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French Pages 598 [625] Year 2006
COLLECTION DE L’ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME - 360
LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS ANNE BERLAN-BAJARD
COLLECTION
DE
L’ÉCOLE
FRANÇAISE
DE
ROME
360
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ANNE BERLAN-BAJARD
LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME 2006
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Berlan-Bajard, Anne, 1969Les spectacles aquatiques romains / Anne Berlan-Bajard. Rome : École française de Rome, 2006. (Collection de l’École française de Rome, 0223-5099; 360) ISBN 2-7283-0719-9 1. Aquatic sports - Rome. 2. Games - Rome. 3. Theater - Rome. 4. Amphitheaters - Rome. 5. Rome (Italy) - Antiquities, Roman. I. Title. II. Series. CIP – Bibliothèque de l’École française de Rome
- École française de Rome - 2006 ISSN 0223-5099 ISBN 2-7283-0719-9
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REMERCIEMENTS
Je remercie Monsieur Jean-Marie André pour sa direction bienveillante. Ses conseils m’ont permis notamment de résoudre les difficultés de construction que posait cette recherche de caractère interdisciplinaire. Je remercie Monsieur Jean-Charles Moretti, sans lequel je n’aurais pu mener à bien la synthèse de l’importante documentation archéologique nécessaire à ce travail, et Monsieur Gilles Sauron pour ses encouragements, pour l’aide vigilante qu’il m’a apportée lorsque j’étudiais les implications idéologiques de certains spectacles. J’adresse également tous mes remerciements à Madame Agnès Rouveret et à Monsieur Hubert Zehnacker, dont les riches interventions, lors de ma soutenance, m’ont permis de corriger certaines inexactitudes et d’ajouter plusieurs développements nouveaux à cette étude. Je voudrais enfin remercier tous ceux qui ont bien voulu m’aider de leurs conseils sur certains points de ma recherche, notamment Madame Alix Barbet, Madame Michèle Blanchard-Lemée, Monsieur Christian Peyre, Monsieur Michel Reddé, Monsieur Jean-Paul Thuillier. Ma gratitude s’adresse aussi à mes proches pour leur patiente affection.
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INTRODUCTION
Le spectacle naval le plus célèbre de l’antiquité romaine est probablement la course de navires du livre V de l’Enéide. On ne peut invoquer ici le goût de Virgile pour l’étiologie des fêtes romaines puisque la régate, compétition prévue par certains concours grecs depuis plusieurs siècles à l’époque du poète, n’est pas attestée dans la Rome de son temps. Son choix en revanche n’est pas étranger au modèle des jeux funèbres de Patrocle, au chant XXIII de l’Iliade (v. 262-534). Mais on s’est souvent interrogé sur les raisons qui ont poussé Virgile à remplacer par une régate la course de chars des jeux homériques. Il apparaît en fait que cette course de navires était également en étroit rapport avec une actualité romaine très présente dans toute l’œuvre : l’actualité politique, bien entendu, avec la victoire d’Actium, mais aussi l’actualité des spectacles. En effet, la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C. est la période qui vit l’apparition à Rome de grands spectacles de combat naval, les naumachies. Le souvenir de ces dernières vient spontanément à l’esprit, lorsque sont évoqués les spectacles romains où l’eau fut utilisée comme un élément de décor ou de mise en scène. Pourtant, en dehors de leur rapide mention dans la plupart des ouvrages traitant des jeux, les naumachies ont peu suscité l’intérêt de la recherche moderne. L’article le plus ancien qui leur ait été entièrement consacré est probablement celui de L. Effisio Tocco, extrait d’un numéro de l’Osservatore romano de 1875, et intitulé Delle naumachie e degli spettacoli naumachiari. Outre un aperçu des spectacles eux-mêmes, essentiellement constitué par des citations des sources antiques existantes sur le sujet, l’auteur s’y est interrogé sur les installations qui purent les accueillir, en basant l’essentiel de ses hypothèses sur ces mêmes témoignages littéraires. La notice de la Realencyclopädie sur le même sujet1 représente une rapide synthèse plus complète des textes connus. Plus récemment G. Ville, dans son étude fondamentale sur La gladiature en Occident 2, a été amené à citer et à étudier
RE, XVI, 2, 1930, col. 1970-1974, s.v. naumachia. G. Ville, La gladiature en Occident des origines à la mort de Domitien, Roma, 1982 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 245). 1
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l’ensemble des naumachies connues jusqu’à la mort de Domitien. En effet, il apparaît que les jeux où furent présentées des naumachies, toujours liés à des occasions exceptionnelles, comportèrent de nombreux autres spectacles, parmi lesquels les combats de gladiateurs. G. Ville a également étudié les naumachies du fait de leurs indéniables points communs avec la gladiature. L’une des études les plus récentes sur les naumachies est un article issu de la collaboration de Jean-Claude Golvin et Michel Reddé pour un colloque sur les spectacles romains tenu à Toulouse et à Lattes en 1990 3. Tout en reprenant le bilan des sources littéraires déjà réalisé, les deux auteurs établissent en outre des rapprochements entre ces textes bien connus et d’autres types de documents, archéologiques, épigraphiques et numismatiques, posant ainsi les bases d’une réflexion plus globale sur ce type de spectacle. Les sources écrites dont nous disposons sur les naumachies, relativement nombreuses et riches pour la période du Haut-Empire, semblaient en effet permettre, à l’occasion d’une exploitation moins synthétique des informations fournies, un exposé détaillé des principes très spécifiques qui régissaient ces spectacles. Les travaux de G. Ville ouvraient par ailleurs la voie pour tenter de retracer la manière dont les naumachies vinrent s’insérer dans le système des jeux romains, autrement dit pour les rapprocher des spectacles qui leur ont préexisté, tout en définissant les occasions privilégiées de leur présentation. Enfin, les propositions de J.-C. Golvin dans son livre L’amphithéâtre romain, concernant quelques amphithéâtres provinciaux qui furent peut-être dotés d’un bassin, suggéraient un examen global des installations qui furent destinées ou adaptées aux naumachies. Depuis l’article de la Realencyclopädie, bien des études nouvelles, topographiques ou archéologiques, ont en effet paru, concernant l’une ou l’autre des structures de spectacle où la présentation d’une naumachie est attestée, ou seulement soupçonnée. Parmi ces publications, il faut citer tout particulièrement un article de F. Coarelli, Aedes Fortis Fortunae, naumachia Augusti, castra Ravennatium 4, représentant un pas décisif dans notre connaissance du bassin construit par Auguste pour les spectacles navals. Cependant, aucune synthèse des informations nouvelles ainsi apportées n’avait encore été tentée. Enfin, le devenir de ces spectacles au-delà de l’époque flavienne, sur lequel M. Reddé et J.-C. Golvin avaient jeté
3 J.-C. Golvin et M. Reddé, Naumachies, jeux nautiques et amphithéâtres, in C. Domergue, C. Landes et J.-M. Pailler, Spectacula 1. Gladiateurs et amphithéâtres [Actes du colloque tenu à Toulouse et à Lattes les 26-29 mai 1987], Paris, Imago, 1990, p. 165-171. 4 Ostraka, I, 1992, p. 39-54.
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INTRODUCTION
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quelque lumière grâce à l’apport de documents nouveaux, attendait encore une première tentative de reconstitution. Mais les naumachies ne sont pas les seuls spectacles romains où l’eau ait été utilisée. Dans son étude consacrée aux combats de gladiateurs, mais aussi aux uenationes, G. Ville mentionne ainsi à plusieurs reprises des jeux où des spécimens de la faune nilotique ou marine furent capturés et tués, ou simplement exhibés sous les yeux du public, dans des bassins spécialement aménagés pour la circonstance. Moins étudiées encore que les naumachies, ces uenationes aquatiques n’ont jamais fait l’objet d’une publication spécifique. En dehors des travaux de G. Ville, on en trouve cependant un aperçu plus complet, car étendu à l’ensemble de l’histoire des spectacles romains, dans l’ouvrage de G. Jennison, Animals of show and pleasure in ancient Rome 5. L’étude plus récente de J. M. C. Toynbee, Animals in Roman life and art 6, reprend et complète les informations apportées par son prédécesseur. Cependant ces deux ouvrages, ici encore, se contentent de rassembler les mentions de uenationes aquatiques conservées par les sources antiques, sans s’interroger sur leurs modalités concrètes, manifestement très diverses, ni sur la manière dont ces innovations vinrent s’insérer parmi les usages de ce genre déjà ancien qu’était la uenatio. Il est donc possible d’envisager aussi, pour les uenationes aquatiques, une étude spécifique qui reprendrait l’ensemble de la documentation existante. Cette dernière, comme pour les naumachies, n’est pas uniquement littéraire. L’ouvrage de J. M. C. Toynbee notamment permet de constater que l’iconographie apporte un appoint non négligeable à l’étude des textes. Il convient également de ne pas oublier le domaine archéologique. On sait en effet que certains théâtres, notamment, ont été munis d’un bassin. Telle est la conclusion à laquelle est parvenu G. Traversari dans un livre intitulé Gli spettacoli in acqua nel teatro tardoantico 7, seule monographie à ce jour consacrée aux spectacles aquatiques romains. L’auteur appuie sa démonstration sur les installations hydrauliques tardives relevées dans quelques théâtres, et rapproche ces découvertes de textes du Bas-Empire évoquant la présentation de spécimens de la faune du Nil, mais aussi de spectacles de mimes de thème maritime et de ballets réalisés dans l’eau. Le chercheur italien a en outre très justement souligné l’apport que l’iconographie pouvait représenter pour la connaissance de ces spectacles, sur lesquels les sources écrites directes restent peu abon-
Manchester, Manchester University Press, 1937. London, Thames and Hudson, 1973. 7 Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1960. 5 6
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dantes. Enfin, grâce à un retour, malgré le titre de son ouvrage, sur quelques textes d’époque flavienne ou antonine, il a pour la première fois mis en évidence l’existence continue de ces exhibitions, tout au long de la période impériale. C’est pourquoi ses travaux sont cités par les ouvrages postérieurs traitant du théâtre d’époque impériale. La plupart des chercheurs ont même conservé le terme de «thétimimes» donné par G. Traversari aux spectacles qu’il avait ainsi redécouverts. C’est le cas par exemple dans la réédition de 1961 de l’ouvrage de Margarete Bieber, The History of the Greek and Roman Theater 8. Toutefois, certains aspects de la démarche de G. Traversari soulèvent d’importantes réserves. Ainsi, prenant dès l’abord parti, malgré le nom qu’il leur a donné, pour une origine rituelle des «thétimimes», il s’est peu intéressé aux liens possibles de ces exhibitions avec les genres théâtraux préexistants, comme le mime, précisément. Sa mise en relation de textes du Haut-Empire avec ceux des IVe et Ve siècles traitant des mêmes spectacles ne s’est accompagnée d’aucune réflexion sur l’écart chronologique important séparant ainsi ses sources. Par ailleurs, ses descriptions des vestiges archéologiques appuyant son hypothèse sont assez succinctes, et il ne s’est guère interrogé sur la localisation des édifices concernés, nécessairement révélatrice de la diffusion géographique de ces mises en scène. Enfin, il a parfois accordé un crédit excessif au décor de certaines mosaïques, les considérant comme un témoignage suffisant pour admettre l’existence de types de spectacles dont les textes ne soufflent mot. Il paraît donc possible d’approfondir et d’enrichir la connaissance des mimes et des ballets aquatiques romains en rapprochant les rares sources existant à leur sujet d’autres textes traitant des genres théâtraux. La documentation iconographique devra également être utilisée, moins comme un témoignage direct sur les spectacles, toutefois, que comme un traitement parallèle des thèmes qu’ils évoquaient. Dans la même perspective, il convient naturellement de s’intéresser aussi aux œuvres poétiques développant les mêmes motifs. Sur le plan archéologique, il serait également nécessaire de revenir sur les publications exploitées par G. Traversari, en leur adjoignant le résultat des recherches nouvelles qu’ont souvent suscitées les monuments concernés, en l’espace de quarante ans. Certaines découvertes ont pu en effet venir infirmer les hypothèses du chercheur italien, ou au contraire mettre en évidence des installations analogues dans d’autres édifices.
8 M. Bieber, The History of the Greek and Roman Theater, Princeton, Princeton University Press, 1961, p. 237 et p. 252.
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INTRODUCTION
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Chacun des spectacles considérés jusqu’ici semble donc susceptible de donner lieu à des recherches plus approfondies. Quelles qu’aient été par ailleurs leurs origines et leur diffusion dans les provinces, dont il faudra tenir compte, ce sont là les seules exhibitions utilisant l’eau comme élément de décor ou de mise en scène jamais présentées à Rome dans le cadre de jeux publics. Il semble donc possible de les étudier conjointement sous le terme déjà employé de «spectacles aquatiques romains». Il apparaît dès l’abord qu’il s’agit de manifestations aux principes très différents. D’importantes disparités existent également sur le plan de la documentation disponible sur chacune d’elles. Les témoignages sur les naumachies sont de loin les plus nombreux, mais il concernent essentiellement la période du Haut-Empire. Les spectacles de mimes et de chorégraphies aquatiques, au contraire, semblent avoir connu un succès tardif, puisque la plupart des textes et des vestiges archéologiques témoignant de leur existence, d’ailleurs encore trop rares, relèvent des IVe et Ve siècles Quant aux textes sur les uenationes aquatiques, extrêmement sporadiques, ils s’étalent sur une période qui va du dernier siècle de la République à l’extrême fin de l’empire d’Occident. C’est pourquoi sans doute seule à ce jour K. Coleman, dans un article intitulé Launching into history : aquatic displays in the early empire 9, a regroupé les trois types de mises en scène aquatiques considérés dans une même étude, qui trouvait son unité autour d’une date, celle de l’inauguration du Colisée par Titus, en 80 ap. J.-C. Pour mener des recherches sur ces spectacles, il conviendra donc, dans un premier temps, d’exploiter séparément la documentation disponible sur chacun d’eux. Cette documentation est d’ailleurs elle-même très variée : outre les textes et les monuments conservés, des sources iconographiques, comme nous l’avons dit, mais aussi épigraphiques et numismatiques apportent des éléments d’information. Un tel projet, compte tenu du faible nombre des documents conservés dans ce domaine, souligné par toutes les études antérieures, devra s’inscrire dans des cadres chronologique et géographique les plus larges possibles. Autrement dit, les spectacles considérés seront étudiés de leur première à leur dernière mention par les sources antiques, et dans toutes les régions du monde romain, jusqu’à la chute de l’empire d’Occident, voire au-delà si des documents d’époque byzantine paraissent en mesure de nous informer sur des réalités antérieures. Une fois menée à bien cette première démarche, essentiellement
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Journal of Roman Studies, 83, 1993, p. 48-74.
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descriptive, pour chacun d’entre eux, la pertinence de leur étude conjointe reste encore en partie à établir. Autrement dit, nous voudrions démontrer qu’au-delà d’une commune utilisation de l’eau qui sur le plan strictement matériel put prendre des formes très diverses, ces spectacles possédaient des liens plus profonds. Quelques pistes essentielles pourront nous guider dans cette voie. Et d’abord, bien qu’une origine étrangère ait été proposée, parfois pour les naumachies, mais surtout pour les mimes et les chorégraphies aquatiques, les premières sources écrites mentionnant ces spectacles les situent à Rome même. Il n’est donc pas impossible d’envisager que tous aient en commun une origine romaine, ou tout au moins italienne. Que ce point soit ou non acquis, compte tenu des liens que les jeux romains entretinrent toujours avec le pouvoir, et donc avec l’actualité politique du temps, on considérera les événements contemporains de l’apparition de ces spectacles, de leurs éventuelles évolutions, et de leur disparition. Une telle étude est notamment susceptible de mettre en évidence les raisons pour lesquelles ces trois spectacles connurent leur plein essor à des époques différentes. Au-delà des questions soulevées par l’étude de ces spectacles au sein du phénomène complexe que représentent les jeux romains, l’évidente caractéristique commune de ces mises en scène ne doit pas être oubliée : la présence de l’eau. Ces divers spectacles ne peuvent manquer d’illustrer certains aspects de l’imaginaire et de l’esthétique de l’eau dans le monde romain, et plus particulièrement dans la métropole elle-même. Aussi, en s’inspirant d’une démarche comme celle de P. Grimal dans son célèbre ouvrage Les jardins romains10 où sont étudiés les rapports d’influence réciproque de l’art topiaire, de la littérature et de la peinture, on se demandera s’il n’est pas possible d’établir des relations similaires, sur le thème de l’imaginaire de la mer, entre mises en scène aquatiques, lettres et art à Rome. Une telle réflexion devrait permettre de comprendre de manière plus profonde la raison d’être de ces spectacles, et leur perception par le public de l’époque. Enfin, quoi qu’il en soit des modèles extérieurs ou des sources d’influence étrangères qui auront été mises en évidence, il paraît impossible que ces spectacles, présentés à Rome, n’aient pas subi l’empreinte d’une civilisation des jeux si puissante qu’elle fut un des principaux vecteurs de la romanité à travers l’empire. Une telle étude devrait donc permettre de mieux connaître la façon dont l’organisation des spectacles à Rome s’articulait au système de pensées, d’images et de références collectives de ses habitants sur un thème donné.
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P. Grimal, Les jardins romains, Paris, Fayard, 1984.
Une étude sur les spectacles aquatiques romains doit nécessairement prendre pour point de départ les sources écrites qui en ont transmis le souvenir jusqu’à nous. La réunion d’un corpus de ces textes fait apparaître un contraste entre notre documentation sur les naumachies du Haut-Empire, relativement riche, et celle sur les autres spectacles, notamment ceux auxquels G. Traversari a donné le nom de «thétimimes». Tel qu’il est, ce corpus doit être interrogé sur de nombreux points. Il permet notamment, par la mise en rapport des différents textes, de mieux comprendre les principes sur lesquels reposaient ces spectacles : combats réels ou simulés, simples exhibitions, tours d’adresse ou séquences narratives pouvaient également susciter un décor aquatique. L’importance de chacun de ces spectacles, tant sur le plan des participants que des moyens matériels engagés devra également être soulignée, ainsi que les sites où ils furent présentés. Enfin, en comparant les informations apportées par les textes sur ces différents points avec ce qu’on sait par ailleurs des spectacles romains, nous tenterons de définir la place occupée en leur sein par les mises en scène aquatiques. Ces réflexions sur la seule base des textes évoquant ces spectacles s’accompagneront d’un recours à d’autres documents, notamment iconographiques ou numismatiques, apportant des informations complémentaires.
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CHAPITRE 1
LES NAUMACHIES
LES
GRANDES NAUMACHIES DES IMPERATORES
:
PRINCIPES ET DÉROULEMENT
Une étude sur les spectacles aquatiques romains ne peut manquer de commencer par les grandes naumachies données par les imperatores de la fin de la République et les empereurs du Haut-Empire. En effet, outre qu’il s’agit des spectacles les mieux décrits par les sources antiques, les plus souvent mentionnés par la recherche moderne, ce sont aussi ceux sur lesquels on possède globalement les attestations les plus anciennes1. La première naumachie de ce type qu’on connaisse est celle qui fut donnée par César en 46. Puis Sextus Pompée au large de la Sicile, Auguste à Rome, Claude sur le lac Fucin, donnèrent chacun un spectacle analogue, respectivement en 40 av. J.-C., 2 av. J.-C., et 52 ap. J.-C. Néron quant à lui donna deux naumachies, l’une en 57, l’autre à une date inconnue. Titus en organisa deux en 80, ainsi que Domitien, en 85 et 89 ap. J.-C. 2. Enfin, il est fort probable, nous le verrons 3, que Trajan ait lui aussi présenté une naumachie, en 109 4. Tous ces spectacles sont essentiellement attestés par des sources littéraires ou parfois épigraphiques. Les combats des grandes naumachies impériales : entre fiction et réalité Le travestissement historique des naumachies Le mot naumachia est une version latinisée du grec naymaxı¥a, qui signifie «combat naval». Or, ce terme n’est employé dans la littérature grecque que pour désigner un véritable combat sur mer, à moins qu’il ne s’agisse de textes évoquant les spectacles romains. 1 À une exception près, la uenatio nilotique donnée par Scaurus en 58 av. J.-C., selon Pline l’Ancien (T. 30) 2 Voir corpus annexe, les textes T. 1 à T. 25. 3 Voir infra p. 18-19 et 212-213. 4 Fastes d’Ostie, in NS 1932, p. 194 = AE 1993, 30. Voir dans la documentation annexe l’inscription I. 1.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
L’emploi par les Romains de cet hellénisme est en parfait accord avec un principe directeur de la plupart de ces mises en scène : la reconstitution des plus célèbres batailles navales de l’histoire grecque, d’époque classique et hellénistique. Ainsi Dion Cassius (T. 11), avec la précision qui lui est habituelle en matière de spectacles, donne aux protagonistes de la naumachie d’Auguste les noms de «Perses» et d’«Athéniens», et ajoute : tay˜ta gaùr taù oßnoùmata toı˜v naymaxoy˜sin eßte¥uh («tels furent en effet les noms qui furent attribués aux combattants»). Ce commentaire prouve bien que les noms ne renvoient pas à la véritable nationalité des combattants. Il nous permet de mieux comprendre l’allusion d’Ovide aux «navires perses et athéniens» (T. 8). De toute évidence, Auguste voulut rappeler par sa naumachie la bataille de Salamine de 480 av. J.-C. Dion Cassius (T. 14) nous donne les mêmes précisions au sujet des naumachiarii de Claude : oıΩ meùn Ro¥dioi oıΩ deù Sikeloıù oßnomasue¥ntev («on leur avait donné les noms de «Siciliens» et de «Rhodiens»). Le choix de ce verbe, à la voix passive, ne laisse une fois encore aucun doute : les combattants de la naumachie n’étaient nullement originaires des régions citées. Ils incarnaient simplement, pour les besoins du spectacle, deux grandes puissances maritimes du passé. La formulation de Suétone (T. 13) est moins claire : Hoc spectaculo classis Sicula et Rhodia concurrerunt («lors de ce spectacle, des flottes siciliennes et rhodiennes s’affrontèrent»). Mais mise en rapport avec celle de Dion Cassius, elle confirme le sujet choisi. On ne connaît pas de bataille navale réelle qui ait pu servir de modèle, à moins qu’il ne s’agisse d’une simplification de la lutte pour la Sicile occidentale qui opposa des colons de Rhodes et de Cnide à une alliance entre Phéniciens et Elymiens, entre 580 et 576 av. J.-C. 5. C’est encore Dion Cassius (T. 22) qui nous apprend quels furent les thèmes choisis pour les deux naumachies de Titus en 80 ap. J.-C. L’une d’elle opposa des «Corcyréens» et des «Corinthiens». Selon Thucydide 6, c’est entre ces deux peuples qu’eut lieu la première bataille navale connue, dès 660 av. J.-C. En outre, un conflit entre Corinthe et Corcyre, accompagné de deux affrontements navals en 435 et 433 av. J.-C., fut l’une des origines de la guerre du Péloponnèse 7. Là encore, l’expression choisie par l’auteur souligne le travestissement historique : w Ω v oıΩ meùn Kerkyraı˜oi oıΩ deù Korı¥nuioi o¶ntev («...représentant les uns des Corcyréens, les autres des Corinthiens»).
5 Selon une proposition de K. M. Coleman, Launching into history : aquatic displays in the early empire, in JRS, LXXXIII, 1993, (p. 48-74) p. 69. 6 I, préface, 13. 7 Ibidem, I, 1, 29 et 46-51.
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LES NAUMACHIES
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Un peu plus loin, Dion Cassius écrit que la seconde naumachie de Titus fut donnée entre des Athéniens et des Syracusains, mais l’auteur précise : toy¥toiv gaùr toı˜v oßno¥masi xrhsa¥menoi eßnayma¥xhsan («tels furent en effet les noms qu’ils prirent pour combattre»). Cette seconde naumachie de Titus évoquait elle aussi la guerre du Péloponnèse, où ces deux peuples s’affrontèrent en 424 av. J.-C. dans le détroit de Messine, et surtout, à plusieurs reprises, en 413 av. J.-C., lors de la fameuse expédition de Sicile qui tourna au désastre pour Athènes. Les batailles furent alors livrées dans le Grand Port de Syracuse ou à son entrée. Elles furent à chaque fois combinées avec des opérations terrestres ayant pour but de s’emparer des positions ennemies, sur le rivage tout proche 8. La naumachie de Titus voulut être fidèle à ce contexte, puisqu’elle comprit également un débarquement sur l’îlot central du bassin et l’assaut d’une palissade. Ces témoignages explicites permettent d’interpréter de la même façon les évocations plus allusives des thèmes choisis pour d’autres naumachies. Ainsi, lorsque Suétone (T. 2) affirme que la naumachie de César fut disputée entre des flottes «égyptiennes» et «tyriennes», il énonce simplement le sujet du spectacle. Aucune grande bataille navale entre l’Égypte et la seule ville de Tyr n’est attestée historiquement. Seul un récit fictif, et de surcroît nettement postérieur 9, existe sur ce thème précis : au livre VII du roman de Chariton, Callirhoë, est relaté un affrontement entre une flotte égyptienne sous commandement grec et des forces perses (5, 6-11 et 6, 1-3). Un peu plus haut (3-4), Chéréas et ses compagnons aident le souverain égyptien à prendre la ville de Tyr, mais il s’agit d’un combat terrestre. Pour les Anciens, le récit ou la représentation d’un combat entre ces deux anciennes puissances alliait l’exotisme au romanesque. En outre, la marine tyrienne eut l’occasion d’affronter des navires égyptiens au sein de la flotte du Grand Roi, dont les cités de Phénicie fournissaient une bonne part. Les Séleucides eux aussi, dans leur lutte contre les Lagides, s’emparèrent à plusieurs reprises de la côte phénicienne, et donc de ses ressources navales. La vraisemblance historique était donc respectée. 8 Ibidem, VII, 2, 22-24 : bataille à l’entrée du Grand Port et prise par les Syracusains des forts du Plemmyrion; VII, 2, 37 : assaut syracusain contre les retranchements athéniens et bataille navale dans le Grand Port; VII, 2, 52 : assaut syracusain contre les retranchements athéniens et bataille navale dans le Grand Port. La flotte athénienne est rejetée à la côte et les forces terrestres syracusaines essaient de s’emparer d’une digue pour leur couper la route; VII, 2, 70-71 : retraite des Athéniens. Les Syracusains leur barrent le passage à l’entrée du port, l’armée de terre étant postée sur le bord de manière à les appuyer. 9 Le roman de Chariton est daté entre la seconde moitié du Ier s. ap. J.-C. et la première moitié du IIe siècle ap. J.-C. (Voir G. Molinier dans son édition du texte pour les Belles Lettres, notice, p. 2).
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
Enfin, par Dion Cassius à nouveau (T. 17), nous savons que Néron attribua lui aussi aux combattants de l’une de ses naumachies les noms de Perses et d’Athéniens. Pour un certain nombre d’autres spectacles, les textes ne font aucune allusion à un éventuel travestissement historique. C’est le cas en particulier de la naumachie de Sextus Pompée, mais elle fut donnée dans des circonstances et dans une intention bien particulières, sur lesquelles nous reviendrons10. C’est le cas, également, de l’une des naumachies de Néron, et de celles de Domitien. Toutefois, dans la mesure où ces spectacles sont les moins décrits, n’ayant droit qu’à une brève allusion des historiens, on peut penser qu’ils ne furent pas différents des autres sur ce point. Les participants des naumachies devaient donc certainement être costumés et armés de manière à permettre au spectateur non seulement de distinguer les combattants des deux camps, mais aussi reconnaître l’allusion historique. Les descriptions les plus détaillées que nous possédions sur les naumachies, celles de Tacite (T. 12) et de Dion Cassius (T. 14 et 22) insistent d’ailleurs beaucoup sur l’importance considérable des moyens matériels et humains mis en œuvre. Aussi pourrait-on penser que l’intérêt majeur de ces spectacles résidait dans l’apparat d’une vaste reconstitution historique. En outre, si ces spectacles étaient destinés à reproduire dans tous ses détails une bataille du passé, celle de Salamine par exemple, l’issue du combat n’aurait-elle pas dû être prévue dès le début du spectacle? C’est de cette manière, en particulier, que Claude fit représenter au Champ de Mars un combat terrestre : «la prise et le pillage d’une ville de Bretagne, d’après nature, ainsi que la soumission des rois de Bretagne»11. Dans l’évocation de cet événement appartenant à l’histoire récente de Rome, vainqueurs et vaincus ne pouvaient qu’être désignés dès l’abord. Le combat dut opposer des gladiateurs bien armés, représentant les soldats romains, à des hommes portant, par exemple, des armes émoussées. Sur le même modèle, on pourrait imaginer que les combats aient désigné par avance vainqueurs et vaincus. Des combats à l’issue incertaine et toujours meurtriers Cependant, l’examen détaillé des textes ne permet guère d’admettre que les naumachies aient pu être régies par un principe analogue. Quelques remarques de Dion Cassius (T. 22) montrent que
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Voir troisième partie, infra p. 330-332. Suét., Claud., XXI, 11. trad. par H. Ailloud, Paris, Les Belles Lettres, 1993.
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ces spectacles ne cherchaient pas nécessairement à reproduire fidèlement le dénouement des événements réels pris pour modèle. Evoquant la naumachie de Titus qui mit aux prises «Athéniens» et «Syracusains», l’historien précise que le combat s’acheva par la victoire des «Athéniens». L’affrontement eut donc une issue contraire à celle de l’expédition de Sicile. Le même Dion Cassius (T. 11) fait sur la naumachie d’Auguste une remarque qui pourrait paraître superflue : kaıù eßnı¥kwn kaıù to¥te oıΩ Auhnaı˜oi («et les Athéniens, cette fois encore, furent vainqueurs»). La présence même de cette précision, soulignée en outre par l’expression kaıù to¥te, prouve bien qu’il était possible, selon les principes généraux de ces spectacles, d’envisager une victoire des Perses. Par ailleurs, il faut noter que les sources ne font jamais référence à une bataille navale précise en rappelant les thèmes donnés aux naumachies. Seuls les noms des peuples représentés apparaissent. Il semble pourtant que si le but du spectacle avait été de reproduire à l’identique un événement aussi célèbre que la bataille de Salamine, l’un ou l’autre de nos auteurs n’aurait pu manquer de le rappeler plus explicitement, en particulier dans le cas de la naumachie d’Auguste, comme nous le verrons12. Enfin, si le spectacle s’inspirait souvent d’une bataille réelle, il pouvait aussi présenter des affrontements qui n’étaient pas attestés historiquement, et dont l’issue, par conséquent, n’avait nulle raison d’être déterminée à l’avance. Les principes de la naumachie voulaient donc que les combats qu’elle présentait aient une issue incertaine. Il faut sans doute voir là, précisément, une explication au choix de sujets grecs pour les reconstitutions auxquelles donnaient lieu ces spectacles. La représentation d’un succès naval romain aurait impliqué que la victoire revînt nécessairement à l’un des deux camps. En outre, malgré le travestissement historique auquel elles donnaient lieu, les grandes naumachies impériales étaient de véritables batailles rangées, où chaque camp devait en principe livrer un combat acharné pour la victoire. Les expressions employées pour désigner ces spectacles en dehors du mot naumachia, suffisent pour s’en convaincre. Elles sont tirées du registre guerrier, sans aucun terme qui viendrait les nuancer en soulignant le caractère fictif des combats présentés. La plus fréquente est nauale proelium13. Chez Martial, à propos des naumachies de Titus, on peut relever nauale Enyo («la Bellone navale») et sur-
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Voir troisième partie, infra p. 335-336. T. 2; T. 7; T. 9; T. 12; T. 21.
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tout l’expression fera proelia14, assez significative. Chez les auteurs grecs, on trouve le verbe ma¥xesuai15, et surtout l’expression eßpibaı¥nein eßv ma¥xhn16. Les récits conservés sur la naumachie de Claude, les plus détaillés, sont également très explicites. Selon Tacite (T. 12), lors de cette naumachie, le combat fut arrêté post multum uulnerum. Quant au texte de Dion Cassius (T. 14), il est tout aussi significatif, puisque selon lui les combattants furent «contraints de se tailler en pièces» (aßna¥gkq kateko¥phsan). De même, lors de la naumachie de Néron évoquée par Sénèque (T. 15), les deux camps en présence étaient munis d’armes meurtrières, puisque le «barbare» se suicida avec celle qui lui avait été donnée «contre ses adversaires». La conclusion tirée par l’auteur de cet épisode : Tanto hoc speciosius spectaculum fuit, quanto honestius mori discunt homines quam occidere («Ce fut là un spectacle d’autant plus beau qu’il est plus noble pour les hommes d’apprendre à mourir qu’à tuer») montre bien que cet homme était destiné à livrer un combat à mort. Le statut des naumachiarii Le recrutement Le recrutement des combattants, tel que les textes le font connaître, témoigne également du caractère meurtrier des naumachies. Ainsi, selon Dion Cassius (T. 6) les combattants de la naumachie furent des prisonniers du parti césarien, sans doute pris lors du combat naval qui l’avait précédée17. Néron également mit aux prises des prisonniers de guerre pour l’une de ses naumachies. Comme le fait observer G. Ville18, il semble que le «barbare» loué par Sénèque (T. 15) pour son suicide avant la naumachie où il devait paraître n’avait jamais pu se saisir d’une arme avant ce jour. Il ne s’agissait donc pas d’un gladiateur. Par
T. 19 et 20. T. 5. 16 T. 3. 17 T. 6. 18 G. Ville, La gladiature en Occident des origines à la mort de Domitien, Roma, 1982 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 245), p. 229, n. 4. Voir aussi p. 228-232 et p. 306-329 (sur le statut des combattants formés dans un ludus et sur celui des prisonniers de guerre). 14 15
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conséquent, le terme de barbarus désigne plus probablement un prisonnier de guerre qu’un esclave barbare vendu à un ludus. Dion Cassius (T. 14) nous apprend aussi quel était le statut des naumachiarii de Claude : des condamnés à mort. Cette fois, il s’agissait donc de condamnés de droit commun. Tacite (T. 12) et Suétone (T. 13) nous en donnent confirmation, le premier en employant le terme de sontes, le second en citant l’exclamation que ces «criminels» adressèrent à l’empereur : morituri te salutant. Cette phrase, dont une tradition erronée s’est emparée pour en faire une adresse rituelle des gladiateurs au Prince, n’est en réalité attestée que dans cette seule occasion. Elle montre bien que ces hommes, en principe, étaient destinés à périr tous au cours du spectacle. De même nous savons, toujours par Suétone (T. 16), que lors des jeux de 57 où fut donnée une naumachie, Néron organisa également un munus où parurent des sénateurs, des chevaliers et des noxii. Lors du combat de gladiateurs, Néron «ne fit tuer personne», sans doute parce que les adversaires étaient tous de rang sénatorial ou équestre. En revanche, une représentation de la chute d’Icare s’acheva de façon sanglante. Il s’agissait manifestement de l’exécution de l’un de ces «criminels», travestie en épisode mythologique. Sans doute les participants de la naumachie furent-ils eux aussi des noxii. L’ensemble de ces observations permet d’interpréter de la même manière les informations fournies par Dion Cassius (T. 5) sur les participants des spectacles de 46 av. J.-C. En effet l’historien, après avoir évoqué successivement les combats singuliers et par troupes, l’éléphantomachie, enfin la naumachie, souligne que «dans toutes ces rencontres combattirent les prisonniers de guerre et les condamnés à mort». Il est donc évident que la naumachie, mentionnée immédiatement avant cette remarque, fait partie des spectacles où parurent prisonniers de guerre et condamnés à mort19. Les deux modes de recrutement rencontrés dans d’autres textes se trouvent ici réunis. On sait d’ailleurs par Appien (T. 3) que César avait ramené d’Égypte un grand nombre de prisonniers. Compte tenu du sujet de la naumachie et de la tradition maritime de la population d’Alexandrie, on peut raisonnablement supposer que ces captifs, familiarisés avec le combat sur mer, constituèrent une partie des effectifs de la naumachie. Bien qu’ils soient parfois distingués des combattants par les sources 20, le recrutement des rameurs des naumachies était probablement analogue, du fait des dangers qu’ils encouraient eux aussi
19 Dion Cassius ajoute en outre que des combats de gladiateurs furent aussi disputés par des chevaliers, et des courses de chars par de jeunes aristocrates. 20 T. 3; T. 7; T. 12.
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au cours d’un spectacle aussi sanglant. Ils étaient sans doute sommairement formés au maniement des rames, à moins qu’ils n’aient déjà eu une expérience de la navigation, comme les prisonniers égyptiens de César. Si on s’interroge sur les raisons d’un tel recrutement, il convient de faire observer que les naumachies qui mirent aux prises prisonniers et condamnés furent aussi des engagements de masse. Selon Appien, César fit combattre 2000 hommes à cette occasion. Auguste affirme en avoir réuni 3000, et il en fut de même, d’après Dion Cassius (T. 22), lors de la naumachie de Titus. Les combattants furent sans doute bien plus nombreux encore lors de la naumachie de Claude, où parurent en tout 19000 hommes 21. Par conséquent tous ces spectacles, qui ne furent pas donnés à la suite de victoires militaires assurant un afflux de prisonniers, durent nécessiter le recrutement de tous les condamnés à une forme aggravée de la peine de mort 22, à Rome mais aussi en Italie, voire dans les provinces voisines. On peut se demander si ce recrutement fut aussi celui de la naumachie de Trajan. Celle-ci en effet ne nous est connue que par un fragment des Fastes d’Ostie (I. 1), que l’on peut traduire ainsi : Le 22 juin l’empereur Nerva Trajan César Auguste Germanique Dacique inaugura ses thermes et les ouvrit au public. Le 1er juillet il inaugura l’aqueduc qui porte son nom et dont l’eau coule dans toute la ville. Le 1er novembre, l’empereur Trajan acheva de donner ses jeux qui avaient duré 117 jours, avec 4941 paires de gladiateurs. Le 11 novembre l’empereur Trajan a célébré la dédicace de sa naumachie dans laquelle il a donné durant 6 jours des combats de 127 paires de gladiateurs 23, qui se sont achevés le 24 novembre.
Ce témoignage confirme celui qu’apportait une monnaie présentant le portrait de Trajan accompagné de cette légende : Naumachia – S.P.Q.R. Optimo Principi. Selon un numismate du XVIe siècle, ce bronze aurait présenté sur son revers l’image d’un combat naval, accompagnée de la louve allaitant Romulus et Rémus 24. T. 12. G. Ville, op. cit., p. 235, n. 20. 23 Le sens du S majuscule qui suit à deux reprises la mention du nombre de paires de gladiateurs n’est pas établi avec certitude. La traduction par semis («et demi») a été proposée, mais on peut se demander ce que signifierait la mention d’une «demi paire», au lieu de signaler un combattant supplémentaire. La traduction par suppositicii (remplaçants) a également été avancée (NS, 1932, p. 194, n. 3). 24 A. Occo, Imp. Romanorum numismata a Pompeio Magno ad Heraclium quibus insuper additae sunt inscriptiones quaedam ueteres, arcus triumphales, Anvers, C. Plantini, 1579, p. 141. Dans la mesure où cette monnaie est introuvable aujourd’hui, elle a parfois été considérée comme un faux. Mais l’inscription d’Os21
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Dans le passage des Fastes d’Ostie qui nous intéresse, le mot naumachia fait référence non au spectacle lui-même, mais à l’édifice qui devait en principe lui être destiné. Les jeux inaugurant le monument comportèrent-ils une naumachie en plus du combat de gladiateurs mentionné? Ou ces derniers participèrent-ils à un combat naval? La question, à ce jour, n’a pas été tranchée. Nous ne possédons aucune information sur le recrutement des naumachiarii pour les naumachies restantes, l’une donnée par Néron dans un site indéterminé, l’autre par Domitien au Colisée 25. Il est vrai qu’il s’agit aussi des deux spectacles les moins décrits par les sources littéraires. Le sort réservé aux combattants et l’issue du spectacle Le statut des naumachiarii les destinait en principe à périr au cours du spectacle. Cela est évident lorsqu’il s’agissait de condamnés à mort. Mais on sait que le combat dans l’arène pouvait également constituer un mode d’exécution pour les prisonniers de guerre. Flavius Josèphe 26 (B.J., VII, 23-24 et 37-39) par exemple, nous apprend qu’en 70 Titus envoya des captifs de la guerre juive dans toutes les provinces «pour qu’ils y périssent par le fer et par les bêtes», le premier terme signifiant qu’on devait en faire des gladiateurs 27. L’empereur fit combattre beaucoup de ces prisonniers dans toutes les villes de Syrie où il donna des jeux. Flavius Josèphe signale ailleurs 28 qu’aucun d’eux ne fut gracié. À Césarée de Palestine en particulier, où Titus célébra le natalis de Domitien, 2500 hommes périrent. Or, Dion Cassius (T. 25) rapporte, à propos de la seconde naumachie de Domitien : kaıù aßpe¥uanon eßn ayßtƒ pa¥ntev meùn oßlı¥goy deı˜n oıΩ naymaxh¥santev («Au cours de ce spectacle, presque tous les combattants moururent»). Les combattants furent donc contraints de s’entre-tuer, presque jusqu’au dernier. On ne peut toutefois tirer de cet unique témoignage des conclusions définitives. Il serait également possible d’expliquer l’insistance de Dion Cassius sur le très petit nombre des survivants par le caractère inhabituel de ce massacre. tie n’était pas connue des antiquaires de la Renaissance, ce qui permet d’envisager que la médaille ait pu être authentique. Voir J.-C. Golvin et M. Reddé, Naumachies, jeux nautiques et amphithéâtres, in C. Domergue, C. Landes et J.M. Pailler, Spectacula 1. Gladiateurs et amphithéâtres [Actes du colloque tenu à Toulouse et à Lattes les 26-29 mai 1987], Paris, Imago, 1990, (p. 165-171) p. 168 et n. 26-27. 25 T. 18; T. 24. 26 Jos., B. J., VII, 23-24 et 37-39. 27 G. Ville, op. cit., p. 229. 28 B.J., VII, 373.
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En effet, on connaît au moins une naumachie où les participants bénéficièrent d’une grâce : celle de Claude. Selon Tacite (T. 12), après qu’ils eurent bravement combattu, et que le sang eut beaucoup coulé, l’empereur les dispensa de s’entre-tuer. Toutefois, des divergences apparentes existent sur ce point entre son témoignage et ceux de Suétone (T. 13) et de Dion Cassius (T. 14). Selon Suétone en effet les naumachiarii refusèrent dans un premier temps de se battre. Après avoir cité leur salut à l’empereur : «Haue imperator, morituri te salutant!», et la réponse de ce dernier, «aut non», dans laquelle ils voulurent voir une promesse de grâce, l’historien souligne qu’ils furent finalement contraints à l’affrontement, par les menaces et les promesses de Claude, sans préciser leur sort ultérieur. Quant au récit de Dion Cassius, il amène à se demander si les naumachiarii furent effectivement graciés à l’issue de la bataille. Comme Suétone, l’historien évoque leur réticence à engager le combat, qu’ils commencèrent par simuler, mais sa conclusion, me¥xriv oyü kaıù aßna¥gkq kateko¥phsan, peut se traduire par «jusqu’à ce qu’ils soient contraints de se tailler en pièces». Les divergences existant entre ces trois auteurs se résolvent si on suppose que le aut non prononcé par Claude était effectivement une promesse de grâce, mais pour les survivants. Cette promesse, qui les décida finalement à engager le combat, est également celle que mentionne Suétone. Bien que les naumachiarii, dans un premier temps, aient voulu l’interpréter comme une grâce immédiate, l’empereur tint finalement parole, post multum uulnerum. Autrement dit, le combat ne fut interrompu qu’après qu’il fut devenu sans merci, ce qui peut rendre compte du verbe katako¥ptw employé par Dion Cassius. Les combattants survivants furent donc dispensés de s’entre-tuer jusqu’au dernier. On ignore en revanche si leur grâce fut définitive, ou s’ils furent réservés pour un autre spectacle. Si les contradictions apparentes entre les trois historiens sont susceptibles d’être résolues, elles n’en permettent pas moins de remarquer l’ambiguïté, aux yeux des contemporains eux-mêmes, du sort qui pouvait être réservé aux combattants des naumachies. Dion Cassius interprète le salut des naumachiarii à l’empereur comme une tentative pour obtenir leur grâce. Auraient-ils pu l’envisager, si leur sort avait été fixé par des règles bien déterminées? La réponse de Claude s’explique de la même façon. Il convient en outre de rappeler que le principe des naumachies voulait que ces affrontements n’aient pas d’issue prévue à l’avance. Dans la mesure où les combattants devaient donner l’illusion d’appartenir à deux armées opposées cherchant la victoire, il est naturel que la possibilité d’une grâce ait permis de les y inciter.
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LES NAUMACHIES
Conclusion La seule étude des sources écrites permet donc de dégager une première définition des grandes reconstitutions de combat naval appelées «naumachies». Les affrontements n’y étaient nullement fictifs ou arrangés à l’avance, mais destinés bien au contraire à reproduire, le plus fidèlement possible, les sanglants corps à corps d’une bataille navale. Compte tenu du nombre de combattants qu’elles mettaient aux prises, les naumachies représentaient un coût humain considérable. Aussi mobilisait-on pour les produire, à moins d’un afflux important de prisonniers de guerre, un grand nombre de condamnés à mort. En même temps, le suspens quant à l’issue du combat devait être maintenu. C’est ce qui explique, malgré leur statut particulier, l’ambiguïté du sort promis aux naumachiarii à la fin du spectacle. Au-delà de leur spécificité de spectacles navals, l’irréductible originalité de ces grandes naumachies de la fin de la République et du Haut-Empire se manifeste donc sur plusieurs points : le travestissement historique ou pseudo-historique auquel elles donnaient lieu, l’ampleur sans équivalent des moyens qu’elles mettaient en œuvre, enfin la part d’incertitude que paraît avoir recelé le déroulement de chaque nouveau spectacle. LES
GRANDES NAUMACHIES DES IMPERATORES
:
MOYENS MATÉRIELS MIS EN ŒUVRE
Les sources latines ou grecques révèlent donc de façon assez précise les principes auxquels étaient soumis les combattants des naumachies. En revanche, tout en soulignant le caractère grandiose de ces reconstitutions, les textes offrent peu de détails sur les moyens matériels qui les rendaient possibles. La nature exacte des navires utilisés, la localisation et la configuration des monuments destinés à les accueillir, ne font l’objet que de brèves mentions, qu’il convient avant tout de confronter. Navires et effectifs Nous l’avons vu, les grandes naumachies des imperatores se voulaient des reproductions exactes des combats au corps à corps qui opposaient les soldats embarqués, lors d’un véritable affrontement sur mer. Mais ces spectacles reproduisaient-ils aussi fidèlement l’aspect présenté par les flottes de guerre de l’époque, ainsi que les phases préliminaires des combats navals : les manœuvres d’approche et d’éperonnage? La question se pose, en premier lieu, de la nature des navires utilisés.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
Nature des navires utilisés Pour la naumachie de Sextus Pompée, les bateaux utilisés furent de simples barques, de bois ou de cuir. Dans le contexte de guerre où fut donné ce spectacle, il ne pouvait évidemment être question, pour les pompéiens, de sacrifier de véritables navires de guerre ou d’en fabriquer pour l’occasion. En revanche, d’après les textes, il semble que les naumachies de César, d’Auguste et de Claude au moins aient mis aux prises des unités semblables à celles qui composaient la flotte militaire romaine. Ainsi, on apprend par Suétone (T. 2) que lors du spectacle donné par César, ce furent des birèmes, des trirèmes et des quadrirèmes qui s’affrontèrent. La naumachie d’Auguste, selon l’empereur luimême (T. 7), opposa deux flottes composées de birèmes, de trirèmes, et d’un nombre plus important d’unités de taille inférieure. Toute flotte de guerre romaine comprenait en effet de petites embarcations qui servaient d’agents de liaison ou se glissaient entre les navires pour couper rames et cordages 29. Tacite (T. 12) pour la naumachie de Claude, parle de quadrirèmes et de trirèmes, donc de bâtiments plus importants que ceux de la naumachie d’Auguste. Aucun de nos auteurs n’apporte de précisions qui indiqueraient, par exemple, qu’il s’agissait d’imitations aux dimensions plus réduites, ou du moins conçues pour la circonstance. L’expression employée par Suétone (T. 24) à propos de la seconde naumachie de Domitien, qui selon lui se disputa «presque avec de vraies flottes» (paene iustarum classium), ne peut constituer un démenti sur ce point. Le «presque» peut fort bien porter sur le nombre des navires, et non sur leur taille. Toutefois, en dehors de cette dernière remarque, les sources ne nous fournissent aucune précision sur la nature des navires utilisés lors des naumachies qui suivirent celle de Claude. Or, presque toutes furent données dans des structures nouvelles, parfois très différentes de celles qui avaient été utilisées auparavant, en particulier des amphithéâtres. On ne peut donc s’en tenir à supposer que ces spectacles mirent en jeu les mêmes moyens que leurs prédécesseurs. La naumachie de Claude : nombre des navires et importance des effectifs. Les sources évoquant les naumachies de César, d’Auguste et de Claude, offrent également quelques indications sur le nombre de ces 29 M. Reddé, Mare nostrum. Les infrastructures, le dispositif et l’histoire de la marine militaire sous l’empire romain, Roma, 1986 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 260), p. 336.
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navires. Les chiffres les plus détaillés concernent la naumachie de Claude. Ce dernier, nous dit Tacite (T. 12), mit aux prises 19000 hommes en tout. Selon Dion Cassius (T. 14), ses deux flottes comptèrent chacune 50 navires, dont 12 trirèmes si on en croit Suétone (T. 13). À l’époque de Polybe, une quinquérème comptait 300 rameurs pour 110 à 120 soldats embarqués et ce chiffre avait probablement peu changé sous le Principat 30. La proportion entre la chiourme et les soldats de marine était donc à peu près du tiers. Elle se retrouvait probablement à l’identique dans les effectifs d’une trirème romaine, soit 170 rameurs et 50 à 60 soldats embarqués. Les deux flottes de Claude réunies comportaient en tout 24 trirèmes. Elles devaient donc pouvoir porter 5500 hommes (entre 5280 et 5520 exactement). On peut être surpris de ce nombre de trirèmes relativement faible, sur un total de 50 navires. On sait en effet, en particulier grâce à l’épigraphie funéraire des bases de Misène et de Ravenne, que la trirème était l’unité la plus courante dans les flottes du Haut-Empire 31. Cependant la naumachie de Claude ne cherchait pas à présenter une flotte impériale mais des flottes rhodienne et sicilienne, d’époque hellénistique. Il est possible qu’une part plus importante ait été faite aux quadrirèmes, pour figurer les navires de bien plus grande taille encore que comportaient les flottes de ce temps. M. Reddé estime qu’il devait y avoir environ 230 à 235 rameurs sur une quadrirème 32. En respectant la même proportion du tiers que sur les quinquérèmes et trirèmes pour le nombre des soldats embarqués, ceux-ci devaient être entre 70 et 75. On sait d’autre part, en particulier par Tacite (Hist., V, 23), que les liburnes, navires pontés à deux rangs de rames, étaient chargées de 30 à 40 hommes. Le texte n’indique pas clairement si ce chiffre englobait tout l’équipage ou simplement les épibates 33, mais la seconde solution est de loin la plus probable, par comparaison avec les effectifs d’une trirème. Le nombre de rameurs sur une liburne ou une birème pourrait alors être évalué, toujours en respectant une proportion du tiers, autour de 100 à 110 hommes. Aussi, lors de la naumachie de Claude, en supposant que dans chaque flotte de 50 navires, les 38 unités qui n’étaient pas des trirèmes se partageaient entre les quadrirèmes et les birèmes, on obtiendrait avec les trirèmes un effectif total situé entre 19150 et 23000 hommes, selon le nombre exact des rameurs et des combattants sur chaque type de navire. On voit que le chiffre inférieur de cette estimation ne dépasse que de très peu les 19000 hommes avancés par Ibidem, p. 355. Ibidem, p. 116. 32 Ibidem, p. 113. 33 Ibidem, p. 109.
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Dion Cassius. En outre, il faut sans doute compter dans le chiffre de 50 navires les unités plus petites que comportait toute flotte de guerre, et que nos auteurs jugent inutile de mentionner. Ces embarcations portaient beaucoup moins d’hommes. Lors de la naumachie de Claude, la répartition des effectifs sur les navires dut donc exactement correspondre à ce qu’il était à cette époque dans les flottes militaires romaines 34. Par ailleurs, il est à noter que le chiffre de 50 navires correspond aux estimations de C. G. Starr 35 pour le nombre d’unités comprises par chacune des deux flottes prétoriennes de Misène et Ravenne, sous le Haut-Empire. M. Reddé 36, par une raisonnement différent, aboutit à peu près au même résultat : une soixantaine de bâtiments. De même, W. Tarn 37 considérait que les escadres de la fin de la République comptaient aussi 60 navires. On voit donc que la naumachie de Claude mit aux prises de vraies flottes de guerre. Les chiffres connus concernant les autres naumachies En revanche, les chiffres que nous possédons sur les autres spectacles n’apportent que des indications très fragmentaires. Appien évoque en une phrase les effectifs de la naumachie de César : [...] naymaxı¥an eßretw ˜ n tetrakisxilı¥wn, eßpibebhko¥twn eßv ma¥xhn xilı¥wn eΩkate¥rwuen [...] (une bataille navale à laquelle participèrent 4000 rameurs, et 1000 combattants de chaque côté)
La formulation de la phrase ne permet pas d’établir si le chiffre de 4000 doit être réparti entre les deux camps ou si, comme celui des 1000 combattants, il représentait le nombre de rameurs «de chaque côté». Dans le second cas, le nombre de combattants pour celui des rameurs serait inférieur à ce qu’il était sur une trière athénienne d’époque classique 38, ce qui n’est guère plausible. Dans le premier, au contraire, il dépasserait ce qu’il était devenu à l’époque impériale. 34 Les conclusions avancées ici doivent toutefois être considérées avec prudence dans la mesure où les dimensions des navires de guerre romains, leurs effectifs et leur nombre dans les flottes impériales ne sont connus, eux aussi, qu’imparfaitement, comme le souligne M. Reddé (op. cit., p. 354-356). 35 C. G. Starr, The Roman imperial navy, 31 BC – AD 324, Ithaca, Cornell Univ. Press, 1941, p. 16-17. 36 M. Reddé, op. cit., p. 550-554. 37 W. Tarn, The battle of Actium, in JRS, 21, 1931, (p. 173-199) p. 198-199. 38 La trière athénienne du Ve siècle comprenait 200 hommes, dont 170 rameurs. Mais comme le souligne M. Reddé (op. cit., p. 111) le nombre des soldats embarqués n’avait fait que croître depuis cette époque.
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Par ailleurs, les sources n’apportant aucune information sur le nombre total des unités engagées, la proportion prévue entre chaque type de navire ne peut faire l’objet d’aucune véritable estimation. Selon les Res Gestae 39, la naumachie d’Auguste mit aux prises en tout 30 trirèmes et birèmes et 3000 hommes, sans compter les rameurs, donc 15 de ces navires et 1500 combattants de chaque côté. En adoptant le chiffre moyen déjà proposé de 60 épibates par trirème, on arrive, pour 30 navires, à un total de 1800 combattants embarqués seulement. Or, les deux flottes comportaient nécessairement un nombre moins important de trirèmes, puisque le chiffre de 15 englobait aussi des birèmes. Ces dernières ne pouvaient porter qu’environ 40 épibates. Pour résoudre cette difficulté, plusieurs hypothèses peuvent être envisagées. Tout d’abord, les Res Gestae précisent que les deux flottes d’Auguste comprirent, outre les 15 birèmes et trirèmes, «un plus grand nombre d’unités plus petites». Dans la mesure où les équipages de ces barques non pontées devaient être à la fois rameurs et combattants 40, le nombre de 3000 hommes devait comprendre à la fois les épibates des grosses unités, dont la chiourme ne combattait pas, et tous les occupants des petites embarcations. Toutefois, même si ces dernières étaient les plus nombreuses, de l’aveu même d’Auguste, il est improbable qu’elles aient pu porter plus de la moitié des effectifs de combattants. En revanche, il est possible d’imaginer, sur chaque navire engagé dans la naumachie, une proportion d’épibates supérieure aux estimations déjà relativement élevées qu’envisage M. Reddé. En effet, les conditions de navigation dans un bassin artificiel étant bien évidemment très différentes de celles de la pleine mer, on pouvait certainement surcharger quelque peu le navire sans inconvénient, d’autant plus que les manœuvres susceptibles d’être exécutées dans cet espace resserré devaient être relativement réduites, comme nous le verrons 41. Cette dernière hypothèse paraît la plus plausible lorsqu’on considère les chiffres connus pour la naumachie de César, où un rapport du simple au double fut sans doute respecté entre le nombre des épibates et celui des rameurs. En supposant un tel rapport sur chaque trirème de la naumachie d’Auguste, on obtiendrait le chiffre de 2550 combattants qui se rapproche de celui que fournissent les Res gestae. Même si les 3000 hommes ne sont pas atteints, et si les birèmes avaient une capacité de transport inférieure aux trirèmes, la
T. 12. Il semble d’ailleurs qu’à l’époque impériale la distinction entre chiourme et soldats de marine ait été peu tranchée (cf. M. Reddé, op. cit., p. 353-354.) 41 Voir deuxième partie, infra p. 173. 39 40
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différence pouvait aisément être complétée par les occupants des petites embarcations. Par ailleurs, les flottes opposées par Auguste, avec leurs 15 navires de part et d’autre, n’atteignaient pas l’importance des escadres de guerre de l’époque. Il en est de même pour la naumachie de César, qui opposa moins de combattants, et donc certainement aussi moins de navires. Enfin, selon Dion Cassius, Titus donna dans le bassin d’Auguste «une naumachie de 3000 hommes» (naymaxı¥a trisxilı¥wn aßndrw ˜ n). Ce nombre est sans doute celui des combattants seulement, car l’empereur, au cours de ces jeux sans précédent dans l’histoire de Rome, n’aurait pas voulu présenter un spectacle de moins grande ampleur que celui d’Auguste. Si les combattants étaient 3000, soit 1500 de chaque côté, il est très possible que le nombre des rameurs également ait été le même que lors de la naumachie de 2 av. J.-C. On peut penser que ces effectifs correspondaient à la capacité maximale de la Naumachia Augusti. Toutefois les sources n’apportent aucune information sur la nature et le nombre des navires utilisés. Il ne convient pas toutefois de s’arrêter trop longtemps sur ces diverses estimations chiffrées. Il est en effet possible que nombre d’entre elles soient le fruit d’une certaine exagération. On peut par exemple rappeler que Dion Cassius (T. 5), dans le passage où il évoque les fêtes triomphales de César, explique son refus de citer le nombre de combattants engagés par la perpétuelle surestimation dont les sources, sur ces sortes de sujet, se rendent selon lui toujours coupables. Surtout, il faut souligner que nous n’avons aucune information sur le nombre de navires et de combattants engagés lors des naumachies de Néron, de la naumachie de Titus au Colisée, et de celles qui furent données par la suite. Ces spectacles sont aussi ceux, nous l’avons vu, pour lesquels nous ignorons tout de la nature et du gabarit des navires. Or, plusieurs d’entre eux n’eurent pas lieu dans un bassin artificiel mais à l’amphithéâtre. L’étude des navires et de leurs équipages nous amène donc tout naturellement à poser la question des différents sites utilisés pour les naumachies. L’importance des flottes et la taille de leurs unités devaient évidemment dépendre en grande partie de l’espace dont on disposait pour leurs évolutions. Les sites des grandes naumachies Les sites naturels Les sites naturels, pourtant les moins utilisés, étaient évidemment ceux qui engendraient le minimum de contraintes pour le déroulement du spectacle.
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Lors de la naumachie de Sextus Pompée par exemple, qui se déroula en pleine mer, les canots engagés disposèrent de toute la place nécessaire. Leur nombre, que nous ignorons, et leur taille, probablement assez réduite, dut avoir peu d’importance. La seconde naumachie donnée dans un site naturel fut celle de Claude. On sait que le lac Fucin, juste avant les travaux qui amenèrent son assèchement définitif, dans la seconde moitié du XIXe siècle avait en dehors des périodes de crue une étendue de 15000 hectares environ 42. Sur une si vaste superficie, l’espace réservé à la naumachie fut bien évidemment circonscrit, selon Tacite (T. 12) par des pontons où des prétoriens prirent position. Mais selon l’historien, cet espace fut amplement suffisant pour «la force des rameurs, l’art des pilotes, l’élan des navires et les mouvements habituels du combat». Le savoir-faire des pilotes (gubernantium artes) se manifestait tout particulièrement au cours des manœuvres d’approche qui avaient pour but, une fois les navires rangés en ligne de bataille, de désorganiser la ligne adverse, et d’encercler certaines unités. La force des rameurs et l’élan des navires étaient les éléments nécessaires à l’éperonnage, qui précédait l’abordage proprement dit, puis le combat sur le pont du navire (proelio solita). De même, d’après la description par Dion Cassius (T. 14) des simulacres de combat auxquels se livrèrent tout d’abord les naumachiarii, peu désireux de s’entre-tuer, les navires avaient assez d’espace pour feindre des attaques frontales et pour traverser, sans se toucher, la ligne adverse. On ignore quelle partie du lac fut choisie pour le déroulement du spectacle. Mais il est probable que ce fut son extrémité NordOuest où avait été creusé l’émissaire destiné à assurer l’écoulement de ses eaux dans le Liris. En effet, c’est également là que, pour la seconde inauguration du canal, furent dressés pour l’empereur et sa suite les apprêts d’un festin qui devait accompagner l’ouverture du passage 43. Les grands bassins artificiels La plupart des grandes naumachies publiques toutefois ne furent pas données dans de tels sites naturels, à l’extérieur de Rome, mais dans la Ville même, grâce à de véritables structures de spectacle aménagées. Ainsi, la naumachie de César, la première de toutes, à notre
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M. A. Geoffroy, Le dessèchement du Lac Fucin, Paris, E. Thorin, 1878, p. 5. T. 12.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
connaissance, fut présentée dans un bassin creusé à cet effet. Mais les sources n’en fournissent pas la localisation exacte. Selon Dion Cassius, il aurait été situé sur le Champ de Mars. Suétone parle d’un lieu appelé la Codeta Minor. Il faudrait donc mettre en accord ces précisions topographiques. Quant à la configuration du monument, les textes évoquant le spectacle lui-même, à eux seuls, ne permettent guère de la connaître. Ces questions sont également celles qui se posent pour le bassin réalisé par Auguste. Sur sa localisation en effet, nous savons seulement par l’empereur lui-même qu’il se trouvait trans Tiberim, donc sur la rive droite, et à proximité du fleuve (circa Tiberim), selon la précision apportée par Suétone. Les Res Gestae nous donnent ses dimensions : 1800 × 1200 pieds romains, soit 533 × 354 m environ. Mais tout autant qu’aux côtés du bassin, ces mesures pourraient correspondre à ses axes 44, au cas où il aurait eu la forme d’une ellipse. Le corpus des textes concernant le spectacle luimême, ou celui de Titus présenté plus tard dans cette même structure, n’apporte aucune autre précision qui permettrait de trancher la question. Dion Cassius (T. 25) nous apprend que Domitien fit réaliser pour sa naumachie de 89 un site nouveau. Il aurait pourtant pu avoir recours, comme son frère, au bassin d’Auguste, qui était très probablement encore en bon état 45. Sur cet édifice, on sait seulement par Suétone (T. 24) qu’il fut construit près du Tibre (iuxta Tiberim), et entouré de gradins. Le même auteur (Dom., V, 2) nous apprend qu’il fut détruit peu de temps après sa construction, afin d’utiliser ses pierres pour la réfection du Grand Cirque. On sait grâce à une inscription 46 que cette reconstruction fut achevée sous Trajan, en 103. Dans nos sources, ces plans d’eau artificiels destinés aux spectacles de combats navals portent eux-mêmes assez fréquemment le nom de naumachia. Plusieurs textes permettent de le constater. La première occurrence du terme en ce sens se trouve chez Frontin (Aq., 11, 1 et 22, 4). On le rencontre également chez Suétone (T. 21). L’historien dit en effet que Titus donna un combat naval «dans l’ancienne naumachie». Ce terme ne peut désigner que le bassin d’Auguste, seul édifice, à cette date, destiné à de tels spectacles. Le même terme est employé par Suétone (Dom., V, 2) pour désigner le bassin de Domitien :
C’est l’hypothèse proposée par K. M. Coleman, op. cit., p. 53. Voir deuxième partie, infra p. 177. 46 CIL VI, 955. Voir J. H. Humphrey, Roman circuses, arenas for chariot racing, Berkeley, University of California press, 1986, p. 102-103. 44
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Nouam autem excitauit aedem in Capitolio Custodi Ioui et forum quod nunc Neruae uocatur, item Flauiae templum gentis et stadium et odium et naumachiam, e cuius postea lapide maximus circus deustis utrimque lateribus extructus est. (D’autre part, il éleva un temple sur le Capitole à Jupiter Gardien, et un forum qu’on appelle à présent forum de Nerva, ainsi que le temple de la famille Flavia, un stade, un odéon et une naumachie, dont on utilisa par la suite les pierres pour reconstruire le grand cirque qu’un incendie avait détruit des deux côtés).
Il est donc impossible d’hésiter à identifier comme un plan d’eau destiné aux naumachies l’édifice de ce nom inauguré par Trajan en 109, selon les Fastes d’Ostie. Cependant, aucune précision sur la situation ou la configuration du monument ne nous est fournie par le texte épigraphique et le seul spectacle mentionné sur le site est de manière inattendue un combat de gladiateurs. Les installations spécifiquement destinées aux naumachies sont donc fort mal connues par les textes. Il est clair cependant que les questions qu’elles soulèvent mettent souvent en jeu les modalités même des spectacles qui y furent présentés. Faute d’une documentation écrite, c’est vers d’autres types de sources qu’il conviendra de se tourner. En effet, depuis le XVIIIe siècle, des recherches sérieuses ont été menées et des hypothèses avancées concernant la localisation de ces bassins aménagés. Elles se sont appuyées sur divers types de sources, antiques ou plus récentes, mais aussi sur les vestiges découverts au cours d’excavations dans les zones concernées. Il conviendra donc d’étudier ces divers documents qui prolongent et complètent les indications de notre corpus, et de synthétiser les informations qu’ils apportent. Ces dernières devront être confrontées avec les exigences de fonctionnement d’un bassin destiné aux naumachies. Les naumachies d’amphithéâtre À partir de Néron, les naumachies purent également avoir lieu dans un amphithéâtre aménagé dans ce but. Suétone (T. 16) et Dion Cassius (T. 17) attestent en effet la présentation d’un spectacle de combat naval en 57 ap. J.-C., dans l’amphithéâtre de bois ainsi inauguré par le dernier des julio-claudiens. Du monument lui-même, nous ignorons tout, en dehors du fait qu’il fut construit sur le Champ de Mars 47. Il était probablement situé près des Saepta Iulia 48, 47 48
Tac., Ann., XIII, 31, 1; Plin., H.N., XVI, 200; Aur. Vict., Epit. Caes., V, 3. J.-C. Golvin, L’amphithéâtre romain, Paris, de Boccard, 1988, p. 55.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
ce qui aurait permis un facile approvisionnement en eau grâce à l’Aqua Virgo. Nous savons aussi par Dion Cassius (T. 18) que Néron donna une autre naumachie en 64. Elle fut précédée de chasses et suivie d’un combat de gladiateurs, puis d’un grand banquet. L’historien ne précise pas quel fut le cadre de ces jeux. Il lui donne comme souvent le nom de ue¥atron, qui peut désigner chez lui, d’une manière générale, un édifice de spectacles. G. Ville 49, met ce texte en relation avec la description par Tacite (Ann. XV, 37) d’un banquet de Néron sur le stagnum Agrippae. Le fait que Tacite ne mentionne auparavant aucun des spectacles décrits par Dion Cassius n’est pas un obstacle à cette identification, puisque Tacite souligne clairement son intention de présenter simplement un exemple fameux des festins donnés à Rome par le prodigue empereur. Chez les deux historiens, on retrouve la mention de Tigellin comme organisateur des festivités, celle d’un radeau réalisé au centre de la pièce d’eau et de lieux de débauche installés sur ses bords. Or, la construction de lupanars et de cabarets autour de l’arène d’un amphithéâtre, donc sur les gradins, paraît invraisemblable. G. Ville en conclut que les deux auteurs évoquent le même festin, dont le site aurait été le Stagnum Agrippae. Ce dernier aurait été muni de gradins provisoires, et son fond asséché aurait servi d’arène pour les chasses et les combats de gladiateurs précédant le festin. Cependant, cette dernière hypothèse rencontre la même objection que la localisation du banquet dans l’amphithéâtre. Si légères qu’aient été les structures d’accueil destinées aux spectateurs, elles n’auraient pu être démontées assez rapidement pour laisser la place en quelques heures aux pavillons des cabarets. Il ne faut pas oublier non plus une autre difficulté technique importante : le temps nécessaire à la vidange, puis à la remise en eau d’un bassin de la taille du Stagnum Agrippae, qui mesurait environ 180 m de large pour 220 à 300 m de long 50. Dion Cassius en effet souligne qu’aussitôt après les chasses, l’eau conduite dans l’édifice permit d’y présenter la naumachie, avant que la pièce d’eau fasse à nouveau place à un sol asséché. Cette alternance voulue entre spectacles aquatiques et spectacles terrestres impliquait une rapidité dans le va-et-vient de l’eau dont la symbolique devra être analysée, mais qui aurait été sans doute difficilement réalisable au Stagnum
G. Ville, op. cit., p. 140 (cf. n. 17). Sur le Stagnum Agrippae, voir notamment J.-M. Roddaz, Marcus Agrippa, Roma, 1984 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 253), p. 282284. Voir aussi F. Coarelli : Il Campo Marzio occidentale, in Mélanges de l’École françaises de Rome – Antiquité, 89, 1977, p. 828 et Id., Guide archéologique romain, Paris, Hachette, 1994, p. 202. 49
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Agrippae. Pour répondre définitivement à cette question, il faudrait connaître notamment la longueur exacte et la profondeur du bassin d’Agrippa, et la pente de l’euripe qui lui servait d’émissaire vers le Tibre. Néanmoins, d’après Suétone (Ner., XXVII, 2), Néron aimait à donner des festins sur l’eau, puisqu’il en organisa également dans la naumachie d’Auguste. Il est donc possible que Dion Cassius ou l’une de ses sources ait fait une confusion, sur certains points comme la mention des cabarets installés alentour, entre le festin organisé au Stagnum Agrippae, le plus célèbre de tous d’après Tacite, et un autre qui eut lieu la même année dans l’amphithéâtre de bois, après une série de spectacles. De fait, aucun texte ne mentionne la destruction de cet amphithéâtre avant le grand incendie de Rome qui survint peu après. Lors des jeux donnés par Titus pour l’inauguration de l’amphithéâtre flavien, en 80 ap. J.-C., Dion Cassius (T. 22) place au Colisée une naumachie dont Suétone (T. 21) ne fait pas mention. Toutefois, il n’y a pas lieu de soupçonner sur ce point le témoignage de Dion Cassius. En effet, la naumachie du Colisée n’est pas le seul spectacle passé sous silence par Suétone. Par exemple, il ne souffle mot de la course de chars présentée sur le bassin d’Auguste recouvert d’un plancher, que signale pourtant Dion Cassius. Selon G. Ville 51, Suétone n’a nommé, pour chaque épisode des jeux de Titus, que ceux qu’il considérait comme les plus importants et les plus mémorables. On peut rappeler que Martial (T. 19) semble englober la naumachie du Colisée parmi les spectacles désignés par le mot munus habituellement réservé aux combats de gladiateurs et aux uenationes. Cette naumachie pouvait donc être considérée comme un épisode parmi d’autres des combats donnés au Colisée, d’où l’absence d’une mention spécifique chez Suétone. Mais surtout, l’épigramme XXIV (T. 20) souligne la rapidité avec laquelle l’eau nécessaire à la naumachie évoquée fut apportée, puis retirée du lieu où se déroulaient les jeux. Le site dont il est question ne peut être le bassin d’Auguste, qui ne fut pas vidé mais recouvert durant deux jours d’une plate-forme pour qu’y soient donnés des spectacles terrestres 52. Le témoignage de Dion Cassius se trouve donc confirmé par celui de Martial, contemporain de l’événement. L’exemple de l’amphithéâtre de bois de Néron montre d’ailleurs que la mise en eau d’une arène était désormais parfaitement réalisable. Enfin, selon Suétone (T. 24), Domitien organisa une naumachie «dans l’amphithéâtre», donc là encore dans le Colisée. L’historien ne
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G. Ville, op. cit., p. 146-147. T. 22.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
donne aucune précision chronologique, mais il est probable que ce spectacle précéda la naumachie de 89. En effet, l’installation cette année-là d’un nouveau bassin incite à penser que le Colisée, dont le complexe réseau de souterrains maçonnés fut réalisé sous cet empereur 53, n’était plus utilisable pour des spectacles aquatiques. C’est probablement aussi à cette première naumachie de Domitien que fait allusion l’Épigramme I, 6 de Martial (T. 23). En effet, le livre I fut publié à la fin de 85 ou au début de 86 54. La naumachie avait donc été donnée un peu auparavant. Les naumachies d’amphithéâtre soulèvent plus d’interrogations encore que celles qui furent données sur des plans d’eau permanents. En effet, l’arène n’était pas destinée spécifiquement aux spectacles aquatiques, et devait rester disponible pour les chasses et les combats de gladiateurs. L’alternance entre spectacles terrestres et spectacles aquatiques semble avoir été la principale attraction de cette innovation. Dion Cassius, nous l’avons vu, la souligne à propos de la naumachie donnée par Néron en 64, mais aussi en décrivant celle de 57 (T. 17). L’eau vint «subitement» (eßjaı¥fnhv) emplir l’amphithéâtre de bois, avant d’être «aussitôt» (eyßuyùv) retirée. L’épigramme XXIV du Livre des Spectacles, déjà citée (T. 19), est entièrement consacrée à la célébration de la rapide transformation de l’arène du Colisée en une «mer» artificielle lors des jeux de Titus en 80. Dion Cassius (T. 22), utilisant à nouveau l’adjectif eßjaı¥fnhv, met lui aussi en évidence la réussite technique de ce spectacle. Par ailleurs, une arène d’amphithéâtre possédait une surface beaucoup plus réduite. Celle du Colisée elle-même ne mesurait que 79,35 × 47 m environ 55, ce qui est très loin des dimensions du bassin d’Auguste. Les spectacles donnés en amphithéâtre ne pouvaient avoir l’ampleur des naumachies précédentes. À tous les points de vue, les moyens mis en œuvre pour ces naumachies d’amphithéâtre étaient donc très différents et plus complexes que ceux des grands bassins artificiels de César, Auguste ou Domitien. Mais l’étude des seules sources écrites ne nous permet pas d’en savoir d’avantage. Conclusion Les sources anciennes laissent donc en suspens bien des questions touchant les moyens techniques mis en œuvre pour chaque naumachie. En ce qui concerne la nature des navires utilisés, on sait touVoir deuxième partie, infra p. 249. G. Ville, op. cit., p. 150, d’après l’édition du texte par L. Friedlander, Epigrammaton libri mit erklärenden Anmerkungen von L. Friedlander, Leipzig, S. Hirzel, 1886, p. 53-54. 55 J.-C. Golvin, op. cit., p. 176. 53
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tefois que trois des premières naumachies, celles de César, d’Auguste et de Claude, mirent aux prises de véritables bâtiments de guerre. Il en fut certainement de même pour celle de Titus qui eut lieu dans le bassin d’Auguste. On peut en outre établir une distinction entre la naumachie de Claude, où s’affrontèrent de véritables flottes de guerre, comportant les effectifs habituels sur chaque type d’unité, et les naumachies de César et d’Auguste. Ces dernières, en effet, mirent en jeu un nombre nettement moins important de navires et d’hommes, répartis selon des principes différents de ceux de la véritable marine de guerre, puisque le nombre de combattants embarqués fut proportionnellement plus important. Nous ignorons en revanche ce qu’il en fut sur ce point des autres naumachies présentées sur de vastes plans d’eau urbains. En outre, s’il est clair que les amphithéâtres ne pouvaient permettre de déployer de véritables flottes de guerre, les textes ne disent rien des moyens employés pour les représenter. Notre corpus contient moins d’informations encore sur les monuments où les navires durent s’affronter. Pourtant, il est essentiel de mieux connaître ces structures pour évaluer l’espace laissé dans chaque cas aux manœuvres d’approche et d’éperonnage. Nous possédons heureusement sur ces édifices d’autres sources d’information. Leur examen pourra sans doute déboucher sur une typologie plus précise des spectacles qui à Rome portèrent le nom de naumachia, en fonction des différents sites où ils furent donnés. L’INSERTION
DES NAUMACHIES DANS LE SYSTÈME DES JEUX ROMAINS
La naumachie et les spectacles de combat des jeux romains On doit admettre, bien qu’aucun des auteurs qui ont décrit la naumachie de César ne le précise, que cette dernière fut le premier spectacle de ce type jamais produit à Rome. Dans le cas contraire, une mise en scène d’une telle ampleur aurait certainement été mentionnée par l’une ou l’autre de nos sources sur l’époque républicaine. Mais il reste à se demander comment une telle innovation vit le jour. L’emploi du terme grec de naumachia, dont aucun auteur ne rend compte, pourrait nous orienter vers une origine étrangère. Pourtant, la naumachie présentait avec d’autres spectacles romains des analogies qu’il convient avant tout d’examiner. La naumachie et le combat de gladiateurs. Certains des principes de la naumachie, notamment son caractère sanglant, la rendaient en effet fort proche de la gladiature et de ses dérivés. Il en était de même du recrutement de ses participants
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
parmi les prisonniers de guerre et les condamnés, car la damnatio ad ludum était également une peine encourue par certains prisonniers de droit commun 56. Quant aux prisonniers de guerre, on sait que c’est à l’usage de les faire combattre lors de jeux funèbres que remonteraient les divers types d’armements ethniques de la gladiature 57. L’erreur de Plutarque (T. 4), qui associe la naumachie de César au munus funéraire de Julie, est également révélatrice. En outre, Sénèque (T. 15) introduit son récit du suicide d’un naumachiarius par la phrase : ex eodem tibi munere plura exempla promisi. Or, le mot de munus, surtout à l’époque impériale, désignait presque toujours le combat de gladiateurs précédé d’une uenatio 58. La seconde naumachie de Néron fut d’ailleurs intercalée entre des chasses et un combat de gladiateurs. Les Anciens étaient donc très conscients du rapport de filiation que la naumachie entretenait avec la gladiature, du fait des principes sur lesquels elle reposait. L’adoption du cadre de l’amphithéâtre pour son édition ne pouvait que renforcer ces liens. Toutefois, la naumachie se distinguait nettement de la gladiature par son abandon des armaturae et du principe du combat singulier. En outre, les naumachiarii des premiers spectacles ne passaient pas par le ludus, comme le montre le passage déjà cité de Sénèque sur la naumachie de Néron 59. Enfin, plus qu’à une condamnation à mort, la damnatio ad ludum, qui livrait le condamné à une école de gladiateurs, correspondait, dans les textes juridiques, à une peine de travaux forcés dans les mines. Au bout de quelques années, les damnati ad ludum pouvaient obtenir la rudis 60, comme les autres gladiateurs. Ce n’était pas le cas, nous l’avons vu, des naumachiarii, destinés en principe à s’entre-tuer au cours d’un unique spectacle. La naumachie, les ludi matutini et les meridiani Le sort en principe réservé aux combattants rapprochait les naumachies de certains autres spectacles où paraissaient des condamnés à mort. De fait, Sénèque relate le suicide du naumachia56 Cette forme de condamnation est attestée à partir du Ier siècle ap. J.-C. mais elle est probablement plus ancienne (cf. G. Ville, op. cit., p. 232). On peut noter que le terme de sontes, qu’on trouve chez Suétone pour désigner les combattants de la naumachie de Claude, apparaît également dans un texte de Cicéron (Tusc., II, 17, 41) pour désigner les gladiateurs. 57 G. Ville, op. cit., p. 228-231. 58 Sur le sens du mot munus et son annexion de la uenatio, voir G. Ville, op. cit., p. 57; 125-126; 155-156. 59 Voir p. 16. 60 Baguette que le gladiateur recevait le jour de sa libération. G. Ville, op. cit., p. 232 et n. 12; p. 234 et n. 16.
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rius après deux événements analogues survenus lors des ludi matutini. Tandis que les combats de gladiateurs occupaient l’après-midi, selon l’organisation classique du munus d’époque impériale 61, ces «jeux du matin» faisaient essentiellement intervenir des uenatores, formés à affronter les bêtes sauvages, mais aussi des condamnés aux bêtes 62. Un autre mode d’exécution appartenant aux spectacles de l’arène, dont les victimes étaient appelés meridiani, paraît plus proche encore des conditions faites aux combattants des naumachies. À midi, en intermède aux autres jeux, des condamnés étaient opposés par paires, sans armes défensives. Dans tous les cas, le survivant d’un premier affrontement devait immédiatement se mesurer à un nouvel adversaire, sans aucune possibilité de grâce 63. Aussi les motivations habituelles aux gladiateurs n’existaient-elles pas pour ces meridiani. Sénèque, qui nous a laissé une description indignée de ce type de spectacle 64, évoque la fuite des combattants, arrêtée par des auxiliaires de l’arène armés de fouets et de fers rouges. On peut voir de la même manière dans cette volonté de contrainte une des raisons de l’énorme dispositif militaire que Claude, lors de sa naumachie, fit disposer autour des naumachiarii, sur les berges et sur le lac même. Il ne s’agissait pas seulement de protéger les spectateurs, mais aussi d’empêcher les combattants de fuir, comme le montre la précision de Tacite (T. 12) : ne uaga effugia forent. À ce propos, on peut d’ailleurs faire observer que le manuscrit Hensius donne la leçon uacua au lieu de uaga. La traduction serait alors : «afin qu’il n’y ait pas de passage libre», ou «afin qu’il n’y ait pas de moyen de fuite accessible» ce qui semble mieux convenir au contexte. Les combattants, en effet, étaient enfermés dans l’espace délimité par des pontons, comme le montrent les expressions cincto ambitu, amplexus, afin qu’aucune issue ne soit ouverte à leur fuite. Les troupes stationnées sur les pontons, les catapultes et les balistes étaient en outre destinées à faire peser sur eux une menace d’anéantissement s’ils refusaient de combattre, comme nous le confirme le récit de Suétone (T. 13). Néanmoins, comme les gladiateurs, les meridiani s’affrontaient en combat singulier. Nous sommes en outre fort loin des grandioses moyens déployés par les premières naumachies. Ibidem, p. 155. Ibidem, p. 393-394. Par la suite, d’autres formes d’exécution trouvèrent également place lors de ces jeux du matin, par exemple les cruelles mises en scène mythologiques dont la représentation du vol et de la chute d’Icare, imaginée sous Néron (Suet., Ner., XII, 5) n’est qu’un exemple parmi d’autres. 63 Suétone (Claud., XXXIV, 6) et Dion Cassius (LX, 13, 4) évoquent comme un trait particulièrement significatif de la cruauté de Claude son goût pour ces spectacles. 64 Ep., I, 7, 3-5. 61
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
La naumachie et le combat gregatim Le spectacle dont les naumachies se rapprochent le plus est sans doute le «combat par troupes» (gregatim), apparu aussi semble-t-il à l’époque de César, et livré non par paires, mais entre deux troupes antagonistes. Les effectifs de ces dernières étaient peu importants, lorsque leurs membres étaient des gladiateurs, passés par la formation du ludus 65. Mais ce spectacle pouvait également mettre aux prises deux véritables petites armées, composées alors de prisonniers de guerre. Ce fut le cas pour la première fois lors des grands combats opposant cavaliers, fantassins et éléphants, donnés par César en 46 av. J.-C. 66. Ces prisonniers combattaient le plus souvent avec leurs armes nationales 67. Par exemple en 29 av. J.-C., Auguste donna pour l’inauguration de l’aedes Julii un combat entre des Daces et des Suèves 68. De même, pour l’ovation de Plautius en 47, Claude fit s’affronter des captifs bretons 69. En 70, les prisonniers juifs furent opposés par troupes dans plusieurs des villes de Syrie où passa Titus : à Césarée de Philippe 70, sans doute à Césarée de Palestine et à Béryte. On pouvait aussi faire combattre ainsi des condamnés à mort, comme ce fut le cas lors de l’inauguration par Hérode Agrippa de l’amphithéâtre de Béryte, où deux troupes de 700 hommes 71 s’entre-tuèrent. Le mode de recrutement et le sort réservé aux participants des grands combats gregatim étaient donc très proches de ceux des naumachies. Comme ces dernières, ils reposaient plus sur la recherche d’un effet de masse que sur la valeur individuelle, d’où la nécessité de disposer d’un grand nombre de combattants sans formation précise. Le coût humain de ces deux spectacles explique à son tour leur caractère exceptionnel. L’équipement des combattants impliquait aussi dans les deux cas la recherche d’un certain exotisme. En outre cet armement, à la différence de celui des meridiani, devait être aussi défensif, pour parfaire l’illusion d’assister à une vraie bataille. Toujours pour entretenir cette illusion, l’issue du combat restait incertaine. G. Ville, op. cit., p. 125-126. T. 1; T.2; T. 3; T. 5. De la même façon, il est probable que le grand combat gregatim opposant fantassins et cavaliers donné par Domitien au retour de l’expédition dacique fut lui aussi assuré par des prisonniers (T. 25. Voir G. Ville, op. cit., p. 150). 67 G. Ville, op. cit., p. 229. 68 D.C., LI, 22, 6. 69 D.C., LX, 30, 3. 70 Flavius Josèphe (B.J. VII, 23-24) signale que le combat fut livré gregatim dans cette ville. Selon G. Ville (op. cit., p. 229, n. 3), on peut penser qu’il en fut de même à Césarée de Palestine et à Béryte, bien que l’auteur ne le précise pas. 71 Flavius Josèphe, A J., XV, 268. 65
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Toutefois, le combat par troupes était dépourvu de thème historique 72, et montrait des adversaires de la Rome du moment, avec leurs armements nationaux, acteurs jouant leur propre rôle. En outre, les naumachies dont nous connaissons les effectifs mirent aux prises des milliers de combattants. Jamais les combats gregatim les plus importants n’engagèrent un tel nombre d’hommes en un seul affrontement. Aussi furent-ils plus fréquemment organisés. Il est donc impossible de considérer la naumachie comme une simple variante navale du combat gregatim. Aucun autre spectacle romain, antérieur ou contemporain, ne livre totalement la clef son origine. Les occasions des premières naumachies Un rappel des occasions pour lesquelles furent présentées les naumachies est également susceptible de fournir quelques indices, sinon sur leurs origines, du moins sur le contexte qui entoura leur apparition. Surtout, il permet de constater une évolution de ces spectacles, déjà entrevue lors de l’étude de leurs sites d’accueil. Les spectacles triomphaux Les premières grandes naumachies furent des spectacles triomphaux. Celle de César fut donnée lors des fêtes qui en 46 av. J.-C. suivirent la célébration de son quadruple triomphe et la dédicace du temple de Vénus Genitrix. Leur programme comprit un grand nombre d’innovations, et un déploiement de moyens jusqu’alors inégalé. De nombreux spectacles sont mentionnés : chasses, combats par troupes, éléphantomachie, cavalcade troyenne et course de chars, auxquels s’ajoutèrent le combat de gladiateurs et le repas funéraire que César avait promis en 52 av. J.-C. en l’honneur de sa fille Julie. Plutarque est le seul à affirmer que la naumachie fut elle aussi donnée en mémoire de Julie, comme le munus. Mais il s’agit d’une erreur de sa part 73, comme le dit G. Ville 74, qui fait en outre observer que même le caractère funéraire du munus de Julie s’estompa dans
72 Une seule exception notable pourrait être relevée : la représentation par Claude de la prise d’une ville bretonne sur le Champ de Mars (voir p. 14). Mais cette mise en scène, qui représente d’ailleurs un exemple presque unique dans l’histoire des spectacles romains, faisait allusion à une actualité récente. En outre l’issue du combat était d’avance certaine. 73 p. 70. Nous avons vu toutefois que cette confusion de Plutarque n’était pas sans intérêt pour une analyse des origines du spectacle. 74 G. Ville, op. cit., p. 69-70.
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l’aura triomphale de l’ensemble des jeux. Or, la campagne d’Égypte de César avait comporté un certain nombre d’affrontements navals, sur mer ou sur le Nil 75. Dans la mesure où l’une des deux flottes mises en présence dans la naumachie était soi-disant une flotte «égyptienne», le spectacle fut certainement destiné à rappeler plus précisément ces épisodes, jusqu’à la victoire finale. En outre, à l’exception de Velléius Paterculus (T. 11), tous les auteurs qui ont décrit ces jeux achèvent leur énumération par la bataille navale. On trouve même chez Dion Cassius (T. 5) pour l’introduire l’expression kaıù te¥lov. Elle fut donc certainement le dernier spectacle présenté, comme le plus inédit et le plus impressionnant de tous. La seconde naumachie de l’histoire des jeux romains eut également un caractère triomphal. Il s’agit de celle que Sextus Pompée célébra en 40 av. J.-C. pour sa victoire contre Salvidienus Rufus. Dion Cassius (T. 6) indique en effet clairement qu’elle eut lieu lors des jeux qui suivirent l’échec du débarquement des césariens, repoussés par la flotte plus expérimentée de Sextus. La nature même des bateaux utilisés, qui comprenaient des canots tendus de cuir, faisait référence aux récents événements. Salvidienus Rufus avait en effet tenté de renforcer sa flotte de débarquement en construisant de semblables embarcations. Dion Cassius ne décrit que la naumachie, se contentant d’évoquer les autres spectacles sous le nom global de ue¥ai eßpinikı¥ai. Elle constitua donc elle aussi l’épisode le plus important des fêtes où elle fut donnée. C’est seulement plus d’un siècle plus tard qu’on relève une troisième naumachie triomphale. Il s’agit d’un spectacle offert par Domitien à la fin de l’année 89, au retour de son expédition dacique. Domitien prit prétexte de la trêve qu’il avait obtenue de Décébale, de la visite de son émissaire et d’une lettre du roi, probablement forgée, pour célébrer à Rome un véritable triomphe et des jeux somptueux. Cette fois, aucune victoire navale ne motivait la présentation de la naumachie. Ce spectacle, qui avait désormais derrière lui plus d’un siècle d’existence, n’avait plus besoin, pour être présenté, de cette référence précise. G. Ville 76 pense que le jour suivant la présentation de la naumachie eurent lieu les combats de nains et de femmes mentionnés à sa suite par Dion Cassius (T. 25). Toutefois, la formulation utilisée par l’historien suggère une autre hypothèse.
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B.A., IX-XI; XIV-XV; XVII-XXI; XXV; D.C., XLII, 40, 6; XLII, 41. Op. cit., p. 151.
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polla¥kiv deù kaıù toyùv aßgw ˜ nav ny¥ktwr eßpoı¥ei, kaıù e¶stin o™te kaıù na¥noyv kaıù gynaı˜kav syne¥balle. (Souvent aussi il donna des jeux de nuit, et parfois il mit aux prises des nains et des femmes).
L’adverbe polla¥kiv, l’expression e¶stin o™te montrent bien qu’il ne s’agit plus ici des seuls jeux de 89, mais de spectacles donnés par Domitien à plusieurs autres occasions. Cette phrase fait suite à la mention du festin que donna l’empereur pour consoler le public d’avoir dû regarder la naumachie sous une pluie battante. Dion Cassius précise que ce fut un festin nocturne. C’est donc très probablement par association d’idées que l’historien évoque en suivant les combats donnés de nuit, puis les combats de femmes, comme deux autres pratiques inhabituelles de Domitien. Par conséquent, la naumachie fut très probablement le dernier spectacle de ces jeux triomphaux de 89. Les naumachies inaugurales Un certain nombre de naumachies furent également données à l’occasion de la dédicace d’un monument. Ainsi, la naumachie d’Auguste eut lieu pour les fêtes de grande ampleur qui marquèrent l’inauguration par l’empereur du temple de Mars Ultor, au mois d’août de l’an 2 av. J.-C. Les éditeurs officiels des circenses présentés à cette occasion furent Gaius et Lucius. Le combat de gladiateurs, également, fut sans doute donné au nom des jeunes princes 77. En revanche, les Res Gestae nous apprennent qu’Auguste offrit la naumachie en son nom propre. Pour cette occasion, il se réserva donc le plus important, soit la dédicace du temple et l’édition de la naumachie. En outre, cette dernière est décrite par l’empereur avec un luxe de détails qu’on ne rencontre pour aucun autre spectacle. Auguste était donc certain qu’elle resterait un événement marquant de son règne. Ovide (T. 8) évoque l’affluence exceptionnelle du public lors de son édition. Quant à Suétone (T. 9), il souligne les précautions qui durent être prises pour protéger les maisons de Rome, presque entièrement désertées par leurs habitants. La naumachie de Claude en 52 de notre ère, la plus importante jamais organisée, fut également un spectacle inaugural, puisqu’elle eut lieu pour célébrer l’achèvement d’un canal destiné à drainer le lac Fucin. Tacite (T. 12) rappelle le but poursuivi par l’empereur : quo magnificentia operis a pluribus uiseretur. Contrairement aux 77 G. Ville (op. cit., p. 104) fait en effet observer que les munera donnés par Auguste lui-même, selon la liste fournie par les Res Gestae, avaient déjà tous eu lieu.
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précédents, ceux de César, de Sextus Pompée et d’Auguste, ce combat naval ne fut pas l’un des épisodes, même essentiel, de ludi triomphaux ou inauguraux comportant aussi des spectacles plus traditionnels, mais illustra à lui seul la nouvelle réalisation impériale. Tacite souligne en outre l’importance exceptionnelle du public, venu de Rome et des villes voisines : multitudo innumera, de même que Dion Cassius (T. 14) : plh˜tov aßnarı¥umhton. L’une des naumachies de Néron fut donnée dans un amphithéâtre de bois en même temps qu’un combat de gladiateurs et des chasses. L’amphithéâtre, construit et achevé en 57 78, était particulièrement remarquable par la richesse de sa décoration 79. Or, dans la première phrase du passage qu’il consacre à ces spectacles, Suétone (T. 16) semble lier étroitement leur édition à l’achèvement du monument. La naumachie de 57 fut donc probablement aussi un spectacle inaugural. Quant aux jeux de 80 ap. J.-C., au cours desquels Titus donna deux naumachies, ils étaient destinés à inaugurer l’amphithéâtre Flavien. Tous les auteurs s’accordent à souligner l’ampleur des moyens déployés et les nombreuses innovations qui rendirent cette occasion mémorable. Dans son énumération, Dion Cassius (T. 22) achève la série des spectacles donnés dans l’amphithéâtre par la mention de la naumachie. Puis, il signale que sur le bassin d’Auguste, partiellement recouvert d’un ponton pour la circonstance, eurent lieu le premier jour un combat de gladiateurs et des chasses, le second jour une course de chars, et le troisième un grand combat naval. G. Ville 80 fait observer que Martial, dans le Livre des Spectacles, suit le même ordre. Les épigramme XXIV à XXVI (T. 19 et T. 54-56), qui évoquent la naumachie et les autres mises en scène aquatiques présentées au Colisée sont les dernières de celles qui sont consacrées aux exhibitions présentées dans l’amphithéâtre (IX-XXIII). Quant à l’épigramme XXVIII (T. 20), elle résume l’ensemble des épisodes que Dion Cassius situe au bassin d’Auguste. Les bêtes «inconnues de Thétis et de Galatée» (v. 3-4) sont celles de la uenatio. Les chars et les chevaux que le poète compare à ceux de Neptune sont ceux de la course de chars. L’épigramme s’achève sur le mot naumachia, montrant ainsi que le grand combat naval entre Athéniens et Syracusains clôtura bien les jeux donnés sur le bassin d’Auguste, une fois retiré le ponton installé pour les jeux terrestres. Selon G. Ville, suivant une
Tacite, Ann., XIII, 31, 1; Suétone, Ner., XII, 1; Aur. Vict., Epit. Caes., V, 3. Plin., H.N, XIX, 24; Calp., VII, 23-25; 35-56. 80 Op. cit., p. 144-148.
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proposition de O. Weinreich 81, il conviendrait d’ailleurs de déclasser l’épigramme XXVIII pour la placer après les pièces XXVII, XXIX et XXX, évoquant les chasses et les combats de gladiateurs du premier jour des jeux donnés sur la plate-forme. Enfin, comme nous l’avons dit, il semble probable que l’inauguration du bassin de Trajan ait suscité la présentation du spectacle éponyme. Les Fastes d’Ostie, il est vrai, ne mentionnent que 127 paires de gladiateurs. Toutefois, R. Paribeni 82 estime que cette lacune provient seulement d’une pauvreté particulière de nos sources sur le règne de cet empereur 83. Il est à noter en outre que c’est la première fois qu’un édifice de spectacle portant ce nom de naumachia était inauguré pour lui-même, et non pour accompagner la célébration d’un triomphe ou l’achèvement d’une autre réalisation édilitaire. On le voit, la plupart des naumachies furent données au cours de jeux particulièrement grandioses, lors d’occasions très exceptionnelles : célébration d’une grande victoire militaire ou réalisation édilitaire d’une importance particulière sur le plan religieux, politique et économique. Les premiers empereurs n’en donnèrent pas plus d’une au cours de leur règne. En outre, ces naumachies clôturaient les jeux où elle figuraient, comme le spectacle à la fois le plus grandiose et le plus inédit. Banalisation ou disparition des naumachies? Des occasions moins prestigieuses On observe toutefois à partir du règne de Néron, une certaine évolution. Dion Cassius mentionne dans deux passages bien distincts, l’un au livre LXI, l’autre au livre LXII, l’édition d’une naumachie par cet empereur (T. 17 et 18). Quant à Sénèque (T. 15), il précise que c’est «lors de la seconde naumachie» (secundo naumachiae spectaculo) qu’eut lieu le suicide d’un prisonnier destiné à y paraître. Néron fut donc le premier à avoir donné deux spectacles de ce type au cours de son règne.
81 O. Weinreich, Studien zu Martial. Literarhistorische und Religionsgeschichtliche Untersuchungen, Stuttgart, W. Kohlhammer, 1928, p. 24-28. 82 R. Paribeni, Optimus Princeps. Saggio sulla storia e sui tempi dell’imperatore Trajano, Messina, G. Principato ed., 1926-1927, p. 30-31. 83 R. Paribeni rappelle notamment que l’Histoire Auguste, telle qu’elle nous est parvenue tout au moins, ne comporte pas de vie de Trajan, et que le livre LXVIII de Dion Cassius, consacré à cet empereur, ne nous est parvenu que sous une forme abrégée.
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Par ailleurs, la description des jeux de 57 ne suit pas le même ordre chez Suétone (T. 16) et Dion Cassius. G. Ville 84 suggère que celui qu’indique Dion Cassius, soit la naumachie précédant les combats de gladiateurs, pourrait être le plus exact sur le plan chronologique. L’ordre adopté par Suétone, qui commence par le munus, aurait été adopté par l’historien en fonction de l’intérêt présenté par les spectacles, le nombre de sénateurs et de chevaliers participant au munus rendant ce dernier plus extraordinaire encore que la naumachie. Ce serait donc la première fois que la naumachie n’aurait pas constitué le point d’orgue des jeux au cours desquels elle était produite. Surtout, on peut observer que Suétone, lorsqu’il énumère les divers types de spectacles que donna Néron au cours de son règne (XI, 1), ne mentionne pas la naumachie. Elle n’est évoquée que dans le paragraphe suivant, lorsqu’il détaille plus spécifiquement l’ensemble des manifestations qui eurent lieu lors du munus inaugurant l’amphithéâtre de bois. Elle ne semble donc pas avoir constitué un des épisodes les plus marquants des jeux. Quant à la seconde naumachie de Néron, donnée en 64, elle fut intercalée entre une uenatio et un combat de gladiateurs, selon l’alternance déjà évoquée entre spectacles terrestres et spectacles aquatiques. Par ailleurs, nous ignorons tout des circonstances qui amenèrent sa présentation. Titus donna lui aussi deux naumachies, lors des mêmes jeux, ce que nul n’avait fait avant lui. Mais celle du Colisée n’est pas mentionnée par Suétone, qui là encore n’a consigné que les temps forts des fêtes inaugurales. Enfin, on connaît une autre naumachie dont le contexte n’est signalé par aucun auteur : celle que donna Domitien «dans l’amphithéâtre», selon Suétone (T. 24), autrement dit, probablement, dans le Colisée. L’allusion qu’y fait Martial, en deux vers 85, permet seulement de la situer avant la fin 85, puisque c’est vers cette période que furent publiés les deux premiers volumes des Épigrammes 86. Suétone mentionne cette naumachie au milieu d’une énumération des spectacles que cet empereur eut l’occasion ou l’habitude de produire, sans aucune précision chronologique. De tous ces éléments, il semble qu’on puisse conclure à une certaine évolution des naumachies, sous Néron et sous les Flaviens. Sans devenir des spectacles réguliers, elles furent plus souvent présentées. Les dates le montrent très clairement. Entre la naumachie de César et celle d’Auguste, entre cette dernière et celle de Claude,
G. Ville, op. cit., p. 138. T. 23. 86 Voir p. 32. 84
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on relève à chaque fois un intervalle d’un demi-siècle environ. En revanche, les cinq naumachies suivantes furent données en l’espace de 30 ans. Parmi celles-ci plusieurs ne représentèrent pas le point d’orgue de jeux où elles vinrent s’insérer. Ce phénomène doit être mis en relation avec l’apparition des naumachies d’amphithéâtre. En effet, nous l’avons vu, elles étaient certainement loin d’atteindre l’ampleur des grands combats navals antérieurs, présentés sur des plans d’eau. Moins coûteuses sur le plan matériel et humain, elles pouvaient être présentées plus souvent. Moins grandioses, elle tendaient à devenir, dans l’histoire des jeux romains, un moment fort, mais non exceptionnel. Leur intérêt essentiel, d’après leur présentation par les sources, résidait dans l’alternance entre combats aquatiques et combats terrestres qu’elles assuraient. La popularité du thème iconographique de la naumachie L’iconographie témoigne également de cet essor de la popularité et du nombre des naumachies aux époques néroniennes et flaviennes. En effet, on relève dans la peinture romaine de l’époque, notamment à Pompéi, une série de scènes de bataille navale. Elles comprennent entre deux et quatre navires de guerre, affrontés ou en train de manœuvrer, portant des soldats lourdement armés de lances et de boucliers (pl. III). Ces scènes de combat naval sont parfois appelées «naumachies» par les spécialistes de peinture romaine 87. L’attribution à ce thème iconographique d’un nom que les Romains réservaient à un spectacle ne signifie en aucun cas qu’on puisse établir un lien direct de l’un à l’autre. Les édifices esquissés à l’arrière-plan des tableaux n’évoquent en rien un édifice de spectacle, mais suggèrent un combat en pleine mer, au large d’un port. Ces œuvres n’offrent donc aucune documentation directe sur l’objet de notre étude. Cependant, les peintures de naumachie présentent plusieurs points de rencontre avec les spectacles du même nom. Tout d’abord, 87 Voir par exemple L. Jacobelli et F. Avilia, Le naumachie nelle pitture pompeiane, in RStPomp III, 1989, (p. 130-154) p. 132 et p. 134 n. 28. Dans cet article sont recensées la plupart des représentations de naumachies connues, car cellesci sont pour la plupart pompéiennes. On peut toutefois leur ajouter un petit cadre de la pièce no 3 de la Maison de l’Atrium Corinthien à Herculanum, et une représentation un peu différente du même sujet dans le corridor G de la Villa de la Farnésine (Rome, Museo nazionale, 3.1231). Sur ces peintures de naumachie, voir aussi J. M. Croisille, Poésie et arts figurés de Néron aux Flaviens. Recherches sur l’iconographie et la correspondance des arts à l’époque impériale, Tournai, Latomus, 1982, p. 264.
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l’une de ces représentations, qui fut sans doute un modèle pour les «tableaux de naumachie» postérieurs, fut certainement destinée à commémorer une victoire navale 88. Il s’agit d’un tableau du corridor G de la Villa de la Farnésine, identifiée comme la résidence d’Agrippa et de Julie après leur mariage. Comme l’a souligné P. Moreno 89, plusieurs détails de ce tableau montrent qu’il était destiné à évoquer le succès d’Agrippa à Nauloques. On y voit des navires s’affronter près de la côte, si près que l’une des embarcations éperonnées semble s’échouer et que les naufragés pataugent dans une eau peu profonde, tout comme dans la description de la bataille par Appien (Bell. Civ., V, 107). La tour qui domine le promontoire est ornée d’un trophée naval certainement destiné à rappeler la colonne rostrée érigée à Rome en l’honneur de Caïus Duilius, auteur en 260 av. J.-C. d’une autre victoire de Myles, contre les Carthaginois. Les deux vainqueurs romains dans ces eaux siciliennes se trouvaient ainsi assimilés. Enfin, on peut reconnaître le Prince lui-même dans le personnage vêtu d’un long manteau devant lequel s’inclinent des prisonniers. On sait en effet qu’Auguste durant la bataille était resté à terre pour recevoir la reddition des vaincus (App., Bell. Civ., V, 121). Il faut noter que les «naumachies» pompéiennes postérieures ne présentent aucun détail de ce genre et n’étaient manifestement pas destinées à évoquer un événement précis. En témoigne en particulier l’absence de tout détail caractéristique analogue à ceux relevés dans le tableau de la Farnésine. En témoigne aussi le cadre stéréotypé qui les accompagnait : promontoires et jetées, édifices munis de tours ou de portiques, souvent disposés en décor de fond rapidement esquissé. Ces éléments, ainsi que des similitudes dans la disposition des navires, dans les couleurs employées, leur confèrent une grande homogénéité, voire un caractère conventionnel. De la même manière, nous l’avons vu, seuls les premiers spectacles de naumachie comportaient une référence directe à des succès navals du temps. Cependant, la raison essentielle de cet emprunt du mot réside
88 Les représentations plastiques de batailles navales historiques sont fort rares dans l’art romain, à moins qu’elles n’aient pas été conservées. Seuls deux reliefs d’époque augustéenne, celui de Préneste, représentant un navire à l’étrave ornée d’un crocodile, et celui de la collection Medinacelli, où se développe un furieux combat naval, sont généralement considérés comme des illustrations de la bataille d’Actium (L. Basch, Le Musée imaginaire de la marine antique, Athènes, Institut hellénique pour la préservation de la tradition nautique, 1987, p. 424-426 et fig. 913-916 et p. 428, fig. 929-935). 89 Agrippa a Nauloco. Affresco dalla Farnesina, in Sabato in Museo. Letture di arte ellenistica e romana, Milano, Electa, 1999. Je remercie Mme A. Rouveret de m’avoir signalé cet article et le parti que pouvait en tirer une recherche sur la genèse tant des peintures que des spectacles de naumachie.
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sans doute dans l’observation d’une correspondance étroite entre l’époque où les plus nombreuses naumachies sont attestées, et celle de la vogue subite du motif pictural. En effet, on compte au moins une vingtaine de représentations de ce type dans le IVe style pompéien 90. Selon les spécialistes, elles sont en outre le plus souvent antérieures de peu à l’éruption du Vésuve 91, et donc également aux grands jeux de 80 où Titus donna deux naumachies consécutives. En revanche, on ne connaît à Pompéi et à Rome que trois peintures de «naumachies» relevant d’époques antérieures, dont deux pour le règne d’Auguste, et une seule datée de l’extrême fin de la période républicaine, plus exactement de celle du second triumvirat 92. La diffusion du thème iconographique suivit donc celle du spectacle, si bien qu’on peut postuler avec quelque vraisemblance l’existence d’un réel rapport de cause à effet entre le succès des grandes mises en scène navales de Rome et celui des peintures dites «de naumachies». Un autre document iconographique pompéien témoigne également de cet essor de la popularité des naumachies. Il s’agit de graffitis retrouvés dans l’œcus (22) de la Maison du Cryptoportique, où des représentions de uenationes et de combats de gladiateurs voisinent avec celles de deux navires. Ces graffitis, datés de l’ultime période de vie de cette demeure 93, évoquent très certainement les derniers jeux où avait été présentée une telle association, ceux de Néron en 64. La disparition des grandes naumachies? Il est possible toutefois que le succès des naumachies ait été brutalement stoppé. En effet, au-delà de l’époque de Trajan, une seule source écrite fait explicitement mention d’un spectacle de combat naval présenté à Rome : un passage de l’Histoire Auguste (T. 26), qui signale des naumachies lors des jeux triomphaux donnés en 274 par Aurélien, après sa victoire sur Zénobie. Mais le mot naumachiae apparaît sans aucune précision sur le site et les moyens matériels mis en œuvre. En outre, l’Histoire Auguste en elle-même est une source peu fiable, où les données historiques tirées d’œuvres anSelon le catalogue établi pour Pompéi par F. Avilia, op. cit., p. 135-144. Celles des maisons des Dioscures (VI, 9, 6, oecus (43)) et des Vettii (VI, 15, 1, triclinium (p)), celles des temples d’Isis et d’Apollon (VII, 7, 32 et VIII, 7, 28, péristyles), celles du Macellum (VII, 9, 7, portique (d)) et des thermes suburbains (frigidarium) sont toutes postérieures au tremblement de terre de 62. (L. Jacobelli, op. cit., p. 132 et n. 27 et 28). 92 Maison du Sculpteur (VIII, 7, 24, péristyle (12)); Maison II, 3, IV (triclinium (3)); Villa de la Farnésine (corridor G). 93 Voir Pompei. Pitture e Mosaici, pref. de G. Pugliese Caratelli et O. Ferrari, Roma, Istituto della Enciclopedia italiana, 1999, (I, 6, 2), fig. 118-119 et légende. 90
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térieures sont mêlées de pures inventions de l’auteur 94. Ces passages forgés, qui se signalent souvent par leurs exagérations ou leurs anachronismes, sont parfois moins aisément discernables. Or, la description du triomphe d’Aurélien est considérée par A. Chastagnol 95, à la suite de W. H. Fischer 96, comme d’une authenticité très douteuse. Le programme des spectacles fut probablement inspiré à l’auteur par les jeux de certains empereurs du Haut-Empire. En dehors de ce témoignage d’une valeur incertaine, et du surcroît trop bref, seuls trois textes ont parfois été considérés comme des allusions à une naumachie. Mais leur interprétation en ce sens ne présente aucun caractère d’évidence. Le premier, un passage de l’Histoire Auguste 97 encore, rapporte qu’Élagabal (218-222 ap. J.-C.) offrit dans le cirque des «jeux navals» (nauales circenses) dans des euripes remplis de vin. Toutefois, A. Chastagnol a démontré que ce passage, éminemment fantaisiste, relevait de sources d’inspiration antérieures, en particulier de la Lettre 3 de saint Jérôme, consacrée à la vie du moine Bonosus. À l’opposé de la vie du saint homme dans son île, qui ne jouissait plus de l’agrément des piscines (euripi), mais buvait l’eau des sources, l’auteur crédite l’empereur de piscines ou d’euripes remplis d’eau et des vins parfumés que décrit le De re coquinaria d’Apicius. La reprise du mot euripus, qui en est l’unique emploi dans toute l’Histoire Auguste, trahit en particulier cet emprunt fait à Saint Jérôme 98, chez lequel on retrouve le même terme. Quoi qu’il en soit, l’euripe d’un cirque aurait été un espace très insuffisant pour y donner un combat naval. En outre, le terme de nauales circenses n’implique nullement que ce spectacle, s’il fut jamais représenté, ait été une naumachie. Il pourrait s’agir plutôt de courses nautiques.
94 A. Chastagnol, Le problème de l’Histoire Auguste : état de la question, in Historia Augusta colloquium, Bonn, R. Habelt Verlag, 1964, p. 43-71. 95 A. Chastagnol, Les inscriptions constantiniennes du cirque de Mérida, in Mélanges de l’École française de Rome – Antiquité, 88, 1976, p. 259-276. Voir son introduction à la Vie d’Aurélien dans l’Histoire Auguste, Paris, R. Laffont, 1994, p. 965. 96 The Augustan Vita Aureliani, in JRS, 19, 1929, (p. 125-149) p. 143. Pour tenter de dissocier les informations historiques véridiques des affabulations, W. H. Fisher a comparé la Vita Aureliani aux informations connues sur cet empereur par d’autres sources historiques. Il fait également observer que les passages forgés s’expliquent souvent par des intentions idéologiques. Ainsi, la description du somptueux triomphe d’Aurélien serait destinée à célébrer l’accord entre le Prince, restaurateur de l’unité romaine, et les traditions religieuses de Rome qui à l’époque de l’auteur, la fin du IVe s., se voyaient menacées par un christianisme triomphant. 97 Hel., XXIII, 1 98 A. Chastagnol, Recherches sur l’Histoire Auguste, Bonn, R. Habelt Verlag, 1970.
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Un certain nombre de savants, comme P. Fabia et L. Homo 99 ont supposé que Philippe l’Arabe avait donné une naumachie lors de la célébration du millénaire de Rome en 248 ap. J.-C. Mais cette hypothèse ne repose que sur une phrase d’Aurelius Victor (Caes., XXVIII, 1-2), évoquant à la fois la réalisation d’un vaste bassin audelà du Tibre, destiné à alimenter en eau cette région de Rome et la célébration des jeux : Igitur Marcus Iulius Philippus, Arabs Thraconites, sumpto in consortium Philippo filio, rebus ad Orientem compositis, conditoque apud Arabiam Philippopoli oppido, Romam uenere; exstructoque trans Tiberim lacu, quod eam partem aquae penuria fatigabat, annum Urbis millesimum ludis omnium generum celebrant. Donc Marcus Junius Philippus, Arabe de Trachonitide, associa son fils Philippe à son pouvoir, conclut la paix en Orient et fonda en Arabie la ville de Philippopolis, puis vint à Rome avec son fils. Ils firent construire un bassin au-delà du Tibre, parce que cette partie de la ville connaissait une pénurie d’eau chronique, et célébrèrent le millénaire de Rome par des jeux de toutes sortes.
La situation trans Tiberim du bassin réalisé par Philippe l’Arabe, son rôle dans l’approvisionnement en eau de la zone, peuvent éventuellement faire penser à une restauration du bassin d’Auguste100. En revanche, rien dans le passage d’Aurelius Victor ne permet d’affirmer l’édition d’une naumachie à cette occasion. L’auteur en effet ne mentionne pour cet ouvrage qu’une destination utilitaire. Comme dans la première partie de la phrase, où sont énumérées diverses actions sans lien direct entre elles, l’emploi de l’ablatif absolu exstructo ne marque ici que l’antériorité de la réalisation du bassin par rapport à la célébration des Jeux Séculaires101. Ces derniers n’avaient d’ailleurs jamais donné lieu auparavant à une naumachie102. Enfin, un dernier témoignage, relevant des derniers siècles de l’empire d’Occident, a parfois été interprété comme une allusion à une naumachie103. Il s’agit d’un passage du De Feriis Romanis d’Ausone (Eclogarum Liber, 23, 1-4 et 15-22) : Nunc et Apollineos Tiberina per ostia ludos Et Megalesiacae matris operta loquar 99 P. Fabia, in DAGR, IV, 1, art. naumachia; L. Homo, Rome impériale et l’urbanisme dans l’antiquité, Paris, Albin Michel, 1971, p. 346. 100 Telle est par exemple l’hypothèse de A. M. Liberati, Naumachia di Augusto, in Tevere, un antica via per il Mediterraneo, Roma, Istituto poligrafico e zecca dello stato, 1986, p. 267-268. 101 J.-C. Golvin et M. Reddé, op. cit., p. 166. 102 Pour une description des jeux séculaires en général, voir en particulier Zosime, 2, 5. 103 Th. Mommsen, Comm. ad CIL I, ed. altera, p. 323.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
Vulcanique dies, autumni exordia primi, Quinquatrusque deae Pallados expediam ... Visne Opis ante sacrum uel Saturnalia dicam Festaque seruorum, cum famulantur eri? Et numquam certis redeuntia festa diebus, Compita per uicos cum sua quisque colit? Aut duplicem cultum, quem Neptunalia dicunt, Et quem de Conso consiliisque uocant? Festa haec nauigiis, aut quae celebrata quadrigis Iungunt Romanos finitimosque duces?104 (Maintenant je vais parler des jeux d’Apollon aux bouches du Tibre et des Mystères de la Mère Mégalésienne, et j’évoquerai les jours de Vulcain, prémices du début de l’automne, et les Quinquatries de la déesse Pallas... Veux-tu que je traite d’abord du culte d’Ops, ou les Saturnales, fête des esclaves, qui servaient la veille? et les fêtes qui ne reviennent jamais à une date fixe, lorsque par les rues chacun vénère les autels de carrefours, ou le double culte, celui qu’on appelle Neptunalia, et celui qu’on nomme Consualia d’après Consus, dieu du bon conseil? Ces fêtes, qu’on célèbre avec des navires, ou celles qu’on célèbre avec des quadriges, unissent les Romains et les chefs voisins).
Plusieurs autres indices incitent à admettre l’introduction, à une date difficile à préciser, d’un spectacle naval lors des Neptunalia, qui avait probablement lieu à Ostie. On sait en effet qu’au IIIe s. ap. J.-C., les Neptunalia de Rome comprenaient des jeux organisés à Ostie105. En outre, le calendrier illustré d’Ostie montre une barque tirée par une charrette, associée par A. Piganiol à la célébration de cette fête, le 23 juillet106. L’association par Ausone des Consualia et des Neptunalia pour un même programme de jeux s’explique par l’assimilation, probablement fort ancienne, du dieu Consus à Poséidon Hippios107. Neptune était d’ailleurs honoré à Rome même par des ludi circenses, comme Consus, ainsi que l’atteste une série monétaire de Nerva, frappée en 97108. Neptune y apparaît en effet au revers avec 104
Texte établi par H. G. Evelyn Whyte, Heinemann, Loeb Classical Library,
1968. 105 Selon une inscription d’Ostie (CIL XIV, 1) un certain Catius Sabinus, préteur urbain, dont on sait qu’il fut consul en 216, se serait rendu à Ostie pour célébrer des jeux en l’honneur de Neptune. 106 A. Piganiol, Recherche sur les jeux romains. Notes d’archéologie et d’histoire religieuse, Paris, Istra, 1923, p. 49-50. 107 Cette assimilation est mentionnée par plusieurs auteurs anciens (Dionys., I, 33, 2; II, 31; Liv., I, 9; Strab., V, 3, 2; Plut., Romul., XIV, 3-4; Quaest. Rom., XLVIII, 276 c; Tertull., Spect., V, 5; Serv., Aen., VIII, 635-636). Voir A. Piganiol, op. cit., p. 11-14. 108 J. Beaujeu, La religion romaine à l’apogée de l’Empire. I. La politique religieuse des Antonins (96-192), Paris, Les Belles Lettres, 1955, p. 56-58.
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LES NAUMACHIES
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ses attributs marins (trident et aplustre), accompagné de la légende NEPTVNOCIRCENS CONSTITUT. À ses pieds se trouve un petit personnage barbu qui pourrait être Consus109. Cependant, comme l’ont observé J.-C. Golvin et M. Reddé110, le fait que les Neptunalia aient été célébrés «avec des navires» ne signifie pas que ces derniers aient dû s’affronter. La comparaison du spectacle avec celui des Consualia inciterait plutôt à penser à une course111. Une telle transposition de la course de chars en course de navires rappellerait celle de Virgile dans son récit des jeux d’Anchise (Aen., V, 114-285). Dans les deux cas, il s’agit d’une même valorisation des traditions de la Rome des origines par leur mise en rapport avec le modèle culturel et religieux du monde grec112. En effet, le dieu Poséidon, assimilé à Consus en tant que dieu des chevaux, était parfois honoré par des régates en tant que dieu marin, notamment lors des jeux de l’Isthme113. Quoi qu’il en soit, nous avions cru bon dès l’abord d’exclure les régates de notre recherche, comme un phénomène relevant clairement de la culture grecque et qui ne fit jamais l’objet de la part du monde romain que d’emprunts occasionnels, très consciemment rattachés à cette tradition étrangère. De ce point de vue, l’hypothétique régate d’Ostie, née d’une assimilation de Consus à Poséidon Hippios, ne serait pas différente de la régate des Aktia114 de Nicopolis et des autres courses de navires données lors de jeux de fondation romaine, mais de modèle grec. Après celles de Domitien et de Trajan, les naumachies disparaissent donc à peu près totalement115 des sources écrites sur les spectacles de Rome. On peut rapprocher le brusque silence des textes de la disparition à la même époque des peintures dites de «naumachie» dans la peinture romaine. La disparition des spectacles a peut-être donc entraîné celle des représentations sur le même thème116.
Naumachies, jeux nautiques et amphithéâtre, p. 167. Voir note précédente. 111 Il pourrait également s’agir d’une simple navigation rituelle à l’image de celle qui avait lieu lors de la fête de Fors Fortuna (Ov., F., VI, 773-786). Le sens du terme nauigium autorise également cette interprétation. 112 Ainsi que l’a rappelé A. Rouveret lors de ma soutenance. 113 D. Chr., Corinth., 14-15. 114 Strabon, VII, 7, 5-6; D.C., LI, 1, 2; Stéphane de Byzance, Perıù Pole¥wv, s.v. ¶Aktia. 115 Avec toutefois l’exception déjà signalée d’une mention de plusieurs «naumachies» parmi les spectacles triomphaux d’Aurélien (T. 26). 116 Il convient toutefois de souligner que les peintures de Pompéi représentaient pour le Ier siècle ap. J.-C. un corpus dont nous ne possédons pas l’équivalent pour les périodes postérieures. 109
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
Cette disparition fut-elle effective? La construction par Trajan d’une structure explicitement destinée à ces spectacles, et le fait qu’aucun texte ne signale sa destruction incitent à ne pas admettre cette hypothèse sans plus ample examen. Rappelons en outre que pour la période postérieure aux Flaviens, nous ne disposons pas sur les spectacles de Rome d’une documentation historique aussi riche et précise que celle qu’apportaient Tacite, Suétone, ou les livres conservés de Dion Cassius, ni de témoignage direct analogue à celui du Livre des Spectacles sur les jeux de 80. Nous l’avons vu, R. Paribeni explique par ces carences l’ignorance où nous serions, sans les Fastes d’Ostie, de la réalisation par Trajan d’un édifice destiné aux naumachies. Les sources historiques restantes, notamment l’Histoire Auguste souvent peu fiable, et l’Histoire romaine de Dion Cassius, qui à partir du livre LV ne nous est parvenue que sous une forme résumée, voire fragmentaire, ne mentionnent que les spectacles exceptionnels, qui avaient marqué les esprits par leur ampleur et leur nouveauté. Or, nous avons vu que les dernières naumachies attestées dans la Rome du Haut-Empire, chronologiquement plus rapprochées, avaient été des spectacles de moins grande importance. Il faut enfin noter que le terme de naumachia persista jusqu’au Bas-Empire pour désigner certains monuments de la Ville. Les Régionnaires117 de Rome mentionnent ainsi l’existence, dans la XIVe région, de deux naumachiae. De même, dans une Lettre à Herennius (I, 5, 9) Sidoine Apollinaire, relatant une arrivée à Rome par la rive droite, évoque les naumachiae de la ville s’offrant à sa vue. S’agissait-il de certains des bassins jadis installés, de César à Trajan, pour y donner des combats navals? Doit-on alors y voir la preuve de la persistance de ces spectacles jusqu’à une date plus tardive que les débuts de l’ère antonine? Dans le cas contraire, quel était le rôle de ces «naumachies» dans le paysage urbain, à cette époque tardive? À nouveau, il semble qu’une étude des édifices qui portèrent le nom de naumachiae s’impose pour apporter sur ces questions quelques éléments de réponse. Il existe donc un faisceau d’indices favorables à une subsistance des naumachies à Rome même, au-delà de l’époque antonine, sous la forme de spectacles plus courants et de moins grande ampleur. Seule paraît certaine la disparition des grandes mises en scène navales de la fin de la République et du Haut-Empire, avec leurs milliers de combattants et leur caractère très exceptionnel.
117 Il catalogo delle XIV regioni di Roma, in R. Valentini et G. Zucchetti (dir.), Codice topografico della città di Roma I, con una Forma Urbis di L. Lugli, Roma, Ist. Stor. Ital. per il Medio Evo, 1940.
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Des «naumachies» provinciales? Si à partir de l’époque antonine, les sources écrites sont muettes sur d’éventuelles naumachies présentées à Rome même, nous possédons en revanche quelques témoignages sur des spectacles nautiques provinciaux auxquels fut donné ce nom, dans un contexte local, en des points fort différents de l’empire. La naumachie de Gadara Le plus ancien de ces témoignages est constitué par deux grandes pièces de bronze (M. 2 et M. 3), conservées au Musée maritime de Haifa118. Elles présentent sur leur revers un navire de guerre. Sur l’une d’elle, cette image s’accompagne de la légende : GADAREWN / NAYMA. Au-dessous du navire apparaît la date qui correspond à l’an 161 de notre ère. Sur la seconde pièce, avec la même date, la légende est la suivante : (G)ADAREW(N) / THC KATAPO. Sur l’avers de ces deux pièces se trouve l’effigie de Marc-Aurèle119. Ces monnaies furent donc frappées pour commémorer une naumachie organisée en 161 par la cité de Gadara. Cette naumachie fut-elle analogue dans ses principes à celles qu’on connaît pour la capitale de l’empire? Le caractère officiel du spectacle, sa commémoration par une monnaie, incitent en tout cas à lui attribuer une certaine importance quant aux moyens matériels déployés. En revanche, la présence d’un navire à éperon est très fréquente dans d’autres émissions monétaires de Gadara sans aucun lien avec le spectacle120. Ce motif sur celles qui nous occupent ne constitue donc guère un point d’appui fiable. Quant au site choisi, ce fut probablement le Yarmuck, cours d’eau qui passe aux abords de la ville et se jette dans le Jourdain. En effet, une pièce analogue, publiée en 1914 sans photographie121, portait la légende suivante : GADAREWN / THC KATAPT / NAYMA. Les deux lettres PT figureraient ici à la place du mot POTAMON, de même que les lettres PO sur la seconde des deux pièces publiées par Y. Meshorer. Celui-ci suppose qu’une digue fut élevée sur le Yarmuck afin d’augmenter la quantité d’eau dans la plaine située entre la rivière et la cité. Un tel dispositif aurait selon lui permis de donner à peu de frais une nau-
118 Y. Meshorer, Coins of the city of Gadara struck in commemoration of a local naumachia in Bulletin of the Maritime Museum of Haifa, I, 1966, p. 28-31 et pl. II. 119 Voir dans la documentation annexe les monnaies M. 2 et M. 3. 120 Ibidem, p. 28. 121 G. Dalman, in ZPV, XXXVII, 1914, p. 143-144.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
machie analogue à celles que les empereurs avaient jadis organisées à Rome. Il faut également tenter d’identifier l’occasion de ce spectacle. Le fait que les monnaies soient à l’effigie de Marc-Aurèle, qui accéda au trône précisément cette année-là, permet de supposer que cette naumachie fut donnée en l’honneur du nouvel empereur. Par ailleurs, comme le rappelle Y. Meshorer, le nom de Pompée figure, avec l’image d’un navire, sur presque toutes les monnaies de Gadara. On sait que la cité ajouta à son nom celui de l’imperator, qui en la délivrant des pirates, lui avait donné un nouvel essor. Constatant en outre que cet ajout n’est attesté grâce aux inscriptions qu’à partir de l’époque de Marc-Aurèle, Y. Meshorer en conclut que la naumachie fut donnée pour célébrer cette décision modifiant le nom de la cité, en même temps que l’avènement de l’empereur. Il faut toutefois se garder d’y voir la transposition d’une bataille jadis livrée par Pompée. En effet, nous avons vu que les sujets des naumachies n’étaient jamais tirés de l’histoire romaine, afin de ménager l’incertitude quant à l’issue du combat. Par ailleurs, aucun combat naval de quelque importance n’avait marqué la campagne de Pompée contre les pirates, ces derniers ayant évité d’affronter en une bataille rangée les puissantes flottes romaines. On ignore donc quel fut le sujet de cette naumachie de Gadara, si tant est qu’il y en ait eu un. Il faudrait en revanche essayer de dégager les raisons du choix d’un tel spectacle pour une telle occasion, sans exemple analogue. Les naumachies éphébiques Un spectacle appelé naymaxı¥a est également attesté à Athènes. Des inscriptions éphébiques, dont la plus ancienne date du règne de Domitien, montrent en effet que des «naumachies» faisaient partie des compétitions sportives traditionnellement pratiquées au sein de cette institution. Outre le terme de naymaxı¥a lui-même, on relève ceux de nayma¥xoi ou naymaxh¥santev pour en désigner les concurrents, et le verbe nayma¥xein122. En dehors des textes historiques déjà cités où le terme désigne les spectacles de Rome et d’un graffiti où il semble se rapporter à un jeu de damier123, ce sont les seuls textes grecs où ces termes ne renvoient pas à de véritables combats navals. Contrairement à la naumachie de Gadara, il s’agit cette fois de jeux indubitablement très différents des grandes naumachies ro122 Voir dans la documentation annexe les inscriptions I. 2; I. 3; I. 7; I. 9; I. 11; I. 12; I. 13. 123 H. Van Effenterre, Cupules et naumachies, in BCH, LXXIX, 1955, p. 541548. Voir troisième partie, infra, p. 280-281.
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LES NAUMACHIES
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maines. Le statut social de leurs participants, le contexte même de la compétition éphébique, excluent toute éventuelle effusion de sang. Ces «naumachies» étaient donc des joutes nautiques, en prenant ce terme en un sens général de combat naval inoffensif124. Il est probable également que ces compétitions ne comportaient aucun élément de mise en scène et de travestissement historique. Autant que d’un spectacle, il s’agissait d’une compétition sportive. Si nous ne possédons aucun document qui décrive les principes de cette joute, ils nous sont en partie dévoilés par un ensemble de six autres catalogues éphébiques, mis en évidence par J. H. Oliver125. Ces derniers, tous datés entre le règne d’Antonin et le tout début de l’époque sévérienne, ne dressent pas comme à l’accoutumée la liste de tous les éphèbes, mais seulement celle d’une, deux ou trois équipes (systre¥mmata) formées d’éphèbes de l’année126. Au début de chacune de ces listes se trouve le nom d’un systremmata¥rxhv, qui désigne généralement le commandant d’une troupe, d’un corps d’armée. L’une de ces stèles (I. 5) se trouve en outre ornée d’un relief représentant une barque chargée de jeunes gens. Or, deux des stèles éphébiques où une naumachie se trouve mentionnée sont ornées d’un relief figurant un bateau semblable127 (pl. IV). J. H. Oliver en conclut que les «troupes» ainsi évoquées sont les équipages des embarcations qui s’affrontaient lors des naumachies, seules compétitions nautiques connues pour l’éphébie attique d’époque impériale. Une autre inscription (I. 11) nous en donne confirmation. Il s’agit de l’un des catalogues éphébiques complets, déjà évoqués, qui mentionnent une naumachie. Les noms des deux éphèbes ayant disputé la naumachie (oıΩ naymaxh¥santev) sont aussi désignés comme des systremmata¥rxai. Parmi les inscriptions relevées par J. H. Oliver, quatre montrent en outre que les systremmata¥rxai ne disputaient pas nécessairement l’épreuve, car ils ne sont pas mentionnés parmi les membres des systre¥mmata128. Ils pouvaient donc simplement patronner nominalement l’équipe et lui apporter leur aide financière. Il était même possible d’être le systremmata¥rxhv de plus d’une équipe, puisqu’en dehors des six inscriptions étudiées par J. H. Oliver, certains catalogues éphébiques complets mentionnent entre 7 et 124 Qualifier ces compétitions de «joutes» n’implique en effet nullement qu’elles aient reposé sur un principe analogue à celui qui régit encore de nos jours certains spectacles nautiques régionaux, comme ceux de Sète par exemple. 125 Athenian lists of ephebic teams, in ‘Arx.’ Ef., 1971, p. 66-74. Je remercie Mme S. Follet qui m’a fait connaître cet article. 126 IG II2 2055; 2087 (I. 5); 2124 (I. 8); 2127; 2129; SEG XIV, 97 = ‘Arx.’ Ef., 1950-1951, p. 49, no 30 = ‘Arx.’ Ef., 1968, p. 203, Appendix 5. 127 I. 9 et I. 10. 128 ‘Arx.’ Ef., 1950-1951, p. 49 = 1968, p. 203; IG II2 2087 (I. 4); 2127 et peutêtre 2129.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
13 de ces chefs d’équipe129. Ces derniers étaient le plus souvent des éphèbes, mais on connaît quelques exceptions. Ainsi, une des équipes relevées par J. H. Oliver eut pour systremmata¥rxhv le dieu Télesphoros130, sans doute faute d’un particulier pour assumer la charge financière qui accompagnait cet honneur. Outre les inscriptions déjà évoquées, d’autres catalogues éphébiques situés dans la même tranche chronologique sont ornés de représentations d’une barque occupée par quelques jeunes gens131. Bien qu’il ne faille naturellement pas se fier à l’échelle des personnages par rapport à l’embarcation, la forme de celle-ci montre qu’il s’agissait d’un simple canot, ce qui suffit à distinguer ces naumachies des autres spectacles connus sous ce nom. À chaque fois, l’embarcation porte de un à cinq éphèbes, mais les recoupements opérés par J. H. Oliver entre les six inscriptions mentionnant les systre¥mmata montrent que ces derniers étaient composés de 20 éphèbes. Sur le relief de l’inscription IG II2, 2087 (I. 5), les trois personnages en train de ramer qui occupent le centre de la barque ont leur main gauche sous le manche de la rame et leur main droite au-dessus, ce qui selon J. H. Oliver indique qu’ils sont en train de pagayer, et non de ramer. Ces joutes nautiques avaient lieu notamment lors des Panathénées132. En effet, S. Follet a fait observer que l’inscription éphébique IG II2 2245 (I. 12), qui mentionne une naumachie et qui est datée précisément de la 35ème Panathénaïde, présente un fronton orné d’une Athéna casquée et de deux amphores panathénaïques. Or, ces deux motifs, sur des monnaies, des tessères de plomb, des monuments de vainqueurs et d’agonothètes, sont le symbole des Panathénées. On retrouve sur l’inscription IG II2 2208 (I. 11) la représentation d’une amphore à côté d’un éphèbe. La stèle IG II2 2124 (I. 8) est ornée quant à elle d’une hydrie près d’une palme, et d’un navire portant deux rameurs. S. Follet met également cette inscription en rapport avec une année panathénaïque, puisque depuis le IVe siècle av. J.-C., l’hydrie133 était un prix accordé aux vainqueurs de la lampadèdromie lors des Panathénées. Or, l’épreuve de la course au flambeau est citée dans plusieurs autres inscriptions éphébiques mentionnant aussi une naumachie. Quelques autres inscriptions montrent qu’en dehors des Panathénées, les naumachies étaient également dispuIG II2 2233; 2208 (I. 10); 2237; 2239; 2245 (I. 12). IG II2 2127. 131 I. 4; I. 6; I. 8. 132 S. Follet, Athènes au IIe et au IIIe siècle : études chronologiques et prosopographiques, Paris, Les Belles Lettres, 1977, p. 339-343. 133 Il s’agissait à l’origine, comme son nom l’indique, d’un vase destiné à puiser ou contenir l’eau. Mais lorsqu’elle était le prix du vainqueur, sans doute étaitelle remplie de l’huile des oliviers sacrés, comme l’amphore dite panathénaïque (S. Follet, op. cit., p. 342). 129
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tées lors des Thèseia134, des Epineikia135, des Athènaia136 et des Antinoeia137, donc aussi bien dans des fêtes relevant d’une tradition ancienne que dans des concours fondés à l’époque impériale, en l’honneur des empereurs ou de leurs familiers. La première inscription concernée date de l’époque flavienne et les plus récentes sont du IIIe s. ap. J.-C.138. Toutefois, compte tenu de la raréfaction des inscriptions éphébiques à partir de cette époque, il est très possible que les jeunes gens aient continué de pratiquer cet exercice jusqu’à la disparition de l’éphébie139. La naumachie apparaît dans ces inscriptions attiques à une époque où l’éphébie n’était plus destinée à former de futurs soldats, mais simplement à encadrer les activités sportives des jeunes gens aisés140. Plus encore que les compétitions héritées de l’époque classique, cette joute nautique représentait donc essentiellement un divertissement pour les éphèbes. Elle est d’ailleurs fréquemment nommée, nous l’avons dit, à côté de la course au flambeau, autre exercice essentiellement ludique. Néanmoins, ces compétitions avaient lieu lors d’une fête de la cité, et constituaient donc également un spectacle public. En outre, dans la mesure où leurs attestations sont toutes nettement postérieures aux premières naumachies de Rome, l’influence du modèle romain, pour rendre compte de leur apparition, devra être très sérieusement envisagée et analysée. Les naumachies éphébiques relèvent donc pleinement de notre étude. Une joute nautique sur la Moselle La dernière source où apparaît le mot naumachia pour désigner un spectacle provincial est plus tardive encore. Il s’agit des vers 200 à 229 de La Moselle d’Ausone (T. 27). 134 I. 2. Les Thèseia étaient un concours éphébique en l’honneur de Thésée, déjà attesté à l’époque classique (S. Follet, op. cit., p. 318). 135 IG II2 2119 (I. 7), l. 21. Le concours éphébique des Epineikia fut fondé en 165/6 sous Marc Aurèle et Lucius Vérus pour commémorer la victoire parthique de l’été 165 ap. J.-C. Il pouvait être célébré chaque année (S. Follet, op. cit., p. 325). 136 IG II2 2130 (I. 9), l. 87. Ancien concours éphébique dont la fondation est antérieure à l’époque romaine. Sa périodicité n’est pas établie (S. Follet, op. cit., p. 320). 137 IG II2 2198 (I. 11), l. 13 et 15. Concours fondé en l’honneur d’Antinoos, probablement en 131/2 ap. J.-C. (S. Follet, op. cit., p. 322). 138 Voir le catalogue des sources épigraphiques, où j’ai repris la description des stèles et les datations proposées par S. Follet. 139 L’éphébie disparut nécessairement avant l’édit de 394 supprimant les concours olympiques (cf. C. Pélékidis, Histoire de l’éphébie attique des origines à 31 av. J.-C., Paris, de Boccard, 1962, p. 279-281). 140 A. Dumont, Essai sur l’éphébie attique, Paris, F. Didot, 1876, p. 234.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
C’est à Noviomagus qu’Ausone, au vers 19, arrête l’évocation de son itinéraire vers la Moselle, pour se consacrer à la description de ce fleuve et des activités qu’on y pratique. Parmi elles sont mentionnés des jeux nautiques, que le poète situe donc implicitement aux environs de cette ville. Ils étaient disputés sur de petits canots (v. 201)141, par des équipages de jeunes gens (v. 205), dont un magister dirigeait la manœuvre. Les vers 212-218 décrivent ces spectacles comme de joyeux simulacres de combat où l’on cherchait à heurter la barque de l’adversaire. Il s’agit donc ici encore d’une joute nautique, d’une simulation de combat naval. Bien des précisions manquent à son évocation par Ausone. Par exemple, l’absence de sujet au verbe spectat (v. 206) a pour conséquence de rendre totalement imprécise la nature du public qui assiste à cette manifestation. De même, le mot phaselus a pu désigner en latin des navires très différents, bien que se signalant toujours par leur rapidité. Son emploi, au vers 221, ne peut donc nous aider à définir la nature des bateaux mosellans. Surtout, il n’existe aucune autre source, de quelque nature que ce soit, qui puisse directement confirmer l’existence de cette joute nautique. Il n’y a pas lieu, toutefois, de mettre celle-ci en doute. En effet, si le poète quitte fréquemment les bords de la Moselle, le point de départ de toutes ses digressions est généralement un détail qui appartient bien au pays trévire et à ses coutumes. Or, les expressions employées aux vers 225-227 pour décrire les mouvements des rameurs sont susceptibles de garantir la réelle appartenance de la joute à une tradition locale : Utque agiles motus dextra laeuaque frequentant, Et commutatis alternant pondera remis, unda refert alios simulacra umentia nautas142 (Et selon qu’ils multiplient à droite et à gauche leurs prestes mouvements, et font peser le poids d’un côté ou de l’autre, aux changements de rames, l’onde reflète d’autres matelots, humides fantômes).
La traduction de ces vers, en particulier du second, n’est pas sans difficulté. L’expression commutatis remis semble en tout cas indiquer qu’il était possible de faire passer les rames d’un bord à
141 Que ces petites embarcations aient été munies de rostres comme des navires de guerre (v. 221) ne doit pas surprendre. L’iconographie est là pour prouver que cela pouvait être le cas. (Voir par exemple L. Foucher, Navires et barques figurés sur des mosaïques découvertes à Sousse et aux environs, Tunis, Imprimerie officielle de la Tunisie, 1957, p. 23-35). 142 Texte établi par Ch. M. Ternes, Paris, Presses Universitaires de France, 1972.
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LES NAUMACHIES
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l’autre du bateau, et donc qu’elles n’étaient pas fixées au bordage143. Or, comme le fait observer F. de Izarra144, il semble que sur les barques fluviales, dans cette région, «les rames n’aient pas été ordonnées en un système fixe, mais libres d’être déplacées d’un bord à l’autre et de l’avant vers l’arrière du bateau selon les besoins de l’instant». Un texte de la Germanie de Tacite (XLIV, 2) nous l’atteste, à propos des navires du peuple scandinave des Suiones : Forma nauium eo differt quod utrimque prora paratam semper adpulsui frontem agit. Nec uelis ministrantur nec remos in ordinem lateribus adiungunt : solutum, ut in quibusdam fluminum, et mutabile, ut res poscit, hinc uel illinc remigium145. (La forme de leurs navires n’est pas celle des nôtres; ils en diffèrent en ceci que, terminés en proue aux deux extrémités, ils présentent un front toujours prêt à aborder au rivage. On ne les manœuvre pas non plus à la voile et on n’attache pas les rames aux bords de manière à ce que le rang en soit fixe; elles sont libres, comme sur certains fleuves, et selon les circonstances se transportent d’un côté ou de l’autre).
Selon F. de Izarra, le fleuve auquel pense l’historien pourrait être en particulier le Rhin. De fait, on a découvert sur ses bords des attestations archéologiques et iconographiques de cette technique146. Surtout, comme le fait observer D. Ellmers147, la technique de la pagaie semble être restée une caractéristique de la navigation fluviale du nord de l’Europe durant toute l’époque romaine, alors qu’on la rencontrait peu sur le pourtour méditerranéen. Outre les restes de pirogues munies de pagaies rudimentaires parfois retrouvés, en particulier dans le Nord-Est et le Nord-Ouest de la Gaule148, la barque votive en bronze, trouvée à Blessey, près des sources de la Seine, constitue pour nous un témoignage particulièrement intéressant (pl. V)149. Elle devait être propulsée par cinq pagayeurs, ainsi que l’indique la position du personnage subsistant sur le pont, et les trous marquant les places des quatre autres. Ils étaient disposés alternativement de chaque côté de l’embarcation, trois à bâbord et Voir Ch. M. Ternes dans le commentaire de son édition critique, p. 65. F. de Izarra, Hommes et fleuves en Gaule romaine, Paris, Éditions Errance, 1993, p. 159. 145 Texte établi par J. Perret, Paris, Les Belles Lettres, 1967. 146 Ainsi, sur la stèle de Blussus, naute rhénan du Ier siècle, est représenté un navire doté d’une rame visiblement libre d’être déplacée d’un côté ou de l’autre (F. de Izarra, op. cit., p. 128-129). 147 D. Ellmers, Keltischer Schiffbau, in JRGZ (Mayence), 16, 1969, (p. 73-122) p. 118. 148 F. de Izarra, op. cit., p. 86-90. 149 Ibidem, p. 133-135. 143 144
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
deux à tribord150. On peut observer que cette disposition conviendrait parfaitement à la description d’Ausone. Placés de cette façon, les jeunes concurrents auraient pu effectivement exécuter les mouvements prestes du pagayeur, les uns à droite, les autres à gauche, et faire alterner leur poids d’un bord à l’autre du bateau sans se gêner. Dans cette joute nautique basée sur la recherche d’un choc contre l’adversaire, il devait en effet être nécessaire de rétablir rapidement par des mouvements de contrepoids l’équilibre compromis des légères embarcations, et de corriger leur trajectoire par quelques coups de pale. Dans la vallée même de la Moselle, on connaît des attestations iconographiques d’embarcations à pagaies, que W. Binsfeld s’est appliqué à relever151. Plusieurs d’entre elles furent trouvées aux environs de Noviomagus, site probable de la joute. Par ailleurs au vers 197, soit trois vers seulement avant notre passage, le poète évoque un caudiceus lembus, «barque creusée dans un tronc d’arbre», donc une de ces barques monoxyles particulièrement courantes en Gaule du Nord, et souvent manœuvrées à la pagaie, ici par un homme seul. L’emploi du même mot de lembus pour les embarcations utilisées lors de la joute incite à penser que celles-ci, quoique bien évidemment plus vastes, avaient le même mode de propulsion. L’évocation de cette technique par Ausone prouve donc que la joute sur la Moselle correspondait à une tradition locale, dont le poète, toutefois, ne nous apprend ni l’origine, ni l’époque d’apparition. Par ailleurs, aux vers 215-219, ce spectacle se trouve comparé à un divertissement analogue, qu’il situe sur le lac Averne. Le spectacle évoqué ici par Ausone est-il réel, comme celui qui a pour cadre la Moselle, ou fictif, comme les jeux des Amours qu’aux vers 211-214, il imagine sur le Lucrin? Il est impossible de trancher en toute certitude. Il faut toutefois remarquer qu’aucun personnage mythologique n’apparaît dans cette seconde joute. On sait en outre qu’à l’époque d’Auguste, déjà, de tels jeux étaient connus, bien que pratiqués d’une manière strictement privée. Horace (Ep., I, 18, 61-64) nous en offre témoignage, en évoquant les jeux du jeune Lollius sur un lac des propriétés de sa famille : Partitur lintres exercitus; Actia pugna Te duce per pueros hostili more refertur; Aduersarius est frater, lacus Hadria, donec Alterutrum uelox Victoria fronde coronet152. (L’armée se répartit dans les barques; sous ta direction, la bataille Voir fig. 4. Moselschiffe, in Festschrift für W. Haberey, Mainz, 1976, p. 1-3. 152 Texte établi par F. Villeneuve, Paris, Les Belles Lettres, 1934.
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LES NAUMACHIES
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d’Actium est reproduite par tes esclaves, comme entre ennemis, ton frère est ton adversaire, un étang l’Adriatique, jusqu’à ce qu’une rapide victoire couronne l’un d’entre vous).
Si on ajoute à cela l’existence des compétitions éphébiques, preuve que de tels jeux pouvaient être organisés dans le cadre d’une institution publique, on voit que la commémoration de la victoire de Myles par la jeunesse campanienne, sous la forme d’une joute nautique, n’a rien d’improbable. Il semble difficile de rien ajouter sur ce dernier spectacle, dont ni la littérature ni l’épigraphie ne nous confirment l’existence. Mais il est intéressant de noter qu’Ausone lui donne le nom de naumachia, comme les grands spectacles impériaux, mais aussi comme les joutes éphébiques. Dans la mesure où le poète établit un parallèle étroit entre cette «naumachie» du lac Lucrin et le divertissement présenté sur la Moselle, le terme de naumachia se trouve implicitement rapproché de ce dernier également. On doit donc encore une fois s’interroger sur les rapports possibles du spectacle mosellan avec ceux de la métropole, si différents. Conclusion Les origines des grandes naumachies de la fin de la République et du Haut-Empire ne nous sont pas entièrement dévoilées par les textes littéraires ou épigraphiques de notre corpus. De par leurs principes et le recrutement de leurs participants, ces vastes mises en scène ont des traits communs avec la gladiature, ainsi qu’avec un certain nombre de spectacles qui en dérivent, notamment les combats gregatim. Mais elles possèdent aussi d’autres spécificités qui vont bien au-delà de leur caractère de spectacle naval. Les sources d’influence qui ont présidé à la création de la naumachie sont nombreuses et complexes. Elles nécessiteront des recherches plus étendues, au-delà des textes déjà examinés. Spectacles triomphaux ou inauguraux, ces premières naumachies furent liées à un événement exceptionnel et destinées à clôturer des jeux surpassant par leur faste et leur ampleur tout précédent connu. À partir de Néron, on observe sur ce point une certaine évolution : des naumachies purent alors être données pour des occasions moins notables, comme si on s’acheminait vers une relative banalisation de ce spectacle. Toutefois, après le règne de Trajan, les naumachies disparaissent presque totalement des témoignages écrits sur les jeux de la métropole. Comment concilier ce fait avec la persistance, dans le paysage romain, de monuments qualifiés, eux aussi, de «naumachies»?
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
Enfin, on retrouve encore ce terme de naumachia, précisément à partir de l’époque où semblent disparaître les grands spectacles navals de Rome, pour désigner des joutes nautiques. Ces simulations de combat plus inoffensives sont attestées dans des régions aussi éloignées que l’Attique et le pays mosellan. Elles posent la question de la diffusion des naumachies dans les provinces. Au delà de ces considérations de vocabulaire liées à la constitution d’un corpus, c’est l’origine même des grandes naumachies romaines, leur signification et leurs rapports avec les spectacles nautiques provinciaux qui se trouvent en question.
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CHAPITRE 2
LES CHASSES AQUATIQUES
PRINCIPES
ET DÉROULEMENT
Le mot de uenatio, comme le fait observer G. Ville1, ne désignait pas seulement des spectacles où les bestiarii affrontaient des bêtes sauvages. On regroupait aussi sous ce terme et dans une partie spécifique du programme des jeux, non seulement les combats entre différentes espèces animales mais aussi les exécutions par les fauves et jusqu’aux spectacles inoffensifs constitués par des exercices de dressage ou des exhibitions de bêtes rares. À l’exception des exécutions, chacune de ces catégories se trouve représentée dans le domaine des uenationes aquatiques, si on en croit les sources antiques, notamment littéraires et iconographiques. Exhibitions de curiosités zoologiques Lorsqu’une espèce exotique parvenait pour la première fois à Rome, elle faisait généralement l’objet d’une exhibition qui constituait à elle seule un spectacle. Bien d’autres exemples de ce phénomène sont attestés par les sources écrites 2. La faune aquatique ne fit pas exception à cette tradition. Les jeux édilitaires de Scaurus. Le premier de tous les spectacles aquatiques dont les sources offrent un témoignage est précisément une uenatio, une exhibition d’animaux nilotiques. Pline l’Ancien (T. 30) et Ammien Marcellin 1 G. Ville, La gladiature en Occident des origines à la mort de Domitien, Roma, 1982 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 245), p. 51. 2 Ainsi, les premiers éléphants qui parurent jamais dans la Ville sont ceux qui firent partie du cortège triomphal de M’. Curius Dentatus en 275 av. J.-C. Ces animaux furent pour la première fois montrés dans le Grand Cirque lors des fêtes triomphales de L. Metellus, en 251 av. J.-C. (Sen., Breu., XIII, 3; Plin., N.H. VIII, 16; Orose, IV, 9, 15). De même, des autruches furent montrées à l’époque de Plaute (Pers., 199), un rhinocéros et des singes d’Éthiopie lors des jeux de Pompée en 55 (Plin., N.H., VIII, 70-71) et une girafe lors des jeux de César en 46 (Plin., N.H., VIII, 69; D.C., XLIII, 23, 1-2).
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
(T. 31) nous apprennent en effet que lors des jeux qu’il organisa en tant qu’édile curule, en 58 av. J.-C., M. Aemilius Scaurus présenta au public un hippopotame et cinq crocodiles. On n’en avait jamais vu à Rome auparavant. Il ne semble pas que le spectacle se soit terminé par leur mise à mort. Cette première exhibition a parfois été mise en rapport avec le texte de Strabon (T. 50) qui décrit une uenatio de crocodiles donnée à Rome à une date indéterminée. Dans la mesure où Strabon ne décrit qu’une présentation de ces animaux, non leur mise à mort, le spectacle auquel il fait allusion pourrait être celui de Scaurus. En effet, ce spectacle était essentiellement destiné à permettre au public de mieux voir les monstres du Nil : la plate-forme qui flanquait leur bassin permettait aux animaux de se chauffer au soleil, mais aussi au public de mieux les voir. La technique de capture utilisée par les Tentyrites, inoffensive pour les crocodiles, les mettait sous les yeux des spectateurs. Mais comme le fait observer G. Ville 3, Strabon ne s’intéresse qu’au peuple des Tentyrites et à leur technique de chasse originale, et peut fort bien avoir choisi d’omettre une suite du spectacle. En outre, la précision avec laquelle Strabon décrit les apprêts de cette uenatio incite à penser qu’il en fut lui-même témoin. Aussi, compte tenu des dates de la vie du géographe (64 av. J.-C. – après 24 ap. J.-C.) et surtout de celles de sa présence à Rome, où il vint pour la première fois en 44 av. J.-C., il est généralement admis que la uenatio qu’il décrit, où apparurent les Tentyrites, fut la deuxième en date, celle qui eut lieu en 2 av. J.-C, sous Auguste 4 et se termina par l’extermination de ces animaux. Les beluae de l’Océan Après les beluae du Nil, ce furent celles de la mer qui firent leur apparition à Rome. Les plus anciennes mentions, et surtout les seules qui soient datées relèvent de l’époque de Néron. Suétone, en effet (T. 16) évoque ainsi l’un des épisodes des jeux inauguraux de 57 : Exhibuit et naumachiam marina aqua innantibus beluis. (Il donna aussi une naumachie où on vit des monstres marins nager dans de l’eau de mer). G. Ville, op. cit., p. 90. G. Jennison, Animals of show and pleasure in ancient Rome, Manchester, Manchester University Press, 1937, p. 50; J. M. C. Toynbee, Animals in Roman life and art, London, Thames and Hudson, 1973, p. 219; G. Ville, op. cit., p. 112. Voir aussi infra p. 66-67. 3
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LES CHASSES AQUATIQUES
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On pourrait conclure de la formulation utilisée par l’historien que les «bêtes marines» furent présentées en même temps que la naumachie. Mais il est possible aussi que le terme naumachia englobe ici à la fois un combat naval et une présentation d’animaux aquatiques qui l’aurait précédé ou suivi. De la même manière, dans le dernier vers de l’épigramme XXVIII (T. 20), Martial englobe tous les spectacles présentés en 80 sur le bassin d’Auguste, y compris la uenatio et la course de chars, sous le même terme de naumachia. Un phénomène semblable apparaît chez Dion Cassius (T. 22) à propos des spectacles donnés au Colisée lors de ces mêmes jeux : l’historien, après avoir mentionné une naumachie, évoque le spectacle d’animaux dressés qui en fut sans doute le prélude. Selon Tacite (T. 35), Néron présenta lors d’un festin donné en 64 sur l’étang d’Agrippa «des oiseaux et des bêtes sauvages, et jusqu’à des animaux marins venus de l’Océan». Les textes n’apportent guère de précisions sur les espèces ainsi présentées. Pour les jeux de 57, les termes de beluae et de kh¥th employés par Suétone et Dion Cassius sont des plus vagues. En revanche, les «animaux marins venus de l’Océan» évoqués par Tacite provenaient probablement de l’océan Atlantique. Dès lors, les possibilités sont peu nombreuses. Ni des poissons ni la plupart des mammifères marins n’auraient pu supporter un tel voyage dans les conditions de l’époque. En outre, on doit écarter les animaux dangereux, compte tenu des circonstances de leur présentation. Peut-être s’agit-il de phoques de l’Atlantique. En effet, comme nous le verrons 5, il existe une attestation de la présentation de ces animaux dans l’amphithéâtre de bois de Néron. Quant aux poissons qui selon Dion Cassius auraient nagé dans l’arène inondée d’eau de mer lors des jeux de 57, il est probable qu’il s’agit d’une interprétation erronée des termes vagues employés par ses sources, analogues à celui de beluae, relevé chez Suétone. Si toutefois il s’agit d’une indication véridique, dans la mesure où certains détails de ce texte, comme nous l’avons vu 6, s’expliquent par une confusion avec le grand festin organisé par Tigellin sur l’étang d’Agrippa, il est plus plausible que ces poissons aient été introduits dans l’étang d’Agrippa, car ils n’auraient guère été visibles depuis les gradins d’un amphithéâtre.
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Voir infra p. 64. Voir supra p. 31.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
Les «Numéros» de dressage Le témoignage de Pline Nous possédons assez peu d’informations sur les spectacles d’animaux dressés présentés dans les uenationes romaines. Toutefois, si on en croit Plutarque dans son De Sollertia Animalium (V, c, 963), les numéros étaient fort nombreux et variés. La plus ancienne mention littéraire d’un spectacle de dressage utilisant la faune aquatique est une remarque insérée par Pline l’Ancien (T. 51) au milieu de son évocation du uitulus marinus, autrement dit le phoque. Cet animal, note le naturaliste, peut être habitué à obéir. Il est capable, par exemple, de comprendre l’ordre verbal de saluer le public et de répondre à l’appel de son nom. Tandis que les autres observations de Pline concernant les phoques se retrouvent dans divers traités de zoologie antique, cette remarque sur leur dressage est un hapax. Pline fait appel ici à son expérience de spectateur, ce qui représente un indice en faveur de notre interprétation des «animaux marins venus de l’Océan» présentés sous Néron. Ici cependant il est question non d’une simple exhibition, mais d’un numéro de dressage. Par ailleurs, notre auteur ne mentionne pas à quelle époque et lors de quels jeux le phoque parut pour la première fois à Rome, précision qu’il donne pourtant sur presque tous les animaux exotiques de l’arène romaine 7. Sa remarque incidente et générale sur les tours exécutés par ces animaux n’est pas sans rappeler celles qu’il fait, par exemple, sur la manière de tuer les ours dans l’arène. Pline ne signale pas non plus les premiers jeux où parurent ces derniers : ils se perdaient sans doute dans un passé lointain. Or les phoques, à l’époque du naturaliste, n’étaient pas rares en Méditerranée. Il est donc possible également d’en conclure que les exhibitions de phoques savants ne constituaient plus de son temps un spectacle rare et nouveau. Des courses de dauphins? M. Yacoub a proposé de considérer une mosaïque 8, représentant une course de chars tirés par des dauphins, comme un témoignage sur de véritables courses en milieu aquatique. Il fait en effet observer avec quel soin les détails relevant de l’univers du Cirque sont reproduits dans la mosaïque : la spina, les metae, et les couleurs 7 L’éléphant : VIII, 16-17; l’auroch : VIII, 38; le lion VIII, 53; le tigre VIII, 65; la girafe : VIII, 69; le loup-cervier VIII, 70; le rhinocéros VIII, 71. 8 M. Yacoub, La mosaïque du cirque de Borgel et les spectacles nautiques romains, in CT, XXX, 1982, no 121-122, p. 19-40.
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LES CHASSES AQUATIQUES
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des factions portées par les auriges. Il rappelle également qu’il existe quelques autres représentations plastiques analogues. C’est le cas par exemple d’une mosaïque découverte à Sousse et conservée au Musée du Louvre, où des Amours, debout sur deux dauphins qu’ils conduisent à la manière des desultores, portent des écharpes aux couleurs des factions 9. Une autre mosaïque du IIIe siècle, retrouvée dans le frigidarium des thermes de Henchir-Thina, et conservée au musée de Sfax, présente des cochers, qui ne sont pas des putti, vêtus de ces mêmes couleurs et guidant des biges tirés là encore par des dauphins10. Sur un relief de sarcophage conservé au Musée archéologique de Berlin des IIe-IIIe siècles, on retrouve les putti chevauchant des monstres marins mais dans un décor où apparaissent les metae d’un cirque11. M. Yacoub rapproche ces documents iconographiques des vers 5-6 de l’épigramme XXVIII de Martial (T. 20) sur les spectacles donnés par Titus dans la naumachie d’Auguste : uidit in aequoreo feruentes puluere currus et domini Triton isse putauit equos. (Triton a vu des chars écumer sur la piste marine, et a pensé voir passer les chevaux de son maître).
Il interprète ces divers documents comme des témoignages sur la présentation de courses de chars tirés par des animaux aquatiques, dans des bassins artificiels. Le filet entourant la surface marine sur la mosaïque de Borgel serait alors une barrière destinée à séparer le public du bassin où se donnait cette course, qu’on peut assimiler à une uenatio par son caractère de spectacle de dressage. Cependant, M. Yacoub expose lui-même les limites de son hypothèse en s’interrogeant sur la présence de roues sur les chars des mosaïques de Borgel ou de Henchir-Thina, sur les poissons ou les monstres marins remplaçant les dauphins sur le relief de Berlin et la mosaïque de Sousse, enfin sur le fait que dans la plupart des cas, les auriges sont des putti. En effet, les figurations de putti chevauchant
9 L. F. Baratte, Catalogue des mosaïques romaines et paléochrétiennes du Musée du Louvres, Paris, Ed. de la Réunion des Musées nationaux, 1978, fig. 77. 10 R. Massigli, Musée de l’Algérie et de la Tunisie – Musée de Sfax, Paris, 1982, pl. I-IV et V, 1. 11 A. Conze, Königliche Museen zu Berlin. Beischreibung der antiken Skulpturen, mit Ausschluss der Pergamenischen Fundstüke, Berlin, W. Spermann Verlag, 1891, p. 367, n. 906. Sur toutes ces représentations, voir aussi G. Traversari, Gli spettacoli in acqua nel teatro tardo-antico, Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1960, p. 121-123, fig. 29-31.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
divers animaux, très nombreuses dans l’art romain, représentaient tout simplement une variation sur le thème du thiase marin, comme les cavalcades des Néréides. Quant au travestissement en auriges, il relève d’un motif plastique qui faisait reproduire à ces petits personnages les diverses activités humaines12. En outre, les sources anciennes, si prolixes sur les caractéristiques et les aventures mythiques ou réelles des dauphins, ne font nulle mention de spectacles où ils auraient figuré. La raison doit sans doute en être cherchée dans les difficultés pratiques représentées par leur maintien en captivité. Par conséquent, s’il n’est pas impossible, comme nous le verrons13, que ces œuvres plastiques représentent d’indirectes allusions à des spectacles aquatiques existants, elles ne constituent certainement pas une reproduction exacte de leurs modalités. Il est très improbable que des uenationes romaines aient jamais présenté des dauphins attelés imitant les courses de chars. Spectacles cynégétiques et faune aquatique Les uenationes les plus courantes, parce que les plus prisées, étaient celles qui reposaient sur la présentation d’un affrontement. Les uenationes nilotiques d’Auguste Le texte le plus ancien qui évoque la présentation de crocodiles devant le public romain est celui de Strabon déjà évoqué (T. 50). L’auteur décrit la technique de capture employée par les Tentyrites, peuple d’Égypte fameux pour sa haine des crocodiles et son habileté à les affronter. Entrant dans l’eau au milieu des monstres, ils les en retiraient à l’aide d’un filet puis, après les avoir présentés à la vue du public, les repoussaient dans l’eau. Il s’agissait d’une manœuvre fort dangereuse pour ses exécutants, mais inoffensive pour les animaux eux-mêmes. D’une manière ou d’une autre, ces derniers furent toutefois mis à mort, si on admet l’identification de ce spectacle avec l’une des uenationes nilotiques d’Auguste14. La première de celles-ci eut lieu lors de l’inauguration du temple du Diuus Iulius en 29 av. J.-C. Lors de ces jeux, d’après Dion Cassius (T. 32), on tua un hippopotame. On ne peut affirmer que le spectacle ait eu lieu dans un décor aquatique, malgré la lenteur de cet animal sur la terre ferme. Nous ne possédons aucune précision sur 12
R. Stuveras, Le putto dans l’art romain, Bruxelles, Latomus, 1969, p. 85-
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Voir p. 106-109. Voir p. 62.
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LES CHASSES AQUATIQUES
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la technique de chasse utilisée en cette occasion et lors des autres uenationes où des hippopotames parurent dans l’arène. Mais il est probable qu’il s’agissait d’une chasse au harpon, comme en Égypte même15. C’est à la seconde uenatio nilotique d’Auguste, présentée en 2 av. J.-C. lors des jeux inaugurant le temple de Mars Ultor, qu’on identifie généralement celle que relate Strabon. Selon Dion Cassius, 36 sauriens furent tués à cette occasion, dans un bassin creusé au Circus Flaminius. Certes, Strabon ne mentionne pas cette mise à mort des animaux. Toutefois son insistance sur l’acharnement à détruire les crocodiles généralement déployé par les habitants de Tentyra incite à penser que l’exhibition qu’il relate s’était terminée par une démonstration de techniques de chasse plus meurtrières. La VIIe églogue de Calpurnius Siculus (T. 52) D’autres uenationes aquatiques sont évoquées dans la VIIe églogue de Calpurnius Siculus, un poète dont on ne connaît guère que le nom, mais qu’on situe généralement à l’époque néronienne16. Cette églogue est une description, par le berger Corydon, de jeux impériaux d’une somptuosité inédite qu’il aurait vus à Rome. Il évoque essentiellement des spectacles cynégétiques, où parurent entre autres un hippopotame et des phoques opposés à des ours (v. 65-68). G. Jennison17 propose de voir dans ces derniers des ours polaires, prédateurs naturels des phoques. Il fait observer que toutes les autres espèces animales citées par le poème sont exotiques, et le plus souvent septentrionales, comme par exemple l’élan évoqué au vers 3. Or, au début de l’empire déjà, les ours bruns étaient depuis longtemps fort courants dans les spectacles. Quant aux phoques, ils n’étaient pas rares alors en Méditerranée, et sans doute aussi dans l’arène. Pour être ainsi mentionnés dans l’églogue, ces animaux devaient relever, eux aussi, d’espèces étrangères. Quant à J. M. C. Toynbee18, il appuie la même hypothèse sur les vers 3 et 4 de l’épi15 Diod. I, 35, 10-11. Voir aussi P. G. P. Meyboom, The Nile Mosaic of Palestrina, early evidence of Egyptian religion in Italy, Leiden, Brill, 1995, p. 255, n. 114 du chap. III. 16 A. Momigliano, Literary chronology of the Neronian age, in CQ, XXVIII, 1944, p. 96-100; R. Verdière dans son édition du texte, 1954, p. 15-21 et 23-42; R. Mayer, Calpurnius Siculus, technique and date, in JRS, 70, 1980, p. 170-176; T. P. Wiseman, Calpurnius Siculus and the Claudian civil war, in JRS, 72, 1982, p. 57-67; J. Amat dans son édition, Paris, Belles Lettres, 1991, p. VII-VIII. Voir aussi G. Ville, op. cit., p. 141-142 et J.-C. Golvin, L’amphithéâtre romain, Paris, de Boccard, 1988, p. 55. 17 G. Jennison, Animals for show and pleasure in Ancient Rome, Manchester, Manchester University Press, 1937, p. 189. 18 J. M. C. Toynbee, Animals in Roman life and art, London, Thames and Hudson, 1973, p. 94.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
gramme XV du Livre des spectacles, évoquant les exploits du fameux uenator Carpophorus : Ille et praecipiti uenabula condidit urso, Primus in Arctoi qui fuit arce poli (En le transperçant de son épieu, il a brisé l’élan d’un ours, le plus puissant qui fut jamais sur les hauteurs du pôle arctique).
Quelques décennies plus tard, on vit donc bien à Rome des ours venus des régions septentrionales. Il n’est donc pas impossible que ceux dont parle Calpurnius Siculus aient eu la même origine. Ces derniers pour G. Jennison19 sont bien des ours polaires, et il s’appuie sur ce détail, en apparence fort mince, pour contester la datation néronienne de toute l’œuvre de Calpurnius. Il fait observer que l’Histoire Naturelle, où on trouve un écho des spectacles néroniens 20, ne mentionne pas l’ours polaire. En outre, si Pline l’Ancien décrit l’élan 21, autre animal du grand Nord évoqué par Calpurnius, le naturaliste affirme qu’un autre animal, très voisin selon lui, appelé achlis, n’était jamais parvenu jusqu’à Rome de son temps. Or, G. Jennison pense qu’il s’agit en fait de la même espèce, désignée sous deux noms différents. Si l’élan n’était jamais parvenu jusqu’à Rome du temps de Pline, la VIIe églogue de Calpurnius, qui le mentionne, ne peut appartenir à l’époque néronienne. En conséquence, G. Jennison propose d’adopter pour le poème une datation beaucoup plus tardive : le règne de Carin. Plus récemment, Calpurnius Siculus a également été situé sous le règne de Sévère Alexandre 22. Cependant, l’absence chez Pline d’une espèce animale mentionnée par Calpurnius Siculus ne peut véritablement constituer un argument contre la datation néronienne du spectacle. En effet, ainsi que le fait observer J. M. C. Toynbee, Pline n’est pas infaillible dans sa mention des espèces connues de son temps. Il a notamment commis une importante erreur dans son développement consacré aux ours : selon lui il n’en existait pas en Afrique du Nord. Or, des témoignages littéraires antérieurs à l’Histoire Naturelle affirment le contraire 23. On avait pu voir à plusieurs reprises à Rome des ours de cette région de l’empire. Le silence de Pline sur les ours de l’Arctique pourrait donc aussi s’interpréter comme une omission. En outre, si Pline après avoir décrit l’élan (alces) éprouve le besoin de préciser G. Jennison, op. cit., p. 188-189. Voir par exemple VIII, 182. 21 N.H., VIII, 39. 22 E. Champlin, The life and times of Calpurnius Siculus, in JRS, LXVIII, 1978, p. 95-110. 23 Str., XVII, 3, 7; Virg., Aen., V, 37. Sur les ours d’Afrique, voir aussi Mart., I, 104, 5; Juv. IV, 99-100,; D.C. LIII, 27, 6. 19
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que l’animal appelé achlis n’était jamais parvenu en Italie, c’est sans doute qu’on y avait déjà produit un élan, et que les deux animaux sont bien distincts. Pline mentionne aussi deux autres espèces qui de son temps avaient paru assez souvent (saepius) à Rome et qui figurent dans l’énumération de Calpurnius : l’urus et le bison 24. La plupart des animaux mentionnés par le poète se retrouvent donc chez le naturaliste. Enfin, comme le souligne G. B. Townend 25, il n’est pas certain que les adversaires des phoques aient été des ours polaires. Les uenationes opposaient parfois des animaux d’origines géographiques différentes. J. M. C. Toynbee lui-même fait observer que l’animal tué par Carpophorus lors des jeux de Titus pouvait aussi provenir de Calédonie, ou du Nord de la Germanie, et il en est de même pour ceux qu’évoque Calpurnius. Ils n’en auraient pas moins eu une origine suffisamment exotique pour mériter une mention du poète. On sait aussi que pour orner l’amphithéâtre de bois construit et inauguré par Néron en 57, Julianus, entrepreneur du munus impérial 26, envoya un chevalier chercher de l’ambre en Germanie 27, sans doute sur les bords de la Baltique. Ce dernier, ou un autre voyageur romain, en cette époque pleine de curiosité pour les régions septentrionales 28, eut peut-être l’occasion de faire capturer des spécimens de la faune locale pour les chasses du Prince et même, par l’intermédiaire des régions scandinaves, que les Romains avaient atteintes, de se procurer un animal plus exotique encore comme l’ours blanc. Bien d’autres éléments de la VIIe églogue sont en faveur de la datation néronienne, ainsi que le souligne G. B. Townend. Par exemple, la description de l’amphithéâtre où se situent les jeux commence par ces mots : trabibus spectacula textis surgere (v. 2324). Il s’agit donc d’une structure de bois et non de l’amphithéâtre Flavien, comme le voudraient les partisans d’une datation tardive du poème. L’étonnement manifesté devant le monument, même par un berger des environs, ne conviendrait d’ailleurs guère à une évocation du Colisée au IIIe siècle De toute évidence le bâtiment était neuf, au moment où l’églogue fut composée. Les procédés décrits pour protéger les spectateurs, en particulier les filets d’or, vont dans le même sens. En effet, le Colisée, avec son podium élevé, pouvait se passer de cette protection 29. En revanche, on sait par Pline que l’ambre rap-
VIII, 38. G. B. Townend, Calpurnius Siculus and the munus Neronis, in JRS, 70, 1980, p. 166-174. 26 G. B. Townend, op. cit., p. 170. 27 N.H., XXXVII, 45. 28 Voir troisième partie, p. 357-358. 29 G. B. Townend, op. cit., p. 173, n. 39. 24 25
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porté pour le munus de Néron était en si grande quantité qu’on put en orner «les filets protégeant le podium» de l’amphithéâtre de bois : retia coercendis feris podium protengentia. La richesse de la décoration d’ambre rappelle les filets d’or évoqués par Calpurnius Siculus 30. En définitive, l’églogue VII a donc bien trait à une uenatio donnée dans l’amphithéâtre de bois. Il est peu probable en revanche qu’il s’agisse d’un épisode des jeux inauguraux. Comme le fait observer G. Ville 31, dans la mesure où l’adulation à l’égard de l’empereur est constante dans le poème, les épisodes majeurs de son spectacle, la naumachie et la participation des sénateurs au munus, n’auraient pu être omis. Toutefois, cette uenatio fut sans doute présentée peu de temps après, surtout si on admet un lien entre la quête de l’ambre entreprise en 57 et la mention par Calpurnius de plusieurs espèces septentrionales. Les chasses nilotiques postérieures Toutes les présentations d’animaux aquatiques attestées par les textes pour une époque postérieure à Néron concernent la faune du Nil. Dans l’épigramme 65 du livre V de Martial (T. 37), l’empereur Domitien se trouve avantageusement comparé à Hercule, pour le nombre et la taille des bêtes qu’il a fait mettre à mort dans son arène. Parmi celles-ci est cité le crocodile, comparé à l’hydre de Lerne (v. 13-14). La pièce 65 fait probablement allusion aux chasses des jeux somptueux qui célébrèrent le triomphe dacique de l’empereur. En effet, selon G. Ville 32 la publication du livre V doit être située au début de 90 ap. J.-C. Dans l’énumération des bêtes présentées lors du jubilé de la fondation de Rome célébré par Antonin, l’Histoire Auguste (T. 38) mentionne des crocodiles et des hippopotames, en nombre indéterminé. Lors d’un autre jubilé de Rome, célébré par Philippe l’Arabe, parut une impressionnante collection zoologique que Gordien III avait constituée pour son triomphe persique. Elle comprenait entre autres 6 hippopotames. Selon le passage de l’Histoire Auguste (T. 44) qui mentionne ces animaux, il furent soit présentés, soit tués. En ce qui concerne les modalités même de ces uenationes, le caractère très allusif des textes ne permet guère d’y chercher des précisions supplémentaires. 30 Peut-être les filets, tous richement ornés, furent-ils changés plusieurs fois au cours des jeux, comme les armes et les civières dont parle Pline. C’est ce que suggère G. B. Townend (ibidem, p. 173). 31 Ibidem, p. 142. 32 Ibidem, p. 153.
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L’empereur bestiarius On sait que quelques empereurs parurent en personne lors de uenationes. Ainsi, selon Pline l’Ancien (T. 34), Claude voulut participer lui-même à l’attaque d’un cétacé échoué dans le port d’Ostie. Ce spectacle ne fut pas intégré au programme de jeux publics destinés à célébrer une occasion particulière. Il fut uniquement dû à la présence fortuite de la belua dans le port. Il s’agit cependant bel et bien d’une sorte de uenatio, et l’empereur voulut «en donner le spectacle» à un public nombreux. L’exercice ne fut d’ailleurs pas sans danger puisque l’animal, avant de succomber sous les traits des soldats, renversa une barque. Les attestations les plus célèbres et les plus nombreuses concernant la participation d’un empereur à des uenationes proprement dites, données dans un édifice de spectacle, relèvent du règne de Commode. Ce dernier tua entre autres de sa main des spécimens de la faune nilotique. Un passage de Dion Cassius (T. 40) 33 fournit quelques précisions sur la manière dont se passaient ces chasses : l’empereur descendait effectivement dans l’arène, mais les bêtes qu’il tuait étaient maintenues et maîtrisées par leurs gardiens jusque devant l’empereur. L’usage de filets permettait également de présenter ses victimes aux coups de l’impérial bestiarius armé sans doute d’une épée ou d’un couteau de chasse, comme le verbe sfa¥zein incite à le supposer. Dans l’Histoire Auguste, la Vie d’Élagabal (T. 43) mentionne des animaux nilotiques parmi les spécimens de la faune égyptienne «susceptibles d’être exhibés en raison de leur nature particulière» que détenait l’empereur. Leur évocation suit celle des attelages de cerfs, de lions et de tigres dans lesquels l’empereur aurait aimé à se produire. Malgré la méfiance avec laquelle doivent être utilisées les informations de l’Histoire Auguste sur les extravagances d’Élagabal 34, l’existence dans la Rome de cette époque d’une ménagerie permanente est attestée par d’autres sources 35. Les crocodiles et les hippopotames détenus par Élagabal furent donc très probablement présentés dans un spectacle public qui ne nous est pas autrement connu. Toujours dans l’Histoire Auguste, la Vie de Firmus (T. 45), usurpateur éphémère qui aurait vécu sous Aurélien, attribue à ce personnage une maîtrise des animaux du Nil qui prenait la forme de toute une série de prouesses physiques. Firmus aurait été capable, notamVoir aussi T. 39. Voir A. Chastagnol dans son édition de l’Histoire Auguste, Paris, Laffont, 1994, Vie d’Élagabal, introduction, p. 500. 35 J. M. C. Toynbee, op. cit., chap. I p. 20 et n. 30. 33 34
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
ment, de chevaucher un hippopotame et de nager au milieu de crocodiles, une fois enduit de leur graisse. Faudrait-il rattacher ce passage à un corpus consacré aux spectacles aquatiques? Comme le fait observer J. F. Gilliam 36, la source alléguée par l’auteur à propos des prouesses de Firmus face à la faune du Nil est totalement fictive. Le passage s’inspire en réalité des topoi de la littérature et de l’iconographie antique consacrées à l’Égypte. On trouvait déjà, par exemple chez Strabon, ainsi que nous l’avons vu, la description d’un peuple, les Tentyrites, capable de nager au milieu des crocodiles. Il existe également des légendes, d’époques diverses, créditant leur héros du pouvoir de se faire transporter par ces animaux 37. L’iconographie connaissait également le motif du Pygmée chevauchant un crocodile 38. Quant à l’allusion à la graisse de crocodile, elle provient des croyances de l’époque sur ses vertus, évoquées en particulier par Pline l’Ancien 39. Ce passage est donc à bon droit considéré comme entièrement forgé. Par ailleurs, rien dans le texte ne permet d’affirmer que l’auteur ait à l’esprit une quelconque forme de spectacle public. Enfin et surtout, le personnage de Firmus ne nous est connu que par l’Histoire Auguste. Sa vie figure parmi les récits regroupés sous le titre Le quadrige des tyrans, «composition d’entière et pure fiction dans laquelle l’imagination et le savoir-faire du biographe se sont donné libre cours», selon les mots de A. Chastagnol 40. Ce passage ne peut donc être retenu par notre étude. Les chasses nilotiques de Symmaque En revanche, nous possédons un témoignage plus tardif encore sur la persistance à Rome des uenationes nilotiques juste avant la chute de Rome : trois lettres de Symmaque (T. 47-49) où l’auteur évoque les efforts qu’il déploya pour présenter des crocodiles aux jeux donnés lors de la préture de son fils Memmius en 401. Ces jeux doivent être identifiés avec les Ludi Apollinares 41, dont la célébration, du 5 au 13 juillet était à la charge du préteur urbain. 36 Firmus and the crocodiles, in Historia Augusta colloquium, 1977-1978, Bonn, R. Habelt Verlag, 1980, p. 97-102. 37 D.S., Bibl., I, 89, 3; Luc., Philops., 34; Hist. monach. in Aegypto (ed. Festugière), 6-10. Voir J. F. Gilliam, op. cit., p. 99 et n. 14-16. 38 Voir H. Whitehouse, In praedis Iuliae Felicis : the provenance of some fragments of wall-painting in the Museo nazionale, Naples, in PBSR, 45, 1977 (p. 5268) p. 65. 39 H.N., XXVIII, 111. 40 A. Chastagnol, Sources, thèmes et procédés de composition dans les «quadrigae tyrannorum», in Recherches sur l’Histoire Auguste, Bonn, R. Habelt Verlag, 1970, (p. 69-98) p. 70. 41 A. Marcone, Commento storico al libro VI dell’epistolario di Q. Aurelio Sim-
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Ces lettres amènent à s’interroger sur la fréquence d’un tel spectacle. Dans la première, Symmaque affirme l’importance d’une exhibition de crocodiles pour celui qui désire donner des «spectacles théâtraux» : Prae ceteris autem, quae Romana spectacula desiderant, crocodillos functio theatralis efflagitat. (Avant toutes les autres exigences des spectacles romains, ceux que l’on donne au théâtre réclament instamment des crocodiles).
L’emploi du présent suggère que cette pratique était entrée dans l’usage. Mais dans une autre lettre (T. 48) il souligne son désir de présenter un «don inhabituel» (donum nouum) lors des jeux prétoriens de son fils. C’est par esprit d’émulation qu’il entend donner au peuple l’occasion de voir «de très nombreux animaux exotiques», parmi lesquels les crocodiles semblent particulièrement prisés. Une troisième lettre (49) permet de trancher en faveur d’une relative rareté des uenationes nilotiques. Le fait que, malgré les difficultés de l’entreprise, Symmaque ait tenté de garder les animaux en vie jusqu’à la venue de sa fille et de son gendre montre que leur présentation ne devait pas être fréquente au point de faire disparaître toute curiosité à leur égard. L’expression crocodillos functio theatralis efflagitat signifie donc non pas qu’une exhibition de crocodiles était indispensable, mais que son ajout au programme était particulièrement apprécié. Il est d’ailleurs manifeste dans plusieurs autres lettres que Symmaque voulut donner un lustre particulier à la préture de son fils 42. La lettre VI, 43 (T. 49) atteste en outre qu’à cette époque, dans un premier temps, les crocodiles présentés n’étaient pas combattus par des uenatores mais simplement montrés au public. Pour les mettre à mort, l’usage voulait plutôt qu’ils soient opposés les uns aux autres (congressionum more). Animaux terrestres et décor aquatique Une variante très particulière des uenationes consistait à faire évoluer dans l’eau ou dans un décor maritime des animaux terrestres. Quelques attestations claires permettent d’interpréter en ce sens d’autres témoignages moins précis. maco, Pisa, Giardini, 1983, p. 118, § f et J. P. Callu, Symmaque, Lettres, II, Paris, Les Belles Lettres, 1982, p. 233-235, n. 1 et 3 de la p. 90. 42 Sur ces jeux, voir aussi les lettres IV, 8 et VI, 33, 34; 38; 40, 42.
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Les chasses des jeux de 80 Selon Dion Cassius (T. 22), lors des jeux inauguraux de 80 ap. J.-C. furent présentés des chevaux, des taureaux et d’autres animaux domestiques, dressés à faire dans l’eau «tout ce qu’ils font sur la terre ferme» (dedidagme¥na pa¥nu o™sa eßpıù tƒv gƒv pra¥ttein kaıù eßn t√ yΩgr√). Cette dernière allusion semble au premier abord difficile à expliciter. Ce passage de Dion Cassius a été interprété par G. Traversari 43 comme désignant des courses de chars, présentées dans l’arène inondée. Cet auteur propose en effet de voir dans le thème iconographique de la «course aquatique», où les auriges conduisent des animaux marins, non de véritables attelages de dauphins comme l’envisagea par la suite M. Yacoub, mais une représentation stylisée de courses hippiques dans une arène inondée. Outre le texte de Dion Cassius, il rapproche ces œuvres plastiques qu’il cite 44 des vers 3-6 de l’épigramme XXVIII de Martial (T. 20). Toutefois, nous avons vu que les spectacles évoqués par le poète sont en réalité ceux que Dion Cassius (T. 22) situe sur la naumachie d’Auguste, couverte d’un ponton de bois pour la circonstance. L’existence effective de courses de chars sur une arène inondée ne reste donc suggérée que par quelques documents iconographiques dont nous avons déjà souligné le caractère douteux. Par ailleurs, on sait que des chevaux pouvaient paraître dans d’autres spectacles que les courses de char. Un texte d’Athénée (XII, 520 c-f.) invoquant l’autorité d’Aristote affirme que les chevaux des cavaleries de Sybaris et de Cardia en Chersonèse de Thrace étaient entraînés à danser en rythme. Pour le monde romain, seule une lampe du Musée du Louvre 45 atteste l’existence de numéros de dressage équestre. Elle montre un cheval dressé à se tenir sur ses pattes de derrière. On connaît aussi une épigramme de Martial (V, 31) évoquant un spectacle où de jeunes acrobates évoluèrent sur le dos de taureaux immobiles. Pline l’Ancien quant à lui (VIII, 182) vit des bœufs combattre au commandement, tourner sur eux-mêmes, se recevoir sur leurs cornes en tombant, et même se dresser sur leurs pattes postérieures «comme des cochers, sur un char emporté par deux chevaux» (bigarum etiam curru citato uelut aurigas insistere). Ce sont sans doute des tours analogues qui furent présentés dans l’élément liquide lors des jeux de 80 ap. J.-C. En particulier, taureaux et chevaux avaient sans doute appris à se tenir sur leurs pattes de derrière, afin d’émerger à demi de l’eau. G. Traversari, op. cit., p. 112-115. Ces représentations sont les mêmes que celles sur lesquelles M. Yacoub, quelques années plus tard, appuya ses propres hypothèses. Voir p. 64-66. 45 DAGR, Bestiae mansuetae, p. 697, fig. 837. 43
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Quant à la uenatio présentée sur le ponton de la naumachie, le témoignage de Dion Cassius est confirmé par celui de Suétone (T. 21) moins détaillé, écrit quelques décennies seulement après l’événement : [...] dedit et nauale proelium in ueteri naumachia, ibidem et gladiatores atque uno die quinque milia omne genus ferarum. ([...] il donna aussi un combat naval dans l’ancienne naumachie, où il fit paraître également des gladiateurs et, en une seule journée, cinq mille bêtes de toutes sortes).
Sans la mention par Dion Cassius de la plate-forme de bois, cette formulation elliptique serait toutefois d’une interprétation difficile. On ne pourrait que s’interroger sur l’adverbe ibidem, plaçant des spectacles terrestres sur un plan d’eau. Suétone évalue à 5000 le nombre des bêtes, chiffre énorme, mais néanmoins inférieur à celui de 9000 avancé par Dion Cassius. Cette divergence peut aisément se résoudre. L’auteur grec se réfère au nombre total des bêtes qui parurent sur toute la durée des jeux. Suétone quant à lui précise que les animaux qu’il évoque furent tués «en un seul jour» (uno die). Il s’agit donc du nombre total des ferae présentées lors de la uenatio donnée sur la naumachie, qui selon Dion Cassius ne dura qu’un seul jour. Au caractère exceptionnel du site correspondit un nombre inégalé de victimes. Selon Dion Cassius, on vit aussi bien des carnivores que des herbivores (kaıù botaù kaıù uhrı¥a). Aucun des deux auteurs ne précise la nature exacte des espèces présentées. Le choix insolite du site de la naumachie, spécifiquement destiné aux nouvelles mises en scène aquatiques, pour donner les spectacles terrestres traditionnels des jeux romains, ne peut manquer de surprendre. Aussi a-t-il suscité de nombreuses hypothèses sur lesquelles nous reviendrons. Un navire démontable dans le Grand Cirque sous Septime Sévère Nous possédons plusieurs documents, écrits mais aussi figurés, sur des uenationes qui furent accompagnées d’un étonnant décor de navire. Les plus nombreux et les plus fiables concernent l’époque de Septime Sévère 46. En effet Dion Cassius (T. 41), contemporain des
46 Pour cette raison, les spectacles considérés, par exception, ne peuvent être étudiés dans l’ordre de leur parution.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
événements, rapporte qu’en l’honneur de son retour à Rome 47, de ses dix ans de règne et de ses victoires parthiques, cet empereur donna en 202 48 des jeux qui durèrent sept jours. Le dernier spectacle mentionné par l’historien est une uenatio où figura une machinerie en forme de navire, construite autour du «réservoir» (dejamenh¥) de l’édifice où avaient lieu les jeux. Du navire s’échappèrent des animaux de diverses espèces : des ours, des lions, des panthères, des autruches, des onagres et des bisons. Ils furent 700 en tout, en accord avec la durée de 7 jours des jeux. Par ailleurs, les Acta des Jeux Séculaires de Septime Sévère, célébrés en 204, annoncèrent, pour la fin des ludi honorarii, une grande uenatio de 700 animaux, au Circus Maximus On sait que ces ludi honorarii qui suivaient les ludi sollemnes des Jeux Séculaires, duraient sept jours 49. Il existe également des monnaies d’époque sévérienne (M. 4), frappées au nom de Caracalla ou de Géta, qui font référence à l’un de ces spectacles. Elles portent au revers, avec la légende Laetitia temporum, une représentation de course de chars, et au-dessus un grand navire entouré de diverses bêtes sauvages (pl. VII et pl. VIII). On peut distinguer parmi ces dernières plusieurs des espèces évoquées par Dion Cassius. Aussi H. Mattingly 50 rattache-t-il cette émission aux jeux de 202. Pour A. Balil 51 en revanche, ces monnaies ne peuvent commémorer que les Jeux Séculaires. Il considère en effet que le spectacle de 202 eut lieu dans l’amphithéâtre, comme tend à le prouver l’emploi par Dion Cassius du terme de ue¥atron. Or, sur les plus nettes des monnaies, le pont du navire porte une série d’objets qu’il identifie comme les divers monuments de la spina : œufs, dauphins, aedicula, metae. Un moule de terre cuite, découvert à
47 Après un voyage en Égypte et en Syrie (voir F. Millard, A study of Cassius Dio, Oxford, Clarendon Press, 1964, p. 144. 48 Selon G. G. Belloni, (L’aureo di Caracalla con scena ludica e nave, in Contributi di storia antica, Genova, Istituto di storia antica e scienze ausiliarie dell’Università degli studi di Genova, 1977, p. 307-314, p. 309) le 10e anniversaire du règne de Septime Sévère se situe en 203, car son avènement doit être daté du 2 juin 193, quand il entra dans Rome et prit le titre d’Augustus. Il est convaincu que les monnaies commémorent ce jubilé, et non les Jeux Séculaires. 49 Commentarium ludorum septimorum, Va 42-43, in J. B. Pighi, De Ludis Saecularibus Populi Romani Quiritium, nouvelle édition, Amsterdam, P. Schippers, 1965, p. 287-289. 50 Catalogue of the coins of the Roman Empire in the British Museum, V, Pertinax to Helagabalus, London British Museum, 1950, p. 149. Voir aussi H. Mattingly, The Roman imperial coinage, IV, 1, Pertinax to Geta, London, Spink and son, 1936, p. 232 no 137 (aureus) et p. 235, no 157 (denarius). 51 A. Balil, Ova, delphini, Roman Circus... and all that, in Latomus, 25, 1966, (p. 867-870), p. 869, n. 2.
