavagna, Willems et Heglund, 2000). Connaissant les positions et les vitesses des corps dans un état donné et, le cas échéant, les travaux des forces extérieures, on peut utiliser le théorème de l'énergie pour obtenir des informations sur ces grandeurs dans un autre état, sans connaître les étapes intermédiaires de l'évolution du système (Hayot, 2010).
Formes d'énergie mécanique L'énergie mécanique d'un système peut exister sous deux formes différentes. Un corps possède de l'énergie cinétique du fait de son mouvement. Les positions des corps du système déterminent son énergie potentielle. Définition. L'énergie mécanique E d'un système est la somme de son énergie cinétique Ec et de son énergie potentielle Ep :
L'énergie potentielle a le potentiel de se transformer en énergie cinétique par le travail des forces intérieures. Le corps humain ou un objet n'ont pas nécessairement toutes les formes d'énergie. Il se peut qu'ils en possèdent une, plusieurs ou bien aucune (Lebœuf et Lacouture, 2008).
Énergie cinétique Le mouvement d'un corps solide est déterminé par toutes les forces qui agissent sur lui. La variation de son énergie cinétique est une conséquence des travaux de toutes ces forces : ● le théorème de l'énergie cinétique sert à définir l'énergie cinétique d'un corps et peut être démontré à l'aide des lois de
Newton ; ● en considérant le corps solide comme seul élément du système, toutes les forces sont extérieures. L'énergie cinétique du corps solide au repos est fixée à zéro (Allard et Blanqui, 2010). Définition. Un corps solide de masse m animé d'un mouvement de translation de vitesse par rapport à un certain référentiel possède, dans ce référentiel, une énergie cinétique Ec dont l'expression est :
En résumé Théorème de l'énergie cinétique : dans un référentiel galiléen, la variation de l'énergie cinétique d'un corps solide est égale à la somme des travaux effectués sur ce corps par toutes les forces, extérieures et intérieures.
Énergie potentielle L'énergie potentielle dépend des positions des corps d'un système. Elle peut être convertie en énergie cinétique ou vice versa par le travail
des forces intérieures. La figure 8.4 montre les effets des travaux des différentes forces (Lebœuf et Lacouture, 2008).
FIG. 8.4 Le travail des forces extérieures fait varier l'énergie mécanique, donc la somme de l'énergie cinétique et de l'énergie potentielle (A). Lorsque l'énergie mécanique ne varie pas, le travail des forces internes est responsable de l'échange entre l'énergie cinétique et l'énergie potentielle (B). La variation de l'énergie potentielle est donnée par :
Pour un système de corps solides en interaction, on peut combiner les expressions pour obtenir :
La somme s'étend sur toutes les forces intérieures qui s'appliquent à tous les corps solides du système. Pour que l'énergie potentielle soit une fonction d'état, le travail de la force interne doit être indépendant de la trajectoire qui relie l'état initial à l'état final. Il est donc nécessaire que la force intérieure soit conservative. Dans le cas contraire, il faudra la traiter comme une force extérieure (Cavagna et al., 2000). Contrairement à l'énergie cinétique, l'énergie potentielle n'est pas une propriété d'un corps mais est liée à l'interaction de plusieurs corps (Allard et Blanqui, 2010).
Énergie potentielle de pesanteur Considérons un corps solide de masse m et de centre de gravité G se déplaçant sans frottement sur un support dans le champ de pesanteur de la Terre. Le centre de gravité est repéré par son altitude z. La seule force intérieure qui travaille est le poids du solide. La variation de l'énergie potentielle de pesanteur du système entre les positions A et B du centre de gravité s'écrit :
Cette expression détermine l'énergie potentielle de pesanteur à une constante près. On choisit un point O qui définit le niveau de référence pour lequel l'énergie potentielle est nulle. En un point d'altitude z, l'énergie potentielle de pesanteur s'écrit :
L'énergie potentielle de pesanteur dépend du choix du niveau de référence. La variation de Epp est indépendante de ce choix.
Économie de mouvement La plupart des modes habituels de déplacement font intervenir des séquences de mouvement complexes qui impliquent la mise en jeu du stockage–restitution et des transferts d'énergie d'un segment du corps à un autre. Par exemple, dans la marche, le déplacement des membres inférieurs s'accompagne d'une oscillation du centre de masse. L'abaissement du centre de masse est associé à l'accélération horizontale de celui-ci ; le centre de masse utilise ensuite son énergie cinétique pour revenir à sa position haute. Des transferts entre énergie cinétique et énergie potentielle de gravitation interviennent donc en permanence ; cela est une source d'économie d'énergie. On apprécie l'efficacité mécanique globale du travail fourni à l'aide d'une mesure empirique, « l'économie de mouvement ». C'est le coût métabolique du déplacement sur l'unité de distance, exprimée en millilitres d'oxygène par mètre (mLO2/m ou J/m), souvent rapportée à la masse corporelle pour faciliter les comparaisons. Une valeur d'économie de déplacement n'a de sens que si on connaît la vitesse pour laquelle elle a été mesurée (Lacour, 2011).
Modèle mécanique pour expliquer l'aspect énergétique La modélisation de la marche normale humaine est complexe. Elle implique la représentation : ● des degrés de liberté du corps humain ; ● de ses caractéristiques anthropomorphiques ; ● des contraintes liées aux interactions avec son environnement (fig. 8.5).
FIG. 8.5
Modélisation de la marche humaine.
Les modèles biomécaniques complexes étudient certains mécanismes tels que : la cinématique des articulations avec de multiples degrés de liberté, la mise en action du système ou l'activité musculaire à l'origine du mouvement (Hayot, 2010). L'analyse classique de la marche se concentre en général sur les patterns d'activation musculaire, les amplitudes ou les couples articulaires (fig. 8.6 ; Cavagna et al., 2000).
FIG. 8.6 De l'énergie métabolique au travail mécanique lié au mouvement d'après Winter (1990) . Le déplacement du centre de masse, barycentre de l'ensemble du corps en mouvement, serait alors la conséquence des mouvements
segmentaires (fig. 8.7) et du coût énergétique qui y est associé. Des mouvements segmentaires anormaux liés à des troubles nerveux ou musculo-squelettiques influencent ce déplacement. Ce dernier constituerait alors un indicateur simple de la mécanique de la marche. Les modèles simplifiés sont capables de représenter cette mécanique à partir d'une faible quantité de paramètres (Hayot, 2010 ; Willems, Cavagna et Heglund, 1995).
FIG. 8.7 Représentation segmentaire. Source : dépôt du Collège de France en 1955, image issue du musée Marey, Beaune (référence Inv. D55.1.40, photo J.D. Lajoux ©).
Certains auteurs (Minetti, 1998 ; Minetti, Capelli, Zamparo, di Prampero et Saibene, 1995 ; Minetti, Cisotti et Mian, 2011) soutiennent que les modèles mécaniques simplifiés peuvent être liés à des idées fortes concernant la dynamique de la marche et son coût énergétique– mécanique associé. En effet, la trajectoire en arc de cercle prédit par ces modèles soutient l'hypothèse d'un état relativement constant de l'énergie mécanique au cours du simple appui, qui est supposé refléter un échange continu d'énergies potentielle et cinétique (fig. 8.8B ; Alexander, 1991). Cet échange pendulaire serait avantageux car il ne nécessiterait aucun travail mécanique musculaire (Allard et Blanqui, 2010). Parmi l'ensemble des déterminants étudiés, seule l'introduction des mécanismes de pied, caractérisés par la modélisation d'un pied en forme de balancier, semble effectivement réduire le coût énergétique–
mécanique de la marche, en minimisant l'amplitude verticale du centre de masse ou CM (Adamczyk, Collins et Kuo, 2006).
FIG. 8.8 Exemple de robot humanoïde (A) versus le modèle développé par Alexander (1991) (B) versus le modèle conçu par Minetti et al. (1995) (C). En se fondant sur un modèle dynamique de la marche, Neptune, Zajac et Kautz (2004) ont comparé le travail musculaire fourni lors de la phase de double appui et celui permettant de maintenir le mouvement pendulaire du CM lors du simple appui. Ils concluent qu'un important travail musculaire est plus directement lié au mouvement pendulaire du CM qu'à la transition entre deux simples appuis successifs. Cavagna, Thys et Zamboni (1976) montrent par exemple que la détermination du travail mécanique externe fondé sur la trajectoire du CM permettrait de réaliser des prédictions énergétiques 20 à 30 % inférieures à la dépense métabolique du sujet. Elle nécessiterait également la mise en place de modèles séparés (fig. 8.8C) pour des marches à vitesse lente et rapide (Minetti et al., 1995), puisque le travail mécanique externe serait un déterminant majeur de la cadence de marche à vitesse lente, tandis qu'à vitesse rapide les mouvements des segments corporels seraient plus significatifs (Hayot, 2010). Le théorème de l'énergie cinétique détermine le travail mécanique
développé par les efforts internes et donc le travail fourni par les forces musculaires résultantes, actionneurs des segments corporels. Cependant, il existe de multiples controverses, en particulier lorsqu'il s'agit de corréler le coût mécanique du mouvement à la dépense métabolique (Malatesta, 2004) ou de quantifier le transfert d'énergie entre les segments corporels. À partir de cette approche, Winter (1990) propose un calcul direct de l'énergie dépensée par chaque segment corporel lors d'un cycle de marche et analyse leurs contributions énergétiques individuelles sur la dépense énergétique totale du sujet (fig. 8.9). Il montre la part mineure de l'énergie cinétique de rotation pour les segments autres que les membres inférieurs. Il affirme en outre que le tronc se comporte comme un système conservatif avec un échange complet entre énergie cinétique et énergie potentielle.
FIG. 8.9 Résultat présentant la trajectoire tridimensionnelle du centre de masse à la vitesse de 5 km/h. Néanmoins, il paraît délicat de déterminer précisément les quantités de transfert d'énergie entre les segments corporels, car ils sont d'autant plus difficiles à localiser que la dynamique du mouvement est importante (Lebœuf et Lacouture, 2008). Certains auteurs (Hof, Van Zandwijk et Bobbert, 2002) affirment qu'une grande partie du travail musculaire nécessaire à la propulsion résulterait de la restitution d'énergie élastique stockée dans les fléchisseurs plantaires en fin d'appui. Néanmoins, en se fondant uniquement sur le calcul des couples articulaires et sans faire appel à des hypothèses controversées,
l'approche fondée sur la somme des valeurs absolues des puissances articulaires semble être le modèle le plus précis permettant d'estimer le travail des forces internes. Cette formulation dissocie et cumule les travaux moteurs des travaux freinateurs, et met en évidence l'importance du travail mécanique interne par rapport au travail externe. Elle permet en outre de rendre compte qu'un travail musculaire significatif est nécessaire lors des phases de freinage et de propulsion du cycle de marche pour rediriger le CM (Donelan, Kram et Kuo, 2002). En effet, ce travail musculaire est nécessaire pour permettre simultanément l'appui initial au sol et la progression du corps vers l'avant, deux fonctions étroitement liées à la redirection du CM (Neptune et al., 2004). Au cours de ces phases, les muscles soléaire et gastrocnémiens fournissent un travail concentrique simultanément à l'activité excentrique synergique du droit antérieur ipsilatéral qui permettrait de redistribuer l'énergie de la jambe d'appui vers le tronc et accélérer le CM vers l'avant. Ce travail musculaire est aussi important pour d'autres fonctions incluant l'initiation de l'accélération de la jambe oscillante (Neptune et al., 2004). Les travaux internes ne se compensent pas puisque l'approche ne considère pas l'action des muscles pluri-articulaires et donc le transfert d'énergie entre les segments corporels (Willems et al., 1995). Par ailleurs, le stockage et la restitution d'énergie élastique de déformation tendineuse ne sont pas admis par cette approche. Le coût des travaux internes positifs et celui des travaux internes négatifs sont égaux alors qu'il est admis dans la littérature que le travail concentrique développé par un muscle consomme plus d'énergie métabolique que le travail excentrique fourni (Guezennec, 1989 ; Hayot, 2010).
Que se passe-t-il à chaque pas ? ■ L'oscillation du centre de masse se mobilise sous l'effet du travail externe (Wext). Le centre de masse subit alors une translation vers le haut et vers l'avant sous l'effet du Wext qui est
le résultat du travail musculaire qui aura pour conséquence de modifier : – l'énergie potentielle (Epot) ; – l'énergie cinétique (Ecin). ■ La reconfiguration du système sous l'effet du travail interne (Wint) (Willems et al., 1995) s'effectue pendant l'appui au sol : – le pied a une vitesse nulle (par rapport au sol) ; – Le centre de masse poursuit sa translation à sa propre vitesse ; – l'autre pied (libre) pendant l'oscillation du membre inférieur est ramené vers l'avant avec une vitesse supérieure à celle du centre de masse ; – les membres sont donc en décalage par rapport à la trajectoire du centre de masse (en avance ou en retard. ■ Les forces internes à l'origine du Wint modifient la quantité de mouvement des membres mais ne modifient pas la quantité de mouvement du centre de masse (dont dépend la trajectoire).
Modèle physiologique pour expliquer l'aspect énergétique La connaissance des activités fournies quotidiennement (fig. 8.10) et de leur coût donne une idée précise de l'aptitude fonctionnelle d'un patient. La connaissance de la dépense énergétique au cours de l'activité musculaire permet au clinicien de mieux appréhender la signification clinique de l'aptitude aérobie évaluée lors de l'exploration fonctionnelle à l'exercice (Ritz et Couet, 2005).
FIG. 8.10 Principales composantes de la dépense énergétique journalière (DEJ). AS : activités sédentaires ; AP : activités physiques proprement dites ; E : métabolisme dû à l'état d'éveil ; MB : métabolisme de base ; MS : métabolisme de sommeil ; TA : thermogenèse alimentaire.
La dépense énergétique en 24 heures est la somme de trois grandes caractéristiques : ● le métabolisme de base et la dépense énergétique de repos : le métabolisme de base correspond à la dépense énergétique minimale pour le fonctionnement et l'entretien de l'organisme, dans des conditions très standardisées (à jeun, au repos, à température neutre). Le métabolisme de base est souvent confondu avec la dépense énergétique de repos. La dépense énergétique pendant le sommeil est inférieure d'environ 5 % par rapport au métabolisme de repos. Le métabolisme de base correspond à l'énergie nécessaire pour le fonctionnement des pompes ioniques, des modifications de substrats, des cycles futiles et pour le maintien de la température. Le métabolisme de base représente environ 60 % de la dépense énergétique des 24 h ; ● l'énergie dépensée pour l'activité physique : elle correspond à
toute forme de dépense énergétique qui s'ajoute au métabolisme de base, à cause du mouvement. Ceci concerne tout aussi bien les activités de la vie quotidienne que les exercices physiques plus intenses, qu'ils soient sportifs ou non. Cette caractéristique de dépense énergétique est le plus variable d'un individu à l'autre, et représente entre 15 et 30 % de la dépense énergétique totale ; ● l'effet thermique des aliments : afin que l'énergie chimique contenue dans les aliments puisse être convertie en énergie utilisable, les aliments doivent être digérés, c'est-à-dire transformés en substances plus simples, puis être stockés par exemple au niveau du foie et du muscle sous forme de glycogène, ou au niveau du tissu adipeux sous forme de triglycérides. L'ensemble de ces processus coûte de l'énergie. Ce coût varie avec les voies biochimiques empruntées. On estime que ce coût représente environ 5 à 10 % de la valeur calorique ingérée sous forme de glucides, 20 à 30 % pour les protéines, et moins de 5 % pour les lipides. Dans certaines conditions (administration importante de glucides), une partie de l'effet thermique des aliments peut être inhibée par les agents bêtabloqueurs, ce qui indique un rôle du système nerveux sympathique dans son contrôle. On appelle ceci la thermogenèse facultative. Quelles que soient les possibilités de modulation de l'effet thermique des aliments, celui-ci ne représente qu'une faible portion (environ 10 %) de la dépense énergétique totale. Toute modification de l'effet thermique des aliments a peu de chances de retentir de façon significative sur la dépense énergétique totale et sur la balance énergétique (Ritz et Couet, 2005). À ces trois caractéristiques de dépense énergétique, il faut ajouter des dépenses inhabituelles qui, dans certaines circonstances, peuvent constituer un coût important. Il en est ainsi de la croissance, dont le coût est très faible. Il en est de même du coût nécessaire aux phénomènes de réparation et de cicatrisation qui peut s'avérer très
important par exemple dans le cas d'une brûlure étendue. L'ensemble des réactions de défense contre l'infection et les réactions inflammatoires créent une dépense énergétique qu'il faudra savoir prendre en compte pour un patient. L'ensemble de ces dépenses énergétiques constitue la dépense énergétique totale.
Muscle Le muscle strié est l'effecteur de la motricité volontaire (fig. 8.11). Il transforme l'énergie biochimique des substrats énergétiques en travail mécanique et en chaleur. Sa structure permet de coupler les voies métaboliques (utilisation de l'énergie) et la contraction mécanique. Les caractéristiques de chaque voie métabolique mises en jeu lors de l'exercice musculaire permettent de comprendre les facteurs limitant la puissance maximale, la capacité d'endurance (= résistance à la fatigue) et les phénomènes responsables de la fatigue. Les notions de physiologie de l'énergétique musculaire sont à la base des principes de la nutrition de l'effort (Bury, 2012).
FIG. 8.11 Les interactions mécaniques qui ont lieu dans le corps pris comme un tout et/ou dans ses parties constitutives, ou encore l'énergie mécanique stockée au sein des muscles, représentent une fraction importante de l'énergie utilisée pour produire le travail musculaire ( Thys,
2001 ). Les muscles sont assimilés à des moteurs, c'est-à-dire des convertisseurs d'énergie chimique en énergie mécanique. La dépense énergétique des muscles squelettiques peut varier de façon très importante lors d'épreuves maximales : elles peuvent être multipliées par 80 à 100. Compte tenu de leur place importante dans le corps humain (1/3 à 2/5 de la masse totale), l'activité musculaire est directement liée à son approvisionnement en énergie. L'énergie libérée par les aliments n'est pas directement utilisée par l'organisme. Celle-ci est employée dans la fabrication d'un autre composé chimique, l'adénosine triphosphate (ATP) qui est emmagasinée dans toutes les cellules. C'est la dégradation de l'ATP (débit d'énergie interne) qui fournit l'énergie utilisée pour la contraction musculaire (débit d'énergie externe). La contraction musculaire est associée à la consommation d'ATP, dont le renouvellement est assuré par le métabolisme aérobie et la glycolyse anaérobie. Les fibres musculaires de types I et II sont respectivement spécialisées dans le métabolisme aérobie et la glycolyse anaérobie (Guezennec, 1989).
Contraction musculaire Elle résulte de la transformation d'énergie chimique en énergie mécanique par glissement des filaments secondaires le long des myofilaments primaires de myosine. L'énergie chimique est fournie par l'hydrolyse d'ATP sous l'influence de l'activité ATPasique de la tête de myosine qui possède une enzyme spécifique, la myosine ATPase. Le glissement des filaments protéiques est le moteur de la contraction musculaire. Le couplage excitation–contraction de la fibre musculaire est le premier temps du processus général de la contraction. Ce couplage et le cycle de contraction–relaxation de la fibre musculaire sont directement liés à la concentration de calcium (Ca) libre dans le sarcoplasme. À ce moment, deux étapes se succèdent chronologiquement, une augmentation de la concentration de Ca libre
sarcoplasmique qui fait suite au potentiel d'action musculaire, et le déclenchement proprement dit de la contraction après combinaison du Ca avec les protéines régulatrices (Guezennec, 1995). Cette montée du calcium produit une interaction entre les molécules d'actine et la tête de la myosine qui conditionne le glissement des filaments et assure ainsi le phénomène mécanique de la contraction musculaire (fig. 8.12). Le relâchement fait suite à la contraction, après avoir été mis en contact avec le site ATPasique de la tête de la molécule de myosine, l'ATP est hydrolysée en adénosine diphosphate (ADP) et phosphate inorganique (Pi), et la liaison entre actine et myosine se trouve rompue. Ce temps correspond à la recaptation du Ca par le réticulum sarcoplasmique.
FIG. 8.12 Modèle mécanique de la contraction musculaire d'après le modèle de Hill (1932). CC : composante contractile ; CES : composante élastique série ; CEP : composante élastique parallèle.
Différents types d'unités motrices Les unités motrices peuvent être classées en différents types sur la base de leurs propriétés contractiles et métaboliques. Il existe deux
grandes classes d'unités motrices. Les unités motrices de type lent (slow) se caractérisent par la lenteur de leur vitesse de contraction, la faible valeur de leur puissance mécanique et leur résistance à la fatigue. À l'opposé, les unités motrices de type rapide (fast) se caractérisent par leur contraction rapide et leur puissance élevée. Elles sont rangées en rapides-fatiguables ou rapides-résistantes, en fonction de leur résistance à la fatigue. Il est maintenant établi qu'un certain nombre de ces propriétés contractiles, en particulier la vitesse de contraction de l'unité motrice, sont étroitement dépendantes de la vitesse d'hydrolyse de l'ATP. Les propriétés métaboliques dépendent de l'équipement enzymatique et de la densité mitochondriale. Les fibres de type I ou slow possèdent une forte densité mitochondriale et des enzymes orientant le métabolisme vers les voies oxydatives (Guezennec, 1989). Les fibres de type rapide sont classées en deux sous-groupes qui diffèrent par leurs capacités métaboliques. Les fibres rapides résistantes à la fatigue sont capables d'assurer un métabolisme oxydatif important, elles sont désignées sous les termes de fibres fast twitch resistant (FR) ou type IIA (Portero et Gomez-Merino, 2012). Les fibres rapides fatigables ont un métabolisme essentiellement anaérobie, elles sont désignées sous les termes de fibres de type fast twitch fatigable (FF) ou type IIB (Portero et Gomez-Merino, 2012).
Transformation de l'énergie L'accomplissement d'un exercice exige l'ajustement de nombreuses fonctions de l'organisme dont leur sollicitation dépend de l'intensité, de la durée, de la fréquence et des caractéristiques spécifiques de l'activité pratiquée. Le déterminant commun de chacune est la consommation d'énergie. Elle est utilisée pour la production du travail mécanique lors de la contraction musculaire, pour la production de chaleur lors de contraintes thermiques en ambiance froide, pour la réalisation du travail osmotique qui permet le transport actif de molécules et d'ions. Lors de la récupération, l'énergie chimique est nécessaire pour synthétiser et stocker les molécules dont le déficit est induit par
l'effort. Le travail utilise la transformation de l'énergie chimique potentielle des substrats en énergie mécanique avec une libération importante de chaleur. Le rendement mécanique dépend du type d'activité. Cependant, pour des activités comme la marche ou la course (Bramble et Lieberman, 2004), ce rendement se situe autour de 25 %. Ceci signifie que 25 % de l'énergie consommée apparaît sous forme de travail mécanique et que 75 % apparaît sous forme de chaleur. Dans les activités où l'individu est confronté à des résistances à l'avancement importantes telle la natation, le rendement est inférieur 10 %, c'est-à dire que 90 % de l'énergie produite apparaît sous forme de chaleur. Cette forte production de chaleur lors du travail musculaire a pour conséquence de participer au maintien de l'homéostasie thermique en environnement froid, mais de représenter une contrainte en climat chaud. Dans cette dernière situation, l'organisme doit évacuer les calories excédentaires (Guezennec, 1995).
En résumé
■ Rendement métabolique = ÉnergieATP/Énergiesubstrats ■ Rendement thermodynamique = Énergiemécanique/ÉnergieATP ■ Rendement musculaire = Énergiemécanique/Énergiesubstrats ■ Rendement mécanique = Énergiemécanique/Énergiemétabolique = Pmécanique/VO2
Réserves de substrats Les organes de stockage énergétique sont essentiellement le foie, les muscles et le tissu adipeux. Les réserves le plus rapidement utilisées lors de l'exercice musculaire sont les réserves en hydrate de carbone
qui sont stockées essentiellement sous forme de glycogène. Pour un adulte de 70 kg, les réserves glycogéniques totales représentent au repos environ 600 à 1000 g selon l'état nutritionnel soit de 2400 à 4000 kcal mobilisables, 30 % sont stockées dans le foie et 70 % dans le muscle. Seules les réserves de glycogène hépatique participent à la production du glucose sanguin, le glycogène musculaire est strictement métabolisé in situ. Les réserves lipidiques représentent 16 kg de triglycérides et acides gras soit 140 000 kcal, stockées essentiellement dans les adipocytes, mais également sous forme de vacuoles lipidiques intercalées entre les fibres musculaires (2800 kcal). À ces réserves s'ajoutent les substrats énergétiques des lipides circulants contribuant seulement pour quelques centaines de kilocalories. L'analyse de ces chiffres souligne que les triglycérides sont des réserves concentrées d'énergie métabolique ; le rendement de l'oxydation complète des acides gras est d'environ 9 kcal.g− 1, par opposition aux 4 kcal.g− 1 des glucides et des protéines. Les réserves protidiques, principalement musculaires, représentent un total de 41 000 kcal. Celles-ci sont faiblement utilisées lors de la contraction musculaire. Cependant certains acides aminés, principalement les acides aminés branchés (leucine, isoleucine, valine) sont directement oxydés dans le muscle. Par ailleurs, la mobilisation du pool total des acides aminés intramusculaires contribue lors d'exercices prolongés au maintien de la glycémie par le biais de la néoglucogenèse hépatique (Guezennec, 1989, 1995).
Substrats énergétiques ■ Glucides : 4 kcal (16,72 kJ)/g. ■ Lipides : 9 kcal (37,62 kJ)/g. ■ Protéines : 4 kcal (16,72 kJ)/g. Elles ne participent à la couverture énergétique que dans certaines circonstances, leur rôle prioritaire étant d'apporter de l'azote. ■ Les substrats énergétiques sont apportés par l'alimentation. On distingue trois états en fonction du temps qui sépare de la dernière prise alimentaire :
– la période post-prandiale : elle correspond aux 8 h qui suivent la prise alimentaire ; – la période post-absorptive : 12 h de jeûne (le matin à jeun). – le jeûne au-delà de 16 h.
Rôle et utilisation des substrats énergétiques ■ Satisfaire les besoins immédiats d'ATP par leur oxydation dans le cycle de Krebs. Tous les substrats peuvent être oxydés. Le choix préférentiel des substrats va dépendre de l'état métabolique et hormonal : – les acides gras sont oxydés plutôt quand leur niveau est élevé dans le sang (période post-absorptive et jeûne, exercice physique) ; – Les glucides sont oxydés en période post-prandiale par les tissus insulino-dépendants et en permanence par les tissus non insulino-dépendants (cerveau, éléments figurés du sang) ; – les protéines sont oxydées en cas d'afflux important (foie en période post-prandiale). ■ Reconstituer les réserves de glycogène et de protéines.
Aspect physiologique de la production d'énergie Le muscle assure deux fonctions principales : ● la « fonction mécanique » permettant la production de mouvements ou de tensions ; ● la « fonction métabolique », qui présente plusieurs aspects : – elle assure le renouvellement de l'ATP consommée
pendant le travail mécanique, – l'augmentation générale du métabolisme qu'elle implique permet une mobilisation des substrats énergétiques de l'ensemble de l'organisme, – elle détermine des activations enzymatiques qui assurent le passage des substrats à travers la membrane musculaire et leur stockage pendant la récupération. Enfin, le muscle émet des médiateurs, tel l'interleukine 6 ou IL-6 (Helge, Stallknecht et Pedersen, 2002), qui favorisent la mobilisation de ces substrats. La quasi-totalité de l'énergie dépensée en supplément du métabolisme de repos est la conséquence de l'activité musculaire (Bury, 2012). Il est important de définir les différents contextes des échanges énergétiques afin de caractériser : ● leur inertie (ou rapidité d'entrée en action, délai nécessaire afin que le système entre en jeu d'une manière prépondérante pour assurer l'essentiel de l'apport énergétique) ; ● leur débit maximal ou puissance (c'est-à-dire le débit d'énergie ou quantité de molécules d'ATP par unité de temps). L'unité de puissance est le watt ou le joule par seconde (1 J/s = 1 W) ; ● leur capacité ou réserve totale d'énergie disponible (quantité totale de molécules d'ATP produites). L'unité de mesure est le joule ou, généralement en physiologie, la calorie (1 cal = 4,186 J) (Hertogh, 2013). Au repos, les besoins énergétiques, au niveau du muscle strié squelettique, sont assurés par l'hydrolyse de l'ATP en permanence reconstituée grâce à l'énergie provenant de l'oxydation des nutriments. Au cours de l'effort, bien que considérablement augmentés (jusqu'à 100 fois), les besoins énergétiques sont toujours assurés par l'ATP. Le système musculaire ajuste la production d'énergie en fonction des modifications de la demande (Hultman et Sjöholm, 1983). L'exercice
musculaire ne peut donc se produire que si l'ATP est continuellement régénérée à partir de l'ADP. Le muscle dispose de réserves d'énergie sous forme de phosphocréatine (PCr), de glucides, de lipides et de substrats protidiques utilisés dans des conditions particulières. La dégradation de ces substrats énergétiques fournit l'énergie nécessaire aux processus contractiles.
Les quatre étapes principales du cycle mécanochimique ■ Détachement grâce à la fixation de l'ATP. ■ Hydrolyse de l'ATP en ADP et Pi et bascule de la tête. ■ Fixation actine–myosine. ■ Production de force avec bascule de la tête et libération de Pi suivie de celle de l'ADP.
L'ATP est nécessaire à la contraction et à la relaxation de la fibre musculaire pour : ● la liaison de l'ATP à la myosine indispensable à la dissociation des têtes de myosine du filament d'actine ; ● l'hydrolyse de l'ATP qui fournit l'énergie nécessaire au mouvement induit par la « rotation » des têtes de myosine ; ● l'hydrolyse de l'ATP au niveau de la pompe calcium-ATPase qui permet la relaxation par recyclage du calcium. Pour pouvoir maintenir une activité contractile, les molécules d'ATP doivent être fournies par le métabolisme aussi rapidement qu'elles sont dégradées par le processus contractile. Ceci s'effectue par trois grandes voies métaboliques : la voie anaérobie alactique, la voie anaérobie lactique, la voie aérobie. Le délai d'intervention des processus de dégradation est variable, de sorte que certains d'entre eux ne sont pas d'emblée disponibles. Au
début de l'exercice, c'est l'ajustement tardif de la consommation d'oxygène, dû à l'inertie de l'adaptation cardiorespiratoire, qui a mis en évidence une période transitoire pendant laquelle le muscle dépense plus que l'énergie fournie par le métabolisme aérobie (concept de dette d'oxygène ; Malatesta, 2004). Synthèse par voie anaérobie alactique : l'ATP peut être de nouveau synthétisée à partir de la PCr par la voie anaérobie alactique, ou voie des phosphagènes. Cette synthèse s'effectue selon la réaction chimique : ADP + PCr → ATP + créatine. Cette synthèse s'effectue au début d'un exercice. Synthèse par voie anaérobie lactique : la seconde voie de synthèse (anaérobie lactique ou glycolyse anaérobie) consiste en la dégradation du glycogène (forme de stockage du glucose) en acide pyruvique. Cette voie permet de synthétiser trois molécules d'ATP à partir d'une molécule de glycogène. Ces réactions ne nécessitent pas la présence d'oxygène (plus exactement du dioxygène). Elles aboutissent à la formation d'acide lactique dont l'accumulation perturbe les processus contractiles. Cette voie métabolique intervient essentiellement au début de l'exercice quand l'apport en oxygène est insuffisant et lors d'exercices intenses lorsque la voie aérobie n'apporte plus assez d'énergie. Synthèse par voie aérobie : la voie métabolique de la glycolyse aérobie et la voie de dégradation des acides gras consistent en la dégradation des substrats glucidiques et lipidiques dans la mitochondrie en présence d'oxygène allant de la formation de 37 molécules d'ATP par la dégradation d'une molécule de glycogène à la synthèse de 390 ATP par dégradation d'une molécule de lipide.
Spécificités du processus anaérobie alactique Ce métabolisme (fig. 8.13) ne nécessite pas la présence d'oxygène et ne s'accompagne pas de la formation d'acide lactique ; en revanche, la resynthèse de PCr nécessite de l'oxygène (Hertogh, 2013).
FIG. 8.13 Métabolisme anaérobie alactique, d'après Hertogh (2013) . ADP : adénosine diphosphate ; ATP : adénosine triphosphate ; Cr : créatine ; E : énergie ; P : phosphate ; PCr : phosphocréatine.
Spécificités du processus anaérobie lactique Les nombreuses transformations intermédiaires (fig. 8.14) aboutissent à un délai d'intervention efficace qui se situait entre 20 et 30 s pour Thill, Thomas et Caja (1982), mais qui est aujourd'hui mesuré dès la 6e s d'un sprint sur cyclo-ergomètre (Mercier, Mercier et Prefaut, 1991 ). Le nombre de molécules d'ATP resynthétisées par ce processus n'autorise des exercices intenses que pendant une durée d'environ 40 s (Hertogh, 2013).
FIG. 8.14 Métabolisme anaérobie lactique, d'après Hertogh (2013) . ADP : adénosine diphosphate ; ATP : adénosine triphosphate ; E : énergie ; H2 : dihydrogène ; P : phosphate.
Spécificité du processus aérobie Ce système est sous la dépendance de l'activation de la chaîne respiratoire mitochondriale, de l'adaptation des fréquences et débits cardiaques et ventilatoires (plusieurs dizaines de secondes à quelques minutes sont souvent nécessaires pour atteindre un équilibre entre besoins et apports en oxygène), ainsi que des nombreuses réactions qui assurent le catabolisme des substrats utilisés (fig. 8.15 ; Hertogh, 2013). Il faut cependant relativiser cette notion en tenant compte des trois facteurs suivants : intensité du travail, niveau d'entraînement du sujet et capacité de thermolyse de celui-ci.
FIG. 8.15 Métabolisme aérobie, d'après Hertogh (2013) . ADP : adénosine diphosphate ; ATP : adénosine triphosphate ; CO2 : dyoxide de carbone ; E : énergie ; H2 : dihydrogène ; O2 : oxygène ; P : phosphate.
Synthèse La contraction musculaire est donc étroitement liée à la décomposition de l'ATP, elle-même resynthétisée différemment en fonction de la durée et de l'intensité de l'exercice musculaire. Les processus qui aboutissent à la formation d'ATP (fig. 8.16) peuvent être comparés en ce qui concerne leurs caractéristiques générales (substrats synthétisés, catabolites rejetés, vitesses de mise en jeu et utilisation ou non d'oxygène) et peuvent être résumés selon la formulation de Mercier et al. (1991) : « dépend des caractéristiques individuelles et du niveau de pratique sportive ».
FIG. 8.16 Formation de l'ATP et voies métaboliques d'après Lacour (2011). ADP : adénosine diphosphate ; AGL : acide gras libre ; CO2 : dyoxide de carbone ; Cr : créatine ; O2 : oxygène ; P : phosphate ; PCr : phosphocréatine.
Longtemps les trois systèmes énergétiques ont été décrits comme s'enchaînant dans le temps. Il existe cependant une interaction entre les sources aérobie et anaérobie au cours de l'exercice. De même, la séparation entre périodes alactique et lactique ne doit pas être aussi tranchée qu'on le supposait. Mercier et al. (1991) montrent une hausse significative de la concentration des lactates musculaires ou sanguins après un exercice intense de 6 à 10 s (Hertogh, 2013). La conversion de la charge métabolique en travail mécanique (fig. 8.17) impose donc la prise en compte du rendement mécanique (η). Le « rendement brut » est calculé en rapportant l'énergie mécanique produite à la dépense métabolique mesurée pendant la période correspondante :
FIG. 8.17 Représentation schématique de la conversion de l'énergie chimique dans les substrats en énergie directement utilisable par l'unité contractile (énergie ATP, en condition aérobie) puis en énergie mécanique pour produire un déplacement. Le rendement thermodynamique rend compte de l'efficacité du cycle mécano-chimique de la myosine ATPase. L'efficacité globale de cette conversion d'énergie est caractérisée par le rendement mécanique. Source : d'après Malatesta, D. (2004). Coût mécanique et économie de déplacement. Lettre à l'éditeur. Science & Motricité, 51, 103–6.
Comparaison des coûts mécanique et énergétique En fonction du poids Il a été suggéré que lorsqu'ils sont debout ou lorsqu'ils marchent, les enfants obèses ressentent un coût mécanique plus important que les enfants normo-pondéraux (Lazzer, O'Malley et Vermorel, 2017). Le rendement énergétique (η) est en moyenne inférieur de 23 % chez les adolescents obèses par rapport aux adolescents minces ; la différence passe de 30 à 20 % lorsque la vitesse de marche augmente (Peyrot et al., 2009). Le type mécanique de marche est différent entre adolescents obèses et adolescents minces ; en particulier, les obèses présentent un
déplacement médio-latéral plus important du centre de gravité, en raison d'une largeur des pas supérieure, notamment aux vitesses les plus faibles, probablement en raison d'une stabilité posturale réduite. Le coût énergétique supérieur de la marche chez les sujets obèses peut s'expliquer en partie par le coût supérieur de transition pas à pas (c'est-à-dire le travail interne qui se produit pendant la double phase de contact au sol), dû au déplacement latéral (Lazzer et al., 2009, 2017). Gushue, Houck et Lerner (2005) ont suggéré que les enfants en surpoids ont une cinématique des genoux altérée, en raison de moments plus élevés pour l'adduction maximale des genoux (moments supérieurs de 73 à 100 % à ceux des enfants normaux pondérés). Davids, Huskamp et Bagley (1996) ont démontré que les modifications dynamiques de la démarche observées chez les enfants obèses provoquaient des compressions dans le compartiment médian du genou. De même, les forces agissant sur les hanches et une réduction de l'angle d'antéversion du col fémoral peuvent conduire au glissement de la partie épiphysaire de la tête fémorale (Uglow et Clarke, 2004). Colne, Frelut, Peres et Thoumie (2008) ont montré que les enfants et les adolescents obèses passaient significativement plus de temps que les sujets minces dans la phase de double appui. L'obésité a aussi été liée à un balancement postural plus important et à une cadence de marche inférieure à celle des sujets minces (Lazzer et al., 2017). Le travail externe (Wext), le coût énergétique net et le rendement énergétique (η) de la course d'adolescents et d'adultes obèses ou minces courant à la vitesse de 8 km.h− 1, sont indépendants de la masse corporelle (Corte de Araujo et al., 2012). Les tissus élastiques des sujets obèses semblent s'adapter (par exemple par épaississement) à l'augmentation de la masse corporelle, maintenant ainsi leur capacité à stocker de l'énergie élastique au même niveau que les sujets minces, au moins à la vitesse de 2,2 m.s− 1 (Lacour, 2011).
En fonction de la vitesse Généralement, la locomotion des humains se caractérise par deux allures principales, la marche et la course. Le rythme des événements
du cycle est différent ; de plus, l'amplitude des contractions des muscles fléchisseurs et des muscles extenseurs des jambes est différente pendant les deux phases pour la marche et la course (fig. 8.18 ; Lazzer et al., 2017).
FIG. 8.18 Évolution de la dépense énergétique de la marche en fonction de la vitesse de déplacement sur sol (cercle gris) et sur tapis roulant (cercle noir) avec les écarts types représentés par la zone grisée. Tout effort musculaire entraîne une élévation du métabolisme énergétique qui dépend de son intensité. Plus celle-ci est grande, plus grand est le nombre et le degré de sollicitation des fibres musculaires engagées dans l'effort et plus les besoins en énergie s'accroissent (Lazzer et al., 2017). Dans la marche (fig. 8.19), la dépense d'énergie, E, mesurée par la consommation d'oxygène par unité de temps, VO2 (mL O2.kg− 1.min− 1), augmente de manière curvilinéaire avec la vitesse de
progression. Des travaux ultérieurs confirment le caractère exponentiel de cette relation (Thys, 2001). La pente de la relation augmente avec l'inclinaison du sol en montée et diminue avec celle-ci en descente.
FIG. 8.19 Comparaison des mécanismes de la marche et de la course. A. Cinématiques de la marche (figure de gauche) et de la course (figure de droite). Pendant la marche, le centre de gravité est le plus bas près de l'orteil (TO) et le plus haut à mi-distance (MS) quand la jambe est relativement tendue. Pendant la course, la tête et le centre de gravité sont les plus hauts pendant la phase de suspension et les plus bas à mi-distance (MS), quand la hanche, le genou et la cheville sont fléchis ; le tronc est aussi plus incliné et le coude est plus fléchi. B. Différences biomécaniques entre les allures de locomotion de l'homme. Pendant la marche, un mécanisme de pendule inversé convertit l'énergie cinétique en énergie potentielle gravitationnelle entre le soulèvement du talon (HS) et l'appui du talon (MS) ; l'échange d'énergie est inversé entre les positions MS et TO. Pendant la course, un mécanisme de ressort synchronise les variations de l'énergie potentielle et de l'énergie cinétique, qui diminuent simultanément entre FS et MS. Les tendons et les ligaments des jambes convertissent partiellement ces diminutions d'énergie potentielle et d'énergie cinétique en énergie élastique pendant la première moitié de la longueur du pas. Cette énergie élastique est ensuite restituée par rétraction entre MS et TO.
FS : poser du pied ; HS : poser du talon ; left : gauche ; MS : appui pied à plat ; right : droite ; TO : décollement des orteils. Source : d'après Bramble, D.M., & Lieberman, D.E. (2004). Endurance running and the evolution of Homo. Nature, 432, 345-52.
En divisant la dépense énergétique par la vitesse, V, on obtient le coût énergétique par unité de distance parcourue (mL O2.kg− 1.min− 1) (fig. 8.6). Dans la marche normale sur sol plat, le coût énergétique se situe aux environs de 4 km.h− 1 et il est de 0,5 kcal.kg− 1.km− 1 (≅ 100 mL O2.kg− 1.min− 1). La marche présente donc une vitesse optimale en deçà et au-delà de laquelle le coût énergétique augmente. En montée, le coût énergétique augmente et la vitesse optimale se réduit, tandis qu'en descente, il diminue jusqu'à − 10 % d'inclinaison du sol et la vitesse optimale augmente (Thys, 2001). Dans la course (fig. 8.19), comme la pente de la relation E = f(v) est constante, le coût énergétique est pratiquement indépendant de la vitesse et est généralement estime à 1 kcal.kg− 1.km− 1 (200 mL O2.kg− 1.min− 1), avec une augmentation de l'ordre de 2,5 % par km.h− 1 de vitesse supplémentaire. Il est possible de considérer le coût énergétique comme une caractéristique innée et sa variabilité interindividuelle est importante, allant de 0,8 à 1,2 kcal.kg− 1.km− 1 (160 à 240 mL O2.kg −1 .min− 1 ; Lazzer et al., 2009 ; Lacour, 2011). Le coût énergétique, rapporté à l'unité de distance parcourue, est indicatif de l'économie de l'exercice, c'est en quelque sorte un rapport quantité/prix (Thys, 2001). Le travail interne, qui est lié à l'accélération des segments corporels (principalement les membres) par rapport au CM de la personne, tend à augmenter avec la vitesse, la fréquence des pas ou des foulées, la masse des segments et le cycle du travail ; il représente de 25 à 40 % du travail total de la locomotion chez les humains (Minetti, 1998 ; Minetti et al., 1995). Chez des adolescents le rendement η (rapport entre le travail total et la dépense énergétique exprimés en J, J/m ou J/m/kg) est passé de 15 à 21 % quand la vitesse de marche a augmenté de 0,75 à 1,50 m/s (Peyrot et al., 2009). Chaque allure peut être décrite par un modèle qui explique les interactions entre les trois types fondamentaux d'énergie
liés aux déplacements (l'énergie potentielle, l'énergie cinétique et l'énergie élastique ; Lacour, 2011). La marche a été classiquement décrite comme un pendule inversé (fig. 8.20). Dans ces modèles l'énergie potentielle (Ep) et l'énergie cinétique (Ec) s'échangent continuellement, engendrant une énergie mécanique totale (TE = Ep + Ec) qui présente une variation inférieure à celles des deux composantes prises séparément. La récupération d'énergie est un paramètre qui permet de quantifier la capacité d'épargner de l'énergie mécanique par un dispositif de type pendulaire (Willems et al., 1995). La récupération d'énergie est relativement faible (jusqu'à 60 %) et dépend de la longueur des pas et de la vitesse de marche. Bien que la littérature récente ait suggéré une certaine contribution de l'énergie élastique au mécanisme de la marche par le stockage puis la restitution d'énergie élastique par le tendon d'Achille et peut-être par la courbure de la voûte plantaire, le modèle pendulaire explique encore la plus grande partie des échanges d'énergie qui se produisent au cours d'un pas (Lazzer et al., 2009, 2017).
FIG. 8.20 Deux théories de modélisation de la marche ( Kuo, 2007 ) : la théorie des six déterminants (A) et le modèle de pendule inversé (B).
Une partie de TE du système pendant la phase de suspension est transformée en énergie élastique au cours de la première moitié de la phase de contact avec le sol, par l'intermédiaire de l'extension des tendons (Willems et al., 1995). Pendant la seconde moitié de cette phase de contact une part conséquente de l'énergie stockée est restituée au système par la rétraction des tendons, au cours de la préparation de la foulée suivante.
Économie de marche La marche constitue le poste principal de dépense énergétique, en supplément du métabolisme de repos, chez de nombreux patients. Entre 3,0 et 4,5 km/h, l'économie de marche reste sensiblement constante, de l'ordre de 3,3 J/m/kg. Le coût énergétique augmente ensuite en fonction de la vitesse de marche, pour atteindre 3,6 J/kg/m à 6 km/h. L'augmentation de la charge métabolique, d'abord proportionnelle à la vitesse de marche, passe de 11,5 à 15,4 mL O2/min/kg entre 3 et 4,5 km/h pour augmenter ensuite plus rapidement et atteindre 21,0 mL O2/min/kg à 6 km/h et 27,0 mL O2/min/kg à 7 km/h. La connaissance de ces valeurs du coût énergétique permet de fournir une estimation de VO2max (ou de VO2 pic) à partir de la distance parcourue au cours de l'épreuve de marche de 6 minutes (Lacour, 2011). Le fait de marcher en gravissant une pente augmente la charge métabolique d'environ 6 % lorsque la pente augmente de 1 %. Entre 3 et 4,5 km/h, le coût métabolique de chaque augmentation de pente de 1 % correspond approximativement à celui d'une augmentation de la vitesse de marche de 0,5 km/h. Ces valeurs ont été calculées lors de la marche d'individus sains sur des sols fermes et réguliers. L'appui sur un sol mouvant contrarie les transferts des énergies cinétique et potentielle, ce qui se traduit par une augmentation impressionnante de ce coût énergétique : par exemple, lors de la marche à 4,5 km/h, le coût énergétique est augmenté de plus de 50 %. Il est probable que des lésions articulaires des membres inférieurs, les contraintes mécaniques ou les douleurs qui leur sont associées
déterminent des augmentations de ce coût énergétique en perturbant ces transferts d'énergie. Pour ces raisons, le vieillissement détermine généralement une augmentation du coût énergétique. Une différence de l'ordre de 20 % a été mesurée entre deux populations, âgées respectivement de 27 et 74 ans (Mian, Thom et Ardigò, 2006). C'est pour une vitesse de marche de l'ordre de 8 km/h que le coût énergétique devient égal au coût énergétique de la course, de l'ordre de 4,2 J/kg/m. Ce coût énergétique de la course reste sensiblement constant jusqu'à 18 km/h (5 m/s). Entre ces limites, la dépense énergétique est donc directement fonction de la vitesse de course (Lacour, 2011).
Applications pratiques en rééducation et marche pathologique Une marche pathologique peut entraîner des mouvements segmentaires inhabituels. Le fait de pouvoir les intégrer dans le calcul du travail mécanique total paraît judicieux dans l'optique d'un paramètre d'estimation de l'énergie dépensée. Par la méthode segmentaire, Winter (1990) a estimé le travail mécanique de la marche normale à environ 1,1 J.kg− 1.m− 1. Cet auteur a par la suite appliqué cette technique à quelques cas de marche pathologique. Les résultats montrent que le coût mécanique augmente par rapport à la marche normale. Cette élévation se retrouve dans différentes études de la marche pathologique pour des personnes souffrant de diverses atteintes ou étant appareillées (Detrembleur, Dierick, Stoquart, Chantraine et Lejeune, 2003 ; McDowell, Cosgrove et Baker, 2002 ; Olney, Monga et Costigan, 1986). De plus, en comparant l'énergie métabolique et l'énergie mécanique de patients infirmes moteurs cérébraux, Unnithan (1996) suggère que la différence entre les coûts mécaniques explique une très grande partie (> 80 %) de la variabilité du coût métabolique des sujets (Unnithan, 1999). Finalement, l'augmentation du coût énergétique de la marche peut s'expliquer par l'incapacité du sujet à atteindre sa vitesse optimale, mais aussi par l'altération de la cinématique qui se
répercute sur le coût mécanique. L'analyse de l'énergie mécanique paraît donc être un bon moyen d'objectiver l'altération de la marche et son évolution (fig. 8.21). Son évaluation par le travail mécanique offre l'avantage supplémentaire de pouvoir se fonder uniquement sur des données cinématiques.
FIG. 8.21 Analyse énergétique et liens cliniques. Tous les moyens d'améliorer la conversion réciproque de l'énergie cinétique en énergie potentielle du centre de gravité devraient se solder par une diminution du coût énergétique de la marche. L'entraînement associé à des thérapies appropriées produit cet effet. Chez des patients hémiparétiques, soumis à des séances régulières de rééducation à la marche sur tapis roulant (Stoquart, Detrembleur et Lejeune, 2008) couplées à de la balnéothérapie : ● le coût énergétique diminue notablement après une rééducation de 1 an ;
● la vitesse optimale d'ambulation augmente ; ● la vitesse maximale que le patient peut maintenir pendant 5 min augmente.
Conclusion Les muscles agissent comme des transformateurs d'énergie chimique en travail mécanique. Toutefois, une partie appréciable du travail mécanique peut être prise en charge par : ● la conversion de l'énergie cinétique du corps en énergie potentielle et vice versa ; ● des transferts d'énergie entre les segments des membres ; ● la restitution d'énergie élastique stockée pendant les phases d'étirement des muscles. Tous ces mécanismes réduisent le coût énergétique à un niveau plus bas que ce qu'il serait en leur absence.
points clés
■ L'examen énergétique de la marche doit concilier les impératifs d'évaluation suivants : – réaliser un examen clinique minutieux (amplitudes articulaires, déficiences, anomalies et/ou caractéristiques anatomiques et/ou morphologiques…) ; – déterminer les paramètres mécaniques du patient (forces, moments, appuis, déplacement du centre de masse, trajectoires particulières…) ; – déterminer les caractéristiques et particularités des composantes musculaires du patient (anomalies,
faiblesses, asymétrie de puissance…) ; – déterminer les habitudes et les aptitudes cardiorespiratoires et physiologiques du patient (détermination des objectifs du patient en fonction de ses réserves et filières énergétiques…) ; – déterminer les caractéristiques de la marche en fonction des données anatomo-morphologiques du patient (valgus ou varus de la hanche, du genou ; pieds plats, pieds creux…). ■ C'est à partir de l'ensemble de ces connaissances que le thérapeute prendra une décision de prise en charge qui devra correspondre au patient mais aussi à ses désirs fonctionnels. Il ne faut pas imposer une marche dite normale, mais proposer une marche économique et efficace pour chaque patient.
Entraînement
QCM 1 La consommation énergétique lors de la marche est associée à : A. la composante physiologique des sujets B. la composante mécanique des sujets C. aux capacités fonctionnelles et aux antécédents des patients D. à l'association de ces différentes composantes (réponses A + B + C)
QCM 2 L'énergie mécanique d'un système est : A. directement dépendante d'une grandeur vectorielle exprimée en watts B. sous une forme fixe et définitive exprimée en joules C. observable sous différentes formes et peut être échangée entre
les différents éléments d'un système D. augmentée lorsqu'elle est limitée par sa chaleur et son rayonnement
QCM 3 L'énergie mécanique d'un système en mouvement, comme un patient en train de marcher : A. résulte d'une association entre l'énergie développée par le patient au cours de la marche et l'énergie potentielle qui en résulte, B. est la somme de l'ensemble des forces (externes et internes) qui s'applique sur le système C. est la somme de son énergie cinétique et de son énergie potentielle D. résulte de la combinaison de l'énergie de pesanteur associée à l'énergie potentielle
QCM 4 Les modélisations biomécaniques permettent de comprendre les particularités de la marche d'un patient par : A. une analyse précise et détaillée du déplacement du centre de masse et du barycentre de l'ensemble du corps B. l'utilisation de l'ensemble des mouvements segmentaires à partir d'une quantité importante de valeurs et de paramètres à analyser C. une approximation très générale de ces paramètres en utilisant une technique de composante principale inversée D. une augmentation exagérée de la trajectoire du centre de masse qui permet d'augmenter le coût énergétique mécanique de la marche
QCM 5 La dépense énergétique physiologique d'un patient en train de
marcher dépend : A. de son métabolisme de base calculée sur ses apports protidiques de la journée B. du rapport entre son métabolisme de base, de l'énergie dépensée pour l'activité proprement dite et de l'effet thermique des aliments C. de la contraction musculaire qui produit directement de l'énergie mécanique par la contraction D. de ses possibilités d'utiliser du calcium pour inhiber l'interaction entre les molécules d'actine et la tête de la myosine et ainsi annuler le glissement des filaments
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CHAPITRE 9
Biomécanique de l'arrêt de la marche S. Memari; A. Delafontaine
PLAN DU CHAPITRE Cinématique de l'arrêt de la marche Cinétique de l'arrêt de la marche Arrêt sur les surfaces glissantes Arrêt de la marche chez les sujets neuropathologiques
Focus
■ Objectifs pédagogiques : – comprendre les caractéristiques biomécaniques ; – connaître les modifications sur surfaces normales et glissantes chez les sujets sains et pathologiques. ■ Objectifs professionnels : conseiller pour prévenir le risque de chute.
■ Evidence based : arrêt planifié versus non planifié, intérêt en rééducation.
L'arrêt de la marche est défini comme la période transitoire entre l'exécution du pas et l'arrêt complet (Memari, 2011). Il s'agit d'un réel « défi » pour le corps car le système nerveux doit passer d'un état dynamique à un état statique en quelques secondes. L'arrêt peut créer des situations d'instabilité notamment chez les personnes âgées ou les patients présentant une pathologie locomotrice (maladie de Parkinson, sclérose en plaques, etc.). Par exemple, si vous marchez dans une flaque d'eau inattendue, votre équilibre sera perturbé juste avant que vous réussissiez à vous arrêter. Pour éviter une chute, un pas en arrière ou un pas supplémentaire non souhaité dans la flaque seront nécessaires. En effet, pour éviter d'entrer en collision avec un obstacle inattendu, une personne doit cesser son mouvement ou changer sa direction. Ces deux stratégies réduisent le moment antérieur du centre de masse (CM). Elles doivent être contrôlées dans les limites de la base du support du corps. Ce changement soudain du CM réduit la stabilité et peut favoriser la chute (Jian, Winter, Ishac et Gilchrist, 1993). Pour les sujets âgés et pathologiques, l'arrêt est difficile car la force de freinage requise dans la phase de double appui augmente versus celle développée lors de la marche. Or, ces sujets ont une force musculaire relativement faible (Bishop, Brunt,Pathare, & Patel, 2002, 2004). Pour que la progression antérieure du CM soit arrêtée pendant la marche, sa vitesse doit être réduite d'environ 90 % lors du dernier pas. Lors de l'arrêt, la charge sur l'articulation du pied d'arrêt augmente, nécessitant une plus grande activation des muscles extenseurs des membres inférieurs (Bishop et al., 2002). Ce type de changement nécessite une décélération rapide du CM dans les situations inattendues et augmente donc les risques de chutes et d'autres blessures. L'objectif de ce chapitre est de présenter les caractéristiques
biomécaniques de l'arrêt de la marche ainsi que leurs implications dans les domaines de la rééducation et de l'activité physique adaptée. Nous vous présenterons la biomécanique de l'arrêt (c'est-à-dire cinématique et cinétique) puis les mécanismes mis en jeu sur les surfaces glissantes chez les sujets jeunes, âgés et pathologiques.
Cinématique de l'arrêt de la marche Quantification de l'arrêt du pas Du point de vue biomécanique, la distinction entre « la marche » et « la posture debout » n'est pas simple. Il est nécessaire d'examiner de façon opérationnelle comment un individu « s'arrête » (Sparrow et Tirosh, 2005). L'arrêt est défini lorsque les deux pieds s'arrêtent de bouger. Deux catégories d'arrêt peuvent être distinguées selon le placement relatif des pieds : ● conditions d'arrêt planifié : le sujet est au courant de l'endroit où il doit s'arrêter et des contraintes pour s'arrêter (c'est-àdire, les deux pieds parallèles) ; ● condition de l'arrêt non planifié : le sujet n'a aucune connaissance préalable de l'endroit où il doit s'arrêter, ni de la position finale des pieds lors de l'arrêt. La plupart du temps, le sujet s'arrête à l'aide d'un pas vers l'avant. Il est rare que l'arrêt soit exécuté avec les deux pieds parallèles (Hase & Stein, 1998 ; Tirosh et Sparrow, 2004). Jaeger et Vanitchatchavan (1992) a montré que l'arrêt avec les pieds parallèles (planifié) prend environ 0,5 s de plus que l'arrêt non planifié en raison du temps supplémentaire nécessaire pour positionner les pieds.
Pas compensatoire(s) En général, on utilise une mesure temporelle de l'intervalle entre la
présentation du stimulus et le contact du talon (droit ou gauche). Celle-ci permet de qualifier l'arrêt en termes de nombre, de longueur et de durée des pas utilisés pour s'arrêter. Hase et Stein (1998) ont observé que, lors d'un arrêt non planifié, les sujets exécutent un pas rapide mais court vers l'avant. Il est donc nécessaire de réaliser plus d'un pas mais moins de deux pas complets pour arrêter la marche.
