Les noms d'humains : une catégorie à part ? 3515111573, 9783515111577

Les noms qui désignent des êtres humains sont d'une saillance particulière pour nous humains. Cependant, il s'

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French Pages 203 [206] Year 2015

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Table of contents :
TABLE DES MATIÈRES
PRÉFACE
LES (NOMS D’) HUMAINS SONT-ILS À PART?
LA SÉMANTIQUE DES NOMS GÉNÉRAUX ‘ÊTRE HUMAIN’ FRANÇAIS ET ALLEMANDS
LA POSITION TAXINOMIQUE ET LES RÉSEAUX MERÓNYMIQUES DES NOMS GÉNÉRAUX ‘ÊTRE HUMAIN’ FRANÇAIS ET ALLEMANDS
L’ETRE HUMAIN ET LA RELATION PARTIE-TOUT
NOMS GÉNÉRIQUES ‘ÊTRE HUMAIN MASCULIN’ ET ‘ÊTRE HUMAIN FÉMININ’ : IMPOSSIBILITÉ SOCIOLOGIQUE DE LA MODÉLISATION SÉMANTIQUE
DES NOMS D’IDÉALITÉS AUX NOMS D’HUMAINS
LISTE DES AUTEURS
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Les noms d'humains : une catégorie à part ?
 3515111573, 9783515111577

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Les noms d’humains : une catégorie à part ? Edité par Wiltrud Mihatsch / Catherine Schnedecker

Romanistik Franz Steiner Verlag

Romanistik40 ZfSL-Beiheft

Wiltrud Mihatsch / Catherine Schnedecker (ed.) Les noms d’humains : une catégorie à part ?

zeitschrift für fr anzösische spr ache und liter atur beihefte Nach Peter Blumenthal und Klaus W. Hempfer herausgegeben von Guido Mensching und Ulrike Schneider Neue Folge | Band 40

Les noms d’humains : une catégorie à part ? Edité par Wiltrud Mihatsch / Catherine Schnedecker

Franz Steiner Verlag

Bibliografische Information der Deutschen Nationalbibliothek: Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über abrufbar. Dieses Werk einschließlich aller seiner Teile ist urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertung außerhalb der engen Grenzen des Urheberrechtsgesetzes ist unzulässig und strafbar. © Franz Steiner Verlag, Stuttgart 2015 Druck: Offsetdruck Bokor, Bad Tölz Gedruckt auf säurefreiem, alterungsbeständigem Papier. Printed in Germany. ISBN 978-3-515-11157-7 (Print) ISBN 978-3-515-11158-4 (E-Book)

TABLE DES MATIÈRES Wiltrud Mihatsch, Catherine Schnedecker Préface .......................................................................................................... 7 Catherine Schnedecker Les (noms d’) humains sont-ils à part? Intérêts linguistiques d’une souscatégorie nominale encore marginale ................................................ 15 Wiltrud Mihatsch La sémantique des noms généraux ‘être humain’ français et allemands ... 55 Wiltrud Mihatsch La position taxinomique et les réseaux méronymiques des noms généraux ‘être humain’ français et allemands ................................................... 85 Vassil Mostrov L’être humain et la relation partie-tout .................................................... 115 Fabienne Baider Noms génériques ‘être humain masculin’ et ‘être humain féminin : Impossibilité sociologique de la modélisation sémantique .............. 147 Nelly Flaux, Véronique Lagae, Dejan Stosic Des noms d’idéalités aux noms d’humains .............................................. 179 Liste des auteurs ....................................................................................... 203

PRÉFACE Wiltrud Mihatsch, Université de Bochum Catherine Schnedecker, Université de Strasbourg, LiLPa, Fonctionnements discursifs et traduction

Les noms d’humains constituent-ils une catégorie linguistique à part? Telle est la question qui sert de fil conducteur à un projet de coopération initié par Catherine Schnedecker (Strasbourg) et Wiltrud Mihatsch (Bochum) dans le cadre du projet PROCOPE (DAAD/EGIDE) „Les noms d’entités humaines entre lexique et grammaire” 2011 et 2012, auquel se sont ralliés des morphologues, sémanticiens, syntacticiens et linguistes informaticiens. Actuellement nous comptons sur la coopération de Fabienne Baider (Chypre), Vincent Balnat (Strasbourg), Delphine Bernhard (Strasbourg), Maryvonne Boisseau (Strasbourg), Paul Cappeau (Poitiers), Nelly Flaux (Arras), Laurent Gosselin (Rouen), Véronique Lagae (Valenciennes), Stéphanie Lignon (Lorraine), Jean-Paul Meyer (Strasbourg), Vassil Mostrov (Valenciennes), Fiammetta Namer (Lorraine), Dejan Stosic (Toulouse) et Amalia Todirascu (Strasbourg), plusieurs docteurs (Angelina Aleksandrova et Laurence Longo, Strasbourg), doctorants et étudiants allemands et français, ainsi que des collègues à Belo Horizonte, notamment Eduardo Amaral. La coopération a donné lieu à de nombreux articles des membres du projet1 ainsi qu’à des mémoires de master et des thèses de doctorat. Au cours des dernières années, l’équipe du projet désormais intitulé « NHUMA : linguistique des noms d’humains » et financé à l’aide du Conseil Scientifique de l’Université de Strasbourg (2012-2014) intitulé « Les noms d’humains entre lexique et grammaire », du laboratoire LiLPa, Fonctionnements discursifs et traduction (Strasbourg), et de l’université de Bochum, a élaboré une base de données des noms d’humains du français et a réalisé une enquête, d’abord sur papier, ensuite en ligne, pour explorer les conditions et restrictions d’emploi des noms d’humains les plus généraux du français, de l’allemand, du portugais et de l’espagnol. Des enquêtes sur d’autres langues sont en cours. Les noms qui désignent des êtres humains sont d’une saillance particulière pour nous humains, bien sûr. Cependant il s’agit d’une catégorie de noms qui a été presque systématiquement négligée en sémantique lexicale, indépendamment des cadres théoriques d’observance. Ce manque d’intérêt est peut-être dû au statut à part de ces noms, qui les rend particuliers et fait qu’ils noms diffèrent d’une façon fondamentale - et sur plusieurs plans - des autres noms concrets. Les travaux qui

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De nombreux travaux sont consultables en ligne (http://nomsdhumains.weebly.com/).

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Wiltrud Mihatsch, Catherine Schnedecker

ont néanmoins porté sur cette sous-catégorie de noms sont : pour le français, des articles de Gross (1995, 2009), un travail de classification par Fuentes Crespo (2003/4) et une monographie sur les noms d’humains de l’allemand par Peter Braun (1997). Il s’agit de recueils et de classifications de données lexicographiques qui constituent des inventaires fort utiles et une bonne base de travail. Cependant, il manque encore des travaux systématiques sur les particularités sémantiques, morphosyntaxiques et pragmatiques des noms d’humains, parmi lesquelles on pourrait mentionner les propriétés liées au niveau de généralisation et la question du niveau de base : les niveaux de généralisation les plus saillants et non marqués des noms d’humains sont ceux qui sont spécifiés pour le sexe biologique (cf. Mihatsch 2007, Mihatsch ce volume b et Baider, ce volume), nettement inférieurs quant au niveau de généralisation en comparaison avec les autres noms concrets. Dans leurs emplois, les noms d’humains se distinguent aussi très clairement des autres noms dans leur possibilité d’être employés comme terme d’adresse et vocatifs, mais aussi, dans certains cas, en référence à la première personne (cf. le volume édité par Collins 2014), pour ne nommer que quelques caractéristiques importantes (cf. le volume publié par Enfield et Stivers 2007 sur la référence aux humains). Il s’agit donc d’élucider si les noms d’humains constituent une classe délimitable sur le plan morphosyntaxique et sémantique, une classe qui n’est souvent pas incluse dans les systématiques des noms.2 Une autre question pertinente pour la description et la classification linguistique des noms d’humains concerne l’applicabilité des notions transversales généralement exploitées pour classifier les noms, notamment les couples « massif/comptable », « concret/abstrait », « permanent/épisodique », « relationnel/absolu » et l’applicabilité des modalités, traditionellement analysées dans le domaine verbal. Dans le cadre de cette coopération entre pays, universités et disciplines, nous nous intéressons aux propriétés linguistiques des noms d’humains qui vont audelà des questions plutôt liées aux aspects extra-linguistiques (les systèmes de parenté et la féminisation des noms des professions) et de l’analyse d’aspects grammaticaux plus généraux conditionnés par la hiérarchie d’animacité et le concept d’HUMAIN (cf. Silverstein 1976), une classe notionnelle reconnue et établie en grammaire. Notre questionnement est le suivant : Y a-t-il des propriétés linguistiques bien précises qui motiveraient l’existence d’une classe lexicale des noms d’humains ? Le premier article de ce recueil écrit par Catherine Schnedecker, s’intitule « Les (noms d’) humains sont-ils à part ? » et offre un état de l’art de la recherche dans le domaine des noms d’humains, qui présente aussi bien les analyses existantes que les lacunes et a pour but d’élucider les raisons qui expliquent le désintérêt porté à cette classe de noms en général mais aussi l’attention portée à quelques phénomènes bien particuliers, fondée plutôt sur des aspects extralinguistiques. Dans son article, l’auteur formule les questions pertinentes pour une analyse lin2

Pour une classification très convaincante et fine, qui sert aussi de base pour le projet, cf. Flaux/ van de Velde (2000).

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guistique de ces noms. Cette contribution présente d’abord les aspects les plus étudiés comme les particularités sémantiques et leurs conséquences pour l’emploi des noms d’humains, notamment le statut de tout indivisible qui distingue les noms d’humains d’autres noms concrets. Elle enchaîne avec les questions extralinguistiques qui ont déclenché de nombreuses études sur l’interaction entre le genre grammatical et le sexe biologique, comme la féminisation des noms de métiers, mais aussi l’intérêt dû à des particularités linguistiques comme les patrons de suffixations dans le domaine des noms d’humains, les propriétés syntaxiques des noms de qualité et d’insulte et la détermination des noms d’humains dans les constructions attributives. La dernière partie de cet article présente l’inventaire des sous-classes sémantiques établi par Gross 1995 et dégage les critères de classification employés et les limites de l’organisation hyponymique des noms d’humains. Dans son article, Catherine Schnedecker offre donc un tour d’horizon très vaste du phénomène, une synthèse des problèmes qui surgissent lors de l’analyse et une esquisse des pistes à poursuivre. Les deux articles suivants écrits par Wiltrud Mihatsch sont consacrés à une classe de noms d’humains saillants par leur position hiérarchique au sommet des noms d’humains, donc des noms d’humains qui référent aux êtres humains en général, sans distinction de sexe. Le concept sous-jacent correspond au concept de l’ETRE HUMAIN pertinent en grammaire, notamment dans le système pronominal, mais faiblement ancré, semble-t-il, dans le lexique de tous les jours. La comparaison entre le français et l’allemand (cf. aussi Lang 2000) aide à dégager les caractéristiques les plus importantes des différents noms au niveau sémantique, et prétend contribuer à une vision plus approfondie des noms d’humains en général, en étudiant des unités lexicales délimitant, pour ainsi dire, la classe des noms d’humains. Les deux analyses font ressortir des indices présageant un début de grammaticalisation, plus précisément de pronominalisation, de certains de ces noms (cf. aussi Cappeau/Schnedecker 2014). Dans la première des deux contributions, intitulée « La sémantique des noms généraux ‘être humain’ français et allemands », sont analysées les propriétés sémantiques « internes » des noms d’humains généraux. Après un aperçu des dimensions transversales de la classification nominale et leur pertinence pour les noms d’humains, une section est consacrée aux préférences quant au nombre grammatical, notamment la préférence de la plupart des noms d’humains pour des emplois au pluriel et une tentative d’explication. La dualité ou hybridité des noms d’humains généraux, qui combinent le côté physique et le côté immatériel de l’être humain, est analysée dans une section subséquente, avec, comme point de départ, la notion de facette selon Cruse (2000). Dans la dernière section est analysée une troisième facette, celle des rôles sociaux, qui mène à une différenciation entre noms épisodiques et noms permanents au sein de cette classe de noms. Les différents noms d’humains dans les deux langues montrent des spécialisations spécifiques relatives aux notions de distributivité et de collectivité liées à la pluralisation, au poids des facettes mais aussi des tendances équivalentes dans les deux langues étudiées.

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Wiltrud Mihatsch, Catherine Schnedecker

Dans la deuxième contribution, intitulée « La position taxinomique et les réseaux méronymiques des noms généraux ‘être humain’ français et allemands », l’analyse se concentre sur les réseaux sémantiques que ces noms entretiennent avec d’autres noms d’humains, à savoir les relations hyponymiques et méronymiques. On constate des relations hyponymiques (liées à des emplois majoritairement génériques) pour les emplois plutôt savants ou, du moins, pour les emplois dans des domaines spécialisés, mais aussi des restrictions importantes pour les noms d’humains généraux courants – aussi bien comme hyperonymes des autres noms d’humains que comme hyponyme de noms encore plus généraux, et une restriction importante pesant sur les emplois génériques notamment pour les noms d’humains épisodiques comme personne et gens. Cela étant, tous ces noms montrent les mêmes tendances que les noms superordonnés inanimés, notamment une domination des termes savants, la préférence pour le pluriel et une interprétation comme nom collectif et une tendance diachronique qui tend vers la spécialisation, qui se manifeste du point de vue synchronique sous forme de polysémie verticale, surtout concernant la spécification du sexe. De leurs relations méronymiques se dégage un groupe de noms d’humains généraux plutôt distributifs et un groupe de noms plutôt collectifs, avec des restrictions spatio-temporelles en général épisodiques. Vassil Mostrov reprend le problème de la relation partie-tout dans le domaine des noms d’humains et les réseaux méronymiques de ces noms avec des noms conçus comme faisant partie des êtres humains. Dans sa contribution intitulée « L’être humain et la relation partie-tout », Vassil Mostrov propose un état de l’art de la relation partie-tout et de la définition des parties selon la théorie de Husserl ainsi que le concept de l’inaliénabilité en linguistique. Il procède ensuite à une esquisse de classement des différents noms qui désignent des parties de l’être humain, comme les parties du corps, d’ailleurs au centre de nombreuses études sur la possession, mais également des noms abstraits qui désignent des qualités et des facultés de l’être humain. Dans sa contribution, l’auteur étudie en détail la distinction entre les ‘parties dépendantes’ vs ‘indépendantes’, et leurs incidences notamment syntaxiques, surtout dans des constructions basées sur la possession inaliénable, comme l’anaphore associative et la sélection des verbes copules avoir et être. L’auteur dégage ainsi l’existence de plusieurs nuances relatives au degré d’autonomie ou de dépendance des parties, qui vont des noms de qualités les plus intimement liés à l’humain qui acceptent, par exemple, le génitif de qualité, en passant par les noms de dimension et les noms de facultés, qui, comme les noms des parties du corps, montrent un moindre degré de dépendance par rapport au tout. Il contribue ainsi à l’étude d’une caractéristique sémantique essentielle des noms d’humains dont se font ressentir les répercussions au niveau de la syntaxe. Un trait saillant, peut-être le trait le plus saillant d’un être humain, est le sexe biologique, lié au genre au sens des recherches sur la dimension sociale de « gender » au centre du débat des gender studies, mais qui est aussi discuté dans le cadre des débats à première vue linguistiques comme ceux qui ont trait à la féminisation des noms de métiers et au statut du masculin générique. Ce trait est aussi à la base des études sur la symétrie sémantique entre des noms désignant l’un des

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deux sexes (ou genres ?) et la question de savoir dans quelle mesure le masculin se prête à des emplois non marqués, comme le défendaient les représentants de la sémantique structurale, dans le sens de « être humain non spécifié pour le sexe ». Il s’agit d’un domaine de recherche qui a déclenché des discussions assez vives dans les dernières années (cf. le volume édité par Baider et Elmiger 2012, Elmiger 2009, Michard 2002). Dans sa contribution intitulée « Noms génériques ‘être humain masculin’ et ‘être humain féminin’: impossibilité sociologique de la modélisation sémantique », Fabienne Baider entreprend une étude portant sur les asymétries discursives et sémantiques entre des noms désignant des êtres humains féminins et masculins. Elle se base sur des définitions lexicographiques, les structures polysémiques (cf. Koch 2005) et leur position dans des réseaux sémantiques comme WordNet, qu’elle analyse à la lumière des fondements socioculturels et idéologiques de cette asymétrie. Les exemples et renvois lexicographiques montrent que femme se définit sur la base des relations sexuelles et un statut dominant, englobant et autonome du nom homme, ‘être humain masculin’, ce qui, selon son étude, repousse à l’arrière-plan le trait /humain/ du nom de femme, tandis que, pour homme, le trait /humain/ prévaut et est plus saillant que le trait lié au sexe. L’auteur montre que femme est, par conséquent, conceptualisé comme dépendant et non pas cohyponyme et égal du signifié du nom homme ‘être humain masculin’, donc aucunement symétrique comme l’avaient proposé des représentants de la sémantique structurale, par exemple. Le volume se clôt avec une analyse détaillée et systématique d’une sousclasse bien définie et clairement délimitée sur les plans sémantique et morphologique, au plan des patrons de dérivation. Dans leur étude intitulée « Des noms d’idéalités aux noms d’humains », Nelly Flaux, Véronique Lagae et Dejan Stosic étudient des noms d’humains dérivés morphologiquement de noms d’idéalité, terme et définition inspiré par Husserl, qui définit les idéalités (sonate, roman, théorème...) comme des entités spirituelles susceptibles de s’instancier dans l’espace et/ou dans le temps. Dans une première partie, les auteurs proposent une classification des noms d’idéalité en distinguant entre des noms d’idéalité mathématiques, symboliques, logiques, discursives, esthétiques, pragmatiques et praxiques. Dans la deuxième partie de l’article sont présentés les rapports entre ces noms et les noms désignant des humains comme agents et créateurs d’idéalités, par exemple romancier, et comme bénéficiaire, « récipient » ou instance d’interprétation, comme allocutaire, moins systématiquement lexicalisés. Les auteurs établissent un inventaire des noms de créateurs d’idéalités sur la base d’une interrogation automatisée du web et un dépouillement lexicographique. Ils constatent un nombre surprenant de noms dérivés et une répartition déterminée par les différentes sous-classes présentées dans la première section du travail. Ils analysent en détail les décalages entre les noms d’idéalités, les noms dérivés désignant des créateurs d’idéalité, les lacunes et la répartition selon le type d’idéalités ainsi que l’existence de noms de créateurs généraux sans nom d’idéalité morphologiquement simples correspondants (cf. compositeur/ pièce musicale). Les solides bases théoriques ainsi que la transparence méthodologique de cette contribu-

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tion fournissent certainement un modèle pour des travaux ultérieurs qui porteraient sur d’autres sous-classes sémantiques et morphologiques de noms d’humains. Si les analyses de ce volume offrent une explication à un nombre considérable de questions, le nombre de questions et de pistes de recherche est encore plus important. Nous espérons donc que nos études arrivent à réveiller l’intérêt pour la classe des noms d’humains et invitent à poursuivre le sujet à l’avenir. Nous remercions les contributeurs de ce volume et les collègues et étudiants qui ont assisté et participé aux réunions et ateliers du réseau et ont inspiré les présentes analyses par leurs interventions et leurs contributions aux nombreuses discussions fructueuses. Nous tenons également à remercier l’éditeur linguistique de la série, Guido Mensching, et son équipe, ainsi que la maison d’édition Steiner, notamment Katharina Stüdemann, pour leur appui important à ce projet de publication, ainsi que Betty Portier-Weber et Nathalie Piquet pour leurs corrections stylistiques, Sarah Rössler et Désirée Friedrich, qui ont veillé au formatage. Nous aimerions dédier ce volume à la mémoire de Peter Koch, grand romaniste, mais aussi éminent chercheur en typologie lexicale, qui a fortement inspiré notre projet.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES BAIDER, Fabienne H./ ELMIGER, Daniel (éds.) (2012), Intersexion. Langues romanes, langues et genre, München : Lincom. BRAUN, Peter (1997), Personenbezeichnungen. Der Mensch in der deutschen Sprache, Tübingen : Max Niemeyer Verlag. CAPPEAU Paul/ SCHNEDECKER Catherine (2014), « Gens, personne(s), individu(s). Trois saisies de l’humain », in : Actes du 4ième Congrès Mondial de Linguistique Française, éd. par F. Neveu, P. Blumenthal, L. Hriba, A. Gerstenberg et J. Meinschaefer, p. 3027–3040, , dernier accès : 11/06/15. COLLINS, Chris (2014), Cross-Linguistic Studies of Imposters and Pronominal Agreement (Oxford Studies in Comparative Syntax), Oxford : Oxford University Press. CRUSE, D. Alan (2000), « Lexical ‚facets’. Between monosemy and polysemy », in : Sprachspiel und Bedeutung. Festschrift für Franz Hundsnurscher zum 60. Geburtstag, éd. par S. Beckmann, P. P. König et T. Wolf, Tübingen : Niemeyer, p. 25–36. ELMIGER, Daniel (2009), La féminisation de la langue en français et en allemand, Paris : Champion. ENFIELD, Nick J./ STIVERS, Tanya (éds.) (2007), Person reference in interaction. Linguistic, cultural, and social perspectives, Cambridge : Cambridge University Press. FLAUX, Nelly/ VAN DE VELDE, Danièle (2000), Les noms en français. Esquisse de classement, Paris : Ophrys. FUENTES CRESPO, Sandra (2003-2004), « Le concept de classes d’objets appliqué aux humains », in : Anales de Filologia Francesa 12, p. 107-118. GROSS, Gaston (1995), « A propos de la notion d'humain », in : Lexiques-grammaires comparés (Lingvisticae Investigationes, Supplementa ; 17), éd. par J. Labelle et C. Leclère, Amsterdam / Philadelphia : J. Benjamins, p. 71–80. GROSS, Gaston (2009), « Sur le statut syntaxique des substantifs humains », in : Des topoï à la théorie des stéréotypes en passant par la polyphonie et l’argumentation dans la langue.

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Hommages à Jean-Claude Anscombre, éd. par D. Leeman, Chambéry : Presses de l'Université de Savoie, p. 27-41. KOCH, Peter (2005), « Aspects cognitifs d'une typologie lexicale synchronique. Les hiérarchies conceptuelles en français et dans d'autres langues », in : Langue française 145, p. 11–33. LANG, Ewald (2000), « Menschen vs. Leute : Bericht über eine semantische Expedition in den lexikalischen Nahbereich », in : Lexikologisch-lexikographische Aspekte der deutschen Gegenwartssprache, éd. par U. Kramer, Tübingen : Niemeyer, p. 1–40. MICHARD, Claire (2002), Le sexe en linguistique. Sémantique ou zoologie, Paris : L’Harmattan. MIHATSCH, Wiltrud (2007), « Taxonomic and Meronomic Superordinates with Nominal Coding », in : Ontolinguistics. How ontological status shapes the linguistic coding of concepts (Trends in Linguistics ; 176), éd. par D. Zaefferer et A. Schalley, Berlin : Mouton de Gruyter, p. 359– 378. SILVERSTEIN, Michael (1976), « Hierarchy of features and ergativity », in : Grammatical categories in Australian languages, éd. par R.M.W. Dixon, New Jersey : Humanities Press, p. 112– 171.

LES (NOMS D’) HUMAINS SONT-ILS À PART? INTÉRÊTS LINGUISTIQUES D’UNE SOUS-CATÉGORIE NOMINALE ENCORE MARGINALE Catherine Schnedecker, Université de Strasbourg, LiLPa, Fonctionnements discursifs et traduction

RÉSUMÉ Notre propos est de montrer le potentiel que représentent les noms d’humains comme objet d’étude linguistique, outre le fait que, ontologiquement, leur référent est important dans notre expérience du monde au même titre que l’espace, le temps et la manière. Dans un premier temps nous essayons de comprendre pourquoi les noms d’humains n’ont pas suscité d’intérêt particulier. Dans un second temps, nous procédons à un état de l’art des approches qui ont peu ou prou abordé ces noms en distinguant entre les raisons externes (liées à la mondialisation des professions et aux questions de traduction en découlant ainsi qu’à la féminisation des métiers) vs internes à la langue. Nous finissons par mettre en évidence quelques énigmes que posent ces noms, notamment en matière de structuration et de hiérarchie lexicale.