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Marseille 52, vient confirmer cette interprétation 53. Daté précisément du début du IIIe siècle, il montre la poupe d’un navire. Sur son pont, on distingue clairement un obélisque, les œufs, les metae, encadrant une colonne surmontée d’un emblème (pl. IX). On y retrouve également un édicule, accompagné d’une échelle. Autour du navire sont représentés divers animaux parmi lesquels on reconnaît un lion et un taureau, deux des espèces évoquées par Dion Cassius. Contrairement à ce que pense F. Benoît, ils ne font certainement pas partie d’une frise ornementale, comme le dauphin stylisé placé sur la poupe. Lors de jeux donnés sous Septime Sévère, la spina du Cirque reçut donc pour une uenatio un habillage destiné à la faire ressembler à un navire, dont dépassaient ses monuments habituels. Compte tenu de la légende des monnaies et de la présence de chasses au Grand Cirque dans le programme des ludi sollemnes, il pourrait effectivement s’agir des Jeux Séculaires. Que penser de la rencontre de ces deux témoignages, pour deux dates différentes? Dans la mesure où nous ne possédons aucun récit des Jeux Séculaires par Dion Cassius, il est difficile de se prononcer de façon catégorique. Toutefois, s’il semblerait surprenant que l’historien ait confondu deux spectacles aussi marquants, auxquels de surcroît il avait certainement assisté, on peut envisager une confusion de son abréviateur. En effet, le texte recèle une incohérence : tandis que la maquette de navire est créditée d’une capacité suffisante pour contenir en même temps 400 animaux, ce sont 700 bêtes qui selon lui furent ensuite lâchées simultanément. Il est donc possible qu’il y ait eu en réalité deux uenationes différentes, qui du fait de leurs dates très proches et de leurs caractéristiques analogues furent assimilées à un seul et même spectacle par le compilateur. La première dut avoir lieu dans l’amphithéâtre pour le jubilé du règne, et présenta 400 bêtes. La seconde, où parurent 700 animaux, se tint dans le Grand Cirque, pour les Ludi Honorarii de sept jours qui suivaient les Jeux Séculaires proprement dits. Que des spectacles assez analogues aient été présentés lors des deux occasions ne doit d’ailleurs pas surprendre, à cette époque où la mystique impériale s’appropriait de plus en plus l’idée séculaire 54. Le même Dion Cassius (T. 42) nous fournit d’ailleurs une troisième attestation d’un spectacle presque identique, quoique de
52 F. Benoît, Moule allégorique de Marseille, in Ogam, 16, 1964, p. 299-302 et pl. 60, fig. 5. 53 A. Balil, ibidem; J. H. Humphrey, Roman circuses, arenas for chariot racing, Berkeley, University of California press, 1986, p. 115-116. 54 J. Gagé, Recherches sur les Jeux Séculaires, Paris, Les Belles Lettres, 1934, p. 110-111.
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moins grande ampleur : sous Septime Sévère toujours, on réalisa une construction à l’image d’une baleine récemment échouée à Ostie, d’où on vit s’échapper 50 ours. Le site où eut lieu cette mise en scène n’est pas précisé. On ne sait rien non plus des jeux qui en furent l’occasion, sinon qu’ils furent donnés peu de temps avant la chute du préfet du Prétoire Plautianus en 205. Un navire démontable sous Néron? Selon Dion Cassius (T. 36), l’idée de déguiser en naufrage l’assassinat d’Agrippine fut inspirée à Néron et ses complices par la vue d’un navire truqué, «dans le théâtre», eßn t√ uea¥trw ∞ . Ce terme, nous l’avons vu, désigne également l’amphithéâtre chez Dion Cassius et c’est ici très probablement le cas, dans la mesure où ce navire parut en fait dans une uenatio. Ce spectacle est analogue à ceux que l’historien avait pu voir luimême sous Septime Sévère et qu’il décrit en des termes fort voisins. Il emploie en particulier les mêmes verbes dialy¥omai et aßfeı˜nai pour décrire le double processus de la dislocation du navire et de l’échappée des bêtes sauvages. Aussi est-on tenté de voir dans l’évocation du spectacle néronien une simple contamination, suggérée à Dion Cassius par la similitude apparente entre un décor de spectacle contemporain et la description par ses sources du navire truqué de Néron. Cette hypothèse peut paraître confirmée par le fait que ni Tacite (Ann., XIV, 3) ni Suétone (Ner., XXXIV, 3) ne mentionnent une telle origine pour le piège tendu à la mère de l’empereur. Toutefois, on trouve chez Tacite (Ann., XIV, 6, 1), parmi les réflexions prêtées à Agrippine après l’accident, une remarque incidente propre à prévenir toute conclusion trop hâtive : Illic, reputans ideo se fallacibus litteris accitam et honore praecipuo habitam, quodque, litus iuxta, non uentis acta, non saxis impulsa, nauis summma sui parte, ueluti terrestre machinamentum, concidisset, obseruans etiam Acerroniae necem, simul suum uulnus aspiciens, solum insidiarum remedium esse , si non intellegerentur. (Là, elle songea qu’on l’avait appelée par une lettre mensongère et traitée avec un honneur particulier dans un but précis, et que le navire, sans être poussé par les vents ni jeté contre les rochers, s’était effondré près du rivage, et par le haut comme une machinerie de théâtre sur la terre. Considérant de plus le meurtre d’Aceronia et sa propre blessure, elle que la seule parade contre ce piège était de feindre de ne pas l’avoir discerné).
Comme le souligne P. Wuilleumier 55 dans son édition du texte, 55
Tacite, Annales, livres XIII-XVI, texte établi et traduit par P. Wuilleumier,
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l’expression ueluti terrestre machinamentum est certainement «une allusion à un artifice théâtral», ou amphithéâtral. En outre, on observe plusieurs différences entre le spectacle attribué par Dion au règne de Néron et celui de Septime Sévère. Pour le second, c’est un habillage de la spina du cirque qui tint lieu de navire. Cette construction n’aurait donc en aucun cas été susceptible de prendre la mer. Il n’est pas non plus mentionné qu’après sa dislocation et la libération des animaux elle ait repris sa forme première. Elle était simplement destinée à dissimuler un moment aux spectateurs les bêtes de la uenatio. En revanche, le navire que vit Néron après avoir laissé échappé «quelques bêtes sauvages» (tina uhrı¥a), et non pas plusieurs centaines, se reconstitua «de manière à être solide à nouveau» (synistame¥nhn ay® pa¥lin w ™ ste kaıù eßrrw ˜ suai) ce que E. Cary 56 traduit par : «so as to be once more seaworthy». Il s’agissait donc d’un véritable navire, non d’une simple maquette. De ce fait, le récit de Tacite (Ann., XIV, 3, 3), selon lequel le stratagème fut adopté sur la proposition d’Anicetus, préfet de la flotte de Misène, n’est nullement contradictoire, tel qu’il est formulé, avec celui de Dion Cassius : Obtulit ingenium Anicetus libertus, classi apud Misenum praefectus et pueritiae Neronis educator ac mutuis odiis Agrippinae inuisus. Ergo nauem posse componi docet, cuius pars, ipso in mari per artem soluta, effunderet ignaram [...]. (Un plan ingénieux lui fut présenté par l’affranchi Anicetus, commandant de la flotte de Misène, qui avait été l’un des éducateurs de l’enfance de Néron. Une haine réciproque l’opposait à Agrippine. Il montre donc qu’on peut fabriquer un navire de telle manière qu’une partie de la coque, par un procédé particulier, se détache en pleine mer et l’y précipite à l’improviste [...]).
Certes Anicetus, comme préfet de la flotte de Misène, était en rapport avec les chantiers navals. Mais on ne voit guère quelle aurait été l’utilité d’un tel navire pour la marine de guerre. L’existence de cette technique ne s’explique qu’en rapport avec les spectacles. On sait que certaines unités de la flotte de Misène étaient détachées à Rome pour jouer un rôle dans l’organisation matérielle des jeux. Ces marins déroulaient notamment le uelum au-dessus des spectateurs 57. Les organisateurs de spectacles pouvaient donc fort bien quatrième tirage par J. Hellegouarc’h, Paris, Les Belles Lettres, 1996, p. 73, n. 4. P. Wuilleumier traduit l’expression par «comme une machinerie sur terre». 56 Dio’s Roman History, The Loeb classical library, 1925, t. VIII, p. 63. 57 H.A., Comm., XV, 6. Voir M. Reddé, Mare nostrum. Les infrastructures, le dispositif et l’histoire de la marine militaire sous l’empire romain, Roma, 1986 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 253), p. 451-452.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
avoir recours à d’autres éléments du savoir-faire des corps de métiers liés à la marine romaine. On peut aussi rappeler que le goût pour les machineries ingénieuses et les spectacles illusionnistes fut toujours très important dans les spectacles romains, et tout particulièrement sous Néron 58. Un énigmatique spectacle de Caligula Dion Cassius (T. 33) mentionne de manière très allusive un spectacle nautique donné en 38 ap. J.-C. par Caligula, avec un seul navire, dans les Saepta transformés en bassin. La mise en scène aquatique qui motiva certainement ces travaux n’est pas décrite. Le passage ne permet d’ailleurs pas d’affirmer que les intentions de l’empereur furent finalement suivies d’effet. C’est pourquoi certains commentateurs 59 de ce passage ont considéré que Caligula avait tenté de donner une naumachie. L’empereur aurait renoncé à son projet en prenant conscience de l’insuffisance de l’espace disponible pour y introduire plus d’un navire. Toutefois, compte tenu des dimensions des Saepta d’Auguste, (310 × 120 m en excluant le Diribitorium) 60, s’il est vrai que tout l’espace avait été creusé (pa˜n toù xwrı¥on eßkeı˜no eßjory¥jav), il aurait dû être possible d’y introduire plusieurs bâtiments. Il existait d’ailleurs à cette époque une structure bien plus vaste encore et explicitement destinée aux naumachies : le bassin d’Auguste. La présence d’une subordonnée de but introduite par la conjonction ı™na (ı™na mı¥an nay˜n eßsaga¥gq) peut en outre impliquer que l’introduction d’un seul bateau dans l’espace ainsi créé fut bien le résultat recherché. Pourquoi, dès lors, ne pas penser à un autre type de mise en scène? On connaît le goût très prononcé de Caligula pour les constructions navales les plus excentriques et les plus nouvelles. En témoigne par exemple la description par Pline l’Ancien (N.H., XVI, 201-202 et XXXVI, 70) d’un gigantesque navire porteur d’obélisque que Claude coula par la suite pour créer le môle d’Ostie. Caligula fit également réaliser pour naviguer le long des côtes de Campanie d’immenses bâtiments d’apparat, sur le modèle de certaines unités d’époque hellénistique 61. Pour cette raison, ainsi qu’en vertu de témoignages épigraphiques, les fameux navires à la riche décoration retrouvés à Ne-
G. Ville, op. cit., p. 170. G. Ville, op. cit., p. 132; K. M. Coleman, Launching into history : aquatic displays in the early empire, in JRS, LXXXIII, 1993, (p. 48-74) p. 56; DS art. naumachia. 60 F. Coarelli, Il Campo Marzio dalle origini alla fine della Repubblica, Roma, Quasar, 1997, p. 158. 61 Suet., Cal. XXXVII, 3. 58
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mi lui sont eux aussi attribués 62. Il est donc probable que le spectacle qui nous occupe fut destiné à présenter, dans un décor aquatique approprié, un navire d’une conception nouvelle. Par ailleurs, dans le texte de Dion Cassius, les deux participes aoristes eßjory¥jav et plhrw¥sav, placés avant le second terme du balancement taù meùn prw˜ta ... e¶peita de, semblent présenter la création du bassin comme antérieure à certains des combats de gladiateurs et des supplices par les bêtes précédemment évoqués. Ces derniers furent donc présentés dans les Saepta ainsi transformés. Nous l’avons dit, le fait que le bassin n’ait jamais accueilli qu’un seul navire exclut que le spectacle auquel il était destiné ait été une naumachie. On ne peut donc tenter d’associer ce décor maritime aux combats de gladiateurs mentionnés. En revanche, s’il est également difficile de mettre le navire en rapport avec les exécutions par les bêtes, on sait que ces dernières étaient toujours associées aux véritables affrontements qui opposaient les bestiarii aux fauves 63. Dion Cassius ne dit rien de ceux qui eurent certainement lieu lors de ces munera. Toutefois, compte tenu des exemples postérieurs examinés ci-dessus, on est tenté de voir dans cette mise en scène aquatique une tentative pour présenter dans un décor maritime une uenatio d’un type nouveau. Le caractère très allusif de la remarque de Dion Cassius ne permet pas d’affirmer qu’il s’agit bien d’un spectacle analogue à celui qui fut plus tard présenté sous Néron. Mais il a pu en être le précurseur. Conclusion Grâce à la documentation écrite et figurée étudiée jusqu’ici, on constate que, comme le genre même de la uenatio, les spectacles aquatiques qu’on peut regrouper sous ce terme furent très divers. En revanche, bien plus que pour les naumachies, sur lesquelles certains auteurs ne sont pas avares de détails, ces sources se révèlent fort incomplètes pour une analyse approfondie des principes et du déroulement de chaque type de spectacle relevé. Par exemple, les uenationes présentant un navire démontable sont l’objet de nombreuses incertitudes, touchant leur nombre et leurs sites. Les numéros de dressage connus soulèvent également des interrogations. Ainsi, dans le passage que Pline consacre aux phoques, on ignore les occasions des spectacles de dressage qu’il décrit. Ailleurs, les circonstances sont mentionnées, mais les tours exécutés par les animaux ne sont pas précisés, comme ceux des chevaux dressés présentés par Titus. 62 63
G. Ucelli, Le nave di Nemi, Roma, Libreria dello Stato, 1950, p. 285-287. Voir G. Ville, op. cit., p. 51 et 133.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
De la même manière, on connaît les techniques de chasse des Tentyrites sans savoir la date où on les vit à Rome. Enfin, plusieurs uenationes d’animaux nilotiques sont simplement mentionnées, sans faire l’objet de la moindre description. SITES
ET MOYENS MATÉRIELS
Les textes sont particulièrement discrets, comme toujours, en ce qui concerne les moyens techniques mis en œuvre pour ces spectacles. Néanmoins, pour un certain nombre d’entre eux, le site et les installations hydrauliques réalisées sont précisés. Bassins et arènes mises en eau : les attestations Les installations provisoires Les premières uenationes nilotiques furent souvent présentées dans des bassins provisoires. Dans tous les cas, elles eurent lieu dans des structures qui n’étaient pas spécifiquement destinées à cet usage. Le site où se déroula la uenatio de Scaurus, pour laquelle il fit creuser un bassin, n’est pas indiqué. Toutefois, dans la mesure où il la présenta en tant qu’édile curule, il est probable qu’elle eut lieu lors des Ludi Romani 64. Doit-on en conclure que son site fut le Circus Maximus, où se déroulaient les ludi circenses de ces jeux? Une seule objection, néanmoins importante, peut être avancée contre cette hypothèse 65 : la taille de l’édifice. Cinq crocodiles au milieu d’un tel espace auraient été difficilement visibles pour les spectateurs. Aussi, bien que nous n’en possédions aucune attestation écrite explicite, il est également envisageable que cette première uenatio aquatique de Rome ait eu lieu dans le somptueux théâtre provisoire édifié par Scaurus à l’occasion de ces jeux 66. On sait d’ailleurs par Pline l’Ancien (N.H., IX, 11) que c’est là que le fastueux édile présenta une autre curiosité zoologique : un squelette gigantesque, présenté comme celui du monstre tué par Persée. Des animaux inédits pouvaient aussi être montrés vivants dans un tel cadre. Suétone (Aug. XLIII, 11) l’atteste pour l’époque d’Auguste, et il est possible que cette pratique ait déjà existé quelque cinquante ans plus tôt. Toute64 Sur le rôle des édiles dans l’organisation des jeux, voir J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, Paris, Sirey, 1967, p. 347-348. 65 Proposée par G. Ville, op. cit., p. 90. 66 Plin., N.H., XXXIV, 36; XXXVI, 5, 50, 113-115, 189.
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LES CHASSES AQUATIQUES
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fois, pour la seconde uenatio nilotique d’Auguste, c’est le Circus Flaminius qui fut choisi comme site. Aussi n’est-il pas impossible qu’il en ait été de même pour celle de Scaurus. Le Circus Flaminius n’était qu’un vaste espace de forme allongée, sans spina en son centre ni gradins sur son pourtour. Pour y présenter les sauriens, il devait suffire d’y creuser une fosse provisoire alimentée par le Tibre tout proche. Des tribunes de bois devaient compléter le dispositif. Les Saepta représentent un autre exemple de site mis en eau de manière très provisoire. En effet, si ce n’était pas la première fois que les Saepta étaient utilisés pour des spectacles 67, en revanche le creusement d’un bassin dans l’enceinte était une première, et ne fut jamais réédité. Dion Cassius ne donne aucune précision sur les travaux ainsi réalisés. Si on admet que le navire dont il est question était essentiellement destiné à jouer un rôle dans une uenatio, comme dans le spectacle de ce type attesté sous Néron, le bassin fut sans doute d’une très faible profondeur, tout en créant l’illusion d’un vaste plan d’eau puisqu’il occupait toute la surface des Saepta. Dans tous les cas l’Aqua Virgo, dont le point d’aboutissement se trouvait juste à côté 68 (fig. 2), aurait aisément pu fournir toute l’eau nécessaire. Amphithéâtres et théâtres inondables Certaines installations plus durables accueillirent également les uenationes aquatiques, notamment des théâtres et des amphithéâtres. Le premier monument de ce type pour lequel nous possédions une attestation littéraire est l’amphithéâtre de bois de Néron. L’expression employée par Dion Cassius, plhrw¥sav eßjaı¥fnhv toù ue¥atron (T. 17), semble indiquer que l’arène y fut inondée en totalité. Pour ce monument se pose en outre un problème particulier, celui de l’utilisation d’eau de mer signalée par Dion Cassius, mais aussi par Suétone (T. 16). Or, ce dernier 69 affirme également la présence d’une piscine d’eau de mer dans les thermes de la Domus Aurea. La véracité de ce détail doit donc être provisoirement admise, en attendant de pouvoir émettre quelques hypothèses sur la nature des installations hydrauliques prévues dans l’amphithéâtre de bois. Le combat entre des ours et des phoques présenté dans ce même amphithéâtre fut très certainement accompagné par une mise en 67 Des combats de gladiateurs s’y étaient déroulés sous Auguste (D. C., LV, 8, 5 et 10, 7). 68 Frontin, Aq., 22. 69 T. 16.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
eau de l’arène. Aucun des savants qui se sont intéressés à ce spectacle n’en doute 70. Par conséquent, si on admet que les spectacles décrits par Calpurnius Siculus (T. 52) eurent bien lieu dans ce dernier site, on s’interroge sur la manière dont les structures souterraines nécessaires à l’apparition des fauves ou à celle des arbousiers mentionnés aux vers 69-72 pouvaient être compatibles avec une inondation de la totalité de l’arène. Les sources nous apprennent également qu’en 80 ap. J.-C. furent présentés au Colisée plusieurs spectacles aquatiques, parmi lesquels on vit des chevaux et des taureaux dressés à évoluer dans l’eau. Les questions d’ordre technique soulevées par ces mises en scène sont sensiblement les mêmes, bien entendu, que celles qui se posent pour les naumachies données dans le même site. Encore faut-il faire observer que l’espace et la quantité d’eau nécessaires étaient beaucoup plus réduits. Nous possédons une dernière source écrite concernant une installation destinée aux uenationes aquatiques dans un amphithéâtre. Il s’agit d’un texte que l’on peut dater assez précisément de l’extrême fin du IIe s. ap. J.-C., les Acta Pauli et Theclae (T. 53) 71. Selon le récit hagiographique, sainte Thècle, convertie par saint Paul, se refusa à un jeune homme qui la courtisait. Dénoncée et livrée aux fauves, elle fut épargnée par ceux-ci. Avisant, sur le lieu même de son supplice, un vaste bassin, elle s’y immergea en invoquant le nom du Christ, espérant par là trouver le baptême qu’elle n’avait pas encore reçu. Il s’agissait d’un bassin occupé par des phoques. Thècle aurait alors été défendue de leurs attaques par une intervention divine. L’édifice qui est le cadre de la scène est appelé sta¥dion dans le texte grec. Selon B. Lavagnini 72, le mot désigne ici un amphithéâtre, lieu habituel des spectacles d’exécution. L’arène elle-même aurait donc comporté un bassin destiné aux uenationes. Quant à la ville où était situé le monument, appelée Antioche, il s’agit sans doute de la grande Antioche de Syrie, puisque le jeune homme dont les avances sont repoussées par Thècle est désigné en ces termes : Sy¥rov tiv Ale¥jandrov oßno¥mati, Antioxe¥wn prw ˜ tov 73. 74 Cependant, ses commentateurs considèrent ce récit comme entièrement romancé. L’auteur des Acta Pauli et Theclae a laissé J. M. C. Toynbee, op. cit., p. 94; G. B. Townend, op. cit., p. 171. H. Leclerq, Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, Letouzey et Ané, XIII, 2, 1935-1938, col. 2678; L. Vouaux, Les Actes de Paul et ses lettres apocryphes, Paris, Letouzey et Ané, 1913, p. 210. 72 B. Lavagnini, S. Tecla nella vasca delle foche e gli spettacoli in acqua, in Byzantion, XXXIII, 1963, (p. 185-190) p. 187. 73 Chap. XXVI (L. Vouaux, p. 198). 74 H. Leclerq, op. cit., col. 2666-2692; H. Delahaye, Les origines du culte des martyrs, Paris, 1933, p. 161-163; B. Lavagnini, op. cit., p. 185. 70
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libre cours à sa fantaisie sur la base des missions de Paul en Pamphylie, Lycaonie et Pisidie, et de la vénération d’une sainte locale, dont le culte avait pour centre une basilique assez renommée, près de Séleucie en Isaurie. Ce texte dont les indications géographiques mêmes sont si incertaines ne peut donc apparaître comme une preuve absolue de la présentation de uenationes aquatiques dans l’Antioche du Ier s. Cependant, le caractère inhabituel de l’épisode, notamment dans le choix de ces animaux, incite à penser qu’il n’est pas entièrement fabriqué mais faisait bien référence à une réalité relevant de l’époque de l’auteur ou de celle des faits relatés. Il faut en outre tenir compte de l’importance des spectacles aquatiques dans la grande Antioche, dont témoignent en particulier les vestiges, à Daphné, d’un théâtre adapté à la mise en eau dès la fin du Ier siècle 75. Lointain écho de la réalité des spectacles dans l’Orient romain, ce passage des Acta Pauli et Theclae ne doit donc pas être rejeté de notre documentation. On sait qu’à l’époque impériale, surtout sous le Bas-Empire, de nombreux théâtres furent transformés pour accueillir les spectacles habituellement dévolus à l’amphithéâtre. Mais leurs liens avec les chasses aquatiques ne sont attestés que par la lettre IV, 8 de Symmaque, où il requiert de Stylicon plusieurs autorisations touchant l’organisation de ludi. Deux des points abordés concernent l’utilisation de l’amphithéâtre Flavien, généralement réservé aux jeux consulaires, et la distribution de vêtements de soie. Or, parmi l’ensemble des lettres des livres VI et IX qui ont pu être rattachées aux jeux de la préture de Memmius, plusieurs évoquent cet usage de l’amphithéâtre (VI, 33) ou la préparation des vêtements destinés aux prix (VI, 40). La lettre IV, 8 (T. 46) se rapporte donc elle aussi à l’organisation de ces mêmes Ludi Apollinares 76. On y trouve encore une troisième demande d’autorisation désignée par l’expression : aquae theatralis impetratio. Or, dans les lettres IX, 141 et VI, 43 (T. 47 et 49), Symmaque souligne bien que les crocodiles furent présentés au théâtre (Crocodillos theatrali spectaculo publicatos; crocodillos functio theatralis efflagitat). J. P. Callu, dans sont édition du texte, en déduit qu’il faut traduire l’expression elliptique de la lettre IV, 8 (T. 46) par : «l’autorisation de mettre en eau le théâtre» 77. Symmaque voulait donc inonder le théâtre pour y présenter ces animaux. Le jour et le lieu de leur mise à mort est aussi l’objet d’incertitudes. Pour le jour, on peut hésiter sur la traduction de secundis lu75 76
Voir la documentation archéologique annexe, p. 457-465. A. Marcone, op. cit., p. 119, § g; J.-P. Callu, op. cit., p. 234-235, n. 3 de la
p. 90. 77
J.-P. Callu, op. cit. p. 90 et n. 4.
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dis, qui signifie «lors des jeux suivants», ou «le second jour des jeux». Quelques éléments permettent d’orienter l’interprétation. Les chasses, qui ne participèrent jamais à la sacralité des ludi traditionnels, même lorsqu’elles en devinrent un épisode obligé, étaient généralement rejetées à l’extrême fin du programme 78. Dans la mesure où les Ludi Apollinares comptaient six jours de ludi scaenici et deux jours de ludi circenses, A. Marcone et J.-P. Callu proposent de situer cet épisode lors du second jour des jeux du cirque 79, où il aurait représenté une sorte d’intermède aux courses de chars. Pour le lieu, on hésite à situer cette mise à mort dans le Grand Cirque. Une structure aussi vaste n’aurait pas assuré une bonne visibilité. À partir de la fin du Haut-Empire, les chasses, sauf les plus importantes, furent le plus souvent données dans des cadres qui leur étaient plus spécifiquement adaptés, comme le Colisée 80. Celui-ci toutefois était depuis longtemps inutilisable pour les spectacles aquatiques à l’époque de Symmaque 81. Il est par conséquent probable que comme leur présentation initiale, le combat de ces crocodiles eut lieu dans le théâtre inondé évoqué par l’épistolier. Quant à l’édifice qui dans la Rome de l’époque pouvait ainsi être mis en eau, aucune autre source écrite n’en fait état. Nos connaissances archéologiques sur les théâtres de Rome ne permettent pas d’avantage de le préciser 82. Spectacles terrestres ou spectacles aquatiques? Pour un certain nombre de uenationes relevées dans notre corpus, toute attestation d’un véritable cadre aquatique fait défaut. Dans chaque cas, il convient donc de se demander si la présence de l’eau fut malgré tout effective, ou si ces spectacles, en réalité, ne relèvent pas de notre étude.
G. Ville, op. cit., p. 123-124. A. Marcone, op. cit., p. 122 c; J.-P. Callu, op. cit., p. 162, n. 3 de la p. 26. 80 G. Ville, op. cit., p. 155-158. 81 En raison de la réalisation d’un complexe réseau de pièces souterraines. Voir J. C. Golvin, op. cit., p. 176, p. 335 et n. 155. Voir aussi deuxième partie, p. 246-251. 82 On peut seulement signaler que selon le témoignage de Valère Maxime (II, 4, 6) le théâtre de Pompée était doté d’un système d’eau courante destiné à rafraîchir les spectateurs (voir aussi G. Sauron, Quis deum? L’expression plastique des idéologies politiques et religieuses à Rome, Roma, 1994 [Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 285], p. 279). Ce théâtre disposait donc dès l’origine d’une alimentation en eau qui aurait pu faciliter l’installation d’un bassin. 78
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LES CHASSES AQUATIQUES
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Faune terrestre et spectacle aquatique? Nous avons vu que lors des jeux inauguraux de 80, Titus imagina d’associer faune terrestre et décor aquatique en donnant une uenatio sur un ponton placé sur la naumachie d’Auguste. Martial notamment (T. 20) souligne l’association «contre nature» entre les deux éléments au cours de ce spectacle : [...] Vidit in undis et Thetis ignotas et Galatea feras; uidit in aequoreo feruentes puluere currus et domini Triton isse putauit equos : dumque parat saeuis ratibus fera proelia Nereus, horruit in liquidis ire pedestris aquis. (Thétis et Galatée ont vu sur leurs eaux des bêtes sauvages inconnues d’elles; Triton a vu des chars écumer sur la piste marine, et a pensé voir passer les chevaux de son maître. Tandis que Nérée préparait de sauvages combats pour les navires en proie aux fureurs guerrières, il a frémi d’aller à pied dans les eaux limpides).
Ces vers ont suggéré à K. M. Coleman l’idée que le ponton fut installé de manière à être légèrement immergé 83. L’expression in aequoreo feruentes puluere currus serait alors à prendre au sens propre. Toutefois, une telle prouesse technique aurait certainement été signalée par l’une de nos sources historiques. La uenatio comme la course de chars se donnèrent donc sur le sol sec du ponton. Ce spectacle relève néanmoins de notre étude puisque son intérêt résidait dans la présentation d’un spectacle terrestre sur une pièce d’eau. L’épigramme de Martial, avec ses évocations de divinités marines surprises d’un tel prodige, en témoigne tout particulièrement. Si on admet le témoignage de Dion Cassius (T. 36) sur le navire truqué que Néron vit se disjoindre dans l’arène lors d’une uenatio, il reste à chercher l’édifice qui en fut le cadre. Dans la mesure où les bêtes sauvages présentées n’étaient apparemment pas en assez grand nombre pour le Cirque (tina uhrı¥a), les sites les plus plausibles sont l’amphithéâtre de Taurus et l’amphithéâtre de bois, puisqu’il existait toujours en 59 84. Un tel édifice, susceptible d’être mis en eau, aurait été tout indiqué pour présenter un spectacle dans un décor maritime. Dans ce cas, quelques centimètres d’eau purent être introduits dans l’arène, suffisants pour donner l’illusion d’un navire posé sur les flots, sans pour autant gêner son ouverture et la fuite des bêtes sauvages. Rien n’indique en effet 83 84
K. M. Coleman, op. cit., p. 67. J.-C. Golvin, op. cit., p. 56; G. B. Townend, op. cit., p. 170.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
que ces dernières aient été dressées à évoluer dans un véritable bassin. Nous l’avons vu, des documents figurés attestent aussi la présentation par Septime Sévère d’une uenatio où la spina du cirque reçut un habillage destiné à la faire ressembler à un navire. Pour A. Balil 85, le Circus Maximus fut certainement inondé à cette occasion. Il fait observer que les fouilles du Cirque, encore aujourd’hui, sont rendues difficiles par les infiltrations d’eau qui affectent cette partie de la Vallis Murcia. L’inondation du Cirque en période de crue fut d’ailleurs récurrente à Rome jusqu’à l’époque julio-claudienne. A. Balil propose donc d’envisager la transformation de la piste du cirque en une pièce d’eau d’une profondeur de 50 cm environ. Selon lui, la course de chars figurée sur les monnaies commémorant ces jeux représenterait des «courses de Neptune», c’est-à-dire des courses en barques, peut-être tirées par des animaux marins. Le cirque inondé aurait également accueilli des représentations de la légende de Léandre et Héro, ou de la naissance de Vénus 86. Un autre document peut sembler en faveur d’une possible mise en eau de certains cirques pour y donner des spectacles. Il s’agit d’une inscription découverte dans le cirque de Mérida par R. Mélida 87 lors des fouilles qui permirent de dégager le monument. Elle a par la suite été reconstituée et traduite par A. Chastagnol 88 de la façon suivante : FLORENtissimo ac bEATISSIMO SaeCVLO FAVENTE FELIciTATE et clementia DOMINORVM IMPERATORVMQUE NOSTRORum flav. claudi constantini MAXIMI VICTORIS ET FLAV. IVL. CONSTANTI ET FLAV. IVL. constanTIS VICTORVM FORTISSI MORVMQUE SEMPER AVGVSTORVM CIRCVM VETVSTATE CONLAPSVM TIBERIVS FLAV. LAETVS V.C. COMES COLVMNIS ERIGI NOVIS ORNAMEN TORVM FABRICIS CINGI AQVIS INVNDARI DISPOSVIT ADQVE ITÀ INSISTENTE V.P. IVLIO SATVRNINO P.P.L. ITA CONPETENTER RESTITVTA EIVS FACIE SP[l]ENDIDISSIMAE COLONIAE EMERITEN SIVM QVAM MAXIMAM TRIBVIT VOLVPTATEM
(En ce siècle très florissant et très heureux grâce à la félicité et à la clémence de nos seigneurs et empereurs Flavius Claudius Constantin le plus grand, vainqueur, et Flavius Julius Constance et Flavius Julius
A. Balil, op. cit., p. 869. Selon l’hypothèse reprise par la suite par M. Yacoub (Voir § I, 2, b). 87 J. R. Mélida, El circo romano de Mérida. Junta Superior de excavaciones y antiguedades, in Memorias de la Junta superior de excavaciones y antigüedades, 72, Madrid, 1925, (p. 3-8) p. 7-8; Catalogo Monumental de España, Provincia de Badajoz (1907-1910), I, 1925, (p. 176-179) p. 177-178, no 743. 88 A. Chastagnol, Les inscriptions constantiniennes du cirque de Mérida, in MEFRA, 88, 1976, (p. 259-276) p. 268. 85
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Constant, vainqueurs et très vaillants, toujours Augustes, le clarissime Tibérius Flavius Laetus, comte, a pris la décision que le cirque, qui croulait de vieillesse, soit relevé en ses colonnes, soit entouré d’ornements refaits de neuf, soit entouré d’eaux, et – l’intervention du perfectissime Julius Saturninus, gouverneur de la province de Lusitanie, ayant permis que l’aspect du monument soit restauré d’une manière d’autant plus satisfaisante – il a ainsi accordé à la très splendide colonie d’Emérita la plus grande volupté possible).
La mention des trois empereurs, Constantin II, Constance II et Constant, tous trois Augustes, permet de dater l’inscription entre le 9 septembre 337 et les mois de mars-avril 340 89. Parmi les travaux mentionnés, l’expression circum... aquis inundari a été diversement interprétée. En raison du sens le plus courant du verbe inundare, qui signifie «recouvrir d’eau», J. R. Mélida 90 a considéré qu’une adduction d’eau avait été installée pour permettre une inondation de l’arène, destinée à des naumachies et à d’autres spectacles aquatiques. Mais A. Chastagnol 91 a écarté cette proposition en faisant observer que l’inondation d’une surface de 30000 m2 qui n’était pas spécifiquement destinée à cet usage est difficile à concevoir. A. Chastagnol souligne en outre que le verbe inundare ne signifie pas seulement «inonder» mais aussi «arroser», quant il s’agit d’un fleuve 92. Selon lui, ce passage de l’inscription signale simplement l’installation de canalisations permettant de mettre en eau soit le canal qui pouvait entourer la piste du cirque, soit les bassins qui étaient souvent aménagés sur la spina. J. H. Humphrey dans Roman Circuses 93, nie également la possibilité d’une inondation de la totalité de la piste du cirque de Mérida. Il s’appuie sur le résultat des fouilles réalisées au début du XXe s. puis dans les années 70, qui font de ce monument bien conservé le cirque le mieux connu de la péninsule ibérique 94. J. H. Humphrey fait observer que les deux grands bassins marquant la spina 95 que l’on a retrouvés au centre de la piste étaient certainement alimentés par l’aqueduc de San Lazaro, qui passait à Ibidem, p. 260. Catalogo Monumental de España... cité note 87, p. 178. 91 A. Chastagnol, Les inscriptions constantiniennes... cité note 88, p. 265-266. 92 A. Chastagnol appuie cette remarque par un passage de Prudence (Contra Symm., II, 605 : Romanosque omnes fieri... quos magnus inundat Hiberus). 93 J. H. Humphrey, op. cit., p. 373-374. 94 J. R. Mélida, Excavaciones en Mérida : el circo romano, in Memorias de la Junta superior de excavaciones y antigüedades, 98, no 6, Madrid, 1929, p. 5-10; M. Almagro, Guía de Mérida (8e éd.), Madrid, 1979, p. 57-60; J. H. Humphrey, op. cit., p. 668 n. 34. 95 Nous utilisons ce terme de spina malgré les objections de H. Humphrey (p. 175-176) à son sujet, compte tenu de son emploi courant pour désigner les constructions disposées sur l’axe central du monument, divisant la piste en deux entre les bornes. 89
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
proximité du monument. Des vestiges de murs plus anciens, sans aucune trace de revêtement hydraulique, ont été retrouvés sous ces bassins. H. Humphrey en conclut que la première spina du cirque ne comportait pas d’installation hydraulique et que la «mise en eau», c’est-à-dire l’aménagement des bassins, eut lieu précisément à l’occasion des réfections mentionnées par l’inscription. Les objections soulevées contre une mise en eau de la piste du cirque de Mérida peuvent être reprises en ce qui concerne le Grand Cirque à Rome. Ainsi que le rappelle également J. H. Humphrey 96, inonder toute sa surface en «naumachie», même sur une faible profondeur, aurait nécessité une quantité d’eau considérable. On peut ajouter que la transformation de la piste en une véritable pièce d’eau n’aurait pas manqué de gêner le déroulement de la uenatio à laquelle le navire de la spina servit de décor. En effet, les documents figurés qui nous font connaître ce spectacle ne montrent que des animaux terrestres, comme dans le spectacle légèrement antérieur décrit par Dion Cassius (T. 41). Quant aux autres spectacles aquatiques qu’imagine A. Balil, et pour lesquels la réalisation d’un plan d’eau aurait effectivement été nécessaire, ils ne sont nullement attestés par les sources écrites ou figurées sur les Jeux Séculaires de 204. Le Grand Cirque, profondément enterré sous des alluvions, n’a été que partiellement fouillé 97. Mais rien jusqu’ici n’est venu révéler une adduction d’eau débouchant sur la piste et destinée à l’inonder. Cependant, le monument n’était pas dépourvu d’installations hydrauliques, puisque comme à Mérida, des bassins ornaient le centre de la piste 98. Selon J. H. Humphrey, ils étaient probablement alimentés par un cours d’eau qui traversait la vallée du Grand Cirque depuis l’origine, et qui était canalisé depuis l’époque étrusque 99. Par conséquent, si on veut supposer que le navire fut malgré tout environné d’un véritable décor aquatique, il faut admettre que le plan d’eau n’eut pas plus de quelques centimètres d’épaisseur seulement. Compte tenu des difficultés de drainage qu’avait connues longtemps le Grand Cirque, on peut imaginer qu’une mince nappe d’eau fut obtenue en obturant provisoirement les caniveaux d’évacuation de l’édifice et en répandant sur la piste l’eau habituellement destinée aux
H. Humphrey, op. cit., p. 116. Ibidem, p. 57-59. 98 J. H. Humphrey, (op. cit., p. 175-176) fait observer que ces bassins étaient devenus sous l’empire un des traits distinctifs des aménagements marquant le centre de la piste d’un cirque, que la recherche moderne regroupe généralement sous le nom de spina, et qui portait plutôt chez les Anciens, du moins en ce qui concerne le Grand Cirque, le nom d’«euripe». 99 J. H. Humphrey, op. cit., p. 67 et p. 293. 96
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bassins. Loin d’atteindre la profondeur nécessaire à la navigation même d’une simple barque, cette eau répandue sur la surface de l’arène aurait permis la dislocation du navire et le spectacle cynégétique, tout en donnant aux spectateurs l’impression de voir un navire à flot. Toutefois, compte tenu de l’importance de la surface à couvrir déjà signalée, cette hypothèse elle-même, pourtant moins ambitieuse que celle de A. Balil, paraît moins probable que la simple présentation du navire sur un sol sec. Les modalités du spectacle presque identique présenté deux ans auparavant pour le jubilé du règne sont plus difficiles encore à déterminer. En effet, on ne le connaît que par un passage où Dion Cassius, décrivant la manière dont un navire fut réalisé dans l’édifice de spectacle qu’il nomme ue¥atron, se montre assez énigmatique (T. 41). Il indique simplement que le bassin (dejamenh¥) de cet édifice fut arrangé de manière à prendre l’apparence d’un navire. Comme nous l’avons vu, la description de cette uenatio de 202, ou plutôt la version résumée qu’en a transmis l’abréviateur de Dion Cassius, présente des incohérences dues à la confusion de ce spectacle, donné au Colisée, avec celui des Jeux Séculaires de 204, dont nous venons d’évoquer le déroulement au Grand Cirque. Or, la présence à cette époque d’un réservoir ou d’une piscine dans l’arène du Colisée, qui reposait depuis l’époque de Domitien sur un vaste réseau de constructions maçonnées100, n’est pas envisageable. En revanche, ce nom aurait pu être donné à l’un des bassins qui s’étendaient au centre de la spina. Il est donc probable que dans le texte originel de Dion Cassius, la phrase qui nous occupe décrivait les installations réalisées dans le Grand Cirque pour la uenatio de 204. Quant au spectacle de 202, il est certain qu’il ne comprit aucune mise en eau du site, puisqu’il fut donné dans le Colisée. G. Jennison101 suppose que la maquette de navire fut montée au-dessus d’une trappe communiquant avec les souterrains de l’arène. Les animaux n’auraient alors pas eu à séjourner dans l’espace restreint du navire avant le début du spectacle. Il en fut certainement de même lors de la uenatio de 205, où l’on vit une machine en forme de baleine, en admettant que ce spectacle fut lui aussi donné dans l’amphithéâtre. Faune aquatique et spectacle terrestre Enfin, pour toute une série de uenationes, présentant pourtant des animaux nilotiques ou marins, la présence effective d’installations aquatiques spécifiques reste incertaine, voire improbable. Il en est ainsi, par exemple, pour les exhibitions de phoques dressés évo100 101
Voir n. 88. G. Jennison, op. cit., p. 88.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
quées par Pline. Nous l’avons vu, le naturaliste ne fait aucune allusion à des circonstances précises, signe du caractère relativement courant de ces spectacles. Il n’en mentionne pas d’avantage les sites, qui ne présentaient sans doute aucune spécificité. De la même manière, dans les cirques modernes, les phoques dressés n’évoluent pas nécessairement dans un bassin. L’absence d’installations hydrauliques est surtout probable pour les uenationes impériales postérieures à Néron où parurent des animaux nilotiques. C’est le cas par exemple du spectacle de Domitien évoqué par Martial (T. 37). Certes, dans la mesure où il faut le rattacher aux jeux triomphaux de 89, les crocodiles auraient pu être présentés dans la nouvelle naumachie, réalisée à cette occasion102. Mais le plus probable est que, comme les autres épisodes de cette uenatio, celui où figurèrent les «monstres du Nil» eut lieu dans l’arène (v. 1314), donc dans l’amphithéâtre Flavien, qui déjà à cette époque ne pouvait plus être mis en eau103. De même, les récits de Dion Cassius (T. 39 et 40) sur les techniques de chasse utilisées par Commode montrent que les bêtes étaient simplement amenées jusqu’à lui sur le sol de l’arène, sans recréation d’un milieu aquatique. La question se pose aussi pour les deux uenationes données par Antonin et par Philippe l’Arabe, lors de célébrations de la fondation de Rome. Les chasses des Jeux Séculaires avaient lieu au Grand Cirque. Selon J. Gagé104, il en fut certainement de même pour ces jubilés de Rome, relevant d’un comput et d’une tradition différents, mais qui comprenaient, de la même manière, des ludi theatrales et des ludi circenses. Or le Cirque, réservé aux uenationes de très grande ampleur, n’était pas le site le mieux adapté à la présentation dans un bassin d’une demi-douzaine de crocodiles. À moins d’imaginer leur présentation dans un théâtre mis en eau, comme plus tard ceux de Symmaque, il est donc probable qu’ils aient été associés à d’autres espèces animales sur un sol sec. Un document iconographique vient confirmer cette dernière proposition. Sur un relief du IVe siècle conservé au musée archéologique de Sofia qui représente une uenatio, on relève la présence d’un crocodile opposé à un ours105. Aucun élément ne vient suggérer l’association à cet affrontement d’installations aquatiques.
T. 24 et 25. Voir note précédente. 104 J. Gagé, op. cit., p. 77-111. 105 G. Jennison, op. cit., p. 71. 102 103
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LES CHASSES AQUATIQUES
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Conclusion Plusieurs des uenationes aquatiques attestées par les textes eurent lieu grâce à des installations provisoires ou rapidement supprimées, comme celles du Circus Flaminius ou des Saepta. D’autres furent données dans un édifice qui a totalement disparu, comme l’amphithéâtre de bois de Néron. Les monuments conservés euxmêmes ne présentent pas toujours de traces des dispositifs hydrauliques, en tous les cas fort modestes, qu’on y a parfois supposés. C’est le cas du Grand Cirque. D’autres sites, enfin, ne sont même pas connus avec certitude, comme le théâtre où fut donnée la uenatio de Symmaque. À défaut de témoignages archéologiques romains, pour mieux connaître les conditions matérielles des uenationes aquatiques, on s’intéressera donc aux quelques édifices provinciaux où un bassin relié à un système d’adduction d’eau a été relevé. L’INSERTION
DES UENATIONES AQUATIQUES
DANS LE SYSTÈME DES JEUX ROMAINS
Les chasses sont certainement les spectacles aquatiques dont les origines sont les plus aisées à établir, compte tenu de l’existence antérieure de l’importante tradition romaine de la uenatio. Les exhibitions d’animaux en milieu aquatique apparaissent comme une variante parmi toutes celles, nombreuses, que connut ce genre, particulièrement ouvert aux innovations. Le contexte des premières chasses aquatiques La tradition de la uenatio De fait, à l’époque où apparurent les premières chasses nilotiques ou marines, la uenatio connaissait un essor qui la conduisait à la recherche de raffinements de mise en scène jusqu’alors inusités. Les Romains appréciaient de voir, en même temps qu’une espèce animale étrangère, les techniques de chasse utilisées dans leur pays d’origine. Ainsi, lors des jeux de la préture de Sylla en 93 av. J.-C., ce sont des iaculatores envoyés par le roi Bocchus de Maurétanie qui affrontèrent des lions africains106. De même, les jeux de César en 46 montrèrent des cavaliers thessaliens capturant des taureaux sauvages107. La prestation des Tentyrites évoquée par Strabon obéit au 106 107
Sen., Breu., 13, 5. Plin. N.H., VIII, 182.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
même principe. On constate également un goût pour la présentation de la faune dans un décor évoquant leur milieu naturel. C’est ainsi que furent reconstituées, dans l’arène, des forêts artificielles figurant les contrées d’origine des bêtes sauvages108. L’extravagance de Néron créant un bassin d’eau de mer ou emplissant l’étang d’Agrippa d’animaux venus de l’Océan s’inscrit en partie dans ce contexte. En revanche, les circonstances entourant l’apparition de certains autres types de uenationes aquatiques restent incertaines. Ainsi quelles intentions, quelles influences sont à l’origine du spectacle de Titus où on vit des animaux terrestres évoluant dans l’eau? Les mêmes questions se posent pour les chasses données sur la plateforme de la naumachie. La uenatio associée à un décor maritime grâce à la présence d’un navire semble plus mystérieuse encore. Dans la mesure où les structures de spectacle concernées ont disparu ou n’apportent sur ce point que peu d’informations nouvelles par rapport aux sources écrites, c’est vers une étude de la signification de ces mises en scène et donc des sources d’inspiration susceptibles d’avoir présidé à leur création qu’on se tournera pour tenter de répondre à ces questions. Les premiers spectacles : des occasions exceptionnelles À défaut d’évoquer leurs origines précises, les textes exposent clairement les occasions des jeux où vinrent s’insérer les premières d’entre elles et la place qu’elles y occupaient. Ces premiers spectacles furent présentés lors de manifestations exceptionnelles. La première uenatio aquatique connue, celle de Scaurus, eut certes lieu lors des jeux traditionnellement organisés par les édiles curules, mais elle marqua considérablement son époque par la nouveauté des bêtes présentées et leur nombre. L’ensemble de l’édilité de Scaurus demeura d’ailleurs dans les mémoires pour sa magnificence109. L’occasion des uenationes nilotiques données par Auguste fut l’inauguration de deux temples, celui du Diuus Iulius en 29 av. J.-C., et celui de Mars Ultor en 2 av. J.-C110. Dans les deux cas, il s’agissait de jeux somptueux où l’on vit des spectacles inhabituels, comme la cavalcade troyenne, ou le grand combat gregatim entre Daces et Suèves. Nous ignorons l’occasion du spectacle donné par Caligula dans les Saepta. Il n’est d’ailleurs pas certain qu’il s’agisse bien d’une uenatio. En tout cas, cette mise en scène pour laquelle l’empereur fit Calp., VII, 68-69 (T. 52); Mart., Spect., XXI et XXI b. Pour un rappel de l’ensemble des textes qui s’y rapportent, voir G. Ville, op. cit., p. 90-91 (36). 110 D.C., LI, 22, 5-6 (T. 32) et LV, 10, 6-8 (T. 11). 108
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réaliser une transformation aussi considérable que celle de l’enceinte des Saepta en un vaste bassin ne dut pas manquer de frapper les esprits. C’est encore une fois pour l’inauguration d’un monument, l’amphithéâtre de bois de Néron, que furent données des uenationes aquatiques présentant de nouvelles espèces, probablement des phoques ramenés des régions septentrionales de l’empire. Les uenationes de Titus, également pour l’inauguration d’un amphithéâtre, furent plus novatrices encore, en exploitant le thème de la rencontre entre faune terrestre et espace aquatique. Par ailleurs, ces uenationes novatrices furent toutes, ou presque, accompagnées par l’installation d’un bassin ou par la mise en eau du site utilisé. Ce fut le cas pour celles de Scaurus, d’Auguste, de Caligula, de Néron et de Titus. Enfin, chacun de ces spectacles, à l’exception de celui de Caligula évoqué trop brièvement, est décrit par les sources comme une séquence parfaitement indépendante parmi les autres épisodes des jeux lors desquels il fut organisé. Les contraintes matérielles et techniques qui leur étaient spécifiques, mais aussi leur nouveauté aux yeux du public expliquent sans doute cette dernière particularité. On peut donc, dans une certaine mesure, étudier à partir des textes l’histoire des uenationes aquatiques à leurs débuts. Leur caractère nouveau les rendait en effet dignes de mention. L’évolution des uenationes aquatiques jusqu’au Bas-Empire La banalisation de certaines uenationes aquatiques En revanche, il est plus difficile de suivre leur évolution à l’aide de ces seules sources écrites. En effet, lorsque certains types de uenationes aquatiques devinrent plus courants dans les jeux romains, ils ne furent naturellement pas mentionnés systématiquement. Les uenationes d’animaux nilotiques en particulier devinrent vite suffisamment fréquentes pour ne plus mériter de description particulière. Le témoignage d’Ammien Marcellin (T. 31) vient confirmer que pendant plusieurs siècles, à partir du spectacle de Scaurus, la faune nilotique fut assez courante dans les chasses romaines pour engendrer peu à peu un certain dépeuplement dans les régions d’origine. Il faut d’ailleurs observer que la uenatio nilotique de Néron ne nous est connue que grâce à l’épigramme de Calpurnius Siculus. Aucun historien ne l’a jugée digne de mention. Dès lors, on peut se demander si dès cette époque, elles n’étaient pas devenues plus courantes qu’on ne pourrait le penser. Pour les époques postérieures, les sources ne signalent une ue-
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
natio présentant des animaux nilotiques que pour des occasions remarquables, telles que les jubilés de Rome, mais ces jeux exceptionnels sont aussi les seuls que les historiens mentionnent. Au delà de l’époque flavienne, en l’absence des informations qu’apportaient Pline l’Ancien ou Martial sur des spectacles réguliers et de moins grande ampleur, le silence des sources ne doit donc pas entraîner de conclusions trop hâtives. Par ailleurs, pour les spectacles postérieurs dont nous conservons la trace, que ce soit dans l’Histoire Auguste (T. 38 et T. 44) à propos des jubilés de Rome célébrés par Antonin et par Philippe l’Arabe, ou dans Dion Cassius (T. 39-40) à propos des chasses de Commode, la faune nilotique est désormais signalée au milieu des autres espèces exotiques régulièrement présentées comme les éléphants et les africanae. Il est par ailleurs peu probable, nous l’avons vu, que ces exhibitions, même pour des occasions aussi exceptionnelles que la célébration d’un jubilé, aient alors nécessité l’installation d’un bassin. Hippopotames et crocodiles purent même être associés sur le sol de l’arène à d’autres animaux, soit pour un combat contre l’un d’entre eux, soit pour la présentation simultanée de plusieurs techniques de chasse. Les uenationes présentant des animaux nilotiques, en devenant plus fréquentes, perdirent donc à la fois leur intérêt particulier aux yeux du public et leur caractère de spectacles aquatiques. Toutefois, on connaît pour la fin du Bas-Empire, grâce aux lettres de Symmaque, une chasse nilotique qui paraît se rapprocher fort de celles du Haut-Empire, voire même de la première d’entre elles, celle de Scaurus. Elle eut lieu lors de jeux réguliers attachés à l’exercice d’une magistrature. L’exhibition des crocodiles en fut un épisode marquant, mais elle était habituelle lorsqu’on voulait donner un éclat exceptionnel à ces jeux. Cependant, contrairement à celle de Scaurus, le cadre de cette uenatio ne fut pas une structure provisoire. Il résulta de la mise en eau d’un théâtre. On découvre donc qu’il existait au début du Ve s., soit un siècle et demi après la précédente présentation d’animaux nilotiques attestée, celle de Philippe l’Arabe, des théâtres adaptés aux chasses aquatiques. Après s’être intégrés aux autres types de uenationes, les spectacles de thème nilotique semblent donc avoir retrouvé leur spécificité de spectacles aquatiques, sans pour autant cesser d’être présentés régulièrement. Lacunes des sources et perspectives de recherche Si malgré ses lacunes, la documentation écrite permet de conclure à une présentation relativement courante des animaux nilotiques dans les spectacles jusqu’à la fin de l’empire, d’autres types de uenationes aquatiques en revanche, tels qu’ils sont décrits dans
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nos sources du Haut-Empire, ne sont plus jamais mentionnés par la suite. Ainsi, la faune marine, en dehors peut-être du phoque, semble avoir été peu sollicitée par les spectacles romains après les innovations de Néron. Les difficultés liées au transport et au maintien en captivité de la plupart des mammifères marins peut toutefois l’expliquer aisément. De même, la grande chasse où des animaux terrestres évoluèrent sur un ponton posé sur la naumachie d’Auguste doit certainement être considérée comme un véritable hapax. Les contraintes techniques qu’une telle installation représentait auraient paru excessives pour une simple réédition. En revanche, bien qu’aucune source écrite n’en fasse état, rien ne semblait s’opposer à ce que des animaux terrestres évoluant dans l’eau soient présentés dans des spectacles postérieurs à ceux de Titus. De la même manière, on peut s’interroger sur d’éventuelles présentations de uenationes associées à un décor de navire entre l’époque julio-claudienne et l’époque sévérienne. Par ailleurs, comme à propos des naumachies, il faut rappeler l’affaiblissement général de la documentation conservée sur les grands spectacles impériaux eux-mêmes, à partir de l’époque antonine. En dehors de l’Histoire Romaine de Dion Cassius, dont l’œuvre n’est d’ailleurs que partiellement conservée, nous ne disposons plus pour l’époque postérieure aux Flaviens des sources historiques fiables et abondantes qu’étaient les œuvres de Tacite et de Suétone notamment. Ni l’Histoire Auguste dont les informations sont souvent douteuses, ni aucune des autres sources historiques conservées sur cette période ne sauraient les remplacer. Quant aux documents iconographiques, ils sont trop peu nombreux pour contrebalancer la diminution des témoignages écrits. D’une datation souvent incertaine, ils sont en outre délicats à interpréter puisqu’il est souvent difficile de déterminer s’ils renvoient aux réalités ordinaires des spectacles de leur époque ou à des occasions exceptionnelles. Dès lors, seuls des documents archéologiques pourraient être susceptibles d’enrichir nos connaissances sur les uenationes aquatiques postérieures aux Flaviens. À travers les installations où elles étaient présentées, peut-être pourrons-nous mieux évaluer leur diffusion et leurs modalités. Conclusion Nos sources sur les uenationes aquatiques sont particulièrement peu nombreuses, et souvent imprécises. Mais cela ne signifie nullement qu’elles aient été les moins usitées des mises en scène qui nous
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
occupent. Bien au contraire, certains documents ont la brièveté et le caractère allusif des témoignages portés sur des réalités bien connues. Les spectacles les plus longuement décrits sont souvent les premiers, ou ceux qui présentaient une originalité marquée. Les lacunes des sources écrites ou figurées doivent donc en réalité nous inciter à poursuivre nos recherches, grâce à d’autres types de témoignages.
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CHAPITRE 3
MISES EN SCÈNE MYTHOLOGIQUES ET CHORÉGRAPHIES AQUATIQUES
PRINCIPES
ET DÉROULEMENT
En établissant notre corpus, nous avons groupé ensemble tous les documents relevant de mises en scène de l’eau autres que les naumachies ou les chasses aquatiques. Toutefois ces spectacles semblent au premier abord très divers. Ils supposent donc l’établissement d’une typologie, en mettant en évidence les informations similaires ou complémentaires qu’apportent nos documents, au-delà de leur apparente hétérogénéité. Mises en scène aquatiques à sujet mythologique La traversée de Léandre En dehors des naumachies et des chasses, le spectacle aquatique romain qui nous est le mieux connu est certainement la mise en scène de la légende de Léandre et Héro. Celle-ci, sans doute connue depuis l’époque hellénistique1, relate les amours d’un jeune homme d’Abydos pour une fille de Sestos, enfermée par la volonté de ses parents, ou en raison de ses fonctions de prêtresse. Pour la rejoindre à l’insu de tous, Léandre traversait chaque soir l’Hellespont, guidé par une lampe allumée en haut de la tour habitée par Héro. Par une nuit sans lune, alors que la mer était mauvaise, la lampe s’éteignit et Léandre se noya. Après l’avoir attendu vainement, Héro retrouva au matin le corps de son amant sur la rive. D’après les deux pièces du Livre des spectacles qui lui sont consacrées (T. 54 et 55), une représentation de cette légende eut lieu lors des jeux inauguraux du Colisée. Les deux épigrammes de Martial n’évoquent que le seul Léandre en train de nager. Plus précisément, l’épigramme XXVb le présente en route vers sa bien-aimée : Cum pe1 G. Solimano, Ero e Leandro : considerazioni sull’origine del mito, in Tetraonyma. Miscellanea graeco-romana, Genova, 1966 (Pubblicazioni dell’Istituto di filologia classica e medioevale dell’università di Genova, 25), p. 251-264.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
teret dulces audax Leandros amores 2 et sans doute en difficulté, puisqu’il implore les flots de ne l’engloutir qu’à son retour. Cette traversée est donc supposée être la dernière, celle qui fut fatale au jeune homme. Mais l’épigramme XXV montre que le dénouement de l’histoire fut changé pour la circonstance : on vit Léandre achever sa traversée sain et sauf. Par fidélité à la légende, ce spectacle fut présenté de nuit 3, pratique dont nous connaissons quelques autres exemples 4. Il semble donc que la mise en scène ait uniquement porté sur la traversée de l’Hellespont, épisode central de l’histoire. Tel est d’ailleurs le cas également dans toutes les représentations figurées de la légende (pl. X) dont plusieurs relèvent de la peinture pompéienne 5 : Léandre nageant se trouve au centre. Il se dirige vers une tour au sommet de laquelle on aperçoit le plus souvent Héro tenant sa lampe, tandis que derrière lui apparaît le rivage d’Abydos, symbolisé par quelques rochers. Le spectacle lui-même prévoyait donc sans doute un décor analogue, comprenant la tour de Héro et quelques rochers figurant les deux rives. Pour sommaire qu’il fût, il devait suffire à évoquer pour le public le cadre de la légende. Le paragraphe 3 de la lettre III, 14 de Fronton (T. 57), datée entre 147 et 1616, nous apprend qu’il existait aussi de son temps des spectacles de théâtre qui avaient rendu populaire la légende (fabula histrionibus celebrata). Compte tenu du précédent représenté par le spectacle de Martial sur le même thème, il est fort possible que Fronton fasse allusion à des spectacles aquatiques. Inversement, bien qu’elle ne soit pas mentionnée par Martial, uniquement intéressé par l’«exploit» de la traversée, le public du Colisée put certainement voir aussi une jeune femme tenant une lampe dans le rôle de Héro. En outre, pour expliquer à Marc-Aurèle qu’il préfère ne pas recevoir de lettre de lui que de lui occasionner de la fatigue, l’épistolier, comparant sa situation à celle de Héro, adresse ces mots à l’empereur : Nam ego potius te caruero tametsi amore tuo ardeo, potius quam «te ad hoc noctis natare tantum profundi patiar, ne luna occidat, ne uentus lucernam interemat, ne quid ibi ex frigore inpliciscare, ne fluctus ne uadus ne piscis aliquo noxsit».
T. 55, v. 1. T. 54, v. 1. 4 Sur ces spectacles nocturnes, voir G. Ville, La gladiature en Occident des origines à la mort de Domitien, Roma, 1982 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 245), p. 392. 5 Ces représentations sont recensées en particulier par C. Caprino dans l’Enciclopedia dell’arte antica, t. 4, Roma, Istituto della Enciclopedia Italiana, 1961, art. Leandros. 6 Selon M. P. J. Van den Hout, ed. Teubner, 1988, p. 293. 2 3
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(Car je resterais privé de toi, même si je t’aime ardemment, plutôt que de «souffrir que tu traverses à la nage un tel abîme à cette heure de la nuit, de peur que la lune ne se couche, que le vent n’éteigne la lampe, que tu n’éprouves là-bas quelque trouble à cause du froid, qu’il ne t’arrive malheur à cause du flot, d’un haut-fond ou d’une bête marine»).
Cette phrase ressemble fort à une citation, empruntée telle quelle à un spectacle contemporain bien connu. On ne s’expliquerait guère autrement ce long développement consacré aux dangers de la mer, même s’il est métaphoriquement rapproché de la situation et de l’état d’esprit de l’auteur. Aussi les éditions les plus récentes de la correspondance de Fronton le placent-elles entre guillemets 7. La mise en scène évoquée par l’épistolier n’était donc pas purement visuelle, et comportait un texte. En avait-il été de même lors des jeux de Titus? L’invocation aux flots que Martial met dans la bouche du jeune homme (Parcite dum propero, mergite cum redeo 8) ne peut constituer une preuve dans ce sens. On trouve en effet une prière analogue dans une épigramme intitulée Leandros marmoreus 9, qui lui fut inspirée par une statue. En outre, dans la mesure où la représentation de 80 eut probablement lieu dans l’amphithéâtre Flavien lui-même10, cette hypothèse est exclue pour d’évidentes raisons d’acoustique. Le «chœur des Néréides» : une danse aquatique? Immédiatement après la nage de Léandre, Martial évoque dans l’épigramme XXVI (T. 56) un «chœur de Néréides», dessinant des figures dans l’eau. Le groupe, se disposant de diverses façons sur le plan d’eau, imita successivement la forme d’un trident, d’une ancre, d’une rame, d’un bateau, puis celle de la constellation des gémeaux et d’une voile gonflée par le vent. La prestation célébrée par Martial, pour le lecteur contemporain, rappelle à la fois un spectacle de danse aquatique en piscine et une sorte de numéro de «music hall». Les «Néréides» devaient être des nageuses, évoluant dans une eau peu profonde. Malgré l’écart de temps séparant les deux auteurs, on s’accorde généralement à rapprocher de l’épigramme de Martial un passage de l’Homélie VII sur St. Mathieu de Jean Chrysostome (T. 59)11, daté de 7 Teubner (edidit M. P. J. Van den Hout, 1988) et Classici latini (ed. F. Portalupi, Unione tipografico editrice Torinese, 1974). 8 T. 55, v. 4. 9 Épigrammes, XIV, 181, 2. 10 Voir p. 40. 11 G. Traversari, Gli spettacoli in acqua nel teatro tardo-antico, Roma, l’«Erma» di Bretschneider, Roma, 1960, p. 57-58; G. d’Ippolito, Draconzio, Nonno e gli idromimi, in A et R, n.s., anno VII, fasc. 1, 1962, (p. 1-14) p. 2.
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l’année 390 ap. J.-C. Le prédicateur y évoque un spectacle qui soulève son indignation, et où l’on voyait nager des femmes dévêtues. Parmi les termes employés pour décrire les évolutions des nageuses, le verbe kalindoy˜mai, tourner», «aller et venir» suggère qu’elles devaient évoluer en fonction d’une chorégraphie, comme les jeunes femmes du spectacle de 80. Bien que Jean Chrysostome n’en dise rien, la nudité des nageuses avait peut-être le prétexte d’un thème mythologique. Elles pouvaient personnifier des Nymphes, ou des Néréides comme dans le spectacle décrit par Martial. Le poète d’époque flavienne et le prédicateur du Bas-Empire décrivent donc des mises en scène assez voisines. Toutefois, dans les spectacles décrits par Jean Chrysostome, des homme se produisaient également. On relève en effet cette remarque : oyßk eıßv ayßtoù katio¥ntav toù y™dwr, aßll a¶nwuen kauhme¥noyv tw ˜ n eßkeı˜ kalindoyme¥nwn ma˜llon yΩpobryxı¥oyv poieı˜. (Ce ne sont pas ceux qui descendent dans l’eau, mais les spectateurs, assis au-dessus de ceux qui vont et viennent dedans, qu’il (le Diable) fait sombrer plus profondément).
L’emploi du participe katio¥ntav au masculin ne s’expliquerait pas autrement. De plus, tandis que Martial s’intéresse surtout au travestissement mythologique de la mise en scène et à la réussite artistique qu’elle représente, le prédicateur n’évoque que la lascivité de ces spectacles et vitupère leur immoralité. Ces différences s’expliquent certes en partie par la distance chronologique considérable séparant les deux auteurs, leur religion et surtout les genres qu’ils pratiquaient. Mais il est probable aussi que le caractère recherché des figures dessinées dans l’eau fut progressivement abandonné au profit d’une chorégraphie moins savante et d’un érotisme plus marqué. Enfin, si la prestation décrite par Martial était manifestement purement chorégraphique, on ne peut en être aussi certain pour celles qu’évoque Jean Chrysostome. Dans un texte aussi allusif, l’absence de tout indice sur une éventuelle trame narrative ne signifie pas nécessairement que les mises en scène aquatiques contemporaines n’en comportaient jamais. La rareté des attestations littéraires Les textes cités ci-dessus sont les seules attestations littéraires explicites concernant ces spectacles aquatiques empruntés à la mythologie. G. Traversari a supposé que le signal de la naumachie de
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Claude avait été donné par12 un acteur incarnant un Triton. Mais les expressions employées par Suétone (T. 13) laissent peu de place au doute : exciente bucina Tritone argenteo, qui e medio lacu per machinam emerserat. (Un Triton d’argent, qui surgit du milieu du lac grâce à un mécanisme, donna le signal [du combat]).
Il s’agit d’une statue de Triton en argent (Tritone argenteo). On voit mal comment un homme aurait pu prendre place dans une machinerie destinée à le faire émerger «au beau milieu du lac». De manière plus plausible, H. J. Izaac, dans son édition de l’œuvre de Martial, a considéré les figures de la mythologie marine évoquées par le poète dans l’épigramme XXVIII du Livre des spectacles (T. 20), comme des acteurs grimés13. Certes, il serait envisageable, comme le propose H. J. Izaac, que des figurants placés de manière à surplomber la plate-forme aient incarné Thétis, Galatée et Triton en train de suivre la uenatio et la course de chars. En revanche, on peut légitimement se demander comment on aurait montré, en même temps que se déroulaient ces spectacles, le personnage de Nérée en train de «préparer» la grande naumachie. Le vers 7 de l’épigramme ne peut guère être interprété que comme une allusion imagée au spectacle de combat naval prévu pour le jour suivant. D’une manière générale, il est donc préférable de donner un sens allégorique à l’intervention de ces personnages. Selon le même procédé, on trouve chez le poète le nom de Lucine à propos de la surprenante naissance d’un jeune sanglier14 ou ceux de Mars et d’Enyo dans les évocations de spectacles guerriers. Par un transfert métonymique, le nom de la divinité remplace la fonction ou l’élément auxquels elle est liée. L’apport des sources écrites paraît donc singulièrement pauvre. Aussi est-il d’autant plus nécessaire de recourir à d’autre types de documents. L’apport de l’iconographie La célèbre mosaïque de la villa de la piazza Armerina, dite des jeunes filles «en bikini», a parfois été considérée comme la représentation figurée de spectacles analogues à ceux qu’évoquent MarEn particulier G. Traversari, op. cit., p. 57. Martial, Épigrammes, texte établi et traduit par H. J. Izaac, t. I, Paris, Les Belles Lettres, 1930, p. 242, n. 11 de la p. 11. 14 Spect., XII, 4 et XIII, 4; VI, 1; XXIV, 3 et 5. 12
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tial et Jean Chrysostome15. Cette hypothèse doit toutefois être totalement écartée. G. Traversari a déjà fait remarquer que ces jeunes filles ne sont pas entourées d’un décor aquatique. Le sol sous leurs pieds ne présente nullement les ondulations ou les irisations suggérant habituellement la présence de l’eau. Il s’agit très probablement de jeunes athlètes16. En revanche, d’autres documents iconographiques présentent un réel intérêt pour une meilleure connaissance des spectacles aquatiques ou du moins des thèmes qu’ils pouvaient développer. Compte tenu en effet de la vogue des mimes aquatiques au Bas-Empire, dont témoigne le texte de Jean Chrysostome, mais aussi d’autres indices sur lesquels nous reviendrons, il est probable que les sujets traités ne devaient pas se limiter à la traversée de Léandre ou aux évolutions des Néréides. Les mosaïques de Henchir-Thina et de Djemila Le premier à avoir proposé un rapprochement entre les spectacles aquatiques et une œuvre plastique à sujet mythologique est G. Traversari17. Il a analysé en ce sens la mosaïque du grand frigidarium des thermes de Henchir-Thina en Tunisie (pl. XI)18. M. Blanchard-Lemée a fait de même à propos de la mosaïque de la Toilette de Vénus découverte dans la Maison de l’Âne en Algérie sur le site de l’antique Cuilcul, aujourd’hui Djemila (pl. XII, XIII et pl. XIV)19. Les thèmes maritimes étaient naturellement usuels dans la décoration des thermes. La mosaïque du frigidarium de Henchir-Thina, du IIIe s. ap. J.-C., présente un champ semé de petites scènes marines enfermées dans des médaillons hexagonaux disposés en files concentriques. Chacun est délimité par six poissons. Parmi les 15 B. Pace, I mosaici di Piazza Armerina, Roma, G. Cassini, 1955, p. 21-23 et Theatralia, in Anthemon. Scritti di archeologia e di antichità classiche in onore di C. Anti, Firenze, Sansoni, 1955, (p. 309-317) p. 312-317. Cette hypothèse est également proposée par E. Frézouls (Le théâtre romain et la culture urbaine, in La città antica come fatto di cultura. Atti del convegno di Como e Bellagio, 16-19 giugno 1979, Como, Regione Lombardia, 1983 (p. 105-130), p. 128. 16 G. Traversari, op. cit., p. 77-87; A. Carandini, A. Ricci et M. de Vos, Filosofiana. La villa di Piazza Armerina. Immagine di un aristocratico romano al tempo di Costantino, Palermo, Flaccovio, 1982, p. 154; K. M. Coleman, Launching into history : aquatic displays in the early empire, in JRS, LXXXIII, 1993, p. 64-65. M. Bieber (The History of the greek and roman theater Princeton, 1961, p. 237 et fig. 784) identifie ces jeunes filles comme des athlètes et des danseuses, tout en proposant d’imaginer pour les actrices des spectacles aquatiques un costume analogue. 17 G. Traversari, op. cit., p. 122-127. 18 Il fut suivi par M. Yacoub. Voir p. 64-66. 19 M. Blanchard-Lemée, Maisons à mosaïques du quartier central de Djemila (Cuilcul), Paris, Orphys, 1975, p. 73-83.
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scènes figurées se trouvent les biges tirés par des dauphins déjà évoqués, des pêcheurs dans des barques et sur des rochers, des bateaux de plaisance, des Tritons et des Néréides montant des monstres marins. On relève aussi une série de représentations mythologiques : Ulysse lié au mât de son navire, en référence à l’épisode des Sirènes, Léandre nageant vers Héro qui l’attend au pied d’une tour, Scylla, Vénus Anadyomène, Europe sur le taureau, Endymion et Séléné, Danaé et Persée abordant l’île de Sériphos, Vénus dans une barque couronnant l’Amour, Dédale préparant ses ailes. Le médaillon central figure Arion sur le dos d’un dauphin. La mosaïque de Djemila, qui date au moins du milieu du IVe s. 20, est aujourd’hui conservée au musée de Djemila. Elle se trouvait dans la pièce XI de la Maison de l’Âne, qui était probablement une diaeta d’été. Son mur occidental comprenait en effet trois fontaines en abside, mais la fragilité de la mosaïque du sol permet d’écarter l’hypothèse d’une cour à ciel ouvert. Il faut également souligner que la pièce XI, par ce même mur occidental, était mitoyenne du temple de Vénus Genitrix. Cette proximité, mais aussi la présence des fontaines, explique sans doute que la mosaïque ait pour sujet central la toilette de Vénus marine. La déesse, assistée par un Amour, est assise dans une conque soutenue par un Ichtyocentaure et un Triton. Elle est environnée de Néréides montées respectivement sur une panthère, un griffon, un cheval et un bélier marins. La bordure présente également une série de scènes marines. On relève tout d’abord un paysage portuaire. Plus loin une grosse barque décorée de couleurs vives porte un rameur, deux danseurs brandissant des crotales et un autre personnage. Devant se trouvent deux dauphins dont l’un est monté par un Amour, un pêcheur sur un rocher, enfin une petite barque portant deux Amours. La partie gauche de la bordure débute par une mer poissonneuse où pêche un homme debout sur une petite barque reliée par un gros câble à un navire plus gros. Ce dernier vient d’aborder à un îlot entièrement couvert d’édifices. La proue est arrimée à la première colonne d’un portique et une échelle descend sur la rive de l’avant du bateau. On voit quatre passagers. À la proue se tient un musicien soufflant dans une syrinx. Au milieu du bateau, un homme danse, la jambe droite levée et repliée. Deux personnages, un homme et une femme, se tiennent debout à la proue prêts à descendre. L’homme présente dans sa main droite, bras tendu, une coupe de vin. La femme debout derrière lui pose sa main gauche sur l’épaule de son compagnon. La partie supérieure de la bordure
20 Pour avancer cette datation, M. Blanchard-Lemée (op. cit., p. 72) s’appuie sur un sondage pratiqué dans la salle où se trouvait la mosaïque (salle XI) ainsi que sur la forme des crotales tenus par certains personnages.
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montre une pêche au filet. À gauche, on remarque un putto, sans doute Palémon, qui mène deux dauphins attelés à la même bride. Aux angles de la mosaïque sont placées quatre scènes mythologiques. L’une d’elles représente la légende de Léandre et Héro. Héro apparaît à la fenêtre de sa tour, tendant vers l’extérieur une torche enflammée. En face d’elle se tient Léandre, relevant son ample manteau. La seconde scène figure la délivrance d’Andromède, et la troisième Ulysse sur son navire. Enfin la dernière est complètement isolée du contexte maritime qui l’entoure par un fond blanc qui suit de loin ses contours. Elle représente un personnage en costume oriental tenant une lyre. Derrière lui, quelques éléments suggèrent un paysage agreste et un troupeau. Quel lien peut-on établir entre ces mosaïques et les spectacles aquatiques du temps? Nous avons vu précisément que les cavalcades de putti sur des dauphins ou des poissons, ne renvoyaient certainement pas à de véritables courses sur une piste inondée 21. Par ailleurs, ainsi que M. Blanchard-Lemée le fait elle-même observer, le thème de Vénus Anadyomène était très fréquent dans la mosaïque romaine. Celui du Couronnement de Vénus, dont on doit plus spécifiquement rapprocher le sujet central de la mosaïque de Djemila, bien qu’essentiellement africain, comprend également un bon nombre d’exemples 22. Les divers éléments entourant la déesse dans les deux œuvres qui nous occupent, Tritons, Néréides et monstres marins, sont eux aussi de véritables poncifs “appartenant au répertoire immense et varié du «thiase marin» ou à celui des marines”. Il en est de même des pêcheurs et des Amours navigateurs, qui “peuvent venir s’insérer dans n’importe quelle scène ayant la mer pour cadre” 23. Les barques portant musiciens et danseurs, elles aussi, apparaissent parfois dans des mosaïques nilotiques 24. On pourrait en conclure que dans les deux cas le mosaïste s’est borné à juxtaposer des images qui voisinaient dans son «cahier de modèles» : des éléments du thiase de Vénus, des épisodes mythologiques, des scènes de genre, des motifs nilotiques ou funéraires. Nombre de moVoir p. 88-91. M. Blanchard-Lemée (op. cit., p. 73-75) en établit une liste, en s’appuyant sur les études de cette question réalisée par G. Ch. Picard (Le couronnement de Vénus, in MEFR, 1941-1946, p. 43-108; Mosaïques africaines du IIIe siècle après J.-C., in RA, 1960, II, (p. 17-49) p. 44-46; La Carthage de saint Augustin, Paris, Fayard, 1965, p. 98-111) et J. Lassus (Venus marine, in La mosaïque gréco-romaine [Actes du Colloque international (Paris, 1963)], Paris, C.N.R.S. éditions, 1965, p. 175-189). 23 M. Blanchard-Lemée, op. cit., p. 75-76. 24 Par exemple, pour rester dans le domaine africain, sur la mosaïque de El Alia (L. Foucher, Les mosaïques nilotiques africaines, in La mosaïque grécoromaine... cité, p. 138, fig. 8). 21
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saïques marines de cette époque ne semblent pas pouvoir être expliquées autrement 25. Toutefois, M. Blanchard-Lemée fait observer que contrairement à celles-ci, la mosaïque de Djemila est très fortement structurée. En particulier, les scènes de la bordure sont présentées selon une orientation bien précise : à droite de la mosaïque est évoquée la terre ferme, avec la scène portuaire. Puis, sur la bande inférieure on voit les deux premières embarcations naviguer vers l’île placée sur la bande gauche, abordée par le troisième bateau. Sur le dernier côté, enfin, est représentée la pleine mer, avec la pêche au filet. On est donc tenté d’admettre une cohérence de l’ensemble de la composition, qui suit sans doute une trame narrative. Par ailleurs, parmi les éléments représentés dans les angles, on trouve la légende de Léandre et Héro, assez rarement figurée dans l’art gréco-romain, mais plusieurs fois à l’amphithéâtre et au théâtre d’après les textes. Ces éléments ont incité M. Blanchard-Lemée à chercher l’unité des thèmes rassemblés sur cette mosaïque dans la réalité des spectacles aquatiques de l’époque. Il est certain que le mythe de Persée et d’Andromède ou les voyages d’Ulysse étaient parfaitement à même de fournir des sujets de spectacles analogues à celui qui évoquait la traversée de Léandre. Quant à la figure de Vénus, elle était couramment mise en scène, si on en croit le récit que fait Apulée (Met., X, 30-34) d’une représentation mimée du jugement de Pâris dans le théâtre de Corinthe. Sur le même modèle, Vénus marine avec son thiase pouvait donner lieu à des tableaux vivants proches du «chœur des Néréides» chanté par Martial, et permettre l’une de ces exhibitions de nageuses que vitupère Jean Chrysostome. Seule la scène d’angle où figure un pâtre reste étrangère à ce contexte marin. Mais il s’agit très vraisemblablement de Pâris, souvent figuré dans ce costume et accompagné d’un troupeau 26. Le souvenir du texte d’Apulée vient à nouveau corroborer cette hypothèse. Toutes les scènes mythologiques de la bordure, et son panneau central, trouvent ainsi une cohérence autour de la figure de Vénus comme déesse marine et inspiratrice de l’amour. On pourrait aisément imaginer des spectacles aquatiques conçus de la même manière autour de cette figure. On retrouve sur la mosaïque de Henchir-Thina non seulement la légende de Léandre et Héro, mais aussi le navire d’Ulysse et Vénus dans sa coquille. Nombre d’autres éléments, à commencer par le tableau central représentant Arion, étaient eux aussi parfaitement à même de faire l’objet de mises en scène aquatiques 27. La présence Voir G. Ch. Picard, Le couronnement de Vénus... cité, p. 68. D. Levi, Antioch mosaïc pavements, Princeton, Princeton Univ. Press, 1947, p. 210; M. Blanchard-Lemée, op. cit., p. 68. 27 Parmi les spectacles de sujet mythologique attestés se trouve une représen25
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d’un enlèvement d’Europe ou de Danaé et Persée abordant l’île de Sériphos admet la même hypothèse, ainsi que le mythe d’Icare, bien que Dédale soit représenté ici seul, une scie à la main, sans doute au moment de construire ses ailes 28. Quant à la course de biges attelés de dauphins, si une présence effective de ces animaux dans les spectacles dont s’inspire la mosaïque est rendue douteuse par l’absence de tout témoignage écrit, on peut en revanche envisager l’existence d’un spectacle illusionniste où accessoires et machineries de théâtre s’associaient au jeu des acteurs. Les créatures marines tirant les barques auraient alors été de simples représentations de bois peint, tractées par exemple par un câble dissimulé dans l’eau. Une très faible profondeur d’eau dans l’édifice accueillant ce spectacle aurait alors suffi à donner l’illusion d’une «course de Neptune». Une telle interprétation expliquerait l’aspect fantastique de nombre de ces attelages et la présence de roues sur certains des chars. Ces deux mosaïques présentent donc très probablement une communauté d’inspiration avec les spectacles aquatiques du temps. Sur le thème du couronnement de Vénus, M. Blanchard-Lemée signale également deux mosaïques de Carthage, particulièrement proches de celle de Djemila 29, qu’elle associe à son hypothèse 30. Elles ne sont toutefois pas les seules à pouvoir admettre une telle interprétation. D’autres exemples hors d’Afrique seraient susceptibles d’être invoqués. Ainsi, une peinture aujourd’hui perdue, relevée dans une maison du Caelius à Rome, et connue seulement par une gravure du XVIIe siècle, montre Vénus nageant, de l’eau jusqu’à la taille et les bras étendus 31. Il s’agit d’une représentation très inhabituelle du thème de Vénus marine, généralement figurée au centre d’une conque. La coiffure d’un portrait adjacent à cette peinture permet de la dater du IIIe siècle ap. J.-C. 32. On peut donc envisager sur cette retation d’Orphée charmant les animaux (Mart., Spect., XXI et XXI b). Le mythe d’Arion, de thème assez voisin, aurait pu donner lieu à une mise en scène analogue, mais dans un cadre aquatique. 28 Comme dans la mosaïque de Djemila, on relève une seule scène terrestre : le mythe d’Endymion et Séléné. 29 Il s’agit de la mosaïque dite du «Couronnement d’Ariane» (G.Ch. Picard, La Carthage de saint Augustin, Paris, Fayard, 1965, p. 109; L. Poinssot et R. Lantier, Les mosaïques de la maison d’Ariadne à Carthage, in MMAI, XXVII, 1924, p. 68-86), et celle qui couvrait la cachette de la Maison des Sacra (P. Gauckler, Les fouilles de Carthage : Mosaïque de Vénus, in CRAI, 1899, p. 156-163; G. Ch. Picard, Le Couronnement de Vénus... cité, p. 63). Leur thème central est également le Couronnement de Vénus et la déesse se trouve de surcroît environnée de personnages embarqués jouant de la musique et dansant. 30 M. Blanchard-Lemée, op. cit., p. 84. 31 M. Lawrence, The «birth of Venus» in Roman art. Essays in the history of art, art. pres. to R. Wittkower, London, Phaidon, 1967, (p. 10-16) p. 11. 32 A. M. Colini, Storia e topografia del Celio nell’Antichità, con rilievi, piante e
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présentation atypique de Vénus l’influence de spectacles où le thème mythologique devenait prétexte à la présentation de jeunes femmes en train de nager. Cependant, faute d’éléments y faisant délibérément référence, il serait hasardeux d’aller jusqu’à voir dans ces diverses œuvres de véritables reproductions de ces mises en scène, des «représentations de représentation». Nos hypothèses ne peuvent donc porter que sur une éventuelle influence des spectacles sur le choix et le traitement des thèmes iconographiques. Dès lors, vouloir établir un corpus exhaustif des œuvres concernées par ce phénomène, analogue à celui que nous avons constitué pour les édifices de spectacle munis de bassin, paraîtrait fort difficile, surtout si on considère le nombre d’œuvres plastiques inspirées par le monde des eaux que compte l’art romain. Deux tapisseries coptes du Musée du Textile de Washington Il existe toutefois trois autres documents iconographiques qui ont été interprétés comme de véritables transpositions en images de mises en scène aquatiques. Il s’agit en premier lieu de deux fragments de tapisserie copte acquis par le Musée du Textile de Washington, selon l’interprétation qu’en a donné R. Berliner 33. Le plus intéressant d’entre eux dans notre perspective 34 montre une femme assise sur une sorte de trône. R. Berliner y voit une représentation de Vénus (pl. XVI). La figure de cette déesse occupe en effet une place importante parmi les représentations de sujets mythologiques dont on observe la persistance dans l’art copte. Le sujet le plus fréquemment traité est celui de sa naissance et de son accueil en souveraine par toutes les créatures de la mer et de la terre 35. Dans la représentation qui nous occupe, la déesse est entourée de deux personnages aux pieds caprins et au visage encadré par d’étranges coiffures épaisses et rectangulaires. Selon R. Berliner, il s’agirait de Faunes ou de Satyres. À gauche de la déesse, lui tournant le dos, une figure barbue et dotée d’une queue de poisson d’où dépassent étrangement des pieds humains semble en train de se retirer. Il est difficile de mettre ce déricostruzioni di I. Gismondi, in MPAA., VII, Roma, Tip. Poliglotta Vat., 1944, p. 280-212, fig. 169 a. 33 Tapestrie from Egypt influenced by theatrical performances in Papers of Textile Museum of Washington, déc. 1964, t. I, fasc. 3, p. 35-49. 34 TM 72.166. 35 M. Lawrence, op. cit., p. 14. Pour un certain nombre de représentations de la Vénus à la coquille dans l’art copte, voir notamment L. Del Francia, Un tessuto copto con nascità di Afrodite, in Alessandria e il mondo ellenistico-romano. Studi in onore di A. Adriani, Rome, L’«Erma» di Bretschneider, 1983-1984, p. 209-221.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
tail sur le compte d’une maladresse de l’artiste liée à la nature du support 36. Comme le fait observer le savant américain, ce personnage évoque un acteur déguisé en Triton. On possède d’ailleurs la description littéraire d’un tel déguisement, pour une époque bien antérieure. Il s’agit d’un texte de Velléius Paterculus (II, 83, 2), évoquant un spectacle où Plancus, lors d’un banquet donné par Antoine, incarna le dieu Glaucus : (..) cum caeruleatus et nudus caputque redimitus arundine et caudam trahens, genibus innixus Glaucum saltasset in conuiuio... 37. ([...] alors que peint en bleu et nu, la tête couronnée de roseaux et traînant une queue, il avait en se tenant sur les genoux dansé le rôle de Glaucus dans un banquet...).
On peut également se demander pourquoi le Triton, tournant le dos à la déesse, semble en train de se retirer. Comme le fait observer R. Berliner, ce détail insolite de la composition constitue une nouvelle preuve qu’on se trouve devant la figuration d’un spectacle. Celui-ci avait pour thème l’accueil de Vénus à sa naissance par des créatures marines, auxquelles succédaient, après le débarquement de la déesse, des êtres terrestres. Le mouvement de retrait du Triton répond à la volonté de l’artiste de rendre la succession de deux séquences d’une même mise en scène 38. Ces conclusions incitent à admettre les interprétations de R. Berliner concernant un second fragment de tapisserie copte 39, une bande 8,50 cm de haut pour 152,50 cm de large, sur laquelle sont représentés en frise une série de personnages et d’animaux qui semblent au premier abord difficilement identifiables. Les motifs de cette tapisserie s’organisent autour de la figure de Vénus. La femme émergeant d’une coquille qu’on y distingue est en effet très certainement Vénus Anadyomène 40. Mais on a ici affaire, selon R. Berliner, à toute une série de scènes liées au mythe de la déesse. Il voit en effet dans le personnage féminin présenté à l’extrême gauche, dans une sorte de caisse rigide, Vénus sur son char. Il identifie également à Vénus la femme assise sur un trône et tenant une fleur. Il rappelle que certaines plantes, les roses en particulier, étaient traditionnelle36 En revanche, contrairement aux affirmations de R. Berliner qui les interprète comme des perruques de scène, il semble difficile de savoir ce que les coiffures rectangulaires des deux personnages doivent à une schématisation rendue nécessaire par la nature du support. On les retrouve par exemple sur une tapisserie du Musée Historique des Tissus à Lyon (Inv. 24439. Voir L. Del Francia, op. cit., p. 211 et pl. XXIX, 4-5) représentant elle aussi Vénus à la coquille. 37 Texte établi par J. Hellegouarc’h, Paris, Les Belles Lettres, 1982. 38 R. Berliner, op. cit., p. 43-44. 39 TM. 1964.8.1. 40 R. Berliner, op. cit., p. 35.
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ment associées à cette déesse 41. D’autres personnages de la bande tiennent également des fleurs. L’ensemble de ces motifs textiles représenterait donc la naissance de Vénus et à sa célébration par les habitants de la terre et de la mer 42. Or, R. Berliner fait observer que plusieurs des personnages portent des vêtements aux formes bizarres. Malgré le manque de précision des détails des motifs, il y reconnaît certaines pièces de costume caractéristiques du monde du théâtre. Il relève en particulier un personnage d’apparence hybride, mi-homme mi-bête, qui joue de la flûte. Le chapeau conique qui le coiffe était couramment porté par les musiciens accompagnant mimes et pantomimes 43. Il s’agirait donc non d’un être fabuleux, mais d’un membre d’une troupe théâtrale dans son costume de scène. De même, la créature aux pieds caprins située près de l’extrémité gauche de la bande serait un acteur déguisé en Panisque, être fabuleux propre aux spectacles théâtraux. Le savant américain voit dans les pièces rectangulaires figurées sur les jambes de ce personnage des sortes de guêtres, preuve qu’il s’agit bien d’un costume 44. Quant aux créatures hybrides, mi-hommes, mi-femmes, qui semblent danser, elles n’ont rien à voir avec la mythologie traditionnelle. Selon notre auteur, ce sont des figures comiques caractéristiques du monde du mime 45. Les longues branches qu’ils brandissent les caractérisent comme des habitants des forêts. «Hommes sauvages» et Panisques sont là pour accueillir la déesse après son débarquement. Par conséquent, les créatures marines qui apparaissent également sur cette frise, poissons et Néréides chevauchant des monstres marins, doivent également être inspirées par la même représentation théâtrale : elles composaient le cortège de la déesse avant son débarquement. Les interprétations avancées par R. Berliner sur les motifs de cette seconde bande semblent moins convaincantes en raison de la maladresse des figures représentées. Néanmoins, la justesse de ses observations sur la première de ces deux œuvres et les aperçus que la littérature nous donne sur les spectacles de thème mythologique permettent à l’ensemble de ses propositions d’emporter l’adhésion. Si ces deux œuvres textiles représentent bien des spectacles, il est probable que les épisodes maritimes de ces derniers se dérou-
41 Voir H. Stern, Le calendrier de 354. Étude sur son texte et ses illustrations, Paris, P. Geuthner, 1953, p. 183. 42 R. Berliner, op. cit., p. 43. 43 H. Reich, Der Mimus, I, 1 Berlin, 1903, p. 448, n. 579; M. Bieber, Mima saltatricula, in AJA, 43, 1939, p. 640-644. 44 R. Berliner, op. cit., p. 40. 45 Ibidem, p. 41-42.
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laient dans un bassin. Il s’agirait donc de notre plus tardif témoignage sur les spectacles aquatiques romains. En effet, selon R. Berliner, le tisserand a tiré les motifs de ces tapisseries d’un livre illustré ou d’un modèle déjà adapté aux créations textiles. Plusieurs sources d’inspiration s’intercalent entre ces représentations, qui datent du VIIe siècle et le type de spectacle dont elles dérivent 46, qui doit relever du Ve ou du début du VIe siècle au plus tard 47. Un élargissement des thèmes au Bas-Empire? Bien des mythes de la tradition grecque avaient un contexte maritime susceptible de donner lieu à des spectacles aquatiques tout comme à des œuvres décoratives. Il semble pourtant que ce répertoire ne fut pas jugé suffisant. G. d’Ippolito 48 a en effet démontré que les versions traditionnelles de certains récits furent amplifiées, voire modifiés, pour une meilleure adaptation à de telles mises en scène. Dracontius et les spectacles du De Mallii Theodori consulatu de Claudien Ainsi, on relève dans la Médée de Dracontius, poète africain du Ve siècle, deux scènes aquatiques qui n’appartiennent à aucune des versions antérieures du mythe. Dans la première (v. 41-44), Jason plonge depuis le navire Argo pour gagner à la nage, seul, la rive colchidienne. La description de Cupidon émergeant des eaux (v. 96-101) est elle aussi relevée comme inédite par G. D’Ippolito : ... At ille, fluctibus e mediis surgens rutilante capillo excussit per inane caput, quatit impiger alas, ut pinnas desiccet aquis : micat ignis ut astra plausibus excussus pueri, per cuncta uideres scintillare diem, uolitant super aequora flammae 49. ([...] Et l’Amour, surgissant du milieu des flots, les cheveux éclatants, agita la tête à travers les airs, secoua ses ailes pour en sécher les plumes, infatigablement. Le feu que font jaillir les battements d’ailes de l’enfant scintille comme les astres, partout où l’on peut voir le jour briller; les flammes voltigent sur les flots).
Ibidem, p. 42 et 46-47. Compte tenu de son thème païen et de la disparition de ce type de spectacle à l’époque byzantine. 48 Draconzio, Nonno e gli idromimi, in A et R, n. s., anno VII, fasc. 1, 1962, p. 1-14. 49 Texte établi par E. Wolf (Dracontius, Œuvres, t. IV, Paris, Les Belles Lettres, 1996). 46
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Ce passage est particulièrement révélateur dans notre perspective. La description se construit autour du thème du mélange des éléments et des jeux de lumière qu’il provoque, le feu ardent de l’Amour se mélangeant aux eaux de la mer où il s’est plongé 50. On relève en particulier les verbes rutilare, micare, scintillare, et la proposition uolitant super aequora flammae. Or dans les vers 326-332 du De Mallii Theodori consulatu de Claudien, consacrés aux jeux du théâtre (T. 58) 51, se succédaient l’évocation de spectacles pyrotechniques, où «des flammes tournent sur la scène élevée à la manière d’un chœur, (inque chori speciem parcentes ardua flammas scaena / rotet) et celle d’une «mer soudainement apparue» (subito aequore) devant les spectateurs. Ici, le spectacle du feu et celui de l’eau se succèdent, là il se mêlent. Mais on relève le même jeu sur le contraste entre les éléments, certainement fort apprécié du public. Aussi est-il possible que le passage de Dracontius se soit inspiré d’un spectacle aquatique où l’on voyait l’Amour sortant des eaux, accompagné de quelque réalisation pyrotechnique. L’influence de l’univers du spectacle sur la Médée nous est confirmée par Dracontius lui-même. En effet aux vers 16-19, il rappelle que les épisodes relatés par la première partie de son poème faisaient l’objet de représentations de pantomime 52 : Nos illa canemus, quae solet in lepido Polyhymnia docta theatro muta loqui, cum nauta uenit, cum captus amatur inter uincla iacens mox regnaturus Iason; uel quod grande boans longis sublata cothurnis pallida Melpomene, tragicis cum surgit iambis, quando cruentatam fecit de matre nouercam mixtus amore furor dotata paelice flammis, squamea uiperei subdentes colla dracones cum rapuere rotis post funera tanta nocentem. (Quant à nous, nous chanterons ce que la savante Polymnie a l’habitude de dire en silence, sur son charmant théâtre : lorsqu’arriva le marin, lorsque captif, il inspira l’amour, et que Jason, gisant dans les fers, était sur le point de régner; ou bien ce que clame de son style imposant la pâle Melpomène, surélevée par ses hauts cothurnes, lorsqu’elle se lève avec ses ïambes tragiques : quand la fureur mêlée à l’a-
50 Le thème du mélange entre l’eau et le feu causé par l’Amour apparaît également dans Hylas (v. 31-35), où le dieu promet à sa mère de mettre en ébullition, si elle le désire, les eaux du royaume de Neptune. 51 Il s’agit de ceux qui furent donnés en 398 ap. J.-C. lors de l’accession au consulat de Manlius. 52 Voir les notes à la traduction de E. Wolf, t. 3, p. 33 et 43, t. 4 p. 189, n. 13.
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mour fit d’une mère une sanglante marâtre, après que sa rivale eut reçu les flammes en dot, quand des dragons vipérins placèrent sous le joug leur cou écailleux, quand ils enlevèrent sur les roues de leur char la criminelle, après tant de meurtres).
Le début de l’histoire de Médée est donc placé sous le patronage de Polymnie, Muse de la pantomime, tandis que les épisodes relatés dans la suite du poème relèvent du domaine de Melpomène, la Muse tragique. Or, comme le fait observer G. d’Ippolito 53, c’est dans la première partie du poème que se trouvent les deux scènes aquatiques inédites déjà évoquées, la nage de Jason et l’apparition de l’Amour du fond des eaux. La seconde partie au contraire, suit très exactement la version mythique traditionnelle, qu’on retrouve dans les tragédies sur ce thème 54. Il est donc probable que les mimes ou les pantomimes auxquels Dracontius fait allusion comportaient effectivement des séquences aquatiques. Dans un autre poème, Hylas, Dracontius a également ajouté au mythe une scène aquatique inédite, longuement développée (v. 7793). Le poète attribue en effet l’amour des Nymphes du Pénée pour Hylas à une vengeance de Vénus 55. L’Amour, prié par sa mère d’inspirer aux Nymphes cette passion, commence, pour approcher ces dernières, par jeter une pierre dans leur source. Elles émergent de l’eau pour chercher la cause de ce bruit. L’Amour prend alors luimême l’apparence d’une Nymphe pour s’adresser à elles, et feint d’ignorer la raison de leur émoi. Le récit des gestes du dieu au bord de la source, la description, surtout, de l’apparence que lui donne son travestissement, occupent un nombre de vers sans rapport avec l’importance de ces éléments dans la progression du récit. La transition avec l’épisode du rapt lui-même, assez brièvement traité d’ailleurs, se fait par un rapide interea (v. 94). Le raccord est donc assez artificiel 56. La description de l’Amour au bord de la source et de son entretien avec les Nymphes serait en revanche parfaitement adaptée à un spectacle aquatique. Nonnos et les nageuses des spectacles évoqués par Jean Chrysostome Dans les Dionysiaques de Nonnos, poème à peu près contemporain de Dracontius 57 sur les aventures de Dionysos, on relève la préG. d’Ippolito, op. cit., p. 4. E. Wolf, n. 12, p. 189. Dracontius poursuit en plaçant son epyllion sous le patronage de Calliope, Muse du genre qu’il entend lui-même pratiquer (v. 26-31). 55 La déesse aurait été irritée par l’attention prêtée par les Nymphes aux récits de Climène sur son adultère avec Mars (v. 53-70). 56 G. d’Ippolito, op. cit., p. 5. 57 La date de composition des Dionysiaques, le poème de Nonnos, est fort 53
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sence de nombreux passages décrivant le bain d’un personnage féminin, déesse ou mortelle, avidement contemplée par un spectateur clandestin. L’épisode fameux du bain de Diane, épié par Actéon, est ainsi rappelé plusieurs fois (V, 304-315; 475-489). Deux autres de ces récits ont pour héros Zeus, espionnant dans le premier cas Perséphone, et dans le second Sémélè accompagnée de ses suivantes (V, 601-621 et VII, 267-279). Sont également évoquées la nage de Nicaia sous les yeux d’Hymnos, puis Dionysos (XV, 244-249 et XVI, 5-13), et celle de Climène surprise par Hélios (XXXVIII, 116-129). À ces séquences consacrées à la même situation, on peut rattacher de très nombreuses autres scènes de bain : celui de Diane, à nouveau, accompagnée par Aura, (XLVIII, 335-350), celui de Morrheus. (XXXV, 185-191) et deux courses à la nage, l’une entre Dionysos et Ampelos (XI, 5-55), l’autre entre Calamos et Carpos (XI, 406-426). Aux vers 141-174 du chant X sont décrits les ébats aquatiques des Satyres. Plus loin (XXIII, 192-214) on assiste à la traversée de l’Hydaspe par la troupe de Bacchus. Enfin, au chant XLI (97-118), on voit Aphrodite naître de la mer, selon la tradition, mais aussi gagner à la nage l’île de Bérythe. La plupart de ces épisodes, outre qu’ils ne sont pas essentiels à la progression de l’intrigue, sont des innovations de la part du poète 58. Par exemple, dans aucune version antérieure connue des mythes concernés il n’est question d’une baignade épiée comme première origine des amours de Zeus, Hélios ou Dionysos. La récurrence de ce motif du bain, dont l’ajout semble souvent assez artificiel, pourrait bien tirer son origine d’une multiplication, à l’époque du poète, de mises en scène aquatiques sur des thèmes analogues. L’influence des spectacles de l’époque sur Nonnos est d’ailleurs depuis longtemps reconnue 59. Au-delà de leur caractère inédit, la manière dont ces scènes sont développées semble en faveur de notre hypothèse. En particulier, leur mise en rapport avec le texte de Jean Chrysostome condamnant les spectacles aquatiques, en apparence si différent, fait apparaître de nombreux points de rencontre. Tout d’abord, contrairement à toutes les versions antérieures du controversée. Cependant, qu’on admette la datation la plus haute (381 ap. J.-C., comme terminus ante quem selon Q. I. Cataudella, Cronologia di Nonno di Panopoli, in SFIC, n. s. XI, 1934, p. 14-33) ou la plus basse (entre 450 et 490 selon L. R. Lind, The Date of Nonnos of Panopolis, in CPh, XXIX, 1934, p. 69-73) on se trouve toujours dans la période de plus grande diffusion des spectacles aquatiques. 58 Ibidem, p. 7. 59 O. Weinreich, Epigrammstudien I : Epigramm und Pantomimus, Heidelberg, Winter Verlag, 1948, p. 161-172; L. R. Lind, The Mime in Nonnos’Dionysiaca, in CW, XXIX, 1935, p. 21.
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bain de Diane, par exemple, dans la plupart de ces scènes les personnages ne se contentent pas de simples ablutions mais nagent en pleine eau, qu’il s’agisse de la mer ou d’un fleuve. L’énumération précise des mouvements de la nage 60 revient à plusieurs reprises. La description de Dionysos luttant de vitesse avec Ampelos (XI, 47-50) est particulièrement précise sur ce point Kaıù ueoùv yΩdato¥enta fe¥rwn taxyth˜tov aßgw ˜ na e¶trexen aßsth¥riktov eßn y™dasi, gymnaù rΩee¥uroiv ste¥rna balw ¥ n, done¥wn deù po¥dav kaıù xeı˜rav eßre¥sswn aßfneih˜v aßtı¥nakta kate¥grafe nw ˜ ta galh¥nhv 61 (Et le dieu, dans cette aquatique épreuve de vitesse, court capricieusement dans les eaux en présentant sa poitrine nue au courant. Il bat des pieds, rame avec ses mains et inscrit son sillage à la surface de l’onde opulente sans en troubler le calme).
Le verbe nh¥xomai revient plus fréquemment encore 62. Or, chez Jean Chrysostome, le même verbe caractérise à plusieurs reprises les spectacles présentés dans la kolymbh¥ura. En outre, si l’érotisme de l’association entre l’eau et la nudité est un topos de la poésie romaine 63, chez Nonnos une telle association est systématique, et suscite des développements récurrents. On relève dans chaque passage concerné les adjectifs aßneı¥mwn, aßskeph¥v, gymno¥v, gymno¥xroov et aßkrh¥demnov évoquant la nudité de la nageuse ou du nageur et de sa suite 64. Il est difficile de rendre compte de ce phénomène en invoquant uniquement «l’imagination sensuelle» du poète, comme le fait observer G. d’Ippolito 65. On peut rappeler que Jean Chrysostome, lui aussi, insiste à plusieurs reprises sur la nudité des actrices de la kolymbh¥ura, attrait dangereux pour les fidèles. On retrouve également chez les deux auteurs la même description du désir qui saisit le spectateur. Prisonnier de son regard, il est en proie à une impatience insatiable 66. Enfin, on peut invoquer en faveur de notre hypothèse la composition très visuelle de ces descriptions de baignades, où le poète mul60
Outre les passages cités, voir aussi : VII, 184-189; XXIII, 206-209; XLI, 112-
117. Texte établi et traduit par F. Vian, Paris, Les Belles Lettres, 1995. V, 491; VII, 257; 268; X, 150; XI, 9; XI, 408-410; XVI, 12; XXXVIII, 121; XLI, 113; XLVIII, 346. 63 J. Griffin, Latin poets and Roman life, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 1985, p. 88-111. 64 V, 307; V, 309; V, 477; V, 609; VII, 184; VII, 216; XI, 408-411; XVI, 7; XVI, 12; XXXV, 188; XXXVI, 120. 65 Op. cit., p. 8. 66 Nonnos V, 305-307; VII, 202-204; XVI, 11-13 et Jean Chrysostome (T. 59). 61
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tiplie les notations de mouvement, caractérisant les attitudes et les activités de chaque personnage. La description du bain des Satyres autour de Dionysos, au chant X (v. 149-174), en est un exemple : Kaıù Sa¥tyroi paı¥zontev, eßn hße¥ri tarsaù meue¥ntev, eıßv potamoùn proxe¥onto kybisthth˜ri karh¥nw∞. üWn oΩ meùn ayßtofo¥rhtov eßnh¥xeto xersıùn eßre¥sswn prhnhùv eßn rΩouı¥oisi, kaıù oı¶dmasin ı¶xnov eßreı¥sav possıùn oßpisuoto¥noisi rΩyhfeneùv e¶sxisen y™dwr Kaı¥ tiv yΩpobryxı¥wn katedy¥sato be¥nuov eßnay¥lwn, neio¥ui mastey¥wn nepo¥dwn eΩtero¥xroon a¶grhn, tyflhùn nhxome¥noisin eßp ßıxuy¥si xeı˜ra titaı¥nwn. ... Symple¥gdhn deù po¥dessin aßrhro¥ta tarsaù syna¥ptwn, kyfoùv eßridmaı¥nwn Saty¥rw ∞ Silhnoùv aßlh¥thv ky¥mbaxov ayßtoky¥listov eßpeskı¥rthse rΩee¥urw ∞ yΩco¥uen eıßv bauyù laı˜tma, kaıù ßıly¥ov h™pteto xaı¥th. ... Kaı¥ tiv eßnıù proxoƒsi meta¥frenon hße¥ri faı¥nwn a¶broxon w ® mon e¶leipe, di y™datov ßısxı¥a ba¥ptwn aßgxibauhùv aßtı¥naktov (Et les Satyres, en jouant, les pieds en l’air plongent dans le fleuve, la tête la première; l’un d’eux, se laissant porter par son propre mouvement, nage sur le ventre en ramant de ses mains à la surface de l’eau. Il fend l’onde opulente d’une détente de ses jambes. Un autre plonge dans les profondeurs pour y chasser une proie sans pattes aux couleurs variées, et il tend une main aveugle vers les poissons qui nagent... Et Silène, tout voûté, unissant étroitement pieds et jambes, bondit pour rivaliser avec le Satyre. Il culbute, roule sur lui-même, et saute de haut dans le fleuve, jusqu’au fond de son lit... Un autre Satyre, dans les eaux, montre son dos à l’air et ne mouille pas ses épaules; il trempe ses reins dans l’eau, près du bord, immobile).
Ces joyeux ébats aquatiques 67 suscitent une mise en parallèle du texte de Nonnos avec celui d’un autre auteur, légèrement antérieur : Ausone. Ce dernier en effet a développé aux vers 170-185 de la Moselle, un épisode analogue, où Nymphes et Satyres jouent ensemble dans la rivière. Chez les deux auteurs, l’élément liquide et les jeux aquatiques prennent une importance qui renouvelle le topos mythologique. Nonnos et Ausone, vivant presque aux deux bouts de l’empire, n’ont guère pu s’influencer l’un l’autre. Leur source d’inspiration commune est donc sans doute à chercher parmi les spectacles de l’époque. On retrouve donc derrière les descriptions de Nonnos des mises 67
X, 148-168.
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en scène aquatiques où la fiction mythologique servait de prétexte à des divertissements le plus souvent érotiques, ou parfois burlesques. Il est bien entendu impossible d’affirmer que toutes les scènes de baignade des Dionysiaques avaient auparavant fait l’objet d’un spectacle, Nonnos étant coutumier des variantes sur un même motif. Mais comme l’affirme G. d’Ippolito, leur nombre est probablement le reflet d’un goût de l’époque pour les représentations de la kolymbh¥ura. Thèmes et déroulement des spectacles aquatiques au BasEmpire L’étonnante multiplication des scènes de baignade chez Nonnos et les allusions de Dracontius au modèle théâtral inspirant certains passages de ses œuvres nous incitent donc à tenter d’imaginer des spectacles aquatiques de thème mythologique d’après les modèles que nous suggèrent les œuvres de ces deux auteurs. Ils pouvaient donc mettre en scène deux personnages seulement, tels Hélios observant Climène et Dionysos se mesurant à Ampelos, ou présenter toute une troupe : Diane ou Sémélè avec leurs suivantes, les Satyres jouant, les Bacchantes traversant le fleuve Hydaspe. Dans certains cas, les séquences étaient intégrées de manière à participer à la progression de l’intrigue mythologique ou légendaire. Ainsi, c’est la vue de la Nymphe ou de la déesse au bain qui éveille l’amour chez le dieu, suscitant une série d’aventures. Mais ces épisodes inclus dans l’intrigue recevaient volontiers des embellissements un peu gratuits, amenant à s’attarder sur les scènes de bain. Tel est le cas, dans le Hylas de Dracontius, pour le passage où l’Amour vient trouver les Nymphes du Pénée, après avoir pris leur apparence. Nonnos surtout a multiplié les digressions. Par exemple, l’évocation des jeux des Satyres ou de la course de Dionysos et Ampelos sont des ajouts qui marquent un temps d’arrêt dans le déroulement des péripéties. Déjà, parmi les spectacles décrits par Martial pour une époque bien antérieure, la traversée de Léandre évoquée dans les épigrammes XXV et XXVb était un épisode essentiel d’un récit, alors que la danse des Néréides apparaissait comme un simple intermède. On peut donc admettre que si les mises en scène aquatiques de thème mythologique se développèrent et se diversifièrent au BasEmpire, elles reposaient sur des procédés analogues à ceux des premiers spectacles connus 68. 68 Ces passages de Dracontius, Ausone et Nonnos ne sont sans doute pas les seuls à porter les traces d’une influence des spectacles aquatiques. Mais ici encore, une tentative d’exhaustivité sur ce point paraîtrait bien hasardeuse. Les tex-
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Des spectacles nautiques mal identifiés En outre, en mettant en rapport sources écrites et figurées, on constate que les spectacles aquatiques romains, au Bas-Empire tout au moins, comptèrent des mises en scène nautiques plus proches des représentations mythologiques et légendaires évoquées plus haut que des naumachies. Les lembi du poème de Claudien et la mosaïque de Yakto Une source littéraire incite à une telle hypothèse. Il s’agit des vers 331-332 du De Mallii Theodori consulatu de Claudien, déjà cité (T. 58). Le poète en effet, achève ainsi sa description des divers spectacles théâtraux donnés à Milan lors de l’accession au consulat de Mallius, en 398 : Lasciui subito confligant aequore lembi Stagnaque remigibus spument inmissa canoris 69. (Que des barques folâtres se rencontrent sur une mer soudainement apparue, et que la nappe d’eau ainsi introduite écume sous les coups des rameurs à la voix mélodieuse).
Ces vers ne sont pas aisés à interpréter. Si on attribue au verbe confligant le sens de «combattent», ils semblent alors évoquer une sorte de combat sur des barques 70, une joute comme celle qu’Ausone dans la Moselle qualifie de naumachia 71. Cependant, selon G. Traversari 72, compte tenu des dimensions d’une orchestra de théâtre, il aurait été fort malaisé d’y faire s’entrechoquer et combattre deux flottes, même constituées de petites embarcations. Ausone, lui, situait sa «naumachie» sur le cours de la Moselle. En outre, toujours selon G. Traversari, il serait difficile de concevoir comment les passagers des barques pouvaient à la fois chanter et se livrer combat 73. Ces observations ont amené cet auteur à une interprétation radicalement différente du texte de Claudien. Selon lui, les lembi, loin d’être des embarcations, sont des figures formées par les évolutions des nageurs, comparables à celles que décrit Martial dans l’épites cités appartiennent à l’époque de plus grande vogue de ces mises en scène et les rapprochements qu’ils autorisent sont particulièrement probants. Ils suffisent à faire entrevoir l’élargissement, sans doute considérable, des thèmes développés par les spectacles. 69 Texte établi par J. Barrie Hall, Leipzig, Teubner, 1985. 70 Comme le suppose par exemple K. M. Coleman, op. cit., p. 71, n. 110. 71 Voir p. 55-59. 72 G. Traversari, op. cit., p. 45-46. 73 Ibidem, p. 51, n. 1.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
gramme XXVI du Livre des Spectacles. Le verbe confligant se traduirait alors par «se rencontrent» ou «accourent ensemble». Nous voici donc ramenés d’une naumachie à une de ces chorégraphies aquatiques déjà évoquées. Néanmoins, un autre document, iconographique cette fois, permet de remettre en cause les conclusions de G. Traversari sans revenir à l’hypothèse, effectivement très improbable, d’un combat naval. Il s’agit d’une mosaïque de la seconde moitié du Ve siècle, dite de la Megalopsuchia, découverte dans les ruines d’un luxueux édifice à Yakto sur l’ancien site de Daphné 74. Le nom qui lui a été attribué est celui de la figure allégorique qui en occupe le centre, autour de scènes de chasses. Mais c’est la bordure de cette mosaïque, présentant des édifices alignés, qui ici nous intéresse. Animée par des scènes de rue, elle présente un choix des monuments de l’Antioche de l’époque, ou de son faubourg de Daphné, tels qu’on pouvait les voir en suivant un certain itinéraire. Or, on distingue parmi eux un petit hémicycle entouré de trois séries de gradins et couvert par un toit de tuiles que portent des colonnes blanches. Le centre de l’hémicycle est occupé par de l’eau que matérialisent des lignes horizontales blanches et vertes. À droite, une petite construction aux murs bruns et au toit rouge paraît s’avancer au-dessus de l’eau. À gauche flotte une barque. Au-dessus du monument est étendue une petite figure féminine, encadrée par les noms de deux sources de Daphné, Kastalı¥a et Palla¥v. À sa droite et au-dessous d’elle partent deux courants d’eau, dont l’un tombe dans une piscine rectangulaire située exactement sous l’inscription hΩ Palla¥v, et l’autre dans l’hémicycle déjà décrit. Celui-ci présente l’aspect d’un théâtre (pl. XV). Par ailleurs, un passage de la Chronographie de Jean Malalas (XI, 363-364) 75, concernant les réalisations édilitaires d’Hadrien à Antioche et à Daphné, peut être mis en relation avec le petit édifice de notre mosaïque : Metaù deù thùn basileı¥an Traı¨anoy˜ eßbası¥leysen ¶Hliov Adrianoùv... e¶ktise deù eßn Antioxeı¥a∞ tƒ mega¥lq kaıù ayßtoùv dhmo¥sion loytroùn kaıù aßgwgoùn eßp o¶noma ayΩtoy˜, kaıù toù ue¥atron tw˜n phgw ˜ n Da¥fnhv ayßtoùv eßpoı¥hse kaıù taù eßkxeo¥mena y™data eßn taı˜v Agrı¥aiv taı˜v legome¥naiv fa¥ragjin yßpe¥strece, poih¥sav pı¥lav kaıù oıßkodomh¥sav stereaùv kaıù polydapanh¥toyv proùv toù nikh˜sai taùv oΩrmaùv tw ˜ n yΩda¥twn kaıù diaù toy˜ genome¥noy par ayßtoy˜ aßgwgoy˜ aßxuh˜nai eıßv thùn ayßthùn Antio¥xoy po¥lin eıßv aßfnı¥an th˜v po¥lewv. e¶ktise deù kaıù toùn naoùn tw ˜ n ayßtw ˜ n phgw˜n o™uen eßje¥rxontai taù rΩeı˜ura eßn tƒ ayßtƒ Da¥fnq, eßgeı¥rav eßn t√ ayßt√ na√ tw˜n Nymfw˜n a¶galma me¥ga kauh¥menon kaıù kratoy˜n pw ˜ lon toy˜ Dioùv eıßv timhùn tw˜n Naı¨a¥dwn, o™ti eßte-
74
J. Lassus, La mosaïque de Yakto, in Antioch-on-the-Orontes, I, 1932, p. 114-
75
Auteur du VIe siècle, originaire d’Antioche.
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leı¥wse toù toioy˜to foberoùn e¶rgon, yΩpeùr eyßxaristı¥av. eßpoı¥hse deù kaıù toù bly¥zon y™dwr th˜v legome¥nhv Sarama¥nnav phgh˜v di oΩlkoy˜ eßjie¥nai kaıù eßkxeı˜suai eıßv ayßtoùn toùn th˜v phgh˜v oΩlkoùn eßn t√ ueatridı¥w∞ toù eßk toy˜ naoy˜ eßjioùn y™dwr eßn diafo¥roiv xey¥masi e¥, a™per eßka¥lesen oΩ ayßtoùv pentamo¥dion, tetramo¥dion, trimo¥dion, dimo¥dion, mo¥dion. kaıù eßpete¥lesen oΩ ayßtoùv Adrianoùv eΩorthùn tw˜n phgw˜n mhnıù daisı¥w∞ t√ kaıù ıßoynı¥w∞ kg¥. kaıù taùv uysı¥av deù w Ω say¥twv gı¥nesuai. thùn deù phghùn thùn eıßv taùv Agrı¥av thùn legome¥nhn Palla¥dov aßpollyme¥nhn perisfı¥gjav eßpoı¥hsen aßgwgoùn eıßv meta¥lhcin toı˜v oıßkoy˜si thùn ıΩeraùn Da¥fnhn 76. (Après le règne de Trajan régna Aelius Hadrien... Lui aussi fonda à Antioche la Grande des bains publics et un aqueduc, auxquels il donna son nom. Il construisit aussi le théâtre des sources de Daphné et il détourna les eaux qui se répandent dans les ravins qu’on appelle les Agriai, après avoir construit à grands frais, pour vaincre l’impulsion des eaux et les conduire vers la ville d’Antioche, un aqueduc aux piliers solides qui fournirait à la cité de l’eau en abondance. Il fonda aussi le temple de ces mêmes sources, d’où sortent les cours d’eau à travers cette même Daphné. Il érigea dans ce temple des Nymphes une grande statue assise et tenant la sphère céleste en l’honneur des Naïades, parce qu’il avait accompli un si imposant ouvrage, en action de grâce. Il fit aussi sortir par un canal l’eau jaillissant de la source appelée Sarammas, et fit couler dans le même canal de la source jusqu’au petit théâtre l’eau sortant du temple par cinq courants différents, qu’il appela pentamodion, tetramodion, trimodion, dimodion, modion. Hadrien célébra aussi une fête en l’honneur des sources le 23ème jour du mois de Daesios, c’est-à-dire du mois de juin; des sacrifices furent également accomplis. Quant à la source qui coule dans les Agriai, et qu’on appelle source de Pallas, comme elle se perdait, il la canalisa étroitement et fit un aqueduc pour l’usage des habitants de Daphné la Sacrée).
Que le ue¥atron tw ˜ n phgw˜n Da¥fnhv et le ueatrı¥dion où aboutissaient les eaux du temple des Nymphes soient distincts l’un de l’autre, ou qu’il s’agisse du même édifice, la présence à Daphné d’une construction en forme de théâtre où parvenait une arrivée d’eau se trouve donc attestée. Ce monument a parfois été interprété comme un nymphée muni de gradins 77 et non comme un véritable théâtre, 76
Texte établi et traduit par L. Dindorf, Bonn, Weber Verlag, 1831, p. 277-
278. 77 D. N. Wilber (The theater of Daphne, in Antioch-on-the-Orontes. The excavations (1933-1936) in Antioch-on-the-Orontes, 2, Princeton, Princeton Univ. Press, 1938, [p. 57-94] p. 57-58, n. 1) pense lui aussi que le ue¥atron ou ueatrı¥dion de Malalas n’était pas un véritable théâtre, mais un réservoir ou une fontaine monumentale, ainsi appelé parce que des gradins permettaient au public de se rassembler autour de l’eau. L’usage du mot ue¥atron dans ce dernier sens est en effet attesté chez Dion Cassius (LXVIII, 27, 3). De la même manière, J. Lassus, (op. cit., p. 130) considère l’édifice représenté sur la mosaïque comme un simple
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
mais il n’en aurait pas été moins apte à accueillir des spectacles aquatiques de peu d’ampleur, tels que les hydromimes. Dans la mesure où la mise en eau, dans un tel «théâtre», était permanente, ces spectacles étaient d’ailleurs les seuls à pouvoir y être présentés. Ces informations concordent parfaitement avec notre mosaïque, où les deux arrivées d’eau semblent émaner de la figure allégorique qui représente les sources de Daphné. L’édifice circulaire représenté sur cette œuvre était donc très certainement destiné aux spectacles aquatiques. Dès lors, la présence d’une petite barque sur son bassin central s’explique si on suppose que comme pour les autres monuments animés par des scènes de la vie quotidienne, le mosaïste a voulu montrer ici le théâtre en activité, tandis que s’y déroulait un des spectacles qui y étaient couramment produits 78. Ce témoignage iconographique prouve donc que contrairement aux conclusions de G. Traversari, un bassin aménagé dans un théâtre pouvait à l’occasion contenir des embarcations. Les vers de Claudien admettent dès lors une autre interprétation. Le verbe confligare est effectivement employé ici avec le sens d’«accourir» ou de «se rencontrer» ainsi que le confirme le Thesaurus linguae latinae 79, mais les lembi mentionnés sont bien des barques, portant des musiciens et des chanteurs (canoris remigibus) 80. La mosaïque de Djemila et les canori remiges de Claudien Quelle pouvait être la raison d’être d’une telle séquence dans un spectacle aquatique? À défaut de textes permettant d’en savoir plus, c’est à nouveau vers l’iconographie qu’il conviendra de se tourner. Les représentations de personnages embarqués jouant de la munymphée. Mais même selon cette hypothèse, l’édifice était parfaitement à même d’accueillir des spectacles aquatiques. On ne pourrait guère s’expliquer autrement la présence d’une barque sur le bassin. 78 En dehors de ce témoignage particulièrement concluant, on peut encore évoquer des graffitis représentant des navires retrouvés sur le mur d’une citerne installée dans le théâtre de Corinthe. Cette citerne était précisément destinée à alimenter un bassin accueillant des spectacles aquatiques (voir p. 527). La présence des graffitis à cet endroit précis incite naturellement à les mettre en rapport avec les spectacles. Le navire le plus net, reproduit par R. Stillwell dans son étude du théâtre de Corinthe (Corinth II. The theater. Results of the excavations conducted by the American school of classical studies at Athens, Princeton, 1952, fig. 66) est muni de voiles et de nombreuses rames approximativement disposées. Il a l’apparence d’un navire de haute mer, mais on peut imaginer qu’une ou plusieurs petites embarcations, reproduisant à échelle réduite de tels navires, aient pu évoluer, ou du moins être installées comme un décor sur le bassin. 79 IV, 1906-1909, confligo, col. 238. 80 Il faut d’ailleurs faire observer que si, comme le souligne G. Traversari (op. cit., p. 51, n. 1), il n’était guère aisé de concevoir un combat naval avec des chanteurs pour protagonistes, il aurait été plus difficile encore d’imaginer que
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sique sont en effet nombreuses dans l’art romain. Comme nous l’avons vu, l’une d’elles apparaît notamment sur la bordure de la mosaïque de la Maison de l’Âne à Djemila, où des personnages dansent avec des crotales, tandis qu’un autre joue de la syrinx. Il ne s’agit pas d’une représentation mythologique comme les autres motifs de la mosaïque. Aussi a-t-elle suscité des interprétations spécifiques. G. Ch. Picard, par exemple, avait proposé de rapprocher les danseurs tenant des crotales qui figurent sur cette mosaïque d’une célébration des Veneralia, en l’honneur de Vénus. Une danse accompagnée de ces instruments semble en effet avoir été un élément important de cette fête religieuse, à partir du IIe siècle ap. J.-C. 81 Toutefois, aucun des documents dont on dispose par ailleurs sur les Veneralia n’atteste leur célébration sur des barques. Surtout, cette interprétation ne permettait pas de rendre compte de certains autres éléments de la bordure. En particulier, si deux des scènes mythologiques des angles, celles de Persée et de Léandre, peuvent toujours être liées au rôle de Vénus comme déesse de l’amour, on ne comprendrait pas la présence du navire d’Ulysse. Aussi cette interprétation fut-elle abandonnée par G. Ch. Picard lui-même dans ses allusions postérieures à la mosaïque de Djemila 82. Une autre explication de ces petits personnages embarqués jouant de la musique et festoyant est venue de l’iconographie funéraire. Selon M. B. Andreae 83 ces navigateurs, qui sont souvent de petits Amours sur les sarcophages, représentent les âmes des morts, en route vers l’Ile des Bienheureux. Si on tente d’appliquer une telle interprétation à la mosaïque de Djemila, la présence d’une scène portuaire et celle du navire d’Ulysse, dont les tribulations avaient une signification eschatologique qu’on retrouve dans l’art funéraire, peuvent être invoquées dans ce sens 84. Cependant, aucune des autres scènes mythologiques des angles ne s’accorderait avec cette explication. De plus, comme le fait observer en particulier R. Turcan 85, ces personnages en barque, même dans les représentations funéraires, «ne semblent pas tellement pressés» d’aborder le rivage de tout repos. «Ils n’ont pas besoin de toucher au port pour être heureux, pour des danseurs aquatiques puissent être à même de chanter tout en exécutant dans l’eau leurs figures. 81 G. Ch. Picard, Le couronnement de Vénus... cité, p. 69-70. 82 G. Ch. Picard, Mosaïques africaines du IIIe siècle après J.-C... cité, p. 47; La Carthage de saint Augustin... cité, p. 109-111. 83 Studien zur römischen Grabkunst, MDAI(R), Heidelberg, Kerle, 1964, p. 161. 84 M. Blanchard-Lemée, op. cit., p. 81. 85 R. Turcan, Les sarcophages romains à représentations dionysiaques. Essai de chronologie et d’histoire religieuse, Paris, de Boccard, 1966, p. 587-589.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
jouir des concerts sur l’eau dans l’insouciance du bon vin et de l’amour». Ces figurations, qu’on retrouve également dans un décor nilotique, évoquent selon lui un «paradis» inspiré des fêtes nautiques de Canope, représentant métaphoriquement, ou réellement, ce que de nombreux Romains espéraient retrouver dans l’au-delà. À plus forte raison par conséquent serait-il hasardeux de faire de l’île de la mosaïque de Djemila l’Ile des Bienheureux. Comme le conclut M. Blanchard-Lemée 86, les personnages embarqués de la mosaïque de Djemila représentent «une joyeuse compagnie allant festoyer dans une villa de plaisance». Elle y voit le symbole de l’«idéal de bonheur sensuel et terrestre du propriétaire, placé sous le patronage de la déesse de la beauté et de la volupté». Cependant, en la rapprochant des vers de Claudien, on peut aller plus loin et intégrer plus étroitement les navigateurs de la bordure à l’interprétation proposée par M. Blanchard-Lemée pour l’ensemble de la mosaïque, en rapport avec les spectacles aquatiques du temps. Ces personnages qui jouissent des plaisirs de l’eau, musiciens, danseurs, chanteurs peut-être, sont semblables aux canori remiges du texte de Claudien. Ils pourraient représenter une allusion à une séquence musicale et chorégraphique inspirée par les fêtes sur l’eau de Canope, différente des mises en scène mythologiques évoquées dans les angles, mais présentée lors des mêmes spectacles. L’utilisation par Claudien de l’adjectif lasciui qualifiant, par hypallage, les barques au lieu de leurs occupants, et qui se traduit par «gais», «folâtres», voire par «lascifs» se situe dans le même registre thématique. Quel était plus précisément le rôle de telles mises en scène dans un spectacle? Le texte de Claudien inciterait à y voir de simples intermèdes musicaux. Mais sur la mosaïque, la présence d’un couple enlacé, prêt à descendre du bateau amarré à l’île, a conduit G.Ch. Picard dans La Carthage de saint Augustin 87 à faire de ce détail un épisode d’un récit dramatique analogue à des romans tels que Les Ephésiaques ou Théagène et Chariclée, qui abondent en péripéties nautiques et maritimes. Les deux interprétations semblent également admissibles. Scènes nautiques et spectacles mythologiques Des scènes de navigation pouvaient naturellement intervenir aussi dans les spectacles aquatiques de thème mythologique. Par exemple, la présence du navire d’Ulysse sur la mosaïque de Djemila R. Turcan, op. cit., p. 81. p. 111. Sur ce point, on pourrait également s’intéresser à une curieuse mosaïque nilotique où sur un navire sans doute en difficulté apparaissent, outre l’équipage, quelques passagers : un jeune couple, un vieil homme et un personnage 86
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MISES EN SCÈNE MYTHOLOGIQUES ET CHORÉGRAPHIES AQUATIQUES
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et de Henchir-Thina incite à penser que certains épisodes de l’Odyssée servaient de thème à des représentations. Il en est de même de l’embarcation montée par un personnage féminin qu’on distingue sur la tapisserie copte déjà évoquée, reproduisant des séquences théâtrales consacrées au mythe de Vénus. R. Berliner ne propose pas d’explication précise de ce détail. Il l’associe simplement au motif qui la suit : un homme sur le point d’être dévoré par un monstre marin et sauvé par une figure ailée. Toutefois, compte tenu de l’extrême proximité, voire de l’imbrication sur cette bande de scènes qui en réalité se succèdent, ce lien n’a rien de très évident. En revanche, le thème principal de toute la bande incite à assimiler à Vénus la femme assise dans le bateau. De fait, ce thème du nauigium Veneris apparaît sur la mosaïque de Henchir-Thina, que nous avons mise elle aussi en rapport avec les spectacles aquatiques. Surtout on connaît au moins une mise en scène historiquement attestée du nauigium Veneris : celle qu’organisa Cléopâtre autour de sa personne pour venir à la rencontre d’Antoine, telle qu’elle est relatée par Plutarque (Ant., XXVI, 1-5). Selon l’historien, la reine remonta le Cydnus sur un navire à la poupe d’or et aux voiles de pourpre. Parée de manière à ressembler à Aphrodite, elle voulut être entourée d’enfants costumés en Amours et de suivantes, choisies pour leur beauté et vêtues en Grâces ou en Néréides. En dehors de sa signification politico-religieuse, qui ne relève pas ici de notre propos 88, on doit admettre qu’une mise en scène analogue, à une échelle plus réduite naturellement, pouvait parfaitement être présentée dans un édifice de spectacle, avec des acteurs professionnels. Conclusion Les sources recueillies évoquant explicitement des mises en scène aquatiques autres que les naumachies et les chasses sont très peu nombreuses. Toutefois, les textes de Martial, de Fronton et de gesticulant, serviteur ou ami. Si le rapprochement proposé par H. Whitehouse (Shipwreck on the Nile : A Greek novel on a «lost» Roman mosaic?, in AJA, 89, 1985, p. 129-134) avec des personnages de roman semble des plus pertinent, on pourrait imaginer, ici encore, des mises en scène reprenant des péripéties analogues. 88 Sur cette signification, voir L. Cerfaux et J. Tondriau, Le culte des souverains dans la civilisation gréco-romaine, Tournai, Desclée et Cie, 1957, p. 299; J. Lindsay, Cleopatra, London, Constable, 1970, p. 59. Sur les travestissements divins, d’Alexandre aux empereurs romains, L. Cerfaux et J. Tondriau, op. cit., p. 150 (Alexandre); p. 297, 300, 303 (Antoine); p. 343-347 (Caligula); p. 349 (Messaline); p. 352 (Néron).
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
Jean Chrysostome amènent à admettre l’existence de spectacles présentés par des nageurs et des nageuses, autour d’une courte intrigue, ou sous forme de chorégraphies aquatiques. Les thèmes utilisés étaient essentiellement tirés de la mythologie et de récits légendaires ou romanesques du monde grec ayant la mer pour cadre. Des témoignages littéraires annexes suggèrent en outre qu’au Bas-Empire bien des entorses furent faites à la tradition pour trouver de nouveaux sujets à ces spectacles. Par ailleurs, la mise en rapport d’un texte controversé de Claudien et d’une mosaïque à peu près contemporaine permet d’attester l’existence, au Ve siècle du moins, de mises en scène nautiques qui, par leur peu d’ampleur et surtout leur absence de caractère agonistique, n’avaient rien à voir avec les naumachies. Il s’agissait d’intermèdes musicaux et chorégraphiques s’inspirant probablement des topoi sur les plaisirs de Canope. Si la manière dont se déroulaient ces spectacles et les thèmes qu’ils développaient apparaissent désormais plus clairement, notamment grâce aux compléments d’information que certains documents iconographiques apportent à notre corpus littéraire, bien des points restent encore dans l’ombre. Attachons-nous à présent aux sites qui accueillaient de telles mises en scène et aux moyens techniques qui leur étaient consacrés. SITES
ET MOYENS MATÉRIELS
Les sites attestés L’amphithéâtre K. M. Coleman, cherchant à identifier le site où fut présentée la traversée de Léandre lors des jeux de Titus 89, se prononce dans un premier temps en faveur de la naumachie d’Auguste. Elle fait observer en effet que par ses dimensions, elle était mieux à même de figurer l’Hellespont qu’une arène d’amphithéâtre. Mais en réalité l’ampleur même de la pièce d’eau rend cette hypothèse peu probable. Elle était destinée à des spectacles de masse, comme les naumachies. Un unique nageur aurait été à peine distingué par le public, d’autant plus qu’il s’agissait d’une représentation nocturne. En outre, comme le souligne K. M. Coleman elle-même, après G. Ville 90, la disposition des épigrammes de Martial incite à situer la traversée de «Léandre», comme les évolutions des «Néréides», dans 89 90
K. M. Coleman, op. cit., p. 63. G. Ville, op. cit., p. 144-148.
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MISES EN SCÈNE MYTHOLOGIQUES ET CHORÉGRAPHIES AQUATIQUES
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l’arène du Colisée. En effet, les pièces XXV et XXVb (T. 54 et 55) consacrées à Léandre suivent immédiatement l’épigramme XXIV (T. 20) qui évoque la naumachie donnée dans l’amphithéâtre. Elles sont elles-mêmes suivies par la pièce XXVI (T. 56) sur le ballet des Néréides, puis par celle qui énumère une série de spectacles donnés sur le bassin d’Auguste (XXVIII; T. 20), l’épigramme XXVII devant probablement être reclassée pour être placée à sa suite 91. Il faut remarquer toutefois qu’en dehors du Liber de Spectaculis, aucune autre source écrite ne fait état de spectacles de nage ou de danse aquatique présentés dans un amphithéâtre. Doit-on en conclure que les jeux de Titus représentèrent sur ce point une exception? Le théâtre Toutes les sources postérieures, écrites ou figurées, évoquant des mises en scène aquatiques analogues les situent dans des théâtres. Fronton (T. 57) par exemple, appelle la légende de Léandre et Héro «la légende diffusée par les acteurs» (fabula histrionibus celebrata). Les deux vers de Claudien (T. 58) sur un spectacle nautique apparaissent à la fin d’une énumération qui, après avoir passé en revue les plaisirs du Cirque et de l’Amphithéâtre, évoque ceux qu’offrira le Théâtre à l’occasion du consulat de Mallius. Quant à Jean Chrysostome (T. 59), il localise très explicitement de la même manière les exhibitions qu’il dénonce (katatre¥xeiv eıßv toù ue¥atron, ßıdeı˜n nhxome¥nav gynaı˜kav ... fey˜ge thùn eßn t√ uea¥trw ∞ kolymbh¥uran). L’expression de saint Augustin, mare in theatro 92, est également significative dans sa concision. Enfin, on se rappelle qu’une lettre de Symmaque (T. 46) adressée à Stylicon à l’occasion de la préture de son fils demandait «l’autorisation de mettre en eau le théâtre». Certes, cette requête peut être mise en relation avec la uenatio de crocodiles, ainsi que le souligne J.-P. Callu 93. Mais il faut rappeler que les ludi Apollinares comportaient aussi des jeux scéniques. Il est donc possible que les installations hydrauliques du théâtre aient été également utilisées à cette occasion pour des représentations mythologiques. Certains des témoignages iconographiques déjà évoqués apportent une confirmation aux informations apportées par les textes. C’est le cas en particulier de la mosaïque de Yakto, où le petit édifice en hémicycle rempli d’eau présente exactement la forme d’un Voir p. 40-41. T. 60. 93 J.-P. Callu, Symmaque, Lettres, t. II, Paris, Les Belles Lettres, 1982, p. 90 et 91
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n. 4.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
théâtre, et peut très certainement être identifié, comme nous l’avons vu, au ue¥atron construit par Hadrien. De même, ce sont des personnages et des détails vestimentaires appartenant au monde du théâtre qui ont suggéré à R. Berliner son interprétation de la tapisserie du Musée du Textile de Washington. Cependant, les sources écrites et iconographiques n’attestent l’existence de théâtres adaptés à la mise en eau que dans quatre grandes cités du monde romain : Rome, Antioche, Carthage et Milan. Un tel bilan ne saurait être accepté tel quel. Il serait difficile d’envisager que ces spectacles aient été produits uniquement à Rome et dans trois villes situées dans des régions si différentes de l’Empire. La mise en eau des édifices : les lacunes des sources écrites Les amphithéâtres En ce qui concerne les amphithéâtres, les questions concernant l’adduction et l’évacuation de l’eau sont bien entendu les mêmes que celles que posent les naumachies et les chasses présentées dans ce cadre telles que nous les avons déjà évoquées. Il faut toutefois noter que plus encore que les uenationes, les mises en scène mythologiques pouvaient être données dans un espace réduit, un simple bassin suffisant à accueillir les quelques acteurs qui assuraient la représentation. Par conséquent, nous envisagerons l’éventualité de chorégraphies aquatiques dans les amphithéâtres où, après examen, nous aurons admis la présence d’installations destinées à la mise en eau. Les théâtres Les textes et les autres documents rassemblés sur les spectacles aquatiques de thème mythologique sont non seulement rares, mais de surcroît très allusifs en raison de leur nature même. On ne relève en effet parmi eux aucune source historique. Des œuvres poétiques, une allusion dans une lettre consacrée à un tout autre sujet, des exhortations de prédicateurs préoccupés non de décrire les modalités des spectacles qu’ils évoquent, mais d’en détourner leur auditoire, ne peuvent naturellement apporter les mêmes précisions. Seule parmi les documents examinés jusqu’ici, la mosaïque de Yakto permet de se représenter les sites où se déroulaient les spectacles aquatiques du Bas-Empire, sous la forme d’un bassin semicirculaire borné par les gradins et occupant tout l’espace de l’orchestra.
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MISES EN SCÈNE MYTHOLOGIQUES ET CHORÉGRAPHIES AQUATIQUES
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Conclusion Contrairement aux naumachies, pour lesquelles l’évocation du spectacle proprement dit s’accompagnait de quelques précisions sur les sites d’accueil, contrairement même aux uenationes dont la description par les sources soulevait de nombreuses questions techniques qu’il convenait de souligner, les textes sur les spectacles aquatiques de thème mythologique ou légendaire sont trop rares et trop allusifs pour permettre ne serait-ce qu’une simple réflexion préliminaire sur les édifices où ils furent présentés. En revanche, nous le verrons 94, les installations destinées aux spectacles aquatiques les plus nombreuses et les mieux conservées sont celles qui ont été retrouvées dans des théâtres. L’abondance de la documentation archéologique et des réflexions qu’elle peut susciter devra donc contrebalancer les lacunes des sources écrites. L’INSERTION
DES SPECTACLES AQUATIQUES DE SUJET MYTHOLOGIQUE DANS LE SYSTÈME DES JEUX ROMAINS
Les apports lacunaires de la documentation Tant sur le plan de leurs principes que des sites qui les accueillaient, les spectacles aquatiques de thème mythologique sont sans doute les plus mal connus parmi ceux que concerne notre étude. Mais la manière dont ces spectacles vinrent s’insérer dans le système des jeux romains et la date précise de cette apparition sont au premier abord plus difficiles encore à définir. Apparition et diffusion des spectacles aquatiques de thème mythologique. En effet, bien que les jeux de Titus aient été très novateurs à plusieurs égards, les mimes et chorégraphies aquatiques du Colisée ne sont mentionnés ni par Suétone ni par Dion Cassius. Or, si Suétone (T. 21) s’est borné à tracer les grandes lignes du programme des spectacles, Dion Cassius (T. 22), sans jamais insister sur leur nouveauté, relève néanmoins quelques détails très certainement inusités qui lui ont paru dignes d’être mentionnés. C’est le cas par exemple de l’assaut contre l’îlot du bassin d’Auguste qui termina la naumachie, ou des animaux terrestres dressés évoluant dans l’eau qui firent partie du programme des chasses. Ne peut-on penser, dès lors, qu’il 94
Voir deuxième partie, p. 255-273.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
a passé sous silence la représentation du mythe de Léandre parce que des spectacles du même genre avaient déjà eu lieu? Quant à Martial, notre unique source sur ce point, il est également le seul à décrire les exécutions travesties en tableaux mythologiques qui furent présentées à cette occasion 95, et dont le principe était déjà connu sous Néron. Il s’attache aussi à des détails, des incidents, comme la naissance inopinée d’un marcassin dans l’arène 96. On doit attribuer ces choix au genre pratiqué, le bref tableau, l’instant saisi se prêtant bien à l’art de l’épigramme. Il serait logique que la traversée de Léandre et la danse des Néréides, spectacles mineurs et de brève durée, aient été passées sous silence par les historiens parce qu’il ne s’agissait pas d’une nouveauté, mais traitées par le poète. Martial lui-même semble en apporter une preuve par défaut : alors que dans la pièce XXVIII (T. 20), il souligne de manière imagée le caractère inédit du spectacle présenté sur le ponton de la naumachie, les épigrammes XXV, XXVb et XXVI (T. 54-56) en revanche ne font aucune allusion à l’éventuelle nouveauté des épisodes décrits. On reste donc dans l’incertitude sur la date exacte de leur apparition parmi les multiples spectacles des jeux romains. Par ailleurs, en dehors de la brève allusion de Fronton qui situe sous Marc-Aurèle des représentations de la traversée de Léandre, nous ne disposons d’aucun document sur les spectacles aquatiques qui nous occupent entre les épigrammes de Martial célébrant les jeux de 80 ap. J.-C. et des textes des IVe et Ve siècle. De la même manière, si l’on excepte les peintures pompéiennes représentant la légende de Léandre et Héro et une monnaie de Sestos sur le même thème 97, la plupart des représentations figurées que nous avons pu rapprocher plus ou moins étroitement des spectacles aquatiques dataient elles aussi de ces deux derniers siècles de l’empire. Grâce à l’examen de ces différents documents, nous avons admis que les mises en scène dont parlent Martial et Fronton et celles dont il est question deux siècles plus tard reposaient dans les deux cas sur des principes analogues. Comment dans ce cas retracer la continuité chronologique de la diffusion de ces spectacles à partir de sources si fragmentaires?
Spect., V, VIII, XXI et XXIb. Spect., XII-XIV. 97 Voir p. 100. Peintures pompéiennes : I, 12, 1 (style : IV); Maison de M. Vesonius Primus / d’Orphée, VI, 14, 20 (style : III-IIB ); Maison des Vettii, VI, 15, 1 (style : IV); VII, 1, 25 (style : IV); Maison de Léandre et Héro, VIII, 5, 5 (style : IV); IX, 5, 14. Monnaies de Sestos de la période autonome : J.Ch. Rasch, Lex. univers. rei num., Leipzig, 1785-1795, IV, 2, 774. 95
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L’absence d’un nom générique Par ailleurs, le genre même auquel on peut rattacher ces spectacles, parmi tous ceux que comportèrent les jeux romains, est au premier abord fort difficile à déterminer. Contrairement aux naumachies, dont le nom soulignait la spécificité, ils ne semblent pas avoir eu de nom générique, que ce soit en latin ou en grec. Même Jean Chrysostome (T. 59), l’auteur qui s’étend le plus largement sur le sujet, ne nomme jamais que le lieu où ces prestations se déroulaient (thùn eßn t√ uea¥trw ∞ kolymbh¥uran), et leurs exécutants (nhxome¥nav gynaı˜kav... eıßv ayßtoù katio¥ntav toù y™dwr). Cette observation est susceptible d’être interprétée de plusieurs façons différentes. Tout d’abord, on pourrait penser que l’extrême diversité de ces mises en scène, n’ayant en commun que la présence d’un cadre aquatique, fut toujours un obstacle à leur reconnaissance comme un genre à part entière. Néanmoins l’étude des textes, si elliptiques qu’ils soient, a déjà fait apparaître une certaine unité dans la conception de ces spectacles quels qu’en aient été le cadre et l’époque. Il s’agissait essentiellement d’exhibitions de nageurs et de nageuses, parfois de petites scènes de navigation. Les sujets étaient tous d’inspiration mythologique ou légendaire et tirés de la tradition grecque, comme la traversée de Léandre, le motif de la Néréide ou de la Naïade, les fêtes de Canope. À partir d’une époque encore difficile à préciser, ils acquirent un cadre bien précis : un théâtre doté d’une piscine. Le petit nombre des sources qui en font mention devrait alors amener à supposer que ces spectacles demeurèrent trop exceptionnels pour recevoir jamais un nom propre. Mais la teneur même de ces textes apporte sur ce point un démenti. Certes, les jeux de Titus en 80 ap. J.-C. représentèrent une occasion exceptionnelle par excellence. En revanche l’expression de Fronton, fabula histrionibus celebrata, montre précisément que la légende de Léandre et Héro avait été popularisée par des spectacles. Jean Chrysostome également s’exprime d’une manière allusive qui prouve l’habitude qu’avait son auditoire des mises en scène aquatiques. Le présent, utilisé en permanence, souligne la régularité des représentations, qu’il s’agisse de commenter le plaisir qu’elles procurent, ou de décrire l’attente impatiente que suscite à chaque fois le spectacle. Chez saint Augustin, on voit que «la mer au théâtre», annoncée à l’avance, devait être particulièrement à même d’attirer les foules, puisque cette perspective pouvait détourner les fidèles de leurs devoirs religieux. Il s’agit néanmoins d’un spectacle bien connu et présenté assez régulièrement pour que le prédicateur puisse se contenter d’une allusion aussi lapidaire. Parmi les textes, seul celui de Claudien nous informe sur les circonstances assez notables de la mise en scène aquatique qu’il
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
évoque : le consulat de Mallius Theodorus. Encore s’agit-il manifestement plus d’une énumération de tous les types de spectacles couramment donnés au théâtre à cette époque que d’un compte rendu anticipé de ceux qui furent plus précisément prévus pour cette occasion. Il ne reste dès lors qu’une seule explication satisfaisante au silence des sources touchant le nom de ces spectacles : ces derniers n’en avaient pas, parce que comme les chasses aquatiques, ils se rattachaient plus ou moins, aux yeux des contemporains, à un genre déjà répertorié. Comme les spectacles que décrit Martial eurent lieu dans l’amphithéâtre, on pourrait envisager leur naissance dans ce cadre. Il convient donc de les comparer aux spectacles qui se déroulaient traditionnellement dans l’arène. Des spectacles d’origine amphithéâtrale ou théâtrale? Ces derniers, surtout à partir de l’époque impériale, ne comportaient pas que des combats de gladiateurs ou de bestiarii affrontant des fauves, mais aussi parfois des mises en scène inspirées de légendes ou de mythes, qui semblent avoir été présentées en intermède aux autres spectacles. K. M. Coleman 98 fait observer que la plupart de ces séquences de thème mythologique étaient des exécutions. On sait par exemple que dans l’amphithéâtre de bois de Néron fut représenté le vol d’Icare, qui s’écrasa près de la loge impériale 99. Au cours des jeux inauguraux de Titus eux-mêmes, on vit, selon Martial (Spect., VIII) Dédale déchiré par un ours, ce qui montre que le thème mythique pouvait être modifié pour servir de prétexte à une damnatio ad bestias. Un homme qui personnifiait Orphée charmant les animaux subit lui aussi le même supplice100. On connaît d’autres exemples encore de ces «exécutions mises en scène» comme le rappelle C. Vismara101. C’est pourquoi K. M. Coleman considère la traversée de Léandre comme l’un de ces spectacles où le protagoniste était sinon voué à une mort certaine, du moins placé en grand péril. Cette proposition pourrait être soutenue par quelques arguments, en particulier si on compare l’épigramme XXV à la pièce XXI du Livre des spectacles : Quidquid in Orpheo Rhodope spectasse theatro dicitur, exhibuit, Caesar, harena tibi. Repserunt scopuli mirandaque silua cucurrit,
K. M. Coleman, op. cit., p. 63. T. 16. 100 Spect., XXI et XXIb. 101 C. Vismara, Il supplizio come spettacolo, in N. Savarese (dir.), Teatri romani. Gli spettacoli nell’antica Roma, Bologna, Il Mulino, 1996 (p. 115-129), p. 123. 98
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quale fuisse nemus creditur Hesperidum. Adfuit inmixtum pecori genus omne ferarum et supra uatem multa pependit auis, ipse sed ingrato iacuit laceratus ab urso. Haec tantum res est facta par ıΩstorı¥an102. (Tout ce que le Rhodope, dit-on, contempla dans le spectacle d’Orphée, l’arène, César, te l’a montré. On a vu ramper des rochers et courir une forêt merveilleuse, telle que fut, à ce qu’on croit, le bois des Hespérides. Toutes les espèces de bêtes sauvages étaient présentes, mêlées à du bétail et au-dessus du poète planaient des oiseaux. Mais lui, nous l’avons vu à terre déchiré par un ours ingrat. Ce dénouement est allé à l’encontre de la légende).
La même recherche d’un effet de réel inspire cette reconstitution de la forêt du Rhodope et l’inondation de l’arène figurant l’Hellespont. Le fait que, comme le dit Martial, la légende ait été contredite par les faits, incite à voir dans le malheureux «Orphée» un condamné à mort103. Le spectacle toutefois prévoyait certainement une part d’incertitude, liée au comportement aléatoire des ferae destinées à être mêlées à des animaux domestiques. Or, comme le fait observer K. M. Coleman, Martial dans les deux vers de l’épigramme XXV (T. 54) s’attache exclusivement à l’heureux dénouement du spectacle. On pourrait effectivement en conclure que le protagoniste était lui aussi susceptible de trouver la mort dans sa tentative. Toutefois, les hypothèses envisagées par K. M. Coleman sont peu convaincantes : elle imagine le nageur alourdi par des poids, voire même menacé par un crocodile. De telles entorses à la légende auraient certainement été signalées par le poète. Le plus probable est qu’il a voulu essentiellement exalter ici la clémence de l’empereur et son pouvoir sur les eaux104, sans qu’il soit nécessaire d’envisager un réel danger pour le nageur tenant le rôle de Léandre. De la même manière, le spectacle suivant, le «chœur des Néréides», n’avait de toute évidence rien à voir avec une exécution. Par ailleurs, en dehors des exemples cités ci-dessus, on connaît grâce à l’épigramme VII du Livre des Spectacles un autre exemple d’exécution mise en scène présentée lors des jeux de Titus, dont la source d’inspiration ne fut pas mythologique, mais exclusivement théâtrale. Il s’agit de l’histoire de Laureolus, bandit fameux dont les divers méfaits, la capture et l’exécution avaient fait d’abord l’objet Texte établi par H. J. Izaac, Paris, Les Belles Lettres, 1930. Selon H. J. Izaac toutefois (p. 9; n. 1), il s’agirait d’un accident, dû à l’insuffisance du dressage du fauve. Quoi qu’il en soit, le risque couru par l’homme tenant le rôle d’Orphée était suffisamment important pour représenter une des sources d’intérêt du spectacle. 104 Voir troisième partie, p. 356. 102 103
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d’un mime. La première représentation connue de ce dernier eut lieu sous Caligula, dans le théâtre provisoire édifié chaque année pour les jeux d’Auguste105. L’œuvre resta fort populaire, au moins sous le Haut-Empire106. Ce spectacle comportait des épisodes fort sanglants et s’achevait par la crucifixion du brigand. Une telle fin s’adaptait parfaitement aux principes cruels des ludi matutini, un véritable condamné remplaçant alors l’acteur. Or, on sait par le témoignage postérieur de Fronton (T. 57) que la légende de Léandre et Héro donna également lieu à des spectacles théâtraux. Dès lors, il semble possible d’établir un parallèle entre les épisodes décrits par les épigrammes VII et XXV-XXVb, non en tant que mises en scène de supplices ou d’épreuves mortelles, mais comme dénouements de spectacles théâtraux transformés en spectacles d’amphithéâtre. L’épisode de la traversée de Léandre, par les qualités athlétiques que devait déployer le nageur, convenait fort bien à ce passage du théâtre à l’arène. Par conséquent, les premières mises en scène ou chorégraphies aquatiques connues, les seules que les sources écrites placent à l’amphithéâtre, nous ramènent elles aussi vers le monde du théâtre. Les représentations iconographiques de la légende de Léandre et Héro, déjà évoquées107, peuvent également constituer un indice de la nature théâtrale des spectacles qui nous occupent. En particulier, on observe sur la plupart d’entre elles la présence d’un personnage très nettement inférieur en taille aux deux principaux protagonistes et qui se tient près d’une lanterne sur la rive d’où est parti Léandre, celle d’Abydos108. La différence de taille peut être due à une tentative pour souligner l’éloignement du personnage, ou sa moindre importance dans l’intrigue. Sur deux représentations pompéiennes, l’une dans la Maison des Vettii et l’autre, sa réplique presque identique, dans la Maison IX, 5, 14, ce personnage se tient à côté des vêtements de Léandre, comme un serviteur veillant sur les effets de son maître. Il n’est pas fait mention de ce témoin de la traversée dans les traitements littéraires connus de ce thème109. Plus qu’à une autre tradition de la légende, l’apparition de ce personnage ne serait-elle pas liée aux spectacles de l’époque? L’esclave, habile second des entreprises
Suet., Cal. LVII, 9; Jos., A.J., XIX, 94. Juv., VIII, 183-188. 107 Voir supra p. 100 et 130. 108 Maison de Léandre et Héro (VIII, 5, 5); Maison des Vettii (VI, 15, 1); Maison IX, 5, 14. On retrouve ce personnage sur les mosaïques de Djemila et de Henchir-Thina déjà évoquées. 109 Sur ces traitements littéraires, voir troisième partie, p. 287-289 et n. 67 p. 301. 105
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amoureuses de son maître, était un protagoniste essentiel de la comédie. Dans la tragédie, un personnage secondaire, confident du héros, intervenait aussi très souvent. Un spectacle inspiré par une légende romanesque aurait pu également nécessiter la création d’un tel rôle. Si on admet la possibilité que ces peintures aient été influencées non par une version poétique de la légende autre que celle d’Ovide, mais par un spectacle, ce dernier serait donc de nature théâtrale. Il reste dès lors à se demander à quel genre théâtral il convient plus précisément de rattacher les spectacles aquatiques de sujet mythologique. Les spectacles aquatiques et les genres théâtraux La pantomime La plupart des mises en scène aquatiques que nos sources écrites attestent ou dont elles suggèrent l’existence semblent avoir possédé un caractère essentiellement visuel. Ce fut certainement le cas des spectacles présentés par Titus dans l’amphithéâtre, monument dont l’ampleur et l’acoustique étaient peu adaptées aux échanges verbaux. En outre, que ce soit la délivrance d’Andromède ou la naissance de Vénus, par exemple, la plupart des thèmes dont l’iconographie nous a permis d’envisager l’utilisation par les spectacles aquatiques pouvaient faire l’objet de représentations basées sur le décor et la gestuelle. Enfin, ces thèmes étaient surtout mythologiques ou légendaires. Or, à l’époque impériale, en dehors de la tragédie, qui ne fait plus guère que se survivre, c’est essentiellement la pantomime110 qui porte à la scène les mythes. Nous l’avons vu, un passage de Dracontius semble autoriser un tel rapprochement : il rattache les épisodes de la première partie de sa Médée (v. 16-19), où apparaissent des scènes aquatiques inédites, au domaine de Polymnie, Muse de la pantomime111. Toutefois, la pantomime ne prévoyait qu’un seul exécutant, accompagné par une musique rythmée et par un ou plusieurs chanteurs doublant les vers par leurs gestes. L’artiste incarnait successivement divers personnages grâce à des masques. Cette particularité, selon Lucien, explique le nom de Panto¥mimov utilisé par les Grecs 110 M. Bieber, The History of the Greek and Roman Theater... cité, p. 235; O. Pasquato, Gli spettacoli in S. Giovanni Crisostomo. Paganesimo e christanesimo ad Antiochia e Constantinopoli nel IV secolo, Roma, Pont. Ist. Orient. Stud., 1976 (Orientalia cristiana analecta, 201), p. 155-156. 111 Voir supra p. 113-114.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
d’Italie112. Les spectacles aquatiques en revanche prévoyaient la participation de tout un groupe de protagonistes comme le chœur des Néréides, ou au moins celle d’un couple, comme dans le spectacle de Léandre et Héro, chacun incarnant un seul personnage. Le port de masques était bien évidemment exclu. Il ne semble pas, en outre, que gestes et paroles aient été dissociés. Nous avons vu notamment que le texte de Fronton cite probablement une tirade que prononçait Héro, du haut de sa tour, dans les représentations théâtrales de la légende. De même, parmi les passages de Dracontius et de Nonnos susceptibles de s’être inspirés des spectacles aquatiques, certains comportaient un dialogue, tel celui de l’Amour avec les Nymphes aux vers 90-93 du Hylas. Par ailleurs, ainsi que le montre bien en particulier le titre de Perıù oßrxh¥sewv que porte l’ouvrage de Lucien et toute la description qu’il offre de cet art, la pantomime, appelée de la même manière Saltatio113 en latin, était une sorte de danse qui devait allier l’esthétique à l’expressivité corporelle et suivre le rythme de la musique qui l’accompagnait. Elle reposait sur une gestuelle complexe, un véritable langage des signes remplaçant les paroles114. Outre Lucien115, nombre de sources antiques l’attestent116. Dans la pantomime romaine, ce langage était destiné à doubler très exactement chaque mot du canticum qui l’accompagnait117. Le spectateur devait avoir l’illusion d’assister à une scène souvent fort animée, impliquant l’intervention de plusieurs personnages, et à l’expression des sentiments les plus complexes. Un principe de stylisation analogue ne se retrouve guère que dans les évolutions des «Néréides» de Martial, dont le groupe, en nageant, dessinait des images que le spectateur «croyait voir». Encore s’agissait-il d’une mı¥mhsiv bien moins élaborée, où on ne reproduisait plus des paroles, ni même des sentiments, mais de 112 Salt., 67. Parfois, un second personnage pouvait être présent sur scène, chargé d’un rôle secondaire, mais il ne semble pas avoir dû s’associer véritablement au jeu de l’acteur, ou plutôt du danseur. 113 Le verbe saltare et le nom de saltator étaient les plus employés pour désigner l’art et la personne du pantomime, ainsi que le fait observer G. Boissier (De la signification des mots Saltare et Cantare tragœdiam, in RA., n.s., II, 4, 1861, (p. 333-343), p. 335). 114 H. Kindermann, Theatergeschichte Europas, I, Salzburg, Müller, 1966, p. 172; G. Solimano, La prepotenza dell’occhio : rifflessioni sull’opera di Seneca, Genova, 1991, p. 18 et 29, n. 89; B. Zucchelli, Mimus hallucinatur... : il teatrospettacolo del II secolo, in Storia letteratura e arte a Roma nel secondo secolo dopo Cristo [Atti del Convegno, Mantova 8-10 ottobre 1992], Firenze, Olschki, 1995, (p. 295-319) p. 316. 115 Salt., 62-69. 116 Quint., XI, 3, 85-89; Aug. Doctr. II, 38; Nonn., VII, 18-21; XIX, 198-264; XXX, 108-117. 117 G. Boissier, op. cit., p. 338.
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simples formes, obtenues par un effet de groupe. Quant aux autres spectacles aquatiques connus, ils ne comportaient pas de chorégraphie élaborée. Les mouvements de la nage pouvaient tout au plus être accompagnés de l’expression de quelques sentiments simples : hâte et lassitude chez Léandre, émulation dans une course entre deux amis, gaieté et plaisir du bain ou de la promenade sur l’eau. Tous ces éléments ont conduit G. Traversari et de G. d’Ippolito118 à rattacher plutôt les spectacles aquatiques au genre du mime. Le mime119 Le mime120 en effet se jouait à visage découvert. Plusieurs acteurs, hommes et femmes, pouvaient être présents ensemble sur scène. Certains spectacles nécessitaient des moyens importants, comme celui qui relatait les aventures du brigand Laureolus121. En outre, les mimes faisaient usage de la parole. Par ailleurs, malgré la présence d’une authentique veine littéraire, tant pour le mime latin que pour le mime grec, le terme désignait le plus souvent un spectacle où la qualité du texte avait si peu d’importance qu’à côté de passages élaborés par l’auteur, en prose ou en vers, une large place était laissée à l’improvisation des acteurs122. Les jeux de scène, les décors, voire les effets de groupe, y occupaient alors une grande place. De tels mimes recherchaient la pure distraction, non le raffinement artistique. Il en était manifestement de même des spectacles aquatiques. Leur possible adaptation au cadre de l’amphithéâtre, au même titre que le Laureolus par exemple, le montre bien. En dehors des séquences de dialogue, les mimes comprenaient en outre un «finale» et des intermèdes chorégraphiques et choraux, qui pouvaient réunir de nombreux acteurs-danseurs123. ContraireG. Traversari, op. cit., p. 45-53; G. d’Ippolito, op. cit., p. 2-3. Ils datent pour la plupart du IIe siècle, le plus tardif étant du VIe siècle (cf. P. Puppini, Il mimo anonimo, forma di spettacolo «popolare» d’età ellenisticoromana, Ferrara, Quaderno del Giornale filolog. ferrarese, 1988, p. 6). 120 G. Boissier, mimos, in DAGR, p. 1900-1907; H. Reich, Der Mimus, Berlin, 1903; M. Bieber, Costume, in Enciclopedia dello Spettacolo, III, Roma, 1956, p. 1583; E. Frézouls, op. cit., p. 127; O. Pasquato, op. cit., p. 104-105; L. Cicu, Problemi e strutture del mimo a Roma, Sassari, Galizzi, 1988; B. Zucchelli, op. cit., p. 313-315. 121 Voir en particulier Suétone (Cal., LVII, 9). On sait d’ailleurs que les compagnies de mime comptaient souvent un nombre important de membres (Voir M. Bonaria, Romani mimi, Roma, Ed. Ateneo, 1965, p. 4; P. Puppini, op. cit., p. 8). 122 B. Zucchelli, op. cit., p. 304; M. Bonaria, op. cit., p. 3; O. Pasquato, op. cit., p. 117-118. 123 L. Friedlander, Darstellungen aus der Sittengeschichte Roms in der Zeit von 118
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ment à la pantomime, danse et chant n’étaient pas répartis entre deux spécialistes mais exécutés par un groupe d’artistes124. De la même manière, dans la séquence musicale décrite par le De Mallii Theodori consulatu, les occupants des lembi sont en même temps les chanteurs et les protagonistes de la mise en scène nautique. Enfin l’immoralité constamment proclamée du mime d’époque romaine, seul genre théâtral où se produisaient des femmes125, tenait non seulement aux sujets abordés, mais aussi à la tradition, fort ancienne, selon laquelle les actrices se déshabillaient sur scène, en particulier lors des Floralia126. Ce trait commun est une nouvelle raison de rapprocher les spectacles de la kolymbh¥ura du genre du mime. Jean Chrysostome (T. 59) paraît d’ailleurs consacrer lui-même ce rapprochement. En effet, les quelques phrases qui précèdent immédiatement le § 6 sur les spectacles aquatiques sont consacrées à des considérations sur le mime, comme si les deux spectacles condamnés reposaient sur des principes voisins, voire relevaient du même genre théâtral. D’autres de ses attaques contre le théâtre permettent en outre de constater que le prédicateur applique aux mimes et aux nageuses des spectacles aquatiques le même terme de po¥rnai127. Enfin, Jean Chrysostome vitupère à plusieurs reprise la lascivité de la danse des mimes128 comme celle des spectacles aquatiques. G. Traversari rapproche cette dénonciation de la définition du mime donnée par Diomède, grammairien du IVe siècle ap. J.-C.129 : Mimus est sermonis cuius libet imitatio et motus sine reuerentia, uel factorum et dictorum turpium cum lasciuia imitatio; a Graecis ita definitus mı˜mo¥v eßstin mı¥mhsiv bı¥oy ta¥ te sygkexwrhme¥na kaıù aßsygxw ¥ rhta perie¥xwn130. (Le mime est une imitation irrévérencieuse des propos et des mouvements de quelqu’un ou une imitation licencieuse de paroles et d’actes honteux. Les Grecs le définissent ainsi : le mime est une imitation de la vie qui embrasse l’acceptable et l’impardonnable).
Retenant essentiellement de cette définition l’expression lasciuia August bis zum Ausgang der Antonine, II, Leipzig, S. Hirzel Verlag, 1921-1923, p. 443; E. Frézouls, op. cit., p. 128; O. Pasquato, op. cit., p. 112-115; B. Zucchelli, op. cit., p. 313. 124 M. Bieber, Costume... cité p. 1583; O. Pasquato, op. cit., p. 113. 125 G. Boissier, Mimus, in DAGR, p. 1906; M. Bieber, The history... cité, p. 248-249; B. Zucchelli, op. cit., p. 312. 126 Val. Max, II, 10, 8; Sen., Ep., XVI, 97, 8; Lact., Inst., I, 20, 6-10. 127 Voir par exemple Hom. contra ludos et theatra; In Matt. hom. I, 7. 128 Hom. in S. Barlaam martyr, 4; In Johann., hom., 60, 5. 129 III, 14 (ed. H. Keil, Teubner, 1857, p. 491). 130 Texte établi par H. Keil, Leipzig, Teubner, 1857.
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imitatio, G. Traversari en conclut que les mises en scène aquatiques dont il traite relevaient du genre du mime131. Aussi leur donne-t-il le nom de téthymimes, en s’inspirant des vers 7-8 de l’épigramme XXVI du Livre des spectacles (T. 56). G. d’Ippolito admet cette assimilation, en préférant toutefois adopter le terme plus général d’«hydromime». Cependant, l’expression sermonis cuiuslibet imitatio et motus sine reuerentia oriente plutôt la définition du genre vers la caricature d’un réel quotidien. Il en est de même de l’expression grecque mı¥mhsiv bı¥oy. Et de fait, l’ensemble des témoignages connus sur ce genre nous confirment que le mime se consacrait essentiellement à une peinture du réel132, celui de la vie quotidienne ou des types humains. C’est pourquoi un fait divers célèbre, comme les méfaits et la capture du bandit Lauréolus, put servir de point de départ à un auteur latin. Mais les sujets des pièces étaient surtout empruntés à la Comédie133. Ces principes conduisirent le mime romain à développer un comique de type farcesque, grossissant traits de caractère et situations134. Plusieurs témoignages, notamment ceux d’Ovide et de Juvénal135, montrent que le thème le plus fréquent en était l’adultère, traité sur le mode de la bouffonnerie obscène. Les rares témoignages sur des mimes romains développant non un thème de la vie quotidienne, mais un récit mythologique, nous les présentent malgré tout comme basés sur ce comique de farce. Les protagonistes en étaient certes des dieux, mais ils apparaissaient dans des situations triviales ou dégradantes. Le texte le plus explicite, sur ce point, est un passage de l’Apologétique de Tertullien (XV, 1-2), où cet auteur de la fin du IIe siècle ap. J.-C. cite plusieurs titres de mimes mythologiques : «Anubis adultère», «La Lune homme», «Diane fouettée», «L’ouverture du testament de feu Jupiter», «Les trois Hercules affamés tournés en ridicule». Il n’est pas impossible que certaines de ces pièces comiques, en particulier au Bas-Empire, aient pu elles aussi faire usage de la piscine théâtrale136.
G. Traversari, op. cit., p. 50-51. G. Dalmeyda, Mimos (Grèce), in DAGR, III, 2, 1899-1900; G. Boissier, Mimus (Roma), ibidem, 1903-1907; M. Bieber, The History..., p. 248; L. Cicu, op. cit., p. 121-137. 133 L. Cicu, op. cit., p. 123-125. 134 L. Cicu, op. cit., p. 141-158. Pour les sources antiques, voir par exemple Cicéron, (De Or., II, 242-252; Fam., VII, 11; Phil., II, 65). Voir aussi Choricius, Apol. mim., 55 (ed. Teubner, p. 356-357). 135 Ov., Tr., II, 497-500 et 505-506; Juv. VIII, 197. Voir H. Reich, op. cit., I, 1, p. 89-90 et O. Pasquato, op. cit., p. 121. 136 Un fragment de mime grec, retrouvé au recto d’un papyrus d’Oxyrinx (Pap. Oxyr. III, 413) et intitulé par ses commentateurs yΩpo¥uesiv Xarı¥tion, comporte une scène de fuite en barque qui aurait pu être représentée dans une 131
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
Toutefois, les mises en scène aquatiques connues, tout en reprenant des thèmes mythiques ou légendaires, n’avaient manifestement rien à voir avec de telles parodies. En effet, elles étaient essentiellement destinées à charmer le spectateur, et non à le faire rire. C’est ce que montrent les vers de Martial célébrant les artes du chœur des Néréides, enseignées par Thétis, ou Claudien décrivant les remiges canori. Selon Jean Chrysostome, les spectateurs enthousiastes qualifiaient la piscine du théâtre de te¥rciv (charme, plaisir délicieux) et de hΩdonhv ey¶ripov (euripe de jouissance). De même, les motifs des mosaïques de Djemila et de Henchir-Thina, les passages de Nonnos et Dracontius probablement inspirés de mises en scène aquatiques ne présentent aucun élément parodique. La légende de Léandre et Héro et son traitement scénique d’après l’aperçu qu’en donne Fronton, se situent même dans le registre du drame. Les spectacles aquatiques et le mime ont donc plusieurs principes généraux en commun. Mais si on examine les divers types de pièces qu’on désignait le plus souvent sous le nom de mime, dans le monde grec comme dans le monde romain, on constate par rapport à elles une nette spécificité, dans le choix de leurs thèmes et surtout dans leur traitement, des spectacles que G. d’Ippolito nomme «hydromimes». Entre le mime et la pantomime : le «mime dansé» Les Anciens toutefois connaissaient un autre type de spectacle que ses caractéristiques rapprochent davantage encore de ceux qui nous occupent. Il s’agissait de la représentation de courts épisodes mythologiques, sans aucune intention parodique. Nous ne possédons sur ce sujet que de rares témoignages. Le plus ancien d’entre eux est la description du divertissement qui clôt le Banquet de Xénophon (IX, 2-7). Il est annoncé aux convives comme suit (§ 2) : W a¶ndrev, Aria¥dnh eı¶seisin eıßv toùn eΩayth˜v te kaıù Diony¥soy ua¥lamon. metaù deù toy˜u h™jei Dio¥nysov yΩpopepwkw ù v paraù ueoı˜v kaıù eı¶seisi proùv ayßth¥n, e¶peita paijoy˜ntai proùv aßllh¥loyv. (Messieurs, Ariane va entrer dans la chambre nuptiale préparée pour elle et pour Dionysos. Ensuite arrivera Dionysos après avoir bu
orchestra remplie d’eau. Son intrigue semble parodier le mythe d’Iphigénie en Tauride, selon G. Theocharidis (Beiträge zur Geschichte des byzantinischen Profantheaters im IV und V Jahrundert, dissertation inaugurale, in LAOGRAFIA PARARTHMA, Thessaloniki, 1940, p. 92-93). Il existait également des mimes parodiant les cérémonies chrétiennes, notamment le baptême (O. Pasquato, op. cit., p. 129-130). À cette occasion, le rite d’immersion pratiqué alors devait certainement être reproduit dans la kolymbèthra du théâtre.
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MISES EN SCÈNE MYTHOLOGIQUES ET CHORÉGRAPHIES AQUATIQUES
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un peu chez les dieux. Il ira la rejoindre, puis ils joueront au jeu de l’amour).
L’actrice, portant un costume d’épousée, paraît alors, assise sur une chaise. L’amour et l’impatience d’Ariane attendant le dieu sont exprimés avec art (§ 3). Puis Dionysos «s’avance en dansant» (eßpixorey¥sav). Les spectateurs admirent le «réalisme» du spectacle : la ressemblance que les deux acteurs présentent avec les divinités qu’ils incarnent, et la qualité de leur jeu (§ 5-6) : OıΩ d oΩrw ˜ ntev o¶ntwv kaloùn meùn toùn Dio¥nyson, w Ω raı¥an deù thùn Aria¥dnhn, oyß skw ¥ ptontav deù aßll aßlhuinw ˜ v toı˜v sto¥masi filoy˜ntav, pa¥ntev aßnepterwme¥noi eßuew ˜ nto. Kaıù gaùr h¶koyon toy˜ Diony¥soy meùn eßperwtw ˜ ntov ayßthùn eıß fileı˜ ayßto¥n, th˜v d oy™twv eßpomnyoy¥shv w™ste mhù mo¥non toùn Dio¥nyson aßllaù kaıù toy˜v paro¥ntav a™pantav synomo¥sai aûn h® mhùn toùn paı˜da kaıù thùn paı˜da yΩp aßllh¥lwn fileı˜suai. (Les spectateurs voyaient un Dionysos vraiment beau, une charmante Ariane, qui s’embrassaient non pas en se moquant, mais véritablement, et tous étaient transportés. Et en effet ils entendaient Dionysos demander à Ariane si elle l’aimait, et elle lui jurer que oui de telle manière que non seulement Dionysos, mais aussi toute l’assistance auraient juré que le jeune homme et la jeune fille s’aimaient l’un l’autre).
On peut également rappeler l’allusion de Velléius Paterculus (II, 83, 2), déjà citée137, à un spectacle où Plancus, lors d’un banquet donné par Antoine, incarna le dieu Glaucus «peint en bleu et nu, la tête couronnée de roseaux et traînant une queue». Tenir un rôle dans cet accoutrement était assurément incompatible avec la grauitas romaine, comme le souligne l’historien. Rien toutefois dans le texte ne permet d’envisager qu’une intention parodique s’associait ici à l’évocation d’une figure mythologique. En outre, si le texte de Velléius Paterculus ne fait aucune allusion à la possible présence d’autres personnages costumés, le divertissement où se produisit Plancus n’en présente pas moins de fortes analogies avec celui que décrit Xénophon. Tout d’abord, au verbe eßpixorey¥ein employé par l’auteur grec répond ici le latin saltare. On ne peut véritablement parler de «danse» au sens moderne du mot, puisque l’actrice jouant Ariane était assise, et que Plancus devait avancer sur les genoux. Mais comme dans la pantomime, qui emploie également ce vocabulaire, l’identification même du personnage représenté, celle de sa situation et des sentiments qu’il éprouvait se faisaient en grande par-
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Voir p. 110.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
tie au moyen des attitudes et de la gestuelle. Dans les deux cas également le costume de l’acteur était destiné à le faire ressembler à la figure mythologique qu’il incarnait, sans masque. Ce dernier point, probable dans le cas de Plancus, est certain dans celui des deux jeunes gens évoqués dans le Banquet, puisque l’auteur insiste sur la réalité des baisers échangés. Ces témoignages permettent de retenir deux autres textes, extraits d’œuvres romanesques, et de les considérer comme fidèles à la réalité des spectacles de leur époque. Dans le plus tardif138, un passage du Daphnis et Chloé de Longus (II, 37; 1-3), les deux héros dansent l’histoire de Pan et Syrinx que vient de leur raconter Lamon : OıΩ deù ma¥la taxe¥wv aßnasta¥ntev w ß rxh¥santo toùn my˜uon toy˜ La¥mwnov. O Da¥fniv Pa˜na eßmimeı˜to, thùn Sy¥rigga Xlo¥h. oΩ meùn Ωıke¥teye peı¥uwn, hΩ deù aßmeloy˜sa eßmeidı¥a. oΩ meùn eßdı¥wke kaıù eßp a¶krwn tw ˜ n oßny¥xwn e¶trexe taùv xhlaùv mimoy¥menov, hΩ deù eßne¥faine thùn ka¥mnoysan eßn tƒ fygƒ. ¶Epeita Xlo¥h meùn eıßv thùn y™lhn w Ω v eıßv e™lov kry¥ptetai. (Et ceux-ci se levant tout aussitôt, dansèrent le conte de Lamon : Daphnis mimait le dieu Pan, et Chloé Syrinx. Lui, s’approchait en suppliant, tentant de la fléchir par des prières; elle, sans s’en soucier, souriait; lui, la poursuivait, et courait sur la pointe de ses orteils, imitant des pieds fourchus; elle feignait de se fatiguer dans sa course. Puis voici que Chloé se cache dans le bois, comme si c’était le marais).
On retrouve le vocabulaire de la danse, avec le verbe oßrxe¥omai. Ici toutefois, la représentation impromptue ayant lieu en plein air, il n’y a pas de grimage, et le décor est naturel. En revanche on voit Daphnis, comme Plancus, adopter une posture et une démarche inspirées par son modèle. Dans ce type de spectacle, l’essentiel, pour l’acteur, était visiblement de reproduire le mieux possible l’aspect physique et les attitudes caractéristiques du personnage mythologique qu’il incarnait. Le témoignage le plus intéressant dans notre perspective est certainement la reconstitution du jugement de Pâris que décrit Apulée dans L’Âne d’Or (X, 30-34), car il ne s’agit plus d’un divertissement offert au cours d’un banquet, mais d’un spectacle scénique situé dans le théâtre de Corinthe au IIe siècle ap. J.-C. Dans tout ses détails matériels se manifeste la recherche d’un important effet de réel. Le mont Ida, par exemple, est ainsi reproduit (X, 30, 1) : Erat mons ligneus, ad instar incliti montis illius, quem uates Homerus Idaeum cecinit, sublimi instructus fabrica, consitus uirectis et
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IIIe siècle ap. J.-C.
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uiuis arboribus, summo cacumine, de manibus fabri fonte manante, fluuialis aquas eliquans139. (Il y avait une montagne en bois, à la ressemblance de cette fameuse montagne, que le poète Homère a chanté sous le nom d’Ida, une construction qui s’élevait dans les airs, plantée de gazon et d’arbres vivants. De son sommet, des eaux fluviales coulaient lentement, s’échappant d’une source due à la main de l’artisan).
Chaque acteur, choisi pour ses qualités physiques, est grimé et costumé de manière à ressembler à la divinité qu’il évoque, par exemple Hermès (X, 30, 3) : Adest luculentus puer nudus, nisi quod ephebica chlamida sinistrum tegebat umerum, flauis crinibus usquequaque conspicuus, et inter comas eius aureae pinnulae colligatione simili sociatae prominebant. (Voici un beau jeune homme, nu à l’exception d’une chlamyde d’éphèbe qui couvrait son épaule gauche. Sa chevelure blonde attire partout les regards, et entre ses cheveux se dressent de petites ailes d’or unies chacune par un lien semblable).
Les trois déesses sont accompagnées de la suite qui leur convient. Vénus et son cortège en particulier sont longuement décrits (X, 31, 1-2 et 32, 1-2) : Super has introcessit alia, uisendo decore praepollens, gratia coloris ambrosei designans Venerem, qualis fuit Venus, cum fuit uirgo, nudo et intecto corpore perfectam formonsitatem professa, nisi quod tenui pallio bombycino inumbrabat spectabilem pubem... Ipse autem color deae diuersus in speciem, corpus candidum, quod caelo demeat, amictus caerulus, quod mari remeat. Venus ecce cum magno fauore caueae in ipso meditullio scaenae, circumfuso populo laetissimorum paruulorum, dulce subridens constitit amoene : illos teretes et lacteos puellos diceres tu Cupidines ueros de caelo uel mari commodum inuolasse; nam et pinnulis et sagittulis et habitu cetero formae praeclare congruebant et uelut nuptialis epulas obiturae dominae coruscis praelucebant facibus. Et influunt innuptarum puellarum decorae suboles, hinc Gratiae gratissimae, inde Horae pulcherrimae, quae iaculis floris serti et soluti deam suam propitiantes scitissimum construxerant chorum, dominae uoluptatum ueris coma blandientes. (Outre celles-ci, une troisième fit son entrée, qui l’emportait par sa remarquable beauté. Le charme de son teint suave comme l’ambroisie montrait que c’était Vénus, Vénus telle qu’elle était dans l’éclat et la perfection de sa virginité et dans la nudité de son corps intact, sinon qu’un léger manteau voilait les charmes de sa jeunesse. ... Il y avait un contraste entre son corps blanc, qui semblait descendu du ciel et son manteau bleu, comme s’il sortait de la mer. 139
Texte établi par D. S. Robertson, Paris, Les Belles Lettres, 1945.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
Mais voici que Vénus, accompagnée par les applaudissements enthousiastes du public, s’est arrêtée au milieu même de la scène, avec un doux et charmant sourire, tout un peuple de joyeux enfants répandu autour d’elle; ces petits, au corps bien fait et blancs comme du lait, paraissaient de vrais Cupidons, venant tout juste de s’envoler du ciel ou de la mer; en effet, leurs petites ailes, leurs petites flèches, et le reste de leur mise les mettaient parfaitement en accord avec ce modèle, et ils précédaient leur maîtresse avec des torches brillantes, comme si elle se rendait à un festin de noce. Et voici qu’arrivent en foule de beaux groupes de jeunes vierges, d’un côté les très charmantes Grâces, de l’autre les Heures à la parfaite beauté, qui par des jonchées de fleurs en guirlandes ou dénouées rendent hommage à leur déesse et forment un chœur bien exercé. Elles offrent à la reine des voluptés, pour la charmer, la chevelure du printemps).
La danse des divers personnages et les gestes par lesquels ils s’expriment sont décrits par des expressions comme : saltatorie procurrens (30, 5), quieta et inadfectata gesticulatione (31, 4), intorto genere gesticulationis alacer demonstrabat (31, 6), leniter fluctuante spinula et sensim adnutante capite (32, 3). Le vocabulaire employé, celui de la danse, est le même que pour la prestation du pantomime soliste, ce qui justifie le terme de «pantomime» utilisé parfois à leur propos140. De fait, essentiellement visuels, ils étaient en outre destinés à plaire et non à susciter le rire. Cependant, d’autres caractéristiques, les mêmes que celles des spectacles aquatiques, les éloignent également de la pantomime pour les rapprocher du mime, par exemple la présence simultanée, au moins dans trois d’entre eux, de plusieurs interprètes, hommes et femmes, ou l’absence de masques. En outre, si le spectacle décrit par Apulée est manifestement entièrement muet, il n’est pas certain que les conventions du genre aient prohibé tout usage de la parole. En effet, commentateurs et traducteurs s’opposent sur le sens de la phrase de Xénophon (§ 6) : Kaıù gaùr h¶koyon toy˜ Diony¥soy meùn eßperwtw ˜ ntov ayßthùn eıß fileı˜ ayßto¥n... Elle peut signifier que le jeu muet des deux acteurs est si parfait que les spectateurs «croient entendre» des paroles d’amour141. Mais rien dans le texte grec ne permet d’écarter l’éventualité d’un échange verbal effectif142.
140 J. Hellegouarch’, op. cit., notes complémentaires, p. 227, LXXXIII, n. 4; De même; F. Olier dans sa traduction du Banquet de Xénophon désigne le spectacle évoqué (X, 6) sous le nom de pantomime. Voir aussi B. Zucchelli, op. cit., p. 316-317. 141 Ph. E. Legard, Problèmes alexandrins, II. À quelle espèce de publicité Hérondas destinait-il ses mimes? in REA, 18, 1902, (p. 5-35) p. 16, n. 6; L. Cicu, op. cit., p. 184, n. 3. 142 V. Rotolo, Il pantomimo, studi e testi, Quad. dell’Ist. di Filologia greca dell’Univ. di Palermo, Palermo, 1957, VI, (p. 1-123) p. 39.
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MISES EN SCÈNE MYTHOLOGIQUES ET CHORÉGRAPHIES AQUATIQUES
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C’est pourquoi M. Bieber143 propose de rattacher la danse expressive à la pantomime si elle est exécutée par un seul artiste, et au mime lorsqu’il y a plusieurs protagonistes. De la même manière, L. Cicu, dans son ouvrage Problemi e strutture del mimo a Roma144, ajoutant le spectacle donné par Plancus à ceux décrits par Xénophon, Apulée et Longus, les définit comme une forme particulière de mime, qu’il appelle «mimo saltatorio». «Mimes dansés» et «hydromimes» Il est aisé de relever les nombreux points communs entre ces «mimes dansés» et les spectacles qui nous occupent. Les uns comme les autres s’inspiraient de récits légendaires ou mythologiques, sans intention parodique. En outre, bien loin de développer la totalité de ces récits, ils en présentaient seulement un très bref épisode. Telle est par exemple la scène du jugement de Pâris, tirée du cycle troyen. Le spectacle évoqué par Xénophon est un simple tableau inspiré du mythe d’Ariane et de Dionysos. De même, lors des jeux de 80, seule la traversée de l’Hellespont par Léandre semble avoir été présentée, sur l’ensemble de la légende. Le texte de Fronton lui-même, qui fait allusion à une représentation sans doute un peu plus développée du même thème, s’attache à cet épisode central. Le «chœur des Néréides», quant à lui, fut un intermède chorégraphique, sans élément d’intrigue. Les scènes aquatiques décrites par Dracontius et Nonnos sont brèves et relativement indépendantes du récit. Enfin, la scène de navigation évoquée par Claudien n’apparaît pas immédiatement après l’évocation des divers genres théâtraux présentés lors des jeux de Mallius, mais après celle d’une pyramide humaine et d’un spectacle pyrotechnique. Il s’agissait donc là d’une succession de «numéros» sans nom précis, sans lien les uns avec les autres, à la manière de ce qu’on appelait autrefois un «spectacle de variétés»145. De la même manière chez Apulée, le «jugement de Pâris» précède une damnatio ad bestias. Ces principes expliquent en partie la possible insertion de ces mises en scène dans le cadre de l’amphithéâtre et leur succès au Bas-Empire146. Malgré la possibilité de quelques échanges verbaux, tous ces spectacles étaient en outre surtout visuels. La recherche d’un effet M. Bieber, The History... cité, p. 237. L. Cicu, op. cit., p. 182-194. 145 De nombreuses études contemporaines comparent d’ailleurs le genre du mime lui-même, du moins tel qu’il subsistait au Bas-Empire, à un spectacle de variétés. Le mot est employé en particulier par G. Traversari (op. cit., p. 18), par O. Pasquato (op. cit., p. 133). 146 Voir troisième partie, p. 391. 143
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
de réel était en tout point essentielle. C’est pourquoi, si le cadre d’une salle de banquet limitait nécessairement au minimum les éléments de décor, au théâtre on reproduisait le paysage mythologique grâce à l’installation d’une montagne de bois ou d’une pièce d’eau. Selon ce principe, dans le spectacle décrit par Apulée, la semi-nudité de l’actrice incarnant Vénus et son manteau bleu étaient calqués sur l’apparence de la déesse sortant de la mer. Il en était de même pour les nageuses de Martial et de Jean Chrysostome, «Néréides» ou «Nymphes». Le cortège de Vénus, tel que le décrit le romancier africain, aurait d’ailleurs fort bien pu évoluer dans une piscine théâtrale. Au scitissimum chorum que forment les Heures et les Grâces autour de la déesse, chez Apulée, répond le docilis chorus des Néréides, chez Martial. De même, le travestissement de Plancus était parfaitement envisageable dans un spectacle aquatique. Au lieu de devoir marcher sur les genoux, l’acteur aurait alors dissimulé ses jambes dans l’eau. Enfin, mimes dansés et spectacles aquatiques faisaient une large place, non à l’obscénité comme les mimes, mais à l’érotisme. À la lascivité de la danse de Vénus chez Apulée répond celle des nageuses de Jean Chrysostome. On retrouve cet érotisme dans la représentation des amours d’Ariane et de Dionysos comme dans les nombreuses scènes d’émoi amoureux que Nonnos place dans un cadre aquatique. Comme les spectacles aquatiques, le «mime dansé» se situe à michemin entre le mime et la pantomime, et aucun texte antique ne lui attribue de nom spécifique. Une telle imprécision n’a pas en ellemême de quoi surprendre, et n’est pas uniquement due aux insuffisances de nos sources. Dès la fin de la République en effet, on assista dans les théâtres du monde romain à un phénomène d’abâtardissement des genres, dû à la primauté définitive prise par la mise en scène sur le texte, et à une surenchère du spectaculaire147. En outre, le terme mimus, ou mı˜mov en grec, fut de tout temps utilisé pour désigner des types de production théâtrale très différents148.
147 M. Bieber, The History... cité, p. 235-252; B. Zucchelli, op. cit., p. 301-303. Cicéron (Fam., VII, 1) et Horace (Ep. II, 1, 185-190) en témoignent tout particulièrement, à propos de spectacles de tragédie où étaient insérés de longs intermèdes, sous forme de somptueux défilés, d’exhibitions d’animaux et d’objets précieux, voire de simulacres de combat. 148 Dans Les Ludi Scaenici et la politique des spectacles au début de l’ère antonine (in Actes du IXe Congrès de l’Association G. Budé, Roma, 1973, p. 468-479) J.M. André souligne l’«équivoque sur le genre mimique», et ajoute que «maintes allusions, dans les textes littéraires, ne peuvent s’expliquer que si les contours du genre sont flous». De la même manière, B. Zucchelli (op. cit., p. 312) renonce à proposer une définition précise du mime, genre «variable et changeant, qui se refuse à toute tentative de classification». On peut encore citer J. C. McKeown (Au-
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MISES EN SCÈNE MYTHOLOGIQUES ET CHORÉGRAPHIES AQUATIQUES
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Ce phénomène de brouillage des genres s’accentua encore au Bas-Empire, époque dont relèvent la plupart des documents connus sur les spectacles qui nous occupent. En particulier, le mime et la pantomime se distinguent souvent fort mal l’un de l’autre dans les textes, signe qu’ils devaient s’être progressivement rapprochés sous certaines de leurs formes149. En témoigne par exemple cette phrase d’Isidore de Séville (Orig., XVIII, 49) : Mimi sunt dicti Graeca appellatione quod rerum humanarum sint imitatores; nam habebant suum auctorem, qui antequam mimum agerent, fabulam pronuntiarent. Nam fabulae ita conponebantur a poetis ut aptissimae essent motui corporis150. (Les mimes sont appelés de ce nom grec parce qu’ils imitent les comportements humains... en effet ils avaient leurs propres auteurs, qui avant qu’ils ne jouent le mime, en racontaient l’argument : les récits étaient composés par les auteurs de manière à être adaptés aux mouvements du corps).
Comme le fait observer J. C. McKeown151, l’«adaptation aux mouvements du corps» d’une fabula est le principe de la pantomime plutôt que du mime. Nous sommes loin ici des différences formelles très nettes qu’il est possible d’établir pour l’époque d’Auguste entre l’art de la pantomime telle que le pratiquait Pylade et les mimes sur des thèmes d’adultère ou de vie quotidienne. Ces diverses raisons nous conduisent à adopter faute de mieux, au terme de cette analyse, le terme d’«hydromime», proposé par G. d’Ippolito, sans perdre de vue les réserves qui s’imposent sur ce point. La mise en rapport des hydromimes avec les mimes dansés montre donc que ces spectacles prolongeaient une tradition déjà ancienne de représentations mythologiques, certainement tenues pour des spectacles hybrides par les Anciens eux-mêmes. De plus, un tel rapprochement oriente la recherche des origines de ce spectacle vers la Grèce, et plus particulièrement vers le monde hellénistique. En effet, le premier «mime dansé» connu est situé par gustan elegy and mime, in Cambridge Philological Society Proceedings, 25, 1979, p. 71-84) : «Under this general title, works of a high literary quality have been categorised without discrimination alongside strip-tease and even less intellectual displays». Sur les mimes de la littérature latine, voir en particulier M. Bonaria, op. cit. 149 Ainsi que le fait observer en particulier M. Bonaria, op. cit., p. 12 : «All’inizio dell’impero romano dunque, il mimo e il pantomimo sono saldamente affermati; nonostante che le testimonianze generiche siano molto abbondanti, tuttavia essi sono molto vicini fra loro e la storia dell’uno non è chiaramente separabile da quella dell’altro». 150 Texte établi par W. M. Lindsay, Oxford, Clarendon Press, 1911. 151 J. C. McKeown, op. cit., p. 79 et n. 50.