Trajectoire du centre de pression et de la vitesse du centre de masse Dans la phase de transition de « la marche » à « l'arrêt », il faut contrôler le CM, localisé à l'extérieur de la base de support, afin de réduire sa vitesse de progression à zéro, sans dépasser les limites de la base posturale. Jian et al. (1993) ont examiné la relation entre la trajectoire du centre de pression (CP) et celle du CM lors d'un arrêt contrôlé, pieds placés de façon symétrique. Le CM dépasse le CP pendant l'arrêt, ce qui souligne la difficulté à maintenir son équilibre lors de l'arrêt (c'est-àdire le changement de cinétique pied–sol au cours du temps). Lors de l'arrêt, la trajectoire du CP est virtuellement l'image en miroir de celle décrite lors de l'initiation de la marche. Au moment du lever des orteils (toe-off) du pied oscillant, le CP va vers l'avant et l'extérieur du CM, ce qui provoque une décélération rapide du CM dans la direction de la progression. La vitesse du CM se ralentit en se déplaçant vers la ligne centrale. Le dernier pied d'appui porte le poids et déplace le CP vers l'avant et vers le second pied d'appui. Le CP va pour prendre une position directement devant le CM, de sorte que le vecteur CP/CM réduit la vitesse de progression et la vitesse moyenne à zéro. À ce moment-là, le CP se déplace rapidement vers l'arrière pour coïncider étroitement avec le CM. La figure 9.1 montre la vitesse antéro-postérieure moyenne du CM, en fonction du pourcentage du cycle de la marche, lors d'un arrêt planifié. L'arrêt se faisait avec les pieds positionnés parallèlement sur plateforme de force.
FIG. 9.1 Présentation de la courbe de vitesse du CM en fonction du cycle de marche. COM : centre of mass (centre de masse) ; LHC1 : left heel off (premier contact du talon gauche) ; LHC2 : left heel contact (deuxième contact du talon gauche) ; LTO1 : left toe off (premier lever des orteils du pied gauche) ; RHC1 : right heel contact (premier contact du talon droit). Source : Jian et al. (1993). Trajectory of the body COG and COP during initiation and termination of gait. Gait & Posture,1, 9-22.
Les points indiqués sur la figure 9.1 correspondent aux points LHC1 (left heel contact, soit premier contact du talon gauche), RHC1 (right heel contact, soit premier contact du talon droit), LHC2 (left heel contact, soit deuxième contact du talon gauche), LTO1 (toe off, soit premier lever des orteils du pied oscillant). Sur cette figure 9.1, on observe les trois étapes de l'arrêt au moment du contact du talon gauche (LHC, i.e. left heel contact, soit lever du talon) : ● phase préparatoire de freinage lors du premier pas après signal d'arrêt (LHC1 à RHC1) ; ● freinage rapide lors du deuxième pas (RHC1 à LHC2) : la vitesse du CM est de 0,4 m/s, ce qui représente 30 % de la vitesse moyenne de la marche en état d'équilibre ; ● phase de freinage finale à partir du point LHC2 (100 % du
cycle de la marche) jusqu'à la fin, où la vitesse du CM continue de baisser. Ce n'est qu'à 150 % du cycle de marche que la vitesse du CM se rapproche de zéro, ce qui représente la fin de la stabilisation du corps après l'arrêt des pieds (Jian et al., 1993). Selon l'étude de Ryckewaert, Delval, Bleuse, Blatt et Defebvre (2014), la trajectoire du CP lors de l'arrêt comprend trois phases (fig. 9.1) : 1. le CP se déplace vers l'avant sous le pied d'appui et les forces de réactions au sol exercent un freinage sagittal ; 2. le CP se déplace latéralement et est corrélé au freinage ; 3. phase d'ajustements tardifs avant la phase posturale. ● Les points indiqués sur la figure 9.2 correspondent aux points TO2 (toe off, soit deuxième lever des orteils du pied oscillant), DS (boundary between the first two phases of CoP, soit frontière entre les deux premières phases de la trajectoire du CP), TC2 (toe contact, soit deuxième contact des orteils du pied oscillant) et TP (end of gait termination, soit le moment d'arrêt où la vitesse de la marche arrive à zéro).
FIG. 9.2
Trajectoire du CM, CP et de la hanche lors de
l'arrêt de la marche. DS : frontière entre les deux premières phases de la trajectoire du CP ; TC2 : toe contact (contact des orteils du pied oscillant) ; TO2 : toe off (lever des orteils du pied oscillant) ; TP : end of gait termination (moment d'arrêt où la vitesse de la marche est zéro). Source : Ryckewaert et al. (2014). Biomechanical mechanisms and centre of pressure trajectory during planned gait termination. Neurophysiol Clin, 44, 227-33.
Recrutement musculaire lors de l'arrêt rapide Le placement des pieds est le point clé pour s'arrêter. Trois mécanismes permettent d'atteindre rapidement une position stable après l'arrêt (Hase et Stein, 1998).
Mécanismes de freinage de la jambe antérieure La figure 9.3A montre les mécanismes de freinage de la jambe antérieure. Une forte activation du muscle soléaire étend la cheville oscillante au moment du contact du pied, aplatissant celui-ci sur le sol (c'est-à-dire augmentant la surface d'amarrage). Par la suite, le moment de force d'extension généré par le soléaire s'oppose à tout autre mouvement de la jambe vers l'avant (le triceps sural étant extenseur du genou en chaîne fermée).
FIG. 9.3 Mécanisme de décélération lors de l'arrêt rapide. A. En activant les muscles extenseurs du genou et de cheville, cette dernière fait une flexion plantaire rapide et le genou arrive à son maximum d'extension. Les muscles situés sur la colonne vertébrale et la hanche empêchent le mouvement du tronc vers l'avant. B. Inhibition de l'activité des fléchisseurs plantaires par l'activation du TA. L'activité du TA tend à fléchir la cheville pendant que le corps se baisse et reste en arrière du pied avant. C. Si la quantité de travail du corps est suffisante, l'énergie cinétique est convertie en énergie potentielle au moment de la montée sur les orteils. Attention, le pied présenté en B n'est pas le même que celui en A et en C. ES : érecteur de rachis ; MG : moyen fessier ; SOL : soléaire ; TA : tibial antérieur ; VL : vaste latéral.
L'activité tonique du soléaire et du vaste latéral du quadriceps permet de maintenir le corps derrière la jambe antérieure. Les autres chefs du triceps sural (c'est-à-dire poly-articulaires) génèrent un moment de force de flexion du genou avant le contact du pied avec le sol. Cela sous-entend que vous n'attaquez jamais le pas avec le genou oscillant en extension totale. L'activation du vaste latéral et des autres chefs du quadriceps fournit le moment de force d'extension du genou. L'action du moyen fessier et des érecteurs du rachis empêche la flexion de la hanche et le mouvement du tronc vers l'avant. Ces actions tentent de stabiliser le CM en arrière du pied antérieur, à condition que la quantité de
mouvement vers l'avant ne soit pas trop grande.
Réduction de la force de poussée de la jambe d'appui La jambe d'appui, qui amène normalement le corps vers le haut et vers l'avant, a un modèle d'action complémentaire (fig. 9.3B). L'augmentation d'activité du tibial antérieur et la diminution de celle du soléaire réduisent le moment de force de flexion plantaire de la cheville. Ceci fournit plus de force pour cesser le mouvement (Winter, 1991). Avec une forte activation du tibial antérieur, la cheville s'affaisse et une impulsion postérieure est produite. L'action du biceps fémoral et du moyen fessier tend à maintenir la hanche en extension afin que la jambe d'appui reste derrière le corps. Ainsi, la position de stabilité statique du CM entre les deux jambes est obtenue à condition que l'impulsion vers l'avant ne soit pas trop grande.
Conversion de l'énergie cinétique en énergie potentielle Si l'effet des deux premiers mécanismes (voir ci-dessus) est trop faible ou si la décision de s'arrêter est prise trop tard par rapport au cycle de marche, alors l'impulsion du CM transporte le corps vers la jambe avant positionnée en extension. Le corps se dirige alors vers le haut (fig. 9.3C). Une certaine énergie cinétique est convertie en énergie potentielle au fur et à mesure que le CM s'élève. Il s'agit d'une zone de transition ou le corps est arrêté, juste avant que le CM ne passe devant le CP au niveau du pied d'appui (flèche en pointillé sur la figure 9.3C). L'exécution d'un pas supplémentaire est donc nécessaire.
Moment de lancement du signal d'arrêt Le sujet a besoin au moins de la moitié d'un cycle complet de pas pour s'arrêter lors de la marche à vitesse spontanée. En d'autres termes, si le signal d'arrêt s'est produit avant que le CM ne dépasse le pied d'appui (c'est-à-dire pendant la première moitié de la phase de simple appui, ou avant le lever du talon du pied d'appui), le sujet peut s'arrêter en utilisant la jambe oscillante . Celle-ci va freiner et réduire la force de poussée afin de maintenir la jambe d'appui sur le sol.
En revanche, si ce signal arrive après le passage de la moitié de la phase de simple appui (c'est-à-dire à mi-distance), alors l'exécution d'un pas supplémentaire sera nécessaire pour s'arrêter. Étant donné que le signal d'arrêt peut arriver à tout moment du cycle du pas, choisir une stratégie appropriée représente une tâche complexe fondée sur le temps de réaction (Hase et Stein, 1998). Selon Jaeger et Vanitchatchavan (1992), le signal d'arrêt doit être lancé pendant les premiers 30 % du cycle d'appui ou les premiers 18 % du cycle de la marche pour que le sujet puisse s'arrêter par exemple précisément sur la cible demandée.
Effet de la vitesse de marche sur l'activation musculaire Pour que le sujet puisse s'arrêter sans tomber, le CM doit être décéléré et contrôlé dans les limites de la base posturale. Quelles sont les stratégies générées pour s'arrêter, si la vitesse du CM augmente ? Quelles en sont les conséquences ? Bishop et al. (2004) ont demandé à des sujets de marcher à trois cadences différentes (100, 125 et 150 %) avec des conditions d'arrêt planifié et non planifié. Ils ont mesuré la force de freinage du pied d'appui, ainsi que l'activité musculaire des muscles moyen fessier, ischio-jambiers et soléaire. Leurs résultats montrent que : ● le pic de force de freinage est plus important quand la cadence augmente ; ● plus la cadence est importante, plus la durée d'activité musculaire (moyen fessier, ischio-jambiers, soléaire) est courte (en arrêt planifié et non planifié). Néanmoins, les muscles du pied d'appui (moyen fessier et soléaire) sont actifs plus longtemps que ceux du pied oscillant pendant l'arrêt planifié ; ● quand la cadence augmente à vitesse de marche spontanée, le début de l'activité du moyen fessier est très proche de l'instant du poser du talon. En revanche, le début d'activation du
soléaire commence juste après l'attaque du talon ; ● au cours de l'arrêt planifié, le moyen fessier et les ischiojambiers s'activent de façon similaire comparativement à la marche normale. Le soléaire s'active bilatéralement avant l'attaque du talon (Hase et Stein, 1998). Si la cadence vient à augmenter alors cette activité du soléaire est réduite (Bishop et al., 2004) ; ● pendant l'arrêt non planifié, l'activité du soléaire augmente avant l'attaque du talon du pied d'arrêt, voire au cours du pas précédent (Hase et Stein, 1998).
Cinétique de l'arrêt de la marche Forces de réaction du sol Lors de l'arrêt rapide, la production de forces stabilisatrices du pied d'appui et du pied oscillant est supérieure à celle de la marche effectuée à vitesse spontanée (Jian et al., 1993). La cinétique « pied– sol » de l'arrêt est une activité permettant la coordination des membres inférieurs afin d'arrêter le mouvement, tout en préservant la stabilité (Bishop et al., 2002). Les forces de réaction du sol dépendent de la position finale du pied et du type d'arrêt planifié et non planifié. Lors de l'arrêt « pied en avant », il y a une augmentation des forces de freinage verticale et antéro-postérieure du pied d'appui ainsi qu'une réduction de la poussée du pied oscillant le pas précédant l'arrêt. Ces événements sont rapprochés dans le temps. Leur absence peut conduire à des arrêts mal contrôlés, des chutes, ou l'exécution d'un pas supplémentaire pour s'arrêter (Jaeger et Vanitchatchavan, 1992). Néanmoins, la différence entre le pourcentage d'augmentation de la force de freinage et le pourcentage de réduction de la force de progression n'est pas significative. Autrement dit, le pied d'appui a une contribution plus grande que le pied oscillant pour décélérer le CM pendant un arrêt planifié à une vitesse fixe (Bishop et al., 2002). Pendant l'arrêt non planifié, le taux de force générée, versus arrêt
planifié, est de 200 à 300 % plus important. Quand la cadence de marche augmente, la contribution du pied oscillant à produire les forces de décélération se réduit. Pendant l'arrêt planifié à cadence plus élevée, le sujet utilise plus le pied d'appui que le pied oscillant pour s'arrêter (Bishop et al., 2004). Le pic de forces verticales constitue l'indice biomécanique représentant l'intensité du choc pied/sol. Ces forces sont plus importantes à l'instant du contact talon/sol au début de la phase d'appui. Ce pic des forces peut varier jusqu'à cinq fois le poids du corps en fonction de la dureté du sol et de la vitesse de déplacement (Bouisset, 2002). Hase et Stein (1998) ont mesuré ces forces sous le talon, les métatarsiens médiaux et latéraux à l'aide de semelles baropodométriques. Lorsque le signal d'arrêt était précoce, les forces verticales sous les métatarsiens augmentaient à mesure que le poids se déplaçait vers l'avant. Wearing, Urry, Smeathers et Battistutta (1999) a mesuré la pression et la force verticale, le pic de pression et le temps du contact du pied. Après contact initial du talon, le sujet ne déportait pas sa masse sur le talon pendant l'arrêt. La pression et la force mesurées sous le métatarsien central étaient réduites. La courbe de pression au cours du temps de l'arrêt de la marche était augmentée au niveau de l'hallux.
Freinage après l'arrêt Les forces de freinage après l'arrêt de la marche sont produites par les muscles posturaux, car le mouvement focal est déjà terminé. Ces forces sont appelées dans la littérature les « ajustements posturaux consécutifs » ou « compensatoires » (APC). Ces APC servent à freiner le centre de gravité (CG), réduire l'accélération produite lors du mouvement et récupérer l'équilibre postural initial du sujet après la fin du mouvement. Leur rôle biomécanique est donc important, cependant ils sont nettement moins étudiés que les APA (voir chapitres 3 et 6). Memari, Do, Le Bozec et Bouisset (2013) ont analysé les APC lors de
l'exécution d'un pas simple (fig. 9.4). Ils ont demandé aux sujets d'exécuter ce pas, pieds nus, à vitesse maximale avec différentes longueurs (c'est-à-dire « petit pas » : longueur de pied individuel ; « grand pas » : double longueur de pied individuel) sur une plateforme de force.
FIG. 9.4 Position des pieds sur la plateforme de force lors du « petit pas » et du « grand pas ». Tracés biomécaniques Nous vous présentons ci-dessous les tracés du décours temporel de la force de réaction du sol obtenu par la plateforme de force (Rx). Cela vous permettra de mieux comprendre les courbes représentatives des déplacements du CP (Xp, Yp) (fig. 9.5), avec : ● la force de réaction du sol sur l'axe de progression (Rx) ; ● le déplacement du CP sur l'axe antéro-postérieur (Xp) obtenu par le moment de force du CM sur l'axe médio-latéral (My) et divisé par la force de réaction du sol sur l'axe vertical (Rz), c'est-à-dire : (My/Rz) ; ● le déplacement du CP sur l'axe médio-latéral (Yp) obtenu par
le moment de force du CM sur l'axe antéro-postérieur (Mx) et divisé par la force de réaction du sol sur l'axe vertical (Rz), c'est-à-dire : (Mx/Rz) ; ● le Rx : décours temporel vers l'avant commençant à partir de t0 (signal délivré par l'instructeur) jusqu'au point d'arrêt du pied (tf), correspondant au poser du pied (foot contact ou FC) sur l'axe Xp et Yp. Après l'arrêt du pied, le Rx continue son décours vers l'arrière, jusqu'au moment où il arrive pour la deuxième fois à zéro (tend) ; ● les ondes positives (c'est-à-dire l'impulsion vers l'avant) et négatives (c'est-à-dire l'impulsion vers l'arrière) : elles correspondent à la quantité de travail effectué lors d'un pas et au freinage produit après l'arrêt du pied. L'impulsion positive est construite par la quantité de travail produite pendant les ajustements posturaux anticipateurs (APA) et celle de l'exécution du pas. Ainsi, l'impulsion négative est produite par la force de freinage du CM après l'arrêt du pied ; ● la durée des APA : elle correspond au décours temporel de Rx entre le point (t0) et le début d'exécution du mouvement (tex), correspondant au décollement du pied (foot off ou FO) sur l'axe Xp et Yp ; ● la durée d'exécution du pas : elle commence par le point (tex) ou FO et se termine au point (tf), correspondant au point du FC sur l'axe Xp et Yp. La durée des APC commence à partir du point (tf) ou FC et se termine au point (tend).
FIG. 9.5 Tracés biomécaniques : décours temporel des forces de réaction du sol sur le CG selon l'axe antéro-postérieur (Rx) ; déplacements du CP selon l'axe antéro-postérieur (Xp) et l'axe médio-latéral (Yp) lors d'un pas simple. APA : durée des ajustements posturaux anticipateurs ; APC : durée des ajustements posturaux consécutifs ; t0 : début des APA ; tend : point d'arrêt des forces de freinage du CG ; tex : début d'exécution du pas ; tf : fin d'exécution du pas ; FC : foot contact (poser du pied) ; FO : foot off (décollement du pied) ; Pas : durée d'exécution du pas. Source : d'après Memari (2011). Ajustements posturaux consécutifs lors d'un pas simple : effets de la vitesse et du frottement. Thèse, université de Paris-Sud.
Résultats de l'étude Ils montrent que : ● pour les conditions « petit pas » et « grand pas », la durée (d) et le pic (p) d'amplitude des APC sont plus grands que les valeurs des paramètres correspondant des APA, c'est-à-dire que pAPC > pAPA et dAPC > dAPA ; ● quand la vitesse de progression augmente (de « petit pas » à « grand pas »), le pic des APC, ainsi que le pic des APA
augmentent, c'est-à-dire que pAPC grand pas > pAPC petit pas et pAPA grand pas > pAPA petit pas ; ● quand la vitesse de progression augmente (de « petit pas » à « grand pas »), la durée des APC n'augmente pas, tandis que la durée des APA augmente, c'est-à-dire que dAPC grand pas = dAPC petit pas, mais dAPA grand pas > dAPA petit pas. L'interprétation de ces résultats peut être fondée sur le rôle fonctionnel des APC et APA lors d'un pas simple : ● il est bien connu que les caractéristiques des APA et APC expriment les propriétés de la chaîne posturale. Les APA, précédant le mouvement volontaire, sont programmés par rapport aux paramètres du mouvement à venir (par exemple, vitesse de progression). Cependant, on peut supposer que les APC, se produisant après l'arrêt du pied, sont programmés par rapport à la vitesse de progression. C'est le pic de force du freinage qui change en fonction de la vitesse de progression, et non sa durée ; ● l'augmentation d'amplitude des APC permettrait d'obtenir une vitesse maximale en un temps minimal. Leur rôle permet d'obtenir un nouvel équilibre postural après la fin du mouvement. Autrement dit, l'action de freinage du CG produite résulte de la balance nécessaire entre les forces d'inertie positives et négatives (Memari et al., 2013).
En résumé
■ La stratégie d'arrêt à vitesse de marche rapide consiste à récupérer l'impulsion produite pendant le mouvement par un pic de freinage important, plutôt que d'allonger la durée du freinage.
■ La stratégie inverse se produit à une vitesse de marche spontanée. ■ Le système nerveux central préfère récupérer l'équilibre dans un laps de temps le plus court possible.
Arrêt sur les surfaces glissantes Notion de « frottement requis » Le frottement minimal, ou coefficient de frottement minimum nécessaire entre le pied et le sol (required coefficient of friction ou RCOF), a été défini par l'expression de « frottement requis » (required friction) par Strandberg et Lanshammar (1981). Cette variable est déterminée par la division de la force de réaction verticale sur la force de réaction horizontale du sol, au moment du contact du talon lors du cycle de marche.
Frottement requis lors de l'entrée et la sortie d'une baignoire sèche versus humide Selon l'âge et le sexe, les baignoires/douches se situent entre la troisième et la dixième source commune d'accidents domestiques. Les glissements et les chutes dans la baignoire sont parmi les accidents les plus fréquents. Environ 10 % des accidents se produisent lors de l'entrée ou la sortie d'une baignoire. Rentrer ou sortir d'une baignoire nécessite d'enjamber le tablier de celle-ci, alors que les sujets transitent entre deux surfaces potentiellement glissantes. L'action d'entrer ou de sortir d'une baignoire est composée de deux parties biomécaniques : ● l'évitement de l'obstacle (passage du tablier) ; ● l'ajustement de la marche sur une surface potentiellement glissante.
Siegmund, Flynn, Mang, Chimich et Gardiner (2010) ont étudié, chez plusieurs populations d'âges différents (20–30 ans, 40–50 ans et 60–70 ans), le frottement requis lors de l'entrée et la sortie d'une baignoire. Les sujets devaient entrer et sortir d'une baignoire pieds nus à vitesse spontanée. Six conditions expérimentales différentes ont été analysées : 1) entrer en un pas ; 2) sortir en un pas ; 3) rentrer en un pas puis se tourner à 90° ; 4) se tourner à 90° puis sortir en un pas ; 5) marcher, puis rentrer et tourner à 90° ; 6) se tourner à 90°, sortir puis marcher. L'ensemble de ces conditions a été effectué sur des surfaces sèche et humide (fig. 9.6). Les forces de réaction du sol ont été mesurées par deux plateformes de force (c'est-à-dire une dans la baignoire et une sur le sol).
FIG. 9.6 Conditions expérimentales de Siegmund et al. (2010) avec trois modèles d'entrée (colonne gauche) et trois modèles de sortie (colonne de droite). Le triangle sur la tête du sujet indique la direction vers l'avant.
Lors de l'entrée dans la baignoire, le frottement requis était plus faible et le temps de double appui allongé dans les conditions : humides versus sèches ; sujets âgés versus jeunes. Lors de la sortie, les sujets jeunes ont utilisé plus de frottements que les sujets plus âgés dans les trois conditions de sortie et lors de la commande « sortir, tourner et marcher ». Cette sortie peut être perçue comme une tache motrice « moins dangereuse » car la surface ciblée pour la sortie est supposée moins glissante. Au final, l'allongement de la durée du double appui chez les personnes âgées pourrait correspondre à une diminution du frottement du pied sur le sol. Cependant, le RCOF des sujets âgés et jeunes n'était pas significativement différent dans cette étude. Le temps de double appui pourrait donc être pris comme indice de référence afin de mesurer les effets concernant l'âge pour rentrer et sortir d'une baignoire.
Stabilité dynamique lors de l'arrêt de la marche sur les surfaces glissantes Oates, Patla, Frank et Greig (2005) ont étudié la stabilité dynamique pendant l'arrêt de la marche sur une surface glissante (c'est-à-dire avec plateforme de force). Dans cette étude, des roulettes en aluminium dans la surface de test ont été utilisées lors de l'arrêt des deux pieds (fig. 9.7). Les expérimentateurs bloquaient ces roulettes aléatoirement pour certains essais, afin de créer artificiellement une surface « non glissante » sans que le sujet ne soit prévenu.
FIG. 9.7 Présentation des dispositifs expérimentaux de l'étude Oates et al. (2005) . Il en résulte que les stratégies d'arrêt étaient insuffisantes pour maintenir les trajectoires du CM pendant l'arrêt glissant. Les sujets étaient incapables de produire assez de freinage pour arrêter la progression antérieure du CM. Dans tous les essais « glissants », les sujets ont raccourci leur dernier pas. Ce « petit pas » a permis aux sujets d'augmenter leur base de support et de rapprocher leur CM proche du CP, afin de ne pas tomber. Les sujets ont également levé les bras et abaissé leur CM pour stabiliser leur corps afin d'arrêter leur marche. Les muscles enregistrés (tibial antérieur, soléaire, droit fémoral, biceps fémoral, érecteurs du rachis) ont augmenté leur activité pour soutenir le corps, arrêter le mouvement vers l'avant et restaurer la stabilité. L'activité musculaire des membres inférieurs a été augmentée pour soutenir le CM et très probablement renforcer les articulations tout au long de la récupération de l'équilibre. Le système nerveux central (SNC) est donc capable de détecter le type de glissement et de mettre en jeu une réponse comportementale en moins de 60 ms. Sur surface glissante, le SNC génère des réflexes (57 ms) et réactions volontaires (178 ms) de plus longue durée (Pearson et Gordon, 2000). Le raccourcissement du pas couplé à l'augmentation de l'activité de tibial antérieur observé chez les sujets ressemble à « une réponse de sursaut » (startle respond). La réponse de sursaut est une réponse
adaptative dans la mesure où le SNC tente d'adopter la posture la plus stable possible dans une situation instable. L'élévation des bras et l'augmentation de l'activité du tibial antérieur ont contribué à stabiliser le CM lors du glissement. Alors que tous les sujets ont été surpris par la surface glissante, il est probable que les stratégies d'adaptation utilisée aient été initiées dans le cadre d'un programme de récupération de l'équilibre. Cela a permis de rétablir la stabilité mais ce n'était pas la principale compensation utilisée par les sujets afin d'arrêter leur marche. Le mouvement du bras était inefficace pour modifier le déplacement du CM sur surface glissante. Cependant, il a contribué à dissiper l'impulsion vers l'avant. La stratégie d'« utilisation des membres supérieurs » permet de contrôler la vitesse du mouvement mais pas celle du déplacement. En conclusion, si la stratégie d'arrêt de la marche (c'est-à-dire impliquant le chargement, déchargement des membres et la manipulation du CP) n'est pas efficace, le SNC peut tenter de transférer une partie des forces de propulsion de l'axe antéropostérieur vers l'axe médio-latéral. Ce type de transfert nécessite une rotation autour de l'axe vertical du corps.
En résumé
■ La stratégie de récupération lors de l'arrêt comprend une augmentation globale de l'activité musculaire pour accroître la rigidité des articulations du membre inférieur, abaisser le CM, raccourcir le pas terminal et élever les bras. Le but est d'augmenter la stabilité et maintenir l'équilibre pendant le glissement. ■ L'arrêt de la marche sur une surface glissante utilise la même stratégie de récupération que celle sur surface normale. Cependant, elle comprend une élévation du bras pour stopper
la progression vers l'avant et un transfert du moment d'inertie vers le moment latéral afin de s'arrêter en toute sécurité et éviter la chute.
Effet du frottement et de la vitesse sur le freinage généré par le centre de gravité après l'arrêt L'effet du frottement et de la vitesse sur le freinage (ou les APC) a été étudié par Memari, Le Bozec et Bouisset (2014). L'effet du frottement a été étudié en changeant la surface de contact à l'arrêt du pied avec une surface potentiellement glissante (Téflon) versus une surface non glissante (carrelage). Les participants devaient exécuter un « petit » et « grand » pas simple, pieds nus, à vitesse maximale sur Téflon et carrelage, fixés sur une plateforme de force (fig. 9.8 et 9.9).
FIG. 9.8 Surfaces fixées sur plateforme de force. Au départ, une planche d'isorel (COF = 0,42) et à l'arrivée, une planche de Téflon (COF = 0,14) ou une planche de Mocarbo® (COF = 0,59) ont été fixées sur la plateforme selon les conditions expérimentales. Source :
d'après Memari (2011). Ajustements posturaux consécutifs lors d'un pas simple : effets de la vitesse et du frottement. Thèse, université de Paris-Sud.
FIG. 9.9 Dispositifs expérimentaux sur plateforme de force. A. Au départ une planche d'isorel et à l'arrivée une planche de Téflon. B. Au départ une planche d'isorel et à l'arrivée une planche de Mocarbo® (carrelage). Grand pas : le pas a une double longueur du pied individuel ; Petit pas : le pas a la longueur du pied individuel. Source : d'après Memari (2011). Ajustements posturaux consécutifs lors d'un pas simple : effets de la vitesse et du frottement. Thèse, université de Paris-Sud.
Tracés biomécaniques La figure 9.10 montre : ● le décours de « µx » (rapport d'adhérence), le « Rx » (force de réaction du sol sur l'axe de progression), le « Xp » (déplacement de centre de pression sur l'axe antéropostérieur), le « Yp » (déplacement de centre de pression sur l'axe médio-latéral) et le « » (de progression du CG) pour le « grand pas » sur le Téflon (à gauche) et le « grand pas » sur le carrelage (à droite) ; ● le rapport d'adhérence (µx), obtenu par la force de réaction du sol en axe de progression, divisée par la force de réaction du sol en axe vertical (Rx/Rz) ; ● la force de réaction au sol sur l'axe de progression (Rx) ; ● le déplacement du centre de pression sur l'axe antéropostérieur (Xp), obtenu par le moment de force de CG sur l'axe médio-latéral (My) divisé par la force de réaction au sol sur l'axe vertical (Rz), c'est-à-dire : (My/Rz) ;
● le déplacement du centre de pression sur l'axe médio-latéral (Yp), obtenu par le moment de force de CG sur l'axe antéropostérieur (Mx) divisé par la force de réaction au sol sur l'axe vertical (Rz), c'est-à-dire : (Mx/Rz) ; ● la vitesse de progression ( ), calculée en intégrant la courbe d'accélération sur l'axe antéro-postérieur.
FIG. 9.10 Présentation du décours temporel. dAPA : durée des ajustements posturaux anticipateurs ; dAPC : durée des ajustements posturaux consécutifs ; dpas : durée de la phase d'exécution du pas ; FC : foot contact (poser du pied) ; FO : foot off (décollement du pied) ; pAPA : pic des ajustements posturaux anticipateurs ; pAPC : pic des ajustements posturaux consécutifs ; Rx : force de réaction sur l'axe de progression ; t0 : début du pas ; tf : point de la fin du pas ; CG : vitesse du centre de gravité ; Xp : déplacement du centre de pression sur l'axe de progression ; Yp : déplacement du centre de pression sur l'axe médio-latéral. Source :
Memari et al. (2014). Particular adaptations to potentially slippery surfaces : the effects of friction on consecutive postural adjustments (CPA). Neurosci Lett, 561, 24-9.
Memari et al. (2014) montrent que : ● la vitesse de progression est plus importante lors d'un grand pas (GP) versus petit pas (PP) pour les deux surfaces testées ; ● le pic des APA est plus important pour GP versus PP pour les deux coefficients de frottement. Cela est identique pour la durée des APA ; ● le pic des APC est plus important pour GP versus PP pour les deux coefficients de frottement et entre deux conditions de frottement. Le pic des APC « carrelage » est plus important que le pic des APC « Téflon » ; ● la durée des APC n'est pas significativement différente entre GP et PP pour les deux coefficients de frottement, mais elle est significativement différente entre deux conditions de frottement. La durée des APC « Téflon » est plus importante que la durée des APC « carrelage » ; ● le pic de rapport d'adhérence après l'arrêt du pied (p2µx) est plus important pour le « carrelage » versus « Téflon ». Le RCOF « carrelage » est supérieur au RCOF « Téflon ». Ces résultats indiquent que l'effet du coefficient of friction (COF) sur les APC se traduit par une durée supérieure pour le Téflon et un pic plus grand pour le carrelage, tandis que l'impulsion est égale. Dans la condition d'arrêt sur une surface potentiellement glissante, les sujets ont besoin de prendre plus de temps pour s'arrêter. Par contre, lors d'un arrêt sur surface non glissante, les sujets ont tendance à freiner plus afin de récupérer leur équilibre postural dans un délai court. Cela ne semble pas possible sur une surface glissante. Le rapport d'adhérence (Rx/Rz) à chaque pas doit rester inférieur au seuil de glissement (COF). Les valeurs de ces deux forces de réaction au sol sont modulées et leur rapport ne dépasse pas celle du COF. Le rapport d'adhérence change en fonction de la vitesse de progression. En effet, réduire la vitesse du pas pourrait être une stratégie
alternative proposée par le SNC afin de s'arrêter, surtout lorsque le COF est faible.
Remarques
■ On peut supposer que le SNC adapte sa stratégie en fonction du COF lors de l'arrêt du pied. ■ Sur surface glissante, le SNC tente de moduler la durée et/ou le pic de freinage, afin de produire la même quantité de freinage que sur une surface non glissante.
Arrêt de la marche chez les sujets neuropathologiques D'un point de vue du contrôle moteur, l'arrêt est identifié comme un processus mis en jeu pas le SNC pour anticiper, contrôler et empêcher le moment d'inertie vers l'avant. Cette caractéristique du contrôle sensori-moteur de l'arrêt est utile pour comprendre comment les deux processus, vieillissement normal et neuropathologique, pourraient compromettre l'arrêt de la marche. Nous présentons, ci-dessous, la biomécanique de l'arrêt de la marche chez les sujets âgés et neuropathologiques. Nous aborderons les généralités de la biomécanique et du recrutement musculaire chez les sujets âgés, puis analyserons les mécanismes d'arrêt sur les surfaces sèches versus humides chez les sujets âgés versus jeunes. Enfin, nous présenterons les processus d'arrêt chez les sujets parkinsoniens, ainsi que les patients atteints de sclérose en plaques.
Sujets âgés : paramètres biomécaniques de
l'arrêt Jung, Yi et Song (2016) ont comparé la stratégie de l'arrêt de la marche (non planifié) chez des femmes âgées de 40 à 69 ans versus des femmes âgées de 70 ans et plus. Les sujets devaient marcher sur une plateforme de force et s'arrêter lors de l'apparition d'un signal lumineux. L'ensemble des paramètres biomécaniques (fig. 9.11) a été mesuré avec des caméras infrarouges. Ces paramètres ont été étudiés pendant : ● la phase initiale de l'arrêt (c'est-à-dire contact du pied gauche avec le sol) ; ● la phase de la fin d'arrêt (c'est-à-dire arrêt du CG) ; ● la phase d'arrêt (c'est-à-dire période de temps entre le contact du pied gauche sur la plateforme et l'arrêt du CG).
FIG. 9.11 Présentation des événements et phases de l'arrêt de la
marche (Jung et al., 2016 ). Evénement 1 : contact du talon gauche (la phase initiale de l'arrêt). Événement 2 : fin de l'arrêt (arrêt du CG). Phase 1 : phase de l'arrêt (intervalle de temps compris entre le contact du pied gauche sur la plateforme et l'arrêt complet du CG).
L'étude présente les résultats suivants : Lors de l'arrêt, le groupe de femmes « âge 40 à 69 ans » a généré plus de force de réaction au sol sur l'axe antéro-postérieur et vertical que le groupe de femmes « âge 70 ans et plus ». Ceci peut être expliqué par le fait que les femmes « plus jeunes » exécutaient une plus forte poussée contre le sol comme observé dans l'arrêt non planifié. La quantité et le taux de réduction de la force de freinage étaient plus importants dans le groupe « âge 40 à 69 ans » que dans le groupe « âge 70 ans et plus ». La vitesse angulaire des articulations de la cheville du groupe « âge 40 à 69 ans » était deux fois plus rapide que celle du groupe « âge 70 ans et plus ». Le moment de la force d'extension des articulations de la cheville du groupe « âge 40 à 69 ans » était légèrement supérieur à celui du groupe « âge 70 ans et plus ». L'augmentation rapide du moment de la force d'extension de la cheville pendant la phase « initiale de l'arrêt » s'explique par une plus grande force générée pour contrôler le corps. Les sujets plus âgés ont donc probablement moins de force au niveau des extenseurs de cheville. Le groupe « âge 40 à 69 ans » a présenté une flexion plantaire plus importante que le groupe « âge 70 ans et plus » au cours de la phase « initiale de l'arrêt », mais il n'y avait pratiquement aucune différence entre les deux groupes dans « la fin de l'arrêt ». Le moment de flexion plantaire de la cheville contribue à soutenir le corps. Il est lié à la réduction de la force musculaire et de la stabilité des membres inférieurs. Il semble donc bénéfique d'augmenter la force musculaire liée à la flexion et à l'extension de la cheville afin d'améliorer la stabilité de la marche des personnes âgées et
réduire le risque de chute. Le moment de la force d'extension d'articulation du genou du groupe « âge 40 à 69 ans » était deux fois plus élevé que celui de groupe « âge 70 ans et plus ». Pour diminuer le risque de chute lors de l'arrêt, il serait donc intéressant de renforcer le moment d'extension des genoux chez les sujets âgés de 70 ans et plus. Au niveau coxo-fémoral, le groupe « âge 40 à 69 ans » a montré une légère flexion dans la phase « initiale de l'arrêt », puis une extension progressive, alors que le groupe « âge 70 ans et plus » maintenait un certain angle de flexion. Le moment de force d'extension de la hanche du groupe « âge 70 ans et plus » était présent lors de la phase d'arrêt, contrairement au groupe « âge 40 à 69 ans », excepté dans les premiers instants de la phase, où il était plus important. Ces résultats s'opposent à ceux obtenus sur d'autres articulations. Ils semblent être liés à l'augmentation de la consommation d'énergie dans certaines articulations pour compenser le dysfonctionnement d'une autre articulation (voir chapitre 3, Concept de capacité posturocinétique). Pour s'arrêter pendant la marche, le membre inférieur effectuant le dernier pas doit s'étendre sans accélérer de nouveau le corps et sans générer de force supplémentaire lors de la flexion des autres articulations. La diminution de la force musculaire des membres inférieurs est donc étroitement liée aux chutes. Par conséquent, il est nécessaire d'augmenter la force musculaire et la flexibilité des membres inférieurs afin d'éviter des chutes chez les personnes âgées.
En résumé
■ Le groupe « âge 70 ans et plus » ne peut pas utiliser ses
chevilles et ses genoux de manière efficace pendant l'arrêt de la marche. ■ Pour compenser l'inefficacité des articulations de la cheville et du genou, le groupe « âge 70 ans et plus » utilise de manière plus importante l'articulation de la hanche. ■ L'inefficacité des articulations de la cheville et du genou s'explique par les effets du vieillissement musculaire chez le sujet âgé (voir chapitre 4).
Sujets âgés et recrutement musculaire Tirosh et Sparrow (2005) ont étudié l'effet de l'âge et de la vitesse sur le recrutement musculaire sur deux types de populations, l'une âgée (femmes et hommes entre 65 et 82 ans, âge moyen 72 ans) et l'autre jeune (hommes entre 19 et 30 ans, âge moyen 26 ans). Les sujets devaient marcher à différentes vitesses sur une piste de 8 m et s'arrêter (c'est-à-dire en arrêt non planifié) lors de l'affichage du mot « STOP » présenté sur un écran d'ordinateur situé en face de la piste. L'étude présente les résultats suivants : L'initiation du recrutement musculaire des sujets jeunes est plus précoce (176,3 ms) que chez les sujets âgés (215,4 ms). Cette réponse plus lente chez les personnes âgées permettrait de diminuer le temps de la phase d'appui. Ce retard d'activation provoque une diminution du temps de contact au sol et de la modulation des forces de réaction avec le pied d'appui. Cela augmente la probabilité que les sujets âgés s'arrêtent avec deux pas consécutifs plutôt qu'un seul. Lors de la phase de préparation au freinage effectué du côté oscillant, les personnes âgées n'ont recruté leurs muscles freinateurs (soléaire, vaste latéral et moyen fessier) que dans 25 % des essais d'arrêt. Les sujets jeunes ont recruté ces muscles dans 58 % des essais. Le recrutement des soléaire, vaste latéral et moyen fessier crée un moment d'inertie en
extension de la cheville, du genou et de la hanche. Le défaut de recrutement de l'un de ces muscles engendrerait moins de moments de force d'extension. L'incapacité des sujets âgés à recruter ces trois extenseurs diminue leur capacité à créer une force globale visant à réduire la vitesse de progression du CM et arrêter le corps en un seul pas. La différence entre ces deux groupes, concernant le recrutement global du muscle de la jambe oscillante, est principalement attribuable au manque de recrutement du soléaire et du moyen fessier. Les jeunes hommes participant à cette étude ont recruté le soléaire plus souvent (dans 88 % des essais) par rapport aux sujets âgés (69 %). Il est évident que le recrutement du soléaire du pied oscillant joue un rôle majeur dans la décélération de la marche. En plus de son rôle d'extenseur de hanche, le moyen fessier est partiellement responsable de la stabilité médio-latérale de la hanche (Hase et Stein, 1998). La présence de déficiences dans le contrôle du déplacement médio-latéral affecterait la stabilité globale. Tirosh et Sparrow (2005) suggèrent que le deuxième pas, lors de l'arrêt chez les personnes âgées, serait biomécaniquement plus important. Il permettrait de maintenir la stabilité médio-latérale plutôt que de réduire le moment de force vers l'avant. Il semble que l'inhibition du moyen fessier réduirait la stabilité médio-latérale et augmenterait la probabilité de faire un pas supplémentaire pour s'arrêter. Ce dernier est parfois trop court pour aider le sujet à maintenir la stabilité médio-latérale pendant l'arrêt. La réduction de l'activation musculaire des membres inférieurs lors de l'arrêt de la marche perturberait les moments de force et la puissance des articulations, qui contribuent à réduire la quantité de mouvement du corps.
Patients parkinsoniens et arrêt de la marche Les patients parkinsoniens sont cinq fois plus susceptibles de subir
une blessure liée à la chute que les personnes âgées normales (Johnell, Melton, Atkinson, O'Fallon et Kurland, 1992). Chez eux, la diminution du contrôle des changements de trajectoire/vitesse du CM pendant les activités autonomes (par exemple, se relever d'une chaise, tourner ou s'arrêter) est corrélée au risque de chute (Morris, Huxham, McGinley et Iansek, 2001 ; Morris, Iansek, Smithson et Huxham, 2000). Très peu d'études se sont intéressées à l'arrêt de la marche chez les parkinsoniens. Bishop, Brunt et Marjama-Lyons (2006) ont étudié l'arrêt de la marche chez 14 patients parkinsoniens (62–70 ans) versus 14 sujets sains sédentaires. Trois conditions étaient analysées : « marche normale », « marche avec arrêt planifié sur une ligne dessinée sur la piste », puis « marche avec l'arrêt non planifié à l'aide d'un signal lumineux ». L'étude présente les résultats suivants : Pendant « l'arrêt non planifié », les sujets témoins ont augmenté l'activité musculaire du moyen fessier et du tibial antérieur plus de 800 fois sur la jambe d'appui. Ils ont diminué l'activité du soléaire comparativement à celle développée lors de « la marche normale ». En revanche, les sujets parkinsoniens ont diminué l'activité du moyen fessier ainsi que l'activité du tibial antérieur sur la jambe d'appui. Ils ont augmenté l'activité du soléaire comparativement à celle générée lors de « la marche normale ». Le groupe contrôle a augmenté l'activité du moyen fessier pendant la phase d'appui lors de l'arrêt « non planifié ». Au cours de la même période, les sujets parkinsoniens ont diminué l'amplitude du moyen fessier, comparativement à celle obtenue lors de « l'arrêt planifié » et de « la marche normale ». Les sujets du groupe contrôle ont augmenté l'activité du tibial antérieur alors que les parkinsoniens l'ont diminuée pendant la fin de la phase d'appui. Les sujets du groupe contrôle ont diminué l'activité du soléaire dans la première période de la phase d'appui de « la jambe
d'appui » pour les « arrêts planifiés » et « non planifiés », tandis que les sujets parkinsoniens ont augmenté cette activité. Pendant l'arrêt de la marche « non planifié », les sujets parkinsoniens ont augmenté l'activité électromyographique du soléaire de « la jambe oscillante » comparativement au groupe témoin. Ces sujets ont également tendance à augmenter l'activité du moyen fessier versus groupe témoin. Généralement, il est admis que, pendant un « arrêt non planifié », la force de décélération produite sous la jambe oscillante est plus grande. Pendant un « arrêt planifié », les forces générées sont plus importantes que les forces générées pendant « la marche normale ». Quand la vitesse de marche augmente, une plus grande force de freinage est nécessaire pour arrêter la marche. Les sujets du groupe contrôle ont généré une force de freinage 50 % plus grande que celle des sujets parkinsoniens pendant « l'arrêt non planifié ». Le pic de force produit sous « la jambe oscillante » a peu varié chez les parkinsoniens entre les conditions de « l'arrêt planifié » versus « non planifié ». En revanche, les sujets témoins ont augmenté la force de freinage pendant « l'arrêt non planifié ». Il est possible que la diminution de la capacité à générer le freinage sous la jambe oscillante, lorsque l'on tente de s'arrêter brusquement, ne permette plus de maintenir le CM derrière la jambe avant. Le sujet a donc besoin de faire un pas supplémentaire pour s'arrêter dans ces conditions. Ces données pourraient expliquer le nombre plus élevé d'essais avec « un pas supplémentaire » identifiés pour le groupe des parkinsoniens versus groupe témoin. Au cours de « l'arrêt non planifié », les sujets parkinsoniens ont utilisé la stratégie « d'un pas supplémentaire » (ou two-step strategy) pour s'arrêter plus que les sujets du groupe contrôle (35 % contre 10 %). Pour conclure, ces résultats indiquent que les conditions de l'arrêt
de la marche « planifié » et « non planifié » s'appuient sur les mêmes commandes motrices. En effet, les personnes âgées en bonne santé, ainsi que les parkinsoniens (c'est-à-dire s'arrêtant « avec un seul pas ») ont démontré des changements biomécaniques et électromyographiques similaires. Ils ont augmenté l'amplitude de leur activité musculaire par rapport aux événements cinétiques de la phase d'appui.
Sujets atteints de sclérose en plaques et arrêt de la marche La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune qui entraîne une dégénération axonale et une démyélinisation de la substance blanche disséminée. En raison de la nature dispersée du dommage neurologique, les personnes atteintes de SEP montrent une grande variété de symptômes, y compris des déficiences sensorimotrices, de la cognition, de l'équilibre et de la marche (Compston et Coles., 2002). Roeing, Moon et Sosnoff (2017) ont analysé la cinématique de l'arrêt non planifié de la marche chez les sujets atteints de SEP : 31 sujets atteints de SEP et 14 sujets sains ont participé à cette étude. Le groupe SEP a été partagé en deux groupes : 13 sujets « avec un dispositif d'assistance de marche » et 18 sujets « sans dispositif d'assistance ». Les sujets devaient marcher 5 m à vitesse confortable sur un tapis de marche puis s'arrêter le plus tôt possible lorsqu'un signal lumineux leur était présenté. Pendant la moitié des essais, les sujets ont été amenés à faire une tâche cognitive additionnelle (c'est-à-dire rappeler quelques lettres alphabétiques comme N, P, R, pendant la marche). L'étude révèle les résultats : Les sujets « avec dispositif d'assistance » présentent une augmentation de la durée d'arrêt (normalisée par la vitesse de marche) par rapport aux sujets sans dispositif ou sains. Les sujets SEP ont marché plus lentement que les témoins. Les trois groupes ont marché plus lentement lors des essais avec
tâche cognitive additionnelle. Il y a plusieurs mécanismes qui peuvent contribuer à une marche plus lente chez les sujets SEP : la faiblesse musculaire, un équilibre réduit, une diminution de la coordination et des troubles sensoriels. Les individus atteints d'une SEP ont pris plus de temps à s'arrêter par rapport aux sujets sains après normalisation de la vitesse de la marche. L'arrêt non planifié nécessite un contrôle rétroactif (c'est-à-dire feedback) plus important, car ces sujets traitent d'abord le signal visuel, puis génèrent une réponse motrice pour ajuster le modèle de leur mouvement actuel (Sparrow et Tirosh, 2005). Les déficiences, bien identifiées au cours de l'équilibre dynamique, pourraient contribuer au déficit observé pendant l'arrêt de la marche « non planifié ». L'augmentation du temps de réponse à un stimulus, combiné aux déficiences de stabilité dynamique, serait probablement responsable des perturbations observées dans l'arrêt « non planifié » dans le groupe SEP. En conclusion, les patients SEP marchant avec un dispositif d'assistance ont plus de difficulté et mettent plus de temps à s'arrêter.
Points clés
■ L'arrêt de la marche met en jeu des APC. ■ Le SNC tient compte du coefficient de glissement lors du poser du pied afin de permettre au sujet de s'arrêter en toute sécurité. ■ Le SNC module la durée et le pic du freinage pour permettre au sujet de s'arrêter sur surface glissante. ■ Les patients parkinsoniens et SEP présentent des modifications biomécaniques et électromyographiques différentes en fonction du caractère « planifié » ou « non planifié » de l'arrêt de la
marche.
Entraînement
QCM 1 Quelle est la trajectoire du CP lors d'un arrêt de la marche ? A. vers l'arrière puis vers l'avant B. vers l'avant puis vers le côté latéral C. vers l'avant puis vers l'arrière et le côté latéral D. vers le côté latéral et vers l'arrière
QCM 2 Quelle(s) est(sont) la(les) réponse(s) correcte(s) concernant la cinétique du pas précédant l'arrêt de la marche avec un pied en avant ? A. une augmentation de la force de freinage verticale et antéropostérieure du pied d'appui et une augmentation de la force de poussée du pied oscillant B. une augmentation de la force de freinage verticale et antéropostérieure du pied d'appui et une réduction de la force de poussée du pied oscillant C. une réduction de la force de freinage verticale et antéropostérieure du pied d'appui et une réduction de la force de poussée du pied oscillant D. une réduction de la force de freinage verticale et antéropostérieure du pied d'appui et une augmentation de la force de poussée du pied oscillant
QCM 3 Quelle(s) est(sont) la(les) réponse(s) correcte(s) concernant la cinématique de l'arrêt de la marche chez les femmes âgées et celles
d'âge moyen ? A. Le « moment de la force d'extension de l'articulation de la cheville » des sujets âgés est plus important que celui des sujets d'âge moyen B. La « flexion plantaire » des sujets âgés est plus importante que celle des sujets d'âge moyen C. Le « moment de la force d'extension de l'articulation du genou » des sujets âgés est plus important que celui des sujets d'âge moyen D. Le « moment de la force d'extension de l'articulation de la hanche » des sujets âgés est plus important que celui des sujets d'âge moyen
QCM 4 Quelle est la stratégie du SNC pour contrôler le CG après un arrêt sur une surface glissante par rapport à un arrêt sur la surface non glissante ? A. augmenter l'amplitude du pic de freinage sur la surface glissante B. augmenter la durée de la force de freinage sur la surface non glissante C. augmenter l'amplitude du pic de freinage sur la surface non glissante D. augmenter la vitesse de progression de la marche
QCM 5 Quelle(s) est(sont) la(les) réponse(s) correcte(s) concernant l'activité musculaire au cours de l'arrêt de la marche ? A. les muscles situés sur la colonne vertébrale et la hanche empêchent le mouvement du tronc vers l'arrière B. l'inhibition de l'activité de flexion plantaire par l'activation du soléaire réduit la force de poussée
C. l'activité forte du tibial antérieur tend à fléchir le genou et le corps se baisse et reste derrière le pied avant D. aucune des réponses ci-dessus n'est correcte
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CHAPITRE 10
Troubles de la marche chez l'enfant A. Presedo; A. Delafontaine
PLAN DU CHAPITRE Développement de la marche : variantes physiologiques normales Principales anomalies de la marche chez l'enfant et leurs causes Diagnostic des troubles de marche Interprétation des résultats Traitement des troubles de la marche Conclusion
Focus
■ Objectifs pédagogiques :
– savoir identifier les caractéristiques d'une démarche anormale chez l'enfant ; – connaître les principales causes des troubles de marche. ■ Objectifs professionnels : – différencier les variantes normales, liées au développement de la marche, et les anomalies de la marche ; – savoir décider si l'enfant doit être vu en consultation spécialisée. ■ Evidence based : – l'analyse quantifiée de la marche tridimensionnelle (AQM 3D) est utile pour le diagnostic des troubles de la marche. – la rigueur dans la démarche diagnostique permet d'aboutir à un projet thérapeutique optimal.
Les inquiétudes parentales concernant la marche de l'enfant représentent la cause la plus fréquente de consultation en orthopédie pédiatrique. Souvent, ce sont les grands-parents ou des amis de la famille qui sont à l'origine de ces inquiétudes. D'autres fois, ce sont le médecin généraliste ou le pédiatre qui adressent l'enfant en consultation spécialisée afin de rassurer les parents. Les demandes de consultation liées à des anomalies de la marche sont fréquentes pendant la petite enfance, en particulier pendant les trois premières années de vie, lors des périodes d'acquisition et de maturation de la marche. Dans la majorité des cas, les parents signalent que l'enfant chute souvent, qu'il « met ses pieds en dedans » ou bien qu'il ne marche pas comme les autres enfants de son âge. Moins fréquemment, ils disent que l'enfant a les jambes tordues, qu'il ne sait pas courir ou qu'il a tendance à se mettre sur les pointes des pieds. La morphologie des pieds est aussi cause d'inquiétude parentale. Bien que ces plaintes obéissent le plus souvent à des variantes
physiologiques observées lors du développement de la marche, il faut toujours éliminer une possible pathologie sous-jacente. Les clés pour ne pas méconnaître une réelle anomalie nécessitant une prise en charge thérapeutique sont la réalisation d'un examen clinique rigoureux et la demande d'examens complémentaires si besoin.
Développement de la marche : variantes physiologiques normales Modifications de l'angle de progression du pas Les déviations de l'angle de progression du pas , et en particulier l'orientation des pieds en dedans, représentent la cause la plus fréquente de consultation en orthopédie pédiatrique (Penneçot & Moulies, 2017). Dans la majorité des cas, il s'agit de variantes physiologiques du développement normal de l'enfant qui vont se modifier au cours de la croissance et qui ne nécessitent pas de traitement particulier. Néanmoins, il faut rassurer les parents et expliquer l'origine de ces déviations. L'observation de la marche et l'examen clinique (Penneçot, 2009) sur table permettront de déceler l'origine d'une déviation des pieds en dedans (fig. 10.1) : ● lorsque les patellas sont orientées en dedans, la cause la plus probable est un excès d'antéversion fémorale ; ● si les patellas sont orientées de face, l'origine peut être liée à une torsion médiale du squelette jambier ou bien à une déviation des pieds ; ● la déviation peut être en rapport avec une combinaison des possibles causes. En particulier, un excès d'antéversion fémorale combiné à un défaut de torsion tibiale latérale est fréquemment retrouvé chez le petit enfant.
FIGURE 10.1 Déviations orthopédiques et morphostatismes A. Métatarsus varus : une déviation des pieds isolée peut être à l'origine d'une déviation de l'angle de progression du pas. B. Endorotation du squelette jambier : lorsque les pieds sont orientés en dedans mais les patellas sont orientées de face, la déviation peut être liée à une torsion tibiale ou à une déviation des pieds, voire combinée. C. Excès d'antéversion : l'orientation des patellas en dedans est souvent liée à un excès d'antéversion fémorale. Source : © Pathologie orthopédique de l'enfant de Penneçot et Mouliès, coll. Pedia, Elsevier-Masson, 2016.
L'examen clinique sur table permettra de faire un diagnostic d'antéversion fémorale dès lors qu'on retrouve un déséquilibre en faveur d'une rotation médiale de hanche (Jacquemier et al., 2008 ; Staheli, Corbett, Wyss et King, 1985). La torsion tibiale peut être évaluée cliniquement (Engel & Staheli, 1974 ; Heinrich & Sharps, 1991) en mesurant l'angle entre l'axe bicondylaire du fémur et l'axe
bimalléolaire du tibia lorsque l'enfant est assis sur la table d'examen, ou bien en décubitus ventral, en regardant l'orientation de l'axe de la plante du pied par rapport à l'axe longitudinal de la cuisse (fig. 10.2). L'évolution des valeurs de la mesure de l'antéversion fémorale est représentée à la figure 10.3.
FIGURE 10.2 L'observation de la marche et l'examen clinique permettent de faire le diagnostic de la cause d'une déviation de l'angle de progression du pas. Source : © Pathologie orthopédique de l'enfant de Penneçot et Mouliès, coll. Pedia, Elsevier-Masson, 2016.
FIGURE 10.3 L'antéversion fémorale diminue avec l'âge. L'examen clinique des rotations de hanche évolue parallèlement aux modifications de l'antéversion fémorale. Source : © Pathologie orthopédique de l'enfant de Penneçot et Mouliès, coll. Pedia, Elsevier-Masson, 2016.
Déviations des pieds Les anomalies morphologiques des pieds sont en général diagnostiquées avant l'âge de la marche. Néanmoins, certaines anomalies telles que la déviation en varus de l'avant-pied (metatarsus adductus), les pieds plats valgus et les séquelles d'un pied bot varus équin constituent des causes fréquentes de consultation à l'âge de la marche. Les parents pensent souvent qu'un retard dans l'acquisition de la marche est lié à ces anomalies des pieds. Dans le cas des enfants présentant un pied bot, il convient d'éliminer la présence d'un problème neurologique, sinon pour la plupart des cas, il faut rassurer les parents et leur expliquer que ces déviations des pieds n'entraînent par un retard d'acquisition de la marche ni de limitations fonctionnelles dans l'avenir.
Metatarsus adductus La déviation en dedans de l'avant-pied, par rapport à l'arrière-pied, est appelée metatarsus adductus ou metatarsus varus (fig. 10.4). Il s'agit d'une déviation assez fréquente chez le nouveau-né qui ne nécessite pas de traitement dans la plupart des cas, car celle-ci a tendance à se corriger de façon spontanée. À l'âge de la marche, la déviation en dedans de l'avant-pied peut être liée au fait que l'enfant utilise le fléchisseur du gros orteil pour se propulser. Lorsque la déviation persiste en décharge, surtout si elle est irréductible, il faudra alors consulter un orthopédiste pédiatre.
FIGURE 10.4 Metatarsus adductus ou metatarsus varus. Pieds plats valgus
La déviation des pieds en dehors, avec un contact au sol de l'ensemble du bord médial du pied (absence de voûte plantaire) et une déviation en valgus de l'arrière-pied, est très fréquente chez les petits enfants et a tendance à se corriger avec la croissance (fig. 10.5). Il s'agit d'un pied plat dit « idiopathique » pour lequel aucun traitement n'est nécessaire. Cette déviation peut être liée à un élargissement du polygone de sustentation afin de compenser l'instabilité qui accompagne les premiers pas de l'enfant. De même, la persistance d'un certain degré de rétraction des muscles rotateurs latéraux de hanche, résultant de la position fœtale, contribue à la déviation latérale de l'angle de progression du pied et à la déviation en valgus lors de l'acquisition de la marche. Chez certains enfants, le pied plat valgus peut représenter une compensation face à un excès de rotation médiale de hanche, lié à une antéversion fémorale trop importante. Lorsqu'on examine les pieds de ces enfants, on constate qu'ils deviennent normaux en décharge et qu'il n'y a pas de raideur articulaire. Jusqu'à l'âge de 3 ans, la voûte plantaire est remplie de tissu adipeux et le pied peut donner l'impression d'être plat, alors que l'architecture osseuse est normale.
FIGURE 10.5 Test dynamique du pied et de la voute plantaire. A. Effondrement de la voûte plantaire. B. Dans le cas de pieds plats « idiopathiques », la voûte plantaire se manifeste lorsqu'on demande à
la personne de se mettre sur les pointes des pieds. Dans cette position, l'articulation subtalaire se met en varus physiologique.