0. INTRODUCTION La sous-catégorie des noms renvoyant aux entités humaines est bien établie dans les grammaires, tant du point de vue terminologique que définitoire, témoins l’extrait de la table des matières (1) et le propos de Grevisse (2) où il est question de ‘noms humains’ ou de noms animés comprenant les humains : (1)

Le nom : sous-classes et catégories Qu’est-ce qu’un nom ? Noms communs et noms propres Noms humains, noms animés et noms non-animés Noms concrets et noms abstraits Noms comptables et noms non comptables Noms masculins et noms féminins : le genre (Dubois/ Lagane 1961, 3 ; nous soulignons)

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« […] Les noms animés désignent des êtres susceptibles de se mouvoir par euxmêmes. Les autres noms, désignant des choses, des qualités, des actions, etc. sont inanimés. Les noms animés comprennent les humains, les animaux et les êtres surnaturels : soldat, fourmi, Dieu, Vénus, diable, centaure.- Noms inanimés : auto, chaise, pommier, maladie, arrivée.- Cette distinction est importante pour le genre. (…) » (nous soulignons).

Cette sous-catégorie est, à l’instar des autres, appuyée sur un double faisceau de traits spécifiques, ontologiques ou extra-linguistiques (la référence aux êtres humains), d’une part, et linguistiques, d’autre part, notamment morpho-syntaxiques tels que la variation en genre (3) ou la forme des pronoms, interrogatifs ou personnels, comme le souligne la GMF (2009, 323–328) (cf. 4) : (3) (4)

le/la concierge ; le délégué/la déléguée, le précepteur/la préceptrice vs la table/*le table Sur la distinction entre noms animés/non animés repose une série d’oppositions morphosyntaxiques dans le domaine de la pronominalisation :

« Le contenu sémantique des pronoms interrogatifs qui et que/quoi se réduit aux traits sémantiques respectifs [+/- animé] (en réalité [+ humain] et [- catégorisé]). Aussi selon qu’il comporte un nom animé ou non catégorisé, un syntagme nominal constituera-t-il une réponse appropriée à la première ou aux autres formes : Qui est venu ? Qui as-tu invité ? –Le voisin. De qui parlez-vous ? – Du voisin/de personne. – Que vois-tu ? La route qui poudroie/rien. – De quoi avez-vous discuté ? - Des prochaines élections. De tout et de rien. Les compléments du verbe, du nom et de l’adjectif introduits par à ou de se pronominalisent différemment selon qu’ils sont animés/humains ou non animés : J’ai parlé à Jeanne → Je lui ai parlé. Il est allé à la réunion → il y est allé. J’ai parlé de Jeanne → J’ai parlé d’elle. On a discuté de ton projet → On en a discuté. (…). Les noms animés peuvent varier en genre (le/la concierge) alors que les noms non animés ont un genre fixe (le bras/la main). » (GMF 2009, 323–328)

Autant d’éléments qui suffisent, semble-t-il, à la description, puisque la catégorie des noms d’humains (désormais NH) n’a pas suscité le même intérêt que les N abstraits ou massifs qui ont fait couler, comme on sait, beaucoup d’encre. L’objectif de cette présentation est double. Nous essaierons, premièrement, de comprendre pourquoi les NH sont restés en retrait des descriptions linguistiques ou, dans le cas contraire, quelles sont les raisons qui ont poussé à en éclairer tel ou tel aspect. Dans un second temps, nous procéderons à un état de l’art des études qui ont porté directement ou indirectement sur les NH, dans le but de montrer que ces dernières recèlent encore de nombreuses énigmes, aussi bien dans les domaines linguistiques que dans les disciplines connexes, qui font qu’ils méritent, à eux seuls, tout un programme de recherche, ce qui nous donnera l’occasion de poser quelques jalons en vue d’études ultérieures.

Les noms d’humain sont-ils à part?

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1. LES HUMAINS ET LEURS DÉNOMINATIONS : DES ÉVIDENCES ONTOLOGIQUES Deux raisons au moins expliquent, nous semble-t-il, pourquoi les NH n’ont guère retenu l’attention. La première tient à l’évidence ontologique de la catégorie des êtres humains. Comparé aux entités abstraites, comme la beauté, l’intégrité, etc. qu’on a autant de mal à identifier qu’à définir, l’être humain tombe sous le(s) sens, si l’on peut dire, les humains étant faciles à repérer, identifier, etc.: « Le trait syntactico-sémantique humain semble être en tout cas du point de vue empirique, une catégorie relativement facile à délimiter puisque nous sommes tous capables de différencier un humain d’un animal, d’un concret, d’un locatif ou encore d’un abstrait. Cependant cette distinction n’est pas si évidente du point de vue linguistique comme nous allons le montrer. » (Fuentes Crespo 2004, 110 ; nous soulignons)

Ils sont, par ailleurs, communs à de nombreuses formes de civilisations et au centre des cultures anthropocentristes, dont ils constituent le point de repère absolu (mais cf. infra) : (5)

HOMME : ‘être humain (terme de taxinomie animale) Etre (mâle ou femelle) appartenant à l’espèce animale la plus évoluée de la Terre, mammifère primate de la famille des hominidés, seul représentant de son espèce (homo sapiens)’ (Petit Robert 2008, s.v. homme)

Deux arguments linguistiques vont dans ce sens : d’abord, le consensus que suscitent des énoncés identificatoires du type: voici un être humain/une personne, qu’établissent plus difficilement les N de propriété : ça c’est un acte de courage (non, c’est un acte d’inconscience, de témérité, de bravoure, etc.) et, ensuite, l’incompatibilité des NH avec les enclosures (cf. (6) vs (7)) qui montre qu’il n’y a guère - sinon pas- d’approximation possible dans l’identification des humains, sauf dans des contextes d’« apparition » inattendue (8) ou marqués (9). Nous y reviendrons.

1 2 3 4

(6) (7) (8)

*C’est (une sorte1+un genre2+une espèce3) d’homme/d’humain C’est (une sorte+un genre+une espèce) de table/de robe puis le cercueil fut refermé et emporté. A l'instant parut devant lui une sorte d'homme, qui semblait comme un more d'Afrique. Lui, sans se troubler, lui demanda quel était ce corps ainsi déchiré par les corbeaux. (Barante De, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois : 1364–1477, 18244)

(9)

Aujourd'hui, mon ami, on est beaucoup plus raisonnable, beaucoup plus pratique : on se hâte, avant d'être devenu un homme, de devenir une espèce d'homme ou un animal particulier, comme vous voudrez. (Loti, Aziyadé, 1879)

19 occ. de la séquence « une sorte d’homme » dont 1 seule (cf. 9) sans modifieur. Aucune occurrence attestée dans Frantext. 24 occ. dans Frantext, également avec des modifieurs. Sauf indication contraire, les exemples référencés sont extraits de la base de données Frantext.

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Catherine Schnedecker

Cela tient peut-être - encore faudrait-il le vérifier - au fait que les humains constituent une catégorie stable, inaltérable en termes de « forme », à la différence des variations qui affectent le cas échéant les artefacts (il y a ainsi des sortes de tasses aux formes biscornues, par exemple). A cette évidence ontologique empirique sont corrélées un certain nombre de propriétés, attribuées d’office à l’ensemble des NH qui sont censés dénoter, dans la vulgate, des entités concrètes, dotées des propriétés interactionnelles des entités concrètes (10), comptables5 (11 à 13) : (10) (11) (12) (13)

J’ai (vu+touché+senti) (une pomme+un médecin légiste) J’ai (compté+dénombré) (des pommes+des médecins légistes) J’ai vu (cinq+quelques) (pomme+médecins légistes) Les pommes/les médecins légistes, je les ai vu(e)s (vs de la neige j’en ai vu)

et, en tant que telles, réfractaires aux principes de la référence cumulative et divisibilité homogènes : un médecin ajouté à un médecin donnent deux médecins ; si l’on ôte un bras à un médecin légiste, la partie prélevée sur lui ne présente pas la propriété d’être lui (cf. « test de la divisibilité homogène ») : « Est comptable le nom dont l’entité ne se prête plus à une telle divisibilité homogène, mais engage une partition hétérogène. » (Kleiber 1997, 322)

Par ailleurs, elles sont dotées de limites, conséquence de leur forme, ainsi que d’une structure hétérogène au sens où les deux figures ci-dessous, sont d’office identifiables comme une oreille ou un œil d’humain :

Fig. 1

Fig. 2

Cela pour faire observer que le « tout humain » est composé de « parties hétérogènes » (une tête, un corps, yeux, dos, etc.) différentes entre elles6 ainsi que différentes de leur tout. La spécificité du tout humain transparaît au travers de nombreuses propriétés linguistiques, dont voici un aperçu : Enfin, les NH renvoient à un « tout » particulier qui ne se laisse pas appréhender selon les mêmes modalités que d’autres types d’entités, ce que montre entre autres la réaction des NH aux adjectifs de totalité (14)7 : 5 6 7

Il y a bien entendu des exceptions comme les N gens ou aristocratie…, cf. Schnedecker (2012 et 2014). Et comme nous le fait remarquer un relecteur, différentes de ce qu’elles sont chez les autres espèces animales et disposées différemment chez ces espèces. Cf. Flaux/ Van de Velde (2000, 45) ; Schnedecker (2006).

Les noms d’humain sont-ils à part? (14)

19

J’ai mangé toute une tarte+une tarte entière+la totalité de la tarte vs *J’ai vu tout un homme+un homme entier/la totalité d’un homme

et dont les limites/délimitations ont une dénomination ad hoc : en tant qu’entités concrètes, i.e. dotées d’une forme, d’un volume, qui occupe une certaine place dans l’espace, les entités humaines ne sont pas pour autant appréhendées de la même manière que les entités non animées. C’est ce que prouve la série d’énoncés ci-dessous, où les N dits de grandeurs désignant les dimensions, qu’elles soient exprimées sous forme de N ou d’adjectifs, varient selon qu’elles renvoient à une entité humaine et animale ou non humaine (Flaux / Van de Velde 2000, 45) : (15) (16) (17) (18) (19)

La hauteur du mur est de 1,80m vs (*La hauteur+la taille) de Paul est de 1,80m La largeur du mur est de 0,80m vs *La largeur de Paul est de 0,80m *Paul est plus large que Pierre vs *Paul est plus haut que Pierre L’extrémité (du mur+de la carotte+*de Paul) Le milieu (du mur+de la carotte+*de Paul)

A ce point de vue, leurs parties présentent des particularités catalysées par des constructions syntaxiques spécifiques ((20) vs (22) et (23)), mises au jour par Tamba (1994) : (20) (21) (22) (23) (24)

L’homme a un dos vs *Le dos est une partie de l’homme Le sanglier a un groin vs *Le groin est une partie du sanglier L’œuf a une coquille vs La coquille est une partie de l’œuf Une maison (a + comporte) un toit vs Un homme (a + *comporte) des bras *Un être humain se compose des yeux, du nez, de la bouche, etc.

Autant d’éléments qui montrent, selon Tamba (1994) une conceptualisation particulière du « tout » visé : « (…) se composer amène à se représenter un objet sous l’aspect d’une totalité formée à partir de l’ensemble des éléments qui entrent dans sa composition. Avoir, quant à lui, impose la représentation d’un objet comme une totalité synthétique. Autrement dit se composer de+SNp fait prévaloir l’image d’un tout compositionnel et avoir+SNp celle d’une totalité unitaire. » (Tamba 1994, 78)

Un autre argument va dans ce sens : l’impossibilité d’avoir (25) par contraste avec (26) (Flaux / Van de Velde 2000, 45) : (25) (26)

*Il y a un cœur, des poumons, des intestins dans l’homme vs L’homme a un cœur, des poumons, des intestins Il y a un moteur, un système ABS dans la voiture vs La voiture a un moteur, un système ABS

Bref, même si les NH présentent des particularités qui les isolent d’autres N, ils n’en présentent pas, de prime abord, des particularités telles qu’elles les rendent particulièrement « saillants » : ils relèvent des N d’entités comptables concrètes peut-être les moins intriguants des N -, entretiennent un rapport a priori sans équivoque avec leur référent. Autant dire qu’ils passent quasiment inaperçus.

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2. ETAT DE L’ART DANS LE DOMAINE LINGUISTIQUE De fait, les travaux qui s‘y sont intéressés ne sont pas légion ; les uns sont motivés par des raisons externes à la langue ; les autres par des raisons plus strictement linguistiques.

2.1. Raisons externes Parmi les facteurs externes, on citera en premier lieu une forme de féminisme et de « correction politique » qui a eu à cœur de s’interroger sur la féminisation (sociolinguistique) de certaines professions et, avec elle, sur celle des dénominations à leur donner. En effet, avec l’évolution historique, culturelle et sociale et l’évolution du statut de la femme, - notamment son accès à certaines professions d’abord puis à certaines fonctions politiques - se sont posées des questions sur la manière de dénommer ces professions dans leur version « féminine ». Il en résulte bon nombre de textes officiels, émanant des instances gouvernementales ou académiques, intéressantes au double plan idéologique et linguistique (on y reviendra). (27)

• • • • •

La féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre : Quelques dates8

11 mars 1986 : Circulaire du Premier ministre relative à la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre 6 mars 1998 : Circulaire du Premier ministre relative à la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre Octobre 1998 : Rapport de la commission générale de terminologie et de néologie sur la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre 2ème trimestre 1999 : Guide d'aide à la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre de l'institut national de la langue française, préfacé par Lionel JOSPIN 6 mars 2000 : Note du ministère de l'éducation nationale relative à la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre (B.O.E.N. du 9 mars 2000)9

Par ailleurs, dans un tout autre cadre, celui de l’automatisation du traitement de la langue, de nombreux linguistes informaticiens se sont rendu compte que l’opposition entre le lexique d’un côté et la grammaire de l’autre était inopérante,

8 9

, dernier accès : 11/06/2015. Voir aussi le document intitulé Femme, j’écris ton nom… Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions (1999) (CNRS/INALF, B. Cerquiglini (dir.), , dernier accès : 24/09/13 (désormais FJTN).

Les noms d’humain sont-ils à part?

21

ce qui a aidé à poser les fondements d’un « lexique-grammaire », imposant à la description d’unités lexicales leurs contraintes syntaxiques et leurs restrictions de sélection. C’est par ce biais que les substantifs humains ont été mis sur la sellette, notamment par Guillet (1990, 74–76) : « Du point de vue asémantique d’un ordinateur balayant un texte, la seule balise est la majuscule des noms propres ; et elle ne sera pas probante en tête de phrase, ni pour les sigles, les noms de bateaux, d’avion, d’ouragans, etc., c’est-à-dire pour tout ce qui est inconnu de l’analyse puisqu’exclu d’un dictionnaire de langue. Il incombe donc au linguiste d’établir la liste des substantifs « humains » » (Guillet 1990, 74–76 ; nous soulignons)

Si les critères proposés restent encore ténus10 (cf. infra), il n’en demeure pas moins que le problème est posé. Les effets conjugués de la mondialisation et de la circulation réelle et virtuelle des biens et des personnes ont fait naître des besoins en traduction susceptibles d’aider à répondre à la demande sociale, situation que décrivent, en ces termes, Blanco & Lajmi (2004) : « (...) Internet est devenu le théâtre d’une énorme activité autour de la recherche d’emploi (nationale et internationale). Or, la technologie employée par les principaux acteurs de ce domaine sur le Web ne semble pas inclure de modules linguistiques spécifiques permettant d’améliorer de manière sensible les performances des sites en matière de récupération et filtrage de l’information. » (Ibid., 168)

D’où l’intérêt de dictionnaires multilingues visant à « rendre compte de l’ensemble des unités lexicales des noms de professions et de métiers dans les quatre langues considérées (arabe, tunisien, catalan, espagnol, français) » qui devraient permettre : « Entre autres applications, d’orienter l’usager pendant la recherche d’un emploi à partir de capacités de paraphrases intra linguistiques (p.e. étant donné une dénomination de profession ou de métier en langue courante, trouver toutes les dénominations officielles du poste de travail concerné) et interlinguistique (p.e. en partant d’une dénomination en langue étrangère, trouver la dénomination officielle en langue maternelle, le domaine d’activité et, éventuellement, des équivalences en langues courantes) » (Ibid.)

2.2. Premières conséquences linguistiques Ces multiples approches ont eu des répercussions linguistiques déjà nombreuses. Nous les détaillons en quatre points. La première, qui découle directement des aspects sociaux en jeu, a pour effet que ce sont principalement les N dits - indifféremment - de profession/métier/fonction qui sont sur la sellette. De là vient également qu’ils constituent ceux des NH les plus étudiés.

10 Mais l’article ne porte pas que sur ce point.

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En outre, ces NH ont pour mérite d’être déjà répertoriés grâce aux ressources de l’ANPE et le fameux « ROME », Répertoire Opérationnel des Métiers et Emplois (cf. Cerquiglini 1999, 42)11, « vaste index alphabétique d’appellations au masculin (…) comporte plus de 10000 ‘dénominations actuelles courantes des emplois et des métiers, telles qu’elles ont été recensées par les Délégations Régionales de l’ANPE’ ». Ce répertoire a été enrichi par les auteurs de FJTN d’appellations liées aux domaines de l’armée (grades militaires), de la médecine (à l’aide d’une liste de spécialités et de compétences médicales établie par l’Ordre des médecins), des professions libérales ainsi que des fonctions et titres en usage dans les domaines universitaire, juridique et religieux, sans oublier les titres nobiliaires (Cerquiglini 1999, 43). C’est dire qu’une énorme partie du travail a déjà été réalisée. Elle s’assortit également d’une typologie des NH fondée sur de critères extra-linguistiques, mêlant histoire, secteurs d’activité et valorisation sociale. C’est ainsi que FJTN distingue trois sous-catégories de N de métiers : – – –

Les métiers manuels non valorisés : gastelliere (‘marchande de gâteaux’, Cerquiglini 1999, 14°s), poissonniere, jongleresse, chanteiresse ; Les titres de noblesse et les charges : archiduchesse, baronnesse, abesse, papesse, governeresse, curateresse ; Les métiers valorisés : phisicienne, cyrurgienne (1230), paintresse (1520)/ painctuiere (Cerquiglini 1999, 16°).

La question de la féminisation de ces noms et sa légitimation aura été l’occasion d’opérer un retour historique démontrant l’existence déjà très ancienne des N féminins désignant des métiers, titres, grades et fonctions, l’importance, l’étendue de leurs domaines d’application et leur évolution (p. ex. au 19° siècle, avocate, banquière, préfète, etc. désignaient les épouses d’avocat, banquier, préfet. Ce n’est qu’au 20ième que ces N ont renvoyé directement à l’exercice professionnel féminin, d’après Cerquiglini, ibid.). L’argument sous-jacent est bien entendu de montrer que notre système est doté de solides moyens linguistiques pour « générer » des N féminins. Ces moyens linguistiques se situent notamment aux niveaux orthographique et morphologique. Cerquiglini édicte en particulier (1999, 23–27) tout un ensemble de règles orthographiques conditionnées par la finale des noms masculins correspondants (finale autre que -eur, finale en -eur/ -teur), leur nature morphologique (abréviations et sigles, emprunts et « cas particuliers »). Corollairement, on dispose, grâce à cet ouvrage, d’un répertoire relativement complet des procédés de construction morphologique des N de métiers, et, en particulier, une liste des procédés :

11 Le LLI aurait également fourni des listes.

Les noms d’humain sont-ils à part?

– – –

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affixaux : ier, -teur, -ien, -esse (poétesse)/ -eresse (demanderesse), -logue, iste, -é, etc.12 compositionnels : une fille d’étage, une femme-grenouille, une contrôleusevérificatrice, une haute-fonctionnaire, une receveuse principale d’emprunt : barmaid, clown, pizzaïola

L’intérêt de ces approches à visées applicatives tient, entre autres, à ce qu’elles offrent des séries de critères qui permettent de distinguer : –



les N d’humains en général : Guillet (1990, 75) rappelle opportunément que les dictionnaires sont susceptibles de fournir ce type d’information au moyen de définitions comportant des N super-ordonnés tels que « femme qui… », « personne qui… », « partisan de … », « membre de… » ; les restrictions de sélection opérées par certains verbes (agacer, les verbes de communication), la réponse à la question qui, certains substituts pluriels ou collectifs (ses collègues, la direction, tout le bureau), certains suffixes (-logue) ; les N dits de profession, quant à eux, se caractériseraient par : –

des « moules lexicaux » comme marchand de , éleveur de , professeur de // : (28)



des constructions particulières associées aux verbes dénotant une activité professionnelle (travailler, exercer, pratiquer) : travailler comme N, exercer le Nprof, travailler dans le domaine du Nprof : (29)



Professeur de linguistique, d’anglais, de violon

Jean travaille comme (médecin/avocat) ; Jean exerce (le barreau, la médecine) ; Jean travaille dans le domaine (du droit, de la médecine) (ex. de Blanco / Lajmi 2004, 171)

des prédicats « appropriés » aux N de profession : engager, embaucher, travailler comme (ibid., 171).

2.3. Raisons internes D’autres approches, strictement linguistiques, qui recouvrent partiellement les précédentes, sont fondées sur des particularités linguistiques de certaines souscatégories de NH, sensibles aux niveaux morphologique, morpho-sémantique, syntaxique et sémantique.

12 Nous reviendrons sur la morphologie au point 2.3.1. et 3.1. infra. 13 Anl = dans la notation de Guillet ‘animal’.

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Catherine Schnedecker

2.3.1. Cohérence morphologique de certains paradigmes de NH

AGENT, PROFESSION

Ainsi que certaines grammaires l’ont déjà observé, bon nombre de suffixes servent à former des NH en même temps qu’elles révèlent la diversité des types de N destinés à sous catégoriser les humains (cf. tableau 1).

ADEPTE, PARTISAN

Fabricant Chercheur Calomniateur Chapelier Statuaire Lavandière Cocher Forgeron Musicien Fleuriste Journalisme

-iste -ien

Bouddhiste Kantien

-aille

Valetaille

-assier -âtre -ais -ois -ien -in -on -ard

Ecrivassier Marâtre Français Chinois Parisien Périgourdin Frison Montagnard

Ensemble (méprisable des valets Mauvais écrivain Mauvaise mère Originaire de la France Originaire de la Chine Originaire de Paris Originaire du Périgord Originaire de la Frise Habitant de la montagne

-aire

Sexagénaire

Pers. âgée de 60 ans

PAYS, ORIGINE

Péjoratifs

ÂGE, ANNIVERSAIRE

Qui fabrique Qui cherche Qui calomnie Qui fait/vend des chapeaux Qui fait des statues Qui lave Qui conduit le coche Qui forge Qui joue de la musique Qui cultive/vend des fleurs Profession de celui qui écrit dans les journaux Adepte du bouddhisme Disciple de Kant

-ant/ent -eur (pop) -ateur (sav.) -ier (pop) -aire (sav.) -andier -er -eron -ien -iste -isme

Tab. 1 : Procédés de suffixation des NH, d’après H. Bonnard, (1984, 111)

C’est cette productivité qui a intéressé les morphologues et qui a donné lieu à des études portant sur les « ethniques » (cf. Roché 2008) (30) ainsi que, incidemment, sur les N en -iste (31–34) (Roché 2008, 1562), et les N dits « d’agents » (Benveniste 1974 ; Anscombre 2001, 2003 ; Ulland 1993), avec, entre autres, la question des valeurs sémantiques découlant de la variation suffixale dans des couples du type de (35) ou de (36) (cf. Anscombre 2001) : (30) (31) (32)

Tzigane, russe > Russie, France > français, hongrois Axiologiques : esclavagiste ‘favorable à l’esclavage’ ; Agentifs : récidiviste ‘qui récidive’ ;

25

Les noms d’humain sont-ils à part? (33)

Sportifs : dont la série se construit sur le N de l’arme utilisée14 : épée fleuret → fleurettiste ;

(34)

Partisan15 : construits sur un nom propre : Lénine → léniniste

(35) (36)

sauveur/sauveteur ; faiseur/facteur, serveur/serviteur exécuteur/exécutant ; gouvernant/gouverneur/ naviguant/navigateur

→ épéiste,

2.1.1. Cohérence syntaxique de certains paradigmes Milner (1978) et Ruwet (1982, 245–247), de leur côté, ont contribué à construire un paradigme de NH, renvoyant en partie aux humains, appelé « N de qualité » ou « N d’insulte » (cf. (37)), constitués de N qui qualifient positivement (ange, merveille) ou négativement (crétin) des humains principalement – Milner considère que la référence à l’humain constitue l’essentiel de leurs emplois – sans que cela soit exclusif : (37)

imbécile, diable, cruche, amour, crétin, canaille, merveille, ange, génie, héros, idiot, crétin

Ces N présentent des particularités syntaxiques bien connues, trop nombreuses pour être inventoriées et discutées ici ; rappelons, pour mémoire, la liste des tests (désormais célèbres) suivants : i) l’équivalence prédicative entre SN1 de SN2 et SN2(sujet logique) est SN1 (38), ii) l’emploi exclamatif à orientation axiologique univoque (39), iii) les emplois vocatifs (40), iv) des contextes propres (41 à 43): (38) (39) (40)

Cet imbécile de gendarme ≈ Ce gendarme est un imbécile Quel diable !/Quel imbécile ! vs Quel général ! Quel professeur ! (Venez), diable !/ (Venez), imbécile !/ (Venez), cruche !/ (Venez), canaille !