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SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES
Xénophon dans l’Athènes de la fin du Ve siècle. Quant au banquet où se produisit Plancus, il eut certainement lieu à la cour de Cléopâtre : le passage où Velléius en fait mention est consacré au rappel du comportement du personnage à cette cour avant son passage dans le camp des césariens152. Il reste toutefois à se demander quand fut imaginé de donner un décor aquatique à de telles représentations mythologiques et de remplacer la danse par la nage. S’agit-il d’une innovation romaine ou, compte tenu de l’origine grecque du mime dansé, ne devra-t-on pas chercher là encore des réponses du côté du monde hellénistique? Conclusion Malgré l’absence d’un nom générique transmis par les Anciens eux-mêmes pour désigner les spectacles que nous appellerons désormais «hydromimes», il est donc possible d’identifier les rapports qu’ils entretiennent avec les autres genres scéniques de leur époque. Toutefois, comme pour les chasses aquatiques, leur date d’apparition à Rome reste incertaine au terme de cette étude. Leur origine géographique elle-même demeure en question. Enfin, l’étude de ces spectacles rencontre une difficulté spécifique, liée à la chronologie des sources écrites et iconographiques conservées. Les grandes naumachies de Rome, par exemple, sont attestées sur une brève période seulement, mais sur laquelle on peut suivre leur évolution. Ici en revanche, on observe un véritable gouffre chronologique entre les premières attestations et les plus nombreuses d’entre elles, regroupées sur l’espace d’un siècle. Il reste donc à tenter de retracer les pans disparus de l’histoire de ces spectacles.
152 On peut d’ailleurs mettre en rapport le spectacle présenté lors de ce banquet avec le travestissement de Cléopâtre elle-même et de ses suivantes, lors de sa célèbre reproduction du nauigium Veneris, même si cette dernière ne fut pas une représentation théâtrale, ni un ballet, mais l’une de ces mises en scène du pouvoir caractéristiques du monde hellénistique et surtout de l’Égypte lagide, dont s’inspirèrent, après Antoine, un certain nombre d’empereurs romains.
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La documentation écrite et iconographique précédemment étudiée laisse sans réponse bien des questions essentielles sur les mises en scène aquatiques romaines. En particulier, si le site exact du spectacle est le plus souvent mentionné, rares sont les précisions apportées sur les installations hydrauliques nécessaires à leur présentation. La manière dont des navires de guerre pouvaient s’affronter sur les vastes bassins appelés «naumachies», dont la superficie n’est pas toujours connue, reste ainsi largement dans l’ombre. De même, on peut s’étonner que ce spectacle manifestement de grande ampleur ait pu être transposé dans certains amphithéâtres. La manière dont ces derniers furent mis en eau n’est précisée par aucune de nos sources. La même question est soulevée par les sources mentionnant des mises en scène aquatiques dans certains théâtres. Sur ces différents points, un examen des structures de spectacle elles-mêmes ne peut manquer d’apporter des précisions. Par conséquent, nous nous tournerons à présent vers l’étude des publications existant sur les édifices adaptés à la mise en eau à Rome même, mais aussi dans les provinces, où de telles installations ont été mises au jour. Un tel élargissement de la recherche pourrait apporter des éléments de réponse à d’autres questions laissées en suspens par les textes, comme celle de l’origine des spectacles aquatiques. En effet, la situation géographique des premiers édifices adaptés à la mise en eau représente sur ce point un indice important. Nous tenterons également de vérifier le bien-fondé de certaines hypothèses que les textes nous ont inspirées sur le devenir de ces spectacles, comme la probable disparition des naumachies de très grande envergure, ou la suppression du décor aquatique de certaines uenationes. Enfin, l’écart chronologique existant entre les premiers témoignages écrits sur les hydromimes et ceux, sensiblement plus nombreux, qui relèvent du Bas-Empire, dont nous n’avons pu jusqu’ici rendre compte, devra être confronté à la répartition dans le temps des édifices conservés où ont été relevées des installations hydrauliques.
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CHAPITRE 4
LES NAUMACHIES
Parmi les différents types d’édifices où les sources écrites attestent la présentation de spectacles aquatiques, plusieurs n’admirent jamais que des installations hydrauliques rudimentaires et aussitôt supprimées. Ce fut le cas notamment des Saepta, du Circus Flaminius, et peut-être du Circus Maximus. En dehors de certains amphithéâtres ou théâtres, sur lesquels nous reviendrons ultérieurement, les seules structures disponibles en permanence pour des mises en scène aquatiques furent les grands bassins qui prirent le nom de «naumachies». Ce sont aussi les premières à être mentionnées par les textes, aussi commencerons-nous par elles notre étude. Ces vastes plans d’eau ne sont attestés qu’à Rome. Dans la mesure où les traces matérielles de leur existence, lorsqu’il en subsiste, ont fait l’objet de nombreuses controverses, l’étude de ces vestiges aura pour préalable une localisation, la plus exacte possible, des monuments considérés, à l’aide de toutes les sources à notre disposition sur cette question. LA
NAUMACHIE DE
CÉSAR
Localisation Le témoignage des sources antiques Les renseignements fournis par les sources sur le premier bassin artificiel créé pour un spectacle naval sont très parcimonieux. Nous possédons une inscription, qui mentionne ce spectacle, mais son état de conservation ne permet pas de savoir si elle précisait son emplacement1. Velléius Paterculus (T. 1) et Plutarque (T. 4) se bornent à mentionner l’événement. Dion Cassius (T. 5) en revanche se montre plus précis : le bassin aurait été creusé sur le Champ de Mars. Cette indication topographique doit être confrontée à celle que fournit Suétone (T. 2) selon laquelle le bassin fut réalisé en un 1 NS, 1921, p. 241. La restitution proposée, in Campo Martis, provient en réalité du texte de Dion Cassius (T. 5).
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ET LEURS SITES D’ACCUEIL
lieu appelé Codeta Minor. Le passage est fortement corrompu : certains manuscrits présentent la leçon morem au lieu de minore et cocleae au lieu du nom propre Codeta, ce qui a poussé certains commentateurs de ce passage à lire in morem cocleae, «en forme de coquille d’escargot», «en spirale», au lieu de in minore Codeta, «dans la petite Codète» 2. Toutefois la leçon la plus probable, et la plus couramment admise par les éditeurs est in minore Codeta. En effet, cette dernière provient du Memmianus, le plus ancien des manuscrits de Suétone et le plus fidèle. L’autre, en revanche, est donnée par des manuscrits 3 qui selon H. Ailloud, traducteur de Suétone sont «tout à fait médiocres», et comprennent un grand nombre de «défauts et d’interpolations» 4. C’est donc la localisation du bassin que l’historien a voulu indiquer. Il reste alors à préciser l’emplacement de la Codeta minor elle-même. L’emplacement de la Codeta minor Une seule autre source antique mentionne le toponyme Codeta. Il s’agit du De significatione uerborum de Festus où l’on le trouve à deux reprises 5 et qui précise son emplacement : Codeta appellatur trans Tiberim, quod in eo uirgulta nascuntur ad caudarum equinarum similitudinem. (On appelle Codète un terrain au-delà du Tibre parce qu’il y pousse des broussailles qui ressemblent à des queues de cheval).
Cette indication se trouve corroborée par les Régionnaires, qui signalent un Campus Codetanus dans la quatorzième région de Rome. Enfin, un fragment de cippe de travertin, datant de la fin de la République et portant l’inscription : FINEIS (C)AVDETA(E) a été découvert en 1892 lors de travaux de drainage, sur le côté droit du fleuve, près du ponte Amedeo di Savoia, l’actuel ponte Mazzini 6. Une telle localisation sur la rive droite n’est pas compatible avec le témoignage de Dion Cassius situant la naumachie sur le Champ de Mars. Cette constatation a poussé certains savants, en particulier
2 L. Efisio Tocco, Delle naumachie e degli spettacoli naumachiari, in L’Osservatore romano, 1875, p. 9-11; A. Liberati Silverio, Naumachie e tetimimi, in Lo sport nel mondo antico. Ludi, munera, certamina a Roma [Mostra organizzata in occasione dei Campionati mondiali di atletica leggera, Museo della civiltà romana], Roma, 1987, p. 61-66. 3 Le Parisianus 6116, le Parisianus 5802, le Suessionensis 19 et le Londensis Regius. 4 Suétone, Les douze Césars, t. II, Paris, Les Belles Lettres, 1993, p. XLV. 5 Festus, De significatione uerborum, Paris, ed. Panckoucke, 1846, p. 65 et 97. 6 CIL VI, 30422.3.
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J. Le Gall 7, à conclure à une erreur de Dion Cassius, et à identifier le lieu de la naumachie à la Codeta évoquée par Festus et signalée par le cippe. Cependant, nous n’avons aucune raison de suspecter le témoignage sur ce point de l’historien grec. En outre, un autre passage de Suétone (Caes., XLIV, 2) nous apprend que César eut le projet d’ériger sur le site de sa naumachie un nouveau temple de Mars, ce qui semble confirmer la situation in Campo Martio de cette dernière. La plupart des topographes ont donc conclu à l’existence de deux toponymes distincts, Codeta Maior et Codeta Minor. T. Ashby 8 déjà proposait de les situer en face l’un de l’autre de part et d’autre au bord du fleuve. La Codeta Minor se trouvait donc probablement aux environs de la Chiesa Nuova, qui est exactement dans l’axe du Ponte Mazzini 9. L’étymologie de Codeta est parfaitement en accord avec cette proposition. En effet, la plante à l’origine de ce nom, qui affectait la forme d’une queue de cheval, est appelée par Pline l’Ancien10 equisaeta, ce qui a à peu près le même sens, et peut être identifiée à la prêle, une plante des milieux humides. Or, non loin de là, dans la partie centrale du Champ de Mars, à l’ouest et au sud du Panthéon, se situait le Palus Caprae, dont il est question dans les textes relatant la disparition de Romulus11. Le marécage disparut sans doute définitivement à l’époque augustéenne, comme l’indique un passage d’Ovide (F., II, 491). Mais la zone représentait le point le plus bas de la ville, d’où le toponyme de Valle qui lui fut attaché au Moyen Âge. Il existe aussi un toponyme Vallicella, correspondant aux environs de 7 J. Le Gall, Le Tibre, fleuve de Rome dans l’Antiquité, Paris, P.U.F., 1953, p. 115-116. L’auteur lie le creusement de la naumachie aux projets de César pour étendre le pomerium, évoqués Cicéron, dans une de ses lettres à Atticus (XIII, 33 a) : À ponte Mulvio Tiberim duci secundum montes Vaticanos; campum Martium coaedificari; illum autem campum Vaticanum fieri quasi Martium campum (Faire passer le Tibre depuis le pont Milvius le long des collines du Vatican, couvrir de constructions le Champ de Mars, et faire en sorte que la plaine du Vatican devienne pour ainsi dire le Champ de Mars). Pour permettre au Campus Vaticanus de s’intégrer au pomerium, des raisons religieuses rendaient nécessaire le détournement du Tibre. Selon J. Le Gall, le creusement de la naumachie aurait été une préfiguration, de la part de César, des travaux d’excavation qu’il envisageait pour dériver le Tibre. En outre, faire du Campus Vaticanus un nouveau Campus Martius aurait nécessité la construction à cet endroit d’un nouveau temple du dieu. Le fait que César ait eu le projet de faire du bassin de sa naumachie les fondations d’un grand temple de Mars paraît à J. Le Gall une preuve supplémentaire de la situation trans Tiberim de la Codeta Minor. 8 S. B. Platner et Th. Ashby, À topographical dictionary of ancient Rome, Oxford, Oxford Univ. Press, 1929, p. 128. 9 F. Coarelli, Il Campo Marzio dalle origini alla fine della Repubblica, Roma, Quazar, 1997, p. 18. 10 N.H., XXVI, 132. 11 Liv. I, 16; Flor. I, 1, 16-18; Ov. F. II, 491-2; Plut., Rom., XXVII, 6; Num II, 1.
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la Chiesa Nuova. Des fouilles réalisées au siècle dernier à cet endroit ont confirmé son caractère marécageux, ainsi que le rappelle F. Coarelli12. Le savant italien en conclut que le Palus Caprae se divisait en deux secteurs distincts, qui portèrent par la suite les noms de Valle et Vallicella, et que la Vallicella correspondait, au moins pour une part, à la Codeta Minor de Suétone (fig. 1). Un site marécageux convenait évidemment on ne peut mieux au creusement du vaste bassin nécessité par la naumachie. Si l’on retient cette localisation de la Codeta minor, il est possible que le creusement de la naumachie, en même temps qu’une réalisation de prestige, ait fait partie d’un projet d’assainissement de la zone préfigurant, en quelque
Fig. 1 – Le Champ de Mars autour de 100 av. J.-C. et la zone de la Codeta Minor (Coarelli 1997, fig. 2).
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F. Coarelli, op. cit., p. 18.
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sorte, les travaux accomplis non loin de là13 par Agrippa, pour l’aménagement de ses thermes et de son Stagnum. Entre les deux bassins du Palus Caprae ainsi délimités se trouve la Piazza Navona, ancien site du stade de Domitien. Ainsi que le fait observer F. Coarelli14, cet emplacement est très certainement aussi celui du stade réalisé sur le Champ de Mars par Auguste, lors des jeux de 28 av. J.-C.15. En effet deux inscriptions relatives à des jeux célébrés pro reditu Augusti ont été retrouvées au XVIe siècle, immédiatement au nord de la place16. Il est dès lors probable que les installations provisoires réalisées par César pour les compétitions gymniques de 46 furent érigées en ce même endroit17. Or, on peut constater que Suétone évoque la naumachie immédiatement après les compétitions athlétiques, ce qui pourrait indiquer effectivement que les deux spectacles eurent lieu sur des sites voisins. Tout s’accorde donc pour rendre très probable la localisation proposée par Th. Ashby et précisée par F. Coarelli. Selon ce dernier, la naumachie de César fut peut-être creusée sur un terrain qui faisait auparavant partie des jardins de Pompée sur le Champ de Mars, dont César s’était emparé à la mort de son adversaire pour les offrir à Antoine18. On sait en effet par Plutarque (Pomp., XL, 9) que Pompée possédait des jardins sur le Champ de Mars, tout près de son théâtre. Il est probable en outre que ces jardins de Pompée, après être passés entre les mains d’Antoine, devinrent la propriété d’Agrippa19. Or, nous possédons une inscription, de provenance inconnue, qui se rapporte très probablement aux limites de la propriété d’Agrippa sur le Champ de Mars, qu’Auguste son héritier restitua au domaine public : [– [– [– [–
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– – – –
–]VM AV[– – –] –]E AD TIBERIM P. M[– – –] –]RIM AD EVRIPV[– – –] –]M AD PISCINA[– – –] 20.
Le site des réalisations d’Agrippa est celui qui prit plus tard le nom de
Valle. F. Coarelli, op. cit., p. 20. Suet., Caes., XXXIX, 5 (T. 2) : athletae stadio ad tempus exstructo regione Marti campi certauerunt per triduum. 16 CIL VI 385 = 30751; CIL VI 386. 17 F. Coarelli, op. cit., p. 585. 18 Ap. Civ., III, 14.; Cic., Phil. II, 67; 71-72; 109; Vell. II, 60, 3; Plut., Ant., X, 3. 19 F. Coarelli, Il Campo Marzio occidentale. Storia e topografia, in Mélanges de l’École française de Rome – Antiquité, 89, 1977 (p. 807-846), p. 815. Dion Cassius en particulier atteste qu’Agrippa posséda une partie de la maison d’Antoine sur le Palatin (LIII, 27, 5). Il a donc pu détenir d’autres anciennes propriétés du triumuir. 20 NS, 1908, p. 327-328; CIL VI, 39087. 14
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Ce texte lacunaire a été reconstitué comme il suit par F. Coarelli 21 : [Hoc solum quod M. Vipsanius Agrippa e testamento in usum public]um Au[gusti Caesa(ris) cura restituit / a piscina usqu]e ad Tiberim p(edes) m(ilia) [– – – / secundum Tibe]rim ad euripu[m p(edes) – – – / secundum euripu]m ad piscina[m p(edes) – – –] (Ce terrain que M. Vipsanius Agrippa par testament a restitué à l’usage public par les soins de César Auguste s’étend de la piscine jusqu’au Tibre sur une longueur de mille [...] pieds, le long du Tibre jusqu’à l’euripe sur une longueur de [...] pieds, et le long de l’euripe jusqu’à la piscine sur une longueur de [...] pieds).
La piscine dont il est question ne peut être que le Stagnum Agrippae, le grand plan d’eau qui jouxtait les thermes d’Agrippa. On en connaît aujourd’hui la localisation et même approximativement les dimensions, grâce au témoignage de la Forma Urbis et à quelques découvertes archéologiques 22. L’euripe mentionné par l’inscription est donc celui qui servait d’émissaire au bassin. Plusieurs tronçons en ont été retrouvés, ce qui permet de reconstituer son parcours jusqu’au Tibre, dans lequel il débouchait au nord du ponte Vittorio Emmanuele 23 (fig. 2). D’après F. Coarelli 24, la seule zone dépourvue d’édifices publics qui puisse correspondre aux indications données par l’inscription est celle qui se situe immédiatement à l’Est du Stagnum. Dans cette hypothèse, l’expression a piscina usque ad Tiberim désignerait les limites du terrain en question entre le Stagnum et le Tibre, le long d’un axe Sud-Nord correspondant aux actuelles via di Torre Argentina-via della Rotonda-via della Maddalena-via di Campo Marzio. L’indication secundum Tiberim ad euripum correspondrait donc à la portion de la rive du fleuve comprise entre cet axe et le débouché de l’euripe. Enfin, secundum euripum ad piscinam implique que la propriété était également bordée par l’euripe luimême, du fleuve au Stagnum. Telles étaient les limites des jardins d’Agrippa, auparavant ceux de Pompée, dans le voisinage immédiat de son théâtre 25. Les jardins F. Coarelli, Il Campo Marzio dalle origini alla fine della Repubblica, p. 550. Voir notamment J.-M. Roddaz, Marcus Agrippa, Roma, 1984 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 253), p. 282-284. Voir aussi F. Coarelli : Il Campo Marzio occidentale... cité p. 828 et Id., Guide archéologique de Rome, Paris, Hachette, 1994, p. 202. 23 J.-M. Roddaz, op. cit., p. 285-288. 24 F. Coarelli, Il Campo Marzio... cité, p. 549-551 et fig. 140 (= fig. 2). 25 À cette argumentation, F. Coarelli ajoute quelques autres remarques en faveur de cette localisation des jardins d’Agrippa et de Pompée. Dans la mesure toutefois où ces dernières sont étroitement solidaires de sa reconstitution d’ensemble du Champ de Mars, leur exposé nous entraînerait trop loin de notre propos. 21
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Fig. 2 – Le Champ de Mars à l’époque d’Auguste (Coarelli 1997, fig. 140). www.torrossa.com - For non-commercial use by authorised users only. License restrictions apply.
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de Pompée devait donc soit jouxter, soit englober la zone où fut creusée la naumachie, celle de la Codeta Minor. Compte tenu de la relative imprécision où restent les limites de cette dernière, les deux possibilités sont envisageables, comme le fait observer F. Coarelli 26. La portée symbolique qu’aurait eu la construction de la naumachie sur la propriété de l’adversaire rend la second hypothèse séduisante. Mais on peut alors se demander pourquoi aucun des historiens relatant les jeux de 46 n’a jugé bon de souligner cette localisation. Configuration de la naumachie Dimensions et forme du bassin Aucun des textes qui l’évoquent ne nous fournit de précisions sur la taille ou la forme de la naumachie de César. La leçon in morem cocleae, déjà évoquée, qu’on peut traduire par «en forme de coquille d’escargot», a donné lieu à quelques suppositions sur ce point 27. Mais, comme nous l’avons vu, il n’y a pas lieu de la retenir. Dans la mesure où tous les vastes plans d’eau réalisés par la suite à Rome, notamment le Stagnum Agrippae et la naumachie d’Auguste, eurent une forme rectangulaire 28, il est probable que le bassin de César, qui en fut le précurseur, ne fut pas différent sur ce point. Ses dimensions également ne peuvent faire l’objet que de suppositions à partir de celles de la naumachie d’Auguste, soit 533 m × 354 m 29. Dans la mesure où les navires de la naumachie de César étaient moins nombreux et inférieurs en gabarit, la taille du bassin était sans doute moins importante. Mode de construction, adduction d’eau et accueil des spectateurs Nous l’avons vu, César eut le projet d’édifier un temple de Mars sur l’emplacement de sa naumachie. Comme l’amphithéâtre, le stade, ou l’immense velum tendu sur le forum, la naumachie donc était uniquement destinée aux grands jeux triomphaux de 46. Elle faisait partie d’une grandiose mise en scène, des dépenses colossales engagées par César non pour enrichir durablement Rome en matière d’infrastructures de spectacles, mais pour éblouir ses conci26 F. Coarelli, Il Campo Marzio dalle origini alla fine della Repubblica... cité, p. 584. 27 Voir par exemple A. Liberati Silverio, Naumachie e tetimini, in Lo sport nel mondo antico. Ludi, munera, certamina a Roma... cité, p. 61-63. 28 Voir p. 172-173 et fig. 2. 29 Voir p. 172.
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toyens l’espace de quelques jours. Dans la mesure où il s’agissait d’une installation provisoire et grâce à l’humidité de la zone où elle fut creusée, le bassin ne fut certainement pas maçonné. Si le projet édilitaire de César ne fut pas réalisé, la naumachie eut effectivement une existence éphémère. Peut-être fut-elle comblée dès 43 av. J.-C. par décision du sénat, comme incite à le penser un texte de Dion Cassius (XLV, 17, 8) 30 : eßpege¥neto meùn oy®n kaıù loimoùv eßp ayßtoı˜v pa¥sq w Ω v eıßpeı˜n tq˜ Italı¥a∞ ßısxyro¥v, kaıù diaù toy˜to to¥ te boyleyth¥rion toù Ostı¥lion aßnoikodomhuh˜nai kaıù toù xwrı¥on eßn w ü∞ hΩ naymaxı¥a eßgego¥nei sygxwsuh˜nai eßchfı¥suh. (À la suite de tout cela 31, une violente épidémie de peste éclata dans presque toute l’Italie, et pour cette raison le sénat prit la décision de faire reconstruire la Curia Hostilia et de combler l’emplacement où la naumachie de César s’était tenue).
Le texte de Dion Cassius montre qu’en dehors d’évidentes raisons politiques, la décision du sénat fut prise pour des raisons sanitaires. La nappe d’eau devait représenter une source de pestilence, d’autant plus qu’elle avait été réalisée dans une zone marécageuse. Le fait qu’elle ait été stagnante implique qu’aucun dispositif assurant sa bonne circulation, analogue à celui dont fut plus tard doté la naumachie d’Auguste, n’avait été prévu 32. Cependant, elle devait certainement communiquer par un chenal avec le Tibre. En effet, toujours selon Dion Cassius (T. 5), César «fit pénétrer» des navires «à l’intérieur» du bassin. Le verbe préfixé eıßsa¥gein employé par l’historien implique bien que les navires y furent introduits depuis le Tibre, probablement depuis les Navalia, et non pas amenés par portage ou construits sur place. Les sources sont également muettes sur les structures d’accueil destinées au public. Il est probable que la naumachie ne fut qu’une simple fosse adjacente au Tibre. Toutefois, dans la mesure où elle fut creusée dans une zone particulièrement basse de la ville, l’installation de gradins en bois aurait été préférable pour assurer aux spectateurs, exceptionnellement nombreux d’après nos sources, une bonne visibilité.
30 Il n’est pas certain que ce décret ait été suivi d’exécution. La curia Hostilia, par exemple, ne fut finalement achevée qu’un peu plus tard, sous Auguste. Il est cependant clair que la naumachie de César n’existait plus vers 2 av. J.-C. puisque l’empereur, au lieu d’utiliser, voire d’agrandir et d’améliorer les installations de son père adoptif, préféra construire une nouvelle naumachie. 31 Une série de mauvais présages et de prodiges. 32 Voir p. 173-175.
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Conclusion La localisation de la naumachie de César, très imprécise dans les sources antiques, peut être reconstituée de manière assez plausible. En revanche, nous ne savons presque rien de la configuration du bassin. Toutefois, la discrétion même de nos sources, souvent si riches de détails sur le raffinement des installations prévues lors des jeux triomphaux de César, laisse supposer que la naumachie fut une réalisation relativement rudimentaire. Il n’en fut pas de même, comme nous allons le voir, de la naumachie d’Auguste. LA
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Localisation Le témoignage des textes Nous possédons heureusement sur la naumachie d’Auguste une documentation, tant littéraire qu’archéologique beaucoup plus importante que sur celle de César. Les textes, tout d’abord, nous fournissent certaines indications sur son emplacement. Auguste luimême (T. 7) se montre assez précis à ce sujet : son spectacle naval eut lieu sur la rive droite du Tibre, «à l’endroit où se trouve maintenant le bois des Césars». Tacite (T. 12) rappelle lui aussi la situation «trans Tiberim» de la naumachie d’Auguste, à propos d’un spectacle naval donné par Claude. Le De aquaeductu Urbis Romae de Frontin permet de mieux cerner encore l’emplacement. En effet, au chapitre 22 de ce traité, l’auteur évoque l’aqueduc aqua Alsietina, appelé aussi Aqua Augusta, qui selon lui avait été construit dans le but même d’alimenter la naumachie : Alsietinae ductus post naumachiam, cuius causa videtur esse factus, finitur. (Le conduit de l’Alsietina se termine après la naumachie, pour laquelle il a été visiblement fait).
Une découverte, réalisée en 1887, vint compléter cette indication de Frontin. Il s’agit d’une plaque de travertin qui servait à couvrir une conduite d’eau moderne près de Procoio del Gallo 33, sur le trajet suburbain de l’aqua Alsietina 34. Cette plaque portait l’inscription suivante : NS, 1887, p. 181. Th. Ashby, The aqueducts of ancient Rome, Oxford, Oxford univ. Press, 1935, p. 183, n. 6. 33
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imp. Caesar divi f. AVGVSTVS pONTIF . MAX . forMAM . MENTIS . ATTRIB . rIVO . AQVAE . AVGVSTAE qVAE . PERVENIT . IN NEMVS . CAESARVM ut EX . EO . RIVALIBVS . QVI ad bUCCINAM . ACCIPIEB aqua perennis flueret, ampliauit 35. (L’empereur César Auguste, fils du divin Jules, grand pontife, a ajouté le conduit de Mens au canal de l’aqua Augusta qui aboutit dans le bois des Césars, afin que de ce conduit l’eau coule continuellement pour les riverains qui auparavant recevaient l’eau à un signal donné).
Cette inscription nous apprend donc que le terminal de l’Alsietina, proche de la naumachie puisqu’il était destiné à l’alimenter, se trouvait nécessairement dans le bois des Césars, au milieu duquel se trouvait le bassin d’après Auguste lui-même. Or, au chapitre 18 du même ouvrage, Frontin fait une autre remarque sur l’aqua Alsietina : Omnibus humilior Alsietina est quae Transtiberinae regioni et maxime iacentibus locis servit. (Le plus bas de tous [les aqueducs] est l’Alsietina, qui dessert la région du Trastévère et les quartiers très en contrebas 36).
Ces quartiers très en contrebas, comme le signale P. Grimal dans sa traduction critique du texte de Frontin 37, «sont situés dans la dépression qu’enserre la boucle du Tibre, et qui seront plus tard compris à l’intérieur de l’enceinte d’Aurélien». La naumachie d’Auguste, elle-même alimentée par cet aqueduc, se trouvait donc dans les environs de l’actuel quartier du Trastévère. On peut encore citer un texte de Stace (S., IV, 4, 4-7), où il est question d’un Stagnum nauale : Atque ubi Romuleas uelox penetraueris arces Continuo dextras flaui pete Thybridis oras Lydia qua penitus stagnum nauale coercet Ripa suburbanisque uadum praetexitur hortis 38. (Et lorsque, rapide, tu auras pénétré dans les collines de Romulus, gagne aussitôt la rive droite du Tibre blond, là où la rive lydienne
CIL VI, 31566 = XI 3772 a. Texte établi et traduit par P. Grimal, Les Belles Lettres, Paris, 1944. 37 Ibidem, p. 15, n. 1. 38 Texte établi par H. Frère, Paris, Les Belles Lettres, 1944. 35
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enserre profondément le bassin naval, et où les eaux sont bordées par les jardins suburbains).
Il est possible que le bassin dont il est question soit celui d’Auguste, puisqu’il se trouvait effectivement au-delà du Tibre. Toutefois, il pourrait aussi s’agir de la naumachie de Domitien qui, nous le verrons 39, fut également creusée sur la rive droite, la «rive lydienne» 40. En effet, le monument fut construit en 89, et le livre IV des Silves est daté de l’année 95. L’expression penitus coercet ne peut guère nous aider à trancher sur ce point. Elle est susceptible de faire référence aux collines surmontant la plaine du Vatican et «enserrant», à cet endroit, la rive du Tibre, mais tout aussi bien au Janicule, dans la même situation par rapport au Trastévère. De toutes les sources anciennes, c’est sans doute la Vie de Tibère de Suétone qui nous fournit les plus intéressantes précisions sur la localisation de la naumachie. Au chapitre LXXII, en effet, l’historien évoque ainsi les deux retours avortés de Tibère vers Rome, depuis sa retraite campanienne : Bis omnino toto secessus tempore Romam redire conatus, semel triremi usque ad proximos naumachiae hortos subuectus est, ...sed prospectis modo nec aditis urbis moenibus rediit... (Deux fois seulement, durant tout le temps de sa retraite, il essaya de revenir à Rome; la première fois, il remonta le Tibre sur une birème jusqu’aux jardins voisins de la naumachie... mais il arriva seulement en vue des murailles de la ville et sans les avoir atteintes, il repartit...).
Il est possible que ces «jardins de la naumachie» évoqués par l’auteur correspondent au «bois des Césars», qui selon d’autres sources entourait le plant d’eau 41. Mais ce mot peut aussi désigner un ensemble plus vaste, dont le nemus aurait fait partie, ou qui lui aurait été contigu, par exemple les horti Caesaris, sur la rive droite du Tibre 42. G. Lugli les situait entre la piazza Mastai et le premier mille de la via Portuensis 43. Cependant P. Grimal, dans Les jardins romains 44 conteste cette proposition. Selon lui, ces jardins doivent être placés plus au sud. Il fait remarquer que de nombreuses œuvres d’art, semblant indiquer que le jardin s’étendait jusqu’à cette zone, ont été trouvées sur une partie des pentes du Monte Verde. Quant à
Voir chap. III, p. 179-180. Voir H. Frère et H. J. Izaac dans leur édition traduite du texte, notes complémentaires p. 149 n. 4. 41 T. 7 et T. 22. Voir aussi Tac., Ann., XIV, 15, 2. 42 D. C., XLIV, 35, 3; Tac., Ann., II, 41, 1. 43 G. Lugli, art. «Horti», in De Ruggiero, Dizionario epigrafico, III F-H (Fabia-Hyria), Roma, Pasqualucci, 1885-1922, p. 1018. 44 P. Grimal, Les jardins romains, Paris, Fayard, 1984, p. 116-118. 39 40
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la limite nord, si on la maintient aux environs de la piazza Mastai, en calculant la largeur probable du jardin en fonction de son étendue en longueur, les horti Caesaris auraient occupé à eux seuls toute la partie sud du Trastévère, «ne laissant aux habitations privées qu’une aire tout à fait insuffisante». Un passage d’Horace (Sat. I, 9, 18) apporte une confirmation à ces remarques. Le poète, se trouvant sur la voie sacrée, cite les jardins de César comme un des points de Rome dont il serait le plus éloigné, ce qui n’aurait guère été le cas s’il avait pu les atteindre sitôt passé le pont Sublicius. P. Grimal avance donc une autre proposition pour l’identification de ces horti naumachiae : il pourrait s’agir des horti Antoniani, cités par Dion Cassius (XLVII, 40, 2) comme se trouvant non loin des jardins de César, et qui se trouvaient exactement au Nord de ces derniers, selon Lugli. Or ces jardins, qui passèrent certainement au fisc après la mort d’Antoine, ne sont plus mentionnés par aucun texte à partir du Principat. P. Grimal l’explique par le choix qui fut fait de leur site pour y implanter la naumachie, puis le bois sacré qui l’entourait. Il est certain que cette utilisation des terrains du vaincu d’Actium, pour un édifice destiné à un spectacle naval, aurait eu une grande portée symbolique. Mais faute de témoignages d’époque plus explicites, il ne peut s’agir que d’une hypothèse, qui n’apporte guère de précision quant à la situation du bassin lui-même. Si l’expression hortos naumachiae ne permet que des hypothèses, qu’il est toujours possible de contester, il n’en est pas de même de la dernière partie de la phrase de Suétone : sed prospectis modo nec aditis urbis moenibus rediit. Le fait que Tibère, en longeant les jardins qui entouraient la naumachie, se soit trouvé en vue des murailles de Rome «sans les avoir atteintes» permet de conclure que «les jardins de la naumachie se trouvaient en aval du Forum Boarium, avant le pont Sublicius, ainsi que le remarque F. Coarelli 45 : le terme naumachia ici ne peut désigner que le bassin d’Auguste, puisqu’à l’époque de Tibère, il n’existait pas d’autre structure destinée à ce type de spectacle. Les découvertes archéologiques 46 Ce passage de Suétone suffit donc à invalider une hypothèse ancienne, que l’on trouve en particulier dans la Topographie der Stadt Rom im Althertum 47 et qui plaçait la naumachie beaucoup plus au 45 Aedes Fortis Fortunae, naumachia Augusti, castra Ravennatium, in Ostraka, I, 1992 (p. 39-54), p. 46. 46 Voir le plan de la zone des découvertes (fig. 3). 47 H. Jordan et Ch. Hülsen, Topographie der Stadt Rom im Alterthum, I, 3, Berlin, 1907, p. 641-642 et 652 et 656.
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nord, aux environs de la via della Lungara. Cette proposition se basait sur la découverte au XVIIe siècle, sous l’église S. Onofrio, des restes d’un conduit, qui aurait pu être celui de l’aqua Alsietina 48. Si tel avait été le cas, et donc si la naumachie et ses jardins s’étaient trouvés au pied des pentes Nord du Janicule, l’empereur, pour parvenir à leur hauteur, aurait dû longer les murailles de la ville. En outre, dès le XVIe siècle, certains érudits situaient le point terminal de l’aqua Alsietina aux environs de S. Cosimato 49, ce qui supposait que la naumachie elle-même devait se trouver non loin de là. Des découvertes archéologiques réalisées dans cette zone furent par conséquent très tôt mises en rapport avec cette hypothèse. Ainsi, en 1720, un fragment d’aqueduc fut mis au jour, à une profondeur de 8,42 m, devant S. Cosimato. R. Lanciani, reprenant une proposition émise dès la découverte du conduit, l’identifia comme un tronçon de l’aqua Alsietina 50. Il en concluait que la naumachie devait se trouver dans le voisinage. En 1926, la découverte d’un nouveau tronçon d’aqueduc, effectuée tout près de l’American Academy of Rome, confirma de manière définitive la localisation du débouché de l’aqua Alsietina 51. D’orientation Est-Ouest, ce conduit descend vers le quartier du Trastévère. L’opus reticulatum des parois, la taille des blocs et l’épaisseur du mortier qui le composent suggèrent une datation augustéenne. Dans la mesure où l’on ne connaît dans l’antiquité qu’un autre aqueduc sur la rive droite, l’aqua Traiana, dont les restes avaient déjà été identifiés, les auteurs en ont conclu que le tronçon nouvellement découvert ne pouvait appartenir qu’à l’aqua Alsietina. En outre, les dimensions relevées par les fouilleurs américains semblaient correspondre assez exactement à celles du conduit retrouvé en 1720. La mise au jour de ce nouveau fragment de conduit permet donc de lever les doutes que l’on pouvait entretenir sur celui jadis découvert sous S. Cosimato, du fait de la disparition des vestiges. Désormais, l’origine augustéenne du conduit, ses dimensions et son orientation de la porta S. Pancrazio vers la piazza S. Cosimato, se trouvent vérifiées de façon certaine. C’est pourquoi
48 Cette découverte est relatée par P. Santi Bartoli (1635-1700) dans ses Memorie di varie escavazioni fatte in Roma e nei luoghi suburbani, in Miscellanea filologica critica e antiquaria dell’avvocato C. Fea, t. I, p. CCXXVIII, Roma, Paglarini, 1790. 49 Par exemple P. Ligorio (cf. H. Jordan et Ch. Hülsen, op. cit., p. 640-641, n. 47). 50 R. Lanciani, Topografia di Roma antica. I commentarii di Frontino intorno le acque e gli acquedotti, in MAL, s. III, IV, Roma, 1880, p. 342-344. 51 A. W. van Buren et G. P. Stevens, The Aqua Alsietina on the Janiculum, in MAAR, 6, 1927, p. 137-146.
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A. W. Van Buren et G. P. Stevens, les auteurs de cette découverte 52, en concluent qu’elle confirme la localisation de la naumachie avancée par R. Lanciani 53. Si cette hypothèse est exacte, la naumachie ne pouvait s’étendre qu’au Sud-Ouest de la place S. Cosimato, car au Nord, sous la piazza Mastai, se trouvait une zone de constructions d’âge républicain, découvertes dans la dernière décennie du XIXe siècle 54. Le bassin était en outre nécessairement borné, à l’Ouest, par les pentes du Janicule, à l’Est par la via Campana Portuensis, qui longeait le Tibre, et qui suivait à peu près le tracé des actuels clivo Portuense et via di S. Michele. La largeur actuelle du terrain plat situé à cet endroit est d’environ 370 m, ce qui correspond à peu près à la largeur du bassin telle que nous la connaissons grâce à Auguste 55. Par ailleurs, depuis plusieurs siècles, des découvertes archéologiques attribuées à la présence de la naumachie ont eu lieu dans cette zone. Parmi les plus anciennes, on peut citer celles que décrit l’antiquaire P. Santi Bartoli dans Memorie di varie escavazioni fatte in Roma e nei luoghi suburbani 56. Il s’agit en particulier d’un pavement de mosaïque blanc à figures noires, trouvé dans la via S. Francesco a Ripa, derrière le monastère de S. Cosimato, donc avant l’intersection de cette rue avec la via Natale del Grande. Il fut considéré à l’époque comme le pavement de la naumachie. Une partie de cette mosaïque, une représentation de Neptune, se trouve reproduite dans les Windsor Codices 57. Sous la place même de l’église S. Francesco a Ripa furent retrouvés, toujours selon P. Santi Bartoli, des blocs de travertin. Au XIXe et au début du XXe siècle, d’autres traces supposées de la naumachie furent relevées. Ainsi, en 1873, entre S. Cosimato et la via Luciano Manara, on découvrit un autre morceau de pavement noir et blanc, représentant un vase, que R. Lanciani rapproche de la mosaïque de Neptune. Il mentionne la présence, sous la via Morosini, d’une fosse d’une profondeur de 11 m, découverte lors d’une fouille de 1888 58. Selon F. Coarelli 59, elle pourrait correspondre à l’une des extrémités de la naumachie. En 1905, une rangée de quatre gros blocs de travertin, de direction Est-Ouest, fut retrouvée à une profondeur de 6 m environ entre la via del Trastevere, la Voir note précédente. Ibidem, p. 146. 54 NS, 1895, p. 248, 321, 348, 360, 460; 1896, p. 22. 55 F. Coarelli, Aedes Fortis Fortunae... cité, p. 47 et n. 40. 56 P. Santi Bartoli, Memorie di varie escavazioni... cité, I, p. ccxxxvii. 57 Nett. 151 et Vit. 92. L’attribution à la naumachie de cette mosaïque, acceptée dans un premier temps par R. Lanciani (op. cit., p. 344) fut ensuite rejetée par lui (BCAR, 1895, p. 189). 58 R. Lanciani, Forma Urbis Romae, Milano, Hoepli, 1893-1901, tav. 32. 59 F. Coarelli, Aedes Fortis Fortunae... cité, p. 49. 52 53
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via S. Francesco a Ripa et la piazza Mastai 60. Pour P. Grimal 61, ces vestiges appartiennent à la naumachie, ou aux bâtiments qui en dépendaient. Mais la découverte la plus décisive fut sans doute celle d’une inscription mise au jour dans la via S. Francesco a Ripa 62. Il s’agit d’un grand fragment de travertin, daté du haut empire, portant les lettres suivantes, d’une hauteur de 30 cm : ...OS. AVG. IMP...
La taille des lettres paraît indiquer que ce fragment provient d’un monument public. En outre, comme le fait observer P. Grimal, l’abréviation AVG., placée ainsi avant IMP., doit nécessairement être restituée en Augur, conformément aux usages des titulatures impériales. Quant aux lettres ...OS, à cette place, elles représentent la fin de l’abréviation COS. Ces titres, soit un premier consulat avec la qualité d’augure et une salutation impériale, ne peuvent sous le Haut Empire correspondre qu’à Gaius César, l’un des deux princes de la jeunesse. Or, on sait qu’existait autour de la naumachie un nemus Caesarum. Dans un passage des Annales (XIV, 15, 2), Tacite signale que le bois avait été planté après la construction du bassin : Nemus, quod navali stagno circumposuit Augustus. (le bois qu’Auguste avait planté autour de sa naumachie).
Quant à Dion Cassius (T. 22), à propos d’un spectacle donné en 80 ap. J.-C. par Titus dans la naumachie d’Auguste, il évoque la présence au centre du bassin d’un îlot (nhsı¥dion) sur lequel était bâti un monument commémoratif (mnhmeı˜on). Compte tenu du nom de nemus Caesarum porté par le bois planté autour de la naumachie, ce mnhmeı˜on fut certainement dédié à Gaius et Lucius César. De toute évidence, ce bois et ce monument constituaient un «hérôon». L’inscription trouvée via S. Francesco a Ripa, fragment d’une dédicace aux petits-fils d’Auguste, provient donc très probablement du monument commémoratif situé sur l’îlot, et apporte une nouvelle confirmation de la localisation proposée pour la naumachie. Le témoignage de la Forma Urbis Cette localisation peut encore être précisée, grâce aux récents progrès réalisés dans la reconstitution de la Forma Urbis marmorea. En effet, le rapprochement entre les plaques 28, 33 et 34 de ce NS, 1905, p. 270. P. Grimal, Les jardins romains... cité, p. 119, n. 6. 62 NS, 1900, p. 50.
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plan, opéré par G. Gatti 63, a permis de reconstituer la partie du Trastévère proche du fleuve telle qu’elle se présentait à l’époque des Sévères (fig. 3). Comme l’expose F. Coarelli 64, la plaque 28 correspond plus précisément à la zone limitrophe du fleuve, ou située à peu de distance de celui-ci, comprise entre la piazza Bernardino da Feltre et la piazza Ippolito Nievo. Elle couvre une part importante de la via Campana-Portuensis et des édifices construits des deux côtés de celle-ci. Quant aux plaques 33 et 34, elles représentent une zone située immédiatement au nord de la précédente, entre la piazza Bernardino da Feltre et la piazza S. Francesco a Ripa. En outre, L. Cozza et E. Rodriguez-Almeida 65 ont pu rattacher les fragments 507 et 501 à l’angle inférieur gauche de la plaque 33, ce qui étend la région couverte presque jusqu’à la place S. Cosimato. On voit que la zone de la Rome moderne correspondant à ces plaques est à peu près celle où les sources et l’archéologie incitent à placer la naumachie. Or, au bas de la plaque 28, apparaît un espace rectangulaire, totalement dépourvu de constructions, qui semble se prolonger sur les plaques 33 et 34. On peut donc penser que ce rectangle représente précisément le bassin recherché. Sur la plaque 28 se trouve son extrémité Sud, pour une longueur de 92 m, et son côté Est, dont il reste 284 m. Les plaques 33 et 34 montrent son extrémité Nord. C’est ce qu’est parvenu à démontrer F. Coarelli 66, notamment grâce à certaines observations sur les constructions environnantes. Tout d’abord, les bâtiments entourant immédiatement le rectangle sont orientés en fonction de ce dernier, comme si le monument qu’il représente préexistait ou que son implantation avait nécessité de nombreux bouleversements dans le quartier. Or, cela avait dû être le cas pour la naumachie, construction augustéenne, donc ancienne par rapport au plan sévérien, et dont l’ampleur avait nécessité la réquisition d’un vaste espace entre la via Campana et le Janicule. Parmi les bâtiments figurés, F. Coarelli 67 en remarque un dont l’orientation est particulièrement probante, sur le bord de la plaque 33. Il s’agit d’une construction longue et étroite, de direction Est-Ouest, flanquée des deux côtés de tabernae. Elle est strictement parallèle au côté Sud du 63 G. Gatti, G. Carettoni, A. M. Colini et L. Cozza, Pianta marmorea di Roma Antica, Roma, 1960, p. 94-96, tav. XXX. 64 F. Coarelli, Aedes Fortis Fortunae, naumachia Augusti, castra Ravennatium... cité, p. 39. 65 L. Cozza, Pianta marmorea severiana; nuove ricomposizioni di frammenti, in Studi di topografia romana, Roma, 1968 (Quaderni dell’Istituto di topografia dell’Università di Roma, 5), (p. 9-22) p. 21-22, fig. 9; E. Rodriguez-Almeida, Forma Urbis Marmorea. Aggiornamento generale, Roma, Quasar di Tognon, 1981, p. 119121. 66 F. Coarelli, Aedes Fortis Fortunae... cité, p. 47-48. 67 Ibidem, p. 48.
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Fig. 3 – La naumachie d’Auguste sur la Forma Urbis (Coarelli 1992, fig. 2).
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grand rectangle, représenté sur la plaque 28, et en revanche nettement divergente par rapport aux édifices qui la jouxtent à l’Est. Ces derniers en effet suivent l’orientation de la portion de la via Campana toute proche. En outre, si le mur méridional de cet édifice, qui se poursuit quelque peu vers l’Est au-delà des tabernae, était prolongé plus avant, il aboutirait exactement à la hauteur de l’angle Sud-Est de la naumachie. Par conséquent, ce mur correspond très certainement à l’ancienne limite Nord du bassin. Et de fait, en mesurant la distance qui le sépare de l’extrémité Sud de la naumachie, on obtient une longueur d’environ 540 m, qui correspond presque exactement à la longueur de la naumachie telle qu’on la connaît grâce aux Res Gestae, soit 533 m. Cette correspondance entre les dimensions du rectangle de la Forma Urbis et celles de la naumachie fournies par les Res Gestae, s’ajoutant à la concordance entre l’emplacement probable du bassin et celui de ces plaques ne peut laisser de doute : la Forma Urbis nous présente un plan de la naumachie. Aussi, grâce à la localisation attribuée plus précisément à chacune des trois plaques, F. Coarelli a retracé le plan et les limites presque exactes du monument, telles qu’elles se superposent au Trastévère moderne. Selon le savant italien, l’extrémité Sud de la construction, étroitement bordée d’Ouest en Est par les pentes du Janicule d’une part, la via Portuense de l’autre, se situe immédiatement au-dessus de la piazza Ippolito Nievo, au niveau de la via Ugo Bassi 68. Toujours d’après ce plan, l’extrémité Nord du monument aboutit un peu au Sud de la piazza di Porta Portese. Elle est donc nettement au-dessous de la piazza S. Cosimato, point d’aboutissement de l’Alsietina. La fosse découverte en 1888 dans la via Morosini, probable trace de cette extrémité Nord de la naumachie selon F. Coarelli lui-même 69, se trouve également un peu au nord de l’espace couvert par les fragments de la Forma Urbis considérés. Mais comme il le fait lui-même observer, le manque de points de référence monumentaux encore visibles dans cette région rend la position des plaques appartenant à cette zone difficile à établir avec une précision absolue. En revanche, dans la mesure où le bassin se trouve ainsi situé nettement au-dessous de la piazza S. Cosimato, il est certain que l’inscription dédiée à G. César n’a pas été trouvée exactement in situ, contrairement à ce que pensait P. Grimal. De même, la plupart des structures découvertes à diverses époques dans la via S. Francesco a Ripa, entre la piazza Mastai, la piazza S. Cosimato et le viale di
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Ibidem, p. 47 et fig. 3. Ibidem, p. 49, n. 51.
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Trastevere ne peuvent appartenir à la naumachie, car elles sont situées trop au Nord. Tout au plus peuvent-elles correspondre à des dépendances de cette dernière. Seuls les vestiges découverts sous l’église S. Francesco a Ripa elle-même sont toujours susceptibles de lui être rattachés, dans la mesure où cette église se trouve dans le prolongement de la via Morosini, et légèrement au Nord seulement de la piazza di Porta Portese. Il reste donc une légère oscillation Nord-Sud de l’emplacement exact attribuable à la naumachie. Mais grâce à la Forma Urbis, l’orientation du monument est désormais connue, et on ne peut guère la déplacer sur cet axe que d’une centaine de mètres. Configuration de la naumachie d’Auguste Sa forme et ses dimensions Contrairement à la naumachie de César, la configuration de la naumachie d’Auguste se trouve quelque peu éclairée par les textes. En premier lieu, on en connaît les dimensions par l’empereur luimême (T. 7). Comme nous l’avons vu, elles correspondent à peu près à 533 × 354 m, soit donc une superficie de 188682 m2. Si ces mesures correspondent bien à sa largeur et à sa longueur, cela signifie que la naumachie était légèrement plus courte que le Grand Cirque, mais deux fois et demi plus large 70. C’était donc une réalisation de très grande taille, comme le confirme la Forma Urbis. Quant à sa profondeur, elle devait être d’environ 4 m. Pour avancer ce chiffre, F. Coarelli se base sur la découverte, déjà évoquée, d’une fosse de 11 m de profondeur sous la via Morosini, à laquelle il convient d’enlever les 7 m correspondant à la différence entre le niveau du sol moderne et du sol antique dans le Trastevere. Toujours d’après la Forma Urbis, la naumachie était rectangulaire. K. M. Coleman 71 fait cependant remarquer que pour un bassin de cette taille, une forme arrondie eût été préférable afin d’atténuer les effets de la pression de l’eau sur les bords. Elle ajoute qu’une surface rectangulaire rendait incommodes les places situées au voisinage des angles. Elle incline donc à penser que la naumachie devait être de forme elliptique et que les dimensions fournies par Auguste sont celles des axes et non des côtés du bassin. Ces objections malgré tout ne sont pas insurmontables. En premier lieu, on connaît des exemples de bassins rectangulaires de 70 K. M. Coleman, Aquatic displays of the early empire, in JRS, LXXXIII, 1993, (p. 48-74) p. 53. 71 Ibidem.
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vastes proportions construits à peu près à la même époque que la naumachie d’Auguste. C’est le cas en particulier du Stagnum Agrippae, créé peu de temps auparavant. Certes, ce bassin n’était pas destiné à des spectacles. Mais la naumachie, quant à elle, était un affrontement de masse, pour lequel une vue d’ensemble était l’essentiel. Pour observer le combat naval, une bonne profondeur de champ était donc plus nécessaire qu’une situation parfaitement dans l’axe des navires. C’est pourquoi F. Coarelli 72 suppose qu’une partie du public au moins devait prendre place sur les pentes toutes proches du Janicule, comme le firent les spectateurs de la naumachie de Claude sur les collines bordant le lac Fucin en 52 (T. 12). Rien ne s’oppose donc vraiment à ce que la naumachie ait eu une forme rectangulaire en accord avec ce que montre la Forma Urbis. Le moment est donc venu de réfléchir à la question des manœuvres qu’un tel espace permettait aux navires de guerre engagés dans une naumachie. Les dimensions d’une trière athénienne étaient de 35 m de long pour 4,90 m de large 73. Mais cette largeur atteignait une douzaine de mètres en ajoutant la longueur des rames 74. En supposant que la taille des trirèmes romaines ait été légèrement supérieure, ce qui est probable, il paraît certain qu’une trentaine de birèmes et de trirèmes pouvaient contenir dans un tel bassin, mais non y manœuvrer à leur aise. Le spectacle était donc essentiellement constitué par la reconstitution de la phase finale d’un combat sur mer, l’abordage et le corps à corps. Le nouveau spectacle était donc plus près encore qu’on ne pourrait le penser de la gladiature, et surtout des combats gregatim. Le système hydraulique de la naumachie La naumachie d’Auguste, nous l’avons vu, était alimentée par un aqueduc spécialement construit pour elle, l’aqua Alsietina, dont le terminal se trouvait un peu au Nord du bassin. Mais elle possédait aussi un déversoir qui menait au Tibre. C’est ce que nous apprend Dion Cassius (LXI, 20, 5) en énumérant les divers épisodes des Juvenalia de Néron : Poih¥sav deù tay˜ta eßdeı¥pnise toùn dh˜mon eßpıù ploı¥wn eßn t√ xwrı¥w ∞ eßn w ü∞ hΩ naymaxı¥a yßpoù toy˜ Ayßgoy¥stoy eßgego¥nei. Kaıù eßj ayßtoy˜ nyktoùv mesoy¥shv eßv toùn Tı¥berin diaù ta¥froy kate¥pleyse.
F. Coarelli, Aedes Fortis Fortunae... cité, p. 47. M. Reddé, Mare Nostrum. Les infrastructures, le dispositif et l’histoire de la marine militaire sous l’empire romain, Roma, 1986 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 260), p. 111. 74 Je remercie M. Reddé de m’avoir donné cette estimation. 72
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(Après cela il offrit au peuple un festin sur l’eau à l’endroit où avait eu lieu le combat naval sous Auguste. Puis, au milieu de la nuit, il navigua jusqu’au Tibre par un canal).
Ce canal qui permit à Néron de gagner le Tibre était évidemment celui de la naumachie. L’insalubrité qui avait été cause du comblement du bassin de César n’était donc pas à craindre dans le cas de la naumachie d’Auguste. Elle était alimentée par une eau qui, si elle n’était pas d’aussi bonne qualité que celle des autre aqueducs, selon Frontin 75, était néanmoins une eau courante plus pure que celle du Tibre ou de la zone marécageuse du palus Caprae. L’eau était renouvelée en permanence, puisqu’elle s’évacuait par le canal vers le fleuve. Étant donné le débit connu de l’Alsietina selon Frontin (Aq., 11) soit 16228 m3 par jour 76, il aurait fallu plus de deux semaines à chaque fois pour remplir le bassin. C’est là le calcul effectué par K. M. Coleman 77. Or, elle se base sur une estimation pourtant très modeste de la taille de la naumachie, puisqu’elle considère que les mesures de longueur et de largeur fournies par Auguste sont celles des axes d’une ellipse et non des côtés d’un rectangle. Elle lui attribue en outre une profondeur de 1,7 m au lieu de 4 m. On voit donc que si on s’en tient aux chiffres de F. Coarelli, c’est certainement plus de trois semaines qui étaient nécessaires pour remplir la pièce d’eau. Il paraît donc évident que ce bassin était rempli en permanence, d’autant plus que l’ensemble qu’il formait avec son aqueduc était nécessaire au bon approvisionnement de la rive droite, comme le montre Frontin (Aq., 11) : Quae ratio mouerit Augustum, providentissimum principem, perducendi Alsietinam aquam, quae vocatur Augusta, non satis perspicio, ...nisi forte, dum opus naumachiae adgreditur, ne quid salubrioribus aquis detraheret, hanc proprio opere perduxit et quod naumachiae coeperat superesse hortis adiacentibus et priuatorum usibus ad inrigandum concessit. Solet tamen ex ea, in Transtiberina regione, quotiens pontes reficiuntur, et a citeriore ripa aquae cessant, ex necessitate in subsidium publicorum salientium dari. (Quant à ce qui a poussé Auguste, prince d’une très grande prévoyance, à faire construire l’aqueduc de l’Alsietina, qu’on appelle Augusta, je n’en vois pas d’explication satisfaisante... à moins peut-être,
Aq., 11. 392 quinariae. 77 K. M. Coleman, op. cit., p. 53. 75
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qu’ayant entrepris de construire sa naumachie, il ait réalisé par des travaux spéciaux cet aqueduc pour ne pas opérer de ponction sur les eaux plus salubres, et qu’il ait concédé aux jardins avoisinants et à l’usage des particuliers pour l’irrigation ce qui avait commencé à excéder les besoins de la naumachie. Pourtant c’est l’habitude, dans la région du Trastévère, de distribuer l’eau de cet aqueduc pour les besoins du public, par nécessité, chaque fois que les ponts sont en réfection et que le débit des aqueducs venus de l’autre rive s’interrompt).
Les ressources de l’aqua Alsietina excédaient donc les besoins de la naumachie, et alimentaient en eau les jardins publics et privés des environs voire même les citadins eux-mêmes en cas de besoin. L’aqueduc représentait une amélioration pour l’approvisionnement en eau de la rive droite, et de toutes les cultures sur son parcours, comme en témoigne également l’inscription de Procoio del Gallo 78. L’îlot et le mnhmeı˜on Ainsi que nous l’avons vu 79 c’est un texte de Dion Cassius (T. 22) qui offre le plus de détails sur l’aspect que présentait la naumachie, en mentionnant notamment l’existence d’un îlot sur lequel avait été érigé un monument commémoratif. Il mentionne également la présence de statues, devant lesquelles aurait été réalisé le ponton destiné aux spectacles terrestres des jeux. Ces statues étaient sans doute à l’effigie des petits-fils d’Auguste. L’historien ne dit pas si elles se trouvaient sur la rive, ou bien si elles ornaient le mnhmeı˜on. Ce dernier constituait avec les statues et le bois planté tout autour un hérôon, en accord avec le processus de divinisation des membres de la famille impériale. Si l’on admet que l’inscription trouvée à S. Cosimato, un peu au Nord de l’emplacement désormais attribué à la naumachie, appartient bien au monument, il faut en conclure que l’îlot se trouvait plus près de la rive septentrionale 80. L’îlot était relié à la terre ferme par un pont de mélèze, dont il est question à deux reprises au livre XVI de l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien : § 190 : ...Sic certe Tiberius Caesar concremato ponte naumachiario larices ad restituendum caedi in Raetia praefiniuit.
78 Sur l’ensemble constitué par la naumachie et son aqueduc, voir aussi R. Taylor, Torrent or trickle? The aqua Alsietina, the naumachia Augusti and the Transtiberim, in AJA, 101, 1997, p. 465-492. 79 Voir supra p. 168. 80 On peut aussi en conclure que le plancher destiné au spectacle vint couvrir notamment la partie du lac située entre l’îlot et la rive septentrionale, donc en tous les cas «devant les statues».
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(Du moins Tibère César, après l’incendie du pont de la naumachie, prescrivit de couper ainsi [pendant la nouvelle lune] les mélèzes de Rhétie destinés à sa reconstruction). § 200 : Amplissima arborum ad hoc aeui existimatur Romae uisa, quam propter miraculum Tiberius Caesar in eodem ponte naumachiario exposuerat aduectam cum reliqua materie, durauitque ad Neronis principis amphitheatrum. Fuit autem trabs ea e larice, longa pedes CXX, bipedali crassitudine aequalis, quo intellegebatur uix credibilis reliqua altitudo fastigium ad cacumen aestimantibus 81. (On estime que le plus grand des arbres jamais vu à Rome jusqu’à notre époque est celui que Tibère avait exposé, en raison de sa taille prodigieuse, sur le pont de la naumachie déjà mentionné. On l’avait apporté avec le reste du bois destiné à la reconstruction du pont, et il subsista jusqu’à la réalisation de l’amphithéâtre de l’empereur Néron. C’était une poutre de mélèze de cent vingt pieds de long, d’une épaisseur régulière de deux pieds. À partir de ces proportions, on pouvait se faire une idée de la hauteur à peine croyable du reste de l’arbre, jusqu’à la pointe de sa cime).
Le pont, reconstruit sous Tibère, avait donc été édifié par Auguste en même temps que la naumachie, ou du moins que le mnhmeı˜on. Le témoignage de Pline permet de supposer que cette immense poutre de 120 pieds (environ 35 m), occupait toute la longueur du pont, ce qui donnerait une idée, du moins approximative, de la distance qui séparait l’île de la rive nord du bassin 82. Cadre du mnhmeı˜on de Gaius et Lucius, la naumachie n’était donc pas destinée à des fins purement utilitaires. Ce vaste bassin aux bords plantés d’arbres, son canal et son îlot avaient aussi une destination ornementale, analogue à celle du Stagnum Agrippae sur l’autre rive. Entrée et disposition des spectateurs La Forma Urbis permet de constater que l’entrée principale de la naumachie se trouvait au milieu de son côté Est, et était donc perpendiculaire à la via Campana, qui fait un coude à cet endroit précis. Ce corridor d’entrée va en s’élargissant vers l’intérieur, ce qui s’explique par la rencontre à cet endroit des deux orientations différentes de la rue. Selon F. Coarelli, le choix de cet emplacement est lié à la présence, juste à côté, d’une petite construction ronde, bien visible sur la Forma Urbis et qui serait un temple de Fors Fortuna, d’où des implications religieuses que nous évoquerons ultérieurement. 81 82
Texte établi par J. André, Les Belles Lettres, Paris, 1962. F. Coarelli, Aedes Fortis Fortunae... cité, p. 50.
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Par ailleurs, il est probable que la naumachie d’Auguste était dépourvue de gradins. La Forma Urbis, mais aussi le texte de Dion Cassius évoqué ci-dessus, en témoignent notamment. Si l’historien juge nécessaire de signaler que des gradins furent installés à l’occasion d’un combat de gladiateurs et d’une venatio donnés sur le site, c’est qu’il ne devait pas en exister en temps normal. Les batailles navales, spectacles d’une ampleur particulière, pouvaient certainement s’observer de plus loin et de haut, en particulier des pentes du Janicule. Mais il est probable aussi qu’une partie au moins du public se disposait le long du bassin. En effet, comme le montre F. Coarelli 83, on peut observer sur la Forma Urbis, entre la via Campana et le rectangle du bassin, un espace dépourvu de constructions, en particulier sur la plaque 28 représentant l’extrémité Sud de la naumachie. Cet espace vide était peut-être un plan incliné vers l’eau, où prenaient place les spectateurs. Une telle disposition était d’ailleurs nécessaire pour la solidité de ce bassin, compte tenu, précisément, de sa forme rectangulaire. Il est certain en tout cas que le rideau d’arbres n’arrivait pas jusqu’au bord, pour des raisons de bonne visibilité. Disparition de la naumachie Le dernier spectacle que les sources antiques situent dans la naumachie d’Auguste eut lieu sous Titus. Toutefois, Frontin parle du complexe naumachie-Aqua Alsietina comme d’une installation en état de marche. Selon le témoignage de Dion Cassius (T. 11) en revanche, le bassin à son époque était à l’abandon, depuis un certain temps déjà, puisqu’on n’en voyait plus que des «traces» (shmeı˜a). Ce fait nous est confirmé par la Forma Urbis, où l’espace correspondant à la naumachie, encore très visible, paraît envahi par des constructions plus récentes, en particulier dans sa partie Nord et Nord-Est. On peut donc penser que la naumachie cessa d’être entretenue vers la fin de l’époque antonine. Le fait que malgré cela, ses traces aient encore été visibles sous les Sévères, permet de supposer qu’elle possédait des parois maçonnées. Le soin apporté à l’élaboration et à l’ornementation de ce monument, dont témoigne la création d’un aqueduc spécifique et d’un canal, du mnhmeı˜on et du bois, est un autre indice en faveur de cette hypothèse. Il est possible que la naumachie ait été restaurée sous Philippe l’Arabe, qui construisit un vaste réservoir sur la rive droite. Mais le passage d’Aurélius Victor (Caes., XXVIII, 1-2) qui évoque ces travaux ne fait aucune allusion à une installation préexistante. Quoi qu’il en soit, nous disposons d’une date certaine pour la disparition défini-
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F. Coarelli, Aedes Fortis Fortunae... cité, p. 47.
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tive de la naumachie d’Auguste : la construction de la muraille d’Aurélien. Celle-ci en effet la coupait de part en part 84. Conclusion Nous pouvons donc réunir sur la naumachie d’Auguste des renseignements relativement abondants, aussi bien archéologiques que littéraires, qui ont permis de se faire une idée précise tant de l’emplacement exact que de l’aspect de ce plan d’eau. En outre, malgré la faiblesse de notre documentation sur la naumachie de César, il est possible, en comparant ce que nous savons des deux monuments, de constater une évolution. La naumachie d’Auguste en effet n’était pas uniquement destinée à servir de cadre à des jeux. Elle avait aussi une fonction ornementale, s’insérait dans l’aménagement des espaces suburbains de la rive droite et même dans l’organisation de l’adduction d’eau de la zone. Après Auguste, elle fut réutilisée pour d’autres spectacles aquatiques par au moins deux autres empereurs du premier siècle. Il s’agissait donc d’une réalisation destinée à durer, reflet certain du succès remporté par le spectacle dont elle finit par prendre le nom. Encore considérée sous César comme exceptionnelle et comme une véritable «première», la naumachie, sous Auguste, bénéficiait d’un précédent, et vint s’ajouter aux autres formes de spectacles agonistiques déjà présentes dans l’éventail des jeux romains. Elle possédait désormais un site qui lui était spécifiquement destiné, intégré dans le paysage de la Ville. LA
NAUMACHIE DU
VATICAN
Les sources Les sources antiques Après ceux de César et d’Auguste, le troisième bassin spécifiquement conçu pour donner une naumachie fut l’œuvre de Domitien, comme l’attestent Suétone (T. 24) et de Dion Cassius (T. 25). Suétone en particulier nous offre en quelques mots de précieuses indications sur la configuration du monument : Edidit naualis pugnas paene iustarum classium, effosso et circumstructo iuxta Tiberim lacu. (Il donna des combats navals où s’affrontèrent presque de vraies flottes, après avoir fait creuser et entourer de gradins un bassin près du Tibre).
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F. Coarelli, op. cit., p. 41.
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Le participe circumstructo prouve que contrairement à la naumachie d’Auguste, celle de Domitien ne consistait pas uniquement en un vaste bassin. Elle prévoyait des gradins pour les spectateurs. Cet édifice ne fut pas conservé longtemps puisque ses pierres furent ensuite employées à restaurer le Grand Cirque, sous l’empereur Trajan 85. Un autre passage de Suétone (Dom., V, 2), consacré aux constructions nouvelles réalisées par Domitien, en témoigne : Nouam autem excitauit aedem in Capitolio Custodi Ioui et forum quod nunc Neruae uocatur, item Flauiae templum gentis et stadium et odium et naumachiam, e cuius postea lapide maximus circus deustis utrimque lateribus extructus est. (D’autre part, il éleva un temple sur le Capitole à Jupiter Gardien, et un forum qu’on appelle à présent forum de Nerva, ainsi que le temple de la famille Flavia, un stade, un odéon et une naumachie, dont on utilisa par la suite les pierres pour reconstruire le grand cirque qu’un incendie avait détruit des deux côtés).
Ce passage confirme le témoignage apporté par le texte précédent : la naumachie de Domitien devait être construite en élévation. Pourquoi cette utilisation des matériaux de la naumachie? Compte tenu des dimensions probables de cet édifice, il était sans doute seul capable de fournir rapidement la quantité de pierres nécessaire au Grand Cirque très gravement endommagé. Peut-être aussi, comme le suppose R. Paribeni 86, ces pierres n’étaient-elles pas encore en place, si la mort de Domitien avait interrompu l’achèvement du monument. Déjà acheminées jusqu’à Rome, elles étaient immédiatement utilisables. Quoi qu’il en soit, la priorité fut bien entendu donnée à l’édifice ancien, siège de nombreux jeux sacrés, sur la réalisation récente, fruit d’un caprice impérial. Mais on sait par ailleurs que Trajan lui-même fit construire une naumachie. Un passage des Fastes d’Ostie 87 (I. 1) consacré à l’année 109, en témoigne. Grand amateur de spectacles, l’empereur rendit ainsi à Rome un édifice dont il avait dû la priver momentanément. Il est probable que cette nouvelle naumachie fut construite sur le même site que celle de Domitien. L’empereur aurait ainsi pu éviter d’avoir à faire creuser un nouveau bassin. Nous ne possédons toutefois aucune certitude, les deux monuments n’étant pas localisés de façon précise par nos textes. Quoi qu’il en soit, la naumachie de Trajan se trouvait sur la rive droite. En effet les sources antiques permettent d’affirmer que Plin., Pan., 51; Paus., V, 12, 6; D.C., LXVIII, 7, 2. R. Paribeni, Optimus Princeps. Saggio sulla storia e sui tempi dell’imperatore Trajano, Messina, ed. G. Principato, 1926, p. 30-31. 87 NS, 1932, p. 194 = AE, 1993, 30. 85
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quatre bassins destinés à donner des naumachies furent creusés à Rome : ceux de César, d’Auguste, de Domitien et de Trajan. Le premier et le troisième de ces bassins furent rapidement détruits. Quant à celui d’Auguste, nous possédons un terminus ante quem fiable pour sa disparition définitive : la construction de la muraille d’Aurélien, qui le traversa de part en part. Pourtant, aux IVe et Ve siècles, il semble que Rome ait conservé la trace, ou du moins le souvenir de deux naumachies dans la XIVe région. Le texte des Régionnaires 88 qui la concerne commence en effet ainsi : Notitia Gaianum et Frigianum Vaticanum naumachias II hortos Domities
Curiosum Gaianum et Frigianum naumachias II et Vaticanum hortos Domities
Il est probable que l’une de ces deux naumachies au moins se trouvait dans la plaine du Vatican. En effet, le texte mentionne les deux bassins au milieu de sites et de monuments situés à cet endroit : les horti Domitiae près du Château Saint-Ange, le Frigianum et le Vaticanum 89, près de la basilique Saint-Pierre. Or, il semble que cet édifice ne puisse être que la naumachie de Trajan. Aucune source, en effet, ne mentionne sa destruction, comme c’était le cas pour celles de César et de Domitien. Il est donc très possible qu’elle ait encore existé à l’époque des Régionnaires, d’autant plus qu’en dehors de la construction de la basilique SaintPierre, sur l’emplacement du cirque de Gaius et Néron, aucun bouleversement urbanistique d’importance, analogue à celui que subit la zone de la naumachie d’Auguste, n’affecta la plaine du Vatican entre l’époque d’Hadrien et celle de Constantin. Cette identification n’est plus guère contestée aujourd’hui. En revanche, la localisation précise du monument est encore un objet de controverses, car aucune source antique ne la mentionne. Les sources médiévales 90 Il existe en revanche des sources médiévales qui peuvent permettre de dégager quelques éléments de réponse. Après les Régionnaires, les textes les plus anciens que nous puissions citer, en rap88 Il catalogo delle XIV regioni di Roma, in R. Valentini et G. Zucchetti (dir.), Codice topografico delle città di Roma I, con una Forma Urbis di L. Lugli, Roma, Ist. Stor. Ital. per il Medio Evo, 1940. 89 Nom parfois donné au Cirque de Gaius et Néron. 90 Pour la localisation des monuments et des lieux-dits cités, voir la carte topographique du quartier des Prati (fig. 4).
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port avec la seconde naumachie de la rive droite, sont des récits légendaires du martyre de saint Pierre, ceux du pseudo-Linus et du pseudo-Marcellus (Ve-VIe siècle) 91. Le texte du pseudo-Linus, en effet, situe ainsi le lieu de la crucifixion de Pierre : ...ad locum qui uocatur Naumachiae, iuxta obeliscum Neronis, in montem. (au lieu qui est appelé «naumachies», près de l’obélisque de Néron, sur la hauteur).
À l’époque de saint Pierre, la naumachie du Vatican n’était pas encore construite. C’est pourquoi L. Duchesne 92 suppose que le martyrologe a attribué par erreur le nom de «naumachie» au cirque de Gaius et de Néron, où se dressait l’obélisque. C’est en effet dans le cirque que la version la plus accréditée situait le martyre de Pierre 93. L’erreur s’expliquerait par la persistance du toponyme Naumachia, alors que le cirque avait depuis longtemps disparu. Toutefois l’expression ad locum peut inciter à penser que naumachiae désigne ici non pas l’édifice, mais un toponyme, comme c’est le cas, nous le verrons, dans tous les textes postérieurs 94. Dans l’article qu’il consacre à l’étude de la naumachie du Vatican, Ch. Hülsen 95 semble tenir cette hypothèse pour préférable. Selon le pseudo-Marcellus, la «naumachie» devait être le lieu du supplice de saint Pierre et de saint Paul. Le texte dit en effet ceci : Tunc Nero dixit ad praefectum suum Agrippam : Homines inreligiosos necesse est male perdere, et ideo... iubeo eos in Naumachia consumi... (Alors Néron dit à son préfet Agrippa : il faut faire violemment périr ces hommes impies, et pour cette raison... j’ordonne qu’ils soient exécutés dans la Naumachie).
91 Acta apostolorum apocrypha, ed. R. A. Lipsius et M. Bonnet, Leipzig; 1891, t. I, p. 11-21; 169-177; 212-222. 92 L. Duchesne, Naumachie, obélisque, térébinthe, in DPAA, II, 8, 1903, p. 137148. 93 G. Fallani et M. Escobar (dir.), Vaticano, Firenze, Sansoni, 1946, (p. 3-22) p. 10. 94 On peut constater de surcroît que Naumachiae est un pluriel. Un seul des manuscrits de ce texte présente la leçon Naumachia, qui au premier abord paraîtrait préférable. 95 Ch. Hülsen, Il Gaianum e la naumachia Vaticana, in DPAA, II, 8, 1903, (p. 355-387) p. 371, n. 1. Ch. Hülsen propose de situer le lieu indiqué par le Pseudo-Linus comme celui de la crucifixion de saint Pierre à mi-chemin entre l’obélisque et l’église de S. Pellegrino, soit à l’extrémité Sud des grands jardins du Vatican. À proximité se trouvait un grand cimetière chrétien, très ancien.
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Nous possédons en outre une autre version du texte, uniquement en grec : To¥te oΩ Ne¥rwn eı®pen proùv Agrı¥ppan toùn e¶parxon . Anurw¥poyv aßurhskey¥toyv kakw˜v aßpole¥suai xrh¥. ... keley¥w ayßtoyùv eßn t√ naymaxı¥w ∞ to¥pw ∞ aßnalwuh˜nai...
Dans la version latine du texte, Naumachia semble désigner le monument, dans la version grecque, toù naymaxı¥on to¥pon renvoie plutôt à un toponyme. Mais dans les deux cas, ces termes sont très insolites dans la bouche de Néron, puisque la naumachie du Vatican n’existait pas à son époque. On peut penser que cette version du martyre de Pierre, plus récente que celle du pseudo-Linus 96, a mal interprété l’information topographique fournie par cette dernière. Quant au lieu de la sépulture de Pierre, les mêmes textes le situent : sub terebinthum iuxta Naumachiam in locum qui appellatur Vaticanus. / ... yΩpoù thùn tere¥binuon plhsı¥on toy˜ naymaxı¥oy eıßv to¥pon kaloy¥menon Batika¥non. (sous le térébinthe, près de la naumachie, dans le lieu qui est appelé Vatican).
Après un enlèvement, le corps du saint fut replacé dans son tombeau définitif. La version latine du texte précise qu’il se trouvait in Vaticano naumachiae. Il semble difficile de trouver un sens clair à cette expression. Sans doute doit-on lui préférer la leçon de l’un des manuscrits : in Vaticano in Naumachia. La seconde rédaction en grec des Acta Petri et Pauli, situe elle aussi le tombeau définitif : eıßv toùn batika¥non to¥pon plhsı¥on toy˜ naymaxı¥oy. (dans le lieu appelé Vatican, près de la Naumachie).
Par Vatican les Anciens pouvaient désigner toute la région qui s’étendait sur la rive droite du Tibre, du Pont Milvius au Pont Aurelius (Ponte Sisto). Ils faisaient en outre la distinction entre montes Vaticani et ager Vaticanus. Les montes comprenaient toute l’ample chaîne de collines qui du Monte Mario se développe jusqu’à S. Onofrio, entourant la plaine qui porte aujourd’hui les noms de Prati di 96 L. Duchesne, Vaticana. Notes sur la topographie de Rome au Moyen Âge, in Scripta Minora, Études de topographie romaine et de géographie ecclésiastique, Roma, 1973 (Collection de l’École française de Rome, 13), (p. 181-200) p. 187.
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Castello, Borghi et Basilica S. Pietro. Le lieu appelé Naumachia se trouvait donc dans cette plaine et son nom venait certainement de la préexistence de l’une des deux naumachies évoquées par les Régionnaires On retrouve ce nom de Naumachia dans le chapitre XX des Actes de Saint Sébastien 97 qui remontent sans doute à peu près à la même époque 98. Beatissima Zoe in Apostolorum natale dum ad Confessionem Petri Apostoli oraret, ab insidiantibus paganis arctatur, duciturque ad Patronum regionis Naumachiae, et compellitur Martis statunculo, quod illic stabat, thuris guttas incendere. (Le jour anniversaire de la naissance au ciel des apôtres, la très bienheureuse Zoé, alors qu’elle priait au tombeau du Bienheureux apôtre Pierre, fut saisie par des païens qui guettaient, conduite devant le Patron du quartier de la naumachie, et poussée à brûler des grains d’encens devant une petite statue de Mars, qui se tenait là).
À l’époque de Dioclétien, où se situe le récit, il existait donc une «région de la naumachie», qui n’était pas très éloignée du tombeau de Saint Pierre, ce qui interdit de la mettre en rapport avec la naumachie d’Auguste, d’ailleurs disparue. Capital pour notre recherche, ce texte apporte la preuve de ce que suggéraient les Acta Apostolorum apocrypha : la présence du monument donna naissance à un toponyme. Une série de textes, de plusieurs siècles postérieurs, mentionnent le nom de Naumachia à une époque où le monument luimême, de toute évidence, n’était plus que ruines depuis longtemps. On peut citer tout d’abord quelques passages du Liber pontificalis, consacrés à des papes de la fin du VIIIe siècle et du début du IXe siècle. Le premier évoque des objets précieux placés dans divers sanctuaires par Léon III (796-816). L’un de ces dons fut déposé : in oratorio sancti Peregrini qui ponitur in hospitale ... ad Naumachiam 99. (dans l’oratoire de saint Pérégrin, qui est placé dans l’hospice... dans la Naumachie).
Le panégyriste du même pape ajoute que l’hospice pour les pèlerins, annexé au sanctuaire et dédié à St. Pierre fut reconstruit in loco qui Naumachia dicitur100. Acta Sanctorum, t. 2, Ianuarii, Roma, V. Palmé, 1863, p. 640. Ch. Hülsen, op. cit., p. 378, n. 1. 99 Liber pontificalis XCIII, Léon III, c. 80-81, ed. Duchesne, II, Paris, E. Thorin, 1892, p. 25. 100 Ed. Duchesne, II, p. 28. 97
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La Vie du pape Pascal I (817-824)101 présente les mêmes précisions topographiques sur cette église de S. Pellegrino : hospitale S. Peregrini positum ad beatum Petrum apostolum in loco qui Naumachia uocatur. (l’hospice de St. Pérégrin situé près du bienheureux apôtre Pierre, dans le lieu qui est appelé Naumachie).
La Vie de sainte Cécile mentionne également l’église : S. Peregrini hospitale apud B. Petrum positum in loco qui uocatur Naumachia102. (l’hospice de St. Pérégrin situé auprès du bienheureux apôtre Pierre, dans le lieu qui est appelé Naumachie).
Dans tous ces textes, le toponyme se trouve accompagné d’un point de repère précis : l’église de S. Pellegrino, fondée au VIIIe siècle, qui existe encore aujourd’hui à l’Est du palais pontifical. Au IXe siècle, elle se trouvait à l’extérieur des murailles du Vatican, entre ces dernières et la via di Porta Angelica. Avec l’hospice qui lui était attenant, elle se situait donc à un peu plus de 300 m au Nord de la basilique. Ces indications paraissent corroborer et compléter celles des Acta Apostolorum apocrypha et pourraient inciter à situer la naumachie aux abords immédiats de la basilique Saint-Pierre. Cette hypothèse a d’ailleurs parfois été formulée103. Cependant, d’autres sources médiévales, du XIe et XIIe siècle en particulier, nous apportent la preuve que la zone désignée sous le nom de «Naumachie», était beaucoup plus vaste que les abords immédiats de S. Pellegrino. Ces textes présentent l’avantage d’être des documents à caractère administratif et juridique, s’appliquant à déterminer les limites exactes d’une propriété. Ils fournissent, comme tels, des indications plus fiables que les récits entachés de légende précédemment cités. Le premier est une charte de l’année 1042. Il s’agit d’un bail passé entre les chanoines de Saint-Pierre et les moniales de St-Cyriaque et St.-Nicolas104, pour une maison située : intra ciuitatem nobam quae uocatur Leoniana in burgo Naumachiae inter affines : ...a quarto uia publicam quae ducit ad portam S. Peregrini.
Ibidem, Paschal I, c. 18, ed. Duchesne, II, p. 57. Cod. Vat. 6076 f. 102, ed. Duchesne, II, p. 47. 103 Voir p. 189-190. 104 L. M. Hartmann, Ecclesiae S. Mariae in via lata tabularium, I, Wien, 1895, p. 95 n. LXXII, année 1042. Il existe un autre texte presque identique, datant de 1062 (Cod.Vat. 8048 f. 50, année 1062). 101
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(à l’intérieur de la nouvelle cité, que l’on appelle cité Léonine, dans le quartier de la Naumachie, attenante ... sur son quatrième côté à la voie publique qui conduit à la porte de St. Pérégrin).
Ce nom de Naumachia, servait donc aussi à désigner un quartier de la cité Léonine. Le toponyme couvrait une zone située non seulement au Nord-Est, mais aussi à l’est de la basilique. Une seconde source, parfaitement contemporaine de la précédente, vient encore l’élargir. Il s’agit d’une autre Bulle de Léon IX, datant de 1053105. Elle confirme aux chanoines de S. Stefano Maggiore, près de S. Pietro, la concession par les autorités pontificales de l’église et de l’hôpital de S. Pellegrino, avec des terres attenantes : ecclesia S. Peregrini una cum hospitale et terra uacante iuxta se et Dalmachia usque in Centumcellis et riuum qui desendit per valle Arnecto... per tempora et uadit in Dalmachia siue Gaiano et terra sgirante in uia iuxta murum et cum omnibus possessionibus et pertinenciis eius. (l’église de saint Pérégrin avec son hôpital et le terrain libre à côté d’elle, et la Dalmachia jusqu’aux Centumcellae et à la rivière au cours saisonnier qui descend du val d’Enfer et passe dans la Dalmachia ou Gaianum, et la terre environnante jusqu’à la muraille, avec toutes ses propriétés et ses dépendances).
Le parcours du riuus Arnectus est à peu près connu. Plus tard appelé fosso della valle d’Inferno, puis, au moins dès le XVe siècle, fosso della Sposata, il courait à 600 m au Nord de la Porta Viridaria, parallèlement à la cité léonine. D’Ouest en Est, il suivait à peu près la rue Candia, et passait sous la via Triomphale à peu près au croisement actuel de cette rue avec la via Leone IV106. Il traversait ensuite les Prati et se jetait dans le Tibre un peu au Sud du Ponte Margherita107, au point où débouche aujourd’hui la via G. Belli. Quant au toponyme Centumcellae, nom très usuel pour désigner des ruines antiques situées dans la campagne romaine, d’autres documents médiévaux nous apprennent qu’il désignait des vestiges situés dans la plaine vaticane, probablement dans la partie orientale108. Les chanoines s’étaient donc vus concéder des terres placées entre le rivus Arnectus et la cité léonine. Les points de repère les plus importants, dans ce périmètre, étaient constitués par l’église S. Pel105 Bull. Vat. I, p. 29; Arch. soc. romana di st. patr., XXIV, 1901, p. 474; L. Schiaparelli, Le carte antiche di S. Pietro in Vaticano, in Achivio della Società romana di storia patria, 24, 1901, p. 474. 106 M. Dykmans, Du Monte Mario à l’escalier de Saint-Pierre, in MEFR, LXXX, 2, 1968, (p. 547-594) p. 554; I. Belli Barsali, Contributo alla topografia medievale di Roma, in SR, ott.-dic. 1973, (p. 451-468) p. 452. 107 S. Mineo, Un monumento inedito dell’ex Piazza d’Armi e la topografia dell’ager Vaticanus orientale, in BCAR, 94 (2), 1991-1992 (p. 287-300), p. 298, n. 38. 108 Ch. Hülsen, op. cit., p. 376.
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Voie Triomphale. Carrefour des voies des Prati et Triomphale. Croix du Monte Mario. Pont du couronnement, Ponticellus. Torrent du Val d’Enfer, dit Sposata. Carrefour où la voie Triomphale bifurque vers Saint-Pierre et le Château Saint-Ange. Bastions du XVIe s., limites actuelles d’une partie de la cité du Vatican. San Pellegrino. Mont Sancti Egidii. Porte St-Pierre, Viridaria, Aurea.
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Ancienne Basilique Saint-Pierre. Mur de la cité Léonine ou du Borgo Saint-Pierre. Ancienne Porta Angelica. Via di Porta Angelica, vers le Pont Milvius. Château Saint-Ange. Ancienne S. Maria Transpadina.
45 – Ancienne Porta di Castello, Crescentii, Collina. 48 – Pont Saint-Ange. 49 – Pont Victor-Emmanuel 50 – Pont Néronien, ou Vaticanus, ou Triomphal.
Fig. 4 – La zone des Prati à l’époque de Nicolas V (1447-1455) (Dykmans 1968, fig. 1).
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legrino et le lieu-dit Dalmachia, deux fois cité. Il semble difficile de douter que ce nom puisse être autre chose qu’une déformation de Naumachia. L’expression Dalmachia siue Gaianum permet en outre de supposer qu’une même zone pouvait porter ces deux noms, ou que, plus probablement, les deux lieux-dits étant limitrophes, ils fournissaient des indications topographiques analogues. Le nom de Naumachia devait donc couvrir un périmètre s’étendant nettement au Nord-Est de S. Pellegrino. Un autre témoignage capital est celui des Mirabilia109, de la fin du XIIe siècle. En effet, ce texte place in Naumachia plusieurs importants monuments situés non loin du château Saint-Ange, dans l’enceinte des murs léonins. In Naumachia est sepulcrum Romuli quod uocatur Meta... circa se habuit terebinthum Neronis tantae altitudinis quantum castellum Adriani miris lapidibus tabulatum. (Dans la Naumachie se trouve le tombeau de Romulus qu’on appelle la Borne... elle a dans ses alentours le térébinthe de Néron, d’une hauteur égale à celle du château d’Hadrien, et dallé de très belles pierres).
Comme le dit Ch. Hülsen110, la Meta Romuli, un tombeau antique ainsi rebaptisé, se trouvait tout près de l’ancienne église de S. Maria Traspontina, dite aussi Transpadina à cheval sur le futur tracé du Borgo nuovo, à 200 m environ du château Saint-Ange. Pietro Mallio, chanoine de Saint-Pierre dans la seconde moitié du XIIe siècle111 donne à la Meta Romuli une localisation analogue : in Naumachia iuxta ecclesiam S. Mariae Transpadinae. (dans la naumachie, à côté de l’église S. Maria Transpadina).
Enfin, plusieurs autres textes nous ramènent du côté des probables limites occidentales du toponyme. Deux d’entre eux évoquent le Ponticellus, le Petit Pont. Celui-ci jouait un rôle important dans les cérémonies marquant l’entrée dans Rome des souverains du Saint Empire : avant de le franchir, ils devaient s’y arrêter pour prêter serment au peuple romain. Le Ponticellus était situé à peu près au niveau du croisement des actuelles via Leone IV et via Candia112 et enjambait le rivus Arnectus, à 600 m de la porta Viridaria (ou Porta S. Pietro). Or, dans un manuscrit avignonnais du second quart du 109 Fonti per la storia d’Italia pubblicate dal R. Istituto storico italiano per il Medio Evo, scrittori secoli XII-XIV, Roma, 1940, p. 45. 110 Ch. Hülsen, op. cit., p. 383-387 (appendice II). 111 Cité par Ch. Hülsen, op. cit., p. 378, et par F. Ehrle, in Ricerche su alcune antiche chiese del Borgo di S. Pietro, in DPAA, serie II, X, 1, 1910, (p. 1-44) p. 14. 112 M. Dykmans, op. cit., p. 554.
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XIVe siècle113, on trouve ce pont désigné sous le nom de Ponticellus Almatiae : Ponticellum Almatie, qui est inter ecclesiam sancte Marie Magdalene et portam quae dicitur Viridaria. (le Petit Pont de l’Almatie, qui est entre l’église de Sainte-MarieMadeleine et la porte que l’on appelle Viridaria).
Dans le De coronatione Karoli IV de Jean de la Porte, le Ponticellus se trouve désigné de la même façon : ...ad paruum pontem Almatie, qui recte in biuio situs est super modicam aquam, tamen ex pluuiarum inundatione crescentem114. (au petit pont de l’Almatie, qui est situé exactement à un carrefour, au dessus d’un cours d’eau de médiocre débit, mais qui grossit sous l’effet des crues pluviales).
Ce nom de Almatia peut sans doute être mis en relation avec celui de Naumachia, dont nous avions déjà rencontré une autre déformation, Dalmachia. En effet, le Ponticellus était très proche de S. Pellegrino in Naumachia, et il enjambait le rivus Arnectus, qui traversait la zone couverte par ce toponyme. Le nom Almatia apparaît également dans un censier des vignes de l’hôpital du Saint-Esprit in Sassia, commencé en 1322115, et qui décrit quelques vignes in pantano sancti Egidii, se trouvant notamment iuxta dictum hospitale et uiam Almatie. Ce nom de via Almatie renvoie probablement à la route qui menait de la Porta Viridaria au Petit Pont. On retrouve également d’autres précisions toponymiques déjà rencontrées comme in Gaiano, et in valle Arnecte. Deux textes du XVe siècle mentionnent encore le nom de Naumachia. Ils confirment les informations offertes par les Mirabilia sur les limites orientales de la zone concernée. Le premier, un codex Vaticanum du XVe siècle116, évoque à nouveau la situation du «tombeau de Romulus», appelé aussi la Meta Romuli, in Naumachia iuxta ecclesiam Sta Maria in Traspontina. Un autre manuscrit situe quant à lui la Meta Romuli in Almachia, id est iuxta S. Mariam Cosmedinam117. Bien entendu, la précision topographique comporte une er-
Paris, Bibl. Nat., ms lat., 15619. Textes cités par M. Dykmans, op. cit., p. 552. 115 Roma, Archivio dello Stato, Ospedale S. Spirito, liasse 1458; cité par M. Dykmans, op. cit., p. 585 et n. 4. 116 Cod. Vat. Barb., f. 137 117 Textes cités par Ch. Hülsen, op. cit., p. 378. 113
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reur importante, S. Maria Cosmedina étant sans doute confondue ici avec S. Maria Traspontina. En revanche, il est intéressant de relever le nom Almachia, qui semble issu d’une association entre les deux déformations déjà relevées du mot : Dalmachia et Almatia. Au Moyen Âge, on désignait donc sous le nom de Naumachia, parfois déformé en Dalmachia ou Almatia, une très vaste zone de la rive droite, limitée à l’Ouest par l’église S. Pellegrino, à l’Est par le château Saint-Ange, au Nord par le rivus Arnectus. Au Sud, elle comprenait un quartier de la cité léonine, situé au-dessus de la via Cornelia. Les découvertes archéologiques L’importance du périmètre ainsi délimité par les sources médiévales laisse toutefois dans une grande incertitude l’emplacement précis du monument qui a donné naissance au toponyme, et dont il ne reste plus depuis longtemps aucune trace visible. Aussi ne peuton s’étonner que différentes hypothèses s’appuyant sur les structures découvertes dans la région aient pu être proposées. L’hypothèse de G. Gatti En 1949, quelques vestiges furent mis au jour entre la place Pie XII et la via dei Corridori, que G. Gatti118 voulut identifier comme les restes de la naumachie. Il s’agit, tout d’abord, d’une grande rampe à plan incliné vers l’Ouest, dallée de travertin et comprise entre deux murs en réticulé datables de la fin du premier siècle ap. J.-C. À côté apparut l’angle d’une construction de la seconde moitié du Ier siècle ap. J.-C., à gros pilastres de briques, dans l’enceinte desquels se trouvaient des puits d’où jaillissait une importante quantité d’eau. Un peu plus loin, à l’Est de l’église S. Maria Traspontina, un canal d’écoulement avait aussi été découvert un peu plus tôt119. Plusieurs points peuvent paraître en faveur de l’identification proposée par G. Gatti. En premier lieu, la situation de ces vestiges est en accord avec le périmètre délimité par le toponyme. En outre, le terrain à cet endroit était marécageux. La réalisation du bassin en aurait été facilitée, tout en assainissant la zone. La présence d’un monument important y est d’ailleurs attestée par le fait que le tracé antique de la route reliant le pons Aelius aux abords du cirque s’infléchissait à cet endroit vers le Sud-Ouest pour remonter ensuite G. Gatti in Fasti archeologici, IV, 1949, n. 3771. En 1940. cf. Carta archeologica di Roma, Firenze, Istituto geografico militare, I-III, 1962-1977, I, H, 25. 118
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vers le Nord-Ouest, en rejoignant la voie provenant du pons Neronianus. Elle semble donc éviter la construction que G. Gatti propose d’identifier à la naumachie. Toutefois, la zone où se situent ces vestiges ne semble pas offrir suffisamment d’espace pour une naumachie. Le Cirque de Caligula se trouvait en effet immédiatement au Sud. Ni Domitien ni Trajan n’auraient pu choisir de placer une naumachie, monument particulièrement vaste nécessitant de complexes installations hydrauliques, aussi près d’un autre édifice de spectacle d’une taille importante, comme le cirque. Cette seule objection suffit à invalider l’identification proposée par G. Gatti. Par ailleurs, les vestiges retrouvés sont trop minces pour que l’on puisse même vérifier leur appartenance à un édifice de spectacle. Les fouilles de D. de Revillas En revanche d’autres structures, situées à l’extérieur de la Porta Castello, derrière le Château Saint-Ange, méritent un examen plus attentif. Elles nous sont connues grâce à une fouille du XVIIIe siècle et grâce aux travaux de construction effectués dans le quartier des Prati, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. En 1742, en effet, à la suite de découvertes accidentelles faites dans une vigne à l’Ouest du Château Saint-Ange, des fouilles furent entreprises sur le site par le Père D. de Revillas, qui en présenta un compte-rendu120 au pape Benoît XIV, le 14 octobre 1743. Cependant, la possibilité de poursuivre ses travaux ne lui fut pas accordée, et c’est seulement un siècle plus tard que son mémoire fut enfin publié par L. Canina121. Les fouilles, exécutées en neuf points différents, avaient permis à D. de Revillas de présenter, avec une description, le plan de cette structure (fig. 5). Il l’identifiait comme un «cirque d’Hadrien», monument qui en réalité n’a jamais existé. Les vestiges découverts étaient ceux de deux corridors droits, reliés entre eux, au Sud, par un troisième. Ce dernier, rectiligne en son centre, s’incurvait de façon symétrique avant son point de jonction avec les deux autres. Le long de l’axe de l’édifice, vers le Nord, apparurent également quelques restes, qui selon D. de Revillas pouvaient appartenir à la spina du cirque. Selon le plan présenté par D. de Revillas, l’axe de l’édifice forme avec le Nord un angle de 9 degrés alors que dans le plan de Rome de G. B. Nolli, qui est presque contemporain des fouilles, et où figure la 120 D. de Revillas, Relazione della scoperta del Circo d’Adriano fatta ne’ Prati di Castel St. Angelo per ordine di N.S. Papa Benedetto XIV con alcune Riflessioni e Memorie spettanti al med. Circo (Cod. Vat. 9024, ff. 147-159). 121 DPAA, X, p. 455-470.
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Fig. 5 – La position du «cirque d’Hadrien» d’après D. de Revillas (Buzzetti 1968, fig. 1).
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structure, les vestiges présentent la même orientation que le Mausolée d’Hadrien (fig. 6). Cette dernière est sans doute la bonne, car on constate sur le plan qui accompagnait la relation de D. de Revillas l’inexactitude de certains points de repère122. Sur le plan de G. B. Nolli, le monument présente en outre une largeur un peu moindre que celle indiquée par la relation de D. de Revillas, telle qu’elle fut publiée par L. Canina. Ici encore, c’est sans doute le premier qui fournit l’indication la plus exacte. En effet, dans le rapport publié par L. Canina, la distance indiquée entre les branches Est et Ouest du corridor correspond à 118,19 m123. Mais sur le manuscrit de ce rapport, la largeur indiquée équivalait à 102,76 m, que D. de Revillas corrigea ensuite. Or, c’est la seconde mesure qui se trouve le plus en accord avec les découvertes ultérieures sur ce site124. On peut suggérer que D. de Revillas déduisit directement la nouvelle largeur qu’il donnait au monument du plan inexact relevé par l’architecte qui avait suivi ses fouilles125. On connaît donc assez précisément la largeur de l’édifice. En revanche, on n’en connaît pas la longueur. Le point du corridor le plus au Nord qu’eut l’occasion de fouiller D. de Revillas se trouvait à 140 m de l’extrémité méridionale. D’autres découvertes plus septentrionales encore eurent lieu par la suite, mais l’extrémité septentrionale de l’édifice n’a pas été retrouvée à ce jour. La largeur du corridor était de 4,15 m. Les parements de ses murs faisaient alterner opus reticulatum et rangées de briques. Ils étaient recouverts d’un enduit composé de débris de tuiles et de poudre de marbre, destiné à assurer l’étanchéité des parois. La voûte, très bien conservée sur plusieurs points, était rampante, et soutenue de temps en temps par de grands arcs de briques. En trois points différents, on trouva sur le mur extérieur de cette voûte des sièges, dont l’orientation était courbe ou rectiligne, suivant la section du corridor sur lequel ils s’appuyaient. Trois ou quatre rangs de gradins pouvaient prendre directement appui sur la voûte du corridor, mais il paraît certain, au vu des découvertes effectuées à la fin du siècle suivant, qu’ils se prolongeaient vers l’extérieur. En outre, le corridor présentait des ouvertures, portes ou fe-
122 En particulier, la route parallèle au côté oriental du «cirque» qui est représentée était en réalité plus à l’Ouest, comme on peut le vérifier sur un certain nombre de plans antérieurs à l’édification du quartier des Prati. 123 Chiffres en mètres donnés par Ch. Hülsen (op. cit., p. 365-368), d’après les mesures en palmes données par D. de Revillas. 124 Voir p. 194-196. 125 Dans son rapport, D. de Revillas se plaint de cet architecte.
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nêtres, tournées vers l’intérieur du monument. Sur le seuil de chacune de ces ouvertures s’ouvraient trois trous carrés de 0,056 m de côté, l’un au milieu du seuil, les deux autres à ses extrémités. Ils étaient remplis d’eau jusqu’au bord, et de chacun d’entre eux partait un tube qui s’enfonçait dans le sol jusqu’à une profondeur de 2,90 m.
Fig. 6 – Naumachie du Vatican. La position du monument d’après G. B. Nolli (Buzzetti 1968, fig. 2).
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Le niveau de l’eau dans ces trous demeurait inchangé et ne dépendait pas de la hauteur du Tibre. Ils pouvaient en revanche être mis en rapport avec des conduits souterrains des environs, circulant à une profondeur maximale de 2,90 m également, et qui apportaient aux puits des vignes environnantes une eau de bonne qualité. On peut supposer que ces trous verticaux communiquaient avec un autre corridor maçonné, courant sous celui qui a été retrouvé. Ce second corridor était peut-être relié aux conduits retrouvés dans les vignes avoisinantes. Les découvertes effectuées rendent donc extrêmement probable l’existence d’un vaste réseau hydraulique lié à l’utilisation de ce monument. En plusieurs points, D. de Revillas découvrit également des murs latéraux au corridor, distants de 10 m par rapport à ce dernier, et épais de 2 m environ. De même facture que le corridor, ils étaient recouverts d’un enduit de chaux. Les fouilles effectuées au centre de l’espace défini par l’enceinte du corridor, afin de trouver la spina du «cirque», furent interrompues par d’importantes infiltrations d’eau, issues des sources des collines avoisinantes. Toutefois, quelques ruines de murs furent découvertes, ainsi qu’un bloc de maçonnerie, attribué par D. de Revillas soit à la spina, soit à une des bornes, soit à un «petit temple» décorant la spina. Des fragments de marbre, de couleur blanche et de grands morceaux de travertin furent également retrouvés un peu partout sur la fouille. Les découvertes postérieures Ces découvertes furent confirmées par d’autres, faites dans la même zone à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, lorsque s’édifia ce qui est aujourd’hui le quartier des Prati. En 1893, des travaux d’excavation dans la via Terenzio, à l’angle de la via Boezio, firent apparaître, à une profondeur de 4, 75 m par rapport au niveau de la rue, un pan de mur en réticulé de très bonne qualité, traversant en diagonale l’axe de la seconde de ces rues126. En 1910, dans la via Ovidio, à l’angle de la via Crescenzio et face à la via Cassiodoro, furent à nouveau mis au jour, à une profondeur de 4 m environ, deux murs parallèles en opus reticulatum de tuf, alternant avec des rangées de briques. Leur orientation est Est-Ouest. Il s’agit très probablement des murs du corridor127. Par ailleurs, en 1899, lors de la construction d’un nouveau bâtiNS, 1893, p. 332. BCAR, XXXIX, 1911, p. 204-205; C. Buzzetti, Nota sulla topografia dell’ager Vaticanus, in Studi di topografia romana, Rome, de Luca, 1968 (Quaderni dell’Isti126
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ment à l’Est de la via Sforza Pallavicini, on mit tout d’abord au jour de grands murs de briques. Ils avaient par endroit une largeur de 2 m, et leurs fondations atteignaient le niveau de l’eau, qui se trouvait à cet endroit à seulement 5,70 m sous le plan de la rue. Non loin d’eux fut découverte également une galerie de tuf, large de 4 m, à la voûte en plein cintre. Elle conservait des traces d’enduit. G. Gatti128 ne manque pas d’attribuer ces vestiges au côté oriental de ce qui est pour lui le Cirque d’Hadrien, découvert par D. de Revillas. Mais nous ne possédons aucun relevé de ces découvertes. Elles sont également mentionnées dans le Registro dei trovamenti del Comune di Roma129. Selon ce registre, la galerie ne serait pas en tuf mais en briques et large de 2,50 m seulement. La longueur de la partie mise au jour est également mentionnée : 28 m. La distance entre la galerie et l’extrémité Sud du pâté de maison moderne est évaluée à 10 m. Comme le fait remarquer C. Buzzetti130, cette galerie ne peut être identifiée avec le corridor découvert en 1742. Celui-ci en effet avait une voûte rampante. De plus, il était distant de plus de 17 m par rapport au côté Sud de l’îlot d’habitation moderne, ainsi que la planimétrie générale de l’édifice permet de le vérifier. Les vestiges découverts en 1899 sont donc sans doute ceux d’un ambulacre méridional externe, dont l’existence fut définitivement confirmée en 1924, lors de fouilles effectuées le long des rues Fabio Massimo et Terenzio131. Il s’agit tout d’abord d’une série de pièces en opus reticulatum avec des rangées de briques. Dans la troisième et la quatrième de ces pièces, en partant du Sud, la voûte était conservée. À l’ouest des pièces se trouvait un ambulacre de 3,30 m de large, qui courait entre deux murs d’une épaisseur globale de 2,45 m. Distant de 10 m par rapport au corridor intérieur, il faisait le tour de l’édifice. C’est sans doute un tronçon de l’ambulacre extérieur du monument déjà évoqué. Le mur méridional mentionné par D. de Revillas doit également lui appartenir132. L’ensemble de ces découvertes permet de fixer de manière plus sûre l’orientation de l’édifice. Ses limites méridionales, déjà
tuto di topografia dell’Università di Roma, V), (p. 105-11), p. 107, d’après le relevé pris par G. Gatti (archivio). 128 G. Gatti in NS, 1899, p. 436 et BCAR, XXVII, 1899, p. 260. 129 Vol. VII, p. 88 (17, 25. IX. 1899). 130 C. Buzzetti, op. cit., p. 106. 131 Carta archeologica, I, E, 2, XII; Plan du monument conservé dans les archives de G. Gatti (plan XIV). 132 Archivio G. Gatti, (plan XIV). À la même époque on pouvait voir, dans la via Sforza Pallavicini, un court morceau d’une galerie qui doit très probablement être identifiée, quant à elle, au corridor découvert par D. de Revillas.
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connues, ont été confirmées, tandis que son tracé vers le Nord se trouvait prolongé (fig. 7). Les fouilles réalisées, toujours sommaires et étroitement liées à des travaux d’urbanisation, ne permettent pas une reconstitution complète de ce monument133. Toutefois, elles en confirment l’orientation, telle qu’elle apparaît sur le plan de G. B. Nolli. Cette orientation correspond à celle du Mausolée d’Hadrien et d’un certain nombre d‘autres vestiges antiques de la plaine du Vatican. Elle se retrouvait encore dans certains murs de vignes et chemins antérieurs au lotissement de la zone. Cette dernière devait donc avoir, dans l’Antiquité, une organisation à peu près régulière. Les découvertes de ces deux derniers siècles permettent en outre de confirmer la largeur approximative de l’espace central enserré par les corridors du monument, soit 102 m environ. Enfin, la mise au jour d’un ambulacre extérieur, défini par deux murs latéraux aussi bien à la partie droite qu’à la partie curviligne du corridor, est d’une importance capitale pour la compréhension de l’ensemble du monument. En effet les deux couloirs étaient également reliés l’un à l’autre par des murs radiaux, et l’ensemble devait servir de point d’appui à plusieurs rangées de sièges supplémentaires. Compte tenu de la distance de 10 m environ existant entre le corridor et l’ambulacre, on peut restituer l’existence de neuf ou dix de ces gradins134. On y accédait sans doute par des escaliers placés dans l’ambulacre.
La question du Gaianum L’Abbé de Revillas, lors de sa découverte, identifia cette structure avec un «cirque d’Hadrien», que la tradition des antiquaires situait dans les environs depuis la Renaissance. Cette proposition fut toutefois abandonnée par les savants du siècle suivant, observant qu’il n’existait aucune source antique mentionnant la construction par Hadrien d’un tel édifice à cet endroit. Deux thèses essentielles s’affrontèrent désormais. La première, défendue en particulier par G. Gatti et R. Lanciani, voulait voir dans les vestiges fouillés par D. de Revillas les restes du Gaianum, hippodrome privé de Caligula. La seconde, en revanche, proposait de les identifier à l’une des naumachies de la XIVe région, celle de l’empereur Trajan.
133 Le plan proposé par C. Buzzetti fait apparaître en noir les reconstitutions certaines, et en gris les structures dont la position n’est pas certaine. 134 Selon l’appréciation de Ch. Hülsen, op. cit., p. 371.
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Fig. 7 – Naumachie du Vatican. Plan général du monument à la lumière des plus récentes découvertes (Buzzetti 1968, fig. 4). .
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Le Gaianum et le cirque de Gaius et Néron Comme pour la naumachie, les sources antiques mentionnant le site ou le monument appelé Gaianum sont très peu nombreuses. La plus ancienne est un passage de Dion Cassius (LIX, 14, 6) : ... ıßsxyrw˜v gaùr t√ thùn batraxı¥da eßndy¥nonti kaıù diaù toy˜t aßpoù toy˜ xrw¥matov toy˜ prası¥noy kaloyme¥nw ∞ prose¥keito, w ™ ste kaıù ny˜n e¶ti Gaı¨anoùn eßp ayßtoy˜ toù xwrı¥on eßn w ü∞ taù a™rmata h¶skei, kaleı˜suai. (En effet, il était fortement attaché au parti vêtu de vert clair, que l’on appelle aussi à cause de cette couleur parti du Poireau, de sorte qu’encore maintenant le lieu où il exerçait leurs chars est appelé Gaianum d’après lui).
Le Gaianum est également mentionné dans les Régionnaires, comme nous l’avons vu. On sait donc grâce à Dion Cassius qu’il s’agissait d’un terrain d’entraînement pour les chevaux, et grâce aux Régionnaires qu’il était situé dans la XIVe région, et plus précisément dans la plaine du Vatican. De ces deux textes et de la similitude des deux noms, de nombreux savants ont longtemps conclu que le Gaianum n’était autre que le cirque de Gaius et de Néron135. Le fait que ce dernier n’existait plus à l’époque où furent rédigés les Régionnaires, puisque la partie gauche de la basilique Saint-Pierre en occupait tout le Nord136, ne peut véritablement constituer un obstacle à cette identification. Il est très possible en effet que les Régionnaires aient été en partie rédigés à partir de document plus anciens, mentionnant des édifices alors déjà disparus. Cependant, cette proposition est généralement abandonnée aujourd’hui. Ch. Hülsen137, en particulier, s’est appuyé pour la contester sur une troisième et dernière mention du Gaianum, celle des Fastes de Philocalus, datant de l’année 534 ap. J.-C. À la date du 28 mars on trouve en effet la mention : initium Caiani. Cette indication se justifie probablement par des courses de chars qui y étaient données ce jour-là. Ch. Hülsen fait en effet observer qu’un autre passage de ces Fastes, à la date du 2 décembre, signale le début des Ludi Romani en employant presque la même expression : initium muneris. En outre, le 18 Mars était le 135 H. Jordan et Ch. Hülsen, Topographie der Stadt Rom im Alterthum... cité, II, p. 42; R. Lanciani, Ruins and excavations of ancient Rome, London, Macmillan, 1897, p. 551; Th. Mommsen, CIL I, 2 p. 314; J. H. Humphrey, Roman circuses, arenas for chariot racing, Berkeley, 1986, p. 550 et 683, n. 42. 136 Cet emplacement du cirque de Gaius et Néron nous est attesté en particulier par la présence de l’obélisque qui ornait sa spina, et qui ne changea pas de place entre l’époque de son installation et l’année 1587 où il fut installé au milieu de la place Saint-Pierre (F. Coarelli, Guide archéologique de Rome, Paris, Hachette, 1994, p. 277-248). 137 Ch. Hülsen, op. cit., p. 360-361.
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jour où Caligula, acclamé empereur par le sénat, avait fait son entrée à Rome. Il l’avait d’ailleurs marqué par un sacrifice annuel célébré par les Arvales138. Il est donc possible que des courses de chars aient également été instituées par Caligula au Gaianum, son hippodrome de prédilection, pour la même occasion. Si en 534 le Gaianum était encore utilisé pour des courses de chars, il ne peut être identique au cirque de Gaius et Néron, déjà disparu. Ch. Hülsen fait également observer que le breviarium des Régionnaires ne mentionne que deux cirques à Rome : le circus Maximus et le circus Flaminius. Si le Gaianum était véritablement identique au circus Gai et Neroni, on pourrait s’attendre à le retrouver mentionné ici. Le «cirque d’Hadrien» et le Gaianum Le Gaianum ne pouvant être identifié au Cirque de Gaius et Néron, R. Lanciani en particulier, voulut le rapprocher des vestiges découverts par D. de Revillas, en s’appuyant sur quelques textes d’époque médiévale ou moderne, où ce nom est mentionné. Outre la Bulle de 1053 déjà citée, il s’agit de quelques actes notariés, sur une période située entre le XIVe et XVIIe siècle. Tous mentionnent des vignes situées extra portam Castelli in loco qui dicitur Gayano ou Caiano. L’un d’eux ajoute : ad flumen Tyberis. R. Lanciani, qui cite ces textes139, précise qu’il en existe d’autres encore où l’on retrouve, pour situer le Gaianum, les mêmes expressions. Il fait observer en outre que la présence de ce toponyme dans des documents qui vont du XIe au XVIIe siècle exclut qu’il s’agisse d’un fait d’érudition topographique, et implique au contraire la préexistence du monument à l’endroit indiqué. L’édifice découvert par D. de Revillas est effectivement situé extra portam Castelli, derrière le côté gauche du château Saint-Ange. Les gradins qui y avaient été relevés, ainsi que sa forme allongée, l’avaient d’ailleurs fait considérer comme un cirque dès l’époque de sa découverte. Certes, cette constructions en opus mixtum est généralement datée d’une époque postérieure à celle de Caligula, mais rien n’empêchait de penser à une reconstruction. Cette thèse de R. Lanciani a été reprise, plus récemment, par C. Buzzetti140. Cependant, pour plusieurs raisons, elle paraît peu recevable. En premier lieu, rien ne permet d’affirmer que le Gaianum ait été un 138 W. Henzen, Acta Fratrum Arvalium quae supersunt, Berlin, W. Henzen, 1874, p. 63. 139 BCAR, 1896, p. 248-249. 140 Nota sulla topografia dell’ager Vaticanus, in Studi di topografia romana... cité, p. 105-111.
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édifice construit et muni de gradins comme l’était le Grand Cirque. Le seul texte qui ne nous donne pas simplement son nom, mais nous offre quelques précisions sur son origine et sur son usage est celui de Dion Cassius. Or, on trouve chez cet auteur, pour désigner le Gaianum, le mot de xwrı¥on, qui n’incite nullement à voir en lui un véritable monument, mais plutôt un espace ouvert destiné à l’entraînement des chevaux. Surtout, on peut rappeler que le breviarium des Notitia ne le cite pas parmi les cirques de Rome. Par ailleurs, la Bulle de Léon IX, tout comme les quelques actes notariés cités, ne fournissent que des indications topographiques extrêmement vagues. Il paraît en effet presque impossible de chercher à localiser plus précisément les vignes et les terrains évoqués. Quant à l’expression extra portam Castelli, elle n’implique nullement que le Gaianum soit aux abords immédiats du château Saint-Ange. C’est ce que fait remarquer S. Mineo141, qui propose pour lui une toute autre localisation, beaucoup plus au Nord. Mais les arguments les plus décisifs à l’encontre de l’hypothèse de R. Lanciani sont sans doute ceux qu’on peut avancer en faveur d’une autre théorie, défendue à la suite de Ch. Hülsen par de nombreux spécialistes de topographie romaine142, et qui propose de voir dans la structure fouillée par D. de Revillas les vestiges de la naumachie de Trajan. La naumachie du Vatican : identification et description Les structures du quartier des Prati et le toponyme médiéval de Naumachia Tout d’abord on peut faire observer que comme pour le mot Gaianum, la présence du toponyme Naumachia dans des documents tels que censiers ou prises de bail exclut qu’il s’agisse d’un fait d’érudition topographique. Il indique donc l’ancien emplacement du monument. Or, les structures découvertes par D. de Revillas s’inscrivent aussi dans le périmètre où l’on peut le rencontrer. Les dimensions impressionnantes de l’édifice, qui en font, et de loin, le plus vaste de ceux qui ont été découverts entre la basilique et le Château Saint-Ange, doivent également être mises en avant. Il paraîtrait tout naturel de devoir associer cette énorme construction, dont la masse devait dominer les alentours, au toponyme qui a long141 Un monumento inedito dell’ex Piazza d’Armi e la topografia dell’ager Vaticanus orientale, in BCAR, XCIV, 1991-1992, p. 287-300. 142 Ch. Hülsen, op. cit., en note 14; L. Duchesne, in Vaticana; G. Lugli, Il Vaticano nell’età classica, in Vaticano, ed. G. Fallani et M. Escobar, Firenze 1946, p. 20; F. Coarelli, Guide archéologique de Rome... cité, p. 252.
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temps dominé cette même zone, plutôt qu’à celui de Gaianum, beaucoup moins fréquemment rencontré. Toutefois, compte tenu précisément de l’ampleur du périmètre concerné il importe, pour mieux établir la validité de l’hypothèse, de réexaminer la cohérence des textes entre eux. Le pseudo-Linus et le pseudo-Marcellus situent la naumachie dans le voisinage immédiat de l’obélisque du cirque de Gaius et Néron, et donc de la basilique Saint Pierre, en partie construite à l’emplacement du cirque. Ils mentionnent également près de cette naumachie le térébinthe, qui selon la légende marquait le lieu de la sépulture de saint Pierre. Ils sont donc en contradiction avec nos autres sources, qui placent «le lieu appelé Naumachie» nettement plus au Nord et à l’Est. Cependant, il existait jusqu’au XVIe siècle, près du Château Saint-Ange, un monument antique, probablement un tombeau, qui avait pris le nom de «terebinthum Neronis». Cette appellation est très ancienne, puisque déjà l’Ordo du couronnement impérial143, qui paraît remonter au XIe siècle, situait l’église S. Maria Transpadina, jadis située non loin du château Saint-Ange, au-dessus de la via Cornelia, en précisant qu’elle se trouve près du «térébinthe». Tout près de ce monument se dressait un autre tombeau qui prit au Moyen Âge le nom de Meta Romuli, et qui resta en place jusqu’en 1500, date à laquelle le Pape Alexandre VI ordonna de le détruire144 (fig. 8). Or, l’auteur des Mirabilia, nous l’avons vu, situe in Naumachia à la fois la Meta Romuli et le térébinthe, appelé ici encore terebinthum Neronis, et ajoute que c’est près de ce monument que saint Pierre fut crucifié. Un autre texte du XIIe siècle145 dont l’auteur, chanoine de Saint-Pierre, était à même de bien connaître les monuments du Vatican, évoque quant à lui un «obélisque de Néron», toujours situé près de la Meta Romuli. Les deux noms d’«obélisque» et de «térébinthe» se trouvaient ainsi appliqués au même monument, sans doute en réalité un tombeau, situé entre la Porticus S. Petri et le Château Saint-Ange. C’est donc le lieu de la crucifixion de saint Pierre, et jusqu’aux monuments qui en marquaient traditionnellement l’emplacement, sans doute quelque peu confondus dans la mémoire collective, qui s’étaient déplacés vers l’Ouest, des abords de la basilique à ceux du château Saint-Ange. On peut expliquer ce phénomène par l’imprécision de la notation iuxta locum ubi crucifixus est, généralement utili143
Inséré dans le Liber censuum et cité par L. Duchesne, in Vaticana, p. 190
et n. 2. F. Coarelli, Guide archéologique de Rome... cité, p. 250-251. Il s’agit d’une description des processions de Noël et du lundi de Pâques, citée par L. Duchesne, in Vaticana, p. 189 et n. 1. 144
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Fig. 8 – L’ager Vaticanus d’après C. Buzzetti (Buzzetti 1968, fig. 5).
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sée dans les sources médiévales pour situer la basilique, monument de la sépulture de Pierre, par rapport au lieu du supplice146. Par ailleurs, à supposer qu’il ait effectivement existé, le térébinthe de la légende avait disparu depuis longtemps. Quant à l’obélisque, il était certes encore en place, mais depuis le temps de Léon III au moins, il n’était plus identifié comme tel. On l’appelait columna maior147, puis plus tard Agulia148. Les auteurs des Mirabilia et des autres textes cités ci-dessus n’avaient donc plus, pour situer le lieu du supplice de saint Pierre, que le toponyme Naumachia, dans lequel L. Duchesne voit «le pivot de cette évolution topographique». Ce nom pourtant était également très présent autour de S. Pellegrino, donc beaucoup plus près de la basilique. Pourquoi dès lors un tel déplacement, à l’autre bout de la zone qu’il couvrait, des monuments associés au lieu du martyre149 ? On ne peut l’expliquer qu’en supposant chez ces auteurs médiévaux la conscience d’un lien plus spécifique existant entre le toponyme et les abords du château Saint-Ange. On voit donc que l’hypothèse posée par L. Duchesne peut déboucher, pour nous, sur une conclusion des plus importantes : c’est la zone située immédiatement à l’Ouest du Château Saint-Ange, donc celle du monument fouillé par D. de Revillas, qui pourrait être à l’origine du toponyme Naumachia. Si tel est le cas, il reste alors à se demander pourquoi l’église S. Pellegrino, séparée de notre structure par plus de 500 m, est le monument situé avec le plus d’insistance in Naumachia par les textes médiévaux. Sur ce point, c’est Ch. Hülsen qui propose une explication des plus convaincantes. Il rappelle qu’un texte déjà cité des Actes de S. Sébastien150 montre qu’il existait au Bas-Empire autour des ruines de la naumachie un quartier d’habitation qui portait son nom. Ce quartier est sans doute celui que mentionne Procope (VI, 1, 4-7), en relatant un épisode de la Guerre des Goths, une sortie contre l’enne-
146 L. Duchesne, in Vaticana, p. 191. Voir en particulier Liber pontificalis, Vie de saint Pierre, Vie de Cornelius. 147 Liber pontificalis, t. II, p. 27. 148 Bull. Vat., t. I, p. 25. 149 D’autres sites de Rome furent l’objet de confusions analogues. Par exemple, l’église Saint-Pierre-du-Mont-d’Or sur le Janicule, construite dans une zone qui avait pris depuis le VIIIe siècle le nom de Mica Aurea, fut considérée à partir du XVe siècle comme marquant le lieu du supplice de Pierre, à la suite d’une confusion avec le mons Aureus du Vatican, évoqué par le Liber pontificalis (cf. L. Duchesne, in Vaticana, p. 197-198). Il y avait donc toujours une raison toponymique précise à ces déplacements d’un lieu légendaire. 150 Voir supra p. 183.
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mi de Constantin, lieutenant de Bélisaire chargé de la défense du mausolée d’Hadrien. Les précisions topographiques qu’il apporte semblent particulièrement intéressantes dans notre perspective : ay®uiv deù Kwnstantı˜nov toyùv Oy¶nnoyv eßpago¥menov eßn Ne¥rwnov pedı¥w ∞ aßmfıù deı¥lhn oßcı¥an, eßpeidhù t√ plh¥uei yΩperbiazome¥noyv toyùv eßnantı¥oyv eı®den, eßpoı¥ei toia¥de. sta¥dion me¥ga eßntay˜ua eßk palaioy˜ eßstin, oyü dhù oıΩ th˜v po¥lewv monoma¥xoi taù pro¥tera hßgwnı¥zonto, polla¥ te a¶lla oıΩ pa¥lai a¶nurwpoi aßmufıù toù sta¥dion toy˜to eßdeı¥manto, kaıù aßp ayßtoy˜ stenwpoy¥v, w Ω v toù eıßko¥v, pantaxo¥ui toy˜ xwrı¥oy jymbaı¥nei eı®nai. to¥te oy®n Kwnstantı˜nov, eßpeıù oy¶te perie¥sesuai toy˜ tw ˜ n Go¥tuwn oßmı¥loy eı®xen oy¶te kindy¥noy mega¥loy eßktoùv fey¥gein oıüo¥v te h®n, aßpoù tw˜n ™ıppwn a™pantav toyùv Oy¶nnoyv aßpobiba¥sav pezoùv jyùn ayßtoı˜v e¶v tina tw ˜ n eßkeı¥nq stenwpw ˜n e¶sth151. (Une autre fois Constantin conduisit les Huns dans la plaine de Néron vers le soir. Lorsqu’il vit que les ennemis avaient le dessus du fait de leur nombre, il prit les dispositions suivantes. À cet endroit se trouve un grand stade depuis les temps anciens, où autrefois combattaient les gladiateurs de la cité. Les hommes de jadis ont beaucoup construit autour, et de ce fait, comme il est naturel, il se trouve qu’il y a partout à cet endroit des passages resserrés. Alors, comme il ne pouvait l’emporter sur la multitude des Goths, ni fuir sans un grand danger, Constantin fit descendre tous les Huns de cheval et, à pied, se plaça avec eux dans un des passages resserrés qui se trouvent là).
Que Procope n’ait pas identifié correctement la naumachie ne peut constituer une objection. Compte tenu des nombreux saccages qu’avait eu récemment à subir la rive droite, il est très possible que les ruines de l’édifice aient été méconnaissables pour un observateur étranger. Ch. Hülsen fait observer que l’historien byzantin ne semble pas avoir eu l’occasion d’acquérir une bonne connaissance des monuments de Rome, et surtout de ses ruines. Il est probable que la rue principale qui traversait ce «quartier de la naumachie» portait elle-même le nom de vicus ou burgus Naumachiae. Partant des abords du monument, puis de ses ruines, elle devait traverser toute la zone couverte par le toponyme, et donc déboucher près de S. Pellegrino. Aussi l’église, d’abord dite in vico ou in borgo naumachiae, devint-elle simplement S. Pellegrino in naumachia. Le toponyme fut dès lors attaché à l’église, à l’hôpital et à ses alentours, d’où les noms de Ponticellus Almatie, ou de Borgo della naumachia, que l’on peut y rencontrer jusqu’à la Renaissance. On voit donc que situer l’origine du toponyme naumachia aux
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Oxford, Loeb classical library, t. III, 1919.
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abords du château Saint-Ange assure la cohérence des différents témoignages apportés par les sources. Les recoupements topographiques rendent par conséquent très plausible l’identification des vestiges fouillés par D. de Revillas comme étant ceux de la naumachie152. Les vestiges du quartier des Prati et les études des antiquaires de la Renaissance Pour défendre l’identification proposée, on a parfois tenté de faire intervenir dans l’argumentation un certain nombre d’autres textes de la Renaissance, qui ne mentionnent pas le nom de naumachia mais qui en revanche font allusion à un édifice de spectacles, situé dans les Prati derrière le château Saint-Ange. Les premiers d’entre eux datent de l’époque même où l’on cesse de trouver trace du toponyme : les XVe et XVIe siècles. G. Rucellai, dans la description de Rome qu’il fit rédiger en 1459153, signalait déjà più colisei e teatri fuori di Roma appresso alla porta Castella. On peut être surpris par ce pluriel. Certes, si l’un des édifices de spectacle évoqué par cet auteur est la naumachie, l’autre pourrait être le Gaianum, qui en était tout proche. Mais comme nous l’avons vu, il n’est pas du tout certain que le Gaianum ait jamais été autre chose qu’un vaste terrain réservé à l’entraînement des chevaux. On peut aussi penser aux dimensions colossales du monument fouillé par D. de Revillas. À l’époque où il fut étudié, il avait totalement disparu, mais il est possible que trois siècles plus tôt, ses ruines, encore visibles, aient présenté quelques pans de murs, quelques rangées de gradins mieux conservés. Ces vestiges, dispersés sur plus de 300 m de longueur, auraient pu suggérer à un observateur de l’époque la présence de plusieurs structures de spectacle. De même, au début du XVIe siècle, Biondo Flavio, dans sa Roma Instaurata154 affirme que de son temps on voyait, dans les vignes situées sous le mausolée d’Hadrien, des restes de murs, de voûtes et de gradins. Quelques années plus tard, A. Fulvio155, dans les Antiquitates Urbis Romae, nous livre une série d’observations concernant la même zone. Il signale dans une vigne proche du Château Saint-Ange 152 Quant au Gaianum, très proche de la naumachie d’après nos sources, Ch. Hülsen le place entre la via Triumphalis et la naumachie (Ch. Hülsen, op. cit., pl. IX.). Toutefois, comme le souligne L. Duchesne (Vaticana, p. 196, n. 1), l’indication ad flumen Tiberis employée à son sujet pourrait faire envisager une localisation plus proche du Tibre. L’unique certitude reste la contiguïté des deux zones, Naumachia et Gaianum, attestée en particulier par la Bulle de 1053 déjà citée. 153 Archivio della società romana di storia patria, IV, 557. 154 Biondo Flavio, Roma Instaurata, Venezia..., 1510, f. 46. 155 A. Fulvio, Antiquitates Urbis Romae, Roma, 1527, f. 52 et 67.
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les vestiges d’un édifice qu’il rapproche du texte de Procope déjà cité, et qu’il identifie d’après sa forme comme un cirque. Son témoignage semble prouver que de son temps, même si elle commençait à disparaître, la structure était encore assez visible pour frapper par sa forme allongée. Pour P. Ligorio également, les vestiges situés fuori della porta del Castello dietro alla mole d’Hadriano sont ceux d’un cirque156. Il existe en outre des plans de Rome, dus à P. del Massaio et à A. Strozzi157, où apparaissent, au Nord du château Saint-Ange, les ruines d’un monument qui pourrait être mis en relation avec les textes cités ci-dessus. On y voit en effet l’angle d’une structure à arcades, et juste à côté trois pans de mur formant un fragment d’enceinte rectangulaire. Percés d’ouvertures carrées, niches ou fenêtres, ces murs semblent surplomber des gradins. Il s’agit donc d’un édifice de spectacle. Comme les ruines évoquées par les textes, ce theatrum, comme le nomme P. del Massaio, ou ce cyrcus, selon A. Strozzi, se situe extra portam Castelli haud longe a mole Hadriana. Son aspect correspond à la description, très vague il est vrai, que fait Biondo Flavio des vestiges qu’il a observés : ...muros et sedilium dimidiatos fornices. G. B. De Rossi, qui le premier a publié ces deux plans, les rapproche non seulement de la description des antiquaires, mais aussi du monument fouillé par D. de Revillas donc, nous le savons à présent, de la naumachie158. Il est effectivement possible de mettre ces documents de la Renaissance, qu’ils soient écrits ou figurés, en relation avec les vestiges fouillés par D. de Revillas, car ces derniers sont les plus importants retrouvés dans cette zone, et appartiennent bien à un édifice de spectacle. Deux siècles avant la fouille, ils pouvaient être encore visibles. Toutefois, le caractère très vague des indications topographiques de ces documents oblige à les citer avec la plus grande prudence. S. Mineo suggère que la plupart d’entre eux renvoient en réalité à des structures qui jusqu’à la fin du XIXe siècle étaient encore visibles bien plus au Nord, sur le site de l’actuelle piazza Mazzini, et qui ne seraient autres que les vestiges du Gaianum. Il met en particulier en avant les similitudes existant entre l’édifice figurant sur les plans de la Renaissance, dont les indications de distance sont
156 P. Ligorio, Delle antichità di Roma, nel quale si trata de’circi, theatri e anfiteatri, Venezia, 1553, f. 3. 157 A. P. Frutaz, Le piante di Roma, II (piante del secolo II d. C. all’anno 1625), Roma, Ist. di Studi Romani, 1962, pl. 157-160. 158 G. B. De Rossi, Piante iconografiche e prospettiche di Roma anteriori al secolo XVI, Roma, tip. del Salviucci, 1879, p. 85.
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souvent approximatives, et l’objet de son étude. Enfin, il rappelle que les ruines figurées par A. Strozzi et P. Del Massaio n’apparaissent pas sur le plan de L. Bufalini (1551), le plus fiable de tous les plans de la Rome de cette époque159 par la minutie et l’exactitude de ses notations concernant les vestiges antiques. Ce fait peut s’expliquer en faveur de son hypothèse, car les vestiges de la piazza d’Armi, aujourd’hui piazza Mazzini, étaient situés au-delà de la zone couverte par L. Bufalini160. Sans qu’il soit nécessaire ici d’examiner davantage l’identification proposée par S. Mineo, on voit que ses arguments soulignent la fragilité du témoignage apporté par ces documents de la Renaissance. On peut constater en outre que textes et plans, trop imprécis, ne pourraient guère apporter d’informations complémentaires sur la configuration de l’édifice. Les conclusions topographiques précédemment énoncées restent donc essentiellement issues d’un rapprochement entre un toponyme médiéval et des découvertes d’époque moderne et contemporaine. En revanche, les caractéristiques des vestiges considérés permettent de confirmer très efficacement ces conclusions. Le monument fouillé par D. de Revillas : une naumachie Tout d’abord, on peut faire observer que les gradins que possédait cette installation ne constituent pas un obstacle pour son identification à la naumachie, bien au contraire, puisque déjà celle de Domitien en avait été munie. Sa forme également, quoique très allongée, n’est pas celle d’un cirque. En effet, si le corridor méridional découvert par D. de Revillas a des angles arrondis, sa partie centrale est rectiligne et parfaitement symétrique par rapport à son axe, du côté Est comme du côté Ouest. Sur un cirque en revanche, la disposition des carceres aurait nécessité pour l’extrémité méridionale une courbe en arc de cercle, dont notre structure ne présente nulle trace. C’est pourquoi le plan de L. Canina, qui a corrigé en ce sens celui de D. de Revillas, doit être considéré comme faussé par son interprétation erronée de l’édifice161. En outre, une largeur de plus de 102 m, pour l’arène d’un cirque serait nettement supérieure à celle du Cirque Maxime lui-même (79 m)162, ce qui n’est pas vraisemblable. Par ailleurs, l’appareil des murs, et surtout une série de médailles découvertes par D. de Revillas au niveau le plus bas de sa fouille, incitent aussi à identifier cette structure de spectacle à la D. de Revillas, op. cit., p. 463. S. Mineo, op. cit., p. 289-290 et 294-295. 161 Ch. Hülsen, op. cit., p. 364. 162 J. H. Humphrey, Roman circuses, cité, p. 124.
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naumachie de Trajan plutôt qu’au Gaianum. En effet, l’opus reticulatum alternant avec des rangées de briques fut particulièrement en usage entre l’époque flavienne et celle des Antonins, et les onze médailles sont presque toutes de l’époque d’Hadrien ou de Trajan. Mais ce sont surtout les installations hydrauliques qui peuvent emporter la conviction. Déjà D. de Revillas avait noté que leur caractère particulier et leur importance suggéraient une utilisation du «cirque» pour des naumachies163. Par exemple, l’enduit d’opus signinum qui recouvrait les parois du corridor implique que de l’eau était amenée à y circuler, ou simplement qu’il fallait en assurer l’étanchéité. Plus insolites, plus inhabituels encore sont les orifices remplis d’eau et les canalisations verticales découvertes sur le «seuil» des ouvertures qui mettaient le corridor en communication avec l’intérieur du monument. Un tel dispositif, en effet, est parfaitement inusité dans un cirque ou un amphithéâtre. Leur mise en rapport avec les conduits d’irrigation existant aux environs, à une profondeur équivalente, permet de supposer l’existence d’un réseau complexe d’installations hydrauliques liées à ce monument. Les importantes infiltrations d’eau rencontrées par D. de Revillas au cours de ses fouilles de l’espace central constituent également un argument. Parmi tous ces indices, les fouilles de D. de Revillas et de ses successeurs n’ont toutefois pas révélé celui qui eût été décisif : le pavement étanche qui devait nécessairement recouvrir l’espace circonscrit par le corridor, si ce dernier était un bassin, et non une arène. Toutefois ces fouilles furent très superficielles. D. de Revillas ne put mener ses recherches que dans la partie la plus méridionale du site et il nota lui-même que le sol y était considérablement plus haut que le niveau antique, par suite d’importants dépôts de la zone habitée toute proche164. Compte tenu de cette différence de niveau, les fouilleurs ne parvinrent probablement que jusqu’au bord supérieur du bassin. Ils ne purent donc mettre au jour le revêtement étanche qui devait en tapisser le fond. Une fois admise cette hypothèse, les autres particularités du monument, assez peu compatibles avec celles d’un cirque, s’expliquent aisément. En effet, si l’enceinte du corridor limitait un bassin, il convenait d’assurer à ses murs, qui étaient au contact immédiat de l’eau, une parfaite étanchéité. Quant aux ouvertures pratiquées dans le mur intérieur, elles se trouvaient au niveau du bord supérieur du bassin. Il s’agissait par conséquent de soupiraux. Dès lors, on peut penser que les trous carrés pratiqués sur leur rebord étaient desti-
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D. de Revillas, op. cit., p. 460. Ibidem, p. 462.
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nés, grâce aux canalisations qui les prolongeaient, à permettre l’écoulement d’un éventuel trop-plein. On était ainsi à même d’assurer l’éclairage du corridor qui circulait sous les gradins, tout en évitant qu’il ne soit envahi par l’eau. La datation et les installations hydrauliques de l’édifice plaident donc très fortement en faveur de son identification avec une naumachie, celle de Trajan. Avant de conclure, il convient toutefois de comparer ses caractéristiques, telles que les a révélées la fouille, avec les éléments descriptifs que nous possédons sur la naumachie d’Auguste, puisque celle-ci est la seule à être relativement bien connue grâce aux sources antiques et aux résultats de la recherche contemporaine. Tout d’abord, le bassin du Vatican était probablement très inférieur en superficie à celui du Trastévère. En effet, les deux corridors latéraux n’était distants que de 102,76 m ce qui équivaut presque exactement à 355 pieds romains (102,95 m). Nous sommes très loin des 1200 pieds de largeur de la naumachie d’Auguste. Il est vrai que la longueur totale de l’édifice des Prati n’est pas connue avec certitude. Les découvertes réalisées en 1924 dans la via Fabio Massimo prouvent en tout cas qu’elle pouvait atteindre près de 300 m, soit environ 1000 pieds romains (290 m). On voit donc que le rapport entre la largeur et la longueur de l’édifice était lui aussi très différent de celui de la naumachie d’Auguste. Si on s’en tient à cette longueur de 300 m, la superficie totale du bassin devait se situer autour de 30000 m2, soit 1/6e de celui d’Auguste. Compte tenu des dimensions moyennes d’une trirème (35 m de long pour 4,90 m de large), une demi-douzaine d’entre elles, ou une dizaine de navires à un seul rang de rames, pouvait y trouver place, mais non y manœuvrer. Le bassin de Trajan ne pouvait accueillir «presque de vraies flottes», selon les mots employés par Suétone à propos du spectacle inaugural de la naumachie de Domitien (T. 24). Il s’agit d’ailleurs probablement de la part de l’historien d’une sorte d’expression consacrée, liée au souvenir des premiers spectacles. En effet, seule la naumachie de Claude, sur le lac Fucin, où furent déployés une cinquantaine de navires de part et d’autre, correspondit véritablement à cette ambition. En revanche, la proportion entre la longueur et la largeur de la naumachie de Trajan devait permettre aux spectateurs de mieux suivre les combats qui se déroulaient sur les navires situés immédiatement devant eux. En effet, si la naumachie de Trajan avait une superficie très inférieure à celle d’Auguste, c’était aussi parce que contrairement à cette dernière, elle était entièrement construite et pourvue de gradins permanents pour les spectateurs. En partant du nombre de 13 gradins qui a été reconstitué par Ch. Hülsen, il est possible de se livrer à quelques calculs. Si le mur intérieur du corridor bordant le bassin
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avait une largeur de 102,60 m, et une longueur approchant ou dépassant légèrement les 300 m, le gradin inférieur devait avoir une longueur totale d’un peu plus de 805 m. Sachant que le mur intérieur du corridor et le mur extérieur de l’ambulacre étaient distants de 20 m165, la longueur du gradin supérieur peut être reconstituée un peu au-dessous de 900 m. La longueur totale de gradins autour du monument serait donc de près de 12000 m, soit 40 000 pieds romains166. En outre, en comptant pour chaque spectateur un espace moyen de 11⁄2 pieds romains, soit 0,44 m par spectateur, on aboutit pour cet édifice à une capacité située entre 26 000 et 27 000 personnes environ. Il s’agissait donc d’un édifice d’une capacité très importante, supérieure à celle de tous les amphithéâtres à l’exception du Colisée. Un tel rapport entre la capacité des gradins et la surface du bassin assurait à tous les spectateurs une excellente vue sur ce qui s’y déroulait. Il est probable en outre que les gradins de pierre étaient prolongés par une galerie abritant des gradins de bois. De plus, nous ignorons où se situaient exactement les limites Nord de l’édifice. On pourrait donc supposer entre sa longueur et sa largeur un rapport analogue à ce qu’il était au Circus Maximus167. Dans ce cas, ses extrémités Nord et Sud auraient été distantes d’environ 715 m. Son gradin inférieur aurait mesuré un peu plus de 1600 m dans sa totalité, pour un peu moins de 1700 m au gradin supérieur. La longueur totale de gradins autour du monument aurait alors été de 21450 m environ, et donc sa capacité de 49 000 spectateurs au moins. On reste loin, on le voit, des 150 000 spectateurs du Circus Maximus de l’époque de Trajan. En outre, un tel rapport entre la longueur et la largeur de l’édifice, adapté aux courses de chars, ne convenait guère pour une naumachie, à moins de mettre aux prises sur le plan d’eau plusieurs groupes de navires. La longueur de la naumachie n’excédait donc certainement pas 600 m, d’autant plus que le toponyme de Naumachia ne peut être relevé audelà du rivus Arnectus. La comparaison avec la naumachie d’Auguste permet également de suggérer une interprétation des vestiges découverts par D. de Revillas au centre de l’enceinte définie par le corridor, et identifiés par lui comme appartenant à la spina du «cirque d’Hadrien». On sait en effet que la naumachie du bois des Césars comportait en son centre un petit temple, bâti sur une île artificielle. Il est probable que la naumachie du Vatican présentait une disposition semblable, à une échelle plus réduite, d’autant qu’il s’agissait là d’un simple élément
D’après le plan de C. Buzzetti, op. cit., p. 108, fig. 4. Pour 13 gradins, avec une moyenne de 850 m par gradin. 167 Soit de 1/7e environ. 165
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décoratif. Quant aux blocs de marbre et de travertin retrouvés dans l’enceinte, ils constituaient très certainement les restes du parement de l’édifice. Bien que très différent de la naumachie d’Auguste, l’édifice du quartier des Prati présente donc des caractéristiques qui répondent aux exigences techniques et à la configuration d’une grande naumachie impériale. Il importe toutefois de se demander encore si l’environnement du monument satisfaisait à une autre exigence évidemment essentielle pour les spectacles aquatiques : un approvisionnement en eau suffisant. C. Buzzetti168 en effet a refusé d’identifier les vestiges trouvés par D. de Revillas comme ceux de la naumachie à cause de la distance de plus de 300 m qui les sépare du Tibre. La distance ne paraît toutefois pas assez importante pour que l’on ne puisse imaginer l’existence d’un canal mettant le bassin en communication avec le fleuve. L’eau nécessaire aurait cependant pu venir du fossé de la Sposata, ou rivus Arnectus. La reconstitution de son parcours, permet de penser qu’il devait approcher, voire toucher les limites Nord de l’édifice169. En outre, on sait qu’à la Renaissance un autre torrent, appelé la Sposatella, puis canal del Pigneto ou della Baduina se jetait dans le Tibre, 200 m plus au Nord. Certes, le cours de la Sposata au Moyen Âge était intermittent, mais il est possible que son débit ait été plus important à l’époque romaine. Mais ce ne sont pas non plus ces cours d’eau qui représentent la source d’alimentation la plus plausible pour la naumachie. En effet, il convient de rappeler surtout que le 24 juin de cette même année 109, Trajan avait inauguré son aqueduc, qui arrivait à Rome sur le Janicule, à une hauteur qui lui permettait de «jaillir dans toute la ville». C’est très probablement une dérivation de cet aqueduc qui alimentait le bassin de l’édifice, sur le modèle de la naumachie d’Auguste et de l’Aqua Alsietina. Le bassin devait également être muni d’un canal de vidange. S’il débouchait dans le Tibre, comme celui de la naumachie d’Auguste, les navires nécessaires au spectacle naval pouvaient être acheminés par là. Le modèle du Stagnum Agrippae est là pour prouver qu’un canal de plusieurs centaines de mètres pouvait parfaitement se concevoir pour relier au fleuve les plus grands bassins de la ville. Les vestiges fouillés par D. de Revillas sont donc bien ceux d’une naumachie. Ce n’était pas une simple fosse creusée dans la berge du
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C. Buzzetti, op. cit., p. 108-111. Voir supra p. 185.
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Tibre, comme celle de César, ni même un vaste plan d’eau destiné en même temps à irriguer les jardins de la zone, comme celle d’Auguste. Il s’agissait d’un édifice de spectacle à part entière, orné de marbre et muni de gradins pour les spectateurs. Il possédait des structures complexes assurant l’étanchéité de l’édifice, la circulation du public et celle de l’eau. Il convient à présent de s’interroger sur l’usage qui fut fait de ce monument. La naumachie de Trajan et l’évolution des spectacles aquatiques Il n’existe presque aucune mention d’un spectacle de naumachie offert par un empereur entre le règne de Trajan et la fin de l’Empire. L’époque de Néron et des Flaviens avait vu la multiplication de ces spectacles, mais dans un espace plus réduit, celui d’un amphithéâtre. Après Trajan, ils semblent disparaître des sources. Quelles que soient les raisons susceptibles d’être avancées pour expliquer ce phénomène, on ne peut manquer de s’interroger sur l’usage qui fut celui de la naumachie de Trajan dans ce contexte. Le seul spectacle que nos sources permettent d’associer de manière certaine avec ce monument est le combat que donna Trajan à l’occasion de son inauguration et qui mit aux prises, nous disent les Fastes d’Ostie, 127 paires de gladiateurs sur une durée de 6 jours. Il est certes surprenant, comme nous l’avons déjà fait observer170, de voir une naumachie inaugurée par des combats de gladiateurs, et non par un spectacle naval. On pourrait envisager la présentation de ces combats sur un ponton analogue à celui jadis réalisé par Titus sur la naumachie d’Auguste, ce qui n’interdit nullement d’imaginer que des mises en scène aquatiques aient également marqué cette inauguration. En effet, les Fastes d’Ostie n’ont probablement mentionné que le principal spectacle des jeux. Mais surtout, il est possible qu’une partie de ces gladiateurs aient précisément combattu sur des navires. Avec 127 paires sur 6 jours, nous sommes bien loin des milliers de gladiateurs présentés durant les 117 jours des jeux qui avaient inauguré l’aqueduc. Il faut sans doute imaginer, sur ce bassin d’une taille beaucoup plus modeste que celui d’Auguste, un affrontement entre quelques navires à un seul rang de rames, montés chacun par une dizaine de combattants, ou l’opposition de deux navires seulement, de plus grande taille. Quoi qu’il en soit, ce spectacle ne pouvait en aucun cas rivaliser avec les grandes naumachies du passé. Il ne possédait pas non plus la nouveauté des naumachies d’amphithéâtre, dont l’attrait, nous l’avons vu171, était d’ailleurs en 170 171
Voir première partie, supra p. 11. Voir première partie, supra p. 30-31.
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partie assuré par la rapide mise en eau de l’arène. Un bassin comme celui de la naumachie de Trajan était trop vaste pour permettre une semblable alternance entre spectacles terrestres et spectacles aquatiques. Les combats navals présentés sur ce plan d’eau ne pouvaient donc paraître dignes d’une mention spécifique aux yeux des contemporains. Il est par conséquent possible qu’à partir des Antonins, des naumachies aux effectifs plus réduits, et de ce fait, plus régulièrement présentées, mettant aux prises des gladiateurs formés dans un ludus, et non plus une masse de prisonniers et de condamnés, aient remplacé dans cette structure les grandes naumachies des premiers temps. Le silence des sources historiques, d’ailleurs moins abondantes pour cette époque, s’expliquerait alors par la disparition du caractère exceptionnel de ces spectacles, et le silence des sources épigraphiques par les liens désormais plus étroits de la naumachie avec la gladiature, dont elle s’était jadis détachée. La seule mention de naumachies données à Rome dont nous disposions pour une époque postérieure, celle de la Vie d’Aurélien (T. 26) dans l’Histoire Auguste, pourrait donc receler plus de vérité que nous ne le pensions jusqu’alors. On peut d’ailleurs constater que le mot naumachiae dans ce texte se trouve au pluriel. Nous avons vu que jusqu’à la fin du Ier siècle, seul Titus avait donné deux naumachies pour la même occasion. Si elle n’est pas pure fiction, ce qui est malheureusement indémontrable, compte tenu des affabulations que contient par ailleurs ce récit du triomphe, le pluriel pourrait être significatif de l’évolution des naumachies vers un spectacle plus courant et de moins grande ampleur. Enfin, on peut supposer que l’édifice, destiné à l’origine à accueillir des naumachies, fut essentiellement utilisé pour les autres spectacles aquatiques que nous avons étudié, venationes ou hydromimes. De fait, les dimensions plus réduites de la naumachie de Trajan et ses gradins la rendaient parfaitement apte à présenter des spectacles aquatiques moins importants, mais où une meilleure vision des détails était nécessaire. Avant l’aménagement du théâtre adapté à la mise en eau que mentionne Symmaque (T. 46), la naumachie de Trajan fut probablement la seule structure de spectacle de Rome susceptible de les accueillir. La naumachie de Trajan apparaît donc comme le produit de l’évolution des spectacles aquatiques. Contrairement aux vastes bassins précédents, conçus pour des batailles navales grandioses mais exceptionnelles, cet édifice, construit en dur, était destiné à des spectacles plus régulièrement présentés sans doute, mais de moins grande ampleur. Plus qu’à la naumachie d’Auguste, on peut dire qu’il succéda sur ce point au Colisée. L’ambivalence de ses fonctions valut ainsi à cette naumachie de rester utilisée, et donc entretenue, durant plusieurs siècles. Les Ré-
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gionnaires semblent prouver qu’elle existait toujours à l’époque de Constantin. En outre, une lettre de Sidoine Apollinaire (I, 5, 9) indique qu’il existait encore à Rome un siècle plus tard des bassins qui portaient le nom de naumachia. Dans ce passage, Sidoine évoque son arrivée à Rome, après un pénible voyage le long de la voie Flaminia, qui l’a laissé consumé de fièvre et de soif : Inter haec patuit et Roma conspectui; cuius mihi non solum formas uerum etiam naumachias uidebar epotaturus. Ubi priusquam uel pomoeria contingerem, triumphalibus apostolorum liminibus adfusus omnem protinus sensi membris male fortibus explosum esse languorem...172. (Au milieu de ces maux, Rome enfin s’étendit devant mes yeux. Il me semblait que j’aurais bu toute l’eau de ses aqueducs et de ses naumachies. Avant même d’atteindre la limite de la cité, je me prosternai dans les demeures triomphales des Apôtres, et aussitôt je sentis toute langueur chassée de mes membres auparavant sans force).
L’auteur, arrivant de la via Flaminia, descend vers Rome depuis les colles Vaticani. Avant d’entrer dans la ville, il s’arrête à la basilique. Les naumachies qui s’offrent à ses yeux, au moment de son arrivée à Rome, sont donc très certainement situées sur la rive droite173. L’emploi du pluriel implique qu’elles soient au moins deux. Il faut sans doute s’arrêter à ce chiffre, qui est également celui que donnent les Régionnaires. Aucun de ces deux monuments ne peut être la naumachie d’Auguste que la construction de la muraille d’Aurélien, nous l’avons vu, dut achever de faire disparaître. Par ailleurs nous ne possédons qu’une seule source susceptible d’évoquer la création d’un bassin appelé «naumachie» postérieur à celui de Trajan : un passage déjà mentionné d’Aurelius Victor (XXVIII, 1-2), concernant des travaux hydrauliques de Philippe l’Arabe174. Il est donc très probable que l’une des «naumachies» évoquées par Sidoine est bien le monument qu’avait édifié le premier des Antonins. Elle était encore en état de marche puisqu’elle représente, aux yeux du voyageur assoiffé, la réserve d’eau la plus vaste qu’il puisse évoquer. Un peu moins d’un siècle plus tard en revanche, à l’époque de Procope, elle était abandonnée, comme nous l’avons vu.
Texte établi par A. Loyen, Paris, Les Belles Lettres, 1970. Aucun monument de ce nom n’existait d’ailleurs à notre connaissance sur la rive gauche. 174 Les travaux, généralement interprétés comme la réfection de l’un des bassins existants, furent peut-être en réalité destinés à la création d’un nouveau réservoir. 172 173
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LES NAUMACHIES
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Une telle longévité, du début du IIe siècle au Ve siècle ap. J.-C., explique la persistance, tout au long du Moyen Âge, du toponyme Naumachia, qui n’aurait pu s’implanter de manière aussi ferme si le monument n’avait dominé, durant plusieurs siècles, la topographie de la région. Ce nom, souvenir de la destination première du monument, n’implique pas que des combats navals, ni même d’autres spectacles aquatiques, aient continué à y être présentés à l’époque de Sidoine Apollinaire. Déjà Symmaque semblait considérer le théâtre dont il sollicite l’utilisation comme la seule structure de spectacle convenant à sa uenatio de crocodiles. La naumachie de Trajan, si elle existait toujours, était sans doute devenue essentiellement un vaste réservoir, destiné à l’approvisionnement en eau toujours problématique de la rive droite, comme le bassin réalisé par Philippe l’Arabe. Conclusion Nous sommes relativement mal informés par les sources écrites sur la naumachie de Trajan. Mais la synthèse de leur données, associée à des découvertes archéologiques de première importance, permet malgré tout de reconstituer en partie l’histoire de ce monument. Sa configuration, ses caractéristiques paraissent le fruit de l’époque charnière pour les spectacles aquatiques qui fut celle de sa construction. Sa longévité témoigne de son adaptation aux nouvelles exigences de ces spectacles. Le caractère partiel des fouilles qu’on a pu y mener n’en est que plus regrettable. Ce monument est en effet la seule naumachie à avoir laissé des traces archéologiques et le plus grand de tous les édifices de spectacle construits en dur jamais adaptés à la mise en eau. Bien des questions qui se posent encore aujourd’hui, en particulier en ce qui concerne les aménagements hydrauliques de Titus dans le Colisée, auraient sans doute pu recevoir grâce à lui des éléments de réponse.
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CHAPITRE 5
THÉÂTRES ET AMPHITHÉÂTRES ADAPTÉS À LÀ MISE EN EAU
L’étude des naumachies mêle indissociablement les recherches topographiques, parfois archéologiques, à la synthèse des sources écrites les concernant, car aucune d’entre elles n’est plus visible dans le paysage de la Ville. En revanche, en divers points de l’empire, plusieurs théâtres et amphithéâtres munis de bassins ont été retrouvés dans un état de conservation suffisant pour faire l’objet d’articles ou de monographies consacrés exclusivement à l’étude de leurs vestiges. Nous avons tenté de réunir, en annexe de cette recherche, l’ensemble des informations apportées par les publications archéologiques sur les aménagements hydrauliques relevés dans chaque édifice, lorsque leur mise en rapport avec les spectacles aquatiques romains a été proposée de manière convaincante par la recherche récente. En effet, la synthèse de ces données devrait permettre de compléter les informations souvent succinctes apportées par les sources écrites. Une telle synthèse avait déjà été tentée par G. Traversari 1. Toutefois, il ne s’est pas intéressé aux amphithéâtres. Quant aux théâtres où des installations hydrauliques datées du Haut-Empire ont été retrouvées, leur rapide mention était essentiellement destinée à appuyer les théories développées par l’auteur sur les spectacles plus tardifs qui sont au centre de son étude. Il convenait donc de reprendre une réflexion sur les édifices adaptés aux spectacles aquatiques en dissociant plus nettement ceux qui relèvent, pour l’essentiel, du premier siècle de l’Empire et ceux qui appartiennent à l’Antiquité tardive. Parmi les premiers, on relève à la fois des amphithéâtres et des théâtres, comme si les spectacles aquatiques, à leurs débuts, avaient expérimenté plusieurs modes de représentation, et donc plusieurs types de structures d’accueil.
1 G. Traversari, Gli spettacoli in acqua nel teatro tardo-antico, Roma, L’«Erma» di Bretschneider, Roma, 1960.
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LES
PREMIERS THÉÂTRES MUNIS DE BASSINS ET LES ORIGINES DES HYDROMIMES
D’après les datations proposées pour ces différents monuments, en dehors des naumachies, l’édifice de spectacle le plus anciennement doté d’un vaste bassin permanent fut le théâtre de Pompéi 2. Or, nous avons déjà pu établir grâce aux sources écrites que les hydromimes dérivaient d’un modèle théâtral. Un retour sur les premiers théâtres adaptés à la mise en eau s’impose donc en premier lieu. Premières hypothèses sur l’origine des théâtres adaptés à la mise en eau Structures théâtrales et mise en scène de l’eau : l’hypothèse de G. Spano Rappelons tout d’abord que la mise en rapport des bassins du théâtre de Pompéi avec les spectacles aquatiques ne va pas de soi. Leur interprétation est au contraire très controversée. Ces bassins sont généralement identifiés comme des réceptacles pour les eaux parfumées des sparsiones 3, à moins qu’on ne leur attribue une simple fonction décorative. G. Spano, notamment, avait opté pour cette seconde interprétation 4. Selon lui en effet, la frons pulpiti du théâtre de Pompéi était ornée de fontaines. Il appuie sa proposition sur la découverte de conduites d’eau sous le pulpitum, lors des premières fouilles du théâtre. Il met également en avant deux peintures de la Palestre (VIII, 2, 23), montrant chacune une frons pulpiti imaginaire ornée de statues de bronze, des Amorini portant des oies sur l’une, des Nymphes tenant des conques sur l’autre, sujets fréquemment utilisés en sculpture pour l’ornement des fontaines 5. Mais G. Spano ne s’arrête pas à cette seule hypothèse. Il va jusqu’à envisager la transformation de l’ensemble de la frons scaenae de Pompéi en nymphée 2 Voir la description des installations hydrauliques de ce théâtre dans la documentation archéologique présentée en annexe. D’après la datation de A. Mau (Das Grosse Theater in Pompeji, in MDAI (R), XXI, 1906, p. 45-53), les premiers bassins du théâtre de Pompéi seraient même antérieurs à la naumachie de César. 3 A. et M. de Vos, Pompei, Ercolano, Stabia, Roma, Laterza, 1982, p. 66; L. Richardson Jr, Pompei. An Architectural History, Baltimore-London, The John Hopkins University Press, 1988, p. 79; C. Courtois, Le bâtiment de scène des théâtres d’Italie et de Sicile. Étude, chronologie et typologie, Louvain-la-Neuve, Art and archaeology publications, 1989, p. 225. 4 G. Spano, Il teatro delle fontane a Pompei, in MAAN, II, 1913, (p. 109-148, Tav. I-III), p. 142. 5 G. Spano, op. cit., pl. III, fig. II.
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THÉÂTRES ET AMPHITHÉÂTRES ADAPTÉS À LÀ MISE EN EAU
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monumental, et attribue cette innovation à un modèle architectural venu de l’Orient hellénistique 6. De nombreux savants ont en effet souligné la place importante réservée aux fontaines monumentales dans les grandes cités des provinces orientales de l’Empire, notamment en Asie Mineure, et les similitudes que leur architecture présente avec celle d’une frons scaenae de théâtre 7. De ce dernier phénomène, l’un des exemples les plus fréquemment cités 8 est celui de la frons scaenae du théâtre d’Aspendos, sans doute d’époque antonine 9. Elle présentait une ample façade rectiligne décorée sur deux étages de couples de colonnes, chacun sur un podium, entre lesquels s’ouvraient des niches pour les statues. Au niveau supérieur, l’entablement était surmonté d’un fronton dont la partie centrale était creusée en hémicycle. On retrouve exactement le même schéma architectural sur la façade d’une grande fontaine monumentale de la ville10. Des correspondances analogues peuvent être relevées entre la façade du théâtre de Termessos en Pisidie11 et le grand nymphée12 de Sidè, d’époque antonine13. D’une manière générale, le principe d’une façade rectiligne ou à absides, rythmée par une alternance de niches rectangulaires ou curvilignes et de colonnes
6 G. Spano (ibidem, p. 136) formule également cette hypothèse pour le théâtre de Pompée à Rome, en s’appuyant sur le témoignage de Valère Maxime (II, 4, 6) selon lequel ce monument était doté d’un système d’eau courante destiné à rafraîchir les spectateurs. Voir aussi G. Sauron, Quis deum? L’expression plastique des idéologies politiques et religieuses à Rome, Roma, 1994 (Bibliothèque de Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 285), p. 279. 7 Voir notamment O. Reuther, in Pauly-Wissowa XVII, 1, 1937, col. 15191521, s.v. nymphaeum ; J. Lauffray, Une fouille au pied de l’Acropole de Byblos, in BMB, IV, 1940, (p. 7-36) p. 32-34. Sur la présence d’un tel modèle à Rome même, voir aussi P. Grimal et J. Guey, À propos des «Bains de Livie» au Palatin, in MEFR, 56, 1937, p. 142-164. 8 K. Lanckoronski, Les villes de la Pamphylie et de la Pisidie, I, Paris, F. Didot, 1890, p. 96 (S. Petersen); p. 104-108 (Niemann), tab. XVIII-XIX; H. Hörmann, Das Nymphaeum zu Aspendos, in JDAI, XLIV, 1929, p. 263-274; R. Ginouvès, Le nymphée de Laodicée et les nymphées romains, in J. Des Gagniers, P. Devambez, L. Kahil et R. Ginouvès, Laodicée du Lycos, le nymphée. Campagnes 1961-1963, Paris, de Boccard, 1969, p. 160. 9 D. De Bernardi Ferrero, Teatri classici in Asia Minore, III, Roma, L’«Erma» di Bretschneider, Roma, 1970, p. 173 et ap. II n. 29. 10 G. Spano, Il «ninfeo» del proscenio del teatro di Antiochia su l’Oronte, in RAL, VIII, 7, 1952, (p. 144-174), p. 146. 11 K. Lanckoronski, op. cit., p. 96-97, t. X-XIII. 12 Nous employons ici le terme de nymphée au sens de fontaine monumentale, attesté à partir du IIe siècle. 13 G. Spano, op. cit., p. 147. Sur le nymphée de Sidé, voir aussi K. Lanckoronski, op. cit., p. 145-152 (S. Petersen); 156-158 (Niemann), fig. 101-105, tab. XXX-XXXI; G. Gullini, La scena del teatro di Sabratha, in BMIR, 1943-1945, (p. 21-34) p. 31; R. Ginouvès, op. cit., p. 154.
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soutenant des entablements est commun aux façades des théâtres et des fontaines monumentales. On connaît en outre dans ces régions plusieurs cas d’association étroite entre ces deux monuments. À Pergè en Pamphylie par exemple un grand nymphée, daté de la charnière entre le IIe et le IIIe s. ap. J.-C.14, fut adossé au mur externe du bâtiment de scène de manière à constituer le fond monumental d’une place. À Sagalassos également, la façade externe du théâtre était constituée par une fontaine de vastes proportions15. Partant de ces constatations, G. Spano suppose l’existence, dans tout l’Orient hellénistique, d’une tradition rapprochant l’architecture des fontaines et celle des théâtres. Il situe en outre l’origine exacte de cette tradition à Antioche, où serait née la première association entre structure théâtrale et monument des eaux. On peut invoquer en faveur de cette proposition l’abondance en sources du territoire d’Antioche, le goût particulier de ses habitants pour les fontaines et toutes les installations hydrauliques mentionnées par les auteurs autochtones16. Malalas notamment, dans un texte déjà cité (Chron., XI, 363), décrit la réalisation sous Hadrien de deux édifices, appelés ue¥atron et ueatrı¥dion, qui associaient manifestement un bassin à un hémicycle rappelant la cavea d’un théâtre. Mais surtout, ce même Malalas évoquant la réfection par Trajan du théâtre d’Antioche (Chron., XI, 360), y signale la présence d’un «nymphée», autrement dit d’une fontaine monumentale : ... kaıù toù ue¥atron deù th˜v ayßth˜v Antioxeı¥av aßneplh¥rwsen aßteleùv o¶n, sth¥sav eßn ayßt√ yΩpera¥nw tessa¥rwn kio¥nwn eßn me¥sw ∞ toy˜ nymfaı¥oy toy˜ proskhnı¥oy th˜v sfagiasueı¥shv yΩp ayßtoy˜ ko¥rhv sth¥lhn xalkh˜n kexryswme¥nhn, kauhme¥nhn eßpa¥nw toy˜ Oro¥ntoy potamoy˜, eıßv lo¥gon ty¥xhv th˜v ayßth˜v po¥lewv, stefome¥nhn yΩpoù Seley¥koy kaıù Antio¥xoy basile¥wn. (Il [Trajan] compléta le théâtre d’Antioche qui était inachevé et plaça dedans une statue de bronze doré de la jeune fille qu’il avait sacrifiée. Cette statue était placée au-dessus de quatre colonnes, au milieu du nymphée du proscenium. Elle était assise sur le fleuve Oronte et couronnée à la manière de la Tychè de la cité, par les rois Antiochos et Séleucos).
14 Sur ce monument, voir en particulier K. Lanckoronski, op. cit., p. 50-51 (S. Petersen); p. 58 (Niemann), fig. 37, tab. XIV; P. Romanelli, Ricerche nell’Anatolia, in MAL, XXII, 1914, p. 53-55; R. Ginouvès, op. cit., p. 160; D. De Bernardi Ferrero, op. cit., p. 153-155. 15 G. Spano, Il teatro delle fontane in Pompei... cité, p. 119-120. 16 Lib., Or., XI, 2 (Antioch., II, p. 523-524 éd. Foerster); Malalas, 338. Voir aussi la représentation d’Antioche sur la table de Peutinger. Elle est accompagnée par un jeune homme figurant certainement l’Oronte et par les arcades d’un aqueduc (G. Spano, Il teatro delle fontane... cité, p. 125-126).
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THÉÂTRES ET AMPHITHÉÂTRES ADAPTÉS À LÀ MISE EN EAU
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Prêtant à Malalas un emploi inexact du terme proskh¥nion, G. Spano suppose que toute la scaenae frons du théâtre d’Antioche fut transformée en vaste fontaine17. Selon lui, l’eau tombant de la façade était recueillie dans de petites vasques placées au-dessous, donc au niveau même du pulpitum. Situées un peu en hauteur par rapport à l’orchestra, ces vasques auraient permis à l’eau de jaillir ensuite de la frons pulpiti dans un bassin s’étendant au-dessous. Il va de soi aujourd’hui qu’une telle interprétation du texte, qui ne possède aucune confirmation archéologique, doit être écartée. Des vasques placées au pied du mur de fond de scène, même de petite taille, auraient considérablement empiété sur la place dévolue à l’estrade scénique, perpétuellement soumise de surcroît à des projections d’eau. En revanche, une adaptation en fontaine de la seule frons pulpiti est beaucoup plus concevable. À défaut de preuves directes, puisque ce théâtre d’Antioche n’est pas conservé, une telle installation se trouve attestée aujourd’hui dans plusieurs autres édifices18. Quoi qu’il en soit de sa nature exacte, G. Spano avance pour ce «nymphée du proskenion» du théâtre d’Antioche une datation beaucoup plus haute que l’époque de Trajan. Le premier des Antonins n’aurait fait que rajouter les statues d’Antiochos et de Séleucos à un ensemble datant de l’époque hellénistique19. G. Spano propose notamment de voir dans la statue de Tychè placée au centre du nymphée celle que le sculpteur Eutychidès, d’après Pausanias (VI, 2, 7), avait exécutée pour Séleucos Nicator. Dès lors, considérant l’influence de l’urbanisme hellénistique sur la conception du théâtre de Pompéi et de sa cour attenante, ainsi que sur celle du complexe du forum triangulaire 20, il en conclut que les installations hydrauliques de Pompéi furent inspirées de réalisations antérieures dans l’Orient hellénistique, notamment de celles du théâtre d’Antioche. Toutefois, à la lumière d’un certain nombre d’études plus récentes, le rapport chronologique proposé par G. Spano entre les deux édifices apparaît fort hasardeux. Il faut en effet rappeler à la suite de E. Frézouls 21, que tous les
17 18
G. Spano, Il teatro delle fontane... cité, p. 128-130. Par exemple à Italica et à Bilbilis en Espagne, ou à Philadelphia en Jorda-
nie. 19 En s’appuyant sur un passage de Libanios Or., XI (Antioch., II, p. 477, éd. Foerster). 20 G. Spano, Il teatro delle fontane... cité, p. 119. 21 E. Frézouls, Recherches sur les théâtres de l’Orient syrien, in Syria, 36, 1959, p. 202-227 et 38, 1961, p. 54-86.
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vestiges de théâtres antiques découverts en Asie, si on excepte l’Asie Mineure, sont d’époque romaine impériale, sauf ceux du théâtre de Babylone. Aucun d’entre eux ne comprend d’éléments hellénistiques englobés dans les constructions plus tardives 22. Quant aux sources écrites concernant la construction d’un théâtre dans ces régions, les plus anciennes ne remontent pas au-delà de l’époque de César. C’est à ce dernier d’ailleurs que Malalas 23 attribue la construction du théâtre d’Antioche, et rien, si ce n’est l’importance de la ville sous les Séleucides, ne permet d’envisager la présence d’un tel édifice pour une époque antérieure. En outre, en dehors de ce théâtre d’Antioche et des constructions réalisées par Hérode sur le modèle romain à Jérusalem, Césarée, Samarie-Sébastè, Sidon et Damas, la plupart des théâtres de l’Orient syrien furent construits plus d’un siècle plus tard, sous les Antonins et les Sévères. E. Frézouls y voit la preuve d’une acclimatation progressive de l’édifice, dans ces régions où il ne relevait pas d’une plus ancienne tradition 24. Enfin, il n’est pas du tout certain, contrairement à ce que propose G. Spano, que le «nymphée du proskenion» du théâtre d’Antioche corresponde au premier état du monument. Une influence de ce dernier sur les installations hydrauliques du théâtre de Pompéi ne semble donc guère probable. De plus, il est désormais admis qu’il n’existe pas en Asie Mineure ou en Syrie de lien plus étroit qu’ailleurs entre l’architecture des théâtres et celle des nymphées. Les frontes pulpiti effectivement aménagées en fontaine notamment, toutes d’époque impériale, relèvent de régions fort diverses, ce qui vient contredire les hypothèses de G. Spano. Par ailleurs, des similitudes analogues entre façades de nymphées et de théâtres existent aussi en Italie et en Afrique. Dans un article précisément intitulé Per la definizione del rapporto fra teatri e ninfei 25, M. C. Parra évoque notamment la fontaine monumentale de Leptis Magna, d’époque sévérienne, comme le Septizodium de Rome, et met en parallèle la façade du nymphée de Sidè avec celle des théâtres de Corinthe et de Sabratha 26. Elle fait observer en
E. Frézouls, op. cit., 1959, p. 202-208. Chron., IX, 279. 24 E. Frézouls, op. cit., 1961, p. 54-60. 25 In SCO, 25, 1976, p. (89-118), p. 100-101, p. 115 et p. 97. 26 Sur la fontaine de Leptis Magna, voir D. F. L. Haynes An archaeological and historical guide to the pre-Islamic antiquities of Tripolitania, Worcester-London, 1955, p. 78; G. Caputo, R. Bianchi-Bandinelli et E. Vergara Caffarelli, Leptis Magna, Roma, 1963, p. 97; R. Ginouvès, op. cit., p. 184. Sur le Septizodium et la très abondante bibliographie le concernant, voir S. Settis, «Esedra» e «ninfeo» nella terminologia architettonica del mondo romano. Dall’età republicana alla tarda-antichità, in ANRW I, 4, 1973, (p. 661-745) p. 722-726. Sur le théâtre de Sabratha : G. Guidi, Il teatro romano di Sabratha, in AI, III, 1930, p. 1-52; Criteri e metodi seguiti per il restauro del teatro di Sabratha, in AI, VI, 1935, p. 30-53; G. Gullini, 22
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outre que le nymphée de Sidè, à trois amples exèdres semi-circulaires, suggère plus une confrontation avec une frons scaenae de type occidental qu’avec l’architecture des fronts de scène de la région, fidèles à la forme rectiligne de la tradition hellénistique 27. Il en est de même du nymphée de Pergè, à cinq amples exèdres, ornant le mur extérieur d’un théâtre dont la façade est rectiligne. On ne peut donc mettre en avant une tradition locale. En outre, de tels rapprochements sont possibles pour bien d’autres types de façades monumentales. Par exemple, le grand nymphée rectiligne de Milet, d’époque antonine, avec ses édicules superposés alternant avec des niches sur trois niveaux 28, plus que de la façade à exèdre centrale du théâtre de la ville 29, peut être rapproché de deux autres monuments du IIe siècle ap. J.-C., la Bibliothèque de Celsus à Ephèse et l’entrée du Marché à Milet même 30. Quant aux frontons du théâtre et du nymphée d’Aspendos, on en retrouve l’équivalent, par exemple, sur les façades rupestres de Petra 31, ou à nouveau, à l’entrée du Marché de Milet, contemporain des monuments d’Aspendos 32. Bien d’autres exemples, relevant de l’architecture religieuse, funéraire, basilicale, balnéaire, peuvent être cités 33. De fait, exèdres, niches et colonnes sont les éléments d’une décoration de caractère scénographique en un sens général, dans la mesure où elles étaient destinées à conférer monumentalité et animation à une façade, quelle que soit par ailleurs la destination du bâtiment. Leur histoire et leur date d’apparition dans l’ornementation de chaque type d’édifice put être variable. Ainsi, une superposition de pilastres et de colonnes supportant des entablements peut être relevée à Rome dans la décoration intérieure de certains temples de la fin du Ier s. av. J.-C., comme le temple d’Apollon in Circo 34. Quant à la niche puis l’exèdre semi-circulaires,
op. cit., p. 21-34; G. Caputo, Il teatro di Sabratha e l’architettura teatrale africana, Roma, 1959, p. 9-40, t. 60-73; A. Neppi-Modona, Gli edifici teatrali greci e romani, Firenze, 1961, p. 149-151; M. Bieber, The history of the Greek and Roman theater, Princeton, 1961, p. 160. 27 M. C. Parra, op. cit, p. 96. 28 H. Hörmann, op. cit., p. 271; C. Colonna, in EAA, vol. V, p. 20, s.v. Mileto; G. Kleiner, Die Ruinen von Milet, Berlin, 1968, p. 114-118. 29 Ibidem, p. 104. 30 Pour la bibliothèque d’Éphèse, voir W. Wilberg, Forschungen in Ephesos, V, 1, Die Bibliothek, Wien, 1953; Pour le Marché de Milet, voir G. Kleiner, op. cit., p. 64-65. 31 M. C. Parra, op. cit., p. 110. 32 Ibidem, p. 106. 33 Ibidem, p. 112-116. 34 Sur ce temple voir A. Viscogliosi, Il tempio di Apollo in circo e la formazione del linguaggio architettonico augusteo, Roma, l’«Erma» di Bretschneider, 1996.
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elles intervinrent dans l’ornementation des fontaines dès l’époque hellénistique, par le vecteur d’une imitation, consciente dans un premier temps, de la grotte des Nymphes. En revanche, les formes arrondies ne furent introduites dans l’architecture théâtrale qu’à l’époque augustéenne 35. Dès lors, on doit admettre que l’adaptation en nymphée d’une façade extérieure, relevée pour certains théâtres, n’a rien à voir avec la fonction de l’édifice. À Pergè par exemple, elle s’explique par l’architecture des murs de soutènement. Il en existe d’ailleurs aussi des exemples antérieurs, associés à des monuments tout à fait différents. Ainsi, un nymphée fut adossé au soubassement du temple de Claude sur le Caelius et à la façade du terrassement de la villa républicaine de Tivoli 36. Une réflexion sur les rapports entre l’architecture des théâtres et celle des fontaines ne doit donc pas se baser sur un certain nombre d’éléments de décoration analogues, acquis au cours du temps pour orner toutes sortes de façades monumentales. Enfin et surtout, tous les édifices concernés par cette réflexion sont d’époque impériale ou du moins tardo-républicaine. Or, comme le souligne P. Gros dans L’Architecture romaine 37, les études les plus récentes sur les fontaines du monde hellénistique 38 ont montré qu’elles suivaient un principe fort différent de la mise en scène «théâtrale» de l’eau qu’on observa par la suite à l’époque romaine. La plupart de celles qui ont été conservées se présentent en effet sous la forme d’un portique sans colonnade supérieure, sous lequel on accédait au bassin : l’architecture enfermait l’eau, qui se trouvait dissimulée aux regards. Il en est ainsi même de monuments plus élaborés, parfois considérés comme des précurseurs des nymphées impériaux, comme la fontaine-exèdre de Ténos, ou une fontaine de Sagalassos, datée du Ier s. av. J.-C. 39. C’est en Italie, à ce qu’il semble, 35 M. C. Parra, op. cit., p. 97-98 et n. 32; p. 112. G. Sauron (op. cit., p. 541549) a notamment analysé la signification de l’exèdre centrale que présente la frons scaenae des théâtres d’Arles et d’Orange, tous deux d’époque augustéenne et dont le modèle est probablement le théâtre de Marcellus à Rome. Cette exèdre et la façade rectiligne qui s’y inscrivait, dont la ualua regia occupait le centre, représentaient respectivement le ciel et la terre. Il s’agissait d’une image d’un cosmos harmonisé par l’action bienfaisante du Prince, dont la statue, placée dans une niche, dominait la regia. 36 M. C. Parra, op. cit., p. 95. 37 P. Gros, L’Architecture romaine du début du IIIe s. av. J.-C. à la fin du HautEmpire, I, Les monuments publics, Paris, Picard éd., 1996, chap. XV, «Fontaines monumentales, nymphées et sanctuaires de sources», p. 420-421. 38 B. Kapossy, Brunnenfiguren der hellenistischen und römischen Zeit, Zurich, Juris, 1969; F. Glaser, Antike Brunnenbauten (KPHNAI) in Griechenland, Wien, 1983; Brunnen und Nymphäen, in Die Wasserversorgung antiker Städte, 2, Mainz, Von Zabern, 1987, p. 103-131. 39 R. Étienne, J. P. Braun et F. Queyrel, Ténos. Le sanctuaire de Poséidon et
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que naquirent les fontaines encadrant l’eau pour mieux la mettre en valeur, la «projetant», selon l’expression de P. Gros, au premier plan de l’édifice. Bien loin de nous amener à chercher vers l’Orient grec les origines de ce phénomène, une étude des rapports entre architecture théâtrale et mise en scène de l’eau dirige au contraire nos regards vers l’Italie. Mises en scène aquatiques et théâtres cultuels : l’hypothèse de G. Traversari Peu de temps après l’exposé par G. Spano de ses hypothèses sur le théâtre d’Antioche, le résultat des fouilles du théâtre de Daphné fut publié par D. N. Wilber 40. Cette découverte orienta également G. Traversari 41 vers l’hypothèse d’une origine syrienne des hydromimes, qui fut dès lors admise. Le théâtre, daté par D. N. Wilber de la fin du Ier siècle ou du début du IIe siècle 42, est en effet le premier où fut véritablement installée une kolymbèthra théâtrale, si on donne à ce mot un sens plus étroit que celui de «piscine», pour désigner un bassin édifié à la surface d’une orchestra, occupant l’essentiel de son espace, et expressément destiné à des spectacles. Ce type d’aménagement théâtral ne se répandit dans d’autres régions de l’empire que deux ou trois siècles plus tard. En outre, le goût particulièrement vif que les habitants d’Antioche portaient aux hydromimes est attesté par le témoignage de Jean Chrysostome, mais aussi celui de la mosaïque de Yakto. Tous ces éléments lui paraissent plaider en faveur du rôle pionnier joué par Antioche et son faubourg dans l’apparition de ce phénomène. G. Traversari s’est alors efforcé de retracer la genèse de la kolymbèthra. Il n’existe aucun théâtre conservé, antérieur à celui de Daphné, susceptible de corroborer l’hypothèse avancée par l’auteur. Il s’est donc intéressé à une série d’édifices cultuels dans lesquels il crut découvrir les précurseurs directs des installations aquatiques de Daphné. Il s’agit tout d’abord du petit théâtre retrouvé à proximité du temple de Diane à Aricie, sur les bords du lac de Nemi. G. Traversari attribue la présence d’un bassin dans ce théâtre à l’assimila-
d’Amphitrite, I, Athènes, 1986, p. 73-91. et p. 159-162; M. Waelkens, The excavation of a late hellenistic fountain house and its surroundings, in M. Waelkens et J. Poblome (dir.), Sagalassos II. Report on the third excavation campaign of 1992, Louvain, 1993, p. 43-86. 40 D. N. Wilber, The theater of Daphne. The excavations (1933-1936) in Antioch-on-the-Orontes, 2, Princeton, Princeton Univ. Press, 1938, p. 57-94. 41 Ibidem, p. 91-103. 42 Ibidem, p. 91-93.
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tion de la Diane d’Aricie à Isis, et à une influence orientale. La cavea mesurait seulement 28 m de diamètre, avec une capacité maximale de 300 personnes. Le théâtre ne pouvait donc certainement pas accueillir tous les fidèles qui venaient célébrer la fête de la déesse. L. Morpurgo 43, qui publia le rapport de la fouille, estime que cet édifice devait être destiné à des spectacles rituels. Dans l’orchestra, de 12 m de diamètre, se trouvait le bassin, long de 8,75 m, large de 1,95 m et profond de 0,80 m. Deux escaliers adossés à la frons pulpiti mettaient l’estrade en communication avec l’orchestra et donc avec ce bassin. Cette disposition et la place importante occupée par le bassin dans l’orchestra font supposer que ce dernier accueillait des rites aquatiques. Après avoir rappelé que le culte d’Isis donnait lieu à des rites d’immersion lustrale, G. Traversari en conclut que le bassin était destiné à des spectacles cultuels, d’origine orientale. Le théâtre est généralement daté de l’époque de Claude. Se tournant alors vers la Syrie, où se trouve le plus ancien théâtre à kolymbèthra attesté à ce jour, G. Traversari relève dans cette région une série de sanctuaires dont les aménagements devaient permettre aux fidèles de suivre commodément certains rites, voire des drames sacrés, liés au culte de l’eau. Tel était le cas à Hiérapolis par exemple, où se dressait un temple d’Atargatis, déesse des eaux, qu’on connaît notamment par Lucien (De Dea Syria, 28-47). À l’Est de l’édifice lui-même se trouvait un étang ceint de portiques et dont le centre était occupé par un autel. D’après Lucien 44, on voyait quotidiennement des fidèles descendre dans l’eau pour gagner l’autel à la nage et y déposer leurs offrandes. Il s’y déroulait également une cérémonie appelée «descente au lac» : on portait vers la pièce d’eau l’effigie de la déesse et celle de son parèdre Hadad. Atargatis devait interdire à Hadad l’accès au lac et à ses poissons sacrés, symboles de tous les principes de la vie, afin de les protéger. À Héliopolis, l’actuelle Ba’albeck, se trouvait également un grand sanctuaire d’Atargatis. Il a été fouillé dans les années 20 45. La façade du temple, surélevée par quelques marches, était entourée par un péristyle quadrangulaire muni de gradins, derrière lequel
43 L. Morpurgo, Nemi. Teatro ed edifici romani in contrada «La valle», in NS 1931, p. 239-305. Sur le théâtre de Nemi voir aussi P. Ciancio Rossetto et G. Pisani Sartorio (dir.), Teatri greci e romani. Alle origine del linguaggio rappresentato, IIII, Torino, Editoria per la Comunicazione Seat divisione Stet., 1994-1996, II, p. 524-526. 44 Lucien, op. cit, 46-47. 45 H. Seyrig, La triade héliopolitaine et les temples de Baalbeck, in Syria, X, 1929, p. 314-356.
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courait un ample ambulacre. Presque au centre de la vaste cour ainsi constituée se trouvait un autel, entouré de deux bassins rectangulaires. Les éléments architectoniques trouvés au cours de la fouille, représentant Tritons, Néréides et autres créatures marines, étaient très certainement en rapport avec le rôle de maîtresse des eaux d’Atargatis. Les bassins devaient servir à l’élevage des poissons sacrés, aux ablutions des fidèles et aux autres rites aquatiques liés à ce culte, notamment la «descente au lac». Certes, les vestiges de Ba’albeck sont datés de l’époque de Claude, mais on peut supposer que ces réalisations monumentales d’époque impériale reproduisaient un modèle plus ancien. Des traces du culte d’Atargatis, que les Romains appelaient Dea Syria, ont été retrouvées dans bien des cités de l’Orient grécoromain. Des installations du même type existaient sans doute dans la plupart des temples de la déesse : un bassin, entouré d’un portique, d’où les fidèles pouvaient suivre des rites aquatiques. G. Traversari ajoute à sa démonstration l’exemple d’un troisième édifice consacré à Dea Syria, qui était, lui, un véritable théâtre. Il faisait partie d’un sanctuaire de la déesse retrouvé à Délos. La petite cavea, qui ne comptait que 12 gradins, était entourée d’un portique. Le bâtiment scénique n’a jamais existé : à sa place s’étendait une terrasse occupée au centre par un autel et sur un côté par un petit bassin. G. Traversari suppose qu’il était destiné à accueillir les mêmes rites qu’à Hiérapolis, notamment la «descente au lac», que les fidèles pouvaient suivre depuis les gradins de la cavea. Construit à la fin du IIe siècle av. J.-C., ce théâtre fut détruit quelques décennies plus tard. Contrairement aux autres édifices cultuels cités, qu’on ne connaît que par des sources et des vestiges d’époque impériale, il est donc antérieur à tous les théâtres munis d’installations hydrauliques évoqués jusqu’ici. Il faut toutefois faire observer que le théâtre de Délos peut difficilement être considéré comme représentatif d’une association entre une cavea et un bassin, compte tenu de la petite taille de ce dernier, sans commune mesure avec les bassins du théâtre de Pompéi et surtout les kolymbèthrai du Bas-Empire. Quoi qu’il en soit, G. Traversari estime que toutes ces installations attenantes à un temple permettaient d’assister à des spectacles liés aux cultes de l’eau, et ont aisément pu inspirer l’idée de réaliser un bassin dans le théâtre d’une cité pour y présenter des spectacles aquatiques de pur divertissement. Antioche, où existait un culte important à Atargatis, et où les hydromimes rencontrèrent par la suite tant de succès, lui paraît le site originel de cette innovation. Ils auraient ensuite rapidement gagné Rome. Le long voyage triomphal effectué par Titus en Orient à la suite de la Guerre Juive, marqué par de nombreux spectacles, pourrait nous inciter à aller dans ce sens : l’empereur aurait pu être témoin
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dans la capitale syrienne de mises en scène aquatiques qu’il aurait ensuite acclimatées à Rome lors des jeux de 80. Bassins et cavea théâtrales : les premières associations archéologiquement attestées Le théâtre de Pompéi et les spectacles aquatiques G. Traversari n’a pas négligé l’existence des bassins du théâtre de Pompéi. Bien au contraire, il fut le premier à démontrer leurs possibles rapports avec la diffusion en Italie des spectacles aquatiques, en remettant en cause les interprétations antérieurement avancées à leur sujet 46. Tout d’abord, reprenant la très juste remarque de A. Maiuri 47, il fait observer que l’hypothèse des sparsiones ne peut suffire à justifier la présence des plus vastes de ces bassins, retrouvés au milieu de l’orchestra. G. Traversari s’inscrit également en faux contre l’hypothèse qui faisait d’eux les réceptacles de fontaines. De fait, des peintures représentant des structures théâtrales imaginaires, comme celles de la Palestre, ne prouvent pas l’existence effective d’une fontaine sur la frons pulpiti du théâtre de la cité. Quant aux canalisations trouvées sous le pulpitum que G. Spano mettait en avant, G. Traversari nie tout simplement leur existence. Il est certain que ces vestiges, simplement signalés à l’époque de leur découverte, n’ont fait l’objet d’aucune étude présentant quelque précision scientifique. L. Richardson 48 toutefois les mentionne lui aussi et les considère comme une preuve de la présence de fontaines sur la frons pulpiti du Grand Théâtre. Les eaux auraient ensuite été recueillies par les différents bassins placés dans l’orchestra. Selon lui, dans les intervalles des spectacles, le théâtre fonctionnait comme un nymphée muni de gradins, où le public pouvait s’asseoir pour admirer la nappe d’eau et profiter de la fraîcheur dispensée par les fontaines 49. A. M. Bisi Ingrassia 50 interprète de la même manière le bassin rec-
G. Traversari, op. cit., p. 68-72. A. Maiuri, Introduzione allo studio di Pompei, II s., Napoli, 1944, p. 39. 48 L. Richardson Jr., Pompei. An Architectural History, Baltimore-London, John Hopkins University Press, 1988, p. 79. 49 Selon G. Spano (op. cit., p. 145) une telle interprétation n’est pas incompatible avec celle qui associait les installations hydrauliques aux sparsiones. Il cite en effet plusieurs textes selon lesquels il semblerait que les eaux parfumées étaient projetées dans le théâtre à partir du pulpitum. 50 A. M. Bisi Ingrassia, Napoli e dintorni, Roma, Newton Compton, 1981, p. 48-49. 46
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tangulaire retrouvé dans l’orchestra du théâtre du Pausilype 51. Quoi qu’il en soit, un aménagement en fontaine de la frons pulpiti ne serait nullement contradictoire avec la destination que G. Traversari attribue aux bassins du théâtre de Pompéi : accueillir des spectacles aquatiques. Le chercheur italien remarque en effet que deux de ces bassins, qui selon la chronologie de A. Mau portent les numéros 1 et 6, possédaient des dimensions et une profondeur suffisantes pour cela 52. Pour le premier bassin, une telle éventualité ne lui paraît pas exclue, malgré la datation syllanienne qu’il lui attribue après A. Mau 53, et qui le rend très nettement antérieur à toutes les mises en scène aquatiques attestées par les sources écrites. Les bassins suivants, notamment ceux qui portent les numéros 4 et 5, étaient de petite taille, et surtout de trop faible profondeur pour avoir accueilli des spectacles, même fort modestes. Mais leur association avec le bassin 2, proposée par A. Mau, permettrait d’écarter cette objection. Les bassins rectangulaires 3, 4 et 5 auraient alors successivement servi de premier réceptacle aux eaux du pulpitum, tandis que le bassin rond, plus vaste et plus profond, demeurait un élément de décor, voire le site momentané d’un spectacle. Il ne s’agit toutefois là que d’éventualités invérifiables. Mais surtout, G. Traversari a très justement fait observer la forme et l’orientation particulière du bassin no 6. Le fait que contrairement aux précédents, il soit non pas parallèle, mais perpendiculaire au bâtiment de scène, montre clairement que sa fonction essentielle n’était pas en rapport avec la frons pulpiti, dans l’éventualité où celle-ci aurait été ornée de fontaines. Les caractéristiques de ce bassin, qui l’opposent à tous ceux qui l’avaient précédé, le rapprochent en revanche de celui qui a été retrouvé dans l’orchestra du théâtre privé du Pausilype. Cette cavité était considérée comme un compluvium par H. Günther 54. Il n’est certes pas impossible qu’elle ait aussi été conçue comme une nappe d’eau agrémentant l’édifice dans les intervalles des spectacles. Mais il faut observer qu’elle se prolonge au-delà de la ligne où devrait en principe se trouver la frons pulpiti, ce qui semble exclure l’existence d’une estrade, même de
51 Voir la description de ce théâtre dans la documentation archéologique présentée en annexe. 52 Le bassin no 1 avait un diamètre de 7,10 m et une profondeur de 0,75 m. Le bassin no 6 mesurait 5,90 m × 3,90 m pour une profondeur de 1,65 m. 53 G. Traversari, op. cit., p. 70; A. Mau, Das Grosse Theater in Pompeji, in MDAI(R), XXI, 1906, p. 45-53. 54 R. T. Günther, Pausilypon, the imperial villa near Naples, Oxford, 1913, p. 47.
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bois. Dès lors, il est très probable que les représentations se soient déroulées dans l’orchestra même et dans le bassin qui en était le centre 55. Une fois admise la présentation de spectacles aquatiques dans le théâtre du Pausilype, la même interprétation est envisageable pour le bassin no 6, presque identique, du théâtre de Pompéi. G. Traversari, après A. Mau, situe sous le Principat le creusement du bassin no 6 de Pompéi. En revanche L. Richardson 56 considère que le bassin no 1 ne peut être antérieur à la création de l’aqueduc de la ville, d’époque augustéenne. Le bassin no 6 doit alors être rattaché à l’époque julio-claudienne, puisqu’il est en tous les cas antérieur au tremblement de terre de 63. Or, de la même manière, le bassin du théâtre du Pausilype est unanimement daté entre le règne d’Auguste et la fin de l’époque julio-claudienne. Il est donc clair que le bassin no 6 et celui du théâtre du Pausilype furent étroitement contemporains, l’un ayant dû être le modèle de l’autre. À l’époque augustéenne, et à plus forte raison quelques décennies plus tard, combats navals et chasses aquatiques avaient déjà fait leur apparition à Rome, grâce à une série d’installations provisoires ou permanentes, notamment les naumachies. C’est également entre le règne d’Auguste et la fin de l’ère julio-claudienne que furent créés en province, notamment à Mérida et à Vérone, des bassins d’amphithéâtre. Toutes ces installations étaient rectangulaires. Il donc possible que la forme des deux bassins qui nous occupent, peu adaptée au demi-cercle d’une orchestra, soit due au modèle des grandes structures de spectacle de Rome et non à celui des bassins cultuels des sanctuaires syriens. Le comblement du bassin no 6 est unanimement daté du tremblement de terre de 63. Dans la mesure où elle fut probablement due à une rupture prolongée de l’alimentation en eau du théâtre, cette suppression, à une époque où les spectacles aquatiques se développaient dans la capitale, n’est pas un obstacle à l’hypothèse de G. Traversari. Qu’on accepte la datation relativement haute de G. Traversari, ou celle un peu plus basse de L. Richardson, les installations de Pompéi et celle du Pausilype se situent en tout cas avant la construction du théâtre de Daphné, datable au plus tôt de l’époque flavienne. G. Traversari, qui étudie les deux théâtres campaniens dans un chapitre intitulé : «Probabili precedenti della colimbetra teatrale», n’a pas vu dans ce rapport chronologique un obstacle à sa théorie d’une 55 Même si sa faible profondeur le rendait moins praticable pour la nage, bien des scènes de thème aquatique étaient susceptibles d’y être présentées. Selon G. Traversari, les mortaises qui entouraient ce bassin étaient destinées à des pieux soutenant des décors. 56 L. Richardson, op. cit., p. 218.