Dans tous les cas, il est important de savoir reconnaître un pied plat et éliminer la présence d'autres causes qui pourraient nécessiter d'un traitement spécifique comme un tendon d'Achille court, un pied plat congénital (malformatif) ou lié à une pathologie neurologique.
Marche sur la pointe des pieds La marche sur la pointe des pieds n'est pas forcément un signe évocateur d'une pathologie sous-jacente. Lors des premiers pas, en raison d'un équilibre précaire, les enfants ont tendance à faire des pas courts et rapides. Dans cette situation, le temps d'appui est raccourci, et soit les talons décollent précocement, soit ils restent tout le temps décollés. En général, ce type de marche ne dure que quelques mois. Il convient de surveiller l'enfant afin de vérifier que les caractéristiques de la marche normale se mettent en place. La plupart de ces enfants ont des appuis corrects en position statique et ce n'est que lors de la marche qu'ils sont sur la pointe des pieds. La présence d'une rétraction du tendon d'Achille ou la persistance d'une marche sur les pointes au-delà de l'âge de 4 ans doivent nous faire suspecter un problème neurologique ou une myopathie (D'Angelo et al., 2009) et il est alors préconisé de demander un avis spécialisé.
Déviations de l'axe des membres inférieurs L'alignement des membres inférieurs dans le plan frontal évolue, de façon physiologique, tout au long de la croissance (fig. 10.6). Au départ, en raison d'une absence de torsion tibiale latérale, lorsque les pieds sont alignés sur l'axe de la marche, les genoux doivent compenser avec une légère flexion et la résultante est un genu varum, plutôt lié à l'alignement du tibia qu'à une déviation au niveau articulaire. Vers l'âge de 3 ans, les membres inférieurs sont droits, puis un valgus se développe de façon progressive jusqu'à l'âge de 6 ans. À partir de cet âge, l'alignement redevient normal, restant toujours en valgus (environ 3° pour les garçons et 6° pour les filles ; il est plus
important chez les filles car en rapport avec la largeur du bassin). L'examen clinique doit montrer un écart entre les genoux qui ne dépasse pas 6 cm dans le cas d'un genu varum et un écart entre les chevilles ne dépassant pas 12 cm, dans le cas d'un genu valgum.
FIGURE 10.6 L'écart intercondylien (genu varum) est fréquent à l'âge d'acquisition de la marche. Celui-ci est lié à un excès d'antéversion fémorale combiné à un déficit
de torsion tibiale médiale. Vers l'âge de 2 ans, les membres inférieurs présentent un alignement neutre et ensuite, vers l'âge de 3 ans, l'écart intermalléolaire (genu valgum) se développe, en raison d'une augmentation de la torsion tibiale latérale, combiné avec une antéversion fémorale élevée. À la fin de la croissance, un léger genu valgum est la norme (environ 3° pour les garçons et 6° pour les filles). Source : © Pathologie orthopédique de l'enfant de Penneçot et Mouliès, coll. Pedia, Elsevier-Masson, 2016.
Des déviations en varus ou en valgus au-delà de la norme par rapport à l'âge, des déviations asymétriques ou qui ont tendance à évoluer dans le sens d'une non-correction sont des indicateurs pour un examen radiologique et une consultation spécialisée (Heath & Staheli, 1993).
En résumé Dans la petite enfance, les déviations de l'angle de progression du pas , la marche sur les pointes des pieds et les déviations de l'axe des membres inférieurs représentent dans la plupart des cas des variantes normales du développement de l'enfant. Un examen clinique minutieux est la clé pour le diagnostic de ces variantes et pour déceler des pathologies qui nécessitent un avis spécialisé.
Principales anomalies de la marche chez l'enfant et leurs causes Boiterie Une boiterie est une perturbation de la marche responsable d'une asymétrie du pas, en général, d'apparition récente. Néanmoins, chez un enfant qui présente une luxation congénitale de hanche , non diagnostiquée avant l'âge de la marche, la boiterie sera présente dès l'acquisition de la marche.
La boiterie est un motif fréquent de consultation en pédiatrie. Parfois, l'enfant refuse complètement de marcher. Une boiterie peut représenter une compensation transitoire lorsque l'enfant ressent une gêne lors de l'appui. Cependant, les boiteries ont souvent une cause qui nécessite un traitement. Les causes peuvent être d'origine traumatique, infectieuse, tumorale ou neurologique. Le caractère aigu, fébrile ou non, et l'âge de l'enfant sont les éléments principaux guidant le diagnostic. La figure 10.7 représente les causes de boiterie les plus fréquentes chez l'enfant.
FIGURE 10.7 Plusieurs causes peuvent être à l'origine d'une démarche anormale chez l'enfant. Les causes nécessitant une prise en charge urgente ne sont pas fréquentes. Cependant, il est impératif de savoir les reconnaître afin d'éviter des conséquences graves pour la santé de l'enfant.
Les caractéristiques cliniques des causes les plus fréquentes de boiterie sont exposées ci-dessous.
Arthrite et ostéomyélite aiguë Chez l'enfant, l'origine la plus fréquente des boiteries se situe au
niveau de la hanche. Dans les arthrites (présence de liquide dans l'articulation), la boiterie devient évidente assez vite et les parents consultent dans les premières 24–48 heures. Les arthrites infectieuses se caractérisent par un refus de l'appui, la présence de fièvre et un bilan biologique perturbé. À l'examen clinique, l'enfant manifeste une douleur intense et une limitation fonctionnelle lors de la mobilisation de la hanche. Les explorations complémentaires (radiographie, échographie, bilan biologique) feront penser à une étiologie infectieuse lorsque le bilan est perturbé et, dans ce cas, une ponction articulaire est indiquée avant de commencer un traitement antibiotique. Lorsque le liquide articulaire est trouble, une arthrotomie pour lavage articulaire et la mise en place d'un drain seront indiquées. L'arthrite du genou est moins fréquente que l'arthrite de hanche et le diagnostic clinique est plus évident car l'épanchement articulaire est accessible à la simple observation. Face à un tableau clinique évocateur d'arthrite mais sans épanchement articulaire, il est probable qu'il s'agisse d'une infection osseuse (ostéomyélite). L'infection osseuse chez l'enfant siège principalement au niveau des métaphyses des os longs et parfois au niveau de l'espace intervertébral (spondylodiscite, fig. 10.8). À l'examen clinique, la douleur se manifeste lors de la pression sur la métaphyse du fémur (ou du tibia), ou bien sur les apophyses épineuses dans le cas d'une spondylodiscite. L'examen de la mobilité articulaire permet de constater une liberté de mouvement conservée. Les enfants présentant une infection de l'espace intervertébral ont tendance à manifester un refus de la station assise car celle-ci entraîne une douleur lombaire, siège le plus fréquent pour ce type d'infection.
FIGURE 10.8 IRM montrant une image évoquant la présence d'une infection de l'espace entre les vertèbres L2-L3. Il existe un pincement de l'espace intervertébral, ainsi qu'une atteinte des corps vertébraux adjacents au disque intervertébral.
Le diagnostic d'une ostéomyélite peut être confirmé par la réalisation d'une scintigraphie et/ou d'une imagerie par résonance magnétique (IRM). La radiographie simple ne permettra pas de mettre
en évidence une ostéomyélite aiguë, car ce n'est qu'après 2 ou 3 semaines d'évolution que les lésions osseuses deviennent apparentes sur la radiographie. Le traitement de l'ostéomyélite consistera à mettre en place un traitement antibiotique et, dans le cas des infections rachidiennes, un corset pour limiter la douleur et éviter une éventuelle déformation. Bien que certaines équipes puissent réaliser une ponction du foyer infectieux afin de retrouver les possibles germes, cette pratique n'est pas systématique dans les services d'orthopédie pédiatrique. La cause la plus fréquente d'une boiterie sans syndrome infectieux est l'arthrite aiguë bénigne ou « rhume de hanche ». Cette affection paraît être liée à des épisodes d'infection virale et touche les enfants entre 3 et 6 ans. L'épanchement articulaire ne s'accompagne ni de fièvre ni d'un bilan perturbé. La boiterie est plus importante le matin et diminue au cours de la journée. Lors de l'examen, la mobilisation de la hanche est douloureuse mais il y a moins d'impotence fonctionnelle que dans les arthrites infectieuses et l'enfant ne refuse pas l'appui dans la plupart des cas. Le traitement du rhume de hanche est fondé sur le repos articulaire et la prise d'antalgiques si besoin. Il est conseillé de faire une radiographie de contrôle 1 mois après la disparition des symptômes afin de s'assurer que l'épisode d'épanchement n'était pas un signe d'une ostéochondrite de hanche débutante.
Luxation congénitale de hanche La luxation congénitale de hanche ne fait pas typiquement partie du diagnostic différentiel d'une boiterie chez l'enfant, car elle doit être diagnostiquée chez le nourrisson. Néanmoins, nous avons constaté une recrudescence du diagnostic tardif à l'âge de la marche. Si la hanche est luxée d'une façon unilatérale, l'examen clinique montrera une asymétrie d'abduction de hanche, ainsi qu'une inégalité de longueur des cuisses lorsque les hanches et les genoux sont fléchis à 90° en décubitus dorsal (signe de Galeazzi ; fig. 10.9). En général, le diagnostic devient évident après la réalisation d'une radiographie du bassin (fig. 10.10).
FIGURE 10.9 Signe de Galeazzi. Le genou gauche apparaît plus bas à cause du déplacement proximal de la tête fémorale (hanche luxée).
FIGURE 10.10 Radiographie signalant une asymétrie de développement des noyaux d'ossification fémoraux et une empreinte de la tête fémorale luxée sur l'aile iliaque gauche.
Ostéochondrite primitive de hanche (maladie de Legg-Calvé-Perthes) Il s'agit d'une lésion de la tête fémorale causée par un déficit de vascularisation transitoire dont la cause n'est pas connue. Elle touche de préférence les garçons entre 5 et 9 ans et évolue vers la guérison spontanée, mais peut laisser des séquelles (anomalies morphologiques de la hanche) en fonction de l'étendue de la lésion. La manifestation clinique habituelle est la présence d'une boiterie, pouvant être peu évidente au départ car l'enfant alterne phases de boiterie et phases de marche normale (de façon similaire à un rhume de hanche). L'état général est conservé, sans fièvre ni perturbation du
bilan biologique. L'échographie montre un discret épanchement dans la plupart des cas, mais le diagnostic se fait sur la radiographie, mettant en évidence une lésion osseuse de la tête fémorale (fig. 10.11). Le traitement dépend des caractéristiques de la lésion et de l'âge du patient mais, dans tous les cas, nécessite un avis spécialisé.
FIGURE 10.11 Radiographie signalant un aspect irrégulier du noyau d'ossification fémoral. La partie centrale, plus opaque, correspond à une zone de nécrose osseuse.
Épiphysiolyse de hanche L'épiphysiolyse de hanche sera le premier diagnostic à évoquer lors d'une boiterie avec douleur de la hanche ou du genou chez un adolescent. L'origine de cette pathologie est inconnue. Le diagnostic se
fait sur une image radiographique, où l'on observe un glissement vers l'arrière de la tête fémorale sur le col (fig. 10.12). Le traitement se fera dans un centre spécialisé en orthopédie, mais la décharge immédiate du membre atteint est impérative, au risque d'entraîner une aggravation du déplacement de la tête fémorale et des séquelles très importantes pour l'avenir de l'articulation.
FIGURE 10.12 Radiographie signalant un déplacement vers l'arrière de la tête fémorale, typique dans l'épiphysiolyse de hanche.
Pathologie du genou La pathologie articulaire du genou est peu fréquente chez l'enfant, en dehors des arthrites infectieuses. Un épanchement articulaire sans identification de germes, qui ne s'améliore pas sous traitement antibiotique ou bien qui récidive, doit faire penser à une arthrite
d'origine inflammatoire (maladies rhumatismales). Face à des épisodes de blocage articulaire, il faudra penser à la présence d'un ménisque discoïde (malformation congénitale du ménisque latéral) et réaliser une IRM pour le diagnostiquer. La luxation récidivante de la patella peut être la cause d'une consultation pour des douleurs du genou ou encore s'accompagner d'un discret épanchement articulaire. Néanmoins, l'enfant ou les parents sont en général capables d'évoquer un déplacement latéral de la patella, ce qui amène au diagnostic. Dans tous les cas, face à une douleur des genoux dont la cause n'est pas évidente, il faut toujours faire un examen radiologique afin d'éliminer une possible pathologie tumorale. Chez l'adolescent, la pathologie articulaire du genou devient plus fréquente et similaire à celle de l'adulte. Il est assez courant que les jeunes signalent des douleurs sur la face antérieure des genoux, soit localisées sur le pôle inférieur de la patella, soit sur la tubérosité tibiale antérieure. Ce sont des douleurs liées à des sollicitations du tendon patellaire sur des zones du squelette partiellement ossifiées. La présence de cartilage en voie de fermeture facilite l'apparition de microfractures et des avulsions partielles, accompagnées de phénomènes inflammatoires, à l'origine des douleurs. Ces anomalies ne contre-indiquent pas la pratique d'activité physique, sauf si la douleur est importante, auquel cas un arrêt temporaire, une immobilisation du genou et un traitement antalgique et antiinflammatoire peuvent être indiqués. Lorsque la douleur est localisée au niveau de l'interligne articulaire, il faut penser à une pathologie méniscale, surtout si le patient présente des épisodes de blocage articulaire ou de dérobement. La présence d'un kyste poplité peut être décelée lors de l'examen clinique. La radiologie peut mettre en évidence la présence d'une lésion ostéochondrale (fig. 10.13). En absence d'explication, il est conseillé de réaliser une IRM qui permettra de confirmer le diagnostic et surtout d'éliminer des pathologies tumorales.
FIGURE 10.13 Lésion ostéochondrale évocatrice d'une ostéochondrite disséquante du genou.
Problèmes au niveau des pieds En dehors d'une entorse de la cheville, une cause fréquente de boiterie chez le petit enfant est la douleur au niveau du talon (talalgie). L'examen clinique retrouve une gêne lors de la pression sur les faces latérales du calcanéum. La radiographie ne montrera aucune lésion. Ces douleurs sont plus fréquentes chez des enfants très actifs qui passent la journée à courir et à sauter. Il suffit d'amortir un peu l'attaque talonnière avec une talonnette en silicone et la gêne disparaît en quelques semaines. Il n'est pas rare de se retrouver face à un enfant qui boite de temps en temps ou qui se plaint d'avoir mal aux jambes, sans qu'aucune cause ne puisse être retrouvée. Ce n'est qu'après avoir réalisé un examen clinique exhaustif, avec des examens complémentaires (bilan infectieux, radiographie, scintigraphie osseuse) qu'on pourra parler des douleurs dites « de croissance » dont
la vraie étiologie reste inconnue. Chez l'adolescent, des douleurs au niveau de la cheville peuvent être occasionnées par la présence d'une synostose du tarse (fig. 10.14). Les synostoses (calcanéonaviculaire ou subtalaire) résultent de l'ossification d'un pont cartilagineux entre deux os du tarse. Le diagnostic se fait avec l'obtention de radiographies de face, de profil et de trois quarts du pied et, en cas de doute, d'un scanner. Le traitement des synostoses est chirurgical. Les ostéochondrites du talus, du deuxième métatarsien (maladie de Freiberg) ou encore une fracture de fatigue peuvent être des causes de douleur et de boiterie.
FIGURE 10.14 Synostose tarsienne radiologique. Sur la radiographie de profil, le bec calcanéen apparaît allongé (A). Sur une incidence de trois quarts, on met en évidence la présence d'une synostose cartilagineuse entre le naviculaire et le calcanéum (B).
Anomalies de marche d'apparition récente Certaines maladies neurologiques, musculaires, métaboliques et des tumeurs du système nerveux central peuvent être décelées suite à des troubles de la marche. Bien que les causes principales des troubles moteurs chez l'enfant (paralysie cérébrale , malformations du système nerveux central, syndromes d'origine génétique, etc.) soient souvent diagnostiquées pendant les premiers mois de vie, d'autres pathologies moins fréquentes vont se manifester après l'acquisition de la marche. Face à des plaintes parentales concernant la marche de l'enfant, il faut
toujours réaliser un examen clinique minutieux et ne pas hésiter à demander un avis spécialisé, car si la plupart du temps il ne s'agit que de variantes liées au développement de la marche, ces troubles peuvent révéler la présence d'une maladie neurologique. Après l'acquisition de la marche, différents signes cliniques peuvent alerter de l'existence d'un trouble moteur : ● les modifications de la marche (chutes, marche sur la pointe des pieds) ; ● les difficultés pour se relever ou monter les escaliers ; ● les déformations progressives des pieds. La présence de chutes, des modifications de la marche (décollement du talon, élargissement du polygone de sustentation, diminution du périmètre, etc.), l'existence de difficultés pour se relever du sol sont des signes qui évoquent une pathologie neuromusculaire. En général, le diagnostic est fait par un médecin neurologue. Certaines pathologies, comme les infections du système nerveux central, les tumeurs et certaines maladies métaboliques, peuvent être traitées. Un retard dans le diagnostic peut entraîner de graves conséquences pour le pronostic de la maladie. Les déviations des pieds d'apparition récente doivent faire penser à une maladie neurologique. Les deux maladies les plus fréquentes qui entraînent une déviation progressive des pieds en creux sont la maladie de Charcot-Marie-Tooth (Newman et al., 2006) et l'ataxie de Friedreich. La maladie de Charcot-Marie-Tooth est une neuropathie périphérique sensitivo-motrice, pour laquelle une atteinte au niveau des mains est souvent présente. Au niveau des pieds, l'atteinte se caractérise par une insuffisance des muscles éverseurs et des fléchisseurs dorsaux. L'arche plantaire médiale apparaît élevée et raccourcie, avec une griffe des orteils et un hyperappui sur la tête des métatarsiens. Les patients conservent la marche mais uniquement 10 % auront une marche normale. Lors de la marche, le manque de puissance au niveau de la cheville entraîne des compensations au niveau de la hanche (abduction et rotation latérale) afin de faciliter le passage du pas. Également, d'autres anomalies cinématiques sont
observées, typiquement une diminution de flexion du genou et une rotation médiale du segment jambier. La maladie de Friedreich est la forme de dégénérescence spinocérébelleuse la plus fréquente. Le pronostic est sombre, avec perte de la marche vers l'âge de 20 ans. Il existe une atteinte de la sensibilité profonde avec perte d'équilibre, la plupart des patients développent une scoliose et présentent des pieds creux. Le traitement du pied creux peut nécessiter une correction chirurgicale lorsque la déformation devient rigide. Dans un premier temps, le maintien par attelles de nuit est recommandé. La prise en charge se fait en milieu spécialisé.
Troubles de marche d'origine congénitale La paralysie cérébrale est la pathologie principale responsable de troubles moteurs chez l'enfant. Dépendant de la sévérité de la lésion neurologique, le diagnostic peut se faire dans les premiers mois de vie ou après l'âge de la marche, lorsque des anomalies de la démarche se manifestent. Parfois, le motif de consultation est lié à un retard dans l'acquisition de la marche. Il est important d'être capable de faire la différence entre une marche instable, typique de l'enfant très jeune, et une vraie anomalie qui requiert une consultation spécialisée auprès d'un neurologue, voire d'un orthopédiste. Le bilan diagnostic a pour objectif l'identification des possibles causes des troubles moteurs (accident vasculaire cérébral, malformation, etc.), l'élimination de la présence de troubles sensoriels et cognitifs, l'orientation vers une prise en charge correcte, l'information des parents des possibilités de prise en charge médicosociale et l'apport de conseils génétiques.
En résumé
■ Les causes d'une anomalie de marche chez l'enfant sont variées mais celles qui nécessitent une prise en charge urgente sont peu fréquentes. ■ Lorsque l'origine de l'anomalie n'est pas évidente, l'enfant doit être référé vers un service d'orthopédie pédiatrique, si possible, dans les meilleurs délais.
Diagnostic des troubles de marche Examen clinique Anamnèse Une anamnèse détaillée et bien orientée peut suffire pour faire un diagnostic ou, en tout cas, pour orienter les examens complémentaires en vue d'éliminer toute pathologie nécessitant un traitement en urgence. Le caractère aigu ou pas du trouble de marche, la présence de fièvre et l'âge de l'enfant sont des questions clés. Dans certains cas (maladies métaboliques, neurologiques, inflammatoires), la présence d'antécédents dans la famille conduira la démarche diagnostique.
Observation de la marche Le type de marche doit orienter vers les possibles causes des troubles constatés. En général, un enfant présentant une arthrite infectieuse aura tendance à refuser la mise en appui du membre concerné, tandis qu'un enfant présentant un rhume de hanche aura une boiterie qui peut devenir plus manifeste vers la fin de la journée. Les enfants présentant une ostéomyélite, un traumatisme ou une lésion tumorale présentent une boiterie d'esquive afin de diminuer le temps d'appui sur le membre atteint. Les troubles de marche liés à aux pathologies neurologiques congénitales ne s'associent pas, chez l'enfant, à des douleurs et représentent des démarches anormales qui s'installent d'une façon progressive. Par contre, une anomalie de marche indolore d'apparition récente doit faire penser à une étiologie tumorale ou dégénérative. Typiquement, les déformations progressives des pieds
évoquent des pathologies du nerf périphérique.
Examen des membres et de la mobilité articulaire La limitation de la mobilité articulaire représente un signe de pathologie articulaire ou péri-articulaire. Souvent un « blocage » articulaire est présent lorsqu'il existe un épanchement articulaire. L'enfant évite les mouvements actifs et la mobilité passive devient extrêmement douloureuse. Les lésions méniscales, plus fréquentes chez les jeunes, peuvent aussi se manifester par des épisodes de blocage articulaire mais avec un caractère moins aigu et sans les signes inflammatoires typiques des arthrites. Chez l'enfant, les infections des os longs (ostéomyélite) siègent souvent dans la région métaphysaire et la pression à ce niveau réveille une douleur exquise. Chez les petits enfants, malgré un examen minutieux des membres, il peut s'avérer difficile de localiser la douleur à un endroit précis. Dans ce cas, des examens complémentaires tels que la scintigraphie (balayage du squelette entier) peuvent indiquer la localisation de la lésion.
Examen neurologique L'examen de la force musculaire, la sensibilité, les réflexes musculotendineux et la sélectivité permettent de s'orienter vers une pathologie neurologique lorsqu'une cause des troubles de marche n'a pas pu être identifiée avec le reste de l'examen. Si un examen approfondi s'avère nécessaire, il est conseillé d'adresser l'enfant à un neurologue.
Examens complémentaires Biologie Le bilan biologique (numération formule sanguine ou NFS, protéine C réactive, plaquettes, fibrinogène, etc.) permettra de mettre en évidence une altération des paramètres qui accompagnent les processus infectieux–inflammatoires. Sans avoir un caractère spécifique, l'élévation de ces valeurs, avec la présence de fièvre et boiterie, doit faire penser à une infection ostéo-articulaire et doit orienter vers la
mise en place d'un traitement antibiotique.
Techniques d'imagerie Même si l'examen clinique est fortement évocateur d'une pathologie déterminée, il est souvent nécessaire de compléter le bilan diagnostic avec des techniques d'imagerie. La radiographie simple est l'examen d'élection en cas de boiterie accompagnée de douleur. En cas de fièvre et de limitation de la mobilité articulaire, l'échographie permettra de mettre en évidence la présence d'un épanchement articulaire. La scintigraphie est particulièrement utile lorsqu'une localisation précise ne peut être déterminée par l'examen clinique. L'IRM reste l'examen le plus spécifique afin de déterminer la nature d'une lésion.
Ponction articulaire La ponction articulaire est impérative en cas d'épanchement articulaire, avant de mettre en place un traitement antibiotique, afin d'identifier des possibles germes et d'adapter le traitement en fonction. En cas de lésion osseuse non déterminée, une biopsie peut être indiquée, surtout si la lésion a des caractéristiques tumorales.
Apport de l'analyse quantifiée de la marche au diagnostic et à la prise en charge des troubles de marche L'examen quantifié de la marche comporte, en général, un enregistrement vidéo, l'obtention des valeurs des paramètres spatiotemporels, des courbes de cinétique et cinématique et un électromyogramme (EMG) dynamique. Cet examen est devenu un incontournable lorsqu'un traitement est envisagé pour améliorer la marche des patients avec des pathologies neurologiques (Rodda, Graham, Carson, Galea et Wolfe, 2004 ; Winters, Gage et Hicks, 1987). Dans le passé, l'évaluation des troubles de marche de ces patients était fondée sur l'examen clinique sur table, l'observation de la marche et, éventuellement, la réalisation d'un enregistrement vidéo. L'analyse des problèmes était partielle car, sans l'information obtenue à partir
des courbes de cinématique dans les trois plans de l'espace (3D), il est difficile d'apprécier avec détail les anomalies du mouvement dans chaque plan et l'interrelation entre les plans. L'observation des anomalies du mouvement rencontrées dans chaque articulation et dans chaque plan de l'espace a permis d'établir des classifications de la marche des patients atteints d'une paralysie cérébrale (Gage, 2004). L'intérêt d'établir une classification est double : d'une part, faciliter les échanges entre collègues et homogénéiser les populations lors des études scientifiques ; d'autre part, identifier des critères pronostiques qui peuvent orienter les programmes thérapeutiques. En plus de l'analyse descriptive apportée par les données cinématiques, les courbes de cinétique (dynamique) et l'EMG complémentent l'étude du mouvement et permettent de mieux analyser l'origine des anomalies. L'EMG dynamique représente la période d'activité pour un muscle en particulier lors de la marche, par contre, il ne nous donne pas une idée de la force utilisée. Les données EMG doivent être interprétées en parallèle avec les courbes de cinématique, car les anomalies électromyographiques peuvent autant être la cause des déviations cinématiques que représenter des compensations nécessaires face aux troubles du mouvement. La cinétique (moments et puissances) nous parle des forces qui interviennent dans le mouvement. Une cinétique anormale n'est pas forcément synonyme de manque de force, mais peut être en rapport avec une déviation cinématique, une marche lente, une anomalie d'orientation des segments squelettiques (bras de levier), etc. En somme, l'analyse quantifiée de la marche (AQM) ne nous donne pas une explication directe des causes des troubles de marche ni ne nous indique le traitement à réaliser. Par contre, une connaissance approfondie des mécanismes qui interviennent dans le mouvement nous permettra de mieux analyser les problèmes et d'orienter la thérapeutique pour aboutir aux meilleurs résultats possible. En plus d'une évaluation prétraitement, l'AQM reste un outil précieux pour suivre les acquisitions motrices des patients et pour évaluer les résultats après une intervention thérapeutique (DeLuca, Davis, &unpuu, Rose et Sirkin, 1997 ;
Narayanan, 2007).
En résumé
■ Le diagnostic des troubles de marche chez l'enfant est fondé sur l'examen clinique. ■ La présence d'une boiterie récente, accompagnée de fièvre et douleur nécessite un bilan diagnostic approfondi et une prise en charge en milieu spécialisé. ■ En l'absence de diagnostic, il faudra revoir l'enfant en consultation et répéter des examens complémentaires tant que les symptômes persistent. ■ L'examen d'analyse de la marche est un outil d'évaluation particulièrement efficace pour l'évaluation et le traitement des troubles d'origine neurologique.
Interprétation des résultats La figure 10.15 est un outil d'aide à l'interprétation des résultats.
FIGURE 10.15 Arbre décisionnel diagnostique devant un trouble de la marche chez l'enfant.
Traitement des troubles de la marche Le traitement des anomalies de la marche est spécifique, adapté en fonction de la cause de l'anomalie. L'objectif de ce chapitre n'est pas d'approfondir les différents traitements mais il nous a paru intéressant de signaler certains principes concernant l'orientation thérapeutique. Il est particulièrement important de ne pas différer le traitement lorsque des séquelles pourraient survenir, comme c'est le cas des infections, des tumeurs ou encore d'une épiphysiolyse de hanche. Le traitement d'une cause infectieuse nécessite un traitement antibiotique dans les meilleurs délais, même avant que le diagnostic ne soit confirmé (dans un certain pourcentage de cas, le résultat bactériologique restera négatif et seule l'amélioration des symptômes et du bilan biologique confirmera le diagnostic). Néanmoins, devant la présence d'un épanchement intra-articulaire et si l'enfant présente un bon état général, la mise en place d'un traitement antibiotique se fera après avoir effectué un prélèvement afin d'avoir un maximum de chances d'identifier un possible germe. Dans le cas d'une lésion tumorale, le délai thérapeutique peut être la
conséquence d'une absence de diagnostic et avoir des conséquences graves. Il ne faut jamais hésiter à faire une radiographie dans le cas d'un enfant ou d'un adolescent qui présentent des douleurs, surtout unilatérales, des membres inférieurs. D'autres pathologies comme l'épiphysiolyse de hanche peuvent entraîner des déformations importantes et compromettre l'avenir fonctionnel de l'articulation. Dans ce cas, dès que le diagnostic du moindre déplacement de la tête fémorale est fait, le membre atteint doit être mis en décharge complète dans l'immédiat et le patient hospitalisé dans un service spécialisé afin de recevoir un traitement adapté. Parfois, le traitement a pour but d'éviter ou de corriger des déformations articulaires ou des os longs. L'ostéochondrite primitive de hanche (maladie de Legg-CalvéPerthes) évolue spontanément vers la guérison. Par contre, la tête fémorale peut devenir très déformée, en fonction de l'étendue de la zone dévascularisée. L'objectif du traitement dans ce cas n'est pas de « guérir » mais d'essayer de maintenir le rapport articulaire pour que, malgré la possibilité de déformation résiduelle de la tête fémorale, la hanche reste congruente. L'ostéochondrite peut débuter par des épisodes d'épanchement articulaire, sans que la lésion osseuse ne soit évidente sur la radiographie. Pour cette raison, il convient de réaliser une radiographie de contrôle 1 mois après le diagnostic d'un épanchement articulaire, même si dans la plupart de cas, il s'agit d'un rhume de hanche. Certaines maladies métaboliques s'accompagnent de déformations squelettiques au niveau des membres. Ces déformations peuvent être réversibles avec un traitement médicamenteux adapté, comme dans certaines formes de rachitisme, et ne nécessitent pas un traitement orthopédique. Il est nécessaire de connaître l'histoire naturelle des déformations osseuses dans chaque maladie pour savoir si une intervention chirurgicale peut être à envisager afin d'éviter une aggravation des déformations et des retentissements sur le développement et la marche de l'enfant. Les troubles de marche liés à des problèmes neurologiques méritent une discussion à part. La démarche diagnostique et thérapeutique n'a
pas, en règle générale, un caractère d'urgence. Le diagnostic de ces troubles a pour objet de connaître l'histoire naturelle des troubles orthopédiques, d'apporter des conseils génétiques et d'établir un projet thérapeutique pour accompagner les acquisitions motrices, promouvoir l'autonomie et préserver les capacités fonctionnelles et la marche. La paralysie cérébrale représente la pathologie neurologique la plus fréquente en rapport avec des troubles de marche chez l'enfant. Le traitement requiert une approche globale des besoins de l'enfant et de la famille et pas uniquement centrée sur les problèmes moteurs. Les décisions thérapeutiques doivent être prises dans un contexte pluridisciplinaire et idéalement par des professionnels avec une formation spécifique à ce type de pathologies. Chez le petit enfant, le traitement a pour but la prévention des troubles orthopédiques (rétractions musculaires et déformations osseuses) et la kinésithérapie, les attelles de posture et de fonction, ainsi que l'appareillage de marche font partie de la prise en charge habituelle chez ces enfants. Le traitement des conséquences de la lésion neurologique (spasticité, mouvements anormaux) fait partie des outils thérapeutiques et doit s'inscrire dans la prise en charge globale. Les médicaments tels que le baclofène et la toxine botulinique sont actuellement les plus utilisés pour faciliter le travail de rééducation, le port des attelles et pour lutter contre les rétractions musculaires et articulaires. Malgré une prise en charge adéquate, la croissance reste un élément qui favorise la présence de spasticité et le développement des troubles orthopédiques. La chirurgie orthopédique est très souvent nécessaire pour corriger ces anomalies et préserver les caractéristiques fonctionnelles de la marche à l'âge adulte. Dans le passé, des traitements isolés sur certains muscles et souvent répétés au cours de la croissance ont amené à des résultats décevants, avec perte de capacité musculaire et détérioration de l'équilibre global. Le développement des techniques d'analyse de la marche pendant les années 1990 a permis de mieux comprendre les mécanismes qui interviennent dans le mouvement et l'influence des troubles orthopédiques dans la marche. L'importance de corriger toutes les anomalies lors d'un seul programme opératoire (chirurgie
multisite) a été largement démontrée dans la littérature. Ces programmes chirurgicaux doivent impérativement être suivis par des séjours en centre de rééducation fonctionnelle afin d'optimiser les résultats.
Conclusion Les troubles de la marche chez l'enfant ont des multiples causes. Une boiterie peut être la manifestation clinique d'un épanchement réactionnel de la hanche, d'une infection ostéo-articulaire ou d'une tumeur de la moelle épinière. Le diagnostic peut être évoqué par l'examen clinique et confirmé par des examens complémentaires. Face à une boiterie dont la cause n'est pas retrouvée, il ne faut pas hésiter à revoir l'enfant en consultation et à répéter le bilan initial. Une consultation avec un neurologue ou avec un chirurgien orthopédiste en milieu spécialisé peut être indiquée. L'intérêt du diagnostic est d'éliminer des pathologies qui nécessitent un traitement en urgence et d'identifier d'autres causes pouvant conduire à un conseil génétique et à un accompagnement thérapeutique à long terme. La prise en charge thérapeutique a pour objectif d'éviter des séquelles qui pourraient retentir sur la fonction articulaire et l'autonomie de la marche.
Points clés Face à un trouble de la marche chez l'enfant : ■ la réalisation d'un examen clinique minutieux et des examens complémentaires si besoin permet d'établir un diagnostic des possibles causes ; ■ connaître les caractéristiques de la marche et du développement moteur chez l'enfant est indispensable afin d'identifier des variantes normales et repérer des anomalies ; ■ envoyer l'enfant en consultation spécialisée si l'anomalie
persiste et si la cause n'est pas évidente ; ■ le traitement doit s'adresser à la cause du trouble de la marche mais doit aussi préserver et optimiser l'état fonctionnel du patient.
Entraînement
QCM 1 Un enfant de 4 ans est amené en consultation car il « rentre ses pieds » et il « tombe souvent ». La cause la plus probable serait : A. une faiblesse musculaire B. une tumeur médullaire C. une torsion tibiale médiale D. un excès d'antéversion fémorale
QCM 2 Un enfant de 5 ans est amené en consultation car il présente une boiterie accompagnée de fièvre depuis 24 h. Quelle serait la démarche diagnostique à effectuer ? A. réaliser un examen clinique et une radiographie des hanches B. réaliser un examen clinique et une échographie des hanches C. réaliser un examen clinique et un bilan biologique D. réaliser un examen clinique, un bilan biologique, une radiographie et une échographie des hanches
QCM 3 Un enfant de 8 ans est amené en consultation car il présente une boiterie sans fièvre depuis 1 mois. Il n'existe pas d'antécédent traumatique. Quel serait le premier diagnostic à évoquer ?
A. une arthrite infectieuse B. un rhume de hanche C. une ostéochondrite de hanche D. une épiphysiolyse de hanche
QCM 4 Un garçon de 13 ans est amené en consultation car il présente une boiterie depuis des mois. Il se plaint de douleur au niveau du genou gauche. Quelles seraient les explorations complémentaires à faire ? A. une radiographie du genou B. une IRM du genou C. une radiographie de la hanche D. une radiographie du genou et de hanche
QCM 5 Face à un enfant de 10 ans qui se présente en consultation pour des difficultés de marche qui évoluent depuis 1 semaine et dont nous ne retrouvons pas la possible cause, quelle serait la conduite à tenir ? A. le revoir en consultation dans une semaine B. l'adresser en consultation de neurologie C. réaliser un examen d'analyse de la marche D. réaliser une IRM du cerveau et de la moelle épinière
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PA R T I E I I I
Évaluation clinique et nouvelles applications thérapeutiques
C H A P I T R E 11
Évaluation clinique de la marche : de l'enfant au sujet âgé A. Delafontaine; A. Pallot; R. Artico; A. Fontaine
PLAN DU CHAPITRE Examen clinique de la marche de l'enfant Examen clinique de la marche de l'adulte Examen clinique de la marche du sujet âgé
Focus
■ Objectifs pédagogiques : – connaître les échelles spécifiques d'évaluation en gériatrie ; – savoir discerner au cours d'un examen clinique de la marche chez l'enfant les signes d'alerte devant mener à une consultation médicale spécialisée ; – connaître et savoir mettre en place une méthodologie de diagnostic. ■ Objectifs professionnels : – savoir appliquer les méthodologies du raisonnement hypothético-déductif pour rechercher les causes ; – connaître les spécificités de l'examen clinique de la marche de l'enfant. ■ Evidence based : – l'évaluation de la marche de l'enfant doit être répétée car elle évolue spontanément au cours du développement de celui-ci ; – l'examen de la marche de la personne âgée nécessite l'utilisation d'échelles validées pour quantifier l'examen.
Examen clinique de la marche de l'enfant Les boiteries et troubles de la marche représentent un motif fréquent de consultation en pédiatrie. Le kinésithérapeute, aussi bien en libéral qu'en milieu hospitalier, peut être confronté à cette éventualité. Dans quelles circonstances ? L'enfant peut être adressé au
kinésithérapeute pour un bilan de la marche et/ou rééducation, ou encore les parents peuvent le solliciter directement. Il est également possible que l'anomalie se révèle au cours d'une prise en charge autre (par exemple, observation d'un retard d'acquisition de la marche dans le cadre d'une prise en charge pour bronchiolite). Différents cas de figure peuvent être observés : un retard d'acquisition de la marche, des défauts observés dès les premiers pas de l'enfant ou d'apparition progressive, ou encore l'apparition soudaine d'une boiterie. En effet, il existe une grande diversité des causes de boiterie et troubles de la marche observée en pédiatrie (Seringe, 2002 et voir fig. 10.7). Cela implique la nécessité pour tout kinésithérapeute au contact d'enfants de savoir mener un examen clinique de la marche pédiatrique, afin de pouvoir : ● repérer les urgences thérapeutiques ; ● orienter au besoin vers un autre professionnel de santé ; ● proposer une rééducation adaptée au problème évalué. Le matériel nécessaire est présenté à la figure 11.1.
FIG. 11.1 Matériel : mètre ruban (A), goniomètre (B), fil à plomb (C), toise (D), pèse-personne (E), chronomètre (F), thermomètre (G), podoscope (H).
Observation libre, écoute et interrogatoire L'accueil et l'interrogatoire de l'enfant et de ses parents sont l'occasion pour le thérapeute d'observer librement le patient :
● positions spontanément adoptées (debout, assis, appuis sur un support…) ; ● gestes et mouvements ; ● déplacements (si l'enfant arrive en marchant, c'est l'occasion de l'observer sans qu'il ne se sente « évalué ») ; ● autonomie (au travers du déshabillage) ; ● interactions avec les parents, avec le thérapeute ; ● communication verbale et/ou non verbale. Le simple fait d'écouter attentivement la plainte de l'enfant et/ou de ses parents permet en général d'identifier le motif de la consultation : retard d'acquisition de la marche, boiterie d'apparition récente, douleur ou fatigue à la marche… À partir de cette information, le thérapeute peut orienter l'interrogatoire et le bilan. Il est donc primordial d'écouter les descriptions de problèmes tels qu'exposés par l'enfant et ses parents (tableau 11.1) : leurs discours sont-ils concordants ? Mettent-ils en évidence une inquiétude exacerbée des parents ? L'enfant camoufle-t-il un traumatisme ? Tableau 11.1 Guide d'interrogatoire en cas de consultation pour boiterie ou trouble de la marche de l'enfant Motif du bilan
Plainte exprimée
Informations à rechercher
Systématique : signes généraux associés (fièvre, asthénie…) Retard d'acquisition de « Mon enfant la marche ne marche pas encore » « Il ne se déplace qu'à 4 pattes »
– Antécédents familiaux de marche tardive : arbre généalogique, consanguinité, retard de langage, troubles d'apprentissage, déficience mentale – Autour de la naissance : déroulement de la grossesse, prématurité, conditions de l'accouchement – Environnement socio-familial : origine ethnique, profession des parents, place dans la fratrie, contexte socio-affectif et relationnel – Histoire du développement psychomoteur de l'enfant : âge de tenue de tête, de station assise, de station debout, déplacements, motricité fine, interactions et langage, régression d'acquisitions antérieures
– Comportement de l'enfant : caractère calme ou hyperactif, alimentation, qualité du sommeil Trouble de la marche observé dès les premiers pas ou d'apparition progressive
« Mon enfant marche mal/il chute/il s'essouffle vite » « Je tombe souvent dans la cour de récréation »
– Antécédents familiaux de troubles de la marche : rhumatismes inflammatoires, génétiques – Autour de la naissance : attitude vicieuse à la naissance, torticolis, malposition des pieds – Antécédents personnels : âge d'acquisition de la marche, apparition/évolution de l'anomalie observée – Manifestations de fatigue : essoufflement, vitesse de marche – Chutes : nombre/jour/semaine/mois, circonstances – Attitude spontanée : station assise, position la nuit – Retentissement fonctionnel : usure anormale des chaussures
Boiterie aiguë/d'acquisition récente
« Mon enfant refuse de marcher/de se mettre debout » « J'ai mal au genou/à la hanche/au pied »
– Antécédents personnels – Circonstances d'apparition (traumatisme, injection intramusculaire…) – Comportement de l'enfant – Retentissement fonctionnel
Examen clinique de l'appareil locomoteur de l'enfant L'examen clinique en lien avec un trouble de la marche chez l'enfant doit porter sur l'ensemble des membres inférieurs et du rachis. Il peut se dérouler en présence ou non du parent accompagnant, en fonction de l'âge et de la volonté de l'enfant/adolescent. Il doit être mené de manière à gagner l'adhésion du patient. Rassurer un enfant et gagner sa confiance passe nécessairement par rassurer ses parents, notamment en établissant le dialogue avec eux. C'est la particularité de la relation soignant/soigné en pédiatrie. Toujours dans le but de gagner la confiance de l'enfant, l'ordre de l'évaluation établi ci-dessous pourra être modulé, tout en y apportant un caractère ludique.
Examen clinique en position debout L'enfant est pieds nus et en sous-vêtements. Courbes de développement staturo-pondéral Tout examen clinique en pédiatrie implique la mesure de la taille et du poids de l'enfant. En effet, les courbes de développement staturopondéral reflètent son état global de santé global. Elles permettent de : ● le comparer aux normes attendues selon l'âge et le sexe ; ● observer la régularité de la croissance et de la prise de poids (par exemple, un nanisme psychoaffectif se traduira par une cassure de la courbe, alors qu'une petite taille familiale aura une croissance harmonieuse) ; ● alerter en cas de décrochage brutal d'une des deux courbes. Un enfant qui arrête de grandir et/ou de grossir est suspect de maladie sévère. Le décrochage de poids, suivi de la taille évoquera une pathologie digestive, tandis que le décrochage primaire de la taille évoquera une cause endocrinienne. Observation de la position debout spontanée L'observation de la statique debout est menée de manière méthodique et systématique : soit des pieds à la tête, soit de la tête aux pieds. La consigne donnée est de se tenir debout immobile, les bras le long du corps et de regarder droit devant. L'enfant adopte la position des pieds qui lui convient (tableau 11.2). Tableau 11.2 Observation de la position debout De face
De dos
De profil
– Angle de progression des – Arrière-pieds (varus/valgus) pieds (interne, externe ou neutre)
– Pied à plat ou non, flexion plantaire ou flexion dorsale de l'articulation talo-crurale
– Orientation des patellas
– Récurvatum ou flexion de genoux
– Alignement des plis de flexion des genoux
– Alignement des membres inférieurs (genu valgum ou genu varum) – Position relative des EIAS – Asymétrie du pli de taille – Forme du thorax (en entonnoir, en carène) – Alignement des épaules
– Position relative des EIPS
– Extension ou flexion de hanches, anté-/rétroversion du bassin
– Anomalie visible de la colonne vertébrale (gibbosité ?)
– Observation des courbures sagittales : lordose lombaire, cyphose thoracique, lordose cervicale
– Inclinaison et orientation des scapulas (abduction, adduction, sonnette interne ou externe)
– Orientation de la tête, orientation du regard
EIAS : épine iliaque antéro-supérieure ; EIPS : épine iliaque postéro-supérieure.
N.B. : une photographie de l'enfant debout de face, de dos, de profil, permettra de garder trace de sa position statique à l'instant t. Elle sera un point de comparaison pour les bilans ultérieurs et permettra d'observer son évolution au cours de la croissance. Signes d'alerte au cours de l'examen clinque debout ? ● Toute asymétrie. ● Statique posturale non corrélée avec l'âge de l'enfant. ● Refus d'appui sur un des membres inférieurs. Examen podoscopique Différents types d'empreintes plantaires peuvent être observés au podoscope, classées selon trois stades de sévérité pour les pieds plats et les pieds creux (fig. 11.2 ; Carlioz et Seringe, 2005). Les pieds plats valgus sont physiologiques chez l'enfant de moins de 4 ans. Chez l'enfant plus âgé, les pieds plats sont soit : ● « souples » et bénins : on évalue la réductibilité du pied plat en demandant à l'enfant de se mettre sur la pointe des pieds ou par une mobilisation de l'hallux en hyperextension chez le
petit enfant ne sachant pas se mettre sur la pointe des pieds. On observe alors dans les deux cas une varisation de l'arrièrepied et un creusement de l'arche interne. Les facteurs favorisants le pied plat bénin chez l'enfant de plus de 4 ans sont l'obésité, l'hyperlaxité, des tendons d'Achille courts ou encore une antétorsion fémorale accentuée ; ● « raides » et douloureux avec une pathologie sous-jacente.
FIG. 11.2 Différents types d'empreintes plantaires observées au podoscope. L'examen clinique du pied plat de l'enfant retrouve également une usure accentuée des chaussures sur le bord interne du talon, des entorses de cheville à répétition, un valgus tibio-calcanéen (> 8°). Quel que soit l'âge de l'enfant, le pied creux varus doit toujours faire suspecter une pathologie neurologique sous-jacente (dysraphisme médullaire, maladie de Charcot-Marie-Tooth, myopathie…).
Examen clinique au repos sur table En fonction de l'âge de l'enfant et de ses appréhensions éventuelles, l'examen clinique se déroulera soit sur un tapis posé au sol, soit sur table d'examen. Observation générale
● Prendre la température de l'enfant (exclusion de bon nombre d'urgences thérapeutiques). ● Observation de l'attitude spontanée au repos. La position allongée adoptée spontanément par l'enfant est observée de manière dirigée (des pieds à la tête ou de la tête aux pieds) et comparée à la position anatomique de référence (Amiel-Tison, 2008). Cela permet de mettre en évidence : – une attitude antalgique ; – des contractions musculaires pathologiques (par exemple, une attitude en adduction de hanche révèle un trouble de la balance de force des muscles abducteurs/adducteurs) ; – des mouvements anormaux ; – toute malformation congénitale évidente de l'appareil locomoteur (pied bot varus équin, agénésie d'un rayon). ● Observation discrète des stades de développement pubertaire (caractères sexuels secondaires selon Tanner). Elle permet de positionner l'enfant sur sa courbe de croissance et d'évaluer la croissance résiduelle du rachis et des membres inférieurs. ● Mesure de la longueur des membres inférieurs : existe-t-il une inégalité de longueur des membres inférieurs (ILMI) constitutionnelle ? Effectuer pour cela la mesure centimétrique de la distance entre l'épine iliaque antéro-supérieure (EIAS) et la malléole interne au mètre ruban. N.B. : une ILMI peut être cause de boiterie si elle est de grande amplitude ; si elle est inférieure à 3 cm, l'enfant sera capable de compenser et garder un cycle de marche harmonieux. ● Examen cutané, trophique et vasculaire. L'examen des parties molles recherche : – signes d'inflammation localisée : chaleur, rougeur ; – signes externes de traumatisme : plaie, hématome… ; – œdème : centimètrie, signe du godet, test du choc rotulien ; – trophicité musculaire : amyotrophie générale ou
localisée, hypertrophie ; – signes de dysraphisme du rachis : touffe de poils ou tâche pigmentée en regard de la colonne vertébrale. Examen orthopédique : amplitudes articulaires et longueurs musculaires Le tableau 11.3 regroupe, par position, les principaux éléments de l'examen orthopédique et articulaire de l'enfant consultant pour troubles de la marche. Cette manière de procéder présente l'avantage de limiter les déplacements et retournements de l'enfant (procurant davantage de confort pour le patient et un gain de temps pour le thérapeute). Ces éléments de bilan sont réalisés de manière comparative en bilatéral (Bérard, 2008 ; Carlioz et Seringe, 2005 ; Mousny, 2016). Tableau 11.3 Spécificités de l'examen clinique de la marche de l'enfant Longueurs musculaires Articulation et amplitudes articulaires (à vitesse lente V1 et à vitesse rapide V3) Allongé sur le dos Talo-crurale Mobilisations du pied : attention, ossification tardive des os du pied du nourrisson et souplesse du pied de l'enfant. Toute mobilisation vers la flexion dorsale nécessite de maintenir l'arrière-pied axé (calcanéum tracté entre pouce et index) afin que celui-ci ne se dérobe pas en valgus ou en varus ou de créer une laxité du médio-pied (fig. 11.3A)
Genou
– Tests de stabilité du genou : tiroir antérieur/postérieur, laxité médiale/latérale –Évaluation du récurvatum de genou : prise sur la palette des métatarsiens, contre-prise sur l'extrémité distale du fémur, mesure
Mesure goniométrique de la flexion dorsale : – genou fléchi (FDGF) pour évaluer la longueur et le tonus du muscle soléaire – genou tendu (FDGT) pour la longueur et le tonus des muscles gastrochnémiens N.B. : une manœuvre de décontraction des MI peut être nécessaire en contexte neurologique – Mesure de l'angle poplité : à partir d'une flexion de hanche à 90°, contre-prise sur le fémur controlatéral pour éviter toute compensation en
l'extrémité distale du fémur, mesure éviter toute compensation en centimétrique de la distance rétroversion du bassin, talon/table ⇒ hyperlaxité physiologique de mesure goniométrique de l'extension de genou. Si angle l'enfant – Évaluation de la hauteur de rotule : mesure poplité > 30°, mise en centimétrique de la distance entre la pointe de la évidence d'une rétraction des rotule et l'interligne fémoro-tibiale, à 30° de ischio-jambiers (fig. 11.3C) flexion de genou (ascension possible en cas – Mesure de l'angle poplité à d'hypertonie du muscle droit fémoral) (fig. 11.3B) 30° de flexion de – Observation du morphotype frontal des MI en hanche ⇒ évaluation de la décharge : possibilité d'approche du ● genu valgum : mesure centimétrique de la pied au sol par le talon, distance intermalléolaire (genoux serrés) genou tendu ● genu varum : mesure centimétrique de la distance intercondylienne (pieds serrés) N.B. : un aspect en genu varum avec strabisme rotulien convergent peut être lié à une antéversion fémorale accentuée. Dans ce cas, la correction de la convergence des patellas par RE des MI corrige le faux genu varum ⇒ évolution au cours de la croissance du morphotype des MI (voir chapitre 4) Hanche
– Limitation en abduction ⇒ luxation congénitale de hanche ? – Limitation douloureuse en adduction et RI ⇒ synovite aiguë transitoire ? épiphysiolyse de hanche ? – Test de Galeazzi : MI en crochet, pieds à plat sur la table. Mesure centimétrique de la différence de hauteur entre les deux genoux (peu discriminatif car une asymétrie de hauteur des genoux peut révéler une anomalie de l'articulation coxofémorale, une asymétrie du bassin, une différence de longueur du segment fémoral…, fig. 11.3D)
Mesure goniométrique de l'abduction : – hanche fléchie genou fléchi pour l'évaluation de la longueur et du tonus des muscles adducteurs monoarticulaires – hanche tendue genou tendu pour l'évaluation de la longueur et du tonus du muscle gracile
Allongé sur le ventre Pied
– Observation du pied en décharge, en flexion de Évaluation de l'hypertonie des genou à 90° muscles tibial postérieur et – Observation des arrières-pieds : mesure fibulaires goniométrique du varus/valgus. Puis rechausser l'arrière-pied, c'est-à-dire réduire la bascule du calcanéum, afin d'observer l'avant-pied (fig. 11.3E) – Mesure goniométrique de l'axe des métatarsiens (metatarsus adductus ?). Pour un pied normo-axé, la bissectrice du talon passe entre l'axe du 2e et du 3e métatarsien
Segment
Évaluation de la torsion tibiale : en flexion de genou à
Segment tibial
Évaluation de la torsion tibiale : en flexion de genou à 90°, mesure goniométrique de l'angle entre l'axe bimalléolaire et l'axe bicondylien (fig. 11.3F)
Genou
Ely test : mesure goniométrique de la flexion de genou (évaluation de la longueur et de la spasticité du droit fémoral). Contre-prise sacrée, pour éviter toute compensation en élévation du bassin (fig. 11.3G) ⇒ anomalie en phase oscillante ?
Segment crural
Évaluation de l'antéversion du col fémoral par la méthode de Netter : genou fléchi à 90°, prise à l'extrémité distale du segment tibial, contre-prise sacrée, les doigts longs sur le grand trochanter. Mobilisation de la hanche vers la RI jusqu'à sentir la saillie maximale du grand trochanter qui roule sous les doigts. On mesure alors l'angle formé entre le segment tibial et la verticale (fig. 11.3H) ⇒ un excès d'antéversion fémorale se manifeste par une prédominance de la RI sur la RE
Hanche
Mesure goniométrique des rotations de hanches : asymétrie gauche/droite ? Décalage du volant d'amplitude entre RI et RE (fig. 11.3I)
Allongé sur le côté Hanche
Mesure goniométrique de l'extension (MI controlatéral en flexion de hanche maximale afin d'éviter toute compensation en antéversion du bassin) : – genou fléchi pour évaluer la longueur et le tonus du muscle droit fémoral – genou tendu pour évaluer la longueur et le tonus du muscle ilio-psoas
MI : membre inférieur ; RE : rotation externe ; RI : rotation interne.
FIG. 11.3 Spécificités de l'examen clinique de la marche de l'enfant. Les longueurs musculaires sont testées à vitesse lente (V1) puis à vitesse rapide (V3), afin d'observer la présence ou non de spasticité.
Le saviez-vous ? L'examen clinique sur table au repos peut masquer certaines anomalies n'apparaissant que lors de la marche en charge contre pesanteur (équin dynamique, retard de flexion de genou en phase oscillante…).
Examen clinique du rachis de l'enfant Évaluation de l'équilibre du bassin en position debout Le thérapeute est derrière le patient et place ses deux mains sur les crêtes iliaques de celui-ci. Il apprécie la hauteur relative de chaque crête iliaque. En cas d'obliquité pelvienne issue d'une ILMI, elle pourra être corrigée avec une cale sous le pied du membre inférieur le plus court (fig. 11.4 ; Mousny, 2016).
FIG. 11.4 Correction à l'aide d'une cale de l'obliquité pelvienne liée à une inégalité de longueur des membres inférieurs. Source : Mousny, M., (2016). Examen clinique en orthopédie pédiatrique : ce que le médecin généraliste doit savoir. En ligne : http://www.louvainmedical.be/sites/default/files/content/article/pdf/lmed052016-04-mousny_m.pdf.
Évaluation des courbures rachidiennes dans le plan sagittal Les courbures rachidiennes sont évaluées grâce à la mesure des flèches lombaires et cervicales. On peut observer une augmentation, un effacement, ou une inversion des courbures physiologiques (lordose lombaire, cyphose dorsale, lordose cervicale ; Carlioz et Seringe, 2005). Test en flexion antérieure du tronc d'Adam En position debout, on demande au patient de réaliser une flexion antérieure du tronc, genoux en extension. Le thérapeute observe le rachis « à jour frisant ». L'apparition d'une gibbosité (saillie unilatérale des côtes et de la musculature) thoracique ou lombaire signe la présence d'une rotation vertébrale. Le diagnostic de scoliose vraie (déformation dans les trois plans de l'espace) nécessite des radiographies du rachis. Ce test peut être effectué en position assise (sans appui ni des membres inférieurs ni des membres supérieurs) en cas de difficulté à maintenir la station debout, rétraction des ischiojambiers, obliquité pelvienne, ou encore ILMI… Tests de réductibilité La réductibilité de toute anomalie rachidienne observée doit être testée : ● en actif par étirement axial actif (« tiens-toi bien droit », « regarde loin devant ») ; ● en passif (test de traction vers le haut, test en inclinaison latérale). Une anomalie réductible de manière autonome par l'enfant sera le plus souvent d'origine posturale. Une anomalie non réductible et raide devra être évaluée et réévaluée à la recherche d'une pathologie sous-jacente.
Le saviez-vous ? En pédiatrie, l'examen du rachis doit être systématique, quel que soit le motif de consultation. Une déformation du rachis peut s'installer de manière insidieuse sans plaintes de l'enfant. Signes d'alerte devant mener à une consultation spécialisée : ■ raideur du rachis/non-réductibilité ; ■ gibbosité (témoin d'une rotation vertébrale) ; ■ douleur.
Évaluation de la fonction musculaire et examen neuromoteur L'évaluation analytique de la fonction motrice est un examen long et minutieux, nécessitant une bonne compréhension des consignes, de la concentration et l'adhésion de l'enfant. En fonction de l'âge et du niveau cognitif de l'enfant, l'évaluation de la fonction musculaire (tonus, force et contrôle moteur) s'effectue au travers de l'observation des niveaux d'évolution motrice (NEM). De manière schématique, on pourra pratiquer pour un enfant (Bérard, 2008) : ● de moins de 5 ans, une observation des NEM ; ● de plus de 5 ans ne présentant pas de troubles cognitifs, une évaluation analytique de la fonction musculaire. Évaluation analytique de la fonction musculaire : cotation de la force musculaire et sélectivité de la commande La cotation de la force musculaire est effectuée de manière bilatérale (voir fig. 6.5). Attention, toute boiterie peut être le premier signe d'une pathologie neurologique (dégénérative ou acquise). La sélectivité de la commande motrice est évaluée par l'échelle du contrôle moteur
sélectif ou CMS (encadré 11.1). Encadré 11.1
Échelles de cotation de la force musculaire et de la sélectivité de la commande Cotation de la force musculaire 0. = aucune manifestation de contraction 1. = pas de mouvement décelable, mais contraction perçue du tendon ou du corps musculaire 2. = mouvement faible sans l'action de la pesanteur 3. = mouvement effectué contre pesanteur 4. = mouvement contre résistance 5. = mouvement normal
Échelle de 0 à 2 de cotation du contrôle moteur sélectif (CMS) CMS 0 = pas de CMS, minime contraction CMS 0,5 = contraction et mouvement minime et/ou beaucoup de co-contractions CMS 1 = mauvais contrôle sélectif, commande dissociée, mouvement limité, co-contraction possible CMS 1,5 = CMS correct mais défaut de fluidité ou limitation dans les mouvements (co-contraction) CMS 2 = CMS parfait, contraction et muscle approprié
Le saviez-vous ?