« valent comme une insulte : autrement dit, ils fonctionnent comme une espèce particulière de prédication, introduisant une désignation qui n’est pas censée valoir de manière permanente ni univoque de l’interlocuteur interpellé, et ils ont nécessairement une valeur affective marquée. » (Milner 1978, 179) (41) (42) (43)

traiter de (canaille+imbécile+idiot) vs *(médecin+étudiant) espèce de (canaille+imbécile+idiot) vs *(médecin+étudiant) cette espèce de (canaille+imbécile+idiot) est arrivé(e) en retard vs cette espèce de *(médecin+étudiant) est arrivé(e) en retard

On dispose dès lors d’une batterie de tests permettant d’identifier une souscatégorie de NH.

14 Dans le même ordre d’idée, on pourrait ajouter les N construits sur des instruments de musique : violon → violoniste, piano → pianiste, flûte → flûtiste, percussions → percussionniste. 15 Ce paradigme sémantique exploite aussi le suffixe -ien : Staline → Stalinien, Chirac → Chiraquien.

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Au plan syntaxique, certains NH présentent des particularités tout à fait originales, déjà mises au jour, il y a longtemps, par Pollock (1983) puis Kupferman (1991) et reprises récemment par toute une série de travaux, qui remettent donc ce problème sur la sellette. Il s’agit des constructions attributives dont l’attribut fait alterner un vs ∅ qui semblent caractéristiques de certains NH : (44)

Paul est professeur vs Paul est un professeur

Cette alternance correspondrait à une différence, déjà relevée depuis longtemps à propos des constructions prédicatives (i.e. avec la copule), entre deux souscatégories synthétisées ci-dessous16 :

Nature du sujet pronom

Type de question (préalable)

Reprise par pronom clitique Source d’une relative non restrictive « Small clauses »

Phrase prédicationnelle Paul est professeur She is my sister Il est professeur (*Il est un professeur) Que fait Paul dans la vie ? Paul est professeur (vs *Paul est un professeur) ≈ Paul enseigne Paul voulait être professeur mais il ne le sera jamais Paul est professeur, ce que son frère n’est pas Je croyais Paul professeur

Phrase identificationnelle Paul est un professeur This is my sister C’est un professeur (vs *Il est un professeur) PI construite avec déictique Qui est Paul ? Paul est un professeur (vs *Paul est professeur) *Paul voulait être un professeur mais il ne le sera jamais *Paul est un professeur, ce que son frère n’est pas *Je croyais Paul un professeur

Tab. 2 : Oppositions syntaxiques un/∅N

Elle correspondrait aussi, selon Kupferman (1991), à une différence dans les propriétés dénotées (épisodiques dans le cas de SN1 est ∅N2, permanentes dans SN1 est un N2); d’autres (Roy 2004) évoquent des prédications éventives vs non éventives : « Under this view, the optionality of the article in French is the grammaticalization of the distinction between the two types of predications: the bare variant enters in eventive predications and the variant with article enters in non-eventive-predications. » (Roy 2004, 35)

Entre autres résultats, ces études étendent le paradigme des NH concernés par le problème (initialement limités au N de profession) à d’autres sous-catégories comme les N de nationalité ainsi que les N de :

16 D’autres données supplémentaires étayent cette opposition: Seul ∅N peut faire l’objet d’une reprise par pronom clitique, est source de relative appositive, peut être attribut du COD dans les « small clauses » (cf. supra, tableau 2).

Les noms d’humain sont-ils à part?

– – – – – – – –

27

Professions : médecin, avocat Titres : prince, baron, roi Hobbies : chasseur, alpiniste Fonctions : président, ministre Statut : étudiant, SDF N événementiel : passager N relationnel : ami avec Pierre (Beyssade/ Sorin 2005) Professions, religions or nationalities (De Swart et al. 2007, 197) > noms de capacité (45)

(46)

Teacher, manager, slave trader, computer scientist, doctor, actor, Catholic, Malian, captain, butcher, linguist, vicar, chief, therapist, headmaster, citizen, physicist, president, professor, priest, carpenter, mason, lawyer, Belgian, Christian, herdsman, journalist, nurse Pierre est auto-stoppeur/fumeur/locataire/prisonnier (Roy 2004)

« … when they can receive an eventive interpretation, even predicates often considered as denoting individual properties exclusively to be a hero, for instance, are acceptable without the article. » (ibid.)

Les tests syntaxiques présentés dans le tableau (2) ne permettent pas de souscatégoriser les NH de manière aussi nette que les NH dits de qualité mais ils n’en circonscrivent pas moins certains sous-classes.

3. LES PROBLÈMES 3.1. Problèmes classificatoires Le premier problème qui émerge de cet état de l’art tient à l’extension de la classe des NH et à ses éventuelles sous-catégories. L’inventaire synthétique réalisé cidessous, notamment à partir de Gross (1995) (cf. tableau 3) constitue à cet égard une incontestable avancée. Répertoire des Nhum selon G. Gross

Autres exemples

Adepte : (platonicien, protestant) ad Âge : (adolescent) ag Appellatif : (sire, monsieur) ap Artiste : (musicien, poète,…) : ar Collectif occasionnel) : (foule, rassemblement) co Défaut intellectuel : (stupide) di Défaut moral : (corrompu) dm Défaut physique : (difforme) dph Défaut psychique : (trouillard) dps

taoïste

Etiquettes alternatives

Etudes dédiées

Cf. Reboul (1993) Aleksandrova (2013)

enfant, ancien monsieur, majesté acrobate, aquarelliste, écrivain ss-classes : Age coll+ relig coll+solda+coll, rel_col

28 Ethnie : (peuls) eth Être mythologique : (diable, faune) em Fonctions : (ministre, député, délégué..) : fo Grade : (capitaine) gr Habitant de : (parisien) ha Instrumentiste : (violoniste) in Malade physique : (tuberculeux) mph Malade psychique : (névrosé) mps Membre de : (adepte) me Mouvement : (cubisme) mo Partisan de : (platonicien) pa Personnage litt : (Fabrice del Dongo) pl Profession : (professeur, commerçant) pr Qualité intellectuelle (intelligent) qi Qualité morale : (sage) qm Qualité physique : (robuste) qph Qualité psychique psy : (courageux) qps Race : (blanc, noir) ra Relationnel (famille) : (père, fils) : re Relationnel (autre) (voisin,) : re Religieux : (dominicain)reli Sexe : (homme, femme) se Soldat : (lansquenet, biffin) so Sportif : (footballeur) sp Titre : (monseigneur, éminence) ti… Autres classes Mouvement politique Humain proprement dit Hobbies Statut : Événementiel Âge, anniversaire Agentif N agent

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les N dits de « hiérarchie » (Lyons 1978) ou de « rang » (Cruse 1986, 2002) >relation d’ordre ;

adjoint, arbitre

colonel parisien, barcelonais Loc

Cf. travaux sur N de maladies

rationaliste, impressionniste

charpentier, dentiste

Cf. - ; François 1996) frère

sentinelle tennisman, N en –iste : épéiste duc, prince

anarchiste, monarchiste homme, humain chasseur, alpiniste étudiant, SDF passager sexagénaire récidiviste danseur

Tab. 3 : Inventaire des NH à partir du classement de G. Gross (1995)

Il n’est toutefois pas exempt de problèmes17 comme l’absence d’exhaustivité (p.ex. il manque des NH comme touriste ou élu) et de la pertinence des sous-

17 Le premier problème illustré par la lecture du tableau (3) est trivialement un problème morphologique dans la mesure où certains items du tableau ne peuvent être employés comme N : *un(e) (stupide+corrompu(e)+difforme+intelligent(e)+robuste). Dans la même optique,

Les noms d’humain sont-ils à part?

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catégories de N proposées (p.ex. platonicien est à la fois « adepte » et « partisan »). Pour ce qui concerne le premier point, les possibilités de construction morphologique sont loin d’être épuisées et l’on pourrait étendre l’inventaire à des modes de « formation » i.e. d’autres procédés de suffixation (qui renvoient à des compétences strictement humaines) (47–48) ou de composition régulière (49– 51) : (47) (48) (49) (50) (51)

-graphe : dactylographe, hagiographe, lexicographe, océanographe -logue : climatologue, cosmétologue, dermatologue, dialectologue, épistémologue, gemmologue, météorologue sans : les sans papiers, les sans domicile fixe garde- : garde-chaîne, garde-chasse, garde-pêche, garde-port, garde-champêtre, garde-côte, garde-malade chef : chef de : chef de bureau/de service/d’état/de cabinet/d’établissement/de clinique/de rayon/d’entreprise/d’industrie/de gare/de dépôt/de chantier/de projet/d’orchestre/de produit/de station/de train/d’état major/de bande/de gang/de famille/mécanicien/ de file/de cuisine N-chef : médecin-chef/adjudant-chef/sergent-chef/ en chef : (ingénieur/rédacteur/général) en chef

La « conversion » des adjectifs en noms semble également très productive (52) ainsi que les emprunts (53) : (52) (53)

les gentils/les méchants, les gros, les riches, les blancs, les verts, Barman, businessman, gentleman, rugbyman, self made man, sportman18

Autant de pistes pour des travaux ultérieurs…

3.2. Classement onomasiologique provisoire? Par ailleurs, l’inventaire des NH prêterait aussi bien à d’autres formes de classement (nous en proposons un en annexe 1), selon des critères « onomasiologiques », cette fois-ci, qui rendrait compte de trois grandes caractéristiques des humains: –

ce qu’ils sont (catégorie de l’être)19 : le système linguistique français dispose de catégories d’unités lexicales nombreuses qui renvoient à l’évolution d’un être humain dans le temps, qu’il s’agisse de l’âge (nouveau-né, bébé, quadra-

d’autres N connaissent prioritairement un usage d’appellatif, ce qui fait que leur emploi « articulé » n’est ni le plus usité ni le plus heureux, en tout cas de nos jours : un sire, une éminence. Toujours en rapport avec l’usage, les N de lansquenet ou biffin n’ont assurément pas le même rendement, dans l’usage actuel, que sentinelle. 18 On peut penser aussi à d’autres « composants » comme -phile/-phobe ou addict. 19 Qui renvoie à la distinction entre propriétés permanentes vs provisoires.

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génaire (N « borné » dans un intervalle 40-50), des N dits de phase (adolescent, adulte, fillette, jeune fille, jeune femme, femme) ou de ceux qui dénotent une évolution en rapport avec la sexualité (par rapport à l’âge de procréation) : nullipare, puceau, vierge ; ce qu’ils font : une des originalités des humains tient à leurs fonctions autres que vitales (celles de manger, dormir) et reproductives. Figureraient dans cette rubrique les N de profession (professeur, médecin, fleuriste, etc.), de fonction (président) ou renvoyant à des actions « ponctuelles » (bricoleur20 , touriste, …) ; comment ils interagissent : a) avec autrui (cf. les relations « naturelles » désignant la parentèle (père, mère, etc.), les liens sociaux inter-individuels (ami, collègue, directeur/manager vs employé, collaborateur) ou collectifs qui servent à le situer dans divers types de « réseaux » : les classes sociales (bourgeois, prolétaire), les groupes (délégué, porte-parole (avec des variantes selon le type de groupe : équipe de football, conseil municipal)) ; b) avec leur environnement (cf. les liens qui le rattachent à la « terre » (continent, pays, ville, ethnie, race, etc.)21.

Enfin, il faudrait affiner la distinction entre les « attributs » constants, permanents (notamment, en principe, la race, le sexe, la naissance) et les autres, via certains tests comme la réaction aux verbes changer ou devenir (indice d’évolution /évolutivité) ou, dans un autre registre, les adjectifs comme faux/présumé (qui traduisent, en quelque sorte, le caractère inaliénable de la propriété) : (54) (55) (56) (57)

*changer de race+ ?changer de sexe+*changer de couleur d’yeux+*changer de taille+?de nationalité *changer de père être né NH vs devenir : être né chinois/être né blanc vs ? devenir chinois/ ? devenir blanc faux/présumé : faux médecin/médecin présumé vs *faux chinois/*faux enfant/*chinois présumé/*faux violoniste

3.3. Autres principes de sous-catégorisation Dans certains travaux épars, on peut glaner les caractéristiques particulières de catégories nominales à référent humain: c’est le cas des N dits de « hiérarchie »/ « rang » ou des N « de phase ».

20 Nb : il existe aussi des N renvoyant à des activités « ponctuelles » : piéton, marcheur, automobiliste, qui ne participent pas de l’« essence » des humains. 21 Il existe aussi des N d’humains qui sont dérivés de N de lieux naturels/ artificiels : montagnard, campagnard vs banlieusard, citadin, …).

Les noms d’humain sont-ils à part?

31

3.3.1. Un exemple de relation lexicale particulière: les N dits de « hiérarchie » (Lyons, 1978) ou de « rang » (Cruse, 1986) Lyons (1978) puis Cruse (1986, 2002) ont montré que les NH du type de (58) présentent des propriétés linguistiques remarquables. (58)

Général, lieutenant, colonel, caporal, simple soldat

Le double constat qui préside à l’analyse est que, premièrement, certaines unités du lexique, pas forcément nominales au reste (les jours de la semaine, les ordinaux) (59)) sont unies par la relation de sens d’incompatibilité, que Lyons reconnaît « plus difficile à préciser que celle d’opposition22». (59)

Lundi-mardi-mercredi/début-milieu-fin/premier-deuxième-troisième

Néanmoins, il en propose deux autres caractéristiques23. La première fait qu’ « en tant que relation lexicale, repose comme l’opposition, sur un contraste à l’intérieur de ressemblances » (Lyons 1978, 234) (60–62) : (60)

Lundi-mardi-mercredi → jours de la semaine

(61)

début-milieu-fin → bornes d’un intervalle

(62)

maréchal –colonel-capitaine sergent-chef → grades militaires

La seconde caractéristique tient à un mode d’organisation particulier qui repose sur un principe d’ordre. Effectivement, l’on peut dire que début « vient avant » milieu qui, lui-même, « vient avant » fin. Autrement dit, les unités lexicales en question sont liées suivant un principe de séquentialité : « one can merely say that one occurs further along the sequence than the other. » (Cruse 1986, 189)

Ce principe d’ordre ou de séquentialité se singularise, à son tour, par quatre propriétés, mises en évidence par Cruse (1986):

22 « Il n’est pas toujours aisé de distinguer l’incompatibilité, en tant que relation structurale, du moins pré-théoriquement, de ce qu’on pourrait décrire comme l’absence de lien sémantique », dit-il également (Lyons 1978, 234). 23 La première se distingue de la seconde du fait que l’assertion de p n’implique pas nécessairement la négation de q. Dire (a) (exemple de Lyons) n’implique pas nécessairement (b) alors qu’on ressent malgré tout une incompatibilité entre les faits dénotés par les énoncés : a) Pierre est allé à Paris samedi b) Pierre n’est pas allé à Paris dimanche (ou vendredi, etc.) c) Pierre est allé à Paris dimanche. En l’occurrence, il ne s’agit pas de nier la possibilité d’un voyage de Pierre à Paris un samedi puis un dimanche, mais de nier que ce déplacement à Paris ait pu se produire « à-la-foissamedi-et-dimanche » (Lyons 1978, 234).

32 –

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il est doté d’extrémités initiale et finale (Lyons parle de présence d’éléments extrêmes (pour définir ce qu’il appelle les séries) vs leur absence (cycles) : « a principle of ordering which will enable the terms of the set to be arranged in a unique sequential order with a first item and a last item (i.e. not a circle). » (Cruse 1986, 187)

Les exemples proposés ci-dessus sont dotés effectivement d’extrémités, exception faite toutefois des nombres dont on ne connaît que l’extrémité initiale ; –





la relation d’ordre est asymétrique, ce qui signifie que, si le début vient avant le milieu, le milieu ne vient pas avant le début. Il en résulte que l’ordre est doté d’une direction (Cruse 1986, 113) ; troisièmement, elle est « caténaire » (catenary) c’est-à-dire capable « to form indefinitely long chains of elements » (ibid., 113). On peut considérer, en effet, que la relation de séquentialité peut s’appliquer indéfiniment, du moins jusqu’au terme final de l’ensemble. elle est transitive au sens mathématique du terme : si x précède y et si y précède z, x précède z : si lundi précède mardi, si mardi précède mercredi → lundi précède mercredi

L’ordre est dit pur à propos des entités organisées suivant ces principes à condition qu’elles n’aient d’autres propriétés saillantes qui permettent de les contraster les unes par rapport aux autres24. On parlera alors de chaînes. Dès l’instant où, comme dans (63) : (63)

naissance-enfance-adolescence-maturité-vieillesse-mort

les items ordonnés encodent une information sur le type d’ensemble dont ils dénotent, comme ici, les parties (la naissance est le début de la vie), ils ne seront plus considérés comme de pures chaînes : « None of the sets considered so far as pure chains, since the constituent lexical items also encode information as to the nature of the whole whose parts are denoted. » (Cruse 1986, 189, nous soulignons)

Parmi les chaînes, Cruse distingue entre chaînes bipolaires, organisées sur la base d’un couple de termes opposés (froid/bouillant) et chaînes monopolaires (qui ont des termes dont il serait dénué de sens de dire qu’ils sont opposés au même titre que froid/bouillant (Cruse 1986, 185 sq.). Ces dernières sont elles-mêmes organisées selon différentes modalités.25

24 « (…) In many cases of ordered sequences of lexical items, there is no salient property X such that, of two adjacents in a sequence, one must be ‘more X’ than the other ; in such cases one can merely say that one occurs further along in the sequence than the other. » (Cruse 1986 : 189). 25 Ces sous-classifications sont encore embryonnaires (de l’aveu-même de Cruse 2002, qui a quelque peu modifié son propos depuis 1986 et précise qu’il ne faut pas prendre au pied de la lettre les sous-catégorisations suivantes).

Les noms d’humain sont-ils à part?

33

3.3.2. N dits N de rang vs de phase (Cruse 1986, 2002 ; Reboul 1993) Pour ce qui concerne les N pour lesquels la variation opère de façon discontinue (« vary in discrete jumps », (Cruse 1986, 192), on parlera de « rang » (Cruse, 1986) (ou de « hiérarchie » pour Lyons 1978). C’est le cas des grades militaires26: (64) (a)

colonel/lieutenant-colonel/major/capitaine

(b)

être colonel → ne pas être (général+caporal)

(c)

? Bill est presque lieutenant-colonel

Les phases (ou « stages » selon Cruse) désignent des points du cycle de vie et impliquent la notion de progression : (65) (66)

bébé/enfant/ adolescent/adulte œuf/chenille/chrysalide/papillon

Les N de phase, abordés par Lyons et Cruse dans un but de classification sémantique, l’ont été également dans une toute autre perspective, ignorant apparemment la précédente, par Reboul (1993) qui les définit comme suit : « noms communs qui désignent des individus à certaines phases biologiques, professionnelles, familiales ou autres de leur existence mais qui permettent de continuer à les identifier alors qu’ils sont sortis de cette phase ou avant qu’ils y soient entrés, soit directement, soit moyennant une modification du type de ex- ou futur » (Reboul 1993, 229) : (67) (68) (69)

Lyle Alzado, ex-star du football américain Le condamné en puissance La future maman

Le test proposé par l’auteur pour dissocier les prédicats dits de phase des prédicats « tout court » réside précisément dans la possibilité de leur adjoindre des modificateurs temporels du type de ex-, ancien, futur : (70)

Dans le pré, il y avait un *(ancien/ex-/futur) cheval+mouton (Reboul 1993, 231)

Ces prédicats de phase se distinguent selon une caractéristique ontologique et se classent comme dans la figure 3 infra : « On peut distinguer, parmi les prédicats de phase, les prédicats que n’importe quel individu de l’espèce appropriée satisfera à un moment de son existence si celle-ci suit son cours naturel et ceux qui sont contingents et qu’un individu même s’il appartient à l’espèce appropriée, peut ne jamais satisfaire. Les premiers, comme enfant, adulte, tétard, grenouille, chenille, papillon, poussin, etc. sont des termes qui correspondent à une phase biologique de l’individu et, pour cette raison, je les appellerai (…) prédicats de phase biologiques. Les seconds, ou prédicats de phase non biologiques, sont de nature diverse (…) : ils se rapportent à des phases professionnelles ou, parfois à des phases relationnelles. » (ibid., 231)

26 Et des cardinaux.

34

Catherine Schnedecker prédicats

sortaux de substance

non sortaux de phase

biologique

non biologique

relationnel social

relationnel familial

Fig. 3 : Organigramme des prédicats sortaux (Reboul 1993, 233)

La question est de savoir si ces N, qu’on peut regrouper en première instance sur la base de critères ontologiques en vertu du fait qu’ils dénotent une période des individus humains, autrement dit que leur validité est temporellement limitée, constituent une famille linguistiquement pertinente. Ce n’est apparemment pas tout à fait le cas. En effet, le test proposé par l’auteur, i.e. l’adjonction de modificateurs temporels, ne s’applique précisément pas aux prédicats biologiques (71) : (71)

*Paul est (un ex-enfant/un ancien bébé/un futur vieillard/un apprenti adulte)

Par ailleurs, la comparaison des N de phase avec les N de profession, qui renvoient également à une durée temporelle limitée (un plombier ne naît pas plombier et n’exerce son activité professionnelle que sur une durée de 45 ans dans le meilleur des cas), montre des différences de comportement flagrantes. C’est ainsi que les N dits de phase n’admettent pas la détermination dans les phrases attributives prédicationnelles (72), ne se laissent pas borner de la même manière que les N de profession (73–77) et sont incompatibles avec les verbes aspectuels commencer et finir (78–80): (72) (73) (74) (75) (76) (77) (78) (79) (80)

Paul est un enfant vs #Paul est enfant vs Paul est plombier /Paul est un plombier Paul est plombier (à Zanzibar) vs *Paul est (un) enfant (à Zanzibar)/*Paul est un plombier (à Zanzibar) Aujourd’hui, Paul est plombier vs *Aujourd’hui, Paul est enfant (*Aujourd’hui, Paul est un enfant, demain il sera un vieillard)/*Aujourd’hui, Paul est un plombier Paul est plombier (en ce moment, depuis l’an dernier, par intermittence, pour peu de temps) *Paul est un plombier (en ce moment, depuis l’an dernier, par intermittence, pour peu de temps) *Paul est (un) enfant (en ce moment, depuis l’an dernier, par intermittence, pour peu de temps) Paul a commencé plombier et a fini PDG *Paul a commencé un plombier et a fini un PDG ?Paul a commencé bébé et a fini vieillard

Les noms d’humain sont-ils à part?