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THÉÂTRES ET AMPHITHÉÂTRES ADAPTÉS À LÀ MISE EN EAU
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origine syrienne des hydromimes puisque selon lui, nous l’avons vu, le théâtre de Daphné possédait des modèles locaux, probablement à Antioche même. Le théâtre de Daphné et les «théâtres-nymphées» de Campanie Rappelons cependant à nouveau les conclusions d’E. Frézouls sur la diffusion tardive de l’architecture théâtrale en Syrie et les difficultés rencontrées pour faire du «nymphée du proskenion» du théâtre d’Antioche un modèle pour les bassins du théâtre de Pompéi. Quant aux installations cultuelles qu’évoque le chercheur italien, elles semblent moins proches des structures retrouvées à Daphné et des théâtres à kolymbèthra du Bas-Empire que ne le sont les théâtres de Pompéi et du Pausilype eux-mêmes, mais aussi d’autres édifices campaniens associant également un bassin à une cavea, ou du moins à un hémicycle inspiré par l’architecture théâtrale. Il s’agit notamment du «théâtre-nymphée» des thermes de Sosandra à Baïes et du petit théâtre de Bacoli, ultérieurement adapté à la mise en eau. Le premier 57, avec ses salles rayonnantes couvertes de voûtes, entourant un espace central semi-elliptique dont un bassin rond occupait le centre, avait véritablement la forme d’un petit théâtre destiné aux spectacles aquatiques. Observons toutefois que le bassin, de très petite taille et peu profond, n’aurait pu accueillir les évolutions de nageurs, qu’il n’y a pas de bâtiment scénique et que l’hémicycle ne conserve pas de traces de gradins. Les avis sont donc fort partagés sur la destination de cette installation. S. De Caro et A. Greco 58 pensent qu’elle a dû accueillir de modestes représentations de mime et des auditions musicales. Il s’y s’ajoutait peut-être des numéros de dressage, comme la présentation de phoques savants qu’évoque Pline (IX, 41). A. Ianiro 59 est plus sceptique sur cette éventualité. G. Traversari 60, quant à lui, considère que la piscine se trouve trop près de l’hémicycle pour qu’on puisse voir commodément, ce qui ne semble pas évident toutefois sur le terrain. Quoi qu’il en soit, il s’agit de l’une des plus anciennes structures connues associant un bassin à une construction affectant la forme d’une cavea théâtrale. Cette partie des thermes de Sosandra est en effet unanimement datée de l’époque julio-claudienne. Quant au théâtre de Bacoli 61, sa transformation en fontaine par 57 Voir la description de cet édifice dans la documentation archéologique annexe. 58 Campania, Bari, 1981, p. 58-59. 59 A. Ianiro, in TGR, II, p. 399. 60 G. Traversari, op. cit., p. 71, n. 2. 61 Voir la description de ce théâtre dans la documentation archéologique annexe.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ET LEURS SITES D’ACCUEIL
la suppression des deux maeniana inférieurs ne mit peut-être pas fin à son utilisation pour des spectacles, puisque les gradins de la summa cavea restaient utilisables. A. Maiuri définissait cet édifice comme «un de ces exèdres-nymphées à hémicycle qui avaient la caractéristique d’être liés à une étendue d’eau, douce ou salée, pour contempler des spectacles» 62. Selon I. Ianiro 63, l’aménagement du théâtre en nymphée à exèdre ne lui fit pas perdre sa fonction originelle : mimes et auditions musicales purent continuer à y être présentés. On voit mal dans ce cas quels spectacles auraient mieux convenu au nouvel aménagement que des spectacles aquatiques. La transformation du théâtre est située vers la fin du Ier s. av. J.-C. Elle est donc légèrement antérieure aux installations de Daphné, ou contemporaine. Un certain nombre d’autres fontaines, regroupées par W. Letzner 64 sous le terme de «Fontaines-Cavea» (Cavea-Brunnen) s’inspirèrent également de ce principe à la même époque, comme le soidisant auditorium de Mécène à Rome, ou la fontaine en hémicycle de la villa du Pausilype, de l’époque d’Auguste ou de Tibère. Dans ces deux exemples, l’eau devait ruisseler sur les gradins et toute utilisation pour les spectacles aquatiques est exclue. Mais on voit qu’ils se situent encore l’un à Rome, l’autre en Campanie. Une fontaine du même type fut également réalisée par Hérode à Jéricho, de toute évidence sur le modèle romain, si présent dans les programmes édilitaires de ce roi 65. Revenons à présent sur les précoces installations hydrauliques du théâtre de Daphné 66, l’un des points de départ de G. Traversari pour la formulation de son hypothèse. Sur le site, seul un large conduit destiné à amener au centre de l’orchestra une masse d’eau importante témoigne de l’adaptation du monument aux spectacles aquatiques. Le bassin, en effet, a totalement disparu. On sait seulement qu’il ne fut pas creusé dans le sol, ce qui a incité D. N. Wilber 67
62 A. Maiuri, Il teatro-ninfeo detto «sepolcro di Agrippina» a Bàcoli, in Anthemon. Scritti di archeologia e di antichità classiche in onore di C. Anti, Firenze, Sansoni, 1955, (p. 263-271) p. 271. 63 I. Ianiro, in TGR, II, p. 397. 64 W. Letzner, Römische Brunnen und Nymphaea in der Westlichen Reichshälfte, Carybdis 2, Münster, 1990, p. 197-199. 65 Les autres fontaines à gradins répertoriées, comme le grand nymphée de Zaghouan, ou le Ninfeo del Palazzo de la villa Hadriana, ont des situations géographiques plus diverses. Mais elles sont toutes postérieures au Ier s. ap. J.-C., et ne jouent donc pas un rôle important dans notre problématique. 66 Voir la description de ce théâtre dans la documentation archéologique annexe. 67 Ibidem, p. 61 et 82-83.
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THÉÂTRES ET AMPHITHÉÂTRES ADAPTÉS À LÀ MISE EN EAU
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et G. Traversari 68 à l’imaginer sur le modèle des piscines théâtrales du Bas-Empire. Selon eux, la totalité de l’orchestra était mise en eau. D. N. Wilber appuyait sa théorie notamment sur le fait que le seul conduit d’évacuation susceptible d’assurer la vidange du bassin était le caniveau courant au pied de la cavea. Il lui paraissait donc nécessaire que le bassin l’ait englobé. Cependant, l’exemple du théâtre d’Argos montre qu’un bassin plus petit, délimité par un mur courant deux ou trois mètres devant le caniveau périphérique, pouvait parfaitement s’écouler dans ce dernier. Il suffisait pour cela d’un trou ménagé à la base de l’une des extrémités du muret, le plus près possible de l’endroit où le caniveau, prenant de la profondeur, devenait rectiligne pour évacuer les eaux sous le bâtiment de scène, puis hors du théâtre. On peut ajouter que même au Bas-Empire, les piscines théâtrales étendues à toute l’orchestra furent relativement rares en comparaison de celles qui n’occupaient qu’une partie de l’espace disponible. Doit-on en conclure que le mur qui devait délimiter le bassin du théâtre de Daphné décrivait un demi-cercle pour venir se souder à la frons pulpiti, comme dans la plupart des exemples connus pour le Bas-Empire? Compte tenu de la distance chronologique qui sépare ces derniers de l’époque où fut réalisé le théâtre de Daphné, ce modèle n’est pas non plus le seul qui soit susceptible d’être proposé. En réalité, rien dans l’état actuel des vestiges ne permet d’éliminer l’hypothèse d’une kolymbèthra placée au centre de l’orchestra. Au contraire, la position centrale du conduit d’alimentation, sans équivalent connu au Bas-Empire, plaide en sa faveur. La situation du bassin aurait alors été analogue à celle des bassins les plus vastes du théâtre de Pompéi, tandis que sa construction en élévation le rapprochait des piscines théâtrales plus tardives. De telles caractéristiques conviendraient parfaitement à sa situation chronologique intermédiaire entre tous les édifices campaniens précédemment évoqués et les théâtres à kolymbèthra des trois derniers siècles de l’empire. Conclusion Si on s’en tient, comme c’était ici notre propos, à une réflexion sur les structures architecturales, il convient d’admettre qu’en dehors de quelques installations de caractère cultuel, les édifices les plus anciens susceptibles d’avoir accueilli des spectacles aquatiques sont les théâtres de Pompéi et du Pausilype. D’autres associations d’un bassin et d’une cavea ou d’un hémicycle, qui s’en inspirait, sont 68
Ibidem, p. 26-27.
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en outre attestées en Campanie pour l’époque julio-claudienne. Quant au théâtre de Daphné, s’il reste à notre connaissance le premier à avoir possédé une véritable kolymbèthra, au sens que G. Traversari donne à ce terme, il pourrait simplement représenter l’aboutissement d’une recherche sur les techniques de mise en eau des structures théâtrales dont les premières étapes s’étaient déroulées ailleurs. Ces constatations peuvent suggérer, pour l’origine des hydromimes eux-mêmes, une hypothèse totalement différente de celle de G. Traversari. Cependant cette dernière, au-delà de la mise en rapport de certaines installations cultuelles avec les théâtres profanes munis d’un bassin, repose essentiellement sur l’établissement d’un lien de filiation entre les rites aquatiques qu’accueillaient les uns et les spectacles pour lesquels les autres furent conçus. Le choix définitif entre les deux origines géographiques possibles des hydromimes ne peut donc s’opérer que par une réflexion sortant du domaine strictement archéologique. LES
AMPHITHÉÂTRES MUNIS DE BASSINS
À l’époque même où s’ébauchait l’association entre bassin et cavea théâtrale, quelques amphithéâtres furent dotés d’installations qui ont été également rapprochées des spectacles aquatiques. Les propositions avancées sur ce point par J.-C. Golvin 69 ont toutefois été contestées par d’autres chercheurs. Compte tenu du caractère incertain de ces hypothèses, avant toute tentative pour établir une typologie des amphithéâtres munis de bassins, il convient donc de revenir sur les arguments développés pour chacun de ces monuments. Quelques hypothèses peu crédibles Bassin ou desserte souterraine? Pour la plupart des installations souterraines concernées, J.-C. Golvin se contente de proposer leur identification comme un bassin, sans d’ailleurs affirmer que des spectacles y aient jamais été présen69 J.-C. Golvin, L’amphithéâtre romain, Essai sur la théorisation de sa forme et de ses fonctions, Paris, de Boccard, 1988, p. 334-336. Comme nous le signalons également dans l’introduction de la documentation archéologique annexe, seuls les édifices où J.-C. Golvin a envisagé la présence d’un bassin ont été retenus par notre recherche. Les amphithéâtres de Capoue et de Pouzzoles, qu’il écarte de façon argumentée, n’ont donc pas été étudiés, dans la mesure où aucune publication plus récente ne permet de revenir sur cette réfutation.
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tés. En effet, ainsi qu’il le souligne, les fosses découvertes au centre de certaines arènes, reliées à une ou plusieurs galeries, sont susceptibles de plusieurs interprétations différentes. En premier lieu, on sait que ces fosses correspondaient le plus souvent à des pièces de service souterraines, recouvertes d’un plancher et destinées à rassembler juste avant le début du spectacle hors de vue du public, protagonistes et décors. Des monte-charges et des trappes s’ouvrant dans le plancher de l’arène assuraient le passage à la surface des gladiateurs et des fauves. D’autres machines, ou pegmata, permettaient également de faire surgir du sol des décors, tels qu’une forêt d’arbousier, ou une montagne 70. Des traces de ces divers dispositifs ont d’ailleurs été retrouvés dans les pièces souterraines de plusieurs amphithéâtres 71. Les installations hypogées purent parfois être étendues à toute l’arène. En dehors de l’exemple bien connu représenté par l’amphithéâtre Flavien, ce fut le cas à Pouzzoles, Capoue, Arles et Tusculum 72. L’espace souterrain devenait alors un véritable réseau de galeries et de pièces de service. Mais le plus souvent, le sous-sol était représenté par un seule pièce de forme quadrangulaire, rectangulaire ou cruciforme, ou de deux ou trois petites pièces reliées par un corridor. J.-C. Golvin en a dressé la liste, en soulignant leurs caractéristiques principales 73. Dans cette liste ne figurent pas les installations souterraines de l’amphithéâtre de Lucera, identifiées par J.-C. Golvin comme un dispositif destiné aux spectacles aquatiques. Elles se présentaient sous la forme de trois petites pièces rectangulaires, reliées par une galerie suivant le petit axe de l’arène. J.-C. Golvin propose d’y voir trois bassins reliés par un conduit d’alimentation axial, communiquant luimême avec le caniveau périphérique de l’arène qui recueillait les eaux pluviales. L’alimentation principale aurait été représentée par un conduit suivant la moitié Est du grand axe du monument. Or, si on se réfère aux observations faites par F. Schettini 74 lors des fouilles du monument à la fin des années 30, les caractéristiques de ces installations les rapprochent davantage de pièces de service souterraines abritant monte-charges et pegmata. En effet, F. SchettiCalp., VII, 68-69; Mart., Spect., XXI. À Nîmes par exemple, ont été retrouvés des contrepoids qui permettaient de faire monter les ascenseurs. À Colonia Ulpia Trajana, outre des contrepoids semblables, on a découvert quelques poutres portant des mortaises, vestiges d’une ancienne machine. À Lambèse et au grand amphithéâtre de Thysdrus, ce sont les socles de pierre où s’encastraient jadis les pièces de bois constituant le monte-charge qui témoignent de la présence d’une telle installation (J.-C. Golvin, op. cit., p. 331). 72 Ibidem, p. 330-333. 73 Ibidem. 74 F. Schettini, L’anfiteatro augusteo di Lucera, in Iapigia, XIV, 1945, p. 3-33. 70 71
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ni affirme que la ligne de partage des eaux, pour la pente du caniveau périphérique, se faisait au niveau du petit axe de l’arène. L’eau suivait donc une pente inverse à celle qu’elle aurait dû suivre pour alimenter directement le conduit axial et les trois bassins supposés. En outre, toujours selon l’archéologue italien 75, le canal qui passait sous l’arène en suivant son axe majeur, bien loin de limiter son parcours à la moitié Est de celle-ci en aboutissant au système de fosses relevé au centre, se prolongeait aussi sur sa partie Ouest. Il traversait en fait le corridor reliant les trois fosses sur un petit pont de 1,85 m de large, réalisé un peu au-dessous ce qui devait être le niveau de la couverture de l’hypogée. Il continuait ensuite son parcours axial, traversait la zone de la cavea sous le corridor d’accès Ouest à l’arène et sortait enfin du monument, adoptant une direction Nord-Nord-Est. Son point d’aboutissement n’a pas été retrouvé, mais il est probable qu’il devait simplement se perdre dans la campagne. Ce canal était donc un simple collecteur des eaux pluviales. Sans communication avec les fosses, il n’était pas destiné à les alimenter en eau. Surtout, il faut faire observer que les corridors d’accès à l’arène situés sur le petit axe aboutissaient à deux portes. L’une, frontale, s’ouvrait sur un escalier qui montait au podium, tandis que la seconde, latérale, était celle d’un petit corridor coudé. Ce dernier selon F. Schettini descendait vers la galerie centrale reliant les fosses et y débouchait. De fait, sur le plan du monument, tel qu’il est présenté par J.-C. Golvin lui-même 76, il apparaît nettement que la galerie hypogée se trouve exactement dans l’axe du corridor coudé, aussi bien d’un côté que de l’autre. Les trois fosses rectangulaires constituaient donc des pièces de service souterraines, destinées aux décors et aux cages des fauves et la galerie qui les traversait était un corridor de desserte. Les mêmes conclusions s’imposent en ce qui concerne la fosse centrale de l’amphithéâtre d’Ulpia Traiana Sarmizegetusa. Elle n’était desservie que par un seul conduit, ce qui rend dès l’abord difficile son interprétation comme un bassin, qui devait posséder une adduction d’eau et un conduit d’évacuation. Ni la profondeur de cette fosse ni la direction de la pente du conduit ne sont mentionnées par J.-C. Golvin ou par les autres publications accessibles sur le monument 77. Néanmoins, d’après le plan des installations souterraines et la reconstitution en perspective axonométrique qu’en ont
Ibidem, p. 15-17. J.-C. Golvin, op. cit., pl. VIII, 5. 77 J.-C. Golvin, op. cit., p. 129-130, no 110 Sur les autres publications, voir la documentation archéologique annexe. 75
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donnée D. Rus et D. Alicu 78, il apparaît que la largeur du conduit équivaut à environ la moitié de celle de la fosse centrale (fig. 19). Puisque cette dernière ne mesure que 6,50 m × 4 m, le conduit luimême devait être large d’environ 2 m. Un tel rapport de proportion correspondrait mieux à un corridor de desserte associé à une petite pièce de service qu’à une conduite d’eau destinée à un bassin. Il faut toutefois noter que C. Daioviciu 79 y voit quant à lui un dispositif de drainage des eaux pluviales. Bassin ou dispositif de drainage? De fait, la réalisation au centre de l’arène d’un puits perdu destiné à évacuer par infiltrations les eaux de ruissellement a été relevée dans certains amphithéâtres, par exemple à Senlis 80, et à Toulouse 81. À Senlis, les deux puits mesuraient 1,80 m de diamètre, pour une profondeur de 7 m. À Toulouse, où le puits était d’une facture plus rudimentaire encore, de petits drains ménagés sur le sol de l’arène permettaient d’y faire aboutir les eaux pluviales. Dans les deux cas, il s’agit d’amphithéâtres à cavea creusée ou supportée par des remblais continus, donc de construction plus économique et plus rudimentaire. Or, on peut se demander si les installations souterraines un peu plus élaborées relevées dans l’arène des amphithéâtres d’Aquincum et de Carnuntum ne représenteraient pas simplement elles aussi un dispositif d’évacuation des eaux pluviales. Pour commencer, la fosse centrale de l’amphithéâtre militaire de Carnuntum avait une profondeur de 4 m, ce qui était très important en regard de sa surface réduite, de 8 × 6 m. Dans le cas où cette fosse centrale aurait été utilisée pour des spectacles aquatiques, une telle profondeur aurait été inutile, et même gênante. Par ailleurs, elle n’était desservie que par une étroite canalisation reliée au caniveau périphérique de l’arène et à un égout passant sous le petit axe Nord de cette dernière. Faute de galerie d’accès, il est impossible de considérer cette fosse comme une pièce de service souterraine. Si on 78 D. Rus et D. Alicu, Essai de reconstitution de l’amphithéâtre de Ulpia Trajana Sarmizegetusa, in La politique édilitaire dans les provinces de l’Empire romain [Actes du 1er Colloque Roumano-Suisse, Deva, 1991], Cluj-Napoca, 1993, (p. 123126), fig. 2. 79 C. Daioviciu, Ulpia Traiana, Sarmizegetusa în lumina Sapaturilor, in AC MIT, IV, 1932-38, (p. 353-415) p. 399-402. 80 J.-C. Golvin, op. cit., p. 81-82; no 21. 81 C. Domergue, M. Fincker et J.-M. Pailler, L’amphithéâtre de Purpan. Esquisse d’étude architecturale et problèmes de chronologie, in Spectacula. Gladiateurs et amphithéâtres [Actes du colloque tenu à Toulouse et à Lattes les 26-29 mai 1987], Paris, Imago, 1990, (p. 63-76) p. 64.
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exclut également son interprétation comme un bassin, reste l’hypothèse d’une fosse de drainage, destinée à collecter les eaux pluviales et à réguler leur écoulement. Les mêmes hypothèses peuvent être avancées pour la fosse centrale de l’amphithéâtre civil de Carnuntum. Il s’agissait certainement d’une installation fort modeste. En effet, elle n’a laissé que peu de traces, ce qui convient mieux à un dispositif de drainage rudimentaire qu’à une pièce souterraine destinée aux machines ou à un bassin, qui nécessitaient l’une comme l’autre une construction plus soignée. À Aquincum enfin, le bassin central, d’une surface de 9,40 × 8,40 m et profond de 6 m, était relié à l’euripe périphérique de l’arène par des caniveaux doubles d’à peine 50 cm de large. L’étroitesse de ces conduits, l’absence de toute maçonnerie au fond de la fosse permettent d’identifier cette dernière, ici sans hésitation, comme un puits perdu destiné à évacuer les eaux pluviales. Qu’il s’agisse de l’amphithéâtre d’Ulpia Trajana ou de ceux d’Aquincum et de Carnuntum, nous nous trouvons devant des constructions assez rudimentaires. Bien que ces édifices datent d’une époque où l’architecture romaine maîtrisait parfaitement le principe des grands amphithéâtres à structure creuse, ils ont été réalisés sur des substructions pleines, avec les matériaux locaux et une utilisation assez abondante du bois, par exemple pour les gradins de l’amphithéâtre militaire de Carnuntum. Il serait donc également assez peu plausible que ces édifices des régions frontalières, aussi destinés à l’entraînement des troupes dans le cas des amphithéâtres militaires, aient comporté ces installations plus raffinées et relativement rares qu’étaient les souterrains destinés aux pegmata 82 et plus encore un bassin accueillant des spectacles aquatiques. Les exemples les mieux attestés L’amphithéâtre de Vérone Les deux amphithéâtres pour lesquels J.-C. Golvin se montre le plus affirmatif touchant la présence d’un bassin au centre de l’arène sont ceux de Vérone et de Mérida. 82 Comme on le constate d’après la nomenclature de J.-C. Golvin (op. cit., p. 332), l’installation de pièces de service souterraines se relève essentiellement dans les amphithéâtres de cités importantes et surtout moins excentrées. Les rares exceptions à cette règle concernent généralement des amphithéâtres qui malgré leur petite taille possédaient une certaine monumentalité, comme celui de Libarna en Ligurie.
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Dans son étude de l’amphithéâtre de Vérone 83, A. Pompei considère les deux conduits qui suivaient le grand axe comme des galeries d’accès à la fosse centrale, en se basant sur leur largeur importante. La fosse centrale elle-même devrait alors être interprétée comme une pièce de service souterraine. Toutefois, quelle que soit leur forme et leur ampleur, la profondeur habituelle de ces hypogées, d’après les chiffres fournis par J.-C. Golvin 84, se situe entre 2,20 m et 6,70 m, le plus souvent autour de 3 m. Par conséquent, qu’elle ait été profonde de 2 m, comme l’affirme L. Franzoni 85, ou qu’elle ait été légèrement inférieure à la stature d’un homme debout, comme le pense J.-C. Golvin d’après une photographie prise un peu avant sa couverture, la fosse centrale de l’amphithéâtre de Vérone était nettement inférieure à la profondeur moyenne des pièces de service souterraines connues. Il est donc assez improbable qu’elle ait été destinée, du moins originellement, à un tel usage. Il serait en effet difficile d’expliquer pourquoi ses concepteurs auraient choisi de lui donner dès l’origine une profondeur tout juste suffisante, voire incommode, pour la circulation du personnel de service de l’arène. Sans se prononcer nettement sur la fonction de cette fosse centrale, F. Coarelli 86 ne fait aucune distinction entre le conduit axial de la travée 1 et celui de la travée 37. Il s’agirait de deux égouts reliés aux caniveaux circulant sous les galeries concentriques du monument. En fonction des résultats apportés par l’exploration sur une centaine de mètres du conduit axial Est, qui se dirigeait manifestement vers l’Adige, ces conduits paraissent globalement destinés à évacuer vers le fleuve les eaux pluviales. Toutefois, sur un plan en coupe de G. B. Giuliari 87, réalisé peu de temps après la fouille du monument en 1817, on relève une différence importante entre le conduit axial Ouest et celui de l’Est. Le premier en effet circule immédiatement sous le pavement de la galerie d’accès à l’arène, et en suit la déclivité vers l’intérieur, jusqu’à rejoindre le bassin. Le conduit Est en revanche possède un tracé à peu près horizontal, de sorte qu’il circule de plus en plus profondément sous la galerie d’accès. Le conduit axial Ouest amenait donc vers la fosse centrale les eaux que le conduit Est évacuait vers l’Adige. Or, toujours d’après les plans fournis par G. B. Giuliari, ces eaux ne
A. Pompei, Studi intorno all’anfiteatro di Verona, Verona, 1877, p. 100. J.-C. Golvin, op. cit., p. 332. 85 L. Franzoni, Verona. Testimonianze archeologiche, Verona, Ed. di Vita Veronese, 1965, p. 78. 86 F. Coarelli et L. Franzoni, L’Arena di Verona : venti secoli di storia, Verona, 1972, p. 23-24. 87 Redonné par F. Coarelli et L. Franzoni dans L’Arena di Verona, p. 114. 83
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pouvaient être celle des égouts circulant sous les galeries annulaires, puisque ces derniers s’interrompaient sur le passage du conduit axial. Dès lors, le conduit axial Ouest doit être considéré non comme un drain d’évacuation des eaux pluviales, mais comme un aqueduc, alimenté par un réseau hydraulique extérieur au théâtre. D’après les plans de G. B. Giuliari, la fosse centrale de l’amphithéâtre de Vérone ne peut donc être qu’un bassin, alimenté par le conduit axial Ouest et vidangé par le conduit Est, la pente du bassin lui-même facilitant cette circulation de l’eau. Seules manquent à ce faisceau d’indices concordants la présence d’un escalier d’accès au bassin, et celle d’un revêtement d’opus signinum sur ses parois. Du moins ces éléments ne sont-ils mentionnés par aucune des publications existantes. Mais la fosse possédait un dallage de pierre qui était sans doute suffisant pour assurer une bonne étanchéité 88. Il est possible en outre, si la profondeur de la fosse atteignait bien les 2 m, qu’elle ait pu également servir de pièce de service souterraine, quand aucun spectacle aquatique n’était prévu. Dans le cas contraire, seuls les couloirs correspondant aux travées 4, 34, 40 et 70 assuraient l’accès à l’arène des gladiateurs, des bestiaires et des fauves. En faveur d’une adaptation de l’amphithéâtre de Vérone aux spectacles aquatiques, il est également possible d’invoquer une inscription complète 89, découverte au milieu de l’arène : NOMINE Q. DOMITII ALPINI LICINIÀ . MATER SIGNUM . DIANAE ET UENATIONEM ET . SALIENTES T. F. I. 90
On sait ainsi qu’une riche dame laissa à sa mort, au nom de son fils, une somme destinée à la réalisation d’une statue de Diane, d’une uenatio et de salientes. Le site de la découverte, la mention de la uenatio et de la statue de Diane, déesse associée à ce type de spectacle, incitent à supposer que les salientes ont eu aussi un rapport avec l’amphithéâtre. L’imprécision du terme, qui peut se traduire par «eaux jaillissantes», laisse la place à plusieurs éventualités. Comme le propose J.-C. Golvin 91, il pourrait s’agir d’un dispositif destiné à des sparsiones, d’une simple fontaine aménagée à proximité du monument, mais aussi d’une conduite chargée d’amener une eau cou-
L. Franzoni, op. cit. CIL V, 3222. 90 = testamento fieri iussit. 91 J.-C. Golvin, op. cit., p. 169, n. 96. 88
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rante jusqu’à l’arène. Quoi qu’il en soit, cette inscription atteste la présence d’une arrivée d’eau dans l’amphithéâtre. Or, une canalisation de plomb a été retrouvée près de la porta Borsari, à laquelle précisément l’entrée axiale Ouest de l’amphithéâtre faisait face, à moins de 80 m de distance. Il est probable que le conduit d’alimentation du bassin, qui passait sous cette entrée Ouest, était connecté à cette canalisation. Dans la mesure où l’amphithéâtre est daté de la première moitié du Ier s. ap. J.-C. et où les canalisations desservant le bassin sont considérées par F. Coarelli 92, d’après le type de maçonnerie employé, comme contemporaines du premier état du monument, il n’y a aucune raison de ne pas dater le bassin de la même manière. L’amphithéâtre de Mérida Dans l’amphithéâtre de Mérida également, une grande fosse reliée à des conduits axiaux a été retrouvée au centre de l’arène. La première fouille du monument fut effectuée au début du siècle par J. R. Mélida. Celui-ci fait observer qu’à une exception près, tous les ouvrages antérieurs à ses propres travaux avaient identifié l’édifice non comme un amphithéâtre, mais comme une naumachie 93, analogue à celles de Rome. L’initiateur de cette erreur d’interprétation fut le cosmographe portugais G. Barreiros à la suite de sa visite de Mérida en 1546 94. Il imagina un bassin elliptique, rempli grâce à «des aqueducs et des conduits dont on voit des vestiges». Au XVIIIe siècle encore, la cavea devait être nettement mieux conservée qu’elle ne l’était un siècle plus tard seulement. Un manuscrit de cette époque 95 signale en effet des gradins intacts au-dessus de la seconde praecinctio. De même, un plan du monument datant de 1806 y signale les 16 entrées que compte effectivement l’édifice. Or, certains humanistes ou antiquaires des XVIIIe -XIXe s. ont évoqué des conduites d’eau qui «depuis le haut des gradins descendaient jusqu’en bas» 96. Le manuscrit déjà évoqué décrit aussi des tuyaux passant sous le premier gradin au-dessus de la seconde praecinctio,
F. Coarelli, op. cit., p. 24. Pour la liste des ouvrages suivant cette interprétation, voir J. R. Mélida, El anfiteatro romano de Mérida, in MJSEA, 2, Memoria de las excavaciones practicadas en 1916-1918, Madrid, 1919, (p. 1-36) p. 7-8. 94 Chorographia de algunas lugares que stam em hum caminho, que fer Gaspar Barreiros o anno de MDXXXVI começa˜do na cidade de Badajoe em Castella, te a de Milam en Italia, 1561, fol. 27. 95 Colección Valdeflores, t. XXV, pliego 14. 96 J. A. Ceán Bermùdez, Sumario de las antigüedades romanas que hay en España, Madrid, 1832, p. 388. 92
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seule visible à l’époque, et les interprète comme ceux qui alimentaient la naumachie. J. R. Mélida, dans le compte-rendu des fouilles qui lui ont permis de reconnaître en cet édifice un amphithéâtre, s’est attaché à détruire le mythe de la «naumachie» de Mérida. Il nie en particulier l’existence de toute adduction d’eau vers l’édifice. Selon lui, la proximité de deux des aqueducs de la ville, qui aboutissaient effectivement non loin de là, serait la cause de l’erreur des voyageurs et des antiquaires de la Renaissance 97. Quant aux conduits relevés un peu plus tard sous la cavea, l’archéologue espagnol les identifie comme de simples canaux de drainage 98. De fait, il a découvert sous certains des moellons sur lesquels reposait le premier rang de gradins et au niveau de la seconde praecinctio de petits conduits qui devaient faciliter l’évacuation sous les sièges des eaux de ruissellement de la cavea. Ils étaient reliés au réseau d’évacuation souterrain du monument. Cependant, pour souligner à quel point étaient ancrées les croyances qui faisaient de ces ruines celles d’un monument des eaux, l’archéologue espagnol ajoute qu’une très ancienne tradition populaire, qui circulait encore de son temps, désignait l’amphithéâtre sous le nom de «bain de la reine Maure» 99. Or, les toponymes d’origine médiévale sont parfois riches d’enseignement pour l’identification des monuments antiques. Le terme de «bain» suggère l’idée qu’à l’époque où se forgea cette appellation, les liens du monument avec l’eau ne s’étaient pas encore effacés des mémoires. Ce détail va donc à l’encontre des autres indices que J. R. Mélida était parvenu à réfuter. Par ailleurs, l’interprétation par J. R. Mélida de la fosse centrale de l’arène comme une pièce de service souterraine100 n’emporte guère la conviction. La succession de plusieurs phases dans la configuration de cette fosse lui avait échappée. Or, J.-C. Golvin101 fait très justement remarquer que la profondeur de l’excavation dans sa deuxième phase, de 1,25 m, ou 1,50 m tout au plus, était incompatible avec la fonction proposée par J. R. Mélida. Il s’agit donc d’une installation hydraulique. En outre, le revêtement étanche de ce bassin peu profond interdit de l’interpréter comme un puits perdu pour
J. R. Mélida, op. cit., p. 7. Ibidem, p. 23. 99 Ibidem, p. 9. 100 Ibidem, p. 30. 101 J.-C. Golvin, op. cit., p. 110 et 335. Voir aussi J.-C. Golvin et M. Reddé, Naumachies, jeux nautiques et amphithéâtres in Spectacula I. Gladiateurs et amphithéâtres, Lattes, 1990, p. 168-169. 97
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le drainage des eaux. Enfin, si ce bassin était simplement destiné à orner l’arène tout en recueillant les eaux de ruissellement, comme une sorte d’impluvium, on ne comprendrait pas la raison d’être des escaliers qui y descendaient. Ces marches très raides, qui rendaient la fosse directement accessible depuis le sol de l’arène, sont comparées par J.-C. Golvin à celles des piscines des thermes. On doit donc admettre qu’il ne peut s’agir que d’une installation destinée aux spectacles aquatiques. Il reste alors à résoudre la question de son alimentation en eau. La mise en évidence d’un bassin central dans l’arène de l’amphithéâtre amène à s’interroger sur les témoignages des siècles passés, écartés par J. R. Mélida. La légende de la naumachie de Mérida n’a pu naître de la présence d’une fosse au centre de l’arène. Celle-ci en effet était sans doute totalement invisible à la Renaissance : à l’époque où commencèrent les fouilles, entre 1915 et 1920, l’arène ellemême était si largement comblée qu’elle se présentait sous l’aspect d’une dépression centrale, devenue un espace de culture102. Cette constatation, jointe au nom de «bain de la reine maure» donné à l’édifice dans la tradition populaire, peut inciter à penser qu’une connexion de l’édifice au réseau hydraulique de la ville était effectivement visible quelques siècles avant les fouilles de Mélida. Quoi qu’il en soit, les descriptions anciennes de ces installations, dont l’archéologue espagnol soulignait à juste titre le caractère douteux et imprécis, devaient nécessairement être relayées par les hypothèses des chercheurs modernes. Selon J. C. Golvin, le conduit Ouest situé sous le petit axe du monument aurait pu assurer l’alimentation en eau, tandis que les deux autres, circulant sous le grand axe, auraient assuré la vidange du bassin. Pourtant, on sait depuis les fouilles de J. R. Mélida que ce conduit Ouest, d’ailleurs plus profond que le niveau du sol de la seconde fosse, était prolongé par un égout qui descendait au fleuve, ce qui paraît incompatible avec une fonction de canal d’alimentation. En réalité, comme le soulignent notamment M. Bendala Galán et R. Durán Cabello103, l’état actuel des publications sur ce monument, qui n’a jamais fait l’objet d’une monographie, ne permet pas de répondre à cette question de manière définitive. De nouvelles fouilles seraient nécessaires pour attester pleinement la fonction de chaque conduit.
102 J. R. Mélida, op. cit., p. 11; M. Bendala Galán et R. Durán Cabello, El anfiteatro de Augusta Emerita : rasgos arquitectónicos y problemática urbanística y cronológica, in El Anfiteatro en la Hispania romana [Coloquio internacional, Mérida, 26-28 de Noviembre 1992], Mérida 1995 (p. 247-264) p. 247. 103 M. Bendala Galán et R. Durán Cabello, op. cit., p. 251.
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Il semble néanmoins possible de formuler une hypothèse, née de la comparaison déjà suggérée par J.-C. Golvin entre les installations hypogées de l’arène de Mérida et celles de Vérone. Dans les deux cas en effet, il s’agit d’un bassin de dimensions et de forme analogues, connecté à des canalisations correspondant aux axes de l’arène, quatre à Vérone, et trois à Mérida. Ne pourrait-on envisager dès lors que comme à Vérone, le bassin de Mérida ait été alimenté par l’un des conduits suivant le grand axe, l’autre servant lui aussi à l’évacuation104 ? De fait, l’aqueduc de San Lazaro, daté entre le règne d’Auguste et le début de l’époque flavienne, arrivait à proximité du monument105. Un tronçon important en a été découvert grâce aux fouilles de la maison dite «de l’Amphithéâtre», située un peu au Nord de l’édifice de spectacles. Immédiatement après cette maison, le specus dans son état primitif continuait vers le Sud, donc vers l’amphithéâtre lui-même, près duquel se trouvait sans doute le castellum aquae, terminal de l’aqueduc, qui n’a pas été retrouvé. L’approvisionnement en eau du bassin de l’arène ne devait donc présenter aucune difficulté. Si on admet que la mise en eau du bassin se faisait par l’un des conduits axiaux, il s’agissait donc très certainement du conduit axial Nord, le plus proche de l’aqueduc. L’évacuation se serait alors faite par le conduit Sud. Mais il manque, pour vérifier cette hypothèse, des précisions sur la pente des deux conduits et sur la profondeur où ils circulaient sous les corridors d’accès correspondants. Il reste aussi à s’interroger sur le rôle du conduit axial Ouest. En effet, même si sa voûte se trouvait immédiatement au-dessous du sol de l’arène, la hauteur totale de 2,13 m que J. R. Mélida lui attribue implique qu’il existait entre 60 et 90 cm de dénivelé entre ce conduit et le sol du bassin, selon qu’on donne à ce dernier la profondeur indiquée par J. R. Mélida ou celle que propose J.-C. Golvin. Il est pos-
Je remercie M. J.-M. Pailler, qui m’a suggéré cette hypothèse. Sur cet aqueduc voir A. Jiménez Martín, Los acueductos de Emerita, in Augusta Emerita. Actas del simposio internacional conmemorativo al Bimilenario de Mérida (16-20 de Noviembre 1975), Madrid 1976, p. 111-125. Il était alimenté par une série de sources souterraines au Nord de la cité, d’abord captées par des conduites distinctes. Un autre aqueduc, parfois appelé «aqueduc de Cornalvo» d’après le site où il prenait sa source, et qui portait dans l’Antiquité le nom d’Aqua Augusta, entrait dans la ville par le Sud-Est. Son tracé intra-muros passait à côté du théâtre. Il est daté de l’époque augustéenne. La ville possédait un troisième aqueduc, dit de Los Milagros, qui partait d’un lac situé lui aussi au Nord de la ville, mais qui entrait dans celle-ci par le Nord-Ouest. Il est daté de l’époque augustéenne ou de celle de Trajan (A. Jiménez Martín, op. cit., p. 123). L’ensemble de ces trois aqueducs permit de répondre aux besoins de la ville jusqu’à la fin de la période romaine. 104 105
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sible toutefois que ce conduit ait bien servi à l’évacuation des eaux, s’il existait à son niveau, au fond du bassin, un orifice qu’aurait fait disparaître une nouvelle excavation du sol liée au dernier état de la fosse106. Que l’amphithéâtre de Mérida date de l’époque d’Auguste, selon l’hypothèse la plus communément admise, ou qu’il ait été construit seulement dans la seconde moitié du Ier siècle, comme ont récemment proposé M. Bendala Galán et R. Durán Cabello107, la seconde fosse retrouvée dans l’arène, celle qui présente toutes les caractéristiques d’un bassin, est en tous les cas postérieure au règne d’Auguste. Cela semble plausible, dans la mesure où à cette époque les spectacles aquatiques commençaient à peine à se répandre dans la capitale de l’empire. Le second tiers du Ier s., où furent réalisés l’amphithéâtre de Vérone et son bassin, et surtout la seconde moitié de ce même siècle, époque où furent donnés à Rome tous les spectacles aquatiques d’amphithéâtre attestés, conviendraient tout particulièrement. Mais il ne faut naturellement pas exclure un léger décalage chronologique avec la capitale. Si le monument lui-même n’est pas antérieur à l’époque néronienne ou flavienne, il faudrait certainement dater le bassin des débuts de l’époque antonine, mais pas audelà. En effet, une fosse rectangulaire fut ensuite retaillée dans le bassin, qui malgré sa facture grossière ne peut guère être datée audelà du IIe siècle. On ne connaît en effet que très peu d’exemples de telles installations souterraines réalisées dans une arène après cette époque108. Sa forme est assez comparable à celle de la fosse de l’amphithéâtre d’Italica, qui est datée du début du IIe siècle. En outre selon A. Jiménez Martín109, d’importants dépôts de calcaire, en bouchant les conduites en amont, avaient dès la fin du IIe siècle considérablement diminué le débit de l’aqueduc de San Lazaro. Il est donc probable qu’à cette époque il ne desservait plus le bassin de l’arène, qui aurait opéré sur ses ressources réduites une ponction trop im-
106 Cette seconde fosse est identifiée par J.-C. Golvin comme une véritable desserte souterraine de l’arène, et il la compare au sous-sol de l’amphithéâtre d’Italica. Cependant, il faut relever l’absence des habituelles galeries d’accès. Le niveau du sol de cette fosse, à – 3,65 m, rendait caducs les égouts d’évacuation. Peut-être faut-il y voir la raison d’être d’une autre fosse de 18,35 × 3,70 m, creusée dans le sens de la longueur de cette pièce souterraine, jusqu’à une profondeur de 4,75 m sous le sol de l’arène. Il pourrait s’agir, selon J.-C. Golvin, d’un puits perdu où s’infiltraient les eaux de pluie malgré la protection du plancher. 107 Voir la documentation archéologique annexe. 108 D’après les datations proposées par J.-C. Golvin, qui a recensé ces hypogées (op. cit., p. 332), seul l’amphithéâtre de Trèves pourrait s’être doté de pièces de service souterraines au IIIe siècle seulement (p. 89 et n. 106). 109 A. Jiménez Martín, op. cit., p. 123-124.
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portante. Les découvertes effectuées près de la maison de l’Amphithéâtre montrent d’ailleurs que lors d’une réfection, la trajectoire de l’aqueduc au-delà de cette zone fut modifiée, passant désormais plus loin de l’édifice de spectacles. Sa configuration, sa comparaison avec les installations de Vérone, sa datation même, tout s’accorde donc pour suggérer d’identifier la fosse centrale de l’amphithéâtre de Mérida, dans sa seconde phase, comme un bassin destiné à la présentation de mises en scène aquatiques. Dans les intervalles du spectacle, cette pièce d’eau restait probablement découverte. En effet, son sol ne présente aucune trace de piliers ou même de poteaux de bois susceptibles de supporter un plancher. Durant toute sa période d’utilisation, les carceres devaient seules assurer l’introduction dans l’arène des gladiateurs et des fauves. Le Colisée Les amphithéâtres de Vérone et de Mérida sont les seuls où l’archéologie ait réellement permis de supposer l’existence d’un bassin. Cependant, aucune source antique n’atteste la présentation effective de spectacles aquatiques dans ces deux monuments. Pour l’amphithéâtre Flavien au contraire, plusieurs textes anciens, déjà évoqués110, affirment la présentation dans l’arène de deux naumachies, l’une sous le règne de Titus, lors des jeux inauguraux de 80, et l’autre sous Domitien. Mais l’archéologie n’a guère éclairé la manière dont ce vaste édifice pouvait être mis en eau. En effet, comme l’observe notamment G. Cozzo, dans Ingeniera romana111, les sous-sols de l’amphithéâtre, dans leur état actuel (fig. 15) étaient incompatibles avec la présentation d’une naumachie. D’une profondeur de 6,10 m au-dessus du pied du podium, ils couvraient en effet toute la superficie de l’arène d’un réseau de murs de tuf et de briques, qui supportaient un plancher de bois. On y distingue une galerie rectiligne centrale, sur les côtés de laquelle étaient réparties 72 cages associées à un système de monte-charges. Cette galerie était encadrée par deux autres, qui desservaient 36 cages, dotées elles aussi de systèmes de monte-charges. Encadrant cet espace central rectangulaire se trouvaient trois galeries annulaires. La galerie intérieure servait d’espace de circulation, la seconde abritait les machines et les cordages nécessaires aux monte-charges et aux pegmata, la plus extérieure, enfin, desservait également des cages pour T. 19; T. 22 et T. 24. G. Cozzo, Ingeniera romana : maestranze romane, strutture preromane, strutture romane, le costruzioni dell’anfiteatro Flavio, del Pantheon, dell’emissario del Fucino, Roma, Multigrafica Editrice, 1970. (p. 203-250), p. 240. 110 111
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les fauves. Quatre galeries passant sous les quatre accès axiaux à l’arène permettaient d’accéder à ces sous-sols depuis l’extérieur. La galerie Ouest menait au Ludus Magnus voisin et une autre, sur l’axe opposé, devait aboutir près du temple de Vénus et de Rome. Les deux galeries situées sous le petit axe débouchaient aussi par des rampes à l’extérieur du monument112. L’ensemble de ces hypogées occupait toute la surface de l’arène. La naumachie aurait donc dû se dérouler au-dessus de ces substructions, momentanément immergées. Or, pour que le podium conserve une hauteur suffisante à la sécurité des spectateurs, il faudrait imaginer une nappe d’eau de très faible profondeur. Dès lors, les cloisons maçonnées du sous-sol aurait gêné la manœuvre des embarcations, même de petite taille. Devant toutes ces difficultés R. Rea113 a mis en doute la présentation effective de spectacles aquatiques dans l’arène du Colisée. Pour la naumachie des jeux de Titus, elle fait observer que Martial ne situe explicitement dans l’amphithéâtre aucun des spectacles aquatiques qu’il évoque. Suétone, quant à lui, ne mentionne que le combat naval donné dans la naumachie d’Auguste. En conséquence, elle met en doute le témoignage de Dion Cassius, le seul à n’être pas contemporain des jeux. Elle propose de situer tous les spectacles navals des jeux de 80 sur le site de la naumachie d’Auguste, où la pose d’un plancher de bois avait également permis de faire se succéder spectacles terrestres et spectacle naval. Toutefois, dans l’Épigramme XXIV (T. 19) du Livre des Spectacles, Martial souligne bien que la «mer», après le spectacle, se retirera, pour que le spectateur puisse s’exclamer : «hic modo pontus erat». Or, Dion Cassius (T. 22), énumérant les différents spectacles donnés sur le bassin d’Auguste, fait de la naumachie le dernier d’entre eux, ce qui semble logique, compte tenu du temps que devait prendre le montage et le démontage d’un plancher posé sur une surface assez grande pour permettre d’y donner une course de chars. En ce qui concerne le spectacle naval que Domitien donna au Colisée, d’après Suétone (T. 24), R. Rea refuse de l’identifier comme une naumachie, en s’appuyant sur la formulation elliptique de l’historien latin : at in amphiteatro nauale quoque. Considérant que c’est le mot spectaculum, présent au début de la phrase, qui est ici sous-entendu, elle en conclut que le spectacle ainsi évoqué n’était qu’une mise en scène autour d’un décor de navire, sans la moindre présence de l’eau. Mais elle semble oublier de tenir compte des éléments de l’énumération qui précèdent immé-
J.-C. Golvin, op. cit., p. 177. R. Rea, Anfiteatro Flavio, imagine, testimonianze, spettacoli, Roma, Quasar, 1988, (p. 9-32), p. 36-37. 112
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diatement la mention du spectacle naval : proelium etiam duplex, equestre ac pedestre, commisit. Le terme sous-entendu, pour accompagner l’adjectif nauale, est de toute évidence proelium. Dès lors il faut admettre que sous Titus et Domitien des naumachies eurent bien lieu au Colisée. Par ailleurs, on sait qu’à l’origine, la zone où fut construit l’amphithéâtre constituait un bassin de rassemblement des eaux pluviales et des sources qui à travers de petits cours d’eau rejoignaient le Tibre. L’ample vallée comprise entre la Vélia, l’Oppius et le Palatin formait une zone marécageuse, au sous-sol argileux. C’est là que déjà avait été implanté, grâce au drainage de ces eaux stagnantes, le Lacus Neronis, dont la vaste excavation fut réemployée pour la construction de l’amphithéâtre. Le niveau du sol de l’arène se trouvait au niveau du fond de l’ancienne pièce d’eau114. Le contexte topographique et géologique était donc favorable à une éventuelle inondation de l’arène. Surtout, le témoignage des textes sur les spectacles aquatiques du Colisée a été récemment conforté par des fouilles effectuées dans le réseau d’évacuation de l’amphithéâtre, au-dessous des galeries hypogées (fig. 26). Les eaux pluviales recueillies dans la cavea et sur la surface de l’arène rejoignaient les hypogées à travers une série de conduits verticaux. Elles étaient ensuite acheminées dans quatre gros collecteurs qui suivaient les axes du monument, sous les galeries d’accès aux sous-sols, jusqu’à un grand collecteur annulaire. Ce dernier faisait le tour du monument à 8 m de profondeur sous le sol de l’époque et rejoignait par plusieurs émissaires un grand conduit qui passait au fond de la vallée de l’amphithéâtre, pour rejoindre la Cloaca Maxima. La différence de niveau de 11 m environ qui existait entre cette dernière et le fond de l’arène devait assurer un bon écoulement des eaux115. Les quatre conduits axiaux furent réalisés durant la première phase de construction de l’amphithéâtre, grâce à un coulage de ciment sur un coffrage de bois. En outre, ils furent remaniés sous Domitien, au moyen d’un pavage en briques destiné à obtenir une pente régulière du conduit. Les dimensions de ces égouts axiaux, soit 1,30 m × 1,80 m, sont très importantes pour de simples conduits de drainage des eaux pluviales. C’est pourquoi C. Mocchegiani Carpano116, propose d’y voir un système destiné à l’origine à as-
114 C. Mocchegiani Carpano, Lo stagno della valle dell’Anfiteatro, in Roma sotterranea [Catalogo della mostra, a cura di R. Luciani, Porta San Sebastiano, 15 ottobre 1984-14 Gennaio 1985], Roma, Fratellini Palombi, 1984, p. 43-46. 115 G. Cozzo, op. cit., p. 206. 116 C. Mocchegiani Carpano, Le cloache dell’anfiteatro, in Roma sotterranea... cité, p. 179-184.
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surer une rapide vidange d’un bassin creusé dans l’arène. Sous Domitien, la pente de ces conduits aurait été modifiée après l’abandon du bassin central, au profit du système complexe d’hypogées que nous connaissons. Une fois admise la présentation effective de naumachies dans l’arène du Colisée, il reste donc à supposer que les grands sous-sols de l’arène dont on peut voir aujourd’hui les vestiges n’existaient pas sous le règne de Titus, ni au début de celui de Domitien. C’est là la conclusion à laquelle ont abouti la plupart des chercheurs qui ont examiné cette question, notamment G. Cozzo117. Par ailleurs, celui-ci exclut que la surface de l’arène, sous Titus, ait été située plus bas qu’après la construction des hypogées. Une telle hypothèse irait à l’encontre de la hauteur moyenne de 3 m relevée pour chaque podium d’amphithéâtre suffisamment bien conservé118. Le sol de l’arène fut donc dès l’origine à 3,60 m environ du sommet du mur du podium. En outre, certaines des épigrammes du Livre des spectacles de Martial montrent que dès les jeux de 80, il devait exister sous l’arène des installations permettant de faire surgir à la surface, par des trappes, décors et protagonistes des spectacles. L’épigramme XXIb notamment évoque de manière explicite l’existence d’une trappe du sous-sol, laissant échapper un fauve : Orphea quod subito tellus emisit hiatu ursam elisuram, uenit ab Eurydice. (Si la terre s’est soudain ouverte, laissant échapper une ourse qui allait broyer Orphée, ce fut probablement à l’instigation d’Eurydice).
Pour concilier l’ensemble de ces données, G. Cozzo propose d’envisager que les constructions hypogées, dans un premier temps, aient été réalisées entièrement en bois, afin de permettre un montage et un démontage rapide assurant la succession des spectacles terrestres et des spectacles aquatiques décrite par nos sources. Il fait cependant observer que le montage et le démontage d’un plancher et de ses substructions, sur un si vaste espace, aurait été fort long, en regard de la rapide alternance que vantent historiens et poètes. On peut aussi supposer l’existence, dans le premier état du soussol, d’une fosse creusée au centre de l’arène, comparable à celles de Vérone et de Mérida. À la différence de celle de Mérida toutefois, cette fosse aurait atteint une profondeur suffisante pour pouvoir servir également de pièce de service souterraine, une fois asséchée. 117 118
G. Cozzo, op. cit., p. 239-240. J.-C. Golvin, op. cit., p. 314-316.
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Dans ce cas également des installations de bois, rapidement montées ou démontées, auraient précédé les constructions maçonnées des hypogées telles qu’elles apparaissent aujourd’hui. Il s’agirait donc d’une installation assez analogue à celle qui a été relevée à Vérone, où la profondeur de la fosse permettait d’hésiter entre son identification comme un bassin, ou comme une pièce de service souterraine. Toujours comme à Vérone, les galeries axiales desservant les sous-sols actuels, prolongées sous l’arène, auraient assuré la desserte de cette première pièce souterraine et son alimentation en eau. Enfin, il est également possible d’imaginer que dans un premier état du sous-sol, cages et monte-charges aient été disposés le long d’une galerie périphérique, comme par exemple à Pouzzoles (fig. 16), tandis qu’au centre de l’arène aurait été creusé non pas une autre pièce de service, mais un bassin indépendant de la galerie périphérique et relié à un aqueduc d’alimentation. De fait, il est certain que les constructions hypogées qui étaient situées sous la dernière partie des accès Est et Ouest à l’arène, de part et d’autre du grand axe, existaient déjà lors de l’inauguration du monument, puisqu’elle faisaient partie des substructions de la cavea. Or, dans l’état actuel des sous-sols, on voit qu’elles communiquaient également avec les galeries situées sous l’arène. On pourrait donc envisager que l’ensemble formé par les pièces de service situées sous la cavea et les galeries périphériques sous l’arène ait seul assuré l’acheminement vers la surface des gladiateurs et des fauves, lors des jeux de 80 notamment. Cette dernière hypothèse se trouve corroborée par le v. 3 de l’épigramme XXI de Martial, selon laquelle les spectateurs des jeux de Titus purent voir «des rochers ramper» et «une forêt merveilleuse courir» dans l’arène (repserunt scopuli mirandaque silua cucurrit). Pour une reconstitution de grande ampleur, installant dans l’arène une véritable forêt, les dispositifs souterrains du Colisée étaient encore insuffisants. Il fallut donc tracter les éléments du décor119. À ces incertitudes concernant la taille et la place exacte du bassin s’ajoute le peu d’information que nous possédons sur le conduit d’alimentation en eau qui devait nécessairement parvenir jusqu’à l’arène. G. Cozzo120 évoque la présence d’un conduit «au niveau des hypogées», avec la même orientation que l’axe majeur de l’amphithéâtre. Il l’identifie comme une adduction d’eau. Il s’agirait selon lui d’une branche de l’aqueduc de Claude, qui passait sur le Cae119 Je dois cette dernière précision à J.-Ch. Moretti, qui a attiré mon attention sur l’importance de l’épigramme XXI. Par ailleurs, ce détail est en accord avec la légende d’Orphée. 120 G. Cozzo, op. cit., p. 206.
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lius. Cependant, aucune publication plus récente n’évoque ce conduit. Il est donc possible qu’il ne soit autre que le conduit d’évacuation axial qui a été fouillé depuis sous la galerie d’accès à l’hypogée et que C. Mocchegiani Carpano a identifié comme un égout d’évacuation. Dans ce cas, il est inutile de supposer qu’il ait pu servir dans un premier temps à amener l’eau, avant qu’une modification de sa pente en fasse un égout d’évacuation. En effet, compte tenu de la profondeur à laquelle circulait ce conduit, il n’aurait pu en aucun cas alimenter un plan d’eau atteignant la surface de l’arène. La question de l’adduction d’eau du bassin reste donc à ce jour sans réponse. Arène inondée ou bassin central? Une fois admise la présence originelle d’un bassin dans l’arène du Colisée, comme dans celle des amphithéâtres de Vérone et de Mérida, il reste alors à s’interroger sur la nature des spectacles aquatiques qui pouvaient être présentés dans ces trois édifices. Il va de soi que les dimensions connues de deux de ces bassins, 50 × 7,10 m pour celui de Mérida, et 36,13 × 8,77 m pour celui de Vérone, étaient incompatibles avec la présentation d’une naumachie mettant aux prises de véritables navires de guerre. Mais en outre, leur forme elle-même, longue et étroite, ne semble guère avoir été propice à la présentation de joutes nautiques. Même de petites embarcations auraient disposé de fort peu de place pour manœuvrer. Il faut ajouter à cela leur faible profondeur, notamment en ce qui concerne le bassin de Mérida. Par conséquent, il convient probablement d’écarter l’idée que des spectacles de combat naval, sous quelque forme que ce soit, aient été donnés dans ces bassins. En revanche, ils auraient été parfaitement adaptés à d’autres spectacles, tels que les uenationes nilotiques et les autres présentations d’animaux dans un décor aquatique attestées dans l’amphithéâtre de bois de Néron par Calpurnius Siculus (T. 52), Suétone (T. 16) et Dion Cassius (T. 17) et au Colisée par Dion Cassius (T. 22). On peut également évoquer, malgré son authenticité incertaine, le passage du martyre de Sainte Thècle (T. 53) évoquant la présence, dans l’arène de l’amphithéâtre, d’un bassin occupé par des phoques. Une présentation d’animaux terrestres dressés à évoluer dans l’eau aurait également été possible121. Surtout, ces bassins longs et étroits se seraient particulièrement bien prêtés à une représentation de la traversée de Léandre ou aux évolutions d’un ballet aquatique. 121
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Quant à l’amphithéâtre Flavien, si les spectacles aquatiques qui y furent donnés sont bien connus grâce aux sources écrites, l’absence de tout vestige du bassin semble autoriser plusieurs hypothèses, touchant notamment les modalités des naumachies qui y furent présentées. Tout d’abord, en admettant que les sous-sols, dans leur premier état, n’aient comporté que des installations démontables, selon la proposition de G. Cozzo, il aurait été possible de faire évoluer des bateaux sur toute la surface de l’arène. Mais en dehors des difficultés techniques déjà soulignées, une naumachie présentée dans ces conditions n’aurait pu en aucun cas se rapprocher de celles qu’accueillait notamment la naumachie d’Auguste, avec sa superficie de 192 hectares. Dans l’arène du Colisée, qui faisait moins d’un demi hectare, une trirème romaine n’aurait pu exécuter la moindre manœuvre. Or, un combat naval donné sur de petites embarcations aurait paru bien mesquin, en regard des grandioses réalisations auxquelles les jeux inauguraux de Titus, notamment, donnèrent lieu par ailleurs. Surtout, un tel dispositif est fort loin des solutions adoptées à Vérone et à Mérida, et donc sans attestation archéologique. Par ailleurs, si seule la mise en eau d’un bassin au centre de l’arène est envisagée, sur le modèle des installations de Vérone et de Mérida, le plan d’eau n’aurait pu faire que quelques dizaines de mètres de côté. On retrouve donc les objections déjà présentées contre une naumachie donnée sur de petites embarcations, d’autant que ces dernières, dans un simple bassin central, n’auraient pu être très nombreuses. Il reste toutefois une dernière éventualité. En reprenant en partie la proposition de R. Rea, on peut envisager que les naumachies d’amphithéâtre aient pris la forme d’une confrontation entre les équipages de deux reproductions de navire de guerre, d’une taille réelle ou presque, mais qui n’avaient ni à manœuvrer, ni même à flotter réellement, comme le navire démontable présenté dans l’arène sous Néron, d’après Dion Cassius (T. 36). En revanche, contrairement à ce que proposait R. Rea, le témoignage des sources implique une inondation de l’arène, mais elle aurait pu être réalisée sur une très mince surface, donnant l’illusion d’un grand plan d’eau. Il aurait suffi pour cela d’un bassin central, comme à Mérida et à Vérone, mais rempli un peu au-delà de ses capacités, afin de déborder sur le reste de l’arène. Ce bassin aurait été utilisé seul pour la présentation des hydromimes et des uenationes aquatiques. Une telle proposition concorde parfaitement avec celle d’un premier état des sous-sols du monument où n’aurait existé qu’une fosse centrale. En revanche, si on admet que les galeries péri-
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THÉÂTRES ET AMPHITHÉÂTRES ADAPTÉS À LÀ MISE EN EAU
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phériques des hypogées étaient déjà réalisées, il faut envisager que l’eau ait pu s’y infiltrer quelque peu durant la naumachie. Le plancher qui les recouvrait, et surtout les trappes par lesquelles ces installations souterraines communiquaient avec la surface, pouvaient en effet difficilement rester parfaitement étanches. Dans la mesure toutefois où il s’agissait d’une nappe d’eau de quelques centimètres à peine, et où la naumachie était un spectacle très exceptionnel, qui n’eut lieu, à notre connaissance, que deux fois dans l’amphithéâtre, il est possible que les dommages occasionnés notamment sur les cordages et les pièces de bois des machines élévatrices aient été considérés comme négligeables, et partiellement évités par le démontage ou le remplacement des éléments concernés. Dans l’éventualité, qui n’est nullement attestée par nos sources, où des naumachies auraient eu lieu dans certains amphithéâtres de province, notamment ceux de Vérone et de Mérida, il faudrait imaginer un procédé semblable. Celui-ci paraîtrait tout particulièrement applicable à Mérida, puisque son arène était creusée dans le sol. Les éléments de cette problématique et les conclusions auxquelles on peut parvenir pour le Colisée sont également valables pour l’amphithéâtre de bois construit par Néron sur le champ de Mars, dont il ne reste naturellement aucune trace. En effet, en conjuguant les témoignages de Calpurnius Siculus et de Suétone, on constate que cet édifice lui aussi devait comporter à la fois des installations souterraines abritant monte-charges et pegmata, et un dispositif permettant de mettre en eau une partie de l’arène. Pour ce monument, l’hypothèse la plus probable semble être celle d’un bassin central, suffisamment grand pour permettre à des animaux amphibies d’y évoluer, mais capable de se transformer en pièce de service souterraine. En admettant que la précision apportée par Suétone (T. 16) et Dion Cassius (T. 17) soit exacte, un tel bassin aurait pu être exceptionnellement rempli d’eau de mer, acheminée par portage depuis la côte. Comme au Colisée, ce bassin aurait été en outre associé à un dispositif permettant d’inonder l’arène sur une faible surface. Envisager la naumachie d’amphithéâtre sous la forme d’un affrontement entre deux équipages, sur des décors de navires, revient à l’assimiler à un combat gregatim de thème naval. Cette proposition, la plus plausible sur le plan technique, a également le mérite de suggérer une explication à deux énigmes que nous proposaient les sources écrites. La première est la précision de Suétone (T. 24) selon laquelle Domitien donna sur le plan d’eau qu’il avait réalisé à cet effet, et non au Colisée, un combat naval mettant aux prises «presque de vraies
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ET LEURS SITES D’ACCUEIL
flottes» (paene iustarum classium). Nous l’avons vu122, seule la naumachie de Claude sur le lac Fucin put réunir un nombre de navires suffisant pour s’approcher des effectifs d’une véritable flotte de guerre. Mais si les naumachies d’amphithéâtre, les plus fréquentes depuis Néron, présentaient généralement deux reproductions de navires affrontés sur le sol de l’arène, ce spectacle de Domitien, en mettant aux prises plusieurs navires de guerre sur un véritable plan d’eau, aurait été perçu par les contemporains, en comparaison, comme un combat engageant «presque de vraies flottes», même s’il en était en réalité fort loin. La seconde énigme, dont nous avions déjà envisagée la solution123, est celle des 217 paires de gladiateurs qui inaugurèrent la naumachie de Trajan. Le précédent que représentaient les naumachies d’amphithéâtre, selon nos conclusions, confirme l’hypothèse selon laquelle ces gladiateurs ont dû participer à un combat naval. La naumachie de Trajan, et plus encore l’arène du Colisée, avaient une surface insuffisante pour les affrontements de masse qu’avaient accueillis la naumachie d’Auguste ou le lac Fucin. Pour la satisfaction du public, une qualité analogue à celle des munera traditionnels était alors assurée aux combats rapprochés présentés sur les navires, d’autant que les nouvelles structures d’accueil, plus petites et munies de gradins, permettaient de suivre toutes les péripéties de ces naumachies d’un genre nouveau. Il faut rappeler d’ailleurs que de la même manière, des combattants sans formation préalable, prisonniers de guerre ou condamnés, formaient les effectifs des combats gregatim mettant aux prises deux véritables petites armées, tandis que de véritables gladiateurs pouvaient s’affronter en deux troupes de taille plus modeste124. Certaines des dernières naumachies attestées à Rome, à partir de Néron, opposèrent donc de véritables gladiateurs, qui étaient passés par la formation du ludus. Conclusion L’étude des documents archéologiques sur les spectacles aquatiques d’amphithéâtre se révèle assez décevante. En effet, dans la plupart des cas, la présence d’une fosse au centre de l’arène s’ex-
Voir supra p. 209. Voir supra p. 212-214. 124 G. Ville, La gladiature en Occident des origines à la mort de Domitien, Roma, 1982 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 245), p. 125126. 122
123
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THÉÂTRES ET AMPHITHÉÂTRES ADAPTÉS À LÀ MISE EN EAU
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plique par la volonté de doter le monument d’une desserte souterraine, ou par les exigences du drainage des eaux pluviales. En outre, dans les rares arènes où la présence d’un bassin est probable, autrement dit à Vérone et à Mérida, la manière dont l’eau était amenée jusque là nous échappe totalement, ou ne peut être que partiellement entrevue. Cependant, les bassins des amphithéâtres de Mérida et de Vérone permettent d’imaginer quelque peu comment devaient se présenter les installations destinées aux spectacles aquatiques de l’amphithéâtre de bois et du Colisée dans son premier état. Dans un bassin rectangulaire, imitant en réduction la configuration de la naumachie d’Auguste, pouvaient être présentées des chasses aquatiques mais aussi des reconstitutions mythologiques, qui de la scène du théâtre passaient à cette époque dans l’arène, en substituant de plus en plus l’effet de réel à la convention acceptée. Quant aux naumachies d’amphithéâtre, quelles qu’aient été leurs modalités exactes, elles permettaient au public de voir de plus près les combats au corps à corps. Il est possible que le recrutement des naumachiarii s’en soit trouvé modifié, des gladiateurs remplaçant les condamnés des premiers spectacles. En outre, la rareté des bassins d’amphithéâtres, plus manifeste encore après le rejet de quelques hypothèses erronées, confirme les observations déjà suscitées par l’examen des sources écrites. Sans parler des hydromimes, spectacles d’origine théâtrale, il semble que les naumachies et les uenationes aquatiques cessèrent très rapidement d’avoir pour cadre l’amphithéâtre, dans les provinces comme à Rome. La suppression des installations hydrauliques du Colisée stoppa net la diffusion déjà très limitée de ce modèle dans d’autres régions du monde romain. LES
THÉÂTRES À KOLYMBÈTHRA DU
BAS-EMPIRE
Un intervalle de deux siècles au moins sépare la réalisation d’un bassin dans les édifices évoqués jusqu’ici, théâtres et amphithéâtres, et les transformations que subirent entre le IIIe et le Ve siècle un certain nombre de théâtres, aux fins manifestes d’y présenter des spectacles aquatiques. Ces transformations, présentant à chaque fois de nombreuses caractéristiques communes, ont déjà été relevées par G. Traversari. Mais depuis la parution de son ouvrage, de nouveaux édifices présentant des installations semblables ont été répertoriés. Pour d’autres monuments qu’il citait, l’hypothèse a été abandonnée à la suite de nouvelles investigations. Le corpus remanié de ces théâtres, tel que nous l’avons présenté en annexe à notre étude, doit permettre d’aboutir à des conclusions plus approfondies sur les mo-
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ET LEURS SITES D’ACCUEIL
dalités techniques de leur mise en eau, et parfois sur les spectacles qu’ils accueillaient. Éléments de typologie Les systèmes d’alimentation en eau du bassin Le critère le plus déterminant, pour établir si un théâtre fut effectivement adapté aux spectacles aquatiques, est naturellement la présence parmi ses vestiges d’une installation destinée à conduire vers l’orchestra une masse d’eau importante. L’aménagement d’une citerne, d’où partait un conduit en direction de l’orchestra, a ainsi attesté l’existence d’une kolymbèthra dans le théâtre de Venafrum sans qu’on ait à ce jour pu dégager le bassin. Ce fut le cas aussi à Ostie, bien que la seule trace subsistante du bassin réalisé dans l’orchestra se trouve sur un relevé antérieur à la restauration drastique du monument. À Brescia, la présence d’une citerne en haut de la cavea et de bassins moins importants dans la partie occidentale du bâtiment de scène incite à poser la même hypothèse, mais il manque la preuve d’un acheminement de cette eau dans l’orchestra. À Montegrotto125 enfin, la probable disparition du canal d’alimentation risque d’interdire à tout jamais de parvenir à une certitude sur la présence de spectacles aquatiques dans le théâtre. Un tel critère permet donc à lui seul de dégager une première liste de théâtres du Bas-Empire où l’adaptation aux spectacles aquatiques est certaine ou très probable. Outre ceux d’Ostie et de Venafrum en Italie, on relève ainsi celui de Syracuse en Sicile, ceux d’Argos et de Corinthe en Achaïe, le théâtre de Césarée Maritime en Syrie Palestine126. Pour le théâtre de Dionysos à Athènes et pour celui de Hiérapolis en Asie127, en revanche, aucune publication n’a étudié suffisamment en détail l’arrivée d’eau, très imparfaitement relevée lors de sa découverte. Seule sa mise en relation avec les restes du bassin, sur lesquels nous reviendrons, permet de conclure. Une fois établie cette première liste, on constate que la présence préalable, sur le site du théâtre ou à proximité, d’importantes ressources en eau représentait un facteur favorable susceptible d’expliquer en partie, sur un plan purement local, l’installation d’une kolymbèthra. À Syracuse et à Argos, le théâtre possédait des installations hydrauliques antérieures : une fontaine sur la terrasse supé125 Voir la description de ces monuments dans la documentation archéologique présentée en annexe. 126 Ibidem. 127 Ibidem.
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THÉÂTRES ET AMPHITHÉÂTRES ADAPTÉS À LÀ MISE EN EAU
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rieure pour le premier, un conduit alimentant des thermes voisins pour le second. Corinthe quant à elle possédait sur son sol de nombreuses sources, et l’aqueduc le plus important, par son débit, de toute la Grèce continentale. Venafrum et Spolète disposaient également, grâce à leurs aqueducs, d’importantes ressources en eau. L’abondance en eau n’est pas cependant un facteur déterminant pour l’apparition d’une kolymbèthra théâtrale. En effet, bien d’autres cités, disposant de ressources semblables, au voisinage même du théâtre, ne firent pas un tel choix. Il suffit, par exemple, de citer le théâtre de Pergè, dont la façade extérieure était munie d’un nymphée, mais où rien n’indique la présence d’un bassin dans l’orchestra. En revanche, des villes dont l’approvisionnement en eau n’étaient guère abondant installèrent malgré tout un bassin dans leur théâtre. Ce fut le cas notamment à Ostie, où la réalisation de très vastes citernes, aux dépens de plusieurs pièces situées sous la cavea et surtout de l’entrée centrale du théâtre, s’explique sans doute par la nécessité d’accumuler à l’avance toute l’eau nécessaire. Par ailleurs, l’étude des monuments concernés amène à constater que l’alimentation en eau du bassin fut réalisée de plusieurs manières. La dérivation d’un aqueduc pouvait aboutir directement dans l’orchestra. Ailleurs, des citernes plus ou moins vastes furent réalisées dans le théâtre même, afin de stocker dans un premier temps l’eau destinée au spectacle. Elle était amenée jusqu’à l’orchestra par un conduit partant de la citerne. Parfois enfin, une simple canalisation de plomb ou de terre cuite conduisait jusqu’au théâtre l’eau du réseau hydraulique urbain. Dérivation directe d’un aqueduc dans l’orchestra
Argos Athènes Césarée Corinthe Hiérapolis Ostie Syracuse Venafrum
Réalisation d’une citerne dans le théâtre
Présence de conduites reliées à une source d’alimentation extérieure
x x x x x x
x x x
Il est difficile de tirer des conclusions définitives à partir d’un si petit nombre d’exemples. Néanmoins, il apparaît que l’installation de citernes plus ou moins vastes, à l’intérieur même du théâtre, fut le système d’alimentation le plus fréquemment adopté. Ce tableau répertoriant les dispositifs de mise en eau suggère en outre une absence de spécificités régionales sur ce point.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ET LEURS SITES D’ACCUEIL
À Argos, l’existence d’un large canal d’alimentation, véritable dérivation d’un aqueduc traversant tout le théâtre, s’explique par la préexistence, dans la parodos elle-même, d’une autre dérivation destinée aux thermes voisins. De même à Syracuse, c’est l’eau tombant de la fontaine de la katatomè, alimentée par un embranchement de l’aqueduc de l’Epipole, qui parvenait ensuite à la kolymbèthra. Toutefois, il semble que le débit insuffisant des canaux qui partaient de cette fontaine ait nécessité la réalisation de réservoirs permettant de remplir plus rapidement le bassin avant le spectacle. Au sein même de la catégorie la mieux représentée, celle des théâtres où furent aménagées des citernes, on relève une grande diversité. À Ostie, elles furent installées dans l’entrée centrale et dans les pièces ménagées par les substructions de la cavea. À Venafrum, c’est la crypta Ouest elle-même qui fut modifiée. À Corinthe et à Césarée, une vaste salle située derrière l’une des cryptae, indépendante du bâtiment de scène et surélevée par rapport à l’orchestra, fut aisément aménagée par l’application d’un revêtement hydraulique. À Césarée en outre, on relève l’ajout d’un autre réservoir de plus petite taille, réalisé dans l’une des niches la frons scaenae. Les conduites amenant l’eau dans l’orchestra présentaient également une grande variété. Certaines canalisations étaient faites de dalles de pierre en réemploi, d’autres étaient des tubes de terre cuite ou de plomb. À Césarée, les deux conduits d’alimentation retrouvés sont entièrement différents l’un de l’autre. Il faut en conclure que pour chaque théâtre, les aménagements hydrauliques furent exécutés de la manière la plus économique possible, en respectant au maximum les structures antérieures, concernant en particulier la circulation des spectateurs. C’est pourquoi les citernes furent volontiers installées dans des pièces annexes, latérales au bâtiment de scène. Des conduites traversant ce dernier furent aussi parfois réalisées au prix de travaux destinés à assurer l’étanchéité de l’ensemble, comme le comblement de l’hyposcenium à Césarée. À défaut, on sacrifia l’une des entrées du théâtre qui menait à l’orchestra, comme à Ostie, à Syracuse et à Venafrum. Cette même diversité caractérisait déjà les quelques théâtres munis de bassins du Haut-Empire. À Pompéi, l’eau parvenait dans le théâtre depuis une citerne située derrière lui. Au Pausilype comme à Daphné, c’est la dérivation d’un aqueduc qui débouchait directement dans l’orchestra. Le bassin Un autre critère permettant de mettre en évidence l’adaptation d’un théâtre aux spectacles aquatiques est naturellement l’installa-
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THÉÂTRES ET AMPHITHÉÂTRES ADAPTÉS À LÀ MISE EN EAU
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tion d’un bassin dans l’orchestra. Sur ce point, la présence au sol d’un enduit étanche d’opus signinum constitue un premier indice. Le second consiste en une trace des limites du bassin lui-même, autrement dit de ses parois. Ainsi, à Spolète, le muret de ciment retrouvé dans l’orchestra a été identifié par ses seules caractéristiques comme celui d’une kolymbèthra. Il vint en effet doubler le parapet qui entourait déjà la proédrie, manifestement pour le renforcer. Surtout, il fut construit sur le second gradin de cette proédrie, le rendant ainsi inutilisable. La présence d’un tel mur, trop bas pour avoir servi à protéger les spectateurs lors de quelque uenatio, amène à conclure à la présentation de spectacles aquatiques au théâtre de Spolète, bien que l’état actuel des fouilles du monument n’ait révélé aucune installation hydraulique. Au théâtre de Dionysos d’Athènes également, où le conduit d’alimentation en eau fut détruit avant d’avoir été convenablement reconnu et décrit, la présence d’un tel muret, associé à un revêtement d’opus signinum, permet d’assurer l’adaptation tardive du monument aux spectacles aquatiques. Il en est de même pour le théâtre de Néapolis. Le mur de son bassin fut réalisé non sur le sol de l’orchestra, mais en sacrifiant le premier gradin de la cavea, à la manière du podium d’un théâtre adapté aux spectacles de l’arène. Seules sa faible hauteur ainsi que l’application d’un épais enduit de mortier étanche sur ses parois et sur le sol de l’orchestra, permettent d’interpréter de préférence ces vestiges comme ceux d’un aménagement destiné aux spectacles aquatiques. Les mêmes observations s’appliquent au théâtre de Kato Paphos. Malgré l’état encore partiel des fouilles qui n’ont permis de dégager ni l’adduction d’eau, ni le conduit d’évacuation, l’installation d’une kolymbèthra dans l’orchestra est attestée par la présence de trois couches de mortier hydraulique sur le sol et de la présence d’un muret périphérique érodé par l’eau sur sa face intérieure. Une association analogue entre un muret et un revêtement d’opus signinum s’observe enfin au théâtre de Montegrotto. Ici toutefois, on ne peut parvenir à une véritable certitude, car les fouilles n’ont jamais permis de mettre au jour aucun canal d’adduction d’eau. Le muret pourrait n’être qu’un parapet marquant la séparation entre cavea et orchestra. Il faut toutefois rappeler que l’élévation du monument est presque détruite, ce qui rend envisageable l’hypothèse que le canal, réalisé à un niveau supérieur à celui des vestiges retrouvés, ait à jamais disparu. Les dimensions et la structure de plusieurs de ces murets ont été relevées avec une certaine précision lors de leur étude.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ET LEURS SITES D’ACCUEIL Structure
Hauteur
Épaisseur
Argos
ciment (l’extrémité Nord-Est seule était renforcée de l’intérieur par des dalles de pierre)
1,10 m
0,40 m au plus
Athènes
ciment et moellons (renforçant de l’extérieur un parapet de plaques de marbre préexistant)
1,10 m
0,53 m
Césarée
ciment (revêtu intérieurement de mortier hydraulique et de plaques de marbre)
1,20 m
?
Corinthe
ciment (renforçant de l’intérieur une rangée de plaques de marbre)
0,95 m
0,45 m
brique/ciment
1,50 m au plus (hauteur du pulpitum)
0,70 m
Spolète
ciment (renforçant de l’intérieur un parapet de marbre préexistant).
0,95 m
0,45 m
Syracuse
ciment (renforçant de l’extérieur 1,40 m au plus des plaques de marbre ou (hauteur du pulpitum) de pierre)
Ostie
0,60 /0,64 m
Contrairement aux systèmes d’alimentation en eau, très divers selon les théâtres, la comparaison des murets délimitant les piscines théâtrales les mieux attestées permet de dégager quelques principes constants. Construits sur le sol de l’orchestra, ces murs étaient tous de ciment, revêtus de mortier hydraulique et le plus souvent doublés à l’intérieur par des plaques de marbre. Seul fait exception le théâtre de Spolète, où le mur de ciment fut réalisé devant un parapet de pierre préexistant et non derrière. À Athènes, il existait aussi un parapet de marbre antérieur au mur du bassin. Selon R. Stillwell128, il 128 R. Stillwell, Corinth II. The theater. Results of the excavations conducted by the American school of classical studies at Athens, Princeton, 1952, p. 140.
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THÉÂTRES ET AMPHITHÉÂTRES ADAPTÉS À LÀ MISE EN EAU
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en fut peut-être de même à Corinthe. Toutefois, dans la mesure où dans ce théâtre, les plaques de marbre qui doublaient le muret s’inséraient par des rainures dans le rebord d’un caniveau lui-même étroitement lié à l’aménagement du bassin, il est possible que l’ensemble ait été contemporain, comme à Argos, Syracuse et Spolète. Parfois enfin, les plaques de marbre ne constituaient qu’un revêtement appliqué sur l’intérieur du mur, comme à Césarée. L’épaisseur de ces murets est toujours située entre 40 et 70 cm. Les informations les plus intéressantes sont offertes par les indications de hauteur, elles aussi très constantes. En effet, les murets les mieux conservés mesuraient entre 0,95 m pour le plus bas, et 1,20 m pour le plus haut. Il est donc probable que les hauteurs de 1,40 m et 1,50 m proposées en fonction de celle du pulpitum pour les théâtres de Syracuse et d’Ostie sont surévaluées. La profondeur des piscines théâtrales était par conséquent assez faible, juste suffisante pour permettre aux acteurs d’y nager. Le diamètre de ces bassins nous est lui aussi généralement connu et il permet d’en évaluer approximativement la surface, en tenant compte toutefois du fait qu’il ne s’agissait pas de parfaits demi-cercles. Diamètre
Argos Athènes Césarée Maritime Corinthe Hiérapolis Néapolis Ostie Syracuse
20 m (environ) 21,86 m 30 m (environ) 27,40 m 20 m 26 m 20 m (environ) 16 m (environ)
Surface
157 187 353 294 157 265 157 100
m2 m2 m2 m2 m2 m2 m2 m2
On constate donc, après G. Traversari129, que ces bassins avaient la taille requise pour permettre à des acteurs d’y évoluer, mais qu’ils étaient insuffisants pour accueillir des batailles navales ou même des joutes nautiques sur de petites barques. Les plus vastes d’entre eux pouvaient toutefois recevoir quelques embarcations d’une taille réduite, associées à des spectacles de mime. Par ailleurs, si on considère le traitement réservé à la frons pulpiti préexistante, on constate que dans certains cas, le muret bas ou le podium délimitant le nouveau bassin vint simplement s’y souder. La frons pulpiti subit alors des modifications liées à son nouveau rôle : elle fut recouverte d’un enduit d’opus signinum et des escaliers permettant aux acteurs de descendre dans la kolymbèthra y furent ados129
G. Traversari, op. cit., p. 45.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ET LEURS SITES D’ACCUEIL
sés. Dans d’autres cas, le mur du bassin, revêtu du même enduit, doubla l’ancien mur du pulpitum, dont la façade se trouva donc masquée. Une confrontation des solutions adoptées sur ce point pour chaque théâtre à kolymbèthra s’avère donc également nécessaire. Frons pulpiti bornant le bassin
Argos Athènes Césarée Maritime Corinthe Néapolis Ostie Spolète Syracuse
Frons pulpiti masquée par le mur du bassin
x x x x x x x x
Escaliers réalisés entre le pulpitum et la kolymbèthra
x x x ? ? x ? ?
Il est aisé de voir que la frons pulpiti servit le plus souvent de paroi à la kolymbèthra, car c’était là une solution de réalisation plus simple. Dans ce cas, il n’était pas rare que cette frons pulpiti soit doublée sur sa face postérieure par un mur, évidemment destiné à la renforcer pour lui permettre de résister à la pression de l’eau. C’était le cas, par exemple, à Argos et à Athènes. Les rares cas où la frons pulpiti fut masquée s’expliquent dans doute par la recherche d’une meilleure étanchéité. En effet, sous le pulpitum du théâtre de Césarée Maritime, se trouvait une salle souterraine, un hyposcenium. L’installation des deux arrivées d’eau qui passaient au-dessus aurait donc pu amener des infiltrations dans le bâtiment scénique, si des mesures appropriées n’avaient été prises : l’hyposcenium fut comblé de terre et le mur du bassin vint doubler la frons pulpiti. De même, à Syracuse, on a retrouvé deux fosses d’époque romaine destinées à un rideau de scène. Or la seconde, légèrement en retrait par rapport à la première désormais transformée en collecteur des eaux, était probablement toujours en service à l’époque de la kolymbèthra. Il était donc préférable d’isoler le bassin du pulpitum, afin de mieux assurer l’étanchéité des installations souterraines. On sait en revanche qu’à Corinthe par exemple, la fosse du rideau de scène, comblée à l’époque de la transformation du théâtre en arène, ne fut jamais remise en service. À Argos, il semble qu’il n’ait jamais existé aucune installation de cette sorte. L’aménagement d’un bassin ne pouvait que s’en trouver facilité130. 130 Il fut toutefois nécessaire, par ailleurs, de boucher un passage souterrain d’époque hellénistique, qui circulait sous l’orchestra.
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THÉÂTRES ET AMPHITHÉÂTRES ADAPTÉS À LÀ MISE EN EAU
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Par ailleurs, on constate que dans tous les théâtres à kolymbèthra dont la frons pulpiti ou le mur qui vint la doubler ont été conservés et fouillés, des escaliers furent spécifiquement aménagés pour mettre en communication l’estrade et le bassin. La présence de quelques marches reliant le pulpitum à l’orchestra n’était certes pas propre aux théâtres adaptés à la mise en eau. À Argos par exemple, avant la réalisation de la kolymbèthra, de tels escaliers existaient déjà sur la frons pulpiti, mais seulement aux extrémités de cette dernière. Ils n’étaient donc pas englobés par le bassin, ce qui motiva la réalisation d’une nouvelle volée de marches. Dans la plupart des autres monuments qui nous occupent, de tels escaliers furent systématiquement rajoutés sur une frons pulpiti qui n’en comportait pas à l’origine. Dans les théâtres d’époque romaine, on le sait, l’orchestra n’était pas nécessaire aux évolutions des acteurs et n’avait plus d’autre utilité que de recevoir parfois les sièges des spectateurs de marque. C’est donc la réalisation du bassin qui rendit véritablement indispensable la communication entre l’estrade et l’orchestra. Cela signifie que les spectacles où intervenaient des séquences aquatiques utilisaient alternativement les deux espaces. Ce détail concorde avec les rares textes que nous possédons sur les hydromimes du Bas-Empire, qui les font apparaître comme des «numéros» intégrés dans une multitude d’autres épisodes indépendants, prouesses d’acrobates et tableaux vivants, à la manière des modernes spectacles «de variétés». La circulation des spectateurs Les nouvelles réalisations compromirent parfois la bonne circulation des spectateurs. À Venafrum, la crypta Ouest fut rendue impraticable par la citerne alimentant le bassin. À Corinthe, la circulation dans la crypta Est fut fortement gênée par un petit réservoir dans lequel débouchait d’abord l’eau de la citerne alimentant la kolymbèthra. À Néapolis, le haut parapet qui entourait le bassin fermait les parodoi. Cependant, des solutions de remplacement furent mises au point, dans la mesure du possible. Ainsi, à Césarée Maritime, des escaliers réalisés aux extrémités des cryptae Nord et Sud conduisaient à un passage surélevé qui courait entre la cavea et le mur du bassin. Les escaliers de l’ima cavea y aboutissaient. À Néapolis, c’est le mur même du bassin qui constituait un passage surélevé desservant la cavea. Dans quelques rares théâtres, l’espace laissé dans l’orchestra pour la circulation des spectateurs fut suffisant pour ne nécessiter aucune modification. Ce fut le cas à ce qu’il semble à Syracuse, ainsi qu’à Argos, où une bande de 3 m entre la proédrie et la kolymbèthra permettait aux spectateurs de gagner leurs places comme par le passé. À Argos comme dans tous les autres théâtres à kolymbèthra, la
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ET LEURS SITES D’ACCUEIL
proédrie elle-même fut certainement abandonnée par les spectateurs de marque, car elle était trop près du mur du bassin. Le phénomène est particulièrement manifeste à Spolète, où ce mur fut construit sur la proédrie elle-même, mais aussi à Ostie. En effet dans ce dernier théâtre, des murets contemporains du bassin vinrent interrompre l’ambulacre qui courait entre le dernier gradin de la cavea et un parapet de marbre qui le séparait de la proédrie. I. Gismondi a voulu voir dans ces murets des étais renforçant une kolymbèthra étendue jusqu’au parapet de la proédrie, mais cette hypothèse rencontre des difficultés techniques et se trouve en contradiction avec le tracé du bassin selon le relevé publié par R. Lanciani. Le parapet de la proédrie n’était pas continu mais s’interrompait au niveau des escaliers de la cavea. Dès lors, il faut en conclure que la réalisation des murets, encadrant chacune des ouvertures du parapet pour les relier aux volées de marche, témoigne de l’abolition de la proédrie elle-même. Trop basse pour porter convenablement le regard au-dessus du mur du bassin, elle fut transformée en espace libre pour la circulation des spectateurs, qui venus des parodoi accédaient de là aux escaliers de la cavea. Dans les théâtres à kolymbèthra, les spectateurs de haut rang furent sans doute désormais placés dans les tribunalia, ou à défaut sur le rang de gradins assurant une visibilité optimale au-dessus du mur du bassin. Le conduit d’évacuation Si l’adaptation d’un théâtre aux spectacles aquatiques signifiait nécessairement l’installation d’un bassin et d’un nouveau système d’arrivée d’eau, en revanche la vidange de la kolymbèthra fut toujours assurée par les dispositifs d’évacuation des eaux préexistants. Pourtant, ces installations sont paradoxalement les plus mal connues pour les monuments qui nous occupent. En effet, pour ceux qui ont été fouillés plus sommairement, ou qui n’ont pas encore fait l’objet de publications détaillées, nous ne possédons aucune information sur le système d’évacuation des eaux. Tel est le cas pour les théâtres de Spolète, Venafrum, Néapolis et Kato Paphos. En ce qui concerne celui d’Ostie, il est probable que la vidange était assurée par le grand collecteur qui se divisait en deux branches sous l’orchestra, mais la disparition totale du bassin ne permet pas d’en dire davantage. À Corinthe et à Argos, un orifice ménagé dans l’un des angles du bassin, non loin de la frons pulpiti, permettait de le vider tout simplement dans le caniveau du théâtre, juste avant qu’il ne s’enfonce sous le bâtiment de scène pour conduire les eaux au dehors. À Syracuse et à Césarée Maritime en revanche, la vidange du bas-
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THÉÂTRES ET AMPHITHÉÂTRES ADAPTÉS À LÀ MISE EN EAU
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sin se faisait au niveau de l’axe central du théâtre, où passait un vaste collecteur des eaux. Ce dernier, dans l’un et l’autre cas, résultait du réemploi d’un corridor qui donnait accès à l’origine à une pièce située sous l’orchestra, et ne fut adapté que par la suite au drainage des eaux. Lors de sa transformation en collecteur, ce corridor fut prolongé pour conduire les eaux au-delà du bâtiment scénique. À Syracuse, cette transformation fut réalisée avant l’adaptation du théâtre aux spectacles aquatiques et ne doit donc pas être mise en rapport direct avec cette dernière. Tout au plus peut-on penser, d’après quelques indices, que le conduit fut élargi lors de la mise en place du bassin. Pour Césarée Maritime en revanche, A. Frova131 ne se prononce pas nettement sur l’antériorité du collecteur central par rapport à la kolymbèthra. Il n’est pas impossible qu’ils aient été contemporains. Les conduits d’écoulement qui furent utilisés dans les théâtres à kolymbèthra ne présentent donc aucune caractéristique spécifique. Il est clair par conséquent qu’un canal d’évacuation, même très vaste, ne peut représenter un indice suffisant pour attester l’adaptation d’un édifice aux spectacles aquatiques. Ainsi, dans le théâtre de Montegrotto, la découverte d’un canal manifestement destiné à drainer une masse d’eau importante, qui partait de l’orchestra pour traverser une pièce annexe au théâtre du côté Sud, incite à supposer l’existence d’un bassin. Mais sans la présence indiscutable de ce dernier, ou d’une arrivée d’eau, il est impossible de rien affirmer. La diffusion des théâtres à kolymbèthra Transformation en arène ou aménagement d’une kolymbèthra ? Une fois plus clairement établie la typologie des théâtres adaptés aux spectacles aquatiques, grâce aux exemples les mieux attestés, il convient de revenir sur un certain nombre d’édifices pour lesquels la même hypothèse a été proposée, sans toutefois être appuyée par des indices aussi nombreux, ou par une documentation suffisamment détaillée. En dehors des théâtres de Brescia et de Montegrotto en Italie, que nous avons déjà mentionnés, il s’agit essentiellement de ceux de Taormina et de Tyndaris en Sicile, de plusieurs édifices d’Asie Mineure, et des théâtres de Cyrène et de Ptolémaïs en Cyrénaïque. Entre le IIe et le IIIe siècle ap. J.-C., dans le théâtre de Taormi132 na , le niveau du sol de l’orchestra fut abaissé, et celle-ci fut entou131 A. Frova et alii, Scavi di Caesarea Marittima, Milano, Ist. Lombardo di Sc. e lett., 1965, p. 182. 132 Voir la description du théâtre dans la documentation archéologique annexe.
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rée, au détriment des premiers gradins, d’un corridor annulaire haut de 3 m environ, percé de portes la rendant accessible. À la même époque, le pulpitum fut déposé. Comme le fait observer J.-C. Golvin133, on sait désormais qu’un pulpitum soudé à la cavea ou supprimé et un podium réalisé au détriment de quelques gradins ou par le creusement de l’orchestra, sont les caractéristiques des théâtres où furent donnés des uenationes et des combats de gladiateurs. Le corridor qui courait parfois derrière ce podium, ouvrant par quelques portes sur l’orchestra, était à l’image des pièces de service analogues ménagées sous la cavea des amphithéâtres134. Cependant, G. Traversari135 s’est appuyé sur ces constatations pour envisager la transformation de toute l’orchestra en bassin. Les portes du corridor annulaire auraient pu selon lui être obturées par des vannes renforcées par des sacs de sable. Certes, les adaptations aux spectacles de l’arène et aux spectacles aquatiques ont en commun une séparation radicale entre cavea et orchestra, notamment par la suppression de la proédrie et de l’accès direct par les parodoi à toute l’orchestra. On pourrait donc penser, pour le théâtre de Taormina, à une adaptation successive aux deux types de spectacles, comme à Hiérapolis ou à Corinthe, voire simultanée, selon la proposition de G. Traversari. Toutefois, une telle hypothèse n’est nullement cautionnée par la plupart des chercheurs qui se sont intéressés au monument après G. Traversari. Seuls C. Courtois et H. P. Isler l’ont reprise136. En 1930 déjà, G. Libertini137 la citait sans véritablement manifester son adhésion. M. Santangelo138 quant à lui, exprimait nettement son incrédulité, sans avancer toutefois aucun argument précis pour étayer son opinion. La plupart des auteurs récents qui mentionnent ce théâtre ne font état que d’une transformation de l’édifice en arène139. En outre, des arguments tirés de l’observation du monument luimême peuvent aisément être réunis à l’encontre de la proposition de G. Traversari. La situation même du théâtre, au sommet d’une colline isolée des hauteurs environnantes, n’aurait permis d’y acheminer J.-C. Golvin, L’amphithéâtre romain... cité, p. 241-242. Ibidem, p. 241 & n. 32. 135 G. Traversari, op. cit., p. 143-145. 136 C. Courtois, Le bâtiment de scène des théâtres d’Italie et de Sicile... cité, p. 274-277; H. P. Isler in TGR III, p. 51. 137 G. Libertini, Il teatro di Taormina, in Dioniso II, 1930, p. 111-121. 138 M. Santangelo, Taormina e dintorni, Roma, 1950, p. 35-56. 139 O. Belvedere, Opere pubbliche ed edifici per lo spettacolo nella Sicilia di età imperiale, in ANRW II, 11, 1, (p. 346-413) p. 363; R. J. A. Wilson, Towns of Sicily during the roman empire, in ANRW II, 11-1 (p. 90-206) p. 105; K. Mitens, Teatri greci e teatri ispirati all’architettura greca in Sicilia e nell’Italia meridionale (c. 35050 a.C.), Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1988, p. 121-122. 133
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l’eau qu’au prix de très importants travaux. Or l’aqueduc de Taormina, d’après les éléments connus de son tracé urbain, notamment une série de citernes conservées jusqu’à nos jours, aboutissait nettement au sud et en contrebas du théâtre. Par ailleurs, dans le théâtre, le sol des parascenia était au niveau de celui de l’orchestra, avec laquelle ils furent mis en communication à l’époque de l’adaptation aux spectacles de l’arène, par deux ouvertures. Dans la mesure où aucune trace de fermeture postérieure n’a été relevée à leur niveau, on voit mal comment l’eau d’un bassin étendu à toute l’orchestra ne s’y serait pas déversée. Il faut aussi noter que le conduit d’évacuation des eaux d’époque hellénistique, passant sous le bâtiment de scène, fut à l’époque romaine l’objet de réfections qui en réduisirent l’ampleur, ce qui n’aurait pas été le cas s’il avait été amené à drainer une quantité d’eau plus importante. Il est donc probable que le théâtre de Taormina n’a jamais été adapté qu’aux spectacles de l’arène. La plupart des arguments développés ci-dessus peuvent également être avancés pour le théâtre de Tyndaris140, doté d’un corridor annulaire analogue à celui de Taormina et qui a fait l’objet de la même hypothèse chez G. Traversari141. Dans cet édifice en outre, des recherches ultérieures plus systématiques142 n’ont mis en évidence aucune installation hydraulique susceptible d’étayer une telle affirmation. Seule l’adaptation aux spectacles de l’arène est unanimement reconnue. En Asie Mineure également il existe un certain nombre de théâtres pour lesquels une transformation en arène et une adaptation à la mise en eau ont été proposées concurremment par D. De Bernardi Ferrero, dans Teatri in Asia Minore143. Outre le théâtre de Hiérapolis, dont l’adaptation aux spectacles aquatiques a fait ailleurs l’objet d’une étude plus détaillée du même auteur144, il s’agit des théâtres d’Éphèse, de Magnésie du Ménandre, de Myra et de Sidè145. 140 Voir la description de ce théâtre dans la documentation archéologique annexe. 141 G. Traversari, op. cit., p. 143-145. Dans le même chapitre (p. 145), G. Traversari évoque également le théâtre de Catane, mais c’est pour mettre en doute l’hypothèse de son adaptation aux spectacles aquatiques, formulée par G. Libertini. De fait, aucune étude ultérieure du monument ne mentionne une telle éventualité. 142 L. Bernabó-Brea, Due secoli di studi, scavi e restauri del teatro greco di Tindari, in RIA, 13-14, 1964-1965, p. 99-143. 143 D. de Bernardi-Ferrero, Teatri classici in Asia Minore, III, Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1970. 144 D. De Bernardi Ferrero, La transformazione dell’orchestra del teatro di Hierapolis in colimbetra, in The proceedings of the Xth international Congress of classical archaeology, Ankara-Izmir, 23-30 IX 1973, (1978), p. 961-963. 145 Voir la description de ces théâtres dans la documentation archéologique annexe.
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L’idée que ces monuments aient pu accueillir des spectacles aquatiques ne repose que sur l’observation de deux transformations tardives : le renforcement du mur du proscenium ou de la frons pulpiti, qui vint se souder à la cavea et la construction d’un haut podium isolant l’orchestra. Au théâtre d’Iasos également, D. de Bernardi Ferrero146 observe qu’un nouveau pulpitum fut rattaché aux analemmata et que sa maçonnerie massive devait le rendre «capable de contenir l’eau d’une piscine». Cependant, les publications existant à l’heure actuelle sur chacun de ces monuments ne font pas état de la présence de citernes, de conduites, ni même d’un enduit hydraulique sur le sol de l’orchestra, ce qui ne peut manquer de jeter le doute sur les propositions de D. de Bernardi Ferrero. On peut aussi faire observer que les transformations considérées sont datées entre le Ier siècle ap. J.-C., pour celui de Magnésie, et la fin du IIe siècle, pour celui de Sidè. Il s’agirait donc de dates fort hautes pour des aménagements destinés aux spectacles aquatiques, en comparaison de la plupart des autres exemples attestés. Surtout, un bassin délimité par le podium de la cavea et le proscenium devait naturellement exclure toute ouverture sur l’extérieur, sous peine de mettre en péril l’étanchéité du bassin. Or, le théâtre de Magnésie du Ménandre possédait un accès souterrain ménagé sous l’orchestra. Ce théâtre fut donc adapté aux uenationes et aux combats de gladiateurs, mais jamais aux spectacles aquatiques. Quant aux théâtres d’Éphèse, Iasos et Sidè, leur orchestra communiquait avec des pièces annexes ménagées sous le bâtiment de scène, grâce à des portes qui s’ouvraient dans la façade du proscenium. Ce dispositif se retrouve dans un grand nombre d’autres théâtres d’Asie Mineure, pour lesquels la réalisation d’une piscine théâtrale n’a jamais été envisagée. Comme le fait observer J.-C. Golvin dans L’amphithéâtre romain147, ces aménagements correspondent aux pièces de service qui dans les amphithéâtres et dans certains «édifices mixtes» communiquaient avec l’arène par des portes ouvertes dans le mur du podium. Enfin, une orchestra transformée en arène se caractérisait aussi par l’absence d’escaliers qui l’auraient mise en communication directe avec la cavea ou le bâtiment de scène, pour d’évidentes raisons de sécurité148. C’était le cas dans tous les théâtres considérés. Or, nous l’avons vu, la construction d’escaliers descendant du pulpitum dans l’orchestra est au contraire une des caractéristiques de la réalisation dans cette dernière d’une kolymbèthra. D. De Bernardi Ferrero, op. cit., III, p. 67-74. J.-C. Golvin, L’amphithéâtre romain, Essai sur la théorisation de sa forme et de ses fonctions, Paris, de Boccard, 1988, p. 241. 148 Ibidem. 146
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Les aménagements évoqués par D. de Bernardi Ferrero correspondent donc à une adaptation aux spectacles de l’arène, mais excluent en réalité la présence d’une kolymbèthra. On sait par ailleurs que les chasses et les jeux de gladiateurs eurent un grand développement en Asie Mineure, notamment dans la métropole de la province d’Asie, Éphèse149. De fait, pour le théâtre de cette dernière cité, pour ceux d’Iasos et de Sidè également, aucune publication récente150 n’évoque l’hypothèse de D. de Bernardi Ferrero. En ce qui concerne le théâtre de Magnésie, seul H. P. Isler151 l’a reprise. J.-C. Golvin, en revanche, présente tous ces théâtres, ainsi que ceux de Myra et de Hiérapolis, comme exclusivement adaptés aux spectacles de l’arène. Cependant, le théâtre de Hiérapolis, nous l’avons vu, présente une série de caractéristiques qui rendent probable son adaptation aux spectacles aquatiques. Le doute peut dès lors subsister également pour le théâtre de Myra. En effet, comme à Hiérapolis, les portes qui s’ouvraient dans la façade de l’hyposcenium furent murées lors d’une phase de transformations tardives et selon D. de Bernardi Ferrero, des canalisations traversaient le niveau inférieur de la frons scaenae. Toutefois, il n’existe aucune publication détaillée sur ce monument, notamment sur ses installations hydrauliques. Il n’a été que partiellement dégagé. La proposition de D. de Bernardi Ferrero doit donc encore être vérifiée. En revanche, on ne peut aboutir à aucune conclusion, même partielle, touchant le théâtre de Nysa, où D. de Bernardi Ferrero152, suivie par H. P. Isler153, a également suggéré l’existence d’une kolymbèthra. L’orchestra y fut en effet transformée en un espace clos par
149 L. Robert, Les gladiateurs dans l’Orient grec, Paris, Champion, 1940, p. 195-196, inscr. n. 198-199, Ap. II n. 24-26. 150 Éphèse : C. Courtois, op. cit., p. 210; H. P. Isler in TGR III, p. 495-496; Iasos : D. Levi in Iasos, Suppl. à BdÀ 31-32, 1987, p. 2 sq., fig. 4, pl. 2 a, b, d; H. P. Isler in TGR III, p. 476; Sidè : Kazi Sonuçlari Toplantisi 5, 1983, p. 291-295 & 533-535; 7, 1985, p. 392-395; 8, 1986 p. 127-131; 9, 1987, p. 165-168; 11, 1989, p. 151-160; H. P. Isler in TGR III, p. 448. 151 TGR III, p. 354. H. P. Isler (ibidem, p. 429-430) crédite également le théâtre d’Aphrodisias d’une installation analogue. Cependant, aucune des publications qu’il cite comme les sources de sa notice sur ce monument ne font état d’une telle transformation. Les plus récentes parlent seulement d’une adaptation aux spectacles de l’arène (voir notamment Ch. Roueché et K. T. Erim, Recent work at Aphrodisias, in Aphrodisias Papers. Recent work on architecture and sculpture, in JRA, Suppl. 1, Ann Arbour, 1990, (p. 9-36) p. 32 et N. de Chaisemartin et D. Theodorescu, Recherches préliminaires sur la frons scaenae du théâtre, in Aphrodisias Papers, 2, The theater, a sculptor’s workshop, philosophers, and coin types, Ann Arbor, 1991, (p. 29-65), p. 38-39. 152 D. de Bernardi Ferrero, op. cit., Roma, 1970, p. 113-121. 153 TGR III, p. 505.
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l’obturation des parodoi et de la façade de l’hyposcenium. Toutefois, si le théâtre ne semble pas avoir été utilisé pour les spectacles de l’arène, aucune conduite d’eau susceptible d’avoir alimenté un bassin n’est mentionnée par la documentation, d’ailleurs assez réduite, existant sur ce monument qui n’a été que partiellement fouillé. Il en est encore de même pour le théâtre C de la ville de Troie. G. Traversari154 fait observer que le podium de 1,30 m qui tournait au pied de la cavea était trop bas pour permettre de donner des uenationes dans l’orchestra et que cette dernière était trop profonde par rapport à son rayon pour avoir servi d’espace réservé aux spectateurs de marque. Mais aucune installation hydraulique ne permet d’étayer plus solidement sa proposition. Le nombre des théâtres où D. de Bernardi Ferrero a supposé la présence d’une kolymbèthra faisait de l’Asie Mineure la région la plus riche en installations de cette sorte. La datation relativement haute des aménagements qu’elle interprète ainsi pouvait de ce fait cautionner l’origine orientale généralement attribuée aux hydromimes : depuis la Syrie, ce spectacle aurait gagné l’Asie Mineure, puis d’autres régions de l’empire. Mais dans la plupart des cas, les indices mis en avant par D. de Bernardi Ferrero attestent en réalité une adaptation du monument aux spectacles de l’arène. Pour d’autres, la pauvreté de la documentation disponible, le caractère partiel des fouilles effectuées, interdisent toute conclusion. Seul le théâtre de Hiérapolis présente des particularités qui rendent probable la réalisation tardive d’une kolymbèthra. Mais cette installation et plus encore celle qu’on soupçonne dans le théâtre de Myra, sont encore assez mal attestées, en comparaison des témoignages plus solides et des études plus détaillées que nous possédons sur quelques piscines théâtrales d’Italie, de Grèce et du Proche Orient. Nous sommes donc désormais fort loin de pouvoir considérer l’Asie Mineure comme une zone privilégiée pour la diffusion des spectacles aquatiques. Il reste à parler des théâtres de Cyrénaïque. Comme ils l’exposent dans The Market-Theater at Cyrene155, J. B. Ward Perkins et S. G. Gibson ont pu remonter le parcours du petit conduit qui passait sur les dalles du pulpitum du théâtre du Marché à Cyrène, pour aboutir au-dessus de son orchestra Ils ont ainsi constaté que sa partie antérieure fut comblée et mise hors d’usage lorsque fut posé le second pavement du Marché. La canalisation n’était donc plus en usage lors de la réalisation du théâtre, qui lui est postérieur. En outre, aucun revêtement de mortier hydraulique n’apparaît sur le sol
P. 140-142. J. B. Ward Perkins et S. G. Gibson, The Market-Theater complex and associated structures, Cyrene, in Libyan Studies, 18, 1987, p. 43-72. 154 155
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de l’orchestra, ni sur la paroi du podium et il n’existait pas dans ce théâtre de conduit d’évacuation important. L’hypothèse de la présence d’un bassin dans le théâtre du Marché de Cyrène a donc été abandonnée par les auteurs de l’article, suivis par H. P. Isler. Ce dernier continue en revanche de citer le théâtre de Ptolémaïs parmi les théâtres à kolymbèthra. Toutefois, dans la mesure où ni revêtement hydraulique, ni conduit d’évacuation n’y ont été retrouvés, on peut se demander si sa mention n’est pas simplement due à l’absence, sur ce monument, d’une étude détaillée récente, analogue à celle que nous possédons pour celui de Cyrène. Les théâtres à kolymbèthra attestés : chronologie et contexte local Une fois éliminées quelques hypothèses erronées, il convient de revenir sur les théâtres à kolymbèthra les mieux attestés, afin de tenter d’établir si ces installations ont connu une évolution au cours du temps et surtout quelle a pu être le véritable cheminement de leur diffusion. Italie et Sicile
Achaïe
Asie
Chypre
Syrie-Palestine
Corinthe deuxième moitié du IIIe s. Venafrum avant 345
Argos premier tiers du IVe s.
Spolète IVe s. (?)
Kato Paphos fin du IIIe s. ou début du IVe s. (?) Hiérapolis IVe s. (?) Césarée Maritime fin du IVe s.
Ostie fin IVedébut Ve s. Syracuse début du Ve s. Athènes fin du Ve s.début du VIe s.
Néapolis fin du Ve s.début du VIe s.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ET LEURS SITES D’ACCUEIL
Les rapports chronologiques existant entre les installations de ces différents théâtres restent fort incertains, car les datations proposées sont généralement assez imprécises et basées sur de faibles indices. Néanmoins, les quelques données que nous possédons confirment certaines observations déjà tirées de la typologie de ces édifices. Ainsi, il apparaît que les deux principaux procédés employés pour assurer la mise en eau du bassin, la dérivation d’un aqueduc et la réalisation de citernes, ne se sont pas succédé dans le temps. On rencontre parfois le premier, le plus souvent le second, tout au long de la période considérée. La technique utilisée, comme nous l’avons dit, fut choisie uniquement en fonction des possibilités offertes par chaque site. En revanche, la transformation en bassin de toute l’orchestra par la réalisation d’un podium, sur le modèle des «édifices mixtes» destinés aux spectacles de l’arène, semble avoir concerné des aménagements relativement tardifs. Les piscines théâtrales de cette sorte ont toutes été relevées dans les régions orientales de l’empire et aucune en Italie ou en Grèce. À ce tableau répertoriant uniquement les monuments où l’installation d’une kolymbèthra est archéologiquement attestée, il faudrait peut-être ajouter, nous l’avons vu, quelques autres théâtres d’Italie et d’Asie Mineure, pour lesquels il s’agit seulement d’une hypothèse : ceux de Brescia, de Montegrotto et de Myra notamment. Les témoignages littéraires attestant l’existence à Rome, à Milan et à Carthage, de spectacles aquatiques présentés dans un théâtre, doivent également être pris en compte. Ces textes datent tous de la seconde moitié du IVe ou du début du Ve siècle, donc de l’époque même où furent réalisées la plupart des structures retrouvées. L’ajout à notre tableau de ces quelques sites ne remettrait pas en cause, pour l’essentiel, la période de diffusion et la répartition géographique des théâtres à kolymbèthra. Seul, le témoignage de saint Augustin permet en outre d’envisager l’existence de tels théâtres en Afrique du Nord. Face à ce tableau chronologique, il apparaît aussi que le cheminement de diffusion de la kolymbèthra théâtrale ne fut pas absolument linéaire. Ainsi, deux des plus importantes cités de la province d’Achaïe, Corinthe et Argos, se sont dotées d’une kolymbèthra à une date assez précoce, alors qu’Athènes fut sans doute l’une des dernières à adopter une installation analogue. Tout au long de la période, des villes d’Italie adaptèrent leur théâtre aux spectacles aquatiques. Mais c’est paradoxalement la cité de Venafrum, d’importance moyenne, qui semble avoir réalisé ces travaux la première, alors que les installations d’Ostie et de Syracuse sont plus tardives. Enfin, bien qu’Antioche ait certainement joué un rôle pionnier dans l’adaptation aux spectacles aquatiques des structures théâtrales, comme en témoigne l’édifice retrouvé à Daphné, les autres théâtres à kolymbè-
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thra retrouvés dans la province la plus voisine, la Syrie Palestine, sont parmi les plus tardives. Toutefois, il faut tenir compte du caractère très lacunaire de notre documentation archéologique. Il est fort possible qu’un théâtre adapté à la mise en eau ait existé dans d’autres villes de l’empire, notamment dans les métropoles des régions orientales. Ainsi, nos connaissances sur l’Alexandrie romaine ne permettent pas d’écarter l’éventuelle présence d’un tel théâtre parmi ses monuments. Par ailleurs, le fait que le théâtre à kolymbèthra de Milan et celui de Rome ne soient attestés que par les textes de Symmaque et de Claudien ne signifie nullement, bien sûr, que leur réalisation fut postérieure à celle des piscines théâtrales de Venafrum ou de Spolète. Le contraire paraît bien plus plausible. Dès lors, on peut retracer approximativement la manière dont le modèle de la kolymbèthra théâtrale se diffusa de proche en proche. Bien que les théâtres adaptés à la mise en eau soient apparus de manière précoce dans la ville d’Antioche, mais aussi sans doute en Italie et en Campanie dès le début du Ier siècle, ces innovations, dans un premier temps, ne semblent guère avoir eu de conséquences sur les régions environnantes. En revanche à partir du IIIe siècle, lorsque la vogue des hydromimes se répandit plus largement, elle donna lieu à de premiers aménagements en Italie sur le modèle de la capitale, mais aussi en Achaïe, région assez voisine et de vieille tradition théâtrale. L’influence d’Antioche se fit peut-être sentir dans la diffusion de la kolymbèthra théâtrale vers d’autres régions du Proche Orient. Les raisons d’une telle diffusion correspondant à une période et à un cheminement géographique assez précis échappent au domaine archéologique et devront faire l’objet de recherches ultérieures.
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L’examen de la documentation archéologique nous a apporté quelques précisions sur la manière dont se déroulaient les mises en scène aquatiques, dans chaque type d’édifice concerné. Elle permet également de soupçonner une origine romaine ou plus généralement italienne à ces spectacles. Il importe cependant de vérifier cette hypothèse, en cherchant à préciser dans leur création la part des influences étrangères et celle de phénomènes spécifiquement romains. L’étude des édifices adaptés à la mise en eau a également confirmé certains phénomènes d’évolution déjà pressentis à travers les textes évoquant les spectacles. Mais il reste à en approfondir les raisons, en tentant de comprendre par exemple pourquoi disparurent les grandes naumachies du Haut-Empire, ou pourquoi l’innovation que représentait la mise en eau d’un amphithéâtre fut sans lendemain. L’essor tardif des hydromimes, dont témoignent les théâtres à kolymbèthra du Bas-Empire, reste également à expliquer. Une meilleure compréhension de ces différents phénomènes passe sans doute par la mise en évidence de la signification accordée à ces spectacles, autrement dit de leur symbolique et des transformations qu’elle put subir au cours du temps.
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CHAPITRE 6
ORIGINES ET SOURCES D’INFLUENCE
DES
ORIGINES EXTÉRIEURES À LA TRADITION ROMAINE ?
Nous l’avons vu, les sources anciennes sont muettes sur les origines des divers spectacles aquatiques qui apparurent à Rome à la fin de la République et au début de l’Empire. Certes, les exhibitions ou les mises à mort d’animaux nilotiques et marins représentaient de toute évidence une variante plus tard venue de la uenatio, dont elles suivaient les principes essentiels. En revanche, on ne possède pas les mêmes certitudes touchant les spectacles de combat naval. Ils constituaient en effet une catégorie de spectacles bien à part, sanctionnée par l’existence du nom générique de naumachia, d’ailleurs d’origine grecque. Il convient donc de rechercher d’éventuels précédents étrangers à la naumachie de César. Les modèles extérieurs possibles des naumachies romaines Aux origines du mot naumachia : un jeu de damier venu du monde grec L’origine du mot naumachia pourrait dans un premier temps inciter à rechercher du côté du monde hellénique. Toutefois, ce terme dans la langue grecque ne servit jamais à désigner un spectacle avant l’époque romaine. En outre, les seules compétitions navales attestées dans la tradition des jeux grecs étaient des régates. Enfin, même dans les sources latines, cet hellénisme ne saurait servir de fil conducteur pour une raison majeure : il n’apparaît pas dans les textes les plus anciens de notre corpus et se rencontre pour la première fois, à propos des jeux de César, chez Velléius Paterculus qui écrivait à l’époque de Tibère. Auguste et Ovide, en revanche, emploient les expressions naualis proeli spectaculum et belli naualis imago. Il est difficile de tirer des conclusions à partir d’un nombre d’occurrences aussi limité. Néanmoins il est probable que le mot de naumachia n’en vint à désigner les mises en scène de combats navals que quelques temps seulement après leur apparition.
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
Par ailleurs, il existe un texte latin, antérieur aux jeux de 46 av. J.-C., où apparaît le mot de naumachia. Il s’agit d’un fragment de Lucilius (XIV, 8)1 : Naumachiam licet haec, inquam, alueolumque putare, et calces. Delectes te, hilo non rectius uiuas 2. (il est possible, dis-je, de considérer ces activités de la même façon qu’une naumachie ou des pions sur une table de jeu. Tu peux t’amuser, mais tu n’en mèneras en rien une vie plus droite).
Il est difficile d’imaginer que l’auteur ait voulu mettre sur le même plan un inoffensif jeu de damier et une des sanglantes mises en scène qu’on connaît sous le nom de naumachia. Il ne fait donc pas allusion à un spectacle analogue à celui que donna César près d’un siècle plus tard, mais à un autre divertissement déjà connu sous ce nom. S’agit-il d’un spectacle? La minceur du fragment conservé ne permet guère de répondre à cette question et les autres fragments du livre XIV ne peuvent nous y aider 3. F. Charpin, traducteur de Lucilius 4, rapproche ce passage d’une note de Servius (Aen., V, 114.) : PRIMÀ CERTAMINÀ Punico bello primum naumachiam ad exercitium instituere Romani coeperunt... (C’est d’abord au cours des guerres puniques que les Romains commencèrent à organiser des naumachies comme entraînement militaire...).
Il est toutefois peu probable que Lucilius ait voulu qualifier d’activité futile ces exercices, qui ne semblent d’ailleurs guère comparables à un jeu de damier. Ce rapprochement entre le poète satirique du IIe siècle av. J.-C. et le scoliaste tardif, dont le témoignage peut d’ailleurs être mis en doute 5, ne s’impose donc pas. On est alors conduit à supposer qu’avant les grandes naumachies des imperatores, le terme servait aussi à désigner un jeu de table. C’est l’hypothèse avancée notamment par H. Van Effenterre 6. Il y rappelle la découverte en Crète Orientale d’une inscription rupestre gravée, parmi toutes sortes de noms et de dessins variés, sur les dalles de calcaire dur qui forment la crête de l’Oxa, montagne qui Frg. 467-468 (ed. Marx) = frg. 472-473 (ed. Krenkel). Satires, tome II, texte établi par F. Charpin, Paris, Les Belles Lettres, 1979. 3 Le texte où se trouvait ce fragment ne peut nous aider davantage : il s’agit d’un passage des Institutiones grammaticae de Priscien, où l’auteur s’intéresse à la forme archaïque hilum, dont il illustre l’emploi par la citation de Lucilius. 4 Dans les notes de son édition du texte aux Belles Lettres, p. 230. 5 Voir ci-dessous, p. 282. 6 H. Van Effenterre, Cupules et naumachies, in BCH, LXXIX, 1955, p. 541548. 1
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domine Olonte. Les graffitis sont attribués aux soldats qu’envoyait cette cité pour surveiller sa frontière Sud, et le golfe de Mirabello. Parmi eux on relève une inscription, comprenant le mot naymaxı¥a, que H. Van Effenterre complète ainsi : Nı¥kwn dieika¥[sav] taùn naymaxı¥an e¶uhke o© eßde¥ja[to] (L’auteur de cette inscription gagna par deux fois à la naumachie).
Non loin de celle-ci se trouve un cercle gravé creusé de huit cupules. Des disques analogues, d’époque minoenne, avaient été découverts en grand nombre à Mallia, dont certains sur le pavement d’une cour ou d’une rue, ce qui amène H. Van Effenterre à privilégier l’interprétation déjà avancée de ces cercles comme des tables de jeux 7. Mettant en parallèle la découverte du plateau de l’Oxa où une probable table de jeu voisine avec le mot naymaxı¥a, le texte déjà cité de Lucilius et une énumération de Pollux (VII, 206) où se trouve sans doute évoqué le même jeu, il en conclut que les soldats trompaient l’ennui de leur faction grâce à une «bataille navale», qui se jouait avec des jetons sur une table circulaire 8. Ce divertissement d’origine crétoise se répandit ensuite dans le monde hellénistique, puis jusqu’à Rome. Ni les textes de Lucilius et de Pollux, ni l’inscription crétoise ne relèvent donc d’un corpus consacré aux spectacles publics romains. Les manœuvres d’entraînement des flottes. Il convient à présent de revenir sur la note de Servius. Elle semble impliquer que le terme de naumachia ait aussi servi à désigner les manœuvres d’entraînement des flottes militaires. De fait, on sait que ces dernières se livraient à de tels exercices. À l’époque classique, il s’agissait essentiellement de courses entre les trières 9. Mais avec l’évolution des techniques de combat naval à l’époque hellénistique et l’émergence de vaisseaux moins agiles, mais plus lourdement armés, on procéda désormais à des simulacres d’affrontement10. Il en fut de même à Rome lorsque celle-ci se dota d’une véritable flotte de guerre. Selon Tite-Live (XXIX, 22, 1-4), Scipion l’Africain se livra à une simulation de combat avant de partir pour Ibidem, p. 541-546. Ibidem, p. 547-548. 9 Voir en particulier Thc, VI, 32, 2; Xén., Hell., VI, 2, 28; Arr., An. VII, 23, 5. 10 M. Reddé, Mare Nostrum. Les infrastructures, le dispositif et l’histoire de la marine militaire sous l’empire romain, Roma, 1986 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 260), p. 335-336. 7
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Carthage. Il s’agissait d’ailleurs moins d’entraîner ses troupes que de démontrer, précisément, leur impeccable préparation, par un véritable spectacle offert aux envoyés du sénat : Venientibus iis Syracusas, Scipio res, non uerba ad purgandum sese parauit. Exercitum omnem eo conuenire, classem expediri iussit, tamquam dimicandum eo die terra marique cum Carthaginiensibus esset. Quo die uenerunt hospitio comiter acceptis postero die terrestrem naualemque exercitum, non instructos modo, sed hos decurrentes, classem in portu simulacrum et ipsam edentem naualis pugnae, ostendit. Tum circa ad armamentaria et horrea bellique alium apparatum uisendum praetor legatique ducti; tantaque admiratio singularum uniuersarumque rerum incusssa, ut satis crederent aut illo duce atque exercitu uinci Carthaginiensem populum, aut alio nullo posse11. (Comme ils [les envoyés du sénat] venaient à Syracuse, Scipion prépara des faits et non des paroles, pour se disculper. Il ordonna à toute l’armée de se réunir là, à la flotte de se préparer, comme s’il fallait ce jour même combattre les Carthaginois sur terre et sur mer. Le jour de leur arrivée, ils furent accueillis comme des hôtes, amicalement; le jour suivant il leur montra ses forces terrestres et navales, non pas seulement rangées en ordre de bataille, mais faisant des manœuvres, et la flotte se livrant elle aussi dans le port à un simulacre de combat naval. Puis on conduisit le préteur et les légats autour des arsenaux, des greniers et des autres préparatifs de guerre et telle fut leur admiration pour chaque chose et pour tout l’ensemble qu’ils furent convaincus que les Carthaginois seraient vaincus par cette armée ou bien que nulle autre ne le pourrait).
Bien que nous n’en possédions pas de témoignage, il est probable que de tels exercices avaient déjà lieu lors de la première Guerre Punique où la Ville, pour la première fois de son histoire, réalisa un effort naval important. Scipion quant à lui innova certainement en les utilisant comme un spectacle, destiné toutefois à l’édification des seuls envoyés du sénat. On peut donc considérer comme véridique le témoignage de Servius touchant l’époque où apparurent à Rome les manœuvres navales. En revanche, aucun auteur grec ou latin antérieur mentionnant ces exercices n’emploie pour les désigner le terme de naumachia. Il y a donc lieu de soupçonner l’exactitude de l’information étymologique du grammairien. Par ailleurs, ces manœuvres n’étaient que des simulacres de combat, destinés essentiellement à entraîner rameurs et pilotes au déploiement des navires ou à l’éperonnage, et les soldats embarqués 11 Texte établi par P. François, Paris, Les Belles Lettres, 1994. Sur ces manœuvres d’entraînement, voir aussi Tite-Live (XXXV, 26), à propos de la flotte de Nabis.
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aux techniques d’abordage. Elles ne constituaient donc en rien un modèle direct pour les spectacles sanglants qu’étaient les naumachies. Nous l’avons vu, l’espace restreint concédé à ces dernières par certains des édifices où elles furent présentées implique que les phases préliminaires du combat aient été réduites à leur plus simple expression, voire purement et simplement supprimées, au profit du seul combat au corps à corps. Les manœuvres militaires n’ont donc eu sur le principe d’un spectacle de combat naval qu’une influence somme toute relativement lointaine. Si ni le terme de naumachia ni les exercices en usage dans la marine romaine ne peuvent rendre compte de l’apparition à Rome des spectacles de combat naval, il convient alors de chercher, parmi les spectacles étrangers, un éventuel modèle. Le certamen nauium de Padoue On connaît en Italie même l’existence d’un spectacle naval antérieur aux naumachies qui, comme ces dernières à leur origine, commémorait un succès militaire. Il est évoqué par Tite-Live (X, 2) dans un passage concernant sa ville natale de Padoue. Il y raconte comment ses compatriotes, en 302 av. J.-C., eurent à repousser le raid de pillage d’une flotte commandée par le Lacédémonien Cléonyme. Haec ubi Patauium sunt nuntiata – semper autem eos in armis accolae Galli habebant – in duas partes iuuentutem diuidunt. Altera in regionem, qua effusa populatio nuntiabatur, altera, ne cui praedonum obuia fieret, diuerso itinere ad stationem nauium – milia autem quatuordecim ab oppido aberat – ducta. In naues, paucis custodibus interemptis, impetus factus, territique nautae coguntur naues in alteram ripam amnis traiicere. Et in terra prosperum aeque in palatos praedatores proelium fuerat, refugientibusque ad stationem Graecis Ueneti obsistunt; ita in medio circumuenti hostes caesique; pars, capti, classem indicant regemque Cleonymum tria milia abesse. Inde, captiuis proximo uico in custodiam datis, pars fluuiatiles naues, ad superanda uada stagnorum apte planis alueis fabricatas, pars captiua navigia armatis complent, profectique ad classem, immobiles naues... circumuadunt, fugientesque in altum acrius quam repugnantes usque ad ostium amnis persecuti, captis quibusdam incensisque nauibus hostium, quas trepidatio in uada intulerat, uictores reuertuntur... Rostra nauium spoliaque Laconum in aede Iunonis ueteri fixa multi supersunt qui uiderunt Patauii. Monumentum naualis pugnae, eo die, quo pugnatum est, quotannis sollemni certamine nauium in flumine oppidi medio exercetur. (Lorsque cette nouvelle [le débarquement des Grecs] arrive à Padoue – le voisinage des Gaulois tenant toujours les habitants sous les armes –, on divise la jeunesse en deux groupes. L’un est conduit dans la région où, selon les nouvelles, s’est répandue la dévastation, l’autre,
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pour ne pas rencontrer les pillards, se rend par un autre itinéraire au mouillage des bateaux12, qui se trouvait à quatorze milles de la ville. Après avoir tué quelques sentinelles, on donne l’assaut aux navires, et les marins terrifiés sont contraints de conduire les bateaux sur l’autre rive. À terre aussi, le combat contre les pillards dispersés a un heureux résultat, et, aux Grecs qui se réfugient vers leur mouillage, les Vénètes barrent le chemin; ainsi, les ennemis sont encerclés et tués; certains d’entre eux, capturés, indiquent que la flotte et le roi Cléonyme sont à trois milles de là13. Aussi, les prisonniers laissés à la garde du village le plus proche, ils emplissent d’hommes en armes, d’une part des embarcations fluviales, bien faites, grâce à leur fond plat, pour passer sur les hauts fonds des lagunes, d’autre part les navires pris à l’ennemi, se dirigent vers la flotte, et attaquent de tous côtés les navires immobiles, qui craignaient plus ces lieux inconnus que l’ennemi; et comme ils mettent plus d’énergie à fuir vers le large qu’à se défendre, ils les poursuivent jusqu’à l’embouchure du fleuve, et après avoir pris et brûlé quelques vaisseaux, que le trouble avait jetés sur des hauts fonds, ils reviennent vainqueurs. Les éperons des navires et les dépouilles des Laconiens furent accrochés dans le vieux temple de Junon, et il reste encore beaucoup de gens qui les ont vus à Padoue. En commémoration de ce combat naval, chaque année, le jour où il fut disputé, une compétition nautique a lieu sur le fleuve, au milieu de la ville).
Certaines précisions fournies par Tite-Live sur ce certamen navium ont été vérifiées par des recherches contemporaines. Selon l’historien latin, ce spectacle, tout en utilisant le cadre naturel qu’était le fleuve, avait lieu «au centre de la ville». On sait que l’antique oppidum, comme la ville moderne, était traversé par le Medoacus (l’actuel Bacchiglione). C. Gasparotto14 pense avoir localisé l’endroit exact où avait lieu ce certamen navium : sur le tronçon du fleuve actuellement compris entre la piazza Cavour et l’Université, qui faisait déjà partie du Patavium préromain. D’abondants vestiges archéologiques y ont été retrouvés, qui témoignent de la présence à cet endroit d’un port fluvial très actif : des rues montant du fleuve vers une des artères principales de la ville, avec de nombreuses traces de roues, des vestiges d’entrepôts et d’un portique15. Le fleuve formait donc là un bassin large et profond, susceptible d’être le cadre d’un spectacle naval donné sur des embarcations fluviales telles que celles dont parle Tite-Live. L’antique temple de Junon dont il est également question devait se trouver non loin de là, mais il n’en 12 Les Grecs avaient remonté le fleuve sur leurs navires les plus légers pour atteindre les bourgs vénètes et les mettre au pillage. 13 Les navires les plus lourds étaient restés au mouillage à l’embouchure du fleuve. 14 C. Gasparotto, Padova romana, Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1951, p. 18 et 104-114. 15 Ibidem p. 18 et 104-114.
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reste aucune trace de nos jours. Il est probable que ce nom renvoie ici à une divinité locale plus ancienne, à laquelle Junon fut plus tard assimilée16. Rien ne permet donc de mettre en doute la véracité de l’auteur, qui évoque ici l’histoire et les traditions de sa propre cité. L’existence d’une fête nautique semble assez naturelle d’ailleurs dans ces régions fluviales et lacustres. La naumachie de César aurait-elle repris, sur une plus grande échelle, le modèle du spectacle de Padoue? Un retour sur le texte permet de répondre par la négative. Certes, ce dernier manque de précision dans notre perspective, car l’historien s’attache plus à décrire sa région natale et la victoire de ses ancêtres que la fête qui la commémorait. On relève toutefois entre les deux spectacles des différences importantes, à commencer par le gabarit des navires et le choix du site. À Padoue en effet le spectacle devait engager des barques fluviales analogues à celles qui avaient permis la victoire. Par ailleurs, si César avait voulu reproduire fidèlement le modèle padouan, il aurait pu aisément donner son spectacle sur le Tibre, non dans un bassin artificiel. Surtout, il est peu probable que le certamen navium de Padoue ait été comme la naumachie une véritable bataille. Les seuls spectacles sanglants attestés à l’époque de la victoire vénète sur Cléonyme étaient les combats de gladiateurs17. Mais on le sait, ils furent longtemps destinés uniquement à honorer les morts. Ce fut le cas à Rome jusqu’à la mort de César18. Pour cette période, on n’en connaît aucun exemple destiné à célébrer une victoire. L’expression certamen navium ne permet même pas d’affirmer l’organisation effective d’un combat, fût-il simulé, pour évoquer la bataille de jadis. Nous pourrions fort bien avoir affaire à une course entre embarcations. De fait, si dans un autre passage de Tite-Live, consacré à un épisode des Guerres Puniques19, certamen nauium désigne effectivement un combat naval, en revanche le Thesaurus Linguae Latinae 20 range l’occurrence relevée dans notre passage parmi celles où le mot certamen, employé dans le contexte des spectacles, signifie «combat» lorsqu’il est suivi de termes comme hominum ou equitum, mais simplement «compétition» lorsqu’il accompagne des génitifs pluriels tels que equum, oratorum, poetarum ... Il est donc difficile de trancher.
C. Gasparotto, op. cit., p. 16-17. Ceux-ci étaient pratiqués en Italie du Sud et en Étrurie dès le IVe siècle au moins. (G. Ville, La gladiature en Occident, Roma, 1982 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 245), p. 1-8). 18 Ibidem, p. 78 et 98. 19 XXI, 50, 2. 20 Thesaurus Linguae Latinae, III, Leipzig, Teubner, 1907, col. 881. 16
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Quoi qu’il en soit de ce dernier point, le spectacle de Padoue ne fut pas lui non plus un modèle direct pour les naumachies. La naumachie, un spectacle spécifiquement romain Il n’existe donc aucun modèle étranger direct aux naumachies romaine. Seules se sont révélées des sources d’influence, indirectes et partielles. Ainsi, le nom déjà donné antérieurement à un jeu de damier d’origine grecque explique que le public romain, habitué à appeler naumachia une bataille navale fictive, en soit aisément venu à désigner aussi sous ce terme un spectacle public qui, malgré son sanglant réalisme, était la reproduction artificielle d’un combat naval, et une fiction historique évoquant des peuples du monde grec. De même, l’erreur de Servius sur la «première naumachie» s’explique certainement par le fait que les manœuvres des flottes militaires romaines, simulations de combat, ont contribué à inspirer, à travers des initiatives comme celle de Scipion, l’idée d’un spectacle naval. Sur ce dernier point toutefois, le certamen nauium de Padoue a peut-être également joué un rôle. On peut rappeler les liens de César avec la Gaule transalpine, dans laquelle il séjourna à plusieurs reprises. Il est vraisemblable que la vue du certamen nauium de Padoue, même s’il s’agissait par exemple d’une régate, ait contribué à inspirer à César le principe d’un spectacle naval public présenté non pas en mer, mais dans un contexte urbain. Quoi qu’il en soit, le développement contemporain de divers spectacles dérivés de la gladiature, déjà évoqué 21, reste le premier élément d’explication à l’apparition des naumachies, ce qui fait ressortir son caractère spécifiquement romain. Il faut également mettre en avant l’initiative de César lui-même. Une telle conclusion ne doit guère surprendre, compte tenu des innovations du dictateur en tant de domaines plus essentiels, mais aussi de ses autres créations lors de ses jeux triomphaux, notamment son grand combat gregatim 22. Les hydromimes : une origine étrangère? Si l’éventualité d’un modèle direct pour la naumachie de César est aisément écarté, il n’en est pas de même en ce qui concerne les hydromimes. En effet, comme les chasses aquatiques, les hydromimes ne possédaient pas à notre connaissance de nom générique 21 22
Voir 1ère partie, p. 36-37. T. 2 et T. 5.
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dans l’Antiquité. Mais contrairement à elles, ils ne peuvent être étroitement rattachés à un type de spectacle bien romain, comme la uenatio. Bien au contraire, certains indices, comme leurs caractéristiques proches du «mime dansé», ou leur succès manifeste à Antioche, sont susceptibles de nous orienter vers l’hypothèse d’une origine étrangère, malgré les éléments de contradiction apportés par l’archéologie 23. Dans la mesure où aucune source littéraire antérieure aux épigrammes de Martial n’atteste directement l’existence de spectacles analogues dans telle ou telle région de l’empire, les rares savants qui se sont intéressés à cette question ont posé des hypothèses fort diverses. La légende de Léandre et Héro et le mime d’époque hellénistique En premier lieu, on peut s’attacher aux origines de la diffusion, dans le public romain, de la légende qui servit de sujet au premier hydromime attesté : celle de Léandre et Héro. Nous avons vu que la séquence consacrée dans l’arène à la traversée de Léandre ressemblait à d’autres spectacles amphithéâtraux inspirés de pièces de théâtre antérieures, comme le Laureolus 24. Il faut aussi noter que ce thème, popularisé par le théâtre selon Fronton (T. 57), était déjà bien connu des Romains avant les jeux de 80. La littérature atteste la diffusion de la légende dès l’époque augustéenne. En effet Virgile, dans les Géorgiques, désigne ses deux protagonistes par les seuls mots iuuenis (v. 258) et uirgo (v. 263), ce qui montre que l’allusion pouvait être aisément comprise de ses lecteurs. Ovide quant à lui évoque plusieurs fois cette histoire (Am., II, 16, 31; A.A., II, 249; Trist., III, 10, 41-42, Contre Ibis, 590) et la traite dans deux pièces de ses Héroïdes (XVIII & XIX) qui constituent, avec un epyllion de Musée, beaucoup plus tardif 25, les deux seules œuvres littéraires qui lui soient consacrées. Or, il existe de nombreuses divergences entre le traitement de la légende par Ovide et celui du poème de Musée. Le premier ne fut certainement pas la seule source d’inspiration du second 26. En outre, à l’époque impériale, Sestos et Abydos ont frappé des monnaies qui représentaient la fameuse traversée 27. Aussi est-il possible d’envisager que la légende soit née dans cette région, à l’éVoir 2e partie, p. 233-234. Voir 1ère partie, p. 133-134. 25 Ve siècle ap. J.-C. 26 G. Solimano, Ero e Leandro, considerazioni sull’origine del mito, in L. de Regibus et P. Mingazzini, Tetraonyma. Miscellanea Graeco-Romana, Genova, 1966 (p. 251-264), p. 257-261. 27 Sur ces monnaies, voir la bibliographie fournie par C. Caprino in EAA, sv. Leandros, p. 516-517. 23 24
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poque hellénistique. Elle se serait alors diffusée jusqu’en Italie, d’une manière que nous ignorons. Le théâtre aurait-il été ce vecteur de diffusion? Autrement dit, les hydromimes romains ont-ils eu des précédents dans le monde grec, issus du «mime dansé» décrit par Xénophon et des fastueuses mises en scène mythologiques chères à l’Égypte lagide? Cette hypothèse, basée essentiellement sur la diffusion de la légende d’Abydos avant l’époque flavienne, ne trouve aucune confirmation dans ses rares traitements grecs antérieurs à Virgile et à Ovide. En effet, seuls deux fragments de texte retrouvés sur des papyri sont susceptibles d’une datation plus haute. Le premier (pap. Ryl. 436) date du Ier siècle ap. J.-C., mais reproduit sans doute un texte d’époque hellénistique. Il s’agit de dix hexamètres où apparaît le nom La¥androv 28. Ce fragment atteste le traitement hellénistique du thème et pourrait être une des sources d’inspiration des œuvres postérieures. Mais il ne s’agit pas d’un texte théâtral. Le second de ces documents (pap. Oxyrh. 864) est en revanche un fragment d’œuvre dramatique. Selon G. Solimano 29 cette dernière serait «un précurseur comme genre, sinon comme forme théâtrale», des mimes et pantomimes romains sur ce thème. Il y est question d’une jeune fille, qui se lamente au bord de l’eau. La mention de l’Hellespont permet de penser qu’il s’agit d’Héro. Mais il serait difficile d’en faire le précurseur direct des hydromimes romains. En effet, dans la mesure où le nom d’Héro n’apparaît pas, il n’est même pas certain que ce texte évoque réellement la légende qui nous occupe. Comme le fait observer G. Solimano, d’autres récits s’attachaient au détroit des Dardanelles. En outre, même si le personnage mis en scène est effectivement celui d’Héro, nous avons affaire ici à un monologue. Rien n’indique que ce morceau dramatique ait aussi comporté l’épisode de la traversée, donc la nécessité d’une présence effective de l’eau dans l’orchestra 30. Enfin, il faut constater qu’en dehors de ces deux fragments contestables, les premiers auteurs de langue grecque à mentionner la légende sont Antipater de Thessalonique (Anthol. Pal., VII, 666; IX, 25) et Strabon (XIII, 1, 22), contemporains des premiers poètes latins qui y font référence. Les autres allusions à Léandre et Héro dans la littérature grecque, d’ailleurs situées entre
28 Cette forme s’explique soit par un archaïsme, soit par une erreur du copiste. On trouve d’ailleurs dans le poème de Musée, pour des raisons de métrique, la forme Leı¥androv à côté de Le¥androv. 29 G. Solimano, op. cit., p. 253. 30 Contrairement au spectacle évoqué par Fronton (T. 57), où le précédent des jeux de 80 et les paroles mises dans la bouche de Héro autorisent une autre hypothèse.
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le IIIe siècle et l’époque byzantine 31, ne sont qu’une dizaine, pour plus de vingt attestations latines, dont un bon nombre relèvent du Ier siècle ap. J.-C. Ces constatations ont conduit notamment J. Griffin 32 à nier l’existence dans la littérature grecque d’une œuvre de quelque importance, antérieure à celle d’Ovide et consacrée à la légende. Bien que cette dernière soit probablement née dans la région d’Abydos et sans doute exploitée pour la première fois par quelques monnaies locales, voire par quelque poète mineur, elle fut beaucoup plus populaire dans les régions de langue latine que dans le monde grec, surtout durant le Haut-Empire, époque de l’apparition des hydromimes. Rien, dans ce qui nous a été conservé du théâtre hellénistique, ne permet donc de rendre compte de l’apparition des hydromimes, et surtout de leur probable préexistence aux spectacles amphithéâtraux de Titus. Les hydromimes : une origine rituelle et orientale? C’est pourquoi G. Traversari 33, le premier à s’être arrêté sur cette question, a voulu appuyer ses hypothèses sur la très nette antériorité de la kolymbèthra de Daphné par rapport aux autres structures conservées de ce type. Selon lui, nous l’avons vu 34, les hydromimes auraient une origine syrienne : en vertu des racines religieuses du théâtre antique en général, il rapproche ces spectacles d’une série de rites aquatiques pratiqués dans ces régions. Il évoque, tout d’abord, le bain rituel que prévoyait le culte de maintes déesses dans les provinces orientales de l’empire. On sait en particulier que la fête d’Athéna en Argolide s’accompagnait d’une lauatio de la statue. Un hymne de Callimaque (V, 1-54) en porte témoignage. On connaît aussi, par exemple, la lauatio de Cybèle à Pessinonte, à Magnésie du Ménandre et à Cyzique, celle d’Héra près de Naupli, de Déméter Lousia en Arcadie, d’Artémis Daitis à Éphèse 35. Si on en croit le martyrologe de st. Théodote (Martyre de saint Théodote et des sept vierges, XIV), un rite analogue, accompagné aussi du
31 Pour la liste des allusions à la légende dans la littérature latine et grecque, voir G. Solimano, op. cit., p. 251-252. 32 J. Griffin, Latin poets and Roman life, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1985, p. 92 et n. 22. 33 G. Traversari, Gli spettacoli in acqua nel teatro tardo-antico, Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1960, p. 91-103. 34 Voir 2e partie, p. 226-228. 35 Hdn, I, 11, 2; Str., XIV, 40; CIG. 3657; Paus. II, 38, 2; VIII, 25, 6; Ch. Picard, Éphèse et Claros. Recherches sur les sanctuaires et les cultes de l’Ionie du nord; Paris, de Boccard, 1922, p. 312-321.
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bain rituel des desservantes du culte, se pratiquait à Ancyre 36. Des vierges chrétiennes auraient en effet été contraintes par le gouverneur Théotecnos à tenir la fonction de prêtresses de Diane et de Minerve en se baignant nues avec les statues des deux déesses, dans le lac voisin. Il s’agit d’un texte tardif, mais le caractère orgiastique de la cérémonie et le fait qu’une foule nombreuse y assiste, ont suggéré à G. Traversari l’idée que le spectacle du rituel de la lauatio, suivi par de nombreux fidèles, était à l’origine des spectacles profanes qu’étaient les hydromimes. Bien que ce texte soient depuis longtemps considéré comme relevant «de la plus haute fantaisie» selon l’expression de J. Delehaye 37, la description de la lauatio fut longtemps considérée comme un trait de «couleur locale» authentique, ajouté au récit pour lui conférer quelque vraisemblance 38. Mais à 36 ... oΩ Ueo¥teknov ... eßke¥leysen deù ayßtaùv th˜v Arte¥midov kaıù th˜v Auhna˜v ßıereı¥av gene¥suai. oy¶shv deù synhueı¥av ayßtoı˜v eßn tq˜ plhsı¥on lı¥mnq kataù e¶tov loy¥ein taù jo¥ana, h®n deù kat ayßthùn thùn hΩme¥ran ayßtoı˜v th˜v aßpoloy¥sewv oΩ kairoùv kaıù tw˜n eıßdw¥lwn. eßxrh˜n oyün e™kaston ayßtw ˜ n eßp oßxh¥mati eßpitı¥uesuai. eßke¥leysen goy˜n kaı¥ taùv parue¥noyv eßpıù thùn lı¥mnhn aßpa¥gesuai, oßfeiloy¥sav kaıù ayßtaùv loy¥sasuai metaù tw ˜n joa¥nwn kataù toù ı¶son sxh˜ma. h®gon oy®n ayßtaùv diaù me¥soy th˜v po¥lewv gegymnwme¥nav toı˜v sw¥masin, oßruav eΩstw ¥ sav eßpıù toı˜v oßxh¥masin proùv aßsxhmosy¥nhn kaıù xley¥hn. h¶gonto deù kaıù taù jo¥ana o¶pisuen oßlı¥gon tw˜n parue¥nwn prohgoyme¥nwn. synejh˜luen deù kaıù toù plh˜uov th˜v po¥lewv pa¥shv eßpıù tq˜ uewrı¥a∞ tw ˜ n ginome¥nwn, ayßlw ˜ n gaùr kaıù kymba¥lwn hüxov eßuewreı˜to kaıù gynaikw˜n oßrxismoıù lelyme¥noyv eßxoysw ˜ n toyùv ploka¥moyv w ™ sper maina¥dev, kaıù kty¥pov aßpoù tw ˜ n podw˜n eßgı¥neto polyùv katakroyo¥ntwn toù e¶dafov, kaıù pollaù deù moysikaù meu eΩaytw ˜ n eı®xon. kaıù oy™twv aßph˜gon taù jo¥ana, kaıù diaù tay˜ta meùn polyù plh˜uov th˜v po¥lewv syne¥dramen. poll√ deù ple¥on diaù toù pa¥uov tw˜n parue¥nwn, tw ˜ n meùn oıßkteiroy¥ntwn ayßtw ˜ n toù gh˜rav, tinw ˜ n deù eßkplhttome¥nwn thùn karterı¥an (texte établi par P. Franchi de’ Cavalieri, I martirii di S. Teodoto, Città del Vaticano, Tip Vaticana, 1901) : ([...] Théotecnos [...] ordonna qu’elles [les vierges] deviennent prêtresses d’Artémis et d’Athéna. C’était en effet l’habitude de baigner chaque année dans le lac tout proche les statues. Or, ce jour-là précisément, il était temps de procéder aux ablutions des idoles. Il fallait donc que chacune d’elles soit placée sur un char. Théotecnos ordonna que les vierges soient aussi conduites jusqu’au lac. Elles devaient se baigner avec les idoles, et de la même manière. On les conduisit donc nues à travers la cité, debout sur des chars, pour les tourner en dérision par cette indécence. Les statues suivaient à peu de distance. Une foule venue de toute la cité les accompagnait, pour assister au spectacle. En effet, elle regardait les danses des femmes de la procession, au son des flûtes et des cymbales. Ces danseuses avaient les cheveux lâchés comme des Ménades et le bruit retentissant des pieds frappant le sol allait croissant. Une musique très forte les accompagnait. C’est ainsi que les statues étaient emportées, et à cause de ce spectacle les habitants de la cité accouraient en foule, mais surtout pour assister au martyre des vierges. Certains éprouvaient de la compassion pour leur grand âge, quelques-uns étaient frappés de leur force d’âme). 37 La passion de S. Théodote d’Ancyre, in Annal. Boll., 22, 1903, (p. 320-328) p. 327. Déjà Voltaire, au début du chapitre X de son Traité sur la tolérance (p. 77 ed. Folio) avait ironisé sur ce martyre des sept vierges d’Ancyre, «de soixante et dix ans chacune». 38 Selon P. Franchi, (op. cit., p. 15), le caractère orgiastique de la procession s’expliquerait par les spécificités marquant le culte d’Artémis en Asie.
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supposer que le rite de la lauatio ait bien existé à Ancyre, un texte aussi peu crédible par ailleurs, puisque l’existence même de saint Théodote n’est pas certaine 39, ne saurait être considéré comme une source fiable sur les modalités du rituel. Le caractère orgiastique qui lui est prêté est plus probablement dû à la présentation volontairement défavorable des cultes païens dans ce type de récit. L’usage qu’en fait G. Traversari pour accréditer sa théorie est donc aussi peu crédible que le texte lui-même 40. Aucun autre texte cité par le chercheur italien, décrivant la lauatio d’une statue cultuelle, ne mentionne le bain des desservantes comme une part importante du rituel. Par ailleurs, on peut rappeler que le rite de la lauatio était connu en Italie bien avant l’époque flavienne, date de la première mention écrite des hydromimes, et même bien avant la fin de la République. G. Traversari lui-même cite la description par Ovide (F., IV, 337340) de la lauatio de la statue de Cybèle dans l’Almo et de celle de Vénus dans son temple (IV, 133-144). Dans la mesure où dans les deux cas, il s’agit de rites empruntés à la Grèce et à l’Orient hellénistique, le chercheur italien n’a pas vu en eux des obstacles à sa théorie. Mais on sait que lors de cette même fête de Vénus avait lieu un bain rituel des femmes de Rome elles-mêmes. Les matrones le pratiquaient dans les bains qui leur étaient réservés, tandis que les humiliores, notamment les courtisanes, se rendaient pour l’occasion dans ceux des hommes 41. Les sources divergent sur la déesse honorée par ce rite. Il pourrait s’agir de Vénus, mais aussi de Fortuna Virilis, 39 J. Delehaye souligne que ce récit, longtemps considéré comme un témoignage datant de l’époque des persécutions, doit en réalité être daté du IVe siècle. En témoignent les nombreuses invraisemblances et les contradictions du récit, en raison des insertions dans sa trame de lieux communs propres aux récits hagiographiques tardifs, tel l’épisode de l’âne porteur de reliques parvenant seul sur le lieu du futur sanctuaire, ou les démonstrations frénétiques prêtées à plusieurs reprises aux païens. Or, ce récit prétendument rédigé par un témoin oculaire est le seul garant de l’existence effective du saint lui-même. 40 On peut faire remarquer en outre que selon l’hagiographe lui-même, le spectacle qui attirait habituellement la foule à cette cérémonie était celui des danseuses et des musiciens qui accompagnaient les chars portant les deux statues et leurs desservantes. Quant à la nudité imposée aux vierges martyres, que G. Traversari met en parallèle avec celle des actrices des hydromimes, elle est explicitement attribuée à la volonté du tyran de les tourner en dérision, et non par les exigences rituelles de la cérémonie. 41 Il est possible également que la piscina publica de la XIIe région, qui se trouvait probablement non loin du temple de Fortuna Virilis, ait été utilisée pour cet usage. De la même manière, à Paestum, les vestiges d’un vaste bassin, construit en même temps que le Forum de la ville en 270 av. J.-C., représente sans doute un autre témoignage sur ce rite du bain collectif. Il se trouve en effet associé à des constructions de caractère cultuel (D. Theodorescu, A. Rouveret et E. Greco, La zone de la piscine et E. Greco, Funzioni della piscina, in Poseidonia-
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dont la fête se situait à la même date. Selon J. Champeaux 42, c’est à la seconde de ces deux déesses qu’il convient de le rattacher. Beaucoup plus ancien que l’introduction à Rome du culte hellénisé de Venus Verticordia, ce bain en compagnie des hommes était un rite de fertilité, relevant d’un très ancien fond religieux. Les courtisanes assumaient les aspects du rituel qui se trouvaient en contradiction avec la pudicitia des matrones. De la même manière, lors des Floralia, elles se dévêtaient sur scène, pour la fête d’une déesse elle aussi liée à la fécondité, à la croissance des végétaux 43. Rome elle-même possédait donc des traditions religieuses tout aussi susceptibles d’être rapprochées des hydromimes que celles de la Grèce et de l’Asie Mineure. Enfin, il convient de faire observer plus généralement que l’établissement d’une filiation directe entre les hydromimes et un culte aquatique, quel qu’il soit, serait en contradiction avec celle que nous avons pu leur reconnaître avec le mime dansé. Ce dernier avait un caractère essentiellement profane, puisqu’il semble avoir été à l’origine un divertissement de banquet, non un genre présenté dans les concours dramatiques liés aux grandes fêtes religieuses du monde grec. La description déjà citée, des «noces d’Ariane et de Dionysos» dans le Banquet de Xénophon (§ 5-6), n’est pas celle d’un drame sacré, mais d’un spectacle destiné à charmer les yeux des convives, simplement enchantés de l’agrément et de la vérité de la scène. Le caractère tout profane des hydromimes, tel qu’il ressort des descriptions de Martial ou de Jean Chrysostome, est donc très certainement originel. Les hydromimes, des spectacles aux caractéristiques bien romaines Nombre d’arguments peuvent nous inciter à persister dans cette voie. Ainsi, comme le montre J. Griffin 44, le thème de la nage, et les connotations érotiques liées à la nudité dans ce contexte, connurent chez les poètes latins un développement sans commune mesure avec celui, très modeste, qu’on relève dans la littérature grecque classique et hellénistique 45. La popularité particulière en Italie, dès l’époque Paestum III. Forum Nord, Roma, 1987 (Collection de l’École française de Rome, 42/3), p. 40-59 et 60-62). 42 J. Champeaux, Fortuna. Le culte de la Fortune dans le monde romain, I, Roma, 1982 (Collection de l’École française de Rome, 64/1), p. 378-395. 43 Ibidem, p. 384-394 et 406-407. 44 J. Griffin, op. cit., p. 88-111. 45 J. Griffin en veut pour preuve, notamment, l’article Schwimmen dans l’encyclopédie Pauly-Wissowa (R.E., Suppl. V, col. 847-863) qui pour la littérature
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augustéenne, de la traversée de Léandre, associée aux péripéties amoureuses du récit, ne constitue donc pas un phénomène isolé. Certaines des manifestations de ce phénomène, que J. Griffin relève chez les poètes latins d’époque tardo-républicaine ou julioclaudienne, sont particulièrement intéressantes dans notre perspective. Telle est, par exemple, la description par Catulle (LXIV, 12-20) de la rencontre de Thétis et de Pélée, monté avec ses compagnons sur le navire Argo : Quae simul ac rostro uentosum proscidit aequor, Tortaque remigio spumis incanduit unda, Emersere freti candenti e gurgite uultus Aequoreae monstrum Nereides admirantes. Hac, illa atque alia uiderunt luce marinas Mortales oculis nudato corpore Nymphas Nutricum tenus extantes e gurgite cano. Tum Thetidis Peleus incensus fertur amore, Tum Thetis humanos non despexit hymenaeos 46. (Dès que le navire eut fendu de son rostre la plaine venteuse, dès que ses rames eurent retourné les eaux blanches d’écume, de l’abîme scintillant émergèrent les visages des Néréides, déesses de la mer, admirant la merveille. Ce jour-là, un autre, puis un autre encore, des mortels virent de leurs yeux les nymphes marines, le corps nu, se dressant jusqu’à la poitrine au-dessus des flots argentés. Ce fut alors, dit-on, que Pélée fut enflammé d’amour pour Thétis, ce fut alors que Thétis ne dédaigna point l’hymen d’un mortel).
Il ne s’agit pas ici de l’ajout d’une scène aquatique à une légende qui n’en comportait pas au départ, comme chez Nonnos. Mais cet épisode est bel et bien un enjolivement personnel, par le poète, de la légende de la déesse marine et de son mariage avec un mortel, comme le seront plus tard les développements de Dracontius sur Jason gagnant furtivement à la nage la terre de Colchide, ou sur la rencontre de l’Amour et des Nymphes du Pénée 47. La Néréide, dit Catulle, émerge à demi de l’eau, nutricum tenus (v.18). Une expression analogue se retrouve aussi notamment chez Ovide (Met., V, 412-413) à propos de la nymphe Cyané sortant des eaux de son étang : Gurgite quae medio summa tenus exstitit aluo 48. (Elle s’est dressée au-dessus de l’abîme jusqu’à la taille). grecque ne cite guère de passage poétique substantiel sur ce thème entre Homère et Oppien (col. 848). 46 Texte établi et traduit par G. Lafaye, Paris, Belles Lettres, 1949. 47 Voir 1ère partie, p. 112-114. 48 Texte établi par G. Lafaye, Paris, Les Belles Lettres, 1928.
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Il convient donc de nuancer la remarque de G. D’Ippolito, qui voyait dans la récurrence chez Nonnos de l’adjectif hΩmifanh¥v, pour qualifier la baigneuse, l’influence des spectacles de la kolymbh¥ura, de faible profondeur, où les actrices avaient de l’eau jusqu’à la taille 49. Il s’agit aussi et surtout d’un topos déjà ancien, du moins dans la littérature latine, et qui selon J. Griffin 50 est inspiré par les arts plastiques, où les Néréides sont généralement représentées nues jusqu’à la ceinture. Chez Virgile, les vers 117-122 du livre IX de l’Énéide, qui relatent la métamorphose des navires d’Énée en nymphes marines, doivent également retenir notre attention, puisqu’il s’agit là encore d’un épisode aquatique inédit 51. Mais c’est surtout chez Ovide qu’on relève plusieurs évocations de baignades, notamment dans les Métamorphoses. L’origine du thème relève bien évidemment des mythes grecs, notamment de celui d’Actéon. Mais si dans sa description du bain de Diane la déesse se contente de simples ablutions, en revanche, la nymphe Périmèle nage en pleine eau dans le cours de l’Achéloos (M, VIII, 595 & 605), et Hermaphrodite se plonge dans les eaux de Salmacis (M., IV, 353). L’érotisation de l’eau se trouve dans les deux cas soulignée par le fait que la divinité ravisseuse est aussi en quelque sorte infuse dans ses eaux, qui enveloppent l’objet de son désir. Achéloos dit ainsi (M., VIII, 605-606) : Extimuit nymphe, nabat tamen. Ipse natantis Pectora tangebam trepido salientia motu 52. (La Nymphe éprouva de la craine, mais elle nageait malgré tout. Je touchais sa poitrine qui tressaillait au rythme de sa nage).
De même Salamacis enlace le jeune homme en train de nager, dont la beauté est magnifiée par l’eau (Mét., IV, 352-358) : Ille cauis uelox applauso corpore palmis Desilit in latices alternaque bracchia ducens In liquidis translucet aquis, ut eburnea siquis Signa tegat claro uel candida lilia uitro. «Vicimus et meus est!» exclamat nais et, omni Veste procul iacta, mediis inmittitur undis Pugnantemque tenet luctantiaque oscula carpit (Le jeune homme preste, après avoir frictionné son corps du creux de
49 G. d’Ippolito, Draconzio, Nonno e gli «idromimi», in A et R, N. S., anno VII, fasc. 1, p. 1-14., p. 9, n. 32. 50 J. Griffin, op. cit., p. 93. 51 Voir aussi IX, 815-818 (Turnus nageant dans le Tibre). 52 Texte établi par G. Lafaye, Paris, Les Belles Lettes, 1962.
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ses mains, saute dans les eaux, et tandis qu’il étend alternativement ses bras, il brille à travers les eaux limpides, comme une statue d’ivoire, un lis éclatant de blancheur, qu’on couvrirait d’un verre transparent : «Victoire! il est à moi», s’écrie la Naïade, et ayant rejeté tout vêtement au loin, elle s’élance au milieu des eaux; il se débat, mais elle le maintient et lui ravit des baisers malgré sa résistance).
On peut encore citer le récit de la Nymphe Aréthuse, surprise par le fleuve Alphée alors qu’elle se baignait dans ses eaux (M., V, 595-597) : Nudaque mergor aquis. Quas dum ferioque trahoque Mille modis labens excussaque bracchia iacto, Nescio quod medio sensi sub gurgite murmur. (je me plonge nue dans les eaux. Tandis que je les frappe et les ramène à moi, me livrant aux mille jeux de la nage, tandis que j’agite mes bras tendus, j’entends sous l’abîme je ne sais quel murmure).
Des évocations de déesses ou de nymphes en train de nager se poursuivent dans la littérature latine au cours des décennies suivantes. Ainsi au début de l’Achilléide de Stace, on voit Thétis plaider pour son fils, non plus auprès de Jupiter comme chez Homère, mais devant Neptune, ce qui donne l’occasion au poète de décrire le cortège de celui-ci (I, 52-60). Un peu plus loin (98-100), il présente la Néréide gagnant à la nage la Thessalie : tristis ad Haemonias detorquet bracchia terras. Ter conata manu, liquidum ter gressibus aequor reppulit et niueas feriunt uada Thessala plantas. (triste, elle se détourne pour gagner à la nage la terre d’Hémonie. En trois mouvements des mains, en trois battements de pieds, elle a repoussé la mer limpide, et ses pieds de neige touchent les bas-fonds de la côte thessalienne).
Tous ces passages, représentant des ajouts aux versions antérieures des mêmes mythes, et où nage et nudité sont souvent associées pour expliquer ou accompagner la naissance d’un désir amoureux, précèdent tous nettement les premiers hydromimes connus. On pourrait voir dans cette constatation une remise en question des hypothèses de G. d’Ippolito, qui mettait les passages que Dracontius et Nonnos ont consacrés à des scènes de baignades fortement érotisées en parallèle avec l’indiscutable développement contemporain des spectacles aquatiques 53. Mais ne serait-ce pas au contraire, la preuve de l’existence en Italie d’un contexte favorable à la rapide apparition des hydromimes dès le Ier siècle av. J.-C.? 53
Voir 1ère partie, p. 112-118.
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De fait, il existe bien d’autres témoignages tardo-républicains et augustéens de l’existence effective d’un tel contexte. Ainsi, selon J. Griffin, cette présence du thème du bain et de la natation dans la littérature est directement issue des réalités de la vie quotidienne romaine. Il rappelle qu’aux yeux des Romains, le bain était un élément essentiel à une vie de plaisir, et cite un poème épigraphique 54 particulièrement révélateur de cette association : Balnea uina Venus corrumpunt corpora nostra sed uitam faciunt balnea uina Venus. (Les bains, le vin et l’amour corrompent notre corps, mais les bains, le vin et l’amour font toute notre vie)
Quant à la natation, si elle était considérée par les populations du monde grec comme une technique dont l’acquisition était nécessaire 55, leur littérature, nous l’avons vu, n’en évoque guère les charmes. Chez les Romains aussi, la natation faisait partie de la formation du citoyen-soldat. On sait qu’à la fin de la République et à l’époque augustéenne encore, la jeunesse de Rome pratiquait la natation dans le Tibre. Mais elle représentait en même temps un agréable divertissement et une source de plaisir. De plus, sa nécessaire association à la nudité, longtemps répudiée par les Romains dans le cadre grec de la palestre, lui confère systématiquement, dans la description littéraire, des connotations érotiques, exaltées ou vilipendées. Chez Horace (O., I, 8, 8; III, 7, 27-28; III, 12, 4-9), les prouesses à la nage de Sybaris, de Gygès et d’Hebrus, parmi d’autres exploits sportifs, sont pour leur amante source d’admiration, mais aussi de désir : Tibi qualum Cythereae puer ales, tibi telas operosaeque Mineruae studium aufert, Neobule, Liparaei nitor Hebri, Simul unctos Tiberinis umeros lauit in undis, eques ipso melior Bellerophonte, neque pugno neque segni pede uictus 56. (L’enfant ailé de Cythérée t’ôte des mains la corbeille à laine et les toiles, Néobulé. Tu abandonnes le travail de l’industrieuse Minerve,
Carm. Epigr. 1499. Voir aussi no 1318; Anth. Pal., X, 112. Comme le rappelle J. Griffin (op. cit., p. 92) ne pas savoir nager était considéré par les Grecs comme un défaut d’éducation aussi grave que d’ignorer jusqu’aux lettres de l’alphabet. 56 Horace, O., III, 12, 4-9, texte établi par F. Villeneuve, Paris, Les Belles Lettres, 1946. 54
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devant la beauté d’Hébrus de Lipara, aussitôt qu’il a baigné dans les ondes du Tibre ses épaules ointes d’huile, lui qui est meilleur cavalier que Bellérophon même, lui dont le poing, dont le pied infatigable n’est jamais vaincu).
Chez Cicéron (Cael., 36), une évocation semblable se charge d’une virulente condamnation morale, visant Clodia, qui a fait de ses jardins au bord du Tibre un observatoire pour choisir au mieux ses nouveaux amants : Habes hortos ad Tiberim ac diligenter eos eo loco parasti, quo omnis iuuentus natandi causa uenit; hinc licet condiciones cotidie legas 57. (Tu as des jardins au bord du Tibre et tu les as disposés avec soin à l’endroit où toute la jeunesse vient pour nager; de là, chaque jour, tu peux choisir tes amants).
La description de l’être aimé se livrant au plaisir de la natation prend bien entendu aussi des connotations voluptueuses dans le cadre privilégié de Baïes. Properce (I, 11, 9-12) évoque ainsi Cynthia canotant sur le Lucrin ou se baignant dans l’une de ses anses : Atque utinam mage te, remis confisa minutis, paruula Lucrina cumba moretur aqua aut teneat clausam tenui Teuthrantis in unda alternae facilis cedere lympha manu 58, ... (Puisses-tu plutôt t’attarder sur les eaux du Lucrin, te fiant aux frêles rames d’une petite barque, ou que le mince Teuthras, qui cède facilement sous la main, te retienne à nager dans ses ondes).
L’hydromime, développement particulier du mime dansé, est donc sans doute né en Italie, dans ce contexte où un goût réel de la société romaine pour les plaisirs du bain et la natation s’associait dans son imaginaire à une insistance sur leurs connotations érotiques. La Campanie d’époque julio-claudienne, berceau des hydromimes Il convient de noter en outre que c’est le lac Lucrin qui sert de cadre aux évolutions de Cynthia. De fait, les plaisirs de l’eau, notamment ceux du bain, se trouvent étroitement associés, dans la société romaine, à Baïes et à toute la Campanie, leur site consacré. En outre 57 Cicéron, Discours, t. XV, texte établi par J. Cousin, Paris, Les Belles Lettres, 1962. 58 Texte établi par D. Paganelli, Paris, Les Belles Lettres, 1929.
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leur évocation ne va jamais sans celle des plaisirs de l’amour, tous étant englobés dans la condamnation de la vie de débauche et d’excessif raffinement menée dans ces contrées. Déjà, on peut le rappeler, ses accusateurs reprochaient à Caelius, libidines, amores, adulteria, Baias, actas, convivia, commissationes, cantus, symphonias, navigia (caprices, amours, adultères, Baïes, baignades, banquets, chants, concerts, promenades en bateau...) 59. Cicéron réfute cette accusation pour son client. Mais un peu plus loin (Cael., 49), il s’en prend précisément sur le même thème à Clodia, dont les mœurs dissolues transparaissent selon lui autant dans les plaisirs qu’elle prend à Baïes que dans sa toilette, ses regards ou ses propos. Un peu plus tard, Properce (I, 11, 11-12) témoigne lui aussi de la vogue des plages et de la navigation de plaisance, de même, qu’Horace, qui dénonce la folie des constructions empiétant sur la mer (O., II, 18, 20-22; III, 1, 33-39; III, 24, 3-4) et le faste prétentieux des riches qui ont leur priva triremis (O., III, 1, 39; Ep. I, 1, 93). Ce n’est sans doute pas un hasard non plus si Martial (X, 30, 10) a transposé de l’Asie Mineure en Campanie la légende de Salmacis, qui incarne par excellence cette érotisation de l’eau. Dès lors, on peut revenir sur les installations hydrauliques du théâtre de Pompéi, dont l’orchestra admit successivement plusieurs bassins à partir la fin de la République, et sur celles du théâtre du Pausilype 60. Nous l’avons vu, certains des bassins pompéiens et celui du Pausilype auraient été parfaitement à même d’accueillir des spectacles aquatiques relativement modestes, hydromimes ou exhibitions zoologiques. Quant aux théâtres-nymphées de Bàcoli et de Baïes, qu’ils aient véritablement accueilli des spectacles ou non, ils témoignent du goût précoce de la Campanie pour les structures qui associaient un bassin à un hémicycle affectant la forme d’une cavea. Puisque c’est en réalité en Campanie, région vouée «aux bains et à Vénus», mais aussi fort créative en matière de structures de spectacle 61, que pour la première fois des bassins furent associés à une cavea de théâtre, et dans la mesure où l’on a reconnu les liens des hydromimes avec les spécificités de l’imaginaire romain de l’eau, il paraît plausible d’attribuer à la Campanie romaine un rôle important dans l’apparition de ces spectacles. Il reste alors à tenter d’en évaluer les modalités. Leur reconstitu-
Cael., 35. Voir 2e partie, p. 228-230. 61 C’est en Campanie notamment qu’est né l’amphithéâtre, édifice sans équivalent dans le monde grec de la fin du IIe siècle av. J.-C. (voir J.-C. Golvin, L’amphithéâtre romain. Essai sur la théorisation de sa forme et de ses fonctions, Paris, de Boccard, 1988, p. 23-24). 59
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tion dépend notamment de la datation adoptée pour les premiers bassins du théâtre de Pompéi. Celle de A. Mau, reprise par G. Spano et G. Traversari 62, fait remonter le bassin 1 à l’époque syllanienne. Aucune source n’atteste de spectacle aquatique pour une date aussi haute. Il faudrait donc supposer que les premiers bassins du théâtre de Pompéi, associés à un nymphée décorant le pulpitum, n’étaient destinés qu’à recueillir les eaux jaillissantes. Ils offraient au public la vue et la fraîcheur d’une nappe d’eau, sans nuire au déroulement des représentations, pour lesquelles l’orchestra n’était plus guère utilisée. Sur un site qui ne leur était pas originellement destiné, mais propice à leur apparition, les premiers spectacles aquatiques seraient alors apparus dans le cadre des intermèdes et des numéros divers qui se trouvaient souvent associés aux spectacles théâtraux proprement dits. En dehors du terminus post quem que représente la date syllanienne du premier bassin de Pompéi, il est difficile de déterminer l’époque exacte de cette apparition. Cependant, il faut rappeler que la première uenatio nilotique connue, celle que Scaurus présenta à Rome en 58 av. J.-C., a pu avoir lieu dans le théâtre provisoire construit par l’édile, puisqu’on sait que ces édifices étaient parfois utilisés pour des exhibitions zoologiques. Il est donc possible aussi qu’à cette date, des présentations d’animaux aquatiques moins exotiques, des phoques de Méditerranée par exemple, aient déjà eu lieu à Pompéi. Si en revanche on admet avec L. Richardson une datation augustéenne pour le bassin 1, une évolution analogue peut naturellement être envisagée, plus étroitement en rapport avec l’apparition des seuls hydromimes, un peu plus tardive que celle des uenationes aquatiques. Quoi qu’il en soit, les deux bassins rectangulaires, celui de Pompéi et celui du théâtre du Pausilype, furent certainement destinés explicitement aux spectacles aquatiques. Que leur forme ait pu être influencée par des installations romaines, notamment la naumachie d’Auguste, ne s’oppose pas à la probable origine campanienne des hydromimes eux-mêmes, suggérée par tant de témoignages littéraires ou iconographiques. Dans cette innovation tardive des spectacles romains, les modes nées dans cette région de villégiature balnéaire s’associaient à l’influence d’un nouveau modèle architectural venu de la capitale. Une telle association fut peut-être issue de l’initiative impériale. C’est là une hypothèse aisément suggérée par l’existence du théâtre du Pausilype. Réalisation de caractère privé, cet édifice ne concerne-
62 A. Mau, Das Grosse Theater in Pompeji, in MDAI (R), XXI, p. 45-53; G. Spano, Il teatro delle fontane a Pompei, in MAAN, II, 1913, p. 114-118; G. Traversari, op. cit., p. 70.
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
rait pas directement notre recherche si son bassin central ne possédait pas avec le bassin 7 du théâtre de Pompéi de si frappantes analogies. On peut rappeler que les premières attestations du «mime dansé», dont les hydromimes dérivent manifestement, en font un divertissement de banquet, donc présenté dans une sphère privée, comme ceux qu’on pouvait donner dans le théâtre d’une villa. Il n’est donc pas impossible que les hydromimes aient gagné Pompéi depuis la villa du Pausilype. Leur date d’apparition serait alors tributaire de celle où fut réalisée le bassin rectangulaire, daté sans plus de précision de l’époque julio-claudienne 63. Après cette phase intermédiaire inspirée par le modèle des naumachies, le bassin rond délimité par un parapet, et occupant l’essentiel de l’orchestra, fut pour les installations théâtrales destinées aux spectacles aquatiques un point d’aboutissement dont les deux premiers bassins du théâtre de Pompéi n’étaient pas très éloignés. Le prototype en fut réalisé dans le théâtre de Daphné fouillé par D. N. Wilber. On sait que comme la gladiature, la uenatio était peu appréciée à Antioche. La présence précoce d’un théâtre adapté à la mise en eau dans ses faubourgs s’explique donc par le rapide succès qu’y rencontrèrent les hydromimes. Celui-ci est probablement dû aux divers facteurs favorables qui avaient poussé G. Traversari à postuler une origine syrienne à ces spectacles. On peut donc invoquer la présence antérieure, dans cette région, de mises en scène rituelles liées au culte des eaux. Mais il convient également de faire observer que le passage consacré par Jean Chrysostome aux spectacles aquatiques ne représente que quelques lignes parmi toutes ses diatribes contre le théâtre en général et la passion que lui portaient ses concitoyens 64. Les compagnies théâtrales étaient fort nombreuses à Antioche, et à l’époque impériale, on trouvait les mimes syriens dans tout l’empire, notamment à Rome 65. Il ne faut donc pas s’étonner du nombre proportionnellement important des documents émanant de la capitale syrienne, parmi nos si rares sources sur les hydromimes. Ils sont en rapport avec l’importance plus générale des témoignages sur la
Voir la documentation archéologique annexe, p. 446. L’abondance des témoignages laissés par Jean Chrysostome sur les spectacles de son temps a suscité l’étude d’ensemble d’O. Pasquato, intitulée précisément Gli spettacoli in S. Giovanni Crisostomo, Roma, (Orientalia cristiana analecta, 201), 1976. Les chapitres IV et V, accompagnés de nombreuses références aux textes, sont consacrés aux spectacles du théâtre, les chapitres VI et VII aux raisons de leur condamnation particulière par le prédicateur. 65 M. Bieber, Mima saltatricula, in AJA, 43, 1939, (p. 640-644), p. 642; F. Bernini, Studi sul mimo, Pisa, Nistri, 1915 (Annali della R. Scuola normale superiore di Pisa, XXVII), p. 90-91. 63 64
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ORIGINES ET SOURCES D’INFLUENCE
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place des spectacles de mime dans l’Antioche d’époque impériale 66. Quoi de surprenant, dès lors, que les habitants d’Antioche, si passionnés de ces spectacles composites où les aspects visuels et musicaux tenaient la première place, aient rapidement adopté un raffinement de mise en scène nouveau, qui flattait de surcroît le goût particulier pour les réalisations hydrauliques qu’ils partageaient avec les Romains? Entre l’apparition de leurs précurseurs campaniens et leur rencontre avec le goût syrien pour les monuments des eaux et les mimes, les hydromimes firent naturellement leur apparition à Rome. De fait, il faut admettre avec G. Spano qu’une influence de la Campanie sur la Syrie, fût-ce à l’époque impériale, n’est pas envisageable sans la médiation de la capitale. Ce même auteur arguait alors de l’absence d’attestations sur la présence à Rome d’un théâtre adapté à la mise en eau, en dehors du témoignage très tardif de Symmaque, pour refuser un tel cheminement. Mais c’était là négliger le fait que Rome connut d’autres structures adaptées aux spectacles aquatiques plus d’un siècle avant la construction du théâtre de Daphné et que les hydromimes purent parfaitement être présentés dans certaines d’entre elles, comme le montre notamment le témoignage de Martial. Si la naumachie d’Auguste semble devoir être écartée comme peu adaptée à des spectacles de faible envergure, on peut éventuellement penser aux Saepta, transformés en bassin par Caligula pour un spectacle nautique dont nous ne savons rien, sinon qu’il ne put s’agir d’une naumachie. Quoi qu’il en soit, les hydromimes avaient probablement gagné Rome au plus tard sous Néron, dont l’amphithéâtre de bois pouvait être mis en eau. Ce dispositif assurait une bonne visibilité pour des spectacles aquatiques de moins grande ampleur que les naumachies données dans le bassin d’Auguste. C’est de cette époque, il convient de le noter, que datent les plus nombreuses représentations pompéiennes de la légende de Léandre et Héro, dont l’une, celle de la maison des Vettii, se situe non loin d’une pièce ornée de plusieurs «naumachies». De la même manière, les plus nombreuses allusions à ce récit dans la littérature latine relèvent des époques néronienne et flavienne 67. Il est donc possible que les 66 E. Frézouls, Recherches sur les théâtres de l’Orient syrien, in Syria, 38, 1961, (p. 54-86) p. 84-85; O. Pasquato, op. cit., p. 98. 67 Soit neuf des 25 allusions à cette légende que compte la littérature latine : Sénèque (Ir., I, 21, 3) Lucain (IX, 954); Silius Italicus (VIII, 621); Martial (Spect. XXV et XXVb; Epigr. XIV, 181); Stace (S, I, 2, 87-90; I, 3, 27-28; Th. VI, 542-547). Les autres attestations sont les sept passages d’époque augustéenne déjà évoqués, une allusion de Pomponius Mela (Chorographie, I, 86 et III, 23) et quelques textes postérieurs : Fronton (III, 14, 3-4), Ausone (Mosella, 287-294; Cupido cruciatus, 22-23), et Sidoine Apollinaire (Carmen XI, 71). On peut ra-
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spectacles aquatiques de Néron, faute de rivaliser d’ampleur avec les mises en scène d’Auguste et de Claude, aient comporté d’autres raffinements que la présence ornementale d’une faune marine, par exemple l’un de ces tableaux mythologiques que l’arène commençait à admettre fréquemment. Le silence des historiens s’expliquerait aisément, compte tenu de l’existence des précédents campaniens, et surtout du caractère relativement peu spectaculaire de cette innovation, en regard des autres mises en scène aquatiques que permit l’amphithéâtre de bois. Conclusion Les spectacles aquatiques sont donc tous nés en Italie, dans un contexte spécifiquement romain. Ainsi, la naumachie est avant tout le produit de l’inventivité de César dans un contexte plus général de développement des spectacles dérivés de la gladiature. Ses autres sources d’inspiration, d’ailleurs assez lointaines, comme les manœuvres d’entraînement des flottes ou le certamen nauium de Padoue, ne suffisent pas à expliquer certains de ses choix, notamment le principe du travestissement historique, repris par les naumachies impériales. D’autres domaines que celui des jeux devront être explorés pour en chercher l’explication. De même, les hydromimes représentent une appropriation bien romaine du «mime dansé» de thème mythologique, né dans le monde grec. Leur apparition s’explique à la fois par l’impact particulier, dans l’imaginaire romain, de la nage et de ses connotations érotiques, et par la vogue plus générale des spectacles aquatiques, servie par des installations hydrauliques toujours plus perfectionnées. Leur nature initiale d’intermèdes adjoints aux spectacles principaux est manifeste tant dans les épigrammes de Martial que dans la discrétion de leurs premières apparitions, dont seules témoignent quelques structures campaniennes. Nés comme l’une des multiples fantaisies auxquelles donnèrent lieu l’expansion et la diversification des spectacles romains, les hydromimes n’acquirent vraisemblablement qu’à la fin du Bas-Empire le statut de genre spécifique, sanctionné par des installations précises reproduites plus ou moins à l’identique sur divers sites. Pour rendre compte de cette différence entre les spectacles du Haut-Empire et ceux dont on retrouve la trace au IVe siècle, il conviendra d’approfondir l’étude de leur signification respective, afin de mettre en évidence aussi bien les
jouter à ce catalogue quelques mentions tardives (Fulg., Myth., III, 4 et Anth. lat., 48 et 199, 89).
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constantes permettant d’admettre un lien de filiation que les phénomènes d’évolution. L’INFLUENCE
DES ARTS PLASTIQUES
Si les spectacles aquatiques n’ont aucune origine étrangère directe, en revanche il paraît dès l’abord possible de découvrir chez eux l’influence de modèles iconographiques issus de l’art grec classique et hellénistique. En effet, ces mises en scène étaient essentiellement visuelles. Or, la représentation du monde des eaux dans l’art romain était particulièrement tributaire de la mythologie grecque et de ses représentations. Par ailleurs, les noms de «Nil» et d’«Euripe» 68 qui, d’après le témoignage ironique de Cicéron notamment 69, qualifiaient les bassins d’agrément de ses contemporains, témoignent à eux seuls des liens établis dans l’imaginaire romain entre certains décors aquatiques et le monde hellénistique, notamment l’Égypte, telle que la présentaient la littérature et les arts plastiques. Or, plus précisément, il apparaît qu’à chaque spectacle aquatique connu correspond un thème iconographique antérieur, souvent hérité de l’art hellénistique, notamment alexandrin, ou du moins inspiré par la vogue générale de l’alexandrinisme en Italie, à partir de la fin de la République. Les spectacles aquatiques et l’alexandrinisme dans l’art romain La peinture alexandrine et l’origine des naumachies Pour les naumachies, nous avons déjà eu l’occasion de mettre en évidence le phénomène inverse : une possible influence des spectacles sur l’essor d’un thème pictural, celui des peintures dites de «naumachies», représentant des batailles navales très stylisées 70. La plus ancienne de ces peintures, antérieure même au panneau du corridor G de la Villa de la Farnésine, est celle de la maison du Sculpteur à Pompéi. Elle se distingue nettement de toutes les représentations postérieures. En effet, elle ne constitue pas un petit tableau indépendant, mais figure sur la section Est d’une frise nilotique de IIe style ornant le péristyle (pl. I) 71. Sur cette paroi Est sont 68 Ce nom désignait originellement le bras de mer séparant l’Eubée de la Béotie. 69 Cic., De Leg., II, 2. 70 Voir 1ère partie, p. 43-45. 71 VIII, 7, 24. 22, péristyle (12). A. Maiuri, Una nuova pittura nilotica a Pompéi, in MAL, ser. 8, vol. 7 (1955), p. 65-80, pl. I-VI; W. J. Th. Peters, Landscape in Romano-Campanian mural painting, London, Diss. Groningen Assen Van Gor-
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représentés successivement un uenator attaquant une panthère, un pygmée malmené par une grue, des pugilistes, les deux navires affrontés proue contre proue constituant la naumachie, enfin une scène de gladiature et une autre scène de chasse. Les motifs proprement nilotiques sont donc quelque peu supplantés de ce côté par une série de représentations inspirées des jeux romains, auxquelles se trouve associée, de manière très inhabituelle, une représentation de combat naval 72. Par ailleurs, A. Maiuri 73 estime que la frise de la Maison du Sculpteur date de la fin de la République ou du tout début de l’époque augustéenne. En effet, cette peinture demeura ensevelie dans les travaux de surélévation du péristyle après le tremblement de terre de 62. En outre, l’enduit sur lequel fut réalisé la fresque vint se superposer directement au mur en opus incertum datable de la fin de la période samnite. La datation de la fresque a été par la suite encore précisée : on la situe entre 40 et 25 av. J.-C 74. On peut donc légitimement se demander si notre frise, postérieure de peu au quadruple triomphe de César, n’aurait pas été influencée par le souvenir de ses jeux. Compte tenu du retentissement qu’avaient eu ces derniers, qui avaient attiré un public venu de toute l’Italie 75, cela n’est pas impossible. Mais en remontant plus encore dans le temps, le contexte nilotique dans lequel s’insère la bataille navale de la maison du Sculpteur est probablement d’une grande importance pour comprendre l’origine même du spectacle donné par César. Les parois Sud et Nord du péristyle présentent en effet des éléments de la faune et de la flore du Nil, ainsi que des personnages grotesques, tels que des pygmées, propres à ces compositions. Le caractère nilotique des peintures du mur Est où figurent les navires n’est pas moins évident, puisqu’on y retrouve, derrière les personnages, le fond vert et uniforme qui représente les eaux du fleuve 76. En outre, si les autres «scènes de naumachie» connues constituent de petits tableaux indépendants (pl. II et pl. III), il est fréquent que les cadres où elles figurent soient situés sur une paroi ou dans une pièce présentant une décoration nilotique ou égyptisante. C’est le cas dans le
cum, 1963, pl. VII, fig. 24; M. De Vos, L’egittomania in pitture e mosaici romanocampani della prima età imperiale, Leiden, Brill, 1980, p. 91, n. 88. 72 Il n’existe qu’une autre association semblable, sur des graffitis retrouvés dans l’œcus (22) de la Maison du Cryptoportique, où des représentions de uenationes voisinent avec celles de deux navires. 73 A. Maiuri, op. cit., p. 72. 74 P. G. P. Meyboom, The Nile mosaic of Palestrina, early evidence of Egyptian religion in Italy, Leiden, Brill, 1995, p. 340, n. 14. 75 T. 2. 76 A. Maiuri, op. cit., p. 76.
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corridor G de la villa de la Farnésine à Rome 77 et dans le péristyle du temple d’Apollon à Pompéi 78. Il n’est pas non plus indifférent que la plus importante concentration de scènes de naumachie, 8 en tout, ait été retrouvée dans le portique du temple de la déesse égyptienne Isis, toujours à Pompéi 79. Elles y étaient naturellement associées à un décor égyptisant. Enfin, dans le frigidarium des thermes suburbains, où on trouve, occupant toutes les parois Nord et Sud, les plus grandes compositions de batailles navales connues, les parois Est et Ouest présentent aussi des paysages peuplés par la faune du Nil et par des Pygmées. Cette fréquente association à des scènes nilotiques et la récurrence des mêmes détails dans la plupart des tableaux, ont conduit M. de Vos 80, et à sa suite L. Jacobelli dans Le naumachie nelle pitture pompeiane 81, à proposer pour eux un modèle commun, d’origine alexandrine 82. Il s’agirait d’un tableau réalisé dans la deuxième moitié du IIIe siècle av. J.-C. par le peintre Néalkes, que Pline l’Ancien (N.H., XXXV, 142) évoque de la façon suivante : .. cum proelium nauale Persarum et Aegyptiorum pinxisset, quod in Nilo cuius est aqua maris similis factum uolebat intellegi, argumento declarauit quod arte non poterat : asellum enim bibentem in litore pinxit et crocodilum insidiantem ei 83. (comme il peignait un combat naval entre Perses et Égyptiens et voulait faire comprendre qu’il avait eu lieu sur le Nil dont l’eau est semblable à celle de la mer, il montra par un sujet figuré ce qu’il ne pouvait rendre par son art : il peignit en effet un âne s’abreuvant sur le rivage et un crocodile le guettant).
Comme le rappelle A. Rouveret 84, cette bataille est sans doute
Roma, Museo nazionale, 3.1231. ADS 697. 79 Naples, Museo archeologico nazionale, 8527; 8530; 8529; 8519; 8541; 8552; 8554; 8590. 80 M. de Vos, L’Egittomania nelle case di Pompei ed Ercolano, in Civiltà dell’antico Egitto in Campania [catalogo della mostra], Napoli, Prismi, 1983, p. 71. 81 L. Jacobelli, in RStPomp, III, 1989, p. 132. 82 L’existence d’un modèle hellénistico-alexandrin pour les scènes de bataille navale de la peinture romaine était déjà affirmée par H. Helbig, Untersuchungen über die campanische Wandmalerei, Leipzig, 1873, p. 303-304, et O. Elia, Le pitture del tempio di Iside, in Monumenti della pittura antica scoperti in Italia, III, La pittura ellenistico-romana, Pompei 3-4, Roma, Libreria dello stato, 1941, p. 8-9. 83 Texte établi et traduit par J. M. Croisille, Paris, Les Belles Lettres, 1985. Voir ibidem, p. 249, § 242, n. 1. 84 A. Rouveret Histoire et imaginaire de la peinture ancienne, Roma, 1989 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 274), p. 335. Voir aussi P. G. P. Meyboom, op. cit., p. 371, n. 18 du chap. VII. 77 78
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celle qui opposa sur le fleuve Artaxerxès III Ochos aux Égyptiens 85. Or, le thème de la naumachie imaginée par César était presque identique, puisqu’il s’agissait d’un combat entre Égyptiens et Tyriens 86. En outre, le tableau de Néalkes n’est certainement pas le seul tableau alexandrin où des navires de guerre furent représentés dans un décor nilotique. Une telle association se retrouve notamment sur la mosaïque de Palestrina. Parmi les embarcations figurées sur le cours du Nil se trouve en effet un navire de guerre rempli de soldats en armes. Or, selon F. Coarelli 87, la mosaïque serait plus ou moins directement inspirée d’un tableau alexandrin évoquant la victoire de Ptolémée Philadelphe dans la «guerre de Carie» 88 vers 280 av. J.-C., ainsi que la grande pompè et les jeux qui célébrèrent ce succès. Le navire aurait alors été destiné à rappeler les victoire navales remportées au cours du conflit 89. Un thème pictural alexandrin, passant par d’autres relais, d’autres modèles que le seul tableau de Néalkes 90, pourrait donc avoir été l’une des sources d’inspiration du spectacle de la naumachie. La façon dont Appien (T. 3) présente le triomphe égyptien du dictateur nous oriente dans la même direction. Parh¥gage de¥ tina kaıù th˜n aßnaù toùn Neı˜lon naymaxı¥av urı¥ambon Aıßgy¥ption, metajyù toy˜ Galatw ˜ n kaıù Farna¥koyv. 91 (Il célébra une sorte de triomphe égyptien, pour sa victoire navale sur le Nil, entre le triomphe sur les Gaulois et celui sur Pharnace)
Compte tenu du sujet de la naumachie, il est clair qu’elle fut destinée à célébrer plus particulièrement le triomphe égyptien, au sein de la quadruple commémoration. Pourtant, si la campagne d’Égypte comporta plusieurs épisodes navals, qui se déroulèrent sur les côtes, dans le port même d’Alexandrie, voire parfois sur le Nil 92, la rencontre décisive de la guerre fut un combat terrestre 93. Appien, qui El., V.H., IV, 8; Plut., De Is., XXXI, 363 c. Nous l’avons vu, il semble impossible de trouver un modèle historique précis à ce dernier, mais la ville de Tyr, ancienne puissance navale, fournissait traditionnellement aux rois achéménides, avec les autres cités de Phénicie, l’essentiel de leur flotte. 87 La pompé di Tolomeo Filadelfo e il mosaico nilotico di Palestrina, in Reuixit ars. Arte e ideologia a Roma. Dai modelli ellenistici alla tradizione repubblicana, Roma, Qasar, 1996, p. 102-137. 88 Ibidem, p. 111, n. 41. 89 Ibidem, p. 132. 90 Telle est l’opinion de Mme A. Rouveret, qui a attiré mon attention sur les implications de l’article de F. Coarelli. 91 Texte établi par L. Mendelssohn et P. Viereck, Leipzig, Teubner, 1905. 92 Bell. Alexandr., IX-XI; XIV-XXI; XXV. D. C., XLII, 40, 6; XLII, 41. 93 Bell. Al., XXVIII-XXXI; D.C., XLII, 43, 2-4. 85
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emploie pour le désigner le mot naymaxı¥a, fait donc probablement ici un amalgame entre la bataille réelle, célébrée par le triomphe, et le sujet plus précis de la naumachie donnée à cette occasion : un combat naval sur le Nil, rappelant quelques épisodes de la campagne, mais surtout inspiré par l’iconographie alexandrine. Cette influence de l’art alexandrin ne surprend guère dans un spectacle destiné à célébrer plus spécifiquement les victoires égyptiennes du dictateur. D’une manière plus générale, nos observations peuvent aussi être rapprochées des emprunts que César, dans d’autres domaines, fit à la brillante civilisation de l’Égypte lagide et dont l’exemple le plus célèbre est sans doute sa réforme du calendrier romain 94. Les jeux de 2 av. J.-C., où Auguste donna sa naumachie, portent encore la trace de cette source d’influence. Certes, l’empereur choisit pour son spectacle un thème tout différent : la bataille de Salamine. Cependant, selon Dion Cassius (T. 11), au cours de ces mêmes jeux Auguste fit tuer 36 crocodiles dans un bassin creusé au circus Flaminius. On retrouve donc là l’association si fréquente dans la peinture pariétale entre naumachies et présentations de la faune du Nil. En outre, le site de sa naumachie, avec son île centrale, correspond au modèle des paysages nilotiques ou marins développés en Italie par les peintres paysagistes du Ier siècle av. J.-C. 95 dont Vitruve notamment (VII, 5, 2) nous a laissé la description : Postea ingressi sunt ut ... ambulationibus uero propter spatia longitudinis uarietatibus topiorum ornarent ab certis locorum proprietatibus imagines exprimentes (pinguntur enim portus, promunturia, litora, flumina, fontes, euripi, fana, luci, montes, pecora, pastores) 96. (Ensuite ils se mirent à orner les galeries, en raison de leur étendue, d’une grande variété de paysages à fresque, représentant des images inspirées par les caractères spécifiques de certains lieux. On peint ainsi des ports, des promontoires, des rivages, des cours d’eau, des sources, des euripes, des sanctuaires, des bois sacrés, des montagnes, des troupeaux, des bergers).