Certaines actions simples permettent d'évaluer la force de groupes musculaires clés de façon plus ludique et intuitive : ■ force des abdominaux : allongé sur le dos venir s'asseoir, sans aide des membres supérieurs ; ■ force et endurance des muscles érecteurs du rachis : allongé sur le ventre, décoller le tronc, bras en abduction ; ■ force des muscles extenseurs des membres inférieurs : se relever d'une chaise sans aide des membres supérieurs ; ■ force et endurance des muscles extenseurs du membre inférieur porteur et stabilisateurs du bassin : station debout en unipodal ; ■ force et endurance des muscles triceps suraux : marche sur la pointe des pieds ; ■ force et endurance des muscles releveurs : marche sur les talons.
Évaluation globale de la fonction musculaire : observation des niveaux d'évolution motrice Installé au tapis, les mouvements et déplacements spontanés de l'enfant sont observés et décrits : retournements, reptation, déplacements à quatre pattes, à genoux dressés, relevé du sol vers la position debout… Ces différents stades moteurs sont évalués de manière qualitative (aisance, fluidité du mouvement, stabilité, symétrie…) et mis en relation avec les capacités neuromotrices attendues pour un enfant du même âge (Amiel-Tison et Gosselin, 2010 ; Le Métayer, 2010 et voir chapitre 4). Afin d'inciter l'enfant à montrer le maximum de ses capacités motrices, le kinésithérapeute utilisera : des guidages sonores, visuels, tactiles et des manœuvres de facilitation neuromotrice. Le jeu prendra une place essentielle au cours de cette évaluation, permettant de capter l'attention de l'enfant sur la tâche motrice effectuée.
Évaluation de la douleur de l'enfant
Il sera difficile pour un enfant d'exprimer, de localiser et de décrire sa douleur, d'autant plus qu'il sera jeune. L'évaluation de la douleur en pédiatrie implique alors de : ● observer l'enfant : position antalgique, manifestation de retrait ou d'abandon ; ● prendre le temps d'écouter l'enfant, de communiquer avec lui et d'expliquer simplement en tenant compte de son niveau de compréhension ; ● établir une relation de confiance avec l'enfant, mais aussi avec ses parents ; ● utiliser une échelle validée, adaptée à l'âge et à la situation ; ● réévaluer régulièrement la douleur en utilisant la même méthode d'évaluation au cours de la prise en charge d'un même patient. L'auto-évaluation est toujours à privilégier lorsqu'elle est possible. L'hétéro-évaluation permet d'objectiver et de quantifier la douleur de l'enfant lorsque l'auto-évaluation n'est pas possible (encadré 11.2 et fig. 11.5 ; HAS, 2000). Encadré 11.2
Échelles pédiatriques d'hétéro- et autoévaluation de la douleur De 0 à 4 ans : hétéro-évaluation comportementale • Nouveau-né à terme ou prématuré : EDIN • EVENDOL (pour toute douleur, aiguë ou prolongée, de 0 à 7 ans)
De 4 à 6 ans : auto-évaluation • + confirmation par hétéro-évaluation comportementale
• Échelle des visages (FPS-R) • EVENDOL
À partir de 6 ans : auto-évaluation • EVA pédiatrique • Échelle numérique à partir de 8 ans • Localisation de la douleur : schéma du bonhomme • Caractérisation de la douleur : questionnaire DN4 DN4 : Douleur neuropathique en 4 points ; EDIn : échelle de douleur et d'inconfort du nouveau-né ; EVA : échelle visuelle analogique ; EVENDOL : échelle d'évaluation enfant douleur ; FPSR : faces pain scale–revised.
FIG. 11.5 Aider l'enfant à objectiver sa douleur. N.B. : la douleur chronique de l'enfant peut avoir des répercussions sur son développement psychomoteur et psycho-affectif.
Connaître les drapeaux rouges À l'issue de l'interrogatoire et de l'examen clinique, le kinésithérapeute doit être capable d'identifier les drapeaux rouges
en lien avec un trouble de la marche de l'enfant impliquant de l'orienter vers une consultation médicale ou hospitalière. ■ Urgences absolues : – fièvre (> 37,5 °C), douleur ⇒ infection ostéo-articulaire ? – altération de l'état général, amaigrissement, sueurs et réveils nocturnes ⇒ tumeur maligne ? – signes neurologiques d'apparition soudaine. ■ Urgences relatives : – douleur persistante et/ou intense ; – impotence fonctionnelle absolue ⇒ épiphysiolyse aiguë de hanche ? – gonflement articulaire ou voussure localisée ⇒ traumatisme ? ■ Attention : différentes pathologies de hanche de l'enfant peuvent provoquer des douleurs projetées au genou (ostéochondrite primitive de hanche, épiphysiolyse fémorale supérieure).
Analyse visuelle et instrumentée de la marche de l'enfant L'analyse de la marche a pour but d'objectiver les troubles de la marche et d'essayer de comprendre comment et pourquoi un mouvement anormal se produit. Les outils d'analyse de la marche de l'enfant sont nombreux et variés (Penneçot, 2009). La figure 11.6 les classe en trois grandes catégories, en allant de bas en haut : ● du plus rudimentaire au plus sophistiqué ; ● du plus simple au plus complexe d'utilisation ; ● du plus abordable au plus coûteux.
FIG. 11.6 Outils d'analyse de la marche de l'enfant. L'analyse instrumentée, quelle que soit la méthode utilisée, permet aussi de garder trace des caractéristiques de la marche d'un enfant à un instant donné et peut être utilisée comme élément de comparaison de son évolution au cours du temps.
Analyse visuelle et vidéographique de la marche de l'enfant Analyse visuelle de la marche de l'enfant L'analyse visuelle de la marche de l'enfant se déroule dans un espace calme et suffisamment étendu pour permettre de marcher en ligne droite sur une distance minimum de 10 m. La piste de marche est limitée dans l'espace, par la présence d'une signalétique ou d'un objet indiquant le « départ » et l'« arrivée ». L'enfant est pieds nus et en sous-vêtements. En fonction de son âge, la consigne pourra être de « marcher jusqu'à la peluche » ou encore de « marcher jusqu'à maman ». Il doit alors avancer à vitesse spontanée, en regardant
devant lui. Le thérapeute décidera du nombre d'aller-retour nécessaire en fonction de la variabilité de la marche et de la fatigabilité de l'enfant. Différentes modalités de marche pourront ensuite être observées et comparées à la marche pieds nus à vitesse spontanée : ● à vitesse lente/rapide ; ● avec chaussures/semelles/attelles ; ● avec main tenue/canne béquille/déambulateur. Analyse vidéographique de la marche de l'enfant L'analyse vidéo de la marche implique l'utilisation de deux caméras numériques synchronisées. Elle est filmée sur environ 10 m, d'une part de face + profil, d'autre part de dos + profil. Les données des deux caméras sont synchronisées par ordinateur. Il est alors possible d'analyser la marche, en s'aidant du zoom, du ralenti ou de la fonction image par image (fig. 11.7).
FIG. 11.7 Évaluation filmée de la marche par deux caméras numériques synchronisées face/profile.
Méthode d'analyse L'analyse visuelle de la marche nécessite une méthode standardisée avec la sélection des instants clés du cycle de la marche (attaque du pas, milieu d'appui, phase oscillante), l'observation de la position de chaque articulation, et l'analyse séparée des trois plans de l'espace. Il est primordial de donner un sens à l'observation : des pieds à la tête ou de la tête aux pieds (voir fig. 11.6 et 11.7). L'analyse filmée de la marche a pour avantages d'être utilisable en pratique clinique courante (tableau 11.4), car peu coûteuse, facile et rapide à mettre en place. L'analyse par le praticien est relativement aisée et rapide, et ne nécessite pas de formation complémentaire. Chaque film peut être archivé dans le dossier informatisé du patient, et constitue un élément de comparaison, permettant d'objectiver une dégradation ou une amélioration des capacités de marche au cours du temps. Cette trace vidéo est un élément de comparaison au cours de la croissance de l'enfant pour les professionnels de santé, mais aussi accessible aux familles et aux enfants eux-mêmes. Tableau 11.4 Méthode standardisée d'analyse visuelle de la marche aux instants clés du cycle Observation globale Boiterie de hanche ? d'épaule ? esquive d'appui ? Anté-/rétropulsion du tronc ? Orientation du regard ? Ballant/position des membres supérieurs Variabilité ? Embardées latérales ? Observation des instants clés du cycle de marche Gauche Attaque du pas Milieu d'appui Phase oscillante
Droite
Observation orientée dans les trois plans de l'espace
L'analyse filmée de la marche présente certaines limites. Tout d'abord, la vidéo rend difficile l'observation des mouvements dans le plan transversal (rotations). Aussi, Kawamura et al. ont mis en évidence en 2007 une mauvaise fiabilité de l'analyse de la marche visuelle en comparaison avec l'analyse instrumentée de la marche (Kawamura et al., 2007). Ce type d'évaluation présente une faible reproductibilité intra-individuelle et interindividuelle (Kim et al., 2011).
Mesure des paramètres spatio-temporels de la marche de l'enfant Les paramètres spatio-temporels (PST) de la marche permettent de la caractériser de manière globale par son déroulement dans l'espace et dans le temps. Les principaux paramètres spatiaux sont le pas, la longueur du pas, la longueur d'enjambée, l'angle de progression du pas, la largeur du pas. Les principaux paramètres temporels sont la vitesse de marche, le temps d'appui unipodal et le temps d'appui bipodal. Ils permettent de décrire les performances et l'efficacité de la marche ou de déceler une asymétrie entre les deux membres inférieurs. Outils de mesure des PST La vitesse de marche peut aisément être mesurée avec un simple chronomètre et un mètre ruban. Les locomètres et tapis de marche tels que le GAITRite® nous donnent rapidement accès aux paramètres spatiaux et temporels de la marche, à la symétrie et à la variabilité des pas. Il existe aussi de simples systèmes embarqués équipés d'accéléromètres et d'inclinomètres qui permettent de recueillir ces données, pour un encombrement réduit. Comparaison aux valeurs attendues pour des enfants du même âge et normalisation des données Les PST évoluent en fonction de la taille et de l'âge de l'enfant (voir chapitre 4). Les paramètres observés doivent donc être comparés aux
valeurs attendues pour un enfant du même âge. La normalisation des données par la longueur des membres inférieurs permet d'observer l'évolution des paramètres spatiaux en s'affranchissant de l'évolution liée à la croissance naturelle de l'enfant (Gouelle, Leroux, Bredin et Mégrot, 2015 ; Moreno-Hernandez, Rodriguez-Reyes et QuininesUriostegui, 2010).
Analyse quantifiée de la marche de l'enfant L'analyse quantifiée de la marche (AQM) est reconnue comme l'évaluation de référence de la marche saine et pathologique. Elle permet de rechercher et de comprendre les mécanismes responsables des phénomènes pathologiques. Elle fournit quatre types de données : les PST, la cinématique, la dynamique et l'électromyogramme (EMG). On y associe aussi le plus souvent une vidéo fonctionnelle de la marche et éventuellement la mesure de la consommation d'énergie à la marche par l'index de dépense énergétique (calculé par le rapport de la fréquence cardiaque après 5 minutes de marche et de la vitesse de marche sur cette même distance) (Quentin, Meurin, Achache, Fiszman et Renaud, 2005). Cependant l'AQM présente certaines limites en rapport avec la population pédiatrique. En effet, elle ne peut pas être réalisée si l'enfant est trop jeune, non coopérant, incapable d'effectuer un déplacement reproductible, ou si sa déambulation est dépendante d'une aide humaine ou technique. Aussi, comme tout examen d'analyse de la marche, l'AQM visualise une marche « artificielle », souvent appliquée, bien loin de la réalité de la cour de récréation, des terrains en pente et des obstacles, des bruits et des dangers de la rue. Il est alors utile d'observer également l'enfant en situation de vie quotidienne.
Échelles et tests fonctionnels pédiatriques Différentes échelles et tests fonctionnels permettent d'évaluer la marche de l'enfant et plus globalement ses capacités motrices et son autonomie (tableau 11.5).
Tableau 11.5 Échelles et tests fonctionnels utilisés dans le cadre de troubles de la marche chez l'enfant Population cible
Échelle
Description
Développement psychomoteur
Denver developmental screening test (ou test de Denver)
Évaluation et suivi du développement des aptitudes psychomotrices. Composée de 105 observations regroupées en 4 grandes catégories : motricité globale, motricité fine, langage et sociabilité (Frankenburg, Dodds, Archer, Shapiro et Bresnick, 1992)
Marche
Test de marche 6 minutes (TM6M)
Évaluation et suivi de la plus grande Enfants et distance parcourue sur une piste de 20 adolescents ou 30 m en 6 min. Normes pour les enfants et adolescents disponibles dans la littérature
Timed up and go (TUG) modifié
Évaluation et suivi de la « mobilité fonctionnelle ». Adaptation pédiatrique du TUG pour adultes : tâche plus concrète, instructions répétées pendant la tâche (Williams, Carroll, Reddihough, Phillips et Galea, 2005)
Index de dépense énergétique (IDE)
Évaluation et suivi du coût énergétique de Enfants et la marche. Il est calculé à l'occasion adolescents d'une marche régulière et spontanée pendant 5 min (rapport de la fréquence cardiaque et de la vitesse de marche sur cette même distance) (Cristol et Bérard, 1998)
Équilibre
Pediatric balance scale (PBS)
Adaptation pédiatrique de la Berg balance scale. Évaluation et suivi de l'équilibre fonctionnel qui repose sur l'observation de la performance de 14 mouvements habituels de la vie quotidienne (Franjoine, Gunther et Taylor, 2003)
Fonction motrice globale
Gross motor function classification
Classification en 5 stades de sévérité des Enfants et capacités de posture et de déplacement adolescents de l'enfant atteint de paralysie atteints de
Nourrissons et enfants de la naissance à 6 ans
Enfants et adolescents
Enfants et adolescents (déficit léger à modéré de l'équilibre)
system (GMFCS) Évaluation motrice fonctionnelle globale (EMFG-88 et EMFG-66)
Autonomie
cérébrale (Palisano, 1997)
paralysie cérébrale
Évaluation et suivi de la fonction motrice de l'enfant en situation de handicap. Cinq rubriques sont évaluées : la position couchée et les retournements (A), la position assise (B), quatre pattes et à genoux (C), la station debout (D), la marche, la course et le saut (E) (Russell et al., 1989)
Enfant de moins de 12 ans en situation de handicap moteur (paralysie cérébrale, trisomie 21, ostéogenèse imparfaite, réveil de coma)
Mesure de Adaptation pédiatrique de la MIF pour l'indépendance adultes. Évaluation et suivi de fonctionnelle l'autonomie pour les activités de la vie pour l'enfant quotidienne (Charmet, Bethoux, (MIF-Mômes) Calmels, Gautheron et Minaire, 1996)
Enfant en situation de handicap
Éléments de réflexion diagnostique kinésithérapique autour de l'évaluation des troubles de la marche de l'enfant Retard d'acquisition de la marche Si la marche autonome n'est pas encore acquise à 18 mois, on parle de retard d'acquisition de la marche. L'examen neuromusculaire s'attache à observer la motricité spontanée et la symétrie de ses mouvements, le tonus global du tronc et des membres, les NEM et les modes de déplacement adoptés. Il est important de distinguer retard de développement (les acquisitions suivent lentement la séquence développementale habituelle) et trouble de développement (caractérisé par une désorganisation de la séquence développementale). Alors que le retard est le plus souvent réversible (engendré par un manque de stimulation ou une maladie organique ralentissant les apprentissages), les troubles de développement prennent leur origine dans la période périnatale et sont fréquemment associés à un dysfonctionnement cérébral non évolutif de type paralysie cérébrale
(Accardo et Capute, 2008 ; Amiel-Tison et Gosselin, 2010). Deux informations sont à recueillir en priorité : ● y a-t-il eu une régression des acquisitions ? Pathologie neurodégénérative (myopathie, amyotrophie spinale infantile…) ; ● le retard de développement de l'enfant est-il isolé (n'intéressant qu'une sphère de développement : moteur, cognitif ou langage) ou global (associant au moins deux sphères de développement : moteur et/ou cognitif et/ou langage) (Accardo et Capute, 2008 ; Amiel-Tison et Gosselin, 2010) ? Un retard d'acquisition de la marche isolé peut s'expliquer par des causes orthopédiques (séquelles de luxation congénitale de hanche, dysplasie de hanche, pieds bots varus équin…) ou être révélateur d'une pathologie plus générale (cardiopathie, insuffisance thyroïdienne). Mais le plus souvent, le retard ou trouble du développement observé sera plus global du fait de l'interdépendance des différentes sphères du développement. Enfin, toute anomalie sensorielle (trouble de la vue ou cécité, surdité partielle ou totale) sera susceptible de se répercuter sur le développement moteur et global de l'enfant (Accardo et Capute, 2008 ; Amiel-Tison et Gosselin, 2010).
Retard d'acquisition de la marche (à partir de 18 mois) : conduite à tenir ■ Ne pas inquiéter inutilement les parents. ■ Réévaluer souvent : diagnostic dynamique. ■ En kinésithérapie : stimulations sensori-motrices variées et appropriées. ■ Orienter (pédiatre, centre d'action médico-sociale précoce) pour dépistage/correction des troubles sensoriels : – si troubles du tonus et retard dans les NEM ; – si retard global (bilan étiologique).
Marche digitigrade La marche digitigrade de l'enfant est physiologique jusqu'à l'âge de 3 ans (Sutherland, Olshen, Cooper et Woo, 1980). Cependant, elle disparaît au profit de la marche plantigrade au terme de la première année de marche autonome (voir chapitre 4). La figure 11.8 permet de distinguer les principales causes de la marche digitigrade de l'enfant, survenue dès l'acquisition de la marche autonome ou dans les 3 à 6 mois suivants (Armand, Watelain, Roux, Mercier et Lepoutre, 2007 ; Roubertie, Mercier et Humbertclaude, 2010).
FIG. 11.8 Principales causes de marche digitigrade chez l'enfant. Source : d'après Armand, S., Watelain, E., Roux, E., Mercier, M., & Lepoutre, F.-X., (2007). Linking clinical measurements and kinematic gait patterns of toe-walking using fuzzy decision trees. Gait Posture, 25, 475–84 et Roubertie, A., Mercier, M., & Humbertclaude, V., (2010). Marche sur la pointe des pieds. Pas à Pas en Pédiatrie.
Conséquences orthopédiques des troubles neurologiques de l'enfant en croissance Les troubles neurologiques pédiatriques congénitaux ou acquis (paralysie cérébrale, traumatisme crânien, accident vasculaire cérébral ou AVC…) engendrent avec la croissance de l'enfant des rétractions musculaires, des diminutions des amplitudes articulaires et des déformations des os longs. Ces anomalies, appelées secondaires, aboutissent le plus souvent à une dégradation de leurs capacités de déambulation à l'adolescence. Les anomalies tertiaires comprennent les différents mécanismes de compensation mis en place par l'enfant afin d'optimiser ses capacités motrices et fonctionnelles (fig. 11.9 ; Quentin et al., 2005 ; Viehweger, Karger, Bérard et Penneçot, 2011). Il est primordial d'adopter une méthodologie d'analyse permettant de distinguer les anomalies constitutives (primaires et secondaires) des anomalies compensatoires (tertiaires). L'examen clinique des membres inférieurs et l'analyse de la marche apparaissent alors comme absolument indissociables et complémentaires pour la compréhension et la prise en charge des troubles de la marche de ces enfants.
FIG. 11.9 Conséquences orthopédiques des
troubles neurologiques de l'enfant en croissance. Les « pieds qui tournent » en dedans ou en dehors Les troubles rotationnels des membres inférieurs chez l'enfant constituent un motif fréquent de consultation en pédiatrie (tableau 11.6 ; Jacquemier et al., 2008). Les troubles de torsion des segments fémoraux et tibiaux sont le plus souvent d'origine idiopathique. Leurs conséquences sur le cycle de marche sont avérées mais on ne connaît pas le lien de cause à effet avec l'arthrose des articulations des membres inférieurs. Tableau 11.6 Troubles rotationnels des membres inférieurs observés chez l'enfant Facteurs favorisants
Mécanismes en cause
Pistes de corrections fonctionnelles
Pieds qui tournent Position assise en W en en dedans RI de hanche Fréquent avant Position nocturne 6 ans, évolution sur le ventre en RI spontanée des MI, talons possible jusqu'à tombant vers la fin de la l'extérieur croissance
Genoux et pieds en dedans – Encourager la RI de hanche (asymétrie du position assise volant d'amplitude en rotation en tailleur par persistance d'une antéversion – Marche en importante du col fémoral) correction externe forcée Genoux de face et pieds en dedans (skis, palmes), Antétorsion fémorale normale, patinage torsion tibiale externe nulle ou insuffisante OU Persistance de métatarsus adductus mais articulations susjacentes normales
Pieds qui tournent en dehors Apparition après l'âge de 10 ans, le plus souvent dans un contexte
Genoux et pieds en dehors Asymétrie du volant de rotation en faveur de la RE, antétorsion fémorale normale, torsion tibiale externe exagérée, affaissement de la voûte plantaire en pied plat
– Encourager la position assise talons, talons vers l'extérieur – Chaussures à contrefort rigide
genoux en dedans et pieds en dehors
– Marche pieds nus à la
d'hyperlaxité
Position assise en tailleur en RE de hanche Position nocturne sur le dos en RE des MI (la pesanteur faisant tomber les avant-pieds vers l'extérieur)
l'extérieur)
dehors Antétorsion fémorale exagérée, torsion tibiale externe exagérée
nus à la maison, sur la plage
MI : membre inférieur ; RE : rotation externe ; RI : rotation interne ; W : position assise en genu varum formant un « W ».
Orientation diagnostic des boiteries et troubles de la marche de l'enfant en fonction de l'âge L'âge de l'enfant consultant pour boiteries ou troubles de la marche permet d'orienter l'examen clinique de celui-ci (fig. 11.10 ; Vialle, 2011).
FIG. 11.10 Étiologie des boiteries et troubles de la marche de l'enfant en fonction de l'âge.
En résumé
■ L'examen clinique de la marche de l'enfant doit présenter un
caractère ludique et être adaptée à son âge et niveau de compréhension, afin d'obtenir son adhésion. ■ L'évaluation de la marche de l'enfant doit être répétée car elle évolue spontanément avec la maturation du système nerveux central et la croissance (voir chapitre 4). Le plus souvent, les troubles observés sont susceptibles de se corriger et de se compenser naturellement au cours de la maturation osseuse et neurologique. Cependant ils peuvent aussi être les premiers signes d'une pathologie plus grave qu'il est important de dépister. ■ À l'issue de l'interrogatoire et de l'examen clinique, le kinésithérapeute doit être capable d'identifier les drapeaux rouges en lien avec un trouble de la marche de l'enfant impliquant de l'orienter vers une consultation médicale ou hospitalière. Attention, les boiteries et troubles de la marche peuvent être révélateurs de nombreuses pathologies pédiatriques. ■ L'analyse de la marche de l'enfant a pour but d'objectiver et de comprendre une boiterie ou un trouble du mouvement, afin d'orienter le traitement ou la rééducation. Elle peut être visuelle ou instrumentée.
Examen clinique de la marche de l'adulte Introduction L'analyse visuelle de la marche est très utilisée dans la pratique rééducative. Lord, Halligan et Wade (1998) émettent l'idée qu'elle est à la fois un critère de jugement (pouvant suivre les évolutions et évaluer l'efficacité du traitement mis en place) et un outil diagnostique afin d'identifier des signes et/ou des symptômes pouvant nécessiter une prise en charge. Baker précise que l'analyse clinique de la marche est réalisée afin de permettre de sélectionner le traitement le plus adapté (incluant la possibilité de ne pas faire d'intervention/traitement), en se
fondant sur un ou plusieurs des points suivants (Baker, 2006) : ● le diagnostic entre les entités pathologiques ; ● l'évaluation de la sévérité, de l'étendue et de la nature de la pathologie ; ● le suivi des progrès en présence ou en l'absence d'intervention ; ● la prédiction du résultat de l'intervention (ou de l'absence d'intervention). Néanmoins, l'analyse visuelle est subjective et pourrait être un outil avec une fiabilité et une validité faibles (Toro, Nester et Farren, 2003). Les techniques instrumentales d'analyse de la marche peuvent, elles, fournir des mesures cinématiques tridimensionnelles quantitatives et des informations sur l'activité électrique musculaire. Cependant, elles restent restreintes à une utilisation en laboratoire du fait de leur prix et du niveau de compétences nécessaires à leur utilisation (Toro et al., 2003). La marche est une fonction souvent altérée dans diverses pathologies, surtout musculo-squelettiques et neurologiques. Elle est une composante très fréquente des activités et participations (Levine, Richards et Whittle, 2012). Du fait de cette fréquence, le thérapeute sera souvent amené à évaluer l'éventuelle perte de cette fonction. Les méthodes visuelles de cette analyse sont nombreuses et volontiers évaluateur-dépendantes. En effet, peu de données existent dans la littérature concernant le déroulement de l'analyse visuelle de la marche. Certaines soulignent le fait que l'analyse visuelle n'est pas assez précise et « rate » des altérations que les systèmes plus élaborés enregistrent (Levine et al., 2012). Cela est cependant à nuancer : quelle est la taille de l'effet de ces altérations, captées par des systèmes sophistiqués, sur la clinique du patient ? sur son ressenti à la marche ? Est-ce que toutes ces « altérations » sont forcément impactantes sur la clinique de la marche ? Nous allons proposer une analyse visuelle de la marche, sûrement non exhaustive, pouvant être abonnie par les rajouts de chacun.
L'analyse visuelle de la marche est la forme la plus simple d'analyse de la marche. Toutefois elle souffre de limitations importantes dont l'évaluateur doit avoir conscience (Levine et al., 2012) : ● elle est transitoire et ne donne pas d'enregistrements permanents (en temps réel) ; ● l'œil ne peut pas observer des événements à vitesse rapide ; ● on ne peut observer que des mouvements, pas des forces ; ● elle dépend entièrement des compétences de l'évaluateur ; ● elle est subjective et il peut être difficile d'éviter les biais de l'évaluateur si le patient est en traitement ; ● les sujets peuvent se mouvoir différemment lorsqu'ils savent qu'ils sont regardés (effet Hawthorne) ; ● l'environnement en clinique ou en laboratoire peut être très différent du monde réel.
Déroulement L'analyse visuelle de la marche fait partie de l'examen clinique. Malgré tout, cette analyse ne se cantonne pas à regarder un sujet marcher. En effet, la marche met en jeu la cinématique, et donc les articulations, les muscles et la coordination. Si un problème est décelé, il est primordial d'aller vérifier ces paramètres pour en détecter l'éventuelle implication. Pour mener au mieux cette analyse, nous détaillons les points importants à considérer. Sujet déshabillé : le sujet est de préférence le plus déshabillé possible. Les vêtements, surtout amples, empêchent une exploration visuelle correcte. Ils peuvent soit cacher les mouvements, soit induire de fausses interprétations. Zone longue et dégagée : – plus la distance à parcourir sera importante, plus le patient pourra se laisser aller à sa marche naturelle. S'il n'a la place que de quelques pas, la distance de marche « croisière » sera courte, voire inexistante, et
le praticien ne pourra évaluer que l'initiation et la décélération de la marche ; – une zone dégagée permet au praticien de pouvoir se mouvoir n'importe où autour du patient. Ceci permet d'analyser la marche sous le plus grand nombre d'angles et de distances possibles (très rapproché pour se focaliser sur une articulation, plus éloigné pour observer globalement ; en statique ou en dynamique). Alignement et perpendicularité visuels : afin d'étudier au mieux une cinématique, qu'elle soit globale ou analytique, le mieux est de se placer perpendiculairement au plan du mouvement et à son niveau/sa hauteur (éviter les plongées et contre-plongées, à part pour l'analyse dans le plan horizontal). En effet, ceci permet de se prévenir des biais de projection pouvant amener à de fausses interprétations. Étudier les trois plans : il est important de ne délaisser aucun plan de l'espace lors de l'analyse (dont celle-ci se fait perpendiculairement au plan), même le transversal/horizontal. C'est d'ailleurs le plus complexe à étudier du fait de la difficulté à se placer au-dessus du sujet. Néanmoins, en utilisant ici la plongée, il est possible de pallier partiellement cette difficulté. Pour y remédier davantage, l'installation d'un miroir au-dessus d'un « couloir » de marche peut permettre à l'évaluateur de suivre les mouvements dans le plan horizontal. Aides de marche et orthèses : la présence d'une ou de plusieurs aides de marche et/ou orthèses doit être spécifiée, en rapportant leur nature, leur fonction et le mode d'utilisation qu'en a le sujet. Vitesse de marche : à part pour étudier spécifiquement certaines modalités, la vitesse de marche la plus pertinente à analyser est celle de confort pour le sujet.
Évaluations connexes
Évaluation articulaire Si une ou plusieurs articulations sont suspectées comme cause d'une altération de la marche, il est important de vérifier l'amplitude passive disponible. Le tableau 11.7 récapitule les amplitudes nécessaires à la marche normale. Tableau 11.7 Amplitudes nécessaires à la marche normale (Willems, Schepens et Detrembleur, 2012) Mouvements
Hanche
Genou
Cheville
Flexion
30°
60°
20°
Extension
10°
0°
20°
Abduction/valgus
10°
Non rapportée
Non rapportée
Adduction/varus
10°
Non rapportée
Non rapportée
Rotation latérale/pronation
10°
Non rapportée
Non rapportée
Rotation médiale/supination
5°
Non rapportée
Non rapportée
Évaluation musculaire À l'instar de l'évaluation articulaire, si un ou plusieurs muscles sont suspectés comme cause d'une altération de la marche, il est nécessaire de réaliser un examen musculaire en concentrique et en excentrique. En effet, lors de la marche, les muscles se contractent la plupart du temps dans ces deux modes successivement. L'activité des principaux muscles en fonction du type de contraction est résumée dans la figure 11.11. Afin de les coter au mieux, il est intéressant de prendre également en compte le secteur articulaire dans lequel la contraction des muscles intervient. Qualitativement, une activité anormale du tonus doit être également évaluée (hypertonie spastique, hypertonie plastique, hypotonie…). Celle-ci pourrait être également la cause d'une altération de la marche.
FIG. 11.11 Pattern temporel type des muscles du membre inférieur au cours d'un cycle de marche de 4 km/h. Une contraction concentrique est présentée en couleur claire et une contraction excentrique en couleur foncée. Source : Willems, P.A., Schepens, B., & Detrembleur, C. (2012). Marche normale. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris). Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation, 26-007-B-75.
Évaluation neuromusculaire Au-delà de la possibilité de contraction musculaire analytique, concentrique et/ou excentrique, l'important est surtout que le sujet utilise ces contractions lors de la marche. En effet, en fonction de certaines pathologies, le patient pourrait avoir une évaluation musculaire analytique correcte mais ne pourrait pas la replacer dans la coordination d'une activité plus complexe. Il est donc important de vérifier la sensibilité profonde statesthésique et kinesthésique de zones qui seraient hypothétiquement incriminées dans l'altération de
la marche, ainsi qu'un déficit de coordination en dehors de déficits analytiques musculaire et articulaire.
Évaluation de la marche Pour évaluer au mieux la marche, il faut avoir en tête la cinématique normale du schéma de marche (voir chapitre 5 la décrivant). En effet, que vous partiez du bas pour remonter vers le haut, ou inversement, le principe est d'analyser visuellement dans les trois plans (frontal, sagittal et transversal) les éléments suivants. Aspect spatial global : – Le sujet a son tronc penché dans un ou plusieurs plans ? Si oui, est-ce dû au rachis et/ou à la hanche ? – A-t-il un balancement correct des membres supérieurs ? – A-t-il une attitude particulière sur l'un (ou les deux) de ses membres inférieurs (flexum, récurvatum, abductum, adductum…) ? – Présente-t-il une longueur des pas identique des deux côtés ? – Présente-t-il un demi-pas antérieur et postérieur des deux côtés ? – Est-ce que le transfert d'appui apparaît correct ? – Quel est le périmètre de marche ? – Quel est son résultat au test de marche de 6 minutes et au test de 10 mètres ? Aspect temporel global : – Est-ce que le temps de phase d'appui et de phase oscillante est similaire des deux côtés ? – Quelles sont sa vitesse et sa cadence ? Identification de boiteries connues : Décelez-vous une boiterie connue (voir chapitre 10 pour description) ? Déroulement articulaire : – Est-ce que le déroulé (débattement) de chaque articulation, dans chaque plan, est normal ?
– Existe-t-il des mouvements réduits de certaines articulations ? – Existe-t-il des mouvements excessifs de certaines articulations ? À ce stade, il est important d'essayer de comprendre si certaines altérations de cinématiques (diminution ou exagération d'amplitude) sont la conséquence compensatoire d'autres cinématiques altérées du fait d'une déficience. Par exemple, un déficit des releveurs du pied (laissant la cheville en flexion plantaire) peut être compensé pendant la phase oscillante par un fauchage/circumduction de hanche et/ou une flexion exagérée de genou et/ou de hanche. Attention, les combinaisons compensatoires sont nombreuses, variées et pas forcément systématiques. Instabilité articulaire : Existe-il une instabilité articulaire dans le plan frontal, sagittal et/ou transversal ? Des outils d'analyse visuelle de la marche existent, ils permettent d'aider l'observateur à coter cette fonction. Dans leur revue systématique, Toro et al. (2003) listent les outils suivants, en rapportant leurs données clinimétriques : – naked eye tool physician rating scale (PRS) ; – HWGLS (version modifiée de la PRS) ; – oberservational gait scale (OGS, version modifiée de la PRS) ; – rivermead visual gait assessment ; – Benesh movement notation (BMN) ; – Waterloo gait profile ; – Rancho Los Amigos system ; – video-based tools Edinburgh visual gait score ; – segment rotation indicators. Pour avoir un point de comparaison normatif concernant la vitesse de marche de votre patient en fonction de sa décade et de son genre, le tableau 11.8 présente les résultats de la méta-analyse issue de l'article de Bohannon et Williams (2011). Par ailleurs, il est essentiel de
connaître le changement minimum cliniquement important pour le patient (minimum clinically important difference ou MCID). Cet indice, qui peut être calculé de différentes manières, apporte la valeur du changement minimum nécessaire de la variable suivie (par exemple, la vitesse de marche est l'une des plus utilisées dans l'examen de la marche) pour induire une évolution clinique perceptible/intéressante par/pour le patient sur une variable d'intérêt (par exemple, mieux monter les escaliers). Tableau 11.8 Moyenne de la vitesse chez le sujet sain en fonction de l'âge et du genre (méta-analyse de Bohannon et Williams, 2011) Sexe et âge (en années)
Nombre Nombre Vitesse de d'articles de sujets marche (n) (n) (cm/seconde)
Gamme des moyennes (95 % IC)
Homogenéité Q (P)
Homme (20 à 29)
10
155
135,8 (127,0 à 144,7)
121,7 à 147,4
3,255 (0,953)
Homme (30 à 39)
5
83
143,3 (131,6 à 155,0)
132,0 à 153,8
1,169 (0,883)
Homme (40 à 49)
4
96
143,4 (135,3 à 151,4)
127,0 à 147,0
2,609 (0,625)
Homme (50 à 59)
6
436
143,3 (137,9 à 148,8)
112,2 à 149,1
4,721 (0,580)
Homme (60 à 69)
12
941
133,9 (126,6 à 141,2)
103,3 à 159,0
15,217 (0,294)
Homme (70 à 79)
18
3671
126,2 (121,0 à 132,2)
95,7 à 141,8
12,848 (0,914)
Homme (80 à 99)
10
1091
96,8 (83,4 à 110,1)
60,8 à 122,1
4,159 (0,940)
Femme (20 à 29)
11
180
134,1 (123,9 à 144,3)
108,2 à 149,9
5,307 (0,870)
Femme (30 à 39)
5
104
133,7 (119,3 à 148,2)
125,6 à 141,5
0,785 (0,940)
Femme (40 à
7
142
139,0 (133,9 à 141,1)
122,0 à 142,0
5,666 (0,579)
49)
Femme (50 à 59)
10
456
131,3 (122,2 à 140,5)
110,0 à 155,5
12,291 (0,266)
Femme (60 à 69)
17
5013
124,1 (118,3 à 130,0)
97,0 à 145,0
11,515 (0,932)
Femme (70 à 79)
29
8591
113,2 (107,2 à 119,2)
83,0 à 150,0
16,775 (0,998)
Femme (80 à 99)
17
2152
94,3 (85,2 à 103,4)
55,7 à 117,0
11,428 (0,954)
IC : intervalle de confiance ;
Le tableau 11.9 rapporte ces données issues de la revue systématique de Bohannon et Glenney (2014). Tableau 11.9 MCID (AUC) pour la vitesse de marche (Bohannon et Glenney, 2014) MCID (AUC) pour Pathologie la vitesse de Critère d'amélioration clinique marche (en m/s) Fracture de hanche
Diagnostic varié
Accident
0,10 (0,59)
Perception du patient de l'amélioration de la difficulté autodéclarée à monter un escalier (sur la SF36, toute amélioration)
0,26 (0,53)
Perception du patient de l'amélioration de la difficulté autodéclarée à monter un escalier (sur la SF36, amélioration importante)
0,13 (0,61)
Perception du patient de l'amélioration de la difficulté autodéclarée à marcher un bloc (une centaine de mètres, sur la SF36, toute amélioration)
0,26 (0,64)
Perception du patient de l'amélioration de la difficulté autodéclarée à marcher un bloc (une centaine de mètres, sur la SF36, amélioration importante)
0,10 (non décrit)
Diminution d'au moins 2,5 s au timed up and go
0,12 (0,72)
Jugement du changement du patient
0,10 (0,78)
Changement dans l'assistance nécessaire
0,18 (0,65)
Changement dans le matériel nécessaire
0,14 (0,91)
Changement dans la classification de la marche
0,13 (0,77)
Amélioration de deux (ou plus) niveaux d'assistance
vasculaire cérébral
Sclérose en plaques
nécessaire 0,17 (0,80)
La cotation globale de changement par le patient
0,19 (0,58)
La cotation globale de changement par le thérapeute
0,16 (0,69)
Changement sur le score à la modified Rankin scale
0,14 (0,69)
Perception du patient du changement de l'état de santé (sur la SF36)
0,08 (0,64)
Perspective de changement du clinicien (sur la expanded disability status scale)
AUC : area under the curve ; MCID : minimum clinically important difference ; SF36 : questionnaire short form (36) health survey.
Examen clinique de la marche du sujet âgé Introduction La marche est reconnue comme étant un bon indicateur du niveau de santé général chez la personne âgée (Pirker et Katzenschlager, 2017). L'examen clinique de la marche du sujet vieillissant est fondamental, car il permet de prévenir la perte de la marche et donc de prévenir la perte d'autonomie. L'analyse de la marche permet d'observer le patient dans une activité fonctionnelle, de dépister la fragilité ou encore le risque de chute. Elle permet également de mesurer l'évolution fonctionnelle du patient et la qualité de la rééducation grâce aux échelles et tests standardisés.
Rechercher la ou les causes de la perte d'activité L'objectif de l'examen clinique est de chercher à comprendre ce qui cause la perte d'activité, le handicap du patient pour pouvoir améliorer la qualité de son traitement. Pour cela, il faut employer une méthodologie diagnostique fondée sur l'observation et un raisonnement hypothético-déductif. Malgré les faiblesses de l'examen observationnel (manque de reproductibilité, opérateur-dépendant…), l'examen diagnostic de la
marche du sujet vieillissant se fondera sur celui-ci. En effet, étant donné que les déficits touchant les personnes âgées sont nombreux, commencer par mesurer tout ce qui ne correspond pas à une norme (en termes d'amplitude articulaire, de force musculaire…) n'est pas envisageable. Le clinicien accumulerait un trop grand nombre de données qui seraient par la suite difficile à démêler et surtout trop longues à collecter. Pour limiter les biais ou erreurs lors de l'examen, nous appliquons une méthodologie fondée sur la formulation d'hypothèses et la validation de ces dernières par des tests objectifs. À la méthodologie diagnostique et à la recherche de la cause, s'associe la quantification des capacités de mobilité de la personne âgée. Cette partie de l'examen est fondée sur l'utilisation de tests/échelles fiables et reproductibles qui permettent de suivre l'évolution du patient et d'être prédictif du risque de chute ou encore de la fragilité.
Histoire du patient Cette première étape consiste à recueillir le maximum d'informations sur la vie du patient dans le but d'orienter l'observation de la marche pour que cette dernière soit la plus efficiente possible. Ces informations sont collectées en analysant le dossier du patient, au cours des examens complémentaires et, particulièrement, durant l'interrogatoire avec le patient ou ses proches (fig. 11.12 : étape 1).
FIG. 11.12 Méthodologie diagnostique de la marche de la personne âgée. Analyse du dossier du patient et examens complémentaires L'analyse du dossier du patient va permettre à l'évaluateur de prendre connaissance des antécédents médicaux, chirurgicaux du patient ou encore des pathologies dont il est atteint. Ces informations sont indispensables à connaître car elles peuvent avoir une incidence importante sur la marche. Prenons l'exemple d'un patient chuteur qui viendrait en consultation pour bilanter sa marche, si son dossier indique qu'il est atteint d'une maladie de Parkinson, la démarche d'examen sera totalement modifiée. La consommation d'alcool, de drogue ou de certains médicaments comme les neuroleptiques sont des informations qui peuvent être difficiles à collecter lors de l'interrogatoire du patient, pourtant elles permettent également d'orienter le diagnostic en modifiant le niveau de vraisemblance des hypothèses émises au moment de la phase
d'observation du patient (voir plus bas Émission d'hypothèses). Les causes métaboliques, ou toxiques de troubles de la marche sont importantes à connaître car elles sont réversibles (Lim, Huang, Wu, Girardi et Cammisa, 2007). Les examens complémentaires (tomodensitométrie, bilan neuropsychologique, bilan psychologique…) sont également essentiels lors de l'examen de la marche car ils permettent de guider l'examen physique ou encore d'évaluer plus justement le risque de chute (voir plus loin Évaluation du risque de chute).
Interrogatoire L'interrogatoire du patient est une des phases les plus importantes de l'examen subjectif. En effet, c'est lors de cette phase de l'examen, que le thérapeute va être en mesure d'appréhender l'impact biopsychosocial qu'occasionnent les troubles de la marche pour le patient. En fonction de la vie du patient, de ses activités et de ses participations sociales, nous pouvons constater que deux patients peuvent avoir un niveau de handicap totalement différent pour des troubles de la marche identiques. Cette notion est importante à recueillir pour le clinicien avant l'examen objectif, car le poids du facteur biopsychosocial et du handicap détermine la gravité de la situation et donc l'urgence de l'intervention du thérapeute. En effet, laisser, par exemple, un patient gériatrique dans une situation de handicap lourd favorisera certainement la survenue de troubles supplémentaires. Parmi ces troubles nous pouvons citer la dépression ou l'isolement qui sont une porte d'entrée vers un cercle vicieux de déconditionnement et de perte d'indépendance fonctionnelle. Ici, le thérapeute devra faire preuve d'empathie car c'est le patient qui est le mieux placé pour transmettre ces notions qui lui sont propres. L'interrogatoire est aussi l'occasion pour le thérapeute de connaître plus précisément les manifestations exactes des troubles de la marche ou des chutes. En effet, une description précise sur l'apparition de ces troubles permet de privilégier certains types d'hypothèses (Lim et al., 2007). Par exemple, une chute suite à une perte de force soudaine pourra faire penser à un accident ischémique transitoire. Une chute
suite à un transfert allongé/debout orientera plutôt vers une hypotension orthostatique. Pour finir, des chutes répétées causées par un pied oscillant qui accrocherait le sol mettent le thérapeute sur la voie d'une faiblesse des releveurs et/ou une spasticité des fléchisseurs plantaires de cheville.
Anticipation de l'observation À la suite de l'examen du dossier et de l'interrogatoire, le thérapeute est donc en mesure de construire, par un raisonnement inductif, une théorie hypothétique permettant d'expliquer plus ou moins les données recueillies lors des premières phases de l'examen (Cohen, 2015). Le principe à ce stade est de construire cette théorie de telle sorte qu'elle puisse expliquer, à elle seule, un maximum de données recueillies auprès du patient. L'objectif est de permettre au thérapeute de déterminer un axe prioritaire de recherche lors de son examen physique qui éprouve cette théorie (fig. 11.12 : étape 2). Cette méthode permet au thérapeute de gagner du temps et de ne pas disperser son attention et son observation sur des éléments qui ne seraient pas pertinents. Effectivement, l'une des spécificités de la personne âgée est de multiplier les troubles à cause du vieillissement (musculosquelettique, somato-sensoriels…). Si lors de son observation, le thérapeute cherche à mesurer et évaluer l'ensemble de ces déficits, l'efficience, la qualité et la pertinence de l'examen en seront bénéficiaires. Prenons l'exemple d'une femme venant en consultation pour une chute et présentant des douleurs à la hanche lors de la marche. Elle vient avec une radiographie présentant une arthrose sévère de cette même hanche. Lors de l'observation, même si cette patiente présente d'autres déficits visibles à la marche, il semble logique que notre attention se focalise sur cette hanche et plus particulièrement sur l'observation de la stabilité dynamique dans le plan frontal (voir chapitre 4, Marche coxalgique).
Examen physique
Cette phase de l'examen correspond à l'examen objectif. Ici, le but est de valider les hypothèses qui ont été émises grâce à l'observation sur l'origine des troubles de la marche du patient. Pour cela l'examinateur éprouvera les hypothèses qu'il a émises grâce à des tests les plus fiables possible. Cet examen commence par l'observation du patient en situation statique puis durant la marche.
Observation du patient Statique Tout d'abord le thérapeute observe la posture statique du patient en position debout, de face et de profil. Il portera une attention particulière aux attitudes en rétropulsion (peur de la chute), aux pusher syndromes (AVC), aux attitudes en flexion (maladie de Parkinson) (Fasano et Bloem, 2013). Dynamique L'observation de la marche représente la majeure partie de l'examen, car c'est en observant le trouble de la marche que le thérapeute va pouvoir émettre des hypothèses sur les causes qui en seraient à l'origine (fig. 11.12 : étape 2). Lors de l'observation, le clinicien doit garder à l'esprit que les troubles de la marche sont le résultat de pathologies sous-jacentes associées à des compensations que le patient a mis en place pour maintenir ses activités. L'observation doit se focaliser sur les paramètres spatio-temporels de la marche (longueur/largeur du pas, symétrie des pas, vitesse de marche, cadence…), mais aussi sur l'initiation à la marche, les transferts assis/debout, les changements de direction, le balancement des bras ou encore la marche à travers un passage étroit. L'observation de ces différents paramètres permettra au clinicien d'identifier des schémas de marche pathologique (voir chapitre 4) et d'émettre des hypothèses sur l'étiologie de ces troubles. Pour faciliter l'observation et donc l'émission d'hypothèses, le clinicien pourra demander au patient de marcher sous certaines conditions dans le but d'accentuer les troubles. Par exemple, marcher
les yeux fermés, agrandir la longueur du pas, marcher en levant les genoux, sur une ligne, marcher sur le côté ou encore tenir en appui unipodal (Fasano et Bloem, 2013).
Émission d'hypothèses L'objectif ici est, si possible, d'émettre une ou plusieurs hypothèses (fig. 11.12 : étape 3) qui seraient la cause originelle du trouble de marche. Il faut prêter attention à ne pas émettre une hypothèse qui aurait elle-même une cause. Par exemple : « Je suppose que les troubles de la marche proviennent d'un déficit d'équilibration dynamique. » Ici, le déficit d'équilibre peut effectivement être la cause du trouble de marche mais pas la cause originelle. En effet, il existe d'autres déficits sous-jacents pouvant expliquer ce trouble de l'équilibre (déficit de force musculaire, pathologie neurologique…) dont découlent les troubles de l'équilibre. L'intérêt de la recherche de la cause originelle, si cette dernière est possible, est qu'elle permet au thérapeute de faire des choix de traitement plus efficaces car plus spécifiques. Si nous reprenons notre exemple, on peut voir que traiter le manque de force musculaire (s'il est objectivé comme la cause originelle) sera plus efficace pour rééduquer les troubles de la marche que de faire un travail de l'équilibre qui sera plus généraliste.
Classement des hypothèses par niveau de vraisemblance À la suite de l'observation, le clinicien possède plusieurs hypothèses qu'il va devoir éprouver par des tests objectifs. Pour gagner du temps le clinicien va chercher à tester ses hypothèses par ordre de priorité, de la plus vraisemblante à la moins vraisemblante (fig. 11.12 : étape 3). Pour déterminer un niveau de vraisemblance pour chaque hypothèse, le clinicien va devoir recouper plusieurs informations, telles que la prévalence pour cette hypothèse dans la littérature et le contexte du patient. En effet, si une hypothèse possède un niveau de prévalence extrêmement faible pour une population dont le patient fait partie, il y a peu de chances pour que cette dernière soit l'hypothèse la plus probable et donc la plus vraisemblante. Cette hypothèse sera donc
classée et testée dans les dernières. Un autre type d'information aidera le clinicien à déterminer le niveau de vraisemblance de ses hypothèses, ce sont les informations recueillies lors de l'examen du dossier et de l'interrogatoire du patient (fig. 11.12 : étape 3). Plus une hypothèse concorde avec ces données, plus elle est vraisemblante. À l'inverse une hypothèse qui viendrait contredire toutes les données recueillies au préalable serait classée parmi les dernières.
Test des hypothèses L'objectif de cette étape est donc de tester, éprouver les hypothèses dans l'ordre du classement établi au préalable (fig. 11.12 : étape 3). Si le test est négatif alors il rejette l'hypothèse et le clinicien continue de tester les hypothèses suivantes dans l'ordre de son classement (tests de premier niveau). À l'inverse si le test est positif, il valide l'hypothèse. Le thérapeute peut alors mettre en place son traitement spécifique pour cette hypothèse. Là encore, l'hypothèse est à nouveau éprouvée en fonction des résultats du traitement (test de deuxième niveau ; fig. 11.12, étape 3). En effet, si le traitement ne modifie rien sur le trouble de la marche que le thérapeute cherchait à diagnostiquer alors, il faudra qu'il reconsidère les hypothèses en les retestant une à une. Il existe différents types de tests et tout d'abord les tests cliniques comme l'évaluation des amplitudes articulaires en abduction (fig. 11.13A) et en extension (fig. 11.13B).
FIG. 11.13 Évaluation des amplitudes articulaires
de hanche. Parmi les tests cliniques objectifs, on retrouve également l'évaluation de la force musculaire, notamment des abducteurs de hanche (fig. 11.14A), des fléchisseurs de hanche (fig. 11.14B) ou encore des extenseurs de genou (fig. 11.14C).
FIG. 11.14 Évaluation de la force musculaire. Pour tester certaines hypothèses, le clinicien devra faire appel à des examens non cliniques complémentaires. Notamment lorsqu'il suspecte une pathologie neurologique, l'imagerie par résonance magnétique du cerveau et l'examen par un neurologue peuvent
s'avérer nécessaires (Lim et al., 2007).
Échelles d'évaluation Intérêt des échelles d'évaluation L'observation de la marche associée à un raisonnement hypothéticodéductif est intéressante pour le diagnostic, la recherche de la cause. Mais cette démarche possède des faiblesses. En effet, elle est dépendante de l'opérateur qui la pratique, l'expertise de ce dernier joue un rôle fondamental dans les conclusions du bilan. Cette méthode possède une bonne validité intra-opérateur mais est très moyenne en inter-opérateur (Morris et al., 2007). À l'inverse, les échelles standardisées et validées n'ont pas pour but de rechercher la cause du trouble de la marche ou l'origine du handicap mais plutôt de faire un état des lieux fiable et reproductible, une mesure des capacités du patient à un instant t permettant d'objectiver un point « zéro » qui servira d'étalon pour quantifier l'évolution du patient. Grâce à leur caractère reproductible, aussi bien en inter- qu'en intra-opérateurs, ces échelles ont fait l'objet d'études qui permettent de les relier à des indicateurs de santé comme la fragilité ou encore le risque de chute (Morris et al., 2007 ; Pamoukdjian et al., 2015 ; Tiedemann, Shimada, Sherrington, Murray et Lord, 2008).
Évaluation du risque de chute Analyser la marche chez la personne âgée a très souvent pour objectif d'évaluer et prévenir le risque de chute. En effet, l'apparition de troubles de la marche entraîne une augmentation du risque de chute (Snijders, van de Warrenburg, Giladi et Bloem, 2007). Prévenir la chute de la personne âgée est un enjeu essentiel de la prise en charge gériatrique, car elle est l'incident le plus commun conduisant à une perte d'indépendance fonctionnelle et une grabatisation. Comprendre la notion du risque de chute est donc primordial lorsqu'on analyse la marche d'un sujet âgé. Dans le langage courant, y compris en santé, le risque de chute est assimilé à la probabilité de chuter, or nous allons voir pourquoi ce sont deux notions, certes liées,
mais fondamentalement différentes. Pour cela, nous allons tout d'abord revenir sur la définition du risque. Cette dernière a été formulée, dans un premier temps, mathématiquement par Bernoulli en 1738 par la formule suivante :
Avec R = risque associé à un événement donné, P1 = probabilité de l'événement et C1 = conséquences de l'événement. Si l'on transpose cette définition au risque de chute, P1 correspond à la probabilité de chuter et C1 aux conséquences de la chute sur le patient. Le risque de chute est donc un produit entre la probabilité de chuter et les conséquences de celle-ci. Ainsi, la probabilité de chuter n'est pas la seule à prendre en compte dans le calcul du risque de chute, car le niveau de gravité des conséquences de la chute peut fortement moduler le risque de chute. Pour illustrer ce propos nous allons prendre l'exemple de deux populations présentant des probabilités de chute similaires : l'enfant en apprentissage de la marche et la personne âgée. Intuitivement, il ne nous viendrait pas à l'esprit de parler de risque de chute pour un enfant en bas âge qui apprend la marche, tout simplement car ce dernier est très faible. Il l'est non pas pour des raisons de probabilité de chuter (elle est très importante), mais bien pour des raisons de conséquences (qui sont très souvent sans gravité). En effet, lorsque l'événement de chute survient, les conséquences pour une personne âgée en termes de fractures, traumatismes psychologiques, etc. sont incomparables à celles qui peuvent exister chez un enfant. C'est pour ces raisons que l'on parle bien de risque de chute et non de probabilité de chuter chez les personnes âgées. De la compréhension de cette notion découle des conséquences pratiques pour le clinicien évaluant la marche. En effet, s'il veut évaluer de manière correcte le risque de chute, il devra non seulement évaluer la probabilité de chuter (analyse de la stabilité
durant la marche, capacité de rattrapage de l'équilibre, échelles standardisées prédictives…), mais également la gravité des conséquences de la chute (ostéopénie et risque de fracture, capacité à se relever du sol, probabilité de développer un syndrome postchute…). C'est en combinant ces deux paramètres que le risque de chute sera le plus pertinent.
Choix des échelles Comme nous l'avons expliqué précédemment, l'objectif de l'évaluation par les échelles validées est de mesurer les capacités fonctionnelles des patients de manière reproductible et valide. Pour cela, les échelles doivent être en mesure de discriminer les patients les uns des autres, notamment par le même niveau de capacités, mais aussi de discriminer les progrès que pourrait faire un même patient à deux moments différents (exemple : avant et après une rééducation). Pour qu'une échelle puisse avoir un bon pouvoir discriminant, l'examinateur doit veiller à ce qu'elle soit ajustée par rapport aux capacités du patient. En effet, si l'échelle est trop « facile », alors le patient aura les scores maximaux et il ne pourra être discriminé d'un autre patient qui serait meilleur (effet plafond). À l'inverse, si l'échelle s'avère trop difficile, alors le patient ne pourra pas être discriminé d'un autre plus faible (effet plancher). La population gériatrique étant une population présentant une grande variabilité de capacités fonctionnelles, le choix du bon niveau de l'échelle s'avère primordial. En effet, entre un sujet de 65 ans sportif, présentant une légère douleur à la marche et un patient de 90 ans, grabataire, le choix des échelles sera forcément différent. Pour permettre de choisir le test adapté, le clinicien peut s'appuyer sur l'arbre décisionnel de la Haute Autorité de santé (HAS, 2005) qui le guidera vers la batterie de tests qui conviennent le mieux aux capacités du patient. La mise en application de l'arbre décisionnel (fig. 11.15) commence par deux tests, le timed up and go test (TUG) et le test moteur minimum (TMM). Ces tests ont l'avantage de couvrir une large variété de patients notamment grâce au TUG qui est un score de temps chronométré et qui ne souffre donc que très peu d'effet
plancher ou plafond. En fonction du résultat à ces tests, le choix des tests suivants est différent pour mieux s'adapter aux capacités fonctionnelles du patient.
FIG. 11.15 Corrélation entre choix des tests thérapeutiques, vitesse de marche et travail de l'équilibre. TMM : test moteur minimum ; TUG : timed up and go. Source : HAS. (2005). Masso-kinésithérapie dans la conservation des capacités motrices chez le sujet âgé fragile à domicile.