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Il ressort donc, premièrement, qu’un N de phase comme enfant n’est pas encodé comme prédicat événementiel ou comme prédicat épisodique, ce qui est paradoxal, dans la mesure où, intuitivement, on a le sentiment que ces N désignent les humains dans des périodes limitées de leur vie. Deuxièmement, des N qui semblent a priori désigner des phases de la vie (enfant, plombier) se comportent linguistiquement de manière très différente (ce que l’on pourrait démontrer avec d’autres tests, p.e. ceux de Guillet, (supra, 2.2.4.) et qu’il faudrait sans doute distinguer entre NH d’état vs d’événement (du type de piéton)) : (81)

être plombier ≈ exercer (dans) la plomberie ; être enfant ≠ exercer (dans) l’enfance.

3.4. Problèmes sémantiques : les NH et leurs hyperonymes Si l’on doit s’attendre à ce que les NH soient dotés du trait sémantique [+ humain], la question se pose de savoir comment se paraphrase ce trait, étant entendu que les termes généraux abondent en français : humain, homme, être humain, personne, individu, etc. De là aussi une seconde question, en corollaire : comment la classe des NH s’organise-t-elle et, le cas échéant, cette organisation correspond-elle ou non à celles des entités animales, végétales ou artefactuelles ?

3.4.1. Paradoxes Les définitions proposées pour certains NH frappent par la diversité des « hyperonymes » utilisés qu’illustrent les extraits ci-dessous et les variations d’un dictionnaire à l’autre : personne, homme, à quoi l’on pourrait ajouter individu ou être ou la relative démonstrative en celui/celle qui : Petit Robert (2008) médecin : personne habilitée à exercer la médecine, après obtention d’un diplôme sanctionnant une période déterminée d’études. éboueur : employé(e) chargé(e) du ramassage des ordures ménagères. curé : prêtre catholique. prêtre : celui qui a reçu le troisième ordre majeur de la religion catholique. libraire : commerçant dont la profession est de vendre des livres. informaticien : spécialiste en informatique. garde-chasse : homme préposé à la garde du gibier et à la répression des infractions dans un domaine privé. sage-femme : celle dont le métier est d’accoucher les femmes.

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TLFi médecin : Personne habilitée à exercer la médecine après avoir été admise à différents examens sanctionnant plusieurs années d'études médicales (universitaires et hospitalières) et après avoir soutenu une thèse de doctorat. éboueur : Employé chargé d'enlever les boues et p. ext. les ordures ménagères. curé : Prêtre canoniquement chargé du service spirituel et de l'administration d'une paroisse, sous l'autorité de l'évêque. prêtre : Celui qui est chargé d'une fonction sacrée et qui accomplit les actes essentiels d'un culte religieux. libraire : Personne qui fait le commerce des livres (et qui parfois les édite). informaticien : Personne dont la profession est l'informatique. garde-chasse : Garde chargé de surveiller un domaine de chasse en veillant à la conservation du gibier qu'il contient. sage-femme : = Auxiliaire médicale diplômée dont le métier est d'assister les femmes pendant leur grossesse et pendant leur accouchement et de prodiguer les premiers soins aux nouveau-nés.

Or, autant ces N généraux passent - et même très bien - dans les paraphrases définitoires ci-dessus, autant ils semblent délicats dans les énoncés de type « hiérarchie-être » exploités généralement pour dégager les relations de type hypo/hyperonymie entre les unités lexicales. C’est ce que montre leur comportement dans les deux séries de tests ci-dessous, la première (1) exploitant homme et l’autre d’autres hyperonymes présumés.27 –

Série de tests 1 – implication unilatérale (82)

qq x (x) être un plombier un plombier

→ (x) être un homme ; qq (x) (x) être un homme ≠> être

– Hiérarchie être (83) (a) ??les plombiers sont des hommes28 (b) ??le plombier est un homme (c) ?un plombier est un homme (d) ?Les plombiers ne sont pas des hommes (84) *Il y a différentes sortes d’hommes : les plombiers, les éboueurs29 (85) *Il y a différents hommes : les plombiers, les éboueurs

27 Nous empruntons les tests de Kleiber et Tamba (1990, 15 sq.). 28 Les manipulations sur des N d’animaux ou d’artefacts passent nettement mieux : les teckels sont des chiens, les chiens sont des animaux ; les rocking chair sont des fauteuils, les fauteuils sont des sièges. 29 Comme nous le suggère un relecteur, l’énoncé Il y a plusieurs sortes d’hommes : les jaloux, les amoureux passe mieux pour des raisons qui restent à expliquer.

Les noms d’humain sont-ils à part? (86)

37

?Les plombiers sont une catégorie/une classe/espèce d’hommes

– Autres caractérisations



o

structure un/des X et d'autres Y :

(87)

?Paul a téléphoné au plombier et à un autre homme

o

structure comparative il n'y a pas de Y plus adj. qu'une/des X

(88)

Il n’y a pas d’hommes plus serviables que les plombiers

o

tour avec adverbes d'exception (tous) les Y sauf les X

(89)

Paul travaille avec tous les hommes sauf les plombiers

Série de tests 2 – implication unilatérale (90)

*qq x (x) être un plombier → (x) être un(e) (personne+individu+être humain)

– Hiérarchie être (91) (a) (b) (c) (d) (92) (a) (b) (c)

??les plombiers sont des (personnes+individus+êtres humains) ??le plombier est un(e) (personne+individu+être humain) ?un plombier est un(e) (personne+individu+être humain) Les plombiers ne sont pas des (personnes+individus+êtres humains)

*Il y a différentes sortes de (personnes+individus+êtres humains) : les plombiers, les éboueurs *Il y a différent(e)s (personnes+individus+êtres humains): les plombiers, les éboueurs Les plombiers sont une catégorie/une classe/espèce de (personnes+individus+ êtres humains)

– Autres caractérisations o

structure un/des X et d'autres Y :

(93)

?Paul a téléphoné au plombier et à un(e) autre (personne+individu+être humain)

o

structure comparative il n'y a pas de Y plus adj. qu'une/des X

(94)

Il n’y a pas de (personnes+individus+êtres humains) plus serviables que les plombiers

o

tour avec adverbes d'exception (tous) les Y sauf les X

(95)

Paul travaille avec tou(te)s les (personnes+individus+êtres humains) sauf les plombiers

38

Catherine Schnedecker

3.4.2. Eléments de réponse Diverses raisons peuvent expliquer ces paradoxes. Dans le cas du N d’homme, on peut invoquer la polysémie, déjà bien étudiée, et que synthétise l’extrait de Wordnet ci-dessous qui ne compte pas moins de 11 valeurs sémantiques30 : Wordnet The noun man has 11 senses (first 8 from tagged texts) 1. (1437) man, adult male -- (‘an adult person who is male’ (as opposed to a woman); "there were two women and six men on the bus") 2. (432) serviceman, military man, man, military personnel -- (‘someone who serves in the armed forces’; ‘a member of a military force’; "two men stood sentry duty") 3. (275) man -- (the generic use of the word to refer to any human being; "it was every man for himself") 4. (88) homo, man, human being, human -- (‘any living or extinct member of the family Hominidae characterized by superior intelligence, articulate speech, and erect carriage’) 5. (36) man -- (‘a male subordinate’; "the chief stationed two men outside the building"; "he awaited word from his man in Havana") 6. (6) man -- (‘an adult male person who has a manly character’ (virile and courageous competent); "the army will make a man of you") 7. (2) man -- (‘a male person who plays a significant role’ (husband or lover or boyfriend) in the life of a particular woman; "she takes good care of her man") 8. (1) valet, valet de chambre, gentleman, gentleman's gentleman, man -- (‘a manservant who acts as a personal attendant to his employer’; "Jeeves was Bertie Wooster's man") 9. Man, Isle of Man -- (one of the British Isles in the Irish Sea) 10. man, piece -- (‘game equipment consisting of an object used in playing certain board games’; "he taught me to set up the men on the chess board"; "he sacrificed a piece to get a strategic advantage") 11. world, human race, humanity, humankind, human beings, humans, mankind, man -- (‘all of the living human inhabitants of the earth’; "all the world loves a lover"; "she always used ‘humankind' because ‘mankind' seemed to slight the women")

30 Certains auteurs (Baider/ Jacquey 2008) parlent d’asymétrie entre homme et femme qui ne fait jamais référence à l’être humain ; de ce fait, homme dans cette perspective, devrait être considéré à la fois comme hyponyme d’homme et en même temps comme son co-hyponyme.

39

Les noms d’humain sont-ils à part?

C’est ce qui fait également que, dans certains schémas hiérarchiques (cf. cidessous), la place d’homme varie puisqu’il se retrouve tantôt co-hyponyme d’animal ou de végétal ; tantôt hyponyme de ces mêmes noms : Être vivant

homme

animal

« Règne »

végétal

animal

homme

végétal

minéral

autres espèces

Fig. 4: Schéma hiérarchique des noms généraux des règnes naturels d’après Mortureux (1997, 84) « Tantôt les trois mots animal, homme, végétal seront considérés comme co-hyponymes de être vivant, tantôt homme fonctionnera comme un hyponyme d’animal dans la tripartition des règnes (subdivisions naturelles) minéral, végétal, animal ; c’est dans le cadre de cette tripartition que l’on dit l’homme est un animal doué de raison. […] Dans les exemples ci-dessus, homme a la valeur d’« être humain », représentant de l’espèce humaine ; mais si on le prend avec la valeur « mâle de l’espèce humaine », il est un hyponyme de mâle… Autrement dit, il peut être tantôt hyperonyme, tantôt hyponyme de mâle, en fonction de ses deux acceptions (humain (mâle ou femelle) ou mâle de l’espèce humaine). » (Mortureux 1997, 84)

La polysémie explique aussi qu’homme, en tant que N général, est incompatible avec des N dits monosexués féminins, car il rendrait les énoncés définitoires sémantiquement irrecevables, comme le démontre Larivière (2001, 16) : (96) (a) (b) (c)

*une femme est un homme *Une sage femme est un homme *une nourrice est un homme

Inversement, certaines prédications, spécifiques à la gente féminine, semblent difficilement s’appliquer à l’homme dans son acception générique, car elles sont susceptibles de provoquer des « incongruités sémantiques » (Larivière 2001, 16) : (97)

Chez l’homme, la gestation dure neuf mois (Lariviére 2001, 16)31

Pour les NH généraux (désormais NHG) exploités dans la seconde série de tests, seule une étude fine de leur étymon, de leur évolution historique, de leurs valeurs sémantiques et de leurs contextes d’emplois permettrait d’avancer dans les explications. En attendant, nous risquons ces premières observations.

31 Dans des contextes contrastifs, l’énoncé passe parfaitement : Chez l’homme, la gestation dure neuf mois, chez le rat, elle dure….

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Individu32 ne désigne un membre de l’espèce humaine qu’à compter du 17ième siècle, selon le DHLF. Un rapide sondage effectué dans la base de données Wortschatz33 révèle d’ailleurs que ce N ne renvoie pas exclusivement à l’humain, qu’il relève souvent du lexique de spécialité (biologie, chimie, statistiques, etc.) et, enfin, qu’en référence à l’humain, il se dote d’un trait axiologique dévalorisant34 : Rappel : si le p +1ème individu vaut la médiane, le pème individu vaut strictement moins que la médiane. (, dernier accès : 23/09/13) (99) Ainsi, les individus surnuméraires sont éliminés et un seul individu émergera par hôte (Crandell, 1939). *Multiparasitisme : observé. (, dernier accès : 11/06/2015) (100) Les Anglo-Saxons ne sont pas du genre à mégotter sur les moyens à mettre en œuvre pour coincer un individu recherché par la police. (, dernier accès : 23/09/13) (98)

Personne35, de son côté, viendrait de προσωπον au sens de ce qui est devant les yeux (visage, façade) selon Letoublon (1994) pour qui : « Il semble bien que dans les cultures anciennes, la terminologie de la personne repose sur la notion de « personne humaine », soit comme être humain caractérisé par un visage en grec36, soit comme analogue d’un personnage de théâtre en latin. » (ibid., 11)

Le N renvoie tantôt à l’homme dans son intégralité, tantôt à son apparence. Il est passible, comme individu, d’emplois spécialisés notamment dans le droit (cf. la personne morale, juridique). La répartition des unités lexicales des environnements gauche et droit de personne dans Wortschatz diffère grandement du patron d’individu, en ce que les voisins gauches sont principalement des adjectifs ordinaux37 et les droits des adjectifs servant à constituer des sous-classes, au point

32 Du latin individuum, traduction du grec atomos (littéralement qu’on ne peut pas couper), puis en lat. méd. correspond à ‘ce qui est indivisible’, pour désigner un individu unique par opposition à genus, spécies, d’où genre, espèce (Dictionnaire Historique de la Langue Française). 33 , dernier accès : 11/06/2015. 34 L’environnement gauche d’individu dans Wortschatz montre que les cinquante premières unités qui précèdent ce N sont, par ordre de fréquence décroissant, d’abord des prédéterminants ; à partir du 20ième rang, on trouve des adjectifs axiologiques, qui suggèrent que individu se rencontre dans des contextes où il désigne un individu hors normes ou malfaisant : sinistre (20ième rang), mystérieux (21ième rang), étrange (25), ignoble (26). 35 Cf. Cappeau / Schnedecker (2014). 36 L’importance du visage proviendrait de la classification des espèces chez Aristote qui retient le visage comme une caractéristique de l’être humain (vs. les autres espèces animales qui ont une « tête »). Dans l’espace tridimensionnel, le visage humain implique une orientation du corps dans la dimension verticale (tête : haut/ pieds : bas) et horizontale (devant/derrière) ; il semble lié à la station debout et constitue un élément important pour ce que l’on pourrait appeler le « sens » de l’homme i.e. son aspiration vers le haut (Letoublon, 1994). 37 A cet égard, la distribution est « inverse » de celle d’individu.

Les noms d’humain sont-ils à part?

41

parfois de constituer des polylexies (101–103). Les constructions particulières du type de en/ par personne (104–105) sont également très usitées. (101) Le bailleur peut être un organisme HLM ou tout autre bailleur personne physique ou morale du secteur privé ou social. (, dernier accès : 11/06/2015) (102) Pendant le mois de Ramadân, le croyant cherche à être pardonné pour ses péchés ; s'il n'est pas fortuné, le pèlerinage lui est difficile, ce qui n'est pas le cas pour une personne aisée. (, dernier accès : 11/06/15) (103) Je ne veux jamais qu'une jeune personne fasse ce que j'ai fait, a dit Pettitte. (, dernier accès : 11/06/15) (104) Il était présidé par Louis XIV en personne. (, dernier accès : 11/06/15) (105) La SIPC dispose de fonds publics, qui peuvent être utilisés pour dédommager les clients lésés à hauteur de 500 000 $ US maximum par personne. (, dernier accès : 11/06/15)

Quant à humain(s), qui pose des problèmes de catégorie lexicale (phénomènes de conversion ou distorsion morphologique), il commute, comme être humain, avec homme (107), posant ainsi la question des emplois propres à chacune des unités : (106) Mon père mourut sans savoir qu'il se mourait. Nous ne nous étions pas dit au revoir. Était-ce mieux ou moins bien pour lui ? Comment le savoir ? Chaque être humain emporte avec soi sa part de mystère. (Flem, Comment j'ai vidé la maison de mes parents, 2004) (107) Chaque homme emporte avec soi sa part de mystère.

Les deux N s’emploient aussi dans des contextes de contraste, en opposition à des membres d’espèces non humaines : (108) Le mardi matin, après le week-end prolongé, le neurologue m'a téléphoné. J'étais contente de vérifier qu'il y avait bien un humain sous la blouse ; il était sincèrement désolé, plus que je ne l'aurais cru. Il m'a dit de venir le voir le jour même, « pour les papiers ». (Gault, Corps incertain, 2006) (109) s'il me cherchait, je serais sa mine antipersonnel à lui. Ou, plus pédagogique, lui expliquer sereinement que je suis moi aussi un être humain, malgré mon apparence bestiale. (Gault, Corps incertain, 2006) (110) Ah ! Humanité ! » Que signifie-t-elle, cette invocation ? Dit-elle la résignation ? Porte-t-elle plainte et à l'adresse de qui ? Ah ! Bartleby ! Voilà ce à quoi, nous, humains, nous avons réduit ce malheureux. (Pontalis, Traversée des ombres, 2003)

L’inventaire des NHG reste à faire : aux N évoqués ci-dessus pourraient en effet s’ajouter ceux de gens38, les N collectifs tels que peuple39 ainsi que des N qui, par le passé, avaient la capacité de dénoter métonymiquement l’humain comme âme :

38 Pour une étude de ce N, cf. Schnedecker (2012). 39 Au plan diachronique, l’évolution de ces termes est extrêmement intéressante car certains d’entre eux (personne et d’une certaine façon gens) ont été (ou sont en voie d’être) grammaticalisés, passant de la catégorie nominale à celle des pronoms. Dans certains de leurs emplois, les NHG ont un comportement proche de celui de pronoms indéfinis : Aussi, c'est très facile

42

Catherine Schnedecker (111) La population entière de Macao peut être évaluée à vingt mille ames, dont cent Portugais de naissance, sur deux mille métis ou Portugais indiens... (Voyage de La Pérouse autour du monde, t. 2, 1797). (112) Une heure sonna, c'était l'heure du café, pas une âme ne se montrait aux portes ni aux fenêtres.( É. ZOLA, Germinal, 1885).

3.4.3. Débuts d’explications (Cruse 1986, 2002 ; Croft & Cruse 2004) L’inconsistance d’énoncés de type hiérarchie-être à attribut [+hum] a été observée, notamment par Cruse (1986), sur la base de la série d’exemples (113–117) qu’il contraste avec (118–119) dont la recevabilité nous semble, malgré tout, douteuse : (113) (114) (115) (116) (117) (118) (119)

? A queen is a type of monarch (Cruse 1986, 137, indexation de l’auteur) ? A spinster40 is a kind of woman (ibid., indexation de l’auteur) ? A waiter is a kind of man (ibid., indexation de l’auteur) ?A blonde is a kind of woman (ibid., 142, indexation de l’auteur) ?A blonde/queen/actress is a kind of woman (Cruse 2002, 13, indexation de l’auteur) An actress is a woman (ibid.) A queen is a woman/? A queen is a type of woman (Cruse 2011, 137)

La différence de structure entre X est un Y et X est un type de Y révélerait, en fait, d’après lui, une différence de hiérarchie. (113–117) renverraient, selon lui, à une sous-catégorie d’hyponymie qu’il appelle taxonomy : « the taxonyms of a lexical item are a sub-set of its hyponyms » (Cruse 1986, 137)

et pour laquelle il précise également que : « The question of what distinguishes taxonyms from others hyponyms is not easy to answer. » (Cruse 2011, 137)

Autrement dit, là où certains auteurs comme Lyons considèrent que les hiérarchies lexicales taxonomiques sont structurées par la relation d’hyper-/hyponymie (Cruse 2002, 12), Cruse pense qu’il faut distinguer entre deux relations distinctes, diagnostiquées par les tests i) et ii) : i) X est un Y ii) X est un type de Y

en l’occurrence entre hyponymie et taxonomie qui serait plus discriminante que l’hyperonymie : (120) An ash-blonde is a kind of blonde. (litt. une ‘blond-cendré’ est un type de blonde)

d'évaluer une personne anonymement, sans avoir les conséquences de ses opinions. (, dernier accès : 23/09/13) → Aussi, c'est très facile d'évaluer quelqu’un anonymement. 40 ‘Célibataire’ ; ‘vieille fille’.

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Les noms d’humain sont-ils à part?

En nous en tenant aux tests de Cruse, on devrait admettre que les paires d’unités lexicales queen/woman et blonde/woman ne participent pas d’une taxonomie alors que ash-blonde et blonde le font (cf. figures 5 et 6) : (hair-colour)

blonde red-head

ash-blonde Fig. 5

*woman

brunette

blonde

strawberry-blonde

ash-blonde

red-head

brunette

strawberry-blonde

Fig. 6 (d’après Cruse 1986, 142)

La taxonomie de gauche montre qu’on aurait besoin d’un terme qui mette l’accent sur la couleur des cheveux, terme qui n’existe ni en français ni en anglais. Par ailleurs, les taxonomies doivent présenter trois caractéristiques que Cruse énumère comme suit : « Taxonomy exists to articulate a domain in the most efficient way. » (Cruse 2002, 13)







la cohésion interne (ou homogénéité interne) : p.e. les catégories inclusives (animal) ont une moindre homogénéité interne que les catégories subordonnées (dogue allemand) ; la distinctivité externe i.e. la différenciation d’avec des catégories proches : p.e. des catégories comme oiseau/poisson/insecte se distinguent fortement de leurs catégories-sœurs, mais ont une homogénéité interne relativement faible ; l’informativité maximale : qui est celui du niveau dit « de base » : « les objets basiques sont les catégories les plus inclusives dont les membres : possèdent des nombres significatifs d’attributs en commun ; b) ont des programmes moteurs qui sont semblables les uns aux autres ; c) ont des formes similaires, et d) peuvent être identifiés à partir de formes moyennes des membres de la classe » (Rosch et al., 1976, 382)

Dans cette optique, on peut expliquer pourquoi des noms comme stallion (‘étalon’) ou kitten (‘chaton’) ne sont pas de bons taxonymes : (121) ?a stallion is a kind /type of horse; stallion = [MALE][HORSE] (Cruse 2002, 14) (122) ?a kitten is a kind/type of cat ; kitten = [YOUNG][CAT] (ibid.)

La raison invoquée par Cruse est la suivante : « single-feature category division might be responsible for the fact that stallion, kitten, and blonde, are not satisfactory taxonyms of horse, cat and woman, respectively, because it creates non-optimal categories (for instance, a division of the domain of animals into males and females would yield categories with too little internal cohesion and too little external distinctiveness, in that, for instance, a female mouse resembles a male mouse more than a female elephant. » (Cruse 2002, 14)

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Catherine Schnedecker

Partant de la différence de recevabilité entre (123) et (124) : (123) ? A waitress/prostitute is a kind of woman (124) A prostitute is a type of sex-worker

il émet l’idée que : « a satisfactory taxonym must engage in a particular way with a particular aspect of the meaning of the hyponym. (…) Taxonym and hyperonym must share the same perspective. » (ibid.)

La raison pour laquelle étalon ne serait pas un bon taxonyme de cheval tiendrait à ce qu’étalon s’inscrit dans une « perspective » sexuelle (reproduction), pas cheval. De même, le N blonde ne serait-il pas un bon taxonyme de femme du fait qu’il adopte une perspective de « couleur de cheveux », pas femme.

3.4.4. Débuts de problèmes Le problème de cette proposition tient à ce que la notion de perspective est vague et devrait être affinée, ainsi que le reconnaît du reste l’auteur lui-même (Cruse, 2002, 15). Dans cette optique, Cruse tente d’ailleurs une double précision. Tout d’abord, il introduit la notion d’ « éclairage » (highlighting) avec l’idée que, dans des sens lexicaux complexes, certains traits seraient plus saillants que d’autres (contra : Wierzbicka 1988). Intuitivement, il est assez clair qu’étalon et jument accentuent/mettent en évidence le trait « sexuel » et blonde/brune celui de couleur de cheveux. « A taxonym must (a) further specify a highlighted feature and (b) must similarly highlight it. » (Cruse 2002, 15)

Ainsi étalon et poulain ne sont-ils pas de bons taxonymes de cheval parce que le trait qu’ils accentuent n’est pas accentué dans cheval. Pour en revenir aux NH, prostituée de (124) n’est pas un bon taxonyme de femme parce que le premier terme met en lumière la profession. En revanche, il serait un bon taxonyme de sex-worker parce qu’il spécifie et met en lumière ce qui est mis en évidence dans sex-worker, à savoir le type de profession : Une alternative à la notion d’éclairage est celle d’ « essence » : « A good taxonym must have as its essence a specification of the essence oh the hyperonym » (Cruse 2002, 15 sq.)