La construction du temple dédié aux petits-fils du Prince ne put qu’accentuer la ressemblance. L’association d’un paysage aquatique et de petites constructions, notamment des temples, sur une île émergeant de l’eau, était une caractéristique de la vallée du Nil en
94 Il fit en effet appel, pour réaliser cette réforme, au savant alexandrin Sosigenes (D.C., XLIII, 23, 2). 95 P. G. P. Meyboom, op. cit., p. 187. 96 Texte établi par B. Liou et M. Zuinghedau, Paris, Les Belles Lettres, 1995.
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
temps de crue, soulignée par de nombreux auteurs 97, et déjà reproduite par la mosaïque de Palestrina. Les frises de la partie supérieure du mur de l’atrium de la villa des Mystères, datées autour de 60 av. J.-C., ainsi que la frise monochrome retrouvée dans le cubiculum M de la villa de P. Fanius Synistor à Boscoreale, datée de 5040 av. J.-C. 98 et actuellement reconstituée au Metropolitan Museum de New York, illustrent directement le témoignage de Vitruve sur la diffusion de ce modèle dans la peinture romaine du Ier siècle av. J.-C. Elles présentent un décor aquatique, coupé d’îlots surmontés de temples ou de maisons, et peuplé de petits personnages offrant des sacrifices, banquetant ou pêchant, avec parfois quelques détails typiquement égyptiens 99. Le décor du spectacle naval lui-même reprenait donc une iconographie déjà familière aux Romains. Enfin, il est possible que lors de la naumachie d’Auguste, le public ait eu sous les yeux une œuvre picturale à même de susciter un parallèle immédiat avec la mise en scène présentée100. D’après une hypothèse de P. Moreno101 en effet, lors de l’inauguration du temple de Mars Ultor, occasion de la naumachie, Auguste exposa les quatre tableaux qui ornaient le char funèbre d’Alexandre le Grand, ramenés d’Égypte après la victoire d’Actium. Pour appuyer sa proposition, P. Moreno cite un passage de Pline l’Ancien (XXXV, 94) évoquant un tableau d’Apelle qu’Auguste aurait présenté au peuple «dans la partie la plus fréquentée de son Forum»102 (in fori sui celeberrimis partibus), à l’occasion de son inauguration. Ce tableau montrait «une représentation de la Guerre, les mains liées dans le dos, et Alexandre triomphant sur son char» (Belli imaginem restrictis ad terga manibus, Alexandro in curru triumphante). Par la suite, Claude fit
97 Hdt., II, 97; D.S. I, 36, 7-12; Str., XVII, 1, 4; Sen. Nat., IV, 11; A. Tat., IV, 12; Hld. IX, 9, 14. 98 R. Ling, Studius and the beginnings of Roman landscape painting, in JRS LXVII, 1977, (p. 1-16) p. 7, pl. II, 2 et III, 1; P. G. P. Meyboom, op. cit., p. 82 et n. 11. On pourrait encore citer les peintures d’un oecus de la villa d’Oplontis, qui montrent également des éléments architecturaux parsemant les eaux (P. G. P. Meyboom, op. cit., p. 82 et n. 12; R. A. Tybout, Aedificiorum figurae. Untersuchungen zu den Architekturdarstellungen des frühen zweiten Stils, Amsterdam, Gieben, 1988, p. 342, pl. 52-53). 99 P. G. P. Meyboom, op. cit., p. 339, n. 11 du chap. V. Le second de ces paysages toutefois pourrait être aussi bien maritime que nilotique, phénomène fréquemment observé par la suite. 100 Je remercie Mme A. Rouveret de m’avoir suggéré cette hypothèse. 101 P. Moreno, Pittura greca. Da Polignoto ad Apelle, Milano, Mondadori, 1987, p. 152-153. 102 P. Moreno (ibidem, p. 153) ajoute que près du temple de Mars Ultor, dans la grande salle qui abritait sa statue colossale, se trouvent encore les cadres marquant l’emplacement des tableaux.
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remplacer la tête d’Alexandre par celle d’Auguste. Or, P. Moreno identifie cette œuvre d’Apelle comme le premier des quatre tableaux du char funèbre, celui qui selon Diodore de Sicile (XVIII, 1) représentait Alexandre sur son char, tenant un sceptre, et entouré de soldats macédoniens et perses. Après la substitution du visage d’Auguste à celui du Macédonien, des captifs dont P. Moreno suppose la présence près du char d’Alexandre, symbolisant l’Orient soumis, auraient été confondus dans l’interprétation courante avec des représentations allégoriques de Bellum et de Furor, vaincus par le Prince restaurateur de la Paix. Or, Diodore signale que le quatrième tableau du char funèbre montrait des navires armés en guerre. Si ce dernier tableau se trouvait bien sur le Forum lors des jeux de 2 av. J.-C., son association avec la naumachie dans l’esprit du public ne pouvait manquer d’avoir pour conséquence une assimilation des exploits du Prince à ceux d’Alexandre, plus discrète que les retouches apportées plus tard à l’œuvre d’Apelle. Une fois de plus, en outre, c’est d’Alexandrie que serait venue une source d’inspiration picturale pour la naumachie. Malgré la confusion possible liée aux modifications apportées au tableau par Claude, on peut toutefois se demander s’il est plausible que Pline l’Ancien ait ignoré la prestigieuse origine des tableaux. Quoi qu’il en soit de cette dernière hypothèse, le modèle iconographique, dans les premières naumachies, est omniprésent, puisant à la fois dans les œuvres maîtresses d’époque hellénistique103 et dans la diffusion plus large que certains de ses motifs connurent dans la décoration pariétale romaine. À l’exemple d’Auguste, ses successeurs julio-claudiens et flaviens continuèrent à inspirer leurs naumachies des combats qui avaient jadis opposé les puissances maritimes du monde grec104. Toutefois, la référence à l’Égypte, déjà moins nette dans la naumachie d’Auguste que dans celle de César, disparut de ces spectacles. De la même façon, les représentations de combats navals acquirent rapidement un aspect stéréotypé, sans aucune des références spécifiques que présentait notamment celle de la Maison du Sculpteur. On peut interpréter ce phénomène comme une émancipation par rapport à leur commun modèle initial. Toutefois, la fréquente présence, déjà évoquée, de thèmes nilotiques dans les pièces où ont été trouvés les tableaux de naumachie, comme le travestissement historique qui resta caractéristique des spectacles navals jusqu’à l’époque flavienne, montrent que les origines hellénistiques et plus spéciale-
103 On connaît encore d’autres exemples de représentations de combat naval dans la peinture hellénistique (Cic., Nat. deor., III, 37; Plin., H.N. XXXV, 139). 104 T. 16 et 17.
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ment alexandrines des représentations de bataille navale ne furent jamais oubliées. Venationes aquatiques et décor nilotique Si on attribue à la peinture alexandrine une influence sur l’invention des naumachies, on est à plus forte raison tenté de voir un lien direct entre les scènes nilotiques de l’art gréco-romain et les premières uenationes en milieu aquatique qu’on vit à Rome. Les représentations plastiques de chasses à l’hippopotame ou au crocodile sont nombreuses dans l’art romain. Contrairement à ce qu’on observe pour les naumachies, on en connaît des exemples antérieurs aux spectacles sur le même thème. La plus ancienne est sans doute celle de la grande mosaïque de Palestrina, déjà évoquée. La date d’exécution de cette dernière est toujours discutée, mais la plupart des savants s’accordent pour la situer entre le dernier quart du IIe siècle et le premier quart du Ier siècle av. J.-C.105. Quelle que soit la signification que l’on peut attribuer à certaines des scènes animées de personnages qu’elle présente, cette mosaïque montre avant tout le cours du Nil. Le paysage et la faune caractéristiques de la Haute-Égypte occupent la partie supérieure de la composition, tandis que plus bas se déroulent des scènes ayant pour cadre le delta. Parmi ces dernières, on remarque un bateau surmonté d’une cabine en partie ouverte, typique des embarcations nilotiques, où deux hommes brandissent des harpons. Autour d’eux apparaissent des hippopotames, cibles manifestes de la chasse puisque deux d’entre eux portent un trait fiché dans le dos, et des crocodiles. En dehors de cette œuvre majeure, on connaît des représentations de la faune du Nil dans l’art romano-campanien à partir du début du Ier siècle av. J.-C. Ainsi, la mosaïque nilotique de la Maison du Faune à Pompéi est datée des environs de 90 av. J.-C.106. Elle présente sur un fond aquatique une série de plantes et d’animaux du Nil, dont un hippopotame, qui dresse la tête hors de l’eau comme dans la mosaïque de Palestrina. Une frise nilotique a également été retrouvée dans l’atrium de la Villa des Mystères107. Elle peut être datée des environs de 70 av. J.-C. 105 Pour un rappel récent des différentes positions exprimées sur ce point, voir P. G. P. Meyboom, op. cit., p. 217-218 (n. 58 au chap. II). 106 Naples, Mus. Naz., 10323; P.G.P. Meyboom, op. cit., p. 82 et fig. 28. 107 P. G. P. Meyboom, op. cit., p. 82; H.G. Beyen, Die pompejanische Wanddekoration vom Zweiten bis zum Vierten Stil, Haag, M. Nijhoff, 1960, p. 54-61; W. J. Th. Peters, op. cit., p. 7-8 et pl. I, fig. 1; R. Ling op. cit., p. 7, pl. II, 2; M. De Vos, L’egittomania in pitture e mosaici romano-campani della prima età imperiale, p. 77; R. A. Tybout, op. cit., p. 340-341, pl. 21 et 22, 1.
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À Rome, aucune représentation picturale d’un paysage nilotique n’a été conservée pour une époque antérieure au règne d’Auguste. Mais l’intérêt pour l’Égypte y était très vif dès le IIe siècle av. J.-C. En dehors des relations commerciales et d’une intervention grandissante du pouvoir romain dans les affaires intérieures et extérieures du pays, les sources ont conservé le souvenir de plusieurs voyages privés108. Détail d’un intérêt particulier dans notre perspective, des visites de curiosité aux crocodiles sacrés d’Arsinoë s’y trouvent attestées109. Surtout, parmi les émissions monétaires de la fin de la République il en est une, datée entre 90 et 64 av. J.-C., dont quelques symboles, parmi les 211 recensés pour cette émission, reprennent des motifs égyptisants. Outre la couronne d’Isis, le sistre, la fleur de lotus, apparaissent aussi, pour un unique exemple, le crocodile, le Pygmée et l’hippopotame110. Tous ces motifs se retrouvent sur les scènes nilotiques connues. Les raisons de leur choix ont été discutées. Or, comme le souligne M. H. Crawford111, les symboles des monnaies ne sont qu’un choix sans signification précise entre des motifs tirés de la vie courante112. Servant au contrôle de la production, ils devaient avant tout être facilement reconnaissables113. Malgré le petit nombre de ces monnaies portant un motif nilotique dans la production monétaire du temps, on peut en conclure que les thèmes iconographiques égyptisants, à cette époque, commençaient
108 Pour un rapide résumé des relations entre l’Égypte Ptolémaïque et Rome jusqu’aux débuts du Ier s., voir P. G. P. Meyboom, op. cit., Ap. 16, p. 164-166. 109 Les témoignages antiques les plus importants sur la curiosité des visiteurs romains vis-à-vis des crocodiles sacrés sont d’une part un papyrus évoquant la visite à Arsinoë d’un ancien préteur, L. Mummius (A. S. Hunt et C. C. Edgar, Selected papyri with an english translation II, official documents, London-HeinemannNew-York, Lœb class. libr., Putnam, 1934, no 416), et d’autre part un récit de Strabon (XVII, 1, 38). Cet intérêt eut certainement un écho dans l’iconographie : une mosaïque du IIIe siècle découverte à Rome notamment est consacrée à ce thème (P. G. P. Meyboom, op. cit., p. 346, n. 33 du chap. V; M. E. Blake, Mosaics of the Late Empire in Rome and vicinity, in MAAR, 17, 1940, (p. 81-131) p. 104 et pl. 20, fig. 3. 110 M. H. Crawford, Roman republican coinage, London, Cambridge, Cambridge university press, 1975, pl. LXVI, no 29 (crocodile) : symbole sur un denier de L. Papius frappé en 79 av. J.-C. (p. 398, no 384); pl. LXVIII, no 69 (pygmée avec grue) et pl. LXIX, no 141 (crocodile) : symboles sur un denier de L. Roscius Fabatus frappé en 64 av. J.-C. (p. 439, no 412). 111 M. H. Crawford, op. cit., p. 399 et 439. 112 M. H. Crawford réfute notamment l’idée que ces motifs pourraient s’expliquer par une volonté de promouvoir le culte d’Isis. De fait, si certains sont indéniablement religieux, comme la couronne d’Isis et le sistre, d’autres, comme les pygmées chasseurs ou les spécimens de la faune nilotique, ne le sont pas. 113 Ainsi que me l’a fait observer M. H. Zehnacker, cette fonction étroitement utilitaire étaye en réalité les conclusions exposées ici.
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à se répandre à Rome comme en Campanie. En outre, à partir du second quart du Ier siècle av. J.-C., le nombre des Égyptiens présents à Rome, notamment des artistes, s’accrut considérablement114. La uenatio de Scaurus eut donc lieu au terme de la première période de diffusion dans l’art romain des beluae du Nil, hippopotames et crocodiles. On peut remarquer en outre que ces représentations, plus ornementales que documentaires ou narratives, présentent simplement quelques exemplaires de la faune nilotique, éventuellement entourés d’un décor rappelant leur cadre de vie. En dehors de la mosaïque de Palestrina, où il est traité d’une manière très spécifique, le thème de la chasse proprement dite semble absent. De la même manière, d’après le texte de Pline (VIII, 95-96), la première uenatio nilotique fut probablement une simple exhibition. Le succès dans l’art romain des motifs égyptisants se poursuivit dans la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C.115. On relève parmi eux quelques scènes de chasse, mais alors que sur la mosaïque de Palestrina, les hommes affrontant les hippopotames sont certainement des colons grecs, sur les représentations ultérieures les chasseurs sont des indigènes, la plupart du temps des Pygmées, personnages traditionnels des représentations nilotiques. Ce phénomène de stylisation s’explique à la fois par un goût de l’exotisme et par le caractère apotropaïque du Pygmée, symbole de fertilité 116. Ainsi, la fresque du péristyle de la Maison du Sculpteur, déjà évoquée, montre des Pygmées se défendant de façon burlesque contre des hippopotames et des crocodiles117. Il en est de même sur une frise de IIe style de la palestre de la maison de M. Castricius (VII, 16, 17). Sur une mosaïque pariétale du uiridarium de la Maison de la Fontaine118
P. G. P. Meyboom, op. cit., p. 86. Ibidem, p. 83. 116 Ibidem, p. 150-154. 117 D’autres paysages nilotiques, servant de cadre à diverses activités en dehors de la chasse, pourraient également être cités, par exemple la frise ornant la partie supérieure du mur de l’atrium de la Maison du Taureau à Pompéi (V, 1, 7), datée entre 40 et 30 av. J.-C. (H. G. Beyen, op. cit., pl. 20c.; K. Schefold, Vergessenes Pompeji, Berne-Munchen,1962, pl. 44). Il existe également deux emblemata de mosaïques, l’un dans la Maison de Ménandre (E. Pernice, Pavimente und figürliche Mosaiken, Kunst in Pompeji, VI, Berlin, de Gruyter, 1938, p. 59, pl. 23,6) l’autre dans la Maison de Paquius Proculus (Ibidem, p. 96, pl. 412,4; V. Spinazzola, Pompei alla luce degli scavi nuovi di Via dell’Abbondanza, anni 1910-1923 [Opera postuma a cura di S. Aurigemma], Roma, Libr. dello Stato, 1953, I, p. 297 et 313, fig. 355). Ces emblemata sont datés de la fin de la République ou des débuts de l’époque augustéenne. 118 K. Schefold op. cit., p. 186; E. La Rocca et M. et A. de Vos, Guida archeologica di Pompei, Milano, Mondadori, 1976 p. 267, et p. 169 pl. a.; F. Bastet et M. de Vos, Proposta per una classificazione del terzo stile pompeiano, in Archeologische Studiën van het Nederlands Instituut te Rome, IV, 1979, p. 29; P. Zanker, 114
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(VII, 4, 56), le cadre de la zone médiane montre deux Pygmées en barque, dont l’un lance une pierre à un hippopotame. Une mosaïque nilotique avec des nains combattant des crocodiles a également été retrouvée dans une maison à Privernum. Sa datation est encore discutée, mais elle relève très probablement de la fin de la République ou du début de l’époque augustéenne119. Les uenationes de thème nilotique qui eurent lieu sous Auguste, en 28 et en 2 av. J.-C., se situent dans ce mouvement. Les Pygmées chasseurs des représentations picturales peuvent être mis en relation avec la description par Pline l’Ancien (VIII, 92) des Tentyrites, qui se produisirent lors du second des deux spectacles. En effet, selon le naturaliste, ils étaient de petite taille (mensura eorum parua). Il est donc vraisemblable qu’à l’origine les peintres de scènes nilotiques se soient inspirés des chasses aux crocodiles effectivement pratiquées dans la région de Tentyra, voire dans les contrées plus méridionales habitées par les Pygmées120. Mais inversement, le spectacle d’Auguste, où de petits hommes affrontèrent les redoutables crocodiles, dut nécessairement évoquer aux spectateurs les décors qui leur étaient familiers. Certes, les représentations de Pygmées aux prises avec les beluae du Nil étaient souvent aussi bouffonnes que dramatiques121, alors que les uenationes nilotiques, à notre connaissance, n’avaient aucun caractère burlesque. Toutefois, le rappel des modèles iconographiques fut certainement très conscient dans les spectacles. Ces sources d’influence picturales contribuent à expliquer la présentation presque systématique des premières uenationes nilotiques dans un bassin. Le spectacle restait ainsi fidèle au milieu naturel de la faune nilotique, mais aussi au contexte systématique de ses représentations figurées. Il est possible que l’installation du bassin ait été accompagnée d’un décor végétal destiné à parfaire l’évocation du fleuve.
Die Villa als Vorbild des späten pompejanischen Wohngeschmacks in Jdl 94, 1979, (p. 460-523) p. 503-504. 119 R. Righi, Nuove ricerche e rinvenimenti nel Lazio costiero meridionale, in AL, 6, 1984, (p. 178-187), p. 181-183, fig. 5-6; P. G. P. Meyboom, op. cit., p. 340, n. 16 bis. 120 Ces dernières s’étendaient peut-être à cette époque jusqu’aux environs des sources du Nil et du Niger en Afrique centrale (cf. W. B. Mc Daniels, À fresco picturing Pygmies, in AJA, 36, 1932, (p. 260-271), p. 261 et p. 266 n. 7). 121 Plusieurs éléments d’explication sont en cause. La reproduction de diverses activités humaines par des êtres de petite taille, Amorini ou Pygmées, était source d’une distanciation amusée. Par ailleurs la difformité des Pygmées ou leurs attitudes obscènes étaient liées à leur symbolique apotropaïque et prophylactique. (voir P. G. P. Meyboom, op. cit., p. 150-154).
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
Il semble difficile de retracer de manière précise les rapports entretenus par les décors et les spectacles de thème nilotique après les jeux d’Auguste. En effet, le IIIe style fait un usage plus modéré du paysage nilotique : hippopotames et crocodiles laissent la place à d’autres animaux du Nil, plus petits et plus élégants, en particulier les oiseaux aquatiques122. C’est également une époque où les sources écrites ne nous ont laissé aucune attestation de uenationes nilotiques. Toutefois, comme nous l’avons vu123, ce silence n’implique pas, bien au contraire, que ce spectacle n’ait plus été présenté. L’égyptomanie bien connue de Caligula notamment suggère l’hypothèse inverse. Le thème de la chasse aux beluae du Nil, le plus souvent burlesquement menée par des Pygmées, est à nouveau présent dans le IVe style pompéien, parmi les nombreux paysages nilotiques où apparaissent ces petits personnages124. Dans notre perspective, une peinture du péristyle de la Maison du Médecin (VII, 2, 4)125, actuellement conservée au Museo nazionale de Naples, présente un intérêt tout particulier. On y voit en effet un Pygmée à califourchon sur un crocodile, tenant une double corde passée autour de son corps comme s’il s’agissait de rênes. Les autres bouts de la corde sont tenus par trois Pygmées qui par ce moyen tirent le crocodile vers l’île sur laquelle ils se tiennent (pl. VI). Les Tentyrites du spectacle d’Auguste, eux aussi, avaient halé les crocodiles sur la terre ferme, sous les yeux du public126. En outre, selon Pline l’Ancien (N.H., VIII, 92-93) les plus hardis de ces chasseurs égyptiens avaient coutume de monter sur le dos du monstre pour mener à bien sa capture. Sur la même peinture, à gauche, un Pygmée attaquant seul un crocodile semble sur le point de coincer un bâton dans sa gueule, autre élément de la technique de chasse attribuée aux Tentyrites par le naturaliste. Une telle représentation peut être due simplement au souvenir de récits comme celui de Pline, ou d’illustrations sur ce thème. Toutefois, M. de Vos, op. cit, p. 81-82; W. J. Th. Peters, op. cit, p. 187. Voir première partie, p. 95. 124 Sur ces scènes nilotiques du IVe style, voir par exemple W. B. Mc Daniels, op. cit., p. 260-271; G. Spano, Paesaggio nilotico con pigmei difendentisi magicamente dai coccodrilli, in MAL, VIII, 6, 1955, p. 355-368; K. Schefold, op. cit., p. 197-202; M. De Vos, Die Wanddekoration der Stabianer Thermen, in H. Eschebach, Die Stabianer Thermen in Pompeji, Berlin, de Gruyter, 1979, p. 81-95; P. Zanker, op. cit, p. 460-523; H. Whitehouse, In praedis Iuliae Felicis : The provenance of some fragments of wall-painting in the Museo nazionale, Naples, in PBSR, 45, 1977, p. 52-68 et pl. XVIII-XX; J. Lancha, Deux fragments d’une frise inédite au Musée national de Naples, in MEFRA, 95, 1980, p. 249-276. 125 W. B. Mc Daniels, op. cit., pl. IX; H. Whitehouse, op. cit., p. 65. 126 Selon W. B. Mac Daniels (op. cit., p. 264) l’utilisation d’une corde attachée à un morceau de bois introduit dans la gueule du monstre est une technique de chasse au crocodile attestée en Afrique jusqu’à l’époque moderne. 122
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dans la mesure où une telle technique de chasse apparaît peu fréquemment dans les décors nilotiques, et seulement dans quelques œuvres postérieures au spectacle d’Auguste, il est possible que ce dernier, ou un autre mettant également en scène les Tentyrites, ait inspiré le choix iconographique. Le phénomène est plus flagrant dans le cas d’une statuette d’époque romaine conservée au British Museum, représentant un jeune acrobate africain en équilibre sur les mains, sur le dos d’un crocodile127. Des lampes représentant un Pygmée debout sur cet animal doivent peut-être être interprétées de la même façon128. Après leur développement dans le IVe style pompéien, on retrouve les paysages nilotiques et donc la faune du Nil dans l’art romain jusqu’au Bas-Empire129. Mais comme nous l’avons vu ailleurs130, à partir de l’époque flavienne, les crocodiles apparurent tout aussi bien dans une arène sèche, et donc sans aucun rappel de leur milieu d’origine, et purent être mêlés à d’autres espèces exotiques au cours de la même séquence. Cette évolution déjà évoquée s’explique certes par la nature des édifices de spectacle utilisés, mais manifeste aussi une rupture avec le modèle iconographique initial. À mesure que la faune du Nil devenait moins inédite aux yeux du public romain, elle cessa d’être systématiquement présentée pour elle-même, dans son décor spécifique que l’art avait déjà popularisé. Le souvenir du spectacle donné par Symmaque (VI, 43), qui eut lieu dans un bassin, ne remet pas en cause la distance prise par rapport aux modèles picturaux : les crocodiles n’y furent pas opposés à des êtres humains comme dans la plupart des scènes de chasses nilotiques conservées, mais les uns aux autres131.
127 E. Buschor, Das Krokodil des Sodates, in Münchner Jahrbuch der Bildenden Kunst XI, 1/2, 1912-1921, p. 1-43, fig. 60. 128 J. Deneauve, Lampes de Carthage, Paris, Ed. du C.N.R.S., 1969, no 616; R. Gavelle, Sur un vase sigillé à décor égyptisant trouvé dans les fouilles de SaintBertrand-de-Comminges in Mélanges d’archéologie et d’histoire offerts à A. Piganiol, I, Paris, 1966, (p. 495-508), p. 498, n. 1 et p. 506 n. 5; A. Merlin, Supplément au Catalogue des lampes du Musée Alaoui, in RT, XXII, 1915, (p. 314-341) p. 327, no 88. 129 Voir en particulier L. Foucher, Les mosaïques nilotiques africaine, in La mosaïque gréco-romaine, I, 1965, (p. 137-145) p. 137, fig. 4-20; J. Balty, Thèmes nilotiques dans la mosaïque tardive du Proche-Orient, in Alessandria e il mondo hellenistico-romano, Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1983-1984, p. 827-834; J. Leclant, Un aspect des influences alexandrines en Gaule. Les scènes nilotiques exhumées en France, in Alessandria e il mondo hellenistico-romano, p. 440-444. 130 Voir p. 92. 131 Aucune scène nilotique comprenant un combat entre crocodiles n’est parvenue jusqu’à nous.
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
Les représentations des mythes de la mer et leur écho dans les spectacles Les exhibitions de la faune marine et la reprise de topoi iconographiques Si on laisse de côté les présentations de phoques, dont nous possédons plusieurs attestations, les animaux marins restèrent assez rares dans les spectacles aquatiques. Lors du festin sur l’eau organisé par Tigellin sur l’étang d’Agrippa, tel qu’il est décrit par Tacite, (Ann., XV, 37, 1-3) poissons et beluae représentèrent plutôt un ajout au décor, destiné à parfaire la recréation sur le plan d’eau d’un univers maritime. Ce goût néronien pour la recréation artificielle d’un paysage et d’un milieu naturel rappelle également les réalisations du parc de la Maison Dorée, où fut reconstitué un véritable paradeisos132. Par ailleurs, dans la peinture et surtout la mosaïque de l’époque, la faune marine, utilisée comme élément décoratif, est généralement traitée avec un grand réalisme133. Il est donc plausible que ce détail, parmi les éléments de décor du festin de Néron, ait été inspiré par les topoi des représentations maritimes contemporaines et par une vogue plus générale des décors illusionnistes très construits, mais destinés à évoquer selon certains poncifs un paysage naturel et sa faune134. Ce goût pour une observation objective de la faune marine ne s’opposait nullement à la persistance dans l’imaginaire romain d’un bestiaire marin fabuleux hérité de la tradition grecque, et lui aussi véhiculé par la littérature, mais surtout par les arts plastiques. Depuis Homère (Od., III, 158) qui qualifie la mer de megakh¥tev135 l’espace maritime fut toujours présenté par les Anciens comme particulièrement riche en êtres prodigieux. À partir de l’époque archaïque, se développe un thème iconographique qu’on a qualifié de «thiase marin», tant parce qu’il représente l’escorte de certaines divinités comme Thétis, Poséidon et Vénus, que parce qu’il s’est progressivement rapproché du modèle que représentait le thiase bachique. Il fut peu à peu enrichi par de nouvelles créatures, en parti-
Suet., Ner., XXXI, 2. Sur le réalisme de la faune marine dans ses représentations pompéiennes, voir par exemple : A. Palombani, La fauna marina dei dipinti pompeiani, in Pompeiana. Raccolta di studi per il secondo centenario degli scavi di Pompei, Napoli, G. Macchiaroli, 1950, p. 425-453. 134 Sur le rôle général de cette vogue dans les développements de la uenatio, voir notamment J. Aymard, Essai sur les chasses romaines des origines à la fin du siècle des Antonins, Paris, de Boccard, 1951, p. 193. 135 «qui renferme des monstres gigantesques». 132
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ORIGINES ET SOURCES D’INFLUENCE
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culier au cours de l’époque hellénistique136. En Italie, le thiase marin était présent dès le Ve siècle dans l’art de l’Étrurie et du Sud de l’Italie137. Il fut largement popularisé à Rome au cours des deux derniers siècles de la République par l’afflux des artistes grecs et des œuvres d’art ramenées d’Orient, tel le fameux groupe statuaire de Skopas dont parle Pline l’Ancien (N.H. XXXVI, 26). Selon ce dernier en effet, un groupe statuaire représentant Neptune, Thétis et Achille, entourés de Néréides montées sur des dauphins et de diverses autres créatures marines, fut placé devant le temple de Neptune in Circo Flaminio par Gn. Domitius Ahenobarbus. Or, on connaît un relief, provenant de la zone où se situait le temple, qui représente précisément un thiase marin. Cette frise, connue sous le nom d’«autel de Domitius Ahenobarbus», et stylistiquement datée du IIe siècle av. J.-C., ornait probablement la base qui supportait le groupe de Skopas138. Toujours pour le IIe siècle av. J.-C., on connaît une frise de thiase marin ornant la sandale d’une colossale statue acrolithe d’Isis139. Le thiase marin, ou ses diverses composantes dissociées, était également très présent dans la peinture pompéienne. On le retrouve ensuite jusqu’à la fin de l’époque impériale dans tout le monde romain, souvent dans la sculpture funéraire140, et surtout 136 Pour une histoire de l’enrichissement progressif du thème iconographique du thiase marin de l’époque archaïque aux débuts de l’époque romaine, voir S. Lattimore, The marine thiasos in greek sculpture, Los Angeles, Univ. of California Press, 1976, chap. III, p. 28-37. Ainsi, la multiplication des Tritons à partir du dieu qui portait ce nom et l’apparition des centaures marins s’observent d’abord dans des œuvres plastiques des IVe-IIIe s. av. J.-C. 137 S. Lattimore, op. cit., p. 13 et n. 11 et 12; p. 29. 138 Telle est la proposition de F. Coarelli, dans Il Campo Marzio dalle origini alla fine della Repubblica, Roma, Quazar, 1997, p. 406-447. Après un aperçu des diverses prises de position antérieures sur cette question controversée, il démontre que le personnage à l’origine de l’érection du temple et du groupe statuaire, et donc de la réalisation de la base elle-même, est certainement le Cn. Domitius Ahénobarbus qui fut consul en 122 av. J.-C., après avoir remporté en 128 av. J.-C. une victoire navale contre Aristonicos. Il ne s’agit donc pas, comme le pensait par exemple S. Lattimore (op. cit, p. 16-18) du lieutenant d’Antoine, consul en 32 av. J.-C. F. Coarelli souligne en outre (p. 413-417) le rôle joué par certains monuments d’époque hellénistique, notamment le Neorion de Délos, réalisé par Démétrios Poliorcète, dans le développement dans l’art romain du thiase marin, et plus généralement de la symbolique marine. 139 Seul un pied de cette statue est conservé. Il se trouve au Musée du Capitole (S. Lattimore, op. cit, p. 35-37). 140 Sur ces sarcophages et leur possible signification eschatologique, voir S. Lattimore, op. cit., p. 13-14 et sa bibliographie (p. 20, n. 13-15) : A. Rumpf, Die Meerwesen auf den antiken Sarkophagreliefs, in Die antiken Sarkophagreliefs, V 1, Berlin, Grote, 1939; F. Cumont, Recherches sur le symbolisme funéraire des Romains, Paris, Geuthner, 1942, p. 166-170; B. Andreae, Studien zur römischen Grabkunst, Heidelberg Kerle verlag, 1963, p. 131-162; H. Sichtermann, Deutung und Interpretation der Meerwesensarkophage, in JDAI, LXXXV, 1970, p. 224-238.
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dans la mosaïque, ornant tout naturellement thermes et fontaines141. Faisant très vite écho au développement du modèle iconographique, la littérature n’est pas en reste et on pourrait citer de nombreuses descriptions poétiques où Tritons, Néréides et animaux marins font cortège aux divinités souveraines des mers142. Le thiase marin comprend essentiellement, évoluant au milieu de poissons et de dauphins, des Néréides, des Tritons, des putti lorsqu’il s’agit de l’escorte de Vénus, et divers monstres qui servent en particulier de montures aux Néréides. Ces monstres marins sont des créatures hybrides, imaginées à partir d’animaux terrestres, qu’ils soient fabuleux, comme les centaures et les griffons, ou réels. Dans ce dernier cas, l’influence du thiase bachique apparaît dans les représentations de fauves, panthères ou lionnes marines, fort nombreuses. Mais les créatures hybrides de ce type les plus anciennes et les plus souvent représentées sont les chevaux marins, tant à cause de la mythologie de Neptune que de l’existence effective de l’hippocampe, et les taureaux marins. Ils sont ainsi présents sur la frise du soi-disant «autel de Domitius Ahenobarbus» déjà évoqué. À Pompéi, seuls ou chevauchés par des Néréides, ils entrent dans certains tableaux, et surtout dans d’innombrables compositions ornementales de sujet maritime143. Or, les chevaux et les taureaux évoluant dans l’eau que décrit Dion Cassius (T. 22) devaient présenter un aspect
141 Sur les nombreuses mosaïques africaines où apparaissent des éléments du thiase marin, entourant notamment Vénus, voir G. Ch. Picard, Le couronnement de Vénus, in MEFR, 58, 1941-46, p. 43-108; J. Lassus, Vénus marine, in Actes du colloque international de la mosaïque gréco-romaine [Paris, 29 août-3 septembre 1963], Paris, 1965, p. 175-191. Sur les mosaïques de thiase marin découvertes en Espagne, voir en particulier M. Torres Carro, Iconografia marina, in Mosaicos romanos. Estudios sobre iconografia [Actas del homenaje in memoriam de Alberto Balil Illana, Museo de Guadalajara, 27-28 de abril 1990], Guadalajara, Junta de comunidades de Castilla-La Mancha, 1990, p. 107-134. À Rome même, on peut évoquer par exemple les mosaïques retrouvées dans un édifice thermal près de la piazza di porta Capene (voir E. Tortorici, Terme Severianae, terme «Severiane» e terme Septimianae, in BCAR, CXV, 1993, p. 161-172.) 142 Pour une bibliographie des textes développant ce thème, voir notamment F. R. Dressler, Triton und die Tritonen in der Literatur und Kunst der Griechen und Römer, Progr. de Wurzen, 1892-1893; J. Meheust, n. 13 de la p. 8 de son édition de l’Achilléide de Stace, Paris, Les Belles Lettres, 1971. 143 Parmi bien d’autres, on peut citer par exemple la pièce 26 de la Maison de Méléagre (VI, 9, 2), l’exèdre (10) de la Maison de P. Vedius Diricus (VII, 1, 25), la pièce (th) de la Maison VIII, 2, 21, le triclinium (8) de la Maison des Amants (I, 10, 11), l’atrium (2) de la Maison de Vénus à la coquille (II, 3, 3), le tablinum (o) de la Maison des Noces d’Argent (V, 2, i), le triclinium (7) de la Maison du Centenaire (IX, 8, 3). Pour une époque plus tardive, citons entre autres, pour l’Afrique, la mosaïque de Vénus marine découverte à Khenchela, datée par J. Lassus (op. cit., fig. 1 et p. 175-177) entre le IIIe et le IVe siècle. Un cheval et un taureau
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analogue aux animaux fabuleux du thiase marin. En effet, le bas de leur corps était dissimulé par l’eau, suggérant la présence d’une queue de poisson. Ils avaient sans doute été dressés à se tenir sur leurs pattes antérieures, dans une attitude très semblable à celle des montures des Néréides, présentes elles-mêmes dans une autre séquence des jeux. Le thiase marin, thème iconographique à l’origine, eut donc lui aussi une influence sur les spectacles aquatiques. Ce que le texte de Dion Cassius, trop bref, permet seulement de supposer nous est confirmé par les commentaires de Martial sur d’autres épisodes voisins des jeux de 80, et notamment par la pièce XXVIII du Livre des spectacles (T. 20). Le site de la naumachie, partiellement couverte d’un ponton, permet au poète une comparaison entre les chars de la course qui y fut donnée et l’attelage de chevaux marins de Neptune. Dans les exhibitions d’animaux marins, les spectacles romains ont donc tantôt privilégié un certain réalisme, malgré tout influencé par les créations artistiques du temps, tantôt une utilisation directe des topoi iconographiques développant un bestiaire marin fabuleux. Les divinités des eaux : du motif littéraire et plastique à la mise en scène Les hydromimes, eux aussi, se sont manifestement inspirés des arts plastiques. De fait, ces spectacles de thème mythologique et essentiellement visuels s’y prêtaient particulièrement. Le témoignage des Anciens l’atteste d’ailleurs pour des mises en scène qui en sont fort proches. C’est le cas en particulier pour la représentation du nauigium Veneris organisée par Cléopâtre autour de sa personne, s’il faut en croire Plutarque (Ant., XXVI, 1-5) : Pollaù deù kaıù par ayßtoy˜ kaıù paraù tw˜n fı¥lwn dexome¥nh gra¥mmata kaloy¥ntwn, oy™tw katefro¥nhse kaıù katege¥lase toy˜ aßndroùv w ™ ste pleı˜n aßnaù toùn Ky¥dnon potamoùn eßn porumeı¥w ∞ xrysopry¥mnw ∞ tw˜n meùn Ωıstı¥wn aΩloyrgw ˜ n eßkpepetasme¥nwn, th˜v d eıßresı¥av aßrgyraı˜v kw ¥ paiv aßnaferome¥nhv proùv ayßloùn a™ma sy¥rigji kaıù kiua¥raiv synhrmosme¥non. Ayßthù deù kate¥keito meùn yΩpoù skia¥di xrysopa¥stw ∞ kekosmhme¥nh grafikw ˜v w ™ sper Afrodı¥th, paı˜dev deù toı˜v grafikoı˜v ¶Erwsi eıßkasme¥noi par eΩka¥teron eΩstw ˜ tev eßrrı¥pizon. Omoı¥wv deù kaıù uerapainı¥dev aıΩ kallistey¥oysai
marin s’y font face, au-dessous de la conque de Vénus. Pour l’Italie, on a retrouvé par exemple à Ostie dans la Maison des Dioscures une mosaïque où une Vénus marine dans sa conque est entourée de Néréides chevauchant, entre autres montures fantastiques, des chevaux ou taureaux marins (G. Becatti (dir.), Scavi di Ostia, Mosaici e pavimenti marmorei, IV, Roma, Ist. poligrafico dello stato, 1962, p. 119-122, pl. 149-153 et 214-216). Elle est datée de la seconde moitié du IVe s. ap. J.-C.
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Nhrhı¥dwn e¶xoysai kaıù Xarı¥twn stola¥v, aıΩ meùn proùv oı¶ajin, aıΩ deù proùv ka¥loiv h®san144. (Elle recevait beaucoup de lettres d’Antoine et de ses amis qui l’appelaient, mais elle n’en fit aucun cas et se moqua de lui au point de remonter le Cydnus sur un navire à la poupe d’or, avec des voiles de pourpre déployées. Le mouvement des rames d’argent se faisait au son de la flûte accordé à celui des syrinx et des cithares. Elle-même était étendue sous un dais brodé d’or et parée comme les peintres représentent Aphrodite. Des enfants, ressemblant aux Amours qu’on voit sur les tableaux, se tenaient à ses côtés pour l’éventer. De même, les plus belles de ses servantes, costumées en Néréides et en Grâces, étaient les unes au gouvernail, les autres aux cordages).
L’historien souligne explicitement la présence d’un modèle pictural. De fait, on connaît dans l’art romain d’innombrables représentations de Vénus dans sa conque, assistée par des Amours, un voile bleu l’enveloppant ou flottant au-dessus de sa tête145. On sait en outre que le thème de Vénus Anadyomene vient de l’art grec146 et que la multiplication d’Éros en Erotes relève de l’art hellénistique. Dès lors, il devient parfaitement plausible que Cléopâtre se soit inspirée des œuvres d’art de son temps. Peut-on aller jusqu’à envisager que la scène de navigation dans son ensemble ait été issue d’un modèle iconographique? Nous ne connaissons, même par ouï-dire, aucune représentation figurée d’un tel Nauigium Veneris qui soit antérieure à l’époque de Cléopâtre, ni même à celle de Plutarque. Cependant, il existe de troublantes ressemblances entre la description de l’historien et la mosaïque découverte à Volubilis, dite du Nauigium Veneris147. Elle représente Vénus, parée de bijoux et le bas du corps drapé dans un voile bleu brodé. Elle tient déployé au-dessus d’elle un autre voile de même couleur et elle est assise à la poupe d’un navire de plai144 Texte établi et traduit par R. Flacelière et E. Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 1977. 145 Pour une liste, d’ailleurs non exhaustive, de ces représentations, voir M. Lawrence, The «birth of Venus» in Roman art. Essays in the history of art, art. pres. to R. Wittkower, London, Phaidon, 1967, p. 10-16. 146 Par Pausanias (V, 11, 8) nous savons que Phidias avait sculpté une Vénus émergeant de la mer. La Vénus Anadyomene était une œuvre du peintre Apelle (Pline l’Ancien, N.H., XXXV, 91); Sur les représentations conservées, voir par exemple M. Bieber, The Sculpture of the hellenistic Age, New York, Columbia Univ. Press, 1955, p. 20-21 et 82-83.; M. Bratschkova, Die Muschel in den antiken Kunst, in BIAB, 12, 1938, p. 1-128. 147 R. Thouvenot, La mosaïque du Navigium Veneris à Volubilis (Maroc), in RA, 1977, (p. 37-52) p. 54. Dans la même maison se trouvaient deux autres pavements représentant l’un le rapt d’Hylas par les Nymphes, l’autre le bain de Diane, deux sujets qui, nous l’avons vu, sont également susceptibles d’avoir servi de thème à des spectacles aquatiques (voir première partie, p. 114-118).
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sance richement orné. Trois femmes nues, parées elles aussi de bracelets et de colliers et identifiées comme les Grâces 148, en tiennent les rames. Le reste de l’équipage est formé par deux Amours ailés, qui carguent la voile. Des Tritonesses et des Néréides assises sur des chevaux marins entourent le navire. On connaît quelques autres exemples, également africains, d’une représentation de Vénus marine sur une barque149. Deux mosaïques d’Utique en particulier, où Vénus, qui occupe presque tout l’esquif, est seulement assistée par des Amours, sont sans doute des reproductions simplifiées du même modèle150. Mais peut-on faire remonter ce modèle jusqu’à l’époque de Plutarque, voire de Cléopâtre? La mosaïque de Volubilis, en effet, est datée par R. Thouvenot151 de la fin du IIe siècle ou du début du IIIe siècle. Quelques éléments permettent toutefois d’envisager favorablement l’hypothèse d’une œuvre picturale antérieure, modèle de la mosaïque. En premier lieu, on ne connaît aucune attestation littéraire ancienne de ce thème du Nauigium Veneris. Seuls, les v. 13-34 de la Silve III, 2 de Stace évoquent une image analogue : un équipage de Néréides manœuvrant le navire qui doit emporter un ami du poète. Il est probable dès lors que la source d’inspiration, directe ou indirecte, de notre mosaïque comme des vers de Stace, est une œuvre plastique. Il existait donc un tableau sur le thème du Nauigium Veneris, sans doute dès l’époque hellénistique. Il suggéra à Cléopâtre sa mise en scène et d’éventuels spectacles ultérieurs sur ce thème. L’insistance de Plutarque sur la source d’inspiration picturale témoigne d’ailleurs tout particulièrement, à côté de la signification religieuse et politique de cette mise en scène, d’une simple recherche illusionniste, pour une parfaite adéquation visuelle à l’œuvre imitée. De même, pour le mime dansé, les expressions plastiques de la mythologie devinrent un réservoir d’images à reproduire. La description par Apulée du «jugement de Pâris» dans les Métamorphoses (X, 30-32 & 34) montre bien cette inspiration picturale. Certes, la représentation du mont Ida est explicitement rattachée à la tradition homérique. Mais comme sur les fresques ou les mosaïques, les per-
Ibidem, p. 41. On peut citer notamment la mosaïque déjà décrite du frigidarium des thermes de Henchir-Thina, où la déesse couronne l’Amour sur une barque. 150 La première est conservée au Musée du Louvre (R. Thouvenot, op. cit., p. 49). La seconde se trouve au Musée du Bardo (R. Thouvenot, op. cit., p. 49-50 et fig. 8; Corpus des mosaïques de Tunisie, Tunis, Institut national d’archéologie et d’art, 1974, I, fasc. 2, Utique). 151 R. Thouvenot, op. cit., p. 52. 148
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sonnages sont immédiatement identifiés par les détails de leur costume, Mercure par son caducée, Minerve par son bouclier et sa lance. Quant aux enfants tenant le rôle des Amours, «leurs petites ailes, leurs petites flèches, et le reste de leur mise les mettaient parfaitement en accord avec ce modèle»152 (et pinnulis et sagittulis et habitu cetero formae praeclare congruebant). De la même manière, il est aisé de retrouver les modèles picturaux des hydromimes connus. Le «chœur des Néréides» de Martial s’inspirait bien évidemment des innombrables représentations de ces divinités de la mer déjà présentes dans l’art grec classique et hellénistique, et plus encore dans l’art romain153. On pourrait multiplier les rapprochements : outre Vénus et son cortège, Andromède sur son rocher, Ulysse sur son navire, Diane au bain, les Naïades poursuivies par les Satyres, la fête nautique, tous ces thèmes ont fait l’objet d’innombrables traitements littéraires et iconographiques, bien antérieurs aux spectacles aquatiques connus. Contrairement aux autres thèmes attestés ou présumés des hydromimes, on ne connaît pas de figuration de la légende de Léandre et Héro qui leur soit nettement antérieure. En effet, nous l’avons vu, il est difficile de déterminer si les représentations connues dans la peinture pompéienne ne représentent pas plutôt un écho à des spectacles présentés sous Néron. Cependant, l’existence de modèles plastiques antérieurs, venus du monde grec, reste très probable. G. Solimano en particulier rappelle la présence du motif de la traversée de Léandre dans les frappes monétaires de Sestos et d’Abydos154. Sur plusieurs monnaies, on distingue au-dessus de Léandre un Amour portant une torche, qui n’apparaissait pas dans la peinture pompéienne mais qu’on retrouve néanmoins dans d’autres œuvres plastiques155 et dans la Silve I, 2 de Stace (v. 87-90). Il pourrait s’agir d’un détail relevant d’un traitement iconographique local. La légende fut donc probablement popularisée par des représentations figurées, avant son traitement théâtral.
Apul., Met., X, 32, 1. Pour une bibliographie sur le motif de la Néréide dans l’art gréco-romain, voir les notes du chapitre précédent concernant le thiase marin. 154 G. Solimano, Ero e Leandro, considerazioni sull’origine del mito, in L. de Regibus et P. Mingazzini, Tetraonyma. Miscellanea Graeco-Romana... cité, p. 256-257. Sur ces monnaies, voir aussi C. Caprino in EAA, sv. Leandros, p. 516517. 155 Voir note précédente. 152
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Conclusion Ainsi que nous l’avions vu dans la première partie de notre étude, il existe quelques œuvres plastiques, généralement fort tardives, comme la mosaïque de Yakto ou la tapisserie copte commentée par R. Berliner, qui semblent directement inspirées par les spectacles aquatiques. Si les exemples de ce type sont rares, il est certain en revanche qu’une relation d’influence réciproque a existé entre iconographie et spectacles aquatiques. Ces mises en scène, bien que nées à Rome et en Italie, furent cependant inspirées par un imaginaire et une esthétique issus du monde hellénistique, et en particulier de l’iconographie alexandrine. À leur tour, les spectacles déterminèrent la vogue, plus ou moins éphémère, de certains thèmes plastiques, comme la traversée de Léandre, ou, comme dans la mosaïque de Djémila, influencèrent le regroupement de représentations maritimes très diverses dans une même œuvre.
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CHAPITRE 7
LA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DES SPECTACLES AQUATIQUES ET SON ÉVOLUTION
Les spectacles aquatiques furent tardivement introduits dans les jeux romains traditionnels, le plus souvent par des initiatives du pouvoir. On peut donc s’interroger sur les buts politiques que recouvraient ces dernières. Au-delà des précisions que nous avons tenté d’apporter sur le déroulement concret de ces spectacles et sur les sources d’influence qui en expliquent partiellement l’apparition, la signification que leur accordaient leurs contemporains et les modifications qu’elle put subir doivent donc être encore approfondies. Une telle étude devrait permettre de rendre compte, du moins partiellement, de la disparition des grandes naumachies impériales et des différences que présentent les uenationes aquatiques et les hydromimes du Bas-Empire avec ceux qui sont attestés entre César et Trajan. DE CÉSAR
À
TRAJAN :
LES SPECTACLES AQUATIQUES
AU SERVICE D’UNE MYSTIQUE IMPÉRIALE EN FORMATION
À la fin de la République, les jeux à Rome représentaient depuis longtemps déjà un outil de propagande pour les hommes politiques de premier plan. Cet outil s’était en outre considérablement affiné. Il ne s’agissait pas simplement de gagner les faveurs de la foule par des jeux particulièrement magnifiques. Le choix et la composition de chaque spectacle permettaient de rappeler symboliquement un épisode glorieux de la carrière de l’organisateur ou certains de ses projets politiques et militaires. Une telle évolution doit tout particulièrement être mise en rapport avec celle que subit, au cours de la même période, la cérémonie du triomphe, associée à une nouvelle mystique du chef d’inspiration hellénistique1. Ces divers phénomènes 1 Sur l’évolution des spectacles, voir G. Ville, La Gladiature en Occident des origines à la mort de Domitien, Roma, 1982 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 245), p. 42-173. Sur l’évolution du triomphe et les influences hellénistiques sur une mystique du chef victorieux, voir par exemple L. Cerfaux et J. Tondriau, Un concurrent du christianisme. Le culte des souverains
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
s’accentuèrent encore durant le premier siècle de l’empire, où les innovations en matière de spectacle furent particulièrement nombreuses. Toute recherche plus approfondie sur la signification des spectacles aquatiques doit donc passer par l’examen de leurs rapports avec ce contexte de développement et d’exploitation idéologique des jeux, lié à l’émergence du pouvoir personnel des imperatores. Les premières naumachies : une commémoration des succès navals de l’imperator Le premier spectacle aquatique connu est la uenatio nilotique de M. Aemilius Scaurus, lors de ses jeux édilitaires. La nouveauté et l’exotisme du spectacle, malgré le petit nombre des animaux présentés, s’inscrivent bien évidemment dans le contexte plus général de somptuosité exceptionnelle que Scaurus voulut donner à ses jeux, notamment par la construction d’un théâtre provisoire d’un luxe sans précédent 2. L’ensemble devait bien évidemment assurer la popularité de l’édile, mais on ne peut découvrir, dans cette uenatio, de rapports plus précis avec sa carrière. La naumachie de César et la victoire sur mer à la fin de la République Il en va tout autrement de la naumachie de César, avec laquelle apparaissent véritablement les premières manifestations de la symbolique politique complexe qui caractérisera tous les spectacles impériaux liés au maniement de l’eau. D’une manière générale, tout d’abord, la création de la naumachie s’explique par la volonté de César de rivaliser avec le souvenir des jeux somptueux et novateurs qu’avait présentés Pompée lors de l’inauguration de son théâtre, dont la cavea était dominée par un sanctuaire de Vénus, sa protectrice attitrée. César, dans les jeux associés à ses triomphes, mais aussi à l’inauguration du temple de sa Vénus Genitrix, voulut non seulement rééditer en les surpassant certains spectacles déjà donnés par son prédécesseur, comme l’éléphantomachie, mais aussi présenter des divertissements totalement inédits et plus grandioses encore. dans la civilisation gréco-romaine, Tournai, Desclée & cie, 1956, p. 268-290; A. Bruhl, Les influences hellénistiques dans le triomphe romain, in MEFR, 46, 1929, p. 77-95; E. Künzl, Der römische Triomph, Siegesfeiern im antiken Rom, München, C.H. Beck, 1988. 2 Sur l’éclat particulier de cette édilité, voir G. Ville, op. cit., p. 90-91 et les sources qu’il cite.
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LA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DES SPECTACLES AQUATIQUES
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Toutefois, avec la création de la naumachie, il ne s’agissait pas simplement de plaire par la nouveauté d’une mise en scène, ou de frapper les esprits par l’amplification des moyens matériels et humains déployés. De même que l’éléphantomachie pouvait être destinée à rappeler les succès orientaux successifs des deux imperatores, le choix d’un spectacle naval s’explique par la volonté de César de rivaliser symboliquement avec l’image de Pompée comme chef naval et pacificateur des mers. On sait en effet qu’après plusieurs campagnes infructueuses, ce fut celle que mena Pompée en 67 av. J.-C. qui mit un terme au fléau des pirates 3. Ce succès resta l’un de ses plus grands titres de gloire 4, et lui valut des honneurs particuliers 5. L’importance de cette victoire dans la carrière de Pompée s’explique essentiellement par les pleins-pouvoirs exceptionnels qu’il reçut à cette occasion sur les mers et les côtes. On ne peut en effet relever aucune grande bataille navale au cours de ces opérations, qui reposèrent essentiellement sur la destruction des repaires terrestres des pirates 6. Mais on peut aussi mettre l’insistance de Pompée et des pompéiens sur la réussite de cette campagne en rapport avec la signification prise plus généralement par la victoire sur mer à son époque. Les réticences bien connues des Romains vis à vis des caprices de la mer 7 et du combat naval expliquent leur fierté partiEn 67 av. J.-C. Plut., Pomp., XXIV-XXIX; D.C., XXXVI, 20-37. Cic., Pomp. 31-34. 5 Sa maison fut notamment ornée de proues de navires (Cic., Phil, 2, 68). 6 Ces succès maritimes et les liens créés par Pompée, au cours de ses campagnes orientales, avec d’anciennes puissances navales du monde hellénistique expliquent son plan politique d’un contrôle de l’empire par celui de la mer (G. Ch. Picard, Les trophées romains. Contribution à l’histoire de la religion et de l’art triomphal à Rome, Paris, de Boccard, 1957, p. 188). 7 Les historiens latins témoignent de cette méfiance, notamment Tite-Live (VII, 26, 13 : nec Romanus mari bellator erat), ou Polybe (I, 20-23). Il est significatif qu’après avoir vaincu ses réticences originelles lors de la première guerre punique, Rome ait laissé généralement à ses alliés grecs, notamment aux Rhodiens, la direction des opérations sur mer durant sa conquête de l’ensemble du bassin méditerranéen. Polybe (I, 64) souligne d’ailleurs ce désengagement naval de Rome comme un fait surprenant et digne d’être noté. E. Deniaux, Les périls de la mer et les périls politiques : la projection d’une peur à Rome sous la république, in L’uomo e il mare nella civiltà occidentale : da Ulisse a Cristoforo Colombo [Atti del Convegno, Genova, 1-4 giugno, 1992], Genova, 1992, p. 65-83) souligne notamment l’inscription de cette crainte de la mer dans la religion d’Etat elle-même. En particulier, il existait à Rome un culte aux Tempêtes, sans doute apparu à l’époque de la première guerre punique. On le sait par une inscription (CIL I2 p. 379, 9) mentionnant leur sanctuaire : un éloge funèbre de L. Cornelius Scipio Asina, qui omet d’indiquer si ce sanctuaire fut édifié après une tempête de la flotte ou à la suite d’un vœu fait pour assurer sa sécurité. On connaît également ce temple de Rome par les Fastes d’Ovide (VI, 193-194). D’autres inscriptions attestent l’existence d’autels consacrés aux Tempêtes à Aesaernia et à Lanuvium (CIL X 1, 4846; XIV, 2093). La tradition grecque, dont 3
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
culière 8, lors des premières victoires de leur flotte, de s’être montrés supérieurs dans un domaine où ils reconnaissaient leur peu d’expérience. Mais surtout, avec le développement de la propagande des généraux de la fin de la République, qui se voulaient détenteurs d’un don surnaturel de victoire, le succès sur mer, remporté sur l’ennemi, mais aussi sur l’imprévisibilité des flots, prit une valeur d’autant plus significative que la protection des dieux semblait toujours y avoir la plus grande part. C’est l’époque où apparut notamment le thème de la Fortune personnelle du chef, manifestation d’une faveur divine particulière 9, sur le modèle de la Tychè des rois hellénistiques. Or, la Fortuna-Tychè universelle était volontiers invoquée par les navigateurs contre les caprices de la mer. De même, le rôle de la Fortune de l’imperator fut tout particulièrement souligné à propos de ses aventures maritimes. C’est ainsi notamment que Cicéron, dans son discours Sur les pouvoirs de Pompée, fait de la sécurité si rapidement rendue aux mers un signe de l’exceptionnelle Fortune du généralissime des flottes10, qui lui avait permis même d’obtenir le temps et les vents souhaités11. À travers de telles anecdotes, transRome est si tributaire en matière de divinités marines, ne peut ici être invoquée, et peu de peuples nous offrent un exemple semblable. Devant cette méfiance visà-vis de la mer, inscrite dans la mentalité et la politique des Romains, plusieurs éléments d’explication ont été avancés, notamment d’anciens tabous religieux qui semblent avoir pesé sur le franchissement de l’eau à l’époque archaïque. Le poids de la tradition historique que représentait la conquête terrestre de la péninsule, voire même les désastreuses tempêtes qui mirent à mal les flottes romaines lors de la première Guerre Punique, doivent également être invoqués. Sur les imprécations contre la navigation des poètes augustéens, voir notamment E. de Saint-Denis, Le rôle de la mer dans la poésie latine, Paris, Klincksieck, 1936, p. 279-306. 8 De cette fierté toute particulière témoignent des monuments fameux, tels les rostres de la tribune aux harangues, provenant des navires détruits lors de la prise d’Antium (Liv., VIII, 14, 12; Plin., N.H. XXXIV, 20; Flor. I, 11), ou la colonne de Duilius. L’inscription qui accompagnait cette dernière, commémorant la victoire de Duilius en 260, montre l’enthousiasme des Romains face à ce succès inattendu sur les habiles marins carthaginois (A. Ernout, Recueil de textes latins archaïques, Paris, Klincksiek, 1916, p. 109-111). 9 J. Champeaux, Fortuna. Le culte de la Fortune à Rome et dans le monde romain des origines à la mort de César, Roma, 1987 (Collection de l’École française de Rome, 64), II, p. 56 – définit ainsi cette Fortune du général victorieux : «Elle (la Fortune) est son génie tutélaire, la garante de son “bonheur”, de sa prospérité, et, à travers lui, de celle de son peuple. Mais elle est aussi la source surnaturelle et quasi mystique de sa gloire et de ses triomphes. Elle est, enfin, l’expression visible et agissante de la divinité qu’il porte en lui (...)». 10 Pomp., 47-49. 11 Plutarque (Pomp., L, 2-3) raconte notamment comment Pompée, chargé d’acheminer du blé à Rome, fit mettre à la voile par gros temps, contre l’avis des pilotes, et traversa sans encombre, grâce à un temps devenu soudain exceptionnellement clément pour la saison. Voir aussi Pline l’Ancien, N.H., VII, 95; VIII, 4; Ap. Mithr., 117.
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mises par divers auteurs, on voit comment fut développée l’image d’un Pompée vainqueur sur mer et maître des éléments, surpassant les exploits des héros grâce à sa toute-puissante Fortune12. Le créateur de la naumachie chercha très tôt à égaler la gloire navale de son rival. Dans la Guerre des Gaules, le nombre de lignes consacrées aux épisodes maritimes de sa conquête, la guerre contre les Vénètes13 et les expéditions de Bretagne14, montre la fierté toute particulière qu’il en retirait. Les traversées de la Manche notamment firent incontestablement une impression profonde sur l’opinion publique romaine, dont témoignent les éloges de Cicéron lui-même15. Les historiens des siècles suivants mentionnent tous ces traversées comme l’un des hauts faits de César16. Dans La Guerre Civile transparaissent surtout les difficultés de l’imperator pour le transport et le ravitaillement maritime de ses troupes, Pompée gardant le contrôle des mers durant tout le début du conflit17. Cependant, le récit de la bataille navale de Tauroentum (B.C., II, 4-7) est l’un des tableaux les plus frappants, les plus longuement développés de l’ouvrage18. Quant au Bellum Alexandrinum, malgré l’absence notable d’un combat naval de grande ampleur, il abonde en péripéties maritimes ou nilotiques sur lesquelles Hirtius s’attarde volontiers19. La naumachie de César s’inscrit dans ce développement d’une mystique de la victoire sur mer et d’une rivalité pour son contrôle. Certes, le spectacle ne pouvait directement commémorer aucune
12 Sur le développement du thème de la Fortune de Pompée, voir notamment J. Champeaux, op. cit., p. 236-259. Sur l’héroïsation de Pompée par une filiation neptunienne, voir notamment E. La Rocca, Pompeo Magno «nouus Neptunus», in BCAR 92 (2), 1987-1988, p. 265-292. 13 Au livre III (12-16) notamment, relatant son affrontement contre les Vénètes, il met l’accent, comme Polybe dans son récit de la première guerre punique, sur l’inexpérience des Romains, sur les insuffisances de leurs galères, par opposition aux puissants navires des Vénètes qu’il décrit d’ailleurs longuement. 14 Pour souligner la grandeur de l’exploit représenté par la traversée de cet espace inconnu qu’était alors la Manche, l’accent est mis sur l’appréhension des soldats devant ses eaux profondes, (IV, 23-26), sur les désastres que les tempêtes (IV, 28 et V, 10) et la méconnaissance de l’amplitude des marées à la pleine lune (IV, 29) font subir à la flotte. 15 Prov., 29; Marc., 28. 16 Flor., I, 45, 16-19; Suet., Caes., XXV; Plut., Caes., XXIII, 2-4. 17 Selon Plutarque (Pomp., LXXVI, 2), Pompée aurait d’ailleurs exprimé son regret de ne pas avoir utilisé sa flotte, arme dans laquelle il était supérieur. 18 Cette victoire, d’une grande importance stratégique, fut remportée en 49 sur Marseille, tenue par les Pompéiens. L’évocation de la population de Marseille pendant la bataille, postée sur les remparts ou prosternée devant les statues des dieux pour implorer la victoire, présente des effets dramatiques assez rares dans les Commentaires, soulignant ainsi le caractère crucial de l’affrontement. 19 X, 3; XI; XIV-XXI; XXV. Voir aussi Dion Cassius, XLII, 40, 6; 41.
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victoire navale décisive. Si les naumachiarii comptèrent probablement bon nombre de prisonniers égyptiens, rien ne permet de penser que les Tyriens étaient destinés à représenter les Romains de manière détournée. Mais un combat naval livré sur le Champ de Mars lui-même, par de véritables navires de guerre, ne pouvait que souligner le pouvoir désormais incontesté de César sur toutes les flottes du monde romain. Il était destiné à évoquer, d’une manière générale, les succès navals remportés par le dictateur. Avec la représentation d’un combat entre Égyptiens et Tyriens, la nouvelle gloire navale de César se trouvait en outre mise en parallèle avec celle des grandes puissances maritimes du monde hellénistique. Enfin, que la reine Cléopâtre ait ou non été présente à Rome au moment des jeux 20, les liens spécifiques du spectacle avec le triomphe égyptien et la bataille du Nil, à travers le modèle iconographique du tableau de Nealkes, mettait tout particulièrement en valeur la réaffirmation, grâce à César, de la mainmise romaine sur un royaume que l’imaginaire des Anciens parait d’un prestige tout particulier. La naumachie de Sextus Pompée, «fils de Neptune» Le fait que Sextus Pompée soit le second chef militaire romain à avoir donné une naumachie ne présente en soi rien de surprenant, puisque la puissance de Sextus était uniquement maritime. À la suite du commandement sur toutes les mers et les côtes qui lui avait été octroyé en 44, à l’image de son père 21, Sextus avait en effet mis la main sur les flottes en rade dans la Méditerranée occidentale. Dans la lutte qu’il engagea par la suite contre les triumvirs, notamment contre Octave, ces navires qu’il lançait contre les côtes d’Italie lui permirent aussi de défendre longtemps sa base de Sicile contre un débarquement terrestre qui ne pouvait manquer de mettre fin à sa dissidence. Il était en outre entouré d’excellents marins, parmi lesquels d’anciens pirates, possédant les compétences qui manquèrent longtemps aux équipages césariens. Sa naumachie, donnée en 40 av J.-C., fut sans doute fut la plus directement et la plus explicitement liée à la célébration d’une victoire navale, celle qu’il venait de remporter contre Salvidienus Rufus, l’un des amiraux d’Octave. Or, selon Dion Cassius (T. 6), c’est à 20 A. A. Aly, Cleopatra and Caesar at Alexandrie and Rome, in Roma e l’Egitto nell’Antichità classica, Roma, Istituto Polografico e Zecca dello Stato, 1992, (p. 47-61) p. 51-52.pense qu’elle était présente, au contraire de J. Carcopino (Passion et politique chez les Césars, Paris, Hachette, 1958, p. 23-30). Quoi qu’il en soit, comme le fait observer ce dernier, malgré l’honneur fait à la reine, installée comme sunnaos de Venus Genitrix, la venue de Cléopâtre à Rome fut bien un acte d’allégeance. 21 Ap. Civ., III, 4; IV, 84; D.C., XLVI, 40; Vell., II, 73, 1.
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la suite de ces fêtes triomphales et de cette naumachie que Sextus développa un thème essentiel de sa propagande : exploitant le souvenir du succès et des honneurs de son père comme chef naval dans le sens de son assimilation au dieu de la mer, il se prétendit luimême fils de Neptune et attribua ses succès à la protection du dieu 22. Cette filiation divine, élaborée en fonction des ressources militaires de Sextus comme de sa tradition familiale, était bien entendu destinée à encourager ses partisans et à justifier sa volonté de disputer aux triumvirs le pouvoir suprême. De fait, outre cette victoire, d’autres succès remportés grâce à la maniabilité de ses navires et à la science maritime de ses troupes purent justifier une telle prétention 23. Sextus Pompée bénéficia en outre à plusieurs reprises d’intempéries qui semblèrent s’acharner contre son adversaire 24. Aussi, à partir de 39 av. J.-C. environ, commença-t-il de frapper des monnaies utilisant la symbolique neptunienne. Ces monnaies le représentent lui-même, à moins que ce ne soit son père, dans la nudité héroïque, le pied posé sur une proue rostrée, et tenant un aplustre, suivant un modèle qui, à travers une représentation analogue de Démétrios Poliorcète, le premier à s’être proclamé «fils de Poséidon», remonte probablement à une statue de Poséidon Isthmios par Lysippe 25. Il se plut également à arborer, à la place du paludamentum de couleur pourpre traditionnellement porté par les généraux romains 26, un manteau bleu évoquant son ascendance marine. Le nom de Neptunius dux que lui donne Horace dans l’une de ses Epodes (IX, 7-10) prouve à quel point était devenue forte l’association entre Sextus Pompée et le maître des mers. Il en est de même d’un incident rapporté par Dion Cassius (XLVIII, 31) : lors des Ludi Plebei de 40 av. J.-C., le peuple, lassé de la disette causée par le conflit, aurait dans la pompa circensis applaudi tout particulièrement la statue de Neptune, afin de protester contre le refus des triumvirs de négocier avec leur adversaire. La naumachie fut donc étroitement associée aux premières manifestations de la mystique du Neptunius dux que Sextus Pompée organisa autour de sa personne. Mettant aux prises des prisonniers cé22 Voir M. Hadas, Sextus Pompey, New-York, Columbia Univ. Press, 1930, p. 78, n. 90. 23 D.C., XLVIII, 18, 3; Ap., Civ., IV, 85. 24 Ap., Civ., V, 89-90; D.C., XLIX, 1, 3; Ap., Civ., V, 98; Vell., II, 79, 4; Suet, Aug., 16, 1. 25 G. Sauron, Quis Deum? L’expression plastique des idéologies politiques et religieuses à Rome à la fin de la République et au début du Principat, Roma, 1994 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 285), p. 509 et pl. LVI. Sur la présentation de S. Pompée en fils de Neptune, voir aussi G. Ch. Picard, op. cit., p. 240-241; M. Hadas, op. cit., p. 78, n. 90. 26 Ap., Civ., V, 100; IX, 127
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sariens, sous les yeux de leurs compagnons d’arme de surcroît, grâce au site choisi, elle fut véritablement destinée à consacrer son triomphe momentané. Dans le même temps, on ne peut manquer d’observer que la naumachie de Sextus Pompée telle qu’elle apparaît dans le récit de Dion Cassius fut très différente des autres naumachies du HautEmpire. En effet, elle seule eut lieu en mer, comme les combats navals qu’elle était destinée à imiter. Surtout, elle mit aux prises de petites embarcations, les unes de bois, les autres faites de peaux tendues sur une charpente. Il est évident que Sextus n’avait nullement le loisir, en pleine guerre, de faire creuser un bassin, ni de sacrifier des navires plus importants, qu’il aurait été périlleux de surcroît de confier à des prisonniers. Ce spectacle cruel fut essentiellement destiné à contraindre les Césariens à s’entre-tuer sous les yeux de leur parti. Il n’en reste pas moins que les moyens matériels mis en œuvre auraient pu sembler bien médiocres, pour célébrer la victoire du «fils de Neptune», s’ils n’avaient précisément recelé une intention parodique, étroitement associée au caractère triomphal des jeux. En effet, selon Dion Cassius (T. 6), Salvidienus Rufus, manquant de navires pour opérer un débarquement en Sicile, avait tenté d’utiliser de telles embarcations tendues de cuir, puis y renonça par crainte du ridicule. La naumachie de Sextus Pompée raillait donc l’amiral d’Octave et son initiative malheureuse. La parodie était aussi dirigée contre les Césariens en général, puisque le père adoptif d’Octave avait été le créateur du spectacle imité de cette dérisoire manière. Sextus Pompée utilisa donc au mieux les moyens dont il disposait pour souligner son triomphe.
Les spectacles aquatiques d’Auguste : une portée symbolique à son apogée La célébration des succès navals d’Auguste Lorsque fut donnée la naumachie d’Auguste, les guerres du second triumvirat venaient de donner lieu aux combats maritimes les plus importants de l’histoire de Rome depuis ceux de la première Guerre Punique. Ce contexte explique la place accrue des thèmes maritimes, déjà développés par la propagande des généraux de la République 27, dans la mise en évidence de l’élection divine du 27 On connaît par exemple des représentations monétaires d’Antoine en triomphateur sur les mers (E. Babelon, Description historique et chronologique des monnaies de la République romaine, vulgairement appelées monnaies consu-
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Prince. Il convient d’en rappeler rapidement les divers développements, parmi lesquels vint figurer le spectacle qui nous occupe. Tout d’abord, lors de sa lutte contre Sextus Pompée, Octave ne voulut pas laisser son adversaire se prévaloir seul de la protection de Neptune 28. Il organisa par exemple un sacrifice solennel à ce dieu 29. En 38 av. J.-C., les victoires navales de Myles 30 et de Nauloques 31 furent pour les césariens l’occasion d’une utilisation redoublée du thème neptunien. On peut évoquer, en particulier, la construction par Agrippa de la Basilique de Neptune et du Portique des Argonautes 32. Ces victoires furent en outre commémorées par des jeux 33. Dès sa victoire définitive sur le fils de Pompée, Octave frappa des monnaies reprenant les thèmes neptuniens développés par Sextus. On y voit le vainqueur dans la nudité héroïque, le pied posé sur une sphère cosmique et tenant un aplustre 34. Puis, vint la bataille d’Actium 35, également célébrée par des jeux, à Rome et à Nicopolis 36. Quelle qu’ait été l’ampleur véritable de la bataille, qui est de nos jours l’objet de débats 37, il semble inutile de rappeler son caractère décisif sur le plan politique, salué par tous laires, I, Paris, Rollin et Feuardent, 1885-1886, p. 184-186, no 71 et 73 et p. 191, no 189). Dans la statuaire, des portraits de Varron et de Cartilius Poplicola inspirés par le modèle de la statue de Pompée déjà évoquée, montrent la popularité du thème du vainqueur sur mer héroïsé (voir G. Sauron, op. cit., p. 509 et pl. LVI, 4); F. Coarelli, Il ritratto di Varone : uno tentativo di paradigma indiziario, in Reuixit Ars. Arte e ideologia a Roma. Dai modelli ellenistici alla tradizione repubblicana, Roma, Quasar, 1996, p. 418-433. On sait d’ailleurs par Pline l’Ancien (N.H. VII, 115 et XVI, 7) que Varron fut le premier romain, avant Agrippa, à recevoir la couronne navale, pour la part qu’il avait prise à la guerre contre les pirates. 28 Sur des présages interprétés comme des marques de la faveur de Neptune envers Octave : Plin. N.H. IX, 55; Suet., Aug., XCVI, 4. 29 En même temps qu’aux Vents favorables et à la Tranquillité des mers (Ap., V, 98). 30 Ap., Civ., V, 106-108; D.C., XLIX, 2-5. J. M. Roddaz, Marcus Agrippa, Roma, 1984 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 253), p. 122124. 31 D.C., XLIX, 8-10; Ap., Civ., V, 104. Voir J. M. Roddaz, op. cit., p. 130-132. 32 D.C., LIII, 27, 1. Sur les réalisations édilitaires d’Agrippa, voir notamment J. M. Roddaz, op. cit., p. 252-277; F. Castagnoli : Influenze alessandrine nell’urbanistica della Roma augustea, in Alessandria e il mondo ellenistico-romano. Studi in onore di A. Adriani, Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1983-1984, p. 520-526. 33 J. Gagé, Actiaca, in MEFR, 53, 1936, (p. 37-100), p. 64. 34 G. Sauron, op. cit., p. 509, pl. LVI, 5. 35 Suet., Aug., XVII, 4; Plutarque, Ant., LXI-LXVIII. 36 Sur la fondation des jeux, voir notamment J. Gagé, op. cit., p. 51 et 92-98. Caligula abolit par la suite les célébrations de Rome, par réparation envers la mémoire de son bisaïeul Antoine ou par désaveu général de cette «victoire sur l’Orient». 37 J. Gagé, op. cit., p. 37-39 rappelle les débats sur ce point, soulevés notamment par W. Tarn, The battle of Actium, in JRS, 21, 1931, p. 173-199. Sur cette question, voir aussi J. M. Roddaz, op. cit., p. 165-181.
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ses contemporains 38. Dès lors, Octave-Auguste ne pouvait manquer d’exploiter plus intensément encore le thème de la victoire navale comme signe particulier d’une faveur divine qui lui avait assuré à la fois une victoire militaire et des eaux clémentes. En témoignent les diverses célébrations organisées en l’honneur d’Apollon 39, principal protecteur du Prince, et surtout le monument triomphal orné de rostres qu’Octave-Auguste dédia à Apollon, Mars et Neptune 40, sur le modèle d’autres grands trophées navals d’époque hellénistique 41, à l’emplacement de son camp 42. On sait en outre qu’un culte était rendu à Mars et Neptune in Campo et à Apollon ad theatrum Marcelli, le 23 septembre, natalis d’Auguste, toujours en commémoration de la victoire 43. Si les cultes de Mars et d’Apollon avaient depuis longtemps une grande importance dans la vie politique de Rome, jamais le dieu des mers n’y avait pris une telle place. La poursuite de l’effort de contre-propagande fourni au temps des luttes contre Sextus Pompée et le caractère naval de la victoire fondatrice du principat s’unissaient pour la mise en avant de cette thématique maritime que l’on
38 Les Res Gestae Diui Augusti en particulier (3, 1 et 4; 13; 25, 1-2; 26, 4) montrent tout le prix attaché par le Prince à cette victoire navale et plus généralement à sa politique maritime. Voir aussi Horace, Epo., IX; O., I, 37; Properce, IV, 6. Des œuvres littéraires furent intégralement consacrées à cette victoire, notamment le poème épique de Varius Rufus, dont on a retrouvé des fragments parmi les papyri d’Herculanum. Parmi les très nombreux articles consacrés à la célébration d’Actium à l’époque augustéenne, voir en particulier J. Gagé, op. cit., p. 37-100; P. Grimal, Enée à Rome et le triomphe d’Octave, in REA, LIII, 1951, p. 51-61. 39 Notamment l’inauguration du grand temple d’Apollon Actius sur le Palatin (D.C., LIII, 1). Sa dédicace fut accompagnée de jeux qui par la suite furent donnés régulièrement durant le règne d’Auguste. (R.G., 9). Voir le commentaire de Gagé dans son édition des R.G., Paris Les Belles Lettres, 1977, p. 87-89). Properce (IV, 6, 27-68) décrit le dieu intervenant directement aux côtés des césariens au cours de la bataille. On voit que le rôle d’Apollon grandit entre Horace (Epo., IX et O., I, 37) et Properce en passant par Virgile (Aen., VIII, 704-705), à mesure que s’affirmait l’idéologie du Principat. (J. Gagé, Actiaca, p. 66-67). 40 Strab., VII, 7, 6; Suet. Aug., XVIII, 3 et XCVI, 5; D.C., LI, 1. 41 W. Tarn, op. cit., p. 179-182. On peut citer notamment le monument de la Victoire de Samothrace (L. Basch : Le Musée imaginaire de la marine antique, Athènes, Institut hellénique pour la préservation de la tradition nautique, 1987 p. 354-359) ou le «monument des taureaux», à Délos (L. Bash, op. cit., p. 347350). Sur d’autres monuments commémorant Actium, voir notamment G. Ch. Picard, op. cit., p. 254-270. Pour le monde grec, voir aussi G. Caputo, Riflessioni e dubbi sul trionfo della bataglia d’Azio celebrato nell’arte del tempo, in Alessandria e il mondo ellenistico-romano, Studi in onore di A. Adriani, Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1-3, 1983-1984, p. 451-460. 42 Ainsi que nous l’apprend la dédicace de ce monument, qui a été retrouvée. (W. M. Murray : Le trophée naval de la victoire d’Actium, in DossArch, 183, 1993, p. 66-73.) 43 CIL I2, p. 215. J. Gagé, Actiaca... cité, p. 58-66.
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retrouve aussi dans l’iconographie, qu’il s’agisse des frappes monétaires ou de la statuaire 44. Outre ce contexte triomphal, il convient de rappeler l’effort naval du parti césarien qui avait permis les victoires et qui fut poursuivi par le Prince pour doter enfin la puissance romaine d’une marine à sa mesure. Sous la République en effet, la marine romaine était tributaire des flottes de ses alliés ou sujets du monde grec, d’où un handicap certain pour César, puis Auguste, face à Pompée et Antoine 45. Après les installations éphémères du Portus Iulius, la création des bases de Ravenne et Misène mit définitivement la maîtrise et la surveillance de la Méditerranée sous le contrôle direct du pouvoir 46. Le grand intérêt d’Auguste pour la marine et les opérations navales transparaît également dans les expéditions d’exploration lancées sous son règne le long des côtes septentrionales de l’Europe, que soulignent fièrement les Res Gestae (26, 4). Les spectacles aquatiques d’Auguste entretinrent des rapports étroits avec l’ensemble de ce contexte. Ce fut notamment le cas de la naumachie. D’une manière générale en effet, un déploiement de forces navales réalisé au cœur même de Rome ne pouvait que célébrer l’œuvre d’Auguste, comme chef des flottes romaines, comme créateur et organisateur de leur puissance. Mais surtout, après les monuments, les monnaies et les œuvres des poètes, le grandiose spectacle naval constituait un nouveau support pour célébrer les victoires qui avaient permis l’instauration du régime. Les liens de la naumachie avec Actium sont particulièrement manifestes, et ont depuis longtemps été mis en évidence. En effet, son sujet fut un combat entre Perses et Athéniens, qui ne pouvait manquer de rappeler au public la bataille de Salamine. Or, la propagande augustéenne avait présenté Actium, pour occulter son aspect de lutte fratricide, comme une victoire essentiellement remportée sur l’Égypte et sa souveraine. Les poètes de l’époque célébrèrent donc le triomphe des
44 Sur le thème du triomphe sur mer dans l’iconographie sous Auguste, voir notamment E. Babelon, op. cit., p. 52, no 117 et 118; L. Liegle, Die Münzprägung Octavians nach dem Siege von Actium und die augusteische Kunst, in JDAI, LVI, 1941, p. 91-119. 45 Au début du conflit, c’est le manque de navires qui contraignit César à renoncer à poursuivre Pompée. Début 48 encore, César ne disposait pas d’une flotte suffisante pour faire passer toute son armée en Épire, et fut confronté à un sévère blocus. À plusieurs reprises, il souligne dans ses écrits ses difficultés pour faire passer le reste de ses troupes, après avoir, par un coup d’audace, forcé une première fois le blocus (B.C., I, 29; III, 2 et 5-6; III, 25). Quant à Octave, manquant de navires, il dut en faire construire et s’en procurer auprès d’Antoine, qui en tant que maître de l’Orient grec disposait de ressources plus importantes dans ce domaine (Ap., Civ., V, 93-95). 46 Voir M. Reddé, Mare notrum... cité, 1986, p. 164-197.
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dieux de l’Italie sur ceux de l’Égypte 47, de l’Occident sur l’Orient. De manière plus subtile, les historiens s’étaient fait également l’écho de ce thème. P. Janni 48 par exemple souligne l’insistance avec laquelle la plupart des récits conservés opposent les navires d’Octave, plus petits, mais plus maniables, et les énormes bâtiments d’Antoine. Il estime que la différence de taille entre les navires des deux partis n’était peut-être pas si importante. La disproportion entre les deux flottes fut sciemment exagérée pour accentuer l’identification entre la bataille d’Actium et celle de Salamine, où les véloces trières athéniennes avaient vaincu la puissante flotte perse. De la même manière, la naumachie donnée par Auguste fut destinée à rappeler d’une manière détournée cette nouvelle victoire contre une monarchie «barbare» 49. Les chasses nilotiques d’Auguste sont elles aussi à inscrire dans le contexte de la victoire d’Actium 50. Comme on le sait, le convoi jusqu’à Rome d’animaux venant des contrées les plus éloignées et leur mise à mort dans l’arène, au-delà du plaisir toujours renouvelé que le public romain trouvait aux spectacles sanglants et à la vue de nouvelles espèces, étaient destinés à témoigner de la puissance de Rome, de la maîtrise par le Prince du monde habité et de toutes ses créatures 51. Lorsqu’un animal paraissait pour la première fois à Rome, ou presque, la symbolique était alors d’autant plus présente. Dans la mesure où l’hippopotame était l’un des animaux emblématiques de l’Égypte, sa présence en 29, dans un spectacle donné par Auguste pour l’inauguration du temple du Diuus Iulius, ne pouvait manquer de rappeler la récente victoire. Pour la uenatio de crocodiles donnée en 2 av. J.-C., la signification triomphale fut tout aussi
Voir par exemple Virgile (Aen., VIII, 675-713) ou Properce (IV, 6). P. Janni, Il mare degli antichi, Bari, Dedalo, 1996; p. 323-327. 49 De ce fait, il est possible que le combat ait été organisé, exceptionnellement, de manière à favoriser le camp des «Athéniens», en leur assurant par exemple un armement plus efficace ou une nette supériorité numérique. De telles dispositions auraient toutefois été en contradiction avec la règle mise en évidence pour la plupart des autres spectacles connus, selon laquelle l’issue du spectacle devait être incertaine. 50 Il est possible que la valeur symbolique revêtue en Égypte même par la chasse aux bêtes du Nil ait également été présente dans l’esprit d’Auguste et de certains de ses contemporains cultivés. Identifié à Seth, l’ennemi d’Osiris, et donc au mal, l’hippopotame pouvait en effet être tué de manière rituelle, de même parfois que le crocodile. Cette chasse était notamment pratiquée par le souverain, en liaison avec d’autres rites associés à la crue du Nil. (Voir P.G.P. Meyboom, The Nile Mosaic of Palestrina : early evidence of Egyptian religion in Italy, Leiden, Brill, 1995, p. 255-256 n. 114 et 116 du chap. III et p. 146.) 51 J. Aymard, Essai sur les chasses romaines des origines à la fin du siècle des Antonins, Paris, de Boccard, 1951, p. 186-188. 47
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évidente. La symbolique de ces spectacles peut être ainsi mise en parallèle avec des as d’époque augustéenne portant au revers un crocodile enchaîné à un palmier, et destinés eux aussi à évoquer la victoire d’Actium 52. Toutefois, la naumachie et la uenatio de crocodiles furent données près de 30 ans après la victoire, et non peu après, comme lors des spectacles de César et de Sextus Pompée. Si les jeux Actiens de Nicopolis, fondés dès 30 av. J.-C. 53, comprirent certainement une régate 54, en accord avec la tradition grecque, les jeux quatriennaux créés à Rome deux ans plus tard, pour commémorer le même événement 55, ne comportèrent pas de spectacles aquatiques. On ne sera donc pas surpris de déceler d’autres intentions, d’autres éléments d’explication derrière ceux de 2 av. J.-C., notamment la naumachie. Le fait que cette dernière ait eu lieu pour l’inauguration du temple de Mars Ultor montre qu’elle renvoyait également à un contexte politique plus récent. En effet, c’est dans ce sanctuaire une fois achevé qu’on déposa les enseignes de Crassus, après leur restitution par les Parthes en 20 av. J.-C. 56 Ce succès, obtenu sans combat grâce à la simple menace d’une expédition militaire, fut présenté comme une véritable victoire. La protection de Mars Ultor avait donc permis à la fois de venger le meurtre de César 57 et de prendre une revanche sur les Parthes. Le thème de la victoire de l’Occident sur l’Orient, illustré d’ailleurs par le décor du temple lui-même 58, trouvait là une nouvelle actualité 59. Peu de temps après ces fêtes inaugurales, en 1 av. J.-C., Rome entra d’ailleurs à nouveau en 52 J. Leclant, Un aspect des influences alexandrines en Gaule : les scènes nilotiques exhumées en France, in Alessandria e il mondo ellenistico-romano. Studi in onore di A. Adriani, Roma, L’«Erma di Bretschneider», 1992, (p. 440-444) p. 443444. Ces monnaies portent au droit les bustes d’Auguste et d’Agrippa. 53 Suet., Aug., XVIII, 3; D. C., LIII, 1, 4; Voir J. Gagé, Actiaca, p. 92-98. 54 Stéphane de Byzance, dans son Perıù Pole¥wn à l’article Actia, parle en effet d’un concours qui avait lieu chez les Acarnaniens, soit sur la rive droite du golfe, non loin du vieux sanctuaire d’Apollon Actien. La ville de Nicopolis quant à elle se trouvait sur la rive gauche. Mais on sait par ailleurs par Strabon (VII, 7, 5-6) qu’Auguste, en fondant ses jeux, avait repris une tradition plus ancienne dans la région. Il les déplaça sur la rive épirote, site de Nicopolis. Quoi qu’il en soit, une régate, épreuve qui appartenait à la tradition des grands concours grecs, à laquelle furent rattachés les jeux de Nicopolis, était des plus indiquée pour commémorer une victoire navale. Elle fit certainement partie des jeux d’Auguste. 55 D.C., LIII, 1, 4; R.G., 9. 56 Aug., R.G., 29, 2; Ovide, F., V, 579-580 et 595-596; Suet., Aug., XXI, 7 et XXIX, 2-3; D.C., LIV, 8, 1-3. 57 Selon Ovide (F., V, 571-578) et Suétone (Aug., XXIX, 3), ce vœu fut fait à la veille de la bataille de Philippes. 58 G. Sauron, op. cit., p. 530-534. 59 F. Coarelli, Aedes Fortis Fortunae, naumachia Augusti, castra Ravennatium, in Ostraka, I, 1992, (p. 39-54), p. 54.
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conflit ouvert avec les Parthes 60. En outre, dans la mesure où César préparait une expédition contre ce même peuple lorsqu’il fut assassiné 61, il s’agissait également d’un hommage au père adoptif, un rappel de la continuité dynastique en accord avec l’occasion des jeux. La réédition même d’un spectacle créé par le dictateur, dont le climat égyptisant se trouvait par ailleurs repris par la uenatio nilotique, s’inscrivait dans le contexte césarien sous-jacent de l’ensemble de ces fêtes. Une allusion à la Fortune des Iulii Mais l’hommage à César que représentait la naumachie se situait sans doute aussi à un autre niveau. En effet nous avons vu, grâce à l’interprétation par F. Coarelli de certains fragments de la Forma Urbis, que le bassin de la naumachie d’Auguste fut étroitement associé à un temple de la déesse Fors Fortuna 62 : son entrée fut décentrée de manière à longer de très près le sanctuaire. Selon le savant italien, ce choix doit être lié au développement contemporain du mythe de la Fortune de César. Celui-ci avait fait son apparition du vivant de l’intéressé. Si César fait peu d’allusions à la Fortune dans les Commentaires, il ne laissa pas à son adversaire le monopole d’une exploitation politique de cette divinité 63. On sait par Dion Cassius (XLI, 39, 2-4) qu’avant de s’embarquer, il fit à Brindes un sacrifice à Fortuna, en sa qualité de protectrice de la navigation 64. Par la suite, il intégra dans ses jardins du Quirinal le temple de Fortuna Publica 65, signifiant ainsi que sa Fortune personnelle, garante surnaturelle de ses victoires, se confondait désormais avec celle du peuple romain. Certains écrits de Cicéron lui-même témoignent de l’importance de ce thème dans la propagande césarienne 66. Mais c’est surtout après la mort du dictateur que ce thème, développé par ses partisans 67, prit toute son D.C., LV, 10, 3-7. Suet., Caes., XLIV, 6; Plut., Caes., LVIII, 6. 62 F. Coarelli, Aedes Fortis Fortunae... cité, p. 39-51 et p. 53-54. 63 Sur le développement du thème de la Fortune de César, voir notamment J. Champeaux, op. cit., p. 259-291. 64 Selon J. Champeaux (op. cit., p. 280-282) on doit admettre la validité de ce témoignage tardif : il est fort probable que César ait effectivement procédé à un sacrifice à la Fortune avant de traverser l’Adriatique. Un tel geste de sa part se trouve parfaitement en accord avec le climat idéologique de l’époque, où chacun des deux chefs en présence voulait affirmer la prééminence de sa Fortune. 65 D. C., XLII, 26, 3. 66 Cicéron, Prov., 7 et 35; Marc., 6-7; Dej., 19-21. 67 On remarque en particulier que le continuateur de la Guerre civile se montre beaucoup plus enclin que César à multiplier les évocations de la Fortune et de ses interventions. Parmi celles-ci, l’une des plus spectaculaires est le 60 61
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ampleur. Parmi les anecdotes sur les interventions de la Fortune de César, sans doute amplifiées au cours du temps, qu’on relève dans la littérature d’époque impériale, les plus spectaculaires, les plus célèbres aussi, concernent des épisodes maritimes 68. Il faut surtout rappeler la fameuse traversée de l’Adriatique tentée par César sur une simple barque, afin de rejoindre les troupes d’Antoine. Une tempête s’étant brusquement levée, César aurait dit à son guide qui voulait rebrousser chemin : «Que crains-tu? Tu portes César et sa Fortune» 69. L’anecdote est probablement apocryphe. C’est aussi le cas de celle que rapporte Dion Cassius, selon laquelle le taureau destiné au sacrifice de Brindes aurait pris la fuite et franchi un lac à la nage, présageant aux yeux de César une heureuse traversée 70. En effet, la victime habituellement consacrée à Fortuna était une vache, et non un taureau. Il est donc probable que cet incident est en réalité dû à une contamination de la légende étiologique analogue qui était attachée à la fondation de Bovillae, considérée comme le berceau de la famille des Iulii. Que cette version de l’épisode soit ou non apparue dès l’époque du dictateur, elle dénote une volonté d’appropriation du culte de Fortuna. Par ailleurs, on sait par Suétone qu’après les victoires de Germanicus, Tibère fit construire à Bovillae un sanctuaire à la famille des Iulii et une statue d’Auguste, et à Rome un arc de triomphe et un temple de Fors Fortuna «dans les jardins légués par le dictateur César au peuple romain» 71. La nature exacte du temple de la Fortune dont il est question ici est aujourd’hui encore l’objet d’un débat. Selon la localisation précise des jardins de César, il pourrait en effet s’agir soit d’une restauration du temple servien près de la naumachie, soit d’une nouvelle construction 72. Dans l’un ou l’autre cas, on
brusque changement de vent, sur l’Adriatique, qui met en sûreté la flotte d’Antoine, en route pour rejoindre César, et envoie par le fond la flotte pompéienne (III, 26-27). Sur tous les développements du thème de la Fortune de César voir en particulier J. Champeaux, op. cit., p. 259-291. 68 Il en est ainsi par exemple dans les chapitres LXIII et LXIV de la Vie de César de Suétone, consacrés à quelques «traits remarquables» de l’audace de l’imperator et de l’heureux succès qui l’accompagnait. Tels sont notamment la reddition de la flotte de L. Cassius à César, alors monté sur une simple barque, et sa fuite à la nage lors de la bataille livrée dans le port d’Alexandrie, péripétie dont le Bellum Alexandrinum ne souffle mot. 69 Nous n’avons pas moins de onze versions de l’épisode, dont sept, toutes postérieures à la mort du dictateur, font allusion à la Fortune (Luc., V, 504-677, Plut., Caes., XXXVIII, 1-6; Fort. Rom., VI, 319 b-d; Reg. et Imp. apopht., Caes., IX, 206 d; Ap., Civ., II, 57 et 150; Zonaras, 10, 8). Voir J. Champeaux, op. cit. p. 272. 70 Malgré le caractère généralement défavorable de ce type de présage. 71 Tac., Ann. II, 41, 1. 72 Sur cette question voir notamment les opinions opposées de J. Champeaux, op. cit., p. 281, et de F. Coarelli, Aedes Fortis Fortunae... cité, p. 46.
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retrouve dans ces réalisations édilitaires de Tibère, comme dans l’épisode romancé du sacrifice de Brindes, un contexte de victoire militaire, souhaitée ou célébrée, un hommage rendu à la Fortune et une utilisation implicite ou explicite de la symbolique dynastique attachée à la ville de Bovillae. Ce rapprochement nous permet de supposer que l’apparition de l’épisode du «miracle de Brindes» est antérieur au règne de Tibère. Il est en effet clair que le geste de cet empereur, si peu enclin pourtant aux réalisations édilitaires, visait à associer Fors Fortuna aux succès militaires présents du régime, tout en rappelant son rôle passé dans ceux de César. Un mouvement pour faire du culte de Fortuna un véritable culte dynastique attaché à la famille des Iulii paraît donc très perceptible. Ce phénomène se trouve évidemment lié au développement du culte de la Fortuna Augusta, parfait équivalent de la Ty¥xh basile¥wv, par-delà le rôle pionnier joué par les Fortunes de César et de Pompée. L’association par Auguste du temple servien de Fors Fortuna et de sa naumachie relevait déjà de cette même volonté d’appropriation. Un spectacle naval était tout indiqué pour rappeler la puissance de la Fortune de César, puisqu’elle s’était tout particulièrement manifestée sur les mers. Cette Fortune, transmise à son héritier, après avoir assuré la victoire d’Actium, serait aussi la garante d’une éventuelle campagne parthique, affrontements évoqués l’un et l’autre par le sujet de la naumachie. Fors Fortuna et le thème de l’abondance des eaux Enfin, bien avant d’être peu à peu assimilée, comme toutes les Fortunes romaines, à la Tychè grecque, Fors Fortuna était une vieille divinité italique de la fertilité et des eaux fécondantes 73. Son culte prévoyait en particulier au mois de juin une joyeuse fête nautique, certainement très ancienne, la Tiberina descensio. Les fidèles descendaient alors le Tibre sur des barques, en festoyant. Comme l’expose J. Champeaux 74, cette fête avait pour but de prévenir la sécheresse, à cette date critique du solstice, grâce à un rite crédité à l’origine d’une efficacité magique semblable à celle des ludi. En remuant l’eau, en festoyant, les fidèles étaient supposés réveiller la vigueur affaiblie des eaux pour assurer son secours vivifiant au moment de la Canicule. Les principes de cette fête sont surtout connus grâce à Ovide, qui en a laissé une description détaillée (F., VI, 773786). Aussi peut-on supposer avec quelque vraisemblance que la Tiberina descensio fut remise à l’honneur par Auguste, comme bon nombre de cérémonies de la religion romaine archaïque. 73 74
J. Champeaux, Fortuna I, 1982, p. 224-232. Ibidem, p. 218-224.
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Il n’est guère possible d’envisager un rapprochement entre la naumachie, spectacle sanglant, et la pacifique et joyeuse descente du Tibre. En revanche, en construisant son bassin tout près du temple de Fors Fortuna, mais aussi non loin de deux autres vieux sanctuaires des eaux, ceux de Furrina et de Fons, l’empereur voulut certainement créer dans l’esprit des contemporains une association entre la redécouverte de pratiques cultuelles de la tradition romaine, destinées à assurer l’abondance des eaux, et ses nouvelles installations hydrauliques. En effet ces dernières n’avaient pas été uniquement destinées à servir de cadre à des spectacles navals. Nous savons par divers témoignages littéraires, épigraphiques et même archéologiques déjà évoqués 75 que le bassin fut intégré à un véritable programme édilitaire. Si l’eau de l’Aqua Alsietina était d’une qualité inférieure à celle offerte par les autres aqueducs, comme le signale Frontin (Aq., 11, 1-2), elle eut une incontestable utilité pour l’alimentation de la rive droite où s’étendaient de nombreux jardins, de plaisance ou de culture. L’irrigation de la zone desservie par l’aqueduc, assez difficile auparavant, devint beaucoup plus aisée, ainsi que le souligne une inscription trouvée sur son parcours 76. Le contrôle des eaux était depuis fort longtemps une des compétences essentielles de l’état romain 77. Aqueducs et réseaux d’évacuation, digues et canaux, tout ce qui permettait la distribution de l’eau et la régulation de ses excès, représentaient l’un des bienfaits apportés par Rome les plus souvent célébrés. Au-delà d’une preuve de civilisation, ces réalisations étaient devenues avec le développement de la mystique impériale un symbole de la puissance sur les éléments dont disposait le Prince. Avec la naumachie d’Auguste, cette symbolique se trouva pour la première fois associée à une structure de spectacle. L’utilisation pratique de la naumachie pour l’irrigation de la rive droite et sa localisation, choisie à dessein, permirent à l’empereur de suggérer le rôle joué, dans sa maîtrise matérielle de la nature, par un pouvoir divin, solidaire de celui des vieilles divinités romaines de l’eau. Par ailleurs, le contexte égyptisant, présent dans la chasse aux crocodiles de ces mêmes jeux et dans les sources d’inspiration originelles de la naumachie n’était certainement pas absent non plus de l’association entre le temple de Fors Fortuna, la Tiberina descensio et le bassin d’Auguste. La fête du Tibre en effet, ressemblait fort aux fêtes nautiques célébrées sur le Nil, au moment de la crue, Voir 2e partie, p. 162-178. CIL VI, 31566 = XI, 3772 a. 77 Sur cette question voir par exemple A. Barchiesi Imperatori e poeti : il controllo sulle acque, in Homo Edens III, Letture d’Acqua, 1994, Padova, p. 137149. 75 76
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pour favoriser la montée des eaux 78. Là, également, on parcourait le fleuve en festoyant. On sait en outre que la Fortuna italienne fut assimilée à la Tychè grecque mais aussi à l’Isis-Tychè alexandrine. Cette dernière, maîtresse de l’Égypte, où elle jouait un rôle essentiel dans les mythes et les rites associés à la crue du Nil 79, était aussi depuis l’époque hellénistique une maîtresse de la mer, protectrice de la navigation. On retrouve donc, autour de la naumachie d’Auguste, des sources d’inspiration syncrétiques analogues à celles qui, environ un siècle plus tôt, à Préneste, avaient déjà présidé au choix du thème de la mosaïque nilotique associée au sanctuaire de Fortuna 80. Les spectacles aquatiques de Claude : une signification triomphale plus diffuse L’apparat militaire des spectacles aquatiques de Claude Aucun des deux spectacles navals de Claude, sa naumachie et la chasse au cétacé qu’il organisa dans le port d’Ostie, ne fut lié à la célébration d’une victoire, ce qui ne peut guère surprendre dans la mesure où Actium fut la dernière grande bataille navale de l’histoire de Rome. Pourtant, ces deux spectacles de Claude, fort différents à tous les points de vue, ont pour point commun d’avoir déployé un apparat militaire important. 78 D. Bonneau, La crue du Nil, divinité égyptienne à travers mille ans d’histoire (332 av. J.-C.-641 ap. J.-C.), Paris, Klincksieck, 1964, p. 305-314. et p. 413-420; D. Bonneau, Les fêtes de la crue du Nil, problèmes de lieux, de dates et d’organisation, in REgypt 23, 1971, (p. 49-65) p. 61-65. 79 P. G. P. Meyboom, op. cit., p. 57 et 67-68. 80 La datation de la mosaïque la plus communément admise en situe la réalisation à l’époque de Sylla. Le rapport entre la présence de cette mosaïque et l’assimilation à Isis de la Fortuna Primigenia de Préneste a fait l’objet de nombreuses controverses. Pour F. Coarelli (I santuari del Lazio in età repubblicana, Roma, La Nuova Italia Scientifica, 1987, p. 79), la mosaïque fait partie du sanctuaire de Fortuna, déjà assimilée à Isis-Tychè (hypothèse déjà développée par R. Bianchi Bandinelli et M. Torelli, L’arte nell’Antichità classica, II, Etruria-Roma, Torino, Utet, 1976, f. 32). C’est également l’avis de H. Lavagne (Operosa antra. Recherches sur la grotte à Rome de Sylla à Hadrien, Roma, 1988 [Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 272], p. 253-255). J. Champeaux en revanche (op. cit. p. 70 n. 303) doute de l’existence d’un tel syncrétisme à une date aussi haute. Selon P. G. P. Meyboom, (op. cit., p. 88-90, n. 2 et 41 du chap. II et n. 4 du chap. V) cette mosaïque et sa voisine, représentant des scènes de pêche, ornaient deux grottes-nymphées, non un espace lié au culte proprement dit. Mais il lui paraît évident qu’elles étaient destinées à illustrer les différentes parties du domaine d’Isis-Tychè. Il admet donc lui aussi l’amorce d’un mouvement d’assimilation des deux déesses.
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En ce qui concerne la uenatio, il est probable que la taille du cétacé rendait nécessaire l’emploi de plusieurs navires de guerre et d’un nombre important de soldats embarqués, armés de javelots. L’attaque n’alla pas d’ailleurs sans risque, puisque selon Pline (T. 34) «l’une des barques fut remplie d’eau par le souffle du monstre». Toutefois, aux yeux de l’empereur, l’entreprise représenta certainement moins un moyen de se divertir lui-même que de se montrer au milieu de ses forces navales. La remarque de Pline sur la présence du public le montre bien. Quant à la naumachie, le déploiement de balistes, d’unités de la garde prétorienne et de soldats de marine qu’elle occasionna 81 était indispensable pour protéger les spectateurs sur les berges du lac, face à un nombre si important de prisonniers armés. Mais il faut surtout noter que selon Tacite (T. 12) Claude présida le spectacle revêtu d’un manteau de général d’une exceptionnelle richesse (Ipse insigni paludamento ... praesedere). Si ce manteau de pourpre, à l’époque impériale, était devenu un signe du pouvoir suprême, il n’en gardait pas moins son caractère militaire 82. Le choix de ce costume, au lieu du costume triomphal, désormais réservé à l’empereur, et lui aussi insigne du pouvoir absolu du prince, est significatif. Claude adopta à plusieurs reprises le paludamentum pour présider des spectacles. Le fait que ce détail soit mentionné à diverses occasions, par plusieurs historiens différents, en révèle l’importance. Ainsi, d’après Dion Cassius (LX, 17, 9), Claude porta en 43 un manteau de général pour assister à un munus donné au camp des prétoriens, donc bien évidemment dans un contexte militaire. Selon Suétone (Claude, XXI, 11), l’empereur apparut dans ce même costume lors d’un combat par troupes organisé sur le Champ de Mars, simulant l’assaut et le pillage d’une ville de Bretagne. À travers ces deux épisodes, le port du paludamentum pour présider un spectacle, souvent pratiqué par Claude, paraît clairement lié au souvenir d’un succès militaire. Or, le grand succès du règne de Claude dans ce domaine fut la campagne précisément commémorée par le second de ces deux spectacles, la conquête du Sud de la Bretagne 83, en 43-44 ap. J.-C. L’empereur avait tenu à assister en personne à la conclusion des opérations, ce qui lui permit de jouer ce rôle de général dans lequel s’étaient illustrés tous ses prédécesseurs 84. La victoire fut célébrée T. 12. Plin., N.H., XXII, 3; Sil., XVII, 396; Plut., Crass., XXIII, 1; Amm., XIV, 9-7 et XV 5-16. 83 Pour les épisodes majeurs de cette campagne et les célébrations triomphales qui suivirent, voir en particulier Dion Cassius, LX, 19-23. 84 À l’exception de Caligula, sur lequel rejaillissaient toutefois le prestige de 81
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par un magnifique triomphe et rappelée tout au long du règne dans l’art et la littérature, mais aussi, on le voit, par des spectacles. Comment interpréter les analogies existant entre ces mises en scène terrestres étroitement associées à la victoire bretonne et la naumachie? Cette dernière eut-elle un lien avec la conquête de la Bretagne? On pourrait en douter, dans la mesure où cette campagne n’avait comporté aucune bataille navale 85. Les spectacles aquatiques de Claude et la conquête de la Bretagne Malgré cela, on sait que cette conquête fut largement célébrée par Claude comme un succès maritime. La couronne navale dont il fit orner le fronton de sa demeure sur le Palatin 86, à côté de la couronne civique, en témoigne tout particulièrement. En outre, il faut observer que les poètes célébrant cette campagne négligent souvent les opérations terrestres menées pour soumettre les tribus bretonnes et insistent sur son aspect maritime, lié à la situation géographique de la région investie. Par exemple, d’une manière fort significative, la Laus Caesaris 87, poème écrit en l’honneur de la victoire de Claude, compte deux fois plus d’occurrences du nom Oceanus ou d’autres termes désignant la mer que de Britannia, Britanni, ou d’autres allusions aux peuples de l’île. Dans la mesure où cette composition relève probablement du genre du triumphus, pièce de vers destinée à être diffusée lors de la célébration du même nom 88, on peut penser qu’elle se trouvait en accord étroit avec les thèmes privilégiés par la propagande impériale. Les raisons de ce choix s’imposent aisément. On peut mettre en avant le prestige particulier attaché au succès militaire sur les mers depuis l’époque de Pompée, encore renforcé après Actium. Mais plus précisément, dans cette conquête de la Bretagne, comme jadis lors de la victoire de Pompée contre les pirates, l’adversaire avait moins de prestige que les circonstances de la campagne et le cadre des opérations. Insister sur la soumission de quelques peuples barbares aurait eu moins d’impact dans l’opinion que de célébrer la traGermanicus et le souvenir d’une première enfance passée dans les camps de son père. 85 Les Bretons ne disposaient pas de navires capables de se mesurer à la flotte romaine. Quoi qu’il en soit, le rôle de cette dernière fut purement logistique (Voir M. Reddé, op. cit., p. 372-374). 86 Suet., Claud., XVII, 5. 87 Anthologia Latina, ed. Riese, et F. Bücheler, vol. I, fasc. I, Leipzig, Teubner, 1894, pièces 419-426. p. 324-326. 88 Selon l’hypothèse de V. Tandoi, Il trionfo di Claudio sulla Britannia e il suo cantore, in SIFC, 34, 1962, p. 83-129.
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versée de l’Océan, compte tenu de tout ce que celui-ci représentait dans l’imaginaire collectif 89. Les Romains identifiaient en effet la Manche à une partie du grand océan qui, selon la géographie grecque 90, faisait le tour de l’oikoumene, tel le fleuve Okeanos de la mythologie. Traverser l’Océan revenait à franchir les limites du monde habité. Aussi avait-on vu déjà Pompée prétendre, sur le plan symbolique, à une domination dépassant les bornes de l’Océan 91, et les traversées de César comparées aux exploits des héros voyageurs et conquérants du passé : Hercule, Bacchus et Alexandre 92. À l’époque de Claude, la Laus Caesaris, comme le discours de la Table de Lyon lui-même 93, témoignent du rôle de la propagande impériale dans la diffusion de ce thème. La traversée de l’Océan était une manifestation de la domination territoriale illimitée du peuple romain, grâce aux victoires de l’empereur 94. Le port du manteau de général lors de la naumachie et l’apparat militaire déployé par Claude lors des deux spectacles navals de son règne doivent donc être rapprochés de l’insistance avec laquelle la conquête de la Bretagne fut transformée en un succès naval. Il s’agissait d’assurer à Claude dans ce domaine une gloire égale et même supérieure à celle de Pompée, de César et d’Auguste. L’intérêt manifesté par l’empereur pour la marine transparaît d’ailleurs également dans les aménagements d’Ostie, essentiellement civils, ainsi
89 Pour une étude plus détaillée des caractéristiques de l’Océan dans l’imaginaire collectif romain, telles qu’elles transparaissent en particulier dans la littérature de la fin de la République et de l’Empire, voir A. Paulian, Les Romains et l’Océan, thèse de 3e cycle, Tours, 1978 et Le thème littéraire de l’Océan, in Caesarodunum X, 1975, p. 48-52 et p. 53-58. 90 J. Rudhardt Le Thème de l’eau primordiale dans la mythologie grecque, Berne, Francke, 1971, p. 82. 91 Selon Plutarque (Pomp. XXXVIII, 4), Pompée ne voulait d’autre borne à ses conquêtes que l’Océan. En outre, à travers les statues d’héroïnes défuntes qui ornaient l’ambulatio de son complexe du Champ de Mars, encadrant sa statue placée au fond de la Curie, il suggérait sur le plan symbolique sa propre traversée de cet espace mythique, jusqu’à l’île des Bienheureux. Il prétendait ainsi égaler les héros conquérants et pacificateurs du passé, Hercule, Bacchus ou Alexandre. En vertu de la même symbolique cosmique, une statue de l’Océan ornait aussi très probablement le nymphée de son théâtre (G. Sauron, op. cit., p. 266-280). 92 Selon Diodore de Sicile (V, 21), César «divinisé pour ses exploits», en investissant la Bretagne, a surpassé Bacchus et Hercule. Sur cette présentation des victoires de César, voir aussi Plutarque (Caes., XXIII, 2-4). 93 CIL XIII, 1668, 1. 37-40 : gloria prolati imperii ultra Oceanum. 94 L’exagération courtisane put même présenter la Bretagne comme étant à elle seule un autre monde, ou une partie d’un autre monde encore à découvrir. Voir par exemple le dernier vers de la pièce 426, coniunctum est, quod adhuc orbis et orbis erat. Dans la Guerre des Juifs (II, 363) Flavius Josèphe emploie une formule analogue : yΩpeùr Wkeanoùn e™teran eßzh¥thsan oıßkoyme¥nhn («ils ont cherché un autre monde au-delà de l’Océan»). Voir aussi Sénèque (Med., 374-379).
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que dans les modifications apportées au dispositif des flottes militaires de l’empire, inchangé depuis Auguste 95. Claude chercha en toute occasion à mettre en valeur son rôle de chef suprême de cette flotte. Un spectacle comme la naumachie du lac Fucin ne pouvait manquer d’y contribuer. Bien qu’il l’ait donnée en l’honneur d’une réalisation pacifique, Claude voulut évoquer grâce à elle son implication personnelle dans la conquête de la Bretagne et sa traversée de l’Océan. Il en est de même en ce qui concerne la chasse au cétacé. Pour cette dernière, comme lors de l’investissement de la Bretagne, Claude voulut être lui-même présent sur le théâtre des opérations, bien que très probablement à l’abri du danger. L’exécution de cette belua pouvait aussi opportunément rappeler la faune gigantesque de l’Océan et faire apparaître l’empereur dans le rôle héroïque du pourfendeur de monstres. Les spectacles navals de Claude et l’imitatio Augusti En dehors de ce contexte toutefois, les caractéristiques de la naumachie de Claude admettent également d’autres éléments d’explication. En premier lieu, on peut rappeler que le sujet choisi par l’empereur pour le spectacle fut un combat entre Corinthiens et Corcyréens. Le premier des affrontements navals entre Corinthe et Corcyre, au début de la guerre du Péloponnèse, avait eu lieu à Leukimmè, non loin d’Actium et du golfe d’Ambracie. La naumachie de Claude pouvait donc rappeler encore une fois aux Romains, d’une manière détournée, la dernière bataille navale de leur histoire, une référence absolue lorsqu’il était question d’affrontement sur mer et surtout l’événement fondateur du régime. Ce désir d’évoquer Actium témoigne également d’une imitatio Augusti de la part de Claude, déjà manifeste dans le fait même de vouloir donner une naumachie, ce que n’avaient pas fait ses deux prédécesseurs, Tibère par dédain des spectacles et par économie, Caligula sans doute par refus de toute évocation de la bataille, lui 95 Toutes les études modernes s’accordent à reconnaître l’absence de toute modification notable du dispositif naval sous Tibère et Caligula. Le rôle de Claude en revanche est évalué de manière sensiblement différente selon les auteurs. C.G. Starr (The Roman imperial navy, 31 BC-AD 324, Ithaca, Cornell Univ. Press, 1941, p. 32-33) lui attribue des modifications importantes quant au recrutement des équipages ou de leurs cadres et plus généralement quant au mode de contrôle de cette marine par le pouvoir. Ch. Courtois (Les politiques navales de l’empire romain, in Revue historique, 186, 1939, (p. 7-47), p. 32-38) crédite en outre cet empereur de la création de plusieurs flottes provinciales. Selon M. Reddé (op. cit., p. 502-509), la seule création, certes importante, qui puisse lui être attribuée en toute certitude, est celle de la Classis Britannica.
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LA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DES SPECTACLES AQUATIQUES
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qui supprima les jeux qui la commémoraient. Reprendre et amplifier le spectacle grandiose qu’avait été la naumachie, et même les fameux Jeux Séculaires représentait pour Claude un moyen parmi d’autres d’affirmer ses liens avec celui qui resta jusqu’à la fin de l’Empire le modèle par excellence du bon empereur. En outre, selon ce même modèle augustéen, les spectacles aquatiques de Claude furent associés à de grands travaux d’utilité publique. On sait en particulier que l’assèchement du lac Fucin devait assurer à la région, périodiquement menacée par ses crues, une plus grande prospérité. Ce fut une réalisation colossale, pour laquelle 30000 hommes travaillèrent pendant onze ans 96. De ce fait, le symbolisme du paludamentum arboré par l’empereur et de l’apparat militaire déployé lors du spectacle, jouait certainement sur plusieurs niveaux. En effet, le don divin de victoire, pour les Romains, ne se manifestait pas seulement dans la guerre, mais il s’étendait à toutes les entreprises de l’Etat, faisant de l’empereur le garant perpétuel de leur succès. En attirant l’attention du public sur ces travaux, la naumachie était destinée à célébrer la lutte victorieuse de Claude contre les caprices et les dommages des eaux. De même, la chasse au cétacé dans le port d’Ostie permettait une mise en valeur des aménagements portuaires réalisés par l’empereur pour le plus grand profit de l’approvisionnement et des échanges commerciaux de Rome. L’arc de triomphe édifié par Claude à Rome pour célébrer la conquête de la Bretagne suggère des observations analogues. En effet, cet arc était situé sur la Via Lata, très exactement à l’endroit où l’Aqua Virgo la traverse, et on suppose de ce fait qu’il se trouvait incorporé à l’arcature de l’aqueduc 97. La titulature impériale sur son inscription principale, qui a été retrouvée, montre que la dédicace du monument eut lieu au plus tôt en 51, soit huit ans après le décret du sénat prévoyant son érection 98. Par ailleurs, on sait que l’Aqua Virgo fut restaurée par Claude, probablement de manière importante 99. Aussi peut-on penser que la construction du monument triomphal et sa dédicace furent tributaires de l’achèvement de ces travaux de réfection100. Tout en célébrant la victoire contre l’Océan, cet arc participait donc d’une autre manifestation de la maîtrise
Suet., Claud., XX, 4. Comme le fait observer A. A. Barrett (Claudius’ British Victory Arch in Rome, in Britannia, XXII, 1991, (p. 1-19), p. 16). 98 A. A. Barrett, op. cit., p. 16. 99 Une inscription notamment témoigne de cette réfection : CIL VI, 1256. 100 Selon l’hypothèse proposée par A. A. Barrett, op. cit., p. 17. 96
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bienfaisante du prince sur l’élément liquide. À la naumachie du lac Fucin, comme à l’arc de triomphe, on peut appliquer l’expression par laquelle Suétone (Claud., XX, 1) définit les réalisations de l’empereur : opera magna potiusque necessaria quam multa perfecit101. Cet exemple montre que les associations entre spectacles aquatiques et réalisations hydrauliques d’intérêt collectif relevaient d’un principe général visant à associer l’exaltation personnelle de l’empereur et la mise en évidence du bien-être et de l’abondance assurés au peuple par ses soins. Les spectacles aquatiques et la mystique impériale de Néron à Trajan : continuité et évolutions Les premiers spectacles aquatiques, notamment les naumachies, avaient tous représenté un événement unique dans l’histoire ou le règne de leur organisateur. La naumachie de César avait été la première de toutes, celles d’Auguste et de Claude avaient mis en œuvre des moyens matériels jamais égalés. À partir de Néron en revanche, les spectacles aquatiques, sans prendre aucun caractère de régularité, furent cependant présentés de manière plus fréquente par le pouvoir. Cette évolution, due pour une part à de nouvelles réalisations hydrauliques, eut pour corollaire de progressives modifications de la signification symbolique associée aux spectacles. La disparition du contexte triomphal En premier lieu, on constate la disparition progressive du lien entre ceux-ci et un contexte triomphal, au sens de célébration plus ou moins directe d’une victoire des flottes romaines. On ne peut guère s’en étonner, puisqu’Actium fut la dernière grande bataille navale de l’histoire de Rome102. Le règne de Claude marque sur ce point une transition, puisque la naumachie du lac Fucin, par son sujet, associait de manière déjà moins explicite la commémoration de l’événement fondateur du Principat à celle des exploits maritimes de Claude lui-même. 101 Dans ses réalisations édilitaires, qui furent de grande ampleur, il privilégia l’utilité plutôt que le nombre. 102 C’est aussi pour cette raison, selon G. Ch. Picard (op. cit., p. 274), que disparut du répertoire artistique, après l’époque augustéenne, le thème du trophée dressé sur une proue de navire, si populaire durant les guerres civiles et durant la première moitié du principat. Il était trop étroitement lié à la célébration d’une victoire navale effective et en particulier à Actium. Dès lors, les spolia naualia, dans l’art officiel ou la numismatique impériale, firent référence au thème plus général d’une domination sur toutes les mers (Ibidem, p. 322).
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À partir du règne de Néron, toute référence à une actualité du rôle de la flotte romaine disparut des spectacles aquatiques. Le règne de cet empereur compta pourtant un engagement sur le lac de Génésareth en 67, durant la guerre juive, remporté par Vespasien103. Mais outre que cette victoire se rattache davantage à la geste du premier des Flaviens qu’au règne de son prédécesseur, cette bataille lacustre menée sur des radeaux et de petites embarcations n’eut pas l’ampleur des grands affrontements navals du passé. La naumachie de Néron dont nous connaissons le sujet opposa des «Perses» et des «Athéniens»104. Une fois de plus, ce spectacle devait donc rappeler celui d’Auguste, et à travers lui la victoire d’Actium. Cependant cette commémoration, près d’un siècle plus tard, ne pouvait avoir le même impact. Si le thème de son autre naumachie ne nous est pas connu, c’est sans doute parce que le spectacle fut de moins grande ampleur, mais aussi parce que le travestissement historique choisi n’eut aucune signification symbolique précise. Tout au plus cette naumachie dut-elle évoquer la puissance navale dont disposait le Prince, qui augmenta encore le dispositif des flottes provinciales105. Quant aux exhibitions d’animaux marins si appréciées par Néron, en l’absence de toute progression majeure des conquêtes septentrionales sous son règne106, elles ne pouvaient que rappeler, d’une manière générale, le pouvoir de l’empereur sur l’espace océanique, qui en mettait la faune à sa disposition. Les flottes de l’empire jouèrent un rôle non négligeable dans l’avènement de Vespasien107. En effet, disposant déjà du soutien des escadres orientales, il obtint celui des flottes de Ravenne et de Misène dès que son soulèvement fut connu108. On peut également rappeler l’épisode antérieur de la bataille sur le lac de Génésareth, qui fut commémoré par des monnaies célébrant la Victoria naualis de l’empereur et montrant une victoire debout sur une proue de navire109. L’empereur tira également parti de sa participation à la conquête de la Bretagne, puisque Valerius Flaccus, au début de ses Argonautiques (I, 7-11), l’invoque en le louant d’avoir «ouvert une mer à la
Jos., B.J., III, 522-531. T. 17. 105 En créant notamment la flotte du Pont (M. Reddé, op. cit., p. 507-509). 106 Pour les régions d’origine de ces beluae, on ne relève que la conquête d’Anglesey, île sacrée des druides, menée en 61 par Suetonius Paulinus, qui atteignit la mer d’Irlande. 107 Comme le fait observer en particulier M. Reddé, op. cit., p. 510. 108 Tac., Hist., II, 76, 12 : II, 83, 2; III, 56, 4; III, 57. 109 H. Cohen, Description historique des monnaies frappées sous l’Empire romain, communément appelées médailles impériales, I, Paris, 1860-1868, no 632, 633, 634. 103
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navigation, fait porter des navires à l’Océan Calédonien, qui s’était auparavant révolté contre le fils d’Iule». Néanmoins, toutes les naumachies données par les Flaviens, du moins celles dont on connaît le sujet, évoquèrent des épisodes de la guerre du Péloponnèse110, sans aucun lien particulier avec les succès militaires contemporains. La naumachie donnée par Domitien en 89, la seule à avoir été à nouveau produite lors de fêtes triomphales, ne pouvait avoir de liens étroits avec la campagne terrestre contre la Dacie. Le goût manifesté par les Flaviens pour les naumachies est donc simplement à mettre en rapport avec l’intérêt général manifesté par ces empereurs pour la marine, concrétisé notamment par la création de plusieurs nouvelles escadres111. Il reste à évoquer la naumachie de Trajan, dont on sait peu de chose. Il semble cependant certain qu’elle ne fut nullement liée à la célébration de ses campagnes, d’ailleurs exemptes de tout engagement naval de quelque importance. On ne peut pas même invoquer, pour cet empereur, l’intérêt pour la marine et les créations d’escadres qui avait caractérisé la dynastie flavienne. Avec cette naumachie du premier des Antonins, les liens des spectacles aquatiques avec la célébration des conquêtes et de la gloire navale de l’imperator semblent donc totalement rompus112. Cette disparition progressive, dans les mises en scènes aquatiques, de toute évocation d’une victoire militaire, n’en fit pas pour autant des spectacles sans substrat idéologique, si tant est qu’il en ait jamais existé dans les jeux impériaux. En effet, ainsi que nous l’avons déjà constaté pour les premiers d’entre eux, à côté de la symbolique triomphale existaient dans ces grands spectacles aquatiques du Prince d’autres niveaux de sens, moins liés à l’étroite actualité du moment. D’Auguste à Claude : la célébration d’une maîtrise surnaturelle des éléments marins Les monarchies orientales connaissaient une représentation du souverain en maître des éléments de l’univers et en particulier de la terre et de la mer. Celle-ci se transmit au monde hellénistique, puis T. 22. Il s’agit de celles de Pannonie et de Mésie, et peut-être aussi de la Classis Syriaca. Sur l’intérêt particulier des Flaviens pour le dispositif naval romain, voir M. Reddé, op. cit., p. 511-522. 112 Le passage de l’Histoire Auguste mentionnant la présentation de naumachies lors du triomphe d’Aurélien (T. 26), d’ailleurs d’une véracité douteuse, n’apporte aucun véritable démenti sur ce point. Les naumachies sont en effet mentionnées au milieu de tous les autres spectacles que comportaient les jeux ro110 111
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de là au monde romain113. L’élection divine de l’imperator, on le sait, ouvrit rapidement la voie à une affirmation des pouvoirs du Prince sur la Nature, explicite notamment dans les provinces orientales114, et à Rome même dans les louanges des poètes. Ainsi, sous Auguste, cette exaltation d’une maîtrise de la mer par les pouvoirs surnaturels de l’empereur, concrétisée à Alexandrie par le culte rendu à Kaı˜sar Epibath˜riov au Sebastéion115, se retrouve entre autres dans deux vers d’une élégie de Properce (III, 11, 71-72) où le souverain est discrètement promu au rôle de dieu des marins dans les parages même de sa victoire : At tu, siue petes portus, seu, nauita, linques, Caesaris in toto sis memor Ionio. (Et toi, navigateur, soit que tu cherches à gagner le port, soit que tu le quittes, souviens-toi partout de César sur la mer ionienne).
Ce n’est plus la Fortune qui fait bénéficier son élu d’une navigation paisible, c’est l’empereur lui-même qui assure la protection de ses sujets sur les mers, grâce à la stabilité politique qu’il fait régner mais aussi, indissociablement, grâce au pouvoir cosmocratique qu’il détient sur tous les éléments. On passe véritablement de la figure du mains, pour souligner la grande variété de ces jeux triomphaux. À supposer qu’elles aient véritablement eu lieu, ces naumachies ne revêtaient aucune signification triomphale particulière. 113 J. Gagé, Actiaca... cité, p. 70-82. 114 Déjà au dernier siècle avant notre ère, des imperatores romains à la tête d’une armée appuyée par une escadre furent salués comme des pacificateurs cosmiques par les cités de l’Orient grec (J. Gagé, Actiaca cité, p. 70-72); M. W. Deonna, La légende d’Octave-Auguste. Dieu, sauveur et maître du monde, in RHR, LXXXIII, 1921, (p. 32-58 et 163-195), p. 169-173. 115 Selon Philon d’Alexandrie (Leg. ad G., 151), le temple, «plus rempli qu’aucun autre d’ex-votos», représentait «un espoir salutaire pour ceux qui s’embarquent et pour ceux qui rentrent au port». Le modèle est bien évidemment celui des cultes maritimes rendus à certains souverains lagides. Le Phare d’Alexandrie lui-même avait été dédié par son constructeur «aux dieux sauveurs, pour le salut des navigateurs» d’après Lucien (H. conscr. 62) et Strabon (XVII, 1, 6). Il s’agit probablement du premier couple des rois lagides, divinisés (J. Gagé, Actiaca, p. 91); Sur les cultes maritimes des souverains dans l’Égypte lagide, voir L. Cerfaux et J. Tondriau, op. cit., p. 199. Un texte de Suétone (Aug. XCVIII, 2) évoque l’hommage divin rendu à Auguste par des marins et des voyageurs alexandrins rencontrés par hasard sur sa route : Forte Puteolanum sinum praeteruehenti uectores nautaeque de navi Alexandrina, quae tantum quod appulerat, candidati coronatique et tura libantes fausta omina et eximias laudes congesserant : per illum se uiuere, per illum nauigare, libertate atque fortunis per illum frui (Comme il longeait la baie de Pouzzoles, les passagers et les marins d’un navire d’Alexandrie, qui avait abordé juste à ce moment, vinrent à lui vêtus de blanc, couronnés de fleurs et brûlant de l’encens. Ils lui adressèrent des vœux favorables et le couvrirent de louanges extraordinaires : c’est grâce à lui qu’ils pouvaient vivre, grâce à lui qu’ils pouvaient naviguer, jouir de leur liberté et de leurs biens).
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protégé des dieux à celle du dieu protecteur116. Auguste fut donc parfois présenté par les poètes de son temps en véritable dieu des mers et des océans, notamment par Virgile (G., I, 24-31) : Tuque adeo, quem mox quae sint habitura deorum concilia incertum est, urbisne inuisere, Caesar, terrarumque uelis curam, et te maximus orbis auctorem frugum tempestatumque potentem accipiat, cingens materna tempora myrto, an deus immensi uenias maris ac tua nautae numina sola colant, tibi seruiat ultima Thule teque sibi generum Tethys emat omnibus undis117. (Et toi, oui toi, César, qui siégeras ensuite dans les conseils des dieux, dans lesquels? On ne sait : voudras-tu inspecter les villes et avoir soin des terres, et le vaste univers t’accueillera-t-il comme l’auteur des moissons et le maître des saisons, en te ceignant les tempes du myrte maternel? Ou bien deviendras-tu dieu de la mer immense? est-ce que les marins révéreront ta seule divinité? Est-ce que Thulé, la dernière des terres, te sera soumise? est-ce que Téthys paiera de toutes ses ondes l’honneur de t’avoir pour gendre?).
Il ne s’agissait toutefois que de perspectives associées à la future apothéose de l’empereur. On connaît également des représentations du Prince, vainqueur d’Actium, sous le travestissement mythologique d’un triomphe de Poséidon, entouré de créatures appartenant au thiase marin118. Elles relèvent de conventions iconographiques, admises à cette époque, prêtant au souverain les attributs de diverses divinités. Ces thèmes furent aussi transposés, notamment à l’époque de Claude, dans le cadre de l’Océan. L’Okeanos de la mythologie n’était pas seulement aux yeux des Anciens la borne du monde habité119. Il représentait également un espace sacré interdit aux hommes, baignant le pays des Cimmériens, les Iles des Bienheureux et la demeure du Soleil. Naviguer sur de telles eaux sans assentiment divin pouvait être présenté comme un sacrilège120. Mais l’exploitation par le pouvoir des expéditions romaines sur la Manche et la Mer du 116 Pour d’autres images d’Auguste en protecteur des marins, voir aussi Hor., O, IV, 5, 19; et Ov., Fast., I 68. 117 Texte établi par E. de Saint-Denis, Paris, Les Belles Lettres, 1960. 118 On peut citer notamment un camée du Musée de Vienne (F. Eichler et E. Kris, Die Kameen im kunsthistorischen Museum, Wien, Schroll, 1927, p 50, no 5, pl. 7.). 119 Sur les mythes grecs autour de l’Océan, voir en particulier J. Rudhardt (op. cit.). 120 On peut rappeler par exemple que dans la Théogonie, l’Océan est la seule divinité à laquelle l’adjectif ıΩero¥v soit particulièrement appliqué (cf. J. Rudhardt, op. cit., p. 28). Chez Apollonios de Rhodes (Arg; IV, 627-644), les Argonautes qui
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LA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DES SPECTACLES AQUATIQUES
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Nord ne s’est pas uniquement appuyée sur un rapprochement, dont Lucain121 dénonce le caractère artificiel, entre «les hauts-fonds d’une mer incertaine» et la borne mythique de l’oikoumène. En effet, certains phénomènes naturels observés sur ces eaux, tels que les longues nuits hivernales, les courants contraires, les tempêtes violentes122, pouvaient aisément être assimilés aux caractéristiques du mythique Okeanos : l’obscurité d’outre-tombe régnant sur ses eaux, l’immobilité de ce terme du monde des vivants, les colères qui le soulevaient devant toute intrusion. Dès le début des explorations julio-claudiennes le long des côtes de la Germanie123 et surtout après la conquête de la Bretagne, les poètes latins ne manquèrent pas d’exploiter un renouvellement du surnaturel océanique124 où se mêlaient les réminiscences mythologiques et les nouvelles expériences vécues. La propagande impériale s’en empara aussi, montrant ainsi le Prince investi d’un pouvoir à même de surmonter l’interdit divin. La Laus Caesaris notamment ne rappelle les obstacles représentés par l’Océan que pour mieux mettre en valeur sa traversée victorieuse, notamment dans la pièce 426 : Semota et uasto disiuncta Britannia ponto, Cinctaque inaccessis horrida litoribus, Quam pater inuictis Nereus uelauerat undis, Quam fallax aestu circuit Oceanus, Brumalem sortita polum... se sont engagés sur l’Océan sont rappelés par Héra, car ils n’auraient jamais pu en revenir sains et saufs. 121 Lucain (Phars., II, 571) Oceanumque vocans incerti stagna profundi (décorant les bas-fonds d’une mer incertaine du nom d’Océan). 122 Voir en particulier les récits de César, surpris par des intempéries et par l’amplitude des marées. Pour l’époque de Claude, la Suasoire I de Sénèque le Rhéteur montre que les périls propres à l’Océan en tant qu’espace maritime étaient devenus un véritable thème d’école. 123 Les Res Gestae (26, 4) mentionnent une grande expédition qui mena la flotte «jusqu’aux frontières des Cimbres», c’est-à-dire la pointe du Juttland. Cette expédition est sans doute celle de Drusus, en 12 av. J.-C. (Suet, Claud, I, 2). Mais le retour fut marqué par de graves incidents dus à la marée. Il semble qu’après la mort de son frère, Tibère ait lui aussi entrepris une exploration océanique, en 5 ap. J.-C. (Vell., II, 106, 3). Ses navires remontèrent l’Elbe et furent également chargés d’une mission de reconnaissance vers le Nord-Est, qui révéla aux Romains de nouveaux horizons, peut-être ceux de la Baltique. Sous le règne de Tibère, Germanicus lui aussi, fit longer à une flotte importante les côtes de la mer du Nord au débouché de l’Ems, au retour d’une expédition germanique (Tac., Ann., II, 23-24). Le désastre subi par sa flotte, sur le chemin du retour, qui réduisit à néant l’impact psychologique exercé sur les Germains par la victoire d’Idistavise, ne fut sans doute pas étranger à l’interruption de ces voyages d’exploration. Ils furent toutefois relayés jusqu’à Agricola par les expéditions navales qui accompagnèrent la conquête de la Bretagne. 124 Outre les imprécations contre la navigation d’Horace et des élégiaques, on peut citer en particulier Albinovanus Pedo, qui dans les quelques vers insérés
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
(La Bretagne reculée, écartée de nous par une vaste mer, farouche et ceinte de rivages inaccessibles, elle que le père Nérée avait dissimulée derrière des ondes invaincues, que l’Océan trompeur entoure de son flot houleux et qui a reçu en partage le nord hivernal...).
L’Okeanos de la mythologie grecque était aussi une divinité lointaine et vénérable, qui se confondait avec son domaine sacré. C’est pourquoi, dès l’époque de César, qui fit défiler lors de son triomphe des Gaules une statue d’Oceanus enchaîné125, la traversée de la Manche par les armées de l’imperator fut présentée comme la victoire sur le dieu Océan d’une autre divinité, l’empereur lui-même. Il en fut surtout ainsi sous Claude, comme en témoigne notamment la Laus Caesaris (419, 2-4) : Icta tuo, Caesar, fulmine procubuit Oceanusque tuas ultra se respicit aras Qui finis mundo est, non erat imperio. (...frappée par ta foudre, César, elle [la Bretagne] s’est inclinée, et l’Océan contemple au-delà de lui tes autels. Ce qui est une limite pour le monde ne l’était pas pour l’empire)
Le dieu Océan doit reconnaître que son territoire ne marque pas les limites du culte rendu au Prince, assimilé à Jupiter lui-même. Plusieurs autres pièces de la Laus Caesaris développent la même idée126. Dans ce contexte d’une présentation du Prince en maître des éléments et des dieux marins127, notre propos nous amène à considérer avec un intérêt tout particulier deux épisodes fameux du règne de Caligula : son défilé sur un pont de bateaux jeté en 39 à travers la baie de Baïes128, et ses manœuvres dans la région de Boulogne, qui firent suite à un simulacre de campagne germanique129. Malgré leurs nombreux spectateurs130, ces deux étranges manifestations ne relèvent pas directement de notre étude, puisqu’elles ne dans le § 15 de la Suasoire I de Sénèque le Rhéteur évoque la crainte religieuse saisissant des soldats de Germanicus, perdus sur l’Océan. 125 Ce détail, mentionné par Florus (II, 13, 88), doit toutefois aussi être rapproché des symboles de domination territoriale qu’étaient généralement les effigies de fleuve dans les cortèges triomphaux. 126 421 v. 2; 424, v. 6. Voir aussi, Ps. Sen., Octavie, v. 38-40. 127 Sur la période qui nous occupe ici, on peut laisser de côté le règne de Tibère, hostile à toute manifestation de caractère théocratique. 128 Suet., Calig., XIX; D.C., LIX, 17. 129 Suet., Calig., XLVI; D.C., LIX, 25; Aur. Vict., III, 11-12. Voir notamment le commentaire de cet épisode par F. Richard, Un thème impérial romain : la victoire sur l’Océan, in L’idéologie du pouvoir monarchique dans l’Antiquité [Actes du colloque de la Société des professeurs d’histoire ancienne de l’université tenu à Lyon et Vienne, 26-28 juin 1989], Paris, de Boccard, 1991, (p. 91-104), p. 94-95. 130 Outre les riverains de la baie, une partie de la population de Rome s’était en effet déplacée pour voir le pont et le spectacle offert par la parade impériale.
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LA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DES SPECTACLES AQUATIQUES
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furent pas organisées dans le cadre de jeux publics. Il convient toutefois de s’y arrêter, car c’est à travers deux véritables mises en scène, organisées autour de sa personne, que l’empereur voulut affirmer explicitement ses prétentions à une maîtrise cosmocratique des éléments marins, sans laisser ce soin à l’art officiel ou aux poètes courtisans. Lors du premier de ces épisodes, déjà si souvent étudié, l’empereur reproduisit les diverses phases d’une campagne militaire contre un ennemi qui n’était autre que la mer, contrainte de supporter une route terrestre. Selon Dion Cassius (LIX, 17, 11), Caligula prit prétexte de la tranquillité de l’eau durant toute la fête et de la sécurité assurée à la traversée par le pont de bateau, pour affirmer sa domination sur le dieu Neptune lui-même131. En outre, d’après un témoignage direct recueilli par Suétone (Calig. XIX, 4), Caligula aurait voulu, par cette réalisation, démontrer l’erreur d’un oracle ayant jadis prétendu qu’il lui serait aussi impossible d’accéder au trône que de traverser la baie à cheval. En 40 ap. J.-C. près de Boulogne, Caligula prétendit avoir vaincu l’Océan par sa brève navigation sur les eaux du dieu. En témoignent les balistes qu’il fit dresser, menaçant le large, et surtout son désir de faire des coquillages ramassés sur son ordre par les soldats des «dépouilles du dieu Océan». Le retour par terre des navires utilisés est également un signe qu’il attribuait à cette brève navigation une dimension sacrée132. Le caractère inusité de ces deux mises en scène, leur extravagance, sur laquelle insistent à l’envi tous les historiens, étaient certes des manifestations de la tyrannie et du déséquilibre de l’empereur. Mais par leur outrance même, elles représentaient le développement ultime et particulièrement explicite d’un thème présent dans la littérature et l’iconographie dès l’époque d’Auguste, comme nous l’avons vu, et promis à un long avenir : la domination sur les mers de l’empereur investi de pouvoirs divins. À ce titre, elles préfigurent la symbolique de certains spectacles aquatiques néroniens et flaviens, qui eux aussi surenchérissent sur ce thème, bien que d’une manière plus voilée.
Quant à l’épisode de la «victoire sur l’Océan», il eut pour témoin l’ensemble des soldats de l’expédition. 131 Flavius Josèphe (A. J., XIX, 5) explique lui aussi l’épisode par la volonté de l’empereur d’apparaître en maître de la mer. 132 Avoir navigué quelques heures sur ses eaux lui parut suffire pour affirmer une véritable victoire sur l’Océan. Il aurait d’ailleurs souhaité la voir saluée par un vote du Sénat lui attribuant les honneurs divins, car c’est bien en dieu, vainqueur du dieu Océan, qu’il voulait apparaître.
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«Une eau riche en merveilles» : les spectacles aquatiques de l’empereur-dieu À cette époque en effet, le goût romain pour les spectacles illusionnistes reproduisant des décors naturels133 fit de l’arène, mieux encore que par le passé, un microcosme réunissant dans son enceinte toutes les parties et tous les éléments de l’Univers dominé par le Prince, et par le peuple romain134. C’est dans ce contexte que l’amphithéâtre de bois, mettant en œuvre des installations hydrauliques inédites, fut adapté aux spectacles aquatiques, selon un modèle repris pour le Colisée. Les naumachies de César et d’Auguste portaient déjà aux yeux de tous un spectacle que seule en principe pouvait offrir la mer elle-même. Mais à partir de l’époque de Néron, nous l’avons vu135, les récits des historiens reviennent tout particulièrement sur le va-et-vient de l’eau dans les nouveaux sites des spectacles aquatiques. Cette insistance est un témoignage du déploiement volontaire, par l’instigateur des jeux, de son aisance dans le maniement de l’élément liquide. Or, dans le Livre des Spectacles (T. 19) cette eau qui emplit l’arène ou s’en retire si promptement se trouve assimilée à la mer elle-même. Dans la pièce qui, dans le recueil, fait suite à cette épigramme (T. 54), Martial célèbre explicitement l’empereur qui assura le salut de son «Léandre» en imposant le calme à cette «mer». Il manifestait ainsi, dans sa maîtrise des éléments, une autre vertu impériale, la Clementia136. Le pouvoir impérial exploita ainsi à son profit le sujet d’un hydromime, probablement déjà connu antérieurement137. Certes, on pourrait objecter que Martial est un poète courtisan. Ailleurs dans le Livre des Spectacles se trouve relaté le rôle providentiel joué par l’empereur au cours des jeux138. Mais il est intéressant de noter que ce surnaturel, occasionnel quand sont décrits d’autres types de spectacles, est toujours présent dans les pièces qui traitent des mises en scène aquatiques. En outre, la comparaison de l’arène 133 On sait par exemple que dans l’amphithéâtre de bois, les Romains purent voir des arbres s’élever soudain dans l’arène, ou le sol s’ouvrir pour qu’en jaillissent des fauves, selon les termes mêmes de Calpurnius (T. 52). 134 Comme le souligne par exemple Martial dans son Livre des Spectacles (3). 135 Voir première partie, p. 43. 136 La même mise en valeur de la clémence impériale apparaissait déjà dans certaines naumachies, où pour souligner le caractère exceptionnel du spectacle, il fut fait grâce aux survivants du combat. 137 Voir p. 287. 138 Un éléphant furieux se soumet (XVII), un daim est épargné par les chiens pour avoir supplié Titus (XXX). Sur l’exaltation de l’empereur-dieu et de son pouvoir sur la nature manifesté dans l’arène, voir notamment J.-M. Pailler, Le poète, le prince et l’arène, in Spectacula I, Gladiateurs et amphithéâtres [Actes du colloque tenu à Toulouse et à Lattes les 26 – 29 mai 1987], Paris, Imago, 1990, p. 179-183.
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inondée avec la mer n’est certainement pas due à la seule initiative de Martial. On sait en effet que Néron voulut emplir véritablement d’eau de mer l’arène de son amphithéâtre139. Il avait donc cherché à rapprocher plus encore réalité et symbole, comme on pouvait s’y attendre de la part de cet empereur aux prétentions théocratiques affirmées. C’est également à partir de son règne que le renouveau du surnaturel marin, occasionné par les conquêtes océaniques, prit toute son ampleur dans les uenationes impériales. En effet, l’un des dangers surnaturels de l’Océan que les auteurs latins mettaient le plus souvent en évidence était celui que représentait sa faune. L’observation de mammifères marins aux formes nouvelles, à la taille étonnante, comme l’éléphant de mer ou le morse, s’associait à la tératologie marine du Pontos grec et aux liens que les mythes établissaient entre le royaume d’Okeanos et l’outre-tombe140. Bien des textes en témoignent, où reviennent sans cesse les mots de belua, de fera à propos de la faune océanique, comme par exemple la Suasoire I de Sénèque le Père, déjà citée141. Dans un passage des Annales (II, 24, 6), évoquant les récits de soldats de Germanicus rescapés d’une tempête au large de la Germanie, Tacite analyse parfaitement le mélange d’observations réelles et d’affabulations nourries par la peur mais aussi par les souvenirs mythologiques, qui firent de l’Océan, dans l’imaginaire romain, la demeure de monstres terrifiants : Ut quis ex longinquo reuenerat, miracula narrabant, uim turbinum et inauditas uolucris, monstra maris, ambiguas hominum et beluarum formas, uisa siue ex metu credita. (Plus on revenait de loin, plus on racontait de prodiges, la violence des tourbillons, des oiseaux inconnus, des monstres marins, des formes ambiguës, mi-homme, mi-bête, qu’on avait vues, ou cru voir sous l’effet de la crainte).
Même des œuvres qui ne traitent nullement des régions océaniques en portent la trace. Par exemple, le monstre marin décrit par Sénèque, dans sa Phèdre (v. 1035-1048) n’est pas sans évoquer par sa
T. 16. J. Rudhardt, op. cit., p. 28. 141 § 1 et 2. Voir surtout les v. 5-7 d’Albinovanus Pedo, cités dans le § 15 de la Suasoire : illum pigris immania monstra sub undis / qui ferat, Oceanum, qui saeuas undique pristis / aequoreosque canes (L’Océan qui porte dans ses ondes paresseuses des monstres prodigieux, qui porte de toutes parts de cruels cétacés et des chiens de mer). On peut également citer Horace, (O., IV, 14, 47-48), Avienus, (Or., 128-129), et les Dirae de l’Appendix vergiliana (55-57). 139 140
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crinière, ses narines mobiles et les replis de sa nuque, le morse ou le veau marin. Les croyances qui reléguaient ainsi dans ces régions lointaines les êtres fantastiques dont la mythologie grecque avait jadis peuplé toutes les mers touchèrent même la littérature à prétention scientifique. Selon Pline l’Ancien notamment, on aurait vu sous Tibère, sur la côte lusitanienne, un triton jouant de la conque, et sous Auguste, les corps de plusieurs Néréides sur une plage des Gaules142. Ici, la confusion entre observation objective et fabuleux zoologique, si fréquente chez Pline, côtoie par exception un surnaturel d’ordre divin, à travers ces dieux mineurs qu’étaient à l’origine Tritons et Néréides. Le Prince, vainqueur divin de l’Océan, était aussi le maître de tous les être prodigieux «réfugiés dans cet asile lointain». Les jeux impériaux, vecteur privilégié de la mystique impériale, ne pouvaient manquer de s’emparer de ce thème. La chasse au cétacé de Claude, organisée à Ostie, présentait déjà l’empereur en vainqueur des beluae du milieu marin. De même, la présentation par Néron de spécimens de la faune océanique ne s’explique pas seulement par une curiosité zoologique ou par l’une de ces reconstitutions artificielles de décors naturels si en vogue dans l’esthétique de l’époque. En effet, c’était certainement la première fois que des animaux marins de ces régions lointaines, animalia maris Oceano abusque, comme dit Tacite (T. 35) étaient convoyés jusqu’à Rome pour être présentés au cœur même de l’Urbs. L’impact du spectacle était donc renforcé par sa totale nouveauté. De plus, aucune de nos sources n’offre de précision sur les espèces présentées, comme si l’intérêt ne s’était pas porté sur leur identification, mais sur leur symbolique. De ce point de vue précis, de telles exhibitions peuvent être rapprochées du ballet de «Néréides» ou des chevaux et taureaux «marins» des jeux de Titus. Tous, de manières diverses, représentaient l’arrivée jusqu’à Rome, par la volonté divine de l’empereur, des créatures surnaturelles ou hybrides, à la frontière entre l’observation objective et le mythe, que l’imaginaire du temps reléguait volontiers désormais dans l’espace océanique nouvellement conquis143. Au-delà même d’une illustration de cet investissement «contre nature» d’un espace interdit et de sa faune fabuleuse, les spectacles
Pline l’Ancien, H.N, IX, 9. De telles créations de l’imaginaire doivent être mises en relation avec des spéculations philosophiques qui considéraient que la mer, origine de toute vie, restait comme telle marquée par une indistinction primordiale des espèces et des genres, d’où seraient ensuite sorties les créatures terrestres. On trouve chez les Latins un écho de cette théorie, notamment chez Pline l’Ancien (N.H., IX, 2) et chez Sénèque (Q.N., III, 13-14). 142 143
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aquatiques, pour développer jusqu’à son terme logique leur symbolique cosmocratique, devaient déboucher sur la mise en évidence, chez l’empereur, du pouvoir de transcender les lois les plus intangibles régissant les éléments. Ainsi, l’installation par Titus d’un ponton flottant sur la naumachie, pour sa course de chars, relève de la même symbolique que le fameux pont de bateaux de Caligula. Dans son épigramme XXVIII (T. 20), Martial suggère habilement, en quelques vers, l’effet recherché : la confusion entre monde terrestre et monde maritime. Cette volonté de subversion de toutes les lois naturelles permet de comprendre pourquoi Titus, qui disposait de sites terrestres plus adéquats pour donner une course de chars ou une grande uenatio, fit choix de la naumachie d’Auguste. De même, le spectacle situé par Dion Cassius au Colisée (T. 22), où parurent des chevaux et des taureaux dressés, tout en reproduisant un topos iconographique, représentait une autre association contre nature entre terre et eau. Les spectacles aquatiques de Titus rejoignent sous le voile de la tradition des jeux les thèmes audacieusement développés jadis par Caligula. Une telle signification symbolique peut sans doute aussi être attribuée aux énigmatiques uenationes qui associaient la présentation d’une faune terrestre à celle d’un navire, ou d’un décor de navire. Nous l’avons vu, l’initiateur de ce spectacle fut peut-être Caligula144, ou à défaut, très certainement Néron. L’une ou l’autre éventualité ne sauraient surprendre. Le premier de ces deux empereurs, par des manifestations atypiques, fut en effet un précurseur dans cette symbolique des spectacles aquatiques développée par le dernier des julio-claudiens. Comme dans les œuvres poétiques ou plastiques qui plaçaient l’empereur à la tête du panthéon marin, les divinités des eaux ne pouvaient manquer d’intervenir dans les spectacles impériaux illustrant le même thème. Chez Martial, l’évocation de Nérée et de Galatée déconcertés par les bouleversements de l’ordre naturel qu’ils régissaient, ou celle de Thétis se mettant à l’école des chœurs aquatiques créés par le Prince, sont des plus significatives. Certes, il s’agit là, de la part du poète, de simples procédés allégoriques. Mais la matérialité même de certains spectacles néroniens et flaviens, qui présentèrent monstres marins et «Néréides», montre qu’il n’y a pas là que flatteries d’un poète courtisan. La présence dans les spectacles impériaux de ces créatures, escorte habituelle des dieux marins, identifiait explicitement l’empereur à ces derniers.
144 Le spectacle donné par Caligula dans les Saepta est toutefois trop mal connu pour pouvoir donner lieu à une hypothèse bien argumentée.
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Par ailleurs, Néréides, Tritons et dauphins, dans le domaine iconographique, n’évoquaient pas seulement la mer. Comme le montre leur association avec certaines allégories du cycle de la nature, telles les Saisons, et surtout avec Dionysos à travers le thiase marin, ils étaient également des symboles de fécondité145. Leur figuration dans les spectacles impériaux permettait donc également de manière discrète une assimilation de l’empereur à une divinité bienfaisante des eaux douces. Or, on retrouve sous Titus et sous Trajan l’association entre spectacles aquatiques et grands travaux d’utilité publique déjà reconnue pour les naumachies d’Auguste et de Claude. Ainsi, lors des jeux de 80, on inaugura, en même temps que le Colisée, les thermes de Titus, situés à une trentaine de mètres seulement de l’amphithéâtre146, et alimentés par la dérivation de l’Aqua Claudia réalisée par Néron pour l’alimentation de son Stagnum147. Tous les plaisirs de l’eau, ceux des spectacles et ceux des bains, étaient donc assurés en même temps par l’empereur. Surtout, la naumachie de Trajan fut inaugurée non pas en même temps, mais du moins la même année que l’Aqua Traiana, qui servit certainement à alimenter l’édifice148. Ce dernier fut d’ailleurs également considéré comme un réservoir et était certainement destiné dès l’origine à assurer une meilleure alimentation en eau de la plaine du Vatican. Cet emprunt direct au modèle augustéen était bien conforme à la symbolique privilégiée par l’Optimus Princeps. L’alimentation en eau de la rive droite demeura d’ailleurs un souci constant de l’administration impériale, puisque des travaux en ce sens sont également attestés sous Philippe l’Arabe149. S’ils n’eurent plus l’occasion de célébrer, fût-ce de manière indirecte, des succès maritimes de Rome, les spectacles aquatiques des époques néronienne et flavienne ne perdirent donc pas leurs liens étroits avec la propagande impériale, où le modèle héroïque cédait de plus en plus la place à la mystique de l’empereur-dieu. Comment une telle symbolique était-elle reçue par les contemporains de ces spectacles? Il ne faudrait pas voir dans la rhétorique adulatrice de Martial un reflet exact des impressions des spectateurs. D’une manière générale, la conviction des foules concernant la divinité du Basiley¥v puis de l’empereur est fort difficile à évaluer
145 Sur l’Arc de Bénévent, les Saisons sont associées aux Fleuves, sur la mosaïque d’Acholla, à des créatures marines (G. Ch. Picard, op. cit., p. 412-413). 146 F. Coarelli, Guide archéologique de Rome, Paris, Hachette, 1994, plan p. 28. 147 A. Malissard, Les Romains et l’eau, Paris, Les Belles Lettres, 1994, p. 256. 148 I. 1. 149 Aur. Vict., XXVIII.
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de façon précise150. Toutefois la sincérité des marques de reconnaissance rendues, dans les époques troublées, au chef providentiel, divin restaurateur de la paix, tel Auguste, ou plus tard Vespasien, ne peut être niée151, et leurs descendants bénéficiaient de leur aura. Il faut aussi rappeler que les analyses des historiens antiques font une place aux divers aspects de la divinisation et du culte du souverain parmi les moyens politiques capables d’unifier, autour de ce dernier, le sentiment populaire152. Les foules était donc certainement prêtes à croire en la nature surhumaine, voire divine, de leur prince. Par ailleurs, ceux-là même que l’attribution de pouvoirs divins à un homme vivant laissait incrédules et critiques, habitués malgré tout aux multiples manifestations de la mystique impériale, pouvaient voir dans les grandioses réalisations illusionnistes des spectacles impériaux du Haut-Empire le reflet d’une puissance temporelle bienfaisante, mettant en œuvre tous ses moyens matériels pour le plaisir de tous. Les spectacles aquatiques et les excès de la tentation théocratique Auprès du public et des auteurs du temps, les spectacles aquatiques organisés par le pouvoir entre César et Trajan rencontrèrent donc le plus souvent un accueil favorable. Il reste toutefois à relever l’ambivalence de certains d’entre eux. En effet généralement considérés comme des manifestations tangibles des bienfaits du Prince, ils purent aussi se transformer en révélateurs privilégiés de son extravagance et de sa tyrannie. On observe ce phénomène en écartant le témoignage de poètes comme Calpurnius ou Martial, trop suspects d’un éloge courtisan, pour s’appuyer uniquement sur les récits des historiens. Leurs descriptions très neutres des spectacles offerts par les empereurs de bon renom comme Auguste ou Titus, contrastent en effet assez sensiblement avec leurs jugements défavorables, ouvertement portés ou seulement suggérés, sur ceux que donnèrent les «mauvais princes», notamment Néron et Domitien. Le premier empereur dont les mises en scène navales firent l’objet d’une présentation négative fut naturellement Caligula. En effet, comme nous l’avons vu, son pont de bateau et la parade qu’il y organisa relevaient de prétentions théocratiques qui ne furent jamais si explicitement développées par un spectacle. Le modèle des souverains hellénistiques est très net dans cette organisation d’un vaste et Comme le font observer L. Cerfaux et J. Tondriau, op. cit., p. 437-438. L. Cerfaux et J. Tondriau, op. cit., p. 333-334. 152 Voir en particulier Polybe (VI, 56 et X, 2 et 5), qui écrit à ce propos : «on ne peut tenir la foule irréfléchie... que par toutes sortes de fiction». 150
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coûteux défilé, accompagné d’une mise en scène complexe, autour de la personne même du souverain. On peut penser, notamment, à la fameuse procession dionysiaque de Ptolémée Philadelphe, évoquée par Athénée (V, 197 c – 203 c). Quant au grandiose festin nocturne organisé sur le pont153, éclairé par des torches placées sur les hauteurs avoisinantes, il rappelle les somptueux symposia des Lagides. Un goût pour les constructions navales gigantesques, notamment un navire porte-obélisque154 et des galères de plaisance155, sur le modèle des réalisations de prestige jadis propres au monde hellénistique, signala par ailleurs tout le règne de ce «prince chimérique». De tels modèles ne pouvaient remporter l’approbation des élites intellectuelles du temps, qui rejetaient l’influence des monarchies orientales sur le régime romain. Aussi tous les auteurs qui nous ont laissé une description du pont de Caligula le présentent-ils comme une manifestation du déséquilibre de l’empereur. Dion Cassius affirme en outre que le nombre colossal de navires employés dans ce but porta un grave préjudice à l’approvisionnement de Rome. Que l’accusation soit ou non fondée156, elle n’en est pas moins significative de l’assimilation du spectacle à un acte de tyrannie. Il en est de même du désir de rivaliser avec Xerxès prêté à Caligula par Suétone (Calig., XIX, 3), puisque le roi perse était demeuré dans l’imaginaire antique une figure emblématique de l’hybris. On peut comparer cette présentation critique à celle, parfaitement neutre, que fait le même Dion Cassius de la plate-forme posée par Titus sur la naumachie d’Auguste. Ce fut une réalisation non moins gratuite, et qui, nous l’avons vu, reposait sur le même principe. Mais construction bien plus modeste, elle était en outre essentiellement destinée au plaisir de tous, non à mettre en scène l’orgueil et la démesure du Prince. De la même manière, le festin sur l’eau organisé par Tigellin en 64, qui donna lieu à une exhibition d’animaux aquatiques et clôtura des jeux publics, est présenté par Tacite comme un exemple représentatif des extravagances habituelles à l’empereur. Nous l’avons vu, dès la fin de la République, les bains et la navigation de plaisance étaient essentiels à une vie de plaisir et de ce fait se trouvaient souvent englobés dans les condamnations morales sur le luxe excessif et le relâchement des mœurs. Canope, dans le delta du Nil, avec
D.C., LIX, 17, 2. Plin., N.H., XXXVI, 70. 155 Suet., Calig., XXXVII, 3. 156 Elle est réfutée notamment par A. Barrett, Caligula. The Corruption of Power, New Haven-London, Bastford, 1989, p. 195, et P. Garnsey, Famine and food supply in the Graeco-Roman world, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 222-223. 153 154
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ses villas de plaisance au bord de l’eau et ses fêtes débridées157, symbolisait cette association et possédait elle-même une image ambivalente. En effet, elle représentait aussi un symbole de bienheureuse abondance dans l’imaginaire collectif. Or, il paraît clair que le canal bordé de tavernes sous pergola qui la reliait à Alexandrie, tel qu’on le voit sur la mosaïque de Palestrina, fut un modèle pour le décor du banquet scandaleux de Tigellin. Selon Dion Cassius (LXI, 20, 5), un festin sur l’eau analogue fut donné aussi dans la naumachie d’Auguste, lors de l’institution des Juvenalia en 59. Suétone (Ner., XXVII, 2) signale également l’habitude de Néron de donner des festins sur l’eau dans cette naumachie, en utilisant ainsi pour son seul agrément une structure de spectacle et des jardins publics158. Quoi qu’il en soit, on retrouve les mêmes éléments dans un autre divertissement nautique imaginé par Néron : sa croisière le long des côtes de Campanie, site consacré des plaisirs de l’eau en Italie. Selon Suétone (Ner., XXVII, 3), on installait à cette occasion de long des côtes des cabarets, dont les hôtesses, pour l’occasion, étaient des femmes des meilleures familles. On le sait, le goût de la navigation de plaisance et des embarcations de luxe s’était développé dès le dernier siècle de la République159, parallèlement à la vogue de Baïes et des autres sites littoraux de la région. Mais les moyens déployés par l’empereur rappellent aussi la thalamège de César et Cléopâtre sur le Nil160, les plaisirs d’Antoine à Alexandrie, et au-delà, le luxe privé que déployaient les souverains d’Égypte dans leurs déplacements fluviaux ou maritimes161, manifestation de leur tryphè162, de l’abondance et de 157 Voir la description de Canope par Strabon (XVII, 1, 16-17). Sur le phénomène du «canopisme», voir P. G. P. Meyboom, op. cit., p. 77 et p. 262, n. 139 du chap. III. 158 Cenitabatque nonnumquam et in publico, naumachia praeclusa uel Martio campo uel circo maximo, inter scortorum totius urbis et ambubaiarum ministeria (Il lui arrivait aussi de dîner en public soit dans la naumachie préalablement fermée, soit sur le Champ de Mars ou dans le Grand Cirque, en se faisant servir par toutes les courtisanes et joueuses de flûte de Rome). 159 Cicéron par exemple se rendait volontiers par la mer de l’une à l’autre de ses propriétés, à Cumes, Puteoli et Pompéi (ad Att., XIV, 16, 1). Il passait en navicula de Pompéi chez Lucullus ou chez Vestorius (ad Att., XIV, 20, 1 et 5). Lorsqu’il songea à partir pour la Grèce en 44, il avait à sa disposition une flottille de trois petits navires à dix rames, (ad Att., XVI, 3, 6). On peut également évoquer le phasellus de Catulle (IV). 160 Évoquée par Suétone (Caes., LII, 2). 161 Parmi ces navires, citons notamment la thalamège de Ptolémée IV décrite par Athénée (203e-206a) d’après Callixène. Sur ce navire et sur les autres navires géants construits dans le monde grec à l’époque hellénistique, voir L. Basch, Le Musée imaginaire de la marine antique... cité, p. 345-346. 162 Sur la signification et les développements de ce concept, voir notamment J. Tondriau, La tryphè, philosophie royale ptolémaïque, in REA, 50, 1948, p. 49-54.
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la prospérité universelle dont ils étaient les garants163. Les fêtes débridées de Canope, le faste inégalé des Lagides, de tels modèles n’avaient pas manqué de séduire Néron, dont la fascination pour l’Égypte est bien connue par ailleurs164. Mais s’il faut en croire les historiens de Rome, dès le temps de Scipion l’Africain, la tryphè royale ptolémaïque apparaissait comme le contre-modèle par excellence des vertus romaines165. Plus précisément, dans l’imaginaire romain, l’association entre Canope et les souverains lagides166 présentait des connotations très défavorables, probablement depuis la campagne d’opinion anti-antonienne d’Octave-Auguste167. Imiter le mode de vie des souverains lagides dans l’un de ses plus fastueux et voluptueux aspects, la croisière et le banquet sur l’eau, était donc aux yeux de Tacite, et plus généralement des élites romaines du temps, l’un des signes tangibles de la débauche du prince, mais aussi de ses aspirations tyranniques. Il est significatif que le troisième empereur du Haut-Empire crédité d’une extravagante construction navale, théâtre de ses excès, soit Domitien. Dans son Panégyrique de Trajan (LXXXII, 1-3), Pline le Jeune évoque en effet le luxueux navire de plaisance dont le dernier des Flaviens faisait usage sur le lac d’Albano, en le faisant tirer par une galère assez éloignée pour ne pas le gêner par le bruit de ses rames. Ce navire, particulièrement proche des réalisations néroniennes, résume à lui seul, aux yeux de Pline, la mollesse et la tyrannie, toujours associées chez un mauvais prince. On peut d’une manière générale opposer les parades navales, croisières et festins sur l’eau de quelques empereurs, mises en scène 163 On peut rappeler que le roi avait un rôle important à jouer dans la fête du nouvel an, liée elle aussi à la crue du Nil. (Voir P. G. P. Meyboom, op. cit., Ap. 12, p. 148 et n. 146 du chap. III). Sur cette abondance donnée au pays par OsirisSarapis, le Nil et le souverain voir en particulier J. Tondriau, Les thiases dionysiaques royaux de la cour ptolémaïque, in CdE , 41, 1946, p. 149-71. et La tryphè, philosophie royale ptolémaïque, p. 49-54; R. A. Wild, Water in the cultic worship of Isis and Sarapis, Leiden, Brill, 1981, p. 86 sq. 164 Tac. Ann., XV, 36, 1; Suet., Ner., XIX, 1. 165 Sur la visite de Scipion l’Africain à Ptolémée VIII, voir notamment Diodore, XXXIII, 28a, 1-2; Athénée, XII, 549 e; Justin, XXXVIII, 8, 8-11, et le commentaire de ces passages par H. Heinen, Aspects et problèmes de la monarchie ptolémaïque, in Ktema, 3, 1978, p. 177-199. 166 Le temple d’Osiris de Canope faisait l’objet d’une dévotion particulière de la part des Lagides. On y trouvait aussi un temple dédié à ces derniers comme theoi euergetai. (P. G. P. Meyboom, op. cit., p. 76). 167 Sur les liens particuliers entretenus avec Canope par les souverains lagides, voir P. G. P. Meyboom, op. cit., p. 76-77 et n. 192-193 et 196-197 du chap. IV. Sur le regard défavorable des Romains sur ce point, on peut notamment relever les témoignages de Properce (III, 11, 39) qui appelle Cléopâtre incesti meretrix regina Canopi, et de Dion Cassius (L, 27, 2) selon lequel Octave, à la veille d’Actium, aurait comparé Antoine à un «joueur de cymbale de Canope».
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du pouvoir relevant d’un luxe privé, même lorsqu’elles avaient de nombreux spectateurs, aux spectacles aquatiques présentés dans le cadre des jeux publics. Les naumachies, les uenationes et les hydromimes, en effet, étaient destinés au plaisir de tous, et non du prince seul. On découvre cependant quelques jugements négatifs sur certains d’entre eux, relevant comme on pouvait s’y attendre du règne des mêmes «mauvais» empereurs. L’inondation des Saepta par Caligula est ainsi présentée comme une manifestation d’arbitraire, car elle se trouve intégrée à une évocation des cruautés et de la tyrannie dont le prince se rendit coupable lors de divers autres spectacles, au cours des mêmes jeux. Il contraignit notamment un chevalier éminent à combattre comme gladiateur, et fit saisir au hasard des spectateurs pour les livrer aux bêtes168. Surtout, l’utilisation des Saepta, enceinte des élections, pour une nouvelle fantaisie navale du prince, ne pouvait manquer d’être hautement symbolique. La naumachie de Néron pour laquelle, selon Suétone (T. 16) l’arène fut inondée d’eau de mer, est susceptible d’observations analogues. Si même ce détail représentait une exagération de l’historien, il n’en serait que plus révélateur de la recherche par ce dernier d’une mise en évidence de la démesure habituelle à ce prince. Ce raffinement supplémentaire est à rapprocher de la décoration de l’édifice, dont plusieurs témoignages décrivent le luxe extraordinaire. Aucun de ses successeurs ne reprit un tel exemple et le faste gratuit déployé par cette construction, nécessairement éphémère, disparut avec lui. Suétone mentionne cet usage d’eau de mer, en lieu et place de l’eau de la ville, immédiatement après la participation aux jeux de sénateurs et de chevaliers honorables, phénomène souvent dénoncé comme une manifestation de l’arbitraire impérial. De ce fait, ce qu’un poète comme Calpurnius Siculus aurait sans doute célébré comme une prouesse soulignant les pouvoirs cosmocratiques du souverain apparaît sous un jour moins favorable. Ce détail peut être rapproché d’autres projets de Néron, si gigantesques qu’ils n’aboutirent jamais, notamment ceux d’un canal navigable du lac Averne à l’embouchure du Tibre et d’une piscine couverte de Misène jusqu’à ce même lac, recueillant toutes les eaux thermales de Baïes169. Néron, comme Caligula, fut un Xerxes togatus170. L’inondation de son arène par de l’eau de mer relève de ce même maniement excessif, de la part de l’empereur, du thème de la maîtrise de l’eau. T. 33. Tac., Ann., XV, 42, 2,; Suet., Ner., XXXI, 5. 170 Expression qui selon Velléius Paterculus (II, 33, 4) et Pline (N.H., IX, 170) fut appliquée à Lucullus. 168 169
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Selon Dion Cassius (T. 25), la naumachie donnée en 89 par Domitien dans un nouvel édifice fut aussi l’occasion d’une manifestation de tyrannie, bien que d’un tout autre ordre. Des pluies torrentielles s’étant soudain mises à tomber, l’empereur refusa d’interrompre la grandiose mise en scène, démonstration de sa puissance, pour préserver le public, qui se vit même refuser l’autorisation de détourner son attention du spectacle pour se vêtir plus chaudement. Sur un autre plan, cette naumachie fut donc, comme le festin de Néron, révélatrice de l’indignité d’un prince oubliant volontairement que les pouvoirs divins dont le parait la mystique impériale étaient en principe étroitement liés à un souci de bien-être pour le peuple romain et de salut pour l’empire tout entier. Il est certes possible que ces divers épisodes aient été l’objet d’une présentation tendancieuse de la part des historiens. Toutefois, ce n’est sans doute pas un hasard si d’une manière plus générale, les spectacles aquatiques de ces mêmes empereurs ne peuvent être associés à aucune réalisation d’intérêt collectif, aqueducs ou thermes, quelles qu’ait été, par ailleurs, la contribution apportée sous leur règne aux installations hydrauliques de Rome171. Surtout, il importe peu, dans notre perspective, que ces épisodes soient ou non entachés d’exagération, car ils sont manifestement destinés à représenter, parmi bien d’autres signes, la rupture par certains empereurs de l’équilibre que devait en principe garantir leur pouvoir sur les éléments naturels. En effet, comme le fait observer par exemple A. Barchiesi172, la maîtrise par l’empereur de l’élément liquide sous toutes ses formes, que manifestaient, entre autres, les spectacles aquatiques, était aussi un symbole de victoire sur les forces du désordre. L’eau, élément imprévisible par excellence et dont le déchaînement était toujours redoutable, était solidaire d’un ordre cosmique garanti par le bon gouvernement du Prince. Tout excès, toute transgression dans le maniement de cet élément pouvait donc déclencher, ou du moins annoncer une rupture de cet équilibre. En témoignent par exemple la présentation par Lucain (I, 183-238) du franchissement du Rubicon, précipitant le monde dans la guerre civile, ou l’évocation des intempéries et des inondations se déchaînant en Espagne avant l’affrontement des deux partis, images du chaos apporté par les luttes fratricides (IV, 48-120). En témoigne aussi, d’une autre manière, l’impiété de Néron se baignant dans les sources très pures de l’aqua 171 Caligula, notamment, avait commencé les travaux de l’aqua Claudia, qui furent terminés par son successeur (Frontin, Aq., 13; Suet., Claud. XX, 1; Cal. XXI, 2). 172 A. Barchiesi, Imperatori e poeti : il controllo sulle acque, p. 21-27 in Homo Edens III, Letture d’Acqua, Padova, 1994, p. 137-149.
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LA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DES SPECTACLES AQUATIQUES
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Marcia, sacrilège qui selon Tacite (Ann., XIV, 22, 4) reçut d’ailleurs un châtiment immédiat. C’est pourquoi les spectacles aquatiques des tyrans ne sont plus la manifestation d’une domination harmonieuse des forces de la nature, mais de leur utilisation anarchique pour une satisfaction individuelle. Ils entraînent des conséquences négatives immédiates, une disette sous Caligula, la mort par refroidissement de nombreux spectateurs sous Domitien, ou prennent place parmi les multiples signes avant-coureurs du retour au chaos : guerre civile ou vacance du pouvoir. Conclusion Au terme de cette analyse se dessinent les raisons qui présidèrent à la création des spectacles aquatiques impériaux, notamment des naumachies. Leur apparition fut déterminée par celle d’un pouvoir personnel qui permettait, voire réclamait, l’édition de spectacles colossaux. Mais ils furent aussi liés à l’émergence corrélative de la mystique du chef protégé par une divinité, puis de la célébration des pouvoirs divins propres à l’empereur. Cette symbolique cosmocratique était certes héritée du monde hellénistique. Mais les spectacles aquatiques en représentent une expression bien romaine. Outre leurs liens avec des spectacles romains antérieurs et leur originalité intrinsèque déjà évoqués, il faut observer que les installations qui leur étaient destinées furent souvent liées à un contexte de grands travaux d’utilité publique, phénomène qu’on ne retrouve nullement dans les recréations artificielles de décors naturels si appréciées des monarques lagides. On voit en outre se dessiner, pour la signification de ces spectacles, une évolution parallèle à celle de leurs principes et des structures qui les accueillaient. En premier lieu, en liaison avec le cours de l’Histoire de Rome, on relève la disparition progressive de toute symbolique triomphale, au sens étroit de célébration d’une victoire navale. La naumachie d’Auguste constitue, sur ce point, une première charnière. En effet, comme on pouvait s’y attendre de la part du Prince, si habile à manier les symboles susceptibles de définir et de consolider son régime, ce sont les spectacles aquatiques de son règne qui possèdent les niveaux de signification les plus riches et les plus complexes. Sa naumachie notamment, tout en étant associée au souvenir d’Actium, mais aussi aux projets de campagnes futures, fut sur plusieurs points un hommage à son père adoptif, et contribua à présenter le Prince en dispensateur des bienfaits de l’eau douce. Claude voulut lui aussi célébrer parallèlement les bienfaits d’une maîtrise pacifique de l’élément liquide et, pour la dernière fois dans l’histoire des mises en scène aquatiques, le souvenir de succès
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
navals plus ou moins récents. Les spectacles néroniens et flaviens en revanche privilégièrent une célébration plus générale des pouvoirs cosmocratiques de l’empereur-dieu sur l’élément liquide sous toutes ses formes. En liaison avec ce thème, on y relève un goût pour les mises en scène illusionnistes, pour une virtuosité accrue dans le maniement des eaux, certainement favorisée par de nouvelles structures de spectacle. Ces mises en scène de la seconde moitié du premier siècle qui constituèrent, par leur nombre et leur diversité, une sorte d’apogée des spectacles aquatiques d’initiative impériale, s’appuyèrent en outre sur le renouvellement du surnaturel marin dont témoignait déjà la littérature, en écho aux récentes expéditions océaniques des armées romaines. Enfin, elles furent aussi une occasion de montrer la capacité du prince à transcender les lois de la nature les plus établies. Une ambivalence possible apparaît dès lors dans la signification des spectacles aquatiques impériaux. Leur audacieux maniement de l’élément liquide, généralement présenté de manière positive, put aussi devenir la recherche d’une satisfaction purement personnelle de la part du Prince, une utilisation gratuite, voire tyrannique, des symboles de puissance qui s’y trouvaient associés. SIGNIFICATION
ET SYMBOLIQUE DES SPECTACLES AQUATIQUES
LEUR ÉVOLUTION DES
ANTONINS
À LA FIN DU
:
BAS-EMPIRE
Les spectacles de la métropole La fin des grandes naumachies impériales L’analyse des liens des grandes naumachies romaines avec certains développements de la mystique impériale permet aussi de comprendre pourquoi les spectacles de grande ampleur des époques néronienne et flavienne disparurent dès l’époque antonine. Bien que les naumachies se soient peu à peu détachées du contexte étroit de la célébration d’un succès militaire, on peut tout d’abord mettre en avant le recul progressif dans le temps des événements des guerres civiles et l’absence, sur les mers, de tout adversaire réel aux flottes romaines. Sous les Antonins, à une époque où Actium remontait à près de deux siècles, il était concevable que ne soient plus évoqués, dans les spectacles romains, des épisodes d’un passé déjà lointain. En outre, on peut parler plus généralement d’un recul de la place de la marine dans les préoccupations impériales. Il est possible qu’il faille attribuer à Trajan la création de la Classis Syriaca, dans le cadre de sa lutte contre les Parthes173. Il faut 173
Voir M. Reddé, op. cit., p. 514.
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LA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DES SPECTACLES AQUATIQUES
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également mentionner ses installations portuaires, réalisées pour faciliter les communications entre l’Italie et l’Orient, essentiellement à des fins militaires. Mais après son règne, on voit s’interrompre les ajouts de nouvelles unités provinciales au dispositif de la flotte romaine, qui demeura pratiquement inchangé jusqu’à la crise du IIIe siècle174. On ne peut manquer de constater la correspondance entre ces phénomènes et la disparition des grandes naumachies impériales. Par ailleurs, après la réalisation de Trajan, l’aqua Traiana, qui venait s’ajouter aux créations importantes de l’époque julio-claudienne, il fallut attendre plus d’un siècle pour voir la construction du dernier aqueduc de Rome, l’aqua Alexandrina175. Or, la célébration de l’empereur en dispensateur des eaux était l’une des occasions favorables à l’organisation des grandes naumachies. Avec la transformation des sous-sols du Colisée, Rome perdit les installations hydrauliques permettant de vider ou d’inonder rapidement un amphithéâtre, telles qu’on les connaissait sous Néron et Titus. Les naumachies d’amphithéâtre qui mettaient elles aussi en évidence la maîtrise de l’eau par le Prince disparurent de ce fait. Dans la capitale, ces édifices furent certes remplacés par la naumachie de Domitien, puis celle de Trajan, et nous avons admis de ce fait la possible survie de spectacles de combats navals, se rapprochant d’avantage de la gladiature176. Quoi qu’il en soit, si elles ne disparurent pas, les naumachies devinrent des spectacles beaucoup plus modestes, régulièrement présentés dans une structure qui leur était réservée. Le silence des sources à leur sujet en est la preuve, et témoigne en même temps de la rupture du lien qui existait auparavant entre ces spectacles et les jeux impériaux organisés pour quelque grande célébration ponctuelle. L’absence de précision de la part des historiens sur l’occasion de certaines naumachies néroniennes et flaviennes, certainement de plus petite envergure, annonçait déjà cette évolution. À l’époque où la gladiature elle-même déclina, puis disparut, les naumachies perdurèrent-elles à Rome sous la forme de joutes nautiques? Cela également ne peut être qu’une hypothèse. Les spectacles nautiques attestés sous le nom de naumachia dans quelques régions de l’empire à diverses époques ne sauraient suffire à en apporter la preuve. Il s’agit en effet de traditions locales essentiellement influencées par le souvenir des grandes naumachies du HautEmpire, comme nous le verrons.
Ibidem, p. 511. A. Malissard, op. cit., p. 265. 176 Voir 2e partie, p. 212-214. 174
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
Un affaiblissement des liens avec la mystique impériale Il est en revanche certain que les uenationes aquatiques et les hydromimes ne disparurent pas de Rome, jusqu’à la fin du BasEmpire. L’existence attestée de structures de spectacle en état de marche adaptées à la mise en eau ne s’expliquerait pas autrement. Il est probable, tout d’abord, que la naumachie de Trajan, conservée jusqu’à l’époque de Sidoine Apollinaire177, fut le site de nombreux spectacles aquatiques de Rome, après la transformation des soussols du Colisée. Quant au théâtre inondable, s’il n’est attesté qu’à l’époque de Symmaque, il est fort possible qu’il soit apparu beaucoup plus tôt. En ce qui concerne les uenationes aquatiques, tout d’abord, il semble toutefois que certaines innovations ponctuelles particulièrement difficiles à réaliser, comme la présentation de poissons ou de beluae océaniques, n’aient jamais été jamais renouvelées après l’époque flavienne. La raréfaction déjà soulignée178 des témoignages littéraires sur les spectacles, pour les époques postérieures au Ier siècle de l’empire, interdit toutefois de se montrer trop affirmatif. Quoi qu’il en soit, il n’existe aucune attestation après cette date sur des spectacles aquatiques exploitant le bestiaire fabuleux des mers et des océans, qu’il s’agisse de présentations effectives d’une faune marine inconnue, ou de son évocation à travers un numéro de dressage comme celui des jeux de Titus. À supposer qu’il s’agisse d’une disparition effective, on peut invoquer, à nouveau, l’évolution du contexte politico-militaire de l’empire. L’intérêt du pouvoir pour la Bretagne et l’Océan du Nord, très intense sous les Julio-Claudiens, encore présent sous les Flaviens, semble par la suite s’amenuiser considérablement. Après l’expédition lancée par Agricola autour de la Bretagne, on ne recense plus d’exploration maritime179. De cet affaiblissement de la curiosité inspirée par ces régions témoigne également la moindre place occupée par le thème de l’océan dans la littérature latine, même si des émissions monétaires à l’effigie du dieu Océan, sous Antonin, Hadrien et Septime-Sévère, saluent encore des succès romains en Bretagne180. D’autres régions mobilisèrent l’intérêt de Trajan, dernier empereur conquérant. Puis, l’emSid. Apoll., I, 5, 9. Voir 1ère partie, p. 97. 179 Cl. Nicolet (L’inventaire du monde. Géographie et politique aux origines de l’Empire romain, Paris, Fayard, 1988) a notamment souligné les progrès apportés par la conquête romaine dans la connaissance des régions occidentales (p. 7982). Son inventaire des expéditions d’exploration lancées par le pouvoir vers ces régions (p. 100-101) montre que la dernière d’entre elle se situe sous Trajan. 180 H. Mattingly, The Roman imperial coinage, II, Vespasian to Hadrian, 1926, p. 349, no 75; III, Antonius Pius to Commodus, 1930, p. 121 no 742-745, London, 177 178
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pire dut se défendre contre des assauts qui, durant longtemps encore, ne devaient jamais venir de la mer. Lorsque la reconquête de la Bretagne par Constance Chlore, puis les opérations militaires de Constant en 343 et du comte Théodose, père du futur empereur, en 368, ramenèrent l’attention sur ces régions, ces événements ne semblent pas avoir eu d’écho particulier dans les spectacles. Certes, des témoignages historiques, mais aussi iconographiques, nous attestent la persistance, durant les trois derniers siècles de l’empire d’Occident, de grandes uenationes présentant une multitude d’animaux exotiques, dans un décor pseudo-naturel181. Les uenationes impériales notamment, ne cessèrent de déployer un grand faste. Selon l’auteur de l’Histoire Auguste (Prob., XIX, 3-4) on vit dans le cirque, sous Probus, mille autruches, autant de cerfs, de sangliers, et d’autres bêtes sauvages, dans un décor de forêt182. Plus qu’un témoignage véridique sur le règne de l’empereur du IIIe siècle, il faut sans doute y voir un reflet des uenationes appréciées un siècle plus tard environ, à l’époque de l’auteur lui-même183. Mais d’après l’ensemble des exemples connus, l’accent semble mis à cette époque davantage sur le nombre et la variété des espèces présentées que sur leur caractère inédit. La conquête et l’exploration de nouveaux territoires ayant cessé après Trajan, les découvertes de nouvelles espèces animales se raréfièrent progressivement. Quant aux animaux nilotiques, les témoignages d’Ammien Marcellin (T. 31) et de Symmaque (T. 47-49), montrent que jusqu’à la fin du IVe siècle ils continuèrent à être très présents dans l’arène romaine. Mais de ce fait même, ayant perdu de son caractère d’originalité, leur exhibition pouvait s’associer à celle d’autres espèces, notamment dans les grandes chasses impériales et donc se fondre dans la symbolique de domination universelle que continuaient de véhiculer ces réunions de milliers d’animaux venus des quatre coins de l’empire. Les combats de crocodiles en décor aquatique devinrent aussi à Rome l’un des suppléments les plus attendus aux ludi réguliers d’un magistrat. Les chasses nilotiques, en se diffusant à Rome mais aussi sans doute dans d’autres grandes cités de l’empire, perdirent donc tout naturellement leurs liens spécifiques avec la mystique impériale.
Spink and son; R. A. G. Carson, Les campagnes de Septime Sévère en Bretagne (201-211) d’après les monnaies, in BSFN 26, 1971, p. 88-91. 181 Sur quelques exemples de témoignages iconographiques, voir notamment J. Aymard, op. cit., p. 191-193. 182 On trouve également une description analogue dans la Vita Gordianorum (III, 6) 183 A. Chastagnol, Études sur la Vita Cari, in Historia Augusta colloquium, I, Bonn, 1976, (p. 75-90), p. 83.
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
Seule, l’étrange uenatio que Septime Sévère accompagna, sans doute par deux fois au moins, d’un décor de navire ou de kh˜tov, recouvrait peut-être une symbolique spécifique en rapport avec son caractère exceptionnel. Encore semble-t-il difficile d’en comprendre le sens à la lueur des événements du règne, à moins de voir dans le navire, comme le suggèrent J. W. Salomonson184 et G. G. Belloni185, une célébration de l’aduentus de l’empereur par la mer, à son retour d’Orient. Quant aux hydromimes, nous l’avons vu, leur apparition avait certainement précédé leur utilisation par la mystique impériale. En outre, sans le caractère mineur des sujets généralement abordés par l’épigramme, nous ignorerions peut-être jusqu’à l’existence de ces deux épisodes des jeux de 80 célébrés par Martial : la représentation de la traversée de Léandre et la danse aquatique des Néréides. Il se peut donc que des spectacles impériaux postérieurs aient comporté des représentations analogues dans la naumachie de Trajan ou dans un théâtre, dont les historiens n’ont pas jugé bon de rendre compte, pas plus qu’ils n’avaient mentionné les hydromimes de Titus. Le texte de Fronton (T. 57) témoigne en tout cas de l’intégration accrue de ces spectacles dans le déroulement régulier des jeux romains. Rien dans ces quelques lignes de l’épistolier, adressées à l’empereur, n’incite à supposer que ce dernier ait eu quelque part dans la diffusion de la fabula de Léandre par les troupes théâtrales. Au Bas-Empire, une mise en scène aquatique faisait aussi partie du programme des jeux à l’avènement d’un consul, comme l’atteste Claudien (T. 58). Les hydromimes relevaient de ce que le poète appelle les ludi molles, expression reprise par A. Chastagnol pour décrire l’évolution des jeux aux IVe-Ve siècles186. À cette époque en effet, sous l’influence du christianisme, les spectacles non sanglants tendirent dans les jeux romains à concurrencer, puis à remplacer la gladiature. Il devint possible, pour un magistrat réprouvant cette dernière, de donner des jeux consistant uniquement en chasses et en spectacles théâtraux. Le texte de Claudien montre bien que parmi ces derniers, à côté d’adaptations au goût de l’époque de l’ancien répertoire tragique ou comique, se multipliaient surtout une série de séquences indépendantes très diverses, où les prouesses des acrobates et les décors illusionnistes tels qu’une simulation d’incendie, tenaient une grande place. Un passage de l’Histoire Auguste sur des jeux soi184 J. W. Salomonson, Römische Tonformen mit Inschriften. Ein Beitrag zum Problem der sogenann Kuchenformen aus Ostia, in BVAB, 47, 1972, (p. 88-113), p. 108-102. 185 G. G. Belloni, L’aureo di Caracalla con scena ludica e nave, in Contributi di storia antica, 14, 1977 (p. 307-314), p. 311. 186 A. Chastagnol, op. cit., p. 75-84.
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LA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DES SPECTACLES AQUATIQUES
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disant donnés par Carin187, largement inspiré, en réalité, par le poème de Claudien188, témoigne aussi du goût des contemporains de l’auteur pour la diversité de ces ludi molles qu’on a parfois justement comparé aux «spectacles de variétés» de la première moitié du XXe siècle : Memorabile maxime Cari et Carini et Numeriani hoc habuit imperium, quod ludos populo R. nouis ornatos spectaculis dederunt ... Nam et neurobaten, qui uelut in uentis cothurnatus ferretur, exhibuit et toechobaten, qui per parietem urso eluso cucurrit, et ursos mimum agentes et item centum salpistas uno crepitu concinentes et centum cerataulas, choraulas centum, etiam pythaulas centum, pantomimos et gymnicos mille, pegma praeterea, cuius flammis scaena conflagrauit, quam Diocletianus postea magnificentiorem reddidit. Mimos praeterea undique aduocauit. Exhibuit et ludum Sarmaticum, quo dulcius nihil est. Exhibuit Cyclopea. Donatum est Graecis artificibus et gymnicis et histrionibus et musicis aurum et argentum, donata et uestis serica. (L’événement mémorable du règne de Carus, Carin et Numérien fut les jeux qu’ils offrirent au peuple romain, et qui comportaient des spectacles nouveaux. En effet, on y vit un funambule qui, chaussé de cothurnes, semblait porté par les vents, un acrobate qui courait sur le faîte d’un mur après avoir échappé à un ours et des ours jouant un mime, et aussi cent trompettes jouant avec un tel ensemble qu’on n’entendait qu’un seul son, cent cornistes, cent flutistes accompagnant des chœurs, cent pythaules, mille acteurs de pantomimes et gymnastes, avec en outre une machine de théâtre dont la scène, endommagée par les flammes, fut plus tard restaurée par Dioclétien d’une manière plus somptueuse encore. L’empereur fit aussi venir des mimes de partout. Il présenta un spectacle sarmatique189 et rien n’est plus agréable. Il montra une représentation de la légende des Cyclopes. Les artistes grecs, les gymnastes, les acteurs et les musiciens reçurent en présent de l’or, de l’argent et un vêtement de soie).
La mise en scène mythologique évoquée, une représentation de la légende du Cyclope, ne provient pas du poème de Claudien. Mais cette invention de Vopiscus est sans doute elle aussi inspirée des spectacles appréciés à la fin du IVe siècle. C’est dans ce contexte précis d’un développement des ludi molles, favorisé par une partie de l’élite aux dépens de la gladiature, appréciés du peuple par leur diversité et leur caractère spectaculaire, qu’il convient se situer le développement des hydromimes au Bas-Empire. Comme tels, ils re-
Vita Carini, XIX. A. Chastagnol, Le poète Claudien et l’Histoire Auguste, in Historia, XIX, 1970 p. 444-463. Voir T. 58. 189 Un combat de gladiateurs. 187
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
présentent une manifestation parmi d’autres de l’évolution des jeux à cette époque, en partie commandée par une volonté politique, mais surtout par le changement des goûts et des mentalités. Les occasions fort diverses qui pouvaient susciter leur présentation ne les rendaient pas plus dignes de mention que d’autres attractions tels que jongleurs, acrobates ou réalisations pyrotechniques. Malgré leur rareté, la nature même de nos sources écrites sur les hydromimes nous renseigne donc sur les conditions de leurs présentations. À partir de l’époque antonine, on les trouve mentionnés au détour d’un texte entrant dans le détail des spectacles réguliers du temps. Cette constatation, mise en rapport avec la longue existence de la naumachie de Trajan, mais surtout avec l’existence attestée d’un théâtre à kolymbèthra à Rome et à Milan, alors même que ces installations se multipliaient dans les provinces, permet de conclure à la banalisation des spectacles aquatiques dans les deux capitales impériales. On aboutit en outre à la conclusion que parmi les spectacles aquatiques romains, les hydromimes furent les moins étroitement liés au pouvoir et à la célébration du Prince. Ils semblent en fait n’avoir joué ce rôle qu’occasionnellement, notamment lorsque Titus multiplia, autour de ses deux naumachies, divers «numéros» ou courtes mises en scène aquatiques que seuls Martial, et dans une moindre mesure Dion Cassius, ont trouvé dignes d’être mentionnées. Pour la suite des temps, ils sont toujours absents des récits historiques sur les jeux exceptionnels donnés par certains princes. S’il n’est pas exclu que ces derniers en aient malgré tout comporté, on doit en tout cas admettre qu’ils ne jouèrent plus de rôle majeur dans la célébration des pouvoirs cosmocratiques de l’empereur sur les eaux, qui perdura pourtant durant tout l’empire190. Spectacles aquatiques et diffusion du modèle romain : le cas des naumachies Nous avons vu déjà que quelques témoignages littéraires ou épigraphiques, presque tous postérieurs aux textes sur les grandes naumachies de la capitale, attestent l’existence de spectacles provinciaux désignés eux aussi par le terme de naumachia191. La question se pose donc de l’éventuelle diffusion dans les provinces du modèle 190 À partir d’Actium, tout empereur romain jouera plus ou moins le rôle bienfaisant le dieu de la navigation, jusqu’à Théodose auquel, suivant l’expression de Pacatus dans son tardif panégyrique de cet empereur (Paneg. Theod. Aug., 6), «celui qui doit s’embarquer demande le beau temps, celui qui part au loin le retour» (a quo petit navigaturus serenum, peregrinaturus reditum). 191 Voir 1ère partie, p. 51-59.