Description des échelles Timed up and go test Présentation Le timed up and go test (TUG) fait partie des tests cliniques les plus recommandés et les plus utilisés pour évaluer le risque de chute (HAS, 2005). Il permet d'évaluer la performance locomotrice et l'équilibre dynamique. Modalités Il s'agit d'un test chronométré. La tâche consiste à se lever d'une
chaise, marcher sur une distance de 3 m, réaliser un demi-tour puis revenir s'asseoir (Podsiadlo et Richardson, 1991). Le patient possède les chaussures et l'aide technique habituelles. Résultats Un temps supérieur à 30 s correspond à un niveau de dépendance élevé. Le temps au TUG est considéré comme un prédicteur du risque de chute chez le sujet âgé. Les dernières études décrivent un risque élevé de chute au-dessus de 13,5 s (Barry, Galvin, Keogh, Horgan et Fahey, 2014). Par ailleurs, au-delà d'une valeur de 20 s, les résultats sont corrélés au niveau de dépendance (Mathias, Nayak et Isaacs, 1986). Test moteur minimum Présentation Le test moteur minimum (TMM) permet d'évaluer les aptitudes motrices et posturales chez les personnes âgées fragiles dont les possibilités fonctionnelles correspondent à une autonomie en chambre. Il est particulièrement utilisé lorsque les capacités fonctionnelles du patient rendent impossible la réalisation du test de Tinetti (Cohen et Mourey, 2014). Il donne une idée du niveau de dépendance du patient en évaluant les possibilités de transferts comme couché–assis ou assis–debout, d'équilibre assis et debout et de marche. Modalités Il comporte 20 items répartis en quatre thèmes : mobilité en décubitus, position assise, position debout et marche. Pour chaque item, on retrouve deux possibilités : 1 point si la capacité motrice est conservée, 0 si elle est anormale. Le total est donc de 20 points. Résultats Le TMM permet de poser des objectifs de rééducation chez les sujets âgés fragiles, notamment grâce à l'évaluation des aptitudes posturales
ou encore de la rétropulsion (Cohen et Mourey, 2014). Examen de la cheville et du pied Il est intéressant lorsque les capacités fonctionnelles du patient sont très diminuées. Il faudra vérifier toutes déformations, limitations des amplitudes articulaires qui seraient incompatibles avec la marche ou la station debout. La sensibilité plantaire est également intéressante à évaluer même si elle n'est pas rédhibitoire pour la marche. Test de Tinetti Présentation Ce test évalue l'équilibre et la marche. Il est souvent utilisé en raison de sa simplicité et sa reproductibilité. Cependant sa validité n'a été démontrée que par Tinetti (1986), il n'est donc pas utilisé comme test scientifique de référence (HAS, 2005). Modalité La durée du test varie de 10 à 15 min. Il est composé de deux parties qui évaluent l'équilibre statique sur neuf items (16 points) et la marche sur sept items (12 points). Résultats La réalisation du test permet d'obtenir un score maximal de 28. Un score inférieur à 26 évoque un trouble et un score inférieur à 19 multiplie le risque de chute par 5 (Cohen et Mourey, 2014). Double tâche Présentation Ce test permet d'évaluer le coût cognitif de la marche. Rappelons qu'avec l'âge, on observe un déclin cognitif avec 25 % des plus de 65 ans qui sont touchés (Auvinet, Touzard, Montestruc, Delafond et Goeb, 2017). Modalités
Ce test compare sur une distance donnée, la marche en simple tâche et en double tâche : ● en simple tâche (ST) : demander au patient de marcher normalement ; ● en double tâche (DT) : demander au patient, tout en continuant de marcher, de réaliser au mieux la tâche demandée. Il est possible de réaliser plusieurs tâches simultanément à la marche. Elles dépendent de l'état cognitif du patient et de ses capacités de marche : ● parler : si le patient doit s'arrêter de marcher quand il parle il a un risque accru de risque de chute. Il s'agit du test stop walking when talking (Lundin-Olsson, Nyberg et Gustafson, 1997) ; ● porter un verre d'eau (Lundin-Olsson, Nyberg et Gustafson, 1998) ; ● calcul arithmétique : réaliser des soustractions à partir de 100 de 1, 3 ou 7. Dans les trois conditions, il faut ensuite calculer les paramètres de marche (la vitesse de marche, la fréquence du pas et la régularité du pas). Résultats Le coût cognitif de la marche peut s'exprimer par un pourcentage :
Vitesse de marche
Présentation L'évaluation de la vitesse de la marche est un test intéressant en évaluation gériatrique, elle possède une forte fiabilité inter- et intraopérateur. Elle mesure la vitesse usuelle de marche du patient sur une distance donnée. Il s'agit d'un test simple, rapide, peu coûteux qui permet de mesurer les capacités fonctionnelles des patients (Cesari et al., 2005). Elle est considérée comme étant un indicateur potentiel de santé et de fonction dans le vieillissement et la maladie (Studenski, 2009), et comme un outil de dépistage de la fragilité ou un outil de suivi (Pamoukdjian et al., 2015). Modalités Il existe de nombreux tests pour évaluer la vitesse de la marche dont le test de marche sur 10 m (TM-10), qui est l'un des tests les plus utilisés (Peters, Fritz et Krotish, 2013). On demande au patient de marcher à une vitesse confortable sur une distance de 10 m. Le chronomètre est enclenché au deuxième mètre et arrêté au huitième afin de ne pas prendre en compte dans la mesure les périodes d'accélération et de décélération (la vitesse est donc calculée sur 6 m). Une autre solution consiste à faire partir le patient 2 m avant et l'arrêter 2 m après. On réalise deux mesures et on calcule la moyenne des deux mesures pour obtenir la valeur de la vitesse de la marche. Les instructions données au patient doivent être claires et précises du type : « Je vais vous dire attention, prêt, partez. Lorsque je dirais partez, vous marcherez à une vitesse confortable, jusqu'à ce que je vous dise STOP. » Résultats La littérature rapporte différents seuils prédictifs. Une vitesse de marche en dessous de : ● 0,76 m/s pour les hommes et 0,66 m/s pour les femmes, signe une perte d'indépendance fonctionnelle (instrumental activities of daily living scale ou IADL) (Lee et al., 2017) ;
● 1 m/s est un marqueur de fragilité (Pamoukdjian et al., 2015). Test de marche 6 minutes C'est un test qui mesure l'endurance. Le but est de couvrir la plus grande distance possible en 6 min. Il est important de signaler la 2e et la 4e minute et d'encourager verbalement la personne toutes les 40 s (Cohen et Mourey, 2014). Résultats : la valeur seuil est de 300–325 m (Cohen et Mourey, 2014). Assis-debout 30 secondes Il est demandé au patient de se lever et de s'assoir le plus rapidement possible durant 30 s avec ou sans les mains. Une impossibilité ou un score très faible signe un niveau de dépendance élevée. Test d'appui monopodal Présentation Le test d'appui monopodal est un test intéressant dans l'évaluation de la marche de la personne âgée, car c'est souvent dans la phase d'appui unipodal que les troubles de la marche surviennent. Un bon équilibre unipodal est indispensable pour que la marche soit stable et équilibre. Ce test est simple et rapide et semble intéressant pour apprécier la fragilité chez les personnes âgées. En effet, plusieurs études ont mis en évidence l'association entre le risque de chute et le temps d'appui unipodal. Par ailleurs, plusieurs études ont démontré que ce test était lié à la dépendance fonctionnelle (Michikawa, Nishiwaki, Takebayashi et Toyama, 2009). Modalités De préférence, le test est réalisé pieds nus et sur une planche de bois lisse afin d'assurer les mêmes conditions de mesure. Le test démarre dans une position détendue en bipodal. Les yeux ouverts, le patient lève la jambe de son choix en gardant les bras le long du corps (sans aide technique ni humaine). Le chronomètre est arrêté si le pied d'appui bouge, si l'autre pied touche la planche ou si le temps atteint
60 s. Le thérapeute assure la sécurité du patient en restant proche de lui pendant les essais. Le test comporte deux essais, le résultat retenu correspond au meilleur temps obtenu (Michikawa et al., 2009). Résultats Ce test semble être prédictif de chute pour un score inférieur à 5 s ; audelà de 10 s, l'équilibre unipodal est considéré comme bon (Vellas et al., 1997). Falls efficacy scale–international Présentation L'échelle falls efficacy scale–international (FES-I) a été développée et validée par Yardley et al. (2005) pour évaluer la peur de chuter. Cette dernière représente un problème majeur de santé chez les personnes âgées, chuteurs ou non chuteurs ; elle est associée à une fragilité augmentée et à une diminution de la qualité de vie (Arfken, Lach, Birge et Miller, 1994). Sa prévalence a été évaluée entre 20,8 et 85 % (Scheffer, Schuurmans, van Dijk, van der Hooft et de Rooij, 2008). Il est important d'en tenir compte dans l'évaluation de la marche, car elle modifie les schémas de marche et augmente le risque de chute. Modalités Le thérapeute demande aux patients d'évaluer leur inquiétude face à la possibilité de tomber pour 16 activités de la vie quotidienne. La cotation va de 1 point (pas du tout inquiet) à 4 points (très inquiet).
Évaluation du rachis, stratégies d'équilibration et marche Comme chez l'enfant, l'évaluation morphostatique (mesure des flèches cervicale et lombaire) et morphodynamique (inclinométrie, distance doigt–sol…) est indispensable. L'American Medical Association propose les guidlines des mesures qu'elle a effectuées (fig. 11.16 ; Cocchiarela et Andersson, 2001), comprenant l'avancé en âge, l'évolution des
courbures et leur origine multifactorielle (musculaire, ostéoarticulaire, discopathies…).
FIG. 11.16 Inclinométrie du rachis thoracique. L'agravation de la cyphose liée au vieillissement entraîne une
délordose lombaire (c'est-à-dire une modification du rapport de congruence lombo-pelvienne 1 ) responsable de la mise en place de stratégies d'adaptation (fig. 11.17). En effet, la délordose s'accompagne d'une rétroversion sacrée (fig. 11.17B) puis du bassin (fig. 11.17C). Lorsque cette dernière est insuffisante, le patient risque de compenser par une flexion du genou (fig. 11.17D) afin de maintenir le regard à l'horizontal.
FIG. 11.17 Stratégies d'équilibrations rachidiennes liées au vieillissement ( Thevenon, Tiffreau et Pardessus, 2011 ). Cela peut favoriser à long terme le flexum de hanche, s'accompagnant d'une hypoextensibilité du droit fémoral, du psoas et des ischiojambiers. Chez le sujet âgé, on retrouve une antériorisation de la ligne de gravité (se traduisant dans le plan sagittal par une camptocormie ; fig. 11.18A), voire dans le plan transversal par une scoliose (fig. 11.18B) corrigée partiellement par la rétrovertion du bassin.
FIG. 11.18 Déviations rachidiennes du sujet âgé : camptocormie (A) et scoliose (B). Lors de la marche, les trois principales boiteries du tronc pouvant être observées cliniquement sont présentées dans le tableau 11.10. Tableau 11.10 Principales boiteries du tronc lors de la marche
Boiterie de salutation (fig. 11.19) Évaluation clinique
– Déficits : flexum de hanche homolatéral à l'appui, du quadriceps homolatéral à l'appui, du triceps sural du pied d'appui, des tibiaux antérieurs, des fléchisseurs de hanches côté oscillant – Douleur à l'appui… – Flexion du tronc lors de
Boiterie de Boiterie de Duchenne de Trendelenburg Boulogne (fig. 11.20) (fig. 11.21) – Déficit du moyen fessier côté appui – Chute du bassin côté opposé au déficit – Asymétrie des espaces costo-
– Déficit du moyen fessier côté appui – Déplacement du CG au-dessus du centre instantané de rotation de la coxofémorale côté déficitaire – Verticalisation de l'axe mécanique du membre
l'avancé du tibia sur le talus côté portant – Raccourcissement du pas controlatéral
CG : centre de gravité.
iliaques – Inflexion lombo-sacrée à concavité du côté appui – Abaissement vertical du plateau sacré – Descente du tronc diminuant la hauteur apparente du sujet
inférieur déficitaire – Abduction de la coxofémorale portante – Concavité lombaire homolatéral – Déviation de la tête et inclinaison du tronc controlatérale non constantes – Effet de balancier des membres supérieurs : abduction ± complète du bras côté porteur accompagné d'un recentrage du membre supérieur opposé en adduction horizontale – Amplitude de boiterie d'épaule non corrélée à l'importance du déficit – Surélévation de l'hémibassin controlatérale – Parallélisme ± conservé des ceintures pelvienne et scapulaire – Accentuation de la courbure dorsocervicale pour maintenir le regard à l'horizontale et atténuer la translation de la tête
FIG. 11.19 Boiterie de salutation.
FIG. 11.20 Boiterie de Trendelenburg ( Dotte, 1978 ).
FIG. 11.21 Boiterie de Duchenne de Boulogne ( Dotte, 1978 ).
Points clés
■ L'évaluation de la marche en gériatrie est fondamentale, car elle est directement reliée à la notion de fragilité et de risque de chute. ■ L'évaluation se compose de deux phases principales, une diagnostique visant à rechercher l'étiologie des troubles de la marche et l'autre de quantification grâce à des échelles fiables et validées, visant à mesurer les troubles et prédire les risques. ■ L'accumulation des déficits causés par le vieillissement favorise une méthodologie diagnostique hypothético-déductive à partir de l'observation de la marche et des capacités fonctionnelles plutôt qu'une méthodologie de bilans exhaustifs. ■ La quantification des déficits, grâce à l'utilisation d'échelles standardisées, est dépendante du choix de l'outil de mesure en fonction du niveau de capacité fonctionnelle du patient.
Entraînement
QCM 1 Concernant l'examen clinique de la marche de l'enfant : A. il concerne uniquement les membres inférieurs B. il doit être effectué de manière répétée C. il implique une évaluation de la douleur quel que soit son âge
D. il implique la mesure de sa température corporelle
QCM 2 Parmi les éléments cliniques suivants pouvant être observés au cours de l'examen clinique de la marche de l'enfant, quels sont ceux qualifiés de drapeaux rouges ? A. des signes neurologiques observés dès la naissance B. des signes neurologiques d'apparition soudaine C. une douleur ostéo-articulaire seule D. une douleur ostéo-articulaire accompagnée de fièvre
QCM 3 L'analyse quantifiée de la marche : A. est réservée aux adultes B. peut être effectuée chez un enfant de moins de 5 ans C. peut être effectuée à la place d'un examen clinique de la marche D. permet de comprendre les troubles de la marche observés et d'orienter leur prise en charge
QCM 4 Quel est le bon ordre à respecter des différentes étapes du diagnostic de la marche du sujet vieillissant ? A. observation, émission d'hypothèses, interrogatoire, test des hypothèses B. interrogatoire, observation, émission d'hypothèses, test des hypothèses C. émission d'hypothèses, interrogatoire, observation, test des hypothèses D. émission d'hypothèses, test des hypothèses, interrogatoire, observation
QCM 5 Le risque de chute correspond : A. à la probabilité de chuter B. aux troubles de l'équilibre statique C. aux troubles de l'équilibre dynamique D. à la probabilité de chuter multipliée par la gravité de la conséquence en cas de chute
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1
Les sujets présentant une faible diminution de la lordose au cours du vieillissement présentent généralement un angle de lordose lombaire égal à un coefficient de 0,8 × l'angle de la pente sacré. Ce rapport est nommé congruence lombo-pelvienne.
CHAPITRE 12
Thérapies manuelles haute vélocité et basse amplitude S. Ditcharles; A. Delafontaine
PLAN DU CHAPITRE Pour comprendre Interrogatoire en thérapie manuelle Techniques articulaires Intérêt des techniques manipulatives Conclusion
Focus
■ Objectifs pédagogiques : – diagnostic d'exclusion ; – comprendre les actions neurophysiologiques de la technique manipulative. ■ Objectifs professionnels :
– utiliser les techniques suivant les besoins cliniques ; – comprendre l'intérêt des techniques dans la rééducation de la marche. – Evidence based : effets neurophysiologiques, biomécaniques et électrophysiologiques
Pour comprendre Dans ce chapitre, nous considérons, parmi l'arsenal thérapeutique des thérapies manuelles, les techniques de manipulations articulaires. Ces techniques sont appelées techniques de haute vélocité et de basse amplitude (HVBA). Elles sont principalement utilisées dans les atteintes musculo-squelettiques (Furlan et al., 2012). La thérapie par manipulation de la colonne vertébrale et des articulations périphériques à HVBA est une technique appliquée ces dernières qui a été utilisée pendant des siècles par les professionnels de la santé, y compris les ostéopathes, les chiropraticiens et les physiothérapeutes pour soulager les patients symptomatiques de douleurs aiguës et chroniques, pour améliorer la mobilité et pour son potentiel d'effets neurophysiologiques (Pickar, 2002 ; Wiese et Callender, 2005). En tant que telle, la technique HVBA peut avoir le potentiel d'améliorer la capacité posturo-cinétique (voir chapitre 3) et donc la performance motrice.
Histoire des thérapies manuelles Les mobilisations et manipulations articulaires ont des origines très anciennes. Les premières descriptions de technique de médecine manuelle datent des Égyptiens (3000 av. J.-C.). En Chine, les techniques manuelles font partie intégrante de la médecine officielle (2600 av. J.-C.. Les techniques manuelles existent également dans l'Antiquité, comme en témoignent les écrits d'Hippocrate (460–377 av. J.-C.) dans son Traité sur les articulations, où il décrit des manœuvres de réduction articulaire. Il écrit aussi : « Il est nécessaire de posséder
une solide connaissance de la colonne vertébrale car de nombreuses affections sont en effet causées par un état défectueux de cet organe. » Il parle de parathremata (c'est-à-dire de la subluxation des articulations). Au Moyen Âge ces pratiques disparaissent de l'arsenal thérapeutique officiel et deviennent des pratiques appartenant aux rebouteux. Ces techniques de soins par les mains survivront malgré tout en Europe clandestinement, de manière empirique, par transmission orale avant de se codifier à la fin du xix e siècle aux ÉtatsUnis, grâce au concepteur de l'ostéopathie, le Dr Andrew Taylor Still. C'est au cours du xix e siècle que les premiers thérapeutes « mécaniciens » se structurent et commencent à publier. Aux ÉtatsUnis, les concepts de traitement de « lésion ostéopathique » (Still, 1874) et de « subluxation » avec la chiropractie (Palmer, 1894) apparaissent. En Europe, Kellgren au début du xix e siècle est le premier « gymnaste médical » à décrire des techniques de « mobilisations/manipulations » pour les thérapeutes physiques et kinésithérapeutes/physiothérapeutes de l'époque. L'ensemble des thérapeutes manuels (médecins, kinésithérapeutes, ostéopathes et chiropracteurs) qui dispensent une prise en charge non chirurgicale des dysfonctions du rachis et des extrémités en lien avec le système neuro-musculo-squelettique a le même objectif : soulager le patient.
Définition de la thérapie manuelle manipulative La thérapie manuelle peut se définir comme une approche diagnostique et thérapeutique manuelle des dysfonctions de mobilité articulaire et tissulaire dans le cadre de leur participation à l'apparition des maladies. Ce concept sollicite les ressources inhérentes de l'individu considéré dans sa globalité et dans son environnement. Le thérapeute manuel soigne par les mains en visant à harmoniser les rapports de mobilité et de coordination des structures anatomiques. La mise en œuvre de cette thérapie nécessite l'établissement d'un diagnostic d'ensemble et sa pratique impose donc des connaissances approfondies en anatomie et en physiologie. Le
praticien traite les restrictions de différentes structures afin de rétablir un fonctionnement physiologique de l'ensemble.
En résumé Avant toute utilisation de technique manipulative, il faut : ■ des connaissances approfondies en anatomie et en physiologie ; ■ un interrogatoire précis ; ■ établir un diagnostic différentiel d'exclusion à la manipulation ; ■ établir la pertinence de ces techniques pour le problème du patient.
Interrogatoire en thérapie manuelle L'interrogatoire doit être fait avant tout examen clinique, même si le patient ne se plaint pas de douleur. Il doit être le même qu'il y ait ou pas de contexte de rachialgie. Cet interrogatoire permet d'éliminer les « drapeaux rouges » et d'établir un diagnostic différentiel d'exclusion à la manipulation (encadré 12.1 et tableau 12.1). Cela se fait par un interrogatoire sur les antécédents médicaux et chirurgicaux du patient et un interrogatoire de la douleur important (encadré 12.2). Toute suspicion d'une pathologie symptomatique doit être redirigée vers le médecin avant d'utiliser les manipulations et décider d'un autre traitement si besoin. Encadré 12.1
Principaux drapeaux rouges • Âge < 20 ans et > 50 ans
• Apparition brusque • Traumatisme • Signe neurologique • Céphalées • Photophobie • Corticothérapie • Altération de l'état général • État fébrile • Antécédents tumoraux • Toxicomanie • Migraines • Infection bactérienne récente • Adénopathies
Tableau 12.1 Drapeaux rouges et pathologies Drapeaux rouges
Suspecter et faire écarter les pathologies suivantes
Fièvre, douleurs diurnes et nocturnes hyperalgiques
Infectieuse
Douleurs diurnes et nocturnes hyperalgiques et altération de l'état général
Tumorale
Douleurs diurnes et nocturnes hyperalgiques, réveil matinal et raideur matinale
Inflammatoire
Dorsalgie, lombalgie sans traumatisme
Fracture, tassement
Dorsalgie, lombalgie avec signes neurologiques
Hernie discale, neurinome, canal lombaire étroit
Douleurs post-traumatisme
Fracture, entorse, luxation
Dorsalgie avec signes respiratoires
Insuffisances cardiaque ou aortique, problème pulmonaire
Encadré 12.2
Caractéristiques de la douleur • Siège • Irradiation • Horaire • Type • Mode d'installation • Notion de traumatisme/effort et douleur insidieuse/spontanée • État fébrile/amaigrissement/altération de l'état général • Douleur permanente/diurne/nocturne/augmentation la nuit/réveil nocturne • Localisation • Fréquence • Rythme • Intensité • Évolution • Facteurs déclenchants/apaisants : mouvement, posture • Signes neurologiques moteurs et/ou sensitifs
Le Collège français des enseignants en rhumatologie (COFER) conseille d'avoir toujours une radiographie avant toute manipulation vertébrale et d'avoir éliminé une rachialgie symptomatique (tableau 12.1). Dans ses recommandations , il propose d'utiliser les manipulations vertébrales dans la lombalgie aiguë et chronique ou lors d'un syndrome teno-cellulo-myalgique (cellulo-myalgie au palper-rouler et cordon paravertébral à la palpation) dans les rachialgies thoraciques et lombaires (COFER). Si le patient n'a pas de douleur et que nous ne trouvons pas de
« drapeaux rouges », alors nous pouvons utiliser les manipulations pour des gains de mobilité ou d'activation neuromotrice sortant du contexte des rachialgies pour améliorer la marche.
Techniques articulaires Le respect de la loi de la non-douleur et du mouvement contraire est le gage de l'innocuité de la manœuvre. Au niveau du rachis, elle doit être complétée par une imagerie adaptée à la lésion en cause (radiographie standard, tomodensitométrie). La biologie ne doit pas être écartée de même qu'une exploration angiographique en fonction des données de l'examen clinique.
Deux grands types de manipulations pratiqués Les manipulations avec impulsion, où le geste manipulatif est précédé d'une mise en tension qui ne doit pas être relâchée, s'effectuent à haute vitesse mais avec une très faible amplitude appelée manipulation HVBA. Les paramètres techniques contrôlés par le praticien sont la vitesse, l'amplitude et la direction de l'impulsion. Les mobilisations sans impulsions, où le geste manipulatif est une traction, sont réalisées dans les secteurs d'amplitude articulaire accessoire. Si elles n'ont pas la prétention de réduire le temps de cicatrisation ligamentaire, elles diminuent nettement les phénomènes inflammatoires post-traumatiques.
Objectifs du traitement manuel des dysfonctionnements mécaniques ■ Restaurer la mobilité articulaire, en termes d'amplitude, grâce à un glissement harmonieux des surfaces articulaires. ■ Redonner aux muscles la capacité de se « déspasmer » dans la totalité de leur course. L'hypo-extensibilité secondaire à une anomalie posturale est un facteur d'altération de l'aptitude à un
développement optimal de la force musculaire. ■ Faire un reset des circuits de la douleur par une manipulation stimulant les capteurs cutanés, musculaires et articulaires de la zone de dysfonctionnement articulaire ou de l'étage du métamère correspondant au nerf spinal du segment intervertébral lésé.
Techniques articulaires HVBA Pendant longtemps, les chiropraticiens ont utilisé les termes « subluxation » et « fixation », les ostéopathes, le terme « dysfonction », les spécialistes médicaux et physiothérapeutes, des termes tels que « dysfonctionnement », « barrière » et « perte de fin de jeu ». Tous ces termes contiennent la notion d'« hypomobilité ». Maintenant, l'ensemble de ces praticiens utilise l'expression générique « dysfonctionnement articulaire » (Vernon et Mrozek, 2005) pour définir ce problème. Le mouvement articulaire en thérapie manuelle est divisé en quatre zones (fig. 12.1) : ● une zone de mouvement actif ; ● une zone de mouvement passif ; ● une zone paraphysiologique de 2 % ; ● une zone allant à la limite articulaire.
FIG. 12.1 Mouvement articulaire en thérapie manuelle. MA : zone de mouvement actif ; MP : zone de mouvement passif ; PPH : zone paraphysiologique ; LA : zone limite articulaire ; flèche : lieu de la manipulation.
La zone physiologique clinique est la somme des zones de mouvement actif, passif et paraphysiologique (voir fig. 12.1). La manipulation est réalisée à la limite de la zone physiologique clinique (voir fig. 12.1). Elle est effectuée à un point légèrement avant la fin de cette zone. La combinaison de mouvements passifs subtils organisés par le praticien à ce moment-là crée ce qu'on appelle la position « bloc fermé » ou « barrière motrice ». À partir de ce moment, il est considéré qu'un espace « paraphysiologique » est disponible dans lequel l'articulation va caviter et dans lequel l'impulsion de la poussée manipulatrice est effectuée (Vernon et Mrozek, 2005). Lors de la manipulation, un « crac » ou « pop » audible va se faire entendre et est souvent attendu comme une réussite de la technique. Mais il n'existe pas de relation entre le « pop » audible fréquemment noté lors de la manipulation de la colonne vertébrale et l'amélioration de la douleur (c'est-à-dire sans augmentation de la substance P) et de l'amplitude articulaire (Cleland, Flynn, Childs et Eberhart, 2007). L'obtention de ce bruit n'est pas un gage de réussite de la technique. Il faut aussi noter que la précision de la zone d'ajustement est
empirique, on sait qu'une manipulation est rarement spécifique au seul site d'ajustement en cas de manipulation (Maigne et Vautravers, 2003 ; Ross, Bereznick et McGill, 2004).
Remarque La manipulation HVBA est une manœuvre passive, forcée, qui s'applique à une articulation spécifique. Cette manœuvre consiste à porter pendant un très court instant l'un des deux constituants de l'articulation (disques et articulaires postérieures ou articulation périphérique) à la limite de la zone physiologique clinique, c'est-àdire au-delà de l'amplitude passive et ce, sans que l'intégrité anatomique des structures soit compromise.
Intérêt des techniques manipulatives La marche est un phénomène automatique mais sa performance dépend de la mobilité de l'ensemble des articulations du corps, d'une bonne stabilité de cet ensemble, ainsi que d'un bon échange d'information du système nerveux central et périphérique pour se réadapter en permanence aux informations sensori-motrices du corps et de l'environnement. Les techniques manuelles ont principalement pour but de permettre à ces systèmes de récupérer en fonctionnalité. Actuellement, peu d'études s'intéressent à l'utilisation de techniques manipulatives sur la marche, mais les paramètres étudiés et démontrés dans des cas particuliers permettent de les utiliser dans l'arsenal de la rééducation de la marche.
Techniques manipulatives vertébrales Ces techniques de thérapies manuelles spinales HVBA sont appelées en pratique pédagogique lift technique ou dog technique pour les vertèbres thoraciques basses, lumbaroll pour les lombaires et pelvis. Le
choix du niveau de l'application de la technique dépend de la restriction de mobilité trouvée et de l'anamnèse qui ne sont pas traitées dans cet ouvrage.
Effets sur l'amplitude articulaire Les techniques de manipulation vertébrale HVBA permettent un certain nombre de changements soutenus dans la biomécanique de la colonne vertébrale (Pickar et Bolton, 2012). Par exemple, la poussée impulsive fournie pendant la manipulation peut modifier la biomécanique segmentaire en libérant des meniscoïdes piégés et/ou en libérant des adhérences intra-articulaires (Maigne et Vautravers, 2003), en diminuant la distorsion dans le disque intervertébral ou en permettant la diffusion de l'eau dans le noyau pulposus des disques intervertébraux (Beattie, Butts, Donley et Liuzzo, 2014). D'autres études récentes ont rapporté une relaxation des muscles paraspinaux après une manipulation vertébrale HVBA, par diminution d'activité électromyographique (DeVocht, Pickar et Wilder, 2005 ; Lehman, 2012). Ces études sous-tendent qu'une augmentation de la mobilité de la colonne vertébrale pourrait résulter de ces changements dans la biomécanique spinale et/ou de la relaxation des muscles paraspinaux. L'un des principaux objectifs des praticiens de la santé utilisant la manipulation vertébrale HVBA est d'augmenter l'amplitude de mouvement de la colonne vertébrale, chez les patients atteints de raideur de la colonne vertébrale. À ce sujet, certaines études ont révélé que la manipulation de la colonne vertébrale avait un effet limité sur l'amplitude articulaire, tandis que d'autres ont constaté qu'elle n'en avait aucune suivant les zones (Millan, Leboeuf-Yde, Budgell et Amorim, 2012a).
Effets neurophysiologiques La cinématique des mouvements peut aussi être potentiellement influencée par des changements neurophysiologiques induits par la manipulation vertébrale HVBA. Des études sur le chat anesthésié ont montré que la manipulation de la colonne vertébrale induit des
changements dans la décharge d'afférences somato-sensitives de la région paraspinale (Pickar, 2002 ; Pickar et Bolton, 2012 ; Reed, Long, Kawchuk et Pickar, 2015), y compris les afférences qui innervent les broches musculaires, les organes du tendon de Golgi et les mécanorécepteurs à seuil élevé. Actuellement, il n'y a pas d'études probantes concernant l'activation des nocicepteurs par une manipulation vertébrale HVBA. Chez l'homme, les changements dans les voies sensori-motrices après manipulation vertébrale HVBA ont été signalés dans la littérature, mais avec des résultats parfois contradictoires. Les études utilisant la technique du réflexe de Hoffman (réflexe H) ont révélé que la manipulation de la colonne vertébrale induit une diminution de l'excitabilité motoneuronique chez des sujets asymptomatiques (Dishman et Burke, 2003 ; Murphy, Dawson et Slack, 1995) et chez les sujets souffrant de troubles du rachis lombaire (Suter, McMorland et Herzog, 2005), toutefois d'autres études relèvent, au contraire, une excitation accrue (Niazi et al., 2015). La collecte de données et la méthodologie d'analyse des données du réflexe H ont été évoquées par Niazi et al. (2015) pour expliquer cette divergence avec la littérature. Au niveau cortical, il semble qu'il existe des changements à court terme de l'excitabilité corticale par une modification des voies corticales descendantes qui permettrait des augmentations de force musculaire suite à la manipulation de la colonne vertébrale (Haavik et al., 2016). Cette dernière peut donc être indiquée pour les patients qui ont perdu du tonus musculaire des membres inférieurs et supérieurs. L'apport bénéfique des réponses mécaniques et neurophysiologiques à la manipulation de la colonne vertébrale (tels le soulagement de la douleur ou la mobilité accrue de la colonne vertébrale) reste incertain (Pickar et Bolton, 2012). Par ailleurs, la manipulation diminue les potentiels évoqués somatosensoriels (c'està-dire mesure du pic de N20 et N30), ce qui pourrait en partie expliquer l'effet antalgique de la manipulation (Lelic et al., 2016). Cependant, cela pourrait être néfaste pour le système nerveux centrale car la diminution du pic de N30 est retrouvée chez des patients
présentant des pathologies neuro-dégénératives type Parkinson (Kangand et Ma, 2016). Cette diminution est notamment corrélée à la sévérité de la maladie (Kangand et Ma, 2016). D'un point de vue fonctionnel, les manipulations HVBA fait chez le sportif de haut niveau avant compétition, afin de générer une amélioration des performances sont contradictoires (Miners, 2010) et équivalent à la réalisation d'une technique « fantôme » (Hedlund, Nilsson, Lenz et Sundberg, 2014). Chacune de ces réponses a le potentiel d'induire des changements dans la coordination entre la posture et le mouvement, qui s'appuient fortement sur les deux entrées sensorielles des membres posturaux et de la mobilité articulaire posturale comme souligné ci-dessus, et donc d'aider à la rééducation de la marche.
Effets par zone articulaire Les techniques montrées dans ce chapitre sont celles qui ont été utilisées dans la littérature et qui ont montré des effets. Nous ne portons aucun jugement sur les autres techniques existantes. Manipulations thoraciques basses Les manipulations sur les vertèbres thoraciques (fig. 12.2) ont montré un gain significatif sur l'amplitude de mouvements globaux de la colonne vertébrale chez des sujets sains ou douloureux après une manipulation thoracique en lift ou dog technique (Ditcharles, Yiou, Delafontaine et Hamaoui, 2017 ; Schiller, 2001). À l'heure actuelle, certaines études suggèrent que le centre de rotation de la ceinture scapulaire par rapport à la ceinture pelvienne dans le plan horizontal lors de la marche se trouve dans une zone très large entre les vertèbres T7 à L3 (Konz et al., 2006), d'où l'intérêt de rendre la mobilité de cette zone par lift ou dog technique . La précision de la zone d'ajustement est empirique, on sait qu'une manipulation est rarement spécifique au seul site d'ajustement (Ross et al., 2004). Cependant cela n'est pas un problème sachant que la zone de rotation est large.
FIG. 12.2 Manipulation vertébrale HVBA thoracique basse : dog technique (A) ; lift technique (B). Chez des sujets sains, les manipulations ont un effet néfaste à court terme sur le développement des ajustements posturaux anticipateurs (APA) et de la performance de la vitesse lors de l'initiation de la marche. Il semble donc que la manipulation HVBA doit être considérée avec prudence par les participants qui recherchent une augmentation immédiate des performances de vitesse lors des tâches locomotrices (Ditcharles et al., 2017). Manipulations thoraco-lombaires La manipulation de la jonction thoraco-lombaire (fig. 12.3) améliore à court terme la sensibilité à la douleur de la région lombaire et permet d'augmenter la flexion de la colonne lombaire (Oliva Pascual-Vaca et al., 2017).
FIG. 12.3 Manipulation vertébrale HVBA thoracolombaire par lift technique . Manipulations lombaires La manipulation de la colonne lombaire (fig. 12.4) entre habituellement dans le traitement de la douleur lombaire chronique. Les résultats suggèrent une réduction importante de l'activité électromyographique anormale des muscles paraspinaux pendant la phase statique en flexion du tronc et son activation pendant la phase d'extension (Bicalho, Setti, Macagnan, Cano et Manffra, 2010). Elle permet aussi de réduire la sensibilisation ou les effets de la fatigue musculaire liés au mouvement répétitif (Harvey et Descarreaux, 2013). Chez des sujets présentant des douleurs lombaires aiguës non spécifiques, la manipulation de la colonne vertébrale a des meilleurs résultats que le médicament anti-inflammatoire non stéroïdien diclofénac (von Heymann, Schloemer, Timm et Muehlbauer, 2013). La manipulation vertébrale HVBA a montré un effet bénéfique sur la douleur liée à la colonne vertébrale (Millan, Leboeuf-Yde, Budgell, Descarreaux et Amorim, 2012b).
FIG. 12.4 Manipulation vertébrale HVBA lombaire : lumbaroll technique indirect (A) ; lumbaroll technique semi-direct (B). Chez les sujets sains, la manipulation lombaire augmente
l'excitabilité motrice centrale et la résistance isométrique des muscles paraspinaux ou du muscle quadriceps (Grindstaff, Hertel, Beazell, Magrum et Ingersoll, 2009), permettant une meilleure stabilité du tronc et une meilleure performance motrice. La force du quadriceps est augmentée de 3 % et son activation est augmentée de 5 % immédiatement après la technique chez le sujet sain. Cependant, cet effet disparaît 20 minutes après la technique (Grindstaff et al., 2009). De même, il a été montré que chez les sujets sains ayant au minimum 15 % de différence de résistance musculaire isométrique entre les membres inférieurs, une réduction de ce déséquilibre musculaire compris entre 5 et 15 % se produit après une manipulation ciblée sur le joint articulaire correspondant au métamère des muscles déficitaires (Chilibeck et al., 2011). Manipulation lombo-sacrale Les manipulations sur l'articulation lombo-sacrale (L5-S1), chez les sujets atteints de maladie dégénérative du disque intervertébral, améliorent immédiatement la douleur perçue, la mobilité de la colonne vertébrale en flexion et l'amplitude de flexion de la hanche (Vieira-Pellenz et al., 2014). Cette manipulation (fig. 12.5) améliore l'activité du muscle vaste interne et moyen fessier chez les athlètes atteints du syndrome fémoral patellaire et permet une diminution de la douleur (Motealleh, Gheysari, Shokri et Sobhani, 2016).
FIG. 12.5 Manipulation vertébrale HVBA lombosacrale : lumbaroll technique semi-direct. Manipulations des sacro-illiaques La manipulation des articulations sacro-iliaques (fig. 12.6) améliore l'activité électrique du muscle transverse, oblique (Barbosa, Silva, Silva, Martins et Almeida Barbosa, 2014) et quadriceps (Suter, McMorland, Herzog et Bray, 2000). Cette technique permettrait de réduire un manque de stabilisation du bassin dû à une inhibition des muscles abdominaux ou par un léger flexum de genou dû à une inhibition musculaire des extenseurs du genou lors de la marche.
FIG. 12.6 Manipulation vertébrale HVBA sacrolombaire : Chicago technique semi-direct (A) ; lumbaroll technique semi-direct (B). Les observations cliniques suggèrent que les pathologies du genou, telles que la douleur antérieure du genou associée à une inhibition musculaire des extenseurs du genou, témoignent généralement d'un dysfonctionnement articulaire sacro-iliaque. Manipulations du sacrum La manipulation du sacrum (fig. 12.7) est associée à une augmentation de la contraction phasique périnéale et du tonus périnéal basal chez les sujets féminins (de Almeida, Sabatino et Giraldo, 2010). Sachant que les muscles du plancher pelvien sont reliés aux muscles pelvitrochantériens par des membranes obturatrices, cet ensemble permettrait d'avoir une meilleure stabilisation du bassin et des mobilités de hanche lors de la marche.
FIG. 12.7 Manipulation vertébrale HVBA du sacrum : lumbaroll technique indirect. Effets placebo Comme dans toute intervention thérapeutique, la manipulation génère probablement un effet placebo par divers mécanismes psychologiques. Un tel effet peut s'expliquer par les intérêts, les croyances, les préoccupations et les interactions du patient et du thérapeute (Bialosky, Bishop, George et Robinson, 2011 ; Kaptchuk, 2002). Le fait que le thérapeute interagit physiquement avec le patient peut renforcer ce phénomène.
Effets sur la douleur Il existe une preuve modérée que les techniques manipulatives soient efficaces sur la réduction de la douleur à court terme. La confrontation des études sur des patients avec des douleurs chroniques ou aiguës ne permet pas d'avancer de résultats clairs sur ce sujet (Bronfort, Haas,
Evans et Bouter, 2004 ; Millan et al., 2012a, b ; Clar et al., 2014).
Manipulations vertébrales HVBA ■ Leur mécanisme neurophysiologique n'est pas encore compris. ■ Elles peuvent être utilisées sans manque de mobilité apparente. ■ Elles permettent de récupérer du tonus musculaire. ■ Elles ont un effet modéré sur la douleur. ■ Elles ont un effet placebo. ■ Elles perturbent les APA. ■ Elles ont des actions locales ou à distance suivant l'anamnèse. ■ Elles sont utiles dans la rééducation de la marche.
Manipulations des articulations des membres inférieurs Toute perte de mobilité des articulations du membre inférieur influencera la marche. La récupération des mobilités par la thérapie manuelle manipulative y trouve tout son sens en étant couplée à un travail musculaire et tissulaire.
Hanche Aucune étude sur la manipulation de la hanche ne montre d'amélioration sur la douleur ou la fonction même chez les adultes souffrant d'arthrose douloureuse de la hanche. Les études qui montrent une amélioration de la fonction de la hanche et de la douleur de celle-ci sont des manipulations lombaires (voir plus haut Manipulations lombaires).
Genou Les techniques manipulatives sur le genou arthrosique (fig. 12.8) permettent de diminuer la douleur, la rigidité et la fonction physique
chez les patients (Taylor, Wilken, Deyle et Gill, 2014 ; Xu et al., 2017). Les douleurs de genou peuvent être diminuées par une manipulation de l'articulation tibio-fibullaire supérieure si celle-ci se trouve en restriction de mobilité (voir ci-dessous Articulation tibio-fibulaire).
FIG. 12.8 Technique de manipulation HVBA en glissement latéral.
Articulation tibio-fibulaire La mobilité de la cheville dépend de la mobilité de l'articulation tibiofibulaire supérieure et inférieure. La manipulation tibio-fibulaire supérieure (fig. 12.9) permet de récupérer de l'amplitude articulaire de la cheville et de diminuer des douleurs latérales de genou dues à l'hypomobilité de celle-ci (Beazell, Grindstaff, Magrum et Wilder, 2009).
FIG. 12.9 Technique de manipulation HVBA d'antériorisation de la tête fibulaire. Articulation talo-crurale La manipulation de l'articulation talo-crurale sur les patients atteints d'entorse de cheville (fig. 12.10) permet de redistribuer les supports de
charge au niveau du pied (López-Rodríguez, Fernández de-Las-Peñas, Alburquerque-Sendín, Rodríguez-Blanco, & Palomeque-del-Cerro, 2007) et diminue la douleur de celle-ci (Krueger, Becker, Leemkuil et Durall, 2015). Cette manipulation permet aussi une augmentation de l'excitabilité corticospinale, par une augmentation significative de l'amplitude maximale du potentiel moteur du muscle tibial antérieur (Fisher et al., 2016). Cette modification peut permettre aux physiothérapeutes d'optimiser le recrutement musculaire et ensuite le mouvement. Les manipulations articulaires du pied (fig. 12.11) et des chevilles permettent aux personnes âgées de mieux réguler leurs oscillations posturales et donc d'avoir une meilleure stabilité (Vaillant et al., 2008).
FIG. 12.10 Technique de manipulation HVBA de postérisation du talus.
FIG. 12.11 Technique de manipulation HVBA d'abaissement du naviculaire.
Le saviez-vous ?
■ Dans la littérature, il a été observé que les manipulations articulaires n'ont pas fait preuve de leur efficacité sur le contrôle de l'équilibre postural en position statique bipodale. Les études réalisées sont de faible qualité méthodologique (pas de groupe placebo par technique fantôme, peu de sujets, quantification biomécanique imprécise… ; Ruhe, Fejer et Walker, 2013). ■ Benoit-Levy et Scheibel, dans le livre de Defebvre et Lacour (2011), ont présenté les effets de techniques d'ostéopathie crânienne sur le contrôle de l'équilibre posturale. Leurs travaux n'ont abouti à aucune publication propre. La méthodologie réalisée était de faible qualité (c'est-à-dire inférieure à un grade C, pas de groupe placebo par technique fantôme, pas de calcul du nombre de sujets nécessaire, quantification biomécanique imprécise…). Actuellement, aucune conclusion scientifique ne peut affirmer qu'un effet bénéfique potentiel existe. ■ La réalisation de certaines micromobilités spécifiques en thérapie manuelle n'a pas fait preuve de leur réelle existence. Par exemple, il a été montré, en dissection sur cadavre, que la mobilisation antéro-postérieure de la tête radiale n'entraînait aucune mobilité de cette dernière tant que le ligament rond et la capsule ne sont pas sectionnés (Dufour, Neumayer et Pillu, 2004). Dans ce dernier cas, une fois les éléments capsuloligamentaires sectionnés, la tête radiale se luxe en postérieur. Cela est facilité également par le déchirement de la membrane interosseuse, ce qui provoque cliniquement un joystick test positif (Soubeyrand et al., 2011). ■ Peu de travaux universitaires portent sur l'effet d'une technique HVBA cervicale (Millan et al., 2012b ; Isom, Kennedy, May et Moore, 2015). Aucune modification des amplitudes articulaires cervicales après manipulation n'a été observée chez les sujets sains et cervicalgiques versus technique fantôme dans la thèse d'Isom et al. (2015), ce qui s'oppose au résultat de la revue de littérature faite par Millan et al. (2012b). Seule la vitesse de
marche était augmentée chez les sujets cervicalgiques et diminuée chez les sujets sains. Le mécanisme biomécanique expliquant l'augmentation de la vitesse chez le sujet cervicalgique n'est pas argumenté scientifiquement. ■ Les manipulations HVBA cervicales (quel que soit l'âge) et pédiatriques (enfant < 6 mois) sont interdites aux ostéopathes n'ayant pas de diplôme de profession de santé sauf certificat médical de non-contre-indication (décret no 2007-437 du 25 mars 2007). Avant de les réaliser, le praticien ne doit pas omettre d'effectuer un examen clinique complet, notamment neurologique et radiologique, ainsi que des tests d'exclusion en ayant à l'esprit la sensibilité et spécificité de ces derniers corrélées à la clinique évoquée par le patient. ■ L'ostéopathie crânienne, qu'elle soit diagnostique et/ou thérapeutique, n'a pas fait preuve de son existence scientifique comme le démontre la revue de littérature menée par Guillaud, Darbois, Monvoisin, and Pinsault (2016). ■ Les lois de Fryett et la notion de « dysfonction articulaire », utilisées pour le diagnostic et/ou le traitement manuel, n'ont jamais fait preuve de leur existence scientifique. Ils sont même réfutés (Lepers et Salem, 2016). Ces modèles de raisonnement ont été mis en défaut par les modèles mathématiques (Spoor et Veldpaus, 1980) puis l'imagerie fonctionnelle in vivo (Ishii et al., 2004 ; Mitton, Landry, Veron, et al., 2000 ; Salem, & Klein, 2013 ; Salem, Mathieu, Hermanus et Klein, 2006).
Conclusion La thérapie manuelle manipulative HVBA est utilisée depuis des siècles de façon empirique par des praticiens de santé. Bien que de nombreuses études depuis les vingt dernières années cherchent à montrer leur efficacité pour un certain nombre de pathologies, nous avons toujours un manque de compréhension de son action neurophysiologique. Les dernières études soulignent que ce type de
technique permet de récupérer des mobilités articulaires, du tonus musculaire ou une diminution des douleurs suivant les zones traitées. C'est pour cela que ces techniques ont toute leur place dans un programme de rééducation de la marche.
Points clés
■ La thérapie manuelle manipulative HVBA est utilisable après un interrogatoire précis et un diagnostic différentiel d'exclusion à la manipulation. ■ Le « pop » audible de la décoaptation articulaire n'est pas un gage de réussite de la technique. ■ L'impact d'une manipulation n'est pas forcément sur la zone ciblée. ■ Elle n'a pas qu'un but de gain d'amplitudes articulaires. ■ Elle a des effets neurophysiologiques sur le tonus musculaire. ■ Elle a un effet modéré sur la douleur. ■ Elle manque encore de preuve sur les mécanismes neurophysiologiques. ■ Elle est à utiliser dans la rééducation de la marche.
Entraînement
QCM 1 Quels signes recherchez-vous à l'interrogatoire en faveur d'une contre-indication à la manipulation HVBA ? A. douleurs diurnes et nocturnes hyperalgiques
B. altération de l'état général C. dorsalgie, lombalgie chronique D. lombalgie avec perte motrice
QCM 2 Grâce à quels phénomènes le gain articulaire des manipulations vertébrales se fait-il ? A. par la libération des méniscoïdes B. par une relaxation des muscles paraspinaux C. par une diminution de la distorsion dans le disque intervertébral
QCM 3 Dans quelles zones de mouvement manipulation vertébrale se passe-t-elle ?
de
l'articulation
une
A. dans la zone de mouvement actif B. dans la zone de mouvement passif C. dans la zone paraphysiologique D. dans la zone allant à la limite articulaire
QCM 4 Que permet la manipulation des articulations sacro-iliaque ? A. d'augmenter l'activité électrique du muscle transverse B. d'augmenter l'activité électrique du muscle quadriceps C. d'augmenter le tonus du plancher pelvien D. de diminuer les douleurs de genou antérieur lors d'inhibition des extenseurs de genou
QCM 5 Que permet une manipulation HVBA des vertèbres thoraciques basses ?
A. d'obtenir un gain d'amplitude des mouvements globaux de la colonne vertébrale B. d'augmenter le centre de rotation de la ceinture scapulaire par rapport à la ceinture pelvienne C. d'avoir un effet sur le développement des APA lors de l'initiation de la marche D. d'avoir un effet sur la performance motrice lors de l'initiation de la marche
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CHAPITRE 13
Nouvelles applications thérapeutiques et locomotion A. Delafontaine; A. Pallot; A. Fontaine; G. Laffaye; M. Fischer
PLAN DU CHAPITRE Vibrations corps entier Rôles de l'imagerie motrice Réalité virtuelle Assistance robotique électromécanique Marche et allègement du poids corporel Indiçage Serious games en pédiatrie
Focus
■ Objectifs pédagogiques : comprendre les mécanismes centraux et périphériques.
■ Objectifs professionnels : de la théorie à la pratique. ■ Evidence based : effets immédiats et à long terme.
Certaines techniques de rééducation ont été remises au goût du jour, comme les vibrations corps entiers, initialement décrites par Jean-Martin Charcot (1862) dans le cadre de la rééducation des pathologies neurodégénératives. Actuellement, des techniques beaucoup plus modernes et « séduisantes » voient leur accessibilité gagner du terrain comme l'imagerie motrice, la réalité virtuelle, l'assistance robotique électromécanique, la marche par allègement du poids de corps, l'indiçage et les serious games en pédiatrie. Ces thérapeutiques nécessitent une analyse scientifique réelle de leur effet clinique, neurophysiologique, biomécanique, sur la marche et le contrôle de l'équilibre.
Vibrations corps entier Les vibrations corps entier (VCE) s'effectuent sur une plateforme vibrante (fig. 13.1). Elles sont de plus en plus utilisées en médecine comme outil de prévention dans la sarcopénie, l'ostéoporose, la lombalgie chronique en raison de leur effet neuro-endocrine (Cardinale et Wakeling, 2005). Elles se développent également en rééducation gérontologique, dans le but d'améliorer la marche et l'équilibre du sujet âgé afin de prévenir le risque de chute.
FIG. 13.1 Séance de rééducation par VCE chez un patient âgé. Biomécaniquement, l'application de VCE (Zaidell, Mileva, Sumners et Bowtell, 2013) produit un réflexe vibratoire de contraction tonique. Ce réflexe est caractérisé par une contraction du muscle agoniste accompagnée d'un relâchement du muscle antagoniste par inhibition réciproque. Les VCE agissent de façon directe sur le muscle mais indirecte sur la moelle spinale (Cochrane, 2011) et les centres supérieurs (Mileva, Bowtell et Kossev, 2009). Elles augmentent la force musculaire sans recruter plus d'unités motrices (Cochrane, 2011).
Effets des vibrations corps entier sur le contrôle de l'équilibre postural Dans la littérature, les VCE ont montré une amélioration significative sur le contrôle de l'équilibre postural. Cela pourrait être expliqué par le fait que l'activité électromyographique des muscles du membre inférieur augmente pendant les VCE. Cette augmentation électromyographique permettrait de moduler la rigidité des membres inférieurs afin de minimiser la résonance des tissus mous lors du poser du talon pendant la marche (Wakeling, Liphardt et Nigg, 2003). Chez le sujet âgé, les tests de Tinetti et timed up and go sont améliorés après « exercice statique + VCE » versus « exercice statique » (Bautmans, Van Hees, Lemper et Mets, 2005). De nombreuses études, utilisant uniquement des tests cliniques pour quantifier le contrôle de l'équilibre, montrent des résultats similaires chez le sujet atteint d'une rupture du ligament croisé antérieur (Moezy, Olyaei, Hadian, Razi et Faghihzadeh, 2008), le parkinsonien (Turbanski, Haas, Schmidtbleicher, Friedrich et Duisberg, 2005) et le sujet atteint de sclérose en plaques (Schuhfried, Mittermaier, Jovanovic, Pieber et Paternostro-Sluga, 2005). Cependant, ces études ont un niveau de preuve scientifique faible et sont contredites (Borges, Macedo, Lins et Brasileiro, 2016).
Effets des vibrations corps entier sur la marche Pour des entraînements menés sur le long terme (c'est-à-dire au moins 4 à 6 semaines), les VCE montrent des effets bénéfiques sur la marche (c'est-à-dire augmentation de la vitesse et longueur du pas) chez des sujets sains, les patients atteints de la maladie de Parkinson (Ebersbach, Edler, Kaufhold et Wissel, 2008 ), les sujets blessés médullaires (Ness, 2009), les personnes âgées (avec au moins 2 mois d'entraînement ; Kawanabe et al., 2007), ainsi que les enfants atteints de paralysie cérébrale (Dickin, Faust, Wang et Frame, 2013). Cependant, ces études ont un niveau de preuve scientifique faible et restent controversées (Rogan et al., 2017, Rogan et al., 2011). Leurs résultats pourraient être attribués à un effet placebo (Arias, Chouza, Vivas et Cudeiro, 2009). Concernant les effets immédiats post-VCE, la littérature reste relativement peu abondante. Il a été observé chez l'hémiplégique un effet immédiat bénéfique sur la vitesse de marche, la longueur du pas et l'amplitude articulaire de la cheville durant la marche (Dickin et al., 2013).
Implications cliniques
■ Les tendons et les muscles ont un comportement assimilable à celui d'un ressort en stockant et en libérant de l'énergie mécanique. Leur rigidité ainsi que leur composition déterminent leur fréquence propre de vibration. ■ Les VCE semblent améliorer l'équilibre postural statique mais paradoxalement affectent la sensibilité plantaire (Alfuth, Beiring, Klein et Rosenbaum, 2012) et proprioceptive du rachis (Li, Lamis et Wilson, 2008). ■ Les VCE n'ont pas montré leur supériorité comparativement à
la rééducation standard (Ebersbach et al., 2008).
Rôles de l'imagerie motrice L'imagerie motrice correspond à la simulation mentale d'une action motrice sans que son exécution gestuelle ait lieu en parallèle. Elle est multimodale au niveau sensoriel, permettant ainsi la construction d'images faisant appel à l'olfaction, l'audition, la vue, le goût, la motricité gestuelle.
Imagerie motrice et système nerveux central Les structures cérébrales stimulées lors de l'imagerie motrice de la marche sont la partie supérieure du lobe pariétal, le cortex prémoteur dorsal et le putamen (Bakker et al., 2008). Ce travail doit être effectué entre 2 et 6 semaines minimum, en fonction de la pathologie initiale, à une fréquence de plusieurs fois par jour à 3 fois par semaine selon les études. Un couplage par feedback vidéo ou l'utilisation du miroir seront conseillés pour stimuler les neurones « miroirs » (fig. 13.2) et la plasticité cérébrale (Carvalho et al., 2013).
FIG. 13.2 Circuits neuronaux de l'imitation liés à l'activation des neurones miroirs dans l'hémisphère droit. L'imagerie motrice intervient sur de nombreux paramètres de la performance locomotrice utiles aux rééducateurs (fig. 13.3).
FIG. 13.3 Effets bénéfiques de l'imagerie motrice sur la posture et le mouvement. Source : Grangeon (2009). Effets de l'imagerie motrice dans la rééducation de lésions du système nerveux central et des atteintes musculo-articulaires. Science & Motricité, 2(67), 128.
Imagerie motrice et pattern de marche douloureuse L'utilisation de l'imagerie motrice pourrait avoir un intérêt dans de nombreuses pathologies présentant un pattern de marche « douloureuse » (fig. 13.4).
FIG. 13.4 Effets bénéfiques de l'imagerie motrice sur la douleur et la motivation. Source : Grangeon (2009). Effets de l'imagerie motrice dans la rééducation de lésions du système nerveux central et des atteintes musculo-articulaires. Science & Motricité, 2(67), 128.
Imagerie motrice et marche du sujet hémiplégique L'imagerie motrice ne doit pas être débutée trop précocement à la suite d'un accident vasculaire cérébral. Elle pourrait présenter des bénéfices en phases subaiguës et chroniques (fig. 13.5). Il semblerait que l'imagerie motrice puisse aider à la récupération de fonctions motrices quel que soit le degré de l'atteinte (Kimberley et al., 2006).
FIG. 13.5 Gains généraux escomptés par l'imagerie motrice en fonction de la phase temporelle post-accident vasculaire cérébrale. Source : Grangeon (2009). Effets de l'imagerie motrice dans la rééducation de lésions du système nerveux central et des atteintes musculo-articulaires. Science & Motricité, 2(67), 128.
La fréquence d'entraînement minimale admise dans la littérature est de trois séances hebdomadaire de 15 minutes sur 6 semaines. Au-delà de 6 semaines, il semblerait que les effets s'inversent. Le transfert des gains observés sur les activités de la vie quotidienne ne fait pas consensus et semblerait faible, voire absent (Grangeon, 2009). L'imagerie motrice doit donc systématiquement être couplée en parallèle à un travail rééducatif fonctionnel.
Imagerie motrice et marche du sujet âgé Allali et al. (2014) ont observé que l'imagerie motrice de la marche favorisait chez le sujet âgé une augmentation de l'activité cérébrale dans la région motrice complémentaire droite, mais aussi du cortex orbitofrontal droit, du cortex frontal dorsolatéral gauche, du cervelet, de la substance noire et du putamen (fig. 13.6).
FIG. 13.6 Augmentation de l'activation cérébrale lors de l'imagerie motrice de la marche chez le sujet âgé.
Réalité virtuelle La réalité virtuelle est une interface avancée entre l'humain et l'ordinateur, reproduisant une expérience sensorielle (vue, toucher, ouïe et/ou odorat), avec une variété d'environnements sécurisés en trois dimensions (de Rooij, van de Port et Meijer, 2016). Elle permet de réaliser des tâches en temps réel et d'anticiper et de réagir à des objets, des situations et des événements. En apportant un rétrocontrôle accru sur la performance, en permettant une pratique répétitive individualisée et en associant simultanément des processus moteurs et cognitifs, la réalité virtuelle offre des opportunités d'apprendre des nouvelles stratégies motrices et de pallier des capacités motrices perdues à la suite d'une blessure ou d'une pathologie (Dockx et al., 2016). Elle permet un travail fonctionnel, spécifique et en tâche orientée en immersion dans des scénarios souvent fondés sur la vraie vie, engageant également des aspects de challenge et de motivation (Dockx et al., 2016). Actuellement, les articles (ayant trait à la réalité virtuelle) à plus
haut niveau de preuve ne concernent que la rééducation de la marche chez le sujet hémiplégique et chez le sujet parkinsonien. Pour le reste des pathologies/blessures, aucune preuve de haut niveau quant à l'efficacité de la réalité virtuelle, ou non, n'existe. Il est donc impossible de statuer sur celle-ci.
Réalité virtuelle chez les patients hémiplégiques La synthèse faite par la méta-analyse la plus récente (de Rooij et al., 2016) rapporte que l'ajout de réalité virtuelle (en plus ou à temps égal) à une rééducation de la marche sur tapis roulant est plus efficace que celle sans réalité virtuelle sur un critère de jugement fonctionnel : la vitesse de marche (avec les tests de 10 mètres et timed up and go). En revanche, il n'est pas possible de dégager une posologie et une modalité d'application plus efficace qu'une autre. En effet, les études incluses présentent un nombre de séances allant de 6 à 18, d'une durée variant entre 20 et 60 minutes et d'une fréquence de 3 à 5 fois par semaine. Concernant l'intervention, tous les patients étaient sur tapis roulant, ce qui peut ne pas être possible pour tous les stades/sévérités d'hémiplégie. La réalité virtuelle était appliquée soit à l'aide d'un casque, soit via un écran face à soi. Les déroulés des scénarios comprenaient la marche normale, la marche selon plusieurs conditions météorologiques, la marche de jour et de nuit, la marche dans la rue et la marche avec obstacles.