Avec ces notions de « perspective », « essence », etc., s’explique désormais l’inaptitude des énoncés de type de (125), ce qui est un acquis : (125) *un plombier est un type d’homme

Corollairement, cet acquis confirme l’idée que la catégorisation des humains ne procède pas selon les mêmes modalités que celle des végétaux/animaux :

45

Les noms d’humain sont-ils à part? (126) *un plombier est une espèce d’homme

Du reste, la consultation de Frantext étaye ce point de vue en révélant le très faible nombre d’occurrences de séquences de type espèce/sorte/type NH en référence à des sous-catégories d’humains (cf. supra 1.) et ce, même si les chiffres obtenus renvoient à toutes les valeurs sémantiques des classifieurs y compris celle de (127) où il n’est pas question d’une sous-catégorie stable d’homme. Qui plus est, les exemples (128–131) montrent que les contextes d’emplois de ces séquences sont assez particuliers du fait qu’ils renvoient à la notion de « race ». (127) George Cloney n’est pas mon type d’homme

Espèce d’homme Espèce de femme Sorte d’homme Sorte de femme Type d’homme Type de femme total

Nombre total occ Frantext 54 27 41 11 64 35 232

intervalle 1671-2009 1737-1981 1680-2006 1831-2005 1863-2007 1860-2008

Tab. 4 : Occurrence des séquences espèce/sorte/genre NH dans Frantext (128) […], à gérer, avec des objectifs d'expulsion à atteindre, du chiffre à réaliser ? Ou même en les traitant comme des hommes autres, ou comme une autre espèce d'homme, ou comme des sous-hommes ? La question est bien celle-là : pourquoi, en plus de la rétention, prélude à l'expulsion, ces mauvais traitements ? (Storti, L'arrivée de mon père en France, 2008) (129) Martin n'en croyait pas ses oreilles. Le bélier lui semblait décidément appartenir à une espèce d'homme encore inconnue. Jamblier, les joues en feu, les mâchoires serrées, restait planté au milieu de la cave. (Aymé, Le Vin de Paris, 1947) (130) Quelle sorte d'homme travaille ici ? Des hommes pour tirer, pousser, porter, conduire ; des hommes-bourricots, des hommes-éléphants, des bêtes de somme (Koltès, Combat de nègre et de chiens, 1983 (131) […] diffère à la fois de celle des bantu et de celle des australiens en ceci qu'elle est plus basse. Tous ces faits donnent à penser qu'il a existé autrefois un type d'homme « inférieur » soit dans l'Afrique Du Sud, soit dans une autre région, par laquelle les hottentots ont passé en émigrant vers le sud, et où se sont (Haddon, Races humaines, 1930)

Bref, il ressort des remarques précédentes que les NH, s’ils se classent, le font/le sont de manière différente des autres N.41

41 Dans les ouvrages traitant de taxinomies, classifications nominales, etc., les exemples éludent soigneusement l’humain.

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3.5. Les humains: des entités « à part »? Pour expliquer les problèmes de taxonomies liés aux énoncés problématiques analysés ci-dessus, on peut invoquer une double raison. D’une part, les principes d’organisation taxonomiques ne seraient pas aussi universellement répandus qu’on pourrait le penser (Wierzbicka 1985) ; d’autre part, les domaines d’application des principes d’organisation taxonomiques différeraient selon la nature des entités, ce qu’étaye ainsi Wierzbicka : « Atran argues that different cognitive domains may have different types of semantics, and that, in particular, the semantics of living things is different from the semantics of artefacts » (Wierzbicka, 1996, 370) « unlike living kind categories, labeled artifact concepts are not meant to classify particular items. Instead, they discriminate mental plans for serving functions » (cité in ibid., 371) « in the area of artefacts there are no “supercategories” corresponding to the biological rank of life forms. » (ibid., 372)

3.5.1. Arguments cognitifs et spéculations Bon nombre d’études menées dans le domaine de la psycholinguistique ont démontré, en effet, que les différents principes de catégorisation seraient conditionnés par l’essence (naturelle vs artefactuelle) des entités. Dans cette optique, différents traits seraient mobilisés dans le traitement des catégories naturelles vs artefactuelles : i) les traits fonctionnels seraient plus importants pour les artefacts, ii) les traits renvoyant à la structure interne seraient, en revanche, plus importants pour les types naturels. Ces observations sont importantes car elles permettent de faire une double hypothèse contradictoire. Soit on postule que les entités humaines sont d’une toute autre essence que les « non humaines », et dans ce cas, elles devraient être effectivement catégorisées différemment. Soit on postule qu’elles sont à la fois « naturelles » (p. ex. le fait d’être femme ou femme, blanc ou noir, etc.) ET sociales/ artefactuelles (cf. p.ex. les professions), ce qui fait qu’elles devraient relever, s’ils existent, de modes de catégorisation ambivalents ou mixtes.

3.5.2. Arguments culturels et empiriques Etayer ces hypothèses n’est pas facile, compte tenu de la disparité des données qui empruntent à la « typologie des langues » (on va y venir), à la psychologie sociale (la question des catégories sociales) et de la psychologie de la personne42

42 Qui ne relève pas directement de notre problématique puisqu’il s’agit de travailler sur des traits de caractères, des émotions, etc., dont il résulte cependant des classifications.

Les noms d’humain sont-ils à part?

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La question de savoir si les humains sont des entités à part appelle comme première réponse celle-ci : tout dépend de la culture. C’est ce que montre en effet l’exemple célèbre que Lakoff dans Women, Fire and Dangerous Things (1986, 93) emprunte à Dixon à propos du Dyirbal, une langue australienne à 4 classifieurs bayi, balan, balam, bala qui subsument les entités telles que regroupées ci-dessous et montre que la séparation humain vs non humain n’est pas universelle : – – – –

bayi = (human) males; animals: men, kangaroos,.. balan : (human) females, water, fire, fighting balam: non-flesh food43 bala: everything not in other classes

Il faudrait approfondir ce point pour voir s’il existe d’autres systèmes classificatoires où n’opère pas la séparation entre humains vs non humains. Certains psycholinguistes (Medin et al. 2000, 131) défendent l’idée que les catégories sociales, renvoyant aux humains, qui sont basées sur la race, l’âge, le sexe et les occupations (p.e. adolescente de 10 ans, asiatique, transporteur de courrier), représenteraient ce qu’ils nomment une « classification croisée » (crossclassification) plutôt qu’une taxonomie. Malheureusement, disent-ils, aucune comparaison directe ne permet de différencier les principes de traitement des catégories sociales vs catégories taxonomiques. Ce point de vue est en partie partagé par d’autres auteurs, par exemple Dahlgren (1985), à cet égard nettement plus ambivalents. En effet, cette dernière donne trois séries d’arguments théoriques appuyant l’hypothèse d’une différence entre catégories sociales vs. naturelles. Premièrement, les catégories sociales résulteraient de conventions sociales : c’est la société qui définit la fonction de secrétaire en relation avec les buts des institutions dans lesquelles travaillent les secrétaires. Par contraste, l’essence des entités naturelles, comme pomme serait dans leur « structure chromosomique », ce qui fait que la société considère la catégorie pomme comme un « donné » et essaie de découvrir son essence. Deuxièmement, la distinction entre catégorie sociale vs naturelle tiendrait à la complexité de l’information dans leurs représentations cognitives. Les objets physiques seraient conçus en termes de forme et de fonction, alors que, d’après les psychologistes sociaux, les personnes le seraient en termes d’apparence et de comportement (cf. forme et fonction) mais aussi en termes de contexte social et de traits de personnalité. La complexité des catégories de personnes serait ainsi supérieure à celle des catégories d’objets du fait que les premières seraient classées en fonction de schémas multiples, qu’au sein d’une « taxonomie » donnée, une catégorie de personne subordonnée peut appartenir à des super-ordonnés multiples, ce qui ferait

43 ‘Nourriture sans chair’ (litt.).

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que la distinctivité des classes serait enfreinte dans le cas des « person taxonomies » Pour autant, cette complexité n’impliquerait pas nécessairement que la catégorisation de la personne diffèrerait de celle des objets ; certaines études ont pu montrer l’existence d’un niveau de base pour les catégories sociales qui fournit l’image la plus riche la plus vive, et une image distinctive. Nous allons y revenir. Le dernier argument d’ordre acquisitionnel et développemental accréditerait l’idée que les catégories sociales sont apprises tardivement et leur compréhension se développe lentement. Cela amène Dahlgren à la conclusion que : « Persons are conceived in a richer and more complex way than are physical objects. » (Dahlgren 1985, 381)

Toutefois, Dahlgren défend, par ailleurs, l’idée d’une dualité des catégories sociales qui seraient à la fois concrètes et abstraites : concrètes en ce que les instances sont des entités physiques (personnes) et abstraites du fait que les instances ne sont pas observables puisqu’elles remplissent un rôle socialement défini : on ne peut déterminer perceptuellement si une personne assise à une table est secrétaire ou professeur. Pour vérifier dans quelle mesure il y a, ou non, des différences entre les catégories sociales vs naturelles, Dahlgren a réalisé une étude visant à déterminer si les catégories sociales sont passibles d’une structure prototypique, si la structure cognitive est plus complexe pour celles-ci que pour les catégories d’objets physiques et quelle est l’importance relative des traits perceptuels vs abstraits dans la représentation cognitive. Au terme d’un protocole expérimental en plusieurs volets, inspiré de celui de Rosch44 (cf. tableau 1 annexe 2), visant à déterminer la hiérarchisation catégorielle, les attributs accordés à ces catégories sociales, elle parvient à la conclusion suivante : « Contrary to our expectations, social categories were found to have a family resemblance structure in which the most prototypical members have the most attributes in common with other members of the category for three of four categories. » (Dahlgren 1985, 387) « Social categories, which are both concrete and abstract, were found to have prototype structure. Prototype structure is relevant to both the core and the identification procedure of social categories. The cognitive representation was found to be more complex than that of physical object categories. » (Dahlgren 1985, 396).

4. CONCLUSION GÉNÉRALE Au terme de ce panorama, il ressort que les NH constituent un terrain d’étude prometteur en soi en raison de l’importance ontologique de leurs référents (la personne humaine est par excellence fondamentale et participe -avec l’espace, le

44 En l’occurrence, 85 étudiants ont rangé 50 termes dans chacune des catégories superordonnées par prototypicalité décroissante. Les noms du haut de la liste sont censés ne pas avoir de ressemblance de famille avec ceux du bas.

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temps et la manière- des grandes catégories ontologiques qui structurent l’expérience humaine), ainsi que de leur rapport à l’espace-temps. Par ailleurs, le trait [+hum] rend compte du fonctionnement d’autres unités lexicales (les adjectifs (entêté, présidentiable), les adverbes, p.ex : personnellement, délibérément, volontairement, les verbes et corollairement les rôles thématiques d’expérienceur, patient, et agent). Dès lors, l’étude lexicale des NH concerne le lexique dans son ensemble. Elle le concerne également dans la mesure où les NH résultent de changement de catégorie (riche → les riches, vert → les verts) ou en constituent la source (la/une personne → personne, homo > on). Certaines sous-catégories, comme celles des N de profession - et presque corollairement celle des N d’agents - ont été bien étudiées au plan morphologique, syntaxique et lexicographique.45 Cela n’est pas étonnant compte tenu de leur importance sociale mais aussi, linguistiquement, du fait que de nombreux N de profession sont ou des N d’agents ou des N d’acteurs (selon le distinguo d’Anscombre 2003) (vendeur, enseignant, skieur) et que l’agentivité semble à la base d‘un potentiel prototype du NH - ce qui serait à étayer -et, ontologiquement, distinguer l’essence humaine. Cela étant, le nombre de termes inventoriés et mentionnés dans cet article montre qu’il reste encore bien des pistes à explorer, à commencer par leur répertoire et leur classement qui suppose la mise en place d’un ensemble de traits descriptifs opérants ainsi que la hiérarchisation lexicale entre ces termes qui, comme on l’a vu, semble plus problématique et surtout plus complexe pour les NH que les autres N.

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fillette malade nullipare

gentil bossu blanc

salaud facho

boudhiste socialiste

piéton bricoleur automobi- cycliste liste

« fonctions »

espace

« SOCIALES »

classif° relatif

NATURELLES

RELATION

social

géog

SPATIALES

professeur mère délégué bourgeois voisin citadin asiatique médecin conjoint banlieusard chinois pékinois

parenté

ACTIVITÉ ACTIVITÉ PROF SPORADIQUE OCCAS.

FAIRE

48 Il manque des N comme (en vrac) : passant, récidiviste, saint cyrien, sorbonnard, énarque, patient, visiteur,… Se pose également la question des N humains collectifs (NHC) dont la sous-classification est abordée par Cruse (1986) qui distingue entre Collection (foule, troupe, groupe) qui correspondent à des « agrégats » (non restreints aux humains ; Classes (bourgeoisie, aristocratie, …) renvoyant à un ensemble d’humains dont la réunion est justifiée plus par la possession d’attributs communs que par un « common purpose » ; Groupes (famille, jury, comité, équipe) qui regroupent les humains en systèmes (avec des but ou fonction communs). 49 Ils ne donnent en principe pas lieu à un N.

sexagé- bébé naire senior

injures

FAÇONS D’ÊTRE/ DE PENSER

permanentes

épisodiques49

évol sex.

Age

évol Tps

QUAL/PPTÉS

PHASE

ETRE

Nhum

Annexe 1 : Classification (provisoire) « onomasiologique »48 des Nhum

52 Catherine Schnedecker

53

Les noms d’humain sont-ils à part?

Annexe 2 : Liste des unités lexicales testées par Dahlgren (1985) WORKER plumber mechanic carpenter Garbage man1 Blue collar worker3 laborer5

EMPLOYER

POLITICIAN

PROFESSIONAL

boss owner manager Corporate president Department head Corporate director

doctor lawyer dentist engineer professor accountant7

ditchdigger8 fireman assembler postman dishwasher secretary Restaurant employee driver technician White collar worker13 Computer programmer bartender15 housewife student

supervisor manufacturer administrator executive chief foreman9 superintendent Chairman of the board12 businessman banker College president taskmaster Military officer clerk

Governor Senator Congressman mayor2 City councilman4 President (office holder)6 Legislator assemblyman Treasurer Sheriff Judge commissioner10 School board member11 Delegate Foreign minister Chief of police official14 Deputy County coroner dogcatcher16

pharmacist nurse scientist teacher medic statistician writer musician artist clergyman Urban planner dietetician Social worker librarian

Tableau des classifications obtenues par Dahlgren

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16

‚éboueur‘ ‚maire‘ ‚ouvrier‘ ‚conseiller municipal‘ ‚travailleur‘ ‚membre du comité directeur‘ ‚comptable‘ ‚terrassier‘ ‚contremaître‘ ‚commissaire‘ ‚membre du conseil pédagogique‘ ‚président du conseil‘ ‚col blanc‘ ‚fonctionnaire‘ ‚barman‘ ‘un fonctionnaire local dont le travail est d'attraper et confisquer les chiens égarés, les chats, etc.’

LA SÉMANTIQUE DES NOMS GÉNÉRAUX ‘ÊTRE HUMAIN’ FRANÇAIS ET ALLEMANDS Wiltrud Mihatsch, Université de Bochum

RÉSUMÉ Les noms au sommet de la hiérarchie des noms d’humains comme (être) humain, homme (au sens général), personne, individu et gens montrent une série de particularités au niveau de leur structure sémantique. À base de jugements d’acceptabilité, de données de corpus et de données lexicographiques seront déterminées les caractéristiques des quasi-synonymes les plus fréquents du français et de l’allemand. Le premier volet de l’analyse, présenté dans cette contribution, sera consacré au problème de la classification de ces noms selon les catégories nominales établies, et notamment au problème de leur dualité sémantique, car les noms d’humains, bien qu’étant des noms concrets, comportent aussi des aspects abstraits. En effet, l’être humain est aussi conçu comme une personnalité et un acteur social, un phénomène qui ressemble aux « facettes » de Cruse (2004) ou à la métonymie intégrée selon Kleiber (1996). Je constate aussi un clivage entre les noms généraux d’humains épisodiques (« stage-level ») personne, Person, individu et Individuum, gens et Leute et les autres noms d’humains géneraux, permanents (« individual level »). 0. INTRODUCTION1 Au sommet de la hiérarchie des noms d’humains (abrégés NH) l’allemand aussi bien que le français et d’autres langues connaissent plusieurs noms d’humain généraux (désormais NHG) individuels comptables (‘singular object nouns’ selon Rijkhoff 2004, 54) comme être humain ou collectifs comme gens, à première vue spécifiés ni pour le sexe, ni pour le métier ou autres caractéristiques, selon Lang (2000, 4) les « ultimate exponents » de l’anthropocentrisme inhérent au langage. L’objectif du présent travail consiste à démontrer que les NHG de l’allemand et du français – ainsi que, très probablement, d’autres langues – sont des unités lexicales marquées dans le lexique du langage courant, avec des emplois bien particuliers, qui correspondent aux noms généraux d’un niveau de généralisation bien plus élevé des noms non humains, comme, notamment, le nom chose, semilexical

1

Je remercie Catherine Schnedecker et Véronique Lagae pour leurs précieuses suggestions et corrections.

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Wiltrud Mihatsch

et donc proche des pronoms (cf. Kleiber 1987, 1994, Mihatsch 2006a : chapitre 5, et Mihatsch 2006b) et des noms savants sémantiquement et diasystématiquement marqués comme entité (cf. Mihatsch 2006a, chapitre 4). En fait, le concept ÊTRE HUMAIN semble être plus établi comme concept grammatical, notamment dans le domaine des pronoms, que dans le domaine lexical, où les noms d´humains spécifiés pour le sexe biologique occupent une place centrale. Le statut particulier des NHG se montre à plusieurs niveaux, dont seront étudiés dans cette contribution les origines savantes, les préférences quant au nombre grammatical, leur hybridité ontologique entre nom concret et abstrait et la spécialisation de certains NHG à des emplois épisodiques. Leurs particularités quant aux réseaux sémantiques, notamment leur position hiérarchique et les relations méronymiques, seront étudiées dans le cadre de ma deuxième contribution de ce volume. Dans la première section sera présentée la position des NH en général et celle des NHG en particulier par rapport aux classifications sémantiques générales établies dans la littérature. La deuxième section du présent travail sera consacrée aux préférences quant au nombre grammatical, notamment les fréquences plus élevées du pluriel pour les NHG et une explication du phènomène. La dualité ou hybridité des NHG, qui combinent le côté physique et le côté immatériel de l’être humain, sera analysée dans la section 3, avec la notion de la facette selon Cruse comme point de départ. Dans la dernière section je me pencherai sur une troisième facette, celle des rôles sociaux, qui n’a pas été analysée jusqu’ici et qui mène à une différenciation entre noms épisodiques et noms permanents au sein de la classe des NHG. Les différents NHG montrent donc des spécialisations individuelles qui, dans certains cas, montrent des tendances qui vont vers la pronominalisation. Pour mon analyse, j’ai choisi ces NHG qui semblent être des quasisynonymes dans bon nombre de contextes et qui appartiennent au standard: homme, personne, être humain, humain, individu, gens et all. Mensch, Person, menschliches Lebewesen, Individuum, Leute. J’ai exclu all. Volk et peuple qui possèdent aujourd’hui une restriction spatiale et politique bien spécifique, ainsi que Menschheit et humanité, qui sont restreintes à la référence à la totalité, et les NHG diasystématiquement ou stylistiquement marqués comme mortel ou Sterblicher. Les noms d’humains généraux semblent être des noms concrets individuels ou collectifs comme bien d’autres noms. Cependant, ces quasi-synonymes montrent une série de particularités et spécialisations au niveau de leur structure sémantique qui les distinguent des autres noms d’humains plus spécifiques, des autres noms concrets et les uns des autres.2 Mon analyse sera basée sur des données lexicographiques (TLF, GR et DHLF pour le français, et EWD, GDW et WDW pour l’allemand), des données de corpus comparables, notamment les cooccurrences fournies par Wortschatz Leipzig 2

Lang (2000) note le manque de travaux sémantiques sur les NHG Menschen et Leute, cela vaut aussi, encore aujourd’hui, pour les autres NHG de l’allemand et du français.

La sémantique des noms généraux ‘être humain’ français et allemands

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(http://corpora.informatik.uni-leipzig.de/, dernier accès : 14/06/15) pour l’écrit, CORAL-ROM pour les données orales du français, FOLK (Forschungs- und Lehrkorpus gesprochenes Deutsch) pour les données orales de l‘allemand et des jugements d’acceptabilité obtenus lors d’une enquête3 réalisée au cours de 2013 et 2014 à l’aide d’un questionnaire. Chaque questionnaire contient 41 énoncés type variés en fonction des différents NHG testés et arrangés de façon aléatoire, nous avons, pour la version sur papier, distribué 6 questionnaires différents. Quant à la version en ligne, les énoncés apparaissent dans un ordre varié et aléatoire pour chaque sujet, qui pouvait décider lui-même de la durée de la session et du nombre d’énoncés jugés, ce qui nous a permis d’obtenir un nombre comparable de réponses pour chaque énoncé. Les jugements se font à partir d’une échelle Likert; nous avons écarté la méthode de la « magnitude estimation », qui demande un effort cognitif considérable des participants et qui donne, selon des études récentes, les mêmes résultats que les enquêtes classiques avec une échelle Likert (voir Sprouse (2011) et Weskott / Fanselow (2011) pour une évaluation de ces méthodes). Les sujets sont des locuteurs de langue maternelle allemande (d’Allemagne) ou française (de France), pour la plupart entre 20 et 30 ans, la majorité étant des étudiants, j’ai obtenu au moins 20 réponses pour chaque énoncé. Pour détecter les traits communs des NHG j’ai pour quelques énoncés comparé ces NHG avec les NH spécifiés pour le sexe, à savoir homme et femme et all. Mann et Frau et avec des pronoms équivalents au niveau de la référence - Lang (2000) critique à juste titre l’exclusion des pronoms pour humains lors de l’étude des NHG.

1. NOMS D’HUMAINS ET CLASSIFICATIONS DES NOMS La catégorie des noms d’humains ne joue aucun rôle ou, tout au plus, un rôle secondaire, comme sous-classe des noms concrets, dans bon nombre des ontologies ou classifications générales des noms (cf. Löbel 2002, 588), et pour cause, car du point de vue logique les NH n’apparaissent qu’à un niveau bien plus spécifique dans ces classifications, à savoir comme sous-catégorie des noms d’animés. Du point de vue logique, il s’agit donc d’une catégorie assez spécifique de noms concrets, car on peut voir, toucher et entendre un être humain (cf. Schnedecker ce

3

Un grand merci aux participants qui ont rendu leurs jugements d’acceptabilité sur environ 15 pages d’exemples lors d’une pré-étude et à Valerie Hekkel, Christin Schmidt et Désirée Friedrich, qui m’ont assisté dans le dépouillement des questionnaires, et, last but not least, JeanPaul Meyer, qui a élaboré la version française en ligne (, dernier accès : 12/06/15), dont les premiers résultats ont été intégrés dans les données analysées dans cette contribution. L’enquête sera par la suite élaborée et étendue vers d’autres langues (des questionnaires analogues sont en ce moment préparés pour l’italien (Wiltrud Mihatsch) et l’espagnol (Wiltrud Mihatsch), un questionnaire pour le portugais brésilien a déjà été rempli et dépouillé par Eduardo Amaral et Wiltrud Mihatsch).