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LA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DES SPECTACLES AQUATIQUES
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romain, et de la signification attachée par les provinciaux à ces spectacles, si différents par leur forme des naumachies impériales. La naumachie de Gadara et les joutes éphébiques : deux témoignages d’attachement au régime impérial En ce qui concerne la naumachie donnée en 161 ap. J.-C. par la cité de Gadara, nous n’avons aucune difficulté à reconnaître là une création d’initiative certes locale, mais étroitement inspirée par le modèle de la métropole. Elle était en outre destinée à souligner l’attachement de Gadaréens au pouvoir romain et au régime impérial. La cité célébrait ainsi sa décision de se mettre par son nom sous le patronage d’une grande figure de l’histoire de Rome, Pompée. Le souvenir de l’adversaire de César était désormais suffisamment éloigné dans le temps pour pouvoir être mis à l’honneur sans porter ombrage au pouvoir impérial. Ce dernier fut d’ailleurs étroitement associé à la décision municipale et à la fête chargée de la célébrer, puisqu’elle coïncida avec l’avènement d’un nouveau prince. Le fait que le nom de Marc-Aurèle apparaisse sur les deux monnaies commémorant la naumachie montre bien que cette dernière fut organisée en son honneur autant qu’en celui de la modification apportée au nom de la ville. On pourrait se demander pourquoi les Gadaréens prirent l’initiative de ce spectacle naval inhabituel. C’est là en effet le seul exemple connu de naumachie donnée par une cité provinciale en une telle occasion. Bien que Pompée n’ait livré aux pirates aucune bataille navale susceptible d’être commémorée, la naumachie fut certainement choisie pour évoquer le commandement naval exceptionnel qu’il avait alors obtenu. Mais en même temps, il s’agissait d’un spectacle romain et d’un spectacle impérial par excellence, puisque seuls jusqu’alors les empereurs en avaient produit, essentiellement dans la Ville. Le souvenir de ces naumachies exceptionnelles perdura d’ailleurs, nous le verrons, jusqu’au Bas-Empire dans d’autres provinces. Le choix de ce spectacle associait donc plusieurs niveaux d’explication, qui tous manifestaient la volonté des habitants de Gadara de proclamer leur attachement à la paix romaine jadis défendue par Pompée et désormais garantie par l’empereur. Bien que très différentes par leur périodicité certaine mais aussi leur caractère plus modeste, les «naumachies» de l’éphébie attique admettent des explications analogues. Paul Graindor192 avait voulu voir dans l’existence de cette compétition éphébique la preuve d’une origine athénienne pour le spectacle romain du même nom. Mais 192
P. Graindor, Athènes sous Auguste, Le Caire, Imprimerie MISR, 1927,
p. 128.
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
nous l’avons vu, les mots de nayma¥xoi ou naymaxh¥santev n’apparaissent dans la liste des compétitions éphébiques qu’à partir de la fin de l’époque flavienne, donc bien après l’apparition de la naumachie à Rome. En outre, il existe des inscriptions antérieures, qui montrent que dès le IVe siècle av. J.-C. au moins, certaines fêtes du calendrier athénien comportaient une épreuve nautique disputée par les éphèbes. Mais elle était désignée par l’expression a™milla tw ˜n ploı¥wn, «course de navires». Une inscription évoque une compétition de ce type lors des Panathénées193. D’autres attestent des épreuves analogues lors de quatre autres fêtes, les Munichies, les Diisôtéria, la fête des Grands Dieux et les Aiantéia194. Elles datent du IIe siècle av. J.-C. Nous avons donc là, en réalité, une preuve de l’influence exercée sur les compétitions nautiques disputées par les éphèbes par les naumachies impériales. En effet, ce changement de terme ne s’expliquerait guère sans une modification de la nature même de l’épreuve. La régate, destinée à illustrer la formation navale des éphèbes, se transforma en un «combat naval», imitation lointaine des grands spectacles impériaux qu’on connaît, et qui représentait un pur divertissement. On sait que les spectacles traditionnels des jeux romains, chasses et combats de gladiateurs, se diffusèrent peu à peu en Grèce. À la fin du Ier siècle av. J.-C. déjà, Dion de Pruse (Or., XXXI, 122) s’élève contre l’atteinte aux institutions les plus sacrées d’Athènes que représentait l’édition de combats de gladiateurs dans le théâtre de Dionysos. Ceci témoigne d’une précoce assimilation des spectacles romains par la société athénienne. Mais ils n’ont fait généralement que s’ajouter aux spectacles appréciés de la population, sans s’intégrer au programme des fêtes religieuses traditionnelles. Ici en revanche on observe la transformation d’une compétition disputée par les éphèbes, lors des Panathénées en particulier, sous l’influence directe des jeux impériaux. Ces «naumachies» représentaient donc une manifestation délibérée de romanisation, voire même, en ces temps où l’éphébie multipliait les nouveaux concours, ponctuels ou réguliers, en l’honneur des empereurs195, un hommage indirect au pouvoir impérial. L’époque précise de cette transformation des anciennes régates en joutes nautiques n’est pas connue mais se situe nécessairement
IG II2 2311. L’inscription est datée du IVe siècle av. J.-C. IG II2 1006, 28-31et 72; 1008, 22; 1011, 16 et 54. Sur ces régates, voir C. Pélékidis, Histoire de l’éphébie attique des origines à 31 av. J.-C., Paris, de Boccard, 1962, p. 247-248. 195 Voir S. Follet, Athènes au IIe et au IIIe siècle. Études chronologiques et prosopographiques, Paris, Les Belles Lettres, 1977, p. 321-328. 193
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LA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DES SPECTACLES AQUATIQUES
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entre les débuts de l’époque julio-claudienne et les deux premières décennies de l’époque flavienne, soit à l’époque même où furent présentées les grandes naumachies de Rome. La naumachie sur la Moselle, une affirmation de la romanité du pays trévire Nous l’avons vu, un détail dans la description par Ausone (T. 27) des mouvements exécutés par les rameurs nous permet d’admettre l’existence effective, au IVe siècle, d’une joute nautique sur la Moselle, non loin de Noviomagus, relevant d’une tradition locale. Il reste à s’interroger sur ses rapports exacts avec les naumachies romaines, antérieures de plusieurs siècles à ce témoignage. La comparaison des vers 115-119 avec une autre joute nautique située en Italie sur le lac Averne et qualifiée de «naumachie» incite à placer le spectacle mosellan dans un contexte culturel romain. Mais à première vue, l’établissement de ce lien peut sembler assez artificiel et lié plus généralement aux procédés stylistiques et aux intentions d’Ausone dans tout le poème. En effet, ce dernier est de bout en bout parsemé de réminiscences livresques et iconographiques qui ont permis à M. R. Posani de parler d’«irruption permanente du monde classique»196. Le passage consacré à la joute nautique n’y fait nullement exception. On peut relever en particulier de très nombreux emprunts directs aux vers des poètes du Ier siècle. C’est le cas par exemple au vers 206, comme le fait observer Ch. M. Ternes dans son édition critique197. L’absence de sujet au verbe spectat198 s’explique par la volonté d’Ausone d’insérer là, à une place identique, la fin d’un vers de Virgile (B., VII, 17), où il est également question d’assister à un spectacle199 : Posthabui tamen illorum mea seria ludo. Au vers 221, l’expression picti phaseli est également empruntée à Virgile (G., IV, 289) qui l’emploie pour évoquer des embarcations nilotiques. En outre, plusieurs passages dans leur ensemble sont inspirés par les grands prédécesseurs d’Ausone 200. Il en est ainsi par exemple des vers 208-214, consacrés à une digression mythologique : l’évocation d’une joute entre 196 M. R. Posani, Reminiscenze di poeti latini nella Mosella di Ausonio, in SIFC, 34, 1962, p. 31-69. 197 Ausone, La Moselle, édition, introduction et commentaire de Ch. M. Ternes, PUF, 1972. 198 Cette omission n’est pas sans exemple dans la poésie latine, par exemple chez Properce (II, 24, 23). 199 Un affrontement poétique entre Corydon et Tyrsis. 200 Le thème de la compétition entre des Amores contemplée par un dieu se trouvait déjà dans une épigramme d’Anytos (Anth Pal., VI, 312). Il s’agissait d’une course de char.
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des Amours, située dans un paysage cher à la littérature latine classique : le golfe de Baïes 201. Ce passage emprunte beaucoup à une épigramme de Martial (IV, 44) 202 et plus encore à la Silve III, 1 de Stace où le poète décrit les jeux d’Hercule Sorrentin contemplés d’en haut par le mont Gaurus couvert de vignes et la Vénus du Lucrin 203. Mais c’est surtout des œuvres de Virgile, et en particulier de l’Énéide, qu’on peut rapprocher ces trente vers 204. Il ne faut pas manquer notamment de rappeler la régate des jeux funèbres d’Anchise au livre V (v. 114-243). Comme la joute mosellane, c’est une compétition nautique disputée par des jeunes gens. On y trouve surtout la même mise en rapport, quoique plus implicite, avec la bataille d’Actium et les jeux qui la commémoraient 205. Les réminiscences iconographiques, également, ne sont pas rares dans l’œuvre d’Ausone 206. Dans la description de la joute, les vers 208-211 rappellent au lecteur de nombreuses œuvres plastiques romaines figurant les évolutions de putti sur des barques 207. Nous ne connaissons, il est vrai, aucune représentation explicite d’une naumachie d’Amorini, mais nombreuses sont les peintures, mosaïques ou sculptures où ils disputent d’autres épreuves sportives, parfois en présence d’un dieu 208. Par ailleurs, la fête nautique dont les protagonistes sont des jeunes gens était un motif iconographique connu de l’art romain, quoique beaucoup moins fréquent. On peut par exemple citer les peintures dites «del Porto Fluviale», près de Rome 209. Datant du IIe siècle, elles montrent des figures juvéniles
201 L’expression Cumanum aequor désigne en effet le golfe de Baïes. On la rencontre aussi chez Tite-Live, XLI, 16, 3. 202 Même évocation du Vésuve et de ses vignobles, séjour favori de Bacchus et de Vénus. 203 Venus Lucrina avait en effet un temple entre Pouzzoles et Baïes. 204 Par exemple, l’expression Auerna sonantia, au vers 216, vient de l’Enéide (III, 442), où elle occupe la même place dans le vers. Voir aussi B., 7, 17. 205 Ces jeux étaient les Ludi Actiaci de Rome et les Actia de Nicopolis. Il est possible que ces derniers aient également comporté des régates. 206 En particulier, nous savons par les quelques lignes qu’Ausone adresse à un certain Gregorius, en introduction à son Cupido cruciatus, que cette églogue lui fut inspirée par une peinture ornant une villa trévire. 207 Voir en particulier R. Stuveras, Le putto dans l’art romain, Bruxelles, Latomus, 1969, p. 105 et 162-163; pl. XLV, 103 et pl. XLIX, 11. On peut citer en particulier une peinture du IIe siècle qui ornait une demeure du Caelius, où des Amores encadrent sur deux esquifs un îlot où se tiennent précisément Vénus et Bacchus, les deux divinités auxquelles ils étaient traditionnellement associés. (R. Stuveras, op. cit., pl. XLVI, 105). 208 Amours auriges ou lutteurs. cf. R. Stuveras, op. cit., p. 57 et p. 99-100. 209 Fig. 2. cf. G. Iacopi, Scavi e scoperte presso il porto fluviale di S. Paolo, in BCAR, LVIII, 1940, p. 287-294; Scavi in prossimità del porto fluviale di S. Paolo, località Pietra Papa, in MAL, XXXIX, 1943, p. 1-166.
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dans la nudité athlétique, sur six petits bateaux très richement décorés de couleurs vives, tels les picti phaseli d’Ausone. Ce va-et-vient, constant dans toute l’œuvre, entre les réminiscences littéraires ou iconographiques et la réalité mosellane n’était pas simplement destiné à manifester l’érudition et la virtuosité de l’auteur mais s’explique aussi par une volonté de souligner «la romanité fondamentale» de la Moselle, selon les mots de René Martin 210. Ausone ne pouvait mieux faire l’éloge de la région de Trèves, aux frontières du monde barbare, qu’en la présentant comme une Italie septentrionale. Elle est donc décrite comme un exemple idéal de réussite provinciale du modèle romain. Aux vers 421-426, Ausone souligne ce que cette réussite doit à l’action de Valentinien et prédit encore de nouveaux succès qui feront du Rhin, pour les Barbares, une barrière infranchissable. C’est pourquoi, selon Ch. M. Ternes 211, on trouverait dans la Moselle l’expression poétique d’un ambitieux programme de conquête sur la rive droite du Rhin, reprenant l’un des grands projets du règne d’Auguste. Il est certain en tout cas que Valentinien fut un énergique défenseur de la romanité et de son territoire sur tout ce limes germanique dont le pays trévire était si proche, se montrant ainsi le digne successeur d’Auguste, éternel modèle des vertus impériales. Or, la volonté d’Ausone de célébrer en Valentinien un nouvel Auguste apparaît elle aussi tout particulièrement dans notre passage. En effet, la joute fictive des Amours est présentée comme une commémoration de la bataille d’Actium, la grande victoire d’Auguste, voulue par Vénus, protectrice des Iulii. Aux vers 215-219, nous l’avons vu, il est question de l’autre grande victoire navale d’Auguste, celle de Myles, peut-être effectivement commémorée par un spectacle naval 212. Enfin, après César, Auguste avait été le premier à donner à Rome une grande naumachie. À travers ces allusions aux victoires et aux spectacles d’Auguste, Ausone, chantre de Valentinien comme Virgile fut celui de son grand prédécesseur 213, pouvait donc établir un parallèle entre les deux empereurs.
210 R. Martin, La Moselle est-elle un poème politique?, in REL., LXIII, 1985, p. 237-253. 211 Ch. M. Ternes, La Moselle, introduction, p. 9-18; Paysage réel et coulisse idyllique dans la Mosella d’Ausone, in REL, XLVIII, 1970, p. 376-397; La notion de uerus limes dans la Mosella d’Ausone : la ciuitas des Trévires comme exemple d’une réussite provinciale, in La patrie gauloise d’Agrippa au VIe siècle [Actes du colloque (Lyon 1981)], Lyon, L’Hermes, 1983 (Publications du Centre d’études romaines et gallo-romaines, III), p. 355-372. 212 Voir 1ère partie, p. 58-59. 213 Ch. M. Ternes, Paysage réel... cité, p. 393 n. 7 : «Il faut croire qu’Ausone a consciemment choisi de puiser aussi visiblement chez Virgile qui avait tant contribué à insérer l’idéologie d’Octavien dans le contexte historique, religieux et politique de la Rome d’alors».
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Le poète a donc choisi de décrire cette joute nautique parce qu’elle représentait un point de départ favorable à des parallèles entre le pays trévire et l’Italie, entre l’époque de Valentinien et celle d’Auguste. De ce fait, on peut se demander si cette romanité prêtée par le poète au spectacle ne serait pas pure invention. L’apparition du mot naumachia, l’évocation de deux naumachies de cadre italien, dont l’une est d’ailleurs explicitement fictive, relèveraient alors d’un procédé analogue à celui qui aux vers 298-320, fait déboucher une évocation des villas mosellanes sur l’énumération de plusieurs architectes d’époque hellénistique. Plusieurs arguments, plusieurs témoignages peuvent toutefois être avancés à l’encontre d’une telle conclusion. Tout d’abord, faire de la joute mosellane une tradition purement locale, sans lien précis avec le modèle romain, équivaudrait à en faire un divertissement populaire, spontanément apparu dans cette région où la circulation fluviale avait une telle importance. Le mot lembus, qui désigne souvent une barque de pêche 214, pourrait nous y inciter. En outre, dans son édition de la Moselle de 1619, Marquart Freher 215 affirmait avoir vu, précisément entre Trittenheim et Neumagen, des joutes disputées par des pêcheurs. Il n’existe toutefois aucun autre témoignage qui permettrait de relier plus solidement entre eux des jeux séparés par plus de douze siècles. Surtout, nous ne connaissons, pour l’époque romaine, aucun exemple de tels divertissements pratiqués par des hommes du peuple. Les sources conservées sur les compétitions sportives organisées à cette époque dans les régions septentrionales de l’empire nous orientent dans une tout autre direction. En particulier, il existe pour une époque assez proche de celle d’Ausone, un autre témoignage sur des jeux nautiques d’inspiration romaine en Gaule. Il s’agit d’un passage d’une lettre de Sidoine Apollinaire (II, 2, 19) consacrée à la description de sa villa au bord du lac d’Aydat : In medio profundi breuis insula, ubi supra molares naturaliter aggeratos per impactorum puncta remorum naualibus trita gyris meta protuberat, ad quam se iucunda ludentum naufragia collidunt. Nam moris istic fuit senioribus nostris agonem Drepanitanum Troianae superstitionis imitari.
214 F. de Izarra, Hommes et fleuves en Gaule romaine, Paris, Éditions Errance, 1993, p. 111. 215 Marquard Freher, D. Magni Ausonii Burdigalensis Mosella cum commentario, Typis Gotthardi Voegelini, 1619. Voir H. de La Ville de Mirmont, La Moselle d’Ausone, Bordeaux, G. Gounouilhou, 1889, p. 75 (commentaire au v. 200).
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(Au milieu de la partie profonde [du lac] se trouve une petite île. Là, sur des blocs amoncelés naturellement, se dresse une borne usée par les coups de rames qui la frappent, quand des bateaux virent autour d’elle et que les compétiteurs viennent se briser contre elle en de joyeux naufrages. Car c’était pour nos aînés une tradition que d’imiter en ce lieu les courses de Drépane issues des croyances religieuses des Troyens 216).
La compétition nautique est donc présentée comme relevant d‘une tradition locale, dont l’ancienneté est attestée par l’usure du rocher servant de borne. Dans la mesure où il s’agit d’une régate, spectacle d’origine grecque, elle ne relève pas directement de notre étude. Mais nous retrouvons ici les références virgiliennes du poème d’Ausone. On pourrait être tenté ici encore de faire de Sidoine le seul responsable de cette explication étiologique qu’il aurait plaquée sur une réalité locale. Toutefois le texte permet également de privilégier une autre éventualité : l’association effective d’une tradition gauloise et de l’influence romaine. En effet «nos aînés» (seniores nostri) paraît désigner les générations précédentes de la classe à laquelle appartenait Sidoine, l’aristocratie locale. Les propriétaires riverains du lac, constituant une élite cultivée, eurent sans doute l’idée d’organiser entre eux une régate sur le modèle virgilien. Il est possible également qu’ils aient justifié ainsi l’existence de ce jeu dont les origines s’étaient perdues. Or à l’époque où fut écrit le poème d’Ausone, Trèves était capitale impériale. Malgré les ravages causés par les invasions de 276 et 352, la cité et ses environs immédiats constituaient encore un haut lieu de la romanité, aux frontières du pays barbare, comme le chante le poète. Les luxueuses villas qu’on y a mises au jour et leurs œuvres d’art témoignent de la persistance à cette époque des formes culturelles héritées de la romanité païenne 217 auprès d’une élite cultivée liée à la cour. Ce milieu aristocratique a pu organiser la joute nautique en s’inspirant explicitement de modèles remontant à l’époque classique, comme les riverains du lac d’Aydat. En outre, l’Occident romain possédait des associations de jeunesse, aux principes différents de ceux de l’éphébie, mais qui pouvaient elles aussi comporter des exercices en commun, des parades, voire des spectacles. Le long des frontières rhénanes et danubiennes, elles étaient assez nombreuses et conservaient en outre un certain
Texte établi par A. Loyen, Paris, Les Belles Lettres, 1970. A. Marcone, Ausonio e le città della Mosella, in Die Stadt in Oberitalien und den nordwestlichen des römischen Reiches [Deutsch-Italienisches Kolloquium im italienischen Kulturinstitut, Köln, 18-20 Mai 1989], Mainz am Rhein, von Zabern, 1991, (p. 201-216), p. 209-211. 216 217
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rôle militaire 218. Des sources épigraphiques témoignent de la présence d’une telle association à Trèves et à Beda Vicus, tout près de Neumagen 219. Cette joute pourrait donc également représenter une démonstration publique de l’une de ces juventutes locales, liée à son rôle de patrouille et aux exercices d’entraînement qu’elle pratiquait sur le fleuve. Dans l’un et l’autre cas, la joute mosellane se trouvait étroitement associée à la diffusion et à la persistance du modèle romain dans cette région. Plus précisément, on peut parler d’appropriation, par la romanité, d’une tradition ou du moins de techniques locales. Il faut également faire observer certaines similitudes entre cette joute nautique et les compétitions éphébiques d’Athènes, déjà évoquées. Les magistri dont parle Ausone, tout d’abord, semblent jouer un rôle un peu analogue aux systremmata¥rxai de l’éphébie, du moins lorsque ces derniers dirigeaient eux-mêmes leur équipe. Il semble que dans les deux cas, l’épreuve se disputait sur de petits canots dirigés à la pagaie. Ce mode de propulsion devait mieux convenir à une épreuve où les chocs entre les embarcations nécessitaient l’exécution de mouvements de contrepoids, ou de rapides manœuvres d’esquive. Il serait certes dangereux de pousser très loin le parallèle entre les naumachies de l’éphébie attique, ancienne institution du monde grec, où existait déjà une tradition de compétitions navales, et une joute mosellane du IVe siècle. Il serait plus hasardeux encore de chercher à établir des liens de filiation des premières à la seconde, d’autant plus que l’usage de la pagaie correspond mieux aux traditions nautiques de la Moselle qu’à celles de la Méditerranée. Tout au plus peut-on tenter d’identifier les modèles communs qui les ont inspirées. Or, nous possédons un témoignage nettement antérieur à la première inscription éphébique concernée, qui décrit lui aussi une joute sur des canots disputée entre deux équipes. Il s’agit d’un passage déjà cité d’Horace (Ep. I, 18, 61-64), évoquant les jeux du jeune Lollius et de son frère sur la pièce d’eau de leur propriété. Cette joute privée, disputée par les jeunes gens à la tête de deux équipes d’esclaves, prétendait imiter la bataille d’Actium et s’inspirait aussi,
218 P. Ginestet, Les organisations de la jeunesse dans l’Occident romain, Bruxelles, Latomus, 1991, p. 15 et p. 164-165. 219 P. Ginestet, op. cit., appendice épigraphique, no 206-207 et p. 117-118. D’après l’auteur, cette association locale dépend sans doute de celle de Trèves, selon un principe qu’on rencontre ailleurs sur la frontière germanique et qui était adapté à ces vastes territoires aux cités peu nombreuses. C’est précisément aussi près de Beda Vicus que l’un des reliefs présentant un navire mosellan manœuvré à la pagaie a été retrouvé (voir E. Espérandieu, Bas-reliefs, statues et bustes de la Gaule romaine, Paris, Imprimerie nationale, 1907, p. 407-408, no 5225).
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sans doute, du souvenir de la naumachie de César. Nous avons vu également que, d’après Ausone, ce modèle avait peut-être quitté la sphère privée pour inspirer une joute nautique en Campanie commémorant la victoire de Myles. Il n’est donc pas impossible que les joutes mosellanes, comme les naumachies éphébiques, soient les unes et les autres issues de l’influence exercée par quelques compétitions nautiques apparues en Italie même, dans le sillage immédiat des premiers grands spectacles de la métropole. Quoi qu’il en soit, pour manifester leur filiation avec ces derniers, ces diverses joutes prirent le nom de naumachia. On connaît au moins, grâce aux monnaies de Gadara, un exemple de naumachie provinciale commémorant une victoire romaine. Si l’existence réelle de la naumachie de Cumes reste invérifiable, le divertissement organisé par Lollius montre qu’une joute nautique pouvait également prendre pour référence un véritable combat sur mer. On sait aussi que, dans le monde grécoromain, la régate, spectacle proche de la joute nautique inoffensive, fit parfois partie de jeux réguliers destinés à commémorer une victoire navale 220. Dès lors, les liens suggérés par Ausone entre les batailles navales d’Auguste et la joute mosellane ellemême doivent être reconsidérés. Pourquoi la joute nautique entre les Amours imaginée par le poète ne serait-elle pas, en même temps qu’un motif d’inspiration livresque et iconographique, une allusion à la bataille effectivement commémorée par la «naumachie» mosellane, dès sa création, ou grâce à une justification postérieure? Les Trévires n’auraient pu mieux démontrer leur adhésion à l’empire et à son régime que par ce spectacle qui en célébrait le fondateur. La description par Ausone de cette joute qu’il avait sans doute observée sur la Moselle s’explique donc bien par son désir de souligner la romanité du pays trévire et de faire du règne de Valentinien un retour à l’âge d’or du siècle d’Auguste. Mais il est probable que les liens du spectacle avec le modèle de la capitale et la célébration du régime impérial étaient présents aussi dans l’esprit des participants de la joute et de son public, à l’époque du poète, voire même à celle, inconnue, de son apparition.
220 Pour Athènes, on peut citer les courses de navires déjà évoquées qui avaient lieu lors des Munichies et des Aianteia pour commémorer la bataille de Salamine (Voir C. Pélékidis, op. cit, p. 247-248). Pour l’époque romaine, naturellement, l’exemple le plus célèbre est celui des jeux actiens de Nicopolis (J. Gagé, Actiaca... cité, p. 51 et 92-98).
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
Diffusion et signification des hydromimes dans les provinces au BasEmpire En dehors de leur apparition précoce à Antioche, les hydromimes semblent s’être peu diffusés hors d’Italie, avant une véritable explosion de leur succès, à partir du IIIe siècle, mais surtout au IVe et Ve siècle. Quelles sont les raisons d’un tel phénomène, à une date si tardive? Il faut en outre faire observer que les témoignages conservés sur cette diffusion des hydromimes, en dehors de quelques rares attestations africaines, se répartissent essentiellement entre l’Italie et quelques régions orientales de l’empire. Pourquoi ces régions seules sont-elles concernées? Le rayonnement de quelques métropoles des spectacles Dans la mesure où on admet l’origine campanienne et romaine des hydromimes, l’influence de la capitale fut probablement déterminante pour leur diffusion dans le reste de l’empire. Nous ignorons l’époque où une kolymbèthra théâtrale fut réalisée dans l’un des théâtres de Rome et à Milan. Mais il est probable que ces installations ont précédé la plupart de celles qu’on a retrouvées ailleurs en Italie. Il paraîtrait logique que des cités plus modestes, comme Spolète ou Venafrum, se soient dotées d’un théâtre adapté à la mise en eau sur le modèle des grandes villes de la péninsule. De même, c’est sans doute à partir de l’Italie elle-même que le succès des spectacles aquatiques gagna l’Afrique du Nord. Leur diffusion fut probablement plus large que ne le laissent supposer la rareté des témoignages écrits et l’absence de vestiges archéologiques conservés. On peut observer en effet que de nombreux documents iconographiques traitant la légende de Léandre et Héro ont été retrouvés en Afrique 221. De même, cinq des sept allusions à la légende qu’on connaît dans les œuvres latines du Bas-Empire émanent d’auteurs africains 222. Si on rappelle en outre qu’Apulée était africain, lui qui nous a laissé un témoignage sur un spectacle particulièrement proche des hydromimes, mais aussi une description développée du cortège de Vénus 223, on peut se demander si ces divers éléments ne sont pas des indices concordants sur un goût particulier pour les hy221 Outre les mosaïques de Djemila et de Henchir Thina, on relève en effet un petit relief découvert en Tunisie et daté du IIIe siècle ap. J.-C. (P. Gauckler, Héro et Léandre, bas-relief romain découvert aux environs de Zaghouan (Tunisie), in MSAF, LXIII, 1902, p. 179-187. 222 Fulgence (Myth., III, 4, p. 63 éd. Helm); Vespa (Anthol. lat., 199, v. 89, p. 143 éd. Riese); pseudo Luxorius (Anthol. lat., 48, p. 87 éd. Riese). 223 Mét., IV, 28, 4.
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dromimes dans cette région. De Rome, ils ont en tous les cas gagné Carthage. Par ailleurs, R. Thouvenot a souligné l’existence dans cette région de l’empire, entre le IIIe et le Ve siècle ap. J.-C., d’un véritable engouement dans la mosaïque pour les représentations de Vénus marine 224. Plus de la moitié des pavements retrouvés sur ce thème proviennent d’Afrique 225. Or, le culte de Vénus y resta relativement peu important : la grande divinité était la Juno Caelestis de Carthage. De la même manière, la figure d’Océan connut un grand succès en Afrique du Nord 226. L’essor des hydromimes y fut donc certainement favorisé par un goût plus général pour les décors maritimes. D’après une chronologie approximative des théâtres adaptés à la mise en eau, ces derniers semblent s’être répandus d’Ouest en Est. L’origine occidentale des hydromimes s’en trouve confirmée. Toutefois, le caractère très précoce de l’installation retrouvée à Daphné incite à attribuer à la ville d’Antioche un rôle de relais dans la diffusion des installations hydrauliques des théâtres dans les régions orientales de l’empire. La validité de cette hypothèse n’est pas remise en cause par la mise hors service du conduit de mise en eau, effectuée, selon D. N. Wilber 227, vers la fin du IIIe siècle. En effet, le témoignage de Jean Chrysostome notamment (T. 59), montre que les hydromimes étaient plus que jamais appréciés à Antioche au IVe et au Ve siècle. En outre, la mosaïque de Yakto, datée du Ve siècle, présente parmi les monuments de Daphné une structure semi-circulaire munie de gradins entourant un bassin qui peut sans doute être rapprochée, nous l’avons vu 228, d’un passage de Malalas signalant parmi les réalisations édilitaires d’Hadrien à Daphné un ue¥atron tw ˜ n phgw˜n Da¥fnhv et un ueatrı¥dion. Au Ve siècle encore, cet édifice et ses spectacles avaient assez d’importance à Daphné pour figurer parmi les motifs d’une mosaïque consacrée aux scènes les plus caractéristiques de la vie d’Antioche et de son faubourg. Par conséquent, la suppression de la kolymbèthra, au IIIe siècle, dans le théâtre mis au jour à Daphné
224 La mosaïque du Navigium Veneris à Volubilis, in RA, 1977, p. 37-52, p. 41. G. Ch. Picard dans la discussion qui suit un article de J. Lassus (Vénus marine, in Actes du colloque international sur la mosaïque gréco-romaine, Paris, CNRS éditions, 1963-1965, p. 175-191, p. 189) fait la même observation. R. Thouvenot (op. cit., p. 48) dresse également une liste de ces mosaïques africaines. 225 M. Lawrence, The birth of Venus in Roman Art... cité, p. 10. 226 M. L. Foucher, Sur l’iconographie du dieu Océan, in Caesarodunum, X, 1975, (p. 48-52) p. 52. 227 Voir le corpus archéologique annexe. 228 Voir 1ère partie, p. 120-122.
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
s’explique par la présence, dans ce même quartier, d’un édifice exclusivement destiné à de tels spectacles. Dès lors, on peut aisément imaginer que de cette métropole du théâtre, qui possédait au moins une, et peut-être plusieurs structures destinées aux mises en scène aquatiques, la vogue de ces spectacles ait fini par se répandre de proche en proche dans plusieurs provinces orientales de l’empire. En revanche, nous l’avons vu, en dehors de l’Italie elle-même et de l’Afrique du Nord, les autres régions occidentales de l’empire ne furent apparemment pas touchées par la vogue tardive de ces spectacles. Des raisons climatiques et politique suffisent à l’expliquer pour les provinces les plus septentrionales comme le Nord de la Gaule, la Germanie et la Bretagne par exemple. Mais l’absence totale, à ce jour, de théâtre à kolymbèthra attesté en Espagne par exemple, semble plus difficilement explicable. De plus, il reste à tenter d’expliquer pourquoi, dans les provinces orientales elles-mêmes, plusieurs siècles séparent l’apparition des hydromimes à Antioche d’une certaines diffusion dans les régions voisines des théâtres adaptés à la mise en eau. Les hydromimes en Orient et le Maioumas Pour tenter d’expliquer ce phénomène, F. Cumont notamment, dans les Fouilles de Doura-Europos 229, avait mis l’expansion des spectacles aquatiques au Bas-Empire en rapport avec celle d’une fête d’origine syrienne 230, appelée Maiumas, Maı¨oyma˜v en grec. Quelquesuns des documents concernant cette célébration sont en effet de nature à soutenir une telle hypothèse. Il s’agit, tout d’abord, d’un texte de Malalas (XII, 373), évoquant la participation financière de Commode au Maioumas d’Antioche : Wmoı¥wv deù kaıù eıßv lo¥gon skhnikh˜v eΩorth˜v nykterinh˜v eßpiteloyme¥nhv kataù e¶th g, tw˜n legome¥nwn Orgı¥wn, o™per eßstıù mysthrı¥wn Diony¥soy kaıù Afrodı¥thv, toy˜t eßstıù toy˜ legome¥noy Maı¨oyma˜ diaù toù eßn t√ Maı≤w ∞ t√ kaıù Artemisı¥w ∞ mhnıù eßpiteleı˜suai thùn ayßthùn eΩorth¥n, aßfw ¥ rise faneraùn xrysı¥oy poso¥thta lo¥gw ∞ lampa¥dwn kaıù kandh¥lwn kaıù tw˜n a¶llwn tw˜n proxwroy¥ntwn eßpıù thùn panh¥gyrin tw ˜ n l hΩmerw ˜ n terpnw ˜ n pannyxı¥dwn. (De même, pour la célébration de la fête nocturne consistant en représentations scéniques, qui a lieu tous les trois ans, et qu’on appelle les Orgies, c’est-à-dire les mystères de Dionysos et d’Aphrodite, ou aus-
229 F. Cumont, Fouilles de Dura Europos (1922-1923), Paris, P. Geuthner, 1926, p. 189. 230 L. Robert, Opera minora selecta. Épigraphie et antiquités grecques, II, Amsterdam, A. M. Hakkert, 1969, p. 948-949.
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LA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DES SPECTACLES AQUATIQUES
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si Maioumas, parce que sa célébration se situe au mois de Mai et d’Artemision, il assigna une importante quantité d’or pour les lampes et les chandelles et les autres dépenses convenant à ces 30 jours de joyeuses fêtes nocturnes).
Le Maioumas consistait donc essentiellement en représentations scéniques, bien qu’on sache aussi par l’empereur Julien (Misopogon, 362 D) que les festins y occupaient également une place importante. On peut également citer deux textes du Code Théodosien. Le premier, un édit d’Arcadius et Honorius de 396, restaurait partiellement l’autorisation du Maioumas, sous réserve qu’en seraient absents ses aspects les plus licencieux : Clementiae Nostrae placuit ut maiumae prouincialibus laetitia redderetur, ita tamen ut seruetur honestas et uerecundia castis moribus perseueret 231. (Il a paru bon à Notre Clémence de rendre aux provinciaux la réjouissance du Maioumas, de manière cependant à ce que la vertu et la pudeur soient maintenues et que les mœurs restent chastes).
Le second l’interdisait à nouveau : Ludicras artes concedimus agitari ne ex nimia harum restrictione tristitia generetur; Illud uero, quod sibi nomen procax licentia uindicauit, maiumam, foedum atque indecorum spectaculum, denegamus 232. (Nous permettons que s’exercent les arts du spectacles, afin que leur excessive restriction n’engendre pas la tristesse; mais le Maioumas, nom que revendique une licence impudente, spectacle honteux et inconvenant, nous l’interdisons)
Les spectacles scéniques du Maioumas pouvaient donc être jugés comme des offenses à la morale. Pour cette raison, J. Godefroy, dans son commentaire au Code Théodosien 233, fut le premier à émettre l’hypothèse d’un lien entre le Maioumas et les spectacles aquatiques vilipendés par Jean Chrysostome. Cette hypothèse pouvait paraître confortée par la découverte, à peu près contemporaine, de la véritable étymologie du nom de la fête, que Malalas rattachait à celui du mois de Mai. En réalité, ainsi que l’a démontré F. Jacoby 234, il dérive d’un mot sémitique : mai qui signifie «eau», ou maiuma qui veut dire aussi «port». En outre, pluCod. Theod. XV, 6, 1. Cod. Theod. XV, 6, 2. 233 Codex Theodosianus cum perpetuis commentariis, Leipzig, M. G. Weidemann, 1736-1743. 234 K. Preisendanz et F. Jacoby, in R.E., XXVII, 1928, 610-613, s.v. Maiumas. 231
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sieurs inscriptions semblent établir un lien entre le Maioumas et des installations hydrauliques, notamment des piscines. La première, rappelant une célébration du Maioumas 235, fut découverte à Gerasa sur le pilier d’un portail situé entre le petit théâtre extérieur à la ville et un vaste bassin auquel la langue du pays donne le nom de Birketein. En 1980 fut trouvée une seconde inscription, sur la porte monumentale fermant la colonnade Nord-Ouest du Portique de Tibère, construit sur l’agora Sud d’Aphrodisias. Elle est dédiée à un certain Dulcitius, loué pour ses travaux de restauration sur le monument, et qualifié de «Maioumarque», ce qui signifie sans doute qu’il avait organisé, ou du moins financé cette fête. Ce titre de «Maioumarque», peu courant, a été volontairement rajouté à l’épigramme, au mépris du respect de la métrique, avant son inscription dans la pierre. Il est donc possible que ce titre ait eu une importance particulière dans le contexte de cette réfection. Or, une inscription découverte au même endroit et contemporaine de la première nous apprend qu’à cette époque la Porte fut transformée en fontaine monumentale, de manière à embellir un bois de palmier préexistant dans cette zone Est de l’agora 236. On retrouve donc le lien déjà souligné du Maioumas avec l’eau. En dehors de ces deux monuments publics, il faut encore citer une inscription de Tyr, peinte sur le mur d’une petite pièce située à l’arrivée d’une canalisation d’eau 237 : oıΩ maioymı¥zontev eßn t√ to¥pw ∞ toy¥tw ∞ kala¥v hΩme¥rav e¶xoysin. Ceux qui célèbrent le Maioumas passent ici de beaux jours.
Enfin, selon Jean le Lydien, un compilateur du VIe siècle (De mens., 8) 238, la fête du Maioumas était célébrée à Ostie au VIe siècle, et à cette occasion les citoyens s’immergeaient dans la mer en s’aspergeant mutuellement 239. Comme le fait observer Ch. Roueché, RÀ 1903, II, p. 457 no 331. Ch. Roueché, with contributions of J. M. Reynolds, Aphrodisias in Late Antiquity. The late Roman and Byzantine inscriptions including texts from the excavations at Aphrodisias conducted by K. T. Erim, London, 1989 (Journal of Roman Studies monographs, 5), p. 67-73, et inscr. 38 et 39. 237 J. P. Rey-Coquais, Inscriptions grecques et latines découvertes dans les fouilles de Tyr (1963-1974) I, Inscriptions de la nécropole, in BMB, 29, 1977, p. 8688, no 151. 238 De Mens., p. 132 éd. Wünsch (d’où Suidas, s.v. Maioyma˜v). 239 Ce texte étant notre unique source sur le Maioumas d’Ostie, nous ignorons l’époque précise où cette fête y fut introduite. En outre, le témoignage de Jean le Lydien a parfois été récusé, compte tenu de son unicité, mais aussi du caractère anodin de la fête qu’il mentionne en regard des débordements auxquels le Maioumas donnait lieu selon le Code Théodosien. Toutefois, il faut rappeler la vaste diffusion des cultes orientaux à Ostie, comme à Rome d’ailleurs, à partir du second et surtout du IIIe siècle. Si cette fête avait été adoptée à Rome, compte tenu de ses liens avec la mer et la navigation, il paraît logique qu’elle ait été célé235
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LA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DES SPECTACLES AQUATIQUES
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cette pratique doit être mise en rapport avec l’origine religieuse probable de cette fête 240, devenue avec le temps essentiellement profane 241. Elle constitue surtout un témoignage supplémentaire des liens du Maioumas avec tous les plaisirs de l’eau. On peut également rappeler qu’Ostie, seule ville d’Italie où une célébration du Maioumas soit attestée, possédait aussi un théâtre adapté aux spectacles aquatiques. D’après Malalas, le Maioumas était déjà célébré à Antioche à l’époque de Commode. Mais ainsi que le fait observer L. Robert 242, il est fort possible que Malalas ait donné à la fête à laquelle contribua Commode le nom de Maioumas parce qu’elle possédait un contenu voisin. Malalas en effet assimile à plusieurs reprises les fêtes célébrées dans l’Antioche du Haut-Empire à celles que connaissait la ville à son époque, ou à l’époque de sa source. Cependant, une inscription de Nicée du IIIe siècle ap. J.-C. 243, atteste déjà l’existence du Maioumas hors de Syrie. Les autres sources sur cette fête, elles, relèvent essentiellement des IVe et Ve siècles. Les témoignages sur ces réjouissances sont donc bien contemporains des documents attestant la diffusion des hydromimes dans l’Orient romain en dehors d’Antioche. Dès lors, on peut envisager que le succès grandissant du Maioumas au Bas-Empire, en Syrie, puis dans les régions voisines, y ait commandé celui des hydromimes, étroitement associés à cette fête liée à tous les plaisirs de l’eau. G. Traversari 244, quant à lui, refuse tout lien entre le Maioumas et ce qu’il appelle les «thétimimes». Pour cela il s’appuie sur le texte de Malalas, évoquant les lampes nécessaires au Maioumas, ce qui implique le caractère nocturne des réjouissances prévues. En revanche, comme il le rappelle, Jean Chrysostome, en soulignant l’im-
brée à Ostie, port de Rome, où se pratiquaient déjà d’autres cérémonies officielles destinées à assurer aux navires d’heureuses traversées, par exemple les ludi Castorum en l’honneur des Dioscures, et très probablement le nauigium Isidis (R. Maiggs, Roman Ostia, Oxford, Clarendon Press, 1960, p. 343-345, p. 370 et 382). Comme beaucoup d’autres fêtes orientales, le Maioumas aurait alors modéré ses manifestations orgiaques pour s’adapter au mos maiorum romain. 240 Si on doit en croire Malalas, le Maioumas était en rapport avec les cultes de Vénus et de Dionysos. 241 Julien (Misopogon, 362D) blâme en effet les habitants d’Antioche de dépenser davantage pour les festins du Maioumas que pour les sacrifices en l’honneur d’Apollon. Ainsi que le fait observer Ch. Roueché (Aphrodisias in Late Antiquity, p. 72), le terme de spectaculum employé par le Code Théodosien suggère également qu’il ne s’agissait pas, ou plus, d’une fête religieuse, mais d’un simple divertissement. 242 L. Robert, op. cit., p. 949-950. 243 L. Robert, Epigraphica, in REG 49, 1936, (p. 2-16) p. 9-14 = OMS 947-52. 244 Op. cit., p. 48-49.
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
patience qui saisit la nuit les futurs spectateurs, dans l’attente des spectacles aquatiques, atteste leur présentation diurne. Cet argument toutefois, n’est guère recevable. En effet, il est parfaitement possible que certains hydromimes aient été présentés de nuit, par exemple ceux qui évoquaient la traversée de l’Hellespont par Léandre. Les Pannychies n’étaient probablement que l’un des aspects de la fête, qui selon Malalas lui-même durait 30 jours. G. Traversari fait également observer, à juste titre cette fois, que rien dans le texte de Jean Chrysostome ne vient suggérer que les spectacles dont il est question soit en rapport avec la fête du Maioumas. Dans la mesure où celle-ci, à l’époque du prédicateur, revêtait une si grande importance, et où l’immoralité de certaines de ses manifestations suscitait une législation spécifique, ne doit-on pas penser que si ce lien existait, Jean Chrysostome l’eût signalé? Ch. Roueché 245 reprend cette argumentation. Elle observe également qu’aucun des textes évoquant le Maioumas ne fait explicitement référence à des spectacles aquatiques. Sur le plan archéologique, elle ajoute que le petit «théâtre de la Birketein» à Gerasa n’était pas organiquement connecté à la piscine et n’offrait pas de vue sur elle. L’inscription évoquant le Maioumas, découverte entre les deux structures, pourrait se rattacher à l’une aussi bien qu’à l’autre. Quant à celle d’Aphrodisias, à la louange d’un «Maioumarque», rien ne permet d’en déduire la présentation de spectacles aquatiques. En effet, le bassin du nymphée réalisé par Ampellius Dulcitius n’était pas placé de manière à permettre à un public d’y suivre d’éventuelles évolutions 246. Il n’est question dans l’inscription que du décor qu’on pouvait contempler autour du bassin lui-même. Quant à la vaste piscine découverte peu après à l’intérieur même du Portique de Tibère 247, il est possible qu’il s’agisse simplement d’une installation qui aurait fait du Portique une palestre ou un xyste, selon l’hypothèse de K. T. Erim. La proposition de Ch. Roueché, selon laquelle les liens entre le Maioumas et certaines installations hydrauliques s’expliqueraient par le rite d’immersion attesté à Ostie ne se trouve donc pas infirmée par cette dernière découverte. Enfin, en dehors de la partie orientale de l’empire, le Maioumas n’est signalé qu’à Ostie. Encore ne peut-on être certain que Jean le Lydien, comme Malalas, n’évoque pas ici une autre fête, aux manifestations voisines 248. On ne peut s’appuyer sur cette seule base Aphrodisias in Late Antiquity... cité, p. 213. Ch. Roueché, op. cit., p. 73. 247 C. Roueché et K. T. Erim, Recent work at Aphrodisias. Aphrodisias papers. Recent work on architecture and sculpture, Ann Arbor, 1990 (Journal or Roman Archaeology Supplementary, series 1), p. 18-19 et fig. 16-20. 248 L. Robert, Opera minora... cité, p. 950, n. 2. 245
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LA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DES SPECTACLES AQUATIQUES
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pour affirmer qu’il ait pu être célébré ailleurs en Italie, ainsi qu’en Grèce et en Afrique. Par conséquent, l’existence d’un lien organique étroit entre le développement du Maioumas et celui des hydromimes paraît fort improbable. Il convient donc de poursuivre la recherche des modalités et des causes de leur diffusion. Évolutions des spectacles romains et constance d’un certain imaginaire de l’eau Tout d’abord, on peut rapprocher les dates tardives relevées pour les attestations provinciales des hydromimes du développement général, aux IVe-Ve siècles, des ludi molles évoqués plus haut. Comme dans la capitale, les cités provinciales virent peut à peu ces derniers remplacer la gladiature. C’est pourquoi la conistra, qui dans certaines cités avait permis au théâtre de pallier l’absence d’amphithéâtre, fut parfois à cette époque à son tour remplacée par un bassin, comme par exemple à Corinthe et à Argos. Il faut également rappeler les caractéristiques générales qui pouvaient faire apprécier les hydromimes dans toutes les régions où leur implantation est attestée. On retrouve alors certains thèmes déjà abordés à propos des spectacles du Haut-Empire. Qu’il s’agisse de la traversée de Léandre ou de celle des amants passagers d’un navire sur la mosaïque de Djemila, la mer est toujours source de péripéties romanesques et dramatiques. Les divinités marines, notamment Vénus, si appréciées par les arts plastiques, continuent à servir de prétexte à des tableaux vivants. Mais si on en croit le texte de Jean Chrysostome, dont le témoignage critique nous est confirmé, dans un registre pourtant tout autre, par les vers de Nonnos, le caractère érotique de ces spectacles était probablement passé au premier plan, au détriment de toute intrigue romanesque ou mythologique. Par ailleurs, avec l’évocation par Claudien des évolutions mélodieuses des lembi du théâtre de Milan, avec les danseurs et les banqueteurs peuplant des barques sur les mosaïques de Djemila et de Henchir Thina, on devine au Bas-Empire l’existence de spectacles qui évoquaient le plaisir de vivre dans l’abondance. À travers la reproduction d’un topos iconographique 249 qui traverse les époques, et qu’on retrouve aussi bien dans les représentations de Pygmées banquetant des mosaïques nilotiques que parmi les sarcophages où des putti embarqués boivent et jouent de la musique, la symbolique de ces spectacles rejoignait celle des fêtes religieuses associées à l’eau, principe de fertilité et de vie 250. De la Tiberina descensio aux célébra249 250
Voir première partie, p. 123-124. Sur l’association entre l’eau, symbole de fertilité et source de bien-être et
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tions de la crue du Nil 251, ces manifestations de joie, cette participation à tous les plaisirs qui devaient aider le retour de l’abondance en eau et des produits de la terre, étaient souvent accompagnées de rites présentant une symbolique sexuelle, ou de spectacles licencieux, également associés au retour de la fertilité. Tel était le cas à Rome lors des mimes des Floralia, ou du bain rituel des courtisanes en l’honneur de Fortuna Virilis 252. Dans le domaine iconographique, le comportement obscène des Pygmées sur certaines mosaïques nilotiques est lui aussi généralement interprété comme un symbole de fertilité 253. Il en est de même, dans la littérature comme dans l’art, des évocations des jeux entre Nymphes et Satyres, ou des représentations du thiase marin qui firent également l’objet de spectacles aquatiques et qui associent deux symboliques de la fécondité, celle de l’élément liquide et celle de la tradition dionysiaque. Dès lors, on peut aisément envisager que les hydromimes dont Jean Chrysostome dénonce le caractère lascif, malgré leur absence de liens avec une fête religieuse précise, aient aussi participé d’une symbolique analogue, d’une manière plus ou moins diffuse, dans l’esprit des spectateurs. Ce n’est pas pour rien que les deux divinités rencontrées le plus souvent en suivant l’histoire des hydromimes sont Dionysos, protagoniste du premier mime dansé connu et garant de la tryphè des rois Lagides, et surtout Vénus. Mais ces deux divinités sont aussi celles à travers lesquelles était célébrés tous les plaisirs des sens, en accord avec une nature accueillante où les agréments et la fertilité apportés par les eaux représentaient un élément essentiel. En rapport avec cette symbolique de l’eau, de simples considérations climatiques peuvent rendre compte de la répartition géographique des théâtres à kolymbèthra. L’association de l’élément liquide tant au plaisir des sens qu’à une abondance bienheureuse de tous les biens terrestres s’était naturellement développée surtout dans les régions du monde romain qui connaissaient un climat chaud, voire
le festin dionysiaque, voir par exemple H. Lavagne, op. cit., p. 94-116. Sur l’abondance des scènes nilotiques ornant des triclinia : N. Neuerburg, L’architettura delle fontane e dei ninfei nell’Italia antica, Napoli, Macchiaroli, 1965, p. 88; H. Lavagne, op. cit., p. 117. 251 Les promenades sur l’eau accompagnées de musique et de gestes érotiques caractérisaient aussi les Bubastia (Hdt, II, 60), vieille fête égyptienne de la fertilité qui pendant la période ptolémaïque tombait précisément durant la crue du Nil. Ces réjouissances restaient donc un symbole de la tryphè, l’abondance festive. (D. Bonneau La crue du Nil, divinité égyptienne... cité, p. 417; A. B. Lloyd, Herodotus book II, Commentary I-III... cité, 1975, I, p. 272; F. Dunand, Le culte d’Isis dans le bassin oriental de la Méditerranée, I, Leiden, Brill, 1973; P. G. P. Meyboom, op. cit., p. 89 et n. 46). 252 Voir p. 291-292. 253 Voir p. 312.
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LA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DES SPECTACLES AQUATIQUES
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torride en été. Dans les régions plus septentrionales, comme la Gaule ou la Bretagne, les pratiques religieuses, notamment, révèlent une attention à d’autres vertus de l’eau, douce ou marine. La disparition des hydromimes Jean Chrysostome ne voulait voir dans les hydromimes qu’une scandaleuse exhibition, destinée à satisfaire un public de débauchés. Mais on sait qu’à cette époque, dans une Antioche pourtant déjà largement chrétienne, l’iconographie et les spectacles continuaient à emprunter aux thèmes et aux symboles du paganisme. Le prédicateur devait donc avoir fort à faire pour détourner les fidèles de goûts si bien ancrés dans l’imaginaire collectif. Il faut d’ailleurs observer que la diatribe contre les spectacles aquatiques ne représente qu’un élément parmi bien d’autres de la condamnation générale du mime, récurrente dans toute l’œuvre du prédicateur 254 et qu’on doit sans doute mettre en rapport avec l’importance particulière du théâtre dans la vie des habitants d’Antioche. Les spectacles aquatiques ne firent donc pas l’objet d’une condamnation particulière de la part des prédicateurs chrétiens. Diffusés tardivement dans le monde romain, à une époque où le christianisme y était devenu la religion dominante et celle des empereurs eux-mêmes, ils furent simplement englobés dans la réprobation générale de l’Église envers le théâtre. Comme les chasses nilotiques, les hydromimes ne disparurent de la partie occidentale de l’empire qu’à sa chute. L’impossibilité d’entretenir les structures nécessaires, générée par le chaos des invasions, y eut donc plus de part que l’action de l’Église, d’autant que les spectacles aquatiques se maintinrent quelque temps, à ce qu’il semble, dans l’empire byzantin 255. Conclusion Essentiellement romains dans leurs origines, les spectacles aquatiques durent leur apparition et leur essor dans la métropole, de la fin de la République aux débuts de l’époque antonine, au développement de la mystique impériale et au maniement de la symbolique des jeux développée par cette dernière. Ces liens spécifiques 254 O. Pasquato, Gli spettacoli in S. Giovanni Crisostomo, Roma (Orientalia cristiana analecta), 1976, p. 97-135 et 211-265. 255 Si l’on en croit notamment le témoignage des tissus coptes commentés par R. Berliner dans Tapestrie from Egypt influenced by theatrical performances (Papers of Textile Museum of Washington, déc. 1964, t. I, fasc. 3, p. 35-49) et la datation des installations de Néapolis (Voir première partie, p. 109-112 et deuxième partie, p. 271).
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ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES
expliquent notamment la disparition des grandes naumachies et de certaines uenationes aquatiques à une époque où le thème de la victoire navale ou celui de la conquête de nouveaux espaces maritimes furent écartés par de nouvelles préoccupations politico-stratégiques. Les mêmes observations permettent d’inclure dans notre étude les naumachies provinciales connues, d’apparition plus tardive. Leur création, qui relève de l’imitation des grands spectacles de Rome, traduit une volonté consciente de romanisation et un attachement au régime impérial. Ces spectacles provinciaux nous sont connus par des témoignages isolés, souvent fortuits : la joute sur la Moselle grâce au poème d’Ausone célébrant la romanité du pays trévire, la naumachie de Gadara grâce à la décision de frapper une monnaie commémorant le spectacle. Il n’est donc pas impossible que des naumachies ait été données dans d’autres points de l’empire, régulièrement ou ponctuellement, sans que nos sources en aient gardé la trace. Quant aux uenationes nilotiques et aux hydromimes, leur essor et leur diffusion, au Bas-Empire, en dépit du relâchement, voire de la disparition de leurs liens avec la mystique impériale, s’explique essentiellement par l’évolution générale des jeux au cours de cette même période. Mais le phénomène doit aussi être mis en rapport avec la continuité d’une certaine symbolique de l’eau et de ses plaisirs, tant en Italie que dans les régions orientales de l’Empire où des facteurs culturels favorables en assurèrent l’acclimatation. Au-delà des ruptures occasionnées dans leurs principes par les évolutions politiques et culturelles, chaque type de spectacle a donc conservé à travers les siècles sa signification symbolique essentielle. Cette constatation vérifie la nécessité d’une étude globale des naumachies, des uenationes aquatiques et des hydromimes, malgré les considérables sauts dans l’espace et dans le temps auxquels nous vouaient la rareté et la diversité de nos sources.
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CONCLUSION GÉNÉRALE
Au début de cette étude, nous avions dû constater le faible nombre des sources directes sur les spectacles aquatiques romains. Au terme de notre analyse, soulignons en revanche l’abondance inattendue des documents littéraires, archéologiques, parfois iconographiques, susceptibles d’éclairer indirectement les principes et les origines des naumachies, des uenationes aquatiques et des hydromimes. L’essentiel des textes conservés concerne, comme on pouvait s’y attendre, la période la mieux couverte par les sources historiques, entre la fin de la République et celle du Haut-Empire. Les naumachies notamment sont décrites avec un certain détail. L’apparition de ces reproductions de combats sur mer est étroitement liée au développement, à la fin de la République et au début de l’Empire, des spectacles dérivés de la gladiature. Par ailleurs, le recrutement très particulier des participants des naumachies, leur caractère de mise en scène navale et les thèmes historiques qu’elles utilisaient les distinguaient très nettement des autres spectacles romains. Cette spécificité fut sanctionnée le nom générique de naumachia qui leur fut attribué. Quoi qu’ait pu désigner ce terme en latin avant les grands spectacles impériaux, il ne fut plus utilisé désormais qu’en référence à ces derniers. Les chasses aquatiques, en revanche, ne furent jamais perçues que comme des variations, dans un décor approprié, de la traditionnelle uenatio. Elles confondirent rapidement leur histoire avec celle du genre auquel elles appartenaient. Le fait que nos sources à leur sujet se raréfient après l’époque flavienne, bien loin de témoigner de leur disparition, ne fait que sanctionner leur relative banalisation, ce que confirment d’autres indices. D’une manière analogue, les hydromimes n’atteignirent jamais le statut de genre théâtral à part entière, même lorsque leur vogue croissante entraîna la multiplication des théâtres munis de bassins. Pour les Romains, la présence de l’eau dans le théâtre, mare in theatro selon l’expression de saint Augustin, n’était qu’une attraction de plus parmi les prouesses techniques dans lesquelles se complaisait le théâtre d’époque impériale. Telle est l’explication de la brièveté et du caractère allusif des sources directes sur ces spectacles. Malgré leur
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
rareté, ces sources suffisent à reconstituer la continuité de leur diffusion. Toutefois, l’approfondissement de nos connaissances sur les principes même des hydromimes ne pouvait passer que par un rapprochement avec d’autres genres théâtraux. La documentation archéologique, tout en enrichissant encore notre connaissance des modalités des mises en scène aquatiques, a permis de faire apparaître de profondes analogies entre les origines et même le devenir des divers spectacles considérés, au premier abord si différents. En effet, l’étude de la situation géographique des premiers édifices adaptés ou destinés aux naumachies, aux uenationes aquatiques et aux hydromimes suggère d’attribuer à chacune de ces innovations une origine spécifiquement romaine. Le fait que les gigantesques bassins appelés «naumachies», comme les spectacles de combat naval auxquels ils étaient destinés, n’aient jamais existé qu’à Rome confirme ce que suggérait déjà sur ce point l’étude des principes du spectacle. Mais surtout, un retour sur une série d’édifices, notamment le théâtre de Pompéi et celui de la villa du Pausilype où des bassins furent installés dans l’orchestra dès l’époque augustéenne, permet de situer en Campanie les premiers hydromimes. L’hypothèse d’une origine syrienne, basée sur la découverte du théâtre de Daphné, muni d’un bassin dès sa construction, mais qui remonte au plus tôt à l’époque flavienne, se trouve dès lors remise en question. Par ailleurs, les dimensions de la naumachie de Trajan, dont les vestiges ont été retrouvés, sont nettement inférieures à celles de la réalisation augustéenne. Cette constatation et la longévité du monument dans le paysage romain attestée par des sources du Bas-Empire et du haut Moyen Âge permettent de supposer la persistance des naumachies après l’époque antonine, mais sous la forme d’un spectacle plus modeste, plus proche de la gladiature et plus couramment présenté. Une réflexion sur les modalités des naumachies d’amphithéâtre, appuyée sur les vestiges de bassins retrouvés dans les arènes de Vérone et de Mérida, incite d’ailleurs aux mêmes conclusions. Ainsi disparaît un des points de divergence apparents que nous avions soulignés entre les naumachies et les autres spectacles aquatiques connus : leur longévité dans l’histoire des jeux romains. Si l’archéologie contribue à mettre en évidence le bien-fondé d’une étude commune des mises en scène considérées, en revanche les précisions qu’elle apporte sur les moyens techniques mis en œuvre pour ces spectacles sont souvent insuffisantes. Parmi les naumachies, celle d’Auguste, assez bien décrite par les textes, n’a laissé aucune trace archéologique sûre. Celle de Trajan est paradoxalement moins bien connue encore, puisqu’elle n’est pas dé-
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CONCLUSION GÉNÉRALE
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crite par les sources anciennes et que ses restes n’ont été que très imparfaitement dégagés, au XVIIIe siècle de surcroît. Il était jusqu’ici difficile d’envisager de nouvelles fouilles dans un secteur aussi construit. Mais les progrès effectués par les techniques de l’archéologie en milieu urbain permettront peut-être un jour de nouvelles découvertes. De même, l’essentiel du dispositif hydraulique du théâtre de Pompéi, trop précocement fouillé, a aujourd’hui presque entièrement disparu. Quant aux conduits et aux bassins tardifs retrouvés dans certains édifices, ils permettent dans une certaine mesure de mieux suivre la diffusion des spectacles aquatiques dans l’empire romain des IVe et Ve siècle ap. J.-C. Mais ils ont trop souvent été l’objet du mépris des fouilleurs, essentiellement attachés, avant les dernières décennies, à restituer les états du monument les plus proches de la période dite classique, qu’il s’agisse du monde grec ou du monde romain. Les dispositifs hydrauliques ont donc été souvent détruits, après avoir fait l’objet d’un relevé négligent de leurs principales caractéristiques. Une meilleure connaissance de ces installations serait peut-être rendue possible par une fouille plus attentive de théâtres où elles n’ont été encore que partiellement dégagées, comme à Brescia. On ne peut par ailleurs totalement exclure une découverte analogue dans l’un des monuments qui attendent encore d’être méthodiquement explorés. Il reste que les installations déjà répertoriées telles qu’on les connaît frappent généralement par leur caractère rudimentaire. Leur apparente diversité s’explique par l’économie de moyens qui les caractérise, entraînant le réemploi de structures et de matériaux préexistants. Les aménagements les plus complexes destinés aux spectacles aquatiques sont aussi par une ironie du sort les plus mal connus. Ce sont ceux des époques néronienne et flavienne. On peut citer par exemple le théâtre de Daphné. Sa mise en eau, assurée par un aqueduc de fort débit, devait utiliser la technique du siphon, permettant une plus grande rapidité. Mais on ignore tout aujourd’hui du bassin que devait alimenter ce conduit. Notre ignorance est plus profonde encore sur la mise en eau de l’amphithéâtre de bois de Néron, structure nécessairement éphémère, mais aussi sur celle du Colisée. Les amphithéâtres provinciaux où la présence d’un bassin accueillant des spectacles a été envisagée, ceux de Mérida et de Vérone, suggèrent quelques hypothèses. Mais sur ces deux sites eux-mêmes, la fosse retrouvée au centre de l’arène n’est pas unanimement considérée comme un bassin par tous les chercheurs. Il conviendrait sans doute, dans chacun de ces deux cas, de réexaminer les boyaux souterrains reliés à la fosse centrale, pour déterminer en fonction de leur profondeur et de leur pente s’il pouvait réellement s’agir de conduites destinées à alimenter et à vidanger un bassin. On voit
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donc que si la question de la mise en eau du Colisée est probablement un locus desperatus, l’archéologie est malgré tout encore à même de faire progresser notre connaissance des spectacles aquatiques d’amphithéâtre. Malgré ses limites, l’examen de la documentation archéologique met en évidence, entre les diverses mises en scène étudiées, des liens plus étroits qu’il n’apparaît au premier abord. Ces liens sont confirmés lorsqu’on poursuit l’étude des origines et de l’évolution de ces spectacles en s’intéressant au contexte et aux sources d’influence qui ont présidé à leur création et accompagné leur histoire. En particulier, l’apparition et le développement des naumachies et des autres spectacles aquatiques semblent liés, plus ou moins étroitement selon le cas, à la mystique impériale en formation, qui associe une thématique marine suscitée par la commémoration des derniers grands combats navals de l’Histoire de Rome à l’intérêt soulevé par l’Égypte et les confins océaniques du Nord de l’Europe. Chacun à sa manière, ils illustraient la domination sur les mers du Prince et plus généralement, à travers la mise en valeur de réalisations édilitaires d’intérêt collectif, la maîtrise bienfaisante de l’élément liquide par l’empereur-dieu. Il n’est donc pas surprenant que les grandes mises en scène navales du Haut-Empire, dont la riche symbolique était particulièrement liée à ce contexte précis, ne lui aient pas survécu, laissant la place à des spectacles de moindre ampleur. Mais plus profondément encore, ces diverses manifestations participent d’un imaginaire de l’eau qui paraît spécifiquement romain, même s’il a été en partie modelé par l’art et la littérature du monde grec classique et hellénistique. Ainsi les naumachies, les uenationes aquatiques et certains hydromimes semblent avoir tous été influencés par la vogue des paysages inspirés par le delta du Nil, issus probablement de l’art alexandrin lui-même. Mais chacun d’entre eux représente une appropriation bien romaine de cette imagerie. Ainsi, dans les naumachies, la réalisation d’un décor assez proche des paysages maritimes ou nilotiques popularisés par les arts plastiques, présentant des navires de guerre sur un arrière-fond architectural, a rencontré, d’une manière en apparence improbable, la tradition sanglante de la gladiature et le gigantisme propre aux spectacles impériaux. De même, dans le cas des hydromimes, l’héritage de la tryphè hellénistique, où la présence de l’eau était synonyme d’abondance et de félicité, s’est associé jusqu’au Bas-Empire au goût particulier des Romains pour la villégiature maritime ou lacustre et pour la nage en pleine eau, à laquelle se mêlaient presque systématiquement des connotations érotiques naturellement exploitées par les spectacles. Ces mises en scène, tous genres confondus, illustrent aussi tout particulièrement l’appropriation par l’imaginaire romain
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CONCLUSION GÉNÉRALE
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d’un surnaturel de la mer à l’origine presque entièrement emprunté au monde hellénique. Elles soulignent à leur manière la fascination mêlée de crainte exercée sur les maîtres de la Méditerranée et de l’Océan du Nord par ce milieu qui leur était longtemps resté étranger. Spécimens de la faune marine et représentations convenues des divinités ou des créatures fabuleuses de la mythologie y apparurent tour à tour ou conjointement. On y trouve aussi une illustration de cette association entre artifice et réalisme si particulière aux spectacles de la fin de la République et de l’Empire. On sait en effet qu’au goût pour les pegmata, ces machines théâtrales illusionnistes empruntées au monde grec et perfectionnées au cours du temps, le naturalisme romain ajouta la multiplication des spectacles prétendant recréer, en pleine ville, l’image d’un milieu naturel. Mais il s’agissait d’une réalité médiatisée par l’art, ordonnée et codifiée par les motifs littéraires et iconographiques qui leur servaient de modèles. Avec les reconstitutions de siluae si appréciées dans les grandes uenationes romaines, ou les «sources» et les «montagnes» de certains décors de théâtre, les spectacles aquatiques de toute espèce et de toute époque constituent l’exemple le plus représentatif d’un phénomène d’influence réciproque entre spectacles, art et littérature. La symbolique à l’œuvre dans ces mises en scène explique également pour une large part leur apparition dans certaines régions de l’empire, où des cités provinciales souhaitèrent se doter d’installations permettant d’accueillir uenationes aquatiques et hydromimes imités de ceux de la métropole. De la même manière, nous avons pu constater une certaine diffusion, non des naumachies telles qu’elles existaient à Rome sous le Haut-Empire, mais du souvenir et de l’influence de ces dernières, qui fit parfois donner leur nom à de simples joutes nautiques. Le cheminement précis de tels phénomènes de diffusion et leurs raisons locales ne sont pas toujours clairement discernables, en raison d’une documentation trop sporadique dans tous les domaines. Néanmoins, il est possible de souligner ici encore un élément d’unité entre les naumachies et les autres spectacles étudiés : le souvenir et le prestige durable des jeux exceptionnels où ils étaient apparus expliquent en grande partie leur succès dans certaines provinces, dans la mesure des moyens locaux et sous les formes que les traditions régionales amenaient à privilégier. Le souvenir laissé par ces grandioses manifestations du HautEmpire ne fut d’ailleurs pas définitivement effacé par la fin du monde antique. Leur modèle et leur influence retentissent, à partir de la Renaissance et durant l’époque classique, sur les fêtes de cour en Europe. Un exemple particulièrement célèbre est celui des spectacles donnés par Louis XIV sur le grand canal de Versailles. Il fit
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notamment représenter des simulacres de combats navals sur des vaisseaux de guerre en réduction1. L’étude de la place occupée par les modèles antiques dans la conception et la réception de mises en scène aquatiques postérieures pourrait constituer un prolongement enrichissant à celle des spectacles romains eux-mêmes.
1 Sur ces divertissements royaux, voir notamment J. Fennebresque, La petite Venise, histoire d’une corporation sur le grand canal, Paris, 1889; A. Marie, Versailles, son histoire, t. I, Naissance de Versailles. Le château, les jardins, Paris, 1968; J. P. Verne, La flottille de Versailles, in Neptunia, 190, 1993, p. 18-27; E. Soulard, Les eaux de Versailles sous Louis XIV, in Hypothèse, travaux de l’École doctorale d’Histoire, Paris, Publication de la Sorbonne, 1998, (p. 105-114) p. 109-112.
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DOCUMENTATION ANNEXE
SOURCES LITTÉRAIRES
C’est essentiellement grâce à une série de sources littéraires, en particulier historiques ou poétiques, que nous connaissons l’existence des spectacles aquatiques qui furent intégrés aux jeux romains. Les documents iconographiques, épigraphiques et numismatiques demeurent en effet très rares. Les textes eux-mêmes sont relativement peu nombreux. Aussi tentonsnous d’en établir un corpus, en recherchant autant que possible l’exhaustivité, dans la mesure où seuls seront répertoriées les attestations des trois types de spectacles aquatiques qui eurent l’occasion d’être présentés à Rome dans le cadre de jeux publics. Au cours de cette première démarche, l’ordre chronologique à respecter est double. Il faut en effet tenir compte de la date des diverses mises en scène aquatiques connues, mais aussi, naturellement, de l’époque où se situent les sources qui les mentionnent. LES NAUMACHIES Les sources littéraires les plus abondantes sur les spectacles aquatiques romains concernent les combats navals, appelés le plus souvent naumachia, ou naymaxı¥a en grec. A côté de ce mot, on trouve aussi dans les textes latins les termes nauale proelium, naualis proelii spectaculum, belli naualis imago. Dans la mesure où selon les sources, plusieurs de ces termes ont pu être employés à propos du même spectacle, on peut en conclure qu’ils étaient équivalents, et relever toutes leurs occurrences dans le contexte des jeux romains. Dès l’établissement de ce corpus, se dégage un groupe de spectacles relativement homogène, donnés par des imperatores de la fin de la République et par des empereurs du Haut-Empire. Restent alors quelques sources littéraires d’époques diverses, où le mot naumachia apparaît dans un contexte assez différent ou assez imprécis pour motiver une réflexion sur leur réelle appartenance à notre domaine d’étude. La naumachie de César (46 av. J.-C.) T. 1 – Velleius Paterculus, Histoire de Rome, II, 56, 1-2. 1 – Caesar omnium uictor regressus in urbem... magnificentissimisque gladiatorii muneris, naumachiae et equitum peditumque, simul elephanto-
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rum certaminis spectaculis epulique per multos dies dati celebratione repleuit eam. 2 – Quinque egit triumphos : Gallici apparatus ex citro, Pontici ex acantho, Alexandrini testudine, Africi ebore, Hispaniensis argento rasili constitit1. César vainqueur de tous ses ennemis revint à Rome, ... et remplit la ville des spectacles les plus magnifiques : un combat de gladiateurs, une naumachie, un combat mettant aux prises des cavaliers, des fantassins et aussi des éléphants. Il donna également un repas public pendant plusieurs jours de suite. Il célébra cinq triomphes, dont l’appareil était en bois de thuya pour les Gaules, en bois de mimosa pour le Pont, en écaille de tortue pour Alexandrie, en ivoire pour l’Afrique, en argent poli pour l’Espagne. T. 2 – Suétone, César, XXXVII, 1-2; XXXIX. XXXVII, 1 – Confectis bellis quinquiens triumphauit, post deuictum Scipionem quater eodem mense, sed interiectis diebus, et rursus semel post superatos Pompei liberos. 2 – Primum et excellentissimum triumphum egit Gallicum, sequentem Alexandrinum, deinde Ponticum, huic proximum Africanum, nouissimum Hispaniensem, diuerso quemque apparatu et instrumento. ... XXXIX, 1 – Edidit spectacula uarii generis : munus gladiatorium, ludos etiam regionatim urbe tota et quidem per omnium linguarum histriones, item circenses athletas naumachiam. 2 – Munere in foro depugnauit Furius Leptinus stirpe praetoria et Q. Calpenus senator quondam actorque causarum. Pyrricham saltauerunt Asiae Bithyniaeque principum liberi. 3 – Ludis Decimus Laberius eques Romanus mimum suum egit donatusque quingentis sestertiis et anulo aureo sessum in quatuordecim e scaena per orchestram transiit. 4 – Circensibus, spatio circi ab utraque parte producto et in gyrum euripo addito, quadrigas bigasque et equos desultorios agitauerunt nobilissimi iuuenes. Troiam lusit turma duplex maiorum minorumque puerorum. Venationes editae per dies quinque ac nouissime pugna divisa in duas acies, quingenis peditibus, elephantis uicenis, tricenis equitibus hinc et inde commissis. Nam quo laxius dimicaretur, sublatae metae inque earum locum bina castra exaduersum constituta erant. 5 – Athletae stadio ad tempus extructo 2 regione Marti campi certauerunt per triduum. 6 – Navali proelio in minore 3 Codeta 4 defosso lacu biremes ac triremes quadriremesque Tyriae et Aegyptiae classis magno pugnatorum numero conflixerunt. 7 – Ad quae omnia spectacula tantum undique confluxit hominum, ut plerique aduenae aut inter uicos aut inter uias tabernaculis positis manerent, ac saepe prae turba elisi exanimatique sint plurimi et in his duo senatores 5.
Texte établi par J. Hellegouarc’h, Paris, Les Belles Lettres, 1982. regione : in reg– II Q∈ R, S T P2 O2. 3 minore : morem II Q R. 4 Codeta : -cleta G / -cleae (-ae per compend.) II Q (-deae ae per compend. Q1) R. 5 Texte établi par J. Hellegouarc’h, Paris, Les Belles Lettres, 1931 (nouveau tirage, 1993). 1
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DOCUMENTATION ANNEXE
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Une fois ses guerres achevées, il triompha cinq fois, quatre dans le même mois après la défaite de Scipion, mais avec quelques jours d’intervalle, et une fois encore après avoir vaincu les fils de Pompée. Le premier triomphe qu’il célébra, et qui surpassa les autres, fut celui des Gaules. Ensuite vint celui d’Alexandrie, celui du Pont, puis celui d’Afrique, et en dernier lieu celui d’Espagne, chacun avec un appareil et des accessoires différents. ... Il donna des spectacles de genres variés : un combat de gladiateurs, des jeux scéniques donnés même par quartier, dans toute la ville, et qui plus est par des acteurs parlant toutes les langues, ainsi que des jeux du cirque, des épreuves athlétiques et une naumachie. Lors du combat de gladiateurs donné sur le Forum, combattirent Furius Leptinus, d’une famille prétorienne, et Q. Calpenus, un ancien sénateur devenu avocat. Des enfants des premières familles d’Asie et de Bithynie dansèrent la pyrrhique. Durant les jeux scéniques Decimus Laberius, chevalier romain, joua un mime de sa composition puis, après avoir reçu un don de 500 sesterces et un anneau d’or, sortit de scène en traversant l’orchestra pour aller s’asseoir sur l’un des quatorze gradins. Lors des jeux du cirque, après que l’on eut allongé l’arène des deux côtés et ajouté un fossé sur son pourtour, des jeunes gens de la plus haute noblesse y firent évoluer des quadriges, des biges et des chevaux de voltige. Deux turmes d’enfants, les uns plus jeunes, les autres plus âgés, exécutèrent le jeu de Troie. Des chasses furent données durant cinq jours de suite, et pour finir un combat entre deux troupes rangées en bataille, où 500 fantassins, 20 éléphants et 30 cavaliers furent aux prises de part et d’autres. Car pour qu’ils combattent avec plus de latitude, on avait enlevé les bornes et dressé à leur place deux camps l’un en face de l’autre. Des athlètes se mesurèrent pendant trois jours dans un stade élevé momentanément sur le champ de Mars. Pour le combat naval, un bassin fut creusé dans la petite Codète où s’affrontèrent les birèmes, trirèmes et quadrirèmes d’une flotte tyrienne et d’une flotte égyptienne, portant un grand nombre de combattants. Et tant d’hommes accoururent de toutes parts pour voir tous ces spectacles, que la plupart des étrangers dressèrent des tentes au milieu des quartiers et des rues pour y demeurer, et que souvent, en raison de la foule, un très grand nombre de personnes furent écrasées ou étouffées, et parmi elles deux sénateurs.
T. 3 – Appien, La guerre civile, II, 101-102. 101 – Toy˜to meùn dhù kaıù t√ perıù Diby¥hn Kaı¥sarov pole¥mw ∞ te¥lov eßgı¥gneto, ayßtoùv d eßpaneluw ù n eßv Rw ¥ mhn eßuria¥mbeye te¥ssarav oΩmoy˜ uria¥mboyv, eßpı¥ te Gala¥taiv, w ü n dhù pollaù kaıù me¥gista e¶unh prose¥labe kaıù aßfista¥mena a¶lla eßkraty¥nato, kaıù Pontikoùn eßpıù Farna¥kei kaıù Dibykoùn eßpıù Diby¥wn toı˜v symmaxh¥sasi t√ Skipı¥wni. e¶nua kaıù Io¥ba paı˜v, Io¥bav oΩ syggrafey¥v, bre¥fov w ûn e¶ti parh¥geto. Parh¥gage de¥ tina kaıù th˜v aßnaù toùn Neı˜lon naymaxı¥av urı¥ambon Aıßgy¥ption, metajyù toy˜ Galatw ˜ n kaıù Farna¥koyv. ... 102 – ... eßpe¥dwke deù kaıù ue¥av poikı¥lav ™ıppwn te kaıù moysikh˜v kaıù pezomaxı¥av aßndrw ˜ n xilı¥wn proùv eΩte¥royv xilı¥oyv kaıù Ωıppomaxı¥an diakosı¥wn proùv ı¶soyv kaıù aßnamıùj a¶llwn pezw˜n te kaıù Ωıppe¥wn aßgw ˜ na eßlefa¥ntwn te ma¥xhn eı¶ko-
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si proùv eı¶kosi kaıù naymaxı¥an eßretw ˜ n tetrakisxilı¥wn, eßpibebhko¥twn eßv ma¥xhn xilı¥wn eΩkate¥rwuen 6. Telle fut la fin de la guerre menée par César en Libye. Lorsqu’il revint à Rome, il célébra ensemble quatre triomphes : le premier sur les Gaules, dont il avait soumis de nombreux peuples et domptés ceux qui s’étaient révoltés, le second pour la guerre du Pont contre Pharnace, le troisième pour la guerre de Libye contre les alliés africains de Scipion. Dans ce triomphe parut le fils du roi Juba, l’écrivain Juba, encore enfant. Entre le triomphe sur les Gaulois et celui sur Pharnace, il célébra une sorte de triomphe égyptien, pour sa victoire navale sur le Nil ... Il donna des spectacles variés : des courses de chevaux, des représentations théâtrales, un combat de deux troupes de 1000 fantassins, un autre de deux troupes de 200 cavaliers, un autre enfin mêlant cavaliers et fantassins. Il y eut aussi un combat entre deux troupes de 20 éléphants, et une bataille navale à laquelle participèrent 4000 rameurs, et 1000 combattants de chaque côté...
T. 4 – Plutarque, Vie de César, LV, 4. Metaù deù toyùv uria¥mboyv stratiw¥taiv te mega¥lav dwreaùv eßdı¥doy, kaıù toùn dh˜mon aßnela¥mbanen eΩstia¥sesi kaıù ue¥aiv, eΩstia¥sav meùn eßn dismyrı¥oiv kaıù disxilı¥oiv triklı¥noiv oΩmoy˜ sy¥mpantav, ue¥av deù kaıù monoma¥xwn kaıù nayma¥xwn aßndrw ˜ n paraskwùn eßpıù tq˜ uygatrıù Ioylı¥a∞ pa¥lai teunew¥sq. 7 Après les triomphes il fit de grands dons aux soldats, et gagna le peuple par des festins et des spectacles : il donna un festin à tous sur 22000 lits de table en même temps, et donna un combat de gladiateurs et une naumachie en mémoire de sa fille Julia morte depuis longtemps.
T. 5 – Dion Cassius, Histoire romaine, XLIII, 19, 1; 21, 3; 22, 1-4; 23, 3-6. 19, 1 – Metaù deù dhù toy˜to ta¥ te a¶lla lamprw ˜ v, w ™ sper eıßkoùv eßpı¥ te tosay¥taiv kaıù thlikay¥taiv a™ma nı¥kaiv h®n, eßpoı¥ei, kaıù taù eßpinı¥kia tw˜n te Galatw˜n kaıù th˜v Aıßgy¥ptoy toy˜ te Farna¥koy kaıù toy˜ Io¥boy tetraxq˜ xwrıùv te¥ssarsin hΩme¥raiv e¶pemce. .. 21, 3 – Oy™tw meùn dhù taù eßpinı¥kia e¶pemce, kaıù eßp ayßtoı˜v to¥n te dh˜mon lamprw˜v eıΩstı¥ase. ... 22, 1 – Taùv meùn dhù oy®n a¶llav tw ˜ n nikhthrı¥wn hΩme¥rav w ™ v poy eßneno¥misto dih¥gage. tq˜ deù teleytaı¥a∞ eßpeidhù eßk toy˜ deı¥pnoy eßge¥nonto, e¶v te thùn eΩaytoy˜ aßgoraùn eßsh˜lue blay¥tav yΩpodedeme¥nov kaıù a¶nuesi pantodapoı˜v eßstefanwme¥nov kaıù eßkeı˜uen oı¶kade pantoùv meùn w Ω v eıßpeı˜n toy˜ dh¥moy parape¥mpontov ayßto¥n,
6 Texte établi par L. Mendelssohn, revu par P. Viereck, Leipzig, Teubner, 1879-1986. 7 Texte établi par R. Flacelière, Paris, Les Belles Lettres, 1975.
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si proùv eı¶kosi kaıù naymaxı¥an eßretw ˜ n tetrakisxilı¥wn, eßpibebhko¥twn eßv ma¥xhn xilı¥wn eΩ kate¥rwuen 6. Telle fut la fin de la guerre menée par César en Libye. Lorsqu’il revint à Rome, il célébra ensemble quatre triomphes : le premier sur les Gaules, dont il avait soumis de nombreux peuples et domptés ceux qui s’étaient révoltés, le second pour la guerre du Pont contre Pharnace, le troisième pour la guerre de Libye contre les alliés africains de Scipion. Dans ce triomphe parut le fils du roi Juba, l’écrivain Juba, encore enfant. Entre le triomphe sur les Gaulois et celui sur Pharnace, il célébra une sorte de triomphe égyptien, pour sa victoire navale sur le Nil ... Il donna des spectacles variés : des courses de chevaux, des représentations théâtrales, un combat de deux troupes de 1000 fantassins, un autre de deux troupes de 200 cavaliers, un autre enfin mêlant cavaliers et fantassins. Il y eut aussi un combat entre deux troupes de 20 éléphants, et une bataille navale à laquelle participèrent 4000 rameurs, et 1000 combattants de chaque côté...
T. 4 – Plutarque, Vie de César, LV, 4. Metaù deù toyùv uria¥mboyv stratiw¥taiv te mega¥lav dwreaùv eßdı¥doy, kaıù toùn dh˜mon aßnela¥mbanen eΩstia¥sesi kaıù ue¥aiv, eΩstia¥sav meùn eßn dismyrı¥oiv kaıù disxilı¥oiv triklı¥noiv oΩmoy˜ sy¥mpantav, ue¥av deù kaıù monoma¥xwn kaıù nayma¥xwn aßndrw ˜ n paraskwùn eßpıù tq˜ uygatrıù Ioylı¥a∞ pa¥lai teunew¥sq 7. Après les triomphes il fit de grands dons aux soldats, et gagna le peuple par des festins et des spectacles : il donna un festin à tous sur 22000 lits de table en même temps, et donna un combat de gladiateurs et une naumachie en mémoire de sa fille Julia morte depuis longtemps.
T. 5 – Dion Cassius, Histoire romaine, XLIII, 19, 1; 21, 3; 22, 1-4; 23, 3-6. 19, 1 – Metaù deù dhù toy˜to ta¥ te a¶lla lamprw ˜ v, w ™ sper eıßkoùv eßpı¥ te tosay¥taiv kaıù thlikay¥taiv a™ma nı¥kaiv h®n, eßpoı¥ei, kaıù taù eßpinı¥kia tw˜n te Galatw˜n kaıù th˜v Aıßgy¥ptoy toy˜ te Farna¥koy kaıù toy˜ Io¥boy tetraxq˜ xwrıùv te¥ssarsin hΩme¥raiv e¶pemce. .. 21, 3 – Oy™tw meùn dhù taù eßpinı¥kia e¶pemce, kaıù eßp ayßtoı˜v to¥n te dh˜mon lamprw˜v eıΩstı¥ase. ... 22, 1 – Taùv meùn dhù oy®n a¶llav tw ˜ n nikhthrı¥wn hΩme¥rav w ™ v poy eßneno¥misto dih¥gage. tq˜ deù teleytaı¥a∞ eßpeidhù eßk toy˜ deı¥pnoy eßge¥nonto, e¶v te thùn eΩaytoy˜ aßgoraùn eßsh˜lue blay¥tav yΩpodedeme¥nov kaıù a¶nuesi pantodapoı˜v eßstefanwme¥nov kaıù eßkeı˜uen oı¶kade pantoùv meùn w Ω v eıßpeı˜n toy˜ dh¥moy parape¥mpontov ayßto¥n,
6 Texte établi par L. Mendelssohn, revu par P. Viereck, Leipzig, Teubner, 1879-1986. 7 Texte établi par R. Flacelière, Paris, Les Belles Lettres, 1975.
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DOCUMENTATION ANNEXE
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pollw˜n deù eßlefa¥ntwn lampa¥dav fero¥ntwn eßkomı¥suh. 2 – Thùn gaùr aßgoraùn thùn aßp ayßtoy˜ keklhme¥nhn kateskey¥asto. ... tay¥thn te oy®n kaıù toùn new ù n toùn th˜v Afrodı¥thv, w Ω v kaıù aßrxhge¥tidov toy˜ ge¥noyv ayßtoy˜ oy¶shv, poih¥sav kauie¥rwsen eyßuyùv to¥te. kaıù polloy¥v ge eßp ayßtoı˜v kaıù pantodapoyùv aßgw ˜ nav e¶uhke, ue¥atro¥n ti kynhgetikoùn ßıkriw¥sav, o© kaıù aßmfiue¥atron eßk toy˜ pe¥rij pantaxo¥uen e™drav a¶ney skhnh˜v e¶xein proserrh¥uh. 3 – kaıù eßpıù toy¥tw ∞ kaıù eßpıù tq˜ uygatrıù kaıù uhrı¥wn sfagaùv kaıù aßndrw ˜ n oΩplomaxı¥av eßpoı¥hsen, wün eßa¥n tiv toùn aßriumoùn gra¥cai eßuelh¥sq, o¶xlon aûn tq˜ syggrafq˜ oyßd aßlhuh˜ ¶ıswv para¥sxoi. pa¥nta gaùr taù toiay˜ta eßpıù toù meı˜zon aßeıù kompoy˜tai. ... i23, 3 ± toyùv d a¶ndrav syne¥balle meùn kaıù e™na eΩnıù eßn tq˜ aßgora∞˜, w ™ sper eı¶uisto, syne¥balle deù kaıù eßn t√ ıΩppodro¥mw ∞ pleı¥oyv, kaıù ıΩppe¥av Ωıppey˜si kaıù pezoyùv pezoı˜v, a¶lloyv te aßnamıùj aßllh¥loiv ı¶soyv. kaıù tinev kaıù aßp eßlefa¥ntwn tessara¥konta eßmaxe¥santo. 4 – kaıù te¥lov naymaxı¥an oyßk eßn tq˜ uala¥ssq oyßdeù eßn lı¥mnq tinıù aßll eßn tq˜ hßpeı¥rw∞ eßpoı¥hse. xwrı¥on ga¥r ti eßn t√ Areı¥w ∞ pedı¥w ∞ koila¥nav y™dwr te eßv ayßtoù eßsh˜ke kaıù nay˜v eßsh¥gagen. eßma¥xonto deù eßn pa˜si toı˜v aßgw ˜ sin oı™ te aıßxma¥lwtoi kaıù oıΩ ua¥naton w ß flhko¥tev. 5 – kaı¥ tinev kaıù tw ˜ n Ωıppe¥wn oyßx o™ti tw ˜ n a¶llwn aßllaù kaıù eßstrathghko¥tov tinoùv aßndroùv yıΩo¥v, eßmonoma¥xhsan... 6 – th¥n te ıΩppası¥an thùn Troı¥an kaloyme¥nhn oıΩ paı˜dev oıΩ eyßpatrı¥dai kataù toù aßrxaı˜on eßpoih¥santo. kaıù eßf aΩrma¥twn oıΩ neanı¥skoi oıΩ oΩmo¥timoi ayßtoı˜v hΩmillh¥santo. 8 Après cela il célébra brillamment les autres cérémonies, comme il convenait pour des victoires aussi nombreuses et d’une si grande importance. Il célébra son triomphe sur les Gaulois, sur l’Egypte, sur Pharnace et sur Juba en quatre parties séparées, en quatre jours.... C’est ainsi qu’il célébra ses triomphes, et à leur suite il offrit au peuple un festin d’une grande magnificence. ... Il passa les autres jours de fête de la façon usuelle, mais le dernier, après le dîner, il pénétra sur son forum chaussé de sandales et portant une guirlande de fleurs de toutes sortes, et de là il revint chez lui, escorté de toute la population, pour ainsi dire, à la lueur de torches portées par de nombreux éléphants. ... Ayant donc fait construire ce forum, et le temple de Vénus, en tant que fondatrice de sa famille, il les consacra aussitôt, et il institua en leur honneur de nombreux jeux de toutes sortes. Il construisit une sorte de théâtre cynégétique en bois, qui a reçu le nom d’amphithéâtre parce qu’il a des sièges sur tout son pourtour, sans scène. En cet honneur, et en mémoire de sa fille, il donna des chasses et des combats de gladiateurs, mais celui qui voudrait en écrire le nombre se mettrait dans l’embarras, et ne pourrait probablement pas fournir de chiffres exacts. En effet, tout cela est toujours exagéré par la vantardise. ... Quant aux hommes, il les mit aux prises non seulement par paires sur le forum, comme c’était l’habitude, mais aussi en plus grand nombre dans le cirque : des cavaliers contre des cavaliers, des fantassins contre des fantassins, et ces deux sortes de combattants ensemble, en nombre égal de chaque côté. Certains combattirent montés sur quarante éléphants. Enfin,
8 Texte établi par H. Baldwin Foster, The Loeb Classical Library, Londres, 1916-1927.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
il donna un combat naval, non pas sur la mer ou un lac, mais sur la terre ferme. En effet il fit creuser et remplir d’eau un emplacement sur le Champ de Mars et y introduisit des navires. Dans toutes ces rencontres, les prisonniers de guerre et les condamnés à mort combattirent. Quelques chevaliers même et, pour ne pas parler des autres, le fils d’un ancien préteur, se produisirent comme gladiateurs... Des enfants des meilleures familles donnèrent, selon une antique tradition, la cavalcade que l’on dit «troyenne», et des jeunes gens du même rang disputèrent une course de chars.
La naumachie de Sextus Pompée (40 av. J.-C.) T. 6 – Dion Cassius, XLVIII, 18, 1-4; 19, 1-2. 18, 1 – Kaıù oΩ meùn oy™twv hy¶jeto, Kaı˜sar deù te¥wv meùn oyßdemı¥an eßpistrofhùn ayßtoy˜ tq˜ te eßkeı¥noy katafronh¥sei kaıù tq˜ tw˜n eßn xersıùn aßsxolı¥a∞ eßpoih¥sato. eßpeıù d yΩpo¥ te toy˜ limoy˜ fuoraù pollhù eßn t√ a¶stei eßge¥neto kaıù oΩ Se¥jtov kaıù th˜v Italı¥av eßpeı¥rasen, oy™tw dhù naytiko¥n te¥ ti kataskeya¥zesuai h¶rjato, kaıù toùn Roy˜fon toùn Saloyidih˜non syùn dyna¥mei pollq˜ eßv Rh¥gion proe¥pemce. 2 – kaıù o©v eßk meùn th˜v Italı¥av toùn Se¥jton aßpew ¥ sato, aßnaxwrh¥santov deù ayßtoy˜ eßv thùn Sikelı¥an derma¥tina ploı˜a kataù toyùv eßn t√ w ß kean√ ple¥ontav eßkpoih˜sai eßpexeı¥rhsen, e¶ndouen meùn rΩa¥bdoiv ayßtaù koy¥faiv dialamba¥nwn, e¶jwuen deù booùv de¥rma w ß moùn eßv aßspı¥dov kykloteroy˜v tro¥pon periteı¥nwn. w Ω v deù ge¥lwta¥ te wßflı¥skanen kaıù kindyney¥sein, eıß peiraueı¥h ayßtoı˜v diaù toy˜ porumoy˜ xrh¥sasuai, eßpı¥steysen, eßkeı¥nwn meùn aßfeı˜to, t√ deù dhù naytik√ t√ kataskeyasue¥nti te kaıù eßluo¥nti eßpeto¥lmhse meùn diapley˜sai, oyßk hßdynh¥uh de¥. to¥ te gaùr plh˜uov kaıù toù me¥geuov tw ˜n new˜n ayßtoy˜ polyù th˜v tw˜n eßnantı¥wn kaıù eßmpeirı¥av kaıù to¥lmhv hßlattw¥uh. ayßto¥pthv oy®n th˜v naymaxı¥av oΩ Kaı˜sar geno¥menov (kataù gaùr thùn strateı¥an ayßtoy˜ thùn eßv thùn Makedonı¥an tay˜u oy™twv eßpra¥xuh) xalepw ˜ v h¶negke, kaıù ma¥liu o™ti to¥te prw ˜ ton symbalwùn h™tthto. ... 19, 1 – Genome¥noy deù toy¥toy th¥n te nh˜son pa˜san oΩ Se¥jtov kate¥sxe, kaıù toùn Biuynikoùn w Ω v kaıù eßpiboyley¥santa ayßt√ aßpe¥kteine, ue¥av te eßpinikı¥oyv h¶gage, kaıù naymaxı¥an tw ˜ n aıßxmalw¥twn eßn t√ porum√ par ayßtoù toù Rh¥gion, w™ste kaıù toyùv eßnantı¥oyv oΩra˜n, eßpoı¥hse, ploia¥ria¥ tina jy¥lina proùv e™tera by¥rsina eßv toùn toy˜ Roy¥foy kata¥gelwn symbalw ¥ n. 2 – kaıù metaù toy˜to nay˜v te pleı¥oyv eßnayphgh¥sato kaıù th˜v pe¥rij uala¥sshv eßkra¥thse, do¥jan te¥ tina kaıù fro¥nhma w Ω v kaıù toy˜ Poseidw ˜ nov paı˜v w¶n, o™ti pa¥shv poteù oΩ pathùr ayßtoy˜ th˜v uala¥ssahv h®rje, prose¥ueto.. Et tandis que Sextus Pompée accroissait ainsi sa puissance, César de son côté ne faisait aucune attention à lui, parce qu’il le méprisait et parce qu’il n’avait pas le loisir de s’en occuper. Mais lorsque la famine eut causé beaucoup de pertes dans la cité et que Sextus eut fait une tentative contre l’Italie également, il commença à équiper une flotte, et il envoya Salvidienus Rufus à Rhegium, avec des forces importantes. Rufus repoussa Sextus d’Italie, et comme ce dernier se retirait en Sicile, il entreprit de construire des bateaux de cuir à l’image de ceux qui naviguent sur l’océan, en faisant à l’intérieur une armature de baguettes légères et en tendant autour une peau de bœuf non travaillée, à la façon d’un bouclier circulaire. Mais parce qu’il s’exposait au rire et qu’il crut qu’il courrait un danger, s’il essayait de les utiliser
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dans le détroit, il les abandonna, et il se hasarda à faire la traversée avec la flotte déjà équipée et acheminée. Mais cela lui fut impossible, car le nombre et la taille de ses navires étaient loin de pouvoir l’emporter sur l’expérience et l’audace des ennemis. César, qui avait été témoin de la bataille navale (ces événements eurent lieu durant son expédition contre la Macédoine), fut très irrité, d’autant plus que c’était la première fois qu’il était vaincu dans un affrontement. ... Après ces événements, Sextus occupa toute l’île et fit mettre à mort Bithynicus sous l’accusation d’avoir comploté contre lui. Il produisit des spectacles triomphaux et donna une naumachie avec les prisonniers de guerre dans le détroit, près de Rhegium même, de sorte que les ennemis pussent voir. Il mit aux prises de petits bateaux de bois et d’autres de cuir, par moquerie à l’égard de Salvidienus Rufus. Et après cela il construisit davantage de navires et domina la mer aux alentours. Il ajouta quelque chose à sa gloire et à son orgueil en se présentant comme fils de Neptune, parce qu’autrefois son père avait dominé toute la mer.
La naumachie d’Auguste (2 av. J.-C.) T. 7 – Auguste, Res Gestae Diui Augusti, 23. Naualis proelí spectaclum populo dedi trans Tiberim, in quo loco | nunc nemus est Caesarum, cauato s[olo] in longitudinem mille || et octingentós pedés, [§] in látitudinem mille et ducenti. In quo tri|ginta rostrátae náues trirémes aut biremés, [§] plures autem | minóres inter se conflixérunt. Quibu[s in] classibus pugnaue|runt praeter rémigés millia hominum tria circiter.§| N[aymaxı¥av ue¥an tw˜i dh¥m]wi e¶dwka pe¥ran toy˜ Ti|be¥ridov, eßn wüi to¥[pw]i [ny˜n eßsti]n a¶lsov Kaisa¥[rw]n, | eßkkexw[sm]e¥nhv th˜v gh˜v eıßv mh˜kov xeilı¥wn oßktako|sı¥wn pod[w ˜ n, eıßv p]la¥t[ov] x(e)ilı¥wn diakosı¥wn. En hüi || tria¥konta nay˜v e¶mbola e¶xoysai trih¥reiv hû dı¥|krot[oi, aıß] deù h™ssonev pleı¥oyv eßnayma¥xhsan. § | ˜ n eßretw ˜ n | pro¥sp[o]y a¶ndrev trisEn toy¥twi tw˜i sto¥lwi hßgwnı¥santo e¶jw tw xeı¥lioi.|| 9 J’ai offert au peuple le spectacle d’une naumachie au-delà du Tibre, dans le lieu où se trouve maintenant le bois des César, après avoir fait creuser le sol sur 1800 pieds en longueur et 1200 pieds en largeur. Là trente navires à éperon, trirèmes ou birèmes, ainsi qu’un plus grand nombre d’autres unités plus petites se livrèrent bataille. Sur ces flottes combattirent, en dehors des rameurs, environ 3000 hommes. T. 8 – Ovide, Art d’aimer, I, 171-176. Quid, modo cum belli naualis imagine Caesar Persidas induxit Cecropiasque rates? Nempe ab utroque mari iuuenes, ab utroque puellae Venere, atque ingens orbis in Urbe fuit.
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Texte établi par J. Gagé, Paris, Les Belles Lettres, 1977.
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Quis non inuenit turba, quod amaret, in illa? Eheu! quam multos aduena torsit Amor!10
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Et lorsque, récemment, César a présenté des navires perses et athéniens, en une reproduction de combat naval, n’est-il pas certain que des jeunes gens, des jeunes filles, sont venus de l’une et l’autre mer et que le vaste univers se trouva tout entier dans la Ville? Qui, dans cette foule, n’a trouvé un objet à aimer? Hélas! qu’ils sont nombreux, ceux qu’a tourmentés un Amour étranger! T. 9 – Suétone, Auguste, XLIII, 1-5; 8; 11. 1 – Spectaculorum et assiduitate et uarietate et magnificentia omnes antecessit. «Fecisse se ludos» ait «suo nomine quater, pro aliis magistratibus, qui aut abessent aut non sufficerent, ter et uicies». 2 – Fecitque nonnumquam etiam uicatim ac pluribus scaenis per omnium linguarum histriones non in foro modo, nec in amphitheatro, sed et in circo et in Saeptis, et aliquando nihil praeter uenationem edidit; athletas quoque extructis in campo Martio sedilibus ligneis; item nauale proelium circa Tiberim cauato solo, in quo nunc Caesarum nemus est. 3 – Quibus diebus custodes in urbe disposuit, ne raritate remanentium grassatoribus obnoxia esset. 4 – In circo aurigas cursoresque et confectores ferarum, et nonnumquam ex nobilissima iuuentute, produxit. 5 – Sed et Troiae lusum edidit frequentissime maiorum minorumque puerorum, prisci decorique moris existimans clarae stirpis indolem sic notescere. ... 8 – Ad scaenicas quoque et gladiatorias operas et equitibus Romanis aliquando usus est, uerum prius quam senatus consulto interdiceretur. ... 11 – Solebat etiam citra spectaculorum dies, si quando quid inuisitatum dignumque cognitu aduectum esset, id extra ordinem quolibet loco publicare, ut rhinocerotem apud Saepta, tigrim in scaena, anguem quinquaginta cubitorum pro comitio. Par la durée, la variété et la magnificence de ses spectacles, il l’emporta sur tous. Il dit «qu’il célébra quatre fois des jeux en son propre nom, et vingttrois fois pour d’autres magistrats qui étaient absents ou ne pouvaient y suffire. Il en fit même donner parfois quartier par quartier et sur plusieurs scènes, avec des acteurs parlant toutes les langues; il donna des spectacles présentés non seulement sur le forum et dans l’amphithéâtre, mais aussi dans le cirque et dans l’enceinte des élections, et ne comprenant parfois que des chasses. Il donna aussi des compétitions athlétiques, après avoir élevé sur le Champ de Mars des sièges de bois, ainsi qu’un combat naval, après avoir fait creuser le sol aux environs du Tibre, à l’endroit où se trouve maintenant le bois des Césars. Ces jours-là, il fit disposer des gardes dans la ville, pour qu’elle ne se retrouve pas à la discrétion des voleurs, à cause du petit nombre de ceux qui y restaient. Dans le cirque, il produisit des auriges, des coureurs, des bestiaires, quelquefois même recrutés parmi les jeunes gens les plus nobles. Mais il donna aussi très fréquemment le jeu de Troie avec deux groupes d’enfants de deux âges différents, estimant que c’était un bel usage d’autrefois que de faire connaître ainsi les qualités naturelles d’une li-
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Texte établi par H. Bornecque, Paris, Les Belles Lettres, 1983.
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gnée illustre... Il fit quelquefois aussi participer même des chevaliers romains aux spectacles scéniques et aux combats de gladiateurs, tant qu’un sénatus consulte ne l’eût pas interdit... Il avait l’habitude, même en dehors des jours de spectacle, s’il arrivait que quelque chose de tout à fait nouveau et de digne d’être vu lui ait été apporté, de le montrer au public à titre extraordinaire en n’importe quel lieu, comme un rhinocéros dans l’enceinte des élections, un tigre sur une scène, un serpent de cinquante coudées devant la place où se tiennent les Comices. T. 10 – Velleius Paterculus, II, 100, 2. At in Urbe, eo ipso anno quo magnificentissimis gladiatorii muneris naumachiaeque spectaculis diuus Augustus, abhinc annos XXX, se et Gallo Caninio consulibus, dedicato Martis templo animos oculosque populi Romani repleuerat, foeda dictu memoriaque horrenda in ipsius domo tempestas erupit. Cependant, à Rome, l’année même où le divin Auguste, il y a maintenant trente ans, sous son consulat et celui de Gallus Caninius, lors de la dédicace d’un temple à Mars, avait rempli les esprits et les yeux du peuple romain de spectacles magnifiques, consistant en un combat de gladiateurs et une naumachie, une tempête qu’on ne peut relater sans un sentiment de honte et dont le souvenir fait horreur, éclata dans sa propre demeure. T. 11 – Dion Cassius, LV, 10, 6-8. 6 – Epıù meùn toy¥toiv toù me¥garon eßkeı˜no oΩ Ay¶goystov eßueı¥wse, kaı¥toi t√ te Gaıμw ∞ kaıù t√ Doykı¥w ∞ pa¥nta kaua¥paj taù toiay˜ta Ωıeroy˜n eßpitre¥cav yΩpatikq˜ tini aßrxq˜ kataù toù palaioùn xrwme¥noiv. kaıù th¥n ge ıΩppodromı¥an ayßtoıù to¥te die¥uesan, th¥n te Troı¥an kaloyme¥nhn oıΩ paı˜dev oıΩ prw˜toi metaù toy˜ Agrı¥ppoy toy˜ aßdelfoy˜ ayßtw ˜ n ı™ppeysan. 7 – Kaıù le¥ontev eΩjh¥konta kaıù diako¥sioi eßn t√ ıΩppodro¥mw ∞ eßsfa¥ghsan. oΩplomaxı¥a te eßn toı˜v se¥ptoiv kaıù naymaxı¥a eßn t√ xwrı¥w∞ eßn w ∞ü kaıù ny˜n e¶ti shmeı˜a¥ tina ayßth˜v deı¥knytai Persw ˜ n kaıù Auhnaı¥wn eßpoih¥uh. tay˜ta gaùr taù oßno¥mata toı˜v naymaxoy˜sin eßte¥uh, kaıù eßnı¥kwn kaıù to¥te oıΩ Auhnaı˜oi. 8 – kaıù metaù toy˜to e¶v te toùn Flamı¥nion Ωıppo¥dromon y™dwr eßsh¥xuh, kaıù eßn ayßt√ kroko¥deiloi e©j kaıù tria¥konta kateko¥phsan. Après cela, Auguste consacra ce temple de Mars, bien qu’il ait remis une fois pour toutes à Gaius et Lucius, qui usaient pour cela d’un pouvoir consulaire conforme à l’usage du passé, le soin de consacrer tous les édifices de ce genre. Et ils organisèrent effectivement la course de chars à cette occasion, tandis que leur frère Agrippa participait à la parade équestre appelée «Troia», présentée par les enfants des premières familles. Deux cent soixante lions furent égorgés dans le Cirque. Il y eut un combat de gladiateurs dans l’enceinte des élections, et une naumachie fut donnée, dans le lieu où l’on en voit encore des traces, entre «Perses» et «Athéniens». Tels furent en effet les noms qui furent attribués aux combattants, et les Athéniens, cette fois encore, furent vainqueurs. Ensuite, de l’eau fut introduite dans le Circus Flaminius et trente-six crocodiles y furent tués.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
La naumachie de Claude (52 ap. J.-C.) T. 12 – Tacite, Annales, XII, 56. 1 – Sub idem tempus inter lacum Fucinum amnemque Lirim perrupto monte, quo magnificentia operis a pluribus uiseretur, lacu in ipso nauale proelium adornatur, ut quondam Augustus structo trans Tiberim stagno, sed leuibus nauigiis et minore copia ediderat. 2 – Claudius triremis quadriremisque et undeuiginti hominum milia armauit, cincto ratibus ambitu, ne uaga11 effugia forent, ac tamen spatium amplexus ad uim remigii, gubernantium artes, impetus nauium et proelio solita. 3 – In ratibus praetoriarum cohortium manipuli turmaeque adstiterant, antepositis propugnaculis ex quis catapultae ballistaeque tenderentur. 4 – Reliqua lacus classiarii tectis nauibus obtinebant. 5 – Ripas et collis montiumque edita in modum theatri multitudo innumera compleuit, proximis e municipiis et alii urbe ex ipsa, uisendi cupidine aut officio in principem. 6 – Ipse insigni paludamento neque procul Agrippina chlamyde aurata praesedere. 7 – Pugnatum quamquam inter sontis fortium uirorum animo, ac post multum uulnerum occidioni exempti sunt12. Vers la même année, lorsque l’on eut fait une trouée dans la montagne entre le lac Fucin et le fleuve Liris, afin de montrer la magnificence de l’ouvrage à un plus nombreux public, on prépara sur le lac même un combat naval, comme l’avait fait autrefois Auguste, après avoir creusé un bassin audelà du Tibre; mais Auguste avait présenté des navires plus petits et des forces moins nombreuses. Claude arma des trirèmes, des quadrirèmes et dix-neuf mille hommes, dans une enceinte formée de radeaux, afin qu’il n’y ait aucun moyen de fuir ça et là, mais que soit néanmoins embrassé un espace suffisant pour la force des rameurs, l’art des pilotes, l’élan des navires et les mouvements habituels du combat. Sur les radeaux se tenaient des manipules et des escadrons de la garde prétorienne, et devant on avait élevé des fortifications de façon à pouvoir y tendre des catapultes et des balistes. Le reste du lac était occupé par des soldats de marine sur des navires pontés. Les rives, les collines et les sommets des montagnes furent remplis à la manière d’un théâtre par une immense multitude, venue des villes voisines, et de Rome même, poussée par le désir de voir le spectacle, ou pour faire leur cour au Prince. Claude, revêtu d’un remarquable manteau de guerre, et non loin de lui Agrippine, portant une chlamyde ornée d’or, présidèrent au combat. Celui-ci, bien qu’entre criminels, fut livré avec une ardeur d’hommes courageux, et, après qu’ils se furent infligé de nombreuses blessures, on les dispensa de s’entre-tuer. T. 13 – Suétone, Claude, XXI, 12-14. 12 – Quin et emissurus Fucinum lacum naumachiam ante commisit. 13 – Sed cum proclamantibus naumachiariis : «Haue imperator, morituri te salutant!» respondisset : «Aut non!» neque post hanc uocem quasi uenia data
11 Heinsius : uacua = libre, ouvert, accessible, sans défenseur. D’où la traduction : «afin qu’il n’y ait aucun moyen accessible de fuite». 12 Texte établi par H. Goelzer, Paris, Les Belles Lettres, 1953.
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quisquam dimicare uellet, diu cunctatus an omnes igni ferroque absumeret, tandem e sede sua prosiluit ac per ambitum lacus non sine foeda uacillatione discurrens partim minando partim adhortando ad pugnam compulit. 14 – Hoc spectaculo classis Sicula et Rhodia concurrerunt, duodenarum triremium singulae, exciente bucina Tritone argenteo, qui e medio lacu per machinam emerserat13. Bien plus, avant de lâcher les eaux du lac Fucin, il y donna une naumachie. Mais lorsque les combattants de la naumachie crièrent : «Aue imperator, ceux qui vont mourir te saluent», il répondit : «Savoir s’ils mourront! «A ces mots, aucun d’eux ne voulut plus combattre, sous prétexte qu’il leur avait fait grâce. Alors, après s’être demandé longtemps s’il ne les ferait pas massacrer par le feu et par le fer, il bondit enfin de son siège et, courant çà et là autour du lac, non sans vaciller honteusement, moitié par ses menaces, moitié par ses exhortations, il les contraignit au combat. Dans ce spectacle, c’est une flotte sicilienne et une flotte rhodienne de douze trirèmes chacune qui s’affrontèrent, appelées au combat par la trompette d’un Triton d’argent, qui, grâce à une machine, avait émergé du milieu du lac. T. 14 – Dion Cassius, LX, 33, 3-4. 3 – ¶En tini deù lı¥mnq naymaxı¥an oΩ Klay¥diov eßpeuy¥mhse poih˜sai, teı˜xo¥v te jy¥linon perıù ayßthùn kateskey¥ase kaıù ßıkrı¥a e¶phje, plh˜uo¥v te aßnarı¥umhton h¶uroise. Kaıù oıΩ meùn a¶lloi w ™ v poy kaıù e¶dojen ayßtoı˜v, oΩ deù dhù Klay¥diov o™ te Ne¥rwn stratiwtikw˜v eßsta¥lhsan, h™ te Agrippı˜na xlamy¥di diaxry¥sw ∞ eßkosmh¥uh. oıΩ deù dhù naymaxh¥sontev uana¥tw ∞ te katadedikasme¥noi h®san kaıù penth¥konta nay˜v eΩka¥teroi eı®xon, oıΩ meùn Ro¥dioi oıΩ deù Sikeloıù oßnomasue¥ntev. 4 – kaıù toù meùn prw ˜ ton systrafe¥ntev kaıù kau e©n geno¥menoi Klay¥dion a™ma proshgo¥reysan oy™tw “xaı˜re, ayßtokra¥tor. oıù aßpoloy¥menoı¥ se aßspazo¥meua. ” eßpeıù deù oyßdeùn swth¥rion ey™ronto, aßllaù naymaxeı˜n kaıù w©v eßkeley¥suhsan, die¥kploiv te aΩploı˜v eßxrh¥santo kaıù h™kista aßllh¥lwn h™canto, me¥xriv oyü kaıù aßna¥gkq kateko¥phsan. Claude désira donner une naumachie sur un certain lac. Après avoir fait construire un mur de bois autour, et monter des gradins, il rassembla une foule innombrable. Claude et Néron portaient le costume militaire, Agrippine une chlamyde brodée d’or, et le reste de l’assistance ce que bon leur semblait. Les combattants de la naumachie étaient des condamnés à mort et chacun des deux partis, auxquels on avait donné les noms de «Siciliens» et de «Rhodiens», avait cinquante navires. Et d’abord, s’étant rassemblés en un seul groupe, ils saluèrent Claude de cette façon : «Aue imperator, ceux qui vont mourir, te saluent». Mais ils n’obtinrent pas ainsi leur salut. Lorsqu’il leur fut ordonné de combattre quand même, ils se livrèrent à de simples manœuvres à travers les lignes adverses, et ne cherchèrent pas le moins du monde à se toucher les uns les autres, jusqu’à ce qu’ils soient contraints de se tailler en pièces.
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Texte établi par H. Ailloud, Paris, Les Belles Lettres, n. éd., 1993.
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Les naumachie de Néron (57 av. J.-C. et date inconnue) T. 15 – Sénèque, Lettres à Lucilius, VIII, 70, 19-20; 22-23; 25-26. 19 – Non est quod existimes magnis tantum uiris hoc robur fuisse, quo seruitutis humanae claustra perrumperent; ... uilissimae sortis homines ingenti impetu in tutum euaserunt. ... 20 – Nuper in ludo bestiariorum unus e Germanis, cum ad matutina spectacula pararetur, secessit ad exonerandum corpus : nullum aliud illi dabatur sine custode secretum : ibi lignum id, quod ad emundanda obscena adhaerente spongia positum est, totum in gulam farsit et interclusis faucibus spiritum elisit. ... 22 – Quoniam coepi sordidis exemplis uti, perseuerabo : plus enim a se quisque exiget, si uiderit hanc rem etiam a contemptissimis posse contemni. Catones Scipionesque et alios, quos audire cum admiratione consueuimus, supra imitationem positos putamus : iam ego istam uirtutem habere tam multa exempla in ludo bestiario quam in ducibus belli ciuilis ostendam. 23 – Cum adueheretur nuper inter custodias quidam ad matutinum spectaculum missus, tamquam somno premente nutaret, caput usque eo demisit, donec radiis insereret, et tamdiu se in sedili suo tenuit, donec ceruicem circumactu rotae frangeret : eodem uehiculo, quo ad poenam ferebatur, effugit. ... 25 – Vides, quemadmodum extrema quoque mancipia, ubi illis stimulos adegit dolor, excitentur et intentissimas custodias fallant? Ille uir magnus est, qui mortem sibi non tantum imperauit, sed inuenit. Ex eodem tibi munere plura exempla promisi. ... 26 – Secundo naumachiae spectaculo unus e barbaris lanceam, quam in aduersarios acceperat, totam iugulo suo mersit. «Quare, quare, inquit, non omne tormentum, omne ludibrium iamdudum effugio? quare ego mortem armatus exspecto? «Tanto hoc speciosius spectaculum fuit, quanto honestius mori discunt homines quam occidere.14 Il n’y a pas lieu de penser que ce sont seulement les grands hommes qui ont eu cette force qui leur a permis de briser les barrières de l’humaine servitude. Des hommes de la condition la plus vile, en un immense élan, sont parvenus en lieu sûr... Récemment lors d’un spectacle de bestiaires, l’un des Germains, alors qu’on le préparait pour les jeux du matin, se retira dans les latrines : c’était le seul lieu isolé où il pouvait se rendre sans gardien. Là, il prit le bâton où tient l’éponge servant à nettoyer les excréments, et se l’enfonçant tout entier dans la gorge, il s’obstrua l’œsophage et s’étouffa. ... Puisque j’ai commencé à utiliser des exemples empruntés aux viles conditions, je continuerai : en effet, chacun exigera plus de lui-même, s’il constate que même les êtres les plus méprisés peuvent mépriser la mort. Les Catons, les Scipions et d’autres, dont nous avons l’habitude d’entendre parler avec admiration, nous paraissent au-dessus de toute imitation. Je vais maintenant montrer que l’on trouve autant d’exemple de cette vertu dont nous parlons à l’occasion d’un combat de bestiaires que parmi les chefs des guerres civiles. Il y a quelques temps, alors qu’il était transporté sous bonne garde vers les jeux de matin auxquels on le destinait, un homme se mit à dodeliner de la tête comme si le sommeil le terrassait, laissa pendre sa tête jusqu’à l’insérer dans les rayons de la roue, et se maintint ainsi sur son banc jusqu’à ce qu’un tour de roue lui ait brisé le cou. Il échappa au châtiment grâce au cha-
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Texte établi par H. Noblot, Paris, Les Belles Lettres, 1957.
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riot même qui l’y conduisait. ... Vois-tu comment s’éveillent les derniers des esclaves, lorsque la douleur leur envoie ses aiguillons, pour tromper les surveillances les plus attentives? Celui-là est grand, qui ne s’est pas seulement donné l’ordre de mourir, mais a su trouver la mort. Je t’ai promis plusieurs exemples tirés de ce même domaine des jeux. Lors de la seconde naumachie, l’un des barbares se plongea dans la gorge la lance qu’il avait reçue pour en user contre ses adversaires. «Pourquoi», dit-il, «pourquoi ne pas fuir sans délai tout tourment, tout outrage? Pourquoi attendre la mort, alors que j’ai une arme?» Ce fut là un spectacle d’autant plus beau qu’il est plus noble pour les hommes d’apprendre à mourir qu’à tuer. T. 16 – Suétone, Néron, XII, 2-6. 2 – Munere, quod in amphitheatro ligneo regione Martii campi intra anni spatium fabricato dedit, neminem occidit, ne noxiorum quidem. 3 – Exhibuit autem ad ferrum etiam quadringentos senatores sescentosque equites Romanos et quosdam fortunae atque existimationis integrae, ex isdem ordinibus confectores quoque ferarum et uaria harenae ministeria. 4 – Exhibuit et naumachiam marina aqua innantibus beluis; item pyrrichas quasdam e numero epheborum, quibus post editam operam diplomata ciuitatis Romanae singulis optulit. 5 – Inter pyrricharum argumenta taurus Pasiphaam ligneo iuuencae simulacro abditam iniit, ut multi spectantium crediderunt; Icarus primo statim conatu iuxta cubiculum eius decidit ipsumque cruore respersit. 6 – Nam perraro praesidere, ceterum accubans, paruis primum foraminibus, deinde toto podio adaperto spectare consueuerat. Lors du combat de gladiateurs qu’il donna dans un amphithéâtre de bois confectionné en moins d’un an, il ne fit tuer personne, pas même les criminels; parmi les combattants, il produisit aussi quatre cent sénateurs, et six cent chevaliers, dont certains jouissaient d’une fortune et d’une réputation intacte; à ces deux ordres appartenaient également les bestiaires et les divers employés de l’arène. Il donna aussi une naumachie où l’on vit des monstres marins nager dans de l’eau de mer. Il fit aussi exécuter des pyrrhiques par un grand nombre d’éphèbes, et une fois leur exhibition achevée, il offrit à chacun un brevet de citoyen romain. Entre ces danses, un taureau saillit une génisse en bois où beaucoup de spectateurs crurent que Pasiphae était cachée; Icare, dès son premier essai, tomba près de la loge de l’empereur, et l’éclaboussa de sang. Car Néron présidait très rarement le spectacle : il avait l’habitude de le regarder couché, d’abord par de petites ouvertures, ensuite en faisant découvrir tout le podium. T. 17 – Dion Cassius, LXI, 9, 5. En de¥ tini uea¥trw ∞ ue¥av eßpitelw ˜ n, eı®ta plhrw¥sav eßjaı¥fnhv toù ue¥atron y™datov ualassı¥oy w™ste kaıù ıßxuy¥av kaıù kh¥th eßn ayßt√ nh¥xesuai, naymaxı¥an te eßpoı¥hse Persw˜n dhù tinw ˜ n kaıù Auhnaı¥wn, kaıù met ayßthùn to¥ te y™dwr eyßuyùv eßjh¥gage, kaıù jhra¥nav toù da¥pedon pezoyùv pa¥lin oyßx o™pwv e™na proùv e™na aßllaù kaıù polloyùv a™ma proùv ¶ısoyv syne¥balen. Alors qu’il donnait des spectacles dans un amphithéâtre, il le fit subitement remplir d’eau de mer, de façon à ce qu’y nagent des poissons et des monstres marins et il donna une naumachie entre des Perses et des Athé-
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
niens. Puis il fit aussitôt retirer l’eau, asséchant le sol, et il mit à nouveau aux prises des fantassins, non pas en combats singuliers, mais en opposant une troupe importante à une autre, équivalente. T. 18 – Dion Cassius, LXII, 15, 1. Tosay¥th d h®n hΩ toy˜ Ne¥rwnov aßkolası¥a w™ste kaıù a™rmata dhmosı¥a∞ h¶layne. kaı¥ pote uhrı¥a aßpokteı¥nav y™dwr te eyßuyùv eßv toù ue¥atron eßpwxe¥teyse kaıù naymaxı¥an eßpete¥lese, kaıù metaù toy˜to toù y™dwr aßfeıùv monomaxı¥an eßpidie¥uhke, kaıù te¥lov eßsagagw ù n ayßtoù ay®uiv deı˜pnon dhmosı¥a∞ polyteleùv eßdeı¥pnisen. Les dérèglements de Néron étaient tels qu’il en vint à conduire des chars en public. Et un jour, après avoir présenté des chasses, il fit conduire aussitôt de l’eau dans le théâtre et donna une naumachie. Puis, retirant l’eau, il organisa en outre un combat de gladiateurs. Enfin, il fit revenir l’eau à nouveau et donna un somptueux banquet public. Les naumachies de Titus (80 ap. J.-C.) T. 19 – Martial, Livre des spectacles, XXIV. Si quis ades longis serus spectator ab oris, cui lux prima sacri muneris ista fuit, ne te decipiat ratibus naualis Enyo et par unda fretis, hic modo terra fuit. Non credis? specta, dum lassant aequora Martem : parua mora est, dices : «Hic modo pontus erat»15.
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Si venu de lointains rivages, tu es en retard aux jeux sacrés et que ce soit ton premier jour de spectacles, ne sois pas trompé par les navires de la Bellone navale et par une onde semblable à la mer, ici il y a peu était la terre. Tu ne le crois pas? Attends que Mars soit lassé de ces eaux : dans peu de temps tu diras : ici, tout à l’heure, c’était la mer. T. 20 – Martial, Livre des spectacles, XXVIII Augusti labor hic fuerat committere classes et freta nauali sollicitare tuba. Caesaris haec nostri pars est quota? Vidit in undis et Thetis ignotas et Galatea feras; uidit in aequoreo feruentes puluere currus et domini Triton isse putauit equos : dumque parat saeuis ratibus fera proelia Nereus, horruit in liquidis ire pedestris aquis. Quidquid et in Circo spectatur et Amphitheatro, id diues, Caesar, praestitit unda tibi. Fucinus et diri taceantur stagna Neronis : hanc norint unam saecula naumachiam.
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Texte établi par H. J. Izaac, Paris, Les Belles Lettres, 1930.
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Cela avait été l’œuvre d’Auguste que de mettre aux prises des flottes et de troubler les eaux avec la trompette navale. Et notre César, quelle est sa part? Thétis et Galatée ont vu sur leurs eaux des bêtes sauvages inconnues d’elles; Triton a vu des chars écumer sur la piste marine et a pensé voir passer les chevaux de son maître. Tandis que Nérée préparait de sauvages combats pour les navires en proie à la fureur guerrière, il a frémi d’aller à pieds dans les eaux limpides. Tout ce qu’on voit au Cirque et à l’Amphithéâtre, une onde riche en merveilles l’a exécuté pour toi. Que l’on ne parle plus du Fucin, ni de l’étang du sinistre Néron : que les siècles ne connaissent que cette seule naumachie. T. 21 – Suétone, Titus, VII, 7. Et tamen nemine ante se munificentia minor, amphitheatro dedicato thermisque iuxta celeriter extructis munus edidit apparatissimum largissimumque; dedit et nauale proelium in ueteri naumachia, ibidem et gladiatores atque uno die quinque milia omne genus ferarum16. Et cependant, il ne fut inférieur en magnificence à aucun de ses prédécesseurs, car après avoir consacré son amphithéâtre et construit rapidement des thermes qui le jouxtaient, il donna dans le plus grand appareil des jeux très considérables; il donna aussi un combat naval dans l’ancienne naumachie, où il fit paraître également des gladiateurs et, en une seule journée, cinq mille bêtes de tout genre. T. 22 – Dion Cassius, LXVI, 25, 1-4. 1 – Kaıù eßpıù meùn toı˜v a¶lloiv oyßdeùn eßjaı¥reton e¶praje, toù deù dhù ue¥atron toù kynhgetikoùn to¥ te balaneı˜on toù eßpw ¥ nymon ayßtoy˜ ıΩerw¥sav pollaù kaıù uaymastaù eßpoı¥hse. ge¥ranoı¥ te gaùr aßllh¥loiv eßmaxe¥santo kaıù eßle¥fantev te¥ssarev, a¶lla te eßv eßnakisxı¥lia kaıù botaù kaıù uhrı¥a aßpesfa¥gh, kaıù ayßtaù kaıù gynaı˜kev, oyß me¥ntoi eßpifaneı˜v, sygkateirga¥santo. 2 – a¶ndrev te polloıù meùn eßmonoma¥xhsan, polloıù deù kaıù aßuro¥oi e¶n te pezomaxı¥aiv kaıù eßn naymaxı¥aiv hßgwnı¥santo. toù gaùr ue¥atron ayßtoù eßkeı˜no y™datov eßjaı¥fnhv plhrw ¥ sav eßsh¥gage meùn kaıù ™ıppoyv kaıù tay¥royv kaıù a¶lla tinaù xeiroh¥uh, dedidagme¥na pa¥nu o™sa eßpıù th˜v gh˜v pra¥ttein kaıù eßn t√ yΩgr√ eßsh¥gage deù kaıù aßnurw ¥ poyv eßpıù ploı¥wn. 3 – kaıù oyütoi meùn eßkeı˜, wΩv oıΩ meùn Kerkyraı˜oi oıΩ deù Korı¥nuioi o¶ntev, eßnayma¥xhsan, a¶lloi deù e¶jw eßn t√ a¶lsei t√ toy˜ Gaıμoy toy˜ te Doykı¥oy, o™ pote oΩ Ay¶goystov eßp ayßtoù toy˜t w ß ry¥jato. kaıù gaùr eßntay˜ua tq˜ meùn prw ¥ tq hΩme¥ra∞ monomaxı¥a te kaıù uhrı¥wn sfagh¥, katoikodomhueı¥shv sanı¥si th˜v kataù pro¥swpon tw ˜ n eıßko¥nwn lı¥mnhv kaıù ßıkrı¥a pe¥rij laboy¥shv, 4 – tq˜ deù deyte¥ra∞ ıΩppodromı¥a kaıù tq˜ trı¥tq naymaxı¥a trisxilı¥wn aßndrw ˜ n kaıù metaù toy˜to kaıù pezomaxı¥a eßge¥neto. nikh¥santev gaùr oıΩ Auhnaı˜oi toyùv Syrakoysı¥oyv (toy¥toiv gaùr toı˜v oßno¥masi xrhsa¥menoi eßnayma¥xhsan) eßpejh˜luon eßv toù nhsı¥dion, kaıù prosbalo¥ntev teı¥xei tinıù perıù toù mnhmeı˜on pepoihme¥nw ∞ eıülon ayßto¥. tay˜ta meùn eßv o¶cin h™konta kaıù eßf eΩkatoùn hΩme¥rav eßge¥neto. ... Pour le reste, il ne réalisa rien de remarquable, sinon les jeux nombreux et extraordinaires qu’il donna en inaugurant son amphithéâtre et les bains
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Texte établi par H. Ailloud, Paris, Les Belles Lettres, 1957.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
qui portent son nom. En effet, il y eut un combat entre des grues, et également entre quatre éléphants. Neuf mille bêtes, domestiques ou sauvages, furent tuées. Des femmes même, mais non des femmes de haut rang, participèrent à ces combats. Quant aux hommes, ils furent nombreux à combattre comme gladiateurs, nombreux aussi à combattre par troupes, ainsi que dans une naumachie. En effet, emplissant subitement d’eau cet amphithéâtre, il y introduisit des chevaux, des taureaux et d’autres animaux domestiques qui avaient appris à faire dans l’eau tout ce qu’ils font sur la terre ferme. Il embarqua également des hommes sur des navires. Là, les uns représentant des Corcyréens, les autres des Corinthiens, ils se livrèrent un combat naval, et d’autres le firent à l’extérieur de la ville, dans le bois de Gaius et Lucius où Auguste, autrefois, avait fait creuser un bassin dans ce but même. A cet endroit en effet, il y eut le premier jour un combat de gladiateurs et une chasse, le lac devant les statues ayant été couvert d’un plancher et entouré de gradins. Le second jour il y eut une course de chevaux, et le troisième une naumachie entre 3000 hommes, puis un combat d’infanterie. En effet, les «Athéniens» l’ayant emporté sur les «Syracusains» (tels étaient les noms sous lesquels ils combattirent), ils firent un débarquement contre l’îlot, assaillirent un mur que l’on avait construit autour du monument commémoratif et le prirent. Tels furent les spectacles et ils durèrent cent jours.
Les naumachies de Domitien (85 et 89 ap. J.-C.) T. 23 – Martial : Epigrammes, I, 5. Do tibi naumachiam, tu das epigrammata nobis : vis, puto, cum libro, Marce, natare tuo. Je te donne une naumachie, tu me donnes des épigrammes. Tu veux, je pense, Marcus, nager avec ton livre. T. 24 – Suétone : Domitien, IV, 1-2; 6-7. 1 – Spectacula assidue magnifica et sumptuosa edidit non in amphitheatro modo, uerum et in circo, ubi praeter sollemnes bigarum quadrigarumque cursus proelium etiam duplex, equestre ac pedestre, commisit; at in amphitheatro nauale quoque. 2 – Nam uenationes gladiatoresque et noctibus ad lychnuchos, nec uirorum modo pugnas, sed et feminarum. ... 6 – Edidit naualis pugnas paene iustarum classium, effosso et circumstructo iuxta Tiberim lacu, atque inter maximos imbres perspectauit. 7 – Fecit et ludos Saeculares, computata ratione temporum ad annum non quo Claudius proxime, sed quo olim Augustus ediderat... Il donna continuellement des spectacles magnifiques et coûteux, non seulement dans l’amphithéâtre, mais aussi dans le Cirque, où indépendamment des courses de biges et de quadriges habituelles, il fit même livrer deux combats, l’un de cavaliers et l’autre de fantassins; dans l’amphithéâtre, il y eut aussi un combat naval. Quant aux chasses et aux combats de gladiateurs, il en donna aussi de nuit, à la lueur des lampes, et non seulement avec des hommes, mais aussi avec des femmes. ... Il donna des batailles navales où
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s’affrontèrent presque de vraies flottes, dans une pièce d’eau qu’il avait fait creuser près du Tibre et entourer de gradins, et il les regarda jusqu’à la fin sous des pluies torrentielles. 7 – Il célébra aussi les jeux séculaires, en faisant le compte des années non d’après ceux de Claude, les plus récents, mais d’après ceux qu’avait donné autrefois Auguste... T. 25 – Dion Cassius, LXVII, 7, 2-3; 8. 2 – ™Oti oΩ Domitianoùv hΩtthueıùv yΩpoù Markoma¥nwn kaıù fygwùn e¶pemce diaù taxe¥wn proùv toùn Deke¥balon toùn Dakw ˜ n basile¥a, kaıù eΩv spondaùv ayßtoùn yΩphga¥geto, a©v polla¥kiv aıßth¥santi ayßt√ pro¥teron oyßk eßdedw ¥ kei. ... 3 – kaıù toı˜v stratiw¥taiv kaıù timaùv kaıù argy¥rion eßxarı¥sato, kaıù eßv thùn Rw¥mhn wΩv nenikhkwùv eßpe¥steile ta¥ te a¶lla kaıù pre¥sbeiv paraù toy˜ Dekeba¥loy eßpistolh¥n te, ... 8 – Kaıù tosay˜ta ayßt√ eßchfı¥suh w™ste pa˜san oßlı¥goy deı˜n thùn oıßkoyme¥nhn thùn yΩp ayßtoùn oy®san eıßko¥nwn ayßtoy˜ kaıù aßndria¥ntwn kaıù aßrgyrw ˜ n kaıù xrysw˜n eßmplhsuh˜nai. eßpoı¥hse deù kaıù ue¥an polytelh˜, eßn qü a¶llo meùn oyßdeùn eßv ıΩstorı¥an eßpı¥shmon parela¥bomen, plhùn o™ti kaıù parue¥noi t√ dromik√ hßgwnı¥santo. metaù deù tay˜ta eΩorta¥v tinav nikhthrı¥oyv dh˜uen eßpitelw ˜ n aßgw ˜ nav syxnoyùv eßpoı¥hse. toy˜to meùn gaùr eßn t√ ıΩppodro¥mw ∞ ma¥xav kaıù pezw˜n proùv aßllh¥loyv kaıù ıΩppe¥wn ay® syne¥bale, toy˜to deù kaıù eßn kain√ tini xwrıùw ∞ naymaxı¥an eßpete¥lese. kaıù aßpe¥uanon eßn ayßtq˜ pa¥ntev meùn oßlı¥goy deı˜n oıΩ naymaxh¥santev, syxnoıù deù kaıù eßk tw˜n uewme¥nwn. yΩetoy˜ gaùr polloy˜ kaıù xeimw ˜ nov sfodroy˜ eßjaı¥fnhv genome¥noy oyßdenıù eßpe¥trecen eßk th˜v ue¥av aßpallagh˜nai, aßll ayßtoùv mandy¥av aßllasso¥menov eßkeı¥noyv oyßdeùn eı¶ase metabaleı˜n, kaıù eßk toy¥toy eßno¥shsan, oyßk oßlı¥goi kaıù eßteley¥thsan. eßf w ∞ü poy paramyuoy¥menov ayßtoyùv deı˜pnon sfisi dhmosı¥a∞ diaù pa¥shv th˜v nyktoùv pare¥sxe. polla¥kiv deù kaıù toyùv aßgw ˜ nav ny¥ktwr eßpoı¥ei, kaıù e¶stin o™te kaıù na¥noyv kaıù gynaı˜kav syne¥balle. Domitien, vaincu par les Marcomans et en fuite, envoya en hâte un message à Décébale, le roi des Daces, et l’amena à conclure une trêve, alors qu’il avait auparavant refusé de répondre favorablement aux fréquentes requêtes du roi en ce sens. ... Il accorda des récompenses et de l’argent aux soldats, et comme s’il avait vaincu, il envoya à Rome, entre autres, des embassadeurs et une lettre de Décébale. ... Et tant d’honneurs lui furent votés que c’est presque le monde entier, du moins la partie qui était sous sa domination, qui fut remplie de ses images et de ses statues, en or et en argent. Il donna aussi un spectacle coûteux, sur lequel nous n’avons rien recueilli d’assez remarquable pour rester dans l’histoire si ce n’est une épreuve de course à pieds disputée par des jeunes filles. Après cela, célébrant de soi-disant fêtes triomphales, il donna des jeux en grand nombre. En effet, dans le Cirque il mit aux prises des fantassins les uns contre les autres, puis des cavaliers, après quoi il donna une naumachie dans un site nouveau. Au cours de ce spectacle, presque tous les combattants moururent et un grand nombre des spectateurs. En effet, lorsqu’une forte pluie et une violente tempête survinrent subitement, il ne permit à personne de quitter le spectacle. Alors que lui-même remplaça ce qu’il portait par un vêtement de drap épais, il ne laissa pas l’assistance se changer, si bien qu’un nombre non négligeable de personnes tombèrent malades et moururent. Pour consoler le public de cela sans doute, il lui offrit un repas à titre
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
public durant toute la nuit. Souvent aussi il donna des jeux de nuit, et parfois il mit aux prises des nains et des femmes. Les naumachies d’Aurélien T. 26 – Histoire Auguste, Aur., XXXII, 4 & XXXIV, 6 (274 ap. J.-C.). XXXII, 4 – Princeps igitur totius orbis Aurelianus pacatis oriente, Gallis atque undique terris ... Romam iter flexit, ut de Zenobia et Tetrico, hoc est de oriente et de occidente, triumphum Romanis oculis exhiberet. ... XXXIV, 6 – Sequentibus diebus datae sunt populo uoluptates ludorum scaenicorum, ludorum circensium, uenationum, gladiatorum, naumachiae17. Aurélien donc, maître de tout l’univers après la pacification de l’Orient, des Gaulois et de toutes les terres, ... retourna à Rome, afin de montrer aux yeux du peuple romain son triomphe sur Zénobie et Tétricus c’est-à-dire sur l’Orient et l’Occident ... Les jours qui suivirent le triomphe on divertit le peuple avec des spectacles scéniques, des jeux du cirque, des chasses, des combats de gladiateurs, des naumachies. Une naumachie provinciale au Bas-Empire T. 27 – Ausone, La Moselle, v. 200-229. Haec quoque quam dulces celebrant spectacula pompas, remipedes medio certant cum flumine lembi et uarios ineunt flexus uiridesque per oras stringunt attonsis pubentia germina pratis! Puppibus et proris alacres gestire magistros impubemque manum super amnica terga uagantem dum spectat transire diem sua seria ludo posthabet : excludit ueteres noua gratia curas. Tales Cumano despectat in aequore ludos Liber, sulphurei cum per iuga consita Gauri perque uaporiferi graditur uineta Veseui, cum Venus Actiacis Augusti laeta triumphis ludere lasciuos fera proelia iussit Amores, qualia Niliacae classes Latiaeque triremes subter Apollineae gesserunt Leucados arces, aut Pompeiani Mylasena pericula belli Euboicae referunt per Auerna sonantia cumbae : innocuos ratium pulsus pugnasque iocantes naumachiae Siculo quales spectata18 Peloro caeruleus uiridi reparat sub imagine pontus : non aliam speciem petulantibus addit ephebis
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Texte établi par F. Paschoud, Paris, Les Belles Lettres, 1996. A. Pastorino (Classici latini, 1971) & Prete (Teubner, 1978) : qualis.
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pubertasque amnis et picti rostra phaseli. Hos Hyperionio cum sol perfuderit aestu, reddit nautales uitreo sub gurgite formas et redigit pandas inuersi corporis umbras. Utque agiles motus dextra laeuaque frequentant et commutatis alternant pondera remis, unda refert alios simulacra umentia nautas : ipsa suo gaudet simulamine nautica pubes, fallaces fluuio mirata redire figuras.19
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Quelle agréable pompe aussi déploient ces spectacles, quand les canots à rames luttent au milieu du fleuve, exécutent des courbes variées et effleurent le long des rives verdoyantes l’herbe qui repousse dans les prés fauchés! Sur les poupes et les proues les responsables de la manœuvre se démènent joyeusement et les équipages de jeunes gens vont et viennent sur la surface du fleuve : le spectateur passe ainsi le jour, il fait passer ses occupations sérieuses après ce jeu, et ces nouveaux plaisirs éloignent les anciens soucis. Ce sont de tels jeux que contemple Liber dans la mer de Cumes, alors qu’il s’avance sur les sommets plantés de vignes du Gaurus sulfureux et du Vésuve fumant : Vénus, heureuse du triomphe d’Auguste à Actium a ordonné aux Amours folâtres de représenter les farouches combats que les flottes du Nil et les trirèmes du Latium se livrèrent sous la citadelle de Leucade consacrée à Apollon. De la même façon les barques eubéennes reproduisent sur l’Averne retentissant les périls de la bataille de Myles dans la guerre contre Pompée : la mer bleue restitue en une verte image les chocs inoffensifs des bateaux et les combats pour rire d’une naumachie, imitant ceux que l’on vit depuis le Pélore sicilien. C’est un aspect semblable que donnent aux adolescents pleins de vivacité la jeunesse, le fleuve et les rostres de leurs embarcations peintes de couleurs vives. Quand le soleil les a baignés de ses rayons ardents, il projette sous l’eau transparente les silhouettes des matelots et reproduit les ombres inversées et sinueuses de leurs corps. Et selon qu’ils multiplient à droite et à gauche leurs prestes mouvements, et font peser le poids d’un côté ou de l’autre, aux changements de rames, l’onde reflète d’autres matelots, humides fantômes. Les jeunes équipages eux-mêmes s’amusent de leur propre image, étonnés que le fleuve réfléchisse ces figures trompeuses. Autres occurrences du mot naumachia dans la littérature latine T. 28 – Lucilius, Satires, XIV, 8. ... naumachiam licet haec, inquam, alueolumque putare, et calces. Delectes te, hilo non rectius uiuas. 20 ... il est possible, dis-je, de considérer ces activités de la même façon qu’une naumachie ou des pions sur une table de jeu. Tu peux t’amuser, mais tu n’en mèneras en rien une vie plus droite. 19 20
Texte établi par Ch.-M. Ternes, Paris, PUF, 1972. Texte établipar F. Charpin, Paris, Les Belles lettres, t. I, 1978.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
T. 29 – Servius, In Vergilii Aeneidos, V, 114. Punico bello primum naumachiam ad exercitium instituere Romani coeperunt... 21 C’est d’abord au cours des guerres puniques que les Romains commencèrent à organiser des naumachies comme entraînement militaire ... LES
CHASSES AQUATIQUES
Des textes nous apprennent que les chasses et les exhibitions d’animaux rangées sous le nom de uenationes, les spectacles les plus caractéristiques du monde romain avec la gladiature, présentèrent parfois des specimens de la faune fluviale ou marine. La mise en eau d’un bassin, voire de tout le sol d’un monument, fut alors réalisée pour donner à ces animaux le cadre qui leur était le mieux adapté. Certaines sources en témoignent. D’autres au contraire ne soufflent mot d’une semblable installation, ce qui fait douter qu’elle ait été systématique. La présentation d’animaux amphibies sur un sol sec, en l’absence de tout élément rappelant l’univers aquatique, ne relève évidemment pas de notre étude. En revanche, certains auteurs attestent ou suggèrent aussi l’existence de spectacles où l’on vit des animaux terrestres évoluer dans l’eau. Un corpus rassemblant tous les textes qui évoquent soit des uenationes d’animaux nilotiques ou marins, soit des animaux terrestres dans un décor aquatique, est donc la base d’une réflexion critique au terme de laquelle seuls certains d’entre eux peuvent être retenus comme des témoignages sur de véritables spectacles aquatiques. Les jeux de l’édilité de Scaurus (58 av. J.-C.) T. 30 – Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, VIII, 95-96. 95 – Maior altitudine in eodem Nilo belua hippopotamius editur ... 96 – Primus eum et quinque crocodilos Romae aedilitatis suae ludis M. Scaurus temporario euripo ostendit 22. Le Nil engendre une bête de plus haute taille, l’hippopotame (...) C’est M. Scaurus, lors des jeux de son édilité, qui le premier montra à Rome cet animal, en même temps que cinq crocodiles, dans un bassin temporaire. T. 31 – Ammien Marcellin, XXII, 15, 21 & 24. 21 – Hippopotami quoque generantur in illis partibus, ultra animalia cuncta ratione carentia sagacissimi, ad speciem equorum bifidos unguis habentes, caudasque breues, quorum sollertiae duo interim ostendere documenta sufficiet. ...
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Texte établi par G. Thilo et H. Hagen, Leipzig, Teubner, 1881-1902. Texte établi par A. Ernout, Paris, les Belles Lettres, 1952.
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24 – Has monstruosas antehac raritates in beluis, in aedilitate Scauri uidit Romanus populus primitus ... et per aetates exinde plures saepe huc ducti, nunc inueniri nusquam possunt, ut coniectantes regionum incolae dicunt, insectantis multitudinis taedio ad Blemmyas migrasse conpulsi 23. Ces régions (L’Egypte) produisent aussi les hippopotames ... Le peuple Romain vit pour la première fois ces bêtes monstrueuses, qui étaient auparavant des raretés, lors de l’édilité de Scaurus ... Après cela pendant quelques siècles un assez grand nombre de ces animaux furent conduits à Rome. Maintenant on ne les trouve nulle part. Lassés de la multitude qui les poursuivait sans relâche, selon ce que disent les habitants de ces régions, ils ont été poussés à s’établir dans le pays des Blemmyes.
Les chasses nilotiques d’Auguste (29 & 2 av. J.-C.) T. 32 – Dion Cassius LI, 22, 5. En d oy®n tq˜ toy˜ hΩrw∞¥oy oΩsiw ¥ sei aßgw ˜ nev te pantodapoıù eßge¥nonto, kaıù thùn Troı¥an eyßpatrı¥dai paı˜dev ™ıppeysan a¶ndev te eßk tw ˜ n oΩmoı¥wn sfı¥sin eßpı¥ te kelh¥twn kaıù eßpıù synwrıùdwn eßpı¥ te teurı¥ppwn aßnthgwnı¥santo, Ky¥into¥v te¥ tiv Oyßite¥lliov boyleythùv eßmonoma¥xhse. kaıù uhrı¥a kaıù botaù a¶lla te pamplhuh˜ kaıù rΩino¥kerwv ™ıppov te pota¥miov, prw ˜ ton to¥te eßn tq˜ Rw ¥ mq oßfue¥nta eßsfa¥gh. ... kaıù aßuro¥oi proùv aßllh¥loyv Dakoı¥ te kaıù Soyh˜boi eßmaxe¥santo. Lors de la consécration du temple du Diuus Iulius, il y eut des jeux de toutes sortes. Les fils des patriciens donnèrent la cavalcade troyenne, des hommes de même origine disputèrent des courses de chevaux, de biges et de quadriges, et un certain Quintus Vitellius, sénateur, combattit comme gladiateur. Lors des chasses furent tuées de très nombreuses bêtes sauvages et domestiques. Parmi ces animaux se trouvaient notamment un rhinocéros et un hippopotame, que l’on vit alors à Rome pour la première fois... et des Daces et des Suèves combattirent en deux troupes. Dion Cassius, LV, 10, 6-8 : voir T. 11.
Un spectacle nautique de Caligula (38 ap. J.-C.) T. 33 – Dion Cassius, LIX, 10, 1-5. 1 – ... Pleı¥stoyn o™soyv oΩplomaxh˜sai eßpoı¥hse. kaıù gaùr kaıù kau e™na kaıù aßuro¥oyv, w ™ sper eßn parata¥jei tinı¥, aßgwnı¥sasuai sfav hßna¥gkase, paraù th˜v boylh˜v dhù toy˜to aıßth¥sav, 2 – w ™ ste kaıù e¶jw toy˜ nenomouethme¥noy pa¥nu o™sa boy¥loito dra˜sai, kaıù aßpokteı˜nai tw˜n te a¶llwn polloyùv kaıù tw˜n ıΩppe¥wn e©j kaıù eı¶kosi, toyùv meùn taùv oyßsı¥av katedhdoko¥tav, toyùv deù kaıù a¶llwv oΩplomaxı¥an hßskhko¥tav. 3 – ... eßpilipo¥ntwn poteù tw˜n toı˜v uhrı¥oiv eßk katadı¥khv didome¥nwn,
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Texte établi par J. Fontaine, E. Frézouls et J. D. Berger, Les Belles Lettres,
1996.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
eßke¥leysen eßk toy˜ o¶xloy toy˜ toı˜v ßıkrı¥oiv prosesthko¥tov synarpasuh˜naı¥ te¥ tinav kaıù parablhuh˜naı¥ sfisin. ... 4 – tw˜n te ıΩppe¥wn tinaù eßpifanw ˜ n monomaxh˜sai te w Ω v kaıù yΩbrı¥santa thùn mhte¥ra ayßtoy˜ thùn Agrippı˜nan hßna¥gkase ... 5 – eßpoı¥hse deù toyùv aßgw ˜ nav toy¥toyv taù meùn prw ˜ ta eßn toı˜v Se¥ptoiv, pa˜n toù xwrı¥on eßkeı˜no eßjory¥jav kaıù y™datov plhrw ¥ sav, ™ına mı¥an nay˜n eßsaga¥gq, e¶peita deù kaıù eΩte¥rwui, pleı˜sta¥ te kaıù me¥gista oıßkodomh¥mata kauelwùn kaıù ßıkrı¥a phja¥menov. Toù gaùr toy˜ Tay¥roy ue¥atron yΩperefro¥nhse. ... Il fit combattre comme gladiateurs autant d’hommes que possible, et les contraignit à s’affronter aussi bien par paires que par troupes, comme dans une bataille rangée. Il en avait fait la requête auprès du Sénat, de sorte qu’il put faire tout ce qu’il voulut, même en dehors des institutions légales. Il fit ainsi tuer un grand nombre d’hommes, et en particulier 26 chevaliers, qui avaient dévoré leurs biens, et avaient parfois de surcroît déjà pratiqué la gladiature. ... Un jour que manquaient les condamnés aux bêtes, il ordonna que l’on se saisisse de plusieurs personnes dans la foule qui se tenait près des tribunes et que l’on les leur jette. Il contraignit un chevalier des plus éminents à combattre comme gladiateur, sous le prétexte qu’il avait insulté sa mère Agrippine... Il donna ces jeux d’abord dans les Saepta, ayant fait creuser et emplir d’eau l’ensemble du site pour y introduire un navire, ensuite ailleurs, après avoir fait abattre un très grand nombre de bâtiments importants, et construire des tribunes de bois. En effet, il dédaigna l’amphithéâtre de Taurus. La uenatio de Claude dans le port d’Ostie (date inconnue) T. 34 – Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, IX, 14-15. 14 – Orca et in portu Ostiensi uisa est oppugnata a Claudio principe. Venerat tum exaedificante eo portum, inuitata naufragiis tergorum aduectorum e Gallia, satiansque se per conplures dies alueum in uado sulcauerat, adtumulata fluctibus in tantum ut circumagi nullo modo posset et, dum saginam persequitur in litus fluctibus propulsam, emineret dorso multum super aquas carinae uice inuersae. 15 – Praetendi iussit Caesar plagas multiplices inter ora portus profectusque ipse cum praetorianis cohortibus p R spectaculum praebuit, lanceas congerente milite e nauigiis adsultantibus, quorum unum mergi uidimus reflatu beluae oppletum unda 24 On vit même, dans le port d’Ostie, l’attaque d’une orque par l’empereur Claude. Elle était venue, alors que le Prince réalisait les aménagements du port, attirée par le naufrage d’une cargaison de peaux venues de Gaule. Se rassasiant durant plusieurs jours, elle avait creusé une cavité dans le fond, et les flots l’avaient à ce point entourée de sable qu’elle ne pouvait pas faire demi-tour. Tandis qu’elle poursuivait la graisse que les flots poussaient à la côte, son dos émergeait bien au-dessus des eaux à la manière d’une coque retournée. César ordonna de tendre plusieurs filets dans les passes du port et partit lui-même avec les cohortes prétoriennes, pour donner au peuple ro-
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Texte établi par E. de Saint-Denis, Paris, Les Belles Lettres, 1955.
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main le spectacle de ces soldats criblant l’animal de coups de lances depuis les navires assaillants. Nous vîmes couler l’un d’eux, rempli d’eau par le souffle du monstre. Les chasses aquatiques sous Néron (57 ap. J.-C., 64 ap. J.-C. et dates inconnues) T. 35 – Tacite, Annales, XV, 37. 1 – Ipse, ... publicis locis struere conuiuia totaque Urbe quasi domo uti. Et celeberrimae luxu famaque epulae fuere quas, a Tigellino paratas, ut exemplum referam, ne saepius eadem prodigentia narranda sit. 2 – Igitur in stagno Agrippae fabricatus est ratem, cui superpositum conuiuium nauium aliarum tractu moueretur. Naues auro et ebore distinctae, remigesque, exoleti, per aetates et scientiam libidinum componebantur. Volucres et feras diuersis e terris et animalia maris Oceano abusque petiuerat. 3 – Crepidinibus stagni lupanaria adstabant, inlustribus feminis completa, et contra scorta uisebantur nudis corporibus. Iam gestus motusque obsceni, et postquam tenebrae incedebant, quantum iuxta nemoris et circumiecta tecta consonare cantu et luminibus clarescere ... Lui-même (Néron) ... dressa des festins dans des lieux publics et utilisa toute la Ville comme s’il s’agissait de sa demeure. Le festin le plus célèbre par son luxe et sa renommée fut celui préparé par Tigellin que je vais raconter à titre d’exemple, afin de ne pas avoir à relater trop souvent les mêmes prodigalités. On fabriqua donc sur l’étang d’Agrippa un radeau, où fut disposé le festin. Ce radeau était tiré par d’autres navires, rehaussés d’or et d’ivoire, et dont les rameurs, des prostitués, étaient rangés selon leur âge et leur science de la débauche. Il avait fait venir de pays éloignés des oiseaux et des bêtes sauvages, et jusqu’à des animaux marins venus de l’Océan. Suétone, Néron, XII, 2-6 : voir T. 16. Dion Cassius, LXI, 9, 5 : voir T. 17. T. 36 – Dion Cassius, LXI, 12, 2. ... eßpeıù deù kaıù eßk toy˜ profanoy˜v w ¶ knoyn toù e¶rgon kaıù kry¥fa diaù farma¥kwn oyßk eı®xon ayßthùn aßneleı˜n (pa¥nta gaùr eßkeı¥nh ıßsxyrw ˜ v eßfyla¥sseto), nay˜n ßıdo¥ntev eßn t√ uea¥trw ∞ dialyome¥nhn te ayßthùn eßf eΩayth˜v kaı¥ tina uhrı¥a aßfieı˜san, kaıù synistame¥nhn ay® pa¥lin w ™ ste kaıù eßrrw ˜ suai, toiay¥thn eΩte¥ran taxe¥wv eßnayphgh¥santo. Comme cependant ils 25 hésitaient à agir ouvertement et qu’il n’était pas possible de faire périr Agrippine secrètement par le poison (en effet, elle prenait sur ce point les plus grandes précautions) ils virent dans l’amphithéâtre un navire se disjoindre de lui-même pour laisser s’échapper quelques bêtes sauvages, puis se reconstituer, solide à nouveau. Ils en firent alors construire rapidement un autre. ...
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Néron et ses complices dans le meurtre d’Agrippine.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
Les jeux inauguraux de 80 ap. J.-C. Martial, Livre des spectacles, XXVIII : voir T. 2. Suétone, Titus, VII, 7 : voir T. 21. Dion Cassius, LXVI, 25, 1-4 : voir T. 22.
Un spectacle de Domitien T. 37 – Martial, Épigrammes, V, 65 (89 ap. J.-C.). Astra polumque dedit, quamuis obstante nouerca, Alcidae Nemees terror et Arcas aper et castigatum Libycae ceroma palaestrae et grauis in Siculo puluere fusus Eryx, siluarumque tremor, tacita qui fraude solebat ducere non rectas Cacus in antra boues. Ista tuae, Caesar, quota pars spectatur harenae? Dat maiora nouus proelia mane dies. Quot grauiora cadunt Nemeaeo pondera monstro! quot tua Maenalios conlocat hasta sues! Reddatur si pugna triplex pastoris Hiberi, est tibi qui possit uincere Geryonen. Saepe licet Graiae numeretur belua Lernae, inproba Niliacis quid facit Hydra feris? Pro meritis caelum tantis, Auguste, dederunt Alcidae cito di, sed tibi sero dabunt.
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Malgré l’opposition de sa belle-mère, Hercule a gagé le ciel grâce à la terreur de Némée, au sanglier d’Arcadie, à la punition du lutteur de la palestre libyenne, au puissant Eryx jeté dans la poussière de Sicile et à Cacus, le fléau des forêts, qui grâce à une ruse secrète, avait coutume de conduire à reculons les bœufs dans sa caverne. Tout cela n’est rien, César, en comparaison de ce qu’on voit dans ton arène. Chaque journée nous offre, dès le matin, des combats plus importants. Que de monstres plus énormes que le lion de Némée sont abattus! Que de sangliers du Ménale sont frappés par l’épieu de tes chasseurs! Si l’on voulait reproduire le triple combat du pâtre espagnol, un champion capable de vaincre Géryon est à ta disposition. On peut compter souvent les multiples têtes du dragon de Lerne en Grèce, qu’est-ce que l’Hydre gigantesque auprès des bêtes féroces du Nil? Pour de si grands mérites, Auguste, les dieux ont accordé de bonne heure une place au ciel à Hercule : toi, ils t’y recevront aussi, mais tardivement.
Les jeux du jubilé de la fondation de Rome sous Antonin (148 ap. J.-C.) T. 38 – Histoire Auguste, Vie d’Antonin le Pieux, X, 9. Edita munera in quibus elephantos et corocottas et tigrides et rhinoce-
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rotes, crocodillos etiam atque hippopotamos et omnia ex toto orbe terrarum exhibuit. Cum tigridibus centum etiam leones una missione edidit 26. Il donna des spectacles dans lesquels il montra des éléphants, des hyènes, des tigres, des rhinocéros et même des crocodiles, des hippopotames et tout ce qu’il y a dans le monde entier. Avec les tigres, il produisit même cent lions, lâchés en une seule fois. Les chasses de Commode (176-192 ap. J.-C. Date exacte inconnue) T. 39 – Dion Cassius, LXXII, 10, 2-3. 2 – Ko¥mmodov deù toù pleı˜ston toy˜ bı¥oy perı¥ te taùv rΩa∞ stw ¥ nav kaıù toyùv ™ıppoyv perı¥ te taùv ma¥xav tw ˜ n te uhrı¥wn kaıù tw ˜ n aßndrw ˜ n eı®xen 3 – a¶ney gaùr w ü n oı¶koi e¶dra, polloyùv meùn a¶ndrav eßn t√ dhmosı¥w ∞ pollaù deù kaıù uhrı¥a polla¥kiv e¶fueire. kaıù pe¥nte goy˜n ™ıppoyv potamı¥oyv a™ma kaıù dy¥o eßle¥fantav a¶llq kaıù a¶llq hΩme¥ra∞ xwrıùv ayßtoùv taı˜v eΩaytoy˜ xersıù katexrh¥sato, kaıù prose¥ti kaıù rΩinoke¥rwtav aßpe¥kteine kaıù kamhlopa¥rdalin. Commode passait l’essentiel de son existence dans l’inaction, s’adonnant aux courses de chevaux, aux combats contre des bêtes sauvages et contre des hommes. En effet, sans compter ce qu’il faisait dans sa résidence, il tua en public un grand nombre d’hommes et de bêtes. Par exemple, il tua lui-même, de ses propres mains, 5 hippopotames et 2 éléphants, un jour après l’autre. Il tua aussi des rhinocéros et une girafe. T. 40 – Dion Cassius, LXXII, 19, 1. ... toteù meùn bota¥, ka¥tw eßv toù toy˜ ky¥kloy e¶dafov katabaı¥nwn a¶nwuen, o™sa eßplhsı¥aze, taù deù kaıù prosago¥mena hû kaıù eßn dikty¥oiv ayßt√ prosfero¥mena, kate¥kopte, kaıù tı¥grin eûsfajen ™ıppon te pota¥mion kaıù eßle¥fanta. ... descendant alors de sa loge sur le sol de l’arène, il tuait tous les animaux domestiques qu’il faisait approcher, et ceux qui étaient conduits vers lui, ou traînés dans des filets. Il égorgea aussi un tigre, un hippopotame et un éléphant. Les jeux de Septime Sévère (202 et 205 ap. J.-C.) T. 41 – Dion Cassius LXXVI, 1, 3-5. 3 – Ege¥nonto deù kaıù ue¥ai thnikay˜ta pantodapaıù eßpı¥ te tq˜ aßnakomidq˜ toy˜ Seoyh¥roy kaıù eßpıù tq˜ dekethrı¥di ayßtoy˜ kaıù eßpıù taı˜v nı¥kaiv. eßn tay¥taiv taı˜v ue¥aiv kaıù sy¥ev toy˜ Playtianoy˜ eΩjh¥konta a¶grioi eßpa¥laisan aßllh¥loiv yßpoù paragge¥lmatov, eßsfa¥ghsan deù a¶lla te pollaù uhrı¥a kaıù eßle¥fav kaıù koroko¥tav ... 4 – ... Th˜v deù dejamenh˜v aΩpa¥shv th˜v eßn t√ uea¥trw ∞ eßv ploı¥oy sxh˜ma kataskeyasueı¥shv wΩv tetrako¥sia uhrı¥a kaıù de¥jasuai kaıù aßfeı˜nai aßuro¥wv, 5 – e¶peita
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Texte établi par J. P. Callu, Paris, les Belles Lettres, 1992.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
eßjaı¥fnhv dialyueı¥shv aßne¥uoron a¶rktoi le¥ainai pa¥nuhrev le¥ontev stroyuoıù o¶nagroi bı¥swnev ... w™ste eΩptako¥sia taù pa¥nta kaıù uhrı¥a kaıù botaù oΩmoy˜ kaıù diaue¥onta oßfuh˜nai kaıù sfagh˜nai. Proùv gaùr tonù th˜v eΩorth˜v aßriumoùn eΩptahme¥roy gegonyı¥av kaıù eßkeı˜na eΩpta¥kiv eΩkatoùn eΩge¥neto. A ce moment eurent lieu des spectacles de toutes sortes en l’honneur du retour de Sévère 27, de ses dix ans de règne et de ses victoires. Dans ces spectacles soixante porcs sauvages appartenant à Plautianus luttèrent les uns contre les autres au commandement, et de nombreuses autres bêtes sauvages furent égorgées, en particulier des éléphants et des hyènes ... Dans l’édifice de spectacle, la totalité du réservoir fut arrangé de manière à prendre l’apparence d’un navire et à pouvoir recevoir puis laisser aller en masse quatre cent animaux. De ce navire subitement disjoint, s’élancèrent des ours, des lionnes, des panthères, des lions, des autruches, des onagres, des bisons, ... de sorte que l’on vit en tout sept cent animaux, bêtes féroces et bétail ensemble, courir de tout côté et être massacrés. En effet, en accord avec la durée de sept jours de ces fêtes, les animaux furent sept fois cent. T. 42 – Dion Cassius, LXXV, 16, 5. Proù deù toy¥toy kh˜tov yΩperme¥geuev eßv toùn toy˜ Aygoy¥stoy eßpı¥klhn lime¥na eßjw ¥ keile kaıù eΩa¥lw, kaıù toù mı¥mhma ayßtoy˜ eßv toù kynhge¥sion eßsaxueùn penth¥konta a¶rktoyv eı¶sw eßde¥jato. w ¶ fuh deù eßpıù pollaùv hΩme¥rav kaıù komh¥thv aßsthùr eßn tq˜ Rw¥mq, kaıù oyßk aı¶sio¥n ti shmaı¥nein eßle¥geto. Avant cela 28 un énorme monstre marin vint s’échouer dans le port qui porte le nom d’Auguste et fut capturé. L’on fit paraître, pour une uenatio, une imitation de cet animal, à l’intérieur de laquelle cinquante ours purent être accueillis. En outre, durant de nombreux jours on vit à Rome une comète dont on dit qu’elle n’annonçait rien qui soit de bon augure. La collection zoologique d’Élagabal T. 43 – Histoire Auguste, Vie d’Elagabal, XXVIII, 2-3. 2 – Processit in publicum et quattuor ceruis iunctis ingentibus. Iunxit sibi et leones, Matrem magnam se appellans. Iunxit et tigres, Liberum sese uocans eodemque habitu agens quo dii pinguntur quos imitabatur. 3 – Aegyptios dracunculos Romae habuit, quos illi agathodaemonas uocant. Habuit et hippopotamos et crocodillum et rhinocerotem et omnia Aegyptia, quae per naturam sui exhiberi poterant 29. Il se présenta aussi en public avec un attelage de quatre énormes cerfs. Il se fit également atteler des lions en se donnant le titre de grande Mère. Il se fit aussi atteler des tigres, prenant le nom de Liber. Il portait alors la tenue que les peintres prêtent aux dieux qu’il singeait. Il eut à Rome de petits
Après une campagne victorieuse contre les Parthes. La mort de Plautianus, en 205 ap. J.-C. 29 Texte établi par R. Turcan, Paris, Les Belles Lettres, 1993. 27 28
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serpents d’Égypte que les gens de là-bas appellent «bons génies». Il eut aussi des hippopotames, un crocodile, un rhinocéros et toutes sortes d’animaux égyptiens susceptibles d’être exhibés en raison de leur propre nature.
Les jeux du millénaire de Rome sous Philippe l’Arabe (248 ap. J.-C.) T. 44 – Histoire Auguste, Les trois Gordiens, XXXIII, 1. Fuerunt sub Gordiano Romae elefanti triginta et duo, quorum ipse duodecim miserat, Alexander decem, alces decem, tigres decem, leones mansueti sexaginta, leopardi mansueti triginta, belbi, id est hyaenae, decem, gladiatorum fiscalium paria mille, hippopotami sex, rhinoceros unus, argoleontes decem, camelopardali decem, onagri uiginti, equi feri quadraginta, et cetera huius modi animalia innumera et diuersa; quae omnia Philippus ludis saecularibus uel dedit uel occidit 30. Has autem omnes feras mansuetas et praeterea efferatas parabat ad triumphum Persicum. Quod uotum publicum nihil ualuit. Nam omnia haec Philippus exhibuit saecularibus ludis et muneribus atque circensibus, cum millesimum annum a condita urbe in consulatu suo et filii sui celebrauit 31. On rapporte qu’il y avait à Rome sous Gordien trente-deux éléphants. Douze d’entre eux y avaient été envoyés par lui et dix par Alexandre. Il y avait aussi dix élans, dix tigres, soixante lions apprivoisés, trente léopards apprivoisés, dix belbi, c’est-à-dire des hyènes, mille couples de gladiateurs appartenant à l’empereur, six hippopotames, un rhinocéros, dix lions sauvages, dix girafes, vingt onagres, quarante chevaux sauvages et d’innombrables autres animaux de ce genre. Tous furent présentés ou tués lors des jeux donnés par Philippe l’Arabe. Gordien s’était procuré ces animaux apprivoisés ou sauvages pour son triomphe persique. Mais ce vœux public qu’il avait fait fut sans valeur. Car c’est Philippe qui les exhiba tous pour ses jeux séculaires, dans les spectacles de l’amphithéâtre et du cirque, quand il célébra le millénaire de Rome, au cours de son consulat et de celui de son fils.
Les exhibitions de Firmus T. 45 – Histoire Auguste, Firmus, VI, 2 (vers 270-275 ap. J.-C.). ... Nam ea quae de illo Aurelius Festiuus, libertus Aureliani, singillatim rettulit si uis cognoscere, eundem oportet legas, maxime cum dicat Firmum eundem inter crocodillos, unctum crocodillorum adipibus, natasse et elephantum rexisse et hippopotamo sedisse et sendentem ingentibus strutionibus uectum esse et quasi uolitasse 32. Quant à ce qu’Aurelius Festivus, affranchi d’Aurélien, a rapporté en détail, si tu veux le connaître, il faut que tu lises ses écrits, surtout quand il dit
Célébrés avec magnificence en avril 248. Texte établi par E. Hohl, Leipzig, Teubner, 1965. 32 Ibidem. 30 31
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que Firmus nageait entre les crocodiles enduit de la graisse de cet animal, qu’il conduisait un éléphant, chevauchait un hippopotame, et qu’assis sur le dos d’énormes autruches, il était entraîné comme s’il volait. Les jeux de Symmaque (401 ap. J.-C.) T. 46 – Symmaque, Correspondance, IV, 8, 1-2. 1 – Intellego ex mora et cunctatione rescripti atque ... diuini aliquid in his quae praetoria filii mei supplicatio conprehendit incongruum uel dubium iudicari, atque ideo denuo tibi petitionum mearum debeo praestare rationem. De equis ob natalem d.n. Honorii ... et inuictissimi principis largiendis, licet hoc anno obsequii istius tempus effluxerit, opinor uotum meum non potuisse reprehendi. Aquae uero theatralis et holosericarum uestium impetratio etiam aliis ante me plerumque delata est et ideo iuuatur exemplis. 2 – Amphitheatrum in spectaculum, quod editioni filii mei propter capacitatem loci opto concedi, etiam ludicris quaestorum praelusionibus non negatum, testimonio sunt rescripta priuilegio ... solis patere consulibus. ... 33 Je comprend par le retard et la lenteur du rescrit impérial qu’il y a parmi les requêtes présentées par mon fils à l’occasion de sa préture quelque chose qui est jugé inconvenant, ou soulève un doute, et pour cette raison je dois à nouveau faire la preuve auprès de toi du bien-fondé de ma demande. En ce qui concerne mon vœu d’offrir des chevaux pour l’anniversaire de Notre Seigneur, le et Toujours Victorieux Prince Honorius, je pense qu’il ne peut être blâmé, même si cette année l’époque de cet hommage est passée. En ce qui concerne la mise en eau du théâtre et les vêtements de soie, d’autres aussi avant moi l’ont souvent obtenu, et par conséquent ma demande est appuyée par ces exemples. Quant à l’amphithéâtre dont je voudrais obtenir la jouissance pour les spectacles de mon fils à cause de sa capacité, il n’a pas été refusé même pour les «levers de rideau» des jeux donnés par les questeurs; des rescrits en dont foi. Il n’est donc pas ouvert aux seuls consuls par l’effet d’un privilège. ... T. 47 – Symmaque, Correspondance, IX, 141. Postquam de freto Siculo litteras tuas sumpsi, ad curam uicissitudinis incitatus salutem mihi nuntio secundare, tibi opto subpetere; dehinc de apparatu nostrae editionis admoneo, quamuis religiosus animus monitorem alium non requirat. Prae ceteris autem, quae Romana spectacula desiderant, crocodillos functio theatralis efflagitat. De quibus fidam tuam teneo sponsionem, cui facilis succedet effectus, si peculiariter in rem missos suffragii tui nisus adiuuerit. Vale 34. Après avoir reçu ta lettre du détroit de Sicile, amené à te payer de retour, je t’annonce que ma santé est bonne, et j’espère que tu jouis du même Texte établi par J.-P. Callu, Paris, Les Belles Lettres, 1982. Texte établi par S. Roda, Commento storico al libro IX dell’epistolario di Q. Aurelio Simmaco, introduzione, commento storico, testo, traduzione e indici, Pisa, Giardini, 1981. 33 34
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avantage; ensuite, je te rappelle les préparatifs des jeux que nous allons donner, bien qu’une amitié scrupuleuse n’ait pas besoin d’autre conseiller. Avant toutes les autres exigences des spectacles romains, les spectacles théâtraux réclament instamment des crocodiles. En ce qui les concerne, j’ai ta promesse, à laquelle je peux me fier, et à laquelle succédera une rapide exécution, si ton favorable appui vient particulièrement seconder ceux que j’ai envoyés dans ce but. Adieu. T. 48 – Symmaque, Correspondance, IX, 151. ... Praetoria donum nouum deo iuuante expectat, in qua me crocodillos et pleraque peregrina ciuibus exhibere et aliorum hortantur exempla et propria conpellit animositas. Quare amicum meum Cyriacum benigne in curam tuam dignare suscipere, ut placita promoueat. Habebis in posterum tantae gratiae non inmemorem debitorem. ... La fonction prétorienne attend, avec l’aide des dieux, un don inhabituel. Aussi, à cette occasion, l’exemple d’autrui et ma propre ardeur me poussent à présenter des crocodiles et de très nombreux animaux exotiques. C’est pourquoi je te prie d’accueillir avec bienveillance mon ami Cyriacus, et de t’en occuper de manière à ce qu’il puisse faire avancer la réalisation de ce projet. Tu auras à l’avenir un débiteur qui n’oubliera jamais un si grand titre de reconnaissance. Adieu. T. 49 – Symmaque, Correspondance, VI, 43. Crocodillos theatrali spectaculo publicatos in praesentiam uestram seruare temptauimus, sed perseuerante inedia quae illos per dies quinquaginta producta macerabat secundis ludis congressionum more confecti sunt. Duos etiam nunc spirantes in uestrum differemus aduentum, licet eos cibi abstinentia longum uiuere posse non spondeat. Valete 35. Nous avons tenté de conserver jusqu’à ce que vous soyez présents les crocodiles montrés au public lors des spectacles du théâtre. Mais comme ils persévéraient dans un jeûne qui les affaiblissait pour s’être prolongé pendant cinquante jours, le second jour des jeux on les a fait périr selon l’usage de les opposer les uns aux autres. Deux respirent encore. Nous différons leur mise à mort jusqu’à votre arrivée, bien que leur refus de toute nourriture ne garantisse pas qu’ils puissent vivre longtemps. Adieu. Les spectacles de date incertaine ou contestée T. 50 – Strabon, XVII, 1, 44. Metaù deù thùn ¶Abydon Dioùv po¥liv hΩ mikra¥, eı®ta Te¥ntyra po¥liv. eßntay˜ua deù diafero¥ntwv paraù toyùv a¶lloyv Aıßgyptı¥oyv oΩ kroko¥deilov hßtı¥mwtai kaıù e¶xuistov tw˜n aΩpa¥ntwn uhrı¥wn neno¥mistai. OıΩ meùn gaùr a¶lloi, kaı¥per eıßdo¥tev thùv kakı¥an toy˜ zw∞¥ oy, kaıù w Ω v oßle¥urion t√ aßnurwpı¥nw∞ ge¥nei, se¥bontai o™mwv kaıù aßpe¥xon-
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Texte établi par J. P. Callu, Paris, Les belles Lettres, 1995.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
tai. oyütoi deù pa¥nta tro¥pon aßnixney¥oysi kaıù eßkfueı¥roysin ayßtoy¥v. e¶nioi d w ™ sper toyùv Cy¥lloyv fasıù toyùv proùv tq˜ Kyrhnaı¥a∞ fysikh¥n tina aßntipa¥ueian e¶xein proùv taù eΩrpeta¥, oy™tw kaıù toyùv Tentyrı¥tav proùv toyùv krokodeı¥loyv, w ™ ste mhdeùn yΩp ayßtw ˜ n pa¥sxein, aßllaù kaıù kolymba˜n aßdew ˜ v kaıù diapera˜n, mhdenoùv a¶lloy uarroy˜ntov. eı¶v te thùn Rw¥mhn komisueı˜si toı˜v krokodeı¥loiv eßpideı¥jewv xa¥rin synhkoloy¥uoyn oıΩ Tentyrı˜tai. genome¥nhv te dejamenh˜v kaıù ph¥gmato¥v tinov yΩpeùr mia˜v tw˜n pleyrw˜n, w™ste toı˜v uhrı¥oiv eßkba˜si toy˜ y™datov hΩliasth¥rion eı®nai, eßkeı˜noi h®san oıΩ toteù meùn eßje¥lkontev dikty¥w ∞ proùv toù hΩliasth¥rion, wΩv kaıù yΩpoù tw˜n ueatw˜n oΩrauh˜nai, eßmbaı¥nontev a™ma eıßv toù y™dwr, toteù deù pa¥lin eıßv thùn dejamenhùn kataspw˜ntev. 36 Après Abydos se trouve la Petite Dispolis, puis la cité de Tentyra. Là, à la différence des autres Egyptiens, les habitants traitent le crocodile avec mépris et le tiennent pour le plus haïssable des animaux. En effet les autres, bien qu’ils connaissent la nature malfaisante de cette bête, et combien elle est funeste au genre humain, la révèrent cependant et s’abstiennent d’y toucher. En revanche les habitants de Tentyra les traquent et les détruisent de toutes les manières. Quelques-uns disent qu’il en est des sentiments des Tentyrites à l’égard des crocodiles comme de l’antipathie naturelle pour les reptiles qu’éprouvent les Psylles, près de la Cyrénaïque. Aussi, ils ne souffrent aucun mal de leur part, au point de plonger sans crainte et de passer au milieu d’eux, ce que personne d’autre n’a l’audace de faire. Lorsque des crocodiles furent transportés à Rome pour une exhibition, des Tentyrites les accompagnèrent. On réalisa un bassin et une sorte de plate-forme sur l’un de ses côtés, afin que les animaux puissent sortir de l’eau et se chauffer au soleil. Ce furent ces hommes qui, entrant ensemble dans l’eau, tantôt les tirèrent sur la plate-forme à l’aide d’un filet, afin que les spectateurs les voient, tantôt les traînèrent à nouveau dans l’eau. T. 51 – Pline l’Ancien, IX, 41. Quae pilo uestiuntur, animal pariunt, ut pristis, ballaena, uitulus. Hic parit in terra, pecudum more secundas partus reddit. (...) Interficiuntur difficulter nisi capite eliso. Ipsis in sono mugitus – unde nomen uituli –, accipiunt tamen disciplinam uocemque pariter et iussu populum salutant, incondito fremitu nomine uocati respondent. Ceux qui sont vêtus de poils sont vivipares, comme la scie, la baleine et le veau marin. Ce dernier met bas sur la terre et à la manière des quadrupèdes, il expulse un arrière-faix ... On les tue avec difficulté, à moins de les assommer. Leur cri est comme un mugissement, d’où leur nom de veau marin. Cependant ils peuvent accepter une discipline et le son de la voix humaine. Au commandement ils saluent le public; appelés par leur nom, ils répondent d’un mugissement informe.
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Texte établi par A. Meineke, Leipzig, Teubner, 1853.
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T. 52 – Calpurnius Siculus, VII, 57-69. Ordine quid referam? Vidi genus omne ferarum, hic niueos lepores et non sine cornibus apros, hic raram siluis etiam quibus editur alcen. Vidimus et tauros, quibus aut ceruice leuata deformis scapulis torus eminet aut quibus hirtae iactantur per colla iubae, quibus aspera mento barba iacet tremulisque rigent palearia saetis. Nec solum nobis siluestria cernere monstra contigit : aequoreos ego cum certantibus ursis spectaui uitulos et equorum nomine dictum, sed deforme pecus, quod in illo nascitur amne, qui sata riparum uernantibus irrigat undis. Ah! trepidi quotiens sola discedentis harenae uidimus in partes, ruptaque uoragine terrae emersisse feras! Et in iisdem saepe cauernis aurea cum croceo creuerunt arbuta nimbo 37.
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Pourquoi raconter dans l’ordre? J’ai vu toutes les espèces de bêtes sauvages, ici des lièvres couleur de neige, et des sangliers qui n’étaient pas dépouillés de leurs défenses, là un élan, rare même dans les forêts qui le produisent. J’ai vu aussi des taureaux, qui ont soit une bosse hideuse dépassant de leurs épaules quand ils lèvent la tête, soit une crinière hérissée qu’ils agitent le long de leur cou. D’autres encore ont une barbe raide qui s’étend sur leur menton, et leurs fanons se hérissent de soies tremblantes. Et il ne nous a pas été donné de voir seulement les monstres des forêts. Moi, j’ai vu des veaux marins et des ours qui luttaient contre eux, et l’animal auquel on donne le nom de cheval, mais dont le hideux troupeau naît dans ce fleuve fameux qui inonde de ses eaux printanières les semailles de ses rives. Ah que de fois, tremblants, nous avons vu le sol de l’arène s’ouvrir, et du gouffre ainsi ouvert dans la terre, jaillir des fauves! Et dans ces mêmes crevasses, souvent des arbousiers dorés ont poussé, avec des pluies de safran. T. 53 – Acta Pauli et Theclae, XXXIV. Wv deù eßte¥lesen thùn proseyxh¥n, eßstra¥fh kaıù eı®den o¶rygma me¥ga plh˜rev y™datov kaıù eı®pen. Ny˜n kairoùv loy¥sasuaı¥ me. Kaıù e¶balen eΩaythùn le¥goysa. En t√ oßno¥mati Ihsoy˜ Xristoy˜, yΩste¥ra∞ hΩme¥ra∞ baptı¥zomai. Kaıù ßıdoy˜sai aıΩ gynaı˜kev kaıù pa˜v oΩ o¶xlov e¶klaysan le¥gontev. Mhù ba¥lqv eΩaythùn eıßv toù y™dwr, w ™ ste kaıù toùn hΩgemo¥na dakry˜sai o™ti toioy˜ton ka¥llov fw ˜ kai e¶mellon eßsuı¥ein. H meùn oy®n e¶balen eΩaythùn eıßv toù y™dwr eßn t√ oßno¥mati Ihsoy˜ Xristoy˜. AıΩ deù fw˜kai pyroùv aßstraph˜v fe¥ggov ßıdoy˜sai nekraıù eßpe¥pleysan. Kaıù h®n perıù ayßthùn nefe¥lh pyro¥v, w ™ vte mh¥te taù uhrı¥a a™ptesuai ayßth˜v mh¥te uewreı˜suai ayßthùn gymnh¥n. 38
Texte établi par J. Amat, Paris, les Belles Lettres, 1991. Texte établi par L. Vouaux, Les Actes de Paul et ses lettres apocryphes, Paris, Letouzey & Ané, 1913, p. 210. 37 38
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
Alors, ils lâchent de nombreuses bêtes fauves alors qu’elle se tient debout, les mains tendues, et qu’elle prie. Quand elle eut fini sa prière, elle se retourna, vit une grande fosse pleine d’eau et dit : «C’est maintenant l’occasion de me baptiser». Et elle se jeta dans la fosse en disant : «Au nom de Jésus Christ, je me baptise à mon dernier jour». Et voyant cela, les femmes et toute la foule versaient des larmes en disant : «Ne te jette pas dans l’eau», si bien que même le gouverneur pleurait à la pensée que les phoques allaient dévorer une telle beauté. Elle se jeta donc dans l’eau au nom de Jésus-Christ. Mais les phoques, ayant vu l’éclat d’un éclair de feu, se mirent à surnager, morts. Il y eut autour d’elle un nuage de feu, de telle sorte que les fauves ne puissent la toucher, et que sa nudité soit voilée. MISES
EN SCÈNE MYTHOLOGIQUES ET CHORÉGRAPHIES AQUATIQUES
Quelques passages de la littérature d’époque romaine évoquent des mises en scène aquatiques qui ne sont ni des naumachies, ni des uenationes. Ces textes sont très hétérogènes, que ce soit par leur nature, leur datation, ou la précision des informations qu’ils procurent. Leur classement n’a donc pu s’effectuer que selon des critères purement chronologiques. Ils sont souvent si allusifs qu’en dehors d’une commune utilisation de l’eau, le lien des divertissements qu’ils décrivent avec l’un des types de spectacle préexistant au sein des jeux romains demeure en question. Pour mieux livrer leur sens, ils devront être rapprochés de documents iconographiques ou d’autres témoignages littéraires touchant aux spectacles aquatiques de manière moins directe. Les jeux de 80 ap. J.-C. T. 54 – Martial, Livre des spectacles, XXV. Quod nocturna tibi, Leandre, pepercerit unda, desine mirari : Caesaris unda fuit. 39 Cesse de t’étonner, Léandre, que cette nuit l’onde t’ait épargné : cette onde était celle de César! T. 55 – Martial, Livre des spectacles, XXVb. Cum peteret dulces audax Leandros amores et fessus tumidis iam premeretur aquis, sic miser instantes adfatus dicitur undas : “Parcite dum propero, mergite cum redeo”. Alors que l’audacieux Léandre cherchait à atteindre ses chères amours, et que, fatigué, il était déjà submergé par les eaux gonflées, le malheureux
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Texte établi par H. J. Isaac, Paris, Les Belles Lettres, 1969.
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s’adressa ainsi aux flots qui le pressaient : «épargnez-moi tandis que je me hâte vers mon but, ne m’engloutissez qu’à mon retour». T. 56 – Martial, Livre des spectacles, XXVI. Lusit Nereïdum docilis chorus aequore toto et uario faciles ordine pinxit aquas. Fuscina dente minax recto fuit, ancora curuo : credidimus remum credidimusque ratem, et gratum nautis sidus fulgere Laconum lataque perspicuo uela tumere sinu. Quis tantas liquidis artes inuenit in undis? aut docuit lusus hos Thetis aut didicit.
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Un chœur bien exercé de Néréides a joué sur toute la surface des flots et a dessiné sur les eaux, qui s’y prêtent, une suite de figures variées. Il y a eu un trident menaçant de ses dents toutes droites, une ancre de sa pointe recourbée; nous avons cru voir une rame, un bateau, nous avons cru voir briller la constellation des Dioscures chère aux marins, et se gonfler de larges voiles à la nette courbure. Qui a imaginé de tels artifices dans les eaux limpides? Ou Thetis a enseigné ces jeux, ou elle les a appris.
Un mime aquatique sous les Antonins (entre 147 et 161 ap. J.-C.) T. 57 – Fronton : Correspondance avec Marc-Aurèle, III, 14, 3-4. 3 – Igitur cogitans, quantum ex epistulis scribendis laboris caperes, proposueram parcius te appellare, quom tu cotidie scripsisti mihi. Quas ego epistulas quom acciperem, simile patiebar quod amator patitur, qui delicias suas uideat currere ad se per iter asperum et periculosum. Namque is simul aduenientem gaudet, simul periculum reueretur. Unde displicet mihi fabula histrionibus celebrata, ubi «amans amantem puella iuuenem nocte lumine accenso stans in turri natantem in mare opperitur. Nam ego potius te caruero tametsi amore tuo ardeo, potius quam «te ad hoc noctis natare tantum profundi patiar, ne luna occidat, ne uentus lucernam interemat, ne quid ibi ex frigore inpliciscare, ne fluctus ne uadus ne piscis aliquo noxsit». Haec oratio amantibus 40 decuit et melior et salubrior fuit non alieno capitali periculo sectari uoluptatis usuram breuem ac paenitendam. 4 – Nunc ut a fabula ad uerum conuertar, id ego non mediocriter anxius eram, ne necessariis laboribus tuis ego insuper aliquod molestiae atque oneris inponerem, si praeter eas epistulas, quas ad plurimos necessario munere cotidie rescribis, ego quoque ad rescribendum fatigarem 41. ... Par conséquent, me représentant quelle fatigue ce serait pour toi de m’écrire des lettres, je m’étais proposé de m’adresser à toi assez rarement, pourtant tu m’as écrit tous les jours. Et ces lettres, lorsque je les recevais,
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Amanti plus (J. N. Madvig, Adversaria critica II, Hauniae 1873, 613-616). Texte établi par M. P. J. Van den Hout, Teubner, 1988.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
j’éprouvais la souffrance d’un amant qui verrait l’objet de son amour accourir à lui par une route pénible et dangereuse : tout à la fois, il se réjouit de son arrivée et redoute le danger. Aussi, je n’aime pas la légende diffusée par les acteurs, dans laquelle «la jeune fille amoureuse, se tenant sur une tour avec une lampe allumée, attend la nuit son jeune amant qui nage dans la mer». Car je resterais privé de toi, même si je t’aime ardemment, plutôt que de «souffrir que tu traverses à la nage un tel abîme à cette heure de la nuit, de peur que la lune ne se couche, que le vent n’éteigne la lampe, que tu n’éprouves là-bas quelque trouble à cause du froid, que le flot, qu’un haut-fond, qu’un poisson ne te nuise». Ce discours conviendrait à des amants, et il serait mieux, et plus salutaire, de ne pas rechercher, au péril de la vie d’autrui, la jouissance d’un plaisir bref et source de regrets. Maintenant, pour revenir de la légende à la réalité, ce n’était pas pour moi un mince sujet d’anxiété qu’aux nécessaires travaux qui sont les tiens je puisse ajouter une peine et une charge supplémentaires, si en plus de ces lettres, que par un devoir nécessaire tu adresses en réponse à une foule de correspondants, moi aussi je te fatiguais à me répondre. ...
Des mises en scène aquatiques sous Honorius et Arcadius T. 58 – Claudien, Sur le consulat de Mallius Theodorus (v. 311-332). Nec molles egeant nota dulcedine ludi : qui laetis risum salibus mouisse facetus, qui nutu manibusque loquax; cui tibia flatu, cui plectro pulsanda chelys, qui pulpita socco personat, aut alte graditur maiore cothurno, et qui magna leui detrudens murmura tactu innumeras uoces segetis moderatus ahenae intonat erranti digito, penitusque trabali uecte laborantes in carmina concitat undas. uel qui more auium sese iaculantur in auras Corporaque aedificant celeri crescentia nexu; Quorum conpositam puer amentatus in arcem Emicet et uinctus plantae uel cruribus haerens pendula librato figat uestigia saltu. Mobile ponderibus descendat pegma reductis, inque chori speciem parcentes ardua flammas scaena rotet : uarios effingat Mulciber orbes per tabulas impune uagus, pictaeque citato ludant igne trabes, et non permissa morari fida per innocuas errent incendia turres. Lasciui subito confligant aequore lembi, Stagnaque remigibus spument inmissa canoris 42.
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Texte établi par J. Barrie Hall, Teubner, 1985.