Réalité virtuelle chez les patients parkinsoniens La méta-analyse Cochrane la plus récente (Dockx et al., 2016) montre que pour des critères de jugement de la marche composites et pour la vitesse de marche, il n'y a pas de différence significative entre la réalité virtuelle et des séances actives usuelles. Par contre, il y a une augmentation significative statistiquement et cliniquement de la longueur du pas et du demi-pas en faveur de la réalité virtuelle.
De même que pour la rééducation chez les hémiplégiques, il n'est pas possible de dégager une posologie et une modalité d'application plus efficace qu'une autre. Par contre, la réalité virtuelle était le plus souvent administrée en statique (ou statico-dynamique : transfert du poids du corps, marcher sur place…) via une plateforme (par exemple, Wii®). Cette modalité d'application pourrait ne pas améliorer les paramètres fonctionnels de marche. Il serait donc préférable, à l'instar de la rééducation des sujets hémiplégiques, de coupler la rééducation de la marche sur tapis roulant avec la réalité virtuelle, même s'il n'y a pas de preuve de bonne qualité le soutenant (ou non).
Assistance robotique électromécanique Cette assistance se développe depuis quelques dizaines d'années. Elle consiste en l'utilisation d'orthèses et/ou d'exosquelettes électromécaniques pour faciliter (voire réaliser complètement) la marche. Il existe deux grandes familles (Calabrò et al., 2016) : ● les systèmes stationnaires ; ● les systèmes de marche sur le sol. Les systèmes stationnaires consistent principalement en des structures fixes et une plateforme mobile, la plupart du temps soit un tapis roulant (fig. 13.7), soit des marchepieds/palettes qui se déplacent (fig. 13.8). Souvent ces systèmes supportent le poids du corps des patients.
FIG. 13.7 Système stationnaire d'aide de marche avec tapis roulant.
FIG. 13.8 Système stationnaire d'aide de marche avec palettes qui se déplacent sous les pieds. Les systèmes de marche sur le sol sont des exosquelettes. Ces dispositifs suivent les mouvements des patients et leur permettent de déambuler sous leur propre contrôle. Le grand avantage de cette assistance est de réduire la dépendance des patients aux thérapeutes pour s'entraîner à la marche (Mehrholz et al., 2017). En effet, dans certaines pathologies, le réentraînement à la marche peut prendre du temps (répétition des cycles de marche). Ces dispositifs peuvent venir suppléer le thérapeute afin
d'augmenter le temps de rééducation pour les patients dans un environnement adapté, sécurisé et contrôlé. Bien évidemment, il y a un panel de systèmes fabriqués par différentes marques, laissant plus ou moins libres certains paramètres (allègement du poids du corps, contrôle du pied, présence ou non d'exosquelette accompagnant…). Nous vous renvoyons vers la synthèse de littérature de Calabrò et al. (2016) pour le détail de chaque dispositif. Actuellement, les articles à plus haut niveau de preuve ne concernent que la rééducation de la marche chez le sujet hémiplégique, chez le sujet parkinsonien et chez le sujet blessé médullaire. Pour le reste des pathologies/blessures, aucune preuve de haut niveau quant à l'efficacité de l'assistance robotique électromécanique, ou non, n'existe. Il est donc impossible de statuer sur celle-ci. Le coût financier de ces systèmes pourrait être un frein à leur utilisation. Il est à noter qu'il faut rester vigilant quant aux risques secondaires de leur utilisation chez des sujets pathologiques à cause de certains troubles associés et du risque de chute lié à l'utilisation de ces dispositifs.
Assistance robotique électromécanique chez les patients hémiplégiques La méta-analyse Cochrane (Mehrholz et al., 2017) compare des groupes avec rééducation de la marche via ces dispositifs à des groupes avec rééducation usuelle seule. L'ajout de ces systèmes améliore le fait de devenir indépendant à la marche, mais n'a pas d'effet sur la vitesse ou le périmètre de marche. Les patients en phase aiguë et/ou ne déambulant pas au moment du début de la rééducation de la marche bénéficient plus de l'apport de ces dispositifs. Il n'y en a aucun supérieur aux autres. Il est impossible actuellement de proposer une posologie optimale de durée et de fréquence des séances.
Assistance robotique électromécanique chez
les patients parkinsoniens Il n'existe aucune revue de littérature, ni méta-analyse, sur ce sujet. À l'heure actuelle, il y a moins d'une dizaine d'études contrôlées randomisées. Majoritairement, leurs résultats n'indiquent pas une meilleure efficacité de ces systèmes comparés à la rééducation usuelle de la marche. Il n'est donc pas possible d'avancer l'intérêt, ou non, de son utilisation.
Assistance robotique électromécanique chez les patients blessés médullaires D'un point de vue locomoteur, l'incapacité de marcher est la déficience la plus notable chez les patients blessés médullaires. Les orthèses motorisées, se développant de plus en plus, sont des exosquelettes plus ou moins facilitants (selon le niveau lésionnel et le caractère complet ou incomplet de l'atteinte motrice) pour la marche. Selon une revue de la littérature de 2015, elles apparaissent être bénéfiques sur la cinétique et les paramètres spatio-temporels mais moindres sur la vitesse de marche (Arazpour, Hutchins et Ahmadi Bani, 2015). Leur effet sur l'activité musculaire reste peu clair. Dans le sous-groupe de blessés médullaires qui ne déambulent pas (défini par le fait qu'ils ne marchent pas régulièrement et indépendamment avec ou sans aides/appareillages), l'apport des orthèses motorisées permet une marche à vitesse modeste (Louie et al., 2015). Cette vitesse est corrélée à l'âge, au niveau de blessure médullaire et au nombre de séances d'entraînement.
Marche et allègement du poids corporel L'allègement du poids corporel consiste à utiliser un système de support (associé à un tapis roulant) placé au-dessus du patient qui allège le poids du corps via des harnais. Plusieurs paramètres peuvent être ajustables : la vitesse du tapis roulant, la quantité d'allègement du poids et la quantité d'assistance fournie par le thérapeute. Actuellement, les articles à plus haut niveau de preuve ne concernent
que la rééducation de la marche chez le sujet hémiplégique. Pour le reste des pathologies/blessures, aucune preuve de haut niveau quant à l'efficacité de l'allègement du poids corporel, ou non, n'existe. Il est donc impossible de statuer sur celui-ci. La seule méta-analyse existante (Mehrholz, Pohl et Elsner, 2014) montre qu'il n'y a pas de différences entre un entraînement sur tapis roulant (avec ou sans allègement du poids du corps) et d'autres interventions pour améliorer la marche chez le sujet hémiplégique (vitesse et endurance de marche). Le sous-groupe des patients marchant de manière indépendante montre une tendance à l'efficacité du tapis roulant avec support du poids du corps. Aucun effet indésirable n'est arrivé plus fréquemment au cours d'une intervention plutôt qu'une autre.
Indiçage L'indiçage est un stimulus externe qui génère une augmentation des sensations sensorielles et perceptuelles afin de faciliter l'apprentissage moteur. Il en existe de plusieurs formes : auditives, visuelles, tactiles et cognitives. Ces signaux sont extrinsèques (provenant de l'environnement) ou intrinsèques (provenant du patient). Actuellement, les articles à plus haut niveau de preuve ne concernent que la rééducation de la marche chez le sujet parkinsonien. Pour le reste des pathologies/blessures, aucune preuve de haut niveau quant à l'efficacité de l'indiçage, ou non, n'existe. Il est donc impossible de statuer sur celui-ci. Une seule revue systématique existe à notre connaissance (Rocha et al., 2014). Elle conclut que, de manière générale, les indiçages (auditifs, visuels, verbaux, tactiles ou combinés) apportent des améliorations sur la longueur du pas et du demi-pas, sur la vitesse de la marche et sur la cadence. Ces signaux étaient ajoutés à une rééducation de la marche soit sur le sol, soit sur tapis roulant. Par ailleurs, au vu des études incluses, il est impossible de proposer une posologie précise, le nombre de séances allant de 10 à 28, sur 2 à 8 semaines et d'une durée de 20 à 70 minutes.
Serious games en pédiatrie L'essor de l'utilisation des Serious games en rééducation depuis le début des années 2010 est également observé pour la population pédiatrique (fig. 13.9). En effet, leur côté ludique et attractif plaît beaucoup aux enfants et décuple leur motivation à suivre une rééducation. La grande diversité des activités proposées et l'identification possible de l'enfant à des avatars personnalisés contribuent à une meilleure adhésion au traitement. Par ailleurs, ces jeux de réalité virtuelle constituent un outil d'évaluation et de suivi des progrès, accessible aussi bien aux enfants et à leur famille qu'aux professionnels de santé. L'ensemble de ces facteurs implique une participation active et assidue de l'enfant et l'initie à l'autonomie dans sa prise en charge.
FIG. 13.9 Entraînement sur tapis de marche avec réalité virtuelle d'une enfant présentant une paralysie cérébrale. EMFG : évaluation motrice fonctionnelle globale ; MI : membres inférieurs ; PBS : pediatric balance scale ; PST : paramètres
spatio-temporels ; TM6M : test de marche de 6 min.
L'utilisation de la réalité virtuelle permet de développer la motricité des enfants, quelles que soient leurs difficultés : retard de développement (Salem, Gropack, Coffin et Godwin, 2012), troubles de la coordination (Ashkenazi, Weiss, Orian et Laufer, 2013)… Mais ce type de rééducation présente encore davantage d'intérêt dans le cadre de la rééducation des troubles moteurs d'origine neurologique impliquant une rééducation soutenue et au long terme. Ainsi, la rééducation de la marche à l'aide de la réalité virtuelle a particulièrement été utilisée et étudiée chez les enfants atteints de paralysie cérébrale (Biffi et al., 2015 ; Bonnechère et al., 2014 ; Cho, Hwang, Hwang et Chung, 2016). Dans le cadre de la rééducation de troubles de la marche, un serious game (sur Wii® ou Kinect®) peut être utilisé seul ou accompagné d'un tapis de marche (Biffi et al., 2017 ; Cho et al., 2016) ou d'un dispositif robotisé d'aide à la déambulation de type Lokomat® (Brütsch et al., 2011). On observe une grande variété de protocoles de rééducation de la marche de l'enfant par la réalité virtuelle. Malgré cela, de nombreux auteurs s'accordent sur les bénéfices qu'elle apporte : augmentation de la force musculaire des membres inférieurs, normalisation et symétrisation des paramètres spatio-temporels, normalisation de la cinématique de cheville, augmentation de l'endurance à la marche (test de marche 6 minutes), amélioration des capacités motrices fonctionnelles (évaluation motrice fonctionnelle globale ) et de l'équilibre (pediatric balance scale ou PBS) (Biffi et al., 2017 ; Bonnechère et al., 2014 ; Cho et al., 2016).
Points clés
■ La présence d'un effet immédiat après application d'une
thérapeutique ne signifie pas que cet effet perdure dans le temps. ■ Les neurones miroirs peuvent être recrutés et participent à la plasticité cérébrale. ■ Une technique de rééducation peut avoir des effets bénéfiques mais aussi néfastes sur les différents paramètres de la performance motrice. ■ Ne pas oublier le rôle bénéfique parfois du placebo.
Entraînement
QCM 1 Les VCE améliorent : A. la proprioception plantaire B. le test de Tinetti C. le timed up and go test
QCM 2 L'imagerie motrice est privilégiée : A. en phase aiguë d'un accident vasculaire cérébral B. par une relaxation des muscles paraspinaux C. dans le pattern de marche douloureux
QCM 3 La réalité virtuelle améliore chez le parkinsonien : A. la vitesse de marche B. la longueur du pas C. le demi-tour
QCM 4 L'indiçage améliore : A. la vitesse de marche B. la longueur du pas C. la cadence
QCM 5 Les serious games améliorent : A. l'endurance de marche B. la force musculaire C. la cinématique de genou
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CHAPITRE 14
Orthèses : impact sur l'équilibre et la marche A. Delafontaine; E. Cusin; A. Stuner
PLAN DU CHAPITRE Effets des orthèses du membre inférieur Effets du Kinesio Taping® Effets des orthèses du tronc Conclusion
Focus
■ Objectifs pédagogiques : comprendre les mécanismes directs et croisés de l'orthèse. ■ Objectifs professionnels : orienter le choix de l'orthèse. ■ Evidence based : effets cliniques, cinésiologique, biomécanique, électromyogramme.
La prescription d'un appareillage, quel que soit son type (orthèse, contention, strapping…), doit tenir compte de plusieurs critères (encadré 14.1). Encadré 14.1
Critères à prendre en compte lors de la prescription d'un appareillage Facteurs influençant la prescription : • caractère mécanique de l'appareillage (passif, dynamique, fixe, articulé, hystérésis, texture, raideur…) • expérience du praticien • niveau de preuve des publications • préférence du patient • incapacités • handicap éprouvé • douleur ressentie • capacités de récupération (= pente évolutive du patient) • délai de prescription • stade et évolution naturelle de la pathologie • laxité • tolérance cutanée • déficit sensitivo-moteur • activité motrice • type d'activité
L'orthèse interagit avec : ● la stabilité passive (capsulo-ligamentaire) : préservée ou altérée (par exemple, rupture du ligament croisé antérieur) ;
● la stabilité active (activité électromyographique en délai et en amplitude, facteurs nerveux, force, trophicité…) ; ● l'analyse cinésiologique de l'articulation à contraindre (par exemple, rotation tibiale automatique associée à la flexion du genou, micromobilité articulaire spécifique, translation articulaire…) ; ● la proprioception.
Effets des orthèses du membre inférieur Orthèses du genou Les effets de l'orthèse de genou de type Zimmer en pratique clinique, en période post-plastie du ligament croisé antérieur (LCA), sont présentés à la figure 14.1.
FIG. 14.1 Orthèse postopératoire de type Zimmer. Les effets des orthèses de genou de type moulage, thermoplastique, système polycentrique, secteur articulé réglable, en période postplastie du LCA, sont présentés à la figure 14.2.
FIG. 14.2 Effets de l'orthèse de genou post-plastie ligament croisé antérieur (LCA) en rééducation. Source : Thoumie, P., Sautreuil, P., & Mevellec, E. (2001). Orthèses de genou. Première partie : Évaluation des propriétés physiologiques à partir d'une revue de la littérature. Annales de Réadaptation et de Médecine Physique, 44(9), 567-58.
Les orthèses de genou ont des effets soit prophylactiques (fig. 14.3), soit biomécaniques (fig. 14.4), soit fonctionnels et électrophysiologiques (fig. 14.5). Ils ont fait l'objet d'une revue de la littérature par Thoumie, Sautreuil, et Mevellec (2001) ainsi que Genty et Jardin (2004).
FIG. 14.3 Effets prophylactiques de l'orthèse de genou.
FIG. 14.4 Effets biomécaniques de l'orthèse de genou. TTA : tubérosité tibiale antérieure.
FIG. 14.5 Effets fonctionnels et électromyographiques de l'orthèse de genou. EMG : électromyogramme ; LCA : ligament croisé antérieur.
Le saviez-vous ?
■ L'orthèse de genou présenterait des bénéfices dans le syndrome fémoro-patellaire uniquement si celui-ci est associé à une instabilité patellaire mineure à l'examen clinique. ■ En revanche, aucun effet de l'orthèse n'est relevé si ce syndrome est caractérisé par une instabilité patellaire majeure ou une absence d'instabilité à l'examen clinique (Thoumie et al., 2001). ■ Chez le sujet sain, on observe, lors du port d'orthèse de genou, une restriction de la mobilité des ceintures pelvienne et scapulaire (Maïer, Gouelle, Boyer et Taïar, 2007).
Orthèse et contentions de cheville Effet cinésiologiques
Les effets généraux des orthèses et moyens de contentions de cheville (Thoumie, Sautreuil et Faucher, 2004) sont présentés dans le tableau 14.1. Tableau 14.1 Principaux effets des orthèses et contentions de cheville Effets stabilisateurs
Mobilité active
Raideur anatomique : Course à pied : – inversion : résistance orthèse > strapping (2 à 4 Nm) – ↓ inversion et éversion par les – prono-supination : efficacité proche Aircast® versus orthèses rigides et semi-rigides orthèse rigide et antisteppage – préconisation orthèse Push® pour – flexion/extension : efficacité orthèse rigide et antisteppage hyperpronateurs > Aircast® Biomécanique : – éversion/inversion en décharge : − 14° avec orthèse rigide ; − 4° avec orthèse souple – inversion en charge : − 14° en tibio-calcanéen avec orthèse Aircast® ; − 9° en calcanéo-tarsien – supination de l'arrière-pied : angle et vitesse ↓ avec stabilisation lors de la phase d'appui Mikros® > Aircast® > orthèse élastique
Activité physique : – ↓ inversion avec : chevillère, strapping, orthèse semi-élastique – perte d'efficacité du strapping dès 30 minutes – limitation sagittale strapping > chevillère souple
Effets proprioceptifs
Mobilité passive
Sujet sain : ↓ seuil reconnaissance angulaire
In vivo : – rotation : ↓ 20 % – flexion/extension : ↓ 5 à 90 % (orthèse rigide > souple)
Sujet avec instabilité de cheville : normalisation de la reconnaissance angulaire
Radiologiques : – adduction forcée : ↓ 6° en tibiotarsienne et 16° en subtalaire – rotation talienne : ↓ 50 % (7°) avec strapping, Aircast® et Step-in® – appui unipodal : bâillement tibiotarsien retardé à 30° d'inversion de l'arrière-pied – appui bipodal : aucun bâillement tibio-tarsien
Effets cliniques
Les effets cliniques des orthèses de cheville sur l'œdème, la force et la performance motrice sont présentés dans l'encadré 14.2. Encadré 14.2
Effets cliniques des orthèses de cheville • Œdème post-traumatique : réduction à J5 avec Aircast®, modèle standard, double coussin de compression. • Force musculaire : aucune modification en éversion/inversion avec orthèses rigides, semi-rigides et strapping. • Performance motrice : – aucun effet sur la course, le saut en hauteur, l'agilité, les tâches complexes (accélération, décélération, changements de direction) ; – difficulté d'interprétation des résultats.
Effets sur l'équilibre postural Les effets de l'orthèse de cheville sur l'équilibre postural statique et dynamique sont présentés dans le tableau 14.2. Tableau 14.2 Orthèse de cheville et équilibre postural Équilibre stabilométrique statique
Équilibre stabilométrique dynamique
Aicast® : ↓ oscillations médio-latérales du CP chez sujets sains
Conservation de la stratégie d'équilibration de cheville avec orthèse chez des sujets avec instabilité de cheville
Orthèse souple : ↓ oscillations médio-latérales du CP = ↑ proprioception chez sujets avec instabilité de cheville
Test de course unipodale sur terrain irrégulier avec chevillière Mikros®, orthèse Aircast®, strapping = faible perturbation de la performance (9 %)
Orthèse rigide :
Perturbation performance dynamique < statique
↓ oscillations médio-latérales du CP = ↑ proprioception chez sujets avec instabilité de cheville ↑ scores d'équilibre statique avec orthèses bilatérales dans les neuropathies périphériques (Ramstrand et Ramstrand, 2010)
CP : centre de pression.
Effets sur l'initiation de la marche Port d'une orthèse de cheville La prescription d'orthèse de cheville ne cesse d'augmenter. Elle est prescrite notamment dans le cadre de pathologies traumatiques comme l'entorse (ANAES 2000, Thoumie et al., 2004) ou neurologiques telle l'hémiplégie (Leung et Moseley, 2003). L'orthèse cherche à limiter les phénomènes douloureux (Thoumie et al., 2004) et pallie le déficit moteur, comme celui des releveurs du pied, notamment du tibial antérieur, responsable de l'instauration d'une boiterie de steppage, source de chute. Le contrôle de l'équilibre postural statique est amélioré (Ramstrand et Ramstrand, 2010) avec une diminution des mouvements médiolatéraux du centre de pression (CP) et un meilleur recul de ce dernier (Rougier, Brugière, Gallois-Montbrun, Genthon et Bouvat, 2008). Au cours de tâches motrices plus dynamiques, comme l'initiation de la marche (IM), Najafi, Miller, Jarrett, et Wrobel (2010) ont montré que le port d'orthèse « souple », intégrée dans la chaussure, favorisait l'augmentation de la vitesse de marche et la diminution de la durée globale de l'IM. Ces auteurs n'ont observé aucun changement concernant les déplacements du centre de gravité (CG) selon l'axe antéro-postérieur lors de la marche avec orthèse versus contrôle. En revanche, les déplacements médio-latéraux étaient diminués, conférant ainsi une meilleure stabilité posturale au sujet (Najafi et al., 2010). La vitesse de marche stationnaire était atteinte pour un nombre de pas plus faible lors du port de l'orthèse comparativement à l'exécution d'une tâche d'IM pieds nus (Najafi et al., 2010).
Delafontaine, Gagey, Colnaghi, Do, et Honeine (2017) n'ont pas retrouvé les mêmes résultats lors du port d'orthèse rigide sur les axes antéro-postérieur et médio-latéral (fig. 14.6).
FIG. 14.6 Effets immédiats du port d'orthèse « rigide » de cheville sur l'initiation de la marche (Delafontaine et al., 2017). AP : antéro-postérieur ; CP : centre de pression ; CG : centre de gravité ; EMG : électromyogramme ; ML : médio-latéral.
La diminution de l'activité électromyographique des muscles tibiaux antérieurs et soléaires altère le processus d'initiation de la marche sur ces deux axes (fig. 14.6). D'un point de vue mécanique Cette diminution pourrait résulter d'une diminution de la composante active de la flexion plantaire de cheville causée par le port d'orthèse et de strapping (Thoumie et al., 2004). La limitation de la flexion plantaire pourrait perturber les informations généralement transmises lors de la phase d'exécution par le muscle soléaire au système nerveux central (SNC).
En effet, certains fuseaux neuromusculaires de moyens et gros diamètres envoient des informations proprioceptives qui contribuent à l'activité électromyographique du soléaire (Mazzaro et al., 2005). Par ailleurs, la vitesse d'exécution du mouvement de flexion plantaire pourrait également être diminuée (Anderson, Sanderson et Hennig, 1995). Or, pour Sinkjaer, Andersen, Ladouceur, Christensen, et Nielsen (2000), l'activité électromyographique du soléaire pourrait être modulée par les afférences proprioceptives de cheville et notamment par l'intermédiaire des fibres musculaires rapides de type II. La diminution du recrutement des fibres de type II, liée à la perte de vitesse du mouvement de flexion plantaire, perturberait ainsi les informations musculo-squelettiques intégrées par le SNC (Massion, 1992). D'un point de vue cinésiologique L'orthèse pourrait perturber la rotation tibio-talienne (Vaes et al., 1998) au moment de la phase de simple appui, lorsque le genou effectue sa flexion, modifiant ainsi plus globalement l'alignement vertical du corps observé lors du déroulement du pied sur le sol. La modification du phénomène rotatoire au niveau du segment jambier pourrait perturber l'activité électromyographique du soléaire (Schwartz et Lakin, 2003). D'un point de vue sensitivo-moteur Le strapping et l'orthèse pourraient modifier les informations provenant des récepteurs de la voûte plantaire (fig. 14.7) et des muscles intrinsèques du pied (Do, Bussel et Brenière, 1990). Cela perturberait alors la corrélation avec l'activité électromyographique du soléaire (Do et al., 1990).
FIG. 14.7 Ensemble des différents récepteurs à adaptation lente (SAI et SAII) et adaptation rapide (FAI et FAII) propres à la voûte plantaire (d'après Kennedy et Inglis, 2002 ). SAI : récepteurs de type I à adaptation lente ; SAII : récepteurs de type II à adaptation lente ; FAI : récepteurs de type I à adaptation rapide ; FAII : récepteurs de type II à adaptation rapide.
Implications cliniques
■ Au vu des données électromyographiques publiées, il est important de penser à sevrer l'orthèse le plus rapidement possible, tout en tenant compte de l'évaluation neuromotrice. ■ Si l'orthèse doit être portée sur une longue période, il semble pertinent d'effectuer, dès que possible en parallèle, une rééducation motrice et proprioceptive adaptée.
Port du strapping de cheville Delafontaine, Honeine, Do, Gagey, et Chong (2015) ont montré que le port de strapping (surtout pour l'IM départ pied d'appui strappé ;
fig. 14.8) diminuait la vitesse antéro-postérieure du CG à la fin du premier pas. La stratégie alors utilisée par le SNC pour pallier cette déficience consistait à augmenter la durée des ajustements posturaux anticipateurs (APA). Cependant, cela était insuffisant pour retrouver une vitesse antéro-postérieure comparable à une marche sans strapping.
FIG. 14.8 Initiation à la marche sur plateforme de force avec strapping de cheville.
Le saviez-vous ?
■ L'application d'un strapping sans « sous-bande » (par exemple,
élastomousse) permet d'améliorer le contrôle de l'équilibre médio-latéral contrairement à celui avec « sous-bande ». ■ Le port de strapping perd mécaniquement son efficacité au-delà de 45 minutes contrairement aux orthèses « rigides ». Cependant, son efficacité sur l'immobilisation articulaire semble équivalente à ces dernières (Thoumie et al., 2004).
Implications cliniques Toute raideur/hypomobilité articulaire du complexe cheville/pied doit être prise en charge, car elle risque d'augmenter la durée APA, augmentant ainsi le risque de chute, notamment chez des sujets à risque comme le sujet âgé ou le patient parkinsonien (voir chapitre 6).
Orthèse de décharge Principe d'une orthèse de décharge Les orthèses de décharge sont généralement utilisées dans le cas d'une gonarthrose unicompartimentale pour soulager la douleur, maintenir un niveau d'activité physique et permettre, dans le cas de jeunes patients, de retarder l'intervention chirurgicale (Giori, 2004). Elles peuvent aussi avoir vocation à décharger l'articulation après une intervention chirurgicale (Thorning, Thorlund, Roos, Wrigley et Hall, 2016). Un algorithme d'aide à la prescription des orthèses de décharge a récemment été proposé (Beaudreuil et al., 2016). Dans le cas de la gonarthrose fémoro-tibiale médiale, ces orthèses exercent une action valgisante sur l'articulation du genou. Elles peuvent être réalisées sur mesure ou en série, ces dernières étant moins efficaces (Draganich et al., 2006) ; de nombreux modèles sont actuellement sur le marché. La figure 14.9 présente les principales orthèses évaluées dans la
littérature scientifique.
FIG. 14.9 Exemples d'orthèses de décharge ayant fait l'objet d'une évaluation scientifique. De gauche à droite : OA Adjuster® (Donjoy), MOS Genu® (Bauerfeind), Genu Arthro® (Ottobock), GII unloader® (Ossür).
De manière générale, ces modèles sont composés d'au moins une charnière rigide, de sangles pour ajuster le serrage, et d'un pad permettant un appui controlatéral au compartiment atteint. Si ce dernier fait défaut, l'orthèse possède un moyen de réglage en valgus plus ou moins prononcé, généralement compris entre 0 et 8° pour les orthèses les plus contraignantes. Le principe mécanique caractérisé par « trois points de pression » (deux côtés malades et un côté sain) vise à répartir les charges exercées sur les surfaces articulaires fémorotibiales de manière plus appropriée (Segal, 2012). Le serrage des sangles (solidaires d'une charnière rigide) permet un appui du pad (rigide ou gonflable) plus ou moins important sur le côté sain de l'articulation. La contrainte appliquée a pour objectif théorique le réalignement du tibia avec le fémur, diminuant alors les charges compressives dans le compartiment fémoro-tibial où siège l'arthrose.
Bienfaits d'une orthèse de décharge La surcharge qui s'exerce au niveau des surfaces articulaires du compartiment médial au cours de la marche peut être diminuée par le port d'une orthèse de décharge, d'où sa dénomination. Portée par les patients, ce type d'orthèse permet de moduler les charges excessives au niveau des surfaces articulaires du compartiment atteint. De cette manière, l'appareillage pourrait avoir un retentissement sur la
progression de la maladie, même si à ce jour, aucune étude n'a permis de quantifier objectivement un éventuel ralentissement de la destruction de la matrice cartilagineuse. En fait, les bénéfices liés au port d'une orthèse de décharge reposent sur des questionnaires d'évaluation subjectifs et, plus objectivement, sur les variables biomécaniques de la marche présentées ci-après (fig. 14.10).
FIG. 14.10 Effets d'une orthèse de décharge.
Le saviez-vous ?
■ 1 N.m de contrainte appliquée en valgus par une orthèse de décharge réduit d'environ 1 % les pressions fémoro-tibiales du compartiment médial. ■ 1 N.m de contrainte appliquée en valgus par une orthèse de décharge réduit d'environ 3 % le moment extérieur d'adduction du genou (Shelbourne et al., 2008).
Une compliance à améliorer Pour résumer, les orthèses de décharge permettent de redistribuer les pressions fémoro-tibiales tout en diminuant l'implication des structures articulaires dans la lutte contre le varus extérieur subi au cours de la phase d'appui de la marche. Malgré ces bienfaits qui permettent de soulager l'articulation, ce type d'appareillage présente tout de même des effets indésirables, ce qui nuit à sa prescription (Beaudreuil et al., 2016 ; Giori, 2004 ; Rannou, 2013 ; Van Raaij, Reijman, Brouwer, Bierma-Zeinstra et Verhaar, 2010). Le point négatif des orthèses de décharge est bel et bien leur tolérance par les patients. Bien entendu, l'importance de la décharge fémoro-tibiale dépend du réglage de l'orthèse et donc de la tolérance du patient à l'action mécanique anti-varisante (Kutzner et al., 2011). Généralement, les études s'accordent à dire qu'un réglage de l'orthèse en valgus de 8° fournit un moment d'abduction entre 10 et 15 N.m (Della Croce et al., 2013 ; Fantini Pagani, Potthast et Brüggemann, 2010 ; Pollo, Otis, Backus, Warren et Wickiewicz, 2002 ;
Shelburne, Torry, Steadman et Pandy, 2008). Malheureusement, peu nombreux sont les patients capables de supporter une telle contrainte mécanique. Le moment valgisant constant des orthèses à trois points de pression est mal toléré (voir fig. 14.9). Il favorise les effets indésirables (irritations de la peau, gonflements), et dans une large proportion provoque l'inconfort. C'est cet inconfort qui conduit rapidement à l'abandon de l'appareillage, au détriment de l'alliance thérapeutique (Hunter, 2015 ; Squyer, Stamper, Hamilton, Sabin et Leopold, 2013 ; Van Raaij et al., 2010). Le plus gros taux d'abandon se situerait dans les six premiers mois après la prescription. Aussi, dans la pratique quotidienne, il apparaît que ce type d'orthèse est mieux toléré par de jeunes patients, anciens sportifs de bon niveau capables de recevoir une contrainte importante et pour qui une intervention chirurgicale (pose d'une prothèse) apparaît précoce (Rannou, 2013).
Vers un appareillage dynamique Il semble évident que les orthèses de décharge doivent gagner en confort pour renverser leur réputation et répondre au challenge d'une meilleure alliance thérapeutique (Hunter, 2015). L'action mécanique constante des orthèses de décharge à trois points de pression est un véritable frein à la garantie de ce confort. Les orthèses classiques fournissent un moment valgisant sur l'intégralité du cycle de marche pour répondre à la contrainte extérieure en varus subie uniquement au cours de la phase d'appui de la marche. Observons avec attention la courbe de la figure 14.11 décrivant le moment extérieur d'adduction du genou au cours d'un cycle de marche. Cette courbe nous montre la décharge du compartiment fémoro-tibial médial au cours de la phase oscillante de la marche et, par suite, de la nécessité pour lutter contre la contrainte extérieure varisante, d'une suppléance des structures articulaires lors de la seule phase d'appui. Ainsi, les orthèses de décharge devraient pouvoir moduler l'action mécanique (le moment valgisant) à l'intérieur d'un cycle de marche, c'est-à-dire que l'action mécanique de l'appareillage doit être exercée uniquement lors de la phase d'appui.
FIG. 14.11 Représentation du moment extérieur d'adduction du genou au cours d'un cycle de marche. Abductor : abduction ; frontal : frontal. Source : Winter, D.A. (1990). Biomechanics and motor control of human movement. John Wiley & Sons.
Récemment, une étude s'est penchée sur l'activité variable d'une orthèse de décharge au cours d'un cycle de marche, alternant une phase valgisante nécessaire pour contrecarrer le moment extérieur d'adduction et une phase neutre durant l'oscillation (Rougier et Cusin, 2016). Cette étude révèle qu'une orthèse de décharge dynamique diminue les pressions fémoro-tibiales du compartiment médial dans les mêmes proportions que les orthèses classiques (à action mécanique continue) les plus contraignantes (8° de valgus). Pour autant, l'action mécanique moyenne exercée sur l'intégralité du cycle de marche est équivalente à celle des orthèses de décharge classiques dont le réglage en valgus est neutre. Ainsi, l'action mécanique d'une orthèse de décharge dynamique apparaît similaire à celles des orthèses classiques les mieux tolérées tout en ayant l'efficacité des orthèses les moins bien supportées (Boughton, 2017).
Effets du Kinesio Taping®
Le Kinesio Taping® (fig. 14.12) est une thérapie de physiothérapie assez récente, inventée par un chiropracteur japonais. Il est fondé sur le principe que des bandes présentant une élasticité comparable aux propriétés élastiques de la peau pouvaient avoir un effet sur celle-ci, ainsi que sur d'autres structures sous-jacentes comme les muscles, les tendons, les ligaments, les os et le système vasculaire.
FIG. 14.12 Kinesio Taping® du triceps sural lors de la marche. Le postulat « empirique » est celui d'une apposition des bandes thérapeutiques sur la peau avec une certaine tension, une direction d'application (par exemple, de la partie proximale vers la partie distale ou vice versa selon l'effet thérapeutique souhaité de stimulation ou d'inhibition musculaire) et une durée d'application (entre 3 et 5 jours généralement).
Kinesio Taping® et marche du sujet sain Facilitation et inhibition musculaire Guner, Alsancak et Koz, 2015 n'ont pas observé de modification des amplitudes articulaires du genou dans le plan sagittal lors de la marche chez sujets sains avec Kinesio Taping®. Au début de la phase de simple appui, le moment de flexion du genou était diminué avec le montage Kinesio Taping® « facilitateur » et augmenté avec le montage Kinesio Taping® « inhibiteur ». Lors de la préphase oscillante, l'activité excentrique du droit fémoral était augmentée avec le montage inhibiteur, alors que l'activité excentrique des ischio-jambiers était diminuée en fin de cette phase.
Effets électromyographique Martinez-Gramage, Merino-Ramirez, Amer-Cuenca et Lison, (2016) n'ont mis en évidence aucune modification du signal électromyographique avec Kinesio Taping® placé sur les gastrocnémiens au cours de la marche et ceci jusqu'à 72 heures postKinesio Taping®.
Effets cliniques sur la marche Le port de Kinesio Taping® appliqué sur la cheville, de 20 adultes sains, au niveau des tibiaux antérieurs et des gastrocnémiens entraîne
une augmentation de la vitesse de marche, de la cadence, de la longueur de foulée ansi que des paramètres cliniques d'équilibration lors de la marche (Kim et Cha, 2015).
Kinesio Taping® et marche du sujet pathologique Hallux valgus Le Kinesio Taping® n'a pas montré d'effet correctif mécanique sur l'angulation métatarso-phalangienne en cas d'hallux valgus. Toutefois l'équilibre dynamique se trouvait amélioré sur les tests cliniques (Gur et al., 2017).
Gonarthrose Les patients gonarthrosiques ayant bénéficié d'un Kinesio Taping® sur le genou ont perçu une diminution de la douleur ressentie pendant la marche. Aucune différence sur les paramètres spatiotemporels et élctrophysiologiques n'ont été observé au cours de la locomotion (Edmonds, McConnell, Ebert, Ackland et Donnelly, 2016).
Accident vasculaire cérébral et Kinesio Taping® du tronc Des patients ayant subi un accident vasculaire cérébral (AVC) ont bénéficié d'une pose de Kinesio Taping® sur le tronc. Il n'a été montré aucune amélioration des paramètres biomécaniques de la marche (Choi, Nam, Lee et Park, 2013).
Accident vasculaire cérébral, Kinesio Taping® des membres inférieurs et équilibre Le montage de Kinesio Taping® « facilitateur » des releveurs du pied chez des patients hémiplégiques avec équin plantaire a un effet transitoire d'amélioration de l'équilibre statique et dynamique (Shin, Kim et Kim, 2017). Cliniquement, le port de Kinesio Taping® améliore les scores à l'échelle d'évaluation d'équilibre de Berg et au timed up and
go test (Nam, Lee et Cho, 2015).
Instabilité de cheville Sur les patients atteints d'instabilité chronique de la cheville, il a été montré une augmentation de l'inversion et une diminution de l'éversion durant la phase de simple appui et la phase oscillante lors du port de Kinesio Taping® (Deschamps et al., 2015).
Effets des orthèses du tronc Les orthèses lombaires (fig. 14.13) sont généralement utilisées pour une immobilisation rachidienne, la mobilité étant réduite de façon plus ou moins prononcée en fonction du modèle utilisé (souple au plus rigide). Néanmoins, une controverse subsiste concernant l'apport proprioceptif de l'appareillage. Pour certains, la compression associée au renfort des informations cutanées est perçue comme un avantage (McNair et Heine, 1999) mais pour d'autres, elle contribue à une modification de la courbure vertébrale (diminution de la lordose lombaire), elle-même génératrice d'un trouble proprioceptif (Thoumie, Drape, Aymard et Bedoiseau, 1998). Dès lors, un effet mécanique lordosant intégré à l'appareillage pourrait s'avérer bénéfique afin de remédier à cette contradiction.
FIG. 14.13 Exemple de l'orthèse Lordactiv® utilisée dans cette étude. Le renfort de la lordose lombaire est amovible. Source : Étienne Cusin, Manh-C.Do & Patrice R. Rougier (2016) : How does wearing a lumbar orthosis interfere with gait initiation ?, Journal Ergonomies volume 60, 2017 - issue 6, pages 837–843. Taylor & Francis. Ltd.
Au regard de ces éléments, plusieurs orthèses lombaires ont été testées de manière à éclaircir leurs répercussions sur l'initiation de la marche. Cette tâche motrice requiert des mouvements de rotation de la région lombo-pelvienne (Ceccato, de Sèze, Azevedo et Cazalets, 2009) et pourrait donc être perturbée par la restriction de mouvement induite par le port de ce type d'appareillage. Les paramètres biomécaniques classiquement mesurés dans cette tâche ont été observés (durée des APA, durée de la phase d'exécution du pas et vitesse maximale du CG atteinte à la fin du premier pas). Chez les 13 sujets sains recrutés dans le cadre de cette étude, aucune différence significative entre les conditions n'a été observée. Aussi, malgré la
restriction de mouvement du rachis lombaire provoquée par le port d'une orthèse, aucune répercussion sur les paramètres biomécaniques de l'initiation du pas n'est à noter. De même, un éventuel gain proprioceptif n'a pas montré d'effet sur le contrôle de ce mouvement. Ceci révèle la rigidité des paramètres biomécaniques de l'initiation de la marche, peut-être elle-même consolidée par des stratégies motrices adaptatives qui pourraient faire l'objet de futures études dans le but de les identifier (Cusin, Do et Rougier, 2017).
Conclusion Le port d'un appareillage soulève trois problématiques : ● motrice, puisque la diminution de l'activité électromyographique peut conduire à l'atrophie musculaire (par l'impact sur la synchronisation, le recrutement et la coordination des unités motrices) ; ● psychomotrice, car un risque d'accoutumance à cette condition particulière de marche pourrait se manifester par une peur lors du sevrage de l'orthèse (Maïer et al., 2007) ; ● fonctionnelle, car le port asymétrique d'appareillage peut entraîner des compensations biomécaniques « locales » néfastes du côté sain, mais aussi « globales » sur le reste du corps. En effet, il a été montré que le port d'appareillage de genou réduit la mobilité des ceintures pelvienne et scapulaire (Maïer et al., 2007). Cela pourrait ainsi concourir à l'altération globale du schéma de marche et, plus spécifiquement, au processus de dissociation des ceintures.
Points clés
■ L'appareillage dégrade la capacité posturo-cinétique (voir
chapitre 3) et donc par définition perturbe l'ensemble des articulations de la chaîne posturale ainsi que la performance motrice (Bouisset et Le Bozec, 2002). ■ La rééducation doit être précoce, « locale » sur l'articulation atteinte mais également « globale » pour limiter la dégradation de l'ensemble de la chaîne posturale. ■ L'ensemble de ces résultats soulève la question de l'intérêt de prescrire des orthèses « rigides non articulées », notamment chez les patients présentant une altération du contrôle de l'équilibre postural, tels que les sujets âgés ou avec déficience du SNC. ■ Attention : la marche des sujets âgés ou avec déficience du SNC est plus lente et s'effectue généralement à « petits pas » (Patchay, Gahéry et Serratrice, 1997). Or, la vitesse de progression obtenue lors de la marche (V) correspond au produit de la modulation de la longueur du pas (Lpas) et de la fréquence (F), soit V = Lpas × F (Laurent et Pailhous, 1986). Il semblerait donc que, pour accroître leur vitesse de marche lors du port d'orthèse, ces sujets soient obligés d'augmenter la fréquence de leurs appuis, ce qui pourrait entraîner un risque de chute.
Entraînement
QCM 1 L'orthèse de genou : A. diminue l'activité électromyographique du quadriceps B. a un effet préventif sur les lésions du LCA C. améliore la stabilité du genou si le LCA est rompu
QCM 2
Le strapping de cheville est efficace : A. plus d'une heure B. plus efficace sur l'équilibre sans sous-bande C. augmente la durée des APA
QCM 3 L'orthèse de cheville : A. augmente le freinage du CG B. diminue l'activité électromyographique du soléaire C. augmente l'activité électromyographique du tibial antérieur
QCM 4 L'orthèse du tronc : A. modifie les APA B. augmente la lordose lombaire C. a un effet proprioceptif affirmé
QCM 5 Une orthèse peut avoir : A. des effets sur le côté controlatéral B. des répercussions psychologiques lors du sevrage C. des effets sur la dissociation des ceintures pelvienne et scapulaire
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CHAPITRE 15
Marche et chaussage : quels choix pour quels effets ? A. Delafontaine; S. Rinderknecht; A. Stuner
PLAN DU CHAPITRE Chaussage chez l'enfant Chaussage chez l'adulte Chaussage chez la personne âgée
Focus
■ Objectifs pédagogiques : – identifier les caractéristiques d'un chaussant ; – intégrer l'analyse du chaussage dans le bilan du patient. ■ Objectifs professionnels : – identifier les besoins selon l'âge ; – pouvoir justifier un chaussage préférentiel.
■ Evidence based : – connaître les relations entre chaussage et facteurs de risque de chute ou pathologies ; – connaître les relations entre chaussage et optimisation des performances.
Chaussage chez l'enfant La Société canadienne de pédiatrie (1998) recommande un chaussage pour protéger et non pour corriger. Tant que l'enfant ne marche pas, il est préférable de favoriser les pieds nus afin de stimuler la préhension des orteils, la force musculaire et également d'éviter les contraintes dans le développement de la voûte longitudinale. Dans les premiers mois de marche de l'enfant, la chaussure a pour vocation de protéger et adhérer. L'avant de la chaussure doit laisser un espace suffisant aux orteils (1 à 1,5 cm de marge), pour cela l'enfant doit toujours être présent lors de l'achat. Les chaussures montantes trouvent leur utilité dans la difficulté à les ôter plutôt que dans leur rôle de maintien. Il est mis en évidence dans l'analyse de la marche de l'enfant que le chaussage augmente la longueur de pas et diminue la cadence, du fait de l'augmentation de la masse distale (la chaussure) dans le mouvement pendulaire que représente la marche : la chaussure augmente l'inertie du membre oscillant.
Chaussures « correctrices » Hormis une pathologie importante, les enfants ne devraient pas avoir besoin de chaussures dites correctrices. Leurs pieds subissent de nombreuses modifications durant la croissance, il est donc normal d'observer des variations de l'aspect du pied. Il est nécessaire de laisser autant de liberté que possible au pied afin que sa structure se mette en place naturellement lors de la croissance. Par exemple, la
majorité des enfants de moins de 18 mois ont les pieds plats, mais en fin de cursus scolaire primaire, on retrouve une majorité de pieds voûtés (Société canadienne de pédiatrie, 1998).
Semelles orthopédiques Les semelles orthopédiques sur mesure font notamment l'objet de preuves concernant le pied plat de l'enfant et l'arthrite idiopathique juvénile. Concernant la douleur, les semelles semblent apporter une amélioration absolue de 15 %. Concernant l'incapacité fonctionnelle, les semelles semblent apporter une amélioration absolue de 19 %. Cependant les preuves actuelles sont encore limitées et d'autres études sont nécessaires (Rome, Ashford et Evans, 2010).
Marche pieds nus La marche pieds nus chez l'enfant permet une diminution des déplacements du centre de gravité (CG) ainsi qu'une diminution du coût énergétique comparativement à la condition chaussée, pour une même vitesse (Shultz, Houltham, Kung, Hume et Fink, 2016). La majoration du coût énergétique en condition chaussée peut être liée à : ● la présence du poids de la chaussure, dont les conséquences sont augmentées avec la vitesse lors du cycle de marche ; ● la diminution des déplacements du CG ; ● la différence des schémas moteurs utilisés suivant le chaussage ou non.
Capacité torsionnelle de la chaussure La flexibilité torsionnelle des chaussures peut être un facteur dans le choix d'un chaussage pour enfant. Sur les plus jeunes, en apprentissage de la marche, une augmentation de cette souplesse permet une phase d'anticipation plus rapide lors de l'initiation à la marche, et donc un départ plus rapide ; on retrouve également une largeur de pas plus importante dans des chaussures très souples en
torsion (Buckland et al., 2014). Cependant il n'est pas observé de changement dans la stabilité, la vitesse, la longueur de pas et le nombre de chutes et de trébuchements. Les enfants en phase d'apprentissage de la marche sont doués de nombreuses adaptations aux contraintes. Promouvoir l'adaptabilité semble sans doute être le meilleur conseil, plutôt que de chercher à tout prix « la chaussure idéale ». Alterner les chaussures permet d'introduire des contraintes variées dans la tâche motrice qu'est la marche.
En résumé Chez les enfants (hors pathologies) : ■ le chaussage doit être évité tant que la marche n'est pas acquise ; ■ le chaussage doit protéger et adhérer ; ■ le chaussage doit permettre l'épanouissement de la croissance du pied ; ■ la variabilité du chaussage est probablement la clé de l'adaptation.
Chaussage chez l'adulte Largeur de la chaussure La largeur de la chaussure est un critère peu évoqué lors d'un achat. Les premières caractéristiques recherchées sont : le design, le prix et la taille (longueur). Or un facteur essentiel est la largeur de la chaussure, notamment au niveau de l'avant-pied. Les bienfaits d'une largeur de chaussure adaptée sont décrits dans l'encadré 15.1.
Encadré 15.1
Bienfaits d'une largeur de chaussure adaptée • Plus de confort : mouvements libres, absence de compressions douloureuses. • Moins de frottements : diminution des phlyctènes, des cors, des pathologies unguéales, etc. • Étalement naturel de l'avant-pied : amélioration de la stabilité par augmentation du polygone de sustentation. • Moins de confinement : diminution de l'humidité et des conséquences liées à l'humidité.
La chaussure devrait donc respecter la forme anatomique de l'avant-pied (fig. 15.1), notamment en situation de mise en charge. En effet, il est retrouvé que les populations ne portant pas de chaussures ont une largeur de pied plus importante, un écartement entre l'hallux et le deuxième orteil plus important, ainsi qu'une diminution de l'angle métatarso-phalangien de l'hallux (Shu et al., 2015).
FIG. 15.1 Les différentes largeurs de chaussures : de la plus petite à la plus large.
Hauteur du talon
Le port de talons est un outil esthétique très prisé chez la femme. Or, portés de manière régulière, les talons semblent avoir des conséquences néfastes sur le système musculo-squelettique (fig. 15.2). Ils sont à l'origine de l'apparition et du développement de pathologies du système locomoteur telles que la gonarthrose (Kerrigan, Todd et Riley, 1998), les entorses de la cheville (Cowley, Chevalier et Chockalingam, 2009) ou encore les lombalgies. La compréhension des modifications posturales engendrées par le port de talons et aboutissant, à long terme, à des troubles musculo-squelettiques, a suscité l'intérêt des chercheurs. Ces modifications posturales témoignent de la capacité de notre système nerveux à s'adapter afin d'assurer l'équilibre du corps même dans des conditions de stabilité non optimales (Alkjær, Raffalt, Petersen et Simonsen, 2012).
FIG. 15.2 Conséquences du port de talons sur les paramètres cinétiques et cinématiques de la marche. Les études réalisées et comparées les unes aux autres utilisent soit un chemin de marche à vitesse spontanée, soit un tapis de marche (encadré 15.2). À même vitesse de marche, en comparaison avec le chemin de marche, le tapis de marche engendre une longueur d'enjambée plus faible associée à une fréquence plus élevée. Cette différence influence également les paramètres cinématiques et cinétiques des différentes articulations expliquant des résultats d'études parfois contradictoires.
Encadré 15.2
Angulation de l'articulation talo-crurale lors du port de chaussures à talons Angulation de la talo-crurale (fig. 15.4). Diminution de la vitesse de marche, diminution de la longueur de l'enjambée = fréquence (Cowley et al., 2009 ; Esenyel et al., 2003 ; Lee, Jeong et Freivalds, 2001) : ces changements semblent accentués lorsque la hauteur du talon augmente (Koussihouèdé et al., 2015). Modification des paramètres cinétiques et cinématiques des membres inférieurs : • à vitesse spontanée (Esenyel et al., 2003) : – diminution du travail excentrique des fléchisseurs plantaires en début de phase d'appui, – diminution du pic de moment de force des fléchisseurs plantaires en fin de phase d'appui avec réduction de 29 % de leur travail musculaire concentrique ; • à vitesse contrôlée (4 km/h) (Simonsen et al., 2012) : – augmentation de l'activité électromyographique du soléaire sur toute la phase d'appui, – augmentation de l'activité électromyographique des gastrocnémiens médiaux sur la seconde moitié de la phase d'appui.
C'est notamment le cas dans l'étude d'Esenyel, Walsh, Walden et Gitter (2003), ainsi que dans de nombreuses autres études. La comparaison entre la marche à plat et avec talons est réalisée à vitesse spontanée. Or, la vitesse diminue lors du port de talons. Les modifications observées précédemment pourraient être aussi dues à une diminution de la vitesse de marche (Simonsen, Svendsen, Nørreslet, et al., 2012). Deux mécanismes pourraient donc expliquer la diminution du travail musculaire du triceps sural sur l'ensemble de la
phase d'appui à vitesse spontanée : ● le bras de levier musculaire est réduit par la position en flexion ; ● la contraction du muscle se réalise dans une position raccourcie (course interne) non optimale (Cowley et al., 2009 ; Esenyel et al., 2003). Lorsque le triceps sural est raccourci au point où les angulations de cheville restent constamment dans le secteur de la flexion plantaire (talon de 8,5 cm), on observe sur les fléchisseurs plantaires et notamment les gastrocnémiens : ● un probable rôle de stabilisation de l'articulation (Cowley et al., 2009 ; Mika, Oleksy, Mika, Marchewka et Clark, 2012) ; ● une altération de leur activité phasique pour une activité tonique ; ● une participation du muscle tibial antérieur, fléchisseur dorsal de cheville, dans la stabilisation. En effet, il semble accentuer son activité lorsque la hauteur du talon augmente (Cardoso Do Nascimento, Saraiva, Da Cruz, Da Silva Souza et Callegari, 2014 ; Hong, Lee, Lin, Tang et Chen, 2013 ; Johanson, Allen, Matsumoto, Ueda et Wilcher, 2010 ; Mika et al., 2012). Ces résultats restent cependant controversés (Simonsen et al., 2012). Ces modifications créées par le port de talons au niveau de l'articulation amène à un phénomène compensatoire au niveau du genou et de la hanche. Ce phénomène de compensation se traduit notamment par une augmentation de l'amplitude de flexion de genou et de hanche lors de la première moitié de la phase d'appui (Cardoso do Nascimento et al., 2014 ; Esenyel et al., 2003 ; Stefanyshyn, Nigg, Fisher, O'Flynn et Liu, 2000). Ce positionnement du genou est associé à une augmentation de l'amplitude du moment de force en extension (concentrique). Une flexion de genou accentuée en phase d'appui induit un centre articulaire antériorisé et le port de talons augmente la distance entre le
point d'application des forces de réaction au sol et ce centre articulaire. Ces deux phénomènes peuvent concourir à augmenter le moment en flexion créé par les forces de réaction expliquant un moment en extension plus important pour assurer la stabilité du genou. La phase d'oscillation, au contraire, montre une diminution de la flexion de genou. Au niveau de la hanche, la contraction des fléchisseurs de hanche semble prolongée lors de la transition entre la phase d'appui et la phase oscillante amenant à une augmentation du travail concentrique des fléchisseurs de hanche (Cowley et al., 2009 ; Esenyel et al., 2003 ; Stefanyshyn et al., 2000). Dans le plan frontal, les moments en varus du genou et de la hanche s'accroissent lors du port de talons, une activité accentuée des abducteurs pourrait s'opposer à ces moments en varus délétère pour les articulations (Cowley et al., 2009 ; Esenyel et al., 2003 ; Simonsen et al., 2012 ; Stefanyshyn et al., 2000). Pour terminer, notons que ces études ne choisissent pas des hauteurs et largeurs de talons identiques, les modifications observées étant influencées par ces deux paramètres. De plus, nous pourrions penser que l'expérience des sujets pourrait jouer un rôle sur les résultats mais Simonsen et al. (2012) ne relèvent pas de différence entre un groupe expérimenté et non expérimenté en ce qui concerne l'activité musculaire. Afin d'atteindre les conditions dynamiques de la marche stationnaire à partir d'une position debout statique, la mise en mouvement du corps vers l'avant paraît nécessaire. Cette mise en mouvement est permise par des modifications posturales qui précèdent le début du mouvement volontaire (Belenkii, Gurfinkel et Paltsev, 1967). Ces ajustements posturaux anticipateurs (APA) se retrouvent dans un ensemble de mouvements réalisés vers l'avant et ont donc des capacités d'adaptation (voir chapitres 3 et 6). Selon différents auteurs (Brenière, Do et Bouisset, 1987 ; Brunt, Liu, Trimble, Bauer et Short, 1999 ; Crenna et Frigo, 1991), ces APA seraient modulés en fonction du contexte et du but de la tâche. Or, le port de talons modifie les conditions d'initiation de la marche en
amenant la cheville en position de flexion plantaire (Esenyel et al., 2003). Ce positionnement de l'articulation entraîne un déplacement des forces de réaction au sol en direction de l'avant du pied. De plus, les pressions exercées sur le pied se déplacent vers l'avant et le dedans (Mandato et Nester, 1999) altérant la position du centre des pressions (CP). Ces variations de pression sont transmises au système nerveux qui intègre les informations sensorielles telles que les afférences cutanées plantaires. Mouchnino et Blouin (2013) suggèrent que ces afférences joueraient un rôle important dans la modulation des APA dans le plan frontal. La commande centrale en feedforward à l'origine des APA serait capable de prendre rapidement en compte ces afférences cutanées plantaires pour permettre de transférer correctement le poids du corps sur le pied d'appui. L'intégration de ces afférences serait facilitée lors d'une perturbation qui déporte le corps en direction du pied oscillant. Nolan et Kerrigan (2003) ainsi que Couillandre et al. (2000, 2002, 2003) étudient une situation proche de ce contexte qui est l'initiation de la marche sur la pointe des pieds (à vitesses lente, spontanée et rapide). Comparée à une initiation classique, l'initiation de la marche sur la pointe des pieds entraîne une diminution du déplacement du CP vers l'arrière, alors que la durée des APA paraît accrue. Malgré ce recul restreint du CP, le moment de force créé vers l'avant est plus important lorsque le sujet est sur la pointe des pieds. L'allongement du temps d'anticipation contribue à la progression du CG vers l'avant. La synergie musculaire reste présente mais la désactivation des gastrocnémiens est retardée et plus courte, tandis que l'activité du tibial antérieur ne diffère pas. De plus, l'amplitude d'activation des gastrocnémiens lors de la phase d'exécution est plus importante. D'autres mécanismes contribueraient à générer la vitesse de progression antéro-postérieure (Nolan et Kerrigan, 2003). L'utilisation des membres supérieurs ou la mise en jeu des muscles proximaux seraient des alternatives. Dans cette étude, l'activation des muscles proximaux, plus exactement le biceps fémoral et le droit fémoral, est plus importante et retardée. Ces muscles proximaux sont davantage
recrutés lors d'une initiation de la marche sur la pointe des pieds et pourraient donc participer à l'accélération du CG vers l'avant. Toutes ces différences sur le plan antéro-postérieur n'ont pas de conséquence sur le plan médio-latéral. Un moment plus important vers l'avant n'engendre pas une augmentation du moment créé sur les côtés. L'équilibre médio-latéral semble donc préservé. La différence avec une initiation de la marche sur des talons est que la flexion plantaire est active, la contraction du triceps sural est nécessaire pour rester sur la pointe des pieds. De plus, la surface d'appui est réduite, le talon n'a pas de contact avec le sol ou la chaussure, le déplacement du CP vers l'arrière est donc restreint. L'initiation de la marche sur un plan incliné vers le bas entraîne, tout comme le port de talon, une flexion plantaire « passive » de cheville. Malgré des valeurs d'amplitude et de durée de recul du CP plus importantes lors de l'initiation sur plan incliné, aucune différence significative n'est relevée dans le plan antéro-postérieur (Neto et al., 2014). Néanmoins, l'inclinaison est seulement de 7 à 8°, le talon qui correspondrait à ce plan incliné serait d'une hauteur très faible. La hauteur du talon semble influencer les résultats de plusieurs études concernant la marche stationnaire. Avec une inclinaison supérieure, les résultats pourraient être différents. Contrairement à l'initiation de la marche sur la pointe des pieds, cette étude trouve des différences significatives sur le plan médiolatéral caractérisées par un déplacement inférieur du CP. Les auteurs mettent en avant le fait que les sujets pourraient « faire plus attention » parce qu'ils n'ont pas l'habitude d'initier la marche sur plan incliné. Une seconde hypothèse serait que l'équilibre dynamique serait engendré en partie par la gravité, diminuant la nécessité de transférer son poids sur le pied d'appui. La flexion plantaire contrainte par le plan incliné n'est pas poursuivie lors du contact avec le pied oscillant au sol contrairement à l'initiation de la marche avec port de talons. Au vu des études, il paraît intéressant d'examiner davantage le contrôle postural associé à l'initiation de la marche sur des talons. Il est probable que le contrôle postural s'adapte à la contrainte du port
de talons de différentes manières.