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Wiltrud Mihatsch

volume). Presque toutes les dimensions4 mentionnées dans les travaux sur la classification des noms, à savoir la distinction entre noms communs et noms propres (a), entre noms individuels, massifs et collectifs (b), entre noms comptables et non comptables (c), entre noms désignant un tout vs. noms désignant des parties (d), entre noms absolus et noms relationnels (e), et entre noms lexicaux et noms grammaticaux (f), structurent la classe des noms d’humains - et sont donc transversalement applicables à la classe des NH : a) Une distinction fondamentale dans la classe des NH5 concerne celle entre noms communs et noms propres. Chaque être humain a un nom propre, un trait particulier des NH à la différence de la majorité des noms (sauf, jusqu’à un certain point, les lieux et leur toponyme). Parmi les NH on observe aussi des noms souvent appelés uniques avec un référent unique, employés exclusivement avec l’article défini comme chrétienté, humanité - si l’on pose une telle catégorie, voir Bisle-Müller (1991, 19) pour un aperçu des positions critiques et la catégorisation de ces noms comme noms propres, ce qui correspond aussi à l’intuition des locuteurs qui rendent ces noms souvent avec majuscule. b) Les NH peuvent être des noms individuels ou des noms collectifs (cf. aussi Talmy (2000, 48), qui distingue entre des noms ‘uniplexes’ et ‘multiplexes’), c’est-à dire, des noms désignant une ou plusieurs entités discrètes dans leur forme morphologiquement non-marquée (homme, femme, chanteur vs. gens, famille). Les NH individuels correspondent à la catégorie des « singular object nouns » selon Rijkhoff (2004), la catégorie nominale la plus nombreuse et la moins marquée dans des langues comme le français ou l’allemand avec une marque du pluriel obligatoire lors de la référence à plus d’un individu. Il n’y a pas de NH massifs sans structure interne comme, dans le domaine des noms non animés, eau ou vin. c) Les NH peuvent être comptables (femme, famille) ou non comptables (gens, monde). Parmi les NH collectifs (ou multiplexes) on observe une distinction entre collectifs comptables et non comptables (‘Gruppenkollektivum’ et ‘Genuskollektivum’ selon Leisi 41971, 31–34, voir aussi Mihatsch 2000), par exemple famille, comité vs. gens, monde (au sens de ‘gens’), pour les transitions diachroniques et synchroniques entre ces deux catégories de noms voir Mihatsch (2006a, 123–137).6 Certains collectifs quantifient un nom suivant comme dans une foule de gens (cf. Flaux/ van de Velde 2000 pour une définition rigoureuse des noms quantifieurs). 4

5 6

Dans le cadre de cette analyse seront aussi analysées des dimensions moins connues des NH comme par exemple la distinction entre « stage level » et « individual » - une catégorie issue du domaine verbal et adjectival. Je préfère le terme de classe au terme de champ sémantique, car dans le cas des NH il s’agit d’une catégorie assez générale et hétérogène, voir Schnedecker, ce volume. voir Gross (2011) pour une classification sémantique détaillée des NH collectifs.

La sémantique des noms généraux ‘être humain’ français et allemands

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d) Les NH peuvent désigner un tout (paroisse) ou une partie d’un collectif (paroissien). Parmi les collectifs humains on observe en plus des noms qui désignent une partie d’un ensemble comme élite. Par contre, les parties d’un humain ne sont pas des NH (cf. Mostrov ce volume). e) Les NH peuvent être des noms absolus comme homme ou relationnels comme père (cf. aussi la distinction entre ‘sortal vs. functional nouns’ selon Löbner 1985, repris par Löbel 2002, 592), en d’autres termes des noms classifiants ou identifiants. Compte tenu des multiples liens familiaux, sociaux et professionnels, la dimension relationnelle est une dimension importante dans le domaine des NH. f) La distinction entre noms lexicaux et grammaticalisés traverse aussi le domaine des NH. Notamment pour l’anglais, il y a un certain nombre de travaux qui mentionnent la catégorie des ‘light nouns’ ou ‘semilexical nouns’ dans la tradition générative (à partir d’Emonds 1985, 162), ‘general nouns’ dans l’approche textuelle de Halliday/ Hasan (1976), terme repris par Mahlberg (2005) dans son analyse de données de corpus des noms comme thing, people, place. Les critères de distinction et la classe des noms appartenant à cette catégorie sont loin d’être déterminés et, alors qu’il existe un nombre de travaux importants sur chose (par exemple Kleiber 1981 ou Defrancq/ Willems 1997), les NHG représentent encore un terrain d’exploration quasi vierge, un sujet abordé dans Mihatsch, ce volume. Surtout, il reste à voir s’il s’agit d’une catégorie à part stable ou d’une catégorie intermédiaire en cours de grammaticalisation, plus précisément, en cours de pronominalisation. Toutes ces dimensions sont transversales et doivent donc être combinées entre elles pour décrire les distinctions les plus importantes dans la catégorie des noms, pour les noms d’humains pratiquement toutes sont applicables. Voici deux combinaisons à première vue très complexes – celle du nom commun collectif comptable relationnel lexical, qui décrit parfaitement le NH élite, ou bien le nom propre individuel comptable absolu grammatical untel (Mihatsch 2006b). La seule dimension fondamentale qui ne semble pas s’appliquer aux NH est celle de la distinction entre noms concrets et noms abstraits (voir Flaux/ Van de Velde 2000 pour une classification très fine des noms abstraits du français). Il faut pour le moment retenir la catégorisation classique des NH comme noms concrets, mais comme je montrerai par la suite (cf. 3), les NHG, comme tous les NH probablement, sont hybrides de ce point de vue. Ces distinctions générales ont toutes leur reflet au niveau morphosyntaxique, dans le cas de la distinction entre nom propre et nom commun par exemple dans les restrictions de l’emploi de l’article, la possibilité ou l’impossibilité de la marque du pluriel liée à la distinction entre noms comptables et non comptables, l’accord au pluriel ad sensum dans quelques cas de noms collectifs, l’emploi dans des constructions binominales avec un syntagme prépositionnel introduit par de (qui peut être explicite ou implicite) ou un possessif dans le cas des noms relationnels et les indices d’un certain figement dû à la grammaticalisation du moins

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Wiltrud Mihatsch

partielle ou faible dans le cas des NHG, par exemple des préférences très nettes ou même un figement total dans certaines positions syntaxiques et l’impossibilité de la modification adjectivale (cf. l’analyse de gens et personnes par Cappeau/ Schnedecker 2012, Cappeau/ Schnedecker 2014). Cependant, bien que beaucoup plus spécifique sémantiquement par rapport aux critères de la classification nominale mentionnés, dans les langues du monde, la distinction entre humains/ non humains ou animés/ inanimés entraîne elle aussi une série de reflets morphosyntaxiques et sémantiques comme la sélection des prédicats, des adjectifs, la flexion et le choix des pronoms, donc des indices qui montrent clairement que cette dimension fait partie des dimensions fondamentales des noms (cf. Flaux/ Van de Velde 2000, 36–46), bien que la relation animés/humains ne soit pas tout à fait nette (voir aussi Schnedecker ce volume): Les locuteurs, et les linguistes à leur suite, oscillent entre le couple « animé/ inanimé », et un autre qui se superpose parfois à lui : le couple « humain/ non humain ». (Flaux/ Van de Velde 2000, 35). L’importance de l’animacité pour des questions purement morphosyntaxiques (cf. les remarques dans Lang 2000, 8) est bien plus étudiée que celle des propriétés lexico-sémantiques des NH. Il faut notamment mentionner la hiérarchie de l’animacité de Silverstein (1976), qui découle d’une comparaison typologique de langues et qui permet certaines prédictions surtout concernant les marques grammaticales des noms : 1st person > 2nd person > 3rd person > proper names > humans > non-humans > animates > inanimates Flaux/ Van de Velde (2000, 36) mentionnent pour le français les traits spécifiques suivants des NH : le choix de pronoms (les pronoms personnels je et tu, les indéfinis spécifiques pour humains comme quelqu’un ou personne), la reprise anaphorique associative par ils après des noms collectifs d’humains et l’impossibilité de l’anaphore associative introduisant des parties du corps: *j’ai aperçu un garçon sur un vélo, le visage était très remarquable, l’impossibilité d’employer les NH dans des syntagmes de mesures (*500 kilos de personnes) (Flaux/ Van de Velde 2000, 57) et j’ajoute la possibilité de l’emploi dans les titres et formes d’adresses/vocatifs d’une sous-classe des NH.7 La saillance de la dimension de l’humanitude a bien sûr des fondements anthropologiques, ce qui explique aussi pourquoi la complexité interne de cette catégorie est bien plus élevée et multidimensionnelle que celle des noms non humains (cf. Schnedecker ce volume).

7

Milner (1978) et Ruwet (1982) mentionnent une construction binominale spécifique qui exprime une injure (ou bien une évaluation positive), avec certains NH comme un imbécile de gendarme, comparable à la construction allemande ein Bild von einem Mann, ‚un bel homme‘, littéralement ‚une image d’homme‘ (voir aussi composition Mannsbild, aujourd’hui péjoratif, GDW, s.v. Mannsbild). Néanmoins la construction ne semble pas être limitée aux humains, cf. cette merde de bagnole.

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L’objectif de cette analyse est l’étude comparative sémantique des noms d’humains de l’allemand et du français, logiquement du moins au sommet de la hiérarchie et qui montrent des particularités par rapport à d’autres NH, et aux pronoms, et dont certains se comportent plutôt comme des noms semi-lexicaux.

2. L’UTILITÉ DES NHG ET LE NOMBRE GRAMMATICAL Comme, pour des raisons anthropologiques et anthropocentriques, la conceptualisation des humains et la référence à des individus occupent une place primordiale par rapport à la conceptualisation et référence dans le domaine des non humains, la conceptualisation et les emplois non marqués se trouvent à des niveaux de généralisation plus spécifiques par rapport aux non humains (cf. 3). Par exemple, lorsque que l’on se réfère à un individu identifié, le nom propre8 est préféré, dans certaines langues les noms de parenté possessifs sont préféré (cf. les travaux dans Enfield/ Stivers 2007 pour une analyse des préférences discursives lors de la référence aux personnes). Si le nom propre n’est pas employé parce que le référent est inconnu ou parce que son nom est évité pour diverses raisons ou lors de la référence non spécifique, les locuteurs semblent préférer des NH plus spécifiques, d’ailleurs presque toujours9 spécifié pour le sexe comme homme, femme, enfant, fille (voir aussi Mahlberg 2005, 106) ou des syntagmes nominaux avec des noms relationnels comme mon collègue, ton ami, sa mère, indiquant des relations familiales ou sociales avec les interlocuteurs. La spécification pour le sexe est fondamentale (et indispensable pour la survie de l’espèce) ; il s’agit du trait le plus saillant lors de la catégorisation des individus et de la formation de stéréotypes (Fiske 1998, 377). Cela explique aussi la distinction obligatoire des sexes de la plupart des prénoms et des termes d’adresse10. Cependant, même dans des situations de tous les jours, la distinction des sexes n’est plus possible lorsque nous nous référons à plusieurs personnes des deux11 sexes ou, souvent, lorsque nous nous référons à une personne de façon non spécifique. Alors qu’homme et femme et les autres NH plus spécifiques avec spécification du sexe semblent être plus volontiers employés dans des contextes non marqués

8

Nous sommes des experts de reconnaissance des visages (Tanaka/ Gauthier 1997) (pour les sources étymologiques d’un grand nombre de noms désignant le visage, liées à ce phénomène, cf. Mihatsch/ Dvořák 2004). Notre capacité de reconnaissance des visages est nettement supérieure à la mémorisation des noms propres, ce qui mène à des stratégies de compensation en utilisant des noms communs (ton frère, ma collègue) ou des pro-noms propres comme truc, machin ou untel (Mihatsch 2006a). 9 Sauf les tranches d’âge plus jeunes, cf. enfant, bébé, nourrisson (Aleksandrova 2013) 10 À l’exception de prédicats (nobiliaires) comme Sa Majesté (je remercie Catherine Schnedecker de m’avoir rappelé cette observation). 11 Il sera intéressant d’observer les solutions linguistiques du phénomène de l’intersexe. Depuis le 1er novembre 2013, selon la loi allemande, il y a dans certains cas la possibilité d’enregistrer une personne sans spécifier le sexe.

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Wiltrud Mihatsch

pour faire référence à un individu, et que les noms correspondants sont courants dans tous les registres, les NHG choisis pour cette étude n’ont pas d’équivalent dans les registres très familiers et informels (cf. Fiske 1998, 377 pour la saillance perceptuelle et sociale de la différence des sexes). Dans le langage des jeunes et les argots, on observe des créations lexicales propres pour les concepts HOMME et FEMME (fr. mec, type, nana, all. Typ, Tussi), mais pas pour ÊTRE HUMAIN, cependant on observe des NHG collectifs, donc des noms qui référent à une pluralité des deux sexes, dans le langage familier ou populaire, souvent avec une valeur péjorative, comme fr. racaille, plèbe, all. Pack, Pöbel. De même, pour les NH plus spécifiques, les expressions sans différenciation du sexe appartiennent plutôt à des domaines spécialisés ou des registres formels, comme parent ou all. Elternteil, souvent morphologiquement dérivés et/ ou savants ou par changement d’un collectif comme all. Geschwister ‘frère ou sœur’ (cf. GDW, s.v. Geschwister). Les NHG individuels comptables semblent donc occuper une position à part, ce qui explique aussi pourquoi il s’agit dans la plupart des cas d’emprunts savants qui entrent dans le langage courant au cours de leur histoire. En effet, le français et l’allemand partagent la plupart des emprunts savants du latin, comme personne et Person (attestés depuis le XIIe siècle, d’abord dans des textes juridiques, c.f. Mihatsch en préparation a) et individu, d’abord en opposition à genre et espèce, à partir du XVIIe siècle employé au sens ‘être humain’, à partir du XVIIIe aussi dans le langage courant, all. Individuum est attesté comme NH depuis le XVIe siècle (DHLF, TLF, s.v. individu, EWD, s.v. Individuum). Le substantif être au sens d’‘être vivant’ est attesté à partir du XIIIe et au sens d’’être humain’ et à partir du XVIIIe siècle (DHLF, s.v. être n.m.) ; ce NHG est probablement dérivé d’emplois en philosophie et en théologie. De même, l’all. Wesen devient un NH après une étape avec le sens d’’entité’, avant de se spécialiser à l’être vivant au XVIIIe siècle, un peu plus tard dans le siècle aussi comme NH, d’abord pour l’espèce humaine, à partir du XIXe pour se référer à des individus. Selon GDW ce sens naît à partir du sens théologique pour l’essence ou substance de Dieu et l’hypostase du terme. Aujourd’hui on emploie plus fréquemment les syntagmes lexicalisés être humain et menschliches Lebewesen. Fr. humain est attesté depuis le XIVe siècle en tant qu’NH (DHLF, TLF, s.v. humain). Ces noms naissent pour décrire des êtres humains en général dans des domaines savants bien spécifiques, notamment dans les textes jurididiques, théologiques et didactiques, et dans le domaine philosophique, donc dans des contextes précis dans lesquels la différence entre les sexes n’est pas pertinente ou dans lesquels on fait consciemment abstraction des sexes. À côté de ces anciens termes spécialisés aujourd’hui établis dans le langage courant, on observe une série de NHG très marqués, morphologiquement complexes et peu fréquents, souvent issus du domaine de la théologie ou philosophie, aujourd’hui archaïques ou employés de façon ludique dans le langage courant, comme bipède, Zweibeiner (Aristote), animal rationnel (dans l’arbre de Porphyre), mortel et Sterblicher, pêcheur, Sünder, âme, Seele, terrien, Erdbewohner, Erdenbürger, personnage, personnalité, Persönlichkeit, sujet et Subjekt ou particulier, expressions moins fréquentes et stylistiquement marquées et donc exclues de cette analyse.

La sémantique des noms généraux ‘être humain’ français et allemands

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Les NHG fr. homme et all. Mensch sont des exceptions. Ces deux noms sont d’origine populaire12 et, du point de vue synchronique, morphologiquement simples. Fr. homme vient du latin hominem ‘être humain’, mais déjà en latin impérial surgit le sens d’‘être humain mâle’ (DHLF, TLF, s.v. homme). Les deux sens se trouvent dès les premières attestations du Xe siècle en français. All. Mensch est un nom étymologiquement déadjectival et généalogiquement lié à Mann, nom qui est d’abord polysémique comme fr. homme aujourd’hui (GDW, EWD, s.v. Mann). Curieusement, et ce n’est pas un hasard, car les NH spécifiés pour le sexe sont plus saillants (cf. infra), dans les deux cas il y a des liens sémantiques ou morphologiques avec une expression désignant l’être humain mâle. Dans le domaine des collectifs on constate aussi des mots d’origine savante qui désignent l’espèce entière ou la totalité des individus, à savoir fr. humanité et all. Menschheit, les deux morphologiquement complexes13, ainsi que ceux d’origine populaire comme peuple et all. Volk avec une restriction spatiale/ politique14 et les NH d’origine populaire collectifs les plus fréquents gens et all. Leute, collectifs avec une forte dépendance du contexte (voir Mihatsch ce volume), retenus dans cette analyse. Les NHG individuels comptables notamment semblent être des synonymes, car dans les définitions lexicographiques ces noms ne sont pas bien différenciés et ils sont souvent employés de façon interchangeable ; par exemple, dans WDW Mensch est défini comme ‘das höchstentwickelte Lebewesen, Person’, ‘l’être vivant le plus évolué ; personne’ et Person est défini, entre autres, comme ‘der Mensch als lebendes Wesen’ (‘l’homme en tant qu’être vivant’). Il faut donc se demander à quoi servent ces NHG les plus fréquents qui ont pour extension tous les êtres humains (au niveau intensionnel on verra par la suite des spécifications). Avant d’aborder les analyses sémantiques proprement dites il vaut la peine d’étudier les fréquences, qui sont assez révélatrices. Selon les fréquences dans Wortschatz, une base de données de textes écrits plutôt formels d’internet, certains NHG sont en effet aussi fréquents, dans certains cas plus fréquents, que les NH d’un niveau plus spécifique désignant l’‘être humain masculin’ et l’’être humain féminin’ et en effet, la domination du pluriel (fréquences absolues et rela-

12 Cf. Lang (2000), qui constate pour Mensch et Leute leur appartenance au lexique basique et à l’intérieur du lexique basique au domaine du « proximity area » (Lang 2000, 4), pour un aperçu du traitement notamment lexicographique de Mensch cf. Braun (1997, 1–8). 13 L’allemand possède souvent des mots dérivés ou composés là où le français a recours à des emprunts savants. Dans le cas de Menschheit, les contextes des attestations dans GDW suggèrent des origines théologiques et/ou philosophiques ou du moins une grande affinité avec ces domaines. 14 Dans l’histoire de ces deux noms, il y avait aussi des sens moins spécifiés ‘gens, foule, public’, qui disparaissent à l’époque classique pour peuple, sauf dans des expressions figées (DHLF, TLF, s.v. peuple). De même all. Volk a désigné ‘foule’ ou ‘gens’ et même ‘personnes’ (GDW, s.v. Volk), un emploi qui a laissé ses traces dans des expressions figées – tout comme le portugais (brésilien) povo aujourd’hui (Mihatsch 2014/ en préparation, Amaral/ Mihatsch en préparation).

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Wiltrud Mihatsch

tives15) confirme l’importance des NHG lors de la référence à plusieurs individus des deux sexes, un aspect qui sera approfondi par la suite : Wortschatz Leipzig allemand Menschen 250 (139 927) Mann 118 (66 188) Frau 103 (57 834) Frauen 73 (40 605) Männer 54 (29 946) Leute 49 (27 398) Personen 25 (13 859) Mensch 24 (13 692) Person 15 (8 366) Individuen 1 (378) Individuum 0,5 (279)

16

17

Wortschatz Leipzig français Personnes 167 (817 460) Homme 104 (508 768) Personne 80 (394 082) (inclut le pronom négatif ) Hommes 74 (364 466) Gens 66 (324 117) Femme 64 (313 751) Femmes 63 (308 818) Individus 10 (47 474) Individu 8 (41 387)

Tab.1: Nombre des occurrences au singulier et au pluriel des NHG dans Wortschatz, par ordre de fréquence décroissant

Tous les NHG allemands et français sont plus fréquents au pluriel. Menschen est la forme la plus fréquente de tous les NH analysés, personnes est la forme la plus fréquente pour la liste française, les deux nettement plus fréquents que Mann et Frau et homme et femme, une tendance facilement explicable, car la différence des sexes n’est souvent pas applicable dans des groupes de personnes, le plus souvent mixtes. Le collectif all. Leute est moins fréquent que Mann et Frau et leurs 15 Wortschatz fournit des données comparables et se compose des sources suivantes de textes en ligne : presse/ actualité, wikipedia, blogs et le web en général, donc des textes écrits plutôt formels. Je remercie Volker Boehlke (Natural Language Processing Group Department of Computer Science University of Leipzig) de m’avoir fourni les nombres exacts des token des deux sous-corpus consultés dans Wortschatz (valable le 5 juin 2013) : corpus de l’allemand mots tokens 167.680.108, corpus du francais mots tokens 1.468.766.604. Le premier chiffre indique la fréquence relative normalisée sur 300 000 mots qui permettra une comparaison directe avec les données orales ans la table suivante, le deuxième chiffre entre parenthèses la fréquence absolue. 16 Je n’ai pas inclus les formes casuelles divergentes (notamment le génitif) et les modalités de recherche automatisées ne permettent pas la recherche de syntagmes, ce qui exclut la recherche de menschliches Lebewesen, et la désambiguïsation entre nom et marqueur discursif (Mann et Mensch), certainement moins importants dans le registre plutôt formel de Wortschatz, et les emplois d’Individuum pour non humains. 17 Les fréquences des NH du français se composent des fréquences de la forme avec minuscule, majuscule et pour individu et homme la forme avec l’article défini agglutiné minuscule et majuscule (compté comme une forme à part). Je n’ai pas pu différencier entre les deux sens ‘être humain masculin’ et ‘être humain’. Les modalités de recherche ne permettent pas la recherche de syntagmes, ce qui exclut être humain, et les modalités de recherche automatisées ne permettent pas la désambiguïsation, ce qui exclut le dépouillement d’humain en tant que nom, les emplois pour non humains d’individu et le comptage du pronom négatif personne.

La sémantique des noms généraux ‘être humain’ français et allemands

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formes au pluriel, mais bien plus fréquent que le pluriel Personen. Individuen et Individuum tout comme individu(s) sont rares par rapport aux autres NH, mais montrent la même préférence pour le pluriel. Il est frappant que deux NHG d’origines différentes dans les deux langues occupent la première place – personnes18 d’origine savante pour le français et le nom d’origine populaire Menschen pour l’allemand ; les deux sont plus fréquents que les collectifs Leute et gens dans Wortschatz, ce dernier étant d’ailleurs plus fréquent que son équivalent allemand, qui est peut-être plus restreint dans ces emplois, dû au NHG pluriel courant et très fréquent Menschen. Il serait intéressant de voir si les emplois des NHG apparentés des deux langues se ressemblent. La domination de personnes est certainement due à la polysémie d’homme, dont le sens général est fortement marqué (cf. infra). La fréquence du singulier personne, qui dépasse celle de hommes, gens, femme et femmes est certainement due au nombre d’occurrences du pronom négatif personne. Comme en allemand, les NHG du français individu et individus sont beaucoup moins fréquents que les autres NH, mais plus fréquents que les équivalents allemands, dans ce cas aussi on pourrait penser aux restrictions d’emploi d’homme ‘être humain’ qui font que les autres NHG deviennent plus courants. Les noms être humain et humain sont encore moins fréquents, tout comme l’allemand menschliches Lebewesen, que j’ai vérifié dans FRwac et DEwac19 : on observe 33 occurrences d’être humain par 300 millions de mots, 16 occurrences d’êtres humains, 533 pour humain (nom), 3465 pour humains (nom), ce qui reflète la domination d’être humain au singulier, et d’humains au pluriel (cf. GR, s.v. humain), et 41 pour Menschliches Lebewesen par 300 millions de mots (toutes les formes fléchies mais pas différenciées pour le nombre car il y a des formes fléchies ambigües). Si ce chiffre est normalisé sur 300 000 mots on arrive à des fréquences de moins d’une occurrence sauf pour humains. Il est intéressant de noter que les fréquences du pronom indéfini pour humains quelqu’un n’est pas en tête de la liste ; au contraire, la fréquence absolue de quelqu’un est de 70594 occurrences (14 sur 300 000 occurrences), et 12299 (22 sur 300 000 occurrences) pour l’équivalent allemand jemand. La comparaison avec les fréquences dans des corpus oraux est très révélatrice :

18 Parmi les ‘general nouns’ analysés dans Mahlberg (2005, 3) on trouve les NH people18, man, women, men, family, woman, choisis sur la base des fréquences dans le corpus de l’étude, tandis que person, également général, reste exclu de son analyse. Selon Mahlberg (2005, 130) « (t)heoretical arguments suggest person as singular form of people. But whereas people is the most frequent noun used to refer to people, person is only found much further down in the frequency list, at rank 73 in the BNC and 124 in the Bank of English. » – ce malgré la polysémie gênante de man qui correspond à celle d’homme. 19 FrWac et DeWac (cf. Baroni/ Bernardini/ Ferraresi/ Zanchetta 2009) recueillent des textes du domaine .fr et .de, et sont donc des corpus beaucoup moins homogènes et moins contrôlés que Wortschatz, que j’ai préféré comme source lorsque cela était possible.