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Et que ne manquent pas à ces agréables jeux les plaisirs qui nous sont chers : l’histrion enjoué qui soulève le rire par ses joyeuses plaisanteries, celui qui s’exprime par ses mouvements et ses mains, celui qui doit faire vibrer la flûte de son souffle, ou son luth de son archet, celui qui fait résonner l’estrade de son brodequin comique, celui qui s’avance monté sur le haut cothurne et celui qui, produisant par un toucher léger des grondements sonores, dirige les innombrables voix d’une moisson de tuyaux d’airain, fait retentir son instrument de ses doigts errants, et, d’un solide levier; pousse les eaux pour qu’elles produisent des chants. Que ceux qui se lancent dans les airs à la manière des oiseaux bâtissent en un rapide agencement une pyramide humaine; qu’au sommet de celle-ci un enfant projeté vers le haut s’élance, et, retenu par le pied ou attaché par les chevilles, y assure, en un saut balancé, ses pas suspendus dans les airs. Qu’un décor mobile descende, par le retrait des contrepoids, et que sur la scène élevée tourne à la manière d’un chœur des flammes qui l’épargnent. Que Mulciber crée des cercles changeants, errant impunément entre les panneaux, que les poutres peintes se jouent d’un feu rapide, et qu’en toute confiance des incendies, auxquels on ne permet pas de s’attarder, errent parmi les tours, sans qu’elles subissent aucun dommage. Que des barques folâtres se rencontrent sur une mer soudainement apparue, et que la nappe d’eau ainsi introduite écume sous les coups des rameurs à la voix mélodieuse. T. 59 – Jean Chrysostome, Homélie VII sur Saint Mathieu, 5-7. 5 – Kaıù oıΩ meùn ba¥rbaroi prıùn ßıdeı˜n ayßtoùn tosay¥thn h¶nysan oΩdoùn di ayßto¥n. syù deù oyßdeù metaù toù ßıdeı˜n eßkeı¥noyv zhloı˜v, aßllaù aßfeıùv ayßtoùn metaù toù ßıdeı˜n, tre¥xeiv ™ına toùn mı˜mon ¶ıdqv (tw ˜ n gaùr ayßtw ˜ n a™ptomai pa¥lin w ü n kaıù prw ∞¥ hn). kaıù keı¥menon toùn Xristoùn oΩrw ˜ n eßpıù th˜v fa¥tnhv, katalimpa¥neiv, ™ına gynaı˜kav eßpıù skhnh˜v ı¶dqv. Po¥swn oyßk a¶jia tay˜ta skhptw ˜ n; ... 6 – Eıßpeù gaùr moi, eı¶ tı¥v se eıßv bası¥leia eıßsagageı˜n eßphgge¥lleto, kaıù deı¥jein toùn basile¥a kauh¥menon, a®ra aûn eı™loy toù ue¥atron aßntıù toy¥twn ıßdeı˜n; Kaı¥toi ge oyßdeùn oy¶te eßkeı˜ kerda˜nai h®n. Entay˜ua deù phghù pyroùv pneymatikhù aßpoù tay¥thv aßnably¥zei th˜v trape¥zhv. kaıù syù tay¥thn aßfeıùv, katatre¥xeiv eıßv toù ue¥atron, ßıdeı˜n nhxome¥nav gynaı˜kav, kaıù fy¥sin paradeigmatizome¥nhn, katalipw ùn toùn Xristoùn paraù thùn phghùn kauh¥menon; ... Syù deù aßfeıùv thùn phghùn toy˜ aı™matov, toù poth¥rion toù frikw ˜ dev, eıßv thùn phghùn aßpe¥rxq thùn diabolikhùn, w™ste nhxome¥nhn po¥rnhn ßıdeı˜n kaıù naya¥gion yΩpomeı˜nai cyxh˜v. Toù gaùr y™dwr eßkeı˜no pe¥lagov aßselgeı¥av eßstin, oyß sw¥mata poioy˜n yΩpobry¥xia, aßllaù cyxw˜n naya¥gia eßrgazo¥menon. All hΩ meùn nh¥xetai gymnoyme¥nh toù sw ˜ ma, syù deù oΩrw ˜ n katapontı¥zq proùv toùn th˜v aßselgeı¥av byuo¥n. Toiay¥th gaùr hΩ toy˜ diabo¥loy sagh¥nh. oyßk eıßv ayßtoù katio¥ntav toù y™dwr, aßll a¶nwuen kauhme¥noyv tw˜n eßkeı˜ kalindoyme¥nwn ma˜llon yΩpobryxı¥oyv poieı˜, kaıù xalepw ¥ teron aßpopnı¥gei toy˜ Farawù toy˜ metaù tw˜n ™ıppwn kaıù tw ˜ n aΩrma¥twn katapontisue¥ntov to¥te. Kaıù eı¶ ge qün cyxaùv ßıdeı˜n, pollaùv aûn yΩmı˜n e¶deija eßpipleoy¥sav toı˜v y™dasi toy¥toiv, w™ster tw ˜ n Aıßgyptı¥wn to¥te taù sw ¥ mata. Allaù toù xalepw ¥ teron eßkeı˜no¥ eßstin, o™ti kaıù te¥rcin thùn toiay¥thn panwleurı¥an kaloy˜si, kaıù toù pe¥lagov th˜v aßpwleı¥av hΩdonh˜v ey¶ripon oßnoma¥zoysi. Kaı¥toi ge eyßkolw ¥ teron a¶n tiv toù Aıßgaı˜on kaıù TyrßrΩhnikoùn paradra¥moi pe¥lagov metaù aßsfaleı¥av, hû thùn uewrı¥an tay¥thn. Prw˜ton meùn gaùr di o™lhv nyktoùv prolamba¥nei tq˜ prosdokı¥a∞ taùv cyxaùv oΩ dia¥bolov. eı®ta deı¥jav toù prosdokhueùn, e¶dhsen eyßue¥wv kaıù aıßxmalw ¥ toyv eßpoı¥hse. ...
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
(...) kaıù toù th˜v gee¥nnhv pe¥lagov kaıù toùn toy˜ pyroùv potamoùn labwùn kataù noy˜n, fey˜ge thùn eßn t√ uea¥trw ∞ kolymbh¥uran. Ay™th gaùr hΩ kolymbh¥ura eßkeı˜no toù pe¥lagov projeneı˜, kaıù thùn a¶bysson eßkeı¥nhn ana¥ptei th˜v flogo¥v. 7 – Eıß gaùr O eßmble¥pwn eıßv gynaı˜ka proùv toù eßpiuymh˜sai h¶dh eßmoı¥xeysen. oΩ kaıù gymnhùn aßnagkazo¥menov ßıdeı˜n, pw ˜ v oyß myria¥kiv aıßxma¥lwtov gı¥netai; Oyßx oy™twv oΩ eßpıù toy˜ Nw˜e kataklysmoùv toù tw˜n aßnurw ¥ pwn aßpw ¥ lese ge¥nov, w ß v ayütai aıΩ nhxo¥menai a™pantav eßkeı˜ metaù pollh˜v aßpopnı¥goysi th˜v aıßsxy¥nhv. ... Ymeı˜v deù o™tan meùn proedrı¥av q® lo¥gov, aßjioy˜te th˜v oıßkoyme¥nhv prokauh˜suai pa¥shv, eßpeidhù prw ¥ th hΩ po¥liv hΩmw˜n toù tw ˜ n Xristianw˜n aßnedh¥sato o¶noma. eßn deù t√ th˜v swfrosy¥nhv aßgw ˜ ni, kaıù tw˜n aßgroikote¥rwn po¥lewn e¶latton fe¥rontev oyßk aıßsxy¥nesue. 43 ...Et ces barbares (les Mages) avant de voir l’enfant, ont accompli un tel voyage; Mais toi, tu ne les imites même pas après l’avoir vu, mais le laissant là tu cours voir un mime – car je m’attache à nouveau à ce que j’ai dit auparavant – après avoir vu le Christ couché dans la crèche, tu l’abandonnes pour voir des femmes sur la scène. Quelles foudres mérite cette conduite? ... Dis-moi, si quelqu’un te promettait de t’introduire au palais, et de te montrer l’empereur trônant, est-ce que tu choisirais d’aller voir le théâtre au lieu de cela? Et cependant, tu ne pourrais en retirer aucun gain. Mais ici, de cette table, jaillit la source du feu spirituel. Et toi, la laissant là, tu accours au théâtre, voir nager des femmes qui déshonorent leur sexe, abandonnant le Christ assis près de la source ... Mais toi, laissant cette source de sang, ce calice qui inspire un effroi sacré, tu t’en vas à la source diabolique voir nager une courtisane et consentir au naufrage de ton âme. En effet cette eau est une mer de libertinage, qui ne submerge pas les corps mais qui cause le naufrage des âmes. Elle nage nue, mais c’est toi qui en la regardant est précipité vers le fond du libertinage. Tels sont en effet les filets du diable. Ce ne sont pas ceux qui descendent dans l’eau, mais les spectateurs, assis au-dessus de ceux qui vont et viennent dedans, qu’il fait sombrer plus profondément. Il les noie de façon plus pernicieuse que ne le fut Pharaon, jadis précipité à la mer avec ses chevaux et ses chars. Et certes s’il était possible de voir les âmes, je vous en montrerais beaucoup flottant sur ces eaux, comme alors les corps des Egyptiens. Mais le plus difficile à supporter est que l’on qualifie de plaisir délicieux une telle destruction générale, que l’on nomme cette mer de perdition «euripe de jouissance». Pourtant il est assurément plus facile de traverser en sûreté la mer Egée ou la mer Tyrrhénienne que ce spectacle. En effet, d’abord le diable, durant toute la nuit, s’empare d’avance de vos âmes par l’attente; ensuite, en montrant ce que vous attendiez, aussitôt il vous enchaîne et fait de vous ses prisonniers ... Rappelant à ton esprit la mer de la géhenne, le fleuve de feu, fuis la piscine du théâtre. En effet la piscine reçoit cette mer maudite, et allume cet abîme de feu. Si en effet «celui qui regarde une femme avec un œil de concupiscence a déjà commis l’adultère», alors celui qui se voit amené à la regarder nue,
43 Extrait des Œuvres complètes de St Jean Chrysostome, d’après les éditions faites jusqu’à ce jour, Paris, Librairie L. Vivès, 1868.
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DOCUMENTATION ANNEXE
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comment ne se retrouverait-il pas mille fois pris au piège? Le déluge qui eut lieu sous Noé ne perdit pas le genre humain comme ces nageuses noient dans le déshonneur tous ceux qui viennent là ... Vous, lorsqu’il est question de préséance, vous prétendez passer avant le monde entier parce que notre ville est la première à avoir employé le mot de «Chrétiens». Mais lorsqu’il s’agit de rivaliser de tempérance, nous ne rougissez pas d’être inférieurs aux plus rustiques cités. T. 60 – Augustin, Enarrationes in Psalmos, LXXX, 23. Non parum uestras mentes in nomine Christi diuina spectacula tenuerunt, et suspenderunt uos, non solum ad appetenda quaedam, sed ad quaedam etiam fugienda. Ista sunt spectacula utilia, salubria, aedificantia, non destruentia : immo et destruentia, et aedificantia; destruentia recentes deos, aedificantia fidem in uerum et aeternum Deum. Etiam in crastinum diem inuitamus Caritatem uestram. Cras illi habent, ut audiuimus, mare in theatro : nos habeamus portum in Christo. ... 44. Les spectacles divins donnés au nom du Christ ont suffisamment captivés vos esprits, et vous ont attachés non seulement à désirer certaines choses, mais à en fuir d’autres. Ce sont là des spectacles utiles, salutaires, édifiants, et non pas destructeurs. Ou plutôt, ces spectacles détruisent et édifient en même temps. Ils détruisent les nouveaux dieux pour édifier notre foi dans le Dieu qui est véritable et éternel. Nous invitons votre Charité à venir demain encore. Demain ils auront, à ce que nous avons appris, la mer au théâtre : nous, nous avons un port dans le Christ. ...
44 Corpus Christianorum, series latina, XXXIX, Sancti Aurelii Agustini, Ennarationes in Psalmos, Turhout, Brepols.
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SOURCES ÉPIGRAPHIQUES ET NUMISMATIQUES
En dehors des sources littéraires, on relève quelques autres témoignages écrits sur les spectacles aquatiques romains : des inscriptions officielles et des monnaies. Dans notre perspective, ces documents se situent d’autant plus à la frontière du texte et de l’image que les reliefs gravés accompagnant les inscriptions et surtout les représentations associées à la légende des monnaies nous apportent d’importantes informations. Toutefois, ces sources épigraphiques et numismatiques sont trop rares et trop hétérogènes tant par leur datation que par leur origine géographique pour pouvoir constituer autre chose qu’une documentation d’appoint par rapport aux sources littéraires, auxquelles il convient de toujours les confronter. SOURCES
ÉPIGRAPHIQUES SUR LES NAUMACHIES
La naumachie de Trajan I. 1 – Fastes d’Ostie (NS 1932, p. 194 = AE 1993, 30), anno 109, 9-16. X k. iul . imp. Nerva . Traianus . Caes . Aug . Germ . Dacicus . thermas . suas . dedicavit et publicavit VIII . k . iul . aquam . suo nomine, tota . urbe . salientem . dedicavit . k . nov . imp . Traianus munus . suum . consummavit, diebus CXVII . gladiatorum. p. p. IIII, DCCCCXLIS . III id . nov . (im)p . Traianus . naumachiam . suam . dedicavit. [in] qua . dieb . VI . pp . CXXVIIS . et consummavit VIII . k . dec . Les naumachies des concours éphébiques1(catalogues éphébiques) I. 2 – IG II2 1996 (archonte Domitien, année impaire entre 85-86 et 9394 ap. J.-C.), l. 6-9 de l’intitulé : Uhseı¥wn aßxue¥ntw[n hßgwnoue¥toyn S]tra¥twn (Stra¥twnov) Epikhfeı¥siov n(ew¥terov) [kaıù Me¥nandrov] Stra¥twnov Epikhfeı¥siov kaıù thùn eßn S[alamı˜ni naymaxı¥an eßnı¥]kwn. Le relief placé au bas de la stèle représente un navire.
1 D’après la liste et les datations établies par S. Follet, Athènes au IIe et au IIIe siècle : études chronologiques et prosopographiques, Paris, 1976, p. 341-342.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
I. 3 – IG II2 2024 (archonte Hadrien, en 111-112 ou 112-113 ap. J.-C.), l. 136-138. Après d’autres noms de vainqueurs sont mentionnés ceux de la naumachie : naymaxı¥an. [M.] ¶Anniov Ura¥syllov Xol. kaıù [T.] Fl. Filauh¥naiov Eyßpyrı¥dhv I. 4 – IG II2 2046 + 2001 + 2248, réunis par M.Th. Mitsos, Arch. Ephém., 1950-1951, no 13, p. 27-28 (règne d’Hadrien ou d’Antonin, selon S. Follet) : Le relief placé au bas de 2046 représente un navire. I. 5 – IG II2 2087 (163-164 ap. J.-C.) : Le relief placé au bas de la stèle représente un éphèbe debout dans un navire à gauche, avec à sa droite trois rameurs assis et un debout. I. 6 – IG II2 2106 (peu avant 182/3 ap. J.-C.) : Le relief placé au bas de la stèle représente un navire avec deux éphèbes nus, l’un élevant une rame, l’autre une couronne. I. 7 – IG II2 2119 (191/2 ap. J.-C.), l. 223-225 : oı™de eßnayma¥x[hsan]. Prwtoge¥nhv Ap[ollwnı¥oy, Zwsi]miano¥v, Afrode[ı¥siov,--] ge¥nhv. I. 8 – IG II2 2124 (vers 190-200 ap. J.-C.) : A gauche du fronton est représenté un navire avec deux rameurs. I. 9 – IG II2 2130 (195-196? ap. J.-C.), l. 48-49 : Filisteı¥d[hv (Filisteı¥doy) Peir]aieyùv kaıù Po¥. Aı¶l. Kornh¥liov Pal (lhneyùv) naymax[h¥sante]v Moynixı¥a∞ synestefanw ¥ uhsan. Le relief placé au bas de la stèle représente un navire avec deux éphèbes ramant et un autre portant une palme et une couronne. I. 10 – IG II2 2208 (211/2 ap. J.-C.), l. 77, 146-147 & 168 : oıΩ [na]y[max]h¥sante[v] Ayß. Dwsı¥ueov Ualh˜tov Ayß. Hrakleı¥dhv U[alh˜tov] Ayß. ¶Anuov Teı¥m[wnov] Le relief placé au bas de la stèle représente trois navires contenant chacun deux éphèbes. I. 11 – IG II2 2198 (223/6 ap. J.-C.), l. 18, restitution : [naym]axh¥s(av) eßnı¥(ka). S. Follet signale que cette interprétation «demeure douteuse».
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SOURCES ÉPIGRAPHIQUES ET NUMISMATIQUES
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I. 12 – IG II2 2245 (255-256 ap. J.-C.). Le relief placé au bas de la stèle représente une poupe de navire sur laquelle se dresse un éphèbe tenant d’une main une rame, de l’autre une palme, avec au-dessous de lui l’inscription : nayma¥xov Ere¥nniov De¥jippov. I. 13 – IG II2 2167, l. 15-18, rapproché de IG II2 2273 et EM 3644 par M. Th. Mitsos, in Arch. Ephèm., 1971, no 4, p. 60-61 et pl. 5 : --a¥xov -wnov [synna]yma[xh¥sav] et Ka¥llippov Apollwn(ı¥) oy synnay maxh¥sav SOURCES
NUMISMATIQUES
Les naumachies M. 1 – Une monnaie à l’authenticité controversée commémorant la naumachie de Trajan 2 (aujourd’hui disparue). Droit : portrait de Trajan Revers : légende. NAVMACHIA SPQR OPTIMO PRINCIPI. SC M. 2 – Deux pièces de bronze de la cité de Gadara commémorant une naumachie 3. 1) Droit : tête de Marc-Aurèle entourée de la légende : AYG KAIC M AYR ANTWNEINOC Revers : navire de guerre avec un rang de rames, un gouvernail à l’arrière et un éperon. Au-dessus, légende en deux lignes : GADAREWN NAYMA. Date au-dessous du navire : DKC (224 selon le calendrier de Gadara = 161 ap. J.-C.) 2) Droit : tête de Marc-Aurèle entourée de la légende : AYG KAIC MA ANTWNEINOC
2 H. Mattingly, Catalogue of the coins of the Roman Empire in the British Museum, III, Nerva to Hadrian, 1936, p. 228-229 no 1078; J. Eckel, Doctrina nummorum ueterum, VI, 1792, p. 464. 3 Ces pièce sont conservées au Musée Maritime de Haifa. Y. Meshorer dans son article Coins of the city of Gadara struck in commemoration of a local naumachia, in Bulletin of the Maritime Museum of Haifa, I, 1966, p. 28-31 et pl. II; J.C. Golvin et M. Reddé, Naumachies, jeux nautiques et amphithéâtres, in Spectacula I, Gladiateurs et amphithéâtres [Actes du colloque tenu à Toulouse et à Lattes les 26-29 mai 1987], Paris, Imago, 1990, (p. 165-171), p. 168.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
Revers : même navire que sur la pièce (1). Légende en trois lignes : (G)ADAREW(N) THC KATA PO NAYMA Date au-dessous du navire : DKC.
Les uenationes aquatiques M. 4. Monnaie de Caracalla commémorant une uenatio avec décor de navire dans le Circus Maximus 4. Droit : ANTONINVS PIVS AVG. Revers : spina du Circus Maximus transformée en navire. Au-dessus, une course de chars, au-dessous une uenatio. Légende : LAETITIA TEMPORUM.
4 Ces monnaies existent en quatre ou cinq variétés. H. Mattingly, The Roman imperial coinage, vol. VI, part. 1, Pertinax to Geta, London, Spink & son, 1936, p. 232 no 137 (aureus) & p. 235, no 157 (denarius); Coins of the Roman Empire in the British Museum, V, Petinax to Heliogabalus, 1950, p. 209; G. G. Belloni, L’aureo di Caracalla con scena ludica e nave, in Contributi di storia antica, 14, p. 308314; A. Balil, Ova, delphini, Roman Cricus... and all that, in Latomus, 25, 1966, p. 867-870; J. H. Humphrey, Roman circuses, London, Bastford, 1986, p. 115-116 et fig. 51.
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VESTIGES ARCHÉOLOGIQUES
En dehors des sources littéraires, nous possédons une documentation archéologique sur les spectacles aquatiques1. La localisation des vastes bassins qui prirent à Rome le nom de «naumachies» est encore aujourd’hui l’objet de débats. L’étude des rares vestiges qui leur ont été attribués ne pourra donc se faire qu’en liaison étroite avec des considérations d’ordre topographique. Cependant, il existe aussi dans tout le monde romain un certain nombre de théâtres et d’amphithéâtres qui ont révélé lors de leur fouille des installations hydrauliques immédiatement mises en rapport avec les spectacles aquatiques. Nous avons tenté d’établir une liste de ces monuments en nous basant sur celles proposées par des travaux récents qui recensent tous les édifices de spectacle connus à ce jour. Pour les théâtres, il s’agit de l’ouvrage collectif réalisé sous la direction de P. Ciancio Rossetto et G. Pisani Sartorio, Teatri greci e romani 2. Pour les amphithéâtres, nous nous sommes appuyée sur le livre de J.-C. Golvin, L’amphithéâtre romain 3, et sur les hypothèses qu’il propose. Deux restrictions concernant plus particulièrement les théâtres ont en outre été introduites pour la constitution de ce corpus. Comme pour les sources écrites, seuls ont été considérés ici les édifices susceptibles d’avoir accueilli des spectacles profanes, autrement dit sans liens avec des rites religieux précis. Les structures éventuellement destinées à des rituels ou à des drames sacrés liés aux cultes de l’eau ne seront examinées qu’en fonction de leurs liens possibles avec les mises en scène qui font l’objet de notre étude. De même, les théâtres publics seuls retiendront notre attention, à l’exception toutefois des édifices privés qui par leur situation chronologique précoce sont essentiels à l’étude des origines des spectacles aquatiques 4.
1 Je remercie vivement M. J.-Ch. Moretti pour son aide et ses conseils lors de l’élaboration de cette synthèse. 2 P. Ciancio Rossetto et G. Pisani Sartorio, Teatri greci e romani. Alle origine del linguaggio rappresentato, t. I-III, Torino, Editoria per la Comunicazione Seat divisione Stet., 1994-1996 (abrégé sous la forme TGR). 3 J.-C. Golvin, L’amphithéâtre romain, Essai sur la théorisation de sa forme et de ses fonctions, Paris, de Boccard, 1988. 4 Nous laisserons en revanche de côté toutes les autres structures privées, comme par exemple le bassin de la Canope ou le «théâtre maritime» de la villa Hadriana, où la présence de spectacles aquatiques a parfois été supposée. Quoi qu’on puisse penser de ces hypothèses, privées d’ailleurs de tout appui dans les textes antiques, les époques considérées sont en tous les cas postérieures à celle des premiers spectacles publics attestés par les sources écrites.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
Les monuments considérés se répartissent selon deux périodes très distinctes qui correspondent pour une bonne part à celles des documents écrits. La première, où l’on rencontre divers types d’édifices, commence vers la fin de la République et couvre pour l’essentiel les périodes julio-claudienne et flavienne. La seconde correspond aux trois derniers siècles de l’empire et ne concerne que des théâtres.
LES
PREMIERS THÉÂTRES ET AMPHITHÉÂTRES ADAPTÉS AUX
SPECTACLES AQUATIQUES
(Ier siècle av. J.-C.-début du IIe siècle ap. J.-C.)
Les premières associations entre une cavea et un bassin Dans la plupart des théâtres où une adaptation aux spectacles aquatiques a été envisagée, les datations proposées pour ces aménagements relèvent du Bas-Empire. Toutefois, dans quelques rares cas, l’installation d’un bassin dans l’orchestra eut lieu à une date beaucoup plus haute, entre la fin de la République et le premier siècle de l’empire. Il existe également quelques monuments, tous datés du Ier siècle ap. J.-C., où on observe l’association entre un bassin et une construction en hémicycle inspirée ou dérivée d’une cavea théâtrale, sans que la présentation effective de spectacles dans ces structures composites ait pu être démontrée. Les exemples de ce type recensés par P. Ciancio Rossetto et ses collaborateurs sont les mêmes que ceux jadis signalés par G. Traversari. Depuis la parution du livre de ce dernier, la connaissance de ces édifices a toutefois été enrichie par plusieurs publications nouvelles. Nous avons donc tenté d’opérer une synthèse de toute la documentation existante.
Le théâtre du Pausilype 5 a) La villa de Védius Pollion et son théâtre Sur les pentes les plus basses du promontoire du Pausilype se trouvent les restes d’une villa, aujourd’hui à peu près cachée par la végétation ou submergée et rendue inaccessible par l’existence de terrains privés sur son site.
5 G. Spano, Il teatro delle fontane a Pompei, in MAAN, II, 1913, p. 143-144.; R. T. Günther, Pausilypon, the imperial villa near Naples, Oxford, 1913, p. 47; G. Della Valle, La villa sillana ed augustea Pausilypon, contributo alla storia dell’epicurismo campano, in Campania romana. Studi e materiali editi a cura della sezione campana dell’Istituto di studi romani, I, Napoli, Rispoli, 1938, (p. 207-267), p. 228-229 et 253-254; G. Traversari, Gli spettacoli in acqua nel teatro tardoantico, Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1960, p. 66-68; S. De Caro et À Greco, Campania, Bari, Laterza, 1981, p. 58-59; A. M. Bisi Ingrassia, Napoli e dintorni, Roma, Newton Compton, 1981, p. 48-49; P. Amalfinato, G. Camodeca et M. Medri, I campi flegrei, un itinerario archeologico, Venezia, 1990, p. 27-28.
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VESTIGES ARCHÉOLOGIQUES
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Ses plus anciennes structures ont été datées des dernières décennies du Ier siècle ap. J.-C. La monumentalité des restes laisse supposer qu’il s’agit de la villa de Védius Pollion dont la tradition antique souligne la magnificence. On sait que cet opulent personnage, contemporain d’Auguste, lui avait donné le nom grec de Pausilypon. À sa mort, en 15 av. J.-C., il la légua à Auguste et la villa fut désormais propriété impériale jusqu’au IVe siècle ap. J.-C. La villa de Védius Pollion était formée d’une série d’escarpements artificiels sur un espace de 89 hectares environ, couverts de portiques, d’édifices et de jardins. L’ensemble possédait une exposition méditée au soleil et aux vents, et était organisé de manière à ménager des points de vue panoramiques. Les terrasses montaient vers un terrain plat à mi-pente sur lequel se trouvaient les édifices les plus vastes et les mieux conservés aujourd’hui, en particulier le théâtre (fig. 9) et l’odéon. La cavea du théâtre, tournée vers le Sud, d’un diamètre de 47 m environ, reposait sur la pente et sur quelques substructions limitées. On y accédait par des escaliers placés aux extrémités de la cavea. Elle présentait 19 rangs de sièges interrompus par deux praecinctiones, avec deux platesformes rectangulaires de part et d’autre, qui étaient peut-être des tribunalia. Les gradins de l’ima cavea, au nombre de 7, étaient divisés en 3 secteurs, et ceux de la summa cavea en 7 secteurs. Au total, la cavea pouvait accueillir 2000 spectateurs. La summa cavea était séparée de la zone inférieure par un mur. Derrière elle courait une galerie. Il n’y avait pas de bâtiment de scène.
Fig. 9 – Le théâtre du Pausilype (Traversari 1960, fig. 19).
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
b) L’alimentation en eau du théâtre et de son bassin La villa du Pausilype était alimentée en eau par l’aqueduc du Serino. Cet aqueduc, réalisé à l’époque augustéenne, partait d’un bassin captant les sources des hauteurs de Serino. Il se divisait ensuite en deux conduits : l’un se dirigeait vers Bénévent, l’autre en direction de Naples. À Neapolis son tracé rejoignait la Crypta Napolitana. Là se trouvait la dérivation au service de la villa du Pausilype, attestée par un graffito de 65 ap. J.-C. retrouvé durant la construction de la Galleria Laziale 6. Les ressources en eau du site étaient donc abondantes, ce qui explique que la villa ait compté aussi un grand nymphée et un complexe thermal divisé en thermes supérieurs et inférieurs. Un canal souterrain, évidemment alimenté par cette dérivation, a été retrouvé entre le théâtre et l’odéon. Il parvenait près des ruines de l’édifice thermal. L’alimentation en eau du théâtre était donc très aisément assurée. c) Le bassin L’orchestra, en demi-cercle, était pavée de marbre blanc. Au centre se trouvait un bassin rectangulaire de 6 × 4 m, pour une profondeur de 0,60 m. L’un des petits côtés de ce bassin était à 4 m du 1er rang de siège, l’autre se prolonge au delà de la ligne où aurait dû se trouver le proscenium. Il était entourée de 4 trous disposés régulièrement. d) Éléments de datation Le théâtre est daté du Principat ou de l’époque julio-claudienne. Dans la mesure où rien n’indique que le bassin corresponde à un aménagement postérieur, il peut être daté de la même manière.
Le théâtre de Pompéi 7 a) Présentation générale du théâtre Le théâtre de Pompéi est limitrophe du Forum Triangulaire et de l’Odéon. Sa position est conditionnée par la pente naturelle de la colline. Il est orienté au Sud-Est, vers les Monts Lattari. L’opus incertum utilisé permet de dater la première implantation du théâtre du IIe siècle av. J.-C., en même
M. Medri, op. cit., p. 42. A. Mau, Das Grosse Theater in Pompeji, in MDAI (R), XXI, 1906, p. 1-56; G. Spano, op. cit., p. 11-148; A. et M. De Vos, Pompei, Ercolano, Stabia, Bari, Laterza, 1982, p. 65-66; K. Mitens, Teatri greci e teatri ispirati all’architettura greca in Sicilia e nell’Italia meridionale (c. 350-50 a.C.), Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1988, p. 166-169; L. Richardson Jr, Pompei, An Architectural History, BaltimoreLondon, John Hopkins University Press, 1988, p. 75-80 et 216-218. C. Courtois, Le bâtiment de scène des théâtres d’Italie et de Sicile. Étude, chronologie et typologie, Louvain-la-Neuve, Art and Archaeology publications, 1989, p. 70-75 et 223-226; A. d’Ambrosio in TGR II, p. 567-569. 6
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VESTIGES ARCHÉOLOGIQUES
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temps que le grand réaménagement du Forum Triangulaire. Sa configuration fut inspirée de l’architecture grecque, notamment sa cavea en forme de fer à cheval et non semi-circulaire selon le modèle adopté par le théâtre romain. Partiellement transformé dans la première moitié du Ier siècle av. J.-C., à l’époque de Sylla, le monument fut largement refait sous Auguste par l’architecte M. Artorius Primus. Enfin, il a été restauré, en particulier la scène, après le tremblement de terre de 62. La cavea est pour l’essentiel adossée à la pente naturelle. Son état actuel date de l’époque d’Auguste. De 58 m de diamètre, elle était divisée en 3 zones : la proédrie, à 4 rangées de gradins plus larges et plus bas pour accueillir les bisellia des décurions, et 2 maeniana de 20 et 4 rangées respectivement. D’abord de tuf, les gradins furent ensuite revêtus de marbre. Les secteurs sont au nombre de 5. La capacité de cette cavea était de 5000 places. Dépassant le demi-cercle, son maenianum supérieur était soutenu par une galerie annulaire couverte de voûtes, avec deux ordres d’arcades et de pilastres. Le long de la crête du mur contenant la summa cavea sont insérés des blocs de tuf pour porter les mâts du velum. L’orchestra mesurait 10 m de diamètre. On y accédait par deux parodoi droites en opus incertum de petits blocs de tuf et de briques aux angles. Elles étaient couvertes par une voûte au-dessus de laquelle s’étendaient les deux tribunalia. La scène, probablement à 2 étages, mesurait 30 m de long. Elle était ornée de colonnes, avec un corps central à larges absides et les deux autres à niches rectangulaires. La porta regia était jouxtée par deux colonnes libres. Au revers se trouve un vaste quadriportique. Le profond pulpitum, haut de 1 m environ, était couvert d’un plancher de bois. Il est appuyé aux parodoi couvertes, et donc uni à la cavea. Trois escaliers le mettaient en communication avec l’orchestra. Au-dessous passait un caniveau d’évacuation des eaux. La frons pulpiti actuelle présentait une séquence de sept petites niches, celle du centre curviligne, les autres rectangulaires. Juste derrière la fosse du rideau se trouvent des piliers et des puits sous la scène. Ils étaient sans doute destinés à monter des machineries pour le spectacle. L’état de conservation du théâtre est assez bon. Il subsiste les sièges de la proédrie et une partie du premier maenianum, une partie des substructions de la galerie supérieure, les parodoi, le pulpitum et le premier étage du bâtiment de scène. Toutefois le monument, partiellement recouvert seulement par l’éruption du Vésuve, a été exploité pendant des siècles comme carrière. En outre, les premières fouilles sur le site datent du XVIIIe siècle, ce qui explique la disparition de certaines structures et de nombreux éléments d’information que la recherche moderne aurait été susceptible d’exploiter.
b) Le réservoir du théâtre et le réseau hydraulique de Pompéi Sur l’aire ouverte au Nord-Ouest de la cavea, entre celle-ci et le forum triangulaire, se trouve une citerne de forme carrée. Chaque côté mesure 6,73 m. Le revêtement d’opus signinum, appliqué à l’extérieur comme à l’intérieur, leur ajoutait quelques centimètres. Elle délimitait un réservoir cir-
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
culaire de 4,45 m de diamètre et de 3,65 m de profondeur. Un trou était pratiqué dans la partie inférieure de ce dernier, du côté oriental. La citerne fut sans doute alimentée par l’aqueduc de la ville 8. Ce dernier, construit sous Auguste, entrait dans la cité juste à l’Ouest de la Porta del Vesuvio, le point le plus haut de la ville. Là le specus se terminait dans un château d’eau qui divisait l’eau en trois canaux, correspondant aux artères d’alimentation principales de la cité. Le débit de l’aqueduc était insuffisant pour alimenter toute la cité, dès l’époque de sa construction. La destination principale du castellum était donc très probablement de diriger l’eau dans différents quartiers à différentes heures. On y relève encore la trace des vannes de métal qui permettaient d’ouvrir alternativement les trois conduites qui en partaient. À partir de là, le système de distribution reste en partie matière à conjectures. Des colonnes d’alimentation étaient éparpillées dans la cité, mais beaucoup d’entre elles ont certainement disparu sans laisser de traces. Nous ne savons donc pas exactement jusqu’où allaient les artères principales qui partaient du castellum. La conduite qui se dirigeait vers l’Ouest courait au-delà du Forum et, après avoir alimenté les thermes de ce dernier, s’étendait aussi loin que l’Aedes Veneris, car on a retrouvé un réservoir le long du côté Est de l’édifice. L’artère centrale doit avoir alimenté les deux grands établissements de bain le long de la Strada Stabiana. Il est probable qu’elle fournissait aussi en eau le cœur industriel de la cité et le complexe de bâtiments publics adjacents au Forum Triangulaire. Elle devait aussi alimenter la citerne du théâtre. c) La frons pulpiti et les vestiges d’un réseau hydraulique dans le théâtre L. Richardson 9 mentionne des restes de conduites retrouvés dans les niches de la frons pulpiti sans apporter aucune information supplémentaire à leur sujet. Il s’agit probablement des «cavités» et des «galeries» mentionnées au début du XIXe siècle par D. Romanelli10, qui affirme les avoir luimême relevées sous le pulpitum et en plusieurs points de la cavea. Il les explique comme des cryptae ou operae fornicatae, destinées à recevoir des vases de cuivre pour accentuer la résonance du théâtre. Mais comme le fait observer G. Spano11, certains de ces boyaux pouvaient être destinés à cacher les tuyaux d’un réseau hydraulique. En outre, lors des premières fouilles du théâtre en 1764, le 25 août très exactement, fut trouvée «au milieu du théâtre une conduite de plomb qui débouchait au bas du terrain dans un canal aux parois de pierre»12. Il est possible que cette conduite, malheureusement si mal localisée par cette phrase imprécise, ait eu un rapport avec le réservoir et les bassins de l’orchestra.
Sur l’aqueduc de la ville, voir L. Richardson, op. cit., p. 54-57. L. Richardson, op. cit., p. 79. 10 D. Romanelli, Viaggio a Pompei, a Pesto e di ritorno ad Ercolano ed a Pozzuoli, Napoli, 1817. 11 G. Spano, op. cit., p. 137. 12 «che dal basso del terreno conduceva l’acqua in un canale di piperno». G. Fiorelli, Pompeianarum antiquitatum historia, I, Napoli, 1860, p. 160. 8
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VESTIGES ARCHÉOLOGIQUES
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Ces restes de canalisations ou de tuyauteries ne furent jamais relevés avec l’exactitude souhaitable et ont aujourd’hui disparu. d) Les bassins successifs de l’orchestra À une certaine époque, probablement sous Auguste, l’orchestra et les parodoi furent recouvertes d’un mortier étanche de brique pilée. En outre, lorsque l’orchestra fut fouillée en 1902-1904, on y découvrit un dispositif assez inusité : les traces de plusieurs bassins, de formes et de tailles différentes, creusés dans le sol (fig. 10). Ils firent l’objet, de la part de A. Mau notamment, d’un relevé attentif et d’une tentative de classement chrono-
Fig. 10 – Les bassins du théâtre de Pompéi selon leur numérotation par A. Mau (Traversari 1960, fig. 20).
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logique13. G. Spano reprit un peu plus tard les résultats de cette étude14. Il fut attribué à chaque bassin un numéro correspondant à leur place supposée dans cette étonnante succession : 1 – Le premier est un bassin circulaire, d’un diamètre de 7,10 m. Son centre se trouve à 1,35 m plus au Nord que celui du demi-cercle de l’orchestra. Il est ainsi dans l’axe du théâtre, à 1,50 m environ du bord des gradins et à environ 6 m de la ligne du proscenium. Sa profondeur est de 0,75 m sous la surface la plus récente de l’orchestra. L’angle formé par les parois du cylindre avec le fond du bassin est arrondi et le tout est recouvert d’opus signinum. Dans sa partie méridionale, du côté de la scène, on reconnaît deux canaux symétriquement disposés de part et d’autre de son axe. Celui de l’Est mesure 0,35 m à l’embouchure et se rétrécit jusqu’à 0,10 m. De l’autre canal, on n’a pu reconnaître que la partie orientale. Tous deux sont recouverts d’opus signinum. Ils se prolongent vers le centre du pulpitum actuel et étaient certainement couverts. Leur sol se trouve à 0,25 m sous le dernier pavement de l’orchestra. 2 – Le second bassin est lui aussi circulaire, mais plus petit et concentrique au premier. Son diamètre est de 5,90 m, sa profondeur sous l’actuel pavement de l’orchestra d’environ 1,30 m. Les parois et le fond, qui se rejoignaient à angle droit, sont revêtus d’opus signinum avec des restes de peinture bleue. 3 – On relève ensuite un bassin rectangulaire de 6,60 × 0,75 m, éloigné de 2, 15 m du pulpitum. Il est aussi revêtu d’opus signinum . 4 – Le bassin suivant, lui aussi rectangulaire, occupa en partie la place du précédent. Il mesurait 5,90 × 1,48 m, pour une profondeur de 0,25 m seulement et était éloigné du podium de 1,50 m. Il possédait le même revêtement que les autres. 5 – Le cinquième bassin, toujours rectangulaire, de 9 × 1,68 m pour une profondeur de 0,17 m, occupait en partie la place du précédent, mais son extrémité méridionale touchait la frons pulpiti. Son revêtement étanche porte des traces manifestes de peinture bleue. 6 – Le bassin suivant, dans l’ordre chronologique établi par A. Mau, se développe dans la partie antérieure de l’orchestra et recoupe tous les autres. Il est de loin le plus vaste des bassins rectangulaires retrouvés, puisqu’il mesure 5,90 × 3,90 m. Sa profondeur est de 1,65 m. Ses angles sont arrondis, de même que celui que forment ses parois avec le fond. Il a lui aussi un revêtement d’opus signinum dans lequel se trouvaient mêlés des coquillages. Il n’a pu être fouillé complètement, car après avoir été comblé, il fut couvert d’une couche d’opus incertum, de 0,50 m d’épaisseur. 7 – Dans l’axe, à 2,40 m du pulpitum, c’est-à-dire à l’intérieur du remplissage du bassin no 6, on reconnaît un petit bassin de 0,30 × 0,34 m, profond de 0,30 m, à partir duquel un canal large de 0,16 m traverse le canal du rideau de scène, pour aboutir dans un conduit qui longe ce dernier. Ce bassin n’a rien à voir avec les autres, ayant été construit après leur destruction pour recueillir les eaux pluviales.
13 14
A. Mau, op. cit., p. 45-53. G. Spano, op. cit., p. 114-118.
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Dans la mesure où ces structures n’ont par la suite jamais été remises au jour et réexaminées, nous ne possédons que les estimations de A. Mau sur le nombre et la succession de ces bassins. D’après leur tracé, il est certain que le bassin circulaire le plus grand (1) et le bassin rectangulaire le plus ancien (3) ne peuvent être contemporains, puisqu’ils se recoupent. En revanche, A. Mau fait observer que l’autre bassin circulaire (2) et ce même bassin rectangulaire (3) sont séparés par un espace de 0,70 m. Il n’est donc pas impossible qu’ils aient été contemporains, d’autant que la raison d’être du seul bassin no 3, très étroit, serait difficile à établir. Il est également possible que le bassin no 2 ait été en service en même temps que les deux autres bassins rectangulaires parallèles au pulpitum, portant sur le plan les numéros 4 et 5. A. Mau propose donc, pour la succession des différents bassins de l’orchestra, le schéma suivant : 1; 2 + 3; (2 +?) 4; (2 +?) 5, 6, 715. La présence de ces divers bassins dans l’orchestra du théâtre de Pompéi représente une caractéristique des plus atypiques, dont on ne connaît que peu d’autres exemples16. Mais s’ils ont suscité la surprise, ils n’ont guère donné lieu à des recherches plus approfondies, au-delà de leur description par A. Mau. Il est toutefois plausible, comme le font observer toutes les notices les plus récentes consacrées au théâtre, que le réservoir relevé au Nord-Ouest de la summa cavea ait été destiné à alimenter les bassins. Sa raison d’être en dépit de l’existence d’un aqueduc s’explique par le fonctionnement de ce dernier, qui ne pouvait distribuer l’eau en permanence vers cette partie de la ville. Du trou relevé à la base du réservoir, sur le côté Est, devait partir un tuyau de plomb qui descendait du haut de la cavea et permettait à l’eau de jaillir sous pression au niveau de l’orchestra. En liaison avec cette proposition, G. Spano17 considère que certaines des cavités relevées dans la cavea par G. Fiorelli devaient enfermer une conduite d’eau qui partait du réservoir et se prolongeait par le tuyau de plomb retrouvé dans l’orchestra en 1764. Quant aux bassins eux-mêmes, la peinture bleue qui a été retrouvée sur la plupart d’entre eux montre qu’ils avaient un rôle ornemental, éventuellement associé à d’autres fonctions. e) La datation controversée des bassins de l’orchestra Si on s’efforce de faire la synthèse de l’ensemble des datations proposées pour les différentes réfections du théâtre et surtout des transformation de l’orchestra, on se rend compte que plusieurs hypothèses peuvent être avancées. Selon À. Mau, qui distingue cinq périodes différentes, le premier état de la cavea du théâtre pourrait remonter un peu avant les débuts de la période dite «du tuf» (vers 200 av. J.-C.). Mais A. et M. de Vos, L. Richardson, K. Mitens et C. Courtois s’accordent pour dater les structures les plus anciennes de l’édifice, dont il ne reste qu’une partie des analemmata frontales, du
Ibidem, p. 116. Surtout si on laisse de côté les théâtres cultuels, comme le petit théâtre de Némi. Voir p. 225-226. 17 G. Spano, op. cit., p. 137. 15
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IIe siècle av. J.-C. A. Mau distingue ensuite deux périodes de constructions et de réfections, l’une entre 100 et 80 av. J.-C., l’autre entre 80 et 40 av. J.-C. Les aménagements ainsi relevés ont été rattachés à un seul programme de travaux d’époque syllanienne par les études les plus récentes. De fait, vers 80 av. J.-C., la cavea fut agrandie, les anciennes parodoi furent couvertes d’une voûte. On procéda également à une transformation du bâtiment de scène. Enfin, une grande restauration eut lieu à l’époque d’Auguste, datée précisément par deux inscriptions autour de 1 av. J.-C. Les travaux, qui concernèrent notamment le bâtiment de scène, la création des nouveaux sièges de l’ima cavea et la réalisation de la summa cavea, donnèrent au théâtre l’essentiel de son aspect définitif. Toutefois, la frons scaenae et le pulpitum actuels furent réalisés après le tremblement de terre de 62. En ce qui concerne la datation des installations hydrauliques, aucune étude postérieure n’a remis en question la place occupée par les divers bassins dans la succession chronologique proposée par A. Mau. En revanche, il est difficile de dire avec certitude à quelles phases du monument elles appartiennent respectivement. Selon G. Spano18, le mode de construction en opus incertum de la citerne placée derrière la summa cavea laisse supposer qu’elle est contemporaine de la troisième phase du théâtre, située par A. Mau entre 100 et 80 av. J.-C. De cette période daterait aussi le bassin no 1, le plus ancien de tous. À cette époque, où l’aqueduc n’existait pas encore, la citerne aurait dû être alimentée par un puits muni d’une machinerie permettant d’élever jusqu’à elle l’eau du sous-sol19. Il faut toutefois faire observer qu’on ne connaît aucun puits attenant à cette citerne 20. Selon la chronologie définie par A. Mau, vient ensuite une autre phase, entre 80 et 40 av J.-C., où des modifications affectèrent le bâtiment de scène. C’est alors qu’auraient été construits les bassins no 2 et 3, puis les bassins no 4 et 5. A. Mau envisage, nous l’avons vu, que le bassin no 2 ait fonctionné en même temps que ceux-ci. Enfin, lors de la reconstruction du théâtre à l’époque augustéenne, en même temps qu’était créé un nouveau front de scène, on aurait creusé le bassin no 6. À une époque postérieure et indéterminée, ce dernier fut bouché et remplacé par le petit bassin no 7. G. Traversari suit les mêmes indications chronologiques. L. Richardson, quant à lui 21, date le réservoir de l’époque d’Auguste, car il le met en relation avec la réalisation de l’aqueduc de la ville. Il va de soi par conséquent que pour lui, le grand bassin rond lui-même date aussi de la fin du Ier siècle av. J.-C., puisqu’il ne pouvait être alimenté que par la citerne. Il n’évoque pas les autres bassins retrouvés. En rapport avec l’incertitude des dates retenues pour la succession des différents bassins, on peut évoquer la question du niveau atteint par le sol de l’orchestra. Selon A. Mau, suivi par G. Spano, puis par C. Courtois 22, le ni-
Ibidem, p. 118. Ibidem, p. 137. 20 Le puits le plus proche se trouve sur le Forum triangulaire, au sud du temple dorique. 21 L. Richardson, op. cit., p. 218. 22 A. Mau, op. cit., p. 51-53; G. Spano, op. cit., p. 113-114; C. Courtois, op. cit., p. 70 et p. 223, n. 165. 18
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veau de l’orchestra fut rehaussé de 0,40 m entre 80 et 40 av. J.-C., puis son état initial fut restitué, sous Auguste (A. Mau) ou après le tremblement de terre de 62 (C. Courtois). A. Mau et G. Spano considèrent que le premier sol de l’orchestra est celui dans lequel fut creusé le bassin no 1. Les bassins no 4 et 5, qui ont été retrouvés sur une très faible profondeur, correspondraient à la période de rehaussement du sol de l’orchestra d’environ 0,40 m. Enfin le bassin no 6 aurait été creusé après le retour au niveau initial. L. Richardson quant à lui, sans se préoccuper de la présence des bassins, considère que le niveau de l’orchestra fut abaissé à l’époque de Sylla pour améliorer la pente de la cavea, soit à l’époque même pour laquelle A. Mau envisageait un rehaussement. Quoi qu’il en soit de ces deux niveaux et de leurs datations respectives, il est certain que les deux bassins dont les dimensions auraient le mieux permis la présentation de spectacles aquatiques, qui portent les numéros 1 et 6, furent tous deux creusés dans le niveau de sol le plus bas, le dernier, et non dans celui, légèrement plus haut, dont on a aussi trouvé la trace. En effet, nous l’avons vu, il existait deux canaux aboutissant au bassin no 1, situés à 0,25 m sous le niveau actuel. Dans la mesure où cette faible profondeur rend impossible dans tous les cas leur interprétation comme des caniveaux d’évacuation, il faut sans doute y voir au contraire des conduites alimentant le bassin. Or, ces conduites seraient incompatibles avec un sol plus haut, qui ne leur aurait pas permis de remplir le bassin jusqu’à une hauteur assurant une bonne visibilité sur la nappe d’eau. Un niveau de 0,25 m environ au-dessous du sol paraît raisonnable pour la surface de l’eau dans le bassin no 1. Après examen, on doit donc constater que la mise en évidence de deux niveaux différents pour le sol de l’orchestra ne permet guère de faire progresser la datation de chacun des bassins. On peut penser, avec L. Richardson, que tous les bassins, de 1 à 7, sont postérieurs à l’époque d’Auguste, et relèvent donc d’un même niveau de sol, celui qui correspond à l’actuelle frons pulpiti. Il n’y a pas lieu alors de tenir compte des changements de niveau relevés dans l’orchestra. La très faible profondeur des bassins no 4 et 5, qui n’est toutefois pas invraisemblable s’ils étaient purement décoratifs serait alors originelle. Mais il est tout aussi possible d’envisager avec A. Mau, G. Spano et G. Traversari que le bassin 1 relève bien de l’époque de Sylla. Il faut en tout cas noter que toutes les études et les notices consacrées à ce théâtre qui mentionnent le bassin no 6 s’accordent à situer sa création au plus tôt à l’époque augustéenne. En revanche, nous possédons naturellement un terminus ante quem pour la suppression des bassins auparavant prévus dans l’orchestra. Le dernier d’entre eux fut en effet comblé et fermé par un travail de maçonnerie avant la catastrophe. G. Spano 23 propose de dater cette disparition du bassin orchestral du tremblement de terre de 63 qui, en endommageant la citerne, voire même le réseau hydraulique qui l’alimentait, aurait compromis l’arrivée de l’eau dans l’orchestra. Cette datation a été reprise par toutes les études ultérieures.
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G. Spano, op. cit., p. 140.
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Les théâtres-nymphées de Campanie a) Le «théâtre-nymphée» de Bácoli 24 Le «théâtre-nymphée» ou «exèdre-belvédère» de Bácoli (fig. 11), selon les termes employés pour le définir après l’abandon de l’appellation «tombeau d’Agrippine», était à l’origine un édifice de spectacle. Orienté vers l’Est, vers la mer, il faisait partie d’une importante villa maritime presque entièrement disparue. Des carrières de pouzzolane installées dans cette zone, ainsi que des constructions modernes, ont détruit ou englobé les structures restantes, si bien que la compréhension des vestiges est difficile. En outre, la partie inférieur du monument se trouve aujourd’hui au-dessous du niveau de la mer. La cavea, d’un diamètre de 40 m environ, reposait sur trois couloirs semi-circulaires disposés à plusieurs niveaux. Un passage voûté (fig. 11, D),
Fig. 11 – Le théâtre-nymphée de Bácoli d’après W. Letzner (Letzner 1983, fig. 91, 1).
24 Région I, Latium et Campanie. A. Maiuri, Il teatro-ninfeo detto «sepolcro di Agrippina» a Bàcoli, in Anthemon, Scritti di archeologia e di antichità classiche in onore di C. Anti, Firenze, Sansoni, 1955, p. 263-271; M. Borriello et A. d’Ambrosio, Baiae, Misenum, Firenze, 1979, p. 102-104 (no 90); S. De Caro et A. Greco, op. cit., p. 62-63; P. Amalfinato, G. Camodeca et M. Medri, op. cit., p. 247-248; A. Ianiro, in TGR II, p. 397-398.
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qui la traversait de part en part, devait à l’origine mettre le théâtre en communication avec la villa située derrière. Cet ambulacre fut par la suite muré, soit parce que la raison d’une telle communication vint à manquer, soit parce que la crypta inférieure et le corridor furent envahis par l’eau. Le premier corridor semi-circulaire (A), situé à 1 m 30 environ sous le niveau de la plage actuelle, était couvert d’une voûte. Du côté Ouest, une salle basse quadrangulaire (E), de voûte très irrégulière, servait d’accès à un escalier (S) qui montait directement au corridor médian. Nous devons supposer une autre pièce similaire du côté oriental englobé depuis dans une construction moderne. Le corridor médian (B) était accessible aussi par le passage central. Il était couvert d’une voûte rampante. Trois ouvertures, avec dans l’intervalle des fenêtres, en scandaient la paroi externe. À l’intérieur sont visibles, sur la droite, les restes de l’un des deux escaliers symétriquement disposés qui conduisaient au plan supérieur. Cet escalier était supporté par une petite pièce voûtée, qui fut ensuite transformée en fontaine. À travers une ouverture dans la voûte, il donnait accès à trois rangs de gradins, retrouvés sur l’extrados de la voûte. En dehors de ces trois gradins aucun autre siège ne s’observe entre les corridors A et B, où l’on attendrait le développement de la cavea. Mais un sondage effectué sur le côté occidental de l’hémicycle, entre ces corridors, a fait apparaître les traces de 3 autres gradins. Ils furent supprimés par la construction d’un mur de tuf en réticulé, parallèle au mur extérieur de la crypta A, et par le remplissage de l’espace intérieur ainsi délimité par des matériaux de comblement. Une terrasse de 3,50 m de large fut réalisée de la sorte au niveau du sol de la crypta B. Il faut également supposer que dans la partie inférieure de l’hémicycle, aujourd’hui à parois lisses verticales, la cavea se prolongeait par 4 autres gradins au moins pour rejoindre le niveau de l’orchestra. Mais il n’en reste aujourd’hui plus trace. Il s’agit donc là d’une transformation radicale de l’édifice, abolissant la media et l’ima cavea. Derrière le corridor B, et au même niveau, courait un troisième corridor (C). Quand furent supprimés les gradins de l’ima et de la summa cavea, ce corridor fut divisé en pièces par 7 murets transversaux. L’ensemble de ces transformations a été interprété comme destiné à faire de l’édifice de spectacle une vaste fontaine à exèdre. Cette hypothèse est corroborée par la découverte d’une citerne (G), ménagée derrière la partie Est de la cavea. Elle était accessible par quelques marches depuis l’une des pièces (F) installées dans le corridor G. L’orchestra, d’un diamètre de 16 m environ, fut donc dans un second temps transformée en bassin. Dans la mesure où elle se trouve aujourd’hui au-dessous du niveau de la mer, nous possédons peu d’informations sur elle. A. Maiuri estime que sa surface fut réduite, et qu’elle adopta alors une forme pentagonale qui convenait effectivement mieux à un bassin qu’à une véritable orchestra. D’après certains éléments de la maçonnerie et de la décoration de l’édifice, sa construction est datée de la 1ère moitié du Ier siècle ap. J.-C. Le type de maçonnerie employé pour la transformation en nymphée à exèdre situe celle-ci à la fin du Ier ou au début du IIe siècle. Elle fut peut-être motivée par l’enfoncement des constructions les plus proches de la mer.
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b) Le théâtre-nymphée des thermes de Baïes 25 Le complexe des soi-disant «thermes» (fig. 12), fouillé à partir de 1941, ne représente pas un monument unitaire, mais seulement un secteur de constructions ininterrompues, installées sur 6 terrasses ménagées sur la colline de Baïes. L’aqueduc augustéen de Serino, dont le tracé court encore sur la crête de la colline, en alimentait les citernes, les fontaines et les thermes. La complexité de ces installations ne permet pas d’en dégager la destination fonctionnelle et elles ont été interprétées tantôt comme une villa, tantôt comme un complexe thermal 26. Il pourrait également s’agir de l’ebeterion, construit par Néron pour les équipages de la flotte de Misène ou d’une villa transformée en hospitalia pour les clients de thermes voisins. L’un des complexes de cet ensemble édilitaire, généralement connu sous le nom de «thermes de Sosandra», se développe sur trois niveaux. Il se distingue par l’insertion précise de ses terrasses dans un plan rectangulaire net. Les structures s’y distribuent symétriquement. D’après les ajouts et les changements dans les techniques de maçonnerie qu’on y observe, il fut plusieurs fois remanié. Sur la terrasse supérieure s’étendait un quartier de séjour, avec des pièces sur les côtés d’un corridor central. Sa terrasse inférieure était entourée d’un grand péristyle, qui évoque la porticus post scaenam d’un théâtre. La première période décorative de ce péristyle est datable de la moitié du Ier siècle ap. J.-C., la seconde du IIe siècle ap. J.-C. La zone centrale n’ayant pas encore été fouillée, on ignore s’il entourait un jardin ou une vaste piscine. La terrasse intermédiaire abrite un petit «théâtre-nymphée», selon le terme attribué à cette association d’un hémicycle semblable à la cavea d’un théâtre et d’un bassin placé au centre. Il faut toutefois noter qu’il ne reste aucune trace de gradins, ni d’un bâtiment scénique. L’hémicycle repose entièrement sur des substructions et comprend une série de salles rayonnantes couvertes de voûtes et décorées sur la face extérieure de demi-colonnes revêtues d’un enduit blanc. Derrière ces pièces, d’autres sont creusées dans la pente. L’une de ces dernières était adaptée en nymphée. Elle est placée sur l’axe du complexe et sur la paroi du fond jaillissait de l’eau venue de l’aqueduc. Canalisée sous le pavement, cette eau devait déboucher dans le bassin central du théâtre-nymphée. Devant cet ensemble de pièces s’ouvrait un cryptoportique dont la façade architecturale était décorée à l’extérieur de niches et de colonnes. Le bassin se trouvait au centre d’un espace semi-elliptique, d’une longueur maximale d’environ 30 m, enserré par la cavea. De forme ronde, il était accessible par 4 marches. Les structures en opus reticulatum des pièces disposées en demi-cercle semblent d’époque claudienne, et le cryptoportique de l’époque d’Hadrien.
25 A. Maiuri, Terme di Baia, scavi restauri e lavori di sistemazione, in BA, XXXVI, 1951 (p. 359-364) p. 362-364. fig 5-6; A. Maiuri, Il teatro-ninfeo detto «sepolcro di Agrippina» a Bàcoli, p. 263-271; N. Neuerburg, L’architettura delle fontane e dei ninfei nell’Italia antica, Napoli, Macchiaroli, 1965, p. 139; M. Borriello et A. d’Ambrosio, op. cit., p. 63-69 (no 33); S. De Caro et A. Greco, op. cit., p. 58-59; A. M. Bisi Ingrassia, op. cit., p. 96-99; P. Amalfinato, G. Camodeca et M. Medri, op. cit., p. 209-217. 26 En réalité les uniques structures avec fonctions thermales sur l’ensemble du site sont un petit balneum (b) et des thermes souterrains, constitués de 3 pièces.
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Fig. 12 – Le théâtre-nymphée des thermes de Sosandra (Letzner 1983, fig. 97, 2).
Le théâtre de Daphné 27 a) Présentation générale du théâtre Le théâtre de Daphné (fig. 13) est dans un médiocre état de conservation, car ses pierres ont été systématiquement enlevées lorsqu’il servit de carrière. Il n’a été en outre que partiellement fouillé, en 1934-1935. La cavea
27 Aujourd’hui Antakya (Turquie). D. N. Wilber, The theater of Daphné. The excavations (1933-1936) in Antioch-on-the-Orontes, 2, Princeton, Princeton Univ. Press, 1938, p. 57-94, fig. 1-44, pl. 5-7; H. P. Isler in TGR, III, p. 364-365.
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Fig. 13 – L’orchestra du théâtre de Daphné et le débouché du conduit d’alimentation (Traversari 1960, fig. 3).
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et le bâtiment scénique en particulier restent en grande partie inconnus, car on n’y a pratiqué que quelques sondages. Par la suite, le monument a été enterré à nouveau. Cet état fragmentaire empêche une reconstitution détaillée. En revanche, l’essentiel du dispositif hydraulique relatif au bassin a été dégagé. La seule étude de ce théâtre est celle de D. N. Wilber dans Antioch-onthe Orontes 2. Le théâtre est orienté au Nord-Ouest. Il était à l’origine un peu à l’écart du centre urbain. Il est construit en blocs de calcaire local en opus quadratum appareillés sans mortier, avec un revêtement de marbre. La cavea est en grande partie taillée dans la roche. Son diamètre est de 106 m et sa capacité sans doute d’environ 6000 personnes. Elle s’élevait jusqu’à 20 m au-dessus du niveau de l’orchestra. Il n’en reste que le bas, en forme de fer à cheval. Sa division interne nous est inconnue. L’orchestra qui avait un diamètre de 24 m, fut dans un premier temps simplement recouverte d’un revêtement de ciment, avant de recevoir un pavement de grès au cours d’une seconde phase. Un large caniveau l’entourait, courant au pied de la cavea avant de passer sous le bâtiment de scène. Du bâtiment scénique il ne subsiste que les fondations. La frons scaenae était droite et sans niches pour les portes. L’élévation dont quelques éléments sont conservés était d’ordre corinthien. On a retrouvé les fondations de deux frontes pulpiti successives situées à 1 m l’une devant l’autre. Dans la mesure où la bande de pavement de marbre qui bordait la plus septentrionale a été entamée lors de l’installation de la plus méridionale, on peut penser que cette dernière relève de la second phase du théâtre. b) L’aqueduc et le conduit d’alimentation Un réseau de canalisations souterraines parcourait le plateau de Daphné, distribuant les eaux des nombreuses sources qui y prenaient naissance. Des sondages ont permis de découvrir qu’un large embranchement de l’un de ces aqueducs aboutissait dans la section Sud-Ouest de la cavea. À son débouché, à 8 m au-dessus du sol de l’orchestra, se trouvait un puits vertical, de 0,50 × 1,40 m. L’installation hydraulique était dissimulée sous une voûte et recouverte par l’un des larges blocs utilisés pour la construction de la cavea de la première phase. Elle est donc contemporaine de cette dernière. Le puits s’enfonçait sous la cavea sur 7,20 m, se rétrécissant un peu à ce niveau. Il se prolongeait ensuite par un conduit horizontal passant sous l’orchestra à une profondeur de 3,80 m. Parvenu presque exactement au centre géométrique de l’orchestra, il remontait verticalement vers la surface pour aboutir à un trou de 0,37 m de diamètre, pratiqué au centre d’une dalle circulaire de marbre blanc, de 0,97 m de diamètre (fig. 13, A et pl. XVII). Deux rangs d’incrustations de marbre coloré, en forme de losanges et d’oves, décoraient le bord extérieur de la pierre. À son débouché à la surface, le conduit n’avait que de 0,40 m de diamètre, mais il s’élargissait progressivement à mesure qu’il s’enfonçait dans le sol. L’eau devait donc jaillir sous pression au centre de la dalle circulaire. L’ensemble du dispositif était clairement destiné à inonder au moins une partie de l’orchestra. L’eau de l’aqueduc tombait d’abord avec violence dans le puits vertical puis circulait sous l’orchestra dans le conduit horizontal avant de jaillir au centre de la dalle circulaire.
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Il faut donc imaginer qu’il existait un dispositif permettant d’admettre ou non l’eau dans l’orchestra. Il devait nécessairement se situer avant le puits vertical, à partir duquel l’eau, prenant de la vitesse, était déjà sous pression. D. N. Wilber 28 propose de restituer une vanne située au débouché de l’aqueduc dans la cavea, juste au-dessus du puits vertical (fig. 14). L’accès à cette vanne devait s’effectuer par la praecinctio de la cavea, qui n’a pas été dégagée, mais qui était sans doute située un peu au-dessus. Par ailleurs, un tuyau de terre cuite a été découvert au niveau de l’axe central du théâtre, provenant de la cavea et débouchant dans l’orchestra, à 4 m environ au-delà du caniveau. Il traversait la partie supérieure de ce caniveau dans un canal de 0,30 m de large creusé dans ses parois. Son débouché dans l’orchestra était marqué par un distributeur circulaire en calcaire, qui présentait un trou central de 0,21 m de diamètre (fig. 13). Il semble difficile d’apporter des réponses très précises aux questions que soulève sa présence. S’agissait-il d’une prise d’eau secondaire, également destinée à remplir le bassin, ou avait-il une autre fonction? Bien que son parcours n’ait pas été reconnu dans la zone de la cavea, il était probablement alimenté par le même aqueduc que le conduit d’alimentation principal.
Fig. 14 – Théâtre de Daphné. Reconstitution du système d’arrivée d’eau dans le puits vertical (Wilber 1938, fig. 10).
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Ibidem, p. 65.
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c) Le bassin Une telle arrivée d’eau au centre de l’orchestra ne pouvait qu’indiquer la présence d’un bassin, comme l’admet D. N. Wilber. Mais contrairement au théâtre de Pompéi où les bassins étaient creusés dans le sol, contrairement aussi aux kolymbèthrai aménagées au Bas-Empire dans certains théâtres dont on a retrouvé trace, le bassin à Daphné a entièrement disparu. Seules des hypothèses peuvent être formulées, basées sur la configuration et l’état des structures environnantes : l’orchestra, le pulpitum et les parodoi, ainsi que le système d’évacuation des eaux. Les restes de deux pavements successifs sont encore visibles dans l’orchestra. Du plus ancien subsiste une bande rectangulaire d’environ 1,59 m de large seulement, courant parallèlement au front de scène entre les deux bras du caniveau de l’orchestra. Son bord Nord est aujourd’hui à environ 2,40 m de la première frons pulpiti dont on a retrouvé une rangée de blocs de fondation en calcaire local. Originellement, le pavement s’étendait jusqu’à ce mur, mais une partie en fut détruite quant le second pulpitum fut construit un peu plus en avant, et une seconde bande disparut quand à l’époque moderne les blocs de la seconde frons pulpiti furent arrachés de leur place. Ce pavement était formé de dalles d’albâtre et de marbre de diverses couleurs, aujourd’hui très fendillées, formant des simples bandes. Elles avaient été posées sur un mortier de chaux mêlé de fragments de marbre. En dehors de cette bande de pavement, le reste du sol de l’orchestra durant la première période était recouvert d’un mélange de gravier et de mortier de chaux, de couleur rosâtre. L’orchestra possédait donc un revêtement étanche, permettant de l’inonder sur toute sa surface. Dans la mesure où aucune cavité creusée dans son sol n’a été retrouvée, on doit admettre que le bassin fut réalisé grâce à la construction d’un muret, comme ceux qui furent aménagés au Bas-Empire dans plusieurs théâtres. Nous pourrons donc lui donner le nom de kolymbèthra, qu’à la suite de G. Traversari nous réservons à ce type précis de bassin orchestral. Par ailleurs, D. N. Wilber fait observer que le niveau des parodoi montait considérablement vers l’extérieur par une série de marches et que leur voûte s’élevait à intervalles réguliers pour rester toujours à la même distance du sol. En particulier, dans la partie Est de la parodos Est, sur un espace de 5 m de long, on a retrouvé cinq marches faites de blocs de calcaire, montant vers l’extérieur du théâtre. Les deux blocs les plus larges sont des projections dans le passage de blocs faisant partie des fondations des murs de la parodos eux-mêmes. C’est là une preuve du caractère contemporain de ces marches avec le premier état du monument. D. N. Wilber 29 en conclut qu’on aurait pu laisser l’eau couler dans les parodoi, dont la pente était suffisante pour l’empêcher de se répandre hors du théâtre. Il est vrai qu’aucune trace d’un mur ou d’une vanne barrant à l’eau l’accès aux parodoi n’a été relevée. D. N. Wilber propose donc une extension de la kolymbèthra à toute l’orchestra. À chaque utilisation du bassin, l’eau aurait envahi une partie des parodoi et empli le caniveau, afin de pouvoir ensuite être vidée par ce caniveau. 29
Ibidem, p. 61 et 82-83.
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On pourrait alors s’interroger sur la raison d’être de la bande de marbre qui décorait le pied de la frons pulpiti. Elle pourrait avoir marqué la limite Nord du bassin, mais cette hypothèse est en contradiction avec une éventuelle présence de l’eau dans la partie inférieure des parodoi. En effet, la limite originelle du pavement de marbre était à peu près sur la même ligne que le mur Sud de celles-ci. Il faudrait en outre envisager la présence, juste devant la bande de marbre, d’un muret délimitant le bassin, ce qui l’aurait à plus forte raison masquée aux yeux des spectateurs. D. N. Wilber suppose donc qu’elle s’offrait aux yeux du public lorsque le bassin était vide et qu’on présentait dans le théâtre d’autres spectacles que des hydromimes. Pour lui, le bassin n’était borné que par le mur du pulpitum. Une hauteur reconstituée de 2 m est attribuée à ce dernier. Dans le cas où les eaux seraient arrivées jusqu’à lui, la profondeur du bassin lui aurait nécessairement été inférieure, mais resterait difficile à préciser. La transformation en bassin de toute la surface d’une orchestra n’est pas sans exemple. Toutefois, la proposition de D. N. Wilber ne s’appuie sur aucune preuve formelle. d) Le conduit d’écoulement Comme nous l’avons dit, le seul conduit susceptible d’avoir évacué les eaux du bassin est le large caniveau ouvert qui bornait le demi-cercle de l’orchestra. De très bonne facture, il mesurait 0,50 m de large et 1,40 m de profondeur. Le fond de ce caniveau est en pente en direction du Nord de part et d’autre de l’axe du théâtre, avec 20 ponts constitués d’un seul bloc de calcaire, à peu près radiaux au centre de l’orchestra. À partir du mur Sud des parodoi, les deux bras du caniveau devenaient rectilignes et étaient couverts de dalles. Celles-ci n’avaient que de 0,18 m d’épaisseur, d’où un dénivelé de 0, 30 m par rapport au niveau du sol de la 1ère phase, qui devait, par conséquent, se prolonger sur la couverture du caniveau. La preuve en est qu’au-delà de la frons pulpiti en revanche, les dalles de couverture étaient plus épaisses, autour de 0,46 cm, ce qui les mettait à peu près à niveau avec le sol de l’orchestra. Les deux branches parallèles du caniveau se prolongeaient sous le bâtiment de scène, mais toute trace en est perdue après la ligne de la scaenae frons, car au-delà de ce point, toutes les pierres de ses assises ont été emportées lorsque le théâtre servit de carrière. Un caniveau de ce type est inhabituel dans un théâtre d’époque romaine. Il peut en revanche être comparé à ceux de plusieurs théâtres hellénistiques. Celui d’Éphèse par exemple, enjambé par dix ponts de pierre, avait également des dimensions importantes, puisqu’il mesurait 0,58 m de large et 0,73 m de profondeur. Les théâtres de Taormina, de Corinthe, de Dionysos à Athènes, possédaient également de larges caniveaux semi-circulaires. Celui d’Athènes dépassait même en ampleur celui de Daphné, puisqu’il avait 0,90 m de large. Or, il est à noter que plusieurs de ces théâtres furent également aménagés pour les spectacles aquatiques. Ces grands caniveaux étaient évidemment particulièrement aptes à assurer l’écoulement rapide d’une masse d’eau importante. Nous ne possédons pas d’information sûre concernant la façon dont était contrôlé l’écoulement des eaux de la kolymbèthra dans ce caniveau. Selon D. N. Wilber il est possible qu’on ait placé un panneau coulissant dans
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une rainure verticale, taillée dans les côtés du caniveau. Dans la mesure où il n’y a aucun vestige d’un tel dispositif devant la frons pulpiti, il envisage que des vannes de ce genre aient été installées à l’endroit où le caniveau émergeait du théâtre, derrière le mur Nord du bâtiment de scène. Cette installation aurait impliqué une parfaite étanchéité, car elle présentait des risques d’infiltrations dans le pulpitum. Une telle proposition ne peut s’appuyer sur aucun autre exemple mieux attesté. e) Éléments de datation Au cours d’une seconde période, le sol de l’orchestra fut entièrement repavé de dalles de grès d’une taille uniforme et le même type de pavement fut installé dans les parodoi. La dalle circulaire d’où jaillissait l’eau, au centre de l’orchestra, se situe à 0,19 m sous le niveau de ce pavement. On peut donc être certain que cette dalle et le conduit qu’elle desservait appartiennent à la première phase du théâtre. De même, le niveau du sommet du distributeur secondaire est audessous du 2e pavement et juste au niveau du premier sol. Son installation est donc elle aussi contemporaine du premier état du monument. Par ailleurs, la nature des dépôts et la datation des monnaies découvertes dans le caniveau permettent de conclure que ce dernier, durant sa première phase d’utilisation, fut en continuel usage pour évacuer une masse d’eau importante et soigneusement nettoyé de façon régulière. La date de la construction du théâtre lui-même se confond donc avec celle où fut réalisée la kolymbèthra. Or, si une chronologie relative des différentes phases d’utilisation du monument fut aisément établie par les résultats des fouilles, en revanche les témoignages qui permettraient une datation plus précise sont limités. Quelques indices sont cependant tirés de l’étude des fragments architectoniques. Parmi ces derniers, on relève notamment trois chapiteaux corinthiens, que leurs caractéristiques stylistiques permettent de dater de la fin du Ier siècle. On peut notamment les rapprocher d’un chapiteau appartenant au temple de Trajan à Pergame, achevé sous cet empereur ou sous Hadrien. Ils suggèrent donc une datation du monument entre la fin du Ier siècle et les deux premières décennies du IIe siècle. De même, malgré la complète absence, sur le site, de documents épigraphiques fournissant une date précise, la forme des lettres sur quelques fragments trouvés dans le théâtre, qui devaient appartenir à une ou plusieurs inscriptions monumentales en latin, montrent que ces dernières datent elles aussi de la fin du Ier siècle ou du début du IIe siècle 30. Enfin, les nombreuses pièces retrouvées dans le conduit d’alimentation horizontal qui passait sous l’orchestra offrent d’importants éléments de datation. Elles représentent une série particulièrement homogène, excepté deux d’entre elles, la première de l’époque séleucide, la seconde du règne de Justin I. Quant aux autres, la majorité datent du second siècle, la plus ancienne de l’époque de Trajan et la plus récente de 222 ap. J.-C. Des fragments de lampes, très usés 30 Seules quelques lettres sont conservées et leurs rapports plus précis avec le théâtre ne sont pas précisés par D. N. Wilber (ibidem, p. 91 et 93).
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par l’eau, furent également découverts au même endroit. Ils datent de la fin du Ier et du début du IIe siècle ap. J.-C. Monnaies et fragments de lampes se déposèrent durant le nettoyage périodique du conduit. La période dont ils relèvent fut celle où le conduit fut le mieux entretenu, et donc celle où le théâtre fut utilisé pour les spectacles aquatiques, soit donc durant tout le IIe siècle et le début du IIIe siècle. N. R. Stillwell, dans Antioch-on-the-Orontes 3 31, a confirmé les suggestions de D. N. Wilber, se montrant plus favorable à une datation trajanienne que flavienne. Une source littéraire apporte toutefois un témoignage légèrement divergent : il s’agit de la Chronographie de Jean Malalas, qui attribue à Titus la fondation d’un théâtre à Daphné 32 : O deù Tı¥tov uriambey¥sav thùn nı¥khn aßph˜luen eßpıù thùn Rw¥mhn. Oyßespasianoùv deù eßk th˜v Ioydaı¨kh˜v praı¥dav e¶ktisen eßn tƒ Antioxeı¥a∞ tƒ mega¥lq taù lego¥mena Xeroybıùm proù th˜v py¥lhv th˜n po¥lewv. eßkeı˜ gaùr e¶phje taù Xeroybıùm taù xalka˜ a© eyüre Tı¥tov oΩ ayßtoy˜ yıΩoùv eßn t√ na√ Solomw ˜ ntov pephgme¥na, kaıù o™te toùn naoùn e¶strecen, aßfeı¥lato ayßtaù eßkeı˜uen kaıù eßn Antioxeı¥a∞ ayßtaù h¶negke syùn toı˜v Serafı¥m, uriambey¥wn thùn kataù Ioydaı¥wn genome¥nhn nı¥khn, eßpıù th˜v ayßtoy˜ basileı¥av, [sth¥sav a¶nw sth¥lhn xalkh˜n] eıßv timhùn tƒ selh¥nq metaù tessa¥rwn tay¥rwn prosexo¥ntwn eßpıù thùn Ieroysalh¥m. nyktoùv gaùr ayßthùn pare¥labe lampoy¥shv th˜v selh¥nhv. e¶ktise deù kaıù toù ue¥atron Da¥fnhv eßpigra¥cav eßn ayßt√, Ej praı¥da Ioydaı¥a. (Titus, ayant célébré par un triomphe sa victoire, retourna à Rome. Avec le butin de la Judée, Vespasien fonda à Antioche la Grande, devant la porte de la ville, ce qu’on appelle les «Cherubins». Il fixa en effet à cet endroit les Chérubins de bronze que son fils Titus avait trouvés fixés dans le temple de Salomon et qu’il enleva de là lorsqu’il détruisit le temple pour les porter à Antioche avec les Séraphins, célébrant par un triomphe la victoire sur les Juifs survenue sous le règne de son père. Il dressa en haut une stèle en l’honneur de Sélénè avec quatre taureaux regardant Jérusalem. En effet, il s’était emparé de Jérusalem de nuit, à la lumière de la lune. Il fonda aussi le théâtre de Daphné, et fit inscrire dessus «Construit grâce au butin de la Guerre Juive»). Le théâtre évoqué par Malalas est-il celui dont on a retrouvé les vestiges? Si tel est le cas, la construction du théâtre doit bien être située dans les dernière décennies du Ier siècle. Le léger décalage chronologique existant entre la fin de la guerre juive, où Malalas situe la fondation du théâtre, et le règne de Domitien, époque la plus haute retenue par les archéologues, peut
31 R. Stillwell, Catalogue of architecture, in Antioch-on-the-Orontes 3, Princeton, Princeton Univ. Press, 1941, (p. 150-170) p. 153. 32 X, 337-338.
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s’expliquer par une erreur du chroniqueur, souvent peu exact dans sa datation des monuments d’Antioche. Mais il est également possible que pour une raison inconnue, la construction du théâtre fondé par Titus se soit poursuivie jusqu’au règne de Domitien. Quoi qu’il en soit, la réalisation de la kolymbèthra du théâtre de Daphné se situe manifestement à une date très haute, qui tranche avec celle de cet aménagement dans tous les autres théâtres recensés. Le caractère précoce de la kolymbèthra du théâtre de Daphné permet un retour sur certaines particularités de cette installation, déjà évoquées. En ce qui concerne la configuration du bassin lui-même, dont on ignore tout, on observe que si la proposition de D. N. Wilber, qui envisage un bassin étendu à toute l’orchestra, paraît peu convaincante, le décalage chronologique existant entre les autres bassins connus et celui de Daphné ne permet pas non plus d’affirmer que ce dernier se présentait de la même manière, soudé à la frons pulpiti. La position centrale de la dalle d’où jaillissait l’eau incite plutôt à penser que ce bassin fut construit au centre de l’orchestra. On retiendra aussi les caractéristiques du caniveau du théâtre, qui le rapprochent de certains théâtres d’époque hellénistique. Alors que chez ces derniers, la présence préalable d’un large conduit d’évacuation facilita éventuellement plus tard l’installation d’une kolymbèthra, dans la mesure où seule la prise d’eau restait à mettre en place, à Daphné le choix d’un tel caniveau, à une époque où l’on n’en réalisait plus de semblables, indique que le théâtre fut adapté lors de sa construction à un but précis : la représentation de spectacles aquatiques.
f) La disparition de la kolymbèthra et les installations hydrauliques postérieures Nous avons vu que la dalle de marbre par laquelle débouchait le conduit vertical au centre de l’orchestra fut recouverte par le pavement de grès de la seconde phase. Elle n’était donc plus utilisée durant cette dernière. En outre, lors de sa découverte, le conduit vertical était soigneusement scellé par quatre morceaux de tuile. C’est donc l’arrivée d’eau elle-même qui fut mise hors d’usage. Par ailleurs, un segment de l’embouchure décorative centrale fut à une certaine époque entaillé pour livrer passage à un autre tuyau de canalisation qui y aboutissait aussi. L’ensemble fut noyé dans le ciment et l’entaille faite dans la dalle circulaire réparée par un fragment de pierre taillé aux dimensions du segment enlevé mais d’un travail beaucoup moins raffiné. La nouvelle canalisation courait d’abord en direction du front de scène, puis s’infléchissait vers l’Ouest juste avant d’atteindre la bordure de pierre du pavement de marbre (fig. 13). Elle est à 0,19 m en dessous du niveau du second pavement de l’orchestra et lui est donc antérieure. Dans la mesure où cette canalisation remplaçait manifestement le conduit vertical obstrué, il faut en conclure qu’au cours d’une phase intermédiaire entre l’obstruction du conduit principal et la seconde phase du théâtre, fut réalisée dans l’orchestra une autre installation hydraulique, certainement beaucoup plus modeste. Le
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niveau de la nouvelle canalisation s’abaissait à mesure qu’elle s’éloignait de la base circulaire, ce qui pourrait indiquer qu’elle était destinée à assurer un écoulement d’eau depuis la base elle-même. Mais il est également possible que l’eau, envoyée sous pression depuis un point plus haut, ait abouti là encore à la base de pierre, devenue le centre d’un simple jet d’eau décoratif. Dans la partie Sud de la bande de marbre de l’orchestra, à peu près depuis son milieu jusqu’à son extrémité Est, court un tuyau qui se termine sous une ouverture circulaire. Autour de ce trou, le marbre a été remplacé par une grossière surface de ciment. On ignore si ce tuyau apportait de l’eau dans le théâtre ou s’il la drainait au-dehors. Selon D. N. Wilber 33, la première solution est la plus probable, et ce conduit appartient lui aussi à la période intermédiaire de l’histoire du théâtre. On aurait donc là une seconde fontaine, ou en tout cas un autre point d’où jaillissait de l’eau. On s’interroge sur la source d’alimentation de ces canalisations, puisqu’elles ne semblent pas avoir pour origine le débouché de l’aqueduc dans la cavea. Il est certain en tout cas qu’aucune de ces modestes installations, ni même leur ensemble, n’aurait pu remplacer le dispositif antérieur. L’obturation du conduit principal correspond donc à la suppression de la kolymbèthra elle-même. La date de cette suppression a pu être déterminée de manière plus précise, notamment grâce aux nombreuses monnaies retrouvées dans le caniveau. En effet, si ce dernier fut bien entretenu durant les Ier et IIe siècle, plus tard il le fut de façon plus négligente, de sorte que des dépôts de sable amenés par l’eau s’y formèrent. Peu après, le caniveau cessa d’être destiné à évacuer un important débit d’eau, car au cours du IIIe siècle et du début du IVe siècle, il se remplit d’un important dépôt mêlé de débris et de nombreuses monnaies de cette époque : sur 101 pièces trouvées à cet endroit, 27 seulement sont antérieures à 217. Enfin, l’ensemble fut recouvert par le pavement de grès étendu à toute l’orchestra. Ce pavement, réalisé en même temps que de très importants travaux de réfection, notamment la réalisation de la seconde frons pulpiti, est probablement postérieur au violent tremblement de terre de 341 qui avait certainement endommagé le théâtre. Après sa reconstruction, ce dernier resta utilisé au moins jusqu’au règne de Justinien (527-565) et peut-être jusqu’à celui de Tiberius (578-582). Les amphithéâtres munis de bassins Les sources antiques attestent la présentation de spectacles aquatiques dans deux amphithéâtres de la capitale, celui de Néron au Champ de Mars, et l’amphithéâtre Flavien (fig. 15). Le premier de ces édifices qui était en bois a naturellement disparu. Quant au second, la possibilité de sa mise en eau est encore aujourd’hui l’objet d’un débat. En outre, aucun document écrit ne mentionne une telle installation en dehors de Rome. Or, en regard des témoignages archéologiques relativement abondants que nous possédons sur les théâtres à kolymbèthra, il n’existe pas d’amphithéâtre où la présence d’un bassin puisse être admise sans contestation. Il convient de laisser
33
D. N. Wilber, op. cit., p. 67.
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1. Plan du sous-sol: A. galerie axiale; B. galeries secondaires; C et D. galeries annulaires; E. extrémité sans issue; F. galerie conduisant au Ludus Magnus; G. galerie dite “de Commode”; H. galeries d’accès principales. a) pièces de service voûtées. b) escalier de service. c) posticae sur deux niveaux. d) dalles de fixation des cabestans. – 2. Coupe transversale: A. galerie axiale; B. galeries secondaires; C et D. galeries annulaires. d) posticae centrales su deux niveaux et montecharge. H. galeries d’accès. h) bornes de fixation des cordages du velum. i) fixation des mâts du velum. .
Fig. 15 – Amphithéâtre Flavien. Plan des installations souterraines (Golvin 1988, pl. XXXVII, 1-2). www.torrossa.com - For non-commercial use by authorised users only. License restrictions apply.
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Niveau inférieur: a) entrées axiales. b) portes de service. c) rampes d’accès au sous-sol. d) escaliers du podium. e) escaliers d’accès à la première précinction. f) escaliers d’accès à la deuxième précinction. g) sacellum h) liaison avec la loge. i) escalier de liaison avec le soul-sol. j) bornes de fixation des cordages du velum k) espace central couvert par un plancher. l) platea A. corridor de service; B. galerie intermédiaire; C. galerie périphérique. .
Fig. 16 – L’arène de l’amphithéâtre de Pouzzoles (Golvin 1988, pl. XXXVIII). www.torrossa.com - For non-commercial use by authorised users only. License restrictions apply.
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de côté les propositions émanant d’ouvrages anciens, sans argumentation scientifique suffisante. Si on s’en tient à la liste de ces installations telle que l’a proposée J.-C. Golvin, dans L’amphithéâtre romain 34, on constate que les édifices pour lesquels l’auteur envisage une adaptation aux spectacles aquatiques sont peu nombreux 35. En outre, les chercheurs qui se sont également intéressés aux amphithéâtres cités par J.-C. Golvin n’ont pas toujours admis cette hypothèse. Une présentation rapide de ces amphithéâtres et de leurs caractéristiques est un préalable. Elle donnera des éléments de discussion sur la valeur des indices suggérant une adaptation de ces monuments à la mise en eau. Pour chaque amphithéâtre concerné, une telle éventualité a été notamment suggérée à J.-C. Golvin par la présence au centre de l’arène d’une fosse reliée à un certain nombre de canalisations. Deux édifices ont particulièrement retenu son attention, ceux de Mérida et de Vérone. Il en signale également quelques autres, sans se monter aussi affirmatif. Compte tenu des fréquentes hésitations sur la datation de ces amphithéâtres, nous les présenterons par ordre alphabétique.
L’amphithéâtre d’Emerita Augusta (Hispania Lusitania) 36 a) Présentation générale du monument L’amphithéâtre où l’adaptation aux spectacles aquatiques est présentée comme la plus certaine par J.-C. Golvin est celui de Mérida. Il a été fouillé entre 1915 et 1920 et a fait l’objet de restaurations entre 1948 et 1968. Il fut édifié à l’extrémité Est de la ville (fig. 17). La partie Est de la cavea vint d’ailleurs buter contre le mur d’enceinte. Sa façade était construite de
J.-C. Golvin, op. cit., p. 334-335. J.-C. Golvin écarte notamment de sa liste les amphithéâtres de Capoue et de Pouzzoles, pour lesquels des hypothèses antérieures avaient envisagé un aménagement aux spectacles aquatiques, en raison de la présence d’un aqueduc aboutissant dans les sous-sols. Il fait valoir (op. cit., p. 183) qu’à Pouzzoles (fig. 16) l’aqueduc débouchait à 4 m au-dessous du niveau de l’arène, ce qui n’aurait pas permis d’inonder celle-ci. Le même argument peut être avancé pour l’amphithéâtre de Capoue. Quoi qu’il en soit, aucun travail récent n’étant venu étayer ces hypothèses mal établies, nous nous en tiendrons, pour la discuter, à la liste des amphithéâtres munis de bassins proposée par L’amphithéâtre romain. 36 Aujourd’hui Mérida (Espagne). J. R. Mélida, El anfiteatro romano de Mérida, in MJSEA, 2, [Memoria de las excavaciones practicadas en 1916-1918], Madrid, 1919, p. 1-36; El anfiteatro y el circo de Mérida in MJSEA, 3, [Memoria de las excavaciones practicadas en 1919-1920], Madrid, 1921, p. 1-11; J.-C. Golvin, L’amphithéâtre romain, Essai sur la théorisation de sa forme et de ses fonctions, Paris, de Boccard, 1988, p. 109-110 (no 77); M. Bendala Galán et R. Durán Cabello, El anfiteatro de Augusta Emerita : rasgos arquitectónicos y problemática urbanística y cronológica; J. A. Calero Carretero, La planta del anfiteatro romano de Mérida, in El Anfiteatro en la Hispania Romana, [Coloquio internacional, Mérida, 26-28 de Noviembre 1992], Madrid, Conjeria de cultura y patrimonio, 1995, p. 247-264 et p. 301-310. 34
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1. Plan: a) entrées axiales. b) portes donnant sur le sacellum (et la loge). c) carceres. d) sacellum. e) escaliers du bassin. f) aqueduc. g) égouts d’évacuation. h) bassin central. A. partie adossée au sol. R. remblais. – 2. Coupe transversale: N1. niveau d’accès inférieur. N2. niveau d’accès supérieur. B. blocage. R. remblais. f) aqueduc. .
Fig. 17 – L’amphithéâtre de Mérida (Golvin 1988, pl. XXX). www.torrossa.com - For non-commercial use by authorised users only. License restrictions apply.
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façon massive en opus incertum et son seul ornement était constitué par un appareil en bossage sur les contreforts qui encadraient notamment les entrées des uomitoria et des trois accès directs à l’arène. Du côté Ouest, cette façade donnait sur une rue qui longeait l’arrière du mur de scène du théâtre. La cavea mesurait 126,30 × 102,60 m. Sa capacité était d’environ 20000 places 37. Elle comportait 3 maeniana de 11 gradins chacun. La première praecinctio desservait l’ima cavea, la seconde les deux maeniana supérieurs. La partie orientale de l’ima cavea était adossée à une pente naturelle, tandis que le reste du monument reposait sur des compartiments remplis de remblais, aux murs en opus incertum alternant avec des rangées de pierres plates ou de briques. Seule l’ima cavea est bien conservée. De la media cavea, il reste essentiellement les murs verticaux des caissons sur lesquels elle reposait. Du côté Est, ces caissons ont retaillé en partie le sol préexistant. La summa cavea est arasée juste au-dessus de la praecinctio. Les compartiments remplis de remblais sur lesquels reposaient ces gradins délimitaient 13 vomitoria, auxquels il faut ajouter les 3 galeries axiales du monument, qui traversaient la cavea de part en part. Les uomitoria aux murs de pierres appareillées et aux voûtes de briques permettaient par des portes latérales situées à un peu moins de 6 m de leur entrée d’accéder aux escaliers conduisant à la seconde praecinctio. La galerie se poursuivait ensuite pour aboutir sur l’ambulacre de la première praecinctio. Compte tenu de l’irrégularité du terrain, le niveau du sol des uomitoria du côté Est était uniforme, tandis que ceux du côté Ouest montaient par un nombre de marches variable jusqu’à la première praecinctio. Des deux extrémités du grand axe de la cavea partait une galerie large de 4,20 m à voûte de briques, munie elle aussi d’escaliers latéraux vers la partie supérieure de la cavea, mais qui descendait ensuite en pente vers l’arène, sur laquelle elle s’ouvrait par une vaste porte. De part et d’autre de cette dernière se trouvaient des pièces voûtées ouvertes à la fois sur la galerie et sur l’arène. Il s’agit très certainement des carceres, les pièces de service du monument, où étaient détenus les fauves et où les combattants attendaient de paraître sur l’arène. Une galerie analogue existait sur l’axe mineur du monument, du côté Ouest. Mais avant d’aboutir à l’arène elle donnait accès à deux petits escaliers latéraux qui montaient à la grande loge située juste au-dessus, interrompant l’ima cavea. Cette loge était celle où prenaient place les autorités de la province. La loge située en face sur l’axe mineur Est du théâtre, de plus petite taille, était sans doute destinée à l’éditeur des jeux. Elle était accessible par trois escaliers, deux partant de l’arène et le troisième de la cavea. Ces deux tribunes possédaient un parapet face à l’arène, portant une inscription. Le podium était un épais mur de ciment avec un parement en blocs de granit appareillés. Il fut recouvert à une date indéterminée de plaques de marbre fixées par des crochets de bronze. Au-dessus de ce plaquage de marbre, la paroi était recouverte d’une épaisse couche de mortier hydraulique, ou opus signinum. Ce podium mesurait 2 m de haut, et il était surmonté d’un parapet.
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Selon J.-C. Golvin, op. cit., p. 285, tableau 29.
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b) La fosse centrale de l’arène L’arène, de forme elliptique, fut creusée dans le rocher. Elle mesurait 64,50 × 51,15 m. Au milieu se trouve une grande fosse rectangulaire, avec des prolongements en forme de croix (fig. 17 et pl. XVIII). Lors de ses fouilles, faute de l’avoir identifiée comme telle, J. R. Mélida 38 l’avait décrite comme un ensemble complexe de galeries, avec une tranchée rectangulaire plus profonde au centre, flanquée de part et d’autre par 5 galeries : une première galerie centrale, partant du seuil des deux entrées Nord et Sud sur l’arène, deux autres l’encadrant, et deux autres encore à extérieur, dont le tracé partait perpendiculairement à la galerie centrale, avant de décrire un angle droit pour encadrer les deux tronçons intermédiaires. Comme le font observer M. Bendala Galán et R. Durán Cabello 39, la complexité du système décrit par J. R. Mélida s’explique en fait par l’existence de trois états successifs de la fosse. Durant son premier état, la fosse, vaste espace rectangulaire, avait des parois en maçonnerie appareillée, dont les angles sont encore visibles devant les deux entrées de l’axe majeur. D’après les mesures de J. R. Mélida pour le tronçon situé immédiatement devant le seuil de ces deux entrées axiales, cette première fosse devait avoir 2,30 m de profondeur. Dans un second temps, on inscrivit dans la première une seconde fosse plus étroite et légèrement plus courte, mesurant 50 × 7,10 m, et profonde de 1,50 m 40. Elle était délimitée par des murs de ciment dont la paroi intérieure fut recouverte d’opus signinum. Dans ses angles ont été retrouvés des escaliers d’accès très raides, adossés à ses longs côtés. L’espace restant entre cette fosse et la précédente fut rempli de terre. Le centre de cette fosse a été détruit par le creusement de la troisième. Cette dernière mesurait 25 × 19,50 m. Elle était profonde de 3,65 m. Par rapport à la facture soignée de la fosse antérieure, celle-ci fut réalisée de manière beaucoup plus grossière et on a retrouvé dans l’appareillage maladroit de ses angles des pierres récupérées d’autres édifices. D’après J. R Mélida, l’absence de finition en plusieurs points suggère l’idée d’un inachèvement de l’installation. Au milieu de cette fosse, sur un rectangle de 18,35 m de long pour 3,70 m de large, le fond a été recreusé sur 1,20 m de profondeur. Dans aucun des trois états de la fosse n’apparaît la manière dont celle-ci pouvait être couverte. c) Les canalisations Trois amples conduits qui couraient sous l’amphithéâtre étaient connectés à cette fosse. Deux d’entre eux suivaient l’axe majeur du monument, et le troisième l’axe mineur, du côté Ouest. Ce dernier a été exploré sur une partie de son parcours. Il s’agit d’une galerie de maçonnerie de bonne qualité, dont la voûte en berceau était de briques. En partant de la
J. R. Mélida, El anfiteatro romano de Mérida... cité, p. 27-30. M. Bendala Galán et R. Durán Cabello, op. cit., p. 250-251. 40 Selon J.-C. Golvin (op. cit., p. 110) elle ne mesure que 1,25 m de profondeur. 38
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fosse, sur 2,60 m, sa largeur était de 3,15 m, puis de 1,80 m seulement. Sa profondeur était de 2,13 m depuis le sommet de la voûte. D’une longueur totale de 7,50 m, elle débouchait dans un égout qui descendait en pente pour se jeter dans le Guadiana. Ce dernier recueillait également les eaux de ruissellement de la façade de l’amphithéâtre, grâce à un drain qui longeait jusqu’à lui le côté Sud-Ouest du monument, tirant parti de la forte déclivité du sol à cet endroit. Selon J.-C. Golvin cette galerie axiale Ouest aurait également été reliée à un aqueduc permettant de mettre en eau le bassin central. Sur la première partie de leur parcours, seule explorée, les conduites Nord et Sud présentent exactement la même facture que celle de l’Ouest, mais leur voûte est surbaissée. J.-C. Golvin les considère comme les égouts d’évacuation du bassin. M. Bendala Galàn et R. Duràn Cabello estiment que ces canalisations existaient dès l’origine, car elles devaient être nécessaires à l’évacuation des eaux pluviales à l’intérieur du monument, en association avec le grand drain extérieur. d) Éléments de datation Provenant de la façade de chacune des loges de l’amphithéâtre ont été retrouvés les fragments de deux inscriptions gravées identiques, portant le texte suivant : IMP . CAESAR . DIVI . F . AVGVSTVS . PONTIF . MAXIM . COS . XI . IMP . XIIII . TRIBVNICIA . POSTESTATE . XVI. Lors de la dédicace du monument, Auguste était donc consul pour la onzième fois et avait été salué imperator pour la quatorzième fois. Il exerçait la puissance tribunicienne pour la seizième fois. En fonction de ces éléments, la plupart des chercheurs se sont accordés pour dater l’amphithéâtre de la deuxième moitié de l’année 8 av. J.-C., car l’empereur fut revêtu de cette seizième puissance tribunicienne le 27 juin de cette année. Tout les autres fragments d’inscriptions retrouvés au cours de la fouille sont également datés de l’époque augustéenne. Récemment toutefois M. Bendala Galàn et R. Duràn Cabello 41 ont contesté cette datation. Ils se sont notamment appuyés sur l’importance de la maçonnerie de briques dans ce monument, sans exemple à l’époque augustéenne dans toute la péninsule ibérique 42. En outre, ils rappellent qu’une tombe à incinération a été retrouvée dans l’un des caissons retaillé dans le sol initial qui supportait par endroits la partie Est de la media cavea, immédiatement à droite du corridor axial Sud. Cette tombe a été découverte in situ, elle est donc antérieure au monument. Or, certains objets qui l’accompagnaient, notamment des vases à onguent, relèvent selon eux d’une période située entre le règne de Claude et la dynastie flavienne. En outre, ils admettent la proposition, communément admise, selon laquelle la muraille de la ville contre laquelle vient buter la partie orientale de la cavea est anté-
M. Bendala Galàn et R. Duràn Cabello, op. cit., p. 253-259. Ces auteurs datent la scaenae frons du théâtre de Mérida, où se relève l’emploi de briques, de l’époque de Claude. 41
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rieure à la réalisation du monument 43. On ne comprendrait pas en effet que deux des uomitoria aient été sciemment obstrués lors de la construction du rempart. Par ailleurs, on sait que dans l’urbanisme romain les tombes devaient se situer à l’extérieur de l’enceinte de la ville. Les deux auteurs considèrent donc que la partie de la muraille qui borde l’amphithéâtre et englobe la tombe retrouvée dans les remblais de la cavea doit être postérieure au tracé initial. Compte tenu de la datation qu’ils proposent pour la tombe, M. Bendala Galàn et R. Duràn Cabello situent le déplacement de l’enceinte, dont le tracé originel est augustéen 44, au milieu du Ier siècle ap. J.-C. au plus tôt, et donc la construction de l’amphithéâtre au-delà de cette date. Les inscriptions mentionnant sa dédicace selon eux feraient référence à un monument antérieur, très rudimentaire, qui aurait entièrement disparu. L’inscription du nouveau monument aurait repris la date de la première dédicace, les deux chercheurs espagnols invoquant sur ce point l’exemple du Panthéon à Rome.
L’amphithéâtre de Vérone (Rég. X) 45 a) Présentation générale du monument L’amphithéâtre de Vérone fut construit à 80 m à l’extérieur du rempart Sud de la ville. Il était installé sur une légère éminence de 1,60 m de haut, sans doute artificielle. Ses axes principaux mesuraient 152,43 × 123,24 m. La cavea reposait sur des murs rayonnants composés de couches de galets liés au mortier de chaux alternant avec trois rangs de briques destinés à régler l’horizontalité des murs. Sa façade comportait deux niveaux de galeries à arcades décorées de pilastres toscans, surmontés d’un attique ouvrant sur l’extérieur par de grands arcs. Les substructions de la cavea définissaient 12 corridors, numérotés en sens inverse des aiguilles d’une montre à partir de son extrémité Nord. Les corridors 1 et 37 étaient les grandes entrées axiales donnant sur l’arène. L’amphithéâtre ne possédait pas de carceres, mais quatre autres couloirs, correspondant aux numéros 4, 34, 40 et 70, aboutissaient aussi à l’arène, sur laquelle ils s’ouvraient par des portes de service. Au rez-de-chaussée existaient en outre 3 galeries annulaires concentriques. La première desservait le podium par 12 petits escaliers, la seconde conduisait à l’ima cavea par 16 escaliers et la troisième était la grande galerie de façade d’où partaient 12 escaliers conduisant à la summa cavea, qui devait être surmontée d’une galerie.
43 A. Jiménez, Problemas de los acueductos emeritenses, in Habis, 7, 1976, (p. 271-292) p. 275; J. A. Calero Carretero, op. cit., p. 304. 44 La colonie d’Augusta Emerita fut fondée en 25 av. J.-C. 45 L. Franzoni, Verona. Testimonianze archeologiche, Verona, Edizioni di Vita Veronese, 1965; F. Coarelli et L. Franzoni, L’arena di Verona, venti secoli di storia, Verona, 1972; J.-C. Golvin, op. cit., p. 169-171, no 150.
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b) La fosse centrale de l’arène L’arène (fig. 18) mesurait 75,68 × 44,43 m. Au centre se trouvait une vaste fosse rectangulaire longue de 36,13 m et large de 8,77 m. Selon J.C. Golvin, qui se base sur une photographie prise en 1960 lors de la réalisation d’une couverture de la fosse, cette profondeur était inférieure à la hauteur d’un homme debout. Son fond était en légère déclivité d’Est en Ouest. c) Les conduits souterrains Elle était reliée par deux conduits, situés sous le petit axe et recouverts de dalles de pierre, aux égouts circulant sous chacune des galeries annulaires et destinés à drainer les eaux pluviales de la cavea. Ces égouts annulaires mesuraient 1,53 m de large et à peu près 2,27 m de profondeur. Deux autres conduits, eux aussi couverts de dalles de pierre, qui passaient sous le grand axe du monument, donc sous les travées 1 et 37, aboutissaient dans la fosse centrale. Ils mesuraient 2 m de large pour une hauteur à peu près égale et ils étaient construits selon la même technique de maçonnerie que les murs de substruction de la cavea. En outre, les égouts qui circulent sous les trois galeries annulaires du rez-de-chaussée s’interrompent sur le passage du conduit axial Ouest, et non sur celui du conduit Est. J.-C. Golvin conclut de ces éléments, associés aux caractéristiques de la fosse centrale, que l’amphithéâtre de Vérone était doté d’un bassin alimenté par le conduit axial Ouest et vidangé par le conduit Est. d) Éléments de datation Le style des arcs de la façade et l’emploi d’un gros bossage pour les voussoirs et les blocs des murs rapprochent ce monument d’autres amphithéâtres d’époque julio-claudienne. Des fragments de sculptures retrouvés sur le site, représentant des gladiateurs, permettent, d’après les caractéristiques des armes et des casques, de confirmer la datation. En outre, la technique de construction des égouts du théâtre est la même que celle du système d’évacuation de la ville, correspondant à sa première phase d’organisation urbanistique réalisée immédiatement après l’année 49 ap. J.-C. La position même de l’amphithéâtre, trop proche de la muraille pour ne pas nuire à la défense de la cité, suffit d’ailleurs pour affirmer que le monument n’est pas antérieur à l’avènement d’Auguste. La construction de l’amphithéâtre se situe donc dans la première moitié du Ier siècle ap. J.-C. Dans la mesure où la décoration de l’édifice était naturellement la dernière étape de sa réalisation, F. Coarelli 46 propose de dater son achèvement autour de 30 ap. J.-C.
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F. Coarelli, op. cit., p. 37.
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1. Niveau inférieur: a) entrées axiales. b) portes de service. c) escaliers de liaison avec les loges. d) pièces de service. e) escaliers du podium. f) escaliers d’accès à l’ima caeva. g) escaliers d’accès à la media caeva et à la summa caeva. h) bassin central. A. aqueduc; B. égout d’évacuation du bassin central. – 2. Coupe longitudinale. A. arrivée de l’aqueduc; B. égout d’évacuation; C. branchement des égouts annulaires. .
Fig. 18 – L’amphithéâtre de Vérone (Golvin 1988, pl. XXXIII). www.torrossa.com - For non-commercial use by authorised users only. License restrictions apply.
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Les autres propositions de J.-C. Golvin Outre les amphithéâtres de Vérone et de Mérida, où l’organisation de spectacles aquatiques lui paraît certaine, J.-C. Golvin cite quelques autres théâtres dont la fosse centrale, creusée sous l’arène, pourrait correspondre à un bassin. Il se garde toutefois d’affirmer leur utilisation effective pour des spectacles. a) L’amphithéâtre militaire d’Aquincum (Pannonie inférieure) 47 L’amphithéâtre militaire d’Aquincum fut installé à l’Est du camp qui donna naissance à la ville. Il reposait sur une dépression naturelle élargie artificiellement. Une inscription permet de le dater entre 154 et 160. Ses axes principaux mesuraient 131 × 107 m. Il possédait quatre entrées axiales. Celles du grand axe menaient à l’arène, celles du petit axe aux loges d’honneur, sous lesquelles se trouvaient de petites pièces qui sont sans doute des carceres. Deux autres carceres, sans communication avec l’extérieur, s’ouvraient aussi sur l’arène au centre du quart Nord-Est et Sud-Ouest du monument. L’arène creusée dans le sol mesurait 88 × 66, 40 m. Elle possédait une fosse centrale de 9,40 × 8,48 m et de 6 m de profondeur. Des caniveaux doubles reliés au caniveau courant au pied du podium suivaient les deux axes du monument et rejoignaient cette fosse. b) L’amphithéâtre militaire et l’amphithéâtre civil de Carnuntum (Pannonie supérieure) 48 L’amphithéâtre militaire de Carnuntum fut édifié dans une dépression située à une centaine de mètres à l’Est du camp qui donna naissance à la ville. D’abord en bois, il fut reconstruit en pierre au cours du IIe siècle, sous le règne d’Antonin ou celui de Marc-Aurèle. Il mesurait 98,15 × 76,85 m. La cavea reposait sur des murs rayonnants et des remblais. Les gradins étaient probablement de bois. Ses entrées principales étaient placées sur le grand axe. Celle de l’Est était divisée en trois travées par deux piliers et deux murs qui permettaient de dissocier une porte centrale et des portes de service latérales. À l’entrée occidentale étaient accolés deux bâtiments, dont l’un devait servir à enfermer les animaux sauvages avant le spectacle. L’arène mesurait 72 × 44,25 m. En son centre se trouvait une fosse de 8 × 6 m, profonde de 4 m. Aucune galerie ne la reliait à l’extérieur. Elle communiquait avec une canalisation reliée au caniveau qui entourait l’arène et un égout situé sur le petit axe du côté Nord.
47 Budapest (Hongrie). A. M. Gobbi-Belgredi, Aquincum e suoi anfiteatri, in Capitolium, 20, 1945, p. 56-58; J. Kolendo, Deux amphithéâtres dans une seule ville. Le cas d’Aquincum et de Carnuntum, in ArcheologiaWarsz, 30, 1979, (p. 3955) p. 46-48; J.-C. Golvin, op. cit., p. 137, no 124. 48 L’actuelle Petronell (Autriche). L. Klima et H. Vetters, Das Lageramphitheater von Carnuntum, Wien, 1953; J. Kolendo, op. cit., p. 48-55; J.-C. Golvin, op. cit., p. 135-136.
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L’amphithéâtre civil fut construit au Sud de la ville, entre le règne d’Hadrien et celui de Marc-Aurèle. Il mesurait 122 × 16 m. Sa cavea reposait sur des murs rayonnants et des remblais. Les deux accès à l’arène se trouvaient approximativement sur le grand axe. Comme dans l’amphithéâtre civil, ils étaient divisés en trois travées. La travée centrale, plus large, devait être empruntée notamment pour la pompa, tandis que les travées latérales, plus étroites, aboutissaient à des portes de service, permettant d’introduire dans l’arène le matériel et les protagonistes des spectacles. Cet amphithéâtre en effet ne comportait pas de carceres, à l’exception peut-être d’une petite pièce située à l’extrémité orientale du petit axe. L’arène de cet amphithéâtre mesurait 68 × 52 m. En son centre se trouvait une fosse analogue à celle de l’amphithéâtre militaire. c) L’amphithéâtre de Luceria (Rég. II) 49 L’amphithéâtre de Luceria a été installé dans une dépression naturelle, recreusée de manière à déterminer la forme de la cavea, qui n’est pas totalement elliptique, comme dans la plupart des monuments connus, mais légèrement aplatie au niveau des extrémités du petit axe. Son mur de façade présentait du côté extérieur une série de 16 décrochements constituant autant de contreforts. Les montants de la porte Nord étaient construits en grand appareil de blocs de pierre calcaire à bossage. L’essentiel des gradins de la cavea exploitaient donc la pente naturelle. Cependant, autour de cette partie creusée tournaient un mur extérieur et deux murs concentriques. Le premier de ces derniers était relié au mur extérieur par des murs de refend qui déterminaient une trentaine de petites pièces communiquant entre elles. Elles devaient être couvertes par des voûtes qui supportaient la summa cavea. L’accès à l’arène se faisait par 4 galeries axiales qui descendaient vers elle. Celles du grand axe donnaient en outre accès, dans leur partie inférieure, à deux carceres, un de chaque côté de la galerie, puis toujours de part et d’autre à deux corridors coudés qui débouchaient eux aussi sur l’arène par des portes de service, et desservaient de petits escaliers conduisant au podium. Celles qui étaient situées sur le petit axe abritaient aussi des escaliers montant au podium et aux loges situées au-dessus. Quatre autres carceres indépendants ouvrant directement sur l’arène étaient également ménagés à égale distance de chacune des quatre entrées axiales. Le mur du podium était en opus caementicium plaqué de grandes dalles de calcaire. Un parapet plein le surmontait. Au pied du podium courait un caniveau dans lequel se déversaient les 30 gouttières creusées dans le mur du podium qui drainaient les eaux de ruissellement de la cavea. Les eaux pluviales récupérées au pied de la façade y étaient aussi amenées par un conduit situé sous la galerie Nord du petit axe. Les eaux de pluie étaient ensuite évacuées par deux grands égouts. L’arène mesurait 72,20 × 43,20 m. En son centre était creusée une gale49 Aujourd’hui Lucera (Italie). F. Schettini, L’anfiteatro augusteo di Lucera, in Iapigia, XIV, 1945, p. 3-33; Sul restauro dell’anfiteatro di Lucera, in Palladio, n.s., 5, 1955, p. 158-163; J.-C. Golvin, op. cit., p. 76-77 (no 12).
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rie de 1,14 m de large, située le long du petit axe. Elle reliait entre elles trois fosses rectangulaires qui lui étaient perpendiculaires. L’une d’entre elles était située au Sud du grand axe de l’arène, et deux au Nord. En partant de celle du Sud, elles mesuraient respectivement 15,76 × 2,28 m, 18,04 × 2,82 m, et 15,94 × 2,62 m. Leur profondeur était de 4 m, et leurs parois de briques étaient revêtues d’opus signinum. Au fond ont été découvertes des ouvertures sans doute destinées à un égout d’évacuation. Selon J.-C. Golvin, ces trois fosses creusées dans l’arène pourraient être en réalité trois bassins, comme incite à le supposer leur revêtement d’opus signinum. Dans cette hypothèse, leur alimentation en eau aurait été assurée par le caniveau périphérique recueillant les eaux pluviales, et surtout par la galerie qui reliait les trois fosses en suivant le grand axe. Il suppose donc que l’édifice était relié au système d’adduction d’eau de la ville. Certes, l’étroitesse de ces bassins interdit d’y supposer la présentation de spectacles nautiques, mais nous savons que ce ne sont pas les seules mises en scène aquatiques qui furent présentées dans les amphithéâtres. J.C. Golvin propose en outre d’envisager que l’arène ait pu être remplie sur une très faible profondeur, dans la mesure où elle avait été réalisée au fond d’une dépression, dont la pente avait été encore accentuée pour la réalisation du monument. Il aurait suffi pour cela de remplir les bassins au-delà de leur capacité. L’inscription dédicatoire de l’amphithéâtre de Luceria a été découverte. Elle se trouvait originellement au-dessus de la grande entrée axiale Nord du monument. Selon ce texte, M. Vecilius Campus, magistrat de la ville, fit construire le monument à ses frais et sur son propre terrain, en l’honneur d’Auguste et de la colonie de Luceria. L’absence de la mention pater patriae parmi les titres d’Auguste incite à le dater avant l’an 2 av. J.-C. Toutefois, le sous-sol et le caniveau périphérique sont plus tardifs. En effet, l’appareil de brique de leurs parois les rend différents des modes de construction employés pour le premier état de l’édifice. J.-C. Golvin les date de la fin du Ier siècle ou au début du IIe siècle ap. J.-C. d) L’amphithéâtre d’Ulpia Trajana Sarmizegetuza (Dacie) 50 L’amphithéâtre d’Ulpia Trajana (fig. 19), daté la première moitié du IIe siècle ap. J.-C., fut construit à une centaine de mètres de l’enceinte de la ville. Les dimensions générales de l’édifice étaient de 66 × 47 m. La cavea était soutenue par un réseau serré de compartiments en maçonnerie juxtaposés. Quatre carceres, symétriquement disposés, donnaient accès à l’arène par de petites portes de service. Le mur du podium, haut de 3 m, était surmonté par un parapet de pierre. L’arène creusée sur 1 m dans le sol mesurait 66 × 47 m. En son centre, dans l’alignement du grand axe, existait une fosse de 6,50 × 4 m placée au milieu de l’arène, desservie par un égout longeant le grand axe.
50 J.-C. Golvin, op. cit., p. 129-130 no 110; D. Rus et D. Alicu, Essai de reconstitution de l’amphithéâtre de Ulpia Trajana Sarmizegetusa, in La politique édilitaire dans les provinces de l’Empire romain [Actes du 1er Colloque RoumanoSuisse, Deva, 1991], Cluj-Napoca, 1993, p. 123-26.
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LES SPECTACLES AQUATIQUES ROMAINS
Fig. 19 – L’amphithéâtre d’Ulpia Trajana. Perspective axonométrique (Rus 1993, fig. 2).
LES
THÉÂTRES À KOLYMBETHRA
(IIIe-Ve siècle ap. J.-C.)
Parmi les édifices de spectacle adaptés aux mises en scène aquatiques, le groupe le plus important et le plus homogène sur le plan chronologique est constitué par une série de théâtres dont l’orchestra fut aménagée en bassin dans le courant des trois derniers siècles de l’empire. On s’attachera d’abord à ceux pour lesquels la présence d’une piscine théâtrale, ou kolymbèthra, a été démontrée par des recherches récentes, ou n’a jamais fait l’objet de controverses. Pour un certain nombre d’autres théâtres, l’hypothèse a été également avancée, mais avec des réserves, ou sans faire l’unanimité. Ils feront donc l’objet de notices plus brèves. Tous ces monuments se répartissent entre l’Italie, l’Achaïe et quelques provinces de la Méditerranée orientale. En attendant de pouvoir les classer selon d’autres critères, les théâtres seront présentés d’abord en fonction de leur situation géographique. En ef-
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fet, dans l’état actuel de nos connaissances, ils se répartissent uniquement entre l’Italie, l’Achaïe et certaines provinces de la Méditerranée orientale. À l’intérieur de chacun de ces ensembles, ils apparaîtront dans l’ordre alphabétique, selon le nom antique du site. L’Italie Le théâtre d’Ostie 51 a) Le théâtre avant l’installation de la kolymbèthra Le théâtre d’Ostie est situé entre la place des Corporations et le Decumanus Maximus. Il est orienté au Nord-Est. Il a été fouillé à plusieurs reprises depuis la fin du siècle dernier. Ses installations hydrauliques ont fait l’objet d’une étude spécifique par I. Gismondi en 1955. Une inscription retrouvée près du bâtiment de scène 52 atteste qu’il fut édifié sous l’un des consulats d’Agrippa, donc avant 12 av. J.-C. La cavea était entièrement sur substructions, selon un système basé sur deux galeries reliées par des murs en opus caementicium. D’un diamètre de 78,80 m, elle avait alors une capacité de 3000 spectateurs. Dans ce premier état, le théâtre était sans entrée centrale mais avec des parodoi latérales. La façade courbe longeant le decumanus maximus était en blocs de tuf. La frons scaenae était droite. L’arrière du bâtiment scénique était peutêtre occupé par un portique à arcades en blocs de tuf. Sur la paroi de droite de la parodos Est se trouve une inscription 53 qui attribue aux Sévères une reconstruction du théâtre. En réalité, si l’inauguration eut bien lieu sous ces derniers, les travaux furent exécutés sous Commode, comme l’indique l’estampage des briques utilisées. Durant cette seconde phase, on ajouta un anneau extérieur qui constitua une nouvelle façade vers le decumanus, caractérisée en élévation par deux étages d’arcades entre des parastates. En conséquence on réalisa aussi une nouvelle galerie supérieure à laquelle s’adossaient un troisième maenianum et une porticus in summa cavea. L’anneau à portique était constitué par 23 arcades sur des piliers de travertin, ouvrant sur des échoppes entre lesquelles se trouvaient des escaliers menant aux gradins supérieurs de la cavea. Cette dernière, ainsi élargie, avait désormais un diamètre de 89,90 m et une capacité de 4000 spectateurs. Les deux arcades des extrémités et l’arcade médiane font exception. Elles donnaient accès aux parodoi et à la nouvelle entrée centrale du théâtre. Cette dernière entrée, vu sa position, a été mise en relation avec une utilisation du théâtre pour des combats de gladiateurs. 51 R. Lanciani, in NS, 1880, p. 469-470; 1881, p. 109-121; I. Gismondi, La colimbetra del teatro di Ostia, in Anthemon. Scritti di archeologia e di antichità classiche in onore di C. Anti, Firenze, Sansoni, 1955, p. 293-308; G. Traversari, Gli spettacoli in acqua nel teatro tardo-antico, Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1960, p. 39-43; C. Pavolini, Ostia, Roma-Bari, Laterza, 1983; P. Pensabene in TGR II, p. 534-536. 52 R. Lanciani, NS, 1881, p. 110. 53 CIL XVI, 114.
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Fig. 20 – Les citernes et l’entrée centrale du théâtre d’Ostie (Traversari 1960, fig. 15). www.torrossa.com - For non-commercial use by authorised users only. License restrictions apply.
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Le sol de l’orchestra, revêtu de marbre, était légèrement incliné sur sa périphérie pour l’écoulement des eaux. Lors de cette même réfection sévérienne, un nouveau décor architectural de marbre fut réalisé pour la frons scaenae. Pendant cette phase, le bâtiment scénique était encore absent, sa place étant occupée par une façade à portique intégrée à ceux de la place des Corporations. Le pulpitum aussi fut refait. Sa hauteur était de 1,52 m. L’estrade avait probablement un plancher de bois soutenu par de petits murs de briques perpendiculaires à l’axe du théâtre. La frons pulpiti comprenait une alternance de quatre niches rectangulaires et cinq niches semi-circulaires. Elle était revêtue de plaques de marbre. Lors d’une seconde phase de travaux, l’entrée centrale du théâtre, large à l’origine de 3,22 m, connut d’importantes réfections. Au premier tiers de sa longueur, sa voûte en plein cintre fut renforcée ou ornée d’un arc de briques (fig. 20, f). R. Lanciani 54 vit là une tentative de restauration, mais I. Gismondi 55 fait observer que l’arc ne peut avoir été construit dans ce but. En effet, encore de nos jours, la voûte de l’entrée ne montre aucune lésion. En outre, cet arc, qui s’appuie sur le pavement, sans fondations, aurait constitué un soutien peu important. Il fut sans doute construit, en réalité, pour rendre l’entrée centrale plus luxueuse en la divisant en deux par une porte. La dernière partie de cette entrée centrale était pavée de marbre (fig. 20, h). À l’endroit où la galerie devenait découverte se trouvent une série d’encoches et de mortaises. On relève notamment quatre mortaises carrées alignées qui sont unies entre elles par une étroite entaille, large de 4,80 cm et profonde de 5 cm (fig. 20 et 21, y; fig. 22, A). Les mortaises centrales avaient 21,50 cm de côté et étaient profondes de 20 cm, les latérales faisaient 15 × 12 cm et étaient profondes de 13 cm. Toutes devaient loger de petits piliers et des dalles ajourées formant une barrière qui clôturait partiellement le passage. Cet aménagement fut sans doute réalisé en même temps que l’arc et visait aussi à rendre le passage plus luxueux 56. D’autres travaux de restauration consistèrent à fixer le long des murs de l’entrée seize blocs de marbre de récupération portant de nombreuses inscriptions, posés les uns sur les autres dans le sens de la longueur et liés par des crampons de fer. Ces blocs de marbre sont des bases de statues honorifiques. L’un d’entre eux a d’ailleurs conservé l’inscription qu’il portait grâce à l’enduit dont il fut recouvert par la suite 57. Considérant que ces blocs provenaient probablement de la place des Corporations toute proche, L. Paschetto 58 propose de dater la réfection de l’entrée centrale du règne de Théodose, où la place des Corporations était à l’abandon. Il est possible qu’il faille plus précisément attribuer ces travaux au préfet de l’annone Vincentius Ragonius Celsus qui fut en charge environ quatre ans, jusqu’en 389, et assura une restauration du théâtre 59. NS, 1880, p. 469. I. Gismondi, op. cit., p. 296. 56 Ibidem, p. 298. 57 NS 1880, p. 469. 58 L. Paschetto, Ostia colonia romana, Roma, 1912, p. 335. 59 R. Maiggs, Roman Ostia, Oxford, Clarendon Press, 1960, p. 96.
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Fig. 21 – Théâtre d’Ostie. Les citernes et le conduit d’alimentation débouchant dans la kolymbèthra (Traversari 1960, fig. 16).
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Fig. 22 – Théâtre d’Ostie. Emplacement de la vanne (Gismondi 1955, fig. 2).
b) L’alimentation en eau de la kolymbèthra La principale preuve de la réalisation d’une kolymbèthra dans le théâtre d’Ostie est l’aménagement de très vastes citernes dans les substructions de la cavea. En amont de celles-ci, la fourniture en eau ne pouvait venir que de l’aqueduc de la ville, qui fut construit au début de l’époque julio-claudienne, sans doute sous Tibère. Il captait les sources d’une chaîne de collines située au Nord-Est d’Ostie, entre Acilia et Malafede. Au XVIIIe siècle, on suivait encore son cours le long de la Via Ostiensis, en direction de la ville. On en conserve aujourd’hui quelques piles de briques relevant d’une réfection d’époque sévérienne, qui rencontrent la muraille syllanienne à 120 m environ au Sud de la Porta Romana. Arrivée à ce point, l’eau partait d’un centre de distribution situé près du mur, traversait la Piazza della Vittoria et, par une énorme canalisation, suivait le côté Nord du decumanus. Il en reste trace en plusieurs points, avec des estampilles confirmant son contrôle par la colonie d’Ostie. Des conduites plus petites partaient de cette canalisation pour desservir les édifices publics, les citernes et les maisons particulières 60. Cet aqueduc fonctionna jusqu’à une époque tardive. En témoignent en particulier la Maison des Poissons, celle du Nymphée, celle des Dioscures et celle d’Apulée, toutes datées du IVe siècle et dont la fontaine s’alimentait directement à l’aqueduc. Toutefois, la capacité de ce dernier devint insuffisante dès le IIe siècle face à la multiplication des installations hydrauliques d’usage public, en particulier des bains. C’est pourquoi, des puits munis
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R. Maiggs, op. cit., p. 113 et 143-144.
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d’une roue à eau se multiplièrent pour capter l’eau du sous-sol, tandis que des citernes et des réservoirs attenants aux fontaines permettaient de stocker l’eau de l’aqueduc. À une époque postérieure à celle des travaux d’embellissement de l’entrée centrale, une partie de cette dernière et les quatre pièces qui la flanquaient (fig. 20, a, b, c, d) furent transformées en citerne. Les deux boutiques ouvertes sur l’extérieur de part et d’autre de l’entrée étaient en effet reliées par une porte à deux arrière-boutiques creusées sous la media cavea. On mit celles-ci en communication avec l’entrée centrale en perçant le mur préexistant et en maçonnant les trous pour former une ouverture régulière. L’ouverture existant sur le mur oriental est encore intacte et mesure 1,02 × 0,45 m de largeur (fig. 21).Une autre ouverture fut pratiquée pour mettre la boutique orientale directement en relation avec l’entrée centrale. En outre, les murs de ces pièces furent recouverts d’une couche très dure d’un enduit étanche, et leurs angles remplis et renforcés par une moulure en demi-cercle pour éviter une déperdition de liquide. Les boutiques flanquant l’entrée conservent toutes deux à l’intérieur plusieurs morceaux de la moulure de renforcement des angles, et des traces du revêtement imperméable sur le sol et les murs. L’enduit est d’une épaisseur maximale de 3 cm et s’amincit en montant, jusqu’à 2,50 m environ du sol. Des fragments de la moulure sont également visibles dans l’entrée centrale, où le mortier fut appliqué sur les parois après suppression du revêtement de marbre, et sur le sol dans la partie dallée, avant le débouché dans l’orchestra (fig. 20, h). En revanche, pour la partie antérieure de l’entrée, on ne crut pas nécessaire d’appliquer l’enduit sur le sol, car il était recouvert d’un mortier mêlé d’éclats de pierre et donc déjà imperméable. Enfin, l’ouverture sur le portique des deux pièces extérieures jouxtant l’entrée centrale fut barrée avec un mur en briques posé sur les seuils, large de 0,90 m et construit avec une technique de faible qualité. Ces murs furent démolis lors de la restauration du théâtre, en 1927. Ces différentes observations rendent évidente la transformation en citernes des cinq pièces. Certes, on n’a pas retrouvé les murs de barrage qui devaient nécessairement être construits aussi aux deux extrémités de l’entrée centrale, pour contenir l’eau. Mais ils ont probablement été abattus à l’époque où le théâtre fut transformé en forteresse, la nouvelle destination de l’édifice exigeant une communication commode entre le portique semi-circulaire et l’orchestra, centre naturel de rassemblement pour les défenseurs. Le mur de barrage qui se trouvait vers le portique peut être restitué semblable à ceux qui fermaient les boutiques latérales. Quant à celui qui était vers l’orchestra il était probablement construit là où la longue galerie d’entrée devenait découverte et où se trouvaient dans le sol de marbre les quatre mortaises déjà évoquées. En effet, c’est à cet endroit que prend fin l’application de l’enduit hydraulique sur le sol et sur les murs. La découverte de deux autres mortaises dans le mur oriental, le mieux conservé, confirme cette hypothèse. Elles ont certainement été réalisées au moment de la construction du mur de barrage, pour le «lier» aux murs existants (fig. 22, B). Les citernes, dans leur ensemble, couvrent une superficie de 168 m2. De nouvelles couches d’enduit furent appliquées sur leurs parois à plusieurs reprises.
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Le long du mur du fond des boutiques, des tubes descendaient verticalement des parties supérieures du théâtre. Ce dispositif, installé à l’époque des réfections de Commode, était destiné à évacuer les eaux de pluie dans le réseau des égouts (fig. 20, x). Selon I. Gismondi 61, il est possible que ces conduits, une fois fermée la communication initialement prévue avec l’égout du théâtre, aient fourni aux citernes une alimentation d’appoint. Quelle fut la raison d’être de l’aménagement de ces citernes? D. Vaglieri, puis L. Paschetto 62 ont soutenu que cette transformation eut lieu pour l’alimentation en eau de la ville, en raison d’une défaillance de l’aqueduc, durant la lente décadence de la cité à partir du règne de Constantin. Toutefois, comme nous l’avons dit, il semble que l’aqueduc ait bien fonctionné jusqu’à une époque tardive. Par ailleurs, si les citernes du théâtre avaient été construites pour recueillir de l’eau potable pour la population, on aurait adapté d’autres locaux à droite ou à gauche de l’entrée centrale, qui était aussi l’entrée principale, sans priver le monument de cette dernière. Il est clair que si elle fut aussi sacrifiée c’est que le but en valait la peine, et parce que la citerne devait être en communication avec l’orchestra. Or, l’entrée principale seule permettait d’y accéder sans rendre inutilisable une partie d’un cuneus de l’ima cavea. Enfin, on peut observer que les sols des citernes ne sont pas tous au même niveau. Prenant comme point zéro le sol de l’orchestra, les pavements des divers compartiments varient d’un minimum de + 0,98 m au débouché intérieur de l’entrée principale, à un maximum de + 2,10 m (fig. 21). Par conséquent, comme le fait observer I. Gismondi 63, une telle masse d’eau, rassemblée légèrement plus haut, à côté de l’orchestra et en directe communication avec elle, se justifie seulement en imaginant une orchestra transformée en bassin. Une fois admise la raison majeure de leur construction : la volonté de donner des spectacles aquatiques, il convient cependant de souligner que l’insuffisance de l’aqueduc, depuis le IIe siècle, est fort probablement ce qui permet d’expliquer l’existence même et la taille des citernes du théâtre d’Ostie. Emplir le bassin de l’orchestra impliquait un prélèvement important sur les ressources en eau de la ville. Il devait donc être nécessaire d’opérer ces prélèvements la nuit, à un moment où la consommation des citadins était moins importante, et de pouvoir stocker l’eau jusqu’au jour choisi. La taille et le nombre de ces citernes suggèrent même une possible utilisation de l’eau pour les besoins de la population dans l’intervalle des spectacles. Le mur de barrage séparant les citernes de l’orchestra se situait, nous l’avons vu, au niveau de la barrière qui l’avait précédé, à l’endroit où la galerie cessait d’être couverte. Cela implique que l’eau, pour parvenir de ce point jusqu’à l’orchestra, devait emprunter un conduit aménagé dans la dernière section de la galerie (fig. 21). Ce conduit ne fut pas creusé dans le sol et il n’en reste presque aucune trace. Quelques indices permettent toutefois de reconstituer son parcours et sa configuration.
Op. cit., p. 305. D. Vaglieri, Ostia, cenni storici e guida, Roma, Loescher, 1914, p. 73; L. Paschetto, op. cit., p. 256. 63 I. Gismondi, op. cit., p. 302. 61
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On peut tout d’abord se demander comment était régulé le passage dans ce conduit de l’eau stockée dans les citernes. Des encoches relevées dans la dernière partie de l’allée centrale, au même niveau que les mortaises auparavant destinées à la barrière, en témoignent : c’est une vanne, de bois sans doute, qui avait cette fonction. Épaisse de 13 cm et large de 0,80 m, elle allait s’encastrer dans le sol grâce à de nouvelles saignées (fig. 20, A). Il est possible que ce nouveau dispositif ait aussi permis le réemploi des petits piliers centraux qui entraient auparavant dans la composition de la barrière, à moins qu’on leur en ait substitué d’autres plus hauts, mais de la même section. Ils étaient en tout cas fichés dans les anciennes mortaises, avec une fonction de guide pour la vanne de bois. Il est probable dès lors que le canal devait être de la même largeur que la vanne, avec une hauteur proportionnelle, afin d’avoir une section suffisante pour que la masse d’eau qui y passait puisse remplir le bassin en un temps relativement bref. I. Gismondi pense qu’il était en plomb, renforcé extérieurement de grosses planches et tenu ferme au sol par des tuteurs verticaux adhérant au canal et fichés dans le sol. Leur position peut encore se reconnaître dans les couples d’encoches existant sur le dernier morceau de pavement de marbre de l’entrée (fig. 20, z). c) La kolymbèthra Après une première campagne de fouilles, le théâtre resta à l’abandon durant près de 30 ans, avant de subir en 1927 une restauration radicale. Il en résulta une altération importante de l’état initial de l’orchestra. Ces vicissitudes expliquent que toute trace directe du bassin ait disparu. Sur le sol de l’orchestra, on n’a retrouvé que les restes d’un mortier mêlé de débris de tuf et de tuiles, épais de 20 cm. Quelques traces du pavement de marbre qui devait reposer dessus sont encore visibles près du vomitorium oriental. Au centre de l’orchestra en revanche, il manque une vaste zone de ce sol, ce qui a permis de constater que celui-ci s’appuie sur un sable marin archéologiquement stérile. Le pavement de l’orchestra, sans doute périodiquement restauré, ne fut jamais profondément modifié. Tel quel, son imperméabilité le rendait parfaitement utilisable pour l’installation d’un bassin. Un relevé publié par R. Lanciani 64 signale la présence dans l’orchestra d’un demi-cercle dont il ne reste que 5 fragments, épais d’environ 0,70 m, étant donné l’échelle. Dans le texte de sa relation, R. Lanciani n’en fait pas mention, soit que ce détail n’ait pas retenu son attention, soit qu’il ait voulu attendre les précisions que des fouilles ultérieures auraient pu apporter. I. Gismondi fait observer que les éléments ainsi figurés ne peuvent représenter un parapet à revêtement de marbre ou de pierre, car le dessinateur, comme il l’a fait pour l’entrée centrale et pour les deux cryptae, aurait indiqué chacun des moellons 65. Ce n’est pas non plus un mur en élévation, car
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R. Lanciani, Scavi di Ostia in NSc 1881 p. 110-8. I. Gismondi, op. cit., p. 303.
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ceux-ci sont indiqués en noir plein et non par un simple contour. Le chercheur italien en conclut qu’il s’agit de la trace d’un mur construit sur le sol de l’orchestra et s’élevant sur une très faible hauteur. Il se soudait à la frons pulpiti entre la dernière et l’avant-dernière des niches qui l’ornent. L’épaisseur et l’irrégularité des contours figurés autorisent à supposer qu’il était en briques ou en opus caementicium. Etant donné les nombreux vides qu’il présente sur le relevé, on ne peut à première vue affirmer qu’il était continu, comme doit l’être un bassin étanche. Toutefois, il est certain qu’il n’y avait pas d’ouvertures en correspondance avec les cryptae. En effet, à une brève et irrégulière interruption à l’Est, à ce niveau, correspond un plein à l’Ouest. Ce mur était donc très certainement continu. L’intervalle de 2,15 m entre l’hémicycle qu’il délimite et le bord intérieur de l’ambulacre au pied de la cavea, correspond à une plus ancienne proédrie de deux gradins de 1,03 m, plus 0,09 m pour un parapet de marbre qui la sépare du reste de la cavea. La position de ce muret dans l’orchestra, surtout la manière dont il se soude à la frons pulpiti, ainsi que l’épaisseur de 0,70 m que lui attribue le relevé, correspondent à ce qu’on peut observer dans les théâtres où le mur de la kolymbèthra a été mieux étudié. Toutes ces circonstances font penser qu’il délimitait le bassin alimenté par le système de citernes déjà décrit. À une époque tardive, les deux niches rectangulaires les plus proches de l’axe du théâtre furent fermées pour construire deux escaliers chacun de trois marches ou plus, revêtus de marbre. Ils mettaient en communication l’orchestra et le pulpitum (pl. 56, g). Ces travaux et la construction de l’hémicycle de la kolymbèthra, qui ont réduit l’orchestra et le proscenium en dégradant leur aspect originel, sont évidemment liés : les deux escaliers permettaient de desservir le bassin délimité par l’hémicycle. Il existe encore d’autres constructions qui ont probablement un lien avec l’installation du bassin. Il s’agit de murs latéraux en maçonnerie, bordant de part et d’autre le début de chacun des quatre escaliers d’accès aux gradins. Ces murs interrompaient donc l’ambulacre qui desservait les escaliers (pl. 56, o). Des murs latéraux analogues existaient au débouché dans l’orchestra de l’entrée centrale. Tous sont larges de 0,53 m et sont conservés sur une hauteur de 30-35 cm. Les murets qui interrompent l’ambulacre, ceux qui ferment les niches rectangulaires de la frons pulpiti et la maçonnerie condamnant l’entrée des boutiques transformées en citernes présentent plusieurs caractéristiques communes. Ils sont formés de briques d’épaisseur et de forme très variées, souvent fragmentées, disposées à l’horizontale de manière très irrégulière. La hauteur des couches de mortier dépasse généralement les 2,50 cm, notamment pour compenser l’irrégularité des files de briques. Là où il a été possible d’inspecter l’intérieur de la structure, on a vu qu’elle est formée de fragments de briques et de tuf de tailles variées et de quelques fragments architectoniques de marbre. Le mortier est d’un gris violacé, mélangé à de gros fragments de pouzzolane et on note la présence de noyaux de chaux, devenue carbonate de calcium. Enfin, sur presque tous ces murs, la première rangée est formée de plaques et de fragments de marbre au lieu de briques. Tout ceci semble indiquer que les diverses transformations ainsi réalisées dans le théâtre sont contemporaines et donc que les murets de l’ambulacre furent réalisés à peu près à la même époque que les installations hydrauliques de l’entrée centrale.
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Il reste à s’interroger sur le rôle de ces murs latéraux, qui devait être d’une certaine importance pour qu’on ait sacrifié la facilité de mouvement des spectateurs. D’après leur position, ils semblent servir d’étai entre le premier gradin de la cavea et le parapet en marbre qui tournait autour de l’orchestra derrière la proédrie (fig. 20, p). I. Gismondi 66 fait observer que ce dispositif rappelle d’autres théâtres adaptés à la mise en eau, par exemple celui de Dionysos à Athènes. Dans ce dernier en effet, lorsque l’orchestra fut transformée en piscine, le parapet de marbre qui la séparait de l’ambulacre au pied de la cavea fut renforcé à l’extérieur par un épais muret apte à supporter la pression de l’eau. Ces murs, selon I. Gismondi, semblent donc inciter à restituer aussi à Ostie un bassin limité par le parapet de marbre. Le fait que le sol des cryptae, légèrement incliné vers l’intérieur comme souvent, ait été recouvert lui aussi d’enduit hydraulique, pourrait faire pencher pour cette hypothèse. Il faudrait alors imaginer que l’accès des cryptae, comme celui de l’ambulacre, tronçonné par les murets de soutènement, était condamné lorsqu’avaient lieu des spectacles aquatiques. Toutefois, comme le rappelle aussi I. Gismondi, dans une telle hypothèse les seuls accès au théâtre encore disponibles auraient été les escaliers ménagés dans les substructions, entre les boutiques, et qui conduisaient aux étages supérieurs de la cavea. Par ailleurs, si on en revient à l’examen des murets coupant l’ambulacre inférieur, il semble difficile de considérer que ces seuls étais, en correspondance avec les escaliers, aient pu suffire à supporter la pression de l’eau. Enfin, une telle interprétation de ces murs rendrait incompréhensible la présence de l’hémicycle déjà évoqué, sur le relevé publié par R. Lanciani. Celui-ci est en tout point semblable au tracé de bien d’autres bassins théâtraux, comme nous l’avons dit. Un bassin plus réduit permettait de conserver l’accès à la cavea par les cryptae, puis par les escaliers de l’ima cavea. Dans le cas du bassin limité par l’hémicycle intérieur, sa capacité, pour une profondeur de 1,30 m, était d’environ 165 m3. Le système de citernes, même en supposant qu’elles étaient remplies jusqu’à une hauteur de 2 m seulement, avait une capacité d’environ 410 m3, ce qui veut dire qu’il y avait assez d’eau pour remplir le bassin orchestral deux fois dans une seule journée 67. d) Le conduit d’évacuation de la kolymbèthra La disparition totale du bassin ne permet pas de déterminer de quelle manière il se trouvait en rapport avec le réseau d’évacuation des eaux du théâtre. Celui-ci possédait déjà un vaste égout dont le parcours suivait l’entrée centrale, se divisait en deux branches sous l’orchestra et passait sous le bâtiment de scène à ses deux extrémités. Un tel conduit, dont chaque tronçon possédait une largeur de 50 cm environ, était à même d’assurer la vidange de la kolymbèthra.
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Ibidem, p. 304. Ibidem, p. 305.
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e) Éléments de datation Comme c’est le cas le plus souvent, nous ne possédons aucun élément direct de datation pour l’installation de la kolymbèthra. Il est cependant possible de définir un terminus post quem. Tout d’abord, nous avons vu que les murs fermant les boutiques transformées en citernes, ceux qui coupent l’ambulacre et ceux qui ferment les niches quadrangulaires du pulpitum sont probablement contemporains car ils présentent des caractéristiques communes. Or, pour tous ces travaux de maçonnerie, si on mesure la hauteur de 5 rangées de briques et de mortier, on obtient toujours des valeurs à peu près constantes, entre 30 et 35 cm. Selon I. Gismondi, dans les structures pré-constantiniennes d’Ostie et de Rome, un tel module ne dépasse jamais 30 cm, tandis qu’au IVe siècle, il se tient toujours au-dessus 68. Par ailleurs, la transformation de l’entrée centrale en citerne eut nécessairement lieu après les travaux d’embellissement et de réfection de Vincentius Ragonius Celsus. La fin du IVe siècle fut, pour la cité en décadence économique qu’était Ostie, une période de renouveau temporaire, relativement favorable pour un bref regain de munificence édilitaire. L’adaptation de l’ensemble du théâtre aux spectacles aquatiques ne peut donc être que légèrement postérieure, d’une ou quelques décennies, aux réfections de l’entrée centrale. Il faut la dater de l’extrême fin du IVe siècle ou du début du Ve siècle. Son utilisation fut en tout cas de courte durée. Elle prit peut-être fin dès le passage des Vandales de Genséric en 455 et nécessairement après la rupture du réseau public d’adduction d’eau, survenue à la fin du siècle.
Le théâtre de Spolète (Région IV) 69 a) Le théâtre avant l’installation de la kolymbèthra Le théâtre de Spolète (pl. XIX) a été partiellement fouillé à la fin des années 30, puis dans les années 60. Orienté au Nord, il est tangent aux murs de la ville, au Sud-Est. Il occupait l’extrémité du rectangle compris entre deux cardines et le decumanus maximus. Le grand axe du bâtiment de scène est parallèle à ce dernier. Le choix de cet emplacement ne fut pas motivé par la présence de quelque configuration naturelle du terrain favorable à un théâtre, mais au contraire, pour créer le monument, il fallut réaliser des travaux de terrassement sur la pente de la colline S. Elia sur laquelle s’étage la ville. L’édifice est entièrement construit sur des substructions voûtées. Le
Ibidem, p. 300 et n. 12. C. Pietrangeli, Spoletium, Roma, Ist. di Studi Rom., 1939, p. 58-60; G. Traversari, op. cit., p. 145; U. Ciotti, Il teatro romano di Spoleto, in Spoletium VII, 1960, p. 9-26; L. di Marco, Spoletium. Topografia e urbanistica, Spoleto, 1975, p. 35-55; M. Gaggiotti, D. Manconi, L. Mercando et M. Verzar, Umbria-Marche, Bari, Laterza, 1980, p. 111-112; C. Courtois, Le bâtiment de scène des théâtres d’Italie et de Sicile. Étude, chronologie et typologie, Louvain-la-Neuve, Art and Archaeology publications, 1989 p. 146-149; I. Ruggiero, in TGR III, p. 45-47. 68
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mur semi-circulaire de l’ambulacre, renforcé par des murs radiaux, soutenait le terre-plein né de la taille de la colline et de la régularisation du terrain où fut implanté le théâtre. L’absence de fenêtre le long de l’ambulacre sur une longueur de plus de 28 m montre que le théâtre fut en partie construit en adhérence avec le terre-plein. Le théâtre dans son premier état fut construit en opus caementicium, avec des parements de petits blocs irréguliers disposés en strates horizontales continues. La cavea avait un diamètre de 70 m et une capacité de 1000 places environ. Elle était divisée en 3 maeniana. L’ima et la media cavea comptaient 27 gradins en tout. On ignore le nombre des gradins de la summa cavea. Deux gradins larges et bas constituaient une proédrie. Il existait également deux tribunalia sur les côtés. Un ambulacre voûté, surmonté par une galerie au second étage, tournait tout autour du demi-cercle du théâtre et mettait en relation entre elles les différentes parties de l’édifice. Il permettait notamment d’accéder à la cavea par plusieurs uomitoria. L’entrée dans cet ambulacre se faisait par des portes pratiquées dans son mur extérieur et par deux entrées s’ouvrant dans les murs de soutènement latéraux de la cavea, sur le diamètre du théâtre. Ces dernières permettaient également d’accéder à deux courts passages latéraux voûtés qui menaient à l’orchestra et au-dessus desquels se trouvaient les tribunalia. Le mur extérieur semi-circulaire de la cavea ne semble pas avoir eu de décoration particulière, mais les murs de soutènement situés le long du diamètre du théâtre étaient décorés d’une façade à 2 étages, le premier à arcades aveugles (sauf celle qui introduisait dans l’ambulacre) ornées de demicolonnes toscanes adossées aux piliers, et le second constitué par un attique percé de fenêtres. À défaut de sources littéraires ou épigraphiques, le style de ces deux façades fournit des indices pour une datation du théâtre. Il peut en effet être comparé à celui des façades du Tabularium de Rome et du théâtre de Marcellus. Les arcades à Spolète sont moins élancées que celles de ces deux monuments. Or, pour ce type de façade, la période située entre César et Claude fut celle de proportions plus élancées, avec ensuite un retour à plus d’équilibre entre hauteur et largeur. C’est pourquoi U. Ciotti 70 propose de situer la construction du théâtre au milieu du Ier siècle ap. J.-C., ce qui lui paraît confirmé par la technique de construction des murs correspondant à sa première phase. Il abaisse ainsi de quelques décennies la datation augustéenne avancée par C. Pietrangeli 71. L’orchestra était pavée de dalles de marbre blanc et de couleur, disposées régulièrement autour de trois disques de marbre vert. Un parapet de dalles de ce même marbre vert l’entourait, courant derrière le 2e gradin de la proédrie. Nous ne possédons aucune information sur le bâtiment scénique. Le mur de la frons pulpiti, qui prolongeait sans discontinuité les murs de soutènement latéraux de la cavea, était orné de marbre, mais aussi d’une décoration peinte. Il présentait 6 niches de tailles diverses. On a retrouvé derrière
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U. Ciotti, op. cit., p. 21-24. C. Pietrangeli, op. cit., p. 60.
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lui la fosse du rideau de scène, manœuvré depuis un petit local rond situé à l’extrémité Ouest de la fosse. La longueur du pulpitum était de 35 m. Dans un second temps, un séisme ou un affaissement du terrain a entraîné un grave déséquilibre statique de la cavea, provoquant une fissure profonde dans cette dernière et l’abaissement de toute sa partie Ouest d’environ 90 cm. Une série de restaurations s’imposèrent alors, dont témoignent des éléments construits en réticulé et en briques, notamment dans l’ambulacre où certains des uomitoria qui ouvraient sur la cavea furent condamnés. En outre, les sièges en pierre de certains gradins furent remplacés par d’autres en briques afin d’alléger le poids reposant sur la voûte. Tout cela, selon U. Ciotti, témoigne d’une utilisation partielle du théâtre après le dommage, qui doit donc être situé encore à l’époque romaine. b) L’alimentation en eau de la kolymbèthra Une source du Xe siècle témoigne de l’existence à cette époque de deux aqueducs qui amenaient l’eau à Spolète. Selon C. Pietrangeli 72, ces conduits remontaient à l’antiquité. En effet en 1823 et durant les années suivantes, sur le Monteluco, une hauteur à l’Est de Spolète, furent découverts les restes de deux barrages d’époque romaine captant les sources du Cortaccione. Il en partait un aqueduc qui parcourait 13 km jusqu’à la cité. Un autre aqueduc, dans la même zone, captait les eaux d’un cours d’eau appelé la Vallecchia. Si on sait que l’alimentation en eau de la ville de Spolète était abondante, en revanche nous ne possédons aucune information plus précise sur celle du théâtre, en rapport avec le bassin qui y fut réalisé. Aucune des pièces ménagées sous la cavea, en communication avec l’ambulacre, ne semble avoir révélé une transformation ultérieure en citerne, par plus que les passages latéraux donnant accès à l’orchestra. De fait, la menace qui pesait sur la solidité de la cavea aurait certainement détourné d’une telle solution les concepteurs de l’aménagement hydraulique. Il est donc plus probable que c’est un petit canal, comme à Argos, ou une simple conduite alimentée à l’extérieur qui assurait la mise en eau du bassin. La présence d’un établissement thermal du IIe siècle à peu de distance au Nord-Est du théâtre 73 assure qu’une branche importante du réseau de distribution de l’eau passait près de là. c) La kolymbèthra Les dalles du parapet entourant l’orchestra ont été retrouvées renforcées de l’intérieur par un muret de 60 cm environ, et de 0,90 m de haut, construit sur le second gradin de la proédrie (fig. 23). Malgré notre ignorance sur les ressources en eau du théâtre, la présence de ce muret suffit à attester l’existence d’une kolymbèthra. En effet sa position contre le parapet de la proédrie qu’elle rendait inutilisable est caractéristique. On retrouve ce principe notamment à Athènes, où le muret se trouve toutefois contre la face extérieure du parapet.
Ibidem, p. 47. Aux environs de la piazza della Liberta et de la piazza Fontana (UmbriaMarche, p. 113). 72
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Fig. 23 – Théâtre de Spolète. Section du parapet de la proédrie et du muret de la kolymbèthra (Traversari 1960, fig. 36).
d) Le conduit d’évacuation Le système d’évacuation des eaux à partir de l’orchestra ne semble pas non plus avoir encore fait l’objet de recherches. À l’extérieur du théâtre, immédiatement au Nord-Ouest, dans l’actuelle via delle Terme, a été retrouvé un large égout que les eaux du bassin auraient pu rejoindre. e) Éléments de datation U. Ciotti, qui fournit les informations les plus détaillées sur cette installation 74, n’en propose aucune datation, même approximative. Il se borne à la situer à l’époque où les chorégraphies aquatiques furent de plus en plus appréciées, donc aux IVe-Ve siècles.
Le théâtre de Syracuse 75 a) Le théâtre avant l’installation de la kolymbèthra Le théâtre de Syracuse (pl. XX) a été l’objet de fouilles entre la fin du XVIIe et la première décennie du XVIIIe siècle, en 1921, entre 1950 et 1954, et enfin dans le courant des années 60. Les parties conservées du monument sont essentiellement celles qui furent creusées dans la roche. Il manque notamment une bonne partie de la summa cavea. Quant à l’édifice scénique U. Ciotti, op. cit., p. 17. F. S. Cavallari et H. Holm, Topografia archeologica di Siracusa, Palermo, 1883, p. 49-51, 58, 188, 194, 248, 287, 383-390; E. Drerup, Das griechische Theater in Syrakus, in MDAI (A), XXVI, 1901, p. 9-32; P. Orsi, in NS, 1909, p. 340-343, fig. 2-4; 1920, p. 318; G. Rizzo, Il teatro greco di Siracusa, Milano, Bestelli, 1923; C. Anti, Guida per il visitatore del teatro antico di Siracusa, Firenze, Sansoni, 1948; L. Bernabó-Brea, Studi sul teatro greco di Siracusa, in Palladio, 17, 1967, p. 97154; L. Polacco, C. Anti, Il teatro antico di Siracusa, Rimini, Maggioli, 1981; F. Coarelli et M. Torelli, Sicilia, Roma-Bari, Laterza, 1984, p. 221-223; H. P. Isler in TGR III, p. 35-37. 74
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réalisé en blocs de pierre appareillés, il fut démonté pour servir aux fortifications d’Ortigie au XVIe siècle. Le caractère lacunaire des restes conservés et l’extrême complexité des problèmes qu’ils posent aux savants ont rendu difficile la reconstruction des états successifs du théâtre, en particulier en ce qui concerne l’édifice scénique dont il ne reste que des traces en négatif, taillées dans la roche. La chronologie précise des différentes phases du monument est donc très controversée. Le théâtre est situé sur les flancs méridionaux de la colline du Téménite. Il était orienté au Sud. La cavea est dominée par une terrasse en L, taillée dans la roche de la colline. Cette katatomè était longue à l’Ouest de 42 m, au Nord de 87 m et haute au maximum de 8,55 m. Un ample escalier fermait à l’Est son côté Nord. Une route, profondément taillée dans la roche, large de 5,20 m, débouche sur le côté Ouest à 7,40 m de l’angle formé par les deux parois. Les nombreuses sépultures d’époque chrétienne qui y ont été trouvées lui ont valu le nom de Via dei Sepolcri. Un stylobate parallèle aux deux branches de la katatomè, situé à 7,40 m de la paroi, devait supporter la colonnade d’un portique. La katatomè était également ornée de nombreuses niches quadrangulaires et de diverses autres décorations de caractère votif. La paroi Ouest comportait une grotte artificielle, ultérieurement transformée en chapelle. Au milieu de la paroi Nord recouverte d’un revêtement de briques pilées se trouvait aussi une grotte artificielle, à voûte curviligne. Elle était flanquée de deux petites niches voûtées, et au-dessous, de deux autres niches plus grandes. Il est probable qu’elles abritaient à l’origine des statues. Toujours sur la façade extérieure, au-dessus de l’entrée de la grotte, on distingue les restes d’une frise dorique qui la décorait avant la construction du portique. Comme celui-ci est contemporain de la construction du théâtre hellénistique sous Hiéron II, le sanctuaire doit être plus ancien. La grotte est large de 9,35 m, haute de 4,75 m et profonde de 6,35 m. À l’intérieur se trouve une vasque rectangulaire creusée dans le sol et revêtue d’un enduit imperméable de mortier mêlé de brique pilée. Dans la paroi du fond se trouvait une niche qui servait de débouché à une branche du grand aqueduc grec qui traversait l’Epipole. L’eau ensuite passait dans un canal taillé dans la paroi du fond du portique, qui devait aboutir dans le système hydraulique du théâtre. La cavea avait un diamètre de 138,60 m. C’est l’une des plus amples jamais réalisées dans le monde grec. La partie taillée dans la pente rocheuse est bien conservée. Elle était divisée en 2 maeniana et 9 secteurs. Le maenianum inférieur avait 23 gradins dans la phase romaine et probablement 27 à l’origine. Sur le mur du fond de la praecinctio sont en partie conservées des inscriptions portant des noms de divinités et de membres de la famille royale de Hiéron II, qui donnaient leurs noms aux divers secteurs. La cavea du théâtre de Syracuse telle qu’il se présente encore aujourd’hui est donc le résultat de travaux réalisés sous Hiéron II, dans le dernier tiers du IIIe siècle av. J.-C. Le maenianum supérieur comptait probablement 35 à 40 gradins. Sa partie construite s’appuyait sur un terre-plein artificiel, contenu par un mur extérieur. La capacité du théâtre à l’origine était de 14000 à 17000 spectateurs. Sur le muret qui fait face à la paroi de la praecinctio, on relève une entaille profonde de 0,15 m courant sans interruption sur toute la longueur de la cavea. L’un de ses côtés est incliné vers l’intérieur (fig. 24). Ce plan
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Fig. 24 – Théatre de Syracuse. Section de la praecinctio et emplacement des sièges d’honneur (Rizzo 1923, fig. 61).
incliné comportait en outre, à de brefs intervalles, des emboîtures. La partie antérieure du muret a quant à lui la même largeur et la même hauteur que les gradins situés au dessous, ce qui permet de conclure qu’il constituait lui aussi une rangée de sièges. Par conséquent, l’entaille précédemment évoquée, avec ses emboîtures, avait probablement reçu des dossiers moulurés. Nous sommes donc en présence d’une rangée de sièges d’honneur disposés au-dessus de la praecinctio, dispositif qu’on retrouve dans d’autres théâtres, comme ceux de Patara et d’Épidaure 76. Il semble que dans un premier temps le théâtre ait été privé de parodoi. L’accès à l’orchestra se faisait par deux passages longeant les côtés de la scène. Ensuite, toujours à l’époque hellénistique, furent créées des parodoi en L, profondément taillées dans le rocher. Dans la mesure où leur taille, sur toute la longueur de la limite méridionale de la cavea, aurait représenté un travail très lourd et inutile, elles furent fermées à l’Est et à l’Ouest et raccordées perpendiculairement à deux passages venus du Sud, desservis par deux voies d’accès. En outre, de chaque côté, une entrée taillée dans le rocher menait directement à la pracinctio. L’orchestra fut délimitée par deux euripes semi-circulaires successifs (pl. XXI). Celui qui est généralement considéré comme le plus ancien (E 1) était un caniveau découvert, large de 1,05 m, au-delà duquel une bande de 2,95 m était destinée à la circulation du public. E 1 n’avait pas de débouchés latéraux. Dans un second temps un autre euripe semi-circulaire (E 2), de 0,34 m de large, lui fut substitué. Il fut creusé au pied même du premier gradin, de sorte que le diamètre de l’orchestra passa de 16 à 21,40 m. Durant la période hellénistique, il évacuait les eaux pluviales par deux branches latérales qui passaient sous le bâtiment de scène. Les dates d’exécution respectives de ces deux euripes ne rencontrent pas un accord unanime. L. Berna-
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G. E. Rizzo, op. cit., p. 42-43; L. Bernabó-Brea, op. cit., p. 102.
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bó-Brea 77 date E 1 de la première phase du théâtre, donc du IIIe siècle avant J.-C. Selon lui il s’écoulait directement dans les premières parodoi, grâce à leur tracé frontal, et non latéral, de part et d’autre du premier bâtiment de scène. E 2, doté d’un système d’écoulement plus sophistiqué, l’aurait rapidement remplacé à la fin du IIIe ou au début du IIe siècle av. J.-C. Pour L. Polacco 78 toutefois, E 1 serait plus récent que E 2, et aurait eu une destination essentiellement ornementale, du fait de son absence de débouchés latéraux. Il serait néanmoins également d’époque hellénistique. L’interprétation des restes du bâtiment scénique grec est très controversée. Sur les côtés se trouvent deux masses rocheuses quadrangulaires de plus de 14 m de côté. Leur forme résulte de la taille dans la colline des parodoi en L, et des travaux d’aplanissement rendus nécessaires par l’édification du bâtiment de scène lui-même. Une fosse d’époque grecque de direction Est-Ouest, dont la fonction n’est pas claire, a été retrouvée dans cette zone du bâtiment scénique, ainsi qu’un corridor taillé dans la roche, qui était recouvert de dalles de pierre. On y accédait par un escalier. Peu après l’escalier, de direction Ouest-Est, le corridor fait un coude pour se diriger plein Nord, en traversant la fosse scénique grecque, vers une salle souterraine carrée située sous l’orchestra. La finesse et la précision de sa taille le datent de l’époque hellénistique. Avant de parvenir jusqu’à la salle sous l’orchestra, son dernier tronçon comporte deux branches perpendiculaires, dont la raison d’être reste mystérieuse. À l’époque romaine, des tribunalia furent rajoutés au centre de la cavea et sur les côtés. Les anciennes parodoi devinrent les versurae du bâtiment scénique et l’accès à l’orchestra se fit par deux cryptae creusées sous la cavea auxquelles on accédait par les deux mêmes voies venues du Sud. L’orchestra romaine était délimitée par une barrière qui courait à 1,58 m du premier rang de gradins. Une entaille semi-circulaire et des encoches, espacées d’1 m en signalent encore aujourd’hui l’emplacement. Le caniveau E 2 qui passait au pied des gradins connut encore deux phases d’utilisation. Durant la première, ses branches latérales restèrent inchangées. Dans la seconde, il fut modifié pour déboucher directement dans la première fosse de l’auleum romain, désormais transformée en collecteur. De la scène d’époque romaine restent des fondations d’environ 3 m de large, dimensions importantes qui montrent qu’elles soutenaient une structure imposante à plusieurs étages. Deux entailles semi-circulaires pratiquées dans les angles internes des deux masses rocheuses latérales (pl. XXII) correspondent manifestement à deux niches, entre lesquelles devaient s’ouvrir les portes latérales de l’édifice scénique. La porta regia quant à elle s’ouvrait probablement au centre d’une niche rectangulaire. Ce schéma ne permet pas de descendre au delà du début de l’époque augustéenne. Par conséquent, la première frons scaenae fut sans doute réalisée au moment où Syracuse devint une colonie, en 21 av. J.-C. 79. G. E. Rizzo 80, d’après les éléments architectoniques découverts, date de l’époque flavienne la première frons scaenae L. Bernabó-Brea, op. cit., p. 112-114. L. Polacco, op. cit., p. 108-112. 79 F. Coarelli et M. Torelli, op. cit., p. 220. 80 G. E. Rizzo, op. cit., p. 137-160. 77
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à décoration polychrome. Le théâtre d’époque romaine compta deux fosses successives pour le rideau de scène. La première s’étendait à 3,10 m au Sud de la fosse scénique grecque. Elle fut par la suite transformée en collecteur général des eaux pluviales. b) L’alimentation en eau de la kolymbèthra L’aqueduc qui alimentait le nymphée du théâtre, venant de Galermi, était une réalisation de l’époque des Deinoménides. Venant peut-être du mont Crimiti, cet aqueduc passait par l’Epipole et par Tyché et se divisait en diverses branches dont l’une, traversant la colline du Téménite, débouchait dans la grotte de la katatomè. Cet aqueduc dispensait une eau abondante. Depuis le XVIe siècle et jusqu’au dernier tiers du XIXe siècle où elle fut détournée dans des conduites modernes, l’eau après son passage dans la grotte se répandait dans la cavea où elle alimentait des moulins, au grand dommage des gradins. À l’origine, cette eau était canalisée le long de la paroi Nord de la katatomè, jusqu’à la Via dei Sepolcri. À cet endroit le canal passait sous la route par un trou creusé dans la roche avant de continuer son chemin au pied de la paroi Ouest en direction du Sud, donc vers le théâtre. Mais il n’est malheureusement pas possible de reconnaître la dernière partie de son parcours. En outre, ce canal est de dimensions trop modestes pour avoir suffi à évacuer toute l’eau que l’aqueduc conduisait vers le nymphée. Il est probable qu’il existait un canal analogue, qui longeait l’autre côté de la paroi Nord, en direction de l’Est. C’est l’abondance en eau exceptionnelle dont jouissait le théâtre et la présence du dispositif hydraulique de la katatomè qui, mises en rapport avec quelques découvertes plus controversées dans l’orchestra, ont permis de conclure à une adaptation tardive du théâtre aux spectacles aquatiques. L’orchestra du théâtre était à une altitude de 16,50 m. Celle de l’ambulacre au-dessus du dernier rang de gradin était de 35,60 m. Le dénivelé entre le débouché de l’aqueduc en haut de la katatomè et le niveau de l’orchestra était plus important encore. Il était donc relativement facile de faire circuler jusqu’à cette dernière l’eau venue de la terrasse. Cependant le piètre état de conservation tant de la partie supérieure du théâtre que de toutes ses parties construites ne permet pas d’établir le parcours exact d’un tel conduit d’alimentation. La katatomè ne semble reliée à aucun des canaux découverts dans la cavea. Ceux qui ont été retrouvés en haut de la summa cavea et sur la praecinctio avaient une fonction de drainage. Un troisième conduit courait en contrebas de la 6e rangée de sièges de la summa cavea. La taille de ce canal, très soignée, s’apparente à celle des autres caniveaux d’époque grecque. Sa datation oscille donc entre la fin de l’époque hellénistique et la première phase de l’époque romaine. La position même de ce canal reste très énigmatique, mais on doit vraisemblablement l’interpréter, à la suite de L. Bernabó-Brea 81, comme un simple caniveau d’évacuation des eaux pluviales. Seules, quelques installations au pied de la cavea sont susceptibles d’être mises en rapport avec la kolymbèthra. En particulier, sur le côté oc81
L. Bernabó-Brea, op. cit., p. 102.
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cidental du massif rocheux quadrangulaire (pl. XXII) bornant le bâtiment de scène du côté Ouest, de part et d’autre de la voie menant à la crypta, ont été relevées les traces d’une excavation et quelques moellons appareillés. À en juger d’après les restes abondants d’enduit imperméable qui les recouvrent, il devait s’agir d’un réservoir. Il existait peut-être une citerne analogue de l’autre côté du bâtiment de scène 82. Une masse d’eau à même de remplir rapidement la kolymbèthra aurait ainsi été toujours disponible. Toutefois, les restes conservés ne permettent pas d’en évaluer l’importance. En outre, au Sud du mur de soutènement Sud de la cavea et à 4,50 m à l’Ouest du passage donnant accès à l’entrée Ouest de la praecinctio, on distingue sur la roche les traces d’une construction en maçonnerie. Au centre se trouvait un bassin qui recevait l’eau d’un conduit venant du Nord. L’ensemble constituait probablement une fontaine. Un moulin fut d’ailleurs installé à cet endroit à l’époque moderne. L’eau venue de la terrasse supérieure parvenait donc aisément jusqu’à cette zone Sud-Ouest du théâtre et devait ensuite s’écouler de là dans la kolymbèthra. c) La kolymbèthra Les fouilles exécutées dans l’orchestra ont permis de relever ses nombreux sols successifs. Parmi ceux-ci, l’avant-dernier était constitué par un pavement de marbre, dont le dessin résulte, au moins dans les lignes principales, des empreintes qu’il a laissées sur son fond de mortier. Dans celui-ci avaient été noyées, pour obtenir des plans de pose réguliers, de nombreuses petites plaques de marbre fragmentaires. Plusieurs d’entre elles présentent des moulures typiques de la fin du IIe et du début du IIIe siècle ap. J.-C. Elles proviennent certainement de la frons scaenae de cette époque. La pose de ce pavement doit donc être datée d’une époque postérieure. Le dernier sol du théâtre était également constitué d’un pavement de marbre. Le mortier sur lequel il reposait est composé de sable, de tessons et de chaux. Dans celui-ci également sont noyés des fragments de plaques de marbre mais en quantité bien inférieure au pavement du dessous et souvent, au lieu de marbre, sont utilisés dans le même but des fragments de tuile. Par comparaison avec le pavement précédent, dont il reprend le dessin, il s’agit d’un travail grossier et pauvre. Ces deux derniers pavements du théâtre étaient imperméables, et donc à même de constituer le fond d’un bassin. Le dernier pavement du théâtre à en juger d’après les relevés de E. Drerup et les photographies exécutées après les fouilles par P. Orsi en 1916, ne s’étendait pas au-delà du bord extérieur du caniveau E 1, qui a été retrouvé comblé par le mortier sur lequel ce pavement reposait. Or, on distingue encore, tournant à 0,60/0,64 m environ de l’extérieur de E 1, une grossière inci82 Selon L. Polacco (op. cit., p. 140) les traces d’un réservoir peuvent en effet être relevées le long du passage perpendiculaire qui donne accès à la parodos Est. L’axe majeur de ce réservoir mesure 9 m, et il était peut-être divisé en deux secteurs, si les quelques grands moellons relevés sur sa partie Sud sont in situ. L. Polacco estime qu’il était probablement relié au canal oriental de la katatomè. Sa présence est incompatible avec l’usage de la moitié orientale de la voie conduisant à la crypta Est. Il représente donc un aménagement postérieur.
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sion creusée dans le sol rocheux, qui signale les marges externes de l’emprise au sol d’un muret (pl. XXIII). Des bavures de mortier sur le pavement signalent également cette largeur et montrent que ce mur doit être associé à la dernière phase de l’histoire du théâtre. D’une facture très grossière, il était en opus incertum, avec un mortier à chaux rougeâtre. Au pied interne de ce mur, on a pu reconnaître en plusieurs endroits l’empreinte d’un élément de renforcement épais de 0,16 m, constitué de plaques de marbre ou de pierre. Au Sud, le muret bordait le premier canal de l’auleum, à cet époque transformé en collecteur. Il apparaît sur un plan publié par E. Drerup (fig. 25) 83, mais fut par la suite détruit afin de pouvoir reconnaître la superficie de l’orchestra grecque originelle. D’après les traces conservées, il ne présentait pas de discontinuité. Il était donc destiné à délimiter sur le sol de l’orchestra un espace clos, qui ne peut être que celui d’un bassin. Comme toutes les structures construites du théâtre, le pulpitum qui était en rapport avec la kolymbèthra a totalement disparu. Toutefois, des traces sûres permettent d’en reconnaître les limites. La frons scaenae le limitant au Sud s’arrêtait au niveau de l’angle intérieur des niches arrondies taillées dans l’angle Nord-Est du pilier Ouest, et l’angle Nord-Ouest du pilier Est. Vers l’orchestra, le pulpitum était bordé par la première, puis par la seconde fosse de l’auleum, un peu en retrait par rapport à la première. Quant à la hauteur de l’estrade, elle est indiquée par un creux horizontal sur les contreforts extérieurs de chacune des deux cryptae. Cette trace est à peu près au même niveau que le bord inférieur des niches des deux piliers latéraux. Le pulpitum mesurait donc 1,40 m de haut. Le petit mur de la piscine théâtrale était peut-être de même hauteur, comme le pense G. Traversari 84, ou légèrement plus bas. On relève dans l’orchestra, outre E 1 et E 2, un troisième caniveau, formé de trois bras rectilignes se rencontrant à angles obtus. Il est très grossièrement creusé, avec une largeur inégale et un fond qui ne présente pas une pente uniforme. Il est possible que ce caniveau se soit déversé dans E 2, qu’il recoupe 85. Au Sud, il débouchait dans le canal de l’auleum transformé en collecteur principal. Son tracé ne s’harmonise absolument pas avec la cavea et les caniveaux semi-circulaires. Selon L. Polacco 86, il constituerait une trace du premier théâtre de Syracuse, d’une taille beaucoup plus réduite et de plan trapézoïdal. Mais, L. Bernabó-Brea 87 fait très justement remarquer que les traces d’un théâtre archaïque ne peuvent absolument pas être recherchées au milieu de l’orchestra actuelle, dont le niveau ne fut atteint qu’après le déplacement de milliers de mètres cube de roche. Selon lui et selon G. E. Rizzo 88, ce caniveau trapézoïdal est au contraire à ranger parmi les installations les plus tardives. Il leur semble en effet recouper notamment les matériaux de comblement employés pour obstruer les prolongements latéraux de E 2, supprimés lorsque ce dernier déboucha directement dans le E. Drerup, op. cit., p. 29 et fig. p. 15. G. Traversari, op. cit., p. 38. 85 L. Bernabó-Brea, op. cit., p. 147. 86 L. Polacco, op. cit., p. 106-112 et 161-166. 87 L. Bernabó-Brea, op. cit., p. 148. 88 L. Bernabó-Brea, op. cit., p. 148-149; G. E. Rizzo, op. cit., p. 149. 83
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Fig. 25 – Théâtre de Syracuse. Le mur de la kolymbèthra le long de l’ancien canal de l’auleum transformé en collecteur (Drerup 1901, p. 15).
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nouveau collecteur. Le caniveau trapézoïdal serait donc postérieur à ce réaménagement. Il recoupe également l’emplacement de la barrière qui courait à 1,58 m du premier rang de gradins. L. Bernabó-Brea voit en ce caniveau trapézoïdal une installation associée à la kolymbèthra et destinée à recueillir les eaux qui auraient pu déborder au cours du spectacle. Selon lui, ce caniveau indiquerait même les limites exactes et la forme du bassin. Cette dernière proposition semble toutefois difficilement acceptable. En effet, outre que nous ne connaissons pas d’autre exemple de kolymbèthra trapézoïdale, un tel tracé est incompatible avec celui du muret semi-circulaire déjà évoqué. Or ce dernier, avec son épaisseur de 60 cm environ et son renforcement interne de dalles de pierre, présente les mêmes caractéristiques que ceux des piscines théâtrales les mieux attestées. Si ce caniveau est effectivement tardif, sa création s’explique donc simplement, comme le propose G. E. Rizzo, par la nécessité de doter l’orchestra d’un nouveau caniveau d’évacuation des eaux de ruissellement, à une époque où E 2 était partiellement obstrué, et enfoui sous un nouveau sol de l’orchestra qui rendait sa réfection difficile. Quoi qu’il en soit, ce caniveau trapézoïdal ne saurait donc concerner directement notre étude. d) Le conduit d’écoulement des eaux Le premier canal de l’auleum, transformé en collecteur des eaux, avait une largeur initiale de 0,70 m qui fut réduite de 0,20 m par une rangée de moellons le long de sa paroi Nord 89. Son fond était en déclivité depuis les extrémités vers le centre. Grâce à cette double pente, les eaux étaient déversées dans un vaste conduit d’écoulement qui courait sous le bâtiment de scène. Ce conduit correspond à l’ancien corridor qui, à l’époque hellénistique, aboutissait dans une salle sous l’orchestra. Cette dernière et le tronçon septentrional du corridor ont été découverts remplis d’un remblai qui témoigne de leur abandon postérieur. En revanche, la partie du corridor qui se prolongeait au-delà du nouveau collecteur des eaux fut conservée pour un nouvel usage. Sa largeur, de 0,73 m à son point de départ, augmentait ensuite jusqu’à atteindre 0,93 m. Sa hauteur était de 1,75 m environ. Le corridor présente deux contreforts, au-dessous desquels court un canal (fig. 26). Ce dernier se prolonge au Sud du coude par lequel s’achevait le corridor hellénistique. Le canal Sud descend en pente légère et était clairement destiné à l’évacuation des eaux. Alors que le corridor avait une hauteur qui permettait le passage d’un homme debout, le canal Sud était en revanche beaucoup moins haut : seul un homme accroupi aurait pu y passer. On peut donc retenir que le corridor et le conduit Sud sont à considérer comme deux éléments chronologiquement distincts. En outre, si la taille du corridor est précise et fine, comme dans toutes les réalisations d’époque grecque du théâtre, le canal en revanche, aussi bien sous le corridor que dans son prolongement Sud, était d’une taille beaucoup plus grossière. Enfin, le canal de drainage situé sous le corridor avait la même largeur, entre 0,35 m et 0,40 m, que le conduit qui le prolongeait, ce qui confirme leur caractère 89
La frons pulpiti d’époque romaine s’appuyait sur cette rangée de moellons.
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a. Section du corridor et du canal souterrain. b. Prolongement du canal vers le Sud.
Fig. 26 – Théâtre de Syracuse (Rizzo 1923, fig. 63).
contemporain. Ces constatations ont amené G. E. Rizzo 90 à conclure que le corridor date de l’un des premiers états du théâtre grec, tandis que son canal d’écoulement et son prolongement vers le Sud relèvent d’un réaménagement d’époque romaine. Le conduit et la transformation en collecteur du premier canal de l’auleum sont généralement considérés comme antérieurs à l’aménagement de la kolymbèthra 91. Quoi qu’il en soit, lorsque celle-ci fut installée, le théâtre possédait déjà un système d’évacuation d’une capacité importante. Il est probable que la vidange du bassin se faisait par une vanne ouvrant sur le grand collecteur, puisque son mur Sud en longeait précisément le bord. L’eau était ensuite évacuée par le canal central. e) Éléments de datation Nous l’avons dit, la chronologie du théâtre de Syracuse fait l’objet de nombreuses controverses. Toutefois, il est unanimement admis que la kolymbèthra date de sa dernière phase. Son association avec le dernier pavement retrouvé dans l’orchestra en apporte d’ailleurs la preuve. Or, cette dernière phase du théâtre est également datée assez précisément, grâce à une inscription fragmentaire évoquant des réfections exécutées dans le monument par un certain Nératius Palmatus 92 : NERATIUS . PALMATVS . V . c. c ETIAM . FRONTEM . SCAENAE . O Le texte de l’inscription indique bien que la frons scaenae n’était pas le seul élément du théâtre que Nératius Palmatus avait fait refaire. Il pourrait
G. E. Rizzo, op. cit., p. 60-61. G. E. Rizzo, op. cit., p. 143; L. Bernabó-Brea, op. cit., p. 144. 92 CIL X, 2, 7124.
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donc aussi avoir fait installer la kolymbèthra et ses annexes 93. Il s’agit toutefois d’une simple hypothèse. La pierre a aujourd’hui disparu, si bien qu’on ne peut la dater en se basant sur la forme des lettres. En revanche, le titre contenu dans les initiales de la première ligne nous offre un indice précieux. Un tel signe ne peut signifier que Vir Clarissimus Corrector, ou Consularis. Or, le titre de Clarissimus et surtout les magistratures de consularis ou de corrector de Sicile nous reportent au plus tôt à la fin du IIIe siècle, ou à la première moitié du IVe siècle 94. En outre, Neratius Palmatus, sans doute gouverneur de Sicile à l’époque de l’inscription, est probablement le même personnage que celui qui d’après une autre inscription 95 restaura la curie de Rome après le sac de la ville par Alaric. L’installation de la kolymbèthra, si elle lui est bien due, fut donc particulièrement tardive.
Le théâtre de Venafrum (Région IV) 96 a) Le théâtre avant l’installation de la kolymbèthra Le théâtre de Venafrum, du Ier siècle av. J.-C., occupe une position dominante sur la ville le long de la pente du Monte S. Croce. Il est orienté au Sud-Est. Les murs correspondant au premier état du théâtre présentent un réticulé sans grande régularité et des extrémités en petits blocs de calcaire. Ce type de maçonnerie est daté de l’époque augustéenne. La cavea comprenait à l’origine 2 maeniana appuyés à flanc de colline. Un ambulacre à parapet en pierre les sépare. La media cavea était couronnée d’un corridor voûté ouvert par des arcades sur un ambulacre. On accédait au théâtre par deux cryptae latérales. À l’extrémité Est de la scène se situe un espace ouvert et du côté Ouest un portique. Ce dernier rattachait le théâtre à un hémicycle en briques qui affleure en partie au-dessus du sol. Cette grande exèdre est large d’un peu moins de 50 m et elle est animée d’une série de niches à section rectangulaire. S. Aurigemma a proposé d’y voir une fontaine, sur la base de considérations typologiques et S. Diebner un odéon, compte tenu de la proximité du théâtre. Cet édifice est daté du IIe siècle ap. J.-C. Sa fouille systématique n’a pas encore été menée à bien. On a toutefois pu constater qu’il s’était écroulé, probablement lors d’un tremblement de terre. Le bâtiment de scène lui-même n’est pas encore complètement dégagé.
L. Polacco, op. cit., p. 214 et n. 77. G. E. Rizzo, op. cit., p. 160; L. Bernabó-Brea, op. cit., p. 147. 95 CIL VI, 37128. 96 L’actuelle Venafro. S. Aurigemma, Statue imperiali e sculture decorative minori scoperte in Venafro, in BA, 1922, p. 58-76.; S. Diebner, Aesernia-Venafrum. Untersuchungen zu den römischen Steindenkmälern zweier Landstädte Mittelitaliens, Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1979, p. 216-230; S. Capini, Venafro (Isenia). Il teatro romano, in Bollettino di archeologia, 1-2, 1990, p. 229-232; S. Capini, in TGR, III, p. 93-95. 93
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Son orientation, en accord avec le plan de la ville, remaniée à la même époque, confirme la datation augustéenne de la première implantation du théâtre. La frons scaenae devait être droite, avec trois portes. La décoration architecturale était en marbre blanc. Certains de ses éléments ont pu être datés de l’époque d’Auguste. Le pulpitum comportait 6 niches. Le diamètre de l’orchestra, qui n’a jamais été fouillée, est de 16 m environ. Des travaux postérieurs correspondent à la réalisation de la summa cavea, soutenue par un robuste système de substructions. La technique de construction employée est analogue à la précédente, mais les cubilia, plus petits et plus réguliers, sont alternativement en calcaire et en tuf, pour former un motif décoratif simple. Les murs qui présentent ces caractéristiques sont datés de l’époque julio-claudienne, au plus tard de l’époque flavienne. Le diamètre de la cavea fut ainsi porté à 95 m et sa capacité à 5000 sièges environ. De cette même phase datent aussi deux escaliers d’accès menant à des tribunalia, qui ont été retrouvés adossés au mur extérieur des accès latéraux Est et Ouest. La construction du théâtre, dans le cadre du développement de la ville lié à l’installation par Auguste d’une colonie militaire, fut donc très rapidement suivie des premiers agrandissements. b) L’alimentation en eau de la kolymbèthra L’alimentation en eau du théâtre devait provenir de l’aqueduc de la ville, sur lequel existent plusieurs sources épigraphiques qui permettent de le dater de l’époque d’Auguste 97. Son parcours a été reconnu dans son ensemble en 1937, par F. Frediani 98. Captant les sources du Volturne, au Nord de Venafrum, il mesurait environ 30,5 km jusqu’à la cité. À proximité de celle-ci son parcours était entièrement enterré, ce qui le rend plus difficile à suivre. Il entrait dans la ville par le Nord-Ouest. C’est la découverte d’une citerne d’où partait un conduit se dirigeant vers l’orchestra qui permet d’affirmer l’existence d’une kolymbèthra dans le théâtre de Venafrum. Cette citerne fut réalisée par la transformation de la partie la plus occidentale de la crypta Ouest du théâtre, ce qui semble cohérent avec le point d’aboutissement de l’aqueduc dans la cité et avec l’interprétation de l’exèdre rattachée au théâtre comme une fontaine monumentale. Une ouverture, ménagée au bas de la citerne elle-même et commandée par une vanne dont il reste les glissières, permettait de laisser l’eau s’écouler dans un conduit de maçonnerie qui se dirigeait vers l’orchestra. Le conduit est aujourd’hui presque entièrement détruit, mais il est reconnaissable par les traces laissées sur le mur extérieur de la crypta, auquel il s’appuyait. L’ensemble ne peut guère s’expliquer que comme une installation destinée à l’alimentation d’une kolymbèthra. Cette transformation rappelle les aménage-
97 Sur la documentation épigraphique concernant l’aqueduc de Venafrum, voir notamment A. Pantoni, L’editto augusteo sull’acquedotto di Venafro e una sua replica alle fonti del Volturno, in RendPontAc, XXXIII, 1960-1961, p. 155-171. 98 F. Frediani, L’acquedotto augusteo di Venafro, in Campania Romana. Studi e Materiali, I, Napoli, Rispoli, 1938.
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ments plus complexes et mieux conservés du théâtre d’Ostie. Toutefois, S. Capini 99, la seule à décrire cette installation, ne fournit aucune information plus précise sur la facture et les dimensions de la citerne ou de son conduit. c) La kolymbèthra et le conduit d’évacuation Le bâtiment de scène et l’orchestra n’ont encore été étudiés que très partiellement. On ne peut donc rien dire à ce jour sur la configuration du bassin où débouchait le conduit installé dans l’accès Ouest. Il reste également à établir la manière dont l’eau pouvait être ensuite évacuée. d) Éléments de datation L’essentiel de la décoration architecturale et des sculptures du théâtre a été retrouvé non pas in situ, mais à quelques dizaines de mètres à l’Ouest du monument, dans deux pièces mises au jour. La correspondance de ces vestiges avec les quelques éléments de décoration découverts dans le théâtre en assurent la provenance. Ce dépôt doit correspondre au grave tremblement de terre de 346 qui occasionna la destruction de la construction semi-circulaire voisine et qui ébranla sans doute suffisamment le théâtre pour nécessiter la mise à l’abri de l’essentiel de sa décoration, en attendant une réfection. Pour des raisons que nous ignorons, cette dernière n’eut jamais lieu. Le théâtre fut donc laissé à l’abandon, probablement dans le courant du IVe siècle. Dès le Ve siècle en effet, des modifications effectuées dans la partie occidentale du monument et la découverte d’assez nombreux fragments de céramique permettent de conclure que ce site fut utilisé comme abri ou comme habitation. L’installation de la citerne attestant la présence d’une kolymbèthra eut donc probablement lieu avant le tremblement de terre de 346. La poursuite de la fouille du monument permettra peut-être d’en dire d’avantage. L’Achaïe Le théâtre d’Argos100 a) Présentation générale du théâtre Le théâtre d’Argos (fig. 27) est un théâtre urbain. Il est adossé au flanc de l’acropole et orienté à l’Est. Les premières fouilles du théâtre eurent lieu entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Récemment étudié dans son ensemble par J.-Ch. Moretti, il est certainement le mieux connu des théâtres adaptés à la mise en eau.
S. Capini, op. cit., p. 232. J.-Ch. Moretti, Le théâtre d’Argos, Thèse, Université de Paris X, 1989; J.-Ch. Moretti (avec la collaboration de S. Diez), Théâtres d’Argos, Paris, École française d’Athènes-De Boccard, 1993; H. P. Isler, TGR, p. 123-124; A. Ségal, Theaters in roman Palestine and Provincia Arabia, Leiden, Brill, 1995, p. 64-69. 99
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Fig. 27 – Le théâtre d’Argos et l’évolution des limites inférieures du koilon (Moretti 1993, fig. 6).
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D’après la datation du matériel trouvé dans les remblais du premier bâtiment de scène et des premiers murs de soutènement du koilon, le théâtre fût construit pendant le premier tiers du IIIe siècle avant J.-C. La cavea est pour l’essentiel taillée dans la roche, sauf les ailes, qui sont construites. Elle est conservée dans sa partie médiane sur toute sa hauteur. Elle dépasse le demi-cercle uniquement à la hauteur des premiers gradins tandis que la partie haute, de forme assez irrégulière, est inférieure au quart de cercle. Son rayon maximal est de 77, 28 m. Dans sa première phase, sa partie centrale comportait 86 gradins. Il y avait à l’origine une seule praecinctio qui passait derrière le 49e gradin. Cinq escaliers divisaient la cavea de haut en bas. Sa capacité, à l’origine, était de 20 000 places. La paroi antérieure de la proédrie formait un demi-cercle outrepassé, dont le rayon était d’un peu plus de 13 m. Elle présentait des bancs à dossier. Seuls les gradins inférieurs du koilon, protégés par une couche d’alluvions, sont conservés. Dans la partie Sud, deux gradins complets, formés de blocs de calcaire, ont été retrouvés. Dans la partie Nord, les quatre premiers gradins demeurent. La face antérieure des blocs a été creusée, sauf un bandeau supérieur. Les limites inférieures de la cavea étaient constituées au Nord et au Sud par deux murs de soutènement, qui étaient aussi le mur Ouest des parodoi (fig. 27). Ces murs comptaient un nombre d’assises croissant à mesure qu’ils s’éloignaient de l’orchestra, et s’achevaient par un bandeau de couronnement rampant. Le mur de soutènement Sud avait une longueur de 29,80 m. Il était consolidé par deux contreforts. Le plus important était situé à son extrémité méridionale. Le plus petit se trouvait à 8,52 m au Sud d’un mur de refend qui permettait de réduire la largeur de l’espace laissé entre le mur de soutènement et la rampe d’accès au proscenium. À 2 m au Sud de ce mur de refend se trouvait un relief représentant les Dioscures. Le mur de soutènement Nord possède un tracé exactement symétrique à celui du mur Sud. La parodos Sud s’ouvrait sur une rue de tracé Est-Ouest. Dans un second temps, des portes furent installées dans les parodoi. Le niveau de sol qui leur correspond est daté de la seconde moitié du second siècle avant J.-C. Un peu plus tard, le système de soutènement de la cavea subit sur sa face Est d’importantes modifications : les murs de soutènement Nord et Sud furent reportés vers l’Ouest, tandis qu’une assise faîtière de poros mouluré venait couronner les quatre premières assises des murs de soutènement précédents. Entre les nouveaux murs de soutènement et les anciens fut ménagé un passage surélevé, dont le sol arrivait au niveau du lit d’attente de la nouvelle assise de poros, et auquel on accédait depuis l’orchestra par deux escaliers. L’effondrement des assises supérieures des premiers analemmata explique sans doute une telle réfection. L’orchestra hellénistique, d’un rayon de près de 12,5 m, était délimitée à l’Ouest par la paroi interne du caniveau qui l’entourait, à l’Est par le proscenium qui coupait son cercle. Elle s’ouvrait sur les parodoi. Des monuments honorifiques furent érigés sur sa bordure. À son extrémité Sud notamment, le mur de soutènement Nord qui s’avançait dans l’orchestra s’encastrait dans un bloc. Celui-ci supportait à l’origine une base de statue dominant l’orchestra. Du bâtiment scénique grec (fig. 28), il reste surtout les fondations d’une porticus post scaenam dorique et d’un proscenium à colonnade. La scène
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Fig. 28 – Le bâtiment de scène hellénistique du théâtre d’Argos (Moretti 1993, fig. 12).
elle-même était un bâtiment rectangulaire à deux niveaux. Deux rampes latérales conduisaient depuis les parodoi au plancher du proscenium. Ce dernier avait une hauteur d’environ 3 m. À la fin du Ier et au début du IIe siècle ap. J.-C., le théâtre connut une période d’abandon. En témoigne notamment un large conduit qui passait sur les fondations du proscenium du théâtre hellénistique et qui fut ensuite obstrué par des constructions datables de la réfection romaine de l’édifice. Par ailleurs, vers 100, un sanctuaire fut édifié à l’Est de la parodos Sud, en contrebas. Un mur de soutènement, destiné à contenir les terres de la parodos, marqua désormais la limite orientale de cette dernière. La face Ouest de ce nouveau mur était longée par un conduit, large de 0,50 à 0,55 m, qui passait ensuite sous le mur d’échiffre de l’ancienne rampe d’accès Sud au bâtiment scénique, afin d’aller alimenter une fontaine dans le sanctuaire. Ce premier conduit recevait, au niveau de l’entrée dans la parodos Sud, le renfort d’un petit aqueduc encore plus ancien sans doute, alimenté par une source de la Larissa. Un peu plus tard, vers 130, le sanctuaire fut transformé en thermes. Pausanias (II, 20, 7) signale le théâtre comme en état de fonctionner et son passage à Argos s’est effectué entre 155 et 170. Par ailleurs, les éléments les plus récents trouvés dans le comblement du canal lié à la période d’abandon sont du premier quart du IIe siècle. D’après ces indications et la densité de l’appareil de brique du pulpitum, analogue à celui d’autres monuments argiens précisément datés de l’époque d’Hadrien, on peut faire remonter la construction du premier bâtiment de scène romain à l’époque de cet empereur (fig. 29). Dans la cavea, à 0,50 m au Nord de l’escalier central, au niveau du 2e gradin, fut installée une tribune. Des mortaises destinées à recevoir les mâts du velum furent également disposées régulièrement sur toute la hauteur de
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Fig. 29 – Le bâtiment de scène hadrianique du théâtre d’Argos (Moretti 1993, fig. 17).
la cavea. Une nouvelle praecinctio fut créée entre le 46e et le 48e gradin. Dans les parodoi fut réalisé un escalier permettant d’accéder au passage surélevé présent depuis le second état d’époque hellénistique du théâtre. Du côté Sud, on voit les traces de cet escalier sur le contrefort du premier mur de soutènement de la cavea grecque. Le passage surélevé assurait un accès à la cavea au niveau du 4e gradin. Le bâtiment de scène romain avait une façade rectiligne dans laquelle s’ouvraient trois portes. La découverte de quelques chapiteaux permet de penser qu’elle devait être ornée de deux séries de colonnes corinthiennes superposées. Devant s’étendait le pulpitum, d’une hauteur de 1,20 m, encadré par des uersurae aménagées dans la dernière partie des parodoi Nord et Sud, au-delà du mur de refend. Derrière se trouvaient un postscaenium et un portique. L’ensemble reposait sur les fondations du bâtiment scénique hellénistique et en reprenait pour l’essentiel les proportions. Le mur de la frons pulpiti avait un parement de briques recouvert d’un placage de marbre polychrome. Sa partie centrale, entre deux escaliers latéraux, s’ornait de deux séries de 5 niches alternativement rectangulaires et semi-circulaires. Ses deux extrémités faisaient un retour vers l’Ouest pour venir se souder aux murs de soutènement de la cavea. Sur ces deux retours étaient installés deux autres escaliers d’accès au pulpitum.
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Par la suite, le monument connut diverses réfections qu’il n’est pas toujours aisé de dater ou de regrouper. Ainsi, des encastrements creusés sur le pourtour de l’orchestra, destinés à recevoir des poutres reliées par des planches ou un filet, témoignent d’une adaptation du monument aux uenationes, à une époque qu’on ne peut préciser. Le pulpitum reçut quant à lui de nouveaux embellissements. Dans la fosse située sous son plancher furent construits deux murs perpendiculaires à la frons pulpiti, raccourcissant de part et d’autre les extrémités de la fosse et constituant avec les murs qui jusqu’alors la délimitaient deux espaces trapézoïdaux. Ces derniers furent emplis d’un remblai sur lequel furent placées deux mosaïques, qui ornèrent donc désormais les extrémités Nord et Sud de l’estrade scénique. La parenté de leur décor et la similitude de leur technique permet de les rapprocher des mosaïques des thermes A tout proches. Or, celles-ci sont datées de la première moitié du IIIe siècle. Par ailleurs, des pilastres furent associés, dans l’intervalle des niches, au placage de marbre de la frons pulpiti. b) L’alimentation en eau de la kolymbèthra L’eau qui permettait d’emplir la kolymbèthra était celle d’un aqueduc provenant de Képhalari, à 5 km d’Argos. Il captait la source d’une rivière, l’Erasinos. Avant le conduit destiné à la kolymbèthra (fig. 30), cet aqueduc en alimentait un autre, qui empruntait la parodos Sud avant de se diriger vers les thermes situés au Sud-Est en contrebas du théâtre. L’adaptation du théâtre aux spectacles aquatiques fut facilitée par ces installations préexistantes. Le conduit de la kolymbèthra était à un niveau plus élevé que son prédécesseur, afin de pouvoir alimenter le bassin du théâtre, sensiblement plus haut que les thermes. Lui aussi recevait juste avant l’entrée dans la parodos Sud le flux du petit conduit venu de la Larissa. Comme son prédécesseur également, il se divisait en deux branches à ce niveau, dont l’une tournait vers l’Est pour desservir la partie Sud des thermes. Un second embranchement fut en outre ménagé plus au Nord sur son parcours pour alimenter la zone septentrionale de ces mêmes thermes. Le conduit d’alimentation du bassin proprement dit longeait ensuite la parodos Sud avant d’entrer dans la cavea. Il a été découvert dans un état de conservation relativement bon. En liaison avec ce conduit, de nouveaux murs de soutènement furent réalisés sur les côtés Nord et Sud de la cavea. Au Sud, le tronçon le plus septentrional du mur fut construit contre le mur d’époque hellénistique, tandis que le plus méridional se trouvait à quelques mètres derrière lui. Pour le mur de soutènement Nord, la disposition est inversée. Ce principe fut adopté pour répondre au parcours en chicane du conduit. Entre les deux tronçons de mur, un escalier fut ménagé pour accéder au passage surélevé déjà en place. Cet escalier remplaça celui qui desservait auparavant le passage à l’extrémité de chaque parodos. La section du canal qui passait dans la parodos Sud a été détruite en 1954-1955 pour dégager le premier mur de soutènement de la cavea hellénistique. Mais dans la chronique de ses fouilles101, J. Bingen a décrit cette sec101
J. Bingen, in BCH, 79, 1955.
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Fig. 30 – Le théâtre d’Argos à l’époque de la kolymbèthra. La circulation de l’eau dans le canal d’alimentation (Moretti 1993, fig. 18).