Marche pieds nus Le chaussage est associé à une augmentation de la longueur de pas et à une dorsiflexion plus importante lors de l'attaque du pied au sol. Marcher pieds nus induit une force d'impact vertical réduite, ainsi qu'une répartition plus homogène des pressions plantaires, probablement due à une surface de contact au sol plus grande, grâce à un placement du pied plus à plat (Franklin, Grey, Heneghan, Bowen et Li, 2015). Il peut être intéressant d'introduire autant que possible des phases de marche pieds nus dans notre quotidien, afin de favoriser nos capacités de modification d'attaque du pied au sol et de répartition des appuis.
Semelles orthopédiques Les preuves actuelles semblent montrer un effet positif des semelles orthopédiques pour les pieds creux. Le pied creux correspond à une voûte longitudinale médiale excessive, il est caractérisé également comme pied supinateur. Sa prévalence est de 10 % et sa cause est principalement neuromusculaire ou idiopathique. L'incidence de douleurs dans le cadre de pieds creux est de 60 % et représente donc un enjeu thérapeutique. À l'heure actuelle, les preuves suggèrent que les semelles orthopédiques sur mesure permettent une meilleure distribution des pressions plantaires et permettraient une réduction des douleurs d'environ 75 % (Burns, Landorf, Ryan, Crosbie et Ouvrier, 2007). Concernant la prévention des douleurs dorsales, les preuves actuelles sont solides quant à une inefficacité. Concernant le traitement des douleurs dorsales, les preuves ne permettent pas de tirer de conclusions (Sahar et al., 2007). Vis-à-vis du traitement des syndromes fémoro-patellaires , les semelles orthopédiques sur mesure ne semblent pas présenter d'avantages comparativement à des semelles simples ou à de la
physiothérapie. Bien que de faibles preuves semblent indiquer un bénéfice des semelles concernant les douleurs à court terme, il faut également prendre en compte le risque d'effets indésirables du port de semelle dans le calcul bénéfice/risque (Hossain, Alexander, Burls et Jobanputra, 2011).
Le saviez-vous ? En réalité, l'homme n'a pas physiologiquement besoin de chaussage. De nombreuses ethnies ou populations marchent sans chaussures et leur corps s'adapte ; il en allait de même pour nos ancêtres, avant que la chaussure n'apparaisse : la peau au niveau de la voûte plantaire s'épaissit, devient plus résistante et permet ainsi à ces populations de marcher dans des conditions extrêmes (sol irrégulier, cailloux, montagnes, forêts…). La chaussure est apparue vraisemblablement il y a quelque 5500 ans : c'est du moins l'âge de la plus vieille chaussure trouvée à ce jour, en Arménie. De nos jours, la chaussure est plutôt le reflet de nos goûts vestimentaires, de la mode et du milieu social, mais il faut savoir que, déjà chez les Romains, le chaussage signifiait le statut social et le niveau de richesse.
Chaussage chez la personne âgée Risques de chute Le maintien de l'équilibre est directement lié aux informations visuelles, somato-sensorielles et vestibulaires disponibles pour le système nerveux central (SNC) concernant l'emplacement du CG. Les personnes âgées sont prédisposées à une qualité et à une quantité réduites de l'information sensorielle, ce qui contribue grandement à la diminution de la stabilité posturale. Plus
précisément, la perte de sensation de pression cutanée est un résultat normal du vieillissement et a été liée à l'instabilité posturale chez les personnes âgées. Depuis que le chaussage a été établi comme un facteur de risque de chute, et que sa modification est une action simple à mettre en place, il convient d'en déterminer les caractéristiques qui peuvent ou non améliorer la marche et l'équilibre dans le but de prévenir le risque de chute. Il est donc primordial de comprendre le rôle que peuvent avoir le chaussage et les orthèses plantaires dans cette population. Chez une population de personnes âgées, le chaussage est influencé par le confort, leurs pieds présentant souvent des déformations et des douleurs, ainsi que par les « habitudes » et la mode. Le choix du confort amène à porter des chaussons, des chaussettes ou à marcher pieds nus en intérieur, alors que les « habitudes » ou la mode peuvent aboutir au port de chaussures à talons. Dans ce sens, un pourcentage élevé de personnes âgées vivant en foyer, en institution ou à l'hôpital marchent pieds nus, en chaussons ou en chaussettes. Le choix de chaussage constitue un facteur environnemental de risque de chute important chez les personnes âgées. En effet, de nombreuses personnes déclarent être « mal chaussées » lors des circonstances d'une chute. Ce facteur de risque extrinsèque vient s'ajouter aux facteurs de risque intrinsèques liés à l'âge. En plus d'un mauvais choix du type de chaussures, elles peuvent être mal ajustées en taille, en largeur ou en poids, augmentant ainsi le risque de chute. C'est donc un point sur lequel nous pouvons intervenir. Lors de la marche, le pied et la cheville sont en contact indirect avec le sol par l'intermédiaire de la chaussure. Les informations somatosensorielles transmises par le pied et la cheville permettent d'ajuster le contrôle postural et sont modulées par l'élément de liaison entre le sol et le pied : la chaussure. Les interfaces pied/chaussure et chaussure/sol doivent être optimisées afin d'assurer la qualité des informations somatosensorielles. Par exemple, les forces de friction entre ces interfaces
doivent être suffisamment importantes pour éviter que le pied ne glisse dans la chaussure ou que la chaussure ne glisse sur le sol. Dans ce sens, le port de chaussettes ou de chaussons/chaussures avec des semelles lisses diminue ces forces de friction et peut être à l'origine de chutes. Un chaussage avec des interfaces mal adaptées peut donc altérer la transmission des informations somato-sensorielles, créer une instabilité et augmenter le risque de chute chez les personnes âgées. Une étude de Roman de Mettelinge et al. (2015) compare l'influence du type de chaussage sur la marche chez des personnes âgées vivant en foyer. Les auteurs montrent que les caractéristiques spatiotemporelles de marche sont améliorées (vitesse de marche, longueur et fréquence de l'enjambée, variabilité du pattern de marche) par le port de chaussures standard (type baskets) comparé à une marche pieds nus, avec des chaussons (à talons ouverts) ou avec des chaussures à talons (supérieurs à 3,5 cm). Le pattern de marche, au contraire, serait particulièrement affecté (diminution de la vitesse de marche associée à une diminution de la longueur de l'enjambée) lors de la marche pieds nus comparativement aux autres conditions de marche. La marche pieds nus augmente l'intensité des pressions plantaires accentuant les contraintes imposées à la voûte plantaire (Roman de Mettelinge et al., 2015). Les chaussures pourraient, en absorbant les chocs, diminuer les contraintes plantaires et aboutir à une amélioration du pattern de marche. Au contraire, lorsque ces contraintes sont accentuées par la marche pieds nus, une stratégie compensatoire (diminution de la vitesse de marche) serait adoptée afin de limiter les contraintes plantaires et les douleurs associées. Arnadottir et Mercer (2000) ont également montré que le port de chaussures de marche améliore la vitesse de marche et les performances aux tests fonctionnels (timed up and go test et test de marche sur 10 m). En plus d'être associée à de meilleures performances de marche, la chaussure classique (de type sport ou sneakers) est associée à une diminution de 1,3 fois du risque de chute, comparativement à tout autre chaussage (Koepsell et al., 2004). La personne âgée présentant un risque accru de difficulté à la
marche et à l'initiation de cette marche, doit être dans la capacité d'optimiser au maximum les processus nécessaires à une bonne déambulation. Les processus nous intéressant ici sont le décollement des orteils et l'action du tibial antérieur. Or, on observe sans difficulté chez les personnes âgées (et dans la population en général) un port de chaussures : ● trop petites ; ● trop étroites ; ● trop serrées (laçage) ; ● trop raides ; ● montantes. Ce schéma de chaussage pourrait entraîner une difficulté, voire une impossibilité de réalisation des processus d'initiation à la marche que sont : le décollement des orteils et l'action du tibial antérieur. Il semblerait donc préférable de conseiller des chaussures avec une souplesse nécessaire du tissu de recouvrement et de la semelle à l'avant du pied, permettant le relevé des orteils. Les chaussures montantes pourraient limiter l'action du tibial antérieur et la flexion dorsale, et influencer l'initiation de la marche, ainsi que la marche, bien que certaines études indiquent une amélioration des performances à des tests d'équilibre statique et dynamique lors du port de chaussures hautes (Lord, Bashford, Howland et Munroe, 1999).
Caractéristiques de la chaussure Talons et hypo-extensibilité du triceps sural Le port de talons peut être préjudiciable chez les personnes âgées puisque l'élévation de la hauteur du talon est associée à l'augmentation du risque de chute. La cheville est une articulation essentielle dans le contrôle postural chez la personne âgée, ce dernier se détériorant avec l'âge. De plus, cette articulation est particulièrement touchée chez les personnes
âgées puisque sa mobilité diminue avec l'âge. Cette hypomobilité est souvent liée à une hypo-extensibilité du triceps sural. Or, une flexion dorsale de 10° est nécessaire lors des activités de la vie quotidienne. Chez les personnes âgées, cette hypomobilité est souvent compensée par des chaussures avec un petit talon, certaines personnes âgées se sentant dans l'incapacité de marcher pieds nus ou à plat. Le port régulier de chaussures à talons peut aussi être à l'origine de cette hypomobilité de cheville. En effet, la cheville est placée dans une position de flexion plantaire qui s'accentue avec la hauteur du talon. Le triceps sural est alors en position raccourcie et se rétracterait avec le temps. De plus, cette position de flexion plantaire augmente les pressions sur l'avant-pied (et la partie médiale) pendant la marche. Ces modifications de pression sont à l'origine de problèmes au niveau des pieds tels que des callosités. Chez les personnes âgées, des problèmes de pieds ont été associés au port de talons supérieurs à 2,5 cm. Le port de « hauts » talons (supérieurs à 3 cm) a aussi des conséquences sur le contrôle postural, diminuant les performances aux tests d'équilibre statique et dynamique, comparé à des conditions nus pieds ou à « petits » talons. Cette détérioration du contrôle postural se traduit notamment par une augmentation des oscillations posturales. Des effets semblables sont observés sur les tests de marche (timed up and go test et test de marche sur 10 m). Aucune différence n'est observée sur la vitesse de marche et les oscillations posturales chez des personnes âgées portant des talons de 1 et 2 cm. Ces effets délétères des chaussures à talons sur l'équilibre et la marche des personnes âgées seraient donc présents à partir d'une certaine hauteur. Malgré les différences de méthodologie observées dans les études (talons personnels ou prêtés, comparaison à des chaussures plates ou pieds nus, caractéristiques des chaussures…), celles-ci s'accordent sur le fait que le port de chaussures à talons suffisamment « hauts » (supérieurs à 3 cm) a des effets néfastes sur les personnes âgées, augmentant notamment le risque de chute.
Semelle intérieure et stimulation plantaire La semelle intérieure des chaussures est un élément qui vient se placer entre le pied et la chaussure et qui peut, par conséquent, influencer la marche. Chez les personnes âgées, la semelle est un élément qui peut augmenter le confort de la chaussure ou permettre un meilleur ajustement de celle-ci au pied de la personne. Des études se sont intéressées aux effets de l'épaisseur et de la rigidité des semelles sur l'équilibre et la marche. Les personnes âgées ressentent un confort plus important avec des semelles épaisses et molles, ces dernières permettant de répartir le poids d'une manière plus homogène et d'amortir les chocs au sol. Cependant, le fait de modifier cette surface de contact intermédiaire entre le pied et le sol peut aussi biaiser les feedbacks sensitifs de la voûte plantaire qui permettent de réguler le contrôle postural. Dans ce sens, une étude a été réalisée sur des hommes âgés et va dans le sens d'une détérioration du contrôle de l'équilibre dynamique lors de la marche (évalué par le nombre de chutes d'une poutre) lorsque la semelle est épaisse et molle. Dans cette étude, cette détérioration est encore plus importante lors d'une marche pieds nus. Les semelles épaisses et molles diminueraient les informations proprioceptives du pied et de la cheville, l'amplitude de déplacement du CG serait réduite dans le plan frontal certainement pour compenser le manque de rigidité de la semelle qui créerait une instabilité au niveau de la cheville. Le contrôle postural serait aussi perturbé par le port de semelles molles (comparé à la condition pieds nus) dans le plan sagittal dans le cadre d'un arrêt de la marche. Une rigidité de semelle intermédiaire ne semble pas influencer les tests d'équilibre statique et dynamique dans une population de personnes âgées, en comparaison à des semelles molles et dures. Cette rigidité pourrait être un bon compromis entre confort et stabilité. Les capacités de résistance des matériaux utilisés pour la fabrication des semelles pourraient aussi s'avérer intéressantes, les matériaux avec de faibles résistances restant déformés lors de la pose du pied au sol, évitant l'instabilité du pied dans le plan frontal. Au vu des études citées précédemment, les semelles à la fois
épaisses et molles pourraient être néfastes pour le contrôle postural lors de la marche. Néanmoins, le nombre d'études reste insuffisant et celles qui ont été réalisées ont des conditions expérimentales particulières qui ne permettent pas de préconiser un type de semelle pour les personnes âgées. La plante du pied, qui se trouve en contact direct avec la semelle de la chaussure, permet de réguler le contrôle postural. Les informations cutanées plantaires sont obtenues par l'intermédiaire des mécanorécepteurs, présents au niveau de la surface plantaire, et remontent au SNC pour induire une réponse posturale si nécessaire. Cette régulation en boucle fermée, qui s'appuie sur le feedback sensoriel , permet d'ajuster la posture au cours de la marche en fonction du contexte et des conditions environnementales. La stimulation de la voûte plantaire pourrait donc améliorer ce retour sensitif et contribuer à améliorer ce contrôle postural. Dans les études, la stimulation de la voûte plantaire a été réalisée par le port de semelles avec des propriétés mécaniques (semelles à « picots », vibrantes) ou magnétiques particulières. Les études réalisées chez les personnes âgées sur l'influence d'une semelle avec des propriétés magnétiques sont contradictoires, certaines montrant une amélioration de l'équilibre statique (Suomi et Koceja, 2001), d'autres non (Hinman, 2003). En ce qui concerne la stimulation mécanique (semelles à picots ou dites « texturées »), elle pourrait s'avérer bénéfique chez les personnes âgées puisque plusieurs études montrent une amélioration de l'équilibre statique (Maki, Perry, Norrie et McIlroy, 1999 ; Palluel, Nougier et Olivier, 2008 ; Palluel, Olivier et Nougier, 2009 ; Perry, Radtke, McIlroy, Fernie et Maki, 2008). Néanmoins, cette amélioration n'est pas retrouvée sur le port à long terme de ce type de semelles, après habituation à celles-ci (Perry et al., 2008). Ces résultats ne se retrouvent pas sur la marche. Au contraire, chez les personnes âgées, le port de semelles dites « texturées » diminuerait la vitesse de marche et la longueur du pas (Hatton, Dixon, Rome, Newton et Martin, 2012 ; Hatton, Rome, Dixon, Martin et McKeon, 2013) et n'aurait pas d'effet sur la largeur du pas
(Wilson, Rome, Hodgso et Ball, 2008). Les semelles « vibrantes » à des fréquences de vibration en dessous du seuil de sensibilité permettraient d'améliorer le contrôle postural (Priplata, Niemi, Harry, Lipsitz et Collins, 2003) et de diminuer la variabilité du schéma de marche chez les personnes âgées (Galica et al., 2009 ; Stephen et al., 2012). Pour conclure, les semelles ou chaussures qui permettent de stimuler la voûte plantaire peuvent être utiles, notamment chez les personnes âgées dont la sensibilité plantaire a tendance à décliner. Néanmoins, d'autres études sont nécessaires pour comprendre l'impact des différentes stimulations plantaires sur la marche et l'effet de celles-ci à long terme.
Semelle extérieure Le fait de glisser est l'une des causes de chute les plus communes chez les personnes âgées. En privilégiant des déplacements sans chaussures en intérieur, les personnes âgées augmenteraient le risque de glisser, se déplacer en chaussettes ou pieds nus élevant le risque de chute. Les semelles des chaussures (fig. 15.3) ont des propriétés adhérentes qui permettent de créer des forces de frottement au sol et de diminuer ainsi le risque de glisser. Ces propriétés « antidérapantes » des chaussures sont importantes chez les personnes âgées qui présentent un risque de chute plus élevé. Chez les personnes âgées, les chaussures ne doivent donc pas être seulement portées en extérieur mais aussi en intérieur. Les surfaces intérieures peuvent être glissantes (carrelage, sol mouillé) et le fait de porter des chaussettes, des semelles lisses ou d'être pieds nus diminue encore plus les forces de frottement (coefficient de friction) déjà très faibles dans ces conditions.
FIG. 15.3 Différents types de semelles extérieures. Source : conçu par Kues1 – Freepik.com.
La comparaison des propriétés antidérapantes des semelles de différents types de chaussures en fonction de leurs rigidités, leurs motifs (traits sous la semelle) et leur rugosité montre que la rugosité de la semelle est positivement corrélée aux capacités antidérapantes de celles-ci (Gao, Holmer et Abeysekera, 2008). Les capacités antidérapantes seraient aussi améliorées par des chaussures avec un talon large, comparé à un talon étroit, et lorsque ce talon est biseauté (10°) dans le but d'optimiser la surface de contact lors de l'attaque du talon au sol. Il en est de même pour les semelles sculptées avec des traits (1,2 cm de largeur, perpendiculaires) qui permettraient une meilleure adhérence sur différents types de surfaces, notamment les surfaces mouillées, le liquide étant drainé par
les traits. À l'inverse, chez les personnes âgées, une adhérence trop importante entre le pied et le sol pourrait être à l'origine de pertes d'équilibre. Les personnes âgées ayant souvent les « pieds traînants », une adhérence trop élevée (propriétés antidérapantes trop importantes du sol et de la chaussure) créerait, dans certains cas, une résistance au passage du pas lors de la marche et lors des pivots. Pour conclure, au vu des études, il semblerait que des semelles sculptées de traits et un talon biseauté pourraient permettre une adhérence efficace des chaussures au sol, notamment sur des surfaces mouillées. Les chaussures à talons doivent au contraire être évitées, puisqu'en plus d'avoir des effets néfastes sur l'équilibre et la posture, elles n'ont pas une adhérence suffisante pour assurer une marche en sécurité. Des recherches complémentaires restent cependant nécessaires pour réellement évaluer les effets de cette adhérence de la semelle sur la marche des personnes âgées, en tentant de se rapprocher le plus des conditions de vie quotidienne.
Hauteur de la chaussure La hauteur de la chaussure (fig. 15.4) est aussi un élément à prendre en compte dans le choix de la chaussure. Des chaussures dites « montantes » dont la hauteur est suffisante pour entourer la cheville fournissent une stabilité mécanique à cette articulation à la fois par la rigidité de la chaussure et par le feedback sensoriel qu'il apporte à ce niveau. Ce stimulus tactile permettrait d'améliorer sa proprioception et ainsi le contrôle de l'équilibre statique médio-latéral (Menz, Lord et Fitzpatrick, 2006 ; You, Granata et Bunker, 2004).
FIG. 15.4 Différentes hauteurs de chaussures : de la plus petite à la plus grande. En comparaison avec le port de chaussures basses, les personnes âgées amélioraient leurs performances à des tests d'équilibre statique et dynamique lors du port de chaussures hautes (Lord et al., 1999). Au contraire, d'autres études montrent que, chez des personnes âgées, les performances aux tests d'équilibre et de marche ne sont pas différentes pour des chaussures montantes et basses (Menant et al., 2008a, b). Lors de la marche, les personnes portant des chaussures montantes augmenteraient le temps passé en double appui et la largeur de pas en comparaison au port de chaussures standard (Menant, Steele, Menz, Munro et Lord, 2009). Les chaussures montantes peuvent également limiter la flexion dorsale de cheville, nécessaire dans l'initiation de la marche. Les recherches sont insuffisantes pour pouvoir connaître l'effet de la hauteur de la chaussure sur la marche des personnes âgées. De plus, les chaussures montantes ne s'adaptent pas à certains climats,
constituant une limite au port de ce type de chaussure. Dans un contexte douloureux, particulièrement la polyarthrite rhumatoïde, il semblerait que les chaussures montantes apportent un bénéfice au niveau des douleurs du pied, et cet effet est majoré par l'ajout de semelles rigides (Egan et al., 2003).
Largeur de la chaussure La largeur de la chaussure doit être adaptée à la largeur du pied. La largeur de pied suffisante, notamment à l'avant-pied, permet un étalement naturel des orteils et donc une augmentation de la surface de contact du pied et un élargissement du polygone de sustentation : on permet ainsi de meilleures conditions d'équilibre. De même, la largeur de la base de support de la chaussure peut être augmentée en ayant une semelle évasée. Une semelle évasée pourrait alors améliorer la stabilité latérale du pied et de la cheville (Menant, Steele, Menz, Munro et Lord, 2008b). Dans le cadre de la marche des personnes âgées, Menant et al. (2008a, 2009) ne retrouvent pas de différence entre des chaussures standard et des chaussures à semelles évasées dans des tests d'équilibre statique, dynamique et lors de la marche. D'autres recherches sur la marche sont donc nécessaires à ce sujet.
Marche pieds nus Les personnes âgées ont une diminution de la vitesse de marche, de la longueur des pas, et de la cadence lorsqu'elles sont pieds nus, comparativement à une marche avec chaussures standard (type baskets). Cette différence est accentuée lorsque s'ajoute une tache cognitive simultanée à la tâche motrice, ici la marche (Roman de Mettelinge et al., 2015). Cependant, quel que soit le type de chaussage, la double tâche cognitive détériore davantage les paramètres de marche, comparativement à une tache motrice simple ou motrice double. Il semblerait que les personnes âgées soient plus à risque de tomber en environnement intérieur, situation dans laquelle la marche pieds nus ou en chaussettes est plus fréquente, d'après Menz, Morris et Lord
(2006). Les auteurs conseillent donc le port de chaussures en intérieur. Il faut cependant prendre en compte le ratio de temps passé entre un environnement intérieur et extérieur. La personne âgée passe probablement un temps plus important en intérieur qu'en extérieur, ce qui peut expliquer des chutes plus nombreuses au domicile. Il faudrait calculer le nombre de chutes au prorata du temps passé dans chaque environnement (Menz et al., 2006). On retrouve par exemple un risque de chute plus élevé en extérieur dans l'étude de Koepsell et al. (2004). La marche pieds nus ou en chaussettes est associée à une augmentation du risque de chute (Koepsell et al., 2004). Cependant l'étude de Koepsell ne distingue pas les situations de chutes pieds nus en situation de marche versus en situation à haut risque (sol humide, baignoire, douche…). En effet, la toilette quotidienne en milieu glissant et humide augmente le risque de chute et la prévalence de chute pieds nus pourrait donc être en partie surestimée ; le port de chaussures pendant la toilette est difficilement réalisable.
Recommandations Au vu des différents points étudiés précédemment, le port de chaussures chez les personnes âgées est essentiel aussi bien en extérieur qu'en intérieur. Le port de chaussons ou de chaussettes en intérieur constitue un réel risque de chute lors de la marche chez les personnes âgées. De plus, les chaussures portées doivent être : ● sans talon ou avec un talon très bas (inférieur à 2 cm), l'ensemble des études réalisées montrant les effets néfastes des chaussures à talons sur l'équilibre et la marche chez les personnes âgées ; ● préférentiellement équipées d'une semelle intérieure relativement fine et dure (éviter au mieux l'association d'une semelle épaisse et molle) ; ● préférentiellement équipées de semelles avec des traits et d'un talon biseauté pour leurs capacités antidérapantes lors de la marche, notamment sur des surfaces mouillées que ce soit en
intérieur ou en extérieur. De plus, il serait préférable d'éviter les semelles trop lisses ; ● souples afin de permettre le déroulement du pas naturel ; ● larges et souples à l'avant afin de permettre l'étalement naturel des orteils, l'augmentation du polygone de sustentation (et donc l'équilibre), ainsi que les mouvements d'orteils (initiation du pas). Concernant la hauteur de la chaussure et les propriétés spécifiques de certaines semelles (stimulation plantaire, par exemple), d'autres études restent nécessaires pour pouvoir connaître l'impact de ces dernières sur la marche des personnes âgées.
En résumé Chez les personnes âgées : ■ le port de chaussures (baskets, sneakers…) en intérieur et extérieur diminue de 1,3 fois le risque de chute ; ■ les conditions port de talons (> 3 cm), pieds nus ou en chaussettes augmentent le risque de chute ; ■ la liberté de mouvement du pied et de la cheville est essentielle aux processus de marche.
Malgré les apports des études, le choix d'une paire de chaussures reste personnel. Cependant, le chaussage doit autant que possible s'adapter en fonction des particularités individuelles, notamment chez les personnes âgées qui ont souvent des déformations et douleurs aux pieds. L'évaluation du chaussage, la mise en place de semelles sur mesure, couplées à des exercices du pied, permettent une diminution du nombre de chutes (Gillespie et al., 2012).
Dans cette population, le confort restera toujours un point important, le choix d'une chaussure alliant confort et sécurité est donc essentiel. Un élément supplémentaire qui peut paraître évident, mais qui reste souvent négligé, est d'adapter la taille et la largeur de la chaussure et celles du pied. Ce manque d'adaptation s'explique souvent chez des personnes âgées dépendantes (hospitalisées ou en institution) par le fait que les chaussures leur sont amenées par des proches sans essai préalable. Pour conclure, le chaussage est un facteur de risque de chute extrinsèque qui peut être facilement modifiable si les personnes et leurs proches sont informés sur les recommandations à suivre. Les professionnels intervenant dans le milieu médical et paramédical ont donc un rôle préventif à jouer à ce titre. Néanmoins, des recherches doivent encore être menées pour comprendre l'impact des différents types de chaussage sur la marche de la personne âgée. Les conseils ci-dessus semblent être pertinents quant à la diminution du risque immédiat de chute. La déambulation pieds nus semble à risque. Cependant il peut être intéressant de proposer aux personnes âgées des « phases » de marche sans chaussures, durant lesquelles seront contrôlés les facteurs de risque : pas de dénivelé, pas de marche, pas d'obstacles, concentration accrue. Cela pourrait permettre de stimuler la voûte plantaire, de garder une capacité de marche en situation pieds nus et d'éviter une désadaptation totale au non-port d'un chaussage. Cela peut également être réalisé en situation de rééducation, avec la présence d'un professionnel de santé, ou d'une tierce personne à proximité. La probabilité qu'une personne âgée se trouve un jour non chaussée, en situation réelle, est grande : c'est pourquoi il ne faut pas négliger le travail de déambulation pieds nus, tout en prodiguant des conseils préventifs comme le port de chaussures autant que possible dans les activités de la vie quotidienne.
Points clés
■ Chez l'enfant, préférer un chaussage le moins contraignant possible, avec une grande variabilité et des phases de nonchaussage afin de favoriser ses capacités d'adaptation et permettre le développement optimal de son pied. ■ Chez le sujet adulte, préférer un chaussage confortable avant l'aspect esthétique : il permet d'éviter inconfort et pathologies du pied. ■ Chez le sujet âgé, préférer un chaussage en intérieur et extérieur afin de de diminuer le risque de chute. Ce chaussage doit également être confortable et permettre au pied une certaine liberté de mouvement pour favoriser les processus de marche.
Entraînement
QCM 1 Quel type de chaussage conseilleriez-vous aux parents d'un enfant n'ayant pas encore acquis la marche ? A. aucun chaussage B. chaussage tissu (chaussettes, chaussons…) C. chaussage avec semelles D. chaussage montant avec semelles
QCM 2 Chez le sujet âgé, quel chaussage conseilleriez-vous pour la vie quotidienne ?
A. aucun chaussage B. chaussures de marche C. chaussures de ville D. chaussures de sport
QCM 3 Chez le sujet âgé, quel chaussage conseilleriez-vous pour la rééducation ? A. aucun chaussage B. chaussures de sport C. chaussage unilatéral D. chaussage bilatéral
QCM 4 Des chaussures adaptées et autorisant le relevé des orteils et du pied à l'initiation de la marche permettent : A. de faire reculer le centre de masse B. de faire avancer le centre de masse C. de faire reculer le centre de pression D. de faire avancer le centre de pression
QCM 5 Dans quel cadre conseilleriez-vous des semelles orthopédiques ? A. le pied plat de l'enfant B. le pied creux de l'enfant C. le sujet adulte sain D. la personne âgée présentant des troubles de l'équilibre
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PA R T I E I V
Course et applications thérapeutiques
CHAPITRE 16
Course et applications thérapeutiques A. Stuner; A. Delafontaine
PLAN DU CHAPITRE Marche versus course à pied Screening médical, bilan et pathologies du coureur Traitement, prévention, éducation : données de la littérature Conclusion
Focus
■ Objectifs pédagogiques : – identifier les différences entre marche et course ; – compléter et organiser ses connaissances spécifiques à la course. ■ Objectifs professionnels : – connaître les tests spécifiques du membre inférieur et leur réalisation ; – organiser le bilan du coureur blessé ; – intégrer la prévention dans notre action de santé. ■ Evidence based : – savoir interpréter la valeur clinique d'un test ; – connaître les facteurs qui modèrent le risque de blessures en course à pied.
Cet ouvrage traitant de la déambulation humaine ne peut omettre d'aborder une des conditions de cette dernière : la course à pied (CAP). Communément appelé footing pour les amateurs, ou encore running , cette pratique est bien différente de la marche d'un point de vue biomécanique, des synergies musculaires, de ses blessures typiques, ainsi que de la démarche rééducative qui s'y associe. Bien que de nos jours, la CAP soit une activité physique populaire et accessible à tous, elle a primitivement été vitale à l'homme. Que ce soit pour fuir un danger, chasser une proie, se déplacer rapidement d'un point à un autre, l'homme a toujours couru. Ce schéma moteur est inscrit en nous, ce qui en fait l'importance de son étude et de sa compréhension. La CAP (et l'activité physique plus généralement) a effectivement
perdu son aspect vital primaire, mais l'homme moderne a su y associer de multiples bienfaits qui en font sa popularité : ● accessibilité ; ● condition physique (force et puissance musculaires, activation cardiovasculaire, amélioration de la libido, augmentation de l'espérance de vie, diminution de 25 à 40 % du risque de mort prématurée, diminution du risque de mort « toute cause » de 30 % contre 12 % pour les sportifs non-coureurs… ; Lee et al., 2017) ; ● lutte contre les maladies (cardiovasculaires, immunitaires, cancer, diabète, vieillissement, ostéoporose, dégénérescence maculaire, insomnie…) ; ● bien-être et gestion du stress ; ● modelage du physique ; ● confiance en soi ; ● développement cognitif ; ● développement social. La discipline peut se décliner selon différents modes, selon la distance, le type de terrain, la présence de dénivelés ou son association à d'autres sports (jogging, marathon, triathlon, trail, swimrun, course d'obstacles…). On observe également le développement important des événements sportifs, avec des parcours pour tous les niveaux, accentuant l'effet de mode, la popularité et suscitant l'esprit compétitif de chacun. L'équipement à faible coût et la possibilité d'une pratique à tout endroit participent à l'engouement. Selon la Fédération française d'athlétisme (FFA, 2014), 19 % de Français pratiquent la CAP, tous âges confondus. L'exactitude des chiffres importe peu, l'essentiel étant que la CAP est pratiquée par plusieurs millions de personnes en France, ce qui contribue à l'incidence de nombreuses pathologies, auxquelles masseurskinésithérapeutes, podologues et autres rééducateurs doivent faire face. Au travers de ce chapitre, nous aborderons :
● les spécificités de la CAP, ainsi que ses différences avec la marche ; ● le bilan du patient coureur blessé et le diagnostic de la pathologie ; ● la démarche rééducative et la prise en charge adaptée à la CAP.
Marche versus course à pied Définitions Vitesse : grandeur mesurant le rapport entre une distance parcourue et un temps écoulé. On peut distinguer la vitesse moyenne d'un parcours ainsi que la vitesse instantanée.
Pas : d'un point de vue biomécanique et cinésiologique, le pas correspond à l'espace et au temps qui séparent deux appuis successifs. On parle aussi de foulée pour la CAP. Enjambée : elle correspond à la distance et la durée entre deux appuis successifs du même membre inférieur. On parle également de cycle.
Cadence : la cadence est la fréquence d'enjambée.
En résumé Pas (marche) = foulée (CAP). Enjambée = cycle de marche = cycle de course = 2 pas/foulées.
Paramètres spatio-temporels La CAP se différencie de la marche par l'absence de phase de double appui. Elle est définie comme une succession de simples appuis, tandis que la marche est définie comme l'activité alternée des membres inférieurs avec succession de doubles et simples appuis. L'augmentation de la vitesse de marche diminue la durée de double appui jusqu'à sa disparition, c'est alors de la CAP. Un cycle de CAP se décompose de la façon suivante : ● appui unilatéral homolatéral (200 à 300 ms) diminuant avec l'augmentation de la vitesse (Fields, Bloom, Priebe et Foreman, 2005) + oscillation controlatérale ; ● phase d'envol ou de suspension (100 ms) ;
● appui unilatéral controlatéral + oscillation homolatérale. Tandis qu'un cycle de marche se décompose de la façon suivante (% de temps) : ● oscillation controlatérale (40 %) ; ● double appui (10 %) ; ● oscillation homolatérale (40 %) ; ● double appui (10 %). Il est important de connaître les ordres de grandeur des différents paramètres temporels et spatiaux en marche et course à pied, notamment lors du bilan du sujet blessé (tableaux 16.1 et 16.2). Tableau 16.1 Marche versus course à pied : paramètres temporels Paramètres temporels
Marche
Course à pied
Vitesse en m/s
0,8 à 1,7 (jusqu'à 4,35*)
Environ 1,7 et jusqu'à 10,44**
Vitesse en km/h
3 à 6 (jusqu'à 15,66)
Environ 6 et jusqu'à 37,58
Cadence en pas/min
100 à 130
150 à 190
% phase d'appui
% simple appui
60
% double appui % phase oscillante * **
40
20 à 30
20
Pas de double appui
40
70 à 80
Yusuke Suzuki, record du monde du 20 km marche athlétique aux jeux Olympiques 2015. Usain Bolt, record du monde du 100 m sprint aux championnats du monde 2009.
Tableau 16.2 Marche versus course à pied : paramètres spatiaux Paramètres temporels
Marche
Course à pied
Longueur du pas (cm)
64 (F) à 73 (H)
100
Longueur de l'enjambée (cm)
128 (F) à 146 (H)
200
F : femme ; H : homme.
On retrouve généralement chez la femme une longueur de pas plus courte et une vitesse plus faible, contre une cadence plus élevée.
Screening médical, bilan et pathologies du coureur Le bilan doit faire appel à des connaissances médicales et paramédicales afin de réaliser un screening : c'est un moyen d'identification ou d'exclusion d'une probable pathologie. Il permet d'écarter les situations à risques (drapeaux rouges, drapeaux jaunes), de rediriger le coureur vers le corps médical adapté si besoin, d'envisager des examens complémentaires, de guider le diagnostic… Il doit être mis en place en consultation de première intention, mais également dans le cadre de consultation sur ordonnance. Suite au screening 1 et à la reconnaissance d'une probable pathologie, s'ensuit le bilan du coureur. Il va permettre d'identifier les facteurs potentiellement responsables ou co-responsables de la pathologie. Il se fait de façon statique, dynamique non spécifique, et en situation de course. Nous retrouvons principalement deux catégories de blessures : ● les blessures traumatiques : entorses de cheville, du genou, fractures suite à une chute… Il existe autant de blessures que de coureurs. Celles-ci se retrouvent plutôt dans les courses sur terrain irrégulier (trail), avec manque de visibilité (course nocturne) ou surviennent par inattention (obstacle). Ces blessures sont communes à tout sport, et sont non spécifiques de la CAP. ● les blessures par surcharge de contrainte mécanique : – elles se rencontrent également dans tout sport mais entraînent des pathologies spécifiques dans chaque discipline. Par surcharge mécanique, on entend une désadaptation, mauvaise adaptation du corps face à une mauvaise quantification de la charge, de
l'intensité ou de la durée d'un exercice, – ces pathologies sont principalement chroniques, et leur nombre est difficile à évaluer, car souvent non diagnostiquées et non traitées, – parmi les coureurs amateurs, 37 à 56 % d'entre eux développeront une pathologie liée à la CAP chaque année et 50 à 70 % de ces blessures sont causées par une surcharge mécanique (van, 1992), – pour la CAP, on retrouve principalement des pathologies du pied, du segment jambier et du genou, plus ou moins fréquentes (Lopes, Hespanhol Júnior, Yeung et Costa, 2012) : – syndrome de stress tibial (également nommé périostite) : il correspond à des douleurs plus ou moins intenses le long du tibia. On lui accorde comme potentielle origine la contraction répétée des muscles s'insérant le long du tibia (tibial postérieur, antérieur, soléaire, long extenseur des orteils) et provoquant une inflammation du périoste, – fasciite plantaire, – tendinopathie (achilléenne, patellaire, moyen fessier, tibial postérieur, fibulaire, patte d'oie…), – syndrome fémoro-patellaire, – bursite pré-achilléenne, trochantérienne…, – fracture de stress/fatigue et développement de pseudarthrose (tableau 16.3), Tableau 16.3 Classifications des risques des fractures de stress suivant leur localisation, chez le coureur (Warden, Davis et Fredericson, 2014) Fractures de stress à bas risque
Fractures de stress à haut risque
risque – Tibia (face postéromédiale) – Fibula – Diaphyse fémorale – Bassin – Calcanéus – Diaphyses métatarsiennes (du II au IV)
risque – Tubérosité tibiale antérieure – Malléole médiale – Col fémoral – Talus – Naviculaire – Diaphyse proximale du Ve métatarsien – Base du deuxième métatarsien – Sésamoïdes du I
– syndrome de l'essuie-glace (ou du tractus ilio-tibial), – syndrome des loges, – gonalgies, achillodynie…
En résumé
■ Catégoriser le coureur selon l'origine de sa pathologie : – blessure traumatique ; – blessure par surcharge de contrainte mécanique. ■ Connaître les sites de fractures à haut risque afin de pouvoir rediriger vers un avis médical spécialisé en cas de fracture potentielle.
Interrogatoire Il est important de connaître l'environnement du sportif, ses habitudes, ses antécédents, ses capacités et ses objectifs, ainsi que, dans les cas traumatiques, les conditions de survenue de l'accident, l'intensité du traumatisme, les mouvements lésionnels, le délai depuis le traumatisme, le port d'orthèse plantaire ou autre type de
contentions, etc. (tableau 16.4). Tableau 16.4 Interrogatoire et analyse cinésiologique Capacités – Performances – Vitesse moyenne – Distance maximale
Environnement – Type de surface – Variation de surface – Dénivelé – Chaussage – Orthèse plantaire
Objectifs – Sur la pathologie – Sur la performance
Habitudes – Volume (km/sem.) – Intensité – Variation des entraînements – Années de course
Antécédents – Médicaux liées à la course à pied – Médicaux autres – Facteurs de risques – Traitement médicamenteux
Pathologies traumatiques – Survenue du traumatisme – Lieu – Conduite tenue immédiatement après l'accident – Délai de prise en charge
Bilan statique et morphologique La morphologie est l'étude des formes et de la structure des êtres vivants. Pour ce bilan, il convient d'observer le patient dans son ensemble, en position debout, allongée et assise, à la recherche de facteurs morphostatiques particuliers. Il ne s'agit pas ici de faire la description exhaustive de l'ensemble des points à observer dans ce bilan mais bien d'évoquer la marche à suivre dans le bilan du coureur. L'analyse statique nous permet de mettre en évidence : ● des caractéristiques « innées » : hyperlaxité, architecture plantaire, orientation de l'arrière-pied, valgus/varus/recurvatum de genou, rotation tibiale, bascule pelvienne, dissociation statique des ceintures causée par une
scoliose, etc. ; ● des caractéristiques « acquises » : valgus/varus/flessum recurvatum de genou post-traumatique ou opératoire, posture, dissociation des ceintures d'origine posturale ou par attitude antalgique, etc.
Caractéristiques posturales acquises Les caractéristiques posturales acquises correspondent à des modifications posturales pouvant survenir à tout moment de la vie : post-traumatique, postopératoire, post-attitude antalgique, idiopathique. Ces caractéristiques posturales peuvent être réduites dans certaines mesures par un kinésithérapeute, afin d'éviter des vices posturaux pouvant amener à une aggravation des symptômes ou une limitation d'activité : le traitement est dans ce cas plutôt curatif et dont l'objectif de réduire le risque de handicap.
Caractéristiques posturales innées Les caractéristiques posturales innées correspondent à des particularités propres, présentes à la naissance ou survenues pendant la croissance. Par le terme « inné », il faut comprendre ce qui est « écrit » dans les gènes, mais non sans savoir que toute caractéristique génétique est influencée et guidée par l'environnement. Ces observations ne permettent en aucun cas d'établir un diagnostic (car elles peuvent aussi être mises en évidence sur des sujets non pathologiques), mais sont des éléments à prendre en compte pour la suite de l'examen chez un coureur pathologique. On ne peut donc pas, dans un premier temps, attribuer la responsabilité de la pathologie à ces observations morphostatiques.
Bilan statique des structures Ce bilan évalue l'ensemble des structures du quadrant inférieur, de façon isolée. L'évaluation sera orientée d'après l'interrogatoire effectué préalablement : les structures potentiellement mises en cause seront testées en premier. Si le diagnostic n'est pas clair, les autres structures
pourront être évaluées (tableau 16.5). Tableau 16.5 Évaluation clinique des structures actives et passives Myotendineux – Palpation – Test actif – Test en résistance (différents angles) – Test passif de mise en tension – Tests spécifiques
Neurologique – Examen neurologique – Réflexes ostéotendineux – Tests neurodynamiques
Ligamentaires – Palpation – Mise en tension – Tests spécifiques
Ostéo-articulaire – Amplitudes – Structures osseuses – Structures méniscales, labrales, discales, capsulaires, – bourses… – Tests spécifiques
Bilan accéléré des amplitudes du quadrant inférieur Le bilan articulaire peut mettre en évidence des amplitudes anormalement élevées ou restreintes. Pour cela, il peut être demandé dans un premier temps au patient trois positions donnant un aperçu rapide des amplitudes des deux membres inférieurs : ● squat maximum : appui sur l'avant-pied sans contraction du triceps sural, flexion maximale des genoux et des hanches (fig. 16.1) ;
Squat maximum : observation globale et rapide des amplitudes de flexion du quadrant inférieur.
FIG. 16.1
● fente avec flexion plantaire de cheville : fente avec appui maximal sur le membre inférieur antérieur. Pour le membre inférieur postérieur, extension maximale de hanche, contraction du quadriceps et appui sur le dessus du pied (fig. 16.2) ;
Fente avec flexion plantaire de cheville : observation globale et rapide des amplitudes en extension du quadrant inférieur.
FIG. 16.2
● Rotation corps entier : rotation maximale du buste dans les deux sens, pieds fixes au sol (fig. 16.3).
Rotation corps entier : observation globale et rapide des amplitudes en rotation du quadrant inférieur.
FIG. 16.3
Bilan du pied En cas d'entorse de cheville
Critères d'Ottawa pour cheville traumatique Sensibilité (Se) : 1,000/spécificité (Sp) : 0,240 (Perry et Stiell, 2006 ; Stiell et al., 1992). Ils sont utilisés en cas de traumatisme de la cheville et du pied. Une radiographie de la cheville ou du pied est indiquée en cas de présence d'un des signes ou symptômes suivants : ● douleur malléole médiale ou portion postérieure de la malléole (sur 6 cm) ; ● douleur malléole latérale ou portion postérieure de la malléole (sur 6 cm) ; ● incapacité de mise en charge et de faire quatre pas (immédiatement et lors de l'examen) ; ● douleur base du 5e métatarsien ; ● douleur os naviculaire. Son utilisation permet une diminution de 16 % des radiographies de la cheville et de 29 % pour celles du pied. Ces règles sont adaptées et validées à un usage pédiatrique de 2 à 16 ans avec Se : 0,985 et Sp : non communiqué (NC) (Dowling et al., 2009). La parfaite sensibilité et la faible spécificité en font un excellent test d'exclusion : des réponses négatives aux règles d'Ottawa assurent de manière quasi certaine de l'absence de fracture. Cette conclusion est à mettre en relation avec l'interrogatoire, les particularités du patient et l'évolution sur plusieurs jours. Squeeze test ou test de compression Se : 0,300/Sp : 0,935 (de César, Avila et de Abreu, 2011). Ce test consiste en une compression médio-latérale du tiers inférieur du segment jambier, pour objectiver une lésion syndesmotique (fig. 16.4). Il est à rappeler que 40 % des lésions de la syndesmose sont retrouvées dans les entorses de cheville de grade I, 40 % dans celles de grade II et 20 % dans celles de grade III. On note également que 10 % des sujets présentant une lésion syndesmotique n'ont pas d'autres lésions associées. L'excellente spécificité de ce test
en fait un excellent test d'inclusion : la présence de douleurs au test indique une forte probabilité de retrouver une lésion syndesmotique.
FIG. 16.4 Squeeze test : réalisation.
En cas d'achillodynie Royal London hospital test Se : 0,586/Sp : 0,883 (Maffulli et al., 2003) 2 . En cas de suspicion de tendinopathie d'Achille, réaliser une pression sur le point exquis du tendon et présentant un gonflement. Demander une flexion dorsale de cheville pour provoquer une mise en tension du tendon. Si la sensibilité diminue ou disparaît avec la mise en tension, et que le point exquis se déplace lors de la mise en tension tendineuse, il peut être émis un diagnostic clinique de tendinopathie achilléenne avec une forte chance de prédiction positive que le tendon montre des caractéristiques échographiques et histologiques de tendinopathie. Sa spécificité relativement bonne en fait un test d'inclusion : un test positif signe une forte probabilité de tendinopathie. Un test négatif doit orienter vers un autre diagnostic différentiel : bursite rétro-achilléenne (pincement en avant du tendon d'Achille), autre tendinopathie, apophysite… Calf squeeze test ou test de Thompson Se : 0,960/Sp : 0,930 (Maffulli, 1998). En cas de suspicion de rupture totale du tendon d'Achille, installer le patient en décubitus ventral, genou plié, et réaliser une compression médio-latérale du mollet. Le test est positif si aucun mouvement du pied n'est observé (fig. 16.5).
FIG. 16.5 Test de Thompson : réalisation. En cas de métatarsalgie Fulcrum test ou test d'augmentation Se : NC/Sp : NC (Johnson, Weiss et Wheeler, 1994). Initialement utilisé dans la détection des fractures de stress de la diaphyse fémorale, le principe d'application de ce test peut être dérivé pour d'autres fractures : il consiste à créer le flambage d'un os long pour provoquer les symptômes douloureux (fig. 16.6). Cette technique pourrait être utilisée dans la détection de fractures de stress des métatarsiens.
FIG. 16.6 Test d'augmentation : réalisation. The thumb index finger squeeze test Se : 0,960/Sp : 0,960 (Mahadevan, Venkatesan, Bhatt et Bhatia, 2015). Ce test est à utiliser lors de la suspicion d'un névrome de Morton (fig. 16.7). Il consiste en une compression du site douloureux entre la pointe de l'index (face dorsale du pied) et le pouce (face plantaire du pied). Il est possible de glisser le long de l'espace intermétatarsien afin de trouver le point exquis. Le test est considéré comme positif si la douleur est produite. La sensibilité et spécificité de ce test en font un excellent test d'inclusion et d'exclusion.
FIG. 16.7 Thumb index finger squeeze test : réalisation. Mulder's click test Se : 0,610/Sp : 0,620 (Mahadevan et al., 2015). Également lors de la suspicion d'un névrome de Morton, ce test consiste à tenir le pied avec une main, au niveau des têtes métatarsiennes (fig. 16.8). L'autre main exerce une pression ferme à l'aide du pouce, sur le site du potentiel névrome de Morton, au niveau plantaire. La main tenant le pied comprime ensuite les têtes métatarsiennes. Le test est jugé positif si un ressaut palpable est ressenti. Ce test est une amélioration du foot squeeze test, qui utilise uniquement la compression médio-latérale des têtes métatarsiennes (Se : 0,410/Sp : 0,410). Le Mulder's click test possède une moins bonne sensibilité et spécificité par rapport aux autres tests évoqués dans ce paragraphe, mais sa positivité a l'avantage d'être corrélée à la présence
de névrome de taille plus importante.
FIG. 16.8 Mulder's click test : réalisation. Bilan du genou En cas de traumatisme du genou ou d'instabilité Critères d'Ottawa pour un genou traumatique Se : 0,985/Sp : 0,486 (Bachmann, Haberzeth, Steurer et ter, 2004). Des radiographies ne sont requises chez les sujets victimes d'un traumatisme du genou que s'ils présentent un des critères suivants : ● âgé d'au moins 55 ans ; ● douleur isolée de la patella (sans douleur osseuse du genou autre que celle-ci) ;
● douleur de la tête de la fibula ; ● incapacité (ou impossibilité ?) de flexion du genou à 90° ; ● incapacité de mise en charge immédiate puis dans le service d'urgence, sur quatre pas (incapacité de mise en charge deux fois sur chaque jambe, avec ou sans boiterie). L'excellente sensibilité et la faible spécificité en font un test d'exclusion remarquable : des critères négatifs aux règles d'Ottawa concluent de manière quasi certaine à l'absence de fracture. Cette conclusion est à mettre en relation avec l'interrogatoire, les particularités du patient et l'évolution sur plusieurs jours. Test de Lachmann Se : 0,800 à 0,990/Sp : 0,95 (Malanga, Andrus, Nadler et McLean, 2003). Il est utilisé pour la détection de rupture du ligament croisé antérieur ou LCA (fig. 16.9). Le patient est allongé, genou maintenu en flexion de 15°. Le fémur est stabilisé avec une main, tandis que l'autre main exerce une pression ferme à la face postérieure du tiers supérieur du tibia. Un glissement antérieur du tibia, ressenti et/ou observé par l'examinateur, associé à un arrêt « mou », indique une rupture du LCA. La sensibilité et spécificité de ce test en font un excellent test d'inclusion et d'exclusion.
FIG. 16.9 Test de Lachman : réalisation. Posterior sag sign Se : 0,790/Sp : 1,00 (Malanga et al., 2003). Il est utilisé pour la détection de rupture du ligament croisé postérieur ou LCP (fig. 16.10). Le patient est allongé, hanches à 45°, genoux à 90°.
FIG. 16.10 Posterior sag sign : réalisation. Le signe est considéré comme positif s'il est observé un glissement postérieur du tibia par rapport au fémur. Sa spécificité en fait un excellent test d'inclusion. On retrouve une variante de ce test, qui ajoute une pression manuelle vers l'arrière, sur le plateau tibial. Les mains sont placées en arrière du tibia et les deux pouces à l'avant du plateau tibial, c'est le posterior drawer test avec Se : 0,555 à 1,000/Sp : 0,800 à 0,990 (Malanga et al., 2003). Valgus stress test
Se : 0,860–0,960/Sp : NC (Malanga et al., 2003) Il est utilisé pour la détection d'une laxité ou rupture du ligament collatéral médial du genou (fig. 16.11). Le patient est allongé, le praticien maintient le genou à 30°, tient d'une main la jambe au niveau des malléoles et exerce une force valgisante au niveau du genou avec l'autre main.
FIG. 16.11 Valgus stress test : réalisation. Varus stress test Se : 0,250/Sp : NC (Malanga et al., 2003). Il est utilisé pour la détection d'une laxité ou rupture du ligament collatéral latéral du genou. Le patient est allongé, le praticien maintient le genou à 30°, tient d'une main la jambe au niveau des malléoles et exerce une force varisante au niveau du genou avec l'autre main. Concernant les tests cliniques des ligaments collatéraux du genou, il y a un manque d'études bien menées afin d'évaluer leur sensibilité et spécificité, et reproductibilité intra- et interévaluateurs. Ces tests peuvent être utilisés en clinique, mais leur interprétation doit être
sous couvert de la conscience de leur faiblesse diagnostique. En cas de douleurs méniscales et/ou traumatisme Thessaly test (fig. 16.12)
FIG. 16.12 Thessaly test : réalisation. Se : 0,570–0,740/Sp : 0,290–0,600 (Blyth et al., 2015) ; Se : 0,890– 0,920/Sp : 0,960–0,970 (Karachalios et al., 2005) ; Se : 0,512–0,667/Sp : 0,379–0,435 (Snoeker et al., 2015).
Il est utilisé dans la détection d'atteintes méniscales du genou. Le patient est debout en position unipodale, genou fléchi à 20°. Il tient les mains du praticien. Le patient tourne son corps et son membre inférieur d'un côté puis de l'autre, sans déplacer le pied au sol. Le test est positif si le patient ressent une douleur ou un craquement au niveau de son interligne articulaire. Joint line tenderness test (fig. 16.13)
FIG. 16.13 Joint line tenderness test : réalisation. Se : 0,680–0,840/Sp : 0,180–0,360 (Blyth et al., 2015). Il est utilisé dans la détection d'atteintes méniscales du genou. Le genou est fléchi à 90°. La palpation de l'interligne articulaire médiale du genou commence à partir de la bordure médiale du ligament patellaire vers la face postérieure du genou ; la palpation de l'interligne latérale commence à partir de la bordure latérale. Les interlignes articulaires médial et latéral doivent être palpés séparément. Le test est positif si le patient ne peut tolérer la douleur pendant la palpation. Deep squat test Se : 0,745–0,767/Sp : 0,362–0,424 (Snoeker et al., 2015). Il est utilisé dans la détection d'atteintes méniscales du genou. Le patient est debout. Il s'accroupit autant que possible, en tenant les mains de l'examinateur pour l'équilibre. Le test est considéré comme positif si le patient éprouve une douleur au genou pendant la flexion ou uns sensation de blocage. Les différences entre les études sur la performance diagnostique restent inexpliquées. Globalement, l'ensemble des tests méniscaux ont une bonne sensibilité et une mauvaise spécificité, qui leur donne vocation d'exclusion : des tests négatifs induisent une probabilité importante qu'il n'y ait pas d'atteinte méniscale. Des études supplémentaires pour ce test seraient nécessaires avec des protocoles normalisés (Hegedus, Cook, Hasselblad, Goode et McCrory, 2007). En cas de douleurs patellaires Patellar grind test ou Clarke's test (fig. 16.14)
FIG. 16.14 Pattelar grind test : réalisation. Se : 0,390/Sp : 0,670 (Doberstein, Romeyn et Reineke, 2008). Il est utilisé pour la détection de syndrome fémoro-patellaire. Le patient est positionné en décubitus avec le genou en extension. L'examinateur place l'espace entre le pouce et l'index de sa main juste au-dessus de la patella, tout en exerçant une pression. Le patient doit contracter doucement et progressivement son quadriceps. Un signe positif sur ce test est l'apparition d'une douleur dans l'articulation fémoro-patellaire. La sensibilité et la spécificité de ce test lui attribuent une faible valeur diagnostique ; les auteurs ne conseillent pas son utilisation. En cas de douleurs latérales de genou Test de Noble Il est utilisé pour la détection de syndrome de la bandelette ilio-tibiale. Le patient est allongé sur le dos. Le thérapeute exerce une pression avec le pouce face latérale de la cuisse, 2 à 3 cm au-dessus du condyle latéral, puis réalise des mouvements de flexion–extension passifs autour de 30°.
Ober's test et modified Ober's test Il est utilisé pour établir l'état tensif du couple tenseur du fascia lata– tractus ilio-tibial (TFL-TIT). Le patient est allongé sur le côté, sur le membre inférieur sain (lequel est positionné à 90° de la hanche et du genou). Le praticien réalise une contre-prise sur l'iliaque opposé. Avec l'autre main, il réalise une abduction–extension puis laisse la gravité réaliser l'adduction maximale (genou à 90° pour le Ober's test et extension complète pour le modified Ober's test). Le test est positif si le membre inférieur reste en abduction : il signifie une tension excessive du TFL ou du TIT. Cependant les études cadavériques réfutent l'hypothèse d'une mise en tension du TIT lors de ces tests. Il semblerait que ces tests mettent davantage en tension les structures proximales de hanche telles que les petit et moyen fessiers, et la capsule articulaire (Willett, Keim, Shostrom et Lomneth, 2016). L'ensemble de ces tests, non exhaustifs, représente les principaux tests utilisés dans la réflexion diagnostique des blessures en CAP. Il est intéressant de les utiliser avec la conscience de leur capacité de détection ou d'exclusion d'une pathologie, c'est-à-dire être conscient de leur sensibilité et leur spécificité. Il faut également prendre en compte la qualité méthodologique, la puissance et le nombre de sujets des études établissant les performances de ces tests cliniques. Cette utilisation « critique » des tests cliniques est la procédure la plus raisonnée pour leur interprétation et la valeur qu'il faut accorder à cette interprétation (fig. 16.15).
FIG. 16.15 Organigramme diagnostique de la blessure chez le coureur. Cet organigramme ne se veut pas exhaustif. Il permet d'orienter vers les pathologies les plus courantes du coureur à pied, au niveau du pied/cheville et du genou. Les orientations diagnostiques sont fondées sur les études de sensibilité et spécificité des tests.
En résumé
■ Connaître les différents tests cliniques. ■ Savoir sélectionner les tests selon l'anamnèse. ■ Connaître les caractéristiques des tests et leur qualité diagnostique : – exécution standardisée du test ; – sensibilité et spécificité ; – structure ou fonction évaluée.
Bilan dynamique et situation de course Le bilan du coureur pathologique en situation de course n'est pas toujours possible dans un premier temps (blessures traumatiques). Il a un intérêt primordial néanmoins en prévention primaire, pour les pathologies par surcharge de contraintes mécaniques, ou en prévention secondaire après consolidation d'une blessure traumatique (voir partie III). Il se fait principalement sur tapis de course pour simplifier l'observation dans les différents plans. Le coureur s'échauffe quelques minutes avant le début des observations ; il doit courir comme à son habitude et avec ses chaussures habituelles. Il est ensuite possible d'analyser le coureur, à l'œil nu. Il est également possible de filmer la course pour l'analyser au ralenti. L'analyse dans le plan transversal est
possible en positionnant une caméra à l'aplomb du tapis de course (tableau 16.6). Tableau 16.6 Analyse morphodynamique tridimensionnelle Sagittal – Longueur de pas – Type d'attaque du pied – Oscillation verticale – Fréquence de pas – Posture globale
Frontal – Largueur de pas – Attaque du pied en supination– pronation – Orientation dynamique du genou – Rotation de hanche – Bascule du tronc, du bassin
Transversal – Rotation du tronc – Dissociation des ceintures – Rotation des membres supérieurs
Analyse d'attaque du pied Il est possible de classifier des types d'attaque en course à pied. C'est d'ailleurs généralement l'une des premières analyses faites sur un coureur. On distingue trois grands types d'attaque du pied (fig. 16.16) : taligrade, médio-pied, avant-pied.