66 FOLK20 Leute 161 (521) Frau 78 (252)21 Mann 77 (249)22 Frauen 43 (138) Menschen 40 (130) Mensch 19 (60)23 Männer 29 (94) Person 21 (66) Personen 11 (34) Individuum < 2 (1,6) (5) Individuen 0,3 also caractérisation) soit dans un état antérieur de la

186

Nelly Flaux, Véronique Lagae, Dejan Stosic

GÉNÉRATION AUTOMATIQUE DES NOMS D’« AGENTS CRÉATEURS » A partir de ces NId, nous avons généré à l’aide d’un programme développé par Fiammetta Namer (ATILF), une liste de dérivés potentiels en –iste, en –ier et en – eur, ce qui donne des formes comme : NId-base

Xeur

Xiste

Xier

abrégé

abrégeur

abrégiste

abrégier

acceptation

accepteur, acceptateur

acceptationniste, acceptativiste

acceptationnier, acceptativier

accord

accordeur

accordiste

accordier

acquittement

acquitteur

acquittementiste

acquittementier

actes

acteseur

actesiste

actesier

adage

adageur

adagiste

adagier

affirmation

affirmeur, affirmateur

affirmationniste, affirmativiste

affirmationnier, affirmativier

air

aireur

airiste

airier

algorithme

algorithmeur

algorithmiste

algorithmier

allocution

allocuteur, allocutionneur

allocutionniste, allocutiviste

allocutionnier, allocutivier

amendement

amendeur

amendementiste

amendementier

analyse

analyseur, analysateur

analyste

analyer

annonce

annonceur

annonciste

annoncier

aphorisme

aphorisateur

aphoriste

aphorier

Tab. 2 : Exemples de « dérivés » générés automatiquement à partir de noms d’idéalités

langue, allant même jusqu’au latin. Sans nous inscrire dans une théorie morphologique particulière, nous visons à rendre compte du lien morphosémantique que les locuteurs établissent entre deux unités : description a beau être un emprunt au latin descriptio (< describere), le sujet parlant met le nom en rapport avec le verbe décrire.

Des noms d’idéalités aux noms d’humains

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Le tableau qui suit donne le nombre de candidats obtenus de cette façon, répartis par suffixe : -eur

326

-ier

319

-iste

319

Total

964

Tab. 3 : Nombre de « dérivés » par suffixe

RECHERCHE D’OCCURRENCES À L’AIDE D’UN OUTIL D’EXTRACTION AUTOMATIQUE Sur ces 964 candidats, nous avons appliqué WaliM, qui est un outil d’extraction à partir du Web développé par F. Namer (voir Namer 2003). WaliM procède à des requêtes sur la toile via le moteur de recherche Bing. Certes, ce dernier a un niveau d’indexation du Web assez faible par rapport à Google ou à Yahoo, mais il nous a permis d’obtenir des résultats à la fois nombreux et intéressants. Pour cibler au mieux notre requête, nous avons fait précéder Xier et Xeur de l’article un pour éviter le trop grand nombre de réponses où Xier est interprété comme un verbe, et Xeur comme un adjectif. Cette contrainte n’a pas été introduite pour Xiste, ce qui a donné comme résultats à la fois des adjectifs et des noms, de nombreux dérivés en -iste présentant, pour des raisons évidentes, les deux types de fonctionnement. Le tri de ces occurrences a donc dû être fait manuellement. Le tableau qui suit donne le nombre total de résultats obtenus à partir des 964 formes candidates, répartis par suffixe et compte tenu des contraintes mentionnées. Il s’agit de l’ensemble des occurrences des candidats attestés sur internet. Forme du candidat

Nombre d’occurrences attestées

un Xeur

11461

un Xier

1367

Xiste

10895

Total

23723

Tab. 4 : Nombre total d’occurrences par suffixe

Il va de soi que certaines formes générées automatiquement (ex. aireur ou aphorier) n’ont pas été trouvées, comme on le verra ci-dessous (tableau 5).

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3.1.2. Tri des données Tous ces résultats ne sont cependant pas pertinents pour notre étude, ce qui nous a amenés à en éliminer 37,6 % en termes d’occurrences (et non en termes de lexèmes), et ce, pour des raisons très diverses : a) Problème de filtrage des sources L’outil d’extraction automatique n’a pas permis de filtrer :



les mots étrangers : (16)



les calques ou les résultats de traductions automatiques, de l’anglais par exemple : (17)



contrat → contracteur (< contractor ‘entrepreneur’), arrêt ‘terme de bridge désignant une carte élevée’)

→ arrêteur (< stopper

les coquilles : (18)



chanson → chansoniste (angl.), loi → loiste (finnois), contrat → contratiste (esp.), mais aussi sermon → sermonier (ancien français)

conte → ce jeu contiste à… (au lieu de consiste) ; pari → un parier sulfurisé beurré (au lieu de papier) ; mot → motier (au lieu de mortier)

les noms dont les seules attestations se trouvent dans des listes de mots se présentant comme des dictionnaires en ligne, mais qui de fait ne sont pas attestés : (19)

algorithmie (cf. Lar. 20 e ), algorithmique, algorithmiste (cf. Lar. encyclop.)

b) Marge d’erreurs inhérente au logiciel Pour tolérer au mieux les irrégularités morpho-phonologiques, le logiciel d’extraction prévoit une marge d’erreurs. Il relève dès lors non seulement les occurrences rigoureusement identiques à la forme recherchée, mais autorise de légères divergences du point de vue formel, qui peuvent produire des résultats totalement non pertinents, tels que des noms en –isme pour une requête en –iste : (20) base création roman syllogisme film ode

→ → → → →

requête créationniste romantiste syllogiste filmiste odiste

Résultat Créationnisme Romantisme Syllogisme Filmsite modiste

c) Dérivation à partir d’une base erronée Certains dérivés sont formés sur des mots formellement proches, mais sémantiquement sans rapport avec le NId de base :

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Des noms d’idéalités aux noms d’humains (21) base arrêté cours air série ode

→ → → → →

résultat arrêtier/arêtier7 coursier airiste (plein-airiste) serriste8 odiste9

« vraie » base arête course plein-air serre Audi

d) Dérivation à partir d’une acception non-idéale D’autres dérivés sont créés à partir de la bonne base du point de vue formel, mais prise dans une acception non-idéale. Ainsi avons-nous intégré dans la liste des NId : –

le terme toile au sens de « peinture », alors que les occurrences relevées de toiliste renvoient au métier lié à la couture et la mode : (22)

– –

le terme buste au sens de « représentation sculptée de la tête et du haut du torse », tandis que le dérivé relevé bustier dénote le sous-vêtement féminin ; les termes cercle et triangle en tant que figures géométriques et non en tant qu’objets concrets (cercle de tonneau ou instrument de musique) : (23) (24)



Note burlesque : l’argumentiste Barthes qui a toujours le questionnement pour rire, questionne dans le Monde du 18 septembre 1975.

le nom quintette au sens de « œuvre musicale composée pour cinq instruments » et non de « ensemble de cinq musiciens », ce qui nous a amenés à rejeter l’occurrence suivante où le NH quintettiste renvoie au membre d’un quintette : (27)

7 8 9

Les numéros deux du FN (4/4) : Louis Aliot, le mariniste.

le nom d’idéalité argument, alors que le NH argumentiste est dérivé d’un nom propre, le titre de la revue Arguments : (26)



un tonnelier, Pierre Brossaud et un cerclier dénommé Chaineau. Bonjour ! je m'appelle Hippolytus, je suis triangliste dans un groupe.

le terme marine en tant que « peinture dont le sujet est la mer », alors que les résultats obtenus sont dérivés du nom propre Marine Le Pen et désignent les partisans du Front National « Mouvement Bleu Marine » : (25)



Je propose ma candidature pour un poste de modéliste toiliste féminin-masculin en free-lance

Les nuances du soliste ne sauraient être de la même dynamique que celles du quintettiste.

‘Pièce de charpente formant l'encoignure d'un comble’ (TLFi). ‘Spécialiste de la culture en serres’ (TLFi). ‘Amateur de voitures de la marque Audi’.

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e) Faux dérivés On trouve aussi en sortie des mots non construits, qui par une simple coïncidence, se terminent en -ier, -eur ou -iste. Ainsi le terme chant a-t-il donné lieu au relevé des contextes comportant le nom chantier. Face à ces nombreuses données et pour sélectionner les résultats « pertinents », nous avons procédé à un tri en éliminant toutes les attestations qui relèvent d’un des cinq cas de figure ci-dessus mentionnés. Cela nous a permis d’isoler les cas pour lesquels il est possible d’observer un lien morphosémantique au sens large entre le NId et le dérivé ou, plus précisément, entre le sens idéal de la base et le dérivé. Ce lien peut aussi être établi par le biais d’un verbe apparenté, si tant est qu’il en existe un. On constate en effet que, surtout pour les dérivés en –eur, lorsqu’il y a un verbe correspondant, on tend à interpréter le NH plutôt comme dérivé du verbe que du nom, même s’il n’est pas toujours possible de trancher : (28)

analyse – analyser – analyseur annonce – annoncer – annonceur compliment – complimenter – complimenteur

Le tableau qui suit donne la bipartition entre les résultats rejetés et les résultats « pertinents »10 : Ensemble des résultats occurrences un Xeur un Xier Xiste Total

lexèmes

Résultats éliminés occurrences

lexèmes

Résultats pertinents occurrences

lexèmes

11461

177

4913

61

6548

116

1367

44

1069

25

298

19

10895

141

2929

37

7966

104

23723

362

8911

123

14812

239

Tab. 5 : Nombre de résultats par suffixe11

Dorénavant, seuls les dérivés nominaux obtenus à partir du sens idéal des noms bases seront pris en compte.

10 Parmi les résultats pertinents, il subsiste 63 lexèmes adjectivaux à cause, d’une part, de l’absence de l’article un devant les requêtes en Xiste, ce qui donne, par exemple, texte > textiste (adj), traduction > traductionniste (adj), et, d’autre part, de la difficulté à départager les deux catégories dans certains contextes attributifs (ex. il est prévisionniste). Certains de ces lexèmes, au nombre de 25, connaissent également des emplois nominaux. 11 Notons le problème que posent les multiples attestations d’une même occurrence relevées sur différents sites. Ainsi le même exemple du NH refrainiste a-t-il été relevé – et par conséquent comptabilisé – 15 fois.

Des noms d’idéalités aux noms d’humains

191

3.1.3. Analyse des noms dérivés en rapport avec les NId L’étape suivante consiste à faire une analyse qualitative des noms dérivés afin de voir dans quelle mesure ils correspondent à des NH créateurs d’idéalités. Précisons que l’existence d’un lien morphosémantique entre le NId et le dérivé ne garantit en rien l’obtention d’un NH. C’est ainsi que nous avons trouvé 44 noms qui ne renvoient pas à un humain, par exemple : (29)

analyse > analyseur, avertissement > avertisseur (noms d’instrument) légende > légendier, poème > poémier (recueils)

et 204 NH, dont voici l’inventaire : (30) accordiste, affirmateur, affirmationniste, algorithmeur, allocuteur, analyste, annonceur, annoncier, aphoriste, applicateur, appréciateur, approbateur, aquarelliste, argumentateur, argumenteur, arrêtiste, arrêteur, articlier, bailleur, balladier, balladiste, calculeur, calculiste, cerclier, cercleur, cercleux, chansonnier, chansoniste, chansonneur, chanteur, chantiste, circulariste, commandeur, complimenteur, concesseur, concessionneur, condamneur, conférencier, conseiller, conseilleur, conteur, contier, conventionneur, correcteur, correctionneur, cotateur, coteur, créateur, créativiste, créationniste, créeur, critique, critiqueur, criticiste, décisionniste, déclarateur, décrétiste, dédicaceur, déducteur, défieur, demandeur, dénonciateur, dénonceur, déplorateur, descripteur, descriptiviste, descriptionniste, dessinateur, dessineur, dessiniste, diagnostiqueur, dialoguiste, dialogueur, dictionnariste, documentariste, élogiste, énonceur, équationniste, évaluateur, évalueur, examinateur, excommunicateur, excuseur, exhorteur, exhortateur, explicateur, expliqueur, explicationniste, expressionniste, fabuliste, fablier, fabliste, fableur, fictionniste, fictionneur, figuriniste, filmeur, fonctionnaliste, fresquiste, fresqueur, garantisseur, garantiste, gravuriste, hymniste, hypothésiste, icôniste, illustrateur, illustrationniste, illustreur, interprétateur, inventeur, journaliste, jugeur, légendeur, lettreur, libelliste, livrier, louangeur, mélodiste, menteur, mesureur, monologuiste, monologueur, mythiste, narrateur, narrativiste, nombrier, nominateur, notateur, noteur, notier, notiste, nouvelliste, nouvellier, opériste, ordonnanceur, pactiste, panégyriste, parieur, périodiste, périodiciste, photiste, phraseur, théâtriste, plain-chantiste, poémiste, poémeur, poésiste, portraitiste, postulateur, prévisionniste, proclamateur, proclameur, projetiste, projeteur, projetteur, promulgateur, proposeur, propositeur, protestationniste, protestateur, proverbiste, proverbeur, provocateur, publiciste, quintettiste, rapporteur, réalisateur, réaliseur, récapitulateur, récitateur, réciteur, refrainiste, remarqueur, remercieur, répliqueur, résolutionniste, résumiste, résumeur, retablier, retabliste, révélationniste, revendicateur, révocateur, revuiste, romancier, saisiste, sculptureur, sermonneur, sloganiste, solliciteur, souhaiteur, supputateur, syllogiste, symphoniste, titreur, traducteur, tragédiste, trouvailleur, trouvailliste, vaudevilliste, vitrailliste, vitrailleur, antiwesterniste

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Nelly Flaux, Véronique Lagae, Dejan Stosic

Ces 204 NH ont été formés à partir de 147 NId (dans leur acception idéale), ce qui représente 59,7% de notre échantillon : (31) accord, affirmation, algorithme, allocution, analyse, annonce, aphorisme, application, appréciation, approbation, aquarelle, argument, argumentation, arrêt, article, bail, ballade, calcul, cercle, chanson, chant, circulaire, commandement, compliment, concession, condamnation, conférence, conseil, conte, convention, correction, cotation, création, critique, décision, déclaration, décret, dédicace, déduction, défi, demande, dénonciation, déploration, description, dessin, diagnostic, dialogue, dictionnaire, documentaire, éloge, énoncé, équation, évaluation, examen, excommunication, excuse, exhortation, explication, expression, fable, fiction, figurine, film, fonction, fresque, garantie, gravure, hymne, hypothèse, icône, illustration, interprétation, invention, journal, jugement, légende, lettre, libellé, livre, louange, mélodie, mensonge, mesure, monologue, mythe, narration, nombre, nomination, notation, note, nouvelle, opéra, ordonnance, pacte, panégyrique, pari, périodique, photo, phrase, pièce de théâtre, plain-chant, poème, poésie, portrait, postulat, prévision, proclamation, projet, promulgation, proposition, protestation, proverbe, provocation, publicité, quintette, rapport, réalisation, récapitulation, récit, refrain, remarque, remerciement, réplique, résolution, résumé, retable, révélation, revendication, révocation, revue, roman, saisie, sculpture, sermon, slogan, sollicitation, souhait, supputation, syllogisme, symphonie, titre, traduction, tragédie, trouvaille, vaudeville, vitrail, western

CRÉATEURS Tout en étant en rapport morphosémantique avec le sens idéal de la base, les NH figurant en ((30) ne renvoient cependant pas tous à des créateurs d’idéalités. Tel est le cas des : – – – – –

NH agents (au sens large) : bailleur, concesseur, donateur, examinateur ; NH partisans d’un mouvement ou d’une doctrine : créationniste, lettriste12, mythiste13, pactiste14 ; NH de profession : applicateur, approbateur, correcteur, dialogueur, prévisionniste15 ; NH interprètes : chanteur, récitateur ; NH bénéficiaires : concessionneur16.

La question qui se pose à cette étape de l’analyse est celle de la définition des NHC : qu’est-ce qu’un « créateur d’idéalité » ? Nous entendons par « créateur d’idéalité » : celui qui est à l’origine de l’existence d’un objet idéal. Il est évident qu’en tant qu’instances créatives, les humains auteurs des idéalités sont suscep-

12 ‘Partisan du lettrisme, école littéraire d’avant-garde’. 13 ‘Partisan des thèses mythistes, qui considèrent Jésus de Nazareth plutôt comme un personnage mythique que comme un personnage historique’. 14 ‘Partisan du pactisme, conception du pouvoir royal en Aragon médiéval comme étant limité par des pactes’. 15 Applicateur et correcteur renvoient également à des instruments ; dialogueur peut être un objet (un panneau d’affichage). 16 Ce nom est utilisé avec la valeur de concessionnaire.

Des noms d’idéalités aux noms d’humains

193

tibles d’être qualifiés d’agents. En suivant Melis (1983, 62), on peut dire que l’agent correspond à l’entité impliquée dans un procès comme instance de contrôle et/ou instance de réalisation. Ce qui est important pour notre propos, c’est le pouvoir d’initiative et de contrôle exercé par l’agent dans la réalisation de l’action, la visée de celle-ci pouvant être variée. Sans pouvoir entrer ici dans les détails de la très vaste question de l’agentivité et en simplifiant à l’extrême, nous considérons que les humains créateurs sont un type très particulier d’agents, qui se singularise par la nature nécessairement idéale du résultat de leur activité. Il est important de préciser que l’agentivité peut être envisagée à deux niveaux distincts : syntaxique et lexical. Ainsi, dans l’exemple ((32), on peut parler à la fois d’agentivité « syntaxique », définie par rapport au prédicat verbal, et d’agentivité « lexicale » inhérente au nom danseur. En ((33), à cause de la présence du prédicat statif être beau, seule apparaît l’agentivité « lexicale » : (32) (33)

Le danseur se promène dans la ville. Le danseur est beau.

De nombreuses études se situant à l’interface entre la syntaxe et la sémantique ont été consacrées à l’agentivité « syntaxique » (cf. Cruse 1973, Melis 1983, Rappaport Hovav/ Levin 1992), alors que d’autres travaux se sont intéressés – à travers l’étude des suffixes dits « agentifs » – à l’agentivité inscrite au niveau lexical (voir, entre autres, Anscombre 2001, 2003, Cartoni/ Namer 2012, Roy/ Soare 2012, Tribout/ Ligozat/ Bernhard 2012). C’est cette dernière perspective que nous adoptons ici. En nous appuyant sur la définition ci-dessus, nous avons répertorié dans les résultats obtenus par extraction automatique 148 NH dénotant véritablement des créateurs d’idéalités : (34) affirmateur, algorithmeur, analyste, annonceur, annoncier, aphoriste, appréciateur, approbateur, aquarelliste, argumentateur, argumenteur, articlier, balladier, balladiste, chansonnier, chansoniste, chansonneur, complimenteur, condamneur, conférencier, conseiller, conseilleur, conteur, contier, créateur, créativiste, créeur, critique, critiqueur, déclarateur, dédicaceur, demandeur, dénonciateur, dénonceur, déplorateur, descripteur, dessinateur, dessineur, dessiniste, diagnostiqueur, dialoguiste, dialogueur, dictionnariste, documentariste, élogiste, énonceur, évaluateur, évalueur, excommunicateur, excuseur, exhorteur, exhortateur, explicateur, expliqueur, fabuliste, fablier, fabliste, fableur, fictionniste, fictionneur, figuriniste, filmeur, fresquiste, fresqueur, gravuriste, hymniste, hypothésiste, icôniste, illustrateur, illustrationniste, illustreur, interprétateur, inventeur, journaliste, jugeur, légendeur, lettreur, libelliste, livrier, louangeur, mélodiste, menteur, monologuiste, monologueur, narrateur, notateur, noteur, notiste, nouvelliste, nouvellier, opériste, panégyriste, parieur, périodiste, photiste, phraseur, théâtriste, plainchantiste, poémiste, poémeur, poésiste, portraitiste, prévisionniste, proclamateur, proclameur, projetiste, projeteur, projetteur, proposeur, propositeur, protestationniste, protestateur, proverbiste, proverbeur, provocateur, publiciste, quintettiste, rapporteur, réalisateur, réaliseur, récapitulateur, refrainiste, remarqueur, remercieur, répliqueur, résumiste, résumeur, retablier, retabliste, revendicateur, revuiste, romancier, sculptureur, sermonneur, sloganiste, solliciteur, souhaiteur, supputateur, syllogiste, symphoniste, titreur, traducteur, tragédiste, trouvailleur, trouvailliste, vaudevilliste, vitrailliste, vitrailleur

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Nelly Flaux, Véronique Lagae, Dejan Stosic

Incontestablement, cette méthode nous a fait découvrir des NH, en rapport avec les NId, ne faisant pas partie de notre compétence langagière. Elle a également confirmé l’attestation de divers cas dont l’acceptabilité nous semblait a priori douteuse.

3.2. Introspection et dictionnaires Vu les contraintes formelles imposées au départ, il est évident qu’un certain nombre de NHC en lien avec les NId ont échappé à cette méthode de repérage. On peut citer : – –





d’autres noms formés avec les trois suffixes -eur, -iste et -ier, comme adageur ; novelliste ; phrasier les noms dont la formation ne suit pas le modèle dérivationnel en français et qui n’ont donc pas été générés automatiquement : abréviateur (abrégé), bénisseur (bénédiction), législateur (loi) les noms formés avec d’autres suffixes que nous n’avons pas encore pris en compte, surtout –aire et –ant : légendaire, protestataire, statuaire ; déclarant, plaignant, répondant les noms (très rares) formés par composition comme hymnographe, photographe17.

C’est la raison pour laquelle nous avons eu recours à une approche complémentaire. Partant de la même liste de NId (légèrement aménagée et augmentée de 7 unités), nous avons utilisé plusieurs sources afin de compléter le relevé des NHC obtenu par l’extraction automatique, cf. ((34). C’est ainsi que nous avons recherché de façon systématique les NHC dérivés des 253 NId dans le TLFi, en retenant aussi bien les noms figurant dans une entrée (ex. conteur) que ceux qui apparaissent seulement en remarque dans une autre entrée (ex. contier, dans l’article conteur). Cet inventaire a été complété par : – – –

des noms qui appartiennent à notre compétence : décideur des trouvailles occasionnelles : bédéiseur, westerniste des recherches lancées sur Google sur la base de nos intuitions : adageur, statuettiste, téléfilmeur

Il résulte de la combinaison de ces approches que les différentes sources sont complémentaires et permettent de diversifier les résultats. Ainsi, avons-nous comptabilisé :

17 S’y ajoutent d’autres cas (ex. lettre/épistolier) que nous n’avons pas pris en compte à cause de l’absence de lien morphologique et/ou étymologique avec le NId.