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tion Sud avant sa destruction. À 1,60 m de l’angle Sud-Est de la cavea, le canal, venant de l’Ouest, traversait les restes d’un mur de soutènement qui prolongeait l’analemma Sud du premier état hellénistique du théâtre. Il passait ensuite sur le gros contrefort de ce dernier, dont il ne restait que les trois premières assises. La troisième fut alors retaillée en escalier pour livrer passage au conduit. Le premier degré est celui sur lequel reposait le radier du canal. Le deuxième degré, de niveau + 1,34 m, d’une largeur de 0,26 m, fut nivelé au niveau du fond du canal. Il porte des traces d’usure dues à l’écoulement de l’eau. Le troisième, enfin, correspond à la surface originelle des blocs de la 3e assise. Le conduit longeait ensuite le parement Est de l’ancien mur de soutènement sur 9,50 m. Sur cette partie du parcours, la paroi Est du canal, large de 60 cm, comportait un double parement de briques triangulaires, ou parfois quadrangulaires, ces dernières étant de règle pour l’assise supérieure. L’existence de ce parement de briques sur la face externe de la paroi Est du canal laisse comprendre que le niveau de ce dernier, dans la parodos, était supérieur à celui du sol, autrement dit qu’il n’était pas enterré. La paroi Ouest, s’appuyant sur les premières assises de l’ancien mur de soutènement, était plus étroite et ne présentait de parement de briques que sur la face intérieure. Les parements intérieurs Est et Ouest du conduit étaient en outre pourvus d’un revêtement de ciment qui en assurait l’étanchéité. Sur toute sa largeur, comprise entre 85 à 90 cm, le canal était posé sur des fondations de tous calibres noyées en surface dans du ciment, sur lequel reposaient des plaques de terre cuite d’environ 28 × 50 cm constituant le fond du conduit. Les plaques étaient disposées sur trois rangs, et leurs bords extérieurs étaient engagés dans les parements latéraux. Immédiatement au Sud du petit contrefort de l’ancien mur de soutènement, le conduit faisait un coude pour passer dessus au niveau de la deuxième assise et traverser le mur de soutènement lui-même. Il courait ensuite entre le parement Ouest de ce dernier, auquel il appuyait sa paroi Est, et le tronçon Nord du nouveau mur de soutènement102. Deux assises de la face externe de la paroi Est du conduit sont d’ailleurs encore visibles sur le bandeau de couronnement de l’ancien mur de soutènement, entre l’endroit où le canal entre dans la cavea et le mur de refend. Le canal entrait donc ensuite dans la cavea. C’est derrière le quatrième gradin que fut ménagé le passage du canal d’alimentation, soit à une hauteur de 2,50 m environ au-dessus du niveau de l’orchestra. On peut observer que ce quatrième rang de gradins présente des disparités avec les autres rangs conservés de la partie Nord de la cavea. En effet, il est constitué, pour une section, de blocs dont la face antérieure n’a pas été creusée, et pour une autre, d’opus caementicium. L’ensemble fut rendu étanche par du mortier et des briques. L’hétérogénéité de ce dispositif prouve que l’installation du canal d’alimentation est postérieure aux gradins à la paroi antérieure évidée. L’ensemble constitué par le quatrième gradin et le canal creusé dans la roche derrière lui constitua une nouvelle praecinctio, la plus basse, d’une lar-
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J.-Ch. Moretti, op. cit., pl. 16, 4; 17, 1; 18, 4.
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geur de 1,56 à 1,62 m. Il est surmonté vers l’extérieur d’une paroi haute de 0,64 à 0,68 m. La largeur du passage et la hauteur de sa paroi sont ainsi égales à celles de deux gradins. En outre, on distingue nettement deux parties de même hauteur dans la paroi de cette praecinctio taillée dans le rocher. Dans la section Sud de la cavea, cette distinction se fait d’après le travail de la pierre, plus fin dans la zone supérieure. Dans la section Nord, la zone supérieure est en retrait de 0,05 à 0,13 m par rapport à la zone inférieure. On peut en conclure qu’avant l’installation du canal d’alimentation, il existait là un gradin, le cinquième de l’ima cavea. Cette partie du canal d’alimentation de la kolymbèthra s’est conservée jusqu’à nos jours. Il est large de 0,70 à 0,90 m. Un sondage implanté dans l’axe de la cavea a montré qu’il était profond de 0,72 m et que son fond était pavé de briques semblables à celles qu’il a conservées dans la parodos Nord. Il possédait très vraisemblablement une couverture de bois. Le canal alimentait le bassin de l’orchestra grâce à un conduit de dérivation. Il fut détruit en 1955 mais nous disposons encore de quelques photographies, d’un relevé, et des traces que son installation a laissées dans l’angle Nord-Est de l’orchestra, endommageant certains aménagements antérieurs, notamment au niveau du pulpitum. En effet, lors de la découverte de la mosaïque Nord du pulpitum, toute sa partie Ouest était recouverte par le canal. L’installation de ce dernier nécessita en outre de couler un blocage en opus caementicium entre le rebord du bassin et l’escalier installé dans le retour du mur du pulpitum, qui de l’orchestra conduisait à la mosaïque. En outre, la base honorifique à la tête du mur de soutènement Nord dut être démontée. La dérivation était donc branchée sur le canal principal à l’endroit où celui-ci, après avoir suivi le 4e gradin, faisait un coude pour longer la face Ouest de l’ancien mur de soutènement Nord. La dérivation traversait ce dernier pour en longer la face Est sur une longueur d’environ 6,65 m jusqu’au bassin. Ses parois et son fond de 0,80 m de large étaient constitués de matériaux de réemploi. Deux vannes permettaient de dériver les eaux vers la kolymbèthra. La première obturait le canal principal. Elle était installée immédiatement après la dérivation. La seconde, placée un peu au Sud, à l’entrée même de la dérivation, permettait d’ouvrir cette dernière au passage de l’eau. Il ne demeure des vannes que leurs glissières. Celles de la vanne qui ouvrait sur le conduit de dérivation sont creusées dans deux blocs de calcaire de réemploi. Les deux autres sont taillées dans les parois de briques du canal. Grâce à ce dispositif, nous pouvons être certains que l’eau s’écoulait du Sud vers le Nord. Il est difficile de le confirmer par des mesures de niveaux, car rares sont les endroits où le fond du canal est conservé. Mais on sait aussi que le canal, dans la parodos Sud, passait au-dessus du niveau du sol, alors qu’il était enterré dans la parodos Nord. À sa sortie de la cavea, après la dérivation destinée à conduire ses eaux au bassin, le canal courait d’abord entre la paroi Ouest de l’ancien mur de soutènement Nord et le nouveau mur construit en rapport avec son installation. Il était couvert de blocs de calcaire de dimensions diverses utilisés en réemploi. Il franchissait ensuite l’ancien mur de soutènement à 1,625 m au
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Nord de son refend, pour le longer à environ 0,37 m de son parement Est103. Cette distance correspond en effet à la longueur conservée, au niveau de l’orthostate, par le petit contrefort, qui fut rogné quand fut installé le canal auquel son bout Est, stuqué, servit désormais de paroi. Au Nord du petit contrefort de l’ancien mur de soutènement, le canal est parfaitement conservé jusqu’à nos jours, ce qui permet de l’étudier plus en détail. Il est large de 0,87 à 0,89 m. Sa paroi Ouest, accolée au mur de soutènement, est épaisse de 0,35 m. Elle comporte sur sa face interne un parement en opus testaceum stuqué. La paroi Est est stuquée elle aussi sur sa face interne. Elle est entièrement construite en opus caementicium. Son épaisseur moyenne est de 0,65 m et sa hauteur est de 0,85 m. L’absence de tout parement sur sa face extérieure indique qu’elle était enfouie. Le fond du canal était dallé de briques de 0,54 à 0,55 m de côté. Il était couvert d’une voûte d’opus caementicium qui prenait naissance en retrait par rapport à ses parois. La surface ainsi ménagée a servi d’appui aux cintres du coffrage en bois soutenant les couchis où fut coulé l’opus caementicium. On n’a retrouvé aucun sol dans cette parodos qui puisse être associé au conduit. Toutefois, dans la mesure où sa paroi Est était enterrée, on peut en conclure que le niveau du sol devait être celui de la couverture du canal. L’accès à la cavea par le Nord se faisait sans doute alors en empruntant une allée placée entre le conduit et le mur Est de la parodos. Puis, en passant sur les plaques de couverture du canal, on atteignait un escalier placé entre les deux tronçons du nouveau mur de soutènement, afin d’atteindre la première praecinctio. Plus au Nord encore, on perd le canal dans une zone non fouillée audelà de l’angle Nord-Est de la cavea. Si on compare le parcours du canal au Sud et au Nord de son entrée dans la cavea, on constate qu’il n’était pas rigoureusement symétrique. On peut l’expliquer par le désir de respecter le bas-relief représentant les Dioscures placé dans la parodos Sud, qui n’avait pas son équivalent au Nord. Le parcours de ce canal traversant tout le théâtre, et surtout celui de sa dérivation débouchant dans l’orchestra, ne peuvent évidemment laisser aucun doute sur l’adaptation aux spectacles aquatiques du théâtre d’Argos. c) La kolymbèthra et les aménagements annexes du pulpitum Pour réaliser le bassin, un muret semi-circulaire fut construit dans l’orchestra (fig. 38). Il était encore largement conservé lors de la mise au jour de cette dernière mais fut presque entièrement détruit en mai 1955. Il ne peut donc être décrit que sur les indications du carnet de fouilles et les photographies prises avant la destruction104. Distant de 3 m par rapport à la proédrie, le muret, à ses deux ex-
103 Comme au niveau de la parodos Sud, cette partie de l’ancien mur de soutènement fut à cet endroit doublé par la section la plus septentrionale du nouveau mur de soutènement (ibidem, pl. 19, 3; 20, 3). 104 W. Wolgraff, Le théâtre d’Argos, in Mnemosyne 4, 1951, p. 192-203, pl. III en regard de la p. 200. Documents repris par J.-Ch. Moretti, op. cit., p. 194-195, plan XXVI et pl. 14, 2.
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trémités, venait rejoindre la frons pulpiti. L’orchestra se trouva ainsi nettement divisée en deux zones, le muret délimitant un bassin intérieur d’à peu près 10 m de rayon, dont la limite Est était constituée par le mur du pulpitum. Cet espace pouvait toutefois également être utilisé pour des représentations non aquatiques. Quant à la section extérieure de l’orchestra, elle ne servit plus, dès lors, qu’à la circulation des spectateurs. Le mur fut réalisé en opus caementicium contenant de nombreux blocs concassés réutilisés en moellons. Il reposait directement sur le sol de l’orchestra sans tranchée de fondation. Sur sa face interne, la paroi avait conservé quelques vestiges d’un plaquage de marbre. Reposant sur un lit de mortier, un fragment de marbre mauve appartenant au pavage du bassin est également encore en place au pied de la frons pulpiti. Après la destruction du muret, seuls demeurèrent en place six grands orthostates, qui constituaient la paroi interne du bassin sur 4,60 m à partir de son angle Nord-Est (pl. XXIV). Ce sont de grands blocs de calcaire en réemploi, de hauteurs équivalentes, soit de 1,10 m environ. Les cinq premiers à compter de l’Est étaient scellés entre eux par des agrafes en pi. L’ensemble constitué par les orthostates et le muret qui les doublait atteignait une épaisseur d’environ 0,40 m. Comme le fait observer J.-Ch. Moretti, la place des six orthostates s’explique probablement par la nécessité de renforcer le muret à l’endroit où la canalisation débouchait dans le bassin. Au Sud, à 4,30 m du front du pulpitum, le muret de la kolymbèthra présentait au ras du sol un trou carré de 0,20 m de côté. Il assurait l’évacuation de l’eau, qui passait ensuite par le caniveau de l’orchestra. Un escalier était adossé au mur du bassin (pl. XXIV). On a en effet retrouvé deux marches, construites avec des blocs de remploi. Un degré supplémentaire devait suffire pour atteindre le sommet du muret. Cet escalier était situé non pas dans l’axe du théâtre, mais légèrement décalé vers le Nord pour se trouver face à la tribune aménagée à l’époque romaine dans la cavea. Cette tribune, destinée aux spectateurs de marque, assurait à ceux-ci, lors des spectacles aquatiques, une meilleure visibilité que l’ancienne proédrie située trop près du rebord du bassin. Au centre de la frons pulpiti se trouve un escalier que deux coups de sabre dans l’appareil de briques isolent du reste du front. Cet escalier de briques a conservé deux marches en saillie sur le reste du parement. La densité de l’appareil permet de rapprocher cet escalier des autres constructions liées à l’installation de la kolymbèthra105. Il faut observer en outre que le bassin n’englobait aucun des autres escaliers de la frons pulpiti, installés aux extrémités de celle-ci. Il est donc très vraisemblable que l’escalier central fut installé pour mettre le bassin en communication avec le pulpitum. Par ailleurs, un mur en opus incertum masque le parement Est de la frons pulpiti qu’il double sur la quasi-totalité de sa longueur. Au Nord et au Sud, ce mur vient buter contre deux autres murs qui avaient été construits perpendiculairement à la frons pulpiti pour soutenir les deux mosaïques déjà
105 J.-Ch. Moretti fait toutefois observer que le calcul, fait sur un très petit nombre de briques, doit être exploité avec précaution.
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évoquées. Aucune trace d’encastrement pour les poutres supportant le plancher du pulpitum n’a été relevée sur sa crête. Cette structure, en elle-même, serait difficile à dater. Toutefois, dans la mesure où elle recoupe les murs de soutènement des mosaïques, elle est nécessairement postérieure à ces dernières. D’autre part, ce mur semble avoir été construit pour renforcer la frons pulpiti, ce qui ne put devenir nécessaire que lorsque celle-ci eut à résister à la pression des eaux du bassin. Il faut donc rattacher la construction de ce mur à l’époque de la kolymbèthra. En outre, deux autres murets, de direction Est-Ouest, faisaient la jonction entre la frons pulpiti et la frons scaenae, à environ 8,50 m de part et d’autre de l’axe du théâtre. L’ensemble n’était liaisonné ni aux murs soutenant le plancher du pulpitum ni à ceux sur lesquels reposaient les mosaïques. Ces murs devaient servir eux aussi à renforcer la frons pulpiti à l’époque de la kolymbèthra. Ils furent détruits en 1956. Enfin, dans la partie antérieure Nord du pulpitum, on a découvert en 1956 trois pierres circulaires, percées en leur centre d’une grande mortaise carrée. Le niveau de leur lit d’attente semble avoir été proche de celui du pulpitum. On a pu y ficher des mâts supportant des décors mobiles. Il est probable que cette installation tardive ait été en rapport avec les spectacles de la kolymbèthra. De fait, l’escalier d’accès qui reliait la kolymbèthra au pulpitum prouve que celui-ci était également utilisé lors des mises en scène aquatiques. d) Le conduit d’évacuation Le caniveau d’évacuation des eaux, bordant l’orchestra, datait du premier état du théâtre. Il est taillé dans la partie médiane et construit sur les côtés. Sa largeur varie de 0,365 m à 0,43 m, sa profondeur est de 0,40 m. Au Nord on le perd dans le remblai de l’orchestra, mais il se prolongeait probablement jusqu’à l’angle Nord de la cavea. Au Sud on le suit tout le long de son parcours, sous la frons pulpiti, puis sous le bâtiment de scène qu’il traverse dans toute sa largeur pour rejoindre la rue du théâtre. Cette dernière partait perpendiculairement au postscaenium, au coin Sud-Est du théâtre. Elle était empruntée par de nombreux caniveaux pour descendre vers l’agora et n’avait pas son équivalent au Nord. C’est ce qui explique le fait que le caniveau n’ait qu’un seul débouché, du côté Sud. On ne relève pas de transformation notable de ce conduit à l’époque de la kolymbèthra. À partir du trou ménagé dans le mur de cette dernière, qu’une vanne permettait sans doute d’ouvrir à volonté, l’eau du bassin se déversait dans le caniveau tout proche. e) Contexte favorable et éléments de datation Malgré des finances assez réduites, la cité d’Argos, durant l’époque impériale, adopta pour son théâtre tous les spectacles susceptibles d’y être présentés et tous les nouveaux aménagements de confort et de prestige propres aux théâtres romains. Ainsi, avant qu’une kolymbèthra y soit aménagée, l’orchestra du théâtre d’Argos fut aussi adaptée aux spectacles de l’arène. Il s’agit là également du seul théâtre grec, avec le théâtre de Dionysos à Athènes, dont le koilon fut pourvu d’une tribune et d’un velum. Pour Argos, la proximité de Corinthe explique sans doute ces transformations qui témoignent,
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comme le fait observer J.-Ch. Moretti, d’un important impact du modèle culturel romain106. Pour déterminer l’époque où fut installée la kolymbèthra, le seul indice que nous possédions est une inscription (SEG XVI, 257) réemployée dans une branche de ce canal. Elle fut gravée après 166, probablement en 169. La construction de la kolymbèthra ne saurait donc être antérieure à cette date. Selon P. Aupert107, le canal date du début du IVe siècle. Telle est plus généralement la date proposée pour tous les aménagements liés à la kolymbèthra. Cette dernière relève donc de la période où les installations de ce type furent les plus nombreuses. Elle s’explique sans doute elle aussi par l’influence de Corinthe et plus généralement du modèle romain. L’abandon du monument se situe vers la fin du IVe siècle. La kolymbèthra resta donc en usage durant peu de temps.
Le théâtre de Dionysos à Athènes108 a) Présentation générale du théâtre Le théâtre de Dionysos à Athènes (pl. XXV) est adossé au flanc de l’acropole. Il faisait partie du sanctuaire de Dionysos. Il est orienté au Sud. Le théâtre conservé est celui qui fut dédié par Lycurgue en 325 av. J.-C., ou peu de temps auparavant. Il est contemporain du second temple de Dionysos. Le bâtiment scénique du théâtre de Lycurgue fut restructuré dans la 1ère moitié du IIe siècle av J.-C. La frons scaenae est romaine, et date de 61-62 ap. J.-C. Sa décoration sculptée est de l’époque d’Hadrien. Les combats de gladiateurs attestés par Dion Chrysostome (XXXI, 121) n’ont pas laissé de traces certaines. Localisé dès 1765, le théâtre a été dégagé à partir de 1838. Des murs jugés récents ont alors été en partie déposés. La cavea, de l’époque de Lycurgue, repose sur la pente naturelle de la colline. Elle devait comporter à l’origine environ 78 gradins pour une capacité de 14000 à 17000 places. Le maenianum inférieur a un plan en fer à cheval, la partie supérieure de la cavea est à plan irrégulier et épouse le terrain, en respectant du côté Est l’Odéon de Périclès préexistant. Du maenianum inférieur, 20 gradins sont conservés, divisés en 13 secteurs. La subdivision de la summa cavea n’est pas connue. Il existait une proédrie, formée originellement de 67 sièges. Quelques autres vinrent s’y rajouter par la suite. Le bâtiment scénique originel comportait des paraskênia et à l’arrière un portique qui s’ouvrait à un niveau inférieur. À l’époque hellénistique, probablement dans la seconde moitié du IIe siècle, fut construit un proscenium J.-Ch. Moretti, op. cit., p. 238. P. Aupert, Études d’architecture et d’histoire grecque à l’époque impériale. La ville d’Argos au premier et au second siècle, Thèse de doctorat d’État, Université de Paris X (1988), p. 133 (inédit, pagination du manuscrit). 108 E. Fiechter, Das Dionysos-Theater in Athen, Stuttgart, Kolhammer, 1950, p. 82; G. Traversari, op. cit., p. 27-31, fig. 6-8; L. Polacco, Il teatro di Dionisio Eleutereo ad Atene, Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1990, p. 183-184. 106
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à 14 colonnes et les paraskênia furent réduits. À l’époque romaine, le bâtiment scénique fut refait. De la frons scaenae il ne reste que les fondations. La reconstruction de l’élévation est controversée. Le proscenium était haut de 1,50 m environ. Vers 300 ap. J.-C., toute sa façade fut ornée de reliefs de marbre en réemploi. Une inscription attribue cette réfection à un certain Phèdre. En arrière de ces reliefs, on trouve un mur de pierres appareillées qui leur préexistait (pl. XXVI). Derrière lui courait le canal de l’auleum. L’orchestra, d’un diamètre de 19,61 m, possède un dallage de marbre qui remonte à l’époque romaine impériale. Au centre demeure la base d’un autel rond. Elle était délimitée par un caniveau d’écoulement des eaux. À l’origine, le caniveau était entièrement découvert et traversé par 12 ponts constitués par une seule dalle de pierre, en correspondance des 12 escaliers de la cavea. Puis, il fut recouvert de dalles de marbre avec une ouverture circulaire en rosette. Avec un saut de 1,75 m, il se raccordait dans l’angle Sud-Est de l’orchestra à un conduit rectiligne qui traversait le bâtiment de scène pour conduire les eaux hors du théâtre. Sur le bord extérieur de l’euripe semi-circulaire, en retrait de 0,24 m, des plaques de marbre insérées dans une rainure continue profonde de 2 cm constituaient un parapet, haut de 1,10 m. b) L’alimentation en eau de la kolymbèthra Lors des premières fouilles réalisées dans l’orchestra, un conduit rectangulaire en terre cuite fut retrouvé sur son sol même. Sa largeur était de 13 × 17 cm. On ne sait d’où venait l’eau, car aucune fouille ne fut réalisée alors dans le prolongement de ce conduit, dont les restes ont aujourd’hui disparu. Selon G. Traversari, il est probable que le complexe et important système de canalisations qui courait sur les pentes méridionales de l’acropole, riche de citernes, de sources et de puits, était de quelque manière connecté à l’orchestra du théâtre. c) La kolymbèthra À une époque tardive, les rosettes et les plaques de couverture de l’euripe semi-circulaire furent cimentées avec du mortier de façon à obtenir un pavement entièrement imperméable. En outre, toujours au cours de l’ultime phase édilitaire du monument, le parapet de marbre entourant l’orchestra derrière l’euripe fut renforcé sur le revers par un petit mur d’une hauteur indéterminée, épais de 0,53 m (pl. XXVII & fig. 31 a). Il était composé de fragments de roches, de pierres en réemploi et recouvert d’un mortier imperméable. Ses extrémités se soudaient au proscenium. Les reliefs décorant ce dernier furent alors recouverts d’un enduit étanche, de façon à faire disparaître toutes les figures. Ainsi fut réalisé un bassin étanche. Un mur de même facture que celui qui doublait le parapet vint également renforcer le mur de pierres appareillées qui servait de support aux reliefs, afin de mieux résister à la pression de l’eau. Il fut réalisé au-dessus de la fosse de l’auleum, qui fut donc supprimée. Au centre du proscenium fut
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Fig. 31 – Théâtre de Dionysos à Athènes. Section du muret de la kolymbèthra (Traversari 1960, fig. 8).
aussi réalisé un petit escalier de matériaux de réemploi qui donnait accès à l’orchestra. L’escalier comprend quatre gradins de marbre juxtaposés et non liant avec la structure du proscenium. Un pavement de marbre vint remplacer le plancher de bois de l’estrade. Ainsi fut réalisée une véritable piscine orchestrale (pl. XXVIII). d) Le conduit d’évacuation Au niveau de sa connection avec le conduit d’évacuation rectiligne, le caniveau semi-circulaire de l’orchestra a été découvert bloqué par un mur, exécuté avec le même matériau que le contrefort du parapet de marbre et le mur doublant le proscenium. Seul un tube de terre cuite, d’un diamètre de 11 cm, permettait de faire s’écouler l’eau ou au contraire, s’il était bouché, de la retenir (fig. 31 b). Par ailleurs, légèrement à l’Ouest en avant de l’escalier central qui reliait l’estrade à l’orchestra, sous le pavement de cette dernière, ont été retrouvés deux petits murs grossiers en pierres et briques, qui constituent l’accès d’un
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canal de vidange que E. Fiechter109 a mis au jour mais qu’il n’a pas exploré. Ce canal est contemporain de l’escalier. L. Polacco propose d’y voir un conduit de vidange de la kolymbèthra. Il aurait ensuite suivi la trajectoire de l’ancien canal de l’auleum, désormais enseveli sous le nouveau mur de soutènement du proscenium, pour aller se jeter dans le conduit d’évacuation principal, au Sud-Est. Cette hypothèse n’a cependant pas été vérifiée. Si elle était exacte, il faudrait admettre que la kolymbèthra se vidangeait à la fois par l’ancien euripe, vraisemblablement par un orifice placé dans l’angle SudEst de l’orchestra, et par ce nouveau conduit d’évacuation. e) Éléments de datation Sans se prononcer de manière plus précise, E. Fiechter date les installations hydrauliques entre IVe et le VIe siècle, période de diffusion des piscines théâtrales. Par ailleurs, on sait à présent qu’une basilique chrétienne a été construite dans la parodos Est vers la fin du Ve siècle. Le théâtre était donc hors d’usage à cette époque. Par conséquent, la kolymbèthra doit dater de la première moitié du Ve siècle environ.
Le théâtre de Corinthe110 a) Présentation générale du théâtre Le théâtre de Corinthe (fig. 32) a été dégagé entre 1887 et 1928 et de nouveaux sondages ont été réalisés de 1983 à 1988. Il est situé à 250 m environ au Nord-Ouest de l’Agora d’époque romaine. Il s’appuie sur la pente séparant le niveau de l’Agora de celui d’une terrasse en contrebas, sur laquelle était situé l’Asclépeion. Il est orienté au Nord. La cavea grecque, qui dépasse le demi-cercle, repose sur la pente naturelle, sauf les gradins supérieurs qui s’appuient sur un terre-plein artificiel. D’après le matériel retrouvé dans ce dernier, la cavea durant sa première phase, de la fin du Ve ou du début du IVe siècle, s’arrêtait au 45e rang de gradins. Elle fut ensuite prolongée dans la seconde moitié du IVe siècle. Elle était divisée en 14 sections par 15 escaliers et comptait une soixantaine de rangs de gradins. Ces derniers avaient un profil rectangulaire très simple. À la fin de l’époque hellénistique, une praecinctio fut ménagée au niveau de la 20ème rangée. La capacité de cette cavea était d’environ 15000 places.
E. Fiechter, op. cit., p. 42. R. Stillwell, Corinth II. The Theater. Results of the excavations conducted by the American school of classical studies at Athens, Princeton, 1952; Ch. K. Williams et O. H. Zervos, Corinth, 1984 : East of the Theater in Hesperia, 54, 1, 1985, p. 55-96, pl. 6-18; Corinth 1985 : East of the Theater, in Hesperia, 55, 1, 1986; p. 123-163, pl. 25-37; Corinth, 1987 : South of the Temple E and East of the Theater, in Hesperia, 57, 1988, p. 95-146 pl. 33-44; Corinth, 1988 : East of the Theater, in Hesperia, 58, 1989, p. 1-36 pl. 1-13; Y. A. Lolos, The Hadrianic aqueduct of Corinth, with an appendix on the Roman aqueducts in Greece, in Hesperia, 66, avriljuin 1997, p. 271-314; H. P. Isler in TGR II, p. 153-155. 109 110
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Fig. 32 – Le théâtre de Corinthe (Stillwell 1952, pl. IV).
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Le sol des parodoi resta toujours incliné vers l’orchestra. À l’époque du théâtre grec, elles étaient délimitées au Sud par les analemmata et au Nord par deux rampes qui donnaient accès au logeion. Dans la parodos Est, un bassin fut aménagé à l’époque hellénistique. Il était alimenté par un conduit qui passait sous l’angle Nord-Est de la cavea. Au Sud de cette dernière, le conduit était divisé en deux branches qu’on peut suivre sur quelques mètres seulement et dont on ignore la provenance. L’orchestra, d’un diamètre de 23,40 m, fut creusée dans la roche pour augmenter la pente de la cavea. Elle était entourée d’un profond caniveau de 0,52 m de large et de 0,63 m de profondeur, traversé par 9 ponts correspondant aux 9 escaliers centraux de la cavea. Ce caniveau était prolongé au Nord-Est par un conduit d’écoulement de même largeur, mais plus profond, formé de dalles de pierre. Il passait sous la parodos Est pour évacuer l’eau hors du théâtre. Dans la première moitié du IIIe siècle av. J.-C., on construisit le premier bâtiment scénique stable. Il avait un plan rectangulaire et était large de 10 m. Devant s’étendait le proscenium. Il subsiste dans la roche les tranchées de fondation de sa colonnade. Deux passages souterrains partaient des deux extrémités de la scène pour aboutir dans l’orchestra, devant le proscenium. Lors de la restauration romaine du théâtre, après une période d’abandon consécutive au sac de Corinthe en 146 av. J.-C., la cavea prit la forme d’un demi-cercle d’un diamètre de 121 m. Elle fut rehaussée par rapport à la cavea grecque, grâce à un terre-plein artificiel stabilisé au moyen de murs rayonnants. Le matériel retrouvé dans ce terre-plein permet de dater une partie au moins de ces travaux de l’époque d’Auguste. La cavea comptait alors 2 maeniana, séparés par une praecinctio au niveau du 45ème rang. Un passage de même largeur courait également au sommet de la cavea. On ignore le nombre exact des gradins, mais le théâtre romain dépassait certainement en capacité le théâtre hellénistique. D’après la position des murs rayonnants et la largeur plus importante de certains d’entre eux, qui devaient supporter les escaliers, le nombre et la répartition de ces derniers devait être analogue à ceux du koilon grec. Derrière la cavea, sur le côté Est, on a retrouvé une rampe d’accès menant au sommet de la cavea. La reconstruction des analemmata Est et Ouest perpendiculairement à l’axe central du théâtre eut sans doute lieu au début du réaménagement romain. Ces analemmata étaient renforcés par des contreforts. Après un tremblement de terre, survenu en 77 ap. J.-C., de nouveaux piliers plus larges furent ajoutés entre les contreforts antérieurs, ainsi que sur le mur opposé, bordant les parodoi. Ces dernières se divisaient en 2 parties. La première suivait sur 20 m environ les analemmata, la seconde partie était un aditus voûté auquel on accédait par une entrée qui s’ouvrait dans le mur Sud de la parodos. À peu près à la même époque, dans l’orchestra remaniée, un bassin fut creusé au pied du pulpitum. Il mesurait 1,80 m de large sur plus de 20 m de long et ses parois étaient revêtues d’un enduit hydraulique. Sa profondeur actuelle, sous le niveau des revêtements qui l’ont ensuite recouvert, est de 0,35 m. Un trou situé à son extrémité Est débouchait dans le conduit d’évacuation du théâtre. Du 1er bâtiment de scène romain, il ne reste que quelques fondations,
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que des études stratigraphiques permettent de dater de l’époque augustéenne. Il avait une frons scaenae droite, d’après les fragments architectoniques retrouvés qu’on peut lui attribuer. Il ne reste rien de son pulpitum. La position des parodoi permet de supposer qu’il devait se trouver à peu près sur la même ligne que celui dont on a conservé les fondations. Les trous des poteaux qui supportaient le rideau de scène correspondant à ce pulpitum ont été retrouvés. Une cour entourée d’une colonnade s’étendait derrière le bâtiment de scène, sur toute sa longueur. D’après la qualité de sa maçonnerie, cette cour date de la première phase romaine du théâtre. On y accédait depuis la rue par une entrée située au centre de son côté Nord et trois autres entrées, correspondant aux trois exèdres de la frons scaenae, la mettaient en communication avec cette dernière. Au milieu du côté Sud de la colonnade se trouvait un petit bassin. On ignore comment il était alimenté. Au IIe siècle ap. J.-C. eurent lieu d’importants travaux de réfection dans le théâtre. Ainsi, la surface de l’orchestra entre le bassin au pied du pulpitum et le caniveau hellénistique fut pavée de marbre. Dans ce but, cette zone fut recreusée jusqu’au niveau de la roche, faisant disparaître les sols antérieurs et une couche de débris de poros, consolidée par du ciment, y fut étendue pour servir de fondation. Elle vint également remplir le caniveau et le bassin. De ce dernier il subsista toutefois, grâce à un mur réalisé dans sa partie Nord, une bande de 0, 50 m. Le canal ainsi créé se prolongeait à l’Est et à l’Ouest en taillant le mur du bassin. Du côté Est, il aboutissait au conduit d’évacuation du théâtre. Ce canal fut sans doute destiné à l’évacuation des eaux pluviales sur le sol que le pavage de marbre rendait imperméable. Des fragments de décoration architectonique et de frises permettent de dater également du IIe siècle, et plus précisément du règne d’Hadrien, une réfection complète du bâtiment scénique. Comme le précédent, il mesurait 60 m de long, soit presque l’équivalent exact du rayon de la cavea. Sa profondeur sans inclure le pulpitum était de 8 m. La nouvelle frons scaenae fut ornée de niches cintrées et de plusieurs ordres de colonnes superposées, et entièrement revêtue de marbre. Selon le schéma classique, les deux plus petites niches, où s’ouvraient chaque porta hospitalis, jouxtaient la plus grande, celle de la porta regia. Ces portes étaient encadrées par des pilastres, devant lesquels on peut reconstituer deux colonnes libres. À chaque extrémité du bâtiment de scène se trouvaient deux escaliers qui menaient aux tribunes situées au-dessus des accès latéraux, et peut-être à l’étage supérieur du bâtiment. Une petite pièce située derrière chaque porta hospitalias donnait accès à une autre pièce un peu plus grande, aux deux extrémités du bâtiment. Du pulpitum de cette époque, il ne reste que la première assise de fondation, mais on peut penser qu’il était orné de niches. Derrière lui se trouvaient une tranchée pour le rideau de scène, d’une largeur de 1 m environ, les trous où étaient fichés les poteaux supportant ce rideau, et la chambre de manœuvre d’où l’on pouvait l’actionner. Dans l’un des trous de poteau fut retrouvée une pièce de l’époque d’Hadrien, ce qui incite à dater la réalisation de la frons pulpiti qui lui correspond du règne de cet empereur. Tous ces dispositifs furent supprimés lors de l’installation de l’arène et les matériaux de comblement qui y furent retrouvés montrent qu’ils ne furent jamais remis en service.
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À l’Est et à l’Ouest furent réalisées deux vastes salles de 14 × 8 m, séparées du bâtiment scénique par un passage qui descendait en pente douce avant de déboucher à angle droit dans les parodoi. Ces deux salles étaient construites en blocs de réemplois qui proviennent certainement du premier état du théâtre. Elles sont contemporaines de la grande réfection du IIe siècle. L’épaisseur de leurs murs ne permettant pas de leur supposer une couverture voûtée, on doit admettre que la toiture de ces salles devait reposer sur des poutres de bois. Leur sol originel était de terre battue. Lors de leur construction, celui des murs de ces deux salles qui s’ouvrait sur le passage et faisait face au bâtiment de scène était percé de 5 portes, qui furent très rapidement murées. La salle Est possédait aussi une vaste porte au Sud, presque devant l’entrée des aditus voûtés. Il en était probablement de même de la salle Ouest, très mal conservée. C’est sans doute à l’occasion de la réalisation de ces salles que l’entrée originelle dans les aditus Est et Ouest fut fermée et qu’une nouvelle porte, plus étroite, fut réalisée à côté de l’ancienne, entaillant le mur Sud de la parodos au niveau des extrémités du bâtiment de scène. Ces nouvelles entrées faisaient face aux deux passages venant du Nord qui longeaient le bâtiment de scène et les nouvelles salles latérales. Lors d’un aménagement du théâtre pour les spectacles de l’arène, la cavea fut remaniée. Les 9 gradins du bas furent retirés pour l’érection du mur de protection de 3,50 m de haut environ, qui séparait l’arène des spectateurs. Ce podium fut entièrement stuqué et peint de scènes de chasse. Le style des peintures permet de les dater du IIIe siècle ap. J.-C. La stratigraphie des remblais contenus par les murs rayonnants de la cavea montre en outre que la pente de cette dernière fut accentuée à cette même époque. Une troisième praecinctio fut également réalisée au niveau du 18e rang de gradins, ainsi qu’une colonnade à l’arrière de la cavea Le sol de sable mêlé d’argile de l’arène se trouve à peu près au même niveau que le pavement de marbre du IIe siècle qu’il remplaça. Aucun euripe ne semble en rapport avec cette arène, ce qui témoigne de la hâte avec laquelle elle fut réalisée. L’inclinaison de sa surface vers le Nord-Est, où se trouvait le conduit d’écoulement principal, dut être jugée suffisante pour évacuer les eaux pluviales. La transformation en arène de l’orchestra entraîna également la suppression du caniveau hellénistique. Dans les matériaux de comblement dont il fut alors rempli, on a retrouvé des fragments de marbre qui correspondent certainement au pavement du IIe siècle. Seule fut conservée sa section située entre le 2e et le 3e pont en partant de l’Est. En effet, l’absence à son niveau d’une couche de comblement bien définie incite à penser qu’elle eut quelque usage en rapport avec l’arène. Elle fut élargie et des applications de ciment sous les deux ponts supprimèrent toute communication avec le reste du caniveau. Des trous de poteaux entouraient le bassin ainsi constitué. S’appuyant sur un relief de Sofia représentant une scène de chasse où apparaît un crocodile, R. Stillwell voit dans cette installation un bassin surmonté d’une cage, susceptible de contenir un de ces animaux. Le pulpitum du IIe siècle fut entièrement détruit lors de l’adaptation de l’orchestra aux uenationes. En effet, à l’exception de ses extrémités Est et Ouest qui n’étaient pas englobées dans le périmètre de l’arène, ses fondations furent retrouvées sous le sol du théâtre cynégétique. Un mur de blocs de réemploi, de facture grossière, où l’on retrouve des plaques de marbre du
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pavement précédent, fut élevé à sa place devant la scène, rejoignant les extrémités Nord des parodoi. R. Stillwell111 propose de situer ces aménagements, dont le plus important fut la transformation de l’orchestra en arène, du début du IIIe siècle et plus précisément du règne de Caracalla. En effet, selon Dion Cassius (LXXVII, 9, 7), lors du séjour de cet empereur passionné de uenationes en Thrace, en Troade et en Syrie, de nombreux théâtres cynégétiques furent hâtivement édifiés là où il passait. Bien que Caracalla ne se soit pas rendu en Grèce avant son assassinat, R. Stillwell estime que la transformation aurait pu être réalisée dans l’éventualité de son passage, sur la route du retour vers Rome. b) L’alimentation en eau de la kolymbèthra L’origine précise de l’alimentation en eau du théâtre n’a pas encore été déterminée. Toutefois, Corinthe possédait sur ce point des ressources très supérieures à la moyenne, grâce à de nombreuses sources qui jaillissaient sur son site même112. Elle était en outre alimentée par plusieurs aqueducs113. Hadrien, notamment, en fit construire un grand114, dont les vestiges ont permis de reconstituer le tracé. Il amenait jusqu’à Corinthe l’eau de l’une des sources qui alimentaient le lac Stymphale, à une cinquantaine de km à l’Ouest de Corinthe. Ses traces s’arrêtent sur les pentes Nord-Ouest de l’Acrocorinthe. Son dernier tronçon et le castellum diuisorium d’où devait partir la distribution de ses eaux dans la ville ne sont pas conservés, mais il fournissait à la cité un apport considérable : son débit peut être approximativement calculé autour de 80000 m3 par jour115. Par ailleurs, les bains retrouvés au Nord du théâtre montrent qu’une conduite importante aboutissait dans ce secteur116. Quelle qu’en ait été l’origine exacte, l’alimentation de la citerne du théâtre était donc aisée à assurer. On sait en outre qu’avant la kolymbèthra, le théâtre de Corinthe possédait quelques installations hydrauliques. La plus ancienne est le petit bassin d’époque hellénistique découvert dans la parodos Est. Une fontaine ornait également le portique situé derrière le théâtre. Mais surtout, il faut rappeler la réalisation, lors de la première phase de réfection romaine, d’un bassin placé au pied du pulpitum, sur toute sa longueur. R. Stillwell estime qu’il s’agissait d’un dispositif lié aux sparsiones et il le compare aux bassins du théâtre de Pompéi qu’il interprète de la même façon. Mais il pourrait aussi s’agir d’un bassin associé à une fontaine décorative ménagée dans le pulpitum. L’arrivée d’eau qui l’alimentait, tout comme celle de la fontaine de la cour située derrière le théâtre, n’a toutefois pas été retrouvée. Lors de l’aménagement de la kolymbèthra, la salle latérale du bâtiment de scène du côté Est fut transformée en une vaste citerne (fig. 33). Son sol
R. Stillwell, op. cit., p. 94-97. Y. A. Lolos, op. cit., p. 298. 113 Ibidem, p. 273 et n. 5. 114 Pausanias, II, 3, 5 et VIII, 22, 3. 115 Y. A. Lolos, op. cit., p. 295. 116 Ibidem, p. 297. 111
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Fig. 33 – Théâtre de Corinthe. Le bassin installé dans la parodos Est au débouché de la citerne (Stillwell 1952, fig. 44).
fut pavé de larges plaques de terre cuite carrées, reposant sur une fine couche de mortier étendue sur le sol de terre battue antérieur. Ses murs furent recouverts d’un épais enduit étanche, mêlé de débris de tuiles et de graviers, et on renforça les angles par une moulure en quart de cercle réalisée avec ce même enduit. Sur l’une des parois, on relève des graffiti représentant des navires. On ignore la hauteur exacte de cette pièce Est. Dans l’angle Sud-ouest, le revêtement hydraulique est conservé jusqu’à une hauteur de 1,80 m. Une profondeur d’un peu moins de 3 m aurait donné à la citerne une capacité de 300 m3, suffisante pour permettre au niveau de l’eau de la kolymbèthra d’atteindre 1 m, ce qui semble la profondeur maximale qu’elle pouvait atteindre, d’après les quelques dalles conservées de son parapet. L’ouverture méridionale qui s’ouvrait auparavant sur la parodos fut solidement murée par de larges blocs de poros. À la base de cette maçonnerie, un bloc de marbre en réemploi percé d’un trou carré central permettait à l’eau de s’écouler dans un petit bassin rectangulaire de 2,30 × 1,60 m. Sur sa face intérieure, on relève une rainure taillée tout autour pour recevoir une lourde clôture de bois. Dans la mesure où ce bassin occupait une bonne part de la largeur de la parodos, il devait y gêner considérablement la circulation.
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À partir du bassin un conduit de 0,80 m de large et de 0,60 m de profondeur conduisait l’eau sous la uersura Est, puis sous l’extrémité Est du bâtiment de scène, juste devant la niche Est de la frons scaenae. Toute trace de ce conduit est perdue au-delà, mais il devait déboucher, à travers le mur du pulpitum, dans la kolymbèthra. Sur sa partie conservée, ce conduit est solidement construit de dalles assemblées bord à bord ou taillées en L. Il était couvert et on a retrouvé au-dessus de sa couverture quelques fragments du dallage du passage venant du Nord qui passait entre le bâtiment de scène et la citerne, ce qui montre que ce corridor était toujours en usage. À l’époque byzantine, alors que le théâtre était désormais hors d’usage, une citerne revêtue d’un enduit étanche fut encore ménagée dans l’angle Nord-Est de ce grand réservoir, signe que l’arrivée d’eau qui aboutissait à cet endroit était toujours en service. Un réservoir de briques fut également construit dans l’angle Nord-Est de la cour située derrière le théâtre et une petite citerne revêtue d’un mortier hydraulique rougeâtre fut ménagée dans la pièce située à l’angle Nord-Est du bâtiment de scène. c) La kolymbèthra Lorsque le théâtre cessa d’être utilisé pour les spectacles de l’arène, une orchestra fut rétablie, d’un diamètre de 27,40 m. Elle fut alors à nouveau pavée de marbre. Au-dessus du sol de l’arène, on relève une couche de ciment mêlé de débris de pierre, de fragments de tuiles et de morceaux de marbre. Cette couche servit de radier au pavement. Les plaques de ce dernier qui subsistent, assez irrégulièrement posées, correspondent peut-être à une réfection ou à une simple réparation d’un pavement antérieur plus soigné. L’orchestra possédait donc un revêtement étanche, à même de servir de fond à un bassin. À environ 0,50 m à l’extérieur du caniveau d’époque hellénistique, un autre caniveau a été découvert. Large de 1,10 à 1,16 m, profond de 0,14 m seulement, il était fait de larges blocs de calcaire et tournait tout autour de l’orchestra jusqu’au pulpitum (pl. XXIX). Ces blocs de calcaire se prolongeaient sur 0,30 m au-delà du bord extérieur du caniveau et les premiers rangs de sièges rétablis devant l’ancien podium du fait de la suppression de l’arène reposaient partiellement sur eux. Quelques irrégularités dans leur pose semblent indiquer que le caniveau subit au moins une réfection. À 0,08 m environ au-delà du bord intérieur du caniveau, les blocs qui les composaient furent creusés par une rainure destinée à recevoir des dalles de marbre épaisses de 0,15 m, goujonnées de place en place à la rainure et solidement fixées les unes aux autres par des crampons. Il n’en reste que quelques fragments, dont un bloc en réemploi. Ces dalles formaient un parapet haut de 0,95 m, dont les extrémités se joignaient au pulpitum. L’irrégularité des trous des goujons dans la rainure montre que le parapet fit l’objet de plusieurs réfections. Il fut aussi renforcé extérieurement, dans un second temps, par un mur en opus caementicium, épais de 0,30 m. Juste derrière la ligne formée par les blocs du caniveau, du côté Est, R. Stillwell a relevé une dépression irrégulière, connectée à un petit canal passant au-dessous de celui qui dessert le caniveau actuellement conservé. Ce canal se jetait aussi dans le conduit d’écoulement principal. Il est possible qu’il s’agisse là des traces d’un état antérieur du même caniveau.
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Lorsque l’arène fut supprimée, on réalisa un nouveau pulpitum de 1,35 m d’épaisseur, reposant sur le revêtement de l’ancienne arène. La nouvelle frons pulpiti se trouvait à 0,90 m au Nord de la précédente. À son extrémité Est, ses assises supérieures sont conservées. Ce pulpitum était construit de façon assez grossière, en blocs de réemploi, et sa hauteur était de plus de 1,50 m. On ignore s’il était orné de niches, mais comme pour son prédécesseur, l’épaisseur de ses fondations incite à l’envisager. Une petite partie du revêtement de la frons pulpiti a été retrouvée, avec des moulures basses et les tronçons de petits pilastres qui divisaient le pulpitum en panneaux. Ce revêtement de marbre était appliqué sur une épaisse couche de mortier. La frons pulpiti possédait donc un revêtement étanche et pouvait servir telle quelle de mur Nord au bassin. Durant cette dernière phase du théâtre, aucun auleum ne fut prévu. En effet, aucun des trous de mâts retrouvés ne correspond à ce pulpitum et la fosse du rideau, comblée lors de la réalisation de l’arène, ne fut pas remise en service. Quels qu’aient été les autres spectacles éventuellement présentés à cette époque dans le théâtre de Corinthe, il est certain qu’un rideau de scène n’avait aucune utilité en rapport avec les hydromimes. d) Le conduit d’évacuation L’eau du bassin était évacuée par le conduit d’écoulement en service depuis l’époque du théâtre hellénistique et qui durant la première phase romaine évacuait aussi l’eau du bassin situé au pied du pulpitum. De direction Nord-Est, ce conduit passait sous le pulpitum, puis sous le bâtiment scénique au niveau de l’exèdre orientale et de la pièce située derrière. Il traversait ensuite l’angle Sud-Est de la colonnade, avant de rejoindre le réseau d’évacuation de la ville. Le bassin se vidait sans doute par l’orifice situé à son extrémité Nord-Est, qui lui permettait de se déverser dans le conduit. La largeur du caniveau d’époque tardive, réalisé après la suppression de l’arène, est disproportionnée avec une simple fonction d’évacuation des eaux pluviales. Il est donc probable qu’il faille mettre sa réalisation en rapport avec celle de la kolymbèthra, comme le propose R. Stillwell. Il était certainement destiné à recueillir l’eau qui pouvait jaillir du bassin durant le spectacle. Cette eau était ensuite évacuée à travers une dalle percée de quelques trous dans un petit canal souterrain. Ce dernier, partant de l’extrémité Est du caniveau, rejoignait le conduit d’évacuation principal. Il existait également un petit caniveau d’écoulement des eaux entre la dernière frons pulpiti du théâtre et la limite du pavement de marbre de la kolymbèthra. R. Stillwell estime qu’il devait être utilisé pour l’évacuation des eaux pluviales lorsque la kolymbèthra, dans laquelle il devait se trouver englobé, était à sec. e) Éléments de datation Le sol de l’arène a laissé des traces derrière le caniveau le plus tardif, car cet espace ne fut pas recouvert par le pavement postérieur. Au niveau de ce caniveau, du côté Est, des fragments de stucs peints qui avaient orné le mur de l’arène ont été découverts. En outre, les premiers gradins ajoutés après la suppression de l’arène au bas de la cavea s’appuyaient partiellement sur les
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blocs qui formaient le caniveau. On peut en conclure que ce dernier, tout au moins, est contemporain du premier remaniement du théâtre consécutif à la suppression de l’arène. Or, si on considère que le caniveau fut créé pour évacuer le trop-plein du bassin, ce dernier doit être également contemporain du rétablissement de l’orchestra. R. Stillwell, quant à lui, ne doute pas de la contemporanéité des deux installations, puisque les traces d’un état antérieur du caniveau, d’un rayon plus large, sont interprétées par lui comme un indice de deux états successifs du bassin lui-même. R. Stillwell situe le retour du théâtre à son ancienne destination autour de 225, lorsque l’odéon, détruit par un incendie, fut lui-même aménagé en arène. Ainsi Corinthe, qui possédait d’ailleurs aussi un amphithéâtre pour les spectacles de grande envergure, était doté d’un petit théâtre cynégétique qui rendait inutile toute autre installation. R. Stillwell, considérant la rapide dégradation menaçant les peintures du mur d’enceinte, exposées comme elles l’étaient à l’air et aux intempéries, ainsi que quelques détails comme l’absence d’un euripe d’évacuation des eaux spécifique à cette période, ou la construction peu soignée du mur du podium, estime que l’aménagement du théâtre en arène fut de courte durée. Il le lie à une occasion ponctuelle, en l’occurrence la présence de Caracalla en Orient, qui aurait nécessité l’aménagement d’un théâtre cynégétique suffisamment vaste, dans l’éventualité de sa visite. Dès lors, on peut en conclure que la kolymbèthra de Corinthe fut réalisée dans la seconde moitié du IIIe siècle. Les traces de nombreux remaniements mises en évidence par R. Stillwell, tant pour le caniveau que pour le parapet lui-même, incitent d’ailleurs à attribuer à l’ensemble de l’installation une longue période de fonctionnement. Il en est de même de quatre monnaies de bronze des empereurs Constance II, Valentinien Il et Théodose qui ont été retrouvées dans le comblement du conduit d’évacuation principal, à l’endroit où il passait sous le pulpitum. Leur présence semble confirmer que le conduit fut utilisé jusqu’à la fin du IVe siècle ap. J.-C. et plus précisément jusqu’en 396, date de la destruction de Corinthe par Alaric. La Méditerranée orientale Le théâtre de Hierapolis (Asie)117 a) Présentation générale du théâtre Le théâtre de Hiérapolis, de caractère urbain, est orienté au Sud-Ouest. Il a été construit après le tremblement de terre de 60 ap. J.-C., mais les tra117 Province d’Asie. Actuellement Pamukkale (Turquie). D. de BernardiFerrero, Teatri classici in Asia Minore I, Roma, 1966, p. 55-67, fig. 93-119; G. E. Bean, Turkey beyond the Maenander. An archaeological guide, London, Benn, 1971, p. 232-246; D. de Bernardi-Ferrero, La transformazione dell’orchestra del teatro di Hierapolis in colimbetra, in The proceedings of the Xth international Congress of classical archaeology, II, Ankara-Izmir, 23-30 IX 1973, 1978, p. 961963; E. Bean, Lycian Turkey. An archaeological guide, London, Benn, 1978; D. de Bernadi Ferrero in KST, VII, 1985, p. 503-504, fig. 4; VIII, 1, 1986, p. 196 et 229; IX, 1987, p. 229-235 fig. 6.
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vaux ont duré jusqu’à l’époque d’Hadrien, où fut dédiée la porticus in summa cavea. La cavea, d’un diamètre de 103 m environ, repose sur une pente naturelle. Elle est divisée en 2 maeniana de 9 secteurs. Le maenianum inférieur compte 23 gradins. Au sommet se trouve la porticus in summa cavea accessible de l’extérieur par 4 portes. Au centre du 4e gradin de l’ima cavea fut aménagée une tribune en forme d’exèdre pour les spectateurs de marque. L’orchestra possède un diamètre de 21,50 m environ. Le bâtiment scénique a été rénové sous Septime Sévère, d’après certains indices stylistiques. La frons scaenae à trois ordres superposés était droite, ornée de reliefs, et possédait cinq portes encadrées par des niches. La façade du proscenium avait une hauteur de 3,25 m au-dessus du niveau de l’orchestra. Elle était ornée de niches alternant avec des couples de colonnes corinthiennes placées à 31 cm en avant du mur de façade. Ce dernier était revêtu de plaques de marbre. Le plan de scène avait un pavage de pierre supporté par des arcs. L’hyposcenium s’étendait aussi bien sous les pièces ménagées derrière la frons scaenae que sous le proscenium. Il était parcouru en son centre par un corridor transversal qui mettait en communication la façade postérieure du front de scène avec la façade du proscenium. Trois portes s’ouvraient dans cette dernière. La porte centrale servait de débouché sur l’orchestra au corridor transversal. Les deux autres desservaient le reste de l’hyposcenium. b) L’alimentation en eau de la kolymbèthra Des restes de tuyaux de terre cuite ont été retrouvés dans le corridor central de l’hyposcenium. Pour D. de Bernardi Ferrero, ils étaient destinés à alimenter une kolymbèthra, installée au Bas-Empire. Les traces de calcaire que présente la façade de l’hyposcenium l’incitent à supposer que l’eau utilisée était celle d’une source thermale située en contrebas du théâtre, élevée jusqu’au théâtre par une noria. Le site de Hiérapolis est en effet riche en sources, et disposait donc d’un approvisionnement aisé pour la réalisation de monuments des eaux118. c) La kolymbèthra Lors d’une réfection de grande ampleur du bâtiment de scène, les portes de l’hyposcenium furent murées par une épaisse maçonnerie où furent insérés des fragments de décoration architectonique appartenant à la frons scaenae précédente, d’époque sévérienne (pl. XXX). Selon D. de Bernardi Ferrero, cette obturation aurait été effectuée lors de la transformation de l’orchestra en kolymbèthra. Des traces d’un mortier hydraulique de briques pilées apparaissent sur ces murs de comblement, qui se raccordent au pavement de l’orchestra. Dans l’éventualité de la présence d’un bassin, ils auraient permis d’éviter toute déperdition de liquide. L’accès à l’orchestra depuis le bâti-
118 Dès l’antiquité, une vaste piscine, qui avait peut-être un caractère sacré, rassemblait une partie de ces eaux. Sur l’abondance en eau de la cité, voir E. Bean, Turkey beyond the Maenander... cité, p. 232-235 et p. 243.
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ment de scène, après la suppression des portes de l’hyposcenium, fut maintenu grâce à deux petits escaliers, l’un au nord, réalisé dans l’épaisseur du mur limitant l’orchestra, l’autre au sud, parallèle et tangent au proscenium. Les accès directs à l’orchestra par les parodoi furent en outre condamnés par deux dalles de pierre prolongeant le muret séparant la cavea de l’orchestra. d) Le conduit d’évacuation Sous l’hyposcenium passait un conduit en pierre qui assurait auparavant l’écoulement des eaux pluviales du théâtre. Il avait une capacité suffisante pour servir de canal d’évacuation à la kolymbèthra. e) Éléments de datation Deux inscriptions, retrouvées l’une parmi les éléments de décoration architectonique de la frons scaenae, l’autre sur la corniche couronnant le mur de praecinctio de la summa cavea font état d’une réfection du front de scène, qui menaçait ruine. Cette réfection fut entreprise sous Constance II et se poursuivit sous Julien. D. de Bernardi Ferrero propose de rattacher à ces importants travaux la réalisation de la kolymbèthra. Cette période correspond effectivement à celle où furent réalisées la plupart des piscines théâtrales dont la datation est mieux assurée. Le théâtre de Kato Paphos (Chypre)119 a) Présentation générale du théâtre Le théâtre est situé à l’Est de l’odéon et de l’agora romaine, dans le secteur Nord-Est de la ville antique, sur la colline de Fabrika. Il a été construit de la fin du IVe siècle au début du IIIe siècle av. J.-C. La céramique retrouvée situe une restauration sous Auguste, probablement après le tremblement de terre de 15 av. J.-C. Une autre rénovation eut lieu sous Septime Sévère. La cavea, semi-circulaire, est en partie taillée dans le rocher de la colline et ses bords reposent sur un remblai de terre artificiel. Deux escaliers au moins la desservaient, un au centre et un à l’Ouest. Les sièges et les marches étaient recouverts d’une fine couche de plâtre, de même que les parodoi Est et Ouest. Le théâtre a servi de carrière de pierres, de sorte que son état de conservation est médiocre. Les premières fouilles sur le site sont récentes : elles ont eu lieu en 1987. D’autres investigations ont été réalisées en 1995 et 1996. Le monument est donc en cours d’exploration.
119 Actuellement Paphus (Chypre). J. V. Karageorghis, Le théâtre de Kato Paphos, in BCH 112, 1988, p. 834-836; H. P. Isler, in TGR I, p. 281; S. Hadjisavvas, Le théâtre de Nea Paphos, in BCH 122, 2, 1998, p. 692-696. La découverte des vestiges de la piscine théâtrale, postérieure à l’article de H. P. Isler pour TGR, m’a été signalée par J.-Ch. Moretti.
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b) L’alimentation en eau de la kolymbèthra Le système hydraulique du théâtre lui-même n’a pas encore été dégagé. Cependant, c’est précisément sur la colline de Fabrika qu’on localise le débouché d’un aqueduc alimentant la cité, peut-être dès l’époque hellénistique120. Les vestiges de cet aqueduc ont été repérés à plusieurs reprises entre la colline et le plateau de Klima, à 2 km au Nord de Nea Paphos, et au-delà en direction de Tala. Sur la Fabrika, plusieurs pièces taillées dans le rocher et couvertes de mortier hydraulique doivent être identifiées comme des réservoirs en rapport avec cet aqueduc. Surtout, au Sud, dans la zone même du théâtre, qui n’avait pas encore été fouillée à cette époque, de larges tuyaux de terre cuite ont été retrouvés à 2 m sous le niveau du sol actuel121. Lorsqu’elle fut réalisée, l’approvisionnement en eau de la kolymbèthra était donc dès l’abord parfaitement assuré. c) La kolymbèthra Trois niveaux de mortier hydraulique ont été retrouvés sur le sol de l’orchestra. En outre, un mur de blocage entourait cette dernière. Des traces d’usure liées à la présence de l’eau sont visibles sur sa paroi intérieure. Plutôt qu’une barrière pour les combats de gladiateurs et les chasses, ce mur doit donc sans doute être identifié comme le rebord d’une kolymbèthra. d) Le conduit d’évacuation Le réseau hydraulique du théâtre lui-même n’a pas encore été fouillé. Il est possible toutefois de mettre le monument en relation avec les vestiges d’une rue d’orientation Est-Ouest retrouvée au Sud du théâtre. Cette rue était longée du côté Sud par un grand caniveau d’un travail soigné, où aboutissaient de nombreuses canalisations plus petites. Ce caniveau a peut-être joué un rôle dans l’évacuation de l’eau de la kolymbèthra. e) Éléments de datation L’état de conservation du théâtre est médiocre et les fouilles réalisées sont encore partielles. Toutefois, des monnaies et de nombreux tessons de céramique des IIIe et IVe siècles ont été retrouvés au-dessus et au-dessous du pavement de la rue qui passait au Sud du théâtre, ainsi que dans le système de canalisation. Si ce dernier était bien en rapport avec la kolymbèthra, la datation du bassin pourrait s’en trouver précisée. Seule la poursuite des fouilles pourra en apprendre d’avantage. En attendant de nouvelles précisions, l’hypothèse la plus plausible, compte tenu de la date de mise en service de la plupart des piscines théâtrales connues, serait de situer la réalisa-
120 J. Mlynarczyk, Nea Paphos, III, Nea Paphos in the hellenistic period, Varsovie, Éditions géologiques, 1990 p. 222-223. 121 I. K. Peristianis, He Nea Paphos. Dialekesis genomene epi ton ereipion tes Neas Paphou 4. 11. 1926, in Kypriaka Chronika, V, 1927, (p. 24-43), p. 37; J. Mlynarczyk, op. cit.
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tion de la kolymbèthra au plus tôt à la fin du IIIe siècle et plus probablement dans le courant du IVe siècle ap. J.-C. Le théâtre de Césarée Maritime (Syrie-Palestine)122 a) Le théâtre avant l’installation de la kolymbèthra Le théâtre de Césarée est orienté au Nord-Ouest. Suburbain, il est à 650 m au Sud du port et à 75 m du rivage. C’est le plus ancien théâtre de la Palestine romaine. En effet, selon Flavius Josèphe (B.J. I, 341 & 415) il a été construit par Hérode le Grand, donc avant 4 av. J.-C., en même temps que la cité et le port de Césarée. Mais il a subi de nombreux remaniements. Il ne reste presque rien du théâtre hérodien. Les vestiges retrouvés relèvent essentiellement de l’état du théâtre aux IIe et IIIe siècles, ainsi que de l’époque où fut installée la kolymbèthra, durant la dernière période de vie de l’édifice. La cavea en demi-cercle, de 100 m de diamètre, repose en partie sur une pente naturelle, en partie sur des substructions en pierre locale. Elle a connu deux phases importantes. On a relevé à plusieurs endroits sous l’actuelle cavea, correspondant à un vaste remaniement postérieur, des gradins relevant de la cavea hérodienne, qui furent recouverts par un soubassement de pierraille et de ciment. La cavea la plus récente était séparée de l’orchestra par un podium qu’interrompaient les escaliers de l’ima cavea. La facture de ce podium et ses matériaux de réemploi incitent à proposer pour sa réalisation une date tardive, qui pourrait descendre jusqu’au IIIe siècle ap. J.-C. Deux maeniana sont attestés, formés de gradins de pierre à soubassement de ciment. L’ima cavea retrouvée comportait 13 rangs de gradins divisés en 6 sections par 7 escaliers. Deux d’entre eux étaient aux extrémités de la cavea, et un autre exactement au centre de celle-ci, desservant une loge pour les spectateurs de marque, dont il reste une zone rectangulaire, de 200 × 3,40 m, pavée de dalles de pierre123. Une praecinctio de 2 m de large environ séparait l’ima cavea du maenianum supérieur. Ce dernier est beaucoup moins bien conservé, de sorte qu’il est difficile de savoir combien il comptait de rangs de gradins. Ils étaient 20 environ124. Le long de l’axe de la cavea, sous les gradins, courait un vaste conduit d’évacuation des eaux pluviales qui réutilisait en partie la pente et les gradins de la cavea hérodienne. Ce conduit débouchait dans une autre galerie souterraine qui passait sous l’orchestra.
122 Aujourd’hui el Kaisarije (Israël). A. Frova et alii, Scavi di Caesarea Marittima, Milano, 1966, p. 55-244; H. P. Isler, in TGR II, p. 349-351; A. Segal, Theatres in Roman Palestine and Provincia Arabia, Leiden, Brill, 1995, p. 64-69. 123 Cette disposition ne correspond pas au premier état du théâtre, où n’existait pas la loge centrale et l’escalier qui le desservait. La praecinctio qui délimitait l’ima cavea porte elle aussi la trace d’un remaniement. Elle fut en effet restreinte en largeur au moyen d’un revêtement de mortier gris et de pierrailles au profit du second maenianum. 124 Il semble que dans le premier état du théâtre, les 4 premiers seulement constituaient une media cavea, car on a retrouvé les traces d’un podium qui les séparait des gradins supérieurs.
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Un couloir semi-annulaire et 6 corridors radiaux avec des voûtes en berceau inclinées couraient sous la summa cavea. Les corridors radiaux mettaient le corridor annulaire en relation avec la praecinctio. Les plus centraux ont un deuxième bras parallèle, fermé aux deux extrémités mais communiquant avec le premier. Ce second bras semble avoir servi d’accès à la partie supérieure de la cavea. Dans le mieux conservé on voit en effet, appuyé à la paroi Sud, les traces d’un escalier. Lors de leur découverte, le sol de ces corridors était couvert d’une mosaïque datée par son style des IVe-Ve siècle. Il est probable qu’existait aussi une galerie supérieure, tant durant la première phase du théâtre que par la suite. De grands fragments architectoniques ont en effet été retrouvés à peu près au sommet des restes conservés du théâtre. On estime que la capacité de l’édifice était d’environ 4000 spectateurs, dont 1500 dans l’ima cavea. Au pied du podium courait un passage de dalles de pierre surélevé de 86 cm au-dessus du sol de l’orchestra. C’est sur ce passage que débouchaient, interrompant le podium, les escaliers de l’ima cavea. Les deux cryptae latérales, de 3 m de large, avaient une voûte en berceau. Leur sol suivait une pente inclinée vers l’orchestra. Le médiocre état de conservation de cette zone, tant au Nord qu’au Sud, ne permet pas de dire si les voûtes portaient des tribunalia. L’orchestra de 30 m de diamètre fut d’abord ornée d’un pavement de stuc peint qui devait s’user rapidement et fut rénové 13 fois. La dernière couche réalisée selon ce principe fut ensuite recouverte d’une couche de mortier sur lequel repose un pavage de marbre. D’après le style de ce dernier, que A. Frova125 rapproche de pavements pompéiens correspondant à l’époque des IIIe et IVe styles, la transformation aurait pu avoir lieu durant le second ou le troisième quart du Ier siècle ap. J.-C. L’étude du matériel trouvé entre les deux types de pavement confirme cette datation. Sous l’orchestra ont été découverts deux corridors souterrains. Le premier, probablement d’époque hérodienne, fut par la suite entièrement comblé. Le second, perpendiculaire au pulpitum, partait du centre de l’hyposcenium et traversait toute l’orchestra. L’extrados de sa couverture se trouve juste au dessous du pavement de marbre. Ses proportions sont supérieures à celles que réclamerait un simple égout souterrain, mais on ignore quel fut son premier usage. Dans un second temps, il fut raccordé au système d’évacuation des eaux pluviales de la cavea et servit de collecteur central. Deux ouvertures successives furent ménagées dans sa voûte. La première, vers le centre du passage, fut retrouvée murée et recouverte par le pavement de marbre, qui mit donc fin à son usage. La seconde ouverture, juste devant le pulpitum, était constituée par une dalle forée d’un trou central. Sur le sol de l’orchestra, courant parallèlement à 25 cm devant la frons pulpiti, on a retrouvé un petit canal large de 2,50 cm et profond de 7 cm, formé de plaques de marbre. En outre, un sondage effectué entre ce petit canal et la frons pulpiti a révélé une bande de pavement à 10 cm au-dessous du sol de l’orchestra. Cet ensemble correspond sans doute à un aménagement hy-
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A. Frova, op. cit., p. 109.
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draulique antérieur à la kolymbèthra, une modeste installation de jets d’eau ou un dispositif lié aux sparsiones. Dans la première hypothèse, l’eau jaillissant de la frons pulpiti devait tomber sur l’étroite bande de pavement en contrebas, tandis que le petit canal permettait d’éviter tout débordement de l’eau sur l’orchestra. Le bâtiment scénique connut deux phases importantes, mais il ne reste que peu de traces du bâtiment initial. Le plus récent possédait une frons scaenae à deux étages, ornée d’une niche cintrée centrale entre deux niches rectangulaires. Sa riche décoration comprenait des colonnes de marbre de différentes couleurs, des statues et des reliefs, mais son état de conservation ne permet pas de la reconstituer avec précision. A. Frova126 propose de dater cette frons scaenae, comme la pose du pavement de marbre, de l’époque de Vespasien. Un passage de Malalas (Chron. X, 338) qui attribue faussement à cet empereur la fondation d’un théâtre à Césarée, pourrait être interprété comme une allusion à ces travaux d’ensemble. Par ailleurs, les éléments de décoration architectonique retrouvés montrent que la frons scaenae subit également une importante réfection à la fin du IIe siècle ap. J.-C. Sous le bâtiment scénique passait un conduit, de direction Est-Ouest, sans doute destiné à l’origine à l’évacuation des eaux pluviales. Le conduit se prolongeait audelà du mur du fond de la scène. Des sondages effectués derrière le théâtre ont permis en effet de le retrouver sous une place à exèdre semi-circulaire réalisée à 4 m derrière le mur du fond du théâtre. Sous le plan de scène se trouvait l’hyposcenium, dont le sol était à environ 2 m plus bas que celui de l’orchestra. Cette vaste salle dont la voûte reposait sur une série de piliers était comprise entre un mur étayant le mur de scène, qui lui était parallèle, et le mur de soutènement analogue du pulpitum. Le pulpitum fut totalement remanié à plusieurs reprises. Celui qui correspond au dernier état du théâtre avant la réalisation de la kolymbèthra est conservé jusqu’à une hauteur de 1 m environ et présente l’alternance habituelle entre niches rectangulaires et exèdres semi-circulaires. Il était orné de plaques de marbre polychrome en réemploi, et les niches étaient également pavées d’un marbre d’un jaune rosé. b) L’alimentation en eau de la kolymbèthra Au Nord-Ouest de la place semi-circulaire située derrière le bâtiment de scène du théâtre fut découverte une grande citerne circulaire au toit en coupole. Elle doit probablement être mise en rapport avec le système d’alimentation en eau de la kolymbèthra. Mais des citernes furent également ménagées à l’intérieur même du théâtre, par la transformation de certaines structures préexistantes. C’est à l’extrémité septentrionale de l’édifice, derrière la paroi Ouest de sa crypta Nord, qu’a été installée la plus importante citerne (fig. 34) alimentant la kolymbèthra, donc à un niveau surélevé par rapport à celui de l’orchestra. En partant vers le Nord à partir de la uersura septentrionale, on rencontre au sol d’abord un pavement de terre cuite puis, au niveau d’une 126
A. Frova, op. cit., p. 58 et 178.
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Fig. 34 – Le théâtre de Césarée au Bas-Empire, les citernes et le parcours des conduits d’alimentation Nord et Sud de la kolymbèthra (Frova 1965, fig. 70).
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arche s’ouvrant dans le mur Ouest de la crypta, un espace surélevé et recouvert d’un pavement de pierre. À l’angle de ce pavement avec le mur de la crypta, un escalier descend vers la première des deux pièces transformées en citerne. Immédiatement au Nord de celle-ci et communiquant largement avec elle, se trouve la seconde pièce, retaillée par le mur d’enceinte d’une forteresse qui fut édifiée au VIe siècle en s’appuyant sur les ruines du théâtre127. Les parois de la citerne sont revêtues d’un enduit hydraulique grisâtre mêlé de débris de céramique caractérisant l’ensemble des installations liées à la kolymbèthra. Au bas de la paroi Sud de la première pièce, au niveau du pavement, se trouve l’embouchure d’un conduit de terre cuite. Enfermé sur toute sa longueur dans un caisson de mortier, il passait sous le passage dallé surélevé, puis descendait le long de la versura Nord en direction du pulpitum (fig. 35). D’une manière générale, la partie Sud du théâtre est nettement moins bien conservée qu’au Nord. En particulier, la destruction presque totale de l’angle Sud-Ouest du monument ne permet pas d’y reconnaître clairement le lien existant entre scène et cavea. Or on a retrouvé dans cette zone, à l’entrée de ce qui reste de la versura Sud, une citerne. Elle se présente comme un carré de maçonnerie entourant un pavement de plaques de marbre en réemploi. Un tuyau de plomb traverse sa paroi occidentale, tandis qu’un canal d’écoulement part du pied de son mur septentrional. Dans l’état de conservation actuel du monument, cette construction semble entièrement indépendante du bâtiment de scène. Toutefois, elle fait sans doute partie du réseau hydraulique tardif lié à la kolymbèthra. Dans cette partie Sud du théâtre, on relève un autre aménagement hydraulique, sur la frons scaenae elle-même (fig. 34). En effet, le niveau de sa niche rectangulaire Sud fut rehaussé et la partie méridionale de cette dernière fut transformée en une étroite citerne rectangulaire, d’axe Est-Ouest. Son pavement de pierre et de marbre reposait sur un fond de mortier gris mêlé de pierraille. Cette citerne était alimentée par une canalisation du même mortier, provenant de l’Ouest, qui traversait le mur de la scène par un trou maçonné. Au niveau du pavement de la citerne, un autre tuyau de plomb traversait sa paroi Est, assurant l’écoulement de l’eau dans un puits quadrangulaire placé devant, formé de dalles de marbre en réemploi. De ce puits s’échappait un petit canal, parallèle au mur de scène, lui aussi formé de plaques de marbre de réemploi. Il aboutissait à un second puits quadrangulaire d’où descendait encore un canal analogue, de direction perpendiculaire au précédent, vers le pulpitum. Lors de l’installation de la kolymbèthra, ou peu de temps auparavant, l’hyposcenium fut comblé sur la quasi-totalité de sa hauteur, au moyen d’une terre compacte surmontée d’une couche de mortier. On voit encore sur ses parois une trace blanchâtre correspondant à la limite supérieure atteinte par les matériaux de comblement. Les piliers qui soutenaient auparavant le plafond de la salle furent tous tronqués à la même hauteur. À l’extrémité Nord toutefois, quelques arcades ont été conservées, et une seule à l’extrémité
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Cette enceinte byzantine vient également interrompre la crypta Nord.
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Fig. 35 – Théâtre de Césarée. Parcours du canal d’alimentation Nord de la kolymbèthra (Frova 1965, fig. 79).
Sud. Un dallage, appuyé sur des murets construits sur le comblement, fut posé au-dessus, à peu près à niveau avec le plan de scène. Il est possible que l’hyposcenium ait été ainsi comblé pour assurer une meilleurs résistance à la pression de l’eau du bassin. Quoi qu’il en soit, le niveau atteint par la terre de comblement permettait au conduit d’alimentation Sud de traverser l’hyposcenium à une hauteur suffisante au-dessus de celui-ci. Le conduit passait ensuite au-dessus de la dernière exèdre curviligne du pulpitum, pour déboucher au sommet du mur de la kolymbèthra.
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Quant au conduit Nord, après avoir traversé la versura, il passait sur les arcades conservées à l’extrémité Nord du pulpitum. Il aboutissait ensuite à un petit réservoir rectangulaire, dont le débouché était creusé dans le mur de la niche la plus septentrionale du pulpitum. Il devait enfin se déverser dans la kolymbèthra. c) La kolymbèthra Le mur de la kolymbèthra fut en effet adossé à la frons pulpiti. À cette occasion, les niches de cette dernière furent comblées, ce qui permit notamment aux conduits Nord et Sud de passer au-dessus à une hauteur suffisante. Le mur de la kolymbèthra atteignait 1,20 m de haut. Construit en opus caementicium, il était revêtu d’un mortier de briques pilées imperméable et de plaques de marbre de réemploi. Un escalier lui était adossé à son extrémité Sud. Le muret tournait ensuite tout autour de l’orchestra. Seules les extrémités Nord et Sud de cet hémicycle ont été retrouvées, mais les traces de ses fondations sont visibles. Au niveau des deux cryptae, le muret s’interrompait mais les deux accès furent partiellement barrés par des plaques de marbre de réemploi. Deux gros blocs, portant une double rainure pour des vannes, complétaient le dispositif fermant le bassin. Ce sont des éléments d’architraves et de tympans, ainsi réemployés comme chambranles. Ils furent placés de chaque côté entre la dernière et l’avant-dernière niche du pulpitum. À l’extrémité méridionale de la crypta Nord, juste avant le mur de barrage correspondant à l’installation du bassin, fut retrouvé un escalier. Ses quelques marches montaient jusqu’au niveau du passage surélevé qui courait au pied du podium de la cavea. On pouvait de là emprunter les divers escaliers de l’ima cavea, jusqu’à la praecinctio. Grâce à ce dispositif, les cryptae purent continuer à desservir la cavea, malgré l’obstruction de leur débouché dans l’orchestra. Par ailleurs, dans chacune des cryptae, contre la dernière niche du pulpitum qui n’était pas englobée par le mur de la kolymbèthra, fut découvert un escalier de facture grossière. Il montait au niveau du pulpitum, ou plus exactement de la uersura qui le flanquait. Malgré la présence du mur du bassin, les deux cryptae permettaient donc aussi de desservir le bâtiment de scène. La kolymbèthra fut posée sur le dallage de marbre de l’orchestra, qui l’avait précédée. Mais ce dallage fut probablement recouvert, au moins partiellement, d’une couche imperméable de mortier mêlé de débris de tuiles. On a en effet retrouvé ce mortier de couleur rosâtre étendu sur toute la zone septentrionale de l’orchestra, entre le pulpitum et la moitié environ de l’hémicycle. d) Le conduit d’évacuation de la kolymbèthra À l’époque où fut réalisée la kolymbèthra, le seul collecteur des eaux en rapport avec l’orchestra était l’ancien corridor voûté, transformé en conduit d’évacuation, qui passait sous son axe. Les eaux de ruissellement de la cavea s’y déversaient. Devant le pulpitum qu’il traversait il présente un dallage de tuiles sur fond de mortier. À l’endroit où ce collecteur traverse le mur de soutènement de la frons pulpiti, à une distance de trois blocs de part et d’autre de l’ouverture, on note deux entailles correspondant à l’alignement à la verticale de plusieurs rangées de moellons, ce qui trahit l’insertion d’un prolonge-
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ment du conduit dans ce mur d’époque antérieure. De fait, l’ancien corridor se poursuivait par un tronçon au fond de mortier et aux parois en blocs de réemploi, de facture beaucoup plus grossière, et de toute évidence plus tardif. Il a été mis au jour sous la terre comblant l’hyposcenium, qui montait précisément au même niveau que la couverture dallée du conduit. Ce conduit passant sous l’hyposcenium était lui-même raccordé au conduit d’évacuation antérieur qui passait sous la scène. Le tracé en oblique du raccord s’explique par le fait que le corridor situé sous l’orchestra et le canal passant sous le bâtiment de scène n’étaient pas exactement dans l’axe. L’ensemble dotait le théâtre d’un grand collecteur central. Selon A. Frova 128 , le raccord, très tardif, est contemporain du comblement de l’hyposcenium, voire postérieur. En effet, ce canal partageait l’hyposcenium en deux parties sans communication entre elles, le rendant ainsi hors d’usage. Mais on peut aussi envisager que l’hyposcenium ait cessé d’être utilisé, sur le modèle des théâtres occidentaux qui en étaient généralement dépourvus, et qu’on l’ait donc sacrifié avant même son comblement définitif, pour réaliser le conduit. En outre, si le conduit de raccord est aussi tardif que le comblement de l’hyposcenium, il resterait alors à expliquer comment étaient finalement évacuées les eaux pluviales qui depuis la réalisation de la cavea d’époque impériale passaient dans le corridor situé sous l’orchestra . La vidange du bassin devait être parfaitement assurée par ce large conduit. L’eau s’y écoulait certainement grâce au trou percé dans la dalle de marbre, déjà évoquée, qui se trouvait devant le pulpitum, intégrée au pavement de l’orchestra. e) Éléments de datation Dans la couche supérieure des matériaux de comblement de l’hyposcenium furent trouvées de nombreuses lampes de terre cuite et de verre datées du IVe siècle. On possède donc là un terminus post quem pour dater la kolymbèthra à laquelle la transformation de l’hyposcenium fut certainement liée. Par ailleurs, l’aménagement au VIe siècle d’une forteresse, dont le mur retaille au Nord le système de citernes, fournit un terminus ante quem pour l’utilisation du théâtre lui-même. Le théâtre de Néapolis (Syrie-Palestine)129 a) Le théâtre avant l’installation de la kolymbèthra Le théâtre de Néapolis, découvert en 1979 au cours des activités de construction de la ville de Shekhem (Nablus), fut fouillé dans les années 80.
A. Frova, op. cit., p. 182. L’actuelle Shekhem (Nablus, Cisjordanie). A. Segal, Die Theaterbauten im Alten Palästina in römisch-byzantinischer Zeit, in Antike Welt, Zeitschrift für Archäologie und Kulturgeschichte, 18, 1987, (p. 2-21) p. 20, fig. 29 s.; H. P. Isler, in TGR III, p. 293; A. Segal, Theatres in Roman Palestine and Provincia Arabia... cité, 1995, p. 78-80. 128
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Son état de conservation est médiocre, car ses pierres furent pillées au Moyen Âge et à l’époque moderne. De type romain, il est orienté au Nord-Est, au pied des pentes Nord du mont Gerizim. Il a été construit sous Antonin le Pieux ou Marc-Aurèle, donc vers le milieu du IIe siècle ap. J.-C. La cavea en demi-cercle, d’un diamètre de plus de 110 m et d’une capacité de 6000 à 7000 places, a été taillée dans la pente de la montagne et entourée d’un mur semi-circulaire en blocs appareillés. Entre ce mur et la pente a été ménagé un espace afin que les spectateurs puissent entrer dans le théâtre aussi de ce côté. Dans la partie Ouest du mur, trois vomitoria voûtés ont été retrouvés. La partie Est, qui n’est pas conservée, devait présenter le même nombre d’entrées. La cavea était divisée en 6 secteurs par 7 escaliers. L’ima cavea avait 14 rangs de gradins. Le premier rang de sièges, qui a été conservé, était fait de blocs d’un calcaire blanc de qualité avec des corniches moulurées. Tous les autres gradins ont presque totalement disparu. Une praecinctio dallée de 3 m de large courait entre l’ima et la summa cavea. Cette dernière est beaucoup moins bien conservée. Néanmoins il est probable que sa partie supérieure n’était pas taillée dans le roc, mais reposait sur un couloir semi-circulaire voûté de 3 à 4 m de large, d’où partaient des escaliers. Elle possédait environ 20 rangs de sièges. D’après les fragments retrouvés, il devait exister une rangée de gradins richement décorés entre le premier et le dernier rang. Un passage semi-circulaire pavé courait au pied du gradin le plus bas de l’ima cavea. Entre ce passage et l’orchestra se trouvait une sorte de parapet formé de dalles de pierre de 1,10 m de hauteur au-delà duquel s’étageaient sur trois rangs les bisellia destinés aux spectateurs de marque. On pouvait atteindre l’orchestra par deux aditus voûtés de 2,20 m de large. L’aditus Est a presque entièrement disparu. L’orchestra semi-circulaire, d’un diamètre de 26 m, était pavée de marbre vert, blanc et gris. Le bâtiment scénique est toujours recouvert de constructions modernes. Les traces de sa décoration architecturale retrouvées sur le sol de l’orchestra prouvent que celle-ci était très riche, comprenant des statues et des reliefs. b) L’alimentation en eau de la kolymbèthra Un système de conduites en terre cuite a été découvert dans le théâtre. Il fut en usage durant l’époque byzantine. La documentation existante ne nous apprend rien de plus. On ignore donc la manière dont le bassin était alimenté. c) La kolymbèthra Les traces les plus nettes de l’adaptation du théâtre aux spectacles aquatiques sont celles qui témoignent de la réalisation d’un bassin dans l’orchestra. En effet, à une date tardive, un mur de pierre et de ciment, prenant appui sur le premier gradin de la cavea, fut construit pour enclore l’orchestra, doublant de l’extérieur le parapet de dalles de marbre antérieur. Ce dernier fut recouvert d’un enduit imperméable, de même que le sol de l’orchestra. Lors de sa découverte, ce muret fermait aussi l’aditus Ouest.
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Ce nouveau muret constituait un passage surélevé courant au pied de la cavea. Il était pavé d’une mosaïque noire et blanche. Une volée de marches à ses extrémités Est et Ouest permettait de descendre dans l’orchestra. d) Le conduit d’évacuation Le système d’évacuation du bassin n’a pas été retrouvé. e) Éléments de datation Des tessons d’époque byzantine, retrouvés noyés dans le ciment du mur du bassin, indiquent que ce dernier fut réalisé à la fin du Ve siècle ou au début du VIe siècle. Les monnaies retrouvées sur le site montrent que le théâtre fut utilisé jusqu’au VIIe siècle. Ce monument se place donc aux limites des dates couvertes par notre recherche. Les autres théâtres où la même hypothèse a été envisagée Pour d’autres théâtres, une adaptation aux spectacles aquatiques a été envisagée. Toutefois, l’état actuel de notre documentation concernant le bassin et l’arrivée d’eau dans ces édifices est insuffisante. Aussi la présence de la kolymbèthra n’est-elle pas tenue pour certaine par les chercheurs qui ont abordé cette question. Parmi les régions concernées se trouvent à nouveau l’Italie et le Proche Orient, plus précisément l’Asie Mineure, mais aussi la Cyrénaïque. L’Italie Deux théâtres italiens, ceux de Brescia et de Montegrotto, sont signalés par I. Ruggiero, dans Teatri greci e romani, comme ayant accueilli des spectacles aquatiques. Toujours dans le même ouvrage, H. P. Isler signale également une kolymbèthra dans le théâtre de Taormina en Sicile, reprenant en cela une hypothèse de G. Traversari, qui la proposait d’ailleurs également pour le théâtre de Tyndaris. a) Le théâtre de Brixia (Région X)130 Le théâtre de Brixia, l’actuelle Brescia, n’a été que partiellement fouillé. L’orchestra et l’ima cavea sont encore enterrées. L’extrémité Ouest du théâtre 130 L’actuelle Brescia en Vénétie. C. Anti, I teatri della X regione augustea, in Cisalpina I [Atti del convegno sull’attività archeologica nell’Italia settentrionale, Villa Monastero di Varenna, 9-15 giugno 1958], Milano, 1959, p. 266; A Frova, Il teatro et Tipologie e forme architettoniche degli edifici pubblici, il teatro, in Brescia romana. Materiali per un Museo I, Brescia, 1979, p. 108 et 231-236; V. Cavalieri Manasse, G. Massari et M. P. Rossignani, Piemonte, Valle d’Aosta, Liguria, Lombardia, Bari, Laterza, 1982, p. 241-242; C. Courtois, Le bâtiment de scène des théâtres d’Italie et de Sicile. Étude, chronologie et typologie, Louvain-la-Neuve, Art and Archaeology publications, 1989, p. 264-267. I. Ruggiero, in TGR II, p. 411412.
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se trouve sous le palais Maggi Gambara. En revanche, il subsiste une grande partie des parodoi et des substructions de la cavea. La date de sa construction est incertaine, par manque de relevés stratigraphiques et d’une analyse détaillée des structures. Le plan de la ville fut entièrement conçu sous Auguste et il semblerait improbable que le théâtre n’en ait pas fait partie. Selon A. Frova131 cependant, la partie occidentale de la cavea au moins est postérieure à l’époque flavienne. Seule, la décoration de la frons scaenae peut être précisément datée de l’époque sévérienne. Dans le théâtre même, au-dessus de la summa cavea, fut découverte une grande citerne revêtue de mortier hydraulique en brique pilée. La hauteur de la cavea était de 24 m, ce qui aurait assuré un écoulement rapide de cette citerne jusqu’à un bassin situé dans l’orchestra. Dans la mesure où elle n’a encore fait l’objet d’aucune étude, on ignore son mode d’alimentation. D’autres vasques, revêtues du même enduit, ainsi que des conduites ont aussi été retrouvées au niveau de la partie occidentale de la scène de l’édifice, dans la cave du Palazzo Gambara, partiellement fouillée. Il resterait à savoir si de ces différents réservoirs partait un conduit qui aurait pu aboutir dans l’orchestra. Les niches qui ornaient le pulpitum ont été murées dans un second temps par un travail de maçonnerie et la base des pilastres qui les encadraient fut retrouvée enduite d’un mortier hydraulique de brique pilée. Il est possible d’envisager que le mur de la kolymbèthra, comme à Ostie par exemple, soit venu se souder à la frons pulpiti elle-même, dont la partie inférieure fut alors revêtue de cet enduit. Le sol de l’hyposcenium portait également le même revêtement, peut-être pour le protéger des infiltrations liées à la présence du bassin. Seule la fouille de l’orchestra permettrait de confirmer cette hypothèse, proposée à l’origine par A. Frova132, en mettant au jour le mur du bassin. Mais en raison de la présence de constructions modernes, elle n’a pu encore être menée à bien. Au centre de l’hyposcenium se trouve un caniveau d’écoulement de direction perpendiculaire à la scène. A. Frova suppose qu’il devait communiquer avec le caniveau entourant l’orchestra. Mais sa position centrale le rendait aussi particulièrement à même d’assurer l’écoulement d’un bassin accolé au pulpitum. Il est impossible de préciser la date de l’aménagement des citernes. Tout au plus la structure grossière de leur maçonnerie et l’utilisation de matériaux de réemploi permettent-elles de l’attribuer à une période tardive, ce qui serait conforme aux datations proposées pour la plupart des piscines théâtrales mieux attestées. Dès le Ve siècle, comme en témoignent notamment des fragments de céramique, une partie du théâtre fut occupée par des tombes, ce qui nous fournit un terminus ante quem pour l’utilisation du bassin.
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A. Frova, op. cit., p. 108. Ibidem, p. 235.
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b) Le théâtre de Montegrotto (Région X)133 Le théâtre de Montegrotto (fig. 36) de caractère extra-urbain, était situé près d’un complexe thermal. Il a été construit sous Auguste. Il est aujourd’hui bien lisible en plan, mais l’élévation en est presque détruite. Sa cavea de 11 gradins repose sur une substruction pleine en ciment. Au sommet restent les fondations d’une grande salle rectangulaire, dont on ignore s’il s’agissait d’un petit temple ou d’une loge pour les personnages de marque. L’accès à la cavea et à l’orchestra se faisait par les parodoi. L’orchestra était pavée de marbre. Sur le devant du pulpitum on été retrouvées 5 cavités qui étaient sans doute utilisées pour l’auleum ou comme logement pour des piliers de bois destinés à porter la couverture de la scène. La frons scaenae était ornée de niches cintrées et rectangulaires, alternées par les portes regia et hospitales, constituées par de simples ouvertures rectilignes. Des locaux de service s’étendaient des deux côtés de la scène et bien au-delà des parodoi. Derrière se trouvait également un vaste postscaenium. À une date indéterminée, le théâtre a subi une série de réfections. Tout d’abord l’orchestra, d’un diamètre de 10 m, fut rehaussée de 70 cm par rapport au plan de l’édifice scénique, ainsi que des parodoi, inclinées vers elle. Son pavement de marbre, qui reposait sur un mortier de briques pilées, était séparé de la cavea par un bas muret lui aussi revêtu de plaques de marbre. L’association d’un muret périphérique et d’un revêtement étanche suggère l’installation d’une kolymbèthra. Dans la paroi de la parodos Nord du théâtre, on note des traces d’encastrements. Ils pourraient avoir été destinés à une vanne qui aurait pu retenir l’eau d’un bassin ainsi étendu à toute l’orchestra. La frons scaenae était ornée de niches cintrées et rectilignes, alternant avec les portes regia et hospitales. Or par la suite, portes et niches furent fermées. Des deux côtés de la scène étaient ménagés des locaux particulièrement profonds, au point de s’étendre bien au-delà des parodoi. Dans l’une de ces pièces, du côté Sud, à un niveau plus haut que celui du pavement de l’édifice scénique et de l’orchestra d’origine, passait un ample canal d’écoulement. Il provenait du centre de l’orchestra et traversait d’abord la parodos Sud. Selon M. L. Rinaldi134, ces modifications pourraient s’expliquer par une adaptation du théâtre aux spectacles aquatiques. Ses concepteurs auraient choisi de rehausser le plan de l’orchestra pour obtenir une pente permettant l’écoulement des eaux dans le grand conduit Sud tout en restant au-dessus
133 Vénétie. M. L. Rinaldi, Il teatro romano di Montegrotto, in Archeologia, V, 4, 1966, p. 113-117; E. Mangani, M. Rebecchi et M. J. Strazzula, Emilia Venezie, Bari, Laterza, 1980, p. 139-140; G. Tosi, Padova e la zona termale euganea, in E. Buchi (dir.), Il Veneto nell’étà romana, storiografia, organizzazione del territorio, economia e religione II, [introd. di F. Sartori], Verona, Banca popolare di Verona, 1987, p. 189-190; I. Ruggiero, in TGR II, p. 515-516. 134 M. L. Rinaldi, op. cit., p. 115.
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Fig. 36 – Le théâtre de Montegrotto (Rinaldi 1966, p. 117).
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de la nappe phréatique, toute proche de la surface dans cette zone thermale. Il faut noter toutefois que jusqu’à présent le canal d’arrivée d’eau, preuve essentielle de la présence effective d’un bassin, n’a pas été retrouvé. S’il passait à un niveau supérieur aux vestiges retrouvés, il faut admettre qu’il est à jamais perdu. c) Les théâtres de Taormina et de Tyndaris (Sicile)135 Le théâtre de Taormina date du IIIe siècle av. J.-C. Sa première réfection d’époque romaine se situe probablement à l’époque d’Auguste. La frons scaenae fut encore rénovée sous Trajan. Entre le IIe et le IIIe siècle, le niveau du sol de l’orchestra fut abaissé. On déposa en outre les premiers gradins de la cavea, afin de construire un corridor annulaire. Ce dernier était composé de deux murs, dont le second prenait appui en retrait sur le premier, pour se rattacher au mur de la cavea. Ce couloir avait trois portes ouvrant sur l’orchestra (pl. XXXI)). À la même époque, le pulpitum fut démonté. Reprenant une hypothèse de H. Bulle136, G. Traversari137 suppose que ces installations permirent au théâtre d’accueillir des spectacles aquatiques. L’épais mur du corridor, chargé de contenir l’eau, aurait été rendu étanche grâce à la fermeture de ses trois entrées par des cloisons de bois mobiles, renforcées de sacs de sable. Les deux chercheurs ont également proposé cette hypothèse pour le théâtre de Tyndaris138, qui possédait le même type de corridor annulaire.
L’Asie Mineure La présence d’une kolymbèthra a aussi été envisagée dans de nombreux théâtres d’Asie Mineure, essentiellement par D. De Bernardi Ferrero dans son grand ouvrage Teatri classici in Asia Minore. Toutefois, ses propositions ont été controversées et l’insuffisance de la documentation empêche souvent de conclure.
135 G. Libertini, Il teatro di Taormina, in Dioniso, II, 1930, p. 111-121, fig. 1-3; G. Traversari, Gli spettacoli in acqua nel teatro tardo-antico, Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1960, p. 144-145; L. Bernabó-Brea, Due secoli di studi, scavi e restauri del teatro greco di Tindari, in RIA, 13-14, 1964-1965, p. 99-143; O. Belvedere, Opere pubbliche ed edifici per lo spettacolo nella Sicilia di età imperiale, in ANRW, II, 11, 1, (p. 346-413) p. 336-368, fig. 7, pl. 8; R. J. A. Wilson, Towns of Sicily during the roman empire, in ANRW, II, 11, 1, 1988 (p. 90-206) p. 101-105, pl. 3, 1; K. Mitens, Teatri greci e teatri ispirati all’architettura greca in Sicilia e nell’Italia meridionale (c. 350-50 a.C.), Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1988, p. 121-124; C. Courtois, op. cit., p. 274-277; H. P. Isler in TGR, III, p. 51. 136 H. Bulle, Untersuchungen an griechischen Theatern, München, Oldenbourg, 1928, p. 207 sq. 137 G. Traversari, op. cit., p. 144-145. 138 H. Bulle, op. cit., p. 133 sq.; G. Traversari, op. cit., p. 143-144.
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a) Le théâtre d’Éphèse (Asie)139 Le théâtre d’Éphèse (fig. 37) a été construit vers la fin du IIe siècle av. J.-C. Le bâtiment scénique romain été dédié, en même temps qu’un nouveau proscenium, en 66 ap. J.-C. La reconstruction de l’aile Nord de la cavea est
Fig. 37 – Le théâtre d’Éphèse (De Bernardi Ferrero 1970, tav. IX, c).
139 Aujourd’hui Selçuk (Turquie). D de Bernardi Ferrero, Teatri classici in Asia Minore, III, Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1970, p. 45-66 C. Courtois, op. cit., p. 210; H. P. Isler in TGR III, p. 495-496.
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attestée pour l’année 92, celle de l’aile Sud pour les années 102-112. Le troisième étage du bâtiment scénique a été ajouté sous Septime Sévère. Au IIe siècle ap. J.-C., après la suppression des 5 ou 6 premiers rangs de gradins, un corridor large d’environ 2 m fut réalisé autour de l’orchestra. Son mur extérieur vers cette dernière constituait un parapet doté d’une corniche et d’un revêtement de marbre. Dans ce corridor débouchaient deux escaliers descendant de l’ambulacre situé devant la première rangée de sièges. À cette même phase tardive correspond l’épaississement maçonné de la légère façade du proscenium dont les entrecolonnements furent murés et la paroi revêtue de dalles de marbre. Pour D. de Bernardi Ferrero, les revêtements de marbre du podium et de la façade renforcée du proscenium les mettaient à même de contenir l’eau d’un bassin étendu à toute l’orchestra. C. Courtois a admis cette proposition, au contraire de H. P. Isler. b) Le théâtre d’Iasos (Asie)140 La construction du théâtre d’Iasos est datée du IIe siècle av. J.-C. Évoquant la réalisation, lors de la troisième phase de ce théâtre, d’un pulpitum romain plus profond pour remplacer l’ancien logeion, D. De Bernardi Ferrero141 fait observer que la nouvelle frons pulpiti creusée de niches et soudée aux murs des analemmata fut réalisée en maçonnerie massive, «capable de contenir éventuellement l’eau d’une piscine». D. De Bernardi Ferrero envisage donc pour ce théâtre un bassin étendu à l’ensemble de l’orchestra, dont elle date l’installation de la fin du IIe siècle ou du début du IIIe siècle ap. J.-C. C. Courtois a repris cette proposition, contrairement à H. P. Isler. c) Le théâtre de Magnésie du Ménandre (Asie)142 Le théâtre de Magnésie du Ménandre était situé non loin de l’Agora. Il a été terminé au début du IIe siècle av. J.-C. Le bâtiment scénique romain remonte probablement au Ier siècle ap. J.-C. À l’époque romaine, les premiers gradins de la cavea furent supprimés pour la réalisation d’un podium tournant autour de l’orchestra. En outre, le proscenium fut déplacé vers l’avant sur le modèle du pulpitum romain, de manière à venir se souder au podium. La nouvelle façade du proscenium était un mur plein percé de portes. Selon D. De Bernardi Ferrero143, l’ensemble formé par le podium et le nouveau proscenium aurait pu contenir l’eau d’une piscine. Elle met également en relation avec l’aménagement
140 Aujourd’hui Kuren (Turquie). D. De Bernardi Ferrero, op. cit., III, p. 6774, fig. 75-83, pl. 11; H. P. Isler in TGR III, p. 476. 141 D. De Bernardi Ferrero, op. cit., III, p. 72. 142 Aujourd’hui Aineh Bazar (Turquie). F. Hiller von Gaertringen, O. Kern, W. Dörfeld, Ausgrabungen im Theater von Magnesia am Maiandros III. Das Theatergebaüde, Theaterinschriften von der Agora in Magnesia am Maiandros, in MDAI (A), 92-93, 1894, p. 1 -101; D. Bernardi Ferrero, op. cit., III, p. 97-106; H.P. Isler in TGR III, p. 354. 143 D. De Bernardi Ferrero, op. cit., p. 101-102
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d’une kolymbèthra des travaux de remblayage qui surélevèrent de 1,50 m le sol des parodoi. Ils auraient été destinés à empêcher l’eau du bassin de s’y écouler. La proposition est reprise par H. P. Isler. d) Le théâtre de Myra (Lycia et Pamphylia)144 Le théâtre de Myra date de la seconde moitié du IIe siècle ap. J.-C. Au IIIe siècle ap. J.-C., un mur de 2,20 m fut réalisé autour de l’orchestra. Un parapet de dalles de pierre le surmontait, et derrière lui courait un corridor. L’hyposkenion était en communication avec les parodoi et avec l’orchestra à travers 13 portes ouvrant sur des pièces voûtées en arrière. Par la suite, autour de 300 ap. J.-C. selon D de Bernardi Ferrero, certaines ouvertures de la façade de l’hyposkenion furent obturées, comme le montrent les restes de maçonnerie qu’elles conservent encore. Par ailleurs, dans les parois de la frons scaenae, au niveau inférieur, on note des tubes de terre cuite pour l’alimentation ou l’écoulement de l’eau. D. de Bernardi Ferrero interprète ces dernières modifications comme les témoignages d’une adaptation du théâtre aux spectacles aquatiques. Elle a été suivie par C. Courtois et H. P. Isler. e) Le théâtre de Nysa (Asie)145 Le théâtre de Nysa date de l’époque romaine impériale, peut-être du seconde quart du Ier siècle ap. J.-C. La frons scaenae fut érigée vers 200 ap. J.-C. Au cours d’aménagements d’époque romaine tardive, les parodoi furent fermées avec de pesants murs de moellons. Des obturations semblables furent exécutées dans la façade du proscenium. D. de Bernardi Ferrero envisage que les épais murs fermant les parodoi aient été en réalité «adaptés à résister à la pression de l’eau»146. H. P. Isler, à sa suite, signale l’aménagement d’un bassin dans l’orchestra. f) Le théâtre de Sidé (Lycie-Pamphylie)147 La construction du théâtre de Sidè date du IIe siècle ap. J.-C., mais il fit sans doute suite à un théâtre antérieur. Lors de la fouille, les quatre gradins les plus bas de la cavea furent
144 Demre (Turquie). D. de Bernardi Ferrero, op. cit., III, Roma 1970, p. 197206, fig. 234-252, tav. 18-27; G. E. Bean, Lycian Turkey. An archaeological guide, London, Benn, 1978, p. 122. 145 Près de l’actuelle Sultanhisar (Turquie). D. de Bernardi Ferrero, op. cit., III, Roma, 1970, p. 113-121, fig. 107-119; G. E. Bean, Turkey beyond the Maenander. An archaeological guide 2, London, Benn, 1971, p. 182, pl. 61; H. P. Isler in TGR III, p. 505. 146 D. de Bernardi Ferrero, op. cit., p. 119. 147 D. de Bernardi Ferrero, op. cit., p. 133-143, fig. 137-150, pl. 26 a; G. E. Bean, op. cit., p. 68-70; pl. 34; U. Izmirligil, in KST, 5, 1983, p. 291-295 et 533-535, fig. 1-6; 7, 1985, p. 392-395, fig. 1; 8, 1986, p. 127-131, fig. 1-11; 9,2, 1987, p. 165-168; H. P. Isler, in TGR, p. 448.
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retrouvés englobés dans un mur de 2 m d’épaisseur. Il s’agit d’un travail d’époque romaine tardive. Selon D. De Bernardi Ferrero, il fut réalisé «quand furent présentés dans l’édifice des spectacles de l’arène ou quand l’orchestra fut transformée en piscine pour les spectacles aquatiques»148. Le manque d’ouverture dans la façade du proscenium scandée de niches lui suggère également l’idée qu’elle fut réalisée lors d’une adaptation du monument à ces mêmes spectacles. g) Le théâtre C de Troie (Asie)149 Le théâtre C de Troie, de caractère suburbain, date de l’époque romaine impériale, mais il est possible que la cavea remonte à l’époque hellénistique. L’orchestra, d’un diamètre de 10 m, est entourée d’un podium de 1,30 m qui vient se souder au pulpitum. Elle constituait donc un espace totalement clos (pl. XXXII). Seuls quatre escaliers y donnaient accès, dont deux partaient du pulpitum et deux des angles de la cavea. La hauteur du podium le rendait insuffisant pour les spectacles de l’arène. Aussi a-t-il été interprété lui aussi comme le mur d’un bassin, cette fois par G. Traversari. Le chercheur italien signale toutefois lui-même l’absence de toute certitude sur ce point. H. P. Isler fait de même dans Teatri greci e Romani. C. Courtois en revanche mentionne Troie C à côté des théâtres d’Argos, d’Athènes et de Césarée, donc parmi certains des théâtres dont l’adaptation aux spectacles aquatiques est la mieux attestée. La Cyrénaïque a) Le théâtre de Cyrène150 Le théâtre de Cyrène où l’on a supposé la présence de spectacles aquatiques était situé dans la partie centrale de la cité, sur la partie Nord du Marché de la ville, dévasté par un tremblement de terre en 365. L’orchestra fut creusée dans la roche et la cavea fut réalisée sur un soubassement de mortier mêlé de débris provenant des bâtiments du Marché détruits par le tremblement de terre. La frons pulpiti fut taillée à travers les deux épaisseurs de pavement successives de la place du Marché. Ce pavement constituait ainsi le dallage du plan de scène lui-même. Deux escaliers descendaient de ce pulpitum sur l’orchestra.
D. de Bernardi Ferrero, op. cit., p. 139-141. G. Traversari, op. cit., p. 140-142, fig. 33; H. P. Isler, in TGR, p. 498-500. 150 G. Caputo, Teatro del IV secolo d. C. in Cirene, in Dioniso, n.s., XVII, 1954, p. 184; R. Goodchild, in Fasti Arch., IX, 1954, p. 281, n. 3802; X, 1955, n. 3229, Pl. B; Cyrene and Apollonia, An Historical Guide, London, 1963, p. 68-69; 1970, p. 94; S. Stucchi, Architettura Cirenaica, Roma, L’«Erma» di Bretschneider, 1975, p. 262-263, 342 et 463-465, fig. 258, 299, 475; J.-Ch., Balty, Curia ordinis. Recherches d’architecture et d’urbanisme antiques sur les curies provinciales du monde romain, Bruxelles, Palais des Académies, 1991, p. 434; J. B. Ward Perkins, S.G. Gibson, The Market-Theater complex and associated structures, Cyrene, in LibSt 18, 1987, p. 43-72; H. P. Isler in TGR III, p. 142. 148
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Lors de la fouille du théâtre, une cavité qui devait contenir une canalisation en plomb fut découverte à la surface du dallage du pulpitum. Elle aboutissait à peu près au centre de la frons pulpiti. Par ailleurs, un parapet qui tournait au pied de la cavea venait se souder au pulpitum . Selon S. Stucchi151, la conduite qui passait sur le plan de scène venait alimenter un bassin délimité par le parapet, et donc étendu à toute l’orchestra. b) Le théâtre de Ptolémaïs152 À l’angle Sud-Ouest de l’Agora de Ptolémaïs se trouve un édifice qui a été interprété tantôt comme un odéon, bien qu’il n’ait pas été couvert, tantôt comme un bouleuterion. Découvert en 1822, le monument a fait l’objet de fouilles de 1935 à 1955. Il est construit en terrain plat. Son plan est rectangulaire à l’extérieur et semi-circulaire à l’intérieur. La datation de l’édifice n’a pas été établie de façon précise. Toutefois, le temple auquel il fut accolé date de l’époque d’Hadrien, ce qui fournit au moins un terminus post quem. Ce théâtre date probablement du IIe siècle ap. J.-C. La cavea en forme de fer à cheval était délimitée par des murs extérieurs rectilignes et reposait sur une fondation massive et un couloir semi-annulaire externe. Le diamètre de l’orchestra était de 11,40 m. Ses côtés furent prolongés dans un second temps, pour adopter une forme en fer à cheval, en repoussant vers l’Ouest les parodoi. Un podium au pied de cette cavea venait rejoindre la frons pulpiti, faisant de l’orchestra un espace entièrement clos. Une porticus post scaenam d’ordre dorique s’ouvrait vers l’Ouest sur le decumanus. Elle donnait accès à un ambulacre et aux parodoi par deux portes situées à ses extrémités, qui permettaient aussi, par deux escaliers latéraux, de monter sur la tribune des orateurs. Cette dernière avait pour fond une façade monumentale que l’on peut assimiler à une scaenae frons, mais ne s’accompagnait d’aucun édifice scénique. La façade était ornée de 3 grandes niches rectangulaires encadrées par deux plus étroites. Toutes étaient revêtues de marbre. Un canal profond de 15 à 25 cm et large d’autant a été découvert dans le théâtre. Provenant du Sud-Ouest, sa partie conservée était creusée dans le sol sur le côté droit du pulpitum. Il débouchait au-dessus de la frons pulpiti (pl. XXXIII). Par ailleurs, au cours d’une phase tardive de l’histoire de ce théâtre, on abaissa de 1,26 m le niveau du sol de l’orchestra. Deux escaliers, destinés à permettre aux acteurs l’accès à l’orchestra depuis l’estrade, furent alors réalisés aux deux extrémités de la frons pulpiti. Les niches qui ornent cette dernière datent très certainement aussi de la même époque, car leur insertion tint compte de la place nécessaire aux deux rampes d’escalier. Celle du
S. Stucchi, op. cit., p. 465. G. Caputo, Note sugli edifici teatrali della Cirenaica, in Anthemon, scritti di archeologia e di antichità classiche in onore di C. Anti, Firenze, Sansoni, 1955, (p. 281-291), p. 288-290; C. H. Kraeling, Ptolemais, city of the Libyan Pentapolis, Chicago, University of Chicago Oriental institute publications, 1962, p. 93; S. Stucchi, op. cit., p. 278-280, 340 n. 2; p. 465-467, 478-480; J.-Ch., Balty, op. cit., p. 431-3; 486-8. fig. 212-213; H. P. Isler in TGR III, p. 145-146. 151
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centre est rectiligne, les 4 autres sont semi-circulaires. S. Stucchi interprète l’ensemble de ces transformations comme une adaptation du théâtre aux spectacles aquatiques. Le bassin aurait été alimenté par le conduit du pulpitum. Lors de la transformation du bouleuterion en édifice de spectacle, les entrecolonnements du portique situé à l’arrière furent murés pour réaliser une pièce de service destinée aux acteurs et aux accessoires des représentations. De même, les niches qui ornaient la scaenae frons furent ouvertes et devinrent ainsi trois portes d’accès au pulpitum. Des blocs provenant du niveau supérieur de l’Arc de Constantin furent réutilisés pour former les niches de la frons pulpiti. Dans la mesure où cet arc fut détruit en 405, on possède donc un terminus post quem pour la phase de travaux qui nous occupe.
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DOCUMENTS ICONOGRAPHIQUES
Les documents iconographiques susceptibles d’eˆtre mis en relation avec les spectacles aquatiques sont de deux sortes. Tout d’abord, on peut isoler quelques œuvres figuratives que leurs caracte´ristiques incitent a` interpre´ter comme des repre´sentations directes de ces mises en sce`ne. Une e´tude plus attentive est ne´cessaire pour de´terminer, dans chaque cas, la validite´ de cette hypothe`se, qui n’a rien d’invraisemblable lorsque l’on songe a` toutes les reproductions plastiques connues pour les autres types de spectacles romains. Si les repre´sentations explicites sont rares, en revanche les œuvres susceptibles d’avoir inspire´ les spectacles aquatiques, ou celles qui a` leur tour purent en recevoir certains e´le´ments the´matiques sont nombreuses. Il ne s’agit donc pas d’en e´tablir un corpus exhaustif, mais d’en signaler les exemples les plus significatifs.
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Pl. I – Scènes de naumachie et de gladiature. Pompéi, péristyle de la Maison du Sculpteur (Maiuri 1955, pl. III).
Pl. II – Scène de naumachie. Rome, Villa Farnesina, corridor G, Museo nazionale romano.
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Pl. III – Scène de naumachie du portique du temple d’Isis. Naples, Musée archéologique, inv. no 8529.
Pl. IV – Relief éphébique représentant une compétition nautique (IG II2 2130).
Pl. V – Barque votive de Blessey. Musée archéologique de Dijon (Neubauer 1869, pl. II).
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Pl. VI – Peinture nilotique. Pompéi, péristyle de la Maison du Médecin (Maiuri 1953, p. 111).
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Pl. VII – Monnaie de Caracalla commémorant les Jeux séculaires de 204 ap. J.-C. Londres, British Museum (Humphrey 1986, fig. 51).
Pl. VIII – Monnaie de Caracalla commémorant les Jeux Séculaires de 204 ap. J.-C. Londres, British Museum (Jennison 1937, p. 82).
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Pl. IX – Moule de terre cuite figurant la spina du cirque sous la forme d’un navire. Marseille, Musée d’Histoire de Marseille.
Pl. X – Léandre et Héro. Pompéi, Maison des Vettii, paroi S du cubiculum (d) (Pompei 1999, fig. 21).
Pl. XI – Fragments de la mosaïque des thermes de Henchir-Thina (Traversari, 1960, fig. 32). .
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Pl. XII – Mosaïque de la toilette de Vénus de la Maison de l’âne à Djemila. Musée de Djemila (Blanchard-Lemée 1975, pl. I).
Pl. XIII – Détail de la mosaïque de Djemila : Léandre et Héro (Blanchard-Lemée 1975, pl. X, a). www.torrossa.com - For non-commercial use by authorised users only. License restrictions apply.
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Pl. XIV – Détail de la mosaïque de Djemila : Personnages embarqués (Blanchard-Lemée 1975, pl. XII, b).
Pl. XV – Détail de la mosaïque de la megalopsychia (découverte à Yakto) : le théâtre mis en eau (Levi 1947, t. II, pl. LXXIX a).
Pl. XVI – Tissu copte, détail : Vénus encadrée par deux Panisques et un Triton. Musée du Textile de Washigton, inv. no 72.166.
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Pl. XVII – Théâtre de Daphné. La base circulaire au débouché du conduit d’arrivée d’eau dans l’orchestra (Traversari 1960, fig. 4).
Pl. XVIII – La fosse cruciforme de l’arène de Mérida (Golvin 1988, pl. XXXVII, 1-2).
Pl. XIX – Le théâtre de Spolète (Traversari 1960, fig. 35).
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Pl. XX – Le théâtre de Syracuse (Rizzo 1923, pl. III). www.torrossa.com - For non-commercial use by authorised users only. License restrictions apply.
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Pl. XXI – Théâtre de Syracuse. Les trois euripes successifs du théâtre (Polacco 1981, fig. 144).
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Pl. XXII – Théâtre de Syracuse. Niche creusée dans le pilone rocheux occidental (Rizzo 1923, fig. 25).
Pl. XXIII – Théâtre de Syracuse. Marge externe d’un lit de pose et bavures de mortier autour de E 1 (Polacco 1981, fig. 167).
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Pl. XXIV – Théâtre d’Argos. Le mur de la kolymbèthra et l’escalier d’accès (Wolgraff 1951, pl. III).
Pl. XXV – Plan du théâtre de Dionysos à Athènes et parcours du conduit d’évacuation des eaux (Polacco 1990, pl. VIII).
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Pl. XXVI – Théâtre de Dionysos à Athènes. Le mur du proscenium orné de reliefs. Le mur de renfort associé à la kolymbèthra (Polacco 1990, fig. 59).
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Pl. XXVII – Théâtre de Dionysos à Athènes. Le parapet de la proédrie et le muret de la kolymbèthra (Traversari 1960, fig. 6).
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Pl. XXVIII – Reconstitution du théâtre de Dionysos à l’époque de la kolymbèthra (Segal 1995, fig. 154).
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Pl. XXIX – Théâtre de Corinthe. Vestiges du muret de la kolymbèthra et caniveau d’époque romaine tardive (Traversari 1960, fig. 10).
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Pl. XXX – Théâtre de Hiérapolis. Murs tardifs fermant les portes de l’hyposcaenium (De Bernardi Ferrero 1987, fig. 6).
Pl. XXXI – Le théâtre de Tyndaris (Traversari 1960, fig. 34).
Pl. XXXII – Le théâtre C. à Troie (Traversari 1960, fig. 33).
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Pl. XXXIII – Le théâtre de Ptolémaïs et le canal traversant le pulpitum (Traversari 1960, fig. 18).
INDEX DES SOURCES LITTÉRAIRES
Acta apostolorum apocryphae : 181, n. 91. Acta Pauli et Theclae : 84, 251, 431-432. Acta Sanctorum : 183, n. 97. Albinovanus Pedo : voir Sénèque le Rhéteur. Ammien Marcellin : 61, 95, 343, n. 82, 371, 420-421. Anthologia Latina : 302, n. 67, 344, n. 87, 384, n. 222. Anthologia Palatina : 288, 296, n. 54, 377, n. 200. Apicius, De re coquinaria : 46. Appendix vergiliana : 357, n. 141. Appien La guerre civile : 16, n. 16, 17-18, 24, 36, n. 66, 44, 157 n. 18, 306, 330, n. 21, 331, n. 23, 24 & 26, 333, n. 30-31, 335, n. 45, 339, n. 69, 403-404. Histoire de Mithridate : 328. Apollonios de Rhodes : 352, n. 120. Apulée, Metamorphoseon lib. XI : 107, 142-146, 321-322, 384. Athénée : 74, 362, 363, n. 161, 364, n. 165. Auguste : 17, n. 20, 18, 22, 25, 39, 162, 167, 171-172, 174, 279, 334, n. 38-39, 335, 337, n. 55-56, 353, n. 123, 407. Augustin Enarrationes in Psalmos : 127, 131, 272, 395, 437. De Doctrina christiana : 136, n. 116. Aurelius Victor : 29, n. 47, 40, n. 78, 47, 177, 214, 354, n. 129, 360, n. 149. Ausone Eclogae : 47. Cupido cruciatus : 378, n. 206. Mosella : 55-59, 117, 118, n. 68, 119, 301, n. 67, 377, 379-383, 394, 418-419. Aviénus, Ora maritima : 357, n. 141.
Callimaque, Hymnes : 289. Calpurnius Siculus : 40, n. 79, 67-70, 84, 94, n. 108, 95, 235, n. 70, 251, 253, 356, n. 133, 361, 365, 431. Catulle : 293, 363, n. 159. César (et après César) Bellum Alexandrinum : 38, n. 75, 306, n. 92-93, 329, 339, n. 68. De bello ciuili : 329, 335, n. 45. De bello Gallico : 329, 353, n. 122. Chariton : 13. Cicéron Ad Atticus : 155, n. 7, 363, n. 159. Ad Familiares : 139, n. 134, 146, n. 147. De imperio Cn. Pompei : 327, n. 4, 328. De legibus : 303, n. 69. De natura deorum : 309, n. 103. De Oratore : 139, n. 134. De prouinciis consularibus : 329, n. 15, 338, n. 66. Philippicae : 139, n. 134, 157 n. 18, 327, n. 5. Pro M. Caelio Rufo : 297-298. Pro M. Claudio Marcello : 329, n. 15, 338, n. 66. Pro rege Deiotaro : 338, n. 66. Tusculanae disputationes : 34, n. 56. Claudien : De Mallii Theodori consulatu : 112-113, 119-120, 122, 124, 126127, 131, 138, 140, 145, 273, 372-373, 391, 434-435. Codex Theodosianus : 387, 388, n. 239. Diodore de Sicile : 67, n. 15, 309, 345, n. 92. Diomède : 138 Dion Cassius : 12-20, 23-24, 26-32, 35 n. 63, 36, n. 66 & 68-69, 38, 40-42, 49, n. 114, 50, 61, n. 2, 63, 66-67, 68, n. 23, 75-78, 80-81, 83, 87, 90-91, 92, n. 102, 94, n. 110, 97, 121, n. 77, 129, 153-155, 157 n. 19, 161; 164, n. 42,
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INDEX
165, 168, 173, 177-178, 179, n. 85, 198, 200, 246, n. 110, 247, 251-253, 286, n. 22, 306, n. 92-93, 307, 309, n. 104, 318-319, 327, n. 3, 329, n. 19, 330332, 333, n. 30-32, 334, n. 39, 337, n. 53 & 55, 338-339, 343, 349, n. 104, 350, n. 110, 355, 359, 362-363, 364, n. 167, 365, n. 168, 366, 374, 404-406, 409, 411, 413-418, 421-426, 526. Dion Chrysostome (de Pruse) : Discours XXXI (Rhodien) : 376, 518 Discours XXXVII (Corinthien) : 49, n. 113 Dracontius : 140, 145, 293, 295. Hylas : 113, n. 50, 114, 118, 136. Medea : 112-114, 118, 135. Élien, Histoires variées : 306, n. 85. Festus : 154. Flavius Josèphe Antiquités judaïques : 36, n. 71, 134, n. 105, 355, n. 131. Guerre des Juifs : 19, 36, n. 70, 345, n. 94, 349, n. 103, 534. Florus : 155, n. 11, 328, n. 8, 329, n. 16, 354, n. 125. Frontin, De aquae ductu urbis Romae : 28, 83, n. 68, 162-163, 174, 177, 341, 366, n. 171. Fronton, Ad Antoninum imperatorem : 100-101, 125, 127, 130-131, 134, 136, 140, 145, 287, 288, n. 30, 301, n. 67, 372, 433-434. Fulgence, Mythologiae : 302, n. 67, 384, n. 222. Héliodore, Théagène et Chariclée : 124. Hérodien : 289, n. 35. Hérodote : 392, n. 251. Hésiode, Théogonie : 352, n. 120. Hirtius : voir César Historia Augusta : 41, n. 83, 50, 97. Antoninus Heliogabalus : 46, 71, 426-427. Antoninus Pius : 70, 96, 424-425 Diuus Aurelianus : 45, 213, 350, n. 112, 418. Carinus : 373. Firmus : 71-72. Gordiani tres : 96. Probus : 371. Homère Iliade : 1, 295. Odyssée : 316. Horace Epistulae : 58-59, 146, n. 147, 298, 382.
Epodon liber : 331, 334, n. 38-39. Odarum libri II : 296, 298, 334, n. 38-39, 352, n. 116, 357, n. 141. Saturae : 165. Isidore de Séville, Etymologiae : 147. Jean Chrysostome Homélie VII sur saint Mathieu : 101-102, 104, 107, 114, 116, 126127, 131, 138, 146, 225, 292, 298, 300, 387, 389-393, 435-436. Homélie contre les jeux et le théâtre : 138 n. 127. Homélie sur st. Barlaam martyr : 138, n. 128. Homélie sur st. Jean : 138, n. 128. Jean le Lydien : 388, 390. Jérôme, Epistulae : 46. Julien : 387, 389, n. 241. Justin : 364, n. 165. Juvénal : 68, n. 23, 134, n. 106, 139, n. 135. Lactance, Diuinarum institutionum libri VII : 138 n. 126. Laus Caesaris : 344-345, 353. Libanios, Discours : 220, n. 16, 221, n. 19. Longus, Daphnis et Cloé : 142, 145. Lucain : 301, n. 67, 339, n. 69, 353, 366. Lucien De la danse : 135-136. De la manière d’écrire l’histoire : 351, n. 115. Sur Dea Syria : 226. Lucilius : 280-281, 419. Malalas : 120-121, 220-222, 385-387, 389-390, 464, 536. Martial : 96 Epigrammata : 42, 68, n. 23, 70, 74, 92, 101, n. 9, 301, n. 67, 378, 416, 424. Spectaculorum Liber : 15, 16 n. 14, 31-32, 40-41, 50, 63, 65, 68, 74, 87, 94, n. 108, 99-104, 107, 108, n. 27, 118-120, 125-126, 130, 132134, 136, 139-140, 146, 235, n. 70, 246, n. 110, 247, 250, 287, 292, 298, 301-302, 319, 322, 356357, 359, 361, 372, 374, 414-415, 424, 432-433. Martyre de saint Théodote et des sept vierges : 289-291. Musée : 287, 288, n. 28. Nonnos : 114-118, 136, 140, 145-146, 293-294, 391.
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INDEX
Orose : 61, n. 2. Ovide Amores : 287. Ars amatoria : 12, 39, 279, 287, 407-408. In Ibin : 287. Fasti : 49, n. 111, 155, n. 11, 291, 327, n. 7, 337, n. 56, 340, 352, n. 116. Heroides : 135, 287-289. Metamorphoses : 293-294. Tristia : 139 n. 135, 287. Pacatus : 374, n. 190. Papyri d’Oxyrinx : 139, n. 136, 288. Papyrus Ryland : 288. Pausanias : 179, n. 85, 221, 289, n. 35, 320, n. 146, 509, 526, n. 114. Philon d’Alexandrie, L’ambassade à Gaius : 351, n. 115. Plaute, Persa : 61, n. 2. Pline l’Ancien : 11, n. 1, 29, n. 47, 40, n. 79, 61, 64, 68-71, 72, n. 39, 74, 8082, 92, 93, n. 107, 96, 155, n. 10, 175176, 231, 305, 308-309, 312-314, 317, 320, n. 146, 328, n. 8 & 11, 333, n. 27 & 28, 343, 358, 362, n. 154, 365, n. 170, 420, 422-423. Pline le Jeune, Panegyricus Traiano dictus : 179, n. 85, 364. Plutarque : 321 Antoine : 125, 157 n. 18, 319-320, 333, n. 35. César : 34, 37, n. 73, 153, 329, n. 16, 338, n. 61, 339, n. 69, 345, n. 92, 404. Crassus : 343, n. 82. Numa : 155, n. 11. Pompée : 157, 327, n. 3, 328, n. 8, 329, n. 17, 345, n. 91 Romulus : 155, n. 11. Oeuvres morales : 64, 306, n. 85, 339, n. 69. Pollux : 281. Polybe : 23, 327, n. 7, 361, n. 152. Pomponius Mela : 301, n. 67. Procope : 203-204, 206. Properce : 297-298, 334, n. 38-39, 336, n. 47, 351, 364, n. 167, 377, n. 198. Prudence, Contra Symmachum : 89. Quintilien : 136, n. 116. Sénèque De breuitate uitae : 61, n. 2, 93, n. 106. De ira : 301, n. 67.
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Epistulae ad Lucilium : 14, 34-35, 41, 138 n. 126, 412-413. Medea : 345, n. 94. Phaedra : 357. Naturales quaestiones : 358, n. 143. Pseudo Sénèque, Octavia : 354, n. 126 Sénèque le Père, Suasoriae : 353, n. 122, 354, n. 124, 357. Servius, In Vergilii Aeneidos commentarii : 280-282, 286, 420. Sidoine Apollinaire, Epistulae : 50, 214-215, 301, n. 67, 370, 380-381. Silius Italicus : 301, n. 67, 343, n. 82. Stace Achilleis : 295. Siluae : 163-164, 301, n. 67, 321322, 378. Thebais : 301, n. 67 Stéphane de Byzance : 49, n. 114, 337, n. 54. Strabon : 49, n. 114, 62, 66-67, 68, n. 23, 72, 93, 288, 337, n. 54, 351, n. 115, 363, n. 157, 429-430. Suétone : 50, 97 Augustus : 15, n. 13, 39, 82, 331, n. 24, 333, n. 35, 334, n. 40, 337, n. 53 & 57, 351, n. 115, 408-409. Caesar : 15, n. 13, 22, 36, n. 66, 153-157, 286, n. 22, 304, n. 75, 329, n. 16, 338, n. 61, 363, n. 160, 402-403. Caligula : 80, n. 61, 134, n. 105, 137, n. 121, 353, n. 122, 354, n. 128-129, 355, 362, 366, n. 171. Claudius : 12, 14, n. 11, 17, 20, 23, 34, n. 56, 35, 103, 343, 344, n. 86, 347, n. 96, 348, 353, n. 123, 366, n. 171, 410-411. Domitianus : 19, n. 25, 22, 28, 31, 92, n. 102, 178-179, 209, 246, n. 110, 247, 253, 416-417. Nero : 17, 29, 31, 35, n. 62, 40, 42, 62-63, 78, 83, 253, 309, n. 104, 316, n. 132, 363, 364, n. 164, 365, 413, 423. Tiberius : 164, 339. Titus : 15, n. 13, 28, 31, 75, 129, 247, 415, 424. Symmaque, Epistulae : 72-73, 85-86, 92-93, 96, 127, 213, 215, 273, 301, 315, 371, 428-429. Tacite : 50, 97 Annales : 14, 15, n. 13, 16-17, 18, n. 21, 20, 22-23, 25, n. 39, 27,
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INDEX
29, n. 47, 30-31, 35, 39-40, 63, 78-79, 162, 164, n. 41-42, 168, 316, 339, n. 71, 343, 353, n. 123, 357-358, 364, 365, n. 169, 367, 410, 423. Germania : 57. Historiae : 23, 349, n. 108. Thucydide : 12, 13, n. 8. Tertullien, Apologeticum : 139. Tite-Live : 155, n. 11, 281, 282, n. 11, 283-285, 327, n. 7, 328, n. 8, 378, n. 201. Valère Maxime : 86, n. 82, 138, n. 126, 219, n. 6. Valérius Flaccus : 349. Varius Rufus : 334, n. 38.
Velléius Paterculus : 36, n. 66, 110, 141, 148, 153, 157 n. 18, 279, 330, n. 21, 331, n. 24, 353, n. 123, 365, n. 170, 401-402, 409. Virgile Aeneis : 1, 49, 68, n. 23, 294, 334, n. 39, 336, n. 47, 378-379. Bucolica : 377 Georgica, 287-288, 352, 377. Vitruve : 307. Xénophon, Banquet : 140-142, 144-145, 148, 288, 292. Xénophon d’Ephèse, Les Ephésiaques : 124. Zosime : 47, n. 102.
INDEX ÉPIGRAPHIQUE
Acta Arualium, p. 63, éd. Henzen : 199, n. 138. Carmina latina epigraphica, 1318 & 1499 : 296, n. 54. Fastes d’Ostie, NS, 1932, p. 194 = AE, 1993, 30 : 11; 29; 179; 212. CIG, 3657 : 289, n. 35. CIL I2, p. 215 : 334, n. 43. CIL I2, p. 379 : 327, n. 7. CIL V, 3222 : 240, n. 89. CIL VI, 385 = 30751 : 157, n. 16. CIL VI, 386 : 157, n. 16. CIL VI, 955 : 28, n. 46. CIL VI, 1256 : 347, n. 99. CIL VI, 30422.3 : 154, n. 6. CIL VI, 31566 = XI, 3772 a : 163, n. 35; 341, n. 76. CIL VI, 37128 : 504, n. 95. CIL VI, 39087 : 157, n. 20. CIL X 1, 4846 : 327, n. 7. CIL X 2, 7124 : 503, n. 92. CIL XIII, 1668 : 345, n. 93. CIL XIV, 1 : 48, n. 105. CIL XIV, 2093 : 327, n. 7. CIL XVI, 114 : 481, n. 53. IG II2, 1006 : 376, n. 194. IG II2, 1008 : 376, n. 194.
IG II2, 1011 : 376, n. 194. IG II2, 1996 : 52, n. 122; 439. IG II2, 2024 : 52, n. 122; 440. IG II2, 2046 + 2001 + 2248 : 54, n. 131; 440. IG II2, 2055 : 53, n. 126. IG II2, 2087 : 53, n. 126-128; 440. IG II2, 2106 : 54, n. 131; 440. IG II2, 2119 : 52, n. 122; 55, n. 135; 440. IG II2, 2124 : 53, n. 126; 54, n. 131; 440. IG II2, 2127 : 53, n. 126 & 128; 54, n. 130. IG II2, 2129 : 53, n. 126 & 128. IG II2, 2130 : 52, n. 122; 53, n. 127; 55, n. 136; 440. IG II2, 2167 + 2273 + EM 3644 (Arch. Ephèm., 1971, no 4, p. 60-61) : 52, n. 122; 441. IG II2, 2198 : 55, n. 137; 440. IG II2, 2208 : 53, n. 127; 54, n. 129; 440. IG II2, 2233 : 54, n. 129. IG II2, 2237 : 54, n. 129. IG II2, 2239 : 54, n. 129. IG II2, 2245 : 52, n. 122; 54, n. 129; 441. IG II2, 2311 : 376, n. 193.
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INDEX
REG 49, 1936, p. 9-14 = OMS 947-52 : 389, n. 243 SEG XIV, 97 = Arch. Ephèm. 1950-
581
1951, p. 49, no 30 = Arch. Ephèm., 1968, p. 203, Appendix 5 : 53, n. 126 & 128. SEG XVI, 257 : 518
INDEX DES NOMS DE PERSONNES (HISTORIQUES ET MYTHOLOGIQUES) Achéloos : 294. Achille : 317. Actéon : 115, 294. Agricola : 353, n. 123, 370. Agrippa : 44, 157-158, 333, 337, n. 52. Agrippine : 78-79, 411, 423. Alexandre : 125, n. 88, 308-309, 345. Alexandre VI : 201. Alphée : 295. Amour (Éros / Cupidon) : 112-114, 118, 136, 293, 320, 321, n. 149. Amours (/ Cupidons / putti) : 58, 105-106, 123, 125, 144, 218, 313, n. 121, 318, 320-322, 378-379, 383, 391, 419. Ampelos : 115-116, 118. Andromède : 106-107, 135, 322. Anicetus : 79. Antoine : voir Marc Antoine. Antonin : 70, 92, 96, 424-425. Antonins : 368. Apelle : 308, 320, n. 146. Apollon : 334, 337, n. 54, 419, 421. Aphrodite : voir Vénus. Arcadius : voir Honorius. Aréthuse : 295. Ariane : 140-141, 145-146, 292. Arion : 105, 107, 108, n. 27. Artaxerxès III Ochos : 306. Artémis : voir Diane. Atargatis (/ Dea Syria) : 226-227. Athéna (/ Minerve) : 289, 296, 322. Auguste (/ Octave) : 2, 11-12, 15, 22, 25, 33, 36, 39-40, 44, 66-67, 83, 94-95, 157, 162, 167-168, 302, 307-309, 313315, 330, 332-342, 345, 348, 350-352, 356, 360-361, 364, 367, 379-380, 383, 407-409, 417, 419, 473, 505. Aura : 115. Aurélien : 45-46, 71, 418. Bacchantes (/ Ménades) : 118, 290, n. 36. Bacchus : voir Dionysos.
Bellone : voir Enyo. Benoît XIV : 190. Bocchus de Maurétanie : 93. Caelius Rufus (M.) : 298. Calamos et Carpos : 115. Caligula : 80, 94-95, 125, n. 88, 199, 301, 314, 333, n. 36, 343, n. 84, 346, 354355, 359, 361-362, 365, 367, 421-422. Calliope : 114, n. 54. Caracalla : 76, 442, 526, 530. Carin : 373. Carpophorus : 68-69. Cartilius Poplicola : 333, n. 27. César : 11, 13, 18, 22, 24-27, 33-34, 3638, 40, 61, n. 2, 93, 155, 157, 160-162, 279-280, 285, 302, 304, 306-307, 309, 326-327, 329-330, 335, 338-340, 345, 348, 354, 356, 361, 363, 375, 379, 383, 401-406. Chéréas : 13. Chloé : 142. Claude : 11-12, 14, 16, 18, 20, 22-24, 27, 33, 35-36, 37, n. 72, 39, 71, 80, 103, 162, 209, 254, 302, 308-309, 342-348, 350, 354, 358, 360, 367, 410-411, 422. Cléonyme : 283-285. Cléopâtre : 125, 148, 319-321, 330, 363. Climène : 114, n. 55, 118. Clodia : 297. Commode : 71, 92, 96, 386, 389, 425. Constance II : 89. Constance Chlore : 371. Constant : 89, 371. Constantin (lieutenant de Bélisaire) : 204. Constantin II : 89. Consus : 48-49. Crassus (M.) : 337. Cupidon : voir Amour. Cyané : 293. Cybèle : 289, 291. Cyclope : 373.
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INDEX
Danaé : 105, 108. Daphnis : 142. Dea Syria : voir Atargatis. Dédale : 105, 108, 132. Déméter : 289. Démétrios Poliorcète : 317, n. 138, 331. Diane : 115, 116, 118, 226, 240, 289-290, 294, 320, n. 147, 322. Dionysos : 115-118, 140-141, 145-146, 292, 345, 360, 389, n. 240, 392. Dioscures : 389, n. 239, 433, 515. Domitien : 11, 14, 19, 22, 28, 31-32, 3839, 42, 49, 70, 92, 178-179, 190, 247248, 253-254, 350, 361, 364, 366-367, 416-417, 424. Domitius Ahenobarbus (Cn) : 317. Drusus : 353, n. 123. Duilius : 44, 328, n. 8. Élagabal : 46, 71, 426-427. Endymion : 105, 108, n. 28. Enyo (/ Bellone) : 15, 103, 414. Europe : 105, 108. Eurydice : 249. Faunes : 109. Firmus : 71-72, 427-428. Flaviens : 350. Fons : 341. Fortuna (/ Tychè) : 220-221, 291, 328329, 338-342, 351, 392. Furrina : 341. Gaius et Lucius César : 39, 168, 171, 175, 409. Galatée : 40, 87, 103, 359, 415. Germanicus : 339, 344, n. 84, 353, n. 123, 354, n. 124, 357. Geta : 76. Glaucus : 110, 141. Gordien III : 70, 427. Grâces : 125, 144, 146, 320-321. Hadad : voir Atargatis. Hadrien : 121, 128, 196, 370, 385, 526. Hélios (/ Soleil) : 115, 118, 352. Héra (/ Junon) : 284-285, 289, 353, n. 120, 385. Hercule : 70, 345, 378. Hermaphrodite : 294. Hermès (/Mercure) : 143, 322. Héro : voir Léandre. Hérode le Grand : 222, 534. Hérode Agrippa : 36. Heures : 144, 146.
Honorius : 387, 428. Hylas : 114, 320, n. 147. Hymnos : 115. Icare : 17, 35, n. 62, 108, 132, 413. Ichtyocentaure : 105. Isis : 226, 305, 311, n. 112, 317, 342, n. 80. Jason : 112-114, 293. Julie : 34, 37, 44, 404. Junon : voir Héra. Jupiter (/ Zeus) : 115, 295, 354. Lagides : 13, 362, 364, 392. Laureolus : 133, 137, 139. Léandre : 88, 99-100, 104-107, 123, 126127, 130-134, 136-137, 140, 145, 251, 287-288, 293, 301, 322-323, 356, 372, 384, 390-391, 432. Léon III : 183. Léon IX : 185, 200. Liber : 419. Lollius Maximus : 58, 382-383. Louis XIV : 399. Lucine : 103. Lysippe : 331. Marc Antoine : 110, 125, 141, 157, 320, 332, n. 27, 333, n. 36, 335, 339, 363, 364, n. 167. Marc Aurèle : 51-52, 100, 375, 433, 441. Mars : 103, 114, n. 55, 334, 414. Médée : 114. Melpomène : 113-114. Ménades : voir Bacchantes. Mercure : Voir Hermès. Minerve : voir Athéna. Morrheus : 115. Naïades : 121, 131, 322. Néalkes : 305-306, 330. Neptune (/ Poséidon) : 40, 48, 49, 88, 108, 113, n. 50, 167, 295, 316-319, 330-334, 352, 355, 407. Nératius Palmatus : 503-504. Nérée : 87, 103, 354, 359, 415. Néréide(s) : 66, 101-102, 104-107, 111, 118, 125-127, 130-131, 133, 136, 140, 145-146, 227, 293-294, 317-322, 358360, 372. Néron : 11, 14, 16-17, 19, 26, 30-32, 34, 40, 42, 45, 63, 69-70, 78-79, 87, 94-95, 97, 125, n. 88, 173-174, 181-182, 253254, 301-302, 316, 322, 348-349, 357362, 365, 366, 369, 411-414, 423, 456.
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INDEX
Nerva : 48. Nicaia : 115. Nymphes : 102, 114, 117-118, 121, 136, 146, 218, 224, 293, 320, n. 147, 392. Océan (Okeanos) : 344-345, 354-355, 357, 370, 385. Octave : voir Auguste. Orphée : 108, n. 27, 132-133, 249. Osiris : 336, n. 50, 364, n. 163 & 166. Palémon : 106. Pan : 142. Panisques : 111. Pâris : 107, 145. Pasiphaé : 413. Patrocle : 1. Paul : 84-85. Pélée : 293. Périmèle : 294. Persée : 82, 105, 107-108, 123. Phidias : 320, n. 146. Philippe l’Arabe : 47, 70, 92, 96, 177, 214-215, 427. Pierre : 181-182, 201, 203, n. 149. Plancus (L. Munatius) : 110, 141-142, 145-146, 148. Plautianus : 78, 426. Polymnie : 113-114, 135. Pompée : 52, 157, 326-329, 333, n. 27, 335, 340, 345, 375. Poséidon : voir Neptune. Probus : 371. Ptolémée II Philadelphe : 306, 362. Ptolémée VIII : 364, n. 165. Putti : voir Amours. Pygmée(s) : 72, 305, 311-314, 391-392. Pylade : 147. Rémus : 18 Romulus : 18, 155. Salmacis : 294, 298 Salvidienus Rufus : 38, 330, 332, 406407. Satyres : 109, 115, 117-118, 322, 392. Scaurus (M. Aemilius) : 11, n. 1, 61-62, 82, 94-96, 299, 312, 326, 420-421. Scipion l’Africain : 281-282, 286, 364, n. 165. Scylla : 105. Séléné : 105, 108, n. 28, 464. Séleucides : 13. Séleucos Nicator : 220-221. Sémélè : 115, 118.
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Septime Sévère : 76-79, 88, 370, 372. Seth : 336, n. 50. Sévères : 481. Sextus Pompée : 11, 14, 22, 27, 38, 40, 330-334, 337, 406-407. Silène : 117. Sirènes : 105. Skopas : 317. Soleil : voir Hélios. Sylla : 93. Symmaque : 72-73, 85-86, 315. Syrinx : 142. Téthys : 352. Tétricus : 418. Thècle : 84, 431-432. Théodose l’Ancien : 371. Théodose : 374, n. 190. Théodote : 289, 291. Thétis : 40, 87, 103, 140, 293, 295, 316317, 359, 415, 433. Tibère : 164-165, 176, 339-340, 346, 353, n. 123, 354, n. 127. Tigellin : 30, 63, 316, 362-363. Titus : 5, 11-13, 15, 18-19, 26, 28, 3133, 36, 40, 42, 45, 65, 69, 81, 87, 95, 97, 126, 129, 131-133, 135, 177, 212-213, 215, 247-248, 250, 252, 289, 358-362, 369-370, 374, 414-416, 464-465. Trajan : 11, 18, 28, 41, 49-50, 121, 179, 190, 211, 220, 350, 360-361, 368-369; 371, 439, 441. Triton(s), Tritonesses : 87, 103, 105106, 110, 227, 317, n. 136, 318, 321, 358, 360, 411, 415. Ulysse : 105-107, 123, 322. Valentinien : 379-380, 383. Varron : 333, n. 27. Védius Pollion : 445. Vénus (/ Aphrodite) : 88, 105-111, 114, 125, 135, 143-144, 146, 291-292, 298, 316, 318, 319, n. 143, 320-322, 326, 330, n. 20, 378-379, 384-386, 389, n. 240, 391-392, 419. Vespasien : 349, 361, 464. Vincentius Ragonius Celsus : 483, 491. Xerxès : 362. Zénobie : 418. Zeus : voir Jupiter. Zoé : 183.
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INDEX GÉOGRAPHIQUE Abydos : 99-100, 134, 287-289, 322, 430. Achaïe : 480-481, 506. Actium : 1, 44, n. 88, 59, 165, 308, 333, 334, n. 38, 335, 340, 342, 344, 346, 348-349, 352, 364, n. 167, 367-368, 374, n. 190, 378-379, 382, 419. Adriatique : 59, 338, n. 64, 339. Afrique du Nord : 68, 108, 222, 272, 384, 386, 391. Alexandrie : 17, 273, 306, 309, 339, n. 68, 363; – Sébastéion : 351. Almo : 291. Ancyre : 290-291. Anglesey : 349, n. 106. Antioche de Syrie : 84-85; 120-121, 128, 225, 227, 272-273, 287, 300-301, 384386, 389, 393; – Mosaïque de la Megalopsuchia de Yakto : 120, 122, 127128, 323, 385; – Théâtre : 220-222, 225, 231; – Théâtre de Daphné : 85, 121, 220, 225, 230-234, 258, 272, 289, 300-301, 385, 396-397, 457-466. Antium : 328, n. 8. Aphrodisias : 269, n. 151, 388, 390. Aquincum (amphithéâtre) : 237-238, 477. Arcadie : 289. Argolide : 289. Argos (théâtre) : 233, 256-258, 260264, 271-272, 391, 493, 506-518. Aricie (théâtre) : 225-226, 451, n. 16 Arles : – Théâtre : 224, n. 35; – Amphithéâtre : 235. Asie Mineure : 222, 267-270, 292, 298, 547. Aspendos (théâtre) : 219, 223. Athènes : 13, 52-55, 148, 382, 383, n. 220; – Théâtre de Dionysos : 256257, 259-262, 271-272, 376, 490, 493, 518-521. Babylone : 222. Bacoli (théâtre) : 231, 298, 454-455. Baïes : 297-298, 354, 363, 365, 378; – Théâtre-nymphée des thermes de Sosandra : 231, 298, 456-457. Baltique : 69, 353, n. 123. Bénévent (arc de triomphe) : 360, n. 145. Berlin (Musée archéologique, sarcophage de thème marin) : 65.
Béryte : 36. Bilbilis (théâtre) : 221, n. 18. Blessey (barque votive) : 57-58. Borgel (mosaïque marine) : 64-65. Boscoreale (villa de P. Fanius Synistor) : 308. Boulogne : 354-355. Bovillae : 339-340. Brescia (théâtre) : 256, 265, 272, 397, 543-544. Bretagne : 14, 329, 343-346, 349, 353354, 370-371, 386, 393. Brindes : 338-340. Campanie : 80, 232, 234, 273, 297-298, 301, 312, 363, 383. Canope : 124, 126, 131, 362, 364. Capoue (amphithéâtre): 234, n. 69, 235. Carnuntum (amphithéâtre) : 237-238, 477-478. Catane (théâtre) : 267, n. 141. Colonia Ulpia Traiana : 235, n. 71. Carthage : 272, 385; – Théâtre : 128, 282. Césarée Maritime : 19, 36, 222, 256258, 260-265, 271, 534-541. Césarée de Philippe : 36. Corcyre : 12. Corinthe : 12; – Théâtre : 107, 122, n. 78, 142, 222, 256-258, 260-264, 266, 271-272, 391, 521-530. Crête : 280. Cyzique : 289. Cumes : 383. Cyrénaïque : 551. Cyrène (théâtre) : 256, 270-271, 551552. Dacie : 350, 479. Damas (théâtre) : 222. Délos : – Monument des Taureaux : 334, n. 41; – Neorion : 317, n. 138, – Théâtre cultuel : 227. Djemila (mosaïque de la toilette de Vénus) : 104-108, 122-124, 134, n. 108, 140, 323, 384, n. 221, 391. Égypte : 13, 17, 38, 66, 72, 76, n. 47, 288, 303, 306-307, 309, 311, 335-336, 342, 363, 398, 427.
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Elbe : 353, n. 123. Ems : 353, n. 123. Éphèse : 269, 289; – Bibliothèque de Celsus : 223; – Théâtre : 267-268, 548-549. Espagne / Hispanie : 221, n. 18, 366, 386, 469. Euripe : 303, n. 68. Gadara : 51-52, 375, 383, 394. Gaule : 57-58, 354, 358, 386, 393, 422. Gerasa : 388, 390. Germanie : 69, 353, 357, 386. Grèce : 257, 270, 272, 291-292, 391. Hellespont : 99-100, 126, 133, 288, 390. Héliopolis (sanctuaire d’Atargatis) : 226. Henchir-Thina (thermes, mosaïque marine) : 65, 104, 107, 125, 134, n. 108, 140, 321, n. 149, 384, n. 221, 391. Hiérapolis en Asie (théâtre) : 256-257, 261, 266-267, 269-271, 530-532. Hiérapolis en Syrie (sanctuaire d’Atargatis) : 226-227. Iasos (théâtre) : 268-269, 549. Idistavise : 353, n. 123. Italica : – Théâtre : 221, n. 18; – Amphithéâtre : 245. Italie : 224, 228, 270, 272-273, 288, 291-292, 295, 297, 302-303, 317, 323, 330, 336, 377, 379-380, 384, 386, 391, 394, 480-481, 543. Jéricho (fontaine) : 232. Jérusalem (théâtre) : 222. Juttland : 353, n. 123. Kato Paphos (théâtre) : 259, 264, 271, 532-534. Khenchela (mosaïque de Vénus marine) : 318, n. 143. Lac d’Albano : 364; Averne : 58, 365, 377, 419; d’Aydat : 380; Fucin : 11, 27, 39, 173, 209, 254, 343, 346-348, 410-411, 415; de Génésareth : 349; Lucrin : 58-59, 297, 378. Lambèse (amphithéâtre) : 235, n. 71. Leptis Magna (fontaine monumentale) : 222. Libarna (amphithéâtre) : 238, n. 82. Londres (British Museum, statuette) : 315.
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Lucera (amphithéâtre) : 235, 478. Lyon (Musée historique des Tissus, tapisserie copte) : 110, n. 36. Magnésie du Ménandre : 289 ; – Théâtre : 267-269, 549-550. Mallia : 281. Manche : 329, 345, 352, 354. Marseille (Musée d’Histoire de Marseille, moule de terre cuite) : 76-77. Méditerranée : 299, 335, 382; – Méditerranée orientale : 481, 530. Mer : – d’Irlande : 349, n. 106; – du Nord : 352, 353, n. 123. Mérida : – Amphithéâtre : 230, 238, 241-246, 249, 251-253, 396-397, 469474, 477; – Cirque : 88-90. Mésie : 350, n. 111. Milan : 119, 128, 272-273, 374, 384, 391. Milet (nymphée) : 223. Misène : 23, 79, 335, 349, 365. Montegrotto (théâtre) : 256, 259, 272, 545-547. Moselle : 55-59, 119, 377, 379, 382-383, 394. Myles : 44, 59, 333, 379, 383, 419. Myra (théâtre) : 267, 269-270, 272, 550. Nauloque : 44, 333. Naupli : 289. Néapolis (théâtre) : 259, 261-264, 271, 393, n. 255, 541-543. Némi : 451, n. 16. Neumagen : 382. Nicopolis : 49, 333-334, 337, 378, n. 205, 383, n. 220. Nil : 3, 38, 62, 71-72, 92, 304-307, 309, 312-315, 330, 341-342, 363, 364, n. 163, 392, n. 251, 398, 419, 420, 423. Nîmes (amphithéâtre) : 235, n. 71. Noviomagus : 56, 58, 377. Nysa (théâtre) : 550. Océan : 63-64, 94, 345-346, 352, 353, n. 120, 354-355, 357, 370, 399, 424. Olonte : 281 Oplontis (villa) : 308, n. 98. Orange (théâtre) : 224, n. 35. Ostie : 80, 388, 390; – Port : 48-49, 71, 78, 342, 345, 347, 358, 422; – Maison d e s D i o s c u r e s : 319 , n . 14 3 ; –
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Théâtre : 256-258, 260-262, 264, 271272, 481-491, 544. Paestum : 291, n. 41. Padoue : 283-286, 302. Palestrina / Préneste : – Mosaïque nilotique : 306, 308, 312, 342, 363; – Relief de navire : 44, n. 88. Pannonie : 350, n. 111, 477. Paris, (Musée du Louvre, mosaïque de Vénus marine) : 321, n. 150. Pausilype : – Théâtre : 229-231, 233, 258, 298-300, 396, 444-446; – Fontaine en hémicycle : 232. Péloponnèse : 12, 346, 350. Pergè (nymphée) : 220, 223-224, 257. Pessinonte : 289. Pétra : 223. Phénicie : 13. Philadelphia de Jordanie (théâtre) : 221, n. 18. Philippes : 337, n. 57. Piazza Armerina (villa) : 103. Pompéi : 45, 49, n. 116; – Macellum : 45, n. 91; – Maison des Amants : 318, n. 143; – Maison de M. Castricius : 312; – Maison du Centenaire : 318, n. 143; – Maison du Cryptoportique : 304, n. 72; – Maison des Dioscures : 45, n. 91; – Maison du Faune : 310; – Maison de la Fontaine : 312 ; – Maison de Léandre et Héro : 130, n. 97, 134, n. 108; – Maison du Médecin : 314; – Maison de Méléagre : 318, n. 143; – Maison de Ménandre : 312, n. 117; – Maison des Noces d’Argent : 318, n. 143; – Maison de Paquius Proculus : 312, n. 117; – Maison du Sculpteur : 45, n. 92, 303-304, 309; – Maison du Taureau : 312, n. 117; – Maison de P. Vedius Diricus : 318, n. 143; – Maison de Vénus à la coquille : 318, n. 143; – Maison de M. Vesonius Primus : 130, n. 97; – Maison des Vettii : 45, n. 91, 130, n. 97, 134, 301; – Maison I, 12, 1 : 130, n. 97; – Maison II, 3, 4 : 45, n. 92 ; – Maison VIII, 2, 21 : 318, n. 143; – Maison IX, 5, 14 : 130, n. 97, 134; – Palestre : 218, 228; – Temple d’Apollon : 45, n. 91, 305; – Temple d’Isis : 45, n. 91, 305; – Théâtre : 218, 221-222, 227, 228231, 233, 258, 298-300, 396-397, 446453; – Thermes suburbains : 45,
n. 91, 305; – Villa des Mystères : 308310. Pont : 349, n. 105. Portus Iulius : 335. Pouzzoles (amphithéâtre) : 234, n. 69, 235, 250, 378, n. 203. Préneste : voir Palestrina. Priuernum (maison) : 313. Ptolémaïs (théâtre) : 265, 271, 552-553. Ravenne : 23-24, 335, 349. Rhin : 57, 379. Rhodes : 12. Rome : 1, 5-6, 11, 18, 27, 30-31, 33, 3839, 44-45, 47, 50, 60-62, 64, 68, 76, 79, 82, 86, 88, 128, 148, 160, 164-165, 169, 179, 200, 203, n. 149, 204-205, 211; 213-214, 219, n. 7, 227-228, 230, 241, 254, 272-273, 279, 281, 283, 285, 292, 299-301, 323, 325, 330; 333-337, 358, 362, 366, 371, 374, 376, 378, n. 205, 379, 384-385, 388-389, n. 239, 392, 396, 399, 401-402, 418, 420-421, 426-427, 430, 443. Aqua Alexandrina : 369; – Aqua Alsietina (/ Augusta) : 162-163, 166, 173-175, 177, 211; – Aqua Claudia : 250, 360, 366, n. 171; – Aqua Traiana : 166, 360; – Aqua Virgo : 30, 83, 347. Amphithéâtre Flavien / Colisée : 5, 19, 31-32, 40, 42, 63, 69, 76, 8486, 91-92, 99-100, 127, 129, 210, 213, 215, 235, 246-255, 356, 360, 369-370, 415-416, 466; - Amphithéâtre de Néron : 29, 31, 34, 40, 42, 63, 69-70, 83, 87, 93, 95, 132, 176, 251, 253, 255, 413, 466; – Amphithéâtre de Taurus : 87, 422. Auditorium de Mécène : 232. Basilique de Neptune : 333; – Basilique Saint Pierre : 180, 184, 198, 201, 214. Circus Flaminius : 67, 83, 93, 153, 199, 307, 409; – Circus Maximus : 28, 75, 82, 86-88, 90-93, 153, 172, 179, 199-200, 207, 210, 363, n. 158, 409, 416-417, 442 ; – Cirque de Gaius et Néron : 180181, 190, 198-199, 201. Cloaca Maxima : 248. Curia Hostilia : 161. Domus Aurea : 83, 316. Forum d’Auguste : 308-309.
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Église Santa Maria Traspontina : 187-189, 201; – Église San Pellegrino : 181, n. 95, 183-185, 187, 189, 203-204. Gaianum : 185-188, 196, 198-201, 205-206, 208. Lacus / stagnum Neronis : 248, 360, 415. Maison du Caelius (peintures marines) : 108. Mausolée d’Hadrien (/ château Saint Ange) : 187, 189-190, 192, 196, 199-201, 203-206. Meta Romuli : 187-188, 201. Muraille d’Aurélien : 163, 178, 180, 214. Naualia : 161. Naumachie (/ bassin) d’Auguste : 2, 28, 31-32, 40, 47, 50, 63, 65, 74-75, 80, 87, 97, 126, 160-180, 209-214, 247, 252, 254-255, 299, 319, 338, 342, 359, 362-363, 407409; – Naumachie de César : 27, 32, 50, 153-162, 172, 180, 212, 218, n. 2, 329, 403, 406, Naumachie du Vatican (/ de Domitien / de Trajan) : 28-29, 32, 41, 50, 164, 178-215, 254, 360, 369-372, 417, 439. Panthéon : 155. Peintures de «Porto Fluviale» : 378-379. Pont Neronianus : 190; – Pont Aelius : 189; – Pont Aurelius : 182; – Pont Milvius : 182; – Pont Sublicius : 165. Ponticellus : 187-188, 204. Riuus Arnectus : 185, 188-189, 210211. Saepta Julia : 29, 80-81, 83, 93-95, 153, 359, n. 144, 365, 422. Septizodium : 222. Stagnum Agrippae : 30-31, 63, 94, 158, 160, 173, 176, 211, 316. Tabularium : 492. Temple d’Apollon Actius : 334, n. 39; – Temple d’Apollon in circo : 223; – Temple du Diuus Claudius : 224; – Temple du Diuus Iulius : 36, 66, 94, 336, 421; – Temple de Fors Fortuna : 176, 338-339; – Temple de Fortuna Publica : 338; – Temple de Fortuna Virilis : 291; – Temple de Neptune in Circo Flaminio :
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317; – Temple de Mars Ultor : 67, 94, 308, 409; – Temple de Vénus Genitrix : 37, 326, 405; – Temple de Vénus et de Rome : 247. Terebinthus Neronis : 182, 201. Théâtre de Marcellus : 224, n. 35, 334, 492; – Théâtre de Pompée : 219, n. 6, 345, n. 91. Thermes de Titus : 360. Villa de la Farnésine : 43, n. 87, 44, 45, n. 92, 305. Rubicon : 366. Sabratha (théâtre) : 222. Sagalassos; – Théâtre : 220; – Fontaine : 224. Salamine : 12, 14-15, 307, 335, 383, n. 220. Samarie-Sebastè : 222. Senlis (amphithéâtre) : 237. Sestos : 99, 130, 287, 322. Sicile : 12, 15, 330, 332, 406, 504. Sidè : – Nymphée : 219, 222-223; – Théâtre : 267-269, 550-551. Sidon (théâtre) : 222. Sofia (Musée archéologique, relief de uenatio ) : 92. Sousse (mosaïque marine) : 65. Spolète : 257, 259-262, 264, 271, 273, 384, 491-494. Syracuse : 13, 282; – Théâtre : 256-258, 260-265, 271-272, 494-504. Syrie : 19, 36, 76, n. 47, 222, 226, 231, 270, 301, 389. Taormine (théâtre) : 265-267, 547. Tauroentum : 329. Ténos (fontaine-exèdre) : 224. Tentyra : 430, 550. Termessos (théâtre) : 219. Teuthras : 297. Tyndaris (théâtre) : 265, 267, 547. Thysdrus : 235, n. 71. Tibre : 28, 31, 47, 155, n. 7, 158, 161, 163-164, 167, 173-174, 178, 185, 194, 205, n. 152, 211, 248, 285, 296-297, 340-341, 365. Toulouse (amphithéâtre de Purpan) : 237. Trèves : 379, 381-382; – Amphithéâtre : 245, n. 108. Troie (théâtre C) : 270, 551. Tunis (Musée du Bardo, mosaïque marine) : 321, n. 150.
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Tusculum (amphithéâtre) : 235. Tyr : 13, 388. Ulpia Traiana Sarmizegetusa (amphithéâtre) : 236, 238, 479. Utique (mosaïques de Vénus) : 321. Venafrum (théâtre) : 256-258, 263-264, 271-273, 384, 504-506. Vérone (amphithéâtre) : 230, 238-241, 244-246, 249-253, 396-397, 469, 474477. Versailles : 399.
Vésuve : 45, 378, n. 202. Villa d’Hadrien : – Ninfeo del Palazzo : 232, n. 65; – La Canope : 443, n. 4; – Théâtre maritime : 443, n. 4. Volubilis (mosaïque du Nauigium Veneris) : 320-321. Washington (Musée du Textile, tapisseries coptes) : 109-112. Zaghouan (grand nymphée) : 232, n. 65.
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TABLE DES MATIÈRES
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REMERCIEMENTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
VII
INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1
PREMIÈRE
PARTIE
SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES ENSEIGNEMENTS ET QUESTIONS Chapitre 1 – LES
............................
11
Les grandes naumachies des imperatores : principes et déroulement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
11
NAUMACHIES
Les combats des grandes naumachies impériales : entre fiction et réalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le travestissement historique des naumachies . . . . . . . Des combats à l’issue incertaine, et toujours meurtriers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le statut des naumachiarii . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le recrutement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le sort réservé aux combattants et l’issue du spectacle Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
14 16 16 19 21
Les grandes naumachies des imperatores : moyens matériels mis en œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
21
Navires et effectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nature des navires utilisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La naumachie de Claude : nombre des navires et importance des effectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les chiffres connus concernant les autres naumachie Les sites des grandes naumachies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les sites naturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
11 11
21 22 22 24 26 26
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TABLE DES MATIÈRES Page
Les grands bassins artificiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les naumachies d’amphithéâtre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
27 29 32
L’insertion des naumachies dans le système des jeux romains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
33
La naumachie et les spectacles de combat des jeux romains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La naumachie et le combat de gladiateurs . . . . . . . . . . La naumachie, les ludi matutini et les meridiani . . . . . La naumachie et le combat gregatim . . . . . . . . . . . . . . . . Les occasions des premières naumachies . . . . . . . . . . . . . . . . . Les spectacles triomphaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les naumachies inaugurales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Banalisation ou disparition des naumachies? . . . . . . . . . . . . . Des occasions moins prestigieuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . La popularité du thème iconographique de la naumachie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La disparition des grandes naumachies? . . . . . . . . . . . . Des «naumachies» provinciales? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La naumachie de Gadara . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les naumachies éphébiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Une joute nautique sur la Moselle . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
33 33 34 36 37 37 39 41 41 43 45 51 51 52 55 59
....................
61
Principes et déroulement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
61
Exhibitions de curiosités zoologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les jeux édilitaires de Scaurus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les beluae de l’Océan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les «Numéros de dressage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le témoignage de Pline . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Des courses de dauphins? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Spectacles cynégétiques et faune aquatique . . . . . . . . . . . . . . . Les uenationes nilotiques d’Auguste . . . . . . . . . . . . . . . . . La VIIe églogue de Calpurnius Siculus . . . . . . . . . . . . . . Les chasses nilotiques postérieures . . . . . . . . . . . . . . . . . L’empereur bestiarius . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les chasses nilotiques de Symmaque . . . . . . . . . . . . . . . Animaux terrestres et décor aquatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les chasses des jeux de 80 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
61 61 62 64 64 64 66 66 67 70 71 72 73 74
Chapitre 2 – LES
CHASSES AQUATIQUES
.
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TABLE DES MATIÈRES
591 Page
Un navire démontable dans le Grand Cirque sous Septime Sévère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Un navire démontable sous Néron? . . . . . . . . . . . . . . . . . Un énigmatique spectacle de Caligula . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
75 78 80 81
Sites et moyens matériels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
82
Bassins et arènes mises en eau : les attestations . . . . . . . . . . Les installations provisoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Amphithéâtres et théâtres inondables . . . . . . . . . . . . . . . Spectacles terrestres ou spectacles aquatiques? . . . . . . . . . . . Faune terrestre et spectacle aquatique? . . . . . . . . . . . . . Faune aquatique et spectacle terrestre . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
82 82 83 86 87 91 93
L’insertion des uenationes aquatiques dans le système des jeux romains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
93
Le contexte des premières chasses aquatiques . . . . . . . . . . . . La tradition de la uenatio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les premiers spectacles : des occasions exceptionnelles L’évolution des chasses aquatiques jusqu’au Bas-Empire . . La banalisation de certaines uenationes aquatiques . . Lacunes des sources et perspectives de recherche . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
93 93 94 95 95 96 97
Chapitre 3 – MISES
EN SCÈNE MYTHOLOGIQUES ET CHORÉ-
.................................
99
Principes et déroulement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
99
Mises en scène aquatiques à sujet mythologique . . . . . . . . . . La traversée de Léandre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le «chœur des Néréides» : une danse aquatique? . . . . La rareté des attestations littéraires . . . . . . . . . . . . . . . . . L’apport de l’iconographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les mosaïques de Henchir Thina et de Djemila . . . . . . Deux tapisseries coptes du Musée du Textile de Washington . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Un élargissement des thèmes au Bas-Empire? . . . . . . . . . . . . Dracontius et les spectacles du De Mallii Theodori consulatu de Claudien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nonnos et les nageuses des spectacles évoqués par Jean Chrysostome . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
99 99 101 102 103 104
GRAPHIES AQUATIQUES
109 112 112 114
.
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592
TABLE DES MATIÈRES Page
Thèmes et déroulement des spectacles aquatiques au Bas-Empire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Des spectacles nautiques mal identifiés . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les lembi du poème de Claudien et la mosaïque de Yakto . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La mosaïque de Djemila et les canori remiges de Claudien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Scènes nautiques et spectacles mythologiques . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
118 119 119 122 124 125
Sites et moyens matériels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
126
Les sites attestés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’amphithéâtre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le théâtre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La mise en eau des édifices : les lacunes des sources écrites Les amphithéâtres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les théâtres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
126 126 127 128 128 128 129
L’insertion des spectacles aquatiques de sujet mythologique dans le système des jeux romains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
129
Les apports lacunaires de la documentation . . . . . . . . . . . . . . Apparition et diffusion des spectacles aquatiques de thème mythologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’absence d’un nom générique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Des spectacles d’origine amphithéâtrale ou théâtrale? Les spectacles aquatiques et les genres théâtraux . . . . . . . . . La pantomime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le mime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Entre le mime et la pantomime : le «mime dansé» . . «Mimes dansés» et «hydromimes» . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
DEUXIÈME
129 129 131 132 135 135 137 140 145 148
PARTIE
LES SPECTACLES AQUATIQUES ET LEURS SITES D’ACCUEIL L’APPORT DE L’ARCHÉOLOGIE Chapitre 4 – Les naumachies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
153
La naumachie de César . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
153
Localisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
153
.
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TABLE DES MATIÈRES
593 Page
Le témoignage des sources antiques . . . . . . . . . . . . . . . . L’emplacement de la Codeta minor . . . . . . . . . . . . . . . . . . Configuration de la naumachie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dimensions et forme du bassin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mode de construction, adduction d’eau et accueil des spectateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
153 154 160 160
La naumachie d’Auguste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
162
Localisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le témoignage des textes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les découvertes archéologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le témoignage de la Forma Urbis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Configuration de la naumachie d’Auguste . . . . . . . . . . . . . . . . Sa forme et ses dimensions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le système hydraulique de la naumachie . . . . . . . . . . . . L’îlot et le mnhmeı˜on . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Entrée et disposition des spectateurs . . . . . . . . . . . . . . . . Disparition de la naumachie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
162 162 165 168 172 172 173 175 176 177 178
La naumachie du Vatican . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
178
Les sources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les sources antiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les sources médiévales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les découvertes archéologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’hypothèse de G. Gatti . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les fouilles de D. de Revillas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les découvertes postérieures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La question du Gaianum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Gaianum et le cirque de Gaius et Néron . . . . . . . . . Le «cirque d’Hadrien» et le Gaianum . . . . . . . . . . . . . . . La naumachie du Vatican : identification et description . . . Les structures du quartier des Prati et le toponyme médiéval de Naumachia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les vestiges du quartier des Prati et les études des antiquaires de la Renaissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le monument fouillé par D. de Revillas : une naumachie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La naumachie de Trajan et l’évolution des spectacles aquatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
178 178 180 189 189 190 194 196 198 199 200
160 162
200 205 207 212 215
.
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594
TABLE DES MATIÈRES Page
Chapitre 5 – THÉÂTRES ET AMPHITHÉÂTRES ADAPTÉS À LA MISE EN EAU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
217
Les premiers théâtres munis de bassins et les origines des hydromimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
218
Premières hypothèses sur l’origine des théâtres adaptés à la mise en eau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Structures théâtrales et mise en scène de l’eau : l’hypothèse de G. Spano . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mises en scène aquatiques et théâtres cultuels : l’hypothèse de G. Traversari . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bassins et cavea théâtrales : les premières associations archéologiquement attestées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le théâtre de Pompéi et les spectacles aquatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le théâtre de Daphné et les «théâtres-nymphées» de Campanie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
231 233
Les amphithéâtres munis de bassins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
234
Quelques hypothèses peu crédibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bassin ou desserte souterraine? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bassin ou dispositif de drainage? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les exemples les mieux attestés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’amphithéâtre de Vérone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’amphithéâtre de Mérida . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Colisée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Arène inondée ou bassin central? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
234 234 237 238 238 241 246 251 254
Les théâtres à kolymbèthra du Bas-Empire . . . . . . . . . . . . . . . .
255
Éléments de typologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les systèmes d’alimentation en eau du bassin . . . . . . . Le bassin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La circulation des spectateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le conduit d’évacuation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La diffusion des théâtres à kolymbèthra . . . . . . . . . . . . . . . . . . Transformation en arène ou aménagement d’une kolymbèthra? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les théâtres à kolymbèthra attestés : chronologie et contexte local . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
256 256 258 263 264 265
218 218 225 228 228
265 271
.
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595
TABLE DES MATIÈRES
TROISIÈME
PARTIE
ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES Page
Chapitre 6 – ORIGINES
ET SOURCES D’INFLUENCE
...........
279
Des origines extérieures à la tradition romaine? . . . . . . . . . . . . Les modèles extérieurs possibles des naumachies romaines Aux origines du mot naumachia : un jeu de damier venu du monde grec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les manœuvres d’entraînement des flottes . . . . . . . . . . Le certamen nauium de Padoue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La naumachies, un spectacle spécifiquement romain Les hydromimes : une origine étrangère? . . . . . . . . . . . . . . . . La légende de Léandre et Héro et le mime d’époque hellénistique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les hydromimes : une origine rituelle et orientale? . . Les hydromimes, des spectacles aux caractéristiques bien romaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La Campanie d’époque julio-claudienne, berceau des hydromimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
279 279
L’influence des arts plastiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les spectacles aquatiques et l’alexandrinisme dans l’art romain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La peinture alexandrine et l’origine des naumachies . Uenationes aquatiques et décor nilotique . . . . . . . . . . . . Les représentations des mythes de la mer et leur écho dans les spectacle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les exhibitions de la faune marine et la reprise de topoi iconographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les divinités des eaux : du motif littéraire et plastique à la mise en scène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chapitre 7 – LA
279 281 283 286 286 287 289 292 297 302 303 303 303 310 316 316 319 323
SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DES SPECTACLES
AQUATIQUES ET SON
ÉVOLUTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
De César à Trajan : les spectacles aquatiques au service d’une mystique impériale en formation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les premières naumachies : une commémoration des succès navals de l’imperator . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
325 325 326
.
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596
TABLE DES MATIÈRES Page
La naumachie de César et la victoire sur mer à la fin de la République . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La naumachie de Sextus Pompée, «fils de Neptune» . Les spectacles aquatiques d’Auguste : une portée symbolique à son apogée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La célébration des succès navals d’Auguste . . . . . . . . . . Une allusion à la Fortune des Iulii . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fors Fortuna et le thème de l’abondance des eaux . . . Les spectacles aquatiques de Claude : une signification triomphale plus diffuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’apparat militaire des spectacles aquatiques de Claude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les spectacles aquatiques de Claude et la conquête de la Bretagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les spectacles navals de Claude et l’imitatio Augusti . Les spectacles aquatiques et la mystique impériale de Néron à Trajan : continuité et évolutions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La disparition du contexte triomphal . . . . . . . . . . . . . . . D’Auguste à Claude : la célébration d’une maîtrise surnaturelle des éléments marins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . «Une eau riche en merveille» : les spectacles aquatiques de l’empereur-dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les spectacles aquatiques et les excès de la tentation théocratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Signification et symbolique des spectacles aquatiques : leur évolution des Antonins à la fin du-Empire . . . . . . . . . . . . . . Les spectacles de la métropole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La fin des grandes naumachies impériales . . . . . . . . . . Un affaiblissement des liens avec la mystique impériale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Spectacles aquatiques et diffusion du modèle romain : le cas des naumachies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La naumachie de Gadara et les joutes éphébiques : deux témoignages d’attachement au régime impérial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La naumachie sur la Moselle, une affirmation de la romanité du pays trévire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Diffusion et signification des hydromimes dans les provinces au Bas-Empire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le rayonnement de quelques métropoles des spectacles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les hydromimes en Orient et le Maioumas . . . . . . . . . .
326 330 332 332 338 340 342 342 344 346 348 348 350 356 361 367 368 368 368 370 374 375 377 384 384 386
.
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TABLE DES MATIÈRES
597 Page
Évolutions des spectacles romains et constance d’un certain imaginaire de l’eau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La disparition des hydromimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
391 393 393
..................................
395
................................
401
Sources littéraires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
401
CONCLUSION
GÉNÉRALE
DOCUMENTATION
ANNEXE
Les naumachies, p. 401; Les chasses aquatiques, p. 420; Mises en scène mythologiques et chorégraphies aquatiques, p. 432.
Sources épigraphiques et numismatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . .
439
Sources épigraphiques sur les naumachies, p. 439; Sources numismatiques, p. 441.
Vestiges archéologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les premiers théâtres et amphithéâtres adaptés aux spectacles aquatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les premières associations entre une cavea et un bassin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
443 444 444
Les théâtre du Pausilype, p. 444; Le théâtre de Pompéi, p. 446; Les théâtres-nymphées de Campanie, p. 454; Le théâtre de Daphné, p. 457.
Les amphithéâtres munis de bassins . . . . . . . . . . . . . . . .
466
L’amphithéâtre d’Emerita Augusta, p. 469; L’amphithéâtre de Vérone, p. 474; Les autres propositions de J.-C. Golvin, p. 477.
Les théâtres à kolymbèthra . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
480
L’Italie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
481
Le théâtre d’Ostie, p. 481; Le théâtre de Spolète, p. 491; Le théâtre de Syracuse, p. 494; Le théâtre de Venafrum, p. 504. L’Achaïe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le théâtre d’Argos, p. 506; Le théâtre de Dionysos à Athènes, p. 518; Le théâtre de Corinthe, p. 521.
506
La Méditerranée orientale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
530
Le théâtre de Hiérapolis, p. 530; Le théâtre de Kato Paphos, p. 532; Le théâtre de Césarée Maritime, p. 534; Le théâtre de Néapolis, p. 541.
.
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598
TABLE DES MATIÈRES Page
Les autres théâtres où la même hypothèse a été envisagée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
543
L’Italie, p. 543; L’Asie Mineure, p. 547; La Cyrénaïque, p. 551.
BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
557
DOCUMENTS ICONOGRAPHIQUES
INDEX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
577
TABLE
589
DES MATIÈRES
....................................
.
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TABLE DES MATIÈRES
Page
REMERCIEMENTS ........................................ INTRODUCTION .. .. . .. ... .. . .. .. . .. . ... . .. . . . .. . ... . . .. . . .
VI1 1
PREMIÈRE PARTIE SOURCES ÉCRITES ET ICONOGRAPHIQUES ENSEIGNEMENTS ET QUESTIONS Chapitre 1 - LES NAUMACHIES
... . .. ..... .. . .. ... . . . . .... .
Les grandes naumachies des imperatores : principes et déroulement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les combats des grandes naumachies impériales : entre fiction et réalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le travestissement historique des naumachies . . . . . . . Des combats à l’issue incertaine, et toujours meurtriers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le statut des naumachiarii . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le recrutement .................................... Le sort réservé aux combattants et l’issue du spectacle Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les grandes naumachies des imperatores : moyens matériels mis en auvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Navires et effectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nature des navires utilisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La naumachie de Claude : nombre des navires et importance des effectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les chiffres connus concernant les autres naumachie Les sites des grandes naumachies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les sites naturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
11
11 11 11
14 16 16 19 21
21 21 22 22 24 26 26
590
TABLE DES MATIÈRES Page
Les grands bassins artificiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les naumachies damphithéiitre .................... Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
27 29 32
L’insertion des naumachies dans le système des jeux romains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
33
La naumachie et les spectacles de combat des jeux romains ................................................ La naumachie et le combat de gladiateurs .......... La naumachie, les Zudi matutini et les meridiani . . . . . La naumachie et le combat gvegatim . . . . . . . . . . . . . . . . Les occasions des premières naumachies . . . . . . . . . . . . . . . . . Les spectacles triomphaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les naumachies inaugurales ........................ Banalisation ou disparition des naumachies ? . . . . . . . . . . . . . Des occasions moins prestigieuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . La popularité du thème iconographique de la naumachie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La disparition des grandes naumachies? . . . . . . . . . . . . Des N naumachies» provinciales? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La naumachie de Gadara . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les naumachies éphébiques ........................ Une joute nautique sur la Moselle . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
33 33 34 36 37 37 39 41 41 43 45 51 51 52 55 59
....................
61
Principes et déroulement .................................
61
Exhibitions de curiosités zoologiques .................... Les jeux édilitaires de Scaurus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les behue de I’Océan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les ((Numéros de dressage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le témoignage de Pline . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Des courses de dauphins? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Spectacles cynégétiques et faune aquatique . . . . . . . . . . . . . . . Les uenationes nilotiques d’Auguste . . . . . . . . . . . . . . . . . La VIP églogue de Calpurnius Siculus . . . . . . . . . . . . . . Les chasscs nilotiques postérieures . . . . . . . . . . . . . . . . . L’empereur bestiarius . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les chasses nilotiques de Symmaque . . . . . . . . . . . . . . . Animaux terrestres et décor aquatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les chasses des jeux de 80 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
61 61
Chapitrc 2
-
LES CHASSES
AQUATIQUES
62 64 64 64 66 66 67 70 71 72 73 74
TABLE DES MATIÈRES
591 Page
Un navire démontable dans le Grand Cirque sous Septime Sévère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Un navire démontable sous Néron? . . . . . . . . . . . . . . . . . Un énigmatique spectacle de Calgula . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion .............................................
75 78 80 81
Sites et moyens matériels ................................. Bassins et arènes mises en eau : les attestations . . . . . . . . . . Les installations provisoires ........................ Amphithéiitres et théatres inondables . . . . . . . . . . . . . . . Spectacles terrestres ou spectacles aquatiques? . . . . . . . . . . . Faune terrestre et spectacle aquatique? . . . . . . . . . . . . . Faune aquatique et spectacle terrestre . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
82 82 82 83 86 87 91 93
Ltnsertion des uenationes aquatiques dans le système des jeux romazns . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le contexte des premières chases aquatiques ............ La tradition de la uenatio .......................... Les premiers spectacles : des occasions exceptionnelles L'évolution des chasses aquatiques jusqu'au Bas-Empire . . La banalisation de certaines uenationes aquatiques . . Lacunes des sources et perspectives de recherche .... Conclusion .............................................
93 93 93 94 95 95 96 97
Chapitre 3 . MISES EN
SCÈNE MYTHOLOGIQUES ET CHORÉ-
GFUPHIES AQUATIQUES
.................................
99
Principes et déroulement
.................................
99 99 99 101 102 103 104
Mises en scène aquatiques à sujet mythologique . . . . . . . . . . La traversée de Léandre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le «chceur des Néréides)) : une danse aquatique? .... La rareté des attestations littéraires . . . . . . . . . . . . . . . . . L'apport de l'iconographie ............................... Les mosaiques de Henchir Thina et de Djemila . . . . . . Deux tapisseries coptes du Musée du Textile de Washington ......................................... Un élargissement des thèmes au Bas-Empire? . . . . . . . . . . . . Dracontius et les spectacles du De Mallii Tkeodori consulatu de Claudien ........................... Nomos et les nageuses des spectacles évoqués par Jean Chrysostome . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
109 112 112
114
592
TABLE DES MATIÈRES
Page
Thèmes et déroulement des spectacles aquatiques au Bas-Empire ..................................... Des spectacles nautiques mal identifiés .................. Les lembi du poème de Claudien et la mosaique de Yakto ........................................... La mosaique de Djemila et les canori remiges de Claudien ............................................ Scènes nautiques et spectacles mythologiques . . . . . . . Conclusion .............................................
................................. Les sites attestés ........................................ L‘amphithéatre .................................... Le théatre .........................................
118 119 119 122 124 125
Sites et moyens matériels
126
La mise en eau des édifices : les lacunes des sources écrites Les amphithéatres ................................. Les théatres ....................................... Conclusion .............................................
126 126 127 128 128 128 129
L’insertion des spectacles aquatiques de sujet mythologique dans le système des jeux romains ...................... Les apports lacunaires de la documentation .............. Apparition et diffusion des spectacles aquatiques de thème mythologique ............................. L’absence d u n nom générique ...................... Des spectacles d’origine amphithéatrale ou théatrale? Les spectacles aquatiques et les genres théatraux ......... La pantomime ..................................... Le mime .......................................... Entre le mime et la pantomime : le «mime dansén . . cc Mimes dansés N et cc hydromimes .................. Conclusion ............................................. >)
129 129 129 131 132 135 135 137 140 145 148
DEUXIÈMEPARTIE LES SPECTACLES AQUATIQUES ET LEURS SITES D’ACCUEIL L’APPORT DE L’ARCHÉOLOGIE
............................
153
La naumachie de César ..................................
153
............................................
153
Chapitre 4 . Les naumachies
Localisation
TABLE DES MATIÈRES
593 Page
Le témoignage des sources antiques ................ L’emplacement de la Codeta minor .................. Configuration de la naumachie .......................... Dimensions et forme du bassin ..................... Mode de construction. adduction deau et accueil des spectateurs ...................................... Conclusion .............................................
153 154 160 160
La naumachie d’Auguste .................................
162
Localisation ............................................ Le témoignage des textes ........................... Les découvertes archéologiques ..................... Le témoignage de la Forma Urbis ................... Configuration de la naumachie dAuguste ................ Sa forme et ses dimensions ........................ Le système hydraulique de la naumachie ............ L’ilot et le pvqp~lov ................................ Entrée et disposition des spectateurs ................ Disparition de la naumachie ........................ Conclusion .............................................
162 162 165 168 172 172 173 175 176 177 178
La naumachie du Vatican ................................
178
Les sources ............................................. Les sources antiques ............................... Les sources médiévales ............................. Les découvertes archéologiques .......................... L’hypothèse de G . Gatti ............................ Les fouilles de D . de Revillas ....................... Les découvertes postérieures ....................... La question du Gaianum ................................ Le Gaianum et le cirque de Gaius et Néron ......... Le «cirque dHadrien» et le Gaianum ............... La naumachie du Vatican : identification et description ... Les structures du quartier des Prati et le toponyme médiéval de Naumachia ......................... Les vestiges du quartier des Prati et les études des antiquaires de la Renaissance ........................ Le monument fouillé par D . de Revillas : une naumachie ............................................ La naumachie de Trajan et l’évolution des spectacles aquatiques ...................................... Conclusion .............................................
178 178 180 189 189 190 194 196 198 199 200
160 162
200 205 207 212 215
594
TABLE DES MATIÈRES
Page
Chapitre 5
. THÉATRES ET AMPHITHÉATRES ADAPTÉS
MISE EN EAU
A
LA
..........................................
217
Les premiers théhtres munis de bassins et les origines des hydromimes
..........................................
Premières hypothèses sur l'origine des théatres adaptés à la mise en eau .......................................... Structures théatrales et mise en scène de l'eau : l'hypothèse de G . Spano ............................... Mises en scène aquatiques et théatres cultuels : l'hypothèse de G . Traversari ......................... Bassins et cavea théatrales : les premières associations archéologiquement attestées ............................ Le théiitre de Pompéi et les spectacles aquatiques ........................................... Le théatre de Daphné et les ((théatres-nymphées))de Campanie ....................................... Conclusion ..............................................
218 218 218 225 228 228 231 233
Les amphithéhtres munis de bassins ......................
234
Quelques hypothèses peu crédibles ....................... Bassin ou desserte souterraine? .................... Bassin ou dispositif de drainage? ................... Les exemples les mieux attestés .......................... L'amphithéatre de Vérone .......................... L'amphithéatre de Mérida .......................... Le Colisée ......................................... Arène inondée ou bassin central? ................... Conclusion .............................................
234 234 237 238 238 241 246 251 254
Les théhtres à kolymbèthra du Bas-Empire . . . . . . . . . . . . . . . .
255
Éléments de typologie ................................... Les systèmes dalimentation en eau du bassin ....... Le bassin .......................................... La circulation des spectateurs ...................... Le conduit dévacuation ............................ La diffusion des théatres à kolymbèthra .................. Transformation en arène ou aménagement dune kolymbèthra ? ...................................... Les théatres à kolymbèthra attestés : chronologie et contexte local ...................................
256 256 258 263 264 265 265 271
595
TABLE DES MATIÈRES TROISIÈME PARTIE
ORIGINE, DEVENIR ET SIGNIFICATION DES SPECTACLES AQUATIQUES Page
... .. . . . ., .
279
Des origines extérieures à la tradition romaine? . . . . . . . . . . . . Les modèles extérieurs possibles des naumachies romaines Aux origines du mot naumachia : un jeu de damier venu du monde grec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les manceuvres dentrainement des flottes . . . . . . . . . . Le certamen nauium de Padoue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La naumachies, un spectacle spécifiquement romain Les hydromimes : une origine étrangère? . . . . . . . . . . . . . . , . La légende de Léandre et Héro et le mime d’époque hellénistique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les hydromimes : une origine rituelle et orientale? . . Les hydromimes, des spectacles aux caractéristiques bien romaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , . La Campanie dépoque julio-claudienne, berceau des hydromimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
279 279
Chapitre 6
-
ORIGINESET
SOURCES B’INFLUENCE
Lfnfluence des arts plastiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les spectacles aquatiques et l’alexandrinisme dans l’art romain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , . La peinture alexandrine et l’origine des naumachies . Uenationes aquatiques et décor nilotique . . . . . . . . . . . . Les représentations des mythes de la mer et leur écho dans les spectacle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les exhibitions de la faune marine et la reprise de topoi iconographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les divinités des eaux : du motif littéraire et plastique à la mise en scène . . . . . . . . . . . . . . . , . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , . Chapitre 7 - LA SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DES SPECTACLES AQUATIQUES ET SON ÉVOLUTION .. . . . .. . .. .. . .. . .. .. . ...
De César à Trajan :les spectacles aquatiques a u service d’une mystique impériale en formation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les premières naumachies : une commémoration des succès navals de l’imperator . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
279 28 1 283 286 286 287 289 292 297 302 303 303 303 310 316 316 319 323
325 325 326
596
TABLE DES MATIÈRES Page
La naumachie de César et la victoire sur mer à la fin de la République ................................... La naumachie de Sextus Pompée. ((filsde Neptune . Les spectacles aquatiques dAuguste : une portée symbolique à son apogée .................................... La célébration des succès navals dAuguste .......... Une allusion à la Fortune des Iulii .................. Fors Fortuna et le thème de l‘abondance des eaux . . . Les spectacles aquatiques de Claude : une signification triomphale plus diffuse ............................... L’apparat militaire des spectacles aquatiques de Claude .......................................... Les spectacles aquatiques de Claude et la conquete de la Bretagne ..................................... Les spectacles navals de Claude et l’imitati0 Augusti . Les spectacles aquatiques et la mystique impériale de Néron à Trajan : continuité et évolutions ..................... La disparition du contexte triomphal ............... D’Auguste à Claude : la célébration dune maitrise surnaturelle des éléments marins ................... «Une eau riche en merveillen : les spectacles aquatiques de l’empereur-dieu ........................ Les spectacles aquatiques et les excès de la tentation théocratique .................................... Conclusion ............................................. )>
Signification et syrnbolique des spectacles aquatiques : leur évolution des Antonins à la fin du-Empire .............. Les spectacles de la métropole ........................... La fin des grandes naumachies impériales .......... Un affaiblissement des liens avec la mystique impériale ............................................ Spectacles aquatiques et diffusion du modèle romain : le cas des naumachies .................................. La naumachie de Gadara et les joutes éphébiques : deux témoignages dattachement au régime impérial ............................................. La naumachie sur la Moselle. une affirmation de la romanité du pays trévire ......................... Diffusion et signification des hydromimes dans les provinces au Bas-Empire ................................. Le rayonnement de quelques métropoles des spectacles ........................................... Les hydromimes en Orient et le Maioumas . . . . . . . . . .
326 330 332 332 338 340 342 342 344 346 348 348 350 356 361 367 368 368 368 370 374 375 377 384 384 386
TABLE DES MATIÈRES
597 Page
Évolutions des spectacles romains et constance d’un certain imaginaire de l’eau . . . . . . . . . . . . . . . , . . . . . . . La disparition des hydromimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
39 1 393 393
CONCLUSIONG É N ~ R A L E . , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
395
DOCUMENTATION ANNEXE . . . , . . . . . , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
40 1
Sources 1it téra ires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
40 1
Les naumachies, p. 401; Les chasses aquatiques, p. 420; Mises en scène mythologiques et chorégraphies aquatiques, p. 432.
Sources épigraphiques et n urnismatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . .
439
Sources épigraphiques sur les naumachies, p. 439; Sources nurnismatiques, p. 441.
Vestiges archéologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les premiers théiitres et amphithéatres adaptés aux spectacles aquatiques . . . . , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , . . . . . . . . Les premières associations entre une cavea et un bassin ..............................................
44 3
444 444
Les théatre du Pausilype, p. 444; Le théitre de Pompéi, p. 446; Les théiitres-nymphées de Carnpanie, p. 454; Le théatre de Daphné, p. 457.
Les amphithéatres munis de bassins . . . . . . . . . . . . . . . .
446
L’amphithéatre d’Emerita Augusta, p. 469; L’amphithéitre de Vérone, p. 474; Les autres propositions de J.-C. Golvin, p. 477.
Les théiitres à kolymbèthra . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
480
L’Italie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
48 1
Le théatre d’Ostie, p. 481; Le théitre de Spolète, p. 491; Le théatre de Syracuse, p. 494; Le théatre de Venafrum, p. 504. L‘Achaie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le théatre d’Argos, p. 506; Le théatre de Dionysos à Athènes, p. 518; Le théiitre de Corinthe, p. 521.
506
.. . . . . . . . . . . . . . .. . . . . .. . . .
530
La Méditerranée orientale
Le theatre de Hiérapolis, p. 530; Le théatre de Kato Paphos, p. 532; Le théatre de Césarée Maritime, p. 534; Le théatre de Néapolis, p. 541.
598
TABLE DES MATIÈRES Page
Les autres théiitres où la meme hypothèse a été envisagée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’Italie, p. 543; L’Asie Mineure, p. 547; La Cyrénalque,
543
p. 551.
BIBLIOGRAPRIE ...................._.....................
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DOCUMENTS ICONOGRAPHIQUES
INDEX. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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TABLEDES
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