FIG. 16.16 Types d'attaques du pied en course à pied : taligrade, médio-pied et avant-pied (respectivement de gauche à droite). Attaque taligrade L'attaque taligrade (fig. 16.16 à gauche) est la plus répandue chez les coureurs et donc la plus connue et décrite. On retrouve sur un semimarathon 75 % d'attaques taligrades chez les coureurs élites (Hasegawa, Yamauchi et Kraemer, 2007). En analysant les appuis dynamiques, on retrouve généralement un appui taligrade débutant de la partie postéro-latérale du talon et se finissant sur la dernière phalange de l'hallux, on distingue alors les trois phases suivantes. Pivot talon : amortissement Cette phase débute au contact du talon au sol, c'est la phase d'attaque du pied par la partie latérale du talon. Elle se finit lorsque l'avant-pied touche la surface du sol. On retrouve une rotation médiale du tibia, une pronation du pied au niveau subtalaire, une absorption du choc et
un déverrouillage du pied. Durant cette attaque, une force de réaction du sol se produit exercée en sens inverse du déplacement. Nous développons plus loin les réactions du sol : voir Traitement, prévention, éducation : données de la littérature. Pivot cheville : soutien C'est l'instant pendant lequel la projection verticale du centre de gravité correspond à la projection verticale de l'appui au sol. Il est décrit comme un mouvement de pendule inversé du corps sur l'axe de la cheville. Il débute à partir du moment où le pied est entièrement en contact avec le sol, et jusqu'au décollement du talon. On retrouve une rotation latérale du tibia et une supination du pied : cela permet la préparation du pied à la propulsion. La composante des forces de réaction du sol est opposée au poids. Pivot avant-pied : propulsion Dernière phase de l'appui, elle permet de réaliser une poussée antérieure par l'action du triceps sural. Elle débute au décollement du talon et jusqu'au décollement des orteils. On retrouve un verrouillage du pied et une pronation de l'avant-pied : cette rigidification permet un bras de levier stable pour la propulsion. La composante des forces de réaction du sol est exercée dans le sens du déplacement. Suivant la trajectoire des appuis entre le talon et l'avant-pied, on distingue également différents types de foulées ou « déroulés » qu'il est possible de classer en trois grandes catégories : coureurs universels : 40–45 % des coureurs. Comme toutes les attaques taligrades, les coureurs universels débutent chaque mouvement de déroulé du pied avec la partie postéro-latérale du talon. Les appuis se dirigent ensuite du talon vers l'intérieur du pied puis jusqu'à l'hallux, avec une trajectoire rectiligne entre ces deux points. Ce déroulé postéro-antérieur dure 0,1 s. Une fois les appuis sur l'avant-pied, a lieu la propulsion qui dure aussi 0,1 s environ. La totalité de la phase d'appui dure environ un quart de seconde. Cette durée
d'appui diminue avec la vitesse de course ; coureurs pronateurs : 40–45 % des coureurs. Ils présentent une bascule des appuis en médial du pied, suite à l'appui initial en latéral du talon. Cette trajectoire, passant en médial pour rejoindre l'hallux, est typique chez les personnes avec une tendance aux pieds plats. Dans certains cas, une pronation marquée peut engendrer une attaque talon en médial ; coureurs supinateurs : 10–15 % des coureurs. Ils présentent des appuis avec une trajectoire passant plus en latéral de la voûte plantaire, typique chez les personnes avec une tendance aux voûtes plantaires marquées. On observe une décharge de la partie médiale du pied sur la majeure partie du déroulé. Attaque médio-pied L'attaque médio-pied (23 % des coureurs d'élite d'après Hasegawa et al., 2007) correspond à un compromis entre les attaques taligrade et digitigrade. Elle s'effectue avec une surface plus étendue sur la plante du pied, voire sa totalité (fig. 16.16 au centre). Attaque digitigrade (ou avant-pied) L'attaque digitigrade (1 à 2 % des coureurs d'élite d'après Hasegawa et al., 2007) correspond à une attaque avant-pied, c'est-à-dire que le premier contact au sol de chaque foulée se fait dans la zone tarsométatarsienne (fig. 16.16 à droite).
Autres facteurs essentiels à analyser Oscillation verticale Dans le plan sagittal, il est possible d'analyser l'oscillation verticale du coureur à l'aide d'une graduation en arrière-plan. Cette analyse peut être subjective, par simple observation ou plus objective en filmant sagittalement le coureur puis mesurant l'oscillation sur la graduation en arrière-plan. Longueur de pas
Dans le plan sagittal, il est possible d'analyser la longueur de pas du coureur à l'aide d'une graduation le long du tapis de course. Également, pour plus de précision, une analyse vidéo peut permettre une mesure plus exacte. Fréquence de pas La fréquence de pas est également un facteur essentiel et simple à mesurer dans le bilan du coureur. On mesure chaque contact au sol sur une durée d'une minute. Le bilan nous indique un ensemble d'informations. Une partie de ces informations permet d'établir un diagnostic. D'autres informations peuvent orienter vers des facteurs éventuellement responsables de la pathologie ou qui entretiennent la symptomatologie.
En résumé
■ Analyser l'ensemble des caractéristiques dynamiques pendant la course. ■ Savoir analyser les facteurs essentiels : type d'attaque, oscillation verticale, longueur de pas et fréquence de pas. ■ Savoir déterminer parmi les caractéristiques observées, quelles sont celles pouvant entraîner, entretenir ou aggraver une pathologie.
Traitement, prévention, éducation : données de la littérature Il existe peu ou pas de recommandations dans la prévention des blessures traumatiques . Leur traitement, qu'il soit chirurgical ou conservateur, peut/doit être suivi d'une rééducation et d'une reprise
progressive de l'activité physique. Pour les blessures par surcharge mécanique, la prévention– éducation est une compétence primordiale dans le domaine rééducatif, à laquelle nous allons principalement nous intéresser cidessous. La prévention, compétences des masseurs-kinésithérapeutes et autres métiers de la rééducation, doit intervenir sur : ● l'apprentissage de la quantification d'une séance ; ● l'organisation de la charge du programme d'entraînement ; ● l'optimisation biomécanique du mouvement en CAP ; ● le choix du chaussage ; ● l'impact de la CAP sur les articulations ; ● l'intérêt des anti-inflammatoires dans le domaine sportif. Les conseils préventifs doivent être transmis à : ● un coureur non blessé ou avec antécédents de blessures ; ● un coureur blessé par surcharge (les conseils de prévention deviennent alors une partie primordiale du traitement) ; ● un coureur effectuant une reprise d'activité physique après blessure traumatique. Le processus préventif s'organise comme suit : ● identification des blessures et de leur incidence ; ● identification des étiologies et mécanismes ; ● mise en place des stratégies de prévention ; ● évaluation de l'efficacité des stratégies de prévention.
Apprentissage de la quantification d'une séance Le premier axe de prévention est l'apprentissage de la gestion de l'intensité d'un exercice. C'est un facteur de risque important dans les
blessures par surcharge. Règle 1 : un exercice (ou une activité physique) doit être adapté aux performances antérieures pour un même exercice, ajusté aux capacités physiques à l'instant t. Règle 2 : l'augmentation de l'intensité de l'activité doit être choisie de façon proportionnée et progressive. Règle 3 : tout exercice doit être diminué en intensité, en durée ou même interrompu en cas d'apparition de douleurs nouvelles, inconnues et semblant anormales.
Organisation de la charge du programme d'entraînement La charge d'un programme d'entraînement peut également être le facteur de blessures. Il est essentiel d'appréhender sa quantification optimale pour progresser sans blessure. Elle doit donc correspondre aux conditions suivantes. Règle 1 : correspondance entre la charge et les phases de récupération. Règle 2 : entraînement adapté aux capacités individuelles, et augmentation progressive de l'intensité et de la durée d'activité au fil des séances. Règle 3 : entraînement adapté à la CAP (ou autre activité sportive). Règle 4 : répétition et régularité.
Optimisation biomécanique du mouvement en course à pied Analyse statique Comme décrit plus haut (voir Screening médical, bilan et pathologies du coureur), l'analyse statique nous permet de mettre en évidence des caractéristiques « innées » et « acquises ». La question est de savoir
dans quelles mesures ces caractéristiques ou leur symptomatologie doivent ou peuvent être réduites ou atténuées dans un but curatif/préventif. Le traitement retrouvé le plus couramment dans les pathologies de la posture et de la statique est les orthèses plantaires. Actuellement, un certain nombre de personnes, sportives ou non, portent des orthèses plantaires. Certaines catégories d'orthèses plantaires sont prescrites pour une indication locale (pied plat, creux…), ou à distance (genou, hanches…). Qu'en est-il de la littérature concernant ces orthèses plantaires ? Douleurs du pied Une revue Cochrane fait état des dernières conclusions concernant les effets d'une orthèse plantaire dans les syndromes douloureux du pied (Hawke, Burns, Radford et du Toit, 2008). Il est établi que les semelles sur mesure réduiraient davantage les douleurs dans le cas de : ● pied creux douloureux (à 3 mois, versus orthèses fictives) ; ● arthrite idiopathique juvénile (à 3 mois, versus chaussures de soutien) ; ● polyarthrite rhumatoïde (à 3 mois, versus intervention chirurgicale) ; ● hallux valgus (à 6 mois, versus absence de traitement). Cependant il est aussi établi que les semelles sur mesure ne réduiraient pas davantage les douleurs dans le cas de : ● arthrite idiopathique juvénile (à 3 mois, versus garnitures de chaussures en néoprène préfabriquées) ; ● polyarthrite rhumatoïde (à 3 ans, versus orthèses fictives) ; ● douleurs métatarso-phalangiennes (à 3 mois, versus chaussures de soutien et semelles orthopédiques douces) ; ● fasciite plantaire (à 3 ou 12 mois, versus orthèses fictives, attelle nocturne, auto-étirements et traitement manuel). Les auteurs concluent qu'il existe des preuves limitées sur lesquelles les décisions cliniques peuvent être fondées concernant la prescription
de semelles orthopédiques sur mesure, pour le traitement de la douleur du pied. Actuellement, il existe des preuves de bon niveau pour le pied creux douloureux mais des preuves limitées pour la douleur du pied avec arthrite idiopathique juvénile, polyarthrite rhumatoïde, fasciite plantaire et hallux valgus. Concernant les douleurs antérieures de pied chez le coureur à pied spécifiquement, des orthèses préfabriquées avec amortissement de l'avant-pied permettent de réduire le pic de pression verticale pendant la course. Ces semelles pourraient donc diminuer les douleurs de l'avant-pied ; cette étude n'a été cependant réalisée que sur 23 sujets asymptomatiques (Hähni, Hirschmüller et Baur, 2016). Douleurs de genou Les douleurs patellaires (ou syndromes fémoro-patellaires) sont courantes. Survenant dans la vie quotidienne, la vie sportive…, leurs origines sont multiples. Une revue Cochrane évalue les effets des orthèses plantaires sur ces douleurs, comparativement à une absence de traitement, à des semelles plates ou d'autres traitements tels que la physiothérapie. Les preuves disponibles, bien que peu solides, ne révèlent aucun avantage des orthèses plantaires par rapport aux semelles simples ou à la physiothérapie dans le traitement de la douleur fémoro-patellaire. Les orthèses plantaires pourraient permettre de soulager le syndrome fémoro-patellaire à court terme, mais ce bénéfice pourrait être marginal. Les patients utilisant des orthèses peuvent évoquer une plainte d'inconfort et d'effets indésirables (Hossain, Alexander, Burls et Jobanputra, 2011). On retrouve également une augmentation du stress articulaire sur l'articulation fémoro-patellaire lors du port d'orthèses (Almonroeder, Benson et O'Connor, 2015). Capacités de recrutement musculaire Une étude comparative a réalisé des mesures de temps d'activation musculaire du membre inférieur chez les patients souffrant d'instabilité chronique de cheville (n = 15). Il semblerait que l'utilisation de chaussures associées à des orthèses plantaires sur
mesure permettrait une activation plus précoce des muscles (long fibulaire, tibial antérieur, vaste médial et latéral du quadriceps) comparativement à la condition pied nu (Dingenen et al., 2015). Cinétique et cinématique du quadrant inférieur L'effet des orthèses plantaires sur les facteurs cinétiques/cinématiques reste incertain. Les données actuelles suggèrent qu'une diminution du moment d'inversion de l'arrière-pied est le facteur cinétique le plus en corrélation avec le port de semelles orthopédiques pendant la CAP (McMillan et Payne, 2008). On retrouve une diminution des valeurs maximales de l'angle d'éversion de l'arrière-pied, de la vitesse d'éversion de l'arrière-pied et du moment d'inversion de la cheville chez le coureur sain, ainsi qu'une augmentation du moment de rotation latérale maximale du genou (MacLean, Davis et Hamill, 2006 ; Mündermann, Nigg, Humble et Stefanyshyn, 2003). Les mêmes résultats sont retrouvés chez le coureur avec antécédents de pathologie de surutilisation au niveau du genou ; ces modifications cinétiques/cinématiques ont été accompagnées d'une diminution de la douleur (MacLean, Davis et Hamill, 2008). De nombreuses études examinent l'impact des orthèses plantaires chez le coureur. Cependant des études complémentaires sont nécessaires face aux conclusions divergentes et au manque de preuves solides sur le sujet. L'orthèse plantaire est l'un des traitements les plus utilisés dans la pathologie du coureur. D'autres alternatives sont employées de plus en plus par les thérapeutes et les sportifs, comme les bandes élastiques et non élastiques, mais le manque d'études concluantes sur ces thérapies nous encourage à ne pas traiter le sujet et à attendre d'avoir un recul plus important sur ce type de thérapies.
Analyse dynamique La structure architecturale du pied et du membre inférieur est adaptée à la contrainte dynamique. Concernant le pied, malgré une certaine fragilité apparente, sa structure de type torsion et la pluralité de ses systèmes amortisseurs et compensateurs lui confèrent une capacité d'adaptation et une solidité importante.
Cependant ces capacités intrinsèques doivent être mises à disposition lors d'activité physique. C'est pourquoi il est nécessaire d'analyser les meilleures conditions biomécaniques d'une CAP. En effet, la réception suite à la phase d'envol entraîne la création des forces de réaction du sol (fig. 16.17).
FIG. 16.17 Forces verticales de réaction au sol en phase en fonction du type d'attaque. Dans le cas d'une attaque classiquement taligrade, ces forces de réaction augmentent avec la vitesse de course. En assimilant cette force de réaction au poids du corps, on considère qu'une marche lente va entraîner des forces de réaction égales à 100 % du poids du corps, tandis qu'en course à pied, elles atteignent 200 à 260 % voire parfois plus (Viel, 2000). À la réception taligrade, on observe un pic rapide et intense sur les courbes de réaction au sol pendant les premières 50 ms à partir du contact au sol (fig. 16.17 en haut) : c'est le pic passif de réception ou impact transitoire ou encore pic d'impact passif (PIP). Une seconde caractéristique à prendre en compte est la pente entre le contact initial et le PIP : c'est la réaction verticale ascendante ou force d'impact ou encore taux de charge verticale. C'est lui qui détermine l'intensité de l'impact, et c'est donc cette réaction qu'il faut envisager de moduler pour diminuer le risque de surcharge mécanique et donc de blessure : son augmentation est associée à un risque accru de blessures (Roper et al., 2016). En effet, l'onde de choc se propage du talon jusqu'au sommet du crâne et chaque structure osseuse ou de tissus mous absorbe une partie de cette onde de choc. L'accumulation d'absorption de cette onde de choc répétée peut aboutir à de nombreuses pathologies : fractures de fatigue, usure prématurée des interfaces articulaires, pathologies des tissus mous… Modulation de l'impact transitoire et de la force d'impact Les chaussures modernes proposent pour la quasi-totalité des technologies amortissantes au niveau du talon. Avec ce type de chaussage, l'impact transitoire reste présent mais permet de diminuer l'intensité de l'impact à chaque réception du pied : environ 10 % (Lieberman et al., 2010). On pourrait donc, dans un premier temps, orienter nos patients vers des chaussures présentant un
amortissement maximal. Nous sommes ici dans de la prévention via l'équipement. Une autre possibilité est d'envisager la prévention via la technique de course. En effet, Lieberman et al. (2010) ont mis en évidence la disparition de l'impact transitoire au contact du pied au sol pour des attaques avant-pied, ou tout du moins l'association des forces de réaction verticales de l'impact transitoire avec celles de propulsions pour une même vitesse (fig. 16.17 en bas). L'attaque digitigrade permet également une diminution de la force d'impact. Cela n'est pas le cas en attaque taligrade, qu'il y ait chaussage ou non-chaussage. La même étude donne les résultats de la force d'impact suivant le chaussage et la technique d'attaque pour une même vitesse de course (tableau 16.7). Tableau 16.7 Forces d'impact en course à pied en fonction du chaussage et du type d'attaque (Lieberman et al., 2010) Chaussage
Attaque
Force d'impact
Non
Taligrade
1,89 ± 0,72
Oui
Taligrade
1,74 ± 0,45
Non
Digitigrade
0,58 ± 0,21
Dans ce type d'étude, on retrouve généralement une comparaison à même vitesse, la vitesse correspondant au facteur de performance le plus important pour le coureur. Les longueurs de pas sont donc variables dans ces études, et il ne semble pas « fonctionnel » de comparer les forces d'impact suivant le type d'attaque pour une même longueur de pas, car la technique de pose du pied est corrélée à la longueur du pas. Une étude de ce type, fixant une longueur de pas identique, pourrait difficilement conclure sur des recommandations fonctionnelles chez le coureur, pour qui il est plus facile de contrôler sa vitesse que sa longueur de pas. Il est à noter que même en l'absence de chaussage, l'attaque
digitigrade permet une diminution importante de la force d'impact au sol. La modification du type d'attaque semble plus efficace dans la gestion des forces de réaction que la présence d'une chaussure avec amorti. Pourquoi l'attaque digitigrade permet-elle cette diminution de l'impact transitoire ? Ici intervient la notion primordiale de l'amortissement physiologique, aussi bien articulaire que musculaire. L'attaque digitigrade fait intervenir les 28 os du pied, ses 57 articulations ainsi que l'ensemble des tissus mous (muscles, ligaments, aponévroses…) qui y sont joints, et cela dès la phase d'attaque du pied. D'un point de vue articulaire La course avec appui avant-pied permet de faire intervenir deux articulations essentielles du pied, faisant office d'interfaces neutralisatrices : ● l'articulation transverse du tarse : aussi nommée articulation médio-tarsienne, elle joint les os du tarse postérieur à ceux du tarse antérieur. Son tracé suit celui des articulations talocalcanéo-naviculaire en dedans, et calcanéo-cuboïdienne en dehors. Il est à noter que ces deux articulations ont une membrane synoviale distincte, mais sont unies par le ligament bifurqué du tarse. L'articulation de Chopart est donc la séparation entre le couple talus–calcanéus d'un côté, et le couple naviculaire–cuboïde de l'autre. Comme décrit dans la figure 16.6, il est important de remarquer que l'articulation de Chopart est la transition entre une structure osseuse « empilée » et une structure « aplatie ». Conjointement à l'articulation subtalaire, elle participe à l'amortissement et l'adaptation des contraintes frontales du terrain ; ● l'articulation tarso-métatarsienne est l'association des articulations tarso-métatarsiennes qu'il est possible de distinguer en trois sous-parties :
– la colonne médiale : articulation entre le premier métatarse et le cunéiforme médial, – la colonne moyenne : articulation entre les métatarses II et III et les cunéiformes intermédiaire et latéral, – la colonne latérale : articulation entre les métatarses IV et V et le cuboïde. Cet ensemble articulaire dispose d'un nombre conséquent de ligaments, ce qui lui confère un rôle amortissant. Ces deux articulations confèrent donc au pied, du fait de leur structure architecturale et ligamentaire, des capacités d'absorption des chocs et d'adaptation au terrain. Du point de vue tissulaire aponévrotique L'attaque digitigrade fait intervenir également l'aponévrose plantaire : lame fibreuse allant du calcanéus jusqu'à la base des orteils, et présentant une élasticité (bien que très limitée). Elle permet la répartition des pressions, possède un rôle amortisseur et maintient également l'arche longitudinale du pied. Du point de vue tissulaire musculaire Cette technique d'attaque possède un argument supplémentaire d'un point de vue de l'amortissement et de la diminution des contraintes : la présence d'une chaîne musculaire parallèle d'amortissement. Elle fait intervenir principalement le triceps sural, qui dans l'attaque taligrade n'intervient pas dans l'amortissement lors du contact au sol. On observe un travail excentrique de la triade triceps–quadriceps– fessier conférant au membre inférieur une réaction de type « ressort ». Cet amortissement permet d'absorber l'impact transitoire et de diminuer l'intensité de l'onde de choc transmise le long du corps (fig. 16.18).
FIG. 16.18 Chaîne musculaire parallèle d'amortissement en attaque avant-pied. Le triceps sural peut d'autant plus emmagasiner d'énergie qu'il se trouve en course interne dans l'attaque digitigrade. Il possède alors une course de freinage plus longue (Divert, Mornieux, Baur, Mayer et Belli, 2005). D'un point de vue architectural Un autre argument anatomique est la structure architecturale des os du pied, dans un schéma de torsion. L'arrière-pied est une structure osseuse empilée (couple talo-calcanéen) (fig. 16.19A) suivie d'une structure en torsion avec le couple naviculo-cuboïdien (fig. 16.19B) et les métatarsiens (fig. 16.19C). L'avant-pied se finit sur une structure aplatie avec les phalanges (fig. 16.19D). Cette organisation confère au pied à la fois solidité et souplesse. Elle permet d'absorber les
contraintes en dévers du terrain.
FIG. 16.19 Passage d'une structure empilée vers une structure aplatie des os du pied. Pourquoi une attaque digitigrade maîtrisée permet-elle probablement une économie d'énergie et une diminution de la fatigue ? Un autre point faisant de l'attaque digitigrade une éventuelle solution de la gestion des forces de réaction du sol, est la posture de course. En effet, l'attaque taligrade est plus généralement en corrélation avec une augmentation de la composante horizontale des forces de réaction au sol, inverse à la direction du coureur. Le point d'attaque est situé très en avant du point de projection au sol du centre de gravité du coureur. La posture adoptée (après entraînement ou de façon naturelle) en attaque digitigrade (placement du poids au plus proche du pied d'attaque) permet de diminuer la composante horizontale des forces de réaction au sol qui sont dirigées inversement au mouvement et ainsi diminuer le freinage résultant de Rx (fig. 16.20).
FIG. 16.20 Posture de course et réaction du sol suivant le type d'attaque : taligrade et digitigrade (respectivement de gauche à droite). Une diminution du freinage à chaque contact au sol permet donc : ● une économie d'énergie : génération moins importante de forces de propulsion à chaque pas ; ● une diminution de la fatigue liée à l'économie d'énergie, la fatigue étant un des facteurs importants de risque de blessures. À cela s'ajoute la composante élastique de l'aponévrose plantaire et du triceps sural, lesquels permettent une mise en réserve de l'énergie de freinage puis sa restitution (Divert et al., 2005). Cette attaque digitigrade entraîne, chez les coureurs, des foulées plus courtes et donc une cadence plus élevée. D'après Cavanagh and Williams (1982), des foulées plus courtes et une augmentation de la fréquence sont plus économiques que de grandes foulées, associées à une augmentation du temps de suspension. Ces données rejoignent celles d'autres auteurs (Hogberg, 1952 ; McArdle, Katch et Katch, 2010). Il peut donc être intéressant de proposer une transition chez le coureur souhaitant améliorer ses performances. Comment proposer une transition vers une attaque digitigrade à un coureur ?
Que ce soit en prévention primaire ou en prévention secondaire, suite à une blessure, il peut être proposé au coureur de modifier sa technique de course afin de tendre à une attaque avant-pied, dans le cas où la technique d'attaque est taligrade et qu'elle pourrait être à l'origine des anciennes ou futures blessures. La transition doit être effectuée avec l'accompagnement d'un thérapeute. Elle peut se faire dans un premier temps sur tapis de course afin de pouvoir observer, corriger et conseiller le coureur. Les conseils à donner sont les suivants, afin de modifier cinétique, cinématique et paramètres spatio-temporels (Napier, Cochrane, Taunton et Hunt, 2015) : ● diminution de la longueur des foulées (Divert et al., 2005) ; ● augmentation de la cadence (entre 160 et 190 pas/min) ; ● réalisation d'une attaque transitoire médio-pied et/ou avantpied ; ● course en faisant un « minimum de bruit » afin de créer un amortissement actif ; ● proposition d'une initiation à la course pieds nus ; ● prise de conscience de la différence d'impact suivant le type d'attaque du pied ; ● essai d'une modification du type de chaussure (ressenti des zones d'appui et des mobilités articulaires, augmentation de la vigilance musculaire, prise de conscience de la majoration de l'impact en attaque taligrade). Ce dernier conseil prend toute son importance, et nous allons approfondir le sujet ci-dessous. Les chaussures sont en effet l'un des facteurs les plus influant sur la technique de course (Giandolini, Horvais, Farges, Samozino et Morin, 2013).
Choisir sa chaussure Ce sujet étant très discuté dans le monde de la course, il convient de faire l'état des lieux de la littérature : à ce jour, il n'existe pas de consensus clair sur le choix d'une chaussure en CAP, mais le nombre
d'études se multipliant sur le sujet nous permet de mieux discerner les types de chaussures, leurs avantages et inconvénients, ainsi que quelques pistes afin de conseiller nos patients coureurs. Une chaussure peut être qualifiée de deux façons suivant ses caractéristiques : ● les chaussures dites « maximalistes » ou « classiques » : apparues dans les années 1970, elles sont qualifiées de « modernes », et considérées par beaucoup de coureurs comme protectrices des impacts grâce à l'amortissement prôné par le talon. Elles sont utilisées par environ 95 % d'entre eux ; ● les chaussures « minimalistes » : légères, souples et avec peu d'amortissement, elles sont peu présentes chez les coureurs, mais connaissent une recrudescence ces dernières années. En effet, 75 % des coureurs seraient prêts à engager une transition si ce type de chaussage pouvait réduire le risque de blessure (Rothschild, 2012). Cette vision dichotomique des chaussures mini-/maximalistes doit être affinée à travers un indice qualifiant précisément chaque chaussure : l'indice minimaliste. Cet indice minimaliste est le critère le plus prédictif de la technique de course qui va être utilisée suivant le type de chaussures et les stratégies de modération des contraintes mécaniques qui vont être mises en place (Esculier, Dubois, Bouyer, McFadyen et Roy, 2017 ; Squadrone, Rodano, Hamill et Preatoni, 2015).
Le saviez-vous ?
■ Le champion Abebe Bikila a remporté le titre olympique du marathon de Rome en 1960 en courant pieds nus pendant 2 h 15.
■ Certaines populations asiatiques, africaines… courent et se déplacent régulièrement pieds nus ou chaussés d'un simple morceau de cuir. ■ Ces coureurs développent de la corne sous la voûte plantaire leur permettant l'adaptation à leur milieu. Ils ne souffrent pas forcément plus de l'absence du chaussage.
Quels critères définissent une chaussure minimaliste ? Pour l'identifier, voyons les cinq caractéristiques (fig. 16.21) permettant d'établir l'indice minimaliste, définies par Esculier, Dubois, Dionne, Leblond et Roy (2015) en collaboration avec 42 experts mondiaux en CAP. Le poids le plus léger : faites la guerre aux grammes ! La chaussure de course se trouvant en extrémité de membre dans un mouvement balistique, la consommation d'oxygène qui en résulte augmente avec le poids cette chaussure (Perl, Daoud et Lieberman, 2012) : 2,4 à 3,3 % d'économie d'énergie sont réalisées avec des chaussures minimalistes, quelle que soit l'attaque du pied. Choisir des chaussures plus légères, c'est potentialiser sa performance. Cela correspond également à un stack height minimum, qui est l'épaisseur de la semelle. Le confort maximum : la chaussure, quelle qu'elle soit, doit correspondre à un ressenti de confort. Ce confort est principalement dépendant de l'espace réservé à l'avant du pied : les chaussures sont donc élargies à l'avant pour permettre aux orteils de se mouvoir et éviter les déformations non fonctionnelles liées à des chaussures contraignantes sur l'avant-pied. Le drop minimum : c'est la différence de hauteur entre l'arrière de la chaussure et l'avant, elle est en corrélation avec la présence d'amortissement à l'arrière-pied. Pour une transition digitigrade proposée à un patient, un drop minimal permet de laisser le pied en position naturelle, augmenter la perception
du pied et ne pas dénaturer la foulée. La foulée devient naturellement plus protectrice. En effet dans un schéma d'attaque digitigrade, l'amortissement et donc l'épaisseur de la semelle ne sont plus nécessaires et peuvent donc être diminués afin de diminuer le drop. La souplesse : la souplesse longitudinale et de torsion est essentielle pour permettre au pied de pouvoir réaliser l'ensemble des mouvements qui lui sont nécessaires. Le pied est alors en capacité de faire intervenir de façon optimale l'ensemble de ses capacités intrinsèques d'amortissement et de quantification de la contrainte (systèmes musculo-tendineux, ligamentaires, biomécanique…). L'absence de technologie stabilisatrice et de contrôle du mouvement : éviter la présence de technologies telles que l'antipronation, ou la stabilisation de cheville, permet au pied et au membre inférieur d'organiser lui-même des stratégies d'adaptation.
FIG. 16.21 Caractéristiques d'une chaussure minimaliste : résumé. Chacun de ces items correspond à 20 % de l'indice final. Ce score possède une excellente fiabilité intra- et interévaluateurs (intraclass correlation ou ICC = 0,84–0,99). La chaussure minimaliste tend à se rapprocher d'un modèle « pieds nus », afin d'être dans les conditions les plus proches d'une course « naturelle ». Cependant la chaussure minimaliste, bien que proche du « pied nu » dans ses caractéristiques, induit des modifications d'activation musculaire et de cinématique. L'impact de ces
modifications reste à définir (Nösberger, Estermann, Göpfert et Stammler, 2016). Les chaussures minimalistes permettent-elles une diminution des blessures ? Le port de chaussures davantage minimalistes induit les modifications suivantes : ● attaque du pied : transition d'attaque taligrade vers médio- et avant-pied, diminution de 40 % de la dorsiflexion du pied à l'attaque ; ● caractéristiques spatio-temporelles de la foulée : augmentation de la cadence, diminution de la longueur des foulées, diminution du temps de contact au sol ; ● modifications cinématiques : angulations articulaires, diminution des déplacements verticaux… On remarque que le port de chaussures minimalistes induit l'ensemble des modifications nécessaires à une transition d'attaque taligrade vers l'avant-pied, évoquée plus haut (voir Comment proposer une transition vers une attaque digitigrade à un coureur ?). Le port de chaussures minimalistes induit une attaque davantage avant-pied, laquelle permet une modération des forces d'impact. On retrouve également chez les coureurs pieds nus une diminution des amplitudes maximales de la cheville, du genou et de la hanche, avec un secteur de mouvement plus proche de la position neutre, c'est-à-dire le zéro anatomique (Lieberman et al., 2010). La chaussure minimaliste semble donc être potentiellement efficace dans un objectif préventif de diminution des contraintes en CAP. Cependant cette réduction de l'incidence des blessures liée au port de chaussures minimalistes n'est pas clairement objectivée au travers des études. Par exemple, Ryan, Elashi, Newsham-West et Taunton (2014) retrouvent une augmentation de la fréquence des blessures chez les coureurs amateurs effectuant une transition de chaussage vers le minimalisme. Mais ces résultats sont à modérer : la transition s'est effectuée en 3 mois, pour une course de 10 km. La question n'est peut-être finalement pas de savoir si les chaussures minimalistes
permettent de réduire les blessures mais plutôt de savoir si une transition sur 3 mois est suffisante pour des coureurs amateurs.
Chaussure classique ou « maximaliste » Elle correspond au produit le plus couramment acheté par les coureurs. La chaussure maximaliste possède : un amortissement important de l'arrière-pied, un drop important et une épaisseur de semelle prononcée. Sa souplesse est diminuée, du fait d'un poids plus élevé et la présence de technologies stabilisatrices (fig. 16.22).
FIG. 16.22 Caractéristiques d'une chaussure maximaliste : résumé. Les technologies stabilisatrices sont-elles réellement efficaces ? Les études récentes révèlent que les technologies stabilisatrices sont efficaces pour diminuer la quantité de pronation du pied pendant et après la course, ainsi que pour réduire l'impact transitoire lors de la phase d'attaque. Cependant, aucune preuve ne suggère à l'heure actuelle que ces technologies permettent de contrôler la cinématique des segments proximaux (Cheung, Wong et Ng, 2011). Les chaussures maximalistes permettent-elles une diminution des blessures ? Il semble, à ce jour, que les études ne permettent pas d'associer les chaussures maximalistes à une diminution significative de la prévalence des blessures (Lieberman et al., 2010).
Choix raisonné de la chaussure Le choix de la chaussure ne semble pouvoir être dichotomique. Il repose sur les données scientifiques, qui peuvent orienter vers une
sélection à laquelle il faut associer les critères tels que le design, le confort, les habitudes… Les données de la littérature nous permettent d'orienter préférentiellement vers un type de chaussage, suivant les critères décrits dans la figure 16.23.
FIG. 16.23 Choix du chaussage en course à pied (CAP), conditionné par les blessures et les objectifs.
Impact de la course sur les articulations Dogme entendu, répété, déformé : courir abîme les genoux, les chevilles, le dos… Cela semble être une évidence face au nombre de sauts réalisés pendant une course : 130 à 190 pas/min soit 10 000 pas/h. Mais cette évidence mérite discussion. Il existe à l'heure actuelle une controverse sur les effets délétères ou bénéfiques de la CAP sur les articulations.
Rachis Une étude australienne réalisant des imageries par résonance magnétique (IRM) sur des sujets de 30 ans en moyenne a mis en évidence une hydratation discale plus importante chez les coureurs comparativement aux non-coureurs, ainsi qu'une qualité et une force tissulaires plus importantes des disques intervertébraux. Il a été retrouvé également une épaisseur discale plus importante chez les coureurs parcourant plus de 50 km par semaine (Belavy et al., 2017).
Genou à moyen terme Concernant le genou, et plus précisément les atteintes cartilagineuses liées à la CAP et à la répétition des impacts, il ne semblerait pas délétère de pratiquer de la course régulièrement et longue distance. Une étude a observé par IRM 10 coureurs débutants sur une durée de 6 mois comprenant l'entraînement à un marathon, puis la participation à celui-ci. Aucune modification d'épaisseur ou de volume des cartilages n'a été retrouvée (hormis pour le compartiment latéral fémoral, présentant une légère diminution ; ce résultat reste selon les auteurs à modérer selon les erreurs de précision de mesures connues dans ce type d'examen, ainsi que la taille de l'échantillon). La course à pied longue distance est bien tolérée, même chez les débutants, et ne conduit pas à une perte cartilagineuse cliniquement pertinente (Hinterwimmer, Feucht, Steinbrech, Graichen et von, 2014). Cependant une charge excessive d'entraînement, non adaptée aux structures propres à chacun, induirait une altération cartillagineuse (Beckett et al., 2012).
Genou à long terme La CAP augmente-t-elle le risque de développer de l'arthrose de genou précoce ? L'arthrose de genou est la principale cause d'opération de genou et de pose prothétique, ce qui interroge un grand nombre de professionnels de santé et de sportifs sur cette question. À l'heure actuelle, peu d'études ont pu réaliser des investigations sur le sujet et sur d'importantes populations. Cependant, les études existantes ne trouvent aucune relation significative entre CAP et arthrose précoce
du genou (Leech, Edwards et Batt, 2015 ; Miller, 2017) et sembleraient même suggérer l'aspect protecteur de la CAP sur les gonarthroses symptomatiques. D'après Lo, Driban, Kriska et Storti (2014), le coureur amateur, quels que soient son âge et sa durée de CAP, n'augmente pas sa probabilité de développer une gonalgie, ni une gonarthrose radiologique et semblerait même diminuer le risque d'avoir une gonarthrose symptomatique (n = 2439). On retrouve les mêmes conclusions dans d'autres études, notamment Chakravarty, Hubert, Lingala, Zatarain et Fries (2008) suivant une cohorte de sujets coureurs et non coureurs sur 18 années : la prévalence et la gravité de gonarthrose n'augmentent pas avec la CAP.
Intérêt des anti-inflammatoires L'usage d'anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) est-il à préconiser dans les blessures en CAP ? Bien que ce sujet relève de l'avis médical, il convient d'avoir les connaissances nécessaires sur la question face au nombre grandissant de prise d'AINS par automédication. Les études récentes indiquent un effet délétère des AINS dans les atteintes de structures tissulaires, non infectieuses et non chroniques. Leur utilisation en médecine du sport pour les lésions musculaires et ligamentaires serait délétère (Fournier, Leal et Ziltener, 2008) : ● abolition de l'augmentation adaptative de synthèse de collagène dans les tendons (Christensen, Dandanell, Kjaer et Langberg, 2011) ; ● abolition des processus inflammatoires, lesquels sont nécessaires à la prolifération cellulaire (Medzhitov, 2010) ; ● inhibition COX I et COX II entraînant des effets plaquettaires (diminution de l'effet thrombotique), rénaux (hypertension artérielle et rétention hydro-sodée), allergiques et digestifs (majoration du risque d'ulcère gastroduodénaux) ; ● augmentation du risque de défaillance cardiaque (Schmidt et al., 2016) ; ● atteinte non sélective des tissus.
Physiologiquement, l'inflammation est suivie d'une phase de prolifération cellulaire puis de remodelage tissulaire. Les AINS semblent altérer ce processus physiologique et fragiliser la régénération tissulaire. L'inflammation semble inoffensive pour les tissus à court terme et même nécessaire à la cicatrisation (Aspenberg, 2007). Au vu de ces éléments et des effets indésirables non négligeables, il semblerait que la prise d'AINS dans les pathologies du coureur et des sportifs en général ne soit pas conseillée. En cas de doute, consultez le corps médical.
Conclusion Il est nécessaire d'éduquer les coureurs, et autres sportifs pouvant être amenés à courir, en les renseignant sur : ● l'intérêt d'un entraînement « réfléchi » et progressif ; ● les différents schémas de course et leurs avantages– inconvénients ; ● les catégories de chaussage et leurs avantages– inconvénients ; ● les dernières données concernant l'impact de la CAP sur les tissus. Seulement après cette étape éducative préventive, il peut être envisagé des modifications du matériel ou de la technique, à visée préventive ou curative.
Points clés
■ Repérer les blessures traumatiques et de surcharge vous permettra une meilleure orientation de vos tests diagnostiques et de vos traitements. ■ Le choix de la chaussure minimaliste doit se fonder sur sa
légèreté, sa souplesse, son confort, son drop minimum, et l'absence de technologie stabilisatrice. ■ La corrélation entre arthrose précoce, atteinte discale et course à pied n'est pas démontrée dans la littérature. ■ L'éducation thérapeutique améliore l'observance du coureur vis-à-vis des modifications apportées par le praticien. ■ Ne pas s'automédiquer par anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en cas de blessure et recourir à un avis spécialisé.
Entraînement
QCM 1 Parmi les réponses suivantes, laquelle(lesquelles) est(sont) une(des) pathologie(s) de surcharge mécanique ? A. entorse de la talo-crurale B. syndrome de la bandelette ilio-tibiale C. rupture du tendon d'Achille D. fracture de stress du col fémoral
QCM 2 Parmi les localisations suivantes, laquelle(lesquelles) est(sont) à haut risque en cas de fracture de stress ? A. talus B. calcanéus C. col fémoral D. diaphyse fémorale
QCM 3 Quel critère permet de définir la capacité d'exclusion d'un test ?
A. la spécificité B. la sensibilité
QCM 4 En course à pied, les forces de réaction au sol équivalent à : A. 1 fois le poids du corps B. 2 à 3 fois le poids du corps C. 4 à 5 fois le poids du corps D. Plus de 10 fois le poids du corps
QCM 5 Classez les différentes propositions par ordre croissant de force d'impact : A. Pieds nus et attaque talon B. Chaussures maximalistes et attaque talon C. Pieds nus et attaque digitigrade D. Chaussure minimaliste et attaque digitigrade
Références Almonroeder T.G., Benson L.C., O'Connor K.M. Changes in patellofemoral joint stress during running with the application of a prefabricated foot orthotic. International Journal of Sports Physical Therapy. 2015;10(7):967–975. Aspenberg P. Is inflammation harmless to loaded tendons ? Journal of Applied Physiology (1985). 2007;102(1):3–4. Bachmann L.M., Haberzeth S., Steurer J., ter Riet G. The accuracy of the Ottawa knee rule to rule out knee fractures : a systematic review. Annals of Internal Medicine. 2004;140(2):121– 124. Beckett J., Jin W., Schultz M., Chen A., Tolbert D., Moed B.R., et al. Excessive running induces cartilage degeneration in knee
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1
Screening et bilan se chevauchent et il n'est pas si simple de les considérer comme deux entités distinctes. 2
Cette étude fait intervenir dix sujets pathologiques et quatorze sujets asymptomatiques. Des études complémentaires sont nécessaires pour confirmer la pertinence clinique de ce test.
CHAPITRE 17
Corrigés des entraînements Chapitre 1 – Histoire de la marche, évolution et intérêts cliniques QCM 1 : QCM 2 : QCM 3 : QCM 4 : QCM 5 :
A, B D A, B, C B, D A, B, D
Chapitre 2 – Biomécanique de l'équilibre postural et implications cliniques QCM 1 : QCM 2 : QCM 3 : QCM 4 : QCM 5 :
C B B A C
Chapitre 3 – Contrôle de l'équilibre lors du mouvement volontaire et de la marche QCM 1 : QCM 2 : QCM 3 : QCM 4 :
A C C A
QCM 5 :
C
Chapitre 4 – Acquisition, développement et altération de la marche à travers les âges QCM 1 : QCM 2 : QCM 3 : QCM 4 : QCM 5 :
A, C B A, D B D
Chapitre 5 – Bases biomécaniques et neurologiques de la locomotion QCM 1 : QCM 2 : QCM 3 : QCM 4 : QCM 5 :
C, D A, D B, D A, B, D C, D
Chapitre 6 – Initiation de la marche QCM 1 : QCM 2 : QCM 3 : QCM 4 : QCM 5 :
A, C, D A, B, D A, B, C, D A, B, C A, B, C, D
Chapitre 7 – Analyse des paramètres spatiotemporels de la marche : de la théorie à la clinique
QCM 1 : QCM 2 : QCM 3 : QCM 4 : QCM 5 :
A, B, C B C A A, B, C, D
Chapitre 8 – Aspect énergétique de la marche QCM 1 : QCM 2 : QCM 3 : QCM 4 : QCM 5 :
D C C A B
Chapitre 9 – Biomécanique de l'arrêt de la marche QCM 1 : QCM 2 : QCM 3 : QCM 4 : QCM 5 :
B B D C D
Chapitre 10 – Troubles de la marche chez l'enfant QCM 1 : QCM 2 : QCM 3 : QCM 4 : QCM 5 :
D D C D D
Chapitre 11 – Évaluation clinique de la
marche : de l'enfant au sujet âgé QCM 1 : QCM 2 : QCM 3 : QCM 4 : QCM 5 :
B, C, D B, D D B D
Chapitre 12 – Thérapies manuelles haute vélocité et basse amplitude QCM 1 : QCM 2 : QCM 3 : QCM 4 : QCM 5 :
A, B, D A, B, C C A, B, D A, B, C, D
Chapitre 13 – Nouvelles applications thérapeutiques et locomotion QCM 1 : QCM 2 : QCM 3 : QCM 4 : QCM 5 :
B, C A, C B A, B, C A, B
Chapitre 14 – Orthèses : impact sur l'équilibre et la marche QCM 1 : QCM 2 : QCM 3 : QCM 4 :
A, C B, C B B
QCM 5 :
A, B, C
Chapitre 15 – Marche et chaussage : quels choix pour quels effets ? QCM 1 : QCM 2 : QCM 3 : QCM 4 : QCM 5 :
A, B B, D A, B, C, D B, C A, D
Chapitre 16 – Course et applications thérapeutiques QCM 1 : QCM 2 : QCM 3 : QCM 4 : QCM 5 :
B, C, D A, C B B A, B, C, D
Conclusion Durant l'évolution de la famille des Hominidae, trois caractéristiques de l'Homo sapiens (c'est-à-dire nous les « hommes anatomiquement modernes ») sont progressivement apparues : la bipédie, un cerveau volumineux et un système pileux moins développé. Avant la bipédie, les membres pelviens et thoraciques étaient destinés à la locomotion. Nos ancêtres arboricoles ont progressivement utilisé leurs membres thoraciques pour se déplacer mais d'une façon nouvelle : en se suspendant aux branches. Ainsi, le membre thoracique est progressivement passé d'un fonctionnement en charge/compression permettant la propulsion du corps à un fonctionnement en suspension permettant la traction du corps. Le membre pelvien est resté dévoué à supporter le poids du corps et à fournir de la propulsion. Cette réduction de la locomotion, à deux membres seulement, pourrait laisser penser que la marche bipède est un phénomène simple. Pourtant cela n'est pas le cas du tout : la marche est un processus extrêmement complexe qui implique des fonctions motrices, sensitives et intégratrices ainsi que des tissus variés tels que les os, les muscles, les nerfs, les ligaments, tendons, etc. La perte de la capacité à marcher peut aboutir à des conséquences potentiellement catastrophiques pouvant aller jusqu'à la mort. Il est donc essentiel de bien comprendre la physiologie de la marche afin de pouvoir correctement prendre en charge sa pathologie et comprendre les traitements, notamment chirurgicaux qui existent. Cet ouvrage offre au lecteur une vision large et détaillée de ces points. Il présente les données avec une grande clarté et des qualités didactiques indéniables. Il devra certainement faire partie de la bibliothèque de tous ceux qui s'intéresseront à la marche d'une façon ou d'une autre.
Professeur Marc Soubeyrand, M.D., PhD, professeur d'anatomie à l'université Paris-Sud, chirurgien orthopédiste et traumatologue, CHU du Kremlin-Bicêtre, AP-HP
Index A Accident vasculaire cérébral 55, 103, 296 Accoutumance 297 Achillodynie 323 Action musculaire 180 Activation musculaire 197 Activité électromyographique 123, 267, 291 métabolique 13 physique 179 Adénosine triphosphate (ATP) 180 Aérobie 180 Afférence sensorielle 97 Aides de marche 158, 161 Ajustements posturaux anticipateurs 41, 114, 199 consécutifs 40, 198 Aliments 179 Allègement du poids corporel 283
Amortissement 332 Anaérobie lactique 183 Analyse de la marche 72 cinématique 9 cinésiologique 288 cinétique 12 qualitative 9 quantifiée 91, 222 visuelle 245 Angle poplité 234 Animal 4 Antétorsion fémorale 232 Antéversion fémorale 212 Anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) 337 Appareillage dynamique 294 Applications thérapeutiques 277–286 Apprentissage de la marche 302 Appui double appui 78, 92, 165 phase d' 90, 155 simple appui 90, 164 unipodal 79 Archimède 4 Aristote 4 Arrêt de la marche 193–210
non planifié 194 Arthrite idiopathique juvénile 302, 330 Articulation fémoro-patellaire 95 talo-crurale 271 tibio-fibulaire 271 Assistance robotique 281 Asymétrie 128, 143 Attaque digitigrade 93, 332 du pied 327 taligrade 93 Automaticité de la marche 103 Automatisation de la marche 81 Autonomie, niveau d' 71 Axe médio-latéral 126 vertical 117 B Baignoire 200 Base de support 141 Base posturale 45 Battements cardiaques 30 Bilan
de la marche 230 dynamique du coureur 327 Biomécanique 89–112, 194, 267 compensation 297 de l’équilibre postural 23–36 de la chute 132 optimisation 330 Blessure par surcharge 329 traumatique 329 Boiterie 82, 216 de salutation 258 Bras de levier 304 C Cadence de marche 79 Canal lombaire étroit 83 Capacité d’adaptation 71 posturo-cinétique 42 Ceintures pelvienne et scapulaire 297 Central pattern generator (CPG) See Générateur de rythme spinal Centre de gravité 102, 119 de masse 5, 8, 28, 117, 194
de pression 92, 194 Cervelet 98 Chaîne fermée 125 posturale 31 Charcot-Marie-Tooth, maladie de 221 Chaussage 301–314 Chaussure correctrice 302 largeur de la 303 minimaliste 334 Cheville 52, 93 contention de 289 entorse de 322 orthèse de. Voir Orthèse de cheville strapping de 292 stratégie de 291 Chiropraticien 264 Chronophotographie 6 Chute 114, 148, 197, 254, 306 Cinématique 92 respiratoire 30 Cinématographe 5 Cinétique de la marche 91 Classification fonctionnelle de la marche 14
Coefficient de variation 149 Colonne vertébrale 267 Compensation 105 Contrainte unilatérale 130 Contrôle clinique 147 moteur 38, 144 Coordination intersegmentaire 80 Cortex cérébral 98 Couple de déséquilibre 125 Courbe de développement staturo-pondéral 231 Coureur pronateur 328 supinateur 328 universel 328 Course 6, 315–340 Coût énergétique 80, 172, 190, 302 Croissance 302 Cycle de marche 90, 138 Cyphose 257 D de Vinci, Leonard 4 Degrés de liberté 104 Denver developmental screening test 242
Dépense énergétique 187 métabolique 178 Diagnostic différentiel 265 Disque intervertébral 267 Dog technique 268 Domicile 20 Double appui See Appui Double tâche 162, 164, 256 Douleur 270 latérale de genou 326 méniscale 325 métatarso-phalangienne 330 patellaire 326 Duchenne de Boulogne, boiterie de 258 Dysfonction articulaire 273 Dysfonctionnement cérébral 83 E Écart type 149 Échelle d’évaluation 252, 254 Économie d’énergie 176, 333 Éducation 329 Électromyogramme 8, 92 Ely test 235
Énergie cinétique 196 mécanique, substrats en 181 potentielle 196 Enfant 118, 128, 155, 302 Enhanced gait variability index (EGVI) 150 Enjambée 139 Équilibre postural 14, 152, 278, 291 dynamique 153 implications cliniques 23–36 Évaluation articulaire 247 de la marche 248 motrice fonctionnelle globale 242, 284 musculaire 247 neuromusculaire 247 Examen posturographique 32 Exercice musculaire 183 F Facilitation bilatérale 130 Fasciite plantaire 330 Fatigue 333 musculaire 129 Feedback 100
sensoriel 308 Feedforward 100 Fibres musculaires 187 rapides 75, 291 Flexibilité 302 Fluctuation 149 Footing 318 Force musculaire 205 propulsive 121 Fragilité 77 Freezing 54, 102 Freinage 92, 119, 195–196 Fréquence de pas See Pas, fréquence de Friedreich, ataxie de 155, 221 Frottements 200 Fryett, loi de 273 Functional ambulation performance score (FAPS) 143 Fuseau neuromusculaire 75, 291 Fusil photographique 5 G Gait variability index (GVI) 150 Galeazzi, test de 234 Ganglions de la base 99
Générateur de rythme spinal 95 Genou 271, 337 orthèse de See Orthèse de genou Genu valgum 215 Genu varum 215 Golgi, organes tendineux de 76 Gonarthrose 130, 293 Gross motor function classification system (GMF-CS) 242 Guidage en top-down 53 H Hallux valgus 296, 330 Hanche 271 épiphysiolyse de 219 luxation congénitale de 216, 218 ostéochondrite de 218 stratégie de 53 Handicap 103 Haute vélocité et de basse amplitude (HVBA) 264 effets neurophysiologiques 267 Hill, modèle de 19 Hoffman, réflexe de 267 Hypo-extensibilité 307 Hypomobilité articulaire 293
I Imagerie fonctionnelle 16 motrice 279 Index de dépense énergétique (IDE) 242 Indiçage 283 Indice posturographique 29 Inhibition réciproque 96 Initiation de la marche 14, 113–136, 291, 305 Intégration sensorielle 76 J Jambe d’appui 196 oscillante 197 K Kinesio Taping® 295 des membres inférieurs 296 du tronc 296 Kinésithérapeute 264 L Latéralité 128 Lésion ostéopathique 264
Ligament croisé antérieur 278 Locomètre 15 Locomotion 277–286 M Manipulation des sacro-illiaques 270 du sacrum 270 lombaire 269 lombo-sacrale 269 thoracique 268 thoraco-lombaire 269 Marche antalgique 81 arrière 94 ataxique 83 automatique 63 clinique de la 1–22, 248 coxalgique 81 digitigrade 67 fonctionnalité de la 139 histoire de la 1–22 pieds nus 302 plantigrade 67, 93 stationnaire 14
Marey, Étienne-Jules 5 Masse musculaire 74 Maturation 62 Membrane interosseuse 273 Membre inférieur dominant 127 supérieur en chandelier 70 Ménisque discoïde 219 Mesure de l’indépendance fonctionnelle pour l’enfant 242 Métabolisme 180 Métatarsalgie 323 Micromobilité spécifique 272 Mobilité 31 Modélisation musculo-squelettique 3D 19 Muscle(s) 179 droit fémoral 93 ilio-psoas 93 ischio-jambier 93 long extenseur de l’hallux 125 long extenseur des orteils 125 moyen fessier 93 petit fessier 93 quadriceps 93 releveurs du pied 125 rétromalléolaires latéraux 93
tenseur du fascia lata 93, 125 tibial antérieur 126 tibial postérieur 94 triceps sural 93 Muybridge, Eadweard 5 Myélinisation 62 Myélopathie 83 N Neurones miroirs 279 Normalisation anthropométrique 151 Nouveau-né 103 marche automatique du 63 Noyaux caudés 99 gris centraux 98 sous-thalamiques 99 O Obésité 187 Orthèse 287–300 de cheville prescription 291 de décharge 293 du genou 288
du tronc 296 Oscillation posturale 39, 164, 329 phase d' 90 Ostéochondrite 218, 220 Ostéomyélite 217 Ostéopathe 264 Ostéopathie crânienne 273 Ottawa, critères d' 322 P Pallidum 99 Papyrus égyptien d’Ebers 4 Paralysie cérébrale 155, 220, 284 supranucléaire progressive 118 Paramètres spatio-temporels 14, 77, 94, 153, 319 Parkinson, maladie de 54, 83, 94 See also Voir aussi Sujet parkinsonien Pas angle de progression du 212, 216 automatique 15 exécution du 121 fréquence de 329 largeur du 78 longueur du 77, 126 premiers pas 65
stratégie du 53 Pathologie du coureur 319 musculo-squelettique 81 neuro-locomotrice 123 ortho-locomotrice 123 Patient See Sujet Pediatric balance scale (PBS) 242, 284 Pédiatrie 283 Pendule inversé 114 Personne âgée See Sujet âgé Physiothérapeute 264 Pic de force 74 Pied plat 215, 302 Pivot talon 328 Placebo 270 Plan frontal 116 sagittal 114 Plasticité 102 cérébrale 103, 279 du système nerveux 109 Plateforme de force 8 Polyarthrite rhumatoïde 330 Posture 28, 38
Potentiels évoqués somatosensoriels 268 Praticien 126 Préparation posturale 114 Prescription 144 Prévention 306, 329 Processus homéo-dynamique 73 Programmation du mouvement 130 Programme d’entraînement 329 Proprioception 288 Propulsion 94, 328 Puissance 180 Push-off 120 Putamen 99 Q Quantification d’une séance 329 R Rachis 257, 336 Réalité virtuelle 281 Recrutement musculaire 196, 205, 330 Rééducation de la marche 55, 102, 105, 126, 130, 230, 281 de l’enfant 284 proprioceptive 123 Rééquilibrage des capacités fonctionnelles 131
Réflexe archaïque 63 Région locomotrice mésencéphalique 97 lombo-pelvienne 297 Réseau locomoteur spinal 63 Rhumatologie recommandations en 265 Running 318 S Sarcopénie 75 Schéma de marche 71, 297 douloureuse 280 Sclérose en plaques 207, 278 Screening médical 319 Semelle baro-podométrique 13 extérieure 309 intérieure 308 orthopédique 302 Sénescence 154 Serious games 283 Sherrington, Charles Scott 96 Simple appui See Appui Stabilité posturale 38, 148, 152, 205
active 288 passive 288 Stationnarité 148 Steppage 83, 94 Stimulation plantaire 308 Stratégie 51 compensatrice 42 d’équilibration 257 de cheville. See Voir Cheville, stratégie de de hanche. See Voir Hanche, stratégie de du pas. See Voir Pas, stratégie du posturale 53 Sujet âgé 71, 118, 205, 280, 306 amputé 156 blessé médullaire 283 coureur. Voir Coureur hémiplégique 280 jeune. See also Voir aussi Enfant et Nouveau-né parkinsonien 118, 206, 281 scoliotique 124 sportif 337 Surface glissante 199–200 Symétrie 143 Syndrome
cérébelleux 101 extrapyramidal 102 fémoro-patellaire 306 parkinsonien 94 pyramidal 101 vestibulaire 101 See also Voir aussi Parkinson, maladie de Synergie musculaire 104 Système à centrales inertielles 10 corticospinal 63 d’acquisition 159 musculo-squelettique 74, 154 nerveux central 16, 114, 201, 279, 291 développement du 62 optoélectronique 9 somato-sensoriel 75 sous-corticospinal 63 vestibulaire 74 T Tâche cognitive 77 concentrique 94 Talon 303 Tapis de pression 12
Tension musculaire 30, 32 Test de marche 6 minutes 242, 284 Thalamus 99 Thérapies manuelles 264 Timed up and go (TUG) 242, 278 Tinetti, test de 255, 278 Torsion tibiale 212, 215, 235 Toxine botulique 94 Transfert énergétique 8 Travail externe 187 interne 186 Trendelenburg, boiterie de 258 Tronc 125 cérébral 98 V Variabilité 149, 153 Vibrations corps entier 278 Vidéos 158 Vieillissement 16, 71, 154, 189 pathologique 81 Vision 73, 101 Vitesse de marche 79, 141, 186, 197, 201 mouvement de flexion plantaire 291
W Walk ratio 142 Wii® 281