Des noms d’idéalités aux noms d’humains

195

1er 70 NHC qui ne sont pas répertoriés dans le TLFi mais qui ont été relevés par l’outil d’extraction WaliM : (35)

(36) (37)

(38) (39) (40)

Dans l’actualité du métier, on découvre qu’un algorithmeur a conçu un dispositif sémantique des messages qui permet de repérer sur Twitter les personnes qui vont voyager dans une ville. Les hôteliers peuvent donc leur faire directement des propositions. Anne-Marie Bigot, dame Cornuel, née en 1605 et morte en 1694, était une célèbre femme d'esprit, aphoriste et précieuse française. Avec les années 1890 apparaissent les sentiments nationalistes qui donnent aux écrivains plus de confiance en leur talent, sans toutefois extirper totalement le complexe d'infériorité des « coloniaux » à l'égard de la métropole : ainsi chez William Pember Reeves (la Longue Nuée blanche, 1898) et la « balladiste » Jessie Mackay (Terre du matin, 1909). "La parole est d'argent mais le silence est d'or" aime à répéter mon nouveau proverbiste hébreu. Il participa aux chantiers de son père qui était un retablier renommé de la région nantaise. Notre président tel un sermonneur s’indigne dans de magnifique envolé [sic] gestuelles

2e 46 NHC qui ont échappé à WaliM pour des raisons diverses (cf. 3.1.3), mais qui sont présents dans le TLFi (abréviateur, conseil, dramaturge, grisailleur, légendaire, phrasier, sculpteur, etc.) : (41) (42) (43)

Après ce grand grisailleur18 douloureux, Géricault, il y a eu un homme, tiens! Delacroix (Goncourt, TLFi) Certes (…) le savant rationaliste trouve les légendaires19 du moyen âge crédules et superstitieux auprès de Lucrèce ou d'Évhémère. (Renan, TLFi) L'homme de lettres réduit à son expression pure est l'écrivain public, sorte de commis-phrasier20 aux gages de tout le monde, et dont la variété la plus connue est le journaliste (Proudhon, TLFi)

3e 12 NHC qui n’ont été relevés ni par WaliM ni dans le TLFi, mais ont été trouvés par d’autres moyens (par intuition, sur Google) : (44) (45) (46)

(47)

Gob-Croqueur, Bédéiseur et Illustrationniste, et c'est déjà pas mal! (Internet) Le bédéiste Jean Giraud, dit Moebius, s'est éteint. (Internet) Des dédicaceurs au Salon Maçonnique du Livre de Lille 2011. Quels auteurs seront présents au 3e Salon Maçonnique du Livre et de la Culture à Lille-Ronchin les 26 et 27 mars 2011 pour dédicacer leur œuvre ? (Internet) Marc Malès, westerniste aussi. (Internet)

Comme cela a déjà été souligné par de nombreux chercheurs, allier une démarche assistée par les outils de TAL et l’approche introspective présente un intérêt incontestable pour les études lexicales (cf. entre autres, Plénat 2000, Taylor 2012). 18 ‘Peintre de grisailles’. 19 ‘Auteur de légendes’. 20 ‘Celui qui construit des phrases’.

196

Nelly Flaux, Véronique Lagae, Dejan Stosic

4. DISCUSSION DES RÉSULTATS A l’issue de ce travail de recherches de paires lexicales NId/NHC, nous avons établi une liste de 206 NHC : (48) abréviateur, adageur, affirmant, affirmateur, algorithmeur, analysateur, analyseur, analyste, annonceur, annonciateur, annoncier, aphoriste, appréciateur, approbateur, aquarelliste, argumentant, argumentateur, argumenteur, articlier, avertisseur, balladier, balladiste, bandedessiniste, bédéiseur, bédéiste, bénisseur, calculateur, chansonnier, chansoniste, chansonneur, chantre, complimenteur, condamneur, conférencier, conseil, conseiller, conseilleur, conteur, contier, contiste, créateur, créativiste, créeur, critique, critiqueur, déclarant, déclarateur, dédicaceur, définisseur, demandeur, démissionnaire, dénonciateur, dénonceur, déplorateur, descripteur, dessinateur, dessineur, dessiniste, diagnostiqueur, dialoguiste, dialogueur, dictionnariste, documentariste, dramaturge, élogiste, énonciateur, énonceur, estimateur, évaluateur, évalueur, excommunicateur, excuseur, exhorteur, exhortateur, explicateur, expliqueur, fabuliste, fablier, fabliste, fableur, fabulariste, fabulateur, fantastiqueur, fictionniste, fictionneur, figuriniste, filmeur, fresquiste, fresqueur, graveur, gravuriste, grisailleur, hymniste, hymnographe, hypothésiste, icôniste, illustrateur, illustrationniste, illustreur, interprétateur, inventeur, journaliste, juge, jugeur, légendaire, légendeur, législateur, lettreur, libelliste, livrier, louangeur, mariniste, mélodiste, mélodramaturge, menteur, monologuiste, monologueur, narrateur, notateur, noteur, notiste, nouvelliste, nouvellier, novéliste/novelliste, opériste, panégyriste, parieur, peplumiste, périodiste, photographe, photiste, phraseur, phrasier, plain-chantiste, plaignant, poémiste, poémeur, poésiste, poète, portraitiste, prévisionniste, proclamateur, proclameur, projetiste, projeteur, projetteur, prometteur, proposeur, propositeur, protestataire, protestateur, protestationniste, proverbiste, proverbeur, provocateur, publiciste, publicitaire, quintettiste, rapporteur, réalisateur, réaliseur, récapitulateur, recommandant, refrainiste, réglementeur, remarqueur, remercieur, répliqueur, répondant, résolutionniste, résumiste, résumeur, retablier, retabliste, révélateur, revendicateur, revuiste, romancier, sculpteur, sculptureur, sermonnaire, sermonneur, sloganiste, soap-opériste, solliciteur, souhaiteur, statuaire, statuettiste, supputateur, syllogiste, symphoniste, téléfilmeur, témoin, testataire, testateur, théâtriste, titreur, traducteur, tragédiste, trouvailleur, trouvailliste, trouveur, vaudevilliste, vitrailliste, vitrailleur, westerniste

La première observation qui s’impose est relative au fonctionnement sémantique de ces noms. Il est en effet possible de distinguer parmi eux ceux qui dénotent exclusivement les créateurs (dédicaceur, descripteur, symphoniste) et d’autres qui connaissent des extensions d’emploi qui leur permettent de désigner une profession, une fonction institutionnelle (juridique ou administrative) ou un rôle d’interprète. Ainsi, les dérivés conseiller, créateur, dessinateur, diagnostiqueur, vitrailliste renvoient à celui qui est à l’origine d’un conseil, d’une création, d’un dessin, etc. et/ou à celui dont la profession consiste à donner des conseils, réaliser des créations, faire des dessins, etc. (49) (50)

Impossible de gérer ou d'estimer un bien sans faire appel à un diagnostiqueur, désormais acteur à part entière du secteur immobilier. Le vitrailliste fabrique le vitrail et le pose.

Des noms d’idéalités aux noms d’humains

197

Un cas analogue est celui des noms rapporteur et plaignant qui réfèrent certes à l’auteur d’un rapport administratif ou à celui d’une plainte en justice, mais en tant qu’ils sont chargés d’une fonction spécifique dans un cadre institutionnel. La fonction telle que nous l’envisageons ici s’oppose donc à la profession par son caractère ponctuel. (51) (52)

Une confrontation entre les prévenus et le plaignant aura lieu la semaine prochaine (Le Figaro, TLFi) Vous devez communiquer votre manuscrit au directeur-adjoint de l'ED, et lui suggérer en accord avec votre directeur de thèse plusieurs rapporteurs possibles.

Les NHC comme conteur, monologuiste, théâtriste présentent la particularité de pouvoir désigner l’auteur d’un conte, d’un monologue, l’auteur-interprète ou l’interprète seulement, auquel cas il ne s’agit plus d’un créateur : (53) (54)

Il fut le premier grand monologuiste de la télévision québécoise. j'ai : 17 ans je suis une theatriste et chonteuse professionnel [sic]

Mentionnons enfin le cas très spécifique de nombreux NH dérivés à partir des NId illocutoires comme affirmateur, approbateur, dénonciateur, excuseur, demandeur, proclamateur, protestataire, répondant, etc. Le processus de création correspond à la production même d’un acte de langage dont le résultat est une idéalité (affirmation, excuse, demande, etc.). (55)

(56)

C’est la raison pour laquelle Nietzsche se veut fondamentalement un affirmateur, et s’efforce de construire une position caractérisée par la neutralisation des sentiments paralysants, autodestructeurs, nihilistes au sens négatif Le petit Latino avait un casier judiciaire ; c’est certainement pas parce qu’il jouait au billes, comme le clamait naïvement un excuseur public de votre acabit sur ce blogue.

Le créateur coïncide alors avec l’énonciateur. La deuxième observation à propos de la liste des NHC en 46 concerne le rapport quantitatif entre NId et NHC. Il apparaît en effet que 55,7% des NId (soit 141/253) ont un correspondant dans la classe des NHC :

198

Nelly Flaux, Véronique Lagae, Dejan Stosic (57)

abrégé, adage, affirmation, algorithme, analyse, annonce, aphorisme, appréciation, approbation, aquarelle, argument, argumentation, article, avertissement, ballade, bande-dessinée, bédé, bénédiction, calcul, chanson, chant, compliment, condamnation, conférence, conseil, conte, création, critique, déclaration, dédicace, définition, demande, démission, dénonciation, déploration, description, dessin, diagnostic, dialogue, dictionnaire, documentaire, drame, éloge, énoncé, estimation, évaluation, excommunication, excuse, exhortation, explication, fable, fantastique, fiction, figurine, film, fresque, gravure, grisaille, hymne, hypothèse, icône, illustration, interprétation, invention, journal, jugement, légende, lettre, libellé, livre, loi, louange, marine, mélodie, mélodrame, mensonge, monologue, narration, notation, note, nouvelle, opéra, panégyrique, pari, péplum, périodique, photo, phrase, pièce de théâtre, plain-chant, plainte, poème, portrait, prévision, proclamation, projet, promesse, proposition, protestation, proverbe, provocation, publicité, quintette, rapport, réalisation, récapitulation, recommandation, refrain, règlement, remarque, remerciement, réplique, réponse, résolution, résumé, retable, révélation, revendication, revue, roman, sculpture, sermon, slogan, soap-opera, sollicitation, souhait, statue, statuette, supputation, syllogisme, symphonie, téléfilm, témoignage, testament, titre, traduction, tragédie, trouvaille, vaudeville, vitrail, western

Les autres NId – au nombre de 112 – n’ont pas de correspondant NHC : (58) acceptation, accord, acquittement, actes (de colloque), air, allocution, amendement, application, arabesque, arrêt, arrêté, axiome, bail, bas-relief, berceuse, buste, cantate, cantique, caractérisation, cercle, chansonnette, chapiteau, circulaire, classement, commandement, complainte, comptine, concerto, concession, constitution, contrat, contremandement, convention, correction, cotation, cours, création, décision, découverte, décret, déduction, défi, désignation, dictée, discours, donation, édit, épopée, équation, examen, exposé, expression, fonction, formule, garantie, intitulé, lexème, locution, malédiction, mensuel, mention, mesure, morphème, mot, mythe, nombre, nomination, ode, oraison, oratorio, ordonnance, ordre, pacte, panneau, phonème, polyptique, postulat, précepte, prédelle, prière, promulgation, propos, quatuor, récitatif, récit, rectangle, règle, renvoi, requiem, résolution, révocation, romance, sacrement, saisie, sentence, série, serment, signification, sonate, suggestion, supplique, syntagme, tableau, texte, théorème, toile, tournure, traité, triangle, trio, verdict, vœu

La question qui se pose au vu de ces résultats est celle des raisons possibles des lacunes observées. Afin d’apporter des éléments de réponse il nous a paru intéressant d’examiner si tous les types de NId se prêtent au même degré à la dérivation des NHC. En reprenant le classement des NId proposé dans le tableau 1 ci-dessus et en le confrontant à l’ensemble des NHC relevés, nous avons de fait constaté que les différents types de NId servent de base aux NHC dans des proportions très variables.

199

Des noms d’idéalités aux noms d’humains Type de NId

non

non %

Praxématique (classement)

oui

oui %

total

2

33,33%

4

66,67%

6

Discursive (discours)

18

35,29%

33

64,71%

51

Esthétique (sonate)

29

36,71%

50

63,29%

79

Pragmatique (ordre)

40

49,39%

41

50,61%

81

Logique (théorème)

5

62,50%

3

37,50%

8

Mathématique (nombre)

7

77,78%

2

22,22%

9

Symbolique (mot)

8

100%

/

0,00%

8

Tab. 6 : Sous-classes de NId et leur propension à donner lieu à des NHC

Ce qui se dégage nettement – même si nos données sont assez limitées pour certaines sous-classes – c’est qu’à la différence des NId liées, les NId libres (symboliques, mathématiques et logiques) donnent rarement lieu à la dérivation de NHC. Les NId pragmatiques présentent une répartition équilibrée, alors que les NId discursifs et esthétiques sont plutôt de bonnes bases pour les NHC. En outre, en regardant chacune des classes, on note des disproportions importantes entre certaines sous-classes. Ainsi, si les NId pragmatiques semblent à première vue répartis de manière égale, seuls 19% des NId juridiques ont un NHC correspondant (ex. règlement > réglementeur), contre 67% pour les NId illocutoires (ex. demande > demandeur). On observe également des disparités au sein des NId esthétiques, comme l’illustre le tableau ci-dessous : NId esthétiques

non

non %

oui

oui%

Total

Généraux (création)

0

0%

2

100%

2

« Mixtes » (opéra, film)

1

8%

11

92%

12

Textes (poème)

3

20%

12

80%

15

Arts plastiques (peinture)

9

34%

18

66%

27

Musique (sonate)

15

64%

8

34%

23

Total

29

37%

50

63%

79

Tab. 7 : Sous-classes de NId esthétiques et leur propension à donner lieu à des NHC

Un premier ensemble de facteurs susceptibles d’expliquer les différences présentées dans les tableaux précédents est d’ordre extralinguistique. Par exemple, l’absence de NHC correspondant aux NId symboliques et mathématiques est probablement due à la particularité de leur genèse. Même si tout symbole est nécessairement créé par un individu ou un groupe d’individus à un moment donné – d’ailleurs difficile à situer avec précision –, son adoption par tout un groupe social est une condition sine qua non de son existence. Cette instance de validation, a priori anonyme car collective, est pour le moins aussi importante pour la création des idéalités symboliques que l’individu l’ayant élaboré et soumis à la société. Les idéalités mathématiques résultent, comme l’ont bien expliqué Husserl [1962

200

Nelly Flaux, Véronique Lagae, Dejan Stosic

(1939)], et Derrida (1962), d’une sorte de sédimentation de savoirs collectifs, souvent élaborés par plusieurs générations. Il va sans dire que, dans pareilles conditions, l’identification des créateurs des formes géométriques et des nombres est impossible. L’anonymat des auteurs intervient également dans le cas de certains autres NId : épopée, mythe, etc. Un autre facteur extralinguistique susceptible d’expliquer l’absence dans le lexique de NHC pour certains NId est le nombre potentiel d’idéalités qu’un humain peut créer compte tenu de leur nature. En effet, si un même individu peut écrire une trentaine, voire une centaine de romans – d’où la possibilité de le dénommer par le biais de ses productions mêmes en le qualifiant de romancier – rares sont ceux qui ont démontré une dizaine de théorèmes dans leur vie, d’où l’absence de besoin d’avoir un NHC correspondant. Par ailleurs, les créateurs « ponctuels » ou fortuits, i.e. dont l’activité créatrice ne s’inscrit pas dans la durée, ont rarement des dénominations : accord, arrêté, édit, supplique, verdict, etc. Dans le même ordre d’idées, le caractère plus ou moins répandu ou diffusé d’une forme de création artistique semble influencer l’inscription du nom de créateur correspondant dans le lexique. Cela peut sans doute expliquer le contraste entre chanson > chansonnier, chansoniste, chansonneur et cantate > Ø. Le tableau 7 montre en outre que les genres littéraires donnent plus couramment lieu à un NHC (fabuliste, nouvelliste, poète) que les genres musicaux (chansonnier, mélodiste, symphoniste), pour lesquels le nom générique de compositeur semble suffire dans la plupart des cas. D’autres facteurs à l’origine de lacunes relevées sont plutôt du ressort de la langue. Ainsi les NId composés (bas-relief, actes de colloque) donnent assez difficilement lieu à la dérivation d’un NHC, sans être toutefois totalement exclus puisqu’on trouve bande-dessinée > bande-dessiniste et plain-chant > plainchantiste. Ensuite, il est évident que la disponibilité, pour certains NId, de NHC non morphologiquement reliés bloque la création d’un dérivé correspondant : tableau-peintre. S’y ajoutent aussi les facteurs morpho-phonologiques ; il est en ce sens peu étonnant que ni le NId chapiteau ni le NId tableau n’aient donné de dérivé dans la classe des NHC. L’exemple de tableau montre par ailleurs que plusieurs facteurs de nature différente peuvent converger pour réduire la possibilité qu’un NHC soit créé.

5. CONCLUSION La première conclusion que l’on peut tirer de cette étude est que le travail sur corpus a sensiblement modifié notre intuition de départ selon laquelle le nombre des NH dénotant les auteurs des idéalités était relativement faible. Ensuite, la classe des NId s’est avérée une excellente entrée pour l’étude des NH, toute idéalité étant doublement tributaire des humains, à la fois dans leur rôle de créateurs et de récepteurs. Ainsi un échantillon de 253 NId nous a-t-il permis de répertorier 206 NH créateurs (cf. (48). L’absence de NHC correspondant à certains NId nous a amenés à proposer un certain nombre d’hypothèses permettant de rendre compte

Des noms d’idéalités aux noms d’humains

201

des lacunes lexicales mises au jour. Ces dernières s’expliquent par différents paramètres d’ordre linguistique et extralinguistique, parmi lesquels l’appartenance du NId à telle ou telle classe semble jouer un rôle déterminant. Au-delà des résultats obtenus, ce travail ouvre plusieurs pistes de recherche susceptibles de contribuer à la description de la classe générale des NH. Dans le prolongement de cette étude, il serait intéressant de mieux cerner la spécificité des agents créateurs, et ceci de plusieurs points de vue : –

– –

en étudiant les propriétés syntaxiques et sémantiques des NH créateurs d’idéalités, par exemple leurs possibilités de combinaison avec les NId : j’ai vu le traducteur de ce livre/ *j’ai vu le romancier de ce livre ; en examinant le rôle et le fonctionnement des NH créateurs génériques : auteur, créateur, artiste, inventeur, écrivain, compositeur, etc. ; en établissant une typologie au sein de la classe des agents créateurs. En effet, une différence importante semble exister entre « créer » (un tableau, une sonate, un roman), « découvrir » (un théorème, une loi physique) et « inventer » (une formule, une théorie). C’est la raison pour laquelle deux individus peuvent être chacun et indépendamment à l’origine d’un théorème donné, mais que deux écrivains ne peuvent écrire le même roman, ni deux musiciens composer la même sonate.

Il est enfin possible d’envisager plusieurs applications des résultats de ce travail descriptif allant de la simple indexation des NH créateurs dans les dictionnaires à l’élaboration de listes susceptibles d’être intégrées dans différents outils d’annotation automatique de corpus ou d’extraction automatique d’informations.

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LISTE DES AUTEURS Fabienne H. Baider Associate Professor, University of Cyprus Department of French Studies and Modern Languages Po Box 20537 CY - 1678 Nicosia Nelly Flaux 1, rue Gay Lussac F - 59110 La Madeleine Véronique Lagae Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis Faculté des Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines Le Mont Houy F - 59313 Valenciennes cedex 9 Wiltrud Mihatsch Romanisches Seminar Bâtiment GB 8/ 133 Ruhr-Universität Bochum Universitätsstraße 150 D - 44780 Bochum Vassil Mostrov Faculté des Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines Bâtiment MATISSE (FLLASH) Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis (UVHC) Le Mont Houy F - 59313 Valenciennes Cedex 9 Catherine Schnedecker Faculté des Lettres 14 rue Descartes F - 67084 Strasbourg Cedex Dejan Stosic CLLE-ERSS Maison de la Recherche Université de Toulouse II-Le Mirail 5, allées Antonio Machado F - 31058 Toulouse Cedex 9

z e i t s c h r i f t f ü r f r a n z ö s i s c h e s p r ac h e u n d l i t e r at u r



beihefte

Neue Folge Nach Peter Blumenthal und Klaus W. Hempfer herausgegeben von Guido Mensching und Ulrike Schneider. Franz Steiner Verlag

ISSN 0341–0811

26. Ulrike Schneider Der poetische Aphorismus bei Edmond Jabès, Henri Michaux und René Char Zu Grundfragen einer Poetik 1998. 368 S., kt. ISBN 978-3-515-07332-5 27. Klaus W. Hempfer (Hg.) Jenseits der Mimesis Parnassische transposition d’art und der Paradigmenwandel in der Lyrik des 19. Jahrhunderts 2000. 171 S., kt. ISBN 978-3-515-07678-4 28. Franz Penzenstadler Romantische Lyrik und klassiszistische Tradition Ode und Elegie in der französischen Romantik 2000. II, 353 S., kt. ISBN 978-3-515-07315-8 29. Klaus Dirscherl (Hg.) Deutschland und Frankreich im Dialog 2001. 97 S. mit 6 Abb., kt. ISBN 978-3-515-07738-5 30. Lene Schøsler (Hg.) La valence, perspectives romanes et diachroniques Actes du colloque international tenu à l’Institut d’Etudes Romanes à Copenhague, du 19 au 20 mars 1999 2001. 131 S., kt. ISBN 978-3-515-07825-2 31. Anne Hofmann Parnassische Theoriebildung und romantische Tradition Mimesis im Fokus der ästhetischen Diskussion und die ,Konkurrenz‘ der Paradigmen in der zweiten Hälfte des 19. Jahrhunderts. Ein Beitrag zur Bestimmung des Parnasse-Begriffs aus dem Selbstverständnis der Epoche

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2001. 339 S., kt. ISBN 978-3-515-07697-5 Ekkehard Eggs (Hg.) Topoï, discours, arguments 2002. 111 S., kt. ISBN 978-3-515-07959-4 Michael Cuntz Der göttliche Autor Apologie, Prophetie und Simulation in Texten Pascals 2004. VII, 251 S., kt. ISBN 978-3-515-08105-4 Pierre Kunstmann / Achim Stein (Hg.) Le Nouveau Corpus d’Amsterdam Actes de l’atelier de Lauterbad, 23–26 février 2006 2007. 200 S. mit 30 Abb. und zahlr. Tab., kt. ISBN 978-3-515-08997-5 Pierre Frath (Hg.) Dénomination, phraséologie et référence 2008. 120 S. mit 5 Graph., kt. ISBN 978-3-515-09196-1 Peter Blumenthal / Salah Mejri (Hg.) Les séquences figées Entre langue et discours 2008. 194 S. mit 6 Diagrammen, kt. ISBN 978-3-515-09252-4 Peter Blumenthal / Salah Mejri (Hg.) Les configurations du sens 2010. 188 S. mit 22 Abb., kt. ISBN 978-3-515-09798-7 Yann Lafon Fiktion als Erkenntnistheorie bei Diderot 2011. 228 S., kt. ISBN 978-3-515-09853-3 Christina Schaefer Konstruktivismus und Roman Erkenntnistheoretische Aspekte in Alain Robbe-Grillets Theorie und Praxis des Erzählens 2013. 303 S., kt. ISBN 978-3-515-10278-0

Les noms qui désignent des êtres humains sont d’une saillance particulière pour nous humains. Cependant, il s’agit d’une catégorie de noms qui a été presque systématiquement négligée en sémantique lexicale. Ce manque d’intérêt est peut-être dû au statut à part de ces noms, qui les rend particuliers et fait qu’ils diffèrent fondamentalement – et sur plusieurs plans – des autres noms concrets. Il s’agit donc de vérifier si les noms d’humains constituent une catégorie linguistique à part. Cette question sert de fil conducteur à un projet de coopération initié par Catherine

Schnedecker (Strasbourg) et Wiltrud Mihatsch (Bochum). Le présent ouvrage, qui rassemble des contributions de plusieurs membres du groupe, offre un premier état de l’art, des analyses de la structure sémantique interne de ces noms, leurs relations sémantiques récurrentes avec d’autres noms, le problème des asymétries entre des noms désignant des référents des deux sexes, ainsi que certains patrons de dérivation. L’objectif de ce volume est de réveiller l’intérêt pour ce terrain encore presque inexploré.

www.steiner-verlag.de Franz Steiner Verlag

ISBN 978-3-515-11157-7

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